summaryrefslogtreecommitdiff
diff options
context:
space:
mode:
-rw-r--r--.gitattributes4
-rw-r--r--LICENSE.txt11
-rw-r--r--README.md2
-rw-r--r--old/50708-0.txt18051
-rw-r--r--old/50708-0.zipbin342360 -> 0 bytes
-rw-r--r--old/50708-h.zipbin443984 -> 0 bytes
-rw-r--r--old/50708-h/50708-h.htm19743
-rw-r--r--old/50708-h/images/cover.jpgbin78333 -> 0 bytes
-rw-r--r--old/50708-h/images/logo.jpgbin5229 -> 0 bytes
9 files changed, 17 insertions, 37794 deletions
diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes
new file mode 100644
index 0000000..d7b82bc
--- /dev/null
+++ b/.gitattributes
@@ -0,0 +1,4 @@
+*.txt text eol=lf
+*.htm text eol=lf
+*.html text eol=lf
+*.md text eol=lf
diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt
new file mode 100644
index 0000000..6312041
--- /dev/null
+++ b/LICENSE.txt
@@ -0,0 +1,11 @@
+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
+metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be
+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
+
+Procedures for determining public domain status are described in
+the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org.
+
+No investigation has been made concerning possible copyrights in
+jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize
+this eBook outside of the United States should confirm copyright
+status under the laws that apply to them.
diff --git a/README.md b/README.md
new file mode 100644
index 0000000..4f749f2
--- /dev/null
+++ b/README.md
@@ -0,0 +1,2 @@
+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
+eBook #50708 (https://www.gutenberg.org/ebooks/50708)
diff --git a/old/50708-0.txt b/old/50708-0.txt
deleted file mode 100644
index 400c338..0000000
--- a/old/50708-0.txt
+++ /dev/null
@@ -1,18051 +0,0 @@
-The Project Gutenberg EBook of Lettres du prince de Metternich à la
-comtesse de Lieven, 1818-1819 1818-18, by Klemens Wenzel von Metternich
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-
-
-Title: Lettres du prince de Metternich à la comtesse de Lieven, 1818-1819 1818-1819
-
-Author: Klemens Wenzel von Metternich
-
-Editor: Jean Hanoteau
-
-Release Date: December 17, 2015 [EBook #50708]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: UTF-8
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LETTRES DU PRINCE DE METTERNICH ***
-
-
-
-
-Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by The Internet Archive/American Libraries.)
-
-
-
-
-
-
-
-Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le
-typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée
-et n'a pas été harmonisée.
-
-Cette version intègre la correction de l'erratum.
-
-
-
-
- LETTRES
-
- DU
-
- PRINCE DE METTERNICH
-
- A LA COMTESSE DE LIEVEN
-
-
-
-
- LETTRES
-
- DU
-
- PRINCE DE METTERNICH
-
- A LA COMTESSE DE LIEVEN
-
- 1818-1819
-
- _Publiées, avec une introduction, une conclusion
- et des notes_
-
- PAR
-
- JEAN HANOTEAU
-
-
- _Préface de M. Arthur Chuquet, membre de l'Institut_
-
- [Logo]
-
- PARIS
-
- LIBRAIRIE PLON
- PLON-NOURRIT ET Cie, IMPRIMEURS-ÉDITEURS
- 8, RUE GARANCIÈRE--6e
-
- 1909
- _Tous droits réservés_
-
-
-
-
-Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.
-
-
-Published 21 October 1908.
-
-Privilege of copyright in the United States reserved under the Act
-approved March 3d 1905 by Plon-Nourrit et Cie.
-
-
-
-
-PRÉFACE
-
-
-Mme de Lieven, femme de l'ambassadeur de Russie à Londres, fut en
-1818, durant le congrès d'Aix-la-Chapelle, la maîtresse de Metternich.
-Le 22 octobre, dans le salon de Nesselrode, les deux personnages
-firent connaissance. Jusqu'alors Metternich n'était pour Mme de Lieven
-qu'un homme froid, intimidant, désagréable, et elle n'était pour lui
-qu'une grande femme maigre et indiscrète. Ce jour-là Mme de Lieven et
-Metternich s'apprécient: Metternich pense que la dame n'est pas
-vulgaire et la dame juge Metternich aimable. Le 25, excursion à Spa et
-déjeuner à Henrichapelle; le charme opère; les deux diplomates
-changent de voiture pour ne pas se quitter, et le chemin paraît court
-à Metternich. Le 28, visite du ministre à l'ambassadrice; pendant une
-heure il reste assis à ses pieds. Puis, les Lieven se rendent à
-Bruxelles. Le 13 novembre, ils sont de nouveau à Aix-la-Chapelle. Le
-14, écrit plus tard Metternich à Mme de Lieven, «tu es venue dans ma
-loge, tu as eu la fièvre, tu m'as appartenu!» C'était aller vite en
-besogne, et le siège ne fut pas long. Mais Metternich savait être
-pressant et Mme de Lieven avait déjà capitulé plus d'une fois: «Tu as
-fait des choix, lui disait galamment Metternich, et tu as été trompée;
-quelle est la femme qui ne l'a pas été?»
-
-On aura d'ailleurs, en lisant l'introduction de l'ouvrage que nous
-préfaçons, les détails les plus sûrs et les plus complets sur la
-liaison des deux amants, et on saura, en lisant la conclusion, comment
-elle finit. Ils passèrent ensemble près de la moitié du mois de
-novembre 1818; lorsque l'un d'eux avait un instant de liberté, il
-envoyait à l'autre un journal anglais! Ils ne purent se rejoindre ni
-en 1819 ni en 1820: tous deux, comme dit Metternich, étaient dans les
-affaires. Mais aux mois d'octobre et de novembre 1821, ils se
-retrouvèrent à Hanovre et à Francfort durant une douzaine de jours
-qu'ils mirent évidemment à profit, en dépit des fêtes, des soirées et
-des obligations mondaines. En 1822, au congrès de Vérone, nouvelle
-rencontre, et cette fois, Mme de Lieven avoue aux siens qu'elle a fait
-amitié avec Metternich; ses ennemis la traitent d'Autrichienne et
-Chateaubriand rapporte malignement que le grand homme venait se
-délasser chez elle et s'amuser à effiloquer de la soie... Et ce fut
-tout. Les amants ne se revirent plus qu'en 1848. Pourquoi? C'est que
-Metternich, devenu veuf, a convolé en secondes noces avec une jeune
-fille d'assez basse origine dont il s'était épris, et Mme de Lieven
-estime qu'il a dans la circonstance agi comme un niais et que le
-chevalier de la Sainte-Alliance finit par une mésalliance. C'est
-qu'elle est plus que jamais une femme d'intrigues et, après la mort du
-tsar Alexandre, la question d'Orient la brouille avec Metternich; elle
-préfère, selon ses propres mots, aux voies tortueuses du chancelier la
-marche droite de l'empereur Nicolas.
-
-M. Jean Hanoteau possède les lettres que Metternich adressait à Mme de
-Lieven en 1818 et en 1819, et il les publie. Elles sont intéressantes.
-Metternich manie aisément la langue française. Pourtant, il n'écrit
-pas avec beaucoup de correction et sa façon de s'exprimer est
-fréquemment obscure. Il est et demeure Allemand. De là son _Gemüt_,
-car il a du _Gemüt_ et il se pique d'en avoir: le _Gemüt_, dit-il,
-voilà «le premier don du Créateur»; il ajoute qu'il est porté au rêve
-et à la mélancolie, à la _wehmütige Stimmung_, que son bonheur ne
-résidera jamais que dans son cœur. De là, dans ses lettres, je ne
-sais quoi de nébuleux et d'abstrait. Il philosophise; il s'efforce de
-prouver à son amie qu'ils sont «deux êtres parfaitement homogènes»; il
-lui apprend que notre être se compose de deux essences, le corps et
-l'âme, et que l'âme a besoin d'organes qui forment le système nerveux;
-il disserte pesamment sur le cœur humain; il prétend qu'il a fait des
-découvertes morales et trouvé de grands principes, des vérités
-éternelles. Metternich, avouait plus tard Mme de Lieven, «est plein
-d'un interminable bavardage, bien long, bien lent, bien lourd, très
-métaphysique et ennuyeux». Fat et pédant à la fois, il se regarde
-comme le premier homme de l'univers; avec une énorme et naïve
-présomption il affirme qu'il sait aimer plus et mieux que la plupart
-des mortels, qu'il est constamment arrivé à ses fins, qu'il a toujours
-gagné le prix de la course, qu'il est un des hommes les plus justes du
-monde, qu'il ne sent pas comme le commun, qu'il ignore la peur et
-qu'il dispose d'une puissance immense, qui est la raison, le calme, la
-force de l'âme, et il est tout fier d'avoir eu Mme de Lieven, de la
-dominer à distance, de la «mettre au nombre de ses propriétés». Ses
-lettres sont donc un témoignage de sa vanité, de son incommensurable
-orgueil. Mme de Lieven n'écrit-elle pas, lorsqu'elle le revoit en
-1848, qu'il est, comme jadis, plein de satisfaction intérieure, qu'il
-ne cesse pas de parler de lui-même et de son infaillibilité?
-
-On peut, par instants, deviner les réponses de Mme de Lieven et on
-notera ce mot, répété par Metternich, qu'elle aime l'ambition et tout
-sentiment qui pousse un homme à aller en avant. M. Jean Hanoteau nous
-renseigne à merveille sur la princesse, et qui ne sait qu'elle fut
-rappelée à Pétersbourg en 1834 et qu'elle s'établit en 1836 à Paris
-pour tenir durant vingt années une place importante dans la société
-française et devenir l'Égérie de M. Guizot? Les anecdotes foisonnent
-sur son compte. Elles courent les chancelleries. Une d'elles
-représente Mérimée, au sortir d'une soirée, rentrant à l'improviste
-dans le salon de la rue Saint-Florentin où l'austère Guizot ôte déjà
-son grand cordon; une autre raconte qu'une femme de chambre trouva
-ledit cordon dans le lit de Mme de Lieven. Notre éditeur a bien fait
-de laisser de côté ces commérages, si amusants qu'ils soient. Mais il
-a eu raison de rechercher dans les correspondances du temps et
-d'énumérer les paroles de dépit et de haine qui, après la rupture,
-échappèrent à Mme de Lieven: elle reconnaît, par exemple, que
-Metternich ne manque pas d'esprit et d'intelligence, mais celui
-qu'elle nommait son bon ami et son bon Clément n'est plus pour elle
-qu'un grand fourbe. Metternich, plus indulgent, se contentait de dire
-que Mme de Lieven avait besoin de se remuer et qu'elle ne pouvait
-jamais rester tranquille.
-
-Les anecdotes sont rares dans ces lettres de Metternich. Quelques-unes
-méritent d'être citées. Le bourgmestre de Judenbourg se plaint des
-souris qui font des dégâts dans la campagne. «Depuis quand? demande
-Metternich.--Depuis les Français.--Les Français avaient donc des
-souris avec eux?--Non, mais ils ont mangé tant de pain qu'ils ont semé
-de miettes tous nos champs, et depuis lors les souris de la Styrie se
-sont établies ici.» Le chasseur de Metternich en Italie est un Tchèque
-qui ne sait qu'un seul mot italien: _avanti_, et au moyen de ce mot,
-il arrive à tout ce qu'il veut: _avanti_, et les postillons avancent;
-_avanti_, et les postillons reculent; _avanti_, et l'hôtelier sert le
-souper.
-
-Certaines lettres sont curieuses: celle où Metternich révèle à son
-amie de la veille sa vie amoureuse et sentimentale, celles où il
-décrit son voyage d'Italie--bien qu'il débite souvent des phrases
-banales sur le climat, les arts et les vicissitudes humaines,--celles
-où il parle de Mme de Staël, cette femme-homme dont le salon ressemble
-à un forum et le fauteuil à une tribune, de la duchesse de Sagan, de
-Napoléon. «Il est charmant, disait Mme de Lieven en 1848, quand il
-raconte le passé et surtout l'empereur Napoléon.» C'était lui qui
-transmettait au pape Pie VII les propositions impériales, et Napoléon
-offrit une fois au pontife une pension de vingt millions; le pape
-répondit qu'il avait fait ses calculs et que quinze sous par jour lui
-suffisaient. «Je n'ai jamais été plus fier, assure Metternich, que le
-moment où j'ai fait cette commission à Napoléon.»
-
-Mais les lettres les plus piquantes sont peut-être celles où il
-explique son ascendant sur François II: «L'empereur fait toujours ce
-que je veux, mais je ne veux jamais que ce qu'il doit faire», et
-celles où il proteste qu'il n'est pas jaloux, où il expose gravement,
-doctoralement que Mme de Lieven doit être douce, gentille, excellente
-pour son mari, doit garantir avant tout la paix dans son intérieur,
-que son mari a des droits, que lui, Metternich, n'a jamais brouillé un
-ménage, qu'il sait ce qui constitue les bons ménages, qu'il respecte
-la loi et veut qu'on l'observe: au mois d'octobre 1819, lorsque Mme de
-Lieven accouche d'un fils dont il n'est pas le père--et qui n'était
-pas du tout, comme prétendaient les bonnes langues, l'enfant du
-Congrès--il la félicite d'être sortie d'embarras et de se sentir
-légère!
-
-Nous avons tenu dans nos mains le manuscrit des lettres et nous
-pouvons certifier que M. Jean Hanoteau l'a scrupuleusement reproduit.
-Il a fait davantage. Il a expliqué toutes les allusions au passé de
-Metternich: il a identifié tous les diplomates et hommes politiques
-mentionnés dans les lettres et désignés par de simples initiales; il a
-consacré à chacun d'eux une note substantielle. D'aucuns trouveront
-même que son commentaire est trop abondant et vraiment luxueux; _ne
-quid nimis_, aurait dit M. de Metternich. Quoi qu'il en soit, et
-puisque M. Jean Hanoteau a voulu que son premier travail fût présenté
-au public par un vétéran de la science historique, nous jugeons en
-toute franchise que son œuvre est très consciencieuse et qu'elle
-témoigne d'un fort grand soin, d'une lecture étendue, d'un vaste
-savoir. Ce petit roman épistolaire, encadré de si bonne façon, éclaire
-d'un jour nouveau la vie de deux personnages remarquables du siècle
-dernier.
-
- Arthur CHUQUET.
-
-
-
-
-_Nous aurions voulu présenter au Lecteur la série complète des lettres
-échangées par le prince de Metternich et la comtesse de Lieven. Ce
-désir, qu'il ne nous a pas été possible de réaliser, a nécessité de
-nombreuses recherches, au cours desquelles nous avons rencontré de
-précieux appuis. Nous tenons à dire, dès ces premières pages, le
-souvenir que nous en conservons._
-
-_M. Frédéric Masson, de l'Académie française, a bien voulu nous aider,
-dans cette recherche de documents nouveaux, de ses très éclairés
-conseils et de ses obligeantes démarches. Par lui, nous avons eu
-l'honneur d'être présenté à S. A. I. le grand-duc Nicolas
-Mikhaïlovitch dont tous connaissent les beaux travaux historiques, qui
-a daigné, avec une bienveillance inépuisable, nous faciliter la
-poursuite, en Russie et en Autriche, des parties perdues de la
-correspondance de M. de Metternich. A l'un et à l'autre nous offrons
-l'hommage de notre profonde gratitude._
-
-_M. Gabriel Hanotaux, de l'Académie française, a bien voulu, lui
-aussi, nous guider avec une amabilité et une indulgence dont nous ne
-savons comment lui témoigner assez notre reconnaissance très dévouée._
-
-_Nous devons encore de chaleureux et respectueux remerciements à M.
-Arthur Chuquet, membre de l'Institut, pour sa préface comme pour
-ses encouragements si utiles et si compétents._
-
-_Nous n'oublions pas les collectionneurs qui ont mis à notre
-disposition nombre de pièces inédites, tout d'abord M. le général
-Rebora, dans les belles archives duquel nous avons largement puisé, M.
-le comte Puslowski, M. Germain Bapst, M. Noël Charavay, M. Warocqué._
-
-_Nous tenons enfin à remercier particulièrement M. Raoul Bonnet, car
-son érudition très sûre a grandement favorisé nos investigations. Nous
-lui devons beaucoup et nos mercis, si cordiaux soient-ils, ne pourront
-acquitter notre dette envers lui._
-
- Paris, 29 septembre 1908.
- Jean HANOTEAU.
-
-
-
-
-INTRODUCTION
-
-
-I
-
-La très tendre affection qui, pendant quelques années, unit le prince
-de Metternich et la comtesse, depuis princesse de Lieven[1], n'est
-plus un secret.
-
-Chateaubriand, le premier, la fit connaître au public. Comme il
-n'aimait pas l'ambassadrice de Russie à Londres, il mit dans sa
-révélation toute la malveillance dont il était capable: «Les
-ministres, et ceux qui aspirent à le devenir, dit-il dans les pages où
-il peint la société britannique au temps de sa mission en Angleterre,
-sont tout fiers d'être protégés par une dame qui a eu l'honneur de
-voir M. de Metternich aux heures où le grand homme, pour se délasser
-du poids des affaires, s'amuse à effiloquer de la soie[2]».
-
- [1] Bien que la famille noble de Lieven soit d'origine
- livonienne, c'est-à-dire allemande, l'usage russe voudrait que
- nous disions comtesse Lieven, princesse Lieven, sans particule.
- Si nous commettons la faute d'ajouter cette dernière, c'est pour
- nous conformer, ainsi que l'ont fait M. Ernest Daudet et les
- autres biographes français de la princesse, à l'habitude prise et
- respecter le titre sous lequel notre héroïne fut connue, à Paris,
- de ses amis et du public. Nous avons eu, du reste, sous les yeux
- plusieurs lettres écrites par Mme de Lieven après son
- établissement en France et où elle signe en toutes lettres: _la
- princesse de Lieven_ (Collection de M. le général Rebora: L. a.
- s. lundi, 11 novembre (1846); L. a. s. Richmond, mardi 15 août
- 1848).
-
- [2] CHATEAUBRIAND, _Mémoires d'outre-tombe_, édition Biré. Paris,
- Garnier, s. d. 8 vol. in-32, t. IV, p. 250.--Le livre IX, dont
- ces lignes sont extraites, fut écrit en 1839 et retouché en 1846.
- Les _Mémoires d'outre-tombe_ parurent d'abord dans _la Presse_
- (21 octobre 1848 au 3 juillet 1850), puis en 12 volumes de 1849 à
- 1850. Mme de Lieven mourut en 1857.
-
-On a cherché--et peut-être en partie trouvé--la raison d'être de cette
-animosité du grand écrivain dans le peu d'empressement avec lequel Mme
-de Lieven accueillit, au cours des fêtes de Vérone, l'orgueilleux ami
-de Juliette Récamier[3].
-
- [3] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier, La
- princesse de Lieven._ Paris, Plon, 1903, in-8º, p. 3.
-
-Comme on a pu le constater depuis, en effet, pas une fois, dans ses
-lettres de cette époque, elle ne fait mention de lui. Elle n'avait
-donc pas été éblouie par sa présence. Or, Chateaubriand n'aimait pas
-que l'on passât à ses côtés en indifférent. Il était l'homme dont
-Talleyrand dira, en apprenant qu'il se plaignait de maux d'oreilles:
-«Il se croit sourd depuis que l'on a cessé de parler de lui[4]».
-Toutefois, l'antipathie de l'auteur des _Martyrs_ pour la maîtresse de
-M. de Metternich est antérieure au Congrès de Vérone, car, de Londres,
-en juin 1822, il la traitait déjà, assez dédaigneusement, de «femme
-d'intrigues[5]».
-
- [4] Lord HOLLAND, _Souvenirs_, publiés, avec avant-propos et
- notices, par F. Barrière. Paris, Firmin-Didot, 1862, in-12, p.
- 32.
-
- [5] _Archives du ministère des affaires étrangères._ Angleterre,
- Correspondance, vol. 615, fº 264. M. de Chateaubriand à M. de
- Marcellus: Londres, 18 juin 1822. Il a été avisé que le roi
- d'Angleterre a envie d'aller à Paris. «Je le sais par la marquise
- de Conyngham et par la comtesse de Lieven, femme d'intrigues qui
- exerce ici une assez grande influence.»--Le congrès de Vérone
- s'ouvrit en octobre 1822.
-
-
-Cependant, bien avant la publication des _Mémoires d'outre-tombe_, on
-avait jasé sur la liaison du ministre des Affaires étrangères
-d'Autriche et de la comtesse de Lieven.
-
-Les assiduités du futur Chancelier auprès de la grande dame russe,
-pendant les derniers jours du Congrès d'Aix-la-Chapelle, n'avaient pas
-échappé aux regards, professionnellement curieux, des diplomates.
-Quelques personnes, d'ailleurs, étaient dès lors dans le secret. En
-pareil cas, quelques personnes deviennent bien vite tout le monde.
-
-A Paris, Louis XVIII, si friand de petits scandales, était au courant
-de cette intrigue, et il pouvait renseigner Decazes sur la
-correspondance entretenue par Mme de Lieven avec son «cher
-z'amant»[6].
-
- [6] Louis XVIII à Decazes, 30 novembre 1820. Lettre citée et
- publiée en partie par M. Ernest DAUDET dans _Un Roman du prince
- de Metternich_ (_Revue Hebdomadaire_, 29 juillet 1899, p. 659).
-
-Aux conférences de Vérone, l'ambassadrice de Russie fut froidement
-accueillie par ses compatriotes et Mme de Nesselrode notait à ce
-sujet: «Le soupçon qu'on a d'une liaison de la comtesse avec
-Metternich est la cause du soulèvement qui s'est produit contre
-elle[7].»
-
- [7] _Lettres et papiers du chancelier comte de Nesselrode_, t.
- VI, p. 142. Mme de Nesselrode à son mari, Saint-Pétersbourg, 9
- décembre 1822.
-
-Bien d'autres indices encore permettent de croire les contemporains
-bien informés.
-
-Lorsque la comtesse de Lieven mit au monde son fils Georges, le 15
-octobre 1819, celui-ci fut dénommé par la malignité publique «l'enfant
-du Congrès». Le surnom était d'ailleurs plus piquant que juste. Sa
-méchanceté tombe devant ce fait: les deux personnages visés ne
-s'étaient pas vus depuis le 24 novembre 1818, onze mois avant la
-naissance de l'enfant.
-
-Mais les bonnes langues de la Cour de Saint-James n'en cherchaient pas
-si long.
-
-Un peu plus tard, le prince Paul Esterhazy, ambassadeur d'Autriche à
-Londres, se plaignait des lettres échangées à sa barbe[8], et parmi
-les hommes politiques qui, à partir de ce moment surtout, se
-pressèrent dans les salons de Mme de Lieven, beaucoup y étaient sans
-doute attirés par l'espoir d'y trouver un reflet de la pensée du
-tout-puissant ministre.
-
- [8] Le duc Decazes à Louis XVIII, 24 novembre 1820 (_Revue
- Hebdomadaire_ du 29 juillet 1899, p. 659).
-
-Tous ces bruits malveillants, comme tant d'autres, auraient pu n'avoir
-aucune consistance et ne reposer sur aucune réalité. Ils furent
-confirmés par diverses révélations ultérieures.
-
-La preuve historique de l'intimité du prince de Metternich et de
-l'ambassadrice de Russie fut acquise lorsque M. Ernest Daudet publia
-un fragment de leur correspondance, dont il avait pu découvrir une
-copie exécutée, au passage des courriers à Paris, par le cabinet noir
-de la Restauration[9].
-
- [9] Ernest DAUDET, _Un Roman du prince de Metternich_ (_Revue
- Hebdomadaire_ des 29 juillet et 5 août 1899).
-
-Cette précieuse publication était cependant incomplète et il était
-encore impossible de déterminer la date et les péripéties du début de
-cet amour.
-
-Un hasard heureux nous a mis sur la trace d'une nouvelle liasse de
-lettres écrites par M. de Metternich à son amie, immédiatement après
-leur séparation, au lendemain du Congrès d'Aix-la-Chapelle. Cette
-série comprend tous les billets envoyés par le prince--nous n'avons pu
-retrouver les réponses de la comtesse--depuis les derniers jours de
-novembre 1818 jusqu'au 31 avril 1819. Ces pages contiennent les
-premières confidences de l'amant.
-
-Il nous a été impossible de suivre l'histoire de ces lettres depuis le
-moment où, d'une façon inconnue, elles sortirent du tiroir de Mme de
-Lieven jusqu'à celui où elles tombèrent entre nos mains.
-
-Cependant, leur authenticité n'est pas douteuse. L'écriture est bien
-celle, éminemment cursive, sobre, nette, nerveuse du chancelier
-d'Autriche[10]. Toutes les fois que cela a été possible, nous avons
-établi avec le plus grand soin la concordance de leurs récits avec les
-circonstances déjà connues des incidents auxquels ils font allusion.
-Pas une de leurs lignes ne laisse planer un doute sur le bien-fondé de
-leur attribution. A défaut de signature, le cachet de M. de
-Metternich, un C surmonté de la couronne princière, en cire noire,
-vient, sur quelques-unes d'entre elles, apporter aussi son témoignage.
-
- [10] M. Noël Charavay, le très aimable et très consciencieux
- expert en autographes, a bien voulu examiner le manuscrit de ces
- lettres avec sa grande compétence. De son examen approfondi
- résulte la certitude de leur absolue authenticité.
-
-Enfin, on retrouve dans leur texte bien des qualités et des défauts de
-leur auteur présumé, mélange compliqué d'élégance native, de finesse,
-d'incommensurable orgueil, de pensée claire mais parfois étroite
-«alliant la fatuité mondaine et la présomption à un certain pédantisme
-germanique, assez beau joueur pour en imposer au monde, pour déguiser
-des intérêts sous le nom de droits, des expédients sous le nom de
-principes, l'immobilité, qui était son système, sous le voile de
-profonds calculs»[11].
-
- [11] Charles DE MAZADE, _Un chancelier d'ancien régime. Le règne
- diplomatique de M. de Metternich._ Paris, Plon, 1889, in-8º, p.
- 5.
-
-Le lecteur trouvera ces lettres plus loin. Leur étude permettra de
-préciser certains points de la liaison dévoilée par Chateaubriand et
-d'ajouter quelques détails à l'intime psychologie de celui qui les
-écrivit et de celle qui les reçut. Ces détails seront tout à l'honneur
-de l'un comme de l'autre, hâtons-nous de le dire.
-
-Au cours de l'exposé très rapide de leurs relations, l'on se trouvera
-sans doute amené à faire sur eux, sur leur morale, quelques
-restrictions. Mais, de ces lignes où le prince s'est montré tel qu'il
-voulait être vu par l'Aimée, où il caresse celle-ci de la louange des
-charmes qu'il voulut voir en elle, il ressort un Metternich plus
-tendre, plus affectueux, plus humain, «sachant mieux aimer», selon sa
-propre expression, que celui dont l'histoire officielle nous laisse
-voir l'altière figure.
-
-En souhaitant la publication complète de la correspondance dont nous
-apportons quelques nouvelles feuilles, M. Lionel Robinson disait que
-ces lettres inconnues devaient faire honneur «à la tête, sinon au
-cœur, de l'homme d'État qui, pendant toute une génération, fut le
-dictateur de l'Europe et le Nestor des hommes politiques»[12].
-
- [12] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London_, 1812-1834. Edited by LIONEL G. ROBINSON. London,
- Longmans, Green and Co, 1902, in-8º. Préface, p. X.
-
-Rien de bien nouveau, croyons-nous, ne sortira cependant de ce livre,
-si l'on y cherche la «tête» du ministre de François Ier, mais il
-témoignera d'un cœur meilleur que M. Robinson ne le supposait.
-
-Le malheur des hommes d'État dont la vie se confond avec la carrière
-est de faire difficilement croire à leur sensibilité, écrasée sous le
-masque d'impassibilité dont ils doivent se couvrir.
-
-M. de Metternich semble avoir souffert de sa réputation de froideur,
-presque inhérente pourtant à ses fonctions. Il était cependant capable
-d'un amour ardent. Il est équitable de lui rendre justice sur ce
-point. Ses lettres permettront de le faire en toute sincérité.
-
-
-
-
-II
-
-Au moment du Congrès d'Aix-la-Chapelle, le prince de Metternich, né à
-Coblentz le 15 mai 1773, avait quarante-cinq ans.
-
-Son père[13], diplomate assez médiocre, mais adroit et ambitieux,
-d'abord au service de l'électeur de Trèves, était passé, très jeune
-encore, à celui de l'empereur d'Allemagne.
-
- [13] METTERNICH-WINNEBURG (Clemens-Wenzel-Lothar, comte puis
- prince de) était fils de Franz-Georg-Karl-Joseph-Johann et de sa
- femme, Maria-Beatrix-Antonia-Aloïsia de Kagenegg. La branche de
- la vieille famille de noblesse rhénane à laquelle il appartenait
- avait pris au quatorzième siècle le nom du village de Metternich
- près d'Euskirchen, à une lieue de Cologne. Elle avait reçu en
- 1616 la dignité de baron de l'Empire et le 20 mars 1679 celle de
- comte. Le père du futur chancelier était né à Coblenz, le 9 mars
- 1746. Devenu orphelin à l'âge de quatre ans, il entra d'abord au
- service de l'électeur de Hesse. En 1768, il fut accrédité à
- Vienne comme ministre de l'électeur de Trèves. Rappelé à Trèves,
- en 1769, comme ministre sans portefeuille au département des
- affaires étrangères, il fut de nouveau envoyé à Vienne l'année
- suivante. En 1774, il passa au service de l'empereur d'Allemagne
- qui l'accrédita le 28 février, comme son ministre auprès des
- cours électorales de Trèves et de Cologne. Ministre impérial dans
- le cercle du Bas-Rhin et de Westphalie (1778), ministre dirigeant
- dans les Pays-Bas autrichiens (1791), il quitta définitivement
- Bruxelles en 1794. Resté d'abord sans emploi, il fut nommé, en
- décembre 1797, premier plénipotentiaire autrichien au Congrès de
- Rastatt. Prince de l'Empire (le 3 juin 1803) à titre personnel,
- cette dignité fut étendue à tous ses descendants le 20 octobre
- 1813. Marié le 9 janvier 1771, à M.-B. de Kagenegg, née le 8
- décembre 1755, morte le 23 novembre 1828, il en eut quatre
- enfants: le prince Clément, le comte Joseph (11 novembre 1773-9
- décembre 1838), un autre fils Louis mort jeune (14 janvier 1777-2
- mars 1778) et Pauline (29 novembre 1772-23 juin 1855), qui épousa
- le 23 février 1817 Ferdinand, duc de Wurtemberg. Le prince
- Franz-Georg mourut à Vienne le 11 août 1818 (_Almanach de Gotha_,
- 1836, p. 174 et 1848, p. 159.--WURZBACH, _Biographisches Lexikon
- de _Kaiserthums Oesterreich_, t. XVIII, p. 60.--STROBL VON
- RAVELSBERG, Metternich und seine Zeit_, 1778-1875. Vienne et
- Leipzig, Stern, 1906, 2 vol. in-8º, t. I, p. 56).
-
-Il avait représenté ce prince auprès des cours électorales du Rhin. Il
-fut plus tard son ministre dirigeant du Gouvernement des Pays-Bas
-autrichiens. Les victoires des armées françaises le forcèrent à
-quitter Bruxelles, leurs échecs l'y ramenèrent; Fleurus l'en chassa
-définitivement. Après avoir encore été plénipotentiaire de son
-souverain au Congrès de Rastatt, il fut nommé ministre d'État et
-vécut, dès lors, dans le sillage de la brillante carrière de son fils.
-
-Ce dernier avait d'abord fait ses études sous la direction de
-précepteurs, puis, en 1788, avait été envoyé à Strasbourg, dont les
-Universités étaient en grand renom. De là, il s'était rendu à Mayence
-pour achever son droit.
-
-Dans ces deux villes, le jeune Clément tomba en pleine agitation. Le
-grand souffle qui secouait le monde avait pénétré jusque sur les bancs
-des écoles d'Alsace et d'Allemagne. Beaucoup, parmi les professeurs et
-les élèves, avaient embrassé les idées nouvelles et celui qui devait
-être l'un des adversaires les plus irréductibles de la Révolution eut
-pour maîtres et pour condisciples ses premiers adeptes.
-
-Il reçut, à Strasbourg, ses leçons d'instruction religieuse d'un
-canoniste alors célèbre: Brendel, le même qui, l'heure venue, prêta
-serment à la Constitution civile du clergé, fut élu évêque
-constitutionnel du Bas-Rhin et le resta jusqu'au soir où, son
-arrestation ayant été décidée par la société des Jacobins, il sacrifia
-ses fonctions sacerdotales à sa sécurité[14].
-
- [14] Paul PISANI, _Répertoire biographique de l'Épiscopat
- constitutionnel_. Paris, Picard, 1907, in-8º, p. 242.
-
-A Mayence, en dehors des cours de l'historien Vogt, M. de Metternich
-suivit ceux d'Hoffmann, se lia d'amitié avec Georges Forster, le
-compagnon de Cook, avec Kotzebue, les uns et les autres fervents
-propagandistes des doctrines modernes.
-
-A ces hommes se trouva ainsi confiée la formation intellectuelle de
-celui dont le nom servit un jour à symboliser tout un système de
-résistance aux idées qui étaient alors les leurs. Cette coïncidence,
-d'ailleurs, nous étonne certainement plus aujourd'hui qu'elle
-n'étonnait les contemporains.
-
-M. de Metternich, dans l'autobiographie placée en tête de ses
-Mémoires, s'est appliqué à dramatiser encore cette situation. Il se
-plaisait dans le contraste de ce qu'avait été ce milieu et de ce que
-fut sa vie. Malheureusement, pour mieux faire ressortir son
-indépendance, peut-être aussi dans le dessein de montrer que rien dans
-sa carrière n'avait pu être banal, il n'a pas cru nécessaire de se
-confiner toujours dans la stricte vérité.
-
-«Lorsque j'arrivai dans cette ville (Strasbourg), dit-il, le jeune
-Napoléon Bonaparte venait de la quitter; il y avait fini ses études
-spéciales comme officier au régiment d'artillerie qui était en
-garnison à Strasbourg. J'eus les mêmes professeurs de mathématiques et
-d'escrime que lui[15].»
-
- [15] _Mémoires, Documents et Écrits divers laissés par le prince
- de Metternich_ publiés par son fils le prince Richard de
- Metternich, classés et réunis par M. A. de Klinkowstroem. Édition
- française. Paris, Plon, 1880-1884, 8 vol. in-8º, t. I, p. 6.
-
-Le rapprochement, en effet, aurait pu être curieux. Il n'y a qu'une
-ombre au tableau: à cette date, Napoléon n'était encore jamais venu à
-Strasbourg. On sait de reste qu'à sa sortie de l'École militaire de
-Paris, il fut nommé directement lieutenant et envoyé au régiment de La
-Fère, dont la garnison était Valence[16].
-
- [16] Arthur CHUQUET, _la Jeunesse de Napoléon_. _Brienne._ Paris,
- Armand Colin, 1897, in-8º.--Albert SCHUERMANS, _Itinéraire
- général de Napoléon Ier_. Paris, Picard, 1908, in-8, p. 3.
-
-M. de Metternich dit encore qu'il se vit, à Mayence, «entouré
-d'étudiants qui inscrivaient les leçons d'après le calendrier
-républicain[17]». Mais il quitta la ville où ce fait aurait dû se
-passer, au plus tard, vers le milieu de l'année 1793, puisque, le 27
-juillet, il assistait à la prise de Valenciennes. Or, le décret de la
-Convention qui fixa le point de départ de l'ère nouvelle et en établit
-le calendrier, bientôt remanié d'ailleurs, est du 5 octobre 1793! Tout
-au plus donc, les jeunes Allemands pouvaient-ils ajouter aux dates
-grégoriennes les mentions: l'ère de la liberté ou l'ère de l'égalité,
-dont la première avait été créée par l'Assemblée législative le 2
-janvier 1792 et dont la seconde était entrée en usage après le 10
-août[18].
-
- [17] _Mémoires du prince de Metternich_, t. I, p. 12.
-
- [18] A. GIRY, _Manuel de diplomatique_. Paris, Hachette, 1894,
- in-8º, p. 170.
-
-Dans le même état d'esprit, le chancelier a voulu faire[19] de l'un de
-ses précepteurs, Frédéric Simon, l'un des personnages de premier plan
-de la tourmente révolutionnaire à Strasbourg et même à Paris. D'après
-lui, son nom serait «voué aux malédictions de l'Alsace», il aurait été
-membre du Tribunal révolutionnaire que présidait (?) Euloge Schneider,
-puis président du Conseil des Dix (??) institué par les Marseillais
-pour organiser la journée du 10 août.
-
-La réalité est plus modeste: J.-F. Simon était un pauvre professeur,
-enseignant suivant une méthode d'instruction alors fort à la mode,
-celle de Basedow et Campe. Il avait été maître de pension à Neuwied
-avant de prendre soin de l'éducation du jeune Clément. Après avoir
-abandonné cette fonction, il fit paraître, en 1789, le premier journal
-de Strasbourg: _la Feuille hebdomadaire et politique_. C'était un
-simple récit des événements, terne et incolore, tout le contraire d'un
-organe de combat. En 1790, ce premier essai n'ayant pas réussi, Simon
-lança une publication quotidienne: _Die Geschichte der gegenwärtigen
-Zeit_[20] (l'Histoire du temps présent). Là encore, il ne fit guère
-œuvre de polémiste, bien qu'il fût sympathique à Euloge Schneider. Ce
-dernier prit même la suite de la rédaction, quand, en juin 1792,
-Simon vint à Paris. Parmi les fondations de ce dernier, il faut encore
-citer le _Patriotisches Wochenblatt_, mais aucune de ces œuvres ne
-permet de voir en lui l'homme exalté dont son élève nous parle.
-
- [19] _Mémoires du prince de Metternich_, t. I, p. 8.
-
- [20] E. SEINGUERLET, _Strasbourg pendant la Révolution_. Paris,
- Berger-Levrault, 1881, in-8º, p. 306.
-
-Simon fut ensuite, dans la capitale, non pas président d'un Conseil
-des Dix qui n'exista jamais, mais membre obscur du _Directoire secret
-d'exécution_ formé par le Comité central des Fédérés pour préparer le
-Dix Août[21].
-
- [21] _Grande Encyclopédie_, t. III, p. 289, article Août (Journée
- du 10) par M. Aulard.--POLLIO ET MARCEL, _le Bataillon du 10
- Août_. Paris, Charpentier, 1881, in-12.--E. MÜHLENBECK, _Euloge
- Schneider_. Strasbourg, Hertz, 1896, in-8º.
-
-Commissaire national dans les pays rhénans, il joua un rôle à
-Mayence[22], mais ne fit jamais partie du Tribunal révolutionnaire, et
-on le retrouve, en 1804, maître de langue allemande au collège
-Louis-le-Grand[23].
-
- [22] Arthur CHUQUET, _Mayence_, Paris, Cerf, 1892, p. 60 et s.
-
- [23] Nous aurions voulu donner sur ce personnage quelques détails
- plus complets, mais nos efforts n'ont pas été heureux. Les
- Archives nationales semblent ne posséder aucun document le
- concernant.--M. de Metternich raconte encore que Napoléon lui
- enleva sa place de maître d'allemand comme ancien jacobin. Nous
- avons pu retrouver et feuilleter les _Comptes Rendus du Procureur
- Gérant_ de Louis-le-Grand et les _Pièces justificatives_ de ces
- comptes rendus. Sur les feuilles d'émargement pour le paiement
- des traitements du personnel, nous avons retrouvé la trace de
- Simon, qui touchait annuellement 2,000 francs, depuis l'an XII
- jusqu'en décembre 1813. Nous n'avons pu mettre la main sur les
- comptes des années postérieures, ce qui nous a rendu impossible
- la vérification de l'assertion de M. de Metternich. Ce dernier
- ajoute qu'à la Restauration, Simon fut choisi par le duc
- d'Orléans comme professeur d'allemand pour ses enfants.
-
- A titre de simple indication, signalons que, dans sa séance du 14
- septembre 1793, la Convention accorda une somme de 2,000 francs
- pour payer quatre mois de traitement échus à un citoyen Simon qui
- «après la célèbre journée du mois d'août 1792» avait été chargé
- «de traduire en langue allemande les décrets de la Convention
- nationale». S'agit-il de J.-F. Simon? Le rôle de ce dernier au 10
- août et sa connaissance de la langue étrangère en question sont de
- trop faibles indices pour permettre d'émettre une hypothèse à ce
- sujet.
-
-
-On ne peut donc croire facilement que l'horreur inspirée par l'obscure
-personnalité du journaliste de Strasbourg ait beaucoup influé sur la
-marche de l'esprit de M. de Metternich, comme celui-ci le dit.
-
-Maints spectacles donnaient à ce moment plus forte matière à ses
-méditations.
-
-Les études du futur chancelier furent interrompues à deux reprises par
-l'obligation d'aller remplir les fonctions de maître des cérémonies de
-l'ordre des comtes catholiques de Westphalie aux couronnements des
-deux empereurs Léopold et François[24].
-
- [24] Léopold II fut couronné empereur d'Allemagne en octobre 1790
- et François II le 14 juillet 1792.
-
-Ces fêtes grandioses et surannées empruntaient un caractère tragique
-aux secousses qui ébranlaient la nation voisine. Tandis que «tout
-était angoisse et humiliation aux Tuileries»[25], tout était pompes et
-splendeurs à Francfort. La répétition de ces réjouissances, dans le
-même décor, à des intervalles si rapprochés, séparés pourtant par de
-tels événements, permettait de mesurer le chemin parcouru. Le jeune de
-Metternich en fut vivement frappé. Mais ses convictions, que les
-doctrines de ses maîtres n'avaient pas entamées, s'en trouvèrent
-affermies: «J'étais plein de confiance, dit-il, dans un avenir qui,
-selon mes rêves de jeunesse, devait sceller le triomphe de cette
-organisation puissante (l'Empire d'Allemagne) sur la faiblesse et la
-confusion que je voyais au delà de nos frontières[26].»
-
- [25] Albert SOREL, _l'Europe et la Révolution française_, t. II,
- p. 492.
-
- [26] _Mémoires du prince de Metternich_, t. I, p. 10.
-
-Son instruction achevée, M. de Metternich rejoignit son père à
-Bruxelles. Il lui servit parfois de courrier auprès de l'armée
-autrichienne, put suivre ainsi la campagne dont la fin fut marquée par
-la prise de Valenciennes, puis, profitant d'une mission envoyée au
-gouvernement de Londres, il se rendit en Angleterre et visita
-longuement le pays.
-
-A son retour sur le continent, le jeune homme épousa Marie-Éléonore,
-fille du prince Ernest de Kaunitz, petite-fille du grand ministre
-duquel il allait reprendre l'œuvre[27]. La cérémonie fut célébrée
-dans l'église d'un petit village alors inconnu, Austerlitz, dont le
-nom devait, en 1805, résonner moins joyeusement à ses oreilles.
-
- [27] Le mariage fut célébré le 27 septembre 1795.--Marie-Éléonore
- de Kaunitz était née le 1er octobre 1775. Elle mourut à Paris le
- 19 mars 1825 après avoir donné sept enfants à son mari.
-
-Sa femme, ni jolie, ni aimable, sut être la bonne étoile de sa
-carrière. Par son tact, elle en facilita les débuts, et il trouva
-toujours auprès d'elle, même aux moments où les pires infidélités
-conjugales auraient pu séparer les deux époux, un guide sûr, éclairé
-et bienveillant.
-
-Après son mariage, M. de Metternich resta pendant quelques années à
-Vienne sans prendre part aux affaires publiques, s'occupant de
-médecine, de physiologie et d'art. Il sortit un instant seulement de
-cette retraite pour accompagner son père au Congrès de Rastatt, en
-qualité de délégué des comtes de Westphalie.
-
-Le 5 février 1801[28], après la chute du ministre Thugut, le comte de
-Trauttmansdorff, chargé par intérim du ministère des affaires
-étrangères, lui confia la légation de Dresde. Il quitta celle-ci pour
-l'ambassade de Berlin, où il remplaça, le 3 janvier 1803, le comte de
-Stadion. Il resta en Prusse jusqu'en 1806, au milieu de toutes les
-difficultés et de toutes les émotions que pouvaient créer à un ennemi
-de la France les hésitations de Frédéric-Guillaume.
-
- [28] _Mémoires du prince de Metternich_, t. VII, p. 646.
-
-Entre temps, la fortune de sa famille s'était brillamment accrue. En
-échange de ses comtés de Winneburg et de Bielstein, son père avait
-reçu, après le traité de Lunéville, l'abbaye d'Ochsenhausen,
-médiatisée en 1803 et cédée au Wurtemberg, puis avait obtenu, à titre
-personnel, la dignité de prince de l'Empire. Celle-ci devait être
-étendue à tous ses descendants le 20 octobre 1813.
-
-Le 18 mai 1806[29], Clément de Metternich, d'abord désigné pour le
-poste de Saint-Pétersbourg, fut, sur le désir de Napoléon, nommé
-ambassadeur d'Autriche à Paris. Accueilli par l'Empereur avec une
-faveur qui lui créait une situation particulière dans le corps
-diplomatique, sa vie politique, pendant la durée de sa mission, est
-intimement liée à l'histoire extérieure de la France.
-
- [29] _Ibid._, p. 647.
-
-Quand survinrent les événements de 1809, Napoléon fit reconduire M. de
-Metternich à la frontière. L'ambassadeur arriva dans sa patrie pour
-prendre part aux conférences de Znaïm, et, peu après, reçut le
-portefeuille des affaires étrangères[30].
-
- [30] Ministre de Conférences et d'État le 4 août 1809, M. de
- Metternich fut nommé le 8 octobre 1809 ministre de la Maison
- impériale et des Affaires étrangères (_Mémoires du prince de
- Metternich_, t. VIII, p. 647).
-
-Le mariage de Marie-Louise le ramena à Paris pour six mois. Il
-s'agissait pour lui de tirer les choses au clair. Le conquérant
-«voulait-il remettre l'épée au fourreau et fonder l'avenir de la
-France et de sa famille sur les principes de l'ordre à l'intérieur et
-de la paix au dehors», ou bien aspirait-il «à fonder une dynastie en
-s'appuyant sur l'Autriche et à poursuivre en même temps son système de
-conquêtes?»[31].
-
- [31] _Ibid._, t. I, p. 99.
-
-Dans l'un comme dans l'autre cas, M. de Metternich comptait bien tirer
-profit de la situation en faveur de sa monarchie. C'est à elle seule
-qu'il pensait quand il fut un instant le maître des destinées de
-l'Europe[32] à l'entrevue de Dresde, puis lorsque, revenu sur les
-bords de la Seine, en 1814, il prit la part que l'on sait aux
-négociations qui enlevèrent son trône à une archiduchesse d'Autriche.
-Il avait rêvé plus d'une fois d'une régence où son maître aurait eu le
-premier rôle. Le retour des Bourbons ne le satisfit pas pleinement. Il
-en voulut aux tendances constitutionnelles du nouveau gouvernement
-et, avant de partir pour Londres porter au Prince Régent les regrets
-de l'empereur François de ne pouvoir accompagner Alexandre et le roi
-de Prusse dans leur visite à la cour d'Angleterre, il disait à Louis
-XVIII: «Votre Majesté croit fonder la monarchie. Elle se trompe: c'est
-la révolution qu'elle reprend en sous-œuvre».
-
- [32] Albert SOREL, _l'Europe et la Révolution française_, t. II.,
- p. 144.
-
-Le Congrès de Vienne mit M. de Metternich aux prises avec Talleyrand,
-dont la fine habileté l'emportait sur sa tortueuse diplomatie, quand
-le débarquement du golfe Jouan et son épilogue, Waterloo, firent
-reprendre aux alliés le chemin de Paris. Le prince Clément resta dans
-cette ville jusqu'au mois de novembre 1815, signant entre temps la
-Sainte-Alliance, appelée par lui-même un rien «vide et sonore».
-
-De France, il se rendit en Italie, souffrant d'une grave maladie des
-yeux, revint à son poste en Autriche, mais, en 1817, repassa les Alpes
-pour accompagner à Livourne l'archiduchesse Léopoldine, fiancée au
-prince héritier de Portugal.
-
-En 1818, sa santé le conduisit aux eaux de Carlsbad.
-
-On était à la veille du Congrès d'Aix-la-Chapelle: il arrivait à l'un
-des points culminants de sa carrière.
-
-Déjà prince de l'Empire et duc au royaume des Deux-Siciles, il venait
-d'être fait duc de Portella[33].
-
- [33] Ferdinand Ier, roi des Deux-Siciles, lui avait conféré le
- rang de duc par décret du 13 novembre 1815. M. de Metternich
- refusa de profiter de cette faveur, si ce titre n'était pas assis
- sur une ville napolitaine. Par diplôme du 9 septembre 1818,
- Ferdinand ajouta donc au titre de duc le nom de Portella
- (_Mémoires du prince de Metternich_, t. VIII, p. 654).
-
-Il avait ambitionné, après avoir abattu la puissance napoléonienne, de
-devenir le régulateur de la paix et de l'ordre en Europe: pendant
-quelques années, il allait voir son rêve réalisé.
-
-La tenace application de son système, système d'immobilité, de _statu
-quo_ et de repos, selon ses propres expressions, devait faire de lui
-l'arbitre des puissances.
-
-Au moment où il fit la connaissance de Mme de Lieven, le prince de
-Metternich était vraiment la plus haute personnalité du monde
-politique européen.
-
-Si l'homme public et le diplomate sont si connus que tenter d'écrire
-une ligne sur ces deux aspects de sa physionomie serait s'exposer à
-d'inutiles redites, l'homme privé ne l'est guère moins.
-
-M. de Lacombe juge ainsi son caractère: «Impassible en apparence et
-capable de sensibilité, recherchant avec une égale humeur les
-dissertations dogmatiques et les succès du monde, l'esprit sans cesse
-occupé des combinaisons de la politique et passionné pour les arts,
-procédant par maximes abstraites et se pliant avec aisance aux
-nécessités du temps, ironique et bienveillant, grave et frivole,
-résolu et circonspect, sachant fléchir sans s'abaisser et résister
-sans rompre, alliant à l'autorité des sentences le charme des
-anecdotes, aux élévations morales et religieuses les vues positives,
-il y a en lui un trait qui domine, une limite qui maintient dans une
-proportion équitable ses qualités diverses: la possession de soi et le
-don de l'observation[34].»
-
- [34] DE LACOMBE, _le Prince de Metternich_, dans _le
- Correspondant_ du 10 décembre 1882, t. CXXIX, p. 893.
-
-La plupart de ses contemporains parlent de lui comme d'un cavalier
-accompli et d'un parfait homme du monde. M. de la Garde trace son
-portrait: «Ses traits étaient parfaitement réguliers et beaux, son
-sourire plein de grâce; sa figure exprimait la finesse et la
-bienveillance; sa taille moyenne était aisée et bien prise, sa
-démarche remplie de noblesse et d'élégance[35]». M. de Falloux, qui
-lui fut présenté, à Vienne, en 1834, en avait conservé ce souvenir:
-«Le prince de Metternich était... un des hommes les plus beaux et les
-plus élégants de son temps. Il gardait, même alors, pour la mode toute
-la déférence qu'on peut concilier avec la distinction grave dont il ne
-se départait jamais; sa conversation avait le même caractère; elle
-était tout ensemble parfaitement moderne et parfaitement digne[36]«.
-
- [35] Comte A. DE LA GARDE-CHAMBONAS, _Souvenirs du Congrès de
- Vienne_, 1814-15, publiés avec introduction et notes par le comte
- Fleury. Paris, Vivien, 1901, in-8º, p. 343.
-
- [36] Le comte DE FALLOUX, _Mémoires d'un Royaliste_. Paris,
- Perrin, 1888, 2 vol. in-8º, t. I, p. 78.
-
-Il joignait «aux avantages de la naissance, dit un autre de ses
-biographes, la figure la plus séduisante, les formes les plus
-distinguées, une parole facile».
-
-Enfin, un de ses plus chauds admirateurs, qui fut sinon son
-conseiller, du moins son confident, son familier et son porte-parole,
-le sceptique et dépravé Frédéric de Gentz, le peignait ainsi: «Il se
-croit heureux: c'est une qualité excellente; il a des moyens, il a du
-savoir-faire, il paie beaucoup de sa personne, mais il est léger,
-dissipé et présomptueux[37].»
-
- [37] Friedrich VON GENTZ, _Tagebücher_. Leipzig, Brockhaus, 1861,
- in-8º, p. 257. Ce passage, sans date, est de la fin de 1810.
-
-De son mariage avec la princesse Éléonore de Kaunitz, M. de
-Metternich, en 1818, avait eu déjà sept enfants[38]. Deux étaient
-morts en bas âge. La santé des survivants lui donnait de fréquentes
-inquiétudes: la plupart devaient, comme leur mère, mourir avant lui
-d'une affection pulmonaire sans remède. Il les aimait ardemment: le
-peu que l'on connaît des lettres adressées par lui aux uns et aux
-autres témoigne d'un constant souci de leur esprit et de leur cœur.
-Et cet homme que le monde pouvait croire insensible sous son frac
-officiel, trouvait, dans ses joies comme dans ses douleurs
-paternelles, des accents profondément émus.
-
- [38] 1º Marie-Léopoldine, née le 17 janvier 1797, mariée le 15
- septembre 1817 à Joseph, comte Esterhazy. Elle mourut le 20
- juillet 1820;
-
- 2º Franz-Karl-Johann-Georg, né le 21 février 1798, mort le 3
- décembre 1799;
-
- 3º Clemens-Éduard, né le 10 juin 1799, mort le 15 du même mois;
-
- 4º Franz-Karl-Victor, né le 15 janvier 1803, fut attaché
- d'ambassade à Paris et mourut le 30 novembre 1829;
-
- 5º Clémentine-Marie-Octavie, née le 30 août 1804, décédée le 6 mai
- 1820;
-
- 6º Léontine-Pauline-Marie, née le 18 juin 1811. Elle épousa, le 8
- février 1835, le comte Sandor de Slavnicza, fut la mère de la
- princesse Richard de Metternich, la très spirituelle ambassadrice
- à Paris sous Napoléon III, et mourut le 16 novembre 1861;
-
- 7º Hermina-Gabrielle-Marie, née le 1er septembre 1815, mourut en
- 1890, chanoinesse honoraire du chapitre des Dames de Savoie à
- Vienne.
-
-
-Mais, père irréprochable, M. de Metternich ne s'est pas cru astreint à
-un respect continu des serments conjugaux.
-
-M. de Loménie, sans donner d'ailleurs d'autres preuves de son
-affirmation que quelques lignes de ces petits opuscules ou
-_Taschenbücher_ paraissant périodiquement en Allemagne, raconte
-combien son enfance fut précoce: «Les jeunes filles attachées au
-service de madame sa mère attiraient au jeune Clément autant de
-réprimandes que ses succès scolaires lui valaient de louanges. M. de
-Metternich, le père, se montrait, lui, fort indulgent; il se plaisait
-à reconnaître à ces traits le sang de sa race, il en augurait bien
-pour son fils; et quand Mme de Metternich venait se plaindre de
-quelque nouvelle incartade amoureuse: «Laisse-le faire! disait-il,
-nous aurons là un fameux gaillard[39].»
-
- [39] _Galerie des Contemporains illustres_ par _un homme de rien_
- (Louis de Loménie). Paris, René et Cie, 1840-1847, 10 vol. in-12,
- t. II, p. 8.
-
-Chercher à savoir si M. de Loménie a dit vrai, serait sans doute
-perdre beaucoup de temps. Mais les dispositions prêtées à l'élève se
-retrouvent certainement dans l'homme mûr.
-
-Élégant, souple, brillant et insinuant, M. de Metternich savait et
-voulait plaire. Il mettait sa coquetterie à mener de front les
-affaires les plus graves et les intrigues mondaines les plus futiles.
-
-Toujours d'après le même écrivain, «on ferait des volumes avec le
-récit de toutes les bonnes fortunes échues ou prêtées au diplomate
-autrichien[40].»
-
- [40] _Galerie des Contemporains illustres_, t. II, p. 11.
-
-De ces bonnes fortunes, beaucoup sont bien connues.
-
-Alors qu'il n'était que ministre à Dresde, M. de Metternich s'était
-pris de passion pour une belle russe, la princesse Catherine Pavlovna
-Bagration, femme du général qui, à la tête de l'une des armées
-moscovites, devait périr en 1812 d'une blessure reçue à la bataille de
-Borodino. Un contemporain la dépeint en ces termes: «Qu'on se figure
-un jeune visage, blanc comme l'albâtre, légèrement coloré de rose, des
-traits mignons, une physionomie douce, expressive et pleine de
-sensibilité, un regard auquel sa vue basse donnait quelque chose de
-timide et d'incertain, une taille moyenne mais parfaitement prise,
-dans toute sa personne une mollesse orientale unie à la grâce
-andalouse[41].»
-
- [41] Comte A. DE LA GARDE-CHAMBONAS, _Souvenirs du Congrès de
- Vienne_, p. 88.--Mme de Bassanville, dans _les Salons
- d'autrefois, Souvenirs intimes_, t. II, p. 2, a copié ce passage
- presque mot pour mot. La première édition des _Souvenirs_ de M.
- de la Garde sous le titre de _Fêtes et Souvenirs du Congrès de
- Vienne_ a paru en 1843, à Paris, chez Appert, 2 vol. in-8º.
-
-Dans les cercles diplomatiques, la princesse Bagration avait reçu le
-surnom de «bel ange nu» en raison de ses toilettes décolletées
-jusqu'aux limites du possible. La vertu de cet ange n'était guère
-farouche.
-
-M. de Metternich conquit ses faveurs, et de leur liaison naquit, en
-1802, une fille dont le prince s'occupa toujours avec sollicitude.
-
-A Vienne, la princesse Bagration fut l'un des «astres les plus
-brillants dans cette foule de constellations que le Congrès avait
-réunies[42]». Elle se retira ensuite à Paris, où, dans sa maison des
-Champs-Élysées, elle tenta longtemps de jouer un rôle politique et de
-se poser en rivale diplomatique de Mme de Lieven[43].
-
- [42] Comte A. DE LA GARDE-CHAMBONAS, _Souvenirs du Congrès de
- Vienne_, p. 88.
-
- [43] SKAVRONSKA (Catherine-Pavlovna, comtesse) était née en 1783
- et mourut à Vienne le 21 mai 1857. Elle était la fille du général
- Paul Skavronski et de Catherine Engelhardt, la nièce préférée de
- Potemkin. Elle avait épousé, en septembre 1800, le prince Pierre
- Bagration, né en 1765, qui mourut en septembre 1812. Bien plus
- tard, en 1830, elle épousa, tout en conservant le nom de son
- premier mari, le colonel anglais sir John Hobart Caradoc, baron
- Howden (1799-1873). La fille qu'elle eut du prince de Metternich,
- Clémentine, née en 1802, morte en couches le 29 mai 1829, épousa
- en 1828 le général comte Otto Blome (1er octobre 1795-1er juin
- 1884) (Édition du grand-duc Nicolas MIKHAÏLOVITCH, _Portraits
- russes des dix-huitième et dix-neuvième siècles_.
- Saint-Pétersbourg, manufacture des papiers d'État, 3 vol. in-4º,
- 1905-1907, t. I, p. 49.--STROBL VON RAVELSBERG, _Metternich und
- seine Zeit_, t. I, p. 14 et 33).
-
-A la cour de Napoléon, M. de Metternich sut mériter les bonnes grâces
-de plus d'une Française. Mme de Rémusat nous le dit: «A cette époque,
-il était jeune, de figure agréable. Il obtint des succès auprès des
-femmes[44].»
-
- [44] _Mémoires de Mme de Rémusat_, 1802-1808, publiés par son
- petit-fils Paul de Rémusat. Paris, Calmann Lévy, 1879-1880, 3
- vol. in-8º, t. III, p. 48.
-
-Pendant son ambassade, il goûta les faciles baisers de Caroline Murat,
-encore grande-duchesse de Berg, mais qui rêvait déjà de ceindre ses
-jolis cheveux d'une couronne plus lourde. Il ne fut du reste pas un
-ingrat, et quand les heures difficiles eurent sonné, il tenta de
-sauver la royauté de son ancienne amie. Par l'intermédiaire de
-celle-ci, du reste, il avait obtenu l'acte de trahison connu sous le
-nom de traité du 11 janvier 1814. Il voulut peut-être sincèrement
-payer sa double dette, mais les coups de tête du roi de Naples
-devaient lui rendre la tâche impossible.
-
-Quand, pour le mariage de Marie-Louise, M. de Metternich était revenu
-à Paris, il ne s'était cependant pas piqué de fidélité envers la sœur
-de Napoléon. Il eut alors pour maîtresse Mme Junot.
-
-M. Frédéric Masson a raconté la tragi-comédie qui s'ensuivit.
-
-Lorsque Caroline apprit cette infidélité, elle acheta de la femme de
-chambre de la duchesse d'Abrantès les lettres de M. de Metternich à
-cette dernière et les livra à Junot.
-
-«Junot, furieux, a fait un esclandre, a battu sa femme, l'a tuée
-presque, a voulu provoquer Metternich. Cette histoire a fait le tour
-de Paris[45].»
-
- [45] Frédéric MASSON, _Napoléon et sa famille_. Paris, Ollendorf,
- 1897-1907, 8 vol. in-8º, t. VI, p. 184.
-
-Il fallut l'intervention de Mme de Metternich pour arranger les
-choses. Le duc d'Abrantès l'avait fait venir chez lui pour l'associer
-à sa vengeance. Elle trouva moyen de le calmer et, par crainte du
-scandale, s'établit la négociatrice de la réconciliation entre le mari
-outragé et l'épouse infidèle. Napoléon, au dire de Golovkine, l'en
-récompensa en l'embrassant et en lui déclarant:
-
-«Vous êtes une bonne petite femme qui a su m'éviter un grand embarras
-avec ce butor de Junot[46].»
-
- [46] Comte Fédor GOLOVKINE, _la Cour et le Règne de Paul Ier.
- Portraits, souvenirs et anecdotes_, publiés par S. Bonnet. Paris,
- Plon, 1905, in-8º, p. 309.
-
-Pendant son séjour à Paris, M. de Metternich fut encore épris--lui
-aussi--des charmes de Mme Récamier.
-
-On a pu retrouver deux lettres de lui adressées à cette dernière[47].
-Dans l'une, il lui déclare ne pouvoir attendre le terme de trois
-semaines imposé pour la revoir et fait ce serment d'amoureux d'entrer
-chez elle par la fenêtre, au cas où sa porte lui serait fermée. Dans
-l'autre, il lui demande une demi-heure d'entretien pour lui rapporter
-un anneau qu'elle lui avait offert. Juliette, on le sait, aimait à
-répandre ainsi des anneaux.
-
- [47] _Catalogue de la vente du 27 mai 1895_, no 85. M. Noël
- Charavay, expert.--Ce détail de l'amour de M. de Metternich pour
- l'amie de Chateaubriand n'est pas signalé dans le remarquable
- ouvrage, pourtant si complet, de M. Édouard Herriot: _Mme
- Récamier et ses amis_. Paris, Plon, 1905, 2 vol. in-8º. Par
- contre, M. Herriot signale, t. II, p. 405, l'opinion de la
- troisième princesse de Metternich sur son héroïne, extraite de
- son journal (_Mémoires du prince de Metternich_, t. V, p. 115).
- Cette opinion est malveillante à l'égard de Mmes Junot et
- Récamier. Ne serait-ce pas là un pur effet de jalousie
- rétrospective?
-
-Un autre caprice du prince de Metternich eut pour objet cette curieuse
-et séduisante duchesse de Sagan, dont il parlera longuement à Mme de
-Lieven. Belle comme toutes les filles de la duchesse de Courlande,
-Wilhelmine de Biren chercha toute sa vie le bonheur à travers trois
-mariages: l'un français et catholique, l'autre russe et orthodoxe, le
-troisième autrichien et protestant[48], et une multitude d'intrigues,
-dont la plus connue est celle qu'elle noua avec le prince Louis de
-Prusse, le héros de Saalfeld[49]. Elle était la sœur de la future
-nièce de Talleyrand, Dorothée de Biren, duchesse de Dino, à laquelle
-passèrent son titre et ses biens. D'après Mme de Boigne, «elle
-excellait dans le talent des femmes du Nord d'allier une vie très
-désordonnée avec des formes nobles et décentes[50].» On trouvera dans
-les lettres publiées plus loin l'opinion assez peu flatteuse conservée
-d'elle par M. de Metternich; mais, quand ce dernier parlait amèrement
-de la duchesse de Sagan, sa flamme était éteinte. Au temps de
-celle-ci, il était plus ardent qu'il ne voulait ensuite l'avouer.
-Frédéric de Gentz laisse deviner, par ses demi-confidences, tous les
-ennuis causés à son ami par celle qu'il nomme «la maudite femme[51].»
-
- [48] Le comte DE FALLOUX, _Mémoires d'un Royaliste_, t. I, p.
- 133.
-
- [49] _Souvenirs de la duchesse de Dino_, publiés par sa
- petite-fille la comtesse Jean de Castellane, Paris, Calmann Lévy,
- in-8º, p. 113.
-
- [50] _Mémoires de Mme de Boigne_, t. I, p. 228.
-
- [51] Friedrich VON GENTZ, _Tagebücher_. Leipzig, F.-A. Brockhaus,
- 1873-1874, 4 vol. in-8º, t. I, p. 322.
-
-M. de Metternich avait connu Wilhelmine de Biren à Dresde. Plus tard,
-il s'était engoué d'elle. Pendant le Congrès de Prague, il lui avait
-donné quelques heures arrachées à la politique. La duchesse avait
-suivi les armées alliées et son amant à Paris, en 1814, puis l'un et
-l'autre s'étaient mis en quête de nouvelles aventures[52]. L'un et
-l'autre, en effet, savaient se consoler des infidélités et des
-déceptions du cœur.
-
- [52] Friedrich VON GENTZ, _Tagebücher_, t. I, p. 293. «24 juillet
- 1814, dimanche. Entre autres, j'ai écrit une lettre très
- énergique à la duchesse de Sagan sur sa conduite envers
- Metternich et moi.»--_Ibid._, t. I, p. 322. «Samedi 22 [octobre
- 1814]. Dîné chez Metternich avec Nesselrode. Il me fait part de
- sa rupture définitive avec la duchesse, ce qui est aujourd'hui un
- événement de premier ordre.»
-
-Dans une de ses missives à Mme de Lieven, M. de Metternich lui
-raconte, avec un à-propos d'un goût douteux, qu'à peine sorti de
-l'Université de Mayence, il aima pendant trois ans une jeune femme de
-son âge, française et de grande famille[53]. Un passage des
-_Souvenirs_ du marquis de Bouillé nous donne peut-être la clef de
-cette énigme. Il s'agit sans doute de cette délicieuse Marie-Constance
-de Caumont la Force, fille de l'ancien garde des Sceaux Lamoignon qui
-«eût offert à un peintre le plus parfait modèle pour représenter Hébé
-ou Psyché[54]».
-
- [53] Lettre du 1er décembre 1818.
-
- [54] _Souvenirs et Fragments pour servir aux mémoires de ma vie
- et de mon temps_, par le marquis DE BOUILLÉ, publiés par P.-L. de
- Kermaingant, Paris, Picard, 1908, 2 vol. in-8º, t. II, p. 45.
-
-Dans la même lettre, le prince Clément avoue «deux liaisons», ce qu'il
-«appelle liaisons.»
-
-Sur la première, il donne quelques détails.
-
-Il aima une «femme qui n'était descendue sur la terre que pour y
-passer comme le printemps». A sa mort, elle lui légua une petite boîte
-cachetée. En l'ouvrant, il y trouva les cendres de ses lettres et un
-anneau qu'elle avait brisé.
-
-Il est difficile de deviner à qui ces confidences font allusion. Aussi
-bien, n'en est-il besoin. Cette passion semble avoir été la plus pure
-de celles semées sous les pas du grand ministre. Si les contemporains
-n'ont su découvrir ce secret, il y aurait témérité à le vouloir
-violer.
-
-Mais ce sont là seulement les étapes principales de la carrière
-amoureuse de M. de Metternich jusqu'en 1818, au moment où la comtesse
-de Lieven allait apparaître dans son existence.
-
-Il ne pouvait vivre seul, ni dans l'intérieur de son foyer, ni dans la
-profondeur de son cœur. Deux fois veuf, deux fois il se remaria sans
-grands délais, et, à côté de son ménage, il ne dut jamais laisser
-longtemps vide la place de l'amie.
-
-Dans ses lettres à Mme de Lieven, le prince se plaint beaucoup,
-souvent, longuement de ce que le vulgaire le croit incapable d'aimer.
-L'histoire de sa vie intime est là, pour prouver que, peut-être, aux
-yeux de notre morale bourgeoise, il le savait trop.
-
-Il écrivait, à la vérité, avec une belle inconscience, à cette même
-amie: «Je n'ai jamais été infidèle. La femme que j'aime est la seule
-au monde pour moi[55].»
-
- [55] Lettre du 1er décembre 1818.
-
-
-
-
-III
-
-
-Dorothée (ou Darja) Christophorovna de Benckendorf était née à Riga,
-le 17 décembre 1785.
-
-Elle appartenait à une famille noble, originaire du Brandebourg,
-depuis de nombreuses années fixée en Esthonie et entrée au service de
-la Russie.
-
-Son père, le général Christophe de Benckendorf[56] avait épousé la
-baronne Charlotte-Augusta-Johanna Schilling von Canstadt, amie et
-compagne de la princesse Dorothéa-Augusta de Wurtemberg qui devint
-l'impératrice Marie Féodorovna de Russie.
-
- [56] BENCKENDORF (Christophe Ivanovitch de), né le 30 juillet
- 1749, général d'infanterie, mort le 10 juin 1823 (ERMERIN,
- _Annuaire de la noblesse de Russie_, 2e année, 1892, p. 135).
-
-Celle-ci couvrit toujours Mme de Benckendorf de son affectueuse
-protection, et, quand cette dernière mourut, le 11 mars 1797, elle fit
-entrer ses deux filles au couvent des demoiselles nobles de Smolna:
-elles y furent élevées sous les yeux, constamment attentifs, de la
-souveraine.
-
-Quelques passages des lettres de la tsarine à Mlle de Nélidoff[57]
-nous la montrent s'inquiétant de la santé de ses «bonnes petites»,
-les faisant venir dans son intimité, aux spectacles de l'Ermitage,
-mais s'opposant à leur entrée à la Cour avant l'âge ordinaire, se
-tourmentant de ne pas voir l'une d'elles proposée pour une récompense,
-leur donnant de multiples preuves d'une tendresse éclairée,
-véritablement maternelle.
-
- [57] _Correspondance de S. M. l'impératrice Marie Féodorovna avec
- Mlle de Nelidoff, sa demoiselle d'honneur._ Publiée par la
- princesse Lise Troubetzkoï. Paris, Ernest Leroux, 1896, in-18, p.
- 1, 15, 31, 57, 89, 92.
-
-Dorothée quitta Smolna, en février 1800, «musicienne de première
-force, mais d'une ignorance à scandaliser un écolier de dix ans.
-D'Alexandre ou de Philippe, elle n'eut certainement pas su lequel des
-deux était le père de l'autre[58]».
-
- [58] Ralph SNEYD, _Notice of the late princess of Lieven_ dans
- _Miscellanies of the Philobiblon Society_, vol. XIII, p. 8.
-
-Cette ignorance devait d'ailleurs la poursuivre toute sa vie, sans
-qu'elle fît jamais rien pour y remédier.
-
-L'empereur, pendant ce temps, assurait la fortune des deux fils de la
-baronne Schilling, Alexandre et Constantin[59], et bientôt
-l'impératrice mariait ses jeunes protégées.
-
- [59] Alexandre, l'aîné, sous-officier en 1798 au régiment
- Semenovski, capitaine après Preussich-Eylau, colonel quinze jours
- plus tard, général-major en 1812, chef de la 2e division de
- dragons le 9 avril 1816, général aide de camp le 22 juillet 1819.
- Il fut nommé, le 25 juin 1826, chef des gendarmes, chef de la 3e
- section de la police impériale spéciale, commandant de la maison
- militaire de l'Empereur, et dès ce moment il devint et resta,
- jusqu'à sa mort, inséparable de la personne du souverain. Créé
- sénateur le 6 décembre 1826, général de cavalerie en 1829, membre
- du Conseil de l'Empire le 8 février 1830, comte le 8 novembre
- 1832, il mourut le 23 septembre 1844 à bord du vapeur de guerre
- russe l'_Hercule_, en revenant d'Allemagne (Toutes ces dates en
- vieux style). Il avait épousé Élisabeth Andréïevna
- Donetz-Zakharjevski dont il eut trois filles: la comtesse
- Apponyi, la princesse Wolkonski, la princesse Demidoff (Édition
- du grand-duc Nicolas MIKHAÏLOVITCH, _Portraits russes des
- dix-huitième et dix-neuvième siècles_, t. II, portrait
- 46).--«Homme de talent, doux, souple, insinuant, agréable de
- figure, plein de galanterie dans les manières, il savait se faire
- aimer, et les Russes eux-mêmes lui pardonnaient le grand tort
- d'être Allemand (il appartenait à la noblesse livonienne), dans
- une Cour où ils avaient été trop souvent humiliés de voir des
- hommes de cette origine prendre le pas sur les premiers d'entre
- eux... Homme, sinon d'une haute moralité, du moins intègre et de
- plus actif, éclairé, d'une intelligence rare, d'une société
- agréable. «(J. H. SCHNITZLER, _Histoire intime de la Russie sous
- les empereurs Alexandre et Nicolas_. Paris, Renouard, 1847, 2
- vol. in-8º, t. I, p. 263; t. II, p. 183).
-
- Constantin, le plus jeune des fils de la baronne Schilling, fut
- général-adjudant puis général-lieutenant et mourut pendant la
- guerre turco-russe de 1828 (KLEINSCHMIDT, _Fürstin Dorothea
- Lieven_, dans _Westermanns Monatshefte_. Oktober 1898, p. 21).
-
-L'aînée, Maria, épousa le lieutenant général Schewitsch[60]. La
-seconde devint la comtesse de Lieven.
-
- [60] Maria fut dame d'honneur de l'impératrice Marie Féodorovna.
- Elle mourut vers 1843.
-
-Les Lieven étaient d'antique race livonienne. La fortune de cette
-famille, un instant obscurcie, s'était brillamment relevée le jour où
-la grande Catherine avait choisi, comme gouvernante de ses
-petits-enfants, Charlotte de Gaugreben, veuve du général baron André
-de Lieven dont elle avait eu plusieurs enfants[61]. Cette femme
-supérieure, d'une haute énergie, d'une parfaite droiture, avait su
-s'attirer le respect et l'affection de ses élèves et de leur père.
-
- [61] POSSE DE GAUGREBEN (Charlotte Karlovna), fille du
- lieutenant-général Karl de Gaugreben, était née vers 1743. En
- novembre 1783, elle fut chargée par Catherine II de l'éducation
- des grands-ducs Nicolas et Michel Pavlovitch ainsi que de celle
- des grandes-duchesses leurs sœurs. Dame d'honneur en 1794, elle
- reçut le titre de comtesse le 22 février 1799 et celui de
- princesse et d'Altesse Sérénissime en 1826 à l'occasion du
- couronnement de Nicolas Ier. Elle mourut le 24 février 1828
- (SCHNITZLER, _Histoire intime de la Russie_, t. I, p.
- 511.--Sergius UWAROW, _Hommage à Mme la princesse de Lieven_.
- Saint-Pétersbourg, 1829, in-8º).
-
- «Paul qui ne trouvait guère une mère en Catherine donna à la
- gouvernante de ses enfants tout le respect et un peu de
- l'affection qu'il n'arrivait pas à placer ailleurs.» (K.
- WALISZEWSKI, _Autour d'un Trône. Catherine II de Russie_. Paris,
- Plon, 1894, in-8º, p. 398).
-
- Son mari, Otto-Heinrich-André Romanovitch, né le 11 octobre 1726,
- était mort le 4 février 1781. Elle lui avait donné trois fils:
- Charles, Christophe et Ivan et une fille, Catherine, qui épousa le
- baron Viétinhof. (Édition du grand-duc Nicolas MIKHAÏLOVITCH.
- _Portraits russes des dix-huitième et dix-neuvième siècles_, t.
- III, portrait 104).
-
-La protection de Paul Ier s'étendit sur ses fils, et, de l'un d'eux,
-le comte Christophe Andréïévitch, né le 8 mai 1774[62], il fit
-successivement son aide de camp et son ministre de la guerre[63].
-
- [62] LIEVEN (Christophe Andréïévitch de) était le second fils du
- général-major André Romanovitch et était né à Kieff. Il fut
- inscrit à l'artillerie en 1779, passa comme enseigne au régiment
- de Semenovski le 1er janvier 1791 et fut nommé lieutenant en
- 1794. Il prit part à la guerre de Suède en 1790 et combattit
- contre les Français, aux Pays-Bas autrichiens, dans les rangs de
- l'armée autrichienne (1794). Lieutenant-colonel au régiment de
- dragons de Wladimir le 20 février 1796, puis dans les
- mousquetaires de Toula, il fit avec le comte Zouboff l'expédition
- contre la Perse. Aide de camp de l'Empereur le 27 avril 1797,
- général-major et aide de camp général le 27 juillet 1798, chef de
- la chancellerie en campagne le 12 novembre 1798, il est en 1805 à
- Austerlitz. Lieutenant-général (1807). Envoyé extraordinaire et
- ministre plénipotentiaire auprès du roi de Prusse le 31 décembre
- 1809, ambassadeur extraordinaire à Londres le 5 septembre 1812,
- rappelé le 22 avril 1834, mort à Rome le 29 décembre 1838-10
- janvier 1839 (Édition du grand-duc Nicolas MIKHAÏLOVITCH.
- _Portraits russes des dix-huitième et dix-neuvième siècles_, t.
- III, p. 23, dates en vieux style).
-
- [63] Le fils aîné de la gouvernante des grands-ducs, Charles
- Andréïévitch, né le 12 février 1767, embrassa la carrière
- militaire. Major-général en 1797, lieutenant-général (1799),
- général d'infanterie (1827), curateur de l'université de Dorpat
- (1817), membre du Conseil de l'Empire (1826), ministre de
- l'Instruction publique (1828-1838), il mourut dans ses terres de
- Courlande le 12 janvier 1845 laissant deux fils, dont l'un, André
- Karlovitch, fut plus tard général-major (Friedrich BUSCH, _Fürst
- C. Lieven und die Kaiserliche Universität Dorpat unter seiner
- Oberleitung_. Dorpat et Leipzig, 1846, in-4º).
-
-Marie Féodorovna fit épouser à ce dernier, en 1800, Dorothée de
-Benckendorf. Il avait vingt-sept ans. Elle en avait quinze et sortait
-du couvent.
-
-Le mariage fut d'abord heureux. L'assassinat de Paul Ier trouva les
-jeunes époux en pleine lune de miel. La sanglante tragédie du Palais
-Michel aurait pu mettre fin à la faveur du nouveau ménage: elle la
-consolida.
-
-Mme de Lieven a conté dans un long chapitre de ses Mémoires[64] ce
-qu'elle vit du dramatique événement[65].
-
- [64] Publié dans: _Die Ermordung Pauls und die Thronbesteigung
- Nikolaus I_. Neue materialien veröffentlicht und eingeleitet von
- professor Dr. Theodor SCHIEMANN. Berlin, Georg Reimer, 1902,
- in-8º, p. 35.
-
- [65] «Ce récit a beaucoup d'intérêt; il a un caractère de vérité
- et de vie. Mme de Lieven ne relate que ce qu'elle a vu et
- entendu, par conséquent rien de l'acte même de l'assassinat; mais
- l'impression générale sur la cour et le public, l'attitude et le
- langage des principaux personnages, l'Impératrice, l'empereur
- Alexandre, le comte Pahlen, sont peints avec finesse et relief»
- (_Souvenirs du baron de Barante._ Paris, Calmann Lévy, 1890, 8
- vol. in-8º, t. I, p. 82).
-
-Son mari, retenu chez lui par une indisposition, avait, par une
-heureuse chance, été laissé en dehors du complot par son ami Pahlen.
-Le Tsar, impatienté de l'absence prolongée dont sa maladie était
-cause, l'avait relevé de ses fonctions ministérielles dans la soirée
-du 11 mars.
-
-La nuit suivante, à 2 heures 1/2 du matin, les Lieven sont réveillés
-en sursaut. Leur premier mouvement fut de croire à l'arrivée d'un
-ordre d'exil: leur effroi ne diminua guère quand ils apprirent qu'un
-nouvel empereur mandait l'ancien ministre au Palais d'Hiver. Cela
-était-il vrai? N'était-ce pas une ruse de Paul? Le mari de Dorothée de
-Benckendorf mit longtemps à décider s'il se rendrait à la convocation
-et, bien des années après, celle-ci n'avait pas oublié les émotions
-de ce lugubre jour.
-
-Alexandre Ier ne rendit pas à M. de Lieven le ministère de la guerre,
-mais il lui conserva la confiance entière dont son père l'avait
-honoré.
-
-Cette période fut l'une des plus heureuses de la vie de Mme de Lieven.
-Elle aimait son mari, dont l'indiscutable infériorité n'avait pas
-encore éclaté à ses yeux. Dénuée d'ambition politique, elle jouissait
-sans arrière-pensée de sa jeunesse, de sa haute situation mondaine,
-des joies qu'elle trouvait au milieu d'une famille très aimée et très
-unie. Ses lettres, dont M. Ernest Daudet a publié une analyse fidèle
-mêlée de longs extraits, reflètent ce calme et cette sérénité,
-assombris seulement par les absences de l'époux et, un peu plus tard,
-par les revers de la Russie[66].
-
- [66] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier. La
- princesse de Lieven_, chap. I. A la cour de Russie.
-
-En décembre 1809, M. de Lieven, qui avait donné en février 1808 sa
-démission de lieutenant-général pour raisons de santé, fut nommé
-ambassadeur à Berlin[67]. Sa mission dura jusqu'en 1812. Elle fut ce
-qu'elle pouvait être pour le représentant d'un souverain humilié
-auprès d'un autre monarque, malheureux, abaissé, vaincu, meurtri,
-ayant à se méfier de tout et de tous. Dans ces conditions, le rôle du
-nouveau ministre plénipotentiaire devait être très effacé et il quitta
-ce poste sans regrets, le 30 juin 1812, quand une guerre imposée mit
-aux prises son maître et le roi de Prusse[68].
-
- [67] _Gazette nationale ou le Moniteur universel_ du lundi 30
- avril 1810, no 120, p. 475.
-
- [68] _Moniteur universel_ du mercredi 15 juillet 1812, no 197, p.
- 771.
-
-Sa femme, de son côté, quoi qu'en ait dit Talleyrand, ne fit grande
-impression ni sur les diplomates ni sur les hommes politiques
-allemands, dans les Mémoires desquels sa présence passe inaperçue.
-
-Mais le sort réservait au comte et à la comtesse de Lieven une
-brillante compensation. Alexandre, en lutte avec Napoléon, cherchait à
-se rapprocher de l'Angleterre qui accueillait volontiers ses avances.
-Le premier acte de ce rapprochement devait être la reprise des
-relations diplomatiques, interrompues depuis Tilsitt, entre
-Saint-Pétersbourg et la Cour de Saint-James.
-
-Le 5 septembre 1812, M. de Lieven fut nommé ambassadeur de Russie à
-Londres. Il débarquait le 13 décembre à Harwich et présentait le 18
-ses lettres de créance au Prince Régent[69]. Mme de Lieven avait
-trouvé son véritable terrain.
-
- [69] _Moniteur universel_ du samedi 26 décembre 1812, no 361, p.
- 1429.
-
-La réception qui lui fut faite en Grande-Bretagne flatta sa vanité:
-«Il faut se rappeler, disent les _Mémoires_ de Talleyrand[70], qu'à
-cette époque il n'y avait plus, depuis plusieurs années, aucun corps
-diplomatique à la Cour de Londres, avec laquelle tous les cabinets du
-continent avaient dû rompre, au moins en apparence, leurs relations
-officielles. Aussi l'apparition d'une ambassadrice de Russie y
-produisit-elle une grande sensation. Le Prince Régent, la Cour,
-l'aristocratie, on pourrait dire la Nation accueillirent avec un
-empressement, qui ressemblait à de l'enthousiasme, le représentant de
-l'empereur de Russie. On fêta partout M. de Lieven, et Mme de Lieven,
-qui, déjà pendant la mission de son mari à Berlin, avait acquis une
-sorte de célébrité, partagea naturellement les ovations faites à son
-mari. A la Cour, où il n'y avait point de reine, le premier rang lui
-revint de droit, et le Prince Régent était charmé de l'attirer à
-Brighton, où sa présence autorisait celle de la marquise de Conyngham,
-que peu de femmes de la société anglaise aimaient à rencontrer.
-L'aristocratie, si hospitalière, accourut au-devant de la nouvelle
-ambassadrice, et lui accorda d'emblée tous ces petits privilèges
-réservés aux femmes que leur beauté, leur esprit ou leur fortune
-placent à la tête du monde élégant; c'est de cette époque que date
-l'empire incontestable que Mme de Lieven a exercé sur la société
-anglaise. Elle eut le mérite, en l'acceptant, de tout faire pour le
-conserver longtemps: il faut en reporter tout l'honneur à son esprit.»
-
- [70] _Mémoires du prince de Talleyrand_, publiés par le duc de
- Broglie. Paris, Calmann Lévy, 1891, 8 vol. in-8º, t. III, p.
- 404.--L'authenticité de ces _Mémoires_, au moins dans leur forme
- actuelle, est très contestée. Le duc de Broglie n'eut entre les
- mains qu'une copie exécutée par M. de Bacourt, qui détruisit le
- manuscrit original. Si le passage reproduit ci-dessus a été
- retouché par M. de Bacourt, il n'en conserve pas moins quelque
- intérêt documentaire, ce dernier ayant beaucoup connu Mme de
- Lieven à Londres et à Paris.
-
-Quelques femmes distinguées se partageaient alors le sceptre de la vie
-mondaine de Londres: Lady Jersey, l'Égérie des tories, remplie de
-qualités aimables, Lady Holland, Lady Grenville, enthousiaste et
-charmante. Mais, entre elles, il restait une place pour un salon plus
-libre des attaches de parti. «Mme de Lieven, dit M. Lionel G.
-Robinson, était bien douée pour saisir les occasions et elle prit
-promptement la place d'une reine du grand monde[71].»
-
- [71] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London._ Biographical notice, p. VIII.
-
-«Par un intelligent instinct, et sans se dire qu'un jour peut-être
-elle ferait là des choses plus importantes», raconte M. Guizot, l'ami
-fidèle de ses derniers jours, «Mme de Lieven s'appliqua d'abord à
-assurer dans la société anglaise son succès personnel, et elle y
-réussit pleinement; elle eut de bonne heure, à la Cour de Saint-James,
-diverses occasions de faire preuve de tact, de fin sentiment des
-convenances, de prompte et heureuse repartie... Hommes ou femmes,
-torys ou whigs, importants ou élégants, tous la recherchèrent pour
-l'ornement ou l'agrément de leurs salons; tous mirent du prix à être
-bien accueillis d'elle et chez elle[72].»
-
- [72] M. GUIZOT, _Mélanges biographiques et littéraires_. Paris,
- Michel Lévy, 1868, in-8º, p. 194.--En 1817, le maréchal de
- Castellane notait dans son journal: «Le comte et la comtesse de
- Lieven jouissaient d'une grande considération à Londres; ils y
- tenaient un grand état. Mme de Lieven était une agréable et fort
- aimable personne de trente ans.» (_Journal du maréchal de
- Castellane._ Paris, Plon, 1897, 5 vol. in-8º, t. I, p. 348).
-
-Mais le salon de Mme de Lieven, d'abord exclusivement mondain, ne
-devait pas tarder à devenir un centre politique. On a cru pouvoir
-attribuer ce changement à l'influence de M. de Metternich, après
-1818, et à une nouvelle orientation de l'activité intellectuelle de
-la jeune femme, conséquence de sa liaison avec le grand homme d'État.
-Cependant elle était bien avant ce temps, semble-t-il, entrée
-personnellement dans l'action diplomatique.
-
-On en trouverait une preuve dans les dessous du Congrès de Châtillon.
-D'après M. de Barante, qui le tenait de la comtesse elle-même, le
-Prince Régent avait confié à cette dernière sa secrète opposition aux
-idées de son ministère, lequel proposait aux Alliés de n'intervenir en
-rien dans les questions relatives à l'ordre intérieur de la France. Il
-souhaitait voir Alexandre repousser les vues du gouvernement
-britannique et, pour l'informer de ses désirs, passant sur le dos du
-mari, il chargea l'ambassadrice de Russie d'écrire dans ce sens à
-Pozzo di Borgo[73]. Ce petit fait montre Mme de Lieven déjà engagée
-dans les intrigues qui, plus tard, seront toute sa vie.
-
- [73] _Souvenirs du baron de Barante_, t. II, p. 32, note 1.
-
-Pouvait-il en être autrement d'ailleurs?
-
-A cette époque où les communications rapides étaient inconnues, la
-personnalité propre de l'ambassadeur d'une puissance prenait une
-importance primordiale. Or, en présence des très graves problèmes
-posés alors devant l'Europe, M. de Lieven était notoirement inférieur
-à sa tâche.
-
-Chateaubriand a voulu faire de lui un esprit élevé et étendu[74],
-mais, sur ce terrain, l'auteur du _Génie du Christianisme_ est à bon
-droit suspect: grandir l'époux était encore une manière de rabaisser
-l'épouse.
-
- [74] _Mémoires d'outre-tombe_, édition Biré, t. IV, p. 249.
-
-Mme de Boigne le dit «homme de fort bonne compagnie et de très grandes
-manières, parlant peu mais à propos, froid mais poli»; cependant elle
-ajoute malicieusement: «Quelques-uns le disent très profond, le plus
-grand nombre le croient très creux...[75].»
-
- [75] _Mémoires de Mme de Boigne_, t. II, p. 181.
-
-En réalité, le voisinage de sa femme lui fit toujours le plus grand
-tort, et il faut tenir compte de cette circonstance. Talleyrand
-reconnaît qu'il avait «plus de capacités qu'on ne lui en accorde
-généralement»[76]. Mais, tout bien pesé, il n'en reste pas moins, aux
-regards de ses contemporains, un être assez insignifiant et
-d'intelligence moyenne.
-
- [76] _Mémoires du prince de Talleyrand_, t. III, p. 403.
-
-A cette médiocrité, l'esprit souple de Dorothée de Benckendorf devait
-être d'une haute utilité. M. Guizot dit: «Le comte de Lieven faisait
-grand usage, pour sa correspondance avec sa cour, des observations et
-des récits de sa femme; il lui demanda un jour de les écrire elle-même
-au lieu de lui en donner, à lui, la peine; elle s'y prêta d'abord par
-complaisance, ensuite avec un intérêt plus sérieux et plus
-personnel[77].» Ce fut sans doute sur cette pente que, de bonne heure,
-elle dut glisser vers la politique. Une fois engagée dans celle-ci,
-elle n'y pouvait voir qu'une perpétuelle et tortueuse machination.
-Elle n'était pas de ces esprits supérieurs qui savent, dans l'examen
-des affaires, s'en tenir aux vues générales sans tomber dans les
-petitesses des détails.
-
- [77] _Mélanges biographiques_, p. 196.
-
-Son influence, au début, fut vraisemblablement discrète et il devait
-en être encore ainsi en 1818. Ce fut d'ailleurs l'une des élégances de
-Mme de Lieven de s'effacer constamment devant son mari. A Londres,
-toujours, elle affecta de lui paraître soumise et attachée[78]. Plus
-tard, à l'heure de la séparation, quand elle le saura las de sa part
-dans leur collaboration, elle s'excusera de sa supériorité dans un
-joli mouvement: «Cette supériorité, écrira-t-elle à l'un de ses
-frères, je l'ai mise pendant de longues années à son service. Elle lui
-a été utile, bien utile...[79].»
-
- [78] _Mémoires de Mme de Boigne_, t. II, p. 181.
-
- [79] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 228.
-
-En Angleterre, comme plus tard à Paris, le salon de Mme de Lieven se
-distinguait des autres centres de réunion mondains par son éclectisme.
-Quel que fût le parti au pouvoir, opposants et gouvernants, vainqueurs
-ou vaincus y trouvaient le même accueil, et bien des compromis durent
-y être ébauchés.
-
-Très aristocratique, très imbue de préjugés de caste, la maîtresse de
-maison savait ouvrir ses portes à tous ceux dont la position pouvait
-lui servir.
-
-Mais il fallait se trouver en mesure, d'une façon ou d'une autre, de
-lui être utile à quelque chose. «Je pus remarquer moi-même, à plus
-d'une reprise, notera plus tard le duc Albert de Broglie, que, malgré
-la bienveillance dont elle m'honorait, en raison de la haute situation
-de mon père, ma conversation lui paraissait plus intéressante le jour
-où mes relations avec le ministre des Affaires étrangères me
-permettaient de lui apporter quelques observations qu'elle ne pouvait
-obtenir autrement[80].»
-
- [80] Duc DE BROGLIE, _le dernier Bienfait de la Monarchie_.
- Paris, Calmann Lévy, s. d., in-8º, p. 195.
-
-Si elle se servait momentanément de gens plus modestes, elle leur
-demandait de disparaître, leur instant passé.
-
-Un soir, raconte Lord Malmesbury[81], on annonce chez elle «un homme
-pimpant et de bonne mine. La princesse le regarde fixement et lui dit:
-«Monsieur, je ne vous connais pas.» Le pauvre homme paraît fort
-attrapé et s'écrie: «Comment, madame, vous ne vous rappelez pas, à
-Ems?»--«Non, monsieur.» Elle le salue et lui tourne le dos. Je n'ai
-jamais rien vu d'aussi impertinent. Il parut clair à la compagnie, qui
-ne pouvait dissimuler des sourires, que tel peut être utile à Ems et
-être de trop à Paris.»
-
- [81] Lord MALMESBURY, _Mémoires d'un ancien Ministre_, 1807-1869,
- traduits par M. A. B. Paris, Ollendorf, 1886, p. 47.--3 mai 1837.
-
-Une autre anecdote, contée par M. Daudet, d'après les _Souvenirs_ de
-la duchesse Decazes, témoigne du même sans-gêne. Mme de Lieven était
-alors fixée à Paris. «La princesse partait pour les eaux d'Allemagne,
-où elle devait rejoindre l'empereur de Russie. Désirant ne pas voyager
-seule, elle cherchait un compagnon. M. Dumon, l'ancien ministre,--ceci
-se passait sous Louis-Philippe,--lui proposa son gendre, M. Trubert.
-La princesse accepta et n'eut qu'à se louer des prévenances et des
-attentions que lui prodigua ce dernier durant ce long voyage fait en
-voiture et en tête à tête. N'empêche qu'en arrivant à destination,
-elle lui dit fort lestement et sans embarras: «Votre position, mon
-cher monsieur, ne me permet pas de vous présenter dans mon monde. Je
-pense donc que nous devons nous dire adieu[82].»
-
- [82] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 378.
-
-Comme l'ajoute M. Ernest Daudet, la duchesse Decazes, après se l'être
-laissé conter, a peut-être négligé de contrôler l'exactitude de ce
-récit, mais, tout en tenant grand compte de cette réserve, on peut
-penser que, si cette histoire n'est pas vraie, elle est du moins
-vraisemblable.
-
-En voici une autre, en effet, contée par Mme de Lieven elle-même,
-montrant la singulière façon dont elle entendait parfois les lois de
-l'hospitalité.
-
-En villégiature aux eaux de Schlangenbad, en 1850, elle apprend la
-présence dans la petite ville d'un marquis de Villafranca et le prend
-pour le partisan dévoué, le confident et le conseiller du comte de
-Montemolin, fils de don Carlos. Elle désire vivement faire sa
-connaissance, se creuse la tête pour trouver le moyen de l'attirer
-chez elle, se rappelle tout à coup qu'il est en relations avec son
-fils Alexandre et, s'autorisant du nom de ce dernier, lui adresse un
-billet d'invitation.
-
-Elle s'aperçoit, à l'arrivée de son hôte, qu'elle s'est trompée.
-«Alors, dit-elle, je ne me gêne plus du tout et je prends les manières
-que vous me connaissez[83].» Oubliant qu'après tout l'invitation
-vient d'elle et d'elle seule, elle le traite en aventurier, le met à
-la porte. Et alors, l'inconnu de se regimber:
-
-«--Permettez, madame, je suis le duc de Parme[84].»
-
- [83] M. GUIZOT, _Mélanges biographiques_, p. 214.--La princesse
- de Lieven à M. Guizot, Schlangenbad, 12 août (lundi) 1850.
-
- [84] Cette anecdote se rapporte à Charles-Louis, roi d'Étrurie
- sous le nom de Louis II, duc de Lucques sous le nom de
- Charles-Louis, duc de Parme après la mort de l'ex-impératrice
- Marie-Louise. Il abdiqua le 14 mars 1849 (DUSSIEUX, _Généalogie
- de la maison de Bourbon_, Paris, Lecoffre, 1872, 2e édit., p.
- 230).--Après son abdication le duc de Parme prit le titre de
- comte de Villafranca.
-
-La leçon était bonne. Mais toutes ces historiettes donnent bien le
-droit à M. Robinson de dire que «son tact se montrait plutôt dans la
-difficulté de son goût que dans son affabilité[85]».
-
- [85] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London._ Biographical notice, p. VIII.
-
-On sait d'ailleurs que Mme de Lieven fut la plus exclusive des dames
-patronnesses de l'aristocratique bal d'Almack[86]. On l'accusait, à la
-cour de Londres, d'avoir empiété, au profit des ambassadrices, sur les
-prérogatives des princesses royales. Très attachée aux honneurs qui
-lui étaient dus, ne tolérant jamais un manque de formes, elle sut
-imposer à la vieille reine Charlotte, dont elle n'était pas aimée, une
-attitude toujours correcte à son égard.
-
- [86] Les bals d'Almack étaient des bals par souscription, très
- aristocratiques, où il était fort difficile de se faire admettre.
- Les billets étaient vendus par des dames patronnesses appartenant
- toutes à la grande noblesse anglaise ou au monde diplomatique.
-
-Elle défendait du reste âprement sa situation privilégiée. Un instant,
-elle crut voir une rivale possible en la princesse Paul Esterhazy,
-arrivant en Angleterre avec plus de beauté, plus de jeunesse qu'elle
-et l'avantage d'une proche parenté avec quelques membres de la famille
-royale. Elle fut vite rassurée, mais elle oublia lentement ce
-mouvement d'inquiétude et de jalousie: longtemps après, Mme de Boigne
-la voyait encore s'exercer en politesses «hostiles et perfides»[87]
-envers la belle Autrichienne.
-
- [87] _Mémoires de Mme de Boigne_, t. II, p. 180.
-
-Physiquement, Mme de Lieven n'eut jamais de vraie beauté.
-
-Son portrait, par Lawrence, aujourd'hui à la National Gallery, nous la
-montre à vingt ans, le nez un peu fort, les oreilles énormes, le cou
-trop long, la bouche disgracieuse. Néanmoins, il ressort de sa
-physionomie, sous ses beaux cheveux blonds, un charme réel: les yeux
-sont profonds et caressants, l'ensemble est fin et spirituel.
-
-Mais, par-dessus tout, une maigreur extrême, une maigreur
-«désespérante», dit Mme de Boigne[88], déparait ce qu'il y avait de
-grâce dans sa personne et soulignait ce que son abord avait de peu
-avenant. L'impression laissée par ce portrait se retrouve dans les
-descriptions de ses contemporains.
-
- [88] _Ibid._, t. II, p. 180.
-
-M. de Marcellus dira bien d'elle plus tard: «Elle avait été fort
-jolie», mais seul, avec le baron de Stockmar, il a apporté ce
-témoignage.
-
-Ce dernier fait d'elle, en 1817, ce tableau, en somme peu flatté,
-malgré quelques louanges: «La comtesse de Lieven: maintien
-désagréablement raide, fier, visant à la distinction. Il est vrai
-qu'elle est pleine de talent, joue excellemment du piano, parle
-anglais, français et allemand à la perfection, mais on voit qu'elle le
-sait. Son visage est vraiment beau, pourtant trop maigre, et le nez
-pointu, ainsi que la bouche qui peut se contracter en formant de
-nombreux plis, prouvent, au premier aspect, son peu d'inclination à
-considérer les autres comme ses égaux. Le buste est celui d'un
-squelette[89].»
-
- [89] STOCKMAR, _Denkwürdigkeiten aus den Papieren des Freiherrn
- Christian Friedrich von Stockmar_, zusammengestellt von Ernst,
- Freiherr von Stockmar. Braunschweig, Friedrich Vieweg und Sohn,
- 1872, in-8º, p. 97.
-
-Le plus acerbe de ses ennemis, Chateaubriand, dont le ressentiment ne
-fut jamais assouvi, lui trouve un visage aigu et mésavenant. Pour lui,
-elle est seulement «une femme commune, fatigante et aride[90]», mais,
-sans autres preuves, on ne pourrait ajouter grande foi à ces lignes.
-
- [90] _Mémoires d'outre-tombe_, édition Biré, t. IV, p. 249.
-
-M. Ralph Sneyd la connut dans sa vieillesse: «C'était, dit-il, une
-femme assez grande, droite, maigre, qui, bien que les amoureux ne lui
-aient pas manqué dans ses jeunes années, n'avait jamais été d'une
-beauté remarquable. On lui passait volontiers les détails, l'ensemble
-ayant un charme et un attrait incomparables[91]».
-
- [91] Ralph SNEYD, _Notice of the late princess of Lieven_, p. 5.
-
-En réalité, sans beauté, Mme de Lieven fut, éminemment et au plus haut
-degré, une véritable grande dame.
-
-D'après les _Mémoires_ de Talleyrand, quand l'âge eut terni «les
-agréments de la jeunesse, elle sut les remplacer par de la dignité, de
-belles manières, un grand air qui lui» donnaient «quelque chose de
-noble et d'un peu impérieux[92].»
-
- [92] _Mémoires du prince de Talleyrand_, t. III, p. 405.
-
-Même note dans une lettre de la comtesse Apponyi à M. de Fontenay,
-écrite en 1824: «C'est une personne marquante, de beaucoup d'esprit,
-de beaucoup d'aplomb, grande, parlant de politique, grande musicienne
-et avec des manières nobles et belles[93].»
-
- [93] La comtesse Apponyi à M. de Fontenay, Rome, 9 janvier 1824
- (Lettre analysée sous le no 11 dans le _Catalogue de la maison
- Veuve Gabriel Charavay_, no 263).
-
-En 1818, elle était encore dans toute sa fraîcheur, et elle ne
-méritait pas l'affront dont la gratifia plus tard Miraflorès,
-l'ambassadeur d'Espagne à Londres. Elle montrait à ce dernier une
-belle Anglaise, Lady Seymour, en lui demandant son appréciation: «Je
-la trouve trop jeune et trop fraîche», répondit-il, et il ajouta en
-lui glissant un regard tendre: «J'aime les femmes un peu passées[94].»
-
- [94] GREVILLE, _la Cour de George IV et de Guillaume IV_,
- extraits du _Journal de Charles C.-F. Greville_, traduits et
- annotés par Mlle Marie-Anne de Bovet. Paris, Firmin-Didot, 1888,
- p. 346 (juin 1834).
-
-A la veille du Congrès d'Aix-la-Chapelle, ses vingt-sept ans la
-mettaient à l'abri de compliments de ce genre. Elle pouvait plaire et
-M. de Metternich, cet homme à bonnes fortunes, est là pour prouver
-qu'elle pouvait être aimée.
-
-Si les contemporains de Mme de Lieven sont presque unanimes à lui
-trouver un physique médiocre, ils sont non moins affirmatifs en ce
-qui concerne l'étendue de son intelligence.
-
-Chateaubriand, seul, lui en dénie toute trace. «Elle ne sait rien, et
-elle cache la disette de ses idées sous l'abondance de ses paroles.
-Quand elle se trouve avec des gens de mérite, sa stérilité se tait;
-elle revêt sa nullité d'un air supérieur d'ennui, comme si elle avait
-le droit d'être ennuyée[95].»
-
- [95] _Mémoires d'outre-tombe_, édition Biré, t. IV, p. 249.
-
-Ce portrait est trop poussé au noir pour ne pas être faux et il ne
-faut pas plus prendre à la lettre la boutade de M. Thiers à Greville,
-la traitant de bavarde, de menteuse et de sotte[96].
-
- [96] GREVILLE, _Les quinze premières années du règne de la reine
- Victoria_, extraits du _Journal de Charles C.-F. Greville_,
- traduits par Mlle Marie-Anne de Bovet. Paris, Firmin-Didot, 1889,
- in-12, p. 331.
-
-Aussi bien, sans beauté physique, sans grande élévation morale, une
-femme ne saurait acquérir sans esprit la haute situation où elle
-atteignit.
-
-La duchesse de Sagan, nièce de Talleyrand, pensait ainsi quand elle
-écrivait à Barante, parlant de Mme de Lieven: «On n'attire que par de
-la grâce; elle n'avait que bel air; on n'attache que par le cœur, il
-ne dominait pas en elle. Mais on peut, à part cela, intéresser
-l'esprit, exciter la conversation et soutenir la curiosité; c'est ce
-qu'elle savait très bien[97].»
-
- [97] _Souvenirs du baron de Barante_, t. VIII, p. 155. La
- duchesse de Sagan à M. de Barante. Berlin, 1er février 1857.
-
-Greville dit aussi d'elle: «Cette femme est extraordinairement
-intelligente, d'une finesse extrême, et sait être charmante quand elle
-veut bien s'en donner la peine. Rien n'égale la grâce et l'aisance de
-sa conversation, pailletée des pointes les plus délicates, et ses
-lettres sont des chefs-d'œuvre[98].»
-
- [98] _La Cour et le Règne de George IV et de Guillaume IV_, p. 8.
-
-Écoutons maintenant M. Ralph Sneyd: «Elle avait énormément d'esprit,
-de cet esprit mâle, sérieux et logique qui ne se rencontre que
-rarement chez les femmes, tempéré toutefois par la finesse, la grâce
-et la souplesse qu'on ne retrouve que chez elles[99].»
-
- [99] Ralph SNEYD, _Notice of the late princess of Lieven_, p. 6.
-
-La même impression ressort de l'examen de son écriture. Celle-ci est
-rapide, d'une sobriété rare pour son sexe, avec des lettres souvent
-abrégées, sans nervosité. Elle a tout à fait l'apparence d'une
-écriture d'homme cultivé, et ce caractère de masculinité est à
-signaler.
-
-On vient de voir les opinions les plus favorables sur l'intelligence
-de Mme de Lieven. Dans d'autres Mémoires l'éloge s'enveloppe de
-quelques réserves.
-
-Ceux de Talleyrand la jugent ainsi: «Elle a beaucoup d'esprit naturel,
-sans la moindre instruction, et, ce qui est assez remarquable, sans
-avoir jamais rien lu... Elle écrit mieux qu'elle ne cause, sans doute
-parce que, dans sa conversation, elle cherche moins à plaire qu'à
-dominer, à interroger, à satisfaire son insatiable curiosité. Aussi
-est-elle plus piquante par la hardiesse de ses questions et même de
-ses provocations, que par la vivacité de ses reparties[100].»
-
- [100] _Mémoires du prince de Talleyrand_, t. III, p. 405.
-
-
-En effet, de cette ignorance dont nous avons déjà parlé, elle ne
-répara jamais la lacune. «La lecture n'était pas son goût, elle ne
-pouvait s'y fixer. Elle ne lisait que les journaux, et c'était une
-merveille qu'ayant moins lu, elle sût écrire mieux que personne au
-monde[101].»
-
- [101] Ralph SNEYD, _Notice of the late princess of Lieven_, p. 9.
-
-Celui de ses admirateurs auquel nous empruntons ces lignes ajoute: «Un
-homme d'État illustre, M. ...., disait qu'elle feuilletait les hommes
-comme les hommes feuillettent les livres. Mais sa science n'avait pas
-d'autre source[102].» Ce n'était, d'ailleurs, un médiocre résultat.
-
- [102] _Ibid._, p. 8.
-
-Très musicienne, elle savait par cœur des opéras entiers. Elle les
-exécutait à ravir sur le piano[103], mais, semble-t-il, ses goûts
-artistiques s'arrêtaient là.
-
- [103] Comte DE MARCELLUS, _Chateaubriand et son temps_. Paris,
- 1859, in-8º, p. 269.
-
-Pour terminer en ce qui concerne son esprit, nous voulons citer en
-entier ce passage de Greville, écrit en février 1819, peu après
-l'époque où nous allons la voir s'emparer du cœur de M. de
-Metternich. Il jugeait ainsi celle que M. Kleinschmidt appelle «la
-plus spirituelle diplomate de Russie[104]» et dont Mme des Cars disait
-qu'elle était «la bête la plus forte en politique[105]» de
-l'Angleterre:
-
-«L'idée qu'elle se fait de sa supériorité sur l'univers entier et son
-dédain pour tous ceux qui l'entourent la rendent incapable de chercher
-à plaire et impuissante à se plaire elle-même dans le monde. Elle est
-la personne la plus profondément blasée qui se puisse voir et dévorée
-par un ennui profond, même dans la compagnie de ses meilleurs amis,
-peu nombreux du reste, car son attitude est si froide, si ennuyée, si
-languissante que, lors même qu'elle s'efforce d'être gracieuse et de
-faire la bonne femme, elle ne parvient qu'imparfaitement à fondre la
-glace dans laquelle elle semble figée[106].»
-
- [104] KLEINSCHMIDT, _Drei Jahrhunderte russischer Geschichte_
- (1598-1898). Berlin, Georg Reimer, 1898, in-8º, t. I, p. 301.
-
- [105] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London_, p. 172.
-
- [106] _La Cour et le Règne de George IV et de Guillaume IV_, p.
- 9.
-
-De tout ceci ressort, il faut bien en convenir, une personnalité dont
-la supériorité ne se serait pas imposée sans ses dons merveilleux pour
-l'intrigue. Plus âgée, elle consacrera toutes ses forces à celle-ci et
-Lord Malmesbury dira d'elle: «Elle était la terreur de nos ministres
-des affaires étrangères[107].»
-
- [107] _Mémoires d'un ancien Ministre_, p. 237.
-
-Nous verrons ce qu'il faut penser des accusations très nettes
-d'espionnage lancées contre elle dans la seconde partie de sa vie.
-Mais, en 1818, si elle tenait déjà sa place dans les conseils de
-l'ambassade, du moins n'avait-elle pas encore cherché à influencer la
-politique intérieure des gouvernants anglais.
-
-Elle n'apportera pas, du reste, dans ces intrigues, des vues
-supérieures. Elle ne comprit jamais grand'chose aux causes profondes
-des embarras dans lesquels l'Europe se débattait. Mme de Boigne avait
-déjà remarqué que, pour elle, tout se réduisait à des questions de
-personnes[108] et M. Paul Muret l'a parfaitement jugée, semble-t-il,
-quand il la caractérise d'un mot: «De fait, elle ne dépassa jamais les
-horizons des ambassades et des salons...[109]»
-
- [108] _Mémoires de Mme de Boigne_, t. II, p. 180.
-
- [109] _Revue d'Histoire moderne et contemporaine_, t. V, p. 138.
-
-Mme de Lieven eut peu d'amis sincères et désintéressés. Son égoïsme
-était déjà un obstacle, et ceux qui l'aimèrent véritablement, comme
-Lord Grey, durent, plus d'une fois, faire preuve de patience vis-à-vis
-d'elle.
-
-En 1816, d'après Mme de Boigne, elle était peu aimée et fort redoutée
-à Londres. La duchesse de Talleyrand dira plus tard, pour expliquer le
-peu de chaleur de leurs relations--et ses paroles suffiront pour faire
-comprendre bien des choses: «Elle ne s'intéresse jamais assez à ses
-amis pour s'identifier à ce qui les touche dans leur vie privée, et je
-n'ai pas de vie politique[110].»
-
- [110] _Souvenirs du baron de Barante_, t. VI, p. 209. La duchesse
- de Talleyrand à M. de Barante, Paris, 5 avril 1839.--Nesselrode à
- sa femme, 7 mars 1814: «Lieven continue à réussir autant que sa
- femme réussit peu.» (_Lettres et papiers_, t. V, p. 171.)
-
-En écrivant ces lignes, la nièce de l'ancien évêque d'Autun touchait
-du doigt le côté faible de son cœur. Trop de diplomatie entrait dans
-les sympathies de Mme de Lieven pour qu'elles pussent être bien
-profondes.
-
-Les _Mémoires_ de Talleyrand constatent, à leur tour, qu'«elle était
-assez volage dans ses affections politiques», et ils ajoutent: «Où se
-marquait son habileté, c'est qu'elle se trouvait presque toujours dans
-de meilleures relations avec le ministre qui arrivait au pouvoir
-qu'avec celui qui le quittait[111].»
-
- [111] _Mémoires du prince de Talleyrand_, t. II, p. 407.
-
-On la vit détester et vitupérer ceux qu'elle avait le plus choyés.
-Bien peu--Metternich ne fut pas une exception--échappèrent à la règle,
-quand leur devoir se heurta à sa fantaisie ou à l'intérêt russe.
-
-Il serait injuste d'ailleurs de ne pas lui tenir compte de certains
-élans de cœur qui militent en sa faveur. La plus durable de ses
-amitiés fut celle vouée à M. Guizot. Ce fut sans doute œuvre de
-patience et de dévouement de la part de cet esprit fin et indulgent
-que de fixer cette âme mobile et inquiète, de donner à ses vieux jours
-l'apaisement d'un amour sans alliage diplomatique.
-
-Deux autres de ses affections sont tout à son honneur. Elle se
-lia--jusqu'à oser prendre maintes fois leur défense--avec la princesse
-Charlotte, fille du Régent, et avec la belle-sœur de celui-ci, la
-malheureuse duchesse de Cumberland, l'une et l'autre si mal en cour.
-Il fallait, pour ainsi faire, avoir quand même quelque peu de courage.
-
-La place prise par Mme de Lieven dans la vie mondaine de Londres était
-trop haute pour qu'elle ne fût pas exposée à la médisance.
-
-On lui prêta une aventure avec le Prince de Galles, toujours plein de
-prévenances pour elle[112]. Rien n'est venu, à notre connaissance,
-confirmer ce bruit.
-
- [112] _Mémoires d'outre-tombe_, t. IV, p. 249, n. 1.
-
-Cependant, comme l'insinue cette mauvaise langue de Mme de Boigne, on
-tenait «beaucoup de mauvais propos sur sa conduite personnelle»[113].
-Sa réputation, en effet, ne devait pas être très pure, pour que M.
-Thiers osât, comme il le fit, dire à brûle-pourpoint à Greville: «Vous
-avez été son amant, n'est-ce pas?» Le secrétaire du conseil privé eut
-beaucoup de peine à se défendre d'avoir jamais eu cet honneur[114].
-
- [113] _Mémoires de Mme de Boigne_, t. II, p. 181.
-
- [114] _Les quinze premières années du règne de la reine
- Victoria_, p. 331.
-
-Elle fit un jour l'aveu de ses faiblesses à M. de Metternich. L'un et
-l'autre semblent s'être complu dans ces singulières confidences. Il
-lui écrivait, pour solliciter les siennes: «Mande-moi tout: que je
-sache quand tu as été heureuse et quand tu ne l'étais pas. Je sais au
-reste ce qui te regarde; tu n'as pas besoin de nommer: je crois que je
-pourrai y suppléer. Tu as fait des choix et tu as été trompée: quelle
-est la jeune femme qui ne l'a pas été[115]?»
-
- [115] Lettre du 30 janvier 1819.
-
-Un autre passage des lettres du prince nous parle encore de l'un de
-ces choix, dont le héros pourrait bien avoir été Dolgorouki[116].
-Aucun indice cependant ne permet d'affirmer que ce caprice ait franchi
-le point délicat au delà duquel il aurait pu être coupable. Mais M. de
-Metternich en a dit assez pour nous prouver que tout n'était pas
-calomnie dans les anecdotes qui couraient sur la vertu de son
-amie[117].
-
- [116] Lettre du 13 mars 1819.
-
- [117] Dans une lettre à M. de Metternich, datée du 13 février
- 1820, et dont M. le comte Puslowski, le savant collectionneur
- polonais, a bien voulu nous communiquer une copie qui lui fut
- jadis donnée par M. Forneron, Mme de Lieven dit, en parlant de
- Palmella: «Je t'ai parlé dans le temps de P. Je crois m'être
- expliquée clairement. Il a été amoureux et tout aussi loin d'être
- heureux que le sera jamais Floret à mon égard».
-
-Telle était la comtesse de Lieven, au mois d'octobre 1818, au moment
-où elle rencontrait à Aix le ministre autrichien.
-
-Elle avait eu quatre enfants: une fille qu'elle avait déjà perdue et
-trois fils, Alexandre, Paul et Constantin, dont elle surveillait
-encore l'éducation[118].
-
- [118] Sa fille était née vers le milieu de février 1804.
- Alexandre était né en 1805, Paul en 1806 et Constantin dans les
- premiers jours de 1807.
-
-A trente-cinq ans, son cœur allait s'ouvrir à nouveau. Elle allait
-pouvoir bientôt, dans la joie de son amour naissant, écrire au grand
-charmeur dont la grâce avait captivé son âme, dont la puissance
-flattait son orgueil et servait ses desseins: «Mon ami, comme il m'est
-doux de t'aimer! C'est une si ravissante chose![119]».
-
- [119] Ernest DAUDET, _Un Roman du prince de Metternich_ dans la
- _Revue Hebdomadaire_ du 4 août 1898, p. 50.
-
-
-
-
-IV
-
-
-Un article du traité de Paris du 20 novembre 1815 avait prescrit que,
-à l'expiration d'un délai de trois ans, les souverains examineraient
-si la situation intérieure de la France permettait de retirer de ce
-pays les troupes étrangères[120].
-
- [120] _Mémoires du prince de Metternich_, t, III, p. 171, note 1.
-
-En 1818, le duc de Richelieu, fort de la loyauté avec laquelle son
-gouvernement avait rempli ses obligations et comptant sur l'amitié du
-tsar, crut le moment venu de réclamer l'exécution de cette clause et
-la libération du territoire français. Grâce à ses efforts, la
-conférence prévue fut fixée au mois de septembre et la ville
-d'Aix-la-Chapelle fut choisie pour en être le siège.
-
-La vieille cité de Charlemagne présenta alors une animation
-extraordinaire. Officiellement, le Congrès ne devait s'occuper que des
-questions de France, et les ambassadeurs des grandes puissances,
-seuls, devaient y être admis. Mais tous les princes, toutes les
-nations ayant quelque réclamation à présenter, quelque espérance à
-faire valoir, se hâtèrent d'y envoyer des représentants prêts à saisir
-les occasions propices.
-
-Autour des diplomates, se précipita une foule de banquiers, de
-commerçants, d'artistes, d'élégantes, d'aventuriers et d'aventurières
-avides de trouver la fortune ou le succès.
-
-Parmi les souverains, le roi de Prusse arriva le premier. Il fit, le
-27 septembre au soir[121], une entrée assez piteuse dans la ville,
-mécontente de s'être vue donnée au gouvernement de Berlin par la seule
-volonté des plénipotentiaires de Vienne.
-
- [121] _Moniteur universel_ du samedi 3 octobre 1818, no 276, p.
- 1168.
-
-Par contre, l'empereur d'Autriche, arrivé le 28 dans la journée, et
-l'empereur de Russie qui le suivit de quelques heures[122],
-soulevèrent un enthousiasme dont le contraste avec la froide réception
-de la veille blessa profondément Frédéric-Guillaume.
-
- [122] _Moniteur universel_ du lundi 5 octobre 1818, no 278, p.
- 1172.
-
-Ce dernier, instruit de ce que la populace voulait dételer les
-voitures impériales, avait trouvé un biais ingénieux pour couper court
-à cette manifestation dirigée contre lui: il était allé,
-successivement, loin dans la campagne, à la rencontre de chacun de ses
-deux alliés et était monté dans leurs carrosses. Seuls donc, les
-vivats des habitants froissèrent sa vanité[123].
-
- [123] Ernest DAUDET, _Autour du Congrès d'Aix-la-Chapelle_ (1818)
- dans le _Correspondant_ du 10 juillet 1907, t. CCXXVIII, p. 38
- (Rapport d'un agent secret).
-
-Le prince de Metternich était arrivé quelques heures avant son maître.
-Il revenait de sa cure d'eau de Carlsbad et de ses propriétés de
-Kœnigswart. Pendant son séjour dans ce dernier lieu, il avait appris
-la mort de son père, dont le décès le faisait chef de famille.
-Poursuivant son voyage par Francfort, où il avait eu à morigéner la
-Diète germanique, il s'était arrêté, le 12 septembre, au Johannisberg.
-Il pénétrait ce jour-là pour la première fois dans le splendide
-domaine qui, donné par Napoléon au maréchal Kellermann, lui était échu
-comme fief autrichien depuis 1816[124].
-
- [124] Le fondé de pouvoir de M. de Metternich avait pris
- possession du domaine en août 1816 (_Moniteur Universel_ du mardi
- 27 août 1816, no 240, p. 966).
-
-Il demeura au milieu de ses vignes célèbres pendant deux semaines,
-entouré, selon sa propre expression, d'une véritable cour de
-diplomates, pressés de saluer sa puissance. Avant de partir, il reçut
-l'empereur François à dîner et par Mayence, Bingen, Coblenz, il vint
-jusqu'à Aix.
-
-Dans cette ville, accompagné de son inséparable secrétaire, le
-chevalier de Floret, il se logea Comphausbadstrasse, no 777, occupant
-la maison d'une demoiselle Brammertz[125], louée 20,000 francs pour la
-durée de son séjour[126].
-
- [125] _Archives du ministère des affaires étrangères._ France,
- Mémoires et documents, vol. 337, fº 225 verso. Verzeichniss der
- zu dem Kaiserl. Österreichischen Ministerium der auswärtigen
- Angelegenheiten gehörigen Individuen.
-
- [126] _Gazette d'Augsbourg_ du 4 décembre 1818, no 338, p. 1351.
-
-Jamais congrès ne fut moins solennel que celui de 1818. Les réunions
-devaient tout d'abord se tenir dans la grande salle de l'Hôtel de
-Ville, mais elles eurent lieu, sans apparat, en tenue de ville, chez
-l'un ou chez l'autre des plénipotentiaires, tantôt chez Lord
-Castlereagh, qui, accompagné de «sa prétentieuse et énorme
-épouse»[127], s'était installé Klein Borcette Strasse, no 218[128],
-tantôt chez Metternich, tantôt chez le prince de Hardenberg, logé sur
-le Markt, no 910[129].
-
- [127] Ernest DAUDET, _Autour du Congrès d'Aix-la-Chapelle_ dans
- le _Correspondant_ du 10 juillet 1907, p. 40.
-
- [128] _Archives du ministère des affaires étrangères._ France,
- Mémoires et documents, vol. 337, fo 220. List of persons who form
- the mission of His Britannic Majesty at Aix-la-Chapelle.
-
- [129] _Archives du ministère des affaires étrangères._ France,
- Mémoires et Documents, vol. 337, fº 222. Quartierliste der Suite
- Seiner Majestät des Königs von Preussen.
-
-Dans les intervalles des séances, la vie mondaine était brillante et
-animée. Les diplomates se retrouvaient au Kurhaus, sur la
-Comphausbadstrasse, autour des tables de jeu et le long des promenades
-à la mode.
-
-Entre temps, les ascensions en ballon de deux femmes aéronautes, les
-concerts de Mme Catalani, des frères Bohrer, du violoncelliste Lafon
-remplissaient les journées.
-
-Le soir, se déroulaient des fêtes de toutes sortes.
-
-Le 2 octobre, l'empereur d'Autriche offrait un dîner de trente-deux
-couverts. Le surlendemain, la ville d'Aix donnait un bal à la Redoute.
-Deux fois par semaine, Lady Castlereagh ouvrait ses salons pour des
-soirées où tous les ministres accrédités étaient fort assidus. On y
-parlait politique et l'on y jouait. Les plus importants des
-plénipotentiaires avaient d'abord pris l'habitude de passer leurs
-après-dîners chez elle[130] mais bientôt, ces réunions s'étaient
-transportées chez le prince de Metternich.
-
- [130] _Moniteur universel_ du samedi 17 octobre 1818, no 200, p.
- 1225: «Aix-la-Chapelle, 11 octobre.--Deux fois par semaine, Lady
- Castlereagh donne une soirée; tout le corps diplomatique y est
- fort assidu. Quand les parties sont arrangées, les ministres
- passent dans une pièce voisine du salon, et là l'entretien
- devient tout politique; il se prolonge fort tard. Il se tient en
- outre chaque soir de petits comités diplomatiques chez Lord
- Castlereagh.»
-
-Lui-même nous l'apprend: «Je fais une partie de whist tous les soirs,
-écrit-il, avec le prince de Hatzfeld, Zichy, Baring, Labouchère,
-Parisch, c'est-à-dire avec des gens qui ne se trouvent pas dérangés ni
-même incommodés de la perte d'une bonne dose de millions. Nous nous
-réunissions d'abord chez Lady Castlereagh, mais j'ignore quelle
-inconcevable atmosphère d'ennui s'est emparée de cette maison. D'un
-commun accord, on a renoncé aux charmes de milady et l'on s'est fixé
-dans mon salon»[131].
-
- [131] _Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 127.
- Metternich à sa femme... octobre.
-
-Vers le 10 octobre, débarquèrent à Aix le comte et la comtesse de
-Lieven. Une lettre datée du 11 annonce les nouveaux venus:
-«L'ambassadeur de Russie accrédité près la cour de Londres, le comte
-de Lieven, qui est arrivé en cette ville, y a été appelé par son
-souverain»[132].
-
- [132] _Moniteur universel_ du samedi 17 octobre 1818, no 200, p.
- 1225. Aix-la-Chapelle, le 11 octobre.--«L'arrivée de M. le comte
- de Lieven et de Mme la comtesse, son épouse, a augmenté le petit
- nombre de maisons qui, par des soirées agréables, égaient un peu
- le ton sérieux qui règne ici.» (_Journal des Débats_ du samedi 17
- octobre 1818, p. 1).
-
-A ce moment, la ville commençait déjà à se vider. L'objet principal du
-Congrès, l'évacuation des provinces françaises par les troupes
-étrangères, était définitivement réglé depuis la veille. L'empereur de
-Russie et le roi de Prusse se préparaient à partir pour passer, près
-de Denain et de Sedan, les revues de leurs armées. On pensait que
-tout le monde pourrait quitter l'Allemagne, à la fin du mois, après le
-règlement des questions secondaires. Des promenades dans les environs
-s'organisaient, pendant que les chancelleries rédigeaient les
-protocoles.
-
-Malgré le bal donné le 13 octobre à Keutchenburg par M. d'Alopeus et
-les aides de camp généraux du Tsar, malgré les réceptions de la
-princesse de Salm, l'auguste assemblée s'ennuyait. Les plaisirs
-étaient trop uniformes. M. de Metternich s'en plaignait dans une
-lettre à sa femme, datée du 18 octobre, où il lui donnait quelques
-détails sur le vide des journées:
-
-«Nous sommes abîmés de jeunes talents; tous les jours, des concerts de
-virtuoses entre 4 et 9 ans. Le dernier arrivé est un petit garçon de 4
-ans et demi, qui joue de la contrebasse. Vous pouvez facilement juger
-de la perfection de l'exécution.
-
-«Il n'y a pas même de boutiques remarquables, et les drogues qu'on
-nous offre coûtent le double de tout ce que l'on trouve de parfait à
-Paris et à Vienne. Si les marchands ont spéculé sur nos bourses, ils
-ont compté sans leurs hôtes. Je ne sache pas que personne achète au
-delà du strict nécessaire.
-
-«Nos dames ici sont: Lady Castlereagh, trois ou quatre Anglaises plus
-ou moins mûres, c'est-à-dire qu'elles sont entre 50 et 60 ans--âge de
-jeunesse à Londres;--la princesse de La Tour, Mme de Nesselrode et
-trois dames russes. Il en est pour les dames comme pour les
-marchands: il existe un manque total d'amateurs»[133].
-
- [133] _Mémoires du prince de Metternich_, t. III; p. 128.
- Metternich à sa femme, ce 18 octobre.
-
-Parmi les dames russes dont le prince de Metternich parle si
-dédaigneusement se trouvait la comtesse de Lieven.
-
-Peut-être la connaissait-il antérieurement. Lors du voyage du futur
-chancelier à Londres, en juin 1814, le salon de l'ambassadrice de
-Russie tenait déjà une place trop importante dans la société anglaise
-pour que le ministre des Affaires étrangères d'Autriche ait pu
-l'ignorer. D'autre part, le séjour de l'empereur Alexandre en
-Angleterre rend invraisemblable une absence de son représentant à ce
-moment.
-
-Mais, de cette première rencontre, ni M. de Metternich ni Mme de
-Lieven n'avaient conservé d'impression durable.
-
-Elle le jugeait froid, intimidant et de rapports peu agréables[134].
-Lui n'avait prêté aucune attention à cette grande femme maigre et
-curieuse.
-
- [134] Lettre du 9 mars 1819.
-
-Pendant les premières journées de la présence à Aix des Lieven,
-installés rue de Cologne, ces opinions respectives ne se modifièrent
-pas. Nesselrode dut même risquer une démarche auprès de son illustre
-collègue pour lui demander la cause de sa froideur envers Dorothée
-Christophorovna et tenter d'établir de meilleurs rapports entre eux.
-
-Mais l'amour allait bientôt entrer en scène et rattraper, à pas de
-géant, le temps perdu.
-
-Dans une lettre à sa nouvelle amie, M. de Metternich fera bientôt
-lui-même le récit des préliminaires de leur commune passion.
-
-Il prit garde à elle, pour la première fois, le 22 octobre, dans une
-réunion chez le même Nesselrode qui s'était fait auprès de lui
-l'interprète obligeant de sa compatriote: «Tu m'as prouvé ce jour-là,
-lui écrivait-il, que tu étais attentive à ce qui n'effleure pas même
-la femme qui, à mes yeux, pourrait encore être vulgaire, le monde
-eût-il porté depuis longtemps un autre jugement sur son compte[135].»
-
- [135] Lettre du 28 novembre 1818.
-
-Dans la suite de sa correspondance, il reviendra sur l'histoire de ces
-premières heures: «Mon cœur, ce meilleur côté de moi-même, est allé à
-ta rencontre et il a eu le bonheur de ne pas te manquer, bien peu
-d'instants après notre premier contact. Je t'ai vue, je ne t'ai pas
-fixée. Tu m'as vu sans me regarder. Ce n'est pas le moyen de se
-connaître. Notre connaissance date, au fond, d'une soirée chez Madame
-de N... et c'est, je crois, Napoléon qui nous a servi d'intermédiaire.
-J'avoue que je ne lui eusse pas supposé ce mérite. Le fait prouve au
-reste qu'il m'a été bien plus utile de dessus son rocher que sur le
-trône. Tu ne doutes pas, sans doute, que dans cette circonstance,
-l'utile n'est pas ennemi de l'agréable. _Utile miscuit dulci_, dit
-feu Horace. Que Napoléon reste donc à Sainte-Hélène[136]».
-
- [136] Le prince de Metternich à Mme de Lieven, Vienne, 24 mars
- 1820.--La copie de cette lettre nous a été communiquée par M. le
- comte Puslowski.
-
-Le 25, une excursion réunit quelques-uns des personnages du Congrès.
-Elle avait Spa comme but. «J'ai fait avant-hier, mandait deux jours
-plus tard le Prince à sa femme, une course à Spa avec M. et Mme de
-Nesselrode, le comte et la comtesse de Lieven, Steigentesch, Zichy,
-Lebzeltern, le prince de Hesse et Floret. Nous y avons passé la nuit;
-nous avons parcouru hier matin les environs de Spa, nous y avons dîné
-et nous avons été de retour ici à 8 heures du soir. Le temps était
-superbe, et notre course très bien organisée. Spa est vide; nous y
-étions les seuls étrangers, notre effet a donc été complet. Le voyage
-d'ici à Spa est charmant; rien n'est beau comme le pays de Limbourg
-avec ses prairies et ses habitations sans nombre[137].»
-
- [137] _Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 129.
- Metternich à sa femme, ce 27 octobre.
-
-Le prince ne dit pas, dans cette lettre, que, à l'aller, Mme de Lieven
-lui avait fait quitter sa voiture pour lui faire prendre place dans la
-sienne et accomplir le voyage avec elle. Ils déjeunèrent ensemble à
-une méchante auberge d'Henry-Chapelle. Le lendemain, le charme avait
-opéré et le retour à Aix marque une nouvelle étape de leur liaison:
-«J'ai eu du plaisir à te voir, raconte Metternich. C'est moi qui t'ai
-proposé de changer de voiture pour ne pas te quitter. J'ai commencé à
-trouver que ceux qui t'avaient désignée comme une femme aimable
-avaient eu raison; j'ai trouvé la route plus courte que la
-veille[138].»
-
- [138] Lettre du 28 novembre 1818.
-
-Dès lors, les événements se précipitent et il nous faut laisser la
-parole au principal intéressé, écrivant plus tard à son amie:
-
-«Le 28, je t'ai fait la première visite, bien de cérémonie. L'heure
-que j'ai passée, assis à tes pieds, m'a prouvé que la place était
-bonne. Il m'a paru en rentrant chez moi que je te connaissais depuis
-des années. Je n'ai pas trouvé impoli que les deux hommes qui étaient
-dans l'appartement fassent bande à part; il m'a même paru qu'ils
-faisaient bien de rester à la grande table ronde. Le 29, je ne t'ai
-pas vue. Le 30, j'ai trouvé que la veille avait été bien froide et
-vide de sens. J'ignore le jour où tu es venue dans ma loge; tu as eu
-la fièvre,--mon amie, tu m'as appartenu![139]»
-
- [139] _Ibid._
-
-Cependant, les choses n'étaient pas allées aussi rapidement que l'on
-pourrait le croire d'après ces lignes. Le 2 novembre, l'Impératrice
-douairière de Russie passait à Aix-la-Chapelle, y déjeunait et en
-repartait pour Maestricht, d'où le lendemain elle se rendait à
-Bruxelles. Elle avait été la bienfaitrice de Dorothée de Benckendorf.
-D'autre part, elle était accompagnée de la vieille comtesse de Lieven,
-l'ancienne gouvernante de ses enfants. L'ambassadeur de Russie et sa
-femme avaient peu d'occasions de voir leur souveraine et leur mère.
-Ils partirent, à la suite de Marie Féodorovna, vers l'ancienne
-capitale des Pays-Bas autrichiens.
-
-Le _Moniteur universel_ annonça en effet que M. de Lieven était arrivé
-le 5 novembre dans cette ville[140].
-
- [140] _Moniteur universel_ du lundi 9 novembre 1818, no 313, p.
- 1313.
-
-Sa femme n'avait encore rien à se reprocher. La première des lettres
-publiées plus loin fut vraisemblablement écrite à l'occasion de cette
-séparation. Elle ne porte pas de quantième, mais la main qui a composé
-le recueil des missives de M. de Metternich l'a placée en tête et elle
-devait avoir ses raisons pour agir ainsi. Elle serait du reste
-incompréhensible à une autre date.
-
-Le prince ne comptait plus revoir la jeune femme, du moins dans un
-avenir prochain. «L'histoire de notre vie, lui disait-il, se concentre
-en peu de moments. Je vous ai trouvée pour vous perdre! Le passé, le
-présent et peut-être l'avenir sont renfermés en ce peu de mots....
-J'ai terminé une période de ma vie en moins de huit jours... Le jour
-où j'ai vu que ma pensée rencontrait la vôtre... j'ai senti que je
-pouvais devenir votre ami; il m'a suffi de me convaincre que je ne me
-trompais pas pour vous aimer. La contrainte m'a forcé à vous confier
-ce que vous avez deviné de votre côté. Je ne dis rien ici que vous ne
-sachiez, mais j'ai besoin de le redire à mon amie, à vous, mon amie de
-huit jours et pour la vie. Peut-être nous retrouverons-nous un
-jour,--je serai alors ce que je suis aujourd'hui[141].»
-
- [141] Première lettre, s. d.
-
-La joie de l'inflammable ministre dut être grande quand, peu après, il
-vit revenir sa correspondante. Nous n'avons pu trouver les raisons de
-ce retour des Lieven, mais il est bien permis de penser que
-l'influence de la comtesse ne dut pas y être étrangère.
-
-Quoi qu'il en soit, le _Moniteur universel_ apprit à ses lecteurs le
-passage à Liège, le 12 novembre, du comte de Lieven et de sa famille,
-se rendant à Aix[142]. Le lendemain, les deux amoureux étaient de
-nouveau réunis.
-
- [142] _Moniteur universel_ du vendredi 20 novembre 1818, no 324,
- p. 1359.
-
-Ils passèrent ensemble cinq jours derechef dans la ville du Congrès.
-La dernière phrase de la lettre précédemment citée, s'applique sans
-doute à ce moment «... tu es venue dans ma loge, tu as eu la
-fièvre,--mon amie, tu m'as appartenu»!
-
-Pendant l'absence de l'ambassadeur de Russie, comme après son retour,
-la vie mondaine continuait à se dérouler sans incidents autour des
-conférences.
-
-Le régent d'Angleterre avait envoyé Lawrence peindre les portraits des
-souverains et de quelques hauts personnages de la Sainte Alliance; les
-séances consacrées au grand artiste coupaient la monotonie des jours.
-Le duc d'Angoulême venait faire une visite de vingt-quatre heures aux
-Alliés. Le roi de Prusse et l'empereur de Russie étaient de retour de
-Paris, mais pour quelques jours seulement.
-
-Les fêtes devenaient plus rares. M. de Metternich recevait son gendre
-et sa fille, le comte et la comtesse Joseph Esterhazy, qui, après un
-court séjour auprès de lui, devaient repartir pour la France[143].
-
- [143] «Aix, le 7 novembre. Le comte Esterhazy, avec son épouse,
- fille du prince de Metternich, est arrivé avec trois voitures de
- suite. Le ministre était allé au devant d'eux à plus d'une lieue.
- Le comte et la comtesse ne tarderont pas à partir pour Paris
- comptant y passer l'hiver.» (_Journal de Paris_ du jeudi 12
- novembre 1818, no 316, p. 3).--Voir aussi _Moniteur universel_ du
- 11 novembre 1818, no 315, p. 1321.
-
-Au milieu des premières et rapides tendresses des nouveaux amants, le
-Congrès se terminait[144]. Le 14 novembre, les monarques se
-réunissaient pour une dernière conférence, chez le prince de
-Hardenberg. Le 15, un grand dîner d'adieu avait lieu chez l'empereur
-de Russie, et les princes se rendaient ensuite au bal offert par le
-commerce. Le 16, Alexandre partait pour Bruxelles.
-
- [144] «22 novembre.--Le Congrès touche à sa fin. Aix-la-Chapelle
- ressemble maintenant à une salle de fête à 4 heures du matin; la
- foule est écoulée, les lustres sont presque éteints. Tout le
- monde semble content de ce qui s'est passé et content de partir.»
- (C.-L. LESUR, _Annuaire historique universel_ pour 1818, 2e édit.
- Paris, Thoisnier-Desplaces, 1825, in-8º, p, 564).
-
-Deux jours après, le 18, le comte et la comtesse de Lieven l'y
-rejoignaient.
-
-Cette nouvelle séparation des amoureux dut être bien adoucie par
-l'espérance d'une prochaine réunion. En effet, M. de Metternich avait
-décidé, lui aussi, de se rendre dans la même ville («on ignore
-l'objet de ce voyage», disait le _Journal des Débats_!)[145]. Obligé
-de retarder de quelque temps son départ, il y fit son entrée le 23
-novembre[146].
-
- [145] _Journal des Débats_ du jeudi 26 novembre 1818.
- Aix-la-Chapelle, 21 novembre.
-
- [146] _Moniteur universel_ du lundi 30 novembre 1818, no 334, p.
- 1398.--_Gazette d'Augsbourg_ du 1er décembre 1818, no 335, p.
- 1339.
-
-Quatre nouveaux jours de bonheur s'ensuivirent. Pour se tenir au
-courant de leurs instants de liberté, les amants s'envoyaient des
-journaux anglais. Le ministre tout-puissant en avait toujours une
-provision sur lui!
-
-Mais, le 27 novembre, M. et Mme de Lieven se mettent de nouveau en
-route pour Paris. Le mari n'avait plus rien à faire en Belgique:
-l'empereur Alexandre en était déjà reparti avec sa mère; Nesselrode
-allait passer quatre semaines en France, et l'ambassadeur devait le
-suivre.
-
-Le 28 novembre, les deux époux passent la nuit à Roye. Le 29, ils
-arrivent dans la capitale française et descendent à l'Hôtel de
-Castille, rue de Richelieu, où ils resteront un mois[147].
-
- [147] _Moniteur universel_ du mardi 1er décembre 1818, no 335, p.
- 1401.--_Journal de Paris_ du lundi 30 novembre 1818, no 334, p. 1.
-
-Quant à M. de Metternich, après être allé visiter le champ de bataille
-de Waterloo avec Wellington[148], et avoir reçu du roi Guillaume Ier
-la plaque du Lion Néerlandais, après avoir dîné le 27 chez le marquis
-de la Tour du Pin, ambassadeur de France[149], il était parti le 28,
-à 5 heures du soir, pour Aix où l'appelaient encore quelques dernières
-affaires à régler[150]. De là, par le Johannisberg, il s'était mis en
-route pour Vienne.
-
- [148] Cette visite du champ de bataille de Waterloo eut lieu le
- 26 novembre (_Gazette d'Augsbourg_, 6 décembre 1818, no 340, p.
- 1359).--Mme de Lieven y prit peut-être part si l'on s'en rapporte
- à quelques allusions que l'on trouvera dans les lettres qui
- suivent.
-
- [149] _Moniteur universel_ du jeudi 3 décembre 1818, no 337, p.
- 1410.
-
- [150] _Moniteur universel_ du jeudi 3 décembre 1818, no 337, p.
- 1410.--_Gazette d'Augsbourg_ du 8 décembre 1818, no 342, p. 1367.
-
-La séparation était donc venue. Avant de se quitter, M. de Metternich
-et Mme de Lieven s'étaient promis de s'écrire. Ils tinrent parole.
-C'est la première partie de cette correspondance, comprenant
-uniquement les lettres du prince, que nous publions plus loin.
-
-Presque chaque jour, généralement après sa tâche finie, le ministre
-s'asseyait à sa table et laissait courir sa plume en pensant à son
-amie. Il écrivait en français, connaissant peu l'anglais et le russe,
-et la comtesse lisant mal l'allemand. Ne peut-on croire à sa parole
-quand il disait que les instants employés à revivre les heures
-écoulées aux pieds de sa maîtresse étaient les meilleurs de ses
-journées?
-
-Cet échange de lettres devait durer longtemps, bien longtemps, sept
-ans peut-être. Pour un homme courtisé comme l'était M. de Metternich,
-pour une femme occupée comme l'était Mme de Lieven, pour deux êtres ne
-pouvant se revoir qu'à de très longs intervalles, faire durer pendant
-tant d'années une telle correspondance, dut être un tour de force.
-
-L'envoi des billets ne pouvait se faire chaque jour: il demandait de
-multiples précautions, non seulement contre les indiscrétions
-mondaines, pour ménager les susceptibilités du mari, mais encore
-contre les polices des États, toujours curieuses et sans scrupules.
-
-Le prince--et sa correspondante faisait de même--écrivait ses
-confidences quotidiennes, à la suite les unes des autres, continuant
-chaque soir la page abandonnée la veille, jusqu'au moment où une
-occasion sûre, le courrier diplomatique hebdomadaire, le départ d'un
-personnage dont on pouvait escompter la discrétion, lui permettait
-d'expédier ces véritables journaux, soigneusement numérotés.
-
-A Londres, les amants avaient un confident éprouvé en Neumann,
-secrétaire de l'ambassade d'Autriche, tout dévoué à son ministre. Mme
-de Lieven recevait de lui les envois de M. de Metternich et faisait
-parvenir les siens à ce dernier par la même voie. A Vienne, le très
-fidèle Floret était l'intermédiaire tout indiqué.
-
-Quelques notes, relevées par M. Ernest Daudet en marge d'une lettre
-tombée, malgré toutes les mesures prises, entre les mains des agents
-français, nous permettent de suivre les ruses auxquelles expéditeur et
-destinataire étaient condamnés. La missive interceptée se trouvait
-sous quatre enveloppes. La première de celles-ci était au nom du baron
-de Binder, conseiller de la Légation d'Autriche à Paris. La seconde,
-adressée au même, portait ces mots de Neumann: «Je n'ai pas besoin de
-vous recommander l'incluse, mon cher ami.» La troisième avait pour
-suscription les titres du chevalier de Floret. Enfin, la quatrième
-était restée blanche: c'était celle qui, cachetée par l'ambassadrice,
-devait être remise aux mains de son ami[151].
-
- [151] Ernest DAUDET, _Un Roman du prince de Metternich_ dans la
- _Revue Hebdomadaire_ du 29 juillet, 1899, p. 661.
-
-On ne trouvera dans ces pages nul détail bien nouveau au point de vue
-de l'histoire. Certainement, la politique dut s'introduire un jour
-entre les deux correspondants. Il ne pouvait en être autrement, car
-ils en avaient fait, l'un et l'autre, l'essence même de leur vie. Mais
-au début de leur liaison, leur passion seule est en scène.
-
-Les premières lettres sont un long, trop long parfois, cantique
-d'amour où M. de Metternich exalte surtout sa propre personnalité, où,
-réellement épris, ce grand égoïste veut trouver en Mme de Lieven, afin
-de mieux l'aimer, la fidèle représentation de son propre être. Il se
-dissèque, il se peint, il se cherche en sa maîtresse, et il arrive à
-ce résultat surprenant que chaque mot d'amour qu'il lui adresse
-revient vers lui comme un nuage d'encens.
-
-Ce sujet,--l'amour,--bien qu'éternel, finissant quand même par
-s'épuiser, il raconte à la grande dame russe les menus faits de la
-cour de Vienne, ses impressions, ses ennuis, son dégoût, peut-être
-affecté, pour les affaires publiques. Entre temps, il rencontre et
-peint nombre de personnages dont les noms ne sont pas encore oubliés:
-le duc et la duchesse de Kent, Mme de Staël, Pie VII et bien d'autres.
-Quelques-unes des anecdotes qu'il rapporte à leur sujet sont
-amusantes. Mais c'est surtout de lui qu'il parle, et il dévoile tout
-le passé de sa vie sentimentale à son amie de la veille.
-
-Enfin, un voyage en Italie, avec l'Empereur, lui permet de varier ses
-récits. M. de Metternich aimait réellement les arts: dans leur terre
-classique, il se sent à l'aise pour les célébrer.
-
-A travers ses lettres, on retrouvera l'homme dans le ministre. A vrai
-dire, l'un ne différait pas beaucoup de l'autre. Quelques-uns de ses
-billets d'amour sont écrits du même style que ses dépêches
-diplomatiques. Il étudie et raisonne parfois son cœur comme il
-examinait les motifs d'intervention dans le royaume de Naples, par
-exemple.
-
-Mais chaque homme aime selon sa nature. Et le prince Clément de
-Metternich était évidemment sincère quand il aimait Mme de Lieven en
-cherchant en elle sa propre image--et quand il le lui disait.
-
-
- Les lettres qui suivent sont publiées intégralement. Nous avons
- respecté le texte de M. de Metternich, même dans ses obscurités
- et ses incorrections.--Les mots soulignés par le prince dans
- l'original sont indiqués en italiques.--Quand il a été
- indispensable de rétablir un mot oublié, ce mot a été mis entre
- crochets.
-
-
-
-
- LETTRES
- DU
- PRINCE DE METTERNICH
-
-
-
-
- LETTRES
- DU
- PRINCE DE METTERNICH
- A LA
- COMTESSE DE LIEVEN
-
-
-Il m'est impossible de vous voir partir sans vous dire ce que
-j'éprouve[152].
-
- [152] Cette lettre, sans date, placée en tête de la collection
- des lettres du prince de Metternich à la comtesse de Lieven par
- celui ou celle qui fit relier cette collection, est
- vraisemblablement du commencement de novembre 1818 et
- probablement du 3. M. et Mme de Lieven, arrivés le 11 octobre à
- Aix-la-Chapelle, en partirent en effet le 4 novembre pour
- Bruxelles, à la suite de l'impératrice douairière de Russie. Ils
- ne prévoyaient pas à ce moment devoir revenir bientôt dans la
- ville où se continuaient les séances du Congrès. Les sentiments
- d'amour réciproque du ministre des affaires étrangères d'Autriche
- et de l'ambassadrice de Russie dataient d'une excursion à Spa,
- faite de concert le 25 octobre 1818.
-
-L'histoire de _notre_ vie se concentre en peu de moments. Je vous ai
-trouvée pour vous perdre! Le passé, le présent et peut-être l'avenir
-est renfermé en ce peu de mots. Le jour où je vous reverrai sera l'un
-des plus beaux de [ma][153] vie.
-
- [153] Les mots entre crochets sont reconstitués, le fragment du
- papier sur lequel ils étaient écrits, placé sous le cachet, ayant
- été arraché lors de l'ouverture de la lettre.
-
-J'ai terminé une période [de ma] vie en moins de huit jours. Ce fait
-me p[araîtra]it un rêve, si je ne me connaissais. On e[st tout] pour
-moi ou rien. Mon âme n'est pas [sus]ceptible d'un demi-sentiment ni
-d'une demie-pensée. J'ai passé des semaines près de vous. Je vous ai à
-peine parlé et vous faites partie aujourd'hui de mon existence. Ce qui
-séduit la plupart des hommes est sans effet sur moi; j'ignore s'il me
-faut plus qu'à d'autres, mais je sais que c'est autre chose qu'il me
-faut. Le jour où j'ai vu que ma pensée rencontrait la vôtre, le jour
-où il ne m'est pas resté un doute que vous me comprendrez, que votre
-esprit et que surtout votre cœur marchait sur la ligne que je regarde
-comme la mienne, j'ai senti que je pouvais devenir votre ami; il m'a
-suffi de me convaincre que je ne me trompais pas pour vous aimer. La
-contrainte m'a forcé à vous confier ce que vous aviez deviné de votre
-côté. Je ne dis rien ici que vous ne sachiez, mais j'ai besoin de le
-redire à mon amie, à vous, mon amie de huit jours et pour la vie!
-
-Peut-être nous retrouverons-nous un jour,--je serai alors ce que je
-suis aujourd'hui. Si peu de relations me conviennent, celle qui me
-convient ne finit pas. Vouez-moi un bon souvenir, et peut-être plus,
-et ne f[ormez] que des regrets. Jamais ils ne s'élèveront à la
-[hauteur] des miens; je n'ai ni l'espoir ni la prét[ention]
-d'exiger que l'on m'accorde ce que je [donne]. Laissez-moi même la
-consolation de me dire que si vous m'aviez connu davantage, vous
-m'eussiez voué un sentiment autre que celui que vous pouvez me porter
-aujourd'hui. Vous voyez que je m'accroche à tout ce qui peut me sauver
-de mon affreuse peine; le naufragé ne choisit pas la planche qui doit
-lui servir,--il saisit celle qui se trouve à sa portée--et il se noie!
-
-
- Ce 15 novembre[154].
-
-J'ai passé, mon amie, une bien mauvaise et cependant une bonne nuit.
-Mauvaise, parce que je n'ai quasi pas fermé l'œil; bonne, parce que
-j'ai beaucoup pensé, à ce qui aujourd'hui _est ma pensée_. Or _ma
-pensée_ est toujours _moi_--_tout moi_. Tout ce qui est placé hors
-elle, n'est rien; j'ai un fonds de réserve que je dépense en paroles,
-en actions, en calculs, c'est de ce fonds que je tire des matériaux
-que je rédige en mémoires et en protocoles; mais mon véritable
-capital--celui qui doit fournir à ma vie--celui qui fonde mon bonheur,
-ne se mêle jamais avec l'autre. Je n'aime que l'une de ces propriétés,
-je déteste l'autre; l'une vous appartient autant qu'à moi, l'autre est
-à mon pays, à ma place, à mes devoirs comme homme d'État; je ne vous
-en offrirai jamais le partage: je vous aime trop pour vous faire faire
-un aussi mauvais marché!
-
- [154] Après être restés une semaine à Bruxelles, M. et Mme de
- Lieven revinrent à Aix-la-Chapelle. Le _Moniteur universel_
- signale leur passage à Liège le 12 novembre. Ils durent arriver
- le 13 dans la ville du Congrès.
-
-Mais, mon amie, comment userons-nous de notre propriété commune?
-Faut-il la placer à fonds perdu? Vous vous occupez des mêmes calculs,
-j'en suis sûr et voilà ma seule consolation.
-
-Je vous ai dit hier que, de toutes les convictions, celle qui se
-trouve le moins à ma portée, c'est celle de me croire aimé. Pourquoi
-m'inspirez-vous une sécurité que j'ai si peu connue dans le cours de
-ma vie? Cette énigme--et c'en est une véritable pour moi--ne me
-tourmente pas. J'aime à croire ce que je crois et je serais au
-désespoir d'un seul soupçon du contraire. S'il ne m'est guère arrivé
-d'avoir été gâté dans ce monde, j'ai bien moins encore le reproche à
-me faire de m'être gâté moi-même. Pourquoi n'ai-je pas peur de me
-livrer tout juste vis-à-vis de vous à un sentiment de sécurité que je
-n'ai jamais éprouvé? _Seriez-vous bien moi?_ Eh bien! je le crois,
-comme l'on croit à ce que l'on ne comprend pas.
-
-Mon amie, comment et quand vous verrai-je? Si rien n'est possible dans
-la journée, je serai pour sûr ce soir, au sortir d'une maudite
-conférence, chez Lady Castlereagh[155]. Portez-y un mot. Vous me direz
-peut-être ce que vous ferez demain. Et nous partons un de ces jours!
-
- [155] HOBART (Émily-Anne), fille de John Hobart, deuxième comte
- de Buckingham. Elle avait épousé, le 9 juin 1794, Robert Stewart,
- lord Castlereagh. Elle mourut le 12 février 1829 et fut enterrée
- à côté de son mari dans l'abbaye de Westminster (_Dictionary of
- National Bioqraphy_, edited by Sidney Lee, London, Smith, Elder
- and Co, t. XXVII, p. 33, t. LIV, p. 346 et 357).
-
-
- Ce 16 minuit.
-
-Mon amie, merci, mille fois merci, pour la bonne journée que vous
-m'avez fait passer hier! Vous avez fait l'aumône à un pauvre; c'est
-plus que de donner un trésor à un riche. Je vous ai vue--j'ai pu vous
-dire ce que j'éprouve--je vous ai entendue me dire ce dont j'ai tant
-besoin--ce que je sais et ce que je voudrais apprendre à chaque heure
-de ma vie! Suis-je bien froid, mon amie? Suis-je cet homme pour qui
-vous m'avez pris dans les moments qui ont précédé notre connaissance?
-Voudriez-vous que cet abord eût été autre, aujourd'hui que je suis
-_moi_?
-
-Le temps, au reste, vous apprendra ce que je suis, mieux que je ne
-pourrais vous le dire aujourd'hui! Commencez par me croire et finissez
-par m'aimer, aimez-moi beaucoup dès ce moment, demain et toujours, ne
-craignez pas les regrets: ce n'est pas _moi qui suis vous_ qui vous y
-exposerai.
-
-Mon amie, je vais vous faire une bien sotte question.--Si mon billet
-devait jamais tomber entre les mains d'un tiers, il me prendrait pour
-fou. Comment vous appelez-vous? Je veux savoir le jour de l'année que
-je dois aimer par-dessus tous les autres. _Quel jour êtes-vous née?_
-Je suis bien tenté également d'aimer ce jour-là. Je sais le jour où je
-vous ai aimée--c'est de tous les jours le meilleur! Pourquoi tout ce
-qui tient à vous acquiert-il du charme à mes yeux? Je le sais, pour le
-coup, mieux que vous et je vous dispense de la réponse.
-
-Bonsoir! Je sais encore avec qui je vais me coucher et avec qui je me
-réveillerai. Je sais enfin tant de choses que je suis tout étonné de
-ne pas savoir votre nom. Je sais ce que beaucoup ne savent pas, et
-j'ignore ce que tant de monde n'ignore pas; je n'aime pas l'ignorance:
-nous saurons bientôt de nous _tout_--et c'est ce que je veux.
-
-Concevez-vous le genre de tourment qu'il y a à ne pouvoir penser à un
-être qui m'est devenu ce que vous m'êtes, qu'en le nommant dans son
-intérieur le plus secret d'un nom que l'on n'aime pas? Je veux vous
-aimer sans coups d'épingles; vous avez la conviction par maintes
-preuves que je ne crains pas les fortes douleurs!
-
-Entre deux et trois chez Marie[156] et ce soir, après mon dîner chez
-Castlereagh[157], chez vous si vous ne me dites pas le contraire. Ce
-sera une visite grande et bien cérémonieuse, tout juste comme elles me
-conviennent quand il ne me reste que l'alternative de ne pas vous
-voir, ou de vous voir ainsi.
-
-Bonsoir et bonne nuit--si le fait est possible.
-
- [156] METTERNICH (Marie-Léopoldine), fille aînée du prince, issue
- de son premier mariage avec la princesse Eléonore de Kaunitz. Née
- le 17 janvier 1797, elle avait épousé le 15 septembre 1817 le
- comte Joseph Esterhazy de Galantha, chambellan impérial et royal
- (né le 24 novembre 1791, mort le 12 mai 1847), d'une branche
- cadette de la grande famille hongroise. Le 6 novembre 1818, elle
- était arrivée avec son mari à Aix-la-Chapelle d'où elle devait se
- rendre à Paris. Elle mourut, sans enfants, à Baden, le 20 juillet
- 1820 et fut inhumée en Bohême. Son corps fut transporté dans le
- caveau de sa famille paternelle, à Plass, le 9 août 1828. Devenu
- veuf, le comte Joseph Esterhazy épousa, en juillet 1841, Hélène
- Bezobrazoff (STROBL VON RAVELSBERG, _Metternich und Seine Zeit_,
- t. I, p. 57.--_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 359
- et s., t. VII, p. 559.--_Moniteur Universel_ du 11 novembre 1818,
- n. 315, p. 1321.--_Genealogisches Taschenbuch der deutschen
- gräflicher Häuser._ Année 1850, p. 193).
-
- [157] CASTLEREAGH (Robert STEWART, vicomte). Né en 1769,
- successivement garde du sceau privé d'Irlande, chef du
- secrétariat du lord lieutenant Camden, président du bureau de
- contrôle des Indes orientales, secrétaire d'État pour la guerre,
- il était, depuis le 28 février 1812, secrétaire d'État des
- affaires étrangères et le resta jusqu'à sa mort, poursuivi par
- une impopularité extrême. Au Congrès d'Aix-la-Chapelle, il
- représentait la Grande-Bretagne avec Wellington. Devenu marquis
- de Londonderry en 1821 par la mort de son père, il donna, à
- partir du mois de juin 1822, des signes de dérangement cérébral.
- Le 12 août 1822, Lord Castlereagh se coupa la gorge avec un canif
- dans sa maison de campagne de North Cray, et mourut presque
- immédiatement (Sir Archibald ALISON: _Lives of Lord Castlereagh
- and sir Charles Stewart_, Londres et Edimbourg, William Blackwood
- and sons, 1861, 3 vol. in-8º).
-
-
-
-
-No 1[158]
-
-
- Ce 17 novembre, minuit[159].
-
-Mon amie, nous voilà séparés[160]! J'aurais demandé à tout autre que
-toi si tu éprouves ma douleur. Je suis sûr, si sûr de la tienne que
-l'envie même de te faire la question me paraît une injure. Je n'ai pas
-besoin d'apprendre ce que je sais, de croire à ce que je sens, de te
-consulter sur ce que j'éprouve.
-
- [158] Le prince de Metternich profitait de toutes les occasions
- sûres pour faire parvenir ses lettres à la comtesse de Lieven. En
- attendant ces occasions, il écrivait la lettre de chaque jour à
- la suite de celle de la veille, sur la page commencée et
- interrompue. Chaque expédition, par mesure de prudence, était
- soigneusement numérotée par lui. Nous avons conservé ces numéros
- qui prouvent l'absence de lacunes dans la correspondance publiée
- ici.
-
- [159] Nuit du 17 au 18 novembre 1818.
-
- [160] Le comte et la comtesse de Lieven quittèrent
- Aix-la-Chapelle le 18 novembre à 8 heures du matin pour se rendre
- à Bruxelles. Le prince de Metternich avait d'abord dû partir, lui
- aussi, le 18 pour la même destination. Il fut obligé de retarder
- son départ jusqu'au 22 novembre pour assister aux conférences
- diplomatiques qui se poursuivaient (_Mémoires du prince de
- Metternich_, t. III, p. 131 et s.).
-
-Tu m'as peut-être cru bien froid en te quittant. Mon amie, nous étions
-_à trois_. Je sens que je ne vaux rien devant témoin--il me faut mon
-amie et elle seule pour que je sois parfaitement _moi_ et tu m'as dit
-que tu l'aimes, ce moi. Je te crois sans le comprendre, et j'en
-douterais qu'encore je voudrais te croire.
-
-Je voudrais que tu fusses partie. Je déteste de te savoir si près de
-moi sans une possibilité de contact. J'aime mieux dans ce cas la
-distance elle-même; je voudrais te savoir hors de ma portée.
-L'impossibilité vu la distance se comprend; je supporte bien moins
-l'impossibilité sans distance. L'une est toute matérielle, l'autre
-morale, et tout mal du premier genre me paraîtra toujours plus
-supportable que ceux du second.
-
-Je te remercie de la journée. Elle a été bonne, la meilleure que j'ai
-eue. Je veux te dire que j'en suis heureux; j'en ai le besoin. Mon
-amie ne m'abandonne plus!
-
-
- Ce 18, 10 heures du matin.
-
-Je n'ai pas dormi, car sommeiller n'est pas dormir. J'ai entendu
-partir à 6 heures ma fille[161]; j'en ai été peiné, mais je suis resté
-tranquille. A 7 heures, mon cœur s'est serré et j'aurais voulu te
-savoir loin; j'ai senti que tu devais être encore ici. A 8, je me suis
-senti soulagé et j'ai commencé à éprouver le bonheur que j'aurai de te
-revoir! Pourquoi des sentiments aussi opposés que le sont ceux de
-l'amour et de la haine produisent-ils les mêmes effets! Je suis plus à
-moi, je me crois plus maître de ma volonté. Je te sais loin; je puis
-m'occuper davantage de l'idée d'aller te rejoindre; elle me paraît
-plus raisonnable. Oui bien certainement te reverrai-je. Mon amie, ce
-n'est pas la haine qui me porte à cette détermination.
-
- [161] La comtesse Marie Esterhazy qui partait pour Bruxelles avec
- son mari.
-
-
- Minuit.
-
-Voici l'heure où je t'écrirai souvent. Puis-je mieux finir ma journée
-qu'avec toi? J'ai passé ma matinée après t'avoir quittée--c'est hélas!
-mon bureau qui est toi--à faire _mon devoir_, triste ressource quand
-il n'absorbe que les facultés de l'esprit! J'ai eu trois heures de
-conférences. J'ai passé sous tes fenêtres en m'y rendant. Toutes
-étaient ouvertes; rien ne ressemble à la mort comme un départ! Pas une
-âme dans cette maison; la porte close; je serais au désespoir de la
-savoir habitée.
-
-Au sortir de la conférence, j'ai été, avec à peu près toute la bande,
-chez Lawrence[162]. J'ai été charmé d'y revoir mon portrait; j'aurai
-une nouvelle séance demain; je ferai ôter le trait méchant, car tu le
-verras, ce portrait, quand tu seras loin de moi; et je l'aime car tu
-le verras, tout comme je m'aime parce que tu m'aimes.
-
- [162] LAWRENCE (Sir Thomas), peintre anglais. Né à Bristol le 4
- mai 1769. En 1814, il avait été chargé de faire le portrait des
- souverains alliés, de leurs ministres et généraux qui vinrent
- alors visiter Londres. Ces portraits ornent aujourd'hui la
- galerie de Waterloo au château de Windsor. Pour compléter la
- série ainsi commencée des hommes d'État de la Sainte-Alliance, le
- Prince Régent envoya Lawrence en 1818 à Aix-la-Chapelle pendant
- le Congrès. Pour l'y loger, une maison de bois portative avec un
- grand atelier fut construite en Angleterre; elle devait être
- élevée dans les jardins de l'ambassadeur anglais, Lord
- Castlereagh, mais elle arriva trop tard. Lawrence s'installa dans
- la grande galerie de l'Hôtel de Ville d'Aix. Après le Congrès, il
- se rendit à Vienne et de là à Rome. Il mourut le 7 janvier 1830
- (_Dictionary of National Biography_, t. XXXII, p. 278).--Le
- portrait de M. de Metternich peint à Aix est aujourd'hui à
- Windsor. Une copie en a été exécutée à Vienne pour la famille du
- prince, qui la possède encore. Une reproduction de ce tableau,
- gravée par Unger, se trouve en tête du t. I des _Mémoires du
- prince de Metternich_.
-
-Le roi de Prusse[163] est à peu près achevé et parfait. L'empereur
-Alexandre[164] est décent; il a des pantalons gris. L'empereur
-François[165] est assis dans un coin et fait sa bonne mine. Tous ces
-portraits sont excellents, mais je veux que tu en trouves _un_
-meilleur que tous les autres; la chose même est naturelle, car, parmi
-les _originaux_ d'Aix-la-Chapelle, il y en [a] bien un qui t'aime plus
-que les autres et je le connais assez pour pouvoir t'en répondre.
-
- [163] FRÉDÉRIC-GUILLAUME III, né à Potsdam le 3 août 1770, roi de
- Prusse depuis la mort de son père, Frédéric-Guillaume II, le 16
- novembre 1797, mourut le 7 juin 1840 (_Almanach de Gotha_, 1841).
-
- [164] FRANÇOIS Ier, empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de
- Bohême, de la Lombardie et de Venise. Né le 12 février 1768 à
- Florence, succéda à son père Léopold II dans les États de sa
- maison le 1er mars 1792. Couronné roi de Hongrie le 6 juin, élu
- empereur d'Allemagne le 7 juillet 1792, couronné le 14, se
- déclara empereur héréditaire d'Autriche le 11 août 1804 et se
- démit de la dignité d'empereur romain le 6 août 1806. Mourut le 2
- mars 1835 (_Almanach de Gotha_, 1819, 1830, 1836).
-
- [165] ALEXANDRE Ier Paulovitch, né 12/23 décembre 1777, succède à
- son père Paul Ier le 13/24 mars 1801, meurt le 19 novembre/1er
- décembre 1825 à Taganrog (_Almanach de Gotha_, 1819, 1826.)
-
-Puis, je me suis promené avec Capo[166] et Richelieu[167]. J'ai trouvé
-moyen de te nommer une bonne vingtaine de fois et le nom que je
-n'aime pas m'a paru doux à prononcer.
-
- [166] CAPO D'ISTRIA (Jean-Antoine, comte), né à Corfou en 1776.
- Entré au service de la Russie en janvier 1809, il devint
- secrétaire d'État de l'empire russe (novembre 1815) et dirigea
- jusqu'en 1822 le département des affaires étrangères
- conjointement avec Nesselrode. Était en 1818 l'un des
- plénipotentiaires russes au Congrès d'Aix-la-Chapelle et habitait
- avec Nesselrode, chez M. Wildenstein, rue du Pont, no 11. Après
- sa démission (1822), Capo d'Istria se retira à Genève d'où il
- prit une part active à l'organisation du soulèvement hellénique.
- Élu président pour sept années par l'assemblée nationale grecque
- de Trézène, le 2/14 avril 1827, il fut assassiné le 27
- septembre/9 octobre 1831 (_Nouvelle Biographie générale_) DIDOT,
- t. VIII, col. 594.--_Archives du ministère des affaires
- étrangères._ France, Mémoires et documents, vol. 337, fº 221.
- Liste des personnes qui composent la suite de S. M. l'empereur de
- Russie.
-
- [167] RICHELIEU (Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie du Plessis,
- d'abord comte de Chinon, puis duc de Fronsac et duc de), né à
- Paris le 25 septembre 1766. Chargé d'une mission près la cour de
- Vienne (1790), il émigra et prit du service dans l'armée russe où
- il arriva au grade de général major. Gouverneur d'Odessa (1803),
- puis de toute la Nouvelle-Russie (1805), il rentra en France à la
- première Restauration. Président du conseil, ministre des
- affaires étrangères (26 septembre 1815-29 décembre 1818). De
- nouveau président du conseil, du 20 février 1820 au 14 décembre
- 1821. Membre de l'Académie française (21 mars 1816), mort à Paris
- le 17 mai 1822. Il fut le promoteur du Congrès d'Aix-la-Chapelle,
- qui lui permit de libérer la France de l'occupation étrangère.
- Pendant son séjour à Aix, il était logé rue Saint-Pierre, no 595
- (R. BONNET, _Isographie des membres de l'Académie française_,
- Paris, Noël Charavay, 1907, in-8º, p. 241.--_Archives du
- ministère des affaires étrangères_, France, Mémoires et
- documents, vol. 337, fº 213).
-
-Puis, je suis rentré chez moi. J'ai vu une vieille femme sous ta
-porte; je lui ai demandé à quelle heure le _comte_ était parti.--«Vers
-8 heures.»--«Et la comtesse?»--«Eh! bon Dieu! elle est partie avec
-lui.»--«Votre maison est-elle louée?»--«Non, mon bon Monsieur; si vous
-en voulez, elle sera à vos ordres.»--«Ne la louez pas, ma bonne, rien
-ne gâte les maisons comme les locataires. Tenez-vous-en à ceux que
-vous avez perdus et n'en cherchez pas d'autres.»--«J'ai bien peur que
-nous n'en trouvions pas.»--«Allez au diable, j'en suis charmé.»
-
-La bonne vieille m'aura cru fou, et j'en suis charmé.
-
-J'ai eu une vingtaine d'aimables personnages à dîner, parmi eux
-Kozlovski[168]. Après le dîner, je me suis assis dans un coin;
-Kozlovski est venu se placer à mes côtés. La conversation a tourné sur
-le beau sexe.
-
- [168] KOZLOVSKI (prince Pierre Borissovitch), né en décembre
- 1783, diplomate, bel esprit, lieutenant du royaume de Pologne,
- était en 1818 ministre de Russie à Turin. Mourut le 26 octobre
- 1840 (Wilhelm DOROW, _Fürst Kozloffski_), Leipzig, Ph. Reclam
- junior, in-12, 1846.--Georges STENDMAN, _Liste alphabétique de
- noms de personnages russes pour un dictionnaire biographique
- russe_, formant le t. LX du _Recueil de la société impériale
- d'histoire de Russie_ (_Sbornik Imperatorskavo Russkavo
- Istoritcheskavo Obchtchestva_).--«Peu d'hommes réunissaient comme
- le prince K. autant de vivacité et d'intelligence dans le
- travail, jointes à une élocution pleine de feu et d'entraînement.
- Son instruction était profonde et variée, sa mémoire admirable.»
- (Comte A. DE LA GARDE-CHAMBONAS, _Souvenirs du Congrès de
- Vienne_, p. 247).
-
-«Moi, me dit Kozlovski, je n'aime que les femmes grasses.»--«Et moi,
-lui ai-je dit, celles qui ne le sont pas.»--«Je me soucie peu de
-l'esprit, pourvu qu'il y ait des joues pleines et de gros bras,
-reprend K.»--«Et moi, je n'aime que l'esprit, le cœur et l'âme, que
-les joues soient plates ou pleines, lui dis-je.»
-
-K.--«Vous êtes donc sentimental?»
-
-M.--«Non, mais j'aime ou je n'aime pas.»
-
-K.--«Moi, j'aime les chairs.»
-
-M.--«Et moi, j'aime mon amie.»
-
-K.--«Ma première belle était extrêmement maigre; je n'en ai plus voulu
-que de grasses.»
-
-M.--«Il me paraît que nous aurons quelque peine à nous comprendre.»
-
-K.--«Mon Dieu, non. C'est que vous êtes sentimental et que je ne le
-suis pas. Savez-vous sur quoi je juge la femme qui me convient? Sur
-son appétit. Il faut que ma maîtresse mange beaucoup, et, plus elle
-mange, plus je l'aime, car mieux elle se portera.»
-
-L'argument m'a paru si fort que je me suis levé pour saluer un no 1[169]
-qui venait d'entrer dans le salon.
-
- [169] Par cette expression qui revient plusieurs fois dans le
- cours de sa correspondance, le prince de Metternich désignait
- sans doute les membres des familles souveraines et quelques
- personnages de grande importance. Il rangeait, comme on le verra
- plus loin, les personnages secondaires dans des catégories
- numérotées 2, 3, 4...
-
-Que de Kozlovski dans le monde! Le ciel a fait les gros bras tout
-exprès pour eux.
-
-Ma bonne amie, je t'écris une lettre bien bête; tu vois que je pousse
-le scrupule jusqu'au point de ne pas te déguiser le moindre détail de
-ma pensée et même de l'ordre dans lequel mes pensées se succèdent. Je
-trouve que c'est faire preuve de sens commun que de ne pas se
-présenter en parure recherchée à son amie. Si elle ne veut pas de vous
-tel que vous êtes, elle ne voudra également plus de vous... tel que
-vous voudriez être.
-
-Je te prends, ma bonne D[orothée], telle que tu es. Tu vois que je
-sais ton nom, et je me crois fort avancé en besogne.
-
-Éprouves-tu aujourd'hui ce que j'éprouve, mon amie? Y a-t-il du vide
-dans ce monde? Que faisaient les amants avant l'invention de
-l'écriture? Sens-tu le bonheur qu'il y a _à se voir sans plus_?
-Comment avons-nous pu avoir de l'humeur quand nous nous sommes
-rencontrés? Je ne le conçois pas dans ce moment, mais je l'ai éprouvé
-alors. Il faut donc que le fait soit vrai, mais je n'y veux rien
-comprendre dans ce moment. Je donnerais tout pour te voir, fût-ce même
-dans le salon de la rue de Wesel!
-
-Bonsoir, mon amie. Tu dois être arrivée à l'heure qu'il est; il sonne
-une heure de cette grosse cloche que j'entends, et que tu n'entends
-plus, que tu n'entendras peut-être plus jamais. Bonne amie, n'oublie
-jamais Aix et quelques bonnes gens que tu y as vus.
-
-
- Ce 18.
-
-Je vais expédier le porteur de cette lettre. Il va entrer en
-fonctions; j'espère qu'il s'en acquittera bien. Comme il est heureux!
-Il va te voir: crois-tu que ce soit du bonheur?
-
-Ma bonne D... j'ai rêvé de toi une bonne partie de la nuit. J'ai été
-près de toi: tu étais bonne, aimable, comme tu l'es toujours. Je me
-suis réveillé et tu n'y étais pas: j'ai vu que c'est une bien vilaine
-chose que d'être seul. Mon amie, je t'aime _beaucoup_; je me sers du
-mot, quoiqu'il ne dise rien. L'on aime ou l'on n'aime pas. Le plus
-comme le moins n'existe pas en amour. _Moins aimer_ c'est _ne plus
-aimer_. Sois satisfaite si je te dis que je t'aime et rends-moi amour
-pour amour.
-
-Je partirai d'ici samedi[170] après-dîner. Je serai à Bruxelles dans
-la journée de dimanche. Si le porteur dit que peut-être je ne viendrai
-pas, c'est qu'il en a l'ordre: ne le crois pas et crois-moi. C'est
-pour te dispenser de la forte fièvre qu'il dira que _peut-être_ je
-pourrais changer d'avis: un peu de malaise à la suite des fatigues de
-la Cour suffira pour te retenir vu le _peut-être_.
-
- [170] «Le prince de Metternich à l'empereur
- François.--Aix-la-Chapelle, 17 novembre. Sire, dans notre
- conférence d'aujourd'hui, le duc de Richelieu a fait un rapport
- sur les affaires d'Espagne, en ce qui concerne les colonies de
- cette puissance; ce rapport entraînera une discussion tellement
- importante que j'ai dû me rendre au vœu unanime de mes collègues
- et prendre part au débat. Dans tous les cas, il faudrait que je
- fusse de retour ici samedi prochain, c'est-à-dire le jour où le
- duc de Wellington assistera à la conférence. Je me suis donc
- décidé à partir pour Bruxelles samedi, le 21 de ce mois, au lieu
- de demain 18 novembre, après la clôture des conférences.»
- (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 164).
-
-Et puis, sois bonne et douce avec ton mari: pas de querelles; elles
-gâtent plus qu'elles ne servent et je ne les aime pas. Si tu as envie
-de te fâcher, pense à ton ami et dis-toi qu'il blâmerait le fait. Je
-te fais découvrir ici un singulier côté de ma façon d'être.
-
-Combien d'amis trouverais-tu qui te donneraient un pareil conseil? Et
-ton cœur ne te dit-il pas que je t'aime plus que ne pourraient
-t'aimer ceux qui te diraient le contraire? Consulte-le toujours, ton
-cœur, si tu veux savoir ce que je veux. Il ne te trompera jamais,
-aussi longtemps qu'il sera à moi.
-
-Adieu, mon amie. Tu vois que mon no 1 est long[171]. Tu en recevras de
-bien plus longs encore. Il est si facile de dire ce qui vous passe par
-la tête quand l'on a le cœur plein, tout aussi facile que de trouver
-quatre mots quand le cœur est vide. Tu me crois tout à toi, parce que
-je le suis: rien ne trompe sur ce fait.
-
- [171] La lettre no 1 qui se termine quelques lignes plus bas.
-
-Adieu et au revoir. Que ne pourrais-je le dire souvent! Conçois-tu la
-peine qui ne m'attend, hélas! que trop tôt? Mais, bonne amie, je te
-reverrai!
-
-
-
-
-No 2.
-
-
- A[ix-la-Chapelle]. Ce 20 novembre 1818, minuit.
-
-Mon amie, il s'est opéré un changement forcé dans mes projets de
-voyage. Je ne partirai d'ici que dimanche 22 pour aller coucher à
-Saint-Trond, au lieu de partir d'ici le 21 et aller coucher à Liège.
-Je serai le 23, à midi, à Bruxelles. Dans mon premier plan, j'y serais
-arrivé le 22 au soir. Il y a donc une matinée de différence. Ne me dis
-pas qu'une matinée est beaucoup: elle peut être tout. En me
-consultant, je sens qu'une minute vaut la vie sans cette minute. Mais
-les maîtres de poste raisonnent autrement et mes collègues raisonnent
-comme des chevaux. Ils fouettent parce qu'ils sont fouettés à leur
-tour. Mon amie, puis-je leur dire ce qui m'attire à Bruxelles[172]? Et
-si je le leur disais, me laisseraient-ils partir, quand il s'agit de
-la _traite des nègres_? Dussé-je en devenir noir moi-même, ils se
-contenteraient de rester blancs et ils me cloueraient à la table
-verte. Je t'ai dit pour le moins vingt fois, dans le peu de bons
-moments où j'ai pu te parler, que je faisais le plus abominable des
-métiers; j'en ai une conviction si forte et si profonde que mon
-malheur en est accru au point de devenir insupportable.
-
- [172] _Journal des Débats_ du jeudi 26 novembre
- 1818.--«Aix-la-Chapelle, 21 novembre. M. le prince de Metternich
- part demain pour Bruxelles. M. de Floret l'a déjà précédé
- aujourd'hui: on ignore l'objet de ce voyage.»
-
-Puis, je rentre dans mon cœur et je sens qu'il vit! Tout mon espoir,
-toute ma consolation est dans ce cœur que le monde me nie! Et encore
-ce fait tient-il plus ou moins à mon métier! Comment un homme de mon
-espèce pourrait-il sentir? Comment lui accorder ce que l'on ne
-refuserait qu'avec la crainte de commettre une injustice au mendiant
-dans la rue? Ma bonne D[orothée], je te le demande: crois-tu que je
-puisse aimer? Es-tu contente que je ne sois pas ce que l'on croit que
-je suis? N'éprouves-tu même pas un peu de bonheur de le savoir mieux
-que le monde? Gardons ce secret à nous deux; ne le trahissons pas;
-qu'il soit et qu'il reste le nôtre. Dis-toi, dans toutes les
-circonstances de ta vie, qu'il existe un être qui t'est dévoué, plus
-certes qu'on ne te l'a jamais été. Quel est donc le motif qui pourrait
-me porter à te le dire? Qu'ai-je eu de toi hors ce que j'aime plus
-aujourd'hui que ma vie: la conviction d'être aimé de toi et de
-l'espérance sur un avenir vague! Mon amie, il faut que tu aies de bien
-grandes qualités pour que je sois placé vis-à-vis de toi ainsi que je
-le suis; sans te connaître par l'_usage de la vie_, fût-ce même celui
-du salon, sans souvenir autre que de ce que je t'ai voué de sentiments
-dans un aussi court espace de temps que l'est celui de notre
-connaissance, sans un fait, sans prémisses et sans suites!
-
-Que de confiance ne dois-je pas te vouer; combien ce lien invisible,
-qui est l'amour lui-même, doit m'avoir saisi pour que l'homme au monde
-le moins susceptible d'illusions n'éprouve pas un seul instant la
-crainte d'avoir trop donné. Quand je t'ai dit, le premier jour où je
-t'ai parlé de _nous_, que tu me connaissais tel que je suis, t'ai-je
-trompée? J'ai été pour toi ce que je suis si rarement: _tout en
-dehors_ dès les premiers moments de notre liaison. Je n'y ai point eu
-de mérite; mon cœur a toute ma confiance: il ne m'a jamais trompé et
-il ne me trompera jamais. C'est lui qui m'a permis de croire et j'ai
-cru; c'est lui qui m'a fait passer sur toutes les considérations par
-trop naturelles dans notre position, et j'ai passé outre. Rends-moi la
-justice que je ne me suis point arrêté, mais aussi sois sûre que l'on
-ne m'a jamais vu bouger de ma place. Je tiens ferme ce que je tiens et
-ce à quoi je tiens. Mon âme est forte et droite et mes paroles sont
-vraies, toujours et en toute occasion. C'est là l'énigme résolue de ma
-prétendue _finesse_. Aussi souvent qu'un sot se trompe sur mon compte,
-il m'accuse de cette finesse que je déteste parce que je la méprise.
-Il se fâche et je reste calme: voilà ma réputation de _froideur_
-établie. J'ai une mine sur laquelle on cherche ce que la foule n'y
-trouve pas, mais ce que mon ami découvre facilement et ce que mon amie
-découvre toujours. Il suffit du fait pour me nier _du cœur_. Je suis
-enfin sans haine et sans passions--sans haine car j'ai trouvé toujours
-que mes ennemis avaient tort et je les ai plaints--sans passion autre
-que pour l'être qui ne s'en vante pas. Voilà _l'homme introuvable_
-défini et voilà en peu de mots l'histoire de ma vie.
-
-Le jour où tu me diras: _comme tu sais bien aimer_, je serai l'homme
-du monde le plus fier. _Cette fierté_ est la seule de laquelle je sois
-capable; je réserve toute autre aux sots et je ne le suis pas. Cette
-_prétention_ enfin est la seule que je me permette d'avoir.
-
-Mon amie, tu apprendras bien à me juger--de près si le ciel exauce mes
-vœux, et de loin si le sort ne les seconde pas. Tu me diras un
-jour--et je t'interpellerai--si j'ai bien fait mon portrait. Le jour
-où je croirais me tromper, je serais le plus malheureux des hommes.
-
-
- 21 novembre, 9 heures du matin.
-
-Je vais faire partir cette lettre avec la commande de mes chevaux.
-J'espère que tu pourras la recevoir avant mon arrivée. Le fait me fera
-grand plaisir.
-
-J'ai passé hier quatre fois par la rue de Cologne[173]. J'ignore
-pourquoi chaque affaire m'y mène: je ne connais plus les promenades à
-l'est de la ville; tout me tire vers le bord opposé. La route de Liège
-est une bien vilaine route; j'y ai mené ce matin Castlereagh, Capo et
-Nesselrode[174]; ils ont juré et j'ai continué à marcher; ils s'en
-sont retournés et je ne l'ai pas fait; j'ai quitté enfin ma route pour
-la reprendre à meilleures enseignes.
-
- [173] Pendant leur séjour à Aix, le comte et la comtesse de
- Lieven logeaient dans une maison de la rue de Cologne. L'empereur
- de Russie habitait l'ancien palais des préfets français, dans la
- même rue qui fut débaptisée en l'honneur de ce fait et devint la
- rue Alexandre (_Archives du ministère des affaires étrangères._
- France, Mémoires et documents, vol. 337, fº 221. Liste des
- personnes qui composent la suite de S. M. l'empereur de
- Russie.--_Moniteur universel_ du 27 septembre et du 28 octobre
- 1818).
-
- [174] NESSELRODE (Charles-Robert, comte de). Né à Francfort, 14
- décembre 1780. Il était, depuis 1816, «secrétaire d'État
- dirigeant le département des affaires étrangères» conjointement
- avec Capo d'Istria. Il occupa ce poste jusqu'au moment où il
- donna sa démission, le 15 avril 1856, après la guerre de Crimée.
- Il mourut à Saint-Pétersbourg le 23 mars 1862 (_Biographie
- générale_ (Didot), vol. XXXVII, col. 772).
-
-Ta maison n'est pas louée. Je l'ai demandé à ma vieille édentée de
-l'autre jour, et j'ai manqué l'embrasser. La bonne femme doit me
-prendre pour un acquéreur très décidé en faveur de la rue de Cologne.
-
-Adieu, mon amie. Au revoir: je tâcherai de toute manière à te voir au
-spectacle _lundi_, et si tu fais ou bien si tu veux autre chose,
-dis-le à notre homme. Je veux que le premier mot qu'il me dise soit
-une nouvelle de toi.
-
-Adieu et aime ton ami.
-
-
- Ce 24 novembre[175].
-
-Mon amie, il me reste tant et si peu à désirer, je suis à la fois si
-riche et si pauvre, mon âme est si satisfaite et elle ne l'est pas, le
-présent offre tout et l'avenir est en espérances--ma pauvre amie, que
-deviendrons nous? Tout ce que destin voudra!
-
- [175] Cette lettre fut écrite à Bruxelles. M. et Mme de Lieven,
- partis le 18 novembre d'Aix-la-Chapelle, étaient arrivés le 19 à
- l'Hôtel Bellevue et séjournèrent dans la capitale des Pays-Bas
- jusqu'au 27. Metternich, arrivé le 23, en repartit le 28 (Lettres
- du 17 novembre, du 27 novembre, du 28 novembre.--_Gazette
- d'Augsbourg_, 1er décembre 1818, no 335, p. 1339; no 342, 8
- décembre 1818, p. 1367.--_Mémoires du prince de Metternich_, t.
- III, p. 132.--_Moniteur universel_ du lundi 30 novembre 1818, no
- 334, p. 1398; du jeudi 3 décembre 1818, no 337, p. 1410).
-
-Tes lettres m'ont fait un bien qui ne m'étonne pas; mais il m'effraie.
-Je te vois et je voudrais pleurer au lieu de dire des balivernes! Mais
-je te vois! Que puis-je désirer après et avant une aussi cruelle
-séparation?
-
-Reste malade: c'est-à-dire que ton état à la fois exige des
-ménagements, mais qu'il ne te prive pas de la faculté de sortir. Il
-faudra toujours consulter le mieux _du moment_. Sais-tu ce qui me
-console? C'est l'idée de nous créer un avenir plus stable que ne
-peuvent être tous les calculs qui ne portent que sur un état présent
-plus que gêné. La volonté de l'homme est une bien imposante puissance
-et je _sais vouloir_. Ne t'y trompe pas, mon amie: je n'en connais pas
-beaucoup qui le savent.
-
-Tu veux que j'aie bonne opinion de toi? Si je ne l'avais pas, crois-tu
-que je t'aimerais? Non, mon amie, jamais je n'aimerai que l'être que
-je crois digne du sentiment le plus saint à mes yeux. Rien en amour
-n'est profane, et, dès que tel n'est pas le cas, il n'y a plus
-d'amour. Le jour où je t'ai dit que je t'aimais, je t'ai dit à la fois
-que je te respecte, que je suis plein de confiance en toi, que je te
-crois bonne, sûre et constante. Or, je ne suis pas injuste et si je
-veux que tu sois tout cela, je dois _me donner_ tel que je _te
-prends_. Le temps te prouvera, mon amie, qui je suis.
-
-Le meilleur moyen de me faire savoir quand tu es seule, c'est de
-m'envoyer des feuilles anglaises. Je prends ce soir un paquet avec
-moi, pour avoir un prétexte de t'envoyer Floret[176] si je pouvais en
-avoir besoin.
-
- [176] FLORET (Engelbert-Joseph, chevalier, puis baron de),
- conseiller de Cour à la chancellerie de Cour et d'État. Né à
- Vienne le 15 février 1776, mort dans la même ville le 1er février
- 1827. Il fit partie de l'ambassade extraordinaire envoyée à
- Londres en 1821 pour représenter l'empereur d'Autriche au
- couronnement du roi George IV. Très dévoué à M. de Metternich,
- qui l'appelait «le fidèle Floret», il accompagnait ce dernier
- dans tous ses déplacements. C'est à lui que les lettres de Mme de
- Lieven étaient adressées sous double enveloppe pour être remises
- au prince (ŒTTINGER, _Moniteur des dates_.--_Mémoires du prince
- de Metternich_, t. III, p. 465).
-
-Nous verrons s'il ne vaudra pas mieux de ne pas aller à
-Waterloo[177]. Pourquoi tous les autres n'iraient-ils pas?
-
- [177] M. de Metternich alla avec Wellington visiter le champ de
- bataille de Waterloo, le 26 novembre (Voir plus loin, lettre du
- 27 novembre).
-
-Si le projet d'aller à Anvers _seul_ pouvait se réaliser[178]! Enfin,
-mon amie: mercredi, jeudi, vendredi, voilà ma vie.
-
- [178] Ce projet fut abandonné.
-
- * * * * *
-
-Mon amie[179], tu pars et tu emportes à la fois ma vie, mon
-bonheur--tout! Rentre en toi, dis-toi ce que tu éprouves: tu sentiras
-ce que je sens, tu éprouveras ce que j'éprouve; n'en diminue rien: pas
-une pensée, pas un fait! Reste mon amie--toujours, pour la vie. Ne
-crois pas que rien puisse changer en moi; ce que je t'ai dit, le temps
-te le prouvera--ce que je t'ai promis, je le tiendrai. Je cesserai
-plutôt d'exister que de cesser d'être _moi_; rien n'a jamais changé en
-moi: pourquoi changerais-je dans un intérêt qui ne m'appartient plus,
-qui est devenu le tien? Mon amie, crois aujourd'hui à ma parole et à
-ton cœur: tu finiras par être convaincue que je ne t'ai point
-trompée. Je t'ai dit ce matin que je ne pouvais pleurer que quand je
-suis seul, ou quand je suis avec cet autre moi-même dans le sein de
-laquelle je puis épancher bonheur, malheur, peine et plaisir. Je
-t'écrirai dans le reste du jour de demain. Je ne puis plus t'écrire
-maintenant, car je n'y vois pas.
-
- [179] Lettre sans date, vraisemblablement écrite dans la nuit du
- 26 au 27 novembre. Les Lieven quittèrent Bruxelles le 27 au
- matin.
-
-
-
-
-No 3[180].
-
-
- Bruxelles, ce 27 novembre 1818.
-
-Mon amie, ma bonne amie, c'est du lieu où j'ai été si heureux et si
-malheureux que je t'écris; de celui qui a vu finir ma vie, qui ne
-s'effacera jamais de ma mémoire, que j'aime et que je hais. Tout en
-moi est placé en contradiction: ce n'est certes pas dans une position
-pareille que l'on peut former des prétentions au bonheur.
-
- [180] Ici reprend la série des envois numérotés, interrompue
- pendant le séjour commun du prince de Metternich et de la
- comtesse de Lieven à Bruxelles.
-
-Mon bonheur aujourd'hui, _c'est toi_. Mon cœur, mon âme, tout ce qui
-vaut en moi t'appartient. Tout ce qu'il me reste de sentiment, c'est
-pour sentir la perte que j'ai faite. Tout en moi est vague: tout est
-peine et souffrance. Ma tête, si froide, me reproche ce que mon cœur
-approuve; ma vie est dédoublée; la partie qui est près de moi, la
-seule dont je dispose, est celle que je n'aime pas et elle ne me sert
-qu'à faire tout ce que je déteste. Ce cœur qui est devenu le tien, ne
-m'offre que peines et regrets. Mon amie, me suis-je bien conduit?
-Es-tu contente de moi? _Sens-tu tout ce que je n'ai pas fait?_ T'ai-je
-fourni des preuves de respect et d'amour? Doutes-tu encore de moi?
-Suis-je cet homme froid et inaccessible qui t'avait effrayée et qui
-devait déplaire à un être tel que toi?
-
-Je t'écris peu de mots; je n'ai pas la faculté de t'écrire plus.
-J'ignore ce que je sens: tout est confus. Le présent a cessé d'exister
-pour moi; le passé se renferme en peu de jours; l'avenir, seul, survit
-à tant de destructions. Si on avait pu le tuer, on l'eût fait.
-
-Mais conçois-tu ce que doit être une pareille attitude pour l'homme
-qui a pour principe de ne pas trop s'occuper du lendemain, qui est
-tout positif, qui sent que toute sa force réside dans son action sur
-le présent? Sur moi, enfin, qui suis forcé maintenant à porter jusqu'à
-mon existence même hors de moi-même, qui vais la chercher au loin, qui
-dois subordonner tout ce qui est _sûr_ (par le fait même que rien
-n'est sûr dans ce qui constitue ma vie et mon existence) à un avenir
-incertain comme toute conquête? Mais, mon amie, ne le crains pas cet
-avenir; c'est à moi de le créer, tout ce que j'ai de volonté n'a qu'un
-but, et ce que l'homme _veut_ offre d'immenses chances de succès. La
-mort peut me séparer de toi: la vie me rapprochera de toi.
-
-J'ai fixé mon départ d'ici à demain. Je partirai vers 3 heures; je
-serai le matin à Aix-la-Chapelle. J'y resterai la journée du 29. Je
-vais le 30 à Cologne, le 1er au delà de Coblenz, le 2, chez moi, au
-Johannisberg. Je serai le 3 à Francfort, le 7 à Munich, le 12 à
-Vienne.
-
-Je veux que tu saches me trouver. Ta pensée rencontrera toujours la
-mienne. S'il me reste un sentiment de bonheur, c'est cette _unité de
-propriété_. Sans ce sentiment je puis éprouver des fantaisies, mais
-point d'amour. Ce qui me lie à toi, c'est ce repos intérieur qui ne
-me permet pas un doute sur la parfaite identité de nos pensées. Je
-suis sûr comme de mon existence que ma pensée est la tienne, que mes
-vœux sont les tiens; mes goûts, mes plaisirs et mes peines, tout,
-tout [est] tien. Le jour où j'ai eu ce pressentiment, j'ai commencé à
-voir ce que tu pourrais devenir pour moi. Combien l'intervalle qui a
-séparé la réalité de la possibilité a été court? Ne va pas chercher la
-clef de l'énigme en moi, cherche-la en toi-même, tu la trouveras dans
-ton cœur. Mon amie, pour se comprendre ainsi que nous nous sommes
-compris, il faut bien qu'il n'y ait qu'une impulsion à suivre et point
-une conquête à faire! Que les hommes qui m'avaient dit que tu étais
-faite pour moi ont eu raison! Oui, mon amie, toi, tout toi est ce qui
-ferait le bonheur de ma vie. Il te resterait peut-être à faire une
-découverte et tu la ferais: tu te crois jalouse? Eh bien, je défierais
-ta jalousie et nous verrions lequel des deux sentiments l'emporterait,
-celui de l'inquiétude ou celui de la douce jouissance, le seul et le
-véritable bonheur. Je te permets de retourner à ton ancien rôle, le
-jour où tu croiras que l'on peut aimer plus et que surtout l'on puisse
-t'aimer plus que moi. Je suis tout ou rien, en tout et pour tout. Mon
-amie, il n'est que peu d'êtres qui soient tels, mais ceux qui le sont
-ne prêtent point au doute.
-
-Adieu pour ce soir. Mon homme va partir. Demain je t'écrirai à
-Londres. Je veux que tu y trouves _mes_ lettres et _tes_ lettres. Tu
-auras de mes nouvelles de la route: je t'enverrai de toutes les bonnes
-stations sous le point de vue de la régularité des postes, et je
-t'écrirai de toutes où je pourrai trouver le moment d'écrire. L. aura
-l'instruction d'envoyer sous un couvert que j'ajouterai, toutes celles
-qui pourraient arriver à Paris après ton départ.
-
-Je t'envoie une feuille d'ici pour que tu voies que nous avons été à
-Waterloo[181]. Les 26 sont de bons jours[182].
-
- [181] A cette lettre est épinglée une coupure de journal où le
- passage ci-dessous est souligné au crayon rouge: «ROYAUME DES
- PAYS-BAS. _De Bruxelles, le 26 novembre._ Ce matin, vers 10
- heures, le duc de Wellington est allé chercher S. A. le prince de
- Metternich et ils sont partis ensemble, avec une suite de trois
- voitures, pour aller visiter le célèbre champ de bataille de
- Waterloo, théâtre immortel de la valeur des armées alliées et du
- génie du grand capitaine qui les commandait.»
-
- [182] Le 26 octobre, M. de Metternich et Mme de Lieven étaient
- allés, d'Aix-la-Chapelle, en excursion à Spa. C'est au cours de
- ce voyage que naquit leur sympathie réciproque (Voir lettre du 28
- novembre).
-
-Adieu. Je t'écrirai mieux quand je saurai ce que je t'écris, et je le
-saurai le jour où je pourrai former mon plan sur l'avenir sur une base
-solide.
-
-Adieu. Pense à moi.
-
-
-
-
-No 4.
-
-
- Bruxelles, ce 28 novembre 1818.
-
-Voici la première lettre que je t'adresse à Londres. Elle ne sera pas
-la première que tu recevras, car je t'écrirai encore pendant ton
-séjour à Paris, mais elle est destinée à te faire penser à ton ami dès
-ton arrivée dans le lieu qui doit un jour nous rapprocher.
-
-Mon amie, quand l'on sent comme moi, on est accessible à toutes les
-nuances: conçois-tu que j'aime mieux t'écrire à Londres qu'à Paris?
-
-Je t'envoie le dépôt que tu m'as confié. J'ai relu toutes mes lettres
-et j'ai pleuré en les lisant. Quelle est donc cette puissance que tu
-exerces sur moi? Ce pouvoir duquel tu t'es emparée si vite? Crois-tu
-que je sois facile à conquérir, que l'on me fasse éprouver ce qui
-n'est pas né et formé d'avance en moi? Tu te tromperais si tu le
-croyais.
-
-C'est le 22 octobre que nous avons _causé_ pour la première fois chez
-M. de N.[183]. Tu m'as prouvé ce jour-là que tu étais attentive à ce
-qui n'effleure pas même la femme qui à mes yeux pourrait encore être
-vulgaire, le monde eût-il porté depuis longtemps un autre jugement sur
-son compte. Le 26, nous avons, pour la première fois, eu un but
-commun dans l'une des actions les plus indifférentes de notre
-vie[184]. Te souvient-il que j'ai préféré mon compagnon de voyage à
-toi? Tu m'as déplacé de ma voiture: j'en ai été peiné comme il est
-possible de l'être par un léger sacrifice que l'on porte à la
-politesse. Nous avons causé: tu m'as plu car tu étais bonne et sans
-apprêt. Le 27, j'ai eu du plaisir à te voir. C'est moi qui t'ai
-proposé de changer de voiture pour ne pas te quitter.
-
- [183] M. de Nesselrode.
-
- [184] Le 26 octobre, le prince de Metternich, le comte et la
- comtesse de Lieven partaient d'Aix-la-Chapelle pour une excursion
- à Spa. Faisaient également partie du voyage: M. et Mme de
- Nesselrode, M. de Steigentesch, le comte Zichy, le comte de
- Lebzeltern, le prince de Hesse et M. de Floret. Les voyageurs
- passèrent à Spa la nuit du 26 au 27 et étaient de retour le 27 à
- 8 heures du soir à Aix. Il se pourrait que, contrairement à ce
- qui est dit dans cette lettre, cette excursion ait eu lieu les 25
- et 26 octobre et non les 26 et 27. Dans une lettre à sa famille,
- datée du 27 octobre, le prince dit: «J'ai fait avant-hier une
- excursion à Spa, etc...». Si cette dernière lettre est bien
- datée, le prince, en écrivant à Mme de Lieven, se serait trompé
- d'un jour, ce qui est excusable à un mois d'intervalle. Noter
- cependant que dans le cours de sa correspondance, il revient
- plusieurs fois sur la date du 26 (Voir lettre précédente et
- _Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 129).
-
-J'ai commencé à trouver que ceux qui t'avaient désignée comme une
-femme aimable avaient eu raison; j'ai trouvé la route plus courte que
-la veille. Il me paraît, mon amie, que nous nous sommes dit que les
-distances paraissaient toujours telles au retour.
-
-Le 28, je t'ai fait la première visite, bien de cérémonie. L'heure que
-j'ai passée, assis à tes pieds, m'a prouvé que la place était bonne.
-Il m'a paru en rentrant chez moi que je te connaissais depuis des
-années. Je n'ai pas trouvé impoli que les deux hommes qui étaient dans
-l'appartement fassent bande à part; il m'a même paru qu'ils faisaient
-bien de rester à la grande table ronde.
-
-Le 29, je ne t'ai pas vue.
-
-Le 30, j'ai trouvé que la veille avait été bien froide et vide de
-sens.
-
-J'ignore le jour où tu es venue dans ma loge: _tu_ as eu la
-fièvre--mon amie, tu m'as appartenu! Ne me demande pas ce que j'ai
-éprouvé depuis, ce que j'éprouve--si tu ne le savais pas; si surtout
-tu ne le sentais pas, tu ne serais pas à moi!
-
-Mon amie, voilà le récit fidèle de quatre semaines! Ces peu d'instants
-sont devenus le sort de ma vie et, je le crois, de la tienne, si
-l'absence et le temps n'amortissent pas ce que tu éprouves et ce que
-tu éprouveras encore longtemps. Ma bonne D., ne le défie pas, cet
-inexorable temps qui agit d'une manière si uniforme, et par ce fait
-même tellement en bien ou en mal sur tous les êtres! N'attache, à ce
-que je viens de te dire, nulle autre valeur que celle que j'y attache
-moi-même. Veux-tu savoir ce que je pense? Je vais te le dire.
-
-J'ai acquis, en peu de temps, une grande connaissance de toi, de ce
-toi que j'aime plus que ma vie. Il faut pour cela tout ce que j'ai été
-mis à même de voir. Tu as autant d'esprit qu'il est possible d'en
-avoir; tu as de commun avec toutes les femmes bonnes, fortes et
-placées sur une échelle qui les élève au-dessus de l'immense majorité
-de leur sexe, _le besoin d'éprouver un sentiment qui devient la vie_.
-
-Tu éprouves un vide dans ton intérieur que tu sens le besoin de
-remplir; ton mari est bon, loyal, mais il n'est pas ce qu'un mari doit
-être: l'arbitre des destinées de sa femme.
-
-Tu es toute à moi; jamais je n'ai éprouvé un sentiment de quiétude sur
-ce fait, le premier de tout ce qui constitue le bonheur, comme tu me
-le fais éprouver.
-
-Mon amie, moi qui ai une difficulté à peu près insurmontable de croire
-que je suis aimé, je suis sûr de toi comme de moi-même. Pas une pensée
-ne trouble ce sentiment; celle du contraire même ne m'est pas venue.
-Ma bonne Dorothée, tu dois avoir un charme de vérité que je n'ai
-jamais rencontré; conçois-tu que je dois t'aimer plus que jamais je
-n'ai aimé?
-
-Or, dès que rien ne peut troubler mon repos sur ce fait, pour moi le
-premier de tous, ne crois pas que je craigne la courte séparation. Je
-te le répète, je suis sûr de toi; je te sais trop remplie de ce
-sentiment qui est mien, pour admettre même la possibilité que nul être
-ne puisse occuper la moindre place dans ton cœur. _Mais le temps?_
-Jamais plus un homme ne sera _ton ami_ comme je le suis. Tout ce que
-jamais tu pourrais éprouver ne sera plus ce que tu m'accordes. Un
-rapport, comme l'est le nôtre, n'existe qu'une fois dans la vie, et il
-s'en passe beaucoup où le fait n'a point eu lieu et bien plus encore
-où il ne saurait se rencontrer. Mon amie, il ne faut pas être communs
-pour s'appartenir comme nous nous appartenons!
-
-Mon soin doit être de toujours me placer en face de toi. C'est à moi à
-ne pas me faire oublier. Ne crains pas que je le fasse: ma cause n'a
-jamais eu le moindre intérêt à mes yeux, mais c'est la nôtre que je
-défends, et, dès ce moment, je deviens fort. Habitue-toi à m'écrire
-journellement un mot, et ne fût-ce qu'un mot! L'ami du jour s'oublie
-moins que celui de la veille: que je le sois, cet ami du jour, de
-tous les jours!
-
-Veux-tu causer avec moi? Demande-toi ce que je te dirais dans une
-circonstance quelconque, dans le rapport et sur le fait le plus
-indifférent: tu le sauras si tu consultes ta propre pensée.
-
-Eh bien, mon amie, ai-je de la confiance en toi? Puis-je t'en fournir
-une plus grande preuve qu'en t'assurant qu'en te séparant de moi, tu
-te séparerais de toi-même?
-
-Cette lettre est triste; elle l'est peut-être trop: elle ne porte que
-l'empreinte de l'état de mon âme. Tu me verras toujours tel que je
-suis: mes paroles sont et seront toujours l'expression la plus simple
-de ma pensée du moment; tu sauras ce qui se sera passé dans mon âme
-chaque jour où je t'écrirai, et tu verras que ce qui jamais ne change
-en moi, c'est le sentiment qui fait mon bonheur et qui finit toujours
-par absorber mon existence entière.
-
-Et puis, le monde croit que je ne sais pas aimer! Qu'il croie ce qu'il
-voudra, peu m'importe. Un autre jour, je te dirai ce que je pense du
-monde.
-
-Notre correspondance sera longue: tout ce que tu n'as pas su en quatre
-semaines, tu le sauras par mes lettres. Tu finiras par me connaître
-mieux que nul être ne m'a jamais connu, je ne dis pas mieux qu'un être
-me connaîtra jamais. Cet être, je l'ai trouvé, je le tiens; il est à
-moi, et je ne le céderais pas pour tout ce que le monde pourrait
-m'offrir de charme et de fortune! Il n'existe pour tout homme qu'un
-bonheur: mon bonheur, c'est toi.
-
-Adieu, mon amie. Je finis, car j'expédie mon courrier. Les lettres
-que tu recevras à Paris te diront ce que j'ai fait dans ma journée. Je
-viens d'en passer la meilleure heure: c'est toujours toi qui seras
-l'objet et le moyen des seuls moments que je regarde comme miens.
-
-J'ai prévenu N.[185] que c'est de toi qu'il a à recevoir ordres et
-instructions; il pourra, si tu le veux, te montrer ma lettre. Tu
-verras que j'ai été très précis sur les précautions, surtout sur les
-premières--c'est à toi à régler les suivantes. Je ne te dis pas que
-j'envie N. Je n'ai plus d'envie. Je n'envie personne.
-
- [185] Le personnage désigné par cette initiale et dont il sera
- souvent question dans le cours de cette correspondance est
- Philippe NEUMANN, né à Vienne vers 1778. Il avait débuté dans la
- carrière diplomatique à Paris auprès du prince de Metternich. En
- 1818, il était secrétaire de l'ambassade d'Autriche à Londres. Il
- y devint ensuite conseiller, prit en 1824 une part importante aux
- négociations entre le Portugal et le Brésil et fut chargé d'une
- mission spéciale dans ce dernier pays en 1826. Il fut créé baron
- en 1830 et épousa Augusta Sommerset, fille de Henry, duc de
- Beaufort, dont il devint veuf le 15 juin 1850 (WURZBACH,
- _Biographisches Lexikon des Kaiserthums Oesterreich_, t. XX, p.
- 291.--ŒTTINGER, _Moniteur des Dates_).--En marge d'une lettre de
- Mme de Lieven à Metternich, en date du 3 septembre 1819,
- interceptée par le gouvernement français et publiée par M. Ernest
- DAUDET dans la _Revue Hebdomadaire_ du 4 août 1899, une note de
- la police dit que «Neumann passe pour être le fils naturel du
- prince de Metternich». Or Neumann était né vers 1778 et
- Metternich en 1773.
-
-
-
-
-No 5.
-
-
- Tirlemont, ce 28 novembre, 11 heures du soir.
-
-Mon amie, j'arrive dans ce triste lieu et je t'écris. J'ai passé une
-partie de ma matinée à envoyer une lettre pour toi à notre ami
-Neumann. Tu la trouveras, c'est le no 4. Ma bonne amie, comme le
-commencement d'un avenir est long lui-même!
-
-J'ai quitté Bruxelles à 7 heures. J'ai eu beaucoup à faire dans ma
-journée; elle a été aussi pleine d'affaires que vide. Mon amie, je ne
-le sens que trop: je ne vaux plus le quart de ce que je valais il y a
-peu de semaines, et cependant je m'aime bien plus; je tiens à moi, je
-me sais gré d'être moi et je me sais gré de ce fait le jour où je ne
-m'appartiens plus! Le cœur de l'homme est la seule puissance qui ne
-succombe pas à l'adversité, et tout ce qui tue la matière, élève et
-fortifie la pensée! Ma bonne amie, combien je sens que tout ce que
-j'emporte de Bruxelles n'est plus à moi! Promets-moi de ne plus jamais
-me rendre ce qui est devenu ta propriété. Ne me force plus à être
-_seul dans le monde_.
-
-Hier, je t'ai vue partir. Ma fille était avec moi. Elle m'a dit: «Je
-suis bien fâchée qu'elle parte avant nous», et je l'ai embrassée.
-
-Sens-tu ce qui s'est passé en moi dans ce moment?
-
-J'ai dîné je ne sais où. J'ai été passer ma soirée dans le ménage qui
-fait toute mon envie! J'aime à les voir, ces bonnes gens. Jamais je ne
-suis plus heureux du bonheur d'autrui que quand je suis malheureux. Je
-ne connais pas le sentiment de l'envie: il est toujours vil et bas.
-Les bonnes gens m'ont parlé de toi, et tout juste comme il leur
-convient d'en parler. Lady C.[186] m'a serré la main, et elle avait
-l'air de me dire: je sais ce qui se passe en vous et je vous plains.
-Je me plains tant moi-même que tout ce que peuvent me dire mes amis ne
-diminue ni n'ajoute à ma peine.
-
- [186] Peut-être Lady Castlereagh. Lord et Lady Castlereagh,
- venant d'Aix, étaient arrivés le 26 novembre à Bruxelles où ils
- étaient descendus à l'Hôtel Wellington. Ils y restèrent jusqu'au
- 1er décembre. Le 3 décembre ils arrivaient à Paris à l'hôtel de
- la légation d'Angleterre, rue du Faubourg-Saint-Honoré (_Moniteur
- universel_ du 1er décembre 1818, no 335, p. 1401 et du 5
- décembre, no 339, p. 1420).--Le ménage Castlereagh était très uni
- (_Mémoires de la comtesse de Boigne_, t. II, p. 216).
-
-Je vais me coucher pour partir demain à 5 heures. Tu es, à l'heure
-qu'il est, à Roye. Tu seras demain à Paris. Il ne te plaira pas, mon
-amie, et je ne veux pas que tu y plaises. Je ne veux plus que tu
-plaises à un être humain qu'à moi. Je voudrais quasi que tu fusses
-laide et maussade et que tu puisses me savoir gré de t'aimer sans
-plus.
-
-On me porte dans ce moment le livre dans lequel les étrangers
-s'inscrivent. J'y trouve ce qui suit: «Le colonel Nep, de la
-Terre-Neuve, allant à Spa»; et quatre pages après: «Le colonel Nep, de
-la Terre-Neuve, de retour de Spa, où il a bu les eaux avec beaucoup
-d'effet pour sa santé, à Bruxelles où il demeure au Parc. Quoiqu'il se
-trouve mieux portant, il perd son appétit presque toujours après
-dîner.»
-
-L'esprit du colonel Nep ne te séduira jamais. Je te permets de le
-rencontrer et de le recevoir avant ou après dîner, tout comme tu
-voudras.
-
-
- Aix-la-Chapelle, ce 29, 11 heures du soir.
-
-Je suis ici depuis 5 heures du soir. Je n'ai mis en tout que quatorze
-heures de marche de Bruxelles ici. La manière dont j'ai été à
-Bruxelles et celle dont j'en suis revenu n'est que l'empreinte de
-toutes choses humaines: on va lentement vers le bonheur et l'on s'en
-éloigne avec une rapidité effrayante.
-
-Mon amie, j'ai vu la route de Spa. Je me suis arrêté devant le plus
-mauvais cabaret du monde: le pain y était bon, il ne vaut plus rien.
-Si j'avais rencontré Ficquelmont[187], je l'aurais embrassé.
-
- [187] FICQUELMONT (Charles-Louis, comte DE), né à Dieuze
- (Lorraine) le 23 mars 1777. Servit d'abord la France dans le
- Royal-Allemand et entra en 1793 dans l'armée autrichienne où il
- parvint au grade de général de cavalerie. Ambassadeur d'Autriche
- à la Cour de Suède (septembre 1815-mai 1820), à Florence, à
- Naples, à Saint-Pétersbourg, enfin ministre d'État et chef de la
- section de la guerre au département des affaires étrangères
- (1840). Après la révolution de 1848, il reçut le ministère de la
- maison de l'Empereur et des affaires étrangères (18 mars 1848)
- qu'il occupa jusqu'à la retraite de Kolowrath. Il mourut à Vienne
- le 6 avril 1857 (_Allgemeine Deutsche Biographie_ Leipzig Duncker
- und Humblot, 1875-1900, t. VII, p. 1).
-
-Je suis descendu ici tout juste comme je devais y descendre:
-_vis-à-vis de chez moi_. Mon amie, rien en moi n'est plus comme il y a
-six semaines. Je suis dédoublé; je suis ici et je n'y suis pas. Il est
-juste que je ne loge pas chez moi. Mais je suis dans cette bonne
-chambre où j'ai été un seul instant avec toi--et quel instant!
-
-J'ai dîné chez le P. de H.[188]. J'ai beaucoup parlé affaires. J'ai
-rendu compte de commissions que l'on m'avait données. Bon Dieu, comme
-toutes ces affaires et ces intérêts me touchent peu! J'ai cependant
-réussi en tout: j'ai tout fait et tout fini. Ce fait se lie à mon
-sort. Je parviens toujours à tout ce qui ne m'intéresse pas, et je
-reste seul et malheureux au milieu de ce que le monde appelle du
-succès et ce que les sots nomment du bonheur. Mon amie, ce n'est pas
-là qu'est le bonheur, et il ne s'y trouvera jamais: veux-tu savoir où
-il se trouve? Comme nous le saurions à nous deux si le monde n'était
-point placé entre nous!
-
- [188] Le prince DE HARDENBERG (voir _Mémoires du prince de
- Metternich_, t. III, p. 132).--HARDENBERG (Charles-Auguste, comte
- puis prince DE), né le 31 mars 1750 à Essenrode. D'abord ministre
- du Hanovre en Hollande, il passa au service du duc de Brunswick
- puis à celui du margrave d'Anspach et Bayreuth, enfin à celui de
- la Prusse. Chancelier après la retraite d'Haugwitz (1803), il dut
- abandonner ces fonctions le 24 avril 1806, mais les reprit le 6
- juin 1810. Créé prince le 3 juin 1814, mort à Gênes le 26
- novembre 1822 (_Allgemeine Deutsche Biographie_, t. X, p. 572).
-
-J'ai une bonne occasion pour envoyer cette lettre par Bruxelles à
-Paris. Elle t'arrivera vite et bien. J'aurai soin de t'en faire passer
-une autre de Francfort.
-
-Je vois que ma correspondance tournera en un véritable journal. Ne
-t'ennuie pas à le lire. Il me reste tant de choses à te dire! Je n'en
-trouverai, hélas! que trop le temps dans notre cruelle séparation.
-
-Je vais demain à Cologne. J'y ai quelques affaires qui me forcent à y
-passer la nuit. Après-demain, je coucherai à Coblenz.
-
-Adieu, bonne amie. Pense à ton ami, le meilleur que certes tu as
-jamais eu: aime-le et calcule ses peines sur les tiennes. Je ne te dis
-pas de m'écrire. Je suis sûr que tu le fais. Je le suis de tout et
-pour toujours!
-
-
-
-
-No 6.
-
-
- Coblenz, ce 1er décembre 1818.
-
-Je commence un nouveau mois loin de toi, mon amie, et je le commence
-dans le lieu qui m'a vu naître. Je ne puis te dire à quelles
-singulières réflexions tant de circonstances entassées dans un si
-court espace de temps que l'est celui qui englobe toute _notre
-existence_ font naître en moi.
-
-Mon amie, il faut que je t'aime beaucoup pour souffrir tout ce que je
-souffre! Ne m'abandonne plus, et que je retrouve toujours en toi
-l'amie qu'il me faut pour le bonheur de ma vie!
-
-J'ai couché la nuit dernière à Cologne. Ma journée a été courte, car
-j'avais du monde qui m'attendait dans cette ville, et que j'ai dû
-voir, quelque peu disposé que je sois à m'occuper de rien, à la
-lettre: _de rien_.
-
-Je suis parti de Cologne ce matin, je suis arrivé ici cet après-midi.
-
-Tu ne sais rien de ma vie, excepté ce que tu as lu depuis plusieurs
-années dans les feuilles publiques; or, ce n'est certes pas le moyen
-de savoir rien de ce qui peut t'intéresser sur mon compte.
-
-Nous nous sommes vus, je t'ai aimée; tu as appris à me connaître mieux
-en moins de quatre semaines que tu ne m'eusses connu sans doute,
-durant des années d'un commerce moins intime. Mais tu ne sais
-cependant rien de moi. Tu connais aujourd'hui mon cœur mais tu ne
-sais rien de l'histoire de ma vie.
-
-Quel champ à exploiter, mon amie, que celui d'une vie entière! Que de
-bonnes heures à passer dans de longues soirées d'hiver! Mon amie, nous
-aurions à nous conter beaucoup et n'aurions pas tout dit au bout de
-l'hiver! Quel mal y aurait-il à nous laisser tranquillement établis
-sur un de ces meubles que vous avez tant raffinés en Angleterre, au
-coin du feu, loin de tout trouble, sans interruption, moi te voyant me
-sourire vingt fois, t'entendant m'applaudir et peut-être même me
-gronder, moi toujours prêt à te dire plus que peut-être même tu
-voudrais entendre, et toi m'écoutant toujours et me contant à ton tour
-tant et tant de choses que je désirerais savoir!
-
-Un pareil hiver vaudrait-il celui que tu vas passer? Et sais-tu quel
-en serait le résultat? Nous saurions ce dont nous avons le
-pressentiment aujourd'hui, qui nous est venu comme toute inspiration,
-comme tout ce que l'on aime à croire: nous saurions, mon amie, que
-notre âme est de la même trempe et que, sortis de la main d'un même
-Créateur, nous sommes deux êtres parfaitement homogènes! Crois-en, mon
-amie, à la première qualité, peut-être à la seule que j'aie: à mon
-tact. Je ne me trompe pas sur ce fait et c'est toi qui me sers de
-seule consolation.
-
-Je vais t'esquisser mon histoire. Où l'idée pourrait-elle m'en venir
-plus naturellement que tout juste à Coblenz?
-
-Je suis né dans cette ville le 15 mai 1773, un peu plus de treize ans
-avant que le même moule a servi au sort pour créer, à plus de 600
-lieues, cet être que j'ai deviné avant de l'avoir connu[189].
-
- [189] Madame de Lieven était née le 17 décembre 1785 à Riga,
- c'est-à-dire douze ans, sept mois et deux jours après le prince
- de Metternich.
-
-Mon père était ministre de l'Empereur dans toute cette partie de
-l'ancien empire[190]. La place convenait à mon père: il s'y est trouvé
-au milieu de ses possessions principales, près de ses sujets qu'il a
-rendus plus heureux que ne l'a fait la république française qui les
-lui a arrachés, comme au reste des princes allemands de la rive gauche
-du Rhin.
-
- [190] Au moment de la naissance du prince Clément de Metternich,
- son père n'était pas encore ministre de l'Empereur. Il ne fut
- envoyé en cette qualité auprès des Cours électorales de Trèves et
- de Cologne, que le 28 février 1774. En 1773, le comte Franz-Georg
- était, depuis 1768, au service de l'électeur de Trèves.
-
-Ma jeunesse n'a présenté rien de remarquable. J'ai été un bon enfant,
-laborieux, fort occupé de mes devoirs et de mes livres. A l'âge de mon
-premier développement, mon esprit et mon cœur se sont portés sur deux
-routes différentes. J'ai donné dans une exaltation religieuse telle
-que mes parents et mes gouverneurs en ont été effrayés. Mes vœux
-allaient leur train et mes études le leur. A dix-sept ans, j'ai été--à
-un peu d'expérience près--ce que je suis aujourd'hui, tout juste ce
-que je suis, mêmes qualités et mêmes défauts, mais mon cœur est
-redescendu sur terre.
-
-J'ai fait à cette époque, à Bruxelles[191], la connaissance d'une
-jeune femme de mon âge, pleine d'esprit, de bon goût et de raison,
-française, de l'une des premières familles. Je l'ai aimée comme aime
-un jeune homme. Elle m'a aimé dans toute l'innocence de son cœur.
-Nous voulions tous deux ce que nous ne nous sommes jamais demandé; je
-ne vivais que pour elle et pour mes études. Elle, qui n'avait rien de
-mieux à faire, m'a aimé _tout le jour_; elle passait les nuits avec
-son mari, et je crois qu'elle y était plus occupée de moi que de lui.
-Cette relation a duré plus de trois ans, et elle a eu pour moi
-l'inappréciable avantage de me détourner de toutes les folies de
-mauvais goût si communes à cet âge. Réunis, nous nous assurions de
-notre amour réciproque, et nous voyions un si long avenir devant nous,
-que nous remettions le dénouement de tant d'amour à des temps plus
-opportuns, comme si le temps ne coulait pas alors comme toujours!
-Absents, nous nous écrivions et nous ne pouvions attendre le moment de
-nous réunir. Nous fûmes enfin séparés pour plus de quinze ans. Je l'ai
-trouvée alors en liaison et grandie de 2 pouces. Nous nous revîmes
-sans nous aimer et en parlant du vieux temps comme on lit une
-chronique[192].
-
- [191] Le père du prince de Metternich avait été, en 1791, nommé
- ministre plénipotentiaire près le gouvernement général des
- Pays-Bas autrichiens à Bruxelles. Le jeune Clément, depuis 1791,
- faisait ses études de droit à Mayence et il passait les vacances
- dans sa famille. Il dut interrompre ses études au milieu de
- l'année 1793 et revint à Bruxelles, qu'il quitta au printemps de
- 1794 pour faire un voyage en Angleterre (_Mémoires du prince de
- Metternich_, t. I, p. 13 et s.).
-
- [192] Il s'agit probablement ici de Marie-Constance DE LAMOIGNON,
- née à Paris le 14 février 1774, morte à Paris le 30 avril 1823,
- mariée le 30 avril 1788 à F. P. B. NOMPAR DE CAUMONT, duc de LA
- FORCE (19 novembre 1772-28 mars 1854) (DE BROTONNE, _Les
- sénateurs du Consulat et de l'Empire_. Paris, Charavay, 1895,
- in-8º, p. 237.--Voir _Souvenirs et Fragments_ du marquis DE
- BOUILLÉ, t. II, p. 45).
-
-A dix-sept ans, j'étais mon maître. Mon père, voyant que j'étais loin
-de faire et même de viser à des folies, me laissa une pleine liberté.
-A vingt ans, j'ai été nommé ministre de l'Empereur à la Haye. La
-révolution de la Hollande empêcha mon départ pour ce poste et je fis
-le voyage de l'Angleterre[193]. L'été de 1794[194], je me rendis pour
-la première fois à Vienne. J'y fus accueilli par la société avec
-bonté. J'avais vingt et un ans et on me trouva plus de raison et
-surtout plus d'usage du monde qu'à une foule de nos têtes à perruques.
-
- [193] Metternich partit au commencement du printemps de 1794 avec
- le vicomte Desandroins, trésorier général du gouvernement des
- Pays-Bas, chargé d'une mission pour le gouvernement anglais, et
- revint au commencement de l'automne sur le continent (_Mémoires
- du prince de Metternich_, t. I, p. 16).
-
- [194] D'après les _Mémoires_, t. I, p. 20, il partit pour Vienne
- au commencement d'octobre 1794.
-
-Je me suis marié peu de mois après mon arrivée à Vienne[195]. Les
-parents avaient arrangé le mariage; on avait remis le fait à la
-décision des parties intéressées. J'étais fâché de me marier; mon père
-le désirait et je fis ce qu'il voulut.
-
- [195] M. de Metternich épousa, le 27 septembre 1795,
- Marie-Éléonore, fille du prince Ernest de Kaunitz (_Almanach de
- Gotha_).
-
-Je suis bien loin aujourd'hui de le regretter. Ma femme est
-excellente, pleine d'esprit, et réunissant toutes les qualités qui
-font le bonheur d'un intérieur. J'ai de grands enfants qui sont mes
-amis, et je puis voir, d'après un cours des choses naturel, la
-deuxième et même la troisième génération.
-
-Ma femme n'a jamais été jolie; elle n'est aimable que pour ceux qui la
-connaissent beaucoup. Tout ce qui est dans ce cas l'aime; le public la
-trouve maussade et c'est tout juste ce qu'elle veut. Il n'est rien au
-monde que je ne fasse pour elle.
-
-A vingt-huit ans, j'ai accepté le poste à Dresde[196]. Mon beau-père,
-qui ne voulait pas se séparer d'une fille unique, m'avait empêché de
-me livrer aux affaires publiques. J'ai peu perdu à ce retard. J'ai
-beaucoup observé: le sentiment qui se développa en moi, fut celui de
-trouver que, dans toutes les grandes occasions et dans les désastres
-qui accablèrent mon pays, j'eusse agi différemment de ceux qui
-conduisirent à cette époque la barque de l'État. J'ai vingt défauts,
-mais pas celui de la présomption. Mon caractère ne porte pas à
-l'opposition: je suis trop positif et je n'aime pas m'occuper de _la
-critique_. Mon esprit va toujours vers _les moyens_. Je suis calme et
-je n'aime pas le rôle _facile_ quand j'ai le choix entre ce rôle et
-celui qui est _utile_. Avec ces éléments-là, on n'est jamais dans une
-opposition _permanente_.
-
- [196] Il fut nommé ministre plénipotentiaire près la Cour de la
- Saxe électorale à Dresde, le 5 février 1801 (_Mémoires du prince
- de Metternich_, t. VII, p. 646).
-
-Je restai dix-huit mois à Dresde, et je passai à Berlin où je restai à
-peu près le même temps[197]. En 1805, j'y ai eu de grands intérêts à
-traiter avec l'empereur Alexandre; il me demanda comme ambassadeur
-près de lui. J'y fus destiné et appelé à Vienne.
-
- [197] Ministre plénipotentiaire auprès de la Cour de Prusse le 3
- janvier 1803 (_Mémoires du prince de Metternich_, t. VII, p.
- 646).
-
-Je fis partir une partie de mes effets pour Saint-Pétersbourg. Arrivé
-à Vienne, l'Empereur me dit que Napoléon avait décliné l'envoi du
-comte Cobenzel[198], et qu'il avait témoigné le désir que je fusse
-envoyé à Paris. Je fis tout ce que je pus pour éviter la balle: il
-fallut obéir. Je restai ambassadeur à Paris depuis 1806 jusqu'en
-1809[199].
-
- [198] COBENZEL (Ludwig, comte DE), né à Bruxelles en 1753, mort à
- Vienne le 22 février 1808, ministre d'Autriche à Copenhague
- (1774), à Berlin (1777) et enfin à Saint-Pétersbourg (1779-1797).
- Plénipotentiaire au traité de Campo-Formio et au Congrès de
- Rastatt, ministre des affaires étrangères (1800), signe le traité
- de Lunéville. Démissionnaire de son portefeuille le 24 décembre
- 1805 (_Allgemeine Deutsche Biographie_, t. IV, p. 355).
-
- [199] Nommé ambassadeur d'Autriche auprès de la Cour de Napoléon,
- le 18 mai 1806, il occupa ce poste jusqu'au 4 août 1809, date à
- laquelle il fut nommé ministre de conférence et d'État (En fait,
- il avait été reconduit à la frontière française quelques mois
- auparavant). Le 8 octobre 1809, il recevait le portefeuille du
- ministère de la maison impériale et des affaires étrangères
- (_Mémoires du prince de Metternich_, t. VII, p. 647).
-
-Je t'ai conté pendant le dernier bon jour que j'ai eu la suite de mon
-histoire. J'ai toujours voulu n'être rien de ce que je suis; j'ai
-toujours fait tout ce que j'ai pu pour ne pas le devenir, et il y a
-huit ou dix imbéciles--mais il n'y en a pas plus--qui me croient de
-l'ambition! Si j'en ai, c'est celle du bien, c'est la seule dont je
-suis capable.
-
-Me voilà dépeint comme homme d'État. Si je veux le bien, je le paye
-cher, car mon cœur n'est pas aux affaires et je trouve qu'il en va de
-ce que le monde appelle _de la gloire_ comme _de la beauté_: on a de
-l'une comme de l'autre, plus au profit d'autrui qu'au sien propre.
-
-Sais-tu, mon amie, ce qui me console du sacrifice de ma vie, et ce qui
-seul peut m'en consoler? C'est les services que déjà j'ai rendus et
-que je suis dans le cas de rendre journellement _au triomphe des
-principes_. Il n'y a point de hasard, point d'illusions dans ma
-marche: je vais droit au but et je suis sûr de l'atteindre. Je suis
-attaché à l'Empereur comme à mon ami; je sais tout ce qu'il vaut.
-
-J'aurai rempli toute ma tâche le jour où le monde ne se trompera plus
-sur _ce que l'Empereur a été_. Regardes-y de près, et tu te
-convaincras que je suis sur la bonne voie. S'il n'était pas l'homme
-qu'il est, c'est-à-dire celui de la justice, de la bienveillance, le
-véritable père du peuple, je ne serais pas son ministre. Suis-je bien
-ambitieux, mon amie, de ces ambitieux à faux clinquant, à grandes
-phrases, sauf de petits résultats et des honneurs passagers?
-
-J'ai eu deux liaisons dans ma vie, ce que j'appelle liaisons. Je n'ai
-jamais été infidèle; la femme que j'aime est la seule au monde pour
-moi. Quand je n'aime pas, je prends la jolie femme qui veut tout
-excepté de l'amour.
-
-J'arrive à une époque de ma vie avec laquelle j'ai cru terminer tout
-ce qui tient au cœur. J'ai aimé une femme qui n'était descendue sur
-terre que pour y passer comme le printemps. Elle m'a aimé de tout
-l'amour d'une âme céleste. Le monde s'en est à peine douté. Nous seuls
-étions dans le secret. Ses dernières années étaient marquées par une
-extrême exaltation religieuse. Malheureuse de toutes les passions
-d'une âme ardente, placée dans un cadre opposé à ses goûts, à son
-esprit, ayant d'inconcevables ménagements à garder, elle a succombé:
-elle est morte de la mort d'une sainte et avec une force d'âme marquée
-par l'un des traits les plus extraordinaires dans la vie d'une femme.
-Elle a fait un testament et elle a en même temps adressé une lettre à
-son mari et à ses parents. Par son testament, elle avait disposé de
-tout ce qu'elle possédait et il n'est pas un petit objet duquel elle
-n'ait fait une ligne. Elle m'a légué une petite boîte cachetée: en
-l'ouvrant j'y ai trouvé les cendres de mes lettres et un anneau
-qu'elle avait brisé!
-
-Dans sa lettre, elle a rendu compte de sa vie; elle a dit à son mari
-tous les motifs qui l'avaient empêchée de l'aimer, tous ceux de
-religion qui l'avaient portée à remplir ses devoirs envers lui. Le
-reste de la lettre me regarde et n'est compréhensible que pour moi et
-pour une seule amie qui avait deviné son secret. Mais elle a tout dit.
-
-Ma vie s'est terminée là, je ne désirais ni ne voulais vivre au delà.
-Mon âme était brisée: je n'avais plus de cœur. Il s'est passé deux
-ans.
-
-Et le sort m'a fait te rencontrer!
-
-Il ne me reste rien à te dire. Tu me vois tout à fait: tout ce que je
-suis, tout ce que j'ai éprouvé, tout ce que je vaux, tout ce que je ne
-vaux pas.
-
-J'ai cru te devoir cette explication. Si j'avais trouvé dans les
-derniers temps--les derniers et à la fois les premiers--celui de te
-parler avec quelque suite, je t'aurais conté ce que je t'écris. Je
-n'ai pas la conscience libre, si je n'ai pas tout dit: j'en ai besoin,
-je veux que mon amie me connaisse, sauf à lui prêter des armes contre
-moi. Je crois même t'en prêter de fortes; je ne devrais pas t'aimer!
-Et puis-je ne pas le faire?
-
-J'entends sonner 2 heures du matin, mon amie; je partirai à 6. Je vais
-me coucher et je dormirai bien moins que je ne penserai à toi. Je suis
-sur la quatrième feuille: j'ai cru causer avec toi.
-
-
- Johannisberg[200], ce 2 décembre.
-
-Mon amie, je suis ici depuis cinq heures du soir. Le lieu est beau et
-même tout ce qu'il y a de beau au monde pendant les mois d'été.
-Maintenant la nature est morte; tout ce que j'avais quitté beau et
-frais, est fané. Un épais brouillard a couvert pendant toute la
-journée le vallon du Rhin. Tout ce que je vois est en rapport parfait
-avec ce que j'éprouve.
-
- [200] Le domaine du Johannisberg avait été donné par l'empire
- d'Autriche au prince de Metternich le 1er juillet 1816. Le
- château, situé au sommet d'une colline plantée de vignes
- célèbres, à 104 mètres au-dessus du cours du Rhin, près de
- Geisenheim, fut construit de 1757 à 1759 par Adalbert de
- Walderdorf, prince abbé de Fulda. Napoléon Ier en avait fait
- donation en 1807 au maréchal Kellermann.
-
-Je ne fais que coucher ici et j'irai demain à Francfort où la diète
-m'attend, _in corpore_; je m'arrangerai de manière à n'arriver que
-tard et je partirai au point du jour, le lendemain. Ma bonne amie,
-s'il n'y avait plus de bonheur pour moi au monde que celui qui me
-viendrait de la diète germanique, je me noierais dans ce Rhin, si
-large et si beau, dont je vois plus de 12 lieues de cours, de ma
-fenêtre!
-
-Ma bonne D[orothée], que n'es-tu ici? Comme nous ne nous y déplairions
-pas, comme notre vie s'y passerait doucement et bien! Pourquoi a-t-il
-fallu que tout juste _nous deux fussions dans les affaires_?
-
-On me dit que j'ai du vin de l'année excellent. Dans deux ou trois
-ans, j'en enverrai à ton mari. Il aura oublié qu'il a été fâché et il
-finira par le boire à ma santé. Je m'aperçois, mon amie, que le lieu
-m'inspire et que je ne suis séparé que par une voûte d'une cave
-immense.
-
-J'ai établi ici un gros in-folio pour y faire inscrire les étrangers
-qui viennent visiter le lieu. Je trouve plus de trois cents noms
-inscrits depuis mon départ et il n'y a que sept semaines.
-
-Mes bons Allemands, surtout ceux du nord, s'amusent à placer de leur
-esprit partout. Il y a une litanie de mauvais vers à côté de noms
-obscurs. Le seul que je trouve avec plaisir dans mon livre est celui
-d'un de nos meilleurs romanciers, un certain _Jean-Paul_[201], fameux
-en Allemagne, et que, sans doute, tu n'as jamais entendu nommer, car
-je crois que tu lis peu l'allemand.
-
- [201] RICHTER (Jean-Paul), le grand écrivain allemand, né en 1763
- à Wunsiedel (Franconie). Il publia en 1783 son premier ouvrage:
- _Groenländische Processe_ que suivit _Auswahl aus des Teufels
- Papieren_. Enfin en 1795, son roman _Hesperus_ lui assura la
- célébrité. Il mourut le 14 novembre 1825. Ses principaux
- ouvrages, outre ceux mentionnés ci-dessus, sont: _Quintus
- Fixlein_, 1796; _Jubelsenior_, 1797; _Titan_, 1800;
- _Flegeljahre_, 1804 (_Allgemeine Deutsche Biographie_, t. XXVIII,
- p. 467).
-
-Le brave homme a écrit dans mon livre la strophe suivante:
-
- _Die Erinnerung ist das einzige
- Paradies aus welchem wir nicht
- Vertrieben werden können[202]!_
-
- [202] Le souvenir est le seul paradis d'où nous ne puissions être
- chassés.--Nous donnons la disposition de cette phrase, évidemment
- en prose, telle qu'elle existe dans le texte de M. de Metternich.
-
-Il a l'air d'avoir voulu consoler le maître du château! Je lui sais
-mauvais gré de ne pas avoir parlé de l'avenir. Mon amie, je ne puis
-m'empêcher d'y penser et ma vie est maintenant là! Quel changement
-s'est passé en moi dans le peu de semaines qui se sont écoulées entre
-mon précédent et mon présent séjour!
-
-
- Francfort, ce 4 décembre 1818.
-
-Mon amie, je finis cette lettre au moment de monter en voiture pour
-partir. Ce n'est que dès ce moment que je commence à m'éloigner
-véritablement de toi: de Bruxelles ici, je n'ai fait qu'un mouvement
-circulaire. Une distance de trente heures sépare la première de ces
-villes de Paris, il ne faut que quarante-huit heures pour y aller
-d'ici. Chaque jour double maintenant la distance.
-
-Mon amie, auras-tu le courage de lire toute cette lettre? J'espère que
-oui. J'ai passé mes soirées à t'écrire. Pouvais-je mieux employer le
-temps que je passe loin de toi? Tu ne recevras maintenant des lettres
-que par l'occasion de chaque semaine.
-
-Adieu. Je t'écris dans une pièce où je suis entouré de vingt
-personnes. Je ne suis pas à tout ce monde, je ne suis qu'à toi.
-
-Adieu, et écris-moi bientôt et beaucoup. Je t'en donne l'exemple et je
-ne sais le faire que quand l'on est pour moi ce que tu es devenue pour
-ton ami.
