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diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes new file mode 100644 index 0000000..d7b82bc --- /dev/null +++ b/.gitattributes @@ -0,0 +1,4 @@ +*.txt text eol=lf +*.htm text eol=lf +*.html text eol=lf +*.md text eol=lf diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt new file mode 100644 index 0000000..6312041 --- /dev/null +++ b/LICENSE.txt @@ -0,0 +1,11 @@ +This eBook, including all associated images, markup, improvements, +metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be +in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES. + +Procedures for determining public domain status are described in +the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org. + +No investigation has been made concerning possible copyrights in +jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize +this eBook outside of the United States should confirm copyright +status under the laws that apply to them. diff --git a/README.md b/README.md new file mode 100644 index 0000000..99d0393 --- /dev/null +++ b/README.md @@ -0,0 +1,2 @@ +Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for +eBook #60635 (https://www.gutenberg.org/ebooks/60635) diff --git a/old/60635-0.txt b/old/60635-0.txt deleted file mode 100644 index ba7fcc3..0000000 --- a/old/60635-0.txt +++ /dev/null @@ -1,2672 +0,0 @@ -Project Gutenberg's Les Parisiennes d'à présent, by Georges Montorgueil - -This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and -most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions -whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll -have to check the laws of the country where you are located before using -this ebook. - - - -Title: Les Parisiennes d'à présent - -Author: Georges Montorgueil - -Illustrator: Henri Boutet - -Release Date: November 5, 2019 [EBook #60635] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES PARISIENNES D' PRÉSENT *** - - - - -Produced by Clarity, Hans Pieterse and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - - - - - - - - - Note sur la transcription: L'orthographe d'origine a été - conservée et n'a pas été harmonisée, mais quelques erreurs - clairement introduites par le typographe ont été corrigées. - Le texte marqué =Texte= est imprimé en gras dans l'original. - - - - - LES PARISIENNES - D’A PRÉSENT - - - - - JUSTIFICATION DU TIRAGE - - _Cet ouvrage et été tiré à huit cent dix exemplaires numérotés:_ - - Nos 1 à 60.--Exemplaires sur papier des Manufactures impériales - du Japon avec tirage à part sur chine de toutes les illustrations. - - Nos 61 à 810.--Exemplaires sur beau papier vélin. - - Nº =684= - - - Tous droits réservés. - - - - - _L’ANNÉE FÉMININE_ - - (1896) - - LES PARISIENNES - D’A PRÉSENT - - TEXTE DE GEORGES MONTORGUEIL - - ILLUSTRATIONS - DE - HENRI BOUTET - - [Illustration] - - PARIS - H. FLOURY, LIBRAIRE-ÉDITEUR - 1, BOULEVARD DES CAPUCINES, 1 - - 1897 - - - - -[Illustration] - -_La femme était la femme et s’estimait ambitieuse à prétendre l’être -assez. Elle se gardait de disputer à l’homme ses apanages, ne se -souciant que des siens. Il lui était suffisant de s’exercer à l’art de -plaire ou d’aimer: par expériences et récits d’aïeules, connaissant -que l’amour est le souverain maître qui asservit à ses lois jusqu’aux -lois. Il lui est venu d’autres visées. Elle prétend à une émancipation -sociale et politique qui l’égalera à l’homme en droits. C’est l’assaut -livré au vieux code et au vieil usage._ - -_Les années 1896-97 marquent une étape décisive dans cette direction._ - -_Cependant le mouvement féministe n’est pas tout le mouvement féminin. -La vie parisienne a sacrifié comme devant aux agitations qui lui sont -chères, aux imprévus de la mode, du goût et du scandale. L’observateur -qui note, au jour le jour, les multiples épisodes dans lesquels la -femme a joué un rôle essentiel n’a été que surpris de voir quelle place -la campagne émancipatrice tenait tout à coup dans les esprits et dans -les faits._ - -_En sorte que son carnet, pour ce qu’il est simplement fidèle, pourrait -être dit le_ Carnet d’un féministe. - -_Et maintenant, pour les revendicatrices et les autres, Boutet, à votre -crayon! Enlevez de verve vos croquis, durant qu’elles passent..._ - -_--J’ai toujours pris mon temps, répond Boutet. La femme est -complaisante à qui s’attarde pour elle; et j’en suis encore à trouver -celle qui, se sachant regardée, ne pose pas._ - -[Illustration] - - - - -LES PARISIENNES D’A PRÉSENT - - -[Illustration] - -=2 Avril.=--Les femmes demandent, et ce n’est que justice, à -prendre leur part de l’élaboration des lois. Il y a des lois qui -président au mouvement de leur toilette, à la forme de leurs chapeaux, -à l’arrangement de leurs chignons, à la mode de leurs bijoux, elles les -connaissent, les subissent, et ne les font pas. - - -=3 Avril.=--Le cheval est la plus noble conquête de l’homme; la -femme est la plus noble conquête du cheval. Ces deux êtres: la femme -et le cheval, étaient faits pour se rapprocher. Chez chacun, belle -prestance, amour du collier, goût de l’éperon et confiance dans les -rênes à ne savoir, sans rênes, où se diriger. Amazone, la femme est -la centauresse. En voiture, l’harmonie est parfaite entre sa personne -et l’attelage. Nul mécompte n’était venu refroidir des rapports -que les hippodromes n’avaient que resserrés. Les nouvelles idées -d’émancipation--au cheval inconnues--ont accusé quelques divergences de -caractère. La femme refuse le mors, regimbe contre l’éperon et prétend -se conduire seule. - -Elle va en bicyclette. Elle ira demain en automobile--automobile à son -tour, indépendante et se suffisant, sans maître, ni dieu. - - -[Illustration] - -=5 Avril.=--Un prestigieux poète, M. Jean Lorrain, a conté un -conte délicieux que de belles filles miment aux Folies-Bergère, -_l’Araignée d’or_. L’araignée est Mme Liane de Pougy. - -Elle n’est pas de Pougy. En entrant en galanterie, après un court -noviciat sous son nom d’épouse, elle a pris ce titre. Mais si elle -n’est de Pougy elle est bien Liane pour sa souple beauté et ses -enlacements. - -Elle a tendu sa toile sur Paris. Les moucherons s’y prennent, fascinés, -englués, dans les fils invisibles et ténus, depuis le petit fondeur -chaud comme caille, jusqu’à l’immortel qui donne le spectacle depuis -qu’il n’en fait plus. - -Oh! oui, l’araignée d’or, fait de tout l’or qu’elle aspira et qu’elle -dégorge. - -Sa fonction est nettement sociale. Un tel être inassouvi et charmant -est appelé à l’heure voulue. Une fortune s’est édifiée, scandaleuse, -de l’épargne de tous perfidement drainée. L’habileté financière en a -fait un bloc qui échoit à quelque héritier naturel mais médiocre. Pour -le mériter, il ne s’est donné que la peine de naître. Il est riche -et connaît l’embarras des richesses. Attends, petit, elle va venir. -Elle tendra sa toile. Tu y tomberas. Elle sucera ton or. Et c’est par -là qu’elle est nécessaire, car elle le dégorgera ensuite aux quatre -coins de sa toile, de Paris, du monde. Liane est un puissant moteur de -justice sociale; elle refait la répartition. Les tiens ont pris: elle -rend. - -[Illustration] - - -[Illustration] - -=8 Avril.=--A Maisons-Laffitte, les jeunes filles ont élu une -rosière. Cette localité goûte la vie conjugale: on s’y marie avec -empressement. On n’a pu trouver que trente et une demoiselles au-dessus -de vingt ans qui fussent en état de célibat, ce qui est tenu pour état -de virginité. Réunies à la mairie, après quelques échanges de vues, -elles sont allées au scrutin. - -Les électeurs mâles imiteront ces mineures électrices à qui l’exercice -des droits civiques est refusé. Ils connaîtront d’elles ce qu’est -une campagne électorale sans calomnies ni injures. Des femmes que -la loi n’admet pas à voter, ils apprendront à pratiquer sagement le -vote. Au second tour, sans s’être couvertes de fange, les électrices -avaient désigné leur élue. Elle méritait cet honneur, travailleuse, -d’irréprochables mœurs, soutien des siens et, de plus, jolie fille. - -Les femmes, en leurs comices, n’égarent point leurs suffrages. Elles -vont droit à celle que la logique patronne: blanchisseuses de Paris -qu’elles élisent leur reine, ou célibataires de Maisons-Laffitte leur -rosière. - - -[Illustration] - -=9 Avril.=--Les femmes sont réunies dans la salle des Sociétés -savantes. Elles tiennent un Congrès. C’est un spectacle que les -esprits superficiels espéraient folâtre. Quelques jeunes gens, en -hostilité de la femme émancipée ou par amour du boucan, se groupent -au sommet de l’amphithéâtre, dans l’ombre. Ils s’en tiendront au -rôle d’interrupteurs. Il s’essaient dans quelques facéties; ils -sont quelconques. Les cris de bête leur sont plus naturels; on s’y -méprendrait. - -Au bureau, l’on voit déjà s’empresser l’active et ordonnée Mme -Potonié-Pierre, la souple slave Marya Cheliga, la fougueuse Mme -Bonnevial, l’intrépide Mme Vincent, si affairée qu’elle est toujours en -sueur. Les voix de la salle désignent pour la présidence Mme Pognon, à -côté de Mme Feresse Deraisme. - -Mme Pognon est en sa plénitude agréablement blonde; la voix douce et -persuasive, élégante d’expression. Son nom soulève une protestation -véhémente; deux bras se lèvent et s’agitent: une vieille dame les -mène. C’est Mme Léonie Rouzade lançant l’anathème. Elle dénonce le -bourgeoisisme de Mme Pognon, propriétaire d’un _Family Hotel_. Elle -est tragique et sombre, et dans toute sa petite personne sèche vêtue -d’alpaga fait penser à un drapeau noir flottant sur une barricade. - -A son côté, un vieillard se tient coi, peureux comme un enfant. Il -s’efface, très timide, les yeux à terre, les mains aux genoux: c’est M. -Rouzade. Mme Rouzade parle de l’état de servitude dans lequel la femme -est tenue par l’homme, ce despote,--et son geste désigne M. Rouzade -pelotonné et muet. - - -=10 Avril.=--Notre statisticien officiel, M. Bertillon, jette -un cri d’alarme. La colonne des naissances est cette année, pour la -première fois, inférieure à celle des décès. Au train où nous allons, -calcule-t-il, il n’y aura plus de Français en France dans deux siècles. - -[Illustration] - -La faute en est aux mœurs. On n’a point d’enfants parce qu’on n’en -veut point. Le couple est un maximum; au-dessus, le gendre est suspect -d’inconvenance et la bru se fait remarquer. - -La maternité n’impose plus le respect. Les anciens s’écartaient sur le -passage des femmes enceintes; nous faisons des mots sur leur tournure. -Les femmes ne sont pas les dernières à ridiculiser les déformations -physiques d’une taille que la maternité élargit. Elles raillent autrui -et sont confuses, d’elles-mêmes. «Non, moi, ce que j’ai l’air, ma -chère, avec ça. Je n’ose pas sortir.» - -Les femmes plus actives à se répandre en des tâches qui les appellent -à l’extérieur, assujetties aux heures fixes et publiques des emplois, -sans même les scrupules frivoles de la coquetterie, affectent la -crainte des maternités répétées. Ce sont des accidents dont leur -situation risque de souffrir, tuant leur gain. Quand leur cercle -d’action se restreignait au foyer, elles ignoraient ces affres -légitimes. - -Une autre cause d’émancipation a frappé la femme de stérilité. Elle -a repoussé comme humiliantes et seulement dignes d’Agnès les pudeurs -réservées à l’épouse. Elle s’est affranchie du respect par où le mari -la distinguait des cyniques maîtresses. Il lui épargnait les privautés -stériles et les bonheurs énervants, et tout le piment des étreintes -blasées. Soupçonnant d’autres choses, éduquée par les propos des -coureuses d’avant-garde, ouverte aux sous-entendus du livre, elle a -voulu être initiée. Elle l’est. Si savante désormais, elle ne redoute -plus le plaisir que le devoir complique. Sa maternité est une surprise. -«Les enfants qui nous viennent, disait l’une d’elles, sont vraiment des -petits rusés.» - -A chaque siècle sa philosophie. Les femmes du XVIIIe lisaient -Jean-Jacques. C’est la brochure de Malthus-Robin qui occupe le chevet -des nôtres. Elles ont une excuse: ce sont les hommes qui la leur ont -apportée. - - -=11 Avril.=--Le congrès féminin épuise un ordre du jour trop -copieux. Il a mis à l’étude des questions qui ne se passent point -de la connaissance du Code. D’où des discussions âpres et confuses. -Les étrangères, venues nombreuses, sévères et dignes, point banales, -emporteront de cette assemblée une impression désenchantée. La faute -en est aux hommes plus qu’aux femmes. Ils sont envahissants. Ils -discourent, sonores, fastidieux et vides, et allongent les débats sans -les éclairer. - -Les femmes les souffrent, par orgueil. L’émancipation, qui passa -longtemps pour disgraciée et inapte à plaire--si ce n’est à M. de -Gasté--n’est point fâchée de ses conquêtes. Ses congrès ne sont encore -que des flirts, et elle y affiche volontiers ses amants. - - -[Illustration] - -=17 Avril.=--Au banquet qui a suivi les travaux du congrès -féminin, Mme Pognon a porté un toast à la bicyclette. - -C’est par la bicyclette que se fera l’émancipation de la femme. L’œuvre -d’affranchissement est en bonne voie. La bicyclette égalitaire et -niveleuse a créé un troisième sexe. - -Ce n’est pas un homme, que ce passant en culotte bouffante, le mollet -libre, la taille dégagée et coiffée d’un canotier ou d’une tyrolienne, -ou même d’une simple casquette de chef de gare. Est-ce une femme? - -Le pied hardi, la démarche vive, les mains dans les poches, vaquant -à son gré et sans compagnon, s’attablant aux terrasses, les jambes -croisées, le verbe osé: c’est une bicycliste. - -C’est la femme affranchie du décorum, délivrée de la tapisserie -de Pénélope qui n’avançait pas; lancée à l’aventure, loin du nid; -agrémentée d’organes de métal préjudiciables aux autres. Elle a gagné -sur sa bécane le procès du costume. Elle se vêt en homme, et ses jambes -devenues manivelles ont activé la roue qui la déplace. - -«A la bicyclette! a dit Mme Pognon, qui a le toast spirituel et franc; -à celle qui nous libérera!» - - -=30 Avril.=--«VERNISSAGE, _s. m._, action de vernir, résultat de -cette action. VERNIR, enduire de vernis. _Vernir des cuirs_, _vernir -un parquet_, _vernir des tableaux_.» (Dictionnaire Larousse.) J’ai été -au vernissage--comme tout le monde. Je n’ai vu vernir ni des tableaux, -ni des cuirs, ni des parquets. Qu’est-ce qu’un vernissage où l’on -ne vernit point? Attendez. Le dictionnaire nous révèle encore que -_vernir_ se dit au figuré et signifie donner une apparence flatteuse, -brillante: «les éloges des journaux vernissent les auteurs et leurs -ouvrages». - -C’est bien un vernissage que la répétition générale du Salon, -seulement ce ne sont pas les tableaux, mais les peintres que l’on -vernit--_Vernir, donner une apparence flatteuse, brillante_.--«Mon -cher, tous mes compliments: c’est un morceau admirable.--Tu sais... là, -sans blague... eh bien, ta machine, ça y est!» - -C’est dans le grand hall, dont les jours sont comptés, l’éclosion -annuelle de fleurs rares, de fleurs étranges, de nuances qui affolent, -de parfums qui grisent. La mode, ce jour-là, est là, toute audace -dehors. Elle se lance. Ce que la fantaisie peut rêver, elles l’ont -rêvé, les Parisiennes si excentriques avec tant de justesse et si -mesurées dans ce qui est sans mesure. On les regarde; non les œuvres. - -[Illustration] - -Les statues ne sont point jalouses des hommages prodigués aux modèles. -Elles disent: «Faites-vous admirer, beautés éphémères: vous n’avez -qu’un jour. Le temps a pris hypothèque sur vos lignes orgueilleuses. -Nous avons l’immortalité possible. Les ans destructeurs ne nous -réservent pas le chagrin des décrépitudes. Nous irons aussi loin -qu’il plaira à la destinée, toujours aussi jeunes, et si nous fûmes -conçues dans la perfection, toujours aussi parfaites. Vous serez -moins qu’une poignée de cendres, que nous nous dresserons encore pour -l’admiration des hommes dans la splendeur intégrale de nos chastes -nudités.» - -On pourrait répondre à ces filles de marbre qu’elles sont bien vaines -de s’imaginer revivre pour elles seules. Elles ne seront que le reflet -de la beauté défunte de nos contemporaines. Elles témoigneront devant -les siècles futurs quelles enchanteresses de l’art étaient les femmes -à chapeaux extravagants, en robes fourreau et à plis mystiques, qui -vivaient en l’an 1895, quand, devant l’artiste, elles n’avaient ni -chapeaux extravagants, ni robes à fourreau à plis mystiques. - -On chuchote, on se pousse devant la Danseuse de Falguière, qui n’a que -ses oreilles vêtues et de leurs bandeaux. On dit le nom du modèle, -célèbre à l’Opéra. C’est un portrait. «Nue, toute nue... Oh! serait-ce -possible? elle aurait posé nue!» - -Et tout le corps de ballet, saisi d’une pudeur collective, pique un -fard. - - -[Illustration] - -=9 Mai.=--Des fleurs qui font peur, ces orchidées. Magnifiques et -hideuses. Leur turgescente splendeur est comme l’aveu éhonté d’un sexe. -Elles ont des couleurs nacrées d’entrailles, des bleus gris d’intestins -chauds, des pourpres de sang fumant. On ne saurait dire si elles sont -nées sous les baisers du printemps ou le scalpel de Dupuytren. Elles -ne fleurissent pas: on les opère. Elles sont comme autant d’exceptions -pathologiques. Il y a là des anomalies et des interversions. Dans la -tiédeur moite des serres fiévreuses, comme des rêves malsains ont rampé -leurs tiges; la fleur s’y ouvrit, quelque désir l’y invitant. Et elle -apparut dans sa gloire, obscène et pâmée. - -Une femme approche-t-elle sa bouche de ces corolles de luxure, sans que -passe devant nos yeux l’image des cités maudites aux caresses perdues? - - -=12 Mai.=--Il y a une question de Mérode, comme il y a une -question d’Orient. Cette «danseuse» du Salon dont le corps frissonnant -de vie est d’une humaine, est-ce Mérode sans voile? La ballerine -a-t-elle renouvelé, pour Falguière, l’audace de Pauline Borghèse posant -devant Canova? Le sculpteur le nie, et le modèle, en pleure, toute -confuse de ces clameurs, qui atteignent à l’aigu. - -[Illustration] - -Elle ne cherchait point le scandale, c’est le scandale qui l’a -cherchée. Petit être d’ingénuité et de charme, dans ses clairs regards, -où la calomnie met des perles, on lit la sérénité persistante d’une âme -d’enfant. - -Elle s’effarouche de ce fracas malveillant, car son front apparu entre -les rideaux noirs de ses cheveux est un front qui rougit encore. - -Elle n’a point posé. Elle le dit. Sa dénégation esquisse les gestes -grêles et un peu javanais que nous connaissons à la danseuse de -marbre. Eût-elle même posé que nos railleries se devraient taire--nos -railleries banales qui la harcèlent. - -Se dévoiler? Et après? N’est-ce pas revenir à la chaste et robuste -nature? Mérode se lamente, et de quoi? Vêtue, elle est belle; nue, elle -serait la Beauté. - - -[Illustration] - -=20 Mai.=--Mlle Couesdon prédit toujours, monorime, l’avenir entre -ses repas. - - Un trésor est caché - De grands maux vont arriver - Un prince blanc s’est montré - Y a du sang sur le plancher; - C’est dans l’estomac que vous souffrez; - Bonsoir, l’ange est fatigué. - -Le public aussi, semble-t-il. Puis, à Tilly, on parle d’une vachère à -qui la Vierge est apparue. La foi qui court au nouveau miracle délaisse -un peu l’ancien. - - -=22 Mai.=--_L’Avant-Courrière_ obtient de la Chambre une -significative réforme. La femme, dans un prochain avenir, pourra -disposer de son salaire. - -N’était-il point choquant de penser qu’un homme paresseux et brutal, -fût-ce pour l’aller boire au cabaret, pouvait exiger du patron le gain -de l’épouse? - -Il convient de distinguer entre ce que la loi permet et ce que les -mœurs réprouvent. Le peuple a sa moralité particulière qui est sa loi -constante, sa jurisprudence usuelle; et il était admis que l’ouvrière -touchât son gain. Le mari, usant d’un droit inique, passait à l’état -d’exception. L’exception même c’était trop: d’accord. Les femmes la -font disparaître: c’est une victoire. - -Mais cette victoire n’aura de résultat qu’en ce sens qu’elle sera -symbolique. - - -[Illustration] - -=27 Mai.=--Quelles sont les trois plus belles de nos actrices? a -demandé l’_Éclair_. Paris, s’étant mis un accent circonflexe sur l’a, a -consenti, comme jadis le berger du Mont Ida, à attribuer la pomme à la -plus belle. Le suffrage universel a désigné Cléo de Mérode, Vanda de -Boncza et Sybil-Sanderson,--trois étrangères de naissance ou d’origine. - -Les juges s’en sont tenus aux traits d’une photographie, Brantôme -voulait, pour se prononcer, un plus vaste champ de comparaison. Il -ne disait belle femme que celle qui avait trois choses blanches: le -teint, les jambes et les dents; trois rondes: le cou, l’avant-bras et -les chevilles; trois larges: le front, les yeux, les hanches; trois -petites: les oreilles, la poitrine et... Si minutieux, rencontrait-il -jamais la beauté parfaite? Non, sans doute, mais il se donnait tant de -plaisir à la seulement chercher--surtout la dernière. - - -=28 Mai.=--Le miracle est à Tilly-sur-Seules. Une gardeuse de -vaches a audience de la Vierge. Le rendez-vous est dans un champ, près -d’une haie qui se vêt d’une vapeur mystérieuse. La voyante n’est point -quelque nonne diaphane qui, d’avoir fleuri la mère immaculée, dans son -rêve enfantera la virginale image; c’est une fille épaisse et vulgaire, -libre en ses propos d’étables. Elle vaque aux soins des bestiaux, -remue son fumier, et sa fourche au repos, vient au champ. Elle s’y -agenouille, et l’expression commune de sa face s’éclaire, s’idéalise. -Dans l’extase qui la transfigure, ses yeux s’emplissent du divin. Elle -commence, entre ses dents qui se choquent, des mots entrecoupés dans -lesquels on croit comprendre que la Vierge est là. La vierge s’en -retourne, et les prunelles de la voyante suivent, angoissées, sa fuite -dans le ciel. - -[Illustration] - -C’est fini. L’extatique est redevenue la vachère. Les fervents la -pressent de questions. Elle s’y dérobe, rude et brutale. De son extase, -il ne lui reste qu’une lourde migraine. - -O jeune fille élue entre les élues, ô toi, à qui la vierge apparaît; -ô toi, qui as l’ineffable douceur de recueillir le son de sa voix, -donne-nous de ta jouissance céleste une impression qui te vienne du -souvenir.--«J’ai qu’la tête è m’pète! et pis v’là!» - - -=30 Mai.=--Le Congrès féminin de Berlin est, disent les journaux, -d’une tenue parfaite. Les femmes de France y sont allées; elles s’y -expriment convenablement. L’auditoire, privé du concours des spirituels -de profession, écoute, faisant crédit aux doctrines confuses, aux rêves -nébuleux. Les congressistes motionnent, fiévreuses, touchantes par -leurs bonnes intentions. C’est un grand pas en avant. - -Si la femme tout de même triomphait, qu’adviendrait-il? - -On se le demandait, en lisant les dépêches de Berlin, ce soir, dans -une brasserie du faubourg Montmartre, où les noctambules s’achèvent. -L’un après l’autre, on dévisageait sous le masque blafard des stériles -fatigues les buveurs qui étaient là, stupides, niais, alcooliques -invétérés. Pas un qui se souciât des fiers problèmes que, là-bas, les -femmes agitaient, pas un que l’avenir de sa race troublât. - -C’étaient des électeurs--à part deux ou trois récidivistes qui, ayant -fait pis que pendre, en étaient réduits à être traités comme des -femmes. Tout ça votait; mais les mères exactes, les épouses régulières -et les jeunes filles instruites ne votent pas. Elles n’ont pas à -prétendre à un privilège dont la loi n’écarte ni les imbéciles, ni les -ivrognes, ni tous ces mâles qui étaient là et qu’on n’aurait pas voulu -rencontrer la nuit au coin d’une urne. - - -=1er Juin.=--Ce ne sont point les idées qui manquent aux femmes: -quand elles n’en ont pas, il y a toujours quelqu’un qui leur en donne. - -Mme Duclerc se flatte d’en avoir une qui est macabre mais peu banale. - -Au concert baptisé du nom de la dame de céans, la chanteuse qui -commence la série des chants reste la bouche ouverte, sans émettre la -fausse note qui constitue l’originalité de son répertoire. Là, devant -elle, un pendu se balance. - -C’est une trouvaille de la patronne. Son pendu est resté vingt-huit -jours pendu à Marseille; mais il est aujourd’hui dans la territoriale -des pendus, et il ne fera que treize jours. Après quoi, quand on le -décrochera, peut-être bien qu’il ne sera pas mort. - -[Illustration] - -Le monde distingué accourt à cette merveille. On s’informe auprès de -Mme Duclerc des particularités physiologiques de ce phénomène. Les -dames surtout sont avides de détails précis. «Dis donc, Duclerc, est-ce -que c’est vrai, ce qu’on dit des pendus?--Oui, ma chère, répond la -brune enfant, mais seulement quand il me regarde.» - - -=4 Juin.=--De s’être serrée à l’excès, une Anglaise est morte. Le -coroner a défini cet accident: «Lent suicide par coquetterie». - -C’est le procès du corset, un bien vieux procès et, comme tant de -choses dont le corset s’autorise pour se dire utile, toujours pendant. -Montaigne le prouva qui disait: «J’en ai vu se travailler à poinct -nommé de ruyner leur estomach pour acquérir les pasles couleurs. Pour -faire un corps bien espagnol quelles géhennes ne souffrent-elles. -Guindées et cenglées a tout de grosses coches sur les costés jusqu’à -la chair vive? Ouy, quelquefois à en mourir». - -Beaux raisonnements mais superflus, d’autant que la médecine n’est -pas hostile au corset. Le docteur Lutaud le permet. La doctoresse -Gaches-Sarraute aussi, s’il est de sa façon. Torturée, la femme sourit -à sa torture. En matière d’atours, pour elle, même où il y a de la -géhenne il y a du plaisir. - -[Illustration] - -=6 Juin.=--Le boulevard est consterné. Sur le mode mineur, les -camelots crient le suicide de Liane de Pougy. Est-ce possible? On veut -douter. L’évidence impose son crédit. C’est vrai, notre courtisane -nationale, dans une crise de dégoût, a résolu de quitter le monde. Elle -a dit adieu à sa femme de chambre. Et comme les oiseaux se cachent pour -mourir, elle est allée demander à une honnête amie un lit honnête. Elle -a écrit à sa mère, de sa plume bien stylée, un billet signé de son nom -d’enfant. Et à ses lèvres, qui avaient fait du baiser une entreprise -fructueuse, elle a porté la fiole mortelle. - -[Illustration] - -... Elle se coucha: elle attendit. Les amants, au rendez-vous de ses -draps, se hâtaient d’accourir, la mort est plus capricieuse. Au petit -jour, elle s’étonna de vivre et en fut charmée. L’amie stupéfaite, -manda un médecin. Paris, plusieurs fois dans cette journée, fit prendre -des nouvelles. Elle sourit à tout ce dont elle avait dit avoir la -nausée, remercia les rivaux sans jalousie de son cercle d’adorateurs, -s’amusa des dépits que sa fausse sortie lui fit connaître. Elle reparut -aux flambeaux du festin peut-être un peu plus pâle, mais soulagée d’un -gros poids: elle avait vomi. - -Pour ces natures délicates, le désespoir a du bon. Elles se suicident -et n’en meurent pas; mais elles se purgent. - - -=7 Juin.=--C’est une chose bien connue des étalagistes. Les mêmes -objets par le groupement gagnent en intérêt. Une boîte de sardines -isolée n’est rien: des boîtes de sardines alignées, c’est une féerie. -Une petite Barrison toute seule, c’est aimable sans plus; cinq sœurs -Barrison ensemble, c’est ravissant. - -Cette grâce de la multiplication avait échappé aux mathématiciens, non -aux impressionnistes. Cinq têtes blondes qui dodelinent, cinq jupes qui -se retroussent, cinq paires de jambes qui jacassent, cinq paires d’yeux -qui marivaudent, cinq bouches qui sourient juste et ne chantent pas de -même. Mais surtout, j’imagine, cinq femmes qui s’accordent--c’est pour -mettre une salle en délire. - -[Illustration] - -Quel homme eut l’idée géniale d’exploiter l’attrait de la similitude? -Son nom? Son nom: M. Fleron flaira le succès dans les rues de New-York -en voyant passer cinq petites filles vêtues toutes de même. C’étaient -les sœurs Barrison.--Déjà!--Il fit des propositions à la famille, -obtint d’exhiber ces enfants. Il leur enseigna auparavant le pouvoir -d’un bas bien tiré, d’un pantalon bouffant aux bons endroits, d’une -chemise dont l’épaulette retombe et s’arrête à temps. Il les produisit. -On applaudit. - -Elles grandirent, et leur perversité innée de fillettes puisa dans sa -science une grâce toujours plus ingénue. Il épousa alors l’aînée, Lona, -et fut le barnum des quatre autres, Sophia, Inger, Olga et Gertrude. - -Tous les soirs, dans les coulisses, sa vigilance précieuse s’attarde -aux plus minutieux détails. Rien n’échappe à son œil attendri. Il -remonte une jarretière, descend un fichu, fait répéter le geste du -jupon dont la dentelle encadrera l’encre des bas et la sauce crevette -du maillot, qu’il veut très fidèlement tendu sur les cuisses. - -N’est-ce point sa femme? Sont-ce point ses belles-sœurs? Direz-vous -encore que l’esprit de famille se perd? - - -[Illustration] - -=6 Juin.=--On ne porte que du bleu. Le bleu est décrété. C’était -du moins l’opinion à midi. Mais il est le quart, et l’on édicte que le -rouge--tel rouge d’un ton précis de truite et d’orangeade--est seul -admis aux honneurs du chic. Le vert, cependant, marié au violet... - ---Où cours-tu si vite, jeune modiste? - ---Je me hâte toujours à l’aller, Monsieur, de crainte que la mode du -chapeau que je livre ne passe en chemin. - - -=7 Juin.=--Ce jour-là fut livré, en un bois situé à Boulogne, près -Paris, un combat mémorable. - -On s’attendait à un engagement sérieux dans l’après-midi. Les curieux -étaient venus en grand nombre, alléchés par le spectacle de la lutte. -L’affaire promettait d’être chaude, surtout qu’il faisait 25 degrés à -l’ombre. La prévoyance des assaillants avait installé d’énormes dépôts -de munitions. Vers quatre heures se dessinèrent les premiers mouvements -de troupes. Alors, chacun de se dire: «Tout à l’heure, ce ne sera pas -tout roses.» Ce qui était d’autant plus exact qu’il devait y avoir -d’autres fleurs. - -La lutte était circonscrite entre les troupes à pied, celles à cheval -et celles en voiture. Il n’était que cinq heures quand le premier -projectile décrivit une courbe élégante, à trajectoire qui sentait bon. -Il atteignit en plein corsage une admirable jeune fille, victime du -devoir, dont le nom est resté inconnu. - -[Illustration] - -L’élan était donné, l’assaut fut impétueux. On se criblait avec un -zèle infatigable. Les troupes féminines se faisaient remarquer par -la maladresse charmante de leur tir et par leur grâce. Un vieux -stratégiste constatait--lorgnette à l’œil--qu’il n’est pas nécessaire -qu’il pleuve toute la nuit pour que les troupes soient fraîches. - -Quelles étaient jolies et joliment équipées. La vieille garde même, à -défaut d’admiration, imposait le respect pour sa vaillance et sa tenue. - -Le champ de bataille présenta bientôt l’aspect d’un véritable champ de -carnage. On se battait presque corps à corps. Quelle lutte est plus -excitante, quand les deux sexes sont en présence! Pivoines cramoisies, -timides bleuets, obèses hortensias, délicates roses rosées, étoilées -marguerites: c’était un feu roulant. - -[Illustration] - -Les munitions s’épuisaient, les assaillants aussi. Puis le jour -baissait. On avait aux lèvres la prière de Josué: «Soleil, arrête-toi -sur la vallée du Bas-Meudon». - -Mais ce fut la lutte qui s’arrêta. Elle avait duré trois heures. La -victoire resta au Bien. Mais la terre était jonchée des cadavres -sanglants des roses, et les œillets blessés agonisaient... - - -=16 Juin.