-
-
-
-
-No 7.
-
-
- Donauwerth, ce 6 décembre 1818.
-
-J'ignore le jour où je pourrai faire partir ma lettre, mais je la
-commence. Mon plus grand bonheur,--hélas, le seul--c'est de m'occuper
-de toi et de te dire ce qui me passe par la tête; je n'ai pas besoin
-de te parler de mon cœur: tu dois commencer à t'apercevoir que je ne
-t'ai pas trompée, quand je t'ai dit que l'on m'était _tout ou rien_.
-Je n'ai jamais ni rien fait, ni rien été à demi; sois pour moi ce que
-je désire tant que tu veuilles être.
-
-J'ai fait partir ma dernière lettre, le 4, de Francfort. Je me flatte
-qu'elle t'aura trouvée encore à Paris. J'ai été, le même jour, passer
-la soirée et coucher à Amorbach, chez la duchesse que tu trouves si
-peu aimable[203].
-
- [203] Le château d'Amorbach était la résidence des princes de
- Leiningen (Linange). Cette principauté appartenait, en 1818, à
- Charles-Frédéric-Guillaume-Emich, prince de
- Leiningen-Dachsburg-Hardenburg, né le 12 septembre 1804 du prince
- Emich-Charles et de Victoria-Mary-Louisa, quatrième fille de
- François-Frédéric-Antoine, duc de Saxe-Saalfeld-Cobourg. Depuis
- la mort de son père (4 juillet 1814), la régence était exercée
- par sa mère.
-
- Celle-ci, née le 17 août 1786, avait épousé en secondes noces, le
- 29 mai 1818, Edouard-Auguste, duc de Kent and Strathern, quatrième
- fils de George III, roi d'Angleterre. C'est d'elle que parle
- Metternich dans la présente lettre.
-
- De son second mariage, elle eut une fille unique qui fut la reine
- Victoria. Elle mourut à Frogmore, le 16 mars 1861.
-
- Au moment du Congrès de 1818, le duc et la duchesse de Kent,
- venant de Bruxelles, étaient arrivés à Aix-la-Chapelle et
- descendus à l'hôtel de la Grande-Bretagne, le 3 octobre. Ils
- quittèrent Aix le 5 octobre pour se rendre, par Francfort, à
- Amorbach, où ils résidèrent jusqu'au printemps de 1819
- (_Dictionary of National Biography_, vol. XXXI, p. 19.--_Moniteur
- universel_ du 8 octobre 1818, no 281, p. 1189; du 10 octobre, no
- 283, p. 1198; du 11 octobre, no 284, p. 1201; du 13 octobre, no
- 286, p. 1210; du 19 octobre, no 292, p. 1233).
-
-Tu me fais le reproche de trouver que tout le monde a de l'esprit; je
-me souviendrai toujours de ta frayeur relativement à je ne sais quel
-jugement d'esprit que j'ai porté si rondement, et où tu m'as demandé,
-avec un air de véritable effroi: «Quand trouverez-vous donc une bête?»
-
-Eh bien, mon amie, ce n'est encore pas la duchesse que je puis ranger
-de ce nombre! Bête, non; ennuyeuse, oui! Voilà mon jugement et je ne
-saurais qu'y faire ni en bien ni en mal.
-
-Pas en bien, car je ne crois pas que l'on puisse guérir du mal de
-l'ennui; et pas en mal car le genre d'esprit de la personne en
-question est tout juste celui qui se brouille le moins, car il est
-tout terre à terre et que, ne s'élevant jamais à une certaine hauteur,
-les chutes deviennent impossibles.
-
-J'ai rencontré chez elle deux dames de mon pays: la princesse de
-Lœwenstein, établie à une lieue d'Amorbach, et sa sœur, toutes deux
-également sœurs du prince Windischgraetz que tu as vu à
-Aix-la-Chapelle[204]. Mon amie, je te ferai le plaisir de t'assurer
-que la première est la bête que tu veux que je trouve; la seconde a
-de l'esprit, mais il est un peu tourné au _sentimentaire_, et ce n'est
-pas ce que j'aime.
-
- [204] WINDISCHGRAETZ (Alfred-Candide-Ferdinand, comte puis prince
- de), né à Bruxelles le 11 mai 1787. Prit part à toutes les
- campagnes de l'armée autrichienne de 1804 à 1813. Feld-maréchal
- (17 octobre 1848). Ambassadeur à Berlin (1859), gouverneur de
- Mayence (1859) mort à Vienne le 21 mars 1862. Il avait été élevé
- au rang de prince le 24 mai 1804 et avait épousé le 16 juin 1817
- Marie-Éléonore-Philippine-Louise de Schwarzenberg, née le 21
- septembre 1796, qui fut tuée d'un coup de fusil le 12 juin 1848
- pendant l'insurrection de Prague (ŒTTINGER, _Moniteur des
- dates_.--_Almanach de Gotha_, 1848 et 1860).
-
- LŒWENSTEIN (Sophie-Louise-Wilhelmine, comtesse puis princesse
- DE), sœur du précédent, née le 20 juin 1784, épouse le 29
- septembre 1799 Charles-Thomas-Albert-Louis-Joseph-Constantin,
- prince de Lœwenstein-Rochefort (18 juillet 1783-3 novembre 1849).
- Elle mourut le 17 juillet 1848 (WURZBACH, t. LVII, tableau
- généalogique de la maison de Windischgraetz.--_Almanach de
- Gotha_).
-
- En dehors de la princesse de Lœwenstein, le prince de
- Windischgraetz avait deux autres sœurs:
-
- 1º Marie-Thérèse, née le 4 mai 1774, épouse, le 2 avril 1800,
- Ernest-Engelbert, duc d'Arenberg (25 mai 1777-20 novembre 1857),
- meurt à Vienne le 23 janvier 1841 (ŒTTINGER, _Moniteur des
- dates_.--WURZBACH, t. LVII.--_Almanach de Gotha_).
-
- 2º Eulalie-Flora-Augusta, née le 28 mars 1786, morte le 26 juin
- 1821 (_Almanach de Gotha._--WURZBACH, t. LVII).
-
- Nous n'avons pu déterminer quelle fut celle de ces deux sœurs que
- M. de Metternich rencontra à Amorbach.
-
-La soirée s'est passée en causerie, assez peu agréable. Le duc m'a
-beaucoup parlé de ses écuries, seul plaisir qu'il ait dans son nouveau
-séjour. Pendant le souper, on a parlé Aix-la-Chapelle; le duc m'a
-demandé si tu y avais été: il m'a dit que tu étais aimable. Je lui ai
-répondu: «Fort aimable.»--«Spirituelle.»--«Très spirituelle.»--«Le
-Prince Régent[205] la voit avec grand plaisir.»--«Le Prince a
-grandement raison.»--«Le Prince aime les femmes qui l'amusent.»--«Moi
-aussi, mais il n'y en a pas beaucoup qui ont ce droit.»--«Va-t-elle à
-Londres?»--«Oui, et moi aussi, je voudrais y aller...»
-
- [205] George-Auguste-Frédéric, prince de Galles, duc de Cornwall
- et Rotsay, comte de Chester, né le 12 août 1762, déclaré régent
- pendant la démence de son père, le 5 février 1811, devint roi
- d'Angleterre sous le nom de George IV, le 29 janvier 1820 et
- mourut le 25 juin 1830 (_Dictionary of National Biography_, t.
- XXI, p. 192).--Mme de Lieven passait pour avoir été, avec tant
- d'autres, la maîtresse de ce prince.
-
-Mon amie, j'ai senti que j'avais dit une bêtise et j'ai ajouté le plus
-gravement du monde: «... Pour faire ma cour à Son Altesse Royale!
-Peut-être irai-je l'année prochaine.
-
---«Vous ferez grand plaisir au Prince Régent car il vous aime
-extrêmement.
-
---«Je regarderai le moment de mon arrivée à Londres comme l'un des
-plus heureux de ma vie!»
-
-Ma bonne Dorothée, j'ai dit ces derniers mots avec tant de conviction
-que la famille d'Amorbach doit me croire amoureux du Prince Régent.
-
-A propos d'amour, l'on ne voyage jamais sans s'instruire. Amorbach est
-une ancienne abbaye; il existe dans l'enceinte du couvent une fontaine
-qui fait des enfants; le nom d'Amorbach vient de cette petite
-circonstance, très heureuse pour les femmes des environs, mais
-effrayante pour les filles et peut-être même pour les maris. Aussi la
-duchesse est-elle enceinte[206].
-
- [206] De la reine Victoria qui naquit, à Kensington-Palace, le 24
- mai 1819.
-
-Je suis ici aux bords du Danube depuis aujourd'hui, 3 heures
-après-midi. Je m'y suis arrêté pour ne pas arriver de nuit à Munich,
-et il n' y a point de gîte entre deux.
-
-Je travaille, je suis tête-à-tête avec notre confident[207]; je lui
-parle de toi et, ce qui vaut mieux, je t'écris.
-
- [207] M. de Floret.
-
-Ne te prends-tu pas quelquefois par la tête quand tu reçois d'aussi
-volumineuses lettres d'un homme auquel tu n'avais pas rêvé il y a peu
-de semaines? De cet homme si froid, si boutonné, si méchant, si fier,
-si abominable? Ma bonne amie, suis-je rien de tout cela? Mais c'est
-ainsi que l'on écrit l'histoire. Soyez placé sur un tréteau élevé,
-chacun se croit en droit de vous juger; il suffit au public de vous
-voir pour se trouver l'esprit de vous connaître. Chaussé du cothurne,
-vous devenez héros; la robe magistrale vous fait décrire comme pédant
-et la toque effraie. Toi, mon amie, qui a pris poste dans la coulisse,
-tu me connais mieux aujourd'hui que le parterre ne me connaîtra
-jamais.
-
-Il n'est point de héros pour son valet de chambre, dit un proverbe que
-trop vrai; il n'est point de ministre pour son amie--j'aime mieux ce
-mot, car il est plus noble et pour le moins aussi vrai que l'autre. Le
-proverbe n'existe pas, car l'on s'occupe moins de ceux qui empêchent
-que l'on tire le canon que de ceux qui le tirent.
-
-L'un cependant est plus difficile que l'autre, mais le monde court
-après le bruit. Un éternuement fait tourner plus de têtes dans un
-salon qu'une forte pensée, quelque bien exprimée qu'elle puisse être.
-
-Ma bonne amie, combien tu me manques après une si courte habitude de
-te voir? Que serait-ce après une longue? Sais-tu quel est le charme
-inexprimable que tu as à mes yeux? C'est celui de me comprendre. Je
-suis sûr que jamais rien ne se passerait en moi que tu ne jugeasses
-comme moi. Une conviction pareille me repose l'âme et le cœur. Je ne
-sais ni parler à des sourds ni écrire pour des aveugles; mais quand il
-m'arrive de rencontrer un être qui me dispense de l'_explication_ et
-de l'_interprétation_--deux besognes également pénibles--quand cet
-être surtout est une femme, et quand cette femme est toi, rien ne
-manque à mon bonheur!
-
-Comme Neumann avait raison en nous assurant que nous nous
-conviendrions! Je lui accorde par ce fait plus de confiance que pour
-toute autre raison. Le tact mène plus loin en affaires que l'esprit,
-et notre homme en a prouvé beaucoup dans cette _occasion_ qui paraît
-être un peu devenue _notre vie_. Si je dis un peu, ne crois pas que je
-parle de moi, et, si tu te fâches plus de la réserve que de la thèse,
-raye le mot. Mon amie, tu me rendras bien heureux, si tu t'en sens le
-courage.
-
-J'ai trouvé ici des lettres de chez moi. Tout le monde y est mort dans
-les derniers quinze jours[208]; heureusement n'y a-t-il dans ce nombre
-de victimes aucune qui me tienne de près.
-
- [208] Metternich à sa femme. Donauwerth, 6 décembre: «Bon Dieu!
- tout ce qui est mort chez nous! J'ai appris toutes ces
- catastrophes d'une manière qui serait plaisante, si elle portait
- sur un autre sujet. J'ai vu à Coblentz le comte d'Eltz,.. je lui
- demandai des nouvelles de Vienne; j'en avais manqué depuis plus
- de huit jours, car mes lettres m'attendaient à Francfort. «On a
- coupé la jambe à Jean Palffy, me dit-il, mais son frère est
- encore plus à plaindre, car il perd une partie de son corps après
- l'autre dans son voyage d'Italie.--C'est affreux, lui
- dis-je.--Oui, deux jours avant la mort du comte de
- Wallis.--Comment, il est mort?--On a enterré le comte de
- Kuefstein.--Comment! lui aussi!--Et l'on a administré le maréchal
- Colloredo; son frère, le maréchal Wenzel est à l'agonie.» Je l'ai
- prié de se taire, car il avait l'air de ne pas avoir tout dit.»
- (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 133).
-
-Le mort le plus remarquable est ce même ministre des finances à
-banqueroute duquel je vous ai parlé dans certaine bonne voiture[209].
-Cet homme me détestait; il a été mon ennemi le plus enragé, _mon
-Burdett_[210]. Je ne puis te dire sur sa perte que ce que me dit
-Castlereagh quand je lui ai parlé de la mort de Whitbread[211]. «Vous
-ne savez pas combien l'on peut regretter un franc adversaire!»
-
- [209] WALLIS (Joseph, comte DE), baron Carighmain, né à Prague,
- d'une famille irlandaise le 31 août 1767. Président de la cour
- d'appel de Prague (1805), gouverneur de la Moravie (1er janvier
- 1805), président de la Cour impériale (1810), ministre des
- finances la même année. Mort d'une attaque d'apoplexie, à Vienne,
- le 18 novembre 1818 (_Allgemeine Deutsche Biographie_, t. XL,
- p. 751.--ŒTTINGER, _Moniteur des dates_).--«La réduction du
- papier monnaie au cinquième fut son ouvrage et froissa pour le
- moment toutes les fortunes: mais il est reconnu que le mal
- consistait dans la trop grande abondance de ces papiers. Il
- fallait nécessairement frapper ceux qui les tenaient en main...»
- (_Moniteur universel_ du 5 décembre 1818, no 339, p. 1417).
-
- [210] BURDETT (Sir Francis), né en 1770, député au Parlement dès
- 1796 et de 1807 jusqu'à sa mort, qui eut lieu le 23 janvier 1844.
- Il fut le champion de la liberté de parole. Député radical,
- longtemps seul représentant de ce parti aux Communes, il faisait
- en 1818, et depuis son entrée à la Chambre, une opposition très
- vive aux cabinets qui se succédaient et en particulier à Lord
- Castlereagh (_Dictionary of National Biography_, vol. VII, p.
- 296.--Ch. SEIGNOBOS, _Histoire politique de l'Europe
- contemporaine_. Paris, Colin, 1897, in-8º, p. 28).
-
- [211] WHITBREAD (Samuel), né en 1758. D'abord brasseur, son
- mariage en 1789 avec la sœur de Charles, depuis comte Grey, le
- fit entrer dans la vie politique et il fut élu, en 1790, au
- Parlement, où il siègea jusqu'à sa mort. Partisan de la paix avec
- la France, il fut l'adversaire de Pitt et de Castlereagh.
- Whitbread se suicida, en se coupant la gorge, le 6 juillet 1815
- (_Dictionary of National Biography_, t. LXI, p. 25).
-
-Il y a de la vérité dans le mot et par conséquent de l'esprit. Je
-l'adopte tout à fait et je le sens. J'ai fait une remarque singulière
-depuis nombre d'années; c'est que les hommes qui se placent
-diamétralement contre moi meurent.
-
-La chose est simple. Ces hommes sont fous et les fous meurent.
-
-Bonsoir, mon amie, tu ne mourras pas.
-
-
- Munich, ce 7 décembre.
-
-Me voici dans une ville que je déteste. J'y suis pour demain toute la
-journée. Cette journée se passera en affaires toutes désagréables et
-en courbettes à la Cour plus détestables encore. Je t'ai dit vingt
-fois--et certes en bien peu de jours--que je ne suis pas fait pour le
-métier que je fais. Crois-moi, il y a quelque chose qui vous pousse
-vers ce qui convient réellement, et tout en moi me retient dès qu'il
-s'agit de ce terrible métier.
-
-Je déteste les Cours et tout ce qui y tient; ma nature même y
-répugnait; je ne puis, par exemple, pas rester debout; je n'aime pas
-me lier à des heures fixes; attendre me tue; en un mot si l'on voulait
-assurer je ne sais quelle existence à mes enfants, je ne prendrais pas
-une charge de Cour, qui ne se compose que tout juste de tout ce que je
-ne puis pas faire.
-
-Mon amie, je suis sûr que tu sais ce qu'il me faudrait pour être
-heureux. Tu arrangerais ma vie comme je pourrais l'arranger moi-même.
-Si tu oubliais de t'y faire entrer, je me brouillerais avec toi.
-
-Capo d'Istria est encore ici. Il m'a attendu comme on attend le
-Messie. Il a cru marcher sur du velours. Je lui avais parlé d'épines;
-il me prie maintenant de lui en tirer quelques-unes. Nous partirons
-ensemble après-demain, pour être à Vienne la nuit du 11 au 12.
-
-Je te parle toujours de moi et de ce que je fais, comme si tu devais y
-prendre quelque intérêt, toi, ma connaissance de peu d'instants! Je me
-surprends souvent à me dire qu'il y a de la présomption dans mon fait,
-et puis mon cœur me dit que je suis un sot. La raison ne vient pas
-avec l'âge, malgré ce que peuvent dire du contraire maints parents qui
-désespèrent de leurs enfants. Et l'amour ne vient pas avec le temps,
-malgré ce qu'en disent de froids amoureux qui se battent les flancs
-pour aimer plus demain qu'ils ne le font aujourd'hui! Moi, mon amie,
-j'aime ou je n'aime pas, et j'aime quand l'on me convient sous tous
-les rapports, en un mot quand l'on est toi, et cet amour, le seul que
-je crois le véritable, peut me dominer au bout de peu de jours comme
-au bout de plusieurs années. Comme _tu es moi_, il doit t'en aller de
-même.
-
-
- Vienne, ce 14 décembre 1818.
-
-Je suis rendu à mon pays, à ma famille, à mes habitudes, à tout,
-excepté à moi-même.
-
-J'ai trouvé ici, mon amie, ton no 1 de Paris. Je t'en remercie; ta
-lettre est bonne, excellente. On n'en écrit de ce genre que quand l'on
-pense à l'être auquel elle va, sans s'occuper trop de ce que l'on dit.
-Ma bonne amie, tu m'aimes de ce sentiment qui est le _saint amour_, le
-seul qui vaille. Qu'avons-nous eu de notre frêle et à la fois si forte
-connaissance? Un seul instant de bonheur véritable a-t-il eu lieu? Qui
-pourrait te reprocher ce que tu n'as pas fait et me taxer de ne pas
-t'avoir prouvé que je sais ce que tu peux valoir dans tous les genres
-de relations? La récompense, mon amie, n'a pas anticipé le sentiment,
-auquel, seule, elle doit servir de complément. Ne t'y trompe pas, mon
-amie; c'est parce que je t'aime que j'ai été avec toi ainsi que tu
-m'as trouvé; si tu n'avais fait que me plaire, l'avenir serait le
-passé.
-
-Crois que personne ne te rend plus de justice que moi; si je ne
-consultais que mon amour-propre, je devrais te la rendre, et
-l'amour-propre est, de toutes les faiblesses humaines, la plus
-éloignée de moi. J'ai agi, avec toi, d'impulsion, de cette impulsion
-qui est la conviction elle-même. Tout en moi m'a fait te découvrir, et
-chaque découverte a dû me porter à te chérir. Tout est simple dans le
-sentiment que je te porte, comme tout ce qui dure, ce qui seul même
-résiste au temps, à l'absence et à la contrariété. Mon amie, il est
-des choses qui ne s'usent qu'avec la vie; regarde le lien qui s'est
-établi entre nous comme l'une de ces choses. Ne crains rien pour ma
-part: je crois à tout toi.
-
-Je suis arrivé ici le 11, à 11 heures et demie du soir. L'on ne
-m'attendait plus. Ma femme est venue à ma rencontre, pleine du bonheur
-de me revoir, elle m'a mené voir mes enfants qui allaient s'endormir,
-et j'ai débuté par une bêtise. Ne t'avise pas de croire que je n'en
-fasse jamais, mais elles ne sont d'ordinaire que petites. J'ai pris
-l'une de mes filles pour l'autre; j'en ai confondu une de sept ans
-avec une autre de trois. Mes enfants m'ont cru fou[212].
-
- [212] Le prince de Metternich à sa fille Marie. Vienne, ce 17
- décembre. «Maman vous mandera la plaisante erreur que j'ai
- commise à mon début, où je pris Léontine pour Herminie. Je lui ai
- demandé des nouvelles de sa jambe; elle m'a cru en démence. Elle
- était couchée dans sa nouvelle chambre, à la place de sa sœur;
- je l'ai trouvée inconcevablement grandie, mais n'importe. Les
- pensées fourchent quelquefois comme la langue, et l'on n'en sort
- plus» (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 134).
-
-Le lendemain, j'ai donné en plein dans toutes les horreurs de ma vie:
-Cour, arrivée de l'empereur Alexandre[213], cinquante personnes à
-dîner, trois cents le soir. Mon amie, j'ai été bien seul au milieu de
-mon salon!
-
- [213] «Quoique le temps ne soit pas tout à fait propice, une
- grande partie de la population de notre ville était en mouvement
- ce matin pour voir arriver l'empereur Alexandre; Sa Majesté avait
- expressément recommandé le plus grand incognito. Mgr le prince
- héréditaire s'est rendu seul au-devant d'elle jusqu'aux barrières
- du Tabor... Notre souverain, qui était légèrement indisposé, a
- reçu S. M. l'empereur de Russie, dans l'intérieur des
- appartements, à la grande galerie qui aboutit à l'antichambre de
- la garde noble allemande.» (_Moniteur universel_ du jeudi 24
- décembre 1818, no 358. Correspondance de Vienne du 12 décembre,
- p. 1494).
-
-La première figure étrangère que j'ai vue à mon déjeuner a été cette
-si redoutable personne que tu crains tant. Je me suis levé, je suis
-allé à sa rencontre et je lui ai appliqué deux gros baisers sur ses
-joues toutes pleines, toutes fraîches et tout juste comme je ne les
-aime pas. Il y avait, dans ma Chambre, ma femme, mes enfants, Floret
-et je ne sais qui. _Voilà ma liaison_ toute prouvée et toute claire.
-Je ne l'ai revue depuis qu'hier soir dans mon salon[214].
-
- [214] M. de Metternich fait probablement allusion à la princesse
- Léopoldine, femme du prince Maurice de Liechtenstein, dont Mme de
- Lieven était jalouse.
-
-Mon Dieu, comme il me tue, ce salon, avec tout son monde, tous les
-faiseurs de phrases, toutes les courbettes, bien autres que celles
-desquelles t'a parlé le roi de Hollande[215] car j'ai vingt-cinq ans
-de plus! La première personne qui m'ait fait plaisir à voir, c'est
-Stewart[216]. Il m'a sur-le-champ demandé de tes nouvelles. Je lui ai
-répondu si _officiellement_, qu'il ne plaisantera plus, car je l'avais
-déjà prévenu à Aix qu'il était fort en train de le faire.
-
- [215] Guillaume Ier, prince de Nassau-Orange, grand-duc de
- Luxembourg, né le 24 août 1772, se proclame prince souverain des
- Pays-Bas le 6 décembre 1813, roi des Pays-Bas le 16 mars 1815.
- Guillaume Ier abdiqua le 7 octobre 1840 en faveur de son fils
- Guillaume II et mourut le 12 décembre 1843 (_Almanach de
- Gotha._--_Biographie nationale_ publiée par l'Académie royale,
- Bruxelles, Braylant-Christophe, t. VIII, p. 511).--En 1793, le
- prince Clément de Metternich avait été nommé ministre d'Autriche
- à la Haye, auprès du stathouder Guillaume V, père du roi
- Guillaume Ier, mais la révolution ne lui avait pas permis de
- remplir ces fonctions.
-
- [216] STEWART (Charles-William), né le 18 mai 1778, frère puîné
- de Lord Castlereagh. Suivit d'abord la carrière des armes, dans
- laquelle il parvint au grade de lieutenant-général, le 4 juin
- 1814. Sous-secrétaire d'État à la guerre de 1807 à 1808. Son
- frère le nomma, le 9 avril 1813, ministre d'Angleterre à Berlin.
- Le 27 août 1814, il fut désigné comme ambassadeur à Vienne et
- conserva ces fonctions jusqu'à l'arrivée de Canning au pouvoir en
- 1822. Créé baron le 1er juillet 1814, il devint marquis de
- Londonderry par la mort de son frère (12 août 1822). Il se maria
- deux fois, d'abord, le 8 août 1808, avec une fille du comte
- Darnley qu'il perdit le 8 février 1812, puis, le 3 avril 1819,
- avec Frances-Anne, fille de Sir Harry Vane-Tempest. Il mourut à
- Holderness House, Londres, le 6 mars 1854 (_Dictionary of
- National Biography_, t. LIV, p. 278.--Sir Archibald ALISON,
- _Lives of the Lord Castlereagh and Sir Charles Stewart_).
-
-Mon amie, je te remercie de la conduite que tu veux observer vis-à-vis
-de ton mari. Tu sais que je veux que tu sois bonne, douce, excellente
-pour lui. Je n'ai pas ses droits, et il ne peut avoir ce qui
-m'appartient. Sa ligne est autre que la mienne: elles ne se croisent
-pas; pourquoi lui en faire sentir l'existence? Je n'ai jamais brouillé
-un ménage, je respecte _la loi_, je veux qu'on l'observe, dût-on ne
-pas l'aimer, car aimer est placé hors de la volonté de l'homme. Dès
-que l'on aime, il n'existe d'ailleurs pas deux lignes, car l'on n'a
-pas deux cœurs.
-
-Je ne donnerais pas ce qui est devenu ma propriété pour tous les
-trésors du monde; je n'envie plus rien: comment pourrais-je envier ton
-mari? Je ne dis ici rien de nouveau; tu me l'as entendu te dire, il y
-a longtemps, dans notre courte connaissance.
-
-Je sais que je ne ressemble qu'à bien peu d'hommes sous ce point de
-vue; je m'en console, car je crois, dans ce fait, valoir mieux que
-ceux qui ne pensent pas comme moi. Combien j'aurais de choses à te
-dire sur ce chapitre! Combien sur vingt autres!
-
-
- 16 décembre.
-
-Ma bonne amie, quelle vie je mène ou plutôt quelle vie j'use! Car la
-vie n'est pas là, elle n'est pas dans les affaires, dans les
-tourments, dans ce qui fait le charme des sots, dans le clinquant, les
-hommages, les phrases et cette apparence de gloire, si peu de chose en
-elle-même et si chère à acheter. Mon bonheur ne résidera jamais que
-dans mon cœur, il ne trouvera jamais un autre siège; il doit en
-partir ou y arriver. Tout ce qui n'est pas de lui, tout ce à quoi il
-reste étranger n'est rien, moins que rien. Les seuls êtres que j'ai
-revus avec plaisir, c'est (_sic_) les miens et l'Empereur. Je sais
-qu'ils m'aiment, je sais que nul autre être ne me remplacerait près
-d'eux; tout est conviction et bon sentiment de leur part. Aussi, mon
-amie, ne fais-je que ce qui me convient en fuyant tout, excepté ce
-petit nombre d'êtres. Je te jure--et j'espère que tu me croiras
-toujours en tout et pour tout--que je suis à peu près à détester tout
-ce qui n'est pas eux et toi.
-
-Ma vie est là, c'est-à-dire loin et près de moi, ce qui fait que je ne
-la trouve pas.
-
-Mon Dieu, s'il pouvait y avoir une chance de te fixer ici! Ce moyen
-est le seul qui pourrait remplir tous mes vœux. Je te reverrai, je
-serai avec toi des jours, peut-être quelques semaines. Elles seront
-empoisonnées par le regret de te reperdre; je t'aurai quittée et je
-serai l'homme à plaindre que je suis aujourd'hui.
-
-Si tu étais fixée ici, je n'aurais plus un vœu à former, car tous se
-concentrent en toi. G. ne restera pas à longue [échéance][217];
-l'Empereur ne l'aime pas; il le trouve tout en phrases et il a raison.
-Pourquoi ne viendrais-tu pas? Comment cela ne pourrait-il ne pas
-s'arranger, si tu le voulais bien et surtout si tu le faisais
-vouloir![218]
-
- [217] GOLOVKINE (George Alexandrovitch), né en 1762,
- arrière-petit-fils de Gabriel Golovkine, chancelier de Pierre le
- Grand. Chambellan de l'empereur de Russie, sénateur président du
- département du commerce (1801). Il fut envoyé en 1805, à la tête
- d'un nombreux personnel, en ambassade auprès de l'empereur de
- Chine, mais il ne put parvenir jusqu'à Pékin. A la suite de cet
- échec, il resta plusieurs années sans recevoir de missions
- diplomatiques importantes. En 1818, il était conseiller privé et
- ministre de Russie à Stuttgart, lorsqu'il fut chargé d'une
- mission extraordinaire à Vienne, puis nommé ministre
- plénipotentiaire dans cette même ville. Il entra au Conseil de
- l'Empire en 1831 et mourut en 1846 (Comte Fédor GOLOVKINE, _La
- Cour et le Règne de Paul Ier_, p. 50 à 65.--_Recueil de la
- Société impériale de Russie_, t. LX, _Liste alphabétique de noms
- de personnages russes, etc._, p. 165.--ERMERIN, _Annuaire de la
- noblesse russe_, 1re année, 1889, p. 272.--A. POLOVTSOFF,
- _Correspondance diplomatique des ambassadeurs de Russie en France
- et de France en Russie de 1815 à 1830_, t. II, p. 882).--Mme du
- Montet (_Souvenirs_, p. 182) parle de lui en ces termes: «Le
- comte G. qui est allé jusqu'à la Grande Muraille de Chine et qui
- use avec infiniment d'esprit du privilège qu'ont les voyageurs
- qui reviennent de loin.»--Dolgoroukov (_Mémoires_, t. I, p. 116)
- le traite de «grand hâbleur».
-
- [218] Au sujet des projets de M. de Metternich pour faire nommer
- M. de Lieven ambassadeur à Vienne, voir Conclusion.
-
-La banqueroute n'a pas lieu[219]. J'ai fait tout ce que j'ai pu: j'ai
-usé le vert et le sec. Il ne me reste plus qu'à porter mon ennui en
-d'autres lieux.
-
- [219] Le comte de Wallis, ministre des finances, qui venait de
- mourir (voir p. 55), avait déjà dû réduire au cinquième la
- circulation du papier-monnaie (lettres patentes du 29 octobre
- 1816).
-
- En 1816, M. de Metternich avait été nommé président d'une
- commission consultative, composée d'hommes compétents pour mettre
- fin aux inconvénients résultant du système financier suivi
- jusqu'alors (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 12).
-
-L'Empereur partira décidément le 10 février[220]. Je veux m'épargner
-Venise et je ne le retrouverai qu'à Bologne, ce qui fera que je ne
-quitterai Vienne que du 23 au 24. Le seul changement qu'éprouve le
-voyage, c'est le séjour de Florence avant celui de Naples. L'Empereur
-ira droit dans la première de ces villes; il y restera jusqu'aux 26 et
-27 mars. Il passera entre quinze jours et trois semaines à Rome. Le 16
-avril, il va à Naples; il y restera également trois semaines. De là,
-il retournera par Ancône, Modène, Parme à Milan et par le Tyrol à
-Vienne. J'irai de Milan à Turin, et je prendrai dans la considération
-la plus sérieuse ce qui dans _notre intérêt_--le seul qui aujourd'hui
-soit le mien--vaudra mieux: ou que j'aille à Londres en juillet 1819
-ou bien en mai 1820. Le mieux est ici à consulter avant le bien, car
-je ne puis pas faire deux fois ce voyage. Tu m'écriras, en âme et
-conscience, ce que tu croiras. Si, en juillet et août, tu es à la
-campagne, si on te fait courir loin de moi, Londres sera comme si je
-n'y étais pas, et pire, car l'un des séjours tue l'autre.
-
- [220] Le prince de Metternich à sa femme. Aix-la-Chapelle. Ce 10
- octobre. «Je vous ai informé dernièrement de notre plan de voyage
- pour l'Italie. L'Empereur compte quitter Vienne entre le 10 et le
- 15 février. Il passera les derniers jours du carnaval à Venise;
- les quatre premières semaines du carême à Naples; la dernière
- quinzaine et la semaine de Pâques à Rome; trois semaines en
- Toscane; trois dans la Lombardie; ce qui le ramènera à Vienne
- vers la mi-juillet.» (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III,
- p. 127).
-
-Parle-moi de cela un peu en détail; consulte plus ta tête que ton
-cœur et parle-m'en bientôt. J'ai l'ordre de l'Empereur pour
-1819[221]. Je n'ai pas celui pour 1820. Ainsi, il faudrait le
-préparer, et je ne le puis et ne le veux qu'à bonne enseigne. Il me
-restera à consulter ensuite:
-
-1º La position des choses après une absence que j'aurai déjà faite de
-Vienne de plus de cinq mois.
-
-2º L'état de ma santé, c'est-à-dire si elle n'exige absolument pas que
-j'aille à Carlsbad. Ne t'y trompe pas, mon amie, ma santé est bien
-délabrée et ma machine est brisée en vingt endroits. Ce qui soutient
-le commun des hommes ne me sert plus: c'est tout juste mon âme qui a
-brisé mon corps. Je crois néanmoins que je n'aurai pas de difficultés
-à vaincre relativement à Carlsbad, car ma santé vaut mieux. Je crois
-que tu m'as fait du bien; je fais mieux: je le sens. J'ai retrouvé un
-être qui me comprend, qui est à moi avec cette franchise qui seule
-assure la possession; tout ce que tu cherches en moi, tu le trouveras;
-tout ce que je désire au monde, je l'ai trouvé! Je m'étais dit qu'il
-n'y avait plus de bonheur: ma bonne amie, il en existe encore.
-
- [221] C'est-à-dire l'ordre concernant les déplacements de
- l'Empereur pendant l'année 1819.
-
-
- 18 décembre.
-
-Le séjour de l'empereur A[lexandre] commence à tirer vers sa fin. Je
-le vois beaucoup, et comme nous ne sommes plus brouillés, tout va
-bien[222]. Il passe ici ses journées à peu près comme autre part. Il
-dîne tous les jours avec l'empereur François, et va voir quelques
-casernes, parades ou manœuvres[223]; il travaille et il va souper
-dans l'une ou dans l'autre maison de ses connaissances, où il retrouve
-toujours les mêmes personnes. Ces personnes sont tirées des trois
-familles de Zichy, Schwarzemberg et Auersperg, plus quelques hommes
-parmi lesquels j'ai l'infortune de me trouver. L'on prend le thé;
-l'Empereur reste assis à la table ronde avec cinq ou six de ces dames,
-toutes moins qu'aimables, excepté Mme Molly[224] qui voudrait l'être
-et qui tue l'esprit qu'elle a par les sons larmoyants avec lesquels
-elle débite tout celui qui lui manque. Je me mêle quelquefois de la
-conversation; quand je vois que le sommeil va faire ravage, je lâche
-un mot. Dès que j'ai atteint mon but, je me sauve et je me livre à mes
-pensées ou bien à quelque entretien avec l'un ou l'autre des mes
-compagnons de soirée.
-
- [222] Le Tsar et Metternich s'étaient brouillés pendant le
- Congrès de Vienne. Par la Convention de Kalisch, Alexandre et le
- roi de Prusse avaient décidé entre eux la création d'un royaume
- de Pologne et l'attribution du royaume de Saxe à la Prusse.
- L'Autriche s'opposa vivement à cette dernière annexion.
- L'empereur de Russie en ressentit un violent dépit contre le
- prince de Metternich, qu'il voulut un instant provoquer en duel
- (_Mémoires du prince de Metternich_, t. I, p. 206 et 325 et t.
- III, p. 126).
-
- [223] _Moniteur universel_ du jeudi 31 décembre 1818, no 365, p.
- 1517. «Vienne, 16 décembre.--La nouvelle de la mort du grand-duc
- de Bade, arrivée ici samedi, a beaucoup affligé l'empereur
- Alexandre. Ce monarque ne parut pas au théâtre dimanche, comme il
- se l'était proposé. Il dîna ce jour-là avec la famille impériale;
- le prince de Metternich, le baron de Helzebrun, ministre
- d'Autriche en Russie, et le comte de Golowkin, ministre de Russie
- à Vienne, eurent l'honneur d'être admis au repas. L'Empereur ne
- s'est pas encore montré au public. Demain il y aura revue au
- Prater... L'empereur Alexandre se rendit hier dans la caserne du
- régiment d'infanterie qui porte son nom, le fit sortir et en
- passa la revue.»
-
- [224] ZICHY (Marie-Wilhelmine, dite Molly, Ferraris, comtesse),
- née le 3 septembre 1780, morte le 25 janvier 1866. Elle avait
- épousé, le 6 mai 1799, le comte François Zichy (25 juin 1777-6
- octobre 1839) dont elle eut onze enfants. L'une de ses filles,
- Mélanie, fut la troisième femme du prince de Metternich, qui
- l'épousa le 30 janvier 1831 (STROBL VON RAVELSBERG, _Metternich
- und seine Zeit_, t. I, p. 48, tableau généalogique de la maison
- de Zichy.--ŒTTINGER, _Moniteur des dates_).
-
-Ajoute à ces charmes huit ou dix heures de travail par jour et un
-grand dîner que je donne ou que je ne puis éviter, une demi-heure de
-conversation avec ma femme et mes enfants, qui déjeunent toujours avec
-moi, et tu as le budget de ma journée.
-
-Dis-moi bien ce que tu fais. Je tiens à le savoir; je veux pouvoir me
-dire que _probablement_ je te sais occupée de telle ou telle chose, à
-telle heure donnée.
-
-Tu es ma dernière pensée quand je me couche et ma première quand je me
-réveille, tu es celle de tous les moments où je ne suis pas forcé à
-penser à quelque devoir, et, mon amie, tu n'es pas même oubliée par
-ton ami dans ces moments-là.
-
-Un grand malheur de notre position, c'est celui que nous ayons si peu
-de contact--pas entre nous, dix années ne nous eussent pas menés plus
-loin--mais avec les mêmes êtres et les mêmes lieux. Je voudrais te
-dire tout, sur tant de choses, mais elles te sont étrangères. Il
-s'agirait avant tout de te faire des tableaux et encore te
-resteraient-ils étrangers. Te parler toujours de moi, le seul objet
-que tu connaisses ainsi dans mon cadre, m'est impossible, car je suis
-tout juste l'être auquel je pense le moins. Je voudrais que tu
-connusses tout, que rien de ce qui me regarde ne te fût inconnu, que
-je puisse te prouver, heure par heure, que nous portons le même
-jugement sur toute chose, que toutes portent à nos yeux une couleur
-uniforme, qu'elles réagissent de même sur nous, que ce qui me
-plaît--et c'est assurément un petit nombre d'objets--te plaît, que ce
-qui m'ennuie t'ennuie, que ce que tu trouves bien et bon, je le trouve
-parfait. Mais la difficulté existe: elle n'est pas à vaincre.
-
-Nous parlerons de nous; mon amie, toi, tu es de ce petit nombre
-d'êtres qui me plaisent, qui me satisfont, qui parlent à mon cœur et
-à mon esprit, que je ne me lasserais pas de voir et surtout d'aimer.
-Le jour où je pourrai te le redire au lieu de te l'écrire, je serai
-bien heureux. Le crois-tu, ma bonne Dorothée?
-
-L'expédition de la présente lettre tarde beaucoup, mon amie, mais je
-n'y puis rien faire. Je ne puis expédier le courrier que quand
-l'affaire qu'il est destiné à porter sera prête. Je travaille tant que
-je puis pour arriver au terme et c'est pour cela que je te quitte.
-
-
- Ce 20 décembre.
-
-J'ai reçu aujourd'hui, ma bonne amie, tes lettres de Paris, nos 2 et
-3. Je suis rassuré sur la longueur des miennes par le volume des
-tiennes. Comment te remercier assez de ces bonnes et excellentes
-lettres qui, aujourd'hui, font ma seule consolation?
-
-Oui, mon amie, je sais que tu m'aimes, que tu m'aimes comme je veux
-l'être, de la seule manière qui jamais m'ait convenu et qui seule a pu
-me fixer deux fois de ma vie--et pour la vie! Le temps et l'absence
-ont usé ces relations, pas de mon côté mais de la part de mes amies;
-je t'ai mandé l'histoire de ma vie; tu la sais, aux noms près, aussi
-bien que moi. C'est de Francfort que t'est arrivée la lettre avec ma
-confession générale; je n'ai eu ni cesse ni repos avant que je ne
-l'eusse déposée entre tes mains. Tu me dis, dans l'une de tes
-dernières lettres, que parmi les personnes que le public me donne, tu
-n'en as pas trouvées qui fussent dignes de mes hommages? Il en va de
-la réputation relativement aux rapports de la vie comme de toute
-autre. L'on m'a donné beaucoup de femmes auxquelles je n'ai jamais
-pensé; j'ai été dans des rapports _bien peu romanesques_ avec beaucoup
-que le public a toujours ignorées. Je n'ai jamais eu de _ces
-rapports_ que dans des moments de pleine liberté et j'ai été
-malheureux.
-
-Tout ce qui ne vient pas du cœur en moi, mon amie, est mauvais, sec
-et aride. J'ai un cœur qui n'a pas deux faces, qui n'est point
-partagé en cases: on peut l'occuper, mais alors on l'a tout entier; la
-place prise, il n'y en a point d'autres.
-
-Conçois-tu, mon amie, toi, telle que tu es, qu'il y a des femmes--et
-il en existe beaucoup--qui ne veulent pas du cœur? Eh bien, je
-réponds du fait, je te l'ai dit et tout ce que jamais je te dirai est
-vrai, que je n'ai pas à me reprocher d'avoir jamais dit à une femme
-que je l'aimais, quand je n'éprouvais pas de l'amour. Crois-tu que la
-découverte de ce manque de sentiments les ait rebutées? Je te cite,
-comme preuve vivante, la personne contre le bras de laquelle tu as
-donné dans le salon de Stuart[225] et qui t'a fait peur. Je te
-remercie du sentiment de la peur: c'est un rapport de plus que tu as
-avec moi. J'ai dit cent fois à cette personne que je la détestais,
-elle a trouvé dans le fait un motif d'amour-propre; il lui a paru plus
-satisfaisant de vaincre le sentiment de la haine que de vivre de celui
-de l'amour. Comme cela lui a réussi! Elle a cru me connaître, elle ne
-m'a jamais connu. Elle a voulu me subjuguer et l'on ne me subjugue
-jamais. C'est moi, mon amie, qui me rends à l'être qui réunit ce que
-je veux; et cet être doit avoir toutes tes qualités, peut-être même
-tes défauts. Je ne scrute pas avec moi-même, je suis la voie de mon
-cœur, car jamais elle ne m'a trompé. Il n'est pas un être au monde
-que j'ai aimé ou que je pourrais aimer que tu n'aimerais de ton côté.
-Commence par t'aimer pour l'amour de moi; combien j'éprouve tout ce
-que tu éprouves et tout ce que tu dis si bien! Oui, mon amie, l'on
-n'aime pas, ou bien l'on a le malheur d'aimer un être indigne de ce
-sentiment si saint, si l'on ne se sent pas porté au bien par ce même
-sentiment qui exclut tout, excepté ce qui est généreux, noble et bien!
-Tu es bonne--car si tu ne l'étais pas, je ne t'aimerais pas--tu
-deviendrais meilleure dans un contact suivi avec moi. Il m'en irait
-tout de même près de toi. _Mon amie est ma récompense_; je veux la
-mériter; je me mépriserais si je ne la méritais pas; je mourrais le
-jour où je croirais devoir me mépriser! Crois-tu qu'avec ce sentiment,
-l'on puisse aimer souvent!
-
- [225] STUART (Sir Charles), né le 2 janvier 1779. Chargé
- d'affaires adjoint d'Angleterre à Madrid (1808). Envoyé en
- Portugal, il y fut créé comte de Machico et marquis d'Angra en
- 1810. Ministre à la Haye (1815-1816), ambassadeur à Paris
- (1816-1830), à Saint-Pétersbourg (1841-1845). Créé baron Stuart
- de Rothesay, le 22 janvier 1828, il mourut le 6 novembre 1845
- (_Dictionary of National Biography_, t. LV, p. 75).
-
-Je ne me permets pas de juger le propos que t'a tenu W...[226]. Il
-peut être bon et mauvais. Bon, s'il croit pouvoir t'arrêter sur une
-voie parsemée d'épines et, par conséquent, de peines et de privations.
-Mauvais, s'il y a cherché un moyen de vues personnelles.
-
- [226] Très probablement Wellington.--WELLINGTON (Arthur
- Wellesley, premier duc DE), le vainqueur de Waterloo, né à Dublin
- le 29 avril 1769. De juillet 1815 au 21 novembre 1818, il fut
- commandant en chef des armées d'occupation en France. Il était
- l'un des plénipotentiaires anglais au Congrès d'Aix-la-Chapelle.
- Il entra au cabinet comme commandant général de l'artillerie le
- 26 décembre 1818. Après avoir été premier ministre puis
- secrétaire des affaires étrangères dans les deux cabinets Peel,
- il mourut le 14 septembre 1852 à Walmer-Castle (_Dictionary of
- National Biography_, t. LX, p. 170).--Wellington se trouvait à
- Paris en même temps que Mme de Lieven. Il rentra à Londres le 21
- décembre 1818 (_Moniteur universel_ du lundi 28 décembre 1818, no
- 362, p. 1506).
-
-Mon naturel, mon amie, est bienveillant, et j'adopte toujours de
-préférence la bonne version; il faut me prouver la seconde. La
-comparaison entre _ses libertés et les miennes_ est sotte et je ne la
-lui pardonne pas. Ce n'est pas toi, mon amie, qui aurait dû--entre
-vous deux--entrevoir que ce qui ne se peut pas est placé hors de la
-possibilité et par conséquent, certes, encore davantage hors de
-facilité. Ce n'est pas à lui, au reste, que je prouverai ce qui est
-possible, mais à toi.
-
-Un autre sot propos est celui de mes compatriotes qui prétendent que
-je fais ce que je veux, et que c'est pour cela que l'Empereur va en
-Italie. Je m'entends dire ce mot vingt fois l'an. Voici le fait:
-_l'Empereur fait toujours ce que je veux, mais je ne veux jamais que
-ce qu'il doit faire_. Il en a la conviction; il ne me demande plus
-guère et j'en fais autant de mon côté. Nous sommes, tous les deux, les
-êtres les plus faciles à trouver et, par conséquent, à calculer dans
-leurs volontés et dans leurs faits. Il en est ainsi pour tout et en
-tout. Une preuve certaine que la thèse s'arrête à la simple
-convenance, tourne dans ce moment-ci bien contre nous. Si l'Empereur
-faisait tout ce qui me convient, certes nous n'irions pas au Midi,
-tandis que mon bonheur est couvert par toutes les brumes du Nord! Mon
-amie, tu me jugerais mal si tu croyais que j'en veux pour cela à
-l'homme que j'aime le mieux au monde. J'en veux à ma place, et il ne
-me faut pas cette nouvelle contrariété pour la détester. L'Empereur
-sait que le plus grand sacrifice que je puisse porter à lui, à mon
-pays, c'est celui que je lui porte en étant ce que je suis: il sait
-que c'est celui de la vie. Il ne sait pas ce qu'il me coûte dans ce
-moment! S'il le savait, il me plaindrait et il m'emmènerait! Et W...
-serait amené tout comme moi et moi j'irais dans sa position à Londres
-tout comme il y va[227]! Comme lui, j'irais où je voudrais aller!
-
- [227] Wellington venait de quitter sa position de commandant de
- l'armée d'occupation en France. Il allait être nommé à Londres
- commandant général de l'artillerie.
-
-Nos rapports, ma bonne D[orothée], ne sont pas ceux de quelques jours;
-ils trouveront leur terme avec _notre_ existence. Tu vois que je
-compte sur toi, tout comme je me donne à toi. Au bout d'une carrière
-que je désire longue, tu me rendras la justice que jamais je n'écris
-le roman; mon âme est toute positive et par conséquent toute
-historique, toute à la vérité. Je ne me fais illusion sur rien--on m'a
-plaint vingt fois de ce fait,--ce ne sont que de bien pauvres âmes que
-celles qui peuvent fonder des plaintes sur une pareille disposition!
-
-Le bonheur, pour moi, est une réalité, la plus vraie, la plus
-effective qu'il y ait. Comment avec une âme trempée ainsi, pourrais-je
-trouver du bonheur dans une illusion? Je la découvrirais tôt ou tard;
-je n'ai pas besoin de chercher le vrai en toutes choses, je tombe
-dessus; je n'y ai point de mérite car je n'ai qu'y faire. Or, de
-toutes les réalités, la plus forte pour moi, c'est l'amour; sois
-certaine que les personnes qui croient qu'il faut de l'illusion en
-amour ne sont pas assez fortes pour savoir aimer. Que l'on ne dise pas
-qu'il y a de l'illusion à aimer telle ou telle personne--le principe
-est faux. La convenance est individuelle et elle est placée hors du
-calcul de tout autre que de l'être pour qui elle existe. Il n'est pas
-un être qui soit fait pour être aimé de tout le monde, tout comme il
-n'en est peut-être qu'un seul que l'on puisse aimer de tout son
-amour!--Je suis bien abstrait, mon amie, mais je suis sûr que tu me
-comprends.
-
-C'est sur ce principe qui, chez moi, est un sentiment, que se fonde le
-calme que j'éprouve quand j'ai rencontré _l'amie qu'il me faut_. Je
-n'ai pas la prétention que cette amie soit jugée par tout le monde
-telle que je la juge--j'en serais peut-être même fâché. Je ne suis pas
-jaloux, car je croirais insulter mon amie; je puis être exposé à plus
-de risques qu'un autre--n'importe. Je puis me faire des illusions dans
-cette carrière de confiance; eh bien, bonne amie, j'aimerai encore
-jusqu'à _ces illusions_. En amour, j'aime tout, mais il faut beaucoup
-pour que j'aime.
-
-Maintenant, juge du succès que doivent avoir près de moi ce que, dans
-la société, l'on appelle _de petites femmes_. Il n'en est _pas une_ de
-cette classe (qui fournit cependant aux besoins de toutes les places)
-qui me comprenne et qui, par conséquent, puisse me satisfaire. Qui m'a
-dit que tu comprendrais ma langue? Qui m'est garant de ce fait? Ai-je
-eu besoin de beaucoup d'épreuves, de recherches, de soins, pour savoir
-à quoi m'en tenir? Mon amie, si j'aide l'esprit, j'ai cet esprit-là:
-c'est celui du cœur. Il m'a fait te deviner.
-
-Conçois-tu le bonheur que j'éprouve de pouvoir t'écrire des pages
-entières sur moi--dans ma langue--et être sûr d'être compris de toi et
-de ne pas avoir besoin de faire le moindre effort pour y parvenir? Je
-te rencontre à mi-chemin, je t'y rencontrerai toujours.
-
-Mon amie, je sors d'une grande fête à la Cour. La fête a été belle,
-comme le sont toujours celles que l'on donne ici; il y a régné le plus
-grand ordre; il y a fait chaud; mon cœur est resté froid. On a
-représenté, comme partie de la fête, des scènes des meilleurs opéras;
-les larmes me sont venues aux yeux. Serions-nous _nous_, mon amie, si
-les mêmes circonstances n'influaient pas de même sur nous? Rien ne me
-fait de l'effet comme la musique. Je crois qu'après l'amour, et que
-surtout avec lui, c'est la chose au monde qui rend le meilleur. Il ne
-m'arrive jamais d'en entendre--pas seulement de la bonne, mais même de
-la passable--sans éprouver une sensation qui ne se définit pas. La
-musique m'excite et me calme à la fois; elle me fait l'effet _du
-souvenir_; elle me place hors du cadre étroit dans lequel je me
-trouve; mon cœur s'épanouit; il englobe à la fois le passé, le
-présent et l'avenir; tout se réveille en moi: peines, plaisirs qui ne
-sont plus--peines et plaisirs que j'attends et que je désire!
-
-La musique m'excite aux douces larmes; elle m'attendrit sur mon propre
-être; elle me fait du bien et du mal, qui, lui-même, est du bien. Tu
-me connais si peu, mon amie, que tu ignores mes forces et mes
-faiblesses.
-
-Ne commences-tu pas par avoir un peu d'inquiétude que tu vas te
-découvrir des faiblesses que tu ne t'es pas connues ou point avouées
-jusqu'à présent?
-
-Comme je les ai, il faut bien que tu les aies. Étudie-moi et tu
-apprendras à te connaître, si déjà tu n'en es là. En dernier résultat
-n'aie pas peur: j'aimerais en toi-même les faiblesses que je
-réprouverais en moi. Demande aux _petites femmes_ si elles croient que
-je sache pleurer? Mon amie, je me détesterais, si je n'avais point de
-larmes. Elles t'assureront qu'un homme comme moi ne sort jamais du
-plus profond des calculs et de la pose la plus ministérielle, et qu'il
-agrée tout au plus qu'on l'adore, comme nos bons aïeux, les Gentils,
-adoraient leurs Termes et leurs Lares.
-
-
- 21 décembre 1818.
-
-Je finis enfin cette longue lettre; elle est un volume et j'espère,
-mon amie, que de tous les reproches que tu pourrais me faire, certes,
-le moins fondé serait celui que je ne te dis pas assez ce que je sens
-et ce que je pense.
-
-J'expédie la présente lettre par un courrier qui n'est pas à moi--car
-je ne pourrai expédier le mien que dans quelques jours. Je me flatte
-qu'elle échappera à une indiscrète inspection, je prends toutes les
-mesures pour cela. Si tel ne devait pas être le cas, on verrait que je
-t'aime et on n'oserait le dire--il n'y aurait guère de mal à cela. Ma
-bonne amie, je ne crains pas que les cabinets sachent que je t'aime,
-mais je craindrais que tu ne m'aimasses pas et je serais au désespoir
-de ne pas t'aimer. En très peu de jours, tu auras une nouvelle lettre
-de moi.
-
-Adieu; je voudrais être ma lettre et, si je l'étais, je voudrais être
-moi. Il n'y a guère de moyen de me contenter. Je ne le serai que le
-jour et les jours où je serai réuni à toi. Adieu pour le moment. Ces
-jours aussi arriveront.
-
-
-
-
-No 8.
-
-
- Vienne, ce 22 décembre 1818.
-
-Mon amie, j'ai fini un volume hier; j'en commence un nouveau
-aujourd'hui. De volumes en volumes, j'arriverai au jour où je pourrai,
-en une seule heure, te dire plus qu'aujourd'hui je ne puis t'écrire en
-une année! Heure de bonheur, de repos, de jouissance, où toi, mon
-amie, me consoleras des peines que tu me causes.
-
-J'ai lu et relu tes deux dernières lettres. Elles sont pleines de ce
-moi que j'aime à rencontrer en toi. Tout ce que tu me dis, je l'eusse
-dit; tout ce que tu as éprouvé, je l'espère; tout ce que tu désires,
-je le désire; ce que tu crains, je le crains; ton espérance enfin est
-la mienne. Il y a bien du bonheur dans tout cela! Je diffère avec toi
-sur un seul point, mais le remède est à côté du mal. Ce que tu aimes,
-je ne lui porte guère d'affection, mais j'aime ce qui m'aime--me voilà
-sauvé.
-
-Il en va de notre liaison comme d'une autre grande et profonde vérité.
-Les hommes attribuent communément à l'éducation un pouvoir qu'elle n'a
-pas. On n'a jamais donné par un moyen d'éducation quelconque à l'être
-que l'on élève ce qui ne se trouve pas en lui. L'éducation développe
-et dirige; elle ne crée pas.
-
-Il en est de même des rapports du cœur. Il faut à la fois être soi et
-un autre pour se convenir: tout ce qui est placé hors de cette ligne
-ne s'aime pas. Je ne t'ai pas cherchée, tu ne t'es pas doutée de mon
-existence: nous nous sommes trouvés.
-
-Peu de moments ont suffi pour que nous en venions là où tant
-d'autres n'arrivent jamais, où nous deux sommes arrivés bien
-rarement--peut-être jamais! A quoi tient ce fait? Est-ce soins,
-prières, volonté de notre part ou bien n'est-ce qu'une simple et
-franche impulsion? Qui t'a répondu de moi, qui m'a servi de garant de
-toi? Mon amie, il est une puissance plus forte que la volonté de
-l'homme, un pouvoir indépendant de lui, une force d'attrait et de
-bonheur placée au-dessus de ses espérances. Il suffit d'un contact,
-souvent léger, pour vous indiquer la voie que vous devez suivre; cette
-voie peut être parsemée de roses ou d'épines, n'importe; vous n'êtes
-pas maître de la poursuivre quand une fois vous y avez fait le premier
-pas. Vous n'êtes pas maître d'un premier mouvement, vous l'êtes
-toujours d'un premier geste: le second n'est plus du domaine de la
-volonté. Ai-je eu raison de suivre aveuglément l'impulsion de mon
-cœur? Ce même cœur me dit _oui_. Mon amie, prouve-moi toujours que
-mon cœur ne saurait avoir tort!
-
-Ton Empereur nous quitte cette nuit. Je lui en veux du mal qu'il m'a
-fait, en me privant de quelques jours de bonheur[228]; je le remercie
-de l'attitude qu'il a prise et conservée depuis notre réunion. Il
-n'existe pas au monde deux êtres plus essentiellement différents que
-lui et moi. Aussi, avons-nous eu, dans des rapports qui datent de
-treize ans, dans des rapports comme peut-être jamais deux individus
-placés ainsi que nous sommes n'en ont eus de directs et de soutenus,
-bien des hauts et des bas.
-
- [228] Le prince de Metternich avait formé le projet d'aller
- passer quelques jours à Paris en quittant Bruxelles. Il y aurait
- retrouvé Mme de Lieven. Le voyage de l'empereur Alexandre à
- Vienne et la nécessité pour le prince d'être présent dans cette
- ville pendant le séjour du Tsar empêchèrent ce projet d'aboutir.
- Metternich dut revenir directement en Autriche. A sa femme, dans
- une lettre du 11 novembre, écrite à Aix, il donne une autre
- explication de l'abandon du voyage à Paris: «Je ne pourrais y
- rester que quatre ou cinq jours, qui seraient pris entre tous les
- princes et ministres, et je ne trouve pas qu'il y ait un motif
- raisonnable pour aller s'embarquer de gaieté de cœur dans une
- pareille galère.» (_Mémoires_, t. III, p. 130).--Il ne pouvait
- évidemment dire cette dernière phrase à Mme de Lieven.
-
-Moi, mon amie, j'ai la conviction de ne jamais avoir bougé de ma
-place; le premier élément moral en moi, c'est l'immobilité. Nous
-sommes les meilleurs voisins possibles aujourd'hui, nos relations sont
-ce qu'elles resteront. L'Empereur sait où me trouver et il me trouvera
-toujours, et ce sera toujours là où il m'aura quitté. Cette position
-des choses est un bien grand bonheur pour le monde, qui a fortement
-besoin tout juste de cet accord. Tu viens d'un pays malade à l'excès,
-flétri et abîmé dans tous ses éléments premiers[229]. Je connais ce
-pays comme le mien, comme celui où tu es. J'ai peur de l'erreur en
-toutes choses et je ne connais que cette peur. J'ai la vue bonne, je
-ne flatte jamais mes amis et je suis certes trop mon propre ami pour
-me flatter sur rien et en rien. Je sais donc tout ce qui est du
-domaine de l'observation, et mes espérances sont bien faibles.
-
- [229] Dans les derniers jours de décembre, M. et Mme de Lieven
- quittèrent Paris et la France pour revenir en Angleterre.
-
-Mon amie, Lady Jersey[230] aura beau trouver que l'on a trop peu fait
-en France, je t'assure que l'on a fait, à la fois, et trop et trop
-peu! C'est de bien pitoyables gens que ces meneurs d'un misérable
-peuple. Une quinzaine à Paris eût eu quelque mérite pour moi sous le
-point de vue des _anecdotes_, elle ne m'eût rien appris du reste. J'y
-aurais, dans tous les cas, vu au delà de ce qu'ont vu tous ceux qui y
-ont été explorer le terrain. Je connais mes amis. Parmi eux, il n'y a
-que W. qui sache voir, car il ne regarde ni trop haut ni trop bas et
-qu'il (_sic_) a également une sorte d'impulsion naturelle qui souvent
-supplée au grand esprit, tandis que l'esprit ne supplée jamais à cette
-qualité première. Tu mettras au bas de ces dernières lignes ton
-approbation, j'en suis bien sûr.
-
- [230] JERSEY (Sarah-Sophia Fane, comtesse DE), née en 1783, fille
- aînée de John Fane, comte de Westmoreland. Elle épousa, à Gretna
- Green, le 23 mai 1804, George Child-Villiers, Ve comte de Jersey
- et VIIIe vicomte Grandison (19 août 1773-3 octobre 1839). Lady
- Jersey mourut en 1867. Cette charmante femme exerça une influence
- considérable sur la société et le monde politique de Londres.
- Elle fut, sur ce terrain, la rivale de Mme de Lieven. Son salon
- était surtout fréquenté par les tories. Elle offrit un asile à
- Lord Byron, à Middleton Park en 1814-1815 (_Dictionary of
- national Biography_, t. LVIII, p. 346).
-
-Ton Empereur a passé ici toutes ses soirées dans l'une ou l'autre de
-nos maisons. Il a le bonheur de se plaire dans des entours qui me font
-avaler la langue. Il n'a _particulièrement_ distingué aucune de nos
-dames, en se maintenant toutefois sur une ligne de _constance morale_
-vis-à-vis de la princesse Gabrielle d'Auersperg[231].
-
- [231] AUERSPERG (Gabrielle-Marie, princesse D'), née le 19
- juillet 1793, fille de François-Joseph-Maximilien-Ferdinand de
- Lobkowitz, épouse, le 23 septembre 1811, Vincent, prince
- d'Auersperg (9 juin 1790-16 février 1812), morte à Vienne le 11
- mai 1863 (_Almanach de Gotha_, 1820, 1849 et 1868.--WURZBACH,
- _Biographisches Lexikon des Kaiserthums Oesterreich_, t. XV,
- tableau généalogique.--ŒTTINGER, _Moniteur des dates_).
-
-De toutes, c'est elle, au fond, qui le mérite le plus.
-
-Je lui ai donné le dernier petit souper hier; pendant qu'il causait
-avec ses dames, _notre ami_ Ouvaroff[232] m'a entretenu des cinquante
-juments qu'il a dans le département de Kiew. Comme jamais je n'en
-monterai aucune, je les ai louées toutes: il en a paru flatté. Il ne
-pense plus à Lady C. Il lui préfère ses juments. Je pense que milady
-se venge au moyen d'une douzaine de bull-dogs[233]. Pauvre amie, comme
-tu as bien ri le soir où Binder[234] nous a représenté la scène du
-_Mari_ et de _Fury_[235]! Quelle bonne soirée encore que cette
-soirée-là! Et quel ordre dans cette lettre!
-
- [232] OUVAROFF (Fédor Petrovitch, comte), né le 11 avril 1773
- (vieux style). Général de cavalerie, aide de camp général de
- l'empereur de Russie, membre du conseil de l'Empire et chef du
- corps des chevaliers-gardes. Mort en décembre 1824.--Ouvaroff
- était arrivé à Vienne le 10 décembre 1818, précédant de deux
- jours l'empereur Alexandre (_Recueil de la Société impériale
- d'histoire de Russie_, t. LXII, p. 369.--_Moniteur universel_ du
- 23 décembre 1818, no 357, p. 1489).
-
- [233] Ce détail permet de penser que Lady C. est Lady Castlereagh
- qui était toujours entourée de chiens. Mme de Boigne dit qu'elle
- avait un goût très vif pour les bijoux: «Toutefois, il était
- dominé par celui de la campagne, des fleurs, des oiseaux, des
- chiens et des animaux de toute espèce... Parmi tous ses chiens,
- elle possédait un bull-dog. Il se jeta un jour sur un petit
- épagneul qu'il s'apprêtait à étrangler lorsque Lord Castlereagh
- interposa sa médiation. Il fut cruellement mordu à la jambe et
- surtout à la main. Il fallut du secours pour faire lâcher prise
- au bull-dog, qui écumait de colère. Lady Castlereagh survint; son
- premier soin fut de caresser le chien, de le calmer. Les bruits
- de rage ne tardèrent pas à circuler; elle n'eut jamais l'air de
- les avoir entendus. Le bull-dog ne quittait pas la chambre où
- Lord Castlereagh était horriblement souffrant de douleurs qui
- attaquèrent ses nerfs... Ce n'est qu'au bout de quatre mois,
- quand Lord Castlereagh fut complètement guéri, que, d'elle-même,
- elle se débarrassa du chien, que jusque-là elle avait comblé de
- soins et de caresses» (_Mémoires de Mme de Boigne_, t. II, p. 215
- et 217).
-
- [234] BINDER VON KRIEGELSTEIN.--Il y avait trois frères de ce
- nom, tous diplomates: 1º Charles, né le 22 juin 1772, conseiller
- aulique et d'ambassade, mort le 27 avril 1855; 2º François, né le
- 3 octobre 1774, ministre à Dresde, Copenhague (1810), Stuttgart
- (1812), la Haye, Turin, Lisbonne, Berne, mort à Vienne le 8
- janvier 1855; 3º Frédéric, né le 12 novembre 1775, décédé le 17
- mai 1836 (ŒTTINGER, _Moniteur des dates_).
-
- Tous les trois étaient fils du baron Antoine B. von K., mort le 17
- septembre 1791, qui avait été ministre de l'Empereur à la Haye.
-
- En 1818, le baron Frédéric était Conseiller de la Légation
- autrichienne à Paris (_Moniteur universel_ du samedi 28 août 1817,
- no 242, p. 953), et c'est lui qui servait d'intermédiaire pour la
- correspondance de M. de Metternich et de Mme de Lieven (Voir
- Introduction, p. LXXI).
-
- Le 10 novembre, l'un des trois frères était arrivé à Aix
- (_Moniteur universel_ du mercredi 18 novembre 1818, no 322, p.
- 1349).
-
-
- Ce 24.
-
-Mon volume, cette fois, ne sera pas gros. Je compte expédier le
-courrier demain. Tu me pardonneras le manque de volume, vu la
-promptitude de l'arrivée. Ma bonne amie, que ne puis-je arriver
-moi-même! Comme tu me recevrais bien!
-
-Je suis abîmé de fatigue depuis mon arrivée ici. Je n'ai pas eu un
-moment à moi; ton Empereur parti[236], j'espère que j'aurai un peu
-plus de temps à vivre, car ce que je fais tout le long de la journée
-tue. Aussi suis-je tout à bas. Tu sais combien je déteste la Cour et
-tout ce qui y tient: gêne, dîners, soirées, longs et froids corridors,
-salons chauds, maintien guindé, pas une pensée du cœur, pas un mot
-qui ne soit une affaire ou bien une parade. Es-tu étonnée qu'on ne
-lise plus rien sur ma figure? Les seuls bons moments, les seuls où je
-me retrouve sont ceux où je suis avec mes enfants--c'est un quart
-d'heure par jour--et ceux où je puis t'écrire. C'est une bien terrible
-chose qu'une vie qui est tout aux autres, qui à peine vous permet un
-léger retour sur vous-même, qui vous embourbe dans les affaires et
-vous éloigne du bonheur, qui certes n'est pas dans les affaires de ce
-monde.
-
- [235] Probablement le nom d'un chien de Lady Castlereagh.
-
- [236] «Vienne, le 24 décembre.--L'empereur de Russie, après avoir
- passé dix jours ici, est parti hier à 3 heures et demie du matin,
- pour retourner par Brünn, Olmütz, Teschen, dans ses États. Son
- départ a eu lieu incognito comme son arrivée» (_Moniteur
- universel_ du mardi 5 janvier 1819, no 5, p. 17).
-
-Il n'y a eu au reste qu'une seule fête pour notre auguste hôte. La
-mort du grand-duc de Bade[237] nous a rendu ce service. Cette espèce
-de fête s'est composée d'un spectacle à la Cour avec un théâtre dressé
-à la hâte dans une des grandes salles dont nous abondons; ce
-spectacle, entremêlé de chants et de danses, a présenté un coup d'œil
-charmant; il a été suivi d'un souper dans la salle de redoute, décorée
-comme l'on ne sait décorer qu'ici[238]. Le coup d'œil était magique:
-quatre cents convives et plus de deux mille spectateurs, dix mille
-bougies--et pas un être qui satisfasse mon cœur! Ta rivale aux joues
-pleines et roses cependant y était.
-
- [237] Charles-Louis-Frédéric, né à Carlsruhe le 8 juin 1786,
- épousa le 8 avril 1806 Stéphanie-Louise-Adrienne de Beauharnais,
- cousine de l'impératrice Joséphine, devint grand-duc de Bade à la
- mort de son grand-père, Charles-Frédéric, le 11 juin 1811. Le
- Congrès d'Aix-la-Chapelle lui assura l'intégrité de son
- grand-duché, dont une partie du territoire était convoitée par
- l'Autriche et la Bavière. Il mourut le 8 décembre 1818 à Rastatt
- (_Allgemeine Deutsche Biographie_, vol. XV, p. 248.--_Almanach de
- Gotha_, 1819).
-
- [238] «Vienne, 24 décembre--... Ce monarque avait demandé
- expressément qu'on ne fit aucuns préparatifs pour sa réception et
- que son séjour ne fût point marqué par des fêtes. Sa Majesté a
- passé la plus grande partie de son temps dans le cercle de la
- famille impériale; elle a assisté avec quelques-uns des
- principaux membres de cette famille à des soirées données par la
- haute noblesse et où il ne s'est trouvé qu'une société choisie et
- peu nombreuse. La seule fête qui ait eu lieu, et dans laquelle la
- cour ait déployé toute sa magnificence, a été donnée le 19. Il y
- eut grande réunion à la cour, spectacle, bal et souper»
- (_Moniteur universel_ du mardi 5 janvier 1819, no 5, p. 17).
-
-Je vais faire terminer mon portrait. Lawrence lui-même m'a proposé de
-me rendre moins méchant, et je l'y ai autorisé. Si tu veux avoir des
-copies des portraits d'Ouvaroff et de Czernycheff[239], tu es la
-maîtresse de les demander à Lawrence. Il vient de les terminer; je te
-défends toutefois de jamais devenir la maîtresse des originaux.
-
- [239] TCHERNYCHEFF (d'après l'orthographe polonaise: Czernycheff)
- (Alexandre Ivanovitch, comte, puis prince), né le 30 décembre
- 1786, général de cavalerie, aide de camp général de l'empereur de
- Russie, ministre de la guerre (1828), président du conseil de
- l'Empire (1848). Créé comte le 22 août 1826 et prince le 16 avril
- 1841. Mort à Castellamare près Naples le 20 juin 1857.--En 1818,
- Tchernycheff était arrivé à Vienne le 9 décembre, en qualité
- d'adjudant-général de l'Empereur (ERMERIN, _Annuaire de la
- noblesse russe_, 1re année, 1889, p. 291.--_Recueil de la Société
- impériale de Russie_, vol. LXII, p. 422.--ŒTTINGER, _Moniteur
- des Dates_.--_Moniteur universel_ du 23 décembre 1818, no 357, p.
- 1489).
-
-Ma bonne amie, pourquoi faut-il que je te dise des bêtises quand je
-t'écris? C'est qu'elles me passent par la tête et que je te dis tout
-ce qui me passe par elle. Sois contente que mon cœur vaille mieux que
-ma tête; celui-là n'a pas un seul petit coin mouvant.
-
-J'ai ici une grande et véritable affection. Elle porte sur un objet
-charmant qui est bien ma propriété; je le caresse, je fais tout ce que
-je puis pour l'embellir et le soigner. Cet objet est un grand et beau
-jardin, avec un établissement d'été charmant[240]. Eh bien, je ne suis
-pas même parvenu encore à y jeter un seul coup d'œil. J'y ai pourtant
-envoyé, depuis mon absence, pour plusieurs milliers de francs de
-plantes; ma serre est en pleine floraison; vingt singes et perroquets,
-tout frais venus du Brésil, m'y attendent; j'ai fait meubler un salon
-avec les plus beaux objets d'Italie; on vient d'y placer deux
-bas-reliefs de Thorvaldsen classiques[241].
-
- [240] La villa Metternich était située à Vienne dans le district
- de Landstrass, sur la rive droite de la Wien et du canal du
- Danube. Son entrée était sur le Rennweg (aujourd'hui, no 27). Le
- parc a été converti en un quartier neuf. Le prince de Metternich
- habitait le palais de la Chancellerie (Hofburg).
-
- [241] Le prince de Metternich à sa femme, 29 juin 1817
- (Florence): «J'ai acheté deux jolies choses: une charmante copie
- de la Vénus de Canova et un énorme vase d'albâtre d'un bon marché
- ridicule.»--Le prince de Metternich à sa fille Marie. Florence,
- ce 3 juillet 1817: «Je viens de commander à Rome deux bas-reliefs
- de Thorvaldsen. Je les ferai incruster dans les deux panneaux du
- fond du petit salon à la villa, que je mettrai en stuc. Je vous
- réponds qu'on viendra les voir.» (_Mémoires du prince de
- Metternich_, t. III, p. 22 et 34).
-
- THORVALDSEN (Bertel), né à Copenhague le 19 novembre 1770,
- sculpteur célèbre qui passa une grande partie de sa vie en Italie.
- Il mourut dans sa ville natale le 24 mars 1844. Parmi ses œuvres:
- le tombeau de Pie VII à Saint-Pierre de Rome, le monument de
- Gutemberg à Mayence, le Lion de Lucerne (_Biographie générale_
- (Didot), t. XLV, p. 248).
-
-Si, dans tes courses d'été en Angleterre, tu vois quelque belle fleur
-d'une espèce particulière, envoie-m'en ou bien la semence ou bien des
-greffons ou des oignons. N[eumann] saura toujours me les faire
-parvenir. Tu vois que je n'oublie pas que tu veux être ma
-commissionnaire. Bonne à tout, tu dois même pouvoir me choisir des
-oignons de fleurs.
-
-
- Ce 25, minuit.
-
-Ma bonne amie, j'ai tes deux lettres qui n'en font qu'une,
-c'est-à-dire ton no 4. Bonne amie, pourquoi tes lettres sont-elles les
-miennes? Comment m'écris-tu à peu près les mêmes paroles que je t'ai
-envoyées et que tu as l'air d'avoir connues, tandis que ma lettre
-n'était qu'à mi-chemin? Cette identité si parfaite de nos deux êtres
-serait-elle si complète que la même pensée n'a chez nous qu'une même
-expression, qu'une parole, une seule phrase qui parvienne à exprimer
-ce que nous sentons? Que de bonheur il y a dans ce fait pour mon âme
-et pour mon cœur! Le premier de tous ceux que je connais, c'est celui
-d'être compris, bonheur si rare quand vous n'êtes pas en tout point
-comme le reste des hommes. Combien peu j'ai été deviné dans le cours
-de ma vie, combien peu compris! Mon amie, je commence à croire que de
-tout ce qui jamais a été avec moi dans des rapports d'amitié, de
-sentiment, de confiance et même de société, tu es l'être qui saisit le
-mieux ma pensée, qui la prend tout bonnement pour ce qu'elle est, qui
-la commente le moins, qui me croit le plus et qui, par conséquent, se
-trompe le moins. Mon amie, si j'étais près de toi, je t'embrasserais
-pour _la découverte de cette certitude_. Quelle différence il y a dans
-un rapport comme l'est le mien à toi, entre le pressentiment, la
-confiance et le fait.
-
-«Comme je t'aime grandement, petitement, je puis t'écrire des volumes,
-je puis te répéter cent fois dans une page que je t'aime, et j'attache
-du prix à te faire faire des compliments par un indifférent!»
-
-Voilà tes paroles. Tu me demandes si je les comprends. Oui, mon amie,
-parce que l'on comprend toujours ce que l'on éprouve soi-même; comment
-ne comprendrais-je pas ces paroles, moi qui, dans le moment le plus
-heureux, dans celui où tu pourrais regarder comme une insulte même le
-doute le plus léger sur ton amour, j'aurais le besoin de te demander
-si tu m'aimes, de te dire que je n'aime que toi, moi qui ai besoin
-cent fois le jour de le dire et de me l'entendre dire, plus je suis
-éloigné de m'attendre à autre chose qu'à un regard qui me dira plus
-que toutes les paroles dans toutes les langues?
-
-«D'où vient que je suis devenue autre, depuis que je te connais; m'as
-tu faite ou bien est-ce que je portais vraiment en moi le germe de ce
-qui est bon?»
-
-Mon amie, l'on ne devient jamais autre de ce que l'on est; un germe ne
-peut se développer s'il n'existe pas. Rien ne s'est développé en toi,
-si ce n'est le sentiment que tu me portes, ce sentiment, duquel mon
-cœur m'a averti bien avant que le plus léger signe ne l'en avait
-averti, qui est né en nous parce que nous sommes bons, parce que nos
-essences sont faites pour se confondre, que ce rapport invisible qui
-existe entre deux êtres a été en contact bien avant que le tout qui
-est toi et moi ne se soit douté de ce à quoi nous arriverions. Notre
-correspondance, mon amie, sera longue; j'aurai bien le temps de
-t'écrire encore des lettres sérieuses, de te mettre au fait de bien
-des pensées fort réglées et méditées qui m'occupent dans mes moments
-de loisir--les plus doux que je puisse passer loin de toi.
-
-Cet homme _si léger_ qui est devenu ton ami, passe une partie de sa
-vie à s'occuper de toute autre chose que de ses affaires; il a
-beaucoup médité, il s'est fort emparé de beaucoup de questions
-infiniment sérieuses, et a fait d'autres découvertes morales que celle
-de la place que tiennent les Numéros 1 dans les salons, il s'est créé
-des principes qu'une longue expérience et qu'une grande connaissance
-des hommes lui fait admettre aujourd'hui comme des vérités éternelles!
-Mon amie, tu auras l'un de ces jours une dissertation philosophique.
-Pour la comprendre, je te renverrai à ton cœur, et tu la jugeras avec
-ton esprit. Ne t'effraie pas d'aimer un philosophe!
-
-«Aidée de toi, rien ne me sera difficile, j'aurai de l'esprit, je
-deviendrai tout ce que tu voudras.»
-
-Oui, mon amie, tu deviendras tout ce que je voudrai, car tu es ce que
-je veux. Ton esprit est le mien, tout comme ma pensée est la tienne,
-mon affection la tienne, _dann unser Gemüth ist das selbe_[242].
-Conçois-tu une langue qui n'a pas le synonyme de _Gemüth_, de ce
-premier don du Créateur, de ce premier principe de toute vie morale?
-Je jugerais un peuple sur cet oubli d'un seul mot.
-
- [242] Car notre âme est la même.
-
-«Je ne sais pas comment est ton oreille--cher Clément, ne te moque pas
-de moi!»
-
-Que je t'embrasse pour ce mot si enfant et si simple, après tant de
-choses si sérieuses. Pourquoi ne peux-tu pas t'empêcher d'aimer avec
-la petite bêtise, après la grande raison? Bonne amie, ne te moque pas
-de ce que je te dis au bas de la seconde et au haut de la troisième
-feuille de la présente lettre[243].
-
- [243] P. 83: «Ma bonne amie, pourquoi faut-il que je te dise des
- bêtises quand je t'écris, etc.»
-
-Tu vois que je relis bien tes lettres et que je sais les miennes par
-cœur. Il me paraît, mon amie, que nous nous écrirons peu de nouvelles
-dans notre longue correspondance.
-
-
- Ce 26.
-
-L'homme indifférent que tu as chargé de me faire tes compliments a
-dîné chez moi. Comme il ne m'avait rien dit jusqu'à cette heure, je
-lui ai demandé, d'un bout de la table à l'autre, si M. et Mme de
-Lieven étaient encore à Paris le jour de son départ. Il m'a assuré que
-_oui_. J'ai vu que d'Aix-la-Chapelle à Vienne il y a bien loin, car je
-n'ai point aperçu une seule figure qui ait sourcillé lors de mon
-interpellation. La société se composait cependant de beaucoup de
-numéros entre 2 et 5[244]. Ce sont ces numéros-là qui sourcillent le
-plus. Les Numéros 1 qui ont entendu sonner une cloche, ne sourcillent
-pas en pareille occasion, ils se répandent sur le champ en éloges de
-la _contre-épreuve_: éloges qui portent toujours sur la toilette, la
-figure et l'élégance. Les plus sots nous préviennent qu'ils ont passé
-leur vie dans la société de Monsieur et Madame. Les gros mangeurs
-ajoutent qu'on fait très bonne chère dans leur maison et les uns et
-les autres sont convaincus qu'ils _portent coup_.
-
- [244] Voir p. 12, note 1.
-
-
- Ce 27.
-
-J'ai été interrompu hier par l'arrivée de notre ami Stewart. Il est
-venu se placer à côté de mon bureau, la goutte à l'œil, le mouchoir à
-la main, et le chapeau sur la tête.
-
---«A qui écrivez vous?»
-
---«A Marie.»
-
-Et j'ai enfermé ma lettre.
-
---«_C'est un bon jeune personne que j'aime beaucoup; saluez-le de ma
-part._»
-
-Eh bien, mon amie, je t'envoie du Stewart qui, je suppose, ne fera pas
-le tien.
-
-Tu ne peux t'imaginer tout ce que j'ai eu de travail dans les derniers
-quatre jours. La vie d'un ministre est une vie affreuse. Elle vaut la
-mort d'un homme qui a le bonheur de ne pas être chargé de cette
-terrible besogne. Il existe une seule classe d'individus faite pour ce
-métier. C'est celle qui, avec une grande force de tête, n'a aucun
-besoin du cœur. Je ne suis pas de ces hommes-là. Le monde me croit
-bon ministre, tandis que je ne vaux rien pour le métier que je fais.
-Mais comme tout mal peut réagir de différentes manières sur tout
-objet, l'État ne souffre pas de mon incapacité effective, mais bien ce
-moi qui se compose d'un corps, d'une âme et surtout d'un cœur. Je
-fais bien, à la vérité, la part à mes devoirs et à mes affections. Mon
-corps et mon esprit sont à Vienne, tandis que mon cœur est au delà
-des mers; mais cet arrangement, qui n'est ni facile ni confortable ni
-utile, fait de moi un _ministre suicidé_. Pauvre amie, pourquoi
-m'aimes-tu?
-
-Pfeffel[245] a passé une huitaine de jours ici. J'aime cet homme,
-parce que il est ministre de Bavière à Londres. La raison n'est pas
-bien diplomatique, mais elle renferme une logique du cœur que je
-préfère tout juste autant à toute autre que j'aime mieux mon cœur que
-ma tête. Je lui ai parlé de toi: il t'a louée beaucoup et par la plus
-singulière des expressions:
-
---«La comtesse L...? Oh! elle est la _mère du corps diplomatique_!»
-
- [245] PFEFFEL VON KRIEGELSTEIN (Christian-Hubert, baron de), né à
- Strasbourg le 4 avril 1765. Ministre de Bavière à Dresde, puis à
- Londres (1814), à Francfort (1824) et enfin à Paris, où il mourut
- le 12 décembre 1834 (_Allgemeine Deutsche Biographie_, t. XXV, p.
- 614.--ŒTTINGER, _Moniteur des dates_.--_Moniteur universel_ du
- lundi 9 février 1835, no 40, p. 280).--«Vienne, 16 décembre
- (1818). M. de Pfeffel, ministre plénipotentiaire de Bavière à la
- cour de Londres et M. le baron de Cetto, sont arrivés ici avant
- hier de Munich. On les croit chargés d'une mission de leur cour
- relativement aux bases posées dans les conférences
- d'Aix-la-Chapelle pour les arrangements avec la cour de Bade.»
- (_Moniteur universel_ du samedi 2 janvier 1819, no 2, p. 5).
-
-Il se trouve donc que moi, qui déteste la diplomatie et les
-diplomates, j'aime la mère de tout un corps de cette gent? La vie se
-compose de tant de bizarreries, que le titre même que te donne l'un de
-tes enfants n'a plus le droit de m'étonner. Le sentiment qui te
-l'accorde est si bien que je pardonne le titre en faveur du motif.
-
-Il sera dit que je ne pourrai plus m'empêcher d'aimer un ministre
-étranger à Londres! Eh! grands Dieux! il va t'arriver un fils du fond
-de la Perse[246]! Comme je vais le voir tout à l'heure (car il est
-embourbé en ce moment dans le fond de la Hongrie), je te promets que
-je me placerai bien vis-à-vis de lui. Je me conduirai en bon père.
-
- [246] Il s'agit d'un ambassadeur extraordinaire envoyé par le
- chah de Perse auprès des cours européennes. Il sera parlé plus
- tard longuement de lui. Cet ambassadeur était parti le 21
- novembre de Constantinople pour Vienne.
-
-Mon amie, cette lettre sera la première qui t'arrivera de moi après le
-renouvellement de l'année! Il y a peu de semaines que je n'aurais eu
-le droit de t'offrir que de bien froids et stériles hommages.
-Aujourd'hui, je te permets d'arranger toi-même la somme des vœux que
-je forme pour toi, mon amie pour la vie! Si l'année 19 me conduit près
-de toi, je serai l'homme le plus heureux du monde, elle aura été la
-plus belle de ma vie! Si elle ne m'y mène pas, elle sera également
-bonne, car elle précède immédiatement l'année 20. Nous pouvons mourir
-avant le terme bienheureux de notre réunion, mais c'est aussi la mort
-seule qui pourrait m'empêcher de te voir. Il y a bien plus de force et
-de vérité dans cette thèse que dans la mauvaise phrase de W.[247].
-
- [247] Probablement Wellington, voir p. 70.
-
-Je te quitte pour lui écrire et pour expédier mon courrier. S'il
-devait te dire que je suis devenu fou, dis-toi qu'apparemment j'aurais
-mis dans sa lettre quelque phrase qui aurait dû se trouver dans la
-tienne.
-
-Adieu, ma bonne D[orothée]; que le ciel te protège comme tu mérites de
-l'être! Je ne te dis pas de penser à moi--car je sais que tu le
-fais,--mais je ne puis m'empêcher de te supplier de m'aimer, quoique
-je sache bien autant que c'est une demande pour le moins inutile.
-
-J'ai enfermé ma dernière lettre dans une gaîne; si tu m'écris par une
-occasion de courrier autre que l'un des miens, sers-toi du même moyen
-pour m'envoyer tes lettres. Dis à N[eumann] que, dans ce cas, il
-m'écrive toujours dans une de ses lettres qu'il m'envoie quelque
-emplette que je lui aurais commandée.
-
-Adieu, je ne puis me séparer de toi, et il faut pourtant que je le
-fasse. Crois-tu que je t'aime?
-
-
-
-
-No 9.
-
-
- Vienne, ce 28 décembre 1818.
-
-Mon no 8, mon amie, est parti hier. J'en commence un autre qui partira
-jeudi. Je ne sais plus me passer d'une lettre commencée, j'ai besoin
-de savoir qu'il en existe une dans mon bureau, je m'y attache à mesure
-qu'elle avance comme à un être vivant, je finis par éprouver un
-sentiment quasi de regret au moment où je la finis. C'est que les
-paroles aussi ont une vie: des paroles qui te sont adressées, qui vont
-t'arriver, que tu dois lire et comprendre, je dirais même que tu dois
-sentir, si je trouvais le mot propre à exprimer ma pensée. Certes, mon
-amie, tu les sens, tu y attacheras toute la valeur que je puis y
-attacher moi-même; mon cœur ne saurait plus rien éprouver qui ne soit
-compris et partagé par toi; j'en ai la certitude et tout le bonheur
-attaché à cette certitude.
-
-Tu auras été bien longtemps sans recevoir de mes lettres. Ton séjour
-prolongé à Paris n'en est pas cause; il n'a rien pu changer à ma
-correspondance car je l'avais réglée sur ton plan primitif, et j'ai
-été ici plusieurs jours avant d'avoir pu expédier un courrier.
-
-Tu me dis dans ta dernière lettre que tu crois que tu ne saurais
-m'aimer sans cette correspondance, et tu te repens du mot que tu as
-dit bien malgré ton cœur. Mais, mon amie, tu n'as pas à attendre le
-désaveu de ton esprit; le fait est vrai, malheureusement trop vrai: il
-est placé, comme toutes les lois de la nature, hors des facultés
-humaines, et celles du cœur sont de toutes, sans contredit, les plus
-fortes! La pensée, la plus fervente des pensées, a besoin d'être
-nourrie pour ne pas se flétrir par la terrible action du temps. Ôte la
-présence et l'espérance, bientôt il ne restera plus que le souvenir,
-et qu'il est faible en comparaison de toute réalité! C'est ainsi que
-s'efface la perte d'un être chéri: rien n'est oublié vite comme un ami
-mort! C'est qu'il n'est plus, que le présent et l'avenir ont disparu
-avec lui, qu'une même tombe englobe tout, hors le souvenir, cette
-puissance qui seule survit à la destruction.
-
-Mais, mon amie, quelle différence entre la feuille fanée et la fleur
-du printemps! Sois certaine que si tu ne m'écrivais pas, je dis plus,
-que si tu ne faisais pas entrer dans le plan de ta journée le quart
-d'heure que tu me voues, le souvenir se réduirait à peu de chose en
-bien peu de temps.
-
-Il faut plus que de l'habitude, il faut du culte au souvenir pour en
-faire la vie; et n'avons-nous pas plus que lui l'espérance, la
-certitude de nous retrouver? Ce moment peut-il être trop attendu, trop
-désiré? Ce moment ne ressemblera-t-il pas à celui de la résurrection
-après une longue mort? Mon amie, ne mourons pas. Nos lettres nous
-serviront de moyen et de remède à supporter ce qui n'est qu'un temps
-d'épreuve.
-
-
- Ce 29.
-
-J'ai été ce matin pour la première fois dans mon jardin. Il est dans
-l'état de mon âme. Nous n'avons que peu de neige, notre hiver n'est
-encore que tiède, mais le jour le plus court de l'année est passé,
-tout ira de mieux en mieux.
-
-Le soir, j'étais comme de coutume chez l'Empereur. Je passe
-ordinairement avec lui deux heures pour le moins; nous travaillons et
-nous causons. Après un long et sérieux entretien sur tout ce qu'il
-trouve ici d'affaires arriérées, en train ou ébauchées, il me dit tout
-à coup:
-
---«Mais savez-vous bien que nous resterons bien peu de temps ici pour
-tant de besogne?»
-
-Je lui ai dit de bien bon cœur:
-
---«Oui, Sire!»
-
---«Je ne pourrai peut-être pas faire tout cela?»
-
---«Je le crois!»
-
---«Je crois que j'eusse mieux fait de remettre mon voyage à l'année
-20.»
-
---«Oh! oui, Sire!»
-
---«Je verrai ce qu'il y aura à faire.»
-
---«Le plus simple! c'est de rester.»
-
---«Je crois cependant qu'en travaillant beaucoup, nous ne finirions
-pas mal de besogne.»
-
---«Mais pas toute.»
-
---«Vous croyez donc que je ferai mieux de rester?»
-
---«Certes!»
-
-Nous en sommes restés là. Et sais-tu, mon amie, ce qui arrivera? Nous
-partirons. C'est ainsi que je fais faire tout ce que je veux. Crois,
-après cela, à W.[248]. Si le scrupule pouvait augmenter, faute de
-banqueroute! Ma bonne amie, ne crois pas que je le tuerai!
-
- [248] Probablement Wellington, voir p. 70 et 90.
-
-J'ai passé une bien mauvaise nuit. Une de ces nuits comme il m'arrive
-quelquefois d'en passer. Je me couche et je ne m'endors qu'à 5 ou 6
-heures du matin. J'avais la tête remplie d'affaires, de la besogne à
-terminer coûte que coûte le lendemain et le cœur plein de toi. Dans
-ces cas-là, mon cœur finit toujours par l'emporter sur mon esprit.
-C'est lui seul qui s'empare du terrain, il finit par penser seul.
-
-Sais-tu ce qui m'a occupé le plus? Cette soirée où tu me dis si bien:
-«Mon ami, veux-tu que j'aie à me plaindre de toi?»
-
-Combien je me sais gré aujourd'hui de ce mouvement, de ce retour sur
-moi-même, sur toi, sur notre situation, qui, sur-le-champ, m'a rendu à
-moi-même!
-
-Mon amie, sais-moi bon gré de ce moment, remercie-toi toi-même du mot
-que tu m'as dit. J'aime mieux aujourd'hui le bonheur que je n'ai pas
-eu que ce bonheur lui-même; tout est si bien dans ce fait, tout en toi
-et en moi a été si fort l'élan du cœur, que je t'en aimerais mieux,
-si j'avais besoin de quelque impulsion plus particulière pour t'aimer.
-Je serais fâché aujourd'hui de nous trouver sur la ligne d'à peu près
-tout ce qui s'aime. Je crois que j'aurais un peu moins de mérites à
-tes yeux, moi qui veux les accaparer tous. Mon amie, il te reste
-encore beaucoup de bien à me faire; je te remercie de ne m'avoir pas
-tout donné. Je ne sais pourquoi j'aime mieux être pauvre que riche
-auprès de toi; c'est que je crois que les riches aiment mieux les
-pauvres que les pauvres n'aiment les riches. Sûr de moi, je veux
-également être sûr de toi: je ne puis jamais l'être trop!
-
-Capo d'Istria est toujours ici. Il ne partira que la semaine
-prochaine. Il ne m'a jamais beaucoup aimé, et le fait est naturel, car
-il est tout et toujours en idée ce que je suis tout bonnement en
-réalité. Il n'y a guère d'autre différence, car il a de l'esprit et il
-est bonhomme. Depuis qu'il est ici, il m'aime davantage. Il a dit hier
-à Lebzeltern[249]: «C'est singulier, je _trouve_ M. tout autre que je
-n'ai cru.» Lebz[eltern] lui a répondu comme je lui eusse répondu
-moi-même: c'est que vous croyez toujours au lieu de chercher.
-
- [249] LEBZELTERN (Louis, comte de), né le 20 octobre 1774 à
- Lisbonne, où son père était ambassadeur d'Autriche, et où il
- commença sa carrière diplomatique. Il fut ensuite secrétaire
- d'ambassade à Rome et plus tard ambassadeur à Saint-Pétersbourg.
- Il dut quitter ce poste à la suite de la disgrâce de son
- beau-frère, le prince Troubetzkoï, qui avait pris part à la
- conspiration ourdie à l'avènement de Nicolas Ier. Il fut envoyé
- alors comme ambassadeur à Naples. Élevé au rang de comte en 1823,
- il mourut le 18 janvier 1854 (WURZBACH, _Biographisches Lexikon
- des Kaiserthums Œsterreich_, t. XIV, p. 280).
-
-Mon amie, ce n'est certes pas la voie du _vrai_ que suit Capo. Il me
-paraît que nous nous sommes trouvés sans nous chercher, par nous
-croire sans nous connaître, et nous ne nous sommes pas trompés. Il n'y
-a point de mérite dans notre fait, et je n'ai pas assez d'amour-propre
-pour m'en fâcher. Je me console tout bonnement au moyen de mon
-bonheur; mon ambition se borne à te voir partager ce sentiment de
-quiétude qui s'est emparé de tout mon être. Tu me fais l'effet d'une
-vérité: mon amour pour toi est tout en réalité; je ne crois jamais
-rien avoir rencontré de simple comme mon amour. Il faut bien que tu
-sois telle que je n'aie pas pu m'empêcher de te trouver et que je
-t'aime comme je t'aime car je n'ai rien fait pour t'aimer. Mon amie,
-sur cent femmes, il y en a quatre-vingt-dix-neuf qui se fâcheraient
-d'une déclaration aussi peu exaltée, aussi peu fleurie et aussi peu
-romanesque. Il est impossible que tu n'aimes pas mieux l'histoire que
-les romans, que tu ne sois pas cette femme qui complète la centaine et
-qui, par conséquent, me sache gré de ces paroles.
-
-
- Ce 31.
-
-Bonne amie, je n'ai pas trouvé un moment, un seul petit moment pour
-t'écrire. J'ai été accablé d'affaires et d'importuns. Je ne mens pas
-si j'ai avalé une vingtaine de Numéros 1 et encore quels Numéros 1!
-
-Je fais partir le courrier pour Paris ce soir. C'est le premier
-courrier hebdomadaire duquel je me sers. Ne sachant pas par quel
-courrier ira ma lettre de Paris à Londres, je l'envoie _masquée_. Tu
-peux être sûre d'en recevoir maintenant une par semaine par Paris, et
-d'autres par toutes les occasions sûres. Stewart va m'en offrir une
-tout à l'heure. Il nous quitte de quelques jours plus tôt--si
-toutefois il ne s'endort pas sur le fait--qu'il n'avait voulu, pour
-éviter certaine duchesse qu'il ne veut pas rencontrer et qui va nous
-arriver[250]. Il est furieux contre elle, car il y a des nouvelles qui
-portent qu'elle aurait eu une liaison avec Paul[251], qui
-effectivement a couru en même temps qu'elle de Florence à Rome et
-Naples, et de Naples à Rome, Florence et je ne sais où. Paul est allé
-rejoindre sa femme à Ratisbonne. De là il viendra ici. Je l'y
-retiendrai trois ou quatre jours, et je vous l'envoie après l'avoir
-bien grondé d'avoir fait le voyage qu'il vient de faire. C'est un bon
-enfant, mais qui va toujours sans savoir pourquoi ni comment.
-
- [250] La duchesse de Sagan.--Voir lettre du 5 janvier 1819.
-
- [251] ESTERHAZY DE GALANTHA (Paul-Antoine, prince), né le 10 mars
- 1786, fils aîné du prince Nicolas et de la princesse Marie de
- Liechtenstein. Secrétaire de légation à Londres (10 mai 1806),
- puis à Paris pendant l'ambassade du prince de Metternich.
- Ministre d'Autriche à Dresde (1810-novembre 1813). Ambassadeur
- d'Autriche à Londres (28 août 1815), il jouit dans ce poste de la
- pleine confiance de George IV. Il resta à Londres jusqu'en 1842.
- Ministre dans le premier ministère hongrois (1848), il donna sa
- démission au mois d'août de la même année. En 1856, il fut envoyé
- à Moscou comme ambassadeur extraordinaire pour assister au
- couronnement de l'Empereur. Criblé de dettes, bien qu'il fût le
- chef de la famille la plus riche en propriétés foncières de
- l'Autriche, devant plus de 24 millions, il fut déclaré insolvable
- et mourut à Ratisbonne le 21 mai 1866.
-
- Il avait épousé, le 18 juin 1812, Marie-Thérèse, princesse de
- Thurn et Taxis, née le 6 juillet 1794, morte en 1876, nièce de la
- reine Louise de Prusse et de la reine Frédérique de Hanovre. Ce
- mariage le faisait allié de la famille royale d'Angleterre
- (_Allgemeine Deutsche Biographie_, t. VI, p. 388.--WURZBACH,
- _Biographisches Lexikon des Kaiserthums Œsterreich_, t. IV, p.105
- (beaucoup de dates fausses).--ŒTTINGER, _Moniteur des
- dates_.--STROBL VON RAVELSBERG, _Metternich und seine Zeit_, p.
- 166 et 200).
-
-Prends-le un peu sous ta férule, mon amie, et prouve-lui qu'il faut
-savoir ce que l'on fait pour faire bien. Voilà une commission toute
-naturelle pour la mère du corps diplomatique. Tu vois que je t'emploie
-à tout; c'est que tu es bonne à toute chose.
-
-L'année va finir, cette année qui m'a laissé dans une carrière que je
-croyais ne plus courir, que même j'étais décidé à éviter, à fuir comme
-on fuit la peine. Pauvre amie, nous y voilà! La peine même s'y trouve.
-Et pourquoi a-t-il fallu que j'aime aujourd'hui peine, chagrins,
-privations comme ma vie, plus que ma vie! L'espérance est là, il ne
-faut qu'elle pour soutenir l'âme et la rendre plus forte que
-l'adversité.
-
-Mon amie, je finis l'année en pensant et en m'occupant de toi. Il va
-sonner minuit, je suis sûr que tu ne laisses pas passer cette heure
-sans penser à ton ami. J'ai été passer deux heures à un bal. Je l'ai
-quitté pour être avec toi, c'est un sacrifice que j'ai fait et auquel
-j'ai été assez heureux pour ne pas être forcé. C'en est un de moins
-dans ma vie.
-
-L'heure, mon amie, sonne et nous voilà amis _de l'an dernier_; il me
-paraît que nous serons ceux de l'année qui commence, de toutes celles
-qui suivront. Je suis décidé à ne pas te quitter; si tu me chasses,
-encore ne te quitterais-je pas. Après tout, ne me renvoie pas: les
-années se suivent et les amis ne se ressemblent pas. Tu n'en trouveras
-plus jamais un aussi _tien_ que celui que tu as trouvé, entre
-Aix-la-Chapelle et Spa, l'année du Congrès, 1818. Si 1819 n'était pas
-plus près de toi que 1818, je n'aimerais pas l'heure actuelle. Je
-déteste le passage d'une année à l'autre. Je suis si enclin à préférer
-ce que je connais à ce que je dois apprendre à connaître, que je porte
-mes affections même aux quatre chiffres que j'ai été habitué à écrire.
-
-Pourquoi me parais-tu une amie ancienne, une amie de toujours?
-Pourquoi n'y a-t-il rien dans notre si courte liaison qui me frappe,
-qui me paraisse connu, éprouvé, senti? Tu es, au bout de deux mois,
-pour moi, une habitude forte comme la vie; je t'aime comme je respire
-et je te trouve dans mon cœur comme si tu étais née avec lui! Je
-t'expliquerai cela un jour au moyen d'une belle thèse de _ma_
-philosophie, qui n'est pas celle de tout le monde, mais qui mériterait
-de l'être. Elle n'arrivera cependant jamais à pareil honneur, car elle
-est simple et vraie, ce qui pis est.
-
-Adieu, mon amie. Je ne te prie pas de ne pas m'oublier en 1819, je
-t'en conjure; avec un peu plus d'audace que je n'en possède, je t'en
-défierais même.
-
-
- Ce 2 janvier 1819.
-
-Schœnfeld[252] est arrivé ici hier. C'est te dire que je suis en
-possession de ton no 6. Le no 5 me parviendra probablement par le
-courrier hebdomadaire, qui arrive toujours plus tard que les courriers
-extraordinaires, vu les détours qu'il fait pour ramasser les
-correspondances de nos missions en Allemagne.
-
- [252] SCHŒNFELD (Louis, comte de), chambellan de l'empereur
- d'Autriche, accompagna ce souverain au Congrès d'Aix-la-Chapelle,
- à la suite duquel il alla à Paris (_Mémoires du prince de
- Metternich_, t. III, p. 155).--Il mourut le 19 août 1826.
-
-Mon amie, je te remercie de tout ce que renferme ton no 6, et de même
-pour tout ce que tu m'auras dit dans le précédent. Tu vois que je
-prends tes paroles en confiance, avant même de les connaître.
-
-Mes lettres te conviennent; j'en étais sûr, car mes lettres sont moi.
-Dans un rapport comme le nôtre, où la meilleure partie de nos êtres
-est seule en contact, des lettres sont beaucoup; elles sont peut-être
-infiniment plus.
-
-C'est mon âme qui t'a choisie, ce ne sont pas mes yeux; c'est mon
-cœur qui t'aime, ce n'est pas la matière. Tout ce que j'ai de
-meilleur dans mon essence, le seul élément que j'aime en moi
-t'appartient. C'est lui que tu retrouves dans mes lettres. Il ne peut
-plus rien exister dans mon être moral que tu ne connaisses; si tu
-pouvais encore chercher autre chose ou plus, tu te tromperais: rien
-n'est autre en moi que tu ne le voies, rien, absolument rien.
-
-
- Ce 3.
-
-Le courrier militaire vient d'arriver; il m'a apporté ton no 5 avec
-son supplément. Aucune de tes lettres ne me manque donc. Tu me
-manques. Tu sais donc tout ce que je n'ai pas et ce tout est ce qui
-constitue mon bonheur.
-
-Mon amie, je n'aime pas tes petites souffrances; les femmes sont
-organisées de manière à pouvoir, peut-être même à devoir souffrir
-souvent, sans que leur existence soit minée par de petits maux. Mais
-tu es délicate, tu es maigre, il te faut du ménagement et de grands
-soins. Voue-les à ton existence tout entière; elle m'appartient. Tu me
-dois de te conserver, de te ménager, de te soumettre à tout régime que
-peut exiger ton état. Ma bonne amie, que ferais-je dans ce monde sans
-toi?
-
-Je n'ai fait que lire tes lettres, vite et comme on lit tout ce qu'on
-voudrait savoir et ce qu'on est peiné de finir. Mon amie, tes lettres
-sont parfaites, je ne te dis pas charmantes, car, entre toi et moi,
-cette épithète ne trouve plus à se placer. Elles sont parfaites, parce
-qu'elles peignent de la manière la plus simple et, par conséquent, la
-plus éloquente, l'état de ton âme, de cette âme si bonne et si forte,
-si confiante et si délicate. Ôtes-en une seule nuance et je t'aimerais
-moins; ajoutes-y et je ne t'en aimerais pas plus. Es-tu satisfaite de
-cet aveu?
-
-Tu ne veux pas que je te permette d'être infidèle et tu as raison.
-Mais crois-tu que je puisse vouloir te le permettre? Non, certes, mon
-amie. Je ne te l'ai jamais permis; je ne te le permets pas; j'en
-serais au désespoir, et je ne vois pas même le désespoir qui pourrait
-m'empêcher de t'aimer. Je pleurerais de peine et de désespoir--et je
-t'aimerais; je voudrais ne pas vivre--et je t'aimerais. Tu aimerais un
-autre que moi? Eh bien, mon amie, je continuerais à aimer l'être qui
-m'a aimé et que j'aurais perdu, je n'en voudrais pas à cet être, car
-je croirais qu'il a _mieux_ trouvé que moi; je me retirerais de tout
-commerce--et je t'aimerais peut-être malgré moi--car ma peine, mes
-regrets, mon désespoir même ne seront que de l'amour.
-
-Es-tu assez forte pour concevoir que, dans cette manière de sentir, il
-y a plus d'amour que dans toute autre? Trouves-tu qu'il y a de la
-prudence à s'expliquer ainsi que je le fais? Si tu as de la peine à
-résoudre cette dernière question, je vais te mettre à l'aise. De la
-prudence? Il n'y en a pas; mais je ne puis plus être prudent vis-à-vis
-de toi. Tout ce que je possède de cette vertu doit être usé en
-prudence à _ton profit_. Mon amie, t'ai-je trompée quand je t'ai dit
-que j'avais la conviction de savoir aimer plus que personne, d'être
-capable d'un abandon bien autre que celui que l'on rencontre dans des
-amis et dans des amants pris dans la foule? Me vois-tu aujourd'hui tel
-que je suis? Le monde, enfin, mon amie, me juge-t-il bien?
-
-Rien en moi n'est douteux pour mes amis. C'est pour cela que j'en ai
-peu à la vérité, mais il n'est point dans la nature des choses d'en
-avoir beaucoup. Quelques amis bien sûrs, bien dévoués, comptant sur
-moi comme sur eux-mêmes, _une amie_, voilà ma fortune; un intérieur
-doux et tranquille, une femme excellente, mère de bons enfants
-qu'elle élève bien, voilà ma vie tout entière.
-
-Je trouve dans ta lettre un mot bien naturel et qui doit venir à toute
-femme. Vous croyez toujours le cœur des hommes d'une trempe
-différente du vôtre, et les femmes supposent constamment que les
-hommes peuvent se passer bien plus facilement d'amour qu'elles, vu la
-distraction que leur causent les affaires.
-
-La thèse n'est pas correcte. Il s'agit avant tout de distinguer deux
-éléments qui se confondent dans cette sensation que l'on est convenu
-d'appeler amour. La partie physique est bien plus forte et par
-conséquent bien plus prononcée dans les hommes que dans les femmes. La
-fleur du sentiment est plus délicate, plus fine, plus active dans les
-femmes. Le sentiment de l'amour, cette base première de tous les
-sentiments nobles et généreux, est également partagé par les deux
-sexes, le fait est le même, mais les nuances diffèrent. Crois-tu, mon
-amie, que tu m'aimes plus que je t'aime? Tu te trompes.
-
-Les affaires empêchent qu'on ne se livre à vingt occasions; elles
-empêchent les bonnes fortunes, mais pas l'amour. J'aime plus que je
-n'aimerais si j'étais fainéant; la pensée de mon amie ne m'abandonne
-pas au milieu de l'affaire la plus forte; elle ne me distrait pas de
-mon devoir, elle en renforce au contraire le sentiment. Elle ne mollit
-pas mon action, elle la renforce. L'amour est pour moi une conscience;
-or, jamais la conscience n'a-t-elle manqué d'être le premier de tous
-les éléments de force et de volonté?
-
-Ce que je te dis ici n'est toutefois pas applicable à tous les hommes,
-mais ces hommes-là sont faibles et une âme faible n'est pas
-susceptible d'un fort élan. Elle succombe avant d'être arrivée au but.
-
-Sais-tu où est la véritable différence entre les deux sexes? L'amour
-est la vie de la femme, elle n'est qu'une partie de celle d'un homme;
-la force du sentiment peut être la même, bien qu'il ne porte que sur
-une partie de la vie. Crois-tu qu'il soit un moment dans la journée où
-je ne cause avec toi, où je ne sente le bonheur de t'avoir trouvée, où
-je ne souffre de tant d'éloignement et d'entraves qui existent entre
-mon bonheur et le tien?
-
-Console-toi du carnaval de Vienne. Il n'en est pas pour moi. Veux-tu
-savoir mon train de vie? Le voici pour toute l'année.
-
-Je me lève entre 8 et 9 heures. Je m'habille et je vais déjeuner chez
-Mme de M... J'y trouve mes enfants réunis et je reste avec eux jusqu'à
-10 heures. Je rentre dans mon cabinet et je travaille ou je donne des
-audiences jusqu'à une heure. S'il fait beau, je sors à cheval. Je
-rentre à 2 heures et demie. Je travaille jusqu'à 4 heures et demie. Je
-passe dans mon salon; j'y trouve journellement huit, dix à douze
-personnes qui viennent dîner chez moi. Je rentre dans mon cabinet à 6
-heures et demie. Je vais à peu près tous les jours à 7 heures chez
-l'Empereur. J'y reste plus ou moins longtemps, et je me remets à
-travailler jusqu'à 10 heures et demie ou 11 heures, ou je passe dans
-mon salon, où se rassemble qui veut de la société ou d'étrangers. Je
-passe ordinairement une heure à causer avec _tes enfants de Vienne_.
-Je dis un mot aux femmes et je me couche à une heure.
-
-Le carnaval, le carême, l'hiver, l'été, je ne change rien à ma vie.
-S'il y a un bal auquel je ne puis échapper, j'y vais passer une heure
-ou deux, entre 11 heures et 1 heure.
-
-Tu peux être sûre que tu me trouveras toujours à un endroit fixe à
-telle heure de la journée que tu penseras à moi.
-
-J'ignore si tu es bonne astronome, je me permets même d'en douter. Eh
-bien, sache qu'il y a entre Vienne et Londres à peu près une heure de
-différence, c'est-à-dire que, quand il est 11 heures à Londres, il est
-midi à Vienne, et ainsi du reste. Tu vois que je ne veux pas que tu te
-trompes même sur l'heure.
-
-Je te remercie d'aimer un peu Marie[253]. Je t'ai dit qu'elle était
-moi et le fait est tel, sous tous les rapports essentiels. La marche
-de son esprit est entièrement conforme à celle du mien. Elle a la
-plupart de mes idées et surtout la même manière de les exprimer! Je te
-réponds que notre correspondance a l'air d'un recueil de lettres
-placées sous différents noms, mais écrites par le même auteur. Si
-jamais il m'en arrive une de ce genre, je te l'enverrai. Tu riras, car
-toute ressemblance fait rire; elles ont cela de commun avec les chutes
-dans les salons.
-
- [253] La comtesse Joseph Esterhazy, fille aînée du prince de
- Metternich.
-
-Je trouve, dans ton no 5, que l'idée de m'ennuyer te fait l'effet de
-l'eau froide. Demande-moi pardon du mot que je ne te pardonne pas,
-même vu l'effet que la pensée produit sur toi. Toi m'ennuyer, mon
-amie! toi, aujourd'hui mon seul bonheur, avec tes lettres, la seule
-ressource dans l'absence? Crois-tu que l'idée m'en vienne à moi, qui
-t'écris des volumes? _Je prends sur moi de t'assurer en toute
-conscience que je ne t'ennuie pas._ Vois un peu la différence qu'il y
-a entre nous deux. Or il ne faut pas qu'il y en ait aucune, d'aucun
-genre, pas la plus légère.
-
-Je veux que tu aies même mes défauts, et commence par prendre mon
-_immense présomption_. De moi à toi, tout est certitude; il faut que
-de toi à moi, tout soit confiance, si tu ne m'aimes pas assez pour
-remplacer la confiance par la certitude. Je me crois plus fort que
-toi, mon amie, car je suis pétri de foi, tandis que tu n'en es qu'à
-l'espérance, et tu veux me faire croire que tu m'aimes plus que je ne
-t'aime? La seule prétention que je ne te permets pas, c'est celle-là.
-
-Mon amie, commences-tu à comprendre pourquoi je ne puis me contenter
-d'une liaison avec une _petite femme_? Ne vois-tu pas où l'entreprise
-doit essentiellement trouver sa fin? Sais-tu quand je puis être
-heureux et quand je ne saurais l'être? Crois-tu qu'il me suffise de
-posséder une jolie petite mine, de dominer un gentil petit être, tout
-frais, tout doux et tout vide de sens?
-
-Crois-tu que j'aime pour la seule partie matérielle, et que je
-subordonnerais, à la forme de deux yeux placés à la naissance d'un
-joli nez, une seule nuance de cet esprit du cœur qui seul parvient à
-me fixer? Si tu le crois, tu ne me connais pas; si tu le crains, tu ne
-me connais pas encore; si tu ne crois rien du tout, tu ne m'aimes pas.
-
-
- Ce 4.
-
-Je finis ma lettre pour te l'envoyer par Stewart; elle t'arrivera
-intacte, car je sais ce qu'il faut pour cela. J'espère que tu ne te
-plaindras pas de recevoir trop peu de lettres. Tu en as joliment pour
-un commencement de liaison. Aussi, de tous les faits, celui que je
-sens le moins, c'est celui d'un commencement quelconque entre nous. Tu
-es pour moi tout ce que je connais le plus, tu me parais une habitude,
-rien n'est neuf en moi quand je pense à toi. La foi déplace les
-montagnes et l'amour détruit même les espaces.
-
-Notre correspondance, mon amie, aura pour nous l'avantage de nous
-faire retrouver anciens amis. Je n'aurai plus rien à te dire sur le
-passé, et j'aurai le temps de m'occuper en entier du bonheur du
-moment.
-
-St[ewart] part parce qu'il doit être à Londres pour l'ouverture de la
-Chambre, qu'il espère être la fin de son procès[254]. Je le désire
-beaucoup pour lui, parce que je l'aime comme un homme très sûr et qui
-me connaît. Il lui en est un peu allé comme à toi: il a commencé par
-me détester. Il me paraît que mes succès commencent toujours par des
-défaites.
-
- [254] «Vienne, 6 janvier.--Lord Stewart, ambassadeur
- d'Angleterre, est parti pour Londres, où il veut assister aux
- débats du procès qui s'est élevé relativement à son mariage avec
- miss Vane-Tempest. On ne doute pas que le jugement ne soit
- favorable à Son Excellence, qui reviendra aussitôt à son poste.»
- (_Moniteur universel_ du lundi 18 janvier 1819, no 18, p. 69).
-
- Ch. Stewart avait rencontré en Angleterre, l'été précédent,
- Frances-Anne Vane-Tempest, alors âgée de dix-neuf ans, qui était
- non seulement l'une des plus riches héritières, mais aussi l'une
- des plus jolies jeunes filles de la société de Londres. Elle était
- encore à ce moment pupille de la Cour de Chancellerie (_a ward in
- Chancery_). Comme Ch. Stewart n'avait qu'une fortune de cadet et
- les appointements de ses fonctions d'ambassadeur, la tutrice
- donnée à miss Vane par la Cour de Chancellerie s'opposa d'abord au
- mariage. La question dut être tranchée par la Chambre des Lords
- (Sir Archibald ALISON, _Lives of Lord Castlereagh and Sir Charles
- Stewart_, t. III, p. 213).
-
-Adieu, ma bonne amie. Je t'envoie un soufre d'un intaglio[255] que
-Pichler a fait de moi[256]. Le portrait est bien plus jeune que je ne
-le suis; il y a six ans qu'il l'a fait, et j'ai vieilli de vingt ans
-depuis la Sainte Alliance. Si le portrait de Lawrence réussit
-complètement, je t'enverrai une petite copie _bien cachée_. Envoie-moi
-l'épaisseur de ton bras. Je veux te faire faire un bracelet bien joli,
-que tu porteras en honneur de l'année 1818. Je l'aime, cette pauvre
-année. J'en aime même la connaissance, que j'ai eu le bonheur d'y
-faire, du commandant de Spa. J'en aime le souvenir, car ce souvenir
-est devenu ma vie. Bonne amie, ne va pas croire que je te parle ici de
-Ficquelmont[257]. La phrase prête à l'équivoque, mais mon cœur la
-rectifie.
-
- [255] Intaille, pierre dure gravée en creux.--Soufre, moulage en
- soufre.
-
- [256] PICHLER (Luigi), graveur sur pierres et médailles, né à
- Rome en 1773, originaire du Tyrol, étudia à Rome et s'y établit.
- En 1808, il vint à Vienne et fut présenté à l'empereur François.
- En 1818, Metternich l'y appela de nouveau comme professeur à
- l'Académie, avec mission de reproduire en spath-fluor les plus
- belles gemmes du cabinet impérial. Il mourut à Rome le 13 mars
- 1854 (_Allgemeine Deutsche Biographie_, t. XXVI, p. 105).
-
- [257] Voir p. 35.
-
-Adieu. Use comme moi de tes moments de loisir. Ce sont les seuls que
-j'aie maintenant. Il est impossible qu'il n'y ait pas assez
-d'occasions de courrier de Londres à Paris desquels puisse profiter
-N[eumann]. Adieu.
-
-
-
-
-No 11.
-
-
- Ce 5 janvier 1819.
-
-St[ewart] est parti hier. Il a emporté mon no 10. St[ewart] et ma
-lettre sont bien plus heureux que moi, l'un va te trouver et l'autre
-te reste. Moi, mon amie, je suis à Vienne, loin de toi, pour
-m'éloigner encore! Je vis ici tandis que le principe de ma vie est
-loin de Vienne! J'y suis obligé de penser, tandis que mon âme est à
-400 lieues! La seule chose que je ne fais pas à Vienne, c'est d'y
-aimer! J'aime là où est mon cœur, et mon cœur n'est pas ici; or je
-ne sais pas aimer sans cesse ni même en faire le semblant. Ainsi,
-plains-moi de ta propre peine et sois pleine de chagrins et de
-confiance.
-
-J'ai pris le plus tendre congé du monde de notre ami St[ewart]. Marie
-m'écrit de Paris que je ne sais laquelle de ses anciennes amies a une
-manière d'embrasser qui coupe l'haleine. Eh bien, j'ai manqué étouffer
-entre les bras de St[ewart]. Il a les passions vives et, dès qu'il est
-éveillé, il a les gestes prononcés. Il m'a tellement embrassé que, ne
-trouvant plus rien dans ma figure qui ne fût couvert de baisers, il a
-fini par me baiser la main. Je ne lui ai cependant jamais dit que
-j'aimais qu'on me baise la main. Il a absolument voulu que je lui
-donne un mot pour toi. Je lui ai dit que non, vu la jalousie de ton
-mari[258]. Il m'a promis qu'il te remettrait un billet en tête-à-tête;
-je lui ai dit qu'en fait de tête-à-tête, je n'aimais que ceux où je me
-trouvais faire moi-même le second. Mais je l'ai chargé de te dire
-mille belles choses, de t'assurer que je pensais beaucoup à toi, que
-je te regardais comme une femme charmante, bonne et sûre; qu'il n'y
-avait pas un genre de bon sentiment que je ne voulusse te conserver
-pour le reste de ma vie, qu'enfin je serais bienheureux de te revoir
-un jour. Mon amie, j'ai pu dire tout cela sans dire un mot qui ne fût
-point de la plus stricte vérité. St[ewart] m'a promis qu'il te redirait
-tout.
-
- [258] Stewart portait cependant à Londres la lettre no 10, mais
- probablement à son insu. Cette missive devait être comprise dans
- un paquet adressé à Neumann.
-
-«_Il_ est bon et _il_ a beaucoup _de_ l'esprit, m'a-t-il assuré, avec
-l'accent de la forte conviction; je l'aime parce qu'_il_ est _un_
-femme excellent.»
-
-Tu vois, bonne amie, que nous ne t'avons pas maltraitée entre nous
-deux. Aussi ne le mériterais-tu pas. Je t'aime--tu dois t'en douter un
-peu--et je suis fort attaché à St[ewart], qui me porte un bon
-sentiment de confiance et de véritable amitié.
-
-La duchesse de Sagan[259] est ici; je crois te l'avoir mandé
-dernièrement. J'ai fait éviter à St[ewart] une rencontre avec elle
-chez Lawrence. Elle allait avoir lieu sans un heureux hasard. Elle a
-fait la sottise de tourner la tête à Paul[260] en Italie, qui de son
-côté à fait celle de faire ce voyage non seulement sans ma permission,
-mais contre mon gré. Je l'attends ici, dans peu de jours, de
-Ratisbonne où il est en ménage. Je lui laverai fièrement la tête, et
-je le renverrai en deux fois vingt-quatre heures.
-
- [259] SAGAN (Catherine-Frédérique-Wilhelmine DE BIREN, princesse
- DE COURLANDE, duchesse DE), fille de Pierre, dernier duc de
- Courlande de la maison de Biren, et de sa femme, née de Medem.
- Elle était née le 8 février 1781 et épousa successivement:
-
- 1º le 23 juin 1800, Jules-Armand-Louis, prince de Rohan-Guéménée,
- général-major autrichien, né le 20 octobre 1768, mort à Prague le
- 13 janvier 1836. Elle divorça le 7 mars 1805.
-
- 2º le 5 mai 1805, le prince Vassili Serguéïévitch Troubetzkoï,
- membre du conseil de l'Empire, né le 25 mars 1776, mort à
- Saint-Pétersbourg en 1841. Divorce prononcé en 1806.
-
- 3º le 17 juillet 1819, Charles-Rodolphe, comte de
- Schulenburg-Vitzenburg, lieutenant-colonel autrichien, né le 2
- janvier 1788, mort après 1852.
-
- La duchesse de Sagan mourut sans enfants le 29 novembre 1839. Son
- titre passa à la maison de Talleyrand-Périgord, par suite du
- mariage de sa sœur Dorothée (1793-1862) avec le comte Edmond de
- Talleyrand-Périgord (1787-1872), neveu du prince de Bénévent,
- devenu duc de Dino en 1827 (ŒTTINGER, _Moniteur des
- dates_.--STROBL VON RAVELSBERG, t. I, p. 314).
-
- [260] Esterhazy.
-
-J'ai au reste commencé par gronder d'importance la duchesse; je lui ai
-fait verser des larmes amères sur sa conduite; elle a pleuré de
-conviction, ainsi qu'il lui arrive aussi souvent que je lui dis la
-vérité--et elle recommencera demain à faire de nouvelles sottises.
-Rien, dans ce bas monde, ne ressemble à une mauvaise tête de femme.
-Madame de S[agan] est une personne de beaucoup d'esprit, d'une forte
-conscience, d'un jugement infiniment sain[261] et d'un calme physique
-à peu près imperturbable. Eh bien! elle ne fait que des bêtises, elle
-pèche sept fois par jour, elle déraisonne et elle aime comme l'on
-dîne. J'ai su tout cela quand, dans un moment d'abandon du ciel, j'ai
-voulu la _rendre raisonnable en actions_. J'avais entrepris la besogne
-sans amour; j'ai poussé l'entreprise par entêtement; je m'y suis
-livré comme à la solution d'un problème de haute science. Je n'ai rien
-fait; je me suis fâché contre moi-même, j'ai été plein de rancune
-contre moi; je me suis trouvé si sot que je me suis fait pitié; mais
-il n'est pas dans ma nature d'abandonner légèrement une volonté. Je me
-suis placé un terme et, avec la même force de volonté avec laquelle je
-l'ai atteint, je ne l'ai pas franchi[262].
-
- [261] Au Congrès de Vienne: «Par son esprit supérieur, il n'eût
- dépendu que de cette femme remarquable d'exercer une grande
- influence sur les affaires sérieuses: son jugement était une
- autorité; mais elle n'en abusait pas» (Comte A. DE LA
- GARDE-CHAMBONAS, _Souvenirs du Congrès de Vienne_, édition du
- Conte Fleury, p. 87).
-
- [262] Metternich avait rompu avec la duchesse de Sagan en octobre
- 1814. Voir _Introduction_, p. XXVII, et GENTZ, _Tagebücher_, t.
- I, p. 293.
-
-Mon amie, voilà _mon aventure_ avec Mme de S[agan]. Il me reste, de
-cette époque de ma vie, un sentiment de peine et de dégoût que je puis
-sentir, mais pas décrire. Toi qui me connais maintenant, tu ferais
-mieux le tableau de ce que j'éprouve que je ne pourrais le faire
-moi-même. Plusieurs de mes amis, au fait de la chose, n'ont jamais
-conçu que je puisse en être amoureux. Je ne l'ai jamais été: j'ai aimé
-et soutenu mon entreprise impossible; je m'y suis livré avec la
-constance que je mets en toutes choses. Je l'ai abandonnée comme un
-mathématicien abandonnerait, après des années de recherches, la
-solution de la quadrature du cercle. J'ai enfin été fou, comme l'est
-ce mathématicien, quand il se livre à une recherche placée hors de
-tout succès.
-
-Ces mêmes amis n'ont pas conçu davantage comment j'ai pu ne pas me
-brouiller à couteau tiré avec cette femme. Je ne me suis pas brouillé
-avec elle, parce que je ne l'estime pas assez pour cela--je me suis
-brouillé à son sujet avec moi-même. Je ne la hais pas, parce que je ne
-l'ai jamais aimée; je hais le temps que j'ai voué à une conception
-fausse, et je me suis arrêté là pour être dispensé de me haïr
-moi-même.
-
-Mon amie, voilà encore un côté que tu apprends à connaître en détail,
-que je n'ai jamais trouvé l'occasion de t'expliquer, et que je veux
-que tu connaisses, car je veux que tu n'aies nulle illusion sur mon
-compte. J'ignore si je ne tiens pas tout autant à être connu de toi
-qu'aimé; il est de fait que je ne tiendrais pas à ton amour, s'il ne
-portait sur moi, tel que je suis, et si au contraire il pouvait porter
-sur un être de raison qui ne serait pas moi. Entre nous, mon amie pour
-la vie, point d'illusion sur une question fondamentale quelconque.
-J'ai vingt défauts, tu finiras par les connaître tous. Je ne crains
-pas de te les découvrir, car je crois être sûr d'avoir encore plus de
-qualités essentielles. Je tremble quelquefois davantage de ton opinion
-trop favorable que de légers doutes. Je tiens à ce que ton jeu soit
-sûr; je me mépriserais si je ne me plaçais pas vis-à-vis de toi dans
-_l'indécente parure de la vérité_; je mourrais le jour où je me
-mépriserais.
-
-
- Ce 7.
-
-Voilà tout à l'heure un mois que je suis à Vienne. Il va y en avoir
-deux et peu de jours que je t'aime; le mois de Vienne me paraît un
-siècle; le temps que je t'aime me paraît un instant. Mon amie, tu m'as
-écrit dernièrement que tu recherchais toujours dans mes lettres des
-mots qui te prouvent mon sentiment pour toi. Je crois que la
-découverte ne doit guère te coûter de peine.
-
-Mon parti est pris; je ne quitterai Vienne que vers la fin de février,
-et je ne rejoindrai l'Empereur qu'à Florence. J'attends, pour fixer
-ma pensée sur le mois de juillet, ta première réponse à la lettre que
-je t'ai écrite à ce sujet.
-
-Nous avons ici quelques Anglais: un milord et une Lady Ponsonby[263],
-personnages insignifiants; un master et une miss Talbot, plus
-insignifiants encore, un lord Bingham[264], jeune homme d'une jolie
-figure. Cette figure-là lui vaut des œillades dans la société. Si
-j'étais femme, je le trouverais trop jeune et trop joufflu; comme
-homme, je le trouve par trop insignifiant. Il a des bras et des coudes
-tellement arrondis que je parie gros que ses idées ne le sont pas.
-
- [263] PONSONBY (John, baron, puis vicomte), né vers 1770, devint
- baron Ponsonby à la mort de son père (1806). Ministre à Buenos
- Ayres (1826), à Rio de Janeiro (1828), à Naples (1832),
- ambassadeur à Constantinople (1832-1837), à Vienne (1846-1850),
- créé vicomte Ponsonby en 1839, mort à Brighton, 21 février 1855.
- C'était un homme d'une beauté exceptionnelle. Il était le
- beau-frère de Lord Grey et il avait épousé le 13 janvier 1803
- Élisabeth-Frances Villiers, cinquième fille de George, quatrième
- comte de Jersey, laquelle mourut à Londres le 14 avril 1866 sans
- enfants (_Dictionary of National Biography_, t. XLVI, p. 86).
-
- [264] BINGHAM (George-Charles), troisième comte de Lucan, né à
- Londres, 16 avril 1800. Entra dans l'armée comme enseigne au 6e
- d'infanterie le 29 août 1816. Il permuta pour le 3e d'infanterie
- de la garde, le 24 décembre 1818, fut mis à la demi-solde le jour
- suivant, voyagea en Autriche et en Russie et fut réintégré comme
- lieutenant au 8e d'infanterie le 20 janvier 1820. Pendant la
- guerre de Crimée, il commanda la division de cavalerie anglaise
- et ordonna la charge de Balaklava (25 octobre 1854). Il fut nommé
- lieutenant-général en 1858, général en 1865, feld-maréchal en
- 1887 et mourut à Londres le 10 novembre 1888 (_Dictionary of
- National Biography_, Supplément, t. I, p. 196).
-
-Nous sommes occupés depuis une quinzaine des sottises qui se font à
-Paris[265]. Je ne voudrais pas être premier ministre dans ce pays,
-mais, si je l'étais, je ferais bien des choses qui ne s'y font pas. Il
-y a, dans tout cela, un homme qui fait beaucoup de mal, car il a le
-malheur d'être un aventurier, et il n'est, à mon avis, point d'exemple
-qu'un aventurier ait fait du bien[266]. Si tu ne devines pas l'homme,
-je ne te le nomme pas, et pour cause.
-
- [265] Depuis 1817, à chaque renouvellement partiel de la Chambre
- des députés, le groupe libéral s'était trouvé accru en nombre et
- en puissance. Les gouvernements étrangers s'étaient inquiétés de
- ces succès et ils pesèrent sur Louis XVIII et sur Richelieu, pour
- les amener à prendre des mesures contre les libéraux. Le duc de
- Richelieu prépara la modification de la loi électorale, mais il
- ne fut pas suivi par quelques-uns de ses collègues, Decazes,
- Gouvion Saint-Cyr et Pasquier. Richelieu donna sa démission le 21
- décembre 1818. D'abord chargé par le roi de reconstituer le
- ministère, il échoua dans cette tentative. Decazes fit donner la
- présidence du conseil au général Dessolle et prit pour lui le
- ministère de l'Intérieur. Le nouveau cabinet était constitué le
- 29 décembre 1818. Sa tendance était libérale.
-
- [266] La chute du duc de Richelieu et son remplacement par le
- comte Decazes, au moment où le premier s'apprêtait à faire
- modifier la loi électorale à laquelle on imputait les succès des
- libéraux, avait vivement irrité le prince de Metternich.
- Plusieurs fois, dans la suite de sa correspondance avec Mme de
- Lieven, il reviendra sur les «affaires de France».
-
- Malgré la rancune que le prince conservait à M. Decazes, ce mot
- d'aventurier ne peut désigner cet homme d'État, rien dans la vie
- de ce dernier ne pouvant donner prise à une appellation de ce
- genre. D'autre part, l'estime professée par le futur chancelier
- pour M. de Richelieu rend bien invraisemblable l'application de ce
- terme à ce ministre, encore que sa carrière mouvementée soit plus
- susceptible de l'expliquer.
-
- Nous pensons donc que, par ce mot d'_aventurier_, M. de Metternich
- voulait désigner Pozzo di Borgo, alors ministre de Russie à Paris,
- ce qui ferait comprendre le soin mis à ne pas prononcer son nom
- dans une lettre destinée à l'ambassadrice de Russie à Londres.
-
- Pozzo avait pris une part active aux incidents de la crise
- ministérielle française. Il a raconté lui-même son rôle dans une
- dépêche au comte de Nesselrode, du 20 décembre 1818/1er janvier
- 1819, récemment publiée dans le t. III de l'ouvrage de M. A.
- POLOVTSOFF: _Correspondance diplomatique des ambassadeurs et
- ministres de France en Russie et de Russie en France_ (dépêche no
- 734, p. 1).
-
- Nous renvoyons le lecteur à cette importante dépêche pour les
- détails du rôle de Pozzo. Encore que ce rôle se fût exercé dans un
- sens hostile à M. Decazes, M. de Metternich pouvait en vouloir à
- son acteur de son intervention maladroite.
-
- Dans une lettre du 21 février à Mme de Lieven, le prince dit:
- «_L'aventurier_ a creusé un abîme sous les pas de ceux qu'il
- voulait servir de la meilleure foi du monde. C'est lui en grande
- partie qui a mené les choses là où elles en sont.»
-
- Dans une autre lettre (voir le no 13), M. de Metternich avait déjà
- dit, parlant de Pozzo: «Le terrain de Paris qu'il a tant contribué
- de gâter, lui paraît intenable à la longue.»
-
- Enfin, dans une lettre à Gentz, du 16 août 1825, publiée dans ses
- _Mémoires_, t. IV, p. 195, le prince applique directement ce même
- nom d'aventurier à Pozzo: «Il y a des années que j'ai jugé Pozzo
- comme vous le faites. Il y a dans ma nature quelque chose qui me
- fait aller tout droit à certains hommes, comme la piste conduit le
- chien de chasse au gibier. A peine les ai-je flairés, qu'ils
- s'éloignent de moi, et dès lors il n'y a plus de rapprochement
- possible entre nous. Ces hommes sont plus ou moins des
- _aventuriers_ comme Pozzo, Capo d'Istria, Armfeldt, d'Antraigues,
- etc. Sans que je connaisse les gens de cette espèce, ma nature se
- soulève contre eux.»
-
- Ce n'est pas la carrière de Pozzo, né Corse, mais successivement
- au service de la France et de la Russie, qui peut contredire M. de
- Metternich.
-
- Il est donc probable, selon nous, que dans la présente lettre, le
- mot _aventurier_ désigne Pozzo di Borgo.
-
-Lord Castlereagh paraît avoir couru de bien grands dangers[267].
-J'aurais été bien peiné qu'il lui fût arrivé du mal. Tu vois que je ne
-suis pas d'accord en tous points avec notre amie, Lady Jersey.
-
- [267] _Moniteur universel_ des samedi 26 et dimanche 27 décembre
- 1818, nos 360 et 361, p. 1501: «Londres, le 21 décembre.--Lord et
- Lady Castlereagh et leur suite (venant de Paris) ont débarqué à
- Douvres samedi soir. La batterie les a salués de vingt et un
- coups de canon. Sa Seigneurie s'était embarquée à Calais dans
- l'après-midi de jeudi dernier et elle était arrivée devant
- Douvres dans la même soirée; mais le temps était si mauvais qu'on
- ne put débarquer. Le bâtiment fut chassé dans la Manche
- jusqu'au-dessous de Brighton; et ce ne fut que samedi à 2 heures
- qu'il revint en vue de Douvres, totalement démâté. Plusieurs
- canots sortirent et le touèrent jusque dans le port.»
-
- _Moniteur universel_ du dimanche 3 janvier 1819, no 3, p. 10.
- «Londres, le 29 décembre... Après les cinq ou six premières heures
- de la tempête, Lord Castlereagh se trouva trop affecté par le
- mouvement du vaisseau pour rester sur le pont dans sa voiture avec
- son épouse; il descendit dans la cabine. Mais Lady Castlereagh ne
- voulut jamais quitter le pont, quoique les vagues vinssent à
- chaque instant se briser sur sa voiture.»
-
-Ma bonne amie, j'ai l'air de t'avoir quittée pendant tout le temps
-qu'il m'a fallu pour écrire la page et demie qui précède; je répare
-l'apparence par l'assurance que je t'aime du fond de mon cœur et de
-toutes mes meilleures facultés.
-
-Nous sommes enveloppés dans les brouillards. Le temps n'est pas froid,
-mais il me fait du mal; mon physique même a l'air de répugner à tout
-ce qui n'est ni froid ni chaud. Ma pauvre amie, je suis sûr que nous
-avons encore de commun cette disposition toute physique. Si brouillard
-il y a, pourquoi ne respirons-nous pas la même vapeur: il vaut bien la
-peine que le ciel fasse du brouillard à Londres et à Vienne; je le
-dispenserais de tant de soins, s'il voulait me permettre de
-m'envelopper avec toi du même.
-
-Le carnaval, que tu crains tant, a commencé par un bal que nous a
-donné M. de Caraman[268]. Le bal était joli, tout ce qu'il y a de
-joli à Vienne y était rassemblé. J'y suis arrivé à 11 heures et demie,
-pour en repartir à une heure. Je n'ai point _péché_ dans ce laps de
-temps. Je n'ai pas même à me reprocher d'avoir dit un mot plaisant ou
-fait pour plaire; je n'ai pas eu une pensée aimable; je me suis tenu
-près des numéros 1 et 2 masculins et féminins; aussi me suis-je senti
-un grand poids en entrant dans mon lit.
-
- [268] CARAMAN (Victor-Louis-Charles DE RIQUET, comte, puis
- marquis, puis duc DE), ambassadeur de France à Vienne. Né à Paris
- le 24 décembre 1762. Cadet au régiment d'Aunis-Infanterie (1er
- avril 1778); enseigne surnuméraire au régiment des gardes
- françaises (21 mars 1779); rang de capitaine dans
- Royal-Lorraine-Cavalerie (24 juin 1780), dans Noailles-Dragons
- (28 mai 1783); capitaine de remplacement (10 juin 1785); major en
- second au régiment de Picardie (1er avril 1788). Émigré en août
- 1791. Attaché avec le grade de major à la suite du roi de Prusse
- pendant les campagnes de 1792 et 1793. Major au service anglais
- (régiment de Salm-Kyrburg-Hussards), du 25 avril 1794 au 24
- décembre 1795. Reprend du service en Prusse comme colonel de
- cavalerie en 1797. Nommé colonel de cavalerie par Louis XVIII le
- 15 avril 1800 pour prendre rang du 30 janvier 1798. Rentre en
- France en 1802, mais est arrêté à Paris et enfermé au Temple,
- puis à Ivrée, en Piémont, où il reste cinq ans. A sa libération,
- donne sa démission de colonel (1807). Maréchal de camp pour tenir
- rang du 13 août 1814; maréchal de camp titulaire le 1er juillet
- 1815. Retraité le 22 novembre 1820. Nommé au grade honorifique de
- lieutenant-général le 13 décembre 1820. Ministre à Berlin (1814),
- ambassadeur à Vienne (1815-1828), assiste aux Congrès
- d'Aix-la-Chapelle, de Troppau, etc. Il mourut le 25 décembre
- 1839. Il avait épousé le 1er juillet 1785
- Joséphine-Léopoldine-Ghislaine de Mérode-Westerloo (_Archives
- administratives du ministère de la guerre_).
-
- «Vienne, le 6 janvier.--M. le marquis de Caraman, ambassadeur de
- Sa Majesté Très Chrétienne, est de retour en cette capitale depuis
- la fin de décembre. Son Excellence a rouvert son hôtel, le jour de
- l'an, par une fête où s'est trouvée réunie la plus haute et la
- plus brillante société de Vienne» (_Moniteur universel_ du lundi
- 18 janvier 1819, no 18, p. 69).
-
-Je vais donner un bal dans huit à dix jours. Les bals, chez moi, sont
-toujours aimables, car ils se composent de 400 à 500 personnes. Mon
-local est grand, je puis faire souper assis plus de 200 personnes. Ce
-n'est également pas ces jours-là que je pèche.
-
-Adieu, mon amie. J'envoie cette lettre par le courrier hebdomadaire à
-Paris. Engage N[eumann] à m'envoyer bien exactement tes lettres. J'en
-ai le besoin le plus fort, ce besoin qui ressemble à celui que nous
-autres, pauvres humains, avons de l'air. Il m'est si prouvé que je vis
-bien plus hors de moi que dans moi, que je ne fais pas une phrase
-banale en me servant de cette comparaison.
-
-Je suis un homme singulier. Sais-tu ce qui, dans un rapport comme
-l'est le nôtre, me tourmente souvent? C'est la seule idée qu'un
-lecteur indiscret pourrait trouver que mes lettres ressemblent à
-celles qu'écrivent à foison tous les amoureux. Or, comme je suis
-convaincu que je n'aime pas comme le commun des amoureux et des
-amants, que mon sentiment est placé sur une ligne tout autre--et, je
-m'en vante, plus élevée,--j'entre également dans la peur que ce même
-lecteur, en voyant cette déclaration, serait forcé de me prendre pour
-un franc idéaliste. Je ne suis pourtant ni un amant comme tous, et
-bien moins un idéaliste, comme beaucoup d'entre eux.
-
-Je suis tout pratique, tout terre à terre, tout simple. Je t'aime
-comme la vie; je satisfais à un besoin en t'aimant et en te le disant.
-Rien de moi à toi n'est placé hors de la réalité; je ne suis pas
-amoureux de toi, mais je t'aime. Je ne me livre à aucune chimère, mais
-je m'accroche à la vérité. Aussi, bonne amie, si tu ne sens pas comme
-moi, je ne t'en veux pas: si tu avais passé du temps avec moi, tu me
-comprendrais mieux; je te pardonnerais et je ne t'en aimerais pas
-moins.
-
-Adieu, bonne amie. Je te dirais: aime-moi et surtout ne m'oublie pas,
-si je ne sentais que je te dirais une bêtise et une injure.
-
-
-
-
-No 12.
-
-
- Vienne, ce 8 janvier 1819.
-
-Mon amie, me voilà arrivé à la douzaine; douze lettres qui, vu leur
-volume, en valent cinquante, et qui, vu ce que j'aurais voulu te dire,
-ne disent pas le quart de ce que j'ai senti en te les écrivant. Les
-numéros de mes lettres avancent, au reste, bien d'eux-mêmes, tandis
-que le terrible temps n'avance pas!
-
-Ma bonne amie, je suis ici depuis un mois; je vais y passer encore à
-peu près six semaines. Le voyage d'Italie, loin de me faire plaisir,
-me pénètre d'avance de dégoût et d'ennui. Il ne me convient pas, parce
-qu'entre nous deux j'aurais préféré ne pas me déplacer, à moins que
-cela ne soit à bonnes enseignes et, en fait de bonnes enseignes, rien
-ne peut me conduire au midi. Pourquoi faut-il que tu sois tout juste
-là où tu es? Tout autre part, j'aurais la chance de te voir bien plus
-facilement et par conséquent plus souvent. Il ne se passera guère deux
-ou trois ans sans que je ne franchisse les Alpes. Si tu étais à Paris,
-nous ne serions pas séparés par la mer, par cette mer qui suffit pour
-constater l'illégitimité d'un enfant, et qui a manqué engloutir Lady
-Castlereagh[269]!
-
- [269] Voir p. 116.
-
-A Berlin, il suffirait d'un médecin complaisant pour te faire aller
-aux eaux de la Bohême. A Vienne enfin! Je n'ose m'arrêter à cette
-pensée! Sais-tu, sens-tu, mon amie, ce que serait Vienne, cette ville
-que je n'aime pas, qui m'excède aujourd'hui comme une maîtresse qui
-aime seule et que l'on paie de dégoût et de haine? Mon amie, faut-il
-donc absolument que la distance se mêle, parmi tant d'autres
-obstacles, à toutes les difficultés qui se trouvent placées entre
-nous, qui sommes si fort faits pour nous appartenir? Nés à 800 lieues
-l'un de l'autre, la nature a eu l'air de ne pas vouloir elle-même que
-nous nous rencontrions jamais. Le contact a eu lieu; il a été décisif,
-et nous voilà de nouveau à la moitié de la distance première. Ne va
-pas croire que je regrette la rencontre à Aix-la-Chapelle, ce lieu de
-circonstance et cependant si décisif; je l'aime comme tout ce qui me
-ramène à toi, à toi qui me fait aimer jusqu'à ma peine. Permets-moi de
-me plaindre, jusqu'au jour où je n'aurai plus aucun motif de _nous_
-plaindre.
-
-Je suis actuellement bien longtemps sans nouvelles de ta part. Je sais
-que le fait ne saurait être autre, et j'attends avec impatience tes
-premières nouvelles par N[eumann]. Je ne sais pourquoi il me paraît
-que tu m'appartiendras davantage le jour où tu seras à ses côtés. Je
-trouve quelque chose de plus réglé dans la marche; je sais où te
-trouver, je calcule mes moyens, je dispose de ces moyens, et tout dans
-le cadre est plus _mien_. Bonne amie, sens-tu combien je suis heureux
-de pouvoir te mettre au nombre de mes _propriétés_, de ne plus devoir
-te regarder comme un être étranger? Sois loin autant que tu le
-voudras, tu ne m'appartiendras pas moins.
-
-J'ai eu aujourd'hui toute l'Angleterre viennoise à dîner chez moi. Je
-te l'ai décrite dernièrement, cette stérile association d'êtres
-insignifiants. J'ai été bien malheureux à table, assis entre deux
-dames, dont celle qui parle le mieux le français le parle dix fois
-plus mal que je ne parle l'anglais. Voilà bien une autre entrave à
-l'amour que la distance! A l'amour, s'entend, autre que celui qui se
-passe tout en actions et en gestes, et qui, par ce seul fait, est bien
-éloigné du nôtre. Que ferions-nous si le ciel ne nous avait donné deux
-et même trois langues et une foule de plumes pour nous parler? J'aime
-bien mieux encore nos entraves avec nos moyens, que toutes les
-facilités sans moyens de l'âme et du cœur; mais, bonne amie, ces
-moyens, tout bons qu'ils sont, laissent encore beaucoup à désirer! Je
-ne fais cette remarque que pour le lecteur indiscret qui, si je ne la
-faisais pas, me prendrait à peine pour un homme; et pourtant je le
-suis, et bien homme. Tu ne m'aimerais pas, si je ne l'étais pas. Ce
-n'est que l'être qui est bien et tout ce qu'il doit être qui sait
-aimer. Il y a tant d'individus qui ont la prétention de le savoir, qui
-n'en ont pas les premières facultés; ce sont ces êtres-là qui
-assureront de la meilleure foi du monde que _je ne sais pas aimer_.
-Crois-tu encore qu'ils aient raison dans leur absurde thèse? Comme
-l'_homme de glace_ s'est fondu devant toi, combien tu dois lui avoir
-découvert de cœur, là où on lui suppose le vide le plus rebutant!
-Jugez après cela sur les réputations! «Vous-a-t-il aimée?» a demandé
-une femme spirituelle à une autre qui prétendait que son ami était
-_une espèce de moi_. Mon amie, tu pourrais bien te trouver, dans le
-cours de ta vie, dans le cas d'interjeter cet appel contre maint
-jugement sur mon compte? Et que me font tous ces jugements? Juge-moi,
-et je me soumets à ton arrêt, quel qu'il puisse être.
-
-Bonsoir, mon amie. Je vais me coucher, car je ne me porte pas tout à
-fait bien. Mes nerfs sont agacés et le temps froid et brumeux me fait
-toujours mal. J'ai vu par les feuilles qu'un terrible brouillard à
-Londres y a intercepté dans les salles de spectacle même la vue de la
-scène[270]. Nous n'avons pas de ces brouillards dans les rues de
-Vienne, mais il me paraît qu'il peut en exister en moi.
-
- [270] _Moniteur universel_ du lundi 28 décembre 1818, no 362, p.
- 1506. «Londres le 22 décembre.--Londres a été hier enveloppé dans
- un épais brouillard, tel qu'on n'en avait pas vu depuis plusieurs
- années... De dessus les trottoirs, on n'apercevait pas les
- voitures qui roulaient au milieu du pavé... Dans les théâtres,
- les spectateurs apercevaient à peine les acteurs.»
-
-
- Ce 9 janvier.
-
-J'ai reçu aujourd'hui le premier courrier hebdomadaire sans lettre de
-toi. Tu étais partie de Paris, sans doute, et j'en suis bien aise. Je
-suppose qu'il ne se passera pas huit jours sans que j'en reçoive de
-N[eumann].
-
-Mon Dieu, combien les êtres me paraissent heureux, qui ont le bonheur
-de pouvoir se plaindre que leur ami ou leur amie a laissé passer un
-quart d'heure duquel l'amour pouvait faire son profit. Huit jours ne
-me paraissent rien, à force que les mois de séparation me paraissent
-longs.
-
-Ce courrier m'a au reste également porté des nouvelles de Londres, où
-tu ne pouvais point être arrivée. _En revanche_, j'ai une lettre de
-Lady Jersey, qui me dit sur à peu près six pages:
-
-Qu'elle a reçu avec beaucoup de plaisir la lettre que tu lui as remise
-de ma part, qu'elle m'aime beaucoup et qu'elle me prie de faire le
-bonheur des pauvres Italiens, bien malheureux _encore_ (c'est-à-dire
-aussi longtemps que l'ancienne République romaine ne sera point sortie
-de la poussière de 19 siècles);
-
-Qu'elle aura un bien grand plaisir à me revoir le plus tôt possible,
-et qu'elle se flatte que M. Hobhouse sera élu représentant pour
-Westminster[271]; qu'elle a fait avec plaisir la connaissance de Marie
-et qu'elle est fâchée que Lord Castlereagh ne se soit pas noyé;
-
-Qu'elle compte bien aussi venir à Vienne le jour de l'ouverture de nos
-Chambres.
-
- [271] HOBHOUSE (John Cam), né à Redland près Bristol le 27 juin
- 1786. Il est connu surtout comme l'ami et l'exécuteur
- testamentaire de Lord Byron. En février 1819, il brigua, comme
- candidat radical, le siège de la chambre des Communes de
- Westminster, laissé vacant par la mort de Sir Samuel Romilly.
- Bien qu'appuyé par Sir Francis Burdett, il échoua par 3,861 voix
- contre 4,465 à son concurrent whig George Lamb, frère de Lord
- Melbourne. Il eut sa revanche en 1820 après la dissolution du
- Parlement et l'emporta sur Lamb par 446 voix. En 1832, il fut
- secrétaire pour la guerre, puis, en 1833, secrétaire pour
- l'Irlande, mais démissionna la même année.
-
- Premier commissaire des bois et forêts lors du premier ministère
- Melbourne (juillet-novembre 1834), président du bureau de contrôle
- pour les Indes dans le second ministère Melbourne (29 avril
- 1835-septembre 1841), il reprit ce poste dans le premier cabinet
- de Lord John Russell (10 juillet 1846-février 1852). Créé baron
- Broughton de Gyfford, il mourut le 3 juin 1869 (_Dictionary of
- National Biography_, t. XXVII, p. 47).
-
-Elle se signe à la fin, en m'apprenant qu'elle est, avec la plus
-sincère amitié et le plus profond respect, Lady Jersey.
-
-Il y a dans les femmes anglaises quelque chose de tout particulier.
-Leurs idées vont, comme leurs gestes, là où on ne croit jamais les
-voir arriver. Il y a, dans leur tête, une franchise de pensée, une
-irrégularité d'idées qui ne peut être rendue que par des tournures de
-phrases étrangères à tout style continental.
-
-J'ignore si le continent force à la continence, mais celle des
-Anglaises ainsi que celle des Anglais, en actions, paroles et pensées,
-est autre que la nôtre.
-
-Ma bonne amie, je t'aime bien plus que Lady Jersey et je sais même
-que, dans aucune position de ma vie, je n'eusse pu l'aimer autant que
-toi. Je parie que Lady Jersey, dans le commerce le plus intime, me
-trouverait très peu élevé, froid, sans imagination et par conséquent
-apte à peu de choses; tandis que toi tu me prendras toujours pour ce
-que je suis; ma pensée est comprise par toi, ma volonté l'est de même,
-mon esprit te paraît de l'esprit, et beaucoup plus d'élévation te
-paraîtrait de la folie. L'élévation de l'esprit doit correspondre à la
-hauteur des objets; il n'est permis qu'à l'imagination de franchir
-toutes les bornes hors celles des bienséances.
-
-Mais, mon amie, la vie et toutes les choses dans cette vie sont des
-réalités, et elles offrent par conséquent un but que l'on n'atteint
-qu'avec de l'esprit, et que l'on n'atteint pas ou que l'on franchit
-avec la seule imagination, ce qui vaut une défaite.
-
-Il se passe aujourd'hui des choses à Paris qui ne prouvent pas pour
-l'esprit de notre pauvre Richelieu, et qui passent de beaucoup ce
-qu'il s'est imaginé[272]. Lady J[ersey] serait peut-être contente de
-moi, si elle savait que mon imagination s'est depuis longtemps élevée
-à la hauteur nécessaire pour prédire à Richelieu ce qui arriverait.
-Elle sera au reste passablement contente de ce qui vient d'arriver.
-
- [272] Voir p. 114.
-
-Je n'ai jamais formé de vœux plus sincères pour que le repos ne soit
-point troublé ni en France, ni autre part. Je les forme tels, d'abord
-parce que j'aime le repos public, tout autant que mon amie Lady Jersey
-aime le mouvement, et puis parce que dans le mouvement se trouvent
-d'immenses obstacles à ce que le monde peut encore m'offrir de
-consolations et de bonheur! Il ne nous manquerait plus qu'une
-révolution entre nous deux; je trouve qu'il y a bien assez des
-distances seules et des cent inconvénients qu'elles entraînent pour
-deux pauvres amis tels que nous. Il m'est clair que, pour être
-parfaitement heureux, il faudrait que je fusse ambassadeur ou, ce qui
-serait bien plus facile encore, simple voyageur _sans plus_. Combien
-il y a d'individus qui m'envient ce _plus_ que je déteste! Combien je
-serais heureux, si je pouvais me défaire de ce _plus_ pour avoir
-_tout_!
-
-Mon amie, avec quelle impatience j'attends ta première lettre! Comme
-je la lirai vite et comme je serai fâché d'en avoir fini la lecture,
-mais aussi, combien je la relirai! Je viens de lire dans une gazette
-qu'un enfant est venu au monde qui avait le cœur hors de la poitrine,
-par conséquent hors du corps. Je comprends le fait aussi souvent que
-je pense à toi, et je me retrouve un cœur bien malade, dès que je
-fais un retour sur moi-même; ce cœur est alors bien _dans moi_.
-
-
- Ce 10.
-
-Je me trouve le temps de t'écrire, et je vais l'employer, comme je
-n'ai rien à répondre à des lettres que je n'ai pas encore reçues, à
-te faire une petite déduction philosophique sur les pressentiments.
-
-Notre être se compose, sans nul doute, de deux essences. L'une est
-toute matérielle, c'est-à-dire toute soumise aux lois qui gouvernent
-la nature, telles que la pesanteur spécifique, les forces attractives
-et répulsives, les opérations, les compositions et les décompositions
-chimiques, etc., etc.
-
-L'autre est d'une essence toute différente; elle n'est (prise
-abstraitement) soumise à aucune de ces lois--appelle-la âme, esprit,
-tout comme bon te semblera. Ces deux essences, unies, forment la vie;
-séparées, elles établissent la mort de la partie matérielle, qui,
-abandonnée aux seules lois qui gouvernent la nature, se décompose
-bientôt dans ses principes élémentaires. C'est ainsi, mon amie, qu'un
-jour les mêmes combinaisons qui forment aujourd'hui _ton corps_
-vivifieront et animeront des centaines d'êtres en entrant dans leur
-composition. L'âme survit à cette destruction, car elle n'est et ne
-peut point être soumise aux conditions qui la nécessitent. Dans l'état
-de vie, l'âme a besoin d'_intermédiaires_, d'_organes_ assez subtils
-pour ne pas échapper au contact de l'âme et assez substantiels pour
-être en rapport avec la matière plus grossière. Ces organes forment le
-système nerveux. Toutes les idées nous viennent par le moyen des sens,
-tout comme la faculté de les concevoir n'est que du domaine de l'âme.
-
-Il faut que je passe par toutes ces petites démonstrations assez
-pédantesques, pour arriver à ma démonstration.
-
-Je ne te demande que d'admettre mes thèses précédentes et de les
-regarder comme démontrées et comme chrétiennes, c'est-à-dire comme
-fondées sur la saine morale, qui, elle-même, n'est que la saine
-raison.
-
-Il existe donc deux essences différentes entre elles, mais que le
-Créateur a trouvé le moyen de placer, par des intermédiaires, dans un
-contact assez direct pour qu'elles puissent réagir l'une sur l'autre.
-
-C'est ainsi que l'âme peut tuer le corps, et que la maladie peut
-suspendre toutes les fonctions apparentes de l'âme. En admettant ces
-faits, il existe deux points de départ pour un même effet. Je m'arrête
-à l'effet que l'on nomme l'amour.
-
-Nos sens peuvent nous porter vers un être homogène; mais aussi l'âme
-peut-elle rechercher sa pareille.
-
-Rien, sinon l'âme (cet être placé dans une si grande indépendance de
-ce _moi_, qui est bien lourd et bien matériel) ne peut faire la
-première découverte de l'âme qui correspond à elle-même (et les âmes
-sont certes entre elles dans un contact qui échappe à notre
-connaissance, parce qu'il échappe à nos sens) sans que le _moi_ s'en
-doute encore, sans que peut-être il s'en doute jamais. Pour que la
-matière participe à la connaissance du fait, il faut des circonstances
-matérielles: la rencontre, la vue, certaine influence peut-être toute
-matérielle. Si ces circonstances n'ont pas lieu, la seule connaissance
-que vous acquérez se borne à une pensée, à un désir, à une recherche
-vague et indéfinie. Si elles ont lieu, bien des causes matérielles
-encore peuvent empêcher que la pensée et que les vœux tout
-intellectuels ne se réalisent point: causes telles que la rencontre
-de personnes d'un âge très différent, de relations soumises à la gêne
-d'un cadre donné, ainsi que la société en offre beaucoup.
-
-Si, au contraire, aucun de ces obstacles matériels n'existe, si les
-individus sont placés sur une même ligne intellectuelle, c'est-à-dire
-si la nature et la fraîcheur de leurs organes intellectuels est la
-même et que le contact a lieu--alors, mon amie, ces êtres ne
-s'échappent pas. Il s'établit entre eux des rapports qui leur semblent
-connus; ce qui naît de la connaissance matérielle,--confiance,
-abandon, sécurité--se développe au moment du contact même. Vous ne
-faites qu'apprendre à connaître ce que vous connaissiez déjà, vous
-croyez à ce que vous savez, vous aimez ce que vous aimiez déjà.
-
-Mon amie, trouves-tu un peu de solution de ce qui nous est arrivé dans
-mes thèses philosophiques? Crois-tu à ma doctrine? Rentre en toi-même
-et cherches-y la réponse à mes questions.
-
-Or, l'un des reproches que bien des sots m'ont faits dans le cours de
-la vie a été celui que je ne savais pas aimer, parce que je raisonne
-l'amour.
-
-D'abord, je raisonne sur tout et en toute occasion, car j'aime bien
-mieux savoir que croire, et puis j'aime bien mieux ce qui m'est prouvé
-que ce qui n'est que probable. Crois-tu que tu puisses perdre à mon
-raisonnement? que le sentiment que je te porte puisse en devenir plus
-calme et surtout plus froid? en un mot que je n'aime pas mieux, vu mes
-raisonnements, que si je ne raisonnais pas? Perds-tu à la thèse que
-j'admets, qu'il puisse exister entre deux êtres une identité de
-pensées telle que rien ne puisse plus les séparer? que cette
-identité, se trouvant placée sous l'empire d'une loi qui, ainsi que
-toutes, sont l'œuvre du Créateur lui-même, est placée ainsi hors des
-principes de destruction qui gouvernent la nature? Non, mon amie, tu
-ne te plaindras jamais que ton ami raisonne ainsi qu'il le fait, et il
-trouve un charme inexprimable à avoir rencontré un être qui le
-comprenne.
-
-Cette lettre, mon amie, je ne l'écrirais pas à une _petite femme_: je
-ne te dis pas que je ne puisse être amoureux d'une femme de cette
-espèce, mais je ne saurais l'aimer de toutes les facultés de mon âme.
-Mes sens pourraient être satisfaits près d'elle, mais mon cœur ne le
-serait pas.
-
-Ma personne pourrait lui appartenir, mais non ma vie.
-
-Et toi, mon amie, _que j'ai trouvée_, tu es à quatre cents lieues de
-moi!
-
-
- Ce 12.
-
-Je n'ai pas eu un moment à moi dans la journée d'hier. Lawrence a
-commencé par m'enlever trois heures de la matinée, et il les a
-employées à terminer mon œil droit. S'il a besoin d'autant d'heures
-pour le reste de mes traits, ils vieilliront plus qu'ils ne le sont
-déjà, avant la fin du tableau. L'œil droit, au reste, a parfaitement
-réussi; je ne puis m'empêcher d'y reconnaître le mien.
-
-A la suite de cette longue épreuve, j'ai passé trois autres heures
-entre les propositions à faire à la Diète germanique, les nouvelles de
-Paris, les insolences des gazetiers de Weimar, les folies de quelques
-professeurs allemands, le Concordat bavarois[273] et la fuite de
-l'hospodar de Valachie[274].
-
- [273] Le Concordat entre la Bavière et le Saint-Siège avait été
- signé en octobre 1817, mais, publié par le roi Maximilien Ier
- avec un édit analogue aux articles organiques de Napoléon, les
- difficultés qu'il aurait dû aplanir se prolongèrent jusque sous
- le règne de Louis Ier (1825-1848).
-
- [274] «_12 octobre._--Avant hier à midi, le prince Karadscha se
- trouvait encore à Bucharest; il assista à la cérémonie funèbre du
- feu ban Goulesko. Après avoir dîné dans son palais, il feignit de
- faire une promenade vers le faubourg Bayar, et exécuta par ce
- moyen le projet de fuite qu'il avait médité. Réuni à son épouse,
- son fils, ses filles et ses gendres, accompagné du ban
- d'Arguiropoulo et du postelnick Vlakontzky, et pourvu d'équipages
- de voyage, il prit la route de Cronstadt... Pour empêcher toute
- poursuite, il a fait rompre derrière lui les ponts, jetés çà et
- là sur les marais et rivières... On attribue la disparition
- subite du prince à ce qu'il venait de recevoir un ordre de se
- rendre à Constantinople. Le temps de son gouvernement, fixé à
- sept ans, n'était pas encore expiré.» (C. L. LESUR, _Annuaire
- historique universel pour 1818_, 2e édit., Paris,
- Thoisnier-Desplaces, 1825, in-8º, p. 554).
-
-Tu conçois, mon amie, que je n'aie pas voulu te mettre en aussi
-mauvaise compagnie.
-
-Comme tout a semblé devoir me tenir trois heures, je n'ai pu échapper
-à un grand dîner chez l'ambassadeur de Naples[275], qui, la montre à
-la main, nous a tenu assis pendant ce laps de temps. J'étais placé
-entre une de nos vieilles ennuyeuses (tu sais que c'est le privilège
-des grands personnages) et Golovkine. La première m'a dit des bêtises,
-et le second m'a fait des phrases à perdre haleine. J'avais en face de
-moi Lord Guilford[276], qui me tourmente à mort pour que je lui
-procure un capital que Bonaparte a volé aux Corfiotes, lors de la
-conquête de Venise, et quelques vieux bouquins sans lesquels milord
-prétend que l'Université de Corfou ne marchera jamais vers les hautes
-destinées qu'il lui prépare.
-
- [275] RUFFO (le commandeur, puis prince Alvar), ministre du roi
- de Naples à Paris en 1797 et 1798. Il suivit son souverain en
- Sicile et, après avoir rempli une mission en Portugal, il fut
- nommé ambassadeur à Vienne. Il occupa ce poste jusqu'à sa mort,
- survenue le 1er août 1825. Il institua pour son exécuteur
- testamentaire le prince de Metternich avec lequel il était lié
- d'une étroite amitié (_Nouvelle Biographie générale_, t. XLII, p.
- 872.--_Biographie universelle_ (Michaud), t. XXXVII, p. 55).
-
- [276] GUILFORD (Frédéric NORTH, Ve comte DE), né en 1766. Après
- avoir parcouru l'Espagne (1788), il voyagea dans les îles
- Ioniennes et s'y convertit à la religion grecque. Gouverneur de
- Ceylan (1798-1805). Lors de l'établissement du protectorat
- anglais sur les îles Ioniennes, North, devenu comte Guilford en
- 1817 par la mort de son frère aîné, se consacra au projet de
- fonder une Université ionienne. George IV, à son avènement au
- trône (1820), le nomma chancelier de l'Université projetée, mais
- celle-ci ne put s'ouvrir qu'en 1824 à Corfou. Guilford y résida
- plusieurs années et revint mourir en Angleterre le 14 octobre
- 1827 (_Dictionary of National Biography_, t. XLI, p. 164).
-
-Aussi souvent que je levais les yeux sur lui, il m'a fait un signe
-relatif à ces deux chers objets. J'ai pris le parti de confier ma
-peine à mon voisin Golovkine; je suis tombé juste; le diable d'homme a
-voulu me prouver que si je ne faisais _tout_ pour retrouver les
-bouquins, je serais responsable de l'ignorance de la race corfiote
-future. Il m'a fait grâce du capital, car, dit-il, quant à l'argent,
-les Anglais en ont assez.
-
-Au sortir de cet infernal dîner, je suis retombé dans la Diète de
-Francfort, j'ai passé une heure dans mon salon pour y entendre la
-plainte du ministre de Suède[277], auquel le grand-maître de
-l'Impératrice a annoncé une audience de Sa Majesté en oubliant de le
-nommer _envoyé extraordinaire_ et tout simplement _ministre
-plénipotentiaire_, fait qui lui paraît indiquer un peu de froid entre
-les deux cours; puis j'ai joué une partie de billard avec une mazette
-qui a fait un trou avec la queue dans le tapis; puis je suis allé me
-jeter dans mon lit.
-
- [277] PALMSTJERNA (Nils-Fredric, baron DE), né le 1er décembre
- 1788, officier suédois et diplomate. Nommé ministre de Suède à
- Vienne en 1818. Ministre à Saint-Pétersbourg (septembre 1820).
- Général-lieutenant en 1843. Mort après 1862 (ŒTTINGER, _Moniteur
- des dates_.--_Archives du ministère des affaires étrangères_,
- Autriche, correspondance, vol. 400, fº 77 verso.--_Moniteur
- universel_ du lundi 5 octobre 1820, no 1347).
-
-Voilà le budget d'une journée entière, et ne t'avise pas de croire
-qu'elles soient rares de cette espèce. Elles forment somme dans la vie
-d'un ministre.
-
-Aujourd'hui, il a fait doux et beau. Le brouillard, que je déteste, a
-été percé par le soleil, que j'aime comme feu Zoroastre. Il m'a un peu
-revivifié; j'ai travaillé beaucoup, mais avec facilité; j'ai été à mon
-jardin, où j'ai passé une bonne heure au milieu des fleurs de mes
-serres. J'ai fait préparer dans un bien joli pavillon la place pour
-deux bien beaux bas-reliefs de Thorvalden[278], dont je t'envoie
-aujourd'hui des empreintes d'_intaglio_ faites par Pichler, d'après
-ces mêmes marbres. Je suis rentré chez moi soulagé de l'ennui d'hier,
-et je suis heureux, car je t'écris.
-
- [278] Voir p. 83.
-
-Je n'ai pas besoin de te dire que les marbres représentent le Jour et
-la Nuit. Je préfère la Nuit au Jour: je trouve que les figures y
-dorment mieux qu'elles ne veillent sur l'autre pièce. Thorvalden a
-fait les mêmes marbres pour un Anglais; tu les as peut-être vus.
-
-Si jamais tu veux quelque chose de Pichler, commande-le-moi. Je viens
-de le placer ici à l'Académie[279], comme professeur. Cette
-Académie--et toutes celles de l'Empire--forment le bon côté de mon
-existence. Elles sont toutes placées sous moi, et je m'en occupe
-beaucoup. Si tu désires quelque chose d'Italie, mande-le-moi
-également.
-
- [279] Académie impériale et royale des arts plastiques.--M. de
- Metternich en avait été nommé curateur en janvier 1811 (_Mémoires
- du prince de Metternich_, t. VII, p. 647).
-
-Conçois-tu le bonheur que j'aurais de faire une commission quelconque
-pour toi?
-
-Je n'aime guère les savants, mais j'aime beaucoup les artistes. Tous
-les nôtres me regardent comme leur père et j'ai de bons et d'habiles
-enfants parmi eux. Je ne sais, mon amie, si tu aimes beaucoup les
-arts, la musique exceptée qui t'aime à son tour. Je parierais
-que oui. Tu es trop bonne pour ne pas aimer tous les genres de
-perfectionnement.
-
-
- Ce 13.
-
-Si tu étais ce que tu devrais être pour être bien ce que tu es, je
-devrais te souhaiter aujourd'hui la nouvelle année[280]. Comme je l'ai
-fait il y a quinze jours, je ne t'ennuierai pas deux fois de mes
-vœux; je t'avouerai même qu'il n'est pas un jour dans l'année et
-qu'il n'en sera plus un dans ma vie où je ne formerai pour toi les
-mêmes vœux et la même somme de vœux. Je préfère, au reste, que tu
-aies le calendrier grégorien. Il me paraît que, quand l'on a tant de
-peine à se trouver, il faut pour le moins être dispensé de chercher
-encore la concordance des dates.
-
- [280] Au commencement de l'année russe.
-
-Mon courrier pour Paris part. C'est encore lui qui y portera cette
-lettre. Je suppose que je t'enverrai la première par Paul. _On_
-l'attend ici d'une heure à l'autre, car il _m'a_ habitué à ne plus
-l'attendre. On dit qu'il est entièrement raccommodé avec sa femme et
-qu'il vous la ramènera à Londres. Je crois si peu aux on-dit et j'ai
-tant de raisons à ne pas admettre la possibilité de ce fait que je
-suis entièrement neutralisé et, comme je vais savoir tout à l'heure ce
-qu'il en est, je préfère ne rien croire du tout. J'ignore, au reste,
-si je dois désirer que la chose se passe ainsi. Il y a tant de
-laisser-aller pour et contre dans la nature de Paul que je trouve que
-son capitaine doit, sous plus d'un rapport, l'abandonner au gré des
-flots. Je l'aime comme mon fils et je me fâche à l'aimer contre lui;
-je le gronde et il me promet, il promet et il ne sait ce qu'il fait,
-il fait et je le gronde. Voilà le cercle établi et je n'en sors pas.
-
-L'excellent _Journal de Paris_ m'apprend aujourd'hui que M. le comte
-de L. s'est embarqué le 27 décembre à Calais[281]. J'avais, jusqu'à ce
-soir, regardé ce journal comme le plus bête de Paris; je lui ai fait
-tort: il vaut mieux que tous les autres. Il y a des chances heureuses
-dans la vie des journaux comme dans celle des hommes.
-
- [281] «M. le comte de Lieven, ambassadeur de Russie en
- Angleterre, qui s'était rendu à Aix-la-Chapelle, s'est embarqué
- le 27 décembre à Calais pour retourner à son poste» (_Journal de
- Paris_ du samedi 2 janvier 1819, no 2, p. 1).
-
-Adieu, mon amie; tu as reçu le 29 mon numéro 4 et, depuis, plusieurs
-autres. Je suis tout consolé de te savoir _quelque part_. Pauvre toi,
-et bien plus pauvre moi, pourquoi faut-il que cet endroit si connu, si
-grand ne me renferme pas dans son sein? Pendant dix années de ma vie,
-je n'ai cessé de me dire: «Pourquoi a-t-il fallu que le sort me
-choisisse, moi, parmi tant de millions d'hommes, pour être
-continuellement face à face avec Napoléon? En le faisant, pourquoi ne
-pas avoir fait un autre que moi, pour le mettre en butte?»
-
-Aujourd'hui je me dis: «Pourquoi y a-t-il tant de millions d'êtres
-desquels il dépendrait de se placer vis-à-vis et près de toi, et
-pourquoi ne suis-je pas de leur nombre?»
-
-Je crois, à la vérité, que le sort pourrait me répondre: «Mais
-voudrais-tu cesser d'être toi à ce prix?» Mon amie, je dirais: Non.
-
-Il me paraît qu'il y a dans cette détermination un grand degré de
-confiance en toi, mais tu sais que je suis confiant. Ne crois pas
-surtout que je suis amoureux de moi.
-
-Adieu, mon amie.
-
- * * * * *
-
-_P.S._--Au moment où j'allais expédier le courrier, j'ai reçu la
-nouvelle quasi incroyable de la mort de la reine de Wurtemberg[282].
-Ne t'avise jamais, mon amie, de me jouer un tour de cette espèce. Qui
-eût pu s'attendre à cet événement! Ce que j'en sais est si peu clair
-que je la crois morte ou d'une attaque d'apoplexie ou d'une angine
-gangréneuse, les deux seules maladies qui tuent ainsi.
-
- [282] Catherine PAVLOVNA, née le 21 mai 1789 à Saint-Pétersbourg,
- fille de Paul Ier, empereur de Russie. Mariée le 30 avril 1809, à
- Paul-Frédéric-Auguste, duc d'Oldenbourg, elle le perdit le 27
- décembre 1812. Le 24 janvier 1816, elle épousa, à
- Saint-Pétersbourg, le prince royal de Würtemberg, devenu roi le
- 30 octobre 1816 sous le nom de Guillaume Ier (né le 27 septembre
- 1781, mort le 25 juin 1864). Elle mourut le 9 janvier 1819 à
- Stuttgart (_Nouvelle biographie générale_, t. IX, p. 191.--J.
- MERKLE, _Katharina Pawlowna, Königin von Würtemberg_, Stuttgart,
- Kohlhammer, 1890, in-8º).
-
- «_Stuttgart, le 9 janvier._--Le coup le plus terrible du sort a
- frappé le roi et la famille royale par la mort inopinée de la
- reine, qui est décédée aujourd'hui, entre 8 et 9 heures du matin.
- Sa Majesté ayant eu, il y a peu de jours, une attaque légère de
- fièvre rhumatismale, il s'y joignit avant-hier un érésypèle du
- visage qui, s'étant jeté ce matin sur le cerveau, occasionna une
- attaque d'apoplexie qui termina la vie de notre jeune souveraine»
- (_Moniteur universel_ du dimanche 17 janvier 1819, no 17, p. 65).
-
-Je ne sais si nous avons parlé ensemble de cette personne, sous
-plusieurs rapports, très extraordinaire. Je l'ai beaucoup connue et je
-l'ai souvent jugée bien différente de ce que croyait le public et même
-de ce que croyaient savoir ses amis. Le cas est si prompt, si
-catégorique et à la fois si extraordinaire que j'ai cru que je me
-trompais en lisant ma dépêche.
-
-
-
-
-No 13.
-
-
- V[ienne] ce 15 janvier 1819.
-
-J'ai reçu ce matin les premières nouvelles de Londres depuis ton
-retour. N[eumann] t'a vu, il n'a pas pu te remettre ce qu'il tient
-pour toi, et ce qui bien pis est, tu étais malade et, à ce que me
-mande N[eumann], pendant un moment, même assez sérieusement
-malade[283]. Mon amie, ne me fais pas du chagrin de cette espèce; je
-te pardonnerais beaucoup, mais, [envers] tout ce qui tourne contre
-toi, je ne me sens porté à nulle indulgence. Tu as couru jour et nuit
-de Paris à Londres, tu fais le _jeune homme_, cela ne te sied pas; tu
-as, certes, besoin de ménagements, ta santé ne peut être de fer; tu te
-fais du mal et tu m'en fais. Et à quoi bon le métier de courrier?
-Courir vite n'est pas toujours le moyen d'arriver vite. Cette vérité
-est l'une des plus vraies qu'il y ait, et tu viens d'en faire
-l'expérience à tes dépens et, par conséquent, aux miens. Mon amie,
-n'oublie jamais que tu ne t'appartiens plus, que j'ai bien des comptes
-à te demander et que je pousse le scrupule et même l'exigence à
-l'extrême, dès qu'il s'agit de toi.
-
- [283] D'une inflammation de la gorge et des poumons.--La comtesse
- de Lieven à son frère. 3/15 janvier 1819: «I have been in great
- danger from an inflammation of the throat and lungs» (LIONEL G.
- ROBINSON, _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her
- residence in London_, p. 37).--Les lettres de Mme de Lieven à son
- frère, écrites en français, ont été traduites en anglais par M.
- Robinson.
-
-N[eumann] m'écrit dans une lettre, de plus fraîche date que la
-première, que tu vas mieux. Ce n'est pas encore ce qu'il me faut. Je
-veux que tu ailles bien. Je suis sûr que tu as souffert dans ton lit,
-que tu as eu de l'humeur contre toi; si le fait a eu lieu, je t'en
-remercie et je désire que tu n'aies jamais d'autres motifs d'être
-fâchée que dans des légèretés _sans suite_, ni contre toi, ni surtout
-contre moi.
-
-Rien n'est affreux comme les distances. Tu serais morte, que je ne le
-saurais pas assez vite pour mourir! Je te crois en vie et en santé,
-car je tiens à ta vie comme à la mienne et je ne puis pas m'en
-réjouir. Depuis que j'ai passé sous ton balcon sans me douter même que
-tu étais en ville, je ne crois plus à ces pressentiments qui
-remplissent les romans de tous les temps et de tous les âges. Il est
-possible aussi que ces pressentiments et influences ne soient que du
-ressort des romans, et je te jure que je n'ai pas le moindre sentiment
-d'en écrire sur notre compte. Tout me paraît tellement vrai, simple et
-naturel entre nous deux, que je cherche la solution de notre relation
-dans des régions infiniment plus élevées que le sont celles dans
-lesquelles planent les Souza[284] et les Radcliffe[285].
-
- [284] SOUZA (Adélaïde Filleul, madame DE), née à Paris en 1761,
- épousa le 30 novembre 1779 Alexandre-Sébastien de Flahault de la
- Billarderie, maréchal de camp et enseigne des gardes du corps,
- qui mourut sur l'échafaud à Arras en 1794. Pendant ce mariage,
- elle fut la maîtresse de M. de Talleyrand, dont elle eut un fils,
- Charles-Joseph, né le 21 août 1785, qui fut le père du duc de
- Morny. Devenue veuve, Adélaïde Filleul épousa, à son retour
- d'émigration, le 17 octobre 1802, don José-Maria de Souza Botelho
- Mourao et Vasconcellos, né le 9 mars 1758 à Oporto, ministre de
- Portugal en Suède (1791), en Danemark (1795), puis à Paris
- (1802-1805), mort le 1er juin 1825. Mme de Souza mourut elle-même
- le 19 avril 1836. Elle est l'auteur de nombreux romans qui furent
- très goûtés au début du dix-neuvième siècle (Baron de MARICOURT,
- _Mme de Souza et sa famille_. Paris, Émile Paul, 1907, in-8º).
-
- [285] RADCLIFFE (Mme Anne), née Anna Ward, naquit à Londres le 9
- juillet 1764, épousa à l'âge de vingt-trois ans William
- Radcliffe. Elle publia de nombreux romans qui eurent le même
- succès que ceux de Mme de Souza. Elle mourut le 7 février 1823
- (_Dictionary of National Biography_, t. XLVII, p. 120).
-
-Paul est enfin arrivé ici. J'ai eu une longue et sérieuse conversation
-avec lui, et le voilà de nouveau à sa place. Y restera-t-il? Je ne le
-garantirai pas à la mère du corps diplomatique. Je lui ai lavé la tête
-à propos de vingt grands et petits détails. Je suis dans le secret de
-ses nouveaux amours et je lui ai donné des conseils qui ne devraient
-pas être méprisés par lui, car je fonde mes conseils sur ma propre
-expérience.
-
-Il se mettra en route sous très peu de jours, et je lui confie la
-présente lettre, qui vous arrivera plus sûrement et plus vite que par
-le courrier hebdomadaire. Ne te méprends pas au mot: confier; j'envoie
-le paquet à N[eumann], car je trouve inutile de doubler les
-confidences.
-
-Outre vingt peines que me fait ta maladie, je souffre encore de celle
-de ne point recevoir de tes nouvelles. Je vais être à un mois de date
-sans avoir lu un mot de mon amie. Nous n'avons pas vécu assez
-longtemps dans un même cadre de société pour que je puisse te parler
-de vingt petits faits qui se lient à la vie journalière; tes lettres
-me sont donc pour le moins aussi nécessaires que doivent te paraître
-les miennes, pour que je trouve de l'étoffe à la conversation. Mon
-amie, je ne cesserais pas de te parler de moi, si je ne devais
-craindre de t'ennuyer et de tomber dans la froide démonstration. Je
-borne aujourd'hui toute la somme de mon ambition au seul fait d'être
-aimé de toi et de ne point te fournir même un léger prétexte pour
-m'aimer moins; or, j'ai la conviction que l'on n'ennuie jamais de près
-en faisant de soi le sujet des conversations avec son amie, mais que
-la lettre est moins possible que la personne.
-
-Ma pauvre amie, si j'étais près de toi, combien j'aurais à te dire et
-combien, en même temps, j'aurais le besoin de te regarder sans
-proférer une parole!
-
-
- Ce 16.
-
-Encore une reine de morte![286]. En voilà quatre en moins de trois
-mois et trois en moins de quinze jours[287]. Je te remercie de ne pas
-être reine, et je te prie de ne pas mourir. Combien je t'aimerais
-moins, si tu étais plus que tu es! J'ignore si je t'aimerais moins si
-tu étais beaucoup moins, mais j'en ai une légère peur. Cette petite
-crainte me viendrait par la seule idée que tu pourrais aimer en moi
-tout ce qui n'est pas moi et ce que je déteste ou ce à quoi je
-n'attache point de valeur, quelque peu que je m'aime moi-même. Tu
-vois que je suis assez difficile à contenter, mais il faut que tu me
-prennes tel quel, moi qui ne veux que toi telle que tu es, et tout ce
-que tu es!
-
- [286] Louise-Marie-Thérèse, fille du duc Philippe de Parme, née
- le 9 décembre 1751. Elle avait épousé, le 4 septembre 1765,
- Charles IV, né le 11 novembre 1748, qui abdiqua le 19 mars 1808
- en faveur de son fils Ferdinand VII. Elle mourut à Rome le 2
- janvier 1819 (_Almanach de Gotha_, 1819.--LESUR, _Annuaire
- historique_, année 1819).--Elle était morte sept jours avant la
- reine de Würtemberg, du décès de laquelle M. de Metternich
- parlait le 13 (v. p. 136), mais la distance plus grande explique
- le retard de la nouvelle.
-
- [287] Ces quatre reines sont:
-
- 1º Charlotte, reine d'Angleterre (Sophie-Charlotte de
- Mecklembourg-Strélitz), née le 19 mai 1744, épousa le 8 septembre
- 1761 George III, roi d'Angleterre. Morte le 17 novembre 1818
- (_Almanach de Gotha_, 1819 et 1820).
-
- 2º Isabelle-Marie, reine d'Espagne (Isabelle-Marie-Françoise de
- Bragance), fille de Jean VI, roi de Portugal, née le 19 mai 1797.
- Elle avait épousé par procuration, le 4 septembre 1816, et en
- personne le 29 du même mois, Ferdinand VII, roi d'Espagne. Elle
- mourut le 26 décembre 1818.
-
- 3º Louise-Marie-Thérèse, reine d'Espagne, morte le 2 janvier 1819
- (Voir ci-dessus, même page, note 286).
-
- 4º Catherine, reine de Würtemberg, morte le 9 janvier 1819.
-
-Nous avons reçu aujourd'hui une lettre de Marie[288], qui nous mande
-qu'elle en a reçu une de toi de Calais, par laquelle tu lui
-recommandes ton courrier. Mon gendre l'a engagé pour tout le voyage
-d'Italie, et il a bien fait. Il me fera plaisir et peine à voir. Tout
-ce qui est de _notre_ attitude est plus ou moins dans le cas de nous
-faire cet effet.
-
- [288] La comtesse Joseph Esterhazy, fille aînée du prince de
- Metternich, était alors à Paris.
-
-
- Ce 17.
-
-J'ai eu aujourd'hui ma dernière séance chez Lawrence, c'est-à-dire la
-dernière séance pour la tête. La bouche est changée; le sardonisme a
-disparu; je suis tout bon. Je crois, au reste, le portrait parfait; je
-voudrais pouvoir le rendre parlant: que de choses il aurait à te
-dire[289]!
-
- [289] Ce portrait, commandé par le Prince Régent, devait être
- expédié à Londres pour être placé dans la galerie de Waterloo au
- château de Windsor.
-
-J'ai fait commencer ma fille Clémentine. Lawrence la dessine en grand
-avant de la peindre et il réussira à merveille. Tu verras le dessin,
-car il n'aura guère le temps de faire encore ici le portrait à
-l'huile[290]. Le premier croquis est parfait et, ce qui parle en
-faveur de la petite, c'est qu'il est charmant. Tu me diras, quand tu
-l'auras vu, si tu le trouves tel et si tu ne serais bien contente
-d'avoir une petite fille comme celle-ci. Elle n'est au reste plus trop
-petite; elle va avoir quinze ans, cet âge que chantent les poètes, et
-n'offre de charmes qu'à mes yeux.
-
- [290] Lawrence termina ce tableau en Italie et l'envoya de
- Florence au prince de Metternich, qui le reçut cinq jours avant
- la mort de la princesse Clémentine (6 mai 1820). «Hier est arrivé
- de Florence le portrait que Lawrence a fait de Clémentine.
- J'étais décidé à ne pas ouvrir pendant des mois la caisse qui le
- contenait. Il faut pourtant que Clémentine en ait entendu parler
- pendant qu'elle était en léthargie. Le premier mot lucide qu'elle
- m'ait adressé, elle me l'a dit pour me prier de faire déballer le
- portrait et de le lui montrer. Je le lui fis apporter. Elle
- sourit à son image et dit: «Lawrence semble m'avoir peinte pour
- le ciel, puisqu'il m'a entourée de nuages.» Elle voulait qu'on
- plaçât le portrait à côté de son lit. Mais ce portrait eût été
- trop cruel pour nous; on ne peut pas mettre ainsi l'une à côté de
- l'autre la vie et la mort.» (_Mémoires du prince de Metternich_),
- t. III, p. 343. Le prince de Metternich à (sans nom de
- destinataire), 2 mai (1820).
-
-L'on prétend communément qu'à mesure que l'on s'éloigne de la
-jeunesse, on cherche à placer ses affections sur des individus qui en
-approchent. Je n'éprouve pas encore ce sentiment, et le fait me prouve
-que je ne suis pas trop vieux encore. Ce n'est pas une flatterie que
-je te dis, en t'assurant que ton âge est l'un des attraits que tu
-exerces sur moi. Il y a entre les deux sexes une différence réelle et
-qui est toute en faveur du mien, celle de se trouver à peu près au
-même niveau à dix années de distance. Les hommes, à la vérité, ne font
-que gagner ces dix années à la fin de leur carrière, tandis que vous
-autres les tenez à votre disposition au commencement de la vôtre. Ceci
-n'empêche pas cependant que la différence n'existe, et je crois que la
-base de toute relation heureuse doit se trouver dans la hauteur à peu
-près égale de la pensée; or c'est tout juste elle qui n'existe pas
-entre deux individus des deux sexes à âge égal. Mon amie, je te
-remercie d'être née tout juste comme tu as eu l'esprit de le faire.
-
-Tu seras quelques jours de plus que tu ne le voudrais sans lettres de
-moi. Mais je veux absolument remettre celle-ci à Paul: il ira tout
-droit, et ce que je gagne en sûreté me paraît plus que ce que tu
-perdras en promptitude.
-
-Les bals ici vont leur train: ce train n'est pas le mien; je n'ai vu
-danser encore que deux fois, et il n'y a que Lady Ponsonby qui m'a
-demandé pourquoi je ne dansais pas. Je lui ai dit que je [me]
-trouverais ridicule; elle m'a assuré que j'avais tort, vu que Lord
-Castlereagh danse[291]. La raison ne m'a pas paru assez bonne pour me
-faire remuer les pieds.
-
- [291] «Ce grand corps (Castlereagh), dansant une gigue et levant
- en cadence ses longues et maigres jambes, forme le spectacle le
- plus divertissant.» (Comte DE LA GARDE-CHAMBONAS, _Souvenirs du
- Congrès de Vienne_, p. 192).
-
-Ma vie, mon amie, ne [se] règle sur nulle autre, même sous le point de
-vue de la valse. Entre autres et à propos de valse, sais-tu que c'est
-par une caricature que l'on a faite de toi et du gros Kozlovski que
-j'ai fait ta connaissance, il y a de cela sept ou huit ans[292]? Il
-est dommage que tu n'aies pas fait la mienne par ma visite à la
-princesse de Galles[293]. Qui m'eût dit alors que tu serais l'être qui
-fixerait un jour ma vie?
-
- [292] «La très maigre mais élégante princesse russe Lieven avait
- refusé de danser avec un mauvais valseur anglais en se servant de
- l'expression: je ne danse qu'avec mes compatriotes. Aussitôt
- parut une caricature: le corpulent prince Kosloffsky était
- représenté dansant avec l'invraisemblablement maigre princesse
- Lieven et, au-dessous, il y avait: la longitude et la latitude de
- Saint-Pétersbourg.» (DOROW, _Fürst Kosloffsky_, p. 12).
-
- [293] Caroline-Amélie-Élisabeth de BRUNSWICK-WOLFENBÜTTEL. Née le
- 17 mai 1768, elle avait épousé, le 8 avril 1795,
- George-Auguste-Frédéric, prince de Galles, plus tard Prince
- Régent (10 janvier 1811), et enfin Roi d'Angleterre sous le nom
- de George IV (29 janvier 1820). Dès le début du mariage, la
- mésintelligence régna entre les deux époux. Lors du voyage que
- l'empereur de Russie, le roi de Prusse et M. de Metternich firent
- à Londres en 1814 (ce dernier y resta du 8 au 26 juin), la
- princesse fut exclue de la Cour et ne reçut pas la visite des
- souverains. Indignée de ce manque d'égards, elle quitta
- l'Angleterre le 9 août 1814 et vint mener une vie errante sur le
- continent, prenant pour amant son courrier, Bartolomeo Bergami.
- Lorsque son mari fût devenu roi d'Angleterre, elle revint à
- Londres le 6 juin 1820 et fut reçue triomphalement par le peuple.
- Mais George IV introduisit devant la Chambre des Lords une action
- en divorce qui surexcita violemment l'opinion publique. Elle
- mourut le 7 août 1821 (_Dictionary of National Biography_, t. IX,
- p. 150).
-
-
- Ce 19.
-
-J'ai passé hier à peu près toute la journée hors d'ici. J'ai acheté
-l'été dernier une maison à Baden[294]; je ne l'ai vue qu'un quart
-d'heure avant de monter en voiture pour aller à Carlsbad. Je viens d'y
-faire plusieurs dispositions pour y loger ma famille l'été prochain,
-cet été que je passerai, dans ma vie vagabonde, à peu près en entier
-loin d'ici. Je tiens beaucoup à ce que tout ce qui tient à moi soit le
-mieux possible; je n'aurais eu ni cesse ni repos, si je n'avais point
-vu l'établissement de Baden avant de quitter les rives du Danube.
-L'établissement, au reste, est joli, et je ne regrette pas d'avoir
-sacrifié à peu près une journée à le voir.
-
- [294] Ville d'eaux thermales à 27 kilomètres de Vienne.
-
-Ce petit voyage m'a fait penser à un voyage bien plus long que je
-désirerais faire, et qui est si difficile à engrener par ma seule
-volonté!
-
-Mon amie, pourquoi tout me ramène-t-il à toi, toi qui es si loin, si
-hors de ma portée! Quel charme j'éprouverai le jour où je serai à même
-de te dire tout ce que j'aurai souffert, tout ce que j'aurais voulu
-et désiré, sans pouvoir y atteindre! La distance est une chose
-affreuse; elle paralyse le corps et hébète l'âme.
-
-Ta dernière lettre est du 23 décembre. Il va y avoir un mois que je
-n'ai pas un signe de vie de ta part, et certes sans qu'il y ait ni de
-ta faute ni de la mienne. Je suppose que N[eumann] va m'expédier
-bientôt un courrier. Il l'eût déjà fait sans doute, si, pour
-m'accabler, Lord C[astlereagh] n'eût pris la goutte[295]. Le Parlement
-va la remplacer et la pauvre politique étrangère est toujours bien
-secondaire en Angleterre, quand il s'agit d'un intérêt de John Bull.
-J'espère que N[eumann] n'oubliera pas de se servir des courriers
-anglais à Paris. La France est si près de l'Angleterre qu'elle seule
-n'est point perdue de vue.
-
- [295] Lord Castlereagh venait d'avoir une violente attaque de
- goutte: «Londres, 29 décembre.--Lord Castlereagh s'est trouvé
- tellement incommodé de la goutte pendant la journée d'hier qu'on
- a été obligé de le lever et de le coucher; à peine pouvait-il se
- remuer le moins du monde sans assistance... Le mauvais temps que
- Sa Seigneurie a éprouvé pendant sa longue traversée de Calais à
- Douvres a eu beaucoup d'influence sur sa santé... Le noble lord
- se proposait de partir vendredi de Londres pour North Cray. Mais
- malheureusement la goutte l'a pris jeudi» (_Moniteur universel_
- du dimanche 3 janvier 1819, no 3, p. 10).
-
- «Londres, 31 décembre.--Lord Castlereagh, à ce que nous avons le
- plaisir d'apprendre, est beaucoup mieux aujourd'hui» (_Moniteur
- universel_ du mardi 5 janvier 1819, no 5, p. 17).
-
-Cette France est bien malade, et je n'ai pas besoin de calculer
-beaucoup pour y entrevoir de graves chances de compromissions[296].
-Personne n'est ni plus indépendant ni plus courageux que moi dans ses
-calculs sur l'avenir; ne faut-il pas que toi, tu entres encore dans
-mes combinaisons sur l'état intérieur de la France! Je suis sûr que,
-sans toi, je verrais ce qui est; avec toi, je crains ce qui peut-être
-n'est pas. Voilà un ministre bien arrangé! C'est que je suis pour le
-moins autant homme que ministre, et bien plus l'ami de mon amie que
-toute autre chose au monde. Combien je serais fort, si j'étais
-heureux, et combien je suis faible, quand je manque de tout ce qui
-constitue la vie du cœur! Ma bonne amie, écris-moi bientôt; non que
-j'en aie besoin pour savoir que tu m'aimes, mais parce que j'ai celui
-de me l'entendre dire. Ne prends pas ma demande pour un reproche: tu
-n'en mérites aucun, mais je te dirai toujours tout ce que j'éprouve.
-
- [296] Dès leur arrivée au pouvoir, MM. Decazes, Gouvion Saint-Cyr
- et de Serre s'étaient occupés de remplacer les ultras de
- l'administration, de l'armée et de la magistrature. Le projet de
- modifications à la loi électorale était abandonné. De nombreux
- rappels d'exil étaient accordés, etc., etc.
-
-Nous sommes ici dans le noir, sans pouvoir en sortir; il va y avoir
-tout à l'heure une année que j'y suis; la première fois que je me
-verrai le mollet affublé d'un bas blanc, je croirai porter la jambe de
-mon voisin. Ce ne sont pas seulement les reines, mais tout le public
-qui a la rage de mourir. Je suis entouré ici de moribonds: un cardinal
-de mes cousins[297] et un cousin, général de son métier[298], se
-mettent de la partie; le premier est mort avant-hier et le second se
-rangera, je l'espère beaucoup encore, du nombre des mortels. Le
-général est le beau-frère de Paul et par conséquent le mari de sa
-sœur, que je t'ai dit beaucoup aimer, c'est-à-dire que je l'aime
-comme l'on fait quand l'on n'aime pas. Elle est une personne bonne,
-douce et spirituelle, un peu moins paresseuse que son frère, mais
-ayant toutes ses qualités et même celles qu'il n'a pas. La pauvre
-personne ne quitte pas le lit de son mari, près duquel je passe une
-heure tous les deux ou trois jours: son mal est si ancien et si
-compliqué que le bon Dieu seul est dans le secret de son existence
-future. Paul, pour se consoler des peines de la journée, passe ses
-nuits avec sa belle, qui jadis était l'une de mes folies[299]. J'en ai
-peu fait dans ma vie, mais j'avoue celle-ci, parce qu'elle était
-prononcée. Je suis par conséquent entouré d'objets lugubres, j'ai
-l'âme attristée et la tête remplie de bonne diplomatie. Je ne te parle
-pas de mon cœur. Tu sais où il est et ce qu'il renferme. Et puis il y
-a des sots qui courent la rue et qui m'envient mon existence! Ce qui
-prouve plus que tout combien ces sots sont sots, c'est qu'ils ignorent
-le seul côté heureux qu'il y ait aujourd'hui dans mon existence, le
-seul qui me fait vivre et me tue à la fois. Ma bonne amie, combien tu
-dois comprendre ce que je viens de te dire, et combien de fois le
-jour tu dois te faire le même aveu sur ton propre compte!
-
- [297] TRAUTTMANSDORFF-WEINSBERG (Maria-Thaddäus, comte DE). Fils
- du comte Weichard-Joseph de Trauttmansdorff. Né à Gratz (Styrie)
- le 28 mai 1761, mort à Olmütz le 17 janvier 1819. Évêque de
- Königgraetz le 30 août 1794, archevêque d'Olmütz le 26 novembre
- 1811, cardinal-prêtre le 8 mars 1816 (_Almanach de Gotha_,
- 1819.--ŒTTINGER, _Moniteur des dates_.--_Almanach royal_, 1819).
-
- [298] LIECHTENSTEIN (Maurice-Joseph, prince DE), né à Vienne le
- 21 juillet 1775. Entré au service dans l'armée autrichienne en
- 1792, feld-maréchal lieutenant en 1808, il mourut le 24 mars
- 1819.
-
- Il avait épousé, le 13 avril 1806, Léopoldine, fille du prince
- Nicolas Esterhazy et sœur du prince Paul, ambassadeur à Londres.
- Née le 31 janvier 1788, la princesse de Liechtenstein mourut le 6
- septembre 1846 (WURZBACH, _Biographisches Lexikon des Kaiserthums
- Oesterreich_, t. XV, p. 168.--STROBL VON RAVELSBERG, _Metternich
- und seine Zeit_, t. II, p. 166).
-
- M. Schwebel, chargé d'affaires de France, au ministre des affaires
- étrangères: «Vienne, 27 mars 1819... Le prince Maurice de
- Liechtenstein qui vient de mourir à l'âge de quarante-quatre ans,
- après une longue et douloureuse maladie, est généralement
- regretté. C'était un général distingué par sa bravoure et d'un
- noble caractère.» (_Archives du ministère des Affaires
- étrangères_, Autriche, Correspondance, vol. 400, fº 44 verso).
-
- [299] La duchesse de Sagan, voir p. 110.
-
-La vie de l'homme se compose d'éléments si extraordinaires et si
-rarement en rapport entre eux, que l'on a beau chercher le bonheur; il
-me paraît toutefois qu'il ne me resterait rien à désirer si j'étais
-près de toi. Si tu étais jalouse, je te battrais et nous ferions la
-paix. Je te battrais, parce que tu aurais tort et que je déteste les
-torts, en somme et en détail; peut-être ma confiance passerait-elle
-dans ton cœur et, au lieu de nous quereller, prendrions-nous le parti
-si simple et si doux de nous aimer beaucoup, toujours et sans plus.
-
-
- Ce 20.
-
-J'espère que N[eumann] aura eu l'esprit de te donner la musique de
-dame que je lui ai envoyée dernièrement. Je n'ai pas voulu lui écrire
-de te la donner, mais je suppose que son bon sens doit l'avoir mené
-droit au but. S'il ne l'a pas fait, j'en aurais un peu mauvaise
-opinion, et, dans ce cas, demande-la-lui sans détour. J'ai ramassé
-tout ce que j'ai pu me procurer de valses que j'entends à tous nos
-bals et, faute de pouvoir m'entendre rabâcher, je veux que tu entendes
-au moins ce que j'entends pendant des heures entières. La musique vaut
-aussi des paroles et, si tu trouves du charme à en jouer de la
-mauvaise, dis-toi que je ne suis pas plus heureux d'entendre ce que tu
-joueras mieux que je ne l'entends ici, que tu ne le seras en
-l'entendant toi-même.
-
-Mon amie, n'oublie pas de m'envoyer la mesure de ton bras,
-c'est-à-dire de la partie du bras où tu portes un bracelet. Je le
-ferai faire bien solide et de manière à ce que tu ne risqueras pas de
-le casser. Ce sera ton affaire que de ne pas le perdre. Parmi beaucoup
-de choses que l'on fait mal ici, il en est quelques-unes que l'on fait
-bien, et tout ce qui est bijouterie est du nombre des bonnes choses.
-
-C'est encore l'un de mes malheurs que de ne pouvoir rien te donner. Il
-y a peu de choses que j'entende mieux que le mot de Lord
-Albemarle[300], qui un jour dit à une amie avec laquelle il se promena
-pendant une belle nuit d'été et qui eut l'air de beaucoup fixer une
-étoile: «Mon amie, ne la regarde pas tant, je ne puis pas te la
-donner!»
-
-Je voudrais, quand j'aime, que mon amie eût tout de moi, et rien que
-de moi. Si j'avais donné dans la mauvaise compagnie, je me serais
-certes ruiné, car j'y eusse trouvé des amies qui m'eussent demandé
-quelques indemnités pour les étoiles. Toi, tu es le contraire et tu me
-forces à étouffer de chagrin de ne rien pouvoir te donner du tout. Je
-crois même, s'il m'en souvient, que c'est l'un des messieurs de notre
-société qui a payé le goûter à Henry-Chapelle[301].
-
-
- Ce 21.
-
-Le courrier de Paris, arrivé ce matin, m'a remis tes nos 7 et 8, du 3
-janvier jusqu'au 8 inclusivement. Tu vois, mon amie, que je suis exact
-à t'indiquer les dates, pour ne point te laisser le moindre doute sur
-le reçu de tes lettres. Il ne m'en manque aucune depuis que tu
-m'écris.
-
- [300] ALBEMARLE (William-Charles Keppel, IVe comte D'), né le 14
- mai 1772, devint comte d'Albemarle à la mort de son père, le 13
- octobre 1772 et mourut en 1849. Il avait épousé:
-
- 1º le 9 avril 1792, Élisabeth Southwell, fille de Lord Clifford,
- laquelle mourut le 14 novembre 1817;
-
- 2º le 11 février 1822, Charlotte-Susannah, fille de Sir Henry
- Hunloke (ŒTTINGER, _Moniteur des dates_).
-
- [301] Henry-Chapelle, bourgade sur la route d'Aix-la-Chapelle à
- Spa, à 19 kilomètres de Verviers. Lors de l'excursion du prince
- de Metternich, du comte et de la comtesse de Lieven à Spa,
- pendant le Congrès, les voyageurs s'étaient arrêtés dans une
- auberge de ce village.
-
-J'ai vu avec bien du chagrin que tu as été plus malade même que je
-n'avais cru. Je t'ai grondée, ne sachant pas jusqu'à quel point tu
-avais été compromise; je te gronde doublement aujourd'hui de ce que tu
-ne soignes pas ta santé plus que tu ne le fais. Tu es maigre et tu te
-dis forte; je le crois, mais ne brave pas ta maigreur. Sois sûre, mon
-amie, que le plus petit mal peut tourner au mal conséquent et souvent
-irréparable, quand l'on est comme tu es. Or j'aime que tu sois ce que
-tu es; ne fais rien pour changer.
-
-Ta lettre m'a, d'un autre côté, fait le plus grand plaisir. Tu sais
-que je les lis et les relis, et cette certitude qui te satisfait va
-tout à l'heure te gêner. Tu me dis dans ta lettre: «Mon ami, tu as
-beaucoup trop d'esprit dans le cœur, cela m'incommode; je sens, je
-vois bien que tu ne veux pas en mettre dans tes lettres; il t'échappe
-sans ta participation, tu ne saurais faire autrement; et moi je suis
-presque honteuse de ne te montrer qu'un cœur tout bête, tout franc,
-sans autre assaisonnement. Je te prie de ne jamais te rappeler tes
-lettres lorsque tu lis les miennes».
-
-Bon Dieu! mon amie, il n'y a pas un cœur plus cœur que le mien--et
-il n'est que cela. Mon esprit est tout dans ma tête, et ne t'abuse pas
-sur l'étendue de mon fonds. Mon esprit est tout en lignes droites et
-en grosses masses; je perce quand je vais en avant et j'écrase quand
-je tombe. Mon cœur est tout de même. J'aime ou je n'aime pas; tout
-moyen terme est placé hors de ma nature. L'esprit, le sentiment, le
-talent, sont des facultés toutes séparées entre elles, et il n'existe
-pas un mortel qui les réunisse toutes à un même degré. Ces facultés
-même sont tellement indépendantes l'une de l'autre, que l'on peut
-exceller dans l'une d'entre elles et manquer à peu près en entier de
-l'autre; cette thèse cependant, qui est d'une vérité constante, n'est
-appliquée qu'avec trois facultés considérées en masse, elle est fausse
-dès qu'il s'agit d'une application spéciale, c'est-à-dire dès qu'il
-s'agit de l'emploi de l'une ou de l'autre faculté dans une
-circonstance donnée. L'amour renferme son esprit et son talent; le
-talent renferme et l'amour de la chose sur laquelle il porte et
-l'esprit dans l'exécution. Il n'y a malheureusement que l'esprit seul
-qui peut rester froid et se passer de sentiment et de talent. Le ciel
-m'a épargné le malheur d'avoir de l'esprit de ce genre, et ce sont
-tout juste les êtres dans ce monde qui en manquent à peu près dans
-tout qui sont les premiers à taxer les hommes de ma trempe de n'avoir
-que de l'esprit et de manquer de cœur.
-
-Ne va pas, mon amie, te creuser la tête pour répondre à mes lettres,
-ni chercher jamais de l'esprit autre que celui lié au bonheur d'avoir
-un cœur. Je veux absolument que tu ne te trompes en rien sur mon
-compte; ne crois pas que je te dis ici un mot de plus ni un de moins
-que ne me dicte le cœur et, comme tu dis très bien, l'esprit que j'ai
-dans le cœur. Si je consultais ma tête en t'écrivant, il est vingt
-choses que je ne te dirais pas et cent que je dirais autrement que je
-ne le fais. Tu vois, aux volumes que je t'écris, que je laisse couler
-ma plume comme ma pensée et, aux graves omissions et incorrections que
-tu dois trouver dans mes lettres, que je ne les relis jamais.
-J'ignore même si tout le monde est comme moi; je ne puis pas relire
-une de mes lettres, sauf à la changer, et il ne m'arrive certes pas de
-la changer en mieux. Ne t'avise pas de croire que je traite ainsi mes
-dépêches; celles-ci gagnent toujours à la révision, ce qui prouve que
-l'esprit a besoin d'un degré de calme qui tue le cœur.
-
-Il doit enfin t'être bien prouvé que je t'ai pas trompé le jour où, la
-première fois, je t'ai parlé de moi. C'était chez Lady Castlereagh. Je
-me connais beaucoup et je m'en sais gré. Je me juge avec tant de
-sévérité que je ne me permets jamais de juger ainsi les autres. Mon
-amie, l'on ne me connaît, au reste, que comme tu dois me connaître
-maintenant, ou l'on ne me connaît pas du tout.
-
-Après tant d'aveux, il me reste à t'assurer que c'est tout juste
-l'esprit de ton cœur qui fait mon bonheur et ton charme. Tes lettres
-si simples et si bonnes, le manque total d'apprêt que j'y trouve, tes
-assurances et tes vœux si fortement exprimés dans _ma_ langue, me
-prouvent que tu me connais et, je le dis avec une grande jouissance,
-que tu m'aimes. Rien n'est extraordinaire comme notre liaison; je
-crois que toute mère pourrait permettre à sa fille la lecture de notre
-roman; peu d'entre celles-ci voudraient se contenter de notre bonheur,
-et peu, par conséquent, seraient séduites par notre exemple. Je
-réponds des hommes pour ce fait; je n'en connais pas qui se serait
-placé ainsi que je le suis. Homme moi-même, crois-tu que je puisse en
-être satisfait? Mais cet homme qui est ton ami, peut-il désirer plus,
-si le tout n'est pas toi?
-
- * * * * *
-
-Je viens de recopier ce que tu trouveras sur cette feuille. La
-feuille no 7 du 22 janvier t'arrivera par Paul, que la malheureuse
-position de son beau-frère retient ici. Je ne puis et ne veux la
-confier à une autre occasion, et ne veux pas manquer le départ du
-courrier hebdomadaire pour t'envoyer le no 13 moins la feuille 7.
-
- _Le prince de Metternich avait en effet recopié sur une feuille à
- part, parvenue postérieurement à la comtesse de Lieven, le
- passage ci-dessous, daté du 22, auquel il ajouta quelques mots le
- 28 janvier_:
-
-
- Ce 22.
-
-Je vais entrer aujourd'hui avec toi, mon amie, dans un court
-développement, bien _secret_ et bien _confidentiel_, sur le plus grand
-intérêt de ma vie, celui de t'avoir ici.
-
-Ton Empereur a plusieurs classes d'individus qu'il emploie en les
-casant d'après le genre de service qu'il en attend et d'après un
-calcul qui porte sur le terrain sur lequel il les place.
-
-C'est ainsi que jamais il n'enverra un _faiseur_ (véritable peste
-diplomatique) en qualité d'ambassadeur ou de ministre ni à Londres, ni
-ici.
-
-
- _Sur une autre feuille_:
-
-
- Ce 28.
-
-Des nouvelles de très bonne source ne me laissent quasi point de doute
-que Pozzo[302] ne travaille sous mains, pour se ménager le poste de
-Vienne. Le terrain de Paris, qu'il a tant contribué à gâter, lui
-paraît intenable pour lui à la longue. _Nous ne le recevrons pas_, si
-même l'on devait vouloir l'envoyer, fait dont je doute fort[303].
-
- [302] POZZO DI BORGO (Charles), né le 8 mars 1764 à Alala près
- Ajaccio. Secrétaire en 1789 de l'assemblée électorale de la
- noblesse de Corse. Quitte cette île en 1796, entre au service
- russe comme conseiller d'État en 1804, colonel en 1806, quitte
- après Tilsitt le service de la Russie mais y rentre en décembre
- 1812. Général-major (1813), aide de camp général (1814),
- ministre, puis ambassadeur à Paris, comte russe (1826), général
- d'infanterie (1827), ambassadeur de Russie à Londres (1835-1839),
- mort à Paris le 15 février 1842 (Grand-duc Nicolas MIKHAÏLOVITCH,
- _Portraits russes des dix-huitième et dix-neuvième siècles_, t.
- II, portrait 162).
-
- [303] Au sujet du projet de faire nommer M. de Lieven ambassadeur
- à Vienne, voir p. 62 et lettre du 31 janvier.
-
-
- _Ici reprend la lettre no 13._
-
-
- Ce 23.
-
-Mon amie, ma lettre redevient un volume. Je conçois qu'avec ton train
-de vie et ta gêne, tu pourrais finir à ne pas trouver ni le temps ni
-les moyens de me lire. As-tu songé à acheter un portefeuille à Paris,
-avec une serrure à combinaisons? Ne te fie pas aux clefs; les
-meilleures sont celles qui ouvrent, et elles s'égarent tout comme
-celles qui n'ouvrent pas. Si tu l'as oublié (et je parie que tel est
-le cas), fais écrire par N[eumann] à Paris qu'on t'envoie un
-portefeuille avec une serrure à combinaison plate de Huret[304].
-
- [304] _Bottin_ de 1819, p. 143: «HURET (Léopold). Ingénieur,
- breveté de S. M., de S. A. S. la duchesse douairière d'Orléans et
- du garde-meuble de la couronne, fournisseur des estafettes du
- gouvernement et des ministères. Belle collection de fermetures de
- combinaison, garnitures mobiles, etc., très beaux portefeuilles
- ministériels, de voyage et même de poche fermés avec ses nouveaux
- procédés, ainsi que beaucoup de machines d'une utilité générale,
- toutes de son invention ou perfectionnées par lui. Fabrique, rue
- des Grands-Augustins, 5».
-
-A propos de Paris, on y dit que: le Roi est casé, serré, ciré et
-désolé[305]. Que Dieu te garde de jamais te trouver en pareille
-position.
-
- [305] Jeu de mots sur les noms des quatre principaux membres du
- ministère du 29 décembre 1818: M. Decazes, ministre de
- l'intérieur; M. de Serre, ministre de la justice; le maréchal
- Gouvion Saint-Cyr, ministre de la guerre; le général Dessolle,
- ministre des affaires étrangères, président du conseil.
-
-Mon amie, je te permets et je t'ordonne même de ne pas penser à ce qui
-me plaît, quand il s'agit de faire ce qui t'est utile. Or, tu mettras
-dorénavant les vésicatoires que voudra t'appliquer ton médecin,
-partout où il les jugera nécessaires et même passablement utiles. Tu
-ne demanderas pas combien de temps restent les marques. J'aimerai à la
-folie celles auxquelles tu devras une seule heure de santé.
-
-L'un de mes ancêtres, bon et brave chevalier, était promis à une jeune
-et riche héritière. Les noces étaient arrêtées; elles durent être
-retardées, vu une guerre qui survint entre l'Allemagne et la France.
-Mon pauvre aïeul y perdit une jambe et la moitié de l'autre. Il
-écrivit sur-le-champ à sa fiancée qu'il lui rendait toute liberté. Ma
-bonne bis- ou trisaïeule lui répondit: «Comme je n'aime pas vos
-jambes, mais bien vous, je vous épouserais, eussiez-vous encore un
-bras de moins.» Le sang de la bonne femme coule dans mes veines, et je
-bénis le ciel que l'amputation du brave grand-papa n'ait pas dépassé
-les jambes, car tout l'amour de la fiancée n'eût pas suffi pour le
-bien de sa postérité. Il est clair que je ne t'aimerais pas
-aujourd'hui, ce à quoi j'aime cependant beaucoup à être condamné.
-
-
- Ce 24.
-
-Le beau-frère de Paul est très mal[306]. Il souffre l'impossible:
-après une maladie affreuse--la goutte s'était portée sur le cœur--il
-vient de s'en découvrir une autre. Il a des pierres dans le fiel. Il
-est depuis huit jours entre la vie et la mort. Sa mère avait le même
-mal, tout juste à l'âge du fils. Elle est restée dans cet état de
-désolation pendant six mois, et elle a eu le temps de l'oublier
-pendant plus de vingt-quatre années de santé. J'ai peur que tel ne
-soit pas le sort du fils. Je souffre de l'un des aspects les plus
-pénibles; je passe bien des heures à côté de son lit, et je ne sais
-comment faire partir Paul, qui a d'autres motifs pour ne pas être
-fâché de rester. Je profiterai du premier moment de mieux pour le
-mettre en route.
-
- [306] Voir p. 147.
-
-La vie, mon amie, est une chose à la fois si tenace et si délicate que
-l'on ne sait si elle tient à un câble ou à un cheveu.
-
-
- Ce 26.
-
-Le courrier part, et je ne puis me résoudre à attendre le départ de
-Paul, qui peut se retarder encore de huit jours. Son beau-frère est un
-peu mieux aujourd'hui, mais j'ai peur que ce mieux ne soit qu'un
-faible répit.
-
-Mon amie, le courrier de Paris est arrivé aujourd'hui. Il ne m'a rien
-porté de toi. Je suppose que N[eumann] va m'en expédier un. La
-première chose que je cherche toujours dans les immenses paquets qui
-m'arrivent, ce sont tes petites lettres, que je reconnais au format.
-Mon amie, les grandes affaires et les gros paquets ne pèsent guère
-dans la balance du bonheur.
-
-Mon départ pour l'Italie est fixé au 23, à moins d'incidents que je ne
-puis prévoir. N[eumann] recevra à temps des instructions pour notre
-correspondance. Je n'oublierai certes pas le premier intérêt de ma
-vie.
-
-Tu liras probablement incessamment dans les feuilles mon nom accroché
-à de nouveaux titres et à d'autres fonctions.
-
-Il n'y a pas un mot de vrai au bruit qui est né dans quelque coin de
-rue, et qui, à ce titre, ne saurait manquer de faire le tour de
-l'Europe. L'on veut me faire plus que je ne suis, et je voudrais être
-moins, rien du tout. Je puis empêcher le premier, et n'ai
-malheureusement encore jamais trouvé le moyen d'effectuer le dernier.
-
-Mon amie, que je serai heureux le jour où je te reverrai! Adieu, il
-faut que je finisse, car je ne puis retarder le départ d'un homme dont
-les chevaux sont mis depuis plusieurs heures. Adieu, ma bonne et chère
-D.
-
-
-
-
-No 14.
-
-
- V[ienne] ce 28 janvier 1819.
-
-Je commence un nouveau numéro, mon amie, pour te dire que je t'aime de
-tout mon cœur et que je n'aime que toi. Cette lettre te sera enfin
-remise par Paul.
-
-Tu y trouveras jointe la partie du no 13 que je n'ai pas voulu confier
-à une occasion moins sûre que ne l'est la présente. Il te suffira d'y
-jeter un coup d'œil pour te convaincre des motifs de prudence qui
-m'ont fait agir ainsi. Je ne sais ni compromettre ceux qui placent
-leur confiance en moi, ni compromettre un grand intérêt dans ma vie.
-Le premier de tous se trouve touché dans ce que je t'ai écrit le 22 de
-ce mois[307].
-
- [307] Voir, p. 154, ce passage rétabli à sa date.
-
-Il me reste à te prier de faire tout ce que je te demande dans les
-feuilles jointes à la présente lettre et écris-moi que tu l'as fait.
-
-Mon amie, je ne puis te dire assez combien le voyage si long que je
-vais entreprendre me gêne. Je déteste le matériel du voyage; je
-regarde la voiture comme une prison, et je suis trop libéral, malgré
-ce qu'en pense le _Morning Chronicle_, pour ne pas aimer la liberté de
-mes mouvements. Je vais par-dessus le marché au midi, pendant que tu
-es au nord. Notre correspondance--le seul bonheur duquel je jouis en
-ce moment--ne peut qu'en souffrir. En un mot, mon amie, ce que j'eusse
-entrepris naguère sans plaisir mais sans dégoût, tourne aujourd'hui en
-ennui complet. Ma santé est bonne et je crois que le voyage la rendra
-meilleure encore; l'air et le soleil de l'Italie me font toujours du
-bien; ils calment et détendent mes nerfs; je suis forcé à un mouvement
-que je ne trouve pas moyen de faire dans mon attitude habituelle.
-Voilà le bon côté de la chose, mais il est physique, et le moral
-l'emporte chez moi toujours sur la partie matérielle de mon existence.
-
-Toi, c'est-à-dire du bonheur, c'est ce qu'il me faudrait, et je ne le
-trouverai pas aux bords du Tibre ni sur la plage de Baja. Si je
-pouvais faire le voyage avec toi, je le regarderais comme l'une des
-plus grandes jouissances de ma vie.
-
-Le seul point lumineux au milieu de tant de brouillards, c'est la
-rencontre avec ma fille[308]. Je ne la quitterai pas de tout le
-voyage. Je trouve en elle toujours un être qui me comprend, et rien ne
-calme, plus que ce fait, mon âme si isolée au milieu du monde. Je
-voudrais tant t'envoyer l'une ou l'autre de ses lettres, pour que tu
-puisses juger combien elle est ma fille. La pauvre petite a le cœur
-le plus pur et à la fois le plus chaud que l'on puisse rencontrer; ses
-sentiments sont tout en dehors pour ceux qu'elle aime et toutes ses
-paroles sont simples comme elle. Elle a écrit dernièrement à sa mère,
-le jour de sa naissance: «Je vous écris à genoux, lui dit-elle, pour
-vous remercier de vingt-deux années de bonheur[309]!» Voilà tout ce
-qu'elle dit, et j'aime mieux cette seule ligne qu'un roman sentimental
-tout entier. Aussi ne puis-je t'aimer plus que je ne l'aime, ni elle
-plus que toi. Je vous aime autrement, et les sots seuls prétendent que
-l'on ne peut avoir dans son cœur plusieurs affections également
-fortes. La différence dans l'affection n'exclut ni sa force ni son
-existence. Ce qui tourne en faveur du sentiment de la nature de celui
-que j'ai pour toi, c'est qu'il ne peut porter que sur un seul objet,
-tandis que celui que l'on porte à un enfant, à un frère, peut exister
-à la fois pour tous vos enfants et parents.
-
- [308] Le comte et la comtesse Joseph Esterhazy, de retour de
- Paris, retrouvèrent le prince de Metternich à Florence.
-
- [309] C'est presque mot pour mot le texte du billet d'adieu
- adressé par Mme de Lieven à M. Guizot la veille de sa mort. Y
- aurait-il là une involontaire réminiscence?--(Voir _Souvenirs du
- baron de Barante_, t. VIII, p. 159).
-
-Tu recevras d'Italie un véritable journal. Ce ne sera pas celui d'un
-voyageur sentimental, mais d'un homme tout simplement et tout
-bonnement ton ami. Crois-tu que je le sois tout à fait? Crois-tu qu'on
-puisse l'être plus que je ne le suis? Toi aussi, mon amie, demande à
-ceux qui t'assureront que je ne sais pas aimer: «Vous a-t-il aimé?» Tu
-ne risques pas de rencontrer celle qui pourrait te répondre par un
-«oui» tout rond.
-
-
- Ce 29 janvier.
-
-J'ai vu dans les feuilles que tu as été invitée à Brighton[310]; je
-savais par ta dernière lettre que tu t'apprêtais à y aller. Si j'étais
-seigneur de Brighton, tu y serais toujours quand j'y serais moi-même
-et je crois que, dans ce cas, Londres me verrait peu. Dans un rapport
-de cœur, la campagne vaut le double de la ville; tout y est réunion
-et la sert; les entraves du salon n'existent pas; le même toit semble
-réunir les cœurs comme les individus. Une bonne saison de vie de
-château avec toi ferait le bonheur de ma vie; je crois que j'y ferais
-provision de bonheur et que j'en acquerrais un fonds assez riche pour
-suffire à ma dépense bien au delà de la durée du séjour.
-
- [310] Par le Prince Régent qui s'y était fait construire en 1818
- un pavillon de style chinois. Le comte et la comtesse de Lieven,
- à peine revenus de Paris, étaient allés y passer quelques jours
- (L. G. ROBINSON, _Letters of Dorothea, Princess Lieven, during
- her residence in London_, p. 38).
-
-
- Ce 30.
-
-J'ai été interrompu hier, dans ma lettre, par la meilleure des causes,
-par la seule, je crois, qui au monde eût pu m'être agréable. L'on est
-venu m'annoncer l'arrivée du courrier de Londres. Je l'ai fait venir
-sur-le-champ, j'ai déballé moi-même sa valise, j'ai aimé même à voir
-l'une des plus sottes figures--véritable valise vivante--qu'il y ait
-au monde. Je suis sûr, mon amie, qu'il ne t'est jamais arrivé de
-quitter un lieu où tu venais d'être heureuse, sans attacher une idée
-de jalousie au retour du postillon qui t'as conduite la première
-poste. Je crois toujours que cet homme doit être heureux! Or, mon
-imbécile d'hier et de tous les jours m'a paru malheureux d'avoir
-quitté Londres.
-
-Ne t'y trompe pas, mon amie, je ne suis souvent guère plus que toi en
-passe de lire tes lettres quand je le veux, et cette volonté porte
-toujours sur le premier moment possible. J'avais dans ma chambre l'un
-de mes conseillers, j'étais occupé d'une fastidieuse affaire, je
-n'étais pas les jambes croisées dans le coin d'un canapé; ma bonne
-amie, j'ai fait une bête mine en me faisant faire le rapport d'une
-sotte affaire. J'ai déballé; j'ai renvoyé mon ennuyeux référendaire;
-je me suis mis à décacheter mes paquets; celui que l'on cherche est
-constamment le dernier que l'on trouve. J'ai ouvert tes lettres, je me
-suis mis à lire et j'ai eu la visite du nonce[311], de Golovkine, de
-Caraman, de sept ou huit athlètes politiques. Les scélérats m'ont
-retenu trois heures. Si j'avais été leur mère, je les aurais fouettés.
-Enfin, je suis parvenu à te lire, oui, bien toi, mon amie, car rien,
-hors tout toi, n'est plus toi que tes lettres. J'aurai bien à y
-répondre: j'en suis tout plein et tout heureux.
-
- [311] LÉARDI (Paul, comte), né en 1763. Évêque _in partibus_
- d'Éphèse, Nonce apostolique à Vienne, mort dans cette ville le 30
- décembre 1823 (ŒTTINGER, _Moniteur des dates_).
-
-Avant tout, merci, bonne D., que tu sois ce que tu es. Me suis-je
-trompé en toi? Ai-je eu du courage de me placer et de me livrer comme
-je l'ai fait? Ai-je eu de l'esprit à deviner le tien, du cœur à
-pressentir le tien, du goût en te choisissant, de la sagesse en
-faisant de toi l'amie de ma vie? Ne va pas croire que je n'eusse point
-pu faire autrement que je n'ai fait. Je crois t'avoir déjà dit ce que
-je pense des impressions spontanées. Quelques fortes que puissent être
-ces impressions, elles ne sont jamais plus fortes que mon âme. J'ai
-toute ma vie été maître du premier mouvement, je ne me suis livré au
-second qu'en suite de ma ferme volonté de le faire, je n'ai jamais
-dirigé le troisième. Aujourd'hui, il me serait tout aussi impossible
-de ne pas t'aimer que j'ai eu la faculté de me livrer à toi ou à te
-laisser loin de moi. S'il y a peu de roman dans ce fait, c'est que je
-n'ai jamais écrit le roman, je n'en lis même jamais. Je suis si
-pénétré de la conviction qu'il n'en existe pas un que je n'eusse écrit
-avec autant de véritable sentiment que le lecteur sentimental y
-découvre souvent sans être romanesque lui-même, que je ne trouve pas
-qu'il vaille la peine de lire ce que d'autres ont senti ou se figurent
-avoir senti. Ma bonne amie, crois-m'en sur parole; je sais aimer plus
-et mieux que la plupart des hommes.
-
-Tes lettres sont tout ce que je veux: il n'en existe ni de plus
-aimables, ni de meilleures, de plus raisonnables, de plus fortes.
-Elles sont d'une femme comme je l'aime, d'une amie qui seule peut être
-la mienne. Tout est raison dans ton âme et chaleur dans ton cœur; dès
-que le contraire a lieu, l'être, en un mot, qui, à mon avis, est
-transposé, n'est plus fait pour moi. Reste, bonne amie, comme tu es et
-ne crains rien du temps. Ce n'est pas quand l'on est comme moi que le
-lendemain est à craindre; le jour d'aujourd'hui est _plus_ demain et
-jamais _moins_. Je vais en m'élevant et non en baissant, j'ai le pas
-assuré; comme petit garçon déjà je suis moins tombé que mes camarades;
-j'ai couru un peu moins vite, j'ai ouvert de grands yeux et j'ai
-toujours gagné le prix à la course. Je suis certain, mon amie, que
-nous deux arriverons toujours au but et, ce qui fait le bonheur de ma
-vie, à un même but.
-
-Combien tes lettres me prouvent cette vérité! Oui, mon amie, un
-lecteur tiers ne trouverait pas de différences entre nos lettres; nous
-pourrions quasi chacun garder toujours la nôtre: nous y apprendrions
-à peu près tout ce que nous nous disons réciproquement. Le fait est
-simple: nous pensons l'un comme l'autre, nous avons les mêmes goûts,
-les mêmes besoins; tu es en femme ce que je suis comme homme. Je
-n'aurai jamais une impression qui ne te porterait au même jugement que
-moi. Nous sommes _vrais_ tous deux, et c'est beaucoup. Nous le sommes
-par besoin ou plutôt par impossibilité de ne pas l'être, plus que par
-toute autre cause. L'on peut être autre que nous le sommes; dans ce
-cas sera-t-on meilleur ou plus mauvais? Le _troisième_, homme ou
-femme, peut exister, mais je ne l'ai pas trouvé. Ne va pas le
-chercher.
-
-Moi aussi, mon amie, j'ai le sentiment que plus personne ne te
-satisfera _en plein_. Tes sens existent, donc ils peuvent se séduire.
-Ils ne te procureront plus une entière jouissance; il te manquera ce
-que tes sens n'ont jamais offert, ce qui est placé hors de leur
-sphère. Les jouissances que les sens seuls procurent, ressemblent aux
-effets d'une girandole. Les fusées s'élèvent, elles jettent un jour
-qui devrait durer toujours; vous croyez vous élever avec elles; tout
-est beau et lumineux; les alentours même empruntent de leurs feux--et
-vous vous trouvez replongé dans les ténèbres. Ce qui fait _notre vie_,
-mon amie, n'est pas passager; nous irons mieux demain que nous
-n'allons aujourd'hui--et nous ne vieillirons pas en peu de moments.
-
-
- Ce 30.
-
-J'ai relu depuis hier deux fois tes lettres. Elles font mon bonheur.
-Bonne amie, ne crains jamais de m'en écrire de trop longues. Des
-lettres comme les tiennes n'ont pas de taille, chaque page vaut une
-lettre et la plus longue ne me paraît qu'une page.
-
-Tu es donc arrivée à sentir le besoin de me mettre au fait de
-l'histoire de ta vie; c'est le premier de mes besoins quand j'aime. Je
-n'ai jamais peur que mon amie sache trop; j'ai peur qu'elle ne sache
-tout. Il n'est pas en moi un côté faible que je ne voudrais lui
-découvrir; si l'on a besoin de cacher, ce ne peut être qu'en suite
-d'un tort. Mon amie, je ne crois pas avoir jamais été dans ce cas.
-
-Tu as vu que peu après que j'étais entré en contact avec toi, j'ai
-commencé par te parler de moi; tu n'avais pas le même besoin; tu l'as
-aujourd'hui: je crois que tu m'aimes plus. Mande-moi tout: que je
-sache quand tu as été heureuse et quand tu ne l'étais pas. Je sais au
-reste ce qui te regarde; tu n'as pas besoin de _nommer_, je crois que
-je pourrai y suppléer. Tu as fait des choix et tu as été trompée;
-quelle est la jeune femme qui ne l'a pas été? Il est naturel que les
-femmes se trompent plus que les hommes et les raisons en sont simples.
-La plupart des hommes ne cherchent que ce qu'ils sont sûrs de trouver,
-tandis que les femmes cherchent ce qu'une longue expérience et une
-connaissance profonde du cœur humain ne permettent pas souvent de
-décider. Et à quel âge cherchent-elles un ami digne d'elles, un cœur
-sûr et aimant, un esprit juste et droit? Mon amie, les affaires se
-font en marchand et les femmes se livrent à la plus forte de leur vie
-à peine sorties de l'enfance. Les yeux disent à l'homme ce qu'ils
-cherchent, et le cœur de la femme veut décider d'avance de celui de
-l'homme qu'elle désire. L'homme a atteint son but au moment même où
-la femme n'établit de fait que son point de départ. L'homme cesse
-quand la femme commence; l'amour paraît trop long au premier et la vie
-trop courte à la dernière. La femme ne veut pas quand l'homme veut et
-elle veut quand il ne veut plus. Tout ceci est dans la nature, et sans
-cette loi l'amour n'existerait pas, ce don du ciel réservé par le
-Créateur à la seule espèce humaine. L'amour véritable est tant, mon
-amie, que s'il était facile à rencontrer, il ne vaudrait plus rien. Il
-se compose en premier lieu de disparates et d'oppositions; il se
-renforce par les difficultés; il n'est couronné que par la plus
-entière identité. Il a bien des termes à parcourir et bien des
-difficultés à vaincre; or dans les choses difficiles, la plupart des
-humains perdent haleine à mi-chemin, trop heureux s'ils y arrivent!
-
-J'ai beaucoup connu un homme--et je crois que c'est celui duquel tu te
-plains--et je l'ai connu bien avant toi. Tes yeux auront éveillé ton
-cœur et ton cœur a ébloui ton esprit. L'on prend en amour souvent
-son propre esprit pour celui de l'objet aimé; l'on est si heureux de
-donner que prêter ne coûte rien. Or, mon amie, tu as un grand fonds de
-cette denrée et tu n'as pu t'apercevoir de la dépense que tu faisais.
-
-Si le sort nous avait réunis plusieurs années plus tôt, sais-tu ce qui
-serait arrivé? Peut-être m'aurais-tu aimé et la jalousie nous eût
-désunis. Je suis bien loin d'être le meilleur homme de la terre, mais
-je suis l'un des plus justes. Rien ne me révolte comme tout ce qui ne
-l'est pas. Il est dans ma manière d'être quelque chose qui doit être
-vrai, car j'en ai éprouvé constamment les effets. J'ai l'air du monde
-le plus froid et le plus calme: mon amie découvre que je ne suis ni
-l'un ni l'autre. Dès que je suis en liaison, je deviens devant le
-monde vingt fois plus aride pour la femme que j'aime et je reste pour
-les autres tel que je suis constamment. Dès lors, la comparaison
-s'établit: je dois devenir autre que je ne puis l'être; je me révolte;
-l'on me taxe d'infidélité là où je ne suis que constant; je me fâche,
-l'on se fâche; toi surtout, tu te serais fâchée. Mon amie, je crois
-que, plus jeunes, nous nous serions disputés. J'ai le malheur de
-rester calme dans la dispute, et rien ne met les femmes hors des gonds
-comme le calme. Je suis bien certain cependant que rien n'eût jamais
-pu nous séparer, nous nous serions convenus trop pour nous quitter.
-Moi, au moins, j'ignore ce que c'est que quitter. Tu m'aurais
-peut-être battu.
-
-
- Ce 31[312].
-
-Ta description de Brighton m'a fait grand plaisir. C'est tout comme si
-j'y étais: quelle différence cependant si j'y avais été! La
-description du logement ne me satisfait pas complètement. Je n'y vois
-de commode qu'une antichambre, et je conçois qu'un archiduc peut s'y
-trouver mieux que moi, car elle lui suffit.
-
- [312] Les billets du 31 janvier et du 1er février furent séparées
- par Metternich de la lettre no 13 et envoyés postérieurement à
- celle-ci. Il en informait la comtesse par ces mots placés à la
- suite du billet du 30: «Le reste de cette feuille et celle 6
- t'arriveront par P. E. Tu verras à la fin de la lettre pourquoi.
- Il en est de même de la feuille 7 du no 14.» P. E. étaient les
- initiales de Paul Esterhazy.
-
-Je ne suis pas étonné que le maître du lieu[313] ne t'ai point parlé
-de _nous_; ce n'est que par St[ewart] qu'il apprendra quelque chose, à
-moins que les yeux de sa future ne lui fassent oublier tout ce qui
-n'est pas elle[314]. J'ai eu grand soin de calmer sa curiosité, à
-force de ne lui rien dire _du vrai_ et de convenir _des apparences_.
-La plupart des hommes ne vont pas au delà; il leur suffit de
-rencontrer une apparence de conviction qu'on les trouve fins
-observateurs; ils se contentent de cette belle découverte et ne se
-soucient pas de savoir le fond de la chose.
-
- [313] Le Prince Régent.
-
- [314] Ch. Stewart épousa en secondes noces le 3 avril
- Frances-Anne, fille unique de Sir Harry Vane-Tempest.
-
-St[ewart] est parti convaincu d'ici que notre rapport se borne _à la
-possibilité qu'il eût pu s'en établir un entre nous, si, et si, et si,
-etc., etc._
-
-Or, sers-t'en comme d'une sourdine et non comme d'une trompette: il
-est bon à l'un comme à l'autre. St[ewart] est un très galant homme: ce
-sont tout juste ceux-là auxquels il faut dire tout ou ne leur confier
-rien.
-
-Les feuilles du no 13 que tu reçois aujourd'hui prouvent de nouveau la
-coïncidence parfaite entre nos occupations et nos jugements. Tu verras
-que, sans être né au 64e degré, j'en juge parfaitement la température.
-Le but que je te propose doit être le nôtre, la marche qui doit y
-conduire doit nous être commune. Le terrain est encore net; il ne faut
-pas le brouiller et avec un peu de prudence y parviendrons-nous. Il
-m'est arrivé de parvenir à des choses plus difficiles que celle-là,
-c'est peut-être parce qu'elle devrait ne pas l'être que j'y
-parviendrai plus difficilement. J'ai une longue expérience dans les
-affaires de ce monde et j'ai toujours vu que rien n'est aisé à
-arranger comme tout ce qui semble présenter des difficultés
-insurmontables. Aussi, quand il s'en présente une, je commence
-toujours par voir s'il y a une impossibilité apparente: je ne tremble
-plus dès que tel est le cas.
-
-Je n'ose pas penser à ce qui serait le succès de ma vie. J'ai peur
-même d'y penser, car rien ne tue les succès comme les désirs.
-
-Ma bonne amie, tu te trompes quand tu crois que le voyage d'Italie
-finira à la fin de mai. Ce n'est que vers la mi-juillet que je pourrai
-songer à me mettre en route pour l'Angleterre, et c'est ce sur quoi
-s'étaient fondés mes doutes si je devais préférer 19 à 20. D'après ce
-que tu me dis et ce que je sais, je ne crois pouvoir penser qu'à 20,
-en me réservant toutefois de saisir tout moment propice--et il est des
-moments qui ne se présentent qu'au vol. L'automne de 19 ne peut donc
-entrer dans aucun calcul, mais je te dirai ce que je prépare pour
-l'année prochaine. Je compte me ménager un congé pour aller sur les
-bords du Rhin au mois de mai et de juin. J'irai d'abord chez moi--ce
-sera le prétexte--je passerai en Angleterre--ce sera le but--et je
-resterai dans le prétexte en passant de nouveau une quinzaine chez
-moi. Mes voyages sont de fortes affaires, c'est pour cela que je ne
-crains guère les défaites. Je parie, mon amie, que si j'avais été
-général, j'aurais gagné les batailles et j'aurais été rossé comme
-plâtre dans les escarmouches. J'aimerais, dans tous les cas, mieux ma
-course à Londres que Waterloo. Ma bonne amie, Waterloo a pourtant
-également son mérite; la gloire de la journée me fait même aimer la
-grosse cabaretière en face de la chapelle du lieu!