=--Une femme vieille, laide et sordide a été assassinée -sur un grabat. - -En 1840 parut un livre intitulé: _les Belles Femmes de Paris_, chapelet -de laudatifs en l’honneur des jolies Parisiennes de ce temps-là. Il y -est parlé d’une nouvelle venue dans la capitale qui est baronne et -bas-bleu. Lancée dans l’émancipation, amie de George Sand, elle passe -pour écrire des vers et des œuvres en prose. Les thuriféraires qu’elle -prie à souper disent son esprit et sa beauté. Ils tiennent sa noblesse -pour irréductible. N’a-t-elle pas pour oncle l’ancien ministre de -Charles X? C’est un Montbel; il l’ignore, mais elle ne l’ignore pas. -Elle porte, jeune fille, ce nom de Montbel; son mari y joint le sien -aussi ronflant, M. de Valley. Personne ne s’avise de gratter le blason -de l’époux. Sa femme est baronne, va pour baronne. Une jolie femme, à -Paris, a les titres qu’elle veut,--il lui suffit de les prendre. - -Rentrons chez la vieille assassinée, morte dans la sanie, rongée de -vermine, hideuse. - -La loi sait son nom. Cette morte, étranglée par une société -d’adolescents, est la baronne de Montbel-Valley. C’est la muse au salon -littéraire qui fut, par ses charmes, reine de Paris sous Louis-Philippe. - -Que de traités superflus sur l’art d’être belle, quand il n’en est -point sur l’art de vieillir! - - -=14 Juin.=--On ne savait pas saint Médard si parfaitement acquis -aux courses. Pour le Grand Prix, il a cru devoir suspendre le jeu de -ses œuvres et de ses pompes. Aurait-il d’autres tuyaux que des tuyaux -d’arrosage? Pas d’eau! Les femmes n’ont fleuri l’hippodrome que de -parasols. - -Foule inouïe, empressée et élégante. Le monde officiel au grand -complet; il ne manque pas un bouton de guêtre... présidentiel. Est on -venu pour le gagnant? C’est douteux. Il n’est plus le héros de jadis -dont le nom se répercutait dans une acclamation sans fin. On en parle -comme d’un personnage ordinaire. Les heureux qui ont eu le nez de sa -veine le traitent comme un billet de loterie sorti au tirage. Cette -année, ils sont courroucés. «Quoi! ont-ils l’air de dire, nous avons -aventuré la forte somme sur un candidat si médiocre, et c’est tout ce -qu’il rapporte! Jouez donc des veaux!» - -[Illustration] - -Ce n’est pas le noble coursier qui nous vengeait de Waterloo. -D’ailleurs, les Anglais s’abstiennent. Le Jardin de Paris s’en -plaint. L’insulaire qui augmentait les tarifs, prodigue dans le gain -et généreux dans la perte, ne franchit plus la Manche. Tout s’en va, -jusqu’au respect montré au vainqueur. Qui se soucie de ses traits? Qui -colle à la muraille le portrait de sa monte. Autrefois, il suffisait -de l’avoir bouchonné pour être illustre. Un palefrenier de Gladiateur -faisait un beau mariage. Approcher du vainqueur, le flatter, passer -sur sa croupe en sueur ses gants frais étaient une faveur insigne. Les -femmes n’adoptaient de couleurs que les siennes. Qui d’elles portera -cette année les couleurs d’Arreau? Victorieux à peine applaudi, célèbre -une seconde, qui passe, qui est déjà passé... - - -=25 Juin.=--Lona Barrison s’est détachée du peloton. Elle se -montre seule, montée sur un bidet blanc. Elle chante d’une voix -acidulée comme un bonbon anglais. - -[Illustration] - -A pied ou à cheval, les petites Barrison inspirent des folies. Un -gentilhomme autrichien s’est suicidé. Avant de mourir, il exprima le -vœu que l’une des cinq sœurs Barrison accompagnât son convoi. Il a été -exaucé. La gazouillante oiselle a déposé sur son cercueil un bouquet -d’oranger. Cette fleur était le commentaire du refus dont l’amoureux -était mort. C’était «l’impossible, mille regrets» des demandes -sympathiques qui excèdent la mesure. - - -[Illustration] - -=8 Juillet.=--Devant la beauté sans voile de la femme, M. Pierre -Loys a chanté un cantique renouvelé de la volupté grecque. Hymne des -pamoisons et des enlacements, chœur des fatalités charnelles, prière -des lèvres d’elles à elles incendiées, en la symphonie littéraire qui a -pour titre _Aphrodite_, il a donné aux Parisiennes le regret de n’aller -ni assez amoureuses, ni assez nues. - -Ces éphèbes sont sévères; ce sont des ingrats. Au vrai, son pastiche -des anciennes est conçu d’après les modèles que la vie plaça à portée -de ses sens. Ce qu’il sait de l’Aphrodite antique est ce qu’amoureuses -et nues, apprirent à ses curiosités printanières les divers Chryséis -que héla son baiser. - -_Aphrodite_: c’est l’antiquité vue par le trou de serrure d’une chambre -d’hôtel du quartier Latin. - - -=10 Juillet.=--La Parisienne adopte en marchant un nouveau geste. -De la main gauche, elle saisit largement l’étoffe des jupes dont elle -se ballonne. La marche accuse ce moulage callipyge dont on devine que -la fermeté n’est pas exempte de douceur. - -Henry Somm qui, par ses croquis au jour le jour, continue La Mésangère, -remarque que le mouvement de coquetterie, chez la femme, s’est déplacé -depuis cent ans. Le XVIIIe siècle était tout à la gorge qui était -nue et s’offrait. La femme aujourd’hui n’est préoccupée que de sa -croupe. La croupe est le centre de sa toilette, et par là même de ses -préoccupations. - - -=13 Juillet.=--Sous la protection du comte Robert de Montesquiou, -Douai a rendu un délicat hommage à une femme, Marceline Desbordes -Valmore. - -Ce fut une âme aimante qui souffrit. Elle souffrait de qui souffrait. -Elle avait mal à la douleur d’autrui. Trop haute pour être d’un parti, -elle fut avec les vaincus de tous les partis, et, insouciante de ses -propres blessures, se pencha sur tous les blessés. En poésie, elle -n’était pas parmi ces ciseleurs qui n’oublient, leur coupe ciselée, -que d’y exprimer le sang des grappes. Mais en la sienne elle se plut à -n’exprimer que le sang de ses veines. - -Paris l’a connue et méconnue. Cette muse éplorée l’exaspérait. Quoi, -toujours des sanglots, des demandes de secours et des appels à la -pitié! L’importune qui troublait la noce! Toutefois, il a voulu que sa -pierre s’ajoutât à l’édifice douaisien. Il ne l’a pas apporté d’une -main pieuse, il l’a lancée avec sa fronde. Il s’est acharné à démontrer -pour la circonstance que l’épouse du pauvre Valmore avait flirté avec -M. de Latouche. Ce scandale fut la souscription de Paris. C’est bien -parisien. - -Coppée, Anatole France, Sarah Bernhardt ont racheté cette action laide -en parlant, tour à tour, devant l’image qui représente la poétesse, «la -tête inclinée à gauche, a dit Coppée, pour écouter son cœur». - - -[Illustration] - -=14 Juillet.=--On prenait la Bastille. On prend les tailles. Ici -l’on danse; la cordialité des accueils et leur facilité établissent -l’allégresse. On est en confiance; il n’est jour où l’on s’aime plus -vite et pour le seul plaisir de s’aimer. La galanterie le sait et fait -relâche. La Vénus Cloacine se donne congé et se répand dans la foule, -toute pensée commerciale bannie. La gaîté est énorme et communicative. -Elle décide les bouderies qui capitulent à la lueur sautillante des -lampions. Il y a du tutoiement dans l’air. Familiarité charmante qui -rapproche et fusionne. Les sages-femmes l’ont remarqué: c’est le jour -où le plus de petits citoyens datent leur entrée dans le monde. Combien -de femmes avouent, confuses de l’impromptu: «J’avais rencontré son père -à un bal du 14 juillet!» - -Les mères de famille n’en prendront point qu’alarmes. Il ne s’ébauche -pas au son du piston, les valses alternant avec la _Marseillaise_, que -des idylles douloureuses, mais aussi de sûres fiançailles. On boit, on -hurle, on danse. Les événements se précipitent. Et l’amour prend la -Bastille. - - -[Illustration] - -=21 Juillet.=--La vogue des vogues, qui la dira? Pourquoi -sont-elles si tyranniques et si brèves! Pourquoi cette indifférence -aujourd’hui pour ce qui, hier, nous enfiévrait? La satiété ne -serait-elle que la limite de nos désirs? - -Nous avons eu les déshabillés au théâtre: des petites femmes qui -faisaient devant nous ce qu’elles font chez chacun de nous. Elles -ôtaient leurs bas, dégrafaient leur corset, changeaient leur chemise. -Elles se levaient, se couchaient, se tubaient. A ce spectacle, d’une -banalité échouant dans la bassesse, nous avions des frissons dont le -diagnostic eût été humiliant. Les moralistes criaient: «C’est la fin -d’une race.» Aux moralistes on disait: «C’est le plein d’une mode; vous -vous indignerez encore qu’elle n’existera plus.» Elle n’existe plus. -Sommes-nous meilleurs? Sommes-nous corrigés de l’obscène? Sommes-nous -plus purs? Le lit a quitté le théâtre. Le paravent est replié. Les -spectateurs sont revenus à la vertu pratique de simplement s’être -aperçus qu’ils n’étaient que sots de payer à l’orchestre pour ne pas -voir ce qu’ils voient chez eux sans payer. - - -=27 Juillet.=--«Vous avez fait une étude sur les _Déshabillés au -théâtre_, me dit un député, M. Georges Berger. C’est bien. Trouvez-vous -point qu’il serait légitime de la faire suivre d’une étude sur celles -qui les vinrent voir? On se plaît à décrire des états d’âme: vous -tenterait-il point, l’état d’âme de cette femme honnête, curieuse de -filles en chemise et de chansons toutes nues? Elle est souffletée dans -sa pudeur et s’en amuse. Elle a des minauderies pour les baladins -des tréteaux qui l’outragent dans sa féminité. Elle ne tolérerait -point qu’en son salon, fût-ce par inadvertance, un homme lui manquât -d’égards; et un malotru, sur les petites planches, qui l’insulte et -l’assimile aux prostituées, la fait sourire. Dans des bouges où des -filles la tutoient, elle se frôle à des pierreuses et à des ivrognes. -Elle n’a pas même cette hypocrisie qui était un hommage rendu par -le vice à la vertu. Elle va bravement, front découvert. A quoi bon? -elle ne rougit plus. Quelle âme est l’âme de cette femme? Vous avez -déshabillé l’interprète: déshabillez la spectatrice.» - -Elle ne nous révélerait pas une femme inédite, mon cher pays. La -femme moderne est celle d’hier et de demain. Nos aïeules allaient aux -Porcherons, et l’éloquence triviale de Ramponneau n’ajoutait pas à leur -fard le rouge de la confusion. - -[Illustration] - -Vadé les surprit au cabaret, apostrophées par les blanchisseuses. - - Quand zon va boire à l’Écu, - Tant pas tant tortiller des ... - Quand zon va boire à l’Écu - Tant pas tant tortiller du ... - -La Bruyère, avant lui, les avait coudoyées sur les berges, pendant la -saison des bains. En ces temps candides, un costume mythologique était -admis: c’était les déshabillés à la Seine. La Bruyère, aux promeneuses, -de qualité, et seulement assidues de ce lieu quand des tritons s’y -ébattaient, La Bruyère vit des éventails. Il n’en fut pas dupe. Il en -savait la soie transparente. On appelait ces éventails pour nudités: -«des lorgnettes». - -L’état d’âme d’une époque, serait-ce pas, mon cher député, une très -simple vieillerie qui s’appelle l’âme de tous les temps? - - -=7 Août.=--Paris a fui--mais ne s’est pas fui. A quatre heures -de la Madeleine, il a porté ses vices, ses caprices, ses obligations, -ses contraintes, ses tics, le conventionnel de ses mœurs et sa vie -compliquée. Cet exode s’appelle déplacement. Ce n’est que cela: il -s’est déplacé, il a changé de place. - -Les habitudes empilées aux bagages avec les robes de ces dames -suivaient de toute la vitesse du train. - - -[Illustration] - -=10 Août.=--La cantinière du 2e zouaves, morte à Vichy, est bien -connue partout; mais elle est inconnue au 2e zouaves. La mère Ibrahim, -disent les zouzous, quès aco? On consulte les vieux à qui ce nom ne -rappelle rien: les anciennes cantinières de l’armée d’Afrique n’en ont -pas souvenir. - -On presse l’enquête qui ne livre pas la clef du mystère. Il semble -acquis que la mère Ibrahim, cantinière au 2e zouaves, et décorée, -n’était ni Ibrahim, ni cantinière, ni du 2e zouaves, ni décorée. -C’était une jongleuse, qui vivait de ses tours. Le dernier est bon. - -Sa légende héroïque est cependant à peine ébranlée. - -Les légendes sont indestructibles. Nous avons douté de l’authenticité -de cette histoire. Quelqu’un viendra demain qui réparera ce grand acte -d’iniquité et prouvera que la mère Ibrahim n’a jamais mystifié ses -contemporains. - -Elle aura un jour sa statue, faite avec le bronze des canons qu’elle -n’a ni pris--ni versés. - - -[Illustration] - -=15 Août.=--La mer ne se flatte pas d’être aimée pour ses beaux -yeux glauques. La mer se sait un prétexte et ne s’en fâche pas. Elle -monte sur la plage: sa grande voix y est couverte par les potins. Il y -a près des cabines des gens dont elle n’a jamais lavé les pieds et qui -lui tournent le dos. Ils sont occupés au défilé des demoiselles sur -les «planches»--ce trottoir de Trouville. Elle s’estime alors simple -intruse et redescend avec un air de murmurer, très confuse et timide: -«Si je vous gêne, faut le dire?» - - -[Illustration] - -=17 Août.=--Il a des ailes, il est frivole, il est léger. De -celle qui rêve, accoudée dans la fraîcheur du soir, il approche. Elle -le chasse, il revient. Sorti par la porte, il rentre par la croisée, -ironique et dansant. - -Femme, qui que tu sois, il est, sera ou fut ton maître. Sa flèche -est acérée. Là! te voilà prise. Irritée et confuse, tu pleures, tu -souffres, tu enfles. - ---C’est l’amour qui l’a atteinte? - ---Non, c’est un moustique qui l’a piquée. L’existence est empoisonnée -par toutes sortes de ces petits cousins insinuants et perfides, -friands de nudités, et ne donnant aux filles que des caresses qui leur -laissent des rougeurs. - - -[Illustration] - -=25 Août.=--Une petite boutique d’horlogerie faubourg -Saint-Honoré, provinciale, grise et discrète. Entrons. Au comptoir, une -vieille dame, comme on en voit dans les images un peu passées. Elle est -d’avenante et digne figure; le front sans ride est couvert de neige. -A travers ses lunettes, elle examine, mécontente, l’arrivant: c’est -peut-être un client, et cette espèce qui erre, tatillonnant, d’un objet -à l’autre, et liarde, l’exaspère. «Vous désirez?--Madame, rien...» - -Elle se rassérène. «Je venais vous parler de Musset.--De M. Musset; -asseyez-vous.»--Et sa figure s’éclaire, indulgente et attentive. - -L’horlogère, au Bottin dame Martelet, fut jadis cette Adèle Collin, -qui a été la bonne de Musset. «Sa gouvernante», précise-t-elle. Elle -l’a assisté dans ses crises dernières; elle lui a fermé les yeux. Elle -parle du maître qui n’est plus avec une admiration humble, abondante en -souvenirs, amoureuse de la chère mémoire à laquelle elle continue ses -soins de servante dévouée. - -La chronique est pleine depuis quelques jours du scandale de Venise. -Elle a connu George Sand à travers la souffrance du poète; elle lui -est hostile. Elle ne dit rien de nettement accusateur. Elle n’a que -guetté son grand homme aux petites choses. Ce qu’elle souligne, ce sont -les allées et venues dans la maison. Elle a compté les belles dames et -soupçonné les extases, mais c’étaient des extases très comme il faut. -M. Musset n’aimait pas les dévergondées de sentiment. Sa volupté avait -ses pudeurs. - -Sur Elle quelquefois, Lui s’est appesanti dans ses fièvres: plaintes -très douces comme des plaintes d’enfant. Elle se les rappelle, et -elle est dure à celle qui tortura le plus ce grand nerveux, ignorant -qu’en l’amour il aimait surtout la torture d’aimer. Adèle n’alla -pas à Venise. Ce qu’elle connaît de la liaison tourmentée, c’est la -confidence des scènes triviales; ces scènes de brouille dans des -chambres d’auberge, où l’amour se promène en marmotte et le chandelier -au poing. Il était plein de ces souvenirs ridicules, le poète, quand la -muse lui dit: «Prends ton luth!» Et il fit la _Nuit d’Octobre_. - -La bonne dame, dans les paperasses et les lointains de sa mémoire, -remue devant nous, ces cendres. Musset en sort plus grand. Par quel -effort admirable nous donna-t-il, avec la bassesse et la banalité de -ses propres disgrâces, l’illusion des maux sublimes et, tout en étant -inhumains, plus qu’humains? - - -=28 Août.=--Trois veuves vivaient en paix; l’ennui survint, et -voilà les feux d’un cercle allumés. - -Ces veuves, riches de loisir, disposant d’un hôtel superflu contigu au -leur, ont eu l’idée d’ouvrir, rue Duperré, un cercle de femmes: _Ladies -club_. - -[Illustration] - -C’est un nid capitonné, élégant, froufroutant. Il est spacieux et -intime. Une table d’hôte offre ses succulences à la gourmandise, péché -mignon des jolies bouches, et surtout péché tardif. Rien n’est omis -de ce qui est indispensable. Les cabinets de toilette sont à souhait -machinés pour les ablutions. Le cercle a bibliothèques, vaporisateurs -et poudre de riz. - -On lira. Comme on ne s’est pas bâti un refuge pour bâiller sur ses -lectures, les journaux de mode seront abondants. La forme des ouvrages -préoccupera plus ces dames que celle du gouvernement. Leur isolement -n’est pas une déclaration de guerre ou de principe. Lysistrata n’est -point de la fondation. On ne revendique pas, on se délasse. La porte -sera fermée au nez des émancipatrices, pour ce qu’on s’estime émancipée -assez, ayant licence de vivre à sa guise. On chantera, on fera de la -musique, on contera des choses futiles, on médira d’autrui: on restera -de son sexe. - -Un sceptique a dit que ce serait un bon moyen de ramener les maris au -foyer: ils seraient sûrs de n’y rencontrer que rarement leurs femmes. -Mais les femmes de ce cercle ne devront pas avoir de maris. - -C’est le wagon des dames seules. - - -=30 Août.=--L’institution du café-concert, atteinte, chancelle. Le -cabaret tue le beuglant. Les femmes qui décident de la soirée de ces -messieurs ne sont plus empressées à garnir les avant-scènes d’où elles -souriaient à Fragson et applaudissaient Yvette. On va à Montmartre, où -l’on entend le chansonnier Chose dans ses chansons rosses et le bon -poète Machin dans ses œuvres. Oh! ses œuvres! Le Chat-Noir, en mourant, -a laissé toute une portée de petits chats, diablement miauleurs, -plaisants et farces, qui ont des gentillesses paresseuses et de félines -attitudes: ils griffent aussi et mordent. D’aucuns, chats de gouttière, -effrontés et le poil droit, sont plutôt incongrus. - -[Illustration] - -Une tendance s’indique dans cette cacophonie de matous; un art de -demain s’annonce qui rénovera la chanson et dépouillera la revue de -ses oripeaux flétris, en la ramenant à la parade par les tréteaux du -cabaret. - -Que la femme, plus qu’à la tabagie montmartroise, était désirable, -l’été, sous les arbres en feu, dans la verdure secouée de frissons, -sous les platanes aux ramures baignées d’une lumière de songe! On -chantait, et c’était pour faire s’évanouir le prestige de ce jardin -d’Armide. Mais les sages s’abîmaient dans la seule vision et, pour ne -point altérer la sérénité de l’heure, laissaient les cabots chanter et -n’écoutaient que leur rêve... - - -=31 Août.=--Trouville: petits chevaux; Deauville: grands chevaux. -Et les mêmes types de joueurs, de sportmen, de books. Le monde de -là-bas rencontré ici, même les mendiants qui font leur saison. J’ai -reconnu mon Clopin Trouillefou de la rue des Martyrs. Il n’a pas manqué -la grande semaine. - -Personne ne l’a manquée. Le bataillon galant est au complet, recrues -et vieilles gardes: depuis les nouvelles qui entrent dans la carrière -jusqu’aux aînées qui y sont encore--avec leurs surnoms qui attisaient -nos désirs de potache: Fanny fanée et toujours Fanoche. - -[Illustration] - - -=4 Septembre.=--Chez la directrice de _l’Avant-Courrière_, Mme -Schmahl, rencontré, amené par M. Menant, de l’Institut, un parsi, -homme sage et cultivé, dont le renom dans l’Inde est grand. Il se -nomme Malabari. Il n’a point la petite calotte de soie noire, ni la -large argrahka marron; son corps n’est pas trois fois ceint de la -corde tressée de soixante-douze fils. Il est vêtu à l’européenne et de -l’Indien, ici, n’a que le bronze clair de son teint. - -C’est un apôtre. Il a prêché la liberté du choix dans le mariage, et la -liberté pour les petites veuves des nobles castes de convoler si leur -complexion amoureuse les y pousse. Car depuis qu’on ne brûle plus les -veuves, on ne sait qu’en faire. Le bûcher était encore ce qu’on avait -trouvé de mieux. D’aucunes s’y précipitaient avec une ferveur conjugale -exemplaire, d’autres hésitaient. Mlle Menant, fort versée dans ces -choses, conte qu’un jour un orage éteignit un bûcher. La veuve, à -demi consumée, revint chez ses parents, surpris et ennuyés. Ils lui -persuadèrent de retourner au bûcher, le temps s’étant remis au beau. - -Nos Françaises devenues veuves, quand elles brûlent, c’est de se -remarier. Leur sympathie va donc, d’instinct, à l’homme qui, là-bas, a -éteint les bûchers pour rallumer les feux. - - -[Illustration] - -=17 Septembre.=--La morale murale a fait son apparition. Elle est -née à la vie parisienne. Sur le boulevard des Capucines, en face chez -Floury, sur une palissade provisoire, sainte Geneviève lutte contre les -pétroles de luxe, recommandés par les femmes affriolantes de Chéret. -L’agreste pastoure en ses atours rustiques, qui a vu saint Loup, est -chargée de catéchiser les bergères pimpantes qui ont vu le loup--mais -non le saint. - -Trop longtemps, les dessinateurs, soucieux de retenir nos regards, ont -peint des Parisiennes lascives. Le rose de leur nudité et le frou-frou -de leurs chiffons bariolaient de couleurs vives la rue. Depuis que -l’épicerie a ses Watteau, la vélocipédie ses Fragonard, c’était comme -un perpétuel et changeant embarquement à Cythère. Quelques puritains -s’en sont émus. Ils ont commandé à Puvis de Chavannes une affiche qui -ferait chastement la publicité pour la vertu. - -Cette prédication aura-t-elle un résultat moral? Une petite fille au -pied d’un arbre et tout auprès un vieux monsieur qui l’entretient, -est-ce d’une expression très claire sur un boulevard qui a ses arbres, -ses petites filles, ses vieux messieurs? Il est à craindre que le -symbole n’en soit dénaturé. - -L’affiche est belle et pure. En tant que réclame, elle est inefficace. -On ne détache pas les âmes comme les vieilles jaquettes, et la vertu -n’est pas un produit qui se lance comme la benzine. - - -=23 Septembre.=--Aperçu au Moulin-Rouge le parsi Malabari. -Le libérateur de la femme hindoue étudie la condition de la femme -occidentale, cette libérée--quelquefois de Saint-Lazare. Il descend -dans la galanterie et s’attriste. - -Le quadrille naturaliste, ce soir, l’a surtout choqué. Il tolère tout -de nos mœurs, non les filles du chahut. - ---Vos sens sont-ils si éteints, dit-il, sévère, que, pour les ranimer, -il vous faille recourir à ces provocatrices? - ---Les bayadères de vos pays sont lascives aussi et nues. - ---Elles dansent devant des vieillards, répond le parsi. En évoquant -leur vigueur lointaine, elles leur font cette charité de leur en -donner, avec le souvenir, une fugitive illusion. - -O maître ès sciences zoroastriennes, si une danse est sacrée pour ce -qu’elle émoustille les vieux, la Goulue n’est-elle point prêtresse? - - -24 Septembre.--Un peu sorcier, quasi chemineau, ce Jean-Martin Plessis. -On le dit bâtard d’un abbé et d’une coureuse de grand chemin. Quand il -épousa cette douce Julie Deshayes: «Ce n’est pas possible dirent les -bonnes gens d’alentour, il lui a jeté un sort!» De sorte que la pauvre -va, de calvaire en calvaire, outragée et battue un peu plus à chaque -enfant, dont la dernière est nommée Alphonsine. Lasse d’être abreuvée -d’amertumes, elle s’enfuit, avec ses petits, loin du brutal, et bientôt -succombe... - -Alphonsine grandit, tremblante, sous la loi cruelle du père, sans pain -que celui qu’elle mendie. Domestique et Chloé de ferme elle rencontre -Daphnis. L’idylle est surprise et dénoncée à Martin qui songe à placer -la gamine en ville où le fruit vert a de l’attrait. Un matin, les -commères s’étonnent de voir cheminer, côte à côte, le colporteur et -sa fille, si joliette à présent, brune et mate. Où vont-ils? Quand il -revient au pays, seul, c’est une malédiction: «Misérable! tu as vendu -ta fille!» Chassé comme un chien galeux, il expire dans un trou hanté, -à l’écart. - -Les années passent. Un jour, à l’auberge de la Poste, à Nonant, descend -de la diligence une voyageuse, finement élégante, pâle de la pâleur -des convalescentes, ses traits délicats encadrés dans la nuit de ses -cheveux: «Ne me reconnaissez-vous point?--Alphonsine!» - -[Illustration] - -Elle raconte, devant une assiettée fumante, son histoire. Comment, -conduite à Paris, elle y fut ouvrière en modes; comment, grisette -elle plut à des commis, courtisane à des banquiers. Présentement elle -était la maîtresse d’un poète qui lui donnait un peu d’amour, et d’un -grand seigneur qui lui donnait beaucoup d’argent. Mais, prise de la -nostalgie du pays natal, elle était revenue voir les meubles honnêtes -des auberges pour, toute seule avec son passé, enivrée, le revivre. - -Vous cherchez la fillette que sa mère arrachait aux coups d’un brutal, -la mendiante aux pieds nus; la faneuse qui pour un verre de cidre -s’associait aux libres chansons des moissonneurs; la Chloé qui, -à l’ombre des pommiers, se donnait à Daphnis: la voici. Affinée, -fantasque et ondoyante, celle que le village a connue Alphonsine -Plessis, dans la cité conquise par sa grâce morbide, a trouvé une -seconde marraine. La fille du sorcier est devenue la _Dame aux -Camélias_. - -Le poète qui lui donnait un peu d’amour s’appelait Alexandre Dumas. -Elle lui inspirait à son insu le chef-d’œuvre que Mme Sarah Bernhardt -a repris. Le poète n’a pas été ingrat. Magnifique plus que le grand -seigneur son rival, et plus riche, il a payé la fille de joie en -immortalité. - - -=28 Septembre.=--Les savants ont découvert une lumière rebelle -à l’analyse. Un laboratoire, pour les expériences, est installé au -Casino: «Entrez, Mesdames et Messieurs, on commence de suite.» - -[Illustration] - -Voilà l’écran, la machine électrique, le tube de Crookes. Une -seconde d’explication par un personnage déjà connu qui a présenté -des femmes tatouées, des naines et des géantes. Il passe au fait. -Quelques expériences banales, vite abrégées. Mais voici que redouble -l’attention. Une femme monte sur la scène: «Vous allez voir les jambes -de Mademoiselle.» La science est décidément une belle chose. Et qui -donc parlait de sa faillite? Mademoiselle s’installe devant l’écran; -on fait la nuit. Dans la lueur mystérieuse, la jambe, pourtant cachée -sous les jupes, se dessine: silhouette rigoureuse, ferme, accusant -l’étreinte de la jarretière, au-dessus du genou, très haut. - -Les filles de cinq louis qui montent au ciel, même à moins, n’ont -point de souci de ce qui se trame là contre leur négoce. Cependant, -si les rayons X étaient capturés dans les jumelles portatives, ne -deviendraient-elles pas les demoiselles visibles à l’œil, nues? Elles -s’en moquent, par pratique, connaissant qu’en ces amours paillardes et -goulues, le charme du mystère n’est compté pour rien. - - -[Illustration] - -=2 Octobre.=--La verve des revuistes s’exerce cette année sur les -femmes qui revendiquent. Leur sottise est à hauteur de ce genre de -produit. Il faut rire: d’où ils concluent qu’il faut rire de tout et -par les trucs habituels. Les leurs sont simples; c’est une manière de -poil à gratter philosophique: on exhibe une demoiselle dont la toilette -accuse l’androgynat, perruque blonde et monocle. Elle montre ses jambes -plus gentiment que son mari: il est à la maison, biberonnant les -moutards. Le compère, outré, lui dit ses quatre vérités sur un air du -Caveau. La commère, à peu près nue, l’approuve au refrain, et reprend -en chœur sur un petit temps de gigue. - -Les spectateurs applaudissent à cette moralité qui les touche. Ils font -même bisser. Mais la gigue n’est pas étrangère au bis. - - -[Illustration] - -=3 Octobre.=--Homson disait de l’Angleterre: «Rien n’y est plus -constant que l’inconstance des ajustements.» Cette inconstance n’est -pas qu’anglaise. Nous avons vu régner les manches plates, puis les -manches bouffantes, puis les manches plates, et revoici les manches -bouffantes. Nos féminins en sont ravis. Ces boursouflures appellent -leurs bons offices au vestiaire. L’énorme vessie ne s’introduit dans -le manteau que par le concours d’une main empressée. «Vous permettez, -Madame?»--«J’allais vous en prier, Monsieur...» L’officieux insère -dans la manche extérieure les plis rebelles, courant de l’aisselle à -l’épaule, s’attardant aux environs. Ce n’est rien: une attention de -galant homme. Il serait assez payé, retirerait-il ses doigts sans un -merci. Car le toucher est un sens--et sur ce qui l’emporte du toucher -sur la vue ou de la vue sur le toucher, les maîtres-ès-voluptés, -disputent encore. - - -[Illustration] - -=4 Octobre.=--Le Tsar est attendu. Quelle surprise ménager au -plus absolu des monarques en visite chez la plus républicaine des -nations? Paris cherche quelque coquetterie raffinée dans le puéril et -le charmant qui est sa manière. Une idée. En cette saison, les arbres -sont nus. Serait-il pas ingénieux de les printaniser? Des fleurs! -mais on en sait faire de si jolies qu’y serait pris Juin, fleuriste -des prairies et des buissons. Et voilà, dans les branches, juchées des -Parisiennes de la rue du Caire qui font la toilette des marronniers du -Rond-Point. - -Le Tsar va passer. - -En attendant, les souvenirs passent. En ce même lieu, au temps des -malentendus, un tsar, avec ses cosaques, défila. Que c’est loin! Nul -se le rappellera que pour trouver plus douce l’heure présente. Nul, -devant le gentil sire, ne dira, évoquant le contraste: «Des arbres qui -fleurissent pour Votre Majesté, les chevaux de l’Ukraine broutaient -jadis l’écorce...» - - -=7 Octobre.=--«Vive le Tsar!» L’agile Parisienne a grimpé tout -en haut. Elle ne veut rien perdre du spectacle. Sous ses jupes, dont -elle ne songe point à corriger les écarts immodestes, les regards -polissons trouveront quelque aubaine; mais il n’est de regards que -pour Sa Majesté l’Empereur de toutes les Russies. Le voir et le revoir -encore, en sa voiture de gala, frêle, un peu blond, l’œil doucement -mélancolique, et comme las déjà de sa lourde grandeur. - -[Illustration] - -A côté de lui, la Tsarine, les traits dessinés nettement, d’une santé -de haute couleur, avec une gravité bonne, s’incline, gracieuse, et, à -fleur de lèvres, sourit. Le peuple conquis, sans s’inquiéter s’il est -dans l’esprit du protocole, crie: «Vive la Tsarine!» - -Nicolas salue, à ce cri, la main au bonnet d’astrakan. C’est -l’acclamation la plus chère à son cœur. Ce que le Tsar aime en Paris, -c’est que la Tsarine en est aimée. - - -[Illustration] - -=8 Octobre.