-
-Ainsi la chose reste dite. Si je puis juger le moment et le saisir au
-vol en 1819, tu me verras à Londres. Si je crois le fait meilleur, de
-toute manière meilleur en 1820, ce sera cette heureuse année que
-j'irai. Mon amie, que n'est-ce demain!
-
-
- Ce 1er février.
-
-Mon amie, comme le temps passe! Voilà que _tout_ va être à trois mois
-de date. Comme il passe lentement! Il me faudra peut-être plus d'un an
-pour te revoir. Tout passe excepté le sentiment que je te porte.
-
-Quelle singulière personne tu es, et dans tout ce que tu dis et par
-conséquent dans tout ce que tu penses!
-
-Tu me dis, dans ta lettre du 9 janvier: «J'ai le malheur d'aimer
-l'ambition, j'aime tout sentiment qui pousse un homme à aller en
-avant.»
-
-Ce mot est si fort à moi que je te permets tout au plus d'en partager
-la propriété. Je vais te le prouver.
-
-Quand, en 1814, l'Empereur m'a permis de joindre les armes de sa
-maison aux miennes[315], j'ai choisi un _motto_ pour mes armes. Je me
-suis arrêté plusieurs mois au mot de «_Vorwærts_»[316], que j'ai voulu
-demander. C'est la dissonnance de la fin du mot qui m'a empêché de le
-choisir définitivement, et je vois aujourd'hui que j'ai eu tort. J'ai
-trouvé que toute l'ambition permise à un homme se trouvait concentrée
-dans ce mot; il porte à la fois sur l'individu et, à mon avis, bien
-plus encore sur ses devoirs. Un petit scrupule de peu de valeur m'a
-empêché de choisir le mot--le fait étant dans mon cœur et dans mon
-essence, je te plais. J'ai inventé _Kraft im Recht_[317] que je porte
-maintenant. Si tu veux savoir quels sont mes principes politiques, tu
-en lis le manifeste dans ces trois paroles.
-
- [315] Cette faveur fut accordée au prince de Metternich par une
- lettre autographe de l'empereur François datée de Paris, 21 avril
- 1814 (_Mémoires du prince de Metternich_, t. VII, p. 649).
-
- [316] En avant.
-
- [317] La Force dans le Droit.
-
-Quant à l'ambition, mon amie, ne dis pas que tu l'aimes. Il en est une
-détestable et une autre qui seule porte aux belles choses, les seules
-grandes. Toute ambition qui se borne au calcul de se pousser soi-même
-est condamnable; celle qui vous porte à pousser _la cause_ est la
-force motrice de tout bien. Je n'en ai et n'en admets point d'autre.
-C'est aussi celle que tu aimes, la seule que tu puisses aimer. Une âme
-comme la tienne ne veut que ce qui est utile, car tout ce qui ne l'est
-pas n'est pas digne de tes regards. Or, l'individu n'est rien et la
-chose est tout. Je ne puis plus être rien de plus chez moi que je ne
-suis; ma carrière est finie; je l'ai parcourue sans jamais penser à
-moi, sans jamais demander rien, sans même avoir voulu me charger de
-tant de responsabilités! Si j'avais de la mauvaise ambition, je serais
-content d'être ce que je suis; or, je ne le suis pas. Mon ambition est
-de _faire et bien_; c'est elle qui me console en partie des immenses
-sacrifices que je lui porte. Sais-tu quelle a été la sensation que
-j'ai éprouvée le jour où j'ai été tout ce que je puis être? J'ai
-manqué pleurer de la perte de ma liberté, et je me suis sauvé par
-l'idée que le plus méchant des sots ne trouvera plus moyen de croire
-que _je fais pour devenir_, que je _marche pour monter_. Quand je
-marche, mon amie, c'est pour arriver, et ma personne est maintenant
-hors de jeu. Je me trouve placé à la tête d'intérêts immenses; je ne
-suis pas un moment dans la journée où je n'aie le sentiment de ce que
-je dois à la confiance d'un homme que j'aime parce que je l'estime;
-chaque erreur que je commets porte sur à peu près 30 millions
-d'hommes; je ne crains que des erreurs, car je puis me garantir mes
-intentions. Crois-tu, mon amie, que placé ainsi, je puisse nourrir un
-sentiment quelconque d'ambition relatif à moi?
-
-
- Ce 2 février.
-
-Quelles bonnes journées! Gordon[318] m'a envoyé ce matin des dépêches
-que venait lui porter un courrier de son gouvernement. J'y ai trouvé
-une lettre de toi, bien empaquetée et bien bonne. C'est ton numéro 11
-du 21 janvier. Tu étais bonne, tendre et triste, ce 21 janvier. Il
-t'est arrivé ce qui m'arrive. Quand il m'arrive de rêver d'un être que
-j'aime, qui est loin de moi, je passe toujours la journée suivante
-dans un état que je ne puis te faire comprendre que par les mots de
-«_wehmüthige Stimmung_»[319]. J'ai beau vouloir me distraire, la
-journée a hérité de la pensée de la nuit; je ne parviens pas à en
-sortir; elle pèse sur mon âme, elle accompagne ou suit toute idée
-étrangère à son objet. Mon amie, je te remercie de cette nouvelle
-ressemblance.
-
- [318] GORDON (Sir Robert), chargé d'affaires de l'ambassade
- d'Angleterre à Vienne pendant l'absence de Charles Stewart. Né en
- 1791, fils de Lord Haddo, frère de Lord Aberdeen et de Sir
- Alexandre Gordon, qui fut tué à Waterloo. Attaché à l'ambassade
- anglaise en Perse (1810), puis secrétaire d'ambassade à la Haye.
- Ministre plénipotentiaire au Brésil (juillet 1826-1828).
- Ambassadeur à Constantinople (1828-1831), puis à Vienne (octobre
- 1841-1846). Mort subitement à Balmoral le 8 octobre 1847
- (_Dictionary of National Biography_, t. XXII, p. 228).
-
- «Londres, 4 janvier.--Samedi, l'honorable M. Gordon est parti en
- qualité de chargé d'affaires pour Vienne. Il passera par Paris. On
- dit qu'il va remplacer Lord Stewart, et Sa Seigneurie viendra
- passer quelque temps en Angleterre.» (_Moniteur universel_ du
- samedi 9 janvier 1819, no 9, p. 34.)
-
- [319] Disposition d'esprit mélancolique.
-
-Tu me dis: «Je vaux mieux ou moins que toi.» Je t'accorde avec grand
-plaisir le mieux, je rejette le moins et je suis prêt à décider que
-nous valons l'un ce que vaut l'autre. Mon amie, c'est dans cette
-conformité entière--si rare à rencontrer--que se trouve le lien qui
-nous lie. Combien, si j'étais avec et près de toi, tu aurais de
-raisons de ne plus douter de cette entière conformité!
-
-Tu me dis que tu m'aimes plus que tu m'as aimé? Je le crois: tout dans
-ce monde avance ou recule. Rien, et la pensée moins que toute autre
-chose, ne reste stationnaire.
-
-Tu me rappelles que je t'ai prédit que tu aimerais mes lettres et moi
-en suite de mes lettres. J'en étais certain, et je ne te l'eusse point
-dit, si je ne l'avais été. Je sais que mes lettres expriment ma
-pensée; je sais que ma pensée te convient; je sais enfin que si je
-cherchais à t'écrire des lettres guindées, tu ne m'aimerais pas. Tu as
-appris à te confirmer par mes lettres dans vingt vérités que tu as eu
-la bonté d'accorder sur parole. Tu as été confiante et tu t'en sais
-gré. La confiance est une chose si forte et si grande qu'on peut finir
-par la regarder, dans des cas donnés, comme la source de tout bonheur
-comme de tout malheur. Moi, mon amie, je ne mériterai jamais le
-reproche d'avoir fait ton malheur. Je resterais cent ans en liaison
-avec toi--ce bonheur n'est pas d'ici-bas--que tu me retrouverais à la
-fin le même pour lequel tu as bien voulu me prendre au commencement
-de notre connaissance. Il est un élément en moi qui ne change pas, qui
-ne vieillit pas, que rien ne saurait faire dévier de sa ligne: c'est
-le cœur. Mon cœur a cherché à dix-huit ans ce qu'il a trouvé à
-quarante;--mon amie, crois-tu que je puisse jamais vouloir céder ma
-propriété pour rentrer dans le vague? Il t'en ira de même, tu ne me
-quitteras plus. Si, par la plus cruelle des destinées, je devais ne
-pas te voir de longtemps, si notre plus prochaine rencontre ne pouvait
-avoir lieu que dans un âge beaucoup plus avancé, nos âmes n'en
-feraient pas moins qu'une seule. Deux essences, confondues comme les
-nôtres, ne se séparent plus et, si la faculté existe, elles sont liées
-bien au delà des bornes du temps physique. C'est à nous à chercher à
-ne pas le voir s'écouler loin de l'autre. La volonté de l'homme est,
-après le Destin, la plus forte des puissances. Crois que je sais
-vouloir et fie-toi à cette force que le ciel a placée dans mon âme.
-_Veux_, de ton côté; soyons prudents et nous arriverons au but.
-
-Je n'aime pas te faire de reproches, et pourtant faut-il que je t'en
-fasse un. Comment es-tu encore à trouver dur que tu ne rencontres pas
-ton cœur dans ton ménage? Ce bonheur, sous le point de vue du
-sentiment de l'amour, n'est réservé qu'à une faible somme de ménages
-privilégiés. Je ne crois pas qu'il se rencontre jamais dans ceux qui
-s'établissent dans la première jeunesse; la sécurité de la possession
-dans l'âge des passions, dans celui de la force et de la fleur de
-l'imagination, tue le charme de la propriété. Je nie catégoriquement
-que jamais il puisse se rencontrer dans les mariages d'amour entre
-jeunes gens. Or tu es dans le premier de ces cas.
-
-Tu étais une enfant quand tu t'es mariée[320]. Tu as été placée dans
-une attitude qui n'est pas conforme à la marche de la nature dans les
-femmes. La jeune fille a besoin d'aimer sans plus; l'amour se présente
-à elle tout spirituel; le corps, la partie matérielle ne lui apparaît
-pas; elle ignore que c'est elle qui la pousse et qui éveille en elle
-un sentiment inconnu, mais plein de charmes. On jette une jeune
-personne entre les bras d'un homme qui commence par ce qui devrait
-être la fin; dès lors, la marche même de la nature est intervertie, et
-elle ne l'est jamais impunément. Le fait qui devrait ne jamais
-être qu'une récompense tourne en dégoût et le succès en défaite.
-L'âme s'affaisse sous le poids de ce régime, qui devrait être
-inconstitutionnel (tu vois que je suis libéral) et elle reste
-comprimée jusqu'au premier moment où elle prend son essor. Le ménage
-ne paraît plus alors qu'une dure nécessité--le devoir, un poids
-souvent insupportable--il semble un obstacle au bonheur. L'âme entre
-en révolution, elle brise des liens qui lui semblent injustes; elle se
-fonde sur une forte déclaration _des droits de l'homme_. Elle croit
-trouver le bonheur tout autre part que dans ce qui lui est imposé
-comme autant de devoirs; la vie s'use dès lors en contraintes, en
-désirs, en recherches, en espérances déçues, en erreurs dans les
-choix, en regrets. L'âge vient, le roman cesse et les faits se
-représentent de nouveau dans toute leur simplicité. Heureux ceux qui
-n'ont point de reproches fondés à se faire, à cette époque reculée, de
-s'être préparé une source de regrets amers et éternels!
-
- [320] Mme de Lieven avait quinze ans à l'époque de son mariage.
-
-Mon amie, ne trouves-tu pas que j'ai raison?
-
-Mais en quoi as-tu tort?
-
-Dans le fait que tu regrettes ne pas trouver dans ton ménage ce qui ne
-peut s'y trouver, et en cherchant ce qui ne se trouve pas dans ton
-mari, est la cause de tes regrets. Tu m'aimes, tu m'aurais épousé à
-quatorze ans: tu ne serais pas plus avancée en bonheur, sous le point
-de vue de ce que tu appelles l'emploi du cœur, que tu ne l'es. De
-l'amour, mon amie, ne va pas le chercher dans le ménage; ta conscience
-te fera le reproche d'aller le chercher hors de lui: je ne dis pas que
-cette _partie législative_ de ton être ait tort. Je respecte avant
-tout la loi. Je suis assez faible pour y manquer quelquefois. Mon
-amie, pardonne-moi cette faiblesse: tu la partages; nous avons donc
-tort tous deux, sans avoir sans doute une autre excuse que le fait.
-
-Il n'existe pas une loi qui ne soit fondée sur l'application de la
-plus pure morale. Mais la force des circonstances a dû engager souvent
-le législateur à renforcer les termes de la loi, et la plupart de ces
-circonstances tiennent à la réunion des hommes en société. L'on se
-marie pour avoir des enfants et non pour satisfaire le vœu du cœur.
-La société exige que telle soit la règle, mais le cœur s'y soumet
-bien difficilement; il finit ordinairement par regagner ses droits, et
-je suis convaincu que les bons ménages ne seraient fréquents que si
-les unions avaient lieu entre hommes de quarante et femmes de trente
-ans. L'un et l'autre des deux partis saurait alors qui choisir. Ta
-gouvernante t'aura dit cent fois: Pensez d'abord et puis agissez! Ta
-mère te l'aura répété: et l'on t'a fait faire l'_affaire de la vie_
-avant que tu aies même eu la faculté de penser et de savoir ni ce
-qu'est la vie, ni quelle en est l'affaire.
-
-Le monde, mon amie, marche d'après les besoins de la société; le cœur
-a souvent bien de la peine à s'y soumettre. Mais ne va pas en chercher
-la cause hors toi-même.
-
-Quand je t'ai dit, il y a longtemps, que je voulais que, pour me
-plaire, tu fusses bien pour ton mari, j'ai senti que je te donnais
-l'un de ces conseils que peu d'hommes savent donner. Mais, mon amie,
-tu dois m'aimer pour ce fait, car toi, tout juste toi, tu n'aimeras
-jamais dans l'homme que tu trouves digne d'être ton ami que ce qui est
-bien en soi-même ou pour le moins sage, dans une circonstance donnée.
-Le sommes-nous de nous aimer comme nous le faisons? Je l'ignore, mais
-ce qui est certain c'est que je ne saurais faire autrement.
-
-
- Ce 3 février.
-
-En parcourant ce matin ta lettre no 9, je n'ai pu m'empêcher de rire
-de ta colère contre N[eumann], de ce qu'il a bâillé pendant que tu lui
-parlais de moi et de nous. Ma bonne amie, c'est que N[eumann] n'est
-pas amoureux de moi. Et que Dieu garde qu'il le devienne jamais! Que
-ferais-je de son sentiment? Le métier de confident est le plus
-détestable qu'il y ait. Il ressemble aux charmes de celui d'un
-conducteur de diligence. T'es-t-il arrivé quelquefois de devoir lire
-des lettres d'amour adressées à une autre que toi? Elles me font
-l'effet d'un remède qui porte au cœur à force d'être fade. Mais aussi
-faut-il convenir que, sur mille, il n'en est pas une qui ne soit
-l'expression de la folie, de la déraison ou de la bêtise. Les pires
-de toutes sont celles qui sont rédigées dans le but de masquer la
-nullité complète de leur auteur. Le remède alors est pire que le mal.
-
-Crois-tu encore à la possibilité que je puisse exister dans une
-liaison avec une petite sotte? Ne va pas croire que j'aime à écrire.
-En voyant les volumes que je t'écris, tu pourrais bien être tentée
-d'en admettre la chance. Je n'écris que quand je ne puis faire
-autrement; je ne t'écris pas par plaisir, mais par besoin et ce
-besoin tourne en bonheur. Je n'ai jamais ni correspondants ni
-correspondantes. Je n'écris que sur des _in-folio_. Je voudrais
-pouvoir trouver un autre mot que celui d'écrire, quand il s'agit de
-toi. Je te parle, je cause avec toi, tu es devant moi, en moi,
-partout. J'ai même la réputation du correspondant le plus détestable,
-le plus paresseux du monde; c'est, de toutes mes réputations, à la
-fois la plus vraie et la plus fausse.
-
-Dis-moi qui sont les deux Anglaises desquelles j'ai été amoureux? Je
-ne me souviens d'aucune. Les Anglaises sont singulières. Leurs
-manières sont tellement à l'avenant que l'on serait tenté de croire,
-quand on ne les connaît pas, qu'elles sont à laisser ou à prendre sans
-plus. Elles sont si étonnées, quand elles rencontrent un homme qui
-leur parle avec un peu de suite, qu'elles portent sur-le-champ le même
-jugement sur son compte, jugement qui certes est moins hasardé. Mais,
-de l'amour, même les apparences de la cour qui précède l'amour, je te
-jure que je ne me sens pas coupable de ce crime envers aucune
-insulaire. Si je n'avais passé six mois à Londres à l'âge de dix-huit
-ans[321], je ne pourrais pas répondre en conscience si les femmes
-anglaises sont de la même espèce que celles d'en deçà de la Manche.
-Dis-moi, bonne amie, lesquelles de _vos_ femmes se vantent, ce qui
-serait me faire trop d'honneur, et quels sont les imbéciles qui m'en
-font assez pour me taxer de fortunes aussi mauvaises que je regarde
-l'être toutes celles que l'on peut avoir avec des caillettes. Et tu
-m'assures que mes belles le sont!
-
- [321] Le premier voyage de Metternich en Angleterre date de 1794.
- Le prince avait alors 21 ans et non 18.
-
-
- Ce 4.
-
-Mon amie, tu m'aimes bien, car tu aimes l'Autriche que tu n'aimais
-pas! Je ne te permets pas de ne pas m'aimer, mais je suis assez juste
-pour ne pas trop savoir pourquoi tu m'aimes tant; d'un autre côté, je
-ne te pardonnerais pas de ne pas aimer l'Autriche, car elle est bonne.
-L'un des bonheurs de ma vie serait de te voir l'aimer en suite d'un
-long essai. Tu l'aimerais alors de conviction, tout comme tu l'aimes
-aujourd'hui par entraînement. Sais-tu ce qui t'arriverait? Tu finirais
-par l'aimer plus que je ne l'aime, car l'on a beau l'aimer, l'on se
-lasse de porter un fardeau, et celui que je porte est lourd.
-
-Tout ici est bon: je ne connais pas un fait basé sur un principe ou
-faux en lui-même ou condamnable. C'est le régime qui, au monde,
-respecte le plus tous les droits et garantit le plus toutes les
-libertés. Notre essence n'est point connue: elle ne saurait l'être,
-car nous ne parlons guère et le monde est plus enclin à croire sur
-parole à ce qui n'est pas qu'à se douter de ce qui est sans paroles.
-Notre pays, ou plutôt nos pays, sont les plus tranquilles, parce
-qu'ils jouissent sans révolutions antérieures de la plupart des
-bienfaits qui incontestablement ressortent de la cendre des empires
-bouleversés par des tourmentes politiques. Notre peuple ne conçoit pas
-pourquoi il aurait besoin de se livrer à des mouvements, quand, dans
-le repos, il jouit de ce que le mouvement a procuré aux autres. La
-liberté individuelle est complète, l'égalité de toutes les classes de
-la société devant la loi est parfaite, toutes portent les mêmes
-charges: il existe des titres, mais point de privilèges. Il nous
-manque un _Morning Chronicle_!
-
-Tu crois que je suis libéral dans le fond du cœur? Oui, mon amie, je
-le suis et même au delà. Je te parlerai un jour, quand je ne serai pas
-à ma 34e page, de mes principes à ce sujet, et ne t'en effraie pas: je
-te prouverai que tu n'es pas de l'opposition. Tu aimes l'esprit, mon
-amie, et tu as raison; mais ton esprit est si droit et si positif que
-tu aurais beau faire, tu ne saurais dévier de la ligne pratique, et
-c'est tout juste celle qui ne l'est pas qui conduit à l'opposition.
-Rien n'est facile comme la critique; rien même n'est utile comme elle,
-hors le _bien faire_. Sur cent critiques, il n'en est pas un qui sache
-le dernier. Toi, mon amie, tu as ce que les femmes ont si rarement et
-de même ce qu'elles ont toutes. Tu es homme pour l'esprit, femme pour
-la finesse du tact. Tu es charmante, ma bonne D.; tu es ce qui me
-faut; je ne veux plus que toi. Ne te fâche pas de ces aveux et
-n'oppose rien à mes vœux!
-
-Je suis occupé maintenant, depuis trois jours, de l'occupation la plus
-sotte du monde. Nous avons ici l'ambassadeur persan[322]. Ce diable
-d'homme veut tout ce l'on ne peut vouloir et se refuse à tout ce
-qu'il doit. Il existe chez nous une étiquette très sévère pour la
-réception des ambassades orientales. Mirza-Abdul-Hassan-Khan--nom doux
-à prononcer--est une espèce de Chinois pour l'étiquette[323]. Nous
-avons terminé avec lui; je vais le recevoir, et dimanche il aura son
-audience solennelle chez l'Empereur. Le cœur, mon amie, reste bien
-vide dans ces occasions, et, comme tout cependant me ramène à toi,
-même les ambassades persanes, je lui veux du bien, vu qu'il est _l'un
-de tes enfants_. Il se rend d'ici à Londres, et tu l'y as peut-être
-déjà vu une fois. Il a ici avec lui une esclave géorgienne, de
-laquelle le grand vizir lui a fait cadeau[324]. Je suis fâché que
-cette attention n'ait pas également lieu dans la Chrétienté. Je sais
-bien quelle esclave j'eusse demandé à ton Empereur, à la suite de
-l'entrevue d'Aix-la-Chapelle! Mon Dieu, comme j'aurais eu soin de
-cette gentille personne! Comme je la logerais bien, comme elle ne
-manquerait de rien et combien je serais bien plus à elle qu'elle ne
-pourrait jamais être à moi!
-
- [322] Le marquis de Rivière, ambassadeur de France, au duc de
- Richelieu, Constantinople, 10 octobre 1818:
- «Mirza-Abdul-Hassan-Khan, qui a rempli avec succès en 1810 une
- mission diplomatique importante à la cour de Londres et qui, en
- 1814, 1815 et 1816, a résidé à Saint-Pétersbourg, est arrivé à
- Constantinople le 26 septembre. Ce personnage se rend de nouveau
- à Londres par l'Autriche et la France, et il est également chargé
- de missions pour les cours de Vienne et de Paris.
-
- «Cet ambassadeur est un homme réellement distingué. Il parle fort
- aisément l'anglais et le russe. Il connaît les intérêts des
- puissances européennes, surtout les affaires de l'Inde, où il a
- fait un long séjour. Il a un esprit pénétrant, beaucoup de dignité
- dans sa conduite, et une élévation d'idées peu commune chez ses
- compatriotes. Possesseur d'une fortune considérable et comblé des
- bienfaits de Feth-Ali-Chah, il est encore traité par son maître
- d'une manière toute royale... Sa mission a essentiellement pour
- but de connaître l'état des affaires de l'Europe, et celui de la
- France en particulier, à laquelle la cour de Perse paraît
- conserver une sorte de prédilection. Il aura aussi à régler avec
- le ministère anglais quelques affaires d'un haut intérêt... Cet
- ambassadeur a eu l'honneur d'être présenté à Sa Majesté (Louis
- XVIII) à Hartwell et il ne parle du roi et de son auguste famille
- qu'en termes convenables.» (_Archives du ministère des Affaires
- étrangères._ Turquie, Correspondance. Vol. 231, fº 207 recto.)
-
- Du même au même. Constantinople, 25 novembre 1818:
- «Mirza-Abdul-Hassan-Khan... a quitté Constantinople le 21, se
- dirigeant sur Vienne, où il espère trouver les deux empereurs de
- retour d'Aix-la-Chapelle. Tout le monde s'accorde à dire beaucoup
- de bien de son caractère, de son esprit distingué et de sa noble
- conduite... Mirza-Abdul-Hassan-Khan est accompagné de quatorze
- personnes en tout... Mirza-Abdul-Hassan-Khan est très instruit
- dans les langues persane, arabe et indienne, il parle aussi fort
- aisément le turc, l'anglais et le russe. Il souhaitait d'être
- accompagné d'un Français de mon choix, pour apprendre notre langue
- pendant le voyage, mais j'ai laissé tomber cette proposition, afin
- d'éviter quelques inconvénients» (_Ibid._, fº 245).
-
- Mirza-Abdul-Hassan-Khan est l'auteur d'un ouvrage intitulé
- _Haïrat-Namâ_ ou _Livre des Merveilles_, qui contient un long
- récit des voyages du khan aux Indes, en Turquie, Russie,
- Angleterre, etc. (BEALE, _An Oriental Biographical Dictionary_,
- Londres, 1894).
-
- [323] «Il n'est pas possible de voir un personnage plus taquin et
- plus épineux que Mirza-Abdul-Hassan-Khan chicanant sur toutes les
- étiquettes, avare, mais fin, rempli d'esprit, et connaissant
- parfaitement les usages européens, car il a passé trois ans à
- Saint-Pétersbourg et quatre ans à Londres.» (_Souvenirs de la
- baronne du Montet_, 1785-1866, p. 183).
-
- [324] «Nous avons été, avec Mmes de Chotek et de Kolowrath, voir
- la célèbre beauté circassienne, l'esclave favorite de
- Mirza-Abdul-Hassan-Khan. Les noirs chargés de sa garde ont fait
- beaucoup de difficultés pour nous admettre. Enfin, les portes se
- sont ouvertes et, à notre grande surprise, nous avons vu une
- femme sans beauté, plutôt petite que grande, assez maigre, peau
- très jaune, cils et sourcils noirs, beaux grands yeux noirs,
- cheveux noirs et malpropres, sur lesquels elle avait jeté
- quelques chiffons et de vieilles fleurs artificielles fanées et
- flétries, apparemment pour se donner une apparence de parure.
- Elle était vêtue à l'européenne, d'une vilaine petite robe,
- éraillée, de mousseline jaune.» (_Souvenirs de la baronne du
- Montet_, p. 184.)
-
-
- Ce 5 février.
-
-Dans l'une de tes lettres, tu te plains de la société dans laquelle tu
-vis. Mon amie, la mienne n'offre guère plus de charmes. Il y a des
-êtres qui se contentent souvent de peu de chose, et beaucoup de monde
-et de bruit est peu. Je ne suis pas de ces gens-là. Je déteste ce que
-l'on appelle le monde; j'aime l'occupation et un cercle étroit, bien
-connu, sûr et aimable. Tu sais que les numéros 1 sont toujours placés
-sous les lustres. Eh bien! c'est peut-être pour cela que d'autres ne
-trouvent place que dans les coins, et c'est dans ces coins que se
-trouvent toujours l'esprit et la grâce. Il n'est pas un pays plus
-stérile que le nôtre en hommes aimables; les femmes valent mieux, mais
-les classes sont par trop tranchées; il n'en existe guère qui aient à
-la fois de l'esprit et du charme. Les femmes spirituelles chez nous
-sont ordinairement loin d'être aimables, et celles qui, au premier
-abord, paraissent aimables manquent d'esprit. Aussi n'en existe-t-il
-pas une ici qui pourrait me faire passer avec plaisir une soirée à ses
-côtés.
-
-Ma société se compose de tout ce que porte le pavé de Vienne et de
-quelques hommes: ces derniers sont étrangers et en petit nombre. Je
-vois habituellement du monde tous les soirs à commencer de 9 heures.
-Les ennuyeux se sont donné le mot de se présenter en masse les
-dimanches et les jeudis, les médiocres viennent les lundis et les
-vendredis. Huit ou dix personnes--et ce sont celles qui sont
-bien--viennent à peu près tous les jours, et, les mauvais, nous ne
-nous renfermons dans notre coin que vers minuit où nous restons à
-causer jusqu'à 1 ou 2 heures. Ma pauvre amie, c'est dans ce coin--et
-ça surtout chez toi--que ceux qui se réunissent chez moi seraient bien
-et que tu le serais à ton tour. Il faut au milieu de plusieurs hommes,
-l'esprit d'une femme spirituelle. Tout prend une face nouvelle; les
-idées gagnent en fraîcheur et rien n'est comparable au genre de
-finesse et de tact qu'une femme aimable sait déployer dans l'intime
-réunion. J'ai passé les meilleures années de ma vie dans ce genre de
-vie; ma vie même y a été formée par la première liaison que j'ai eue.
-La femme qui m'a permis de l'aimer à dix-huit ans[325] était aimable;
-elle avait une tante d'un esprit très supérieur et qui ne souffrait
-que d'aimables entours. J'ai, en apprenant à connaître le monde, vu
-que rien n'est facile comme de faire valoir l'esprit que l'on a, et
-que rien n'est ridicule comme de courir après celui que l'on n'a pas.
-J'ai commencé par où ordinairement l'on finit. Aussi, arrivé ici pour
-la première fois à l'âge de près de vingt et un ans, on a voulu
-absolument m'en donner trente. Depuis que je suis formé, je manque du
-premier élément de mon bonheur social. Mon amie, si tu étais ici,
-comme je n'en manquerais plus!
-
- [325] Voir p. 41.
-
-Tu as raison: il y a beaucoup de femmes aimables en Angleterre; je
-connais beaucoup Lady Harrowby[326] c'est-à-dire autant que l'on
-connaît un être que l'on a vu journellement pendant quelques semaines.
-Elle est bonne et peut-être aimable. Tu me dis qu'elle l'est tout à
-fait, et je le crois.
-
- [326] HARROWBY (Susan LEVESON-GOWER, Lady). Elle était la fille
- du premier marquis de Stafford. Elle avait épousé, le 30 juillet
- 1795, Dudley Ryder, premier comte d'Harrowby et vicomte Sandon,
- né à Londres, le 22 décembre 1762. Sous-secrétaire d'État pour
- les affaires étrangères (1789), secrétaire d'État pour les
- affaires étrangères (1804), démissionnaire la même année, ce
- dernier fut envoyé sur le continent pour négocier une coalition
- générale contre Napoléon, mais Austerlitz mit fin à sa mission;
- président du bureau du contrôle des Indes (1809), ministre sans
- portefeuille jusqu'en 1812, ministre président du conseil
- (1812-1827), il mourut le 26 décembre 1847. Lady Harrowby était
- morte avant lui, le 26 mai 1838 (_Dictionary of National
- Biography_, t. L, p. 44).--Greville la dit supérieure à toutes
- les femmes qu'il ait jamais connues.
-
-Après tout, je suis difficile à servir. Une femme peut bientôt me
-paraître au-dessous de ce que je lui désirerais d'esprit--et elle peut
-en avoir trop. Mais ce trop ne porte jamais sur la manière de
-l'énoncer. J'ai passé beaucoup de temps près de Mme de Staël[327]:
-elle m'a étonné sans me charmer. Je ne conçois pas comment elle a pu
-jamais entraîner. J'ai d'autant plus de raisons d'assurer qu'elle
-n'aurait pu m'entraîner, qu'elle l'avait voulu et avec une véritable
-assiduité et recherche. Ma première connaissance avec elle date de
-Berlin, où elle a passé un hiver. J'étais continuellement avec elle et
-elle voulait être davantage avec moi. Nos vues ne se sont pas
-rencontrées. Les facilités m'ont semblé autant de difficultés
-insurmontables. Son esprit m'a fait mal, ses gestes m'ont fait peur.
-La _femme-homme_ me tue.
-
- [327] STAËL-HOLSTEIN (Anne-Louise-Germaine NECKER, baronne DE),
- née à Paris le 22 avril 1766, épousa le 14 janvier 1786 le baron
- de Staël qui mourut à Poligny le 9 mai 1802. Elle-même mourut le
- 14 juillet 1817, à Paris.
-
- Au cours d'un voyage en Allemagne, Mme de Staël était arrivée à
- Berlin en mars 1804; elle y resta jusqu'au moment où elle fut
- rappelée à Coppet par la mort de son père, en novembre 1804. M. de
- Metternich était ambassadeur auprès de la cour de Prusse depuis le
- 3 janvier 1803. C'est donc à cette période, mars-novembre 1804,
- que le prince fait allusion dans les lignes qui suivent.
-
-Son salon, loin d'être agréable, ressemblait au forum, et son
-fauteuil, à une tribune. Elle voulait des esclaves enchaînés à ses
-pieds, tout en ayant l'air de vouloir se soumettre. Je répugne à la
-domination et à l'esclavage; je désire un échange d'idées libres; je
-désire beaucoup quand j'aime, et il faut que le tout ne ressemble pas
-à une grâce et bien moins encore à une punition.
-
-Mon amie, plus j'y pense, plus je veux _toi_ et moins je veux tout ce
-qui n'est pas toi.
-
-Je n'ai plus donné de baiser aux joues roses et rebondies. Je ne l'ai
-point fait avant d'avoir reçu la lettre et je le ferai bien moins
-après. Il est des baisers qui n'en sont pas; je n'en donnerai plus
-même de ceux-là. Mon amie, es-tu contente de ton élève?
-
-
- Ce 6.
-
-Tu liras dans les feuilles la ridicule cérémonie que j'ai eue hier et
-que de nouveau j'aurai à compléter après demain. J'ai donné la plus
-belle audience possible à _ton fils de Persan_[328]. Ce n'est que par
-délicatesse que je ne lui ai point parlé de sa gentille maman. Ton
-enfant, au reste, ne te ressemble pas.
-
- [328] _Moniteur universel_ du 21 février 1819, no 52, p. 213.
- «Vienne, ce 6 février.--L'ambassadeur de Perse,
- Mirza-Abdul-Hassan-Khan eut hier une audience solennelle du
- prince de Metternich. Elle dura un quart d'heure; M. de Hammer y
- servit d'interprète. Cet ambassadeur fera demain son entrée
- solennelle; il y avait eu quelques difficultés relatives à
- l'étiquette, mais le prince de Metternich les a aplanies. La
- garnison formera une double haie. L'ambassadeur se rend
- directement au château pour avoir une audience de l'Empereur.»
-
- Mme DU MONTET (_Souvenirs_, p. 183) donne quelques détails sur
- cette dernière audience: «Il a appelé l'Impératrice la _supérieure
- du sérail_ dans son discours d'audience. Elle était précisément
- entourée le jour de sa réception des plus respectables dames du
- palais, vieilles et laides. Ces étranges étrangers ont fort
- diverti les élégants, mais il semble qu'ils nous trouvaient plus
- barbares qu'eux.»
-
-Une foule de curieux et de curieuses étaient réunis dans mes salons.
-J'ai reçu le poupon au milieu de l'un d'entre eux, assis sous le
-lustre, en face de lui, le chapeau sur la tête, ne ressemblant pas
-mal à un imbécile impotent, me levant pour recevoir une lettre de S.
-M. le Chah[329], me rasseyant, me relevant et ainsi de suite.
-
- [329] Feth-Ali-Chah (1797-1834).
-
-La lettre du Chah est curieuse pour les titres qu'il me donne. Je te
-prie de ne plus m'en donner d'autres et je te les envoie à cet effet
-en traduction. Le mot d'ami est si peu de chose, en comparaison de
-tant de mots! Tu es si courte et si laconique en me disant ce mot de
-trois lettres, que je te prie de me traiter dorénavant avec un peu
-plus de dignité. J'ai grandi de beaucoup depuis hier.
-
-Dans la lettre du Chah, il se trouve une phrase qui, à ce que m'assure
-le drogman, est un proverbe en Perse qui est joli: _Es führt ein Weg
-von Herzen zum Herzen_[330]. J'avoue que j'ai découvert ce chemin,
-mais je donne à faux aussi souvent que je tâche de m'orienter sur la
-route établie entre mon cœur et celui du Chah. Si, dans ce cas
-spécial, il en existe un, je crois qu'un funambule seul pourrait s'en
-servir.
-
- [330] Il y a un chemin qui conduit du cœur au cœur.
-
-_Notre_ route, mon amie, est la plus large, la plus unie, la plus
-belle du monde. Je n'en connais point que je parcoure avec plus de
-plaisir et qu'il m'ait paru plus facile de découvrir.
-
-Voici le titre que me donne le Chah. Tâche de l'apprendre par cœur:
-
- _Werkstätte des Vesierthums und der Erhabenheit; Ordnung des
- Ministeriums und der Grösse; Verstärkung der Ehre und Pracht;
- Bürge der Weltgeschäfte; Ordner der Zeitbegebenheiten; gesegneter
- Vesier von durchdringender Urtheilskraft, die der des Jupiters
- gleicht (Jupiter la planète); ausser- und hochwürdiger, mächtiger
- und prächtiger, fester und standhafter, durchlauchtiger Vesier
- und Emir; herrlicher, grossmüthiger, ausserwürdiger,
- ansehnlichster, vortrefflichster, geliebtester, befreundetster;
- Maass der christlichen Grossvesiere; Muster der an Jesus
- glaubenden Grossen; Freund, bester, gütiger F. v. M., Grossvesier
- des hohen deutschen Hofes_[331].
-
- [331] _Traduction littérale_: atelier du vizirat et de la
- majesté; ordre du ministère et de la grandeur; renfort de
- l'honneur et de la magnificence; garant des affaires du monde;
- ordonnateur des événements; vizir béni dont le jugement a une
- force pénétrante qui égale celle de Jupiter (Jupiter la planète);
- digne et révérendissime, puissant et glorieux, ferme et
- persévérant, sérénissime vizir et émir; le plus magnifique, le
- plus magnanime, le plus digne, le plus considéré, le plus
- excellent, le plus aimé, le plus chéri; exemple des grands vizirs
- chrétiens; modèle des grands qui croient en Jésus; ami, le
- meilleur, le plus bienveillant Prince de Metternich, grand vizir
- de la haute cour allemande.
-
-En as-tu assez? Eh bien! c'est la bonne moitié du titre.
-
-Le commencement de la lettre t'irait mieux qu'au Chah: _Nachdem die
-Wangen dieser Briefbraut mit dem Rosenroth freundschaftlicher
-Anwünschungen geschmücket werden, ist folgende hochdero
-durchdringenden Verstande unverhohlen und klar_[332].
-
- [332] Après que les joues de cette fiancée par lettre sont ornées
- de la rougeur de rose de souhaits amicaux, ce qui suit est
- évident et clair à l'intelligence pénétrante de la haute personne
- citée.
-
-Je n'y trouve de clair que l'ennui d'une pareille correspondance.
-
-L'ambassadeur conduit avec lui une Circassienne dont le
-Reiss-Effendi[333] lui a fait cadeau en passant par Constantinople.
-Tu vois que ta famille va être augmentée à la fois d'un fils et d'une
-espèce de belle-fille. Heureuse mère!
-
- [333] Nom que l'on donne au ministre des affaires étrangères de
- Turquie. L'_Almanach royal_ de 1819 dit que le Reiss-effendi
- était alors Seyda-effendi; mais ce personnage avait été remplacé
- avant le mois d'août 1818 par Mouhammed-Salyh-effendi, dit
- Djanib-effendi. C'est ce dernier qui était en fonctions en
- janvier et février 1819 (_Archives du ministère des Affaires
- étrangères_). Turquie, Correspondance. Vol. 231, p. 181.
- Traduction de la liste officielle des promotions et confirmations
- des grandes charges civiles et militaires publiée, suivant
- l'usage, le quatrième jour de la lune de Chawal 1233 (6 août
- 1818).
-
-
- Ce 8.
-
-Gordon me prévient qu'il va envoyer un courrier chez lui. Or comme
-P[aul] E[sterhazy] est encore ici et qu'il mettra quelques jours au
-delà du strict nécessaire pour vous arriver, je préfère ne pas te
-priver de cette lettre. Tu vois, mon amie, que j'ai l'ambition qu'elle
-te plaira. J'enverrai par Paul les feuilles qui manquent dans le no 13
-et dans le présent no 14. Tu les feras entrer dans leur ordre naturel.
-
-Mon amie, je voudrais bien être plus heureux que je ne le suis. J'ai
-beau me battre les flancs, je n'en suis que plus triste. Tu me manques
-comme un élément nécessaire au soutien de la vie, et tu es pour moi
-l'un de ces besoins que rien ne sait remplacer et sur l'absence duquel
-rien ne console. Ma bonne D., pourquoi as-tu pris tant d'empire sur
-moi?
-
-Je te remercie de l'anneau et du crayon. L'un et l'autre sont
-charmants. Je porte le premier à mon cordon de montre, car il est trop
-large et trop étroit pour mes doigts. Je ne porte jamais d'anneau
-qu'au quatrième doigt: le tien me tombe du petit et il n'entre pas à
-celui qui le précède. Je vois, mon amie, que tu n'as pas bien mes
-dimensions. J'ignore comme tu as deviné celle de mon désir d'avoir un
-joli crayon. J'allais en acheter un et tu m'en as dispensé. Je n'ai
-jamais fait une économie qui m'ait fait plus de plaisir.
-
-J'espère que Paul pourra être chargé du bracelet. Je t'envoie
-également par lui un portefeuille à secret, tout juste de Huret. Je
-serai tranquille quand je te le saurai. Par un hasard singulier, on
-venait de m'en envoyer un de Paris, peu de moments après que je
-t'avais conseillé d'en faire venir un par N[eumann][334].
-
- [334] Voir p. 155.
-
-
- Ce 9.
-
-Je fais partir cette lettre, mon amie. P[aul] la suivra dans le
-courant de la semaine; je préférerais que ce fût en courant lui-même,
-ce qui cependant n'est pas dans sa nature.
-
-Mes lettres ressemblent à des ouvrages publiés sous le régime d'une
-censure. Tu es placée sur le sol de l'entière liberté de la presse;
-les pages qui te manquent dans mes nos 13 et 14 te paraîtront une
-violation de la liberté générale, à toi surtout qui es si libérale!
-Mais ne t'en impatiente pas. Il te suffira de les recevoir pour que tu
-m'approuves de ne les confier qu'à Paul. Ne te casse au reste pas la
-tête pour savoir ce qu'elles renferment. Il ne s'agit que de _nous_;
-ne te fâche pas si je te dis que c'est tout juste ce qui m'intéresse
-le plus au monde.
-
-Adieu, mon amie. L'Empereur part demain. Moi, je partirai
-d'aujourd'hui en quinze. Tu auras par Paul mon itinéraire le plus
-exact que je puis faire. J'aime que tu saches où je suis, faute d'être
-à même de te prouver que je t'aimerais partout où nous serions et,
-hélas! même partout où je serais. Mon amie, il n'y a dans ce monde
-plus qu'un petit coin qui me tente; le monde est si grand qu'il
-devrait bien m'être permis de ne pas devoir le parcourir éternellement
-en long et en large, moi qui ne cours pas après le bonheur, et qui
-voudrais le trouver où je sais qu'il réside seul pour moi. Adieu, ma
-chère et bonne D.
-
-
-
-
-No 15.
-
-
- Vienne, ce 11 février.
-
-Mon amie, tu sais que j'ai besoin de toi comme de la vie, ou plutôt
-que je ne crois plus avoir besoin de vivre que pour t'aimer. Dès que
-je finis un numéro, j'en commence un autre; je ne suis content que
-quand j'ai une feuille commencée; sans elle, je me crois seul; avec
-elle je ne suis guère heureux, mais les pauvres, mon amie, ne
-méprisent pas les miettes de la table du riche. Nous ne sommes pas
-riches tous deux! Et pourtant ne me trouveras-tu jamais disposé à
-troquer avec personne.
-
-Je crois que je serai encore dans le cas de t'envoyer cette lettre par
-un courrier qui va se trouver à ma disposition peu avant ou à l'époque
-même du départ de Paul. Partant en même temps, il arrivera plus vite
-que lui, parce que Paul s'arrête à Dischingen[335] et à Paris, et parce
-qu'il est Paul.
-
- [335] Bourg situé à 7 kilomètres au S.-S.-E. de Neresheim et près
- duquel se trouve le château de Trugenhofen, propriété de la
- famille de Tour et Taxis.
-
-Sa femme ne vous arrive pas encore, mais elle se promet à l'Angleterre
-au mois d'août ou de septembre prochain. Combien je serais heureux si
-tu voulais te promettre à l'Autriche!
-
-Je commence à entrer dans les tourments du départ. Tu sais que rien
-n'est pire que tout ce qui précède une fin quelconque, et celle d'un
-séjour même est un peu comme l'agonie qui n'est que la fin de la vie.
-Je crois que j'aime l'éternité, ne fût-ce que parce qu'elle ne la
-serait pas si elle pouvait finir. Il n'est pas un tourment, en fait de
-petites choses, qui ne soit réservé aux derniers moments. L'examen
-d'une conscience ministérielle n'est pas peu de chose en lui-même;
-j'ai peur d'oublier ce qui ne se présente pas à ma mémoire et ce qui,
-par conséquent, est oublié de fait; j'ai peur d'entamer ce que je
-prévois ne point avoir le temps de finir; j'ai peur de tout, mon amie,
-hors de toi, et je ne crains à la fois sérieusement que toi. Tu vois
-là un homme bien arrangé.
-
-_Mes enfants_ m'aiment tant, ou plutôt aiment-ils tant savoir ce que
-je fais, que la plus grande partie d'entre eux courent après moi.
-J'arriverai partout comme un pâtre avec son troupeau. Ma bonne amie,
-que n'es-tu Mme de Golovkine! La place, je crois, est vacante. Je ne
-l'ai jamais entendu parler d'un être féminin lié à lui; ce que je lui
-connais ne sont que des nœuds libres et volontaires que je me
-garderais bien de dissoudre. Mon amie, je te présenterais au Pape, et
-je parie que le Saint Père te trouverait charmante et que, de tous mes
-péchés, il me pardonnerait le plus facilement d'aimer ce qui est
-aimable, de croire à ce qui est raisonnable, de me fier à ce qui est
-bon et de tenir à ce qui est sûr. Il me paraît qu'en quatre thèses, je
-viens d'écrire l'histoire raisonnée de mon cœur; mes aveux sont si
-courts qu'ils ne doivent pas t'ennuyer.
-
-Mon départ est définitivement fixé au 24 février, nouveau style. Je
-serai le septième jour à Bologne et par conséquent le 6 ou le 7 de
-mars à Florence. J'y trouverai le printemps établi, les jardins en
-fleurs, l'air embaumé et mon cœur sera vide.
-
-Je fais le voyage dans les dispositions les plus heureuses: je suis
-décidé à trouver tout insipide, à ne jouir de rien, à m'ennuyer de
-beaucoup, en un mot à rouler et non à vivre.
-
-
- Ce 13.
-
-Ma journée d'hier a été l'une de celles qui ne m'étonnent pas, mais
-qui m'excèdent. Trois heures de conseil, trois heures de travail de
-bureau, trois d'audience et, pour surcroît de chance, deux de séance
-chez Lawrence. Ces deux heures se sont passées à ébaucher ma main
-droite. Comme je n'ai pas la moindre prétention à la beauté de mes
-mains, il m'est insupportable de perdre des heures pour les faire
-peindre. Si jamais tu la vois, cette main droite, dis-toi que je
-souffre de son immobilité; combien elle serrerait la tienne si elle
-était effectivement la mienne! Le portrait au reste est excellent en
-tout et pour tout. Il n'est plus méchant, je commence même à avoir
-peur que Lawrence ne l'ait un peu trop _moutonné_.
-
-Bonne amie, penses-tu quelquefois à moi? Je crois que oui, et j'en
-suis satisfait. Si tu ne le faisais pas, tu serais la personne la plus
-ingrate du monde, oui, ingrate, c'est le mot, le seul qui convienne
-pour t'exprimer mon sentiment à ce sujet.
-
-
- Ce 14.
-
-Gordon vient de me prévenir qu'il expédiera un courrier demain matin,
-et c'est lui qui portera cette lettre à N[eumann]. Paul partira demain
-au soir avec ce que tu attends par lui en suite de ma dernière lettre.
-Paul est bien heureux, ou plutôt serait-il bien heureux à ma place!
-Quelle destinée bizarre que celle du cœur humain! Je le crois très
-peiné de quitter la duchesse de Sagan, je ne crois pas qu'elle le soit
-autant que lui. La duchesse me reste et je vais la quitter sans aucun
-regret. Il y a quelques années que j'eusse donné beaucoup pour rester
-dans un même lieu qu'elle; aujourd'hui, sa présence ne m'est ni
-agréable, ni déplaisante: elle ne m'est rien.
-
-Paul va te rejoindre: cela lui sera très égal. S'il restait ici, il
-serait heureux; si je partais pour Londres, je le serais à mon tour.
-Tant il y a que personne n'est ordinairement à sa place et que ceux
-qui s'y trouvent sont seuls heureux!
-
-Tu vas me croire inconstant, et ce que je viens de te dire
-autoriserait le reproche. Tu vas croire que je puis aimer aujourd'hui
-et ne pas aimer demain. Rassure-toi, mon amie; tel n'est pas le cas.
-Ce qui a rapport à la duchesse est hors de mon genre et placé par
-conséquent sur une ligne très différente de la nôtre.
-
-Madame de S[agan] est une femme très bizarre; elle est plus que cela:
-elle est décidément folle, mais d'une folie que je n'ai reconnue qu'en
-elle. _Elle veut toujours ce qu'elle ne fait pas, et elle fait ce
-qu'elle ne veut pas._ Telle est sa folie.
-
-J'ai fait sa connaissance, il y a quinze ou seize ans pour le
-moins[336]. Elle était mariée et elle n'a plus voulu l'être. Elle
-s'est divorcée pour se remarier. Son mari _de choix_ a cessé d'être
-son amant et même son ami le jour du mariage. Elle a voulu de moi
-comme amant. Je n'ai pas voulu. Elle s'est liée avec un ennuyeux
-anglais, M. King. Peu de temps après sa liaison, elle n'a plus voulu
-de lui, et elle est revenue à moi. J'ai voulu me lier tout aussi peu
-avec elle la seconde que la première fois. Elle a pris au bout de
-trois ans un nouvel amant, pour le détester le lendemain du début.
-C'est alors que je l'ai prise comme l'on prend ce que l'on n'aime pas
-et même ce dont l'on ne se soucie guère. Elle a conservé son amant
-pour la forme: j'étais libre et ennuyé, et je la voyais quand et comme
-je voulais. Elle m'a aimé parce que je ne l'aimais pas. Au bout de
-plusieurs années, je l'ai trouvée libre et malheureuse. J'étais libre.
-Je l'ai vue beaucoup et elle m'a demandé si je ne voulais pas entrer
-dans des relations plus réglées avec elle. Je lui ai proposé une
-capitulation: je lui ai demandé six mois de fidélité. Je me croyais
-appelé à l'y maintenir; je croyais lui faire du bien en lui procurant
-du repos. Je ne l'ai jamais aimée; mais j'ai aimé les soins que je
-donnais à l'entreprise. J'ai fait banqueroute! J'ai vu que, de tous
-les éléments, le moins possible à rencontrer en elle, c'était la
-fidélité. Je me suis entêté, comme il arrive toujours dans les
-mauvaises affaires; j'ai usé cinq à six mois en patience, en
-remontrances, en ennui. J'ai rompu pour ne plus revenir[337]. Le
-lendemain de la rupture, Mme de S[agan] a voulu se tuer; j'ai tenu bon
-et... elle ne s'est pas tuée.
-
- [336] Voir p. 110 et _Introduction_, p. XXVII.
-
- [337] En octobre 1814.
-
-Voilà mon histoire avec elle; juge si je l'ai aimée, toi qui sais
-aujourd'hui ce qu'il me faut pour pouvoir aimer; juge de ce que je
-dois éprouver aujourd'hui sur son compte! De mes amis n'ont pas conçu
-comment je ne la haïssais pas. C'est que la haine n'est pas dans mon
-essence et que, pour haïr, il faut s'aimer plus que l'on n'aime les
-autres.--Mon amie, de tous les êtres au monde, Mme de S. m'est
-aujourd'hui le plus étranger, et celui qui doit me le rester le plus,
-durant le reste de ma vie!--Eh bien! c'est elle qui reste, tandis que
-tu es à 400 lieues.
-
-
- Ce 15.
-
-Le courrier de Gordon part. Je lui confie cette lettre. Paul partira
-ce soir et il t'en portera une autre. Le courrier de G[ordon] mettra
-neuf jours à t'arriver. P[aul] en mettra près de vingt.
-
-Mon amie, tu pourras m'écrire comme toujours, après que j'aurai quitté
-Vienne. Le courrier hebdomadaire de Paris se dirige droit sur moi.
-N'oublie pas que je m'éloignerai jusqu'au mois de mai, que, par
-conséquent, le retard de mes lettres ne tiendra pas à moi, mais à la
-cruelle distance qui nous séparera et qui augmentera à chaque pas que
-je ferai vers Naples. C'est le Vésuve qui servira de borne à ma
-course. La nature sert ici mes intérêts, et je crois que je verrai
-avec plaisir ce dernier terme à la distance qui doit nous séparer. Mon
-amie, je penserai à toi aussi souvent que je verrai quelque objet
-digne de mon attention. L'amour véritable élève l'âme--tu me l'as dit
-toi-même--et tout ce qui est beau et bien dans le monde semble destiné
-à lui servir d'hommage et d'autel. Je penserai à toi, je me sentirai
-entraîné vers toi et je me saurai gré de ce mouvement bien naturel de
-mon cœur. Tu sais maintenant quels seront les meilleurs moments que
-je passerai en Italie!
-
-Adieu, mon amie. Continue à m'aimer et à me dire que tu m'aimes.
-
-
-
-
-No 16
-
-
- V[ienne], ce 15 février 1819.
-
-Enfin recevras-tu, mon amie, les feuilles qui te manquent. Tu les
-liras et tu comprendras pourquoi je n'ai pas voulu les confier à une
-occasion étrangère.
-
-Tu reçois en même temps par Paul ou plutôt par N[eumann] le
-portefeuille. Tu trouveras ci-joint l'explication du secret. Je n'ai
-pas besoin de te dire pourquoi je l'ai arrangé de manière à ouvrir sur
-les nombres 1. 8. 1. 8. Cette année est la _nôtre_; elle est celle qui
-a donné à mon être une direction nouvelle, qui a été pour moi tout ce
-qu'elle n'a pas été pour d'autres, cette année, mon amie, est celle de
-notre _hégire_, et qu'elle le reste pour toujours! Mon amie,
-comprends-tu que je dois l'aimer?
-
-Je te connais si peu que je ne sais pas si tu es adroite, c'est-à-dire
-adroite comme usage mécanique de tes doigts; je parierais que oui, car
-sans cela ne toucherais-tu pas du piano comme tu fais. J'espère donc
-que mon explication de la serrure suffira pour que tu puisses te
-servir du portefeuille. S'il n'ouvre pas sur 1. 8. 1. 8, ce n'est que
-parce que tu n'auras pas mis les numéros bien droit en face des signes
-du milieu. Si une fois tu as ouvert, tu ouvriras toujours. Il n'y a
-que le premier pas qui coûte, en fait de cadenas comme en toute autre
-chose.
-
-Je t'ai envoyé ce matin mon no 15 par un courrier de Gordon.
-
-Mon amie, lis bien et avec attention les feuilles que je t'envoie
-ci-incluses, c'est-à-dire celles qui ont trait à notre avenir. Tu te
-convaincras que j'ai fait en cette occasion les mêmes calculs que toi.
-La plus grande distance peut séparer nos corps; nos âmes sont unies et
-leur pensée est uniforme. Tu es moi, mon amie; j'en ai eu le
-pressentiment et j'en ai la preuve aujourd'hui. Ce fait fait mon
-bonheur et il me comble de vanité. Ce n'est pas une phrase que je fais
-en te le disant.
-
-Tu conçois que tous mes soins doivent viser à chercher toutes les
-occasions possibles pour aller te rejoindre quand et comment je le
-pourrai, et partout où tu pourras être. Les _tiens_ réunis aux miens
-doivent tendre à te fixer près de moi. Le véritable bonheur se
-trouvera là; il sera placé au-dessus de la crainte de nous réunir pour
-nous séparer; le bonheur du jour sera le garant de celui du lendemain,
-et les seuls regrets que nous pourrons avoir seront subordonnés aux
-charmes et aux jouissances que peuvent procurer la constance et la
-durée. Mon amie, je ne te parle pas ici comme un jeune homme. Tout est
-raison en moi et dans mes calculs, et ma vie est trop avancée pour
-que, dans une question aussi grave que l'est celle de mon bonheur, je
-puisse me livrer à des légèretés et à des chimères, qui, en tout
-temps, ont été loin de moi, de ma pensée et même de ma conception.
-
-Paul n'est instruit de rien. Je ne lui ai nommé ton nom que comme
-j'eusse pu le faire si j'avais vu l'une des femmes les plus
-remarquables par son esprit et ses manières. Je ne lui ai rien dit de
-ce qui regarde notre cœur et notre avenir. Moins l'on a de
-confidents, mieux l'on est placé dans ce monde.
-
-J'ai reçu il y a peu de jours une lettre de notre ami
-d'Aix-la-Chapelle. Il me charge de te dire mille choses aimables.
-
-Je ne t'écris que ce peu de mots, parce que je suis pris par cent
-personnes et mille affaires et que je ne puis retarder le départ de
-Paul qui déjà n'arrive que trop tard.
-
-Mon amie, pense souvent au meilleur ami que tu aies au monde, et
-dis-toi, aussi souvent que tu penseras à lui, que tu n'es plus seule
-au monde.
-
-Je suppose que le courrier hebdomadaire de jeudi prochain te portera
-(s'il arrive juste à Paris) une nouvelle lettre de moi, et peut-être
-même avant que tu n'aies celle-ci.
-
-Adieu, mon amie, crois-tu que je t'aime?
-
-Ton bracelet n'est pas fini. S'il l'est pour jeudi, tu l'auras par
-cette occasion.
-
-
-
-
-No 17
-
-
- V[ienne], ce 18 février 1819.
-
-Paul a emporté mon no 16. J'espère que le présent ne précédera pas le
-no 16, quoique avec Paul l'on ne soit sûr de rien dès qu'il s'agit de
-promptitude.
-
-Ma bonne Dorothée, je possède tes nos 12, 13 et 14. Je les ai reçus à
-la fois ce matin par le courrier hebdomadaire.
-
-Je ne te gronde pas du contenu du premier. Tu m'aimes--et je m'en
-fâcherais? Tu es un peu prompte à me taxer de te dire une bêtise et je
-te le pardonne; mais ce que je ne te pardonne pas, c'est de te
-tourmenter pour rien. Que t'ai-je dit? Ce que je répéterai cent fois,
-à force de le sentir toujours. Je ne suis pas amoureux de toi, mais je
-t'aime!
-
-Préférerais-tu le contraire? Voudrais-tu que je ne fusse pris que d'un
-feu follet? Que tout ce qui est vérité et évidence en moi sur ton
-compte ne fût qu'illusion et confiance? Préférerais-tu que j'aimasse
-en toi la jolie femme plus que _tout toi_, qui, heureusement pour toi
-et pour moi, renferme à la fois la plus belle âme dans une jolie
-enveloppe? Chaque sot, mon amie, peut être amoureux, mais il faut
-plus, bien plus, beaucoup plus pour savoir aimer. Or, console-toi,
-bonne amie, si tu aimes à l'entendre: je t'assurerai tant que tu
-voudras que je suis amoureux de toi et que, si je ne me contente pas
-de ce mot, ce n'est qu'à force de t'aimer. Comment le moins ne se
-trouverait-il pas dans le plus? C'est pour la première fois que j'ai
-été grondé par un être qui m'aime de l'aimer trop.
-
-Je te pardonne et je t'aime; je t'excuse parce que j'ai la conviction
-que je ne suis pas toujours bien clair dans ce que je dis. Je me suis
-arrangé une langue à ma façon; je ne sens pas comme le commun des
-hommes; je ne puis donc guère emprunter de leur dictionnaire amoureux.
-Tu apprendras, à force de l'entendre, ma langue; elle sera la tienne,
-car tout ce qui m'appartient est à toi et que tu auras tous les jours
-plus la conviction que je suis ta propriété. Uses-en comme tu le
-voudras; tu ne risques pas de la perdre, aussi longtemps que tu la
-regarderas comme tienne.
-
-Maintenant que je ne te gronde pas, gronde-toi toi-même. Dis-toi que
-tout doute sur mon compte est une injure pour ton ami. Dis-toi que ce
-n'est pas dans ses paroles que tu aurais le droit de lui trouver des
-torts, et que ceux-ci ne peuvent se rapporter jamais qu'à des faits;
-qu'en admettre la chance même, c'est le peiner, et que tout ce qui
-tourne en tourment pour toi devient de la peine pour lui. Mon amie, ne
-te tourmente pas! Si tu le faisais, il y aurait dissemblance entre
-nous. Je n'en connais plus d'autre chance. Je t'aime comme tu m'aimes;
-je suis amoureux de toi comme tu l'es de moi; ta vie est la mienne
-tout comme la mienne t'appartient. Le présent et l'avenir sont un bien
-commun à nous; le passé n'est plus rien et notre âge date de trois
-mois.
-
-Bonne amie, nous avons grandi bien vite, et jamais enfants n'ont fait
-des progrès plus étonnants que nous.
-
-Parmi tous les reproches que je puis me faire, ne crains pas celui que
-je te dise trop combien je t'aime! Je trouve la langue si pauvre, dès
-qu'il s'agit d'exprimer l'amour, que je n'ai jamais peur de pécher par
-trop d'énergie dans l'expression. Et ma confiance en toi n'est-elle
-pas entière? Ne te semble-t-il pas impossible que je puisse nourrir un
-doute sur la force de ton caractère? T'aimerais-je comme je le fais,
-si je n'avais eu le bonheur de rencontrer en toi tout ce qu'il me
-faut! Oui, mon amie, tu es ce que je veux, tout ce que j'ai jamais
-voulu et ce que je n'avais pas rencontré avant que je te connusse.
-C'est bien moi qui ai le sentiment de quiétude qui accompagne toujours
-le voyageur sur la bonne route; je ne tends qu'à un seul but: ce but,
-c'est toi. Je ne fais qu'un calcul: il a rapport à toi. Si je trouvais
-le mot, je t'en dirais plus encore; si tu pouvais lire dans mon cœur
-même, tu ne me demanderais plus jamais rien au delà de ce que tu
-aurais trouvé. Crois-m'en sur ma parole: l'homme qui aime aime
-beaucoup; ce qui dans la femme même n'est qu'irritation, est force
-dans l'homme.
-
-Ton Shakespeare a senti ce qu'il disait, en mettant dans la bouche de
-Juliette les beaux vers que tu me cites; il n'était pourtant qu'un
-homme et il n'avait que le cœur d'un homme. C'est dans son propre
-fonds qu'il avait puisé, en les écrivant, ces vers qui t'ont fait
-pleurer, et pleurer à cause de moi! Mon amie, gronde-toi beaucoup.
-
-
- Ce 19.
-
-Le no 12 est passé et je commence aujourd'hui par ton no 13. Merci du
-peu d'élégance que tu as mis à manifester ton sentiment, qui est bien
-placé parce qu'il a rapport à ta conservation. Oui, bonne amie, que
-le trottoir soit bien sec quand tu l'essaies; ne mouille pas de jolis
-petits pieds qui m'appartiennent, change de bas pour moi, regarde-toi
-comme tout ce que j'ai de plus précieux et sois avare de mon bien!
-Dis-toi toujours en tout et pour tout que l'on n'a le droit d'user que
-de sa propriété et que le droit de mésuser n'existe pas du tout.
-Crois-tu que je tienne à mon bien? Que je voudrais en lâcher le
-moindre petit bout? A propos de bien, envoie-moi une mèche de tes
-cheveux.
-
-Je t'ai parlé dernièrement de N[eumann] à propos de ta colère de ce
-qu'il n'était pas amoureux de moi. Aujourd'hui, tu parais un peu
-revenue sur son compte. Le pauvre Neumann doit avoir de notre amour
-par-dessus la tête! Mais il est excellent et l'un des hommes les plus
-sûrs que je connaisse. Il est au reste tout à fait mon élève; il a
-débuté dans la carrière près de moi à Paris et j'ai fait tout pour
-lui, car il mérite d'être bien traité. Mon amie, as-tu jamais remarqué
-combien son pied est grand? Je ne te cite pas ce fait comme un mérite,
-mais comme une curiosité.
-
-N[eumann] court, à ce qu'il paraît, la chance des confidents de bonne
-mine. On va certes te le donner; je ne te dis pas de ne pas le
-prendre--car ce serait de trop--je ne te conseille même pas de le
-laisser, car je suis sûr du fait, mais je ne pourrais jamais empêcher
-que l'Angleterre ne vous suppose en relations intimes, si vous vous
-mettez sur le pied d'une correspondance télégraphique.
-
-Mande-moi quelques détails sur St[ewart]. Que fait-il? Que lui
-fait-on? Que te dit-il? En un mot, parle-moi de lui. Comme il ne vient
-plus en Italie, ce dont je suis fâché, j'emmènerai Gordon. Je n'aurai
-que six ministres étrangers avec moi! Pourquoi M. le c[omte] de
-L[ieven] n'est-il pas du nombre?
-
-Tu as très bien fait de remettre nos archives à N[eumann]. De toutes
-les précautions, c'est la moins inutile, si toutefois il en existe une
-qui ne le soit pas! Le portefeuille que tu auras reçu par Paul est un
-bon remède, pour autant qu'il n'existe point de voleurs ni de canifs.
-J'ai toujours vu que l'on trouve, quand l'on cherche avec esprit, et
-rien n'en donne comme la jalousie. Tu vas croire que j'aime la
-jalousie. Je ne te ferai pas le plaisir de te dire oui.
-
-Je ne te passe pas ton sentiment pour le Grand D. C.[338]. Il a de
-l'esprit, il peut même avoir du cœur, mais la dose se fond dans une
-mer de défauts, des défauts _as boundless as the sea_[339] et pour le
-moins aussi _deep_[340]. Il est des hommes qui, s'ils n'étaient pas ce
-qu'ils sont, ne seraient pas comme ils sont, et qui de même s'ils
-n'étaient pas ce qu'ils sont, seraient si fortement confondus dans la
-foule que le monde ignorerait leur existence, sans qu'il en
-résulterait la moindre perte. Si tu savais comment je juge les
-habitants des régions hautes, tu me croirais tout à fait Jacobin! J'ai
-tant vu de faits, de choses et d'hommes; j'ai été en contact avec une
-si grande foule d'habitants de ces régions, que je sais ce qui en est.
-Je n'ai, au reste, pas eu besoin de cette expérience pour arriver à ce
-résultat. Jette un regard sur la société et comptes-y les hommes! Que
-de centaines ne faut-il pas pour en découvrir un, et combien de ces
-élus seraient perdus, s'ils étaient placés sur un autel, entourés du
-poison de l'erreur, de l'ignorance, de la bassesse et de la flatterie!
-J'ignore si je vaux beaucoup, j'ai même peur quelquefois de ne pas
-valoir trop et toujours de ne pas valoir assez. Eh bien! j'ai la
-conviction que si, dès mon enfance, l'on m'avait assuré que je suis
-admirable, je serais devenu pitoyable. Le mépris seul eût pu me
-sauver! Bonne amie, ne gâte pas le G[rand] D[uc]. Il y en a déjà tant
-qui s'en chargent! Après tout, je conçois que tu lui rendes toute la
-justice qu'il mérite, et tu vois que je sais qu'il y a du bon en lui.
-
- [338] CONSTANTIN PAVLOVITCH (le grand-duc). Né le 8 mai 1779.
- Prit part aux campagnes de 1799, 1805, 1812, 1813 et 1814.
- Généralissime des armées polonaises (novembre 1815). Il était
- l'héritier du trône de Russie, mais, dès l'assassinat de son père
- Paul Ier, il avait manifesté l'intention de renoncer à ses droits
- et avait renouvelé cette renonciation à Alexandre en 1821 et en
- 1822. Celui-ci n'en avait pas informé le grand-duc Nicolas, et
- cette négligence fut la cause de l'interrègne de décembre 1825 et
- de ses sanglantes complications. Il mourut à Vitepsk le 27 juin
- 1831 (_Nouvelle Biographie générale_, vol. XI, p. 617.--RAMBAUD
- et LAVISSE, _Histoire générale du quatrième siècle à nos jours_,
- t. X, chap. IV, _la Russie_, par A. RAMBAUD).
-
- Le grand-duc Constantin avait rencontré Mme de Lieven à
- Aix-la-Chapelle, où il était arrivé le 31 octobre. Celle-ci dit
- dans une lettre à son frère Alexandre: «London, 3/15 january
- 1819... I renewed my tender passages with the Grand Duke
- Constantine.» (_Letters of Dorothea, princess Lieven, during her
- residence in London_, p. 37).
-
- [339] Aussi infinis que la mer.
-
- [340] Profonds.
-
-
- Ce 21.
-
-La peine que t'a faite la première lettre dans laquelle je t'ai parlé
-de la D[uchesse] de S[agan] me prouve que tu auras été effrayée de
-m'en entendre parler une seconde fois dans ma dernière lettre. Or, il
-est de fait qu'en t'écrivant par Paul, j'avais oublié que je te
-l'avais déjà nommée; ce malheur m'arrivera souvent dans notre longue
-correspondance. Je t'écris toujours du premier jet, sans ordre, sans
-calcul, sans effort. Je puise toujours dans le même fonds: ce fonds,
-c'est mon cœur. Ma tête n'est pour rien dans mes lettres. Aussi ne
-peuvent-elles avoir de valeur que pour toi. Je prends ce qui me tombe
-sous la main, je le couche sur le papier. Si je me répète,
-pardonne-le-moi.
-
-Comment as-tu pu t'effrayer de ce que je t'ai dit sur le compte de Mme
-de S[agan]? Comment n'es-tu pas arrivée à ne pas confondre le remède
-avec le mal? Si tu as lu ma dernière lettre dans les mêmes
-dispositions que la première, tu auras été femme à prendre pour de
-l'amour ce qui n'est en moi que pitié et mépris, ce qui surtout tient
-trop du dernier pour pouvoir même tourner en haine! Quelle chose
-singulière que le cœur humain, mon amie! Comme il peut obscurcir le
-raisonnement, ou plutôt comme il peut le faire taire! Mais, parce que
-tu es comme tu es, je te dirai que Mme de S[agan] n'est pas un être
-vivant pour moi et qu'il (_sic_) ne peut même plus devenir un être de
-raison, vu l'excès de sa déraison. Tu vois que, sans toi, même, elle
-m'est et ne sera jamais pour moi qu'un objet de dégoût, malheur duquel
-l'on ne se sauve pas avec moi. Et toi, mon amie, pour qui te
-comptes-tu? Comment peux-tu croire que _toi dans mon cœur_ puisse ne
-pas le remplir assez pour ne pas en exclure toute autre que toi? Bonne
-amie, tu me connais encore bien peu! Je me fais quelquefois illusion
-sur le contraire et tu me rappelles à l'ordre.
-
-Je t'ai écrit dernièrement que, quand je rêve, je suis pendant
-vingt-quatre heures dans une disposition particulière et qui jamais
-n'est gaie. Eh bien, j'ai rêvé la nuit dernière que j'étais à Londres;
-je suis allé à Drury Lane et, peu après mon arrivée dans la salle, je
-t'ai vue arriver dans une loge vis-à-vis de la mienne. Tu m'as
-reconnu sur-le-champ. Ton mari était avec toi. Tu m'as fait signe de
-ne pas venir chez toi. J'étais avec N[eumann]. Je te l'ai envoyé, et
-il est venu me dire que Londres n'était autre qu'Aix-la-Chapelle et
-que tu n'entrevoyais pas la possibilité de me voir. J'ai alors quitté
-ma loge pour une autre à côté de la tienne. Tu avais à ta place un
-petit rideau que nous avons fait passer alternativement sur nos deux
-têtes pour nous parler sans être vus. Tu m'as répété ce que tu m'avais
-fait dire par N[eumann]. J'étais au désespoir. Le spectacle fini, j'ai
-été chez Lady Castlereagh; j'ai vu Milord, Verrine et Fury[341]; je ne
-t'ai pas vue. Lord C[astlereagh] m'a demandé si je ferais quelque
-séjour. Je lui ai dit que non, que je repartirais dans la nuit même.
-Il m'a demandé pourquoi j'étais venu. Je me suis réveillé en sursaut
-au lieu de lui répondre.
-
- [341] Ces derniers noms sont peut-être ceux de chiens de Lady
- Castlereagh. Voir p. 80 et 81.
-
-Bonne amie, cette nuit et ce rêve même n'ont point été plus décisifs
-que ceux à l'Hôtel de Bellevue[342]! Mon amie, il y a entre toi et moi
-de terribles séparations que mes rêves mêmes ne semblent pas pouvoir
-franchir! Je vois bien que, pour les abattre, il faut que toute ma
-tête s'en mêle, et je te réponds qu'elle ne restera pas en défaut dans
-le premier intérêt de ma vie!
-
- [342] A Bruxelles.
-
-
- Ce 21.
-
-J'ai retardé mon départ d'ici de trois jours. Je ne partirai que le
-27. Je veux attendre ici le courrier de Paris qui arrive le jeudi, et
-pouvoir répondre le vendredi. Je trouverai toujours l'Empereur à
-Bologne, et bien assez tôt, tout juste parce que, de Bologne à
-Londres, [il y a] plus de 150 lieues de plus que de Vienne! Ma fille y
-viendra à la même époque que moi. Elle est le bon côté de mon voyage
-et le seul que je lui connaisse. Tu as appris par le dernier courrier
-que tu auras toujours à tes ordres les mêmes moyens de correspondance
-avec moi qu'à présent.
-
-Les affaires vont mal en France[343]; elles n'iront pas en mieux. La
-France est l'un des pays que je connais le plus: il n'est pas un des
-hommes employés ou qui pourraient l'être que je ne connaisse à fond.
-Le gouvernement (qui ne mérite guère ce nom) a commis faute sur faute.
-_L'aventurier_[344] a creusé un abîme sous les pas de ceux qu'il
-voulait servir de la meilleure foi du monde. C'est lui en grande
-partie qui a mené les choses là où elles sont: je le lui ai dit avant,
-pendant et depuis son intrigante existence. _Avant_, il a voulu faire
-ce qu'il n'a pas fait; _pendant_, il a fait ce qu'il ne devait pas
-faire; _aujourd'hui_, il ne sait que faire. Les paroles lui restent;
-elles ne lui manqueront jamais, mais les paroles n'ont jamais sauvé!
-
- [343] Voir p. 114 et 146.
-
- [344] Voir p. 115, n. 1.
-
-Mon amie, une seule heure de bonne causerie, à la suite de quelques
-heures de bonheur! Comme tu me comprendrais et combien tu trouverais
-que je puis avoir raison dans de très graves questions!
-
-Tu me demandes dans ta dernière lettre si je connais Lord
-Lansdowne?[345] Certes, je le connais depuis longtemps et beaucoup.
-C'est positivement un homme d'esprit, et de cet esprit d'opposition
-qui seul a du fond, c'est-à-dire qui seul a assez de valeur pour
-pouvoir servir de base à des actions. C'est tout juste dans la
-distinction que je fais ici de l'esprit que se trouve la preuve que,
-toi, tu n'as pas cet esprit que l'on nomme vulgairement de
-l'opposition et qui s'use en paroles, en vaines critiques, quelquefois
-spirituelles et plus souvent oiseuses. Si tu étais homme, tu eusses
-été appelée à de hautes destinées. Avec ta tête et ton cœur, l'on va
-à tout, parce que l'on ne se borne pas à ergoter sur les faits
-d'autrui, mais que tout porte sur le besoin d'agir soi-même et de
-faire bien, advienne que pourra! Ton pays, mon amie, a perdu beaucoup
-à ce que tu ne sois pas un homme; moi, d'un autre côté, je gagne tant
-à ce que tu ne l'es pas que, pour la première fois de ma vie
-peut-être, je suis heureux du malheur de tout un empire.
-
- [345] LANSDOWNE (Henry Petty-Fitzmaurice, troisième marquis DE),
- né le 2 juillet 1780 à Lansdowne House. Fut nommé chancelier de
- l'échiquier à vingt-cinq ans (1806), mais se retira le 8 avril
- 1807 avec le ministère Grenville. Pendant vingt ans il fut l'un
- des chefs de l'opposition whig, et ne revint au pouvoir que dans
- le ministère Canning. Il fit partie ensuite comme ministre de
- l'intérieur du ministère de Lord Goderich, tombé le 8 janvier
- 1828.
-
- Président du conseil dans le ministère de Lord Grey (1830-1834)
- puis dans celui de Lord Melbourne (1835-1841) et enfin dans celui
- de Lord Russell (1846-1852), ministre sans portefeuille dans les
- cabinets de Lord Aberdeen (1852-1855) et de Lord Palmerston
- (1855). Il mourut à Bowood le 31 janvier 1863. Pendant toute sa
- vie, Lansdowne fut un whig très modéré (_Dictionary of National
- Biography_, t. XLV, p. 127).
-
- «Cannes, 5 février 1863.--Vous aurez appris la mort de Lord
- Lansdowne: c'est le dernier des grands seigneurs que j'ai connus.
- Il n'y a pas eu d'hommes plus heureux au monde, du moins en
- apparence, si la considération générale fait quelque chose au
- bonheur.» (MÉRIMÉE, _Lettres à M. Panizzi_, 1850-1870, publiées
- par M. Louis Fagan. Paris, Calmann Lévy, 1881, 2 vol. in-8º, t. I,
- p. 307).
-
-Je connais également Lady Grenville[346]. C'est l'une des personnes
-que j'ai vues le plus à Londres, lors du dernier mais court séjour que
-j'y ai fait[347]. Elle a été à Paris en 1815, où je l'ai revue dans la
-foule. Je sais qu'elle est aimable et je suis même tenté de l'aimer
-beaucoup, depuis que je sais qu'elle est ton amie. Si je viens à
-Londres, tu me défendras d'abord de la voir, injuste personne que tu
-es!
-
- [346] GRENVILLE (Anne PITT, Lady). Fille du premier baron
- Camelford, elle avait épousé Lord Grenville, depuis premier
- ministre, le 18 juillet 1792. Elle mourut, sans enfants, à
- Londres le 13 juin 1864, âgée de quatre-vingt-onze ans
- (_Dictionary of National Biography_, t. XXIII, p. 138).
-
- [347] Du 8 au 26 juin 1814.
-
-Lord Lauderdale[348] est de mes connaissances depuis 1794, la première
-fois que j'étais à Londres. Depuis je l'ai vu terriblement embarrassé
-de sa personne, lors de sa négociation à Paris du temps du ministère
-de Fox. Après avoir passé sa vie à dire du bien de la Révolution
-française, la malheureuse opposition s'est trouvée dans le cas de
-traiter avec son aimable résultat. J'étais ambassadeur à Paris. Lord
-Lauderdale m'était adressé pour le soutenir dans sa négociation. Mon
-amie, j'ignore si le _soutenant_ ne valait rien, mais je sais que je
-n'ai jamais rien vu ni de plus faible, ni de plus frêle en tout et
-pour tout, que le _soutenu_. Le seul mérite qu'il a eu, c'est celui de
-ne pas avoir _rampé_, malheur assez commun à tout ce qui est faible.
-
- [348] LAUDERDALE (James MAITLAND, Lord), né le 26 janvier 1759,
- devint Lord Lauderdale à la mort de son père en 1789. Il vint à
- Paris en août 1792, se lia avec Brissot, et retourna seulement en
- décembre en Angleterre. Il fut nommé garde du grand-sceau
- d'Écosse le 21 juillet 1806. Le 2 août suivant, il se rendit à
- Paris comme commissaire adjoint à Francis Seymour, comte de
- Yarmouth, pour conclure la paix avec la France. Les négociations
- échouèrent, il retourna en Angleterre en octobre 1806 et résigna
- ses fonctions de garde du sceau en mars 1807. Jusqu'en 1821, il
- fut le chef reconnu du parti whig en Écosse, mais, à partir de
- cette époque, il devint tory. Il mourut le 13 septembre 1839
- (_Dictionary of National Biography_, vol. XXXV, p. 355).
-
-Pourquoi ne peux-tu me parler quasi de personne que je ne connaisse?
-Tu m'effraies sur mon âge et sur le temps d'une vie trop courte que
-j'ai usée dans les affaires. Au bout de cette vie, il me restera le
-souvenir d'une foule de déboires, de tourments et de peines et
-quelques rayons de bonheur! Crois-tu que ton image au milieu de tant
-de tourments me fasse du bien? Crois-tu, sens-tu, mon amie, ce que
-doivent être pour moi les moments où je puis aller te chercher dans le
-fond de mon cœur, me placer en ta présence et m'occuper de _la vie_
-en m'occupant de toi? Tu m'as demandé comment je trouve le temps de
-t'écrire d'aussi longues lettres? Je viens de t'en confier le secret.
-J'écris très vite; il me faut peu de minutes pour coucher sur le
-papier ce qui se passe en moi; la feuille commencée est à côté de moi:
-je saisis les intervalles entre d'ennuyeuses affaires ou des
-discussions sérieuses; j'ai recours à toi; j'y puise de la force et du
-bonheur. Conçois-tu ce que serait pour moi ta présence? L'heure du
-jour, à la suite de tant d'heures de travail, de tracas, d'ennuis,
-passée près de toi, causant avec toi, le bonheur de te parler raison
-et d'être compris, de bêtises et de te voir rire, de la plaisanterie
-et te la voir partagée? Mon amie, tu ne sais pas combien tu me manques
-et, si tu le savais, tu ne comprendrais pas encore combien tu
-contribuerais à mon bonheur! Rien n'est simple comme mes goûts et, par
-conséquent, rien n'est facile comme de les satisfaire.
-
-De l'humeur? je n'en connais pas. De la peine? je puis en avoir, mais
-un mot de mon amie fait sur moi l'effet d'un rayon de soleil sur le
-brouillard. Ma vie se compose de peu de besoins, mais aucun n'est fait
-pour tourmenter ceux qui m'approchent. Demande si je suis bon mari et
-bon père! L'on m'a souvent jugé mal, on n'a jamais poussé la critique
-jusque sur ces terrains. Si tu veux savoir si un homme pourrait être
-bon ami, va t'informer de ce qu'il est comme fils et père. La
-tromperie ne porte jamais sur les rapports les plus naturels: ces
-rapports sont des besoins; dès qu'ils se troublent, sois sûre qu'il y
-a dérangement moral, et, dès qu'il existe, il porte sur tous ceux du
-cœur. Et comment ne serais-je heureux, pendant le peu de moments que
-je passe à t'écrire? Je suis sûr que tu me comprends et que peu de
-mots te suffisent pour que tu entendes même tout ce que je ne te dis
-pas, tandis que je passe le reste de ma vie occupé à dire ce que les
-uns ne veulent pas comprendre ou n'aiment pas entendre, ce que
-d'autres interprètent dans un sens qui n'est ni dans ma pensée, ni
-même conforme à mes paroles, ce qu'enfin d'autres comprennent et sont
-au désespoir de m'avoir vu concevoir avant eux ou contre eux!
-Crois-m'en sur parole, mon amie: ces tout derniers sont certes de
-mauvaises gens ou des hommes pitoyables--et il en est cent pour un
-méchant!
-
-Ces dernières thèses me rappellent un mot de ton Empereur et une
-réponse que je lui ai faite, lors de notre _intime intimité_ en 1813.
-Il avait pris l'habitude de passer avec moi tête-à-tête toutes ses
-soirées. Nous prenions le thé (il ne m'empêchait pas alors de dormir:
-ce sont les événements glorieux de 1814 et 1815 qui m'ont rendu depuis
-ce service). J'allais chez lui ordinairement à 8 heures, et nous
-causions jusqu'à 11 heures ou minuit. Après l'un de nos longs
-entretiens, dans lequel nous avions coulé à fond des questions
-pareilles à celles que je viens de traiter, l'Empereur, tout à coup,
-me dit: «Bon Dieu, que n'êtes-vous mon ministre! Nous ferions la
-conquête du monde à nous deux!--Tout juste pas, Sire!» lui dis-je.
-
-L'Empereur ne se fâcha pas de ma réponse bien peu courtisane, et je
-lui ai su bon gré du fait. Si son fond n'était pas bon, il n'eût pas
-pris le thé avec moi le lendemain. Combien crois-tu qu'il y ait de
-Russes qui lui eussent répondu comme moi? Eh bien! ce sont les hommes
-qui ne répondent pas comme moi qui perdent les souverains et le monde.
-Crois-tu que mes principes d'opposition valent ceux de Lady Jersey et
-de son ami Hobhouse?
-
-
- Ce 22.
-
-J'ai passé hier la plus grande partie de ma journée dans la plus
-singulière occupation. J'ai un cousin ambassadeur à Rome[349] qui est
-malade depuis près d'une année. Son mal est l'abus qu'il a fait d'une
-trop robuste santé. Depuis l'âge de dix-huit ans jusqu'à celui de
-quarante et quelques, il ne s'est point passé de jours où il n'ait eu
-trois, quatre, cinq, et même six femmes. C'est te dire qu'il n'a guère
-été heureux dans sa vie! Or maintenant le contraire de ce qui a fait
-sa vie est chez lui devenu de strict devoir, car toute chose a ses
-justes bornes. Il en est tellement au désespoir qu'il est tombé dans
-une véritable hypocondrie. Raisonnable autant qu'on peut l'être, avec
-beaucoup d'esprit et force connaissances, il n'est plus bon à
-rien--pas à lui-même. Il a été appelé ici pour lui faire faire une
-course dans le but de le distraire. L'essai avait réussi complètement.
-Il a passé quinze jours avec nous, gai comme toujours et surtout
-heureux de me retrouver, car il m'adore. J'ai voulu le faire partir
-pour son poste, où il doit se trouver pour y recevoir l'Empereur.
-Crois-tu qu'il y ait un moyen d'y parvenir? Il est retombé dans son
-accès de mélancolie noire. J'ai passé ma journée avec lui, je lui ai
-parlé raison: il s'est tu. Je me suis fâché: il s'est tu. Je l'eusse
-battu qu'il se serait tu. Il ne me reste plus que le parti à prendre
-de l'emmener avec moi, pour le renvoyer de Rome après notre séjour.
-
- [349] KAUNITZ (Aloys-Wenceslas, prince DE), né le 20 juin 1774,
- fils du prince Dominique-André et petit-fils du célèbre
- chancelier Wenceslas-Antoine. Anciennement ministre d'Autriche à
- Dresde, Copenhague, Naples et Madrid. Ambassadeur à Rome (1807).
- Marié le 29 juillet 1798 à la comtesse Françoise Ungnad de
- Weissenwolf, il n'eut que quatre filles. Mort le 15 novembre
- 1848. En lui s'éteignit la ligne princière morave des Kaunitz,
- après trois siècles et demi d'existence (WURZBACH,
- _Biographisches Lexikon des Kaiserthums Œsterreich_, t. XI, p.
- 63).
-
-Mon amie, voilà un genre de maladie que les femmes ne risquent pas. Il
-leur en reste bien assez en partage pour que nous n'ayons pas le droit
-de nous plaindre. Mais aussi, mon amie, comment aime-t-on autant le
-sexe et si peu la femme? Je ne serai jamais dans le cas du cousin et
-je suis charmé que le mal ne puisse s'hériter. Bonne amie, combien tu
-me louerais si tu savais comme je me conduis, et ne va pas croire que
-je n'aie du mérite, et beaucoup, à le faire.
-
-
- Ce 23.
-
-Je suis tout enchifrené depuis plusieurs jours, et je prévois qu'il
-m'en faudra rester un au lit avant de partir. Tout Vienne est malade.
-La société tousse comme un troupeau de brebis malades et je tousse
-plus fort que la société. Ce sont vos diables de brouillards que vous
-n'avez pas et qui font de Vienne un second Londres, sans que nos
-poumons y soient faits comme ceux des deux Chambres du Parlement. Tous
-mes enfants sont au lit. J'y serais bien volontiers, si tu pouvais
-être assise à mon chevet. Ma bonne amie, si... et si..., mais que de
-si sans autres succès que de profonds soupirs!
-
-
- Ce 25.
-
-Je me suis bien mitonné hier, ma bonne amie, et je vais mieux
-aujourd'hui, de manière à ce que je crois pouvoir me flatter que je
-sauverai le lit. J'ai toutefois retardé mon départ jusqu'à lundi 1er
-mars et peut-être ne me mettrai-je en route que le 2 ou le 3. Comme
-l'Empereur est à Florence et qu'il n'y a guère besoin de moi et certes
-pas autant que j'ai besoin de me bien porter à la veille d'un long et
-grand voyage, je suis sans scrupule mes propres calculs.
-
-Le courrier de Paris vient d'interrompre ma lettre. Il me porte tes
-lettres nos 15 et 16. Le no 17 m'avait été remis hier par Heiliger.
-
-Je commence par ce qui, après ton amour, m'intéresse le plus. C'est ta
-grossesse[350]. Mon amie, tu as bien mis à profit mes leçons. Je t'ai
-dit que je voulais que tu fusses bien dans ton ménage. J'ignore si
-c'est mon conseil qui t'a rendue grosse ou si tu n'en as pas eu besoin
-pour le devenir. Dans tous les cas, tu l'es et que veux-tu que j'en
-dise? Certes pas ce que tu crains, que le fait pourrait m'empêcher
-d'aller te voir dans le premier moment possible. Non, mon amie, tu ne
-me connais pas assez, si tu as pu donner cours un seul instant à
-cette pensée. Je ne t'aime ni plus ni moins _simple_ ou _double_. Les
-grossesses dans le mariage doublent ses liens, mais ne doublent pas la
-jouissance. Les enfants font le bonheur. Mon amie, comment voudrais-tu
-que je puisse t'en vouloir d'être plus heureuse? Tu veux une fille, je
-le comprends, car, sans ambition même, peut-on en désirer une. Dis-moi
-que tu es heureuse de l'idée d'être peut-être en train d'en avoir une.
-Le jour où elle sera venue, dis-moi que tu es heureuse de l'avoir. Et
-je serai heureux de ton bonheur. Tu vois que je puis, en amour comme
-en toute chose, m'attacher au fait sans en aimer la source. Quant à
-celle-ci, je te réponds que je ne l'aime pas. Si je te disais moins
-sur ce chapitre, tu ne me comprendrais pas; si j'en disais plus, je
-finirais par avoir tort à mes yeux et par conséquent aux tiens. Aussi
-ne t'en dis-je pas davantage.
-
- [350] Mme de Lieven mit au monde, le 15 octobre 1819, son fils
- Georges.
-
-Je te pardonne ton injuste peur relativement au pauvre Maurice[351],
-en faveur de ta propre réprimande. Quand, mon amie, seras-tu arrivée
-au point de ne pas t'imaginer que je puisse aimer plus d'un être au
-monde? Crois-tu qu'une personne telle que Léopoldine[352] puisse être
-à utiliser sans amour? J'ignore même si, avec de l'amour, elle
-cesserait d'être ce qu'elle est. Et moi qui suis l'être au monde le
-plus chaud et le plus calme, comment pourrais-tu t'imaginer que tout
-ce que j'ai de cœur et de sentiment puisse porter sur des foyers
-divers, et que mon calme ne me ferait pas sentir le ridicule de
-soupirer sans raison? Je n'ai jamais soupiré, je n'ai jamais fait la
-cour sans un but déterminé et ce but, je ne l'ai jamais trouvé que
-dans mon cœur. Je n'ai jamais poursuivi deux buts à la fois, car
-jamais je n'ai rencontré à la fois deux vœux dans mon cœur. Tout ce
-que je te permets de dire sur mon compte, c'est que le fait est rare.
-Eh bien! oui, il l'est et j'en conviens. Mais es-tu fâchée d'avoir
-rencontré l'homme qui n'a d'autre mérite que d'être ce qu'il est,
-parce que la nature a eu la charité de ne pas le faire autre?
-
- [351] Le prince Maurice de Liechtenstein, voir p. 147.
-
- [352] Femme du prince Maurice de Liechtenstein.
-
-Je désire même fortement que, dans ce monde, tu n'en rencontres pas un
-second de mon espèce. Il existe certes, et il en existe peut-être même
-plus qu'on ne croit. Je ne veux pas que tu en rencontres, car je crois
-que l'être qui serait comme moi te serait plus dangereux qu'un autre.
-
-Tu vois que je ne suis ni sans amour-propre ni sans calculs dès qu'il
-s'agit de mon bonheur, abstraction faite même du tien. Pourquoi
-effectivement un autre ne satisferait-il pas ton cœur comme moi, s'il
-parlait, comme moi, ta langue, s'il était doué de la même identité
-d'idées, de volonté et de force de raison? Comment cet être ne te
-rendrait-il même pas plus heureuse que je ne puis te rendre, si les
-chaînes de fer qui nous tiennent à une aussi cruelle distance étaient
-remplacées par toutes les facilités du contact et par tous les charmes
-de _l'amour bourgeois_? Ma bonne D., ne va pas le chercher, cet être;
-contente-toi de celui que tu as trouvé; contente-t'en avec toutes les
-gênes, les regrets et les espérances. Tu sais ce que tu tiens: une
-sainte prophétesse seule pourrait être garantie de la méprise, et je
-ne connais pas de sainte qui ait été chercher l'amour ici-bas ou qui
-n'ait abandonné tous les liens terrestres avant de s'élancer dans les
-régions hautes!
-
-Mes lettres, mon amie, sont de telles rapsodies, je suis tantôt si
-haut et si bas, je traite à la fois tant de sujets divers, je parle
-sur une même page si bien et si mal, que je serais honteux de les
-écrire à tout autre être qu'à toi. Mais tu me veux tel que je suis; tu
-aimes mes qualités et mes faiblesses; je ne me gêne plus; je dis tout
-ce que je pense, quand je le pense et tout comme je le pense. C'est à
-toi, mon amie, à débrouiller le chaos de mes paroles. Il ne s'étend ni
-sur ma tête ni sur mon cœur.
-
-Mon médecin s'est enfin déclaré[353]. Il veut absolument que j'aille
-prendre une seconde fois Carlsbad. J'ai disputé contre ses raisons; il
-les a combattues par la très simple demande si je voulais me porter
-bien ou mal? Je ne suis pas encore décidé, je me sens tellement mieux
-du premier séjour que j'ai fait à ces eaux que j'emporte encore une
-espèce de conviction que ce mieux doit me mener de lui-même au bien.
-Je reste donc l'homme des circonstances et je ne prends aucun
-engagement pour l'été. Ce sont tes affaires qui me guideront. Tu tiens
-mon cœur, le médecin veut s'emparer de mon foie, les affaires ont
-tout droit sur ma tête.
-
- [353] Le médecin particulier du prince de Metternich était le
- docteur de Staudenheim, né à Mayence en 1764, mort à Vienne le 17
- mai 1830 (ŒTTINGER, _Moniteur des dates_).
-
-Or, comme rien ne peut se faire avec succès sans l'intervention de la
-dernière, je ne veux pas décider entre le cœur et le foie, à moins
-d'être forcé à subordonner l'un à l'autre. Entre deux, certes, le
-cœur devrait l'emporter, et je puis me fier assez sur ma raison. Sans
-elle, t'aurais-je découvert?
-
-Mon amie, je vais me mettre à répondre à tes lettres par le prochain
-numéro. Il partira dans tous les cas par le premier courrier
-hebdomadaire. Dussé-je même partir avant le jour ordinaire de son
-départ, je laisserai ici mon journal--car c'est bien un journal que
-les lettres que je t'écris--coupé au jour de mon départ. Tu sais que
-les courriers réguliers me suivront partout où je serai.
-
-Adieu, mon amie. Ménage-toi beaucoup dans ton nouvel état. Ta
-grossesse peut te faire du bien, mais soigne-la. J'aime ta petite
-fille d'avance, mais jamais autant que sa mère.
-
-Le courrier va partir. Aime-moi, et bats-toi, si jamais ta mauvaise
-tête te fait douter de mon cœur. Si toutefois tu te bats et même si
-tu ne le fais pas, dis-le-moi toujours.
-
-
-
-
-No 18.
-
-
- V[ienne] ce 28 février 1819.
-
-Je commence avec une véritable peine cette lettre, car elle sera la
-dernière de Vienne. Vienne est à près de 400 lieues de Londres, mais
-tout finit par tourner chez moi en habitude et les habitudes en
-besoin. Le cours si régulier de nos communications a fait mon unique
-charme, depuis mon retour dans un lieu que je n'ai jamais aimé pour
-lui-même et que j'aime bien moins encore depuis que je t'aime. Tu vois
-qu'avec tout ce que ton cœur peut renfermer de jalousie, Vienne n'est
-et ne sera jamais ta rivale.
-
-J'ai beaucoup relu tes dernières lettres. Je vois, mon amie, que tu as
-passé un mauvais moment en me faisant _ton aveu_. Je t'en sais gré et
-je trouve d'autant plus de motifs de t'assurer que tout ce que j'ai
-dit à ce sujet dans ma dernière lettre est puisé au fond de mon cœur.
-Mon amie, pourrais-je te parler et puiser d'une autre source? Mes
-vœux portent maintenant sur ta santé; je ne dis pas sur ta
-conservation, car je ne la vois pas menacée par ce qui fait vivre les
-femmes. Ne va pas t'imaginer qu'il suffit d'être mon amie pour mourir
-en couches.
-
-La personne qui t'inspire des craintes sur ton propre compte serait
-morte toujours et de toute manière. Elle avait l'une de ces âmes qui
-ne sont pas dans leur domaine avant de s'être dégagées de leur
-enveloppe. Tout en elle tendait constamment à cette séparation et elle
-était si sûre de son fait que tous ses arrangements étaient pris bien
-à l'avance. L'air de la santé ne m'a jamais trompé en elle; quand elle
-me parlait de sa mort comme du moment le plus heureux de son
-existence, elle me coupait la parole et la respiration, à force que je
-sentais qu'elle ne pouvait ni mentir ni se tromper[354].
-
- [354] Voir p. 45.
-
-Toi, tu as l'air délicate, mais le fonds de ta santé est bon, et onze
-années d'interruption, loin de faire du mal, renforcent. Tu vivras,
-mon amie, pour le bonheur de tout ce qui t'appartient.
-
-
- Ce 1er de mars.
-
-Encore un mois, le quatrième depuis notre séparation! Ce sont quatre
-mois de gagnés sur elle. Mon amie, que les mois vont vite dès qu'ils
-se ressemblent! Je conserve d'un seul jour d'Aix-la-Chapelle plus de
-souvenirs que de ces quatre mois.
-
-L'une des bizarreries les plus singulières de l'esprit humain, c'est
-la différence extrême qu'il trouve entre le passé et l'avenir. Le
-présent n'existe pas ou plutôt il a cessé dès qu'il a existé. L'avenir
-est long comme le passé: ses dimensions paraissent prodigieuses, et
-celles du passé ne paraissent rien: elles sont cependant les mêmes.
-
-L'avenir forme le domaine de l'espérance, l'un des sentiments les plus
-doux que le Créateur ait mis dans le cœur de l'homme. Le passé est
-celui du souvenir, sentiment mêlé de tant de charmes pénibles. Eh
-bien! le bien, même soutenu par la plus douce des pensées, se change
-dans cette singulière combinaison en tourment! L'ennui seul fait
-paraître le temps dans toute son extension et c'est, de toutes les
-tristes sensations, celle que jamais j'ai le moins éprouvée. Ce qui me
-tourmente--il paraît que chaque être a son tourment particulier--c'est
-le _vide d'intérêt_ et c'est à ce tourment que je me trouve livré à
-l'année. Aujourd'hui, mon intérêt porte sur un être absent et sur une
-feuille de papier. Je ne te parle pas de celui que je porte à mes
-enfants; il en est de cet intérêt comme de celui que l'on voue à sa
-propre existence.
-
-A propos de cet intérêt, ai-je été fortement tourmenté ces derniers
-jours par une maladie assez grave que fait mon fils[355]. Il va dans
-sa dix-septième année; il est dans le plus fort de sa croissance; il
-n'a pas un pouce de moins que moi; sa santé est excellente et son
-cœur et son esprit sont tout ce que je désire. Il a été pris, il y a
-plus de trois semaines, d'une fièvre rhumatique légère, qui a fini par
-se jeter sur la poitrine. Sa mère et toute sa famille ont cette partie
-délicate; il était convalescent quand il a repris de la fièvre et une
-très forte toux. Je l'ai fait coucher et il va beaucoup mieux. On ne
-peut pas plaisanter avec un mal de cette espèce à son âge et dans ses
-malheureux rapports de parenté. Depuis hier, il est certain que, dans
-une huitaine de jours, il sera entièrement bien et qu'il n'y a pas le
-moindre risque, mais le médecin lui-même n'a pas pu répondre de
-quelques jours s'il se tirerait d'affaire sans compromission
-quelconque.
-
- [355] METTERNICH-WINNEBURG (François-Charles-Victor DE), fils du
- prince Clément de Metternich, issu de son premier mariage avec la
- princesse de Kaunitz. Né le 15 janvier 1803. Chambellan impérial
- et royal, attaché à la légation d'Autriche à Paris (1825). Mort
- le 30 novembre 1829 (_Almanach de Gotha_, 1820 et 1830).--Les
- lignes qui suivent semblent un démenti suffisant à divers bruits
- qui coururent sur l'attitude du prince de Metternich au moment de
- la naissance du prince Victor, bruits dont M. Strobl von
- Ravelsberg s'est fait l'écho (_Metternich und seine Zeit_, p.
- 15).--Voir aussi _Mémoires du prince de Metternich_, t. IV, p.
- 556 et suiv.
-
-Je n'ai que ce fils et, si j'en avais soixante-cinq comme le chah de
-Perse, je ne l'en aimerais pas moins. L'idée de le perdre ou de le
-voir livré à une frêle existence aurait pu me tuer moi-même.
-
-Tu ne me connais pas assez pour savoir que je suis à peu près médecin
-moi-même. J'ai depuis ma première jeunesse eu un goût très prononcé
-pour les sciences naturelles et, pendant mes années d'université, j'ai
-fait, à côté de mes autres études, la majeure partie de celles qui
-constituent le médecin.
-
-J'ai passé par-dessus tous les dégoûts et j'ai vécu dans les hôpitaux
-et dans les salles d'anatomie. Je n'ai abandonné cette étude que parce
-que je n'en ai plus eu le temps; si j'avais été ce qu'a été Capo
-d'Istria, je serais resté médecin. J'en sais au reste bien assez pour
-être préservé de la manie commune aux amateurs de vouloir se mêler
-d'une petite pratique. Le monde est rempli d'hommes qui croient que le
-demi-savoir vaut mieux que le savoir lui-même ou que, pour le moins,
-il peut le remplacer. Je suis d'une opinion toute contraire; je n'aime
-que ce qui est complet. Il me reste cependant assez de souvenirs et
-j'ai même soin de les rafraîchir pour être très bon juge. Je sais
-l'être pour tout le monde, même pour moi, mais je cesse de l'être pour
-mes enfants. J'ai ce défaut de commun avec beaucoup de véritables
-savants qui jamais ne savent que perdre la tête, dès qu'il s'agit
-d'un léger mal parmi les leurs. C'est au reste la seule nuance de
-poltronnerie que je me connaisse.
-
-J'ai suivi tes traces dans la soirée de «_blue stockings_[356]».
-J'ignore si ce qui s'annonce en Angleterre avec de la prétention à
-l'esprit vaut mieux qu'autre part, mais j'ai un peu peur que non. Dans
-tous les cas, mon amie, ton bleu n'aura pas été le plus pâle. Tu
-serais où tu voudrais que tu serais ce qu'il faut pour être aimable,
-raisonnable et bonne. Il n'y a hors ces trois conditions que de
-fausses prétentions et, comme tu n'es jamais hors de ton excellent
-naturel, l'Angleterre ne peut rien y gâter.
-
- [356] Bas bleus.
-
-Comment ne te souviens-tu pas que c'est toi-même qui a conté à L[ord]
-St[ewart] l'histoire peu romanesque de la porte de l'auberge
-d'Henry-Chapelle? C'est au moins lui qui, peu de jours après _notre
-ère_, m'a demandé compte de l'épisode du goûter. Je lui ai dit: «Oui,
-nous avons goûté.»--Il m'a assuré que tu lui en avais parlé à propos
-de la similitude de nos goûts. Avec un peu d'imagination, il peut
-avoir deviné à la fois juste et faux.
-
-Floret m'accompagne en Italie. Il fait mon ombre depuis douze ans. Ce
-n'est pas que je ne pourrais m'en passer, mais il a tant de bonnes
-qualités et, parmi elles, une dont je dois lui tenir compte: il m'est
-si franchement dévoué, que je lui ferais un chagrin mortel si je le
-laissais jamais sortir de mon atmosphère. F[loret] est l'homme le plus
-sûr de la terre, le plus probe, le plus désintéressé. Enfin, il est
-tout ce qu'il me faut pour que je puisse dormir en pleine sécurité
-quand il est près de moi. Ce que je te dis ici doit te prouver qu'il a
-dû être _à nous_.
-
-
- Ce 2 mars.
-
-Il m'est arrivé, la nuit passée, un courrier de Pétersbourg, qui a
-porté également des dépêches à Gol[ovkine]. Ce matin il est venu m'en
-faire la communication. Il est diablement ennuyeux, ton Gol.! Que de
-phrases, grand Dieu! Il est en langage philosophique ce que feu
-Kourakine[357] était en langage courtois.
-
- [357] KOURAKINE (prince Alexandre Borissovitch), diplomate russe.
- Né le 18-29 janvier 1752, vice-chancelier de Paul Ier,
- ambassadeur à Vienne (1807), puis à Paris (1809-1812), mort à
- Weimar le 24 juin-6 juillet 1818 (_Recueil de la Société
- impériale d'histoire de Russie_, t. LX, p. 460).
-
-Après m'avoir fait une péroraison d'une heure pour me prouver à quel
-point sa confiance en moi était illimitée, il m'a assuré «qu'il ne
-croyait pas pouvoir me fournir une preuve plus convaincante de la
-force de ce sentiment, qu'en me faisant lecture d'une dépêche d'une
-haute importance, importance d'autant plus haute qu'elle portait
-l'empreinte du temps, temps empreint de grandes choses, régi par de
-vastes conceptions du génie humain, en proie au mouvement dans les
-esprits, esprits de trempes diverses, esprits en proie au mouvement et
-mouvement dirigé par l'esprit du temps, des hommes et des partis,
-qu'enfin pour me confier sa pensée, toute sa pensée, mais rien que sa
-pensée, il croyait avant tout devoir chercher à caractériser l'époque
-actuelle par une définition juste et concrète. Qu'en conséquence, il
-croyait bien dire en disant que: l'époque actuelle est une ère
-philosophique et philanthropique, mais que, dans cette époque
-philanthropique et philosophique, le moment actuel, tout juste ce
-moment, est _climatérique_.»
-
---«Je vous comprends à merveille, monsieur le Comte!»
-
---«J'ai osé m'en flatter! Je connais la force de votre jugement, la
-sagesse de vos principes, la rectitude de vos intentions, la droiture
-de votre pensée, l'uniformité de nos vues, d'où il résulte uniformité
-d'action, de fait, sagesse dans les mesures, indivisibilité dans les
-actions, oui: _indivisibilité_, j'aime ce mot parce qu'il forme le
-fond de la pensée de l'Empereur, mon Auguste Maître. Or, passons à
-l'affaire!»
-
-Il tire de sa poche une dépêche lithographiée qui dit: qu'il s'est
-fait une révolution en France qui doit fixer l'attention des Cours,
-que dans leur union se trouvera leur force, que l'Empereur regrette la
-sortie du ministère de M. de Richelieu, parce que l'esprit droit et
-conciliant du duc pouvait servir de garantie aux relations entre la
-France et les puissances!
-
-La vie, mon amie, est trop courte pour de pareilles harangues! Elle
-suffit à la lecture de dépêches simples et correctes, mais point à des
-paraphrases comme sait en faire le bon Gol.! Si jamais tu es faite
-ambassadeur, évite avec soin d'ennuyer, d'assommer les ministres: tu
-auras alors le droit d'exiger qu'ils ne t'assomment à leur tour.
-Combien tu serais bon ambassadeur! Bon tout ce que l'on peut être et
-ce que, malheureusement pour ton pays, tu ne peux être, vu
-qu'heureusement tu es femme! Je ne sais si je te dis ici une douceur,
-mais je sens que deux ou trois fois vingt-quatre heures après un
-entretien _climatérique_ avec Gol., je reste prolixe, entortillé et
-tant soit peu boursouflé. Le moral peut enfler comme une jambe et il
-faut du temps pour se défaire d'un mal quelconque.
-
-
- Ce 3.
-
-Je suppose qu'il t'est arrivé dans ta vie ce qui m'arrive maintenant.
-Rien n'est pire qu'un départ, si ce n'est un départ retardé. Le
-malheur des congés est grand; il est lourd surtout. Eh bien, ce
-malheur me surprend depuis plus de huit jours, de jour en jour et
-d'heure en heure. J'ai retardé mon départ jusqu'à samedi prochain, car
-j'ai encore une queue de rhume que mon médecin ne veut pas mettre aux
-prises avec les hautes Alpes. Il a raison, mais j'en souffre plus que
-du rhume, qui ne me fait guère souffrir. Tous les ministres étrangers
-brûlent d'envie de partir pour ce qu'ils croient être le pays de
-cocagne. Les retards involontaires que j'ai dû porter à mon voyage les
-contrarient et leur ardeur se reproduit pour moi en tourments.
-
-Mon amie, et combien tous ces aides de camp me sont inutiles! Combien
-ils contribuent peu au charme de ma vie et combien plutôt ils pèsent
-sur elle! _Si_...., mon amie, tu sais de quel si je veux parler! Mon
-cœur en est gros et je ne serai heureux que quand il sera réalisé.
-Bonne amie, fais tout ce que tu peux. Je te promets de supporter
-patiemment vingt séances de démonstrations philosophiques, de même
-supporter plus, de les supporter avec plaisir, pourvu que la fin soit
-bonne et qu'elle réponde au plus cher de mes vœux!
-
-
- Ce 4.
-
-Mon despote de médecin ne veut me laisser partir que lundi 8. Je me
-trouve ici comme une place réduite aux abois. Le courrier de Paris qui
-devait arriver ici aujourd'hui est, à l'heure qu'il est, en train de
-traverser les neiges du Tyrol pour m'attendre à Mantoue. Je suis donc
-sans nouvelles politiques et je m'en console; mais je suis sans
-nouvelles de toi et il n'en est pas de même. Je serai le sixième jour
-à Mantoue. Je serai donc occupé à lire tes lettres le 14 au soir. Tu
-vois que je tiens un compte exact de mes jouissances.
-
-J'envoie le présent courrier par Paris à Londres. Je n'y ai guère un
-autre motif que l'idée d'y envoyer quelqu'un, faute de pouvoir m'y
-transporter moi-même. Mon amie, quel bon courrier je serai, le jour où
-j'aurai à traverser la Manche! Comme tu en seras bien aise, comme tu
-me recevras bien, mon amie, combien rien ne nous manquera! Tu vois
-comme je compte sur toi, comme sur tout ce qu'il y a de meilleur et de
-plus sûr au monde!
-
-Le ciel commence à briller ici pour la foule des malades et des
-malingres. Mon fils[358] va très bien. Il est depuis trois jours sans
-aucune fièvre et en pleine convalescence, quoique au moins encore pour
-huit jours au lit. Maurice [de Liechtenstein] est entièrement hors
-d'affaire. Son médecin, qui est le mien, et le vieux Frank[359], qui
-avait été appelé en consultation, avouent tous deux que, dans leur
-longue pratique, ils ne connaissent pas un cas semblable au sien.
-L'arthritisme, après avoir parcouru tous les systèmes, après l'avoir
-mis, pendant quatre mois, de trois en quatre jours, aux portes du
-tombeau, a fini par déposer dans la jambe; on va lui faire une
-incision, et il sera entièrement rétabli de cette effroyable
-attaque[360].
-
- [358] Le prince Victor de Metternich.
-
- [359] FRANK (Jean-Pierre), né le 19 mars 1745 à Rothalben, dans
- le margraviat de Baden-Gravenstein. Médecin de Marie-Louise et du
- duc de Reichstadt. Il mourut à Vienne le 24 avril 1821 (WURZBACH,
- _Biographisches Lexikon des Kaiserthums Oesterreich_, t. IV, p.
- 320).
-
- [360] Le prince Maurice de Liechtenstein mourut cependant le 24
- mars suivant.
-
-Pour te faire grand plaisir, je te dirai que, dans les dernières trois
-semaines, je n'ai vu qu'une seule fois Léopoldine[361]. Elle est venue
-dîner chez moi il y a deux ou trois jours. La pauvre personne a l'air
-d'avoir eu la goutte elle-même. Je lui ai dit que j'avais, devers le
-monde, une amie jalouse d'elle, et elle en a ri. Elle a voulu savoir
-qui était cette amie. Je l'ai assurée que je ne lui dirais pas. Elle a
-voulu savoir où elle se trouvait: je lui ai fait la même réponse. Elle
-a fini par désirer savoir comment elle était, cette amie. Je l'ai
-assurée qu'elle était bonne, excellente et tout ce qu'il me faut pour
-être à elle pour la vie.--«Vous êtes donc bien heureux?»--«Certes et
-assez pour ne pas vouloir l'être par aucun moyen autre que le
-sien.»--«C'est donc du roman?»--«Oui, autant que le roman peut
-être de l'histoire.»--«Vous l'aimez beaucoup?»--«De toutes mes
-facultés!»--«Elle est donc également heureuse?»--«Je le crois.»--«Dans
-ce cas, vous avez raison tous deux!»
-
- [361] La princesse Maurice de Liechtenstein, dont Mme de Lieven
- était jalouse. Voir p. 148 et 218.
-
-Voilà, ma bonne D., ma conversation avec la personne bien innocente
-que tu crains malgré elle et moi. Tu verras au moins qu'elle n'est
-pas ton ennemie à la mort et qu'il existe entre elle et toi de grands
-moyens de capitulation.
-
-Tu as le droit de me demander pourquoi j'ai parlé à Léopoldine de mon
-sentiment?
-
-C'est qu'elle est au fait de ma vie entière; elle a été témoin de ce
-qui s'est passé dans mon cœur et je la regarde comme une amie
-véritable, par conséquent bonne et sûre. Elle m'est attachée ainsi que
-doit l'être une amie de sa trempe; elle est du petit nombre
-d'individus qui m'aiment d'amitié et _sans plus_. Elle me rend justice
-sous vingt rapports; il n'en est qu'un sous lequel elle ne me connaît
-pas. Elle ne croit pas que je sache aimer fortement. C'est que je ne
-l'ai jamais aimée, et il paraît que je suis de ces hommes, auxquels
-l'on ne croit pas sur mine. Toi-même, mon amie, n'en avais-tu pas
-douté? Et t'ai-je corrigée de ton erreur?
-
-
- Ce 5.
-
-Le courrier part, mais pas pour Londres. Il remettra ses paquets à
-Paris. J'ai eu ce matin une dispute d'une heure avec l'ouvrier qui
-fait ton bracelet. Il est venu me le porter pour me prouver qu'il
-n'est pas fini, et c'est tout juste le contraire que je voulais. Il le
-sera mardi prochain. Je le fais mettre sous l'adresse de N[eumann]
-et il t'arrivera par le courrier hebdomadaire de jeudi prochain. Je
-serai loin alors, mon amie. Cette lettre est la dernière que tu
-recevras de moi ici. Je t'en expédierai une de Mantoue; l'interruption
-ne sera pas grande. Ma bonne amie, pourquoi faut-il que tu me fasses
-quitter Vienne avec regrets! Tu n'y es pas, je n'ai encore aucune
-chance de t'y voir, je t'emporte dans mon cœur et pourtant je
-regrette Vienne, mon cabinet, mon bureau. C'est dans le lieu où j'ai
-tant pensé, où je me suis tant occupé de toi, que je tiens
-machinalement. Mon regret n'a point de sens et pourtant existe-t-il!
-
-Adieu, bonne amie. Aime ton ami et ne l'oublie pas un seul instant.
-
-Adieu.
-
-
-
-
-No 19.
-
-
- Schottwien, ce 8 mars 1819.
-
-Je ne t'ai pas écrit, mon amie, les deux derniers jours que j'ai
-passés à Vienne. Il m'est resté une si immense besogne à faire, j'ai
-passé les seuls moments que j'ai eus à moi avec mes enfants, et ces
-moments ont été bien courts, j'ai enfin été de si mauvaise humeur que
-j'ai placé tout mon établissement dans mon portefeuille, et c'est avec
-un raffinement de jouissance que je me suis dit aussi souvent qu'il
-m'est tombé sous les yeux: c'est là qu'est mon cœur, je le
-retrouverai dès que je serai rendu à moi-même!
-
-Je suis enfin parti hier matin[362]. J'eusse été l'homme du monde le
-plus heureux si, au lieu d'aller au midi, j'avais pu aller à l'ouest.
-Mon amie, les quatre vents ne sont pas les mêmes pour moi.
-
- [362] Le prince de Metternich à sa femme, Vienne, ce 5 mars 1819.
- «... Voici mon plan de voyage: Je compte coucher: le 8 à
- Schottwien, le 9 à Léoben, le 10 à Klagenfurt, le 11 à Pontebba,
- le 12 à Conegliano, le 13 à Vérone, le 14 à Modène, le 15 à
- Scarica l'Asino, le 16 à Florence.» (_Mémoires du prince de
- Metternich_, t. III, p. 191).
-
- En réalité, les étapes du voyage furent le 8 Schottwien, le 9
- Kraupath, le 10 Friesach, le 11 Tarvis, le 12 Conegliano, le 13
- Vérone, le 14 Bologne, le 15 Florence.
-
-Le temps s'est mis au beau depuis deux jours, mais il ne suffit pas
-d'être raccommodé avec le ciel pour l'être avec la terre. Les routes
-sont sans fonds de Vienne aux montagnes, c'est-à-dire pendant quatre
-postes. Arrivé dans le premier vallon des Alpes, j'ai trouvé la saison
-changée. La terre est couverte de deux pieds de neige et la route est
-gelée. Je couche ici au pied d'une rude montée: le Semmering forme le
-versant des Alpes vers le bassin de l'Autriche et la frontière de la
-Styrie est sur son sommet. J'ai avec moi Kaunitz[363] que je ramène à
-Rome, Floret et le médecin que j'avais à Aix-la-Chapelle. Les
-individus de mon département m'ont précédé en partie d'un jour et
-d'autres me suivent. Un voyage qui met en mouvement une quarantaine de
-personnes est une triste jouissance. Le seul objet de fantaisie que
-j'ai pris avec moi, c'est un paysagiste parfait; je l'avais envoyé il
-y a deux ans à Rio de Janeiro; il en est revenu l'année dernière avec
-quatre gros volumes de dessins magnifiques. Tu les verras un jour en
-gravure. Je mène ce jeune homme qui fera honneur à son pays et à son
-art avec moi pour lui faire voir le ciel et les beaux sites de
-l'Italie, je le placerai après cela pour deux années à notre Académie
-des beaux-arts à Rome. Je crois t'avoir déjà dit une fois que les arts
-font aujourd'hui le charme de ma vie, si stérile pour tout ce qui est
-jouissance.
-
- [363] Voir p. 215.
-
-J'ai sous moi les quatre Académies de Vienne, de Milan, de Venise et
-de Rome. J'ai le bonheur de pouvoir faire du bien à beaucoup
-d'artistes, et les artistes valent infiniment mieux que les savants.
-Ils ont ordinairement la tête un peu fêlée, mais le cœur bon. Les
-savants pèchent par le contraire.
-
-Floret ne me quitte jamais; il est donc naturel qu'il soit avec moi
-quand je visiterai la capitale. Mon amie, j'aime Floret parce que tu
-lui veux du bien. Envoie-lui l'un de ces jours une jolie petite boîte
-écossaise. N[eumann] sait ce qu'il lui faut. Il la portera toujours et
-je serai charmé de lui voir prendre du tabac d'une manière un peu plus
-sentimentale qu'il n'a l'habitude de le faire.
-
-J'ai quitté mes enfants et ma femme avec bien du chagrin. Tu n'as pas
-d'idée comme mon ménage est bon et confortable. Tous mes pauvres
-enfants ont pleuré tout comme ils m'aiment, c'est-à-dire bien de bon
-cœur. Mon fils est heureusement en pleine convalescence, et je n'ai
-plus une seule inquiétude sur son compte. Je vais retrouver Marie, qui
-arrivera deux jours avant moi à Florence. C'est le seul bon côté de
-mon voyage, que je fais bien à contre-cœur. Il y a dans le cœur
-humain un bien mauvais côté: le devoir tue le plaisir, et quand je
-songe à la foule des cardinaux qui vont faire partie de mes devoirs,
-je me sens fatigué et affadi d'avance.
-
-Bonsoir, mon amie. Je vais prendre le thé avec ma compagnie.
-
-
- Kraupath, ce 9.
-
-Je t'écris d'un chenil laid comme son nom. La journée a été superbe;
-la Styrie vaut la Suisse; de hautes Alpes, de magnifiques vallons et
-même des femmes avec d'immenses goîtres. Ce n'est pas en Styrie que
-j'irai chercher mes maîtresses: aussi trêve de jalousie. Je dois cet
-exécrable gîte à la recommandation du prince Esterhazy père[364]. Il
-l'a couché sur son journal comme excellent: l'un de nous deux doit
-avoir bien mauvais goût. J'aurais passé outre, si je n'avais arrêté
-ici la commande de mes chevaux, et j'ai le malheur d'en avoir une
-quarantaine. Mon amie, il ne m'en faudrait que quatre de plus pour
-être bien, bien heureux!
-
- [364] ESTERHAZY DE GALANTHA (Nicolas, prince), né le 12 décembre
- 1765. Envoyé à Paris (1801) puis à Londres et enfin à
- Saint-Pétersbourg (1802). Napoléon aurait voulu, dit-on, le faire
- roi de Hongrie. Ambassadeur à Naples (1816). Il mourut à Côme le
- 25 novembre 1833 (WURZBACH, _Biographisches Lexikon des
- Kaiserthums Oesterreich_, t. IV, p. 102.--_Biographie
- universelle_, édit. 1850, t. XIII, p. 106.--_Biographie
- générale_, t. XVI, p. 475).
-
- Il avait épousé, le 15 septembre 1783, Marie-Josèphe-Hermenegilde
- de Liechtenstein, née en 1768, morte en 1845, et était le père du
- prince Paul Esterhazy (ŒTTINGER, _Moniteur des dates_).
-
-Kraupath ne vaut pas Henry-Chapelle, et Rome ne vaudra certes pas Spa.
-Dans l'une de tes dernières lettres, tu t'es souvenue de la lecture
-que j'ai faite assis à tes pieds. Autant qu'il m'en souvient, j'ai
-bien peu lu. Je t'ai beaucoup regardée et nous avons passablement
-causé. Tu étais fatiguée de notre longue promenade; te souviens-tu que
-je t'ai arrangée bien _décemment_? Je sais chaque mot que je t'ai dit,
-depuis le premier que j'ai lâché après ne t'avoir rien dit pendant
-plus de trois semaines. C'est, entre autres, Nesselrode qui est venu
-un jour chez moi, et m'a demandé pourquoi je n'étais pas aimable avec
-toi. C'est que je ne le suis jamais trop, et moins que jamais quand je
-crois que l'on veut que je le sois; c'est peut-être Nesselrode qui est
-cause que j'ai perdu quelques semaines de ma vie. Tu sais que
-N[esselrode] m'aime beaucoup personnellement et d'ancienne date; il
-est très bon homme et je crois que tu dois lui avoir dit, à lui ou à
-sa femme, que tu ne me trouvais pas à ton gré. C'est ce qui aura
-monté sur-le-champ le petit homme. Je me flatte qu'il serait content
-de nous, s'il savait où nous en sommes!
-
-Kraupath, mon amie, me ferait tourner en bêtise si j'y restais, et je
-ne veux pas même t'en écrire davantage.
-
-
- Friesach, ce 10.
-
-J'ai quitté la Styrie pour traverser la Carinthie. La Muhr, qui forme
-le vallon principal du premier de ces pays, coule sur un plateau très
-élevé. J'ai été enfoncé dans les neiges pendant toute la journée. Ce
-n'est que depuis la dernière poste que la pente s'établit vers le sud
-et la neige disparaît. Je vais la retrouver demain dans les hautes
-Alpes-Juliennes.
-
-Mon amie, ces pays-ci sont pittoresques autant qu'on peut le désirer:
-il faut l'été pour les juger. C'est la dixième fois que je fais la
-route, et je t'assure de bien bonne foi que jamais je ne l'ai faite
-dans une disposition d'âme plus mauvaise. L'on prétend que l'âme ne
-connaît pas les distances. La mienne n'est pas de cette espèce. Le
-bonheur est à 400 lieues de moi, et j'ai beau vouloir me faire
-illusion, je sens à toute heure du jour qu'il me manque.
-
-J'ai recueilli aujourd'hui une preuve nouvelle que la haine ne
-pardonne pas. En traversant la capitale de la Haute-Styrie
-(Judenburg), j'y ai reçu une députation de magistrats. Tous les
-magistrats du monde se plaignent en permanence. Le bourgmestre de J.,
-n'ayant apparemment nul autre sujet de plainte, a accusé les souris
-d'abîmer les champs. «Y a-t-il longtemps que les souris font du
-dégât?»--«Mon Dieu, me dit le bourgmestre, _c'est depuis les
-Français_.»--«Comment, depuis les Français? Avaient-ils des souris
-avec eux?»--«Non, pas tout juste avec eux, mais ils ont campé dans les
-environs de la ville; ces coquins n'ont fait que manger du pain et ils
-en ont parsemé les champs; toutes les souris de la Styrie se sont
-établies depuis lors ici!»
-
-Je crois que la plaie des souris n'a, depuis que le monde existe,
-point été expliquée ainsi. Il doit y avoir eu, du temps des Pharaons,
-un camp de Français en Égypte. Avec de l'esprit critique, l'on
-parvient à expliquer jusqu'aux miracles; tu vois que je sais tirer
-profit de mes voyages.
-
-J'ai fait aujourd'hui une journée beaucoup trop petite. C'est le
-désespoir permanent et anticipé de Floret qui en est cause, il a
-prétendu que je n'arriverais jamais au delà, et il n'est pas 8 heures
-du soir. Pour ne pas perdre une occasion de se lamenter, Floret pleure
-à l'heure qu'il est de ne pas avoir commandé les chevaux plus loin. Il
-est à mes côtés; je lui ai dit que je t'écrivais pour l'accuser. Le
-voilà dans de nouvelles angoisses. Je voudrais arriver bien vite à
-Mantoue pour t'expédier ma lettre. Elle t'arrivera par le courrier de
-Paris de la semaine prochaine. Celui qui partira de Vienne demain doit
-te porter le bracelet. J'espère que tu le trouveras joli et surtout
-d'un bon usage: je veux que tu le portes toujours. Il était commandé
-bien avant que la mesure ne me fut parvenue. Il se trouve que je n'ai
-rien eu à y changer: j'ai jugé la dimension comme si j'avais pris la
-mesure. C'est que je te vois si bien devant moi! J'ai le bonheur de ne
-jamais oublier rien de ce qui m'arrive par le sens du cœur et de la
-vue.
-
-Je ferais d'ici ton portrait, je crois que je ferais ton moule--tel
-qu'il était, mais pas tel qu'il va te convenir.
-
-A propos de portrait, le mien est fini, à deux séances près, que
-Lawrence m'a demandées à Rome. Je les lui ai refusées. Il ne s'agit
-plus que du mollet droit, et je le lui abandonne. Il a fait le
-portrait de ma seconde fille, qui est véritablement charmant. Il a
-commencé par un dessin tout bourgeois; la tête finie à l'huile, il
-s'est monté à la poésie: il en a fait une Hébé avec l'aigle. Je n'aime
-pas beaucoup les portraits façonnés, mais Lawrence a mis tant de
-talent à celui de Clémentine et elle est réellement si jolie que je
-l'ai laissé faire. Il me tourmente pour le prendre avec lui à Londres;
-il voudrait l'y placer à l'exposition; je le ferai--à cause de
-toi[365].
-
- [365] Ce portrait de la princesse Clémentine fut livré au prince
- de Metternich quelques jours avant la mort de sa fille.
-
-Mme de M[etternich] dispute contre, car tu n'entres pour rien dans ses
-calculs. Ce sera L[awrence] qui décidera. Il prétend que c'est le plus
-joli tableau qu'il ait jamais fait. Je puis louer, au reste, la figure
-de la petite, car tout autre que moi pourrait être son père; elle n'a
-pas un trait de moi, rien qui me rappelle: elle est très brune avec
-une très belle peau, elle a les yeux quasi noirs, le nez très petit,
-la bouche petite, le visage ovale.
-
-Marie me ressemble beaucoup, sans avoir un seul de mes traits, mais
-Clémentine ressemble à tout le monde excepté à moi. Il n'en est pas
-ainsi du caractère: tous mes enfants sont comme moi, et je ne puis
-m'empêcher souvent de rire, quand je les entends dire tout juste ce
-que j'aurais dit à leur place.
-
-
- Conegliano, 12.
-
-J'ai passé la journée d'hier à parcourir les hautes Alpes; j'ai couché
-à Tarvis, dernière station allemande. Les Alpes, mon amie, élèvent et
-affaissent l'âme; j'ignore si jamais tu les as vues et surtout si tu
-les as traversées, je serais tenté de dire vaincues, car, chaque pas
-que l'on y fait est une victoire remportée par l'homme sur la nature.
-Elles élèvent l'âme, car il est dans la nature de l'homme de grandir
-avec les objets élevés; elles affaissent par leurs masses imposantes.
-Rien n'est petit, ni médiocre dans les sites; les neiges ont vingt
-pieds d'élévation, les ruisseaux sont des torrents impétueux, les
-éboulements sont des chutes de montagnes, les mouvements de terre
-enfin sont des élévations ou des précipices à perte de vue.
-
-La descente de Tarvis jusqu'à Resiutta est, surtout dans cette saison,
-l'une des choses les plus curieuses. Entre Tarvis et Pontebba, la
-route est glacée; les habitants roulent sur des traîneaux à la main
-comme les Lapons; à mesure que l'on approche de Pontebba, la neige
-diminue et, en moins d'une demi-lieue de distance, vous passez des
-frimas dans la poussière. Le village de Pontebba est coupé par un
-petit torrent nommé la Fella. A la Pontebba allemande (Pontafel) les
-maisons de paysans sont à l'allemande: petites fenêtres, toits élevés,
-toutes les cheminées fument. Vous traversez un pont large de 8 ou 10
-toises, et vous tombez dans un village italien: toits plats, gros
-murs, grandes croisées, toutes ouvertes, du papier huilé aux fenêtres
-au lieu de vitraux, le peuple en chemise et à peine vêtu. De l'un des
-côtés, les habitants ne savent pas un mot d'italien, de l'autre ils
-n'en savent pas un d'allemand. Les Allemands sont en pelisse et
-gèlent, les Italiens sont en chemise et _croient_ ne pas geler.
-
-A un quart d'heure de Pontebba, le soleil acquiert de la force,
-l'herbe est en travail; à la moitié de la pente les haies
-bourgeonnent, les fleurs du printemps paraissent. Je t'envoie la
-première que j'ai trouvée éclose: c'est une petite anémone. Je te
-réponds que, le 12 de mars, elle est la plus haute venue dans les
-Alpes. Peu après, vous trouvez des ceps de vigne en espaliers; à
-Resiutta se trouvent les premiers mûriers.
-
-Les glaces de ma voiture étaient gelées à 9 heures du matin; à 11
-heures il a fallu baisser toutes les glaces de la voiture pour ne pas
-étouffer. J'avais couché à Tarvis, mourant de froid dans mon lit
-malgré le feu dans le poile; à Udine, j'ai dîné avec les fenêtres
-ouvertes.
-
-Bonsoir, mon amie. Je vais me coucher, car j'ai fait une bien forte
-journée et que de nouveau j'ai froid, car je suis ici dans l'une des
-meilleures auberges du pays et qui a tous les charmes des maisons des
-Vénitiens, c'est-à-dire qu'elle est à peu près sans portes et sans
-fenêtres. Il n'existe pas, dans tout ce pays, une porte ou un châssis
-de fenêtre par lequel vous ne puissiez passer la main; il en est par
-lesquels vous passeriez la tête, et ce ne sont pas encore les plus
-mauvais.
-
-
- Vérone, 13.
-
-Je crois qu'il n'y a pas un pays au monde où l'on aille en poste comme
-celui-ci. La beauté des routes passe l'imagination, les chevaux et
-les postillons ont l'air également fous. J'ai fait, depuis 8 heures du
-matin jusqu'à 6 heures du soir, 40 lieues, c'est-à-dire à peu près 90
-milles anglais et même plus.
-
-J'aime beaucoup Vérone. J'y ai passé une fois quatre semaines; la
-ville est remplie d'antiquités romaines. Rien n'est magnifique comme
-l'amphithéâtre.
-
-J'ai dîné après mon arrivée, et je sors de l'Opéra. Il est très bon.
-Pour à peu près un schelling d'entrée, l'on entend chanter l'une des
-premières chanteuses d'Italie, un bouffe excellent et un faible ténor,
-car il n'en existe pas un bon.
-
-J'ai oublié de faire entrer dans le calcul de la célérité de ma course
-une heure que j'ai passée à Vicence, par où je ne passe jamais sans
-aller voir les principaux édifices construits par Palladio[366]: ils
-ressemblent à la grandeur et à la décadence de la République de
-Venise.
-
- [366] PALLADIO (Andréa), né à Vicence le 30 novembre 1518, mort à
- Venise le 19 août 1580. Il construisit à Vicence la Basilica
- Palladiana, construction grandiose à deux rangs d'arcades
- superposées commencée en 1549, le palais del Capitanio (1571), le
- palais Chiericati aujourd'hui musée municipal, le Théâtre
- olympique terminé après sa mort en 1584, etc., etc.
-
-
- Florence, 15 mars.
-
-Je suis arrivé au premier terme de mon voyage. J'ai trouvé ici trois
-de tes lettres, ma fille et le printemps dans toute sa beauté. C'est
-beaucoup à la fois; je serais quasi tenté de dire que c'est trop, si,
-en fait de jouissances pures, il pouvait exister du trop!
-
-Tu étais sans lettres de moi par la faute du bon et lent Paul, qui,
-cependant, pour le coup, est moins criminel de ne pas avoir quitté
-Vienne plus tôt qu'il ne l'a fait. L'on n'a pas toujours pour excuse
-un beau-frère mourant depuis trois mois et tout à coup sauvé. Pour le
-coup, Paul a eu à la fois ce malheur et le bonheur d'avoir pu rester
-_in salvis_ trois semaines de plus avec sa belle. Je ne dis pas avec
-l'objet de son affection, car il y a, de part et d'autre, plus de
-matériel que de sentiment dans la conjonction.
-
-Tu es un peu comme les enfants: tu pleures un jour et tu ris l'autre,
-tu te peines pour te défâcher, tu es bonne toujours: un mot te remet.
-Je crois qu'une légère tape te corrigerait pour longtemps. Ma bonne
-amie, reste comme tu es: ne change pas, car je t'aime tout comme tu es
-et, en fait de sentiment, le mieux est positivement l'ennemi du bien.
-L'amour a de commun avec la santé qu'il n'est pas dans la nature
-d'aimer plus qu'on ne fait, tout comme l'on ne peut se porter mieux
-que bien. Et comment pourrais-tu admettre que je puisse t'aimer moins,
-parce que plus d'objets me distraient? Comment ce qui m'entoure, ce
-qui est hors de moi, pourrait-il déplacer ce qui remplit mon âme? Mon
-amie, tu as raison de dire que rien n'est extraordinaire comme le
-rapport qui existe entre nous. Mais n'existe-t-il pas? Le fait est-il
-constant? Pourquoi l'expliquer dès qu'il existe? Mon amie, la seule
-théorie que je me permets sur notre compte, c'est le chagrin que nous
-soyons séparés, que je ne puisse pas te donner tout ce que veut mon
-cœur, de ne pas être près de toi, comme 600.000 Anglais se trouvent à
-côté de 600.000 Anglaises dans la bonne ville de Londres. Cette
-théorie est elle-même un fait, triste, pénible, affreux, placé hors
-de notre volonté et, comme tel, l'un des plus cruels à mes yeux. Je
-crois que chaque jour doit ajouter à ta conviction que je suis un
-homme d'une trempe différente de celle de la plupart de mes confrères
-en humanité. Mais tu m'aimes tel que je suis, et j'en suis pour le
-moins aussi étonné que charmé et heureux. Ne crains rien, je t'en
-conjure: chaque crainte de ta part est une injure pour ce que j'aime
-seul en moi, pour mon cœur. Tu ne me connais pas encore assez pour
-être sûre que le jour où je t'aimerais moins, tu lirais dans l'une de
-mes lettres ces trois mots bien précis: je t'aime moins! Or, ne crains
-pas de même ce jour; il n'est pas dans mon habitude de fléchir; j'ai
-le cœur pour le moins aussi tenace que la tête; c'est peut-être ce
-qui m'a fait injurier par le commun du peuple aimant qui brûle comme
-un feu de paille, qui remplit les alentours de bruit, d'éclat et de
-fumée, et qui à peine laisse la trace de quelques légères cendres. Il
-en est de ces amants comme du superbe de l'Écriture: j'ai passé, il
-n'existait plus! Moi, mon amie, je reste dans toute ma simplicité,
-bonne foi et humilité.
-
-Je t'ai prévenue que je te ferai une espèce de journal de mon voyage.
-Mes lettres portent toujours l'empreinte de mon existence: je les
-crois bonnes parce que je n'en cherche ni la pensée ni le mot. Je
-voyage; or il faut bien que tu voyages avec moi. T'ai-je laissée à
-Vienne, mon amie? Es-tu moins avec moi à Florence que tu ne l'as été à
-Vienne et que tu ne le seras à Rome? Je suis tenté de croire que tu as
-quelquefois bien mauvaise opinion de moi.
-
-J'ai couché hier à Bologne. J'y ai goûté les charmes du premier
-cardinal que j'aie rencontré sur mes pas[367]. Je t'assure, mon amie,
-que je n'en ferai point d'autres _de faux_[368] en Italie. Après cette
-assurance, ne va pas me prendre pour grec et même pour romain dans mes
-goûts.
-
- [367] Le prince de Metternich à sa femme. «Florence ce 18 mars...
- A Bologne, le cardinal légat m'a attendu avec deux sociétés
- priées et deux soupers prêts--l'un chez lui, et l'autre chez
- Marescalchi où j'ai logé. Dans la difficulté du choix, j'ai pris
- le parti d'aller me coucher et de laisser souper les deux
- compagnies tant qu'elles l'ont voulu, après avoir fraternisé avec
- Son Eminence pendant à peu près deux heures _in camera
- caritatis_.» (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p.
- 192).
-
- L'archevêque de Bologne était, en mars 1819, Mgr Carlo Oppizzoni,
- né à Milan, le 5 avril 1769, archevêque de Bologne le 20 septembre
- 1802, cardinal le 26 mars 1804, mort à Rome le 14 avril 1855
- (ŒTTINGER, _Moniteur des dates_).
-
- [368] De faux pas.
-
-Mon amie, voyager comme je le fais, a de bons et de mauvais côtés, et
-je trouve que les derniers sont plus saillants et surtout plus
-sensibles. Je vais comme l'éclair; l'on ne m'assassinera pas, car je
-trouve un demi-escadron de cavalerie pour m'escorter à chaque poste.
-Je ne réponds toutefois pas que je ne me casse le col. Je suis
-toujours logé à merveille. Je sors d'un lit de parade pour me
-recoucher dans un autre qui tient beaucoup d'un _castrum doloris_.
-Voilà le bon. Mais je suis accablé de révérences, et les révérences
-italiennes sont longues comme les steppes de ton pays et un peu plus
-arides. Je veux dormir dans ma voiture, et je suis réveillé par une
-députation qui fait une harangue effroyable. J'arrive et je veux me
-coucher: point du tout! Une société priée m'attend. Je trouve
-cinquante messieurs et dames en grande tenue qui demandent des
-nouvelles de ma santé, et qui veulent me forcer à prendre des
-_rinfreschi_[369], moi qui n'en prends jamais. Enfin, je me retire,
-je suis à moi: et il s'établit une troupe d'effroyables chanteurs sous
-mes fenêtres.
-
- [369] Rafraîchissements.
-
-Le premier bon moment que j'aie eu, c'est de voir ma fille qui est
-venue à ma rencontre. Elle m'a rejoint à la moitié de la deuxième
-poste, sous les murs de l'antique Fiesole, où Catilina a mis bas les
-armes, ce dont bien doit peiner Lady Jersey!
-
-A la descente des Apennins commence la véritable Italie. Les champs
-sont couverts d'oliviers, tous les bosquets sont verts éternellement:
-rien que du laurier de toute espèce, du sycomore et du chêne toujours
-vert. Les fleurs parent les champs, le mois de mai a l'air d'avoir
-usurpé sur le mois de mars, les hommes portent le chapeau de paille et
-les blés sont longs d'un pied. Plus de mulets que de chevaux et plus
-de belles dents dans un village que dans toute une province au delà
-des Alpes. Mon amie, si j'avais la fantaisie d'être mordu, je voudrais
-l'être de préférence en Toscane.
-
-Bonsoir, chère D. Tu es près de moi au Palazzo Dragomanni[370] comme à
-la Chancellerie d'État. Ce n'est, hélas! dans aucun de ces lieux que
-je puis être heureux comme je voudrais l'être!
-
-
- Ce 16.
-
-Mon amie, je n'ai pas fait partir mon courrier de Mantoue, parce que
-ma lettre n'eût point coïncidé avec le passage du courrier de Vienne
-par Munich. Je l'expédie aujourd'hui.
-
- [370] Le prince de Metternich à sa femme. «Florence, ce 18
- mars... Je loge ici au palais Dragomanni. La maîtresse de ma
- maison est veuve, et c'est cette danseuse enragée de la _Furlana_
- que vous avez vue aux bals de Mme Élisa, en 1810, à Paris. Elle a
- neuf ans de plus et ne danse plus, mais ma vertu est à couvert,
- tout comme si elle dansait encore avec son impétuosité ancienne.
- Je n'ai jamais aimé les bourrasques et les ouragans. Les fenêtres
- de ma chambre à coucher donnent sur un jardin où tout est en
- fleur.» (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 193).
-
-Je puis te dire maintenant ce que je fais d'ici à la fin d'avril.
-
-L'Empereur quittera Florence le 29 mars. Je partirai le 26 pour
-Livourne. J'y coucherai et le 27 j'irai à Pise. Je veux que ma fille
-voie ces deux villes. Le 28, j'irai, par la traverse, de Pise à
-Sienne. Le 29, je coucherai à Radicofani, le 30 à Viterbe et je serai
-le 31 à Rome, deux jours avant l'Empereur. Nous y resterons jusqu'au
-24 ou 25 avril et nous irons à Naples.
-
-Je me suis fait le plaisir de me reposer ce matin à la Galerie des
-vingt courses d'étiquette que j'ai dû faire. Cent chefs-d'œuvre, tels
-qu'il n'en existe pas de seconds, m'ont délassé de la vue de beaucoup
-d'objets modernes et vivants qui ne valent pas ce que renferme le
-trésor des Côme de Médicis. C'étaient de fiers hommes que les Côme et
-les Laurent, si dignement remplacés par Léopold Ier[371]!
-
- [371] Le grand-duc de Toscane était alors Ferdinand III, archiduc
- d'Autriche, né le 6 mai 1769, qui succéda à son père Léopold Ier
- le 2 juillet 1790, céda la Toscane et reçut en échange, le 27
- avril 1803, l'archevêché de Salzbourg, échangea encore cet
- archevêché contre l'électorat de Wurzbourg le 26 décembre 1805.
- Il céda de nouveau ce dernier et reprit la Toscane le 30 mai
- 1814. Il avait épousé l'infante Louise-Amélie, fille de Ferdinand
- IV des Deux-Siciles. Il perdit sa femme, le 19 septembre 1802, et
- mourut lui-même le 18 juin 1824.
-
- Son père, le grand-duc Léopold Ier, dont M. de Metternich parle
- ci-dessus, était né le 5 mai 1747. Il devint grand-duc de Toscane
- en 1765. A la mort de son frère, Joseph II, en 1790, il lui
- succéda comme empereur d'Allemagne sous le nom de Léopold II et
- mourut subitement le 1er mars 1792 (_Allgemeine Deutsche
- Biographie_, t. XVIII, p. 322.--_Almanach de Gotha._--STROBL VON
- RAVELSBERG, _Metternich und seine Zeit_, p. 370).
-
-Tout respire ici la grandeur, le goût et l'humanité dans son relief le
-plus beau et le plus pur! Je crois, mon amie, que je serais plus
-heureux _ici_ avec toi encore qu'autre part. C'est le plus bel éloge
-que je puisse faire du lieu. J'ignore si tu aimes les tableaux, les
-statues, les bronzes, les marbres, les antiques de toute espèce. Je le
-crois, car je le désire. J'ai été ce soir pour une demi-heure à
-l'Opéra. On nous donne l'_Otello_ de Rossini[372] avec de médiocres
-sujets.
-
- [372] ROSSINI (Gioacchino), né à Pesaro le 29 février 1792, mort
- en 1868. Son _Otello_ avait été joué pour la première fois en
- 1816, à Naples, sur la scène du théâtre del Fondo.
-
-Adieu, mon amie. Je vais me coucher, car j'ai tant fait dans ma
-journée qu'il ne m'eût pas fallu un dîner à la Cour pour m'achever. Je
-suis fatigué et je t'aime comme si je ne l'étais pas. D'après tes
-calculs, je devrais t'aimer un peu moins; mais comme il m'est prouvé
-que mon sentiment pour toi ne réside ni dans mes jambes ni dans ma
-tête, je t'aimerai de même dans toutes les circonstances de ma vie et
-sous l'influence de tous les climats de la terre. Adieu, aime-moi
-comme je t'aime: je n'en puis désirer davantage.
-
-
-No 20.
-
- Florence, ce 18 mars 1819.
-
-J'ai relu hier toutes les lettres que j'ai reçues depuis mon arrivée à
-Mantoue, c'est-à-dire tes numéros 19, 20 et 22. Le no 21 doit
-m'arriver à toute heure par Gordon. Je suis sûr qu'il ne peut tarder
-de me joindre. Son envie de nous suivre était si grande que la
-diligence qu'il fera sera la même.
-
-Mon Dieu! bonne amie, si tu pouvais être près de moi! Tu serais bien
-heureuse et contente. De la manière dont je te connais et de celle
-même dont je ne te connais pas, mais qui ne saurait échapper à mes
-pressentiments, je crois que peu de choses te manqueraient. D'abord,
-moi et je suis beaucoup pour toi;--et puis tant d'objets aussi
-véritablement dignes de culte et d'admiration que je m'en sens peu
-digne, un pays qui remplit l'âme de tant de nobles souvenirs, un pays
-qui depuis tant de siècles avance toujours dans sa prospérité, habité
-par un bon peuple et qui sent avec vivacité le sort heureux que la
-nature lui a assigné! Des monuments magnifiques qui se trouvent à
-chaque pas; un ciel pur et serein; de la musique comme tu en fais et
-comme tu l'aimes! Mon amie, tu serais heureuse près de moi à Florence,
-et je ne le suis pas loin de toi! L'ambassadeur de France[373],
-Golovkine, Krusemarck[374] sont ici ou vont y arriver. Ceux de mes
-enfants qui y sont ne me quittent pas de toute la journée; je les
-conduis partout; je connais Florence par cœur; l'on nous invite
-partout ensemble. Si tu étais ici, tu ne me quitterais pas davantage,
-et il y aurait même de la décence dans le fait. Ma pauvre amie,
-pourquoi faut-il que tu ne sois pas Mme de Golovkine? Cette idée se
-présente à mon cœur sans aucune jalousie; je suis sûr que ton amour
-pour moi n'y perdrait rien, et la somme de mon bonheur en serait tant
-accrue! Tu ne verrais pas, à la vérité, tes amis et tes amies de
-Londres, mais ne trouverais-tu pas sous la main le meilleur de tous
-ceux que tu as, que jamais tu as eus et certes que jamais tu puisses
-avoir.
-
- [373] Le marquis de Caraman, voir p. 117.
-
- [374] KRUSEMARCK (Frédéric-Guillaume-Louis DE). Ministre de
- Prusse à Vienne. Né le 9 avril 1767. Accrédité comme chargé
- d'affaires près du gouvernement français le 2 janvier 1810 puis
- comme ministre plénipotentiaire le 28 janvier suivant, occupa ce
- dernier poste jusqu'en 1813. Pendant la campagne de 1814, il fut
- quelque temps gouverneur militaire du pays entre l'Elbe et le
- Weser. Ministre de Prusse à Vienne (décembre 1815), il exerça
- cette fonction jusqu'à sa mort survenue le 25 avril 1822 (POTENS,
- _Handwörterbuch der Militär-Wissenschaften_, t. VI, p.
- 77.--_Allgemeine Deutsche Biographie_, t. XVI, p. 269).
-
-Je me suis trompé effectivement sur l'individu duquel tu m'avais parlé
-dans l'une des lettres de plusieurs semaines de date[375]. J'ai cru
-qu'il s'agissait de ton séjour à Berlin. J'ai beaucoup connu D. dans
-cette même ville en 1805[376]. J'ai eu de fortes affaires à traiter
-conjointement avec lui. Le tableau que tu m'en fais est très vrai.
-L'amour passé ne t'aveugle plus. Tu as cet avantage de commun avec
-beaucoup d'humains. D. avait beaucoup de moyens; il eût fait, s'il
-l'avait voulu, une grande et belle carrière; il avait de grands
-défauts, l'un des plus grands entre autres pour tout homme: la
-présomption. C'est ce défaut qui a contribué puissamment à des
-événements bien funestes. C'est D. qui, en grande partie, a été cause
-des malheurs d'Austerlitz. Ce défaut est du reste assez commun au delà
-du 55e degré de latitude nord. S'il t'a aimée, je l'en estime
-davantage; tu l'as aimé, je conçois sa présomption!
-
- [375] Voir p. 167.
-
- [376] Cette date et les lignes qui suivent permettent de croire
- que le personnage désigné par l'initiale D. est le prince Pierre
- Petrovitch DOLGOROUKI, né le 19 décembre 1777, aide de camp
- général (23 décembre 1798) et favori d'Alexandre Ier, chargé par
- lui de plusieurs négociations diplomatiques en 1805 et 1806,
- commandant la ville de Smolensk, mort le 6 décembre 1806 à la
- suite de sa disgrâce et enterré dans le couvent d'Alexandre
- Nevski (ERMERIN, _Annuaire de la noblesse de Russie_, 1889, p.
- 93.--_Recueil de la Société impériale d'histoire de Russie_, t.
- LX, _Liste alphabétique de personnages russes pour un
- dictionnaire biographique russe_, p. 211).
-
- Les négociations de Berlin en 1805 auxquelles fait allusion le
- prince de Metternich, avaient pour but d'entraîner la Prusse dans
- la coalition de l'Autriche et de la Russie contre la France. Le
- prince Dolgorouki était arrivé dans les premiers jours d'octobre,
- porteur d'une lettre du Tsar demandant pour la seconde fois le
- passage à travers les territoires prussiens pour les armées
- russes. Frédéric-Guillaume hésita tout d'abord, mais Bernadotte
- ayant violé le territoire d'Anspach, le roi renvoya le prince
- Dolgorouki au Tsar, porteur de l'autorisation demandée. Un traité
- fut signé le 3 novembre entre les trois cours, mais Austerlitz
- allait bientôt le rendre inutile.
-
- M. de Metternich dit dans ses _Mémoires_, t. I, p. 41, à propos de
- ces pourparlers: «Plus tard l'empereur Alexandre expédia un des
- jeunes conseillers dont il s'était entouré depuis son avénement:
- c'était un de ses aides de camp, le prince Dolgorouki, homme
- d'esprit, plein de feu, mais nullement fait pour une mission trop
- délicate pour une nature comme la sienne. Son maître lui ayant
- recommandé de ne rien faire sans moi, je pus bien le diriger un
- peu, mais non lui dicter sa conduite.»
-
- Le 4 mai 1803, Mme de Lieven racontait à son frère l'histoire d'un
- duel qui avait mis aux prises Dolgorouki et Borodine. Le premier
- avait provoqué le second et il avait reçu une balle au-dessus du
- genou. «Elle y est encore; il est couché et je crois pour
- longtemps. Il faut que j'aie le cœur bien mauvais, mais en vérité
- cela m'a fait plaisir. Toute la ville se moque de Dolgorouki...
- Mon Dieu! comme il est bête, cet homme d'esprit!» (Ernest DAUDET,
- _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_, p. 58).
-
- Si donc nous ne nous trompons pas sur le nom de Dolgorouki,
- l'amour de Mme de Lieven pour ce dernier était déjà mort en mai
- 1803... ou il n'était pas encore né.
-
-
- Ce 19.
-
-Nous avons passé hier l'une de ces soirées qui devraient ne pas être
-réservées à Florence à des voyageurs qui viennent y chercher du bon et
-même plus que du bon. Je ne sais si tu connais le talent musical de
-Lord Burghersh[377]. Le malheureux prétend avoir composé une cantate;
-il nous a fallu l'avaler hier. L'œuvre n'est pas mauvaise, mais elle
-n'est pas bonne, et je n'aime pas ce genre de terrain.
-
- [377] BURGHERSH (John FANE, XIe comte DE WESTMORELAND, connu,
- jusqu'à la mort de son père en 1841, sous le nom de Lord),
- ministre d'Angleterre à Florence. Né à Londres le 3 février 1784.
- D'abord officier dans l'armée anglaise, il fut envoyé le 14 août
- 1814 à Florence comme ministre plénipotentiaire. Ministre à
- Berlin de 1841 à 1851. Ambassadeur à Vienne (1851-novembre 1855).
- Il fut promu général le 20 juin 1854 et mourut à Apthorpe House,
- Northamptonshire, le 16 octobre 1859.
-
- Il avait étudié le violon et la composition avec Hague, Zeidler,
- Platoni, Portogallo et Bianchi. Ce fut lui qui proposa la création
- de l'Académie royale de musique de Londres, qui fut ouverte le 24
- mars 1823.
-
- Lord Burghersh composa sept opéras (_Bajazet_, _Fedra_, _Il
- Torneo_, _l'Eroe di Lancastro_, etc.) trois cantates, des messes
- et de nombreuses œuvres symphoniques (_Dictionary of National
- Biography_, vol. XVIII, p. 176).
-
-Le matin j'ai conduit ma fille à la Galerie. Je crois que la matinée
-m'a fait paraître la soirée plus mauvaise. Quelle somme immense de
-chefs-d'œuvre de tous les genres--peinture, sculpture, arts de toute
-espèce!--Mon amie, l'on a beau voir tout ce que renferment les
-cabinets hors de l'Italie, l'une des belles collections de la
-presqu'île efface tout! Le local est au reste si beau en lui-même,
-tout a si fort l'air d'être fait pour la place, que l'on finit par se
-regarder comme un habitué du lieu. Toi à mes côtés, tout serait bien.
-Je te réponds que si tu n'aimes pas les tableaux, je finirais par te
-les faire aimer, et je me vanterais de cette éducation.
-
-Lord B[urghersh] a une belle collection de plâtres. Il les avait
-exhibés dans sa soirée. Il n'y a rien à redire à ce fait; mais il ne
-s'est pas borné à montrer ce que l'on peut voir; il a fait voir ce que
-l'on n'avoue pas avoir vu. Il avait placé dans un dernier cabinet de
-son appartement la statue de Persée de Canova[378], figure héroïque
-sous tous les rapports. Le mouvement de recul que ce pauvre Persée a
-fait faire à toutes les demoiselles et aux dames qui n'ont pas oublié
-qu'elles le furent a été tout à fait comique.
-
- [378] CANOVA (Antoine), né le 1er novembre 1757 à Possagno,
- province de Trévise, mort à Venise le 12 octobre 1822. Sa statue
- de Persée, en marbre, est actuellement au musée du Vatican.
-
-Le duc de Richelieu[379], fameux roué de son temps, avait fait un pari
-avec une vingtaine de femmes qu'il savait se rendre invisible. Le
-pari fut accepté. Le duc se retira (comme le Persée) dans un
-arrière-cabinet et il fit entrer une dame après l'autre. Il s'était
-placé au milieu de ce cabinet, d'une manière _ultra visible_. Toutes
-jurèrent ne pas l'avoir vu et payèrent le pari. Eh bien, le Persée eût
-gagné tous les paris de la soirée. De toutes les dames, il n'y en a
-qu'une qui m'a assuré l'avoir trouvé _superbe_! En avouant Persée,
-elle ne pouvait pas choisir un mot plus correct.
-
- [379] RICHELIEU (Louis-François-Armand DE VIGNEROT DU PLESSIS,
- duc DE). Né à Paris le 13 mars 1696. Ambassadeur à Vienne
- (1725-1727), en Saxe (1746), maréchal de France (11 octobre
- 1748), membre de l'Académie française (25 novembre 1720). Mort à
- Paris le 8 août 1788 (R. BONNET, _Isographie des membres de
- l'Académie française_, p. 239).
-
-
- Ce 20.
-
-Il y a ici une foule d'Anglais et, dans cette foule, pas un individu
-qui puisse t'être nommé. Comme rien n'est curieux comme vos
-insulaires, je les vois toujours fort occupés de moi; ils veulent me
-coucher sur leurs tablettes et je les en dispenserais volontiers. Je
-les entends vingt fois s'étonner _prodigieusement_ que je ne sois pas
-un homme de soixante-dix ans. Il y a, entre autres, une vieille dame
-toute couverte de rides et de fleurs qui a voulu m'assurer hier que
-mon père devait avoir été moi, car, me dit-elle, je me souviens
-d'avoir lu votre nom dans les gazettes il y a plus de vingt ans. Je
-l'ai assurée que je suis venu au monde ministre. Mon amie, l'un de mes
-vœux les plus ardents, c'est de ne pas le quitter de même.
-
-J'ai fait à Floret les compliments dont tu m'as chargé pour lui. Il a
-fait une mine à la fois discrète et douce en apprenant ton bon
-souvenir. La douceur est une de ses vertus et la discrétion sa nature.
-Je parie que Floret ne s'avoue pas à midi ce qu'il a pensé à 11
-heures. Quel confident!
-
-J'ai enfin des nouvelles de Paul, de Paris. Il _voulait_ le quitter
-peu de jours après m'avoir écrit. L'aura-t-il fait? Je l'ignore.
-
-
- Ce 21.
-
-Gordon est arrivé et je suis en possession de ton no 21. Sais-tu
-l'impression qu'il m'a fait? Je crains que tu ne m'aimes plus que je
-ne le mérite. Je m'explique. S'il s'agit de mon cœur, de sa droiture,
-de son abandon à tout sentiment qu'il juge digne de le fixer, de ses
-facultés aimantes sur une ligne de force et de raison de laquelle sont
-capables peu d'hommes, tu ne saurais te tromper. Crois, aime,
-livre-toi tant que tu voudras à mon cœur, tu ne risques rien. Ce
-cœur sait comprendre tout ce qu'on lui demande, et sait même accorder
-plus, bien plus!... Mais tu me crois des perfections que je n'ai pas;
-tu me cherches à une hauteur que je ne puis atteindre; mon esprit, mon
-amie, est celui du _sens commun_; je sais épuiser ce domaine et je ne
-m'élève guère au delà. Tu trouves mes paroles justes, mes expressions
-fortes, ma raison complète. Il n'y a dans ces faits que ce qui résulte
-toujours du genre de mon esprit. Le ciel m'a donné des yeux
-excellents, des oreilles justes et fines, un tact simple et correct.
-Je vois ce qui est, j'entends ce qui se dit, je sens ce qui existe.
-
-Mon âme est placée au-dessus du préjugé--je ne crois en nourrir aucun.
-J'ai une qualité qui n'est pas toujours celle des hommes sans
-passions: j'ignore le sentiment de la peur et par conséquent ses
-effets. Le danger provoque en moi l'action; je ne suis jamais plus
-fort que dans les moments où il faut employer de la force. J'ai été
-dans le plus fort des mêlées sur le champ de bataille; j'eusse rougi
-de ne pas m'y trouver et j'ai vu tomber mes amis à mes côtés sans être
-effrayé du danger; j'ai senti qu'en me trouvant là, je faisais une
-sottise, mais elle m'a paru d'un genre qui élève l'âme et je ne crains
-pas de m'élever! Place-moi dans le domaine de mes affaires, tu m'y
-verras comme sur le champ de bataille. J'ai tué bien des adversaires
-et j'en ai mis plus encore dans une véritable déroute. La raison,
-cette raison toute pure et toute simple, est une puissance immense! Je
-reste maître de mes armes au fort de la mêlée, parce que je suis
-calme; mes adversaires se dispersent tandis que je reste immobile; ils
-courent les champs et je ne bouge pas; ils sont hors d'haleine et je
-n'ai pas encore soufflé. J'ai la conviction d'en avoir plus désespérés
-dans le cours de ma vie publique que sérieusement fâchés. Mon amie, tu
-aimes aujourd'hui une espèce de _borne_: elle est placée tout exprès
-là où elle se trouve pour arrêter ceux qui courent trop fort et à
-contre-sens; les coureurs la heurtent, ils la maudissent, ils jurent
-contre ce qu'ils appellent un obstacle: la borne a l'air de ne pas se
-douter des coups qu'elle reçoit; elle ne bouge pas, car elle est
-lourde. Voilà la fin du mot, le tableau le plus exact de mon être: il
-n'y a dans ce tableau ni erreur ni couleurs renforcées; il y en a
-aussi peu que du mérite dans mon être; il n'y a point de mérite dans
-mon fait, parce que rien n'est volontaire en moi: le bon Dieu m'a fait
-tel que je suis et je le resterai aussi longtemps qu'il lui plaira de
-me laisser ici-bas! J'ai été à quinze ans ce que je suis à
-quarante-cinq. Le serais-je dans vingt ans d'ici? Oui, mon amie, si je
-vis, ce qui n'est pas bien prouvé, car mon âme use mon corps! Peu
-d'hommes, au reste, m'ont compris et peu me comprennent encore. Mon
-nom s'est amalgamé avec tant d'événements immenses qu'il passera à la
-postérité sous leur égide. Je te réponds que l'écrivain dans cent ans
-me jugera tout autrement que tous ceux qui ont affaire avec moi
-aujourd'hui. Je crois même qu'il me jugera sous une infinité de
-rapports différemment de ce que tu fais. Ne t'élève pas trop, mon
-amie, cherche terre à terre et tu me trouveras avant le temps même où
-d'autres pourront me trouver. Tu me vois bien déboutonné vis-à-vis de
-toi, tu as eu le bon esprit de ne pas être dupe de ma mine si autre
-que je ne le suis, moi, tout moi. Tu n'as pas confondu en moi la forme
-avec le fond. Tu ne croiras plus aux jugements des salons sur mon
-compte; tu ne me croiras plus léger, inconstant, insoucieux, retors,
-ultra-finasseur, sans cœur et sans mouvement dans l'âme.
-
-Mon amie, tu vois que je connais la pensée de bien du monde sur mon
-compte.
-
-
- Ce 22.
-
-Nous avons eu avant-hier une grande fête que la ville a donnée à Leurs
-Majestés[380]. La beauté du local en a fait les frais, car le reste ne
-valait rien. L'on s'est réuni au Palazzo Vecchio, habité par les
-Médicis avant qu'ils n'eussent fait l'acquisition du palais Pitti.
-Tous les lieux sont remarquables dans ce palais. Les colonnades des
-Uffici, les portiques de la Tribune étaient illuminés; l'on a tiré un
-feu d'artifice qui eût mérité un tout autre nom, car il n'y avait
-qu'absence de feu et d'artifice. Le peuple toscan tient beaucoup des
-Allemands. Trente mille individus se réunissent, s'arrêtent et se
-retirent d'une place sans bruit ni querelle. Ce qui m'a charmé, c'est
-la présence des beaux monuments de Michel-Ange, de Benvenuto Cellini,
-de Bandinelli sur cette même place. Les fusées qui les éclairèrent
-sont montées, elles ont brillé et elles ont disparu comme ces grands
-hommes mêmes et comme les générations qui sont descendues depuis eux
-dans la tombe. Un feu d'artifice m'attriste toujours: la nuit succède
-si vite à la plus brillante lumière! Les fusées sont l'image d'une
-belle vie. Les époques et leur durée plus ou moins longue dans la vie
-la plus belle ne comptent pas dans leur rapport avec l'éternité. Mon
-amie, pourquoi se donne-t-on tant de peine dans ce monde?
-
- [380] Le même jour, 22 mars, le prince de Metternich écrivait à
- la princesse Éléonore sa femme une lettre où il lui faisait, à
- peu près dans les mêmes termes que dans la présente, le récit de
- la fête du 20 mars. Les deux pages, celle adressée à l'épouse et
- celle destinée à la maîtresse, sont curieuses à comparer (Voir
- _Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 193).
-
-J'ai maintenant autour de moi tous les ministres qui m'ont suivi ici
-de Vienne. Je leur donne rendez-vous tous les jours à 2 heures chez ma
-fille, et nous allons ensemble voir quelque objet de curiosité. Je les
-ai conduits aujourd'hui à la fabrique des _Pietre dure_, établissement
-unique dans son genre[381]. Le grand-duc actuel l'a fortement soutenu,
-et il ne laisse rien à désirer ni sous le point de vue de la
-perfection ni sous celui de l'activité. Il y a quatre ans que le
-grand-duc m'a fait cadeau de deux plaques de consoles, que j'ai à
-Vienne et que les Français avaient placées avec plusieurs autres
-objets au Musée à Paris. Ces deux plaques ont coûté 50.000 francs de
-fabrication. Or, figure-toi la chapelle de saint Laurent--tombeau des
-grands-ducs--chapelle qui mériterait bien plutôt le nom de basilique
-vu ses dimensions, dont tout l'intérieur, du parquet jusques y compris
-le plafond, et tous les ornements sont faits ou en train d'être
-achevés en _pietra dura_ telle que mes tables! Eh bien! l'ensemble en
-est peu agréable à force d'être riche; l'âme y est oppressée sous la
-magnificence, et une simple église dans un style correct vaut mieux.
-Il en est ainsi de bien des choses dans ce bas monde.
-
- [381] Fondée au seizième siècle aux Offices, la manufacture de
- mosaïques était installée depuis 1797 dans les bâtiments du
- palais de l'Académie des beaux-arts, où elle se trouve encore
- (via degli Alfani, 82). A cette fabrique est joint le Musée des
- ouvrages en pierres dures (_Museo dei Lavori in Pietre dure_).
-
-Je passe ordinairement mes soirées ou chez Mme d'Apponyi[382], femme
-de notre ministre, charmante, pleine de grâce et de talents (elle
-passe pour chanter mieux que personne en Italie), ou chez Mme Dillon,
-femme du ministre de France[383], ou chez Lady Burghersh[384]. La
-dernière a de l'esprit et je la connais beaucoup, car elle a fait la
-campagne de 1813 et 1814 avec nous.
-
- [382] APPONYI (Antoine-Rodolphe, comte), né le 7 décembre 1782
- d'une très ancienne famille hongroise, ministre d'Autriche à
- Florence, puis ambassadeur à Rome, à Londres (mai 1824), à Paris
- où il resta jusqu'en 1849. Le 17 août 1808, il avait épousé
- Thérèse, comtesse Nogarola de Vesone, et il mourut le 17 octobre
- 1852 (WURZBACH, _Biographisches Lexikon des Kaiserthums
- Œsterreich_, vol. I, p. 57).
-
- Mme de Lieven devait se lier plus tard avec Mme Apponyi, lors de
- l'ambassade de M. Apponyi à Londres. Elle retrouva ses amis à
- Paris. L'une de ses nièces, fille du comte Alexandre de
- Benckendorf, épousa le fils de l'ambassadeur d'Autriche.
-
- [383] DILLON (Édouard, comte), né «en Angleterre vers l'an 1750
- sans que l'on puisse déterminer la ville et l'époque, de Robert
- Dillon et de Marie Disconson» d'après un acte de notoriété qu'il
- se fit délivrer le 3 juillet 1819. Toutefois, sur ses états de
- service, il est dit: «né le 21 juin 1750, d'après sa
- déclaration». Page du roi en la Grande Écurie (1766),
- sous-lieutenant de carabiniers (20 avril 1768), sous-aide major
- (20 février 1774), rang de capitaine dans
- Royal-Allemand-Cavalerie (17 avril 1774), capitaine commandant
- d'une compagnie de mestre de camp dans le régiment des
- Carabiniers (2 juillet 1774). Réformé à la formation de 1776.
- Rang de colonel, 29 décembre 1777. Attaché en qualité de colonel
- au régiment d'infanterie de Dillon (21 mars 1779), mestre de camp
- commandant le régiment de Provence ci-devant Blaisois (13 avril
- 1780). Quitta le corps en juillet 1791. Servit pendant
- l'émigration dans le régiment de Dillon, dont le roi l'avait
- nommé colonel propriétaire, et obtint le rang de
- lieutenant-général le 23 août 1814, suivit le roi à Gand en 1815,
- fut nommé lieutenant-général titulaire pour tenir rang du 1er
- juillet 1815, retraité le 20 février 1820. Très en faveur à la
- cour de Marie-Antoinette, il y était connu sous le nom de «Beau
- Dillon». Mme de Boigne dit de lui qu'il était très beau, très
- fat, très à la mode». Pendant la Restauration, il avait été nommé
- ministre de France à Dresde en 1816 et il passa de ce poste à
- celui de Florence en 1818. Il fut, en 1821, nommé premier maître
- de la garde-robe de Monsieur, et mourut en 1839. Il avait épousé
- en 1777 Fanny, fille de Sir Robert Harland, «une créole de la
- Martinique», dit Mme de Boigne. Édouard Dillon était l'oncle
- maternel de cette dernière (_Archives administratives du
- ministère de la guerre_.--_Mémoires de Mme de Boigne_, t. I, p.
- 194.--_Dictionary of National Biography_, t. XV, p. 82).
-
- [384] BURGHERSH (Priscilla WELLESLEY-POLE, Lady), femme du
- ministre d'Angleterre à Florence. (Voir p. 253.) Née le 13 mars
- 1793, elle était la fille de William Wellesley-Pole et la
- petite-fille de l'amiral John Forbes. Elle se maria le 26 juin
- 1811. Lady Burghersh était une artiste distinguée à laquelle sont
- dus plusieurs portraits remarquables, entre autres celui de la
- comtesse de Mornington. Elle mourut à Londres le 18 février 1879
- (_Dictionary of National Biography_, t. XVIII, p. 179).
-
-Le roi de Prusse avait été amoureux de Mlle Dillon[385]; il a, je
-crois, même eu envie un moment de l'épouser, envie fort partagée par
-les parents de la jeune personne. Elle est assez jolie, mais pas assez
-pour faire faire à un roi une grave sottise. L'on fait toujours et
-partout de la musique et partout elle est bonne.
-
- [385] Frédéric-Guillaume III fut en effet épris de Georgine
- Dillon, fille d'Édouard. C'était, d'après Mme de Boigne, une
- «jeune personne charmante de figure et de caractère». Le roi lui
- proposa de l'épouser et de la créer duchesse de Brandebourg, mais
- elle refusa, malgré le désir de ses parents de voir ce mariage se
- conclure. Mme de Boigne, dans ses _Mémoires_ (t. II, p. 309),
- raconte l'histoire de ce projet. C'est à la suite de l'échec de
- celui-ci que Dillon obtint sa mutation de Dresde à Florence
- (1818). Georgine Dillon épousa le comte Karolyi. Mme du Montet
- fait d'elle ce portrait: «Mme de Karoly serait extrêmement jolie,
- sans la fixité de son regard. Le prince de Ruffo, à cause de sa
- pâleur et de ce regard, l'appelle «un ange mort» (_Souvenirs de
- la baronne du Montet_, p. 221).--Georgine Dillon était née le 10
- mai 1799 et mourut le 3 mai 1827 (communication de M. le vicomte
- Révérend).
-
-Les filles de Mme Hitroff[386] sont les plus jolies petites personnes
-de Florence. Je les trouve un peu moins bien qu'elles ne le sont
-effectivement, à force que la mère veut prouver qu'elles le sont plus
-que le Créateur ne l'a voulu.
-
- [386] Femme du ministre de Russie à Florence, Nicolas Fédorovitch
- KHITROFF ou HITROFF, général-major, ministre plénipotentiaire
- auprès du grand-duc de Toscane de 1816 à 1819 (_Recueil de la
- Société impériale d'histoire de Russie_, t. LXII, _Liste
- alphabétique, etc._--_Moniteur universel_, 4 octobre 1816, no
- 278, p. 118).
-
-Il y a ce soir un petit spectacle de société chez Mme Apponyi, composé
-à peu près exclusivement de la famille Hitroff. Un défaut assez commun
-aux Russes, c'est de vouloir toujours primer, et le malheur veut que
-l'engagement n'est pas toujours facile à remplir; aussi ne l'est-il
-pas souvent. Mme Hitroff est au reste sûre d'être applaudie et c'est
-ce qu'il lui faut.
-
-Enfin, mon amie, connais-je mes deux passions anglaises!
-
-L'une, que tu ne connais pas, est une très douce et bonne personne.
-C'est Wellington qui, en 1814, m'a fait faire la connaissance de lady
-K. Il y passait sa vie et j'y ai été beaucoup. J'en ai été amoureux
-aussi peu que de ma mère. Elle est gentille, elle est de l'opposition,
-et notre temps s'est écoulé en discussions politiques. Elle a trop bon
-goût pour aller au delà de Sir Francis Burdett[387], tandis que
-Hunt[388] n'atteint pas à la hauteur de Lord Kinnaird[389].
-
- [387] Voir p. 56.
-
- [388] HUNT (Henry). Homme politique et agitateur anglais, né le 6
- novembre 1773, qui, à partir de 1816, organisa de nombreux
- meetings populaires, notamment celui de Manchester qui fut
- dispersé violemment par la yeomanry (16 août 1819) et à la suite
- duquel Hunt fut condamné à deux ans de prison. Membre de la
- Chambre des communes de 1830 à 1833, il mourut de paralysie le 15
- février 1835 (_Dictionary of National Biography_, t. XXVIII, p.
- 264).
-
- [389] KINNAIRD (Charles, Lord), né 8 avril 1780; membre de la
- Chambre des communes de 1802 à 1805, il vota constamment avec les
- whigs. Il fut nommé, en 1806, pair représentatif d'Écosse. Lord
- Kinnaird résida beaucoup sur le continent. Il avait épousé, en
- mai 1806, Lady Olivia Fitzgerald, dernière fille du second duc de
- Leinster, et mourut le 11 décembre 1826 (_Dictionary of National
- Biography_, t. XXXI, p. 189).--Lady K. est peut-être Lady
- Kinnaird.
-
-L'autre, Lady A., est une petite caillette dans la force du terme. Je
-l'ai également vue souvent chez Wellington. Elle m'a toujours déplu au
-point que j'ai été impoli pour elle. J'ai connu anciennement son mari
-et sa première femme, qui était nièce de Lord Cholmondeley[390].
-
- [390] CHOLMONDELEY (George-James, premier marquis de), né le 11
- mai 1749, mort le 10 avril 1827. Créé marquis le 22 novembre
- 1815. Épouse le 25 avril 1795 Charlotte Bertie (ŒTTINGER,
- _Moniteur des dates_).--Son père, George, vicomte Malpas, mort en
- 1764, avait eu de son mariage avec Hester, fille de Sir Francis
- Edwards: 1º George-James dont il vient d'être question; 2º une
- fille, Hester, qui épousa William Clapcott-Lisle, dont elle eut
- une fille, mariée à Charles Arbuthnot (John BURKE, _A
- genealogical and heraldical Dictionary of the Peerage and
- Baronetage of the British Empire_, in-4º, Londres, Henry Colburn,
- 1845, p. 206).--Cette dernière était donc la nièce de Lord
- Cholmondeley.
-
- Lord Arbuthnot, né en 1767, sous-secrétaire d'État aux affaires
- étrangères, de novembre 1803 à juin 1804, fut ensuite ambassadeur
- extraordinaire à Constantinople en 1807. Il mourut en 1850. Après
- la mort de sa première femme, il épousa Harriett, troisième fille
- de Henry Fane (_Dictionary of National Biography_, t. II, p. 61).
-
- D'après ce qui précède, il est donc vraisemblable que la Lady A.
- dont parle M. de Metternich est Lady Harriett Arbuthnot.
-
-Aie l'âme en repos sur ces deux passions. Je ne comprends même pas ce
-qui peut avoir prêté au dire de la seconde, car, quant à la première,
-l'on m'a _vu parler_; quant à la seconde, l'on n'a pas même vu cela,
-et mon silence n'est pas assez interprétatif pour pouvoir prêter à une
-aussi ridicule prétention.
-
-
- Ce 23.
-
-Je t'enverrai la présente lettre, mon amie, par un courrier que Lord
-Burghersh expédiera en Angleterre. N'oublie pas de me mander si tu as
-reçu le bracelet et si tu le trouves joli. Je voudrais que chaque
-petite plaque pût désigner une année de bonheur pour nous. La
-première, hélas! est encore à venir!
-
-Ce que tu me dis, dans ton no 21, sur les chaînes de fer qui nous
-retiennent loin l'un de l'autre, n'est malheureusement que trop vrai.
-Aussi, ai-je toujours craint, plus que la mort, les entraves affreuses
-que mon attitude met au libre exercice de ma vie. Il n'est, après le
-sort du souverain, pas de place dans l'État qui soit plus sujette que
-la mienne à tous les inconvénients de cette grandeur qui tue
-l'existence de l'homme. Je n'ai pas un moment véritablement à moi, car
-le monde ne s'arrête pas dans sa marche pour me faire plaisir. Je ne
-puis point charger un autre _à temps_ de ma besogne, car cette besogne
-est tout intellectuelle; elle n'est que du domaine de la pensée; je ne
-puis charger personne de penser pour moi, d'écrire à ma place, de
-suivre un point de vue qui est mien, de dire demain le mot que j'ai
-préparé aujourd'hui. Tous les départements qui suivent une règle fixe,
-qui sont plus liés à la matière que ne l'est le mien, sont infiniment
-plus libres d'action. Mon amie, conçois-tu combien ce que j'ai détesté
-il y a un an et de tout temps, doit me paraître odieux aujourd'hui?
-
-Adieu, mon amie. Lord B[urghersh] me fait demander mon paquet et je ne
-veux pas retenir le courrier. Aime-moi et pense à moi, ce qui équivaut
-dans mon attitude vis-à-vis de toi.
-
-Il est possible que le présent numéro t'arrive avant le précédent,
-duquel j'ai chargé le courrier hebdomadaire, qui fait un détour
-considérable en passant par Munich.
-
-Voici mon plan ultérieur de voyage. Je pars d'ici le 26 pour Livourne.
-Je coucherai le 27 à Pise, le 28 à Sienne, le 29 à Radicofani, le 30 à
-Viterbe et le 31 à Rome. L'Empereur quitte Florence le 29 et il sera à
-Rome le 2 avril. Je fais le détour de Livourne pour faire voir ce lieu
-et Pise avec ses antiquités magnifiques à Marie.
-
-Adieu. Je dînerai le 27 à bord du vaisseau de l'amiral Fremantle[391]
-qui m'attend à cet effet dans la rade de Livourne. Je boirai à ta
-santé sur terre d'Albion.
-
- [391] FREMANTLE (Sir Thomas-Francis). Né en 1765, il entra à
- douze ans dans la marine. Amiral en 1810, il fut chargé la même
- année d'un commandement dans la Méditerranée et, en avril 1812,
- de celui de l'escadre de l'Adriatique. En 1818, il fut nommé au
- commandement en chef des forces navales anglaises dans la
- Méditerranée, mais n'exerça ce commandement que pendant dix-huit
- mois, étant mort à Naples le 19 décembre 1819 (_Dictionary of
- National Biography_, t. XX, p. 248).
-
-Voilà encore un message de B[urghersh]. Rien n'est pressé comme un
-homme qui n'a rien à mander. Adieu, bonne et chère Dorothée.
-
-
-
-
-No 21.
-
-
- Livourne, ce 26 mars 1819.
-
-Je suis arrivé ici, mon amie, cet après-dîner, après sept heures de
-course depuis Florence. Je n'ai fait que passer à Pise sans m'arrêter.
-Je le ferai voir demain à ma fille.
-
-J'ai quitté Florence avec le regret qui se trouve dans ma nature dès
-qu'il s'agit d'abandonner un lieu connu, sentiment naturel dès que le
-lieu est agréable, et de pur instinct dès qu'il ne l'est pas. Je crois
-t'avoir déjà dit, dans le cours de _notre courte vie_, que je ne
-quitte jamais un cabaret quelque borgne qu'il soit sans un certain
-sentiment de peine. Si j'étais cheval, j'adorerais mon écurie et mon
-râtelier.
-
-Lord Burghersh nous a régalés, la dernière soirée, d'un second concert
-composé uniquement de sa musique. Elle est véritablement étonnante
-pour un amateur, et elle serait même bonne en tout autre pays que
-celui-ci, où il y a du crime à perdre le temps à en faire et, par
-conséquent, à en entendre de la médiocre. Lady Burghersh est dans ton
-état, mon amie. Comme elle a ta taille, je l'ai beaucoup regardée pour
-m'orienter un peu sur la tournure que tu vas avoir.
-
-Rien n'est beau et ravissant comme le voyage de Florence ici. Je doute
-que la terre promise ait tenu ce que la Toscane offre, au voyageur et
-à l'habitant, de charmes de toute espèce. Mon amie, je trouve qu'il
-est bien gauche de naître autre part que sous un ciel heureux comme
-celui-ci. Tout ce qui s'y offre aux regards est beau et les sensations
-sont plus douces sous l'influence du climat. Le soleil y luit mieux,
-et Caraccioli[392] avait bien raison d'assurer George III[393] que la
-lune de Sicile vaut le soleil de Londres. Il ne fait pas beau chez
-nous en juin comme ici à la fin de mars!
-
- [392] CARACCIOLI (Dominique, marquis) né à Naples en 1715.
- Ambassadeur de Naples à Londres (1763), à Paris (1770). Vice-roi
- de Sicile (1780). Ministre des affaires étrangères (1786), mort
- en 1799 (_Biographie universelle_ (Michaud), t. VI, p. 642).
-
- [393] GEORGE III (George-Guillaume-Frédéric), né à Londres le 4
- juin 1738. Roi d'Angleterre le 25 octobre 1760. Après plusieurs
- crises, sa raison s'éteignit complètement en octobre 1810 et le
- gouvernement fut confié au Prince-Régent. Devenu aveugle, il
- mourut le 20 janvier 1821. Il avait épousé en 1761
- Charlotte-Sophie de Mecklembourg-Strelitz (1744-1818)
- (_Dictionary of National Biography_, t. XXI, p. 172).
-
-J'ai été en arrivant ici dans une boutique que j'aime beaucoup, car
-elle ne renferme que des objets à mon goût. Le magasin de Michali est
-tout consacré aux arts; vous y trouvez depuis les statues jusqu'aux
-plus menus objets de sculpture en marbre et en albâtre. Les marbres
-sont modernes, mais tous copiés d'après les meilleurs modèles. On ne
-peut acheter des albâtres qu'ici: tout ce qui se vend à Florence est
-mesquin en comparaison de ce que renferme ce magasin. Je n'aime pas la
-matière, je déteste les petites figures et les mesquines fabrications
-que l'on trouve sur tous les marchés de l'Europe, mais il faut voir
-les grands vases de Michali. J'en ai acheté quatre ce soir, hauts de 4
-pieds, sculptés d'une manière ravissante et ils me coûtent 200 ducats.
-On les vendrait 1,000 à Londres.
-
-De la boutique, j'ai été à l'Opéra. L'on donne les _Baccanali di
-Roma_, musique de Générali[394]. Belle musique et bien chantée.
-
- [394] GENERALI (Pierre), compositeur italien, maître de chapelle
- de la cathédrale de Novare. Né à Rome le 4 octobre 1783, mort à
- Novare le 3 novembre 1832 (ŒTTINGER, _Moniteur des dates_).
-
-Je vais me coucher loin de toi et avec toi, mon amie.
-
-
- Pise, ce 27.
-
-J'ai voulu aller voir ce matin l'amiral Fremantle à bord du
-_Rochefort_. Le temps était gros, nous sommes au milieu de l'équinoxe;
-le vaisseau est à l'ancre à 5 milles en mer; j'ai renoncé à y aller,
-d'autant plus que l'amiral part demain pour mouiller dans la rade de
-Naples. Il n'était resté ici que pour m'attendre; il aura attendu en
-vain et il s'en consolera.
-
-Je suis à Pise depuis 2 heures après-midi. J'ai fait voir à ma fille
-les objets magnifiques que renferme cette ville. Le Campo Santo, entre
-autres, me pénétra toujours d'admiration. Je ne te fais aucune
-description, car il existe des ouvrages qui t'apprendront mieux que
-moi ce que valent les monuments. Il n'en est pas un qui te dirait ce
-que tu es pour moi; ma besogne trouve donc là de très justes bornes.
-Je partirai demain matin pour Sienne.
-
-
- Radicofani, ce 29.
-
-Au moment où j'allais monter en voiture, à Pise, m'est arrivé un
-courrier de Mantoue avec ton no 24. Merci pour cette bonne lettre, mon
-amie; je l'ai lue et relue pendant deux postes.
-
-Tu crois que je suis fâché de ton état ou plutôt de la cause de cet
-état! Mon amie, que veux-tu que je te dise? Je ne sais pas te dire ce
-que je ne sens pas et je ne trouve pas les mots pour te dire ce que je
-sens.
-
-Oui, mon amie, j'ai reçu la première annonce que tu m'en as faite
-comme tu dois désirer que je la reçoive! Mais ma raison a désapprouvé
-sur-le-champ ce que mon cœur a pu sentir. N'est-ce pas moi, moi-même,
-qui t'ai engagée à être bonne dans ton ménage? Crois-tu que je ne
-connaisse pas assez les hommes pour ne pas savoir ce qui constitue les
-bons ménages? Je me mépriserais si je pouvais t'en vouloir de faire
-ton devoir, je n'ai aucun droit de désirer que ton mari n'use pas de
-la plénitude du premier des siens; mon amie, voilà le côté pénible
-d'un rapport comme le nôtre, de tout rapport tel que le nôtre! Mon
-amie, sois tranquille, ne fais pour l'amour de moi que de m'aimer. Ne
-suis pas ton idée de vouloir que je te permette ce que je ne puis et
-ne veux pas défendre. Fais la part à ce qui tient au ménage et
-fais-moi la mienne. Mon cœur sait distinguer ce qui est à lui d'avec
-ce qui est à un autre; si je ne confonds pas ces éléments si
-différents, je sais que tu ne les confonds pas davantage; il est des
-lignes matérielles et morales qu'il est si difficile de tracer: rien
-dans ma pensée ne les confond, et cependant ne puis-je pas trouver les
-termes pour les définir. Dès que je suis placé dans une situation
-pareille, je n'entreprends pas ce en quoi je serais sûr d'échouer. Mon
-amie, ne me demande pas: agis! Que l'on ne te fasse pas un reproche;
-que la paix de ton intérieur soit assurée! Crois-tu que je me
-consolerais à la distance où je me trouve d'un seul quart d'heure de
-peines que tu éprouverais et qui ne seraient inévitables? Crois-tu
-que ma présence même suffirait pour me consoler de ce qui ne doit pas
-être? Crois-tu enfin que je n'ai pas souffert, dans le peu d'instants
-que nous avons passés ensemble, des mouvements d'humeur que tu as
-essuyés? Mon amie, mande-moi que tu es tranquille et par conséquent
-heureuse et que tu m'aimes! Mes vœux, à une aussi cruelle distance
-que l'est la nôtre, se bornent là: ils doivent, hélas! s'y borner.
-
-Tu veux savoir si le fait est arrivé que, pendant douze ans, l'on
-n'ait point eu d'enfants pour en avoir plus tard. Oui, il arrive tous
-les jours! Il est la suite de raisons différentes: il en est
-une--j'ignore si elle a trait à ta position, mais elle est
-catégorique--et elle a lieu souvent dans les ménages qui se passent en
-séparations et en rapprochements; il en est qui sont moins faciles à
-expliquer, quoique toutes physiques. Console-toi, bonne amie, tu ne
-mourras pas si tu te ménages. Plusieurs années d'interruption donnent
-des forces à la femme, tout comme elles en privent l'homme. Tu auras
-un bel enfant que tu aimeras bien et que j'aimerai parce qu'il sera
-tien.
-
-J'aime moins la crainte que tu viens d'avoir. Fais-tu bien de prendre
-tant de bains? Ménage-toi beaucoup, bonne amie, pour toi, pour moi,
-pour les tiens! Ne consulte pas trop de médecins et laisse aller le
-bon Dieu et ton bon naturel. Je n'aime pas beaucoup les médecins
-anglais: j'aime mieux l'héroïsme en amour et sur le champ de bataille
-qu'en médecine.
-
-Je suis charmé de tes rapports de bienveillance avec l'archiduc[395].
-Je t'avais prévenue qu'il a de l'esprit et surtout beaucoup de
-connaissances. Tu m'as souvent fait le reproche que je trouve de
-l'esprit à trop de monde! Ne crains rien: je ne te recommanderai
-jamais une bête, et puis il y a de l'esprit de tant de façons! Toutes
-ne sont pas agréables et ne valent par conséquent pas le tien, mais il
-faut vivre de tout celui que l'on rencontre: j'ai peut-être ce
-mérite-là.
-
- [395] L'archiduc Maximilien, qui faisait alors un voyage en
- Angleterre. «Extrait du _Journal de Portsmouth_.--L'archiduc
- Maximilien d'Autriche, cousin de l'Empereur et général
- d'artillerie à son service, est arrivé lundi soir avec sa suite à
- l'auberge du Roi George... Ce prince est âgé d'environ
- trente-cinq ans; il montre une grande politesse et un désir
- ardent de s'instruire du jeu des diverses machines, de leur
- principe et de leur emploi.» (_Moniteur universel_ du 19 janvier
- 1819, no 19, p. 74).--«Nouvelles de Londres.--L'archiduc
- Maximilien habite l'hôtel Clarendon. Il restera encore deux mois
- en Angleterre.» (_Gazette d'Augsbourg_, 7 février 1819, no 38, p.
- 148).--Il s'embarque à Douvres pour revenir sur le continent le
- 19 mars (_Ibid._, 2 avril 1819, no 92, p.
- 365).--Maximilien-Joseph-Jean, fils de l'archiduc
- Ferdinand-Charles-Antoine, de la branche d'Este-Modène, né le 14
- juillet 1782, général feldzeugmeister autrichien, mort
- célibataire à Ebenzweier le 1er juin 1863 (ŒTTINGER, _Moniteur
- des dates_).--Il est l'inventeur d'un système de fortification
- connu sous le nom de tours maximiliennes (_maximilianische
- Thürme_).
-
-J'ai couché la nuit dernière à Sienne, où j'ai passé une soirée
-maudite. Pourquoi n'ai-je pas le bonheur d'aimer les honneurs que l'on
-me rend, et le malheur de devoir passer ma vie à en recevoir? Un
-cardinal de quatre-vingts ans m'attendait à Sienne; il est venu me
-voir au débotté[396]. Le gouverneur de la ville s'est emparé de moi.
-J'ai été la pâture d'un corps municipal, d'un corps d'officiers et de
-vingt dames qui ont voulu me prouver que Sienne devait valoir Paris!
-Il est possible qu'elles soient charmantes, mais je ne les ai pas
-trouvées telles. Je voudrais que tu puisses être témoin des désespoirs
-de Marie à chaque arrivée dans une grande ville, et toutes celles de
-l'Italie méritent plus ou moins ce nom.
-
- [396] ZONDADARI (Antoine-Félix), né à Sienne le 14 janvier (ou
- juin) 1740. Archevêque de Sienne le 1er juin 1795, cardinal le 25
- février 1821, mort le 13 avril 1823 (ŒTTINGER, _Moniteur des
- dates_.--GAMS, _Series episcoporum_).
-
-Ce matin, j'ai été voir la cathédrale, monument du treizième siècle,
-magnifique, et puis quelques autres objets de curiosité, toujours mon
-cardinal et mon commandant à mes trousses. Les dames heureusement
-dormaient.
-
-De Sienne ici le pays est affreux. Il est indubitable que cette partie
-des Apennins a été le foyer d'immenses éruptions volcaniques. La
-nature y est bouleversée en entier; l'aspect est triste et raboteux
-sans être pittoresque. Je couche ici et je t'écris à côté d'un bon feu
-de cheminée, qui n'est pas de trop à quelques milliers de toises
-au-dessus du niveau de la mer. Le lieu tient de la Sibérie, mais je ne
-m'en plains pas: il n'y a point de cardinal.
-
-J'ai pensé à toi vingt fois dans la journée. Tu es en droit de trouver
-le fait peu surprenant, mais tu ne devines pas la raison. Tu aimes le
-mot: En avant! Or, j'ai avec moi un chasseur bohème qui ne sait pas un
-mot d'italien; le seul qu'il a appris depuis que j'ai fait 100 lieues
-dans la presqu'île, c'est: _Avanti!_ Il le regarde probablement comme
-le fond de la langue, et je commence à supposer qu'il le croit toute
-la langue, car il s'en sert à toute sauce, et il est de fait qu'il
-arrive au moyen de ce mot à tout ce qu'il veut. Il a enrayé ma voiture
-vingt fois dans la journée. Pour avertir les postillons que le sabot
-est mis, il leur crie: _Avanti_; les postillons partent. Pour ôter le
-sabot, il faut faire reculer d'un pas la voiture, il crie: _Avanti_;
-les postillons croient qu'il est fou et reculent; son affaire est
-faite. Dès que j'arrive dans une auberge, il crie: _Avanti_ et on
-sert le souper! Chaque moment lui procure ainsi une jouissance, et je
-commence à croire que l'on ferait le tour de l'Italie avec ce seul
-mot. Ce mot est le tien et je l'aime.
-
-Ton courrier galope toute la journée à côté de la portière de ma
-voiture[397]; Marie va avec moi; j'ai un courrier à moi qui me
-précède; je l'ai donc mis à côté de ma voiture pour le voir. Je crois
-que je le placerai à mon service. Il sert à merveille et il t'a
-appartenu. Je crois que je le garderais, s'il servait même moins bien.
-Ma pauvre amie, que ne puis-je t'y placer, toi!
-
- [397] La comtesse Marie Esterhazy avait pris à son service un
- ancien courrier de Mme de Lieven. Voir p. 142.
-
-
- Rome, ce 31.
-
-Me voici, mon amie, arrivé à l'un des buts de mon voyage. Ce n'est pas
-le dernier, mais certes le plus imposant.
-
-J'ai couché la nuit dernière à Viterbe. Il y a un cardinal, et il a
-été pendant vingt ans nonce à Vienne[398]. J'ai été abîmé.
-
- [398] SEVEROLI (Antoine-Gabriel), né à Faenza (États de l'Église)
- le 28 février 1757. Évêque de Viterbe et de Toscanella le 11
- janvier 1808, cardinal le 8 mars 1816, mort à Rome le 8 septembre
- 1824 (ŒTTINGER, _Moniteur des dates_).
-
-J'ai fait un détour pour venir ici en passant par Caprarola, fameux
-château bâti pour le cardinal Alexandre Farnèse[399] par Vignola[400].
-Il est beau comme monument d'architecture et il renferme des fresques
-magnifiques. A 5 heures du soir, j'ai découvert la coupole de
-Saint-Pierre, et à 6 heures et demie j'ai passé la porte du Peuple. La
-première entrée dans Rome, mon amie, est accablante. C'est la première
-ville du monde!
-
- [399] FARNÈSE (Alexandre), né le 29 février 1468 à Canino,
- cardinal en 1493, pape en 1534 sous le nom de Paul III, mort à
- Rome le 10 novembre 1549 (_Nouvelle biographie générale_ (Didot),
- t. XXXIX, col. 373).
-
- [400] VIGNOLA (Giacomo BAROZZIO, dit DA). Né en 1507 à Vignola,
- mort en 1573 (_Nouvelle biographie générale_ (Didot), t. XLVI,
- col. 146).
-
-Je suis logé au palais de la Consulta sur le Quirinal[401]. J'ai sous
-mes fenêtres une foule de choses que la nuit m'empêche de voir. Je me
-lèverai de bonne heure, car, sans être curieux comme un Anglais, je
-trouverais honteux de passer un moment dans mon lit de plus qu'il ne
-me faudra pour être réveillé.
-
- [401] Le prince de Metternich à sa femme: «Rome, ce 2
- avril.--Arrivé à la Consulta, où je loge et où le cardinal
- Consalvi m'attendait avec une foule de gens dont il a composé ma
- maison, j'ai été pris tout d'abord d'une véritable frayeur à la
- vue de mon appartement. Il se compose de vingt-cinq salons
- magnifiques. Marie a pour elle la moitié de moins.» (_Mémoires du
- prince de Metternich_, t. III, p. 195).
-
-Bonsoir, bonne amie. Je t'aime dans la ville des Césars comme partout
-ailleurs.
-
-
- Ce 1er avril.
-
-Mon amie, que ne peux-tu être à mes côtés, un seul instant, à la
-fenêtre de mon salon! Un peintre en décoration qui s'aviserait de
-placer sur la toile tout ce que l'on y découvre serait taxé
-d'exagération et peut-être même de folie!
-
-J'ai sous moi les chevaux fameux qui ont fait donner au Quirinal le
-nom de Monte Cavallo. En face, dans le fond du tableau, Saint-Pierre
-et le Vatican; je plane sur les trois quarts de la ville ancienne et
-habitée; je vois le Colisée, les colonnes de Trajan et Antonine, le
-_Forum Romanum_, cent palais plus beaux l'un que l'autre, le Capitole,
-le mont Palatin tout couvert des ruines immenses du palais des
-Césars! L'aspect de Rome est autre que je ne me l'étais figuré[402];
-il m'en est allé de cette ville comme il en va à tous ceux qui
-s'occupent d'un objet sans le connaître: on le trouve autre qu'on se
-l'est imaginé.
-
- [402] Le prince de Metternich à sa femme: «Rome, ce 2 avril.--Il
- en a été pour moi de Rome comme d'une personne que j'aurais voulu
- deviner, faute de la connaître. On se trompe toujours dans ces
- sortes de calculs. Je l'ai trouvée tout autre que je n'avais
- supposé; j'ai cru Rome vieille et sombre, elle est antique et
- superbe, resplendissante et neuve.» (_Mémoires du prince de
- Metternich_, t. III, p. 194).
-
-J'ai cru Rome d'un aspect vieux et sombre. Je l'ai trouvée antique et
-resplendissante!
-
-J'ai commencé ma journée par aller chez le Pape[403]. J'ai causé avec
-lui pendant une heure et j'en ai été très content. Il est simple et
-vénérable.
-
- [403] PIE VII (Grégoire-Barnabé-Louis CHIARAMONTI). Né à Cesena
- (États de l'Église), le 14 août 1742, évêque de Tivoli 1782,
- cardinal et évêque d'Imola le 14 février 1785. Élu pape, à
- Venise, le 14 mars 1800. Signe le Concordat avec Napoléon, vient
- sacrer l'Empereur à Paris (2 décembre 1804). Enlevé de Rome par
- le général Radet dans la nuit du 5 au 6 juillet 1809, il fut
- gardé prisonnier à Grenoble, puis à Savone et enfin à
- Fontainebleau. Il rentra à Rome le 25 mai 1814 et mourut le 20
- août 1823 (_Nouvelle Biographie générale_ (Didot), t. XL, col.
- 109).
-
-De là, j'ai été voir Saint-Pierre et j'ai parcouru le Vatican. Je ne
-te décris pas ces lieux, car chaque livre vaudrait mieux que ma
-lettre, mais je te parlerai uniquement de mes impressions. Toutes les
-dimensions ne suffisent pas pour se faire une idée de ces lieux! Je ne
-crois pas que le monde ait produit deux fabriques comparables à eux.
-Mon amie, l'âme s'élève avec les belles choses; le trop grand nombre
-affaisse. Figure-toi vingt galeries comme celle du Louvre et tu
-n'auras pas les galeries du Vatican. La pensée se refuse à onze mille
-chambres de toute espèce qui se trouvent sous les mêmes toits à côté
-de ces galeries. Des salles entières peintes par Raphaël; des fresques
-beaux (_sic_) comme le jour où il les a faits, chaque figure divine
-comme tout ce qu'il a conçu! Des milliers de statues, des carrières
-entières de porphyre et de marbre dont les traces sont perdues! Mon
-amie, je suis ici dans mon centre, et je conçois que Rome ait été
-celui du monde.
-
-J'attends demain l'Empereur. Il loge au palais même du Quirinal, dans
-un local magnifique et que les derniers malheurs de Rome même ont
-embelli. Napoléon en avait fait son palais et les deux tiers ont été
-meublés par lui. On y trouve, parmi les souvenirs de tant de
-souverains pontifes, sa figure sur chaque plafond, tantôt en Jules
-César, tantôt en Charlemagne ou en Jupiter tonnant. Cet homme, qui
-avait beaucoup de grandes qualités, a eu l'immense vice de s'idolâtrer
-lui-même.
-
-Le Pape a été, pour le moins, aussi curieux de me voir que j'ai été
-charmé de l'approcher. Pendant toute sa captivité en France, j'ai été
-en pourparlers directs avec lui et avec Napoléon[404]. C'est par moi
-qu'ont passé toutes les propositions que ce dernier lui a faites. Je
-les lui ai toujours transmises en lui faisant dire de ne rien
-accepter, et j'ai toujours dit à Napoléon ce que je lui avais
-conseillé. Napoléon, un jour, lui a fait offrir une pension de 20
-millions. Le Pape m'a fait prier de lui dire qu'ayant fait son calcul,
-il se trouvait qu'il suffisait à ses besoins avec quinze sols par
-jour. Je n'ai guère été plus fier dans ma vie que le moment où j'ai
-fait ma commission à Napoléon.
-
- [404] Le prince de Metternich à sa femme: «Rome, ce 2 avril.--Ma
- première sortie a donc été pour lui faire ma cour (au pape). Il
- m'a reçu comme il pourrait recevoir un vieil ami; il m'a parlé
- sur-le-champ de notre correspondance pendant qu'il était
- prisonnier à Savone.» (_Mémoires du prince de Metternich_, t.
- III, p. 195).
-
-
- Ce 2 avril.
-
-Mon amie, je finis cette lettre, car je dois courir demain tout le
-jour[405] et j'ai peur de manquer le courrier qui va partir pour
-Munich.
-
- [405] Le prince de Metternich à sa femme: «Rome, ce 3
- avril.--Hier matin, nous avons été voir le Forum de Trajan,
- restes magnifiques de l'antiquité.
-
- «Puis, nous avons été visiter les ateliers de Canova et de
- Thorvaldsen ainsi que deux autres, d'artistes très remarquables...
- L'Empereur est arrivé à 4 heures et demie. Nous l'avons attendu
- dans son appartement.»
-
- Du même à la même: «Ce 4 avril.--Je ferme ma lettre au moment où
- je me rends au Quirinal pour la fête des Rameaux. La cérémonie
- durera trois heures... Marie vous parle sans doute de nos courses
- d'hier matin. Nous avons passé quatre heures dans la Rome des
- Césars, au milieu des plus magnifiques décombres des constructions
- à la fois les plus sublimes et les plus gigantesques que le génie
- humain ait créées» (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p.
- 197).
-
-Bonne amie, aime-moi comme si je n'étais pas à 500 lieues de toi.
-Crois à tout ce que j'éprouve pour toi et à mon désir si ardent de te
-voir. Le monde ancien et le nouveau offrent de grandes beautés, mais
-le bonheur n'est que dans le cœur.
-
-Adieu.
-
-
-
-
-No 22
-
-
- Rome, 5 avril 1819.
-
-Mon amie, j'éprouve chaque matin en me réveillant deux sentiments bien
-différents. Je me dis que mon amie est loin de moi! et j'éprouve une
-sensation agréable en sachant que je suis à Rome. La vie se compose
-ainsi de peines et de plaisirs ou, pour le moins, de ce qui n'est pas
-peine! Les circonstances qui permettent de se livrer à la véritable
-satisfaction sont si rares--elles le sont du moins pour moi--que je ne
-me permets guère d'élever mes désirs jusque vers elles. Que me
-manquerait-il par exemple si, au lieu de deux mille Anglaises qui
-foulent le pavé de la ville sainte, toi, mon amie, y étais? Si tous
-les matins je te voyais arriver chez moi, déjeuner avec moi et puis
-entreprendre des courses de quatre ou cinq heures, toutes dignes d'un
-être tel que toi! C'est pourtant ce qui arrive journellement à tant
-d'êtres insignifiants qui s'attachent ici à mes pas, qui font groupe
-autour de moi et qui ne m'empêchent pas de m'isoler et de me regarder
-comme seul au monde!
-
-Mon amie, combien tu serais digne d'un lieu comme celui-ci! Combien il
-élève l'âme en détruisant les espaces, en présentant une masse de
-souvenirs immenses, en prouvant combien il peut exister et de
-grandeurs et de vicissitudes humaines!
-
-Tout ici est gigantesque, tout sort des proportions communes, tout
-ramène la pensée à ce qui n'est plus et tout l'élève vers ce qui
-devrait être!
-
-J'ai passé ma matinée d'hier au milieu des ruines gigantesques du
-palais des Césars. Le mont Palatin, la Rome première, peuplée et bâtie
-par Romulus, occupait cette colline qui, sept cent ans plus tard, fut
-à peine apte à contenir le palais des Empereurs. Ce palais est changé
-aujourd'hui en trois grandes vignes, entrecoupées de rues, parsemées
-de maisons, d'églises, de couvents. Les uns sont bâtis sur les
-fondements du palais; d'autres ont mis à profit des murs qui ne sont
-que couverts; des pans de murs, des voûtes, des débris dont chaque
-morceau est grand comme pourrait l'être un palais lui-même, existent
-encore debout.
-
-Une végétation magnifique les recouvre. Les lierres, les aloès, des
-plantes qui chez nous acquièrent une hauteur de 5 à 6 pouces et qui
-ici s'élèvent à autant et plus de pieds, rendent ces masses énormes
-pittoresques au possible. L'une des vignes a été achetée récemment par
-un Anglais; il y habite une villa dans laquelle Raphaël passait
-ordinairement ses étés et dont lui et ses élèves ont orné le péristyle
-de fresques[406]. Dans ce qui pourrait devenir un très beau jardin, se
-trouvent trois pièces très bien conservées de l'appartement d'Auguste.
-Ces appartements, qui, anciennement, se trouvaient au rez-de-chaussée,
-sont sous terre aujourd'hui, tant les éboulements ont haussé le
-terrain. Ils conduisaient à une terrasse de laquelle on dominait le
-grand cirque[407] où se passèrent les courses et qui se trouve au
-pied de la colline. Le cirque se voit encore aujourd'hui malgré les
-éboulements du terrain. Mon amie, je voudrais te placer un moment sur
-cette terrasse, te faire voir tant de belles choses et te demander si
-tu m'aimes!
-
- [406] La villa Mills.
-
- [407] Le Cirque Maximus.
-
-Que dire d'une ville où il existe des fabriques comme l'a été ce
-palais des Césars et comme l'est encore le Vatican, le Colisée dans
-lequel quatre-vingt mille spectateurs pouvaient être assis très au
-large, des bains tels que les thermes de Caracalla, où trois mille
-personnes pouvaient se baigner à la fois, chacune dans un lieu clos et
-séparé, dans une baignoire grande comme un vaste bassin, et le tout en
-marbre le plus magnifique! Ma pauvre amie, nous sommes bien petits
-aujourd'hui. Je crains bien que la liberté de la presse ne recompose
-pas la société telle qu'elle l'a été, et que Hunt[408] ne soit, en le
-comparant à Catilina, le type des dimensions morales actuelles
-comparées à celles que le temps a détruites!
-
- [408] Voir p. 262.
-
-
- Ce 7 avril.
-
-J'ai passé toute ma journée d'hier en courses. Ma journée est très
-réglée. Je me lève à 7 heures et demie. Je déjeune avec ma fille et
-plusieurs personnes qui viennent se joindre à nous pour aller voir les
-objets curieux. Nous sortons à 8 heures et demie. Nous ne rentrons
-guère avant 2 heures. Je me mets alors à travailler jusqu'à 5 où je
-dîne. A 7, je vais travailler avec l'Empereur; à 10 heures, je reçois
-du monde ou je vais moi-même dans quelque maison où l'on reçoit. Je
-me couche entre minuit et une heure.
-
-J'ai vu hier la basilique de Saint-Paul, bâtie à 3 milles de la ville
-par Constantin le Grand[409]. Cet édifice immense ne renferme de beau
-qu'une forêt de magnifiques colonnes de marbre tirées du tombeau
-d'Adrien, aujourd'hui le château Saint-Ange. L'architecture de la
-basilique est difforme, les tableaux en mosaïque sont du goût le plus
-dépravé; la différence entre cette fabrique et d'autres bien
-postérieures est extrême, et il m'est entré un rayon dans l'âme qui
-suffit pour m'expliquer ce que je n'ai jamais entendu dire, ce que je
-n'ai jamais pu concevoir et ce que j'ai toujours senti digne de
-recherches, savoir: l'explication du phénomène de la dégradation
-complète des arts dans le moyen âge.
-
- [409] M. de Metternich veut parler de Saint-Paul-hors-les-murs,
- basilique édifiée entre 375 et 385 par Valentinien II et Théodose
- Ier. Construite sur l'emplacement d'une chapelle dont la
- construction avait été commencée par Constantin, elle contenait
- quatre-vingts colonnes de marbre violet et de marbre de Paros.
- Cette basilique fut incendiée en 1823 et reconstruite par Léon
- XII.
-
-Je crois en avoir trouvé la raison directe, et je ne comprends pas
-pourquoi personne n'a fait cette remarque dans les mêmes termes que
-moi. Si le fait a eu lieu et que je l'ignore, j'en demande pardon à
-mon confrère mort ou vivant.
-
-On cherche les raisons de cette décadence tantôt dans celle de
-l'Empire, dans la stérilité du temps, surtout dans l'invasion des
-Barbares. Ces raisons y ont sans doute contribué, mais elles ne sont
-pas suffisantes pour expliquer ce qui existe et ce que prouve la
-basilique de Constantin, car ce ne sont pas les Barbares qui l'ont
-bâtie, mais bien les Romains, au milieu de Rome, belle et
-resplendissante, à l'époque de Constantin, de toute sa beauté
-ancienne.
-
-_Il faut chercher la décadence des arts dans l'établissement de la
-religion chrétienne_, et le fait est aussi simple que naturel.
-
-La religion chrétienne est toute spirituelle; le paganisme était au
-contraire tout matériel. Le triomphe de la première n'a pu s'établir
-que sur les ruines de la seconde; l'esprit a dû amortir les sens,
-l'intellectualité, la sensualité; l'une ne pouvait marcher de pair
-avec l'autre, elle devait détruire, pour éclaircir son domaine avant
-de pouvoir s'y fixer.
-
-Or, si le philosophe païen ne confondait pas les mystères avec les
-images, les idées avec leur représentation, il n'en était pas de même
-du peuple. Les premiers chrétiens, persécutés, logés dans les
-catacombes et ne voyant le jour que pour être traînés sur l'échafaud,
-ne cultivant plus aucun des arts qui ne fleurissent jamais que dans le
-repos de la société, durent à la fois viser à saper jusque dans leurs
-fondements ces mêmes arts qui servirent à la construction des temples,
-à la fabrication des divinités païennes, et ne pas exercer ce qu'ils
-n'avaient point appris, ce que depuis des générations ils devaient
-avoir eu en horreur. Canova, dans les premiers siècles, eût dû
-renoncer à l'exercice de son art ou abjurer le christianisme.
-
-Quand, sous Constantin, le christianisme monta sur le trône, l'idée
-foncière du prince et de ses conseillers chrétiens dut être de faire
-autrement que l'on n'avait fait jusqu'alors--et faire autrement que
-bien, c'est toujours faire mal. Il bâtit la première église chrétienne
-à une grande distance de la ville, car il n'a sans doute pas eu le
-courage de la construire dans son enceinte; il n'y employa que des
-ouvriers chrétiens, massacres et barbares en fait de beaux-arts par
-nécessité et par conviction. L'image de la mère du Christ ne devait
-point rappeler les charmes de Vénus ou la majesté de Junon; elle ne
-devait point être couverte des draperies élégantes d'une matrone
-romaine: l'église elle-même ne devait rappeler aucune des formes d'un
-temple païen.
-
-Il est clair que les Barbares trouvèrent, quelques temps plus tard, la
-barbarie établie dans Rome à côté des monuments superbes, mais
-détestés et abhorrés par les Romains devenus chrétiens. Loin de
-pouvoir aider à relever les arts, les chrétiens mirent à profit la
-décadence de l'Empire, pour détruire les monuments d'un culte abhorré
-par eux. Rien n'est commun comme de voir des victimes se changer en
-bourreaux; les chrétiens exercèrent toute leur vengeance sur les
-restes du paganisme, car les païens leur échappèrent en se faisant
-chrétiens. C'est ainsi que le triomphe le plus beau que la morale ait
-jamais remporté, a détruit jusqu'aux traces des œuvres les plus
-belles de l'entendement des hommes, et c'est ainsi que le bien ne
-s'établit jamais sans établir à côté de son triomphe des traces de
-dévastation. La nature humaine, mon amie, est une bien frêle chose;
-elle se compose d'extrêmes, elle se nourrit et se débat dans des
-extrêmes, et le triomphe de la raison n'est et ne sera jamais qu'un
-résultat tardif.
-
-Pardon, ma bonne D., de cette longue dissertation; n'oublie pas que je
-t'écris du haut du Quirinal et que je passe mes journées au milieu des
-plus augustes ruines du monde. Je sais que tu es toujours de pair
-avec moi dans ma pensée et que je puis te parler raison, tout comme
-l'on parlerait folies ou niaiseries à d'autres. Aussi je t'aime mieux
-que toute autre.
-
-
- Ce 8.
-
-Il m'est arrivé la nuit dernière un courrier qui m'a apporté ton
-numéro. J'ai commencé ma journée d'aujourd'hui par te lire et je la
-finis par te remercier. Le jour où tu m'as écrit cette lettre, tu m'as
-bien aimé. Mon amie, que n'ai-je été près de toi! Tes lettres sont un
-tableau si fidèle de ton âme, je vois tant ce qui s'y passe que, si je
-pouvais me dépouiller de l'une des moitiés de mon être, je finirais
-par les aimer autant que toi. Mais la moitié de toi, qui a dicté bien
-des paroles de ta lettre, qu'il ne t'est pas plus possible de séparer
-de ton existence que je ne puis le faire de la mienne, ne me dit que
-trop que je ne puis être heureux que près de toi. Je t'ai déjà mandé
-une fois ce que les rêves sont pour moi et combien ils influent sur ma
-disposition morale bien après mon réveil. Je suis donc bien fait pour
-te comprendre, pour savoir tout ce que tu ne me dis pas et ce qui, à
-mon avis, rend bien plus malheureux qu'heureux.
-
-Crois-tu, mon amie, que je ne rêve pas? Crois-tu qu'avec une âme comme
-la mienne je suffise avec seize ou dix-huit heures de veillée et que
-je sois homme à perdre les six ou huit heures que je passe dans mon
-lit? Quand j'aurai le bonheur de passer un jour près de toi, tu
-sauras, mon amie, que le sort m'a donné tout juste autant de facultés
-aimantes qu'il peut t'en avoir départies, trop, beaucoup trop pour
-vivre ainsi que je le fais loin de l'être que j'aime parce qu'il est
-tout ce que je désire qu'il soit. Ceci est au reste un thème sur
-lequel je n'aime pas m'arrêter; je ne veux aggraver ni ton sort ni le
-mien; l'impossibilité qui existe aujourd'hui doit être vaincue avant
-que je puisse et que je veuille essayer de me livrer à l'élan de mon
-cœur. L'amour, mon amie, finit par s'user s'il porte dans le vague,
-il a cela de commun avec toutes choses; je suis loin de toi et je
-m'arrête donc à ce que les distances les plus grandes ne peuvent pas
-me ravir, ce qui, malgré elles, est à ma portée et ce que je regarde
-comme le plus précieux de mes biens. Tout dans notre relation est
-extraordinaire. Rien peut-être n'y serait compris que par nous, et ce
-fait me fait plaisir au milieu des plus cruelles privations. Mon amie,
-tu vois que je cultive ma propriété, quelque restreinte qu'elle soit,
-tout comme pourrait cultiver la sienne l'homme du monde le plus
-opulent et le plus industrieux, chances rarement réunies. Figure-toi
-combien je saurai être riche, le jour où je le serai effectivement!
-
-
- Ce 10[410].
-
-Nous avons eu deux journées de cérémonies d'église, qui ne m'ont point
-permis de faire beaucoup de courses hors de l'enceinte de Saint-Pierre
-et du Vatican. Les cérémonies dans la chapelle Sixtine n'ont point
-répondu à mon attente; le local est trop restreint et j'en ai vu de
-plus belles chez nous et en d'autres lieux. Cette chapelle au reste
-ressemble à un corps de garde anglais. On y entend autant d'anglais
-que d'italien.
-
- [410] Samedi saint.
-
-Ce qui est beau au delà de toute expression, c'est l'adoration de la
-Croix à Saint-Pierre. Ce vaste édifice, éclairé par la seule Croix,
-cette croix placée par Michel-Ange et calculée par cet homme--l'un des
-génies les plus vastes de tous les siècles--dans l'intention de
-produire un effet surprenant, est un spectacle digne de fixer à la
-fois le cœur et les sens.
-
-Le reproche que je fais aux fonctions dans le Vatican, c'est qu'elles
-se confondent trop avec les collections toutes païennes que renferme
-le même lieu. Il faut remplir bien des intervalles et le passage de la
-chapelle dans les musées n'est pas fait pour agir en bien sur le
-commun des hommes. Je crois, mon amie, que je n'appartiens pas
-absolument à la foule, et je parle ici un peu plus en législateur
-qu'en gouverné qui sait faire leur part à l'esprit et au cœur, à la
-raison et aux sens.
-
-Je t'ai dit que les sifflements inséparables des chuchotements anglais
-couvrent le plain-chant dans la chapelle Sixtine. Eh bien! ce ne sont
-également que des Anglais que l'on voit dans les salons. Je ne crois
-pas que, depuis les invasions des Barbares, il y ait eu autant
-d'étrangers d'une même origine dans l'enceinte de Rome, qu'il y en a
-dans ce moment de la race britannique. Parmi ce grand nombre, il n'y a
-rien de marquant parmi les hommes ni de joli parmi les femmes. Lady
-Sandwich[411] voit du monde le soir. J'ai été chez elle et j'ai trouvé
-tout ce qu'il y a ici de mes pays.
-
- [411] SANDWICH (Mariana-Juliana-Louisa Corry, Lady), née le 3
- avril 1781, épousa le 9 juillet 1804 George-John Montagu, VIe
- comte de Sandwich, né le 5 mars 1773, mort à Rome le 21 mai 1818.
- Après la mort de son mari, Lady Sandwich resta quelque temps à
- Rome. Elle mourut à Londres le 19 avril 1862 (ŒTTINGER,
- _Moniteur des dates_).
-
-Quant aux dames romaines, c'est comme s'il n'en n'existait pas. Il y
-en a deux ou trois belles; chacune est en ménage avec quelques
-_cavalieri serventi cicisbei_[412] et elles se passent pour le même
-plaisir l'_amico_ et quelquefois encore l'_incognito_. Ce dernier fait
-dépend en partie de leur plus ou moins de bonne humeur et de la
-saison, car la saison influe ici plus qu'autre part sur les facultés
-des deux sexes. Le siroco rend calme, faute de pouvoir rendre sage, et
-la tramontana excite au plaisir, faute de pouvoir assurer le bonheur.
-Mon existence, mon amie, ne suit pas les lois romaines; je ne veux pas
-me rendre meilleur que je ne suis; je me borne donc à t'assurer que je
-suis sage quand même je suis placé sous l'influence de la tramontana;
-le mérite vient à cesser dès le premier souffle de siroco.
-
- [412] Cicisbeo, mot italien d'où vient le français Sigisbée.
-
-Du reste, mon amie, quel climat que celui de Rome, quel air, quel
-soleil, et surtout quelle lune! Aussi n'est-on pas étonné du beau
-coloris des peintres; il existe ici des effets de lumière qui passent
-toute conception d'au delà des monts,--c'est sous cette désignation
-que l'Italien place le reste de l'Europe, depuis que la civilisation
-d'au delà a éclipsé de beaucoup celle d'en deçà des Alpes, et par
-conséquent depuis que le Romain ne se sent plus en droit de nommer
-Barbares ni toi ni moi.
-
-Nous sommes au reste ici en plein été; les mois d'avril communs ont
-des pluies à leur suite, celui de 1819 est sec et même trop sec pour
-le bien du désert qui entoure Rome et qui couvre les ruines des lieux
-de plaisance de tant de grands hommes auxquels ont succédé tant de
-petits.
-
-Bonsoir, bonne amie. Je suis fatigué, non de t'écrire, mais à force
-d'avoir été empêché pendant tout le jour de m'asseoir à mon bureau,
-qui est pour moi une véritable _patrie portative_.
-
-
- Ce 12.
-
-Bonne amie, quelle belle journée que celle d'hier, la fête de Pâques!
-Dieu est bien noblement adoré ici ce jour.
-
-Il y a trois époques dans cette journée qui sont classiques, et je
-n'appelle tel que ce qui me satisfait sous tous les rapports, ce qui
-agit sur moi en bien de toute manière et ce qui, par conséquent, parle
-à la fois à mon esprit, à mon cœur et à mes sens. Je suis content du
-dimanche de Pâques.
-
-Le service divin à Saint-Pierre est aussi beau que celui dans les
-chapelles l'est peu. Rien n'est oublié pour sanctifier la pompe en lui
-conservant le caractère le plus austère, le seul qui convient aux
-fonctions religieuses. La bénédiction papale du haut du balcon de la
-façade de l'église est touchante à la fois et belle. Un homme qui, au
-nom de Dieu, bénit cinquante mille personnes à la fois, qui toutes se
-prosternent devant le souverain arbitre de toutes choses, est chargé
-d'une belle et noble fonction.
-
-Le soir, l'illumination de Saint-Pierre est le plus magnifique des
-spectacles. La première est d'après les dessins de Michel-Ange[413].
-Au coup de 8 heures (ou une heure de nuit à Rome) la scène change: le
-bâtiment et les alentours se couvrent d'une masse de feu; Saint-Pierre
-n'est plus illuminé, mais il éclaire le pays. Plus de cinq cents
-hommes habitués à l'opération exécutent cette nouvelle illumination,
-devant laquelle pâlit la précédente, en moins de deux secondes.
-
- [413] M. de Metternich veut parler ici de l'illumination de la
- coupole de Saint-Pierre. La seconde illumination, qui eut lieu à
- 8 heures, comprenait l'embrasement de la façade et de la
- colonnade (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 202).
-
-Puis le feu d'artifice du tombeau d'Adrien, qui surpasse tous ceux que
-j'ai vus jusqu'à ce jour. Le point de départ de la girande est
-tellement élevé qu'elle ressemble à l'éruption d'un volcan. Le
-monument a ensuite été représenté en feu tel qu'il avait été décoré
-primitivement, et puis beaucoup d'autres décorations les unes plus
-belles que les autres[414]. Le seul reproche que je fasse à cette
-magnifique scène, c'est d'attrister; je déteste les feux d'artifice,
-vu la nuit qui leur succède. Mon amie, le bonheur n'est pas dans ce
-qui brille, mais dans ce qui dure.
-
- [414] Le prince de Metternich à sa femme: «Rome ce 13 avril.--Le
- feu d'artifice au château Saint-Ange... est le plus beau que
- j'aie vu, et je suppose, le plus beau que l'on puisse voir.
-
- Vous vous souvenez sans doute de la girandole tirée de la place
- Louis XV en 1810. Eh bien! c'est ce même nombre de fusées tirées
- d'un plateau isolé et élevé à 150 ou 200 pieds, et qui donne à
- l'ensemble l'aspect du Vésuve en éruption. Le reste du feu a
- représenté l'ancien édifice avec ses centaines de colonnes, son
- immense fontaine, etc. Le tout a fini par trois girandoles dont
- l'une s'est élevée du haut de l'édifice, les deux autres du plan
- inférieur et latéral» (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III,
- p. 202).
-
-
- Ce 13.
-
-Tu seras bien longtemps sans lettres; j'ai fait la bêtise de ne pas
-charger de celle-ci le courrier hebdomadaire parti avant-hier, car
-Gordon voulait en faire partir un hier directement pour Londres; il
-vient de me dire qu'il a changé d'avis et je n'ose pas le prier d'en
-expédier un pour nous. Ce n'est pas, mon amie, que je trouve que nous
-n'en valions pas la peine, mais qu'y faire?
-
-N[eumann] m'écrit chaque courrier pour se louer de ton mari. Je vais,
-par celui qui te portera cette lettre, charger N[eumann] de le louer
-de ma part. Je ne te parle jamais politique pour deux raisons. La
-première, c'est que j'ai mieux à faire avec toi, et la seconde que je
-suis trop heureux de trouver un être auquel je puisse parler amour,
-amitié, raison, tout ce qui vaut mieux que la politique, dans un
-moment surtout où le monde tombe en bêtise. Je déteste de dire après
-coup ce que j'ai pensé et dit avant bien d'autres; mais si tu me
-connaissais plus que tu ne fais--toi qui sous tant de rapports me
-connais mieux que nul être au monde--tu ne douterais pas que je ne
-mens pas, quand je t'assure que rien de ce qui arrive aujourd'hui en
-France et autre part ne m'étonne, pas plus que ne le font des
-nouvelles connues, des nouvelles, par conséquent, qui n'en sont pas.
-J'aime le repos du monde, car j'ai la conviction que le bonheur des
-hommes de bien ne se trouve que là; mais aujourd'hui j'ai encore de
-bien autres raisons pour m'effrayer de toute idée de mouvement. Tu les
-connais, mon amie, car tu connais la première pensée de ma vie, une
-pensée qui est devenue pour moi la vie même! Mon amie, que
-deviendrons-nous, si ce qui est entre nous se bouleverse, si la
-distance qui nous sépare devient une impossibilité? Ma vie se
-passerait-elle loin de toi? Alors, mon amie, je ne vivrais pas!
-
-Penses-tu quelquefois à moi, mon amie,--pas comme je suis sûr que tu
-le fais--mais moins à l'individu qu'à ce que j'ai le malheur d'être?
-Crois-tu que j'aie beaucoup et de bien doux moments? Que les ruines du
-palais des Césars me font faire des réflexions bien différentes de
-leur seul aspect pittoresque!
-
-Mon amie, mes lettres me concentrent tellement dans l'intérieur le
-plus intérieur de mon cœur, que tu dois croire quelquefois en les
-lisant que j'oublie qui je suis. Crois-le, au reste, relativement à
-toi, à ce qui est aujourd'hui le seul bonheur que je me connaisse, le
-seul vers lequel je tende et le seul, hélas, qui se trouve tellement
-placé hors de mon action.
-
-Je suis fâché contre le monde entier, hors toi. Je le déteste, ce
-monde, et je n'aime que toi. Ne pensons pas au monde et aimons-nous.
-Surtout, sois certaine que je ne suis jamais plus fort que quand
-d'autres sont faibles, et que je n'ai jamais plus de tête que quand
-d'autres n'en ont point. Bonne amie, crois surtout que j'ai bien plus
-de cœur que de tête, et tu sais à qui est le premier; tu sauras
-enfin, bien plus encore que tu ne peux le faire encore, ce qu'il vaut.
-
-
- Ce 14.
-
-J'ai reçu la nuit dernière mes lettres de Londres. N[eumann] écrit à
-F[loret] que tu es légèrement incommodée et que tu n'as point pu lui
-donner de lettre.
-
-Mon amie, ne me fais pas de ces peurs, ne t'avise pas de tomber
-malade. Je crains que tu n'aies une nouvelle atteinte telle que tu
-l'avais crainte dernièrement; c'est une mauvaise chose qu'une
-apparence de fausse couche, parce qu'elle se renouvelle facilement.
-La seule idée qui me console, c'est celle de quelque gêne qui t'aura
-empêchée de recevoir N[eumann]. J'attends maintenant avec anxiété
-l'arrivée du premier courrier. S'il ne m'apporte rien, je serai au
-désespoir. J'ai peur que tu ne te sois pas assez ménagée. Je t'ai
-mandé dernièrement que je ne conçois rien aux bains que l'on te permet
-de prendre. J'ai peur enfin de tout. Mon amie, que je sache au moins
-ce que tu fais, et dis à N[eumann] qu'il n'écrive jamais que tu es
-incommodée sans mander ce que tu as. Je suis exigeant en fait de
-santé. Je ne te permets qu'un rhume de cerveau, rien d'autre, et je
-veux encore qu'alors tu te soignes comme si tu ne t'appartenais pas.
-Ne t'avise pas, mon amie, de croire que je ne saurais avoir peur.
-
-Je me sens si peu disposé à te parler aujourd'hui d'autre chose, que
-je finis de t'écrire pour ne pas te redire vingt fois ce que je viens
-de te dire. Mon amie, ma vie est si fort hors de moi aujourd'hui que
-je finirai par la détester si la crainte s'en mêle. Rassure-moi, et ce
-qui vaut mieux, tâche de te bien porter et que je le sache.
-
-
- Ce 15.
-
-Mon amie, j'ai rêvé de toi et je t'ai vue malade. Le fait est bien
-rare cependant que je rêve de ce dont j'ai été fortement occupé la
-veille. J'ai été chez toi; tu étais couchée, ton mari et N[eumann],
-lequel était ton médecin. Les rêves sont fous et celui-ci certes l'a
-été. Si jamais N[eumann], que du reste j'aime beaucoup, veut te faire
-prendre une drogue, ne suis pas son conseil. Ne prends de lui que mes
-lettres. J'attends avec bien de l'impatience les premières lettres de
-Londres qui, hélas, sont si longues à arriver!
-
-J'ai parcouru aujourd'hui de bien beaux lieux.
-
-Cette Rome est une ville inconcevable; chaque pas, chaque minute y
-offre un objet digne d'admiration ou, pour le moins, de curiosité.
-Dans le cours de ma promenade, je suis entré dans un jardin qui forme
-le centre d'un couvent. Il parfume l'air à une demi-lieue à la
-ronde--sort peu commun aux couvents--tant il y a d'orangers, de
-citronniers et d'arbustes en fleur. J'y ai cueilli une branche de
-citronnier sur laquelle il y avait soixante-cinq citrons mûrs. Je l'ai
-empaquetée et je l'envoie à ma femme. Je te l'aurais envoyée si
-j'avais le bonheur de disposer d'un courrier direct pour Londres.
-
-Il existe, près de Séville, un arbre pareil qui porte souvent jusqu'à
-quarante mille fruits.
-
-Il y a dans le jardin du couvent plusieurs palmiers, grands comme des
-pins, beaux et sains. Il est inconcevable qu'on n'en plante pas
-davantage. Rien ne pare le tableau comme ces belles plantes, mais les
-hommes ne font rien ici pour embellir la nature. Il faut un ciel
-ingrat pour exciter l'ardeur des cultivateurs; il paraît que l'homme
-aime la contrariété. J'ai peur de ne pas ressembler aux autres
-individus de la race humaine sous bien des rapports. Je m'en console,
-si tu m'aimes tel que je suis.
-
-Il existe ici une telle foule d'Anglais, que l'Angleterre a l'air de
-n'être plus en Angleterre. Les braves gens font, au reste, du mal aux
-voyageurs de toute autre race. Ils sont devenus d'une telle parcimonie
-qu'on ne veut plus les admettre nulle part. J'ai eu de la peine à
-pénétrer ce matin dans une vigne qui renferme les beaux restes d'un
-temple dédié à Minerva Medica[415]. Une vieille femme est venue se
-présenter derrière une porte fermée à verrou, pour nous demander:
-_Siete signori Inglesi?_[416] Sur la négative, elle a ouvert. Je lui
-ai demandé pourquoi elle avait mis _i signori Inglesi_ en quarantaine:
-_Non pagano mai niente_[417], a été la seule et bonne réponse. Il est
-de fait qu'ils vont voir les lieux publics et les galeries
-particulières en troupes de douze ou quinze personnes, et qu'ils
-donnent communément aux inspecteurs ou valets _una manica di 2
-pauli_[418], c'est-à-dire 6 à 8 pence. J'ignore comment ils finissent
-par répartir les fractions imaginaires entre eux. Les Anglais, qui ne
-savent jamais tenir un juste milieu, avaient rendu anciennement, vu
-leur magnificence, les voyages difficiles aux pauvres continentaux.
-Aujourd'hui, ils se rendent la besogne difficile à eux-mêmes; mais
-c'est _de bon ton_ et un Anglais succombe toujours à cet axiome.
-
- [415] Au sud de la porte Saint-Laurent. Cet édifice, construit au
- troisième siècle de l'ère chrétienne, était en réalité une
- nymphée qui faisait partie de thermes aujourd'hui disparus. Sa
- voûte s'écroula en 1828.
-
- [416] Vous êtes Anglais?
-
- [417] Ils ne payent jamais rien.
-
- [418] Un pourboire de deux pauli.
-
-
- Ce 16.
-
-Le courrier va partir, mon amie, et je ne veux pas le manquer.
-Donne-moi bientôt de bonnes nouvelles de ta santé. Je ne puis pas te
-dire combien tout ce que je redoute me fait peine, dès que l'objet est
-toi.
-
-Adieu, bonne amie, je ne puis t'écrire un mot de plus, car j'ai trois
-ou quatre bien fortes expéditions à faire. Il en est une parmi
-celles-ci qui va à Pétersbourg dans l'affaire de Kotzebue[419]. Les
-libéraux se sont un peu mal conduits dans cette circonstance, et le
-principe de la liberté de la presse n'est guère bien défendu par des
-hommes qui répondent à leurs adversaires en littérature par des coups
-de poignard. Ils ont, pour le moins, un peu l'air de ne vouloir
-reconnaître d'autre liberté que celle qui leur convient.
-
- [419] KOTZEBUE (Auguste-Frédéric-Ferdinand de) venait d'être
- assassiné le 23 mars 1819 à 10 heures du matin.--Né à Weimar le 3
- mai 1761, il avait été chargé par le gouvernement russe, en 1817,
- de parcourir la Confédération germanique pour se rendre compte de
- l'opinion publique. Quelques fragments de sa correspondance avec
- le tsar à ce sujet ayant été interceptés et publiés, ils
- excitèrent la colère des étudiants, dont l'état d'esprit était
- peint sous les aspects les plus menaçants. L'un d'eux,
- Charles-Louis Sand, assassina Kotzebue à Mannheim. Ce meurtre fut
- le prétexte aux mesures de rigueur qui marquèrent les années
- suivantes (_Nouvelle Biographie générale_ (Didot), t. XXVIII,
- col. 135.--_Allgemeine deutsche Biographie_, t. XVI, p. 772).
-
- Le prince de Metternich à sa femme: «Rome, 10 avril
- ...--L'assassinat de Kotzebue est plus qu'un fait isolé. Cela va
- se développer, et je ne serai pas le dernier à en tirer un bon
- parti.» (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 290)
-
-Adieu, bonne amie.
-
-
-
-
-No 23.
-
-
- Rome, ce 18 avril 1819.
-
-Je viens de recevoir ce matin, mon amie, tes nos 29 et 30. Tes nos 27
-et 28 me manquent; ils doivent avoir été confiés à une autre occasion
-ou peut-être se sont-ils glissés dans une expédition qui, au lieu de
-prendre de Munich la route d'Italie, peut avoir pris celle de Vienne.
-Ce sont, au reste, ces deux numéros qui m'offriront le plus grand
-intérêt, parce qu'ils sont tes premiers après l'arrivée de Paul[420].
-Si je te dis, au reste, que j'attache plus d'intérêt à l'une ou à
-l'autre de tes lettres, tu peux être certaine que ce fait ne
-s'explique que par des circonstances plus particulièrement liées à
-_notre sort_, car chaque ligne tracée par ta main a un égal mérite. Je
-crois que si tu ne faisais qu'un trait sur la feuille, je l'aimerais
-mieux que toute lettre qui me viendrait d'un lieu quelconque.
-
- [420] Le prince Paul Esterhazy avait porté à Mme de Lieven les
- lettres où le prince de Metternich lui faisait part de ses
- projets pour obtenir la nomination de M. de Lieven au poste de
- Vienne. Voir p. 199.
-
-Les lettres que j'ai reçues me prouvent qu'il n'est plus question de
-l'incommodité dont N[eumann] m'avait parlé dernièrement et qui te sera
-rappelée par mon dernier numéro. Voilà l'un des graves inconvénients
-des grandes distances, une véritable misère de la vie humaine, que
-tout ce que l'on dit n'arrive jamais à point juste. Je serai
-tranquille le jour où tu seras véritablement souffrante, et plein
-d'inquiétude l'heure où tu seras heureuse. Mon amie, je prévois que tu
-seras au bal le jour de ma mort.
-
-Paul m'écrit une lettre particulière, dans laquelle il me parle de la
-société de Londres, et par conséquent également de toi. Je vois bien
-qu'il ne se doute de rien, car ne pas savoir tout est, en certaines
-circonstances, ne savoir rien. Il me mande que Mme de L. est fort «en
-recherches pour le duc de W.[421], mais que le fait lui paraît se
-borner là. Qu'il en juge ainsi, vu l'empreinte prononcée d'ennui et de
-désœuvrement que porte le noble duc!» Tu vois, mon amie, que Paul,
-malgré sa distraction apparente, laisse cependant tomber des regards
-justes, mais nonchalants, sur les objets qui l'entourent.
-
- [421] Très probablement Wellington.
-
-Ce que tu me dis, dans l'une de tes dernières lettres, de W., est ce
-que je comprends le mieux au monde. Ce qu'il éprouve, je l'éprouve, et
-je crois qu'il doit en être ainsi de tout homme ayant la tête droite
-et le cœur humain.
-
-W. a passé sa vie dans une activité grande, noble et belle. Il aime à
-se rendre utile, il embrasse par conséquent les affaires avec intérêt
-et chaleur. Il a le cœur aimant, car il ne vaudrait pas le quart de
-ce qu'il vaut effectivement, s'il ne l'avait pas tel. Il a eu des
-succès près des femmes. Mon amie, rien ne blase sur les succès de ce
-genre comme les succès. Je te jure que personne plus que moi ne sent
-combien peu ils valent, combien ils coûtent et combien peu ils
-rapportent. Crois-m'en sur parole: les succès dans le monde sont comme
-la plupart des pièces de théâtre; ils pèchent comme elles par le
-dénouement. L'on s'attend à beaucoup, l'on attend avec impatience que
-la toile se lève, l'intrigue se noue, l'exposition est faible et
-ordinairement commune, la pièce avance en s'affaiblissant; il part de
-légers applaudissements et force sifflets de la galerie; la pièce
-paraît longue; les acteurs récitent de mauvais vers pendant que les
-spectateurs s'endorment, et ils quittent la scène plus ennuyés du rôle
-qu'ils viennent de jouer que la galerie ne l'a été de s'être occupée
-d'eux. Les costumes sont remisés, les personnages se rencontrent dans
-les coulisses; s'ils sont polis, le premier amoureux offre le bras à
-la grande coquette pour l'aider à monter dans une autre voiture que la
-sienne, et chacun s'en va coucher--seul.
-
-Mon amie, j'ai été de ces acteurs.
-
-Mais quand la raison se mûrit, quand l'on se trouve placé assez loin
-du point de départ pour pouvoir calculer les espaces et les points de
-repos, alors, bonne D., sent-on l'immense différence qu'il y a entre
-ce qui n'offre que des apparences passagères de bonheur et ce qui
-constitue le bonheur lui-même. L'envie d'une liaison digne de ce nom
-tourne au besoin; la vie semble vide sans elle, et rien ne peut ni en
-remplacer le bienfait, ni le compenser.
-
-Tu conçois par ce peu de mots ce que je pense du vide que doit
-éprouver W. et du mérite que je t'accorde, du sentiment profond que je
-nourris de mon bonheur et du chagrin que j'éprouve de tant de
-contrariétés qui s'opposent à mes vœux les plus chers et les plus
-ardents. Mon amie, je ne suis pas calme: tu ne me connais pas tout
-comme je suis; tu m'as vu ami mais pas encore amant. Ami, oui bien, le
-meilleur que tu puisses avoir, le plus sûr, le plus dévoué, l'ami
-éternel surtout! Si le sort me réserve des moments plus heureux, les
-plus doux que je puis attendre, les seuls que je veux, tu ne m'aimeras
-pas plus que tu ne le fais, mais certes, tu ne m'aimeras pas moins.
-Mon amie, puis-je avoir de la présomption?
-
-Paul me parle d'un gros rhume qu'il a emporté de Paris et qui ne l'a
-pas encore quitté à Londres. Je suppose que c'est ce mal, qu'à Rome
-l'on appelle _una constipatione_, qui l'a empêché d'aller te voir.
-Moi, mon amie, rien ne m'empêcherait, mais Paul n'est pas moi, et tu
-n'es pas pour lui ce que tu es pour moi.
-
-A propos du mot très impropre, et même peu propre que je viens de te
-dire, figure-toi l'état de ma pauvre fille qui, fort enrhumée, s'est
-vue demander par un cardinal, ces jours derniers: _Signora, tu mi pare
-molto constipata_[422]! Comme elle n'a pas encore fait un assez long
-séjour ici pour savoir les provincialismes, juge de son embarras à
-trouver une réponse à une pareille _apostrofe cardinalizia_.
-
- [422] Vous me paraissez très enrhumée.
-
-
- Ce 19.
-
-Bonne amie, je viens d'écrire à Stewart pour le féliciter de ses
-succès[423]. Je suis charmé que son heure ait sonné et que Mrs Taylor
-soit réduite au silence. Je suis charmé et fâché qu'il ne t'ait point
-épousée. Les graves contrariétés mènent à la folie dans les
-contradictions. Je t'envoie cette lettre par une occasion que me
-fournit G[ordon] et qui devait te porter ma dernière lettre. Le no 22
-t'arrivera probablement après celui-ci et tu seras longtemps sans
-nouvelles: il passe par le courrier hebdomadaire et par conséquent par
-Munich, tandis que le présent courrier va droit, tout comme je
-voudrais pouvoir aller moi-même.
-
- [423] Le procès de Lord Stewart (voir p. 107) avait été jugé vers
- la fin de mars par la Chambre des Lords. Il épousa sa fiancée le
- 3 avril.
-
-Le rhume de ma fille m'a gagné. A peu près toute ma suite est dans le
-même état. J'ai cent églises, les catacombes et les grandes cérémonies
-de la semaine sainte, et le tout coupé par la chaleur du jour, dans le
-col et sur la poitrine. Je me soignerai vingt-quatre heures et je
-serai refait.
-
-
- Ce 20.
-
-Je t'écris pendant que l'on donne une superbe fête à l'Empereur au
-Capitole. C'est la raison et toi qui m'empêchent d'y paraître, malgré
-tous les désespoirs de Consalvi[424]. J'ai pris des remèdes contre mon
-rhume, qui déjà va beaucoup mieux; la raison m'ordonne de le soigner
-et tu m'en prierais si tu étais ici. Je trouve que rien n'est
-raisonnable comme t'écrire et heureux comme t'aimer. Trouve le mot,
-bonne amie, pour exprimer le bonheur d'être aimé par toi.
-
- [424] CONSALVI (Hercule), cardinal et secrétaire d'État. Né à
- Rome le 8 juin 1757. Créé cardinal le 11 août 1800, puis nommé
- secrétaire d'État, négocia le Concordat avec le Premier Consul.
- Ayant résigné ses fonctions en 1806, il représenta le pape au
- Congrès de Vienne et reprit la secrétairerie d'État (1816) qu'il
- perdit de nouveau à l'avènement de Léon XII (28 septembre 1823).
- Il mourut à Rome le 24 janvier 1824 (_Nouvelle biographie
- générale_ (Didot), t. XI, col. 530).
-
-Le régime me mène toujours au travail. J'ai passé ma journée en
-expéditions de courriers pour toutes les parties du monde, entre
-autres pour ton pays. Je veux faire un peu de mal aux amis de Lady
-Jersey. Je n'aime pas que l'on assassine au nom de l'amour de
-l'humanité; je n'aime pas les fous et les folies d'un genre quelconque
-et bien moins encore de celui qui tue de braves gens, assis
-tranquillement dans leur chambre.
-
-Quand j'ai porté mon expédition pour Francfort[425] à l'Empereur, il
-m'a dit que les étudiants me joueront incessamment le même tour qu'à
-Kotzebue. Je l'ai assuré que, depuis longtemps, je me regardais comme
-un général placé en face d'une batterie et que je ne savais pas
-craindre. «Eh bien! allez, m'a répondu l'Empereur, l'on nous
-assassinera tous les deux.»
-
- [425] Voir _Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 227 à
- 269.
-
-Le monde est bien malade, mon amie; rien n'est pire que le faux
-esprit en liberté. Il tue tout et il finit par se tuer lui-même.
-C'est ainsi que vont en France les Benjamin Constant[426] et les
-Chateaubriand[427], en Allemagne les étudiants d'Iéna et la majeure
-partie des gouvernements, et autre part bien des gens que je ne veux
-pas te nommer pour ne pas t'ennuyer de ma politique.
-
- [426] CONSTANT DE REBECQUE (Henri-Benjamin), né à Lausanne le 25
- octobre 1767, mort à Paris le 8 décembre 1830. Benjamin Constant
- avait créé, en 1818, la _Minerve française_ où il défendait avec
- ardeur la liberté de la presse et développait ses idées
- libérales. En décembre 1816, il avait publié une brochure: _De la
- politique qui peut réunir tous les partis en France_, qui était
- une réponse à celle de Chateaubriand: _De la Monarchie selon la
- Charte_ (_Grande Encyclopédie_, t. XII, p. 570).
-
- [427] CHATEAUBRIAND (François-René, chevalier puis vicomte DE),
- né à Saint-Malo le 14 septembre 1768, mort à Paris le 4 juillet
- 1848. Créé pair de France le 17 août 1815, il défendit la Chambre
- introuvable dans une brochure célèbre: _De la Monarchie selon la
- Charte_. Il attaquait sans mesure, en 1818 et 1819, dans le
- _Conservateur_, le duc de Richelieu, et plus tard, il attaqua
- avec la même fougue le comte Decazes (R. BONNET, _Isographie des
- membres de l'Académie française_, p. 53).--Dans une lettre à
- Gentz, Rome, le 23 avril 1819, M. de Metternich disait: «Entre
- les deux, j'aime encore mieux les Chateaubriand que les Benjamin
- Constant et les Lanjuinais.» (_Mémoires du prince de Metternich_,
- t. III, p. 246).
-
-Je me rassieds à mon bureau, après avoir vu monter une immense girande
-de feu d'artifice qui vient de s'élever du Capitole. C'est un beau
-point de départ.
-
-Je suis charmé de ne pas être à la fête et près de toi, le plus près
-que je puisse en être à près de 500 heures de distance. L'âme, mon
-amie, ne connaît pas les distances; je te vois devant moi comme si tu
-y étais. Mais je voudrais un peu de contact; te donner la main et la
-baiser du fond de mon cœur--je le fais en pensée--et du bout de mes
-lèvres! Bonne amie, hélas! je ne le puis pas.
-
-La fête au Capitole a, dit-on, été superbe comme tout ce qui est fête
-à Rome, et tout comme Rome elle-même paraît une fête continuelle. L'on
-a eu l'idée heureuse de faire servir une immense louve, allaitant
-Romulus et Rémus, de plateau à l'une des tables du souper. Ce bronze
-date des premières ères de la république. Combien il s'est passé
-d'événements, combien de grands hommes ont passé sur cette même terre
-où la louve existe encore! Cet antique témoin d'un banquet moderne ne
-peut rien avoir gâté à l'aspect de la table.
-
-Tu sais que je n'aime pas les feux d'artifice, il m'est donc bien égal
-qu'il ait été beau. On a l'habitude ici d'en soutenir l'éclat par
-force coups de canon. Je les aime mieux que le feu. Tu ignores que
-j'ai un grand faible pour les coups de canon, et ce goût est l'un de
-ceux que l'on ne devine pas dans le meilleur ami sans qu'il vous le
-découvre. Je n'ai jamais pu concevoir que l'on puisse être poltron, et
-les coups de canon m'appellent au lieu de me repousser. Pardonne-moi
-ce goût bizarre, mon amie, et permets-moi de m'y livrer encore.
-
-
- Ce 21.
-
-Le courrier de G[ordon] part dans une heure, mon amie, et je lui
-confie cette lettre. Reçois-la avec bonté, comme toutes, malgré
-qu'elle soit bien vide de sens.
-
-Je partirai d'ici le 24. Je serai à Naples le lendemain. Mon
-éloignement ne causera nulle interruption à notre correspondance, car
-je ferai partir le courrier hebdomadaire un jour plus tôt que d'ici.
-
-J'espère que je recevrai incessamment tes deux numéros qui me
-manquent. Je les attends avec impatience. Ils doivent me prouver si tu
-as envie de travailler dans un sens qui est le plus utile, le plus sûr
-et certes pas le moins impossible à exécuter. Bonne amie, pense à ce
-que serait cet avenir!
-
-Adieu, je te baise pieds et mains, et je t'aime de tout mon cœur. Tu
-n'en doutes pas.
-
-
-
-
-No 24.
-
-
- Rome, ce 23 avril 1819.
-
-Mon premier séjour ici, mon amie, va finir. A mon retour de Naples, je
-compte m'arrêter encore une huitaine de jours pour voir ce que je n'ai
-pas encore vu, ou plutôt pour diminuer la somme des objets dignes de
-remarque et que je ne puis voir en aussi peu de temps. Cette ville-ci
-a des charmes inexprimables pour moi. L'homme, dans l'état de santé
-morale, a deux grands et puissants éléments qui forment la base de son
-existence: le cœur et l'esprit. Tu sais, mon amie, ce qui occupe mon
-cœur. Il n'est pas à Rome, mais cette ville offre à mon esprit tout
-ce qu'il recherche et ce qui lui plaît: grands souvenirs, luxe et bon
-goût dans tous les objets dignes de fixer la pensée; monuments
-anciens, modernes, échelle immense, tout se réunit à Rome.
-
-Je compte monter en voiture demain au point du jour pour aller coucher
-à Mola di Gaeta. Je veux éviter la couchée à Terracine, vu le préjugé
-de la malaria, que trop fondé en raison sur tout autre point des
-marais Pontins, mais qui, surtout dans cette saison, n'existe pas
-réellement pour Terracine.
-
-
- Mola[428], ce 24, 9 heures du soir.
-
-Je suis ici depuis 3 heures. J'ai donc encore vu le coucher du soleil
-sur l'un des beaux points de la terre. Je t'écris d'une auberge placée
-au centre du golfe; l'horizon est fermé à la droite par la ville de
-Gaëte et la forteresse, et je découvre à ma gauche le Vésuve qui,
-depuis le 13 de ce mois, jette de la lave. Je le vois enveloppé d'une
-épaisse fumée qui tantôt s'élève et tantôt prend la forme d'un nuage
-autour de sa cime. La plage est verte et riante. Je suis séparé de la
-mer par un immense jardin d'orangers et de citronniers, chargés de
-fruits et de fleurs.
-
- [428] Mola di Gaeta, aujourd'hui Formies.
-
-C'est une chose singulière que la ligne tracée par les marais Pontins.
-Ces marais sont, depuis les desséchements de Pie VI[429], une suite
-non interrompue de jardins couverts du luxe de végétation le plus
-riche. A Terracine commence un nouveau climat bien plus méridional
-encore que celui de l'État romain. Les rochers se couvrent de plantes
-grasses; des cactus énormes y viennent comme de la mauvaise herbe et
-l'aloès sert de broussailles. Les buissons se composent de myrtes.
-
- [429] PIE VI (Jean-Ange BRASCHI), né à Cesena (États de l'Église)
- en 1717, élu pape le 15 février 1775, mort à Valence le 29 août
- 1799. Son pontificat fut marqué par de grands travaux d'utilité
- publique. Outre le desséchement des marais Pontins, il restaura
- en partie la voie Appienne, agrandit le port d'Ancône, etc.
- (_Nouvelle Biographie générale_ (Didot), t. XL, vol. 105).
-
-L'auberge que j'habite s'appelle la maison de Cicéron. Il paraît,
-d'après une critique raisonnable, que c'est en elle qu'il est
-né[430]. Mon amie, cette idée ne m'inspire guère. Cicéron parlait
-beaucoup et faisait peu; il était poltron, et avait cela de commun
-avec la plupart des savants et je n'aime pas cette caste. Je voudrais
-que, pour le bien de l'humanité, il puisse y avoir _du savoir_ sans
-qu'il existât _des savants_. Si tu étais femme savante au lieu de tout
-ce que tu es de bien, je ne t'aimerais pas.
-
- [430] Malgré ce qu'en dit M. de Metternich, cette assertion est
- erronée, car Cicéron naquit à Arpino (Arpinum), le 3 janvier l'an
- 106 avant Jésus-Christ. Cette prétendue villa de Cicéron ou villa
- Caposele était la propriété des rois de Naples.
-
-
- Naples, ce 25.
-
-Quel beau pays j'ai parcouru aujourd'hui! L'aspect de Naples ne m'a
-pas surpris: je l'ai trop vu reproduit en peinture et dessin pour ne
-pas croire l'avoir vu. La seule différence que j'y trouve, c'est que
-le site est plus vaste que je ne l'avais cru, mais je suis plein
-d'étonnement de la culture des campagnes. Figure-toi un pays riche de
-tous les bienfaits de la nature, un ciel comme il n'en existe pas, une
-terre qui produit sans cesse et de l'industrie, et tu auras une idée
-de la campagne depuis Foggia jusqu'à Naples. Le peuple est sale, pour
-que le défaut soit à côté du bien. Rien ne peut être parfait dans ce
-bas monde.
-
-J'ai pris ici un hôtel sur la Chiaja[431]. J'ai en face de moi une
-plage immense de mer, coupée par les îles les plus pittoresques du
-monde. La rive droite du golfe et le château de l'Œuf ferment le
-cadre. Je ne vois pas le Vésuve de mes fenêtres, ce qui me gêne[432].
-Ce soir, il était couvert de lave. Je l'ai vu du salon de notre envoyé
-ici. Mon amie, le Vésuve ne gâte rien dans un tableau quelconque; un
-salon qui vous l'offre en perspective est un beau salon.
-
- [431] La «Riviera di Chiaja», séparée seulement de la mer par le
- parc dit «villa Nazionale» et le quai (via Caracciolo).
-
-La journée, au reste, a été mauvaise. Nous avons du siroco, ce qui
-nous amènera de la pluie.
-
-Bonne amie, tu dois trouver que j'ai une manière de t'entretenir peu
-recherchée: je te parle du temps qu'il fait comme si une seule goutte
-pouvait t'atteindre. Mais tu veux savoir ce que je fais; tu ne me
-sauras pas mauvais gré de te parler des impressions que j'éprouve.
-J'ai même le besoin de te les communiquer; si je te parle du cadre
-dans lequel je me trouve, tu m'y reconnais au milieu de la foule et tu
-ne doutes pas que mon cœur ne soit occupé que de toi, malgré la
-distance et le chagrin que j'éprouve de ne pas être heureux!
-
-
- Ce 26.
-
-Le temps est si fort à la pluie que je ne suis sorti que pour aller
-rendre quelques devoirs de société, tristes devoirs et qui devraient
-être décomptés sur la vie. Mon amie, cette vie, et surtout la mienne,
-s'en compose cependant et, si je suis à la recherche des moments de
-bonheur, le résultat de l'entreprise me prouve constamment que leur
-nombre est infiniment petit.
-
- [432] Le prince de Metternich à sa femme: «Naples, ce 3
- mai...--Ce Vésuve, ma bonne amie, est un spectacle bien imposant
- et bien auguste. J'ai le malheur de ne pas le voir de ma fenêtre;
- mais de partout ailleurs, c'est-à-dire à cent pas de ma maison,
- on le voit, dès qu'il fait nuit, comme un immense fanal.»
- (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 206).
-
-J'ai eu naguère quinze jours de vie, et si nous voulons faire le
-compte scrupuleux des moments qui ont compté dans ces quinze jours,
-ils se réduiront à peu, bien peu d'instants. Et de combien encore ces
-peu d'instants eussent pu être meilleurs! J'ignore, mon amie, si tu
-éprouves dans la poursuite de cette dernière question les mêmes
-sensations que moi. Je suis à la fois au désespoir et satisfait de _ce
-moins_ dans notre existence. Au désespoir, en ne consultant que mon
-cœur et mes sens, et satisfait en rentrant dans les derniers refuges
-de ma raison. Je sens cependant que, si j'avais aujourd'hui la même
-quinzaine en perspective, je mourrais plutôt que de me ménager encore
-ma même satisfaction. Bonne amie, je te préviens que tu n'as plus le
-droit de compter jamais sur ma raison.
-
-
- Ce 27.
-
-J'ai été interrompu hier par l'arrivée du courrier qui m'a apporté ton
-no 31. Que peuvent être devenus ceux qui me manquent? Je n'y conçois
-rien; j'ai toutes mes lettres et de tous les côtés. A qui as-tu confié
-les nos 27 et 28? Si tu te sers d'occasions particulières,
-mande-le-moi toujours ainsi que je le fais; je pourrai regretter alors
-le retard d'une lettre, mais ne pas être inquiet de son sort.
-
-Bonne amie, que nos pensées suivent une même pente! Lis ce que je t'ai
-écrit hier et compare-le à ce que renferme ta lettre no 31. Oui, mon
-amie, nos épreuves sont faites; il ne nous reste qu'à être heureux
-quand le ciel nous aimera assez pour nous réunir. Je suis sûr que tu
-partages tout ce que j'éprouve, mes regrets comme ma satisfaction,
-mes désirs comme mes peines. Conviens que je ne t'ai point trompée
-quand je t'ai dit que je savais aimer. Tu le sais aujourd'hui, et le
-monde croit le contraire; c'est un double charme pour moi. J'ignore
-pourquoi j'aime à être seul de mon secret dans les relations les plus
-importantes de ma vie.
-
-
- Ce 28.
-
-J'ai passé ma matinée, mon amie, en courses, malgré le temps peu
-favorable qui me poursuit depuis que nous sommes ici. Rien n'est
-magnifique comme le tableau qu'offre ici la nature. J'ai été sur une
-montagne très près de Naples, et qui sépare le golfe qui porte le nom
-de cette ville d'avec celui de Baja[433]. La vue en est magnifique: à
-gauche, le Vésuve et la chaîne des belles montagnes qui vont mourir au
-cap de Massa, l'île de Capri, une immense plage de mer, la ville de
-Naples, bâtie en amphithéâtre sur des hauteurs couronnées de villas et
-de jardins; en face, les îles de Procida et d'Ischia; à droite, le cap
-de Misène, les villes de Baja, de Pozzuoli, le lac d'Averno, des
-campagnes fertiles au delà de toute croyance, en un mot tout ce que la
-nature peut offrir de beau et de diversifié. C'est à travers cette
-même montagne que la grotte de Pausilippe a été taillée pour abréger
-les communications entre les deux golfes, ainsi que l'on perce une
-porte dans une enceinte pour épargner qu'on doive en faire le tour.
-Tous ces lieux sont pleins de souvenirs: la terre de Naples est
-classique comme celle de Rome, et j'éprouve, sur cette terre, des
-sensations différentes à toutes autres. Mon amie, il y a dans mon
-essence un tel éloignement pour les Barbares et pour tout ce qui
-mérite ce nom, que c'est dans cette combinaison que je puis seulement
-trouver l'explication de ce phénomène: ce qui me fait du mal à Naples,
-c'est tout juste ce qui y porte l'empreinte du vandalisme, et il
-serait facile de composer une longue liste de ces objets. Les maisons
-de Naples me désolent. J'aime mieux les architectes de quelque coin en
-Bohême que ceux d'ici et des maisons bâties ainsi qu'elles le sont
-toutes ici--à vingt heures de marche de Rome!
-
- [433] La «collina di Posilipo», le Pausilippe.
-
-Tu me parles de ta promenade à Richmond et de ta campagne. Mon amie,
-je voudrais avoir été dans le premier de ces lieux avec toi, et rester
-avec toi dans le second. Je crois, mon amie, que nous eussions été
-plus heureux l'un et l'autre que toi à Richmond et moi sur le
-Quirinal. Richmond est, au reste, l'un des plus jolis points de la
-terre. J'y ai fait vingt parties dans ma vie, et toujours avec une
-égale satisfaction.
-
-Il y a eu ce soir une espèce de bal chez Mme Bees, Anglaise. Il est
-ici des noms que la bonne compagnie ne connaît pas à Londres, et qui
-dépensent leur ambition en routs[434] et plaisirs de ce genre. Comme
-ce n'est pas le mien, je ne reste jamais qu'une demi-heure au milieu
-de tant de faux luxe et de véritable ennui. Saint-Charles[435] est
-fermé pour notre malheur. Il n'ouvrira que le 9, vu la double neuvaine
-de saint Janvier[436]. Je verrai alors quelques bons opéras que le
-Roi a fait arrêter tout exprès. Je voudrais les entendre à tes côtés.
-Je les trouverais meilleurs même que peut-être ils le seront en fait.
-
- [434] Rout, s. m. (on fait sentir le t, quelques-uns prononcent
- raout). Mot emprunté de l'anglais. Assemblée nombreuse de
- personnes du grand monde (_Dictionnaire de l'Académie française_,
- édition de 1878, t. II, p. 684).
-
- [435] Théâtre San Carlo, le plus grand théâtre de musique de
- Naples.
-
- [436] _Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 205.
-
-
- Ce 30.
-
-Je fais partir le courrier. Tâche, mon amie, de retrouver ou de me
-faire retrouver tes nos 27 et 28. Tu conçois combien ils doivent
-m'intéresser: ce sont tes deux lettres après l'arrivée de Paul. Tu y
-réponds sans doute à ce que je t'ai écrit par lui. Je ne suis pas
-embarrassé de la réponse: je la connais, car je connais ton âme et ton
-cœur. Je n'ai pas moins besoin de m'entendre dire par toi ce que je
-sais comme si je l'avais entendu. Mon amie, quand je veux savoir ce
-que tu penses et ce que tu veux, je n'ai qu'à rentrer en moi-même. Je
-suis sûr de ne pas me tromper.
-
-Tu tiens à ce que la fin de mes lettres soit tendre. Tu es enfant,
-bonne amie, et je ne t'en aime pas moins. Le dernier mot d'une lettre
-n'est que peu de chose; les mots tendres ne sont guère plus. C'est la
-pensée qui domine dans toute la lettre qui est tout, et cette pensée
-ne peut ni se cacher ni se détourner. Elle paraît à travers tout; elle
-pénètre comme la lumière à travers les plus minces espaces. Si tu peux
-douter de la nuance qui domine dans chacune de mes lettres, tu n'es
-guère confiante.
-
-Adieu, mon amie, je voudrais ne jamais te dire ce vilain mot, ou bien
-l'employer comme on le fait ici--car _addio_ se dit aux arrivants et
-ne se dit même qu'à eux. Il équivaut au _How do you do_ des Anglais.
-
-Quand aurai-je le bonheur de faire le premier _shake hand_ avec toi?
-
-Adieu donc, bonne amie à laquelle je dis que je l'aime, non parce
-qu'elle le veut, mais parce que je le sens, comme ma vie elle-même.
-
-
-
-
-CONCLUSION
-
-
-
-
-I
-
-
-Les dernières lettres que l'on vient de lire sont datées de Naples.
-Avec elles s'achève la partie de la correspondance du prince de
-Metternich dont nous avons pu retrouver les originaux.
-
-Le futur chancelier demeura dans la capitale du royaume des
-Deux-Siciles jusqu'à la fin de mai 1819 et revint ensuite à Rome. Vers
-le milieu du mois de juin, il quitta les bords du Tibre pour se rendre
-à Carlsbad, sans passer par Vienne. Le souci de sa santé n'était pas
-la seule cause de ce voyage.
-
-L'Allemagne, déjà depuis quelque temps, était le théâtre de
-manifestations révolutionnaires. Les étudiants s'agitaient dans les
-Universités: Kotzebue venait de tomber sous le poignard de Sand.
-
-Pour rechercher les mesures à opposer au développement de l'esprit
-démocratique, pour renforcer les lois de la Confédération Germanique,
-un échange de vues entre les gouvernements intéressés était devenu
-nécessaire. Les plénipotentiaires devaient se réunir dans la célèbre
-ville d'eaux.
-
-Quelques-unes des lettres retrouvées par M. Ernest Daudet et publiées
-par lui dans la _Revue Hebdomadaire_[437] ont été écrites par le
-prince pendant le trajet de Rome à Carlsbad.
-
- [437] _Revue Hebdomadaire_, 8e année, 1899, no 35, 29 juillet, p.
- 648 et no 36, 4 août, p. 31.--Les lettres publiées par M. Ernest
- Daudet forment ainsi une suite à celles données par nous. Le
- lecteur y retrouvera les mêmes personnages et les mêmes accents.
-
-La première est datée du 13 juillet[438]. La passion du ministre ne
-s'est pas refroidie.
-
- [438] Dans la publication de M. Ernest Daudet (_Revue
- Hebdomadaire_, no 35, p. 662), cette première lettre est datée de
- Vienne. Il y a certainement là une erreur due au scribe de la
- police par lequel fut exécutée la copie que M. Daudet a eue entre
- les mains. Ce scribe a lu Vienne pour Vérone.
-
- En effet, M. de Metternich ne passa pas par Vienne en allant
- d'Italie à Carlsbad. Le 4 juillet, de Florence, il écrivait à sa
- femme. «Je puis aujourd'hui vous fixer sur mon itinéraire, ma
- bonne amie. Je compte partir d'ici samedi prochain, 10 juillet. Je
- serai le 11 à Bologne; le 12 à Vérone; le 13 à Trente; le 14 à
- Brixen; le 15 à Innsbrück; le 16 à Munich; le 17 à Ratisbonne; le
- 18 entre Ratisbonne et Carlsbad. L'Empereur arrivera ici le 7. Il
- serait possible que mon départ fût retardé d'un ou même de deux
- jours.» (_Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 221).
-
- La lettre du 13 juillet, dont nous discutons le lieu d'origine,
- nous apprend qu'effectivement le départ fut retardé, puisqu'il y
- est dit: «J'ai quitté Florence le 11, à 9 heures du soir.»
-
- Enfin, dans une lettre datée de Vérone, 14 juillet, et publiée
- dans ses _Mémoires_ (t. III, p. 222), M. de Metternich écrit: «Je
- suis arrivé ici hier vers 11 heures du matin... Je suis parti de
- Florence le 11 à 9 heures du soir; j'ai été d'un trait jusqu'à
- Bologne... Je suis reparti de Bologne à 7 heures du soir, et
- Vérone a vu mon entrée triomphale hier 13, à 10 heures du matin...
- Je partirai cet après-dîner pour aller tout d'un trait jusqu'à
- Brixen.»
-
- Du 13 juillet 1819, 10 heures du matin, au 14 juillet après-dîner,
- M. de Metternich séjourna donc à Vérone. La lettre du 13 juillet
- publiée par M. Daudet doit donc certainement être datée de cette
- ville, malgré l'erreur de lecture que nous signalons.
-
-«Le ciel sait, écrit-il à Mme de Lieven, que je ne puis pas me
-plaindre d'avoir été délaissé durant ce voyage. Je l'ai fait avec une
-centaine de personnes, ce qui prouve que ce n'est pas le nombre qui
-fait la valeur. Tu peux te vanter que toi seule vaux pour moi le reste
-du monde[439].»
-
- [439] _Revue Hebdomadaire_ du 29 juillet 1899. Ernest DAUDET, _Un
- Roman du prince de Metternich_, p. 662.
-
-Le 18 juillet, il est à Munich, où il trouve deux lettres de son amie
-et des dépêches du prince Paul Esterhazy. «Les premières m'ont bien
-plus intéressé que les secondes, car elles parlent de nous. Les
-secondes m'ont prouvé de nouveau que je ne me trompe guère dans mes
-calculs, ni sur les hommes, ni sur les choses[440].» Il laisse ensuite
-entrevoir à Mme de Lieven les projets dont il va poursuivre la
-réalisation à Carlsbad: «Je crois que tu entendras dans quelque temps,
-même dans peu de temps d'ici, bien des cris contre moi, mais ce sera
-la canaille qui criera, et je regarde ces cris comme autant de
-louanges. Depuis que les coquins assassinent en Allemagne, au nom de
-la vertu et de la patrie, je serai peut-être assassiné, alors tu me
-pleureras et avec toi bien des gens honnêtes qui ne sont pas encore
-entrés en folie[441].»
-
- [440] _Ibid._, p. 664.
-
- [441] _Ibid._, p. 665.
-
-M. de Metternich arrive enfin le 21 juillet à Carlsbad, d'où il lance
-à son amie ce cri d'amour: «Je t'aime à Carlsbad comme au pied du
-Vésuve, et dans les ruines de Pæstum et aux Champs-Elysées[442].»
-
- [442] _Ibid._, p. 666.
-
-Le prince repartit pour Vienne au début de septembre. Les débats
-ouverts en Bohême allaient se continuer sur les rives du Danube entre
-les ministres allemands.
-
-Pendant ce temps, Mme de Lieven était restée en Angleterre. A la suite
-d'un séjour chez Lady Jersey, elle mandait le 3 septembre, à son
-amant:
-
-«Hier au soir encore, en rentrant dans mon appartement à
-Middleton[443], il y avait un clair de lune superbe, je me suis tenue
-quelque temps sur le balcon de ma chambre à coucher. J'ai entendu
-marcher dans la chambre à côté de la mienne, je ne sais lequel de la
-compagnie on m'avait donné pour voisin: tu aurais eu probablement
-cette chambre, si tu étais venu chez Lady Jersey. Tu serais entré dans
-mon balcon, bon ami, nous nous serions dit bien bas quelques douces
-paroles; l'image de ce qui pouvait être m'a persécutée toute la nuit,
-j'ai fermé mon balcon, je me suis couchée, j'ai rêvé, et ce rêve a été
-charmant. Je te voyais, mon ami, nous parlions, nous parlions
-beaucoup, et de crainte qu'on ne nous entendît, tu m'avais prise sur
-tes genoux pour me parler plus bas; mon cher Clément, j'ai senti ton
-cœur battre, je le sentais sous ma main si fort que j'en ai été
-réveillée, c'était le mien qui te répondait[444].»
-
- [443] Chez Lady Jersey.
-
- [444] _Revue Hebdomadaire_ du 4 août 1899. Ernest DAUDET, _Un
- Roman du prince de Metternich_, p. 49.
-
-Six semaines après cette lettre, le 15 octobre 1819, Mme de Lieven
-mettait au monde son fils Georges, dont le roi d'Angleterre voulut
-être le parrain.
-
-M. de Metternich attendait avec impatience la nouvelle du
-rétablissement de la comtesse et, le 22 octobre, lui écrivait: «Bonne
-amie, il est impossible qu'à l'heure qu'il est, tu ne sois pas
-délivrée de ton fardeau... Le 18 janvier étant ton jour de départ, ton
-terme est passé. Tu m'as dit avoir l'habitude de le précéder. Tu ne
-resteras pas en arrière cette fois-ci. Il existe donc au monde un être
-de plus qui a des droits à mon affection... Mon amie, que je sache
-bientôt ce que tu fais, comme tu as fait et quand ton sort a été
-décidé[445].»
-
- [445] _Revue Hebdomadaire_ du 4 août 1899. Ernest DAUDET, _Un
- Roman du prince de Metternich_, p. 34. Le prince de Metternich à
- l'inconnue. Vienne, ce 22 (octobre).
-
-Quelques jours plus tard, le prince dit encore: «Te voici sortie des
-premiers embarras de ta besogne; elle est finie et tu dois te sentir
-légère, en proportion de ce que tu étais lourde auparavant.
-Une grossesse est un moment de plaisir payé bien cher; une couche,
-au contraire, est un moment de douleur racheté par vingt
-jouissances[446].»
-
- [446] _Ibid._, p. 36. Le prince de Metternich à l'inconnue.
- Vienne, ce 2 novembre 1819.
-
-Enfin, le 4 novembre, un mot de Neumann lui a appris l'heureuse
-nouvelle: «Il me dit que tous les tiens étaient au spectacle, pendant
-que tu en augmentais le nombre chez toi... Je te l'avais dit, mon
-amie, que tu accoucherais heureusement; je l'ai voulu ainsi et il
-arrive rarement du mal à mes amis[447].»
-
- [447] _Ibid._, p. 38. Le prince de Metternich à l'inconnue. Ce 4
- (novembre).
-
- A l'occasion de la naissance de son fils, la comtesse de Lieven
- reçut du grand-duc Nicolas la lettre autographe ci-dessous,
- jusqu'à présent inédite, et dont nous devons communication à
- l'obligeance habituelle de M. Noël Charavay. Elle nous a semblé
- pouvoir être publiée ici, pour témoigner de l'estime en laquelle
- sa destinataire était tenue par la famille impériale de Russie.
-
- Saint-Pétersbourg, 21 novembre/3 décembre 1819.
-
- Chère comtesse! Ce n'est que dans ce moment que j'apprends qu'un
- courrier part pour Londres et, quoique très pressé, je ne puis
- résister à l'envie de vous offrir mes plus sincères félicitations
- et mes vœux les plus ardents pour votre prompt rétablissement.
- J'ai été d'autant plus charmé de savoir l'heureux résultat, que je
- vous avoue que je n'étais pas sans inquiétude. Dieu soit loué que
- tout est passé! C'est un bon exemple à suivre et vous avez fait
- merveille.
-
- Je crains manquer l'occasion, car on me presse fort. Ainsi
- veuillez vous rappeler encore quelquefois de moi et croire que je
- ne cesserai de ma vie d'être
-
- Votre tout dévoué et bien attaché,
-
- NICOLAS.
-
- Mille choses à votre mari et à tous ceux qui ne m'oublient pas.
-
-L'année 1819 se termina, au milieu de ces préoccupations de tout
-genre, sans que les deux amants aient pu se rejoindre. Ce bonheur, si
-ardemment désiré, devait encore leur échapper en 1820.
-
-Le prince de Metternich dut consacrer les premiers mois du nouvel an
-aux conférences de Vienne; mais, au moment même où sa politique y
-triomphait, où il s'apprêtait à signer l'acte final, il était
-cruellement frappé.
-
-Une grande douleur venait lui faire oublier pour un instant sa passion
-lointaine. Le 6 mai, il perdait sa fille Clémentine.
-
-Elle était la première de ses enfants qu'il voyait disparaître en
-pleine adolescence. Ses lettres de cette époque expriment une profonde
-douleur: «Elle semblait destinée à un avenir heureux, écrivait-il, par
-ses qualités douces et aimables. C'est une fleur qui s'est effeuillée
-au moment d'éclore, et elle a eu de commun avec les fleurs de ne pas
-résister aux aquilons. Tous les médecins sont d'accord que, sans le
-terrible hiver que nous avons eu, elle vivrait[448].»
-
- [448] Lettre autographe signée, en date de Prague, 5 juin 1820
- (_Lettres autographes composant la collection de M. Alfred
- Bovet._ Paris, Charavay, 1884, in-4º, no 244).
-
-Des excursions en Bohême, à Cobourg, dans ses propriétés de
-Kœnigswart, les soucis que lui causait le soulèvement naissant de
-Naples menèrent M. de Metternich jusqu'au mois de juillet 1820. A ce
-moment, une nouvelle catastrophe l'atteignit. Sa fille aînée, mariée
-au comte Joseph Esterhazy et dont il avait si souvent parlé à Mme de
-Lieven, succombait le 20 juillet au mal mystérieux qui déjà avait
-emporté sa sœur. Il faut écouter le père pleurer: «Je me rue au
-devoir comme le désespéré se rue sur des batteries ennemies; je ne vis
-plus pour sentir, mais pour agir... Comme j'ai aimé cette enfant!
-Elle, de son côté, m'aimait plus qu'un père. Depuis de longues années,
-elle était ma meilleure amie[449].»
-
- [449] _Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 361. Vienne,
- le 25 juillet.
-
-M. de Metternich dut à ce moment se séparer de sa femme et des trois
-enfants qui lui restaient. Tous avaient la poitrine délicate.
-Redoutant pour eux le climat de Vienne, ne pouvant songer à l'Italie
-ni à l'Allemagne, fermées aux siens par leurs crises intérieures, le
-prince envoya sa famille chercher à Paris un ciel moins meurtrier.
-Cette séparation fut pour lui un nouveau calvaire[450].
-
- [450] _Ibid._, t. III, p. 362 et s. Vienne, 28 juillet, 29
- juillet.
-
-Il dut cependant s'arracher à ses larmes, cherchant, selon sa propre
-expression, un refuge dans son devoir[451]. De même que la politique
-d'intervention avait amené les conférences de Carlsbad et de Vienne
-contre l'Allemagne en rébellion, de même elle provoquait celle de
-Troppau contre la révolution napolitaine. A ce congrès succéda celui
-de Laybach, qui tint le prince éloigné de Vienne jusqu'au mois de mai
-1821.
-
- [451] _Ibid._, t. III, p. 362. Vienne, 26 juillet.
-
-Mme de Lieven, de son côté, n'avait pu quitter l'Angleterre pendant
-cette triste année 1820. Il y avait déjà plus de deux ans qu'elle
-n'avait vu son ami. 1821 lui réservait cette grande joie. Le hasard,
-ce dieu des amoureux, allait, au moment où elle s'y attendait le
-moins, opérer la réunion tant désirée et tant attendue.
-
-A l'automne, le nouveau roi d'Angleterre se rendit à Hanovre.
-
-La situation était assez tendue entre la Grande-Bretagne et
-l'Autriche. La première de ces puissances n'avait pas voulu souscrire
-aux protocoles de Troppau et de Laybach, œuvres de la seconde. Mais
-l'une comme l'autre avait intérêt, pour des raisons diverses, à ne
-permettre au tsar, qui avait pris le parti de la Grèce soulevée, de
-profiter de l'occasion pour attaquer l'empire turc.
-
-M. de Metternich vit dans ce voyage de George IV l'occasion favorable
-d'un de ces entretiens directs qui déjà tant de fois lui avaient
-réussi. Précisément le comte de Lieven était en Russie, où il venait
-de conduire ses fils à l'Université de Dorpat. Il était facile de
-l'arrêter à son retour et de réunir ainsi les représentants autorisés
-des trois pays intéressés.
-
-M. de Metternich, élevé depuis peu aux hautes fonctions de chancelier
-de Cour et d'État[452], débarqua le 20 octobre à Hanovre[453] sous le
-prétexte officiel de saluer l'ex-Prince Régent au nom de l'empereur
-d'Autriche.
-
- [452] Le 25 mai 1821 (_Mémoires du prince de Metternich_, t. VII,
- p. 656).
-
- [453] _Gazette d'Augsbourg_ du 2 novembre 1821, no 306, p. 1223.
-
-Le roi--pur hasard, délicate prévenance ou égoïste pensée--avait
-invité Mme de Lieven à profiter de son propre voyage en Allemagne pour
-venir au devant de son mari. La comtesse ne dut pas se faire longtemps
-prier.
-
-Elle arriva presque en même temps que son amant[454]. Quant à M. de
-Lieven, obligé de se détourner de son chemin pour rencontrer le Tsar à
-Vitepsk, il ne la rejoignit que le 28 à 3 heures de l'après-midi[455].
-
- [454] _Gazette d'Augsbourg_ du 2 novembre 1821, no 306, p.
- 1223.--_Archives du ministère des affaires étrangères._ Hanovre,
- Correspondance, vol. 56, fº 322 verso. Le marquis de Moustier au
- baron Pasquier. Hanovre, 21 octobre 1821.
-
- [455] _Archives du ministère des affaires étrangères._ Hanovre,
- Correspondance, vol. 56, fº 350 recto. Le marquis de Moustier au
- baron Pasquier. Hanovre, 28 octobre 1821.
-
-Les deux amoureux durent profiter avec délices de ces huit jours de
-liberté, malgré les obligations mondaines dont ils étaient surchargés.
-
-Le chancelier raconte ainsi sa vie extérieure pendant ces journées:
-«Depuis mon arrivée, je mène une véritable vie de congrès, toute
-remplie par des fêtes de Cour. Les heures que je ne passe pas devant
-la table de la salle des conférences, je les passe à des dîners de
-trois ou quatre heures ou bien à des soirées où l'inconvénient
-d'étouffer est le moindre mal qu'on ait à subir[456].»
-
- [456] _Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 480.
- Hanovre, 25 octobre 1821.
-
-Le 21 octobre, M. de Metternich, après avoir fait le matin ses visites
-aux princes de la famille royale, dînait le soir chez le duc de
-Cambridge avec son amie[457].
-
- [457] _Archives du ministère des affaires étrangères._ Hanovre,
- Correspondance, vol. 56, fº 322 verso. Le marquis de Moustier au
- baron Pasquier. Hanovre, 21 octobre 1821.
-
-Le 28, jour de l'arrivée de M. de Lieven, le Roi invite à sa table le
-marquis de Londonderry (Lord Castlereagh), la marquise de Conyngham,
-l'ambassadeur de Russie à Londres et sa femme, le prince de
-Metternich[458]. Après le dîner, il y eut présentation des dames et
-concert au château. Le ministre de France à Hanovre, le marquis de
-Moustier, nous a laissé le récit de la fête: «Sa Majesté est entrée à
-9 heures dans la salle du concert, donnant le bras aux duchesses de
-Cumberland et de Cambridge.
-
- [458] _Gazette d'Augsbourg_ du 10 novembre 1821, no 314, p. 1255.
-
-«Elle a fait placer, sur le même divan qu'Elle, le prince de
-Metternich et le comte et la comtesse de Lieven. Cette dernière était
-à côté du Roi, prenant ainsi le rang sur la duchesse de Cumberland et
-sur la landgrave de Hesse-Hombourg.
-
-«Après le concert, le Roi est entré dans sa salle du trône, suivi
-seulement par les princes et princesses, la comtesse de Lieven et le
-prince de Metternich. Le comte de Lieven, fort fatigué de son voyage,
-s'était retiré pendant le concert.
-
-«Avant de rentrer dans son appartement, le Roi a pris congé des
-personnes qui l'entouraient. Il a embrassé la comtesse de Lieven en
-lui donnant rendez-vous à Brighton... Après quelques instants
-d'entretien intime avec le prince de Metternich, il l'a embrassé avec
-une extrême affection et à trois reprises différentes, ce qui a été
-d'autant plus remarqué que c'était s'écarter absolument des usages
-d'Angleterre[459].»
-
- [459] _Archives du ministère des affaires étrangères._ Hanovre,
- Correspondance, vol. 56, fº 351 recto. Le marquis de Moustier au
- baron Pasquier. Hanovre, le 29 octobre 1821.
-
-Le lendemain, 29 octobre, George IV quittait Hanovre. M. de Moustier
-note qu'il dîne ce jour-là «en très petit comité chez le comte de
-Munster avec le prince de Metternich et le comte et la comtesse de
-Lieven[460].»
-
- [460] _Archives du ministère des affaires étrangères._ Hanovre,
- Correspondance, vol. 56, fº 352 recto. Le marquis de Moustier au
- baron Pasquier. Hanovre, le 29 octobre 1821.
-
-Le surlendemain, le chancelier d'Autriche, dont le départ avait été
-retardé de vingt-quatre heures, se met en route pour Francfort à 8
-heures «en sortant de dîner avec le comte et la comtesse de Lieven
-chez la duchesse de Cumberland[461].»
-
- [461] _Ibid._, vol 56, fº 361 recto. Le marquis de Moustier au
- baron Pasquier. Hanovre, le 31 octobre 1821.
-
-Comme on le voit, les occasions de se revoir n'avaient pas manqué aux
-deux amants. Et si l'on ajoute à ces entrevues officielles, celles
-plus intimes qu'ils surent se ménager, on peut supposer que,
-vraisemblablement, ni lui ni elle ne regrettèrent le voyage.
-
-De Francfort[462], M. de Metternich s'était rendu au Johannisberg;
-mais, avant de quitter Dorothée, il avait dû combiner une nouvelle
-rencontre avec elle, car il revenait dans la ville précédente le 5
-novembre, le jour même où les Lieven y arrivaient de leur coté[463].
-Le lendemain, tous se trouvaient réunis à la table de M. de Carlovitz,
-envoyé autrichien[464].
-
- [462] Où il arriva le 3 novembre et descendit à l'Hôtel de
- l'Empereur romain (_Moniteur universel_) du vendredi 9 novembre
- 1821, no 313, p. 1529.--_Gazette d'Augsbourg_ du 8 novembre 1821,
- no 312, p. 1246.
-
- [463] _Gazette d'Augsbourg_ du 11 novembre 1821, no 315, p. 1259.
-
- [464] _Ibid._ du 12 novembre 1821, no 316, p. 1363.
-
-Mais le bonheur, cette fois encore, devait être de courte durée: le
-samedi 10 novembre, le chancelier repartait pour Vienne après avoir
-assisté, le jeudi précédent, au splendide dîner offert en son honneur
-par M. Rothschild[465] et, de son côté, l'ambassadeur de Russie
-rejoignait son poste en passant par Paris.
-
- [465] _Moniteur universel_ du lundi 19 novembre 1821, no 323, p.
- 1569.
-
-M. de Metternich et Mme de Lieven devaient attendre une année entière
-une nouvelle occasion de se retrouver. Celle-ci leur fut fournie par
-le congrès de Vérone, le plus important de cette période, celui qui
-véritablement marque l'apogée de la carrière du chancelier.
-
-Ce dernier arriva à Vérone le 13 octobre 1822[466] et les travaux
-commencèrent immédiatement. Le comte de Nesselrode était le
-représentant en titre de la Russie, mais il était entouré de ministres
-dont le rôle était de traiter certains points spéciaux. Parmi ces
-derniers se trouvait M. de Lieven chargé, comme M. de Tatistcheff, de
-régler, avec l'Autriche et l'Angleterre, les questions soulevées par
-le différend turco-russe.
-
- [466] _Gazette d'Augsbourg_ du 26 octobre 1822, no 299, p. 1195.
-
-Sous ces diplomatiques auspices, le prince et sa fidèle amie se
-rejoignirent avec joie. De part et d'autre, leur correspondance porte
-la trace de leur félicité.
-
-«La princesse[467] de Lieven est ici ma seule ressource en fait de
-société, écrivait le chancelier le 12 novembre, je passe presque
-toutes les soirées chez elle et la plupart des membres du Congrès
-suivent en cela mon exemple. Le noyau de la société qui se réunit chez
-elle est formé par le duc de Wellington, Ruffo (plénipotentiaire
-napolitain), Caraman (plénipotentiaire français), Bernstorff
-(plénipotentiaire prussien) etc., etc.; c'est-à-dire, en d'autres
-termes, que le salon de la princesse de Lieven à Vérone ressemble à
-notre salon de Vienne[468].»
-
- [467] _Sic._ Si les éditeurs des Mémoires de M. de Metternich ont
- ici respecté le texte original du chancelier, celui-ci commet un
- singulier anachronisme, car les Lieven ne reçurent le titre de
- prince qu'en 1826.
-
- [468] _Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 560. Vérone,
- 12 novembre (sans nom de destinataire).
-
-De son côté, l'ambassadrice disait à son frère: «Tous les soirs le
-Congrès se réunit chez moi; le comte Nesselrode et le prince
-Metternich m'ont demandé cela comme nécessaire pour eux, et j'y trouve
-tous les avantages, parce que cela me vaut la société quotidienne des
-personnes les plus remarquables par le rôle qu'elles jouent en Europe
-et par leur agrément personnel.
-
-«Je connaissais beaucoup déjà ce prince de Metternich par diverses
-rencontres que nous avions eues; ici, je me suis beaucoup liée
-d'amitié avec lui[469]».
-
- [469] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 120, et _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her
- residence in London_, p. 59. Vérone, 1er décembre.
-
-Il nous semble que ce n'était pas _ici_ seulement qu'elle s'était liée
-avec le ministre autrichien. D'autre part, le mot d'amitié est
-peut-être un peu faible pour tout ce qu'il voulait dire. Cependant,
-par cet euphémisme, Mme de Lieven avouait pour la première fois à sa
-famille cette relation qui, depuis si longtemps, la charmait.
-Peut-être avait-elle peur de voir les siens apprendre son intimité par
-une autre voie. On jasait en effet sur elle. Mme de Nesselrode raconte
-que les diplomates russes médisaient volontiers de leur compatriote
-et la tenaient à l'écart. La raison de cette attitude était l'intrigue
-que l'on lui soupçonnait avec M. de Metternich[470].
-
- [470] _Lettres et papiers du chancelier comte de Nesselrode_, t.
- VI, p. 142.
-
-Contre cette rumeur, dont Chateaubriand se fera plus tard l'écho,
-l'ambassadrice tentait de se défendre: «Je suis fâchée de rencontrer
-dans les gens qui devraient être le mieux avec moi précisément tout
-l'éloignement qu'on porterait à un ennemi. Parce que j'ai passé dix
-ans en Angleterre, on me croit Anglaise, et parce que je vois tous les
-jours le prince de Metternich, Autrichienne[471].»
-
- [471] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 120, et _Letters of Dorothea, princess Lieven_, p. 59.
-
-La malveillance dont elle se sent l'objet n'empêche cependant pas Mme
-de Lieven de penser à un projet dont la réalisation aurait comblé tous
-ses vœux. Dès les premiers mois de la liaison, M. de Metternich avait
-eu l'idée de solliciter pour son mari le poste d'ambassadeur à Vienne.
-Dans les lettres publiées plus haut, il y revient à plusieurs
-reprises. L'emploi était alors rempli par le comte Golovkine, rendu
-quelque peu ridicule jadis par l'échec de sa mission en Chine, et dont
-le prince détestait l'insupportable verbiage.
-
-Madame de Lieven était entrée avec ardeur dans les vues de son ami et
-avait tenté, dès 1819, de gagner Capo d'Istria à sa cause: «Capo a le
-jugement assez correct pour avoir apprécié les bonnes qualités de mon
-mari, écrivait-elle. Nous parlions un jour de G... Capo me dit: «Et
-c'est cet homme-là qu'on met en face de M...!» Je lui ai répondu à
-cela: «Comme vous ne trouverez pas à lui envoyer un homme d'assez
-d'esprit pour en avoir autant que lui, envoyez-lui seulement un
-honnête homme, vous vous en trouverez mieux[472].»
-
-L'honnête candidat de l'esprit duquel on n'avait que faire était M. de
-Lieven, mais cette façon de demander une place était vraiment d'une
-jolie perfidie.
-
-En tout cas, Capo ne voulut pas comprendre. Nesselrode n'y mit guère
-plus de bonne volonté. En janvier 1822, le remplacement de Golovkine
-fut agité de nouveau, mais non dans le sens désiré: «Le pauvre petit
-Nesselrode, écrit M. de Metternich, veut m'envoyer à Vienne
-Strogonoff, à la place de Golovkine; il croit qu'un homme aimable
-serait utile auprès de moi. Comme il me connaît mal![473].»
-
-Cette fois encore, le gouvernement du tsar s'obstina à ne pas saisir
-ce qu'on lui demandait et, à Vérone, les deux amants durent étudier de
-nouveau la question.
-
-L'ambassadrice n'avait pas abandonné tout espoir, et elle laisse
-percer ses sentiments dans une lettre à son frère: «Nous retournons (à
-Londres), dit-elle, je ne sais pour combien de temps encore. Il y a
-dix ans que nous y sommes, c'est long, et j'ai bien répété au comte
-Nesselrode qu'il nous obligerait de songer à nous donner une autre
-place, lorsque la convenance du service pourra se rencontrer. Le choix
-n'est pas grand, il est vrai, parce qu'il roule sur Paris et Vienne.
-Cette dernière place va être donnée comme ambassade à Tatistcheff;
-c'est un homme de beaucoup d'esprit; quant à Pozzo, il fait bien sa
-besogne à Paris[474].»
-
- [472] _Revue Hebdomadaire_ du 4 août 1899. Ernest DAUDET, _Un
- Roman du prince de Metternich_, p. 51. La comtesse de Lieven à M.
- de Metternich. Dimanche, le 5 (septembre 1819).
-
- [473] _Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 532. Le
- prince de Metternich à..... (sans nom de destinataire), 23
- janvier (1822).
-
- [474] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 121 et _Letters of Dorothea, princess Lieven_, p. 60. La
- comtesse de Lieven à son frère, 7 décembre 1822.
-
-Quand elle écrivait cette lettre, Mme de Lieven en disait plus ou
-moins qu'elle ne pensait et, sans doute, espérait que le nom prononcé
-pour Vienne ne l'était pas à titre définitif.
-
-M. de Tatistcheff, en effet, ne fut pas pourvu de cette ambassade. Il
-fut simplement chargé d'une mission confidentielle auprès du
-chancelier, mais, pour des raisons que nous ignorons, M. de Lieven
-n'obtint jamais le poste tant convoité.
-
-M. de Metternich quitta Vérone le 16 décembre[475]. M. et Mme de
-Lieven s'en éloignèrent vers la même époque: dès le 4 janvier 1823,
-ils sont à Londres, installés dans le nouvel hôtel de l'ambassade,
-Ashburnham House[476], et le comte a, trois jours plus tard, une
-entrevue avec M. de Marcellus[477].
-
- [475] _Mémoires du prince de Metternich_, t. III, p. 560. Venise,
- le 16 décembre.
-
- [476] _Letters of Dorothea, princess Lieven_, p. 64.--Jusque-là,
- l'hôtel de l'ambassade se trouvait dans Harley Street, près de
- Cavendish Square. Le nouvel hôtel, Ashburnham House, situé Dover
- Street, était beaucoup plus vaste et plus somptueux que l'ancien.
-
- [477] _Archives du ministère des affaires étrangères._
- Angleterre, Correspondance, vol. 616, fº 18. M. de Marcellus à M.
- de Chateaubriand, 7 janvier 1823.
-
-A partir de ce moment on ne trouve plus de traces de réunion du
-chancelier d'Autriche et de son amie jusqu'en l'année 1848, pendant
-laquelle ils se retrouveront à Brighton.
-
-Cependant, Mme de Lieven vint passer sur le continent, à Rome, l'hiver
-1823-1824. Son mari nous apprend les causes de ce déplacement dans
-une lettre à Nesselrode du 11/23 septembre 1823: «Je suis à la veille
-d'une longue et douloureuse séparation d'avec ma femme. Depuis huit
-mois elle est souffrante. Crichton ne lui promet de guérison qu'au
-moyen d'un beau climat, et ne veut absolument pas qu'elle risque de
-passer l'hiver prochain en Angleterre. Sa santé doit être en première
-ligne pour moi, et nous nous résignons en conséquence à un sacrifice
-bien pénible pour tous les deux. Je vais rester dans un isolement
-complet. Si, comme je l'espère, sa santé se remet, elle se rendra à
-l'entrée du printemps prochain pour une couple de mois en Russie, où
-l'établissement de mes fils exige la présence de l'un de nous deux. Le
-plus indépendant doit s'y rendre, et voilà pourquoi elle va chercher
-des jambes en Italie[478].»
-
- [478] Theodor SCHIEMANN, _Geschichte Russlands unter Kaiser
- Nikolaus I_. Berlin, Georg Reimer, 1904, t. I, p. 587. Lieven à
- Nesselrode, 11/23 septembre 1823.
-
-La santé de la comtesse s'améliora rapidement sous le ciel de la Ville
-Éternelle. Dès le 21 novembre/3 décembre 1823, son mari écrit encore à
-Nesselrode: «Le climat d'Italie a opéré des prodiges sur sa
-constitution; elle a éprouvé une amélioration si sensible et si
-soudaine, que j'ose me flatter de voir sa guérison complète au
-printemps prochain»[479].
-
- [479] _Ibid._, t. I, p. 588. Lieven à Nesselrode, Londres, 21
- novembre/3 décembre 1823.
-
-Deux mois plus tard, ces bonnes nouvelles sont confirmées: «Le climat
-de l'Italie continue à exercer les effets les plus salutaires sur
-l'état de santé de ma femme, et sa guérison complète peut être
-anticipée dans peu de semaines. Elle sera de retour ici au
-commencement d'avril[480].»
-
- [480] Théodor SCHIEMANN, _Geschichte Russlands unter Kaiser
- Nikolaus I_, t. I, p. 590. Lieven à Nesselrode. Londres, 10/22
- janvier 1824.
-
-Elle renonça sans doute à revenir par la Russie. Son fils Paul partit
-seul en effet pour le continent le 17 novembre 1824[481].
-
- [481] _Ibid._, t. I, p. 596. Lieven à Nesselrode. Londres, 5/17
- novembre 1824.
-
-Dorothée rencontra-t-elle Clément, à l'aller ou au retour de son
-voyage à Rome[482]? Aucun document ne le laisse supposer. Le prince,
-en se rendant à Czernovitz pour assister à l'entrevue des empereurs de
-Russie et d'Autriche, tomba assez gravement malade à Lemberg. Il
-rentra seulement en novembre à Vienne[483] et ne quitta plus cette
-ville jusqu'au mois de juin 1824[484].
-
- [482] C'est à Rome que Mme de Lieven fit la connaissance de Mme
- Apponyi. Dans une lettre à M. de Fontenay dont nous avons déjà
- donné un extrait, cette dernière dit en parlant de l'amie de M.
- de Metternich: «Elle est aimable avec nous et passe pour un peu
- fière, du reste.» Lettre autographe signée à M. de Fontenay,
- Rome, 9 janvier 1824 (_Catalogue de la maison veuve Gabriel
- Charavay_, no 263).
-
- Il avait été question d'un voyage de l'empereur d'Autriche et de
- Metternich en Italie au printemps de 1824. Ce dernier devait
- arriver à Milan dans les premiers jours d'avril (_Mémoires du
- prince de Metternich_, t. IV, p. 91).--Au début de mars, ce voyage
- fut remis: «Des raisons sérieuses l'ont fait ajourner. L'une
- d'entre elles, c'est que nous sommes si complètement d'accord avec
- Saint-Pétersbourg que ce serait une maladresse d'augmenter encore
- la distance qui nous sépare et de ralentir ainsi notre
- correspondance.» (_Mémoires du prince de Metternich_, t. IV, p.
- 93).
-
- [483] _Mémoires du prince de Metternich_, t. IV, p. 25--«25
- novembre..... Mon poumon est encore bien malade; s'il n'était pas
- si robuste, il me jouerait en ce moment un vilain tour.»
-
- [484] La lettre datée du 11 janvier 1824 (_Mémoires du prince de
- Metternich_, t. IV, p. 89) sans nom de destinataire, était
- peut-être adressée à Mme de Lieven.
-
-L'année 1825 ne fut pas, sans doute, plus propice aux deux amants.
-
-En février, Mme de Lieven mettait au monde, à Londres, son dernier
-fils, Arthur[485]. Quelques mois après, elle partait pour la Russie,
-en passant par Varsovie[486]. Elle était de retour en Angleterre à la
-fin de septembre[487].
-
-De son côté, M. de Metternich était venu en France dans le courant de
-mars. Une triste circonstance l'y avait appelé. Depuis de longs jours,
-il éprouvait de vives inquiétudes au sujet de la santé de sa femme, la
-princesse Éléonore, installée à Paris avec ses trois enfants
-survivants. Le même mal, qui avait déjà emporté deux de ses filles,
-minait la mère. Elle mourut le 19 mars 1825. Son mari était auprès
-d'elle depuis le 14. Le 21, après une messe basse en l'église de
-l'Assomption, le corps était transporté jusqu'à la barrière de Pantin;
-là, il était placé dans une berline qui partait de suite pour
-Mayence[488].
-
- [485] _Geschichte Russlands unter Kaiser Nikolaus I_, t. I, p.
- 604. Lieven à Nesselrode. Londres, 31 janvier/12 février 1825.
-
- [486] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London_, p. 76. Londres 2/14 mars 1825.
-
- [487] _Geschichte Russlands unter Kaiser Nikolaus I_, t. I, p.
- 613. Lieven à Nesselrode. Londres, 23 septembre/5 octobre 1825.
-
- [488] _Moniteur universel_ du mardi 22 mars 1825, no 81, p. 418.
-
-Le prince de Metternich quitta Paris le 18 avril avec son fils Victor
-pour rejoindre l'empereur François en Italie. Il avait refusé de se
-rendre à Londres, malgré l'invitation du roi d'Angleterre: la tension
-des rapports entre les deux Cours avait été cause de ce refus
-inévitable.
-
-Nul indice, dans les déplacements ultérieurs du chancelier, ne nous
-révèle la possibilité d'une rencontre de nos deux personnages.
-D'ailleurs, il existait dès lors un refroidissement marqué dans leur
-mutuelle sympathie, car, dès le retour de sa femme, M. de Lieven, si
-souvent influencé par elle, commençait à se plaindre de son rival. Il
-était même assez acerbe: «Il faut convenir, écrivait-il, le 5 octobre
-1825, que le prince de Metternich, avec tout son talent, a fait depuis
-quelque temps les pas de clerc les plus inconcevables; ses gasconnades
-déplacées lui valent aujourd'hui une nouvelle admonition de M.
-Canning, piquante pour un homme tout cousu de vanité comme l'est M. de
-Metternich[489]»
-
- [489] Theodor SCHIEMANN, _Geschichte Russlands unter Kaiser
- Nikolaus I_, t. I, p. 613. Lieven à Nesselrode. Londres, le 23
- septembre/5 octobre 1825.
-
-Si ces mots ont été inspirés par la comtesse, faut-il en conclure que,
-sur ses yeux, le bandeau de l'amour était déjà en partie déchiré?
-Depuis trois ans, les amants de Spa n'avaient pu se rejoindre. Sans
-doute un prétexte seul manquait pour la rupture.
-
-Quand donc et pourquoi cette rupture se produisit-elle?
-
-A défaut de documents, on est obligé de procéder ici par induction.
-
-L'échange des lettres durait encore en août 1824. A cette époque, Mme
-de Lieven écrivait à Mme Apponyi, dont le mari venait d'être nommé
-ambassadeur d'Autriche près la Cour de Saint-James: «Je vois par ce
-que me dit le prince de Metternich que votre arrivée en Angleterre est
-différée jusqu'au printemps[490].»
-
- [490] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 126.
-
-Ce même échange n'avait pas cessé à la fin de 1825. A la date du 19
-novembre/1er décembre 1828, Dorothée disait à son frère: «Quel
-anniversaire c'est aujourd'hui! Je me rappelle ce que m'écrivait le
-prince de Metternich le jour où la nouvelle de la mort de l'Empereur
-Alexandre lui parvint: «Le roman est fini, nous entrons dans
-l'histoire[491].»
-
- [491] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London_, p. 166.--Comparer cette phrase à ce que dit M. de
- Metternich dans une lettre à Ottenfels, Vienne, le 18 décembre
- 1825. Il s'agit du grand-duc Constantin que le chancelier
- s'attendait à voir devenir Tsar. Il «a beaucoup d'esprit, un
- cœur droit plein de noblesse, les principes politiques les plus
- corrects; souvent peu d'accord avec la pente d'idées sentimentale
- et romanesque de son auguste frère... Ou je me trompe fort, ou
- bien l'_histoire_ de Russie va commencer là où vient de finir le
- _roman_.» (_Mémoires du prince de Metternich_, t. IV, p. 258).
-
-Le tsar était mort le 1er décembre 1825 et la nouvelle en était
-arrivée à Vienne dans la nuit du 13 au 14, à minuit[492].
-
- [492] _Mémoires du prince de Metternich_, t. IV, p. 205.
-
-C'est là la dernière trace que nous ayons pu trouver de la
-correspondance du chancelier et de l'ambassadrice. Cette
-correspondance dut cesser dans le courant de l'année 1826.
-
-A l'appui de cette hypothèse, nous apporterons tout d'abord une
-indication qui nous paraît avoir sa valeur.
-
-Les lettres possédées par nous ont été reliées en deux volumes. L'un
-comprend les missives écrites en 1819, l'autre, celles datées des
-quatre premiers mois de 1820. Ces deux volumes constituaient le
-commencement de la série. Or, au dos de l'un et de l'autre, une main,
-qui avait peut-être tenu l'ensemble de cette série, a tracé ces mots:
-_Correspondance intime du prince de Metternich, 1819-1826_.
-
-Mais il y a mieux: dès les premiers mois de 1827, dans ses lettres à
-Lord Grey, Mme de Lieven devient agressive vis-à-vis de M. de
-Metternich. Comme on le verra plus loin, il n'est plus de défaut dont
-elle ne l'accuse. De son côté, l'amour était mort.
-
-Il devait en être de même du côté du prince.
-
-En 1827, celui-ci se remariait. Le 5 novembre, il épousait la baronne
-Marie-Antoinette de Leykam, que l'Empereur créait à cette occasion
-comtesse de Bielstein: mariage d'inclination qui n'alla pas sans
-quelque bruit.
-
-La nouvelle épouse appartenait à une famille d'origine très modeste,
-issue d'un cocher de Wetzlar. Son grand-père, référendaire à la
-chancellerie d'Empire, avait reçu le titre de baron. Son père s'était
-marié à Naples et, au sujet de cette union, quelques anecdotes sur lui
-et sur sa femme, assez désagréables pour eux, couraient dans la
-société de Vienne.
-
-Quant à la jeune fille, elle était d'une délicieuse beauté[493]. M. de
-Metternich, très épris, ne tint nul compte des commérages de la Cour;
-peut-être même les brava-t-il.
-
- [493] Joseph VON HORMAYR, _Kaiser Franz und Metternich_, ein
- nachgelassenes Fragment. Berlin, 1848, in-8o, p. 38.
-
-«Il est heureux pour mon sort à venir, écrivait-il à la comtesse
-Zichy, que de bien indignes propos aient tracé la route que j'avais à
-suivre; elle ne contrarie ni les affections de mon cœur ni le premier
-besoin de ma vie privée: un intérieur[494].»
-
-Ce mariage excita le dépit de Mme de Lieven. Elle écrivit à son frère
-que le chancelier se conduisait comme un niais, et elle répéta avec
-joie un mot de Mme de Coigny: «Le chevalier de la Sainte-Alliance a
-maintenant fini par une mésalliance[495].»
-
- [494] _Mémoires du prince de Metternich_, t. IV, p. 345.
-
- [495] _Correspondence of princess Lieven and Earl Grey_,
- 1824-1841, edited by Guy Le Strange. Londres, Bentley, 1890,
- in-8o, t. I, p. 73. Londres, 19 novembre 1827.
-
-Quelques mois plus tard, la seconde princesse de Metternich
-disparaissait, laissant un fils nouveau-né, qui fut l'ambassadeur
-d'Autriche à Paris sous Napoléon III[496]. Nous avons retrouvé une
-lettre inédite où le prince, dans l'accablement de ce deuil, peint
-lui-même à une correspondante inconnue l'état de son cœur au moment
-où il conduisait la baronne de Leykam à l'autel. Dans ce cœur, il n'y
-avait plus de place, dès lors, pour Mme de Lieven.
-
- [496] La seconde princesse de Metternich mourut le 17 janvier
- 1829. Son fils, le prince Richard, était né le 7 janvier
- précédent.
-
-
- «Vienne, ce 25 février 1829.
-
-«Je vous remercie du fond de mon cœur de vos deux dernières lettres,
-et bien particulièrement de celle du 7 de ce mois. Je suis si sûr de
-la part que vous prenez à mon extrême douleur, que je me sens à l'aise
-avec vous.
-
-«Oui, mon amie, j'ai éprouvé le plus grand malheur qui pouvait m'être
-réservé! J'ai perdu plus que la moitié de mon existence. Mon
-intérieur, mon bonheur domestique, cette partie de ma vie _qui
-m'appartenait_ et qui m'aidait à supporter l'autre qui n'est pas ma
-propriété--tout a péri en moi et autour de moi.
-
-«Vous savez que je n'appartiens pas à cette classe d'êtres qui vivent
-de ce qui fait le charme des hommes du monde. Le monde n'a jamais été
-qu'un élément très secondaire de mon existence. J'ai eu les dehors de
-ce que vulgairement on désigne par _homme du monde_; mon esprit, mon
-cœur, mes plus douces affections ne portent pas sur ce terrain. Des
-pertes affreuses se sont succédées, et elles ont toutes dévasté mon
-existence véritable. Le sentiment de cette solitude que je hais
-s'était emparé de mon âme; je me suis senti le besoin absolu d'en
-sortir. Calme dans mes calculs et observateur impartial, j'ai cherché
-longtemps avant de fixer mon choix. Ce que je voulais, ce fût un être
-qui à jamais m'appartiendrait exclusivement et qui me dispenserait de
-tout souci et surtout de toute espèce de surveillance; une jeune
-personne qui jamais n'aurait la moindre prétention au rôle de mère de
-mes filles, mais bien simplement celle d'être leur sœur aînée, de
-leur prêcher d'exemple, de les consoler le plus possible dans leur
-abandon. Je voulais de plus que cet être me fût connu comme renfermant
-toutes les garanties d'un caractère doux, égal; je voulais enfin que
-mon cœur puisse lui appartenir en entier.
-
-«Cet être, je l'avais trouvé. Seule et sans famille le jour où elle
-entrerait dans la mienne, belle comme un ange et ange par toutes ses
-qualités, habituée dès sa tendre jeunesse à me regarder comme le
-meilleur et comme le plus sûr ami;--enfin réunissant tout ce que
-jamais j'aurais pu désirer,--cet être que j'avais trouvé, la mort me
-l'a arraché après quatorze mois de bonheur! Ma vie s'est éteinte avec
-la sienne.
-
-«Je vous aurais écrit après mon malheur, mais les forces m'ont manqué.
-Je me suis jeté dans les affaires publiques comme le meurtrier dans
-une forêt. Six semaines sont maintenant écoulées; je ne sais
-pas mesurer cet espace de temps; il se présente à ma pensée
-indifféremment comme autant d'années et comme autant d'instants.
-
-«Mais le sacrifice est fait; il est sans retour ni remède. Le
-sentiment public m'a fait du bien; je n'en ai jamais vu un qui aurait
-été ni plus universel ni moins emprunté.
-
-«J'ai pris cette expression d'un bon sentiment comme un hommage à
-celle qui n'est plus.
-
-«Plus je suis plaint et plus je dois avoir perdu.
-
-«Voici une lettre pour C. La pauvre enfant pleure certainement de ces
-larmes qui, seules, sont dignes de son cœur.
-
-«Adieu, ma chère amie.--M.[497]».
-
- [497] Collection particulière. Lettre autographe signée M.
-
-De cette lettre ressort un incontestable accent de sincérité. Si M. de
-Metternich n'avait donné, par ailleurs, la preuve de la profondeur de
-son amour pour la belle Antoinette de Leykam, elle suffirait à
-témoigner en sa faveur. Il n'est donc pas téméraire de penser que Mme
-de Lieven était alors oubliée.
-
-Est-il nécessaire de rechercher les causes qui détachèrent l'un de
-l'autre le prince et son amie?
-
-Sans doute, la lassitude, puisque leur amour pouvait si rarement
-reprendre un élan nouveau dans une réunion, même momentanée, fut pour
-beaucoup dans l'attiédissement de la réciproque passion.
-
-Mais la principale cause de la désaffection commune dut être le
-changement survenu dans le caractère et l'esprit de Mme de Lieven.
-
-Jusqu'en 1819, l'action personnelle de cette dernière avait été assez
-réservée; mais, à partir de ce moment, elle se jeta à corps perdu
-dans la politique. Non seulement elle prit une part de plus en plus
-active à la direction de l'ambassade, mais, pour mieux servir les
-intérêts de sa nation, elle se mêla, presque ouvertement, à la lutte
-des partis.
-
-Elle écrivait alors régulièrement à l'Impératrice; ses lettres étaient
-très appréciées à la cour de Saint-Pétersbourg et le comte de
-Nesselrode faisait grand cas de ses renseignements.
-
-Pour satisfaire les vues de son gouvernement, elle chercha plus d'une
-fois à peser sur les ministres anglais qui se succédaient à la
-direction des affaires. Ceux-ci ne furent pas longtemps sans se
-plaindre de ses intrigues.
-
-M. Lionel G. Robinson résume ainsi cette période de la vie de
-Dorothée: «Son goût aussi bien que son devoir--car on peut supposer
-qu'elle était l'esprit directeur de l'ambassade de Russie à
-Londres,--l'amena à cultiver la bonne grâce de ceux qui étaient les
-plus capables de favoriser les intérêts qu'elle désirait servir. C'est
-ainsi qu'elle noua des relations cordiales avec Wellington et Canning,
-Aberdeen et Palmerston, Peel et le comte Grey, et ce n'est pas la
-caractéristique la moins intéressante de ses lettres que la place
-occupée dans son estime par chaque homme d'État suivant qu'il s'élève
-au pouvoir ou en position, ou qu'il en tombe[498].»
-
- [498] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London._ Biographical notice, p. VIII et IX.
-
-Ces hommes d'État lui conservaient parfois rancune de ses variations,
-et Wellington dira d'elle: «Elle peut et veut trahir chacun à son
-tour, si cela convient à ses desseins[499].»
-
- [499] _Private Correspondence of Thomas Raikes with the Duke of
- Wellington and other distinguished contemporaries_, edited by his
- daughter Harriet Raikes. In-8o, Londres, Richard Bentley, 1861,
- p. 215.--Wellington à T. Raikes, Strathfieldsaye, 23 décembre
- 1840.
-
-Il ne faut cependant pas exagérer. Russe, Mme de Lieven était restée
-très Russe, obstinément attachée à son pays, passionnément dévouée à
-ses souverains. Élevée, par la médiocrité de son mari, à un rôle de
-premier plan, elle apportait évidemment dans ses fonctions officieuses
-la fougue, l'impressionnabilité et la passion de son sexe.
-
-Comme son activité s'exerçait, non dans le calme du cabinet d'un
-représentant de grande puissance, mais sur le terrain plus libre et
-plus agité des salons, ses relations personnelles se ressentaient de
-l'ardeur avec laquelle elle jouait son rôle et l'on s'explique dès
-lors la versatilité de ses amitiés.
-
-Celle-ci n'est pas niable: elle courtisa beaucoup Wellington, puis le
-vilipenda au point que le vainqueur de Waterloo, agacé, songea à la
-faire rappeler et qu'il ne s'abstint que par orgueil: «C'est peut-être
-de la vanité de ma part, écrivait-il à Lord Heytesbury, de penser que
-je suis trop fort pour le prince et la princesse de Lieven, et de
-préférer souffrir un faible inconvénient, plutôt que de faire une
-démarche qui pourrait nécessiter de moi quelque explication[500].»
-
- [500] _Despatches, correspondence and memoranda of field marshal
- Arthur, duke of Wellington_, edited by his son the duke of
- Wellington (In continuation of the former series). 8 vol. in-8º,
- Londres, John Murray, 1867-1880, t. VI, p. 145.--Wellington à
- Lord Heytesbury, Londres, 8 septembre 1828.
-
-Elle «fit» Lord Palmerston, selon le mot de Lord Chelmsford, puis se
-retourna contre lui. Elle détesta d'abord Lord Aberdeen, dont, plus
-tard, elle devait faire l'un de ses intimes.
-
-Tous ces brusques changements trouvent leur explication dans les
-attitudes diverses prises par ces personnages vis-à-vis de la Russie.
-
-Les lettres de Mme de Lieven à Lord Grey sont le témoignage le plus
-frappant de cette prédominance de son zèle professionnel sur ses
-sentiments propres. Une longue et sincère affection l'unissait à ce
-noble caractère, alors que celui-ci était encore dans l'opposition.
-Elle survécut avec peine à la règle de conduite qu'il dut adopter au
-pouvoir. On trouve, dans leur correspondance, des mises en demeure
-très vives de la comtesse, relevées avec hauteur par son ami. Si ces
-incartades ne les brouillèrent pas, c'est que l'indulgent vieillard
-comprenait mieux que ses collègues ce caractère d'enfant gâté de la
-diplomatie.
-
-M. de Metternich subit le premier les effets de cette disposition
-d'esprit.
-
-Tant que l'Autriche et Saint-Pétersbourg marchèrent d'accord, ou à peu
-près, aucun nuage ne pouvait s'élever entre l'ambassadrice et le
-chancelier. Le plus grand souci de ce dernier, pendant longtemps, fut
-de maintenir le fantasque Alexandre dans le sillage de ses
-conceptions. Pour atteindre ce but, il trouva sans doute un allié
-précieux en Mme de Lieven.
-
-Mais les divergences d'intérêts devaient inévitablement amener, un
-jour ou l'autre, des difficultés entre les deux nations. La crise,
-longtemps retardée par la dextérité du prince de Metternich, éclata
-précisément dans les derniers jours du règne d'Alexandre[501], et,
-prit un caractère aigu après l'avènement de Nicolas.
-
- [501] «1er octobre [1825].--On paraît très monté contre moi à
- Saint-Pétersbourg, et cela est tout naturel. Si les vagues de la
- mer étaient animées de sentiments humains, on pourrait très bien
- s'expliquer leur antipathie pour le corps solide contre lequel
- elles viennent se briser.» (_Mémoires du prince de Metternich_,
- t. IV, p. 199. Lettre du prince à un destinataire inconnu.)
-
-La question de l'indépendance hellénique, les querelles toujours
-pendantes de la Russie et du sultan, les entraves mises par Vienne et
-l'Angleterre à l'exécution des vues du tsar, les intrigues de Capo
-d'Istria, les menées de Canning, l'intervention des troupes
-égyptiennes et les espoirs qu'elle fit naître vinrent, tour à tour,
-envenimer les choses jusqu'aux conférences de 1826.
-
-Le nuage qui assombrit l'Europe à ce moment dut avoir son reflet sur
-les sentiments de Mme de Lieven à l'égard de M. de Metternich.
-
-Leur amour, devenu à la longue une alliance diplomatique, ne put
-vraisemblablement résister aux déceptions de la question d'Orient. On
-peut supposer que leurs dernières lettres s'achevèrent sur des mots
-aigres.
-
-Il ne faut sans doute pas chercher ailleurs la cause de leur rupture:
-leur liaison ne pouvait plus satisfaire ni leurs sens ni leur
-politique.
-
-
-
-
-II
-
-
-Un misanthrope a dit que l'amour n'était que le commencement de la
-haine.
-
-Si l'amour de Mme de Lieven pour M. de Metternich avait été ardent,
-sa haine fut tenace--peut-être parce que son dépit avait été profond.
-
-Après la rupture de sa liaison avec le prince, la comtesse ne parle
-plus de ce dernier qu'en termes amers, presque constamment violents,
-souvent immérités.
-
-A défaut de sa dignité, tant de souvenirs communs auraient dû
-cependant protéger le chancelier contre ses attaques.
-
-Dès le 13 juillet 1827, à propos du traité par lequel la France, la
-Russie et l'Angleterre s'étaient engagées à imposer leur médiation au
-sultan, Dorothée écrivait à son frère: «Les intrigues autrichiennes
-ont amené M. de Metternich plus loin qu'il ne pensait, dans une belle
-situation. Tant mieux[502]!»
-
- [502] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London_, p. 103. Londres, 1/13 juillet 1827.
-
-Le 20 octobre, son ancien amant ayant refusé de s'associer à l'action
-combinée des trois puissances, elle est encore plus vive: «Pour ma
-part, j'en suis venue à croire que Metternich, l'homme d'habileté, est
-mort, car il n'y en a pas trace dans sa présente conduite. C'est
-quelque usurpateur de son nom qui a cherché querelle à tout le monde,
-qui persiste obstinément dans toutes les erreurs politiques que sa
-vanité a provoquées, qui, juste en ce moment, a offensé le roi
-d'Angleterre (jusqu'alors son admirateur) dans l'affaire du duc de
-Brunswick[503] et qui, pour couronner ses erreurs, à l'âge de soixante
-ans, agit comme un niais[504].»
-
- [503] M. de Metternich, pour éviter que la querelle pendante
- entre le duc et ses sujets ne vînt devant la Diète, avait fait
- des ouvertures amicales aux deux parties.
-
- [504] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London_, p. 106. Richmond, 8/20 octobre 1827.--Le dernier
- membre de phrase fait allusion au mariage de M. de Metternich
- avec Mlle de Leykam. Le chancelier n'avait pas soixante ans,
- comme le dit Mme de Lieven, mais cinquante-quatre ans.
-
-Depuis 1824, Mme de Lieven entretenait une correspondance suivie avec
-Lord Grey. Le grand homme d'État, nous l'avons déjà dit, s'était
-laissé charmer par l'esprit et la grâce de l'ambassadrice. Chaque
-jour, il lui faisait parvenir un billet et, jusqu'à sa mort, son
-amitié pour elle ne se démentit jamais.
-
-De son côté, la comtesse voyait en lui le chef d'un parti puissant,
-l'homme désigné pour prendre le pouvoir, enfin la plus haute influence
-capable de balancer celle des tories.
-
-La publication de leurs lettres ne laisse guère de doute sur la pureté
-d'une affection que l'âge du comte Grey aurait déjà pu sauver
-d'insinuations malveillantes.
-
-Dorothée fit à cet ami fidèle l'aveu de sa liaison avec M. de
-Metternich et, à l'heure du désenchantement, elle l'associa à ses
-peines. Il fut le confident de ses rancœurs.
-
-Le 4 novembre 1827, Lord Grey nous donne, par une de ses missives, une
-preuve nouvelle que la rupture du chancelier et de Mme de Lieven
-était, dès ce moment, un fait accompli.
-
-Cette dernière lui ayant parlé d'épouser un _curé_ de campagne, si
-jamais elle devenait veuve, il lui répond: «J'ai été fort amusé en me
-représentant que vous étiez la femme d'un _curé_ de campagne, occupée
-aux détails journaliers de votre humble ménage, avec vos cochons, vos
-moutons, vos vaches et votre poulailler. Rien ne manquerait à ce
-tableau pour être complet, si ce n'est que Metternich ne soit l'autre
-partie. Mais la force d'attraction qui, autrefois, aurait pu produire
-cet effet, est bien finie[505].»
-
- [505] _Correspondence of princess Lieven and Earl Grey_,
- 1824-1841, t. I, p. 68. Howick, 4 novembre 1827.
-
-A ce moment déjà, le coup de tonnerre de Navarin avait éclaté:
-déception pour l'Autriche, triomphe pour les alliés. Mme de Lieven est
-enthousiasmée: «Le curé a reçu la nouvelle de Navarin le jour même de
-son mariage--5 novembre. Quel feu de joie pour célébrer l'occasion!»
-
-«Et savez-vous, ajoute-t-elle, quels sont les premiers mots qui me
-sont échappés en apprenant la bataille de Navarin: «Certainement,
-c'est Metternich qui a fait cela[506]!»
-
- [506] _Ibid._, t. I, p. 73 et 74. Londres, 19 novembre 1827.
-
-Trois jours auparavant, faisant allusion au traité de Londres, elle
-s'était écriée: «Il y a un traité qui n'a pas été mort-né comme M. de
-Metternich l'avait prédit. Bien au contraire, l'enfant est
-remarquablement vivant[507].»
-
- [507] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London_, p. 110. Londres, 4/16 novembre 1827.
-
-Un mois plus tard: «Metternich est tombé plus bas dans l'estime
-publique... En un mot, il est tout à fait par terre[508].»
-
- [508] _Ibid.,_ p. 115. Londres, 5/17 décembre 1827.
-
-Peu après, survint la mort de Canning. L'arrivée de Wellington au
-ministère marque un recul dans les bonnes dispositions de la
-Grande-Bretagne à l'égard des Grecs. Mme de Lieven ne décolère pas.
-
-«Le duc de Wellington est premier ministre, écrit-elle à son frère. Il
-préfère les voies tortueuses de Metternich à la droite marche de
-l'empereur Nicolas[509].»
-
- [509] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London_, p. 122. Londres, 8/20 février 1828.
-
-Quant à Lord Aberdeen, c'est un «mauvais ministre», «un homme
-honorable et rien de plus», parce qu'il a toujours été considéré comme
-le «séide de Metternich.»
-
-Cependant, la joie de l'ambassadrice éclate quand ce même Aberdeen
-vient lui déclarer «qu'il n'était ni un coquin ni un fou, et qu'il
-fallait être l'un ou l'autre pour avoir quelque égard pour M. de
-Metternich[510].»
-
- [510] _Ibid._, p. 137. Londres, 18/30 juin 1828.
-
-Elle se félicite de tout ce qui trouble les combinaisons de «ce grand
-homme d'État, dont le crédit, malgré tout, fait encore prime auprès
-des ministres». Et, ajoute-t-elle: «C'est pitié qu'il en soit
-ainsi[511]!»
-
- [511] _Correspondence of princess Lieven and Earl Grey_, t. I, p,
- 128. Londres, 14 août 1828.
-
-Elle guette tous les événements qui pourraient «donner la jaunisse à
-M. de Metternich et Cie[512].»
-
- [512] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London_, p. 146. Londres, 13/25 juillet 1828.
-
-Elle répond à Wellington, révoquant en doute un projet dont la mise à
-exécution eût été mauvaise politique de la part du chancelier:
-«Pensez-vous donc alors qu'il en ait fait une bonne[513]?»
-
- [513] _Ibid._, p. 151. Londres, 10/22 août 1828.
-
-Mais la guerre avait éclaté entre la Russie et la Porte. Mme de Lieven
-ne se réjouit pas moins des succès des armées moscovites que des
-difficultés qu'ils occasionnent à l'Autriche. Lorsque la paix sera
-imposée par ses compatriotes au sultan, elle dira à Lord Aberdeen:
-«Tant pis pour vous, milord. Nous ne vous avons pas dupés; vous vous
-êtes dupés vous-mêmes. Vos propres illusions ou celles inspirées par
-votre patron, le prince de Metternich, ont été vos véritables
-ennemis[514].»
-
- [514] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London_, p. 199. Richmond, 10/22 octobre 1829.
-
-D'autres fois, elle dépasse toute mesure. Le 31 décembre 1828, elle
-écrit à Lord Grey: «Qu'est-il advenu des talents et de l'intelligence
-de Metternich? Car il était intelligent, et extrêmement. Je me
-souviens que Lord Castlereagh avait coutume de l'appeler «un arlequin
-politique», et ce n'était pas mal dire[515]».
-
- [515] _Correspondent of princess Lieven and Earl Grey_, t. I, p.
- 215. Londres, 31 décembre 1828.
-
-Quelques jours plus tard, elle est heureuse d'entendre le roi
-d'Angleterre parler de son ancien amant «comme il le mérite, comme
-d'un homme sans croyance ni respect pour la loi, ni pour sa propre
-parole», et lui dire «qu'en fait il n'était pas d'iniquité dont il ne
-le crût capable[516].»
-
- [516] _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
- in London_, p. 175. Londres, 3/15 janvier 1829.
-
-Mme de Lieven pensait-elle à celui qu'elle appelait «le grand spectre
-blanc»[517], quand elle écrivait à Lord Grey: «Je n'ai jamais eu
-grande croyance dans le couplet de la ballade qui dit:
-
- Et l'on revient toujours
- A ses premiers amours,
-
-car rien n'est plus rare dans la vie que de revenir à ses premiers
-amours[518].»
-
- [517] _Ibid._, p. 204. Richmond, 4/16 novembre 1829.
-
- [518] _Correspondence of princess Lieven and Earl Grey_, t. I, p.
- 232. Richmond, 29 janvier 1829.
-
-Et aussitôt, comme pour prouver que tel n'est pas son cas, elle
-ajoute: «Nos relations avec l'Autriche sont tout ce que l'on peut
-désirer, en nous réservant en même temps le droit de considérer le
-prince de Metternich comme le plus grand coquin qui soit sur la face
-de la terre. En passant, j'étais avant-hier à dîner avec le duc de
-Wellington et nous parlions de lui. Le duc me dit: «Je n'ai jamais
-partagé l'opinion qu'il fût un grand homme d'État; c'est un héros de
-société et rien de plus.» J'ai eu beaucoup de plaisir à entendre
-cela[519].»
-
- [519] _Correspondence of princess Lieven and Earl Grey_, t. I, p.
- 233. Richmond, 29 janvier 1829.
-
-Deux ans après, Lord Grey appelle ironiquement Metternich «le vieil
-ami, l'homme le plus franc et le plus loyal[520]» et l'ambassadrice
-répète: «En ce qui concerne l'homme le plus franc et le plus loyal, je
-suis tout à fait d'accord avec vous[521].»
-
- [520] _Ibid._, t. II, p. 137. Londres (Downing Street), 17
- janvier 1831.
-
- [521] _Ibid._, t. II, p. 138, 18 janvier 1831.
-
-En 1836, le prince de Metternich est devenu «le plus grand fourbe du
-monde[522].»
-
- [522] _Ibid._, t. III, p. 185. Howick, 2 février 1836.
-
-La haine de Mme de Lieven l'aveuglait à un tel point que Lord Grey
-crut devoir, à un certain moment, la rappeler doucement aux
-convenances. Le morceau est à citer en entier: la leçon est jolie.
-
-«Ainsi, lui écrivit-il, l'homme d'énormément d'esprit, d'une franchise
-et d'une loyauté tout à fait remarquable, etc., etc., a fini par
-devenir le plus grand coquin du monde! Pour ses qualités morales, vous
-avez été trompée et vous vous êtes méprise, mais, pour celles de son
-intelligence, vous n'avez pu l'être. La puissance de son esprit et
-celle de ses talents comme homme d'État ne peuvent pas être altérées
-par la route qu'il prend, ni souffrir d'autre diminution que celle
-souvent produite, on aime à le croire, par une conduite tortueuse. Je
-me souviens que vous me disiez en ville que le duc de Wellington
-parlait de lui comme d'un homme d'État. Des opinions qui changent si
-complètement pourraient, tout au moins, exciter quelque méfiance au
-sujet de la solidité du jugement par lequel elles ont été
-formées[523].»
-
- [523] _Correspondence of princess Lieven and Earl Grey_, t. I, p.
- 237. Howick, 1er février 1829.
-
-Cette douche d'eau froide était méritée, il faut bien en convenir.
-
-Quant à M. de Metternich, il sut mieux conserver le respect de l'amour
-qui n'était plus. Dans la partie de sa correspondance publiée par son
-fils, il est très rarement question de son ancienne amie. Il prouvait
-cependant qu'il la connaissait bien, en écrivant à Apponyi, alors
-ambassadeur à Paris: «Je suis surpris que vous ne me nommiez jamais...
-la princesse de L... La princesse doit se remuer dans un sens
-quelconque, car il n'est pas dans sa nature de rester tranquille[524].»
-
- [524] _Mémoires du prince de Metternich_, t. VI, p. 187. Vienne,
- 2 janvier 1837.
-
-Le chancelier pouvait se montrer dédaigneux des attaques et des
-colères de l'ambassadrice de Russie, mais la pensée se reporte avec
-tristesse au temps où la comtesse de Lieven écrivait au ministre des
-Affaires Étrangères d'Autriche «Aime-moi, mon bon Clément, aime-moi de
-tout ton cœur: aime-moi le jour, la nuit, toujours. Adieu, adieu, bon
-ami[525]!»
-
- [525] _Revue Hebdomadaire_ du 4 août 1899, Ernest DAUDET, _Un
- roman du prince de Metternich_, p. 52. Le 6 septembre (1819).
-
-
-
-
-III
-
-
-Le nouveau tsar, Nicolas Ier, à l'occasion de son couronnement, le 3
-septembre 1826, donna à la famille de Lieven une nouvelle preuve de
-cette bienveillance, dont elle avait été comblée par ses
-prédécesseurs. Il conféra aux enfants de sa gouvernante et à elle-même
-le titre de prince et la qualité d'Altesse Sérénissime[526].
-
- [526] Dix-huit mois plus tard, le 12 mars 1828, à la mort de sa
- belle-mère, Mme de Lieven recevait encore de la famille impériale
- un brevet de dame d'honneur de l'impératrice Alexandra Féodorovna
- (Arthur KLEINSCHMIDT, _Fürstin Dorothea Lieven dans Westermanns
- Illustrierte Deutsche Monatshefte_, octobre 1898, p. 24).
-
-Christophe Andréïévitch, devenu le prince de Lieven, conserva jusqu'en
-1834 le poste d'ambassadeur de Russie en Grande-Bretagne.
-
-De 1826 à cette date, la vie de sa femme se passa en une lutte de tous
-les instants pour soutenir la politique moscovite, au cours de
-laquelle elle ne sut pas toujours observer la neutralité entre les
-partis qu'auraient dû lui imposer les privilèges diplomatiques dont
-elle jouissait et l'accueil reçu par elle à Londres.
-
-A l'époque où les affaires de Portugal, la guerre russo-turque,
-l'agitation de la Pologne mettaient aux prises les intérêts des cours
-de Saint-James et de Saint-Pétersbourg, elle attaqua avec ardeur le
-ministère de Wellington.
-
-On pût même l'accuser d'avoir, pour assurer la perte de ce dernier,
-servi d'intermédiaire entre le duc de Cumberland et les amis
-d'Huskisson. L'existence de cette petite conspiration est très
-controversée. Le Premier Ministre, en tout cas, était convaincu de sa
-réalité[527].
-
- [527] _La Cour de George IV et de Guillaume IV_, p. 91.--Voir une
- lettre du duc de Wellington au comte d'Aberdeen (_Despatches,
- etc., of Wellington (in continuation of the former series),_ 8
- vol. in-8º, 1867-1880, t. VI, p. 56, 29 juillet 1829) reproduite
- par M. Robinson (_Letters of Dorothea, princess Lieven, during
- her residence in London_, p. XII).
-
-Un jour, il s'expliqua franchement sur le compte de M. et Mme de
-Lieven. Le 24 août 1829, il écrivait, parlant d'eux, au comte
-d'Aberdeen: «Depuis que je suis au ministère, ils ont joué un jeu de
-parti anglais au lieu de faire les affaires de leur souverain. J'ai
-les meilleures preuves que tous les deux ont été engagés (comme
-meneurs) dans les intrigues pour nous priver du pouvoir, depuis
-janvier 1828, qu'ils ont dénaturé notre conduite et nos vues auprès de
-leur maître, et qu'ils sont la seule cause de la froideur actuelle
-entre les deux gouvernements... Dans un autre pays, même en Russie ou
-en France, ou avec un autre monarque... cela justifierait amplement
-notre intervention pour obtenir le rappel du prince de Lieven. Mais, à
-mon avis, cette mesure nous ferait plus de mal que de bien[528].»
-
- [528] Wellington au comte d'Aberdeen, 24 août 1829 (_loc. cit._,
- t. VI, p. 103).
-
-«J'ai reconnu, disait encore Wellington, le mois suivant, à Lord
-Heytesbury, que, depuis l'année 1826, le prince et la princesse de
-Lieven se sont efforcés de représenter, à Saint-Pétersbourg, ma
-conduite, soit au gouvernement soit en dehors de celui-ci, de la
-manière la plus défavorable. Je crois bien que leur mécontentement a
-commencé à la suite d'une conversation que j'ai eue avec le prince de
-Lieven, à la fin de 1826, sur la conversion du protocole d'avril 1826
-en traité de juillet 1827...
-
-«...Je n'étais pas au pouvoir d'avril 1827 à janvier 1828, et durant
-ce temps, je sais que le prince et la princesse... ont écrit de moi
-tout le mal qu'ils pensaient et beaucoup plus qu'ils n'en savaient.
-Depuis mon retour au ministère, ils ont été ce qu'on appelle en
-opposition régulière avec le gouvernement, ils ont dénaturé auprès de
-leur Cour tout ce que nous avons fait et particulièrement tout ce que
-j'ai fait[529]...»
-
- [529] Wellington à Lord Heytesbury, 8 septembre 1829 (_loc.
- cit._, t. VI, p. 145).
-
-Nous savons déjà que si le duc n'exigea pas le rappel de ces
-singuliers diplomates, ce ne fut que par conscience de sa supériorité.
-
-Les vœux de la princesse furent momentanément comblés par la chute du
-ministère détesté[530] et l'arrivée au pouvoir de Lord Grey. Toujours
-selon Wellington, le grand mérite de ce dernier aux yeux de Dorothée
-était de conserver «encore quelques vieilles idées d'opposition de M.
-Fox sur ce que les Turcs devaient être chassés d'Europe[531]».
-
- [530] En novembre 1830.
-
- [531] Wellington au comte d'Aberdeen, 29 juillet 1829 (_loc.
- cit._, t. VI, p. 58).
-
-Mme de Lieven prend part aux négociations qui précèdent la formation
-du nouveau cabinet. Lord Grey veut offrir le portefeuille des affaires
-étrangères à Lord Lansdowne. Elle le décide à en charger son ami, Lord
-Palmerston, avec lequel elle a dansé sa première valse à Londres[532].
-Et c'est cependant ce ministre qui obtiendra ce que son prédécesseur
-n'avait pas voulu demander: le rappel de l'ambassadeur de Russie!
-
- [532] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 170.
-
-Son triomphe, d'ailleurs, ne fut pas de longue durée. Lord Grey
-n'était pas homme à sacrifier son devoir à ses attachements. Le
-conflit entre la Belgique et la Hollande, l'insurrection polonaise
-multipliaient les causes de froissement entre Saint-Pétersbourg et le
-Foreign office. Bientôt, pour Mme de Lieven, Palmerston ne sera plus
-qu'un «très petit esprit, lourd, obstiné[533]» et Lord Grey lui-même
-deviendra une «vieille femme».
-
- [533] GREVILLE, _la Cour de George IV et de Guillaume IV_, p.
- 308.
-
-En 1833, les choses se gâtent. D'après un propos tenu à Greville par
-Mellish, la princesse «passe son temps à intriguer et à brouiller les
-cartes dans toutes les cours d'Europe». George Villiers l'accuse de
-chercher «à provoquer une guerre n'importe où[534]».
-
- [534] _Ibid._, p. 305.
-
-Palmerston, dès lors, est décidé à se débarrasser de son encombrant
-voisinage. La vacance de l'ambassade d'Angleterre à Saint-Pétersbourg
-lui en fournit le prétexte.
-
-Le dernier titulaire, Lord Heytesbury, ayant demandé à être relevé de
-ses fonctions, le cabinet anglais voulut désigner pour son successeur
-M. Stratford Canning. Nesselrode fit savoir que ce dernier ne serait
-pas reçu à la Cour impériale: «C'est un homme impossible, soupçonneux,
-pointilleux, méfiant» avait-il dit pour justifier son refus[535] et
-Dorothée Christophorovna avait dû transmettre officieusement cette
-résolution.
-
- [535] _Ibid._, p. 307.
-
-Palmerston répondit en maintenant la nomination de Stratford Canning.
-
-Par la maladresse de son intervention, Mme de Lieven avait mis les
-torts de son côté: «Elle s'est emballée, prétend Lady Cowper, et
-habituée à ce qu'on lui cède, elle a cru qu'elle l'emporterait haut la
-main[536]».
-
- [536] GREVILLE, _la Cour de George IV et de Guillaume IV_, p.
- 308.
-
-La situation devenait grave. La princesse, peu soucieuse de perdre son
-poste, se précipita en Russie pour arranger le différend. Elle y reçut
-un accueil des plus flatteurs: «L'Empereur est allé au-devant d'elle
-en mer, l'a prise à son bord et l'a conduite dans sa voiture au
-palais, où il l'a fait entrer dans la chambre de l'impératrice,
-qu'elle a trouvée en chemise[537]». Les souverains ne ménagèrent pas à
-leur ambassadrice les marques de faveur et de reconnaissance, mais,
-quand celle-ci revint en Angleterre, en août 1833, la question
-Stratford Canning n'avait pas fait un pas. Sir Robert Bligh, fils du
-comte de Darnley, continuait à diriger, en qualité de chargé
-d'affaires, l'ambassade britannique de Saint-Pétersbourg.
-
- [537] _Ibid._, p. 325.
-
-Sur ces entrefaites, des causes plus graves vinrent envenimer le
-conflit entre les puissances anglaise et russe. Les susceptibilités de
-la première avaient été violemment surexcitées lors du traité
-d'Unkiar-Skelessi[538] par lequel le tsar et le sultan venaient de
-former une alliance offensive et défensive. Un instant on put craindre
-de voir la guerre éclater.
-
- [538] Le 8 juillet 1833.
-
-Le traité de Saint-Pétersbourg accrut encore la mauvaise humeur du
-gouvernement de Guillaume IV, successeur de son frère George IV[539].
-La polémique s'éleva à un ton très vif.
-
- [539] Le traité de Saint-Pétersbourg, signé le 29 janvier 1834,
- avait obligé les Russes à évacuer la Moldavie et la Valachie,
- mais, en leur laissant la nomination des hospodars, leur avait
- conservé une influence dans ces États.
-
-Au mois de mai 1834, le prince de Lieven reçut ses lettres de
-rappel[540]. Sa carrière diplomatique prenait fin.
-
- [540] _La Cour de George IV et de Guillaume IV_, p. 342.
-
-Le coup fut profondément sensible à la princesse. Elle s'en vengea
-plus tard, en appliquant à Lord Palmerston un mot de M. de Talleyrand:
-«Il dépendra toujours d'un ministre des affaires étrangères, quelque
-médiocre qu'il soit, de chasser un ambassadeur[541].» Mais, sur le
-moment, elle éprouva une véritable douleur.
-
- [541] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 183.
-
-L'événement l'atteignait, non seulement dans son orgueil, mais aussi
-dans tout ce qui lui était cher. C'étaient de nouvelles habitudes à
-prendre, une nouvelle situation à se créer, de nouvelles relations à
-chercher, toute une vie à refaire.
-
-Cependant le tsar avait pris grand soin de montrer que ce rappel
-n'était pas une disgrâce. Il avait nommé M. de Lieven à la charge
-enviée du gouverneur du tsarévitch. L'ex-ambassadeur s'embarqua
-seulement au mois d'août pour la Russie, sur un navire mis à sa
-disposition par l'Amirauté.
-
-Madame de Lieven laissa, dans la société de Londres, «un grand
-vide»[542]. Son salon tenait trop de place dans le monde politique
-pour qu'il en fût autrement. D'autre part, à côté de ses défauts,
-l'ambassadrice de Russie possédait des qualités d'intelligence,
-d'esprit et de charme, «une incontestable supériorité d'attitude et de
-manières[543]» qui avaient groupé autour d'elle un noyau d'hommes et
-de femmes distingués, auquel elle allait beaucoup manquer.
-
- [542] _La Cour de George IV et de Guillaume IV_, p. 342.
-
- [543] M. DE MARCELLUS, _Chateaubriand et son temps_, p. 269.
-
-«On voit ici avec regret Mme de Lieven faire ses paquets[544]»,
-écrivait la duchesse de Dino, cette belle et captivante nièce de
-Talleyrand, qui faisait les honneurs de l'ambassade de France. Et Lord
-Grey, tombé du pouvoir, écrivait à son amie, parlant du départ
-prochain: «C'est comme un arrêt de mort[545].»
-
- [544] _Souvenirs du baron de Barante_, t. V, p. 148. La duchesse
- de Dino à M. de Barante. Londres, 13 juillet 1834.
-
- [545] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 150.
-
-Revenue sans enthousiasme en Russie, l'ancienne maîtresse du
-chancelier d'Autriche ne pouvait plus guère se plaire dans son pays
-natal.
-
-Elle était trop conquise à la liberté occidentale pour s'accommoder du
-régime moscovite.
-
-Elle ne pouvait retrouver auprès du tsar un terrain propice aux
-intrigues de politique extérieure qui la passionnaient si fort:
-l'immunité diplomatique dont elle avait tant abusé ne l'avait pas
-suivie à la Cour de son souverain.
-
-D'autre part, depuis de longues années, elle s'était déshabituée du
-climat russe. Elle avait beaucoup apprécié, à ce point de vue, ses
-séjours à Berlin et à Londres. Maintenant, elle redoutait l'influence
-du froid de Saint-Pétersbourg sur sa santé déclinante.
-
-Aussi ne peut-on s'étonner de la voir se plaindre et se lamenter.
-Sans doute, elle enveloppe ses sentiments de bien des formes, pour ne
-pas heurter l'impérial Maître qui peut tout savoir. Mais, cependant,
-son esprit et son cœur sont pleins du regret de Londres.
-
-Elle se reprend à chérir l'Angleterre. Rien de ce qui s'y passe ne
-peut la laisser indifférente et, à peine arrivée dans sa nouvelle
-résidence, elle pense à se faire envoyer des nouvelles du pays, témoin
-de sa splendeur.
-
-«Daignez me pardonner, chère Lady Stuart, écrit-elle le 10 novembre
-1834[546], de répondre si tard à vos aimables et gracieuses paroles.
-Elles m'ont fait le plus grand plaisir. Vous êtes bien bonne de
-m'aimer. C'est au reste un acte de justice. J'aime tant toute cette
-Angleterre, en gros, en détail! Je mets tant de prix à ce qu'on s'y
-souvienne un peu de moi! Vous me faites la plus aimable des promesses,
-en me permettant d'espérer de vos nouvelles pour tout événement public
-ou particulier qui aurait de l'intérêt pour moi. _Tout_ m'intéresse
-chez vous. Je vous prie de vous souvenir de cela.»
-
- [546] Cette lettre inédite fait partie de la très précieuse
- collection d'autographes de M. Raoul Warocqué. Nous en devons la
- communication à l'obligeante entremise de M. G. Van der Meylen.
- Nous leur exprimons à tous deux notre égale gratitude.
-
-Dans la même lettre, la princesse raconte son installation: «Je ne
-suis établie en ville que depuis deux jours. Jusqu'ici, j'ai habité la
-campagne avec la Cour, ce qui fait que je ne connais rien qu'elle et
-que j'ai maintenant tout à apprendre ici. J'ai une magnifique maison,
-et bien chaude et bien commode par-dessus le marché. Cela est une
-vraie jouissance. Je ne puis pas dire que la neige le soit. Nous
-sommes en plein hiver. J'ai pleuré de chagrin.»
-
-Et elle termine sur ces mots: «Nous avons ici Lord Douro et M.
-Canning. J'ai un grand plaisir à les voir. Il suffit d'être Anglais
-pour m'aller droit au cœur.»
-
-Wellington, Aberdeen, Palmerston étaient cependant Anglais, eux
-aussi...
-
-Mme de Lieven était peut-être plus sincère quand elle écrivait à son
-frère: «Un changement total de carrière après vingt-quatre ans
-d'habitudes morales et matérielles, toutes différentes, est une époque
-grave dans la vie. On dit qu'on regrette même sa prison lorsqu'on y a
-passé des années. A ce compte, je puis bien regretter un beau climat,
-une belle position sociale, des habitudes de luxe et de confort que je
-ne puis retrouver nulle part, et des amis tout à fait indépendants de
-la politique[547].»
-
- [547] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 183.
-
-La princesse ne resta que sept mois à la Cour de Nicolas Ier. Une
-terrible catastrophe vint l'en arracher à tout jamais.
-
-Le 4 mars 1835, à quelques heures d'intervalle, deux de ses enfants
-étaient emportés par la fièvre scarlatine. C'étaient les jeunes
-princes Georges et Arthur, venus au monde à Londres en 1819 et 1825,
-ses derniers-nés, ses préférés. L'un avait seize ans, l'autre dix.
-
-Affolée, meurtrie, le cœur à jamais brisé, la mère en pleurs ne
-songea plus qu'à quitter sa patrie dont elle rendait le climat
-responsable de la mort de ses fils. Elle était d'ailleurs incapable
-pour longtemps de reprendre son rôle de sûre conseillère auprès du
-gouverneur du tsarévitch. Elle se rendit avec son mari en Allemagne,
-puis, bientôt, celui-ci, rappelé par son service et par son zèle de
-courtisan, la laissa seule sur la terre étrangère, pour rejoindre son
-élève.
-
-Elle passa l'été à Berlin et à Baden-Baden. En septembre 1835, elle
-arriva à Paris.
-
-De nouvelles épreuves l'y attendaient.
-
-Elle ne voulait à aucun prix revenir en cette Russie qui lui rappelait
-tant d'amers souvenirs. Mais, à cette époque, «la loi russe ne
-reconnaissait pas aux sujets du tsar le droit de sortir de
-l'Empire[548].»
-
- [548] Ch. SEIGNOBOS, _Histoire politique de l'Europe
- contemporaine_. Paris, Armand Colin, 1897, in-8º, p. 560.
-
-L'émigration était considérée comme un crime et pouvait être punie de
-déportation et de confiscation. Il fallait une autorisation
-personnelle de l'empereur pour se fixer à l'étranger. Ce dernier
-l'accordait rarement et au plus pour cinq ans.
-
-Nicolas Ier ne tenait guère à voir son intrigante sujette s'établir de
-nouveau au loin, libre du frein de ses fonctions officielles. Mais,
-par-dessus tout, il redoutait de la voir s'installer à Paris.
-
-Or, sa dignité interdisait à Mme de Lieven de reparaître d'une façon
-suivie à Londres, où elle n'aurait plus retrouvé sa place au premier
-rang. Paris restait donc la seule ville où son activité intellectuelle
-pût s'exercer, où elle pût trouver dans le monde qu'elle aimait un
-oubli de sa douleur, une compensation au vide de son existence.
-
-M. de Lieven, interprétant et exagérant les intentions du souverain,
-se montra en cette circonstance d'une rigueur difficilement excusable
-à l'encontre de sa malheureuse femme. Oubliant tout ce qu'il lui
-devait, oubliant les égards mérités par la détresse de la mère, il
-voulut l'obliger de revenir à Saint-Pétersbourg.
-
-Mme de Lieven se révolta. Son mari alla jusqu'à la menacer de lui
-supprimer tout subside. Rien n'y fit[549].
-
- [549] Mme de Lieven passa l'été de 1836 en partie à Valençay,
- chez le prince de Talleyrand, en partie à Londres chez son amie
- la duchesse de Sutherland (_Souvenirs du baron de Barante_, t. V,
- p. 405. Le comte Molé au baron de Barante, 13 juin 1836).
-
-De guerre lasse, l'empereur et le prince finirent par accorder, sinon
-une autorisation formelle, du moins un consentement tacite à la
-séparation. Mais la princesse avait été profondément blessée:
-désormais, tout est rompu entre elle et ce mari qui, disait-elle
-justement, lui avait «montré une absence de cœur, de simple
-pitié[550]» inconcevable.
-
- [550] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 228.
-
-Elle apprendra sans émotion sa mort survenue à Rome au cours d'un
-voyage du tsarévitch[551]. Elle ne conservera de lui que le nom, mais,
-bizarrerie de la vanité humaine, elle tiendra à ce nom jusqu'à
-refuser, dit-on, de l'échanger contre celui d'un ami très cher.
-
- [551] Le 29 décembre 1838/10 janvier 1839.
-
-A Paris, où elle s'était installée dans un appartement de l'Hôtel de
-la Terrasse[552], situé rue de Rivoli, en face du jardin des
-Tuileries, Dorothée n'avait pas tardé à reconstituer dans son salon
-l'une de ces réunions d'hommes influents, devenues un besoin pour
-elle.
-
- [552] Journal _le Nord_. Correspondance de Paris du 30 janvier
- 1857.
-
-Déjà, en 1836, M. Molé note que sa maison a «été constamment un
-centre très actif et de plus d'une couleur[553].»
-
- [553] _Souvenirs du baron de Barante_, t. V, p. 405. Le comte
- Molé au baron de Barante. Paris, 13 juin 1836.
-
-Greville la retrouve à l'un de ses voyages en France, en janvier 1837,
-et il décrit ainsi son existence: «Mme de Lieven paraît s'être fait à
-Paris une situation des plus agréables. Elle est chez elle tous les
-soirs et, son salon étant un terrain neutre, tous les partis s'y
-rencontrent, si bien qu'on y voit les adversaires politiques les plus
-acharnés engagés dans des discussions courtoises... Parmi les hommes
-du jour, ceux qu'elle préfère sont Molé, aimable, intelligent, de
-bonne compagnie et, sinon le plus brillant de tous, du moins celui qui
-a le plus de sens et de jugement; Thiers, le plus remarquable de
-beaucoup, plein d'esprit et d'entrain; Guizot et Berryer, tous deux
-remplis de mérite[554].»
-
- [554] _La Cour de George IV et de Guillaume IV_, p. 432.
-
-Quelques mois plus tard, le comte Molé écrira de son côté à Barante
-ces lignes non exemptes de fiel: «Le salon de la princesse de Lieven
-est toujours le lieu de réunion de toutes les ambitions en travail.
-Thiers, Guizot et Berryer y vont matin et soir[555].»
-
- [555] _Souvenirs du baron de Barante_, t. VI, p. 47. Le comte
- Molé au baron de Barante, 20 août 1837.
-
-A la même époque enfin, Lord Malmesbury parle d'elle en ces termes:
-«Après avoir été ambassadrice ou plutôt _ambassadeur_ à Londres, Mme
-de Lieven est venue s'établir à Paris, où son salon est le rendez-vous
-non seulement du monde élégant, mais aussi des hommes d'État les plus
-distingués. Guizot n'en bouge pas et Molé y est très assidu. Mlle de
-Mensingen, une fort jolie chanoinesse, préside la table à thé autour
-de laquelle se presse le personnel jeune et gai[556].»
-
- [556] Lord MALMESBURY, _Mémoires d'un ancien ministre_
- (1807-1869), p. 47, 3 mai 1837.
-
-Au cours d'un voyage en Angleterre, la princesse fut reçue en
-audience, le 30 juillet 1837, par la reine Victoria. Celle-ci, dit
-Greville, «s'est montrée fort aimable, mais paraissait intimidée,
-embarrassée et n'a parlé que de choses insignifiantes. Sa Majesté aura
-ouï dire que la princesse est une intrigante et elle aura eu peur de
-se compromettre[557].»
-
- [557] GREVILLE, _Les quinze premières années du règne de la reine
- Victoria_, p. 11.
-
-Greville ne croyait pas si bien dire. La souveraine avait été mise en
-garde par le roi Léopold. Dans une de ses lettres récemment publiées,
-ce dernier supplie sa jeune amie de se méfier de l'ancienne
-ambassadrice[558].
-
- [558] Le roi des Belges à la reine Victoria. «Neuilly, 12 juillet
- 1837.--D'après ce que j'entends, il y a beaucoup d'intrigues
- actuellement en train en Angleterre. La princesse de Lieven et un
- autre individu, récemment importé de son pays, semblent s'occuper
- très activement de ce qui ne les regarde pas; méfiez-vous-en.»
- (_La reine Victoria d'après sa correspondance inédite._
- Traduction française avec introduction et notes par Jacques
- Bardoux. Paris, Hachette, 1907, 3 vol. in-8º, t. I, p. 123).
-
- Le roi des Belges à la reine Victoria. «Laeken, 29 juillet
- 1837.--Je suis heureux de vous voir sur vos gardes vis-à-vis de la
- princesse de Lieven et de ses pareilles.» (_Ibid._, t. I, p. 127).
-
-La vie de la princesse de Lieven avait reçu à ce moment une
-orientation nouvelle.
-
-Le 15 juin 1836[559], invitée à dîner chez le duc de Broglie, elle fut
-placée à table à côté de M. Guizot. Celui-ci raconte ainsi
-l'impression qu'il reçut de sa voisine: «Je fus frappé de la dignité
-douloureuse de sa physionomie et de ses manières; elle avait
-cinquante ans; elle était dans un profond deuil qu'elle n'a jamais
-quitté; elle entamait et cessait tout à coup la conversation, comme
-retombant à chaque instant sous l'empire d'une pensée qu'elle
-s'efforçait de fuir. Une ou deux fois, ce que je lui dis parut
-l'atteindre et la tirer un moment d'elle-même; elle me regarda, comme
-surprise de m'avoir écouté et prenant pourtant quelque intérêt à mes
-paroles. Nous nous séparâmes, moi avec un sentiment de sympathie pour
-sa personne et sa douleur, elle avec quelque curiosité à mon
-sujet[560].»
-
- [559] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 236.
-
- [560] M. GUIZOT, _Mélanges biographiques et littéraires_. Paris,
- Michel Lévy, 1868, in-8º, p. 206.
-
-L'année suivante, M. Guizot perdit l'un de ses fils[561]. Mme de
-Lieven lui écrivit: «J'ai acheté chèrement le droit d'entrer plus
-qu'aucun autre dans vos douleurs. Je cherchais des malheureux, quand
-le ciel m'a si cruellement frappée. Si votre cœur en cherche à son
-tour, arrêtez votre pensée sur moi plus malheureuse cent fois que
-vous, malheureuse au bout de deux ans comme je l'étais le premier
-jour[562].»
-
- [561] François Guizot, mort le 15 février 1837.
-
- [562] M. GUIZOT, _Mélanges biographiques et littéraires_, p. 209.
-
-Le 5 mai 1837, à propos d'une discussion sur les fonds secrets
-demandés par le ministère Molé, M. Guizot avait expliqué à la tribune
-pourquoi, peu auparavant, il avait abandonné son portefeuille: «La
-princesse de Lieven, raconte-t-il, venait quelquefois aux séances de
-la Chambre des députés; elle assistait à celle-ci, et le lendemain
-elle m'exprima vivement le plaisir qu'elle avait pris à mon langage et
-à mon succès. Ainsi commença, entre elle et moi, une amitié qui
-devint de jour en jour plus sérieuse et plus intime. Nous avions
-connu, l'un et l'autre, les grandes tristesses humaines et atteint
-l'âge des mécomptes; l'intimité s'établit entre nous simplement,
-naturellement, sans aucune pensée politique[563].»
-
- [563] M. GUIZOT, _Mélanges biographiques et littéraires_, p. 211.
-
-Cette intimité ne se démentit jamais. Les mots décisifs qui la
-nouèrent semblent avoir été prononcés le 24 juin 1837, au cours d'une
-visite à Châtenay, chez Mme de Boigne[564]. Dix-huit ans auparavant,
-les mêmes mots avaient peut-être servi, au cours de l'excursion de
-Spa, à Dorothée et à Clément de Metternich pour se donner leurs
-cœurs. Mais, cette fois, les déceptions de jadis devaient être
-épargnées à l'amante.
-
- [564] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 236.
-
-Jusqu'au jour où la mort vint la briser, cette nouvelle union embellit
-la vieillesse des deux êtres qui l'avaient formée.
-
-Mme de Lieven trouva ainsi, auprès de l'honnête homme qu'elle aimait,
-le repos et la sécurité d'affection qui, jusqu'alors, lui avaient fait
-défaut. Cette histoire d'amour forme certainement la plus belle page
-de sa vie, la plus calme, la plus reposante, et c'est dans la
-correspondance échangée par elle avec le ministre de Louis-Philippe,
-correspondance dont la famille de l'académicien conserve précieusement
-les originaux, que les admirateurs de la princesse iront chercher le
-meilleur d'elle-même.
-
-Le bruit courut longtemps qu'un mariage secret avait uni les deux
-amis. M. Guizot lui-même l'a démenti dans une lettre à Lord Aberdeen:
-«Rien de secret ne nous eût convenu ni à l'un ni à l'autre. De plus,
-je n'aurais jamais épousé personne sans lui donner mon nom, et elle
-tenait au sien»[565].
-
- [565] Ernest DAUDET, _Une vie d'ambassadrice au siècle dernier_,
- p. 325.
-
-Mme de Lieven ne tenait pas tant encore au nom qu'au titre. Sa
-répugnance à le perdre dut bien être la véritable raison qui l'empêcha
-d'accepter la légitimation des liens de son cœur.
-
-M. Ernest Daudet redit une anecdote qui, assure-t-il, se contait à
-l'époque où ce mariage aurait pu avoir lieu.
-
-Un jour, en voiture, au bois de Boulogne, Mme de Nesselrode aurait
-posé cette question à l'ancienne amie de M. de Metternich:
-
-«Ma chère, on dit que vous allez épouser Guizot. Est-ce vrai?
-
-«Et la princesse d'éclater de rire et de s'écrier en se renversant sur
-les coussins:
-
---«Oh! ma chère, me voyez-vous annoncée madame Guizot![566]»
-
- [566] _Ibid._, p. 323.
-
-Quoi qu'il en soit, à dater du jour où elle se donna à son dernier
-ami, Mme de Lieven fit deux parts de son activité politique: l'une lui
-sera réservée; elle emploiera l'autre à renseigner le gouvernement
-russe sur l'état des esprits en France.
-
-Elle apporte d'abord tout son cœur au service de son amant. Quand ce
-dernier est envoyé à Londres comme ambassadeur de France[567], elle
-s'ingénie à lui faciliter sa mission, à lui éviter les erreurs et les
-faux pas sur ce terrain nouveau pour lui. Sa profonde connaissance de
-la société anglaise lui permet de le mettre en garde contre les
-maladroites manœuvres, les démarches inutiles, le dangereux
-enivrement de la situation.
-
- [567] Février 1840.
-
-Le 29 octobre 1840, M. Guizot, rappelé à Paris, reçoit le portefeuille
-des affaires étrangères. Il conservera le pouvoir jusqu'en 1848[568].
-Pendant cette longue période, Mme de Lieven restera l'Égérie du
-ministre.
-
- [568] M. Guizot fut nommé président du Conseil le 19 septembre
- 1847.
-
-Dans son salon, celui-ci «règne et gouverne»[569]. Deux fois par jour,
-à 2 heures et après son dîner, il vient passer quelques moments ou
-quelques heures auprès d'elle.
-
- [569] _Souvenirs du baron de Barante_, t. VI, p. 168. La comtesse
- de Castellane au baron de Barante. Paris, 7 janvier 1839.
-
- [570] _Les quinze premières années du règne de la reine
- Victoria_, p. 257.
-
-Non seulement la princesse le conseille ou le réconforte, mais elle
-agit efficacement pour sa défense quand il est menacé.
-
-Au commencement de 1845, le ministère venait d'être très ébranlé par
-l'affaire Pritchard. On pouvait craindre de voir Robert Peel se
-glorifier devant le Parlement d'un triomphe sur la France. Mme de
-Lieven voit le danger et charge le frère de Greville de demander
-instamment «que, ni dans le discours de la Reine, ni dans la
-discussion de l'adresse, il ne soit rien dit qui puisse porter
-préjudice à Guizot, dont le sort dépend d'une parole imprudente»[570].
-Cette intervention fut efficace et Peel parla de la France «de manière
-à satisfaire pleinement Guizot, sans que la dignité de l'Angleterre
-ait aucunement à en souffrir»[571].
-
- [571] _Ibid._, p. 258.
-
-Pendant toute la durée du passage aux affaires de son ami, la
-princesse, bien qu'assez froidement reçue à la Cour par la reine
-Amélie et par Madame Adélaïde[572], fut véritablement une puissance
-avec laquelle comptaient les puissants du jour[573].
-
- [572] Lord MALMESBURY, _Mémoires d'un ancien ministre_, p. 47.
-
- [573] Quand Greville vint à Paris, en 1847, chargé par Lord
- Clarendon d'une mission officieuse pour tenter d'amener une
- détente dans les rapports des deux gouvernements britannique et
- français, c'est d'abord Mme de Lieven qu'il va voir. Déjà quand
- Lord Palmerston avait voulu venir à Paris, il avait fait tâter le
- terrain par l'intermédiaire de cette dernière (_Les quinze
- premières années du règne de la reine Victoria_, p. 286).
-
-On aimerait à être certain qu'elle n'abusa jamais de cette situation
-privilégiée.
-
-Greville disait: «Sa présence à Paris... doit être fort utile à sa
-Cour, car une femme comme elle sait toujours glisser quelque
-observation intéressante et utile[574].»
-
- [574] _La Cour de George IV et de Guillaume IV_, p. 432.
-
-Elle avait repris sa correspondance avec la tsarine. «Confiante en sa
-propre valeur, écrit Mme de Mirabeau, elle s'estimait beaucoup plus
-pour ce qu'elle «faisait» que pour ce qu'elle «était» et elle se
-sentait aussi fière d'être, à Paris, mandataire intime de «son
-Empereur» que d'avoir été à Londres ambassadrice de Russie. Il est
-incontestable qu'elle fut un précieux auxiliaire pour son pays,
-qu'elle servait avec une ardeur passionnée[575].»
-
- [575] _Correspondant_ du 10 août 1893, t. CLXXII, p. 533.
- _Lettres de la princesse de Lieven à M. de Bacourt_, publiées par
- la comtesse de Mirabeau, nièce de ce dernier.
-
-En effet, les conseillers de Nicolas se servaient volontiers de leurs
-intrigantes compatriotes pour se mieux renseigner.
-
-«Au nombre des moyens employés par le gouvernement russe, disait en
-1832 le major Lambert, est celui de faire voyager des femmes.
-
-«Vous vous rappelez la belle Mme Narichkine, Mme Ostermann
-et tant d'autres qui employaient leurs charmes pour saisir des
-confidences»[576].
-
- [576] Note communiquée par M. Germain Bapst.
-
-Le rôle de Mme de Lieven dut rentrer dans cette catégorie. En tous
-cas, ce rôle n'était pas ignoré de ses contemporains. Un jour, Mme de
-Mirabeau, nièce de M. de Bacourt[577], consultait son oncle sur la
-manière de répondre à une épineuse demande de renseignements. Ce
-dernier, précisément, était en train d'écrire à la princesse:
-
- [577] Mme de Lieven avait fait la connaissance de M. de Bacourt
- alors que ce dernier était premier secrétaire d'ambassade à
- Londres.
-
-«Mon oncle me présente, en me disant de la lire, la lettre qu'il
-venait de terminer, et dans laquelle il passait en revue divers
-événements de l'Europe et racontait d'agréables anecdotes inédites;
-mais il aurait pu, sans se compromettre, publier le tout dans tous les
-journaux français et étrangers.--Voilà, me dit-il, ce qu'on peut
-appeler un dîner sans rôti. Emploie le même système; notifie
-aimablement quelques détails insignifiants et, si on désire des
-renseignements plus sérieux, on ira les chercher ailleurs»[578].
-
- [578] _Correspondant_ du 10 août 1893, t. CLXXII, p, 531.
- _Lettres de la princesse de Lieven à M. de Bacourt._
-
-Dans une autre occasion, M. de Metternich communiquait au comte de
-Buol une lettre de miss Marion Ellice: «Il vous suffira, d'ailleurs,
-de savoir, ajoutait-il, que cette miss Ellice est une personne douée
-de hautes qualités intellectuelles et que, depuis plusieurs années,
-elle fait la correspondance de la princesse de Lieven, dont elle est
-l'amie intime... Vous savez que cette dernière joue le rôle de
-correspondante personnelle de l'empereur Nicolas. Elle adresse ses
-rapports à l'impératrice»[579].
-
- [579] _Mémoires du prince de Metternich_, t. VIII, p. 359. Le
- prince de Metternich au comte de Buol, 12 juillet 1853.
-
-Vers la même époque, le maréchal de Castellane, avec son rude parler
-de soldat, confirme ces indications: «La princesse de Lieven et Mme
-Narichkine, dit-il, sont deux ambassadeurs femelles non avoués, comme
-l'empereur de Russie en a toujours à Paris»[580].
-
- [580] _Journal du maréchal de Castellane_, 1804-1862. Paris,
- Plon, 1896, 5 vol. in-8º, t. V, p. 27.
-
-Après la mort de la princesse, Lord Malmesbury dira encore qu'elle
-«avait toujours été employée comme agent secret par l'empereur
-Nicolas, avec qui elle correspondait directement»[581].
-
- [581] Lord MALMESBURY, _Mémoires d'un ancien ministre_, p. 237.
-
-Ses familiers connaissaient donc le danger qu'ils couraient en se
-montrant trop confiants vis-à-vis de l'amie de M. Guizot. Il dut
-falloir toute l'habileté de celle-ci pour maintenir sa situation
-mondaine envers et contre tous les soupçons qui pesaient sur elle.
-
-Mme de Lieven n'avait pas tardé à quitter son appartement de l'Hôtel
-de la Terrasse. Elle avait loué en 1838 l'entresol du bel hôtel de
-Talleyrand, situé au coin de la rue de Rivoli et de la rue
-Saint-Florentin, avec vue sur la place de la Concorde. Cet immeuble
-venait d'être acheté par M. de Rothschild et l'étage en question avait
-constitué l'appartement particulier du prince de Bénévent. La duchesse
-de Talleyrand[582] n'avait pas été sans être froissée de cette
-location. «Comment trouvez-vous Mme de Lieven, disait-elle, qui
-m'écrit l'autre jour qu'elle cherche à louer l'entresol de M. de
-Talleyrand pour l'hiver prochain? C'est être bien pressée de me fermer
-sa porte, car vous pensez bien que c'est précisément cet entresol
-qu'il me serait impossible de fréquenter»[583].
-
- [582] Dorothée de Courlande, duchesse de Dino, devenue duchesse
- de Talleyrand par la mort de son beau-père, Archambauld-Joseph de
- Talleyrand-Périgord, frère du prince de Bénévent, survenue le 28
- avril 1838.
-
- [583] _Souvenirs du baron de Barante_, t. VI, p. 80. La duchesse
- de Talleyrand au baron de Barante. Baden, 15 juillet 1838.
-
-La princesse passa outre à ces susceptibilités. Installée
-définitivement dans l'hôtel l'année suivante[584], c'est là qu'elle
-reçut désormais.
-
- [584] _Ibid._, t. VI, p. 339. La duchesse de Talleyrand au baron
- de Barante. Paris, 27 septembre 1839.
-
-Elle y passait l'hiver, partageant son été entre Baden-Baden,
-Schlangenbad, de courts voyages à Londres ou quelques villégiatures
-chez ses intimes.
-
-A partir de 1845, elle occupa, pendant les mois de la belle saison, un
-pavillon tout à côté de celui que M. Guizot habitait, dans un coin de
-Passy, alors presque désert, qu'on appelait Beauséjour, et qui est
-devenu le boulevard de ce nom[585].
-
- [585] _Journal du maréchal de Castellane_, t. III, p. 330.--C'est
- à tort que l'éditeur des _Souvenirs du baron de Barante_ place ce
- Beauséjour près de Saint-Germain.
-
-Mais quand survint la révolution de 1848, Mme de Lieven dut quitter
-Paris. Elle était trop compromise par ses relations avec le président
-du conseil pour ne pas avoir à redouter le contre-coup des événements.
-Greville raconte ainsi sa fuite, d'après elle-même:
-
-«Elle s'était d'abord réfugiée chez les Saint-Aulaire, puis à
-l'ambassade d'Autriche: ensuite Pierre d'Arenberg l'a prise sous sa
-garde et l'a cachée chez le peintre anglais Roberts, qui l'a amenée
-ici (à Londres) comme sa femme, avec de l'or et des bijoux cachés
-dans sa robe[586].»
-
- [586] GREVILLE, _Les quinze premières années du règne de la reine
- Victoria_, p. 368.
-
-Le train qui la conduisait à Londres transportait aussi M. Guizot,
-sans qu'elle s'en doutât. Le ministre s'était échappé en passant par
-la Belgique.
-
-La princesse de Lieven devait rester éloignée de Paris jusqu'au mois
-d'octobre 1849[587]. Quand elle y revint, son salon reprit vite son
-importance.
-
- [587] Elle partagea son temps, pendant ce séjour à l'étranger,
- entre Londres, Richmond, Brighton et Schlangenbad, continuant à
- recevoir les hommes politiques de tous les partis. Le 3 juillet
- 1849, le duc Decazes, parlant d'un voyage qu'il venait de faire à
- Richmond, écrivait au baron de Barante: «Mme de Lieven a son
- salon ouvert tous les jours à 4 et à 8 heures. Guizot y vient
- régulièrement à 2 heures et après dîner.» (_Souvenirs du baron de
- Barante_, t. VII, p. 456).--En Angleterre, où elle retourna en
- 1850, elle ne sut résister à son goût pour l'intrigue. Le prince
- Albert, dans un mémorandum daté d'Osborne, 8 août 1850, raconte
- que Palmerston s'inquiète du complot tramé contre lui à
- l'instigation d'étrangers, «se plaignant particulièrement... de
- Guizot, de la princesse de Lieven, etc., etc.» (_La reine
- Victoria d'après sa correspondance inédite_, t. II, p. 388).
-
- La lettre ci-dessous, jusqu'à présent inédite, donne quelques
- détails sur la vie que menait Mme de Lieven à Richmond. Elle était
- adressée à M. Jacques Tolstoï, attaché à l'ambassade de Russie à
- Paris, et provient de la précieuse collection d'autographes de M.
- le général Rebora.
-
- Richmond, mardi le 15 août 1848.
-
- Rien ne pouvait me faire plus de plaisir que d'apprendre votre
- arrivée, Monsieur, et je vous remercie bien vite de l'avis que
- vous m'en donnez et de votre bonne intention de venir me voir.
- Permettez-moi de vous proposer demain mercredi. Voulez-vous venir
- le matin? Je suis visible depuis midi, et je sors à 3 heures pour
- ma promenade. Ou bien voulez-vous dîner avec moi? Je dîne à 6
- heures précises. Si ni l'une ni l'autre de ces propositions ne
- vous agréent, peut-être seriez-vous ici avant 3 heures pour faire
- avec moi une promenade dans ce charmant pays. Vous n'aurez plus le
- temps de me répondre, à moins que ceci ne vous parvienne
- aujourd'hui de bonne heure. Dans ce cas, dites-moi un mot. Si non,
- je vous attendrai demain à l'un des moments indiqués, et je vous
- assure que je m'en réjouis beaucoup.
-
- Mille compliments.
-
- La princesse DE LIEVEN.
-
-Un article du journal _l'Événement_ annonce que le Prince Président en
-a interdit l'entrée au général Changarnier, et celui-ci s'y rend dès
-le dimanche suivant comme pour démentir cette information[588]. C'est
-de ce salon que partent les tentatives de négociations entamées par
-Guizot, en vue d'une réconciliation et d'une entente de son parti avec
-Louis-Napoléon. Parlant de ces pourparlers, la maîtresse de maison
-écrivait à Lord Beauvale (plus tard le comte Melbourne) le 1er
-décembre 1851: «Beaucoup de personnes prétendent que, tout en ayant
-l'air de s'y prêter, le président n'a pas grande envie d'user de ce
-moyen. Un coup d'État le ferait mieux arriver, et il y est tout
-préparé[589].»
-
- [588] _Journal du maréchal de Castellane_, t. VI, p. 200.
-
- [589] _Les quinze premières années de la reine Victoria_, p, 454.
-
-Vingt-quatre heures plus tard, l'événement donnait raison à Mme de
-Lieven.
-
-Après le 2 décembre, l'influence de cette dernière reste redoutée.
-Lord Malmesbury a entendu un amusant récit d'un dîner donné par les
-Douglas pour mettre en rapport le Président et l'ancienne
-ambassadrice: «Ils ont été comme deux chiens de faïence, et celle-ci a
-déclaré qu'il n'y avait rien à en faire[590].»
-
- [590] Lord MALMESBURY, _Mémoires d'un ancien ministre_, p. 160.
-
-Quelques mois plus tard, quand Mlle de Montijo sera fiancée à
-l'empereur, ses conseillers la conduiront faire une visite rue
-Saint-Florentin: «Notre future impératrice était dimanche chez Mme de
-Lieven, écrit M. de Saint-Aulaire, point embarrassée de prendre la
-première place, de passer la première aux portes et cela, dit-on, de
-fort bonne grâce[591].»
-
- [591] _Souvenirs du baron de Barante_, t. VIII, p. 48. Le comte
- de Saint-Aulaire au baron de Barante, 22 janvier 1853.
-
-L'hommage que rendait ainsi à sa puissance celle qui devait être
-bientôt, dans sa radieuse beauté, l'impératrice Eugénie, n'empêcha pas
-la princesse de commettre peu après l'une des plus graves erreurs de
-sa longue carrière.
-
-De sérieuses complications avaient surgi entre la France et la Russie.
-La guerre allait éclater entre les deux nations, amenant un désastre
-pour la seconde. Dans cette guerre, dans cette meurtrissure de sa
-patrie, Mme de Lieven avait une large part de responsabilité. Elle
-avait encouragé les illusions du gouvernement du tsar, pensant
-le nouvel empire français trop peu solide pour risquer une
-aventure lointaine, convaincue que Napoléon III céderait, si, à
-Saint-Pétersbourg, on savait être ferme. L'ambassadeur de Russie à
-Paris, M. de Kisseleff, avait été plus clairvoyant, mais ce furent les
-conseils de la princesse qui l'emportèrent[592].
-
- [592] Cette action néfaste était connue aux Tuileries, et
- l'Impératrice disait au maréchal de Castellane: «Oui, c'est cette
- ambassade de femmes qui a fait la guerre. Les personnes
- importantes qui allaient dans les salons de Mmes de Lieven,
- Narichkine, Kalergis disaient que la guerre était impossible,
- qu'il y avait trop d'intérêts en jeu, que l'industrie était
- poussée trop loin pour que la guerre pût avoir lieu. Kisseleff,
- croyant que l'empereur était très capable de la faire et que
- l'alliance anglaise était probable, écrivait dans un sens opposé;
- cela lui a valu des avertissements de sa cour; il n'osait plus
- exprimer ou, du moins, il n'exprimait plus que timidement son
- opinion» (_Journal du maréchal de Castellane_, t. V, p. 113).
-
-Quand nos troupes furent parties pour la Crimée, elle prit tristement
-le chemin de Bruxelles[593]. Malgré la continuation des hostilités,
-elle obtint à l'automne l'autorisation de revenir à Paris, et s'y tint
-dans une patriotique réserve, impatiente cependant de voir signer la
-paix «afin de reprendre sa vie politique habituelle[594]». Le traité
-de Paris[595] aurait pu le lui permettre, mais la mort ne lui en
-laissa pas le temps.
-
- [593] _Souvenirs du baron de Barante_, t. VIII, p. 59. Le comte
- de Saint-Aulaire au baron de Barante. Paris, 27 février 1854.
-
- [594] _Journal du maréchal de Castellane_, t. V, p. 95.
-
- [595] Mars 1856.
-
-Depuis longtemps, sa santé, qui n'avait jamais été robuste, était
-devenue très précaire[596].
-
- [596] En novembre 1852, le maréchal de Castellane note déjà: Elle
- «est fort souffrante et ne se lève plus de dessus son canapé. Ce
- qui la soutient, c'est de s'occuper de politique, sa grande
- passion.» (_Journal du maréchal de Castellane_, t. IV, p. 408).
-
- Il répète en décembre 1852: «La princesse de Lieven est fort
- souffrante; elle n'ira pas loin. La politique est la seule chose
- qui remonte ses forces; elle en a la rage. Sa perte fera un vide à
- Paris, pour les ambassadeurs surtout. Elle a une correspondance
- dans toute l'Europe; elle a le besoin de savoir.» (_Ibid._, t. IV,
- p. 420).
-
-Au début de l'année 1857, ses forces déclinèrent rapidement. Elle
-avait alors soixante-douze ans, mais était encore en pleine possession
-de toutes ses facultés.
-
-Dans la nuit du 26 au 27 janvier, elle s'éteignit sans souffrance,
-entourée de l'un de ses fils, d'un neveu, de son vieil et fidèle ami,
-M. Guizot. Celui-ci, dans d'éloquentes lettres au baron de Barante, a
-tracé, en termes émus, le récit de son agonie[597].
-
- [597] _Souvenirs du baron de Barante_, t. VIII, p. 156 et 159. M.
- Guizot au baron de Barante. Paris, 3 février et lundi 9 février
- 1857.
-
-Quand elle ne fut plus, on remit à l'ancien président du Conseil un
-billet qu'elle avait griffonné la veille pour lui--son dernier billet,
-le point final de sa longue correspondance: «Je vous remercie de vingt
-années d'affection et de bonheur. Ne m'oubliez pas[598].»
-
- [598] _Ibid._, t. VIII, p. 159. Ces mots rappellent ceux d'un
- billet de la comtesse Marie Esterhazy à sa mère, dont M. de
- Metternich avait autrefois parlé à Mme de Lieven. Voir p. 16.
-
-Trois jours plus tard, sa dépouille mortelle quittait l'entresol de
-l'hôtel de Rothschild pour être transportée au château de Mesohten, en
-Courlande, «dans le caveau où reposaient déjà son mari et les deux
-fils qu'elle avait perdus... dans le monument qu'elle leur avait fait
-élever[599]».
-
- [599] M. GUIZOT, _Mélanges biographiques et littéraires_, p. 222.
-
-Elle avait déjà vu disparaître ses deux frères, Alexandre et
-Constantin de Benckendorf. Des trois fils qui lui restaient à son
-départ de Russie, l'un avait succombé en Amérique, et son mari avait
-eu la cruauté de ne pas l'en aviser. Elle avait appris la nouvelle par
-une lettre qu'elle lui avait écrite, retournée par la poste à
-l'expéditeur avec la mention «Mort»[600].
-
- [600] Les princes Paul et Alexandre qui, seuls, lui survécurent
- de ses six enfants, moururent célibataires. Le dernier fut
- lieutenant-général, sénateur, gouverneur civil de Moscou,
- conseiller privé adjoint du ministre des domaines (ERMERIN,
- _Annuaire de la noblesse de Russie_, 2e année, 1892, p. 135).
-
-Le jour qui précéda sa fin, elle demandait encore au baron de Hübner
-dans quelle ville devait se tenir le Congrès chargé de régler la
-question de Neuchâtel[601].
-
- [601] Comte DE HÜBNER, _Neuf ans de souvenirs d'un Ambassadeur
- d'Autriche à Paris, 1851-1859_, publiés par son fils le comte
- Alexandre de Hübner, 2 vol. in-8º, Paris, Plon, 1904, t. II, p.
- 6.
-
-La politique fut ainsi, jusqu'au dernier soupir, le principal intérêt
-de la vie de cette grande dame d'autrefois que fut la princesse
-Dorothée de Lieven.
-
-
-
-
-IV
-
-
-Le prince de Metternich épousa en troisièmes noces, le 30 janvier
-1831, la comtesse Mélanie Zichy-Ferraris, qui, dit M. de Falloux,
-«peut-être justifiait mieux cette union par l'éclat de sa beauté que
-par le secours diplomatique qu'elle pouvait apporter à un homme
-d'État[602].» A défaut de ce secours, la nouvelle princesse donna à
-son mari un dévouement ardent et passionné, fait d'admiration et de
-tendresse, dont les traces se retrouvent sans cesse dans le _Journal_
-laissé par elle[603].
-
- [602] Le comte DE FALLOUX, _Mémoires d'un royaliste_, t. I, p.
- 79.
-
- [603] _Mémoires du prince de Metternich_, t. V, VI, VII, VIII.
-
-Mais, plus d'une fois, le chancelier eut à réparer les erreurs de sa
-femme. Comme un jour, l'ambassadeur de France, le comte de
-Saint-Aulaire, complimentait celle-ci sur l'éclat d'un splendide
-diadème dont elle avait orné son front, et lui disait: «Madame, votre
-tête est parée d'une couronne,» elle lui répondit assez vivement:
-«Pourquoi pas? elle m'appartient; si elle n'était pas ma propriété, je
-ne la porterais pas[604].»
-
- [604] _Ibid._, t. V, p. 557 (Journal de la princesse Mélanie, 9
- janvier 1834).
-
-Cette scène se passait le 1er janvier 1834. La révolution de 1830
-n'était pas encore oubliée. On vit dans ces paroles une allusion
-blessante pour Louis-Philippe, et il ne fallut rien moins qu'une
-intervention du chancelier et une démarche aux Tuileries du comte
-Apponyi pour réparer cette maladresse[605].
-
- [605] _Ibid._, t. V, p. 593.
-
-Malgré ses incartades, la princesse Mélanie exerça une influence
-réelle sur son mari et ne fut peut-être pas étrangère à l'aveuglement
-politique qui amena la chute de celui-ci.
-
-Le prince avait vu l'apogée de sa puissance au Congrès de Vérone. Le
-système auquel il avait donné son nom, orgueilleusement défini par
-lui «l'application des lois qui régissent le monde[606]» tenait trop
-peu compte des intérêts et des idées en mouvement, pour ne pas se
-heurter bien vite à des obstacles insurmontables.
-
- [606] _Mémoires du prince de Metternich_, t. VII, p. 630.
-
-Les nations européennes échappaient l'une après l'autre à son joug. De
-toutes parts, son œuvre donnait des signes de décrépitude: «Je passe
-mon temps, disait-il lui-même, à étayer des édifices vermoulus[607].»
-
- [607] _Ibid._, t. VII, p. 301.
-
-Après la mort de François Ier, son successeur, le débile Ferdinand Ier
-conserva ses hautes fonctions à M. de Metternich, mais le pouvoir du
-chancelier devint de jour en jour plus précaire. Le réveil des
-nationalités, jusque-là méconnues par lui, amenait des troubles
-sanglants en Hongrie, en Galicie. Dans les provinces slaves,
-l'opposition grandissait.
-
-Au dehors, les affaires de Belgique, les affaires d'Espagne,
-l'agitation de l'Allemagne troublaient le vieux diplomate, qui, devenu
-très sourd, presque aveugle, assistait impuissant au déclin de sa
-grandeur.
-
-Il sombra définitivement au mois de mars 1848. Les nouvelles de la
-Révolution accomplie à Paris déterminèrent la catastrophe.
-
-A ce moment, l'impopularité du prince de Metternich était à son
-comble. Dans la famille impériale même, il n'était pas aimé, et
-l'empereur François n'était plus là pour le couvrir. Un concurrent
-redoutable pour lui avait surgi en la personne du comte Kolowrat, qui
-représentait, aux yeux de tous, un vague libéralisme en opposition
-avec toutes les idées de l'ancien règne.
-
-Le chancelier pourtant ne semblait pas prévoir le danger imminent dont
-il était menacé. Le comte de Hübner a fait un curieux tableau de la
-quiétude qui régnait alors au palais de la Chancellerie: «Ce qui me
-frappe sans m'étonner, écrit-il le 25 février 1848, c'est
-l'insouciance, le laisser-aller charmant qui, malgré les gros nuages
-qui pointent sur l'horizon, règnent dans ce salon (celui de la
-princesse Mélanie) aux «petits jours», lorsque la maîtresse de la
-maison réunit les élus: quelques gros bonnets du corps diplomatique,
-quelques _big swells_ du pays, tandis que la jeunesse se groupe autour
-du thé de la princesse Herminie de Metternich. Notre société est si
-habituée au beau temps qui a régné en Autriche depuis 1815, qu'elle a
-perdu le souvenir des tempêtes du commencement du siècle[608].»
-
- [608] Comte DE HÜBNER, _Une année de ma vie_, 1848-1849, Paris,
- Hachette, 1891, in-8º, p. 7.
-
-Le 13 mars cependant, les étudiants de Vienne envahirent la salle des
-États de la Basse-Autriche, et contraignirent ceux-ci à demander le
-renvoi immédiat de M. de Metternich.
-
-Mme de Lieven tenait de M. de Flahault un récit de la crise. Tous les
-détails n'en sont peut-être pas scrupuleusement exacts, mais dans ces
-pages où l'ancienne ambassadrice tient la première place, sa version
-est celle qu'il est le plus intéressant de citer:
-
-«Quand le peuple s'est soulevé et a demandé des réformes libérales, on
-a promis qu'une réponse serait donnée dans les deux heures, et
-ministres et archiducs se sont réunis en conseil. La question posée,
-Metternich prend la parole et pérore pendant une heure et demie pour
-ne rien dire, jusqu'à ce que l'archiduc Jean, tirant sa montre, lui
-fasse cette observation:--«Prince, il nous reste une demi-heure, et
-nous n'avons pas encore délibéré sur la réponse qu'il convient de
-faire au peuple.»--«Monseigneur, s'écrie alors Kolowrat, voilà
-vingt-cinq ans que je siège dans ce conseil avec le prince de
-Metternich, et je l'ai toujours entendu parler ainsi sans venir au
-fait.»--«Mais aujourd'hui, il faut y venir et sans tarder, reprend
-l'archiduc. Savez-vous, prince, que les premiers du peuple demandent
-votre démission?» Metternich de répondre qu'à son lit de mort
-l'empereur François lui a fait jurer de ne jamais abandonner son fils,
-mais que, si la famille impériale désire sa retraite, il se
-considérera comme relevé de son serment. Les archiducs déclarent
-qu'ils la désirent, et il consent à s'en aller. Alors l'Empereur
-intervient pour dire: «C'est moi qui suis le souverain après tout, et
-c'est à moi de décider. Dites au peuple que je consens à tout!» Ce
-crétin couronné ayant ainsi réglé la question, le grand ministre qui,
-pendant quarante ans, avait despotiquement gouverné l'empire dont il
-était la personnification, s'est aussitôt retiré, et à l'heure
-présente on ignore encore le lieu où il a cherché un refuge[609].»
-
- [609] GREVILLE, _Les quinze premières années du règne de la reine
- Victoria_, p. 375.
-
-Ce conseil s'était tenu chez l'archiduc Louis, dans la nuit du 13 au
-14 mars.
-
-Son sacrifice accompli, l'ex-chancelier rentra dans son palais. Les
-épreuves commençaient: «Je ne saurais dire, écrit la princesse
-Mélanie, tous les témoignages d'ingratitude et de basse méchanceté que
-j'ai recueillis en ce jour. Je n'ai jamais fait grand cas des hommes,
-mais j'avoue que je ne me les étais pas figurés aussi vils. De même
-que les rats abandonnent un navire qui sombre, de même nous avons été
-fuis par une foule d'amis égarés par la peur.»
-
-L'épouse admirable ajoute: «Tout le monde se réjouissait de voir
-Clément abaissé dans l'opinion publique de l'Europe; mais moi je le
-regarde comme plus grand que jamais[610].»
-
- [610] _Mémoires du prince de Metternich_, t. VII, p. 545 (Journal
- de la princesse Mélanie).
-
-Le 14 mars au matin, le prince de Metternich dut quitter la
-Chancellerie et se réfugier chez ses amis Taaffe. Mais Vienne n'était
-plus un abri sûr pour lui. Escorté de sa femme et de trois fidèles,
-Rodolphe de Liechtenstein, Charles Hügel et Rechberg, il se rendit
-nuitamment au château de Felsberg[611]. Le 21, la municipalité de la
-petite ville exigea son départ dans les vingt-quatre heures. Celui qui
-avait eu l'Europe à ses pieds ne savait où aller.
-
- [611] _Ibid._, t. VII, p. 629 (Autobiographie), p. 546 (Journal
- de la princesse Mélanie).
-
-Sa fille lui suggéra l'idée de chercher un refuge en Angleterre.
-
-Il partit pour Olmütz: le commandant d'armes ne voulut pas engager sa
-responsabilité en le laissant pénétrer dans cette place. Il repartit
-en chemin de fer, et débarqua, avec sa femme, à la dernière station
-avant Prague, tous deux se «dissimulant comme des voleurs[612].» Les
-fugitifs purent, en payant le triple du tarif, se faire conduire en
-voiture à Dresde.
-
- [612] _Ibid._, t. VIII, p. 5 (Journal de la princesse Mélanie).
-
-La traversée de l'Allemagne ne présentait guère plus de sécurité pour
-eux que celle des états autrichiens. De Dresde à Hanovre, ils firent
-le voyage dans leur berline, que l'on avait placée sur un wagon en
-leur imposant l'obligation de tenir les stores baissés.
-
-Par Minden, Fürstenau, Oldenzort ils atteignirent la Hollande, et, le
-20 avril, ils débarquèrent à Blackwall d'où ils gagnèrent Londres dans
-la même journée[613].
-
- [613] A son arrivée à Londres, M. de Metternich descendit avec
- les siens à Brunswick-Hôtel, Hanover Square; mais, quinze jours
- après son arrivée, il s'installa dans la maison de Lord Denbigh,
- 44, Eaton-Square.
-
-L'accueil que le prince reçut adoucit ses blessures. Dans son pays,
-«il ne pouvait plus compter sur personne[614].» Mais le peuple anglais
-a le culte des souvenirs glorieux. Déchu, le chancelier d'Autriche
-était encore le représentant d'un passé de force et de puissance. Tout
-ce qui avait un nom tint à honneur de l'entourer.
-
- [614] _Mémoires du prince de Metternich_, t. VIII, p. 5 (Journal
- de la princesse Mélanie).
-
-Son orgueil d'ailleurs ne l'avait pas abandonné. Il retrouva, sur le
-sol de la Grande-Bretagne, un autre grand proscrit, M. Guizot, et ce
-dernier nous donne, dans ses _Mémoires_, une curieuse preuve de cette
-vanité persistante. Il rapporte ainsi une conversation qu'il eut avec
-son ancien collègue: «L'erreur, me dit-il un jour, avec un
-demi-sourire qui semblait excuser d'avance ses paroles, l'erreur n'a
-jamais approché de mon esprit.»--«J'ai été plus heureux que vous, mon
-prince, lui dis-je; je me suis plus d'une fois aperçu que je m'étais
-trompé[615].»
-
- [615] M. GUIZOT, _Mémoires pour servir à l'histoire de mon
- temps_, t. V, p. 21.
-
-M. de Metternich ne comprit peut-être pas cette fine repartie.
-
-Pourtant la terre d'exil était dure pour ce vaincu. Après avoir passé
-quelques mois à Brighton, à la fin de 1848, le printemps et l'été de
-1849 à Richmond, le prince se rendit à Bruxelles[616]: pour l'ancien
-propriétaire du Johannisberg, de Plass, de Kœnigswart, de tant de
-terres et de châteaux somptueux, mis sous séquestre, le séjour de
-l'Angleterre était devenu trop onéreux!
-
- [616] A Richmond, M. et Mme de Metternich habitèrent Old Palace.
- A Bruxelles, ils louèrent une maison appartenant au violoniste
- Bériot et située 11, boulevard de l'Observatoire. Ils y
- demeurèrent du mois d'octobre 1849 au 17 octobre 1850. A cette
- dernière date, ils s'installèrent au palais d'Arenberg, près du
- Sablon (_Mémoires du prince de Metternich_, t. VIII, p. 50, 72 et
- 90).
-
-Cependant l'heure de l'oubli vint, l'orage s'apaisa. L'ancien
-chancelier, auquel ses biens avaient été rendus, put retourner au
-Johannisberg en juin 1851. Le séjour de Vienne redevenait possible
-pour lui: la révolution démocratique et constitutionnelle de 1848
-avait abouti à une restauration du pouvoir absolu. M. de Metternich
-rentra dans la capitale de l'Autriche au mois de septembre 1851. Il
-était désormais à l'abri des tempêtes, mais sa carrière politique
-était terminée.
-
-Il vécut assez pour voir le début de la guerre d'Italie, avec laquelle
-commençaient les longs malheurs de sa patrie. Il «s'éteignit doucement
-et sans agonie[617]» à Vienne le 11 juin 1859 vers midi, sept jours
-après Magenta, treize jours avant Solférino.
-
- [617] _Mémoires du prince de Metternich_, t. VIII, p. 648. Le
- baron Alexandre de Hübner au prince Richard de Metternich,
- Vienne, le 26 mai 1883.
-
-Durant les dernières années de sa vie, les deuils de famille avaient
-continué à fondre sur lui.
-
-En 1829, quelques mois après sa seconde femme, il avait perdu son fils
-aîné, le prince Victor. En 1833 et en 1836, il avait eu à pleurer une
-fille, puis un fils, issus de son troisième mariage, la petite
-princesse Marie et le jeune prince Clément. Enfin, le 3 mars 1854, il
-voyait s'éteindre la fidèle compagne des mauvaises heures, l'amie
-constante et sûre des routes de l'exil, sa troisième femme, la
-princesse Mélanie. Des quatorze enfants auxquels il avait donné son
-nom, six seulement lui survivaient[618].
-
- [618] De son second mariage avec Mlle de Leykam, M. de Metternich
- n'avait eu qu'un fils: le prince Richard, né le 7 janvier 1829,
- qui mourut le 1er mars 1895. Il avait épousé le 13 juin 1856 sa
- nièce, la comtesse Pauline Sandor, dont l'esprit et l'entrain
- firent tant de sensation à la cour des Tuileries sous le Second
- Empire. Il fut ambassadeur d'Autriche à Paris et son nom, comme
- celui de sa femme, est associé aux joies ainsi qu'aux détresses
- de l'entourage de Napoléon III.
-
- Du troisième mariage du prince Clément avec la comtesse Zichy
- naquirent cinq enfants.
-
- 1º Mélanie, née le 27 février 1832, morte le 14 janvier 1897,
- mariée le 20 novembre 1853 au comte Joseph Zichy.
-
- 2º Clément, né le 21 avril 1833, mort le 10 juin de la même année.
-
- 3º Paul, né le 14 octobre 1834, mort le 6 février 1906, épouse, le
- 9 mai 1868, la comtesse Mélanie Zichy-Ferraris.
-
- 4º Marie, née le 23 mars 1836, morte le 12 juin 1836.
-
- 5º Lothaire, né le 12 septembre 1837, mort le 2 octobre 1904,
- épousa successivement Caroline Reitter (21 avril 1868) et la
- comtesse Françoise Mittrowsky (5 juin 1900).
-
- (STROBL VON RAVELSBERG, _Metternich und seine Zeit_, t. I, p.
- 56.--_Almanach de Gotha._--_Mémoires du prince de Metternich_).
-
-L'ancien chancelier, avant de mourir, avait aussi vu disparaître deux
-femmes dont les noms devaient éveiller en lui bien des pensées: à
-Paris, la princesse de Lieven, en janvier 1857, à Vienne la princesse
-Bagration, le 21 mai de la même année.
-
-Cette dernière était revenue habiter l'Autriche. Elle avait été
-accueillie avec empressement par son ancien amant. Quand elle
-succomba, les familiers du prince n'osèrent, pendant trois jours, lui
-annoncer la nouvelle, tant ils redoutaient la secousse que celle-ci
-pouvait causer au vieillard. Il fallut pourtant s'y résoudre, lorsque
-les journaux annoncèrent le décès. Après bien des précautions
-oratoires, on se risqua à lui dire la vérité. L'ancien chancelier,
-très tranquillement, eut seulement ces mots pour réponse: «Vraiment,
-cela m'étonne qu'elle ait vécu si longtemps[619].»
-
- [619] STROBL VON RAVELSBERG, _Metternich und seine Zeit_, t. I,
- p. 54.
-
-Nous ne savons ce qu'il put dire de la princesse de Lieven. Très
-probablement, son oraison funèbre ne fut pas plus tendre. Égoïsme et
-oubli! Celle qu'il avait tant aimée méritait pourtant mieux. A défaut
-d'un regret à la maîtresse, son cœur aurait été équitable en faisant
-à l'amour passé la grâce d'un souvenir ému.
-
-De cet amour, ses lettres, seules, ont survécu. Elles lui attireront
-peut-être, après quatre-vingt-dix ans, quelques sympathies nouvelles.
-On retrouvera en elles un peu de l'âme de ce grand charmeur, dont tant
-de ses contemporaines ont subi la fascination.
-
-Sans doute, les pages écrites à l'amie du moment témoignent de
-beaucoup d'infatuation, de beaucoup de légèreté, de beaucoup de
-pédantisme philosophique. Mais elles ne seraient pas de M. de
-Metternich, s'il en était autrement.
-
-
-
-
-V
-
-
-Pour ne pas interrompre le rapide exposé des aventures de nos deux
-personnages, nous avons réservé pour ces pages le récit de leurs
-dernières rencontres.
-
-Au reste, ce n'était pas tant l'histoire de leur vie que celle de leur
-commune passion qu'il s'agissait de conter, et les rencontres dont
-nous allons parler, après l'amour, après la haine, marquent l'oubli,
-cette seconde mort de toute liaison.
-
-On nous pardonnera de revenir en arrière pour faire assister le
-lecteur à la mélancolique conclusion de ce roman mi-parti politique,
-mi-parti sentimental.
-
-Après leur rupture, le prince de Metternich et la princesse de Lieven
-étaient restés plus de vingt années sans se revoir.
-
-Le temps, ce grand pacificateur, avait fait son œuvre quand, en 1848,
-ils se retrouvèrent à Brighton.
-
-Le destin avait été cruel pour l'un comme pour l'autre.
-
-Le chancelier, proscrit, chassé de son pays par la révolution,
-cherchait avec angoisse la place où il pourrait «poser sa tête pour
-mourir[620].» Infirme, dépouillé de ses biens, abandonné de tous, il
-ne lui restait, de sa puissance perdue, que le spectacle des
-ingratitudes dont il était abreuvé. Dans ce désastre, seule, sa
-confiance en lui-même survivait.
-
- [620] _Mémoires du prince de Metternich_, t. VIII, p. 43.
-
-Celle qui avait été l'ambassadrice fêtée du tsar, vieillie, malade,
-brisée dans ses plus pures affections, se trouvait sur la même terre
-hospitalière, après avoir fui, elle aussi, devant l'émeute populaire.
-
-Cependant, une consolation leur avait été réservée: aux côtés de M. de
-Metternich, le zèle d'une femme très dévouée s'efforçait de panser les
-blessures du vieil homme d'État; à ceux de Mme de Lieven, se trouvait
-l'ami sûr au sort duquel elle avait, avec tendresse, définitivement
-lié le sien. Mais ce n'était ni à la princesse Mélanie ni à M. Guizot
-que Clément et Dorothée pensaient quand, jadis, à Aix, ils s'étaient
-réjouis de ne plus être seuls, chacun de leur côté, dans la vie...
-
-Au mois de novembre 1848, l'un et l'autre étaient venus chercher un
-peu de calme et de repos au bord de la mer, à Brighton. Ils se virent
-fréquemment, et leurs relations renouées se continuèrent à Richmond et
-à Londres, suivant les étapes de l'exil.
-
-La troisième princesse de Metternich parle de ces rencontres dans les
-termes les plus simples: «La princesse de Lieven est arrivée. J'ai eu
-avec elle un entretien de deux heures... Je suis allée avec Clément
-faire une visite à la princesse de Lieven. Nous y avons trouvé M.
-Guizot... Nous voyons beaucoup la princesse de Lieven. Elle nous tient
-au courant de tout ce qui se passe à Paris... La comtesse
-Chreptovitch, fille du comte de Nesselrode, est venue nous voir avec
-la princesse de Lieven...[621]»
-
- [621] _Mémoires du prince de Metternich_, t. VIII, p. 36, 37, 42,
- 85 (Journal de la princesse Mélanie).
-
-Nous connaissons d'autre part, par une lettre de Mme de Lieven à M. de
-Barante, l'impression de celle-ci: l'ami d'autrefois n'avait pas
-retrouvé son auréole.
-
-«Je vois M. et Mme de Metternich tous les jours, écrit-elle. Elle,
-grosse, vulgaire, naturelle, bonne et d'un usage facile. Lui, plein de
-sérénité, de satisfaction intérieure, d'interminable bavardage, bien
-long, bien lent, bien lourd, très métaphysique, ennuyeux quand il
-parle de lui-même et de son infaillibilité, charmant quand il raconte
-le passé et surtout l'empereur Napoléon[622].»
-
- [622] _Souvenirs du baron de Barante_, t. VII, p. 421. La
- princesse de Lieven à M. de Barante, Brighton, 19 janvier 1849.
-
-En août 1850, l'ancien chancelier et l'ex-ambassadrice se retrouvèrent
-encore à Bruxelles. Le prince s'apprêtait à prendre le chemin du
-retour vers sa patrie. Mme de Lieven revenait de Schlangenbad et
-rentrait en France, en passant par l'Angleterre[623]. Ils ne devaient
-plus se voir. Le journal de la princesse Mélanie nous fait connaître
-le sujet de quelques discussions politiques auxquelles ils prirent
-part pendant ces rapides réunions, mais nous ne savons rien de plus
-sur leurs adieux.
-
- [623] _Mémoires du prince de Metternich_, t. VIII, p. 88 (Journal
- de la princesse Mélanie).
-
-Si donc l'on prenait à la lettre les documents que nous venons de
-citer, aucune fibre du cœur du prince ou de celui de la princesse
-n'aurait tressailli au cours de ces entrevues.
-
-Même en l'absence de tout document, ne peut-on penser qu'il dut
-cependant en être autrement? Purent-ils vraiment se côtoyer sans jeter
-un regard sur le passé? N'étaient-ils pas, l'un pour l'autre,
-l'évocation vivante de leurs plus brillantes années?
-
-Ils étaient à l'apogée de leurs carrières lorsqu'ils s'étaient aimés.
-Ils ne se retrouvaient, aigris et désabusés, que pour comparer leurs
-détresses.
-
-S'ils n'échangèrent pas les paroles émues qui auraient pu leur venir
-aux lèvres, si même ils en échangèrent dont ils ont gardé le secret,
-revécurent-ils par la pensée les jours à jamais révolus, ceux où ils
-s'étaient adressé de si tendres et vibrants serments d'amour?
-
-Pensèrent-ils à ce «toujours» dont ils avaient voulu faire la devise
-de leur passion et qui n'est pas dans la nature humaine?
-
-Ces deux vaincus se souvinrent-ils de la mélancolique pensée écrite
-par Jean-Paul sur l'album du Johannisberg, au temps où leurs deux
-cœurs n'en faisaient qu'un: «Le souvenir est le seul Paradis d'où
-nous ne puissions être chassés?»
-
-
-
-
-SOURCES
-
-
-
-
-I
-
-LETTRES DU PRINCE DE METTERNICH
-A LA COMTESSE DE LIEVEN
-
-
-Les lettres publiées dans le présent volume sont reproduites d'après
-les originaux, sans aucune suppression ni modification, sauf la
-rectification de l'orthographe.
-
-Ces originaux, de la main du prince de Metternich, sont écrits en
-français. Ils ont été, très antérieurement à l'époque où ils sont
-venus en notre possession, réunis en deux volumes, revêtus chacun d'un
-carton bleu pâle.
-
-Le premier volume comprend les lettres écrites en 1818; le second
-celles écrites pendant les quatre premiers mois de 1819. Au dos du
-premier, une inscription manuscrite porte:
-
- «_1818.--1-9.--Correspondance intime du P_ce _de M.
- 1818-1826_.
-
-Au dos du second, on lit également:
-
- _1819.--10-24.--Corresp_ce _intime du P_ce _de M_ch.
- _1818-1826_.
-
-Après l'indication de l'année, 1818 ou 1819, les chiffres 1-9, 10-24
-sont les numéros d'ordre des lettres contenues dans chaque recueil.
-
-Toutes ces lettres sont écrites sur fort papier blanc, doré sur
-tranches, de format variable. Les dimensions extrêmes s'écartent peu
-cependant de 12c 1/2 sur 20c 1/2.
-
-
-
-
-II
-
-INTRODUCTION ET CONCLUSION
-
-1º LA PRINCESSE DE LIEVEN
-
-
-A) _Correspondance et Mémoires de la princesse._
-
-1º _Correspondence of princess Lieven and Earl Grey_, 1824-1841,
-edited and translated by Guy Le Strange. 3 vol. in-8º. Londres, R.
-Bentley, 1890.
-
- Après la mort de Lord Grey, en juillet 1845, les lettres de Mme
- de Lieven furent rendues à celle-ci par les exécuteurs
- testamentaires du comte. En octobre 1846, Mme de Lieven les
- confia, en même temps que celles à elle adressées par l'homme
- d'État anglais au duc de Sutherland.
-
- Écrites en français, les lettres de la princesse ont été, pour
- cette publication, traduites en anglais.
-
- Cet ouvrage a donné lieu à de nombreux articles et comptes
- rendus.
-
- En France, Mlle Marie Dronsart en a donné une analyse très fidèle
- dans: _La princesse de Lieven et le comte Grey_ (_Correspondant_
- du 10 juin 1890, t. CLIX, p. 907).
-
- En Angleterre, voir _Edinburgh Review_, t. CLXXI, p. 453;
- _Westminster Review_, t. CXXXIII, p. 643; _Athenæum_ t. XC-1, p.
- 141, t. XCI-1, p. 145; _Spectator_, t. LXIV, p. 121; _Saturday
- Review_, t. LXIX, p. 71; t. LXXI, p. 177.
-
-2º _Lettres de la princesse de Lieven à M. de Bacourt_ publiées par la
-comtesse de Mirabeau (_Correspondant_ du 10 août 1893, t. CLXXII, p.
-531).
-
-3º _Un roman du prince de Metternich_, par M. Ernest Daudet, (_Revue
-hebdomadaire_), du 29 juillet 1899, t. VIII, p. 648, et du 4 août 1899,
-t. IX, p. 30).
-
- Contient quatre lettres de Mme de Lieven au prince de Metternich.
- Bien que M. Daudet, par excès de prudence, hésite à les lui
- attribuer d'une façon certaine, ces lettres sont certainement de
- Mme de Lieven, de même que les lettres du prince, publiées dans
- le même travail, sont adressées à cette dernière. Les unes et les
- autres font partie de la correspondance dont nous publions ici le
- début.
-
-4º _Souvenirs du baron de Barante, de l'Académie française_,
-1782-1866, publiés par son petit-fils Claude de Barante. 8 vol. in-8º.
-Paris, Calmann Lévy, 1890-1901.
-
- Les tomes V et VII contiennent vingt-six lettres écrites par la
- princesse au baron de Barante et datées du 17 février 1836 au 23
- octobre 1850. Il est, par ailleurs, souvent question de Mme de
- Lieven, soit dans les souvenirs eux-mêmes, soit dans les lettres
- écrites ou reçues par l'auteur.
-
-5º _Pauls Tod. Aufzeichnung der Fürstin Darja Christophorowna Liewen
-geb. Baronesse Benkendorf._ Extraits des mémoires de la princesse
-(11-23 mars 1801) où elle raconte ce qu'elle vit de la tragédie où
-Paul Ier trouva la mort, publiés dans: _Die Ermordung Pauls und die
-Thronbesteigung Nikolaus I._ Neue Materialen veröffentlicht und
-eingeleitet von Professor Dr. Theodor Schiemann. In-8º, Berlin, Georg
-Reimer, 1902.
-
-6º _Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London_, 1812-1834. Edited by Lionel G. Robinson, in-8º, Londres,
-Longmans, Green and Co, 1902.
-
- Ces lettres, traduites en anglais et précédées d'une remarquable
- étude de L. G. Robinson, sont extraites de la correspondance
- échangée entre Mme de Lieven et son frère, le général Alexandre
- de Benckendorf, et qui est passée, par héritage, entre les mains
- de la famille Apponyi.
-
-7º Les ouvrages de M. Ernest Daudet, classés dans la série qui suit,
-contiennent de nombreux extraits de lettres de Mme de Lieven.
-
-
-B) _Biographies._
-
-1º _Mélanges biographiques et littéraires. La princesse de Lieven_ par
-M. Guizot, in-8º. Paris, Michel Lévy, 1868.
-
-2º Article _Lieven_ (_Dorothée de Benckendorf, princesse de_) par G.
-G. (Guillaume Guizot) dans la _Biographie Universelle ancienne et
-moderne_ (_Michaud_).
-
- M. Guillaume Guizot, dans cet article, reproduit en partie les
- renseignements donnés par son père dans l'ouvrage précédent.
-
-3º _Portrait de Mme la princesse de Lieven à la manière du duc de
-Saint-Simon._ Janvier 1857.--_Notice of the late princess of Lieven_,
-par Ralph Sneyd, publiée dans les _Miscellanies of the Philobiblon
-Society_, t. XIII, Londres, 1871-1872.
-
- Portrait très curieux de la princesse à la fin de sa vie, écrit
- en français. Il avait été donné par M. Sneyd à Lady Alice Peel,
- l'une des amies les plus intimes de Mme de Lieven.
-
-4º _Fürstin Dorothea Lieven_, par Arthur Kleinschmidt, dans
-_Westermanns Illustrierte deutsche Monatshefte_ (Brunswick) octobre
-1898, livraison 505, p. 21.
-
-5º _Princess Lieven_, par M. A. Laugel dans _The Nation_ (New York),
-t. LXXIII, p. 299 et 319.
-
-6º _Princess Lieven and her Friendships_ dans _Temple Bar_ (Londres)
-t. CXIX, p. 517.
-
- * * * * *
-
-M. Ernest Daudet qui, le premier en France, a étudié avec soin la vie
-et le rôle de Mme de Lieven, a publié sur elle, outre l'ouvrage
-mentionné sous le no 3 de la précédente série:
-
-7º _La princesse de Lieven_, d'après les papiers inédits de la
-duchesse Decazes (journal _Le Temps_ des 10 et 20 janvier 1898).
-
-Ces articles ont été analysés dans la _Revue encyclopédique_, 1898, p.
-217.
-
-8º _La princesse de Lieven_ (_Revue des Deux Mondes_ du 15 septembre
-1901, t. CLXVII, p. 307).
-
-9º _La reine Victoria en France_ (1843). (_Revue des Deux Mondes_ du
-15 mars 1902, t. CLXX, p. 357).
-
- D'après la correspondance inédite de la princesse et de M.
- Guizot.
-
-10º _Une vie d'Ambassadrice au siècle dernier._ (_Revue des Deux
-Mondes_, 1er janvier, 1er février et 1er mars 1903, t. CLXXIV, p. 154
-et 625; t. CLXXV, p. 194).
-
- Pour ces différents travaux, M. Daudet a utilisé les lettres de
- Mme de Lieven à son frère, dont une partie seulement avait été
- publiée par M. Lionel G. Robinson, sa correspondance avec Guizot
- et les archives de famille du duc Decazes. Ils contiennent de
- nombreux extraits de lettres de Mme de Lieven.
-
- M. E. Daudet, qui ne cache pas sa sympathie pour son héroïne, a
- condensé les études ci-dessus en un volume:
-
-11º _Une vie d'Ambassadrice au siècle dernier. La princesse de
-Lieven._ in-8º. Paris, Plon, 1903.
-
- Voir au sujet de ce livre les comptes rendus de M. Paul Muret,
- dans la _Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine_, t. V,
- 1903-1904, p. 136, de M. L. Batiffol dans la _Revue
- Hebdomadaire_, t. XII, 1903, p. 172, de M. Gaston Deschamps dans
- le _Temps_ du 2 août 1903.
-
-
-C) _Mémoires et Correspondances des Contemporains._
-
-1º _Mémoires d'outre-tombe_, par Chateaubriand, parus d'abord dans la
-_Presse_ (21 octobre 1848-3 juillet 1850), puis en 12 volumes in-12,
-1849-1850.
-
- Nous avons suivi l'édition de cet ouvrage célèbre donnée par M.
- Edmond Biré, 6 vol. in-12, Paris, Garnier frères, s. d.
-
-2º _Mémoires pour servir à l'Histoire de mon Temps_ par M. Guizot. 8
-vol. in-8º, Paris, Michel Lévy, 1858.
-
-3º _Despatches, Correspondence and memoranda of field marshal Arthur,
-duke of Wellington_, 1819-1832, edited by his son the duke of
-Wellington (in continuation of the former series), 8 vol.
-in-8º--Londres, John Murray, 1867-1880.
-
- Les premières séries: _Despatches from 1799 to 1818_, compiled
- from official and authentic documents by lieutenant-colonel
- Gurwood, 13 vol. in-8º, Londres, 1834-1839, dont de nouvelles
- éditions ont été données en 8 vol. in-8º en 1844-1847 et en 1852,
- et _Supplementary Despatches and Memoranda_ (1794-1818) edited by
- his son the duke of Wellington, 15 vol. in-8º, Londres, John
- Murray, 1858-1872, contiennent aussi quelques mentions de Mme de
- Lieven.
-
-4º _Denkwürdigkeiten aus den Papieren des Freiherrn
-Christian-Friedrich von Stockmar_, zusammengestellt von Ernst,
-Freiherr von Stockmar. In-8º. Brunswick, Friedrich Vieweg und Sohn,
-1872.
-
-5º _The Greville Memoirs_ (Mémoires de Charles Cavendish Fulke
-Greville) publiés en trois parties:
-
- a) _A Journal of the Reigns of King George IV and King William IV._
- Edited by Henry Reeve, 3 vol. in-8º, Londres, Longmans, Green and Co,
- 1874; nouvelle édition 1875.
-
- Des extraits de ces volumes ont été traduits en français et
- publiés par Mlle Marie-Anne de Bovet sous le titre: _La cour de
- George IV et de Guillaume IV. Souvenirs d'un témoin oculaire_,
- in-12, Paris, Firmin-Didot, 1888.
-
- b) _A Journal of the Reign of Queen Victoria from 1837 to 1852_,
- 3 vol. in-8º, Londres, Longmans, Green and Co, 1885.
-
- Traduit en partie par Mlle Marie-Anne de Bovet sous le titre:
- _Les quinze premières années du règne de la Reine Victoria.
- Souvenirs d'un témoin oculaire_, in-12, Paris, Firmin-Didot,
- 1889.
-
- c) _A Journal of the Reign of Queen Victoria 1852-1860._ 2 vol
- in-8º, Londres, Longmans, Green and Co. 1887.
-
-6º _Mémoires, documents et écrits divers laissés par le prince de
-Metternich, chancelier de Cour et d'État_, publiés, par son fils, le
-prince Richard de Metternich, classés et réunis par M. A. de
-Klinkowstrœm.
-
-Édition française, 8 vol. in-8º, Paris, Plon, 1880-1884.
-
- Cet ouvrage a paru simultanément en français, en anglais et en
- allemand. Les trois éditions sont identiques. Il se compose d'une
- autobiographie écrite par le prince et embrassant les périodes
- 1773-1810 et 1835-1848, de mémoires, lettres et documents émanant
- de lui, enfin du journal de la princesse Mélanie.
-
- L'autobiographie ne peut être consultée sans réserves. Beaucoup
- de dates même y sont fausses.
-
-7º _Memoirs of an Ex-Minister. An Autobiography, by the right hon. the
-earl of Malmesbury_, 2 vol. in-8º, Londres, 1884.
-
- Une traduction de cet ouvrage a été donnée par M. A. B. sous le
- titre: _Mémoires d'un ancien ministre_ (1807-1869) par Lord
- Malmesbury, in-12, Paris, Ollendorf, 1886.
-
-8º _Souvenirs du baron de Barante_ (voir ci-dessus, A, 4º.)
-
-9º _Mémoires du prince de Talleyrand_, publiés avec une préface et
-des notes par le duc de Broglie, 8 vol. in-8º, Paris, Calmann Lévy,
-1891.
-
- Voir au sujet de ces Mémoires, p. XXXVI, note 70.
-
-10º. _Letters of Harriet, Countess Granville_ (1810-1845) edited by
-her son the hon. F. Leveson Gower. 2 vol. in-8º, Londres, Longmans,
-Green and Cº, 1894.
-
-11º. _Journal du maréchal de Castellane_ 1804-1862. 5 vol. in-8º,
-Paris, Plon, 1897.
-
-12º. _Correspondance de S. M. l'Impératrice Marie Féodorovna avec Mlle
-de Nélidoff, sa demoiselle d'honneur_ (1797-1801), publiée par la
-princesse Lise Troubetzkoï, in-16, Paris, Ernest Leroux, 1896.
-
-13º _Le dernier bienfait de la Monarchie_, par le duc de Broglie,
-in-8º, Paris, Calmann Lévy, s. d.
-
- Dans ce livre, publié en 1902 après la mort de l'auteur, ce
- dernier rapporte ses impressions personnelles sur Mme de Lieven.
-
-14º _Correspondence of Lady Burghersh with the duke of Wellington_,
-edited by her daughter Lady Rose Weigall. In-8º, Londres, John Murray,
-1903.
-
-15º _Souvenirs de la baronne du Montet_, 1785-1866. In-8º, Paris,
-Plon, 1904.
-
-16º _Comte de Hübner.--Neuf ans de souvenirs d'un ambassadeur
-d'Autriche à Paris_ (1851-1859), publiés par son fils le comte
-Alexandre de Hübner. 2 vol. in-8º, Paris, Plon, 1904.
-
-17º _Récits d'une tante.--Mémoires de la comtesse de Boigne, née
-d'Osmond_, publiés d'après le manuscrit original par M. Charles
-Nicoullaud. 4 volumes in-8º, Paris, Plon, 1907.
-
-18º _La Reine Victoria d'après sa correspondance inédite._ Traduction
-française avec introduction et notes par Jacques Bardoux. 3 vol.
-in-8º, Paris, Hachette, 1907.
-
- Publié en anglais à Londres, 3 vol. in-8º, 1907, avec
- l'autorisation et sous le haut patronage de S. M. le roi Édouard
- VII, par Arthur C. Benson et le vicomte Esher.
-
-19º _Lettres et papiers du Chancelier comte de Nesselrode_
-(1760-1850). Extraits de ses archives, publiés et annotés avec une
-introduction par le comte A. de Nesselrode. 7 vol. in-8º, Paris,
-Lahure.
-
-En dehors de ces ouvrages, il y a lieu de citer _The Correspondence of
-the Earl of Aberdeen_, collection préparée par les soins de son fils,
-Sir Arthur Hamilton-Gordon, gouverneur de Ceylan, imprimée à titre
-privé, mais non publiée.
-
-
-D) _Ouvrages divers._
-
-1º Collection du _Moniteur universel_.
-
-2º Collection de la _Gazette Universelle d'Augsbourg_.
-
-3º Collection du _Journal de Paris_.
-
-4º Collection du _Journal des Débats_.
-
-5º _Hommage à Mme la princesse de Lieven_, par Sergius Uwarow. In-8º,
-Saint-Pétersbourg, 1829.
-
- A propos de la mort de la princesse Charlotte de Lieven,
- belle-mère de la princesse Dorothée.
-
-6º _Fürst Karl Lieven und die Kaiserliche Universität Dorpat unter
-seiner Oberleitung_, par Frédéric Busch. In-4º, Dorpat, 1846.
-
- Sur le beau-frère de Mme de Lieven.
-
-7º _Fürst Kosloffski, Kaiserlich russischer wirklicher Staatrath,
-Kammerherr des Kaisers, ausserordentlicher Gesandter und
-bevollmächtiger Minister in Turin, Stuttgart und Karlsruhe.
-Herausgegeben von Dr. Wilhelm Dorow._ In-16, Leipzig, Philipp Reclam
-Junior, 1846.
-
-8º _Histoire intime de la Russie sous les empereurs Alexandre et
-Nicolas, et particulièrement pendant la crise de 1825_, par J. H.
-Schnitzler. 2 vol. in-8º, Paris, Renouard, 1847.
-
- Le tome I contient une notice sur la famille de Lieven. Le même
- auteur a consacré à la même famille une notice assez détaillée
- dans l'_Encyclopédie des Gens du Monde_.
-
-9º Journal _le Nord_. Courrier de Paris, signé Nemo (Henry de Pène),
-et Correspondance de Paris du 30 janvier 1857.
-
-10º _Chateaubriand et son temps_, par le comte de Marcellus, in-8º,
-Paris, 1859.
-
-11º _Annuaire de la noblesse de Russie_, par Ermerin, 2e année, 1892.
-
-12º _Drei Jahrhunderte russischer Geschichte, 1598-1898_, par A.
-Kleinschmidt, in-8º, Berlin, J. Räde, 1898.
-
-13º _Geschichte Russlands unter Kaiser Nikolaus I_, par Theodor
-Schiemann. 2 vol. in-8º, Berlin, Reimer, 1904.
-
-14º Édition du grand-duc Nicolas Mikhaïlowitch.--_Portraits russes des
-XVIIIe et XIXe siècles._ 3 vol. in-8º parus, Saint-Pétersbourg,
-manufacture des papiers d'État, 1905.
-
-15º _Autour du Congrès d'Aix-la-Chapelle, 1818_, par M. Ernest Daudet
-(_Correspondant_ du 10 juillet 1907, t. CCXXVIII, p. 35).
-
-16º _Catalogues d'autographes_ de la maison Jacques, puis Étienne,
-puis Noël Charavay, nos 176, 206, 215, 225, 249, 269, 282, 327.
-
-17º _La Revue des Autographes_, catalogue à prix marqué de la maison
-Gabriel, puis veuve Gabriel Charavay, nos 137, 196, 238, 252, 262,
-263, 264, 270.
-
-18º _Lettres autographes composant la collection de M. Alfred Bovet_,
-décrites par Étienne Charavay. Paris, Charavay, 1884, in-4.
-
-
-E) _Sources manuscrites._
-
-1º _Archives du Ministère des Affaires étrangères._
-
- En dehors des indications naturellement très nombreuses sur le
- rôle politique et diplomatique du prince et de la princesse de
- Lieven, on trouve quelques détails utiles pour la biographie de
- cette dernière dans les volumes 614, 615, 616 et 617 de la
- _Correspondance d'Angleterre_, dans le volume 56 de la
- _Correspondance de Hanovre_.
-
-2º Lettre autographe signée, Saint-Pétersbourg, le 10 novembre 1834, à
-Lady Stuart.--Collection de M. Warocqué.
-
-3º Lettre autographe signée. Paris, 12 mai 1843, à «ma chère
-Marie».--Collection particulière.
-
-4º Deux lettres autographes signées: l'une du lundi 11 novembre à M.
-Jacques Tolstoï, et l'autre en date de Richmond, 15 août
-1848.--Collection de M. le général Rebora.
-
-5º Lettre aut. signée du grand-duc Nicolas à Mme de Lieven.
-Saint-Pétersbourg, 21 novembre-3 décembre 1819.--Communication de M.
-Noël Charavay.
-
-6º Copie de lettres de la comtesse de Lieven à M. de Metternich,
-Londres, 12, 13, 14, 15, 16 et 17 février 1820 et de M. de Metternich
-à la comtesse, Vienne, 24 et 25 mars 1820.--Ces copies, exécutées par
-le Cabinet Noir de la Restauration, ont été données par M. Forneron à
-M. le comte Puslowski qui nous les a communiquées.
-
-
-F) _Iconographie de Mme de Lieven._
-
-Th. Lawrence a fait le portrait de Mme de Lieven à l'âge d'environ
-vingt ans. Ce tableau se trouve aujourd'hui à Londres, à la National
-Gallery. Une photogravure le reproduit dans le livre: _Letters of
-Dorothea, princess Lieven during her residence in London_, publié par
-M. L. G. Robinson.
-
-Ce portrait a été gravé par W. Bromley.
-
-Un dessin du même Th. Lawrence, exécuté en 1823, représentant Mme de
-Lieven à quarante-trois ans, est aujourd'hui en la possession du
-grand-duc Nicolas Mikhaïlovitch, qui l'a reproduit dans ses _Portraits
-russes des XVIIIe et XIXe siècles_ (t. III, portrait 24).
-
-Il existe un autre portrait de la même personne par Day, qui a été
-gravé par H. Wright.
-
-Enfin, en 1856, l'année qui précéda sa mort, Mme de Lieven fut de
-nouveau portraiturée par G. F. Watts. Cette peinture, qui la
-représente assise, vêtue d'une robe de velours noir, est aujourd'hui à
-Londres, à Holland House et est la propriété du comte de Ilchester.
-Elle est reproduite en héliogravure dans _Letters of Dorothea,
-princess Lieven, during her residence in London_.
-
-Vers 1810 parut à Londres une caricature représentant Mme de Lieven,
-très maigre, dansant avec le prince Kozlovski, très gros, avec la
-légende: La latitude et la longitude de Saint-Pétersbourg.
-
-On trouve une autre très curieuse caricature de Mme de Lieven par
-Prosper Mérimée (dessin à la plume) reproduite dans _Prosper Mérimée.
-L'homme, l'écrivain, l'artiste_, publication du Comité du Centenaire
-de Mérimée, in-8º, Paris, _Journal des Débats_, 1907 (planche VIII).
-Ce dessin fait partie d'une collection particulière.
-
-Enfin, signalons que le portrait donné par M. A. Kleinschmidt dans les
-«Westermanns Monatshefte» d'octobre 1898 (p. 29) comme celui de la
-princesse Dorothée de Lieven est en réalité celui de sa belle-mère,
-Charlotte de Gaugreben.
-
-
-
-
-2º LE PRINCE DE METTERNICH
-
-
-Une bibliographie complète du prince de Metternich, au point de vue
-diplomatique et politique, demanderait l'examen de tous les ouvrages,
-mémoires, recueils de lettres et documents ayant trait à l'histoire de
-l'Europe, de 1797 (Congrès de Rastatt) à 1848, et même jusqu'à
-l'époque de la mort du chancelier en 1859.
-
-Notre cadre est loin de comporter un pareil travail. Nous nous
-contenterons donc de signaler ci-dessous les principaux ouvrages où
-nous avons pu trouver des renseignements sur la biographie du prince
-et sur sa vie privée.
-
-
-A) _Mémoires et correspondance du prince._
-
-Le seul ouvrage, publié ou laissé par M. de Metternich, qui puisse
-être utile au point de vue biographique, est le suivant: _Mémoires,
-documents et écrits divers laissés par le prince de Metternich_,
-publiés par son fils, le prince Richard de Metternich. (Voir II. Iº,
-C, no 6.)
-
-En 1841, _la Semaine_, IVe année, nos 23 à 29, 37 à 41, a publié des
-_Mémoires du prince de Metternich_, mais cette publication constituait
-une véritable mystification, qui a été interrompue après le 12e
-numéro. L'auteur supposé en est Ch. de Saint-Maurice.
-
-Malgré leur évidente fausseté, ces mémoires ont été traduits en
-allemand par Friedrich Meinhardt, et publiés à Weimar en 1849[624].
-
- [624] J. M. QUÉRARD, _Les supercheries littéraires dévoilées_, t.
- III, p. 1127.
-
-
-B) _Biographies._
-
-1º _Fürst Clemens von Metternich und sein Zeitalter._
-Geschichtlich-biographische Darstellung, etc., par Wilhelm Binder,
-in-8º, Ludwigsburg, 1836.
-
-2º _Galerie des Contemporains illustres par un homme de rien_ (Louis
-de Loménie), t. II. M. de Metternich, in-12, Paris, René et Cie, 1842.
-
-3º _Fürst Metternich und das österreichische Staatssystem_, par
-Anton-Johann Gross-Hoffinger, 2 vol. in-8º, Leipzig, 1846.
-
-4º _Fürst Metternich; biographische Skizze, nach den besten Quellen
-und den neuesten Ereignissen entworfen_, par Ludwig von Alvensleben,
-in-8º, Vienne, 1848.
-
-5º _Kaiser Franz und Metternich. Ein nachgelassenes Fragment_, par
-Joseph von Hormayr, in-8º, Berlin, 1848.
-
-6º _Fürst Metternich. Geschichte seines Lebens und seiner Zeit_, par
-Schmidt-Weissenfels, 2 vol. in-8º, Prague, Kober und Markgraf, 1860.
-
-7º _Un Chancelier d'ancien Régime. Le Règne diplomatique de M. de
-Metternich_, par Charles de Mazade, in-8º, Paris, Plon, 1889.
-
-8º _Le prince de Metternich_ par Charles de Lacombe (_Correspondant_
-du 10 décembre 1882, t. XLIII, p. 892).
-
- Ces deux derniers ouvrages ont paru à la suite et à propos de la
- publication des _Mémoires_.
-
-9º _Metternich und seine auswärtige Politik_ par Fed. von Demelitsch,
-in-8º, Stuttgart, Cotta, 1898.
-
-10º _Metternich und seine Zeit_, 1773-1859, par Ferdinand Strobl von
-Ravelsberg. 2 vol. in-8º, Vienne et Leipzig, C. W. Stern, 1906-1907.
-
- Beaucoup de dates fausses.
-
-
-
-C) _Mémoires et Correspondances des Contemporains._
-
-Tous les ouvrages, déjà indiqués pour Mme de Lieven et, en outre:
-
-1º _Tagebücher von K. A. Varnhagen von Ense._ 14 vol. in-8º. Publiés
-successivement à Leipzig, F. A. Brockhaus; à Zurich, Meyer und Zeller;
-à Hambourg, Hoffmann und Campe, de 1860 à 1870.
-
-2º _Tagebücher von Friedrich von Gentz_, mit Vorwort und Nachwort von
-K. A. Varnhagen von Ense, in-8º. Leipzig, F. A. Brockhaus 1861.--Cet
-ouvrage ne contient que des extraits des journaux de Gentz.
-
-Une édition complète de ceux-ci a été publiée sous le titre:
-
-_Aus dem Nachlasse Varnhagen's von Ense.--Tagebücher von Friedrich von
-Gentz_, 4 vol. in-8º, Leipzig, F. A. Brockhaus, 1873-1874.
-
-3º _Mémoires de Mme de Rémusat_, 1802-1808, publiés avec une préface
-et des notes par son petit-fils Paul de Rémusat, 3 vol. in-8º, Paris,
-Calmann Lévy, 1879-1880.
-
-4º _Mémoires de Mme la duchesse d'Abrantès. Souvenirs historiques sur
-Napoléon, la Révolution, le Directoire, le Consulat, l'Empire et la
-Restauration._ La première édition de cet ouvrage parut en 1831-1835,
-18 vol. in-8º, Paris, Ladvocat. Nouvelle édition, 10 vol. in-12,
-Paris, Garnier frères, 1893.
-
-5º _Mémoires d'un Royaliste_, par le comte de Falloux, 2 vol. in-8º,
-Paris, Perrin, 1888.
-
-6º _Une année de ma vie, 1848-1849_, par le comte de Hübner, in-8º,
-Paris, Hachette, 1891.
-
-7º _Histoire de mon temps. Mémoires du Chancelier Pasquier_, publiés
-par M. le duc d'Audiffret-Pasquier, 6 vol. in-8º, Paris, Plon,
-1893-1895.
-
-8º _Souvenirs du Congrès de Vienne, 1814-1815_, par le comte A. de la
-Garde-Chambonas, publiés avec introduction et notes par le comte
-Fleury, in-8º, Paris, Vivien, 1901.
-
-L'édition originale de cet ouvrage a paru en 1843, 2 vol. in-8º, à
-Paris, chez Appert sous le titre: _Fêtes et Souvenirs du Congrès de
-Vienne, Tableaux des Salons, Scènes anecdotiques et Portraits._
-
-9º _Correspondance diplomatique des Ambassadeurs et Ministres de
-Russie en France et de France en Russie avec leurs gouvernements de
-1814 à 1830_, publiée par A. Polovtsoff, 3 vol. in-8º parus.
-Saint-Pétersbourg. Édition de la Société Impériale d'Histoire de
-Russie, 1902-1907.
-
-10º _La Cour et le Règne de Paul Ier. Souvenirs, portraits,
-anecdotes_, par le comte Fédor Golovkine, publiés avec introduction et
-notes par S. Bonnet, in-8º, Paris, Plon, 1905.
-
-11º _Souvenirs et Fragments pour servir aux mémoires de ma vie et de
-mon temps_, par le marquis de Bouillé, 1769-1812, publiés par P. L. de
-Kermaingant, 2 vol. in-8º, Paris, Picard, 1908.
-
-
-D) _Ouvrages divers._
-
-1º _Almanach de Gotha_, principalement ceux de 1819, 1836, 1848 et
-1860.
-
-2º Journal _L'Assemblée Nationale_, du 19 juin 1851: Le prince de
-Metternich à Bruxelles.
-
-3º _Metternich et le Gouvernement de Juillet_, par Antonin Debidour,
-dans la _Revue bleue_, 1883, t. XXXII, p. 428.
-
-4º _La Société française du Consulat et de l'Empire_, par Ernest
-Bertin, in-16, Paris, Hachette, 1890.
-
-5º _Napoléon et sa famille_, par Frédéric Masson, 8 vol. in-8º, Paris,
-Ollendorf, 1900-1906.
-
-6º Catalogues d'autographes de la maison Noël Charavay et de la maison
-veuve Gabriel Charavay.
-
-
-E) _Manuscrits._
-
-Lettre autographe signée, ce 25 février 1829, à une destinataire
-inconnue.--Collection particulière.
-
-
-
-
-INDEX DES NOMS DE PERSONNES
-
-
- A
-
- ABERDEEN (George Gordon, Lord), 173, 211, 338, 339, 345, 350, 351,
- 357, 363, 396.
-
- ABRANTÈS (duc et duchesse D'). Voir Junot.
-
- ADÉLAÏDE (Madame), 366.
-
- ALBEMARLE (William-Charles Keppel, comte D'), 150.
-
- ALBEMARLE (Élisabeth Southwell, comtesse D'), première femme du
- précédent, 150.
-
- ALBEMARLE (Charlotte-Susanne Hunloke, comtesse D'), deuxième femme
- du comte d'Albemarle, 150.
-
- ALBERT, Prince Consort, 370.
-
- ALEXANDRA FÉODOROVNA, impératrice de Russie, épouse de l'empereur
- Nicolas Ier, 338, 349, 353, 366, 368.
-
- ALEXANDRE Ier, empereur de Russie, C, XVIII, XXXIV, XXXV, XXXVI,
- XXXIX, LVI, LVII, LX, LXI, LXII, LXVIII, LXIX, 10, 43, 59, 60, 65,
- 66, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 145, 154, 182, 206, 214, 215, 228, 251,
- 252, 295, 321, 330, 333, 340, 341.
-
- ALEXANDRE NICOLAÏÉVITCH, tsarévitch, depuis empereur de Russie, 354,
- 358, 359.
-
- ALISON (Sir Archibald), 6, 61, 107.
-
- ALOPEUS (David Maximovitch, baron D'), LXI.
-
- ALVENSLEBEN (Ludwig VON), 400.
-
- AMÉLIE, reine des Français. Voir Marie-Amélie.
-
- ANGOULÊME (Louis-Antoine de Bourbon, duc D'), LXVII.
-
- ANTRAIGUES (le comte D'), 116.
-
- APPONYI (famille), 391.
-
- APPONYI (Antoine-Rodolphe, comte), 260, 332, 348, 375.
-
- APPONYI (Thérèse Nogarola de Vesone, comtesse), XLVII, 260, 262,
- 330, 332.
-
- APPONYI (Anna de Benckendorff, comtesse), XXXI, 260.
-
- ARBUTHNOT (Charles, Lord), 263.
-
- ARBUTHNOT (Lady), née Clapcott-Lisle, première femme du précédent,
- 263.
-
- ARBUTHNOT (Harriett Fane, Lady), deuxième femme de Lord Arbuthnot,
- 263.
-
- ARENBERG (Ernest-Engelbert, duc D'), 52.
-
- ARENBERG (Marie-Thérèse de Windischgraetz, duchesse D'), 52.
-
- ARENBERG (Pierre, prince D'), 369.
-
- ARMFELDT (Gustave-Maurice, comte D'), 116.
-
- AUDIFFRET-PASQUIER (duc D'), 401.
-
- AUERSPERG (famille D'), 66.
-
- AUERSPERG (Vincent, prince D'), 79.
-
- AUERSPERG (Gabrielle-Marie de Lobkowitz, princesse D'), 79.
-
- AUGUSTE (Paul-Frédéric-), duc d'Oldenbourg, 136.
-
- AULARD (A.), XIII.
-
-
- B
-
- BACCIOCHI (Marie-Anne-Élisa Bonaparte, princesse), 247.
-
- BACOURT (M. DE), diplomate français, XXXVI, 366, 367, 390.
-
- BAGRATION (Pierre, prince), XXIII, XXIV.
-
- BAGRATION (Catherine Pavlovna Skavronska, princesse), femme du
- précédent, XXIII, XXIV, 382, 383.
-
- BAGRATION (Clémentine, princesse), fille de la précédente, voir
- Blome.
-
- BANDINELLI (Baccio), sculpteur italien, 258.
-
- BAPST (Germain), j, 367.
-
- BARANTE (Amable-Guillaume-Prosper, baron DE), XXXIV, XXXIX, XLVIII,
- LII, 181, 355, 359, 360, 365, 369, 370, 371, 372, 373, 385, 386,
- 391, 394.
-
- BARANTE (Claude DE), 391.
-
- BARDOUX (Jacques), 361, 395.
-
- BARING, banquier anglais, LX.
-
- BARRIÈRE (François), II.
-
- BASEDOW (Jean-Bernard), XII.
-
- BASSANVILLE (Mme DE), XXIII.
-
- BATIFFOL (L.), 393.
-
- BEALE, orientaliste anglais, 182.
-
- BEAUHARNAIS (Stéphanie-Louise-Adrienne DE), grande-duchesse de Bade.
- Voir Stéphanie.
-
- BEAUVALE (Fréderic Lamb, Lord), 371.
-
- BEES (Mme), 310.
-
- BENCKENDORFF (Christophe Ivanovitch DE), général russe, père de
- Mme de Lieven, XXX.
-
- BENCKENDORFF (Charlotte-Auguste-Jeanne Schilling de Canstadt,
- baronne DE), femme du précédent, XXX, XXXI, XXXII.
-
- BENCKENDORFF (Alexandre Christophorovitch, comte DE), fils des
- précédents, XXXI, XXXII, 138, 206, 260, 325, 333, 334, 342, 344,
- 357, 374, 391, 392.
-
- BENCKENDORFF (Élisabeth-Andréïevna Donetz-Zakharievski, comtesse DE),
- femme du précédent, XXXI.
-
- BENCKENDORFF (Anna Alexandrovna DE), comtesse Apponyi. Voir Apponyi.
-
- BENCKENDORFF (Constantin Christophorovitch DE), XXXI, XXXII, 374.
-
- BENCKENDORFF (Marie Christophorovna DE). Voir Schewitsch.
-
- BENSON (Arthur C.), 395.
-
- BERGAMI (Bartolomeo), 145.
-
- BÉRIOT, violoniste, 381.
-
- BERNSTORFF (Christian-Gunther, comte DE), homme d'État prussien, 325.
-
- BERRYER (Pierre-Antoine), 360.
-
- BERTIN (Ernest), 402.
-
- BIANCHI, musicien, 253.
-
- BINDER VON KRIEGELSTEIN (Antoine, baron), père des suivants, 80.
-
- BINDER VON KRIEGELSTEIN (Charles, baron), diplomate autrichien, 80.
-
- BINDER VON KRIEGELSTEIN (François,
- baron), diplomate autrichien, ministre à La Haye, 80.
-
- BINDER VON KRIEGELSTEIN (Frédéric, baron), conseiller de la légation
- autrichienne à Paris, LXXI, 80.
-
- BINDER (Wilhelm), 400.
-
- BINGHAM (George-Charles, Lord), 114.
-
- BIRÉ (Ed.), II, 393.
-
- BIREN. Voir Courlande.
-
- BLIGH (Sir Robert), 353.
-
- BLOME (Otto, comte), général danois, XXIV.
-
- BLOME (Clémentine Bagration, comtesse), XXIV.
-
- BOHRER (les frères), LIX.
-
- BOIGNE (Charlotte-Louise-Éléonore-Adélaïde d'Osmond, comtesse DE),
- XXVII, XL, XLI, XLV, LI, LII, LIV, 34, 80, 260, 261, 363, 395.
-
- BONNET (Raoul), j, 11, 254, 301.
-
- BORODINE (Prince), 252.
-
- BOUILLÉ (Louis-Joseph-Amour, marquis DE), XXVIII, 41, 402.
-
- BOVET (Alfred), 318, 397.
-
- BOVET (Mlle Marie-Anne DE), XLVII, XLVIII, 394.
-
- BRAMMERTZ (Mlle), LVIII.
-
- BRENDEL (François-Antoine), évêque constitutionnel du Bas-Rhin, X.
-
- BRISSOT (Jacques-Pierre), 212.
-
- BROGLIE (Albert, duc DE), XXXVI, XLI, XLII, 395.
-
- BROGLIE (Victor, duc DE), XLI, 361.
-
- BROMLEY (W.), graveur, 398.
-
- BROTONNE (Léonce DE), 41.
-
- BRUNSWICK (duc DE). Voir Charles.
-
- BUCKINGHAM (John Hobart, comte DE), 4.
-
- BUOL-SCHAUENSTEIN (Charles, comte DE), 367, 368.
-
- BURDETT (Sir Francis), 56, 124, 262.
-
- BURGHERSH (John Fane, Lord), 253, 254, 261, 263, 264, 265, 266.
-
- BURGHERSH (Priscilla Fane, Lady), 261, 266, 395.
-
- BURKE (John), 263.
-
- BUSCH (Frédéric), XXXIII.
-
- BYRON (George Gordon, Lord), 79, 124.
-
-
- C
-
- CAMBRIDGE (Adolphe-Frédéric, duc DE), 321.
-
- CAMBRIDGE (Auguste-Wilhelmine-Louise de Hesse-Cassel, duchesse DE),
- femme du précédent, 322.
-
- CAMDEN (Lord), Lord-lieutenant d'Irlande, 6.
-
- CAMELFORD (le baron), 211.
-
- CAMPE (J. H.), XII.
-
- CANNING (George), 61, 211, 331, 338, 341, 344, 357.
-
- CANOVA (Antoine), 84, 254, 277, 282.
-
- CAPO D'ISTRIA (Jean, comte), 10, 19, 57, 96, 116, 225, 326, 327, 341.
-
- CARACCIOLI (Dominique, marquis), 267.
-
- CARAMAN (Victor-Louis-Charles de Riquet, comte, puis marquis, puis
- duc DE), ambassadeur de France à Vienne, 117, 163, 250, 325.
-
- CARAMAN (Joséphine-Léopoldine-Ghislaine de Mérode-Westerloo,
- comtesse DE), femme du précédent, 117.
-
- CARLOVITZ (M. DE), envoyé autrichien à Francfort, 323.
-
- CAROLINE-Amélie-Élisabeth de Brunswick-Wolfenbüttel, reine
- d'Angleterre, femme de George IV, 144, 145.
-
- CAROLINE-AUGUSTE, impératrice d'Autriche, née princesse de
- Bavière, épouse de François Ier, 187.
-
- CARS (Mme DES), L.
-
- CARLOS (Don), frère de Ferdinand VII, roi d'Espagne. Voir
- Charles-Marie-Isidore.
-
- CASTELLANE (le maréchal DE), XXXVIII, 368, 369, 371, 372, 373, 395.
-
- CASTELLANE (la comtesse Jean DE), XXVII.
-
- CASTLEREAGH (Robert Stewart, Lord), marquis de Londonderry,
- homme d'État anglais, LVIII, LX, 4, 6, 9, 19, 34, 56, 57, 60,
- 61, 80, 116, 124, 146, 209, 322, 346.
-
- CASTLEREAGH (Emilie-Anne Hobart, Lady), L, LIX, LXI, 4, 34, 80,
- 81, 116, 120, 144, 153, 209.
-
- CATALANI (Angelica), cantatrice, LIX.
-
- CATHERINE II, impératrice de Russie, XXXII.
-
- CATHERINE PAVLOVNA, reine de Würtemberg, 136, 141.
-
- CATILINA, 247, 280.
-
- CELLINI (Benvenuto), 258.
-
- CETTO (Auguste, baron DE), 89.
-
- CHARAVAY (Étienne), 397.
-
- CHARAVAY (Gabriel), XLVII, 330, 397, 402.
-
- CHARAVAY (Jacques), 397.
-
- CHARAVAY (Noël), j, V, XXVI, 317, 397, 398, 402.
-
- CHARLES IV, roi d'Espagne, 141.
-
- CHARLES-FRÉDÉRIC-AUGUSTE-GUILLAUME, duc de Brunswick-Wolfenbüttel,
- 342.
-
- CHARLES-FRÉDÉRIC, grand-duc de Bade, 82.
-
- CHARLES-LOUIS-FRÉDÉRIC, grand-duc de Bade, petit-fils du précédent,
- 82.
-
- CHARLES-LOUIS, duc de Parme, prend en 1849 le titre de comte de
- Villafranca, XLIV.
-
- CHARLES-Marie-Isidore de Bourbon, comte de Molina (Don Carlos),
- frère de Ferdinand VII, roi d'Espagne, XLIII.
-
- CHARLES-Louis-Marie-Ferdinand de Bourbon, comte de Montemolin,
- fils du précédent, XLIII.
-
- CHARLOTTE, reine d'Angleterre, épouse de George III, XLIV, 141, 267.
-
- CHARLOTTE-Caroline, princesse d'Angleterre, fille du Prince Régent,
- LIII.
-
- CHATEAUBRIAND (François-René, vicomte DE), b, I, II, VI, XXVI,
- XXXIX, XLV, XLVIII, 301, 326, 328, 393.
-
- CHELMSFORD (Lord), 339.
-
- CHOLMONDELEY (George), vicomte Malpas, 263.
-
- CHOLMONDELEY (Hester Edwards, Lady), femme du précédent, 263.
-
- CHOLMONDELEY (George-James, premier marquis DE), fils des précédents,
- 263.
-
- CHOLMONDELEY (Charlotte Bertie, Lady), femme du précédent, 263.
-
- CHOLMONDELEY (Hester). Voir Clapcott-Lisle.
-
- CHOTEK (Marie Berchtold, comtesse DE), 183.
-
- CHREPTOVITCH (Hélène Carlovna de Nesselrode, comtesse), 385.
-
- CHUQUET (Arthur), h, i, XI, XIII.
-
- CICÉRON, 305, 306.
-
- CLAPCOTT-LISLE (William), 263.
-
- CLAPCOTT-LISLE (Hester Cholmondeley, Mrs), 263.
-
- CLARENDON (Lord), 366.
-
- CLIFFORD (Lord), 150.
-
- COBENZEL (Louis, comte DE), 43.
-
- COIGNY (Madame DE), 335.
-
- COLLOREDO-WALLSEE (Joseph, comte DE), 55.
-
- COLLOREDO-WALLSEE (Wenceslas, comte DE), 55.
-
- CONSALVI (Hercule, cardinal), 274, 300.
-
- CONSTANT (Benjamin), 301.
-
- CONSTANTIN LE GRAND, empereur romain, 281, 282.
-
- CONSTANTIN PAVLOVITCH (le grand-duc), 206, 207, 333.
-
- CONYNGHAM (la marquise DE), II, XXXVII, 322.
-
- COOK (James), X.
-
- COURLANDE (Pierre de Biren, duc DE), 110.
-
- COURLANDE (Anne-Charlotte-Dorothée de Medem, duchesse DE),
- femme du précédent, 110.
-
- COURLANDE (Catherine-Frédérique-Wilhelmine de Biren, princesse DE).
- Voir Sagan.
-
- COURLANDE (Dorothée de Biren, princesse DE). Voir Talleyrand-Périgord.
-
- COWPER (Lady), plus tard Lady Palmerston, 353.
-
- CRICHTON, médecin anglais, 329.
-
- CUMBERLAND (Ernest-Auguste, duc DE), depuis roi de Hanovre, 349.
-
- CUMBERLAND (Frédérique-Louise-Caroline-Sophie-Alexandrine de
- Mecklembourg-Strélitz, duchesse DE), depuis reine de Hanovre,
- LIII, 98, 322, 323.
-
- CZERNYCHEFF. Voir Tchernycheff.
-
-
- D
-
- DARNLEY (Comte DE), 61.
-
- DARNLEY (Comte DE), fils du précédent, 353.
-
- DAUDET (Ernest), I, II, III, IV, XXXV, XLI, XLII, XLIII, LV, LVII,
- LIX, LXXI, LXXII, 32, 252, 314, 315, 316, 317, 325, 326, 327, 328,
- 348, 351, 354, 355, 357, 359, 361, 363, 364, 390, 391, 392, 393,
- 397.
-
- DAY, peintre, 398.
-
- DEBIDOUR (Antonin), 402.
-
- DECAZES (Élie, comte, puis duc), III, IV, 115, 146, 156, 301, 332,
- 370.
-
- DECAZES (Élie, 3e duc), 393.
-
- DECAZES (la duchesse), XLII, XLIII, 392.
-
- DEMELITSCH (Fed, VON), 400.
-
- DEMIDOFF (la princesse), née Benckendorff, XXXI.
-
- DENBIGH (Lord), 380.
-
- DESANDROINS (le vicomte), 42.
-
- DESCHAMPS (Gaston), 393.
-
- DESSOLLE (le général), 115, 156.
-
- DILLON (Édouard, comte), 260, 261.
-
- DILLON (Fanny Harland, comtesse), femme du précédent, 261.
-
- DILLON (Georgine), fille des précédents. Voir Karolyi.
-
- DILLON (Robert), père du comte Édouard, 260.
-
- DILLON (Marie Disconson, Mme), femme du précédent, 260.
-
- DINO (duchesse DE). Voir Talleyrand-Périgord.
-
- DJANIB-EFFENDI. Voir Mouhammed-Salih-Effendi.
-
- DOLGOROUKI (le prince Pierre Pétrovitch), LIV, 251, 252.
-
- DOLGOROUKOV, 63.
-
- DOROW (Wilhelm), 11, 144, 396.
-
- DOUGLAS (la famille), 371.
-
- DOURO (Lord), 357.
-
- DRONSART (Mlle Marie), 390.
-
- DUMON, ministre français, XLII.
-
- DUSSIEUX (L.), XLIV.
-
-
- E
-
- ÉDOUARD VII, roi d'Angleterre, 395.
-
- ÉLISA BONAPARTE. Voir Bacciochi.
-
- ELLICE (Miss Marion), 367.
-
- ELTZ (Aimery, comte D'), 55.
-
- ENGELHARDT (Catherine). Voir Skavronska.
-
- ERMERIN, XXX, 63, 83, 251, 374.
-
- ESHER (le vicomte), 395.
-
- ESTERHAZY (Paul-Antoine, prince), ambassadeur d'Autriche à Londres, IV,
- 97, 98, 111, 134, 135, 139, 144, 147, 148, 154, 157, 159, 168, 190,
- 191, 193, 195, 196, 198, 199, 200, 201, 202, 206, 207, 237, 243, 244,
- 255, 268, 296, 297, 299, 311, 315.
-
- ESTERHAZY (Marie-Thérèse de Thurn et Taxis, princesse), femme du
- précédent, XLV, 98, 134, 193.
-
- ESTERHAZY (Nicolas, prince), père du prince Paul, 97, 147, 236.
-
- ESTERHAZY (Marie de Liechtenstein, princesse), femme du précédent, 97,
- 237.
-
- ESTERHAZY (Joseph, comte), XXI, LXVIII, 6, 160, 319.
-
- ESTERHAZY (Marie-Léopoldine de Metternich, comtesse), 1re femme du
- précédent, XXI, LXVIII, 6, 8, 33, 59, 84, 105, 109, 124, 142, 160,
- 161, 210, 236, 240, 243, 247, 248, 253, 265, 266, 271, 273, 274,
- 277, 280, 299, 300, 319, 373.
-
- ESTERHAZY (Hélène Bezobrazoff, comtesse), 2e femme du comte
- Joseph, 6.
-
- EUGÉNIE, impératrice des Français, 371, 372.
-
-
- F
-
- FAGAN (Louis), 211.
-
- FALLOUX (Frédéric-Alfred-Pierre, comte DE), XX, XXVII, 374, 375, 401.
-
- FARNÈSE (Alexandre), cardinal, depuis Pape sous le nom de Paul III,
- 273.
-
- FERDINAND Ier, empereur d'Autriche, 59, 376, 378.
-
- FERDINAND VII, roi d'Espagne, 141.
-
- FERDINAND Ier, roi des Deux-Siciles, XVIII, XIX, 311.
-
- FERDINAND III, grand-duc de Toscane, 248, 259.
-
- FERDINAND-CHARLES-ANTOINE, archiduc d'Autriche-Este-Modène, 271.
-
- FETH-ALI-CHAH, chah de Perse, 182, 188, 225.
-
- FICQUELMONT (Charles-Louis, comte DE), 35, 108.
-
- FLAHAULT DE LA BILLARDERIE (Alexandre-Sébastien, comte DE), 139.
-
- FLAHAULT DE LA BILLARDERIE (Auguste-Charles-Joseph, comte DE),
- fils du précédent, 139, 377.
-
- FLEURY (le comte), XX, 111, 401.
-
- FLORET (Engelbert-Joseph, chevalier DE), LV, LVIII, LXIV, LXXI,
- 14, 21, 28, 53, 60, 226, 235, 236, 239, 255, 291.
-
- FONTENAY (M. DE), diplomate français, XLVII, 330.
-
- FORBES (John), amiral anglais, 261.
-
- FORGERON, LIV, 398.
-
- FORSTER (Georges), X.
-
- FOX (Charles), 212, 351.
-
- FRANÇOIS Ier, empereur d'Autriche, f, VII, XIV, XVIII, LVII, LVIII,
- LIX, LXXIII, 10, 14, 21, 44, 45, 60, 62, 63, 64, 65, 71, 78, 94,
- 100, 104, 108, 113, 171, 182, 183, 187, 191, 210, 216, 217, 248,
- 258, 265, 271, 276, 277, 280, 301, 314, 321, 330, 331, 334, 376,
- 378.
-
- FRANK (Jean-Pierre), médecin, 230.
-
- FRÉDÉRIC-GUILLAUME II, roi de Prusse, 10.
-
- FRÉDÉRIC-GUILLAUME III, roi de Prusse, XVI, XVIII, XXXV, XXXVI,
- LVII, LIX, LX, LXVIII, 10, 65, 145, 252, 261.
-
- FRÉDÉRIQUE, reine de Hanovre. Voir Cumberland (duchesse DE).
-
- FREMANTLE (Sir Thomas-Francis), amiral anglais, 265, 268.
-
-
- G
-
- GALLES (prince de). Voir George IV.
-
- GALLES (princesse de). Voir Caroline, reine d'Angleterre.
-
- GAMS, 271.
-
- GAUGREBEN (Charles Posse DE), général russe, XXXII.
-
- GAUGREBEN (Charlotte Karlovna Posse DE), fille du précédent.
- Voir Lieven.
-
- GENERALI (Pietro), 268.
-
- GENTZ (Frédéric DE), XXI, XXVII, XXVIII, 112, 115, 301, 401.
-
- GEORGE III, roi d'Angleterre, 51, 141, 267.
-
- GEORGE IV, prince régent, puis roi d'Angleterre, II, XVIII, XXXVI,
- XXXVII, XXXIX, LIII, LXVII, 21, 51, 53, 98, 132, 142, 144, 145,
- 161, 168, 267, 320, 321, 322, 323, 331, 342, 346, 353.
-
- GIRY (A.), XII.
-
- GODERICH (Lord), 211.
-
- GOLOVKINE (Georges Alexandrovitch), ministre de Russie à Vienne,
- 63, 66, 131, 132, 163, 194, 227, 228, 251, 326, 327.
-
- GOLOVKINE (Gabriel), bisaïeul du précédent, 63.
-
- GOLOVKINE (le comte Fédor), cousin germain de Georges et auteur
- des _Souvenirs_, XXV, XXVI, 63, 402.
-
- GORDON (Sir Robert), chargé d'affaires d'Angleterre à Vienne, 173,
- 190, 195, 198, 200, 206, 250, 255, 290, 300, 303.
-
- GORDON (Sir Alexandre), 173.
-
- GOULESKO (le ban), 131.
-
- GOUVION-SAINT-CYR (le maréchal), 115, 146, 156.
-
- GRANVILLE (Harriett, comtesse), 395.
-
- GRENVILLE (Lord), 211.
-
- GRENVILLE (Anne Pitt, Lady), XXXVIII, 211.
-
- GRÉVILLE (Charles Cavendish Fulke), XLVII, XLVIII, L, LIV, 185,
- 352, 353, 360, 361, 365, 366, 369, 370, 378, 394.
-
- GREY (Charles, comte), LII, 56, 114, 211, 334, 335, 338, 340, 343,
- 344, 345, 346, 347, 348, 351, 352, 355, 390.
-
- GROS-HOFFINGER (Antoine-Jean), 400.
-
- GUILFORD (Frédéric North, Lord), 131, 132.
-
- GUILLAUME IV, roi d'Angleterre, 353.
-
- GUILLAUME V, stathouder de Hollande, 60.
-
- GUILLAUME Ier, roi des Pays-Bas, LXIX, 60.
-
- GUILLAUME II, roi des Pays-Bas, 60.
-
- GUILLAUME Ier, roi de Würtemberg, 136.
-
- GUIZOT (François-Pierre-Guillaume), e, XXXVIII, XL, XLIV, LIII,
- 161, 360, 361, 362, 363, 364, 365, 368, 369, 370, 371, 373, 374,
- 380, 385, 391, 392, 393.
-
- GUIZOT (François), fils du précédent, 362.
-
- GUIZOT (Guillaume), frère du précédent, 392.
-
- GURWOOD, lieutenant-colonel anglais, 393.
-
- GUTENBERG, 84.
-
-
- H
-
- HADDO (Lord), 173.
-
- HAGUE, musicien, 253.
-
- HAMILTON-GORDON (Sir Arthur), 396.
-
- HAMMER (M. DE), 187.
-
- HANOTAUX (Gabriel), i.
-
- HARDENBERG (Charles-Auguste, prince DE), LIX, LXVIII, 36.
-
- HARROWBY (Dudley Ryder, comte DE), 185.
-
- HARROWBY (Suzanne Leveson-Gower, Lady), 185.
-
- HATZFELD (Louis, prince DE), LX.
-
- HEILIGER, 217.
-
- HELZEBRUN. Voir Lebzeltern.
-
- HERRIOT (Édouard), XXVI.
-
- HESSE-HOMBOURG (prince héritier DE), LXIV.
-
- HEYTESBURY (William A'Court, baron), 339, 350, 351, 352.
-
- HITROFF (Nicolas Fédorovitch), 261.
-
- HITROFF (Mme), 261, 262.
-
- HOBART (John). Voir Buckingham.
-
- HOBART CARADOC. Voir Howden.
-
- HOBHOUSE (John Cam), 124, 215.
-
- HOFFMANN, X.
-
- HOLLAND (Lord), II.
-
- HOLLAND (Lady), XXXVIII.
-
- HORMAYR (Joseph DE), 334, 400.
-
- HOWDEN (Sir John Hobart Caradoc, baron), second mari de la
- princesse Bagration, XXIV.
-
- HÜBNER (Joseph-Alexandre, comte DE), 374, 377, 381, 395, 401.
-
- HÜBNER (Alexandre, comte DE), fils du précédent, 374, 395.
-
- HUGEL (Charles), 379.
-
- HUNLOKE (Sir Henry), 150.
-
- HUNT (Henry), 262, 280.
-
- HURET (Léopold), 155, 191.
-
- HUSKISSON (William), 349.
-
-
- I
-
- ILCHESTER (comte DE), 398.
-
- ISABELLE-MARIE, reine d'Espagne, 141.
-
-
- J
-
- JEAN VI, roi de Portugal, 141.
-
- JEAN, archiduc d'Autriche, 378.
-
- JERSEY (George Villiers, IVe comte DE), 114.
-
- JERSEY (George Child-Villiers, Ve comte DE), 78.
-
- JERSEY (Sarah-Sophie Fane, comtesse DE), femme du précédent,
- XXXVII, 78, 116, 123, 124, 125, 126, 215, 247, 301, 316.
-
- JOSEPH II, empereur d'Allemagne, 248.
-
- JOSÉPHINE, impératrice des Français, 82.
-
- JUNOT (Andoche), duc d'Abrantès, XXV, XXVI.
-
- JUNOT (Mme) née Laure Permond, duchesse d'Abrantès, XXV, XXVI, 401.
-
-
- K
-
- KALERGIS (Mme), 372.
-
- KARADSHA (le prince), 131.
-
- KAROLYI (le comte), 261.
-
- KAROLYI (Georgine Dillon, comtesse), 261.
-
- KAUNITZ (Wenceslas-Antoine, prince DE), homme d'État autrichien,
- XV, 215.
-
- KAUNITZ (Ernest, prince DE), beau-père du prince de Metternich,
- XV, 42, 43.
-
- KAUNITZ (Dominique-André, prince DE), 215, 235.
-
- KAUNITZ (Aloys-Wenceslas, prince DE), fils du précédent, ambassadeur
- d'Autriche à Rome, 215, 216.
-
- KAUNITZ (Françoise Ungnad de Weissenwolf, princesse DE), femme du
- précédent, 215.
-
- KELLERMANN (François-Christophe), maréchal de France, LVIII, 47.
-
- KENT (Édouard, duc DE), LXXII, 50, 51, 52.
-
- KENT (Marie-Louise-Victoire de Saxe-Saalfeld-Cobourg, duchesse DE),
- LXXII, 50, 51, 53.
-
- KERMAINGANT (P.-L. DE), XXVIII, 402.
-
- KHITROFF, voir Hitroff.
-
- KING (M.), 196.
-
- KINNAIRD (Charles, Lord), 262, 263.
-
- KINNAIRD (Olivia Fitzgerald, Lady), 262, 263.
-
- KISSELEFF (M. DE), ambassadeur de Russie à Paris, 372.
-
- KLEINSCHMIDT (Arthur), XXXII, L, 349, 392, 397, 399.
-
- KLINKOWSTRŒM (A. DE), XI, 394.
-
- KOLOWRAT (François-Antoine, comte DE), 35, 376, 378.
-
- KOLOWRAT (Rose Kinsky, comtesse DE), 183.
-
- KOTZEBUE (Auguste DE), X, 295, 301, 313.
-
- KOURAKINE (Alexandre Borissovitch, prince), diplomate russe, 227.
-
- KOZLOVSKI (Pierre Borissovitch, prince), diplomate russe, 11, 12,
- 13, 144, 396, 398.
-
- KRUSEMARCK (Frédéric-Guillaume-Louis DE), ministre de Prusse à
- Vienne, 251.
-
- KUEFSTEIN (François, comte DE), 55.
-
-
- L
-
- LABOUCHÈRE, banquier, LX.
-
- LACOMBE (M. DE), XIX, XX, 400.
-
- LAFON, violoncelliste, LIX.
-
- LA FORCE (François-Philibert-Bertrand Nompar de Caumont, duc DE), 41.
-
- LA FORCE (Marie-Constance de Lamoignon, duchesse DE), XXVIII, 41.
-
- LA GARDE-CHAMBONAS (comte A. DE), XX, XXIII, XXIV, 12, 111, 144, 401.
-
- LAMB (George), 124.
-
- LAMBERT (le major), 367.
-
- LAMOIGNON (M. DE), ancien garde des sceaux, XXVIII.
-
- LAMOIGNON (Marie-Constance DE), fille du précédent. Voir La Force.
-
- LANJUINAIS (Jean-Denis, comte DE), 301.
-
- LANSDOWNE (Henry Petty-Fitzmaurice, Lord), 210, 211, 351.
-
- LA TOUR (la princesse DE), LXI.
-
- LA TOUR DU PIN (Frédéric-Séraphin, marquis DE), LXIX.
-
- LAUDERDALE (James Maitland, Lord), 212.
-
- LAUGEL (A.), 392.
-
- LAVISSE (Ernest), 206.
-
- LAWRENCE (Sir Thomas), peintre anglais, XLV, LXVII, 9, 82, 83, 108,
- 111, 130, 142, 143, 195, 240, 398.
-
- LÉARDI (Paul, comte), nonce à Vienne, 163.
-
- LEBZELTERN (Louis, comte DE), LXIV, 28, 66[625], 196.
-
- [625] Le _Moniteur universel_ du 31 décembre 1818, cité page 66,
- l'appelle par erreur Helzebrun.
-
- LEININGEN (Emich-Charles, prince DE), 50.
-
- LEININGEN (Victoria-Marie-Louise de Saxe-Saalfeld-Cobourg,
- princesse DE), femme du précédent, 50.
-
- LEININGEN (Charles-Frédéric-Guillaume-Emich, prince DE),
- fils des précédents, 50.
-
- LEINSTER (le duc DE), 263.
-
- LÉON XII (Annibal della Genga), pape, 281, 300.
-
- LÉOPOLD Ier, roi des Belges, 361.
-
- LÉOPOLD II, empereur d'Allemagne, auparavant grand-duc de Toscane
- sous le nom de Léopold Ier, XIV, 10, 248.
-
- LÉOPOLDINE-CAROLINE-JOSÉPHINE, archiduchesse d'Autriche, épouse de
- Pierre d'Alcantara, prince héréditaire de Portugal, XVIII.
-
- LE STRANGE (Guy), 335, 390.
-
- LESUR (Charles-Louis), LXVIII, 131, 141.
-
- LEVESON GOWER (F.), 395.
-
- LEYKAM (Marie-Antoinette DE). Voir Metternich.
-
- LIECHTENSTEIN (princesse DE), mère du suivant, 157.
-
- LIECHTENSTEIN (Maurice-Joseph, prince DE), 60, 147, 148, 154, 157,
- 218, 230, 231, 244.
-
- LIECHTENSTEIN (Léopoldine Esterhazy, princesse DE), femme du
- précédent, 60, 147, 148, 218, 231, 232.
-
- LIECHTENSTEIN (Rodolphe, prince DE), 379.
-
- LIEVEN (famille DE), 396.
-
- LIEVEN (Otto-Henri-André Romanovitch, baron DE), général, XXXII,
- XXXIII.
-
- LIEVEN (Charlotte Karlovna Posse de Gaugreben, baronne DE), femme
- du précédent, gouvernante des petits-enfants de Catherine II, XXXII,
- LXV, 349, 396, 399.
-
- LIEVEN (Charles Andréïévitch DE), fils aîné des précédents, XXXIII,
- 396.
-
- LIEVEN (André Karlovitch DE), fils du précédent, XXXIII.
-
- LIEVEN (Christophe Andréïévitch, comte, puis prince DE), deuxième
- fils du prince André Romanovitch, ambassadeur de Russie à Londres,
- XXXIII, XXXIV, XXXV, XXXVI, XXXVII, XXXVIII, XXXIX, XL, XLI, LX,
- LXII, LXIV, LXV, LXVI, LXXII, LXVIII, LXIX, 1, 3, 7, 11, 19, 20,
- 22, 28, 61, 63, 78, 87, 110, 135, 155, 162, 206, 209, 218, 269,
- 296, 320, 321, 322, 323, 324, 327, 328, 329, 330, 331, 332, 339,
- 349, 350, 351, 354, 358, 359, 374.
-
- LIEVEN (Dorothée de Benckendorff, comtesse, puis princesse DE),
- femme du précédent, _passim_.
-
- LIEVEN (Alexandre Christophorovitch, prince DE), fils des précédents,
- XLIII, LV, 374.
-
- LIEVEN (Paul Christophorovitch, prince DE), frère du précédent, LV,
- 330, 374.
-
- LIEVEN (Constantin Christophorovitch, prince DE), frère des
- précédents, LV, 374.
-
- LIEVEN (Georges Christophorovitch, prince DE), frère des précédents,
- IV, 217, 316, 357, 374.
-
- LIEVEN (Arthur Christophorovitch, prince DE), frère des précédents,
- 331, 357, 374.
-
- LIEVEN (Ivan Andréïévitch DE), troisième fils du baron André
- Romanovitch, XXXIII.
-
- LIEVEN (Catherine Andréïévna DE). Voir Viétinhof.
-
- LOBKOWITZ (François-Joseph-Maximilien-Ferdinand, prince DE), 79.
-
- LŒVENSTEIN-ROCHEFORT (Charles-Thomas-Albert-Louis-Joseph-Constantin,
- prince DE), 52.
-
- LŒWENSTEIN-ROCHEFORT (Sophie-Louise-Wilhelmine de Windischgraetz,
- princesse DE), 51, 52.
-
- LOMÉNIE (Louis DE), XXII, XXIII, 400.
-
- LONDONDERRY (le marquis DE), père de Lord Castlereagh, 6.
-
- LONDONDERRY (le marquis DE). Voir Castlereagh.
-
- LOUIS XVIII, roi de France, III, IV, XVIII, 114, 117, 156, 182, 260.
-
- LOUIS-PHILIPPE, roi des Français, XIII, XLII, 363, 375.
-
- LOUIS-NAPOLÉON. Voir Napoléon III.
-
- LOUIS Ier, roi de Bavière, 131.
-
- LOUIS, archiduc d'Autriche, 378.
-
- LOUIS, prince de Prusse, XXVII.
-
- LOUISE-AMÉLIE de Bourbon, grande duchesse de Toscane, 248.
-
- LOUISE-Auguste-Wilhelmine-Amélie de Mecklembourg-Strelitz,
- reine de Prusse, épouse de Frédéric-Guillaume III, 98.
-
- LOUISE-MARIE-THÉRÈSE de Bourbon, reine d'Espagne, épouse de
- Charles IV, 141.
-
-
- M
-
- M. A. B., XLII, 394.
-
- MALMESBURY (Lord), XLII, LI, 360, 361, 366, 368, 371, 394.
-
- MARCEL, XIII.
-
- MARCELLUS (le comte DE), II, XLV, L, 328, 355, 396.
-
- MARESCALCHI, 246.
-
- MARICOURT (le baron de), 139.
-
- MARIE-AMÉLIE, reine des Français, 366.
-
- MARIE-ANTOINETTE d'Autriche, reine de France, 260.
-
- MARIE FÉODOROVNA, née Sophie-Dorothea-Augusta de Würtemberg,
- impératrice douairière de Russie, veuve de Paul Ier, XXX, XXXIII,
- XXXIV, LXV, LXVI, LXIX, 395.
-
- MARIE-LOUISE d'Autriche, impératrice des Français, XVII, XXV, XLIV,
- 230.
-
- MASSON (Frédéric), i, XXV, 402.
-
- MAXIMILIEN Ier-Joseph, roi de Bavière, 131.
-
- MAXIMILIEN-Joseph-Jean, archiduc d'Autriche, 270, 271.
-
- MAZADE (Charles DE), VI, 400.
-
- MÉDICIS (Côme DE), 248.
-
- MÉDICIS (Laurent DE), 248.
-
- MEINHARDT (Frédéric), 400.
-
- MELBOURNE (William Lamb, Lord), 124, 211.
-
- MELLISH, 352.
-
- MENSINGEN (Mlle DE), 360.
-
- MERKLE (J.), 136.
-
- MÉRIMÉE (Prosper), e, 211, 398, 399.
-
- METTERNICH (Franz-Georg-Karl-Joseph-Johann, prince DE), père du
- chancelier, VIII, XV, XVI, XXII, LVII, 40.
-
- METTERNICH (Maria-Béatrix-Antonia-Aloïsia de Kagenegg, princesse DE),
- femme du précédent, VIII, XXII.
-
- METTERNICH (Clément-Wenceslas-Lothaire, prince DE), fils aîné du
- précédent, chancelier d'Autriche, _passim_.
-
- METTERNICH (Marie-Éléonore de Kaunitz, princesse DE), première
- femme du chancelier, XV, XXI, XXV, LX, LXI, LXII, LXIV, 6, 42,
- 55, 59, 60, 63, 77, 83, 104, 161, 224, 236, 240, 246, 247, 258,
- 274, 275, 276, 277, 289, 293, 295, 307, 314, 319, 331, 373.
-
- METTERNICH (Marie-Antoinette de Leykam, comtesse de Beilstein,
- princesse DE), deuxième femme du chancelier, 334, 335, 336, 337,
- 343, 382.
-
- METTERNICH (Mélanie-Marie-Antoinette
- Zichy-Ferraris, princesse DE), troisième femme du chancelier,
- XXVI, 66, 374, 375, 377, 378, 381, 382, 384, 385, 386, 394.
-
- METTERNICH (Marie-Léopoldine, princesse DE), fille du chancelier,
- issue du premier mariage. Voir Esterhazy (comtesse).
-
- METTERNICH (Franz-Karl-Johann-Georg, prince DE), fils du chancelier,
- issu du premier mariage, XXI.
-
- METTERNICH (Clément-Eduard, prince DE), fils du chancelier, issu du
- premier mariage, XXI.
-
- METTERNICH (Franz-Karl-Victor, prince DE), fils du chancelier, issu
- du premier mariage, attaché d'ambassade à Paris, XXI, 224, 225, 230,
- 236, 331, 382.
-
- METTERNICH (Clémentine-Marie-Octavie, princesse DE), fille du
- chancelier, issue du premier mariage, XXI, 142, 143, 240, 318.
-
- METTERNICH (Léontine-Pauline-Marie, princesse DE), fille du
- chancelier, issue du 1er mariage. Voir Sandor de Slavnicza.
-
- METTERNICH (Hermina-Gabrielle-Marie, princesse DE), fille du
- chancelier, issue du premier mariage, XXI, 59, 377.
-
- METTERNICH (Richard-Clément-Joseph-Lothaire-Hermann, prince DE),
- fils du chancelier, issu du deuxième mariage, ambassadeur à Paris,
- XI, XXI, 335, 348, 381, 382, 394, 399.
-
- METTERNICH (Pauline-Clémentine-Marie-Walbourge Sandor de Slavnicza,
- princesse DE), femme du précédent, XXI, 382.
-
- METTERNICH (Mélanie, princesse DE), fille du chancelier, issue du
- troisième mariage. Voir Zichy.
-
- METTERNICH (Clément, prince DE), fils du chancelier, issu du
- troisième mariage, 382.
-
- METTERNICH (Paul, prince DE), fils du chancelier, issu du 3e
- mariage, 382.
-
- METTERNICH (Mélanie-Zichy-Ferraris, princesse DE), femme du
- précédent, 382.
-
- METTERNICH (Marie, princesse DE), fille du chancelier, issue du
- troisième mariage, 382.
-
- METTERNICH (Lothaire, prince DE), fils du chancelier, issu du
- troisième mariage, 382.
-
- METTERNICH (Caroline Reitter, princesse DE), première femme du
- précédent, 382.
-
- METTERNICH (Françoise Mittrowsky, princesse DE), deuxième femme
- du prince Lothaire, 382.
-
- METTERNICH (Joseph, comte DE), frère du chancelier, VIII.
-
- METTERNICH (Louis DE), frère du chancelier, VIII.
-
- METTERNICH (Pauline DE), sœur du chancelier. Voir Würtemberg.
-
- MICHALI, 267.
-
- MICHEL-ANGE BUONAROTTI, 258, 286, 288.
-
- MICHEL PAVLOVITCH (le grand-duc), XXXII.
-
- MILLS, 279.
-
- MIRABEAU (la comtesse DE), 366, 367, 390.
-
- MIRAFLORÊS (le marquis), XLVII.
-
- MIRZA-ABDUL-HASSAN-KHAN, ambassadeur du chah de Perse, 90, 181,
- 182, 183, 187, 189.
-
- MOLÉ (Mathieu-Louis, comte), 359, 360, 362.
-
- MONTEMOLIN (le comte DE), fils de Don Carlos. Voir Charles-Louis
- -Marie-Ferdinand de Bourbon, XLIII.
-
- MONTET (la baronne DU), 63, 183, 187, 261, 393.
-
- MONTIJO (Eugénie DE). Voir Eugénie, impératrice des Français.
-
- MORNINGTON (la comtesse DE), 261.
-
- MORNY (le duc DE), 139.
-
- MOUHAMMED-SALYH-EFFENDI, dit Djanib-effendi, reiss-effendi, 189.
-
- MOUSTIER (le marquis DE), 321, 322, 323.