=--La duchesse Olga est en cela ravissante que ses -dix-huit mois en font un simple petit bébé--comme tous les petits -bébés. Elle ignore la très grande importance de son entourage, suce -son pouce quand le goût lui en vient, bat l’air de ses poings roses, -sourit aux anges ou aux cuirassiers et ne demande pas au protocole -l’autorisation de se mettre à quatre pattes. Elle est jolie et -spontanée. Elle gazouille comme un enfant naturel, boit son lolo et -tire à son papa une barbe qu’elle ne sait pas encore impériale. - -Tant de charmes candides lui ont fait une réputation dans le -peuple--où les petites filles ne sont plus appelées désormais que des -«petites duchesses», et où les nouvelle-nées ne reçoivent plus que le -prénom d’Olga. - -Et leur biberon est franco-russe. - - -[Illustration] - -=25 Octobre.=--L’idée de _la Poupée_ à la Gaîté est jolie. Elle -est d’Hoffmann; on la lui emprunte de temps en temps. Coppelius invente -une poupée. Elle a les gestes essentiels, elle va à pas menus, salue, -s’incline et sourit--et sourit comme si elle n’était pas de bois. -Une vraie femme se substitue à l’automate et ce vieil homme est sans -soupçon--tant il y a de la femme dans la poupée ou de la poupée dans -la femme. La poupée de la Gaîté est charmante. Elle se nomme Sully, -quoiqu’elle n’ait rien de l’ancien ministre de Henri IV, homme -austère. Cette pièce vient à son heure; son succès est symbolique. -L’idée de l’émancipation gagnerait, dit-on, jusqu’aux poupées de la vie -contemporaine qui ne savent que marcher, s’asseoir ou se coucher. On -commence à en voir dans les Congrès. Elles opinent et font des gestes. -Si on leur appuie sur le cœur, elles bégaient déjà: «pa» et «man». -Il paraît que ça veut dire «parlement», et que cela cache de grandes -ambitions. - - -=6 Novembre.=--Jadis, les grands de ce monde faisaient de -l’histoire. Aujourd’hui ils font du roman. C’est moins morose. Les -salons suivent au jour le jour ce feuilleton qui a pour titre: -«L’Enlèvement d’une princesse ou le triomphe de l’Art.» - -Don Carlos avait appelé près de lui, pour décorer son château, le -peintre Folchi. La fille du prétendant vit l’artiste et s’en énamoura, -encore qu’il fût marié. Ayant eu vent de l’idylle, Don Carlos congédia -Don Juan et surveilla la demoiselle. «Mais il n’est verrou ni grille -qui soient sûrs garants de la vertu des filles». Et Dona Elvira, comme -une héroïne de Beaumarchais, s’est enfuie. - -[Illustration] - -Le père a fait connaître cet événement à ses fidèles: - - Aux Carlistes, - - Vous êtes ma famille, mes enfants bien-aimés. Je me crois donc le - devoir de vous annoncer qu’un autre de mes enfants, celle qui fut - Dona Elvira, est morte pour nous tous. - - Dieu veuille, dans sa miséricorde infinie, avoir pitié de cette - âme malheureuse! - - Deux consolations me soutiennent dans ce coup terrible qui brise - mon cœur: la grâce d’état que j’implore avec la même ferveur - que toujours, et la foi que j’ai dans vos prières et dans votre - affection, qui me compense de tout. - -Un père du commun à qui de telles épreuves sont réservées se lamente en -secret: un prétendant ne saurait faire savoir son chagrin que par voie -de proclamation. Don Carlos, révolté contre les prétentions de l’amour -à régner sur les cœurs, a cru devoir, une fois de plus, revendiquer ses -droits. - -Et il a rédigé un appel aux larmes. - - -[Illustration] - -=15 Novembre.=--A l’ombre distinguée des arbres du Luxembourg, -Watteau partage la gloire des poètes. Son buste domine un banc de style -rocaille, où quelque belle fille qu’il rencontra à Trianon lui est -venue faire hommage des fleurs du souvenir. - -Si toutes celles qui s’embarquent à Cythère lui apportaient des fleurs, -si toutes celles dont les fêtes galantes dénouent les ceintures lui -donnaient un souvenir, le charmant reposoir que serait son monument--en -toute saison paré, puisque l’amour est de toutes! - -Peut-être aussi, parfois, au cortège des rieuses et des énamourées, -viendraient-elles se joindre celles qui, du pimpant rivage, sont -revenues ne rapportant que des blessures et des regrets. Grondeuses, au -gentil imagier, elles feraient des reproches, comme à un guide qui les -égara. Mais lui, n’en aurait cure. S’il parlait, ce serait pour dire: - ---Je n’ai point prétendu qu’était fortunée la rive où abordait la -nacelle emportant vers Cythère les couples extasiés. J’ai répandu, au -contraire, sur les traits des passagers une grâce souriante et triste. -L’espoir s’y allie à la crainte. J’ai prévu les déceptions, les gros -temps et les naufrages. Les tons de ma palette chantent plus clair que -mes sujets, c’est ce qui vous abuse. Mais je savais, pour être son -peintre, les tristesses de l’Amour. Et c’est pourquoi, jeune fille, -j’ai cette bouche amère et ces yeux voilés de tant de mélancolie...» - - -=22 Novembre.=--Le féminisme à l’Hôtel Drouot. On vend une -lettre de sainte Chantal, fondatrice de l’ordre de la Visitation, et -grand’mère de Mme de Sévigné. Elle conseille à sa fille la soumission: - -[Illustration] - - «Les femmes ce doivent tenir pour des esclaves puisqu’elles sont - sujettes aux hommes... mais il faut rendre cette soumission pour - l’amour de Dieu qui l’a imposée, et me croiés en cecy, ma très - chère bien-aimée: ne vous roidisés jamais contre les volontés de - votre mari.» - -Mme Schmahl a fait, sur le féminisme, une conférence chez la duchesse -d’Uzès. Elle a soutenu, devant les dames de l’aristocratie, la -nécessité de se roidir contre leurs maris, et de ne plus se tenir pour -sujettes. Il y avait là les descendantes de sainte Chantal--et la -marquise de Sévigné en la personne de la maîtresse de céans. - - -=27 Novembre.=--Les femmes qui ont le goût de la peinture pourront -apprendre à peindre. On n’a mis que cent ans à s’apercevoir que Mme -Rosa Bonheur devait jouir des mêmes avantages que M. Carl Rosa. L’École -des Beaux-Arts n’ignore plus un sexe sur deux. Elle ne demandera plus à -qui se présentera aux fins d’étude s’il est homme ou femme, mais s’il -est artiste,--par bonne fortune le mot étant des deux genres. - -[Illustration] - -La femme insinue que son ingénuité artistique a pour cause -l’insuffisance de ses études--non de ses moyens. Elle recevra désormais -le même enseignement que l’homme. Si le niveau de sa conception ne se -hausse point, elle ne s’en prendra qu’à elle-même. Elle le sait. Elle -est déjà, à cette heure, courbée sous la discipline de l’École, docile -aux avis, esclave encore; passive à tout le moins. Les indépendants -ne la félicitent pas de cette victoire,--l’une des plus éclatantes -de l’année pourtant. Ils ont pour proverbe, et de quelque sexe qu’il -s’agisse, que «Quai Malaquais ne profite jamais». - - -[Illustration] - -=28 Novembre.=--Tout est aux panaches. Une élégante avec ses -plumes rappelle les commissaires aux armées sous le Directoire. La -coiffure actuelle est une façon de centenaire. Ce n’est pas que ce -soit laid--nulle mode n’est laide en vertu simplement de ce qu’elle -est la mode--mais c’est impertinent. Les spectateurs au théâtre ont -crié contre ces écrans majestueux. Voir à travers les légumes de ces -potagers, ou la flore luxuriante de ces terrasses de Sémiramis, est un -espoir chimérique. Se lever: la dame derrière crierait: «Asseyez-vous, -Monsieur, vous m’empêchez de voir». L’Opéra-Comique et la Comédie n’ont -admis au parterre que les femmes sans chapeau: les autres théâtres -n’ont pas osé porter une main aussi audacieuse sur cette arche sainte, -dont la modiste en 1896 a fait un trois mâts. - -Le sans gêne de la femme qui puise son impunité dans la courtoisie de -l’homme a triomphé de la logique. Un moyen s’offrait pourtant d’obtenir -que toutes les femmes vinssent au théâtre en cheveux: c’était de -n’autoriser que les chauves à garder leurs chapeaux. - - -=30 Novembre.=--Les femmes iront-elles aux colonies? n’iront-elles -pas? M. Chailley-Bert les y veut envoyer. La colonie manque de bras--de -jolis bras--qui soient un refuge pour les colons. - -Ils s’agitent, troublés, sur des couches solitaires que ne visite -que l’importun moustique. Les siestes sont sans attrait sur des -oreillers que les cheveux de l’aimée ne parfument pas. On fait donc une -propagande pour décider les Françaises à joindre ces Français que le -célibat exaspère. - -Les avocates du féminisme sont outrées. Elles voient dans ce -recrutement une variante de la traite des blanches. «La charrette qui -les conduira au navire, nous la connaissons, disent-elles, elle a déjà -servi à Manon Lescaut.» - - -[Illustration] - -=9 Décembre.=--Cette idée est venue aux poètes de consacrer tout -un jour à celle qui leur fut si hospitalière en sa maison. L’heure est -bien choisie de l’apothéose, alors que la tragédienne, atteignant au -sommet de son art, refait une âme neuve à la sœur de Manon et fixe le -geste inquiétant et pervers de Lorenzaccio. - -L’élan a été irrésistible qui porta vers l’artiste nos dévotions. Elle -était une fois de plus, et plus peut-être encore qu’aucune autre fois, -en cette traduction, l’Interprète idéale, sans trahison ni défaillance, -et juste à hauteur de l’art qui crée. - -Par quel prestige cette femme sait-elle dompter la fatigue de l’effort -quotidien? Par le moyen de quel philtre puise-t-elle dans un labeur -ininterrompu et vagabond sa vigueur égale et souriante, et comme -inlassée? Cette halte, ce soir, toute fleurie d’hommages, n’est pas -le «Tircis, il faut songer à la retraite» des classiques et doucereux -avis; ce n’est pas l’embaumement dans les parfums: c’est l’expression -d’une gratitude qui renonce à attendre le toast des adieux, car la -grappe de sitôt n’en sera pas vendangée. - -En la voyant, après cette agape sur la scène, passionnée en Phèdre ou -rugissante en Posthumia, qui pense à l’automne? Nous sommes en plein -été; c’est l’Août ardent, le talent mûr. Cette fête, pour laquelle les -lyres s’accordent, ô Sarah! n’est que celle de votre moisson. - - -[Illustration] - -=12 Décembre.=--Anglaise de grande famille, doctoresse estimée, -mistress Mac Laren est à Paris. Elle y est en mission. C’est une -honorable dame d’une silhouette inoubliable. Un chapeau, que ne -désavouerait pas l’armée du Salut, emprisonne sous sa lucarne, ses -cheveux blancs. Des lunettes d’or cachent ses yeux qui sont francs et -profonds. Mistress Mac Laren remplit un apostolat. Chaste et pieuse -jusqu’au renoncement, elle prêche la licence de la prostitution. Elle -a horreur du vice et fait croisade pour qu’on ne le réglemente plus. -Elle dénonce la police des mœurs, l’inscription infamante, le régime de -Saint-Lazare. - -Elle tient la patente que l’État donne aux filles pour illusoire. -Le docteur Laborde l’approuve. Elle va voir, l’un après l’autre les -évêques, et leur demande s’il est convenable qu’il y ait des maisons de -tolérance. Les prélats déclarent en ignorer le besoin. L’Académie de -médecine sera appelée à trancher le débat, comme qualifiée pour juger -la question au point de vue de l’hygiène. - -Mistress Agnès Mac Laren rencontre des esprits en France qui -l’encouragent. Ceux-là sont persuadés que l’État, qui a des pénalités -et des complaisances pour les ribaudes, fait figure ridicule, et qu’il -serait temps qu’il cessât, en ces coucheries d’amour payé, de nous -apparaître tenant la férule d’une main et la chandelle de l’autre. - - -=30 Décembre.=--Eusapia est dans nos murs. Elle y est en grand -mystère: les élus ne sont pas nombreux qui l’y verront. - -Eusapia Paladino est une Italienne douée de facultés stupéfiantes. -Sa présence communique aux choses matérielles une sorte de vie -incohérente, et peuple le vide de fantômes. Elle ouvre les portes sans -toucher les serrures, transporte les tables sans contact, remue des -chaises, agite des rideaux. Elle est là, silencieuse, observée, les -mains et les pieds emprisonnés; cependant, autour d’elle, c’est comme -si ses mains faisaient mille besognes singulières et superflues. Elle -se dit présente pour un esprit familier, qui agit pour elle, sortant de -sa substance vitale; il se nomme John King. Ce John King, invisible, -laisse de son passage des traces visibles, comme, dans du plâtre frais, -l’empreinte de sa figure, qui est celle d’un cocher anglais. - -Avec Eusapia, Lombroso et de Rochas--cet admirable de Rochas, vaillant -et sûr guide--ont renouvelé les expériences de Crookes sur la -matérialisation. Ils ont regardé, ont témoigné et n’ont point conclu, -étant gens avisés et sages. - -Sully-Prudhomme a assisté à une séance d’Eusapia à Auteuil. Sa chaise a -été remuée, il a reçu des gifles, on lui a tiré la barbe. Il atteste -n’avoir pas été le jouet d’hallucinations. Mais il ne veut donner -aucun nom, aucune qualification d’ordre mystique ou même scientifique -aux phénomènes qu’il a pu contrôler. Toute hypothèse de sa part lui -semblerait hasardeuse. Au reste, de l’étrange il a rapporté un effroi -qui l’en éloigne à jamais. - - -=7 Janvier.=--Un laboureur de Milo heurta du soc de sa charrue un -corps résistant. Il se pencha et aperçut un marbre que caressait la -blonde lumière du matin. Ces contours, harmonieusement taillés, étaient -d’une femme. Il la tira de l’argile et la traîna dans sa grange où -M. Louis Brest, qui passait, la vit, et subjugué, donna à la France -l’éveil. Quelques fervents de la beauté antique se concertèrent pour un -enlèvement. M. Louis Brest est mort. - -[Illustration] - -La querelle s’est rouverte à cette occasion funèbre. L’immortelle -avait-elle des bras au sortir de sa nuit? Comment étaient-ils placés? -Quels gestes faisaient-ils? M. Ravaisson, orthopédiste tenace, -d’accourir un jour avec des bras fabriqués à l’usage des déesses -manchotes. L’honorable savant alla plus loin. Il découvrit un Achille -Borghèse qui ne serait qu’un certain Mars à qui la Vénus demandait de -goûter les joies pacifiques des voluptueuses étreintes. Grâce à un -double moulage, il a rapproché dans une ombre entremetteuse les amants, -depuis des siècles séparés. Sa gravité sereine présidait à ce collage -d’inclination. - -On prétend qu’une maison américaine a refusé de recevoir une -reproduction de la Vénus de Milo, la Vénus n’ayant pas de bras. Le -chaste M. Ravaisson montre plus d’exigence. Les bras ne lui suffisent -point: il y veut un homme dedans. - - -=19 Janvier.=--Une princesse apparentée à la famille régnante de -Belgique a été enlevée par un tzigane. Roturière américaine, riche à -millions, de son or redorant le blason d’un Chimay, elle est entrée, -par la chambre nuptiale, dans la société la plus aristocratique. La -sensualité de son charme et l’audace de ses goûts lui firent y trouver -plus d’envieux que de censeurs. Libre en ses instincts, comme la cavale -sauvage des prairies paternelles, toute au jeu de ses luxures, elle -chercha, instrument banal, un archet vainqueur. Ce fut un joueur de -violon, d’un bronze vigoureux et fruste, aperçu dans la salle publique -d’un café où soupait la galanterie. Le tzigane quêtait: elle se donna. - -[Illustration] - -Le prince a su l’aventure. Il n’a point fait d’esclandre, étant un -homme bien élevé. - -Offensé, il avait le choix des armes: il constitua ses témoins: -l’avocat et le notaire et, résolument, s’adressant aux tribunaux, il -demanda réparation. Point de violence ni d’humeur déplacée. La faute en -fut à sa première hâte, il avait épousé trop tôt. Un Chimay qui veut -se garder de graves mécomptes attend, avant de lui donner son nom, que -Mme Tallien ait quitté son costume d’hétaïre et qu’ait sonné pour ses -ardeurs de thermidor l’heure du berger... ou du tzigane. - - -=28 Janvier.=--Une société de femmes connaissant l’hébreu -s’agite. Mme Elisabeth lady Souton la mène. Il s’agit d’interpréter -la Bible, en ce qui touche les textes sur la femme. Les hébraïsantes -démontreront que nous avons mal lu la Genèse. Ève n’est point la grande -coupable, que l’homme se plaît à dire. Le serpent, pour l’induire -en désobéissance, n’offrit pas à notre première mère des boucles -d’oreilles,--comme à une vulgaire cocotte,--mais la connaissance du -bien et du mal. L’esprit sérieux d’Ève eût repoussé le bijou: elle fut -séduite par l’attrait de la science. Quand le moment de s’expliquer -arriva, Adam tout benêt se cachait derrière elle, pleurnichant. Il -était piteux. - -En présence de cette attitude, Mme Elisabeth lady Souton a décidé ses -compagnes à traiter Adam, dans la Bible remaniée par les femmes, de -«grand poltron». - - -[Illustration] - -=2 Février.=--La querelle des chapeaux féminins continue. -Marseille prend des arrêtés contre les coiffures gigantesques. -L’Amérique édicte des pénalités. Chacun propose son remède. Londres -voudrait qu’on séparât les sexes; les femmes ne gêneraient plus que -les femmes. L’Allemagne rappelle un précédent qui date des chapeaux -cabriolets. On affichait dans les couloirs cet avis: - -«Les femmes aimables, jolies et prévenantes sont priées d’enlever leur -chapeau. Les autres peuvent le garder.» - - -[Illustration] - -=10 Février.=--Une nouvelle qui court Paris, vers minuit, est -entrée en coup de vent chez Maxim’s. C’est Renée de Presles qui a -crié: «La glace brûle». Elle voulait dire: «Le feu est au Palais de -Glace». Feu de paille que l’exagération boulevardière a transformée -en catastrophe. Cette note sinistre change le cours morose du -train-train noctambulesque des soupeuses. Elle est imprévue et promet -de l’émotion. Ces dames s’ajustent en hâte, sautent dans des coupés. -Elles sont avides de jouir du spectacle des flammes consumant l’un -des décors dans lesquels se joue leur vie conventionnelle. Elles -pressent le cocher d’arriver à temps et ne cherchent pas leurs phrases: -«Grouille-toi!» Étoffées de clair, soulevant les jupes, les chevilles -haut troussées, elles écartent les mollets pour enjamber les tuyaux des -pompes. Elles sont gaies, bruyantes, amusées, tandis que Poilpot, qui a -son atelier au-dessus et ses superbes collections, se promène fiévreux. -Mais pour elles qui ne risquent que leurs patins, c’est très drôle.--Le -feu est là où elles ont ri, potiné, patiné, bu, lancé des modes, -relancé des hommes. C’est comme s’il était chez elles. «Tiens, de là, -baron: tu verras mieux.» Cet incendie est leur chose. Elles en font les -honneurs. - - -[Illustration] - -=19 Février.=--La loi de l’homme: un homme vient d’en dire toute -la scélératesse aux gens comme il faut, en plein Théâtre-Français. -C’est M. Paul Hervieu. En trois actes rapides et fulgurants, il a -montré comment l’homme a machiné à son usage la loi, en sorte que son -esclave, s’il la trompe dans un domicile déterminé, n’a pas même un -commissaire à son service pour contrôler la trahison. Et s’il permet -que sa fille épouse le fils de sa maîtresse, la fille n’a qu’une -sommation à faire à sa maman. Elle en ferait trois à son papa. - -La femme veut recevoir de ses enfants, s’ils se marient contre son gré, -autant de sommations que son mari, et envoyer le commissaire de police -en expédition où bon lui semblera. Moyennant quoi, il est certain que -l’égalité sera entre les sexes. La paix n’y sera pas davantage, ni le -bonheur. Mais ce n’est pas à les chercher que la fierté de la femme -s’applique. Son cri de révolte est d’abord un cri d’orgueil. - - -=24 Février.=--Je fus un jour voir Sarah Bernhardt, qu’on dit -admirable dans _Lorenzaccio_. Des femmes élégantes étaient assises aux -fauteuils d’orchestre. Je ne sais rien de l’adaptation de l’œuvre de -Musset; mais je tiens pour accomplie la modiste dont j’eus devant mes -yeux toute la soirée le chef-d’œuvre: une pièce à grand spectacle, avec -cinq étages, et plusieurs tableaux. - - -=26 Février.=--La Falcon! Sa mort vient de nous apprendre qu’elle -vivait toujours, ou mieux qu’elle se survivait. Au vrai, la Falcon -n’était plus. Elle nous avait quittés il y a quelque soixante ans. Elle -restait une très digne personne, maternelle et pieuse, qui s’appelait -Mme Malanson. - -En sa retraite silencieuse, on eût en vain cherché la trace de -ses succès d’antan, l’or des couronnes, les portraits gravés -d’enthousiasme par les burins subjugués. Elle avait écarté ces reliques -d’une autre femme. Ses doigts ne s’attardaient plus qu’aux pages des -missels. - -[Illustration] - -Elle avait été Alice, Circé, Valentine, Rachel. Un organe merveilleux -que servait une intelligence parfaite. Un soir, dans son gosier, sa -voix s’étrangle. Elle chancelle, tombe; on la relève le visage inondé -de pleurs, devant une salle debout et silencieuse, comme en présence -d’une agonie. - -Que s’était-il passé? Elle avait aimé. La caresse d’amour avait, en son -sang, porté le trouble dont le cristal de son timbre fut brisé. L’ami, -qui devint l’époux, lui fit dans la solitude le renoncement heureux. -«Ma gloire, mes triomphes, disait-elle, n’ont pas laissé en ma vie -plus de traces que le chant d’un oiseau dans les bois.» Telle était sa -résignation. On l’a crue feinte; le masque de sa sagesse imposant à des -regrets stériles. C’est possible. - -... On dit que parfois, pour de rares intimes, la Falcon se rappelait -et, que la lointaine Valentine apparaissait dans le fantôme d’une voix. - - -=27 Février.=--Au temps de ses amours de sous-lieutenant, quand la -France se flattait d’avoir le cœur que possédait Marguerite, Georges -cachait son bonheur chez la Belle Meunière. Elle tenait auberge, et les -amoureux y passaient, délicieuses, les heures de solitude et d’abandon. -Quand Elle fut morte et qu’Il se fut tué sur sa tombe à Ixelles, la -Belle Meunière fit un livre de ses souvenirs. Paris le lut. La madrée -paysanne, supposant qu’on en voulait connaître l’auteur, s’en vint dans -la grand’ville. Elle resta en sabots, conserva sa coiffe dorée et son -fichu de villageoise. En cet accoutrement pittoresque, elle ouvrit, à -proximité des boulevards, le cabaret de la «Belle-Meunière». - -C’est une maîtresse femme qui sait son monde, l’auberge a été tout de -suite achalandée. La chère y est rustique et fine, la boisson franche, -la patronne discrète aux amants. On trouve à ses tables les fruits -de la saison et la boisson d’Aï qui mousse: pêches à quinze louis et -pichets sérieux. - - -[Illustration] - -=28 Février.=--Le mardi-gras a inauguré le char des filles-fleurs. -La première fois ce fut une corbeille de roses vivantes. Cette seconde -fois ce furent des chrysanthèmes. Ces chrysanthèmes au signal d’un -gong s’entr’ouvraient et les femmes apparaissaient brunes et autant que -possible japonaises--c’est-à-dire des Batignolles. - -Elles sont restées trois jours assez fraîches. Après quoi elles sont -retournées aux marchés aux fleurs des rues et des boulevards d’où -elles venaient... «Fleurissez-vous, Messieurs!» disaient-elles. Et les -messieurs de se fleurir. - -«Tu sens bon, Rose!»--«Moi, je suis sans parfum, mais vois comme je -suis faite.»--«Le charmant bouton». - -Et le monsieur s’en allait avec sa rose ou son chrysanthème--fleurs de -Paris si vite fanées. - - -=2 Mars.=--Ce carnaval, le costume de clowns fait fureur parmi les -femmes. Il leur donne un air de _j’m’en footit_ qui les enchante. Il -délivre la cheville, et dans l’ampleur de ses plis, laisse soupçonner -la souplesse du corps. - -[Illustration] - -Les bras ont licence d’être nus, échappés d’un corsage où les seins -sont comme des prévenus en liberté provisoire. La tête surgit sur la -collerette, espiègle sous la perruque de filasse au triple toupet. - -La jolie Suzanne Derval, sûre de ses lignes, a voulu à _Parisiana_ -s’attarder dans le maillot collant de l’acrobate. Elle pouvait, si -parfaite, persuader ses sœurs, mais la vogue est restée fidèle aux -clownesses. - -Costume oblige. Ainsi vêtues, d’aucunes s’essayent en de vagues -acrobaties dont il convient de ne les louer haut qu’en se gardant de -méprises: «Quelle adresse», dit en regardant l’une d’elles, un amateur -ravi. Et l’enfant de répondre aussitôt, plus habituée à la question -qu’au compliment: «Rue Notre-Dame-de-Lorette, mon chéri». - - -[Illustration] - -=4 Mars.=--Le charmant oiseau exotique qui fut une idéale -Lackmé, un soir, pour avoir mal dosé son cocktail, entra en scène, à -l’Opéra-Comique, émue. Les spectateurs, offensés dans leur dignité, le -prirent mal. La jeunesse des écoles qui, on le sait, ne boit pas, prit -la peine de descendre la conspuer. Qu’il était beau dans cette attitude -le lion du quartier Latin! Elle s’en alla au loin, célèbre: «Ah! -oui, disait l’Amérique, cette jeune fille qui chante». Et la France, -généreuse et spirituelle: «Je sais, oui, cette jeune fille qui siffle.» - -Van Zandt est revenue. Elle est apparue devant ce terrible public qui -l’outragea, émue, sans cocktail. La voix était toujours aussi pure. Et -la fauvette fit oublier la grive. - - -[Illustration] - -=6 Mars.=--Le _Rire_ a voulu rire. Il a bien ri. Il s’est proposé -de faire la preuve qu’un bal masqué se définit: «Un bal où il n’y a pas -de masque». Pour champ d’expérience, il a choisi le cadre merveilleux -de l’Opéra. Il a annoncé qu’il ferait des présents superbes aux masques -originaux que son jury désignerait. Il espérait le burlesque et -l’imprévu, ou de jolies frimousses devinées sous le satin du loup. - -Roulement de tambour. La farandole. C’est un défilé las et contraint, -d’oripeaux archi-connus et archi-usés--la défroque de la Courtille, le -décrochez-moi ça de Milord l’Arsouille. - -Des masques inventifs, pimpants, bariolés et fantasques, des masques -gais et fous, drôles, des masques: point. Des chienlits à peine. Ohé, -ohé les autres? - -Les autres ne sont plus là. - - -[Illustration] - -=Mars.=--Une secte féminine s’est fondée, elle s’intitule -«néosophique». Son école est rues Victor-Cousin et Cujas, Mme Cécile -Renooz est à sa tête. - -Cette science de la sagesse nouvelle est basée sur la connaissance -de ce fait: que le duel d’amour est inégal. L’homme seul y verse le -plus pur de son sang: le sang de son cerveau. D’où l’épuisement de ses -facultés supérieures au bénéfice d’une basse morale dont la femme est -victime. - -Les néosophes proclament la nécessité de revenir à l’antique loi -sacrée qui ne permettait aux sexes de se confondre qu’une fois l’an. -Toutefois, comme nous avons pris de mauvaises habitudes, on accorderait -quelques dispenses pour commencer. - - -=19 Mars.=--Après l’apothéose de la femme qui interprète, -l’apothéose de la femme qui pense, après Sarah Bernhardt, Clémence -Royer; au même lieu où les lettres et les arts chantèrent l’hosannah -de la tragédienne, une fête est donnée à la traductrice de Darwin, -à celle qui a écrit _le Bien et la Loi morale_, _l’Inconnaissable_, -_l’Évolution mentale dans la série organique_. C’est la même table, les -mêmes lumières, les mêmes fleurs. Ce ne sont pas les mêmes convives. -Autour de l’acclamée, voici des hommes graves: M. Levasseur qui -préside, les docteurs Manouvrier, Laborde, Letourneau; des doctoresses, -des étudiants, des hommes politiques. Des femmes et encore des femmes, -de celles qui ont dans le mouvement une place, un rôle, une ambition. -Elles démentent ce que les malveillants disent de la grâce qui fuira -devant l’émancipation. Elles sont la plupart jolies, joliment habillées -et dans la nudité d’apparat qui leur sied si bien aux fracas de -lustres. Et la douce lettrée Mlle de Sainte-Croix est radieuse: car -cette fête fut son projet. - -L’héroïne est, plus qu’aucune, détachée des frivolités de la mode. Son -âge lui permet l’austérité de la robe noire montante--son goût le lui -eût imposé. Sa figure apparaît menue, ronde, travaillée du burin de -la pensée; les traits sont mobiles, la bouche nerveuse jusqu’en son -mutisme, l’œil vif, enquêteur, d’une lumière profonde. La prunelle est -comme l’eau noire d’un lac reflétant l’infini du ciel. - -Au champagne, l’économie politique lui fait des madrigaux, -l’anthropologie lui rappelle des batailles, le mysticisme la courtise, -le féminisme lui demande des références. Elle se lève la dernière, -parle d’une voix musicale et claire, s’étonne, amère et réjouie. «Je me -croyais si oubliée... Qu’ai-je fait pour que cette génération pense à -moi?» Mais, au fond, fière de sa tâche, elle dit avec le grand tragique: - - Je sais ce que je vaux et crois ce qu’on m’en dit. - -Elle a pesé son œuvre et ne l’a point trouvée légère. Elle a -jonglé avec les astres; elle a remué les mondes, et aux feux des -étoiles allumé le flambeau qu’elle porta dans le temple des anciens -dieux--comme une torche. Montée haut, elle voit loin--si loin que nos -yeux ne la peuvent suivre, au delà de cette limite où notre impuissance -avait planté le décor des paradis et des légendes. - -Les lampes éteintes, les bravos s’étant tus, l’admiration officielle -ayant pris congé, la savante proclamée la plus savante entre les femmes -des temps modernes, s’en est allée par la route qui mène à l’asile où -la reconnaissance nationale lui a, par insigne faveur, accordé un lit. - - -[Illustration] - -=Mars.=--Un peintre connu avait pris modèle. Le modèle l’avait -pris. Il en était résulté de ces services réciproques que se rendent -les deux sexes. La familiarité des séances y invitait. Il posait pour -elle qui posait pour lui. «Suis-je de ton goût?» - -Un modèle incline à ne point montrer d’excès dans la pudeur: son -costume le lui interdit. A cette question elle répondit: «C’est-à-dire -que tu me rends folle». Le tête-à-tête se prolongeait au delà des -quatre heures. Elle s’oubliait à rester. Le matin, Diane, dans -l’atelier devenu sa chambre conjugale, mettait au café au lait son -croissant d’un sou. Conséquence importune, l’artiste croyait faire -une muse: il fit un enfant. S’inspirer de Chaplain et tomber dans -Lobrichon, c’était triste. Il renia son œuvre. Il ne la signerait pas. - -On n’a pas couru tous les ateliers pour ignorer la pratique de la -gravure à l’eau-forte. Le modèle essaya son procédé sur le visage de -son amant, et fut pour ses débuts d’une gaucherie heureuse. Menée -devant les tribunaux, elle fit plaider l’innocent, le bébé qui suça son -pouce, et amusa les juges et messieurs les jurés. Ces petits, quels -avocats! Le peintre était témoin comme victime: «Vous deviez élever -votre enfant», lui dit le président sévère. «Moi-même?» interrogea-t-il -naïf. «Vous-même», répondit le magistrat. - -L’ahurissement de l’artiste a fait son tour de presse. Cet homme -heureusement connaissait la loi. Il n’avait pas encore vu que sur ce -chapitre elle s’accordât avec la conscience. - -Mais la femme tout doucement s’arme--ou plutôt elle désarme le préjugé -armé contre elle. La recherche de la paternité est interdite,--mais non -du père. - - -=14 Mars.