-
- MÜHLENBECK (E.), XIII.
-
- MUNSTER (Ernest-Frédéric-Herbert, comte DE), 323.
-
- MURAT (Joachim), grand-duc de Berg, puis roi de Naples, XXV.
-
- MURAT (Caroline Bonaparte), femme du précédent, XXIV, XXV.
-
- MURET (Paul), LII, 393.
-
-
- N
-
- NAPOLÉON Ier, empereur des Français, f, X, XI, XIII, XVI, XVII,
- XXIV, XXV, XXXVI, LVIII, LXIII, 43, 44, 47, 131, 132, 135, 187,
- 237, 275, 276, 277, 300, 350, 386.
-
- NAPOLÉON III, empereur des Français, XXI, 335, 371, 372, 382.
-
- NARICHKINE (Mme), 367, 368, 372.
-
- NELIDOFF (Mlle DE), XXX, 395.
-
- NEP (le colonel), 34, 35.
-
- NESSELRODE (Charles Robert, comte DE), a, III, XXVIII, LXII, LXIII,
- LXIV, LXIX, 10, 19, 27, 28, 115, 237, 324, 325, 326, 327, 329,
- 330, 331, 332, 338, 352, 385, 395.
-
- NESSELRODE (Marie Dmitrievna Gourieff, comtesse DE), III, LXI,
- LXIII, LXIV, 28, 237, 325, 364.
-
- NESSELRODE (le comte A. DE), 396.
-
- NEUMANN (Philippe, baron), LXXI, 32, 33, 55, 84, 91, 110, 118,
- 121, 123, 138, 140, 146, 149, 155, 157, 158, 178, 191, 195, 199,
- 205, 206, 209, 232, 236, 290, 291, 292, 296, 317.
-
- NEUMANN (Augusta Sommerset, baronne), 32.
-
- NICOLAS Ier PAVLOVITCH, empereur de Russie, c, XXXII, 96, 206,
- 317, 318, 341, 345, 349, 353, 354, 357, 358, 359, 366, 368, 398.
-
- NICOLAS MIKHAÏLOVITCH (le grand-duc), i, XXIV, XXXI, XXXIII, 155,
- 397, 398.
-
- NICOULLAUD (Charles), 395.
-
-
- O
-
- ŒTTINGER, 21, 32, 52, 56, 66, 79, 83, 89, 98, 111, 132, 147, 150,
- 237, 246, 268, 271, 273, 286.
-
- OLDENBOURG (le duc D'). Voir Auguste (Frédéric-Paul).
-
- OPPIZONI (Charles, cardinal), 246.
-
- ORLÉANS (Louise-Marie-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, duchesse
- douairière D'), 155.
-
- ORLÉANS (le duc D'). Voir Louis-Philippe.
-
- OSTERMANN (Mme), 367.
-
- OTTENFELS-GSCHWIND (François-Xavier, baron D'), 333.
-
- OUVAROFF (Fédor Pétrovitch, comte), 79, 80, 82.
-
-
- P
-
- PAHLEN (Pierre, comte), XXXIV.
-
- PALFFY (Jean-Charles, comte), 55.
-
- PALLADIO (Andréa), 243.
-
- PALMELLA-SOUSA-HOLSTEIN (don Pedro, marquis DE), LIV.
-
- PALMERSTON (Henry-John Temple,
- Lord), 211, 338, 339, 351, 352, 353, 354, 357, 366, 370.
-
- PALMSTIERNA (Nils-Frédéric, baron DE), diplomate suédois, 132.
-
- PANIZZI, 211.
-
- PARIS (A.-B.), XLII.
-
- PARISCH (David), banquier, LX.
-
- PARME (le duc DE). Voir Charles-Louis.
-
- PASQUIER (Étienne-Denis, baron), 115, 321, 322, 323, 401.
-
- PAUL Ier PÉTROVITCH, empereur de Russie, XXXI, XXXII, XXXIII,
- XXXIV, 10, 136, 206, 227, 391.
-
- PEEL (Sir Robert), 70, 338, 365.
-
- PEEL (Lady Alice), 392.
-
- PÈNE (Henry DE), 396.
-
- PFEFFEL DE KRIEGELSTEIN (Christian-Hubert, baron), 89.
-
- PHILIPPE, duc de Parme, 141.
-
- PICHLER (Luigi), graveur sur médailles, 107, 133.
-
- PIE VI (Jean-Ange Braschi), Pape, 305.
-
- PIE VII (Grégoire-Louis-Barnabé Chiaramonti), Pape, f, LXXII, 84,
- 194, 275, 276.
-
- PIERRE LE GRAND, empereur de Russie, 63.
-
- PIERRE D'ALCANTARA-Antoine-Joseph, prince héréditaire de Portugal,
- depuis empereur du Brésil, XVIII.
-
- PISANI (Paul), X.
-
- PITT (William), 56.
-
- PLATONI, musicien, 253.
-
- POLLIO, XIII.
-
- POLOVTSOFF (Alexandre), 63, 115, 402.
-
- PONSONBY (John, baron, puis vicomte), 114.
-
- PONSONBY (Élisabeth-Frances Villiers, Lady), 114, 144.
-
- PORTOGALLO, musicien, 253.
-
- POSSE DE GAUGREBEN. Voir Gaugreben et Lieven.
-
- POTEMKIN, XXIV.
-
- POTENS, 251.
-
- POZZO DI BORGO (Charles-André, comte), XXXIX, 115, 116, 154, 210,
- 328.
-
- PRITCHARD, 365.
-
- PUSLOWSKI (le comte), j, LIV, LXIV, 398.
-
-
- Q
-
- QUÉRARD (Joseph-Marie), 400.
-
-
- R
-
- RADCLIFFE (William), 140.
-
- RADCLIFFE (Anna Ward, Mme), romancière, 139.
-
- RADET (le général), 275.
-
- RAIKES (Thomas), 338, 339.
-
- RAIKES (Harriet), 339.
-
- RAMBAUD (Alfred), 206.
-
- RAPHAËL (Raffaello Sanzio), 276, 279.
-
- REBORA (le général), j, I, 370, 397.
-
- RÉCAMIER (Mme), II, XXVI.
-
- RECHBERG (Jean-Bernard, comte DE), 379.
-
- REEVE (Henry), 394.
-
- REICHSTADT (Napoléon-François-Charles-Joseph, duc DE), 230.
-
- RÉMUSAT (Mme DE), XXIV, 401.
-
- RÉMUSAT (Paul DE), XXIV, 401.
-
- RÉVÉREND (le vicomte), 261.
-
- RICHELIEU (le maréchal DE), 254.
-
- RICHELIEU (Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie du Plessis, duc DE),
- LVI, 10, 14, 114, 115, 125, 181, 228, 301.
-
- RICHTER (Jean-Paul), 48, 387.
-
- RIVIÈRE (le marquis DE), ambassadeur de France à Constantinople,
- 181, 182.
-
- ROBERTS, peintre anglais, 369.
-
- ROBINSON (Lionel G.), VII, XXXVIII, XLIV, 138, 162, 338, 350, 391,
- 392, 398.
-
- ROHAN-GUÉMÉNÉE (Jules-Armand-Louis, prince DE), premier mari de la
- duchesse de Sagan, 110.
-
- ROMILLY (Sir Samuel), 124.
-
- ROSSINI (Gioacchino), 249.
-
- ROTHSCHILD (Anselme, baron DE), 324.
-
- ROTHSCHILD (James, baron DE), 368, 373.
-
- RUFFO (le commandeur, puis prince Alvar), 131, 261, 325.
-
- RUSSELL (John, Lord), 124, 211.
-
-
- S
-
- SAGAN (Catherine-Frédérique-Wilhelmine de Biren, princesse de
- Courlande, duchesse DE), f, XXVI, XXVII, XXVIII, 69, 97, 110,
- 111, 112, 148, 196, 197, 198, 207, 208, 244.
-
- SAGAN (Dorothée de Biren, princesse de Courlande, comtesse puis
- duchesse de Talleyrand-Périgord, duchesse de Dino, puis, après
- la mort de la précédente, duchesse DE). Voir Talleyrand-Périgord.
-
- SAINT-AULAIRE (famille DE), 369.
-
- SAINT-AULAIRE (Louis-Clair de Beaupoil, comte DE), 371, 372, 375.
-
- SAINT-MAURICE (Ch. DE), 399.
-
- SALM (la princesse DE), LXI.
-
- SAND (Charles-Louis), 295, 313.
-
- SANDOR (Maurice, comte), XXI.
-
- SANDOR (Léontine-Pauline-Marie de Metternich, comtesse), épouse du
- précédent, XXI, 59, 379.
-
- SANDWICH (George-John Montagu, comte DE), 286.
-
- SANDWICH (Marianne-Julienne-Louise Corry, comtesse DE), 286.
-
- SAXE-SAALFELD-COBOURG (François-Frédéric-Antoine, duc DE), 50.
-
- SCHEWITSCH (lieutenant-général), XXXII.
-
- SCHEWITSCH (Marie de Benckendorff, Mme), XXX, XXXI, XXXII.
-
- SCHIEMANN (Théodor), XXXIV, 329, 330, 332, 391, 397.
-
- SCHMIDT-WEISSENFELS, 400.
-
- SCHNEIDER (Euloge), XII.
-
- SCHNITZLER (J.-H.), XXXII, 396.
-
- SCHŒNFELD (Louis, comte DE), 100.
-
- SCHUERMANS (Albert), XI.
-
- SCHULENBURG-WITZENBURG (Charles-Rodolphe, comte DE), troisième mari
- de la duchesse de Sagan, 110.
-
- SCHWARZEMBERG (la famille DE), 66.
-
- SCHWEBEL (Louis), 148.
-
- SEIGNOBOS (Charles), 56, 358.
-
- SEINGUERLET (E.), XII.
-
- SERRE (M. DE), 146, 156.
-
- SEVEROLI (Antoine-Gabriel), cardinal, 273.
-
- SEYDA-EFFENDI, 189.
-
- SEYMOUR (Lady), XLVII.
-
- SHAKESPEARE, 204.
-
- SIMON (J.-Frédéric), précepteur de Metternich, XII, XIII, XIV.
-
- SKAVRONSKI (général Paul), XXIV.
-
- SKAVRONSKA (Catherine Engelhardt, Mme), XXIV.
-
- SKAVRONSKA (Catherine Pavlovna). Voir Bagration.
-
- SNEYD (Ralph), XXXI, XLV, XLIX, L, 392.
-
- SOREL (Albert), XIV, XVII.
-
- SOUZA-BOTELHO (José-Maria DE), 139.
-
- SOUZA (Adélaïde Filleul, Mme DE), 139, 140.
-
- STADION (Philippe, comte DE), XVI.
-
- STAËL-HOLSTEIN (le baron DE), 186.
-
- STAËL-HOLSTEIN (Anne-Louise-Germaine Necker, baronne DE), f, LXXII,
- 186.
-
- STAFFORD (le premier marquis DE), 185.
-
- STAUDENHEIM (Jacob, chevalier DE), médecin de Metternich, 220, 229,
- 230.
-
- STEIGENTESCH (Auguste-Ernest, baron DE), LXIV, 28.
-
- STENDMANN (Georges), 11.
-
- STEPHANIE-Louise-Adrienne de Beauharnais, grande-duchesse de Bade,
- 82.
-
- STEWART (Robert), Voir Castlereagh.
-
- STEWART (Charles William, Lord), ambassadeur d'Angleterre à Vienne,
- 60, 61, 88, 97, 106, 107, 109, 110, 111, 169, 173, 205, 226, 299.
-
- STEWART (Lady), née Darnley, première femme du précédent, 61.
-
- STEWART (Francès-Anne Vane-Tempest, Lady), deuxième femme du
- précédent, 61, 107, 169, 299.
-
- STOCKMAR (Christian-Frédéric, baron DE), XLV, XLVI, 393.
-
- STOCKMAR (Ernest, baron DE), XLVI, 393.
-
- STRATFORD CANNING DE REDCLIFFE (Vicomte), 352, 353.
-
- STROBL VON RAVELSBERG (F.), IX, XXIV, 6, 66, 98, 111, 148, 224,
- 248, 382, 383, 400.
-
- STROGONOFF (Grégoire, baron), 327.
-
- STUART (Sir Charles), ambassadeur d'Angleterre à Paris, 69.
-
- STUART (Lady), 356, 397.
-
- SUTHERLAND (le duc DE), 390.
-
- SUTHERLAND (la duchesse DE), 359.
-
-
- T
-
- TAAFE (la famille), 379.
-
- TALBOT (Master), 114.
-
- TALBOT (Miss), 114.
-
- TALLEYRAND-PÉRIGORD (Charles-Maurice, prince DE), II, XVIII, XXVII,
- XXXVI, XL, XLVII, XLVIII, XLIX, LII, 111, 139, 354, 355, 359, 368,
- 369, 394.
-
- TALLEYRAND-PÉRIGORD (Archambaud-Joseph, duc DE), frère du précédent,
- 368.
-
- TALLEYRAND-PÉRIGORD (Edmond comte, puis duc DE), duc de Dino, fils
- du précédent, 111.
-
- TALLEYRAND-PÉRIGORD (Dorothée de Biren, princesse de Courlande,
- comtesse, puis duchesse DE), duchesse de Dino, duchesse de Sagan
- après la mort de sa sœur, XXVII, XLVIII, LII, 111, 355, 368, 369.
-
- TATISTCHEFF (Dmitri Pavlovitch), 324, 328.
-
- TAYLOR (Mrs), 299.
-
- TCHERNYCHEFF (le comte, depuis prince Alexandre Ivanovitch), 82, 83.
-
- THÉODOSE Ier, empereur romain, 281.
-
- THIERS (Louis-Adolphe), XLVIII, LIV, 360.
-
- THORVALDSEN (Bertel), 83, 84, 133, 277.
-
- THUGUT (François, baron DE), XVI.
-
- TOLSTOÏ (Jacques), 370, 397.
-
- TRAUTTMANSDORFF (le comte DE), XVI.
-
- TRAUTTMANSDORFF (Weichard-Joseph, comte DE), 147.
-
- TRAUTTMANSDORFF (Marie-Thaddée, comte DE), cardinal, 147.
-
- TROUBETZKOÏ (le prince Vassili Serguéïévitch), deuxième mari de
- la duchesse de Sagan, 110, 196.
-
- TROUBETZKOÏ (le prince), 96.
-
- TROUBETZKOÏ (la princesse Lise), XXX, 395.
-
- TRUBERT, (M.), XLII.
-
-
- U
-
- UNGER, graveur, 9.
-
- UWAROW (Sergius), XXXII, 396.
-
-
- V
-
- VALENTINIEN II, empereur, 281.
-
- VAN DER MEYLEN (G.), 356.
-
- VANE-TEMPEST (Sir Harry), 61, 169.
-
- VANE-TEMPEST (Frances-Anne). Voir Stewart.
-
- VARNHAGEN VON ENSE (K. A.), 401.
-
- VICTORIA, reine d'Angleterre, 51, 53, 361, 395.
-
- VIÉTINHOF (le baron), XXXIII.
-
- VIÉTINHOF (Catherine Andréïevna de Lieven, baronne), XXXIII.
-
- VIGNOLA (Giacomo Barozzio da), 273.
-
- VILLAFRANCA (le comte DE). Voir Charles-Louis, duc de Parme.
-
- VILLAFRANCA (le marquis DE), ami du comte de Montemolin, fils de
- Don Carlos, XLIII.
-
- VILLIERS (George), plus tard comte Clarendon, 352, 366.
-
- VLAKONZTKY (le postelnik), 131.
-
- VOGT (Nicolas), X.
-
-
- W
-
- WALDERDORFF (Adalbert DE), prince abbé de Fulda, 47.
-
- WALISZEWSKY (K.), XXXII.
-
- WALLIS (Joseph, comte DE), 55, 63.
-
- WAROCQUÉ (Raoul), j, 356, 397.
-
- WATTS (G.-F.), peintre anglais, 398.
-
- WEIGALL (Lady Rose), 395.
-
- WELLINGTON (Arthur Wellesley, duc DE), LXIX, 6, 14, 22, 26, 70, 72,
- 79, 90, 94, 95, 262, 263, 297, 298, 325, 338, 339, 344, 345, 347,
- 348, 349, 350, 351, 357, 393, 395.
-
- WELLINGTON (le duc DE), fils du précédent, 339, 393.
-
- WESTMORELAND (John Fane, comte DE), 78.
-
- WHITBREAD (Samuel), 56, 57.
-
- WILDENSTEIN, propriétaire à Aix-la-Chapelle, 10.
-
- WINDISCHGRAETZ (Alfred-Candide-Ferdinand, comte, puis prince DE),
- 51, 52.
-
- WINDISCHGRAETZ (Marie-Eléonore-Philippine-Louise de Schwarzenberg,
- princesse DE), épouse du précédent, 52.
-
- WINDISCHGRAETZ (Marie-Thérèse DE), sœur du prince Alfred. Voir
- Arenberg.
-
- WINDISCHGRAETZ (Sophie-Louise-Wilhelmine DE), sœur de la
- précédente. Voir Lœwenstein-Rochefort.
-
- WINDISCHGRAETZ (Eulalie-Flore-Auguste DE), sœur des précédentes,
- 52.
-
- WOLKONSKY (la princesse), née Benckendorff, XXXI.
-
- WRIGHT (H.), graveur anglais, 398.
-
- WÜRTEMBERG (Sophie-Dorothée princesse DE). Voir Marie Féodorovna.
-
- WÜRTEMBERG (Ferdinand-Auguste-Frédéric, duc DE), VIII.
-
- WÜRTEMBERG (Pauline de Metternich, duchesse DE), épouse du
- précédent, VIII.
-
-
- Y
-
- YARMOUTH (Francis Seymour, comte DE), 212.
-
-
- Z
-
- ZEIDLER, musicien, 253.
-
- ZICHY (la famille), 66.
-
- ZICHY (le comte), LX, LXIV, 28.
-
- ZICHY (François, comte), 66.
-
- ZICHY (Marie-Wilhelmine dite Molly Ferraris, comtesse), épouse du
- précédent, 66, 334.
-
- ZICHY-FERRARIS (Mélanie-Marie-Antoinette), fille des précédents,
- troisième femme de Metternich. Voir ce dernier nom.
-
- ZICHY-FERRARIS (Mélanie), épouse du prince Paul de Metternich.
- Voir ce dernier nom.
-
- ZICHY (Joseph, comte), 382.
-
- ZICHY (Mélanie de Metternich, comtesse), épouse du précédent, 382.
-
- ZONDADARI (Antoine-Félix, cardinal), 271.
-
- ZOUBOFF (le comte), XXXIII.
-
-
-
-
-ERRATUM
-
-
-P. 193. Mettre le rappel de note [1] après _Dischingen_.
-
-
-
-
-TABLE DES MATIÈRES
-
-
- Pages.
-
- Préface de M. Arthur CHUQUET _a_
-
- INTRODUCTION I
-
- Lettres du Prince de Metternich 1
-
- Conclusion 313
-
- Sources 389
-
- Index des noms de personnes 403
-
-
-
-
-PARIS
-
-TYPOGRAPHIE PLON-NOURRIT ET Cie
-
-Rue Garancière, 8
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Lettres du prince de Metternich à l
- comtesse de Lieven, 1818-1819 1818-, by Klemens Wenzel von Metternich
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LETTRES DU PRINCE DE METTERNICH ***
-
-***** This file should be named 50708-0.txt or 50708-0.zip *****
-This and all associated files of various formats will be found in:
- http://www.gutenberg.org/5/0/7/0/50708/
-
-Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by The Internet Archive/American Libraries.)
-
-
-Updated editions will replace the previous one--the old editions will
-be renamed.
-
-Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright
-law means that no one owns a United States copyright in these works,
-so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United
-States without permission and without paying copyright
-royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part
-of this license, apply to copying and distributing Project
-Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm
-concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark,
-and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive
-specific permission. If you do not charge anything for copies of this
-eBook, complying with the rules is very easy. You may use this eBook
-for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports,
-performances and research. They may be modified and printed and given
-away--you may do practically ANYTHING in the United States with eBooks
-not protected by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the
-trademark license, especially commercial redistribution.
-
-START: FULL LICENSE
-
-THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
-PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
-
-To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
-distribution of electronic works, by using or distributing this work
-(or any other work associated in any way with the phrase "Project
-Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full
-Project Gutenberg-tm License available with this file or online at
-www.gutenberg.org/license.
-
-Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project
-Gutenberg-tm electronic works
-
-1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
-electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
-and accept all the terms of this license and intellectual property
-(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
-the terms of this agreement, you must cease using and return or
-destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your
-possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a
-Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound
-by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the
-person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph
-1.E.8.
-
-1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
-used on or associated in any way with an electronic work by people who
-agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
-things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
-even without complying with the full terms of this agreement. See
-paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
-Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this
-agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm
-electronic works. See paragraph 1.E below.
-
-1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the
-Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
-of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual
-works in the collection are in the public domain in the United
-States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
-United States and you are located in the United States, we do not
-claim a right to prevent you from copying, distributing, performing,
-displaying or creating derivative works based on the work as long as
-all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope
-that you will support the Project Gutenberg-tm mission of promoting
-free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg-tm
-works in compliance with the terms of this agreement for keeping the
-Project Gutenberg-tm name associated with the work. You can easily
-comply with the terms of this agreement by keeping this work in the
-same format with its attached full Project Gutenberg-tm License when
-you share it without charge with others.
-
-1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
-what you can do with this work. Copyright laws in most countries are
-in a constant state of change. If you are outside the United States,
-check the laws of your country in addition to the terms of this
-agreement before downloading, copying, displaying, performing,
-distributing or creating derivative works based on this work or any
-other Project Gutenberg-tm work. The Foundation makes no
-representations concerning the copyright status of any work in any
-country outside the United States.
-
-1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
-
-1.E.1. The following sentence, with active links to, or other
-immediate access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear
-prominently whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work
-on which the phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the
-phrase "Project Gutenberg" is associated) is accessed, displayed,
-performed, viewed, copied or distributed:
-
- This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
- most other parts of the world at no cost and with almost no
- restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it
- under the terms of the Project Gutenberg License included with this
- eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the
- United States, you'll have to check the laws of the country where you
- are located before using this ebook.
-
-1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is
-derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not
-contain a notice indicating that it is posted with permission of the
-copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in
-the United States without paying any fees or charges. If you are
-redistributing or providing access to a work with the phrase "Project
-Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply
-either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or
-obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm
-trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9.
-
-1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
-with the permission of the copyright holder, your use and distribution
-must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any
-additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms
-will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works
-posted with the permission of the copyright holder found at the
-beginning of this work.
-
-1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
-License terms from this work, or any files containing a part of this
-work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
-
-1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
-electronic work, or any part of this electronic work, without
-prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
-active links or immediate access to the full terms of the Project
-Gutenberg-tm License.
-
-1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
-compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including
-any word processing or hypertext form. However, if you provide access
-to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format
-other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official
-version posted on the official Project Gutenberg-tm web site
-(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense
-to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means
-of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain
-Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the
-full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1.
-
-1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
-performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
-unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
-
-1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
-access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works
-provided that
-
-* You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
- the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
- you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed
- to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has
- agreed to donate royalties under this paragraph to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid
- within 60 days following each date on which you prepare (or are
- legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty
- payments should be clearly marked as such and sent to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in
- Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg
- Literary Archive Foundation."
-
-* You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
- you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
- does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
- License. You must require such a user to return or destroy all
- copies of the works possessed in a physical medium and discontinue
- all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm
- works.
-
-* You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of
- any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
- electronic work is discovered and reported to you within 90 days of
- receipt of the work.
-
-* You comply with all other terms of this agreement for free
- distribution of Project Gutenberg-tm works.
-
-1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project
-Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than
-are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing
-from both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and The
-Project Gutenberg Trademark LLC, the owner of the Project Gutenberg-tm
-trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below.
-
-1.F.
-
-1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
-effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
-works not protected by U.S. copyright law in creating the Project
-Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm
-electronic works, and the medium on which they may be stored, may
-contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate
-or corrupt data, transcription errors, a copyright or other
-intellectual property infringement, a defective or damaged disk or
-other medium, a computer virus, or computer codes that damage or
-cannot be read by your equipment.
-
-1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
-of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
-Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
-Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
-liability to you for damages, costs and expenses, including legal
-fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
-LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
-PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
-TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
-LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
-INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
-DAMAGE.
-
-1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
-defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
-receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
-written explanation to the person you received the work from. If you
-received the work on a physical medium, you must return the medium
-with your written explanation. The person or entity that provided you
-with the defective work may elect to provide a replacement copy in
-lieu of a refund. If you received the work electronically, the person
-or entity providing it to you may choose to give you a second
-opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If
-the second copy is also defective, you may demand a refund in writing
-without further opportunities to fix the problem.
-
-1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
-in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO
-OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT
-LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
-
-1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
-warranties or the exclusion or limitation of certain types of
-damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement
-violates the law of the state applicable to this agreement, the
-agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
-limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
-unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
-remaining provisions.
-
-1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
-trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
-providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in
-accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
-production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm
-electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
-including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
-the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
-or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or
-additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any
-Defect you cause.
-
-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
-
-Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of
-computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
-from people in all walks of life.
-
-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
-assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
-goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
-remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg-tm and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at
-www.gutenberg.org Section 3. Information about the Project Gutenberg
-Literary Archive Foundation
-
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
-U.S. federal laws and your state's laws.
-
-The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the
-mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its
-volunteers and employees are scattered throughout numerous
-locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt
-Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to
-date contact information can be found at the Foundation's web site and
-official page at www.gutenberg.org/contact
-
-For additional contact information:
-
- Dr. Gregory B. Newby
- Chief Executive and Director
- gbnewby@pglaf.org
-
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
-Literary Archive Foundation
-
-Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
-spread public support and donations to carry out its mission of
-increasing the number of public domain and licensed works that can be
-freely distributed in machine readable form accessible by the widest
-array of equipment including outdated equipment. Many small donations
-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
-with these requirements. We do not solicit donations in locations
-where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
-DONATIONS or determine the status of compliance for any particular
-state visit www.gutenberg.org/donate
-
-While we cannot and do not solicit contributions from states where we
-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
-against accepting unsolicited donations from donors in such states who
-approach us with offers to donate.
-
-International donations are gratefully accepted, but we cannot make
-any statements concerning tax treatment of donations received from
-outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
-
-Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations. To
-donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
-
-Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works.
-
-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
-distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of
-volunteer support.
-
-Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
-the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
-necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
-edition.
-
-Most people start at our Web site which has the main PG search
-facility: www.gutenberg.org
-
-This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
-including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
-subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
-
diff --git a/old/50708-0.zip b/old/50708-0.zip
deleted file mode 100644
index 46930cd..0000000
--- a/old/50708-0.zip
+++ /dev/null
Binary files differ
diff --git a/old/50708-h.zip b/old/50708-h.zip
deleted file mode 100644
index 9605a76..0000000
--- a/old/50708-h.zip
+++ /dev/null
Binary files differ
diff --git a/old/50708-h/50708-h.htm b/old/50708-h/50708-h.htm
deleted file mode 100644
index 359fb8a..0000000
--- a/old/50708-h/50708-h.htm
+++ /dev/null
@@ -1,19743 +0,0 @@
- <!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN"
- "http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd">
- <html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" xml:lang="fr" lang="fr">
- <head>
- <meta http-equiv="Content-Type"
- content="text/html;charset=iso-8859-1" />
- <meta http-equiv="Content-Style-Type" content="text/css" />
- <title>
- The Project Gutenberg's eBook of Lettres du prince de Metternich la comtesse de Lieven, 1818-1819, by von Metternich, Clement Wenzel</title>
- <link rel="coverpage" href="images/cover.jpg" />
- <style type="text/css">
-
- h1,h2 {text-align: center;
- clear: both;}
-
- h1 {margin-top: 2em;}
-
- h2 {margin-top: 4em; margin-bottom: 2em;}
-
- h2.normal {margin-top: 1em; margin-bottom: 1em;
- page-break-after: avoid;}
-
- .subh {font-weight: normal; margin-top: 2em; margin-bottom: 2em; margin-left: 5%;}
- .subt {font-weight: bold; margin-bottom: 2em; text-align: center;}
- .subh2 {font-weight: normal; margin-left: 2%;}
-
- div.titlepage,
- div.frontmatter,
- div.endmatter
- {
- text-align: center;
- page-break-before: always;
- page-break-after: always;
- }
-
- div.titlepage p
- {
- text-align: center;
- font-weight: bold;
- line-height: 1.4em;
- }
-
- div.frontmatter p,
- div.endmatter p
- {
- text-align: center;
- font-weight: bold;
- }
-
- .titlepage p
- {
- text-align: center;
- font-weight: bold;
- line-height: 1.4em;
- }
-
- div.chapter
- {page-break-before: always; margin-top: 4em; margin-bottom: 2em; text-align: center;}
-
- div.topspace {margin-top: 4em;}
-
- .space {margin-top: 2em;}
-
- hr.deco {width: 5%;}
- hr.tb {width: 5%; margin-top: 2em; margin-bottom: 2em;}
-
- .poetry {font-size: 95%; margin-left: 20%; margin-right: 10%;
- margin-bottom: 1em; text-align: left; }
- .poetry .stanza { margin: 1em 0em 1em 0em; }
- .poetry p { margin: 0; padding-left: 3em; text-indent: -3em; }
- .poetry p.i1 {margin-left: 1em;}
-
- table {margin-left: auto; margin-right: auto;}
- .tdl {text-align: left; vertical-align: top;
- padding-left: 3em; text-indent: -1em;}
- .tdr {text-align: right; vertical-align: bottom;}
-
- .pagenum { /* uncomment the next line for invisible page numbers */
- /* visibility: hidden; */
- position: absolute;
- right: 5%;
- font-size: 0.6em;
- font-variant: normal;
- font-style: normal;
- text-align: right;
- background-color: #FFFACD;
- border: 1px solid;
- padding: 0.3em;
- text-indent: 0em;
- } /* page numbers */
-
- .pagenumh { display: none; }
-
-/* footnotes */
- .footnotes {border: 1px dashed; padding-bottom: 2em; background-color: #F0FFFF;}
- .footnote {margin-left: 8%; margin-right: 8%; font-size: 0.9em;}
- .footnote .label,
- .fnanchor {vertical-align: 25%; text-decoration: none; font-size: x-small;
- font-weight: normal; font-style: normal;}
-
- .comments {font-size: 95%;}
-
- .tnote {margin: auto;
- margin-top: 2em;
- border: 1px solid;
- padding: 1em;
- background-color: #F0FFFF;
- width: 25em;}
-
- sup {font-size: 0.7em; font-variant: normal; vertical-align: top;}
-
- ul {list-style-type: none;}
- li {margin-left: 3em; text-indent: -2em;}
-
- .alphabet {text-align:center; font-size: 110%; font-weight: bold;}
-
- .extra {font-size: 130%; font-weight: bold; text-align: center;
- line-height: 1.5em;}
- .smcap {font-variant: small-caps; font-size: 95%;}
- .center {text-align: center;}
- .date {font-size: 95%; margin-left: 70%;}
- .signature { margin-left: 65%;}
-
- .figcenter {margin: auto; text-align: center;}
-
- .p2 {margin-top: 2em;}
- .p4 {margin-top: 4em;}
-
- .i1 {margin-left: 1em;}
- .i2 {margin-left: 2em;}
- .i9 {margin-left: 9em;}
-
- .xs {font-size: x-small;}
- .small {font-size: 98%;}
- .medium {font-size: medium;}
- .large {font-size: large;}
- .xlarge {font-size: x-large;}
- .xxlarge {font-size: xx-large;}
-
-@media screen
-{
- body
- {
- width: 90%;
- max-width: 45em;
- margin: auto;
- }
-
- p
- {
- margin-top: .75em;
- margin-bottom: .75em;
- text-align: justify;
- }
-}
-
-@media print, handheld
-{
- p
- {
- margin-top: .75em;
- text-align: justify;
- margin-bottom: .75em;
- }
-
- .poetry
- {
- margin: 2em;
- display: block;
- }
-
- .smcap
- {
- text-transform: uppercase;
- font-size: 90%;
- }
-
- hr.deco
- {
- width: 5%;
- margin-left: 47.5%;
- }
-
- hr.tb
- {
- width: 5%;
- margin-left: 47.5%;
- margin-top: 2em;
- margin-bottom: 2em;
- }
-
- .date
- {font-size: 95%;
- margin-left: 45%;
- }
-}
-
-@media handheld
-{
- body
- {
- margin: 0;
- padding: 0;
- width: 90%;
- }
-
- #ToC,
- .tnote
- {
- width: auto;
- }
-}
-
- </style>
- </head>
-<body>
-
-
-<pre>
-
-The Project Gutenberg EBook of Lettres du prince de Metternich la
-comtesse de Lieven, 1818-1819 1818-1819, by Klemens Wenzel von Metternich
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-
-
-Title: Lettres du prince de Metternich la comtesse de Lieven, 1818-1819 1818-1819
-
-Author: Klemens Wenzel von Metternich
-
-Editor: Jean Hanoteau
-
-Release Date: December 17, 2015 [EBook #50708]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LETTRES DU PRINCE DE METTERNICH ***
-
-
-
-
-Produced by Clarity, Hlne de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by The Internet Archive/American Libraries.)
-
-
-
-
-
-
-</pre>
-
-
-<div class="tnote">
-<p>Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont t corriges.
-L'orthographe d'origine a t conserve et n'a pas t harmonise.
-Les numros des pages blanches n'ont pas t repris.</p>
-
-<p>Cette version intgre la correction de l'erratum.</p>
-</div>
-
-
-<div class="chapter">
-<h1><span class="large">LETTRES</span><br />
-<span class="xs">DU</span><br />
-<span class="xxlarge">PRINCE DE METTERNICH</span><br />
-<span class="large">A LA COMTESSE DE LIEVEN</span></h1>
-</div>
-
-
-<div class="topspace titlepage"><br />
-<p><span class="large">LETTRES</span><br />
-<span class="xs">DU</span><br />
-<span class="xlarge">PRINCE DE METTERNICH</span><br />
-<span class="large">A LA COMTESSE DE LIEVEN</span><br />
-<span class="medium">1818-1819</span><br />
-<span class="small"><i>Publies, avec une introduction, une conclusion<br />
-et des notes</i></span><br />
-<span class="xs">PAR</span><br />
-<span class="large">JEAN HANOTEAU</span></p>
-<hr class="deco" />
-<p><span class="small"><i>Prface de M. Arthur Chuquet, membre de l'Institut</i></span></p>
-
-<div class="figcenter">
-<img src="images/logo.jpg" width="80" height="104" alt="logo" />
-</div>
-
-<p><span class="xlarge">PARIS</span><br />
-<span class="medium">LIBRAIRIE PLON</span><br />
-<span class="large">PLON-NOURRIT <span class="smcap">ET</span> C<sup>ie</sup>, IMPRIMEURS-DITEURS</span><br />
-<span class="small">8, RUE GARANCIRE&mdash;6<sup>e</sup></span></p>
-<hr class="deco" />
-<p><span class="medium">1909</span><br />
-<span class="small"><i>Tous droits rservs</i></span></p>
-</div>
-
-<div class="topspace frontmatter">
-<p>Tous droits de reproduction et de traduction<br />
-rservs pour tous pays.</p>
-
-<p>Published 21 October 1908.</p>
-
-<p>Privilege of copyright in the United States<br />
-reserved under the Act approved March 3<sup>d</sup> 1905<br />
-by Plon-Nourrit et C<sup>ie</sup>.</p>
-</div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_a"> a</a></span></p>
-<h2 class="normal">PRFACE</h2>
-</div>
-
-<p>Mme de Lieven, femme de l'ambassadeur de Russie
- Londres, fut en 1818, durant le congrs d'Aix-la-Chapelle,
-la matresse de Metternich. Le 22 octobre,
-dans le salon de Nesselrode, les deux personnages
-firent connaissance. Jusqu'alors Metternich n'tait
-pour Mme de Lieven qu'un homme froid, intimidant,
-dsagrable, et elle n'tait pour lui qu'une grande
-femme maigre et indiscrte. Ce jour-l Mme de
-Lieven et Metternich s'apprcient: Metternich pense
-que la dame n'est pas vulgaire et la dame juge Metternich
-aimable. Le 25, excursion Spa et djeuner
- Henrichapelle; le charme opre; les deux diplomates
-changent de voiture pour ne pas se quitter, et
-le chemin parat court Metternich. Le 28, visite du
-ministre l'ambassadrice; pendant une heure il reste
-assis ses pieds. Puis, les Lieven se rendent
-Bruxelles. Le 13 novembre, ils sont de nouveau
-Aix-la-Chapelle. Le 14, crit plus tard Metternich
-<span class="pagenum"><a id="Page_b"> b</a></span>
-Mme de Lieven, tu es venue dans ma loge, tu as eu
-la fivre, tu m'as appartenu! C'tait aller vite en
-besogne, et le sige ne fut pas long. Mais Metternich
-savait tre pressant et Mme de Lieven avait dj
-capitul plus d'une fois: Tu as fait des choix, lui
-disait galamment Metternich, et tu as t trompe;
-quelle est la femme qui ne l'a pas t?</p>
-
-<p>On aura d'ailleurs, en lisant l'introduction de l'ouvrage
-que nous prfaons, les dtails les plus srs et
-les plus complets sur la liaison des deux amants, et
-on saura, en lisant la conclusion, comment elle finit.
-Ils passrent ensemble prs de la moiti du mois de
-novembre 1818; lorsque l'un d'eux avait un instant
-de libert, il envoyait l'autre un journal anglais! Ils
-ne purent se rejoindre ni en 1819 ni en 1820: tous
-deux, comme dit Metternich, taient dans les affaires.
-Mais aux mois d'octobre et de novembre 1821, ils se
-retrouvrent Hanovre et Francfort durant une
-douzaine de jours qu'ils mirent videmment profit,
-en dpit des ftes, des soires et des obligations mondaines.
-En 1822, au congrs de Vrone, nouvelle rencontre,
-et cette fois, Mme de Lieven avoue aux siens
-qu'elle a fait amiti avec Metternich; ses ennemis la
-traitent d'Autrichienne et Chateaubriand rapporte
-malignement que le grand homme venait se dlasser
-chez elle et s'amuser effiloquer de la soie... Et ce
-fut tout. Les amants ne se revirent plus qu'en 1848.
-Pourquoi? C'est que Metternich, devenu veuf, a
-<span class="pagenum"><a id="Page_c"> c</a></span>
-convol en secondes noces avec une jeune fille d'assez
-basse origine dont il s'tait pris, et Mme de Lieven
-estime qu'il a dans la circonstance agi comme un
-niais et que le chevalier de la Sainte-Alliance finit par
-une msalliance. C'est qu'elle est plus que jamais une
-femme d'intrigues et, aprs la mort du tsar Alexandre,
-la question d'Orient la brouille avec Metternich; elle
-prfre, selon ses propres mots, aux voies tortueuses
-du chancelier la marche droite de l'empereur Nicolas.</p>
-
-<p>M. Jean Hanoteau possde les lettres que Metternich
-adressait Mme de Lieven en 1818 et en 1819,
-et il les publie. Elles sont intressantes. Metternich
-manie aisment la langue franaise. Pourtant, il
-n'crit pas avec beaucoup de correction et sa faon
-de s'exprimer est frquemment obscure. Il est et
-demeure Allemand. De l son <i>Gemt</i>, car il a du
-<i>Gemt</i> et il se pique d'en avoir: le <i>Gemt</i>, dit-il,
-voil le premier don du Crateur; il ajoute qu'il
-est port au rve et la mlancolie, la <i>wehmtige
-Stimmung</i>, que son bonheur ne rsidera jamais que
-dans son c&oelig;ur. De l, dans ses lettres, je ne sais quoi
-de nbuleux et d'abstrait. Il philosophise; il s'efforce
-de prouver son amie qu'ils sont deux tres parfaitement
-homognes; il lui apprend que notre tre
-se compose de deux essences, le corps et l'me, et
-que l'me a besoin d'organes qui forment le systme
-nerveux; il disserte pesamment sur le c&oelig;ur humain;
-il prtend qu'il a fait des dcouvertes morales et
-<span class="pagenum"><a id="Page_d"> d</a></span>
-trouv de grands principes, des vrits ternelles.
-Metternich, avouait plus tard Mme de Lieven, est
-plein d'un interminable bavardage, bien long, bien
-lent, bien lourd, trs mtaphysique et ennuyeux.
-Fat et pdant la fois, il se regarde comme le premier
-homme de l'univers; avec une norme et nave
-prsomption il affirme qu'il sait aimer plus et mieux
-que la plupart des mortels, qu'il est constamment
-arriv ses fins, qu'il a toujours gagn le prix de la
-course, qu'il est un des hommes les plus justes du
-monde, qu'il ne sent pas comme le commun, qu'il
-ignore la peur et qu'il dispose d'une puissance
-immense, qui est la raison, le calme, la force de
-l'me, et il est tout fier d'avoir eu Mme de Lieven,
-de la dominer distance, de la mettre au nombre
-de ses proprits. Ses lettres sont donc un tmoignage
-de sa vanit, de son incommensurable orgueil.
-Mme de Lieven n'crit-elle pas, lorsqu'elle le revoit
-en 1848, qu'il est, comme jadis, plein de satisfaction
-intrieure, qu'il ne cesse pas de parler de lui-mme
-et de son infaillibilit?</p>
-
-<p>On peut, par instants, deviner les rponses de
-Mme de Lieven et on notera ce mot, rpt par
-Metternich, qu'elle aime l'ambition et tout sentiment
-qui pousse un homme aller en avant. M. Jean
-Hanoteau nous renseigne merveille sur la princesse,
-et qui ne sait qu'elle fut rappele Ptersbourg
-en 1834 et qu'elle s'tablit en 1836 Paris
-<span class="pagenum"><a id="Page_e"> e</a></span>
-pour tenir durant vingt annes une place importante
-dans la socit franaise et devenir l'grie de
-M. Guizot? Les anecdotes foisonnent sur son compte.
-Elles courent les chancelleries. Une d'elles reprsente
-Mrime, au sortir d'une soire, rentrant
-l'improviste dans le salon de la rue Saint-Florentin
-o l'austre Guizot te dj son grand cordon; une
-autre raconte qu'une femme de chambre trouva ledit
-cordon dans le lit de Mme de Lieven. Notre diteur
-a bien fait de laisser de ct ces commrages, si
-amusants qu'ils soient. Mais il a eu raison de rechercher
-dans les correspondances du temps et d'numrer
-les paroles de dpit et de haine qui, aprs la
-rupture, chapprent Mme de Lieven: elle reconnat,
-par exemple, que Metternich ne manque pas
-d'esprit et d'intelligence, mais celui qu'elle nommait
-son bon ami et son bon Clment n'est plus pour elle
-qu'un grand fourbe. Metternich, plus indulgent, se
-contentait de dire que Mme de Lieven avait besoin
-de se remuer et qu'elle ne pouvait jamais rester tranquille.</p>
-
-<p>Les anecdotes sont rares dans ces lettres de Metternich.
-Quelques-unes mritent d'tre cites. Le
-bourgmestre de Judenbourg se plaint des souris qui
-font des dgts dans la campagne. Depuis quand?
-demande Metternich.&mdash;Depuis les Franais.&mdash;Les
-Franais avaient donc des souris avec eux?&mdash;Non,
-mais ils ont mang tant de pain qu'ils ont sem de
-<span class="pagenum"><a id="Page_f"> f</a></span>
-miettes tous nos champs, et depuis lors les souris de
-la Styrie se sont tablies ici. Le chasseur de Metternich
-en Italie est un Tchque qui ne sait qu'un seul
-mot italien: <i>avanti</i>, et au moyen de ce mot, il arrive
- tout ce qu'il veut: <i>avanti</i>, et les postillons avancent;
-<i>avanti</i>, et les postillons reculent; <i>avanti</i>, et l'htelier
-sert le souper.</p>
-
-<p>Certaines lettres sont curieuses: celle o Metternich
-rvle son amie de la veille sa vie amoureuse
-et sentimentale, celles o il dcrit son voyage d'Italie&mdash;bien
-qu'il dbite souvent des phrases banales sur
-le climat, les arts et les vicissitudes humaines,&mdash;celles
-o il parle de Mme de Stal, cette femme-homme
-dont le salon ressemble un forum et le fauteuil
-une tribune, de la duchesse de Sagan, de Napolon.
-Il est charmant, disait Mme de Lieven en 1848,
-quand il raconte le pass et surtout l'empereur Napolon.
-C'tait lui qui transmettait au pape Pie VII
-les propositions impriales, et Napolon offrit une
-fois au pontife une pension de vingt millions; le
-pape rpondit qu'il avait fait ses calculs et que quinze
-sous par jour lui suffisaient. Je n'ai jamais t plus
-fier, assure Metternich, que le moment o j'ai fait
-cette commission Napolon.</p>
-
-<p>Mais les lettres les plus piquantes sont peut-tre
-celles o il explique son ascendant sur Franois II:
-L'empereur fait toujours ce que je veux, mais je ne
-veux jamais que ce qu'il doit faire, et celles o il
-<span class="pagenum"><a id="Page_g"> g</a></span>
-proteste qu'il n'est pas jaloux, o il expose gravement,
-doctoralement que Mme de Lieven doit tre
-douce, gentille, excellente pour son mari, doit
-garantir avant tout la paix dans son intrieur, que
-son mari a des droits, que lui, Metternich, n'a jamais
-brouill un mnage, qu'il sait ce qui constitue les
-bons mnages, qu'il respecte la loi et veut qu'on l'observe:
-au mois d'octobre 1819, lorsque Mme de
-Lieven accouche d'un fils dont il n'est pas le pre&mdash;et
-qui n'tait pas du tout, comme prtendaient les
-bonnes langues, l'enfant du Congrs&mdash;il la flicite
-d'tre sortie d'embarras et de se sentir lgre!</p>
-
-<p>Nous avons tenu dans nos mains le manuscrit des
-lettres et nous pouvons certifier que M. Jean Hanoteau
-l'a scrupuleusement reproduit. Il a fait davantage.
-Il a expliqu toutes les allusions au pass de
-Metternich: il a identifi tous les diplomates et
-hommes politiques mentionns dans les lettres et
-dsigns par de simples initiales; il a consacr
-chacun d'eux une note substantielle. D'aucuns trouveront
-mme que son commentaire est trop abondant
-et vraiment luxueux; <i>ne quid nimis</i>, aurait dit
-M. de Metternich. Quoi qu'il en soit, et puisque
-M. Jean Hanoteau a voulu que son premier travail
-ft prsent au public par un vtran de la science
-historique, nous jugeons en toute franchise que son
-&oelig;uvre est trs consciencieuse et qu'elle tmoigne
-d'un fort grand soin, d'une lecture tendue, d'un
-<span class="pagenum"><a id="Page_h"> h</a></span>
-vaste savoir. Ce petit roman pistolaire, encadr
-de si bonne faon, claire d'un jour nouveau la vie
-de deux personnages remarquables du sicle dernier.</p>
-
-<p class="signature">Arthur <span class="smcap">Chuquet</span>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_ie"> i</a></span>
-<i>Nous aurions voulu prsenter au Lecteur la srie complte
-des lettres changes par le prince de Metternich et la
-comtesse de Lieven. Ce dsir, qu'il ne nous a pas t possible
-de raliser, a ncessit de nombreuses recherches, au
-cours desquelles nous avons rencontr de prcieux appuis.
-Nous tenons dire, ds ces premires pages, le souvenir
-que nous en conservons.</i></p>
-
-<p><i>M. Frdric Masson, de l'Acadmie franaise, a bien
-voulu nous aider, dans cette recherche de documents nouveaux,
-de ses trs clairs conseils et de ses obligeantes
-dmarches. Par lui, nous avons eu l'honneur d'tre prsent
- S. A. I. le grand-duc Nicolas Mikhalovitch dont
-tous connaissent les beaux travaux historiques, qui a daign,
-avec une bienveillance inpuisable, nous faciliter la poursuite,
-en Russie et en Autriche, des parties perdues de la correspondance
-de M. de Metternich. A l'un et l'autre nous
-offrons l'hommage de notre profonde gratitude.</i></p>
-
-<p><i>M. Gabriel Hanotaux, de l'Acadmie franaise, a bien
-voulu, lui aussi, nous guider avec une amabilit et une
-indulgence dont nous ne savons comment lui tmoigner assez
-notre reconnaissance trs dvoue.</i></p>
-
-<p><i>Nous devons encore de chaleureux et respectueux remerciements
- M. Arthur Chuquet, membre de l'Institut, pour
-<span class="pagenum"><a id="Page_j"> j</a></span>
-sa prface comme pour ses encouragements si utiles et si
-comptents.</i></p>
-
-<p><i>Nous n'oublions pas les collectionneurs qui ont mis
-notre disposition nombre de pices indites, tout d'abord
-M. le gnral Rebora, dans les belles archives duquel nous
-avons largement puis, M. le comte Puslowski, M. Germain
-Bapst, M. Nol Charavay, M. Warocqu.</i></p>
-
-<p><i>Nous tenons enfin remercier particulirement M. Raoul
-Bonnet, car son rudition trs sre a grandement favoris
-nos investigations. Nous lui devons beaucoup et nos mercis,
-si cordiaux soient-ils, ne pourront acquitter notre dette
-envers lui.</i></p>
-
-<p class="date">Paris, 29 septembre 1908.<br />
-Jean <span class="smcap">Hanoteau</span>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_I"> I</a></span></p>
-<h2 class="normal">INTRODUCTION<br />
-<span class="medium">I</span></h2>
-</div>
-
-<p>La trs tendre affection qui, pendant quelques
-annes, unit le prince de Metternich et la comtesse,
-depuis princesse de Lieven<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">&nbsp;[1]</a>, n'est plus un secret.</p>
-
-<p>Chateaubriand, le premier, la fit connatre au public.
-Comme il n'aimait pas l'ambassadrice de Russie
- Londres, il mit dans sa rvlation toute la malveillance
-dont il tait capable: Les ministres, et ceux qui
-aspirent le devenir, dit-il dans les pages o il peint
-la socit britannique au temps de sa mission en Angleterre,
-sont tout fiers d'tre protgs par une dame
-<span class="pagenum"><a id="Page_II"> II</a></span>
-qui a eu l'honneur de voir M. de Metternich aux
-heures o le grand homme, pour se dlasser du poids
-des affaires, s'amuse effiloquer de la soie<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">&nbsp;[2]</a>.</p>
-
-<p>On a cherch&mdash;et peut-tre en partie trouv&mdash;la
-raison d'tre de cette animosit du grand crivain
-dans le peu d'empressement avec lequel Mme de Lieven
-accueillit, au cours des ftes de Vrone, l'orgueilleux
-ami de Juliette Rcamier<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">&nbsp;[3]</a>.</p>
-
-<p>Comme on a pu le constater depuis, en effet, pas
-une fois, dans ses lettres de cette poque, elle ne fait
-mention de lui. Elle n'avait donc pas t blouie par
-sa prsence. Or, Chateaubriand n'aimait pas que l'on
-passt ses cts en indiffrent. Il tait l'homme dont
-Talleyrand dira, en apprenant qu'il se plaignait de
-maux d'oreilles: Il se croit sourd depuis que l'on
-a cess de parler de lui<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">&nbsp;[4]</a>. Toutefois, l'antipathie
-de l'auteur des <i>Martyrs</i> pour la matresse de M. de
-Metternich est antrieure au Congrs de Vrone, car,
-de Londres, en juin 1822, il la traitait dj, assez
-ddaigneusement, de femme d'intrigues<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">&nbsp;[5]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_III"> III</a></span>
-Cependant, bien avant la publication des <i>Mmoires
-d'outre-tombe</i>, on avait jas sur la liaison du ministre
-des Affaires trangres d'Autriche et de la
-comtesse de Lieven.</p>
-
-<p>Les assiduits du futur Chancelier auprs de la
-grande dame russe, pendant les derniers jours du
-Congrs d'Aix-la-Chapelle, n'avaient pas chapp
-aux regards, professionnellement curieux, des diplomates.
-Quelques personnes, d'ailleurs, taient ds
-lors dans le secret. En pareil cas, quelques personnes
-deviennent bien vite tout le monde.</p>
-
-<p>A Paris, Louis XVIII, si friand de petits scandales,
-tait au courant de cette intrigue, et il pouvait renseigner
-Decazes sur la correspondance entretenue
-par Mme de Lieven avec son cher z'amant<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">&nbsp;[6]</a>.</p>
-
-<p>Aux confrences de Vrone, l'ambassadrice de
-Russie fut froidement accueillie par ses compatriotes
-et Mme de Nesselrode notait ce sujet: Le soupon
-qu'on a d'une liaison de la comtesse avec Metternich
-est la cause du soulvement qui s'est produit contre
-elle<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">&nbsp;[7]</a>.</p>
-
-<p>Bien d'autres indices encore permettent de croire
-les contemporains bien informs.</p>
-
-<p>Lorsque la comtesse de Lieven mit au monde son
-<span class="pagenum"><a id="Page_IV"> IV</a></span>
-fils Georges, le 15 octobre 1819, celui-ci fut dnomm
-par la malignit publique l'enfant du Congrs.
-Le surnom tait d'ailleurs plus piquant que juste.
-Sa mchancet tombe devant ce fait: les deux personnages
-viss ne s'taient pas vus depuis le 24 novembre
-1818, onze mois avant la naissance de l'enfant.</p>
-
-<p>Mais les bonnes langues de la Cour de Saint-James
-n'en cherchaient pas si long.</p>
-
-<p>Un peu plus tard, le prince Paul Esterhazy, ambassadeur
-d'Autriche Londres, se plaignait des
-lettres changes sa barbe<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">&nbsp;[8]</a>, et parmi les hommes
-politiques qui, partir de ce moment surtout, se
-pressrent dans les salons de Mme de Lieven, beaucoup
-y taient sans doute attirs par l'espoir d'y
-trouver un reflet de la pense du tout-puissant ministre.</p>
-
-<p>Tous ces bruits malveillants, comme tant d'autres,
-auraient pu n'avoir aucune consistance et ne reposer
-sur aucune ralit. Ils furent confirms par diverses
-rvlations ultrieures.</p>
-
-<p>La preuve historique de l'intimit du prince de
-Metternich et de l'ambassadrice de Russie fut acquise
-lorsque M. Ernest Daudet publia un fragment de leur
-correspondance, dont il avait pu dcouvrir une copie
-excute, au passage des courriers Paris, par le
-cabinet noir de la Restauration<a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">&nbsp;[9]</a>.</p>
-
-<p>Cette prcieuse publication tait cependant incomplte
-<span class="pagenum"><a id="Page_V"> V</a></span>
-et il tait encore impossible de dterminer la
-date et les pripties du dbut de cet amour.</p>
-
-<p>Un hasard heureux nous a mis sur la trace d'une
-nouvelle liasse de lettres crites par M. de Metternich
- son amie, immdiatement aprs leur sparation,
-au lendemain du Congrs d'Aix-la-Chapelle. Cette
-srie comprend tous les billets envoys par le prince&mdash;nous
-n'avons pu retrouver les rponses de la comtesse&mdash;depuis
-les derniers jours de novembre 1818
-jusqu'au 31 avril 1819. Ces pages contiennent les premires
-confidences de l'amant.</p>
-
-<p>Il nous a t impossible de suivre l'histoire de ces
-lettres depuis le moment o, d'une faon inconnue,
-elles sortirent du tiroir de Mme de Lieven jusqu'
-celui o elles tombrent entre nos mains.</p>
-
-<p>Cependant, leur authenticit n'est pas douteuse.
-L'criture est bien celle, minemment cursive, sobre,
-nette, nerveuse du chancelier d'Autriche<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">&nbsp;[10]</a>. Toutes
-les fois que cela a t possible, nous avons tabli avec
-le plus grand soin la concordance de leurs rcits avec
-les circonstances dj connues des incidents auxquels
-ils font allusion. Pas une de leurs lignes ne laisse
-planer un doute sur le bien-fond de leur attribution.
-A dfaut de signature, le cachet de M. de Metternich,
-un C surmont de la couronne princire, en cire noire,
-vient, sur quelques-unes d'entre elles, apporter aussi
-son tmoignage.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_VI"> VI</a></span>
-Enfin, on retrouve dans leur texte bien des qualits
-et des dfauts de leur auteur prsum, mlange compliqu
-d'lgance native, de finesse, d'incommensurable
-orgueil, de pense claire mais parfois troite
-alliant la fatuit mondaine et la prsomption un
-certain pdantisme germanique, assez beau joueur
-pour en imposer au monde, pour dguiser des intrts
-sous le nom de droits, des expdients sous le nom de
-principes, l'immobilit, qui tait son systme, sous
-le voile de profonds calculs<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">&nbsp;[11]</a>.</p>
-
-<p>Le lecteur trouvera ces lettres plus loin. Leur
-tude permettra de prciser certains points de la
-liaison dvoile par Chateaubriand et d'ajouter quelques
-dtails l'intime psychologie de celui qui les
-crivit et de celle qui les reut. Ces dtails seront
-tout l'honneur de l'un comme de l'autre, htons-nous
-de le dire.</p>
-
-<p>Au cours de l'expos trs rapide de leurs relations,
-l'on se trouvera sans doute amen faire sur eux, sur
-leur morale, quelques restrictions. Mais, de ces
-lignes o le prince s'est montr tel qu'il voulait tre
-vu par l'Aime, o il caresse celle-ci de la louange
-des charmes qu'il voulut voir en elle, il ressort un
-Metternich plus tendre, plus affectueux, plus humain,
-sachant mieux aimer, selon sa propre expression,
-que celui dont l'histoire officielle nous laisse voir l'altire
-figure.</p>
-
-<p>En souhaitant la publication complte de la correspondance
-<span class="pagenum"><a id="Page_VII"> VII</a></span>
-dont nous apportons quelques nouvelles
-feuilles, M. Lionel Robinson disait que ces lettres
-inconnues devaient faire honneur la tte, sinon
-au c&oelig;ur, de l'homme d'tat qui, pendant toute une
-gnration, fut le dictateur de l'Europe et le Nestor
-des hommes politiques<a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">&nbsp;[12]</a>.</p>
-
-<p>Rien de bien nouveau, croyons-nous, ne sortira
-cependant de ce livre, si l'on y cherche la tte du
-ministre de Franois I<sup>er</sup>, mais il tmoignera d'un
-c&oelig;ur meilleur que M. Robinson ne le supposait.</p>
-
-<p>Le malheur des hommes d'tat dont la vie se confond
-avec la carrire est de faire difficilement croire
- leur sensibilit, crase sous le masque d'impassibilit
-dont ils doivent se couvrir.</p>
-
-<p>M. de Metternich semble avoir souffert de sa rputation
-de froideur, presque inhrente pourtant ses
-fonctions. Il tait cependant capable d'un amour
-ardent. Il est quitable de lui rendre justice sur ce
-point. Ses lettres permettront de le faire en toute
-sincrit.</p>
-
-<p class="subt"><span class="pagenum"><a id="Page_VIII"> VIII</a></span>
-II</p>
-
-<p>Au moment du Congrs d'Aix-la-Chapelle, le prince
-de Metternich, n Coblentz le 15 mai 1773, avait
-quarante-cinq ans.</p>
-
-<p>Son pre<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">&nbsp;[13]</a>, diplomate assez mdiocre, mais adroit
-<span class="pagenum"><a id="Page_IX"> IX</a></span>
-et ambitieux, d'abord au service de l'lecteur de
-Trves, tait pass, trs jeune encore, celui de
-l'empereur d'Allemagne.</p>
-
-<p>Il avait reprsent ce prince auprs des cours lectorales
-du Rhin. Il fut plus tard son ministre dirigeant
-du Gouvernement des Pays-Bas autrichiens.
-Les victoires des armes franaises le forcrent
-quitter Bruxelles, leurs checs l'y ramenrent; Fleurus
-l'en chassa dfinitivement. Aprs avoir encore
-t plnipotentiaire de son souverain au Congrs
-de Rastatt, il fut nomm ministre d'tat et vcut,
-ds lors, dans le sillage de la brillante carrire de son
-fils.</p>
-
-<p>Ce dernier avait d'abord fait ses tudes sous la
-direction de prcepteurs, puis, en 1788, avait t
-envoy Strasbourg, dont les Universits taient en
-grand renom. De l, il s'tait rendu Mayence pour
-achever son droit.</p>
-
-<p>Dans ces deux villes, le jeune Clment tomba en
-pleine agitation. Le grand souffle qui secouait le
-monde avait pntr jusque sur les bancs des coles
-d'Alsace et d'Allemagne. Beaucoup, parmi les professeurs
-et les lves, avaient embrass les ides nouvelles
-et celui qui devait tre l'un des adversaires les
-plus irrductibles de la Rvolution eut pour matres
-et pour condisciples ses premiers adeptes.</p>
-
-<p>Il reut, Strasbourg, ses leons d'instruction religieuse
-<span class="pagenum"><a id="Page_X"> X</a></span>
-d'un canoniste alors clbre: Brendel, le
-mme qui, l'heure venue, prta serment la Constitution
-civile du clerg, fut lu vque constitutionnel
-du Bas-Rhin et le resta jusqu'au soir o, son arrestation
-ayant t dcide par la socit des Jacobins, il
-sacrifia ses fonctions sacerdotales sa scurit<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">&nbsp;[14]</a>.</p>
-
-<p>A Mayence, en dehors des cours de l'historien
-Vogt, M. de Metternich suivit ceux d'Hoffmann,
-se lia d'amiti avec Georges Forster, le compagnon
-de Cook, avec Kotzebue, les uns et les autres fervents
-propagandistes des doctrines modernes.</p>
-
-<p>A ces hommes se trouva ainsi confie la formation
-intellectuelle de celui dont le nom servit un jour
-symboliser tout un systme de rsistance aux ides
-qui taient alors les leurs. Cette concidence, d'ailleurs,
-nous tonne certainement plus aujourd'hui
-qu'elle n'tonnait les contemporains.</p>
-
-<p>M. de Metternich, dans l'autobiographie place
-en tte de ses Mmoires, s'est appliqu dramatiser
-encore cette situation. Il se plaisait dans le contraste
-de ce qu'avait t ce milieu et de ce que fut sa vie.
-Malheureusement, pour mieux faire ressortir son
-indpendance, peut-tre aussi dans le dessein de
-montrer que rien dans sa carrire n'avait pu tre
-banal, il n'a pas cru ncessaire de se confiner toujours
-dans la stricte vrit.</p>
-
-<p>Lorsque j'arrivai dans cette ville (Strasbourg),
-dit-il, le jeune Napolon Bonaparte venait de la quitter;
-<span class="pagenum"><a id="Page_XI"> XI</a></span>
-il y avait fini ses tudes spciales comme officier
-au rgiment d'artillerie qui tait en garnison Strasbourg.
-J'eus les mmes professeurs de mathmatiques
-et d'escrime que lui<a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">&nbsp;[15]</a>.</p>
-
-<p>Le rapprochement, en effet, aurait pu tre curieux.
-Il n'y a qu'une ombre au tableau: cette date, Napolon
-n'tait encore jamais venu Strasbourg.
-On sait de reste qu' sa sortie de l'cole militaire de
-Paris, il fut nomm directement lieutenant et envoy
-au rgiment de La Fre, dont la garnison tait
-Valence<a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">&nbsp;[16]</a>.</p>
-
-<p>M. de Metternich dit encore qu'il se vit,
-Mayence, entour d'tudiants qui inscrivaient les
-leons d'aprs le calendrier rpublicain<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">&nbsp;[17]</a>. Mais il
-quitta la ville o ce fait aurait d se passer, au plus
-tard, vers le milieu de l'anne 1793, puisque, le
-27 juillet, il assistait la prise de Valenciennes. Or, le
-dcret de la Convention qui fixa le point de dpart
-de l're nouvelle et en tablit le calendrier, bientt
-remani d'ailleurs, est du 5 octobre 1793! Tout au
-plus donc, les jeunes Allemands pouvaient-ils ajouter
-aux dates grgoriennes les mentions: l're de la
-libert ou l're de l'galit, dont la premire avait
-t cre par l'Assemble lgislative le 2 janvier 1792
-<span class="pagenum"><a id="Page_XII"> XII</a></span>
-et dont la seconde tait entre en usage aprs le
-10 aot<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">&nbsp;[18]</a>.</p>
-
-<p>Dans le mme tat d'esprit, le chancelier a voulu
-faire<a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">&nbsp;[19]</a> de l'un de ses prcepteurs, Frdric Simon,
-l'un des personnages de premier plan de la tourmente
-rvolutionnaire Strasbourg et mme Paris.
-D'aprs lui, son nom serait vou aux maldictions
-de l'Alsace, il aurait t membre du Tribunal
-rvolutionnaire que prsidait (?) Euloge Schneider,
-puis prsident du Conseil des Dix (??) institu par
-les Marseillais pour organiser la journe du 10 aot.</p>
-
-<p>La ralit est plus modeste: J.-F. Simon tait un
-pauvre professeur, enseignant suivant une mthode
-d'instruction alors fort la mode, celle de Basedow
-et Campe. Il avait t matre de pension Neuwied
-avant de prendre soin de l'ducation du jeune Clment.
-Aprs avoir abandonn cette fonction, il fit
-paratre, en 1789, le premier journal de Strasbourg:
-<i>la Feuille hebdomadaire et politique</i>. C'tait un simple
-rcit des vnements, terne et incolore, tout le
-contraire d'un organe de combat. En 1790, ce premier
-essai n'ayant pas russi, Simon lana une publication
-quotidienne: <i>Die Geschichte der gegenwrtigen
-Zeit</i><a id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">&nbsp;[20]</a> (l'Histoire du temps prsent). L encore, il
-ne fit gure &oelig;uvre de polmiste, bien qu'il ft sympathique
- Euloge Schneider. Ce dernier prit mme
-<span class="pagenum"><a id="Page_XIII"> XIII</a></span>
-la suite de la rdaction, quand, en juin 1792, Simon
-vint Paris. Parmi les fondations de ce dernier, il
-faut encore citer le <i>Patriotisches Wochenblatt</i>, mais
-aucune de ces &oelig;uvres ne permet de voir en lui
-l'homme exalt dont son lve nous parle.</p>
-
-<p>Simon fut ensuite, dans la capitale, non pas prsident
-d'un Conseil des Dix qui n'exista jamais, mais
-membre obscur du <i>Directoire secret d'excution</i>
-form par le Comit central des Fdrs pour prparer
-le Dix Aot<a id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">&nbsp;[21]</a>.</p>
-
-<p>Commissaire national dans les pays rhnans, il
-joua un rle Mayence<a id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">&nbsp;[22]</a>, mais ne fit jamais partie
-du Tribunal rvolutionnaire, et on le retrouve, en
-1804, matre de langue allemande au collge Louis-le-Grand<a id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">&nbsp;[23]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XIV"> XIV</a></span>
-On ne peut donc croire facilement que l'horreur
-inspire par l'obscure personnalit du journaliste de
-Strasbourg ait beaucoup influ sur la marche de
-l'esprit de M. de Metternich, comme celui-ci le dit.</p>
-
-<p>Maints spectacles donnaient ce moment plus
-forte matire ses mditations.</p>
-
-<p>Les tudes du futur chancelier furent interrompues
- deux reprises par l'obligation d'aller remplir les
-fonctions de matre des crmonies de l'ordre des
-comtes catholiques de Westphalie aux couronnements
-des deux empereurs Lopold et Franois<a id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">&nbsp;[24]</a>.</p>
-
-<p>Ces ftes grandioses et surannes empruntaient un
-caractre tragique aux secousses qui branlaient la nation
-voisine. Tandis que tout tait angoisse et humiliation
-aux Tuileries<a id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">&nbsp;[25]</a>, tout tait pompes et splendeurs
- Francfort. La rptition de ces rjouissances,
-dans le mme dcor, des intervalles si rapprochs,
-spars pourtant par de tels vnements, permettait
-de mesurer le chemin parcouru. Le jeune de Metternich
-en fut vivement frapp. Mais ses convictions, que
-les doctrines de ses matres n'avaient pas entames,
-s'en trouvrent affermies: J'tais plein de confiance,
-dit-il, dans un avenir qui, selon mes rves de jeunesse,
-devait sceller le triomphe de cette organisation puissante
-<span class="pagenum"><a id="Page_XV"> XV</a></span>
-(l'Empire d'Allemagne) sur la faiblesse et la confusion
-que je voyais au del de nos frontires<a id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">&nbsp;[26]</a>.</p>
-
-<p>Son instruction acheve, M. de Metternich rejoignit
-son pre Bruxelles. Il lui servit parfois de courrier
-auprs de l'arme autrichienne, put suivre ainsi la
-campagne dont la fin fut marque par la prise de Valenciennes,
-puis, profitant d'une mission envoye au
-gouvernement de Londres, il se rendit en Angleterre
-et visita longuement le pays.</p>
-
-<p>A son retour sur le continent, le jeune homme
-pousa Marie-lonore, fille du prince Ernest de
-Kaunitz, petite-fille du grand ministre duquel il allait
-reprendre l'&oelig;uvre<a id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor">&nbsp;[27]</a>. La crmonie fut clbre
-dans l'glise d'un petit village alors inconnu, Austerlitz,
-dont le nom devait, en 1805, rsonner moins
-joyeusement ses oreilles.</p>
-
-<p>Sa femme, ni jolie, ni aimable, sut tre la bonne
-toile de sa carrire. Par son tact, elle en facilita les
-dbuts, et il trouva toujours auprs d'elle, mme aux
-moments o les pires infidlits conjugales auraient
-pu sparer les deux poux, un guide sr, clair et
-bienveillant.</p>
-
-<p>Aprs son mariage, M. de Metternich resta pendant
-quelques annes Vienne sans prendre part aux
-affaires publiques, s'occupant de mdecine, de physiologie
-et d'art. Il sortit un instant seulement de
-cette retraite pour accompagner son pre au Congrs
-<span class="pagenum"><a id="Page_XVI"> XVI</a></span>
-de Rastatt, en qualit de dlgu des comtes de Westphalie.</p>
-
-<p>Le 5 fvrier 1801<a id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor">&nbsp;[28]</a>, aprs la chute du ministre
-Thugut, le comte de Trauttmansdorff, charg par
-intrim du ministre des affaires trangres, lui
-confia la lgation de Dresde. Il quitta celle-ci pour
-l'ambassade de Berlin, o il remplaa, le 3 janvier
-1803, le comte de Stadion. Il resta en Prusse
-jusqu'en 1806, au milieu de toutes les difficults et
-de toutes les motions que pouvaient crer un
-ennemi de la France les hsitations de Frdric-Guillaume.</p>
-
-<p>Entre temps, la fortune de sa famille s'tait brillamment
-accrue. En change de ses comts de Winneburg
-et de Bielstein, son pre avait reu, aprs le
-trait de Lunville, l'abbaye d'Ochsenhausen, mdiatise
-en 1803 et cde au Wurtemberg, puis avait
-obtenu, titre personnel, la dignit de prince de
-l'Empire. Celle-ci devait tre tendue tous ses
-descendants le 20 octobre 1813.</p>
-
-<p>Le 18 mai 1806<a id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor">&nbsp;[29]</a>, Clment de Metternich, d'abord
-dsign pour le poste de Saint-Ptersbourg, fut, sur
-le dsir de Napolon, nomm ambassadeur d'Autriche
- Paris. Accueilli par l'Empereur avec une
-faveur qui lui crait une situation particulire dans le
-corps diplomatique, sa vie politique, pendant la dure
-de sa mission, est intimement lie l'histoire extrieure
-de la France.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XVII"> XVII</a></span>
-Quand survinrent les vnements de 1809, Napolon
-fit reconduire M. de Metternich la frontire.
-L'ambassadeur arriva dans sa patrie pour prendre
-part aux confrences de Znam, et, peu aprs, reut
-le portefeuille des affaires trangres<a id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor">&nbsp;[30]</a>.</p>
-
-<p>Le mariage de Marie-Louise le ramena Paris
-pour six mois. Il s'agissait pour lui de tirer les
-choses au clair. Le conqurant voulait-il remettre
-l'pe au fourreau et fonder l'avenir de la France et
-de sa famille sur les principes de l'ordre l'intrieur
-et de la paix au dehors, ou bien aspirait-il
-fonder une dynastie en s'appuyant sur l'Autriche
-et poursuivre en mme temps son systme de conqutes?<a id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor">&nbsp;[31]</a>.</p>
-
-<p>Dans l'un comme dans l'autre cas, M. de Metternich
-comptait bien tirer profit de la situation en faveur
-de sa monarchie. C'est elle seule qu'il pensait quand
-il fut un instant le matre des destines de l'Europe<a id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor">&nbsp;[32]</a>
- l'entrevue de Dresde, puis lorsque, revenu sur les
-bords de la Seine, en 1814, il prit la part que l'on
-sait aux ngociations qui enlevrent son trne une
-archiduchesse d'Autriche. Il avait rv plus d'une
-fois d'une rgence o son matre aurait eu le premier
-rle. Le retour des Bourbons ne le satisfit pas pleinement.
-Il en voulut aux tendances constitutionnelles
-<span class="pagenum"><a id="Page_XVIII"> XVIII</a></span>
-du nouveau gouvernement et, avant de partir pour
-Londres porter au Prince Rgent les regrets de l'empereur
-Franois de ne pouvoir accompagner Alexandre
-et le roi de Prusse dans leur visite la cour d'Angleterre,
-il disait Louis XVIII: Votre Majest croit
-fonder la monarchie. Elle se trompe: c'est la rvolution
-qu'elle reprend en sous-&oelig;uvre.</p>
-
-<p>Le Congrs de Vienne mit M. de Metternich aux
-prises avec Talleyrand, dont la fine habilet l'emportait
-sur sa tortueuse diplomatie, quand le dbarquement
-du golfe Jouan et son pilogue, Waterloo,
-firent reprendre aux allis le chemin de Paris. Le
-prince Clment resta dans cette ville jusqu'au mois
-de novembre 1815, signant entre temps la Sainte-Alliance,
-appele par lui-mme un rien vide et sonore.</p>
-
-<p>De France, il se rendit en Italie, souffrant d'une
-grave maladie des yeux, revint son poste en Autriche,
-mais, en 1817, repassa les Alpes pour accompagner
- Livourne l'archiduchesse Lopoldine, fiance au
-prince hritier de Portugal.</p>
-
-<p>En 1818, sa sant le conduisit aux eaux de Carlsbad.</p>
-
-<p>On tait la veille du Congrs d'Aix-la-Chapelle:
-il arrivait l'un des points culminants de sa carrire.</p>
-
-<p>Dj prince de l'Empire et duc au royaume des
-Deux-Siciles, il venait d'tre fait duc de Portella<a id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor">&nbsp;[33]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XIX"> XIX</a></span>
-Il avait ambitionn, aprs avoir abattu la puissance
-napolonienne, de devenir le rgulateur de la paix
-et de l'ordre en Europe: pendant quelques annes, il
-allait voir son rve ralis.</p>
-
-<p>La tenace application de son systme, systme
-d'immobilit, de <i>statu quo</i> et de repos, selon ses
-propres expressions, devait faire de lui l'arbitre des
-puissances.</p>
-
-<p>Au moment o il fit la connaissance de Mme de
-Lieven, le prince de Metternich tait vraiment la plus
-haute personnalit du monde politique europen.</p>
-
-<p>Si l'homme public et le diplomate sont si connus
-que tenter d'crire une ligne sur ces deux aspects de
-sa physionomie serait s'exposer d'inutiles redites,
-l'homme priv ne l'est gure moins.</p>
-
-<p>M. de Lacombe juge ainsi son caractre: Impassible
-en apparence et capable de sensibilit, recherchant
-avec une gale humeur les dissertations dogmatiques
-et les succs du monde, l'esprit sans cesse
-occup des combinaisons de la politique et passionn
-pour les arts, procdant par maximes abstraites et se
-pliant avec aisance aux ncessits du temps, ironique
-et bienveillant, grave et frivole, rsolu et circonspect,
-sachant flchir sans s'abaisser et rsister sans
-rompre, alliant l'autorit des sentences le charme
-des anecdotes, aux lvations morales et religieuses
-les vues positives, il y a en lui un trait qui domine,
-<span class="pagenum"><a id="Page_XX"> XX</a></span>
-une limite qui maintient dans une proportion quitable
-ses qualits diverses: la possession de soi et le
-don de l'observation<a id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor">&nbsp;[34]</a>.</p>
-
-<p>La plupart de ses contemporains parlent de lui
-comme d'un cavalier accompli et d'un parfait homme
-du monde. M. de la Garde trace son portrait:
-Ses traits taient parfaitement rguliers et beaux,
-son sourire plein de grce; sa figure exprimait la
-finesse et la bienveillance; sa taille moyenne tait
-aise et bien prise, sa dmarche remplie de noblesse
-et d'lgance<a id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor">&nbsp;[35]</a>. M. de Falloux, qui lui fut prsent,
- Vienne, en 1834, en avait conserv ce souvenir:
-Le prince de Metternich tait... un des
-hommes les plus beaux et les plus lgants de son
-temps. Il gardait, mme alors, pour la mode toute
-la dfrence qu'on peut concilier avec la distinction
-grave dont il ne se dpartait jamais; sa conversation
-avait le mme caractre; elle tait tout ensemble
-parfaitement moderne et parfaitement
-digne<a id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor">&nbsp;[36]</a>.</p>
-
-<p>Il joignait aux avantages de la naissance, dit un
-autre de ses biographes, la figure la plus sduisante,
-les formes les plus distingues, une parole facile.</p>
-
-<p>Enfin, un de ses plus chauds admirateurs, qui fut
-sinon son conseiller, du moins son confident, son familier
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXI"> XXI</a></span>
-et son porte-parole, le sceptique et dprav
-Frdric de Gentz, le peignait ainsi: Il se croit heureux:
-c'est une qualit excellente; il a des moyens,
-il a du savoir-faire, il paie beaucoup de sa personne,
-mais il est lger, dissip et prsomptueux<a id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor">&nbsp;[37]</a>.</p>
-
-<p>De son mariage avec la princesse lonore de Kaunitz,
-M. de Metternich, en 1818, avait eu dj sept
-enfants<a id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor">&nbsp;[38]</a>. Deux taient morts en bas ge. La sant
-des survivants lui donnait de frquentes inquitudes:
-la plupart devaient, comme leur mre, mourir avant
-lui d'une affection pulmonaire sans remde. Il les
-aimait ardemment: le peu que l'on connat des
-lettres adresses par lui aux uns et aux autres tmoigne
-d'un constant souci de leur esprit et de leur
-c&oelig;ur. Et cet homme que le monde pouvait croire insensible
-sous son frac officiel, trouvait, dans ses joies
-comme dans ses douleurs paternelles, des accents profondment
-mus.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXII"> XXII</a></span>
-Mais, pre irrprochable, M. de Metternich ne
-s'est pas cru astreint un respect continu des serments
-conjugaux.</p>
-
-<p>M. de Lomnie, sans donner d'ailleurs d'autres
-preuves de son affirmation que quelques lignes de
-ces petits opuscules ou <i>Taschenbcher</i> paraissant priodiquement
-en Allemagne, raconte combien son
-enfance fut prcoce: Les jeunes filles attaches au
-service de madame sa mre attiraient au jeune Clment
-autant de rprimandes que ses succs scolaires
-lui valaient de louanges. M. de Metternich, le pre,
-se montrait, lui, fort indulgent; il se plaisait reconnatre
- ces traits le sang de sa race, il en augurait
-bien pour son fils; et quand Mme de Metternich venait
-se plaindre de quelque nouvelle incartade amoureuse:
-Laisse-le faire! disait-il, nous aurons l un
-fameux gaillard<a id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor">&nbsp;[39]</a>.</p>
-
-<p>Chercher savoir si M. de Lomnie a dit vrai, serait
-sans doute perdre beaucoup de temps. Mais les
-dispositions prtes l'lve se retrouvent certainement
-dans l'homme mr.</p>
-
-<p>lgant, souple, brillant et insinuant, M. de Metternich
-savait et voulait plaire. Il mettait sa coquetterie
- mener de front les affaires les plus graves et
-les intrigues mondaines les plus futiles.</p>
-
-<p>Toujours d'aprs le mme crivain, on ferait des
-volumes avec le rcit de toutes les bonnes fortunes
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXIII"> XXIII</a></span>
-chues ou prtes au diplomate autrichien<a id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor">&nbsp;[40]</a>.</p>
-
-<p>De ces bonnes fortunes, beaucoup sont bien connues.</p>
-
-<p>Alors qu'il n'tait que ministre Dresde, M. de
-Metternich s'tait pris de passion pour une belle
-russe, la princesse Catherine Pavlovna Bagration,
-femme du gnral qui, la tte de l'une des armes
-moscovites, devait prir en 1812 d'une blessure reue
- la bataille de Borodino. Un contemporain la dpeint
-en ces termes: Qu'on se figure un jeune visage,
-blanc comme l'albtre, lgrement color de
-rose, des traits mignons, une physionomie douce,
-expressive et pleine de sensibilit, un regard auquel
-sa vue basse donnait quelque chose de timide et d'incertain,
-une taille moyenne mais parfaitement prise,
-dans toute sa personne une mollesse orientale unie
- la grce andalouse<a id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor">&nbsp;[41]</a>.</p>
-
-<p>Dans les cercles diplomatiques, la princesse Bagration
-avait reu le surnom de bel ange nu en raison
-de ses toilettes dcolletes jusqu'aux limites du possible.
-La vertu de cet ange n'tait gure farouche.</p>
-
-<p>M. de Metternich conquit ses faveurs, et de leur
-liaison naquit, en 1802, une fille dont le prince s'occupa
-toujours avec sollicitude.</p>
-
-<p>A Vienne, la princesse Bagration fut l'un des
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXIV"> XXIV</a></span>
-astres les plus brillants dans cette foule de constellations
-que le Congrs avait runies<a id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor">&nbsp;[42]</a>. Elle se
-retira ensuite Paris, o, dans sa maison des
-Champs-lyses, elle tenta longtemps de jouer un
-rle politique et de se poser en rivale diplomatique
-de Mme de Lieven<a id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor">&nbsp;[43]</a>.</p>
-
-<p>A la cour de Napolon, M. de Metternich sut mriter
-les bonnes grces de plus d'une Franaise.
-Mme de Rmusat nous le dit: A cette poque, il
-tait jeune, de figure agrable. Il obtint des succs
-auprs des femmes<a id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor">&nbsp;[44]</a>.</p>
-
-<p>Pendant son ambassade, il gota les faciles baisers
-de Caroline Murat, encore grande-duchesse de Berg,
-mais qui rvait dj de ceindre ses jolis cheveux
-d'une couronne plus lourde. Il ne fut du reste pas un
-ingrat, et quand les heures difficiles eurent sonn,
-il tenta de sauver la royaut de son ancienne amie.
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXV"> XXV</a></span>
-Par l'intermdiaire de celle-ci, du reste, il avait
-obtenu l'acte de trahison connu sous le nom de
-trait du 11 janvier 1814. Il voulut peut-tre sincrement
-payer sa double dette, mais les coups
-de tte du roi de Naples devaient lui rendre la tche
-impossible.</p>
-
-<p>Quand, pour le mariage de Marie-Louise, M. de
-Metternich tait revenu Paris, il ne s'tait cependant
-pas piqu de fidlit envers la s&oelig;ur de Napolon.
-Il eut alors pour matresse Mme Junot.</p>
-
-<p>M. Frdric Masson a racont la tragi-comdie
-qui s'ensuivit.</p>
-
-<p>Lorsque Caroline apprit cette infidlit, elle acheta
-de la femme de chambre de la duchesse d'Abrants
-les lettres de M. de Metternich cette dernire et les
-livra Junot.</p>
-
-<p>Junot, furieux, a fait un esclandre, a battu sa
-femme, l'a tue presque, a voulu provoquer Metternich.
-Cette histoire a fait le tour de Paris<a id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor">&nbsp;[45]</a>.</p>
-
-<p>Il fallut l'intervention de Mme de Metternich pour
-arranger les choses. Le duc d'Abrants l'avait fait
-venir chez lui pour l'associer sa vengeance. Elle
-trouva moyen de le calmer et, par crainte du scandale,
-s'tablit la ngociatrice de la rconciliation
-entre le mari outrag et l'pouse infidle. Napolon,
-au dire de Golovkine, l'en rcompensa en l'embrassant
-et en lui dclarant:</p>
-
-<p>Vous tes une bonne petite femme qui a su
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXVI"> XXVI</a></span>
-m'viter un grand embarras avec ce butor de
-Junot<a id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor">&nbsp;[46]</a>.</p>
-
-<p>Pendant son sjour Paris, M. de Metternich fut
-encore pris&mdash;lui aussi&mdash;des charmes de Mme Rcamier.</p>
-
-<p>On a pu retrouver deux lettres de lui adresses
-cette dernire<a id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor">&nbsp;[47]</a>. Dans l'une, il lui dclare ne pouvoir
-attendre le terme de trois semaines impos pour
-la revoir et fait ce serment d'amoureux d'entrer
-chez elle par la fentre, au cas o sa porte lui serait
-ferme. Dans l'autre, il lui demande une demi-heure
-d'entretien pour lui rapporter un anneau qu'elle lui
-avait offert. Juliette, on le sait, aimait rpandre
-ainsi des anneaux.</p>
-
-<p>Un autre caprice du prince de Metternich eut
-pour objet cette curieuse et sduisante duchesse de
-Sagan, dont il parlera longuement Mme de Lieven.
-Belle comme toutes les filles de la duchesse de Courlande,
-Wilhelmine de Biren chercha toute sa vie le
-bonheur travers trois mariages: l'un franais et
-catholique, l'autre russe et orthodoxe, le troisime
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXVII"> XXVII</a></span>
-autrichien et protestant<a id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor">&nbsp;[48]</a>, et une multitude d'intrigues,
-dont la plus connue est celle qu'elle noua avec
-le prince Louis de Prusse, le hros de Saalfeld<a id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor">&nbsp;[49]</a>.
-Elle tait la s&oelig;ur de la future nice de Talleyrand,
-Dorothe de Biren, duchesse de Dino, laquelle
-passrent son titre et ses biens. D'aprs Mme de
-Boigne, elle excellait dans le talent des femmes du
-Nord d'allier une vie trs dsordonne avec des
-formes nobles et dcentes<a id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor">&nbsp;[50]</a>. On trouvera dans
-les lettres publies plus loin l'opinion assez peu flatteuse
-conserve d'elle par M. de Metternich; mais,
-quand ce dernier parlait amrement de la duchesse
-de <a id="Sag"></a>Sagan, sa flamme tait teinte. Au temps de celle-ci,
-il tait plus ardent qu'il ne voulait ensuite l'avouer.
-Frdric de Gentz laisse deviner, par ses demi-confidences,
-tous les ennuis causs son ami par celle
-qu'il nomme la maudite femme<a id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor">&nbsp;[51]</a>.</p>
-
-<p>M. de Metternich avait connu Wilhelmine de Biren
- Dresde. Plus tard, il s'tait engou d'elle. Pendant
-le Congrs de Prague, il lui avait donn quelques
-heures arraches la politique. La duchesse
-avait suivi les armes allies et son amant Paris, en
-1814, puis l'un et l'autre s'taient mis en qute de nouvelles
-aventures<a id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor">&nbsp;[52]</a>. L'un et l'autre, en effet, savaient
-se consoler des infidlits et des dceptions du c&oelig;ur.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXVIII"> XXVIII</a></span>
-Dans une de ses missives Mme de Lieven, M. de
-Metternich lui raconte, avec un -propos d'un got
-douteux, qu' peine sorti de l'Universit de Mayence,
-il aima pendant trois ans une jeune femme de son
-ge, franaise et de grande famille<a id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor">&nbsp;[53]</a>. Un passage
-des <i>Souvenirs</i> du marquis de Bouill nous donne
-peut-tre la clef de cette nigme. Il s'agit sans doute
-de cette dlicieuse Marie-Constance de Caumont la
-Force, fille de l'ancien garde des Sceaux Lamoignon
-qui et offert un peintre le plus parfait modle
-pour reprsenter Hb ou Psych<a id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor">&nbsp;[54]</a>.</p>
-
-<p>Dans la mme lettre, le prince Clment avoue
-deux liaisons, ce qu'il appelle liaisons.</p>
-
-<p>Sur la premire, il donne quelques dtails.</p>
-
-<p>Il aima une femme qui n'tait descendue sur la
-terre que pour y passer comme le printemps. A sa
-mort, elle lui lgua une petite bote cachete. En
-l'ouvrant, il y trouva les cendres de ses lettres et un
-anneau qu'elle avait bris.</p>
-
-<p>Il est difficile de deviner qui ces confidences font
-allusion. Aussi bien, n'en est-il besoin. Cette passion
-semble avoir t la plus pure de celles semes sous
-les pas du grand ministre. Si les contemporains n'ont
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXIX"> XXIX</a></span>
-su dcouvrir ce secret, il y aurait tmrit le vouloir
-violer.</p>
-
-<p>Mais ce sont l seulement les tapes principales
-de la carrire amoureuse de M. de Metternich jusqu'en
-1818, au moment o la comtesse de Lieven
-allait apparatre dans son existence.</p>
-
-<p>Il ne pouvait vivre seul, ni dans l'intrieur de son
-foyer, ni dans la profondeur de son c&oelig;ur. Deux fois
-veuf, deux fois il se remaria sans grands dlais, et,
-ct de son mnage, il ne dut jamais laisser longtemps
-vide la place de l'amie.</p>
-
-<p>Dans ses lettres Mme de Lieven, le prince se
-plaint beaucoup, souvent, longuement de ce que le
-vulgaire le croit incapable d'aimer. L'histoire de sa
-vie intime est l, pour prouver que, peut-tre, aux
-yeux de notre morale bourgeoise, il le savait trop.</p>
-
-<p>Il crivait, la vrit, avec une belle inconscience,
- cette mme amie: Je n'ai jamais t infidle. La
-femme que j'aime est la seule au monde pour
-moi<a id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor">&nbsp;[55]</a>.</p>
-
-<p class="subt"><span class="pagenum"><a id="Page_XXX"> XXX</a></span>
-III</p>
-
-<p>Dorothe (ou Darja) Christophorovna de Benckendorf
-tait ne Riga, le 17 dcembre 1785.</p>
-
-<p>Elle appartenait une famille noble, originaire du
-Brandebourg, depuis de nombreuses annes fixe en
-Esthonie et entre au service de la Russie.</p>
-
-<p>Son pre, le gnral Christophe de Benckendorf<a id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor">&nbsp;[56]</a>
-avait pous la baronne Charlotte-Augusta-Johanna
-Schilling von Canstadt, amie et compagne de la princesse
-Dorotha-Augusta de Wurtemberg qui devint
-l'impratrice Marie Fodorovna de Russie.</p>
-
-<p>Celle-ci couvrit toujours Mme de Benckendorf de
-son affectueuse protection, et, quand cette dernire
-mourut, le 11 mars 1797, elle fit entrer ses deux
-filles au couvent des demoiselles nobles de Smolna:
-elles y furent leves sous les yeux, constamment
-attentifs, de la souveraine.</p>
-
-<p>Quelques passages des lettres de la tsarine
-Mlle de Nlidoff<a id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor">&nbsp;[57]</a> nous la montrent s'inquitant de
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXI"> XXXI</a></span>
-la sant de ses bonnes petites, les faisant venir
-dans son intimit, aux spectacles de l'Ermitage, mais
-s'opposant leur entre la Cour avant l'ge ordinaire,
-se tourmentant de ne pas voir l'une d'elles propose
-pour une rcompense, leur donnant de multiples
-preuves d'une tendresse claire, vritablement
-maternelle.</p>
-
-<p>Dorothe quitta Smolna, en fvrier 1800, musicienne
-de premire force, mais d'une ignorance
-scandaliser un colier de dix ans. D'Alexandre ou de
-Philippe, elle n'eut certainement pas su lequel des
-deux tait le pre de l'autre<a id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor">&nbsp;[58]</a>.</p>
-
-<p>Cette ignorance devait d'ailleurs la poursuivre
-toute sa vie, sans qu'elle ft jamais rien pour y remdier.</p>
-
-<p>L'empereur, pendant ce temps, assurait la fortune
-des deux fils de la baronne Schilling, Alexandre et
-Constantin<a id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor">&nbsp;[59]</a>, et bientt l'impratrice mariait ses
-jeunes protges.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXXII"> XXXII</a></span>
-L'ane, Maria, pousa le lieutenant gnral Schewitsch<a id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor">&nbsp;[60]</a>.
-La seconde devint la comtesse de Lieven.</p>
-
-<p>Les Lieven taient d'antique race livonienne. La
-fortune de cette famille, un instant obscurcie, s'tait
-brillamment releve le jour o la grande Catherine
-avait choisi, comme gouvernante de ses petits-enfants,
-Charlotte de Gaugreben, veuve du gnral baron
-Andr de Lieven dont elle avait eu plusieurs enfants<a id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor">&nbsp;[61]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXIII"> XXXIII</a></span>
-Cette femme suprieure, d'une haute nergie, d'une
-parfaite droiture, avait su s'attirer le respect et l'affection
-de ses lves et de leur pre.</p>
-
-<p>La protection de Paul I<sup>er</sup> s'tendit sur ses fils, et, de
-l'un d'eux, le comte Christophe Andrvitch, n le
-8 mai 1774<a id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor">&nbsp;[62]</a>, il fit successivement son aide de
-camp et son ministre de la guerre<a id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor">&nbsp;[63]</a>.</p>
-
-<p>Marie Fodorovna fit pouser ce dernier, en
-1800, Dorothe de Benckendorf. Il avait vingt-sept
-ans. Elle en avait quinze et sortait du couvent.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXXIV"> XXXIV</a></span>
-Le mariage fut d'abord heureux. L'assassinat de
-Paul I<sup>er</sup> trouva les jeunes poux en pleine lune de
-miel. La sanglante tragdie du Palais Michel aurait
-pu mettre fin la faveur du nouveau mnage: elle la
-consolida.</p>
-
-<p>Mme de Lieven a cont dans un long chapitre de
-ses Mmoires<a id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor">&nbsp;[64]</a> ce qu'elle vit du dramatique vnement<a id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor">&nbsp;[65]</a>.</p>
-
-<p>Son mari, retenu chez lui par une indisposition,
-avait, par une heureuse chance, t laiss en dehors
-du complot par son ami Pahlen. Le Tsar, impatient
-de l'absence prolonge dont sa maladie tait
-cause, l'avait relev de ses fonctions ministrielles
-dans la soire du 11 mars.</p>
-
-<p>La nuit suivante, 2 heures 1/2 du matin, les
-Lieven sont rveills en sursaut. Leur premier mouvement
-fut de croire l'arrive d'un ordre d'exil:
-leur effroi ne diminua gure quand ils apprirent
-qu'un nouvel empereur mandait l'ancien ministre au
-Palais d'Hiver. Cela tait-il vrai? N'tait-ce pas une
-ruse de Paul? Le mari de Dorothe de Benckendorf
-mit longtemps dcider s'il se rendrait
-la convocation et, bien des annes aprs, celle-ci
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXV"> XXXV</a></span>
-n'avait pas oubli les motions de ce lugubre
-jour.</p>
-
-<p>Alexandre I<sup>er</sup> ne rendit pas M. de Lieven le ministre
-de la guerre, mais il lui conserva la confiance
-entire dont son pre l'avait honor.</p>
-
-<p>Cette priode fut l'une des plus heureuses de la
-vie de Mme de Lieven. Elle aimait son mari, dont
-l'indiscutable infriorit n'avait pas encore clat
-ses yeux. Dnue d'ambition politique, elle jouissait
-sans arrire-pense de sa jeunesse, de sa haute
-situation mondaine, des joies qu'elle trouvait au
-milieu d'une famille trs aime et trs unie. Ses
-lettres, dont M. Ernest Daudet a publi une analyse
-fidle mle de longs extraits, refltent ce calme et
-cette srnit, assombris seulement par les absences
-de l'poux et, un peu plus tard, par les revers de la
-Russie<a id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor">&nbsp;[66]</a>.</p>
-
-
-<p>En dcembre 1809, M. de Lieven, qui avait donn
-en fvrier 1808 sa dmission de lieutenant-gnral
-pour raisons de sant, fut nomm ambassadeur
-Berlin<a id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor">&nbsp;[67]</a>. Sa mission dura jusqu'en 1812. Elle fut ce
-qu'elle pouvait tre pour le reprsentant d'un souverain
-humili auprs d'un autre monarque, malheureux,
-abaiss, vaincu, meurtri, ayant se mfier de
-tout et de tous. Dans ces conditions, le rle du nouveau
-ministre plnipotentiaire devait tre trs effac
-et il quitta ce poste sans regrets, le 30 juin 1812,
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXVI"> XXXVI</a></span>
-quand une guerre impose mit aux prises son matre
-et le roi de Prusse<a id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor">&nbsp;[68]</a>.</p>
-
-<p>Sa femme, de son ct, quoi qu'en ait dit Talleyrand,
-ne fit grande impression ni sur les diplomates
-ni sur les hommes politiques allemands, dans les Mmoires
-desquels sa prsence passe inaperue.</p>
-
-<p>Mais le sort rservait au comte et la comtesse de
-Lieven une brillante compensation. Alexandre, en
-lutte avec Napolon, cherchait se rapprocher de l'Angleterre
-qui accueillait volontiers ses avances. Le
-premier acte de ce rapprochement devait tre la
-reprise des relations diplomatiques, interrompues
-depuis Tilsitt, entre Saint-Ptersbourg et la Cour de
-Saint-James.</p>
-
-<p>Le 5 septembre 1812, M. de Lieven fut nomm
-ambassadeur de Russie Londres. Il dbarquait le
-13 dcembre Harwich et prsentait le 18 ses lettres
-de crance au Prince Rgent<a id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor">&nbsp;[69]</a>. Mme de Lieven
-avait trouv son vritable terrain.</p>
-
-<p>La rception qui lui fut faite en Grande-Bretagne
-flatta sa vanit: Il faut se rappeler, disent les <i>Mmoires</i>
-de Talleyrand<a id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor">&nbsp;[70]</a>, qu' cette poque il n'y
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXVII"> XXXVII</a></span>
-avait plus, depuis plusieurs annes, aucun corps
-diplomatique la Cour de Londres, avec laquelle
-tous les cabinets du continent avaient d rompre, au
-moins en apparence, leurs relations officielles. Aussi
-l'apparition d'une ambassadrice de Russie y produisit-elle
-une grande sensation. Le Prince Rgent,
-la Cour, l'aristocratie, on pourrait dire la Nation
-accueillirent avec un empressement, qui ressemblait
- de l'enthousiasme, le reprsentant de l'empereur
-de Russie. On fta partout M. de Lieven, et Mme de
-Lieven, qui, dj pendant la mission de son mari
-Berlin, avait acquis une sorte de clbrit, partagea
-naturellement les ovations faites son mari. A la
-Cour, o il n'y avait point de reine, le premier rang
-lui revint de droit, et le Prince Rgent tait charm
-de l'attirer Brighton, o sa prsence autorisait celle
-de la marquise de Conyngham, que peu de femmes
-de la socit anglaise aimaient rencontrer. L'aristocratie,
-si hospitalire, accourut au-devant de la nouvelle
-ambassadrice, et lui accorda d'emble tous
-ces petits privilges rservs aux femmes que leur
-beaut, leur esprit ou leur fortune placent la tte
-du monde lgant; c'est de cette poque que date
-l'empire incontestable que Mme de Lieven a exerc
-sur la socit anglaise. Elle eut le mrite, en l'acceptant,
-de tout faire pour le conserver longtemps: il
-faut en reporter tout l'honneur son esprit.</p>
-
-<p>Quelques femmes distingues se partageaient alors
-le sceptre de la vie mondaine de Londres: Lady Jersey,
-l'grie des tories, remplie de qualits aimables,
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXVIII"> XXXVIII</a></span>
-Lady Holland, Lady Grenville, enthousiaste et charmante.
-Mais, entre elles, il restait une place pour un
-salon plus libre des attaches de parti. Mme de
-Lieven, dit M. Lionel G. Robinson, tait bien doue
-pour saisir les occasions et elle prit promptement
-la place d'une reine du grand monde<a id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor">&nbsp;[71]</a>.</p>
-
-<p>Par un intelligent instinct, et sans se dire qu'un
-jour peut-tre elle ferait l des choses plus importantes,
-raconte M. Guizot, l'ami fidle de ses derniers
-jours, Mme de Lieven s'appliqua d'abord
-assurer dans la socit anglaise son succs personnel,
-et elle y russit pleinement; elle eut de bonne heure,
- la Cour de Saint-James, diverses occasions de faire
-preuve de tact, de fin sentiment des convenances, de
-prompte et heureuse repartie... Hommes ou femmes,
-torys ou whigs, importants ou lgants, tous la
-recherchrent pour l'ornement ou l'agrment de leurs
-salons; tous mirent du prix tre bien accueillis
-d'elle et chez elle<a id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor">&nbsp;[72]</a>.</p>
-
-<p>Mais le salon de Mme de Lieven, d'abord exclusivement
-mondain, ne devait pas tarder devenir un
-centre politique. On a cru pouvoir attribuer ce changement
- l'influence de M. de Metternich, aprs
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXIX"> XXXIX</a></span>
-1818, et une nouvelle orientation de l'activit intellectuelle
-de la jeune femme, consquence de sa liaison
-avec le grand homme d'tat. Cependant elle tait
-bien avant ce temps, semble-t-il, entre personnellement
-dans l'action diplomatique.</p>
-
-<p>On en trouverait une preuve dans les dessous du
-Congrs de Chtillon. D'aprs M. de Barante, qui le
-tenait de la comtesse elle-mme, le Prince Rgent
-avait confi cette dernire sa secrte opposition aux
-ides de son ministre, lequel proposait aux Allis
-de n'intervenir en rien dans les questions relatives
-l'ordre intrieur de la France. Il souhaitait voir
-Alexandre repousser les vues du gouvernement britannique
-et, pour l'informer de ses dsirs, passant sur
-le dos du mari, il chargea l'ambassadrice de Russie
-d'crire dans ce sens Pozzo di Borgo<a id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor">&nbsp;[73]</a>. Ce petit
-fait montre Mme de Lieven dj engage dans les
-intrigues qui, plus tard, seront toute sa vie.</p>
-
-<p>Pouvait-il en tre autrement d'ailleurs?</p>
-
-<p>A cette poque o les communications rapides
-taient inconnues, la personnalit propre de l'ambassadeur
-d'une puissance prenait une importance
-primordiale. Or, en prsence des trs graves problmes
-poss alors devant l'Europe, M. de Lieven
-tait notoirement infrieur sa tche.</p>
-
-<p>Chateaubriand a voulu faire de lui un esprit lev
-et tendu<a id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor">&nbsp;[74]</a>, mais, sur ce terrain, l'auteur du <i>Gnie
-du Christianisme</i> est bon droit suspect: grandir
-<span class="pagenum"><a id="Page_XL"> XL</a></span>
-l'poux tait encore une manire de rabaisser l'pouse.</p>
-
-<p>Mme de Boigne le dit homme de fort bonne compagnie
-et de trs grandes manires, parlant peu mais
- propos, froid mais poli; cependant elle ajoute malicieusement:
-Quelques-uns le disent trs profond,
-le plus grand nombre le croient trs creux...<a id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor">&nbsp;[75]</a>.</p>
-
-<p>En ralit, le voisinage de sa femme lui fit toujours
-le plus grand tort, et il faut tenir compte de cette circonstance.
-Talleyrand reconnat qu'il avait plus de
-capacits qu'on ne lui en accorde gnralement<a id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor">&nbsp;[76]</a>.
-Mais, tout bien pes, il n'en reste pas moins, aux
-regards de ses contemporains, un tre assez insignifiant
-et d'intelligence moyenne.</p>
-
-<p>A cette mdiocrit, l'esprit souple de Dorothe de
-Benckendorf devait tre d'une haute utilit. M. Guizot
-dit: Le comte de Lieven faisait grand usage, pour
-sa correspondance avec sa cour, des observations et
-des rcits de sa femme; il lui demanda un jour de les
-crire elle-mme au lieu de lui en donner, lui, la
-peine; elle s'y prta d'abord par complaisance,
-ensuite avec un intrt plus srieux et plus personnel<a id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor">&nbsp;[77]</a>.
-Ce fut sans doute sur cette pente que, de
-bonne heure, elle dut glisser vers la politique. Une
-fois engage dans celle-ci, elle n'y pouvait voir qu'une
-perptuelle et tortueuse machination. Elle n'tait
-pas de ces esprits suprieurs qui savent, dans
-l'examen des affaires, s'en tenir aux vues gnrales
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLI"> XLI</a></span>
-sans tomber dans les petitesses des dtails.</p>
-
-<p>Son influence, au dbut, fut vraisemblablement
-discrte et il devait en tre encore ainsi en 1818. Ce
-fut d'ailleurs l'une des lgances de Mme de Lieven
-de s'effacer constamment devant son mari. A Londres,
-toujours, elle affecta de lui paratre soumise et attache<a id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor">&nbsp;[78]</a>.
-Plus tard, l'heure de la sparation, quand
-elle le saura las de sa part dans leur collaboration,
-elle s'excusera de sa supriorit dans un joli mouvement:
-Cette supriorit, crira-t-elle l'un de ses
-frres, je l'ai mise pendant de longues annes son
-service. Elle lui a t utile, bien utile...<a id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor">&nbsp;[79]</a>.</p>
-
-<p>En Angleterre, comme plus tard Paris, le salon
-de Mme de Lieven se distinguait des autres centres
-de runion mondains par son clectisme. Quel que
-ft le parti au pouvoir, opposants et gouvernants,
-vainqueurs ou vaincus y trouvaient le mme accueil,
-et bien des compromis durent y tre bauchs.</p>
-
-<p>Trs aristocratique, trs imbue de prjugs de
-caste, la matresse de maison savait ouvrir ses portes
- tous ceux dont la position pouvait lui servir.</p>
-
-<p>Mais il fallait se trouver en mesure, d'une faon ou
-d'une autre, de lui tre utile quelque chose. Je
-pus remarquer moi-mme, plus d'une reprise,
-notera plus tard le duc Albert de Broglie, que, malgr
-la bienveillance dont elle m'honorait, en raison de la
-haute situation de mon pre, ma conversation lui
-paraissait plus intressante le jour o mes relations
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLII"> XLII</a></span>
-avec le ministre des Affaires trangres me permettaient
-de lui apporter quelques observations qu'elle
-ne pouvait obtenir autrement<a id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor">&nbsp;[80]</a>.</p>
-
-<p>Si elle se servait momentanment de gens plus
-modestes, elle leur demandait de disparatre, leur
-instant pass.</p>
-
-<p>Un soir, raconte Lord Malmesbury<a id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor">&nbsp;[81]</a>, on annonce
-chez elle un homme pimpant et de bonne mine.
-La princesse le regarde fixement et lui dit: Monsieur,
-je ne vous connais pas. Le pauvre homme
-parat fort attrap et s'crie: Comment, madame,
-vous ne vous rappelez pas, Ems?&mdash;Non,
-monsieur. Elle le salue et lui tourne le dos. Je
-n'ai jamais rien vu d'aussi impertinent. Il parut clair
- la compagnie, qui ne pouvait dissimuler des sourires,
-que tel peut tre utile Ems et tre de trop
-Paris.</p>
-
-<p>Une autre anecdote, conte par M. Daudet, d'aprs
-les <i>Souvenirs</i> de la duchesse Decazes, tmoigne du
-mme sans-gne. Mme de Lieven tait alors fixe
-Paris. La princesse partait pour les eaux d'Allemagne,
-o elle devait rejoindre l'empereur de Russie.
-Dsirant ne pas voyager seule, elle cherchait un compagnon.
-M. Dumon, l'ancien ministre,&mdash;ceci se passait
-sous Louis-Philippe,&mdash;lui proposa son gendre,
-M. Trubert. La princesse accepta et n'eut qu' se
-louer des prvenances et des attentions que lui prodigua
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLIII"> XLIII</a></span>
-ce dernier durant ce long voyage fait en voiture
-et en tte tte. N'empche qu'en arrivant
-destination, elle lui dit fort lestement et sans embarras:
-Votre position, mon cher monsieur, ne me
-permet pas de vous prsenter dans mon monde. Je
-pense donc que nous devons nous dire adieu<a id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor">&nbsp;[82]</a>.</p>
-
-<p>Comme l'ajoute M. Ernest Daudet, la duchesse
-Decazes, aprs se l'tre laiss conter, a peut-tre
-nglig de contrler l'exactitude de ce rcit, mais,
-tout en tenant grand compte de cette rserve, on
-peut penser que, si cette histoire n'est pas vraie, elle
-est du moins vraisemblable.</p>
-
-<p>En voici une autre, en effet, conte par Mme de
-Lieven elle-mme, montrant la singulire faon dont
-elle entendait parfois les lois de l'hospitalit.</p>
-
-<p>En villgiature aux eaux de Schlangenbad, en 1850,
-elle apprend la prsence dans la petite ville d'un
-marquis de Villafranca et le prend pour le partisan
-dvou, le confident et le conseiller du comte
-de Montemolin, fils de don Carlos. Elle dsire vivement
-faire sa connaissance, se creuse la tte pour
-trouver le moyen de l'attirer chez elle, se rappelle
-tout coup qu'il est en relations avec son fils Alexandre
-et, s'autorisant du nom de ce dernier, lui adresse un
-billet d'invitation.</p>
-
-<p>Elle s'aperoit, l'arrive de son hte, qu'elle
-s'est trompe. Alors, dit-elle, je ne me gne plus
-du tout et je prends les manires que vous me connaissez<a id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor">&nbsp;[83]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLIV"> XLIV</a></span>
-Oubliant qu'aprs tout l'invitation vient
-d'elle et d'elle seule, elle le traite en aventurier, le
-met la porte. Et alors, l'inconnu de se regimber:</p>
-
-<p>&mdash;Permettez, madame, je suis le duc de
-Parme<a id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor">&nbsp;[84]</a>.</p>
-
-<p>La leon tait bonne. Mais toutes ces historiettes
-donnent bien le droit M. Robinson de dire que son
-tact se montrait plutt dans la difficult de son got
-que dans son affabilit<a id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor">&nbsp;[85]</a>.</p>
-
-<p>On sait d'ailleurs que Mme de Lieven fut la plus
-exclusive des dames patronnesses de l'aristocratique
-bal d'Almack<a id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor">&nbsp;[86]</a>. On l'accusait, la cour de Londres,
-d'avoir empit, au profit des ambassadrices, sur les
-prrogatives des princesses royales. Trs attache
-aux honneurs qui lui taient dus, ne tolrant jamais
-un manque de formes, elle sut imposer la vieille
-reine Charlotte, dont elle n'tait pas aime, une attitude
-toujours correcte son gard.</p>
-
-<p>Elle dfendait du reste prement sa situation privilgie.
-Un instant, elle crut voir une rivale possible
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLV"> XLV</a></span>
-en la princesse Paul Esterhazy, arrivant en Angleterre
-avec plus de beaut, plus de jeunesse qu'elle et
-l'avantage d'une proche parent avec quelques
-membres de la famille royale. Elle fut vite rassure,
-mais elle oublia lentement ce mouvement d'inquitude
-et de jalousie: longtemps aprs, Mme de Boigne
-la voyait encore s'exercer en politesses hostiles et
-perfides<a id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor">&nbsp;[87]</a> envers la belle Autrichienne.</p>
-
-<p>Physiquement, Mme de Lieven n'eut jamais de
-vraie beaut.</p>
-
-<p>Son portrait, par Lawrence, aujourd'hui la
-National Gallery, nous la montre vingt ans, le nez
-un peu fort, les oreilles normes, le cou trop long, la
-bouche disgracieuse. Nanmoins, il ressort de sa
-physionomie, sous ses beaux cheveux blonds, un
-charme rel: les yeux sont profonds et caressants,
-l'ensemble est fin et spirituel.</p>
-
-<p>Mais, par-dessus tout, une maigreur extrme, une
-maigreur dsesprante, dit Mme de Boigne<a id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor">&nbsp;[88]</a>,
-dparait ce qu'il y avait de grce dans sa personne
-et soulignait ce que son abord avait de peu avenant.
-L'impression laisse par ce portrait se retrouve dans
-les descriptions de ses contemporains.</p>
-
-<p>M. de Marcellus dira bien d'elle plus tard: Elle
-avait t fort jolie, mais seul, avec le baron de
-Stockmar, il a apport ce tmoignage.</p>
-
-<p>Ce dernier fait d'elle, en 1817, ce tableau, en
-somme peu flatt, malgr quelques louanges: La
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLVI"> XLVI</a></span>
-comtesse de Lieven: maintien dsagrablement
-raide, fier, visant la distinction. Il est vrai qu'elle est
-pleine de talent, joue excellemment du piano, parle
-anglais, franais et allemand la perfection, mais on
-voit qu'elle le sait. Son visage est vraiment beau,
-pourtant trop maigre, et le nez pointu, ainsi que la
-bouche qui peut se contracter en formant de nombreux
-plis, prouvent, au premier aspect, son peu
-d'inclination considrer les autres comme ses
-gaux. Le buste est celui d'un squelette<a id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor">&nbsp;[89]</a>.</p>
-
-<p>Le plus acerbe de ses ennemis, Chateaubriand,
-dont le ressentiment ne fut jamais assouvi, lui
-trouve un visage aigu et msavenant. Pour lui, elle
-est seulement une femme commune, fatigante et
-aride<a id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor">&nbsp;[90]</a>, mais, sans autres preuves, on ne pourrait
-ajouter grande foi ces lignes.</p>
-
-<p>M. Ralph Sneyd la connut dans sa vieillesse:
-C'tait, dit-il, une femme assez grande, droite,
-maigre, qui, bien que les amoureux ne lui aient pas
-manqu dans ses jeunes annes, n'avait jamais t
-d'une beaut remarquable. On lui passait volontiers
-les dtails, l'ensemble ayant un charme et un attrait
-incomparables<a id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor">&nbsp;[91]</a>.</p>
-
-<p>En ralit, sans beaut, Mme de Lieven fut, minemment
-et au plus haut degr, une vritable grande dame.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XLVII"> XLVII</a></span>
-D'aprs les <i>Mmoires</i> de Talleyrand, quand l'ge
-eut terni les agrments de la jeunesse, elle sut les
-remplacer par de la dignit, de belles manires, un
-grand air qui lui donnaient quelque chose de
-noble et d'un peu imprieux<a id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor">&nbsp;[92]</a>.</p>
-
-<p>Mme note dans une lettre de la comtesse Apponyi
- M. de Fontenay, crite en 1824: C'est une personne
-marquante, de beaucoup d'esprit, de beaucoup
-d'aplomb, grande, parlant de politique, grande
-musicienne et avec des manires nobles et belles<a id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor">&nbsp;[93]</a>.</p>
-
-<p>En 1818, elle tait encore dans toute sa fracheur, et
-elle ne mritait pas l'affront dont la gratifia plus
-tard Miraflors, l'ambassadeur d'Espagne Londres.
-Elle montrait ce dernier une belle Anglaise, Lady
-Seymour, en lui demandant son apprciation:
-Je la trouve trop jeune et trop frache, rpondit-il,
-et il ajouta en lui glissant un regard tendre:
-J'aime les femmes un peu passes<a id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor">&nbsp;[94]</a>.</p>
-
-<p>A la veille du Congrs d'Aix-la-Chapelle, ses vingt-sept
-ans la mettaient l'abri de compliments de ce
-genre. Elle pouvait plaire et M. de Metternich, cet
-homme bonnes fortunes, est l pour prouver qu'elle
-pouvait tre aime.</p>
-
-<p>Si les contemporains de Mme de Lieven sont
-presque unanimes lui trouver un physique mdiocre,
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLVIII"> XLVIII</a></span>
-ils sont non moins affirmatifs en ce qui concerne
-l'tendue de son intelligence.</p>
-
-<p>Chateaubriand, seul, lui en dnie toute trace.
-Elle ne sait rien, et elle cache la disette de ses ides
-sous l'abondance de ses paroles. Quand elle se trouve
-avec des gens de mrite, sa strilit se tait; elle revt
-sa nullit d'un air suprieur d'ennui, comme si elle
-avait le droit d'tre ennuye<a id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor">&nbsp;[95]</a>.</p>
-
-<p>Ce portrait est trop pouss au noir pour ne pas
-tre faux et il ne faut pas plus prendre la lettre la
-boutade de M. Thiers Greville, la traitant de bavarde,
-de menteuse et de sotte<a id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor">&nbsp;[96]</a>.</p>
-
-<p>Aussi bien, sans beaut physique, sans grande
-lvation morale, une femme ne saurait acqurir
-sans esprit la haute situation o elle atteignit.</p>
-
-<p>La duchesse de Sagan, nice de Talleyrand, pensait
-ainsi quand elle crivait Barante, parlant de
-Mme de Lieven: On n'attire que par de la grce; elle
-n'avait que bel air; on n'attache que par le c&oelig;ur, il ne
-dominait pas en elle. Mais on peut, part cela, intresser
-l'esprit, exciter la conversation et soutenir la
-curiosit; c'est ce qu'elle savait trs bien<a id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor">&nbsp;[97]</a>.</p>
-
-<p>Greville dit aussi d'elle: Cette femme est extraordinairement
-intelligente, d'une finesse extrme, et
-sait tre charmante quand elle veut bien s'en donner la
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLIX"> XLIX</a></span>
-peine. Rien n'gale la grce et l'aisance de sa conversation,
-paillete des pointes les plus dlicates, et ses
-lettres sont des chefs-d'&oelig;uvre<a id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor">&nbsp;[98]</a>.</p>
-
-<p>coutons maintenant M. Ralph Sneyd: Elle
-avait normment d'esprit, de cet esprit mle, srieux
-et logique qui ne se rencontre que rarement
-chez les femmes, tempr toutefois par la finesse, la
-grce et la souplesse qu'on ne retrouve que chez
-elles<a id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor">&nbsp;[99]</a>.</p>
-
-<p>La mme impression ressort de l'examen de son
-criture. Celle-ci est rapide, d'une sobrit rare
-pour son sexe, avec des lettres souvent abrges,
-sans nervosit. Elle a tout fait l'apparence d'une
-criture d'homme cultiv, et ce caractre de masculinit
-est signaler.</p>
-
-<p>On vient de voir les opinions les plus favorables
-sur l'intelligence de Mme de Lieven. Dans d'autres
-Mmoires l'loge s'enveloppe de quelques rserves.</p>
-
-<p>Ceux de Talleyrand la jugent ainsi: Elle a beaucoup
-d'esprit naturel, sans la moindre instruction, et,
-ce qui est assez remarquable, sans avoir jamais rien
-lu... Elle crit mieux qu'elle ne cause, sans doute
-parce que, dans sa conversation, elle cherche moins
- plaire qu' dominer, interroger, satisfaire son
-insatiable curiosit. Aussi est-elle plus piquante par
-la hardiesse de ses questions et mme de ses provocations,
-que par la vivacit de ses reparties<a id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor">&nbsp;[100]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_L"> L</a></span>
-En effet, de cette ignorance dont nous avons dj
-parl, elle ne rpara jamais la lacune. La lecture
-n'tait pas son got, elle ne pouvait s'y fixer. Elle ne
-lisait que les journaux, et c'tait une merveille
-qu'ayant moins lu, elle st crire mieux que personne
-au monde<a id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor">&nbsp;[101]</a>.</p>
-
-<p>Celui de ses admirateurs auquel nous empruntons
-ces lignes ajoute: Un homme d'tat illustre, M. ....,
-disait qu'elle feuilletait les hommes comme les
-hommes feuillettent les livres. Mais sa science n'avait
-pas d'autre source<a id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor">&nbsp;[102]</a>. Ce n'tait, d'ailleurs, un
-mdiocre rsultat.</p>
-
-<p>Trs musicienne, elle savait par c&oelig;ur des opras
-entiers. Elle les excutait ravir sur le piano<a id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor">&nbsp;[103]</a>,
-mais, semble-t-il, ses gots artistiques s'arrtaient l.</p>
-
-<p>Pour terminer en ce qui concerne son esprit, nous
-voulons citer en entier ce passage de Greville, crit
-en fvrier 1819, peu aprs l'poque o nous allons la
-voir s'emparer du c&oelig;ur de M. de Metternich. Il jugeait
-ainsi celle que M. Kleinschmidt appelle la
-plus spirituelle diplomate de Russie<a id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor">&nbsp;[104]</a> et dont
-Mme des Cars disait qu'elle tait la bte la plus
-forte en politique<a id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor">&nbsp;[105]</a> de l'Angleterre:</p>
-
-<p>L'ide qu'elle se fait de sa supriorit sur l'univers
-<span class="pagenum"><a id="Page_LI"> LI</a></span>
-entier et son ddain pour tous ceux qui l'entourent
-la rendent incapable de chercher plaire et
-impuissante se plaire elle-mme dans le monde.
-Elle est la personne la plus profondment blase qui
-se puisse voir et dvore par un ennui profond,
-mme dans la compagnie de ses meilleurs amis, peu
-nombreux du reste, car son attitude est si froide, si
-ennuye, si languissante que, lors mme qu'elle s'efforce
-d'tre gracieuse et de faire la bonne femme,
-elle ne parvient qu'imparfaitement fondre la glace
-dans laquelle elle semble fige<a id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor">&nbsp;[106]</a>.</p>
-
-<p>De tout ceci ressort, il faut bien en convenir, une
-personnalit dont la supriorit ne se serait pas impose
-sans ses dons merveilleux pour l'intrigue. Plus
-ge, elle consacrera toutes ses forces celle-ci et
-Lord Malmesbury dira d'elle: Elle tait la terreur
-de nos ministres des affaires trangres<a id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor">&nbsp;[107]</a>.</p>
-
-<p>Nous verrons ce qu'il faut penser des accusations
-trs nettes d'espionnage lances contre elle dans la
-seconde partie de sa vie. Mais, en 1818, si elle tenait
-dj sa place dans les conseils de l'ambassade, du
-moins n'avait-elle pas encore cherch influencer la
-politique intrieure des gouvernants anglais.</p>
-
-<p>Elle n'apportera pas, du reste, dans ces intrigues,
-des vues suprieures. Elle ne comprit jamais grand'chose
-aux causes profondes des embarras dans lesquels
-l'Europe se dbattait. Mme de Boigne avait
-dj remarqu que, pour elle, tout se rduisait des
-<span class="pagenum"><a id="Page_LII"> LII</a></span>
-questions de personnes<a id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor">&nbsp;[108]</a> et M. Paul Muret l'a parfaitement
-juge, semble-t-il, quand il la caractrise
-d'un mot: De fait, elle ne dpassa jamais les horizons
-des ambassades et des salons...<a id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor">&nbsp;[109]</a></p>
-
-<p>Mme de Lieven eut peu d'amis sincres et dsintresss.
-Son gosme tait dj un obstacle, et ceux qui
-l'aimrent vritablement, comme Lord Grey, durent,
-plus d'une fois, faire preuve de patience vis--vis d'elle.</p>
-
-<p>En 1816, d'aprs Mme de Boigne, elle tait peu
-aime et fort redoute Londres. La duchesse de
-Talleyrand dira plus tard, pour expliquer le peu de
-chaleur de leurs relations&mdash;et ses paroles suffiront
-pour faire comprendre bien des choses: Elle ne
-s'intresse jamais assez ses amis pour s'identifier
- ce qui les touche dans leur vie prive, et je n'ai
-pas de vie politique<a id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor">&nbsp;[110]</a>.</p>
-
-<p>En crivant ces lignes, la nice de l'ancien vque
-d'Autun touchait du doigt le ct faible de son c&oelig;ur.
-Trop de diplomatie entrait dans les sympathies de
-Mme de Lieven pour qu'elles pussent tre bien profondes.</p>
-
-<p>Les <i>Mmoires</i> de Talleyrand constatent, leur
-tour, qu'elle tait assez volage dans ses affections
-politiques, et ils ajoutent: O se marquait son
-habilet, c'est qu'elle se trouvait presque toujours dans
-<span class="pagenum"><a id="Page_LIII"> LIII</a></span>
-de meilleures relations avec le ministre qui arrivait au
-pouvoir qu'avec celui qui le quittait<a id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor">&nbsp;[111]</a>.</p>
-
-<p>On la vit dtester et vituprer ceux qu'elle avait le
-plus choys. Bien peu&mdash;Metternich ne fut pas une
-exception&mdash;chapprent la rgle, quand leur devoir
-se heurta sa fantaisie ou l'intrt russe.</p>
-
-<p>Il serait injuste d'ailleurs de ne pas lui tenir compte
-de certains lans de c&oelig;ur qui militent en sa faveur.
-La plus durable de ses amitis fut celle voue
-M. Guizot. Ce fut sans doute &oelig;uvre de patience et de
-dvouement de la part de cet esprit fin et indulgent
-que de fixer cette me mobile et inquite, de donner
- ses vieux jours l'apaisement d'un amour sans alliage
-diplomatique.</p>
-
-<p>Deux autres de ses affections sont tout son honneur.
-Elle se lia&mdash;jusqu' oser prendre maintes fois
-leur dfense&mdash;avec la princesse Charlotte, fille du
-Rgent, et avec la belle-s&oelig;ur de celui-ci, la malheureuse
-duchesse de Cumberland, l'une et l'autre si mal
-en cour. Il fallait, pour ainsi faire, avoir quand mme
-quelque peu de courage.</p>
-
-<p>La place prise par Mme de Lieven dans la vie mondaine
-de Londres tait trop haute pour qu'elle ne ft
-pas expose la mdisance.</p>
-
-<p>On lui prta une aventure avec le Prince de Galles,
-toujours plein de prvenances pour elle<a id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor">&nbsp;[112]</a>. Rien n'est
-venu, notre connaissance, confirmer ce bruit.</p>
-
-<p>Cependant, comme l'insinue cette mauvaise langue
-<span class="pagenum"><a id="Page_LIV"> LIV</a></span>
-de Mme de Boigne, on tenait beaucoup de mauvais
-propos sur sa conduite personnelle<a id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor">&nbsp;[113]</a>. Sa rputation,
-en effet, ne devait pas tre trs pure, pour que
-M. Thiers ost, comme il le fit, dire brle-pourpoint
- Greville: Vous avez t son amant, n'est-ce
-pas? Le secrtaire du conseil priv eut beaucoup de
-peine se dfendre d'avoir jamais eu cet honneur<a id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor">&nbsp;[114]</a>.</p>
-
-<p>Elle fit un jour l'aveu de ses faiblesses M. de Metternich.
-L'un et l'autre semblent s'tre complu dans
-ces singulires confidences. Il lui crivait, pour solliciter
-les siennes: Mande-moi tout: que je sache
-quand tu as t heureuse et quand tu ne l'tais pas. Je
-sais au reste ce qui te regarde; tu n'as pas besoin de
-nommer: je crois que je pourrai y suppler. Tu as
-fait des choix et tu as t trompe: quelle est la
-jeune femme qui ne l'a pas t<a id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor">&nbsp;[115]</a>?</p>
-
-<p>Un autre passage des lettres du prince nous parle
-encore de l'un de ces choix, dont le hros pourrait bien
-avoir t Dolgorouki<a id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor">&nbsp;[116]</a>. Aucun indice cependant ne
-permet d'affirmer que ce caprice ait franchi le point
-dlicat au del duquel il aurait pu tre coupable. Mais
-M. de Metternich en a dit assez pour nous prouver que
-tout n'tait pas calomnie dans les anecdotes qui couraient
-sur la vertu de son amie<a id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor">&nbsp;[117]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LV"> LV</a></span>
-Telle tait la comtesse de Lieven, au mois d'octobre
-1818, au moment o elle rencontrait Aix le
-ministre autrichien.</p>
-
-<p>Elle avait eu quatre enfants: une fille qu'elle avait
-dj perdue et trois fils, Alexandre, Paul et Constantin,
-dont elle surveillait encore l'ducation<a id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor">&nbsp;[118]</a>.</p>
-
-<p>A trente-cinq ans, son c&oelig;ur allait s'ouvrir nouveau.
-Elle allait pouvoir bientt, dans la joie de son
-amour naissant, crire au grand charmeur dont la
-grce avait captiv son me, dont la puissance flattait
-son orgueil et servait ses desseins: Mon ami,
-comme il m'est doux de t'aimer! C'est une si ravissante
-chose!<a id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor">&nbsp;[119]</a>.</p>
-
-<p class="subt"><span class="pagenum"><a id="Page_LVI"> LVI</a></span>
-IV</p>
-
-<p>Un article du trait de Paris du 20 novembre 1815
-avait prescrit que, l'expiration d'un dlai de trois
-ans, les souverains examineraient si la situation intrieure
-de la France permettait de retirer de ce pays
-les troupes trangres<a id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor">&nbsp;[120]</a>.</p>
-
-<p>En 1818, le duc de Richelieu, fort de la loyaut
-avec laquelle son gouvernement avait rempli ses obligations
-et comptant sur l'amiti du tsar, crut le moment
-venu de rclamer l'excution de cette clause et
-la libration du territoire franais. Grce ses efforts,
-la confrence prvue fut fixe au mois de septembre
-et la ville d'Aix-la-Chapelle fut choisie pour en tre le
-sige.</p>
-
-<p>La vieille cit de Charlemagne prsenta alors une
-animation extraordinaire. Officiellement, le Congrs
-ne devait s'occuper que des questions de France, et
-les ambassadeurs des grandes puissances, seuls, devaient
-y tre admis. Mais tous les princes, toutes les
-nations ayant quelque rclamation prsenter, quelque
-esprance faire valoir, se htrent d'y envoyer
-des reprsentants prts saisir les occasions propices.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LVII"> LVII</a></span>
-Autour des diplomates, se prcipita une foule de
-banquiers, de commerants, d'artistes, d'lgantes,
-d'aventuriers et d'aventurires avides de trouver la
-fortune ou le succs.</p>
-
-<p>Parmi les souverains, le roi de Prusse arriva le premier.
-Il fit, le 27 septembre au soir<a id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor">&nbsp;[121]</a>, une entre
-assez piteuse dans la ville, mcontente de s'tre vue
-donne au gouvernement de Berlin par la seule volont
-des plnipotentiaires de Vienne.</p>
-
-<p>Par contre, l'empereur d'Autriche, arriv le 28
-dans la journe, et l'empereur de Russie qui le suivit
-de quelques heures<a id="FNanchor_122" href="#Footnote_122" class="fnanchor">&nbsp;[122]</a>, soulevrent un enthousiasme
-dont le contraste avec la froide rception de la veille
-blessa profondment Frdric-Guillaume.</p>
-
-<p>Ce dernier, instruit de ce que la populace voulait
-dteler les voitures impriales, avait trouv un biais
-ingnieux pour couper court cette manifestation
-dirige contre lui: il tait all, successivement, loin
-dans la campagne, la rencontre de chacun de ses
-deux allis et tait mont dans leurs carrosses. Seuls
-donc, les vivats des habitants froissrent sa vanit<a id="FNanchor_123" href="#Footnote_123" class="fnanchor">&nbsp;[123]</a>.</p>
-
-<p>Le prince de Metternich tait arriv quelques
-heures avant son matre. Il revenait de sa cure d'eau
-de Carlsbad et de ses proprits de K&oelig;nigswart. Pendant
-son sjour dans ce dernier lieu, il avait appris la
-mort de son pre, dont le dcs le faisait chef de
-<span class="pagenum"><a id="Page_LVIII"> LVIII</a></span>
-famille. Poursuivant son voyage par Francfort, o il
-avait eu morigner la Dite germanique, il s'tait
-arrt, le 12 septembre, au Johannisberg. Il pntrait
-ce jour-l pour la premire fois dans le splendide domaine
-qui, donn par Napolon au marchal Kellermann,
-lui tait chu comme fief autrichien depuis
-1816<a id="FNanchor_124" href="#Footnote_124" class="fnanchor">&nbsp;[124]</a>.</p>
-
-<p>Il demeura au milieu de ses vignes clbres pendant
-deux semaines, entour, selon sa propre expression,
-d'une vritable cour de diplomates, presss de
-saluer sa puissance. Avant de partir, il reut l'empereur
-Franois dner et par Mayence, Bingen, Coblenz,
-il vint jusqu' Aix.</p>
-
-<p>Dans cette ville, accompagn de son insparable
-secrtaire, le chevalier de Floret, il se logea Comphausbadstrasse,
-n<sup>o</sup> 777, occupant la maison d'une
-demoiselle Brammertz<a id="FNanchor_125" href="#Footnote_125" class="fnanchor">&nbsp;[125]</a>, loue 20,000 francs pour
-la dure de son sjour<a id="FNanchor_126" href="#Footnote_126" class="fnanchor">&nbsp;[126]</a>.</p>
-
-<p>Jamais congrs ne fut moins solennel que celui de
-1818. Les runions devaient tout d'abord se tenir dans
-la grande salle de l'Htel de Ville, mais elles eurent
-lieu, sans apparat, en tenue de ville, chez l'un ou chez
-l'autre des plnipotentiaires, tantt chez Lord Castlereagh,
-qui, accompagn de sa prtentieuse et norme
-<span class="pagenum"><a id="Page_LIX"> LIX</a></span>
-pouse<a id="FNanchor_127" href="#Footnote_127" class="fnanchor">&nbsp;[127]</a>, s'tait install Klein Borcette Strasse,
-n<sup>o</sup> 218<a id="FNanchor_128" href="#Footnote_128" class="fnanchor">&nbsp;[128]</a>, tantt chez Metternich, tantt chez le
-prince de Hardenberg, log sur le Markt, n<sup>o</sup> 910<a id="FNanchor_129" href="#Footnote_129" class="fnanchor">&nbsp;[129]</a>.</p>
-
-<p>Dans les intervalles des sances, la vie mondaine
-tait brillante et anime. Les diplomates se retrouvaient
-au Kurhaus, sur la Comphausbadstrasse, autour
-des tables de jeu et le long des promenades la mode.</p>
-
-<p>Entre temps, les ascensions en ballon de deux
-femmes aronautes, les concerts de Mme Catalani,
-des frres Bohrer, du violoncelliste Lafon remplissaient
-les journes.</p>
-
-<p>Le soir, se droulaient des ftes de toutes sortes.</p>
-
-<p>Le 2 octobre, l'empereur d'Autriche offrait un
-dner de trente-deux couverts. Le surlendemain, la
-ville d'Aix donnait un bal la Redoute. Deux fois par
-semaine, Lady Castlereagh ouvrait ses salons pour des
-soires o tous les ministres accrdits taient fort
-assidus. On y parlait politique et l'on y jouait. Les
-plus importants des plnipotentiaires avaient d'abord
-pris l'habitude de passer leurs aprs-dners chez
-elle<a id="FNanchor_130" href="#Footnote_130" class="fnanchor">&nbsp;[130]</a> mais bientt, ces runions s'taient transportes
-chez le prince de Metternich.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LX"> LX</a></span>
-Lui-mme nous l'apprend: Je fais une partie
-de whist tous les soirs, crit-il, avec le prince de
-Hatzfeld, Zichy, Baring, Labouchre, Parisch, c'est--dire
-avec des gens qui ne se trouvent pas drangs
-ni mme incommods de la perte d'une bonne dose de
-millions. Nous nous runissions d'abord chez Lady
-Castlereagh, mais j'ignore quelle inconcevable atmosphre
-d'ennui s'est empare de cette maison. D'un
-commun accord, on a renonc aux charmes de milady
-et l'on s'est fix dans mon salon<a id="FNanchor_131" href="#Footnote_131" class="fnanchor">&nbsp;[131]</a>.</p>
-
-<p>Vers le 10 octobre, dbarqurent Aix le comte et
-la comtesse de Lieven. Une lettre date du 11
-annonce les nouveaux venus: L'ambassadeur de
-Russie accrdit prs la cour de Londres, le comte
-de Lieven, qui est arriv en cette ville, y a t appel
-par son souverain<a id="FNanchor_132" href="#Footnote_132" class="fnanchor">&nbsp;[132]</a>.</p>
-
-<p>A ce moment, la ville commenait dj se vider.
-L'objet principal du Congrs, l'vacuation des
-provinces franaises par les troupes trangres, tait
-dfinitivement rgl depuis la veille. L'empereur de
-Russie et le roi de Prusse se prparaient partir pour
-passer, prs de Denain et de Sedan, les revues de
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXI"> LXI</a></span>
-leurs armes. On pensait que tout le monde pourrait
-quitter l'Allemagne, la fin du mois, aprs le rglement
-des questions secondaires. Des promenades
-dans les environs s'organisaient, pendant que les chancelleries
-rdigeaient les protocoles.</p>
-
-<p>Malgr le bal donn le 13 octobre Keutchenburg
-par M. d'Alopeus et les aides de camp gnraux du
-Tsar, malgr les rceptions de la princesse de Salm,
-l'auguste assemble s'ennuyait. Les plaisirs taient
-trop uniformes. M. de Metternich s'en plaignait
-dans une lettre sa femme, date du 18 octobre,
-o il lui donnait quelques dtails sur le vide des
-journes:</p>
-
-<p>Nous sommes abms de jeunes talents; tous les
-jours, des concerts de virtuoses entre 4 et 9 ans. Le
-dernier arriv est un petit garon de 4 ans et demi,
-qui joue de la contrebasse. Vous pouvez facilement
-juger de la perfection de l'excution.</p>
-
-<p>Il n'y a pas mme de boutiques remarquables,
-et les drogues qu'on nous offre cotent le
-double de tout ce que l'on trouve de parfait
-Paris et Vienne. Si les marchands ont spcul
-sur nos bourses, ils ont compt sans leurs htes.
-Je ne sache pas que personne achte au del du strict
-ncessaire.</p>
-
-<p>Nos dames ici sont: Lady Castlereagh, trois ou
-quatre Anglaises plus ou moins mres, c'est--dire
-qu'elles sont entre 50 et 60 ans&mdash;ge de jeunesse
-Londres;&mdash;la princesse de La Tour, Mme de Nesselrode
-et trois dames russes. Il en est pour les dames
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXII"> LXII</a></span>
-comme pour les marchands: il existe un manque
-total d'amateurs<a id="FNanchor_133" href="#Footnote_133" class="fnanchor">&nbsp;[133]</a>.</p>
-
-<p>Parmi les dames russes dont le prince de Metternich
-parle si ddaigneusement se trouvait la comtesse
-de Lieven.</p>
-
-<p>Peut-tre la connaissait-il antrieurement. Lors du
-voyage du futur chancelier Londres, en juin 1814,
-le salon de l'ambassadrice de Russie tenait dj
-une place trop importante dans la socit anglaise
-pour que le ministre des Affaires trangres d'Autriche
-ait pu l'ignorer. D'autre part, le sjour de
-l'empereur Alexandre en Angleterre rend invraisemblable
-une absence de son reprsentant ce
-moment.</p>
-
-<p>Mais, de cette premire rencontre, ni M. de Metternich
-ni Mme de Lieven n'avaient conserv d'impression
-durable.</p>
-
-<p>Elle le jugeait froid, intimidant et de rapports peu
-agrables<a id="FNanchor_134" href="#Footnote_134" class="fnanchor">&nbsp;[134]</a>. Lui n'avait prt aucune attention
-cette grande femme maigre et curieuse.</p>
-
-<p>Pendant les premires journes de la prsence
-Aix des Lieven, installs rue de Cologne, ces opinions
-respectives ne se modifirent pas. Nesselrode dut
-mme risquer une dmarche auprs de son illustre
-collgue pour lui demander la cause de sa froideur
-envers Dorothe Christophorovna et tenter d'tablir
-de meilleurs rapports entre eux.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXIII"> LXIII</a></span>
-Mais l'amour allait bientt entrer en scne et rattraper,
- pas de gant, le temps perdu.</p>
-
-<p>Dans une lettre sa nouvelle amie, M. de Metternich
-fera bientt lui-mme le rcit des prliminaires
-de leur commune passion.</p>
-
-<p>Il prit garde elle, pour la premire fois, le 22 octobre,
-dans une runion chez le mme Nesselrode
-qui s'tait fait auprs de lui l'interprte obligeant
-de sa compatriote: Tu m'as prouv ce
-jour-l, lui crivait-il, que tu tais attentive ce
-qui n'effleure pas mme la femme qui, mes
-yeux, pourrait encore tre vulgaire, le monde et-il
-port depuis longtemps un autre jugement sur son
-compte<a id="FNanchor_135" href="#Footnote_135" class="fnanchor">&nbsp;[135]</a>.</p>
-
-<p>Dans la suite de sa correspondance, il reviendra
-sur l'histoire de ces premires heures: Mon c&oelig;ur,
-ce meilleur ct de moi-mme, est all ta rencontre
-et il a eu le bonheur de ne pas te manquer, bien peu
-d'instants aprs notre premier contact. Je t'ai vue,
-je ne t'ai pas fixe. Tu m'as vu sans me regarder. Ce
-n'est pas le moyen de se connatre. Notre connaissance
-date, au fond, d'une soire chez Madame de N...
-et c'est, je crois, Napolon qui nous a servi d'intermdiaire.
-J'avoue que je ne lui eusse pas suppos ce
-mrite. Le fait prouve au reste qu'il m'a t bien
-plus utile de dessus son rocher que sur le trne. Tu
-ne doutes pas, sans doute, que dans cette circonstance,
-l'utile n'est pas ennemi de l'agrable. <i>Utile</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXIV"> LXIV</a></span>
-<i>miscuit dulci</i>, dit feu Horace. Que Napolon reste
-donc Sainte-Hlne<a id="FNanchor_136" href="#Footnote_136" class="fnanchor">&nbsp;[136]</a>.</p>
-
-<p>Le 25, une excursion runit quelques-uns des personnages
-du Congrs. Elle avait Spa comme but.
-J'ai fait avant-hier, mandait deux jours plus tard le
-Prince sa femme, une course Spa avec M. et
-Mme de Nesselrode, le comte et la comtesse de Lieven,
-Steigentesch, Zichy, Lebzeltern, le prince de Hesse
-et Floret. Nous y avons pass la nuit; nous avons
-parcouru hier matin les environs de Spa, nous y avons
-dn et nous avons t de retour ici 8 heures du
-soir. Le temps tait superbe, et notre course trs bien
-organise. Spa est vide; nous y tions les seuls trangers,
-notre effet a donc t complet. Le voyage d'ici
- Spa est charmant; rien n'est beau comme le pays
-de Limbourg avec ses prairies et ses habitations sans
-nombre<a id="FNanchor_137" href="#Footnote_137" class="fnanchor">&nbsp;[137]</a>.</p>
-
-<p>Le prince ne dit pas, dans cette lettre, que, l'aller,
-Mme de Lieven lui avait fait quitter sa voiture pour
-lui faire prendre place dans la sienne et accomplir le
-voyage avec elle. Ils djeunrent ensemble une
-mchante auberge d'Henry-Chapelle. Le lendemain,
-le charme avait opr et le retour Aix marque une
-nouvelle tape de leur liaison: J'ai eu du plaisir te
-voir, raconte Metternich. C'est moi qui t'ai propos
-de changer de voiture pour ne pas te quitter. J'ai
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXV"> LXV</a></span>
-commenc trouver que ceux qui t'avaient dsigne
-comme une femme aimable avaient eu raison; j'ai
-trouv la route plus courte que la veille<a id="FNanchor_138" href="#Footnote_138" class="fnanchor">&nbsp;[138]</a>.</p>
-
-<p>Ds lors, les vnements se prcipitent et il nous
-faut laisser la parole au principal intress, crivant
-plus tard son amie:</p>
-
-<p>Le 28, je t'ai fait la premire visite, bien de crmonie.
-L'heure que j'ai passe, assis tes pieds,
-m'a prouv que la place tait bonne. Il m'a paru
-en rentrant chez moi que je te connaissais depuis
-des annes. Je n'ai pas trouv impoli que les deux
-hommes qui taient dans l'appartement fassent bande
- part; il m'a mme paru qu'ils faisaient bien de
-rester la grande table ronde. Le 29, je ne t'ai
-pas vue. Le 30, j'ai trouv que la veille avait t
-bien froide et vide de sens. J'ignore le jour o tu es
-venue dans ma loge; tu as eu la fivre,&mdash;mon amie,
-tu m'as appartenu!<a id="FNanchor_139" href="#Footnote_139" class="fnanchor">&nbsp;[139]</a></p>
-
-<p>Cependant, les choses n'taient pas alles aussi
-rapidement que l'on pourrait le croire d'aprs ces
-lignes. Le 2 novembre, l'Impratrice douairire de
-Russie passait Aix-la-Chapelle, y djeunait et en
-repartait pour Maestricht, d'o le lendemain elle se
-rendait Bruxelles. Elle avait t la bienfaitrice de
-Dorothe de Benckendorf. D'autre part, elle tait
-accompagne de la vieille comtesse de Lieven, l'ancienne
-gouvernante de ses enfants. L'ambassadeur de
-Russie et sa femme avaient peu d'occasions de voir
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXVI"> LXVI</a></span>
-leur souveraine et leur mre. Ils partirent, la suite
-de Marie Fodorovna, vers l'ancienne capitale des
-Pays-Bas autrichiens.</p>
-
-<p>Le <i>Moniteur universel</i> annona en effet que
-M. de Lieven tait arriv le 5 novembre dans cette
-ville<a id="FNanchor_140" href="#Footnote_140" class="fnanchor">&nbsp;[140]</a>.</p>
-
-<p>Sa femme n'avait encore rien se reprocher. La
-premire des lettres publies plus loin fut vraisemblablement
-crite l'occasion de cette sparation. Elle
-ne porte pas de quantime, mais la main qui a compos
-le recueil des missives de M. de Metternich l'a
-place en tte et elle devait avoir ses raisons pour
-agir ainsi. Elle serait du reste incomprhensible une
-autre date.</p>
-
-<p>Le prince ne comptait plus revoir la jeune femme,
-du moins dans un avenir prochain. L'histoire de
-notre vie, lui disait-il, se concentre en peu de moments.
-Je vous ai trouve pour vous perdre! Le pass,
-le prsent et peut-tre l'avenir sont renferms en ce
-peu de mots.... J'ai termin une priode de ma vie
-en moins de huit jours... Le jour o j'ai vu que ma
-pense rencontrait la vtre... j'ai senti que je pouvais
-devenir votre ami; il m'a suffi de me convaincre que
-je ne me trompais pas pour vous aimer. La contrainte
-m'a forc vous confier ce que vous avez devin de
-votre ct. Je ne dis rien ici que vous ne sachiez,
-mais j'ai besoin de le redire mon amie, vous, mon
-amie de huit jours et pour la vie. Peut-tre nous
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXVII"> LXVII</a></span>
-retrouverons-nous un jour,&mdash;je serai alors ce que je
-suis aujourd'hui<a id="FNanchor_141" href="#Footnote_141" class="fnanchor">&nbsp;[141]</a>.</p>
-
-<p>La joie de l'inflammable ministre dut tre grande
-quand, peu aprs, il vit revenir sa correspondante.
-Nous n'avons pu trouver les raisons de ce retour des
-Lieven, mais il est bien permis de penser que l'influence
-de la comtesse ne dut pas y tre trangre.</p>
-
-<p>Quoi qu'il en soit, le <i>Moniteur universel</i> apprit
- ses lecteurs le passage Lige, le 12 novembre, du
-comte de Lieven et de sa famille, se rendant Aix<a id="FNanchor_142" href="#Footnote_142" class="fnanchor">&nbsp;[142]</a>.
-Le lendemain, les deux amoureux taient de nouveau
-runis.</p>
-
-<p>Ils passrent ensemble cinq jours derechef dans la
-ville du Congrs. La dernire phrase de la lettre prcdemment
-cite, s'applique sans doute ce moment
-... tu es venue dans ma loge, tu as eu la fivre,&mdash;mon
-amie, tu m'as appartenu!</p>
-
-<p>Pendant l'absence de l'ambassadeur de Russie,
-comme aprs son retour, la vie mondaine continuait
- se drouler sans incidents autour des confrences.</p>
-
-<p>Le rgent d'Angleterre avait envoy Lawrence
-peindre les portraits des souverains et de quelques
-hauts personnages de la Sainte Alliance; les
-sances consacres au grand artiste coupaient la
-monotonie des jours. Le duc d'Angoulme venait
-faire une visite de vingt-quatre heures aux Allis. Le
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXVIII"> LXVIII</a></span>
-roi de Prusse et l'empereur de Russie taient de
-retour de Paris, mais pour quelques jours seulement.</p>
-
-<p>Les ftes devenaient plus rares. M. de Metternich
-recevait son gendre et sa fille, le comte et la comtesse
-Joseph Esterhazy, qui, aprs un court sjour auprs
-de lui, devaient repartir pour la France<a id="FNanchor_143" href="#Footnote_143" class="fnanchor">&nbsp;[143]</a>.</p>
-
-<p>Au milieu des premires et rapides tendresses des
-nouveaux amants, le Congrs se terminait<a id="FNanchor_144" href="#Footnote_144" class="fnanchor">&nbsp;[144]</a>. Le
-14 novembre, les monarques se runissaient pour une
-dernire confrence, chez le prince de Hardenberg.
-Le 15, un grand dner d'adieu avait lieu chez l'empereur
-de Russie, et les princes se rendaient ensuite au
-bal offert par le commerce. Le 16, Alexandre partait
-pour Bruxelles.</p>
-
-<p>Deux jours aprs, le 18, le comte et la comtesse de
-Lieven l'y rejoignaient.</p>
-
-<p>Cette nouvelle sparation des amoureux dut tre
-bien adoucie par l'esprance d'une prochaine runion.
-En effet, M. de Metternich avait dcid, lui
-aussi, de se rendre dans la mme ville (on ignore
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXIX"> LXIX</a></span>
-l'objet de ce voyage, disait le <i>Journal des Dbats</i>!)<a id="FNanchor_145" href="#Footnote_145" class="fnanchor">&nbsp;[145]</a>.
-Oblig de retarder de quelque temps son
-dpart, il y fit son entre le 23 novembre<a id="FNanchor_146" href="#Footnote_146" class="fnanchor">&nbsp;[146]</a>.</p>
-
-<p>Quatre nouveaux jours de bonheur s'ensuivirent.
-Pour se tenir au courant de leurs instants de libert, les
-amants s'envoyaient des journaux anglais. Le ministre
-tout-puissant en avait toujours une provision sur lui!</p>
-
-<p>Mais, le 27 novembre, M. et Mme de Lieven se mettent
-de nouveau en route pour Paris. Le mari n'avait
-plus rien faire en Belgique: l'empereur Alexandre
-en tait dj reparti avec sa mre; Nesselrode allait
-passer quatre semaines en France, et l'ambassadeur
-devait le suivre.</p>
-
-<p>Le 28 novembre, les deux poux passent la nuit
-Roye. Le 29, ils arrivent dans la capitale franaise
-et descendent l'Htel de Castille, rue de Richelieu,
-o ils resteront un mois<a id="FNanchor_147" href="#Footnote_147" class="fnanchor">&nbsp;[147]</a>.
-Quant M. de Metternich, aprs tre all visiter le
-champ de bataille de Waterloo avec Wellington<a id="FNanchor_148" href="#Footnote_148" class="fnanchor">&nbsp;[148]</a>,
-et avoir reu du roi Guillaume I<sup>er</sup> la plaque du Lion
-Nerlandais, aprs avoir dn le 27 chez le marquis
-de la Tour du Pin, ambassadeur de France<a id="FNanchor_149" href="#Footnote_149" class="fnanchor">&nbsp;[149]</a>, il
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXX"> LXX</a></span>
-tait parti le 28, 5 heures du soir, pour Aix o l'appelaient
-encore quelques dernires affaires rgler<a id="FNanchor_150" href="#Footnote_150" class="fnanchor">&nbsp;[150]</a>.
-De l, par le Johannisberg, il s'tait mis en route
-pour Vienne.</p>
-
-<p>La sparation tait donc venue. Avant de se quitter,
-M. de Metternich et Mme de Lieven s'taient promis
-de s'crire. Ils tinrent parole. C'est la premire partie
-de cette correspondance, comprenant uniquement
-les lettres du prince, que nous publions plus loin.</p>
-
-<p>Presque chaque jour, gnralement aprs sa tche
-finie, le ministre s'asseyait sa table et laissait courir
-sa plume en pensant son amie. Il crivait en franais,
-connaissant peu l'anglais et le russe, et la comtesse
-lisant mal l'allemand. Ne peut-on croire sa
-parole quand il disait que les instants employs
-revivre les heures coules aux pieds de sa matresse
-taient les meilleurs de ses journes?</p>
-
-<p>Cet change de lettres devait durer longtemps,
-bien longtemps, sept ans peut-tre. Pour un homme
-courtis comme l'tait M. de Metternich, pour une
-femme occupe comme l'tait Mme de Lieven, pour
-deux tres ne pouvant se revoir qu' de trs longs
-intervalles, faire durer pendant tant d'annes une
-telle correspondance, dut tre un tour de force.</p>
-
-<p>L'envoi des billets ne pouvait se faire chaque jour:
-il demandait de multiples prcautions, non seulement
-contre les indiscrtions mondaines, pour mnager les
-susceptibilits du mari, mais encore contre les polices
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXXI"> LXXI</a></span>
-des tats, toujours curieuses et sans scrupules.</p>
-
-<p>Le prince&mdash;et sa correspondante faisait de
-mme&mdash;crivait ses confidences quotidiennes,
-la suite les unes des autres, continuant chaque soir
-la page abandonne la veille, jusqu'au moment o
-une occasion sre, le courrier diplomatique hebdomadaire,
-le dpart d'un personnage dont on pouvait
-escompter la discrtion, lui permettait d'expdier
-ces vritables journaux, soigneusement numrots.</p>
-
-<p>A Londres, les amants avaient un confident prouv
-en Neumann, secrtaire de l'ambassade d'Autriche,
-tout dvou son ministre. Mme de Lieven recevait
-de lui les envois de M. de Metternich et faisait parvenir
-les siens ce dernier par la mme voie. A
-Vienne, le trs fidle Floret tait l'intermdiaire tout
-indiqu.</p>
-
-<p>Quelques notes, releves par M. Ernest Daudet
-en marge d'une lettre tombe, malgr toutes les mesures
-prises, entre les mains des agents franais,
-nous permettent de suivre les ruses auxquelles expditeur
-et destinataire taient condamns. La missive
-intercepte se trouvait sous quatre enveloppes. La
-premire de celles-ci tait au nom du baron de
-Binder, conseiller de la Lgation d'Autriche
-Paris. La seconde, adresse au mme, portait ces
-mots de Neumann: Je n'ai pas besoin de
-vous recommander l'incluse, mon cher ami. La
-troisime avait pour suscription les titres du chevalier
-de Floret. Enfin, la quatrime tait reste
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXXII"> LXXII</a></span>
-blanche: c'tait celle qui, cachete par l'ambassadrice,
-devait tre remise aux mains de son ami<a id="FNanchor_151" href="#Footnote_151" class="fnanchor">&nbsp;[151]</a>.</p>
-
-<p>On ne trouvera dans ces pages nul dtail bien nouveau
-au point de vue de l'histoire. Certainement, la
-politique dut s'introduire un jour entre les deux correspondants.
-Il ne pouvait en tre autrement, car ils
-en avaient fait, l'un et l'autre, l'essence mme de
-leur vie. Mais au dbut de leur liaison, leur passion
-seule est en scne.</p>
-
-<p>Les premires lettres sont un long, trop long parfois,
-cantique d'amour o M. de Metternich exalte
-surtout sa propre personnalit, o, rellement pris,
-ce grand goste veut trouver en Mme de Lieven,
-afin de mieux l'aimer, la fidle reprsentation de son
-propre tre. Il se dissque, il se peint, il se cherche
-en sa matresse, et il arrive ce rsultat surprenant
-que chaque mot d'amour qu'il lui adresse revient vers
-lui comme un nuage d'encens.</p>
-
-<p>Ce sujet,&mdash;l'amour,&mdash;bien qu'ternel, finissant
-quand mme par s'puiser, il raconte la grande
-dame russe les menus faits de la cour de Vienne, ses
-impressions, ses ennuis, son dgot, peut-tre
-affect, pour les affaires publiques. Entre temps, il
-rencontre et peint nombre de personnages dont les
-noms ne sont pas encore oublis: le duc et la
-duchesse de Kent, Mme de Stal, Pie VII et bien
-d'autres. Quelques-unes des anecdotes qu'il rapporte
- leur sujet sont amusantes. Mais c'est surtout
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXXIII"> LXXIII</a></span>
-de lui qu'il parle, et il dvoile tout le pass de sa vie
-sentimentale son amie de la veille.</p>
-
-<p>Enfin, un voyage en Italie, avec l'Empereur, lui
-permet de varier ses rcits. M. de Metternich aimait
-rellement les arts: dans leur terre classique, il se
-sent l'aise pour les clbrer.</p>
-
-<p>A travers ses lettres, on retrouvera l'homme dans
-le ministre. A vrai dire, l'un ne diffrait pas beaucoup
-de l'autre. Quelques-uns de ses billets d'amour
-sont crits du mme style que ses dpches diplomatiques.
-Il tudie et raisonne parfois son c&oelig;ur
-comme il examinait les motifs d'intervention dans le
-royaume de Naples, par exemple.</p>
-
-<p>Mais chaque homme aime selon sa nature. Et le
-prince Clment de Metternich tait videmment sincre
-quand il aimait Mme de Lieven en cherchant en
-elle sa propre image&mdash;et quand il le lui disait.</p>
-
-<p class="comments">Les lettres qui suivent sont publies intgralement. Nous avons respect
-le texte de M. de Metternich, mme dans ses obscurits et ses
-incorrections.&mdash;Les mots souligns par le prince dans l'original sont
-indiqus en italiques.&mdash;Quand il a t indispensable de rtablir un
-mot oubli, ce mot a t mis entre crochets.</p>
-
-<p class="space extra"><span class="medium">LETTRES</span><br />
-<span class="small">DU</span><br />
-<span class="xlarge">PRINCE DE METTERNICH</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_1"> 1</a></span></p>
-<h2><span class="large">LETTRES</span><br />
-<span class="small">DU</span><br />
-<span class="xxlarge">PRINCE DE METTERNICH</span><br />
-<span class="small">A LA</span><br />
-<span class="xlarge">COMTESSE DE LIEVEN</span></h2>
-</div>
-
-<p>Il m'est impossible de vous voir partir sans vous
-dire ce que j'prouve<a id="FNanchor_152" href="#Footnote_152" class="fnanchor">&nbsp;[152]</a>.</p>
-
-<p>L'histoire de <i>notre</i> vie se concentre en peu de
-moments. Je vous ai trouve pour vous perdre! Le
-pass, le prsent et peut-tre l'avenir est renferm en
-ce peu de mots. Le jour o je vous reverrai sera l'un
-des plus beaux de [ma]<a id="FNanchor_153" href="#Footnote_153" class="fnanchor">&nbsp;[153]</a> vie.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_2"> 2</a></span>
-J'ai termin une priode [de ma] vie en moins de huit
-jours. Ce fait me p[aratra]it un rve, si je ne me connaissais.
-On e[st tout] pour moi ou rien. Mon me
-n'est pas [sus]ceptible d'un demi-sentiment ni d'une
-demie-pense. J'ai pass des semaines prs de vous.
-Je vous ai peine parl et vous faites partie aujourd'hui
-de mon existence. Ce qui sduit la plupart des
-hommes est sans effet sur moi; j'ignore s'il me faut
-plus qu' d'autres, mais je sais que c'est autre chose
-qu'il me faut. Le jour o j'ai vu que ma pense rencontrait
-la vtre, le jour o il ne m'est pas rest un
-doute que vous me comprendrez, que votre esprit et
-que surtout votre c&oelig;ur marchait sur la ligne que je
-regarde comme la mienne, j'ai senti que je pouvais
-devenir votre ami; il m'a suffi de me convaincre que
-je ne me trompais pas pour vous aimer. La contrainte
-m'a forc vous confier ce que vous aviez devin de
-votre ct. Je ne dis rien ici que vous ne sachiez, mais
-j'ai besoin de le redire mon amie, vous, mon amie
-de huit jours et pour la vie!</p>
-
-<p>Peut-tre nous retrouverons-nous un jour,&mdash;je
-serai alors ce que je suis aujourd'hui. Si peu de relations
-me conviennent, celle qui me convient ne finit
-pas. Vouez-moi un bon souvenir, et peut-tre plus, et
-ne f[ormez] que des regrets. Jamais ils ne s'lveront
- la [hauteur] des miens; je n'ai ni l'espoir ni la prt[ention]
-d'exiger que l'on m'accorde ce que je [donne].
-Laissez-moi mme la consolation de me dire que si
-vous m'aviez connu davantage, vous m'eussiez vou un
-sentiment autre que celui que vous pouvez me porter
-aujourd'hui. Vous voyez que je m'accroche tout ce
-qui peut me sauver de mon affreuse peine; le naufrag
-<span class="pagenum"><a id="Page_3"> 3</a></span>
-ne choisit pas la planche qui doit lui servir,&mdash;il
-saisit celle qui se trouve sa porte&mdash;et il se noie!</p>
-
-<p class="space date">Ce 15 novembre<a id="FNanchor_154" href="#Footnote_154" class="fnanchor">&nbsp;[154]</a>.</p>
-
-<p>J'ai pass, mon amie, une bien mauvaise et cependant
-une bonne nuit. Mauvaise, parce que je n'ai
-quasi pas ferm l'&oelig;il; bonne, parce que j'ai beaucoup
-pens, ce qui aujourd'hui <i>est ma pense</i>. Or <i>ma pense</i>
-est toujours <i>moi</i>&mdash;<i>tout moi</i>. Tout ce qui est plac hors
-elle, n'est rien; j'ai un fonds de rserve que je dpense
-en paroles, en actions, en calculs, c'est de ce fonds que
-je tire des matriaux que je rdige en mmoires et en
-protocoles; mais mon vritable capital&mdash;celui qui
-doit fournir ma vie&mdash;celui qui fonde mon bonheur,
-ne se mle jamais avec l'autre. Je n'aime que l'une de
-ces proprits, je dteste l'autre; l'une vous appartient
-autant qu' moi, l'autre est mon pays, ma place,
- mes devoirs comme homme d'tat; je ne vous en
-offrirai jamais le partage: je vous aime trop pour vous
-faire faire un aussi mauvais march!</p>
-
-<p>Mais, mon amie, comment userons-nous de notre
-proprit commune? Faut-il la placer fonds perdu?
-Vous vous occupez des mmes calculs, j'en suis sr
-et voil ma seule consolation.</p>
-
-<p>Je vous ai dit hier que, de toutes les convictions,
-celle qui se trouve le moins ma porte, c'est celle de
-me croire aim. Pourquoi m'inspirez-vous une scurit
-<span class="pagenum"><a id="Page_4"> 4</a></span>
-que j'ai si peu connue dans le cours de ma vie?
-Cette nigme&mdash;et c'en est une vritable pour moi&mdash;ne
-me tourmente pas. J'aime croire ce que je crois
-et je serais au dsespoir d'un seul soupon du contraire.
-S'il ne m'est gure arriv d'avoir t gt dans
-ce monde, j'ai bien moins encore le reproche me
-faire de m'tre gt moi-mme. Pourquoi n'ai-je pas
-peur de me livrer tout juste vis--vis de vous un sentiment
-de scurit que je n'ai jamais prouv? <i>Seriez-vous
-bien moi?</i> Eh bien! je le crois, comme l'on croit
-ce que l'on ne comprend pas.</p>
-
-<p>Mon amie, comment et quand vous verrai-je? Si
-rien n'est possible dans la journe, je serai pour sr ce
-soir, au sortir d'une maudite confrence, chez Lady
-Castlereagh<a id="FNanchor_155" href="#Footnote_155" class="fnanchor">&nbsp;[155]</a>. Portez-y un mot. Vous me direz
-peut-tre ce que vous ferez demain. Et nous partons
-un de ces jours!</p>
-
-<p class="space date">Ce 16 minuit.</p>
-
-<p>Mon amie, merci, mille fois merci, pour la bonne
-journe que vous m'avez fait passer hier! Vous avez
-fait l'aumne un pauvre; c'est plus que de donner
-un trsor un riche. Je vous ai vue&mdash;j'ai pu vous
-dire ce que j'prouve&mdash;je vous ai entendue me dire ce
-dont j'ai tant besoin&mdash;ce que je sais et ce que je voudrais
-apprendre chaque heure de ma vie! Suis-je bien
-froid, mon amie? Suis-je cet homme pour qui vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_5"> 5</a></span>
-m'avez pris dans les moments qui ont prcd notre
-connaissance? Voudriez-vous que cet abord et t
-autre, aujourd'hui que je suis <i>moi</i>?</p>
-
-<p>Le temps, au reste, vous apprendra ce que je suis,
-mieux que je ne pourrais vous le dire aujourd'hui!
-Commencez par me croire et finissez par m'aimer,
-aimez-moi beaucoup ds ce moment, demain et toujours,
-ne craignez pas les regrets: ce n'est pas <i>moi qui
-suis vous</i> qui vous y exposerai.</p>
-
-<p>Mon amie, je vais vous faire une bien sotte question.&mdash;Si
-mon billet devait jamais tomber entre les mains
-d'un tiers, il me prendrait pour fou. Comment vous
-appelez-vous? Je veux savoir le jour de l'anne que je
-dois aimer par-dessus tous les autres. <i>Quel jour tes-vous
-ne?</i> Je suis bien tent galement d'aimer ce jour-l.
-Je sais le jour o je vous ai aime&mdash;c'est de tous les
-jours le meilleur! Pourquoi tout ce qui tient vous
-acquiert-il du charme mes yeux? Je le sais, pour
-le coup, mieux que vous et je vous dispense de la
-rponse.</p>
-
-<p>Bonsoir! Je sais encore avec qui je vais me coucher
-et avec qui je me rveillerai. Je sais enfin tant de
-choses que je suis tout tonn de ne pas savoir votre
-nom. Je sais ce que beaucoup ne savent pas, et j'ignore
-ce que tant de monde n'ignore pas; je n'aime pas
-l'ignorance: nous saurons bientt de nous <i>tout</i>&mdash;et
-c'est ce que je veux.</p>
-
-<p>Concevez-vous le genre de tourment qu'il y a ne
-pouvoir penser un tre qui m'est devenu ce que vous
-m'tes, qu'en le nommant dans son intrieur le plus
-secret d'un nom que l'on n'aime pas? Je veux vous
-aimer sans coups d'pingles; vous avez la conviction
-<span class="pagenum"><a id="Page_6"> 6</a></span>
-par maintes preuves que je ne crains pas les fortes douleurs!</p>
-
-<p>Entre deux et trois chez Marie<a id="FNanchor_156" href="#Footnote_156" class="fnanchor">&nbsp;[156]</a> et ce soir, aprs
-mon dner chez Castlereagh<a id="FNanchor_157" href="#Footnote_157" class="fnanchor">&nbsp;[157]</a>, chez vous si vous ne me
-dites pas le contraire. Ce sera une visite grande et bien
-crmonieuse, tout juste comme elles me conviennent
-quand il ne me reste que l'alternative de ne pas vous
-voir, ou de vous voir ainsi.</p>
-
-<p>Bonsoir et bonne nuit&mdash;si le fait est possible.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_7"> 7</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 1<a id="FNanchor_158" href="#Footnote_158" class="fnanchor">&nbsp;[158]</a></h2>
-<p><span class="date">Ce 17 novembre, minuit<a id="FNanchor_159" href="#Footnote_159" class="fnanchor">&nbsp;[159]</a>.</span></p>
-</div>
-
-<p>Mon amie, nous voil spars<a id="FNanchor_160" href="#Footnote_160" class="fnanchor">&nbsp;[160]</a>! J'aurais demand
- tout autre que toi si tu prouves ma douleur. Je
-suis sr, si sr de la tienne que l'envie mme de te
-faire la question me parat une injure. Je n'ai pas
-besoin d'apprendre ce que je sais, de croire ce que
-je sens, de te consulter sur ce que j'prouve.</p>
-
-<p>Tu m'as peut-tre cru bien froid en te quittant. Mon
-amie, nous tions <i> trois</i>. Je sens que je ne vaux rien
-devant tmoin&mdash;il me faut mon amie et elle seule
-pour que je sois parfaitement <i>moi</i> et tu m'as dit que tu
-l'aimes, ce moi. Je te crois sans le comprendre, et j'en
-douterais qu'encore je voudrais te croire.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_8"> 8</a></span>
-Je voudrais que tu fusses partie. Je dteste de te
-savoir si prs de moi sans une possibilit de contact.
-J'aime mieux dans ce cas la distance elle-mme; je
-voudrais te savoir hors de ma porte. L'impossibilit
-vu la distance se comprend; je supporte bien moins
-l'impossibilit sans distance. L'une est toute matrielle,
-l'autre morale, et tout mal du premier genre
-me paratra toujours plus supportable que ceux du
-second.</p>
-
-<p>Je te remercie de la journe. Elle a t bonne, la
-meilleure que j'ai eue. Je veux te dire que j'en suis
-heureux; j'en ai le besoin. Mon amie ne m'abandonne
-plus!</p>
-
-<p class="space date">Ce 18, 10 heures du matin.</p>
-
-<p>Je n'ai pas dormi, car sommeiller n'est pas dormir.
-J'ai entendu partir 6 heures ma fille<a id="FNanchor_161" href="#Footnote_161" class="fnanchor">&nbsp;[161]</a>; j'en ai t
-pein, mais je suis rest tranquille. A 7 heures, mon
-c&oelig;ur s'est serr et j'aurais voulu te savoir loin; j'ai
-senti que tu devais tre encore ici. A 8, je me suis
-senti soulag et j'ai commenc prouver le bonheur
-que j'aurai de te revoir! Pourquoi des sentiments
-aussi opposs que le sont ceux de l'amour et de la
-haine produisent-ils les mmes effets! Je suis plus
-moi, je me crois plus matre de ma volont. Je te sais
-loin; je puis m'occuper davantage de l'ide d'aller te
-rejoindre; elle me parat plus raisonnable. Oui bien
-certainement te reverrai-je. Mon amie, ce n'est pas la
-haine qui me porte cette dtermination.</p>
-
-<p class="space date"><span class="pagenum"><a id="Page_9"> 9</a></span>
-Minuit.</p>
-
-<p>Voici l'heure o je t'crirai souvent. Puis-je mieux
-finir ma journe qu'avec toi? J'ai pass ma matine
-aprs t'avoir quitte&mdash;c'est hlas! mon bureau qui
-est toi&mdash; faire <i>mon devoir</i>, triste ressource quand il
-n'absorbe que les facults de l'esprit! J'ai eu trois
-heures de confrences. J'ai pass sous tes fentres en
-m'y rendant. Toutes taient ouvertes; rien ne ressemble
- la mort comme un dpart! Pas une me dans
-cette maison; la porte close; je serais au dsespoir de
-la savoir habite.</p>
-
-<p>Au sortir de la confrence, j'ai t, avec peu prs
-toute la bande, chez Lawrence<a id="FNanchor_162" href="#Footnote_162" class="fnanchor">&nbsp;[162]</a>. J'ai t charm
-d'y revoir mon portrait; j'aurai une nouvelle sance
-demain; je ferai ter le trait mchant, car tu le verras,
-ce portrait, quand tu seras loin de moi; et je l'aime car
-tu le verras, tout comme je m'aime parce que tu
-m'aimes.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_10"> 10</a></span>
-Le roi de Prusse<a id="FNanchor_163" href="#Footnote_163" class="fnanchor">&nbsp;[163]</a> est peu prs achev et parfait.
-L'empereur Alexandre<a id="FNanchor_164" href="#Footnote_164" class="fnanchor">&nbsp;[164]</a> est dcent; il a des pantalons
-gris. L'empereur Franois<a id="FNanchor_165" href="#Footnote_165" class="fnanchor">&nbsp;[165]</a> est assis dans un
-coin et fait sa bonne mine. Tous ces portraits sont
-excellents, mais je veux que tu en trouves <i>un</i> meilleur
-que tous les autres; la chose mme est naturelle, car,
-parmi les <i>originaux</i> d'Aix-la-Chapelle, il y en [a] bien
-un qui t'aime plus que les autres et je le connais assez
-pour pouvoir t'en rpondre.</p>
-
-<p>Puis, je me suis promen avec Capo<a id="FNanchor_166" href="#Footnote_166" class="fnanchor">&nbsp;[166]</a> et Richelieu<a id="FNanchor_167" href="#Footnote_167" class="fnanchor">&nbsp;[167]</a>.
-J'ai trouv moyen de te nommer une bonne
-<span class="pagenum"><a id="Page_11"> 11</a></span>
-vingtaine de fois et le nom que je n'aime pas m'a paru
-doux prononcer.</p>
-
-<p>Puis, je suis rentr chez moi. J'ai vu une vieille
-femme sous ta porte; je lui ai demand quelle heure
-le <i>comte</i> tait parti.&mdash;Vers 8 heures.&mdash;Et la
-comtesse?&mdash;Eh! bon Dieu! elle est partie avec
-lui.&mdash;Votre maison est-elle loue?&mdash;Non,
-mon bon Monsieur; si vous en voulez, elle sera vos
-ordres.&mdash;Ne la louez pas, ma bonne, rien ne
-gte les maisons comme les locataires. Tenez-vous-en
- ceux que vous avez perdus et n'en cherchez pas
-d'autres.&mdash;J'ai bien peur que nous n'en trouvions
-pas.&mdash;Allez au diable, j'en suis charm.</p>
-
-<p>La bonne vieille m'aura cru fou, et j'en suis charm.</p>
-
-<p>J'ai eu une vingtaine d'aimables personnages
-dner, parmi eux Kozlovski<a id="FNanchor_168" href="#Footnote_168" class="fnanchor">&nbsp;[168]</a>. Aprs le dner, je me
-<span class="pagenum"><a id="Page_12"> 12</a></span>
-suis assis dans un coin; Kozlovski est venu se placer
-mes cts. La conversation a tourn sur le beau sexe.</p>
-
-<p>Moi, me dit Kozlovski, je n'aime que les femmes
-grasses.&mdash;Et moi, lui ai-je dit, celles qui ne le sont
-pas.&mdash;Je me soucie peu de l'esprit, pourvu qu'il y
-ait des joues pleines et de gros bras, reprend K.&mdash;Et
-moi, je n'aime que l'esprit, le c&oelig;ur et l'me, que
-les joues soient plates ou pleines, lui dis-je.</p>
-
-<p>K.&mdash;Vous tes donc sentimental?</p>
-
-<p>M.&mdash;Non, mais j'aime ou je n'aime pas.</p>
-
-<p>K.&mdash;Moi, j'aime les chairs.</p>
-
-<p>M.&mdash;Et moi, j'aime mon amie.</p>
-
-<p>K.&mdash;Ma premire belle tait extrmement
-maigre; je n'en ai plus voulu que de grasses.</p>
-
-<p>M.&mdash;Il me parat que nous aurons quelque peine
- nous comprendre.</p>
-
-<p>K.&mdash;Mon Dieu, non. C'est que vous tes sentimental
-et que je ne le suis pas. Savez-vous sur
-quoi je juge la femme qui me convient? Sur son
-apptit. Il faut que ma matresse mange beaucoup,
-et, plus elle mange, plus je l'aime, car mieux elle se
-portera.</p>
-
-<p>L'argument m'a paru si fort que je me suis lev
-pour saluer un n<sup>o</sup> 1<a id="FNanchor_169" href="#Footnote_169" class="fnanchor">&nbsp;[169]</a> qui venait d'entrer dans le
-salon.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_13"> 13</a></span>
-Que de Kozlovski dans le monde! Le ciel a fait les
-gros bras tout exprs pour eux.</p>
-
-<p>Ma bonne amie, je t'cris une lettre bien bte; tu
-vois que je pousse le scrupule jusqu'au point de ne pas
-te dguiser le moindre dtail de ma pense et mme
-de l'ordre dans lequel mes penses se succdent. Je
-trouve que c'est faire preuve de sens commun que de
-ne pas se prsenter en parure recherche son amie.
-Si elle ne veut pas de vous tel que vous tes, elle ne
-voudra galement plus de vous... tel que vous voudriez
-tre.</p>
-
-<p>Je te prends, ma bonne D[orothe], telle que tu es.
-Tu vois que je sais ton nom, et je me crois fort avanc
-en besogne.</p>
-
-<p>prouves-tu aujourd'hui ce que j'prouve, mon
-amie? Y a-t-il du vide dans ce monde? Que faisaient
-les amants avant l'invention de l'criture? Sens-tu
-le bonheur qu'il y a <i> se voir sans plus</i>? Comment
-avons-nous pu avoir de l'humeur quand nous nous
-sommes rencontrs? Je ne le conois pas dans ce moment,
-mais je l'ai prouv alors. Il faut donc que le fait
-soit vrai, mais je n'y veux rien comprendre dans ce
-moment. Je donnerais tout pour te voir, ft-ce mme
-dans le salon de la rue de Wesel!</p>
-
-<p>Bonsoir, mon amie. Tu dois tre arrive l'heure
-qu'il est; il sonne une heure de cette grosse cloche
-que j'entends, et que tu n'entends plus, que tu n'entendras
-peut-tre plus jamais. Bonne amie, n'oublie
-jamais Aix et quelques bonnes gens que tu y as vus.</p>
-
-<p class="space date"><span class="pagenum"><a id="Page_14"> 14</a></span>
-Ce 18.</p>
-
-<p>Je vais expdier le porteur de cette lettre. Il va
-entrer en fonctions; j'espre qu'il s'en acquittera bien.
-Comme il est heureux! Il va te voir: crois-tu que ce
-soit du bonheur?</p>
-
-<p>Ma bonne D... j'ai rv de toi une bonne partie de
-la nuit. J'ai t prs de toi: tu tais bonne, aimable,
-comme tu l'es toujours. Je me suis rveill et tu n'y
-tais pas: j'ai vu que c'est une bien vilaine chose
-que d'tre seul. Mon amie, je t'aime <i>beaucoup</i>; je me
-sers du mot, quoiqu'il ne dise rien. L'on aime ou l'on
-n'aime pas. Le plus comme le moins n'existe pas en
-amour. <i>Moins aimer</i> c'est <i>ne plus aimer</i>. Sois satisfaite
-si je te dis que je t'aime et rends-moi amour pour
-amour.</p>
-
-<p>Je partirai d'ici samedi<a id="FNanchor_170" href="#Footnote_170" class="fnanchor">&nbsp;[170]</a> aprs-dner. Je serai
-Bruxelles dans la journe de dimanche. Si le porteur
-dit que peut-tre je ne viendrai pas, c'est qu'il en a
-l'ordre: ne le crois pas et crois-moi. C'est pour te dispenser
-de la forte fivre qu'il dira que <i>peut-tre</i> je pourrais
-changer d'avis: un peu de malaise la suite des
-<span class="pagenum"><a id="Page_15"> 15</a></span>
-fatigues de la Cour suffira pour te retenir vu le <i>peut-tre</i>.</p>
-
-<p>Et puis, sois bonne et douce avec ton mari: pas de
-querelles; elles gtent plus qu'elles ne servent et je ne
-les aime pas. Si tu as envie de te fcher, pense ton
-ami et dis-toi qu'il blmerait le fait. Je te fais dcouvrir
-ici un singulier ct de ma faon d'tre.</p>
-
-<p>Combien d'amis trouverais-tu qui te donneraient un
-pareil conseil? Et ton c&oelig;ur ne te dit-il pas que je
-t'aime plus que ne pourraient t'aimer ceux qui te
-diraient le contraire? Consulte-le toujours, ton c&oelig;ur,
-si tu veux savoir ce que je veux. Il ne te trompera
-jamais, aussi longtemps qu'il sera moi.</p>
-
-<p>Adieu, mon amie. Tu vois que mon n<sup>o</sup> 1 est long<a id="FNanchor_171" href="#Footnote_171" class="fnanchor">&nbsp;[171]</a>.
-Tu en recevras de bien plus longs encore. Il est si
-facile de dire ce qui vous passe par la tte quand l'on a
-le c&oelig;ur plein, tout aussi facile que de trouver quatre
-mots quand le c&oelig;ur est vide. Tu me crois tout toi,
-parce que je le suis: rien ne trompe sur ce fait.</p>
-
-<p>Adieu et au revoir. Que ne pourrais-je le dire souvent!
-Conois-tu la peine qui ne m'attend, hlas!
-que trop tt? Mais, bonne amie, je te reverrai!</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_16"> 16</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 2.</h2>
-<p class="date">A[ix-la-Chapelle].<br />
-Ce 20 novembre 1818, minuit.</p>
-</div>
-
-<p>Mon amie, il s'est opr un changement forc dans
-mes projets de voyage. Je ne partirai d'ici que dimanche
-22 pour aller coucher Saint-Trond, au lieu
-de partir d'ici le 21 et aller coucher Lige. Je serai
-le 23, midi, Bruxelles. Dans mon premier plan,
-j'y serais arriv le 22 au soir. Il y a donc une matine
-de diffrence. Ne me dis pas qu'une matine est beaucoup:
-elle peut tre tout. En me consultant, je sens
-qu'une minute vaut la vie sans cette minute. Mais les
-matres de poste raisonnent autrement et mes collgues
-raisonnent comme des chevaux. Ils fouettent parce
-qu'ils sont fouetts leur tour. Mon amie, puis-je leur
-dire ce qui m'attire Bruxelles<a id="FNanchor_172" href="#Footnote_172" class="fnanchor">&nbsp;[172]</a>? Et si je le leur disais,
-me laisseraient-ils partir, quand il s'agit de la <i>traite des
-ngres</i>? Duss-je en devenir noir moi-mme, ils se contenteraient
-de rester blancs et ils me cloueraient la
-table verte. Je t'ai dit pour le moins vingt fois, dans le
-peu de bons moments o j'ai pu te parler, que je faisais
-le plus abominable des mtiers; j'en ai une conviction
-<span class="pagenum"><a id="Page_17"> 17</a></span>
-si forte et si profonde que mon malheur en est accru
-au point de devenir insupportable.</p>
-
-<p>Puis, je rentre dans mon c&oelig;ur et je sens qu'il vit!
-Tout mon espoir, toute ma consolation est dans ce
-c&oelig;ur que le monde me nie! Et encore ce fait tient-il
-plus ou moins mon mtier! Comment un homme de
-mon espce pourrait-il sentir? Comment lui accorder
-ce que l'on ne refuserait qu'avec la crainte de commettre
-une injustice au mendiant dans la rue? Ma
-bonne D[orothe], je te le demande: crois-tu que je
-puisse aimer? Es-tu contente que je ne sois pas ce que
-l'on croit que je suis? N'prouves-tu mme pas un peu
-de bonheur de le savoir mieux que le monde? Gardons
-ce secret nous deux; ne le trahissons pas; qu'il soit et
-qu'il reste le ntre. Dis-toi, dans toutes les circonstances
-de ta vie, qu'il existe un tre qui t'est dvou,
-plus certes qu'on ne te l'a jamais t. Quel est donc
-le motif qui pourrait me porter te le dire? Qu'ai-je
-eu de toi hors ce que j'aime plus aujourd'hui que ma
-vie: la conviction d'tre aim de toi et de l'esprance
-sur un avenir vague! Mon amie, il faut que tu aies de
-bien grandes qualits pour que je sois plac vis--vis
-de toi ainsi que je le suis; sans te connatre par l'<i>usage
-de la vie</i>, ft-ce mme celui du salon, sans souvenir
-autre que de ce que je t'ai vou de sentiments dans un
-aussi court espace de temps que l'est celui de notre connaissance,
-sans un fait, sans prmisses et sans suites!</p>
-
-<p>Que de confiance ne dois-je pas te vouer; combien
-ce lien invisible, qui est l'amour lui-mme, doit m'avoir
-saisi pour que l'homme au monde le moins susceptible
-d'illusions n'prouve pas un seul instant la crainte
-d'avoir trop donn. Quand je t'ai dit, le premier jour
-<span class="pagenum"><a id="Page_18"> 18</a></span>
-o je t'ai parl de <i>nous</i>, que tu me connaissais tel que
-je suis, t'ai-je trompe? J'ai t pour toi ce que je suis
-si rarement: <i>tout en dehors</i> ds les premiers moments
-de notre liaison. Je n'y ai point eu de mrite; mon
-c&oelig;ur a toute ma confiance: il ne m'a jamais tromp et
-il ne me trompera jamais. C'est lui qui m'a permis de
-croire et j'ai cru; c'est lui qui m'a fait passer sur toutes
-les considrations par trop naturelles dans notre position,
-et j'ai pass outre. Rends-moi la justice que je ne
-me suis point arrt, mais aussi sois sre que l'on ne
-m'a jamais vu bouger de ma place. Je tiens ferme ce
-que je tiens et ce quoi je tiens. Mon me est forte et
-droite et mes paroles sont vraies, toujours et en toute
-occasion. C'est l l'nigme rsolue de ma prtendue
-<i>finesse</i>. Aussi souvent qu'un sot se trompe sur mon
-compte, il m'accuse de cette finesse que je dteste
-parce que je la mprise. Il se fche et je reste calme:
-voil ma rputation de <i>froideur</i> tablie. J'ai une mine
-sur laquelle on cherche ce que la foule n'y trouve pas,
-mais ce que mon ami dcouvre facilement et ce que
-mon amie dcouvre toujours. Il suffit du fait pour me
-nier <i>du c&oelig;ur</i>. Je suis enfin sans haine et sans passions&mdash;sans
-haine car j'ai trouv toujours que mes ennemis
-avaient tort et je les ai plaints&mdash;sans passion autre
-que pour l'tre qui ne s'en vante pas. Voil <i>l'homme
-introuvable</i> dfini et voil en peu de mots l'histoire de
-ma vie.</p>
-
-<p>Le jour o tu me diras: <i>comme tu sais bien aimer</i>, je
-serai l'homme du monde le plus fier. <i>Cette fiert</i> est la
-seule de laquelle je sois capable; je rserve toute autre
-aux sots et je ne le suis pas. Cette <i>prtention</i> enfin est
-la seule que je me permette d'avoir.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_19"> 19</a></span>
-Mon amie, tu apprendras bien me juger&mdash;de
-prs si le ciel exauce mes v&oelig;ux, et de loin si le sort
-ne les seconde pas. Tu me diras un jour&mdash;et je t'interpellerai&mdash;si
-j'ai bien fait mon portrait. Le jour o je
-croirais me tromper, je serais le plus malheureux des
-hommes.</p>
-
-<p class="space date">21 novembre, 9 heures du matin.</p>
-
-<p>Je vais faire partir cette lettre avec la commande de
-mes chevaux. J'espre que tu pourras la recevoir avant
-mon arrive. Le fait me fera grand plaisir.</p>
-
-<p>J'ai pass hier quatre fois par la rue de Cologne<a id="FNanchor_173" href="#Footnote_173" class="fnanchor">&nbsp;[173]</a>.
-J'ignore pourquoi chaque affaire m'y mne: je ne connais
-plus les promenades l'est de la ville; tout me tire
-vers le bord oppos. La route de Lige est une bien
-vilaine route; j'y ai men ce matin Castlereagh, Capo
-et Nesselrode<a id="FNanchor_174" href="#Footnote_174" class="fnanchor">&nbsp;[174]</a>; ils ont jur et j'ai continu marcher;
-ils s'en sont retourns et je ne l'ai pas fait; j'ai
-quitt enfin ma route pour la reprendre meilleures
-enseignes.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_20"> 20</a></span>
-Ta maison n'est pas loue. Je l'ai demand ma
-vieille dente de l'autre jour, et j'ai manqu l'embrasser.
-La bonne femme doit me prendre pour un
-acqureur trs dcid en faveur de la rue de Cologne.</p>
-
-<p>Adieu, mon amie. Au revoir: je tcherai de toute
-manire te voir au spectacle <i>lundi</i>, et si tu fais ou bien
-si tu veux autre chose, dis-le notre homme. Je veux
-que le premier mot qu'il me dise soit une nouvelle de toi.</p>
-
-<p>Adieu et aime ton ami.</p>
-
-<p class="space date">
-Ce 24 novembre<a id="FNanchor_175" href="#Footnote_175" class="fnanchor">&nbsp;[175]</a>.</p>
-
-<p>Mon amie, il me reste tant et si peu dsirer, je
-suis la fois si riche et si pauvre, mon me est si satisfaite
-et elle ne l'est pas, le prsent offre tout et l'avenir
-est en esprances&mdash;ma pauvre amie, que deviendrons
-nous? Tout ce que destin voudra!</p>
-
-<p>Tes lettres m'ont fait un bien qui ne m'tonne pas;
-mais il m'effraie. Je te vois et je voudrais pleurer au
-lieu de dire des balivernes! Mais je te vois! Que puis-je
-dsirer aprs et avant une aussi cruelle sparation?</p>
-
-<p>Reste malade: c'est--dire que ton tat la fois
-exige des mnagements, mais qu'il ne te prive pas de
-la facult de sortir. Il faudra toujours consulter le
-<span class="pagenum"><a id="Page_21"> 21</a></span>
-mieux <i>du moment</i>. Sais-tu ce qui me console? C'est
-l'ide de nous crer un avenir plus stable que ne
-peuvent tre tous les calculs qui ne portent que sur un
-tat prsent plus que gn. La volont de l'homme est
-une bien imposante puissance et je <i>sais vouloir</i>. Ne t'y
-trompe pas, mon amie: je n'en connais pas beaucoup
-qui le savent.</p>
-
-<p>Tu veux que j'aie bonne opinion de toi? Si je ne
-l'avais pas, crois-tu que je t'aimerais? Non, mon amie,
-jamais je n'aimerai que l'tre que je crois digne du
-sentiment le plus saint mes yeux. Rien en amour n'est
-profane, et, ds que tel n'est pas le cas, il n'y a plus
-d'amour. Le jour o je t'ai dit que je t'aimais, je t'ai
-dit la fois que je te respecte, que je suis plein de confiance
-en toi, que je te crois bonne, sre et constante.
-Or, je ne suis pas injuste et si je veux que tu sois tout
-cela, je dois <i>me donner</i> tel que je <i>te prends</i>. Le temps te
-prouvera, mon amie, qui je suis.</p>
-
-<p>Le meilleur moyen de me faire savoir quand tu es
-seule, c'est de m'envoyer des feuilles anglaises. Je
-prends ce soir un paquet avec moi, pour avoir un prtexte
-de t'envoyer Floret<a id="FNanchor_176" href="#Footnote_176" class="fnanchor">&nbsp;[176]</a> si je pouvais en avoir
-besoin.</p>
-
-<p>Nous verrons s'il ne vaudra pas mieux de ne pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_22"> 22</a></span>
-aller Waterloo<a id="FNanchor_177" href="#Footnote_177" class="fnanchor">&nbsp;[177]</a>. Pourquoi tous les autres n'iraient-ils
-pas?</p>
-
-<p>Si le projet d'aller Anvers <i>seul</i> pouvait se raliser<a id="FNanchor_178" href="#Footnote_178" class="fnanchor">&nbsp;[178]</a>!
-Enfin, mon amie: mercredi, jeudi, vendredi,
-voil ma vie.</p>
-
-<hr class="tb" />
-
-<p>Mon amie<a id="FNanchor_179" href="#Footnote_179" class="fnanchor">&nbsp;[179]</a>, tu pars et tu emportes la fois ma
-vie, mon bonheur&mdash;tout! Rentre en toi, dis-toi ce
-que tu prouves: tu sentiras ce que je sens, tu prouveras
-ce que j'prouve; n'en diminue rien: pas une
-pense, pas un fait! Reste mon amie&mdash;toujours, pour
-la vie. Ne crois pas que rien puisse changer en moi; ce
-que je t'ai dit, le temps te le prouvera&mdash;ce que je t'ai
-promis, je le tiendrai. Je cesserai plutt d'exister que
-de cesser d'tre <i>moi</i>; rien n'a jamais chang en moi:
-pourquoi changerais-je dans un intrt qui ne m'appartient
-plus, qui est devenu le tien? Mon amie, crois
-aujourd'hui ma parole et ton c&oelig;ur: tu finiras par
-tre convaincue que je ne t'ai point trompe. Je t'ai dit
-ce matin que je ne pouvais pleurer que quand je suis
-seul, ou quand je suis avec cet autre moi-mme dans le
-sein de laquelle je puis pancher bonheur, malheur,
-peine et plaisir. Je t'crirai dans le reste du jour de
-demain. Je ne puis plus t'crire maintenant, car je n'y
-vois pas.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_23"> 23</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 3<a id="FNanchor_180" href="#Footnote_180" class="fnanchor">&nbsp;[180]</a>.</h2>
-<p class="date">Bruxelles, ce <a id="nov"></a>27 novembre 1818.</p>
-</div>
-
-<p>Mon amie, ma bonne amie, c'est du lieu o j'ai t
-si heureux et si malheureux que je t'cris; de celui
-qui a vu finir ma vie, qui ne s'effacera jamais de ma
-mmoire, que j'aime et que je hais. Tout en moi est
-plac en contradiction: ce n'est certes pas dans une
-position pareille que l'on peut former des prtentions
-au bonheur.</p>
-
-<p>Mon bonheur aujourd'hui, <i>c'est toi</i>. Mon c&oelig;ur, mon
-me, tout ce qui vaut en moi t'appartient. Tout ce
-qu'il me reste de sentiment, c'est pour sentir la perte
-que j'ai faite. Tout en moi est vague: tout est peine et
-souffrance. Ma tte, si froide, me reproche ce que
-mon c&oelig;ur approuve; ma vie est ddouble; la partie
-qui est prs de moi, la seule dont je dispose, est celle
-que je n'aime pas et elle ne me sert qu' faire tout ce
-que je dteste. Ce c&oelig;ur qui est devenu le tien, ne
-m'offre que peines et regrets. Mon amie, me suis-je
-bien conduit? Es-tu contente de moi? <i>Sens-tu tout ce que
-je n'ai pas fait?</i> T'ai-je fourni des preuves de respect et
-d'amour? Doutes-tu encore de moi? Suis-je cet homme
-<span class="pagenum"><a id="Page_24"> 24</a></span>
-froid et inaccessible qui t'avait effraye et qui devait
-dplaire un tre tel que toi?</p>
-
-<p>Je t'cris peu de mots; je n'ai pas la facult de
-t'crire plus. J'ignore ce que je sens: tout est confus.
-Le prsent a cess d'exister pour moi; le pass se renferme
-en peu de jours; l'avenir, seul, survit tant de
-destructions. Si on avait pu le tuer, on l'et fait.</p>
-
-<p>Mais conois-tu ce que doit tre une pareille attitude
-pour l'homme qui a pour principe de ne pas trop
-s'occuper du lendemain, qui est tout positif, qui sent
-que toute sa force rside dans son action sur le prsent?
-Sur moi, enfin, qui suis forc maintenant
-porter jusqu' mon existence mme hors de moi-mme,
-qui vais la chercher au loin, qui dois subordonner
-tout ce qui est <i>sr</i> (par le fait mme que rien n'est
-sr dans ce qui constitue ma vie et mon existence)
-un avenir incertain comme toute conqute? Mais, mon
-amie, ne le crains pas cet avenir; c'est moi de le
-crer, tout ce que j'ai de volont n'a qu'un but, et ce
-que l'homme <i>veut</i> offre d'immenses chances de succs.
-La mort peut me sparer de toi: la vie me rapprochera
-de toi.</p>
-
-<p>J'ai fix mon dpart d'ici demain. Je partirai vers
-3 heures; je serai le matin Aix-la-Chapelle. J'y
-resterai la journe du 29. Je vais le 30 Cologne, le
-1<sup>er</sup> au del de Coblenz, le 2, chez moi, au Johannisberg.
-Je serai le 3 Francfort, le 7 Munich, le 12
-Vienne.</p>
-
-<p>Je veux que tu saches me trouver. Ta pense rencontrera
-toujours la mienne. S'il me reste un sentiment
-de bonheur, c'est cette <i>unit de proprit</i>. Sans ce
-sentiment je puis prouver des fantaisies, mais point
-<span class="pagenum"><a id="Page_25"> 25</a></span>
-d'amour. Ce qui me lie toi, c'est ce repos intrieur
-qui ne me permet pas un doute sur la parfaite identit
-de nos penses. Je suis sr comme de mon existence
-que ma pense est la tienne, que mes v&oelig;ux sont les
-tiens; mes gots, mes plaisirs et mes peines, tout, tout
-[est] tien. Le jour o j'ai eu ce pressentiment, j'ai commenc
- voir ce que tu pourrais devenir pour moi.
-Combien l'intervalle qui a spar la ralit de la possibilit
-a t court? Ne va pas chercher la clef de
-l'nigme en moi, cherche-la en toi-mme, tu la trouveras
-dans ton c&oelig;ur. Mon amie, pour se comprendre
-ainsi que nous nous sommes compris, il faut bien qu'il
-n'y ait qu'une impulsion suivre et point une conqute
- faire! Que les hommes qui m'avaient dit que
-tu tais faite pour moi ont eu raison! Oui, mon amie,
-toi, tout toi est ce qui ferait le bonheur de ma vie. Il te
-resterait peut-tre faire une dcouverte et tu la
-ferais: tu te crois jalouse? Eh bien, je dfierais ta
-jalousie et nous verrions lequel des deux sentiments
-l'emporterait, celui de l'inquitude ou celui de la
-douce jouissance, le seul et le vritable bonheur. Je te
-permets de retourner ton ancien rle, le jour o tu
-croiras que l'on peut aimer plus et que surtout l'on
-puisse t'aimer plus que moi. Je suis tout ou rien, en
-tout et pour tout. Mon amie, il n'est que peu d'tres
-qui soient tels, mais ceux qui le sont ne prtent point
-au doute.</p>
-
-<p>Adieu pour ce soir. Mon homme va partir. Demain
-je t'crirai Londres. Je veux que tu y trouves <i>mes</i>
-lettres et <i>tes</i> lettres. Tu auras de mes nouvelles de la
-route: je t'enverrai de toutes les bonnes stations sous
-le point de vue de la rgularit des postes, et je t'crirai
-<span class="pagenum"><a id="Page_26"> 26</a></span>
-de toutes o je pourrai trouver le moment d'crire.
-L. aura l'instruction d'envoyer sous un couvert que
-j'ajouterai, toutes celles qui pourraient arriver Paris
-aprs ton dpart.</p>
-
-<p>Je t'envoie une feuille d'ici pour que tu voies que
-nous avons t Waterloo<a id="FNanchor_181" href="#Footnote_181" class="fnanchor">&nbsp;[181]</a>. Les 26 sont de bons
-jours<a id="FNanchor_182" href="#Footnote_182" class="fnanchor">&nbsp;[182]</a>.</p>
-
-<p>Adieu. Je t'crirai mieux quand je saurai ce que je
-t'cris, et je le saurai le jour o je pourrai former
-mon plan sur l'avenir sur une base solide.</p>
-
-<p>Adieu. Pense moi.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_27"> 27</a></span></p>
-<h2>N<sup>o</sup> 4.</h2>
-<p class="date">Bruxelles, ce 28 novembre 1818.</p>
-</div>
-
-<p>Voici la premire lettre que je t'adresse Londres.
-Elle ne sera pas la premire que tu recevras, car je
-t'crirai encore pendant ton sjour Paris, mais elle
-est destine te faire penser ton ami ds ton arrive
-dans le lieu qui doit un jour nous rapprocher.</p>
-
-<p>Mon amie, quand l'on sent comme moi, on est
-accessible toutes les nuances: conois-tu que j'aime
-mieux t'crire Londres qu' Paris?</p>
-
-<p>Je t'envoie le dpt que tu m'as confi. J'ai relu
-toutes mes lettres et j'ai pleur en les lisant. Quelle
-est donc cette puissance que tu exerces sur moi? Ce
-pouvoir duquel tu t'es empare si vite? Crois-tu que je
-sois facile conqurir, que l'on me fasse prouver ce
-qui n'est pas n et form d'avance en moi? Tu te
-tromperais si tu le croyais.</p>
-
-<p>C'est le 22 octobre que nous avons <i>caus</i> pour la
-premire fois chez M. de N.<a id="FNanchor_183" href="#Footnote_183" class="fnanchor">&nbsp;[183]</a>. Tu m'as prouv ce
-jour-l que tu tais attentive ce qui n'effleure pas
-mme la femme qui mes yeux pourrait encore tre
-vulgaire, le monde et-il port depuis longtemps un
-autre jugement sur son compte. Le 26, nous avons,
-<span class="pagenum"><a id="Page_28"> 28</a></span>
-pour la premire fois, eu un but commun dans l'une
-des actions les plus indiffrentes de notre vie<a id="FNanchor_184" href="#Footnote_184" class="fnanchor">&nbsp;[184]</a>. Te
-souvient-il que j'ai prfr mon compagnon de voyage
- toi? Tu m'as dplac de ma voiture: j'en ai t
-pein comme il est possible de l'tre par un lger
-sacrifice que l'on porte la politesse. Nous avons
-caus: tu m'as plu car tu tais bonne et sans apprt.
-Le 27, j'ai eu du plaisir te voir. C'est moi qui t'ai
-propos de changer de voiture pour ne pas te quitter.</p>
-
-<p>J'ai commenc trouver que ceux qui t'avaient
-dsigne comme une femme aimable avaient eu raison;
-j'ai trouv la route plus courte que la veille.
-Il me parat, mon amie, que nous nous sommes dit
-que les distances paraissaient toujours telles au retour.</p>
-
-<p>Le 28, je t'ai fait la premire visite, bien de crmonie.
-L'heure que j'ai passe, assis tes pieds, m'a
-prouv que la place tait bonne. Il m'a paru en rentrant
-chez moi que je te connaissais depuis des annes.
-Je n'ai pas trouv impoli que les deux hommes qui
-taient dans l'appartement fassent bande part; il m'a
-<span class="pagenum"><a id="Page_29"> 29</a></span>
-mme paru qu'ils faisaient bien de rester la grande
-table ronde.</p>
-
-<p>Le 29, je ne t'ai pas vue.</p>
-
-<p>Le 30, j'ai trouv que la veille avait t bien froide
-et vide de sens.</p>
-
-<p>J'ignore le jour o tu es venue dans ma loge: <i>tu</i> as
-eu la fivre&mdash;mon amie, tu m'as appartenu! Ne me
-demande pas ce que j'ai prouv depuis, ce que
-j'prouve&mdash;si tu ne le savais pas; si surtout tu ne le
-sentais pas, tu ne serais pas moi!</p>
-
-<p>Mon amie, voil le rcit fidle de quatre semaines!
-Ces peu d'instants sont devenus le sort de ma vie et, je
-le crois, de la tienne, si l'absence et le temps n'amortissent
-pas ce que tu prouves et ce que tu prouveras
-encore longtemps. Ma bonne D., ne le dfie pas, cet
-inexorable temps qui agit d'une manire si uniforme,
-et par ce fait mme tellement en bien ou en mal sur
-tous les tres! N'attache, ce que je viens de te dire,
-nulle autre valeur que celle que j'y attache moi-mme.
-Veux-tu savoir ce que je pense? Je vais te le dire.</p>
-
-<p>J'ai acquis, en peu de temps, une grande connaissance
-de toi, de ce toi que j'aime plus que ma vie. Il
-faut pour cela tout ce que j'ai t mis mme de voir.
-Tu as autant d'esprit qu'il est possible d'en avoir; tu
-as de commun avec toutes les femmes bonnes, fortes
-et places sur une chelle qui les lve au-dessus de
-l'immense majorit de leur sexe, <i>le besoin d'prouver
-un sentiment qui devient la vie</i>.</p>
-
-<p>Tu prouves un vide dans ton intrieur que tu
-sens le besoin de remplir; ton mari est bon, loyal,
-mais il n'est pas ce qu'un mari doit tre: l'arbitre des
-destines de sa femme.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_30"> 30</a></span>
-Tu es toute moi; jamais je n'ai prouv un sentiment
-de quitude sur ce fait, le premier de tout ce qui
-constitue le bonheur, comme tu me le fais prouver.</p>
-
-<p>Mon amie, moi qui ai une difficult peu prs
-insurmontable de croire que je suis aim, je suis sr
-de toi comme de moi-mme. Pas une pense ne
-trouble ce sentiment; celle du contraire mme ne
-m'est pas venue. Ma bonne Dorothe, tu dois avoir
-un charme de vrit que je n'ai jamais rencontr;
-conois-tu que je dois t'aimer plus que jamais je n'ai
-aim?</p>
-
-<p>Or, ds que rien ne peut troubler mon repos sur ce
-fait, pour moi le premier de tous, ne crois pas que je
-craigne la courte sparation. Je te le rpte, je suis
-sr de toi; je te sais trop remplie de ce sentiment qui
-est mien, pour admettre mme la possibilit que nul
-tre ne puisse occuper la moindre place dans ton c&oelig;ur.
-<i>Mais le temps?</i> Jamais plus un homme ne sera <i>ton ami</i>
-comme je le suis. Tout ce que jamais tu pourrais
-prouver ne sera plus ce que tu m'accordes. Un rapport,
-comme l'est le ntre, n'existe qu'une fois dans
-la vie, et il s'en passe beaucoup o le fait n'a point eu
-lieu et bien plus encore o il ne saurait se rencontrer.
-Mon amie, il ne faut pas tre communs pour s'appartenir
-comme nous nous appartenons!</p>
-
-<p>Mon soin doit tre de toujours me placer en face de
-toi. C'est moi ne pas me faire oublier. Ne crains
-pas que je le fasse: ma cause n'a jamais eu le moindre
-intrt mes yeux, mais c'est la ntre que je dfends,
-et, ds ce moment, je deviens fort. Habitue-toi
-m'crire journellement un mot, et ne ft-ce qu'un
-mot! L'ami du jour s'oublie moins que celui de la
-<span class="pagenum"><a id="Page_31"> 31</a></span>
-veille: que je le sois, cet ami du jour, de tous les
-jours!</p>
-
-<p>Veux-tu causer avec moi? Demande-toi ce que je te
-dirais dans une circonstance quelconque, dans le rapport
-et sur le fait le plus indiffrent: tu le sauras si tu
-consultes ta propre pense.</p>
-
-<p>Eh bien, mon amie, ai-je de la confiance en toi?
-Puis-je t'en fournir une plus grande preuve qu'en
-t'assurant qu'en te sparant de moi, tu te sparerais de
-toi-mme?</p>
-
-<p>Cette lettre est triste; elle l'est peut-tre trop: elle
-ne porte que l'empreinte de l'tat de mon me. Tu
-me verras toujours tel que je suis: mes paroles sont
-et seront toujours l'expression la plus simple de ma
-pense du moment; tu sauras ce qui se sera pass
-dans mon me chaque jour o je t'crirai, et tu verras
-que ce qui jamais ne change en moi, c'est le sentiment
-qui fait mon bonheur et qui finit toujours par absorber
-mon existence entire.</p>
-
-<p>Et puis, le monde croit que je ne sais pas aimer!
-Qu'il croie ce qu'il voudra, peu m'importe. Un autre
-jour, je te dirai ce que je pense du monde.</p>
-
-<p>Notre correspondance sera longue: tout ce que tu
-n'as pas su en quatre semaines, tu le sauras par mes
-lettres. Tu finiras par me connatre mieux que nul
-tre ne m'a jamais connu, je ne dis pas mieux qu'un
-tre me connatra jamais. Cet tre, je l'ai trouv, je le
-tiens; il est moi, et je ne le cderais pas pour tout
-ce que le monde pourrait m'offrir de charme et de fortune!
-Il n'existe pour tout homme qu'un bonheur:
-mon bonheur, c'est toi.</p>
-
-<p>Adieu, mon amie. Je finis, car j'expdie mon courrier.
-<span class="pagenum"><a id="Page_32"> 32</a></span>
-Les lettres que tu recevras Paris te diront ce
-que j'ai fait dans ma journe. Je viens d'en passer la
-meilleure heure: c'est toujours toi qui seras l'objet et
-le moyen des seuls moments que je regarde comme
-miens.</p>
-
-<p>J'ai prvenu N.<a id="FNanchor_185" href="#Footnote_185" class="fnanchor">&nbsp;[185]</a> que c'est de toi qu'il a recevoir
-ordres et instructions; il pourra, si tu le veux, te
-montrer ma lettre. Tu verras que j'ai t trs prcis
-sur les prcautions, surtout sur les premires&mdash;c'est
- toi rgler les suivantes. Je ne te dis pas que
-j'envie N. Je n'ai plus d'envie. Je n'envie personne.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_33"> 33</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 5.</h2>
-<p class="date">Tirlemont,<br />
-ce 28 novembre, 11 heures du soir.</p>
-</div>
-
-<p>Mon amie, j'arrive dans ce triste lieu et je t'cris.
-J'ai pass une partie de ma matine envoyer une
-lettre pour toi notre ami Neumann. Tu la trouveras,
-c'est le n<sup>o</sup> 4. Ma bonne amie, comme le commencement
-d'un avenir est long lui-mme!</p>
-
-<p>J'ai quitt Bruxelles 7 heures. J'ai eu beaucoup
-faire dans ma journe; elle a t aussi pleine d'affaires
-que vide. Mon amie, je ne le sens que trop: je ne
-vaux plus le quart de ce que je valais il y a peu de
-semaines, et cependant je m'aime bien plus; je tiens
-moi, je me sais gr d'tre moi et je me sais gr de ce
-fait le jour o je ne m'appartiens plus! Le c&oelig;ur de
-l'homme est la seule puissance qui ne succombe pas
-l'adversit, et tout ce qui tue la matire, lve et fortifie
-la pense! Ma bonne amie, combien je sens que
-tout ce que j'emporte de Bruxelles n'est plus moi!
-Promets-moi de ne plus jamais me rendre ce qui est
-devenu ta proprit. Ne me force plus tre <i>seul dans
-le monde</i>.</p>
-
-<p>Hier, je t'ai vue partir. Ma fille tait avec moi. Elle
-m'a dit: Je suis bien fche qu'elle parte avant
-nous, et je l'ai embrasse.</p>
-
-<p>Sens-tu ce qui s'est pass en moi dans ce moment?</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_34"> 34</a></span>
-J'ai dn je ne sais o. J'ai t passer ma soire
-dans le mnage qui fait toute mon envie! J'aime les
-voir, ces bonnes gens. Jamais je ne suis plus heureux
-du bonheur d'autrui que quand je suis malheureux. Je
-ne connais pas le sentiment de l'envie: il est toujours
-vil et bas. Les bonnes gens m'ont parl de toi, et tout
-juste comme il leur convient d'en parler. Lady C.<a id="FNanchor_186" href="#Footnote_186" class="fnanchor">&nbsp;[186]</a>
-m'a serr la main, et elle avait l'air de me dire: je
-sais ce qui se passe en vous et je vous plains. Je me
-plains tant moi-mme que tout ce que peuvent me
-dire mes amis ne diminue ni n'ajoute ma peine.</p>
-
-<p>Je vais me coucher pour partir demain 5 heures.
-Tu es, l'heure qu'il est, Roye. Tu seras demain
-Paris. Il ne te plaira pas, mon amie, et je ne veux pas
-que tu y plaises. Je ne veux plus que tu plaises un
-tre humain qu' moi. Je voudrais quasi que tu fusses
-laide et maussade et que tu puisses me savoir gr de
-t'aimer sans plus.</p>
-
-<p>On me porte dans ce moment le livre dans lequel les
-trangers s'inscrivent. J'y trouve ce qui suit: Le
-colonel Nep, de la Terre-Neuve, allant Spa; et
-quatre pages aprs: Le colonel Nep, de la Terre-Neuve,
-de retour de Spa, o il a bu les eaux avec
-beaucoup d'effet pour sa sant, Bruxelles o il
-demeure au Parc. Quoiqu'il se trouve mieux portant,
-il perd son apptit presque toujours aprs dner.
-<span class="pagenum"><a id="Page_35"> 35</a></span>
-L'esprit du colonel Nep ne te sduira jamais. Je te
-permets de le rencontrer et de le recevoir avant ou
-aprs dner, tout comme tu voudras.</p>
-
-<p class="space date">Aix-la-Chapelle,<br />
-ce 29, 11 heures du soir.</p>
-
-<p>Je suis ici depuis 5 heures du soir. Je n'ai mis en
-tout que quatorze heures de marche de Bruxelles ici.
-La manire dont j'ai t Bruxelles et celle dont j'en
-suis revenu n'est que l'empreinte de toutes choses
-humaines: on va lentement vers le bonheur et l'on
-s'en loigne avec une rapidit effrayante.</p>
-
-<p>Mon amie, j'ai vu la route de Spa. Je me suis arrt
-devant le plus mauvais cabaret du monde: le pain y
-tait bon, il ne vaut plus rien. Si j'avais rencontr Ficquelmont<a id="FNanchor_187" href="#Footnote_187" class="fnanchor">&nbsp;[187]</a>,
-je l'aurais embrass.</p>
-
-<p>Je suis descendu ici tout juste comme je devais y
-descendre: <i>vis--vis de chez moi</i>. Mon amie, rien en
-moi n'est plus comme il y a six semaines. Je suis
-ddoubl; je suis ici et je n'y suis pas. Il est juste que
-je ne loge pas chez moi. Mais je suis dans cette bonne
-chambre o j'ai t un seul instant avec toi&mdash;et quel
-instant!</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_36"> 36</a></span>
-J'ai dn chez le P. de H.<a id="FNanchor_188" href="#Footnote_188" class="fnanchor">&nbsp;[188]</a>. J'ai beaucoup parl
-affaires. J'ai rendu compte de commissions que l'on
-m'avait donnes. Bon Dieu, comme toutes ces affaires
-et ces intrts me touchent peu! J'ai cependant russi
-en tout: j'ai tout fait et tout fini. Ce fait se lie
-mon sort. Je parviens toujours tout ce qui ne m'intresse
-pas, et je reste seul et malheureux au milieu
-de ce que le monde appelle du succs et ce que
-les sots nomment du bonheur. Mon amie, ce n'est
-pas l qu'est le bonheur, et il ne s'y trouvera jamais:
-veux-tu savoir o il se trouve? Comme nous le saurions
- nous deux si le monde n'tait point plac entre
-nous!</p>
-
-<p>J'ai une bonne occasion pour envoyer cette lettre
-par Bruxelles Paris. Elle t'arrivera vite et bien.
-J'aurai soin de t'en faire passer une autre de
-Francfort.</p>
-
-<p>Je vois que ma correspondance tournera en un vritable
-journal. Ne t'ennuie pas le lire. Il me reste
-tant de choses te dire! Je n'en trouverai, hlas! que
-trop le temps dans notre cruelle sparation.</p>
-
-<p>Je vais demain Cologne. J'y ai quelques affaires
-qui me forcent y passer la nuit. Aprs-demain, je
-coucherai Coblenz.</p>
-
-<p>Adieu, bonne amie. Pense ton ami, le meilleur
-<span class="pagenum"><a id="Page_37"> 37</a></span>
-que certes tu as jamais eu: aime-le et calcule ses
-peines sur les tiennes. Je ne te dis pas de m'crire. Je
-suis sr que tu le fais. Je le suis de tout et pour toujours!</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_38"> 38</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 6.</h2>
-<p class="date">Coblenz, ce 1<sup>er</sup> dcembre 1818.</p>
-</div>
-
-<p>Je commence un nouveau mois loin de toi, mon
-amie, et je le commence dans le lieu qui m'a vu
-natre. Je ne puis te dire quelles singulires
-rflexions tant de circonstances entasses dans un si
-court espace de temps que l'est celui qui englobe toute
-<i>notre existence</i> font natre en moi.</p>
-
-<p>Mon amie, il faut que je t'aime beaucoup pour
-souffrir tout ce que je souffre! Ne m'abandonne plus,
-et que je retrouve toujours en toi l'amie qu'il me faut
-pour le bonheur de ma vie!</p>
-
-<p>J'ai couch la nuit dernire Cologne. Ma journe
-a t courte, car j'avais du monde qui m'attendait dans
-cette ville, et que j'ai d voir, quelque peu dispos que
-je sois m'occuper de rien, la lettre: <i>de rien</i>.</p>
-
-<p>Je suis parti de Cologne ce matin, je suis arriv ici
-cet aprs-midi.</p>
-
-<p>Tu ne sais rien de ma vie, except ce que tu as lu
-depuis plusieurs annes dans les feuilles publiques; or,
-ce n'est certes pas le moyen de savoir rien de ce qui
-peut t'intresser sur mon compte.</p>
-
-<p>Nous nous sommes vus, je t'ai aime; tu as appris
-me connatre mieux en moins de quatre semaines que
-tu ne m'eusses connu sans doute, durant des annes
-<span class="pagenum"><a id="Page_39"> 39</a></span>
-d'un commerce moins intime. Mais tu ne sais cependant
-rien de moi. Tu connais aujourd'hui mon c&oelig;ur
-mais tu ne sais rien de l'histoire de ma vie.</p>
-
-<p>Quel champ exploiter, mon amie, que celui d'une
-vie entire! Que de bonnes heures passer dans de
-longues soires d'hiver! Mon amie, nous aurions
-nous conter beaucoup et n'aurions pas tout dit au bout
-de l'hiver! Quel mal y aurait-il nous laisser tranquillement
-tablis sur un de ces meubles que vous avez
-tant raffins en Angleterre, au coin du feu, loin de
-tout trouble, sans interruption, moi te voyant me sourire
-vingt fois, t'entendant m'applaudir et peut-tre
-mme me gronder, moi toujours prt te dire plus
-que peut-tre mme tu voudrais entendre, et toi
-m'coutant toujours et me contant ton tour tant et
-tant de choses que je dsirerais savoir!</p>
-
-<p>Un pareil hiver vaudrait-il celui que tu vas passer?
-Et sais-tu quel en serait le rsultat? Nous saurions ce
-dont nous avons le pressentiment aujourd'hui, qui nous
-est venu comme toute inspiration, comme tout ce que
-l'on aime croire: nous saurions, mon amie, que notre
-me est de la mme trempe et que, sortis de la main
-d'un mme Crateur, nous sommes deux tres parfaitement
-homognes! Crois-en, mon amie, la premire
-qualit, peut-tre la seule que j'aie: mon tact. Je
-ne me trompe pas sur ce fait et c'est toi qui me sers de
-seule consolation.</p>
-
-<p>Je vais t'esquisser mon histoire. O l'ide pourrait-elle
-m'en venir plus naturellement que tout juste
-Coblenz?</p>
-
-<p>Je suis n dans cette ville le 15 mai 1773, un peu
-plus de treize ans avant que le mme moule a servi au
-<span class="pagenum"><a id="Page_40"> 40</a></span>
-sort pour crer, plus de 600 lieues, cet tre que j'ai
-devin avant de l'avoir connu<a id="FNanchor_189" href="#Footnote_189" class="fnanchor">&nbsp;[189]</a>.</p>
-
-<p>Mon pre tait ministre de l'Empereur dans toute
-cette partie de l'ancien empire<a id="FNanchor_190" href="#Footnote_190" class="fnanchor">&nbsp;[190]</a>. La place convenait
- mon pre: il s'y est trouv au milieu de ses possessions
-principales, prs de ses sujets qu'il a rendus plus
-heureux que ne l'a fait la rpublique franaise qui les
-lui a arrachs, comme au reste des princes allemands
-de la rive gauche du Rhin.</p>
-
-<p>Ma jeunesse n'a prsent rien de remarquable. J'ai
-t un bon enfant, laborieux, fort occup de mes
-devoirs et de mes livres. A l'ge de mon premier dveloppement,
-mon esprit et mon c&oelig;ur se sont ports sur
-deux routes diffrentes. J'ai donn dans une exaltation
-religieuse telle que mes parents et mes gouverneurs en
-ont t effrays. Mes v&oelig;ux allaient leur train et mes
-tudes le leur. A dix-sept ans, j'ai t&mdash; un peu
-d'exprience prs&mdash;ce que je suis aujourd'hui, tout
-juste ce que je suis, mmes qualits et mmes dfauts,
-mais mon c&oelig;ur est redescendu sur terre.</p>
-
-<p>J'ai fait cette poque, Bruxelles<a id="FNanchor_191" href="#Footnote_191" class="fnanchor">&nbsp;[191]</a>, la connaissance
-<span class="pagenum"><a id="Page_41"> 41</a></span>
-d'une jeune femme de mon ge, pleine d'esprit,
-de bon got et de raison, franaise, de l'une
-des premires familles. Je l'ai aime comme aime
-un jeune homme. Elle m'a aim dans toute l'innocence
-de son c&oelig;ur. Nous voulions tous deux ce
-que nous ne nous sommes jamais demand; je ne
-vivais que pour elle et pour mes tudes. Elle, qui
-n'avait rien de mieux faire, m'a aim <i>tout le jour</i>;
-elle passait les nuits avec son mari, et je crois
-qu'elle y tait plus occupe de moi que de lui. Cette
-relation a dur plus de trois ans, et elle a eu pour
-moi l'inapprciable avantage de me dtourner de
-toutes les folies de mauvais got si communes cet
-ge. Runis, nous nous assurions de notre amour rciproque,
-et nous voyions un si long avenir devant nous,
-que nous remettions le dnouement de tant d'amour
-des temps plus opportuns, comme si le temps ne coulait
-pas alors comme toujours! Absents, nous nous
-crivions et nous ne pouvions attendre le moment de
-nous runir. Nous fmes enfin spars pour plus de
-quinze ans. Je l'ai trouve alors en liaison et grandie
-de 2 pouces. Nous nous revmes sans nous aimer et en
-parlant du vieux temps comme on lit une chronique<a id="FNanchor_192" href="#Footnote_192" class="fnanchor">&nbsp;[192]</a>.</p>
-
-<p>A dix-sept ans, j'tais mon matre. Mon pre, voyant
-que j'tais loin de faire et mme de viser des folies,
-me laissa une pleine libert. A vingt ans, j'ai t
-nomm ministre de l'Empereur la Haye. La rvolution
-<span class="pagenum"><a id="Page_42"> 42</a></span>
-de la Hollande empcha mon dpart pour ce poste
-et je fis le voyage de l'Angleterre<a id="FNanchor_193" href="#Footnote_193" class="fnanchor">&nbsp;[193]</a>. L't de 1794<a id="FNanchor_194" href="#Footnote_194" class="fnanchor">&nbsp;[194]</a>,
-je me rendis pour la premire fois Vienne. J'y fus
-accueilli par la socit avec bont. J'avais vingt et un ans
-et on me trouva plus de raison et surtout plus d'usage
-du monde qu' une foule de nos ttes perruques.</p>
-
-<p>Je me suis mari peu de mois aprs mon arrive
-Vienne<a id="FNanchor_195" href="#Footnote_195" class="fnanchor">&nbsp;[195]</a>. Les parents avaient arrang le mariage;
-on avait remis le fait la dcision des parties intresses.
-J'tais fch de me marier; mon pre le dsirait
-et je fis ce qu'il voulut.</p>
-
-<p>Je suis bien loin aujourd'hui de le regretter. Ma
-femme est excellente, pleine d'esprit, et runissant
-toutes les qualits qui font le bonheur d'un intrieur.
-J'ai de grands enfants qui sont mes amis, et je puis voir,
-d'aprs un cours des choses naturel, la deuxime et
-mme la troisime gnration.</p>
-
-<p>Ma femme n'a jamais t jolie; elle n'est aimable
-que pour ceux qui la connaissent beaucoup. Tout ce
-qui est dans ce cas l'aime; le public la trouve maussade
-et c'est tout juste ce qu'elle veut. Il n'est rien au
-monde que je ne fasse pour elle.</p>
-
-<p>A vingt-huit ans, j'ai accept le poste Dresde<a id="FNanchor_196" href="#Footnote_196" class="fnanchor">&nbsp;[196]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_43"> 43</a></span>
-Mon beau-pre, qui ne voulait pas se sparer d'une fille
-unique, m'avait empch de me livrer aux affaires
-publiques. J'ai peu perdu ce retard. J'ai beaucoup
-observ: le sentiment qui se dveloppa en moi, fut
-celui de trouver que, dans toutes les grandes occasions
-et dans les dsastres qui accablrent mon pays, j'eusse
-agi diffremment de ceux qui conduisirent cette
-poque la barque de l'tat. J'ai vingt dfauts, mais
-pas celui de la prsomption. Mon caractre ne porte
-pas l'opposition: je suis trop positif et je n'aime
-pas m'occuper de <i>la critique</i>. Mon esprit va toujours
-vers <i>les moyens</i>. Je suis calme et je n'aime pas le rle
-<i>facile</i> quand j'ai le choix entre ce rle et celui qui est
-<i>utile</i>. Avec ces lments-l, on n'est jamais dans une
-opposition <i>permanente</i>.</p>
-
-<p>Je restai dix-huit mois Dresde, et je passai Berlin
-o je restai peu prs le mme temps<a id="FNanchor_197" href="#Footnote_197" class="fnanchor">&nbsp;[197]</a>. En 1805,
-j'y ai eu de grands intrts traiter avec l'empereur
-Alexandre; il me demanda comme ambassadeur prs
-de lui. J'y fus destin et appel Vienne.</p>
-
-<p>Je fis partir une partie de mes effets pour Saint-Ptersbourg.
-Arriv Vienne, l'Empereur me dit que
-Napolon avait dclin l'envoi du comte Cobenzel<a id="FNanchor_198" href="#Footnote_198" class="fnanchor">&nbsp;[198]</a>,
-et qu'il avait tmoign le dsir que je fusse envoy
-Paris. Je fis tout ce que je pus pour viter la balle: il
-<span class="pagenum"><a id="Page_44"> 44</a></span>
-fallut obir. Je restai ambassadeur Paris depuis 1806
-jusqu'en 1809<a id="FNanchor_199" href="#Footnote_199" class="fnanchor">&nbsp;[199]</a>.</p>
-
-<p>Je t'ai cont pendant le dernier bon jour que j'ai eu
-la suite de mon histoire. J'ai toujours voulu n'tre rien
-de ce que je suis; j'ai toujours fait tout ce que j'ai pu
-pour ne pas le devenir, et il y a huit ou dix imbciles&mdash;mais
-il n'y en a pas plus&mdash;qui me croient de l'ambition!
-Si j'en ai, c'est celle du bien, c'est la seule dont
-je suis capable.</p>
-
-<p>Me voil dpeint comme homme d'tat. Si je veux le
-bien, je le paye cher, car mon c&oelig;ur n'est pas aux affaires
-et je trouve qu'il en va de ce que le monde appelle
-<i>de la gloire</i> comme <i>de la beaut</i>: on a de l'une comme
-de l'autre, plus au profit d'autrui qu'au sien propre.</p>
-
-<p>Sais-tu, mon amie, ce qui me console du sacrifice
-de ma vie, et ce qui seul peut m'en consoler? C'est les
-services que dj j'ai rendus et que je suis dans le cas
-de rendre journellement <i>au triomphe des principes</i>. Il
-n'y a point de hasard, point d'illusions dans ma
-marche: je vais droit au but et je suis sr de l'atteindre.
-Je suis attach l'Empereur comme mon
-ami; je sais tout ce qu'il vaut.</p>
-
-<p>J'aurai rempli toute ma tche le jour o le monde
-ne se trompera plus sur <i>ce que l'Empereur a t</i>. Regardes-y
-de prs, et tu te convaincras que je suis sur la bonne
-voie. S'il n'tait pas l'homme qu'il est, c'est--dire
-<span class="pagenum"><a id="Page_45"> 45</a></span>
-celui de la justice, de la bienveillance, le vritable pre
-du peuple, je ne serais pas son ministre. Suis-je bien
-ambitieux, mon amie, de ces ambitieux faux clinquant,
- grandes phrases, sauf de petits rsultats et
-des honneurs passagers?</p>
-
-<p>J'ai eu deux liaisons dans ma vie, ce que j'appelle
-liaisons. Je n'ai jamais t infidle; la femme que
-j'aime est la seule au monde pour moi. Quand je
-n'aime pas, je prends la jolie femme qui veut tout
-except de l'amour.</p>
-
-<p>J'arrive une poque de ma vie avec laquelle j'ai
-cru terminer tout ce qui tient au c&oelig;ur. J'ai aim une
-femme qui n'tait descendue sur terre que pour y
-passer comme le printemps. Elle m'a aim de tout
-l'amour d'une me cleste. Le monde s'en est peine
-dout. Nous seuls tions dans le secret. Ses dernires
-annes taient marques par une extrme exaltation
-religieuse. Malheureuse de toutes les passions d'une
-me ardente, place dans un cadre oppos ses gots,
- son esprit, ayant d'inconcevables mnagements
-garder, elle a succomb: elle est morte de la mort
-d'une sainte et avec une force d'me marque par l'un
-des traits les plus extraordinaires dans la vie d'une
-femme. Elle a fait un testament et elle a en mme
-temps adress une lettre son mari et ses parents.
-Par son testament, elle avait dispos de tout ce qu'elle
-possdait et il n'est pas un petit objet duquel elle n'ait
-fait une ligne. Elle m'a lgu une petite bote cachete:
-en l'ouvrant j'y ai trouv les cendres de mes lettres et
-un anneau qu'elle avait bris!</p>
-
-<p>Dans sa lettre, elle a rendu compte de sa vie; elle a
-dit son mari tous les motifs qui l'avaient empche
-<span class="pagenum"><a id="Page_46"> 46</a></span>
-de l'aimer, tous ceux de religion qui l'avaient porte
- remplir ses devoirs envers lui. Le reste de la lettre
-me regarde et n'est comprhensible que pour moi et
-pour une seule amie qui avait devin son secret. Mais
-elle a tout dit.</p>
-
-<p>Ma vie s'est termine l, je ne dsirais ni ne voulais
-vivre au del. Mon me tait brise: je n'avais plus
-de c&oelig;ur. Il s'est pass deux ans.</p>
-
-<p>Et le sort m'a fait te rencontrer!</p>
-
-<p>Il ne me reste rien te dire. Tu me vois tout fait:
-tout ce que je suis, tout ce que j'ai prouv, tout ce
-que je vaux, tout ce que je ne vaux pas.</p>
-
-<p>J'ai cru te devoir cette explication. Si j'avais trouv
-dans les derniers temps&mdash;les derniers et la fois les
-premiers&mdash;celui de te parler avec quelque suite,
-je t'aurais cont ce que je t'cris. Je n'ai pas la conscience
-libre, si je n'ai pas tout dit: j'en ai besoin, je
-veux que mon amie me connaisse, sauf lui prter des
-armes contre moi. Je crois mme t'en prter de fortes;
-je ne devrais pas t'aimer! Et puis-je ne pas le faire?</p>
-
-<p>J'entends sonner 2 heures du matin, mon amie;
-je partirai 6. Je vais me coucher et je dormirai
-bien moins que je ne penserai toi. Je suis sur la
-quatrime feuille: j'ai cru causer avec toi.</p>
-
-<p class="space date">Johannisberg<a id="FNanchor_200" href="#Footnote_200" class="fnanchor">&nbsp;[200]</a>, ce 2 dcembre.</p>
-
-<p>Mon amie, je suis ici depuis cinq heures du soir. Le
-lieu est beau et mme tout ce qu'il y a de beau au
-monde pendant les mois d't. Maintenant la nature
-est morte; tout ce que j'avais quitt beau et frais, est
-<span class="pagenum"><a id="Page_47"> 47</a></span>
-fan. Un pais brouillard a couvert pendant toute la
-journe le vallon du Rhin. Tout ce que je vois est en
-rapport parfait avec ce que j'prouve.</p>
-
-<p>Je ne fais que coucher ici et j'irai demain Francfort
-o la dite m'attend, <i>in corpore</i>; je m'arrangerai de
-manire n'arriver que tard et je partirai au point du
-jour, le lendemain. Ma bonne amie, s'il n'y avait plus
-de bonheur pour moi au monde que celui qui me viendrait
-de la dite germanique, je me noierais dans ce
-Rhin, si large et si beau, dont je vois plus de 12 lieues
-de cours, de ma fentre!</p>
-
-<p>Ma bonne D[orothe], que n'es-tu ici? Comme nous
-ne nous y dplairions pas, comme notre vie s'y passerait
-doucement et bien! Pourquoi a-t-il fallu que tout
-juste <i>nous deux fussions dans les affaires</i>?</p>
-
-<p>On me dit que j'ai du vin de l'anne excellent. Dans
-deux ou trois ans, j'en enverrai ton mari. Il aura
-oubli qu'il a t fch et il finira par le boire ma
-sant. Je m'aperois, mon amie, que le lieu m'inspire
-et que je ne suis spar que par une vote d'une cave
-immense.</p>
-
-<p>J'ai tabli ici un gros in-folio pour y faire inscrire
-les trangers qui viennent visiter le lieu. Je trouve
-plus de trois cents noms inscrits depuis mon dpart et
-il n'y a que sept semaines.</p>
-
-<p>Mes bons Allemands, surtout ceux du nord, s'amusent
- placer de leur esprit partout. Il y a une litanie
-de mauvais vers ct de noms obscurs. Le seul que
-<span class="pagenum"><a id="Page_48"> 48</a></span>
-je trouve avec plaisir dans mon livre est celui d'un de
-nos meilleurs romanciers, un certain <i>Jean-Paul</i><a id="FNanchor_201" href="#Footnote_201" class="fnanchor">&nbsp;[201]</a>,
-fameux en Allemagne, et que, sans doute, tu n'as
-jamais entendu nommer, car je crois que tu lis peu
-l'allemand.</p>
-
-<p>Le brave homme a crit dans mon livre la strophe
-suivante:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><i>Die Erinnerung ist das einzige</i></p>
-<p><i>Paradies aus welchem wir nicht</i></p>
-<p><i>Vertrieben werden knnen<a id="FNanchor_202" href="#Footnote_202" class="fnanchor">&nbsp;[202]</a>!</i></p>
-</div></div>
-
-<p>Il a l'air d'avoir voulu consoler le matre du chteau!
-Je lui sais mauvais gr de ne pas avoir parl de
-l'avenir. Mon amie, je ne puis m'empcher d'y penser
-et ma vie est maintenant l! Quel changement s'est
-pass en moi dans le peu de semaines qui se sont
-coules entre mon prcdent et mon prsent sjour!</p>
-
-<p class="space date">Francfort, ce 4 dcembre 1818.</p>
-
-<p>Mon amie, je finis cette lettre au moment de
-monter en voiture pour partir. Ce n'est que ds ce
-moment que je commence m'loigner vritablement
-de toi: de Bruxelles ici, je n'ai fait qu'un mouvement
-circulaire. Une distance de trente heures spare la premire
-de ces villes de Paris, il ne faut que quarante-huit
-<span class="pagenum"><a id="Page_49"> 49</a></span>
-heures pour y aller d'ici. Chaque jour double
-maintenant la distance.</p>
-
-<p>Mon amie, auras-tu le courage de lire toute cette
-lettre? J'espre que oui. J'ai pass mes soires
-t'crire. Pouvais-je mieux employer le temps que je
-passe loin de toi? Tu ne recevras maintenant des
-lettres que par l'occasion de chaque semaine.</p>
-
-<p>Adieu. Je t'cris dans une pice o je suis entour
-de vingt personnes. Je ne suis pas tout ce monde, je
-ne suis qu' toi.</p>
-
-<p>Adieu, et cris-moi bientt et beaucoup. Je t'en
-donne l'exemple et je ne sais le faire que quand l'on
-est pour moi ce que tu es devenue pour ton ami.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_50"> 50</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 7.</h2>
-<p class="date">Donauwerth, ce 6 dcembre 1818.</p>
-</div>
-
-<p>J'ignore le jour o je pourrai faire partir ma lettre,
-mais je la commence. Mon plus grand bonheur,&mdash;hlas,
-le seul&mdash;c'est de m'occuper de toi et de te
-dire ce qui me passe par la tte; je n'ai pas besoin de
-te parler de mon c&oelig;ur: tu dois commencer t'apercevoir
-que je ne t'ai pas trompe, quand je t'ai dit que
-l'on m'tait <i>tout ou rien</i>. Je n'ai jamais ni rien fait, ni
-rien t demi; sois pour moi ce que je dsire tant
-que tu veuilles tre.</p>
-
-<p>J'ai fait partir ma dernire lettre, le 4, de Francfort.
-Je me flatte qu'elle t'aura trouve encore Paris.
-J'ai t, le mme jour, passer la soire et coucher
-Amorbach, chez la duchesse que tu trouves si peu
-aimable<a id="FNanchor_203" href="#Footnote_203" class="fnanchor">&nbsp;[203]</a>.</p>
-
-<p>Tu me fais le reproche de trouver que tout le monde
-a de l'esprit; je me souviendrai toujours de ta frayeur
-<span class="pagenum"><a id="Page_51"> 51</a></span>
-relativement je ne sais quel jugement d'esprit que
-j'ai port si rondement, et o tu m'as demand, avec
-un air de vritable effroi: Quand trouverez-vous
-donc une bte?</p>
-
-<p>Eh bien, mon amie, ce n'est encore pas la duchesse
-que je puis ranger de ce nombre! Bte, non;
-ennuyeuse, oui! Voil mon jugement et je ne saurais
-qu'y faire ni en bien ni en mal.</p>
-
-<p>Pas en bien, car je ne crois pas que l'on puisse gurir
-du mal de l'ennui; et pas en mal car le genre d'esprit
-de la personne en question est tout juste celui qui
-se brouille le moins, car il est tout terre terre et
-que, ne s'levant jamais une certaine hauteur, les
-chutes deviennent impossibles.</p>
-
-<p>J'ai rencontr chez elle deux dames de mon pays:
-la princesse de L&oelig;wenstein, tablie une lieue d'Amorbach,
-et sa s&oelig;ur, toutes deux galement s&oelig;urs du
-prince Windischgraetz que tu as vu Aix-la-Chapelle<a id="FNanchor_204" href="#Footnote_204" class="fnanchor">&nbsp;[204]</a>.
-Mon amie, je te ferai le plaisir de t'assurer
-<span class="pagenum"><a id="Page_52"> 52</a></span>
-que la premire est la bte que tu veux que je trouve;
-la seconde a de l'esprit, mais il est un peu tourn au
-<i>sentimentaire</i>, et ce n'est pas ce que j'aime.</p>
-
-<p>La soire s'est passe en causerie, assez peu agrable.
-Le duc m'a beaucoup parl de ses curies, seul plaisir
-qu'il ait dans son nouveau sjour. Pendant le
-souper, on a parl Aix-la-Chapelle; le duc m'a
-demand si tu y avais t: il m'a dit que tu tais
-aimable. Je lui ai rpondu: Fort aimable.&mdash;Spirituelle.&mdash;Trs
-spirituelle.&mdash;Le Prince
-Rgent<a id="FNanchor_205" href="#Footnote_205" class="fnanchor">&nbsp;[205]</a> la voit avec grand plaisir.&mdash;Le Prince
-a grandement raison.&mdash;Le Prince aime les femmes
-qui l'amusent.&mdash;Moi aussi, mais il n'y en a pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_53"> 53</a></span>
-beaucoup qui ont ce droit.&mdash;Va-t-elle Londres?&mdash;Oui,
-et moi aussi, je voudrais y aller...</p>
-
-<p>Mon amie, j'ai senti que j'avais dit une btise et j'ai
-ajout le plus gravement du monde: ... Pour faire
-ma cour Son Altesse Royale! Peut-tre irai-je l'anne
-prochaine.</p>
-
-<p>&mdash;Vous ferez grand plaisir au Prince Rgent car
-il vous aime extrmement.</p>
-
-<p>&mdash;Je regarderai le moment de mon arrive
-Londres comme l'un des plus heureux de ma vie!</p>
-
-<p>Ma bonne Dorothe, j'ai dit ces derniers mots avec
-tant de conviction que la famille d'Amorbach doit me
-croire amoureux du Prince Rgent.</p>
-
-<p>A propos d'amour, l'on ne voyage jamais sans s'instruire.
-Amorbach est une ancienne abbaye; il existe
-dans l'enceinte du couvent une fontaine qui fait des
-enfants; le nom d'Amorbach vient de cette petite
-circonstance, trs heureuse pour les femmes des environs,
-mais effrayante pour les filles et peut-tre mme
-pour les maris. Aussi la duchesse est-elle enceinte<a id="FNanchor_206" href="#Footnote_206" class="fnanchor">&nbsp;[206]</a>.</p>
-
-<p>Je suis ici aux bords du Danube depuis aujourd'hui,
-3 heures aprs-midi. Je m'y suis arrt pour ne pas arriver
-de nuit Munich, et il n' y a point de gte entre deux.</p>
-
-<p>Je travaille, je suis tte--tte avec notre confident<a id="FNanchor_207" href="#Footnote_207" class="fnanchor">&nbsp;[207]</a>;
-je lui parle de toi et, ce qui vaut mieux, je
-t'cris.</p>
-
-<p>Ne te prends-tu pas quelquefois par la tte quand
-tu reois d'aussi volumineuses lettres d'un homme
-auquel tu n'avais pas rv il y a peu de semaines? De
-<span class="pagenum"><a id="Page_54"> 54</a></span>
-cet homme si froid, si boutonn, si mchant, si fier,
-si abominable? Ma bonne amie, suis-je rien de tout
-cela? Mais c'est ainsi que l'on crit l'histoire. Soyez
-plac sur un trteau lev, chacun se croit en droit
-de vous juger; il suffit au public de vous voir pour
-se trouver l'esprit de vous connatre. Chauss du
-cothurne, vous devenez hros; la robe magistrale vous
-fait dcrire comme pdant et la toque effraie. Toi,
-mon amie, qui a pris poste dans la coulisse, tu me
-connais mieux aujourd'hui que le parterre ne me
-connatra jamais.</p>
-
-<p>Il n'est point de hros pour son valet de chambre,
-dit un proverbe que trop vrai; il n'est point de ministre
-pour son amie&mdash;j'aime mieux ce mot, car il est plus
-noble et pour le moins aussi vrai que l'autre. Le proverbe
-n'existe pas, car l'on s'occupe moins de ceux qui
-empchent que l'on tire le canon que de ceux qui le
-tirent.</p>
-
-<p>L'un cependant est plus difficile que l'autre, mais le
-monde court aprs le bruit. Un ternuement fait
-tourner plus de ttes dans un salon qu'une forte
-pense, quelque bien exprime qu'elle puisse tre.</p>
-
-<p>Ma bonne amie, combien tu me manques aprs une
-si courte habitude de te voir? Que serait-ce aprs une
-longue? Sais-tu quel est le charme inexprimable que
-tu as mes yeux? C'est celui de me comprendre. Je
-suis sr que jamais rien ne se passerait en moi que tu
-ne jugeasses comme moi. Une conviction pareille me
-repose l'me et le c&oelig;ur. Je ne sais ni parler des
-sourds ni crire pour des aveugles; mais quand il
-m'arrive de rencontrer un tre qui me dispense de
-l'<i>explication</i> et de l'<i>interprtation</i>&mdash;deux besognes galement
-<span class="pagenum"><a id="Page_55"> 55</a></span>
-pnibles&mdash;quand cet tre surtout est une
-femme, et quand cette femme est toi, rien ne manque
- mon bonheur!</p>
-
-<p>Comme Neumann avait raison en nous assurant que
-nous nous conviendrions! Je lui accorde par ce fait
-plus de confiance que pour toute autre raison. Le tact
-mne plus loin en affaires que l'esprit, et notre homme
-en a prouv beaucoup dans cette <i>occasion</i> qui parat
-tre un peu devenue <i>notre vie</i>. Si je dis un peu, ne
-crois pas que je parle de moi, et, si tu te fches plus de
-la rserve que de la thse, raye le mot. Mon amie, tu
-me rendras bien heureux, si tu t'en sens le courage.</p>
-
-<p>J'ai trouv ici des lettres de chez moi. Tout le
-monde y est mort dans les derniers quinze jours<a id="FNanchor_208" href="#Footnote_208" class="fnanchor">&nbsp;[208]</a>;
-heureusement n'y a-t-il dans ce nombre de victimes
-aucune qui me tienne de prs.</p>
-
-<p>Le mort le plus remarquable est ce mme ministre
-des finances banqueroute duquel je vous ai parl
-dans certaine bonne voiture<a id="FNanchor_209" href="#Footnote_209" class="fnanchor">&nbsp;[209]</a>. Cet homme me
-<span class="pagenum"><a id="Page_56"> 56</a></span>
-dtestait; il a t mon ennemi le plus enrag, <i>mon
-Burdett</i><a id="FNanchor_210" href="#Footnote_210" class="fnanchor">&nbsp;[210]</a>. Je ne puis te dire sur sa perte que ce que
-me dit Castlereagh quand je lui ai parl de la mort de
-Whitbread<a id="FNanchor_211" href="#Footnote_211" class="fnanchor">&nbsp;[211]</a>. Vous ne savez pas combien l'on peut
-regretter un franc adversaire!</p>
-
-<p>Il y a de la vrit dans le mot et par consquent de
-l'esprit. Je l'adopte tout fait et je le sens. J'ai fait
-une remarque singulire depuis nombre d'annes;
-c'est que les hommes qui se placent diamtralement
-contre moi meurent.</p>
-
-<p>La chose est simple. Ces hommes sont fous et les
-fous meurent.</p>
-
-<p>Bonsoir, mon amie, tu ne mourras pas.</p>
-
-<p class="space date">Munich, ce 7 dcembre.</p>
-
-<p>Me voici dans une ville que je dteste. J'y suis pour
-demain toute la journe. Cette journe se passera en
-affaires toutes dsagrables et en courbettes la Cour
-<span class="pagenum"><a id="Page_57"> 57</a></span>
-plus dtestables encore. Je t'ai dit vingt fois&mdash;et
-certes en bien peu de jours&mdash;que je ne suis pas fait
-pour le mtier que je fais. Crois-moi, il y a quelque
-chose qui vous pousse vers ce qui convient rellement,
-et tout en moi me retient ds qu'il s'agit de ce terrible
-mtier.</p>
-
-<p>Je dteste les Cours et tout ce qui y tient; ma nature
-mme y rpugnait; je ne puis, par exemple, pas rester
-debout; je n'aime pas me lier des heures fixes;
-attendre me tue; en un mot si l'on voulait assurer je
-ne sais quelle existence mes enfants, je ne prendrais
-pas une charge de Cour, qui ne se compose que tout
-juste de tout ce que je ne puis pas faire.</p>
-
-<p>Mon amie, je suis sr que tu sais ce qu'il me faudrait
-pour tre heureux. Tu arrangerais ma vie comme
-je pourrais l'arranger moi-mme. Si tu oubliais de t'y
-faire entrer, je me brouillerais avec toi.</p>
-
-<p>Capo d'Istria est encore ici. Il m'a attendu comme
-on attend le Messie. Il a cru marcher sur du velours.
-Je lui avais parl d'pines; il me prie maintenant de
-lui en tirer quelques-unes. Nous partirons ensemble
-aprs-demain, pour tre Vienne la nuit du 11 au 12.</p>
-
-<p>Je te parle toujours de moi et de ce que je fais,
-comme si tu devais y prendre quelque intrt, toi, ma
-connaissance de peu d'instants! Je me surprends souvent
- me dire qu'il y a de la prsomption dans mon
-fait, et puis mon c&oelig;ur me dit que je suis un sot. La
-raison ne vient pas avec l'ge, malgr ce que peuvent
-dire du contraire maints parents qui dsesprent de
-leurs enfants. Et l'amour ne vient pas avec le temps,
-<span class="pagenum"><a id="Page_58"> 58</a></span>
-malgr ce qu'en disent de froids amoureux qui se
-battent les flancs pour aimer plus demain qu'ils ne le
-font aujourd'hui! Moi, mon amie, j'aime ou je n'aime
-pas, et j'aime quand l'on me convient sous tous les
-rapports, en un mot quand l'on est toi, et cet amour,
-le seul que je crois le vritable, peut me dominer au
-bout de peu de jours comme au bout de plusieurs
-annes. Comme <i>tu es moi</i>, il doit t'en aller de mme.</p>
-
-<p class="space date">Vienne, ce 14 dcembre 1818.</p>
-
-<p>Je suis rendu mon pays, ma famille, mes
-habitudes, tout, except moi-mme.</p>
-
-<p>J'ai trouv ici, mon amie, ton n<sup>o</sup> 1 de Paris. Je t'en
-remercie; ta lettre est bonne, excellente. On n'en crit
-de ce genre que quand l'on pense l'tre auquel elle
-va, sans s'occuper trop de ce que l'on dit. Ma bonne
-amie, tu m'aimes de ce sentiment qui est le <i>saint
-amour</i>, le seul qui vaille. Qu'avons-nous eu de notre
-frle et la fois si forte connaissance? Un seul instant
-de bonheur vritable a-t-il eu lieu? Qui pourrait te
-reprocher ce que tu n'as pas fait et me taxer de ne pas
-t'avoir prouv que je sais ce que tu peux valoir dans
-tous les genres de relations? La rcompense, mon
-amie, n'a pas anticip le sentiment, auquel, seule, elle
-doit servir de complment. Ne t'y trompe pas, mon
-amie; c'est parce que je t'aime que j'ai t avec toi
-ainsi que tu m'as trouv; si tu n'avais fait que me
-plaire, l'avenir serait le pass.</p>
-
-<p>Crois que personne ne te rend plus de justice que
-moi; si je ne consultais que mon amour-propre, je
-devrais te la rendre, et l'amour-propre est, de toutes
-<span class="pagenum"><a id="Page_59"> 59</a></span>
-les faiblesses humaines, la plus loigne de moi. J'ai
-agi, avec toi, d'impulsion, de cette impulsion qui est
-la conviction elle-mme. Tout en moi m'a fait te
-dcouvrir, et chaque dcouverte a d me porter te
-chrir. Tout est simple dans le sentiment que je te
-porte, comme tout ce qui dure, ce qui seul mme
-rsiste au temps, l'absence et la contrarit. Mon
-amie, il est des choses qui ne s'usent qu'avec la vie;
-regarde le lien qui s'est tabli entre nous comme l'une
-de ces choses. Ne crains rien pour ma part: je crois
-tout toi.</p>
-
-<p>Je suis arriv ici le 11, 11 heures et demie du soir.
-L'on ne m'attendait plus. Ma femme est venue ma
-rencontre, pleine du bonheur de me revoir, elle m'a
-men voir mes enfants qui allaient s'endormir, et j'ai
-dbut par une btise. Ne t'avise pas de croire que je
-n'en fasse jamais, mais elles ne sont d'ordinaire que
-petites. J'ai pris l'une de mes filles pour l'autre; j'en
-ai confondu une de sept ans avec une autre de trois.
-Mes enfants m'ont cru fou<a id="FNanchor_212" href="#Footnote_212" class="fnanchor">&nbsp;[212]</a>.</p>
-
-<p>Le lendemain, j'ai donn en plein dans toutes les
-horreurs de ma vie: Cour, arrive de l'empereur
-Alexandre<a id="FNanchor_213" href="#Footnote_213" class="fnanchor">&nbsp;[213]</a>, cinquante personnes dner, trois cents
-<span class="pagenum"><a id="Page_60"> 60</a></span>
-le soir. Mon amie, j'ai t bien seul au milieu de mon
-salon!</p>
-
-<p>La premire figure trangre que j'ai vue mon
-djeuner a t cette si redoutable personne que tu
-crains tant. Je me suis lev, je suis all sa rencontre
-et je lui ai appliqu deux gros baisers sur ses
-joues toutes pleines, toutes fraches et tout juste
-comme je ne les aime pas. Il y avait, dans ma
-Chambre, ma femme, mes enfants, Floret et je ne
-sais qui. <i>Voil ma liaison</i> toute prouve et toute claire.
-Je ne l'ai revue depuis qu'hier soir dans mon salon<a id="FNanchor_214" href="#Footnote_214" class="fnanchor">&nbsp;[214]</a>.</p>
-
-<p>Mon Dieu, comme il me tue, ce salon, avec tout son
-monde, tous les faiseurs de phrases, toutes les courbettes,
-bien autres que celles desquelles t'a parl le roi
-de Hollande<a id="FNanchor_215" href="#Footnote_215" class="fnanchor">&nbsp;[215]</a> car j'ai vingt-cinq ans de plus! La
-premire personne qui m'ait fait plaisir voir, c'est
-Stewart<a id="FNanchor_216" href="#Footnote_216" class="fnanchor">&nbsp;[216]</a>. Il m'a sur-le-champ demand de tes nouvelles.
-<span class="pagenum"><a id="Page_61"> 61</a></span>
-Je lui ai rpondu si <i>officiellement</i>, qu'il ne plaisantera
-plus, car je l'avais dj prvenu Aix qu'il tait
-fort en train de le faire.</p>
-
-<p>Mon amie, je te remercie de la conduite que tu veux
-observer vis--vis de ton mari. Tu sais que je veux
-que tu sois bonne, douce, excellente pour lui. Je n'ai
-pas ses droits, et il ne peut avoir ce qui m'appartient.
-Sa ligne est autre que la mienne: elles ne se croisent
-pas; pourquoi lui en faire sentir l'existence? Je n'ai
-jamais brouill un mnage, je respecte <i>la loi</i>, je veux
-qu'on l'observe, dt-on ne pas l'aimer, car aimer est
-plac hors de la volont de l'homme. Ds que l'on
-aime, il n'existe d'ailleurs pas deux lignes, car l'on n'a
-pas deux c&oelig;urs.</p>
-
-<p>Je ne donnerais pas ce qui est devenu ma proprit
-pour tous les trsors du monde; je n'envie
-plus rien: comment pourrais-je envier ton mari?
-Je ne dis ici rien de nouveau; tu me l'as entendu
-te dire, il y a longtemps, dans notre courte connaissance.</p>
-
-<p>Je sais que je ne ressemble qu' bien peu d'hommes
-sous ce point de vue; je m'en console, car je crois, dans
-ce fait, valoir mieux que ceux qui ne pensent pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_62"> 62</a></span>
-comme moi. Combien j'aurais de choses te dire sur
-ce chapitre! Combien sur vingt autres!</p>
-
-<p class="space date">16 dcembre.</p>
-
-<p>Ma bonne amie, quelle vie je mne ou plutt quelle
-vie j'use! Car la vie n'est pas l, elle n'est pas dans les
-affaires, dans les tourments, dans ce qui fait le charme
-des sots, dans le clinquant, les hommages, les phrases
-et cette apparence de gloire, si peu de chose en elle-mme
-et si chre acheter. Mon bonheur ne rsidera
-jamais que dans mon c&oelig;ur, il ne trouvera jamais un
-autre sige; il doit en partir ou y arriver. Tout ce qui
-n'est pas de lui, tout ce quoi il reste tranger n'est
-rien, moins que rien. Les seuls tres que j'ai revus
-avec plaisir, c'est (<i>sic</i>) les miens et l'Empereur. Je sais
-qu'ils m'aiment, je sais que nul autre tre ne me remplacerait
-prs d'eux; tout est conviction et bon sentiment
-de leur part. Aussi, mon amie, ne fais-je que ce
-qui me convient en fuyant tout, except ce petit nombre
-d'tres. Je te jure&mdash;et j'espre que tu me croiras toujours
-en tout et pour tout&mdash;que je suis peu prs
-dtester tout ce qui n'est pas eux et toi.</p>
-
-<p>Ma vie est l, c'est--dire loin et prs de moi, ce qui
-fait que je ne la trouve pas.</p>
-
-<p>Mon Dieu, s'il pouvait y avoir une chance de te fixer
-ici! Ce moyen est le seul qui pourrait remplir tous mes
-v&oelig;ux. Je te reverrai, je serai avec toi des jours, peut-tre
-quelques semaines. Elles seront empoisonnes par
-le regret de te reperdre; je t'aurai quitte et je serai
-l'homme plaindre que je suis aujourd'hui.</p>
-
-<p>Si tu tais fixe ici, je n'aurais plus un v&oelig;u former,
-<span class="pagenum"><a id="Page_63"> 63</a></span>
-car tous se concentrent en toi. G. ne restera pas
-longue [chance]<a id="FNanchor_217" href="#Footnote_217" class="fnanchor">&nbsp;[217]</a>; l'Empereur ne l'aime pas; il le
-trouve tout en phrases et il a raison. Pourquoi ne viendrais-tu
-pas? Comment cela ne pourrait-il ne pas s'arranger,
-si tu le voulais bien et surtout si tu le faisais
-vouloir!<a id="FNanchor_218" href="#Footnote_218" class="fnanchor">&nbsp;[218]</a></p>
-
-<p>La banqueroute n'a pas lieu<a id="FNanchor_219" href="#Footnote_219" class="fnanchor">&nbsp;[219]</a>. J'ai fait tout ce que
-j'ai pu: j'ai us le vert et le sec. Il ne me reste plus
-qu' porter mon ennui en d'autres lieux.</p>
-
-<p>L'Empereur partira dcidment le 10 fvrier<a id="FNanchor_220" href="#Footnote_220" class="fnanchor">&nbsp;[220]</a>. Je
-<span class="pagenum"><a id="Page_64"> 64</a></span>
-veux m'pargner Venise et je ne le retrouverai qu'
-Bologne, ce qui fera que je ne quitterai Vienne que du
-23 au 24. Le seul changement qu'prouve le voyage,
-c'est le sjour de Florence avant celui de Naples.
-L'Empereur ira droit dans la premire de ces villes;
-il y restera jusqu'aux 26 et 27 mars. Il passera entre
-quinze jours et trois semaines Rome. Le 16 avril, il
-va Naples; il y restera galement trois semaines. De
-l, il retournera par Ancne, Modne, Parme Milan
-et par le Tyrol Vienne. J'irai de Milan Turin, et je
-prendrai dans la considration la plus srieuse ce qui
-dans <i>notre intrt</i>&mdash;le seul qui aujourd'hui soit le
-mien&mdash;vaudra mieux: ou que j'aille Londres en
-juillet 1819 ou bien en mai 1820. Le mieux est ici
-consulter avant le bien, car je ne puis pas faire deux
-fois ce voyage. Tu m'criras, en me et conscience,
-ce que tu croiras. Si, en juillet et aot, tu es la campagne,
-si on te fait courir loin de moi, Londres sera
-comme si je n'y tais pas, et pire, car l'un des sjours
-tue l'autre.</p>
-
-<p>Parle-moi de cela un peu en dtail; consulte plus ta
-tte que ton c&oelig;ur et parle-m'en bientt. J'ai l'ordre de
-l'Empereur pour 1819<a id="FNanchor_221" href="#Footnote_221" class="fnanchor">&nbsp;[221]</a>. Je n'ai pas celui pour 1820.
-Ainsi, il faudrait le prparer, et je ne le puis et ne le veux
-qu' bonne enseigne. Il me restera consulter ensuite:</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_65"> 65</a></span>
-1<sup>o</sup> La position des choses aprs une absence que
-j'aurai dj faite de Vienne de plus de cinq mois.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> L'tat de ma sant, c'est--dire si elle n'exige absolument
-pas que j'aille Carlsbad. Ne t'y trompe pas,
-mon amie, ma sant est bien dlabre et ma machine
-est brise en vingt endroits. Ce qui soutient le commun
-des hommes ne me sert plus: c'est tout juste mon
-me qui a bris mon corps. Je crois nanmoins que je
-n'aurai pas de difficults vaincre relativement Carlsbad,
-car ma sant vaut mieux. Je crois que tu m'as
-fait du bien; je fais mieux: je le sens. J'ai retrouv un
-tre qui me comprend, qui est moi avec cette franchise
-qui seule assure la possession; tout ce que tu
-cherches en moi, tu le trouveras; tout ce que je dsire
-au monde, je l'ai trouv! Je m'tais dit qu'il n'y avait
-plus de bonheur: ma bonne amie, il en existe encore.</p>
-
-<p class="space date">18 dcembre.</p>
-
-<p>Le sjour de l'empereur A[lexandre] commence
-tirer vers sa fin. Je le vois beaucoup, et comme nous
-ne sommes plus brouills, tout va bien<a id="FNanchor_222" href="#Footnote_222" class="fnanchor">&nbsp;[222]</a>. Il passe ici
-ses journes peu prs comme autre part. Il dne tous
-les jours avec l'empereur Franois, et va voir quelques
-casernes, parades ou man&oelig;uvres<a id="FNanchor_223" href="#Footnote_223" class="fnanchor">&nbsp;[223]</a>; il travaille et il
-<span class="pagenum"><a id="Page_66"> 66</a></span>
-va souper dans l'une ou dans l'autre maison de ses
-connaissances, o il retrouve toujours les mmes personnes.
-Ces personnes sont tires des trois familles de
-Zichy, Schwarzemberg et Auersperg, plus quelques
-hommes parmi lesquels j'ai l'infortune de me trouver.
-L'on prend le th; l'Empereur reste assis la table
-ronde avec cinq ou six de ces dames, toutes moins
-qu'aimables, except Mme Molly<a id="FNanchor_224" href="#Footnote_224" class="fnanchor">&nbsp;[224]</a> qui voudrait l'tre
-et qui tue l'esprit qu'elle a par les sons larmoyants avec
-lesquels elle dbite tout celui qui lui manque. Je me
-mle quelquefois de la conversation; quand je vois
-que le sommeil va faire ravage, je lche un mot. Ds
-que j'ai atteint mon but, je me sauve et je me livre
-mes penses ou bien quelque entretien avec l'un ou
-l'autre des mes compagnons de soire.</p>
-
-<p>Ajoute ces charmes huit ou dix heures de travail
-par jour et un grand dner que je donne ou que je ne
-puis viter, une demi-heure de conversation avec ma
-femme et mes enfants, qui djeunent toujours avec
-moi, et tu as le budget de ma journe.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_67"> 67</a></span>
-Dis-moi bien ce que tu fais. Je tiens le savoir;
-je veux pouvoir me dire que <i>probablement</i> je te
-sais occupe de telle ou telle chose, telle heure
-donne.</p>
-
-<p>Tu es ma dernire pense quand je me couche et ma
-premire quand je me rveille, tu es celle de tous les
-moments o je ne suis pas forc penser quelque
-devoir, et, mon amie, tu n'es pas mme oublie par ton
-ami dans ces moments-l.</p>
-
-<p>Un grand malheur de notre position, c'est celui que
-nous ayons si peu de contact&mdash;pas entre nous, dix
-annes ne nous eussent pas mens plus loin&mdash;mais
-avec les mmes tres et les mmes lieux. Je voudrais
-te dire tout, sur tant de choses, mais elles te sont trangres.
-Il s'agirait avant tout de te faire des tableaux et
-encore te resteraient-ils trangers. Te parler toujours
-de moi, le seul objet que tu connaisses ainsi dans mon
-cadre, m'est impossible, car je suis tout juste l'tre
-auquel je pense le moins. Je voudrais que tu connusses
-tout, que rien de ce qui me regarde ne te ft inconnu,
-que je puisse te prouver, heure par heure, que nous
-portons le mme jugement sur toute chose, que toutes
-portent nos yeux une couleur uniforme, qu'elles
-ragissent de mme sur nous, que ce qui me plat&mdash;et
-c'est assurment un petit nombre d'objets&mdash;te plat,
-que ce qui m'ennuie t'ennuie, que ce que tu trouves
-bien et bon, je le trouve parfait. Mais la difficult
-existe: elle n'est pas vaincre.</p>
-
-<p>Nous parlerons de nous; mon amie, toi, tu es de ce
-petit nombre d'tres qui me plaisent, qui me satisfont,
-qui parlent mon c&oelig;ur et mon esprit, que je ne me
-lasserais pas de voir et surtout d'aimer. Le jour o je
-<span class="pagenum"><a id="Page_68"> 68</a></span>
-pourrai te le redire au lieu de te l'crire, je serai bien
-heureux. Le crois-tu, ma bonne Dorothe?</p>
-
-<p>L'expdition de la prsente lettre tarde beaucoup,
-mon amie, mais je n'y puis rien faire. Je ne puis expdier
-le courrier que quand l'affaire qu'il est destin
-porter sera prte. Je travaille tant que je puis pour
-arriver au terme et c'est pour cela que je te quitte.</p>
-
-<p class="space date">Ce 20 dcembre.</p>
-
-<p>J'ai reu aujourd'hui, ma bonne amie, tes lettres de
-Paris, n<sup>os</sup> 2 et 3. Je suis rassur sur la longueur des
-miennes par le volume des tiennes. Comment te remercier
-assez de ces bonnes et excellentes lettres qui,
-aujourd'hui, font ma seule consolation?</p>
-
-<p>Oui, mon amie, je sais que tu m'aimes, que tu
-m'aimes comme je veux l'tre, de la seule manire qui
-jamais m'ait convenu et qui seule a pu me fixer deux
-fois de ma vie&mdash;et pour la vie! Le temps et l'absence
-ont us ces relations, pas de mon ct mais de la part
-de mes amies; je t'ai mand l'histoire de ma vie; tu la
-sais, aux noms prs, aussi bien que moi. C'est de Francfort
-que t'est arrive la lettre avec ma confession gnrale;
-je n'ai eu ni cesse ni repos avant que je ne l'eusse
-dpose entre tes mains. Tu me dis, dans l'une de tes
-dernires lettres, que parmi les personnes que le public
-me donne, tu n'en as pas trouves qui fussent dignes de
-mes hommages? Il en va de la rputation relativement
-aux rapports de la vie comme de toute autre. L'on m'a
-donn beaucoup de femmes auxquelles je n'ai jamais
-pens; j'ai t dans des rapports <i>bien peu romanesques</i>
-avec beaucoup que le public a toujours ignores. Je n'ai
-<span class="pagenum"><a id="Page_69"> 69</a></span>
-jamais eu de <i>ces rapports</i> que dans des moments de pleine
-libert et j'ai t malheureux.</p>
-
-<p>Tout ce qui ne vient pas du c&oelig;ur en moi, mon amie,
-est mauvais, sec et aride. J'ai un c&oelig;ur qui n'a pas
-deux faces, qui n'est point partag en cases: on peut
-l'occuper, mais alors on l'a tout entier; la place prise,
-il n'y en a point d'autres.</p>
-
-<p>Conois-tu, mon amie, toi, telle que tu es, qu'il y a
-des femmes&mdash;et il en existe beaucoup&mdash;qui ne veulent
-pas du c&oelig;ur? Eh bien, je rponds du fait, je te l'ai
-dit et tout ce que jamais je te dirai est vrai, que je n'ai
-pas me reprocher d'avoir jamais dit une femme
-que je l'aimais, quand je n'prouvais pas de l'amour.
-Crois-tu que la dcouverte de ce manque de sentiments
-les ait rebutes? Je te cite, comme preuve vivante, la
-personne contre le bras de laquelle tu as donn dans le
-salon de Stuart<a id="FNanchor_225" href="#Footnote_225" class="fnanchor">&nbsp;[225]</a> et qui t'a fait peur. Je te remercie
-du sentiment de la peur: c'est un rapport de plus que
-tu as avec moi. J'ai dit cent fois cette personne que
-je la dtestais, elle a trouv dans le fait un motif
-d'amour-propre; il lui a paru plus satisfaisant de
-vaincre le sentiment de la haine que de vivre de celui de
-l'amour. Comme cela lui a russi! Elle a cru me
-connatre, elle ne m'a jamais connu. Elle a voulu me
-subjuguer et l'on ne me subjugue jamais. C'est moi, mon
-amie, qui me rends l'tre qui runit ce que je veux;
-et cet tre doit avoir toutes tes qualits, peut-tre mme
-<span class="pagenum"><a id="Page_70"> 70</a></span>
-tes dfauts. Je ne scrute pas avec moi-mme, je suis la
-voie de mon c&oelig;ur, car jamais elle ne m'a tromp. Il
-n'est pas un tre au monde que j'ai aim ou que je pourrais
-aimer que tu n'aimerais de ton ct. Commence
-par t'aimer pour l'amour de moi; combien j'prouve
-tout ce que tu prouves et tout ce que tu dis si bien!
-Oui, mon amie, l'on n'aime pas, ou bien l'on a le
-malheur d'aimer un tre indigne de ce sentiment si
-saint, si l'on ne se sent pas port au bien par ce mme
-sentiment qui exclut tout, except ce qui est gnreux,
-noble et bien! Tu es bonne&mdash;car si tu ne l'tais pas,
-je ne t'aimerais pas&mdash;tu deviendrais meilleure dans
-un contact suivi avec moi. Il m'en irait tout de mme
-prs de toi. <i>Mon amie est ma rcompense</i>; je veux la mriter;
-je me mpriserais si je ne la mritais pas; je
-mourrais le jour o je croirais devoir me mpriser!
-Crois-tu qu'avec ce sentiment, l'on puisse aimer souvent!</p>
-
-<p>Je ne me permets pas de juger le propos que t'a
-tenu W...<a id="FNanchor_226" href="#Footnote_226" class="fnanchor">&nbsp;[226]</a>. Il peut tre bon et mauvais. Bon, s'il
-croit pouvoir t'arrter sur une voie parseme d'pines
-et, par consquent, de peines et de privations. Mauvais,
-s'il y a cherch un moyen de vues personnelles.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_71"> 71</a></span>
-Mon naturel, mon amie, est bienveillant, et j'adopte
-toujours de prfrence la bonne version; il faut me
-prouver la seconde. La comparaison entre <i>ses liberts et
-les miennes</i> est sotte et je ne la lui pardonne pas. Ce
-n'est pas toi, mon amie, qui aurait d&mdash;entre vous
-deux&mdash;entrevoir que ce qui ne se peut pas est plac
-hors de la possibilit et par consquent, certes, encore
-davantage hors de facilit. Ce n'est pas lui, au reste,
-que je prouverai ce qui est possible, mais toi.</p>
-
-<p>Un autre sot propos est celui de mes compatriotes
-qui prtendent que je fais ce que je veux, et que c'est
-pour cela que l'Empereur va en Italie. Je m'entends
-dire ce mot vingt fois l'an. Voici le fait: <i>l'Empereur
-fait toujours ce que je veux, mais je ne veux jamais que ce
-qu'il doit faire</i>. Il en a la conviction; il ne me demande
-plus gure et j'en fais autant de mon ct. Nous
-sommes, tous les deux, les tres les plus faciles
-trouver et, par consquent, calculer dans leurs
-volonts et dans leurs faits. Il en est ainsi pour tout et
-en tout. Une preuve certaine que la thse s'arrte la
-simple convenance, tourne dans ce moment-ci bien
-contre nous. Si l'Empereur faisait tout ce qui me convient,
-certes nous n'irions pas au Midi, tandis que mon
-bonheur est couvert par toutes les brumes du Nord!
-Mon amie, tu me jugerais mal si tu croyais que j'en
-veux pour cela l'homme que j'aime le mieux au
-monde. J'en veux ma place, et il ne me faut pas cette
-nouvelle contrarit pour la dtester. L'Empereur
-sait que le plus grand sacrifice que je puisse porter
-lui, mon pays, c'est celui que je lui porte en tant ce
-que je suis: il sait que c'est celui de la vie. Il ne sait
-pas ce qu'il me cote dans ce moment! S'il le savait, il
-<span class="pagenum"><a id="Page_72"> 72</a></span>
-me plaindrait et il m'emmnerait! Et W... serait
-amen tout comme moi et moi j'irais dans sa position
- Londres tout comme il y va<a id="FNanchor_227" href="#Footnote_227" class="fnanchor">&nbsp;[227]</a>! Comme lui, j'irais o
-je voudrais aller!</p>
-
-<p>Nos rapports, ma bonne D[orothe], ne sont pas ceux
-de quelques jours; ils trouveront leur terme avec <i>notre</i>
-existence. Tu vois que je compte sur toi, tout comme
-je me donne toi. Au bout d'une carrire que je dsire
-longue, tu me rendras la justice que jamais je n'cris
-le roman; mon me est toute positive et par consquent
-toute historique, toute la vrit. Je ne me fais
-illusion sur rien&mdash;on m'a plaint vingt fois de ce fait,&mdash;ce
-ne sont que de bien pauvres mes que celles qui
-peuvent fonder des plaintes sur une pareille disposition!</p>
-
-<p>Le bonheur, pour moi, est une ralit, la plus vraie,
-la plus effective qu'il y ait. Comment avec une me
-trempe ainsi, pourrais-je trouver du bonheur dans
-une illusion? Je la dcouvrirais tt ou tard; je n'ai pas
-besoin de chercher le vrai en toutes choses, je tombe
-dessus; je n'y ai point de mrite car je n'ai qu'y faire.
-Or, de toutes les ralits, la plus forte pour moi, c'est
-l'amour; sois certaine que les personnes qui croient
-qu'il faut de l'illusion en amour ne sont pas assez fortes
-pour savoir aimer. Que l'on ne dise pas qu'il y a de l'illusion
- aimer telle ou telle personne&mdash;le principe est
-faux. La convenance est individuelle et elle est place
-hors du calcul de tout autre que de l'tre pour qui elle
-existe. Il n'est pas un tre qui soit fait pour tre aim
-de tout le monde, tout comme il n'en est peut-tre
-<span class="pagenum"><a id="Page_73"> 73</a></span>
-qu'un seul que l'on puisse aimer de tout son amour!&mdash;Je
-suis bien abstrait, mon amie, mais je suis sr
-que tu me comprends.</p>
-
-<p>C'est sur ce principe qui, chez moi, est un sentiment,
-que se fonde le calme que j'prouve quand j'ai rencontr
-<i>l'amie qu'il me faut</i>. Je n'ai pas la prtention
-que cette amie soit juge par tout le monde telle que je
-la juge&mdash;j'en serais peut-tre mme fch. Je ne suis
-pas jaloux, car je croirais insulter mon amie; je puis tre
-expos plus de risques qu'un autre&mdash;n'importe. Je
-puis me faire des illusions dans cette carrire de confiance;
-eh bien, bonne amie, j'aimerai encore jusqu'
-<i>ces illusions</i>. En amour, j'aime tout, mais il faut beaucoup
-pour que j'aime.</p>
-
-<p>Maintenant, juge du succs que doivent avoir prs
-de moi ce que, dans la socit, l'on appelle <i>de petites
-femmes</i>. Il n'en est <i>pas une</i> de cette classe (qui fournit
-cependant aux besoins de toutes les places) qui me
-comprenne et qui, par consquent, puisse me satisfaire.
-Qui m'a dit que tu comprendrais ma langue?
-Qui m'est garant de ce fait? Ai-je eu besoin de beaucoup
-d'preuves, de recherches, de soins, pour savoir
- quoi m'en tenir? Mon amie, si j'aide l'esprit, j'ai cet
-esprit-l: c'est celui du c&oelig;ur. Il m'a fait te deviner.</p>
-
-<p>Conois-tu le bonheur que j'prouve de pouvoir
-t'crire des pages entires sur moi&mdash;dans ma langue&mdash;et
-tre sr d'tre compris de toi et de ne pas avoir
-besoin de faire le moindre effort pour y parvenir? Je
-te rencontre mi-chemin, je t'y rencontrerai toujours.</p>
-
-<p>Mon amie, je sors d'une grande fte la Cour. La
-fte a t belle, comme le sont toujours celles que l'on
-donne ici; il y a rgn le plus grand ordre; il y a fait
-<span class="pagenum"><a id="Page_74"> 74</a></span>
-chaud; mon c&oelig;ur est rest froid. On a reprsent,
-comme partie de la fte, des scnes des meilleurs opras;
-les larmes me sont venues aux yeux. Serions-nous <i>nous</i>,
-mon amie, si les mmes circonstances n'influaient pas
-de mme sur nous? Rien ne me fait de l'effet comme
-la musique. Je crois qu'aprs l'amour, et que surtout
-avec lui, c'est la chose au monde qui rend le meilleur.
-Il ne m'arrive jamais d'en entendre&mdash;pas seulement
-de la bonne, mais mme de la passable&mdash;sans prouver
-une sensation qui ne se dfinit pas. La musique m'excite
-et me calme la fois; elle me fait l'effet <i>du souvenir</i>;
-elle me place hors du cadre troit dans lequel je me
-trouve; mon c&oelig;ur s'panouit; il englobe la fois le
-pass, le prsent et l'avenir; tout se rveille en moi:
-peines, plaisirs qui ne sont plus&mdash;peines et plaisirs
-que j'attends et que je dsire!</p>
-
-<p>La musique m'excite aux douces larmes; elle m'attendrit
-sur mon propre tre; elle me fait du bien et du
-mal, qui, lui-mme, est du bien. Tu me connais si peu,
-mon amie, que tu ignores mes forces et mes faiblesses.</p>
-
-<p>Ne commences-tu pas par avoir un peu d'inquitude
-que tu vas te dcouvrir des faiblesses que tu ne t'es
-pas connues ou point avoues jusqu' prsent?</p>
-
-<p>Comme je les ai, il faut bien que tu les aies. tudie-moi
-et tu apprendras te connatre, si dj tu n'en es
-l. En dernier rsultat n'aie pas peur: j'aimerais en
-toi-mme les faiblesses que je rprouverais en moi.
-Demande aux <i>petites femmes</i> si elles croient que je sache
-pleurer? Mon amie, je me dtesterais, si je n'avais point
-de larmes. Elles t'assureront qu'un homme comme
-moi ne sort jamais du plus profond des calculs et de la
-pose la plus ministrielle, et qu'il agre tout au plus
-<span class="pagenum"><a id="Page_75"> 75</a></span>
-qu'on l'adore, comme nos bons aeux, les Gentils,
-adoraient leurs Termes et leurs Lares.</p>
-
-<p class="space date">21 dcembre 1818.</p>
-
-<p>Je finis enfin cette longue lettre; elle est un volume
-et j'espre, mon amie, que de tous les reproches que
-tu pourrais me faire, certes, le moins fond serait celui
-que je ne te dis pas assez ce que je sens et ce que je
-pense.</p>
-
-<p>J'expdie la prsente lettre par un courrier qui n'est
-pas moi&mdash;car je ne pourrai expdier le mien que
-dans quelques jours. Je me flatte qu'elle chappera
- une indiscrte inspection, je prends toutes les mesures
-pour cela. Si tel ne devait pas tre le cas, on verrait
-que je t'aime et on n'oserait le dire&mdash;il n'y aurait
-gure de mal cela. Ma bonne amie, je ne crains pas
-que les cabinets sachent que je t'aime, mais je craindrais
-que tu ne m'aimasses pas et je serais au dsespoir
-de ne pas t'aimer. En trs peu de jours, tu auras
-une nouvelle lettre de moi.</p>
-
-<p>Adieu; je voudrais tre ma lettre et, si je l'tais, je
-voudrais tre moi. Il n'y a gure de moyen de me contenter.
-Je ne le serai que le jour et les jours o je serai
-runi toi. Adieu pour le moment. Ces jours aussi
-arriveront.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_76"> 76</a></span></p>
-<h2>N<sup>o</sup> 8.</h2>
-<p class="date">Vienne, ce 22 dcembre 1818.</p>
-</div>
-
-<p>Mon amie, j'ai fini un volume hier; j'en commence
-un nouveau aujourd'hui. De volumes en volumes, j'arriverai
-au jour o je pourrai, en une seule heure, te dire
-plus qu'aujourd'hui je ne puis t'crire en une anne!
-Heure de bonheur, de repos, de jouissance, o toi, mon
-amie, me consoleras des peines que tu me causes.</p>
-
-<p>J'ai lu et relu tes deux dernires lettres. Elles sont
-pleines de ce moi que j'aime rencontrer en toi. Tout
-ce que tu me dis, je l'eusse dit; tout ce que tu as prouv,
-je l'espre; tout ce que tu dsires, je le dsire; ce que
-tu crains, je le crains; ton esprance enfin est la
-mienne. Il y a bien du bonheur dans tout cela! Je diffre
-avec toi sur un seul point, mais le remde est ct
-du mal. Ce que tu aimes, je ne lui porte gure d'affection,
-mais j'aime ce qui m'aime&mdash;me voil sauv.</p>
-
-<p>Il en va de notre liaison comme d'une autre grande
-et profonde vrit. Les hommes attribuent communment
- l'ducation un pouvoir qu'elle n'a pas. On n'a
-jamais donn par un moyen d'ducation quelconque
- l'tre que l'on lve ce qui ne se trouve pas en lui.
-L'ducation dveloppe et dirige; elle ne cre pas.</p>
-
-<p>Il en est de mme des rapports du c&oelig;ur. Il faut la
-fois tre soi et un autre pour se convenir: tout ce qui
-est plac hors de cette ligne ne s'aime pas. Je ne t'ai
-<span class="pagenum"><a id="Page_77"> 77</a></span>
-pas cherche, tu ne t'es pas doute de mon existence:
-nous nous sommes trouvs.</p>
-
-<p>Peu de moments ont suffi pour que nous en venions
-l o tant d'autres n'arrivent jamais, o nous deux
-sommes arrivs bien rarement&mdash;peut-tre jamais! A
-quoi tient ce fait? Est-ce soins, prires, volont de notre
-part ou bien n'est-ce qu'une simple et franche impulsion?
-Qui t'a rpondu de moi, qui m'a servi de garant de toi?
-Mon amie, il est une puissance plus forte que la volont
-de l'homme, un pouvoir indpendant de lui, une force
-d'attrait et de bonheur place au-dessus de ses esprances.
-Il suffit d'un contact, souvent lger, pour vous
-indiquer la voie que vous devez suivre; cette voie peut
-tre parseme de roses ou d'pines, n'importe; vous
-n'tes pas matre de la poursuivre quand une fois vous
-y avez fait le premier pas. Vous n'tes pas matre d'un
-premier mouvement, vous l'tes toujours d'un premier
-geste: le second n'est plus du domaine de la volont.
-Ai-je eu raison de suivre aveuglment l'impulsion de
-mon c&oelig;ur? Ce mme c&oelig;ur me dit <i>oui</i>. Mon amie, prouve-moi
-toujours que mon c&oelig;ur ne saurait avoir tort!</p>
-
-<p>Ton Empereur nous quitte cette nuit. Je lui en veux
-du mal qu'il m'a fait, en me privant de quelques jours
-de bonheur<a id="FNanchor_228" href="#Footnote_228" class="fnanchor">&nbsp;[228]</a>; je le remercie de l'attitude qu'il a
-<span class="pagenum"><a id="Page_78"> 78</a></span>
-prise et conserve depuis notre runion. Il n'existe pas
-au monde deux tres plus essentiellement diffrents
-que lui et moi. Aussi, avons-nous eu, dans des rapports
-qui datent de treize ans, dans des rapports comme
-peut-tre jamais deux individus placs ainsi que nous
-sommes n'en ont eus de directs et de soutenus, bien
-des hauts et des bas.</p>
-
-<p>Moi, mon amie, j'ai la conviction de ne jamais avoir
-boug de ma place; le premier lment moral en moi,
-c'est l'immobilit. Nous sommes les meilleurs voisins
-possibles aujourd'hui, nos relations sont ce qu'elles
-resteront. L'Empereur sait o me trouver et il me trouvera
-toujours, et ce sera toujours l o il m'aura quitt.
-Cette position des choses est un bien grand bonheur
-pour le monde, qui a fortement besoin tout juste de cet
-accord. Tu viens d'un pays malade l'excs, fltri et
-abm dans tous ses lments premiers<a id="FNanchor_229" href="#Footnote_229" class="fnanchor">&nbsp;[229]</a>. Je connais
-ce pays comme le mien, comme celui o tu es. J'ai
-peur de l'erreur en toutes choses et je ne connais que
-cette peur. J'ai la vue bonne, je ne flatte jamais mes
-amis et je suis certes trop mon propre ami pour me
-flatter sur rien et en rien. Je sais donc tout ce qui est
-du domaine de l'observation, et mes esprances sont
-bien faibles.</p>
-
-<p>Mon amie, Lady Jersey<a id="FNanchor_230" href="#Footnote_230" class="fnanchor">&nbsp;[230]</a> aura beau trouver que
-<span class="pagenum"><a id="Page_79"> 79</a></span>
-l'on a trop peu fait en France, je t'assure que l'on a
-fait, la fois, et trop et trop peu! C'est de bien
-pitoyables gens que ces meneurs d'un misrable
-peuple. Une quinzaine Paris et eu quelque mrite
-pour moi sous le point de vue des <i>anecdotes</i>, elle ne
-m'et rien appris du reste. J'y aurais, dans tous les
-cas, vu au del de ce qu'ont vu tous ceux qui y ont
-t explorer le terrain. Je connais mes amis. Parmi
-eux, il n'y a que W. qui sache voir, car il ne regarde ni
-trop haut ni trop bas et qu'il (<i>sic</i>) a galement une sorte
-d'impulsion naturelle qui souvent supple au grand
-esprit, tandis que l'esprit ne supple jamais cette qualit
-premire. Tu mettras au bas de ces dernires
-lignes ton approbation, j'en suis bien sr.</p>
-
-<p>Ton Empereur a pass ici toutes ses soires dans
-l'une ou l'autre de nos maisons. Il a le bonheur de se
-plaire dans des entours qui me font avaler la langue.
-Il n'a <i>particulirement</i> distingu aucune de nos dames, en
-se maintenant toutefois sur une ligne de <i>constance morale</i>
-vis--vis de la princesse Gabrielle d'Auersperg<a id="FNanchor_231" href="#Footnote_231" class="fnanchor">&nbsp;[231]</a>.</p>
-
-<p>De toutes, c'est elle, au fond, qui le mrite le plus.</p>
-
-<p>Je lui ai donn le dernier petit souper hier; pendant
-qu'il causait avec ses dames, <i>notre ami</i> Ouvaroff<a id="FNanchor_232" href="#Footnote_232" class="fnanchor">&nbsp;[232]</a>
-<span class="pagenum"><a id="Page_80"> 80</a></span>
-m'a entretenu des cinquante juments qu'il a dans le
-dpartement de Kiew. Comme jamais je n'en monterai
-aucune, je les ai loues toutes: il en a paru flatt. Il
-ne pense plus Lady C. Il lui prfre ses juments. Je
-pense que milady se venge au moyen d'une douzaine
-de bull-dogs<a id="FNanchor_233" href="#Footnote_233" class="fnanchor">&nbsp;[233]</a>. Pauvre amie, comme tu as bien ri le
-soir o Binder<a id="FNanchor_234" href="#Footnote_234" class="fnanchor">&nbsp;[234]</a> nous a reprsent la scne du <i>Mari</i></p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_81"> 81</a></span>
-et de <i>Fury</i><a id="FNanchor_235" href="#Footnote_235" class="fnanchor">&nbsp;[235]</a>! Quelle bonne soire encore que cette
-soire-l! Et quel ordre dans cette lettre!</p>
-
-<p class="space date">Ce 24.</p>
-
-<p>Mon volume, cette fois, ne sera pas gros. Je compte
-expdier le courrier demain. Tu me pardonneras le
-manque de volume, vu la promptitude de l'arrive. Ma
-bonne amie, que ne puis-je arriver moi-mme! Comme
-tu me recevrais bien!</p>
-
-<p>Je suis abm de fatigue depuis mon arrive
-ici. Je n'ai pas eu un moment moi; ton Empereur
-parti<a id="FNanchor_236" href="#Footnote_236" class="fnanchor">&nbsp;[236]</a>, j'espre que j'aurai un peu plus de temps
-vivre, car ce que je fais tout le long de la journe tue.
-Aussi suis-je tout bas. Tu sais combien je dteste la
-Cour et tout ce qui y tient: gne, dners, soires, longs
-et froids corridors, salons chauds, maintien guind,
-pas une pense du c&oelig;ur, pas un mot qui ne soit une
-affaire ou bien une parade. Es-tu tonne qu'on ne lise
-plus rien sur ma figure? Les seuls bons moments, les
-seuls o je me retrouve sont ceux o je suis avec mes
-enfants&mdash;c'est un quart d'heure par jour&mdash;et ceux
-o je puis t'crire. C'est une bien terrible chose qu'une
-vie qui est tout aux autres, qui peine vous permet un
-lger retour sur vous-mme, qui vous embourbe dans
-les affaires et vous loigne du bonheur, qui certes n'est
-pas dans les affaires de ce monde.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_82"> 82</a></span>
-Il n'y a eu au reste qu'une seule fte pour notre auguste
-hte. La mort du grand-duc de Bade<a id="FNanchor_237" href="#Footnote_237" class="fnanchor">&nbsp;[237]</a> nous a rendu
-ce service. Cette espce de fte s'est compose d'un
-spectacle la Cour avec un thtre dress la hte
-dans une des grandes salles dont nous abondons; ce
-spectacle, entreml de chants et de danses, a prsent
-un coup d'&oelig;il charmant; il a t suivi d'un souper
-dans la salle de redoute, dcore comme l'on ne sait
-dcorer qu'ici<a id="FNanchor_238" href="#Footnote_238" class="fnanchor">&nbsp;[238]</a>. Le coup d'&oelig;il tait magique:
-quatre cents convives et plus de deux mille spectateurs,
-dix mille bougies&mdash;et pas un tre qui satisfasse mon
-c&oelig;ur! Ta rivale aux joues pleines et roses cependant y
-tait.</p>
-
-<p>Je vais faire terminer mon portrait. Lawrence lui-mme
-m'a propos de me rendre moins mchant, et je
-l'y ai autoris. Si tu veux avoir des copies des portraits
-d'Ouvaroff et de Czernycheff<a id="FNanchor_239" href="#Footnote_239" class="fnanchor">&nbsp;[239]</a>, tu es la matresse de
-<span class="pagenum"><a id="Page_83"> 83</a></span>
-les demander Lawrence. Il vient de les terminer; je
-te dfends toutefois de jamais devenir la matresse des
-originaux.</p>
-
-<p>Ma bonne amie, pourquoi faut-il que je te dise des
-btises quand je t'cris? C'est qu'elles me passent par
-la tte et que je te dis tout ce qui me passe par elle. Sois
-contente que mon c&oelig;ur vaille mieux que ma tte; celui-l
-n'a pas un seul petit coin mouvant.</p>
-
-<p>J'ai ici une grande et vritable affection. Elle porte
-sur un objet charmant qui est bien ma proprit; je le
-caresse, je fais tout ce que je puis pour l'embellir et le
-soigner. Cet objet est un grand et beau jardin, avec un
-tablissement d't charmant<a id="FNanchor_240" href="#Footnote_240" class="fnanchor">&nbsp;[240]</a>. Eh bien, je ne suis
-pas mme parvenu encore y jeter un seul coup d'&oelig;il.
-J'y ai pourtant envoy, depuis mon absence, pour plusieurs
-milliers de francs de plantes; ma serre est en
-pleine floraison; vingt singes et perroquets, tout frais
-venus du Brsil, m'y attendent; j'ai fait meubler un
-salon avec les plus beaux objets d'Italie; on vient d'y
-placer deux bas-reliefs de Thorvaldsen classiques<a id="FNanchor_241" href="#Footnote_241" class="fnanchor">&nbsp;[241]</a>.</p>
-
-<p>Si, dans tes courses d't en Angleterre, tu vois
-<span class="pagenum"><a id="Page_84"> 84</a></span>
-quelque belle fleur d'une espce particulire, envoie-m'en
-ou bien la semence ou bien des greffons ou des
-oignons. N[eumann] saura toujours me les faire parvenir.
-Tu vois que je n'oublie pas que tu veux tre ma
-commissionnaire. Bonne tout, tu dois mme pouvoir
-me choisir des oignons de fleurs.</p>
-
-<p class="space date">Ce 25, minuit.</p>
-
-<p>Ma bonne amie, j'ai tes deux lettres qui n'en font
-qu'une, c'est--dire ton n<sup>o</sup> 4. Bonne amie, pourquoi tes
-lettres sont-elles les miennes? Comment m'cris-tu
-peu prs les mmes paroles que je t'ai envoyes et que
-tu as l'air d'avoir connues, tandis que ma lettre n'tait
-qu' mi-chemin? Cette identit si parfaite de nos deux
-tres serait-elle si complte que la mme pense n'a
-chez nous qu'une mme expression, qu'une parole,
-une seule phrase qui parvienne exprimer ce que nous
-sentons? Que de bonheur il y a dans ce fait pour mon
-me et pour mon c&oelig;ur! Le premier de tous ceux que
-je connais, c'est celui d'tre compris, bonheur si rare
-quand vous n'tes pas en tout point comme le reste des
-hommes. Combien peu j'ai t devin dans le cours de
-<span class="pagenum"><a id="Page_85"> 85</a></span>
-ma vie, combien peu compris! Mon amie, je commence
- croire que de tout ce qui jamais a t avec moi dans
-des rapports d'amiti, de sentiment, de confiance et
-mme de socit, tu es l'tre qui saisit le mieux ma
-pense, qui la prend tout bonnement pour ce qu'elle
-est, qui la commente le moins, qui me croit le plus et
-qui, par consquent, se trompe le moins. Mon amie, si
-j'tais prs de toi, je t'embrasserais pour <i>la dcouverte
-de cette certitude</i>. Quelle diffrence il y a dans un rapport
-comme l'est le mien toi, entre le pressentiment, la
-confiance et le fait.</p>
-
-<p>Comme je t'aime grandement, petitement, je puis
-t'crire des volumes, je puis te rpter cent fois dans
-une page que je t'aime, et j'attache du prix te faire
-faire des compliments par un indiffrent!</p>
-
-<p>Voil tes paroles. Tu me demandes si je les comprends.
-Oui, mon amie, parce que l'on comprend toujours ce
-que l'on prouve soi-mme; comment ne comprendrais-je
-pas ces paroles, moi qui, dans le moment le plus
-heureux, dans celui o tu pourrais regarder comme
-une insulte mme le doute le plus lger sur ton amour,
-j'aurais le besoin de te demander si tu m'aimes, de te
-dire que je n'aime que toi, moi qui ai besoin cent fois
-le jour de le dire et de me l'entendre dire, plus je suis
-loign de m'attendre autre chose qu' un regard qui
-me dira plus que toutes les paroles dans toutes les
-langues?</p>
-
-<p>D'o vient que je suis devenue autre, depuis que je
-te connais; m'as tu faite ou bien est-ce que je portais
-vraiment en moi le germe de ce qui est bon?</p>
-
-<p>Mon amie, l'on ne devient jamais autre de ce que
-l'on est; un germe ne peut se dvelopper s'il n'existe
-<span class="pagenum"><a id="Page_86"> 86</a></span>
-pas. Rien ne s'est dvelopp en toi, si ce n'est le sentiment
-que tu me portes, ce sentiment, duquel mon
-c&oelig;ur m'a averti bien avant que le plus lger signe ne
-l'en avait averti, qui est n en nous parce que nous
-sommes bons, parce que nos essences sont faites pour
-se confondre, que ce rapport invisible qui existe entre
-deux tres a t en contact bien avant que le tout qui
-est toi et moi ne se soit dout de ce quoi nous arriverions.
-Notre correspondance, mon amie, sera longue;
-j'aurai bien le temps de t'crire encore des lettres
-srieuses, de te mettre au fait de bien des penses fort
-rgles et mdites qui m'occupent dans mes moments
-de loisir&mdash;les plus doux que je puisse passer
-loin de toi.</p>
-
-<p>Cet homme <i>si lger</i> qui est devenu ton ami, passe
-une partie de sa vie s'occuper de toute autre chose
-que de ses affaires; il a beaucoup mdit, il s'est fort
-empar de beaucoup de questions infiniment srieuses,
-et a fait d'autres dcouvertes morales que celle de la
-place que tiennent les Numros 1 dans les salons, il
-s'est cr des principes qu'une longue exprience et
-qu'une grande connaissance des hommes lui fait admettre
-aujourd'hui comme des vrits ternelles! Mon
-amie, tu auras l'un de ces jours une dissertation philosophique.
-Pour la comprendre, je te renverrai ton
-c&oelig;ur, et tu la jugeras avec ton esprit. Ne t'effraie pas
-d'aimer un philosophe!</p>
-
-<p>Aide de toi, rien ne me sera difficile, j'aurai de
-l'esprit, je deviendrai tout ce que tu voudras.</p>
-
-<p>Oui, mon amie, tu deviendras tout ce que je voudrai,
-car tu es ce que je veux. Ton esprit est le mien, tout
-comme ma pense est la tienne, mon affection la tienne,
-<span class="pagenum"><a id="Page_87"> 87</a></span>
-<i>dann unser Gemth ist das selbe</i><a id="FNanchor_242" href="#Footnote_242" class="fnanchor">&nbsp;[242]</a>. Conois-tu une langue
-qui n'a pas le synonyme de <i>Gemth</i>, de ce premier don
-du Crateur, de ce premier principe de toute vie morale?
-Je jugerais un peuple sur cet oubli d'un seul mot.</p>
-
-<p>Je ne sais pas comment est ton oreille&mdash;cher
-Clment, ne te moque pas de moi!</p>
-
-<p>Que je t'embrasse pour ce mot si enfant et si simple,
-aprs tant de choses si srieuses. Pourquoi ne peux-tu
-pas t'empcher d'aimer avec la petite btise, aprs la
-grande raison? Bonne amie, ne te moque pas de ce que
-je te dis au bas de la seconde et au haut de la troisime
-feuille de la prsente lettre<a id="FNanchor_243" href="#Footnote_243" class="fnanchor">&nbsp;[243]</a>.</p>
-
-<p>Tu vois que je relis bien tes lettres et que je sais les
-miennes par c&oelig;ur. Il me parat, mon amie, que nous
-nous crirons peu de nouvelles dans notre longue correspondance.</p>
-
-<p class="space date">Ce 26.</p>
-
-<p>L'homme indiffrent que tu as charg de me faire
-tes compliments a dn chez moi. Comme il ne m'avait
-rien dit jusqu' cette heure, je lui ai demand, d'un bout
-de la table l'autre, si M. et Mme de Lieven taient
-encore Paris le jour de son dpart. Il m'a assur
-que <i>oui</i>. J'ai vu que d'Aix-la-Chapelle Vienne il y a
-bien loin, car je n'ai point aperu une seule figure qui
-ait sourcill lors de mon interpellation. La socit se
-composait cependant de beaucoup de numros entre
-2 et 5<a id="FNanchor_244" href="#Footnote_244" class="fnanchor">&nbsp;[244]</a>. Ce sont ces numros-l qui sourcillent le plus.
-<span class="pagenum"><a id="Page_88"> 88</a></span>
-Les Numros 1 qui ont entendu sonner une cloche, ne
-sourcillent pas en pareille occasion, ils se rpandent
-sur le champ en loges de la <i>contre-preuve</i>: loges qui
-portent toujours sur la toilette, la figure et l'lgance.
-Les plus sots nous prviennent qu'ils ont pass leur vie
-dans la socit de Monsieur et Madame. Les gros mangeurs
-ajoutent qu'on fait trs bonne chre dans leur
-maison et les uns et les autres sont convaincus qu'ils
-<i>portent coup</i>.</p>
-
-<p class="space date">Ce 27.</p>
-
-<p>J'ai t interrompu hier par l'arrive de notre ami
-Stewart. Il est venu se placer ct de mon bureau, la
-goutte l'&oelig;il, le mouchoir la main, et le chapeau sur
-la tte.</p>
-
-<p>&mdash;A qui crivez vous?</p>
-
-<p>&mdash;A Marie.</p>
-
-<p>Et j'ai enferm ma lettre.</p>
-
-<p>&mdash;<i>C'est un bon jeune personne que j'aime beaucoup;
-saluez-le de ma part.</i></p>
-
-<p>Eh bien, mon amie, je t'envoie du Stewart qui, je
-suppose, ne fera pas le tien.</p>
-
-<p>Tu ne peux t'imaginer tout ce que j'ai eu de travail
-dans les derniers quatre jours. La vie d'un ministre est
-une vie affreuse. Elle vaut la mort d'un homme qui a
-le bonheur de ne pas tre charg de cette terrible
-besogne. Il existe une seule classe d'individus faite
-pour ce mtier. C'est celle qui, avec une grande force
-de tte, n'a aucun besoin du c&oelig;ur. Je ne suis pas de
-ces hommes-l. Le monde me croit bon ministre, tandis
-que je ne vaux rien pour le mtier que je fais. Mais
-comme tout mal peut ragir de diffrentes manires sur
-<span class="pagenum"><a id="Page_89"> 89</a></span>
-tout objet, l'tat ne souffre pas de mon incapacit
-effective, mais bien ce moi qui se compose d'un corps,
-d'une me et surtout d'un c&oelig;ur. Je fais bien, la
-vrit, la part mes devoirs et mes affections. Mon
-corps et mon esprit sont Vienne, tandis que mon c&oelig;ur
-est au del des mers; mais cet arrangement, qui n'est
-ni facile ni confortable ni utile, fait de moi un <i>ministre
-suicid</i>. Pauvre amie, pourquoi m'aimes-tu?</p>
-
-<p>Pfeffel<a id="FNanchor_245" href="#Footnote_245" class="fnanchor">&nbsp;[245]</a> a pass une huitaine de jours ici. J'aime
-cet homme, parce que il est ministre de Bavire
-Londres. La raison n'est pas bien diplomatique, mais
-elle renferme une logique du c&oelig;ur que je prfre tout
-juste autant toute autre que j'aime mieux mon c&oelig;ur
-que ma tte. Je lui ai parl de toi: il t'a loue beaucoup
-et par la plus singulire des expressions:</p>
-
-<p>&mdash;La comtesse L...? Oh! elle est la <i>mre du corps
-diplomatique</i>!</p>
-
-<p>Il se trouve donc que moi, qui dteste la diplomatie
-et les diplomates, j'aime la mre de tout un corps de
-cette gent? La vie se compose de tant de bizarreries,
-que le titre mme que te donne l'un de tes enfants n'a
-plus le droit de m'tonner. Le sentiment qui te l'accorde
-est si bien que je pardonne le titre en faveur du motif.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_90"> 90</a></span>
-Il sera dit que je ne pourrai plus m'empcher d'aimer
-un ministre tranger Londres! Eh! grands Dieux! il
-va t'arriver un fils du fond de la Perse<a id="FNanchor_246" href="#Footnote_246" class="fnanchor">&nbsp;[246]</a>! Comme je
-vais le voir tout l'heure (car il est embourb en ce
-moment dans le fond de la Hongrie), je te promets que
-je me placerai bien vis--vis de lui. Je me conduirai
-en bon pre.</p>
-
-<p>Mon amie, cette lettre sera la premire qui t'arrivera
-de moi aprs le renouvellement de l'anne! Il y a peu
-de semaines que je n'aurais eu le droit de t'offrir que
-de bien froids et striles hommages. Aujourd'hui, je te
-permets d'arranger toi-mme la somme des v&oelig;ux que
-je forme pour toi, mon amie pour la vie! Si l'anne 19
-me conduit prs de toi, je serai l'homme le plus
-heureux du monde, elle aura t la plus belle de
-ma vie! Si elle ne m'y mne pas, elle sera galement
-bonne, car elle prcde immdiatement l'anne 20.
-Nous pouvons mourir avant le terme bienheureux de
-notre runion, mais c'est aussi la mort seule qui pourrait
-m'empcher de te voir. Il y a bien plus de force
-et de vrit dans cette thse que dans la mauvaise
-phrase de W.<a id="FNanchor_247" href="#Footnote_247" class="fnanchor">&nbsp;[247]</a>.</p>
-
-<p>Je te quitte pour lui crire et pour expdier mon
-courrier. S'il devait te dire que je suis devenu fou, dis-toi
-qu'apparemment j'aurais mis dans sa lettre quelque
-phrase qui aurait d se trouver dans la tienne.</p>
-
-<p>Adieu, ma bonne D[orothe]; que le ciel te protge
-comme tu mrites de l'tre! Je ne te dis pas de penser
-<span class="pagenum"><a id="Page_91"> 91</a></span>
- moi&mdash;car je sais que tu le fais,&mdash;mais je ne puis
-m'empcher de te supplier de m'aimer, quoique je
-sache bien autant que c'est une demande pour le
-moins inutile.</p>
-
-<p>J'ai enferm ma dernire lettre dans une gane; si
-tu m'cris par une occasion de courrier autre que l'un
-des miens, sers-toi du mme moyen pour m'envoyer
-tes lettres. Dis N[eumann] que, dans ce cas, il
-m'crive toujours dans une de ses lettres qu'il m'envoie
-quelque emplette que je lui aurais commande.</p>
-
-<p>Adieu, je ne puis me sparer de toi, et il faut pourtant
-que je le fasse. Crois-tu que je t'aime?</p>
-
-<div class="chapter">
-<span class="pagenum"><a id="Page_92"> 92</a></span>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 9.</h2>
-<p class="date">Vienne, ce 28 dcembre 1818.</p>
-</div>
-
-<p>Mon n<sup>o</sup> 8, mon amie, est parti hier. J'en commence
-un autre qui partira jeudi. Je ne sais plus me passer
-d'une lettre commence, j'ai besoin de savoir qu'il en
-existe une dans mon bureau, je m'y attache mesure
-qu'elle avance comme un tre vivant, je finis par
-prouver un sentiment quasi de regret au moment o
-je la finis. C'est que les paroles aussi ont une vie: des
-paroles qui te sont adresses, qui vont t'arriver, que
-tu dois lire et comprendre, je dirais mme que tu dois
-sentir, si je trouvais le mot propre exprimer ma
-pense. Certes, mon amie, tu les sens, tu y attacheras
-toute la valeur que je puis y attacher moi-mme; mon
-c&oelig;ur ne saurait plus rien prouver qui ne soit compris
-et partag par toi; j'en ai la certitude et tout le bonheur
-attach cette certitude.</p>
-
-<p>Tu auras t bien longtemps sans recevoir de mes
-lettres. Ton sjour prolong Paris n'en est pas
-cause; il n'a rien pu changer ma correspondance
-car je l'avais rgle sur ton plan primitif, et j'ai
-t ici plusieurs jours avant d'avoir pu expdier un
-courrier.</p>
-
-<p>Tu me dis dans ta dernire lettre que tu crois que
-tu ne saurais m'aimer sans cette correspondance, et tu
-<span class="pagenum"><a id="Page_93"> 93</a></span>
-te repens du mot que tu as dit bien malgr ton c&oelig;ur.
-Mais, mon amie, tu n'as pas attendre le dsaveu de
-ton esprit; le fait est vrai, malheureusement trop vrai:
-il est plac, comme toutes les lois de la nature, hors
-des facults humaines, et celles du c&oelig;ur sont de toutes,
-sans contredit, les plus fortes! La pense, la plus fervente
-des penses, a besoin d'tre nourrie pour ne pas
-se fltrir par la terrible action du temps. te la prsence
-et l'esprance, bientt il ne restera plus que le
-souvenir, et qu'il est faible en comparaison de toute
-ralit! C'est ainsi que s'efface la perte d'un tre
-chri: rien n'est oubli vite comme un ami mort!
-C'est qu'il n'est plus, que le prsent et l'avenir ont
-disparu avec lui, qu'une mme tombe englobe tout,
-hors le souvenir, cette puissance qui seule survit la
-destruction.</p>
-
-<p>Mais, mon amie, quelle diffrence entre la feuille
-fane et la fleur du printemps! Sois certaine que si tu
-ne m'crivais pas, je dis plus, que si tu ne faisais pas
-entrer dans le plan de ta journe le quart d'heure
-que tu me voues, le souvenir se rduirait peu de
-chose en bien peu de temps.</p>
-
-<p>Il faut plus que de l'habitude, il faut du culte au
-souvenir pour en faire la vie; et n'avons-nous pas plus
-que lui l'esprance, la certitude de nous retrouver? Ce
-moment peut-il tre trop attendu, trop dsir? Ce
-moment ne ressemblera-t-il pas celui de la rsurrection
-aprs une longue mort? Mon amie, ne mourons
-pas. Nos lettres nous serviront de moyen et de remde
- supporter ce qui n'est qu'un temps d'preuve.</p>
-
-<p class="space date"><span class="pagenum"><a id="Page_94"> 94</a></span>
-Ce 29.</p>
-
-<p>J'ai t ce matin pour la premire fois dans mon
-jardin. Il est dans l'tat de mon me. Nous n'avons
-que peu de neige, notre hiver n'est encore que tide,
-mais le jour le plus court de l'anne est pass, tout ira
-de mieux en mieux.</p>
-
-<p>Le soir, j'tais comme de coutume chez l'Empereur.
-Je passe ordinairement avec lui deux heures pour le
-moins; nous travaillons et nous causons. Aprs un long
-et srieux entretien sur tout ce qu'il trouve ici d'affaires
-arrires, en train ou bauches, il me dit tout coup:</p>
-
-<p>&mdash;Mais savez-vous bien que nous resterons bien
-peu de temps ici pour tant de besogne?</p>
-
-<p>Je lui ai dit de bien bon c&oelig;ur:</p>
-
-<p>&mdash;Oui, Sire!</p>
-
-<p>&mdash;Je ne pourrai peut-tre pas faire tout cela?</p>
-
-<p>&mdash;Je le crois!</p>
-
-<p>&mdash;Je crois que j'eusse mieux fait de remettre
-mon voyage l'anne 20.</p>
-
-<p>&mdash;Oh! oui, Sire!</p>
-
-<p>&mdash;Je verrai ce qu'il y aura faire.</p>
-
-<p>&mdash;Le plus simple! c'est de rester.</p>
-
-<p>&mdash;Je crois cependant qu'en travaillant beaucoup,
-nous ne finirions pas mal de besogne.</p>
-
-<p>&mdash;Mais pas toute.</p>
-
-<p>&mdash;Vous croyez donc que je ferai mieux de rester?</p>
-
-<p>&mdash;Certes!</p>
-
-<p>Nous en sommes rests l. Et sais-tu, mon amie,
-ce qui arrivera? Nous partirons. C'est ainsi que je
-fais faire tout ce que je veux. Crois, aprs cela,
-<span class="pagenum"><a id="Page_95"> 95</a></span>
- W.<a id="FNanchor_248" href="#Footnote_248" class="fnanchor">&nbsp;[248]</a>. Si le scrupule pouvait augmenter, faute de
-banqueroute! Ma bonne amie, ne crois pas que je le
-tuerai!</p>
-
-<p>J'ai pass une bien mauvaise nuit. Une de ces nuits
-comme il m'arrive quelquefois d'en passer. Je me
-couche et je ne m'endors qu' 5 ou 6 heures du
-matin. J'avais la tte remplie d'affaires, de la besogne
- terminer cote que cote le lendemain et le c&oelig;ur
-plein de toi. Dans ces cas-l, mon c&oelig;ur finit toujours
-par l'emporter sur mon esprit. C'est lui seul qui s'empare
-du terrain, il finit par penser seul.</p>
-
-<p>Sais-tu ce qui m'a occup le plus? Cette soire o
-tu me dis si bien: Mon ami, veux-tu que j'aie me
-plaindre de toi?</p>
-
-<p>Combien je me sais gr aujourd'hui de ce mouvement,
-de ce retour sur moi-mme, sur toi, sur notre
-situation, qui, sur-le-champ, m'a rendu moi-mme!</p>
-
-<p>Mon amie, sais-moi bon gr de ce moment, remercie-toi
-toi-mme du mot que tu m'as dit. J'aime mieux
-aujourd'hui le bonheur que je n'ai pas eu que ce bonheur
-lui-mme; tout est si bien dans ce fait, tout en toi et en
-moi a t si fort l'lan du c&oelig;ur, que je t'en aimerais
-mieux, si j'avais besoin de quelque impulsion plus particulire
-pour t'aimer. Je serais fch aujourd'hui de
-nous trouver sur la ligne d' peu prs tout ce qui s'aime.
-Je crois que j'aurais un peu moins de mrites tes
-yeux, moi qui veux les accaparer tous. Mon amie, il te
-reste encore beaucoup de bien me faire; je te remercie
-de ne m'avoir pas tout donn. Je ne sais pourquoi
-j'aime mieux tre pauvre que riche auprs de toi; c'est
-<span class="pagenum"><a id="Page_96"> 96</a></span>
-que je crois que les riches aiment mieux les pauvres que
-les pauvres n'aiment les riches. Sr de moi, je veux
-galement tre sr de toi: je ne puis jamais l'tre trop!</p>
-
-<p>Capo d'Istria est toujours ici. Il ne partira que la
-semaine prochaine. Il ne m'a jamais beaucoup aim, et
-le fait est naturel, car il est tout et toujours en ide ce
-que je suis tout bonnement en ralit. Il n'y a gure
-d'autre diffrence, car il a de l'esprit et il est
-bonhomme. Depuis qu'il est ici, il m'aime davantage.
-Il a dit hier Lebzeltern<a id="FNanchor_249" href="#Footnote_249" class="fnanchor">&nbsp;[249]</a>: C'est singulier, je
-<i>trouve</i> M. tout autre que je n'ai cru. Lebz[eltern] lui a
-rpondu comme je lui eusse rpondu moi-mme: c'est
-que vous croyez toujours au lieu de chercher.</p>
-
-<p>Mon amie, ce n'est certes pas la voie du <i>vrai</i> que
-suit Capo. Il me parat que nous nous sommes trouvs
-sans nous chercher, par nous croire sans nous connatre,
-et nous ne nous sommes pas tromps. Il n'y a
-point de mrite dans notre fait, et je n'ai pas assez
-d'amour-propre pour m'en fcher. Je me console
-tout bonnement au moyen de mon bonheur; mon
-ambition se borne te voir partager ce sentiment de
-quitude qui s'est empar de tout mon tre. Tu me
-fais l'effet d'une vrit: mon amour pour toi est tout
-en ralit; je ne crois jamais rien avoir rencontr de
-simple comme mon amour. Il faut bien que tu sois
-<span class="pagenum"><a id="Page_97"> 97</a></span>
-telle que je n'aie pas pu m'empcher de te trouver et
-que je t'aime comme je t'aime car je n'ai rien fait pour
-t'aimer. Mon amie, sur cent femmes, il y en a quatre-vingt-dix-neuf
-qui se fcheraient d'une dclaration
-aussi peu exalte, aussi peu fleurie et aussi peu romanesque.
-Il est impossible que tu n'aimes pas mieux
-l'histoire que les romans, que tu ne sois pas cette
-femme qui complte la centaine et qui, par consquent,
-me sache gr de ces paroles.</p>
-
-<p class="space date">Ce 31.</p>
-
-<p>Bonne amie, je n'ai pas trouv un moment, un seul
-petit moment pour t'crire. J'ai t accabl d'affaires
-et d'importuns. Je ne mens pas si j'ai aval une vingtaine
-de Numros 1 et encore quels Numros 1!</p>
-
-<p>Je fais partir le courrier pour Paris ce soir. C'est le
-premier courrier hebdomadaire duquel je me sers. Ne
-sachant pas par quel courrier ira ma lettre de Paris
-Londres, je l'envoie <i>masque</i>. Tu peux tre sre d'en
-recevoir maintenant une par semaine par Paris, et
-d'autres par toutes les occasions sres. Stewart va m'en
-offrir une tout l'heure. Il nous quitte de quelques
-jours plus tt&mdash;si toutefois il ne s'endort pas sur le
-fait&mdash;qu'il n'avait voulu, pour viter certaine duchesse
-qu'il ne veut pas rencontrer et qui va nous arriver<a id="FNanchor_250" href="#Footnote_250" class="fnanchor">&nbsp;[250]</a>.
-Il est furieux contre elle, car il y a des nouvelles qui
-portent qu'elle aurait eu une liaison avec Paul<a id="FNanchor_251" href="#Footnote_251" class="fnanchor">&nbsp;[251]</a>, qui
-effectivement a couru en mme temps qu'elle de Florence
-<span class="pagenum"><a id="Page_98"> 98</a></span>
- Rome et Naples, et de Naples Rome, Florence
-et je ne sais o. Paul est all rejoindre sa femme
-Ratisbonne. De l il viendra ici. Je l'y retiendrai trois
-ou quatre jours, et je vous l'envoie aprs l'avoir bien
-grond d'avoir fait le voyage qu'il vient de faire. C'est
-un bon enfant, mais qui va toujours sans savoir pourquoi
-ni comment.</p>
-
-<p>Prends-le un peu sous ta frule, mon amie, et prouve-lui
-qu'il faut savoir ce que l'on fait pour faire bien.
-Voil une commission toute naturelle pour la mre du
-corps diplomatique. Tu vois que je t'emploie tout;
-c'est que tu es bonne toute chose.</p>
-
-<p>L'anne va finir, cette anne qui m'a laiss dans
-une carrire que je croyais ne plus courir, que mme
-j'tais dcid viter, fuir comme on fuit la peine.
-Pauvre amie, nous y voil! La peine mme s'y trouve.
-Et pourquoi a-t-il fallu que j'aime aujourd'hui peine,
-chagrins, privations comme ma vie, plus que ma vie!
-L'esprance est l, il ne faut qu'elle pour soutenir
-l'me et la rendre plus forte que l'adversit.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_99"> 99</a></span>
-Mon amie, je finis l'anne en pensant et en m'occupant
-de toi. Il va sonner minuit, je suis sr que tu ne
-laisses pas passer cette heure sans penser ton ami.
-J'ai t passer deux heures un bal. Je l'ai quitt
-pour tre avec toi, c'est un sacrifice que j'ai fait et
-auquel j'ai t assez heureux pour ne pas tre forc.
-C'en est un de moins dans ma vie.</p>
-
-<p>L'heure, mon amie, sonne et nous voil amis <i>de l'an
-dernier</i>; il me parat que nous serons ceux de l'anne
-qui commence, de toutes celles qui suivront. Je suis
-dcid ne pas te quitter; si tu me chasses, encore ne
-te quitterais-je pas. Aprs tout, ne me renvoie pas: les
-annes se suivent et les amis ne se ressemblent pas.
-Tu n'en trouveras plus jamais un aussi <i>tien</i> que celui
-que tu as trouv, entre Aix-la-Chapelle et Spa, l'anne
-du Congrs, 1818. Si 1819 n'tait pas plus prs de toi
-que 1818, je n'aimerais pas l'heure actuelle. Je dteste
-le passage d'une anne l'autre. Je suis si enclin
-prfrer ce que je connais ce que je dois apprendre
-connatre, que je porte mes affections mme aux quatre
-chiffres que j'ai t habitu crire.</p>
-
-<p>Pourquoi me parais-tu une amie ancienne, une amie
-de toujours? Pourquoi n'y a-t-il rien dans notre si
-courte liaison qui me frappe, qui me paraisse connu,
-prouv, senti? Tu es, au bout de deux mois, pour moi,
-une habitude forte comme la vie; je t'aime comme je
-respire et je te trouve dans mon c&oelig;ur comme si tu
-tais ne avec lui! Je t'expliquerai cela un jour au
-moyen d'une belle thse de <i>ma</i> philosophie, qui n'est
-pas celle de tout le monde, mais qui mriterait de
-l'tre. Elle n'arrivera cependant jamais pareil honneur,
-car elle est simple et vraie, ce qui pis est.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_100"> 100</a></span>
-Adieu, mon amie. Je ne te prie pas de ne pas m'oublier
-en 1819, je t'en conjure; avec un peu plus d'audace
-que je n'en possde, je t'en dfierais mme.</p>
-
-<p class="space date">Ce 2 janvier 1819.</p>
-
-<p>Sch&oelig;nfeld<a id="FNanchor_252" href="#Footnote_252" class="fnanchor">&nbsp;[252]</a> est arriv ici hier. C'est te dire que je
-suis en possession de ton n<sup>o</sup> 6. Le n<sup>o</sup> 5 me parviendra
-probablement par le courrier hebdomadaire, qui arrive
-toujours plus tard que les courriers extraordinaires, vu
-les dtours qu'il fait pour ramasser les correspondances
-de nos missions en Allemagne.</p>
-
-<p>Mon amie, je te remercie de tout ce que renferme
-ton n<sup>o</sup> 6, et de mme pour tout ce que tu m'auras dit
-dans le prcdent. Tu vois que je prends tes paroles en
-confiance, avant mme de les connatre.</p>
-
-<p>Mes lettres te conviennent; j'en tais sr, car mes
-lettres sont moi. Dans un rapport comme le ntre, o
-la meilleure partie de nos tres est seule en contact,
-des lettres sont beaucoup; elles sont peut-tre infiniment
-plus.</p>
-
-<p>C'est mon me qui t'a choisie, ce ne sont pas mes
-yeux; c'est mon c&oelig;ur qui t'aime, ce n'est pas la
-matire. Tout ce que j'ai de meilleur dans mon essence,
-le seul lment que j'aime en moi t'appartient. C'est
-lui que tu retrouves dans mes lettres. Il ne peut plus
-rien exister dans mon tre moral que tu ne connaisses;
-si tu pouvais encore chercher autre chose ou plus, tu
-<span class="pagenum"><a id="Page_101"> 101</a></span>
-te tromperais: rien n'est autre en moi que tu ne le
-voies, rien, absolument rien.</p>
-
-<p class="space date">Ce 3.</p>
-
-<p>Le courrier militaire vient d'arriver; il m'a apport
-ton n<sup>o</sup> 5 avec son supplment. Aucune de tes lettres ne
-me manque donc. Tu me manques. Tu sais donc tout
-ce que je n'ai pas et ce tout est ce qui constitue mon
-bonheur.</p>
-
-<p>Mon amie, je n'aime pas tes petites souffrances; les
-femmes sont organises de manire pouvoir, peut-tre
-mme devoir souffrir souvent, sans que leur existence
-soit mine par de petits maux. Mais tu es dlicate,
-tu es maigre, il te faut du mnagement et de
-grands soins. Voue-les ton existence tout entire;
-elle m'appartient. Tu me dois de te conserver, de te
-mnager, de te soumettre tout rgime que peut exiger
-ton tat. Ma bonne amie, que ferais-je dans ce monde
-sans toi?</p>
-
-<p>Je n'ai fait que lire tes lettres, vite et comme on lit
-tout ce qu'on voudrait savoir et ce qu'on est pein de
-finir. Mon amie, tes lettres sont parfaites, je ne te dis
-pas charmantes, car, entre toi et moi, cette pithte
-ne trouve plus se placer. Elles sont parfaites, parce
-qu'elles peignent de la manire la plus simple et, par
-consquent, la plus loquente, l'tat de ton me, de
-cette me si bonne et si forte, si confiante et si dlicate.
-tes-en une seule nuance et je t'aimerais moins;
-ajoutes-y et je ne t'en aimerais pas plus. Es-tu satisfaite
-de cet aveu?</p>
-
-<p>Tu ne veux pas que je te permette d'tre infidle et
-tu as raison. Mais crois-tu que je puisse vouloir te le
-<span class="pagenum"><a id="Page_102"> 102</a></span>
-permettre? Non, certes, mon amie. Je ne te l'ai
-jamais permis; je ne te le permets pas; j'en serais au
-dsespoir, et je ne vois pas mme le dsespoir qui pourrait
-m'empcher de t'aimer. Je pleurerais de peine et
-de dsespoir&mdash;et je t'aimerais; je voudrais ne pas vivre&mdash;et
-je t'aimerais. Tu aimerais un autre que moi? Eh
-bien, mon amie, je continuerais aimer l'tre qui m'a
-aim et que j'aurais perdu, je n'en voudrais pas cet
-tre, car je croirais qu'il a <i>mieux</i> trouv que moi; je
-me retirerais de tout commerce&mdash;et je t'aimerais
-peut-tre malgr moi&mdash;car ma peine, mes regrets,
-mon dsespoir mme ne seront que de l'amour.</p>
-
-<p>Es-tu assez forte pour concevoir que, dans cette
-manire de sentir, il y a plus d'amour que dans toute
-autre? Trouves-tu qu'il y a de la prudence s'expliquer
-ainsi que je le fais? Si tu as de la peine rsoudre
-cette dernire question, je vais te mettre l'aise. De
-la prudence? Il n'y en a pas; mais je ne puis plus tre
-prudent vis--vis de toi. Tout ce que je possde de
-cette vertu doit tre us en prudence <i>ton profit</i>. Mon
-amie, t'ai-je trompe quand je t'ai dit que j'avais la
-conviction de savoir aimer plus que personne, d'tre
-capable d'un abandon bien autre que celui que l'on
-rencontre dans des amis et dans des amants pris dans
-la foule? Me vois-tu aujourd'hui tel que je suis? Le
-monde, enfin, mon amie, me juge-t-il bien?</p>
-
-<p>Rien en moi n'est douteux pour mes amis. C'est pour
-cela que j'en ai peu la vrit, mais il n'est point dans
-la nature des choses d'en avoir beaucoup. Quelques
-amis bien srs, bien dvous, comptant sur moi comme
-sur eux-mmes, <i>une amie</i>, voil ma fortune; un intrieur
-doux et tranquille, une femme excellente, mre
-<span class="pagenum"><a id="Page_103"> 103</a></span>
-de bons enfants qu'elle lve bien, voil ma vie tout
-entire.</p>
-
-<p>Je trouve dans ta lettre un mot bien naturel et qui
-doit venir toute femme. Vous croyez toujours le c&oelig;ur
-des hommes d'une trempe diffrente du vtre, et les
-femmes supposent constamment que les hommes
-peuvent se passer bien plus facilement d'amour qu'elles,
-vu la distraction que leur causent les affaires.</p>
-
-<p>La thse n'est pas correcte. Il s'agit avant tout de
-distinguer deux lments qui se confondent dans cette
-sensation que l'on est convenu d'appeler amour. La
-partie physique est bien plus forte et par consquent
-bien plus prononce dans les hommes que dans les
-femmes. La fleur du sentiment est plus dlicate, plus
-fine, plus active dans les femmes. Le sentiment de
-l'amour, cette base premire de tous les sentiments
-nobles et gnreux, est galement partag par les deux
-sexes, le fait est le mme, mais les nuances diffrent.
-Crois-tu, mon amie, que tu m'aimes plus que je t'aime?
-Tu te trompes.</p>
-
-<p>Les affaires empchent qu'on ne se livre vingt
-occasions; elles empchent les bonnes fortunes, mais
-pas l'amour. J'aime plus que je n'aimerais si j'tais
-fainant; la pense de mon amie ne m'abandonne pas
-au milieu de l'affaire la plus forte; elle ne me distrait
-pas de mon devoir, elle en renforce au contraire le
-sentiment. Elle ne mollit pas mon action, elle la renforce.
-L'amour est pour moi une conscience; or, jamais
-la conscience n'a-t-elle manqu d'tre le premier de
-tous les lments de force et de volont?</p>
-
-<p>Ce que je te dis ici n'est toutefois pas applicable
-tous les hommes, mais ces hommes-l sont faibles et
-<span class="pagenum"><a id="Page_104"> 104</a></span>
-une me faible n'est pas susceptible d'un fort lan.
-Elle succombe avant d'tre arrive au but.</p>
-
-<p>Sais-tu o est la vritable diffrence entre les deux
-sexes? L'amour est la vie de la femme, elle n'est
-qu'une partie de celle d'un homme; la force du sentiment
-peut tre la mme, bien qu'il ne porte que sur
-une partie de la vie. Crois-tu qu'il soit un moment
-dans la journe o je ne cause avec toi, o je ne sente
-le bonheur de t'avoir trouve, o je ne souffre de tant
-d'loignement et d'entraves qui existent entre mon
-bonheur et le tien?</p>
-
-<p>Console-toi du carnaval de Vienne. Il n'en est pas
-pour moi. Veux-tu savoir mon train de vie? Le voici
-pour toute l'anne.</p>
-
-<p>Je me lve entre 8 et 9 heures. Je m'habille et je
-vais djeuner chez Mme de M... J'y trouve mes enfants
-runis et je reste avec eux jusqu' 10 heures. Je rentre
-dans mon cabinet et je travaille ou je donne des audiences
-jusqu' une heure. S'il fait beau, je sors cheval.
-Je rentre 2 heures et demie. Je travaille jusqu'
-4 heures et demie. Je passe dans mon salon; j'y trouve
-journellement huit, dix douze personnes qui viennent
-dner chez moi. Je rentre dans mon cabinet 6 heures
-et demie. Je vais peu prs tous les jours 7 heures
-chez l'Empereur. J'y reste plus ou moins longtemps, et
-je me remets travailler jusqu' 10 heures et demie ou
-11 heures, ou je passe dans mon salon, o se rassemble
-qui veut de la socit ou d'trangers. Je passe ordinairement
-une heure causer avec <i>tes enfants de Vienne</i>. Je
-dis un mot aux femmes et je me couche une heure.</p>
-
-<p>Le carnaval, le carme, l'hiver, l't, je ne change
-rien ma vie. S'il y a un bal auquel je ne puis chapper,
-<span class="pagenum"><a id="Page_105"> 105</a></span>
-j'y vais passer une heure ou deux, entre 11 heures
-et 1 heure.</p>
-
-<p>Tu peux tre sre que tu me trouveras toujours un
-endroit fixe telle heure de la journe que tu penseras
- moi.</p>
-
-<p>J'ignore si tu es bonne astronome, je me permets
-mme d'en douter. Eh bien, sache qu'il y a entre
-Vienne et Londres peu prs une heure de diffrence,
-c'est--dire que, quand il est 11 heures Londres, il
-est midi Vienne, et ainsi du reste. Tu vois que je ne
-veux pas que tu te trompes mme sur l'heure.</p>
-
-<p>Je te remercie d'aimer un peu Marie<a id="FNanchor_253" href="#Footnote_253" class="fnanchor">&nbsp;[253]</a>. Je t'ai dit
-qu'elle tait moi et le fait est tel, sous tous les rapports
-essentiels. La marche de son esprit est entirement
-conforme celle du mien. Elle a la plupart de mes
-ides et surtout la mme manire de les exprimer! Je
-te rponds que notre correspondance a l'air d'un
-recueil de lettres places sous diffrents noms, mais
-crites par le mme auteur. Si jamais il m'en arrive
-une de ce genre, je te l'enverrai. Tu riras, car toute
-ressemblance fait rire; elles ont cela de commun avec
-les chutes dans les salons.</p>
-
-<p>Je trouve, dans ton n<sup>o</sup> 5, que l'ide de m'ennuyer
-te fait l'effet de l'eau froide. Demande-moi pardon
-du mot que je ne te pardonne pas, mme vu l'effet
-que la pense produit sur toi. Toi m'ennuyer, mon
-amie! toi, aujourd'hui mon seul bonheur, avec tes
-lettres, la seule ressource dans l'absence? Crois-tu que
-l'ide m'en vienne moi, qui t'cris des volumes? <i>Je
-prends sur moi de t'assurer en toute conscience que je ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_106"> 106</a></span>
-t'ennuie pas.</i> Vois un peu la diffrence qu'il y a entre
-nous deux. Or il ne faut pas qu'il y en ait aucune,
-d'aucun genre, pas la plus lgre.</p>
-
-<p>Je veux que tu aies mme mes dfauts, et commence
-par prendre mon <i>immense prsomption</i>. De moi toi,
-tout est certitude; il faut que de toi moi, tout soit
-confiance, si tu ne m'aimes pas assez pour remplacer
-la confiance par la certitude. Je me crois plus fort que
-toi, mon amie, car je suis ptri de foi, tandis que
-tu n'en es qu' l'esprance, et tu veux me faire croire
-que tu m'aimes plus que je ne t'aime? La seule prtention
-que je ne te permets pas, c'est celle-l.</p>
-
-<p>Mon amie, commences-tu comprendre pourquoi je
-ne puis me contenter d'une liaison avec une <i>petite
-femme</i>? Ne vois-tu pas o l'entreprise doit essentiellement
-trouver sa fin? Sais-tu quand je puis tre heureux
-et quand je ne saurais l'tre? Crois-tu qu'il me suffise
-de possder une jolie petite mine, de dominer un gentil
-petit tre, tout frais, tout doux et tout vide de sens?</p>
-
-<p>Crois-tu que j'aime pour la seule partie matrielle, et
-que je subordonnerais, la forme de deux yeux placs
- la naissance d'un joli nez, une seule nuance de cet
-esprit du c&oelig;ur qui seul parvient me fixer? Si tu le
-crois, tu ne me connais pas; si tu le crains, tu ne me
-connais pas encore; si tu ne crois rien du tout, tu ne
-m'aimes pas.</p>
-
-<p class="space date">Ce 4.</p>
-
-<p>Je finis ma lettre pour te l'envoyer par Stewart;
-elle t'arrivera intacte, car je sais ce qu'il faut pour cela.
-J'espre que tu ne te plaindras pas de recevoir trop peu
-de lettres. Tu en as joliment pour un commencement
-<span class="pagenum"><a id="Page_107"> 107</a></span>
-de liaison. Aussi, de tous les faits, celui que je sens le
-moins, c'est celui d'un commencement quelconque
-entre nous. Tu es pour moi tout ce que je connais le
-plus, tu me parais une habitude, rien n'est neuf en
-moi quand je pense toi. La foi dplace les montagnes
-et l'amour dtruit mme les espaces.</p>
-
-<p>Notre correspondance, mon amie, aura pour nous
-l'avantage de nous faire retrouver anciens amis. Je
-n'aurai plus rien te dire sur le pass, et j'aurai le
-temps de m'occuper en entier du bonheur du moment.</p>
-
-<p>St[ewart] part parce qu'il doit tre Londres pour
-l'ouverture de la Chambre, qu'il espre tre la fin de
-son procs<a id="FNanchor_254" href="#Footnote_254" class="fnanchor">&nbsp;[254]</a>. Je le dsire beaucoup pour lui, parce
-que je l'aime comme un homme trs sr et qui me
-connat. Il lui en est un peu all comme toi: il a
-commenc par me dtester. Il me parat que mes succs
-commencent toujours par des dfaites.</p>
-
-<p>Adieu, ma bonne amie. Je t'envoie un soufre d'un
-intaglio<a id="FNanchor_255" href="#Footnote_255" class="fnanchor">&nbsp;[255]</a> que Pichler a fait de moi<a id="FNanchor_256" href="#Footnote_256" class="fnanchor">&nbsp;[256]</a>. Le portrait
-<span class="pagenum"><a id="Page_108"> 108</a></span>
-est bien plus jeune que je ne le suis; il y a six ans qu'il l'a
-fait, et j'ai vieilli de vingt ans depuis la Sainte Alliance.
-Si le portrait de Lawrence russit compltement, je
-t'enverrai une petite copie <i>bien cache</i>. Envoie-moi
-l'paisseur de ton bras. Je veux te faire faire un bracelet
-bien joli, que tu porteras en honneur de l'anne
-1818. Je l'aime, cette pauvre anne. J'en aime
-mme la connaissance, que j'ai eu le bonheur d'y
-faire, du commandant de Spa. J'en aime le souvenir,
-car ce souvenir est devenu ma vie. Bonne amie, ne va
-pas croire que je te parle ici de Ficquelmont<a id="FNanchor_257" href="#Footnote_257" class="fnanchor">&nbsp;[257]</a>. La
-phrase prte l'quivoque, mais mon c&oelig;ur la rectifie.</p>
-
-<p>Adieu. Use comme moi de tes moments de loisir.
-Ce sont les seuls que j'aie maintenant. Il est impossible
-qu'il n'y ait pas assez d'occasions de courrier de Londres
- Paris desquels puisse profiter N[eumann]. Adieu.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_109"> 109</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 11.</h2>
-<p class="date">Ce <a href="#nov">5 janvier 1819.</a></p>
-</div>
-
-<p>St[ewart] est parti hier. Il a emport mon n<sup>o</sup> 10.
-St[ewart] et ma lettre sont bien plus heureux que moi,
-l'un va te trouver et l'autre te reste. Moi, mon amie,
-je suis Vienne, loin de toi, pour m'loigner encore!
-Je vis ici tandis que le principe de ma vie est loin de
-Vienne! J'y suis oblig de penser, tandis que mon
-me est 400 lieues! La seule chose que je ne fais
-pas Vienne, c'est d'y aimer! J'aime l o est mon
-c&oelig;ur, et mon c&oelig;ur n'est pas ici; or je ne sais pas
-aimer sans cesse ni mme en faire le semblant. Ainsi,
-plains-moi de ta propre peine et sois pleine de chagrins
-et de confiance.</p>
-
-<p>J'ai pris le plus tendre cong du monde de notre
-ami St[ewart]. Marie m'crit de Paris que je ne sais
-laquelle de ses anciennes amies a une manire d'embrasser
-qui coupe l'haleine. Eh bien, j'ai manqu touffer
-entre les bras de St[ewart]. Il a les passions vives et,
-ds qu'il est veill, il a les gestes prononcs. Il m'a tellement
-embrass que, ne trouvant plus rien dans ma
-figure qui ne ft couvert de baisers, il a fini par me baiser
-la main. Je ne lui ai cependant jamais dit que j'aimais
-qu'on me baise la main. Il a absolument voulu que
-je lui donne un mot pour toi. Je lui ai dit que non, vu la
-<span class="pagenum"><a id="Page_110"> 110</a></span>
-jalousie de ton mari<a id="FNanchor_258" href="#Footnote_258" class="fnanchor">&nbsp;[258]</a>. Il m'a promis qu'il te remettrait
-un billet en tte--tte; je lui ai dit qu'en fait de tte--tte,
-je n'aimais que ceux o je me trouvais faire moi-mme
-le second. Mais je l'ai charg de te dire mille
-belles choses, de t'assurer que je pensais beaucoup
-toi, que je te regardais comme une femme charmante,
-bonne et sre; qu'il n'y avait pas un genre de bon
-sentiment que je ne voulusse te conserver pour le reste
-de ma vie, qu'enfin je serais bienheureux de te revoir
-un jour. Mon amie, j'ai pu dire tout cela sans dire un
-mot qui ne ft point de la plus stricte vrit. St[ewart]
-m'a promis qu'il te redirait tout.</p>
-
-<p><i>Il</i> est bon et <i>il</i> a beaucoup <i>de</i> l'esprit, m'a-t-il
-assur, avec l'accent de la forte conviction; je l'aime
-parce qu'<i>il</i> est <i>un</i> femme excellent.</p>
-
-<p>Tu vois, bonne amie, que nous ne t'avons pas maltraite
-entre nous deux. Aussi ne le mriterais-tu pas.
-Je t'aime&mdash;tu dois t'en douter un peu&mdash;et je suis fort
-attach St[ewart], qui me porte un bon sentiment de
-confiance et de vritable amiti.</p>
-
-<p>La duchesse de Sagan<a id="FNanchor_259" href="#Footnote_259" class="fnanchor">&nbsp;[259]</a> est ici; je crois te l'avoir
-<span class="pagenum"><a id="Page_111"> 111</a></span>
-mand dernirement. J'ai fait viter St[ewart] une
-rencontre avec elle chez Lawrence. Elle allait avoir
-lieu sans un heureux hasard. Elle a fait la sottise de
-tourner la tte Paul<a id="FNanchor_260" href="#Footnote_260" class="fnanchor">&nbsp;[260]</a> en Italie, qui de son ct
-fait celle de faire ce voyage non seulement sans ma
-permission, mais contre mon gr. Je l'attends ici,
-dans peu de jours, de Ratisbonne o il est en mnage.
-Je lui laverai firement la tte, et je le renverrai en
-deux fois vingt-quatre heures.</p>
-
-<p>J'ai au reste commenc par gronder d'importance
-la duchesse; je lui ai fait verser des larmes amres
-sur sa conduite; elle a pleur de conviction, ainsi qu'il
-lui arrive aussi souvent que je lui dis la vrit&mdash;et
-elle recommencera demain faire de nouvelles sottises.
-Rien, dans ce bas monde, ne ressemble une mauvaise
-tte de femme. Madame de S[agan] est une personne
-de beaucoup d'esprit, d'une forte conscience, d'un jugement
-infiniment sain<a id="FNanchor_261" href="#Footnote_261" class="fnanchor">&nbsp;[261]</a> et d'un calme physique peu
-prs imperturbable. Eh bien! elle ne fait que des btises,
-elle pche sept fois par jour, elle draisonne et elle
-aime comme l'on dne. J'ai su tout cela quand, dans
-un moment d'abandon du ciel, j'ai voulu la <i>rendre raisonnable
-en actions</i>. J'avais entrepris la besogne sans
-<span class="pagenum"><a id="Page_112"> 112</a></span>
-amour; j'ai pouss l'entreprise par enttement; je m'y
-suis livr comme la solution d'un problme de haute
-science. Je n'ai rien fait; je me suis fch contre moi-mme,
-j'ai t plein de rancune contre moi; je me suis
-trouv si sot que je me suis fait piti; mais il n'est pas
-dans ma nature d'abandonner lgrement une volont.
-Je me suis plac un terme et, avec la mme force de volont
-avec laquelle je l'ai atteint, je ne l'ai pas franchi<a id="FNanchor_262" href="#Footnote_262" class="fnanchor">&nbsp;[262]</a>.</p>
-
-<p>Mon amie, voil <i>mon aventure</i> avec Mme de
-S[agan]. Il me reste, de cette poque de ma vie, un sentiment
-de peine et de dgot que je puis sentir, mais
-pas dcrire. Toi qui me connais maintenant, tu ferais
-mieux le tableau de ce que j'prouve que je ne pourrais
-le faire moi-mme. Plusieurs de mes amis, au fait
-de la chose, n'ont jamais conu que je puisse en tre
-amoureux. Je ne l'ai jamais t: j'ai aim et soutenu
-mon entreprise impossible; je m'y suis livr avec la
-constance que je mets en toutes choses. Je l'ai abandonne
-comme un mathmaticien abandonnerait,
-aprs des annes de recherches, la solution de la quadrature
-du cercle. J'ai enfin t fou, comme l'est ce
-mathmaticien, quand il se livre une recherche place
-hors de tout succs.</p>
-
-<p>Ces mmes amis n'ont pas conu davantage comment
-j'ai pu ne pas me brouiller couteau tir avec cette
-femme. Je ne me suis pas brouill avec elle, parce
-que je ne l'estime pas assez pour cela&mdash;je me suis
-brouill son sujet avec moi-mme. Je ne la hais
-pas, parce que je ne l'ai jamais aime; je hais le temps
-<span class="pagenum"><a id="Page_113"> 113</a></span>
-que j'ai vou une conception fausse, et je me suis
-arrt l pour tre dispens de me har moi-mme.</p>
-
-<p>Mon amie, voil encore un ct que tu apprends
-connatre en dtail, que je n'ai jamais trouv l'occasion
-de t'expliquer, et que je veux que tu connaisses, car je
-veux que tu n'aies nulle illusion sur mon compte.
-J'ignore si je ne tiens pas tout autant tre connu de
-toi qu'aim; il est de fait que je ne tiendrais pas ton
-amour, s'il ne portait sur moi, tel que je suis, et si au
-contraire il pouvait porter sur un tre de raison qui ne
-serait pas moi. Entre nous, mon amie pour la vie,
-point d'illusion sur une question fondamentale quelconque.
-J'ai vingt dfauts, tu finiras par les connatre
-tous. Je ne crains pas de te les dcouvrir, car je crois
-tre sr d'avoir encore plus de qualits essentielles.
-Je tremble quelquefois davantage de ton opinion trop
-favorable que de lgers doutes. Je tiens ce que ton
-jeu soit sr; je me mpriserais si je ne me plaais pas
-vis--vis de toi dans <i>l'indcente parure de la vrit</i>; je
-mourrais le jour o je me mpriserais.</p>
-
-<p class="space date">Ce 7.</p>
-
-<p>Voil tout l'heure un mois que je suis Vienne.
-Il va y en avoir deux et peu de jours que je t'aime; le
-mois de Vienne me parat un sicle; le temps que je
-t'aime me parat un instant. Mon amie, tu m'as crit
-dernirement que tu recherchais toujours dans mes
-lettres des mots qui te prouvent mon sentiment pour
-toi. Je crois que la dcouverte ne doit gure te coter
-de peine.</p>
-
-<p>Mon parti est pris; je ne quitterai Vienne que vers
-la fin de fvrier, et je ne rejoindrai l'Empereur qu'
-<span class="pagenum"><a id="Page_114"> 114</a></span>
-Florence. J'attends, pour fixer ma pense sur le mois
-de juillet, ta premire rponse la lettre que je t'ai
-crite ce sujet.</p>
-
-<p>Nous avons ici quelques Anglais: un milord et
-une Lady Ponsonby<a id="FNanchor_263" href="#Footnote_263" class="fnanchor">&nbsp;[263]</a>, personnages insignifiants; un
-master et une miss Talbot, plus insignifiants encore,
-un lord Bingham<a id="FNanchor_264" href="#Footnote_264" class="fnanchor">&nbsp;[264]</a>, jeune homme d'une jolie figure.
-Cette figure-l lui vaut des &oelig;illades dans la socit. Si
-j'tais femme, je le trouverais trop jeune et trop joufflu;
-comme homme, je le trouve par trop insignifiant.
-Il a des bras et des coudes tellement arrondis que je
-parie gros que ses ides ne le sont pas.</p>
-
-<p>Nous sommes occups depuis une quinzaine des sottises
-qui se font Paris<a id="FNanchor_265" href="#Footnote_265" class="fnanchor">&nbsp;[265]</a>. Je ne voudrais pas tre
-<span class="pagenum"><a id="Page_115"> 115</a></span>
-premier ministre dans ce pays, mais, si je l'tais, je
-ferais bien des choses qui ne s'y font pas. Il y a, dans
-tout cela, un homme qui fait beaucoup de mal, car il
-a le malheur d'tre un aventurier, et il n'est, mon
-avis, point d'exemple qu'un aventurier ait fait du
-bien<a id="FNanchor_266" href="#Footnote_266" class="fnanchor">&nbsp;[266]</a>. Si tu ne devines pas l'homme, je ne te le
-nomme pas, et pour cause.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_116"> 116</a></span>
-Lord Castlereagh parat avoir couru de bien grands
-dangers<a id="FNanchor_267" href="#Footnote_267" class="fnanchor">&nbsp;[267]</a>. J'aurais t bien pein qu'il lui ft arriv
-du mal. Tu vois que je ne suis pas d'accord en tous
-points avec notre amie, Lady Jersey.</p>
-
-<p>Ma bonne amie, j'ai l'air de t'avoir quitte pendant
-tout le temps qu'il m'a fallu pour crire la page et
-demie qui prcde; je rpare l'apparence par l'assurance
-<span class="pagenum"><a id="Page_117"> 117</a></span>
-que je t'aime du fond de mon c&oelig;ur et de toutes
-mes meilleures facults.</p>
-
-<p>Nous sommes envelopps dans les brouillards. Le
-temps n'est pas froid, mais il me fait du mal; mon physique
-mme a l'air de rpugner tout ce qui n'est ni
-froid ni chaud. Ma pauvre amie, je suis sr que nous
-avons encore de commun cette disposition toute physique.
-Si brouillard il y a, pourquoi ne respirons-nous
-pas la mme vapeur: il vaut bien la peine que le ciel
-fasse du brouillard Londres et Vienne; je le dispenserais
-de tant de soins, s'il voulait me permettre de
-m'envelopper avec toi du mme.</p>
-
-<p>Le carnaval, que tu crains tant, a commenc par un
-bal que nous a donn M. de Caraman<a id="FNanchor_268" href="#Footnote_268" class="fnanchor">&nbsp;[268]</a>. Le bal tait
-<span class="pagenum"><a id="Page_118"> 118</a></span>
-joli, tout ce qu'il y a de joli Vienne y tait rassembl.
-J'y suis arriv 11 heures et demie, pour en repartir
-une heure. Je n'ai point <i>pch</i> dans ce laps de temps. Je
-n'ai pas mme me reprocher d'avoir dit un mot plaisant
-ou fait pour plaire; je n'ai pas eu une pense
-aimable; je me suis tenu prs des numros 1 et 2
-masculins et fminins; aussi me suis-je senti un grand
-poids en entrant dans mon lit.</p>
-
-<p>Je vais donner un bal dans huit dix jours. Les bals,
-chez moi, sont toujours aimables, car ils se composent
-de 400 500 personnes. Mon local est grand, je puis
-faire souper assis plus de 200 personnes. Ce n'est galement
-pas ces jours-l que je pche.</p>
-
-<p>Adieu, mon amie. J'envoie cette lettre par le courrier
-hebdomadaire Paris. Engage N[eumann]
-m'envoyer bien exactement tes lettres. J'en ai le
-besoin le plus fort, ce besoin qui ressemble celui que
-nous autres, pauvres humains, avons de l'air. Il m'est
-si prouv que je vis bien plus hors de moi que dans
-moi, que je ne fais pas une phrase banale en me servant
-de cette comparaison.</p>
-
-<p>Je suis un homme singulier. Sais-tu ce qui, dans un
-rapport comme l'est le ntre, me tourmente souvent?
-C'est la seule ide qu'un lecteur indiscret pourrait
-trouver que mes lettres ressemblent celles qu'crivent
- foison tous les amoureux. Or, comme je suis convaincu
-que je n'aime pas comme le commun des
-amoureux et des amants, que mon sentiment est
-plac sur une ligne tout autre&mdash;et, je m'en vante,
-plus leve,&mdash;j'entre galement dans la peur que ce
-<span class="pagenum"><a id="Page_119"> 119</a></span>
-mme lecteur, en voyant cette dclaration, serait
-forc de me prendre pour un franc idaliste. Je ne
-suis pourtant ni un amant comme tous, et bien moins
-un idaliste, comme beaucoup d'entre eux.</p>
-
-<p>Je suis tout pratique, tout terre terre, tout simple.
-Je t'aime comme la vie; je satisfais un besoin en t'aimant
-et en te le disant. Rien de moi toi n'est plac
-hors de la ralit; je ne suis pas amoureux de toi, mais
-je t'aime. Je ne me livre aucune chimre, mais je
-m'accroche la vrit. Aussi, bonne amie, si tu ne
-sens pas comme moi, je ne t'en veux pas: si tu avais
-pass du temps avec moi, tu me comprendrais mieux;
-je te pardonnerais et je ne t'en aimerais pas moins.</p>
-
-<p>Adieu, bonne amie. Je te dirais: aime-moi et surtout
-ne m'oublie pas, si je ne sentais que je te dirais
-une btise et une injure.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_120"> 120</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 12.</h2>
-<p class="date">Vienne, ce 8 janvier 1819.</p>
-</div>
-
-<p>Mon amie, me voil arriv la douzaine; douze
-lettres qui, vu leur volume, en valent cinquante, et qui,
-vu ce que j'aurais voulu te dire, ne disent pas le quart
-de ce que j'ai senti en te les crivant. Les numros de
-mes lettres avancent, au reste, bien d'eux-mmes,
-tandis que le terrible temps n'avance pas!</p>
-
-<p>Ma bonne amie, je suis ici depuis un mois; je vais
-y passer encore peu prs six semaines. Le voyage
-d'Italie, loin de me faire plaisir, me pntre d'avance
-de dgot et d'ennui. Il ne me convient pas, parce
-qu'entre nous deux j'aurais prfr ne pas me dplacer,
- moins que cela ne soit bonnes enseignes et, en fait
-de bonnes enseignes, rien ne peut me conduire au midi.
-Pourquoi faut-il que tu sois tout juste l o tu es?
-Tout autre part, j'aurais la chance de te voir bien
-plus facilement et par consquent plus souvent. Il ne
-se passera gure deux ou trois ans sans que je ne franchisse
-les Alpes. Si tu tais Paris, nous ne serions
-pas spars par la mer, par cette mer qui suffit pour
-constater l'illgitimit d'un enfant, et qui a manqu
-engloutir Lady Castlereagh<a id="FNanchor_269" href="#Footnote_269" class="fnanchor">&nbsp;[269]</a>!</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_121"> 121</a></span>
-A Berlin, il suffirait d'un mdecin complaisant pour
-te faire aller aux eaux de la Bohme. A Vienne enfin!
-Je n'ose m'arrter cette pense! Sais-tu, sens-tu,
-mon amie, ce que serait Vienne, cette ville que je
-n'aime pas, qui m'excde aujourd'hui comme une
-matresse qui aime seule et que l'on paie de dgot et
-de haine? Mon amie, faut-il donc absolument que la
-distance se mle, parmi tant d'autres obstacles, toutes
-les difficults qui se trouvent places entre nous, qui
-sommes si fort faits pour nous appartenir? Ns
-800 lieues l'un de l'autre, la nature a eu l'air de ne
-pas vouloir elle-mme que nous nous rencontrions
-jamais. Le contact a eu lieu; il a t dcisif, et nous
-voil de nouveau la moiti de la distance premire.
-Ne va pas croire que je regrette la rencontre Aix-la-Chapelle,
-ce lieu de circonstance et cependant si dcisif;
-je l'aime comme tout ce qui me ramne toi, toi
-qui me fait aimer jusqu' ma peine. Permets-moi de
-me plaindre, jusqu'au jour o je n'aurai plus aucun
-motif de <i>nous</i> plaindre.</p>
-
-<p>Je suis actuellement bien longtemps sans nouvelles
-de ta part. Je sais que le fait ne saurait tre autre, et
-j'attends avec impatience tes premires nouvelles par
-N[eumann]. Je ne sais pourquoi il me parat que tu
-m'appartiendras davantage le jour o tu seras ses cts.
-Je trouve quelque chose de plus rgl dans la marche;
-je sais o te trouver, je calcule mes moyens, je dispose
-de ces moyens, et tout dans le cadre est plus <i>mien</i>. Bonne
-amie, sens-tu combien je suis heureux de pouvoir te
-mettre au nombre de mes <i>proprits</i>, de ne plus devoir
-te regarder comme un tre tranger? Sois loin autant
-que tu le voudras, tu ne m'appartiendras pas moins.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_122"> 122</a></span>
-J'ai eu aujourd'hui toute l'Angleterre viennoise
-dner chez moi. Je te l'ai dcrite dernirement, cette
-strile association d'tres insignifiants. J'ai t bien
-malheureux table, assis entre deux dames, dont celle
-qui parle le mieux le franais le parle dix fois plus
-mal que je ne parle l'anglais. Voil bien une autre
-entrave l'amour que la distance! A l'amour, s'entend,
-autre que celui qui se passe tout en actions et
-en gestes, et qui, par ce seul fait, est bien loign du
-ntre. Que ferions-nous si le ciel ne nous avait donn
-deux et mme trois langues et une foule de plumes
-pour nous parler? J'aime bien mieux encore nos
-entraves avec nos moyens, que toutes les facilits sans
-moyens de l'me et du c&oelig;ur; mais, bonne amie, ces
-moyens, tout bons qu'ils sont, laissent encore beaucoup
- dsirer! Je ne fais cette remarque que pour
-le lecteur indiscret qui, si je ne la faisais pas, me prendrait
- peine pour un homme; et pourtant je le suis, et
-bien homme. Tu ne m'aimerais pas, si je ne l'tais
-pas. Ce n'est que l'tre qui est bien et tout ce qu'il
-doit tre qui sait aimer. Il y a tant d'individus qui ont
-la prtention de le savoir, qui n'en ont pas les premires
-facults; ce sont ces tres-l qui assureront de la
-meilleure foi du monde que <i>je ne sais pas aimer</i>. Crois-tu
-encore qu'ils aient raison dans leur absurde thse?
-Comme l'<i>homme de glace</i> s'est fondu devant toi, combien
-tu dois lui avoir dcouvert de c&oelig;ur, l o on lui
-suppose le vide le plus rebutant! Jugez aprs cela sur
-les rputations! Vous-a-t-il aime? a demand une
-femme spirituelle une autre qui prtendait que son
-ami tait <i>une espce de moi</i>. Mon amie, tu pourrais
-bien te trouver, dans le cours de ta vie, dans le cas
-<span class="pagenum"><a id="Page_123"> 123</a></span>
-d'interjeter cet appel contre maint jugement sur mon
-compte? Et que me font tous ces jugements? Juge-moi,
-et je me soumets ton arrt, quel qu'il puisse tre.</p>
-
-<p>Bonsoir, mon amie. Je vais me coucher, car je ne
-me porte pas tout fait bien. Mes nerfs sont agacs et
-le temps froid et brumeux me fait toujours mal. J'ai
-vu par les feuilles qu'un terrible brouillard Londres
-y a intercept dans les salles de spectacle mme la
-vue de la scne<a id="FNanchor_270" href="#Footnote_270" class="fnanchor">&nbsp;[270]</a>. Nous n'avons pas de ces brouillards
-dans les rues de Vienne, mais il me parat qu'il
-peut en exister en moi.</p>
-
-<p class="space date">Ce 9 janvier.</p>
-
-<p>J'ai reu aujourd'hui le premier courrier hebdomadaire
-sans lettre de toi. Tu tais partie de Paris, sans
-doute, et j'en suis bien aise. Je suppose qu'il ne se passera
-pas huit jours sans que j'en reoive de N[eumann].</p>
-
-<p>Mon Dieu, combien les tres me paraissent heureux,
-qui ont le bonheur de pouvoir se plaindre que leur
-ami ou leur amie a laiss passer un quart d'heure
-duquel l'amour pouvait faire son profit. Huit jours ne
-me paraissent rien, force que les mois de sparation
-me paraissent longs.</p>
-
-<p>Ce courrier m'a au reste galement port des nouvelles
-de Londres, o tu ne pouvais point tre arrive.
-<i>En revanche</i>, j'ai une lettre de Lady Jersey, qui me dit
-sur peu prs six pages:</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_124"> 124</a></span>
-Qu'elle a reu avec beaucoup de plaisir la lettre que
-tu lui as remise de ma part, qu'elle m'aime beaucoup
-et qu'elle me prie de faire le bonheur des pauvres Italiens,
-bien malheureux <i>encore</i> (c'est--dire aussi longtemps
-que l'ancienne Rpublique romaine ne sera
-point sortie de la poussire de 19 sicles);</p>
-
-<p>Qu'elle aura un bien grand plaisir me revoir le
-plus tt possible, et qu'elle se flatte que M. Hobhouse
-sera lu reprsentant pour Westminster<a id="FNanchor_271" href="#Footnote_271" class="fnanchor">&nbsp;[271]</a>; qu'elle a
-fait avec plaisir la connaissance de Marie et qu'elle est
-fche que Lord Castlereagh ne se soit pas noy;</p>
-
-<p>Qu'elle compte bien aussi venir Vienne le jour de
-l'ouverture de nos Chambres.</p>
-
-<p>Elle se signe la fin, en m'apprenant qu'elle est,
-avec la plus sincre amiti et le plus profond respect,
-Lady Jersey.</p>
-
-<p>Il y a dans les femmes anglaises quelque chose de
-tout particulier. Leurs ides vont, comme leurs gestes,
-l o on ne croit jamais les voir arriver. Il y a, dans
-<span class="pagenum"><a id="Page_125"> 125</a></span>
-leur tte, une franchise de pense, une irrgularit
-d'ides qui ne peut tre rendue que par des tournures
-de phrases trangres tout style continental.</p>
-
-<p>J'ignore si le continent force la continence, mais
-celle des Anglaises ainsi que celle des Anglais, en
-actions, paroles et penses, est autre que la ntre.</p>
-
-<p>Ma bonne amie, je t'aime bien plus que Lady Jersey
-et je sais mme que, dans aucune position de ma vie,
-je n'eusse pu l'aimer autant que toi. Je parie que Lady
-Jersey, dans le commerce le plus intime, me trouverait
-trs peu lev, froid, sans imagination et par consquent
-apte peu de choses; tandis que toi tu me
-prendras toujours pour ce que je suis; ma pense est
-comprise par toi, ma volont l'est de mme, mon
-esprit te parat de l'esprit, et beaucoup plus d'lvation
-te paratrait de la folie. L'lvation de l'esprit doit
-correspondre la hauteur des objets; il n'est permis
-qu' l'imagination de franchir toutes les bornes hors
-celles des biensances.</p>
-
-<p>Mais, mon amie, la vie et toutes les choses dans
-cette vie sont des ralits, et elles offrent par consquent
-un but que l'on n'atteint qu'avec de l'esprit, et
-que l'on n'atteint pas ou que l'on franchit avec la seule
-imagination, ce qui vaut une dfaite.</p>
-
-<p>Il se passe aujourd'hui des choses Paris qui ne
-prouvent pas pour l'esprit de notre pauvre Richelieu,
-et qui passent de beaucoup ce qu'il s'est imagin<a id="FNanchor_272" href="#Footnote_272" class="fnanchor">&nbsp;[272]</a>.
-Lady J[ersey] serait peut-tre contente de moi, si elle
-savait que mon imagination s'est depuis longtemps
-leve la hauteur ncessaire pour prdire Richelieu
-<span class="pagenum"><a id="Page_126"> 126</a></span>
-ce qui arriverait. Elle sera au reste passablement contente
-de ce qui vient d'arriver.</p>
-
-<p>Je n'ai jamais form de v&oelig;ux plus sincres pour que
-le repos ne soit point troubl ni en France, ni autre
-part. Je les forme tels, d'abord parce que j'aime le
-repos public, tout autant que mon amie Lady Jersey
-aime le mouvement, et puis parce que dans le mouvement
-se trouvent d'immenses obstacles ce que le
-monde peut encore m'offrir de consolations et de
-bonheur! Il ne nous manquerait plus qu'une rvolution
-entre nous deux; je trouve qu'il y a bien assez
-des distances seules et des cent inconvnients qu'elles
-entranent pour deux pauvres amis tels que nous. Il
-m'est clair que, pour tre parfaitement heureux, il
-faudrait que je fusse ambassadeur ou, ce qui serait
-bien plus facile encore, simple voyageur <i>sans plus</i>.
-Combien il y a d'individus qui m'envient ce <i>plus</i> que
-je dteste! Combien je serais heureux, si je pouvais me
-dfaire de ce <i>plus</i> pour avoir <i>tout</i>!</p>
-
-<p>Mon amie, avec quelle impatience j'attends ta premire
-lettre! Comme je la lirai vite et comme je serai
-fch d'en avoir fini la lecture, mais aussi, combien je la
-relirai! Je viens de lire dans une gazette qu'un enfant
-est venu au monde qui avait le c&oelig;ur hors de la poitrine,
-par consquent hors du corps. Je comprends le fait
-aussi souvent que je pense toi, et je me retrouve un
-c&oelig;ur bien malade, ds que je fais un retour sur moi-mme;
-ce c&oelig;ur est alors bien <i>dans moi</i>.</p>
-
-<p class="space date">Ce 10.</p>
-
-<p>Je me trouve le temps de t'crire, et je vais l'employer,
-comme je n'ai rien rpondre des lettres
-<span class="pagenum"><a id="Page_127"> 127</a></span>
-que je n'ai pas encore reues, te faire une petite
-dduction philosophique sur les pressentiments.</p>
-
-<p>Notre tre se compose, sans nul doute, de deux
-essences. L'une est toute matrielle, c'est--dire
-toute soumise aux lois qui gouvernent la nature, telles
-que la pesanteur spcifique, les forces attractives et
-rpulsives, les oprations, les compositions et les
-dcompositions chimiques, etc., etc.</p>
-
-<p>L'autre est d'une essence toute diffrente; elle
-n'est (prise abstraitement) soumise aucune de ces
-lois&mdash;appelle-la me, esprit, tout comme bon te semblera.
-Ces deux essences, unies, forment la vie; spares,
-elles tablissent la mort de la partie matrielle,
-qui, abandonne aux seules lois qui gouvernent la
-nature, se dcompose bientt dans ses principes lmentaires.
-C'est ainsi, mon amie, qu'un jour les
-mmes combinaisons qui forment aujourd'hui <i>ton
-corps</i> vivifieront et animeront des centaines d'tres en
-entrant dans leur composition. L'me survit cette
-destruction, car elle n'est et ne peut point tre soumise
-aux conditions qui la ncessitent. Dans l'tat de vie,
-l'me a besoin d'<i>intermdiaires</i>, d'<i>organes</i> assez subtils
-pour ne pas chapper au contact de l'me et assez
-substantiels pour tre en rapport avec la matire plus
-grossire. Ces organes forment le systme nerveux.
-Toutes les ides nous viennent par le moyen des sens,
-tout comme la facult de les concevoir n'est que du
-domaine de l'me.</p>
-
-<p>Il faut que je passe par toutes ces petites dmonstrations
-assez pdantesques, pour arriver ma dmonstration.</p>
-
-<p>Je ne te demande que d'admettre mes thses prcdentes
-<span class="pagenum"><a id="Page_128"> 128</a></span>
-et de les regarder comme dmontres et
-comme chrtiennes, c'est--dire comme fondes sur
-la saine morale, qui, elle-mme, n'est que la saine raison.</p>
-
-<p>Il existe donc deux essences diffrentes entre elles,
-mais que le Crateur a trouv le moyen de placer, par
-des intermdiaires, dans un contact assez direct pour
-qu'elles puissent ragir l'une sur l'autre.</p>
-
-<p>C'est ainsi que l'me peut tuer le corps, et que la
-maladie peut suspendre toutes les fonctions apparentes
-de l'me. En admettant ces faits, il existe deux points
-de dpart pour un mme effet. Je m'arrte l'effet
-que l'on nomme l'amour.</p>
-
-<p>Nos sens peuvent nous porter vers un tre homogne;
-mais aussi l'me peut-elle rechercher sa
-pareille.</p>
-
-<p>Rien, sinon l'me (cet tre plac dans une si grande
-indpendance de ce <i>moi</i>, qui est bien lourd et bien
-matriel) ne peut faire la premire dcouverte de l'me
-qui correspond elle-mme (et les mes sont certes
-entre elles dans un contact qui chappe notre connaissance,
-parce qu'il chappe nos sens) sans que le
-<i>moi</i> s'en doute encore, sans que peut-tre il s'en doute
-jamais. Pour que la matire participe la connaissance
-du fait, il faut des circonstances matrielles: la rencontre,
-la vue, certaine influence peut-tre toute matrielle.
-Si ces circonstances n'ont pas lieu, la seule connaissance
-que vous acqurez se borne une pense,
- un dsir, une recherche vague et indfinie. Si elles
-ont lieu, bien des causes matrielles encore peuvent
-empcher que la pense et que les v&oelig;ux tout intellectuels
-ne se ralisent point: causes telles que la rencontre
-<span class="pagenum"><a id="Page_129"> 129</a></span>
-de personnes d'un ge trs diffrent, de relations
-soumises la gne d'un cadre donn, ainsi que la
-socit en offre beaucoup.</p>
-
-<p>Si, au contraire, aucun de ces obstacles matriels
-n'existe, si les individus sont placs sur une mme
-ligne intellectuelle, c'est--dire si la nature et la fracheur
-de leurs organes intellectuels est la mme et que
-le contact a lieu&mdash;alors, mon amie, ces tres ne
-s'chappent pas. Il s'tablit entre eux des rapports qui
-leur semblent connus; ce qui nat de la connaissance
-matrielle,&mdash;confiance, abandon, scurit&mdash;se dveloppe
-au moment du contact mme. Vous ne faites
-qu'apprendre connatre ce que vous connaissiez dj,
-vous croyez ce que vous savez, vous aimez ce que
-vous aimiez dj.</p>
-
-<p>Mon amie, trouves-tu un peu de solution de ce qui
-nous est arriv dans mes thses philosophiques? Crois-tu
- ma doctrine? Rentre en toi-mme et cherches-y
-la rponse mes questions.</p>
-
-<p>Or, l'un des reproches que bien des sots m'ont faits
-dans le cours de la vie a t celui que je ne savais pas
-aimer, parce que je raisonne l'amour.</p>
-
-<p>D'abord, je raisonne sur tout et en toute occasion,
-car j'aime bien mieux savoir que croire, et puis j'aime
-bien mieux ce qui m'est prouv que ce qui n'est que
-probable. Crois-tu que tu puisses perdre mon raisonnement?
-que le sentiment que je te porte puisse en
-devenir plus calme et surtout plus froid? en un mot
-que je n'aime pas mieux, vu mes raisonnements, que
-si je ne raisonnais pas? Perds-tu la thse que
-j'admets, qu'il puisse exister entre deux tres une identit
-de penses telle que rien ne puisse plus les sparer?
-<span class="pagenum"><a id="Page_130"> 130</a></span>
-que cette identit, se trouvant place sous l'empire
-d'une loi qui, ainsi que toutes, sont l'&oelig;uvre
-du Crateur lui-mme, est place ainsi hors des principes
-de destruction qui gouvernent la nature? Non,
-mon amie, tu ne te plaindras jamais que ton ami
-raisonne ainsi qu'il le fait, et il trouve un charme
-inexprimable avoir rencontr un tre qui le comprenne.</p>
-
-<p>Cette lettre, mon amie, je ne l'crirais pas une
-<i>petite femme</i>: je ne te dis pas que je ne puisse tre
-amoureux d'une femme de cette espce, mais je ne
-saurais l'aimer de toutes les facults de mon me. Mes
-sens pourraient tre satisfaits prs d'elle, mais mon
-c&oelig;ur ne le serait pas.</p>
-
-<p>Ma personne pourrait lui appartenir, mais non ma
-vie.</p>
-
-<p>Et toi, mon amie, <i>que j'ai trouve</i>, tu es quatre
-cents lieues de moi!</p>
-
-<p class="space date">Ce 12.</p>
-
-<p>Je n'ai pas eu un moment moi dans la journe
-d'hier. Lawrence a commenc par m'enlever trois
-heures de la matine, et il les a employes terminer
-mon &oelig;il droit. S'il a besoin d'autant d'heures pour le
-reste de mes traits, ils vieilliront plus qu'ils ne le sont
-dj, avant la fin du tableau. L'&oelig;il droit, au reste, a
-parfaitement russi; je ne puis m'empcher d'y reconnatre
-le mien.</p>
-
-<p>A la suite de cette longue preuve, j'ai pass trois
-autres heures entre les propositions faire la Dite
-germanique, les nouvelles de Paris, les insolences des
-gazetiers de Weimar, les folies de quelques professeurs
-<span class="pagenum"><a id="Page_131"> 131</a></span>
-allemands, le Concordat bavarois<a id="FNanchor_273" href="#Footnote_273" class="fnanchor">&nbsp;[273]</a> et la fuite de
-l'hospodar de Valachie<a id="FNanchor_274" href="#Footnote_274" class="fnanchor">&nbsp;[274]</a>.</p>
-
-<p>Tu conois, mon amie, que je n'aie pas voulu te
-mettre en aussi mauvaise compagnie.</p>
-
-<p>Comme tout a sembl devoir me tenir trois heures,
-je n'ai pu chapper un grand dner chez l'ambassadeur
-de Naples<a id="FNanchor_275" href="#Footnote_275" class="fnanchor">&nbsp;[275]</a>, qui, la montre la main, nous a
-tenu assis pendant ce laps de temps. J'tais plac
-entre une de nos vieilles ennuyeuses (tu sais que c'est
-le privilge des grands personnages) et Golovkine. La
-premire m'a dit des btises, et le second m'a fait des
-phrases perdre haleine. J'avais en face de moi Lord
-Guilford<a id="FNanchor_276" href="#Footnote_276" class="fnanchor">&nbsp;[276]</a>, qui me tourmente mort pour que je
-<span class="pagenum"><a id="Page_132"> 132</a></span>
-lui procure un capital que Bonaparte a vol aux Corfiotes,
-lors de la conqute de Venise, et quelques vieux
-bouquins sans lesquels milord prtend que l'Universit
-de Corfou ne marchera jamais vers les hautes destines
-qu'il lui prpare.</p>
-
-<p>Aussi souvent que je levais les yeux sur lui, il m'a
-fait un signe relatif ces deux chers objets. J'ai pris le
-parti de confier ma peine mon voisin Golovkine; je
-suis tomb juste; le diable d'homme a voulu me prouver
-que si je ne faisais <i>tout</i> pour retrouver les bouquins,
-je serais responsable de l'ignorance de la race corfiote
-future. Il m'a fait grce du capital, car, dit-il, quant
-l'argent, les Anglais en ont assez.</p>
-
-<p>Au sortir de cet infernal dner, je suis retomb dans
-la Dite de Francfort, j'ai pass une heure dans mon
-salon pour y entendre la plainte du ministre de
-Sude<a id="FNanchor_277" href="#Footnote_277" class="fnanchor">&nbsp;[277]</a>, auquel le grand-matre de l'Impratrice a
-annonc une audience de Sa Majest en oubliant de le
-nommer <i>envoy extraordinaire</i> et tout simplement <i>ministre
-plnipotentiaire</i>, fait qui lui parat indiquer un
-<span class="pagenum"><a id="Page_133"> 133</a></span>
-peu de froid entre les deux cours; puis j'ai jou une
-partie de billard avec une mazette qui a fait un trou
-avec la queue dans le tapis; puis je suis all me jeter
-dans mon lit.</p>
-
-<p>Voil le budget d'une journe entire, et ne t'avise
-pas de croire qu'elles soient rares de cette espce. Elles
-forment somme dans la vie d'un ministre.</p>
-
-<p>Aujourd'hui, il a fait doux et beau. Le brouillard,
-que je dteste, a t perc par le soleil, que j'aime
-comme feu Zoroastre. Il m'a un peu revivifi; j'ai travaill
-beaucoup, mais avec facilit; j'ai t mon jardin,
-o j'ai pass une bonne heure au milieu des fleurs
-de mes serres. J'ai fait prparer dans un bien joli
-pavillon la place pour deux bien beaux bas-reliefs de
-Thorvalden<a id="FNanchor_278" href="#Footnote_278" class="fnanchor">&nbsp;[278]</a>, dont je t'envoie aujourd'hui des
-empreintes d'<i>intaglio</i> faites par Pichler, d'aprs ces
-mmes marbres. Je suis rentr chez moi soulag de
-l'ennui d'hier, et je suis heureux, car je t'cris.</p>
-
-<p>Je n'ai pas besoin de te dire que les marbres reprsentent
-le Jour et la Nuit. Je prfre la Nuit au Jour:
-je trouve que les figures y dorment mieux qu'elles ne
-veillent sur l'autre pice. Thorvalden a fait les mmes
-marbres pour un Anglais; tu les as peut-tre vus.</p>
-
-<p>Si jamais tu veux quelque chose de Pichler, commande-le-moi.
-Je viens de le placer ici l'Acadmie<a id="FNanchor_279" href="#Footnote_279" class="fnanchor">&nbsp;[279]</a>,
-comme professeur. Cette Acadmie&mdash;et toutes celles
-de l'Empire&mdash;forment le bon ct de mon existence.
-Elles sont toutes places sous moi, et je m'en occupe
-<span class="pagenum"><a id="Page_134"> 134</a></span>
-beaucoup. Si tu dsires quelque chose d'Italie,
-mande-le-moi galement.</p>
-
-<p>Conois-tu le bonheur que j'aurais de faire une commission
-quelconque pour toi?</p>
-
-<p>Je n'aime gure les savants, mais j'aime beaucoup les
-artistes. Tous les ntres me regardent comme leur pre
-et j'ai de bons et d'habiles enfants parmi eux. Je ne
-sais, mon amie, si tu aimes beaucoup les arts, la
-musique excepte qui t'aime son tour. Je parierais
-que oui. Tu es trop bonne pour ne pas aimer tous les
-genres de perfectionnement.</p>
-
-<p class="space date">Ce 13.</p>
-
-<p>Si tu tais ce que tu devrais tre pour tre bien ce
-que tu es, je devrais te souhaiter aujourd'hui la nouvelle
-anne<a id="FNanchor_280" href="#Footnote_280" class="fnanchor">&nbsp;[280]</a>. Comme je l'ai fait il y a quinze jours,
-je ne t'ennuierai pas deux fois de mes v&oelig;ux; je
-t'avouerai mme qu'il n'est pas un jour dans l'anne
-et qu'il n'en sera plus un dans ma vie o je ne formerai
-pour toi les mmes v&oelig;ux et la mme somme de v&oelig;ux.
-Je prfre, au reste, que tu aies le calendrier grgorien.
-Il me parat que, quand l'on a tant de peine se
-trouver, il faut pour le moins tre dispens de chercher
-encore la concordance des dates.</p>
-
-<p>Mon courrier pour Paris part. C'est encore lui qui y
-portera cette lettre. Je suppose que je t'enverrai la
-premire par Paul. <i>On</i> l'attend ici d'une heure l'autre,
-car il <i>m'a</i> habitu ne plus l'attendre. On dit qu'il est
-entirement raccommod avec sa femme et qu'il vous
-la ramnera Londres. Je crois si peu aux on-dit et
-<span class="pagenum"><a id="Page_135"> 135</a></span>
-j'ai tant de raisons ne pas admettre la possibilit de ce
-fait que je suis entirement neutralis et, comme je vais
-savoir tout l'heure ce qu'il en est, je prfre ne rien
-croire du tout. J'ignore, au reste, si je dois dsirer que
-la chose se passe ainsi. Il y a tant de laisser-aller pour
-et contre dans la nature de Paul que je trouve que son
-capitaine doit, sous plus d'un rapport, l'abandonner
-au gr des flots. Je l'aime comme mon fils et je me
-fche l'aimer contre lui; je le gronde et il me promet,
-il promet et il ne sait ce qu'il fait, il fait et je le gronde.
-Voil le cercle tabli et je n'en sors pas.</p>
-
-<p>L'excellent <i>Journal de Paris</i> m'apprend aujourd'hui
-que M. le comte de L. s'est embarqu le 27 dcembre
- Calais<a id="FNanchor_281" href="#Footnote_281" class="fnanchor">&nbsp;[281]</a>. J'avais, jusqu' ce soir, regard ce journal
-comme le plus bte de Paris; je lui ai fait tort: il vaut
-mieux que tous les autres. Il y a des chances heureuses
-dans la vie des journaux comme dans celle des
-hommes.</p>
-
-<p>Adieu, mon amie; tu as reu le 29 mon numro 4
-et, depuis, plusieurs autres. Je suis tout consol de te
-savoir <i>quelque part</i>. Pauvre toi, et bien plus pauvre
-moi, pourquoi faut-il que cet endroit si connu, si grand
-ne me renferme pas dans son sein? Pendant dix annes
-de ma vie, je n'ai cess de me dire: Pourquoi a-t-il
-fallu que le sort me choisisse, moi, parmi tant de millions
-d'hommes, pour tre continuellement face face
-avec Napolon? En le faisant, pourquoi ne pas avoir
-fait un autre que moi, pour le mettre en butte?</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_136"> 136</a></span>
-Aujourd'hui je me dis: Pourquoi y a-t-il tant de
-millions d'tres desquels il dpendrait de se placer vis--vis
-et prs de toi, et pourquoi ne suis-je pas de leur
-nombre?</p>
-
-<p>Je crois, la vrit, que le sort pourrait me
-rpondre: Mais voudrais-tu cesser d'tre toi ce
-prix? Mon amie, je dirais: Non.</p>
-
-<p>Il me parat qu'il y a dans cette dtermination un
-grand degr de confiance en toi, mais tu sais que je suis
-confiant. Ne crois pas surtout que je suis amoureux
-de moi.</p>
-
-<p>Adieu, mon amie.</p>
-
-<hr class="tb" />
-
-<p><i>P.S.</i>&mdash;Au moment o j'allais expdier le courrier,
-j'ai reu la nouvelle quasi incroyable de la mort de la
-reine de Wurtemberg<a id="FNanchor_282" href="#Footnote_282" class="fnanchor">&nbsp;[282]</a>. Ne t'avise jamais, mon
-amie, de me jouer un tour de cette espce. Qui et pu
-s'attendre cet vnement! Ce que j'en sais est si peu
-clair que je la crois morte ou d'une attaque d'apoplexie
-<span class="pagenum"><a id="Page_137"> 137</a></span>
-ou d'une angine gangrneuse, les deux seules maladies
-qui tuent ainsi.</p>
-
-<p>Je ne sais si nous avons parl ensemble de cette personne,
-sous plusieurs rapports, trs extraordinaire. Je
-l'ai beaucoup connue et je l'ai souvent juge bien
-diffrente de ce que croyait le public et mme de ce
-que croyaient savoir ses amis. Le cas est si prompt, si
-catgorique et la fois si extraordinaire que j'ai cru
-que je me trompais en lisant ma dpche.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_138"> 138</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 13.</h2>
-<p class="date">V[ienne] ce 15 janvier 1819.</p>
-</div>
-
-<p>J'ai reu ce matin les premires nouvelles de Londres
-depuis ton retour. N[eumann] t'a vu, il n'a pas pu te
-remettre ce qu'il tient pour toi, et ce qui bien pis est, tu
-tais malade et, ce que me mande N[eumann], pendant
-un moment, mme assez srieusement malade<a id="FNanchor_283" href="#Footnote_283" class="fnanchor">&nbsp;[283]</a>.
-Mon amie, ne me fais pas du chagrin de cette espce; je
-te pardonnerais beaucoup, mais, [envers] tout ce qui
-tourne contre toi, je ne me sens port nulle indulgence.
-Tu as couru jour et nuit de Paris Londres, tu
-fais le <i>jeune homme</i>, cela ne te sied pas; tu as, certes,
-besoin de mnagements, ta sant ne peut tre de fer;
-tu te fais du mal et tu m'en fais. Et quoi bon le mtier
-de courrier? Courir vite n'est pas toujours le moyen
-d'arriver vite. Cette vrit est l'une des plus vraies qu'il
-y ait, et tu viens d'en faire l'exprience tes dpens et,
-par consquent, aux miens. Mon amie, n'oublie jamais
-que tu ne t'appartiens plus, que j'ai bien des comptes
- te demander et que je pousse le scrupule et mme
-l'exigence l'extrme, ds qu'il s'agit de toi.</p>
-
-<p>N[eumann] m'crit dans une lettre, de plus frache date
-que la premire, que tu vas mieux. Ce n'est pas encore ce
-<span class="pagenum"><a id="Page_139"> 139</a></span>
-qu'il me faut. Je veux que tu ailles bien. Je suis sr que tu
-as souffert dans ton lit, que tu as eu de l'humeur contre
-toi; si le fait a eu lieu, je t'en remercie et je dsire que tu
-n'aies jamais d'autres motifs d'tre fche que dans des
-lgrets <i>sans suite</i>, ni contre toi, ni surtout contre moi.</p>
-
-<p>Rien n'est affreux comme les distances. Tu serais
-morte, que je ne le saurais pas assez vite pour mourir! Je te
-crois en vie et en sant, car je tiens ta vie comme la
-mienne et je ne puis pas m'en rjouir. Depuis que j'ai
-pass sous ton balcon sans me douter mme que tu tais en
-ville, je ne crois plus ces pressentiments qui remplissent
-les romans de tous les temps et de tous les ges. Il est possible
-aussi que ces pressentiments et influences ne soient
-que du ressort des romans, et je te jure que je n'ai pas le
-moindre sentiment d'en crire sur notre compte. Tout
-me parat tellement vrai, simple et naturel entre nous
-deux, que je cherche la solution de notre relation dans
-des rgions infiniment plus leves que le sont celles
-dans lesquelles planent les Souza<a id="FNanchor_284" href="#Footnote_284" class="fnanchor">&nbsp;[284]</a> et les Radcliffe<a id="FNanchor_285" href="#Footnote_285" class="fnanchor">&nbsp;[285]</a>.</p>
-
-<p>Paul est enfin arriv ici. J'ai eu une longue et srieuse
-conversation avec lui, et le voil de nouveau
-<span class="pagenum"><a id="Page_140"> 140</a></span>
-sa place. Y restera-t-il? Je ne le garantirai pas la
-mre du corps diplomatique. Je lui ai lav la tte propos
-de vingt grands et petits dtails. Je suis dans le
-secret de ses nouveaux amours et je lui ai donn des
-conseils qui ne devraient pas tre mpriss par lui, car
-je fonde mes conseils sur ma propre exprience.</p>
-
-<p>Il se mettra en route sous trs peu de jours, et je lui
-confie la prsente lettre, qui vous arrivera plus srement
-et plus vite que par le courrier hebdomadaire.
-Ne te mprends pas au mot: confier; j'envoie le
-paquet N[eumann], car je trouve inutile de doubler les
-confidences.</p>
-
-<p>Outre vingt peines que me fait ta maladie, je souffre
-encore de celle de ne point recevoir de tes nouvelles.
-Je vais tre un mois de date sans avoir lu un mot de
-mon amie. Nous n'avons pas vcu assez longtemps
-dans un mme cadre de socit pour que je puisse te
-parler de vingt petits faits qui se lient la vie journalire;
-tes lettres me sont donc pour le moins aussi
-ncessaires que doivent te paratre les miennes, pour
-que je trouve de l'toffe la conversation. Mon amie,
-je ne cesserais pas de te parler de moi, si je ne devais
-craindre de t'ennuyer et de tomber dans la froide
-dmonstration. Je borne aujourd'hui toute la somme
-de mon ambition au seul fait d'tre aim de toi et de ne
-point te fournir mme un lger prtexte pour m'aimer
-moins; or, j'ai la conviction que l'on n'ennuie jamais
-de prs en faisant de soi le sujet des conversations avec
-<span class="pagenum"><a id="Page_141"> 141</a></span>
-son amie, mais que la lettre est moins possible que la
-personne.</p>
-
-<p>Ma pauvre amie, si j'tais prs de toi, combien
-j'aurais te dire et combien, en mme temps, j'aurais
-le besoin de te regarder sans profrer une parole!</p>
-
-<p class="space date">Ce 16.</p>
-
-<p>Encore une reine de morte!<a id="FNanchor_286" href="#Footnote_286" class="fnanchor">&nbsp;[286]</a>. En voil quatre en
-moins de trois mois et trois en moins de quinze
-jours<a id="FNanchor_287" href="#Footnote_287" class="fnanchor">&nbsp;[287]</a>. Je te remercie de ne pas tre reine, et je te
-prie de ne pas mourir. Combien je t'aimerais moins, si
-tu tais plus que tu es! J'ignore si je t'aimerais moins
-si tu tais beaucoup moins, mais j'en ai une lgre peur.
-Cette petite crainte me viendrait par la seule ide que tu
-pourrais aimer en moi tout ce qui n'est pas moi et ce
-que je dteste ou ce quoi je n'attache point de valeur,
-<span class="pagenum"><a id="Page_142"> 142</a></span>
-quelque peu que je m'aime moi-mme. Tu vois que je
-suis assez difficile contenter, mais il faut que tu me
-prennes tel quel, moi qui ne veux que toi telle que tu
-es, et tout ce que tu es!</p>
-
-<p>Nous avons reu aujourd'hui une lettre de Marie<a id="FNanchor_288" href="#Footnote_288" class="fnanchor">&nbsp;[288]</a>,
-qui nous mande qu'elle en a reu une de toi de Calais,
-par laquelle tu lui recommandes ton courrier. Mon
-gendre l'a engag pour tout le voyage d'Italie, et il a
-bien fait. Il me fera plaisir et peine voir. Tout ce qui
-est de <i>notre</i> attitude est plus ou moins dans le cas de
-nous faire cet effet.</p>
-
-<p class="space date">Ce 17.</p>
-
-<p>J'ai eu aujourd'hui ma dernire sance chez Lawrence,
-c'est--dire la dernire sance pour la tte. La
-bouche est change; le sardonisme a disparu; je suis
-tout bon. Je crois, au reste, le portrait parfait; je voudrais
-pouvoir le rendre parlant: que de choses il aurait
- te dire<a id="FNanchor_289" href="#Footnote_289" class="fnanchor">&nbsp;[289]</a>!</p>
-
-<p>J'ai fait commencer ma fille Clmentine. Lawrence
-la dessine en grand avant de la peindre et il russira
- merveille. Tu verras le dessin, car il n'aura gure le
-temps de faire encore ici le portrait l'huile<a id="FNanchor_290" href="#Footnote_290" class="fnanchor">&nbsp;[290]</a>. Le
-premier croquis est parfait et, ce qui parle en faveur
-de la petite, c'est qu'il est charmant. Tu me diras,
-quand tu l'auras vu, si tu le trouves tel et si tu ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_143"> 143</a></span>
-serais bien contente d'avoir une petite fille comme
-celle-ci. Elle n'est au reste plus trop petite; elle va
-avoir quinze ans, cet ge que chantent les potes, et
-n'offre de charmes qu' mes yeux.</p>
-
-<p>L'on prtend communment qu' mesure que l'on
-s'loigne de la jeunesse, on cherche placer ses affections
-sur des individus qui en approchent. Je n'prouve
-pas encore ce sentiment, et le fait me prouve que je ne
-suis pas trop vieux encore. Ce n'est pas une flatterie que
-je te dis, en t'assurant que ton ge est l'un des attraits
-que tu exerces sur moi. Il y a entre les deux sexes une
-diffrence relle et qui est toute en faveur du mien, celle
-de se trouver peu prs au mme niveau dix annes
-de distance. Les hommes, la vrit, ne font que gagner
-ces dix annes la fin de leur carrire, tandis que vous
-autres les tenez votre disposition au commencement
-de la vtre. Ceci n'empche pas cependant que la diffrence
-n'existe, et je crois que la base de toute relation
-heureuse doit se trouver dans la hauteur peu
-prs gale de la pense; or c'est tout juste elle qui
-n'existe pas entre deux individus des deux sexes ge
-gal. Mon amie, je te remercie d'tre ne tout juste
-comme tu as eu l'esprit de le faire.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_144"> 144</a></span>
-Tu seras quelques jours de plus que tu ne le voudrais
-sans lettres de moi. Mais je veux absolument
-remettre celle-ci Paul: il ira tout droit, et ce que je
-gagne en sret me parat plus que ce que tu perdras
-en promptitude.</p>
-
-<p>Les bals ici vont leur train: ce train n'est pas le
-mien; je n'ai vu danser encore que deux fois, et il n'y
-a que Lady Ponsonby qui m'a demand pourquoi je
-ne dansais pas. Je lui ai dit que je [me] trouverais ridicule;
-elle m'a assur que j'avais tort, vu que Lord Castlereagh
-danse<a id="FNanchor_291" href="#Footnote_291" class="fnanchor">&nbsp;[291]</a>. La raison ne m'a pas paru assez
-bonne pour me faire remuer les pieds.</p>
-
-<p>Ma vie, mon amie, ne [se] rgle sur nulle autre,
-mme sous le point de vue de la valse. Entre autres et
-propos de valse, sais-tu que c'est par une caricature
-que l'on a faite de toi et du gros Kozlovski que j'ai
-fait ta connaissance, il y a de cela sept ou huit ans<a id="FNanchor_292" href="#Footnote_292" class="fnanchor">&nbsp;[292]</a>?
-Il est dommage que tu n'aies pas fait la mienne
-par ma visite la princesse de Galles<a id="FNanchor_293" href="#Footnote_293" class="fnanchor">&nbsp;[293]</a>. Qui m'et
-dit alors que tu serais l'tre qui fixerait un jour ma
-vie?</p>
-
-<p class="space date"><span class="pagenum"><a id="Page_145"> 145</a></span>
-Ce 19.</p>
-
-<p>J'ai pass hier peu prs toute la journe hors d'ici.
-J'ai achet l't dernier une maison Baden<a id="FNanchor_294" href="#Footnote_294" class="fnanchor">&nbsp;[294]</a>; je ne
-l'ai vue qu'un quart d'heure avant de monter en voiture
-pour aller Carlsbad. Je viens d'y faire plusieurs
-dispositions pour y loger ma famille l't prochain, cet
-t que je passerai, dans ma vie vagabonde, peu prs
-en entier loin d'ici. Je tiens beaucoup ce que tout
-ce qui tient moi soit le mieux possible; je n'aurais
-eu ni cesse ni repos, si je n'avais point vu l'tablissement
-de Baden avant de quitter les rives du Danube.
-L'tablissement, au reste, est joli, et je ne regrette pas
-d'avoir sacrifi peu prs une journe le voir.</p>
-
-<p>Ce petit voyage m'a fait penser un voyage bien
-plus long que je dsirerais faire, et qui est si difficile
-engrener par ma seule volont!</p>
-
-<p>Mon amie, pourquoi tout me ramne-t-il toi, toi
-qui es si loin, si hors de ma porte! Quel charme
-j'prouverai le jour o je serai mme de te dire
-tout ce que j'aurai souffert, tout ce que j'aurais voulu
-<span class="pagenum"><a id="Page_146"> 146</a></span>
-et dsir, sans pouvoir y atteindre! La distance est une
-chose affreuse; elle paralyse le corps et hbte l'me.</p>
-
-<p>Ta dernire lettre est du 23 dcembre. Il va y avoir
-un mois que je n'ai pas un signe de vie de ta part, et
-certes sans qu'il y ait ni de ta faute ni de la mienne.
-Je suppose que N[eumann] va m'expdier bientt un
-courrier. Il l'et dj fait sans doute, si, pour m'accabler,
-Lord C[astlereagh] n'et pris la goutte<a id="FNanchor_295" href="#Footnote_295" class="fnanchor">&nbsp;[295]</a>. Le Parlement
-va la remplacer et la pauvre politique trangre
-est toujours bien secondaire en Angleterre, quand il
-s'agit d'un intrt de John Bull. J'espre que N[eumann]
-n'oubliera pas de se servir des courriers anglais
- Paris. La France est si prs de l'Angleterre qu'elle
-seule n'est point perdue de vue.</p>
-
-<p>Cette France est bien malade, et je n'ai pas besoin
-de calculer beaucoup pour y entrevoir de graves
-chances de compromissions<a id="FNanchor_296" href="#Footnote_296" class="fnanchor">&nbsp;[296]</a>. Personne n'est ni plus
-indpendant ni plus courageux que moi dans ses calculs
-sur l'avenir; ne faut-il pas que toi, tu entres encore
-<span class="pagenum"><a id="Page_147"> 147</a></span>
-dans mes combinaisons sur l'tat intrieur de la France!
-Je suis sr que, sans toi, je verrais ce qui est; avec toi,
-je crains ce qui peut-tre n'est pas. Voil un ministre
-bien arrang! C'est que je suis pour le moins autant
-homme que ministre, et bien plus l'ami de mon amie
-que toute autre chose au monde. Combien je serais
-fort, si j'tais heureux, et combien je suis faible, quand
-je manque de tout ce qui constitue la vie du c&oelig;ur! Ma
-bonne amie, cris-moi bientt; non que j'en aie besoin
-pour savoir que tu m'aimes, mais parce que j'ai celui de
-me l'entendre dire. Ne prends pas ma demande pour
-un reproche: tu n'en mrites aucun, mais je te dirai
-toujours tout ce que j'prouve.</p>
-
-<p>Nous sommes ici dans le noir, sans pouvoir en sortir;
-il va y avoir tout l'heure une anne que j'y suis; la
-premire fois que je me verrai le mollet affubl d'un
-bas blanc, je croirai porter la jambe de mon voisin. Ce
-ne sont pas seulement les reines, mais tout le public
-qui a la rage de mourir. Je suis entour ici de moribonds:
-un cardinal de mes cousins<a id="FNanchor_297" href="#Footnote_297" class="fnanchor">&nbsp;[297]</a> et un cousin,
-gnral de son mtier<a id="FNanchor_298" href="#Footnote_298" class="fnanchor">&nbsp;[298]</a>, se mettent de la partie; le
-premier est mort avant-hier et le second se rangera, je
-<span class="pagenum"><a id="Page_148"> 148</a></span>
-l'espre beaucoup encore, du nombre des mortels. Le
-gnral est le beau-frre de Paul et par consquent le
-mari de sa s&oelig;ur, que je t'ai dit beaucoup aimer, c'est--dire
-que je l'aime comme l'on fait quand l'on n'aime
-pas. Elle est une personne bonne, douce et spirituelle,
-un peu moins paresseuse que son frre, mais ayant
-toutes ses qualits et mme celles qu'il n'a pas. La
-pauvre personne ne quitte pas le lit de son mari, prs
-duquel je passe une heure tous les deux ou trois jours:
-son mal est si ancien et si compliqu que le bon Dieu
-seul est dans le secret de son existence future. Paul,
-pour se consoler des peines de la journe, passe
-ses nuits avec sa belle, qui jadis tait l'une de mes
-folies<a id="FNanchor_299" href="#Footnote_299" class="fnanchor">&nbsp;[299]</a>. J'en ai peu fait dans ma vie, mais j'avoue
-celle-ci, parce qu'elle tait prononce. Je suis par consquent
-entour d'objets lugubres, j'ai l'me attriste
-et la tte remplie de bonne diplomatie. Je ne te parle
-pas de mon c&oelig;ur. Tu sais o il est et ce qu'il renferme.
-Et puis il y a des sots qui courent la rue et qui m'envient
-mon existence! Ce qui prouve plus que tout combien
-ces sots sont sots, c'est qu'ils ignorent le seul ct
-heureux qu'il y ait aujourd'hui dans mon existence, le
-seul qui me fait vivre et me tue la fois. Ma bonne
-amie, combien tu dois comprendre ce que je viens de
-<span class="pagenum"><a id="Page_149"> 149</a></span>
-te dire, et combien de fois le jour tu dois te faire le
-mme aveu sur ton propre compte!</p>
-
-<p>La vie de l'homme se compose d'lments si extraordinaires
-et si rarement en rapport entre eux, que l'on
-a beau chercher le bonheur; il me parat toutefois qu'il
-ne me resterait rien dsirer si j'tais prs de toi. Si
-tu tais jalouse, je te battrais et nous ferions la paix.
-Je te battrais, parce que tu aurais tort et que je dteste
-les torts, en somme et en dtail; peut-tre ma confiance
-passerait-elle dans ton c&oelig;ur et, au lieu de nous
-quereller, prendrions-nous le parti si simple et si doux
-de nous aimer beaucoup, toujours et sans plus.</p>
-
-<p class="space date">Ce 20.</p>
-
-<p>J'espre que N[eumann] aura eu l'esprit de te donner
-la musique de dame que je lui ai envoye dernirement.
-Je n'ai pas voulu lui crire de te la donner, mais je
-suppose que son bon sens doit l'avoir men droit au
-but. S'il ne l'a pas fait, j'en aurais un peu mauvaise
-opinion, et, dans ce cas, demande-la-lui sans dtour.
-J'ai ramass tout ce que j'ai pu me procurer de valses
-que j'entends tous nos bals et, faute de pouvoir m'entendre
-rabcher, je veux que tu entendes au moins ce
-que j'entends pendant des heures entires. La musique
-vaut aussi des paroles et, si tu trouves du charme en
-jouer de la mauvaise, dis-toi que je ne suis pas plus
-heureux d'entendre ce que tu joueras mieux que je ne
-l'entends ici, que tu ne le seras en l'entendant toi-mme.</p>
-
-<p>Mon amie, n'oublie pas de m'envoyer la mesure de
-ton bras, c'est--dire de la partie du bras o tu portes un
-bracelet. Je le ferai faire bien solide et de manire ce
-<span class="pagenum"><a id="Page_150"> 150</a></span>
-que tu ne risqueras pas de le casser. Ce sera ton affaire
-que de ne pas le perdre. Parmi beaucoup de choses que
-l'on fait mal ici, il en est quelques-unes que l'on fait bien,
-et tout ce qui est bijouterie est du nombre des bonnes
-choses.</p>
-
-<p>C'est encore l'un de mes malheurs que de ne pouvoir
-rien te donner. Il y a peu de choses que j'entende mieux
-que le mot de Lord Albemarle<a id="FNanchor_300" href="#Footnote_300" class="fnanchor">&nbsp;[300]</a>, qui un jour dit une
-amie avec laquelle il se promena pendant une belle nuit
-d't et qui eut l'air de beaucoup fixer une toile: Mon
-amie, ne la regarde pas tant, je ne puis pas te la donner!</p>
-
-<p>Je voudrais, quand j'aime, que mon amie et tout
-de moi, et rien que de moi. Si j'avais donn dans la
-mauvaise compagnie, je me serais certes ruin, car j'y
-eusse trouv des amies qui m'eussent demand quelques
-indemnits pour les toiles. Toi, tu es le contraire et
-tu me forces touffer de chagrin de ne rien pouvoir
-te donner du tout. Je crois mme, s'il m'en souvient,
-que c'est l'un des messieurs de notre socit qui a pay
-le goter Henry-Chapelle<a id="FNanchor_301" href="#Footnote_301" class="fnanchor">&nbsp;[301]</a>.</p>
-
-<p class="space date">Ce 21.</p>
-
-<p>Le courrier de Paris, arriv ce matin, m'a remis tes
-<span class="pagenum"><a id="Page_151"> 151</a></span>
-n<sup>os</sup> 7 et 8, du 3 janvier jusqu'au 8 inclusivement. Tu vois,
-mon amie, que je suis exact t'indiquer les dates, pour
-ne point te laisser le moindre doute sur le reu de tes
-lettres. Il ne m'en manque aucune depuis que tu m'cris.</p>
-
-<p>J'ai vu avec bien du chagrin que tu as t plus
-malade mme que je n'avais cru. Je t'ai gronde, ne
-sachant pas jusqu' quel point tu avais t compromise;
-je te gronde doublement aujourd'hui de ce que
-tu ne soignes pas ta sant plus que tu ne le fais. Tu es
-maigre et tu te dis forte; je le crois, mais ne brave pas
-ta maigreur. Sois sre, mon amie, que le plus petit
-mal peut tourner au mal consquent et souvent irrparable,
-quand l'on est comme tu es. Or j'aime que tu
-sois ce que tu es; ne fais rien pour changer.</p>
-
-<p>Ta lettre m'a, d'un autre ct, fait le plus grand
-plaisir. Tu sais que je les lis et les relis, et cette certitude
-qui te satisfait va tout l'heure te gner. Tu me
-dis dans ta lettre: Mon ami, tu as beaucoup trop
-d'esprit dans le c&oelig;ur, cela m'incommode; je sens, je
-vois bien que tu ne veux pas en mettre dans tes lettres;
-il t'chappe sans ta participation, tu ne saurais faire
-autrement; et moi je suis presque honteuse de ne te
-montrer qu'un c&oelig;ur tout bte, tout franc, sans autre
-assaisonnement. Je te prie de ne jamais te rappeler tes
-lettres lorsque tu lis les miennes.</p>
-
-<p>Bon Dieu! mon amie, il n'y a pas un c&oelig;ur plus c&oelig;ur
-que le mien&mdash;et il n'est que cela. Mon esprit est tout
-dans ma tte, et ne t'abuse pas sur l'tendue de mon
-fonds. Mon esprit est tout en lignes droites et en grosses
-masses; je perce quand je vais en avant et j'crase quand
-je tombe. Mon c&oelig;ur est tout de mme. J'aime ou je
-n'aime pas; tout moyen terme est plac hors de ma
-<span class="pagenum"><a id="Page_152"> 152</a></span>
-nature. L'esprit, le sentiment, le talent, sont des
-facults toutes spares entre elles, et il n'existe pas un
-mortel qui les runisse toutes un mme degr. Ces
-facults mme sont tellement indpendantes l'une de
-l'autre, que l'on peut exceller dans l'une d'entre elles et
-manquer peu prs en entier de l'autre; cette thse
-cependant, qui est d'une vrit constante, n'est applique
-qu'avec trois facults considres en masse, elle
-est fausse ds qu'il s'agit d'une application spciale,
-c'est--dire ds qu'il s'agit de l'emploi de l'une ou de
-l'autre facult dans une circonstance donne. L'amour
-renferme son esprit et son talent; le talent renferme et
-l'amour de la chose sur laquelle il porte et l'esprit dans
-l'excution. Il n'y a malheureusement que l'esprit seul
-qui peut rester froid et se passer de sentiment et de
-talent. Le ciel m'a pargn le malheur d'avoir de l'esprit
-de ce genre, et ce sont tout juste les tres dans ce
-monde qui en manquent peu prs dans tout qui sont
-les premiers taxer les hommes de ma trempe de
-n'avoir que de l'esprit et de manquer de c&oelig;ur.</p>
-
-<p>Ne va pas, mon amie, te creuser la tte pour
-rpondre mes lettres, ni chercher jamais de l'esprit
-autre que celui li au bonheur d'avoir un c&oelig;ur. Je
-veux absolument que tu ne te trompes en rien sur mon
-compte; ne crois pas que je te dis ici un mot de plus
-ni un de moins que ne me dicte le c&oelig;ur et, comme tu
-dis trs bien, l'esprit que j'ai dans le c&oelig;ur. Si je consultais
-ma tte en t'crivant, il est vingt choses que je
-ne te dirais pas et cent que je dirais autrement que
-je ne le fais. Tu vois, aux volumes que je t'cris, que je
-laisse couler ma plume comme ma pense et, aux graves
-omissions et incorrections que tu dois trouver dans
-<span class="pagenum"><a id="Page_153"> 153</a></span>
-mes lettres, que je ne les relis jamais. J'ignore mme
-si tout le monde est comme moi; je ne puis pas relire
-une de mes lettres, sauf la changer, et il ne m'arrive
-certes pas de la changer en mieux. Ne t'avise pas de
-croire que je traite ainsi mes dpches; celles-ci
-gagnent toujours la rvision, ce qui prouve que l'esprit
-a besoin d'un degr de calme qui tue le c&oelig;ur.</p>
-
-<p>Il doit enfin t'tre bien prouv que je t'ai pas tromp
-le jour o, la premire fois, je t'ai parl de moi. C'tait
-chez Lady Castlereagh. Je me connais beaucoup et je
-m'en sais gr. Je me juge avec tant de svrit que je ne
-me permets jamais de juger ainsi les autres. Mon amie,
-l'on ne me connat, au reste, que comme tu dois me connatre
-maintenant, ou l'on ne me connat pas du tout.</p>
-
-<p>Aprs tant d'aveux, il me reste t'assurer que c'est
-tout juste l'esprit de ton c&oelig;ur qui fait mon bonheur et
-ton charme. Tes lettres si simples et si bonnes, le
-manque total d'apprt que j'y trouve, tes assurances et
-tes v&oelig;ux si fortement exprims dans <i>ma</i> langue, me
-prouvent que tu me connais et, je le dis avec une grande
-jouissance, que tu m'aimes. Rien n'est extraordinaire
-comme notre liaison; je crois que toute mre pourrait
-permettre sa fille la lecture de notre roman; peu
-d'entre celles-ci voudraient se contenter de notre
-bonheur, et peu, par consquent, seraient sduites
-par notre exemple. Je rponds des hommes pour ce
-fait; je n'en connais pas qui se serait plac ainsi que
-je le suis. Homme moi-mme, crois-tu que je puisse
-en tre satisfait? Mais cet homme qui est ton ami, peut-il
-dsirer plus, si le tout n'est pas toi?</p>
-
-<hr class="tb" />
-
-<p>Je viens de recopier ce que tu trouveras sur cette
-<span class="pagenum"><a id="Page_154"> 154</a></span>
-feuille. La feuille n<sup>o</sup> 7 du 22 janvier t'arrivera par Paul,
-que la malheureuse position de son beau-frre retient
-ici. Je ne puis et ne veux la confier une autre occasion,
-et ne veux pas manquer le dpart du courrier
-hebdomadaire pour t'envoyer le n<sup>o</sup> 13 moins la
-feuille 7.</p>
-
-<p class="blockquote"><i>Le prince de Metternich avait en effet recopi sur une feuille
- part, parvenue postrieurement la comtesse de Lieven, le
-passage ci-dessous, dat du 22, auquel il ajouta quelques mots
-le 28 janvier</i>:</p>
-
-<p class="space date">Ce 22.</p>
-
-<p>Je vais entrer aujourd'hui avec toi, mon amie, dans
-un court dveloppement, bien <i>secret</i> et bien <i>confidentiel</i>,
-sur le plus grand intrt de ma vie, celui de t'avoir
-ici.</p>
-
-<p>Ton Empereur a plusieurs classes d'individus qu'il
-emploie en les casant d'aprs le genre de service qu'il
-en attend et d'aprs un calcul qui porte sur le terrain
-sur lequel il les place.</p>
-
-<p>C'est ainsi que jamais il n'enverra un <i>faiseur</i> (vritable
-peste diplomatique) en qualit d'ambassadeur
-ou de ministre ni Londres, ni ici.</p>
-
-<p class="blockquote"><i>Sur une autre feuille</i>:</p>
-
-<p class="space date">Ce 28.</p>
-
-<p>Des nouvelles de trs bonne source ne me laissent
-quasi point de doute que Pozzo<a id="FNanchor_302" href="#Footnote_302" class="fnanchor">&nbsp;[302]</a> ne travaille sous
-<span class="pagenum"><a id="Page_155"> 155</a></span>
-mains, pour se mnager le poste de Vienne. Le terrain
-de Paris, qu'il a tant contribu gter, lui parat intenable
-pour lui la longue. <i>Nous ne le recevrons pas</i>, si
-mme l'on devait vouloir l'envoyer, fait dont je doute
-fort<a id="FNanchor_303" href="#Footnote_303" class="fnanchor">&nbsp;[303]</a>.</p>
-
-<p class="blockquote"><i>Ici reprend la lettre n<sup>o</sup> 13.</i></p>
-
-<p class="space date">Ce 23.</p>
-
-<p>Mon amie, ma lettre redevient un volume. Je conois
-qu'avec ton train de vie et ta gne, tu pourrais
-finir ne pas trouver ni le temps ni les moyens de me
-lire. As-tu song acheter un portefeuille Paris, avec
-une serrure combinaisons? Ne te fie pas aux clefs; les
-meilleures sont celles qui ouvrent, et elles s'garent
-tout comme celles qui n'ouvrent pas. Si tu l'as oubli
-(et je parie que tel est le cas), fais crire par N[eumann]
- Paris qu'on t'envoie un portefeuille avec une
-serrure combinaison plate de Huret<a id="FNanchor_304" href="#Footnote_304" class="fnanchor">&nbsp;[304]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_156"> 156</a></span>
-A propos de Paris, on y dit que: le Roi est cas,
-serr, cir et dsol<a id="FNanchor_305" href="#Footnote_305" class="fnanchor">&nbsp;[305]</a>. Que Dieu te garde de jamais
-te trouver en pareille position.</p>
-
-<p>Mon amie, je te permets et je t'ordonne mme de
-ne pas penser ce qui me plat, quand il s'agit de faire
-ce qui t'est utile. Or, tu mettras dornavant les vsicatoires
-que voudra t'appliquer ton mdecin, partout o
-il les jugera ncessaires et mme passablement utiles.
-Tu ne demanderas pas combien de temps restent les
-marques. J'aimerai la folie celles auxquelles tu
-devras une seule heure de sant.</p>
-
-<p>L'un de mes anctres, bon et brave chevalier, tait
-promis une jeune et riche hritire. Les noces taient
-arrtes; elles durent tre retardes, vu une guerre
-qui survint entre l'Allemagne et la France. Mon pauvre
-aeul y perdit une jambe et la moiti de l'autre. Il
-crivit sur-le-champ sa fiance qu'il lui rendait toute
-libert. Ma bonne bis- ou trisaeule lui rpondit:
-Comme je n'aime pas vos jambes, mais bien vous, je
-vous pouserais, eussiez-vous encore un bras de moins.
-Le sang de la bonne femme coule dans mes veines, et
-je bnis le ciel que l'amputation du brave grand-papa
-n'ait pas dpass les jambes, car tout l'amour de la
-fiance n'et pas suffi pour le bien de sa postrit. Il
-est clair que je ne t'aimerais pas aujourd'hui, ce quoi
-j'aime cependant beaucoup tre condamn.</p>
-
-<p class="space date"><span class="pagenum"><a id="Page_157"> 157</a></span>
-Ce 24.</p>
-
-<p>Le beau-frre de Paul est trs mal<a id="FNanchor_306" href="#Footnote_306" class="fnanchor">&nbsp;[306]</a>. Il souffre
-l'impossible: aprs une maladie affreuse&mdash;la goutte
-s'tait porte sur le c&oelig;ur&mdash;il vient de s'en dcouvrir
-une autre. Il a des pierres dans le fiel. Il est depuis
-huit jours entre la vie et la mort. Sa mre avait le
-mme mal, tout juste l'ge du fils. Elle est reste
-dans cet tat de dsolation pendant six mois, et elle a
-eu le temps de l'oublier pendant plus de vingt-quatre
-annes de sant. J'ai peur que tel ne soit pas le sort
-du fils. Je souffre de l'un des aspects les plus pnibles;
-je passe bien des heures ct de son lit, et je
-ne sais comment faire partir Paul, qui a d'autres motifs
-pour ne pas tre fch de rester. Je profiterai du premier
-moment de mieux pour le mettre en route.</p>
-
-<p>La vie, mon amie, est une chose la fois si tenace
-et si dlicate que l'on ne sait si elle tient un cble ou
- un cheveu.</p>
-
-<p class="space date">Ce 26.</p>
-
-<p>Le courrier part, et je ne puis me rsoudre
-attendre le dpart de Paul, qui peut se retarder encore
-de huit jours. Son beau-frre est un peu mieux aujourd'hui,
-mais j'ai peur que ce mieux ne soit qu'un faible
-rpit.</p>
-
-<p>Mon amie, le courrier de Paris est arriv aujourd'hui.
-Il ne m'a rien port de toi. Je suppose que
-N[eumann] va m'en expdier un. La premire chose
-<span class="pagenum"><a id="Page_158"> 158</a></span>
-que je cherche toujours dans les immenses paquets qui
-m'arrivent, ce sont tes petites lettres, que je reconnais
-au format. Mon amie, les grandes affaires et les gros
-paquets ne psent gure dans la balance du bonheur.</p>
-
-<p>Mon dpart pour l'Italie est fix au 23, moins d'incidents
-que je ne puis prvoir. N[eumann] recevra
-temps des instructions pour notre correspondance. Je
-n'oublierai certes pas le premier intrt de ma vie.</p>
-
-<p>Tu liras probablement incessamment dans les
-feuilles mon nom accroch de nouveaux titres et
- d'autres fonctions.</p>
-
-<p>Il n'y a pas un mot de vrai au bruit qui est n dans
-quelque coin de rue, et qui, ce titre, ne saurait manquer
-de faire le tour de l'Europe. L'on veut me faire
-plus que je ne suis, et je voudrais tre moins, rien du
-tout. Je puis empcher le premier, et n'ai malheureusement
-encore jamais trouv le moyen d'effectuer le
-dernier.</p>
-
-<p>Mon amie, que je serai heureux le jour o je te
-reverrai! Adieu, il faut que je finisse, car je ne puis
-retarder le dpart d'un homme dont les chevaux sont
-mis depuis plusieurs heures. Adieu, ma bonne et
-chre D.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_159"> 159</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 14.</h2>
-<p class="date">V[ienne] ce 28 janvier 1819.</p>
-</div>
-
-<p>Je commence un nouveau numro, mon amie, pour
-te dire que je t'aime de tout mon c&oelig;ur et que je
-n'aime que toi. Cette lettre te sera enfin remise par
-Paul.</p>
-
-<p>Tu y trouveras jointe la partie du n<sup>o</sup> 13 que je n'ai
-pas voulu confier une occasion moins sre que ne
-l'est la prsente. Il te suffira d'y jeter un coup d'&oelig;il
-pour te convaincre des motifs de prudence qui m'ont
-fait agir ainsi. Je ne sais ni compromettre ceux qui
-placent leur confiance en moi, ni compromettre un
-grand intrt dans ma vie. Le premier de tous se
-trouve touch dans ce que je t'ai crit le 22 de ce
-mois<a id="FNanchor_307" href="#Footnote_307" class="fnanchor">&nbsp;[307]</a>.</p>
-
-<p>Il me reste te prier de faire tout ce que je te
-demande dans les feuilles jointes la prsente lettre et
-cris-moi que tu l'as fait.</p>
-
-<p>Mon amie, je ne puis te dire assez combien le voyage
-si long que je vais entreprendre me gne. Je dteste le
-matriel du voyage; je regarde la voiture comme une
-prison, et je suis trop libral, malgr ce qu'en pense
-le <i>Morning Chronicle</i>, pour ne pas aimer la libert de
-<span class="pagenum"><a id="Page_160"> 160</a></span>
-mes mouvements. Je vais par-dessus le march au
-midi, pendant que tu es au nord. Notre correspondance&mdash;le
-seul bonheur duquel je jouis en ce moment&mdash;ne
-peut qu'en souffrir. En un mot, mon amie,
-ce que j'eusse entrepris nagure sans plaisir mais sans
-dgot, tourne aujourd'hui en ennui complet. Ma
-sant est bonne et je crois que le voyage la rendra
-meilleure encore; l'air et le soleil de l'Italie me font
-toujours du bien; ils calment et dtendent mes nerfs;
-je suis forc un mouvement que je ne trouve pas
-moyen de faire dans mon attitude habituelle. Voil le
-bon ct de la chose, mais il est physique, et le moral
-l'emporte chez moi toujours sur la partie matrielle de
-mon existence.</p>
-
-<p>Toi, c'est--dire du bonheur, c'est ce qu'il me faudrait,
-et je ne le trouverai pas aux bords du Tibre ni
-sur la plage de Baja. Si je pouvais faire le voyage avec
-toi, je le regarderais comme l'une des plus grandes
-jouissances de ma vie.</p>
-
-<p>Le seul point lumineux au milieu de tant de brouillards,
-c'est la rencontre avec ma fille<a id="FNanchor_308" href="#Footnote_308" class="fnanchor">&nbsp;[308]</a>. Je ne la
-quitterai pas de tout le voyage. Je trouve en elle toujours
-un tre qui me comprend, et rien ne calme, plus
-que ce fait, mon me si isole au milieu du monde. Je
-voudrais tant t'envoyer l'une ou l'autre de ses lettres,
-pour que tu puisses juger combien elle est ma fille. La
-pauvre petite a le c&oelig;ur le plus pur et la fois le plus
-chaud que l'on puisse rencontrer; ses sentiments sont
-tout en dehors pour ceux qu'elle aime et toutes ses
-paroles sont simples comme elle. Elle a crit dernirement
-<span class="pagenum"><a id="Page_161"> 161</a></span>
- sa mre, le jour de sa naissance: Je vous
-cris genoux, lui dit-elle, pour vous remercier de
-vingt-deux annes de bonheur<a id="FNanchor_309" href="#Footnote_309" class="fnanchor">&nbsp;[309]</a>! Voil tout ce
-qu'elle dit, et j'aime mieux cette seule ligne qu'un
-roman sentimental tout entier. Aussi ne puis-je t'aimer
-plus que je ne l'aime, ni elle plus que toi. Je vous
-aime autrement, et les sots seuls prtendent que l'on
-ne peut avoir dans son c&oelig;ur plusieurs affections galement
-fortes. La diffrence dans l'affection n'exclut
-ni sa force ni son existence. Ce qui tourne en faveur
-du sentiment de la nature de celui que j'ai pour toi,
-c'est qu'il ne peut porter que sur un seul objet, tandis
-que celui que l'on porte un enfant, un frre, peut
-exister la fois pour tous vos enfants et parents.</p>
-
-<p>Tu recevras d'Italie un vritable journal. Ce ne sera
-pas celui d'un voyageur sentimental, mais d'un homme
-tout simplement et tout bonnement ton ami. Crois-tu
-que je le sois tout fait? Crois-tu qu'on puisse l'tre
-plus que je ne le suis? Toi aussi, mon amie, demande
-ceux qui t'assureront que je ne sais pas aimer: Vous
-a-t-il aim? Tu ne risques pas de rencontrer celle
-qui pourrait te rpondre par un oui tout rond.</p>
-
-<p class="space date">Ce 29 janvier.</p>
-
-<p>J'ai vu dans les feuilles que tu as t invite
-Brighton<a id="FNanchor_310" href="#Footnote_310" class="fnanchor">&nbsp;[310]</a>; je savais par ta dernire lettre que tu
-t'apprtais y aller. Si j'tais seigneur de Brighton, tu
-<span class="pagenum"><a id="Page_162"> 162</a></span>
-y serais toujours quand j'y serais moi-mme et je crois
-que, dans ce cas, Londres me verrait peu. Dans un
-rapport de c&oelig;ur, la campagne vaut le double de la
-ville; tout y est runion et la sert; les entraves du
-salon n'existent pas; le mme toit semble runir les
-c&oelig;urs comme les individus. Une bonne saison de vie
-de chteau avec toi ferait le bonheur de ma vie; je
-crois que j'y ferais provision de bonheur et que j'en
-acquerrais un fonds assez riche pour suffire ma
-dpense bien au del de la dure du sjour.</p>
-
-<p class="space date">Ce 30.</p>
-
-<p>J'ai t interrompu hier, dans ma lettre, par la
-meilleure des causes, par la seule, je crois, qui au
-monde et pu m'tre agrable. L'on est venu m'annoncer
-l'arrive du courrier de Londres. Je l'ai fait
-venir sur-le-champ, j'ai dball moi-mme sa valise,
-j'ai aim mme voir l'une des plus sottes figures&mdash;vritable
-valise vivante&mdash;qu'il y ait au monde. Je suis
-sr, mon amie, qu'il ne t'est jamais arriv de quitter un
-lieu o tu venais d'tre heureuse, sans attacher une
-ide de jalousie au retour du postillon qui t'as conduite
-la premire poste. Je crois toujours que cet homme
-doit tre heureux! Or, mon imbcile d'hier et de tous
-les jours m'a paru malheureux d'avoir quitt Londres.</p>
-
-<p>Ne t'y trompe pas, mon amie, je ne suis souvent
-gure plus que toi en passe de lire tes lettres quand je
-<span class="pagenum"><a id="Page_163"> 163</a></span>
-le veux, et cette volont porte toujours sur le premier
-moment possible. J'avais dans ma chambre l'un de
-mes conseillers, j'tais occup d'une fastidieuse affaire,
-je n'tais pas les jambes croises dans le coin d'un canap;
-ma bonne amie, j'ai fait une bte mine en me faisant
-faire le rapport d'une sotte affaire. J'ai dball; j'ai
-renvoy mon ennuyeux rfrendaire; je me suis mis
-dcacheter mes paquets; celui que l'on cherche est constamment
-le dernier que l'on trouve. J'ai ouvert tes
-lettres, je me suis mis lire et j'ai eu la visite du nonce<a id="FNanchor_311" href="#Footnote_311" class="fnanchor">&nbsp;[311]</a>,
-de Golovkine, de Caraman, de sept ou huit athltes
-politiques. Les sclrats m'ont retenu trois heures. Si
-j'avais t leur mre, je les aurais fouetts. Enfin, je
-suis parvenu te lire, oui, bien toi, mon amie, car rien,
-hors tout toi, n'est plus toi que tes lettres. J'aurai bien
- y rpondre: j'en suis tout plein et tout heureux.</p>
-
-<p>Avant tout, merci, bonne D., que tu sois ce que tu es.
-Me suis-je tromp en toi? Ai-je eu du courage de me placer
-et de me livrer comme je l'ai fait? Ai-je eu de l'esprit
- deviner le tien, du c&oelig;ur pressentir le tien, du got
-en te choisissant, de la sagesse en faisant de toi l'amie
-de ma vie? Ne va pas croire que je n'eusse point pu
-faire autrement que je n'ai fait. Je crois t'avoir dj
-dit ce que je pense des impressions spontanes. Quelques
-fortes que puissent tre ces impressions, elles ne
-sont jamais plus fortes que mon me. J'ai toute ma vie
-t matre du premier mouvement, je ne me suis livr
-au second qu'en suite de ma ferme volont de le faire,
-je n'ai jamais dirig le troisime. Aujourd'hui, il me
-<span class="pagenum"><a id="Page_164"> 164</a></span>
-serait tout aussi impossible de ne pas t'aimer que j'ai
-eu la facult de me livrer toi ou te laisser loin de
-moi. S'il y a peu de roman dans ce fait, c'est que je
-n'ai jamais crit le roman, je n'en lis mme jamais.
-Je suis si pntr de la conviction qu'il n'en existe pas
-un que je n'eusse crit avec autant de vritable sentiment
-que le lecteur sentimental y dcouvre souvent
-sans tre romanesque lui-mme, que je ne trouve pas
-qu'il vaille la peine de lire ce que d'autres ont senti ou
-se figurent avoir senti. Ma bonne amie, crois-m'en sur
-parole; je sais aimer plus et mieux que la plupart des
-hommes.</p>
-
-<p>Tes lettres sont tout ce que je veux: il n'en existe
-ni de plus aimables, ni de meilleures, de plus raisonnables,
-de plus fortes. Elles sont d'une femme comme
-je l'aime, d'une amie qui seule peut tre la mienne.
-Tout est raison dans ton me et chaleur dans ton c&oelig;ur;
-ds que le contraire a lieu, l'tre, en un mot, qui,
-mon avis, est transpos, n'est plus fait pour moi. Reste,
-bonne amie, comme tu es et ne crains rien du temps.
-Ce n'est pas quand l'on est comme moi que le lendemain
-est craindre; le jour d'aujourd'hui est <i>plus</i>
-demain et jamais <i>moins</i>. Je vais en m'levant et non
-en baissant, j'ai le pas assur; comme petit garon dj
-je suis moins tomb que mes camarades; j'ai couru
-un peu moins vite, j'ai ouvert de grands yeux et j'ai
-toujours gagn le prix la course. Je suis certain, mon
-amie, que nous deux arriverons toujours au but et, ce
-qui fait le bonheur de ma vie, un mme but.</p>
-
-<p>Combien tes lettres me prouvent cette vrit! Oui,
-mon amie, un lecteur tiers ne trouverait pas de diffrences
-entre nos lettres; nous pourrions quasi chacun
-<span class="pagenum"><a id="Page_165"> 165</a></span>
-garder toujours la ntre: nous y apprendrions peu
-prs tout ce que nous nous disons rciproquement. Le
-fait est simple: nous pensons l'un comme l'autre, nous
-avons les mmes gots, les mmes besoins; tu es en
-femme ce que je suis comme homme. Je n'aurai jamais
-une impression qui ne te porterait au mme jugement
-que moi. Nous sommes <i>vrais</i> tous deux, et c'est beaucoup.
-Nous le sommes par besoin ou plutt par impossibilit
-de ne pas l'tre, plus que par toute autre cause.
-L'on peut tre autre que nous le sommes; dans ce cas
-sera-t-on meilleur ou plus mauvais? Le <i>troisime</i>, homme
-ou femme, peut exister, mais je ne l'ai pas trouv. Ne
-va pas le chercher.</p>
-
-<p>Moi aussi, mon amie, j'ai le sentiment que plus personne
-ne te satisfera <i>en plein</i>. Tes sens existent, donc
-ils peuvent se sduire. Ils ne te procureront plus une
-entire jouissance; il te manquera ce que tes sens
-n'ont jamais offert, ce qui est plac hors de leur
-sphre. Les jouissances que les sens seuls procurent,
-ressemblent aux effets d'une girandole. Les fuses
-s'lvent, elles jettent un jour qui devrait durer toujours;
-vous croyez vous lever avec elles; tout est beau
-et lumineux; les alentours mme empruntent de leurs
-feux&mdash;et vous vous trouvez replong dans les tnbres.
-Ce qui fait <i>notre vie</i>, mon amie, n'est pas passager;
-nous irons mieux demain que nous n'allons
-aujourd'hui&mdash;et nous ne vieillirons pas en peu de
-moments.</p>
-
-<p class="space date">Ce 30.</p>
-
-<p>J'ai relu depuis hier deux fois tes lettres. Elles font
-mon bonheur. Bonne amie, ne crains jamais de m'en
-<span class="pagenum"><a id="Page_166"> 166</a></span>
-crire de trop longues. Des lettres comme les tiennes
-n'ont pas de taille, chaque page vaut une lettre et la
-plus longue ne me parat qu'une page.</p>
-
-<p>Tu es donc arrive sentir le besoin de me mettre
-au fait de l'histoire de ta vie; c'est le premier de mes
-besoins quand j'aime. Je n'ai jamais peur que mon
-amie sache trop; j'ai peur qu'elle ne sache tout. Il
-n'est pas en moi un ct faible que je ne voudrais lui
-dcouvrir; si l'on a besoin de cacher, ce ne peut tre
-qu'en suite d'un tort. Mon amie, je ne crois pas avoir
-jamais t dans ce cas.</p>
-
-<p>Tu as vu que peu aprs que j'tais entr en contact
-avec toi, j'ai commenc par te parler de moi; tu
-n'avais pas le mme besoin; tu l'as aujourd'hui: je
-crois que tu m'aimes plus. Mande-moi tout: que je
-sache quand tu as t heureuse et quand tu ne l'tais
-pas. Je sais au reste ce qui te regarde; tu n'as pas
-besoin de <i>nommer</i>, je crois que je pourrai y suppler.
-Tu as fait des choix et tu as t trompe; quelle est la
-jeune femme qui ne l'a pas t? Il est naturel que les
-femmes se trompent plus que les hommes et les raisons
-en sont simples. La plupart des hommes ne cherchent
-que ce qu'ils sont srs de trouver, tandis que les femmes
-cherchent ce qu'une longue exprience et une connaissance
-profonde du c&oelig;ur humain ne permettent pas
-souvent de dcider. Et quel ge cherchent-elles un
-ami digne d'elles, un c&oelig;ur sr et aimant, un esprit
-juste et droit? Mon amie, les affaires se font en marchand
-et les femmes se livrent la plus forte de leur
-vie peine sorties de l'enfance. Les yeux disent
-l'homme ce qu'ils cherchent, et le c&oelig;ur de la femme
-veut dcider d'avance de celui de l'homme qu'elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_167"> 167</a></span>
-dsire. L'homme a atteint son but au moment mme
-o la femme n'tablit de fait que son point de dpart.
-L'homme cesse quand la femme commence; l'amour
-parat trop long au premier et la vie trop courte la
-dernire. La femme ne veut pas quand l'homme veut
-et elle veut quand il ne veut plus. Tout ceci est dans la
-nature, et sans cette loi l'amour n'existerait pas, ce
-don du ciel rserv par le Crateur la seule espce
-humaine. L'amour vritable est tant, mon amie, que
-s'il tait facile rencontrer, il ne vaudrait plus rien.
-Il se compose en premier lieu de disparates et d'oppositions;
-il se renforce par les difficults; il n'est couronn
-que par la plus entire identit. Il a bien des
-termes parcourir et bien des difficults vaincre; or
-dans les choses difficiles, la plupart des humains
-perdent haleine mi-chemin, trop heureux s'ils y
-arrivent!</p>
-
-<p>J'ai beaucoup connu un homme&mdash;et je crois que
-c'est celui duquel tu te plains&mdash;et je l'ai connu bien
-avant toi. Tes yeux auront veill ton c&oelig;ur et ton c&oelig;ur
-a bloui ton esprit. L'on prend en amour souvent son
-propre esprit pour celui de l'objet aim; l'on est si
-heureux de donner que prter ne cote rien. Or, mon
-amie, tu as un grand fonds de cette denre et tu n'as
-pu t'apercevoir de la dpense que tu faisais.</p>
-
-<p>Si le sort nous avait runis plusieurs annes plus tt,
-sais-tu ce qui serait arriv? Peut-tre m'aurais-tu aim
-et la jalousie nous et dsunis. Je suis bien loin d'tre
-le meilleur homme de la terre, mais je suis l'un des
-plus justes. Rien ne me rvolte comme tout ce qui ne
-l'est pas. Il est dans ma manire d'tre quelque chose
-qui doit tre vrai, car j'en ai prouv constamment les
-<span class="pagenum"><a id="Page_168"> 168</a></span>
-effets. J'ai l'air du monde le plus froid et le plus
-calme: mon amie dcouvre que je ne suis ni l'un ni
-l'autre. Ds que je suis en liaison, je deviens devant le
-monde vingt fois plus aride pour la femme que j'aime
-et je reste pour les autres tel que je suis constamment.
-Ds lors, la comparaison s'tablit: je dois devenir
-autre que je ne puis l'tre; je me rvolte; l'on me
-taxe d'infidlit l o je ne suis que constant; je me
-fche, l'on se fche; toi surtout, tu te serais fche.
-Mon amie, je crois que, plus jeunes, nous nous serions
-disputs. J'ai le malheur de rester calme dans la dispute,
-et rien ne met les femmes hors des gonds comme
-le calme. Je suis bien certain cependant que rien n'et
-jamais pu nous sparer, nous nous serions convenus
-trop pour nous quitter. Moi, au moins, j'ignore ce que
-c'est que quitter. Tu m'aurais peut-tre battu.</p>
-
-<p class="space date">Ce 31<a id="FNanchor_312" href="#Footnote_312" class="fnanchor">&nbsp;[312]</a>.</p>
-
-<p>Ta description de Brighton m'a fait grand plaisir.
-C'est tout comme si j'y tais: quelle diffrence cependant
-si j'y avais t! La description du logement ne me
-satisfait pas compltement. Je n'y vois de commode
-qu'une antichambre, et je conois qu'un archiduc peut
-s'y trouver mieux que moi, car elle lui suffit.</p>
-
-<p>Je ne suis pas tonn que le matre du lieu<a id="FNanchor_313" href="#Footnote_313" class="fnanchor">&nbsp;[313]</a> ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_169"> 169</a></span>
-t'ai point parl de <i>nous</i>; ce n'est que par St[ewart]
-qu'il apprendra quelque chose, moins que les yeux
-de sa future ne lui fassent oublier tout ce qui n'est pas
-elle<a id="FNanchor_314" href="#Footnote_314" class="fnanchor">&nbsp;[314]</a>. J'ai eu grand soin de calmer sa curiosit,
-force de ne lui rien dire <i>du vrai</i> et de convenir <i>des
-apparences</i>. La plupart des hommes ne vont pas au
-del; il leur suffit de rencontrer une apparence de
-conviction qu'on les trouve fins observateurs; ils se
-contentent de cette belle dcouverte et ne se soucient
-pas de savoir le fond de la chose.</p>
-
-<p>St[ewart] est parti convaincu d'ici que notre rapport
-se borne <i> la possibilit qu'il et pu s'en tablir un entre
-nous, si, et si, et si, etc., etc.</i></p>
-
-<p>Or, sers-t'en comme d'une sourdine et non comme
-d'une trompette: il est bon l'un comme l'autre.
-St[ewart] est un trs galant homme: ce sont tout juste
-ceux-l auxquels il faut dire tout ou ne leur confier rien.</p>
-
-<p>Les feuilles du n<sup>o</sup> 13 que tu reois aujourd'hui
-prouvent de nouveau la concidence parfaite entre nos
-occupations et nos jugements. Tu verras que, sans tre
-n au 64<sup>e</sup> degr, j'en juge parfaitement la temprature.
-Le but que je te propose doit tre le ntre, la marche
-qui doit y conduire doit nous tre commune. Le terrain
-est encore net; il ne faut pas le brouiller et avec
-un peu de prudence y parviendrons-nous. Il m'est
-arriv de parvenir des choses plus difficiles que
-celle-l, c'est peut-tre parce qu'elle devrait ne pas
-l'tre que j'y parviendrai plus difficilement. J'ai une
-longue exprience dans les affaires de ce monde et
-j'ai toujours vu que rien n'est ais arranger comme
-<span class="pagenum"><a id="Page_170"> 170</a></span>
-tout ce qui semble prsenter des difficults insurmontables.
-Aussi, quand il s'en prsente une, je commence
-toujours par voir s'il y a une impossibilit apparente:
-je ne tremble plus ds que tel est le cas.</p>
-
-<p>Je n'ose pas penser ce qui serait le succs de ma
-vie. J'ai peur mme d'y penser, car rien ne tue les
-succs comme les dsirs.</p>
-
-<p>Ma bonne amie, tu te trompes quand tu crois que le
-voyage d'Italie finira la fin de mai. Ce n'est que vers
-la mi-juillet que je pourrai songer me mettre en
-route pour l'Angleterre, et c'est ce sur quoi s'taient
-fonds mes doutes si je devais prfrer 19 20. D'aprs
-ce que tu me dis et ce que je sais, je ne crois pouvoir
-penser qu' 20, en me rservant toutefois de saisir
-tout moment propice&mdash;et il est des moments qui
-ne se prsentent qu'au vol. L'automne de 19 ne peut
-donc entrer dans aucun calcul, mais je te dirai ce que
-je prpare pour l'anne prochaine. Je compte me
-mnager un cong pour aller sur les bords du Rhin au
-mois de mai et de juin. J'irai d'abord chez moi&mdash;ce
-sera le prtexte&mdash;je passerai en Angleterre&mdash;ce sera
-le but&mdash;et je resterai dans le prtexte en passant de
-nouveau une quinzaine chez moi. Mes voyages sont
-de fortes affaires, c'est pour cela que je ne crains gure
-les dfaites. Je parie, mon amie, que si j'avais t
-gnral, j'aurais gagn les batailles et j'aurais t ross
-comme pltre dans les escarmouches. J'aimerais, dans
-tous les cas, mieux ma course Londres que Waterloo.
-Ma bonne amie, Waterloo a pourtant galement son
-mrite; la gloire de la journe me fait mme aimer la
-grosse cabaretire en face de la chapelle du lieu!</p>
-
-<p>Ainsi la chose reste dite. Si je puis juger le moment
-<span class="pagenum"><a id="Page_171"> 171</a></span>
-et le saisir au vol en 1819, tu me verras Londres. Si
-je crois le fait meilleur, de toute manire meilleur en
-1820, ce sera cette heureuse anne que j'irai. Mon amie,
-que n'est-ce demain!</p>
-
-<p class="space date">Ce 1<sup>er</sup> fvrier.</p>
-
-<p>Mon amie, comme le temps passe! Voil que <i>tout</i> va
-tre trois mois de date. Comme il passe lentement! Il
-me faudra peut-tre plus d'un an pour te revoir. Tout
-passe except le sentiment que je te porte.</p>
-
-<p>Quelle singulire personne tu es, et dans tout ce que
-tu dis et par consquent dans tout ce que tu penses!</p>
-
-<p>Tu me dis, dans ta lettre du 9 janvier: J'ai le
-malheur d'aimer l'ambition, j'aime tout sentiment qui
-pousse un homme aller en avant.</p>
-
-<p>Ce mot est si fort moi que je te permets tout au
-plus d'en partager la proprit. Je vais te le prouver.</p>
-
-<p>Quand, en 1814, l'Empereur m'a permis de joindre
-les armes de sa maison aux miennes<a id="FNanchor_315" href="#Footnote_315" class="fnanchor">&nbsp;[315]</a>, j'ai choisi un
-<i>motto</i> pour mes armes. Je me suis arrt plusieurs mois
-au mot de <i>Vorwrts</i><a id="FNanchor_316" href="#Footnote_316" class="fnanchor">&nbsp;[316]</a>, que j'ai voulu demander.
-C'est la dissonnance de la fin du mot qui m'a empch
-de le choisir dfinitivement, et je vois aujourd'hui que
-j'ai eu tort. J'ai trouv que toute l'ambition permise
-un homme se trouvait concentre dans ce mot; il porte
- la fois sur l'individu et, mon avis, bien plus encore
-sur ses devoirs. Un petit scrupule de peu de valeur m'a
-empch de choisir le mot&mdash;le fait tant dans mon
-<span class="pagenum"><a id="Page_172"> 172</a></span>
-c&oelig;ur et dans mon essence, je te plais. J'ai invent
-<i>Kraft im Recht</i><a id="FNanchor_317" href="#Footnote_317" class="fnanchor">&nbsp;[317]</a> que je porte maintenant. Si tu veux
-savoir quels sont mes principes politiques, tu en lis le
-manifeste dans ces trois paroles.</p>
-
-<p>Quant l'ambition, mon amie, ne dis pas que tu
-l'aimes. Il en est une dtestable et une autre qui seule
-porte aux belles choses, les seules grandes. Toute
-ambition qui se borne au calcul de se pousser soi-mme
-est condamnable; celle qui vous porte pousser <i>la cause</i>
-est la force motrice de tout bien. Je n'en ai et n'en
-admets point d'autre. C'est aussi celle que tu aimes,
-la seule que tu puisses aimer. Une me comme la tienne
-ne veut que ce qui est utile, car tout ce qui ne l'est pas
-n'est pas digne de tes regards. Or, l'individu n'est rien
-et la chose est tout. Je ne puis plus tre rien de plus
-chez moi que je ne suis; ma carrire est finie; je l'ai
-parcourue sans jamais penser moi, sans jamais
-demander rien, sans mme avoir voulu me charger de
-tant de responsabilits! Si j'avais de la mauvaise ambition,
-je serais content d'tre ce que je suis; or, je ne le
-suis pas. Mon ambition est de <i>faire et bien</i>; c'est elle
-qui me console en partie des immenses sacrifices que je
-lui porte. Sais-tu quelle a t la sensation que j'ai
-prouve le jour o j'ai t tout ce que je puis tre? J'ai
-manqu pleurer de la perte de ma libert, et je me suis
-sauv par l'ide que le plus mchant des sots ne trouvera
-plus moyen de croire que <i>je fais pour devenir</i>, que
-je <i>marche pour monter</i>. Quand je marche, mon amie,
-c'est pour arriver, et ma personne est maintenant hors
-de jeu. Je me trouve plac la tte d'intrts immenses;
-<span class="pagenum"><a id="Page_173"> 173</a></span>
-je ne suis pas un moment dans la journe o je n'aie le
-sentiment de ce que je dois la confiance d'un homme
-que j'aime parce que je l'estime; chaque erreur que je
-commets porte sur peu prs 30 millions d'hommes;
-je ne crains que des erreurs, car je puis me garantir mes
-intentions. Crois-tu, mon amie, que plac ainsi, je puisse
-nourrir un sentiment quelconque d'ambition relatif
-moi?</p>
-
-<p class="space date">Ce 2 fvrier.</p>
-
-<p>Quelles bonnes journes! Gordon<a id="FNanchor_318" href="#Footnote_318" class="fnanchor">&nbsp;[318]</a> m'a envoy ce
-matin des dpches que venait lui porter un courrier
-de son gouvernement. J'y ai trouv une lettre de toi,
-bien empaquete et bien bonne. C'est ton numro 11 du
-21 janvier. Tu tais bonne, tendre et triste, ce 21 janvier.
-Il t'est arriv ce qui m'arrive. Quand il m'arrive
-de rver d'un tre que j'aime, qui est loin de moi,
-je passe toujours la journe suivante dans un tat que
-je ne puis te faire comprendre que par les mots de
-<i>wehmthige Stimmung</i><a id="FNanchor_319" href="#Footnote_319" class="fnanchor">&nbsp;[319]</a>. J'ai beau vouloir me
-distraire, la journe a hrit de la pense de la nuit; je
-<span class="pagenum"><a id="Page_174"> 174</a></span>
-ne parviens pas en sortir; elle pse sur mon me, elle
-accompagne ou suit toute ide trangre son objet.
-Mon amie, je te remercie de cette nouvelle ressemblance.</p>
-
-<p>Tu me dis: Je vaux mieux ou moins que toi. Je
-t'accorde avec grand plaisir le mieux, je rejette le
-moins et je suis prt dcider que nous valons l'un ce
-que vaut l'autre. Mon amie, c'est dans cette conformit
-entire&mdash;si rare rencontrer&mdash;que se trouve le lien
-qui nous lie. Combien, si j'tais avec et prs de toi, tu
-aurais de raisons de ne plus douter de cette entire conformit!</p>
-
-<p>Tu me dis que tu m'aimes plus que tu m'as aim? Je
-le crois: tout dans ce monde avance ou recule. Rien,
-et la pense moins que toute autre chose, ne reste stationnaire.</p>
-
-<p>Tu me rappelles que je t'ai prdit que tu aimerais
-mes lettres et moi en suite de mes lettres. J'en tais
-certain, et je ne te l'eusse point dit, si je ne l'avais
-t. Je sais que mes lettres expriment ma pense;
-je sais que ma pense te convient; je sais enfin que
-si je cherchais t'crire des lettres guindes, tu
-ne m'aimerais pas. Tu as appris te confirmer par
-mes lettres dans vingt vrits que tu as eu la bont
-d'accorder sur parole. Tu as t confiante et tu t'en
-sais gr. La confiance est une chose si forte et si grande
-qu'on peut finir par la regarder, dans des cas donns,
-comme la source de tout bonheur comme de tout malheur.
-Moi, mon amie, je ne mriterai jamais le reproche
-d'avoir fait ton malheur. Je resterais cent ans en liaison
-avec toi&mdash;ce bonheur n'est pas d'ici-bas&mdash;que tu
-me retrouverais la fin le mme pour lequel tu as bien
-<span class="pagenum"><a id="Page_175"> 175</a></span>
-voulu me prendre au commencement de notre connaissance.
-Il est un lment en moi qui ne change pas,
-qui ne vieillit pas, que rien ne saurait faire dvier de
-sa ligne: c'est le c&oelig;ur. Mon c&oelig;ur a cherch dix-huit
-ans ce qu'il a trouv quarante;&mdash;mon amie, crois-tu
-que je puisse jamais vouloir cder ma proprit pour
-rentrer dans le vague? Il t'en ira de mme, tu ne me
-quitteras plus. Si, par la plus cruelle des destines, je
-devais ne pas te voir de longtemps, si notre plus prochaine
-rencontre ne pouvait avoir lieu que dans un ge
-beaucoup plus avanc, nos mes n'en feraient pas moins
-qu'une seule. Deux essences, confondues comme les
-ntres, ne se sparent plus et, si la facult existe, elles
-sont lies bien au del des bornes du temps physique.
-C'est nous chercher ne pas le voir s'couler loin de
-l'autre. La volont de l'homme est, aprs le Destin, la
-plus forte des puissances. Crois que je sais vouloir et fie-toi
- cette force que le ciel a place dans mon me. <i>Veux</i>,
-de ton ct; soyons prudents et nous arriverons au but.</p>
-
-<p>Je n'aime pas te faire de reproches, et pourtant faut-il
-que je t'en fasse un. Comment es-tu encore trouver
-dur que tu ne rencontres pas ton c&oelig;ur dans ton mnage?
-Ce bonheur, sous le point de vue du sentiment
-de l'amour, n'est rserv qu' une faible somme de
-mnages privilgis. Je ne crois pas qu'il se rencontre
-jamais dans ceux qui s'tablissent dans la premire
-jeunesse; la scurit de la possession dans l'ge des
-passions, dans celui de la force et de la fleur de l'imagination,
-tue le charme de la proprit. Je nie catgoriquement
-que jamais il puisse se rencontrer dans les
-mariages d'amour entre jeunes gens. Or tu es dans le
-premier de ces cas.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_176"> 176</a></span>
-Tu tais une enfant quand tu t'es marie<a id="FNanchor_320" href="#Footnote_320" class="fnanchor">&nbsp;[320]</a>. Tu as
-t place dans une attitude qui n'est pas conforme
-la marche de la nature dans les femmes. La jeune fille
-a besoin d'aimer sans plus; l'amour se prsente elle
-tout spirituel; le corps, la partie matrielle ne lui apparat
-pas; elle ignore que c'est elle qui la pousse et
-qui veille en elle un sentiment inconnu, mais plein de
-charmes. On jette une jeune personne entre les bras
-d'un homme qui commence par ce qui devrait tre la
-fin; ds lors, la marche mme de la nature est intervertie,
-et elle ne l'est jamais impunment. Le fait qui
-devrait ne jamais tre qu'une rcompense tourne en
-dgot et le succs en dfaite. L'me s'affaisse sous le
-poids de ce rgime, qui devrait tre inconstitutionnel
-(tu vois que je suis libral) et elle reste comprime jusqu'au
-premier moment o elle prend son essor. Le
-mnage ne parat plus alors qu'une dure ncessit&mdash;le
-devoir, un poids souvent insupportable&mdash;il semble
-un obstacle au bonheur. L'me entre en rvolution,
-elle brise des liens qui lui semblent injustes; elle se
-fonde sur une forte dclaration <i>des droits de l'homme</i>.
-Elle croit trouver le bonheur tout autre part que dans
-ce qui lui est impos comme autant de devoirs; la vie
-s'use ds lors en contraintes, en dsirs, en recherches,
-en esprances dues, en erreurs dans les choix, en
-regrets. L'ge vient, le roman cesse et les faits se
-reprsentent de nouveau dans toute leur simplicit.
-Heureux ceux qui n'ont point de reproches fonds se
-faire, cette poque recule, de s'tre prpar une
-source de regrets amers et ternels!</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_177"> 177</a></span>
-Mon amie, ne trouves-tu pas que j'ai raison?</p>
-
-<p>Mais en quoi as-tu tort?</p>
-
-<p>Dans le fait que tu regrettes ne pas trouver dans
-ton mnage ce qui ne peut s'y trouver, et en cherchant
-ce qui ne se trouve pas dans ton mari, est la cause
-de tes regrets. Tu m'aimes, tu m'aurais pous
-quatorze ans: tu ne serais pas plus avance en bonheur,
-sous le point de vue de ce que tu appelles l'emploi du
-c&oelig;ur, que tu ne l'es. De l'amour, mon amie, ne va
-pas le chercher dans le mnage; ta conscience te fera
-le reproche d'aller le chercher hors de lui: je ne dis
-pas que cette <i>partie lgislative</i> de ton tre ait tort. Je
-respecte avant tout la loi. Je suis assez faible pour y
-manquer quelquefois. Mon amie, pardonne-moi cette
-faiblesse: tu la partages; nous avons donc tort tous
-deux, sans avoir sans doute une autre excuse que le
-fait.</p>
-
-<p>Il n'existe pas une loi qui ne soit fonde sur l'application
-de la plus pure morale. Mais la force des circonstances
-a d engager souvent le lgislateur renforcer
-les termes de la loi, et la plupart de ces circonstances
-tiennent la runion des hommes en socit. L'on se
-marie pour avoir des enfants et non pour satisfaire le
-v&oelig;u du c&oelig;ur. La socit exige que telle soit la rgle,
-mais le c&oelig;ur s'y soumet bien difficilement; il finit ordinairement
-par regagner ses droits, et je suis convaincu
-que les bons mnages ne seraient frquents que si les
-unions avaient lieu entre hommes de quarante et
-femmes de trente ans. L'un et l'autre des deux partis
-saurait alors qui choisir. Ta gouvernante t'aura dit
-cent fois: Pensez d'abord et puis agissez! Ta mre te
-l'aura rpt: et l'on t'a fait faire l'<i>affaire de la vie</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_178"> 178</a></span>
-avant que tu aies mme eu la facult de penser et de
-savoir ni ce qu'est la vie, ni quelle en est l'affaire.</p>
-
-<p>Le monde, mon amie, marche d'aprs les besoins
-de la socit; le c&oelig;ur a souvent bien de la peine s'y
-soumettre. Mais ne va pas en chercher la cause hors
-toi-mme.</p>
-
-<p>Quand je t'ai dit, il y a longtemps, que je voulais
-que, pour me plaire, tu fusses bien pour ton mari, j'ai
-senti que je te donnais l'un de ces conseils que peu
-d'hommes savent donner. Mais, mon amie, tu dois
-m'aimer pour ce fait, car toi, tout juste toi, tu n'aimeras
-jamais dans l'homme que tu trouves digne d'tre
-ton ami que ce qui est bien en soi-mme ou pour le
-moins sage, dans une circonstance donne. Le sommes-nous
-de nous aimer comme nous le faisons? Je l'ignore,
-mais ce qui est certain c'est que je ne saurais faire
-autrement.</p>
-
-<p class="space date">Ce 3 fvrier.</p>
-
-<p>En parcourant ce matin ta lettre n<sup>o</sup> 9, je n'ai pu
-m'empcher de rire de ta colre contre N[eumann], de
-ce qu'il a bill pendant que tu lui parlais de moi et
-de nous. Ma bonne amie, c'est que N[eumann] n'est
-pas amoureux de moi. Et que Dieu garde qu'il le
-devienne jamais! Que ferais-je de son sentiment? Le
-mtier de confident est le plus dtestable qu'il y ait. Il
-ressemble aux charmes de celui d'un conducteur de
-diligence. T'es-t-il arriv quelquefois de devoir lire des
-lettres d'amour adresses une autre que toi? Elles me
-font l'effet d'un remde qui porte au c&oelig;ur force d'tre
-fade. Mais aussi faut-il convenir que, sur mille, il n'en est
-pas une qui ne soit l'expression de la folie, de la draison
-<span class="pagenum"><a id="Page_179"> 179</a></span>
-ou de la btise. Les pires de toutes sont celles qui
-sont rdiges dans le but de masquer la nullit complte
-de leur auteur. Le remde alors est pire que le mal.</p>
-
-<p>Crois-tu encore la possibilit que je puisse exister
-dans une liaison avec une petite sotte? Ne va pas croire
-que j'aime crire. En voyant les volumes que je
-t'cris, tu pourrais bien tre tente d'en admettre la
-chance. Je n'cris que quand je ne puis faire autrement;
-je ne t'cris pas par plaisir, mais par besoin et
-ce besoin tourne en bonheur. Je n'ai jamais ni correspondants
-ni correspondantes. Je n'cris que sur des
-<i>in-folio</i>. Je voudrais pouvoir trouver un autre mot que
-celui d'crire, quand il s'agit de toi. Je te parle, je
-cause avec toi, tu es devant moi, en moi, partout.
-J'ai mme la rputation du correspondant le plus
-dtestable, le plus paresseux du monde; c'est, de toutes
-mes rputations, la fois la plus vraie et la plus fausse.</p>
-
-<p>Dis-moi qui sont les deux Anglaises desquelles j'ai t
-amoureux? Je ne me souviens d'aucune. Les Anglaises
-sont singulires. Leurs manires sont tellement
-l'avenant que l'on serait tent de croire, quand on ne
-les connat pas, qu'elles sont laisser ou prendre sans
-plus. Elles sont si tonnes, quand elles rencontrent un
-homme qui leur parle avec un peu de suite, qu'elles
-portent sur-le-champ le mme jugement sur son compte,
-jugement qui certes est moins hasard. Mais, de l'amour,
-mme les apparences de la cour qui prcde l'amour,
-je te jure que je ne me sens pas coupable de ce crime
-envers aucune insulaire. Si je n'avais pass six mois
-Londres l'ge de dix-huit ans<a id="FNanchor_321" href="#Footnote_321" class="fnanchor">&nbsp;[321]</a>, je ne pourrais pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_180"> 180</a></span>
-rpondre en conscience si les femmes anglaises sont
-de la mme espce que celles d'en de de la Manche.
-Dis-moi, bonne amie, lesquelles de <i>vos</i> femmes se
-vantent, ce qui serait me faire trop d'honneur, et quels
-sont les imbciles qui m'en font assez pour me taxer
-de fortunes aussi mauvaises que je regarde l'tre toutes
-celles que l'on peut avoir avec des caillettes. Et tu
-m'assures que mes belles le sont!</p>
-
-<p class="space date">Ce 4.</p>
-
-<p>Mon amie, tu m'aimes bien, car tu aimes l'Autriche
-que tu n'aimais pas! Je ne te permets pas de ne pas
-m'aimer, mais je suis assez juste pour ne pas trop savoir
-pourquoi tu m'aimes tant; d'un autre ct, je ne te
-pardonnerais pas de ne pas aimer l'Autriche, car elle est
-bonne. L'un des bonheurs de ma vie serait de te voir
-l'aimer en suite d'un long essai. Tu l'aimerais alors de
-conviction, tout comme tu l'aimes aujourd'hui par
-entranement. Sais-tu ce qui t'arriverait? Tu finirais
-par l'aimer plus que je ne l'aime, car l'on a beau
-l'aimer, l'on se lasse de porter un fardeau, et celui que
-je porte est lourd.</p>
-
-<p>Tout ici est bon: je ne connais pas un fait bas sur
-un principe ou faux en lui-mme ou condamnable.
-C'est le rgime qui, au monde, respecte le plus tous les
-droits et garantit le plus toutes les liberts. Notre
-essence n'est point connue: elle ne saurait l'tre, car
-nous ne parlons gure et le monde est plus enclin
-croire sur parole ce qui n'est pas qu' se douter de
-ce qui est sans paroles. Notre pays, ou plutt nos
-pays, sont les plus tranquilles, parce qu'ils jouissent
-sans rvolutions antrieures de la plupart des bienfaits
-<span class="pagenum"><a id="Page_181"> 181</a></span>
-qui incontestablement ressortent de la cendre des
-empires bouleverss par des tourmentes politiques.
-Notre peuple ne conoit pas pourquoi il aurait besoin
-de se livrer des mouvements, quand, dans le repos,
-il jouit de ce que le mouvement a procur aux autres.
-La libert individuelle est complte, l'galit de toutes
-les classes de la socit devant la loi est parfaite, toutes
-portent les mmes charges: il existe des titres, mais
-point de privilges. Il nous manque un <i>Morning Chronicle</i>!</p>
-
-<p>Tu crois que je suis libral dans le fond du c&oelig;ur?
-Oui, mon amie, je le suis et mme au del. Je te parlerai
-un jour, quand je ne serai pas ma 34<sup>e</sup> page, de
-mes principes ce sujet, et ne t'en effraie pas: je te
-prouverai que tu n'es pas de l'opposition. Tu aimes
-l'esprit, mon amie, et tu as raison; mais ton esprit est
-si droit et si positif que tu aurais beau faire, tu ne
-saurais dvier de la ligne pratique, et c'est tout juste
-celle qui ne l'est pas qui conduit l'opposition. Rien
-n'est facile comme la critique; rien mme n'est utile
-comme elle, hors le <i>bien faire</i>. Sur cent critiques, il
-n'en est pas un qui sache le dernier. Toi, mon amie,
-tu as ce que les femmes ont si rarement et de mme ce
-qu'elles ont toutes. Tu es homme pour l'esprit, femme
-pour la finesse du tact. Tu es charmante, ma bonne D.;
-tu es ce qui me faut; je ne veux plus que toi. Ne te
-fche pas de ces aveux et n'oppose rien mes v&oelig;ux!</p>
-
-<p>Je suis occup maintenant, depuis trois jours, de
-l'occupation la plus sotte du monde. Nous avons ici
-l'ambassadeur persan<a id="FNanchor_322" href="#Footnote_322" class="fnanchor">&nbsp;[322]</a>. Ce diable d'homme veut
-<span class="pagenum"><a id="Page_182"> 182</a></span>
-tout ce l'on ne peut vouloir et se refuse tout ce qu'il
-doit. Il existe chez nous une tiquette trs svre pour
-la rception des ambassades orientales. Mirza-Abdul-Hassan-Khan&mdash;nom
-doux prononcer&mdash;est une espce
-de Chinois pour l'tiquette<a id="FNanchor_323" href="#Footnote_323" class="fnanchor">&nbsp;[323]</a>. Nous avons termin
-<span class="pagenum"><a id="Page_183"> 183</a></span>
-avec lui; je vais le recevoir, et dimanche il aura son
-audience solennelle chez l'Empereur. Le c&oelig;ur, mon
-amie, reste bien vide dans ces occasions, et, comme
-tout cependant me ramne toi, mme les ambassades
-persanes, je lui veux du bien, vu qu'il est <i>l'un de tes
-enfants</i>. Il se rend d'ici Londres, et tu l'y as peut-tre
-dj vu une fois. Il a ici avec lui une esclave gorgienne,
-de laquelle le grand vizir lui a fait cadeau<a id="FNanchor_324" href="#Footnote_324" class="fnanchor">&nbsp;[324]</a>.
-Je suis fch que cette attention n'ait pas galement
-lieu dans la Chrtient. Je sais bien quelle esclave
-j'eusse demand ton Empereur, la suite de l'entrevue
-d'Aix-la-Chapelle! Mon Dieu, comme j'aurais eu
-soin de cette gentille personne! Comme je la logerais
-bien, comme elle ne manquerait de rien et combien
-je serais bien plus elle qu'elle ne pourrait jamais
-tre moi!</p>
-
-<p class="space date">Ce 5 fvrier.</p>
-
-<p>Dans l'une de tes lettres, tu te plains de la socit
-dans laquelle tu vis. Mon amie, la mienne n'offre
-gure plus de charmes. Il y a des tres qui se contentent
-souvent de peu de chose, et beaucoup de monde
-<span class="pagenum"><a id="Page_184"> 184</a></span>
-et de bruit est peu. Je ne suis pas de ces gens-l. Je
-dteste ce que l'on appelle le monde; j'aime l'occupation
-et un cercle troit, bien connu, sr et aimable.
-Tu sais que les numros 1 sont toujours placs sous les
-lustres. Eh bien! c'est peut-tre pour cela que d'autres
-ne trouvent place que dans les coins, et c'est dans ces
-coins que se trouvent toujours l'esprit et la grce. Il
-n'est pas un pays plus strile que le ntre en hommes
-aimables; les femmes valent mieux, mais les classes
-sont par trop tranches; il n'en existe gure qui aient
- la fois de l'esprit et du charme. Les femmes spirituelles
-chez nous sont ordinairement loin d'tre aimables,
-et celles qui, au premier abord, paraissent aimables
-manquent d'esprit. Aussi n'en existe-t-il pas une ici
-qui pourrait me faire passer avec plaisir une soire
-ses cts.</p>
-
-<p>Ma socit se compose de tout ce que porte le pav
-de Vienne et de quelques hommes: ces derniers sont
-trangers et en petit nombre. Je vois habituellement
-du monde tous les soirs commencer de 9 heures. Les
-ennuyeux se sont donn le mot de se prsenter en
-masse les dimanches et les jeudis, les mdiocres
-viennent les lundis et les vendredis. Huit ou dix personnes&mdash;et
-ce sont celles qui sont bien&mdash;viennent
-peu prs tous les jours, et, les mauvais, nous ne nous
-renfermons dans notre coin que vers minuit o nous
-restons causer jusqu' 1 ou 2 heures. Ma pauvre
-amie, c'est dans ce coin&mdash;et a surtout chez toi&mdash;que
-ceux qui se runissent chez moi seraient bien et
-que tu le serais ton tour. Il faut au milieu de plusieurs
-hommes, l'esprit d'une femme spirituelle. Tout
-prend une face nouvelle; les ides gagnent en fracheur
-<span class="pagenum"><a id="Page_185"> 185</a></span>
-et rien n'est comparable au genre de finesse et
-de tact qu'une femme aimable sait dployer dans
-l'intime runion. J'ai pass les meilleures annes de
-ma vie dans ce genre de vie; ma vie mme y a t
-forme par la premire liaison que j'ai eue. La femme
-qui m'a permis de l'aimer dix-huit ans<a id="FNanchor_325" href="#Footnote_325" class="fnanchor">&nbsp;[325]</a> tait
-aimable; elle avait une tante d'un esprit trs suprieur
-et qui ne souffrait que d'aimables entours. J'ai, en
-apprenant connatre le monde, vu que rien n'est
-facile comme de faire valoir l'esprit que l'on a, et que
-rien n'est ridicule comme de courir aprs celui que
-l'on n'a pas. J'ai commenc par o ordinairement l'on
-finit. Aussi, arriv ici pour la premire fois l'ge de
-prs de vingt et un ans, on a voulu absolument m'en
-donner trente. Depuis que je suis form, je manque
-du premier lment de mon bonheur social. Mon
-amie, si tu tais ici, comme je n'en manquerais
-plus!</p>
-
-<p>Tu as raison: il y a beaucoup de femmes aimables
-en Angleterre; je connais beaucoup Lady Harrowby<a id="FNanchor_326" href="#Footnote_326" class="fnanchor">&nbsp;[326]</a>
-c'est--dire autant que l'on connat un tre que l'on a
-vu journellement pendant quelques semaines. Elle est
-<span class="pagenum"><a id="Page_186"> 186</a></span>
-bonne et peut-tre aimable. Tu me dis qu'elle l'est
-tout fait, et je le crois.</p>
-
-<p>Aprs tout, je suis difficile servir. Une femme peut
-bientt me paratre au-dessous de ce que je lui dsirerais
-d'esprit&mdash;et elle peut en avoir trop. Mais ce
-trop ne porte jamais sur la manire de l'noncer. J'ai
-pass beaucoup de temps prs de Mme de Stal<a id="FNanchor_327" href="#Footnote_327" class="fnanchor">&nbsp;[327]</a>:
-elle m'a tonn sans me charmer. Je ne conois pas
-comment elle a pu jamais entraner. J'ai d'autant plus
-de raisons d'assurer qu'elle n'aurait pu m'entraner,
-qu'elle l'avait voulu et avec une vritable assiduit et
-recherche. Ma premire connaissance avec elle date
-de Berlin, o elle a pass un hiver. J'tais continuellement
-avec elle et elle voulait tre davantage avec moi.
-Nos vues ne se sont pas rencontres. Les facilits m'ont
-sembl autant de difficults insurmontables. Son esprit
-m'a fait mal, ses gestes m'ont fait peur. La <i>femme-homme</i>
-me tue.</p>
-
-<p>Son salon, loin d'tre agrable, ressemblait au
-forum, et son fauteuil, une tribune. Elle voulait des
-esclaves enchans ses pieds, tout en ayant l'air de
-vouloir se soumettre. Je rpugne la domination et
-l'esclavage; je dsire un change d'ides libres; je
-dsire beaucoup quand j'aime, et il faut que le tout ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_187"> 187</a></span>
-ressemble pas une grce et bien moins encore une
-punition.</p>
-
-<p>Mon amie, plus j'y pense, plus je veux <i>toi</i> et moins
-je veux tout ce qui n'est pas toi.</p>
-
-<p>Je n'ai plus donn de baiser aux joues roses et
-rebondies. Je ne l'ai point fait avant d'avoir reu la
-lettre et je le ferai bien moins aprs. Il est des baisers
-qui n'en sont pas; je n'en donnerai plus mme de
-ceux-l. Mon amie, es-tu contente de ton lve?</p>
-
-<p class="space date">Ce 6.</p>
-
-<p>Tu liras dans les feuilles la ridicule crmonie que
-j'ai eue hier et que de nouveau j'aurai complter
-aprs demain. J'ai donn la plus belle audience possible
- <i>ton fils de Persan</i><a id="FNanchor_328" href="#Footnote_328" class="fnanchor">&nbsp;[328]</a>. Ce n'est que par dlicatesse
-que je ne lui ai point parl de sa gentille maman.
-Ton enfant, au reste, ne te ressemble pas.</p>
-
-<p>Une foule de curieux et de curieuses taient runis
-dans mes salons. J'ai reu le poupon au milieu de l'un
-d'entre eux, assis sous le lustre, en face de lui, le chapeau
-<span class="pagenum"><a id="Page_188"> 188</a></span>
-sur la tte, ne ressemblant pas mal un imbcile
-impotent, me levant pour recevoir une lettre de S. M. le
-Chah<a id="FNanchor_329" href="#Footnote_329" class="fnanchor">&nbsp;[329]</a>, me rasseyant, me relevant et ainsi de suite.</p>
-
-<p>La lettre du Chah est curieuse pour les titres qu'il
-me donne. Je te prie de ne plus m'en donner d'autres
-et je te les envoie cet effet en traduction. Le mot
-d'ami est si peu de chose, en comparaison de tant de
-mots! Tu es si courte et si laconique en me disant ce
-mot de trois lettres, que je te prie de me traiter dornavant
-avec un peu plus de dignit. J'ai grandi de
-beaucoup depuis hier.</p>
-
-<p>Dans la lettre du Chah, il se trouve une phrase qui,
- ce que m'assure le drogman, est un proverbe en
-Perse qui est joli: <i>Es fhrt ein Weg von Herzen zum
-Herzen</i><a id="FNanchor_330" href="#Footnote_330" class="fnanchor">&nbsp;[330]</a>. J'avoue que j'ai dcouvert ce chemin,
-mais je donne faux aussi souvent que je tche de
-m'orienter sur la route tablie entre mon c&oelig;ur et celui
-du Chah. Si, dans ce cas spcial, il en existe un, je
-crois qu'un funambule seul pourrait s'en servir.</p>
-
-<p><i>Notre</i> route, mon amie, est la plus large, la plus
-unie, la plus belle du monde. Je n'en connais point
-que je parcoure avec plus de plaisir et qu'il m'ait paru
-plus facile de dcouvrir.</p>
-
-<p>Voici le titre que me donne le Chah. Tche de
-l'apprendre par c&oelig;ur:</p>
-
-<p>/#
-<i>Werksttte des Vesierthums und der Erhabenheit;
-Ordnung des Ministeriums und der Grsse; Verstrkung
-der Ehre und Pracht; Brge der Weltgeschfte; Ordner
-der Zeitbegebenheiten; gesegneter Vesier von durchdringender
-<span class="pagenum"><a id="Page_189"> 189</a></span>
-Urtheilskraft, die der des Jupiters gleicht (Jupiter
-la plante); ausser- und hochwrdiger, mchtiger und
-prchtiger, fester und standhafter, durchlauchtiger Vesier
-und Emir; herrlicher, grossmthiger, ausserwrdiger, ansehnlichster,
-vortrefflichster, geliebtester, befreundetster;
-Maass der christlichen Grossvesiere; Muster der an Jesus
-glaubenden Grossen; Freund, bester, gtiger F. v. M.,
-Grossvesier des hohen deutschen Hofes</i><a id="FNanchor_331" href="#Footnote_331" class="fnanchor">&nbsp;[331]</a>.</p>
-
-<p class="blockquote">En as-tu assez? Eh bien! c'est la bonne moiti du titre.
-Le commencement de la lettre t'irait mieux qu'au
-Chah: <i>Nachdem die Wangen dieser Briefbraut mit dem
-Rosenroth freundschaftlicher Anwnschungen geschmcket
-werden, ist folgende hochdero durchdringenden Verstande
-unverhohlen und klar</i><a id="FNanchor_332" href="#Footnote_332" class="fnanchor">&nbsp;[332]</a>.</p>
-
-<p>Je n'y trouve de clair que l'ennui d'une pareille
-correspondance.</p>
-
-<p>L'ambassadeur conduit avec lui une Circassienne
-dont le Reiss-Effendi<a id="FNanchor_333" href="#Footnote_333" class="fnanchor">&nbsp;[333]</a> lui a fait cadeau en passant
-<span class="pagenum"><a id="Page_190"> 190</a></span>
-par Constantinople. Tu vois que ta famille va tre
-augmente la fois d'un fils et d'une espce de belle-fille.
-Heureuse mre!</p>
-
-<p class="space date">Ce 8.</p>
-
-<p>Gordon me prvient qu'il va envoyer un courrier
-chez lui. Or comme P[aul] E[sterhazy] est encore ici
-et qu'il mettra quelques jours au del du strict ncessaire
-pour vous arriver, je prfre ne pas te priver de
-cette lettre. Tu vois, mon amie, que j'ai l'ambition
-qu'elle te plaira. J'enverrai par Paul les feuilles qui
-manquent dans le n<sup>o</sup> 13 et dans le prsent n<sup>o</sup> 14. Tu
-les feras entrer dans leur ordre naturel.</p>
-
-<p>Mon amie, je voudrais bien tre plus heureux que
-je ne le suis. J'ai beau me battre les flancs, je n'en
-suis que plus triste. Tu me manques comme un lment
-ncessaire au soutien de la vie, et tu es pour moi
-l'un de ces besoins que rien ne sait remplacer et sur
-l'absence duquel rien ne console. Ma bonne D., pourquoi
-as-tu pris tant d'empire sur moi?</p>
-
-<p>Je te remercie de l'anneau et du crayon. L'un et
-l'autre sont charmants. Je porte le premier mon
-cordon de montre, car il est trop large et trop troit
-pour mes doigts. Je ne porte jamais d'anneau qu'au
-quatrime doigt: le tien me tombe du petit et il
-n'entre pas celui qui le prcde. Je vois, mon amie,
-que tu n'as pas bien mes dimensions. J'ignore comme
-tu as devin celle de mon dsir d'avoir un joli crayon.
-J'allais en acheter un et tu m'en as dispens. Je n'ai
-<span class="pagenum"><a id="Page_191"> 191</a></span>
-jamais fait une conomie qui m'ait fait plus de plaisir.</p>
-
-<p>J'espre que Paul pourra tre charg du bracelet.
-Je t'envoie galement par lui un portefeuille secret,
-tout juste de Huret. Je serai tranquille quand je te le
-saurai. Par un hasard singulier, on venait de m'en
-envoyer un de Paris, peu de moments aprs que je
-t'avais conseill d'en faire venir un par N[eumann]<a id="FNanchor_334" href="#Footnote_334" class="fnanchor">&nbsp;[334]</a>.</p>
-
-<p class="space date">Ce 9.</p>
-
-<p>Je fais partir cette lettre, mon amie. P[aul] la suivra
-dans le courant de la semaine; je prfrerais que ce
-ft en courant lui-mme, ce qui cependant n'est pas
-dans sa nature.</p>
-
-<p>Mes lettres ressemblent des ouvrages publis sous
-le rgime d'une censure. Tu es place sur le sol de l'entire
-libert de la presse; les pages qui te manquent dans
-mes n<sup>os</sup> 13 et 14 te paratront une violation de la libert
-gnrale, toi surtout qui es si librale! Mais ne t'en impatiente
-pas. Il te suffira de les recevoir pour que tu m'approuves
-de ne les confier qu' Paul. Ne te casse au reste
-pas la tte pour savoir ce qu'elles renferment. Il ne
-s'agit que de <i>nous</i>; ne te fche pas si je te dis que c'est
-tout juste ce qui m'intresse le plus au monde.</p>
-
-<p>Adieu, mon amie. L'Empereur part demain. Moi,
-je partirai d'aujourd'hui en quinze. Tu auras par Paul
-mon itinraire le plus exact que je puis faire. J'aime
-que tu saches o je suis, faute d'tre mme de te
-prouver que je t'aimerais partout o nous serions et,
-hlas! mme partout o je serais. Mon amie, il n'y a
-dans ce monde plus qu'un petit coin qui me tente; le
-<span class="pagenum"><a id="Page_192"> 192</a></span>
-monde est si grand qu'il devrait bien m'tre permis de
-ne pas devoir le parcourir ternellement en long et en
-large, moi qui ne cours pas aprs le bonheur, et qui
-voudrais le trouver o je sais qu'il rside seul pour
-moi. Adieu, ma chre et bonne D.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_193"> 193</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 15.</h2>
-<p class="date">Vienne, ce 11 fvrier.</p>
-</div>
-
-<p>Mon amie, tu sais que j'ai besoin de toi comme de
-la vie, ou plutt que je ne crois plus avoir besoin de
-vivre que pour t'aimer. Ds que je finis un numro,
-j'en commence un autre; je ne suis content que quand
-j'ai une feuille commence; sans elle, je me crois seul;
-avec elle je ne suis gure heureux, mais les pauvres,
-mon amie, ne mprisent pas les miettes de la table du
-riche. Nous ne sommes pas riches tous deux! Et pourtant
-ne me trouveras-tu jamais dispos troquer avec
-personne.</p>
-
-<p>Je crois que je serai encore dans le cas de t'envoyer
-cette lettre par un courrier qui va se trouver ma disposition
-peu avant ou l'poque mme du dpart de
-Paul. Partant en mme temps, il arrivera plus vite que
-lui, parce que Paul s'arrte Dischingen<a id="FNanchor_335" href="#Footnote_335" class="fnanchor">&nbsp;[335]</a>
-et Paris, et parce qu'il est Paul.</p>
-
-<p>Sa femme ne vous arrive pas encore, mais elle se
-promet l'Angleterre au mois d'aot ou de septembre
-prochain. Combien je serais heureux si tu voulais te
-promettre l'Autriche!</p>
-
-<p>Je commence entrer dans les tourments du dpart.
-Tu sais que rien n'est pire que tout ce qui prcde une
-fin quelconque, et celle d'un sjour mme est un peu
-<span class="pagenum"><a id="Page_194"> 194</a></span>
-comme l'agonie qui n'est que la fin de la vie. Je crois
-que j'aime l'ternit, ne ft-ce que parce qu'elle ne la
-serait pas si elle pouvait finir. Il n'est pas un tourment,
-en fait de petites choses, qui ne soit rserv aux derniers
-moments. L'examen d'une conscience ministrielle n'est
-pas peu de chose en lui-mme; j'ai peur d'oublier ce
-qui ne se prsente pas ma mmoire et ce qui, par consquent,
-est oubli de fait; j'ai peur d'entamer ce que
-je prvois ne point avoir le temps de finir; j'ai peur de
-tout, mon amie, hors de toi, et je ne crains la fois srieusement
-que toi. Tu vois l un homme bien arrang.</p>
-
-<p><i>Mes enfants</i> m'aiment tant, ou plutt aiment-ils tant
-savoir ce que je fais, que la plus grande partie d'entre
-eux courent aprs moi. J'arriverai partout comme un
-ptre avec son troupeau. Ma bonne amie, que n'es-tu
-Mme de Golovkine! La place, je crois, est vacante. Je
-ne l'ai jamais entendu parler d'un tre fminin li
-lui; ce que je lui connais ne sont que des n&oelig;uds libres
-et volontaires que je me garderais bien de dissoudre.
-Mon amie, je te prsenterais au Pape, et je parie que le
-Saint Pre te trouverait charmante et que, de tous mes
-pchs, il me pardonnerait le plus facilement d'aimer
-ce qui est aimable, de croire ce qui est raisonnable,
-de me fier ce qui est bon et de tenir ce qui est sr.
-Il me parat qu'en quatre thses, je viens d'crire l'histoire
-raisonne de mon c&oelig;ur; mes aveux sont si courts
-qu'ils ne doivent pas t'ennuyer.</p>
-
-<p>Mon dpart est dfinitivement fix au 24 fvrier,
-nouveau style. Je serai le septime jour Bologne et
-par consquent le 6 ou le 7 de mars Florence. J'y
-trouverai le printemps tabli, les jardins en fleurs, l'air
-embaum et mon c&oelig;ur sera vide.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_195"> 195</a></span>
-Je fais le voyage dans les dispositions les plus heureuses:
-je suis dcid trouver tout insipide, ne
-jouir de rien, m'ennuyer de beaucoup, en un mot
-rouler et non vivre.</p>
-
-<p class="space date">Ce 13.</p>
-
-<p>Ma journe d'hier a t l'une de celles qui ne
-m'tonnent pas, mais qui m'excdent. Trois heures de
-conseil, trois heures de travail de bureau, trois d'audience
-et, pour surcrot de chance, deux de sance chez
-Lawrence. Ces deux heures se sont passes baucher
-ma main droite. Comme je n'ai pas la moindre prtention
- la beaut de mes mains, il m'est insupportable de
-perdre des heures pour les faire peindre. Si jamais tu
-la vois, cette main droite, dis-toi que je souffre de son
-immobilit; combien elle serrerait la tienne si elle tait
-effectivement la mienne! Le portrait au reste est excellent
-en tout et pour tout. Il n'est plus mchant, je
-commence mme avoir peur que Lawrence ne l'ait
-un peu trop <i>moutonn</i>.</p>
-
-<p>Bonne amie, penses-tu quelquefois moi? Je crois
-que oui, et j'en suis satisfait. Si tu ne le faisais pas, tu
-serais la personne la plus ingrate du monde, oui,
-ingrate, c'est le mot, le seul qui convienne pour t'exprimer
-mon sentiment ce sujet.</p>
-
-<p class="space date">Ce 14.</p>
-
-<p>Gordon vient de me prvenir qu'il expdiera un
-courrier demain matin, et c'est lui qui portera cette
-lettre N[eumann]. Paul partira demain au soir avec
-ce que tu attends par lui en suite de ma dernire
-lettre. Paul est bien heureux, ou plutt serait-il bien
-heureux ma place! Quelle destine bizarre que celle
-<span class="pagenum"><a id="Page_196"> 196</a></span>
-du c&oelig;ur humain! Je le crois trs pein de quitter la
-duchesse de Sagan, je ne crois pas qu'elle le soit autant
-que lui. La duchesse me reste et je vais la quitter sans
-aucun regret. Il y a quelques annes que j'eusse donn
-beaucoup pour rester dans un mme lieu qu'elle;
-aujourd'hui, sa prsence ne m'est ni agrable, ni
-dplaisante: elle ne m'est rien.</p>
-
-<p>Paul va te rejoindre: cela lui sera trs gal. S'il
-restait ici, il serait heureux; si je partais pour Londres,
-je le serais mon tour. Tant il y a que personne n'est
-ordinairement sa place et que ceux qui s'y trouvent
-sont seuls heureux!</p>
-
-<p>Tu vas me croire inconstant, et ce que je viens de te
-dire autoriserait le reproche. Tu vas croire que je puis
-aimer aujourd'hui et ne pas aimer demain. Rassure-toi,
-mon amie; tel n'est pas le cas. Ce qui a rapport
-la duchesse est hors de mon genre et plac par consquent
-sur une ligne trs diffrente de la ntre.</p>
-
-<p>Madame de S[agan] est une femme trs bizarre; elle
-est plus que cela: elle est dcidment folle, mais d'une
-folie que je n'ai reconnue qu'en elle. <i>Elle veut toujours
-ce qu'elle ne fait pas, et elle fait ce qu'elle ne veut pas.</i>
-Telle est sa folie.</p>
-
-<p>J'ai fait sa connaissance, il y a quinze ou seize ans
-pour le moins<a id="FNanchor_336" href="#Footnote_336" class="fnanchor">&nbsp;[336]</a>. Elle tait marie et elle n'a plus voulu
-l'tre. Elle s'est divorce pour se remarier. Son mari
-<i>de choix</i> a cess d'tre son amant et mme son ami le
-jour du mariage. Elle a voulu de moi comme amant.