=--Le pastel--cette poussière tombée des ailes des -papillons--a été mis aux doigts de l’artiste amoureux de la femme. Il -fixe, par la magie de ces couleurs qu’un souffle emporterait, le charme -fugitif d’un visage. Il capte, dans un nuage polychrome, l’or vaporeux -des toisons, le carmin du sourire, le marbre veiné d’azur des gorges où -la jeunesse palpite. Les mondaines le savent qui inaugurent à grands -tourbillons de toilette le vernissage--le «fixage» des pastellistes. - -Les originaux sont là, qui ne renient point la paternité des -compositions qu’un Besnard signa. On se montre, indiquées d’un regard -d’intelligence, les belles madames de Machard ou de Calot. - -Et de ce dernier maître, cette jeune femme surtout, en sa robe blanche -et or, d’une élégance élancée, la hanche crâne, parisienne très -finement, l’œil sombre et doux noyé dans l’enveloppement d’une caresse -sous la nuit opulente des cheveux--et si vraiment superbe dans tout -l’éclat de vivre. - -[Illustration] - - -=15 Mars.=--M. Pierre Denis met le boulangisme à la scène et ne -s’y oublie pas. Il y joue un rôle ample et candide.--Où donc?--Voyez -sous ces cheveux, là-bas. Il est l’Éminence grise d’un règne qui n’eut -pas de Richelieu. Le général est peint, en ces tableaux d’Épinal, d’une -main émue. «L’amie» apparaît touchante. - -Mais le caractère de la femme qui fut si fatale au boulangisme n’est -pas présenté sous le jour que l’histoire adoptera. M. Pierre Denis a -fait voir une amante passive, partageant l’exil de l’aimé. Au vrai, -elle fut sa décision. «Toute ambition, a dit le poète, meurt aux -bras d’une femme.» Il en fut ainsi pour ce sous-officier heureux -qu’enorgueillissait la caresse parfumée d’une patricienne. Elle le -voulait à elle, jalouse de la Gloire, effrayée du Sacrifice. Il lui -obéit. - -Et du mal qui emportait l’amante, l’espérance boulangiste--comme un -œillet coupé--flétrie, expira. - - -=3 Avril.=--Un médecin nommé Cornu publie une thèse qui fait -scandale. Il dénonce des excès de l’ovariotomie. Après qu’Ève et Adam -eurent sombré pour une pomme, l’Éternel courroucé leur fit connaître -leur destinée terrestre; la femme enfanterait dans la douleur. En -vue de cette fin, l’extraordinaire ouvrier avait mis en son sein des -organes d’une délicatesse infinie. Ses fonctions duraient depuis -6000 ans, lorsque les chirurgiens découvrirent les anesthésiques et -l’antisepsie. Ils ouvrirent impunément les flancs d’Ève pendant son -sommeil, et déclarèrent qu’elle était affligée de quelques rouages -superflus. C’était la cause de tous ses maux. Ils les lui retirèrent. -Elle se réveilla recousue et obligée à subir ces surprises que la -volupté traîne après soi. - -[Illustration] - -L’habitude en vint de se faire ôter, à la première migraine, des -organes dont on ne se sentait pas un besoin urgent. Ce fut bientôt une -mode. Les ovaires furent très mal portés. On les laissa aux bourgeoises -pot-au-feu et aux femmes du commun. Encore l’actif bistouri dans les -hôpitaux plongeait-il jusque les entrailles du peuple, l’ovariotomie -étant devenue une façon de sport. Le docteur Cornu a fait une enquête -auprès des malades. Il a découvert que la plupart se montraient -épuisées, apathiques, passives, sans appétit vers ces gourmandises dont -elles n’avaient pourtant plus à craindre les indigestions. - - -[Illustration] - -=5 Avril.=--L’Opéra à l’heure déserte. A travers la forêt des -madriers géants, des herses et des câbles, dans l’ombre sans franchise, -voici enfin, gagné à pas timides, le foyer de la danse aux dorures -assoupies. Elles sont là trois femmes, les trois fées de ce paysage -chimérique, vu à l’envers dans sa brutalité de décor. Elles se meuvent -avec la souplesse exacte des rythmes, Mlle Théodore, le professeur, -règle, ferme et douce, le charmant marivaudage du couple, qui, sous -ses yeux, s’ébat. Il s’agit d’une fleur qu’on refuse et qu’on voudrait -donner et dont ne veut plus qui voulait qu’on la lui donnât. Car -l’amour, vous le savez, n’est que caprice et dépit. La fleur est aux -doigts précieux de cette Blanche Mante, dont les traits délicats et -fins, dans le cadre d’ambre des cheveux bouclés fait penser à quelque -Lavallière esquissée par Mignard. Ce jaloux qui la lutine est, en sa -sveltesse si souple, en sa grâce élancée et fière, et la bouche fleurie -d’un sourire: Henriette Robin,--étoile depuis hier, brillante des feux -trop fugitifs de l’Or de _Messidor_ que sa beauté brune incarna. - - -[Illustration] - -=7 Avril.=--On vend Liane de Pougy. «Messieurs, voyez l’article. -C’est comme neuf. A combien dit-on. Il y a marchand à combien? Cinq -louis pour commencer. On dit, six... sept... dix. A dix louis, -Messieurs, nous sommes... Ce n’est pas pour moi. Quinze louis c’est -à droite. Ça vaut mieux que ça... Allons, pressons, Messieurs, -pressons... j’adjuge.» - -Il s’agit du lit... Et Mme de Pougy n’est pas dedans. - - -=9 Avril.=--Il y a une maison hantée à Yzeures. Au Dr Gilles de la -Tourette, maître ès sciences de maladies nerveuses, j’avoue y partir. -Il me prend en pitié. - ---Les maisons hantées, me dit-il, ce sont des jeunes filles hystériques -qui frappent dans les murs quand vous ne les regardez pas. - ---Vous en êtes certain? - ---L’une d’elles m’a tout avoué. - -Puis il s’échappe, haussant les épaules, en traitant avec un mépris de -savant très orthodoxe ce qu’il tient pour des élucubrations dont il -n’est pour s’occuper que des badauds de mon espèce. - - -=14 Avril.=--Hier, aux Folies-Bergère, Mme Clara Ward devait faire -des poses,--trois ou trente-deux, peu importe. Elle ne serait jamais -qu’une femme en maillot, comme le sont, dans les tableaux vivants, -Duvernoy et Degaby. Mais - - Tout Paris pour Chimay a les yeux de Rigo. - -Et à cette annonce les fauteuils d’orchestre ont valu des prix -extravagants. Triomphe de la beauté? Point. Du scandale. On voulait -voir, non la nudité de la femme, mais d’une certaine femme, publique -par ses gestes et princesse authentique. - -[Illustration] - -Le préfet de police la fit venir. Il lui parla. Elle a compris, et il -lui survint aussitôt une indisposition toute diplomatique. Elle s’est -mise au lit et à la tisane. De la tisane à la fleur d’oranger. C’était -l’engagement rompu. - -L’hypocrisie mène grand train autour de cette aventure. Elle y voit une -revanche de la moralité. Le public, dit-on, n’avait été si empressé -à lorgner le maillot de Mme Clara Ward que pour bafouer l’audace de -l’imposture. Le directeur des Folies-Bergère sourit de ces airs de -prude. La feuille de location dépassait vingt mille francs. Or il -connaît, par profession, que jamais la vertu n’incita un spectateur à -payer un fauteuil dix fois son prix. - - -=22 Avril.=--Qu’est-ce que la majesté? Est-elle donnée à une -caste, ou n’est-elle point un rôle que joue l’homme averti? - -Le drame lyrique cherchait une interprète qui sût marcher comme les -déesses et, comme les plus altières souveraines, du geste et du regard -imposer. Elle devait être la Walkyrie, Brunehild et Hellé, la source -céleste du rêve et l’héroïne hautaine de l’histoire. Hellé! l’admirable -création, et pour l’artiste et pour l’auteur, M. Duvernoy, qui a doté -l’Opéra d’un joyau de grand prix. - -[Illustration] - -... Il y avait, voilà déjà quelque temps, en un coin lépreux des -faubourgs, une travailleuse qui accompagnait, à l’atelier, son dur -labeur en chantant. C’était une robuste fille au profil énergique, -casquée de ses cheveux qu’un peigne matinal ramassait. Née de pauvres, -et pauvre aussi, elle allait en robe modeste, confondue dans le -troupeau des communes humaines... - -Cette créature au travail résignée devait être Mme Caron, dont la vie -dans le royaume des idéales splendeurs bientôt n’oscillerait plus que -des trônes barbares au Walhalla prodigieux. - - -=Avril.=--Au réveil, le tzigane et la princesse ont eu la visite -d’un monsieur qui s’est annoncé «au nom de la loi». La princesse est -allée lui ouvrir en chemise de nuit, car elle n’a rien de caché pour la -Justice. Le magistrat a vu le lit, le tzigane et à côté la place toute -chaude d’une nuitée d’amour interrompue. Il en savait assez, il salua -et prit congé. - -L’épouse du tzigane faisait constater le flagrant délit. Son mari -ne pourra plus épouser la princesse--désormais sa complice. M. Paul -Hervieu a bâti un drame pour montrer dans toute sa tyrannie la loi de -l’homme. - -Cette loi de l’homme si tyrannique est pourtant quelquefois aussi la -loi de la femme. - - -=25 Avril.=--La femme a trouvé un nouveau théâtre pour théâtre -de ses revendications: c’est le Nouveau-Théâtre. Une salle à elle une -fois le mois, où ne seront jouées que des œuvres de femmes et pour les -femmes. Si les hommes y veulent être accueillis, il leur sera moins -demandé du talent qu’une opinion. Êtes-vous dramaturge? c’est sans -importance. Êtes-vous féministe? voilà l’essentiel. - -Nous avions la maison de Molière, nous aurons la maison de M. Paul -Hervieu. - -[Illustration] - -Cette idée a pour propagandiste Mme Marya Cheliga, une militante que -les inerties hostiles et les obstacles ne rebutent point. Myope, elle y -regarde de plus près, et, grâce à certains verres, voit d’assez loin. -Elle dira la femme de demain dans _Promethea_. - -Quand on connaît la tragique déception de Prométhée, l’audace est bien -féministe qui fait nommer qui lui succède dans son rêve d’orgueil -«Promethea»,--comme s’il appartenait à la femme de réussir où l’homme a -échoué. - - -=29 Avril.=--Le témoignage d’une femme est recevable devant -la justice criminelle, non devant l’état civil. Mme d’Uzès ne peut -légalement assister l’amie qui prend époux, ni Mme Henry, chevalier de -la Légion d’honneur et ex-sage-femme en chef de la Maternité, le père -qui déclare son enfant.--Mais Gabrielle Bompard, témoin à la requête de -l’accusation peut envoyer Eyraud à la guillotine. - -Cette anomalie va disparaître. Ce sera l’une des premières victoires du -féminisme. Elle est de bon augure et en fait présager d’autres. - - -=5 Mai.=--Deux volontaires de la Mort qui étaient des volontaires -de l’Amour. - -La jeune et jolie Lucette de Varennes, qui avait amants et chevaux de -luxe, s’est empoisonnée parce qu’elle ne pouvait appartenir en toute -propriété au seul qu’elle aimât: Manon l’eût-elle fait pour Des Grieux? -Et l’on daube sur cette fin de siècle! - -Le même jour, une ancienne belle, Léontine de Courcy, tombée de -l’hôtel princier au meublé banal, ayant joué aux courses ses dernières -économies, a allumé un réchaud de grisette. - -Autrefois on ne mourait pas d’amour; il fallait arriver à notre époque -pour voir des filles d’amour mourir de ce qui les fait vivre. - -[Illustration] - - -=9 Mai.=--Le petit théâtre de Mme Adam: c’est grand comme ça, -pas plus. Le décor exprime le goût ferme et sûr de cette Parisienne -délicate. Une scène toute petite et, sur cette petite scène, un -spectacle vaste: l’humanité inquiète, en mal du lendemain. - -Aujourd’hui, l’oratrice est la directrice de l’_Avant-Courrière_, -Mme Schmahl, une Anglaise dont le cœur a conservé un léger accent. -Vaillante et de belle humeur, elle trace le bilan de la campagne -féministe. La résistance de la Chambre a été vaincue; mais le Sénat, -dépositaire des projets de loi votée, n’entend point qu’on le presse. -«Paix là, ma mie!» - -Et elle qui disait,--par opposition à ses sœurs nerveuses:--«Je suis -comme la petite souris, je grignote le bloc», à son tour, s’irrite, -impatientée. Elle dénonce les pères conscrits: ces vieillards qui -commencent et n’aboutissent pas. - - -=10 Mai.=--La Vachalcade ou cavalcade de la Vache enragée, -de récente création, donnera le jour à une nouvelle muse: la Muse -montmartroise. - - -[Illustration] - -Les ouvrières de la Butte l’ont choisie entre les plus charmantes -d’entre elles; c’est une jolie lingère, brune accentuée, qui se nomme -Marguerite Stumpp. Elle a dix-sept ans. - -Laborieuse et honnête, elle témoignera qu’il n’est point dans -Montmartre que des modèles et des joueuses de flûte. Elle sera -délicatement honorée. Dans le défilé, elle occupera la mansarde de -Jenny «au cœur content, content de peu». Elle recevra, cadeau digne des -plébéiennes vertus, un livret de caisse d’épargne. - -L’affiche qui appelait les lectrices aux urnes portait cette mention -dont la sagesse s’empreint d’une ironie prudente: «Les candidates -devront demeurer _encore_ chez leurs parents». - -«Encore» suppose qu’il est difficile de demander aux plus honnêtes -filles à Montmartre d’y demeurer toujours. - - -=15 Mai.=--Ce qui vient de la flûte s’en va sans tambour--ni -trompette: Mme Liane de Pougy a été volée à quatre chevaux. On a arrêté -ses voleurs. Ils comparaissent en police correctionnelle. Citée comme -témoin, la victime a allégué un empêchement majeur. Elle a écrit: -«Monsieur le président, je garde le lit; mais si la justice veut -venir m’y interroger, je suis prête à lui donner toute satisfaction -compatible avec mon état». La justice tond les gens, coupe les bourses, -mais ne va pas en ville. Vexée de cette prétention, elle s’est vengée, -au jour de l’audience, elle a pris acte contre la «femme Pourpe». - -Pourpe est le nom d’un honnête homme qui se lamente et d’enfants qui -rougissent. Il eût été plus moral de le respecter, risque à interpeller -la fantasque créature que par le titre qu’elle a conquis à la pointe de -ses seins--comme à la pointe de l’épée, un soldat ses grades. - - -=23 Mai.=--Êtes-vous homme à garder un secret? me dit-elle. - ---Yvette, en doutez-vous? - ---Alors, apprenez donc que je vais me marier... Je l’aime, il m’aime. -Il est riche, moi aussi. J’ai assez promené mes gants noirs dans toutes -les Amériques. Je me reposerai du café-concert dans la vie conjugale: -je ne chanterai plus que de loin en loin pour des œuvres... C’est -fini, mon ami, de la divette que vous avez devinée un soir... vous -le rappelez-vous?... dans l’inconnue qui chantait à la requête de -Jehan Sarrazin, le poète aux olives, en ce bouibouis qu’était le Divan -Japonais... - -[Illustration] - -Ce secret est devenu celui de Polichinelle... les bans sont publiés: -Emma-Louise-Esther Guilbert, dite Yvette, sera bientôt Mme Max -Schiller. Il était inévitable que le coucher d’Yvette aboutit au -coucher de la mariée. - - -=31 Mai.=--Plus de bossus. M. le docteur Callot les redresse. - -Merci, docteur! C’est fini de la fée Carabosse. Il n’y aura donc plus -que des bonnes fées autour de nos berceaux. - -Le féminisme nous promet aussi, par la grâce de Jules Bois et par la -fougue de Léopold Lacour,--que le duel des sexes nous conduit à l’Ève -future--l’idéale émancipée. - -Merci, poètes pour ce que vous faites croire que l’humanité nouvelle -n’aura que des bonnes fées autour de son berceau. Philosophe inquiet et -féministe par équité, il ne me déplaît point de me griser d’optimisme. - -A l’Ève future, à Prométhée, je lève ma coupe d’espérances. - - -[Illustration] - - - - - IMPRIMÉ - PAR - CHAMEROT ET RENOUARD - 19, rue des Saints-Pères, 19 - PARIS - - - - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Les Parisiennes d'à présent, by -Georges Montorgueil - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES PARISIENNES D' PRÉSENT *** - -***** This file should be named 60635-0.txt or 60635-0.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/6/0/6/3/60635/ - -Produced by Clarity, Hans Pieterse and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Redistribution is subject to the -trademark license, especially commercial redistribution. - -START: FULL LICENSE - -THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK - -To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase "Project -Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg-tm License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. - -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project -Gutenberg-tm electronic works - -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. 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It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. - -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's -goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg-tm and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at -www.gutenberg.org Section 3. Information about the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state's laws. - -The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the -mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its -volunteers and employees are scattered throughout numerous -locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt -Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to -date contact information can be found at the Foundation's web site and -official page at www.gutenberg.org/contact - -For additional contact information: - - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. 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Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. - -Most people start at our Web site which has the main PG search -facility: www.gutenberg.org - -This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. - diff --git a/old/60635-0.zip b/old/60635-0.zip Binary files differdeleted file mode 100644 index e002dfd..0000000 --- a/old/60635-0.zip +++ /dev/null diff --git a/old/60635-h.zip b/old/60635-h.zip Binary files differdeleted file mode 100644 index 582504e..0000000 --- a/old/60635-h.zip +++ /dev/null diff --git a/old/60635-h/60635-h.htm b/old/60635-h/60635-h.htm deleted file mode 100644 index dc61e1f..0000000 --- a/old/60635-h/60635-h.htm +++ /dev/null @@ -1,3982 +0,0 @@ - -<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN" -"http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd"> -<html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" lang="fr" xml:lang="fr"> -<head> - <meta http-equiv="Content-Type" content="text/html;charset=utf-8" /> - <meta http-equiv="Content-Style-Type" content="text/css" /> - <title>The Project Gutenberg eBook of Les Parisiennes d'à présent, - by Georges Montorgueil</title> - <link rel="coverpage" href="images/cover.jpg" /> - - <style type="text/css"> - -body { background-color: #e2d6c2;} - -/* Titre */ -h1 {text-align: center; 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll -have to check the laws of the country where you are located before using -this ebook. - - - -Title: Les Parisiennes d'à présent - -Author: Georges Montorgueil - -Illustrator: Henri Boutet - -Release Date: November 5, 2019 [EBook #60635] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES PARISIENNES D' PRÉSENT *** - - - - -Produced by Clarity, Hans Pieterse and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - - - - - -</pre> - - -<hr class="full" /> - -<p class="ssrf nobreak noind"><a href="#note">Au lecteur</a></p> - -<div class="figcenter screenonly"> - <img src="images/cover-s.jpg" alt="" title="" width="387" height="600" /> -</div> - -<p class="sep4 cent esp lsep"><span class="cs20">LES PARISIENNES</span><br /> -<span class="cs12">D’A PRÉSENT</span></p> - -<p class="sep4 cent">JUSTIFICATION DU TIRAGE</p> - -<hr class="hr10" /> - -<p class="cent"><i>Cet ouvrage et été tiré à huit cent dix exemplaires -numérotés:</i></p> - -<p class="hang cs8">N<sup>os</sup> 1 à 60.—Exemplaires sur papier des Manufactures impériales -du Japon avec tirage à part sur chine -de toutes les illustrations.</p> - -<p class="hang cs8">N<sup>os</sup> 61 à 810.—Exemplaires sur beau papier vélin.</p> - -<p class="sep2 cent">N<sup>o</sup> [<b>684</b>]</p> - -<p class="sep3 cent sepb4">Tous droits réservés.</p> - -<div class="figcenter"> - <img class="border" src="images/title.jpg" alt="" title="" width="533" height="800" /> -</div> - -<div style="width: 20em; padding: 2em; margin: 2em auto; - text-align: center; border: 3px solid #dcb;"> - -<p class="cent cs8 lsep"><i>L’ANNÉE FÉMININE</i><br /> -(1896)</p> - -<h1>LES PARISIENNES<br /> -D’A PRÉSENT</h1> - -<p class="sep2 cent cs8 esp">TEXTE DE GEORGES MONTORGUEIL</p> - -<p class="sep2 cent lsep esp"><span class="cs6">ILLUSTRATIONS<br /> -DE</span><br /> -<span class="cs8">HENRI BOUTET</span></p> - -<p class="sep3 cent">PARIS</p> - -<p class="cent esp cs8 lsep">H. FLOURY, LIBRAIRE-ÉDITEUR<br /> -<span class="cs6">1, BOULEVARD DES CAPUCINES, 1</span></p> - -<p class="cent esp cs8">1897</p> - -</div> - -<div class="figleft" style="width: 600px; height: 480px;"> - <img src="images/illus_005.jpg" title="" alt="" width="600" height="629" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 200px; height: 115px;"> </div> - -<p><i>La femme était la femme et s’estimait -ambitieuse à prétendre l’être assez. -Elle se gardait de disputer à -l’homme ses apanages, ne se souciant -que des siens. Il lui était suffisant de s’exercer à -l’art de plaire ou d’aimer: par expériences et récits -d’aïeules, connaissant que l’amour est le souverain -maître qui asservit à ses lois jusqu’aux lois. Il lui -est venu d’autres visées. Elle prétend à une émancipation -sociale et politique qui l’égalera à l’homme -en droits. C’est l’assaut livré au vieux code et au -vieil usage.</i></p> - -<p><i>Les années 1896-97 marquent une étape décisive -dans cette direction.</i></p> - -<p><i>Cependant le mouvement féministe n’est pas tout -<span class="pagenum">2</span> -le mouvement féminin. La vie parisienne a sacrifié -comme devant aux agitations qui lui sont chères, aux -imprévus de la mode, du goût et du scandale. L’observateur -qui note, au jour le jour, les multiples épisodes -dans lesquels la femme a joué un rôle essentiel -n’a été que surpris de voir quelle place la campagne -émancipatrice tenait tout à coup dans les esprits -et dans les faits.</i></p> - -<p><i>En sorte que son carnet, pour ce qu’il est simplement -fidèle, pourrait être dit le</i> Carnet d’un féministe.</p> - -<p><i>Et maintenant, pour les revendicatrices et les -autres, Boutet, à votre crayon! Enlevez de verve -vos croquis, durant qu’elles passent...</i></p> - -<p><i>—J’ai toujours pris mon temps, répond Boutet. -La femme est complaisante à qui s’attarde pour -elle; et j’en suis encore à trouver celle qui, se -sachant regardée, ne pose pas.</i></p> - -<div class="figcenter"> - <img src="images/illus_006.jpg" alt="" title="" width="600" height="367" /> -</div> - -<div class="figcenter"> - <img src="images/titre.jpg" alt="LES PARISIENNES D’A PRÉSENT" title="" width="500" height="172" /> -</div> - -<div class="figleft" style="width: 650px; height: 120px; margin-left: -50px;"> - <img src="images/illus_007.jpg" title="" alt="" width="408" height="650" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 230px; height: 100px;"> </div> - -<div class="lajust" style="width: 330px; height: 400px;"> </div> - -<p><b>2 Avril.</b>—Les femmes demandent, -et ce n’est que justice, -à prendre leur part de l’élaboration -des lois. Il y a des lois qui -président au mouvement -de leur toilette, à la forme -de leurs chapeaux, à l’arrangement -de leurs chignons, -à la mode de leurs -bijoux, elles les connaissent, -les subissent, et ne -les font pas.</p> - -<p class="sep2"><span class="pagenum">4</span> -<b>3 Avril.</b>—Le cheval est la plus noble conquête -de l’homme; la femme est la plus noble -conquête du cheval. Ces deux êtres: la femme -et le cheval, étaient faits pour se rapprocher. Chez -chacun, belle prestance, amour du collier, goût de -l’éperon et confiance dans les rênes à ne savoir, -sans rênes, où se diriger. Amazone, la femme est -la centauresse. En voiture, l’harmonie est parfaite -entre sa personne et l’attelage. Nul mécompte -n’était venu refroidir des rapports que les hippodromes -n’avaient que resserrés. Les nouvelles idées -d’émancipation—au cheval <ins id="cor_1" title="inconnu">inconnues</ins>—ont accusé -quelques divergences de caractère. La femme -refuse le mors, regimbe contre l’éperon et prétend -se conduire seule.</p> - -<p>Elle va en bicyclette. Elle ira demain en automobile—automobile -à son tour, indépendante -et se suffisant, sans maître, ni dieu.</p> - -<div class="figcenter"> - <img class="border" src="images/illus_009.jpg" alt="LES PARISIENNES D’A PRÉSENT" title="" width="497" height="700" /> -</div> - -<p class="sep2"><b>5 Avril.</b>—Un prestigieux poète, M. Jean Lorrain, -a conté un conte délicieux que de belles -filles miment aux Folies-Bergère, <i>l’Araignée d’or</i>. -L’araignée est M<sup>me</sup> Liane de Pougy.</p> - -<p>Elle n’est pas de Pougy. En entrant en galanterie, -<span class="pagenum">6</span> -après un court noviciat sous son nom -d’épouse, elle a pris ce titre. Mais si elle n’est de -Pougy elle est bien Liane pour sa souple beauté -et ses enlacements.</p> - -<p>Elle a tendu sa toile sur Paris. Les moucherons -s’y prennent, fascinés, englués, dans les fils invisibles -et ténus, depuis le petit fondeur chaud comme -caille, jusqu’à l’immortel qui donne le spectacle -depuis qu’il n’en fait plus.</p> - -<p>Oh! oui, l’araignée d’or, fait de tout l’or qu’elle -aspira et qu’elle dégorge.</p> - -<p>Sa fonction est nettement sociale. Un tel être -inassouvi et charmant est appelé à l’heure voulue. -Une fortune s’est édifiée, scandaleuse, de l’épargne -de tous perfidement drainée. L’habileté financière -en a fait un bloc qui échoit à quelque héritier naturel -mais médiocre. Pour le mériter, il ne s’est -donné que la peine de naître. Il est riche et connaît -l’embarras des richesses. Attends, petit, elle va -venir. Elle tendra sa toile. Tu y tomberas. Elle -sucera ton or. Et c’est par là qu’elle est nécessaire, -car elle le dégorgera ensuite aux quatre coins -de sa toile, de Paris, du monde. Liane est un puissant -moteur de justice sociale; elle refait la répartition. -Les tiens ont pris: elle rend.</p> - -<div class="figcenter" style="margin-bottom: 50px;"> - <img class="border" src="images/illus_011.jpg" alt="" title="" width="535" height="700" /> -</div> - -<div class="figleft" style="margin-left: -50px; width: 420px; height: 250px;"> - <span class="pagenum">8</span> - <img src="images/illus_012.jpg" alt="" title="" width="478" height="500" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 450px; height: 250px;"> </div> - -<p class="sep4"><b>8 Avril.</b>—A Maisons-Laffitte, -les jeunes -filles ont élu une rosière. -Cette localité goûte la -vie conjugale: on s’y -marie avec empressement. -On n’a pu trouver -que trente et -une demoiselles -au-dessus de vingt -ans qui fussent -en état de célibat, -ce qui est -tenu pour état de -virginité. Réunies -à la mairie, après quelques échanges de vues, -elles sont allées au scrutin.</p> - -<p>Les électeurs mâles imiteront ces mineures électrices -à qui l’exercice des droits civiques est refusé. -Ils connaîtront d’elles ce qu’est une campagne -électorale sans calomnies ni injures. Des femmes -que la loi n’admet pas à voter, ils apprendront à -pratiquer sagement le vote. Au second tour, sans -s’être couvertes de fange, les électrices avaient désigné -leur élue. Elle méritait cet honneur, travailleuse, -<span class="pagenum">9</span> -d’irréprochables mœurs, soutien des siens et, -de plus, jolie fille.</p> - -<p class="sepb2">Les femmes, en leurs comices, n’égarent point -leurs suffrages. Elles vont droit à celle que la logique -patronne: blanchisseuses de Paris qu’elles -élisent leur reine, ou célibataires de Maisons-Laffitte -leur rosière.</p> - -<div class="figclose"> - <img src="images/illus_013.jpg" alt="" title="" width="550" height="476" /> -</div> - -<p style="margin-top: 0;"><b>9 Avril.</b>—Les femmes sont réunies dans la -salle des Sociétés savantes. Elles tiennent un Congrès. -C’est un spectacle que les esprits superficiels -espéraient folâtre. Quelques jeunes gens, en hostilité -de la femme émancipée ou par amour du -<span class="pagenum">10</span> -boucan, se groupent au sommet de l’amphithéâtre, -dans l’ombre. Ils s’en tiendront au rôle d’interrupteurs. -Il s’essaient dans quelques facéties; ils sont -quelconques. Les cris de bête leur sont plus naturels; -on s’y méprendrait.</p> - -<p>Au bureau, l’on voit déjà s’empresser l’active et -ordonnée M<sup>me</sup> Potonié-Pierre, la souple slave Marya -Cheliga, la fougueuse M<sup>me</sup> Bonnevial, l’intrépide -M<sup>me</sup> Vincent, si affairée qu’elle est toujours en -sueur. Les voix de la salle désignent pour la présidence -M<sup>me</sup> Pognon, à côté de M<sup>me</sup> Feresse Deraisme.</p> - -<p>M<sup>me</sup> Pognon est en sa plénitude agréablement -blonde; la voix douce et persuasive, élégante -d’expression. Son nom soulève une protestation -véhémente; deux bras se lèvent et s’agitent: une -vieille dame les mène. C’est M<sup>me</sup> Léonie Rouzade -lançant l’anathème. Elle dénonce le bourgeoisisme -de M<sup>me</sup> Pognon, propriétaire d’un <i lang="en" xml:lang="en">Family Hotel</i>. -Elle est tragique et sombre, et dans toute sa petite -personne sèche vêtue d’alpaga fait penser à un drapeau -noir flottant sur une barricade.</p> - -<p>A son côté, un vieillard se tient coi, peureux -comme un enfant. Il s’efface, très timide, les yeux à -terre, les mains aux genoux: c’est M. Rouzade. -<span class="pagenum">11</span> -M<sup>me</sup> Rouzade parle de l’état de servitude dans -lequel la femme est tenue par l’homme, ce despote,—et -son geste désigne M. Rouzade pelotonné -et muet.</p> - -<p class="sep2"><b>10 Avril.</b>—Notre statisticien officiel, M. Bertillon, -jette un cri d’alarme. La colonne des naissances -est cette année, pour la première -fois, inférieure à celle des décès. Au train -où nous allons, calcule-t-il, il n’y aura -plus de Français en France dans deux -siècles.</p> - -<div class="figright" style="width: 355px; height: 1px;"> - <img src="images/illus_015.jpg" alt="" title="" width="405" height="600" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 160px; height: 140px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 360px; height: 140px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 330px; height: 300px;"> </div> - -<p>La faute en est aux -mœurs. On n’a point -d’enfants parce qu’on -n’en veut point. Le couple -est un maximum; -au-dessus, le gendre est -suspect d’inconvenance -et la bru se fait remarquer.</p> - -<p>La maternité n’impose -plus le respect. Les anciens -s’écartaient sur le -<span class="pagenum">12</span> -passage des femmes enceintes; nous faisons des -mots sur leur tournure. Les femmes ne sont pas -les dernières à ridiculiser les déformations physiques -d’une taille que la maternité élargit. Elles -raillent autrui et sont confuses, d’elles-mêmes. -«Non, moi, ce que j’ai l’air, ma chère, avec ça. Je -n’ose pas sortir.»</p> - -<p>Les femmes plus actives à se répandre en des -tâches qui les appellent à l’extérieur, assujetties -aux heures fixes et publiques des emplois, sans -même les scrupules frivoles de la coquetterie, affectent -la crainte des maternités répétées. Ce sont des -accidents dont leur situation risque de souffrir, -tuant leur gain. Quand leur cercle d’action se restreignait -au foyer, elles ignoraient ces affres légitimes.