-Je n'ai pas voulu. Elle s'est lie avec un ennuyeux
-anglais, M. King. Peu de temps aprs sa liaison, elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_197"> 197</a></span>
-n'a plus voulu de lui, et elle est revenue moi. J'ai
-voulu me lier tout aussi peu avec elle la seconde que la
-premire fois. Elle a pris au bout de trois ans un nouvel
-amant, pour le dtester le lendemain du dbut.
-C'est alors que je l'ai prise comme l'on prend ce que
-l'on n'aime pas et mme ce dont l'on ne se soucie
-gure. Elle a conserv son amant pour la forme: j'tais
-libre et ennuy, et je la voyais quand et comme je
-voulais. Elle m'a aim parce que je ne l'aimais pas.
-Au bout de plusieurs annes, je l'ai trouve libre et
-malheureuse. J'tais libre. Je l'ai vue beaucoup et elle
-m'a demand si je ne voulais pas entrer dans des
-relations plus rgles avec elle. Je lui ai propos une
-capitulation: je lui ai demand six mois de fidlit. Je
-me croyais appel l'y maintenir; je croyais lui faire du
-bien en lui procurant du repos. Je ne l'ai jamais aime;
-mais j'ai aim les soins que je donnais l'entreprise.
-J'ai fait banqueroute! J'ai vu que, de tous les lments,
-le moins possible rencontrer en elle, c'tait la fidlit.
-Je me suis entt, comme il arrive toujours dans les mauvaises
-affaires; j'ai us cinq six mois en patience, en
-remontrances, en ennui. J'ai rompu pour ne plus revenir<a id="FNanchor_337" href="#Footnote_337" class="fnanchor">&nbsp;[337]</a>.
-Le lendemain de la rupture, Mme de S[agan] a
-voulu se tuer; j'ai tenu bon et... elle ne s'est pas tue.</p>
-
-<p>Voil mon histoire avec elle; juge si je l'ai aime,
-toi qui sais aujourd'hui ce qu'il me faut pour pouvoir
-aimer; juge de ce que je dois prouver aujourd'hui sur
-son compte! De mes amis n'ont pas conu comment je
-ne la hassais pas. C'est que la haine n'est pas dans
-mon essence et que, pour har, il faut s'aimer plus que
-<span class="pagenum"><a id="Page_198"> 198</a></span>
-l'on n'aime les autres.&mdash;Mon amie, de tous les tres
-au monde, Mme de S. m'est aujourd'hui le plus
-tranger, et celui qui doit me le rester le plus, durant
-le reste de ma vie!&mdash;Eh bien! c'est elle qui reste,
-tandis que tu es 400 lieues.</p>
-
-<p class="space date">Ce 15.</p>
-
-<p>Le courrier de Gordon part. Je lui confie cette lettre.
-Paul partira ce soir et il t'en portera une autre. Le
-courrier de G[ordon] mettra neuf jours t'arriver.
-P[aul] en mettra prs de vingt.</p>
-
-<p>Mon amie, tu pourras m'crire comme toujours,
-aprs que j'aurai quitt Vienne. Le courrier hebdomadaire
-de Paris se dirige droit sur moi. N'oublie pas que
-je m'loignerai jusqu'au mois de mai, que, par consquent,
-le retard de mes lettres ne tiendra pas moi,
-mais la cruelle distance qui nous sparera et qui
-augmentera chaque pas que je ferai vers Naples.
-C'est le Vsuve qui servira de borne ma course. La
-nature sert ici mes intrts, et je crois que je verrai avec
-plaisir ce dernier terme la distance qui doit nous
-sparer. Mon amie, je penserai toi aussi souvent que
-je verrai quelque objet digne de mon attention. L'amour
-vritable lve l'me&mdash;tu me l'as dit toi-mme&mdash;et
-tout ce qui est beau et bien dans le monde semble
-destin lui servir d'hommage et d'autel. Je penserai
- toi, je me sentirai entran vers toi et je me saurai
-gr de ce mouvement bien naturel de mon c&oelig;ur. Tu
-sais maintenant quels seront les meilleurs moments
-que je passerai en Italie!</p>
-
-<p>Adieu, mon amie. Continue m'aimer et me dire
-que tu m'aimes.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_199"> 199</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 16</h2>
-<p class="date">V[ienne], ce 15 fvrier 1819.</p>
-</div>
-
-<p>Enfin recevras-tu, mon amie, les feuilles qui te
-manquent. Tu les liras et tu comprendras pourquoi
-je n'ai pas voulu les confier une occasion trangre.</p>
-
-<p>Tu reois en mme temps par Paul ou plutt par
-N[eumann] le portefeuille. Tu trouveras ci-joint l'explication
-du secret. Je n'ai pas besoin de te dire pourquoi
-je l'ai arrang de manire ouvrir sur les nombres
-1. 8. 1. 8. Cette anne est la <i>ntre</i>; elle est celle qui a
-donn mon tre une direction nouvelle, qui a t
-pour moi tout ce qu'elle n'a pas t pour d'autres, cette
-anne, mon amie, est celle de notre <i>hgire</i>, et qu'elle
-le reste pour toujours! Mon amie, comprends-tu que je
-dois l'aimer?</p>
-
-<p>Je te connais si peu que je ne sais pas si tu es
-adroite, c'est--dire adroite comme usage mcanique
-de tes doigts; je parierais que oui, car sans cela ne
-toucherais-tu pas du piano comme tu fais. J'espre
-donc que mon explication de la serrure suffira pour
-que tu puisses te servir du portefeuille. S'il n'ouvre
-pas sur 1. 8. 1. 8, ce n'est que parce que tu n'auras
-pas mis les numros bien droit en face des signes du
-milieu. Si une fois tu as ouvert, tu ouvriras toujours.
-<span class="pagenum"><a id="Page_200"> 200</a></span>
-Il n'y a que le premier pas qui cote, en fait de cadenas
-comme en toute autre chose.</p>
-
-<p>Je t'ai envoy ce matin mon n<sup>o</sup> 15 par un courrier
-de Gordon.</p>
-
-<p>Mon amie, lis bien et avec attention les feuilles que
-je t'envoie ci-incluses, c'est--dire celles qui ont trait
- notre avenir. Tu te convaincras que j'ai fait en cette
-occasion les mmes calculs que toi. La plus grande
-distance peut sparer nos corps; nos mes sont unies
-et leur pense est uniforme. Tu es moi, mon amie;
-j'en ai eu le pressentiment et j'en ai la preuve aujourd'hui.
-Ce fait fait mon bonheur et il me comble de
-vanit. Ce n'est pas une phrase que je fais en te le
-disant.</p>
-
-<p>Tu conois que tous mes soins doivent viser chercher
-toutes les occasions possibles pour aller te rejoindre
-quand et comment je le pourrai, et partout o tu
-pourras tre. Les <i>tiens</i> runis aux miens doivent tendre
- te fixer prs de moi. Le vritable bonheur se trouvera
-l; il sera plac au-dessus de la crainte de nous
-runir pour nous sparer; le bonheur du jour sera le
-garant de celui du lendemain, et les seuls regrets que
-nous pourrons avoir seront subordonns aux charmes
-et aux jouissances que peuvent procurer la constance
-et la dure. Mon amie, je ne te parle pas ici comme un
-jeune homme. Tout est raison en moi et dans mes calculs,
-et ma vie est trop avance pour que, dans une
-question aussi grave que l'est celle de mon bonheur,
-je puisse me livrer des lgrets et des chimres,
-qui, en tout temps, ont t loin de moi, de ma pense
-et mme de ma conception.</p>
-
-<p>Paul n'est instruit de rien. Je ne lui ai nomm ton
-<span class="pagenum"><a id="Page_201"> 201</a></span>
-nom que comme j'eusse pu le faire si j'avais vu l'une
-des femmes les plus remarquables par son esprit et ses
-manires. Je ne lui ai rien dit de ce qui regarde notre
-c&oelig;ur et notre avenir. Moins l'on a de confidents, mieux
-l'on est plac dans ce monde.</p>
-
-<p>J'ai reu il y a peu de jours une lettre de notre ami
-d'Aix-la-Chapelle. Il me charge de te dire mille choses
-aimables.</p>
-
-<p>Je ne t'cris que ce peu de mots, parce que je suis
-pris par cent personnes et mille affaires et que je ne
-puis retarder le dpart de Paul qui dj n'arrive que
-trop tard.</p>
-
-<p>Mon amie, pense souvent au meilleur ami que tu
-aies au monde, et dis-toi, aussi souvent que tu penseras
- lui, que tu n'es plus seule au monde.</p>
-
-<p>Je suppose que le courrier hebdomadaire de jeudi
-prochain te portera (s'il arrive juste Paris) une nouvelle
-lettre de moi, et peut-tre mme avant que tu
-n'aies celle-ci.</p>
-
-<p>Adieu, mon amie, crois-tu que je t'aime?</p>
-
-<p>Ton bracelet n'est pas fini. S'il l'est pour jeudi, tu
-l'auras par cette occasion.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_202"> 202</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 17</h2>
-<p class="date">V[ienne], ce 18 fvrier 1819.</p>
-</div>
-
-<p>Paul a emport mon n<sup>o</sup> 16. J'espre que le prsent
-ne prcdera pas le n<sup>o</sup> 16, quoique avec Paul l'on ne soit
-sr de rien ds qu'il s'agit de promptitude.</p>
-
-<p>Ma bonne Dorothe, je possde tes n<sup>os</sup> 12, 13 et 14.
-Je les ai reus la fois ce matin par le courrier hebdomadaire.</p>
-
-<p>Je ne te gronde pas du contenu du premier. Tu
-m'aimes&mdash;et je m'en fcherais? Tu es un peu prompte
- me taxer de te dire une btise et je te le pardonne;
-mais ce que je ne te pardonne pas, c'est de te tourmenter
-pour rien. Que t'ai-je dit? Ce que je rpterai
-cent fois, force de le sentir toujours. Je ne suis pas
-amoureux de toi, mais je t'aime!</p>
-
-<p>Prfrerais-tu le contraire? Voudrais-tu que je ne
-fusse pris que d'un feu follet? Que tout ce qui est
-vrit et vidence en moi sur ton compte ne ft qu'illusion
-et confiance? Prfrerais-tu que j'aimasse en toi
-la jolie femme plus que <i>tout toi</i>, qui, heureusement
-pour toi et pour moi, renferme la fois la plus belle
-me dans une jolie enveloppe? Chaque sot, mon amie,
-peut tre amoureux, mais il faut plus, bien plus, beaucoup
-plus pour savoir aimer. Or, console-toi, bonne
-amie, si tu aimes l'entendre: je t'assurerai tant que
-<span class="pagenum"><a id="Page_203"> 203</a></span>
-tu voudras que je suis amoureux de toi et que, si je ne
-me contente pas de ce mot, ce n'est qu' force de
-t'aimer. Comment le moins ne se trouverait-il pas
-dans le plus? C'est pour la premire fois que j'ai t
-grond par un tre qui m'aime de l'aimer trop.</p>
-
-<p>Je te pardonne et je t'aime; je t'excuse parce que
-j'ai la conviction que je ne suis pas toujours bien clair
-dans ce que je dis. Je me suis arrang une langue ma
-faon; je ne sens pas comme le commun des hommes;
-je ne puis donc gure emprunter de leur dictionnaire
-amoureux. Tu apprendras, force de l'entendre, ma
-langue; elle sera la tienne, car tout ce qui m'appartient
-est toi et que tu auras tous les jours plus la conviction
-que je suis ta proprit. Uses-en comme tu le voudras;
-tu ne risques pas de la perdre, aussi longtemps que tu
-la regarderas comme tienne.</p>
-
-<p>Maintenant que je ne te gronde pas, gronde-toi toi-mme.
-Dis-toi que tout doute sur mon compte est une
-injure pour ton ami. Dis-toi que ce n'est pas dans ses paroles
-que tu aurais le droit de lui trouver des torts, et que
-ceux-ci ne peuvent se rapporter jamais qu' des faits;
-qu'en admettre la chance mme, c'est le peiner, et que
-tout ce qui tourne en tourment pour toi devient de la
-peine pour lui. Mon amie, ne te tourmente pas! Si tu le
-faisais, il y aurait dissemblance entre nous. Je n'en connais
-plus d'autre chance. Je t'aime comme tu m'aimes;
-je suis amoureux de toi comme tu l'es de moi; ta vie
-est la mienne tout comme la mienne t'appartient. Le
-prsent et l'avenir sont un bien commun nous; le
-pass n'est plus rien et notre ge date de trois mois.</p>
-
-<p>Bonne amie, nous avons grandi bien vite, et jamais
-enfants n'ont fait des progrs plus tonnants que nous.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_204"> 204</a></span>
-Parmi tous les reproches que je puis me faire, ne crains
-pas celui que je te dise trop combien je t'aime! Je trouve
-la langue si pauvre, ds qu'il s'agit d'exprimer l'amour,
-que je n'ai jamais peur de pcher par trop d'nergie
-dans l'expression. Et ma confiance en toi n'est-elle pas
-entire? Ne te semble-t-il pas impossible que je puisse
-nourrir un doute sur la force de ton caractre? T'aimerais-je
-comme je le fais, si je n'avais eu le bonheur
-de rencontrer en toi tout ce qu'il me faut! Oui, mon
-amie, tu es ce que je veux, tout ce que j'ai jamais voulu
-et ce que je n'avais pas rencontr avant que je te connusse.
-C'est bien moi qui ai le sentiment de quitude qui
-accompagne toujours le voyageur sur la bonne route;
-je ne tends qu' un seul but: ce but, c'est toi. Je ne fais
-qu'un calcul: il a rapport toi. Si je trouvais le mot, je
-t'en dirais plus encore; si tu pouvais lire dans mon c&oelig;ur
-mme, tu ne me demanderais plus jamais rien au del
-de ce que tu aurais trouv. Crois-m'en sur ma parole:
-l'homme qui aime aime beaucoup; ce qui dans la femme
-mme n'est qu'irritation, est force dans l'homme.</p>
-
-<p>Ton Shakespeare a senti ce qu'il disait, en mettant
-dans la bouche de Juliette les beaux vers que tu me
-cites; il n'tait pourtant qu'un homme et il n'avait que
-le c&oelig;ur d'un homme. C'est dans son propre fonds qu'il
-avait puis, en les crivant, ces vers qui t'ont fait
-pleurer, et pleurer cause de moi! Mon amie, gronde-toi
-beaucoup.</p>
-
-<p class="space date">Ce 19.</p>
-
-<p>Le n<sup>o</sup> 12 est pass et je commence aujourd'hui par
-ton n<sup>o</sup> 13. Merci du peu d'lgance que tu as mis
-manifester ton sentiment, qui est bien plac parce qu'il
-<span class="pagenum"><a id="Page_205"> 205</a></span>
-a rapport ta conservation. Oui, bonne amie, que le
-trottoir soit bien sec quand tu l'essaies; ne mouille
-pas de jolis petits pieds qui m'appartiennent, change
-de bas pour moi, regarde-toi comme tout ce que j'ai
-de plus prcieux et sois avare de mon bien! Dis-toi
-toujours en tout et pour tout que l'on n'a le droit d'user
-que de sa proprit et que le droit de msuser n'existe
-pas du tout. Crois-tu que je tienne mon bien? Que
-je voudrais en lcher le moindre petit bout? A propos
-de bien, envoie-moi une mche de tes cheveux.</p>
-
-<p>Je t'ai parl dernirement de N[eumann] propos de
-ta colre de ce qu'il n'tait pas amoureux de moi.
-Aujourd'hui, tu parais un peu revenue sur son compte.
-Le pauvre Neumann doit avoir de notre amour par-dessus
-la tte! Mais il est excellent et l'un des hommes
-les plus srs que je connaisse. Il est au reste tout fait
-mon lve; il a dbut dans la carrire prs de moi
-Paris et j'ai fait tout pour lui, car il mrite d'tre bien
-trait. Mon amie, as-tu jamais remarqu combien son
-pied est grand? Je ne te cite pas ce fait comme un mrite,
-mais comme une curiosit.</p>
-
-<p>N[eumann] court, ce qu'il parat, la chance des
-confidents de bonne mine. On va certes te le donner; je
-ne te dis pas de ne pas le prendre&mdash;car ce serait de
-trop&mdash;je ne te conseille mme pas de le laisser, car je
-suis sr du fait, mais je ne pourrais jamais empcher
-que l'Angleterre ne vous suppose en relations intimes,
-si vous vous mettez sur le pied d'une correspondance
-tlgraphique.</p>
-
-<p>Mande-moi quelques dtails sur St[ewart]. Que fait-il?
-Que lui fait-on? Que te dit-il? En un mot, parle-moi
-de lui. Comme il ne vient plus en Italie, ce dont je
-<span class="pagenum"><a id="Page_206"> 206</a></span>
-suis fch, j'emmnerai Gordon. Je n'aurai que six
-ministres trangers avec moi! Pourquoi M. le c[omte]
-de L[ieven] n'est-il pas du nombre?</p>
-
-<p>Tu as trs bien fait de remettre nos archives N[eumann].
-De toutes les prcautions, c'est la moins inutile,
-si toutefois il en existe une qui ne le soit pas! Le portefeuille
-que tu auras reu par Paul est un bon remde,
-pour autant qu'il n'existe point de voleurs ni de canifs.
-J'ai toujours vu que l'on trouve, quand l'on cherche
-avec esprit, et rien n'en donne comme la jalousie. Tu
-vas croire que j'aime la jalousie. Je ne te ferai pas le
-plaisir de te dire oui.</p>
-
-<p>Je ne te passe pas ton sentiment pour le Grand D.
-C.<a id="FNanchor_338" href="#Footnote_338" class="fnanchor">&nbsp;[338]</a>. Il a de l'esprit, il peut mme avoir du c&oelig;ur,
-mais la dose se fond dans une mer de dfauts, des
-dfauts <i>as boundless as the sea</i><a id="FNanchor_339" href="#Footnote_339" class="fnanchor">&nbsp;[339]</a> et pour le moins aussi
-<i>deep</i><a id="FNanchor_340" href="#Footnote_340" class="fnanchor">&nbsp;[340]</a>. Il est des hommes qui, s'ils n'taient pas ce
-qu'ils sont, ne seraient pas comme ils sont, et qui de
-mme s'ils n'taient pas ce qu'ils sont, seraient si fortement
-<span class="pagenum"><a id="Page_207"> 207</a></span>
-confondus dans la foule que le monde ignorerait
-leur existence, sans qu'il en rsulterait la moindre
-perte. Si tu savais comment je juge les habitants des
-rgions hautes, tu me croirais tout fait Jacobin! J'ai
-tant vu de faits, de choses et d'hommes; j'ai t en
-contact avec une si grande foule d'habitants de ces
-rgions, que je sais ce qui en est. Je n'ai, au reste, pas
-eu besoin de cette exprience pour arriver ce rsultat.
-Jette un regard sur la socit et comptes-y les hommes!
-Que de centaines ne faut-il pas pour en dcouvrir un,
-et combien de ces lus seraient perdus, s'ils taient
-placs sur un autel, entours du poison de l'erreur, de
-l'ignorance, de la bassesse et de la flatterie! J'ignore si
-je vaux beaucoup, j'ai mme peur quelquefois de ne
-pas valoir trop et toujours de ne pas valoir assez. Eh
-bien! j'ai la conviction que si, ds mon enfance, l'on
-m'avait assur que je suis admirable, je serais devenu
-pitoyable. Le mpris seul et pu me sauver! Bonne
-amie, ne gte pas le G[rand] D[uc]. Il y en a dj tant
-qui s'en chargent! Aprs tout, je conois que tu lui
-rendes toute la justice qu'il mrite, et tu vois que je sais
-qu'il y a du bon en lui.</p>
-
-<p class="space date">Ce 21.</p>
-
-<p>La peine que t'a faite la premire lettre dans laquelle
-je t'ai parl de la D[uchesse] de S[agan] me prouve que
-tu auras t effraye de m'en entendre parler une
-seconde fois dans ma dernire lettre. Or, il est de fait
-qu'en t'crivant par Paul, j'avais oubli que je te l'avais
-dj nomme; ce malheur m'arrivera souvent dans
-notre longue correspondance. Je t'cris toujours du
-premier jet, sans ordre, sans calcul, sans effort. Je
-<span class="pagenum"><a id="Page_208"> 208</a></span>
-puise toujours dans le mme fonds: ce fonds, c'est mon
-c&oelig;ur. Ma tte n'est pour rien dans mes lettres. Aussi
-ne peuvent-elles avoir de valeur que pour toi. Je prends
-ce qui me tombe sous la main, je le couche sur le
-papier. Si je me rpte, pardonne-le-moi.</p>
-
-<p>Comment as-tu pu t'effrayer de ce que je t'ai dit sur
-le compte de Mme de S[agan]? Comment n'es-tu pas
-arrive ne pas confondre le remde avec le mal? Si
-tu as lu ma dernire lettre dans les mmes dispositions
-que la premire, tu auras t femme prendre pour de
-l'amour ce qui n'est en moi que piti et mpris, ce qui
-surtout tient trop du dernier pour pouvoir mme tourner
-en haine! Quelle chose singulire que le c&oelig;ur
-humain, mon amie! Comme il peut obscurcir le raisonnement,
-ou plutt comme il peut le faire taire!
-Mais, parce que tu es comme tu es, je te dirai que
-Mme de S[agan] n'est pas un tre vivant pour moi et
-qu'il (<i>sic</i>) ne peut mme plus devenir un tre de raison,
-vu l'excs de sa draison. Tu vois que, sans toi, mme,
-elle m'est et ne sera jamais pour moi qu'un objet de
-dgot, malheur duquel l'on ne se sauve pas avec moi.
-Et toi, mon amie, pour qui te comptes-tu? Comment
-peux-tu croire que <i>toi dans mon c&oelig;ur</i> puisse ne pas le
-remplir assez pour ne pas en exclure toute autre que toi?
-Bonne amie, tu me connais encore bien peu! Je me fais
-quelquefois illusion sur le contraire et tu me rappelles
- l'ordre.</p>
-
-<p>Je t'ai crit dernirement que, quand je rve, je suis
-pendant vingt-quatre heures dans une disposition particulire
-et qui jamais n'est gaie. Eh bien, j'ai rv la
-nuit dernire que j'tais Londres; je suis all Drury
-Lane et, peu aprs mon arrive dans la salle, je t'ai vue
-<span class="pagenum"><a id="Page_209"> 209</a></span>
-arriver dans une loge vis--vis de la mienne. Tu m'as
-reconnu sur-le-champ. Ton mari tait avec toi. Tu m'as
-fait signe de ne pas venir chez toi. J'tais avec N[eumann].
-Je te l'ai envoy, et il est venu me dire que
-Londres n'tait autre qu'Aix-la-Chapelle et que tu n'entrevoyais
-pas la possibilit de me voir. J'ai alors quitt
-ma loge pour une autre ct de la tienne. Tu avais
-ta place un petit rideau que nous avons fait passer
-alternativement sur nos deux ttes pour nous parler
-sans tre vus. Tu m'as rpt ce que tu m'avais fait dire
-par N[eumann]. J'tais au dsespoir. Le spectacle fini,
-j'ai t chez Lady Castlereagh; j'ai vu Milord, Verrine
-et Fury<a id="FNanchor_341" href="#Footnote_341" class="fnanchor">&nbsp;[341]</a>; je ne t'ai pas vue. Lord C[astlereagh] m'a
-demand si je ferais quelque sjour. Je lui ai dit que
-non, que je repartirais dans la nuit mme. Il m'a
-demand pourquoi j'tais venu. Je me suis rveill en
-sursaut au lieu de lui rpondre.</p>
-
-<p>Bonne amie, cette nuit et ce rve mme n'ont point
-t plus dcisifs que ceux l'Htel de Bellevue<a id="FNanchor_342" href="#Footnote_342" class="fnanchor">&nbsp;[342]</a>! Mon
-amie, il y a entre toi et moi de terribles sparations que
-mes rves mmes ne semblent pas pouvoir franchir! Je
-vois bien que, pour les abattre, il faut que toute ma tte
-s'en mle, et je te rponds qu'elle ne restera pas en dfaut
-dans le premier intrt de ma vie!</p>
-
-<p class="space date">Ce 21.</p>
-
-<p>J'ai retard mon dpart d'ici de trois jours. Je ne partirai
-que le 27. Je veux attendre ici le courrier de Paris
-qui arrive le jeudi, et pouvoir rpondre le vendredi. Je
-<span class="pagenum"><a id="Page_210"> 210</a></span>
-trouverai toujours l'Empereur Bologne, et bien assez
-tt, tout juste parce que, de Bologne Londres, [il y a]
-plus de 150 lieues de plus que de Vienne! Ma fille y
-viendra la mme poque que moi. Elle est le bon
-ct de mon voyage et le seul que je lui connaisse. Tu
-as appris par le dernier courrier que tu auras toujours
- tes ordres les mmes moyens de correspondance
-avec moi qu' prsent.</p>
-
-<p>Les affaires vont mal en France<a id="FNanchor_343" href="#Footnote_343" class="fnanchor">&nbsp;[343]</a>; elles n'iront pas
-en mieux. La France est l'un des pays que je connais
-le plus: il n'est pas un des hommes employs ou qui
-pourraient l'tre que je ne connaisse fond. Le gouvernement
-(qui ne mrite gure ce nom) a commis
-faute sur faute. <i>L'aventurier</i><a id="FNanchor_344" href="#Footnote_344" class="fnanchor">&nbsp;[344]</a> a creus un abme sous
-les pas de ceux qu'il voulait servir de la meilleure foi
-du monde. C'est lui en grande partie qui a men les
-choses l o elles sont: je le lui ai dit avant, pendant
-et depuis son intrigante existence. <i>Avant</i>, il a voulu faire
-ce qu'il n'a pas fait; <i>pendant</i>, il a fait ce qu'il ne devait
-pas faire; <i>aujourd'hui</i>, il ne sait que faire. Les paroles
-lui restent; elles ne lui manqueront jamais, mais les
-paroles n'ont jamais sauv!</p>
-
-<p>Mon amie, une seule heure de bonne causerie, la
-suite de quelques heures de bonheur! Comme tu me
-comprendrais et combien tu trouverais que je puis avoir
-raison dans de trs graves questions!</p>
-
-<p>Tu me demandes dans ta dernire lettre si je connais
-Lord Lansdowne?<a id="FNanchor_345" href="#Footnote_345" class="fnanchor">&nbsp;[345]</a> Certes, je le connais depuis
-<span class="pagenum"><a id="Page_211"> 211</a></span>
-longtemps et beaucoup. C'est positivement un homme
-d'esprit, et de cet esprit d'opposition qui seul a du fond,
-c'est--dire qui seul a assez de valeur pour pouvoir
-servir de base des actions. C'est tout juste dans la distinction
-que je fais ici de l'esprit que se trouve la preuve
-que, toi, tu n'as pas cet esprit que l'on nomme vulgairement
-de l'opposition et qui s'use en paroles, en
-vaines critiques, quelquefois spirituelles et plus souvent
-oiseuses. Si tu tais homme, tu eusses t appele
-de hautes destines. Avec ta tte et ton c&oelig;ur, l'on va
- tout, parce que l'on ne se borne pas ergoter sur les
-faits d'autrui, mais que tout porte sur le besoin d'agir
-soi-mme et de faire bien, advienne que pourra! Ton
-pays, mon amie, a perdu beaucoup ce que tu ne sois
-pas un homme; moi, d'un autre ct, je gagne tant
-ce que tu ne l'es pas que, pour la premire fois de ma
-vie peut-tre, je suis heureux du malheur de tout un
-empire.</p>
-
-<p>Je connais galement Lady Grenville<a id="FNanchor_346" href="#Footnote_346" class="fnanchor">&nbsp;[346]</a>. C'est l'une
-<span class="pagenum"><a id="Page_212"> 212</a></span>
-des personnes que j'ai vues le plus Londres, lors du
-dernier mais court sjour que j'y ai fait<a id="FNanchor_347" href="#Footnote_347" class="fnanchor">&nbsp;[347]</a>. Elle a t
- Paris en 1815, o je l'ai revue dans la foule. Je sais
-qu'elle est aimable et je suis mme tent de l'aimer
-beaucoup, depuis que je sais qu'elle est ton amie. Si
-je viens Londres, tu me dfendras d'abord de la voir,
-injuste personne que tu es!</p>
-
-<p>Lord Lauderdale<a id="FNanchor_348" href="#Footnote_348" class="fnanchor">&nbsp;[348]</a> est de mes connaissances
-depuis 1794, la premire fois que j'tais Londres.
-Depuis je l'ai vu terriblement embarrass de sa personne,
-lors de sa ngociation Paris du temps du
-ministre de Fox. Aprs avoir pass sa vie dire du
-bien de la Rvolution franaise, la malheureuse opposition
-s'est trouve dans le cas de traiter avec son aimable
-rsultat. J'tais ambassadeur Paris. Lord Lauderdale
-m'tait adress pour le soutenir dans sa ngociation.
-Mon amie, j'ignore si le <i>soutenant</i> ne valait rien, mais
-je sais que je n'ai jamais rien vu ni de plus faible, ni de
-plus frle en tout et pour tout, que le <i>soutenu</i>. Le seul
-mrite qu'il a eu, c'est celui de ne pas avoir <i>ramp</i>,
-malheur assez commun tout ce qui est faible.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_213"> 213</a></span>
-Pourquoi ne peux-tu me parler quasi de personne
-que je ne connaisse? Tu m'effraies sur mon ge et sur
-le temps d'une vie trop courte que j'ai use dans les
-affaires. Au bout de cette vie, il me restera le souvenir
-d'une foule de dboires, de tourments et de
-peines et quelques rayons de bonheur! Crois-tu
-que ton image au milieu de tant de tourments
-me fasse du bien? Crois-tu, sens-tu, mon amie, ce
-que doivent tre pour moi les moments o je puis aller
-te chercher dans le fond de mon c&oelig;ur, me placer en
-ta prsence et m'occuper de <i>la vie</i> en m'occupant de
-toi? Tu m'as demand comment je trouve le temps de
-t'crire d'aussi longues lettres? Je viens de t'en confier
-le secret. J'cris trs vite; il me faut peu de minutes
-pour coucher sur le papier ce qui se passe en moi; la
-feuille commence est ct de moi: je saisis les
-intervalles entre d'ennuyeuses affaires ou des discussions
-srieuses; j'ai recours toi; j'y puise de la force
-et du bonheur. Conois-tu ce que serait pour moi ta
-prsence? L'heure du jour, la suite de tant d'heures
-de travail, de tracas, d'ennuis, passe prs de toi, causant
-avec toi, le bonheur de te parler raison et d'tre
-compris, de btises et de te voir rire, de la plaisanterie
-et te la voir partage? Mon amie, tu ne sais pas
-combien tu me manques et, si tu le savais, tu ne comprendrais
-pas encore combien tu contribuerais mon
-bonheur! Rien n'est simple comme mes gots et, par
-consquent, rien n'est facile comme de les satisfaire.</p>
-
-<p>De l'humeur? je n'en connais pas. De la peine? je
-puis en avoir, mais un mot de mon amie fait sur moi
-l'effet d'un rayon de soleil sur le brouillard. Ma vie se
-compose de peu de besoins, mais aucun n'est fait pour
-<span class="pagenum"><a id="Page_214"> 214</a></span>
-tourmenter ceux qui m'approchent. Demande si je
-suis bon mari et bon pre! L'on m'a souvent jug mal,
-on n'a jamais pouss la critique jusque sur ces terrains.
-Si tu veux savoir si un homme pourrait tre bon ami, va
-t'informer de ce qu'il est comme fils et pre. La tromperie
-ne porte jamais sur les rapports les plus naturels:
-ces rapports sont des besoins; ds qu'ils se troublent, sois
-sre qu'il y a drangement moral, et, ds qu'il existe,
-il porte sur tous ceux du c&oelig;ur. Et comment ne serais-je
-heureux, pendant le peu de moments que je passe
-t'crire? Je suis sr que tu me comprends et que peu
-de mots te suffisent pour que tu entendes mme tout
-ce que je ne te dis pas, tandis que je passe le reste de
-ma vie occup dire ce que les uns ne veulent pas
-comprendre ou n'aiment pas entendre, ce que d'autres
-interprtent dans un sens qui n'est ni dans ma pense,
-ni mme conforme mes paroles, ce qu'enfin d'autres
-comprennent et sont au dsespoir de m'avoir vu concevoir
-avant eux ou contre eux! Crois-m'en sur parole,
-mon amie: ces tout derniers sont certes de mauvaises
-gens ou des hommes pitoyables&mdash;et il en est cent pour
-un mchant!</p>
-
-<p>Ces dernires thses me rappellent un mot de ton
-Empereur et une rponse que je lui ai faite, lors de
-notre <i>intime intimit</i> en 1813. Il avait pris l'habitude
-de passer avec moi tte--tte toutes ses soires. Nous
-prenions le th (il ne m'empchait pas alors de dormir:
-ce sont les vnements glorieux de 1814 et 1815 qui
-m'ont rendu depuis ce service). J'allais chez lui ordinairement
- 8 heures, et nous causions jusqu' 11 heures
-ou minuit. Aprs l'un de nos longs entretiens, dans
-lequel nous avions coul fond des questions pareilles
-<span class="pagenum"><a id="Page_215"> 215</a></span>
- celles que je viens de traiter, l'Empereur, tout
-coup, me dit: Bon Dieu, que n'tes-vous mon ministre!
-Nous ferions la conqute du monde nous deux!&mdash;Tout
-juste pas, Sire! lui dis-je.</p>
-
-<p>L'Empereur ne se fcha pas de ma rponse bien
-peu courtisane, et je lui ai su bon gr du fait. Si son
-fond n'tait pas bon, il n'et pas pris le th avec moi le
-lendemain. Combien crois-tu qu'il y ait de Russes qui
-lui eussent rpondu comme moi? Eh bien! ce sont les
-hommes qui ne rpondent pas comme moi qui perdent
-les souverains et le monde. Crois-tu que mes principes
-d'opposition valent ceux de Lady Jersey et de son ami
-Hobhouse?</p>
-
-<p class="space date">Ce 22.</p>
-
-<p>J'ai pass hier la plus grande partie de ma journe
-dans la plus singulire occupation. J'ai un cousin
-ambassadeur Rome<a id="FNanchor_349" href="#Footnote_349" class="fnanchor">&nbsp;[349]</a> qui est malade depuis prs
-d'une anne. Son mal est l'abus qu'il a fait d'une trop
-robuste sant. Depuis l'ge de dix-huit ans jusqu' celui
-de quarante et quelques, il ne s'est point pass de jours
-o il n'ait eu trois, quatre, cinq, et mme six femmes.
-C'est te dire qu'il n'a gure t heureux dans sa vie! Or
-maintenant le contraire de ce qui a fait sa vie est chez
-lui devenu de strict devoir, car toute chose a ses justes
-<span class="pagenum"><a id="Page_216"> 216</a></span>
-bornes. Il en est tellement au dsespoir qu'il est tomb
-dans une vritable hypocondrie. Raisonnable autant
-qu'on peut l'tre, avec beaucoup d'esprit et force connaissances,
-il n'est plus bon rien&mdash;pas lui-mme.
-Il a t appel ici pour lui faire faire une course dans
-le but de le distraire. L'essai avait russi compltement.
-Il a pass quinze jours avec nous, gai comme toujours
-et surtout heureux de me retrouver, car il m'adore.
-J'ai voulu le faire partir pour son poste, o il doit se
-trouver pour y recevoir l'Empereur. Crois-tu qu'il y
-ait un moyen d'y parvenir? Il est retomb dans son
-accs de mlancolie noire. J'ai pass ma journe avec
-lui, je lui ai parl raison: il s'est tu. Je me suis fch:
-il s'est tu. Je l'eusse battu qu'il se serait tu. Il ne me
-reste plus que le parti prendre de l'emmener avec
-moi, pour le renvoyer de Rome aprs notre sjour.</p>
-
-<p>Mon amie, voil un genre de maladie que les femmes
-ne risquent pas. Il leur en reste bien assez en partage
-pour que nous n'ayons pas le droit de nous plaindre.
-Mais aussi, mon amie, comment aime-t-on autant le
-sexe et si peu la femme? Je ne serai jamais dans le cas
-du cousin et je suis charm que le mal ne puisse s'hriter.
-Bonne amie, combien tu me louerais si tu savais
-comme je me conduis, et ne va pas croire que je n'aie
-du mrite, et beaucoup, le faire.</p>
-
-<p class="space date">Ce 23.</p>
-
-<p>Je suis tout enchifren depuis plusieurs jours, et je
-prvois qu'il m'en faudra rester un au lit avant de
-partir. Tout Vienne est malade. La socit tousse
-comme un troupeau de brebis malades et je tousse plus
-fort que la socit. Ce sont vos diables de brouillards
-<span class="pagenum"><a id="Page_217"> 217</a></span>
-que vous n'avez pas et qui font de Vienne un second
-Londres, sans que nos poumons y soient faits comme
-ceux des deux Chambres du Parlement. Tous mes
-enfants sont au lit. J'y serais bien volontiers, si tu pouvais
-tre assise mon chevet. Ma bonne amie, si... et
-si..., mais que de si sans autres succs que de profonds
-soupirs!</p>
-
-<p class="space date">Ce 25.</p>
-
-<p>Je me suis bien mitonn hier, ma bonne amie, et je
-vais mieux aujourd'hui, de manire ce que je crois
-pouvoir me flatter que je sauverai le lit. J'ai toutefois
-retard mon dpart jusqu' lundi 1<sup>er</sup> mars et peut-tre
-ne me mettrai-je en route que le 2 ou le 3. Comme
-l'Empereur est Florence et qu'il n'y a gure besoin
-de moi et certes pas autant que j'ai besoin de me bien
-porter la veille d'un long et grand voyage, je suis
-sans scrupule mes propres calculs.</p>
-
-<p>Le courrier de Paris vient d'interrompre ma lettre.
-Il me porte tes lettres n<sup>os</sup> 15 et 16. Le n<sup>o</sup> 17 m'avait
-t remis hier par Heiliger.</p>
-
-<p>Je commence par ce qui, aprs ton amour, m'intresse
-le plus. C'est ta grossesse<a id="FNanchor_350" href="#Footnote_350" class="fnanchor">&nbsp;[350]</a>. Mon amie, tu as
-bien mis profit mes leons. Je t'ai dit que je voulais
-que tu fusses bien dans ton mnage. J'ignore si c'est
-mon conseil qui t'a rendue grosse ou si tu n'en as pas
-eu besoin pour le devenir. Dans tous les cas, tu l'es et
-que veux-tu que j'en dise? Certes pas ce que tu crains,
-que le fait pourrait m'empcher d'aller te voir dans le
-premier moment possible. Non, mon amie, tu ne me
-<span class="pagenum"><a id="Page_218"> 218</a></span>
-connais pas assez, si tu as pu donner cours un seul instant
- cette pense. Je ne t'aime ni plus ni moins
-<i>simple</i> ou <i>double</i>. Les grossesses dans le mariage
-doublent ses liens, mais ne doublent pas la jouissance.
-Les enfants font le bonheur. Mon amie, comment voudrais-tu
-que je puisse t'en vouloir d'tre plus heureuse?
-Tu veux une fille, je le comprends, car, sans ambition
-mme, peut-on en dsirer une. Dis-moi que tu es heureuse
-de l'ide d'tre peut-tre en train d'en avoir une.
-Le jour o elle sera venue, dis-moi que tu es heureuse
-de l'avoir. Et je serai heureux de ton bonheur. Tu vois
-que je puis, en amour comme en toute chose, m'attacher
-au fait sans en aimer la source. Quant celle-ci,
-je te rponds que je ne l'aime pas. Si je te disais moins
-sur ce chapitre, tu ne me comprendrais pas; si j'en
-disais plus, je finirais par avoir tort mes yeux et par
-consquent aux tiens. Aussi ne t'en dis-je pas davantage.</p>
-
-<p>Je te pardonne ton injuste peur relativement au
-pauvre Maurice<a id="FNanchor_351" href="#Footnote_351" class="fnanchor">&nbsp;[351]</a>, en faveur de ta propre rprimande.
-Quand, mon amie, seras-tu arrive au point de ne pas
-t'imaginer que je puisse aimer plus d'un tre au monde?
-Crois-tu qu'une personne telle que Lopoldine<a id="FNanchor_352" href="#Footnote_352" class="fnanchor">&nbsp;[352]</a>
-puisse tre utiliser sans amour? J'ignore mme si,
-avec de l'amour, elle cesserait d'tre ce qu'elle est. Et
-moi qui suis l'tre au monde le plus chaud et le plus
-calme, comment pourrais-tu t'imaginer que tout ce
-que j'ai de c&oelig;ur et de sentiment puisse porter sur des
-foyers divers, et que mon calme ne me ferait pas sentir
-le ridicule de soupirer sans raison? Je n'ai jamais soupir,
-<span class="pagenum"><a id="Page_219"> 219</a></span>
-je n'ai jamais fait la cour sans un but dtermin
-et ce but, je ne l'ai jamais trouv que dans mon c&oelig;ur.
-Je n'ai jamais poursuivi deux buts la fois, car jamais
-je n'ai rencontr la fois deux v&oelig;ux dans mon c&oelig;ur.
-Tout ce que je te permets de dire sur mon compte,
-c'est que le fait est rare. Eh bien! oui, il l'est et j'en
-conviens. Mais es-tu fche d'avoir rencontr l'homme
-qui n'a d'autre mrite que d'tre ce qu'il est, parce que
-la nature a eu la charit de ne pas le faire autre?</p>
-
-<p>Je dsire mme fortement que, dans ce monde, tu
-n'en rencontres pas un second de mon espce. Il existe
-certes, et il en existe peut-tre mme plus qu'on ne
-croit. Je ne veux pas que tu en rencontres, car je crois
-que l'tre qui serait comme moi te serait plus dangereux
-qu'un autre.</p>
-
-<p>Tu vois que je ne suis ni sans amour-propre ni sans
-calculs ds qu'il s'agit de mon bonheur, abstraction
-faite mme du tien. Pourquoi effectivement un autre
-ne satisferait-il pas ton c&oelig;ur comme moi, s'il parlait,
-comme moi, ta langue, s'il tait dou de la mme identit
-d'ides, de volont et de force de raison? Comment
-cet tre ne te rendrait-il mme pas plus heureuse que
-je ne puis te rendre, si les chanes de fer qui nous
-tiennent une aussi cruelle distance taient remplaces
-par toutes les facilits du contact et par tous les charmes
-de <i>l'amour bourgeois</i>? Ma bonne D., ne va pas le chercher,
-cet tre; contente-toi de celui que tu as trouv;
-contente-t'en avec toutes les gnes, les regrets et
-les esprances. Tu sais ce que tu tiens: une sainte
-prophtesse seule pourrait tre garantie de la mprise,
-et je ne connais pas de sainte qui ait t chercher
-l'amour ici-bas ou qui n'ait abandonn tous les liens
-<span class="pagenum"><a id="Page_220"> 220</a></span>
-terrestres avant de s'lancer dans les rgions hautes!</p>
-
-<p>Mes lettres, mon amie, sont de telles rapsodies, je
-suis tantt si haut et si bas, je traite la fois tant de
-sujets divers, je parle sur une mme page si bien et si
-mal, que je serais honteux de les crire tout autre
-tre qu' toi. Mais tu me veux tel que je suis; tu aimes
-mes qualits et mes faiblesses; je ne me gne plus; je
-dis tout ce que je pense, quand je le pense et tout
-comme je le pense. C'est toi, mon amie, dbrouiller
-le chaos de mes paroles. Il ne s'tend ni sur ma tte
-ni sur mon c&oelig;ur.</p>
-
-<p>Mon mdecin s'est enfin dclar<a id="FNanchor_353" href="#Footnote_353" class="fnanchor">&nbsp;[353]</a>. Il veut absolument
-que j'aille prendre une seconde fois Carlsbad.
-J'ai disput contre ses raisons; il les a combattues par
-la trs simple demande si je voulais me porter bien ou
-mal? Je ne suis pas encore dcid, je me sens tellement
-mieux du premier sjour que j'ai fait ces eaux
-que j'emporte encore une espce de conviction que ce
-mieux doit me mener de lui-mme au bien. Je reste
-donc l'homme des circonstances et je ne prends aucun
-engagement pour l't. Ce sont tes affaires qui me
-guideront. Tu tiens mon c&oelig;ur, le mdecin veut s'emparer
-de mon foie, les affaires ont tout droit sur ma tte.</p>
-
-<p>Or, comme rien ne peut se faire avec succs sans
-l'intervention de la dernire, je ne veux pas dcider
-entre le c&oelig;ur et le foie, moins d'tre forc subordonner
-l'un l'autre. Entre deux, certes, le c&oelig;ur
-devrait l'emporter, et je puis me fier assez sur ma raison.
-Sans elle, t'aurais-je dcouvert?</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_221"> 221</a></span>
-Mon amie, je vais me mettre rpondre tes lettres
-par le prochain numro. Il partira dans tous les cas par
-le premier courrier hebdomadaire. Duss-je mme
-partir avant le jour ordinaire de son dpart, je laisserai
-ici mon journal&mdash;car c'est bien un journal que les
-lettres que je t'cris&mdash;coup au jour de mon dpart.
-Tu sais que les courriers rguliers me suivront partout
-o je serai.</p>
-
-<p>Adieu, mon amie. Mnage-toi beaucoup dans ton
-nouvel tat. Ta grossesse peut te faire du bien, mais
-soigne-la. J'aime ta petite fille d'avance, mais jamais
-autant que sa mre.</p>
-
-<p>Le courrier va partir. Aime-moi, et bats-toi, si jamais
-ta mauvaise tte te fait douter de mon c&oelig;ur. Si toutefois
-tu te bats et mme si tu ne le fais pas, dis-le-moi
-toujours.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_222"> 222</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 18.</h2>
-<p class="date">V[ienne] ce 28 fvrier 1819.</p>
-</div>
-
-<p>Je commence avec une vritable peine cette lettre,
-car elle sera la dernire de Vienne. Vienne est
-prs de 400 lieues de Londres, mais tout finit par
-tourner chez moi en habitude et les habitudes en
-besoin. Le cours si rgulier de nos communications a
-fait mon unique charme, depuis mon retour dans un
-lieu que je n'ai jamais aim pour lui-mme et que
-j'aime bien moins encore depuis que je t'aime. Tu
-vois qu'avec tout ce que ton c&oelig;ur peut renfermer de
-jalousie, Vienne n'est et ne sera jamais ta rivale.</p>
-
-<p>J'ai beaucoup relu tes dernires lettres. Je vois,
-mon amie, que tu as pass un mauvais moment en me
-faisant <i>ton aveu</i>. Je t'en sais gr et je trouve d'autant
-plus de motifs de t'assurer que tout ce que j'ai dit ce
-sujet dans ma dernire lettre est puis au fond de mon
-c&oelig;ur. Mon amie, pourrais-je te parler et puiser d'une
-autre source? Mes v&oelig;ux portent maintenant sur ta
-sant; je ne dis pas sur ta conservation, car je ne la
-vois pas menace par ce qui fait vivre les femmes. Ne
-va pas t'imaginer qu'il suffit d'tre mon amie pour
-mourir en couches.</p>
-
-<p>La personne qui t'inspire des craintes sur ton propre
-compte serait morte toujours et de toute manire. Elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_223"> 223</a></span>
-avait l'une de ces mes qui ne sont pas dans leur
-domaine avant de s'tre dgages de leur enveloppe.
-Tout en elle tendait constamment cette sparation
-et elle tait si sre de son fait que tous ses arrangements
-taient pris bien l'avance. L'air de la sant ne
-m'a jamais tromp en elle; quand elle me parlait de
-sa mort comme du moment le plus heureux de son
-existence, elle me coupait la parole et la respiration,
- force que je sentais qu'elle ne pouvait ni mentir ni
-se tromper<a id="FNanchor_354" href="#Footnote_354" class="fnanchor">&nbsp;[354]</a>.</p>
-
-<p>Toi, tu as l'air dlicate, mais le fonds de ta sant est
-bon, et onze annes d'interruption, loin de faire du mal,
-renforcent. Tu vivras, mon amie, pour le bonheur de
-tout ce qui t'appartient.</p>
-
-<p class="space date">Ce 1<sup>er</sup> de mars.</p>
-
-<p>Encore un mois, le quatrime depuis notre sparation!
-Ce sont quatre mois de gagns sur elle. Mon
-amie, que les mois vont vite ds qu'ils se ressemblent!
-Je conserve d'un seul jour d'Aix-la-Chapelle plus de
-souvenirs que de ces quatre mois.</p>
-
-<p>L'une des bizarreries les plus singulires de l'esprit
-humain, c'est la diffrence extrme qu'il trouve entre le
-pass et l'avenir. Le prsent n'existe pas ou plutt il a
-cess ds qu'il a exist. L'avenir est long comme le pass:
-ses dimensions paraissent prodigieuses, et celles du pass
-ne paraissent rien: elles sont cependant les mmes.</p>
-
-<p>L'avenir forme le domaine de l'esprance, l'un des
-sentiments les plus doux que le Crateur ait mis dans
-le c&oelig;ur de l'homme. Le pass est celui du souvenir,
-sentiment ml de tant de charmes pnibles. Eh bien!
-<span class="pagenum"><a id="Page_224"> 224</a></span>
-le bien, mme soutenu par la plus douce des penses,
-se change dans cette singulire combinaison en tourment!
-L'ennui seul fait paratre le temps dans toute
-son extension et c'est, de toutes les tristes sensations,
-celle que jamais j'ai le moins prouve. Ce qui me
-tourmente&mdash;il parat que chaque tre a son tourment
-particulier&mdash;c'est le <i>vide d'intrt</i> et c'est ce tourment
-que je me trouve livr l'anne. Aujourd'hui,
-mon intrt porte sur un tre absent et sur une feuille
-de papier. Je ne te parle pas de celui que je porte
-mes enfants; il en est de cet intrt comme de celui
-que l'on voue sa propre existence.</p>
-
-<p>A propos de cet intrt, ai-je t fortement tourment
-ces derniers jours par une maladie assez grave
-que fait mon fils<a id="FNanchor_355" href="#Footnote_355" class="fnanchor">&nbsp;[355]</a>. Il va dans sa dix-septime anne;
-il est dans le plus fort de sa croissance; il n'a pas un
-pouce de moins que moi; sa sant est excellente et son
-c&oelig;ur et son esprit sont tout ce que je dsire. Il a t
-pris, il y a plus de trois semaines, d'une fivre rhumatique
-lgre, qui a fini par se jeter sur la poitrine. Sa
-mre et toute sa famille ont cette partie dlicate; il
-tait convalescent quand il a repris de la fivre et une
-trs forte toux. Je l'ai fait coucher et il va beaucoup
-mieux. On ne peut pas plaisanter avec un mal de cette
-<span class="pagenum"><a id="Page_225"> 225</a></span>
-espce son ge et dans ses malheureux rapports de
-parent. Depuis hier, il est certain que, dans une huitaine
-de jours, il sera entirement bien et qu'il n'y a
-pas le moindre risque, mais le mdecin lui-mme n'a
-pas pu rpondre de quelques jours s'il se tirerait d'affaire
-sans compromission quelconque.</p>
-
-<p>Je n'ai que ce fils et, si j'en avais soixante-cinq
-comme le chah de Perse, je ne l'en aimerais pas moins.
-L'ide de le perdre ou de le voir livr une frle existence
-aurait pu me tuer moi-mme.</p>
-
-<p>Tu ne me connais pas assez pour savoir que je suis
- peu prs mdecin moi-mme. J'ai depuis ma premire
-jeunesse eu un got trs prononc pour les
-sciences naturelles et, pendant mes annes d'universit,
-j'ai fait, ct de mes autres tudes, la majeure partie
-de celles qui constituent le mdecin.</p>
-
-<p>J'ai pass par-dessus tous les dgots et j'ai vcu
-dans les hpitaux et dans les salles d'anatomie. Je n'ai
-abandonn cette tude que parce que je n'en ai plus eu
-le temps; si j'avais t ce qu'a t Capo d'Istria, je
-serais rest mdecin. J'en sais au reste bien assez pour
-tre prserv de la manie commune aux amateurs de
-vouloir se mler d'une petite pratique. Le monde est
-rempli d'hommes qui croient que le demi-savoir vaut
-mieux que le savoir lui-mme ou que, pour le moins,
-il peut le remplacer. Je suis d'une opinion toute contraire;
-je n'aime que ce qui est complet. Il me reste
-cependant assez de souvenirs et j'ai mme soin de les
-rafrachir pour tre trs bon juge. Je sais l'tre pour
-tout le monde, mme pour moi, mais je cesse de l'tre
-pour mes enfants. J'ai ce dfaut de commun avec
-beaucoup de vritables savants qui jamais ne savent
-<span class="pagenum"><a id="Page_226"> 226</a></span>
-que perdre la tte, ds qu'il s'agit d'un lger mal parmi
-les leurs. C'est au reste la seule nuance de poltronnerie
-que je me connaisse.</p>
-
-<p>J'ai suivi tes traces dans la soire de <i>blue stockings</i><a id="FNanchor_356" href="#Footnote_356" class="fnanchor">&nbsp;[356]</a>.
-J'ignore si ce qui s'annonce en Angleterre
-avec de la prtention l'esprit vaut mieux
-qu'autre part, mais j'ai un peu peur que non. Dans
-tous les cas, mon amie, ton bleu n'aura pas t le plus
-ple. Tu serais o tu voudrais que tu serais ce qu'il
-faut pour tre aimable, raisonnable et bonne. Il n'y a
-hors ces trois conditions que de fausses prtentions et,
-comme tu n'es jamais hors de ton excellent naturel,
-l'Angleterre ne peut rien y gter.</p>
-
-<p>Comment ne te souviens-tu pas que c'est toi-mme
-qui a cont L[ord] St[ewart] l'histoire peu romanesque
-de la porte de l'auberge d'Henry-Chapelle?
-C'est au moins lui qui, peu de jours aprs <i>notre re</i>,
-m'a demand compte de l'pisode du goter. Je lui ai
-dit: Oui, nous avons got.&mdash;Il m'a assur que
-tu lui en avais parl propos de la similitude de nos
-gots. Avec un peu d'imagination, il peut avoir devin
-la fois juste et faux.</p>
-
-<p>Floret m'accompagne en Italie. Il fait mon ombre
-depuis douze ans. Ce n'est pas que je ne pourrais m'en
-passer, mais il a tant de bonnes qualits et, parmi elles,
-une dont je dois lui tenir compte: il m'est si franchement
-dvou, que je lui ferais un chagrin mortel si je le
-laissais jamais sortir de mon atmosphre. F[loret] est
-l'homme le plus sr de la terre, le plus probe, le plus
-dsintress. Enfin, il est tout ce qu'il me faut pour
-<span class="pagenum"><a id="Page_227"> 227</a></span>
-que je puisse dormir en pleine scurit quand il est
-prs de moi. Ce que je te dis ici doit te prouver qu'il a
-d tre <i> nous</i>.</p>
-
-<p class="space date">Ce 2 mars.</p>
-
-<p>Il m'est arriv, la nuit passe, un courrier de Ptersbourg,
-qui a port galement des dpches Gol[ovkine].
-Ce matin il est venu m'en faire la communication.
-Il est diablement ennuyeux, ton Gol.! Que de phrases,
-grand Dieu! Il est en langage philosophique ce que
-feu Kourakine<a id="FNanchor_357" href="#Footnote_357" class="fnanchor">&nbsp;[357]</a> tait en langage courtois.</p>
-
-<p>Aprs m'avoir fait une proraison d'une heure pour
-me prouver quel point sa confiance en moi tait illimite,
-il m'a assur qu'il ne croyait pas pouvoir me
-fournir une preuve plus convaincante de la force de ce
-sentiment, qu'en me faisant lecture d'une dpche d'une
-haute importance, importance d'autant plus haute
-qu'elle portait l'empreinte du temps, temps empreint de
-grandes choses, rgi par de vastes conceptions du gnie
-humain, en proie au mouvement dans les esprits, esprits
-de trempes diverses, esprits en proie au mouvement et
-mouvement dirig par l'esprit du temps, des hommes
-et des partis, qu'enfin pour me confier sa pense, toute
-sa pense, mais rien que sa pense, il croyait avant tout
-devoir chercher caractriser l'poque actuelle par une
-dfinition juste et concrte. Qu'en consquence, il
-croyait bien dire en disant que: l'poque actuelle
-est une re philosophique et philanthropique, mais
-<span class="pagenum"><a id="Page_228"> 228</a></span>
-que, dans cette poque philanthropique et philosophique,
-le moment actuel, tout juste ce moment, est
-<i>climatrique</i>.</p>
-
-<p>&mdash;Je vous comprends merveille, monsieur le
-Comte!</p>
-
-<p>&mdash;J'ai os m'en flatter! Je connais la force de
-votre jugement, la sagesse de vos principes, la rectitude
-de vos intentions, la droiture de votre pense, l'uniformit
-de nos vues, d'o il rsulte uniformit d'action,
-de fait, sagesse dans les mesures, indivisibilit dans
-les actions, oui: <i>indivisibilit</i>, j'aime ce mot parce
-qu'il forme le fond de la pense de l'Empereur, mon
-Auguste Matre. Or, passons l'affaire!</p>
-
-<p>Il tire de sa poche une dpche lithographie qui
-dit: qu'il s'est fait une rvolution en France qui doit
-fixer l'attention des Cours, que dans leur union se
-trouvera leur force, que l'Empereur regrette la sortie
-du ministre de M. de Richelieu, parce que l'esprit
-droit et conciliant du duc pouvait servir de garantie
-aux relations entre la France et les puissances!</p>
-
-<p>La vie, mon amie, est trop courte pour de pareilles
-harangues! Elle suffit la lecture de dpches simples et
-correctes, mais point des paraphrases comme sait en
-faire le bon Gol.! Si jamais tu es faite ambassadeur, vite
-avec soin d'ennuyer, d'assommer les ministres: tu auras
-alors le droit d'exiger qu'ils ne t'assomment leur tour.
-Combien tu serais bon ambassadeur! Bon tout ce que l'on
-peut tre et ce que, malheureusement pour ton pays,
-tu ne peux tre, vu qu'heureusement tu es femme! Je
-ne sais si je te dis ici une douceur, mais je sens que deux
-ou trois fois vingt-quatre heures aprs un entretien <i>climatrique</i>
-avec Gol., je reste prolixe, entortill et tant
-<span class="pagenum"><a id="Page_229"> 229</a></span>
-soit peu boursoufl. Le moral peut enfler comme une
-jambe et il faut du temps pour se dfaire d'un mal quelconque.</p>
-
-<p class="space date">Ce 3.</p>
-
-<p>Je suppose qu'il t'est arriv dans ta vie ce qui m'arrive
-maintenant. Rien n'est pire qu'un dpart, si ce
-n'est un dpart retard. Le malheur des congs est
-grand; il est lourd surtout. Eh bien, ce malheur me
-surprend depuis plus de huit jours, de jour en jour et
-d'heure en heure. J'ai retard mon dpart jusqu'
-samedi prochain, car j'ai encore une queue de rhume
-que mon mdecin ne veut pas mettre aux prises avec
-les hautes Alpes. Il a raison, mais j'en souffre plus que
-du rhume, qui ne me fait gure souffrir. Tous les
-ministres trangers brlent d'envie de partir pour ce
-qu'ils croient tre le pays de cocagne. Les retards involontaires
-que j'ai d porter mon voyage les contrarient
-et leur ardeur se reproduit pour moi en tourments.</p>
-
-<p>Mon amie, et combien tous ces aides de camp me
-sont inutiles! Combien ils contribuent peu au charme
-de ma vie et combien plutt ils psent sur elle! <i>Si</i>....,
-mon amie, tu sais de quel si je veux parler! Mon c&oelig;ur
-en est gros et je ne serai heureux que quand il sera
-ralis. Bonne amie, fais tout ce que tu peux. Je te
-promets de supporter patiemment vingt sances de
-dmonstrations philosophiques, de mme supporter
-plus, de les supporter avec plaisir, pourvu que la fin
-soit bonne et qu'elle rponde au plus cher de mes
-v&oelig;ux!</p>
-
-<p class="space date"><span class="pagenum"><a id="Page_230"> 230</a></span>
-Ce 4.</p>
-
-<p>Mon despote de mdecin ne veut me laisser partir
-que lundi 8. Je me trouve ici comme une place rduite
-aux abois. Le courrier de Paris qui devait arriver ici
-aujourd'hui est, l'heure qu'il est, en train de traverser
-les neiges du Tyrol pour m'attendre Mantoue.
-Je suis donc sans nouvelles politiques et je m'en console;
-mais je suis sans nouvelles de toi et il n'en est pas de
-mme. Je serai le sixime jour Mantoue. Je serai
-donc occup lire tes lettres le 14 au soir. Tu vois que
-je tiens un compte exact de mes jouissances.</p>
-
-<p>J'envoie le prsent courrier par Paris Londres. Je n'y
-ai gure un autre motif que l'ide d'y envoyer quelqu'un,
-faute de pouvoir m'y transporter moi-mme. Mon amie,
-quel bon courrier je serai, le jour o j'aurai traverser
-la Manche! Comme tu en seras bien aise, comme tu me
-recevras bien, mon amie, combien rien ne nous manquera!
-Tu vois comme je compte sur toi, comme sur
-tout ce qu'il y a de meilleur et de plus sr au monde!</p>
-
-<p>Le ciel commence briller ici pour la foule des
-malades et des malingres. Mon fils<a id="FNanchor_358" href="#Footnote_358" class="fnanchor">&nbsp;[358]</a> va trs bien. Il
-est depuis trois jours sans aucune fivre et en pleine
-convalescence, quoique au moins encore pour huit jours
-au lit. Maurice [de Liechtenstein] est entirement hors
-d'affaire. Son mdecin, qui est le mien, et le vieux
-Frank<a id="FNanchor_359" href="#Footnote_359" class="fnanchor">&nbsp;[359]</a>, qui avait t appel en consultation, avouent
-<span class="pagenum"><a id="Page_231"> 231</a></span>
-tous deux que, dans leur longue pratique, ils ne
-connaissent pas un cas semblable au sien. L'arthritisme,
-aprs avoir parcouru tous les systmes, aprs l'avoir
-mis, pendant quatre mois, de trois en quatre jours,
-aux portes du tombeau, a fini par dposer dans la
-jambe; on va lui faire une incision, et il sera entirement
-rtabli de cette effroyable attaque<a id="FNanchor_360" href="#Footnote_360" class="fnanchor">&nbsp;[360]</a>.</p>
-
-<p>Pour te faire grand plaisir, je te dirai que, dans les
-dernires trois semaines, je n'ai vu qu'une seule fois
-Lopoldine<a id="FNanchor_361" href="#Footnote_361" class="fnanchor">&nbsp;[361]</a>. Elle est venue dner chez moi il y a
-deux ou trois jours. La pauvre personne a l'air d'avoir eu
-la goutte elle-mme. Je lui ai dit que j'avais, devers le
-monde, une amie jalouse d'elle, et elle en a ri. Elle a
-voulu savoir qui tait cette amie. Je l'ai assure que je
-ne lui dirais pas. Elle a voulu savoir o elle se trouvait:
-je lui ai fait la mme rponse. Elle a fini par dsirer
-savoir comment elle tait, cette amie. Je l'ai assure
-qu'elle tait bonne, excellente et tout ce qu'il me faut
-pour tre elle pour la vie.&mdash;Vous tes donc bien
-heureux?&mdash;Certes et assez pour ne pas vouloir
-l'tre par aucun moyen autre que le sien.&mdash;C'est
-donc du roman?&mdash;Oui, autant que le roman peut
-tre de l'histoire.&mdash;Vous l'aimez beaucoup?&mdash;De
-toutes mes facults!&mdash;Elle est donc galement
-heureuse?&mdash;Je le crois.&mdash;Dans ce cas,
-vous avez raison tous deux!</p>
-
-<p>Voil, ma bonne D., ma conversation avec la personne
-bien innocente que tu crains malgr elle et moi.
-<span class="pagenum"><a id="Page_232"> 232</a></span>
-Tu verras au moins qu'elle n'est pas ton ennemie la
-mort et qu'il existe entre elle et toi de grands moyens
-de capitulation.</p>
-
-<p>Tu as le droit de me demander pourquoi j'ai parl
- Lopoldine de mon sentiment?</p>
-
-<p>C'est qu'elle est au fait de ma vie entire; elle a t
-tmoin de ce qui s'est pass dans mon c&oelig;ur et je la
-regarde comme une amie vritable, par consquent
-bonne et sre. Elle m'est attache ainsi que doit
-l'tre une amie de sa trempe; elle est du petit nombre
-d'individus qui m'aiment d'amiti et <i>sans plus</i>. Elle
-me rend justice sous vingt rapports; il n'en est qu'un
-sous lequel elle ne me connat pas. Elle ne croit pas
-que je sache aimer fortement. C'est que je ne l'ai jamais
-aime, et il parat que je suis de ces hommes, auxquels
-l'on ne croit pas sur mine. Toi-mme, mon amie, n'en
-avais-tu pas dout? Et t'ai-je corrige de ton erreur?</p>
-
-<p class="space date">Ce 5.</p>
-
-<p>Le courrier part, mais pas pour Londres. Il remettra
-ses paquets Paris. J'ai eu ce matin une dispute d'une
-heure avec l'ouvrier qui fait ton bracelet. Il est venu
-me le porter pour me prouver qu'il n'est pas fini, et c'est
-tout juste le contraire que je voulais. Il le sera mardi
-prochain. Je le fais mettre sous l'adresse de N[eumann]
-et il t'arrivera par le courrier hebdomadaire de jeudi
-prochain. Je serai loin alors, mon amie. Cette lettre
-est la dernire que tu recevras de moi ici. Je t'en
-expdierai une de Mantoue; l'interruption ne sera pas
-grande. Ma bonne amie, pourquoi faut-il que tu me
-fasses quitter Vienne avec regrets! Tu n'y es pas, je n'ai
-<span class="pagenum"><a id="Page_233"> 233</a></span>
-encore aucune chance de t'y voir, je t'emporte dans
-mon c&oelig;ur et pourtant je regrette Vienne, mon cabinet,
-mon bureau. C'est dans le lieu o j'ai tant pens, o je
-me suis tant occup de toi, que je tiens machinalement.
-Mon regret n'a point de sens et pourtant existe-t-il!</p>
-
-<p>Adieu, bonne amie. Aime ton ami et ne l'oublie pas
-un seul instant.</p>
-
-<p>Adieu.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_234"> 234</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 19.</h2>
-<p class="date">Schottwien, ce 8 mars 1819.</p>
-</div>
-
-<p>Je ne t'ai pas crit, mon amie, les deux derniers
-jours que j'ai passs Vienne. Il m'est rest une si
-immense besogne faire, j'ai pass les seuls moments
-que j'ai eus moi avec mes enfants, et ces moments
-ont t bien courts, j'ai enfin t de si mauvaise humeur
-que j'ai plac tout mon tablissement dans mon portefeuille,
-et c'est avec un raffinement de jouissance
-que je me suis dit aussi souvent qu'il m'est tomb sous
-les yeux: c'est l qu'est mon c&oelig;ur, je le retrouverai
-ds que je serai rendu moi-mme!</p>
-
-<p>Je suis enfin parti hier matin<a id="FNanchor_362" href="#Footnote_362" class="fnanchor">&nbsp;[362]</a>. J'eusse t l'homme
-du monde le plus heureux si, au lieu d'aller au midi,
-j'avais pu aller l'ouest. Mon amie, les quatre vents ne
-sont pas les mmes pour moi.</p>
-
-<p>Le temps s'est mis au beau depuis deux jours, mais
-il ne suffit pas d'tre raccommod avec le ciel pour
-<span class="pagenum"><a id="Page_235"> 235</a></span>
-l'tre avec la terre. Les routes sont sans fonds de
-Vienne aux montagnes, c'est--dire pendant quatre
-postes. Arriv dans le premier vallon des Alpes, j'ai
-trouv la saison change. La terre est couverte de deux
-pieds de neige et la route est gele. Je couche ici au
-pied d'une rude monte: le Semmering forme le versant
-des Alpes vers le bassin de l'Autriche et la frontire
-de la Styrie est sur son sommet. J'ai avec moi Kaunitz<a id="FNanchor_363" href="#Footnote_363" class="fnanchor">&nbsp;[363]</a>
-que je ramne Rome, Floret et le mdecin
-que j'avais Aix-la-Chapelle. Les individus de mon
-dpartement m'ont prcd en partie d'un jour et d'autres
-me suivent. Un voyage qui met en mouvement une
-quarantaine de personnes est une triste jouissance. Le
-seul objet de fantaisie que j'ai pris avec moi, c'est un
-paysagiste parfait; je l'avais envoy il y a deux ans
-Rio de Janeiro; il en est revenu l'anne dernire avec
-quatre gros volumes de dessins magnifiques. Tu les
-verras un jour en gravure. Je mne ce jeune homme
-qui fera honneur son pays et son art avec moi pour
-lui faire voir le ciel et les beaux sites de l'Italie, je le
-placerai aprs cela pour deux annes notre Acadmie
-des beaux-arts Rome. Je crois t'avoir dj dit une
-fois que les arts font aujourd'hui le charme de ma vie,
-si strile pour tout ce qui est jouissance.</p>
-
-<p>J'ai sous moi les quatre Acadmies de Vienne, de
-Milan, de Venise et de Rome. J'ai le bonheur de pouvoir
-faire du bien beaucoup d'artistes, et les artistes
-valent infiniment mieux que les savants. Ils ont ordinairement
-la tte un peu fle, mais le c&oelig;ur bon. Les
-savants pchent par le contraire.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_236"> 236</a></span>
-Floret ne me quitte jamais; il est donc naturel qu'il
-soit avec moi quand je visiterai la capitale. Mon amie,
-j'aime Floret parce que tu lui veux du bien. Envoie-lui
-l'un de ces jours une jolie petite bote cossaise. N[eumann]
-sait ce qu'il lui faut. Il la portera toujours et je serai
-charm de lui voir prendre du tabac d'une manire
-un peu plus sentimentale qu'il n'a l'habitude de le faire.</p>
-
-<p>J'ai quitt mes enfants et ma femme avec bien du
-chagrin. Tu n'as pas d'ide comme mon mnage est
-bon et confortable. Tous mes pauvres enfants ont pleur
-tout comme ils m'aiment, c'est--dire bien de bon c&oelig;ur.
-Mon fils est heureusement en pleine convalescence,
-et je n'ai plus une seule inquitude sur son compte.
-Je vais retrouver Marie, qui arrivera deux jours avant
-moi Florence. C'est le seul bon ct de mon voyage, que
-je fais bien contre-c&oelig;ur. Il y a dans le c&oelig;ur humain
-un bien mauvais ct: le devoir tue le plaisir, et quand
-je songe la foule des cardinaux qui vont faire partie
-de mes devoirs, je me sens fatigu et affadi d'avance.</p>
-
-<p>Bonsoir, mon amie. Je vais prendre le th avec ma
-compagnie.</p>
-
-<p class="space date">Kraupath, ce 9.</p>
-
-<p>Je t'cris d'un chenil laid comme son nom. La journe
-a t superbe; la Styrie vaut la Suisse; de hautes
-Alpes, de magnifiques vallons et mme des femmes avec
-d'immenses gotres. Ce n'est pas en Styrie que j'irai
-chercher mes matresses: aussi trve de jalousie. Je
-dois cet excrable gte la recommandation du prince
-Esterhazy pre<a id="FNanchor_364" href="#Footnote_364" class="fnanchor">&nbsp;[364]</a>. Il l'a couch sur son journal
-<span class="pagenum"><a id="Page_237"> 237</a></span>
-comme excellent: l'un de nous deux doit avoir bien
-mauvais got. J'aurais pass outre, si je n'avais arrt
-ici la commande de mes chevaux, et j'ai le malheur
-d'en avoir une quarantaine. Mon amie, il ne m'en
-faudrait que quatre de plus pour tre bien, bien
-heureux!</p>
-
-<p>Kraupath ne vaut pas Henry-Chapelle, et Rome ne
-vaudra certes pas Spa. Dans l'une de tes dernires
-lettres, tu t'es souvenue de la lecture que j'ai faite
-assis tes pieds. Autant qu'il m'en souvient, j'ai bien
-peu lu. Je t'ai beaucoup regarde et nous avons passablement
-caus. Tu tais fatigue de notre longue promenade;
-te souviens-tu que je t'ai arrange bien <i>dcemment</i>?
-Je sais chaque mot que je t'ai dit, depuis le premier
-que j'ai lch aprs ne t'avoir rien dit pendant
-plus de trois semaines. C'est, entre autres, Nesselrode
-qui est venu un jour chez moi, et m'a demand pourquoi
-je n'tais pas aimable avec toi. C'est que je ne le
-suis jamais trop, et moins que jamais quand je crois
-que l'on veut que je le sois; c'est peut-tre Nesselrode
-qui est cause que j'ai perdu quelques semaines de ma
-vie. Tu sais que N[esselrode] m'aime beaucoup personnellement
-et d'ancienne date; il est trs bon homme et
-je crois que tu dois lui avoir dit, lui ou sa femme,
-que tu ne me trouvais pas ton gr. C'est ce qui aura
-<span class="pagenum"><a id="Page_238"> 238</a></span>
-mont sur-le-champ le petit homme. Je me flatte qu'il
-serait content de nous, s'il savait o nous en sommes!</p>
-
-<p>Kraupath, mon amie, me ferait tourner en btise si
-j'y restais, et je ne veux pas mme t'en crire davantage.</p>
-
-<p class="space date">Friesach, ce 10.</p>
-
-<p>J'ai quitt la Styrie pour traverser la Carinthie. La
-Muhr, qui forme le vallon principal du premier de ces
-pays, coule sur un plateau trs lev. J'ai t enfonc
-dans les neiges pendant toute la journe. Ce n'est que
-depuis la dernire poste que la pente s'tablit vers le
-sud et la neige disparat. Je vais la retrouver demain
-dans les hautes Alpes-Juliennes.</p>
-
-<p>Mon amie, ces pays-ci sont pittoresques autant qu'on
-peut le dsirer: il faut l't pour les juger. C'est la
-dixime fois que je fais la route, et je t'assure de bien
-bonne foi que jamais je ne l'ai faite dans une disposition
-d'me plus mauvaise. L'on prtend que l'me ne
-connat pas les distances. La mienne n'est pas de cette
-espce. Le bonheur est 400 lieues de moi, et j'ai beau
-vouloir me faire illusion, je sens toute heure du jour
-qu'il me manque.</p>
-
-<p>J'ai recueilli aujourd'hui une preuve nouvelle que
-la haine ne pardonne pas. En traversant la capitale de
-la Haute-Styrie (Judenburg), j'y ai reu une dputation
-de magistrats. Tous les magistrats du monde se
-plaignent en permanence. Le bourgmestre de J.,
-n'ayant apparemment nul autre sujet de plainte, a
-accus les souris d'abmer les champs. Y a-t-il longtemps
-que les souris font du dgt?&mdash;Mon Dieu,
-me dit le bourgmestre, <i>c'est depuis les Franais</i>.&mdash;Comment,
-<span class="pagenum"><a id="Page_239"> 239</a></span>
-depuis les Franais? Avaient-ils des souris
-avec eux?&mdash;Non, pas tout juste avec eux, mais
-ils ont camp dans les environs de la ville; ces coquins
-n'ont fait que manger du pain et ils en ont parsem
-les champs; toutes les souris de la Styrie se sont tablies
-depuis lors ici!</p>
-
-<p>Je crois que la plaie des souris n'a, depuis que le
-monde existe, point t explique ainsi. Il doit y avoir
-eu, du temps des Pharaons, un camp de Franais en
-gypte. Avec de l'esprit critique, l'on parvient expliquer
-jusqu'aux miracles; tu vois que je sais tirer profit
-de mes voyages.</p>
-
-<p>J'ai fait aujourd'hui une journe beaucoup trop
-petite. C'est le dsespoir permanent et anticip de Floret
-qui en est cause, il a prtendu que je n'arriverais
-jamais au del, et il n'est pas 8 heures du soir. Pour
-ne pas perdre une occasion de se lamenter, Floret
-pleure l'heure qu'il est de ne pas avoir command
-les chevaux plus loin. Il est mes cts; je lui ai dit
-que je t'crivais pour l'accuser. Le voil dans de nouvelles
-angoisses. Je voudrais arriver bien vite Mantoue
-pour t'expdier ma lettre. Elle t'arrivera par le
-courrier de Paris de la semaine prochaine. Celui qui
-partira de Vienne demain doit te porter le bracelet.
-J'espre que tu le trouveras joli et surtout d'un bon
-usage: je veux que tu le portes toujours. Il tait command
-bien avant que la mesure ne me fut parvenue.
-Il se trouve que je n'ai rien eu y changer: j'ai jug
-la dimension comme si j'avais pris la mesure. C'est que
-je te vois si bien devant moi! J'ai le bonheur de ne
-jamais oublier rien de ce qui m'arrive par le sens du
-c&oelig;ur et de la vue.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_240"> 240</a></span>
-Je ferais d'ici ton portrait, je crois que je ferais ton
-moule&mdash;tel qu'il tait, mais pas tel qu'il va te convenir.</p>
-
-<p>A propos de portrait, le mien est fini, deux
-sances prs, que Lawrence m'a demandes Rome.
-Je les lui ai refuses. Il ne s'agit plus que du mollet
-droit, et je le lui abandonne. Il a fait le portrait de ma
-seconde fille, qui est vritablement charmant. Il a commenc
-par un dessin tout bourgeois; la tte finie
-l'huile, il s'est mont la posie: il en a fait une Hb
-avec l'aigle. Je n'aime pas beaucoup les portraits faonns,
-mais Lawrence a mis tant de talent celui de Clmentine
-et elle est rellement si jolie que je l'ai laiss
-faire. Il me tourmente pour le prendre avec lui
-Londres; il voudrait l'y placer l'exposition; je le
-ferai&mdash; cause de toi<a id="FNanchor_365" href="#Footnote_365" class="fnanchor">&nbsp;[365]</a>.</p>
-
-<p>Mme de M[etternich] dispute contre, car tu n'entres
-pour rien dans ses calculs. Ce sera L[awrence] qui dcidera.
-Il prtend que c'est le plus joli tableau qu'il ait
-jamais fait. Je puis louer, au reste, la figure de la petite,
-car tout autre que moi pourrait tre son pre; elle n'a
-pas un trait de moi, rien qui me rappelle: elle est trs
-brune avec une trs belle peau, elle a les yeux quasi
-noirs, le nez trs petit, la bouche petite, le visage ovale.</p>
-
-<p>Marie me ressemble beaucoup, sans avoir un seul de
-mes traits, mais Clmentine ressemble tout le monde
-except moi. Il n'en est pas ainsi du caractre: tous
-mes enfants sont comme moi, et je ne puis m'empcher
-souvent de rire, quand je les entends dire tout juste ce
-que j'aurais dit leur place.</p>
-
-<p class="space date"><span class="pagenum"><a id="Page_241"> 241</a></span>
-Conegliano, 12.</p>
-
-<p>J'ai pass la journe d'hier parcourir les hautes
-Alpes; j'ai couch Tarvis, dernire station allemande.
-Les Alpes, mon amie, lvent et affaissent l'me;
-j'ignore si jamais tu les as vues et surtout si tu les as
-traverses, je serais tent de dire vaincues, car, chaque
-pas que l'on y fait est une victoire remporte par
-l'homme sur la nature. Elles lvent l'me, car il est
-dans la nature de l'homme de grandir avec les objets
-levs; elles affaissent par leurs masses imposantes.
-Rien n'est petit, ni mdiocre dans les sites; les neiges
-ont vingt pieds d'lvation, les ruisseaux sont des torrents
-imptueux, les boulements sont des chutes de
-montagnes, les mouvements de terre enfin sont des
-lvations ou des prcipices perte de vue.</p>
-
-<p>La descente de Tarvis jusqu' Resiutta est, surtout
-dans cette saison, l'une des choses les plus curieuses.
-Entre Tarvis et Pontebba, la route est glace; les habitants
-roulent sur des traneaux la main comme les
-Lapons; mesure que l'on approche de Pontebba, la
-neige diminue et, en moins d'une demi-lieue de distance,
-vous passez des frimas dans la poussire. Le village
-de Pontebba est coup par un petit torrent nomm
-la Fella. A la Pontebba allemande (Pontafel) les maisons
-de paysans sont l'allemande: petites fentres,
-toits levs, toutes les chemines fument. Vous traversez
-un pont large de 8 ou 10 toises, et vous tombez dans
-un village italien: toits plats, gros murs, grandes croises,
-toutes ouvertes, du papier huil aux fentres au
-lieu de vitraux, le peuple en chemise et peine vtu.
-<span class="pagenum"><a id="Page_242"> 242</a></span>
-De l'un des cts, les habitants ne savent pas un mot
-d'italien, de l'autre ils n'en savent pas un d'allemand.
-Les Allemands sont en pelisse et glent, les Italiens sont
-en chemise et <i>croient</i> ne pas geler.</p>
-
-<p>A un quart d'heure de Pontebba, le soleil acquiert de
-la force, l'herbe est en travail; la moiti de la pente
-les haies bourgeonnent, les fleurs du printemps paraissent.
-Je t'envoie la premire que j'ai trouve close:
-c'est une petite anmone. Je te rponds que, le 12 de
-mars, elle est la plus haute venue dans les Alpes. Peu
-aprs, vous trouvez des ceps de vigne en espaliers;
-Resiutta se trouvent les premiers mriers.</p>
-
-<p>Les glaces de ma voiture taient geles 9 heures
-du matin; 11 heures il a fallu baisser toutes les glaces
-de la voiture pour ne pas touffer. J'avais couch
-Tarvis, mourant de froid dans mon lit malgr le feu
-dans le poile; Udine, j'ai dn avec les fentres
-ouvertes.</p>
-
-<p>Bonsoir, mon amie. Je vais me coucher, car j'ai fait
-une bien forte journe et que de nouveau j'ai froid, car
-je suis ici dans l'une des meilleures auberges du pays
-et qui a tous les charmes des maisons des Vnitiens,
-c'est--dire qu'elle est peu prs sans portes et sans
-fentres. Il n'existe pas, dans tout ce pays, une porte
-ou un chssis de fentre par lequel vous ne puissiez
-passer la main; il en est par lesquels vous passeriez la
-tte, et ce ne sont pas encore les plus mauvais.</p>
-
-<p class="space date">Vrone, 13.</p>
-
-<p>Je crois qu'il n'y a pas un pays au monde o l'on
-aille en poste comme celui-ci. La beaut des routes
-<span class="pagenum"><a id="Page_243"> 243</a></span>
-passe l'imagination, les chevaux et les postillons ont
-l'air galement fous. J'ai fait, depuis 8 heures du
-matin jusqu' 6 heures du soir, 40 lieues, c'est--dire
- peu prs 90 milles anglais et mme plus.</p>
-
-<p>J'aime beaucoup Vrone. J'y ai pass une fois quatre
-semaines; la ville est remplie d'antiquits romaines.
-Rien n'est magnifique comme l'amphithtre.</p>
-
-<p>J'ai dn aprs mon arrive, et je sors de l'Opra. Il
-est trs bon. Pour peu prs un schelling d'entre, l'on
-entend chanter l'une des premires chanteuses d'Italie,
-un bouffe excellent et un faible tnor, car il n'en
-existe pas un bon.</p>
-
-<p>J'ai oubli de faire entrer dans le calcul de la clrit
-de ma course une heure que j'ai passe
-Vicence, par o je ne passe jamais sans aller voir les
-principaux difices construits par Palladio<a id="FNanchor_366" href="#Footnote_366" class="fnanchor">&nbsp;[366]</a>: ils
-ressemblent la grandeur et la dcadence de la
-Rpublique de Venise.</p>
-
-<p class="space date">Florence, 15 mars.</p>
-
-<p>Je suis arriv au premier terme de mon voyage.
-J'ai trouv ici trois de tes lettres, ma fille et le printemps
-dans toute sa beaut. C'est beaucoup la fois;
-je serais quasi tent de dire que c'est trop, si, en fait de
-jouissances pures, il pouvait exister du trop!</p>
-
-<p>Tu tais sans lettres de moi par la faute du bon et
-lent Paul, qui, cependant, pour le coup, est moins criminel
-<span class="pagenum"><a id="Page_244"> 244</a></span>
-de ne pas avoir quitt Vienne plus tt qu'il
-ne l'a fait. L'on n'a pas toujours pour excuse un
-beau-frre mourant depuis trois mois et tout coup
-sauv. Pour le coup, Paul a eu la fois ce malheur
-et le bonheur d'avoir pu rester <i>in salvis</i> trois
-semaines de plus avec sa belle. Je ne dis pas avec
-l'objet de son affection, car il y a, de part et d'autre,
-plus de matriel que de sentiment dans la conjonction.</p>
-
-<p>Tu es un peu comme les enfants: tu pleures un jour
-et tu ris l'autre, tu te peines pour te dfcher, tu es
-bonne toujours: un mot te remet. Je crois qu'une
-lgre tape te corrigerait pour longtemps. Ma bonne
-amie, reste comme tu es: ne change pas, car je t'aime
-tout comme tu es et, en fait de sentiment, le mieux
-est positivement l'ennemi du bien. L'amour a de commun
-avec la sant qu'il n'est pas dans la nature d'aimer
-plus qu'on ne fait, tout comme l'on ne peut se porter
-mieux que bien. Et comment pourrais-tu admettre que
-je puisse t'aimer moins, parce que plus d'objets me distraient?
-Comment ce qui m'entoure, ce qui est hors de
-moi, pourrait-il dplacer ce qui remplit mon me? Mon
-amie, tu as raison de dire que rien n'est extraordinaire
-comme le rapport qui existe entre nous. Mais
-n'existe-t-il pas? Le fait est-il constant? Pourquoi
-l'expliquer ds qu'il existe? Mon amie, la seule thorie
-que je me permets sur notre compte, c'est le chagrin
-que nous soyons spars, que je ne puisse pas te
-donner tout ce que veut mon c&oelig;ur, de ne pas tre prs
-de toi, comme 600.000 Anglais se trouvent ct de
-600.000 Anglaises dans la bonne ville de Londres.
-Cette thorie est elle-mme un fait, triste, pnible,
-<span class="pagenum"><a id="Page_245"> 245</a></span>
-affreux, plac hors de notre volont et, comme tel, l'un
-des plus cruels mes yeux. Je crois que chaque jour
-doit ajouter ta conviction que je suis un homme d'une
-trempe diffrente de celle de la plupart de mes confrres
-en humanit. Mais tu m'aimes tel que je suis,
-et j'en suis pour le moins aussi tonn que charm et
-heureux. Ne crains rien, je t'en conjure: chaque
-crainte de ta part est une injure pour ce que j'aime
-seul en moi, pour mon c&oelig;ur. Tu ne me connais pas
-encore assez pour tre sre que le jour o je t'aimerais
-moins, tu lirais dans l'une de mes lettres ces trois
-mots bien prcis: je t'aime moins! Or, ne crains pas de
-mme ce jour; il n'est pas dans mon habitude de flchir;
-j'ai le c&oelig;ur pour le moins aussi tenace que la
-tte; c'est peut-tre ce qui m'a fait injurier par le commun
-du peuple aimant qui brle comme un feu de
-paille, qui remplit les alentours de bruit, d'clat et de
-fume, et qui peine laisse la trace de quelques
-lgres cendres. Il en est de ces amants comme du
-superbe de l'criture: j'ai pass, il n'existait plus!
-Moi, mon amie, je reste dans toute ma simplicit,
-bonne foi et humilit.</p>
-
-<p>Je t'ai prvenue que je te ferai une espce de journal
-de mon voyage. Mes lettres portent toujours l'empreinte
-de mon existence: je les crois bonnes parce que je
-n'en cherche ni la pense ni le mot. Je voyage; or il
-faut bien que tu voyages avec moi. T'ai-je laisse
-Vienne, mon amie? Es-tu moins avec moi Florence
-que tu ne l'as t Vienne et que tu ne le seras Rome?
-Je suis tent de croire que tu as quelquefois bien mauvaise
-opinion de moi.</p>
-
-<p>J'ai couch hier Bologne. J'y ai got les charmes
-<span class="pagenum"><a id="Page_246"> 246</a></span>
-du premier cardinal que j'aie rencontr sur mes pas<a id="FNanchor_367" href="#Footnote_367" class="fnanchor">&nbsp;[367]</a>.
-Je t'assure, mon amie, que je n'en ferai point d'autres
-<i>de faux</i><a id="FNanchor_368" href="#Footnote_368" class="fnanchor">&nbsp;[368]</a> en Italie. Aprs cette assurance, ne va pas me
-prendre pour grec et mme pour romain dans mes gots.</p>
-
-<p>Mon amie, voyager comme je le fais, a de bons et de
-mauvais cts, et je trouve que les derniers sont plus
-saillants et surtout plus sensibles. Je vais comme
-l'clair; l'on ne m'assassinera pas, car je trouve un
-demi-escadron de cavalerie pour m'escorter chaque
-poste. Je ne rponds toutefois pas que je ne me casse
-le col. Je suis toujours log merveille. Je sors d'un
-lit de parade pour me recoucher dans un autre qui
-tient beaucoup d'un <i>castrum doloris</i>. Voil le bon. Mais
-je suis accabl de rvrences, et les rvrences italiennes
-sont longues comme les steppes de ton pays et un peu
-plus arides. Je veux dormir dans ma voiture, et je suis
-rveill par une dputation qui fait une harangue
-effroyable. J'arrive et je veux me coucher: point du
-tout! Une socit prie m'attend. Je trouve cinquante
-messieurs et dames en grande tenue qui demandent
-des nouvelles de ma sant, et qui veulent me forcer
-prendre des <i>rinfreschi</i><a id="FNanchor_369" href="#Footnote_369" class="fnanchor">&nbsp;[369]</a>, moi qui n'en prends jamais.
-<span class="pagenum"><a id="Page_247"> 247</a></span>
-Enfin, je me retire, je suis moi: et il s'tablit
-une troupe d'effroyables chanteurs sous mes fentres.</p>
-
-<p>Le premier bon moment que j'aie eu, c'est de voir ma
-fille qui est venue ma rencontre. Elle m'a rejoint la
-moiti de la deuxime poste, sous les murs de l'antique
-Fiesole, o Catilina a mis bas les armes, ce dont bien
-doit peiner Lady Jersey!</p>
-
-<p>A la descente des Apennins commence la vritable
-Italie. Les champs sont couverts d'oliviers, tous les
-bosquets sont verts ternellement: rien que du laurier
-de toute espce, du sycomore et du chne toujours vert.
-Les fleurs parent les champs, le mois de mai a l'air
-d'avoir usurp sur le mois de mars, les hommes portent
-le chapeau de paille et les bls sont longs d'un pied. Plus
-de mulets que de chevaux et plus de belles dents dans
-un village que dans toute une province au del des
-Alpes. Mon amie, si j'avais la fantaisie d'tre mordu, je
-voudrais l'tre de prfrence en Toscane.</p>
-
-<p>Bonsoir, chre D. Tu es prs de moi au Palazzo Dragomanni<a id="FNanchor_370" href="#Footnote_370" class="fnanchor">&nbsp;[370]</a>
-comme la Chancellerie d'tat. Ce n'est,
-hlas! dans aucun de ces lieux que je puis tre heureux
-comme je voudrais l'tre!</p>
-
-<p class="space date">Ce 16.</p>
-
-<p>Mon amie, je n'ai pas fait partir mon courrier de
-Mantoue, parce que ma lettre n'et point concid avec
-<span class="pagenum"><a id="Page_248"> 248</a></span>
-le passage du courrier de Vienne par Munich. Je l'expdie
-aujourd'hui.</p>
-
-<p>Je puis te dire maintenant ce que je fais d'ici la fin
-d'avril.</p>
-
-<p>L'Empereur quittera Florence le 29 mars. Je partirai
-le 26 pour Livourne. J'y coucherai et le 27 j'irai
-Pise. Je veux que ma fille voie ces deux villes. Le 28,
-j'irai, par la traverse, de Pise Sienne. Le 29, je coucherai
- Radicofani, le 30 Viterbe et je serai le 31
-Rome, deux jours avant l'Empereur. Nous y resterons
-jusqu'au 24 ou 25 avril et nous irons Naples.</p>
-
-<p>Je me suis fait le plaisir de me reposer ce matin la
-Galerie des vingt courses d'tiquette que j'ai d faire.
-Cent chefs-d'&oelig;uvre, tels qu'il n'en existe pas de
-seconds, m'ont dlass de la vue de beaucoup d'objets
-modernes et vivants qui ne valent pas ce que renferme
-le trsor des Cme de Mdicis. C'taient de fiers
-hommes que les Cme et les Laurent, si dignement
-remplacs par Lopold I<sup>er</sup><a id="FNanchor_371" href="#Footnote_371" class="fnanchor">&nbsp;[371]</a>!</p>
-
-<p>Tout respire ici la grandeur, le got et l'humanit
-dans son relief le plus beau et le plus pur! Je crois,
-<span class="pagenum"><a id="Page_249"> 249</a></span>
-mon amie, que je serais plus heureux <i>ici</i> avec toi encore
-qu'autre part. C'est le plus bel loge que je puisse faire
-du lieu. J'ignore si tu aimes les tableaux, les statues,
-les bronzes, les marbres, les antiques de toute espce.
-Je le crois, car je le dsire. J'ai t ce soir pour une
-demi-heure l'Opra. On nous donne l'<i>Otello</i> de Rossini<a id="FNanchor_372" href="#Footnote_372" class="fnanchor">&nbsp;[372]</a>
-avec de mdiocres sujets.</p>
-
-<p>Adieu, mon amie. Je vais me coucher, car j'ai tant
-fait dans ma journe qu'il ne m'et pas fallu un dner
- la Cour pour m'achever. Je suis fatigu et je t'aime
-comme si je ne l'tais pas. D'aprs tes calculs, je
-devrais t'aimer un peu moins; mais comme il m'est
-prouv que mon sentiment pour toi ne rside ni dans
-mes jambes ni dans ma tte, je t'aimerai de mme
-dans toutes les circonstances de ma vie et sous l'influence
-de tous les climats de la terre. Adieu, aime-moi
-comme je t'aime: je n'en puis dsirer davantage.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_250"> 250</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 20.</h2>
-<p class="date">Florence, ce 18 mars 1819.</p>
-</div>
-
-<p>J'ai relu hier toutes les lettres que j'ai reues depuis
-mon arrive Mantoue, c'est--dire tes numros 19,
-20 et 22. Le n<sup>o</sup> 21 doit m'arriver toute heure par
-Gordon. Je suis sr qu'il ne peut tarder de me joindre.
-Son envie de nous suivre tait si grande que la diligence
-qu'il fera sera la mme.</p>
-
-<p>Mon Dieu! bonne amie, si tu pouvais tre prs de
-moi! Tu serais bien heureuse et contente. De la manire
-dont je te connais et de celle mme dont je ne te connais
-pas, mais qui ne saurait chapper mes pressentiments,
-je crois que peu de choses te manqueraient. D'abord,
-moi et je suis beaucoup pour toi;&mdash;et puis tant d'objets
-aussi vritablement dignes de culte et d'admiration
-que je m'en sens peu digne, un pays qui remplit l'me
-de tant de nobles souvenirs, un pays qui depuis tant de
-sicles avance toujours dans sa prosprit, habit par
-un bon peuple et qui sent avec vivacit le sort heureux
-que la nature lui a assign! Des monuments magnifiques
-qui se trouvent chaque pas; un ciel pur et serein; de
-la musique comme tu en fais et comme tu l'aimes! Mon
-amie, tu serais heureuse prs de moi Florence, et je ne
-le suis pas loin de toi! L'ambassadeur de France<a id="FNanchor_373" href="#Footnote_373" class="fnanchor">&nbsp;[373]</a>,
-<span class="pagenum"><a id="Page_251"> 251</a></span>
-Golovkine, Krusemarck<a id="FNanchor_374" href="#Footnote_374" class="fnanchor">&nbsp;[374]</a> sont ici ou vont y arriver.
-Ceux de mes enfants qui y sont ne me quittent pas de
-toute la journe; je les conduis partout; je connais Florence
-par c&oelig;ur; l'on nous invite partout ensemble. Si
-tu tais ici, tu ne me quitterais pas davantage, et il y
-aurait mme de la dcence dans le fait. Ma pauvre amie,
-pourquoi faut-il que tu ne sois pas Mme de Golovkine?
-Cette ide se prsente mon c&oelig;ur sans aucune jalousie;
-je suis sr que ton amour pour moi n'y perdrait rien,
-et la somme de mon bonheur en serait tant accrue! Tu
-ne verrais pas, la vrit, tes amis et tes amies de
-Londres, mais ne trouverais-tu pas sous la main le
-meilleur de tous ceux que tu as, que jamais tu as eus et
-certes que jamais tu puisses avoir.</p>
-
-<p>Je me suis tromp effectivement sur l'individu
-duquel tu m'avais parl dans l'une des lettres de plusieurs
-semaines de date<a id="FNanchor_375" href="#Footnote_375" class="fnanchor">&nbsp;[375]</a>. J'ai cru qu'il s'agissait de
-ton sjour Berlin. J'ai beaucoup connu D. dans
-cette mme ville en 1805<a id="FNanchor_376" href="#Footnote_376" class="fnanchor">&nbsp;[376]</a>. J'ai eu de fortes affaires
-<span class="pagenum"><a id="Page_252"> 252</a></span>
- traiter conjointement avec lui. Le tableau que tu m'en
-fais est trs vrai. L'amour pass ne t'aveugle plus. Tu
-as cet avantage de commun avec beaucoup d'humains.
-D. avait beaucoup de moyens; il et fait, s'il l'avait
-voulu, une grande et belle carrire; il avait de grands
-dfauts, l'un des plus grands entre autres pour tout
-homme: la prsomption. C'est ce dfaut qui a contribu
-puissamment des vnements bien funestes. C'est D.
-qui, en grande partie, a t cause des malheurs d'Austerlitz.
-Ce dfaut est du reste assez commun au del du
-<span class="pagenum"><a id="Page_253"> 253</a></span>
-55<sup>e</sup> degr de latitude nord. S'il t'a aime, je l'en estime
-davantage; tu l'as aim, je conois sa prsomption!</p>
-
-<p class="space date">Ce 19.</p>
-
-<p>Nous avons pass hier l'une de ces soires qui
-devraient ne pas tre rserves Florence des voyageurs
-qui viennent y chercher du bon et mme plus
-que du bon. Je ne sais si tu connais le talent musical de
-Lord Burghersh<a id="FNanchor_377" href="#Footnote_377" class="fnanchor">&nbsp;[377]</a>. Le malheureux prtend avoir
-compos une cantate; il nous a fallu l'avaler hier.
-L'&oelig;uvre n'est pas mauvaise, mais elle n'est pas bonne,
-et je n'aime pas ce genre de terrain.</p>
-
-<p>Le matin j'ai conduit ma fille la Galerie. Je crois
-que la matine m'a fait paratre la soire plus mauvaise.
-Quelle somme immense de chefs-d'&oelig;uvre de tous les
-genres&mdash;peinture, sculpture, arts de toute espce!&mdash;Mon
-amie, l'on a beau voir tout ce que renferment les
-cabinets hors de l'Italie, l'une des belles collections de
-la presqu'le efface tout! Le local est au reste si beau
-en lui-mme, tout a si fort l'air d'tre fait pour la
-<span class="pagenum"><a id="Page_254"> 254</a></span>
-place, que l'on finit par se regarder comme un habitu
-du lieu. Toi mes cts, tout serait bien. Je te rponds
-que si tu n'aimes pas les tableaux, je finirais par te les
-faire aimer, et je me vanterais de cette ducation.</p>
-
-<p>Lord B[urghersh] a une belle collection de pltres. Il
-les avait exhibs dans sa soire. Il n'y a rien redire
-ce fait; mais il ne s'est pas born montrer ce que l'on
-peut voir; il a fait voir ce que l'on n'avoue pas avoir vu.
-Il avait plac dans un dernier cabinet de son appartement
-la statue de Perse de Canova<a id="FNanchor_378" href="#Footnote_378" class="fnanchor">&nbsp;[378]</a>, figure hroque
-sous tous les rapports. Le mouvement de recul que
-ce pauvre Perse a fait faire toutes les demoiselles et
-aux dames qui n'ont pas oubli qu'elles le furent a
-t tout fait comique.</p>
-
-<p>Le duc de Richelieu<a id="FNanchor_379" href="#Footnote_379" class="fnanchor">&nbsp;[379]</a>, fameux rou de son temps,
-avait fait un pari avec une vingtaine de femmes qu'il
-savait se rendre invisible. Le pari fut accept. Le duc
-se retira (comme le Perse) dans un arrire-cabinet et
-il fit entrer une dame aprs l'autre. Il s'tait plac au
-milieu de ce cabinet, d'une manire <i>ultra visible</i>.
-Toutes jurrent ne pas l'avoir vu et payrent le pari.
-Eh bien, le Perse et gagn tous les paris de la soire.
-De toutes les dames, il n'y en a qu'une qui m'a assur
-l'avoir trouv <i>superbe</i>! En avouant Perse, elle ne
-pouvait pas choisir un mot plus correct.</p>
-
-<p class="space date"><span class="pagenum"><a id="Page_255"> 255</a></span>
-Ce 20.</p>
-
-<p>Il y a ici une foule d'Anglais et, dans cette foule,
-pas un individu qui puisse t'tre nomm. Comme rien
-n'est curieux comme vos insulaires, je les vois toujours
-fort occups de moi; ils veulent me coucher sur leurs
-tablettes et je les en dispenserais volontiers. Je les entends
-vingt fois s'tonner <i>prodigieusement</i> que je ne
-sois pas un homme de soixante-dix ans. Il y a, entre
-autres, une vieille dame toute couverte de rides et de
-fleurs qui a voulu m'assurer hier que mon pre devait
-avoir t moi, car, me dit-elle, je me souviens d'avoir
-lu votre nom dans les gazettes il y a plus de vingt ans.
-Je l'ai assure que je suis venu au monde ministre. Mon
-amie, l'un de mes v&oelig;ux les plus ardents, c'est de ne
-pas le quitter de mme.</p>
-
-<p>J'ai fait Floret les compliments dont tu m'as
-charg pour lui. Il a fait une mine la fois discrte et
-douce en apprenant ton bon souvenir. La douceur est
-une de ses vertus et la discrtion sa nature. Je parie
-que Floret ne s'avoue pas midi ce qu'il a pens
-11 heures. Quel confident!</p>
-
-<p>J'ai enfin des nouvelles de Paul, de Paris. Il <i>voulait</i>
-le quitter peu de jours aprs m'avoir crit. L'aura-t-il
-fait? Je l'ignore.</p>
-
-<p class="space date">Ce 21.</p>
-
-<p>Gordon est arriv et je suis en possession de ton
-n<sup>o</sup> 21. Sais-tu l'impression qu'il m'a fait? Je crains
-que tu ne m'aimes plus que je ne le mrite. Je
-m'explique. S'il s'agit de mon c&oelig;ur, de sa droiture, de
-<span class="pagenum"><a id="Page_256"> 256</a></span>
-son abandon tout sentiment qu'il juge digne de le
-fixer, de ses facults aimantes sur une ligne de force
-et de raison de laquelle sont capables peu d'hommes,
-tu ne saurais te tromper. Crois, aime, livre-toi tant
-que tu voudras mon c&oelig;ur, tu ne risques rien. Ce
-c&oelig;ur sait comprendre tout ce qu'on lui demande, et
-sait mme accorder plus, bien plus!... Mais tu me
-crois des perfections que je n'ai pas; tu me cherches
- une hauteur que je ne puis atteindre; mon esprit,
-mon amie, est celui du <i>sens commun</i>; je sais puiser ce
-domaine et je ne m'lve gure au del. Tu trouves
-mes paroles justes, mes expressions fortes, ma raison
-complte. Il n'y a dans ces faits que ce qui rsulte toujours
-du genre de mon esprit. Le ciel m'a donn des
-yeux excellents, des oreilles justes et fines, un tact
-simple et correct. Je vois ce qui est, j'entends ce qui
-se dit, je sens ce qui existe.</p>
-
-<p>Mon me est place au-dessus du prjug&mdash;je ne
-crois en nourrir aucun. J'ai une qualit qui n'est pas
-toujours celle des hommes sans passions: j'ignore le
-sentiment de la peur et par consquent ses effets. Le
-danger provoque en moi l'action; je ne suis jamais
-plus fort que dans les moments o il faut employer de
-la force. J'ai t dans le plus fort des mles sur le
-champ de bataille; j'eusse rougi de ne pas m'y trouver
-et j'ai vu tomber mes amis mes cts sans tre effray
-du danger; j'ai senti qu'en me trouvant l, je faisais
-une sottise, mais elle m'a paru d'un genre qui lve
-l'me et je ne crains pas de m'lever! Place-moi dans
-le domaine de mes affaires, tu m'y verras comme sur
-le champ de bataille. J'ai tu bien des adversaires et
-j'en ai mis plus encore dans une vritable droute. La
-<span class="pagenum"><a id="Page_257"> 257</a></span>
-raison, cette raison toute pure et toute simple, est une
-puissance immense! Je reste matre de mes armes au
-fort de la mle, parce que je suis calme; mes adversaires
-se dispersent tandis que je reste immobile; ils
-courent les champs et je ne bouge pas; ils sont hors
-d'haleine et je n'ai pas encore souffl. J'ai la conviction
-d'en avoir plus dsesprs dans le cours de ma vie publique
-que srieusement fchs. Mon amie, tu aimes
-aujourd'hui une espce de <i>borne</i>: elle est place tout
-exprs l o elle se trouve pour arrter ceux qui courent
-trop fort et contre-sens; les coureurs la heurtent, ils
-la maudissent, ils jurent contre ce qu'ils appellent un
-obstacle: la borne a l'air de ne pas se douter des coups
-qu'elle reoit; elle ne bouge pas, car elle est lourde.
-Voil la fin du mot, le tableau le plus exact de mon
-tre: il n'y a dans ce tableau ni erreur ni couleurs renforces;
-il y en a aussi peu que du mrite dans mon
-tre; il n'y a point de mrite dans mon fait, parce que
-rien n'est volontaire en moi: le bon Dieu m'a fait tel
-que je suis et je le resterai aussi longtemps qu'il lui plaira
-de me laisser ici-bas! J'ai t quinze ans ce que je suis
- quarante-cinq. Le serais-je dans vingt ans d'ici? Oui,
-mon amie, si je vis, ce qui n'est pas bien prouv, car
-mon me use mon corps! Peu d'hommes, au reste, m'ont
-compris et peu me comprennent encore. Mon nom s'est
-amalgam avec tant d'vnements immenses qu'il passera
- la postrit sous leur gide. Je te rponds que
-l'crivain dans cent ans me jugera tout autrement que
-tous ceux qui ont affaire avec moi aujourd'hui. Je crois
-mme qu'il me jugera sous une infinit de rapports
-diffremment de ce que tu fais. Ne t'lve pas trop,
-mon amie, cherche terre terre et tu me trouveras
-<span class="pagenum"><a id="Page_258"> 258</a></span>
-avant le temps mme o d'autres pourront me trouver.
-Tu me vois bien dboutonn vis--vis de toi, tu as eu
-le bon esprit de ne pas tre dupe de ma mine si autre
-que je ne le suis, moi, tout moi. Tu n'as pas confondu
-en moi la forme avec le fond. Tu ne croiras plus aux
-jugements des salons sur mon compte; tu ne me croiras
-plus lger, inconstant, insoucieux, retors, ultra-finasseur,
-sans c&oelig;ur et sans mouvement dans l'me.</p>
-
-<p>Mon amie, tu vois que je connais la pense de bien
-du monde sur mon compte.</p>
-
-<p class="space date">Ce 22.</p>
-
-<p>Nous avons eu avant-hier une grande fte que la
-ville a donne Leurs Majests<a id="FNanchor_380" href="#Footnote_380" class="fnanchor">&nbsp;[380]</a>. La beaut du local
-en a fait les frais, car le reste ne valait rien. L'on s'est
-runi au Palazzo Vecchio, habit par les Mdicis
-avant qu'ils n'eussent fait l'acquisition du palais Pitti.
-Tous les lieux sont remarquables dans ce palais. Les
-colonnades des Uffici, les portiques de la Tribune
-taient illumins; l'on a tir un feu d'artifice qui et
-mrit un tout autre nom, car il n'y avait qu'absence
-de feu et d'artifice. Le peuple toscan tient beaucoup
-des Allemands. Trente mille individus se runissent,
-s'arrtent et se retirent d'une place sans bruit ni querelle.
-Ce qui m'a charm, c'est la prsence des beaux
-monuments de Michel-Ange, de Benvenuto Cellini, de
-Bandinelli sur cette mme place. Les fuses qui les
-<span class="pagenum"><a id="Page_259"> 259</a></span>
-clairrent sont montes, elles ont brill et elles ont
-disparu comme ces grands hommes mmes et comme
-les gnrations qui sont descendues depuis eux dans
-la tombe. Un feu d'artifice m'attriste toujours: la nuit
-succde si vite la plus brillante lumire! Les fuses
-sont l'image d'une belle vie. Les poques et leur dure
-plus ou moins longue dans la vie la plus belle ne
-comptent pas dans leur rapport avec l'ternit. Mon
-amie, pourquoi se donne-t-on tant de peine dans ce
-monde?</p>
-
-<p>J'ai maintenant autour de moi tous les ministres qui
-m'ont suivi ici de Vienne. Je leur donne rendez-vous
-tous les jours 2 heures chez ma fille, et nous
-allons ensemble voir quelque objet de curiosit. Je les
-ai conduits aujourd'hui la fabrique des <i>Pietre dure</i>,
-tablissement unique dans son genre<a id="FNanchor_381" href="#Footnote_381" class="fnanchor">&nbsp;[381]</a>. Le grand-duc
-actuel l'a fortement soutenu, et il ne laisse rien
-dsirer ni sous le point de vue de la perfection ni sous
-celui de l'activit. Il y a quatre ans que le grand-duc
-m'a fait cadeau de deux plaques de consoles, que j'ai
-Vienne et que les Franais avaient places avec plusieurs
-autres objets au Muse Paris. Ces deux plaques
-ont cot 50.000 francs de fabrication. Or, figure-toi
-la chapelle de saint Laurent&mdash;tombeau des grands-ducs&mdash;chapelle
-qui mriterait bien plutt le nom
-de basilique vu ses dimensions, dont tout l'intrieur,
-du parquet jusques y compris le plafond, et tous les
-ornements sont faits ou en train d'tre achevs en
-<span class="pagenum"><a id="Page_260"> 260</a></span>
-<i>pietra dura</i> telle que mes tables! Eh bien! l'ensemble
-en est peu agrable force d'tre riche; l'me y est
-oppresse sous la magnificence, et une simple glise
-dans un style correct vaut mieux. Il en est ainsi de
-bien des choses dans ce bas monde.</p>
-
-<p>Je passe ordinairement mes soires ou chez
-Mme d'Apponyi<a id="FNanchor_382" href="#Footnote_382" class="fnanchor">&nbsp;[382]</a>, femme de notre ministre, charmante,
-pleine de grce et de talents (elle passe pour
-chanter mieux que personne en Italie), ou chez
-Mme Dillon, femme du ministre de France<a id="FNanchor_383" href="#Footnote_383" class="fnanchor">&nbsp;[383]</a>, ou chez
-<span class="pagenum"><a id="Page_261"> 261</a></span>
-Lady Burghersh<a id="FNanchor_384" href="#Footnote_384" class="fnanchor">&nbsp;[384]</a>. La dernire a de l'esprit et je la
-connais beaucoup, car elle a fait la campagne de 1813
-et 1814 avec nous.</p>
-
-<p>Le roi de Prusse avait t amoureux de Mlle Dillon<a id="FNanchor_385" href="#Footnote_385" class="fnanchor">&nbsp;[385]</a>;
-il a, je crois, mme eu envie un moment de
-l'pouser, envie fort partage par les parents de la
-jeune personne. Elle est assez jolie, mais pas assez pour
-faire faire un roi une grave sottise. L'on fait toujours
-et partout de la musique et partout elle est
-bonne.</p>
-
-<p>Les filles de Mme Hitroff<a id="FNanchor_386" href="#Footnote_386" class="fnanchor">&nbsp;[386]</a> sont les plus jolies
-<span class="pagenum"><a id="Page_262"> 262</a></span>
-petites personnes de Florence. Je les trouve un peu
-moins bien qu'elles ne le sont effectivement, force
-que la mre veut prouver qu'elles le sont plus que le
-Crateur ne l'a voulu.</p>
-
-<p>Il y a ce soir un petit spectacle de socit chez
-Mme Apponyi, compos peu prs exclusivement de la
-famille Hitroff. Un dfaut assez commun aux Russes,
-c'est de vouloir toujours primer, et le malheur veut que
-l'engagement n'est pas toujours facile remplir; aussi
-ne l'est-il pas souvent. Mme Hitroff est au reste sre
-d'tre applaudie et c'est ce qu'il lui faut.</p>
-
-<p>Enfin, mon amie, connais-je mes deux passions
-anglaises!</p>
-
-<p>L'une, que tu ne connais pas, est une trs douce et
-bonne personne. C'est Wellington qui, en 1814, m'a
-fait faire la connaissance de lady K. Il y passait sa vie
-et j'y ai t beaucoup. J'en ai t amoureux aussi peu
-que de ma mre. Elle est gentille, elle est de l'opposition,
-et notre temps s'est coul en discussions
-politiques. Elle a trop bon got pour aller au del de
-Sir Francis Burdett<a id="FNanchor_387" href="#Footnote_387" class="fnanchor">&nbsp;[387]</a>, tandis que Hunt<a id="FNanchor_388" href="#Footnote_388" class="fnanchor">&nbsp;[388]</a> n'atteint pas
- la hauteur de Lord Kinnaird<a id="FNanchor_389" href="#Footnote_389" class="fnanchor">&nbsp;[389]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_263"> 263</a></span>
-L'autre, Lady A., est une petite caillette dans la force
-du terme. Je l'ai galement vue souvent chez Wellington.
-Elle m'a toujours dplu au point que j'ai t impoli
-pour elle. J'ai connu anciennement son mari et sa premire
-femme, qui tait nice de Lord Cholmondeley<a id="FNanchor_390" href="#Footnote_390" class="fnanchor">&nbsp;[390]</a>.</p>
-
-<p>Aie l'me en repos sur ces deux passions. Je ne
-comprends mme pas ce qui peut avoir prt au dire
-de la seconde, car, quant la premire, l'on m'a <i>vu
-parler</i>; quant la seconde, l'on n'a pas mme vu cela, et
-mon silence n'est pas assez interprtatif pour pouvoir
-prter une aussi ridicule prtention.</p>
-
-<p class="space date">Ce 23.</p>
-
-<p>Je t'enverrai la prsente lettre, mon amie, par un
-courrier que Lord Burghersh expdiera en Angleterre.
-N'oublie pas de me mander si tu as reu le bracelet et
-<span class="pagenum"><a id="Page_264"> 264</a></span>
-si tu le trouves joli. Je voudrais que chaque petite
-plaque pt dsigner une anne de bonheur pour nous.
-La premire, hlas! est encore venir!</p>
-
-<p>Ce que tu me dis, dans ton n<sup>o</sup> 21, sur les chanes
-de fer qui nous retiennent loin l'un de l'autre, n'est
-malheureusement que trop vrai. Aussi, ai-je toujours
-craint, plus que la mort, les entraves affreuses
-que mon attitude met au libre exercice de ma vie. Il
-n'est, aprs le sort du souverain, pas de place dans
-l'tat qui soit plus sujette que la mienne tous les
-inconvnients de cette grandeur qui tue l'existence de
-l'homme. Je n'ai pas un moment vritablement moi,
-car le monde ne s'arrte pas dans sa marche pour me
-faire plaisir. Je ne puis point charger un autre <i> temps</i>
-de ma besogne, car cette besogne est tout intellectuelle;
-elle n'est que du domaine de la pense; je ne puis
-charger personne de penser pour moi, d'crire ma
-place, de suivre un point de vue qui est mien, de dire
-demain le mot que j'ai prpar aujourd'hui. Tous les
-dpartements qui suivent une rgle fixe, qui sont plus
-lis la matire que ne l'est le mien, sont infiniment
-plus libres d'action. Mon amie, conois-tu combien ce
-que j'ai dtest il y a un an et de tout temps, doit me
-paratre odieux aujourd'hui?</p>
-
-<p>Adieu, mon amie. Lord B[urghersh] me fait demander
-mon paquet et je ne veux pas retenir le courrier.
-Aime-moi et pense moi, ce qui quivaut dans mon
-attitude vis--vis de toi.</p>
-
-<p>Il est possible que le prsent numro t'arrive avant
-le prcdent, duquel j'ai charg le courrier hebdomadaire,
-qui fait un dtour considrable en passant par
-Munich.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_265"> 265</a></span>
-Voici mon plan ultrieur de voyage. Je pars d'ici le
-26 pour Livourne. Je coucherai le 27 Pise, le 28
-Sienne, le 29 Radicofani, le 30 Viterbe et le 31
-Rome. L'Empereur quitte Florence le 29 et il sera
-Rome le 2 avril. Je fais le dtour de Livourne pour
-faire voir ce lieu et Pise avec ses antiquits magnifiques
- Marie.</p>
-
-<p>Adieu. Je dnerai le 27 bord du vaisseau de l'amiral
-Fremantle<a id="FNanchor_391" href="#Footnote_391" class="fnanchor">&nbsp;[391]</a> qui m'attend cet effet dans la
-rade de Livourne. Je boirai ta sant sur terre d'Albion.</p>
-
-<p>Voil encore un message de B[urghersh]. Rien n'est
-press comme un homme qui n'a rien mander. Adieu,
-bonne et chre Dorothe.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_266"> 266</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 21.</h2>
-<p class="date">Livourne, ce 26 mars 1819.</p>
-</div>
-
-<p>Je suis arriv ici, mon amie, cet aprs-dner, aprs
-sept heures de course depuis Florence. Je n'ai fait que
-passer Pise sans m'arrter. Je le ferai voir demain
-ma fille.</p>
-
-<p>J'ai quitt Florence avec le regret qui se trouve dans
-ma nature ds qu'il s'agit d'abandonner un lieu connu,
-sentiment naturel ds que le lieu est agrable, et de pur
-instinct ds qu'il ne l'est pas. Je crois t'avoir dj dit,
-dans le cours de <i>notre courte vie</i>, que je ne quitte jamais
-un cabaret quelque borgne qu'il soit sans un certain
-sentiment de peine. Si j'tais cheval, j'adorerais mon
-curie et mon rtelier.</p>
-
-<p>Lord Burghersh nous a rgals, la dernire soire,
-d'un second concert compos uniquement de sa
-musique. Elle est vritablement tonnante pour un
-amateur, et elle serait mme bonne en tout autre pays
-que celui-ci, o il y a du crime perdre le temps en
-faire et, par consquent, en entendre de la mdiocre.
-Lady Burghersh est dans ton tat, mon amie. Comme
-elle a ta taille, je l'ai beaucoup regarde pour m'orienter
-un peu sur la tournure que tu vas avoir.</p>
-
-<p>Rien n'est beau et ravissant comme le voyage de Florence
-ici. Je doute que la terre promise ait tenu ce que
-<span class="pagenum"><a id="Page_267"> 267</a></span>
-la Toscane offre, au voyageur et l'habitant, de charmes
-de toute espce. Mon amie, je trouve qu'il est bien
-gauche de natre autre part que sous un ciel heureux
-comme celui-ci. Tout ce qui s'y offre aux regards est
-beau et les sensations sont plus douces sous l'influence
-du climat. Le soleil y luit mieux, et Caraccioli<a id="FNanchor_392" href="#Footnote_392" class="fnanchor">&nbsp;[392]</a> avait
-bien raison d'assurer George III<a id="FNanchor_393" href="#Footnote_393" class="fnanchor">&nbsp;[393]</a> que la lune de
-Sicile vaut le soleil de Londres. Il ne fait pas beau chez
-nous en juin comme ici la fin de mars!</p>
-
-<p>J'ai t en arrivant ici dans une boutique que j'aime
-beaucoup, car elle ne renferme que des objets mon
-got. Le magasin de Michali est tout consacr aux arts;
-vous y trouvez depuis les statues jusqu'aux plus
-menus objets de sculpture en marbre et en albtre.
-Les marbres sont modernes, mais tous copis d'aprs les
-meilleurs modles. On ne peut acheter des albtres
-qu'ici: tout ce qui se vend Florence est mesquin en
-comparaison de ce que renferme ce magasin. Je n'aime
-pas la matire, je dteste les petites figures et les mesquines
-fabrications que l'on trouve sur tous les marchs
-de l'Europe, mais il faut voir les grands vases de
-Michali. J'en ai achet quatre ce soir, hauts de 4 pieds,
-sculpts d'une manire ravissante et ils me cotent
-200 ducats. On les vendrait 1,000 Londres.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_268"> 268</a></span>
-De la boutique, j'ai t l'Opra. L'on donne les
-<i>Baccanali di Roma</i>, musique de Gnrali<a id="FNanchor_394" href="#Footnote_394" class="fnanchor">&nbsp;[394]</a>. Belle
-musique et bien chante.</p>
-
-<p>Je vais me coucher loin de toi et avec toi, mon
-amie.</p>
-
-<p class="space date">Pise, ce 27.</p>
-
-<p>J'ai voulu aller voir ce matin l'amiral Fremantle
-bord du <i>Rochefort</i>. Le temps tait gros, nous sommes
-au milieu de l'quinoxe; le vaisseau est l'ancre 5
-milles en mer; j'ai renonc y aller, d'autant plus que
-l'amiral part demain pour mouiller dans la rade de
-Naples. Il n'tait rest ici que pour m'attendre; il
-aura attendu en vain et il s'en consolera.</p>
-
-<p>Je suis Pise depuis 2 heures aprs-midi. J'ai fait
-voir ma fille les objets magnifiques que renferme
-cette ville. Le Campo Santo, entre autres, me pntra
-toujours d'admiration. Je ne te fais aucune description,
-car il existe des ouvrages qui t'apprendront mieux que
-moi ce que valent les monuments. Il n'en est pas un
-qui te dirait ce que tu es pour moi; ma besogne trouve
-donc l de trs justes bornes. Je partirai demain matin
-pour Sienne.</p>
-
-<p class="space date">Radicofani, ce 29.</p>
-
-<p>Au moment o j'allais monter en voiture, Pise,
-m'est arriv un courrier de Mantoue avec ton n<sup>o</sup> 24.
-Merci pour cette bonne lettre, mon amie; je l'ai lue et
-relue pendant deux postes.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_269"> 269</a></span>
-Tu crois que je suis fch de ton tat ou plutt de la
-cause de cet tat! Mon amie, que veux-tu que je te
-dise? Je ne sais pas te dire ce que je ne sens pas et je
-ne trouve pas les mots pour te dire ce que je sens.</p>
-
-<p>Oui, mon amie, j'ai reu la premire annonce que
-tu m'en as faite comme tu dois dsirer que je la
-reoive! Mais ma raison a dsapprouv sur-le-champ
-ce que mon c&oelig;ur a pu sentir. N'est-ce pas moi, moi-mme,
-qui t'ai engage tre bonne dans ton mnage?
-Crois-tu que je ne connaisse pas assez les hommes pour
-ne pas savoir ce qui constitue les bons mnages? Je me
-mpriserais si je pouvais t'en vouloir de faire ton devoir,
-je n'ai aucun droit de dsirer que ton mari n'use pas
-de la plnitude du premier des siens; mon amie,
-voil le ct pnible d'un rapport comme le ntre,
-de tout rapport tel que le ntre! Mon amie, sois
-tranquille, ne fais pour l'amour de moi que de
-m'aimer. Ne suis pas ton ide de vouloir que je te permette
-ce que je ne puis et ne veux pas dfendre. Fais
-la part ce qui tient au mnage et fais-moi la mienne.
-Mon c&oelig;ur sait distinguer ce qui est lui d'avec ce qui est
- un autre; si je ne confonds pas ces lments si diffrents,
-je sais que tu ne les confonds pas davantage; il
-est des lignes matrielles et morales qu'il est si difficile
-de tracer: rien dans ma pense ne les confond, et
-cependant ne puis-je pas trouver les termes pour les
-dfinir. Ds que je suis plac dans une situation pareille,
-je n'entreprends pas ce en quoi je serais sr d'chouer.
-Mon amie, ne me demande pas: agis! Que l'on ne te
-fasse pas un reproche; que la paix de ton intrieur soit
-assure! Crois-tu que je me consolerais la distance o
-je me trouve d'un seul quart d'heure de peines que tu
-<span class="pagenum"><a id="Page_270"> 270</a></span>
-prouverais et qui ne seraient invitables? Crois-tu que
-ma prsence mme suffirait pour me consoler de ce qui
-ne doit pas tre? Crois-tu enfin que je n'ai pas souffert,
-dans le peu d'instants que nous avons passs ensemble,
-des mouvements d'humeur que tu as essuys? Mon amie,
-mande-moi que tu es tranquille et par consquent
-heureuse et que tu m'aimes! Mes v&oelig;ux, une aussi
-cruelle distance que l'est la ntre, se bornent l: ils
-doivent, hlas! s'y borner.</p>
-
-<p>Tu veux savoir si le fait est arriv que, pendant douze
-ans, l'on n'ait point eu d'enfants pour en avoir plus tard.
-Oui, il arrive tous les jours! Il est la suite de raisons diffrentes:
-il en est une&mdash;j'ignore si elle a trait ta position,
-mais elle est catgorique&mdash;et elle a lieu souvent
-dans les mnages qui se passent en sparations et en rapprochements;
-il en est qui sont moins faciles expliquer,
-quoique toutes physiques. Console-toi, bonne amie, tu
-ne mourras pas si tu te mnages. Plusieurs annes d'interruption
-donnent des forces la femme, tout comme
-elles en privent l'homme. Tu auras un bel enfant que tu
-aimeras bien et que j'aimerai parce qu'il sera tien.</p>
-
-<p>J'aime moins la crainte que tu viens d'avoir. Fais-tu
-bien de prendre tant de bains? Mnage-toi beaucoup,
-bonne amie, pour toi, pour moi, pour les tiens! Ne
-consulte pas trop de mdecins et laisse aller le bon
-Dieu et ton bon naturel. Je n'aime pas beaucoup les
-mdecins anglais: j'aime mieux l'hrosme en amour
-et sur le champ de bataille qu'en mdecine.</p>
-
-<p>Je suis charm de tes rapports de bienveillance avec
-l'archiduc<a id="FNanchor_395" href="#Footnote_395" class="fnanchor">&nbsp;[395]</a>. Je t'avais prvenue qu'il a de l'esprit et
-<span class="pagenum"><a id="Page_271"> 271</a></span>
-surtout beaucoup de connaissances. Tu m'as souvent
-fait le reproche que je trouve de l'esprit trop de
-monde! Ne crains rien: je ne te recommanderai
-jamais une bte, et puis il y a de l'esprit de tant de
-faons! Toutes ne sont pas agrables et ne valent par
-consquent pas le tien, mais il faut vivre de tout celui
-que l'on rencontre: j'ai peut-tre ce mrite-l.</p>
-
-<p>J'ai couch la nuit dernire Sienne, o j'ai pass
-une soire maudite. Pourquoi n'ai-je pas le bonheur
-d'aimer les honneurs que l'on me rend, et le malheur
-de devoir passer ma vie en recevoir? Un cardinal de
-quatre-vingts ans m'attendait Sienne; il est venu me
-voir au dbott<a id="FNanchor_396" href="#Footnote_396" class="fnanchor">&nbsp;[396]</a>. Le gouverneur de la ville s'est
-empar de moi. J'ai t la pture d'un corps municipal,
-d'un corps d'officiers et de vingt dames qui ont voulu me
-prouver que Sienne devait valoir Paris! Il est possible
-qu'elles soient charmantes, mais je ne les ai pas trouves
-telles. Je voudrais que tu puisses tre tmoin des dsespoirs
-<span class="pagenum"><a id="Page_272"> 272</a></span>
-de Marie chaque arrive dans une grande ville, et
-toutes celles de l'Italie mritent plus ou moins ce nom.</p>
-
-<p>Ce matin, j'ai t voir la cathdrale, monument du
-treizime sicle, magnifique, et puis quelques autres
-objets de curiosit, toujours mon cardinal et mon
-commandant mes trousses. Les dames heureusement
-dormaient.</p>
-
-<p>De Sienne ici le pays est affreux. Il est indubitable
-que cette partie des Apennins a t le foyer
-d'immenses ruptions volcaniques. La nature y est
-bouleverse en entier; l'aspect est triste et raboteux
-sans tre pittoresque. Je couche ici et je t'cris ct
-d'un bon feu de chemine, qui n'est pas de trop
-quelques milliers de toises au-dessus du niveau de la
-mer. Le lieu tient de la Sibrie, mais je ne m'en plains
-pas: il n'y a point de cardinal.</p>
-
-<p>J'ai pens toi vingt fois dans la journe. Tu es en
-droit de trouver le fait peu surprenant, mais tu ne
-devines pas la raison. Tu aimes le mot: En avant! Or,
-j'ai avec moi un chasseur bohme qui ne sait pas un
-mot d'italien; le seul qu'il a appris depuis que j'ai fait
-100 lieues dans la presqu'le, c'est: <i>Avanti!</i> Il le
-regarde probablement comme le fond de la langue, et
-je commence supposer qu'il le croit toute la langue,
-car il s'en sert toute sauce, et il est de fait qu'il arrive
-au moyen de ce mot tout ce qu'il veut. Il a enray
-ma voiture vingt fois dans la journe. Pour avertir les
-postillons que le sabot est mis, il leur crie: <i>Avanti</i>; les
-postillons partent. Pour ter le sabot, il faut faire
-reculer d'un pas la voiture, il crie: <i>Avanti</i>; les postillons
-croient qu'il est fou et reculent; son affaire est
-faite. Ds que j'arrive dans une auberge, il crie: <i>Avanti</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_273"> 273</a></span>
-et on sert le souper! Chaque moment lui procure ainsi
-une jouissance, et je commence croire que l'on ferait
-le tour de l'Italie avec ce seul mot. Ce mot est le tien
-et je l'aime.</p>
-
-<p>Ton courrier galope toute la journe ct de la
-portire de ma voiture<a id="FNanchor_397" href="#Footnote_397" class="fnanchor">&nbsp;[397]</a>; Marie va avec moi; j'ai un
-courrier moi qui me prcde; je l'ai donc mis ct
-de ma voiture pour le voir. Je crois que je le placerai
-mon service. Il sert merveille et il t'a appartenu. Je
-crois que je le garderais, s'il servait mme moins bien.
-Ma pauvre amie, que ne puis-je t'y placer, toi!</p>
-
-<p class="space date">Rome, ce 31.</p>
-
-<p>Me voici, mon amie, arriv l'un des buts de mon
-voyage. Ce n'est pas le dernier, mais certes le plus
-imposant.</p>
-
-<p>J'ai couch la nuit dernire Viterbe. Il y a un cardinal,
-et il a t pendant vingt ans nonce Vienne<a id="FNanchor_398" href="#Footnote_398" class="fnanchor">&nbsp;[398]</a>.
-J'ai t abm.</p>
-
-<p>J'ai fait un dtour pour venir ici en passant par Caprarola,
-fameux chteau bti pour le cardinal Alexandre
-Farnse<a id="FNanchor_399" href="#Footnote_399" class="fnanchor">&nbsp;[399]</a> par Vignola<a id="FNanchor_400" href="#Footnote_400" class="fnanchor">&nbsp;[400]</a>. Il est beau comme monument
-<span class="pagenum"><a id="Page_274"> 274</a></span>
-d'architecture et il renferme des fresques magnifiques.
-A 5 heures du soir, j'ai dcouvert la coupole de Saint-Pierre,
-et 6 heures et demie j'ai pass la porte du
-Peuple. La premire entre dans Rome, mon amie, est
-accablante. C'est la premire ville du monde!</p>
-
-<p>Je suis log au palais de la Consulta sur le Quirinal<a id="FNanchor_401" href="#Footnote_401" class="fnanchor">&nbsp;[401]</a>.
-J'ai sous mes fentres une foule de choses que
-la nuit m'empche de voir. Je me lverai de bonne
-heure, car, sans tre curieux comme un Anglais, je
-trouverais honteux de passer un moment dans mon lit
-de plus qu'il ne me faudra pour tre rveill.</p>
-
-<p>Bonsoir, bonne amie. Je t'aime dans la ville des
-Csars comme partout ailleurs.</p>
-
-<p class="space date">Ce 1<sup>er</sup> avril.</p>
-
-<p>Mon amie, que ne peux-tu tre mes cts, un seul
-instant, la fentre de mon salon! Un peintre en dcoration
-qui s'aviserait de placer sur la toile tout ce que
-l'on y dcouvre serait tax d'exagration et peut-tre
-mme de folie!</p>
-
-<p>J'ai sous moi les chevaux fameux qui ont fait donner
-au Quirinal le nom de Monte Cavallo. En face, dans le
-fond du tableau, Saint-Pierre et le Vatican; je plane
-sur les trois quarts de la ville ancienne et habite; je
-vois le Colise, les colonnes de Trajan et Antonine, le
-<i>Forum Romanum</i>, cent palais plus beaux l'un que
-l'autre, le Capitole, le mont Palatin tout couvert des
-<span class="pagenum"><a id="Page_275"> 275</a></span>
-ruines immenses du palais des Csars! L'aspect de
-Rome est autre que je ne me l'tais figur<a id="FNanchor_402" href="#Footnote_402" class="fnanchor">&nbsp;[402]</a>; il m'en
-est all de cette ville comme il en va tous ceux qui
-s'occupent d'un objet sans le connatre: on le trouve
-autre qu'on se l'est imagin.</p>
-
-<p>J'ai cru Rome d'un aspect vieux et sombre. Je l'ai
-trouve antique et resplendissante!</p>
-
-<p>J'ai commenc ma journe par aller chez le Pape<a id="FNanchor_403" href="#Footnote_403" class="fnanchor">&nbsp;[403]</a>.
-J'ai caus avec lui pendant une heure et j'en ai t trs
-content. Il est simple et vnrable.</p>
-
-<p>De l, j'ai t voir Saint-Pierre et j'ai parcouru le
-Vatican. Je ne te dcris pas ces lieux, car chaque livre
-vaudrait mieux que ma lettre, mais je te parlerai uniquement
-de mes impressions. Toutes les dimensions ne
-suffisent pas pour se faire une ide de ces lieux! Je ne
-crois pas que le monde ait produit deux fabriques comparables
- eux. Mon amie, l'me s'lve avec les belles
-choses; le trop grand nombre affaisse. Figure-toi vingt
-galeries comme celle du Louvre et tu n'auras pas les
-galeries du Vatican. La pense se refuse onze mille
-chambres de toute espce qui se trouvent sous les
-<span class="pagenum"><a id="Page_276"> 276</a></span>
-mmes toits ct de ces galeries. Des salles entires
-peintes par Raphal; des fresques beaux (<i>sic</i>) comme
-le jour o il les a faits, chaque figure divine comme
-tout ce qu'il a conu! Des milliers de statues, des carrires
-entires de porphyre et de marbre dont les
-traces sont perdues! Mon amie, je suis ici dans mon
-centre, et je conois que Rome ait t celui du monde.</p>
-
-<p>J'attends demain l'Empereur. Il loge au palais mme
-du Quirinal, dans un local magnifique et que les
-derniers malheurs de Rome mme ont embelli. Napolon
-en avait fait son palais et les deux tiers ont t
-meubls par lui. On y trouve, parmi les souvenirs de
-tant de souverains pontifes, sa figure sur chaque plafond,
-tantt en Jules Csar, tantt en Charlemagne ou
-en Jupiter tonnant. Cet homme, qui avait beaucoup de
-grandes qualits, a eu l'immense vice de s'idoltrer lui-mme.</p>
-
-<p>Le Pape a t, pour le moins, aussi curieux de me
-voir que j'ai t charm de l'approcher. Pendant toute
-sa captivit en France, j'ai t en pourparlers directs
-avec lui et avec Napolon<a id="FNanchor_404" href="#Footnote_404" class="fnanchor">&nbsp;[404]</a>. C'est par moi qu'ont
-pass toutes les propositions que ce dernier lui a
-faites. Je les lui ai toujours transmises en lui faisant
-dire de ne rien accepter, et j'ai toujours dit Napolon
-ce que je lui avais conseill. Napolon, un jour, lui a
-fait offrir une pension de 20 millions. Le Pape m'a
-fait prier de lui dire qu'ayant fait son calcul, il se trouvait
-qu'il suffisait ses besoins avec quinze sols par
-<span class="pagenum"><a id="Page_277"> 277</a></span>
-jour. Je n'ai gure t plus fier dans ma vie que le
-moment o j'ai fait ma commission Napolon.</p>
-
-<p class="space date">Ce 2 avril.</p>
-
-<p>Mon amie, je finis cette lettre, car je dois courir
-demain tout le jour<a id="FNanchor_405" href="#Footnote_405" class="fnanchor">&nbsp;[405]</a> et j'ai peur de manquer le
-courrier qui va partir pour Munich.</p>
-
-<p>Bonne amie, aime-moi comme si je n'tais pas
-500 lieues de toi. Crois tout ce que j'prouve pour toi
-et mon dsir si ardent de te voir. Le monde ancien et
-le nouveau offrent de grandes beauts, mais le bonheur
-n'est que dans le c&oelig;ur.</p>
-
-<p>Adieu.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_278"> 278</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 22</h2>
-<p class="date">Rome, 5 avril 1819.</p>
-</div>
-
-<p>Mon amie, j'prouve chaque matin en me rveillant
-deux sentiments bien diffrents. Je me dis que mon
-amie est loin de moi! et j'prouve une sensation
-agrable en sachant que je suis Rome. La vie se compose
-ainsi de peines et de plaisirs ou, pour le moins,
-de ce qui n'est pas peine! Les circonstances qui permettent
-de se livrer la vritable satisfaction sont si
-rares&mdash;elles le sont du moins pour moi&mdash;que je ne
-me permets gure d'lever mes dsirs jusque vers elles.
-Que me manquerait-il par exemple si, au lieu de deux
-mille Anglaises qui foulent le pav de la ville sainte,
-toi, mon amie, y tais? Si tous les matins je te voyais
-arriver chez moi, djeuner avec moi et puis entreprendre
-des courses de quatre ou cinq heures, toutes
-dignes d'un tre tel que toi! C'est pourtant ce qui
-arrive journellement tant d'tres insignifiants qui
-s'attachent ici mes pas, qui font groupe autour de
-moi et qui ne m'empchent pas de m'isoler et de me
-regarder comme seul au monde!</p>
-
-<p>Mon amie, combien tu serais digne d'un lieu comme
-celui-ci! Combien il lve l'me en dtruisant les
-espaces, en prsentant une masse de souvenirs
-immenses, en prouvant combien il peut exister et de
-grandeurs et de vicissitudes humaines!</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_279"> 279</a></span>
-Tout ici est gigantesque, tout sort des proportions
-communes, tout ramne la pense ce qui n'est plus
-et tout l'lve vers ce qui devrait tre!</p>
-
-<p>J'ai pass ma matine d'hier au milieu des ruines
-gigantesques du palais des Csars. Le mont Palatin, la
-Rome premire, peuple et btie par Romulus, occupait
-cette colline qui, sept cent ans plus tard, fut
-peine apte contenir le palais des Empereurs. Ce
-palais est chang aujourd'hui en trois grandes vignes,
-entrecoupes de rues, parsemes de maisons, d'glises,
-de couvents. Les uns sont btis sur les fondements du
-palais; d'autres ont mis profit des murs qui ne sont
-que couverts; des pans de murs, des votes, des dbris
-dont chaque morceau est grand comme pourrait l'tre
-un palais lui-mme, existent encore debout.</p>
-
-<p>Une vgtation magnifique les recouvre. Les lierres,
-les alos, des plantes qui chez nous acquirent une
-hauteur de 5 6 pouces et qui ici s'lvent autant
-et plus de pieds, rendent ces masses normes pittoresques
-au possible. L'une des vignes a t achete
-rcemment par un Anglais; il y habite une villa dans
-laquelle Raphal passait ordinairement ses ts et dont
-lui et ses lves ont orn le pristyle de fresques<a id="FNanchor_406" href="#Footnote_406" class="fnanchor">&nbsp;[406]</a>.
-Dans ce qui pourrait devenir un trs beau jardin, se
-trouvent trois pices trs bien conserves de l'appartement
-d'Auguste. Ces appartements, qui, anciennement,
-se trouvaient au rez-de-chausse, sont sous terre aujourd'hui,
-tant les boulements ont hauss le terrain. Ils
-conduisaient une terrasse de laquelle on dominait le
-grand cirque<a id="FNanchor_407" href="#Footnote_407" class="fnanchor">&nbsp;[407]</a> o se passrent les courses et qui se
-<span class="pagenum"><a id="Page_280"> 280</a></span>
-trouve au pied de la colline. Le cirque se voit encore
-aujourd'hui malgr les boulements du terrain. Mon
-amie, je voudrais te placer un moment sur cette terrasse,
-te faire voir tant de belles choses et te demander
-si tu m'aimes!</p>
-
-<p>Que dire d'une ville o il existe des fabriques comme
-l'a t ce palais des Csars et comme l'est encore le
-Vatican, le Colise dans lequel quatre-vingt mille spectateurs
-pouvaient tre assis trs au large, des bains tels
-que les thermes de Caracalla, o trois mille personnes
-pouvaient se baigner la fois, chacune dans un lieu
-clos et spar, dans une baignoire grande comme un
-vaste bassin, et le tout en marbre le plus magnifique!
-Ma pauvre amie, nous sommes bien petits aujourd'hui.
-Je crains bien que la libert de la presse ne recompose
-pas la socit telle qu'elle l'a t, et que Hunt<a id="FNanchor_408" href="#Footnote_408" class="fnanchor">&nbsp;[408]</a> ne
-soit, en le comparant Catilina, le type des dimensions
-morales actuelles compares celles que le temps
-a dtruites!</p>
-
-<p class="space date">Ce 7 avril.</p>
-
-<p>J'ai pass toute ma journe d'hier en courses. Ma
-journe est trs rgle. Je me lve 7 heures et demie.
-Je djeune avec ma fille et plusieurs personnes qui
-viennent se joindre nous pour aller voir les objets
-curieux. Nous sortons 8 heures et demie. Nous
-ne rentrons gure avant 2 heures. Je me mets alors
- travailler jusqu' 5 o je dne. A 7, je vais travailler
-avec l'Empereur; 10 heures, je reois du
-monde ou je vais moi-mme dans quelque maison o
-<span class="pagenum"><a id="Page_281"> 281</a></span>
-l'on reoit. Je me couche entre minuit et une heure.</p>
-
-<p>J'ai vu hier la basilique de Saint-Paul, btie
-3 milles de la ville par Constantin le Grand<a id="FNanchor_409" href="#Footnote_409" class="fnanchor">&nbsp;[409]</a>. Cet
-difice immense ne renferme de beau qu'une fort de
-magnifiques colonnes de marbre tires du tombeau
-d'Adrien, aujourd'hui le chteau Saint-Ange. L'architecture
-de la basilique est difforme, les tableaux en
-mosaque sont du got le plus dprav; la diffrence
-entre cette fabrique et d'autres bien postrieures est
-extrme, et il m'est entr un rayon dans l'me qui suffit
-pour m'expliquer ce que je n'ai jamais entendu
-dire, ce que je n'ai jamais pu concevoir et ce que j'ai
-toujours senti digne de recherches, savoir: l'explication
-du phnomne de la dgradation complte des
-arts dans le moyen ge.</p>
-
-<p>Je crois en avoir trouv la raison directe, et je ne
-comprends pas pourquoi personne n'a fait cette
-remarque dans les mmes termes que moi. Si le fait a
-eu lieu et que je l'ignore, j'en demande pardon mon
-confrre mort ou vivant.</p>
-
-<p>On cherche les raisons de cette dcadence tantt
-dans celle de l'Empire, dans la strilit du temps, surtout
-dans l'invasion des Barbares. Ces raisons y ont
-sans doute contribu, mais elles ne sont pas suffisantes
-pour expliquer ce qui existe et ce que prouve la
-basilique de Constantin, car ce ne sont pas les Barbares
-qui l'ont btie, mais bien les Romains, au milieu de
-<span class="pagenum"><a id="Page_282"> 282</a></span>
-Rome, belle et resplendissante, l'poque de Constantin,
-de toute sa beaut ancienne.</p>
-
-<p><i>Il faut chercher la dcadence des arts dans l'tablissement
-de la religion chrtienne</i>, et le fait est aussi simple
-que naturel.</p>
-
-<p>La religion chrtienne est toute spirituelle; le paganisme
-tait au contraire tout matriel. Le triomphe de
-la premire n'a pu s'tablir que sur les ruines de la
-seconde; l'esprit a d amortir les sens, l'intellectualit,
-la sensualit; l'une ne pouvait marcher de pair avec
-l'autre, elle devait dtruire, pour claircir son domaine
-avant de pouvoir s'y fixer.</p>
-
-<p>Or, si le philosophe paen ne confondait pas les
-mystres avec les images, les ides avec leur reprsentation,
-il n'en tait pas de mme du peuple. Les premiers
-chrtiens, perscuts, logs dans les catacombes
-et ne voyant le jour que pour tre trans sur
-l'chafaud, ne cultivant plus aucun des arts qui ne
-fleurissent jamais que dans le repos de la socit,
-durent la fois viser saper jusque dans leurs fondements
-ces mmes arts qui servirent la construction
-des temples, la fabrication des divinits paennes, et
-ne pas exercer ce qu'ils n'avaient point appris, ce que
-depuis des gnrations ils devaient avoir eu en horreur.
-Canova, dans les premiers sicles, et d renoncer
-l'exercice de son art ou abjurer le christianisme.</p>
-
-<p>Quand, sous Constantin, le christianisme monta sur
-le trne, l'ide foncire du prince et de ses conseillers
-chrtiens dut tre de faire autrement que l'on n'avait
-fait jusqu'alors&mdash;et faire autrement que bien, c'est
-toujours faire mal. Il btit la premire glise chrtienne
- une grande distance de la ville, car il n'a
-<span class="pagenum"><a id="Page_283"> 283</a></span>
-sans doute pas eu le courage de la construire dans
-son enceinte; il n'y employa que des ouvriers chrtiens,
-massacres et barbares en fait de beaux-arts par ncessit
-et par conviction. L'image de la mre du Christ
-ne devait point rappeler les charmes de Vnus ou la
-majest de Junon; elle ne devait point tre couverte
-des draperies lgantes d'une matrone romaine:
-l'glise elle-mme ne devait rappeler aucune des
-formes d'un temple paen.</p>
-
-<p>Il est clair que les Barbares trouvrent, quelques
-temps plus tard, la barbarie tablie dans Rome ct des
-monuments superbes, mais dtests et abhorrs par les
-Romains devenus chrtiens. Loin de pouvoir aider
-relever les arts, les chrtiens mirent profit la dcadence
-de l'Empire, pour dtruire les monuments d'un
-culte abhorr par eux. Rien n'est commun comme de
-voir des victimes se changer en bourreaux; les chrtiens
-exercrent toute leur vengeance sur les restes du
-paganisme, car les paens leur chapprent en se faisant
-chrtiens. C'est ainsi que le triomphe le plus
-beau que la morale ait jamais remport, a dtruit jusqu'aux
-traces des &oelig;uvres les plus belles de l'entendement
-des hommes, et c'est ainsi que le bien ne s'tablit
-jamais sans tablir ct de son triomphe des traces
-de dvastation. La nature humaine, mon amie, est
-une bien frle chose; elle se compose d'extrmes, elle
-se nourrit et se dbat dans des extrmes, et le triomphe
-de la raison n'est et ne sera jamais qu'un rsultat tardif.</p>
-
-<p>Pardon, ma bonne D., de cette longue dissertation;
-n'oublie pas que je t'cris du haut du Quirinal
-et que je passe mes journes au milieu des plus
-augustes ruines du monde. Je sais que tu es toujours
-<span class="pagenum"><a id="Page_284"> 284</a></span>
-de pair avec moi dans ma pense et que je puis te
-parler raison, tout comme l'on parlerait folies ou niaiseries
- d'autres. Aussi je t'aime mieux que toute
-autre.</p>
-
-<p class="space date">Ce 8.</p>
-
-<p>Il m'est arriv la nuit dernire un courrier qui m'a
-apport ton numro. J'ai commenc ma journe d'aujourd'hui
-par te lire et je la finis par te remercier.
-Le jour o tu m'as crit cette lettre, tu m'as bien
-aim. Mon amie, que n'ai-je t prs de toi! Tes
-lettres sont un tableau si fidle de ton me, je vois
-tant ce qui s'y passe que, si je pouvais me dpouiller
-de l'une des moitis de mon tre, je finirais par les
-aimer autant que toi. Mais la moiti de toi, qui a dict
-bien des paroles de ta lettre, qu'il ne t'est pas plus
-possible de sparer de ton existence que je ne puis le
-faire de la mienne, ne me dit que trop que je ne puis
-tre heureux que prs de toi. Je t'ai dj mand une
-fois ce que les rves sont pour moi et combien ils
-influent sur ma disposition morale bien aprs mon
-rveil. Je suis donc bien fait pour te comprendre, pour
-savoir tout ce que tu ne me dis pas et ce qui, mon
-avis, rend bien plus malheureux qu'heureux.</p>
-
-<p>Crois-tu, mon amie, que je ne rve pas? Crois-tu
-qu'avec une me comme la mienne je suffise avec
-seize ou dix-huit heures de veille et que je sois homme
- perdre les six ou huit heures que je passe dans mon
-lit? Quand j'aurai le bonheur de passer un jour prs
-de toi, tu sauras, mon amie, que le sort m'a donn
-tout juste autant de facults aimantes qu'il peut t'en
-avoir dparties, trop, beaucoup trop pour vivre ainsi que
-<span class="pagenum"><a id="Page_285"> 285</a></span>
-je le fais loin de l'tre que j'aime parce qu'il est tout
-ce que je dsire qu'il soit. Ceci est au reste un thme
-sur lequel je n'aime pas m'arrter; je ne veux aggraver
-ni ton sort ni le mien; l'impossibilit qui existe aujourd'hui
-doit tre vaincue avant que je puisse et que je
-veuille essayer de me livrer l'lan de mon c&oelig;ur.
-L'amour, mon amie, finit par s'user s'il porte dans le
-vague, il a cela de commun avec toutes choses; je suis
-loin de toi et je m'arrte donc ce que les distances
-les plus grandes ne peuvent pas me ravir, ce qui,
-malgr elles, est ma porte et ce que je regarde
-comme le plus prcieux de mes biens. Tout dans notre
-relation est extraordinaire. Rien peut-tre n'y serait
-compris que par nous, et ce fait me fait plaisir au
-milieu des plus cruelles privations. Mon amie, tu vois
-que je cultive ma proprit, quelque restreinte qu'elle
-soit, tout comme pourrait cultiver la sienne l'homme
-du monde le plus opulent et le plus industrieux,
-chances rarement runies. Figure-toi combien je
-saurai tre riche, le jour o je le serai effectivement!</p>
-
-<p class="space date">Ce 10<a id="FNanchor_410" href="#Footnote_410" class="fnanchor">&nbsp;[410]</a>.</p>
-
-<p>Nous avons eu deux journes de crmonies d'glise,
-qui ne m'ont point permis de faire beaucoup de courses
-hors de l'enceinte de Saint-Pierre et du Vatican. Les
-crmonies dans la chapelle Sixtine n'ont point rpondu
- mon attente; le local est trop restreint et j'en ai vu
-de plus belles chez nous et en d'autres lieux. Cette chapelle
-au reste ressemble un corps de garde anglais.
-On y entend autant d'anglais que d'italien.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_286"> 286</a></span>
-Ce qui est beau au del de toute expression, c'est
-l'adoration de la Croix Saint-Pierre. Ce vaste difice,
-clair par la seule Croix, cette croix place par
-Michel-Ange et calcule par cet homme&mdash;l'un des
-gnies les plus vastes de tous les sicles&mdash;dans l'intention
-de produire un effet surprenant, est un spectacle
-digne de fixer la fois le c&oelig;ur et les sens.</p>
-
-<p>Le reproche que je fais aux fonctions dans le Vatican,
-c'est qu'elles se confondent trop avec les collections
-toutes paennes que renferme le mme lieu. Il faut
-remplir bien des intervalles et le passage de la chapelle
-dans les muses n'est pas fait pour agir en bien
-sur le commun des hommes. Je crois, mon amie, que
-je n'appartiens pas absolument la foule, et je parle
-ici un peu plus en lgislateur qu'en gouvern qui sait
-faire leur part l'esprit et au c&oelig;ur, la raison et aux
-sens.</p>
-
-<p>Je t'ai dit que les sifflements insparables des chuchotements
-anglais couvrent le plain-chant dans la
-chapelle Sixtine. Eh bien! ce ne sont galement que
-des Anglais que l'on voit dans les salons. Je ne crois
-pas que, depuis les invasions des Barbares, il y ait eu
-autant d'trangers d'une mme origine dans l'enceinte
-de Rome, qu'il y en a dans ce moment de la race britannique.
-Parmi ce grand nombre, il n'y a rien de marquant
-parmi les hommes ni de joli parmi les femmes.
-Lady Sandwich<a id="FNanchor_411" href="#Footnote_411" class="fnanchor">&nbsp;[411]</a> voit du monde le soir. J'ai t chez
-elle et j'ai trouv tout ce qu'il y a ici de mes pays.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_287"> 287</a></span>
-Quant aux dames romaines, c'est comme s'il n'en
-n'existait pas. Il y en a deux ou trois belles; chacune est
-en mnage avec quelques <i>cavalieri serventi cicisbei</i><a id="FNanchor_412" href="#Footnote_412" class="fnanchor">&nbsp;[412]</a>
-et elles se passent pour le mme plaisir l'<i>amico</i> et quelquefois
-encore l'<i>incognito</i>. Ce dernier fait dpend en
-partie de leur plus ou moins de bonne humeur et de
-la saison, car la saison influe ici plus qu'autre part
-sur les facults des deux sexes. Le siroco rend calme,
-faute de pouvoir rendre sage, et la tramontana excite
-au plaisir, faute de pouvoir assurer le bonheur. Mon
-existence, mon amie, ne suit pas les lois romaines;
-je ne veux pas me rendre meilleur que je ne suis; je
-me borne donc t'assurer que je suis sage quand
-mme je suis plac sous l'influence de la tramontana;
-le mrite vient cesser ds le premier souffle de
-siroco.</p>
-
-<p>Du reste, mon amie, quel climat que celui de Rome,
-quel air, quel soleil, et surtout quelle lune! Aussi
-n'est-on pas tonn du beau coloris des peintres; il
-existe ici des effets de lumire qui passent toute conception
-d'au del des monts,&mdash;c'est sous cette dsignation
-que l'Italien place le reste de l'Europe, depuis
-que la civilisation d'au del a clips de beaucoup
-celle d'en de des Alpes, et par consquent depuis que
-le Romain ne se sent plus en droit de nommer Barbares
-ni toi ni moi.</p>
-
-<p>Nous sommes au reste ici en plein t; les mois
-d'avril communs ont des pluies leur suite, celui
-de 1819 est sec et mme trop sec pour le bien du
-dsert qui entoure Rome et qui couvre les ruines des
-<span class="pagenum"><a id="Page_288"> 288</a></span>
-lieux de plaisance de tant de grands hommes auxquels
-ont succd tant de petits.</p>
-
-<p>Bonsoir, bonne amie. Je suis fatigu, non de t'crire,
-mais force d'avoir t empch pendant tout le jour
-de m'asseoir mon bureau, qui est pour moi une vritable
-<i>patrie portative</i>.</p>
-
-<p class="space date">Ce 12.</p>
-
-<p>Bonne amie, quelle belle journe que celle d'hier,
-la fte de Pques! Dieu est bien noblement ador ici
-ce jour.</p>
-
-<p>Il y a trois poques dans cette journe qui sont classiques,
-et je n'appelle tel que ce qui me satisfait sous
-tous les rapports, ce qui agit sur moi en bien de toute
-manire et ce qui, par consquent, parle la fois
-mon esprit, mon c&oelig;ur et mes sens. Je suis content
-du dimanche de Pques.</p>
-
-<p>Le service divin Saint-Pierre est aussi beau que
-celui dans les chapelles l'est peu. Rien n'est oubli
-pour sanctifier la pompe en lui conservant le caractre
-le plus austre, le seul qui convient aux fonctions religieuses.
-La bndiction papale du haut du balcon de
-la faade de l'glise est touchante la fois et belle. Un
-homme qui, au nom de Dieu, bnit cinquante mille
-personnes la fois, qui toutes se prosternent devant le
-souverain arbitre de toutes choses, est charg d'une
-belle et noble fonction.</p>
-
-<p>Le soir, l'illumination de Saint-Pierre est le plus
-magnifique des spectacles. La premire est d'aprs
-les dessins de Michel-Ange<a id="FNanchor_413" href="#Footnote_413" class="fnanchor">&nbsp;[413]</a>. Au coup de 8 heures
-<span class="pagenum"><a id="Page_289"> 289</a></span>
-(ou une heure de nuit Rome) la scne change: le
-btiment et les alentours se couvrent d'une masse de
-feu; Saint-Pierre n'est plus illumin, mais il claire le
-pays. Plus de cinq cents hommes habitus l'opration
-excutent cette nouvelle illumination, devant
-laquelle plit la prcdente, en moins de deux secondes.</p>
-
-<p>Puis le feu d'artifice du tombeau d'Adrien, qui surpasse
-tous ceux que j'ai vus jusqu' ce jour. Le point
-de dpart de la girande est tellement lev qu'elle
-ressemble l'ruption d'un volcan. Le monument a
-ensuite t reprsent en feu tel qu'il avait t dcor
-primitivement, et puis beaucoup d'autres dcorations
-les unes plus belles que les autres<a id="FNanchor_414" href="#Footnote_414" class="fnanchor">&nbsp;[414]</a>. Le seul reproche
-que je fasse cette magnifique scne, c'est d'attrister;
-je dteste les feux d'artifice, vu la nuit qui leur succde.
-Mon amie, le bonheur n'est pas dans ce qui brille, mais
-dans ce qui dure.</p>
-
-<p class="space date">Ce 13.</p>
-
-<p>Tu seras bien longtemps sans lettres; j'ai fait la
-btise de ne pas charger de celle-ci le courrier hebdomadaire
-<span class="pagenum"><a id="Page_290"> 290</a></span>
-parti avant-hier, car Gordon voulait en faire partir
-un hier directement pour Londres; il vient de me dire
-qu'il a chang d'avis et je n'ose pas le prier d'en expdier
-un pour nous. Ce n'est pas, mon amie, que je trouve
-que nous n'en valions pas la peine, mais qu'y faire?</p>
-
-<p>N[eumann] m'crit chaque courrier pour se louer
-de ton mari. Je vais, par celui qui te portera cette
-lettre, charger N[eumann] de le louer de ma part. Je ne
-te parle jamais politique pour deux raisons. La premire,
-c'est que j'ai mieux faire avec toi, et la seconde
-que je suis trop heureux de trouver un tre auquel je
-puisse parler amour, amiti, raison, tout ce qui vaut
-mieux que la politique, dans un moment surtout o le
-monde tombe en btise. Je dteste de dire aprs coup
-ce que j'ai pens et dit avant bien d'autres; mais si tu
-me connaissais plus que tu ne fais&mdash;toi qui sous tant
-de rapports me connais mieux que nul tre au monde&mdash;tu
-ne douterais pas que je ne mens pas, quand je
-t'assure que rien de ce qui arrive aujourd'hui en
-France et autre part ne m'tonne, pas plus que ne le
-font des nouvelles connues, des nouvelles, par consquent,
-qui n'en sont pas. J'aime le repos du monde,
-car j'ai la conviction que le bonheur des hommes de
-bien ne se trouve que l; mais aujourd'hui j'ai encore
-de bien autres raisons pour m'effrayer de toute ide
-de mouvement. Tu les connais, mon amie, car tu connais
-la premire pense de ma vie, une pense qui est
-devenue pour moi la vie mme! Mon amie, que deviendrons-nous,
-si ce qui est entre nous se bouleverse, si la
-distance qui nous spare devient une impossibilit? Ma
-vie se passerait-elle loin de toi? Alors, mon amie, je ne
-vivrais pas!</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_291"> 291</a></span>
-Penses-tu quelquefois moi, mon amie,&mdash;pas
-comme je suis sr que tu le fais&mdash;mais moins l'individu
-qu' ce que j'ai le malheur d'tre? Crois-tu que
-j'aie beaucoup et de bien doux moments? Que les ruines
-du palais des Csars me font faire des rflexions bien
-diffrentes de leur seul aspect pittoresque!</p>
-
-<p>Mon amie, mes lettres me concentrent tellement
-dans l'intrieur le plus intrieur de mon c&oelig;ur, que tu
-dois croire quelquefois en les lisant que j'oublie qui je
-suis. Crois-le, au reste, relativement toi, ce qui est
-aujourd'hui le seul bonheur que je me connaisse, le
-seul vers lequel je tende et le seul, hlas, qui se trouve
-tellement plac hors de mon action.</p>
-
-<p>Je suis fch contre le monde entier, hors toi. Je le
-dteste, ce monde, et je n'aime que toi. Ne pensons
-pas au monde et aimons-nous. Surtout, sois certaine
-que je ne suis jamais plus fort que quand d'autres
-sont faibles, et que je n'ai jamais plus de tte que
-quand d'autres n'en ont point. Bonne amie, crois surtout
-que j'ai bien plus de c&oelig;ur que de tte, et tu sais
-qui est le premier; tu sauras enfin, bien plus encore
-que tu ne peux le faire encore, ce qu'il vaut.</p>
-
-<p class="space date">Ce 14.</p>
-
-<p>J'ai reu la nuit dernire mes lettres de Londres.
-N[eumann] crit F[loret] que tu es lgrement incommode
-et que tu n'as point pu lui donner de lettre.</p>
-
-<p>Mon amie, ne me fais pas de ces peurs, ne t'avise
-pas de tomber malade. Je crains que tu n'aies une
-nouvelle atteinte telle que tu l'avais crainte dernirement;
-c'est une mauvaise chose qu'une apparence de
-<span class="pagenum"><a id="Page_292"> 292</a></span>
-fausse couche, parce qu'elle se renouvelle facilement.
-La seule ide qui me console, c'est celle de quelque
-gne qui t'aura empche de recevoir N[eumann]. J'attends
-maintenant avec anxit l'arrive du premier
-courrier. S'il ne m'apporte rien, je serai au dsespoir.
-J'ai peur que tu ne te sois pas assez mnage. Je t'ai
-mand dernirement que je ne conois rien aux bains
-que l'on te permet de prendre. J'ai peur enfin de tout.
-Mon amie, que je sache au moins ce que tu fais, et dis
- N[eumann] qu'il n'crive jamais que tu es incommode
-sans mander ce que tu as. Je suis exigeant en
-fait de sant. Je ne te permets qu'un rhume de cerveau,
-rien d'autre, et je veux encore qu'alors tu te
-soignes comme si tu ne t'appartenais pas. Ne t'avise
-pas, mon amie, de croire que je ne saurais avoir peur.</p>
-
-<p>Je me sens si peu dispos te parler aujourd'hui
-d'autre chose, que je finis de t'crire pour ne pas te
-redire vingt fois ce que je viens de te dire. Mon amie,
-ma vie est si fort hors de moi aujourd'hui que je finirai
-par la dtester si la crainte s'en mle. Rassure-moi,
-et ce qui vaut mieux, tche de te bien porter et
-que je le sache.</p>
-
-<p class="space date">Ce 15.</p>
-
-<p>Mon amie, j'ai rv de toi et je t'ai vue malade. Le
-fait est bien rare cependant que je rve de ce dont j'ai
-t fortement occup la veille. J'ai t chez toi; tu
-tais couche, ton mari et N[eumann], lequel tait ton
-mdecin. Les rves sont fous et celui-ci certes l'a t.
-Si jamais N[eumann], que du reste j'aime beaucoup,
-veut te faire prendre une drogue, ne suis pas son conseil.
-Ne prends de lui que mes lettres. J'attends avec
-<span class="pagenum"><a id="Page_293"> 293</a></span>
-bien de l'impatience les premires lettres de Londres
-qui, hlas, sont si longues arriver!</p>
-
-<p>J'ai parcouru aujourd'hui de bien beaux lieux.</p>
-
-<p>Cette Rome est une ville inconcevable; chaque pas,
-chaque minute y offre un objet digne d'admiration ou,
-pour le moins, de curiosit. Dans le cours de ma promenade,
-je suis entr dans un jardin qui forme le
-centre d'un couvent. Il parfume l'air une demi-lieue
- la ronde&mdash;sort peu commun aux couvents&mdash;tant
-il y a d'orangers, de citronniers et d'arbustes en
-fleur. J'y ai cueilli une branche de citronnier sur
-laquelle il y avait soixante-cinq citrons mrs. Je l'ai
-empaquete et je l'envoie ma femme. Je te l'aurais
-envoye si j'avais le bonheur de disposer d'un courrier
-direct pour Londres.</p>
-
-<p>Il existe, prs de Sville, un arbre pareil qui porte
-souvent jusqu' quarante mille fruits.</p>
-
-<p>Il y a dans le jardin du couvent plusieurs palmiers,
-grands comme des pins, beaux et sains. Il est inconcevable
-qu'on n'en plante pas davantage. Rien ne pare
-le tableau comme ces belles plantes, mais les hommes
-ne font rien ici pour embellir la nature. Il faut un ciel
-ingrat pour exciter l'ardeur des cultivateurs; il parat
-que l'homme aime la contrarit. J'ai peur de ne pas
-ressembler aux autres individus de la race humaine
-sous bien des rapports. Je m'en console, si tu m'aimes
-tel que je suis.</p>
-
-<p>Il existe ici une telle foule d'Anglais, que l'Angleterre
-a l'air de n'tre plus en Angleterre. Les braves gens
-font, au reste, du mal aux voyageurs de toute autre
-race. Ils sont devenus d'une telle parcimonie qu'on ne
-veut plus les admettre nulle part. J'ai eu de la peine
-<span class="pagenum"><a id="Page_294"> 294</a></span>
-pntrer ce matin dans une vigne qui renferme les
-beaux restes d'un temple ddi Minerva Medica<a id="FNanchor_415" href="#Footnote_415" class="fnanchor">&nbsp;[415]</a>.
-Une vieille femme est venue se prsenter derrire une
-porte ferme verrou, pour nous demander: <i>Siete
-signori Inglesi?</i><a id="FNanchor_416" href="#Footnote_416" class="fnanchor">&nbsp;[416]</a> Sur la ngative, elle a ouvert. Je lui
-ai demand pourquoi elle avait mis <i>i signori Inglesi</i> en
-quarantaine: <i>Non pagano mai niente</i><a id="FNanchor_417" href="#Footnote_417" class="fnanchor">&nbsp;[417]</a>, a t la seule
-et bonne rponse. Il est de fait qu'ils vont voir les
-lieux publics et les galeries particulires en troupes de
-douze ou quinze personnes, et qu'ils donnent communment
-aux inspecteurs ou valets <i>una manica di
-2 pauli</i><a id="FNanchor_418" href="#Footnote_418" class="fnanchor">&nbsp;[418]</a>, c'est--dire 6 8 pence. J'ignore comment
-ils finissent par rpartir les fractions imaginaires
-entre eux. Les Anglais, qui ne savent jamais tenir un
-juste milieu, avaient rendu anciennement, vu leur
-magnificence, les voyages difficiles aux pauvres continentaux.
-Aujourd'hui, ils se rendent la besogne difficile
- eux-mmes; mais c'est <i>de bon ton</i> et un Anglais
-succombe toujours cet axiome.</p>
-
-<p class="space date">Ce 16.</p>
-
-<p>Le courrier va partir, mon amie, et je ne veux pas le
-manquer. Donne-moi bientt de bonnes nouvelles de
-ta sant. Je ne puis pas te dire combien tout ce que je
-redoute me fait peine, ds que l'objet est toi.</p>
-
-<p>Adieu, bonne amie, je ne puis t'crire un mot de
-plus, car j'ai trois ou quatre bien fortes expditions
-<span class="pagenum"><a id="Page_295"> 295</a></span>
-faire. Il en est une parmi celles-ci qui va Ptersbourg
-dans l'affaire de Kotzebue<a id="FNanchor_419" href="#Footnote_419" class="fnanchor">&nbsp;[419]</a>. Les libraux se sont un
-peu mal conduits dans cette circonstance, et le principe
-de la libert de la presse n'est gure bien dfendu par
-des hommes qui rpondent leurs adversaires en littrature
-par des coups de poignard. Ils ont, pour le
-moins, un peu l'air de ne vouloir reconnatre d'autre
-libert que celle qui leur convient.</p>
-
-<p>Adieu, bonne amie.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_296"> 296</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 23.</h2>
-<p class="date">Rome, ce 18 avril 1819.</p>
-</div>
-
-<p>Je viens de recevoir ce matin, mon amie, tes
-n<sup>os</sup> 29 et 30. Tes n<sup>os</sup> 27 et 28 me manquent; ils
-doivent avoir t confis une autre occasion ou peut-tre
-se sont-ils glisss dans une expdition qui, au lieu
-de prendre de Munich la route d'Italie, peut avoir pris
-celle de Vienne. Ce sont, au reste, ces deux numros
-qui m'offriront le plus grand intrt, parce qu'ils
-sont tes premiers aprs l'arrive de Paul<a id="FNanchor_420" href="#Footnote_420" class="fnanchor">&nbsp;[420]</a>. Si je te
-dis, au reste, que j'attache plus d'intrt l'une ou
-l'autre de tes lettres, tu peux tre certaine que ce fait
-ne s'explique que par des circonstances plus particulirement
-lies <i>notre sort</i>, car chaque ligne trace par
-ta main a un gal mrite. Je crois que si tu ne faisais
-qu'un trait sur la feuille, je l'aimerais mieux que toute
-lettre qui me viendrait d'un lieu quelconque.</p>
-
-<p>Les lettres que j'ai reues me prouvent qu'il n'est
-plus question de l'incommodit dont N[eumann]
-m'avait parl dernirement et qui te sera rappele par
-mon dernier numro. Voil l'un des graves inconvnients
-des grandes distances, une vritable misre de
-<span class="pagenum"><a id="Page_297"> 297</a></span>
-la vie humaine, que tout ce que l'on dit n'arrive
-jamais point juste. Je serai tranquille le jour o tu
-seras vritablement souffrante, et plein d'inquitude
-l'heure o tu seras heureuse. Mon amie, je prvois que
-tu seras au bal le jour de ma mort.</p>
-
-<p>Paul m'crit une lettre particulire, dans laquelle il
-me parle de la socit de Londres, et par consquent
-galement de toi. Je vois bien qu'il ne se doute de rien,
-car ne pas savoir tout est, en certaines circonstances,
-ne savoir rien. Il me mande que Mme de L. est fort
-en recherches pour le duc de W.<a id="FNanchor_421" href="#Footnote_421" class="fnanchor">&nbsp;[421]</a>, mais que le fait
-lui parat se borner l. Qu'il en juge ainsi, vu l'empreinte
-prononce d'ennui et de ds&oelig;uvrement que
-porte le noble duc! Tu vois, mon amie, que Paul,
-malgr sa distraction apparente, laisse cependant
-tomber des regards justes, mais nonchalants, sur les
-objets qui l'entourent.</p>
-
-<p>Ce que tu me dis, dans l'une de tes dernires
-lettres, de W., est ce que je comprends le mieux au
-monde. Ce qu'il prouve, je l'prouve, et je crois qu'il
-doit en tre ainsi de tout homme ayant la tte droite et
-le c&oelig;ur humain.</p>
-
-<p>W. a pass sa vie dans une activit grande, noble
-et belle. Il aime se rendre utile, il embrasse par consquent
-les affaires avec intrt et chaleur. Il a le c&oelig;ur
-aimant, car il ne vaudrait pas le quart de ce qu'il vaut
-effectivement, s'il ne l'avait pas tel. Il a eu des succs
-prs des femmes. Mon amie, rien ne blase sur les succs
-de ce genre comme les succs. Je te jure que personne
-plus que moi ne sent combien peu ils valent,
-<span class="pagenum"><a id="Page_298"> 298</a></span>
-combien ils cotent et combien peu ils rapportent.
-Crois-m'en sur parole: les succs dans le monde sont
-comme la plupart des pices de thtre; ils pchent
-comme elles par le dnouement. L'on s'attend beaucoup,
-l'on attend avec impatience que la toile se lve,
-l'intrigue se noue, l'exposition est faible et ordinairement
-commune, la pice avance en s'affaiblissant; il
-part de lgers applaudissements et force sifflets de la
-galerie; la pice parat longue; les acteurs rcitent de
-mauvais vers pendant que les spectateurs s'endorment,
-et ils quittent la scne plus ennuys du rle qu'ils
-viennent de jouer que la galerie ne l'a t de s'tre
-occupe d'eux. Les costumes sont remiss, les personnages
-se rencontrent dans les coulisses; s'ils sont polis,
-le premier amoureux offre le bras la grande coquette
-pour l'aider monter dans une autre voiture que la
-sienne, et chacun s'en va coucher&mdash;seul.</p>
-
-<p>Mon amie, j'ai t de ces acteurs.</p>
-
-<p>Mais quand la raison se mrit, quand l'on se trouve
-plac assez loin du point de dpart pour pouvoir
-calculer les espaces et les points de repos, alors,
-bonne D., sent-on l'immense diffrence qu'il y a
-entre ce qui n'offre que des apparences passagres de
-bonheur et ce qui constitue le bonheur lui-mme.
-L'envie d'une liaison digne de ce nom tourne au
-besoin; la vie semble vide sans elle, et rien ne peut ni
-en remplacer le bienfait, ni le compenser.</p>
-
-<p>Tu conois par ce peu de mots ce que je pense du
-vide que doit prouver W. et du mrite que je t'accorde,
-du sentiment profond que je nourris de mon
-bonheur et du chagrin que j'prouve de tant de contrarits
-qui s'opposent mes v&oelig;ux les plus chers et
-<span class="pagenum"><a id="Page_299"> 299</a></span>
-les plus ardents. Mon amie, je ne suis pas calme: tu
-ne me connais pas tout comme je suis; tu m'as vu ami
-mais pas encore amant. Ami, oui bien, le meilleur que
-tu puisses avoir, le plus sr, le plus dvou, l'ami
-ternel surtout! Si le sort me rserve des moments
-plus heureux, les plus doux que je puis attendre, les
-seuls que je veux, tu ne m'aimeras pas plus que tu ne
-le fais, mais certes, tu ne m'aimeras pas moins. Mon
-amie, puis-je avoir de la prsomption?</p>
-
-<p>Paul me parle d'un gros rhume qu'il a emport de
-Paris et qui ne l'a pas encore quitt Londres. Je suppose
-que c'est ce mal, qu' Rome l'on appelle <i>una constipatione</i>,
-qui l'a empch d'aller te voir. Moi, mon
-amie, rien ne m'empcherait, mais Paul n'est pas moi,
-et tu n'es pas pour lui ce que tu es pour moi.</p>
-
-<p>A propos du mot trs impropre, et mme peu propre
-que je viens de te dire, figure-toi l'tat de ma pauvre
-fille qui, fort enrhume, s'est vue demander par un
-cardinal, ces jours derniers: <i>Signora, tu mi pare molto
-constipata</i><a id="FNanchor_422" href="#Footnote_422" class="fnanchor">&nbsp;[422]</a>! Comme elle n'a pas encore fait un assez
-long sjour ici pour savoir les provincialismes, juge de
-son embarras trouver une rponse une pareille
-<i>apostrofe cardinalizia</i>.</p>
-
-<p class="space date">Ce 19.</p>
-
-<p>Bonne amie, je viens d'crire Stewart pour le fliciter
-de ses succs<a id="FNanchor_423" href="#Footnote_423" class="fnanchor">&nbsp;[423]</a>. Je suis charm que son heure
-ait sonn et que Mrs Taylor soit rduite au silence. Je
-suis charm et fch qu'il ne t'ait point pouse. Les
-<span class="pagenum"><a id="Page_300"> 300</a></span>
-graves contrarits mnent la folie dans les contradictions.
-Je t'envoie cette lettre par une occasion que
-me fournit G[ordon] et qui devait te porter ma dernire
-lettre. Le n<sup>o</sup> 22 t'arrivera probablement aprs
-celui-ci et tu seras longtemps sans nouvelles: il
-passe par le courrier hebdomadaire et par consquent
-par Munich, tandis que le prsent courrier va droit,
-tout comme je voudrais pouvoir aller moi-mme.</p>
-
-<p>Le rhume de ma fille m'a gagn. A peu prs toute
-ma suite est dans le mme tat. J'ai cent glises, les
-catacombes et les grandes crmonies de la semaine
-sainte, et le tout coup par la chaleur du jour, dans le
-col et sur la poitrine. Je me soignerai vingt-quatre
-heures et je serai refait.</p>
-
-<p class="space date">Ce 20.</p>
-
-<p>Je t'cris pendant que l'on donne une superbe fte
- l'Empereur au Capitole. C'est la raison et toi qui
-m'empchent d'y paratre, malgr tous les dsespoirs
-de Consalvi<a id="FNanchor_424" href="#Footnote_424" class="fnanchor">&nbsp;[424]</a>. J'ai pris des remdes contre mon
-rhume, qui dj va beaucoup mieux; la raison m'ordonne
-de le soigner et tu m'en prierais si tu tais ici.
-Je trouve que rien n'est raisonnable comme t'crire et
-heureux comme t'aimer. Trouve le mot, bonne amie,
-pour exprimer le bonheur d'tre aim par toi.</p>
-
-<p>Le rgime me mne toujours au travail. J'ai pass
-<span class="pagenum"><a id="Page_301"> 301</a></span>
-ma journe en expditions de courriers pour toutes les
-parties du monde, entre autres pour ton pays. Je veux
-faire un peu de mal aux amis de Lady Jersey. Je n'aime
-pas que l'on assassine au nom de l'amour de l'humanit;
-je n'aime pas les fous et les folies d'un genre
-quelconque et bien moins encore de celui qui tue de
-braves gens, assis tranquillement dans leur chambre.</p>
-
-<p>Quand j'ai port mon expdition pour Francfort<a id="FNanchor_425" href="#Footnote_425" class="fnanchor">&nbsp;[425]</a>
- l'Empereur, il m'a dit que les tudiants me joueront
-incessamment le mme tour qu' Kotzebue. Je l'ai
-assur que, depuis longtemps, je me regardais comme
-un gnral plac en face d'une batterie et que je ne
-savais pas craindre. Eh bien! allez, m'a rpondu
-l'Empereur, l'on nous assassinera tous les deux.</p>
-
-<p>Le monde est bien malade, mon amie; rien n'est
-pire que le faux esprit en libert. Il tue tout et il finit
-par se tuer lui-mme. C'est ainsi que vont en France
-les Benjamin Constant<a id="FNanchor_426" href="#Footnote_426" class="fnanchor">&nbsp;[426]</a> et les Chateaubriand<a id="FNanchor_427" href="#Footnote_427" class="fnanchor">&nbsp;[427]</a>,
-<span class="pagenum"><a id="Page_302"> 302</a></span>
-en Allemagne les tudiants d'Ina et la majeure partie
-des gouvernements, et autre part bien des gens que je
-ne veux pas te nommer pour ne pas t'ennuyer de ma
-politique.</p>
-
-<p>Je me rassieds mon bureau, aprs avoir vu monter
-une immense girande de feu d'artifice qui vient de
-s'lever du Capitole. C'est un beau point de dpart.</p>
-
-<p>Je suis charm de ne pas tre la fte et prs de toi,
-le plus prs que je puisse en tre prs de 500 heures
-de distance. L'me, mon amie, ne connat pas les distances;
-je te vois devant moi comme si tu y tais. Mais
-je voudrais un peu de contact; te donner la main et la
-baiser du fond de mon c&oelig;ur&mdash;je le fais en pense&mdash;et
-du bout de mes lvres! Bonne amie, hlas! je ne le
-puis pas.</p>
-
-<p>La fte au Capitole a, dit-on, t superbe comme
-tout ce qui est fte Rome, et tout comme Rome elle-mme
-parat une fte continuelle. L'on a eu l'ide
-heureuse de faire servir une immense louve, allaitant
-Romulus et Rmus, de plateau l'une des tables du
-souper. Ce bronze date des premires res de la rpublique.
-Combien il s'est pass d'vnements, combien
-de grands hommes ont pass sur cette mme terre o
-la louve existe encore! Cet antique tmoin d'un banquet
-moderne ne peut rien avoir gt l'aspect de la
-table.</p>
-
-<p>Tu sais que je n'aime pas les feux d'artifice, il m'est
-donc bien gal qu'il ait t beau. On a l'habitude ici
-d'en soutenir l'clat par force coups de canon. Je les
-aime mieux que le feu. Tu ignores que j'ai un grand
-faible pour les coups de canon, et ce got est l'un de
-ceux que l'on ne devine pas dans le meilleur ami sans
-<span class="pagenum"><a id="Page_303"> 303</a></span>
-qu'il vous le dcouvre. Je n'ai jamais pu concevoir que
-l'on puisse tre poltron, et les coups de canon m'appellent
-au lieu de me repousser. Pardonne-moi ce
-got bizarre, mon amie, et permets-moi de m'y livrer
-encore.</p>
-
-<p class="space date">Ce 21.</p>
-
-<p>Le courrier de G[ordon] part dans une heure, mon
-amie, et je lui confie cette lettre. Reois-la avec bont,
-comme toutes, malgr qu'elle soit bien vide de sens.</p>
-
-<p>Je partirai d'ici le 24. Je serai Naples le lendemain.
-Mon loignement ne causera nulle interruption
- notre correspondance, car je ferai partir le courrier
-hebdomadaire un jour plus tt que d'ici.</p>
-
-<p>J'espre que je recevrai incessamment tes deux
-numros qui me manquent. Je les attends avec impatience.
-Ils doivent me prouver si tu as envie de travailler
-dans un sens qui est le plus utile, le plus sr et
-certes pas le moins impossible excuter. Bonne amie,
-pense ce que serait cet avenir!</p>
-
-<p>Adieu, je te baise pieds et mains, et je t'aime de tout
-mon c&oelig;ur. Tu n'en doutes pas.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_304"> 304</a></span></p>
-<h2 class="normal">N<sup>o</sup> 24.</h2>
-<p class="date">Rome, ce 23 avril 1819.</p>
-</div>
-
-<p>Mon premier sjour ici, mon amie, va finir. A mon
-retour de Naples, je compte m'arrter encore une huitaine
-de jours pour voir ce que je n'ai pas encore vu, ou
-plutt pour diminuer la somme des objets dignes de
-remarque et que je ne puis voir en aussi peu de temps.
-Cette ville-ci a des charmes inexprimables pour moi.
-L'homme, dans l'tat de sant morale, a deux grands
-et puissants lments qui forment la base de son existence:
-le c&oelig;ur et l'esprit. Tu sais, mon amie, ce qui
-occupe mon c&oelig;ur. Il n'est pas Rome, mais cette ville
-offre mon esprit tout ce qu'il recherche et ce qui
-lui plat: grands souvenirs, luxe et bon got dans tous
-les objets dignes de fixer la pense; monuments anciens,
-modernes, chelle immense, tout se runit
-Rome.</p>
-
-<p>Je compte monter en voiture demain au point du
-jour pour aller coucher Mola di Gaeta. Je veux viter
-la couche Terracine, vu le prjug de la malaria,
-que trop fond en raison sur tout autre point des marais
-Pontins, mais qui, surtout dans cette saison, n'existe
-pas rellement pour Terracine.</p>
-
-<p class="space date"><span class="pagenum"><a id="Page_305"> 305</a></span>
-Mola<a id="FNanchor_428" href="#Footnote_428" class="fnanchor">&nbsp;[428]</a>, ce 24, 9 heures du soir.</p>
-
-<p>Je suis ici depuis 3 heures. J'ai donc encore vu le
-coucher du soleil sur l'un des beaux points de la terre.
-Je t'cris d'une auberge place au centre du golfe;
-l'horizon est ferm la droite par la ville de Gate et
-la forteresse, et je dcouvre ma gauche le Vsuve qui,
-depuis le 13 de ce mois, jette de la lave. Je le vois
-envelopp d'une paisse fume qui tantt s'lve et
-tantt prend la forme d'un nuage autour de sa cime.
-La plage est verte et riante. Je suis spar de la mer
-par un immense jardin d'orangers et de citronniers,
-chargs de fruits et de fleurs.</p>
-
-<p>C'est une chose singulire que la ligne trace par les
-marais Pontins. Ces marais sont, depuis les desschements
-de Pie VI<a id="FNanchor_429" href="#Footnote_429" class="fnanchor">&nbsp;[429]</a>, une suite non interrompue de jardins
-couverts du luxe de vgtation le plus riche. A
-Terracine commence un nouveau climat bien plus
-mridional encore que celui de l'tat romain. Les
-rochers se couvrent de plantes grasses; des cactus
-normes y viennent comme de la mauvaise herbe et
-l'alos sert de broussailles. Les buissons se composent
-de myrtes.</p>
-
-<p>L'auberge que j'habite s'appelle la maison de Cicron.
-Il parat, d'aprs une critique raisonnable, que c'est en
-<span class="pagenum"><a id="Page_306"> 306</a></span>
-elle qu'il est n<a id="FNanchor_430" href="#Footnote_430" class="fnanchor">&nbsp;[430]</a>. Mon amie, cette ide ne m'inspire
-gure. Cicron parlait beaucoup et faisait peu; il tait
-poltron, et avait cela de commun avec la plupart des
-savants et je n'aime pas cette caste. Je voudrais que,
-pour le bien de l'humanit, il puisse y avoir <i>du savoir</i>
-sans qu'il existt <i>des savants</i>. Si tu tais femme savante
-au lieu de tout ce que tu es de bien, je ne t'aimerais
-pas.</p>
-
-<p class="space date">Naples, ce 25.</p>
-
-<p>Quel beau pays j'ai parcouru aujourd'hui! L'aspect
-de Naples ne m'a pas surpris: je l'ai trop vu reproduit
-en peinture et dessin pour ne pas croire l'avoir vu. La
-seule diffrence que j'y trouve, c'est que le site est plus
-vaste que je ne l'avais cru, mais je suis plein d'tonnement
-de la culture des campagnes. Figure-toi un pays
-riche de tous les bienfaits de la nature, un ciel comme
-il n'en existe pas, une terre qui produit sans cesse et
-de l'industrie, et tu auras une ide de la campagne
-depuis Foggia jusqu' Naples. Le peuple est sale, pour
-que le dfaut soit ct du bien. Rien ne peut tre
-parfait dans ce bas monde.</p>
-
-<p>J'ai pris ici un htel sur la Chiaja<a id="FNanchor_431" href="#Footnote_431" class="fnanchor">&nbsp;[431]</a>. J'ai en face de
-moi une plage immense de mer, coupe par les les les
-plus pittoresques du monde. La rive droite du golfe et
-le chteau de l'&OElig;uf ferment le cadre. Je ne vois pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_307"> 307</a></span>
-le Vsuve de mes fentres, ce qui me gne<a id="FNanchor_432" href="#Footnote_432" class="fnanchor">&nbsp;[432]</a>. Ce soir,
-il tait couvert de lave. Je l'ai vu du salon de notre
-envoy ici. Mon amie, le Vsuve ne gte rien dans un
-tableau quelconque; un salon qui vous l'offre en perspective
-est un beau salon.</p>
-
-<p>La journe, au reste, a t mauvaise. Nous avons
-du siroco, ce qui nous amnera de la pluie.</p>
-
-<p>Bonne amie, tu dois trouver que j'ai une manire
-de t'entretenir peu recherche: je te parle du temps
-qu'il fait comme si une seule goutte pouvait t'atteindre.
-Mais tu veux savoir ce que je fais; tu ne me sauras pas
-mauvais gr de te parler des impressions que j'prouve.
-J'ai mme le besoin de te les communiquer; si je te parle
-du cadre dans lequel je me trouve, tu m'y reconnais
-au milieu de la foule et tu ne doutes pas que mon
-c&oelig;ur ne soit occup que de toi, malgr la distance et le
-chagrin que j'prouve de ne pas tre heureux!</p>
-
-<p class="space date">Ce 26.</p>
-
-<p>Le temps est si fort la pluie que je ne suis sorti
-que pour aller rendre quelques devoirs de socit, tristes
-devoirs et qui devraient tre dcompts sur la vie. Mon
-amie, cette vie, et surtout la mienne, s'en compose
-cependant et, si je suis la recherche des moments de
-bonheur, le rsultat de l'entreprise me prouve constamment
-que leur nombre est infiniment petit.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_308"> 308</a></span>
-J'ai eu nagure quinze jours de vie, et si nous voulons
-faire le compte scrupuleux des moments qui ont
-compt dans ces quinze jours, ils se rduiront peu,
-bien peu d'instants. Et de combien encore ces peu
-d'instants eussent pu tre meilleurs! J'ignore, mon
-amie, si tu prouves dans la poursuite de cette dernire
-question les mmes sensations que moi. Je suis
-la fois au dsespoir et satisfait de <i>ce moins</i> dans notre
-existence. Au dsespoir, en ne consultant que mon
-c&oelig;ur et mes sens, et satisfait en rentrant dans les derniers
-refuges de ma raison. Je sens cependant que, si
-j'avais aujourd'hui la mme quinzaine en perspective,
-je mourrais plutt que de me mnager encore ma
-mme satisfaction. Bonne amie, je te prviens que tu
-n'as plus le droit de compter jamais sur ma raison.</p>
-
-<p class="space date">Ce 27.</p>
-
-<p>J'ai t interrompu hier par l'arrive du courrier
-qui m'a apport ton n<sup>o</sup> 31. Que peuvent tre devenus
-ceux qui me manquent? Je n'y conois rien;
-j'ai toutes mes lettres et de tous les cts. A qui as-tu
-confi les n<sup>os</sup> 27 et 28? Si tu te sers d'occasions
-particulires, mande-le-moi toujours ainsi que je le
-fais; je pourrai regretter alors le retard d'une lettre,
-mais ne pas tre inquiet de son sort.</p>
-
-<p>Bonne amie, que nos penses suivent une mme
-pente! Lis ce que je t'ai crit hier et compare-le ce
-que renferme ta lettre n<sup>o</sup> 31. Oui, mon amie, nos
-preuves sont faites; il ne nous reste qu' tre heureux
-quand le ciel nous aimera assez pour nous runir.
-Je suis sr que tu partages tout ce que j'prouve, mes
-<span class="pagenum"><a id="Page_309"> 309</a></span>
-regrets comme ma satisfaction, mes dsirs comme mes
-peines. Conviens que je ne t'ai point trompe quand je
-t'ai dit que je savais aimer. Tu le sais aujourd'hui, et
-le monde croit le contraire; c'est un double charme
-pour moi. J'ignore pourquoi j'aime tre seul de mon
-secret dans les relations les plus importantes de ma vie.</p>
-
-<p class="space date">Ce 28.</p>
-
-<p>J'ai pass ma matine, mon amie, en courses, malgr
-le temps peu favorable qui me poursuit depuis que
-nous sommes ici. Rien n'est magnifique comme le
-tableau qu'offre ici la nature. J'ai t sur une montagne
-trs prs de Naples, et qui spare le golfe qui
-porte le nom de cette ville d'avec celui de Baja<a id="FNanchor_433" href="#Footnote_433" class="fnanchor">&nbsp;[433]</a>. La
-vue en est magnifique: gauche, le Vsuve et la chane
-des belles montagnes qui vont mourir au cap de Massa,
-l'le de Capri, une immense plage de mer, la ville de
-Naples, btie en amphithtre sur des hauteurs couronnes
-de villas et de jardins; en face, les les de Procida et
-d'Ischia; droite, le cap de Misne, les villes de Baja,
-de Pozzuoli, le lac d'Averno, des campagnes fertiles au
-del de toute croyance, en un mot tout ce que la nature
-peut offrir de beau et de diversifi. C'est travers cette
-mme montagne que la grotte de Pausilippe a t taille
-pour abrger les communications entre les deux
-golfes, ainsi que l'on perce une porte dans une enceinte
-pour pargner qu'on doive en faire le tour. Tous ces
-lieux sont pleins de souvenirs: la terre de Naples est
-classique comme celle de Rome, et j'prouve, sur
-cette terre, des sensations diffrentes toutes autres.
-<span class="pagenum"><a id="Page_310"> 310</a></span>
-Mon amie, il y a dans mon essence un tel loignement
-pour les Barbares et pour tout ce qui mrite ce nom, que
-c'est dans cette combinaison que je puis seulement trouver
-l'explication de ce phnomne: ce qui me fait du
-mal Naples, c'est tout juste ce qui y porte l'empreinte
-du vandalisme, et il serait facile de composer une longue
-liste de ces objets. Les maisons de Naples me dsolent.
-J'aime mieux les architectes de quelque coin en Bohme
-que ceux d'ici et des maisons bties ainsi qu'elles le
-sont toutes ici&mdash; vingt heures de marche de Rome!</p>
-
-<p>Tu me parles de ta promenade Richmond et de ta
-campagne. Mon amie, je voudrais avoir t dans le
-premier de ces lieux avec toi, et rester avec toi dans le
-second. Je crois, mon amie, que nous eussions t plus
-heureux l'un et l'autre que toi Richmond et moi sur
-le Quirinal. Richmond est, au reste, l'un des plus jolis
-points de la terre. J'y ai fait vingt parties dans ma vie,
-et toujours avec une gale satisfaction.</p>
-
-<p>Il y a eu ce soir une espce de bal chez Mme Bees,
-Anglaise. Il est ici des noms que la bonne compagnie ne
-connat pas Londres, et qui dpensent leur ambition
-en routs<a id="FNanchor_434" href="#Footnote_434" class="fnanchor">&nbsp;[434]</a> et plaisirs de ce genre. Comme ce n'est
-pas le mien, je ne reste jamais qu'une demi-heure au
-milieu de tant de faux luxe et de vritable ennui.
-Saint-Charles<a id="FNanchor_435" href="#Footnote_435" class="fnanchor">&nbsp;[435]</a> est ferm pour notre malheur. Il
-n'ouvrira que le 9, vu la double neuvaine de saint
-Janvier<a id="FNanchor_436" href="#Footnote_436" class="fnanchor">&nbsp;[436]</a>. Je verrai alors quelques bons opras que
-<span class="pagenum"><a id="Page_311"> 311</a></span>
-le Roi a fait arrter tout exprs. Je voudrais les
-entendre tes cts. Je les trouverais meilleurs mme
-que peut-tre ils le seront en fait.</p>
-
-<p class="space date">Ce 30.</p>
-
-<p>Je fais partir le courrier. Tche, mon amie, de
-retrouver ou de me faire retrouver tes n<sup>os</sup> 27 et 28.
-Tu conois combien ils doivent m'intresser: ce
-sont tes deux lettres aprs l'arrive de Paul. Tu y
-rponds sans doute ce que je t'ai crit par lui. Je ne
-suis pas embarrass de la rponse: je la connais, car
-je connais ton me et ton c&oelig;ur. Je n'ai pas moins
-besoin de m'entendre dire par toi ce que je sais
-comme si je l'avais entendu. Mon amie, quand je
-veux savoir ce que tu penses et ce que tu veux, je n'ai
-qu' rentrer en moi-mme. Je suis sr de ne pas me
-tromper.</p>
-
-<p>Tu tiens ce que la fin de mes lettres soit tendre.
-Tu es enfant, bonne amie, et je ne t'en aime pas
-moins. Le dernier mot d'une lettre n'est que peu de
-chose; les mots tendres ne sont gure plus. C'est la
-pense qui domine dans toute la lettre qui est tout, et
-cette pense ne peut ni se cacher ni se dtourner. Elle
-parat travers tout; elle pntre comme la lumire
-travers les plus minces espaces. Si tu peux douter de
-la nuance qui domine dans chacune de mes lettres, tu
-n'es gure confiante.</p>
-
-<p>Adieu, mon amie, je voudrais ne jamais te dire
-ce vilain mot, ou bien l'employer comme on le fait
-ici&mdash;car <i>addio</i> se dit aux arrivants et ne se dit
-mme qu' eux. Il quivaut au <i>How do you do</i> des
-Anglais.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_312"> 312</a></span>
-Quand aurai-je le bonheur de faire le premier <i>shake
-hand</i> avec toi?</p>
-
-<p>Adieu donc, bonne amie laquelle je dis que je
-l'aime, non parce qu'elle le veut, mais parce que je le
-sens, comme ma vie elle-mme.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_313"> 313</a></span></p>
-<h2>CONCLUSION<br />
-<span class="medium">I</span></h2>
-</div>
-
-<p>Les dernires lettres que l'on vient de lire sont
-dates de Naples. Avec elles s'achve la partie de la
-correspondance du prince de Metternich dont nous
-avons pu retrouver les originaux.</p>
-
-<p>Le futur chancelier demeura dans la capitale du
-royaume des Deux-Siciles jusqu' la fin de mai 1819
-et revint ensuite Rome. Vers le milieu du mois de
-juin, il quitta les bords du Tibre pour se rendre
-Carlsbad, sans passer par Vienne. Le souci de sa sant
-n'tait pas la seule cause de ce voyage.</p>
-
-<p>L'Allemagne, dj depuis quelque temps, tait le
-thtre de manifestations rvolutionnaires. Les tudiants
-s'agitaient dans les Universits: Kotzebue venait
-de tomber sous le poignard de Sand.</p>
-
-<p>Pour rechercher les mesures opposer au dveloppement
-de l'esprit dmocratique, pour renforcer les
-lois de la Confdration Germanique, un change de
-vues entre les gouvernements intresss tait devenu
-<span class="pagenum"><a id="Page_314"> 314</a></span>
-ncessaire. Les plnipotentiaires devaient se runir
-dans la clbre ville d'eaux.</p>
-
-<p>Quelques-unes des lettres retrouves par M. Ernest
-Daudet et publies par lui dans la <i>Revue Hebdomadaire</i><a id="FNanchor_437" href="#Footnote_437" class="fnanchor">&nbsp;[437]</a>
-ont t crites par le prince pendant le trajet
-de Rome Carlsbad.</p>
-
-<p>La premire est date du 13 juillet<a id="FNanchor_438" href="#Footnote_438" class="fnanchor">&nbsp;[438]</a>. La passion
-du ministre ne s'est pas refroidie.</p>
-
-<p>Le ciel sait, crit-il Mme de Lieven, que je ne</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_315"> 315</a></span>
-puis pas me plaindre d'avoir t dlaiss durant ce
-voyage. Je l'ai fait avec une centaine de personnes, ce
-qui prouve que ce n'est pas le nombre qui fait la
-valeur. Tu peux te vanter que toi seule vaux pour moi
-le reste du monde<a id="FNanchor_439" href="#Footnote_439" class="fnanchor">&nbsp;[439]</a>.</p>
-
-<p>Le 18 juillet, il est Munich, o il trouve deux lettres
-de son amie et des dpches du prince Paul Esterhazy.
-Les premires m'ont bien plus intress que les
-secondes, car elles parlent de nous. Les secondes
-m'ont prouv de nouveau que je ne me trompe gure
-dans mes calculs, ni sur les hommes, ni sur les
-choses<a id="FNanchor_440" href="#Footnote_440" class="fnanchor">&nbsp;[440]</a>. Il laisse ensuite entrevoir Mme de Lieven
-les projets dont il va poursuivre la ralisation
-Carlsbad: Je crois que tu entendras dans quelque
-temps, mme dans peu de temps d'ici, bien des cris
-contre moi, mais ce sera la canaille qui criera, et je
-regarde ces cris comme autant de louanges. Depuis
-que les coquins assassinent en Allemagne, au nom de
-la vertu et de la patrie, je serai peut-tre assassin,
-alors tu me pleureras et avec toi bien des gens honntes
-qui ne sont pas encore entrs en folie<a id="FNanchor_441" href="#Footnote_441" class="fnanchor">&nbsp;[441]</a>.</p>
-
-<p>M. de Metternich arrive enfin le 21 juillet Carlsbad,
-d'o il lance son amie ce cri d'amour: Je t'aime
-Carlsbad comme au pied du Vsuve, et dans les ruines
-de Pstum et aux Champs-Elyses<a id="FNanchor_442" href="#Footnote_442" class="fnanchor">&nbsp;[442]</a>.</p>
-
-<p>Le prince repartit pour Vienne au dbut de septembre.
-Les dbats ouverts en Bohme allaient se
-<span class="pagenum"><a id="Page_316"> 316</a></span>
-continuer sur les rives du Danube entre les ministres
-allemands.</p>
-
-<p>Pendant ce temps, Mme de Lieven tait reste en
-Angleterre. A la suite d'un sjour chez Lady Jersey, elle
-mandait le 3 septembre, son amant:</p>
-
-<p>Hier au soir encore, en rentrant dans mon appartement
- Middleton<a id="FNanchor_443" href="#Footnote_443" class="fnanchor">&nbsp;[443]</a>, il y avait un clair de lune
-superbe, je me suis tenue quelque temps sur le balcon
-de ma chambre coucher. J'ai entendu marcher dans
-la chambre ct de la mienne, je ne sais lequel de
-la compagnie on m'avait donn pour voisin: tu aurais
-eu probablement cette chambre, si tu tais venu chez
-Lady Jersey. Tu serais entr dans mon balcon, bon
-ami, nous nous serions dit bien bas quelques douces
-paroles; l'image de ce qui pouvait tre m'a perscute
-toute la nuit, j'ai ferm mon balcon, je me suis couche,
-j'ai rv, et ce rve a t charmant. Je te voyais,
-mon ami, nous parlions, nous parlions beaucoup, et de
-crainte qu'on ne nous entendt, tu m'avais prise sur
-tes genoux pour me parler plus bas; mon cher Clment,
-j'ai senti ton c&oelig;ur battre, je le sentais sous ma
-main si fort que j'en ai t rveille, c'tait le mien
-qui te rpondait<a id="FNanchor_444" href="#Footnote_444" class="fnanchor">&nbsp;[444]</a>.</p>
-
-<p>Six semaines aprs cette lettre, le 15 octobre 1819,
-Mme de Lieven mettait au monde son fils Georges,
-dont le roi d'Angleterre voulut tre le parrain.</p>
-
-<p>M. de Metternich attendait avec impatience la nouvelle
-du rtablissement de la comtesse et, le 22 octobre,
-lui crivait: Bonne amie, il est impossible qu'
-<span class="pagenum"><a id="Page_317"> 317</a></span>
-l'heure qu'il est, tu ne sois pas dlivre de ton fardeau...
-Le 18 janvier tant ton jour de dpart, ton
-terme est pass. Tu m'as dit avoir l'habitude de le prcder.
-Tu ne resteras pas en arrire cette fois-ci. Il
-existe donc au monde un tre de plus qui a des droits
- mon affection... Mon amie, que je sache bientt ce
-que tu fais, comme tu as fait et quand ton sort a t
-dcid<a id="FNanchor_445" href="#Footnote_445" class="fnanchor">&nbsp;[445]</a>.</p>
-
-<p>Quelques jours plus tard, le prince dit encore: Te
-voici sortie des premiers embarras de ta besogne; elle
-est finie et tu dois te sentir lgre, en proportion de ce
-que tu tais lourde auparavant. Une grossesse est un
-moment de plaisir pay bien cher; une couche, au contraire,
-est un moment de douleur rachet par vingt
-jouissances<a id="FNanchor_446" href="#Footnote_446" class="fnanchor">&nbsp;[446]</a>.</p>
-
-<p>Enfin, le 4 novembre, un mot de Neumann lui a
-appris l'heureuse nouvelle: Il me dit que tous les
-tiens taient au spectacle, pendant que tu en augmentais
-le nombre chez toi... Je te l'avais dit, mon amie,
-que tu accoucherais heureusement; je l'ai voulu ainsi
-et il arrive rarement du mal mes amis<a id="FNanchor_447" href="#Footnote_447" class="fnanchor">&nbsp;[447]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_318"> 318</a></span>
-L'anne 1819 se termina, au milieu de ces proccupations
-de tout genre, sans que les deux amants
-aient pu se rejoindre. Ce bonheur, si ardemment
-dsir, devait encore leur chapper en 1820.</p>
-
-<p>Le prince de Metternich dut consacrer les premiers
-mois du nouvel an aux confrences de Vienne; mais,
-au moment mme o sa politique y triomphait, o il
-s'apprtait signer l'acte final, il tait cruellement
-frapp.</p>
-
-<p>Une grande douleur venait lui faire oublier pour un
-instant sa passion lointaine. Le 6 mai, il perdait sa
-fille Clmentine.</p>
-
-<p>Elle tait la premire de ses enfants qu'il voyait
-disparatre en pleine adolescence. Ses lettres de cette
-poque expriment une profonde douleur: Elle
-semblait destine un avenir heureux, crivait-il, par
-ses qualits douces et aimables. C'est une fleur qui
-s'est effeuille au moment d'clore, et elle a eu de commun
-avec les fleurs de ne pas rsister aux aquilons.
-Tous les mdecins sont d'accord que, sans le terrible
-hiver que nous avons eu, elle vivrait<a id="FNanchor_448" href="#Footnote_448" class="fnanchor">&nbsp;[448]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_319"> 319</a></span>
-Des excursions en Bohme, Cobourg, dans ses
-proprits de K&oelig;nigswart, les soucis que lui causait le
-soulvement naissant de Naples menrent M. de Metternich
-jusqu'au mois de juillet 1820. A ce moment,
-une nouvelle catastrophe l'atteignit. Sa fille ane,
-marie au comte Joseph Esterhazy et dont il avait si
-souvent parl Mme de Lieven, succombait le 20 juillet
-au mal mystrieux qui dj avait emport sa s&oelig;ur. Il
-faut couter le pre pleurer: Je me rue au devoir
-comme le dsespr se rue sur des batteries ennemies;
-je ne vis plus pour sentir, mais pour agir... Comme
-j'ai aim cette enfant! Elle, de son ct, m'aimait plus
-qu'un pre. Depuis de longues annes, elle tait ma
-meilleure amie<a id="FNanchor_449" href="#Footnote_449" class="fnanchor">&nbsp;[449]</a>.</p>
-
-<p>M. de Metternich dut ce moment se sparer de sa
-femme et des trois enfants qui lui restaient. Tous
-avaient la poitrine dlicate. Redoutant pour eux le
-climat de Vienne, ne pouvant songer l'Italie ni
-l'Allemagne, fermes aux siens par leurs crises intrieures,
-le prince envoya sa famille chercher Paris
-un ciel moins meurtrier. Cette sparation fut pour lui
-un nouveau calvaire<a id="FNanchor_450" href="#Footnote_450" class="fnanchor">&nbsp;[450]</a>.</p>
-
-<p>Il dut cependant s'arracher ses larmes, cherchant,
-selon sa propre expression, un refuge dans son devoir<a id="FNanchor_451" href="#Footnote_451" class="fnanchor">&nbsp;[451]</a>.
-De mme que la politique d'intervention avait
-amen les confrences de Carlsbad et de Vienne contre
-l'Allemagne en rbellion, de mme elle provoquait
-celle de Troppau contre la rvolution napolitaine.
-<span class="pagenum"><a id="Page_320"> 320</a></span>
-A ce congrs succda celui de Laybach, qui
-tint le prince loign de Vienne jusqu'au mois de
-mai 1821.</p>
-
-<p>Mme de Lieven, de son ct, n'avait pu quitter
-l'Angleterre pendant cette triste anne 1820. Il y avait
-dj plus de deux ans qu'elle n'avait vu son ami. 1821
-lui rservait cette grande joie. Le hasard, ce dieu des
-amoureux, allait, au moment o elle s'y attendait le
-moins, oprer la runion tant dsire et tant attendue.</p>
-
-<p>A l'automne, le nouveau roi d'Angleterre se rendit
- Hanovre.</p>
-
-<p>La situation tait assez tendue entre la Grande-Bretagne
-et l'Autriche. La premire de ces puissances
-n'avait pas voulu souscrire aux protocoles de
-Troppau et de Laybach, &oelig;uvres de la seconde. Mais
-l'une comme l'autre avait intrt, pour des raisons
-diverses, ne permettre au tsar, qui avait pris le parti
-de la Grce souleve, de profiter de l'occasion pour
-attaquer l'empire turc.</p>
-
-<p>M. de Metternich vit dans ce voyage de George IV
-l'occasion favorable d'un de ces entretiens directs
-qui dj tant de fois lui avaient russi. Prcisment le
-comte de Lieven tait en Russie, o il venait de conduire
-ses fils l'Universit de Dorpat. Il tait facile
-de l'arrter son retour et de runir ainsi les reprsentants
-autoriss des trois pays intresss.</p>
-
-<p>M. de Metternich, lev depuis peu aux hautes
-fonctions de chancelier de Cour et d'tat<a id="FNanchor_452" href="#Footnote_452" class="fnanchor">&nbsp;[452]</a>,
-dbarqua le 20 octobre Hanovre<a id="FNanchor_453" href="#Footnote_453" class="fnanchor">&nbsp;[453]</a> sous le prtexte
-<span class="pagenum"><a id="Page_321"> 321</a></span>
-officiel de saluer l'ex-Prince Rgent au nom de l'empereur
-d'Autriche.</p>
-
-<p>Le roi&mdash;pur hasard, dlicate prvenance ou goste
-pense&mdash;avait invit Mme de Lieven profiter de son
-propre voyage en Allemagne pour venir au devant de son
-mari. La comtesse ne dut pas se faire longtemps prier.</p>
-
-<p>Elle arriva presque en mme temps que son
-amant<a id="FNanchor_454" href="#Footnote_454" class="fnanchor">&nbsp;[454]</a>. Quant M. de Lieven, oblig de se dtourner
-de son chemin pour rencontrer le Tsar Vitepsk, il
-ne la rejoignit que le 28 3 heures de l'aprs-midi<a id="FNanchor_455" href="#Footnote_455" class="fnanchor">&nbsp;[455]</a>.</p>
-
-<p>Les deux amoureux durent profiter avec dlices de
-ces huit jours de libert, malgr les obligations mondaines
-dont ils taient surchargs.</p>
-
-<p>Le chancelier raconte ainsi sa vie extrieure pendant
-ces journes: Depuis mon arrive, je mne
-une vritable vie de congrs, toute remplie par des
-ftes de Cour. Les heures que je ne passe pas devant
-la table de la salle des confrences, je les passe des
-dners de trois ou quatre heures ou bien des soires
-o l'inconvnient d'touffer est le moindre mal qu'on
-ait subir<a id="FNanchor_456" href="#Footnote_456" class="fnanchor">&nbsp;[456]</a>.</p>
-
-<p>Le 21 octobre, M. de Metternich, aprs avoir fait le
-matin ses visites aux princes de la famille royale, dnait
-le soir chez le duc de Cambridge avec son amie<a id="FNanchor_457" href="#Footnote_457" class="fnanchor">&nbsp;[457]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_322"> 322</a></span>
-Le 28, jour de l'arrive de M. de Lieven, le Roi
-invite sa table le marquis de Londonderry (Lord Castlereagh),
-la marquise de Conyngham, l'ambassadeur
-de Russie Londres et sa femme, le prince de Metternich<a id="FNanchor_458" href="#Footnote_458" class="fnanchor">&nbsp;[458]</a>.
-Aprs le dner, il y eut prsentation
-des dames et concert au chteau. Le ministre de
-France Hanovre, le marquis de Moustier, nous a
-laiss le rcit de la fte: Sa Majest est entre
-9 heures dans la salle du concert, donnant le bras aux
-duchesses de Cumberland et de Cambridge.</p>
-
-<p>Elle a fait placer, sur le mme divan qu'Elle, le
-prince de Metternich et le comte et la comtesse de
-Lieven. Cette dernire tait ct du Roi, prenant
-ainsi le rang sur la duchesse de Cumberland et sur la
-landgrave de Hesse-Hombourg.</p>
-
-<p>Aprs le concert, le Roi est entr dans sa salle du
-trne, suivi seulement par les princes et princesses,
-la comtesse de Lieven et le prince de Metternich. Le
-comte de Lieven, fort fatigu de son voyage, s'tait
-retir pendant le concert.</p>
-
-<p>Avant de rentrer dans son appartement, le Roi a
-pris cong des personnes qui l'entouraient. Il a embrass
-la comtesse de Lieven en lui donnant rendez-vous
- Brighton... Aprs quelques instants d'entretien
-intime avec le prince de Metternich, il l'a embrass
-avec une extrme affection et trois reprises diffrentes,
-ce qui a t d'autant plus remarqu que c'tait
-s'carter absolument des usages d'Angleterre<a id="FNanchor_459" href="#Footnote_459" class="fnanchor">&nbsp;[459]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_323"> 323</a></span>
-Le lendemain, 29 octobre, George IV quittait
-Hanovre. M. de Moustier note qu'il dne ce jour-l
-en trs petit comit chez le comte de Munster avec le
-prince de Metternich et le comte et la comtesse de
-Lieven<a id="FNanchor_460" href="#Footnote_460" class="fnanchor">&nbsp;[460]</a>.</p>
-
-<p>Le surlendemain, le chancelier d'Autriche, dont le
-dpart avait t retard de vingt-quatre heures, se met
-en route pour Francfort 8 heures en sortant de
-dner avec le comte et la comtesse de Lieven chez la
-duchesse de Cumberland<a id="FNanchor_461" href="#Footnote_461" class="fnanchor">&nbsp;[461]</a>.</p>
-
-<p>Comme on le voit, les occasions de se revoir
-n'avaient pas manqu aux deux amants. Et si l'on
-ajoute ces entrevues officielles, celles plus intimes
-qu'ils surent se mnager, on peut supposer que,
-vraisemblablement, ni lui ni elle ne regrettrent le
-voyage.</p>
-
-<p>De Francfort<a id="FNanchor_462" href="#Footnote_462" class="fnanchor">&nbsp;[462]</a>, M. de Metternich s'tait rendu au
-Johannisberg; mais, avant de quitter Dorothe, il
-avait d combiner une nouvelle rencontre avec elle,
-car il revenait dans la ville prcdente le 5 novembre,
-le jour mme o les Lieven y arrivaient de leur cot<a id="FNanchor_463" href="#Footnote_463" class="fnanchor">&nbsp;[463]</a>.
-Le lendemain, tous se trouvaient runis la table de
-M. de Carlovitz, envoy autrichien<a id="FNanchor_464" href="#Footnote_464" class="fnanchor">&nbsp;[464]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_324"> 324</a></span>
-Mais le bonheur, cette fois encore, devait tre de
-courte dure: le samedi 10 novembre, le chancelier
-repartait pour Vienne aprs avoir assist, le jeudi prcdent,
-au splendide dner offert en son honneur par
-M. Rothschild<a id="FNanchor_465" href="#Footnote_465" class="fnanchor">&nbsp;[465]</a> et, de son ct, l'ambassadeur de
-Russie rejoignait son poste en passant par Paris.</p>
-
-<p>M. de Metternich et Mme de Lieven devaient
-attendre une anne entire une nouvelle occasion de
-se retrouver. Celle-ci leur fut fournie par le congrs
-de Vrone, le plus important de cette priode, celui
-qui vritablement marque l'apoge de la carrire du
-chancelier.</p>
-
-<p>Ce dernier arriva Vrone le 13 octobre 1822<a id="FNanchor_466" href="#Footnote_466" class="fnanchor">&nbsp;[466]</a> et
-les travaux commencrent immdiatement. Le comte
-de Nesselrode tait le reprsentant en titre de la Russie,
-mais il tait entour de ministres dont le rle tait de
-traiter certains points spciaux. Parmi ces derniers se
-trouvait M. de Lieven charg, comme M. de Tatistcheff,
-de rgler, avec l'Autriche et l'Angleterre, les questions
-souleves par le diffrend turco-russe.</p>
-
-<p>Sous ces diplomatiques auspices, le prince et sa
-fidle amie se rejoignirent avec joie. De part et
-d'autre, leur correspondance porte la trace de leur
-flicit.</p>
-
-<p>La princesse<a id="FNanchor_467" href="#Footnote_467" class="fnanchor">&nbsp;[467]</a> de Lieven est ici ma seule ressource
-en fait de socit, crivait le chancelier le
-12 novembre, je passe presque toutes les soires chez
-<span class="pagenum"><a id="Page_325"> 325</a></span>
-elle et la plupart des membres du Congrs suivent en
-cela mon exemple. Le noyau de la socit qui se runit
-chez elle est form par le duc de Wellington, Ruffo
-(plnipotentiaire napolitain), Caraman (plnipotentiaire
-franais), Bernstorff (plnipotentiaire prussien)
-etc., etc.; c'est--dire, en d'autres termes, que le salon
-de la princesse de Lieven Vrone ressemble notre
-salon de Vienne<a id="FNanchor_468" href="#Footnote_468" class="fnanchor">&nbsp;[468]</a>.</p>
-
-<p>De son ct, l'ambassadrice disait son frre:
-Tous les soirs le Congrs se runit chez moi; le comte
-Nesselrode et le prince Metternich m'ont demand
-cela comme ncessaire pour eux, et j'y trouve tous
-les avantages, parce que cela me vaut la socit quotidienne
-des personnes les plus remarquables par le
-rle qu'elles jouent en Europe et par leur agrment
-personnel.</p>
-
-<p>Je connaissais beaucoup dj ce prince de Metternich
-par diverses rencontres que nous avions eues; ici,
-je me suis beaucoup lie d'amiti avec lui<a id="FNanchor_469" href="#Footnote_469" class="fnanchor">&nbsp;[469]</a>.</p>
-
-<p>Il nous semble que ce n'tait pas <i>ici</i> seulement
-qu'elle s'tait lie avec le ministre autrichien. D'autre
-part, le mot d'amiti est peut-tre un peu faible pour
-tout ce qu'il voulait dire. Cependant, par cet euphmisme,
-Mme de Lieven avouait pour la premire fois
- sa famille cette relation qui, depuis si longtemps, la
-charmait. Peut-tre avait-elle peur de voir les siens
-apprendre son intimit par une autre voie. On jasait en
-effet sur elle. Mme de Nesselrode raconte que les diplomates
-<span class="pagenum"><a id="Page_326"> 326</a></span>
-russes mdisaient volontiers de leur compatriote
-et la tenaient l'cart. La raison de cette attitude tait
-l'intrigue que l'on lui souponnait avec M. de Metternich<a id="FNanchor_470" href="#Footnote_470" class="fnanchor">&nbsp;[470]</a>.</p>
-
-<p>Contre cette rumeur, dont Chateaubriand se fera plus
-tard l'cho, l'ambassadrice tentait de se dfendre: Je
-suis fche de rencontrer dans les gens qui devraient
-tre le mieux avec moi prcisment tout l'loignement
-qu'on porterait un ennemi. Parce que j'ai pass dix
-ans en Angleterre, on me croit Anglaise, et parce que
-je vois tous les jours le prince de Metternich, Autrichienne<a id="FNanchor_471" href="#Footnote_471" class="fnanchor">&nbsp;[471]</a>.</p>
-
-<p>La malveillance dont elle se sent l'objet n'empche
-cependant pas Mme de Lieven de penser un projet
-dont la ralisation aurait combl tous ses v&oelig;ux. Ds les
-premiers mois de la liaison, M. de Metternich avait eu
-l'ide de solliciter pour son mari le poste d'ambassadeur
- Vienne. Dans les lettres publies plus haut, il y revient
- plusieurs reprises. L'emploi tait alors rempli par le
-comte Golovkine, rendu quelque peu ridicule jadis par
-l'chec de sa mission en Chine, et dont le prince dtestait
-l'insupportable verbiage.</p>
-
-<p>Madame de Lieven tait entre avec ardeur dans
-les vues de son ami et avait tent, ds 1819, de gagner
-Capo d'Istria sa cause: Capo a le jugement assez
-correct pour avoir apprci les bonnes qualits de mon
-mari, crivait-elle. Nous parlions un jour de G...
-Capo me dit: Et c'est cet homme-l qu'on met en
-face de M...! Je lui ai rpondu cela: Comme
-<span class="pagenum"><a id="Page_327"> 327</a></span>
-vous ne trouverez pas lui envoyer un homme d'assez
-d'esprit pour en avoir autant que lui, envoyez-lui seulement
-un honnte homme, vous vous en trouverez
-mieux<a id="FNanchor_472" href="#Footnote_472" class="fnanchor">&nbsp;[472]</a>.</p>
-
-<p>L'honnte candidat de l'esprit duquel on n'avait que
-faire tait M. de Lieven, mais cette faon de demander
-une place tait vraiment d'une jolie perfidie.</p>
-
-<p>En tout cas, Capo ne voulut pas comprendre. Nesselrode
-n'y mit gure plus de bonne volont. En janvier
-1822, le remplacement de Golovkine fut agit de nouveau,
-mais non dans le sens dsir: Le pauvre petit
-Nesselrode, crit M. de Metternich, veut m'envoyer
-Vienne Strogonoff, la place de Golovkine; il croit
-qu'un homme aimable serait utile auprs de moi.
-Comme il me connat mal!<a id="FNanchor_473" href="#Footnote_473" class="fnanchor">&nbsp;[473]</a>.</p>
-
-<p>Cette fois encore, le gouvernement du tsar s'obstina
- ne pas saisir ce qu'on lui demandait et, Vrone,
-les deux amants durent tudier de nouveau la question.</p>
-
-<p>L'ambassadrice n'avait pas abandonn tout espoir, et
-elle laisse percer ses sentiments dans une lettre son
-frre: Nous retournons ( Londres), dit-elle, je ne
-sais pour combien de temps encore. Il y a dix ans que
-nous y sommes, c'est long, et j'ai bien rpt au
-comte Nesselrode qu'il nous obligerait de songer
-nous donner une autre place, lorsque la convenance du
-service pourra se rencontrer. Le choix n'est pas grand,
-il est vrai, parce qu'il roule sur Paris et Vienne. Cette
-dernire place va tre donne comme ambassade
-<span class="pagenum"><a id="Page_328"> 328</a></span>
-Tatistcheff; c'est un homme de beaucoup d'esprit;
-quant Pozzo, il fait bien sa besogne Paris<a id="FNanchor_474" href="#Footnote_474" class="fnanchor">&nbsp;[474]</a>.</p>
-
-<p>Quand elle crivait cette lettre, Mme de Lieven
-en disait plus ou moins qu'elle ne pensait et, sans
-doute, esprait que le nom prononc pour Vienne ne
-l'tait pas titre dfinitif.</p>
-
-<p>M. de Tatistcheff, en effet, ne fut pas pourvu de cette
-ambassade. Il fut simplement charg d'une mission
-confidentielle auprs du chancelier, mais, pour des raisons
-que nous ignorons, M. de Lieven n'obtint jamais
-le poste tant convoit.</p>
-
-<p>M. de Metternich quitta Vrone le 16 dcembre<a id="FNanchor_475" href="#Footnote_475" class="fnanchor">&nbsp;[475]</a>.
-M. et Mme de Lieven s'en loignrent vers la mme
-poque: ds le 4 janvier 1823, ils sont Londres, installs
-dans le nouvel htel de l'ambassade, Ashburnham
-House<a id="FNanchor_476" href="#Footnote_476" class="fnanchor">&nbsp;[476]</a>, et le comte a, trois jours plus tard, une
-entrevue avec M. de Marcellus<a id="FNanchor_477" href="#Footnote_477" class="fnanchor">&nbsp;[477]</a>.</p>
-
-<p>A partir de ce moment on ne trouve plus de traces
-de runion du chancelier d'Autriche et de son amie
-jusqu'en l'anne 1848, pendant laquelle ils se retrouveront
- Brighton.</p>
-
-<p>Cependant, Mme de Lieven vint passer sur le continent,
- Rome, l'hiver 1823-1824. Son mari nous
-<span class="pagenum"><a id="Page_329"> 329</a></span>
-apprend les causes de ce dplacement dans une lettre
- Nesselrode du 11/23 septembre 1823: Je suis la
-veille d'une longue et douloureuse sparation d'avec
-ma femme. Depuis huit mois elle est souffrante.
-Crichton ne lui promet de gurison qu'au moyen d'un
-beau climat, et ne veut absolument pas qu'elle risque
-de passer l'hiver prochain en Angleterre. Sa sant
-doit tre en premire ligne pour moi, et nous nous
-rsignons en consquence un sacrifice bien pnible
-pour tous les deux. Je vais rester dans un isolement
-complet. Si, comme je l'espre, sa sant se remet, elle
-se rendra l'entre du printemps prochain pour une
-couple de mois en Russie, o l'tablissement de mes
-fils exige la prsence de l'un de nous deux. Le
-plus indpendant doit s'y rendre, et voil pourquoi
-elle va chercher des jambes en Italie<a id="FNanchor_478" href="#Footnote_478" class="fnanchor">&nbsp;[478]</a>.</p>
-
-<p>La sant de la comtesse s'amliora rapidement
-sous le ciel de la Ville ternelle. Ds le 21 novembre/3
-dcembre 1823, son mari crit encore
-Nesselrode: Le climat d'Italie a opr des prodiges
-sur sa constitution; elle a prouv une amlioration
-si sensible et si soudaine, que j'ose me flatter
-de voir sa gurison complte au printemps prochain<a id="FNanchor_479" href="#Footnote_479" class="fnanchor">&nbsp;[479]</a>.</p>
-
-<p>Deux mois plus tard, ces bonnes nouvelles sont confirmes:
-Le climat de l'Italie continue exercer les
-effets les plus salutaires sur l'tat de sant de ma
-femme, et sa gurison complte peut tre anticipe
-<span class="pagenum"><a id="Page_330"> 330</a></span>
-dans peu de semaines. Elle sera de retour ici au commencement
-d'avril<a id="FNanchor_480" href="#Footnote_480" class="fnanchor">&nbsp;[480]</a>.</p>
-
-<p>Elle renona sans doute revenir par la Russie.
-Son fils Paul partit seul en effet pour le continent le
-17 novembre 1824<a id="FNanchor_481" href="#Footnote_481" class="fnanchor">&nbsp;[481]</a>.</p>
-
-<p>Dorothe rencontra-t-elle Clment, l'aller ou au
-retour de son voyage Rome<a id="FNanchor_482" href="#Footnote_482" class="fnanchor">&nbsp;[482]</a>? Aucun document
-ne le laisse supposer. Le prince, en se rendant
-Czernovitz pour assister l'entrevue des empereurs de
-Russie et d'Autriche, tomba assez gravement malade
- Lemberg. Il rentra seulement en novembre
-Vienne<a id="FNanchor_483" href="#Footnote_483" class="fnanchor">&nbsp;[483]</a> et ne quitta plus cette ville jusqu'au mois
-de juin 1824<a id="FNanchor_484" href="#Footnote_484" class="fnanchor">&nbsp;[484]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_331"> 331</a></span>
-L'anne 1825 ne fut pas, sans doute, plus propice
-aux deux amants.</p>
-
-<p>En fvrier, Mme de Lieven mettait au monde,
-Londres, son dernier fils, Arthur<a id="FNanchor_485" href="#Footnote_485" class="fnanchor">&nbsp;[485]</a>. Quelques mois
-aprs, elle partait pour la Russie, en passant par Varsovie<a id="FNanchor_486" href="#Footnote_486" class="fnanchor">&nbsp;[486]</a>.
-Elle tait de retour en Angleterre la fin de
-septembre<a id="FNanchor_487" href="#Footnote_487" class="fnanchor">&nbsp;[487]</a>.</p>
-
-<p>De son ct, M. de Metternich tait venu en France
-dans le courant de mars. Une triste circonstance l'y
-avait appel. Depuis de longs jours, il prouvait de
-vives inquitudes au sujet de la sant de sa femme, la
-princesse lonore, installe Paris avec ses trois
-enfants survivants. Le mme mal, qui avait dj emport
-deux de ses filles, minait la mre. Elle mourut
-le 19 mars 1825. Son mari tait auprs d'elle depuis
-le 14. Le 21, aprs une messe basse en l'glise de
-l'Assomption, le corps tait transport jusqu' la barrire
-de Pantin; l, il tait plac dans une berline qui
-partait de suite pour Mayence<a id="FNanchor_488" href="#Footnote_488" class="fnanchor">&nbsp;[488]</a>.</p>
-
-<p>Le prince de Metternich quitta Paris le 18 avril avec
-son fils Victor pour rejoindre l'empereur Franois en
-Italie. Il avait refus de se rendre Londres, malgr
-l'invitation du roi d'Angleterre: la tension des rapports
-entre les deux Cours avait t cause de ce refus
-invitable.</p>
-
-<p>Nul indice, dans les dplacements ultrieurs du chancelier,
-<span class="pagenum"><a id="Page_332"> 332</a></span>
-ne nous rvle la possibilit d'une rencontre de
-nos deux personnages. D'ailleurs, il existait ds lors un
-refroidissement marqu dans leur mutuelle sympathie,
-car, ds le retour de sa femme, M. de Lieven, si souvent
-influenc par elle, commenait se plaindre de son
-rival. Il tait mme assez acerbe: Il faut convenir,
-crivait-il, le 5 octobre 1825, que le prince de Metternich,
-avec tout son talent, a fait depuis quelque temps
-les pas de clerc les plus inconcevables; ses gasconnades
-dplaces lui valent aujourd'hui une nouvelle admonition
-de M. Canning, piquante pour un homme tout
-cousu de vanit comme l'est M. de Metternich<a id="FNanchor_489" href="#Footnote_489" class="fnanchor">&nbsp;[489]</a></p>
-
-<p>Si ces mots ont t inspirs par la comtesse, faut-il
-en conclure que, sur ses yeux, le bandeau de l'amour
-tait dj en partie dchir? Depuis trois ans, les
-amants de Spa n'avaient pu se rejoindre. Sans doute
-un prtexte seul manquait pour la rupture.</p>
-
-<p>Quand donc et pourquoi cette rupture se produisit-elle?</p>
-
-<p>A dfaut de documents, on est oblig de procder
-ici par induction.</p>
-
-<p>L'change des lettres durait encore en aot 1824.
-A cette poque, Mme de Lieven crivait Mme Apponyi,
-dont le mari venait d'tre nomm ambassadeur
-d'Autriche prs la Cour de Saint-James: Je vois par
-ce que me dit le prince de Metternich que votre arrive
-en Angleterre est diffre jusqu'au printemps<a id="FNanchor_490" href="#Footnote_490" class="fnanchor">&nbsp;[490]</a>.</p>
-
-<p>Ce mme change n'avait pas cess la fin de 1825.
-<span class="pagenum"><a id="Page_333"> 333</a></span>
-A la date du 19 novembre/1<sup>er</sup> dcembre 1828, Dorothe
-disait son frre: Quel anniversaire c'est aujourd'hui!
-Je me rappelle ce que m'crivait le prince de
-Metternich le jour o la nouvelle de la mort de l'Empereur
-Alexandre lui parvint: Le roman est fini, nous
-entrons dans l'histoire<a id="FNanchor_491" href="#Footnote_491" class="fnanchor">&nbsp;[491]</a>.</p>
-
-<p>Le tsar tait mort le 1<sup>er</sup> dcembre 1825 et la nouvelle
-en tait arrive Vienne dans la nuit du 13 au 14,
-minuit<a id="FNanchor_492" href="#Footnote_492" class="fnanchor">&nbsp;[492]</a>.</p>
-
-<p>C'est l la dernire trace que nous ayons pu trouver
-de la correspondance du chancelier et de l'ambassadrice.
-Cette correspondance dut cesser dans le courant
-de l'anne 1826.</p>
-
-<p>A l'appui de cette hypothse, nous apporterons
-tout d'abord une indication qui nous parat avoir sa
-valeur.</p>
-
-<p>Les lettres possdes par nous ont t relies en
-deux volumes. L'un comprend les missives crites en
-1819, l'autre, celles dates des quatre premiers mois
-de 1820. Ces deux volumes constituaient le commencement
-de la srie. Or, au dos de l'un et de l'autre,
-une main, qui avait peut-tre tenu l'ensemble de cette
-srie, a trac ces mots: <i>Correspondance intime du prince
-de Metternich, 1819-1826</i>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_334"> 334</a></span>
-Mais il y a mieux: ds les premiers mois de 1827,
-dans ses lettres Lord Grey, Mme de Lieven devient
-agressive vis--vis de M. de Metternich. Comme on le
-verra plus loin, il n'est plus de dfaut dont elle ne l'accuse.
-De son ct, l'amour tait mort.</p>
-
-<p>Il devait en tre de mme du ct du prince.</p>
-
-<p>En 1827, celui-ci se remariait. Le 5 novembre, il
-pousait la baronne Marie-Antoinette de Leykam, que
-l'Empereur crait cette occasion comtesse de Bielstein:
-mariage d'inclination qui n'alla pas sans quelque
-bruit.</p>
-
-<p>La nouvelle pouse appartenait une famille d'origine
-trs modeste, issue d'un cocher de Wetzlar. Son
-grand-pre, rfrendaire la chancellerie d'Empire,
-avait reu le titre de baron. Son pre s'tait mari
-Naples et, au sujet de cette union, quelques anecdotes
-sur lui et sur sa femme, assez dsagrables pour eux,
-couraient dans la socit de Vienne.</p>
-
-<p>Quant la jeune fille, elle tait d'une dlicieuse
-beaut<a id="FNanchor_493" href="#Footnote_493" class="fnanchor">&nbsp;[493]</a>. M. de Metternich, trs pris, ne tint nul
-compte des commrages de la Cour; peut-tre mme
-les brava-t-il.</p>
-
-<p>Il est heureux pour mon sort venir, crivait-il
-la comtesse Zichy, que de bien indignes propos aient
-trac la route que j'avais suivre; elle ne contrarie ni
-les affections de mon c&oelig;ur ni le premier besoin de ma
-vie prive: un intrieur<a id="FNanchor_494" href="#Footnote_494" class="fnanchor">&nbsp;[494]</a>.</p>
-
-<p>Ce mariage excita le dpit de Mme de Lieven. Elle
-crivit son frre que le chancelier se conduisait comme
-<span class="pagenum"><a id="Page_335"> 335</a></span>
-un niais, et elle rpta avec joie un mot de Mme de
-Coigny: Le chevalier de la Sainte-Alliance a maintenant
-fini par une msalliance<a id="FNanchor_495" href="#Footnote_495" class="fnanchor">&nbsp;[495]</a>.</p>
-
-<p>Quelques mois plus tard, la seconde princesse de
-Metternich disparaissait, laissant un fils nouveau-n,
-qui fut l'ambassadeur d'Autriche Paris sous Napolon
-III<a id="FNanchor_496" href="#Footnote_496" class="fnanchor">&nbsp;[496]</a>. Nous avons retrouv une lettre indite o
-le prince, dans l'accablement de ce deuil, peint lui-mme
- une correspondante inconnue l'tat de son c&oelig;ur
-au moment o il conduisait la baronne de Leykam
-l'autel. Dans ce c&oelig;ur, il n'y avait plus de place, ds
-lors, pour Mme de Lieven.</p>
-
-<p class="space date">Vienne, ce 25 fvrier 1829.</p>
-
-<p>Je vous remercie du fond de mon c&oelig;ur de vos deux
-dernires lettres, et bien particulirement de celle du 7
-de ce mois. Je suis si sr de la part que vous prenez
-mon extrme douleur, que je me sens l'aise avec vous.</p>
-
-<p>Oui, mon amie, j'ai prouv le plus grand malheur
-qui pouvait m'tre rserv! J'ai perdu plus que la
-moiti de mon existence. Mon intrieur, mon bonheur
-domestique, cette partie de ma vie <i>qui m'appartenait</i>
-et qui m'aidait supporter l'autre qui n'est pas ma
-proprit&mdash;tout a pri en moi et autour de moi.</p>
-
-<p>Vous savez que je n'appartiens pas cette classe
-d'tres qui vivent de ce qui fait le charme des hommes
-du monde. Le monde n'a jamais t qu'un lment
-<span class="pagenum"><a id="Page_336"> 336</a></span>
-trs secondaire de mon existence. J'ai eu les dehors
-de ce que vulgairement on dsigne par <i>homme du
-monde</i>; mon esprit, mon c&oelig;ur, mes plus douces affections
-ne portent pas sur ce terrain. Des pertes affreuses
-se sont succdes, et elles ont toutes dvast mon existence
-vritable. Le sentiment de cette solitude que je
-hais s'tait empar de mon me; je me suis senti le
-besoin absolu d'en sortir. Calme dans mes calculs et
-observateur impartial, j'ai cherch longtemps avant de
-fixer mon choix. Ce que je voulais, ce ft un tre qui
- jamais m'appartiendrait exclusivement et qui me
-dispenserait de tout souci et surtout de toute espce de
-surveillance; une jeune personne qui jamais n'aurait
-la moindre prtention au rle de mre de mes filles,
-mais bien simplement celle d'tre leur s&oelig;ur ane, de
-leur prcher d'exemple, de les consoler le plus possible
-dans leur abandon. Je voulais de plus que cet tre
-me ft connu comme renfermant toutes les garanties
-d'un caractre doux, gal; je voulais enfin que mon
-c&oelig;ur puisse lui appartenir en entier.</p>
-
-<p>Cet tre, je l'avais trouv. Seule et sans famille le
-jour o elle entrerait dans la mienne, belle comme un
-ange et ange par toutes ses qualits, habitue ds sa
-tendre jeunesse me regarder comme le meilleur et
-comme le plus sr ami;&mdash;enfin runissant tout ce
-que jamais j'aurais pu dsirer,&mdash;cet tre que j'avais
-trouv, la mort me l'a arrach aprs quatorze mois de
-bonheur! Ma vie s'est teinte avec la sienne.</p>
-
-<p>Je vous aurais crit aprs mon malheur, mais les
-forces m'ont manqu. Je me suis jet dans les affaires publiques
-comme le meurtrier dans une fort. Six semaines
-sont maintenant coules; je ne sais pas mesurer cet espace
-<span class="pagenum"><a id="Page_337"> 337</a></span>
-de temps; il se prsente ma pense indiffremment
-comme autant d'annes et comme autant d'instants.</p>
-
-<p>Mais le sacrifice est fait; il est sans retour ni remde.