</p> - -<p>Une autre cause d’émancipation a frappé la -femme de stérilité. Elle a repoussé comme humiliantes -et seulement dignes d’Agnès les pudeurs réservées -à l’épouse. Elle s’est affranchie du respect -par où le mari la distinguait des cyniques maîtresses. -Il lui épargnait les privautés stériles et les -bonheurs énervants, et tout le piment des étreintes -blasées. Soupçonnant d’autres choses, éduquée -par les propos des coureuses d’avant-garde, ouverte -<span class="pagenum">13</span> -aux sous-entendus du livre, elle a voulu être initiée. -Elle l’est. Si savante désormais, elle ne redoute plus -le plaisir que le devoir complique. Sa maternité -est une surprise. «Les enfants qui nous viennent, -disait l’une d’elles, sont vraiment des petits rusés.»</p> - -<p>A chaque siècle sa philosophie. Les femmes du -<em>XVIII</em><sup>e</sup> lisaient Jean-Jacques. C’est la brochure de -Malthus-Robin qui occupe le chevet des nôtres. -Elles ont une excuse: ce sont les hommes qui -la leur ont apportée.</p> - -<p class="sep2"><b>11 Avril.</b>—Le congrès féminin épuise un ordre -du jour trop copieux. Il a mis à l’étude des -questions qui ne se passent point de la connaissance -du Code. D’où des discussions âpres et confuses. -Les étrangères, venues nombreuses, sévères et dignes, -point banales, emporteront de cette assemblée -une impression désenchantée. La faute en est -aux hommes plus qu’aux femmes. Ils sont envahissants. -Ils discourent, sonores, fastidieux et vides, -et allongent les débats sans les éclairer.</p> - -<p>Les femmes les souffrent, par orgueil. L’émancipation, -qui passa longtemps pour disgraciée et -inapte à plaire—si ce n’est à M. de Gasté—n’est -point fâchée de ses -conquêtes. Ses congrès -ne sont encore -que des flirts, et elle -y affiche volontiers -ses amants.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; width: 407px; height: 700px;"> - <span class="pagenum">14</span> - <img src="images/illus_018.jpg" alt="" title="" width="407" height="700" /> -</div> - -<p><b>17 Avril.</b>—Au -banquet qui a suivi -les travaux du congrès -féminin, M<sup>me</sup> -Pognon a porté un -toast à la bicyclette.</p> - -<p>C’est par la bicyclette -que se fera -l’émancipation de la -femme. L’œuvre -d’affranchissement -est en bonne voie. -La bicyclette égalitaire -et niveleuse a créé un troisième sexe.</p> - -<p>Ce n’est pas un homme, que ce passant en culotte -bouffante, le mollet libre, la taille dégagée -et coiffée d’un canotier ou d’une tyrolienne, ou -<span class="pagenum">15</span> -même d’une simple casquette de chef de gare. Est-ce -une femme?</p> - -<p>Le pied hardi, la démarche vive, les mains -dans les poches, vaquant à son gré et sans compagnon, -s’attablant aux terrasses, les jambes croisées, -le verbe osé: c’est une bicycliste.</p> - -<p>C’est la femme affranchie du décorum, délivrée -de la tapisserie de Pénélope qui n’avançait pas; -lancée à l’aventure, loin du nid; agrémentée d’organes -de métal préjudiciables aux autres. Elle a -gagné sur sa bécane le procès du costume. Elle se -vêt en homme, et ses jambes devenues manivelles -ont activé la roue qui la déplace.</p> - -<p>«A la bicyclette! a dit M<sup>me</sup> Pognon, qui a le -toast spirituel et franc; à celle qui nous libérera!»</p> - -<p class="sep2"><b>30 Avril.</b>—«VERNISSAGE, <i>s. m.</i>, action de -vernir, résultat de cette action. <span class="smcap">Vernir</span>, enduire de -vernis. <i>Vernir des cuirs</i>, <i>vernir un parquet</i>, <i>vernir -des tableaux</i>.» (Dictionnaire Larousse.) J’ai été -au vernissage—comme tout le monde. Je n’ai vu -vernir ni des tableaux, ni des cuirs, ni des parquets. -Qu’est-ce qu’un vernissage où l’on ne vernit -point? Attendez. Le dictionnaire nous révèle encore que -<span class="pagenum">16</span> -<i>vernir</i> se dit au figuré et signifie donner -une apparence flatteuse, brillante: «les éloges des -journaux vernissent les auteurs et leurs ouvrages».</p> - -<p>C’est bien un vernissage que la répétition générale -du Salon, seulement ce ne sont pas les tableaux, -mais les peintres que l’on vernit—<i>Vernir, -donner une apparence flatteuse, brillante</i>.—«Mon -cher, tous mes compliments: c’est un morceau -admirable.—Tu sais... là, sans blague... eh bien, -ta machine, ça y est!»</p> - -<p>C’est dans le grand hall, dont les jours sont -comptés, l’éclosion annuelle de fleurs rares, de -fleurs étranges, de nuances qui affolent, de parfums -qui grisent. La mode, ce jour-là, est là, toute audace -dehors. Elle se lance. Ce que la fantaisie peut -rêver, elles l’ont rêvé, les Parisiennes si excentriques -avec tant de justesse et si mesurées dans -ce qui est sans mesure. On les regarde; non les -œuvres.</p> - -<div class="figcenter"> - <img class="border" src="images/illus_021.jpg" alt="" title="" width="480" height="700" /> -</div> - -<p>Les statues ne sont point jalouses des hommages -prodigués aux modèles. Elles disent: «Faites-vous -admirer, beautés éphémères: vous n’avez qu’un -jour. Le temps a pris hypothèque sur vos lignes -orgueilleuses. Nous avons l’immortalité possible. -Les ans destructeurs ne nous réservent pas le -<span class="pagenum">18</span> -chagrin des décrépitudes. Nous irons aussi loin -qu’il plaira à la destinée, toujours aussi jeunes, et -si nous fûmes conçues dans la perfection, toujours -aussi parfaites. Vous serez moins qu’une poignée -de cendres, que nous nous dresserons encore pour -l’admiration des hommes dans la splendeur intégrale -de nos chastes nudités.»</p> - -<p>On pourrait répondre à ces filles de marbre -qu’elles sont bien vaines de s’imaginer revivre -pour elles seules. Elles ne seront que le reflet de -la beauté défunte de nos contemporaines. Elles -témoigneront devant les siècles futurs quelles -enchanteresses de l’art étaient les femmes à chapeaux -extravagants, en robes fourreau et à plis -mystiques, qui vivaient en l’an 1895, quand, devant -l’artiste, elles n’avaient ni chapeaux extravagants, -ni robes à fourreau à plis mystiques.</p> - -<p>On chuchote, on se pousse devant la Danseuse -de Falguière, qui n’a que ses oreilles vêtues et -de leurs bandeaux. On dit le nom du modèle, -célèbre à l’Opéra. C’est un portrait. «Nue, toute -nue... Oh! serait-ce possible? elle aurait posé -nue!»</p> - -<p>Et tout le corps de ballet, saisi d’une pudeur -collective, pique un fard.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -50px; width: 50px; height: 100px;"> - <span class="pagenum">19</span> - <img src="images/illus_023.jpg" alt="" title="" width="343" height="600" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 170px; height: 40px;"> </div> - -<div class="lajust" style="width: 220px; height: 260px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>9 Mai.</b>—Des fleurs qui font peur, ces orchidées. -Magnifiques et hideuses. Leur turgescente splendeur -est comme l’aveu éhonté d’un sexe. Elles ont -des couleurs nacrées d’entrailles, -des bleus gris d’intestins -chauds, des -pourpres de sang fumant. -On ne saurait -dire si elles sont nées -sous les baisers du -printemps ou le scalpel -de Dupuytren. -Elles ne fleurissent -pas: on les opère. -Elles sont comme -autant d’exceptions -pathologiques. Il y a -là des anomalies et des interversions. Dans la -tiédeur moite des serres fiévreuses, comme des -rêves malsains ont rampé leurs tiges; la fleur s’y -ouvrit, quelque désir l’y invitant. Et elle apparut -dans sa gloire, obscène et pâmée.</p> - -<p>Une femme approche-t-elle sa bouche de ces -corolles de luxure, sans que passe devant nos yeux -l’image des cités maudites aux caresses perdues?</p> - -<p class="sep2"><span class="pagenum">20</span> -<b>12 Mai.</b>—Il y a une question de Mérode, -comme il y a une question d’Orient. Cette «danseuse» -du Salon dont le corps frissonnant de -vie est d’une humaine, est-ce Mérode sans voile? -La ballerine a-t-elle renouvelé, pour Falguière, -l’audace de Pauline Borghèse posant devant Canova? -Le sculpteur le nie, et le modèle, en -pleure, toute confuse de ces clameurs, qui atteignent -à l’aigu.</p> - -<p>Elle ne cherchait point le scandale, c’est le -scandale qui l’a cherchée. Petit être d’ingénuité -et de charme, dans ses clairs regards, où la calomnie -met des perles, on lit la sérénité persistante -d’une âme d’enfant.</p> - -<div class="figcenter"> - <img class="border" src="images/illus_025.jpg" alt="" title="" width="449" height="700" /> -</div> - -<p>Elle s’effarouche de ce fracas malveillant, car son -front apparu entre les rideaux noirs de ses cheveux -est un front qui rougit encore.</p> - -<p>Elle n’a point posé. Elle le dit. Sa dénégation -esquisse les gestes grêles et un peu javanais que -nous connaissons à la danseuse de marbre. Eût-elle -même posé que nos railleries se devraient taire—nos -railleries banales qui la harcèlent.</p> - -<p>Se dévoiler? Et après? N’est-ce pas revenir à la -chaste et robuste nature? Mérode se lamente, et de -quoi? Vêtue, elle est belle; nue, elle serait la Beauté.</p> - -<div class="figcenter"> - <span class="pagenum">22</span> - <img class="border" src="images/illus_026.jpg" alt="" title="" width="594" height="596" /> -</div> - -<p><b>20 Mai.</b>—M<sup>lle</sup> Couesdon prédit toujours, monorime, -l’avenir entre ses repas.</p> - -<div class="poem"> - <div class="verse">Un trésor est caché</div> - <div class="verse">De grands maux vont arriver</div> - <div class="verse">Un prince blanc s’est montré</div> - <div class="verse">Y a du sang sur le plancher;</div> - <div class="verse">C’est dans l’estomac que vous souffrez;</div> - <div class="verse">Bonsoir, l’ange est fatigué.</div> -</div> - -<p>Le public aussi, semble-t-il. Puis, à Tilly, on -parle d’une vachère à qui la Vierge est apparue. -La foi qui court au nouveau miracle délaisse un -peu l’ancien.</p> - -<p class="sep2"><span class="pagenum">23</span> -<b>22 Mai.</b>—<i>L’Avant-Courrière</i> obtient de la -Chambre une significative réforme. La femme, -dans un prochain avenir, pourra disposer de son -salaire.</p> - -<p>N’était-il point choquant de penser qu’un -homme paresseux et brutal, fût-ce pour l’aller -boire au cabaret, pouvait exiger du patron le gain -de l’épouse?</p> - -<p>Il convient de distinguer entre ce que la loi permet -et ce que les mœurs réprouvent. Le peuple a sa -moralité particulière qui est sa loi constante, sa -jurisprudence usuelle; et il était admis que l’ouvrière -touchât son gain. Le mari, usant d’un droit -inique, passait à l’état d’exception. L’exception -même c’était trop: d’accord. Les femmes la font -disparaître: c’est une victoire.</p> - -<p>Mais cette victoire n’aura de résultat qu’en ce -sens qu’elle sera symbolique.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; width: 404px; height: 120px;"> - <img src="images/illus_028.jpg" alt="" title="" width="404" height="551" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 280px; height: 430px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>27 Mai.</b>—Quelles sont les trois plus belles de -nos actrices? a demandé l’<i>Éclair</i>. Paris, s’étant -mis un accent circonflexe sur l’a, a consenti, comme -jadis le berger du Mont Ida, à attribuer la pomme -à la plus belle. Le suffrage universel a désigné -<span class="pagenum">24</span> -Cléo de Mérode, Vanda de Boncza et Sybil-Sanderson,—trois -étrangères de naissance ou d’origine.</p> - -<p>Les juges s’en sont -tenus aux traits d’une -photographie, Brantôme -voulait, pour se prononcer, -un plus vaste champ -de comparaison. Il ne disait -belle femme que celle qui -avait trois choses blanches: -le teint, les jambes et les -dents; trois rondes: le cou, -l’avant-bras et les chevilles; -trois larges: le front, les -yeux, les hanches; trois -petites: les oreilles, la poitrine et... Si minutieux, -rencontrait-il jamais la beauté parfaite? Non, -sans doute, mais il se donnait tant de plaisir à la -seulement chercher—surtout la dernière.</p> - -<div class="figright" style="width: 300px; height: 580px;"> - <img src="images/illus_029.jpg" alt="" title="" width="386" height="600" /> -</div> - -<p class="sep2"><b>28 Mai.</b>—Le miracle est à Tilly-sur-Seules. -Une gardeuse de vaches a audience de la Vierge. -Le rendez-vous est dans un champ, près d’une haie -<span class="pagenum">25</span> -qui se vêt d’une vapeur mystérieuse. La voyante -n’est point quelque nonne diaphane qui, d’avoir -fleuri la mère immaculée, dans son rêve enfantera -la virginale image; c’est une fille épaisse et vulgaire, -libre en ses propos d’étables. Elle vaque aux -soins des bestiaux, remue son fumier, et sa fourche -au repos, vient au champ. Elle s’y agenouille, et -l’expression commune de sa face s’éclaire, s’idéalise. -Dans l’extase qui la transfigure, ses yeux -s’emplissent du divin. Elle commence, entre ses -dents qui se choquent, des -mots entrecoupés dans lesquels -on croit comprendre -que la Vierge est là. La -vierge s’en retourne, et les -prunelles de la voyante suivent, -angoissées, sa fuite -dans le ciel.</p> - -<p>C’est fini. L’extatique est -redevenue la vachère. Les -fervents la pressent de questions. -Elle s’y dérobe, rude et -brutale. De son extase, il ne -lui reste qu’une lourde migraine.</p> - -<p><span class="pagenum">26</span> -O jeune fille élue entre les élues, ô toi, à qui la -vierge apparaît; ô toi, qui as l’ineffable douceur de -recueillir le son de sa voix, donne-nous de ta jouissance -céleste une impression qui te vienne du souvenir.—«J’ai -qu’la tête è m’pète! et pis v’là!»</p> - -<p class="sep2"><b>30 Mai.</b>—Le Congrès féminin de Berlin est, -disent les journaux, d’une tenue parfaite. Les -femmes de France y sont allées; elles s’y expriment -convenablement. L’auditoire, privé du concours -des spirituels de profession, écoute, faisant crédit -aux doctrines confuses, aux rêves nébuleux. Les congressistes -motionnent, fiévreuses, touchantes par -leurs bonnes intentions. C’est un grand pas en avant.</p> - -<p>Si la femme tout de même triomphait, qu’adviendrait-il?</p> - -<p>On se le demandait, en lisant les dépêches de -Berlin, ce soir, dans une brasserie du faubourg -Montmartre, où les noctambules s’achèvent. L’un -après l’autre, on dévisageait sous le masque blafard -des stériles fatigues les buveurs qui étaient là, -stupides, niais, alcooliques invétérés. Pas un qui se -souciât des fiers problèmes que, là-bas, les femmes -agitaient, pas un que l’avenir de sa race troublât.</p> - -<p><span class="pagenum">27</span> -C’étaient des électeurs—à part deux ou trois -récidivistes qui, ayant fait pis que pendre, en -étaient réduits à être traités comme des femmes. -Tout ça votait; mais les mères exactes, les épouses -régulières et les jeunes filles instruites ne votent -pas. Elles n’ont pas à prétendre à un privilège -dont la loi n’écarte ni les imbéciles, ni les ivrognes, -ni tous ces mâles qui étaient là et qu’on n’aurait -pas voulu rencontrer la nuit au coin d’une urne.</p> - -<p class="sep2"><b>1<sup>er</sup> Juin.</b>—Ce ne sont point les idées qui manquent -aux femmes: quand elles n’en ont pas, il y -a toujours quelqu’un qui leur en donne.</p> - -<p>M<sup>me</sup> Duclerc se flatte d’en avoir une qui est macabre -mais peu banale.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; width: 100px; height: 80px;"> - <img src="images/illus_032.jpg" alt="" title="" width="413" height="500" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 270px; height: 160px;"> </div> - -<div class="lajust" style="width: 330px; height: 80px;"> </div> - -<div class="lajust" style="width: 190px; height: 180px;"> </div> - -<p>Au concert baptisé du nom de la dame de céans, -la chanteuse qui commence la série des chants -reste la bouche ouverte, sans émettre la fausse note -qui constitue l’originalité de son répertoire. Là, -devant elle, un pendu se balance.</p> - -<p>C’est une trouvaille de la patronne. Son pendu -est resté vingt-huit jours pendu à Marseille; mais -il est aujourd’hui dans la territoriale des pendus, -et il ne fera que treize jours. Après quoi, quand on -<span class="pagenum">28</span> -le décrochera, peut-être bien qu’il ne sera pas mort.</p> - -<p>Le monde distingué accourt à cette merveille. -On s’informe auprès de -M<sup>me</sup> Duclerc des particularités -physiologiques de -ce phénomène. Les dames -surtout sont avides de détails -précis. «Dis donc, -Duclerc, est-ce que -c’est vrai, ce qu’on -dit des pendus?—Oui, ma chère, répond -la brune enfant, mais seulement -quand il me regarde.»</p> - -<p class="sep2"><b>4 Juin.</b>—De s’être serrée à l’excès, une Anglaise -est morte. Le coroner a défini cet accident: «Lent -suicide par coquetterie».</p> - -<p>C’est le procès du corset, un bien vieux procès -et, comme tant de choses dont le corset s’autorise -pour se dire utile, toujours pendant. Montaigne -le prouva qui disait: «J’en ai vu se travailler à -poinct nommé de ruyner leur estomach pour acquérir -les pasles couleurs. Pour faire un corps bien -espagnol quelles géhennes ne souffrent-elles. Guindées -<span class="pagenum">30</span> -et cenglées a tout de grosses coches sur les -costés jusqu’à la chair vive? Ouy, quelquefois à en -mourir».</p> - -<p>Beaux raisonnements mais superflus, d’autant -que la médecine n’est pas hostile au corset. Le -docteur Lutaud le permet. La doctoresse Gaches-Sarraute -aussi, s’il est de sa façon. Torturée, la -femme sourit à sa torture. En matière d’atours, -pour elle, même où il y a de la géhenne il y a du -plaisir.</p> - -<div class="figcenter"> - <img class="border" src="images/illus_033.jpg" alt="" title="" width="533" height="700" /> -</div> - -<p><b>6 Juin.</b>—Le boulevard est consterné. Sur le -mode mineur, les camelots crient le suicide de Liane -de Pougy. Est-ce possible? On veut douter. L’évidence -impose son crédit. C’est vrai, notre courtisane -nationale, dans une crise de dégoût, a résolu -de quitter le monde. Elle a dit adieu à sa femme -de chambre. Et comme les oiseaux se cachent pour -mourir, elle est allée demander à une honnête amie -un lit honnête. Elle a écrit à sa mère, de sa plume -bien stylée, un billet signé de son nom d’enfant. -Et à ses lèvres, qui avaient fait du baiser une entreprise -fructueuse, elle a porté la fiole mortelle.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -20px; width: 260px; height: 660px; - margin-bottom: -200px;"> - <span class="pagenum">31</span> - <img src="images/illus_035.jpg" alt="" title="" width="505" height="700" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 600px; height: 200px;"> </div> - - -<p>... Elle se coucha: elle attendit. Les amants, au -rendez-vous de ses draps, se hâtaient d’accourir, la mort -est plus capricieuse. Au petit jour, elle s’étonna -de vivre et en fut charmée. -L’amie stupéfaite, -manda un médecin. -Paris, plusieurs fois dans -cette journée, fit prendre -des nouvelles. Elle -sourit à tout ce dont elle -avait dit avoir la nausée, -remercia les rivaux -sans jalousie de son -cercle d’adorateurs, s’amusa -des dépits que sa -fausse sortie lui fit connaître. -Elle reparut aux -flambeaux du festin -peut-être un peu plus -pâle, mais soulagée d’un gros poids: elle avait -vomi.</p> - -<p><span class="pagenum">32</span> -Pour ces natures délicates, le désespoir a du bon. -Elles se suicident et n’en meurent pas; mais elles -se purgent.</p> - -<p class="sep2"><b>7 Juin.</b>—C’est une chose bien connue des étalagistes. -Les mêmes objets par le groupement gagnent -en intérêt. Une boîte de sardines isolée n’est -rien: des boîtes de sardines alignées, c’est une -féerie. Une petite Barrison toute seule, c’est aimable -sans plus; cinq sœurs Barrison ensemble, -c’est ravissant.</p> - -<p>Cette grâce de la multiplication avait échappé -aux mathématiciens, non aux impressionnistes. -Cinq têtes blondes qui dodelinent, cinq jupes qui -se retroussent, cinq paires de jambes qui jacassent, -cinq paires d’yeux qui marivaudent, cinq bouches -qui sourient juste et ne chantent pas de même. -Mais surtout, j’imagine, cinq femmes qui s’accordent—c’est -pour mettre une salle en délire.</p> - -<div class="figleft" style="width: 390px; height: 340px;"> - <span class="pagenum">33</span> - <img src="images/illus_037.jpg" alt="" title="" width="464" height="700" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 275px; height: 260px;"> </div> - -<p>Quel homme eut l’idée géniale d’exploiter l’attrait -de la similitude? Son nom? Son nom: -M. Fleron flaira le succès dans les rues de -New-York en voyant -passer cinq petites -filles vêtues -toutes de -même. C’étaient -les sœurs Barrison.—Déjà!—Il -fit des propositions -à la famille, obtint -d’exhiber ces enfants. Il -leur enseigna auparavant -le pouvoir d’un bas bien -tiré, d’un pantalon bouffant -aux bons endroits, -d’une chemise dont l’épaulette -retombe et -s’arrête à temps. Il les -produisit. On applaudit.</p> - -<p>Elles grandirent, et leur perversité innée de -fillettes puisa dans sa science une grâce toujours -plus ingénue. Il épousa alors l’aînée, Lona, et fut le -barnum des quatre autres, Sophia, Inger, Olga et -Gertrude.</p> - -<p>Tous les soirs, dans les coulisses, sa vigilance précieuse -s’attarde aux plus minutieux détails. Rien -<span class="pagenum">34</span> -n’échappe à son œil attendri. Il remonte une jarretière, -descend un fichu, fait répéter le geste du -jupon dont la dentelle encadrera l’encre des bas et -la sauce crevette du maillot, qu’il veut très fidèlement -tendu sur les cuisses.</p> - -<p>N’est-ce point sa femme? Sont-ce point ses -belles-sœurs? Direz-vous encore -que l’esprit de famille -se perd?</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; width: 310px; height: 120px;"> - <span class="pagenum">31</span> - <img src="images/illus_038.jpg" alt="" title="" width="478" height="600" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 320px; height: 430px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>6 Juin.</b>—On -ne porte que du -bleu. Le bleu est -décrété. C’était -du moins l’opinion -à midi. Mais -il est le quart, et -l’on édicte que -le rouge—tel -rouge d’un ton -précis de truite -et d’orangeade—est -seul admis -aux honneurs du -<span class="pagenum">35</span> -chic. Le vert, cependant, marié au violet...</p> - -<p>—Où cours-tu si vite, jeune modiste?</p> - -<p>—Je me hâte toujours à l’aller, Monsieur, de -crainte que la mode du chapeau que je livre ne -passe en chemin.</p> - -<p class="sep2"><b>7 Juin.</b>—Ce jour-là fut livré, en un bois situé -à Boulogne, près Paris, un combat mémorable.</p> - -<p>On s’attendait à un engagement sérieux dans -l’après-midi. Les curieux étaient venus en grand -nombre, alléchés par le spectacle de la lutte. -L’affaire promettait d’être chaude, surtout qu’il -faisait 25 degrés à l’ombre. La prévoyance des -assaillants avait installé d’énormes dépôts de munitions. -Vers quatre heures se dessinèrent les -premiers mouvements de troupes. Alors, chacun -de se dire: «Tout à l’heure, ce ne sera pas tout -roses.» Ce qui était d’autant plus exact qu’il devait -y avoir d’autres fleurs.</p> - -<p>La lutte était circonscrite entre les troupes à -pied, celles à cheval et celles en voiture. Il n’était -que cinq heures quand le premier projectile décrivit -une courbe élégante, à trajectoire qui sentait -bon. Il atteignit en plein corsage une admirable -<span class="pagenum">36</span> -jeune fille, victime du devoir, dont le nom est resté -inconnu.</p> - -<div class="figclose"> - <img class="border" src="images/illus_040.jpg" alt="" title="" width="594" height="404" /> -</div> - -<p>L’élan était donné, l’assaut fut impétueux. On -se criblait avec un zèle infatigable. Les troupes -féminines se faisaient remarquer par la maladresse -charmante de leur tir et par leur grâce. Un vieux -stratégiste constatait—lorgnette à l’œil—qu’il -n’est pas nécessaire qu’il pleuve toute la nuit pour -que les troupes soient fraîches.</p> - -<p><ins title="Quelles">Qu’elles</ins> étaient jolies et joliment équipées. La -vieille garde même, à défaut d’admiration, imposait -le respect pour sa vaillance et sa tenue.</p> - -<p>Le champ de bataille présenta bientôt l’aspect -d’un véritable champ de carnage. On se battait -<span class="pagenum">37</span> -presque corps à corps. Quelle lutte est plus excitante, -quand les deux sexes sont en présence! -Pivoines cramoisies, timides bleuets, obèses hortensias, -délicates roses rosées, étoilées marguerites: -c’était un feu roulant.</p> - -<div class="figright" style="width: 360px; height: 1px;"> - <img src="images/illus_041.jpg" alt="" title="" width="459" height="400" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 260px; height: 330px;"> </div> - -<p>Les munitions s’épuisaient, les assaillants aussi. -Puis le jour baissait. On avait -aux lèvres la prière de Josué: -«Soleil, arrête-toi sur -la vallée du Bas-Meudon».</p> - -<p>Mais ce fut la lutte qui -s’arrêta. Elle avait duré trois -heures. La victoire resta au -Bien. Mais la terre était -jonchée des cadavres sanglants -des roses, et les œillets -blessés agonisaient...</p> - -<p class="sep2"><b>16 Juin.</b>—Une femme vieille, laide et sordide a -été assassinée sur un grabat.</p> - -<p>En 1840 parut un livre intitulé: <i>les Belles -Femmes de Paris</i>, chapelet de laudatifs en l’honneur -des jolies Parisiennes de ce temps-là. Il y est -parlé d’une nouvelle venue dans la capitale qui est -<span class="pagenum">38</span> -baronne et bas-bleu. Lancée dans l’émancipation, -amie de George Sand, elle passe pour écrire des -vers et des œuvres en prose. Les thuriféraires qu’elle -prie à souper disent son esprit et sa beauté. Ils -tiennent sa noblesse pour irréductible. N’a-t-elle -pas pour oncle l’ancien ministre de Charles X? -C’est un Montbel; il l’ignore, mais elle ne l’ignore -pas. Elle porte, jeune fille, ce nom de Montbel; son -mari y joint le sien aussi ronflant, M. de Valley. -Personne ne s’avise de gratter le blason de l’époux. -Sa femme est baronne, va pour baronne. Une jolie -femme, à Paris, a les titres qu’elle veut,—il lui -suffit de les prendre.</p> - -<p>Rentrons chez la vieille assassinée, morte dans -la sanie, rongée de vermine, hideuse.</p> - -<p>La loi sait son nom. Cette morte, étranglée par -une société d’adolescents, est la baronne de Montbel-Valley. -C’est la muse au salon littéraire qui fut, -par ses charmes, reine de Paris sous Louis-Philippe.</p> - -<p>Que de traités superflus sur l’art d’être belle, -quand il n’en est point sur l’art de vieillir!</p> - -<p class="sep2"><b>14 Juin.</b>—On ne savait pas saint Médard si parfaitement -acquis aux courses. Pour le Grand Prix, -<span class="pagenum">39</span> -il a cru devoir suspendre le jeu de ses œuvres et de -ses pompes. Aurait-il d’autres tuyaux que des -tuyaux d’arrosage? Pas d’eau! Les femmes n’ont -fleuri l’hippodrome que de parasols.</p> - -<p>Foule inouïe, empressée et élégante. Le monde -officiel au grand complet; il ne manque pas un bouton -de guêtre... présidentiel. Est on venu pour le -gagnant? C’est douteux. Il n’est plus le héros de -jadis dont le nom se répercutait dans une acclamation -sans fin. On en parle comme d’un personnage -ordinaire. Les heureux qui ont eu le nez -de sa veine le traitent comme un billet de loterie -sorti au tirage. Cette année, ils sont courroucés. -«Quoi! ont-ils l’air de dire, nous avons aventuré -la forte somme -sur un candidat -si médiocre, et -c’est tout ce -qu’il rapporte! -Jouez donc des -veaux!»</p> - -<div class="figright" style="width: 400px; height: 1px;"> - <img src="images/illus_043.jpg" alt="" title="" width="500" height="426" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 330px; height: 380px;"> </div> - -<p>Ce n’est pas le -noble coursier -qui nous vengeait -de Waterloo. -<span class="pagenum">40</span> -D’ailleurs, les Anglais s’abstiennent. Le Jardin -de Paris s’en plaint. L’insulaire qui augmentait les -tarifs, prodigue dans le gain et généreux dans la -perte, ne franchit plus la Manche. Tout s’en va, -jusqu’au respect montré au vainqueur. Qui se soucie -de ses traits? Qui colle à la muraille le portrait -de sa monte. Autrefois, il suffisait de l’avoir bouchonné -pour être illustre. Un palefrenier de Gladiateur -faisait un beau mariage. Approcher du -vainqueur, le flatter, passer sur sa croupe en sueur -ses gants frais étaient une faveur insigne. Les -femmes n’adoptaient de couleurs que les siennes. -Qui d’elles portera cette année les couleurs d’Arreau? -Victorieux à peine applaudi, célèbre une -seconde, qui passe, qui est déjà passé...</p> - -<p class="sep2"><b>25 Juin.</b>—Lona Barrison s’est détachée du peloton. -Elle se montre seule, montée sur un bidet -blanc. Elle chante d’une voix acidulée comme un -bonbon anglais.</p> - -<div class="figclose"> - <img class="border" src="images/illus_045.jpg" alt="" title="" width="594" height="514" /> -</div> - -<p>A pied ou à cheval, les petites Barrison inspirent -des folies. Un gentilhomme autrichien s’est suicidé. -Avant de mourir, il exprima le vœu que l’une des -cinq sœurs Barrison accompagnât son convoi. Il a -<span class="pagenum">41</span> -été exaucé. La gazouillante oiselle a déposé sur son -cercueil un bouquet d’oranger. Cette fleur était le -commentaire du refus dont l’amoureux était mort. -C’était «l’impossible, mille regrets» des demandes -sympathiques qui excèdent la mesure.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; width: 260px; height: 270px;"> - <span class="pagenum">42</span> - <img src="images/illus_046.jpg" alt="" title="" width="474" height="700" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 290px; height: 100px;"> </div> - -<div class="lajust" style="width: 370px; height: 130px;"> </div> - -<div class="lajust" style="width: 210px; height: 160px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>8 Juillet.</b>—Devant la beauté sans voile de la -femme, M. Pierre Loys a chanté un cantique -renouvelé de la volupté grecque. -Hymne des pamoisons et des -enlacements, chœur des fatalités -charnelles, prière des lèvres -d’elles à elles incendiées, en la -symphonie littéraire qui a pour -titre <i>Aphrodite</i>, il a donné aux -Parisiennes le regret de n’aller ni -assez amoureuses, ni assez nues.</p> - -<p>Ces éphèbes sont sévères; ce -sont des ingrats. Au -vrai, son pastiche des -anciennes est conçu -d’après les modèles que -<span class="pagenum">43</span> -la vie plaça à portée de ses sens. Ce qu’il sait -de l’Aphrodite antique est ce qu’amoureuses et -nues, apprirent à ses curiosités printanières les -divers Chryséis que héla son baiser.</p> - -<p><i>Aphrodite</i>: c’est l’antiquité vue par le trou de -serrure d’une chambre d’hôtel du quartier Latin.</p> - -<p class="sep2"><b>10 Juillet.</b>—La Parisienne adopte en marchant -un nouveau geste. De la main gauche, elle saisit -largement l’étoffe des jupes dont elle se ballonne. -La marche accuse ce moulage callipyge dont on devine -que la fermeté n’est pas exempte de douceur.</p> - -<p>Henry Somm qui, par ses croquis au jour le jour, -continue La Mésangère, remarque que le mouvement -de coquetterie, chez la femme, s’est déplacé -depuis cent ans. Le <em>XVIII</em><sup>e</sup> siècle était tout à la -gorge qui était nue et s’offrait. La femme aujourd’hui -n’est préoccupée que de sa croupe. La croupe -est le centre de sa toilette, et par là même de ses -préoccupations.</p> - -<p class="sep2"><b>13 Juillet.</b>—Sous la protection du comte Robert -de Montesquiou, Douai a rendu un délicat hommage -<span class="pagenum">44</span> -à une femme, Marceline Desbordes Valmore.</p> - -<p>Ce fut une âme aimante qui souffrit. Elle -souffrait de qui souffrait. Elle avait mal à la douleur -d’autrui. Trop haute pour être d’un parti, elle -fut avec les vaincus de tous les partis, et, insouciante -de ses propres blessures, se pencha sur tous les -blessés. En poésie, elle n’était pas parmi ces ciseleurs -qui n’oublient, leur coupe ciselée, que d’y -exprimer le sang des grappes. Mais en la sienne -elle se plut à n’exprimer que le sang de ses veines.</p> - -<p>Paris l’a connue et méconnue. Cette muse éplorée -l’exaspérait. Quoi, toujours des sanglots, des -demandes de secours et des appels à la pitié! L’importune -qui troublait la noce! Toutefois, il a voulu -que sa pierre s’ajoutât à l’édifice douaisien. Il ne l’a -pas apporté d’une main pieuse, il l’a lancée avec sa -<ins id="cor_2" title="lire «fronde»?">ronde</ins>. Il s’est acharné à démontrer pour la circonstance -que l’épouse du pauvre Valmore avait -flirté avec M. de Latouche. Ce scandale fut la -souscription de Paris. C’est bien parisien.</p> - -<p>Coppée, Anatole France, Sarah Bernhardt ont -racheté cette action laide en parlant, tour à tour, -devant l’image qui représente la poétesse, «la tête -inclinée à gauche, a dit Coppée, pour écouter son -cœur».</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -20px; width: 230px; height: 400px;"> - <span class="pagenum">45</span> - <img src="images/illus_049.jpg" alt="" title="" width="247" height="500" /> -</div> - -<p class="sep2"><b>14 Juillet.</b>—On prenait la -Bastille. On prend les tailles. Ici -l’on danse; la cordialité des accueils -et leur facilité établissent -l’allégresse. On est en confiance; il -n’est jour où l’on s’aime plus vite -et pour le seul plaisir de s’aimer. -La galanterie le sait et fait relâche. -La Vénus Cloacine se donne congé et se répand -dans la foule, toute pensée commerciale bannie. -La gaîté est énorme et communicative. Elle décide -les bouderies qui capitulent à la lueur sautillante -des lampions. Il y a du tutoiement dans l’air. -Familiarité charmante qui rapproche et fusionne. -Les sages-femmes l’ont remarqué: c’est le jour -où le plus de petits citoyens datent leur entrée -dans le monde. Combien de femmes avouent, confuses -de l’impromptu: «J’avais rencontré son père -à un bal du 14 juillet!»</p> - -<p class="sepb2">Les mères de famille n’en prendront point qu’alarmes. -Il ne s’ébauche pas au son du piston, les -valses alternant avec la <i>Marseillaise</i>, que des -idylles douloureuses, mais aussi de sûres fiançailles. -On boit, on hurle, on danse. Les événements se -précipitent. Et l’amour prend la Bastille.</p> - -<div class="figclose"> - <span class="pagenum">46</span> - <img class="border" src="images/illus_050.jpg" alt="" title="" width="494" height="700" /> -</div> - -<p><b>21 Juillet.</b>—La vogue des vogues, qui la dira? -Pourquoi sont-elles si tyranniques et si brèves! -Pourquoi cette indifférence aujourd’hui pour ce -<span class="pagenum">47</span> -qui, hier, nous enfiévrait? La satiété ne serait-elle -que la limite de nos désirs?</p> - -<p>Nous avons eu les déshabillés au théâtre: des -petites femmes qui faisaient devant nous ce -qu’elles font chez chacun de nous. Elles ôtaient -leurs bas, dégrafaient leur corset, changeaient leur -chemise. Elles se levaient, se couchaient, se tubaient. -A ce spectacle, d’une banalité échouant -dans la bassesse, nous avions des frissons dont le -diagnostic eût été humiliant. Les moralistes -criaient: «C’est la fin d’une race.» Aux moralistes -on disait: «C’est le plein d’une mode; vous vous -indignerez encore qu’elle n’existera plus.» Elle -n’existe plus. Sommes-nous meilleurs? Sommes-nous -corrigés de l’obscène? Sommes-nous plus -purs? Le lit a quitté le théâtre. Le paravent est -replié. Les spectateurs sont revenus à la vertu pratique -de simplement s’être aperçus qu’ils n’étaient -que sots de payer à l’orchestre pour ne pas voir -ce qu’ils voient chez eux sans payer.</p> - -<p class="sep2"><b>27 Juillet.</b>—«Vous avez fait une étude sur -les <i>Déshabillés au théâtre</i>, me dit un député, -M. Georges Berger. C’est bien. Trouvez-vous -<span class="pagenum">48</span> -point qu’il serait légitime de la faire suivre d’une -étude sur celles qui les vinrent voir? On se plaît à -décrire des états d’âme: vous tenterait-il point, -l’état d’âme de cette femme honnête, curieuse de -filles en chemise et de chansons toutes nues? Elle -est souffletée dans sa pudeur et s’en amuse. Elle -a des minauderies pour les baladins des tréteaux -qui l’outragent dans sa féminité. Elle ne tolérerait -point qu’en son salon, fût-ce par inadvertance, un -homme lui manquât d’égards; et un malotru, sur -les petites planches, qui l’insulte et l’assimile aux -prostituées, la fait sourire. Dans des bouges où des -filles la tutoient, elle se frôle à des pierreuses et à -des ivrognes. Elle n’a pas même cette hypocrisie -qui était un hommage rendu par le vice à la vertu. -Elle va bravement, front découvert. A quoi bon? -elle ne rougit plus. Quelle âme est l’âme de cette -femme? Vous avez déshabillé l’interprète: déshabillez -la spectatrice.»</p> - -<p>Elle ne nous révélerait pas une femme inédite, -mon cher pays. La femme moderne est celle -d’hier et de demain. Nos aïeules allaient aux -Porcherons, et l’éloquence triviale de Ramponneau -n’ajoutait pas à leur fard le rouge de la -confusion.</p> - -<div class="figclose"> - <img class="border" src="images/illus_053.jpg" alt="" title="" width="576" height="700" /> -</div> - -<p><span class="pagenum">50</span> -Vadé les surprit au cabaret, apostrophées par -les blanchisseuses.</p> - -<div class="poem"> - <div class="verse">Quand zon va boire à l’Écu,</div> - <div class="verse">Tant pas tant tortiller des ...</div> - <div class="verse">Quand zon va boire à l’Écu</div> - <div class="verse">Tant pas tant tortiller du ...</div> -</div> - -<p>La Bruyère, avant lui, les avait coudoyées sur -les berges, pendant la saison des bains. En ces -temps candides, un costume mythologique était -admis: c’était les déshabillés à la Seine. La -Bruyère, aux promeneuses, de qualité, et seulement -assidues de ce lieu quand des tritons s’y ébattaient, -La Bruyère vit des éventails. Il n’en fut pas dupe. -Il en savait la soie transparente. On appelait ces -éventails pour nudités: «des lorgnettes».</p> - -<p>L’état d’âme d’une époque, serait-ce pas, mon -cher député, une très simple vieillerie qui s’appelle -l’âme de tous les temps?</p> - -<p class="sep2"><b>7 Août.</b>—Paris a fui—mais ne s’est pas fui. A -quatre heures de la Madeleine, il a porté ses vices, -ses caprices, ses obligations, ses contraintes, ses -tics, le conventionnel de ses mœurs et sa vie compliquée. -Cet exode s’appelle déplacement. Ce n’est -<span class="pagenum">51</span> -que cela: il s’est déplacé, il a -changé de place.</p> - -<p>Les habitudes empilées -aux bagages -avec les robes de ces -dames suivaient de -toute la vitesse du -train.</p> - -<div class="figright" style="width: 470px; height: 1px;"> - <img src="images/illus_055.jpg" alt="" title="" width="573" height="700" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 250px; height: 150px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 350px; height: 200px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 270px; height: 310px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>10 Août.</b>—La cantinière -du 2<sup>e</sup> zouaves, morte à Vichy, -est bien connue partout; mais -elle est inconnue au 2<sup>e</sup> zouaves. -La mère Ibrahim, disent -les zouzous, quès aco? On -consulte les vieux à qui ce -nom ne rappelle rien: les anciennes -cantinières de l’armée -d’Afrique n’en ont pas souvenir.</p> - -<p>On presse l’enquête qui ne livre pas la clef -du mystère. Il semble acquis que la mère Ibrahim, -cantinière au 2<sup>e</sup> zouaves, et décorée, n’était ni -Ibrahim, ni cantinière, ni du 2<sup>e</sup> zouaves, ni décorée. -<span class="pagenum">52</span> -C’était une jongleuse, qui vivait de ses tours. Le -dernier est bon.</p> - -<p>Sa légende héroïque est cependant à peine -ébranlée.</p> - -<p>Les légendes sont indestructibles. Nous avons -douté de l’authenticité de cette histoire. Quelqu’un -viendra demain qui réparera ce grand acte d’iniquité -et prouvera que la mère Ibrahim n’a jamais -mystifié ses contemporains.</p> - -<p>Elle aura un jour sa statue, faite avec le bronze -des canons qu’elle n’a ni pris—ni versés.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; width: 300px; height: 320px;"> - <img src="images/illus_056.jpg" alt="" title="" width="344" height="400" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 240px; height: 40px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>15 Août.</b>—La mer ne se flatte pas d’être aimée -pour ses beaux yeux glauques. La mer se sait un -prétexte et ne s’en fâche pas. Elle -monte sur la plage: sa grande voix y -est couverte par les potins. Il y a près -des cabines des gens dont elle n’a jamais -lavé les pieds et qui lui tournent -le dos. Ils sont occupés au défilé des -demoiselles sur les «planches»—ce -trottoir de Trouville. Elle s’estime -alors simple intruse et redescend -avec un air de murmurer, très -<span class="pagenum">53</span> -confuse et timide: «Si je vous gêne, faut le -dire?»</p> - -<div class="figright" style="width: 390px; height: 1px;"> - <img src="images/illus_057.jpg" alt="" title="" width="488" height="700" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 150px; height: 50px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 200px; height: 50px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 240px; height: 50px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 280px; height: 50px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 320px; height: 50px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 360px; height: 400px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>17 Août.</b>—Il a des ailes, il est frivole, il -est léger. De celle qui rêve, accoudée -dans la fraîcheur du soir, il -approche. Elle le chasse, il revient. -Sorti par la porte, il -rentre par la croisée, -ironique et dansant.</p> - -<p>Femme, qui que -tu sois, il est, sera -ou fut ton maître. Sa -flèche est acérée. Là! -te voilà prise. Irritée -et confuse, tu pleures, -tu souffres, tu -enfles.</p> - -<p>—C’est l’amour -qui l’a atteinte?</p> - -<p>—Non, c’est un -moustique qui l’a -piquée. L’existence est empoisonnée par toutes -sortes de ces petits cousins insinuants et perfides, -<span class="pagenum">54</span> -friands de nudités, et ne donnant -aux filles que des caresses -qui leur laissent des rougeurs.</p> - -<div class="figleft" style="clear: both; margin: 20px 0 0 -100px; - width: 320px; height: 520px;"> - <img src="images/illus_058.jpg" alt="" title="" width="513" height="700" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 260px; height: 20px;"> </div> - -<div class="lajust" style="width: 320px; height: 20px;"> </div> - -<div class="lajust" style="width: 320px; height: 20px;"> </div> - -<div class="lajust" style="width: 360px; height: 80px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>25 Août.</b>—Une petite boutique -d’horlogerie faubourg Saint-Honoré, -provinciale, grise et -discrète. Entrons. Au comptoir, -une vieille dame, comme on en -voit dans les images un peu -passées. Elle est d’avenante et -digne figure; le front sans ride -est couvert de neige. A travers -ses lunettes, elle examine, mécontente, -l’arrivant: c’est peut-être -un client, et cette espèce qui -erre, tatillonnant, d’un objet à l’autre, -et liarde, l’exaspère. «Vous -désirez?—Madame, rien...». -Elle se rassérène. «Je -venais vous parler -de Musset.—De -M. Musset; -<span class="pagenum">55</span> -asseyez-vous.»—Et sa figure s’éclaire, indulgente -et attentive.</p> - -<p>L’horlogère, au Bottin dame Martelet, fut jadis -cette Adèle Collin, qui a été la bonne de Musset. -«Sa gouvernante», précise-t-elle. Elle l’a assisté -dans ses crises dernières; elle lui a fermé les yeux. -Elle parle du maître qui n’est plus avec une admiration -humble, abondante en souvenirs, amoureuse -de la chère mémoire à laquelle elle continue -ses soins de servante dévouée.</p> - -<p>La chronique est pleine depuis quelques jours du -scandale de Venise. Elle a connu George Sand -à travers la souffrance du poète; elle lui est hostile. -Elle ne dit rien de nettement accusateur. Elle n’a -que guetté son grand homme aux petites choses. -Ce qu’elle souligne, ce sont les allées et venues -dans la maison. Elle a compté les belles dames et -soupçonné les extases, mais c’étaient des extases -très comme il faut. M. Musset n’aimait pas les -dévergondées de sentiment. Sa volupté avait ses -pudeurs.</p> - -<p>Sur Elle quelquefois, Lui s’est appesanti dans -ses fièvres: plaintes très douces comme des plaintes -d’enfant. Elle se les rappelle, et elle est dure à celle -qui tortura le plus ce grand nerveux, ignorant -<span class="pagenum">56</span> -qu’en l’amour il aimait surtout la torture d’aimer. -Adèle n’alla pas à Venise. Ce qu’elle connaît de la -liaison tourmentée, c’est la confidence des scènes -triviales; ces scènes de brouille dans des chambres -d’auberge, où l’amour se promène en marmotte et -le chandelier au poing. Il était plein de ces souvenirs -ridicules, le poète, quand la muse lui dit: -«Prends ton luth!» Et il fit la <i>Nuit d’Octobre</i>.</p> - -<p>La bonne dame, dans les paperasses et les lointains -de sa mémoire, remue devant nous, ces cendres. -Musset en sort plus grand. Par quel effort admirable -nous donna-t-il, avec la bassesse et la banalité de -ses propres disgrâces, l’illusion des maux sublimes -et, tout en étant inhumains, plus qu’humains?</p> - -<p class="sep2"><b>28 Août.</b>—Trois veuves vivaient en paix; l’ennui -survint, et voilà les feux d’un cercle allumés.</p> - -<p>Ces veuves, riches de loisir, disposant d’un hôtel -superflu contigu au leur, ont eu l’idée d’ouvrir, rue -Duperré, un cercle de femmes: <i lang="en" xml:lang="en">Ladies club</i>.</p> - -<div class="figclose"> - <img class="border" src="images/illus_061.jpg" alt="" title="" width="594" height="520" /> -</div> - -<p>C’est un nid capitonné, élégant, froufroutant. Il -est spacieux et intime. Une table d’hôte offre ses -succulences à la gourmandise, péché mignon des -jolies bouches, et surtout péché tardif. Rien n’est -<span class="pagenum">57</span> -omis de ce qui est indispensable. Les cabinets de -toilette sont à souhait machinés pour les ablutions. -Le cercle a bibliothèques, vaporisateurs et poudre -de riz.</p> - -<p>On lira. Comme on ne s’est pas bâti un refuge -pour bâiller sur ses lectures, les journaux de mode -seront abondants. La forme des ouvrages préoccupera -plus ces dames que celle du gouvernement. -Leur isolement n’est pas une déclaration de guerre -ou de principe. Lysistrata n’est point de la fondation. -On ne revendique pas, on se délasse. La porte -sera fermée au nez des émancipatrices, pour ce -qu’on s’estime émancipée assez, ayant licence de -<span class="pagenum">58</span> -vivre à sa guise. On chantera, on fera de la musique, -on contera des choses futiles, on médira -d’autrui: on restera de son sexe.</p> - -<p>Un sceptique a dit que ce serait un bon moyen -de ramener les maris au foyer: ils seraient sûrs de -n’y rencontrer que rarement leurs femmes. Mais -les femmes de ce cercle ne devront pas avoir de -maris.</p> - -<p>C’est le wagon des dames seules.</p> - -<p class="sep2"><b>30 Août.</b>—L’institution du café-concert, atteinte, -chancelle. Le cabaret tue le beuglant. Les femmes -qui décident de la soirée de ces messieurs ne sont -plus empressées à garnir les avant-scènes d’où elles -souriaient à Fragson et applaudissaient Yvette. On -va à Montmartre, où l’on entend le chansonnier -Chose dans ses chansons rosses et le bon poète -Machin dans ses œuvres. Oh! ses œuvres! Le Chat-Noir, -en mourant, a laissé toute une portée de petits -chats, diablement miauleurs, plaisants et farces, qui -ont des gentillesses paresseuses et de félines attitudes: -ils griffent aussi et mordent. D’aucuns, -chats de gouttière, effrontés et le poil droit, sont -plutôt incongrus.</p> - -<div class="figclose"> - <img class="border" src="images/illus_063.jpg" alt="" title="" width="495" height="700" /> -</div> - -<p><span class="pagenum">60</span> -Une tendance s’indique dans cette cacophonie de -matous; un art de demain s’annonce qui rénovera -la chanson et dépouillera la revue de ses oripeaux -flétris, en la ramenant à la parade par les tréteaux -du cabaret.</p> - -<p>Que la femme, plus qu’à la tabagie montmartroise, -était désirable, l’été, sous les arbres en feu, dans -la verdure secouée de frissons, sous les platanes -aux ramures baignées d’une lumière de songe! -On chantait, et c’était pour faire s’évanouir le prestige -de ce jardin d’Armide. Mais les sages s’abîmaient -dans la seule vision et, pour ne point altérer -la sérénité de l’heure, laissaient les cabots chanter -et n’écoutaient que leur rêve...</p> - -<p class="sep2"><b>31 Août.</b>—Trouville: petits chevaux; Deauville: -grands chevaux. Et les mêmes types de -joueurs, de <span lang="en" xml:lang="en">sportmen</span>, de <span lang="en" xml:lang="en">books</span>. Le monde de là-bas -rencontré ici, même les mendiants qui font leur saison. -J’ai reconnu mon Clopin Trouillefou de la -rue des Martyrs. Il n’a pas manqué la grande semaine.</p> - -<p>Personne ne l’a manquée. Le bataillon galant est -au complet, recrues et vieilles gardes: depuis les -<span class="pagenum">61</span> -nouvelles qui entrent dans la carrière jusqu’aux -aînées qui y sont encore—avec leurs surnoms -qui attisaient nos désirs de potache: Fanny fanée -et toujours Fanoche.</p> - -<div class="figclose"> - <img class="border" src="images/illus_065.jpg" alt="" title="" width="594" height="686" /> -</div> - -<p class="sep2"><span class="pagenum">62</span> -<b>4 Septembre.</b>—Chez la directrice de <i>l’Avant-Courrière</i>, -M<sup>me</sup> Schmahl, rencontré, amené par -M. Menant, de l’Institut, un parsi, homme sage et -cultivé, dont le renom dans l’Inde est grand. Il se -nomme Malabari. Il n’a point la petite calotte -de soie noire, ni la large argrahka marron; son -corps n’est pas trois fois ceint de la corde tressée -de soixante-douze fils. Il est vêtu à l’européenne -et de l’Indien, ici, n’a que le bronze clair de son -teint.</p> - -<p>C’est un apôtre. Il a prêché la liberté du choix -dans le mariage, et la liberté pour les petites veuves -des nobles castes de convoler si leur complexion -amoureuse les y pousse. Car depuis qu’on ne brûle -plus les veuves, on ne sait qu’en faire. Le bûcher -était encore ce qu’on avait trouvé de mieux. D’aucunes -s’y précipitaient avec une ferveur conjugale -exemplaire, d’autres hésitaient. M<sup>lle</sup> Menant, fort -versée dans ces choses, conte qu’un jour un orage -éteignit un bûcher. La veuve, à demi consumée, -revint chez ses parents, surpris et ennuyés. Ils lui -persuadèrent de retourner au bûcher, le temps -s’étant remis au beau.</p> - -<p>Nos Françaises devenues veuves, quand elles -brûlent, c’est de se remarier. Leur sympathie va -<span class="pagenum">63</span> -donc, d’instinct, à l’homme qui, là-bas, a éteint les -bûchers pour rallumer les feux.</p> - -<p class="sep2"><b>17 Septembre.</b>—La morale murale a fait son -apparition. Elle est née à la vie parisienne. Sur le -boulevard des Capucines, -en face chez Floury, sur -une palissade provisoire, -sainte Geneviève lutte -contre les pétroles de -<span class="pagenum">64</span> -luxe, recommandés par les femmes affriolantes de -Chéret. L’agreste pastoure en ses atours rustiques, -qui a vu saint Loup, est chargée de catéchiser -les bergères pimpantes qui ont vu le loup—mais -non le saint.</p> - -<div class="figright" style="width: 480px; height: 1px;"> - <img src="images/illus_067.jpg" alt="" title="" width="578" height="600" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 220px; height: 160px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 400px; height: 410px;"> </div> - -<p class="sep2">Trop longtemps, les dessinateurs, soucieux de -retenir nos regards, ont peint des Parisiennes lascives. -Le rose de leur nudité et le frou-frou de leurs -chiffons bariolaient de couleurs vives la rue. Depuis -que l’épicerie a ses Watteau, la vélocipédie ses Fragonard, -c’était comme un perpétuel et changeant -embarquement à Cythère. Quelques puritains s’en -sont émus. Ils ont commandé à Puvis de Chavannes -une affiche qui ferait chastement la publicité pour -la vertu.</p> - -<p>Cette prédication aura-t-elle un résultat moral? -Une petite fille au pied d’un arbre et tout auprès -un vieux monsieur qui l’entretient, est-ce d’une -expression très claire sur un boulevard qui a ses -arbres, ses petites filles, ses vieux messieurs? Il est -à craindre que le symbole n’en soit dénaturé.</p> - -<p>L’affiche est belle et pure. En tant que réclame, -elle est inefficace. On ne détache pas les âmes -comme les vieilles jaquettes, et la vertu n’est pas -un produit qui se lance comme la benzine.</p> - -<p class="sep2"><span class="pagenum">65</span> -<b>23 Septembre.</b>—Aperçu au Moulin-Rouge le -parsi Malabari. Le libérateur de la femme hindoue -étudie la condition de la femme occidentale, cette -libérée—quelquefois de Saint-Lazare. Il descend -dans la galanterie et s’attriste.</p> - -<p>Le quadrille naturaliste, ce soir, l’a surtout choqué. -Il tolère tout de nos mœurs, non les filles -du chahut.</p> - -<p>—Vos sens sont-ils si éteints, dit-il, sévère, que, -pour les ranimer, il vous faille recourir à ces provocatrices?</p> - -<p>—Les bayadères de vos pays sont lascives aussi -et nues.</p> - -<p>—Elles dansent devant des vieillards, répond le -parsi. En évoquant leur vigueur lointaine, elles leur -font cette charité de leur en donner, avec le souvenir, -une fugitive illusion.</p> - -<p>O maître ès sciences zoroastriennes, si une danse -est sacrée pour ce qu’elle émoustille les vieux, la -Goulue n’est-elle point prêtresse?</p> - -<p class="sep2"><b>24 Septembre.</b>—Un peu sorcier, quasi chemineau, -ce Jean-Martin Plessis. On le dit bâtard d’un abbé -et d’une coureuse de grand chemin. Quand il épousa -<span class="pagenum">66</span> -cette douce Julie Deshayes: «Ce n’est pas possible -dirent les bonnes gens d’alentour, il lui a jeté un -sort!» De sorte que la pauvre va, de calvaire en -calvaire, outragée et battue un peu plus à chaque -enfant, dont la dernière est nommée Alphonsine. -Lasse d’être abreuvée d’amertumes, elle s’enfuit, -avec ses petits, loin du brutal, et bientôt succombe...</p> - -<p>Alphonsine grandit, tremblante, sous la loi -cruelle du père, sans pain que celui qu’elle mendie. -Domestique et Chloé de ferme elle rencontre -Daphnis. L’idylle est surprise et dénoncée à Martin -qui songe à placer la gamine en ville où le fruit vert -a de l’attrait. Un matin, les commères s’étonnent -de voir cheminer, côte à côte, le colporteur et sa -fille, si joliette à présent, brune et mate. Où vont-ils? -Quand il revient au pays, seul, c’est une malédiction: -«Misérable! tu as vendu ta fille!» Chassé -comme un chien galeux, il expire dans un trou -hanté, à l’écart.</p> - -<p>Les années passent. Un jour, à l’auberge de la -Poste, à Nonant, descend de la diligence une -voyageuse, finement élégante, pâle de la pâleur -des convalescentes, ses traits délicats encadrés dans -la nuit de ses cheveux: «Ne me reconnaissez-vous -point?—Alphonsine!»</p> - -<div class="figright" style="width: 350px; height: 1px;"> - <span class="pagenum">67</span> - <img src="images/illus_071.jpg" alt="" title="" width="450" height="600" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 200px; height: 100px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 220px; height: 25px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 240px; height: 25px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 260px; height: 25px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 280px; height: 80px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 300px; height: 25px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 320px; height: 25px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 340px; height: 240px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 280px; height: 10px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 240px; height: 10px;"> </div> - -<p>Elle raconte, devant une assiettée fumante, son -histoire. Comment, conduite à Paris, elle y fut ouvrière -en modes; comment, grisette elle plut à des -commis, courtisane à des banquiers. -Présentement elle était la maîtresse -d’un poète qui lui donnait un peu -d’amour, et d’un grand seigneur -qui lui donnait beaucoup d’argent. -Mais, prise de la nostalgie -du pays natal, elle était revenue -voir les meubles honnêtes -des auberges pour, -toute seule avec son -passé, enivrée, le revivre.</p> - -<p>Vous cherchez la fillette -que sa mère arrachait -aux coups d’un brutal, -la mendiante aux -pieds nus; la faneuse qui -pour un verre de cidre s’associait aux libres chansons -des moissonneurs; la Chloé qui, à l’ombre -des pommiers, se donnait à Daphnis: la voici. -Affinée, fantasque et ondoyante, celle que le village -a connue Alphonsine Plessis, dans la cité conquise -par sa grâce morbide, a trouvé une seconde marraine. -<span class="pagenum">68</span> -La fille du sorcier est devenue la <i>Dame aux -Camélias</i>.</p> - -<p>Le poète qui lui donnait un peu d’amour s’appelait -Alexandre Dumas. Elle lui inspirait à son -insu le chef-d’œuvre que M<sup>me</sup> Sarah Bernhardt a -repris. Le poète n’a pas été ingrat. Magnifique -plus que le grand seigneur son rival, et plus riche, -il a payé la fille de joie en immortalité.</p> - -<p class="sep2"><b>28 Septembre.</b>—Les savants ont découvert une -lumière rebelle à l’analyse. Un laboratoire, pour -les expériences, est installé au Casino: «Entrez, -Mesdames et Messieurs, on commence de suite.»</p> - -<div class="figright" style="width: 560px; height: 370px;"> - <span class="pagenum">69</span> - <img src="images/illus_073.jpg" alt="" title="" width="600" height="619" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 360px; height: 200px;"> </div> - -<p class="sep2">Voilà l’écran, la machine électrique, le tube de -Crookes. Une seconde d’explication par un personnage -déjà connu qui a présenté des femmes tatouées, -des naines et des géantes. Il passe au fait. Quelques -expériences banales, vite abrégées. Mais voici que -redouble l’attention. Une femme monte sur la scène: -«Vous allez voir les jambes de Mademoiselle.» La -science est décidément une belle chose. Et qui donc -parlait de sa faillite? Mademoiselle s’installe devant -l’écran; on fait la nuit. Dans la lueur mystérieuse, -la jambe, pourtant cachée sous les jupes, se dessine: -silhouette rigoureuse, -ferme, -accusant l’étreinte -de la jarretière, au-dessus -du genou, -très haut.</p> - -<p>Les filles de cinq -louis qui montent -au ciel, même à -moins, n’ont point de souci de ce qui se trame là -contre leur négoce. Cependant, si les rayons X -étaient capturés dans les jumelles portatives, ne -deviendraient-elles pas les demoiselles visibles à -l’œil, nues? Elles s’en moquent, par pratique, connaissant -qu’en ces amours paillardes et goulues, -le charme du mystère n’est compté pour rien.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; width: 480px; height: 310px;"> - <span class="pagenum">70</span> - <img src="images/illus_074.jpg" alt="" title="" width="500" height="427" /> -</div> - -<p class="sep2"><b>2 Octobre.</b>—La -verve des revuistes -s’exerce -cette année sur -les femmes qui -revendiquent. Leur sottise est à hauteur de -ce genre de produit. Il faut rire: d’où ils concluent -qu’il faut rire de tout et par les trucs habituels. -Les leurs sont simples; c’est une manière de -poil à gratter philosophique: on exhibe une demoiselle -dont la toilette accuse l’androgynat, perruque -blonde et monocle. Elle montre ses jambes plus -gentiment que son mari: il est à la maison, biberonnant -les moutards. Le compère, outré, lui -dit ses quatre vérités sur un air du Caveau. La -commère, à peu près nue, l’approuve au refrain, -et reprend en chœur sur un petit temps de -gigue.</p> - -<p class="sepb2">Les spectateurs applaudissent à cette moralité -qui les touche. Ils font même bisser. Mais la gigue -n’est pas étrangère au bis.</p> - -<div class="figclose"> - <img class="border" src="images/illus_075.jpg" alt="" title="" width="594" height="684" /> -</div> - -<p><b>3 Octobre.</b>—Homson disait de l’Angleterre: -«Rien n’y est plus constant que l’inconstance des -<span class="pagenum">72</span> -ajustements.» Cette inconstance n’est pas qu’anglaise. -Nous avons vu régner les manches plates, -puis les manches bouffantes, puis les manches -plates, et revoici les manches bouffantes. Nos féminins -en sont ravis. Ces boursouflures appellent -leurs bons offices au vestiaire. L’énorme vessie ne -s’introduit dans le manteau que par le concours -d’une main empressée. «Vous permettez, Madame?»—«J’allais -vous en prier, Monsieur...» -L’officieux insère dans la manche extérieure les -plis rebelles, courant de l’aisselle à l’épaule, s’attardant -aux environs. Ce n’est rien: une attention -de galant homme. Il serait assez payé, retirerait-il -ses doigts sans un merci. Car le toucher est -un sens—et sur ce qui l’emporte du toucher sur -la vue ou de la vue sur le toucher, les maîtres-ès-voluptés, -disputent encore.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; width: 510px; height: 600px;"> - <span class="pagenum">73</span> - <img src="images/illus_077.jpg" alt="" title="" width="528" height="800" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 60px; height: 160px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>4 Octobre.</b>—Le Tsar est attendu. Quelle surprise -ménager au plus absolu des monarques en -visite chez la plus républicaine des nations? Paris -cherche quelque coquetterie raffinée dans le puéril -et le charmant qui est sa manière. Une idée. -En cette saison, les arbres sont nus. Serait-il pas -ingénieux de les printaniser? Des -fleurs! mais on en sait faire de si jolies -qu’y serait pris Juin, fleuriste des -prairies et des buissons. Et voilà, dans -les branches, juchées des Parisiennes -de la rue du Caire qui font la toilette -des marronniers du Rond-Point.</p> - -<p><span class="pagenum">74</span> -Le Tsar va passer.</p> - -<p>En attendant, les souvenirs passent. En ce même -lieu, au temps des malentendus, un tsar, avec ses -cosaques, défila. Que c’est loin! Nul se le rappellera -que pour trouver plus douce l’heure présente. -Nul, devant le gentil sire, ne dira, évoquant le contraste: -«Des arbres qui fleurissent pour Votre -Majesté, les chevaux de l’Ukraine broutaient jadis -l’écorce...»</p> - -<p class="sep2"><b>7 Octobre.</b>—«Vive le Tsar!» L’agile Parisienne -a grimpé tout en haut. Elle ne veut rien -perdre du spectacle. Sous ses jupes, dont elle ne -songe point à corriger les écarts immodestes, les -regards polissons trouveront quelque aubaine; mais -il n’est de regards que pour Sa Majesté l’Empereur -de toutes les Russies. Le voir et le revoir encore, -en sa voiture de gala, frêle, un peu blond, l’œil doucement -mélancolique, et comme las déjà de sa -lourde grandeur.</p> - -<div class="figright" style="width: 547px; height: 1px;"> -<span class="pagenum">75</span> - <img src="images/illus_079.jpg" alt="" title="" width="547" height="800" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 340px; height: 300px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 440px; height: 100px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 600px; height: 350px;"> </div> - -<p>A côté de lui, la Tsarine, les traits dessinés nettement, -d’une santé de haute couleur, avec une -gravité bonne, s’incline, gracieuse, et, à fleur de -lèvres, sourit. Le peuple conquis, sans s’inquiéter -s’il est dans l’esprit du -protocole, crie: «Vive la -Tsarine!»</p> - -<p>Nicolas salue, à ce cri, -la main au bonnet d’astrakan. -C’est l’acclamation -la plus chère à son cœur. -Ce que le Tsar aime en -Paris, c’est que la -Tsarine en est -aimée.</p> - -<div class="figright" style="margin-top: 20px; width: 580px; height: 1px;"> - <span class="pagenum">76</span> - <img src="images/illus_080.jpg" alt="" title="" width="580" height="800" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 600px; height: 530px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 220px; height: 120px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>8 Octobre.</b>—La duchesse -Olga est en cela ravissante que -ses dix-huit mois en font un -simple petit bébé—comme -tous les petits bébés. Elle ignore la très grande -importance de son entourage, suce son pouce -quand le goût lui en vient, bat l’air de ses poings -roses, sourit aux anges ou aux cuirassiers et ne -demande pas au protocole l’autorisation de se -mettre à quatre pattes. Elle est jolie et spontanée. -Elle gazouille comme un enfant naturel, boit son -lolo et tire à son papa une barbe qu’elle ne sait -pas encore impériale.</p> - -<p><span class="pagenum">77</span> -Tant de charmes candides lui ont fait une réputation -dans le peuple—où les petites filles ne sont -plus appelées désormais que des «petites duchesses», -et où les nouvelle-nées -ne reçoivent -plus que le prénom d’Olga.</p> - -<p>Et leur biberon est -franco-russe.</p> - -<div class="figright" style="width: 400px; height: 1px;"> - <span class="pagenum">76</span> - <img src="images/illus_081.jpg" alt="" title="" width="502" height="700" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 280px; height: 560px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>25 Octobre.</b>—L’idée de -<i>la Poupée</i> à la Gaîté est jolie. -Elle est d’Hoffmann; on la -lui emprunte de temps en -temps. Coppelius invente -une poupée. Elle a les -gestes essentiels, elle va à -pas menus, salue, s’incline -et sourit—et sourit comme -si elle n’était pas de -bois. Une vraie femme se -substitue à l’automate et ce vieil homme est sans -soupçon—tant il y a de la femme dans la poupée ou -de la poupée dans la femme. La poupée de la Gaîté -est charmante. Elle se nomme Sully, quoiqu’elle -<span class="pagenum">78</span> -n’ait rien de l’ancien ministre de Henri IV, homme -austère. Cette pièce vient à son heure; son succès est -symbolique. L’idée de l’émancipation gagnerait, dit-on, -jusqu’aux poupées de la vie contemporaine qui -ne savent que marcher, s’asseoir ou se coucher. On -commence à en voir dans les Congrès. Elles opinent -et font des gestes. Si on leur appuie sur le cœur, -elles bégaient déjà: «pa» et «man». Il paraît -que ça veut dire «parlement», et que cela cache -de grandes ambitions.</p> - -<p class="sep2"><b>6 Novembre.</b>—Jadis, les grands de ce monde -faisaient de l’histoire. Aujourd’hui ils font du roman. -C’est moins morose. Les salons suivent au -jour le jour ce feuilleton qui a pour titre: «L’Enlèvement -d’une princesse ou le triomphe de l’Art.»</p> - -<p>Don Carlos avait appelé près de lui, pour décorer -son château, le peintre Folchi. La fille du prétendant -vit l’artiste et s’en énamoura, encore qu’il fût -marié. Ayant eu vent de l’idylle, Don Carlos congédia -Don Juan et surveilla la demoiselle. «Mais -il n’est verrou ni grille qui soient sûrs garants de la -vertu des filles». Et Dona Elvira, comme une -héroïne de Beaumarchais, s’est enfuie.</p> - -<div class="figright" style="margin-top: -120px; width: 500px; height: 1px;"> - <span class="pagenum">79</span> - <img src="images/illus_083.jpg" alt="" title="" width="600" height="648" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 600px; height: 280px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 180px; height: 100px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 100px; height: 100px;"> </div> - -<p>Le père a fait connaître cet événement -à ses fidèles:</p> - -<div class="manuscr"> -<p class="addr">Aux Carlistes,</p> - -<p>Vous êtes ma famille, mes enfants bien-aimés. -Je me crois donc le devoir de vous annoncer qu’un -autre de mes enfants, celle qui fut Dona Elvira, -est morte pour nous tous.</p> - -<p>Dieu veuille, dans sa miséricorde infinie, avoir pitié de cette -âme malheureuse!</p> - -<p>Deux consolations me soutiennent dans ce coup terrible qui -brise mon cœur: la grâce d’état que j’implore avec la même -ferveur que toujours, et la foi que j’ai dans vos prières et -dans votre affection, qui me compense de tout.</p> -</div> - -<p>Un père du commun à qui de telles épreuves -sont réservées se lamente en secret: un prétendant -ne saurait faire savoir son chagrin que par voie de -proclamation. Don Carlos, révolté contre les -<span class="pagenum">80</span> -prétentions de l’amour à régner sur les cœurs, a cru -devoir, une fois de plus, revendiquer ses droits.</p> - -<p>Et il a rédigé un appel aux larmes.</p> - -<div class="figcenter"> - <img class="border" src="images/illus_085.jpg" alt="" title="" width="488" height="700" /> -</div> - -<p><b>15 Novembre.</b>—A l’ombre distinguée des arbres -du Luxembourg, Watteau partage la gloire des -poètes. Son buste domine un banc de style rocaille, -où quelque belle fille qu’il rencontra à Trianon lui -est venue faire hommage des fleurs du souvenir.</p> - -<p>Si toutes celles qui s’embarquent à Cythère lui -apportaient des fleurs, si toutes celles dont les fêtes -galantes dénouent les ceintures lui donnaient un -souvenir, le charmant reposoir que serait son monument—en -toute saison paré, puisque l’amour -est de toutes!</p> - -<p>Peut-être aussi, parfois, au cortège des rieuses et -des énamourées, viendraient-elles se joindre celles -qui, du pimpant rivage, sont revenues ne rapportant -que des blessures et des regrets. Grondeuses, -au gentil imagier, elles feraient des reproches, -comme à un guide qui les égara. Mais lui, n’en -aurait cure. S’il parlait, ce serait pour dire:</p> - -<p>—Je n’ai point prétendu qu’était fortunée la rive -où abordait la nacelle emportant vers Cythère les -<span class="pagenum">82</span> -couples extasiés. J’ai répandu, au contraire, sur les -traits des passagers une grâce souriante et triste. -L’espoir s’y allie à la crainte. J’ai prévu les déceptions, -les gros temps et les naufrages. Les tons de -ma palette chantent plus clair que mes sujets, c’est -ce qui vous abuse. Mais je savais, pour être son -peintre, les tristesses de l’Amour. Et c’est pourquoi, -jeune fille, j’ai cette bouche amère et ces yeux voilés -de tant de mélancolie...»</p> - -<p class="sep2"><b>22 Novembre.</b>—Le féminisme à l’Hôtel Drouot. -On vend une lettre de sainte Chantal, fondatrice de -l’ordre de la Visitation, et grand’mère de M<sup>me</sup> de -Sévigné. Elle conseille à sa -fille la soumission:</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; width: 300px; height: 120px;"> - <span class="pagenum">73</span> - <img src="images/illus_086.jpg" alt="" title="" width="400" height="388" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 300px; height: 200px;"> </div> - -<div class="manuscr"> -<p>«Les femmes ce doivent -tenir pour des esclaves puisqu’elles -sont sujettes -aux hommes... mais -il faut rendre cette -soumission pour l’amour -de Dieu qui -l’a imposée, et me -croiés en cecy, ma -<span class="pagenum">83</span> -très chère bien-aimée: ne vous roidisés jamais -contre les volontés de votre mari.»</p> -</div> - -<p>M<sup>me</sup> Schmahl a fait, sur le féminisme, une conférence -chez la duchesse d’Uzès. Elle a soutenu, -devant les dames de l’aristocratie, la nécessité de se -roidir contre leurs maris, et de ne plus se tenir pour -sujettes. Il y avait là les descendantes de sainte -Chantal—et la marquise de Sévigné en la personne -de la maîtresse de céans.</p> - -<p class="sep2"><b>27 Novembre.</b>—Les femmes qui ont le goût -de la peinture pourront apprendre à peindre. -On n’a mis que cent ans à s’apercevoir que -M<sup>me</sup> Rosa Bonheur devait jouir des mêmes avantages -que M. Carl Rosa. L’École des Beaux-Arts -n’ignore plus un sexe sur deux. Elle ne demandera -plus à qui se présentera aux fins d’étude s’il -est homme ou femme, mais s’il est artiste,—par -bonne fortune le mot étant des deux genres.</p> - -<div class="figclose"> - <img class="border" src="images/illus_088.jpg" alt="" title="" width="500" height="540" /> -</div> - -<p class="sepb2">La femme insinue que son ingénuité artistique -a pour cause l’insuffisance de ses études—non de -ses moyens. Elle recevra désormais le même enseignement -que l’homme. Si le niveau de sa conception -ne se hausse point, elle ne s’en prendra -<span class="pagenum">84</span> -qu’à elle-même. Elle le sait. Elle est déjà, à cette -heure, courbée sous la discipline de l’École, docile -aux avis, esclave encore; passive à tout le moins. -Les indépendants ne la félicitent pas de cette -victoire,—l’une des plus éclatantes de l’année -pourtant. Ils ont pour proverbe, et de quelque -sexe qu’il s’agisse, que «Quai Malaquais ne profite -jamais».</p> - -<div class="figclose"> - <span class="pagenum">85</span> - <img class="border" src="images/illus_089.jpg" alt="" title="" width="594" height="498" /> -</div> - -<p><b>28 Novembre.</b>—Tout est aux panaches. Une élégante -avec ses plumes rappelle les commissaires aux -armées sous le Directoire. La coiffure actuelle est -une façon de centenaire. Ce n’est pas que ce soit -laid—nulle mode n’est laide en vertu simplement -de ce qu’elle est la mode—mais c’est impertinent. -Les spectateurs au théâtre ont crié contre ces -écrans majestueux. Voir à travers les légumes de -ces potagers, ou la flore luxuriante de ces terrasses -de Sémiramis, est un espoir chimérique. Se lever: -la dame derrière crierait: «Asseyez-vous, Monsieur, -vous m’empêchez de voir». L’Opéra-Comique et la -Comédie n’ont admis au parterre que les femmes -sans chapeau: les autres théâtres n’ont pas osé -<span class="pagenum">86</span> -porter une main aussi audacieuse sur cette arche -sainte, dont la modiste en 1896 a fait un trois mâts.</p> - -<p>Le sans gêne de la femme qui puise son impunité -dans la courtoisie de l’homme a triomphé de la -logique. Un moyen s’offrait pourtant d’obtenir que -toutes les femmes vinssent au théâtre en cheveux: -c’était de n’autoriser que les chauves à garder leurs -chapeaux.</p> - -<p class="sep2"><b>30 Novembre.</b>—Les femmes iront-elles aux colonies? -n’iront-elles pas? M. Chailley-Bert les y veut -envoyer. La colonie manque de bras—de jolis -bras—qui soient un refuge pour les colons.</p> - -<p>Ils s’agitent, troublés, sur des couches solitaires -que ne visite que l’importun moustique. Les siestes -sont sans attrait sur des oreillers que les cheveux -de l’aimée ne parfument pas. On fait donc une propagande -pour décider les Françaises à joindre ces -Français que le célibat exaspère.</p> - -<p>Les avocates du féminisme sont outrées. Elles -voient dans ce recrutement une variante de la -traite des blanches. «La charrette qui les conduira -au navire, nous la connaissons, disent-elles, elle a -déjà servi à Manon Lescaut.»</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -50px; width: 650px; height: 500px;"> - <span class="pagenum">87</span> - <img src="images/illus_091.jpg" alt="" title="" width="594" height="800" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 280px; height: 270px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>9 Décembre.</b>—Cette -idée est venue aux poètes -de consacrer tout un jour -à celle qui leur fut si hospitalière -en sa maison. -L’heure est bien choisie -de l’apothéose, alors que la -tragédienne, atteignant au -<span class="pagenum">88</span> -sommet de son art, refait une âme neuve à la sœur -de Manon et fixe le geste inquiétant et pervers de -Lorenzaccio.</p> - -<p>L’élan a été irrésistible qui porta vers l’artiste -nos dévotions. Elle était une fois de plus, et plus -peut-être encore qu’aucune autre fois, en cette traduction, -l’Interprète idéale, sans trahison ni défaillance, -et juste à hauteur de l’art qui crée.</p> - -<p>Par quel prestige cette femme sait-elle dompter -la fatigue de l’effort quotidien? Par le moyen de -quel philtre puise-t-elle dans un labeur ininterrompu -et vagabond sa vigueur égale et souriante, et -comme inlassée? Cette halte, ce soir, toute fleurie -d’hommages, n’est pas le «Tircis, il faut songer à -la retraite» des classiques et doucereux avis; ce -n’est pas l’embaumement dans les parfums: c’est -l’expression d’une gratitude qui renonce à attendre -le toast des adieux, car la grappe de sitôt n’en sera -pas vendangée.</p> - -<p class="sepb2">En la voyant, après cette agape sur la scène, -passionnée en Phèdre ou rugissante en Posthumia, -qui pense à l’automne? Nous sommes en plein -été; c’est l’Août ardent, le talent mûr. Cette fête, -pour laquelle les lyres s’accordent, ô Sarah! n’est -que celle de votre moisson.</p> - -<div class="figclose"> - <span class="pagenum">89</span> - <img class="border" src="images/illus_093.jpg" alt="" title="" width="594" height="603" /> -</div> - -<p><b>12 Décembre.</b>—Anglaise de grande famille, -doctoresse estimée, mistress Mac Laren est à Paris. -Elle y est en mission. C’est une honorable dame -d’une silhouette inoubliable. Un chapeau, que ne -<span class="pagenum">90</span> -désavouerait pas l’armée du Salut, emprisonne -sous sa lucarne, ses cheveux blancs. Des lunettes -d’or cachent ses yeux qui sont francs et profonds. -Mistress Mac Laren remplit un apostolat. Chaste -et pieuse jusqu’au renoncement, elle prêche la licence -de la prostitution. Elle a horreur du vice et -fait croisade pour qu’on ne le réglemente plus. Elle -dénonce la police des mœurs, l’inscription infamante, -le régime de Saint-Lazare.</p> - -<p>Elle tient la patente que l’État donne aux -filles pour illusoire. Le docteur Laborde l’approuve. -Elle va voir, l’un après l’autre les évêques, et -leur demande s’il est convenable qu’il y ait des -maisons de tolérance. Les prélats déclarent en -ignorer le besoin. L’Académie de médecine sera -appelée à trancher le débat, comme qualifiée -pour juger la question au point de vue de -l’hygiène.</p> - -<p>Mistress Agnès Mac Laren rencontre des esprits -en France qui l’encouragent. Ceux-là sont persuadés -que l’État, qui a des pénalités et des complaisances -pour les ribaudes, fait figure ridicule, et -qu’il serait temps qu’il cessât, en ces coucheries -d’amour payé, de nous apparaître tenant la férule -d’une main et la chandelle de l’autre.</p> - -<p class="sep2"><span class="pagenum">91</span> -<b>30 Décembre.</b>—Eusapia est dans nos murs. Elle -y est en grand mystère: les élus ne sont pas nombreux -qui l’y verront.</p> - -<p>Eusapia Paladino est une Italienne douée de -facultés stupéfiantes. Sa présence communique aux -choses matérielles une sorte de vie incohérente, et -peuple le vide de fantômes. Elle ouvre les portes -sans toucher les serrures, transporte les tables sans -contact, remue des chaises, agite des rideaux. Elle -est là, silencieuse, observée, les mains et les pieds -emprisonnés; cependant, autour d’elle, c’est comme -si ses mains faisaient mille besognes singulières et -superflues. Elle se dit présente pour un esprit familier, -qui agit pour elle, sortant de sa substance -vitale; il se nomme John King. Ce John King, -invisible, laisse de son passage des traces visibles, -comme, dans du plâtre frais, l’empreinte de sa figure, -qui est celle d’un cocher anglais.</p> - -<p>Avec Eusapia, Lombroso et de Rochas—cet -admirable de Rochas, vaillant et sûr guide—ont -renouvelé les expériences de Crookes sur la matérialisation. -Ils ont regardé, ont témoigné et n’ont -point conclu, étant gens avisés et sages.</p> - -<p>Sully-Prudhomme a assisté à une séance d’Eusapia -à Auteuil. Sa chaise a été remuée, il a reçu -<span class="pagenum">92</span> -des gifles, on lui a tiré la barbe. Il atteste n’avoir -pas été le jouet d’hallucinations. Mais il ne veut -donner aucun nom, aucune qualification d’ordre -mystique ou même scientifique aux phénomènes -qu’il a pu contrôler. Toute hypothèse de sa part -lui semblerait hasardeuse. Au reste, de l’étrange il -a rapporté un effroi qui l’en éloigne à jamais.</p> - -<p class="sep2"><b>7 Janvier.</b>—Un laboureur de Milo heurta du -soc de sa charrue un corps résistant. Il se pencha et -aperçut un marbre que caressait la blonde lumière -du matin. Ces contours, harmonieusement taillés, -étaient d’une femme. Il la tira de l’argile et la -traîna dans sa grange où M. Louis Brest, qui passait, -la vit, et subjugué, donna à la France l’éveil. -Quelques fervents de la beauté antique se concertèrent -pour un enlèvement. M. Louis Brest est -mort.</p> - -<div class="figclose"> - <img class="border" src="images/illus_097.jpg" alt="" title="" width="523" height="700" /> -</div> - -<p>La querelle s’est rouverte à cette occasion -funèbre. L’immortelle avait-elle des bras au sortir -de sa nuit? Comment étaient-ils placés? Quels -gestes faisaient-ils? M. Ravaisson, orthopédiste -tenace, d’accourir un jour avec des bras fabriqués à -l’usage des déesses manchotes. L’honorable savant -<span class="pagenum">94</span> -alla plus loin. Il découvrit un Achille Borghèse qui -ne serait qu’un certain Mars à qui la Vénus demandait -de goûter les joies pacifiques des voluptueuses -étreintes. Grâce à un double moulage, il a rapproché -dans une ombre entremetteuse les amants, -depuis des siècles séparés. Sa gravité sereine présidait -à ce collage d’inclination.</p> - -<p>On prétend qu’une maison américaine a refusé de -recevoir une reproduction de la Vénus de Milo, -la Vénus n’ayant pas de bras. Le chaste M. Ravaisson -montre plus d’exigence. Les bras ne lui suffisent -point: il y veut un homme dedans.</p> - -<p class="sep2"><b>19 Janvier.</b>—Une princesse apparentée à la -famille régnante de Belgique a été enlevée par un -tzigane. Roturière américaine, riche à millions, de -son or redorant le blason d’un Chimay, elle est -entrée, par la chambre nuptiale, dans la société la -plus aristocratique. La sensualité de son charme et -l’audace de ses goûts lui firent y trouver plus d’envieux -que de censeurs. Libre en ses instincts, -comme la cavale sauvage des prairies paternelles, -toute au jeu de ses luxures, elle chercha, instrument -banal, un archet vainqueur. Ce fut un joueur -<span class="pagenum">95</span> -de violon, d’un -bronze vigoureux -et fruste, aperçu -dans la salle publique -d’un café -où soupait la galanterie. Le -tzigane quêtait: elle se donna.</p> - -<div class="figright" style="margin-top: -80px; width: 480px; height: 1px;"> - <img src="images/illus_099.jpg" alt="" title="" width="600" height="696" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 360px; height: 250px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 240px; height: 180px;"> </div> - -<p>Le prince a su l’aventure. -Il n’a point fait d’esclandre, -étant un homme bien élevé.</p> - -<p>Offensé, il avait le choix -des armes: il constitua ses -témoins: l’avocat et le notaire et, résolument, -s’adressant aux tribunaux, il demanda réparation. -Point de violence ni d’humeur déplacée. La faute -en fut à sa première hâte, il avait épousé trop tôt. -Un Chimay qui veut se garder de graves mécomptes -attend, avant de lui donner son nom, -que M<sup>me</sup> Tallien ait quitté son costume d’hétaïre et -qu’ait sonné pour ses ardeurs de thermidor l’heure -du berger... ou du tzigane.</p> - -<p class="sep2"><b>28 Janvier.</b>—Une société de femmes connaissant -l’hébreu s’agite. M<sup>me</sup> Elisabeth lady Souton la -<span class="pagenum">96</span> -mène. Il s’agit d’interpréter la Bible, en ce qui -touche les textes sur la femme. Les hébraïsantes -démontreront que nous avons mal lu la Genèse. -Ève n’est point la grande coupable, que l’homme -se plaît à dire. Le serpent, pour l’induire en désobéissance, -n’offrit pas à notre première mère des -boucles d’oreilles,—comme à une vulgaire cocotte,—mais -la connaissance du bien et du mal. L’esprit -sérieux d’Ève eût repoussé le bijou: elle fut séduite -par l’attrait de la science. Quand le moment de -s’expliquer arriva, Adam tout benêt se cachait -derrière elle, pleurnichant. Il était piteux.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; margin-top: -50px; - width: 410px; height: 550px;"> - <img src="images/illus_100.jpg" alt="" title="" width="519" height="585" /> -</div> - -<p>En présence de cette attitude, M<sup>me</sup> Elisabeth -lady Souton a décidé ses compagnes -à traiter Adam, dans la -Bible remaniée par les femmes, -de «grand poltron».</p> - -<p class="sep2"><b>2 Février.</b>—La querelle -des chapeaux féminins continue. -Marseille prend des arrêtés contre -les coiffures gigantesques. -L’Amérique édicte des pénalités. -Chacun propose son remède. -<span class="pagenum">97</span> -Londres voudrait qu’on séparât les sexes; les -femmes ne gêneraient plus que les femmes. L’Allemagne -rappelle un précédent qui date des chapeaux -cabriolets. On affichait -dans les couloirs cet avis:</p> - -<div class="manuscr"> -<p>«Les femmes aimables, -jolies et prévenantes -sont priées d’enlever -leur chapeau. Les autres -peuvent le garder.»</p> -</div> - -<div class="figright" style="margin-top: -50px; width: 380px; height: 1px;"> - <img src="images/illus_101.jpg" alt="" title="" width="527" height="700" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 220px; height: 70px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 250px; height: 50px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 310px; height: 30px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 330px; height: 140px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 290px; height: 320px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>10 Février.</b>—Une -nouvelle qui court Paris, -vers minuit, est entrée -en coup de vent chez -Maxim’s. C’est Renée de -Presles qui a crié: «La -glace brûle». Elle voulait -dire: «Le feu est au Palais -de Glace». Feu de paille -que l’exagération boulevardière a transformée en -catastrophe. Cette note sinistre change le cours -morose du train-train noctambulesque des -<span class="pagenum">98</span> -soupeuses. Elle est imprévue et promet de l’émotion. -Ces dames s’ajustent en hâte, sautent dans des -coupés. Elles sont avides de jouir du spectacle des -flammes consumant l’un des décors dans lesquels -se joue leur vie conventionnelle. Elles pressent -le cocher d’arriver à temps et ne cherchent pas -leurs phrases: «Grouille-toi!» Étoffées de clair, -soulevant les jupes, les chevilles haut troussées, -elles écartent les mollets pour enjamber les tuyaux -des pompes. Elles sont gaies, bruyantes, amusées, -tandis que Poilpot, qui a son atelier au-dessus et -ses superbes collections, se promène fiévreux. Mais -pour elles qui ne risquent que leurs patins, c’est -très drôle.—Le feu est là où elles ont ri, potiné, -patiné, bu, lancé des modes, relancé des hommes. -C’est comme s’il était chez elles. «Tiens, de là, -baron: tu verras mieux.» Cet incendie est leur -chose. Elles en font les honneurs.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -30px; margin-top: -70px; - width: 667px; height: 490px;"> - <img src="images/illus_103.jpg" alt="" title="" width="600" height="720" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 130px; height: 150px;"> </div> - -<div class="lajust" style="width: 170px; height: 70px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>19 Février.</b>—La loi de l’homme: un homme -vient d’en dire toute la scélératesse aux gens comme -il faut, en plein Théâtre-Français. C’est M. Paul -Hervieu. En trois actes rapides et fulgurants, il a -montré comment l’homme a machiné à son usage -<span class="pagenum">99</span> -la loi, en sorte que son esclave, s’il la -trompe dans un domicile déterminé, -n’a pas même un commissaire à son -service pour contrôler la trahison. Et -s’il permet que sa fille épouse le fils -de sa maîtresse, la fille n’a qu’une -sommation à faire à sa maman. Elle -en ferait trois à son papa.</p> - -<p>La femme veut recevoir de ses enfants, -s’ils se marient contre son gré, autant de -sommations que son mari, et envoyer le commissaire -de police en expédition où bon lui semblera. -<span class="pagenum">100</span> -Moyennant quoi, il est certain que l’égalité sera -entre les sexes. La paix n’y sera pas davantage, ni -le bonheur. Mais ce n’est pas à les chercher que la -fierté de la femme s’applique. Son cri de révolte -est d’abord un cri d’orgueil.</p> - -<p class="sep2"><b>24 Février.</b>—Je fus un jour voir Sarah -Bernhardt, qu’on dit admirable dans <i>Lorenzaccio</i>. -Des femmes élégantes étaient assises aux fauteuils -d’orchestre. Je ne sais rien de l’adaptation de -l’œuvre de Musset; mais je tiens pour accomplie la -modiste dont j’eus devant mes yeux toute la -soirée le chef-d’œuvre: une pièce à grand spectacle, -avec cinq étages, et plusieurs tableaux.</p> - -<p class="sep2"><b>26 Février.</b>—La Falcon! Sa mort vient de -nous apprendre qu’elle vivait toujours, ou mieux -qu’elle se survivait. Au vrai, la Falcon n’était plus. -Elle nous avait quittés il y a quelque soixante ans. -Elle restait une très digne personne, maternelle et -pieuse, qui s’appelait M<sup>me</sup> Malanson.</p> - -<p>En sa retraite silencieuse, on eût en vain cherché -la trace de ses succès d’antan, l’or des -<span class="pagenum">101</span> -couronnes, les portraits gravés d’enthousiasme par les -burins subjugués. Elle avait écarté ces reliques -d’une autre femme. Ses doigts ne s’attardaient plus -qu’aux pages des missels.</p> - -<div class="figright" style="margin-top: -50px; width: 380px; height: 1px;"> - <img src="images/illus_105.jpg" alt="" title="" width="531" height="700" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 100px; height: 80px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 250px; height: 80px;"> </div> - -<div class="rajust" style="width: 310px; height: 410px;"> </div> - -<p>Elle avait été Alice, Circé, Valentine, Rachel. -Un organe merveilleux que servait une -intelligence parfaite. Un -soir, dans son gosier, sa voix -s’étrangle. Elle chancelle, -tombe; on la relève -le visage inondé de -pleurs, devant une -salle debout et silencieuse, -comme en -présence d’une agonie.</p> - -<p>Que s’était-il passé? -Elle avait aimé. -La caresse d’amour -avait, en son sang, -porté le trouble dont -le cristal de son timbre -fut brisé. L’ami, qui devint l’époux, lui fit -dans la solitude le renoncement heureux. «Ma -gloire, mes triomphes, disait-elle, n’ont pas laissé -<span class="pagenum">102</span> -en ma vie plus de traces que le chant d’un oiseau -dans les bois.» Telle était sa résignation. On l’a -crue feinte; le masque de sa sagesse imposant à -des regrets stériles. C’est possible.</p> - -<p>... On dit que parfois, pour de rares intimes, la -Falcon se rappelait et, que la lointaine Valentine -apparaissait dans le fantôme d’une voix.</p> - -<p class="sep2"><b>27 Février.</b>—Au temps de ses amours de sous-lieutenant, -quand la France se flattait d’avoir le -cœur que possédait Marguerite, Georges cachait -son bonheur chez la Belle Meunière. Elle tenait -auberge, et les amoureux y passaient, délicieuses, -les heures de solitude et d’abandon. Quand Elle fut -morte et qu’Il se fut tué sur sa tombe à Ixelles, la -Belle Meunière fit un livre de ses souvenirs. Paris -le lut. La madrée paysanne, supposant qu’on en -voulait connaître l’auteur, s’en vint dans la grand’ville. -Elle resta en sabots, conserva sa coiffe dorée et -son fichu de villageoise. En cet accoutrement pittoresque, -elle ouvrit, à proximité des boulevards, -le cabaret de la «Belle-Meunière».</p> - -<p>C’est une maîtresse femme qui sait son monde, -l’auberge a été tout de suite achalandée. La chère -<span class="pagenum">103</span> -y est rustique et fine, la boisson franche, la patronne -discrète aux amants. On trouve à ses tables les fruits -de la saison et la boisson d’Aï qui mousse: pêches -à quinze louis et pichets sérieux.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -50px; margin-top: -20px; - width: 370px; height: 300px;"> - <img src="images/illus_107.jpg" alt="" title="" width="585" height="700" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 460px; height: 200px;"> </div> - -<div class="lajust" style="width: 600px; height: 150px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>28 Février.</b>—Le mardi-gras a inauguré le -char des filles-fleurs. -La première -fois ce fut -une corbeille de -roses vivantes. -Cette seconde -fois ce furent des -chrysanthèmes. -Ces chrysanthèmes -<span class="pagenum">104</span> -au signal d’un gong s’entr’ouvraient et les -femmes apparaissaient brunes et autant que possible -japonaises—c’est-à-dire des Batignolles.</p> - -<p>Elles sont restées trois jours assez fraîches. Après -quoi elles sont retournées aux marchés aux fleurs -des rues et des boulevards d’où elles venaient... -«Fleurissez-vous, Messieurs!» disaient-elles. Et -les messieurs de se fleurir.</p> - -<p>«Tu sens bon, Rose!»—«Moi, je suis sans -parfum, mais vois comme je suis faite.»—«Le charmant -bouton».</p> - -<p>Et le monsieur s’en allait avec sa rose ou son -chrysanthème—fleurs de Paris si vite fanées.</p> - -<p class="sep2"><b>2 Mars.</b>—Ce carnaval, le costume de clowns fait -fureur parmi les femmes. Il leur donne un air de -<i>j’m’en footit</i> qui les enchante. Il délivre la cheville, -et dans l’ampleur de ses plis, laisse soupçonner la -souplesse du corps.</p> - -<p>Les bras ont licence d’être nus, échappés d’un -corsage où les seins sont comme des prévenus en -liberté provisoire. La tête surgit sur la collerette, -espiègle sous la perruque de filasse au triple toupet.</p> - -<div class="figclose"> - <span class="pagenum">105</span> - <img src="images/illus_109.jpg" alt="" title="" width="581" height="794" /> -</div> - -<p style="margin-top: -40px;">La jolie Suzanne Derval, sûre de ses lignes, a -voulu à <i>Parisiana</i> s’attarder dans le maillot collant -de l’acrobate. Elle pouvait, si parfaite, persuader -<span class="pagenum">106</span> -ses sœurs, mais la vogue est restée fidèle aux -clownesses.</p> - -<p>Costume oblige. Ainsi vêtues, d’aucunes s’essayent -en de vagues acrobaties dont il convient de -ne les louer haut qu’en se gardant de méprises: -«Quelle adresse», dit en regardant l’une d’elles, -un amateur ravi. Et l’enfant de répondre aussitôt, -plus habituée à la question qu’au compliment: -«Rue Notre-Dame-de-Lorette, mon chéri».</p> - -<div class="figclose" style="margin-bottom: -130px;"> - <img src="images/illus_111.jpg" alt="" title="" width="600" height="646" /> -</div> - -<p><b>4 Mars.</b>—Le charmant oiseau exotique qui fut -une idéale Lackmé, un soir, pour avoir mal -dosé son cocktail, entra en scène, à l’Opéra-Comique, -émue. Les spectateurs, offensés dans -leur dignité, le prirent mal. La jeunesse des écoles -qui, on le sait, ne boit pas, prit la peine de descendre -la conspuer. Qu’il était beau dans cette attitude -le lion du quartier Latin! Elle s’en alla au -loin, célèbre: «Ah! oui, disait l’Amérique, cette -jeune fille qui chante». Et la France, généreuse -et spirituelle: «Je sais, oui, cette jeune fille qui -siffle.»</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; margin-top: -20px; - width: 390px; height: 780px;"> - <img src="images/illus_112.jpg" alt="" title="" width="429" height="800" /> -</div> - -<p>Van Zandt est revenue. Elle est apparue devant -ce terrible public qui l’outragea, émue, sans cocktail. -<span class="pagenum">107</span> -La voix était toujours aussi pure. Et la fauvette -fit oublier la grive.</p> - -<p class="sep2"><b>6 Mars.</b>—Le <i>Rire</i> a voulu rire. Il a bien ri. Il -s’est proposé de faire la preuve qu’un bal masqué -se définit: «Un bal où il n’y a pas de masque». -Pour champ d’expérience, il a choisi le cadre -<span class="pagenum">108</span> -merveilleux de l’Opéra. Il a annoncé -qu’il ferait des présents -superbes aux masques -originaux que son jury désignerait. -Il espérait le burlesque -et l’imprévu, ou de -jolies frimousses devinées -sous le satin du loup.</p> - -<p>Roulement de tambour. -La farandole. -C’est un défilé las et -contraint, d’oripeaux -archi-connus et archi-usés—la -défroque de -la Courtille, le décrochez-moi -ça de Milord -l’Arsouille.</p> - -<p>Des masques inventifs, -pimpants, bariolés -et fantasques, -des masques gais et -fous, drôles, des masques: -point. Des -chienlits à peine. Ohé, ohé les autres?</p> - -<p>Les autres ne sont plus là.</p> - -<p class="sep2" style="clear: both; margin-bottom: 0;"> -<span class="pagenum">109</span> -<b>Mars.</b>—Une secte féminine -s’est fondée, elle s’intitule -«néosophique». Son -école est rues Victor-Cousin -et Cujas, M<sup>me</sup> Cécile Renooz -est à sa tête.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; margin-top: 0; - width: 370px; height: 520px;"> - <img src="images/illus_113.jpg" alt="" title="" width="469" height="603" /> -</div> - -<p>Cette science de la sagesse -nouvelle est basée sur la connaissance -de ce fait: que -le duel d’amour est inégal. -L’homme seul y verse le plus -pur de son sang: le sang de son cerveau. D’où -l’épuisement de ses facultés supérieures au bénéfice -d’une basse morale dont la femme est victime.</p> - -<p>Les néosophes proclament la nécessité de revenir -à l’antique loi sacrée qui ne permettait aux -sexes de se confondre qu’une fois l’an. Toutefois, -comme nous avons pris de mauvaises habitudes, on -accorderait quelques dispenses pour commencer.</p> - -<p class="sep2"><b>19 Mars.</b>—Après l’apothéose de la femme qui -interprète, l’apothéose de la femme qui pense, -après Sarah Bernhardt, Clémence Royer; au même -lieu où les lettres et les arts chantèrent l’hosannah -<span class="pagenum">110</span> -de la tragédienne, une fête est donnée à la traductrice -de Darwin, à celle qui a écrit <i>le Bien et la -Loi morale</i>, <i>l’Inconnaissable</i>, <i>l’Évolution mentale -dans la série organique</i>. C’est la même table, les -mêmes lumières, les mêmes fleurs. Ce ne sont pas -les mêmes convives. Autour de l’acclamée, voici des -hommes graves: M. Levasseur qui préside, les docteurs -Manouvrier, Laborde, Letourneau; des doctoresses, -des étudiants, des hommes politiques. Des -femmes et encore des femmes, de celles qui ont -dans le mouvement une place, un rôle, une ambition. -Elles démentent ce que les malveillants disent -de la grâce qui fuira devant l’émancipation. Elles -sont la plupart jolies, joliment habillées et dans la -nudité d’apparat qui leur sied si bien aux fracas de -lustres. Et la douce lettrée M<sup>lle</sup> de Sainte-Croix est -radieuse: car cette fête fut son projet.</p> - -<p>L’héroïne est, plus qu’aucune, détachée des frivolités -de la mode. Son âge lui permet l’austérité -de la robe noire montante—son goût le lui eût -imposé. Sa figure apparaît menue, ronde, travaillée -du burin de la pensée; les traits sont mobiles, la -bouche nerveuse jusqu’en son mutisme, l’œil vif, -enquêteur, d’une lumière profonde. La prunelle est -comme l’eau noire d’un lac reflétant l’infini du ciel.</p> - -<p><span class="pagenum">111</span> -Au champagne, l’économie politique lui fait des -madrigaux, l’anthropologie lui rappelle des batailles, -le mysticisme la courtise, le féminisme lui -demande des références. Elle se lève la dernière, -parle d’une voix musicale et claire, s’étonne, amère -et réjouie. «Je me croyais si oubliée... Qu’ai-je fait -pour que cette génération pense à moi?» Mais, au -fond, fière de sa tâche, elle dit avec le grand tragique:</p> - -<div class="poem"> - <div class="verse">Je sais ce que je vaux et crois ce qu’on m’en dit.</div> -</div> - -<p>Elle a pesé son œuvre et ne l’a point trouvée -légère. Elle a jonglé avec les astres; elle a remué -les mondes, et aux feux des étoiles allumé le flambeau -qu’elle porta dans le temple des anciens dieux—comme -une torche. Montée haut, elle voit loin—si -loin que nos yeux ne la peuvent suivre, au -delà de cette limite où notre impuissance avait -planté le décor des paradis et des légendes.</p> - -<p>Les lampes éteintes, les bravos s’étant tus, l’admiration -officielle ayant pris congé, la savante proclamée -la plus savante entre les femmes des temps -modernes, s’en est allée par la route qui mène à -l’asile où la <ins id="cor_3" title="reconnaisance">reconnaissance</ins> nationale lui a, par -insigne faveur, accordé un lit.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; margin-top: -20px; - width: 370px; height: 390px;"> - <span class="pagenum">112</span> - <img src="images/illus_116.jpg" alt="" title="" width="451" height="600" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 350px; height: 190px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>Mars.</b>—Un peintre connu -avait pris modèle. Le modèle -l’avait pris. Il en était résulté -de ces services réciproques -que se rendent les deux -sexes. La familiarité des -séances y invitait. Il posait -pour elle qui posait pour -lui. «Suis-je de ton goût?» -Un modèle incline -à ne point montrer -d’excès dans la pudeur: -son costume le -lui interdit. A cette -question elle répondit: -«C’est-à-dire que tu me rends folle». Le tête-à-tête -se prolongeait au delà des quatre heures. -Elle s’oubliait à rester. Le matin, Diane, dans l’atelier -devenu sa chambre conjugale, mettait au café -au lait son croissant d’un sou. Conséquence importune, -l’artiste croyait faire une muse: il fit un enfant. -S’inspirer de Chaplain et tomber dans Lobrichon, -c’était triste. Il renia son œuvre. Il ne la signerait -pas.</p> - -<p>On n’a pas couru tous les ateliers pour ignorer -<span class="pagenum">113</span> -la pratique de la gravure à l’eau-forte. Le modèle -essaya son procédé sur le visage de son amant, et -fut pour ses débuts d’une gaucherie heureuse. -Menée devant les tribunaux, elle fit plaider l’innocent, -le bébé qui suça son pouce, et amusa les -juges et messieurs les jurés. Ces petits, quels avocats! -Le peintre était témoin comme victime: -«Vous deviez élever votre enfant», lui dit le -président sévère. «Moi-même?» interrogea-t-il -naïf. «Vous-même», répondit le magistrat.</p> - -<p>L’ahurissement de l’artiste a fait son tour de -presse. Cet homme heureusement connaissait la -loi. Il n’avait pas encore vu que sur ce chapitre -elle s’accordât avec la conscience.</p> - -<p>Mais la femme tout doucement s’arme—ou -plutôt elle désarme le préjugé armé contre elle. La -recherche de la paternité est interdite,—mais non -du père.</p> - -<p class="sep2"><b>14 Mars.</b>—Le pastel—cette poussière tombée -des ailes des papillons—a été mis aux doigts de -l’artiste amoureux de la femme. Il fixe, par la magie -de ces couleurs qu’un souffle emporterait, le charme -fugitif d’un visage. Il capte, dans un nuage -<span class="pagenum">114</span> -polychrome, l’or vaporeux des toisons, le carmin du -sourire, le marbre veiné d’azur des gorges où la -jeunesse palpite. Les mondaines le savent qui inaugurent -à grands tourbillons de toilette le vernissage—le -«fixage» des pastellistes.</p> - -<p>Les originaux sont là, qui ne renient point la -paternité des compositions qu’un Besnard signa. -On se montre, indiquées d’un regard d’intelligence, -les belles madames de Machard ou de Calot.</p> - -<p style="margin-bottom: 0;">Et de ce dernier maître, cette jeune femme surtout, -en sa robe blanche et or, d’une élégance élancée, -la hanche crâne, parisienne très finement, l’œil -sombre et doux noyé dans l’enveloppement d’une -caresse sous la nuit opulente des cheveux—et si -vraiment superbe dans tout l’éclat de vivre.</p> - -<div class="figclose"> - <img src="images/illus_118.jpg" alt="" title="" width="594" height="467" /> -</div> - -<p style="margin-top: 0;"><span class="pagenum">115</span> -<b>15 Mars.</b>—M. Pierre Denis met le boulangisme -à la scène et ne s’y oublie pas. Il y joue un -rôle ample et candide.—Où donc?—Voyez sous -ces cheveux, là-bas. Il est l’Éminence grise d’un -règne qui n’eut pas de Richelieu. Le général est -peint, en ces tableaux d’Épinal, d’une main émue. -«L’amie» apparaît touchante.</p> - -<p>Mais le caractère de la femme qui fut si fatale au -boulangisme n’est pas présenté sous le jour que -l’histoire adoptera. M. Pierre Denis a fait voir une -amante passive, partageant l’exil de l’aimé. Au -vrai, elle fut sa décision. «Toute ambition, a dit -le poète, meurt aux bras d’une femme.» Il en fut -ainsi pour ce sous-officier heureux qu’enorgueillissait -la caresse parfumée d’une patricienne. Elle le -voulait à elle, jalouse de la Gloire, effrayée du Sacrifice. -Il lui obéit.</p> - -<p>Et du mal qui emportait l’amante, l’espérance -boulangiste—comme un œillet coupé—flétrie, -expira.</p> - -<p class="sep2" style="margin-bottom: 0;"><b>3 Avril.</b>—Un médecin nommé Cornu publie -une thèse qui fait scandale. Il dénonce des excès de -l’ovariotomie. Après qu’Ève et Adam eurent sombré -<span class="pagenum">116</span> -pour une pomme, l’Éternel courroucé leur fit -connaître leur destinée terrestre; la femme enfanterait -dans la douleur. En vue de cette fin, l’extraordinaire -ouvrier avait mis en son sein des organes -d’une délicatesse infinie. Ses fonctions duraient -<span class="pagenum">117</span> -depuis 6000 ans, lorsque les chirurgiens découvrirent -les anesthésiques et l’antisepsie. Ils ouvrirent -impunément les flancs d’Ève pendant son sommeil, -et déclarèrent qu’elle était affligée de quelques -rouages superflus. C’était la cause de tous ses maux. -Ils les lui retirèrent. Elle se réveilla recousue et -obligée à subir ces surprises que la volupté traîne -après soi.</p> - -<div class="figclose"> - <img src="images/illus_120.jpg" alt="" title="" width="600" height="666" /> -</div> - -<p style="margin-top: 0;">L’habitude en vint de se faire ôter, à la première -migraine, des organes dont on ne se sentait pas un -besoin urgent. Ce fut bientôt une mode. Les ovaires -furent très mal portés. On les laissa aux bourgeoises -pot-au-feu et aux femmes du commun. -Encore l’actif bistouri dans les hôpitaux plongeait-il -jusque les entrailles du peuple, l’ovariotomie étant -devenue une façon de sport. Le docteur Cornu a fait -une enquête auprès des malades. Il a découvert que -la plupart se montraient épuisées, apathiques, passives, -sans appétit vers ces gourmandises dont elles -n’avaient pourtant plus à craindre les indigestions.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: -100px; margin-top: -20px; - width: 410px; height: 560px;"> - <img src="images/illus_122.jpg" alt="" title="" width="533" height="600" /> -</div> - -<p class="sep2"><b>5 Avril.</b>—L’Opéra à l’heure déserte. A travers -la forêt des madriers géants, des herses et des -câbles, dans l’ombre sans franchise, voici enfin, -<span class="pagenum">118</span> -gagné à pas timides, le foyer -de la danse aux dorures assoupies. -Elles sont là trois -femmes, les trois fées de ce -paysage chimérique, vu à -l’envers dans sa brutalité de -décor. Elles se meuvent avec -la souplesse exacte des -rythmes, M<sup>lle</sup> Théodore, le -professeur, règle, ferme et -douce, le charmant marivaudage -du couple, qui, sous -ses yeux, s’ébat. Il s’agit -d’une fleur qu’on refuse et -qu’on voudrait donner et -dont ne veut plus qui voulait -qu’on la lui donnât. Car l’amour, vous le savez, -n’est que caprice et dépit. La fleur est aux doigts -précieux de cette Blanche Mante, dont les traits -délicats et fins, dans le cadre d’ambre des cheveux -bouclés fait penser à quelque Lavallière esquissée -par Mignard. Ce jaloux qui la lutine est, en sa sveltesse -si souple, en sa grâce élancée et fière, et la -bouche fleurie d’un sourire: Henriette Robin,—étoile -depuis hier, brillante des feux trop -<span class="pagenum">119</span> -fugitifs de l’Or de <i>Messidor</i> que sa beauté brune -incarna.</p> - -<div class="figright" style="margin-top: -50px; width: 380px; height: 1px;"> - <img src="images/illus_123.jpg" alt="" title="" width="527" height="500" /> -</div> - -<div class="rajust" style="width: 300px; height: 410px;"> </div> - -<p class="sep2"><b>7 Avril.</b>—On vend Liane de Pougy. «Messieurs, -voyez l’article. C’est comme neuf. A combien -dit-on. Il y a marchand -à combien? Cinq -louis pour commencer. -On dit, six... sept... dix. -A dix louis, Messieurs, -nous sommes... Ce n’est -pas pour moi. Quinze -louis c’est à droite. Ça -vaut mieux que ça... -Allons, pressons, Messieurs, -pressons... j’adjuge.»</p> - -<p>Il s’agit du lit... Et M<sup>me</sup> de Pougy n’est pas dedans.</p> - -<p class="sep2"><b>9 Avril.</b>—Il y a une maison hantée à Yzeures. Au -D<sup>r</sup> Gilles de la Tourette, maître ès sciences de maladies -nerveuses, j’avoue y partir. Il me prend en pitié.</p> - -<p><span class="pagenum">120</span> -—Les maisons hantées, me dit-il, ce sont des -jeunes filles hystériques qui frappent dans les murs -quand vous ne les regardez pas.</p> - -<p>—Vous en êtes certain?</p> - -<p>—L’une d’elles m’a tout avoué.</p> - -<p>Puis il s’échappe, haussant les épaules, en traitant -avec un mépris de savant très orthodoxe ce -qu’il tient pour des élucubrations dont il n’est pour -s’occuper que des badauds de mon espèce.</p> - -<p class="sep2"><b>14 Avril.</b>—Hier, aux Folies-Bergère, M<sup>me</sup> Clara -Ward devait faire des poses,—trois ou trente-deux, -peu importe. Elle ne serait jamais qu’une femme -en maillot, comme le sont, dans les tableaux vivants, -Duvernoy et Degaby. Mais</p> - -<div class="poem"> - <div class="verse">Tout Paris pour Chimay a les yeux de Rigo.</div> -</div> - -<p>Et à cette annonce les fauteuils d’orchestre ont -valu des prix extravagants. Triomphe de la beauté? -Point. Du scandale. On voulait voir, non la nudité -de la femme, mais d’une certaine femme, -publique par ses gestes et princesse authentique.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: 30px; margin-top: -20px; - width: 600px; height: 440px;"> -<span class="pagenum">121</span> - <img src="images/illus_125.jpg" alt="" title="" width="575" height="800" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 320px; height: 320px;"> </div> - -<p>Le préfet de police la fit venir. Il lui parla. Elle a -compris, et il lui survint aussitôt une indisposition -toute diplomatique. Elle -s’est mise au lit et à la -tisane. De la tisane à la -fleur d’oranger. C’était -l’engagement rompu.</p> - -<p>L’hypocrisie mène -grand train autour de -cette aventure. Elle y -voit une revanche de la -moralité. Le public, -dit-on, n’avait été si -empressé à lorgner le -<span class="pagenum">122</span> -maillot de M<sup>me</sup> Clara Ward que pour bafouer -l’audace de l’imposture. Le directeur des Folies-Bergère -sourit de ces airs de prude. La feuille de -location dépassait vingt mille francs. Or il connaît, -par profession, que jamais la vertu n’incita un spectateur -à payer un fauteuil dix fois son prix.</p> - -<p class="sep2"><b>22 Avril.</b>—Qu’est-ce que la majesté? Est-elle -donnée à une caste, ou n’est-elle point un rôle que -joue l’homme averti?</p> - -<p>Le drame lyrique cherchait une interprète qui -sût marcher comme les déesses et, comme les plus -altières souveraines, du geste et du regard imposer. -Elle devait être la Walkyrie, Brunehild et -Hellé, la source céleste du rêve et l’héroïne hautaine -de l’histoire. Hellé! l’admirable création, et pour -l’artiste et pour l’auteur, M. Duvernoy, qui a doté -l’Opéra d’un joyau de grand prix.</p> - -<div class="figleft" style="margin-left: 30px; margin-top: -20px; - width: 600px; height: 260px;"> - <img src="images/illus_127.jpg" alt="" title="" width="523" height="800" /> -</div> - -<div class="lajust" style="width: 380px; height: 460px;"> </div> - -<p>... Il y avait, voilà déjà quelque temps, en un coin -lépreux des faubourgs, une travailleuse qui accompagnait, -à l’atelier, son dur labeur en chantant. -C’était une robuste fille au profil énergique, casquée -de ses cheveux qu’un peigne matinal ramassait. -Née de pauvres, et pauvre aussi, elle allait en -<span class="pagenum">123</span> -robe modeste, -confondue dans -le troupeau des -communes humaines...</p> - -<p>Cette créature -au travail -résignée devait -être M<sup>me</sup> Caron, -dont la vie dans -le royaume des -idéales splendeurs -bientôt -n’oscillerait plus -que des trônes -barbares au -Walhalla prodigieux.</p> - -<p class="sep2"><span class="pagenum">124</span> -<b>Avril.</b>—Au réveil, le tzigane et la princesse -ont eu la visite d’un monsieur qui s’est annoncé «au -nom de la loi». La princesse est allée lui ouvrir -en chemise de nuit, car elle n’a rien de caché pour -la Justice. Le magistrat a vu le lit, le tzigane et à -côté la place toute chaude d’une nuitée d’amour interrompue. -Il en savait assez, il salua et prit congé.</p> - -<p>L’épouse du tzigane faisait constater le flagrant -délit. Son mari ne pourra plus épouser la princesse—désormais -sa complice. M. Paul Hervieu a bâti -un drame pour montrer dans toute sa tyrannie la -loi de l’homme.</p> - -<p>Cette loi de l’homme si tyrannique est pourtant -quelquefois aussi la loi de la femme.</p> - -<p class="sep2"><b>25 Avril.</b>—La femme a trouvé un nouveau -théâtre pour théâtre de ses revendications: c’est -le Nouveau-Théâtre. Une salle à elle une fois le -mois, où ne seront jouées que des œuvres de -femmes et pour les femmes. Si les hommes y -veulent être accueillis, il leur sera moins demandé -du talent qu’une opinion. Êtes-vous dramaturge? -c’est sans importance. Êtes-vous féministe? voilà -l’essentiel.</p> - -<p><span class="pagenum">125</span> -Nous avions la maison de Molière, nous aurons -la maison de M. Paul Hervieu.</p> - -<div class="figclose" style="margin-bottom: -130px;"> - <img src="images/illus_129.jpg" alt="" title="" width="600" height="645" /> -</div> - -<div class="handonly" style="height: 100px;"> </div> - -<p>Cette idée a pour propagandiste M<sup>me</sup> Marya -Cheliga, une militante que les inerties hostiles et -les obstacles ne rebutent point. Myope, elle y regarde -de plus près, et, grâce à certains verres, voit d’assez -<span class="pagenum">126</span> -loin. Elle dira la femme de demain dans <i>Promethea</i>.</p> - -<p>Quand on connaît la tragique déception de Prométhée, -l’audace est bien féministe qui fait nommer -qui lui succède dans son rêve d’orgueil «Promethea»,—comme -s’il appartenait à la femme de -réussir où l’homme a échoué.</p> - -<p class="sep2"><b>29 Avril.</b>—Le témoignage d’une femme est -recevable devant la justice criminelle, non devant -l’état civil. M<sup>me</sup> d’Uzès ne peut légalement assister -l’amie qui prend époux, ni M<sup>me</sup> Henry, chevalier de -la Légion d’honneur et ex-sage-femme en chef de -la Maternité, le père qui déclare son enfant.—Mais -Gabrielle Bompard, témoin à la requête de -l’accusation peut envoyer Eyraud à la guillotine.</p> - -<p>Cette anomalie va disparaître. Ce sera l’une des -premières victoires du féminisme. Elle est de bon -augure et en fait présager d’autres.</p> - -<p class="sep2"><b>5 Mai.</b>—Deux volontaires de la Mort qui -étaient des volontaires de l’Amour.</p> - -<p>La jeune et jolie Lucette de Varennes, qui avait -amants et chevaux de luxe, s’est empoisonnée parce -<span class="pagenum">127</span> -qu’elle ne pouvait appartenir en toute propriété -au seul qu’elle aimât: Manon l’eût-elle fait pour -Des Grieux? Et l’on daube sur cette fin de siècle!</p> - -<p>Le même jour, une ancienne belle, Léontine de -Courcy, tombée de l’hôtel princier au meublé banal, -ayant joué aux courses ses dernières économies, a -allumé un réchaud de grisette.</p> - -<p>Autrefois on ne mourait pas d’amour; il fallait -arriver à notre époque pour voir des filles d’amour -mourir de ce qui les fait vivre.</p> - -<div class="figclose"> - <img class="border" src="images/illus_131.jpg" alt="" title="" - width="594" height="481" /> -</div> - -<p class="sep2"><span class="pagenum">128</span> -<b>9 Mai.</b>—Le petit théâtre de M<sup>me</sup> Adam: c’est -grand comme ça, pas plus. Le décor exprime le -goût ferme et sûr de cette Parisienne délicate. -Une scène toute petite et, sur cette petite scène, un -spectacle vaste: l’humanité inquiète, en mal du -lendemain.</p> - -<p>Aujourd’hui, l’oratrice est la directrice de l’<i>Avant-Courrière</i>, -M<sup>me</sup> Schmahl, une Anglaise dont le -cœur a conservé un léger accent. Vaillante et de -belle humeur, elle trace le bilan de la campagne -féministe. La résistance de la Chambre a été -vaincue; mais le Sénat, dépositaire des projets de -loi votée, n’entend point qu’on le presse. «Paix là, -ma mie!»</p> - -<p>Et elle qui disait,—par opposition à ses sœurs -nerveuses:—«Je suis comme la petite souris, je -grignote le bloc», à son tour, s’irrite, impatientée. -Elle dénonce les pères conscrits: ces vieillards qui -commencent et n’aboutissent pas.</p> - -<p class="sep2"><b>10 Mai.</b>—La Vachalcade ou cavalcade de la -Vache enragée, de récente création, donnera le jour -à une nouvelle muse: la Muse montmartroise.</p> - -<div class="figclose"> - <img class="border" src="images/illus_133.jpg" alt="" title="" - width="500" height="700" /> -</div> - -<p>Les ouvrières de la Butte l’ont choisie entre les -<span class="pagenum">130</span> -plus charmantes d’entre elles; c’est une jolie lingère, -brune accentuée, qui se nomme Marguerite -Stumpp. Elle a dix-sept ans.</p> - -<p>Laborieuse et honnête, elle témoignera qu’il -n’est point dans Montmartre que des modèles et -des joueuses de flûte. Elle sera délicatement honorée. -Dans le défilé, elle occupera la mansarde de <ins id="cor_4" title="Jennny">Jenny</ins> -«au cœur content, content de peu». Elle recevra, -cadeau digne des plébéiennes vertus, un livret de -caisse d’épargne.</p> - -<p>L’affiche qui appelait les lectrices aux urnes portait -cette mention dont la sagesse s’empreint d’une -ironie prudente: «Les candidates devront demeurer -<i>encore</i> chez leurs parents».</p> - -<p>«Encore» suppose qu’il est difficile de demander -aux plus honnêtes filles à Montmartre d’y demeurer -toujours.</p> - -<p class="sep2"><b>15 Mai.</b>—Ce qui vient de la flûte s’en va sans -tambour—ni trompette: M<sup>me</sup> Liane de Pougy -a été volée à quatre chevaux. On a arrêté ses voleurs. -Ils comparaissent en police correctionnelle. -Citée comme témoin, la victime a allégué un empêchement -majeur. Elle a écrit: «Monsieur le président, -<span class="pagenum">131</span> -je garde le lit; mais si la justice veut venir -m’y interroger, je suis prête à lui donner toute satisfaction -compatible avec mon état». La justice tond -les gens, coupe les bourses, mais ne va pas en ville. -Vexée de cette prétention, elle s’est vengée, au jour -de l’audience, elle a pris acte contre la «femme -Pourpe».</p> - -<p>Pourpe est le nom d’un honnête homme qui se -lamente et d’enfants qui rougissent. Il eût été plus -moral de le respecter, risque à interpeller la fantasque -créature que par le titre qu’elle a conquis -à la pointe de ses seins—comme à la pointe de -l’épée, un soldat ses grades.</p> - -<p class="sep2"><b>23 Mai.</b>—Êtes-vous homme à garder un -secret? me dit-elle.</p> - -<p>—Yvette, en doutez-vous?</p> - -<p style="margin-bottom: 0;">—Alors, apprenez donc que je vais me marier... -Je l’aime, il m’aime. Il est riche, moi aussi. J’ai -assez promené mes gants noirs dans toutes les -Amériques. Je me reposerai du café-concert dans -la vie conjugale: je ne chanterai plus que de loin -en loin pour des œuvres... C’est fini, mon ami, de -la divette que vous avez devinée un soir... vous le -<span class="pagenum">132</span> -rappelez-vous?... dans l’inconnue qui chantait à la -requête de Jehan Sarrazin, le poète aux olives, -en ce bouibouis qu’était le Divan Japonais...</p> - -<div class="figclose"> - <img src="images/illus_136.jpg" alt="" title="" - width="600" height="637" /> -</div> - -<p style="margin-top: -20px;"><span class="pagenum">133</span> -Ce secret est devenu celui de Polichinelle... les -bans sont publiés: Emma-Louise-Esther Guilbert, -dite Yvette, sera bientôt M<sup>me</sup> Max Schiller. Il était -inévitable que le coucher d’Yvette aboutit au coucher -de la mariée.</p> - -<p class="sep2"><b>31 Mai.</b>—Plus de bossus. M. le docteur Callot -les redresse.</p> - -<p>Merci, docteur! C’est fini de la fée Carabosse. Il -n’y aura donc plus que des bonnes fées autour de -nos berceaux.</p> - -<p>Le féminisme nous promet aussi, par la grâce -de Jules Bois et par la fougue de Léopold Lacour,—que -le duel des sexes nous conduit à l’Ève -future—l’idéale émancipée.</p> - -<p>Merci, poètes pour ce que vous faites croire que -l’humanité nouvelle n’aura que des bonnes fées -autour de son berceau. Philosophe inquiet et féministe -par équité, il ne me déplaît point de me griser -d’optimisme.</p> - -<p style="margin-bottom: 0;">A l’Ève future, à Prométhée, je lève ma coupe -d’espérances.</p> - -<div class="figclose"> - <img src="images/illus_138.jpg" alt="" title="" - width="600" height="553" /> -</div> - -<p class="sep4 cent lsep"><span class="cs9">IMPRIMÉ</span><br /> -<span class="cs7">PAR</span><br /> -CHAMEROT ET RENOUARD<br /> -<span class="cs7">19, rue des Saints-Pères, 19</span><br /> -<span class="cs8">PARIS</span></p> - - <div class="box sep4"> - -<p class="ssrf noind" id="note">Au lecteur.</p> - -<p>L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée, -mais quelques erreurs clairement introduites par le typographe ont été -corrigées. Ces corrections sont soulignées <ins title="ainsi">en pointillés</ins> dans le texte. -Placez le curseur sur le mot pour voir l'orthographe originale.</p> - - </div> - -<hr class="full" /> - - - - - - - - -<pre> - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Les Parisiennes d'à présent, by -Georges Montorgueil - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES PARISIENNES D' PRÉSENT *** - -***** This file should be named 60635-h.htm or 60635-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/6/0/6/3/60635/ - -Produced by Clarity, Hans Pieterse and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Redistribution is subject to the -trademark license, especially commercial redistribution. - -START: FULL LICENSE - -THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK - -To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase "Project -Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg-tm License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. - -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project -Gutenberg-tm electronic works - -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. 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INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the -trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone -providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in -accordance with this agreement, and any volunteers associated with the -production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm -electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, -including legal fees, that arise directly or indirectly from any of -the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this -or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or -additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any -Defect you cause. - -Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm - -Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. - -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's -goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg-tm and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at -www.gutenberg.org Section 3. Information about the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state's laws. - -The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the -mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its -volunteers and employees are scattered throughout numerous -locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt -Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to -date contact information can be found at the Foundation's web site and -official page at www.gutenberg.org/contact - -For additional contact information: - - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. 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