-Le sentiment public m'a fait du bien; je n'en ai jamais
-vu un qui aurait t ni plus universel ni moins
-emprunt.</p>
-
-<p>J'ai pris cette expression d'un bon sentiment
-comme un hommage celle qui n'est plus.</p>
-
-<p>Plus je suis plaint et plus je dois avoir perdu.</p>
-
-<p>Voici une lettre pour C. La pauvre enfant pleure
-certainement de ces larmes qui, seules, sont dignes de
-son c&oelig;ur.</p>
-
-<p>Adieu, ma chre amie.&mdash;M.<a id="FNanchor_497" href="#Footnote_497" class="fnanchor">&nbsp;[497]</a>.</p>
-
-<p>De cette lettre ressort un incontestable accent de
-sincrit. Si M. de Metternich n'avait donn, par
-ailleurs, la preuve de la profondeur de son amour pour
-la belle Antoinette de Leykam, elle suffirait tmoigner
-en sa faveur. Il n'est donc pas tmraire de
-penser que Mme de Lieven tait alors oublie.</p>
-
-<p>Est-il ncessaire de rechercher les causes qui dtachrent
-l'un de l'autre le prince et son amie?</p>
-
-<p>Sans doute, la lassitude, puisque leur amour pouvait
-si rarement reprendre un lan nouveau dans une
-runion, mme momentane, fut pour beaucoup dans
-l'attidissement de la rciproque passion.</p>
-
-<p>Mais la principale cause de la dsaffection commune
-dut tre le changement survenu dans le caractre
-et l'esprit de Mme de Lieven.</p>
-
-<p>Jusqu'en 1819, l'action personnelle de cette dernire
-avait t assez rserve; mais, partir de ce moment,
-<span class="pagenum"><a id="Page_338"> 338</a></span>
-elle se jeta corps perdu dans la politique. Non seulement
-elle prit une part de plus en plus active la direction
-de l'ambassade, mais, pour mieux servir les intrts
-de sa nation, elle se mla, presque ouvertement,
-la lutte des partis.</p>
-
-<p>Elle crivait alors rgulirement l'Impratrice; ses
-lettres taient trs apprcies la cour de Saint-Ptersbourg
-et le comte de Nesselrode faisait grand cas de ses
-renseignements.</p>
-
-<p>Pour satisfaire les vues de son gouvernement, elle
-chercha plus d'une fois peser sur les ministres anglais
-qui se succdaient la direction des affaires. Ceux-ci ne
-furent pas longtemps sans se plaindre de ses intrigues.</p>
-
-<p>M. Lionel G. Robinson rsume ainsi cette priode
-de la vie de Dorothe: Son got aussi bien que son
-devoir&mdash;car on peut supposer qu'elle tait l'esprit
-directeur de l'ambassade de Russie Londres,&mdash;l'amena
- cultiver la bonne grce de ceux qui taient
-les plus capables de favoriser les intrts qu'elle dsirait
-servir. C'est ainsi qu'elle noua des relations cordiales
-avec Wellington et Canning, Aberdeen et Palmerston,
-Peel et le comte Grey, et ce n'est pas la caractristique
-la moins intressante de ses lettres que la place occupe
-dans son estime par chaque homme d'tat suivant qu'il
-s'lve au pouvoir ou en position, ou qu'il en tombe<a id="FNanchor_498" href="#Footnote_498" class="fnanchor">&nbsp;[498]</a>.</p>
-
-<p>Ces hommes d'tat lui conservaient parfois rancune
-de ses variations, et Wellington dira d'elle: Elle peut
-et veut trahir chacun son tour, si cela convient ses
-desseins<a id="FNanchor_499" href="#Footnote_499" class="fnanchor">&nbsp;[499]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_339"> 339</a></span>
-Il ne faut cependant pas exagrer. Russe, Mme de
-Lieven tait reste trs Russe, obstinment attache
-son pays, passionnment dvoue ses souverains.
-leve, par la mdiocrit de son mari, un rle de
-premier plan, elle apportait videmment dans ses fonctions
-officieuses la fougue, l'impressionnabilit et la
-passion de son sexe.</p>
-
-<p>Comme son activit s'exerait, non dans le calme du
-cabinet d'un reprsentant de grande puissance, mais
-sur le terrain plus libre et plus agit des salons, ses
-relations personnelles se ressentaient de l'ardeur avec
-laquelle elle jouait son rle et l'on s'explique ds lors
-la versatilit de ses amitis.</p>
-
-<p>Celle-ci n'est pas niable: elle courtisa beaucoup
-Wellington, puis le vilipenda au point que le vainqueur
-de Waterloo, agac, songea la faire rappeler
-et qu'il ne s'abstint que par orgueil: C'est peut-tre
-de la vanit de ma part, crivait-il Lord Heytesbury,
-de penser que je suis trop fort pour le prince et la
-princesse de Lieven, et de prfrer souffrir un faible
-inconvnient, plutt que de faire une dmarche qui
-pourrait ncessiter de moi quelque explication<a id="FNanchor_500" href="#Footnote_500" class="fnanchor">&nbsp;[500]</a>.</p>
-
-<p>Elle fit Lord Palmerston, selon le mot de Lord
-Chelmsford, puis se retourna contre lui. Elle dtesta
-d'abord Lord Aberdeen, dont, plus tard, elle devait
-faire l'un de ses intimes.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_340"> 340</a></span>
-Tous ces brusques changements trouvent leur explication
-dans les attitudes diverses prises par ces personnages
-vis--vis de la Russie.</p>
-
-<p>Les lettres de Mme de Lieven Lord Grey sont le
-tmoignage le plus frappant de cette prdominance de
-son zle professionnel sur ses sentiments propres. Une
-longue et sincre affection l'unissait ce noble caractre,
-alors que celui-ci tait encore dans l'opposition.
-Elle survcut avec peine la rgle de conduite qu'il
-dut adopter au pouvoir. On trouve, dans leur correspondance,
-des mises en demeure trs vives de la comtesse,
-releves avec hauteur par son ami. Si ces incartades
-ne les brouillrent pas, c'est que l'indulgent vieillard
-comprenait mieux que ses collgues ce caractre
-d'enfant gt de la diplomatie.</p>
-
-<p>M. de Metternich subit le premier les effets de cette
-disposition d'esprit.</p>
-
-<p>Tant que l'Autriche et Saint-Ptersbourg marchrent
-d'accord, ou peu prs, aucun nuage ne pouvait
-s'lever entre l'ambassadrice et le chancelier. Le
-plus grand souci de ce dernier, pendant longtemps,
-fut de maintenir le fantasque Alexandre dans le sillage
-de ses conceptions. Pour atteindre ce but, il
-trouva sans doute un alli prcieux en Mme de
-Lieven.</p>
-
-<p>Mais les divergences d'intrts devaient invitablement
-amener, un jour ou l'autre, des difficults entre
-les deux nations. La crise, longtemps retarde par la
-dextrit du prince de Metternich, clata prcisment
-dans les derniers jours du rgne d'Alexandre<a id="FNanchor_501" href="#Footnote_501" class="fnanchor">&nbsp;[501]</a>, et,
-<span class="pagenum"><a id="Page_341"> 341</a></span>
-prit un caractre aigu aprs l'avnement de Nicolas.</p>
-
-<p>La question de l'indpendance hellnique, les querelles
-toujours pendantes de la Russie et du sultan,
-les entraves mises par Vienne et l'Angleterre l'excution
-des vues du tsar, les intrigues de Capo d'Istria,
-les menes de Canning, l'intervention des troupes gyptiennes
-et les espoirs qu'elle fit natre vinrent, tour
- tour, envenimer les choses jusqu'aux confrences
-de 1826.</p>
-
-<p>Le nuage qui assombrit l'Europe ce moment dut
-avoir son reflet sur les sentiments de Mme de Lieven
- l'gard de M. de Metternich.</p>
-
-<p>Leur amour, devenu la longue une alliance diplomatique,
-ne put vraisemblablement rsister aux dceptions
-de la question d'Orient. On peut supposer que
-leurs dernires lettres s'achevrent sur des mots aigres.</p>
-
-<p>Il ne faut sans doute pas chercher ailleurs la cause
-de leur rupture: leur liaison ne pouvait plus satisfaire
-ni leurs sens ni leur politique.</p>
-
-<p class="subt">II</p>
-
-<p>Un misanthrope a dit que l'amour n'tait que le
-commencement de la haine.</p>
-
-<p>Si l'amour de Mme de Lieven pour M. de Metternich
-<span class="pagenum"><a id="Page_342"> 342</a></span>
-avait t ardent, sa haine fut tenace&mdash;peut-tre
-parce que son dpit avait t profond.</p>
-
-<p>Aprs la rupture de sa liaison avec le prince, la
-comtesse ne parle plus de ce dernier qu'en termes
-amers, presque constamment violents, souvent immrits.</p>
-
-<p>A dfaut de sa dignit, tant de souvenirs communs
-auraient d cependant protger le chancelier contre
-ses attaques.</p>
-
-<p>Ds le 13 juillet 1827, propos du trait par lequel
-la France, la Russie et l'Angleterre s'taient engages
- imposer leur mdiation au sultan, Dorothe crivait
- son frre: Les intrigues autrichiennes ont
-amen M. de Metternich plus loin qu'il ne pensait,
-dans une belle situation. Tant mieux<a id="FNanchor_502" href="#Footnote_502" class="fnanchor">&nbsp;[502]</a>!</p>
-
-<p>Le 20 octobre, son ancien amant ayant refus de s'associer
- l'action combine des trois puissances, elle est
-encore plus vive: Pour ma part, j'en suis venue croire
-que Metternich, l'homme d'habilet, est mort, car
-il n'y en a pas trace dans sa prsente conduite. C'est
-quelque usurpateur de son nom qui a cherch querelle
- tout le monde, qui persiste obstinment dans toutes
-les erreurs politiques que sa vanit a provoques, qui,
-juste en ce moment, a offens le roi d'Angleterre (jusqu'alors
-son admirateur) dans l'affaire du duc de
-Brunswick<a id="FNanchor_503" href="#Footnote_503" class="fnanchor">&nbsp;[503]</a> et qui, pour couronner ses erreurs,
-l'ge de soixante ans, agit comme un niais<a id="FNanchor_504" href="#Footnote_504" class="fnanchor">&nbsp;[504]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_343"> 343</a></span>
-Depuis 1824, Mme de Lieven entretenait une correspondance
-suivie avec Lord Grey. Le grand homme
-d'tat, nous l'avons dj dit, s'tait laiss charmer par
-l'esprit et la grce de l'ambassadrice. Chaque jour, il
-lui faisait parvenir un billet et, jusqu' sa mort, son
-amiti pour elle ne se dmentit jamais.</p>
-
-<p>De son ct, la comtesse voyait en lui le chef d'un
-parti puissant, l'homme dsign pour prendre le pouvoir,
-enfin la plus haute influence capable de balancer
-celle des tories.</p>
-
-<p>La publication de leurs lettres ne laisse gure de
-doute sur la puret d'une affection que l'ge du comte
-Grey aurait dj pu sauver d'insinuations malveillantes.</p>
-
-<p>Dorothe fit cet ami fidle l'aveu de sa liaison
-avec M. de Metternich et, l'heure du dsenchantement,
-elle l'associa ses peines. Il fut le confident de
-ses ranc&oelig;urs.</p>
-
-<p>Le 4 novembre 1827, Lord Grey nous donne, par
-une de ses missives, une preuve nouvelle que la rupture
-du chancelier et de Mme de Lieven tait, ds ce moment,
-un fait accompli.</p>
-
-<p>Cette dernire lui ayant parl d'pouser un <i>cur</i> de
-campagne, si jamais elle devenait veuve, il lui rpond:
-J'ai t fort amus en me reprsentant que vous
-tiez la femme d'un <i>cur</i> de campagne, occupe aux
-dtails journaliers de votre humble mnage, avec vos
-cochons, vos moutons, vos vaches et votre poulailler.
-Rien ne manquerait ce tableau pour tre complet, si
-<span class="pagenum"><a id="Page_344"> 344</a></span>
-ce n'est que Metternich ne soit l'autre partie. Mais la
-force d'attraction qui, autrefois, aurait pu produire cet
-effet, est bien finie<a id="FNanchor_505" href="#Footnote_505" class="fnanchor">&nbsp;[505]</a>.</p>
-
-<p>A ce moment dj, le coup de tonnerre de Navarin
-avait clat: dception pour l'Autriche, triomphe
-pour les allis. Mme de Lieven est enthousiasme: Le
-cur a reu la nouvelle de Navarin le jour mme de
-son mariage&mdash;5 novembre. Quel feu de joie pour
-clbrer l'occasion!</p>
-
-<p>Et savez-vous, ajoute-t-elle, quels sont les premiers
-mots qui me sont chapps en apprenant la
-bataille de Navarin: Certainement, c'est Metternich
-qui a fait cela<a id="FNanchor_506" href="#Footnote_506" class="fnanchor">&nbsp;[506]</a>!</p>
-
-<p>Trois jours auparavant, faisant allusion au trait de
-Londres, elle s'tait crie: Il y a un trait qui n'a
-pas t mort-n comme M. de Metternich l'avait prdit.
-Bien au contraire, l'enfant est remarquablement vivant<a id="FNanchor_507" href="#Footnote_507" class="fnanchor">&nbsp;[507]</a>.</p>
-
-<p>Un mois plus tard: Metternich est tomb plus bas
-dans l'estime publique... En un mot, il est tout fait
-par terre<a id="FNanchor_508" href="#Footnote_508" class="fnanchor">&nbsp;[508]</a>.</p>
-
-<p>Peu aprs, survint la mort de Canning. L'arrive de
-Wellington au ministre marque un recul dans les
-bonnes dispositions de la Grande-Bretagne l'gard
-des Grecs. Mme de Lieven ne dcolre pas.</p>
-
-<p>Le duc de Wellington est premier ministre, crit-elle
- son frre. Il prfre les voies tortueuses de Metternich
-<span class="pagenum"><a id="Page_345"> 345</a></span>
- la droite marche de l'empereur Nicolas<a id="FNanchor_509" href="#Footnote_509" class="fnanchor">&nbsp;[509]</a>.</p>
-
-<p>Quant Lord Aberdeen, c'est un mauvais ministre,
-un homme honorable et rien de plus,
-parce qu'il a toujours t considr comme le side
-de Metternich.</p>
-
-<p>Cependant, la joie de l'ambassadrice clate quand ce
-mme Aberdeen vient lui dclarer qu'il n'tait ni un
-coquin ni un fou, et qu'il fallait tre l'un ou l'autre pour
-avoir quelque gard pour M. de Metternich<a id="FNanchor_510" href="#Footnote_510" class="fnanchor">&nbsp;[510]</a>.</p>
-
-<p>Elle se flicite de tout ce qui trouble les combinaisons
-de ce grand homme d'tat, dont le crdit, malgr
-tout, fait encore prime auprs des ministres. Et,
-ajoute-t-elle: C'est piti qu'il en soit ainsi<a id="FNanchor_511" href="#Footnote_511" class="fnanchor">&nbsp;[511]</a>!</p>
-
-<p>Elle guette tous les vnements qui pourraient donner
-la jaunisse M. de Metternich et C<sup>ie</sup><a id="FNanchor_512" href="#Footnote_512" class="fnanchor">&nbsp;[512]</a>.</p>
-
-<p>Elle rpond Wellington, rvoquant en doute un
-projet dont la mise excution et t mauvaise politique
-de la part du chancelier: Pensez-vous donc
-alors qu'il en ait fait une bonne<a id="FNanchor_513" href="#Footnote_513" class="fnanchor">&nbsp;[513]</a>?</p>
-
-<p>Mais la guerre avait clat entre la Russie et la
-Porte. Mme de Lieven ne se rjouit pas moins des succs
-des armes moscovites que des difficults qu'ils
-occasionnent l'Autriche. Lorsque la paix sera impose
-par ses compatriotes au sultan, elle dira Lord Aberdeen:
-Tant pis pour vous, milord. Nous ne vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_346"> 346</a></span>
-avons pas dups; vous vous tes dups vous-mmes.
-Vos propres illusions ou celles inspires par votre
-patron, le prince de Metternich, ont t vos vritables
-ennemis<a id="FNanchor_514" href="#Footnote_514" class="fnanchor">&nbsp;[514]</a>.</p>
-
-<p>D'autres fois, elle dpasse toute mesure. Le 31 dcembre
-1828, elle crit Lord Grey: Qu'est-il
-advenu des talents et de l'intelligence de Metternich?
-Car il tait intelligent, et extrmement. Je me souviens
-que Lord Castlereagh avait coutume de l'appeler un
-arlequin politique, et ce n'tait pas mal dire<a id="FNanchor_515" href="#Footnote_515" class="fnanchor">&nbsp;[515]</a>.</p>
-
-<p>Quelques jours plus tard, elle est heureuse d'entendre
-le roi d'Angleterre parler de son ancien amant
-comme il le mrite, comme d'un homme sans
-croyance ni respect pour la loi, ni pour sa propre
-parole, et lui dire qu'en fait il n'tait pas d'iniquit
-dont il ne le crt capable<a id="FNanchor_516" href="#Footnote_516" class="fnanchor">&nbsp;[516]</a>.</p>
-
-<p>Mme de Lieven pensait-elle celui qu'elle appelait
-le grand spectre blanc<a id="FNanchor_517" href="#Footnote_517" class="fnanchor">&nbsp;[517]</a>, quand elle crivait
-Lord Grey: Je n'ai jamais eu grande croyance dans
-le couplet de la ballade qui dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Et l'on revient toujours</p>
-<p>A ses premiers amours,</p>
-</div></div>
-
-<p>car rien n'est plus rare dans la vie que de revenir ses
-premiers amours<a id="FNanchor_518" href="#Footnote_518" class="fnanchor">&nbsp;[518]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_347"> 347</a></span>
-Et aussitt, comme pour prouver que tel n'est pas son
-cas, elle ajoute: Nos relations avec l'Autriche sont tout
-ce que l'on peut dsirer, en nous rservant en mme
-temps le droit de considrer le prince de Metternich
-comme le plus grand coquin qui soit sur la face de la
-terre. En passant, j'tais avant-hier dner avec le duc
-de Wellington et nous parlions de lui. Le duc me dit:
-Je n'ai jamais partag l'opinion qu'il ft un grand
-homme d'tat; c'est un hros de socit et rien de
-plus. J'ai eu beaucoup de plaisir entendre cela<a id="FNanchor_519" href="#Footnote_519" class="fnanchor">&nbsp;[519]</a>.</p>
-
-<p>Deux ans aprs, Lord Grey appelle ironiquement
-Metternich le vieil ami, l'homme le plus franc et le
-plus loyal<a id="FNanchor_520" href="#Footnote_520" class="fnanchor">&nbsp;[520]</a> et l'ambassadrice rpte: En ce qui
-concerne l'homme le plus franc et le plus loyal, je suis
-tout fait d'accord avec vous<a id="FNanchor_521" href="#Footnote_521" class="fnanchor">&nbsp;[521]</a>.</p>
-
-<p>En 1836, le prince de Metternich est devenu le
-plus grand fourbe du monde<a id="FNanchor_522" href="#Footnote_522" class="fnanchor">&nbsp;[522]</a>.</p>
-
-<p>La haine de Mme de Lieven l'aveuglait un tel point
-que Lord Grey crut devoir, un certain moment, la
-rappeler doucement aux convenances. Le morceau est
- citer en entier: la leon est jolie.</p>
-
-<p>Ainsi, lui crivit-il, l'homme d'normment d'esprit,
-d'une franchise et d'une loyaut tout fait
-remarquable, etc., etc., a fini par devenir le plus
-grand coquin du monde! Pour ses qualits morales,
-vous avez t trompe et vous vous tes mprise, mais,
-pour celles de son intelligence, vous n'avez pu l'tre.
-La puissance de son esprit et celle de ses talents comme
-<span class="pagenum"><a id="Page_348"> 348</a></span>
-homme d'tat ne peuvent pas tre altres par la route
-qu'il prend, ni souffrir d'autre diminution que celle
-souvent produite, on aime le croire, par une conduite
-tortueuse. Je me souviens que vous me disiez en
-ville que le duc de Wellington parlait de lui comme
-d'un homme d'tat. Des opinions qui changent si compltement
-pourraient, tout au moins, exciter quelque
-mfiance au sujet de la solidit du jugement par lequel
-elles ont t formes<a id="FNanchor_523" href="#Footnote_523" class="fnanchor">&nbsp;[523]</a>.</p>
-
-<p>Cette douche d'eau froide tait mrite, il faut bien
-en convenir.</p>
-
-<p>Quant M. de Metternich, il sut mieux conserver le
-respect de l'amour qui n'tait plus. Dans la partie de
-sa correspondance publie par son fils, il est trs rarement
-question de son ancienne amie. Il prouvait cependant
-qu'il la connaissait bien, en crivant Apponyi,
-alors ambassadeur Paris: Je suis surpris que
-vous ne me nommiez jamais... la princesse de L... La
-princesse doit se remuer dans un sens quelconque, car
-il n'est pas dans sa nature de rester tranquille<a id="FNanchor_524" href="#Footnote_524" class="fnanchor">&nbsp;[524]</a>.</p>
-
-<p>Le chancelier pouvait se montrer ddaigneux des
-attaques et des colres de l'ambassadrice de Russie,
-mais la pense se reporte avec tristesse au temps
-o la comtesse de Lieven crivait au ministre des
-Affaires trangres d'Autriche Aime-moi, mon bon
-Clment, aime-moi de tout ton c&oelig;ur: aime-moi le
-jour, la nuit, toujours. Adieu, adieu, bon ami<a id="FNanchor_525" href="#Footnote_525" class="fnanchor">&nbsp;[525]</a>!</p>
-
-<p class="subt"><span class="pagenum"><a id="Page_349"> 349</a></span>
-III</p>
-
-<p>Le nouveau tsar, Nicolas I<sup>er</sup>, l'occasion de son couronnement,
-le 3 septembre 1826, donna la famille
-de Lieven une nouvelle preuve de cette bienveillance,
-dont elle avait t comble par ses prdcesseurs. Il
-confra aux enfants de sa gouvernante et elle-mme
-le titre de prince et la qualit d'Altesse Srnissime<a id="FNanchor_526" href="#Footnote_526" class="fnanchor">&nbsp;[526]</a>.</p>
-
-<p>Christophe Andrvitch, devenu le prince de Lieven,
-conserva jusqu'en 1834 le poste d'ambassadeur de
-Russie en Grande-Bretagne.</p>
-
-<p>De 1826 cette date, la vie de sa femme se passa
-en une lutte de tous les instants pour soutenir la politique
-moscovite, au cours de laquelle elle ne sut pas toujours
-observer la neutralit entre les partis qu'auraient
-d lui imposer les privilges diplomatiques dont elle
-jouissait et l'accueil reu par elle Londres.</p>
-
-<p>A l'poque o les affaires de Portugal, la guerre
-russo-turque, l'agitation de la Pologne mettaient aux
-prises les intrts des cours de Saint-James et de Saint-Ptersbourg,
-elle attaqua avec ardeur le ministre de
-Wellington.</p>
-
-<p>On pt mme l'accuser d'avoir, pour assurer la perte
-de ce dernier, servi d'intermdiaire entre le duc de
-Cumberland et les amis d'Huskisson. L'existence de
-<span class="pagenum"><a id="Page_350"> 350</a></span>
-cette petite conspiration est trs controverse. Le
-Premier Ministre, en tout cas, tait convaincu de sa
-ralit<a id="FNanchor_527" href="#Footnote_527" class="fnanchor">&nbsp;[527]</a>.</p>
-
-<p>Un jour, il s'expliqua franchement sur le compte de
-M. et Mme de Lieven. Le 24 aot 1829, il crivait,
-parlant d'eux, au comte d'Aberdeen: Depuis que je
-suis au ministre, ils ont jou un jeu de parti anglais
-au lieu de faire les affaires de leur souverain. J'ai les
-meilleures preuves que tous les deux ont t engags
-(comme meneurs) dans les intrigues pour nous priver
-du pouvoir, depuis janvier 1828, qu'ils ont dnatur
-notre conduite et nos vues auprs de leur matre, et
-qu'ils sont la seule cause de la froideur actuelle entre
-les deux gouvernements... Dans un autre pays, mme
-en Russie ou en France, ou avec un autre monarque...
-cela justifierait amplement notre intervention pour
-obtenir le rappel du prince de Lieven. Mais, mon
-avis, cette mesure nous ferait plus de mal que de
-bien<a id="FNanchor_528" href="#Footnote_528" class="fnanchor">&nbsp;[528]</a>.</p>
-
-<p>J'ai reconnu, disait encore Wellington, le mois
-suivant, Lord Heytesbury, que, depuis l'anne 1826,
-le prince et la princesse de Lieven se sont efforcs de
-reprsenter, Saint-Ptersbourg, ma conduite, soit au
-gouvernement soit en dehors de celui-ci, de la manire
-la plus dfavorable. Je crois bien que leur mcontentement
-a commenc la suite d'une conversation que
-<span class="pagenum"><a id="Page_351"> 351</a></span>
-j'ai eue avec le prince de Lieven, la fin de 1826, sur
-la conversion du protocole d'avril 1826 en trait de
-juillet 1827...</p>
-
-<p>...Je n'tais pas au pouvoir d'avril 1827 janvier
-1828, et durant ce temps, je sais que le prince et
-la princesse... ont crit de moi tout le mal qu'ils
-pensaient et beaucoup plus qu'ils n'en savaient. Depuis
-mon retour au ministre, ils ont t ce qu'on
-appelle en opposition rgulire avec le gouvernement,
-ils ont dnatur auprs de leur Cour tout ce que nous
-avons fait et particulirement tout ce que j'ai fait<a id="FNanchor_529" href="#Footnote_529" class="fnanchor">&nbsp;[529]</a>...</p>
-
-<p>Nous savons dj que si le duc n'exigea pas le rappel
-de ces singuliers diplomates, ce ne fut que par conscience
-de sa supriorit.</p>
-
-<p>Les v&oelig;ux de la princesse furent momentanment combls
-par la chute du ministre dtest<a id="FNanchor_530" href="#Footnote_530" class="fnanchor">&nbsp;[530]</a> et l'arrive
-au pouvoir de Lord Grey. Toujours selon Wellington,
-le grand mrite de ce dernier aux yeux de Dorothe
-tait de conserver encore quelques vieilles ides
-d'opposition de M. Fox sur ce que les Turcs devaient
-tre chasss d'Europe<a id="FNanchor_531" href="#Footnote_531" class="fnanchor">&nbsp;[531]</a>.</p>
-
-<p>Mme de Lieven prend part aux ngociations qui
-prcdent la formation du nouveau cabinet. Lord Grey
-veut offrir le portefeuille des affaires trangres
-Lord Lansdowne. Elle le dcide en charger son ami,
-Lord Palmerston, avec lequel elle a dans sa premire
-valse Londres<a id="FNanchor_532" href="#Footnote_532" class="fnanchor">&nbsp;[532]</a>. Et c'est cependant ce ministre
-<span class="pagenum"><a id="Page_352"> 352</a></span>
-qui obtiendra ce que son prdcesseur n'avait pas
-voulu demander: le rappel de l'ambassadeur de
-Russie!</p>
-
-<p>Son triomphe, d'ailleurs, ne fut pas de longue dure.
-Lord Grey n'tait pas homme sacrifier son devoir
- ses attachements. Le conflit entre la Belgique et la
-Hollande, l'insurrection polonaise multipliaient les
-causes de froissement entre Saint-Ptersbourg et le
-Foreign office. Bientt, pour Mme de Lieven, Palmerston
-ne sera plus qu'un trs petit esprit, lourd,
-obstin<a id="FNanchor_533" href="#Footnote_533" class="fnanchor">&nbsp;[533]</a> et Lord Grey lui-mme deviendra une
-vieille femme.</p>
-
-<p>En 1833, les choses se gtent. D'aprs un propos
-tenu Greville par Mellish, la princesse passe son
-temps intriguer et brouiller les cartes dans toutes
-les cours d'Europe. George Villiers l'accuse de
-chercher provoquer une guerre n'importe o<a id="FNanchor_534" href="#Footnote_534" class="fnanchor">&nbsp;[534]</a>.</p>
-
-<p>Palmerston, ds lors, est dcid se dbarrasser de
-son encombrant voisinage. La vacance de l'ambassade
-d'Angleterre Saint-Ptersbourg lui en fournit le
-prtexte.</p>
-
-<p>Le dernier titulaire, Lord Heytesbury, ayant demand
- tre relev de ses fonctions, le cabinet anglais voulut
-dsigner pour son successeur M. Stratford Canning.
-Nesselrode fit savoir que ce dernier ne serait pas reu
- la Cour impriale: C'est un homme impossible,
-souponneux, pointilleux, mfiant avait-il dit pour
-justifier son refus<a id="FNanchor_535" href="#Footnote_535" class="fnanchor">&nbsp;[535]</a> et Dorothe Christophorovna
-avait d transmettre officieusement cette rsolution.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_353"> 353</a></span>
-Palmerston rpondit en maintenant la nomination
-de Stratford Canning.</p>
-
-<p>Par la maladresse de son intervention, Mme de
-Lieven avait mis les torts de son ct: Elle s'est emballe,
-prtend Lady Cowper, et habitue ce qu'on lui
-cde, elle a cru qu'elle l'emporterait haut la main<a id="FNanchor_536" href="#Footnote_536" class="fnanchor">&nbsp;[536]</a>.</p>
-
-<p>La situation devenait grave. La princesse, peu soucieuse
-de perdre son poste, se prcipita en Russie pour
-arranger le diffrend. Elle y reut un accueil des plus
-flatteurs: L'Empereur est all au-devant d'elle en
-mer, l'a prise son bord et l'a conduite dans sa voiture
-au palais, o il l'a fait entrer dans la chambre de l'impratrice,
-qu'elle a trouve en chemise<a id="FNanchor_537" href="#Footnote_537" class="fnanchor">&nbsp;[537]</a>. Les souverains
-ne mnagrent pas leur ambassadrice les
-marques de faveur et de reconnaissance, mais, quand
-celle-ci revint en Angleterre, en aot 1833, la question
-Stratford Canning n'avait pas fait un pas. Sir Robert
-Bligh, fils du comte de Darnley, continuait diriger,
-en qualit de charg d'affaires, l'ambassade britannique
-de Saint-Ptersbourg.</p>
-
-<p>Sur ces entrefaites, des causes plus graves vinrent
-envenimer le conflit entre les puissances anglaise
-et russe. Les susceptibilits de la premire avaient
-t violemment surexcites lors du trait d'Unkiar-Skelessi<a id="FNanchor_538" href="#Footnote_538" class="fnanchor">&nbsp;[538]</a>
-par lequel le tsar et le sultan venaient de
-former une alliance offensive et dfensive. Un instant
-on put craindre de voir la guerre clater.</p>
-
-<p>Le trait de Saint-Ptersbourg accrut encore la mauvaise
-humeur du gouvernement de Guillaume IV, successeur
-<span class="pagenum"><a id="Page_354"> 354</a></span>
-de son frre George IV<a id="FNanchor_539" href="#Footnote_539" class="fnanchor">&nbsp;[539]</a>. La polmique
-s'leva un ton trs vif.</p>
-
-<p>Au mois de mai 1834, le prince de Lieven reut ses
-lettres de rappel<a id="FNanchor_540" href="#Footnote_540" class="fnanchor">&nbsp;[540]</a>. Sa carrire diplomatique prenait
-fin.</p>
-
-<p>Le coup fut profondment sensible la princesse.
-Elle s'en vengea plus tard, en appliquant Lord Palmerston
-un mot de M. de Talleyrand: Il dpendra
-toujours d'un ministre des affaires trangres, quelque
-mdiocre qu'il soit, de chasser un ambassadeur<a id="FNanchor_541" href="#Footnote_541" class="fnanchor">&nbsp;[541]</a>.
-Mais, sur le moment, elle prouva une vritable douleur.</p>
-
-<p>L'vnement l'atteignait, non seulement dans son
-orgueil, mais aussi dans tout ce qui lui tait cher.
-C'taient de nouvelles habitudes prendre, une nouvelle
-situation se crer, de nouvelles relations
-chercher, toute une vie refaire.</p>
-
-<p>Cependant le tsar avait pris grand soin de montrer
-que ce rappel n'tait pas une disgrce. Il avait nomm
-M. de Lieven la charge envie du gouverneur du tsarvitch.
-L'ex-ambassadeur s'embarqua seulement au
-mois d'aot pour la Russie, sur un navire mis sa disposition
-par l'Amiraut.</p>
-
-<p>Madame de Lieven laissa, dans la socit de Londres,
-un grand vide<a id="FNanchor_542" href="#Footnote_542" class="fnanchor">&nbsp;[542]</a>. Son salon tenait trop de place
-dans le monde politique pour qu'il en ft autrement.
-<span class="pagenum"><a id="Page_355"> 355</a></span>
-D'autre part, ct de ses dfauts, l'ambassadrice de
-Russie possdait des qualits d'intelligence, d'esprit et
-de charme, une incontestable supriorit d'attitude
-et de manires<a id="FNanchor_543" href="#Footnote_543" class="fnanchor">&nbsp;[543]</a> qui avaient group autour d'elle
-un noyau d'hommes et de femmes distingus, auquel
-elle allait beaucoup manquer.</p>
-
-<p>On voit ici avec regret Mme de Lieven faire ses
-paquets<a id="FNanchor_544" href="#Footnote_544" class="fnanchor">&nbsp;[544]</a>, crivait la duchesse de Dino, cette belle
-et captivante nice de Talleyrand, qui faisait les honneurs
-de l'ambassade de France. Et Lord Grey, tomb
-du pouvoir, crivait son amie, parlant du dpart
-prochain: C'est comme un arrt de mort<a id="FNanchor_545" href="#Footnote_545" class="fnanchor">&nbsp;[545]</a>.</p>
-
-<p>Revenue sans enthousiasme en Russie, l'ancienne
-matresse du chancelier d'Autriche ne pouvait plus
-gure se plaire dans son pays natal.</p>
-
-<p>Elle tait trop conquise la libert occidentale pour
-s'accommoder du rgime moscovite.</p>
-
-<p>Elle ne pouvait retrouver auprs du tsar un terrain
-propice aux intrigues de politique extrieure qui la
-passionnaient si fort: l'immunit diplomatique dont
-elle avait tant abus ne l'avait pas suivie la Cour de
-son souverain.</p>
-
-<p>D'autre part, depuis de longues annes, elle s'tait
-dshabitue du climat russe. Elle avait beaucoup
-apprci, ce point de vue, ses sjours Berlin et
-Londres. Maintenant, elle redoutait l'influence du
-froid de Saint-Ptersbourg sur sa sant dclinante.</p>
-
-<p>Aussi ne peut-on s'tonner de la voir se plaindre et
-<span class="pagenum"><a id="Page_356"> 356</a></span>
-se lamenter. Sans doute, elle enveloppe ses sentiments
-de bien des formes, pour ne pas heurter l'imprial
-Matre qui peut tout savoir. Mais, cependant, son esprit
-et son c&oelig;ur sont pleins du regret de Londres.</p>
-
-<p>Elle se reprend chrir l'Angleterre. Rien de ce qui
-s'y passe ne peut la laisser indiffrente et, peine
-arrive dans sa nouvelle rsidence, elle pense se faire
-envoyer des nouvelles du pays, tmoin de sa splendeur.</p>
-
-<p>Daignez me pardonner, chre Lady Stuart, crit-elle
-le 10 novembre 1834<a id="FNanchor_546" href="#Footnote_546" class="fnanchor">&nbsp;[546]</a>, de rpondre si tard
-vos aimables et gracieuses paroles. Elles m'ont fait le
-plus grand plaisir. Vous tes bien bonne de m'aimer.
-C'est au reste un acte de justice. J'aime tant toute
-cette Angleterre, en gros, en dtail! Je mets tant de
-prix ce qu'on s'y souvienne un peu de moi! Vous me
-faites la plus aimable des promesses, en me permettant
-d'esprer de vos nouvelles pour tout vnement public
-ou particulier qui aurait de l'intrt pour moi. <i>Tout</i>
-m'intresse chez vous. Je vous prie de vous souvenir
-de cela.</p>
-
-<p>Dans la mme lettre, la princesse raconte son installation:
-Je ne suis tablie en ville que depuis deux
-jours. Jusqu'ici, j'ai habit la campagne avec la Cour,
-ce qui fait que je ne connais rien qu'elle et que j'ai
-maintenant tout apprendre ici. J'ai une magnifique
-maison, et bien chaude et bien commode par-dessus
-le march. Cela est une vraie jouissance.
-Je ne puis pas dire que la neige le soit. Nous
-<span class="pagenum"><a id="Page_357"> 357</a></span>
-sommes en plein hiver. J'ai pleur de chagrin.</p>
-
-<p>Et elle termine sur ces mots: Nous avons ici Lord
-Douro et M. Canning. J'ai un grand plaisir les
-voir. Il suffit d'tre Anglais pour m'aller droit au
-c&oelig;ur.</p>
-
-<p>Wellington, Aberdeen, Palmerston taient cependant
-Anglais, eux aussi...</p>
-
-<p>Mme de Lieven tait peut-tre plus sincre quand
-elle crivait son frre: Un changement total de
-carrire aprs vingt-quatre ans d'habitudes morales et
-matrielles, toutes diffrentes, est une poque grave
-dans la vie. On dit qu'on regrette mme sa prison
-lorsqu'on y a pass des annes. A ce compte, je puis
-bien regretter un beau climat, une belle position
-sociale, des habitudes de luxe et de confort que je ne
-puis retrouver nulle part, et des amis tout fait indpendants
-de la politique<a id="FNanchor_547" href="#Footnote_547" class="fnanchor">&nbsp;[547]</a>.</p>
-
-<p>La princesse ne resta que sept mois la Cour de
-Nicolas I<sup>er</sup>. Une terrible catastrophe vint l'en arracher
- tout jamais.</p>
-
-<p>Le 4 mars 1835, quelques heures d'intervalle,
-deux de ses enfants taient emports par la fivre scarlatine.
-C'taient les jeunes princes Georges et Arthur,
-venus au monde Londres en 1819 et 1825, ses derniers-ns,
-ses prfrs. L'un avait seize ans, l'autre
-dix.</p>
-
-<p>Affole, meurtrie, le c&oelig;ur jamais bris, la mre
-en pleurs ne songea plus qu' quitter sa patrie dont
-elle rendait le climat responsable de la mort de ses
-fils. Elle tait d'ailleurs incapable pour longtemps
-<span class="pagenum"><a id="Page_358"> 358</a></span>
-de reprendre son rle de sre conseillre auprs du
-gouverneur du tsarvitch. Elle se rendit avec son mari
-en Allemagne, puis, bientt, celui-ci, rappel par son
-service et par son zle de courtisan, la laissa seule sur
-la terre trangre, pour rejoindre son lve.</p>
-
-<p>Elle passa l't Berlin et Baden-Baden. En septembre
-1835, elle arriva Paris.</p>
-
-<p>De nouvelles preuves l'y attendaient.</p>
-
-<p>Elle ne voulait aucun prix revenir en cette Russie
-qui lui rappelait tant d'amers souvenirs. Mais, cette
-poque, la loi russe ne reconnaissait pas aux sujets
-du tsar le droit de sortir de l'Empire<a id="FNanchor_548" href="#Footnote_548" class="fnanchor">&nbsp;[548]</a>.</p>
-
-<p>L'migration tait considre comme un crime et
-pouvait tre punie de dportation et de confiscation.
-Il fallait une autorisation personnelle de l'empereur
-pour se fixer l'tranger. Ce dernier l'accordait rarement
-et au plus pour cinq ans.</p>
-
-<p>Nicolas I<sup>er</sup> ne tenait gure voir son intrigante
-sujette s'tablir de nouveau au loin, libre du frein de
-ses fonctions officielles. Mais, par-dessus tout, il
-redoutait de la voir s'installer Paris.</p>
-
-<p>Or, sa dignit interdisait Mme de Lieven de reparatre
-d'une faon suivie Londres, o elle n'aurait
-plus retrouv sa place au premier rang. Paris restait
-donc la seule ville o son activit intellectuelle pt
-s'exercer, o elle pt trouver dans le monde qu'elle
-aimait un oubli de sa douleur, une compensation au
-vide de son existence.</p>
-
-<p>M. de Lieven, interprtant et exagrant les intentions
-du souverain, se montra en cette circonstance
-<span class="pagenum"><a id="Page_359"> 359</a></span>
-d'une rigueur difficilement excusable l'encontre de sa
-malheureuse femme. Oubliant tout ce qu'il lui devait,
-oubliant les gards mrits par la dtresse de la mre,
-il voulut l'obliger de revenir Saint-Ptersbourg.</p>
-
-<p>Mme de Lieven se rvolta. Son mari alla jusqu' la
-menacer de lui supprimer tout subside. Rien n'y fit<a id="FNanchor_549" href="#Footnote_549" class="fnanchor">&nbsp;[549]</a>.</p>
-
-<p>De guerre lasse, l'empereur et le prince finirent par
-accorder, sinon une autorisation formelle, du moins un
-consentement tacite la sparation. Mais la princesse
-avait t profondment blesse: dsormais, tout est
-rompu entre elle et ce mari qui, disait-elle justement,
-lui avait montr une absence de c&oelig;ur, de simple
-piti<a id="FNanchor_550" href="#Footnote_550" class="fnanchor">&nbsp;[550]</a> inconcevable.</p>
-
-<p>Elle apprendra sans motion sa mort survenue
-Rome au cours d'un voyage du tsarvitch<a id="FNanchor_551" href="#Footnote_551" class="fnanchor">&nbsp;[551]</a>. Elle ne
-conservera de lui que le nom, mais, bizarrerie de la
-vanit humaine, elle tiendra ce nom jusqu' refuser,
-dit-on, de l'changer contre celui d'un ami trs
-cher.</p>
-
-<p>A Paris, o elle s'tait installe dans un appartement
-de l'Htel de la Terrasse<a id="FNanchor_552" href="#Footnote_552" class="fnanchor">&nbsp;[552]</a>, situ rue de Rivoli,
-en face du jardin des Tuileries, Dorothe n'avait pas
-tard reconstituer dans son salon l'une de ces runions
-d'hommes influents, devenues un besoin pour
-elle.</p>
-
-<p>Dj, en 1836, M. Mol note que sa maison a t
-<span class="pagenum"><a id="Page_360"> 360</a></span>
-constamment un centre trs actif et de plus d'une couleur<a id="FNanchor_553" href="#Footnote_553" class="fnanchor">&nbsp;[553]</a>.</p>
-
-<p>Greville la retrouve l'un de ses voyages en France,
-en janvier 1837, et il dcrit ainsi son existence:
-Mme de Lieven parat s'tre fait Paris une situation
-des plus agrables. Elle est chez elle tous les soirs et, son
-salon tant un terrain neutre, tous les partis s'y rencontrent,
-si bien qu'on y voit les adversaires politiques
-les plus acharns engags dans des discussions
-courtoises... Parmi les hommes du jour, ceux qu'elle
-prfre sont Mol, aimable, intelligent, de bonne compagnie
-et, sinon le plus brillant de tous, du moins celui
-qui a le plus de sens et de jugement; Thiers, le plus
-remarquable de beaucoup, plein d'esprit et d'entrain;
-Guizot et Berryer, tous deux remplis de mrite<a id="FNanchor_554" href="#Footnote_554" class="fnanchor">&nbsp;[554]</a>.</p>
-
-<p>Quelques mois plus tard, le comte Mol crira de
-son ct Barante ces lignes non exemptes de fiel:
-Le salon de la princesse de Lieven est toujours le lieu
-de runion de toutes les ambitions en travail. Thiers,
-Guizot et Berryer y vont matin et soir<a id="FNanchor_555" href="#Footnote_555" class="fnanchor">&nbsp;[555]</a>.</p>
-
-<p>A la mme poque enfin, Lord Malmesbury parle
-d'elle en ces termes: Aprs avoir t ambassadrice ou
-plutt <i>ambassadeur</i> Londres, Mme de Lieven est
-venue s'tablir Paris, o son salon est le rendez-vous
-non seulement du monde lgant, mais aussi des
-hommes d'tat les plus distingus. Guizot n'en bouge
-pas et Mol y est trs assidu. Mlle de Mensingen, une
-fort jolie chanoinesse, prside la table th autour de
-<span class="pagenum"><a id="Page_361"> 361</a></span>
-laquelle se presse le personnel jeune et gai<a id="FNanchor_556" href="#Footnote_556" class="fnanchor">&nbsp;[556]</a>.</p>
-
-<p>Au cours d'un voyage en Angleterre, la princesse
-fut reue en audience, le 30 juillet 1837, par la reine
-Victoria. Celle-ci, dit Greville, s'est montre fort
-aimable, mais paraissait intimide, embarrasse et n'a
-parl que de choses insignifiantes. Sa Majest aura ou
-dire que la princesse est une intrigante et elle aura eu
-peur de se compromettre<a id="FNanchor_557" href="#Footnote_557" class="fnanchor">&nbsp;[557]</a>.</p>
-
-<p>Greville ne croyait pas si bien dire. La souveraine
-avait t mise en garde par le roi Lopold. Dans une
-de ses lettres rcemment publies, ce dernier supplie
-sa jeune amie de se mfier de l'ancienne ambassadrice<a id="FNanchor_558" href="#Footnote_558" class="fnanchor">&nbsp;[558]</a>.</p>
-
-<p>La vie de la princesse de Lieven avait reu ce moment
-une orientation nouvelle.</p>
-
-<p>Le 15 juin 1836<a id="FNanchor_559" href="#Footnote_559" class="fnanchor">&nbsp;[559]</a>, invite dner chez le duc de
-Broglie, elle fut place table ct de M. Guizot.
-Celui-ci raconte ainsi l'impression qu'il reut de sa
-voisine: Je fus frapp de la dignit douloureuse
-de sa physionomie et de ses manires; elle avait
-<span class="pagenum"><a id="Page_362"> 362</a></span>
-cinquante ans; elle tait dans un profond deuil qu'elle
-n'a jamais quitt; elle entamait et cessait tout coup
-la conversation, comme retombant chaque instant
-sous l'empire d'une pense qu'elle s'efforait de fuir.
-Une ou deux fois, ce que je lui dis parut l'atteindre
-et la tirer un moment d'elle-mme; elle me regarda,
-comme surprise de m'avoir cout et prenant pourtant
-quelque intrt mes paroles. Nous nous sparmes,
-moi avec un sentiment de sympathie pour sa
-personne et sa douleur, elle avec quelque curiosit
-mon sujet<a id="FNanchor_560" href="#Footnote_560" class="fnanchor">&nbsp;[560]</a>.</p>
-
-<p>L'anne suivante, M. Guizot perdit l'un de ses
-fils<a id="FNanchor_561" href="#Footnote_561" class="fnanchor">&nbsp;[561]</a>. Mme de Lieven lui crivit: J'ai achet chrement
-le droit d'entrer plus qu'aucun autre dans vos
-douleurs. Je cherchais des malheureux, quand le ciel
-m'a si cruellement frappe. Si votre c&oelig;ur en cherche
- son tour, arrtez votre pense sur moi plus malheureuse
-cent fois que vous, malheureuse au bout de deux
-ans comme je l'tais le premier jour<a id="FNanchor_562" href="#Footnote_562" class="fnanchor">&nbsp;[562]</a>.</p>
-
-<p>Le 5 mai 1837, propos d'une discussion sur les
-fonds secrets demands par le ministre Mol, M. Guizot
-avait expliqu la tribune pourquoi, peu auparavant,
-il avait abandonn son portefeuille: La princesse
-de Lieven, raconte-t-il, venait quelquefois aux
-sances de la Chambre des dputs; elle assistait
-celle-ci, et le lendemain elle m'exprima vivement le
-plaisir qu'elle avait pris mon langage et mon succs.
-Ainsi commena, entre elle et moi, une amiti qui
-<span class="pagenum"><a id="Page_363"> 363</a></span>
-devint de jour en jour plus srieuse et plus intime.
-Nous avions connu, l'un et l'autre, les grandes tristesses
-humaines et atteint l'ge des mcomptes; l'intimit
-s'tablit entre nous simplement, naturellement, sans
-aucune pense politique<a id="FNanchor_563" href="#Footnote_563" class="fnanchor">&nbsp;[563]</a>.</p>
-
-<p>Cette intimit ne se dmentit jamais. Les mots dcisifs
-qui la nourent semblent avoir t prononcs le
-24 juin 1837, au cours d'une visite Chtenay, chez
-Mme de Boigne<a id="FNanchor_564" href="#Footnote_564" class="fnanchor">&nbsp;[564]</a>. Dix-huit ans auparavant, les
-mmes mots avaient peut-tre servi, au cours de l'excursion
-de Spa, Dorothe et Clment de Metternich
-pour se donner leurs c&oelig;urs. Mais, cette fois,
-les dceptions de jadis devaient tre pargnes
-l'amante.</p>
-
-<p>Jusqu'au jour o la mort vint la briser, cette nouvelle
-union embellit la vieillesse des deux tres qui
-l'avaient forme.</p>
-
-<p>Mme de Lieven trouva ainsi, auprs de l'honnte
-homme qu'elle aimait, le repos et la scurit d'affection
-qui, jusqu'alors, lui avaient fait dfaut. Cette histoire
-d'amour forme certainement la plus belle page de
-sa vie, la plus calme, la plus reposante, et c'est dans
-la correspondance change par elle avec le ministre
-de Louis-Philippe, correspondance dont la famille de
-l'acadmicien conserve prcieusement les originaux,
-que les admirateurs de la princesse iront chercher le
-meilleur d'elle-mme.</p>
-
-<p>Le bruit courut longtemps qu'un mariage secret
-avait uni les deux amis. M. Guizot lui-mme l'a dmenti
-dans une lettre Lord Aberdeen: Rien de
-<span class="pagenum"><a id="Page_364"> 364</a></span>
-secret ne nous et convenu ni l'un ni l'autre. De
-plus, je n'aurais jamais pous personne sans lui donner
-mon nom, et elle tenait au sien<a id="FNanchor_565" href="#Footnote_565" class="fnanchor">&nbsp;[565]</a>.</p>
-
-<p>Mme de Lieven ne tenait pas tant encore au nom
-qu'au titre. Sa rpugnance le perdre dut bien tre la
-vritable raison qui l'empcha d'accepter la lgitimation
-des liens de son c&oelig;ur.</p>
-
-<p>M. Ernest Daudet redit une anecdote qui, assure-t-il,
-se contait l'poque o ce mariage aurait pu
-avoir lieu.</p>
-
-<p>Un jour, en voiture, au bois de Boulogne, Mme de
-Nesselrode aurait pos cette question l'ancienne amie
-de M. de Metternich:</p>
-
-<p>Ma chre, on dit que vous allez pouser Guizot.
-Est-ce vrai?</p>
-
-<p>Et la princesse d'clater de rire et de s'crier en se
-renversant sur les coussins:</p>
-
-<p>&mdash;Oh! ma chre, me voyez-vous annonce madame
-Guizot!<a id="FNanchor_566" href="#Footnote_566" class="fnanchor">&nbsp;[566]</a></p>
-
-<p>Quoi qu'il en soit, dater du jour o elle se donna
- son dernier ami, Mme de Lieven fit deux parts de
-son activit politique: l'une lui sera rserve; elle
-emploiera l'autre renseigner le gouvernement russe
-sur l'tat des esprits en France.</p>
-
-<p>Elle apporte d'abord tout son c&oelig;ur au service de son
-amant. Quand ce dernier est envoy Londres comme
-ambassadeur de France<a id="FNanchor_567" href="#Footnote_567" class="fnanchor">&nbsp;[567]</a>, elle s'ingnie lui faciliter
-sa mission, lui viter les erreurs et les faux pas sur ce
-terrain nouveau pour lui. Sa profonde connaissance de
-<span class="pagenum"><a id="Page_365"> 365</a></span>
-la socit anglaise lui permet de le mettre en garde
-contre les maladroites man&oelig;uvres, les dmarches inutiles,
-le dangereux enivrement de la situation.</p>
-
-<p>Le 29 octobre 1840, M. Guizot, rappel Paris, reoit
-le portefeuille des affaires trangres. Il conservera
-le pouvoir jusqu'en 1848<a id="FNanchor_568" href="#Footnote_568" class="fnanchor">&nbsp;[568]</a>. Pendant cette longue priode,
-Mme de Lieven restera l'grie du ministre.</p>
-
-<p>Dans son salon, celui-ci rgne et gouverne<a id="FNanchor_569" href="#Footnote_569" class="fnanchor">&nbsp;[569]</a>.
-Deux fois par jour, 2 heures et aprs son dner, il
-vient passer quelques moments ou quelques heures
-auprs d'elle.</p>
-
-<p>Non seulement la princesse le conseille ou le rconforte,
-mais elle agit efficacement pour sa dfense quand
-il est menac.</p>
-
-<p>Au commencement de 1845, le ministre venait
-d'tre trs branl par l'affaire Pritchard. On pouvait
-craindre de voir Robert Peel se glorifier devant le Parlement
-d'un triomphe sur la France. Mme de Lieven voit
-le danger et charge le frre de Greville de demander
-instamment que, ni dans le discours de la Reine, ni
-dans la discussion de l'adresse, il ne soit rien dit qui
-puisse porter prjudice Guizot, dont le sort dpend
-d'une parole imprudente.<a id="FNanchor_570" href="#Footnote_570" class="fnanchor">&nbsp;[570]</a> Cette intervention fut
-efficace et Peel parla de la France de manire
-satisfaire pleinement Guizot, sans que la dignit de
-l'Angleterre ait aucunement en souffrir<a id="FNanchor_571" href="#Footnote_571" class="fnanchor">&nbsp;[571]</a>.</p>
-
-<p>Pendant toute la dure du passage aux affaires de
-<span class="pagenum"><a id="Page_366"> 366</a></span>
-son ami, la princesse, bien qu'assez froidement reue
-la Cour par la reine Amlie et par Madame Adlade<a id="FNanchor_572" href="#Footnote_572" class="fnanchor">&nbsp;[572]</a>,
-fut vritablement une puissance avec laquelle comptaient
-les puissants du jour<a id="FNanchor_573" href="#Footnote_573" class="fnanchor">&nbsp;[573]</a>.</p>
-
-<p>On aimerait tre certain qu'elle n'abusa jamais
-de cette situation privilgie.</p>
-
-<p>Greville disait: Sa prsence Paris... doit tre
-fort utile sa Cour, car une femme comme elle sait
-toujours glisser quelque observation intressante et
-utile<a id="FNanchor_574" href="#Footnote_574" class="fnanchor">&nbsp;[574]</a>.</p>
-
-<p>Elle avait repris sa correspondance avec la tsarine.
-Confiante en sa propre valeur, crit Mme de Mirabeau,
-elle s'estimait beaucoup plus pour ce qu'elle
-faisait que pour ce qu'elle tait et elle se sentait
-aussi fire d'tre, Paris, mandataire intime de
-son Empereur que d'avoir t Londres ambassadrice
-de Russie. Il est incontestable qu'elle fut un prcieux
-auxiliaire pour son pays, qu'elle servait avec une
-ardeur passionne<a id="FNanchor_575" href="#Footnote_575" class="fnanchor">&nbsp;[575]</a>.</p>
-
-<p>En effet, les conseillers de Nicolas se servaient volontiers
-de leurs intrigantes compatriotes pour se mieux
-renseigner.</p>
-
-<p>Au nombre des moyens employs par le gouvernement
-<span class="pagenum"><a id="Page_367"> 367</a></span>
-russe, disait en 1832 le major Lambert, est
-celui de faire voyager des femmes.</p>
-
-<p>Vous vous rappelez la belle Mme Narichkine,
-Mme Ostermann et tant d'autres qui employaient leurs
-charmes pour saisir des confidences<a id="FNanchor_576" href="#Footnote_576" class="fnanchor">&nbsp;[576]</a>.</p>
-
-<p>Le rle de Mme de Lieven dut rentrer dans cette
-catgorie. En tous cas, ce rle n'tait pas ignor de
-ses contemporains. Un jour, Mme de Mirabeau, nice
-de M. de Bacourt<a id="FNanchor_577" href="#Footnote_577" class="fnanchor">&nbsp;[577]</a>, consultait son oncle sur la
-manire de rpondre une pineuse demande de renseignements.
-Ce dernier, prcisment, tait en train
-d'crire la princesse:</p>
-
-<p>Mon oncle me prsente, en me disant de la lire,
-la lettre qu'il venait de terminer, et dans laquelle il
-passait en revue divers vnements de l'Europe et
-racontait d'agrables anecdotes indites; mais il aurait
-pu, sans se compromettre, publier le tout dans tous
-les journaux franais et trangers.&mdash;Voil, me dit-il,
-ce qu'on peut appeler un dner sans rti. Emploie le
-mme systme; notifie aimablement quelques dtails
-insignifiants et, si on dsire des renseignements plus
-srieux, on ira les chercher ailleurs<a id="FNanchor_578" href="#Footnote_578" class="fnanchor">&nbsp;[578]</a>.</p>
-
-<p>Dans une autre occasion, M. de Metternich communiquait
-au comte de Buol une lettre de miss Marion
-Ellice: Il vous suffira, d'ailleurs, de savoir, ajoutait-il,
-que cette miss Ellice est une personne doue de hautes
-qualits intellectuelles et que, depuis plusieurs annes,
-elle fait la correspondance de la princesse de Lieven, dont
-<span class="pagenum"><a id="Page_368"> 368</a></span>
-elle est l'amie intime... Vous savez que cette dernire
-joue le rle de correspondante personnelle de l'empereur
-Nicolas. Elle adresse ses rapports l'impratrice<a id="FNanchor_579" href="#Footnote_579" class="fnanchor">&nbsp;[579]</a>.</p>
-
-<p>Vers la mme poque, le marchal de Castellane,
-avec son rude parler de soldat, confirme ces indications:
-La princesse de Lieven et Mme Narichkine,
-dit-il, sont deux ambassadeurs femelles non avous,
-comme l'empereur de Russie en a toujours Paris<a id="FNanchor_580" href="#Footnote_580" class="fnanchor">&nbsp;[580]</a>.</p>
-
-<p>Aprs la mort de la princesse, Lord Malmesbury dira
-encore qu'elle avait toujours t employe comme
-agent secret par l'empereur Nicolas, avec qui elle correspondait
-directement<a id="FNanchor_581" href="#Footnote_581" class="fnanchor">&nbsp;[581]</a>.</p>
-
-<p>Ses familiers connaissaient donc le danger qu'ils
-couraient en se montrant trop confiants vis--vis de
-l'amie de M. Guizot. Il dut falloir toute l'habilet de
-celle-ci pour maintenir sa situation mondaine envers et
-contre tous les soupons qui pesaient sur elle.</p>
-
-<p>Mme de Lieven n'avait pas tard quitter son appartement
-de l'Htel de la Terrasse. Elle avait lou en 1838
-l'entresol du bel htel de Talleyrand, situ au coin de
-la rue de Rivoli et de la rue Saint-Florentin, avec vue
-sur la place de la Concorde. Cet immeuble venait d'tre
-achet par M. de Rothschild et l'tage en question avait
-constitu l'appartement particulier du prince de Bnvent.
-La duchesse de Talleyrand<a id="FNanchor_582" href="#Footnote_582" class="fnanchor">&nbsp;[582]</a> n'avait pas t sans
-tre froisse de cette location. Comment trouvez-vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_369"> 369</a></span>
-Mme de Lieven, disait-elle, qui m'crit l'autre jour
-qu'elle cherche louer l'entresol de M. de Talleyrand
-pour l'hiver prochain? C'est tre bien presse de me
-fermer sa porte, car vous pensez bien que c'est prcisment
-cet entresol qu'il me serait impossible de frquenter<a id="FNanchor_583" href="#Footnote_583" class="fnanchor">&nbsp;[583]</a>.</p>
-
-<p>La princesse passa outre ces susceptibilits. Installe
-dfinitivement dans l'htel l'anne suivante<a id="FNanchor_584" href="#Footnote_584" class="fnanchor">&nbsp;[584]</a>,
-c'est l qu'elle reut dsormais.</p>
-
-<p>Elle y passait l'hiver, partageant son t entre
-Baden-Baden, Schlangenbad, de courts voyages
-Londres ou quelques villgiatures chez ses intimes.</p>
-
-<p>A partir de 1845, elle occupa, pendant les mois de
-la belle saison, un pavillon tout ct de celui que
-M. Guizot habitait, dans un coin de Passy, alors
-presque dsert, qu'on appelait Beausjour, et qui est
-devenu le boulevard de ce nom<a id="FNanchor_585" href="#Footnote_585" class="fnanchor">&nbsp;[585]</a>.</p>
-
-<p>Mais quand survint la rvolution de 1848, Mme de
-Lieven dut quitter Paris. Elle tait trop compromise
-par ses relations avec le prsident du conseil pour ne
-pas avoir redouter le contre-coup des vnements.
-Greville raconte ainsi sa fuite, d'aprs elle-mme:</p>
-
-<p>Elle s'tait d'abord rfugie chez les Saint-Aulaire,
-puis l'ambassade d'Autriche: ensuite Pierre d'Arenberg
-l'a prise sous sa garde et l'a cache chez le
-peintre anglais Roberts, qui l'a amene ici ( Londres)
-<span class="pagenum"><a id="Page_370"> 370</a></span>
-comme sa femme, avec de l'or et des bijoux cachs
-dans sa robe<a id="FNanchor_586" href="#Footnote_586" class="fnanchor">&nbsp;[586]</a>.</p>
-
-<p>Le train qui la conduisait Londres transportait
-aussi M. Guizot, sans qu'elle s'en doutt. Le ministre
-s'tait chapp en passant par la Belgique.</p>
-
-<p>La princesse de Lieven devait rester loigne de
-Paris jusqu'au mois d'octobre 1849<a id="FNanchor_587" href="#Footnote_587" class="fnanchor">&nbsp;[587]</a>. Quand elle y
-revint, son salon reprit vite son importance.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_371"> 371</a></span>
-Un article du journal <i>l'vnement</i> annonce que le
-Prince Prsident en a interdit l'entre au gnral Changarnier,
-et celui-ci s'y rend ds le dimanche suivant
-comme pour dmentir cette information<a id="FNanchor_588" href="#Footnote_588" class="fnanchor">&nbsp;[588]</a>. C'est de
-ce salon que partent les tentatives de ngociations entames
-par Guizot, en vue d'une rconciliation et d'une
-entente de son parti avec Louis-Napolon. Parlant de
-ces pourparlers, la matresse de maison crivait Lord
-Beauvale (plus tard le comte Melbourne) le 1<sup>er</sup> dcembre
-1851: Beaucoup de personnes prtendent que,
-tout en ayant l'air de s'y prter, le prsident n'a pas
-grande envie d'user de ce moyen. Un coup d'tat le
-ferait mieux arriver, et il y est tout prpar<a id="FNanchor_589" href="#Footnote_589" class="fnanchor">&nbsp;[589]</a>.</p>
-
-<p>Vingt-quatre heures plus tard, l'vnement donnait
-raison Mme de Lieven.</p>
-
-<p>Aprs le 2 dcembre, l'influence de cette dernire
-reste redoute. Lord Malmesbury a entendu un amusant
-rcit d'un dner donn par les Douglas pour mettre
-en rapport le Prsident et l'ancienne ambassadrice:
-Ils ont t comme deux chiens de faence, et celle-ci
-a dclar qu'il n'y avait rien en faire<a id="FNanchor_590" href="#Footnote_590" class="fnanchor">&nbsp;[590]</a>.</p>
-
-<p>Quelques mois plus tard, quand Mlle de Montijo sera
-fiance l'empereur, ses conseillers la conduiront faire
-une visite rue Saint-Florentin: Notre future impratrice
-tait dimanche chez Mme de Lieven, crit M. de
-Saint-Aulaire, point embarrasse de prendre la premire
-place, de passer la premire aux portes et cela,
-dit-on, de fort bonne grce<a id="FNanchor_591" href="#Footnote_591" class="fnanchor">&nbsp;[591]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_372"> 372</a></span>
-L'hommage que rendait ainsi sa puissance celle
-qui devait tre bientt, dans sa radieuse beaut, l'impratrice
-Eugnie, n'empcha pas la princesse de commettre
-peu aprs l'une des plus graves erreurs de sa
-longue carrire.</p>
-
-<p>De srieuses complications avaient surgi entre la
-France et la Russie. La guerre allait clater entre les
-deux nations, amenant un dsastre pour la seconde.
-Dans cette guerre, dans cette meurtrissure de sa patrie,
-Mme de Lieven avait une large part de responsabilit.
-Elle avait encourag les illusions du gouvernement du
-tsar, pensant le nouvel empire franais trop peu solide
-pour risquer une aventure lointaine, convaincue que
-Napolon III cderait, si, Saint-Ptersbourg, on savait
-tre ferme. L'ambassadeur de Russie Paris, M. de
-Kisseleff, avait t plus clairvoyant, mais ce furent les
-conseils de la princesse qui l'emportrent<a id="FNanchor_592" href="#Footnote_592" class="fnanchor">&nbsp;[592]</a>.</p>
-
-<p>Quand nos troupes furent parties pour la Crime,
-elle prit tristement le chemin de Bruxelles<a id="FNanchor_593" href="#Footnote_593" class="fnanchor">&nbsp;[593]</a>. Malgr
-la continuation des hostilits, elle obtint l'automne
-l'autorisation de revenir Paris, et s'y tint dans une
-patriotique rserve, impatiente cependant de voir
-signer la paix afin de reprendre sa vie politique
-<span class="pagenum"><a id="Page_373"> 373</a></span>
-habituelle<a id="FNanchor_594" href="#Footnote_594" class="fnanchor">&nbsp;[594]</a>. Le trait de Paris<a id="FNanchor_595" href="#Footnote_595" class="fnanchor">&nbsp;[595]</a> aurait pu le lui
-permettre, mais la mort ne lui en laissa pas le temps.</p>
-
-<p>Depuis longtemps, sa sant, qui n'avait jamais t
-robuste, tait devenue trs prcaire<a id="FNanchor_596" href="#Footnote_596" class="fnanchor">&nbsp;[596]</a>.</p>
-
-<p>Au dbut de l'anne 1857, ses forces dclinrent
-rapidement. Elle avait alors soixante-douze ans, mais
-tait encore en pleine possession de toutes ses facults.</p>
-
-<p>Dans la nuit du 26 au 27 janvier, elle s'teignit sans
-souffrance, entoure de l'un de ses fils, d'un neveu,
-de son vieil et fidle ami, M. Guizot. Celui-ci, dans
-d'loquentes lettres au baron de Barante, a trac, en
-termes mus, le rcit de son agonie<a id="FNanchor_597" href="#Footnote_597" class="fnanchor">&nbsp;[597]</a>.</p>
-
-<p>Quand elle ne fut plus, on remit l'ancien prsident
-du Conseil un billet qu'elle avait griffonn la veille
-pour lui&mdash;son dernier billet, le point final de sa
-longue correspondance: Je vous remercie de vingt
-annes d'affection et de bonheur. Ne m'oubliez pas<a id="FNanchor_598" href="#Footnote_598" class="fnanchor">&nbsp;[598]</a>.</p>
-
-<p>Trois jours plus tard, sa dpouille mortelle quittait
-l'entresol de l'htel de Rothschild pour tre transporte
-au chteau de Mesohten, en Courlande, dans le caveau
-<span class="pagenum"><a id="Page_374"> 374</a></span>
-o reposaient dj son mari et les deux fils qu'elle
-avait perdus... dans le monument qu'elle leur avait
-fait lever<a id="FNanchor_599" href="#Footnote_599" class="fnanchor">&nbsp;[599]</a>.</p>
-
-<p>Elle avait dj vu disparatre ses deux frres,
-Alexandre et Constantin de Benckendorf. Des trois fils
-qui lui restaient son dpart de Russie, l'un avait succomb
-en Amrique, et son mari avait eu la cruaut
-de ne pas l'en aviser. Elle avait appris la nouvelle par
-une lettre qu'elle lui avait crite, retourne par la poste
- l'expditeur avec la mention Mort<a id="FNanchor_600" href="#Footnote_600" class="fnanchor">&nbsp;[600]</a>.</p>
-
-<p>Le jour qui prcda sa fin, elle demandait encore au
-baron de Hbner dans quelle ville devait se tenir le
-Congrs charg de rgler la question de Neuchtel<a id="FNanchor_601" href="#Footnote_601" class="fnanchor">&nbsp;[601]</a>.</p>
-
-<p>La politique fut ainsi, jusqu'au dernier soupir, le
-principal intrt de la vie de cette grande dame d'autrefois
-que fut la princesse Dorothe de Lieven.</p>
-
-<p class="subt">IV</p>
-
-<p>Le prince de Metternich pousa en troisimes noces,
-le 30 janvier 1831, la comtesse Mlanie Zichy-Ferraris,
-qui, dit M. de Falloux, peut-tre justifiait mieux cette
-<span class="pagenum"><a id="Page_375"> 375</a></span>
-union par l'clat de sa beaut que par le secours diplomatique
-qu'elle pouvait apporter un homme
-d'tat<a id="FNanchor_602" href="#Footnote_602" class="fnanchor">&nbsp;[602]</a>. A dfaut de ce secours, la nouvelle princesse
-donna son mari un dvouement ardent et passionn,
-fait d'admiration et de tendresse, dont les
-traces se retrouvent sans cesse dans le <i>Journal</i> laiss
-par elle<a id="FNanchor_603" href="#Footnote_603" class="fnanchor">&nbsp;[603]</a>.</p>
-
-<p>Mais, plus d'une fois, le chancelier eut rparer
-les erreurs de sa femme. Comme un jour, l'ambassadeur
-de France, le comte de Saint-Aulaire, complimentait
-celle-ci sur l'clat d'un splendide diadme
-dont elle avait orn son front, et lui disait: Madame,
-votre tte est pare d'une couronne, elle lui
-rpondit assez vivement: Pourquoi pas? elle m'appartient;
-si elle n'tait pas ma proprit, je ne la
-porterais pas<a id="FNanchor_604" href="#Footnote_604" class="fnanchor">&nbsp;[604]</a>.</p>
-
-<p>Cette scne se passait le 1<sup>er</sup> janvier 1834. La rvolution
-de 1830 n'tait pas encore oublie. On vit dans
-ces paroles une allusion blessante pour Louis-Philippe,
-et il ne fallut rien moins qu'une intervention du chancelier
-et une dmarche aux Tuileries du comte Apponyi
-pour rparer cette maladresse<a id="FNanchor_605" href="#Footnote_605" class="fnanchor">&nbsp;[605]</a>.</p>
-
-<p>Malgr ses incartades, la princesse Mlanie exera
-une influence relle sur son mari et ne fut peut-tre
-pas trangre l'aveuglement politique qui amena la
-chute de celui-ci.</p>
-
-<p>Le prince avait vu l'apoge de sa puissance au
-Congrs de Vrone. Le systme auquel il avait donn
-<span class="pagenum"><a id="Page_376"> 376</a></span>
-son nom, orgueilleusement dfini par lui l'application
-des lois qui rgissent le monde<a id="FNanchor_606" href="#Footnote_606" class="fnanchor">&nbsp;[606]</a> tenait trop
-peu compte des intrts et des ides en mouvement,
-pour ne pas se heurter bien vite des obstacles insurmontables.</p>
-
-<p>Les nations europennes chappaient l'une aprs
-l'autre son joug. De toutes parts, son &oelig;uvre donnait
-des signes de dcrpitude: Je passe mon
-temps, disait-il lui-mme, tayer des difices vermoulus<a id="FNanchor_607" href="#Footnote_607" class="fnanchor">&nbsp;[607]</a>.</p>
-
-<p>Aprs la mort de Franois I<sup>er</sup>, son successeur, le
-dbile Ferdinand I<sup>er</sup> conserva ses hautes fonctions
-M. de Metternich, mais le pouvoir du chancelier devint
-de jour en jour plus prcaire. Le rveil des nationalits,
-jusque-l mconnues par lui, amenait des troubles
-sanglants en Hongrie, en Galicie. Dans les provinces
-slaves, l'opposition grandissait.</p>
-
-<p>Au dehors, les affaires de Belgique, les affaires d'Espagne,
-l'agitation de l'Allemagne troublaient le vieux
-diplomate, qui, devenu trs sourd, presque aveugle,
-assistait impuissant au dclin de sa grandeur.</p>
-
-<p>Il sombra dfinitivement au mois de mars 1848. Les
-nouvelles de la Rvolution accomplie Paris dterminrent
-la catastrophe.</p>
-
-<p>A ce moment, l'impopularit du prince de Metternich
-tait son comble. Dans la famille impriale mme, il
-n'tait pas aim, et l'empereur Franois n'tait plus
-l pour le couvrir. Un concurrent redoutable pour lui
-avait surgi en la personne du comte Kolowrat, qui
-reprsentait, aux yeux de tous, un vague libralisme
-<span class="pagenum"><a id="Page_377"> 377</a></span>
-en opposition avec toutes les ides de l'ancien rgne.</p>
-
-<p>Le chancelier pourtant ne semblait pas prvoir le
-danger imminent dont il tait menac. Le comte de
-Hbner a fait un curieux tableau de la quitude qui
-rgnait alors au palais de la Chancellerie: Ce qui me
-frappe sans m'tonner, crit-il le 25 fvrier 1848, c'est
-l'insouciance, le laisser-aller charmant qui, malgr les
-gros nuages qui pointent sur l'horizon, rgnent dans
-ce salon (celui de la princesse Mlanie) aux petits
-jours, lorsque la matresse de la maison runit les
-lus: quelques gros bonnets du corps diplomatique,
-quelques <i>big swells</i> du pays, tandis que la jeunesse se
-groupe autour du th de la princesse Herminie de
-Metternich. Notre socit est si habitue au beau temps
-qui a rgn en Autriche depuis 1815, qu'elle a perdu
-le souvenir des temptes du commencement du
-sicle<a id="FNanchor_608" href="#Footnote_608" class="fnanchor">&nbsp;[608]</a>.</p>
-
-<p>Le 13 mars cependant, les tudiants de Vienne
-envahirent la salle des tats de la Basse-Autriche, et
-contraignirent ceux-ci demander le renvoi immdiat
-de M. de Metternich.</p>
-
-<p>Mme de Lieven tenait de M. de Flahault un rcit de
-la crise. Tous les dtails n'en sont peut-tre pas scrupuleusement
-exacts, mais dans ces pages o l'ancienne
-ambassadrice tient la premire place, sa version est
-celle qu'il est le plus intressant de citer:</p>
-
-<p>Quand le peuple s'est soulev et a demand des
-rformes librales, on a promis qu'une rponse serait
-donne dans les deux heures, et ministres et archiducs
-se sont runis en conseil. La question pose, Metternich
-<span class="pagenum"><a id="Page_378"> 378</a></span>
-prend la parole et prore pendant une heure et
-demie pour ne rien dire, jusqu' ce que l'archiduc
-Jean, tirant sa montre, lui fasse cette observation:&mdash;Prince,
-il nous reste une demi-heure, et nous
-n'avons pas encore dlibr sur la rponse qu'il convient
-de faire au peuple.&mdash;Monseigneur, s'crie
-alors Kolowrat, voil vingt-cinq ans que je sige
-dans ce conseil avec le prince de Metternich, et je l'ai
-toujours entendu parler ainsi sans venir au fait.&mdash;Mais
-aujourd'hui, il faut y venir et sans tarder,
-reprend l'archiduc. Savez-vous, prince, que les premiers
-du peuple demandent votre dmission? Metternich
-de rpondre qu' son lit de mort l'empereur
-Franois lui a fait jurer de ne jamais abandonner son
-fils, mais que, si la famille impriale dsire sa retraite,
-il se considrera comme relev de son serment. Les
-archiducs dclarent qu'ils la dsirent, et il consent
-s'en aller. Alors l'Empereur intervient pour dire:
-C'est moi qui suis le souverain aprs tout, et c'est
-moi de dcider. Dites au peuple que je consens
-tout! Ce crtin couronn ayant ainsi rgl la question,
-le grand ministre qui, pendant quarante ans, avait
-despotiquement gouvern l'empire dont il tait la personnification,
-s'est aussitt retir, et l'heure prsente
-on ignore encore le lieu o il a cherch un
-refuge<a id="FNanchor_609" href="#Footnote_609" class="fnanchor">&nbsp;[609]</a>.</p>
-
-<p>Ce conseil s'tait tenu chez l'archiduc Louis, dans la
-nuit du 13 au 14 mars.</p>
-
-<p>Son sacrifice accompli, l'ex-chancelier rentra dans son
-palais. Les preuves commenaient: Je ne saurais dire,
-<span class="pagenum"><a id="Page_379"> 379</a></span>
-crit la princesse Mlanie, tous les tmoignages d'ingratitude
-et de basse mchancet que j'ai recueillis en
-ce jour. Je n'ai jamais fait grand cas des hommes, mais
-j'avoue que je ne me les tais pas figurs aussi vils. De
-mme que les rats abandonnent un navire qui sombre,
-de mme nous avons t fuis par une foule d'amis
-gars par la peur.</p>
-
-<p>L'pouse admirable ajoute: Tout le monde se
-rjouissait de voir Clment abaiss dans l'opinion
-publique de l'Europe; mais moi je le regarde comme
-plus grand que jamais<a id="FNanchor_610" href="#Footnote_610" class="fnanchor">&nbsp;[610]</a>.</p>
-
-<p>Le 14 mars au matin, le prince de Metternich dut
-quitter la Chancellerie et se rfugier chez ses amis
-Taaffe. Mais Vienne n'tait plus un abri sr pour
-lui. Escort de sa femme et de trois fidles, Rodolphe
-de Liechtenstein, Charles Hgel et Rechberg,
-il se rendit nuitamment au chteau de Felsberg<a id="FNanchor_611" href="#Footnote_611" class="fnanchor">&nbsp;[611]</a>.
-Le 21, la municipalit de la petite ville exigea son
-dpart dans les vingt-quatre heures. Celui qui avait
-eu l'Europe ses pieds ne savait o aller.</p>
-
-<p>Sa fille lui suggra l'ide de chercher un refuge en
-Angleterre.</p>
-
-<p>Il partit pour Olmtz: le commandant d'armes ne
-voulut pas engager sa responsabilit en le laissant
-pntrer dans cette place. Il repartit en chemin de fer,
-et dbarqua, avec sa femme, la dernire station
-avant Prague, tous deux se dissimulant comme
-des voleurs<a id="FNanchor_612" href="#Footnote_612" class="fnanchor">&nbsp;[612]</a>. Les fugitifs purent, en payant le
-<span class="pagenum"><a id="Page_380"> 380</a></span>
-triple du tarif, se faire conduire en voiture Dresde.</p>
-
-<p>La traverse de l'Allemagne ne prsentait gure plus
-de scurit pour eux que celle des tats autrichiens.
-De Dresde Hanovre, ils firent le voyage dans leur
-berline, que l'on avait place sur un wagon en leur
-imposant l'obligation de tenir les stores baisss.</p>
-
-<p>Par Minden, Frstenau, Oldenzort ils atteignirent
-la Hollande, et, le 20 avril, ils dbarqurent Blackwall
-d'o ils gagnrent Londres dans la mme journe<a id="FNanchor_613" href="#Footnote_613" class="fnanchor">&nbsp;[613]</a>.</p>
-
-<p>L'accueil que le prince reut adoucit ses blessures.
-Dans son pays, il ne pouvait plus compter sur personne<a id="FNanchor_614" href="#Footnote_614" class="fnanchor">&nbsp;[614]</a>.
-Mais le peuple anglais a le culte des souvenirs
-glorieux. Dchu, le chancelier d'Autriche tait encore
-le reprsentant d'un pass de force et de puissance.
-Tout ce qui avait un nom tint honneur de l'entourer.</p>
-
-<p>Son orgueil d'ailleurs ne l'avait pas abandonn. Il
-retrouva, sur le sol de la Grande-Bretagne, un autre
-grand proscrit, M. Guizot, et ce dernier nous donne,
-dans ses <i>Mmoires</i>, une curieuse preuve de cette vanit
-persistante. Il rapporte ainsi une conversation qu'il
-eut avec son ancien collgue: L'erreur, me dit-il
-un jour, avec un demi-sourire qui semblait excuser
-d'avance ses paroles, l'erreur n'a jamais approch de
-mon esprit.&mdash;J'ai t plus heureux que vous, mon
-prince, lui dis-je; je me suis plus d'une fois aperu
-que je m'tais tromp<a id="FNanchor_615" href="#Footnote_615" class="fnanchor">&nbsp;[615]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_381"> 381</a></span>
-M. de Metternich ne comprit peut-tre pas cette fine
-repartie.</p>
-
-<p>Pourtant la terre d'exil tait dure pour ce vaincu.
-Aprs avoir pass quelques mois Brighton, la fin de
-1848, le printemps et l't de 1849 Richmond, le
-prince se rendit Bruxelles<a id="FNanchor_616" href="#Footnote_616" class="fnanchor">&nbsp;[616]</a>: pour l'ancien propritaire
-du Johannisberg, de Plass, de K&oelig;nigswart, de tant
-de terres et de chteaux somptueux, mis sous squestre,
-le sjour de l'Angleterre tait devenu trop onreux!</p>
-
-<p>Cependant l'heure de l'oubli vint, l'orage s'apaisa.
-L'ancien chancelier, auquel ses biens avaient t rendus,
-put retourner au Johannisberg en juin 1851. Le sjour
-de Vienne redevenait possible pour lui: la rvolution
-dmocratique et constitutionnelle de 1848 avait abouti
- une restauration du pouvoir absolu. M. de Metternich
-rentra dans la capitale de l'Autriche au mois de septembre
-1851. Il tait dsormais l'abri des temptes,
-mais sa carrire politique tait termine.</p>
-
-<p>Il vcut assez pour voir le dbut de la guerre d'Italie,
-avec laquelle commenaient les longs malheurs de sa
-patrie. Il s'teignit doucement et sans agonie<a id="FNanchor_617" href="#Footnote_617" class="fnanchor">&nbsp;[617]</a>
- Vienne le 11 juin 1859 vers midi, sept jours aprs
-Magenta, treize jours avant Solfrino.</p>
-
-<p>Durant les dernires annes de sa vie, les deuils de
-famille avaient continu fondre sur lui.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_382"> 382</a></span>
-En 1829, quelques mois aprs sa seconde femme, il
-avait perdu son fils an, le prince Victor. En 1833 et en
-1836, il avait eu pleurer une fille, puis un fils, issus de
-son troisime mariage, la petite princesse Marie et le jeune
-prince Clment. Enfin, le 3 mars 1854, il voyait s'teindre
-la fidle compagne des mauvaises heures, l'amie constante
-et sre des routes de l'exil, sa troisime femme, la
-princesse Mlanie. Des quatorze enfants auxquels il avait
-donn son nom, six seulement lui survivaient<a id="FNanchor_618" href="#Footnote_618" class="fnanchor">&nbsp;[618]</a>.</p>
-
-<p>L'ancien chancelier, avant de mourir, avait aussi vu
-disparatre deux femmes dont les noms devaient veiller
-en lui bien des penses: Paris, la princesse de
-Lieven, en janvier 1857, Vienne la princesse Bagration,
-le 21 mai de la mme anne.</p>
-
-<p>Cette dernire tait revenue habiter l'Autriche. Elle
-avait t accueillie avec empressement par son ancien
-amant. Quand elle succomba, les familiers du prince
-<span class="pagenum"><a id="Page_383"> 383</a></span>
-n'osrent, pendant trois jours, lui annoncer la nouvelle,
-tant ils redoutaient la secousse que celle-ci pouvait
-causer au vieillard. Il fallut pourtant s'y rsoudre,
-lorsque les journaux annoncrent le dcs. Aprs bien
-des prcautions oratoires, on se risqua lui dire la
-vrit. L'ancien chancelier, trs tranquillement, eut
-seulement ces mots pour rponse: Vraiment, cela
-m'tonne qu'elle ait vcu si longtemps<a id="FNanchor_619" href="#Footnote_619" class="fnanchor">&nbsp;[619]</a>.</p>
-
-<p>Nous ne savons ce qu'il put dire de la princesse de
-Lieven. Trs probablement, son oraison funbre ne
-fut pas plus tendre. gosme et oubli! Celle qu'il
-avait tant aime mritait pourtant mieux. A dfaut d'un
-regret la matresse, son c&oelig;ur aurait t quitable en
-faisant l'amour pass la grce d'un souvenir mu.</p>
-
-<p>De cet amour, ses lettres, seules, ont survcu. Elles
-lui attireront peut-tre, aprs quatre-vingt-dix ans,
-quelques sympathies nouvelles. On retrouvera en elles
-un peu de l'me de ce grand charmeur, dont tant de
-ses contemporaines ont subi la fascination.</p>
-
-<p>Sans doute, les pages crites l'amie du moment
-tmoignent de beaucoup d'infatuation, de beaucoup
-de lgret, de beaucoup de pdantisme philosophique.
-Mais elles ne seraient pas de M. de Metternich, s'il en
-tait autrement.</p>
-
-<p class="subt">V</p>
-
-<p>Pour ne pas interrompre le rapide expos des aventures
-de nos deux personnages, nous avons rserv
-<span class="pagenum"><a id="Page_384"> 384</a></span>
-pour ces pages le rcit de leurs dernires rencontres.</p>
-
-<p>Au reste, ce n'tait pas tant l'histoire de leur vie que
-celle de leur commune passion qu'il s'agissait de conter,
-et les rencontres dont nous allons parler, aprs l'amour,
-aprs la haine, marquent l'oubli, cette seconde mort
-de toute liaison.</p>
-
-<p>On nous pardonnera de revenir en arrire pour
-faire assister le lecteur la mlancolique conclusion de
-ce roman mi-parti politique, mi-parti sentimental.</p>
-
-<p>Aprs leur rupture, le prince de Metternich et la
-princesse de Lieven taient rests plus de vingt annes
-sans se revoir.</p>
-
-<p>Le temps, ce grand pacificateur, avait fait son
-&oelig;uvre quand, en 1848, ils se retrouvrent Brighton.</p>
-
-<p>Le destin avait t cruel pour l'un comme pour
-l'autre.</p>
-
-<p>Le chancelier, proscrit, chass de son pays par la
-rvolution, cherchait avec angoisse la place o il pourrait
-poser sa tte pour mourir<a id="FNanchor_620" href="#Footnote_620" class="fnanchor">&nbsp;[620]</a>. Infirme,
-dpouill de ses biens, abandonn de tous, il ne lui restait,
-de sa puissance perdue, que le spectacle des ingratitudes
-dont il tait abreuv. Dans ce dsastre, seule,
-sa confiance en lui-mme survivait.</p>
-
-<p>Celle qui avait t l'ambassadrice fte du tsar, vieillie,
-malade, brise dans ses plus pures affections, se
-trouvait sur la mme terre hospitalire, aprs avoir fui,
-elle aussi, devant l'meute populaire.</p>
-
-<p>Cependant, une consolation leur avait t rserve:
-aux cts de M. de Metternich, le zle d'une femme
-trs dvoue s'efforait de panser les blessures du
-<span class="pagenum"><a id="Page_385"> 385</a></span>
-vieil homme d'tat; ceux de Mme de Lieven, se
-trouvait l'ami sr au sort duquel elle avait, avec tendresse,
-dfinitivement li le sien. Mais ce n'tait ni la
-princesse Mlanie ni M. Guizot que Clment et
-Dorothe pensaient quand, jadis, Aix, ils s'taient
-rjouis de ne plus tre seuls, chacun de leur ct,
-dans la vie...</p>
-
-<p>Au mois de novembre 1848, l'un et l'autre taient
-venus chercher un peu de calme et de repos au bord
-de la mer, Brighton. Ils se virent frquemment, et
-leurs relations renoues se continurent Richmond
-et Londres, suivant les tapes de l'exil.</p>
-
-<p>La troisime princesse de Metternich parle de ces
-rencontres dans les termes les plus simples: La princesse
-de Lieven est arrive. J'ai eu avec elle un entretien
-de deux heures... Je suis alle avec Clment faire
-une visite la princesse de Lieven. Nous y avons
-trouv M. Guizot... Nous voyons beaucoup la princesse
-de Lieven. Elle nous tient au courant de tout ce qui se
-passe Paris... La comtesse Chreptovitch, fille du
-comte de Nesselrode, est venue nous voir avec la princesse
-de Lieven...<a id="FNanchor_621" href="#Footnote_621" class="fnanchor">&nbsp;[621]</a></p>
-
-<p>Nous connaissons d'autre part, par une lettre de
-Mme de Lieven M. de Barante, l'impression de celle-ci:
-l'ami d'autrefois n'avait pas retrouv son aurole.</p>
-
-<p>Je vois M. et Mme de Metternich tous les jours,
-crit-elle. Elle, grosse, vulgaire, naturelle, bonne et
-d'un usage facile. Lui, plein de srnit, de satisfaction
-intrieure, d'interminable bavardage, bien long,
-bien lent, bien lourd, trs mtaphysique, ennuyeux
-<span class="pagenum"><a id="Page_386"> 386</a></span>
-quand il parle de lui-mme et de son infaillibilit, charmant
-quand il raconte le pass et surtout l'empereur
-Napolon<a id="FNanchor_622" href="#Footnote_622" class="fnanchor">&nbsp;[622]</a>.</p>
-
-<p>En aot 1850, l'ancien chancelier et l'ex-ambassadrice
-se retrouvrent encore Bruxelles. Le prince s'apprtait
- prendre le chemin du retour vers sa patrie.
-Mme de Lieven revenait de Schlangenbad et rentrait en
-France, en passant par l'Angleterre<a id="FNanchor_623" href="#Footnote_623" class="fnanchor">&nbsp;[623]</a>. Ils ne devaient
-plus se voir. Le journal de la princesse Mlanie nous
-fait connatre le sujet de quelques discussions politiques
-auxquelles ils prirent part pendant ces rapides
-runions, mais nous ne savons rien de plus sur leurs
-adieux.</p>
-
-<p>Si donc l'on prenait la lettre les documents que
-nous venons de citer, aucune fibre du c&oelig;ur du prince
-ou de celui de la princesse n'aurait tressailli au cours
-de ces entrevues.</p>
-
-<p>Mme en l'absence de tout document, ne peut-on
-penser qu'il dut cependant en tre autrement? Purent-ils
-vraiment se ctoyer sans jeter un regard sur le
-pass? N'taient-ils pas, l'un pour l'autre, l'vocation
-vivante de leurs plus brillantes annes?</p>
-
-<p>Ils taient l'apoge de leurs carrires lorsqu'ils
-s'taient aims. Ils ne se retrouvaient, aigris et dsabuss,
-que pour comparer leurs dtresses.</p>
-
-<p>S'ils n'changrent pas les paroles mues qui auraient
-pu leur venir aux lvres, si mme ils en changrent
-dont ils ont gard le secret, revcurent-ils par la pense
-<span class="pagenum"><a id="Page_387"> 387</a></span>
-les jours jamais rvolus, ceux o ils s'taient adress
-de si tendres et vibrants serments d'amour?</p>
-
-<p>Pensrent-ils ce toujours dont ils avaient voulu
-faire la devise de leur passion et qui n'est pas dans la
-nature humaine?</p>
-
-<p>Ces deux vaincus se souvinrent-ils de la mlancolique
-pense crite par Jean-Paul sur l'album du Johannisberg,
-au temps o leurs deux c&oelig;urs n'en faisaient
-qu'un: Le souvenir est le seul Paradis d'o nous ne
-puissions tre chasss?</p>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_388"> 388</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_389"> 389</a></span></p>
-<p class="space extra">SOURCES</p>
-<hr class="deco" />
-
-<div class="topspace chapter">
-<h2 class="normal">I<br />
-<span class="medium">LETTRES DU PRINCE DE METTERNICH<br />
-A LA COMTESSE DE LIEVEN</span></h2>
-</div>
-
-<p>Les lettres publies dans le prsent volume sont reproduites
-d'aprs les originaux, sans aucune suppression ni modification,
-sauf la rectification de l'orthographe.</p>
-
-<p>Ces originaux, de la main du prince de Metternich, sont
-crits en franais. Ils ont t, trs antrieurement l'poque
-o ils sont venus en notre possession, runis en deux volumes,
-revtus chacun d'un carton bleu ple.</p>
-
-<p>Le premier volume comprend les lettres crites en 1818; le
-second celles crites pendant les quatre premiers mois de 1819.
-Au dos du premier, une inscription manuscrite porte:</p>
-
-<p class="center"><i>1818.&mdash;1-9.&mdash;Correspondance intime du P</i><sup>ce</sup> <i>de M.<br />
-1818-1826</i>.</p>
-
-<p>Au dos du second, on lit galement:</p>
-
-<p class="center"><i>1819.&mdash;10-24.&mdash;Corresp</i><sup>ce</sup> <i>intime du P</i><sup>ce</sup> <i>de M</i><sup>ch</sup>.<br />
-<i>1818-1826</i>.</p>
-
-<p>Aprs l'indication de l'anne, 1818 ou 1819, les chiffres
-1-9, 10-24 sont les numros d'ordre des lettres contenues dans
-chaque recueil.</p>
-
-<p>Toutes ces lettres sont crites sur fort papier blanc, dor
-<span class="pagenum"><a id="Page_390"> 390</a></span>
-sur tranches, de format variable. Les dimensions extrmes
-s'cartent peu cependant de 12<sup>c</sup> 1/2 sur 20<sup>c</sup> 1/2.</p>
-
-<div class="chapter">
-<h2 class="normal">II<br />
-INTRODUCTION ET CONCLUSION</h2>
-<p class="subt">1<sup>o</sup> LA PRINCESSE DE LIEVEN</p>
-</div>
-
-<p class="subh">A) <i>Correspondance et Mmoires de la princesse.</i></p>
-
-<p>1<sup>o</sup> <i>Correspondence of princess Lieven and Earl Grey</i>, 1824-1841,
-edited and translated by Guy Le Strange. 3 vol. in-8<sup>o</sup>.
-Londres, R. Bentley, 1890.</p>
-
-<div class="comments">
-<p>Aprs la mort de Lord Grey, en juillet 1845, les lettres de
-Mme de Lieven furent rendues celle-ci par les excuteurs testamentaires
-du comte. En octobre 1846, Mme de Lieven les
-confia, en mme temps que celles elle adresses par l'homme
-d'tat anglais au duc de Sutherland.</p>
-
-<p>crites en franais, les lettres de la princesse ont t, pour cette
-publication, traduites en anglais.</p>
-
-<p>Cet ouvrage a donn lieu de nombreux articles et comptes
-rendus.</p>
-
-<p>En France, Mlle Marie Dronsart en a donn une analyse trs
-fidle dans: <i>La princesse de Lieven et le comte Grey</i> (<i>Correspondant</i>
-du 10 juin 1890, t. CLIX, p. 907).</p>
-
-<p>En Angleterre, voir <i>Edinburgh Review</i>, t. CLXXI, p. 453;
-<i>Westminster Review</i>, t. CXXXIII, p. 643; <i>Athenum</i> t. XC-1,
-p. 141, t. XCI-1, p. 145; <i>Spectator</i>, t. LXIV, p. 121; <i>Saturday
-Review</i>, t. LXIX, p. 71; t. LXXI, p. 177.</p>
-</div>
-
-<p>2<sup>o</sup> <i>Lettres de la princesse de Lieven M. de Bacourt</i> publies
-par la comtesse de Mirabeau (<i>Correspondant</i> du 10 aot 1893,
-t. CLXXII, p. 531).</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> <i>Un roman du prince de Metternich</i>, par M. Ernest Daudet,
-(<i>Revue hebdomadaire</i>), du 29 juillet 1899, t. VIII, p. 648, et
-du 4 aot 1899, t. IX, p. 30).</p>
-
-<p class="comments">Contient quatre lettres de Mme de Lieven au prince de Metternich.
-Bien que M. Daudet, par excs de prudence, hsite les lui
-<span class="pagenum"><a id="Page_391"> 391</a></span>
-attribuer d'une faon certaine, ces lettres sont certainement de
-Mme de Lieven, de mme que les lettres du prince, publies dans
-le mme travail, sont adresses cette dernire. Les unes et les autres
-font partie de la correspondance dont nous publions ici le dbut.</p>
-
-<p>4<sup>o</sup> <i>Souvenirs du baron de Barante, de l'Acadmie franaise</i>,
-1782-1866, publis par son petit-fils Claude de Barante. 8 vol.
-in-8<sup>o</sup>. Paris, Calmann Lvy, 1890-1901.</p>
-
-<p class="comments">Les tomes V et VII contiennent vingt-six lettres crites par la princesse
-au baron de Barante et dates du 17 fvrier 1836 au 23 octobre
-1850. Il est, par ailleurs, souvent question de Mme de Lieven, soit
-dans les souvenirs eux-mmes, soit dans les lettres crites ou reues
-par l'auteur.</p>
-
-<p>5<sup>o</sup> <i>Pauls Tod. Aufzeichnung der Frstin Darja Christophorowna
-Liewen geb. Baronesse Benkendorf.</i> Extraits des mmoires
-de la princesse (11-23 mars 1801) o elle raconte ce
-qu'elle vit de la tragdie o Paul I<sup>er</sup> trouva la mort, publis
-dans: <i>Die Ermordung Pauls und die Thronbesteigung Nikolaus I.</i>
-Neue Materialen verffentlicht und eingeleitet von Professor
-Dr. Theodor Schiemann. In-8<sup>o</sup>, Berlin, Georg Reimer, 1902.</p>
-
-<p>6<sup>o</sup> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
-in London</i>, 1812-1834. Edited by Lionel G. Robinson,
-in-8<sup>o</sup>, Londres, Longmans, Green and C<sup>o</sup>, 1902.</p>
-
-<p class="comments">Ces lettres, traduites en anglais et prcdes d'une remarquable
-tude de L. G. Robinson, sont extraites de la correspondance
-change entre Mme de Lieven et son frre, le gnral Alexandre
-de Benckendorf, et qui est passe, par hritage, entre les mains de
-la famille Apponyi.</p>
-
-<p>7<sup>o</sup> Les ouvrages de M. Ernest Daudet, classs dans la srie
-qui suit, contiennent de nombreux extraits de lettres de
-Mme de Lieven.</p>
-
-<p class="subh">B) <i>Biographies.</i></p>
-
-<p>1<sup>o</sup> <i>Mlanges biographiques et littraires. La princesse de
-Lieven</i> par M. Guizot, in-8<sup>o</sup>. Paris, Michel Lvy, 1868.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> Article <i>Lieven</i> (<i>Dorothe de Benckendorf, princesse de</i>)
-<span class="pagenum"><a id="Page_392"> 392</a></span>
-par G. G. (Guillaume Guizot) dans la <i>Biographie Universelle
-ancienne et moderne</i> (<i>Michaud</i>).</p>
-
-<p class="comments">M. Guillaume Guizot, dans cet article, reproduit en partie les
-renseignements donns par son pre dans l'ouvrage prcdent.</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> <i>Portrait de Mme la princesse de Lieven la manire du
-duc de Saint-Simon.</i> Janvier 1857.&mdash;<i>Notice of the late princess
-of Lieven</i>, par Ralph Sneyd, publie dans les <i>Miscellanies
-of the Philobiblon Society</i>, t. XIII, Londres, 1871-1872.</p>
-
-<p class="comments">Portrait trs curieux de la princesse la fin de sa vie, crit en
-franais. Il avait t donn par M. Sneyd Lady Alice Peel, l'une
-des amies les plus intimes de Mme de Lieven.</p>
-
-<p>4<sup>o</sup> <i>Frstin Dorothea Lieven</i>, par Arthur Kleinschmidt, dans
-<i>Westermanns Illustrierte deutsche Monatshefte</i> (Brunswick)
-octobre 1898, livraison 505, p. 21.</p>
-
-<p>5<sup>o</sup> <i>Princess Lieven</i>, par M. A. Laugel dans <i>The Nation</i> (New
-York), t. LXXIII, p. 299 et 319.</p>
-
-<p>6<sup>o</sup> <i>Princess Lieven and her Friendships</i> dans <i>Temple Bar</i>
-(Londres) t. CXIX, p. 517.</p>
-
-<p class="space">M. Ernest Daudet qui, le premier en France, a tudi avec
-soin la vie et le rle de Mme de Lieven, a publi sur elle,
-outre l'ouvrage mentionn sous le n<sup>o</sup> 3 de la prcdente srie:</p>
-
-<p>7<sup>o</sup> <i>La princesse de Lieven</i>, d'aprs les papiers indits de la
-duchesse Decazes (journal <i>Le Temps</i> des 10 et 20 janvier 1898).</p>
-
-<p>Ces articles ont t analyss dans la <i>Revue encyclopdique</i>,
-1898, p. 217.</p>
-
-<p>8<sup>o</sup> <i>La princesse de Lieven</i> (<i>Revue des Deux Mondes</i> du
-15 septembre 1901, t. CLXVII, p. 307).</p>
-
-<p>9<sup>o</sup> <i>La reine Victoria en France</i> (1843). (<i>Revue des Deux
-Mondes</i> du 15 mars 1902, t. CLXX, p. 357).</p>
-
-<p class="comments">D'aprs la correspondance indite de la princesse et de M. Guizot.</p>
-
-<p>10<sup>o</sup> <i>Une vie d'Ambassadrice au sicle dernier.</i> (<i>Revue des
-Deux Mondes</i>, 1<sup>er</sup> janvier, 1<sup>er</sup> fvrier et 1<sup>er</sup> mars 1903,
-t. CLXXIV, p. 154 et 625; t. CLXXV, p. 194).</p>
-
-<div class="comments">
-<p>Pour ces diffrents travaux, M. Daudet a utilis les lettres de
-Mme de Lieven son frre, dont une partie seulement avait t
-publie par M. Lionel G. Robinson, sa correspondance avec Guizot
-<span class="pagenum"><a id="Page_393"> 393</a></span>
-et les archives de famille du duc Decazes. Ils contiennent de nombreux
-extraits de lettres de Mme de Lieven.</p>
-
-<p>M. E. Daudet, qui ne cache pas sa sympathie pour son hrone,
-a condens les tudes ci-dessus en un volume:</p>
-</div>
-
-<p>11<sup>o</sup> <i>Une vie d'Ambassadrice au sicle dernier. La princesse
-de Lieven.</i> in-8<sup>o</sup>. Paris, Plon, 1903.</p>
-
-<p class="comments">Voir au sujet de ce livre les comptes rendus de M. Paul Muret,
-dans la <i>Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine</i>, t. V, 1903-1904,
-p. 136, de M. L. Batiffol dans la <i>Revue Hebdomadaire</i>,
-t. XII, 1903, p. 172, de M. Gaston Deschamps dans le <i>Temps</i> du
-2 aot 1903.</p>
-
-<p class="subh">C) <i>Mmoires et Correspondances des Contemporains.</i></p>
-
-<p>1<sup>o</sup> <i>Mmoires d'outre-tombe</i>, par Chateaubriand, parus
-d'abord dans la <i>Presse</i> (21 octobre 1848-3 juillet 1850), puis
-en 12 volumes in-12, 1849-1850.</p>
-
-<p class="comments">Nous avons suivi l'dition de cet ouvrage clbre donne
-par M. Edmond Bir, 6 vol. in-12, Paris, Garnier frres, s. d.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> <i>Mmoires pour servir l'Histoire de mon Temps</i> par
-M. Guizot. 8 vol. in-8<sup>o</sup>, Paris, Michel Lvy, 1858.</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> <i>Despatches, Correspondence and memoranda of field
-marshal Arthur, duke of Wellington</i>, 1819-1832, edited by his
-son the duke of Wellington (in continuation of the former
-series), 8 vol. in-8<sup>o</sup>&mdash;Londres, John Murray, 1867-1880.</p>
-
-<p class="comments">Les premires sries: <i>Despatches from 1799 to 1818</i>, compiled
-from official and authentic documents by lieutenant-colonel Gurwood,
-13 vol. in-8<sup>o</sup>, Londres, 1834-1839, dont de nouvelles ditions
-ont t donnes en 8 vol. in-8<sup>o</sup> en 1844-1847 et en 1852, et
-<i>Supplementary Despatches and Memoranda</i> (1794-1818) edited
-by his son the duke of Wellington, 15 vol. in-8<sup>o</sup>, Londres, John
-Murray, 1858-1872, contiennent aussi quelques mentions de Mme de
-Lieven.</p>
-
-<p>4<sup>o</sup> <i>Denkwrdigkeiten aus den Papieren des Freiherrn Christian-Friedrich
-von Stockmar</i>, zusammengestellt von Ernst,
-Freiherr von Stockmar. In-8<sup>o</sup>. Brunswick, Friedrich Vieweg
-und Sohn, 1872.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_394"> 394</a></span>
-5<sup>o</sup> <i>The Greville Memoirs</i> (Mmoires de Charles Cavendish
-Fulke Greville) publis en trois parties:</p>
-
-<p class="subh2">a) <i>A Journal of the Reigns of King George IV and King
-William IV.</i> Edited by Henry Reeve, 3 vol. in-8<sup>o</sup>, Londres,
-Longmans, Green and C<sup>o</sup>, 1874; nouvelle dition 1875.</p>
-
-<p class="comments">Des extraits de ces volumes ont t traduits en franais et publis
-par Mlle Marie-Anne de Bovet sous le titre: <i>La cour de George IV
-et de Guillaume IV. Souvenirs d'un tmoin oculaire</i>, in-12,
-Paris, Firmin-Didot, 1888.</p>
-
-<p class="subh2">b) <i>A Journal of the Reign of Queen Victoria from 1837 to
-1852</i>, 3 vol. in-8<sup>o</sup>, Londres, Longmans, Green and C<sup>o</sup>, 1885.</p>
-
-<p class="comments">Traduit en partie par Mlle Marie-Anne de Bovet sous le titre:
-<i>Les quinze premires annes du rgne de la Reine Victoria.
-Souvenirs d'un tmoin oculaire</i>, in-12,
-Paris, Firmin-Didot, 1889.</p>
-
-<p class="subh2">c) <i>A Journal of the Reign of Queen Victoria 1852-1860.</i>
-2 vol in-8<sup>o</sup>, Londres, Longmans, Green and C<sup>o</sup>. 1887.</p>
-
-<p>6<sup>o</sup> <i>Mmoires, documents et crits divers laisss par le prince
-de Metternich, chancelier de Cour et d'tat</i>, publis, par son
-fils, le prince Richard de Metternich, classs et runis par
-M. A. de Klinkowstr&oelig;m.</p>
-
-<p>dition franaise, 8 vol. in-8<sup>o</sup>, Paris, Plon, 1880-1884.</p>
-
-<div class="comments">
-<p>Cet ouvrage a paru simultanment en franais, en anglais et en
-allemand. Les trois ditions sont identiques. Il se compose d'une
-autobiographie crite par le prince et embrassant les priodes 1773-1810
-et 1835-1848, de mmoires, lettres et documents manant
-de lui, enfin du journal de la princesse Mlanie.</p>
-
-<p>L'autobiographie ne peut tre consulte sans rserves. Beaucoup
-de dates mme y sont fausses.</p>
-</div>
-
-<p>7<sup>o</sup> <i>Memoirs of an Ex-Minister. An Autobiography, by the right
-hon. the earl of Malmesbury</i>, 2 vol. in-8<sup>o</sup>, Londres, 1884.</p>
-
-<p class="comments">Une traduction de cet ouvrage a t donne par M. A. B. sous
-le titre: <i>Mmoires d'un ancien ministre</i> (1807-1869) par Lord
-Malmesbury, in-12, Paris, Ollendorf, 1886.</p>
-
-<p>8<sup>o</sup> <i>Souvenirs du baron de Barante</i> (voir ci-dessus, A, 4<sup>o</sup>.)</p>
-
-<p>9<sup>o</sup> <i>Mmoires du prince de Talleyrand</i>, publis avec une prface
-<span class="pagenum"><a id="Page_395"> 395</a></span>
-et des notes par le duc de Broglie, 8 vol. in-8<sup>o</sup>, Paris,
-Calmann Lvy, 1891.</p>
-
-<p class="comments">Voir au sujet de ces Mmoires, p. <span class="smcap">XXXVI,</span> <a href="#FNanchor_70">note 70.</a></p>
-
-<p>10<sup>o</sup>. <i>Letters of Harriet, Countess Granville</i> (1810-1845)
-edited by her son the hon. F. Leveson Gower. 2 vol. in-8<sup>o</sup>,
-Londres, Longmans, Green and C<sup>o</sup>, 1894.</p>
-
-<p>11<sup>o</sup>. <i>Journal du marchal de Castellane</i> 1804-1862. 5 vol.
-in-8<sup>o</sup>, Paris, Plon, 1897.</p>
-
-<p>12<sup>o</sup>. <i>Correspondance de S. M. l'Impratrice Marie Fodorovna
-avec Mlle de Nlidoff, sa demoiselle d'honneur</i> (1797-1801),
-publie par la princesse Lise Troubetzko, in-16, Paris,
-Ernest Leroux, 1896.</p>
-
-<p>13<sup>o</sup> <i>Le dernier bienfait de la Monarchie</i>, par le duc de Broglie,
-in-8<sup>o</sup>, Paris, Calmann Lvy, s. d.</p>
-
-<p class="comments">Dans ce livre, publi en 1902 aprs la mort de l'auteur, ce dernier
-rapporte ses impressions personnelles sur Mme de Lieven.</p>
-
-<p>14<sup>o</sup> <i>Correspondence of Lady Burghersh with the duke of
-Wellington</i>, edited by her daughter Lady Rose Weigall. In-8<sup>o</sup>,
-Londres, John Murray, 1903.</p>
-
-<p>15<sup>o</sup> <i>Souvenirs de la baronne du Montet</i>, 1785-1866. In-8<sup>o</sup>,
-Paris, Plon, 1904.</p>
-
-<p>16<sup>o</sup> <i>Comte de Hbner.&mdash;Neuf ans de souvenirs d'un ambassadeur
-d'Autriche Paris</i> (1851-1859), publis par son fils le
-comte Alexandre de Hbner. 2 vol. in-8<sup>o</sup>, Paris, Plon, 1904.</p>
-
-<p>17<sup>o</sup> <i>Rcits d'une tante.&mdash;Mmoires de la comtesse de Boigne,
-ne d'Osmond</i>, publis d'aprs le manuscrit original par
-M. Charles Nicoullaud. 4 volumes in-8<sup>o</sup>, Paris, Plon, 1907.</p>
-
-<p>18<sup>o</sup> <i>La Reine Victoria d'aprs sa correspondance indite.</i>
-Traduction franaise avec introduction et notes par Jacques
-Bardoux. 3 vol. in-8<sup>o</sup>, Paris, Hachette, 1907.</p>
-
-<p class="comments">Publi en anglais Londres, 3 vol. in-8<sup>o</sup>, 1907, avec l'autorisation
-et sous le haut patronage de S. M. le roi douard VII, par
-Arthur C. Benson et le vicomte Esher.</p>
-
-<p>19<sup>o</sup> <i>Lettres et papiers du Chancelier comte de Nesselrode</i>
-(1760-1850). Extraits de ses archives, publis et annots avec
-<span class="pagenum"><a id="Page_396"> 396</a></span>
-une introduction par le comte A. de Nesselrode. 7 vol. in-8<sup>o</sup>,
-Paris, Lahure.</p>
-
-<p>En dehors de ces ouvrages, il y a lieu de citer <i>The Correspondence
-of the Earl of Aberdeen</i>, collection prpare par les
-soins de son fils, Sir Arthur Hamilton-Gordon, gouverneur
-de Ceylan, imprime titre priv, mais non publie.</p>
-
-
-<p class="subh">D) <i>Ouvrages divers.</i></p>
-
-<p>1<sup>o</sup> Collection du <i>Moniteur universel</i>.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> Collection de la <i>Gazette Universelle d'Augsbourg</i>.</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> Collection du <i>Journal de Paris</i>.</p>
-
-<p>4<sup>o</sup> Collection du <i>Journal des Dbats</i>.</p>
-
-<p>5<sup>o</sup> <i>Hommage Mme la princesse de Lieven</i>, par Sergius
-Uwarow. In-8<sup>o</sup>, Saint-Ptersbourg, 1829.</p>
-
-<p class="comments">A propos de la mort de la princesse Charlotte de Lieven, belle-mre
-de la princesse Dorothe.</p>
-
-<p>6<sup>o</sup> <i>Frst Karl Lieven und die Kaiserliche Universitt Dorpat
-unter seiner Oberleitung</i>, par Frdric Busch. In-4<sup>o</sup>, Dorpat,
-1846.</p>
-
-<p class="comments">Sur le beau-frre de Mme de Lieven.</p>
-
-<p>7<sup>o</sup> <i>Frst Kosloffski, Kaiserlich russischer wirklicher Staatrath,
-Kammerherr des Kaisers, ausserordentlicher Gesandter
-und bevollmchtiger Minister in Turin, Stuttgart und Karlsruhe.
-Herausgegeben von Dr. Wilhelm Dorow.</i> In-16, Leipzig,
-Philipp Reclam Junior, 1846.</p>
-
-<p>8<sup>o</sup> <i>Histoire intime de la Russie sous les empereurs Alexandre
-et Nicolas, et particulirement pendant la crise de 1825</i>, par
-J. H. Schnitzler. 2 vol. in-8<sup>o</sup>, Paris, Renouard, 1847.</p>
-
-<p class="comments">Le tome I contient une notice sur la famille de Lieven. Le mme
-auteur a consacr la mme famille une notice assez dtaille dans
-l'<i>Encyclopdie des Gens du Monde</i>.</p>
-
-<p>9<sup>o</sup> Journal <i>le Nord</i>. Courrier de Paris, sign Nemo (Henry
-de Pne), et Correspondance de Paris du 30 janvier 1857.</p>
-
-<p>10<sup>o</sup> <i>Chateaubriand et son temps</i>, par le comte de Marcellus,
-in-8<sup>o</sup>, Paris, 1859.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_397"> 397</a></span>
-11<sup>o</sup> <i>Annuaire de la noblesse de Russie</i>, par Ermerin, 2<sup>e</sup> anne,
-1892.</p>
-
-<p>12<sup>o</sup> <i>Drei Jahrhunderte russischer Geschichte, 1598-1898</i>, par
-A. Kleinschmidt, in-8<sup>o</sup>, Berlin, J. Rde, 1898.</p>
-
-<p>13<sup>o</sup> <i>Geschichte Russlands unter Kaiser Nikolaus I</i>, par Theodor
-Schiemann. 2 vol. in-8<sup>o</sup>, Berlin, Reimer, 1904.</p>
-
-<p>14<sup>o</sup> dition du grand-duc Nicolas Mikhalowitch.&mdash;<i>Portraits
-russes des XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> sicles.</i> 3 vol. in-8<sup>o</sup> parus, Saint-Ptersbourg,
-manufacture des papiers d'tat, 1905.</p>
-
-<p>15<sup>o</sup> <i>Autour du Congrs d'Aix-la-Chapelle, 1818</i>, par
-M. Ernest Daudet (<i>Correspondant</i> du 10 juillet 1907,
-t. CCXXVIII, p. 35).</p>
-
-<p>16<sup>o</sup> <i>Catalogues d'autographes</i> de la maison Jacques, puis
-tienne, puis Nol Charavay, n<sup>os</sup> 176, 206, 215, 225, 249, 269,
-282, 327.</p>
-
-<p>17<sup>o</sup> <i>La Revue des Autographes</i>, catalogue prix marqu de
-la maison Gabriel, puis veuve Gabriel Charavay, n<sup>os</sup> 137, 196,
-238, 252, 262, 263, 264, 270.</p>
-
-<p>18<sup>o</sup> <i>Lettres autographes composant la collection de M. Alfred
-Bovet</i>, dcrites par tienne Charavay. Paris, Charavay, 1884,
-in-4.</p>
-
-<p class="subh">E) <i>Sources manuscrites.</i></p>
-
-<p>1<sup>o</sup> <i>Archives du Ministre des Affaires trangres.</i></p>
-
-<p class="comments">En dehors des indications naturellement trs nombreuses sur le
-rle politique et diplomatique du prince et de la princesse de Lieven,
-on trouve quelques dtails utiles pour la biographie de cette dernire
-dans les volumes 614, 615, 616 et 617 de la <i>Correspondance
-d'Angleterre</i>, dans le volume 56 de la <i>Correspondance de Hanovre</i>.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> Lettre autographe signe, Saint-Ptersbourg, le 10 novembre
-1834, Lady Stuart.&mdash;Collection de M. Warocqu.</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> Lettre autographe signe. Paris, 12 mai 1843, ma chre
-Marie.&mdash;Collection particulire.</p>
-
-<p>4<sup>o</sup> Deux lettres autographes signes: l'une du lundi 11 novembre
- M. Jacques Tolsto, et l'autre en date de Richmond,
-15 aot 1848.&mdash;Collection de M. le gnral Rebora.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_398"> 398</a></span>
-5<sup>o</sup> Lettre aut. signe du grand-duc Nicolas Mme de Lieven.
-Saint-Ptersbourg, 21 novembre-3 dcembre 1819.&mdash;Communication
-de M. Nol Charavay.</p>
-
-<p>6<sup>o</sup> Copie de lettres de la comtesse de Lieven M. de Metternich,
-Londres, 12, 13, 14, 15, 16 et 17 fvrier 1820 et de
-M. de Metternich la comtesse, Vienne, 24 et 25 mars 1820.&mdash;Ces
-copies, excutes par le Cabinet Noir de la Restauration,
-ont t donnes par M. Forneron M. le comte Puslowski
-qui nous les a communiques.</p>
-
-<p class="subh">F) <i>Iconographie de Mme de Lieven.</i></p>
-
-<p>Th. Lawrence a fait le portrait de Mme de Lieven l'ge
-d'environ vingt ans. Ce tableau se trouve aujourd'hui
-Londres, la National Gallery. Une photogravure le reproduit
-dans le livre: <i>Letters of Dorothea, princess Lieven during
-her residence in London</i>, publi par M. L. G. Robinson.</p>
-
-<p>Ce portrait a t grav par W. Bromley.</p>
-
-<p>Un dessin du mme Th. Lawrence, excut en 1823, reprsentant
-Mme de Lieven quarante-trois ans, est aujourd'hui
-en la possession du grand-duc Nicolas Mikhalovitch, qui l'a
-reproduit dans ses <i>Portraits russes des XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> sicles</i>
-(t. III, portrait 24).</p>
-
-<p>Il existe un autre portrait de la mme personne par Day,
-qui a t grav par H. Wright.</p>
-
-<p>Enfin, en 1856, l'anne qui prcda sa mort, Mme de Lieven
-fut de nouveau portraiture par G. F. Watts. Cette peinture,
-qui la reprsente assise, vtue d'une robe de velours noir, est
-aujourd'hui Londres, Holland House et est la proprit
-du comte de Ilchester. Elle est reproduite en hliogravure
-dans <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence
-in London</i>.</p>
-
-<p>Vers 1810 parut Londres une caricature reprsentant
-Mme de Lieven, trs maigre, dansant avec le prince Kozlovski,
-trs gros, avec la lgende: La latitude et la longitude de
-Saint-Ptersbourg.</p>
-
-<p>On trouve une autre trs curieuse caricature de Mme de
-Lieven par Prosper Mrime (dessin la plume) reproduite
-<span class="pagenum"><a id="Page_399"> 399</a></span>
-dans <i>Prosper Mrime. L'homme, l'crivain, l'artiste</i>, publication
-du Comit du Centenaire de Mrime, in-8<sup>o</sup>, Paris,
-<i>Journal des Dbats</i>, 1907 (planche VIII). Ce dessin fait partie
-d'une collection particulire.</p>
-
-<p>Enfin, signalons que le portrait donn par M. A. Kleinschmidt
-dans les Westermanns Monatshefte d'octobre 1898
-(p. 29) comme celui de la princesse Dorothe de Lieven est
-en ralit celui de sa belle-mre, Charlotte de Gaugreben.</p>
-
-<hr class="tb" />
-
-<p class="subt">2<sup>o</sup> LE PRINCE DE METTERNICH</p>
-
-<p>Une bibliographie complte du prince de Metternich, au
-point de vue diplomatique et politique, demanderait l'examen
-de tous les ouvrages, mmoires, recueils de lettres et documents
-ayant trait l'histoire de l'Europe, de 1797 (Congrs
-de Rastatt) 1848, et mme jusqu' l'poque de la mort du
-chancelier en 1859.</p>
-
-<p>Notre cadre est loin de comporter un pareil travail. Nous
-nous contenterons donc de signaler ci-dessous les principaux
-ouvrages o nous avons pu trouver des renseignements sur la
-biographie du prince et sur sa vie prive.</p>
-
-<p class="subh">A) <i>Mmoires et correspondance du prince.</i></p>
-
-<p>Le seul ouvrage, publi ou laiss par M. de Metternich, qui
-puisse tre utile au point de vue biographique, est le suivant:
-<i>Mmoires, documents et crits divers laisss par le prince de
-Metternich</i>, publis par son fils, le prince Richard de Metternich.
-(Voir II. I<sup>o</sup>, C, n<sup>o</sup> 6.)</p>
-
-<p>En 1841, <i>la Semaine</i>, IV<sup>e</sup> anne, n<sup>os</sup> 23 29, 37 41, a publi
-des <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, mais cette publication
-constituait une vritable mystification, qui a t interrompue
-aprs le 12<sup>e</sup> numro. L'auteur suppos en est Ch. de Saint-Maurice.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_400"> 400</a></span>
-Malgr leur vidente fausset, ces mmoires ont t traduits
-en allemand par Friedrich Meinhardt, et publis Weimar
-en 1849<a id="FNanchor_624" href="#Footnote_624" class="fnanchor">&nbsp;[624]</a>.</p>
-
-<p class="subh">B) <i>Biographies.</i></p>
-
-<p>1<sup>o</sup> <i>Frst Clemens von Metternich und sein Zeitalter.</i> Geschichtlich-biographische
-Darstellung, etc., par Wilhelm Binder,
-in-8<sup>o</sup>, Ludwigsburg, 1836.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> <i>Galerie des Contemporains illustres par un homme de
-rien</i> (Louis de Lomnie), t. II. M. de Metternich, in-12,
-Paris, Ren et C<sup>ie</sup>, 1842.</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> <i>Frst Metternich und das sterreichische Staatssystem</i>,
-par Anton-Johann Gross-Hoffinger, 2 vol. in-8<sup>o</sup>, Leipzig, 1846.</p>
-
-<p>4<sup>o</sup> <i>Frst Metternich; biographische Skizze, nach den besten
-Quellen und den neuesten Ereignissen entworfen</i>, par Ludwig
-von Alvensleben, in-8<sup>o</sup>, Vienne, 1848.</p>
-
-<p>5<sup>o</sup> <i>Kaiser Franz und Metternich. Ein nachgelassenes Fragment</i>,
-par Joseph von Hormayr, in-8<sup>o</sup>, Berlin, 1848.</p>
-
-<p>6<sup>o</sup> <i>Frst Metternich. Geschichte seines Lebens und seiner
-Zeit</i>, par Schmidt-Weissenfels, 2 vol. in-8<sup>o</sup>, Prague, Kober und
-Markgraf, 1860.</p>
-
-<p>7<sup>o</sup> <i>Un Chancelier d'ancien Rgime. Le Rgne diplomatique de
-M. de Metternich</i>, par Charles de Mazade, in-8<sup>o</sup>, Paris, Plon,
-1889.</p>
-
-<p>8<sup>o</sup> <i>Le prince de Metternich</i> par Charles de Lacombe (<i>Correspondant</i>
-du 10 dcembre 1882, t. XLIII, p. 892).</p>
-
-<p class="comments">Ces deux derniers ouvrages ont paru la suite et propos de
-la publication des <i>Mmoires</i>.</p>
-
-<p>9<sup>o</sup> <i>Metternich und seine auswrtige Politik</i> par Fed. von Demelitsch,
-in-8<sup>o</sup>, Stuttgart, Cotta, 1898.</p>
-
-<p>10<sup>o</sup> <i>Metternich und seine Zeit</i>, 1773-1859, par Ferdinand
-Strobl von Ravelsberg. 2 vol. in-8<sup>o</sup>, Vienne et Leipzig, C. W.
-Stern, 1906-1907.</p>
-
-<p class="comments">Beaucoup de dates fausses.</p>
-
-<p class="subh"><span class="pagenum"><a id="Page_401"> 401</a></span>
-C) <i>Mmoires et Correspondances des Contemporains.</i></p>
-
-<p>Tous les ouvrages, dj indiqus pour Mme de Lieven et, en
-outre:</p>
-
-<p>1<sup>o</sup> <i>Tagebcher von K. A. Varnhagen von Ense.</i> 14 vol. in-8<sup>o</sup>.
-Publis successivement Leipzig, F. A. Brockhaus; Zurich,
-Meyer und Zeller; Hambourg, Hoffmann und Campe, de
-1860 1870.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> <i>Tagebcher von Friedrich von Gentz</i>, mit Vorwort
-und Nachwort von K. A. Varnhagen von Ense, in-8<sup>o</sup>. Leipzig,
-F. A. Brockhaus 1861.&mdash;Cet ouvrage ne contient que des
-extraits des journaux de Gentz.</p>
-
-<p>Une dition complte de ceux-ci a t publie sous le
-titre:</p>
-
-<p><i>Aus dem Nachlasse Varnhagen's von Ense.&mdash;Tagebcher
-von Friedrich von Gentz</i>, 4 vol. in-8<sup>o</sup>, Leipzig, F. A. Brockhaus,
-1873-1874.</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> <i>Mmoires de Mme de Rmusat</i>, 1802-1808, publis avec
-une prface et des notes par son petit-fils Paul de Rmusat,
-3 vol. in-8<sup>o</sup>, Paris, Calmann Lvy, 1879-1880.</p>
-
-<p>4<sup>o</sup> <i>Mmoires de Mme la duchesse d'Abrants. Souvenirs historiques
-sur Napolon, la Rvolution, le Directoire, le Consulat,
-l'Empire et la Restauration.</i> La premire dition de cet
-ouvrage parut en 1831-1835, 18 vol. in-8<sup>o</sup>, Paris, Ladvocat.
-Nouvelle dition, 10 vol. in-12, Paris, Garnier frres, 1893.</p>
-
-<p>5<sup>o</sup> <i>Mmoires d'un Royaliste</i>, par le comte de Falloux, 2 vol.
-in-8<sup>o</sup>, Paris, Perrin, 1888.</p>
-
-<p>6<sup>o</sup> <i>Une anne de ma vie, 1848-1849</i>, par le comte de
-Hbner, in-8<sup>o</sup>, Paris, Hachette, 1891.</p>
-
-<p>7<sup>o</sup> <i>Histoire de mon temps. Mmoires du Chancelier Pasquier</i>,
-publis par M. le duc d'Audiffret-Pasquier, 6 vol. in-8<sup>o</sup>, Paris,
-Plon, 1893-1895.</p>
-
-<p>8<sup>o</sup> <i>Souvenirs du Congrs de Vienne, 1814-1815</i>, par le comte
-A. de la Garde-Chambonas, publis avec introduction et notes
-par le comte Fleury, in-8<sup>o</sup>, Paris, Vivien, 1901.</p>
-
-<p>L'dition originale de cet ouvrage a paru en 1843, 2 vol.
-in-8<sup>o</sup>, Paris, chez Appert sous le titre: <i>Ftes et Souvenirs</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_402"> 402</a></span>
-<i>du Congrs de Vienne, Tableaux des Salons, Scnes anecdotiques
-et Portraits.</i></p>
-
-<p>9<sup>o</sup> <i>Correspondance diplomatique des Ambassadeurs et Ministres
-de Russie en France et de France en Russie avec leurs
-gouvernements de 1814 1830</i>, publie par A. Polovtsoff,
-3 vol. in-8<sup>o</sup> parus. Saint-Ptersbourg. dition de la Socit
-Impriale d'Histoire de Russie, 1902-1907.</p>
-
-<p>10<sup>o</sup> <i>La Cour et le Rgne de Paul I<sup>er</sup>. Souvenirs, portraits,
-anecdotes</i>, par le comte Fdor Golovkine, publis avec introduction
-et notes par S. Bonnet, in-8<sup>o</sup>, Paris, Plon, 1905.</p>
-
-<p>11<sup>o</sup> <i>Souvenirs et Fragments pour servir aux mmoires de
-ma vie et de mon temps</i>, par le marquis de Bouill, 1769-1812,
-publis par P. L. de Kermaingant, 2 vol. in-8<sup>o</sup>, Paris, Picard,
-1908.</p>
-
-
-<p class="subh">D) <i>Ouvrages divers.</i></p>
-
-<p>1<sup>o</sup> <i>Almanach de Gotha</i>, principalement ceux de 1819, 1836,
-1848 et 1860.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> Journal <i>L'Assemble Nationale</i>, du 19 juin 1851: Le
-prince de Metternich Bruxelles.</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> <i>Metternich et le Gouvernement de Juillet</i>, par Antonin
-Debidour, dans la <i>Revue bleue</i>, 1883, t. XXXII, p. 428.</p>
-
-<p>4<sup>o</sup> <i>La Socit franaise du Consulat et de l'Empire</i>, par
-Ernest Bertin, in-16, Paris, Hachette, 1890.</p>
-
-<p>5<sup>o</sup> <i>Napolon et sa famille</i>, par Frdric Masson, 8 vol. in-8<sup>o</sup>,
-Paris, Ollendorf, 1900-1906.</p>
-
-<p>6<sup>o</sup> Catalogues d'autographes de la maison Nol Charavay
-et de la maison veuve Gabriel Charavay.</p>
-
-<p class="subh">E) <i>Manuscrits.</i></p>
-
-<p>Lettre autographe signe, ce 25 fvrier 1829, une destinataire
-inconnue.&mdash;Collection particulire.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_403"> 403</a></span></p>
-<h2 class="normal">INDEX DES NOMS DE PERSONNES</h2>
-</div>
-
-<p class="alphabet">A</p>
-<ul>
-<li><span class="small">Aberdeen (George Gordon, Lord)</span>, <a href="#Page_173">173</a>, <a href="#Page_211">211</a>, <a href="#Page_338">338</a>, <a href="#Page_339">339</a>, <a href="#Page_345">345</a>, <a href="#Page_350">350</a>, <a href="#Page_351">351</a>, <a href="#Page_357">357</a>, <a href="#Page_363">363</a>, <a href="#Page_396">396</a>.</li>
-<li><span class="small">Abrants</span> (duc et duchesse <span class="small">D'</span>). Voir <a href="#Junot">Junot</a>.</li>
-<li><span class="small">Adlade</span> (Madame), <a href="#Page_366">366</a>.</li>
-<li><span class="small">Albemarle</span> (William-Charles Keppel, comte <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_150">150</a>.</li>
-<li><span class="small">Albemarle</span> (lisabeth Southwell, comtesse <span class="small">D'</span>), premire femme du prcdent, <a href="#Page_150">150</a>.</li>
-<li><span class="small">Albemarle</span> (Charlotte-Susanne Hunloke, comtesse <span class="small">D'</span>), deuxime femme du comte d'Albemarle, <a href="#Page_150">150</a>.</li>
-<li><span class="small">Albert</span>, Prince Consort, <a href="#Page_370">370</a>.</li>
-<li><span class="small">Alexandra Fodorovna</span>, impratrice de Russie, pouse de l'empereur Nicolas I<sup>er</sup>, <a href="#Page_338">338</a>, <a href="#Page_349">349</a>, <a href="#Page_353">353</a>, <a href="#Page_366">366</a>, <a href="#Page_368">368</a>.</li>
-<li><span class="small">Alexandre</span> I<sup>er</sup>, empereur de Russie, <a href="#Page_c">c</a>, <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">XVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIV">XXXIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXV">XXXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVI">XXXVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIX">XXXIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LVI">LVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LVII">LVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LX">LX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXI">LXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXII">LXII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">LXVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIX">LXIX</a></span>, <a href="#Page_10">10</a>, <a href="#Page_43">43</a>, <a href="#Page_59">59</a>, <a href="#Page_60">60</a>, <a href="#Page_65">65</a>, <a href="#Page_66">66</a>, <a href="#Page_77">77</a>, <a href="#Page_78">78</a>, <a href="#Page_79">79</a>, <a href="#Page_80">80</a>, <a href="#Page_81">81</a>, <a href="#Page_82">82</a>, <a href="#Page_145">145</a>, <a href="#Page_154">154</a>, <a href="#Page_182">182</a>, <a href="#Page_206">206</a>, <a href="#Page_214">214</a>, <a href="#Page_215">215</a>, <a href="#Page_228">228</a>, <a href="#Page_251">251</a>, <a href="#Page_252">252</a>, <a href="#Page_295">295</a>, <a href="#Page_321">321</a>, <a href="#Page_330">330</a>, <a href="#Page_333">333</a>, <a href="#Page_340">340</a>, <a href="#Page_341">341</a>.</li>
-<li><span class="small">Alexandre Nicolavitch</span>, tsarvitch, depuis empereur de Russie, <a href="#Page_354">354</a>, <a href="#Page_358">358</a>, <a href="#Page_359">359</a>.</li>
-<li><span class="small">Alison</span> (Sir Archibald), <a href="#Page_6">6</a>, <a href="#Page_61">61</a>, <a href="#Page_107">107</a>.</li>
-<li><span class="small">Alopeus</span> (David Maximovitch, baron <span class="small">D'</span>), <span class="small"><a href="#Page_LXI">LXI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Alvensleben</span> (Ludwig <span class="small">VON</span>), <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-<li><span class="small">Amlie</span>, reine des Franais. Voir <a href="#Amelie">Marie-Amlie</a>.</li>
-<li><span class="small">Angoulme</span> (Louis-Antoine de Bourbon, duc <span class="small">D'</span>), <span class="small"><a href="#Page_LXVII">LXVII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Antraigues</span> (le comte <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_116">116</a>.</li>
-<li><span class="small">Apponyi</span> (famille), <a href="#Page_391">391</a>.</li>
-<li><span class="small">Apponyi</span> (Antoine-Rodolphe, comte), <a href="#Page_260">260</a>, <a href="#Page_332">332</a>, <a href="#Page_348">348</a>, <a href="#Page_375">375</a>.</li>
-<li><span class="small">Apponyi</span> (Thrse Nogarola de Vesone, comtesse), <span class="small"><a href="#Page_XLVII">XLVII</a></span>, <a href="#Page_260">260</a>, <a href="#Page_262">262</a>, <a href="#Page_330">330</a>, <a href="#Page_332">332</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Apponyi"></a>Apponyi</span> (Anna de Benckendorff, comtesse), <span class="small"><a href="#Page_XXXI">XXXI</a></span>, <a href="#Page_260">260</a>.</li>
-<li><span class="small">Arbuthnot</span> (Charles, Lord), <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Arbuthnot</span> (Lady), ne Clapcott-Lisle, premire femme du prcdent, <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Arbuthnot</span> (Harriett Fane, Lady), deuxime femme de Lord Arbuthnot, <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Arenberg</span> (Ernest-Engelbert, duc <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_52">52</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_404"> 404</a></span>
-<span class="small"><a id="Arenberg"></a>Arenberg</span> (Marie-Thrse de Windischgraetz, duchesse <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_52">52</a>.</li>
-<li><span class="small">Arenberg</span> (Pierre, prince <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_369">369</a>.</li>
-<li><span class="small">Armfeldt</span> (Gustave-Maurice, comte <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_116">116</a>.</li>
-<li><span class="small">Audiffret-Pasquier</span> (duc <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_401">401</a>.</li>
-<li><span class="small">Auersperg</span> (famille <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_66">66</a>.</li>
-<li><span class="small">Auersperg</span> (Vincent, prince <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_79">79</a>.</li>
-<li><span class="small">Auersperg</span> (Gabrielle-Marie de Lobkowitz, princesse <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_79">79</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Auguste"></a>Auguste</span> (Paul-Frdric-), duc d'Oldenbourg, <a href="#Page_136">136</a>.</li>
-<li><span class="small">Aulard</span> (A.), <span class="small"><a href="#Page_XXIII">XIII</a></span>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">B</p>
-<ul>
-<li><span class="small"><a id="BACCIOCHI"></a>Bacciochi</span> (Marie-Anne-lisa Bonaparte, princesse), <a href="#Page_247">247</a>.</li>
-<li><span class="small">Bacourt</span> (M. <span class="small">De</span>), diplomate franais, <span class="small"><a href="#Page_XXXVI"></a><a href="#Page_XXXVI">XXXVI</a></span>, <a href="#Page_366">366</a>, <a href="#Page_367">367</a>, <a href="#Page_390">390</a>.</li>
-<li><span class="small">Bagration</span> (Pierre, prince), <span class="small"><a href="#Page_LXXIII">XXIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small"><a id="BAGRATION"></a>Bagration</span> (Catherine Pavlovna Skavronska, princesse), femme du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_XXIII">XXIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>, <a href="#Page_382">382</a>, <a href="#Page_383">383</a>.</li>
-<li><span class="small">Bagration</span> (Clmentine, princesse), fille de la prcdente, voir <a href="#BLOME">Blome</a>.</li>
-<li><span class="small">Bandinelli</span> (Baccio), sculpteur italien, <a href="#Page_258">258</a>.</li>
-<li><span class="small">Bapst</span> (Germain), <a href="#Page_j">j</a>, <a href="#Page_367">367</a>.</li>
-<li><span class="small">Barante</span> (Amable-Guillaume-Prosper, baron <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXXIV">XXXIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIX">XXXIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLVIII">XLVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LII">LII</a></span>, <a href="#Page_181">181</a>, <a href="#Page_355">355</a>, <a href="#Page_359">359</a>, <a href="#Page_360">360</a>, <a href="#Page_365">365</a>, <a href="#Page_369">369</a>, <a href="#Page_370">370</a>, <a href="#Page_371">371</a>, <a href="#Page_372">372</a>, <a href="#Page_373">373</a>, <a href="#Page_385">385</a>, <a href="#Page_386">386</a>, <a href="#Page_391">391</a>, <a href="#Page_394">394</a>.</li>
-<li><span class="small">Barante</span> (Claude <span class="small">De</span>), <a href="#Page_391">391</a>.</li>
-<li><span class="small">Bardoux</span> (Jacques), <a href="#Page_361">361</a>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Baring</span>, banquier anglais, <span class="small"><a href="#Page_LX">LX</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Barrire</span> (Franois), <span class="small"><a href="#Page_II">II</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Basedow</span> (Jean-Bernard), <span class="small"><a href="#Page_XII">XII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Bassanville</span> (Mme <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXIII">XXIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Batiffol (L.)</span>, <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-<li><span class="small">Beale</span>, orientaliste anglais, <a href="#Page_182">182</a>.</li>
-<li><span class="small">Beauharnais</span> (Stphanie-Louise-Adrienne <span class="small">De</span>), grande-duchesse de Bade. Voir <a href="#Stephanie">Stphanie</a>.</li>
-<li><span class="small">Beauvale</span> (Frderic Lamb, Lord), <a href="#Page_371">371</a>.</li>
-<li><span class="small">Bees</span> (Mme), <a href="#Page_310">310</a>.</li>
-<li><span class="small">Benckendorff</span> (Christophe Ivanovitch <span class="small">De</span>), gnral russe, pre de Mme de Lieven, <span class="small"><a href="#Page_XXX">XXX</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Benckendorff</span> (Charlotte-Auguste-Jeanne Schilling de Canstadt, baronne <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_XXX">XXX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXI">XXXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Benckendorff</span> (Alexandre Christophorovitch, comte <span class="small">De</span>), fils des prcdents, <span class="small"><a href="#Page_XXXI">XXXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>, <a href="#Page_138">138</a>, <a href="#Page_206">206</a>, <a href="#Page_260">260</a>, <a href="#Page_325">325</a>, <a href="#Page_333">333</a>, <a href="#Page_334">334</a>, <a href="#Page_342">342</a>, <a href="#Page_344">344</a>, <a href="#Page_357">357</a>, <a href="#Page_374">374</a>, <a href="#Page_391">391</a>, <a href="#Page_392">392</a>.</li>
-<li><span class="small">Benckendorff</span> (lisabeth-Andrevna Donetz-Zakharievski, comtesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_XXXI">XXXI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Benckendorff</span> (Anna Alexandrovna <span class="small">De</span>), comtesse Apponyi. Voir <a href="#Apponyi">Apponyi</a>.</li>
-<li><span class="small">Benckendorff</span> (Constantin Christophorovitch <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXXI">XXXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>, <a href="#Page_374">374</a>.</li>
-<li><span class="small">Benckendorff</span> (Marie Christophorovna <span class="small">De</span>). Voir <a href="#Schewitsch">Schewitsch</a>.</li>
-<li><span class="small">Benson</span> (Arthur C.), <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Bergami</span> (Bartolomeo), <a href="#Page_145">145</a>.</li>
-<li><span class="small">Briot</span>, violoniste, <a href="#Page_381">381</a>.</li>
-<li><span class="small">Bernstorff</span> (Christian-Gunther, comte <span class="small">De</span>), homme d'tat prussien, <a href="#Page_325">325</a>.</li>
-<li><span class="small">Berryer</span> (Pierre-Antoine), <a href="#Page_360">360</a>.</li>
-<li><span class="small">Bertin</span> (Ernest), <a href="#Page_402">402</a>.</li>
-<li><span class="small">Bianchi</span>, musicien, <a href="#Page_253">253</a>.</li>
-<li><span class="small">Binder von Kriegelstein</span> (Antoine, baron), pre des suivants, <a href="#Page_80">80</a>.</li>
-<li><span class="small">Binder von Kriegelstein</span> (Charles, baron), diplomate autrichien, <a href="#Page_80">80</a>.</li>
-<li><span class="small">Binder von Kriegelstein</span> (Franois,</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_405"> 405</a></span>
-baron), diplomate autrichien, ministre La Haye, <a href="#Page_80">80</a>.</li>
-<li><span class="small">Binder von Kriegelstein</span> (Frdric, baron), conseiller de la lgation autrichienne Paris, <span class="small"><a href="#Page_LXXI">LXXI</a></span>, <a href="#Page_80">80</a>.</li>
-<li><span class="small">Binder</span> (Wilhelm), <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-<li><span class="small">Bingham</span> (George-Charles, Lord), <a href="#Page_114">114</a>.</li>
-<li><span class="small">Bir</span> (Ed.), <span class="small"><a href="#Page_II">II</a></span>, <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-<li><span class="small">Biren.</span> Voir <a href="#COURLANDE">Courlande</a>.</li>
-<li><span class="small">Bligh</span> (Sir Robert), <a href="#Page_353">353</a>.</li>
-<li><span class="small">Blome</span> (Otto, comte), gnral danois, <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small"><a id="BLOME"></a>Blome</span> (Clmentine Bagration, comtesse), <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Bohrer</span> (les frres), <span class="small"><a href="#Page_LIX">LIX</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Boigne</span> (Charlotte-Louise-lonore-Adlade d'Osmond, comtesse <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXVII">XXVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XL">XL</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLI">XLI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLV">XLV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LI">LI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LII">LII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LIV">LIV</a></span>, <a href="#Page_34">34</a>, <a href="#Page_80">80</a>, <a href="#Page_260">260</a>, <a href="#Page_261">261</a>, <a href="#Page_363">363</a>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Bonnet</span> (Raoul), <a href="#Page_j">j</a>, <a href="#Page_11">11</a>, <a href="#Page_254">254</a>, <a href="#Page_301">301</a>.</li>
-<li><span class="small">Borodine</span> (Prince), <a href="#Page_252">252</a>.</li>
-<li><span class="small">Bouill</span> (Louis-Joseph-Amour, (marquis <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXVIII</a></span>, <a href="#Page_41">41</a>, <a href="#Page_402">402</a>.</li>
-<li><span class="small">Bovet</span> (Alfred), <a href="#Page_318">318</a>, <a href="#Page_397">397</a>.</li>
-<li><span class="small">Bovet</span> (Mlle Marie-Anne <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XLVII">XLVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLVIII">XLVIII</a></span>, <a href="#Page_394">394</a>.</li>
-<li><span class="small">Brammertz</span> (Mlle), <span class="small"><a href="#Page_LVIII">LVIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Brendel</span> (Franois-Antoine), vque constitutionnel du Bas-Rhin, <span class="small"><a href="#Page_X">X</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Brissot</span> (Jacques-Pierre), <a href="#Page_212">212</a>.</li>
-<li><span class="small">Broglie</span> (Albert, duc <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXXVI">XXXVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLI">XLI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLII">XLII</a></span>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Broglie</span> (Victor, duc <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XLI">XLI</a></span>, <a href="#Page_361">361</a>.</li>
-<li><span class="small">Bromley</span> (W.), graveur, <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-<li><span class="small">Brotonne</span> (Lonce <span class="small">De</span>), <a href="#Page_41">41</a>.</li>
-<li><span class="small">Brunswick</span> (duc <span class="small">De</span>). Voir <a href="#Brunswick">Charles</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="BUCKINGHAM"></a>Buckingham</span> (John Hobart, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_4">4</a>.</li>
-<li><span class="small">Buol-Schauenstein</span> (Charles, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_367">367</a>, <a href="#Page_368">368</a>.</li>
-<li><span class="small">Burdett</span> (Sir Francis), <a href="#Page_56">56</a>, <a href="#Page_124">124</a>, <a href="#Page_262">262</a>.</li>
-<li><span class="small">Burghersh</span> (John Fane, Lord), <a href="#Page_253">253</a>, <a href="#Page_254">254</a>, <a href="#Page_261">261</a>, <a href="#Page_263">263</a>, <a href="#Page_264">264</a>, <a href="#Page_265">265</a>, <a href="#Page_266">266</a>.</li>
-<li><span class="small">Burghersh</span> (Priscilla Fane, Lady), <a href="#Page_261">261</a>, <a href="#Page_266">266</a>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Burke</span> (John), <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Busch</span> (Frdric), <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Byron</span> (George Gordon, Lord), <a href="#Page_79">79</a>, <a href="#Page_124">124</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">C</p>
-<ul>
-<li><span class="small">Cambridge</span> (Adolphe-Frdric, duc <span class="small">De</span>), <a href="#Page_321">321</a>.</li>
-<li><span class="small">Cambridge</span> (Auguste-Wilhelmine-Louise de Hesse-Cassel, duchesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <a href="#Page_322">322</a>.</li>
-<li><span class="small">Camden</span> (Lord), Lord-lieutenant d'Irlande, <a href="#Page_6">6</a>.</li>
-<li><span class="small">Camelford</span> (le baron), <a href="#Page_211">211</a>.</li>
-<li><span class="small">Campe</span> (J. H.), <span class="small"><a href="#Page_XII">XII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Canning</span> (George), <a href="#Page_61">61</a>, <a href="#Page_211">211</a>, <a href="#Page_331">331</a>, <a href="#Page_338">338</a>, <a href="#Page_341">341</a>, <a href="#Page_344">344</a>, <a href="#Page_357">357</a>.</li>
-<li><span class="small">Canova</span> (Antoine), <a href="#Page_84">84</a>, <a href="#Page_254">254</a>, <a href="#Page_277">277</a>, <a href="#Page_282">282</a>.</li>
-<li><span class="small">Capo d'Istria</span> (Jean, comte), <a href="#Page_10">10</a>, <a href="#Page_19">19</a>, <a href="#Page_57">57</a>, <a href="#Page_96">96</a>, <a href="#Page_116">116</a>, <a href="#Page_225">225</a>, <a href="#Page_326">326</a>, <a href="#Page_327">327</a>, <a href="#Page_341">341</a>.</li>
-<li><span class="small">Caraccioli</span> (Dominique, marquis), <a href="#Page_267">267</a>.</li>
-<li><span class="small">Caraman</span> (Victor-Louis-Charles de Riquet, comte, puis marquis, puis duc <span class="small">De</span>), ambassadeur de France Vienne, <a href="#Page_117">117</a>, <a href="#Page_163">163</a>, <a href="#Page_250">250</a>, <a href="#Page_325">325</a>.</li>
-<li><span class="small">Caraman</span> (Josphine-Lopoldine-Ghislaine de Mrode-Westerloo, comtesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <a href="#Page_117">117</a>.</li>
-<li><span class="small">Carlovitz</span> (M. <span class="small">De</span>), envoy autrichien Francfort, <a href="#Page_323">323</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="CAROLINE"></a>Caroline</span>-Amlie-lisabeth de Brunswick-Wolfenbttel, reine d'Angleterre, femme de George IV, <a href="#Page_144">144</a>, <a href="#Page_145">145</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_406"> 406</a></span>
-<span class="small">Caroline-Auguste</span>, impratrice d'Autriche, ne princesse de Bavire, pouse de Franois I<sup>er</sup>, <a href="#Page_187">187</a>.</li>
-<li><span class="small">Cars</span> (Mme <span class="small">DeS</span>), <span class="small"><a href="#Page_L">L</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Carlos</span> (Don), frre de Ferdinand VII, roi d'Espagne. Voir <a href="#Carlos">Charles-Marie-Isidore</a>.</li>
-<li><span class="small">Castellane</span> (le marchal <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXXVIII</a></span>, <a href="#Page_368">368</a>, <a href="#Page_369">369</a>, <a href="#Page_371">371</a>, <a href="#Page_372">372</a>, <a href="#Page_373">373</a>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Castellane</span> (la comtesse Jean <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXVII">XXVII</a></span>.</li>
-<li><span class="small"><a id="CASTLEREAGH"></a>Castlereagh</span> (Robert Stewart, Lord), marquis de Londonderry, homme d'tat anglais, <span class="small"><a href="#Page_LVIII">LVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LX">LX</a></span>, <a href="#Page_4">4</a>, <a href="#Page_6">6</a>, <a href="#Page_9">9</a>, <a href="#Page_19">19</a>, <a href="#Page_34">34</a>, <a href="#Page_56">56</a>, <a href="#Page_57">57</a>, <a href="#Page_60">60</a>, <a href="#Page_61">61</a>, <a href="#Page_80">80</a>, <a href="#Page_116">116</a>, <a href="#Page_124">124</a>, <a href="#Page_146">146</a>, <a href="#Page_209">209</a>, <a href="#Page_322">322</a>, <a href="#Page_346">346</a>.</li>
-<li><span class="small">Castlereagh</span> (Emilie-Anne Hobart, Lady), <span class="small"><a href="#Page_L">L</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LIX">LIX</a></span>, <span class="smcap"><a href="#Page_LXI">LXI</a></span>, <a href="#Page_4">4</a>, <a href="#Page_34">34</a>, <a href="#Page_80">80</a>, <a href="#Page_81">81</a>, <a href="#Page_116">116</a>, <a href="#Page_120">120</a>, <a href="#Page_144">144</a>, <a href="#Page_153">153</a>, <a href="#Page_209">209</a>.</li>
-<li><span class="small">Catalani</span> (Angelica), cantatrice, <span class="small"><a href="#Page_LIX">LIX</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Catherine</span> II, impratrice de Russie, <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Catherine Pavlovna</span>, reine de Wrtemberg, <a href="#Page_136">136</a>, <a href="#Page_141">141</a>.</li>
-<li><span class="small">Catilina</span>, <a href="#Page_247">247</a>, <a href="#Page_280">280</a>.</li>
-<li><span class="small">Cellini</span> (Benvenuto), <a href="#Page_258">258</a>.</li>
-<li><span class="small">Cetto</span> (Auguste, baron <span class="small">De</span>), <a href="#Page_89">89</a>.</li>
-<li><span class="small">Charavay</span> (tienne), <a href="#Page_397">397</a>.</li>
-<li><span class="small">Charavay</span> (Gabriel), <span class="small"><a href="#Page_XLVII">XLVII</a></span>, <a href="#Page_330">330</a>, <a href="#Page_397">397</a>, <a href="#Page_402">402</a>.</li>
-<li><span class="small">Charavay</span> (Jacques), <a href="#Page_397">397</a>.</li>
-<li><span class="small">Charavay</span> (Nol), <a href="#Page_j">j</a>, <span class="small"><a href="#Page_V">V</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXVI">XXVI</a></span>, <a href="#Page_317">317</a>, <a href="#Page_397">397</a>, <a href="#Page_398">398</a>, <a href="#Page_402">402</a>.</li>
-<li><span class="small">Charles</span> IV, roi d'Espagne, <a href="#Page_141">141</a>.</li>
-<li><span class="small">Charles-Frdric-Auguste-Guillaume,</span> duc de <a id="Brunswick"></a>Brunswick-Wolfenbttel, <a href="#Page_342">342</a>.</li>
-<li><span class="small">Charles-Frdric</span>, grand-duc de Bade, <a href="#Page_82">82</a>.</li>
-<li><span class="small">Charles-Louis-Frdric</span>, grand-duc de Bade, petit-fils du prcdent, <a href="#Page_82">82</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="CHARLES-LOUIS"></a>Charles-Louis</span>, duc de Parme, prend en 1849 le titre de comte de Villafranca, <span class="small"><a href="#Page_XLIV">XLIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Charles</span>-Marie-Isidore de Bourbon, comte de Molina (Don <a id="Carlos"></a>Carlos), frre de Ferdinand VII, roi d'Espagne, <span class="small"><a href="#Page_XLIII">XLIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Charles</span>-Louis-Marie-Ferdinand de Bourbon, comte de <a id="Montemolin"></a>Montemolin, fils du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_XLIII">XLIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Charlotte</span>, reine d'Angleterre, pouse de George III, <span class="small"><a href="#Page_XLIV">XLIV</a></span>, <a href="#Page_141">141</a>, <a href="#Page_267">267</a>.</li>
-<li><span class="small">Charlotte</span>-Caroline, princesse d'Angleterre, fille du Prince Rgent, <span class="small"><a href="#Page_LIII">LIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Chateaubriand</span> (Franois-Ren, vicomte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_b">b</a>, <span class="small"><a href="#Page_I">I</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_II">II</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_VI">VI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXVI">XXVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIX">XXXIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLV">XLV</a></span>, <span class="smcap"><a href="#Page_XLVIII">XLVIII</a></span>, <a href="#Page_301">301</a>, <a href="#Page_326">326</a>, <a href="#Page_328">328</a>, <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-<li><span class="small">Chelmsford</span> (Lord), <a href="#Page_339">339</a>.</li>
-<li><span class="small">Cholmondeley</span> (George), vicomte Malpas, <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Cholmondeley</span> (Hester Edwards, Lady), femme du prcdent, <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Cholmondeley</span> (George-James, premier marquis <span class="small">De</span>), fils des prcdents, <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Cholmondeley</span> (Charlotte Bertie, Lady), femme du prcdent, <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Cholmondeley</span> (Hester). Voir <a href="#CLAPCOTT">Clapcott-Lisle.</a></li>
-<li><span class="small">Chotek</span> (Marie Berchtold, comtesse <span class="small">De</span>), <a href="#Page_183">183</a>.</li>
-<li><span class="small">Chreptovitch</span> (Hlne Carlovna de Nesselrode, comtesse), <a href="#Page_385">385</a>.</li>
-<li><span class="small">Chuquet</span> (Arthur), <a href="#Page_h">h</a>, <a href="#Page_ie">i</a>, <span class="small"><a href="#Page_XI">XI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XIII">XIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Cicron</span>, <a href="#Page_305">305</a>, <a href="#Page_306">306</a>.</li>
-<li><span class="small">Clapcott-Lisle</span> (William), <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="CLAPCOTT"></a>Clapcott-Lisle</span> (Hester Cholmondeley, Mrs), <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Clarendon</span> (Lord), <a href="#Page_366">366</a>.</li>
-<li><span class="small">Clifford</span> (Lord), <a href="#Page_150">150</a>.</li>
-<li><span class="small">Cobenzel</span> (Louis, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_43">43</a>.</li>
-<li><span class="small">Coigny</span> (Madame <span class="small">De</span>), <a href="#Page_335">335</a>.</li>
-<li><span class="small">Colloredo-Wallsee</span> (Joseph, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_55">55</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_407">407</a></span>
-<span class="small">Colloredo-Wallsee</span> (Wenceslas, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_55">55</a>.</li>
-<li><span class="small">Consalvi</span> (Hercule, cardinal), <a href="#Page_274">274</a>, <a href="#Page_300">300</a>.</li>
-<li><span class="small">Constant</span> (Benjamin), <a href="#Page_301">301</a>.</li>
-<li><span class="small">Constantin le Grand</span>, empereur romain, <a href="#Page_281">281</a>, <a href="#Page_282">282</a>.</li>
-<li><span class="small">Constantin Pavlovitch</span> (le grand-duc), <a href="#Page_206">206</a>, <a href="#Page_207">207</a>, <a href="#Page_333">333</a>.</li>
-<li><span class="small">Conyngham</span> (la marquise <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_II">II</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVII">XXXVII</a></span>, <a href="#Page_322">322</a>.</li>
-<li><span class="small">Cook</span> (James), <span class="smcap"><a href="#Page_X">X</a></span>.</li>
-<li><span class="small"><a id="COURLANDE"></a>Courlande</span> (Pierre de duc <span class="small">De</span>), <a href="#Page_110">110</a>.</li>
-<li><span class="small">Courlande</span> (Anne-Charlotte-Dorothe de Medem, duchesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <a href="#Page_110">110</a>.</li>
-<li><span class="small">Courlande</span> (Catherine-Frdrique-Wilhelmine de Biren, princesse <span class="small">De</span>). Voir <a href="#Sagan">Sagan</a>.</li>
-<li><span class="small">Courlande</span> (Dorothe de Biren, princesse <span class="small">De</span>). Voir <a href="#Talleyrand">Talleyrand-Prigord</a>.</li>
-<li><span class="small">Cowper</span> (Lady), plus tard Lady Palmerston, <a href="#Page_353">353</a>.</li>
-<li><span class="small">Crichton</span>, mdecin anglais, <a href="#Page_329">329</a>.</li>
-<li><span class="small">Cumberland</span> (Ernest-Auguste, duc <span class="small">De</span>), depuis roi de Hanovre, <a href="#Page_349">349</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="CUMBERLAND"></a>Cumberland</span> (Frdrique-Louise-Caroline-Sophie-Alexandrine de Mecklembourg-Strlitz, duchesse <span class="small">De</span>), depuis reine de Hanovre, <span class="small"><a href="#Page_LIII">LIII</a></span>, <a href="#Page_98">98</a>, <a href="#Page_322">322</a>, <a href="#Page_323">323</a>.</li>
-<li><span class="small">Czernycheff.</span> Voir <a href="#Tchernycheff">Tchernycheff</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">D</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Darnley</span> (Comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_61">61</a>.</li>
-<li><span class="small">Darnley</span> (Comte <span class="small">De</span>), fils du prcdent, <a href="#Page_353">353</a>.</li>
-<li><span class="small">Daudet</span> (Ernest), <span class="small"><a href="#Page_I">I</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_II">II</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_III">III</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_IV">IV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXV">XXXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLI">XLI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLII">XLII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLIII">XLIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LV">LV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LVII">LVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LIX">LIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXXI">LXXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXXII">LXXII</a></span>, <a href="#Page_32">32</a>, <a href="#Page_252">252</a>, <a href="#Page_314">314</a>, <a href="#Page_315">315</a>, <a href="#Page_316">316</a>, <a href="#Page_317">317</a>, <a href="#Page_325">325</a>, <a href="#Page_326">326</a>, <a href="#Page_327">327</a>, <a href="#Page_328">328</a>, <a href="#Page_348">348</a>, <a href="#Page_351">351</a>, <a href="#Page_354">354</a>, <a href="#Page_355">355</a>, <a href="#Page_357">357</a>, <a href="#Page_359">359</a>, <a href="#Page_361">361</a>, <a href="#Page_363">363</a>, <a href="#Page_364">364</a>, <a href="#Page_390">390</a>, <a href="#Page_391">391</a>, <a href="#Page_392">392</a>, <a href="#Page_393">393</a>, <a href="#Page_397">397</a>.</li>
-<li><span class="small">Day</span>, peintre, <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-<li><span class="small">Debidour</span> (Antonin), <a href="#Page_402">402</a>.</li>
-<li><span class="small">Decazes</span> (lie, comte, puis duc), <span class="small"><a href="#Page_III">III</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_IV">IV</a></span>, <a href="#Page_115">115</a>, <a href="#Page_146">146</a>, <a href="#Page_156">156</a>, <a href="#Page_301">301</a>, <a href="#Page_332">332</a>, <a href="#Page_370">370</a>.</li>
-<li><span class="small">Decazes</span> (lie, 3<sup>e</sup> duc), <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-<li><span class="small">Decazes</span> (la duchesse), <span class="small"><a href="#Page_XLII">XLII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLIII">XLIII</a></span>, <a href="#Page_392">392</a>.</li>
-<li><span class="small">Demelitsch</span> (Fed, <span class="small">VON</span>), <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-<li><span class="small">Demidoff</span> (la princesse), ne Benckendorff, <span class="small"><a href="#Page_XXXI">XXXI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Denbigh</span> (Lord), <a href="#Page_380">380</a>.</li>
-<li><span class="small">Desandroins</span> (le vicomte), <a href="#Page_42">42</a>.</li>
-<li><span class="small">Deschamps</span> (Gaston), <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-<li><span class="small">Dessolle</span> (le gnral), <a href="#Page_115">115</a>, <a href="#Page_156">156</a>.</li>
-<li><span class="small">Dillon</span> (douard, comte), <a href="#Page_260">260</a>, <a href="#Page_261">261</a>.</li>
-<li><span class="small">Dillon</span> (Fanny Harland, comtesse), femme du prcdent, <a href="#Page_261">261</a>.</li>
-<li><span class="small">Dillon</span> (Georgine), fille des prcdents. Voir <a href="#Karolyi">Karolyi</a>.</li>
-<li><span class="small">Dillon</span> (Robert), pre du comte douard, <a href="#Page_260">260</a>.</li>
-<li><span class="small">Dillon</span> (Marie Disconson, Mme), femme du prcdent, <a href="#Page_260">260</a>.</li>
-<li><span class="small">Dino</span> (duchesse <span class="small">De</span>). Voir <a href="#Talleyrand">Talleyrand-Prigord</a>.</li>
-<li><span class="small">Djanib-Effendi</span>. Voir <a href="#Mouhammed">Mouhammed-Salih-Effendi</a>.</li>
-<li><span class="small">Dolgorouki</span> (le prince Pierre Ptrovitch), <span class="small"><a href="#Page_LIV">LIV</a></span>, <a href="#Page_251">251</a>, <a href="#Page_252">252</a>.</li>
-<li><span class="small">Dolgoroukov</span>, <a href="#Page_63">63</a>.</li>
-<li><span class="small">Dorow</span> (Wilhelm), <a href="#Page_11">11</a>, <a href="#Page_144">144</a>, <a href="#Page_396">396</a>.</li>
-<li><span class="small">Douglas</span> (la famille), <a href="#Page_371">371</a>.</li>
-<li><span class="small">Douro</span> (Lord), <a href="#Page_357">357</a>.</li>
-<li><span class="small">Dronsart</span> (Mlle Marie), <a href="#Page_390">390</a>.</li>
-<li><span class="small">Dumon</span>, ministre franais, <span class="small"><a href="#Page_XLII">XLII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Dussieux</span> (L.), <span class="small"><a href="#Page_XLIV">XLIV</a></span>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">E</p>
-<ul>
-<li><span class="small">douard</span> VII, roi d'Angleterre, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">lisa Bonaparte.</span> Voir <a href="#BACCIOCHI">Bacciochi</a>.</li>
-<li><span class="small">Ellice</span> (Miss Marion), <a href="#Page_367">367</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_408">408</a></span>
-<span class="small">Eltz</span> (Aimery, comte <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_55">55</a>.</li>
-<li><span class="small">Engelhardt</span> (Catherine). Voir <a href="#Skavronska">Skavronska</a>.</li>
-<li><span class="small">Ermerin</span>, <span class="small"><a href="#Page_XXX">XXX</a></span>, <a href="#Page_63">63</a>, <a href="#Page_83">83</a>, <a href="#Page_251">251</a>, <a href="#Page_374">374</a>.</li>
-<li><span class="small">Esher</span> (le vicomte), <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Esterhazy</span> (Paul-Antoine, prince), ambassadeur d'Autriche Londres, <span class="small"><a href="#Page_IV">IV</a></span>, <a href="#Page_97">97</a>, <a href="#Page_98">98</a>, <a href="#Page_111">111</a>, <a href="#Page_134">134</a>, <a href="#Page_135">135</a>, <a href="#Page_139">139</a>, <a href="#Page_144">144</a>, <a href="#Page_147">147</a>, <a href="#Page_148">148</a>, <a href="#Page_154">154</a>, <a href="#Page_157">157</a>, <a href="#Page_159">159</a>, <a href="#Page_168">168</a>, <a href="#Page_190">190</a>, <a href="#Page_191">191</a>, <a href="#Page_193">193</a>, <a href="#Page_195">195</a>, <a href="#Page_196">196</a>, <a href="#Page_198">198</a>, <a href="#Page_199">199</a>, <a href="#Page_200">200</a>, <a href="#Page_201">201</a>, <a href="#Page_202">202</a>, <a href="#Page_206">206</a>, <a href="#Page_207">207</a>, <a href="#Page_237">237</a>, <a href="#Page_243">243</a>, <a href="#Page_244">244</a>, <a href="#Page_255">255</a>, <a href="#Page_268">268</a>, <a href="#Page_296">296</a>, <a href="#Page_297">297</a>, <a href="#Page_299">299</a>, <a href="#Page_311">311</a>, <a href="#Page_315">315</a>.</li>
-<li><span class="small">Esterhazy</span> (Marie-Thrse de Thurn et Taxis, princesse), femme du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_XLV">XLV</a></span>, <a href="#Page_98">98</a>, <a href="#Page_134">134</a>, <a href="#Page_193">193</a>.</li>
-<li><span class="small">Esterhazy</span> (Nicolas, prince), pre du prince Paul, <a href="#Page_97">97</a>, <a href="#Page_147">147</a>, <a href="#Page_236">236</a>.</li>
-<li><span class="small">Esterhazy</span> (Marie de Liechtenstein, princesse), femme du prcdent, <a href="#Page_97">97</a>, <a href="#Page_237">237</a>.</li>
-<li><span class="small">Esterhazy</span> (Joseph, comte) <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">LXVIII</a></span>, <a href="#Page_6">6</a>, <a href="#Page_160">160</a>, <a href="#Page_319">319</a>.</li>
-<li><span class="small">Esterhazy</span> (Marie-<a id="Leopoldine"></a>Lopoldine de Metternich, comtesse), 1<sup>re</sup> femme du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">LXVIII</a></span>, <a href="#Page_6">6</a>, <a href="#Page_8">8</a>, <a href="#Page_33">33</a>, <a href="#Page_59">59</a>, <a href="#Page_84">84</a>, <a href="#Page_105">105</a>, <a href="#Page_109">109</a>, <a href="#Page_124">124</a>, <a href="#Page_142">142</a>, <a href="#Page_160">160</a>, <a href="#Page_161">161</a>, <a href="#Page_210">210</a>, <a href="#Page_236">236</a>, <a href="#Page_240">240</a>, <a href="#Page_243">243</a>, <a href="#Page_247">247</a>, <a href="#Page_248">248</a>, <a href="#Page_253">253</a>, <a href="#Page_265">265</a>, <a href="#Page_266">266</a>, <a href="#Page_271">271</a>, <a href="#Page_273">273</a>, <a href="#Page_274">274</a>, <a href="#Page_277">277</a>, <a href="#Page_280">280</a>, <a href="#Page_299">299</a>, <a href="#Page_300">300</a>, <a href="#Page_319">319</a>, <a href="#Page_373">373</a>.</li>
-<li><span class="small">Esterhazy</span> (Hlne Bezobrazoff, comtesse), 2<sup>e</sup> femme du comte Joseph, <a href="#Page_6">6</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Eugenie"></a>Eugnie</span>, impratrice des Franais, <a href="#Page_371">371</a>, <a href="#Page_372">372</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">F</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Fagan</span> (Louis), <a href="#Page_211">211</a>.</li>
-<li><span class="small">Falloux</span> (Frdric-Alfred-Pierre, comte <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XX">XX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVII">XXVII</a></span>, <a href="#Page_374">374</a>, <a href="#Page_375">375</a>, <a href="#Page_401">401</a>.</li>
-<li><span class="small">Farnse</span> (Alexandre), cardinal, depuis Pape sous le nom de Paul III, <a href="#Page_273">273</a>.</li>
-<li><span class="small">Ferdinand</span> I<sup>er</sup>, empereur d'Autriche, <a href="#Page_59">59</a>, <a href="#Page_376">376</a>, <a href="#Page_378">378</a>.</li>
-<li><span class="small">Ferdinand</span> VII, roi d'Espagne, <a href="#Page_141">141</a>.</li>
-<li><span class="small">Ferdinand</span> I<sup>er</sup>, roi des Deux-Siciles, <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">LXVIII</a>, <a href="#Page_XVIII">XVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XIX">XIX</a></span>, <a href="#Page_311">311</a>.</li>
-<li><span class="small">Ferdinand</span> III, grand-duc de Toscane, <a href="#Page_248">248</a>, <a href="#Page_259">259</a>.</li>
-<li><span class="small">Ferdinand-Charles-Antoine</span>, archiduc d'Autriche-Este-Modne, <a href="#Page_271">271</a>.</li>
-<li><span class="small">Feth-Ali-Chah</span>, chah de Perse, <a href="#Page_182">182</a>, <a href="#Page_188">188</a>, <a href="#Page_225">225</a>.</li>
-<li><span class="small">Ficquelmont</span> (Charles-Louis, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_35">35</a>, <a href="#Page_108">108</a>.</li>
-<li><span class="small">Flahault de la Billarderie</span> (Alexandre-Sbastien, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_139">139</a>.</li>
-<li><span class="small">Flahault de la Billarderie</span> (Auguste-Charles-Joseph, comte <span class="small">De</span>), fils du prcdent, <a href="#Page_139">139</a>, <a href="#Page_377">377</a>.</li>
-<li><span class="small">Fleury</span> (le comte), <span class="small"><a href="#Page_XX">XX</a></span>, <a href="#Page_111">111</a>, <a href="#Page_401">401</a>.</li>
-<li><span class="small">Floret</span> (Engelbert-Joseph, chevalier <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LV">LV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLVIII">LVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXXI">LXXI</a></span>, <a href="#Page_14">14</a>, <a href="#Page_21">21</a>, <a href="#Page_28">28</a>, <a href="#Page_53">53</a>, <a href="#Page_60">60</a>, <a href="#Page_226">226</a>, <a href="#Page_235">235</a>, <a href="#Page_236">236</a>, <a href="#Page_239">239</a>, <a href="#Page_255">255</a>, <a href="#Page_291">291</a>.</li>
-<li><span class="small">Fontenay</span> (M. <span class="small">De</span>), diplomate franais, <span class="small"><a href="#Page_XLVIII">XLVII</a></span>, <a href="#Page_330">330</a>.</li>
-<li><span class="small">Forbes</span> (John), amiral anglais, <a href="#Page_261">261</a>.</li>
-<li><span class="small">Forgeron</span>, <span class="small"><a href="#Page_LIV">LIV</a></span>, <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-<li><span class="small">Forster</span> (Georges), <span class="small"><a href="#Page_X">X</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Fox</span> (Charles), <a href="#Page_212">212</a>, <a href="#Page_351">351</a>.</li>
-<li><span class="small">Franois</span> I<sup>er</sup>, empereur d'Autriche, <a href="#Page_f">f</a>, <span class="small"><a href="#Page_VII">VII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XIV">XIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XVIII">XVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LVII">LVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LVIII">LVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LIX">LIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXXIII">LXXIII</a></span>, <a href="#Page_10">10</a>, <a href="#Page_14">14</a>, <a href="#Page_21">21</a>, <a href="#Page_44">44</a>, <a href="#Page_45">45</a>, <a href="#Page_60">60</a>, <a href="#Page_62">62</a>, <a href="#Page_63">63</a>, <a href="#Page_64">64</a>, <a href="#Page_65">65</a>, <a href="#Page_71">71</a>, <a href="#Page_78">78</a>, <a href="#Page_94">94</a>, <a href="#Page_100">100</a>, <a href="#Page_104">104</a>, <a href="#Page_108">108</a>, <a href="#Page_113">113</a>, <a href="#Page_171">171</a>, <a href="#Page_182">182</a>, <a href="#Page_183">183</a>, <a href="#Page_187">187</a>, <a href="#Page_191">191</a>, <a href="#Page_210">210</a>, <a href="#Page_216">216</a>, <a href="#Page_217">217</a>, <a href="#Page_248">248</a>, <a href="#Page_258">258</a>, <a href="#Page_265">265</a>, <a href="#Page_271">271</a>, <a href="#Page_276">276</a>, <a href="#Page_277">277</a>, <a href="#Page_280">280</a>, <a href="#Page_301">301</a>, <a href="#Page_314">314</a>, <a href="#Page_321">321</a>, <a href="#Page_330">330</a>, <a href="#Page_331">331</a>, <a href="#Page_334">334</a>, <a href="#Page_376">376</a>, <a href="#Page_378">378</a>.</li>
-<li><span class="small">Frank</span> (Jean-Pierre), mdecin, <a href="#Page_230">230</a>.</li>
-<li><span class="small">Frdric-Guillaume</span> II, roi de Prusse, <a href="#Page_10">10</a>.</li>
-<li><span class="small">Frdric-Guillaume</span> III, roi de Prusse, <span class="small"><a href="#Page_XVI">XVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XVIII">XVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXV">XXXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVI">XXXVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LVII">LVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LIX">LIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LX">LX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">LXVIII</a></span>, <a href="#Page_10">10</a>, <a href="#Page_65">65</a>, <a href="#Page_145">145</a>, <a href="#Page_252">252</a>, <a href="#Page_261">261</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_409"> 409</a></span>
-<span class="small">Frdrique</span>, reine de Hanovre. Voir <a href="#CUMBERLAND">Cumberland</a> (duchesse <span class="small">De</span>).</li>
-<li><span class="small">Fremantle</span> (Sir Thomas-Francis), amiral anglais, <a href="#Page_265">265</a>, <a href="#Page_268">268</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">G</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Galles</span> (prince de). Voir <a href="#George">George IV</a></li>
-<li><span class="small">Galles</span> (princesse de). Voir <a href="#CAROLINE">Caroline, reine d'Angleterre</a>.</li>
-<li><span class="small">Gams</span>, <a href="#Page_271">271</a>.</li>
-<li><span class="small">Gaugreben</span> (Charles <a id="Posse"></a>Posse <span class="small">De</span>), gnral russe, <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Gaugreben</span> (Charlotte Karlovna Posse <span class="small">De</span>), fille du prcdent. Voir <a href="#Gaugreben"> Lieven</a>.</li>
-<li><span class="small">Generali</span> (Pietro), <a href="#Page_268">268</a>.</li>
-<li><span class="small">Gentz</span> (Frdric <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXVII">XXVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXVIII</a></span>, <a href="#Page_112">112</a>, <a href="#Page_115">115</a>, <a href="#Page_301">301</a>, <a href="#Page_401">401</a>.</li>
-<li><span class="small">George</span> III, roi d'Angleterre, <a href="#Page_51">51</a>, <a href="#Page_141">141</a>, <a href="#Page_267">267</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="George"></a>George</span> IV, prince rgent, puis roi d'Angleterre, <span class="small"><a href="#Page_II">II</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XVIII">XVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVI">XXXVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVII">XXXVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIX">XXXIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LIII">LIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">LXVII</a></span>, <a href="#Page_21">21</a>, <a href="#Page_51">51</a>, <a href="#Page_53">53</a>, <a href="#Page_98">98</a>, <a href="#Page_132">132</a>, <a href="#Page_142">142</a>, <a href="#Page_144">144</a>, <a href="#Page_145">145</a>, <a href="#Page_161">161</a>, <a href="#Page_168">168</a>, <a href="#Page_267">267</a>, <a href="#Page_320">320</a>, <a href="#Page_321">321</a>, <a href="#Page_322">322</a>, <a href="#Page_323">323</a>, <a href="#Page_331">331</a>, <a href="#Page_342">342</a>, <a href="#Page_346">346</a>, <a href="#Page_353">353</a>.</li>
-<li><span class="small">Giry</span> (A.), <span class="small"><a href="#Page_XII">XII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Goderich</span> (Lord), <a href="#Page_211">211</a>.</li>
-<li><span class="small">Golovkine</span> (Georges Alexandrovitch), ministre de Russie Vienne, <a href="#Page_63">63</a>, <a href="#Page_66">66</a>, <a href="#Page_131">131</a>, <a href="#Page_132">132</a>, <a href="#Page_163">163</a>, <a href="#Page_194">194</a>, <a href="#Page_227">227</a>, <a href="#Page_228">228</a>, <a href="#Page_251">251</a>, <a href="#Page_326">326</a>, <a href="#Page_327">327</a>.</li>
-<li><span class="small">Golovkine</span> (Gabriel), bisaeul du prcdent, <a href="#Page_63">63</a>.</li>
-<li><span class="small">Golovkine</span> (le comte Fdor), cousin germain de Georges et auteur des <i>Souvenirs</i>, <span class="small"><a href="#Page_XXV">XXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXVI">XXVI</a></span>, <a href="#Page_63">63</a>, <a href="#Page_402">402</a>.</li>
-<li><span class="small">Gordon</span> (Sir Robert), charg d'affaires d'Angleterre Vienne, <a href="#Page_173">173</a>, <a href="#Page_190">190</a>, <a href="#Page_195">195</a>, <a href="#Page_198">198</a>, <a href="#Page_200">200</a>, <a href="#Page_206">206</a>, <a href="#Page_250">250</a>, <a href="#Page_255">255</a>, <a href="#Page_290">290</a>, <a href="#Page_300">300</a>, <a href="#Page_303">303</a>.</li>
-<li><span class="small">Gordon</span> (Sir Alexandre), <a href="#Page_173">173</a>.</li>
-<li><span class="small">Goulesko</span> (le ban), <a href="#Page_131">131</a>.</li>
-<li><span class="small">Gouvion-Saint-Cyr</span> (le marchal), <a href="#Page_115">115</a>, <a href="#Page_146">146</a>, <a href="#Page_156">156</a>.</li>
-<li><span class="small">Granville</span> (Harriett, comtesse), <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Grenville</span> (Lord), <a href="#Page_211">211</a>.</li>
-<li><span class="small">Grenville</span> (Anne Pitt, Lady), <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXXVIII</a></span>, <a href="#Page_211">211</a>.</li>
-<li><span class="small">Grville</span> (Charles Cavendish Fulke), <span class="small"><a href="#Page_XLVII">XLVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLVIII">XLVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_L">L</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LIV">LIV</a></span>, <a href="#Page_185">185</a>, <a href="#Page_352">352</a>, <a href="#Page_353">353</a>, <a href="#Page_360">360</a>, <a href="#Page_361">361</a>, <a href="#Page_365">365</a>, <a href="#Page_366">366</a>, <a href="#Page_369">369</a>, <a href="#Page_370">370</a>, <a href="#Page_378">378</a>, <a href="#Page_394">394</a>.</li>
-<li><span class="small">Grey</span> (Charles, comte), <span class="small"><a href="#Page_LII">LII</a></span>, <a href="#Page_56">56</a>, <a href="#Page_114">114</a>, <a href="#Page_211">211</a>, <a href="#Page_334">334</a>, <a href="#Page_335">335</a>, <a href="#Page_338">338</a>, <a href="#Page_340">340</a>, <a href="#Page_343">343</a>, <a href="#Page_344">344</a>, <a href="#Page_345">345</a>, <a href="#Page_346">346</a>, <a href="#Page_347">347</a>, <a href="#Page_348">348</a>, <a href="#Page_351">351</a>, <a href="#Page_352">352</a>, <a href="#Page_355">355</a>, <a href="#Page_390">390</a>.</li>
-<li><span class="small">Gros-Hoffinger</span> (Antoine-Jean), <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-<li><span class="small">Guilford</span> (Frdric North, Lord), <a href="#Page_131">131</a>, <a href="#Page_132">132</a>.</li>
-<li><span class="small">Guillaume</span> IV, roi d'Angleterre, <a href="#Page_353">353</a>.</li>
-<li><span class="small">Guillaume</span> V, stathouder de Hollande, <a href="#Page_60">60</a>.</li>
-<li><span class="small">Guillaume</span> I<sup>er</sup>, roi des Pays-Bas, <span class="small"><a href="#Page_LXIX">LXIX</a></span>, <a href="#Page_60">60</a>.</li>
-<li><span class="small">Guillaume</span> II, roi des Pays-Bas, <a href="#Page_60">60</a>.</li>
-<li><span class="small">Guillaume</span> I<sup>er</sup>, roi de Wrtemberg, <a href="#Page_136">136</a>.</li>
-<li><span class="small">Guizot</span> (Franois-Pierre-Guillaume), <a href="#Page_e">e</a>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXXVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XL">XL</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLIV">XLIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LIII">LIII</a></span>, <a href="#Page_161">161</a>, <a href="#Page_360">360</a>, <a href="#Page_361">361</a>, <a href="#Page_362">362</a>, <a href="#Page_363">363</a>, <a href="#Page_364">364</a>, <a href="#Page_365">365</a>, <a href="#Page_368">368</a>, <a href="#Page_369">369</a>, <a href="#Page_370">370</a>, <a href="#Page_371">371</a>, <a href="#Page_373">373</a>, <a href="#Page_374">374</a>, <a href="#Page_380">380</a>, <a href="#Page_385">385</a>, <a href="#Page_391">391</a>, <a href="#Page_392">392</a>, <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-<li><span class="small">Guizot</span> (Franois), fils du prcdent, <a href="#Page_362">362</a>.</li>
-<li><span class="small">Guizot</span> (Guillaume), frre du prcdent, <a href="#Page_392">392</a>.</li>
-<li><span class="small">Gurwood</span>, lieutenant-colonel anglais, <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-<li><span class="small">Gutenberg</span>, <a href="#Page_84">84</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">H</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Haddo</span> (Lord), <a href="#Page_173">173</a>.</li>
-<li><span class="small">Hague</span>, musicien, <a href="#Page_253">253</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_410"> 410</a></span>
-<span class="small">Hamilton-Gordon</span> (Sir Arthur), <a href="#Page_396">396</a>.</li>
-<li><span class="small">Hammer</span> (M. <span class="small">De</span>), <a href="#Page_187">187</a>.</li>
-<li><span class="small">Hanotaux</span> (Gabriel), <a href="#Page_ie">i</a>.</li>
-<li><span class="small">Hardenberg</span> (Charles-Auguste, prince <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LIX">LIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">LXVIII</a></span>, <a href="#Page_36">36</a>.</li>
-<li><span class="small">Harrowby</span> (Dudley Ryder, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_185">185</a>.</li>
-<li><span class="small">Harrowby</span> (Suzanne Leveson-Gower, Lady), <a href="#Page_185">185</a>.</li>
-<li><span class="small">Hatzfeld</span> (Louis, prince <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LX">LX</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Heiliger</span>, <a href="#Page_217">217</a>.</li>
-<li><span class="small">Helzebrun.</span> Voir <a href="#Lebzeltern">Lebzeltern</a>.</li>
-<li><span class="small">Herriot</span> (douard), <span class="small"><a href="#Page_XXVI">XXVI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Hesse-Hombourg</span> (prince hritier <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Heytesbury</span> (William A'Court, baron), <a href="#Page_339">339</a>, <a href="#Page_350">350</a>, <a href="#Page_351">351</a>, <a href="#Page_352">352</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Hitroff"></a>Hitroff</span> (Nicolas Fdorovitch), <a href="#Page_261">261</a>.</li>
-<li><span class="small">Hitroff</span> (Mme), <a href="#Page_261">261</a>, <a href="#Page_262">262</a>.</li>
-<li><span class="small">Hobart</span> (John). Voir <a href="#BUCKINGHAM">Buckingham</a>.</li>
-<li><span class="small">Hobart Caradoc.</span> Voir <a href="#Howden">Howden</a>.</li>
-<li><span class="small">Hobhouse</span> (John Cam), <a href="#Page_124">124</a>, <a href="#Page_215">215</a>.</li>
-<li><span class="small">Hoffmann</span>, <span class="small"><a href="#Page_X">X</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Holland</span> (Lord), <span class="small"><a href="#Page_II">II</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Holland</span> (Lady), <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXXVIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Hormayr</span> (Joseph <span class="small">De</span>), <a href="#Page_334">334</a>, <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Howden"></a>Howden</span> (Sir John Hobart Caradoc, baron), second mari de la princesse Bagration, <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Hbner</span> (Joseph-Alexandre, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_374">374</a>, <a href="#Page_377">377</a>, <a href="#Page_381">381</a>, <a href="#Page_395">395</a>, <a href="#Page_401">401</a>.</li>
-<li><span class="small">Hbner</span> (Alexandre, comte <span class="small">De</span>), fils du prcdent, <a href="#Page_374">374</a>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Hugel</span> (Charles), <a href="#Page_379">379</a>.</li>
-<li><span class="small">Hunloke</span> (Sir Henry), <a href="#Page_150">150</a>.</li>
-<li><span class="small">Hunt</span> (Henry), <a href="#Page_262">262</a>, <a href="#Page_280">280</a>.</li>
-<li><span class="small">Huret</span> (Lopold), <a href="#Page_155">155</a>, <a href="#Page_191">191</a>.</li>
-<li><span class="small">Huskisson</span> (William), <a href="#Page_349">349</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">I</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Ilchester</span> (comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-<li><span class="small">Isabelle-Marie</span>, reine d'Espagne, <a href="#Page_141">141</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">J</p>
-<ul>
-<li><span class="small">Jean</span> VI, roi de Portugal, <a href="#Page_141">141</a>.</li>
-<li><span class="small">Jean</span>, archiduc d'Autriche, <a href="#Page_378">378</a>.</li>
-<li><span class="small">Jersey</span> (George Villiers, IV<sup>e</sup> comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_114">114</a>.</li>
-<li><span class="small">Jersey</span> (George Child-Villiers, V<sup>e</sup> comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_78">78</a>.</li>
-<li><span class="small">Jersey</span> (Sarah-Sophie Fane, comtesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXXVII</a></span>, <a href="#Page_78">78</a>, <a href="#Page_116">116</a>, <a href="#Page_123">123</a>, <a href="#Page_124">124</a>, <a href="#Page_125">125</a>, <a href="#Page_126">126</a>, <a href="#Page_215">215</a>, <a href="#Page_247">247</a>, <a href="#Page_301">301</a>, <a href="#Page_316">316</a>.</li>
-<li><span class="small">Joseph</span> II, empereur d'Allemagne, <a href="#Page_248">248</a>.</li>
-<li><span class="small">Josphine</span>, impratrice des Franais, <a href="#Page_82">82</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Junot"></a>Junot</span> (Andoche), duc d'Abrants, <span class="small"><a href="#Page_XXV">XXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXVI">XXVI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Junot</span> (Mme) ne Laure Permond, duchesse d'Abrants, <span class="small"><a href="#Page_XXV">XXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXVI">XXVI</a></span>, <a href="#Page_401">401</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">K</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Kalergis</span> (Mme), <a href="#Page_372">372</a>.</li>
-<li><span class="small">Karadsha</span> (le prince), <a href="#Page_131">131</a>.</li>
-<li><span class="small">Karolyi</span> (le comte), <a href="#Page_261">261</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Karolyi"></a>Karolyi</span> (Georgine Dillon, comtesse), <a href="#Page_261">261</a>.</li>
-<li><span class="small">Kaunitz</span> (Wenceslas-Antoine, prince <span class="small">De</span>), homme d'tat autrichien, <span class="small"><a href="#Page_XV">XV</a></span>, <a href="#Page_215">215</a>.</li>
-<li><span class="small">Kaunitz</span> (Ernest, prince <span class="small">De</span>), beau-pre du prince de Metternich, <span class="small"><a href="#Page_XV">XV</a></span>, <a href="#Page_42">42</a>, <a href="#Page_43">43</a>.</li>
-<li><span class="small">Kaunitz</span> (Dominique-Andr, prince <span class="small">De</span>), <a href="#Page_215">215</a>, <a href="#Page_235">235</a>.</li>
-<li><span class="small">Kaunitz</span> (Aloys-Wenceslas, prince <span class="small">De</span>), fils du prcdent, ambassadeur d'Autriche Rome, <a href="#Page_215">215</a>, <a href="#Page_216">216</a>.</li>
-<li><span class="small">Kaunitz</span> (Franoise Ungnad de Weissenwolf, princesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <a href="#Page_215">215</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_411"> 411</a></span>
-<span class="small">Kellermann</span> (Franois-Christophe), marchal de France, <span class="small"><a href="#Page_XLVIII">LVIII</a></span>, <a href="#Page_47">47</a>.</li>
-<li><span class="small">Kent</span> (douard, duc <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LXXII">LXXII</a></span>, <a href="#Page_50">50</a>, <a href="#Page_51">51</a>, <a href="#Page_52">52</a>.</li>
-<li><span class="small">Kent</span> (Marie-Louise-Victoire de Saxe-Saalfeld-Cobourg, duchesse <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LXXII">LXXII</a></span>, <a href="#Page_50">50</a>, <a href="#Page_51">51</a>, <a href="#Page_53">53</a>.</li>
-<li><span class="small">Kermaingant</span> (P.-L. <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXVIII</a></span>, <a href="#Page_402">402</a>.</li>
-<li><span class="small">Khitroff</span>, voir <a href="#Hitroff">Hitroff</a>.</li>
-<li><span class="small">King</span> (M.), <a href="#Page_196">196</a>.</li>
-<li><span class="small">Kinnaird</span> (Charles, Lord), <a href="#Page_262">262</a>, <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Kinnaird</span> (Olivia Fitzgerald, Lady), <a href="#Page_262">262</a>, <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Kisseleff</span> (M. <span class="small">De</span>), ambassadeur de Russie Paris, <a href="#Page_372">372</a>.</li>
-<li><span class="small">Kleinschmidt</span> (Arthur), <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_L">L</a></span>, <a href="#Page_349">349</a>, <a href="#Page_392">392</a>, <a href="#Page_397">397</a>, <a href="#Page_399">399</a>.</li>
-<li><span class="small">Klinkowstr&oelig;m</span> (A. <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XI">XI</a></span>, <a href="#Page_394">394</a>.</li>
-<li><span class="small">Kolowrat</span> (Franois-Antoine, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_35">35</a>, <a href="#Page_376">376</a>, <a href="#Page_378">378</a>.</li>
-<li><span class="small">Kolowrat</span> (Rose Kinsky, comtesse <span class="small">De</span>), <a href="#Page_183">183</a>.</li>
-<li><span class="small">Kotzebue</span> (Auguste <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_X">X</a></span>, <a href="#Page_295">295</a>, <a href="#Page_301">301</a>, <a href="#Page_313">313</a>.</li>
-<li><span class="small">Kourakine</span> (Alexandre Borissovitch, prince), diplomate russe, <a href="#Page_227">227</a>.</li>
-<li><span class="small">Kozlovski</span> (Pierre Borissovitch, prince), diplomate russe, <a href="#Page_11">11</a>, <a href="#Page_12">12</a>, <a href="#Page_13">13</a>, <a href="#Page_144">144</a>, <a href="#Page_396">396</a>, <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-<li><span class="small">Krusemarck</span> (Frdric-Guillaume-Louis <span class="small">De</span>), ministre de Prusse Vienne, <a href="#Page_251">251</a>.</li>
-<li><span class="small">Kuefstein</span> (Franois, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_55">55</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">L</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Labouchre</span>, banquier, <span class="small"><a href="#Page_LX">LX</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Lacombe</span> (M. <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XIX">XIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XX">XX</a></span>, <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-<li><span class="small">Lafon</span>, violoncelliste, <span class="small"><a href="#Page_LIX">LIX</a></span>.</li>
-<li><span class="small">La Force</span> (Franois-Philibert-Bertrand Nompar de Caumont, duc <span class="small">De</span>), <a href="#Page_41">41</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="La_Force"></a>La Force</span> (Marie-Constance de Lamoignon, duchesse <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXVIII">XXVIII</a></span>, <a href="#Page_41">41</a>.</li>
-<li><span class="small">La Garde-Chambonas</span> (comte A. <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XX">XX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXIII">XXIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>, <a href="#Page_12">12</a>, <a href="#Page_111">111</a>, <a href="#Page_144">144</a>, <a href="#Page_401">401</a>.</li>
-<li><span class="small">Lamb</span> (George), <a href="#Page_124">124</a>.</li>
-<li><span class="small">Lambert</span> (le major), <a href="#Page_367">367</a>.</li>
-<li><span class="small">Lamoignon</span> (M. <span class="small">De</span>), ancien garde des sceaux, <span class="small"><a href="#Page_XXVIII">XXVIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Lamoignon</span> (Marie-Constance <span class="small">De</span>), fille du prcdent. Voir <a href="#La_Force">La Force</a>.</li>
-<li><span class="small">Lanjuinais</span> (Jean-Denis, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_301">301</a>.</li>
-<li><span class="small">Lansdowne</span> (Henry Petty-Fitzmaurice, Lord), <a href="#Page_210">210</a>, <a href="#Page_211">211</a>, <a href="#Page_351">351</a>.</li>
-<li><span class="small">La Tour</span> (la princesse <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LXI">LXI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">La Tour du Pin</span> (Frdric-Sraphin, marquis <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LXIX">LXIX</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Lauderdale</span> (James Maitland, Lord), <a href="#Page_212">212</a>.</li>
-<li><span class="small">Laugel</span> (A.), <a href="#Page_392">392</a>.</li>
-<li><span class="small">Lavisse</span> (Ernest), <a href="#Page_206">206</a>.</li>
-<li><span class="small">Lawrence</span> (Sir Thomas), peintre anglais, <span class="small"><a href="#Page_XLV">XLV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXVII">LXVII</a></span>, <a href="#Page_9">9</a>, <a href="#Page_82">82</a>, <a href="#Page_83">83</a>, <a href="#Page_108">108</a>, <a href="#Page_111">111</a>, <a href="#Page_130">130</a>, <a href="#Page_142">142</a>, <a href="#Page_143">143</a>, <a href="#Page_195">195</a>, <a href="#Page_240">240</a>, <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-<li><span class="small">Lardi</span> (Paul, comte), nonce Vienne, <a href="#Page_163">163</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Lebzeltern"></a>Lebzeltern</span> (Louis, comte <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></span>, <a href="#Page_28">28</a>, <a href="#Page_66">66</a><a id="FNanchor_625" href="#Footnote_625" class="fnanchor">&nbsp;[625]</a> <a href="#Page_196">196</a>.</li>
-<li><span class="small">Leiningen</span> (Emich-Charles, prince <span class="small">De</span>), <a href="#Page_50">50</a>.</li>
-<li><span class="small">Leiningen</span> (Victoria-Marie-Louise de Saxe-Saalfeld-Cobourg, princesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <a href="#Page_50">50</a>.</li>
-<li><span class="small">Leiningen</span> (Charles-Frdric-Guillaume-Emich, prince <span class="small">De)</span>, fils des prcdents, <a href="#Page_50">50</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_412"> 412</a></span>
-<span class="small">Leinster</span> (le duc <span class="small">De</span>), <a href="#Page_263">263</a>.</li>
-<li><span class="small">Lon</span> XII (Annibal della Genga), pape, <a href="#Page_281">281</a>, <a href="#Page_300">300</a>.</li>
-<li><span class="small">Lopold</span> I<sup>er</sup>, roi des Belges, <a href="#Page_361">361</a>.</li>
-<li><span class="small">Lopold</span> II, empereur d'Allemagne, auparavant grand-duc de Toscane sous le nom de Lopold I<sup>er</sup>, <span class="small"><a href="#Page_XIV">XIV</a></span>, <a href="#Page_10">10</a>, <a href="#Page_248">248</a>.</li>
-<li><span class="small">Lopoldine-Caroline-Josphine</span>, archiduchesse d'Autriche, pouse de Pierre d'Alcantara, prince hrditaire de Portugal, <span class="small"><a href="#Page_XVIII">XVIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Le Strange</span> (Guy), <a href="#Page_335">335</a>, <a href="#Page_390">390</a>.</li>
-<li><span class="small">Lesur</span> (Charles-Louis), <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">LXVIII</a></span>, <a href="#Page_131">131</a>, <a href="#Page_141">141</a>.</li>
-<li><span class="small">Leveson Gower</span> (F.), <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Leykam</span> (Marie-Antoinette <span class="small">De</span>). Voir <a href="#Leykam"> Metternich</a>.</li>
-<li><span class="small">Liechtenstein</span> (princesse <span class="small">De</span>), mre du suivant, <a href="#Page_157">157</a>.</li>
-<li><span class="small">Liechtenstein</span> (Maurice-Joseph, prince <span class="small">De</span>), <a href="#Page_60">60</a>, <a href="#Page_147">147</a>, <a href="#Page_148">148</a>, <a href="#Page_154">154</a>, <a href="#Page_157">157</a>, <a href="#Page_218">218</a>, <a href="#Page_230">230</a>, <a href="#Page_231">231</a>, <a href="#Page_244">244</a>.</li>
-<li><span class="small">Liechtenstein</span> (Lopoldine Esterhazy, princesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <a href="#Page_60">60</a>, <a href="#Page_147">147</a>, <a href="#Page_148">148</a>, <a href="#Page_218">218</a>, <a href="#Page_231">231</a>, <a href="#Page_232">232</a>.</li>
-<li><span class="small">Liechtenstein</span> (Rodolphe, prince <span class="small">De</span>), <a href="#Page_379">379</a>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (famille <span class="small">De</span>), <a href="#Page_396">396</a>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Otto-Henri-Andr Romanovitch, baron <span class="small">De</span>), gnral, <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Charlotte Karlovna Posse de <a id="Gaugreben"></a>Gaugreben, baronne <span class="small">De</span>), femme du prcdent, gouvernante des petits-enfants de Catherine II, <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXV">LXV</a></span>, <a href="#Page_349">349</a>, <a href="#Page_396">396</a>, <a href="#Page_399">399</a>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (<a id="Charles_Andreievitch"></a>Charles Andrvitch <span class="small">De</span>), fils an des prcdents, <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>, <a href="#Page_396">396</a>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Andr Karlovitch <span class="small">De</span>), fils du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Christophe Andrvitch, comte, puis prince <span class="small">De</span>), deuxime fils du prince Andr Romanovitch, ambassadeur de Russie Londres, <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIV">XXXIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXV">XXXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVI">XXXVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVII">XXXVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXXVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIX">XXXIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XL">XL</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLI">XLI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LX">LX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXII">LXII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXV">LXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXVI">LXVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXXII">LXXII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">LXVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIX">LXIX</a></span>, <a href="#Page_1">1</a>, <a href="#Page_3">3</a>, <a href="#Page_7">7</a>, <a href="#Page_11">11</a>, <a href="#Page_19">19</a>, <a href="#Page_20">20</a>, <a href="#Page_22">22</a>, <a href="#Page_28">28</a>, <a href="#Page_61">61</a>, <a href="#Page_63">63</a>, <a href="#Page_78">78</a>, <a href="#Page_87">87</a>, <a href="#Page_110">110</a>, <a href="#Page_135">135</a>, <a href="#Page_155">155</a>, <a href="#Page_162">162</a>, <a href="#Page_206">206</a>, <a href="#Page_209">209</a>, <a href="#Page_218">218</a>, <a href="#Page_269">269</a>, <a href="#Page_296">296</a>, <a href="#Page_320">320</a>, <a href="#Page_321">321</a>, <a href="#Page_322">322</a>, <a href="#Page_323">323</a>, <a href="#Page_324">324</a>, <a href="#Page_327">327</a>, <a href="#Page_328">328</a>, <a href="#Page_329">329</a>, <a href="#Page_330">330</a>, <a href="#Page_331">331</a>, <a href="#Page_332">332</a>, <a href="#Page_339">339</a>, <a href="#Page_349">349</a>, <a href="#Page_350">350</a>, <a href="#Page_351">351</a>, <a href="#Page_354">354</a>, <a href="#Page_358">358</a>, <a href="#Page_359">359</a>, <a href="#Page_374">374</a>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Dorothe de Benckendorff, comtesse, puis princesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <i>passim</i>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Alexandre Christophorovitch, prince <span class="small">De</span>), fils des prcdents, <span class="small"><a href="#Page_XLIII">XLIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LV">LV</a></span>, <a href="#Page_374">374</a>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Paul Christophorovitch, prince <span class="small">De</span>), frre du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_LV">LV</a></span>, <a href="#Page_330">330</a>, <a href="#Page_374">374</a>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Constantin Christophorovitch, prince <span class="small">De</span>), frre des prcdents, <span class="small"><a href="#Page_LV">LV</a></span>, <a href="#Page_374">374</a>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Georges Christophorovitch, prince <span class="small">De</span>), frre des prcdents, <span class="small"><a href="#Page_IV">IV</a></span>, <a href="#Page_217">217</a>, <a href="#Page_316">316</a>, <a href="#Page_357">357</a>, <a href="#Page_374">374</a>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Arthur Christophorovitch, prince <span class="small">De</span>), frre des prcdents, <a href="#Page_331">331</a>, <a href="#Page_357">357</a>, <a href="#Page_374">374</a>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Ivan Andrvitch <span class="small">De</span>), troisime fils du baron Andr Romanovitch, <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Lieven</span> (Catherine Andrvna <span class="small">De</span>). Voir <a href="#Vietinhof">Vitinhof</a>.</li>
-<li><span class="small">Lobkowitz</span> (Franois-Joseph-Maximilien-Ferdinand, prince <span class="small">De</span>), <a href="#Page_79">79</a>.</li>
-<li><span class="small">L&oelig;venstein-Rochefort</span> (Charles-Thomas-Albert-Louis-Joseph-Constantin, prince <span class="small">De</span>), <a href="#Page_52">52</a>.</li>
-<li><span class="small">L&oelig;wenstein-<a id="Rochefort"></a>Rochefort</span> (Sophie-Louise-Wilhelmine de Windischgraetz, princesse <span class="small">De</span>), <a href="#Page_51">51</a>, <a href="#Page_52">52</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_413"> 413</a></span>
-<span class="small">Lomnie</span> (Louis <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXII">XXII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXIII">XXIII</a></span>, <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-<li><span class="small">Londonderry</span> (le marquis <span class="small">De</span>), pre de Lord Castlereagh, <a href="#Page_6">6</a>.</li>
-<li><span class="small">Londonderry</span> (le marquis <span class="small">De</span>). Voir <a href="#CASTLEREAGH">Castlereagh</a>.</li>
-<li><span class="small">Louis XVIII,</span> roi de France, <span class="small"><a href="#Page_III">III</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_IV">IV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">XVIII</a></span>, <a href="#Page_114">114</a>, <a href="#Page_117">117</a>, <a href="#Page_156">156</a>, <a href="#Page_182">182</a>, <a href="#Page_260">260</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Louis-Philippe"></a>Louis-Philippe</span>, roi des Franais, <span class="small"><a href="#Page_XIII">XIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLII">XLII</a></span>, <a href="#Page_363">363</a>, <a href="#Page_375">375</a>.</li>
-<li><span class="small">Louis-Napolon.</span> Voir <a href="#empereur"> Napolon III.</a></li>
-<li><span class="small">Louis</span> I<sup>er</sup>, roi de Bavire, <a href="#Page_131">131</a>.</li>
-<li><span class="small">Louis</span>, archiduc d'Autriche, <a href="#Page_378">378</a>.</li>
-<li><span class="small">Louis</span>, prince de Prusse, <span class="small"><a href="#Page_XXVII">XXVII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Louise-Amlie</span> de Bourbon, grande duchesse de Toscane, <a href="#Page_248">248</a>.</li>
-<li><span class="small">Louise</span>-Auguste-Wilhelmine-Amlie de Mecklembourg-Strelitz, reine de Prusse, pouse de Frdric-Guillaume III, <a href="#Page_98">98</a>.</li>
-<li><span class="small">Louise-Marie-Thrse</span> de Bourbon, reine d'Espagne, pouse de Charles IV, <a href="#Page_141">141</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">M</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">M. A. B.</span>, <span class="small"><a href="#Page_XLII">XLII</a></span>, <a href="#Page_394">394</a>.</li>
-<li><span class="small">Malmesbury</span> (Lord), <span class="small"><a href="#Page_XLII">XLII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LI">LI</a></span>, <a href="#Page_360">360</a>, <a href="#Page_361">361</a>, <a href="#Page_366">366</a>, <a href="#Page_368">368</a>, <a href="#Page_371">371</a>, <a href="#Page_394">394</a>.</li>
-<li><span class="small">Marcel</span>, <span class="small"><a href="#Page_XIII">XIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Marcellus</span> (le comte <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_II">II</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLV">XLV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_L">L</a></span>, <a href="#Page_328">328</a>, <a href="#Page_355">355</a>, <a href="#Page_396">396</a>.</li>
-<li><span class="small">Marescalchi</span>, <a href="#Page_246">246</a>.</li>
-<li><span class="small">Maricourt</span> (le baron de), <a href="#Page_139">139</a>.</li>
-<li><span class="small">Marie-<a id="Amelie"></a>Amlie</span>, reine des Franais, <a href="#Page_366">366</a>.</li>
-<li><span class="small">Marie-Antoinette</span> d'Autriche, reine de France, <a href="#Page_260">260</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Marie_Feodorovna"></a>Marie Fodorovna</span>, ne Sophie-Dorothea-Augusta de Wrtemberg, impratrice douairire de Russie, veuve de Paul I<sup>er</sup>, <span class="small"><a href="#Page_XXX">XXX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIV">XXXIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXV">LXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXVI">LXVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIX">LXIX</a></span>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Marie-Louise</span> d'Autriche, impratrice des Franais, <span class="small"><a href="#Page_LXVII">XVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXV">XXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLIV">XLIV</a></span>, <a href="#Page_230">230</a>.</li>
-<li><span class="small">Masson</span> (Frdric), <a href="#Page_ie">i</a>, <span class="small"><a href="#Page_XXV">XXV</a></span>, <a href="#Page_402">402</a>.</li>
-<li><span class="small">Maximilien</span> I<sup>er</sup>-Joseph, roi de Bavire, <a href="#Page_131">131</a>.</li>
-<li><span class="small">Maximilien</span>-Joseph-Jean, archiduc d'Autriche, <a href="#Page_270">270</a>, <a href="#Page_271">271</a>.</li>
-<li><span class="small">Mazade</span> (Charles <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_VI">VI</a></span>, <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-<li><span class="small">Mdicis</span> (Cme <span class="small">De</span>), <a href="#Page_248">248</a>.</li>
-<li><span class="small">Mdicis</span> (Laurent <span class="small">De</span>), <a href="#Page_248">248</a>.</li>
-<li><span class="small">Meinhardt</span> (Frdric), <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-<li><span class="small">Melbourne</span> (William Lamb, Lord), <a href="#Page_124">124</a>, <a href="#Page_211">211</a>.</li>
-<li><span class="small">Mellish</span>, <a href="#Page_352">352</a>.</li>
-<li><span class="small">Mensingen</span> (Mlle <span class="small">De</span>), <a href="#Page_360">360</a>.</li>
-<li><span class="small">Merkle</span> (J.), <a href="#Page_136">136</a>.</li>
-<li><span class="small">Mrime</span> (Prosper), <a href="#Page_e">e</a>, <a href="#Page_211">211</a>, <a href="#Page_398">398</a>, <a href="#Page_399">399</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Franz-Georg-Karl-Joseph-Johann, prince <span class="small">De</span>), pre du chancelier, <span class="small"><a href="#Page_VIII">VIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XV">XV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XVI">XVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXII">XXII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LVII">LVII</a></span>, <a href="#Page_40">40</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Maria-Batrix-Antonia-Alosia de Kagenegg, princesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_VIII">VIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXII">XXII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Clment-Wenceslas-Lothaire, prince <span class="small">De</span>), fils an du prcdent, chancelier d'Autriche, <i>passim</i>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Marie-lonore de Kaunitz, princesse <span class="small">De</span>), premire femme du chancelier, <span class="small"><a href="#Page_XV">XV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXV">XXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LX">LX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXI">LXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXII">LXII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></span>, <a href="#Page_6">6</a>, <a href="#Page_42">42</a>, <a href="#Page_55">55</a>, <a href="#Page_59">59</a>, <a href="#Page_60">60</a>, <a href="#Page_63">63</a>, <a href="#Page_77">77</a>, <a href="#Page_83">83</a>, <a href="#Page_104">104</a>, <a href="#Page_161">161</a>, <a href="#Page_224">224</a>, <a href="#Page_236">236</a>, <a href="#Page_240">240</a>, <a href="#Page_246">246</a>, <a href="#Page_247">247</a>, <a href="#Page_258">258</a>, <a href="#Page_274">274</a>, <a href="#Page_275">275</a>, <a href="#Page_276">276</a>, <a href="#Page_277">277</a>, <a href="#Page_289">289</a>, <a href="#Page_293">293</a>, <a href="#Page_295">295</a>, <a href="#Page_307">307</a>, <a href="#Page_314">314</a>, <a href="#Page_319">319</a>, <a href="#Page_331">331</a>, <a href="#Page_373">373</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Marie-Antoinette de <a id="Leykam"></a>Leykam, comtesse de Beilstein, princesse <span class="small">De</span>), deuxime femme du chancelier, <a href="#Page_334">334</a>, <a href="#Page_335">335</a>, <a href="#Page_336">336</a>, <a href="#Page_337">337</a>, <a href="#Page_343">343</a>, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Mlanie-Marie-Antoinette
-<span class="pagenum"><a id="Page_414"> 414</a></span>
-Zichy-Ferraris, princesse <span class="small">De</span>), troisime femme du chancelier, <span class="small"><a href="#Page_XXVI">XXVI</a></span>, <a href="#Page_66">66</a>, <a href="#Page_374">374</a>, <a href="#Page_375">375</a>, <a href="#Page_377">377</a>, <a href="#Page_378">378</a>, <a href="#Page_381">381</a>, <a href="#Page_382">382</a>, <a href="#Page_384">384</a>, <a href="#Page_385">385</a>, <a href="#Page_386">386</a>, <a href="#Page_394">394</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Marie-Lopoldine, princesse <span class="small">De</span>), fille du chancelier, issue du premier mariage. Voir <a href="#Leopoldine"> Esterhazy</a> (comtesse).</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Franz-Karl-Johann-Georg, prince <span class="small">De</span>), fils du chancelier, issu du premier mariage, <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Clment-Eduard, prince <span class="small">De</span>), fils du chancelier, issu du premier mariage, <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Franz-Karl-Victor, prince <span class="small">De</span>), fils du chancelier, issu du premier mariage, attach d'ambassade Paris, <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>, <a href="#Page_224">224</a>, <a href="#Page_225">225</a>, <a href="#Page_230">230</a>, <a href="#Page_236">236</a>, <a href="#Page_331">331</a>, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Clmentine-Marie-Octavie, princesse <span class="small">De</span>), fille du chancelier, issue du premier mariage, <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>, <a href="#Page_142">142</a>, <a href="#Page_143">143</a>, <a href="#Page_240">240</a>, <a href="#Page_318">318</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Lontine-Pauline-Marie, princesse <span class="small">De</span>), fille du chancelier, issue du 1<sup>er</sup> mariage. Voir <a href="#Sandor">Sandor de Slavnicza.</a></li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Hermina-Gabrielle-Marie, princesse <span class="small">De</span>), fille du chancelier, issue du premier mariage, <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>, <a href="#Page_59">59</a>, <a href="#Page_377">377</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Richard-Clment-Joseph-Lothaire-Hermann, prince <span class="small">De</span>), fils du chancelier, issu du deuxime mariage, ambassadeur Paris, <span class="small"><a href="#Page_XI">XI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>, <a href="#Page_335">335</a>, <a href="#Page_348">348</a>, <a href="#Page_381">381</a>, <a href="#Page_382">382</a>, <a href="#Page_394">394</a>, <a href="#Page_399">399</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Pauline-Clmentine-Marie-Walbourge Sandor de Slavnicza, princesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Mlanie, princesse <span class="small">De</span>), fille du chancelier, issue du troisime mariage. Voir <a href="#Zichy">Zichy</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Clment, prince <span class="small">De</span>), fils du chancelier, issu du troisime mariage, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Paul, prince <span class="small">De</span>), fils du chancelier, issu du 3<sup>e</sup> mariage, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Metternich"></a>Metternich</span> (Mlanie-Zichy-Ferraris, princesse <span class="small">De</span>), femme du prcdent, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Marie, princesse <span class="small">De</span>), fille du chancelier, issue du troisime mariage, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Lothaire, prince <span class="small">De</span>), fils du chancelier, issu du troisime mariage, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Caroline Reitter, princesse <span class="small">De</span>), premire femme du prcdent, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Franoise Mittrowsky, princesse <span class="small">De</span>), deuxime femme du prince Lothaire, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Joseph, comte <span class="small">De</span>), frre du chancelier, <span class="small"><a href="#Page_VIII">VIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Louis <span class="small">De</span>), frre du chancelier, <span class="small"><a href="#Page_VIII">VIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Metternich</span> (Pauline <span class="small">De</span>), s&oelig;ur du chancelier. Voir <a href="#Wurtemberg">Wrtemberg</a>.</li>
-<li><span class="small">Michali</span>, <a href="#Page_267">267</a>.</li>
-<li><span class="small">Michel-Ange Buonarotti</span>, <a href="#Page_258">258</a>, <a href="#Page_286">286</a>, <a href="#Page_288">288</a>.</li>
-<li><span class="small">Michel Pavlovitch</span> (le grand-duc), <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Mills</span>, <a href="#Page_279">279</a>.</li>
-<li><span class="small">Mirabeau</span> (la comtesse <span class="small">De</span>), <a href="#Page_366">366</a>, <a href="#Page_367">367</a>, <a href="#Page_390">390</a>.</li>
-<li><span class="small">Miraflors</span> (le marquis), <span class="small"><a href="#Page_XLVII">XLVII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Mirza-Abdul-Hassan-Khan</span>, ambassadeur du chah de Perse, <a href="#Page_90">90</a>, <a href="#Page_181">181</a>, <a href="#Page_182">182</a>, <a href="#Page_183">183</a>, <a href="#Page_187">187</a>, <a href="#Page_189">189</a>.</li>
-<li><span class="small">Mol</span> (Mathieu-Louis, comte), <a href="#Page_359">359</a>, <a href="#Page_360">360</a>, <a href="#Page_362">362</a>.</li>
-<li><span class="small">Montemolin</span> (le comte <span class="small">De</span>), fils de Don Carlos. Voir <a href="#Montemolin"> Charles-Louis-Marie-Ferdinand de Bourbon,</a> <span class="small"><a href="#Page_XLIII">XLIII</a></span>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_415"> 415</a></span></li>
-<li><span class="small">Montet</span> (la baronne <span class="small">DU</span>), <a href="#Page_63">63</a>, <a href="#Page_183">183</a>, <a href="#Page_187">187</a>, <a href="#Page_261">261</a>, <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-<li><span class="small">Montijo</span> (Eugnie <span class="small">De</span>). Voir <a href="#Eugenie">Eugnie, impratrice des Franais</a>.</li>
-<li><span class="small">Mornington</span> (la comtesse <span class="small">De</span>), <a href="#Page_261">261</a>.</li>
-<li><span class="small">Morny</span> (le duc <span class="small">De</span>), <a href="#Page_139">139</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Mouhammed"></a>Mouhammed-Salyh-Effendi</span>, dit Djanib-effendi, reiss-effendi, <a href="#Page_189">189</a>.</li>
-<li><span class="small">Moustier</span> (le marquis <span class="small">De</span>), <a href="#Page_321">321</a>, <a href="#Page_322">322</a>, <a href="#Page_323">323</a>.</li>
-<li><span class="small">Mhlenbeck</span> (E.), <span class="small"><a href="#Page_XIII">XIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Munster</span> (Ernest-Frdric-Herbert, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_323">323</a>.</li>
-<li><span class="small">Murat</span> (Joachim), grand-duc de Berg, puis roi de Naples, <span class="small"><a href="#Page_XXV">XXV</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Murat</span> (Caroline Bonaparte), femme du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXV">XXV</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Muret</span> (Paul), <span class="small"><a href="#Page_LII">LII</a></span>, <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">N</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Napolon</span> I<sup>er</sup>, empereur des Franais, <a href="#Page_f">f</a>, <span class="small"><a href="#Page_X">X</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XI">XI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XIII">XIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XVI">XVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XVII">XVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXV">XXV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVI">XXXVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LVIII">LVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIII">LXIII</a></span>, <a href="#Page_43">43</a>, <a href="#Page_44">44</a>, <a href="#Page_47">47</a>, <a href="#Page_131">131</a>, <a href="#Page_132">132</a>, <a href="#Page_135">135</a>, <a href="#Page_187">187</a>, <a href="#Page_237">237</a>, <a href="#Page_275">275</a>, <a href="#Page_276">276</a>, <a href="#Page_277">277</a>, <a href="#Page_300">300</a>, <a href="#Page_350">350</a>, <a href="#Page_386">386</a>.</li>
-<li><span class="small">Napolon</span> III, <a id="empereur"></a>empereur des Franais, <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>, <a href="#Page_335">335</a>, <a href="#Page_371">371</a>, <a href="#Page_372">372</a>, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Narichkine</span> (Mme), <a href="#Page_367">367</a>, <a href="#Page_368">368</a>, <a href="#Page_372">372</a>.</li>
-<li><span class="small">Nelidoff</span> (Mlle <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXX">XXX</a></span>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Nep</span> (le colonel), <a href="#Page_34">34</a>, <a href="#Page_35">35</a>.</li>
-<li><span class="small">Nesselrode</span> (Charles Robert, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_a">a</a>, <span class="small"><a href="#Page_III">III</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXII">LXII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIII">LXIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIX">LXIX</a></span>, <a href="#Page_10">10</a>, <a href="#Page_19">19</a>, <a href="#Page_27">27</a>, <a href="#Page_28">28</a>, <a href="#Page_115">115</a>, <a href="#Page_237">237</a>, <a href="#Page_324">324</a>, <a href="#Page_325">325</a>, <a href="#Page_326">326</a>, <a href="#Page_327">327</a>, <a href="#Page_329">329</a>, <a href="#Page_330">330</a>, <a href="#Page_331">331</a>, <a href="#Page_332">332</a>, <a href="#Page_338">338</a>, <a href="#Page_352">352</a>, <a href="#Page_385">385</a>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Nesselrode</span> (Marie Dmitrievna Gourieff, comtesse <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_III">III</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXI">LXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIII">LXIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></span>, <a href="#Page_28">28</a>, <a href="#Page_237">237</a>, <a href="#Page_325">325</a>, <a href="#Page_364">364</a>.</li>
-<li><span class="small">Nesselrode</span> (le comte A. <span class="small">De</span>), <a href="#Page_396">396</a>.</li>
-<li><span class="small">Neumann</span> (Philippe, baron), <span class="small"><a href="#Page_LXXI">LXXI</a></span>, <a href="#Page_32">32</a>, <a href="#Page_33">33</a>, <a href="#Page_55">55</a>, <a href="#Page_84">84</a>, <a href="#Page_91">91</a>, <a href="#Page_110">110</a>, <a href="#Page_118">118</a>, <a href="#Page_121">121</a>, <a href="#Page_123">123</a>, <a href="#Page_138">138</a>, <a href="#Page_140">140</a>, <a href="#Page_146">146</a>, <a href="#Page_149">149</a>, <a href="#Page_155">155</a>, <a href="#Page_157">157</a>, <a href="#Page_158">158</a>, <a href="#Page_178">178</a>, <a href="#Page_191">191</a>, <a href="#Page_195">195</a>, <a href="#Page_199">199</a>, <a href="#Page_205">205</a>, <a href="#Page_206">206</a>, <a href="#Page_209">209</a>, <a href="#Page_232">232</a>, <a href="#Page_236">236</a>, <a href="#Page_290">290</a>, <a href="#Page_291">291</a>, <a href="#Page_292">292</a>, <a href="#Page_296">296</a>, <a href="#Page_317">317</a>.</li>
-<li><span class="small">Neumann</span> (Augusta Sommerset, baronne), <a href="#Page_32">32</a>.</li>
-<li><span class="small">Nicolas</span> I<sup>er</sup> <span class="small">Pavlovitch</span>, empereur de Russie, <a href="#Page_c">c</a>, <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>, <a href="#Page_96">96</a>, <a href="#Page_206">206</a>, <a href="#Page_317">317</a>, <a href="#Page_318">318</a>, <a href="#Page_341">341</a>, <a href="#Page_345">345</a>, <a href="#Page_349">349</a>, <a href="#Page_353">353</a>, <a href="#Page_354">354</a>, <a href="#Page_357">357</a>, <a href="#Page_358">358</a>, <a href="#Page_359">359</a>, <a href="#Page_366">366</a>, <a href="#Page_368">368</a>, <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-<li><span class="small">Nicolas Mikhalovitch</span> (le grand-duc), <a href="#Page_ie">i</a>, <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXI">XXXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>, <a href="#Page_155">155</a>, <a href="#Page_397">397</a>, <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-<li><span class="small">Nicoullaud</span> (Charles), <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">O</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Oettinger</span>, <a href="#Page_21">21</a>, <a href="#Page_32">32</a>, <a href="#Page_52">52</a>, <a href="#Page_56">56</a>, <a href="#Page_66">66</a>, <a href="#Page_79">79</a>, <a href="#Page_83">83</a>, <a href="#Page_89">89</a>, <a href="#Page_98">98</a>, <a href="#Page_111">111</a>, <a href="#Page_132">132</a>, <a href="#Page_147">147</a>, <a href="#Page_150">150</a>, <a href="#Page_237">237</a>, <a href="#Page_246">246</a>, <a href="#Page_268">268</a>, <a href="#Page_271">271</a>, <a href="#Page_273">273</a>, <a href="#Page_286">286</a>.</li>
-<li><span class="small">Oldenbourg</span> (le duc <span class="small">D'</span>). Voir <a href="#Auguste">Auguste</a> (Frdric-Paul).</li>
-<li><span class="small">Oppizoni</span> (Charles, cardinal), <a href="#Page_246">246</a>.</li>
-<li><span class="small">Orlans</span> (Louise-Marie-Adlade de Bourbon-Penthivre, duchesse douairire <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_155">155</a>.</li>
-<li><span class="small">Orlans</span> (le duc <span class="small">D'</span>). Voir <a href="#Louis-Philippe">Louis-Philippe</a>.</li>
-<li><span class="small">Ostermann</span> (Mme), <a href="#Page_367">367</a>.</li>
-<li><span class="small">Ottenfels-Gschwind</span> (Franois-Xavier, baron <span class="small">D'</span>), <a href="#Page_333">333</a>.</li>
-<li><span class="small">Ouvaroff</span> (Fdor Ptrovitch, comte), <a href="#Page_79">79</a>, <a href="#Page_80">80</a>, <a href="#Page_82">82</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">P</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Pahlen</span> (Pierre, comte), <span class="small"><a href="#Page_XXXIV">XXXIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Palffy</span> (Jean-Charles, comte), <a href="#Page_55">55</a>.</li>
-<li><span class="small">Palladio</span> (Andra), <a href="#Page_243">243</a>.</li>
-<li><span class="small">Palmella-Sousa-Holstein</span> (don Pedro, marquis <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LIV">LIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Palmerston</span> (Henry-John Temple,</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_416"> 416</a></span>
-lord), <a href="#Page_211">211</a>, <a href="#Page_338">338</a>, <a href="#Page_339">339</a>, <a href="#Page_351">351</a>, <a href="#Page_352">352</a>, <a href="#Page_353">353</a>, <a href="#Page_354">354</a>, <a href="#Page_357">357</a>, <a href="#Page_366">366</a>, <a href="#Page_370">370</a>.</li>
-<li><span class="small">Palmstierna</span> (Nils-Frdric, baron <span class="small">De</span>), diplomate sudois, <a href="#Page_132">132</a>.</li>
-<li><span class="small">Panizzi</span>, <a href="#Page_211">211</a>.</li>
-<li><span class="small">Paris</span> (A.-B.), <span class="small"><a href="#Page_XLII">XLII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Parisch</span> (David), banquier, <span class="small"><a href="#Page_LX">LX</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Parme</span> (le duc <span class="small">De</span>). Voir <a href="#CHARLES-LOUIS">Charles-Louis</a>.</li>
-<li><span class="small">Pasquier</span> (tienne-Denis, baron), <a href="#Page_115">115</a>, <a href="#Page_321">321</a>, <a href="#Page_322">322</a>, <a href="#Page_323">323</a>, <a href="#Page_401">401</a>.</li>
-<li><span class="small">Paul</span> I<sup>er</sup> <span class="small">Ptrovitch</span>, empereur de Russie, <span class="small"><a href="#Page_XXXI">XXXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXIV">XXXIV</a></span>, <a href="#Page_10">10</a>, <a href="#Page_136">136</a>, <a href="#Page_206">206</a>, <a href="#Page_227">227</a>, <a href="#Page_391">391</a>.</li>
-<li><span class="small">Peel</span> (Sir Robert), <a href="#Page_70">70</a>, <a href="#Page_338">338</a>, <a href="#Page_365">365</a>.</li>
-<li><span class="small">Peel</span> (Lady Alice), <a href="#Page_392">392</a>.</li>
-<li><span class="small">Pne</span> (Henry <span class="small">De</span>), <a href="#Page_396">396</a>.</li>
-<li><span class="small">Pfeffel de Kriegelstein</span> (Christian-Hubert, baron), <a href="#Page_89">89</a>.</li>
-<li><span class="small">Philippe</span>, duc de Parme, <a href="#Page_141">141</a>.</li>
-<li><span class="small">Pichler</span> (Luigi), graveur sur mdailles, <a href="#Page_107">107</a>, <a href="#Page_133">133</a>.</li>
-<li><span class="small">Pie</span> VI (Jean-Ange Braschi), Pape, <a href="#Page_305">305</a>.</li>
-<li><span class="small">Pie</span> VII (Grgoire-Louis-Barnab Chiaramonti), Pape, <a href="#Page_f">f</a>, <span class="small"><a href="#Page_LXXII">LXXII</a></span>, <a href="#Page_84">84</a>, <a href="#Page_194">194</a>, <a href="#Page_275">275</a>, <a href="#Page_276">276</a>.</li>
-<li><span class="small">Pierre le Grand</span>, empereur de Russie, <a href="#Page_63">63</a>.</li>
-<li><span class="small">Pierre d'Alcantara</span>-Antoine-Joseph, prince hrditaire de Portugal, depuis empereur du Brsil, <span class="small"><a href="#Page_LXVIII">XVIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Pisani</span> (Paul), <span class="small"><a href="#Page_X">X</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Pitt</span> (William), <a href="#Page_56">56</a>.</li>
-<li><span class="small">Platoni</span>, musicien, <a href="#Page_253">253</a>.</li>
-<li><span class="small">Pollio</span>, <span class="small"><a href="#Page_XIII">XIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Polovtsoff</span> (Alexandre), <a href="#Page_63">63</a>, <a href="#Page_115">115</a>, <a href="#Page_402">402</a>.</li>
-<li><span class="small">Ponsonby</span> (John, baron, puis vicomte), <a href="#Page_114">114</a>.</li>
-<li><span class="small">Ponsonby</span> (lisabeth-Frances Villiers, Lady), <a href="#Page_114">114</a>, <a href="#Page_144">144</a>.</li>
-<li><span class="small">Portogallo</span>, musicien, <a href="#Page_253">253</a>.</li>
-<li><span class="small">Posse de Gaugreben.</span> Voir <a href="#Posse"> Gaugreben</a> et <a href="#Charles_Andreievitch"> Lieven</a>.</li>
-<li><span class="small">Potemkin</span>, <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Potens</span>, <a href="#Page_251">251</a>.</li>
-<li><span class="small">Pozzo di Borgo</span> (Charles-Andr, comte), <span class="small"><a href="#Page_XXXIX">XXXIX</a></span>, <a href="#Page_115">115</a>, <a href="#Page_116">116</a>, <a href="#Page_154">154</a>, <a href="#Page_210">210</a>, <a href="#Page_328">328</a>.</li>
-<li><span class="small">Pritchard</span>, <a href="#Page_365">365</a>.</li>
-<li><span class="small">Puslowski</span> (le comte), <a href="#Page_j">j</a>, <span class="small"><a href="#Page_LIV">LIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></span>, <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">Q</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Qurard</span> (Joseph-Marie), <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">R</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Radcliffe</span> (William), <a href="#Page_140">140</a>.</li>
-<li><span class="small">Radcliffe</span> (Anna Ward, Mme), romancire, <a href="#Page_139">139</a>.</li>
-<li><span class="small">Radet</span> (le gnral), <a href="#Page_275">275</a>.</li>
-<li><span class="small">Raikes</span> (Thomas), <a href="#Page_338">338</a>, <a href="#Page_339">339</a>.</li>
-<li><span class="small">Raikes</span> (Harriet), <a href="#Page_339">339</a>.</li>
-<li><span class="small">Rambaud</span> (Alfred), <a href="#Page_206">206</a>.</li>
-<li><span class="small">Raphal</span> (Raffaello Sanzio), <a href="#Page_276">276</a>, <a href="#Page_279">279</a>.</li>
-<li><span class="small">Rebora</span> (le gnral), <a href="#Page_j">j</a>, <span class="small"><a href="#Page_I">I</a></span>, <a href="#Page_370">370</a>, <a href="#Page_397">397</a>.</li>
-<li><span class="small">Rcamier</span> (Mme), <span class="small"><a href="#Page_II">II</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXVI">XXVI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Rechberg</span> (Jean-Bernard, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_379">379</a>.</li>
-<li><span class="small">Reeve</span> (Henry), <a href="#Page_394">394</a>.</li>
-<li><span class="small">Reichstadt</span> (Napolon-Franois-Charles-Joseph, duc <span class="small">De</span>), <a href="#Page_230">230</a>.</li>
-<li><span class="small">Rmusat</span> (Mme <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>, <a href="#Page_401">401</a>.</li>
-<li><span class="small">Rmusat</span> (Paul <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>, <a href="#Page_401">401</a>.</li>
-<li><span class="small">Rvrend</span> (le vicomte), <a href="#Page_261">261</a>.</li>
-<li><span class="small">Richelieu</span> (le marchal <span class="small">De</span>), <a href="#Page_254">254</a>.</li>
-<li><span class="small">Richelieu</span> (Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie du Plessis, duc <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LVI">LVI</a></span>, <a href="#Page_10">10</a>, <a href="#Page_14">14</a>, <a href="#Page_114">114</a>, <a href="#Page_115">115</a>, <a href="#Page_125">125</a>, <a href="#Page_181">181</a>, <a href="#Page_228">228</a>, <a href="#Page_301">301</a>.</li>
-<li><span class="small">Richter</span> (Jean-Paul), <a href="#Page_48">48</a>, <a href="#Page_387">387</a>.</li>
-<li><span class="small">Rivire</span> (le marquis <span class="small">De</span>), ambassadeur de France Constantinople, <a href="#Page_181">181</a>, <a href="#Page_182">182</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_417"> 417</a></span>
-<span class="small">Roberts</span>, peintre anglais, <a href="#Page_369">369</a>.</li>
-<li><span class="small">Robinson</span> (Lionel G.), <span class="small"><a href="#Page_VII">VII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXXVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLIV">XLIV</a></span>, <a href="#Page_138">138</a>, <a href="#Page_162">162</a>, <a href="#Page_338">338</a>, <a href="#Page_350">350</a>, <a href="#Page_391">391</a>, <a href="#Page_392">392</a>, <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-<li><span class="small">Rohan-Gumne</span> (Jules-Armand-Louis, prince <span class="small">De</span>), premier mari de la duchesse de Sagan, <a href="#Page_110">110</a>.</li>
-<li><span class="small">Romilly</span> (Sir Samuel), <a href="#Page_124">124</a>.</li>
-<li><span class="small">Rossini</span> (Gioacchino), <a href="#Page_249">249</a>.</li>
-<li><span class="small">Rothschild</span> (Anselme, baron <span class="small">De</span>), <a href="#Page_324">324</a>.</li>
-<li><span class="small">Rothschild</span> (James, baron <span class="small">De</span>), <a href="#Page_368">368</a>, <a href="#Page_373">373</a>.</li>
-<li><span class="small">Ruffo</span> (le commandeur, puis prince Alvar), <a href="#Page_131">131</a>, <a href="#Page_261">261</a>, <a href="#Page_325">325</a>.</li>
-<li><span class="small">Russell</span> (John, Lord), <a href="#Page_124">124</a>, <a href="#Page_211">211</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">S</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small"><a id="Sagan"></a>Sagan</span> (Catherine-Frdrique-Wilhelmine de Biren, princesse de Courlande, duchesse <span class="small">De</span>), <a href="#Page_f">f</a>, <span class="small"><a href="#Page_XXVI">XXVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXVII">XXVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVIII">XXVIII</a></span>, <a href="#Page_69">69</a>, <a href="#Page_97">97</a>, <a href="#Page_110">110</a>, <a href="#Page_111">111</a>, <a href="#Page_112">112</a>, <a href="#Page_148">148</a>, <a href="#Page_196">196</a>, <a href="#Page_197">197</a>, <a href="#Page_198">198</a>, <a href="#Page_207">207</a>, <a href="#Page_208">208</a>, <a href="#Page_244">244</a>.</li>
-<li><span class="small">Sagan</span> (Dorothe de Biren, princesse de Courlande, comtesse puis duchesse de Talleyrand-Prigord, duchesse de Dino, puis, aprs la mort de la prcdente, duchesse <span class="small">De</span>). Voir <a href="#Talleyrand">Talleyrand-Prigord.</a></li>
-<li><span class="small">Saint-Aulaire</span> (famille <span class="small">De</span>), <a href="#Page_369">369</a>.</li>
-<li><span class="small">Saint-Aulaire</span> (Louis-Clair de Beaupoil, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_371">371</a>, <a href="#Page_372">372</a>, <a href="#Page_375">375</a>.</li>
-<li><span class="small">Saint-Maurice</span> (Ch. <span class="small">De</span>), <a href="#Page_399">399</a>.</li>
-<li><span class="small">Salm</span> (la princesse <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LXI">LXI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Sand</span> (Charles-Louis), <a href="#Page_295">295</a>, <a href="#Page_313">313</a>.</li>
-<li><span class="small">Sandor</span> (Maurice, comte), <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Sandor"></a>Sandor</span> (Lontine-Pauline-Marie de Metternich, comtesse), pouse du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_XXI">XXI</a></span>, <a href="#Page_59">59</a>, <a href="#Page_379">379</a>.</li>
-<li><span class="small">Sandwich</span> (George-John Montagu, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_286">286</a>.</li>
-<li><span class="small">Sandwich</span> (Marianne-Julienne-Louise Corry, comtesse <span class="small">De</span>), <a href="#Page_286">286</a>.</li>
-<li><span class="small">Saxe-Saalfeld-Cobourg</span> (Franois-Frdric-Antoine, duc <span class="small">De</span>), <a href="#Page_50">50</a>.</li>
-<li><span class="small">Schewitsch</span> (lieutenant-gnral), <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Schewitsch"></a>Schewitsch</span> (Marie de Benckendorff, Mme), <span class="small"><a href="#Page_XXX">XXX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXI">XXXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Schiemann</span> (Thodor), <span class="small"><a href="#Page_XXXIV">XXXIV</a></span>, <a href="#Page_329">329</a>, <a href="#Page_330">330</a>, <a href="#Page_332">332</a>, <a href="#Page_391">391</a>, <a href="#Page_397">397</a>.</li>
-<li><span class="small">Schmidt-Weissenfels</span>, <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-<li><span class="small">Schneider</span> (Euloge), <span class="small"><a href="#Page_XII">XII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Schnitzler</span> (J.-H.), <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>, <a href="#Page_396">396</a>.</li>
-<li><span class="small">Sch&oelig;nfeld</span> (Louis, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_100">100</a>.</li>
-<li><span class="small">Schuermans</span> (Albert), <span class="small"><a href="#Page_XI">XI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Schulenburg-Witzenburg</span> (Charles-Rodolphe, comte <span class="small">De</span>), troisime mari de la duchesse de Sagan, <a href="#Page_110">110</a>.</li>
-<li><span class="small">Schwarzemberg</span> (la famille <span class="small">De</span>), <a href="#Page_66">66</a>.</li>
-<li><span class="small">Schwebel</span> (Louis), <a href="#Page_148">148</a>.</li>
-<li><span class="small">Seignobos</span> (Charles), <a href="#Page_56">56</a>, <a href="#Page_358">358</a>.</li>
-<li><span class="small">Seinguerlet</span> (E.), <span class="small"><a href="#Page_XII">XII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Serre</span> (M. <span class="small">De</span>), <a href="#Page_146">146</a>, <a href="#Page_156">156</a>.</li>
-<li><span class="small">Severoli</span> (Antoine-Gabriel), cardinal, <a href="#Page_273">273</a>.</li>
-<li><span class="small">Seyda-Effendi</span>, <a href="#Page_189">189</a>.</li>
-<li><span class="small">Seymour</span> (Lady), <span class="small"><a href="#Page_XLVII">XLVII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Shakespeare</span>, <a href="#Page_204">204</a>.</li>
-<li><span class="small">Simon</span> (J.-Frdric), prcepteur de Metternich, <span class="small"><a href="#Page_XII">XII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XIII">XIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XIV">XIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Skavronski</span> (gnral Paul), <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Skavronska"></a>Skavronska</span> (Catherine Engelhardt, Mme), <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Skavronska</span> (Catherine Pavlovna). Voir <a href="#BAGRATION">Bagration</a>.</li>
-<li><span class="small">Sneyd</span> (Ralph), <span class="small"><a href="#Page_XXXI">XXXI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLV">XLV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLIX">XLIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_L">L</a></span>, <a href="#Page_392">392</a>.</li>
-<li><span class="small">Sorel</span> (Albert), <span class="small"><a href="#Page_XIV">XIV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XVII">XVII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Souza-Botelho</span> (Jos-Maria <span class="small">De</span>), <a href="#Page_139">139</a>.</li>
-<li><span class="small">Souza</span> (Adlade Filleul, Mme <span class="small">De</span>), <a href="#Page_139">139</a>, <a href="#Page_140">140</a>.</li>
-<li><span class="small">Stadion</span> (Philippe, comte <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XVI">XVI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Stal-Holstein</span> (le baron <span class="small">De</span>), <a href="#Page_186">186</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_418"> 418</a></span>
-<span class="small">Stal-Holstein</span> (Anne-Louise-Germaine Necker, baronne <span class="small">De</span>), <a href="#Page_f">f</a>, <span class="small"><a href="#Page_LXXII">LXXII</a></span>, <a href="#Page_186">186</a>.</li>
-<li><span class="small">Stafford</span> (le premier marquis <span class="small">De</span>), <a href="#Page_185">185</a>.</li>
-<li><span class="small">Staudenheim</span> Jacob, chevalier <span class="small">De</span>), mdecin de Metternich, <a href="#Page_220">220</a>, <a href="#Page_229">229</a>, <a href="#Page_230">230</a>.</li>
-<li><span class="small">Steigentesch</span> (Auguste-Ernest, baron <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></span>, <a href="#Page_28">28</a>.</li>
-<li><span class="small">Stendmann</span> (Georges), <a href="#Page_11">11</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Stephanie"></a>Stephanie</span>-Louise-Adrienne de Beauharnais, grande-duchesse de Bade, <a href="#Page_82">82</a>.</li>
-<li><span class="small">Stewart</span> (Robert), Voir <a href="#CASTLEREAGH">Castlereagh</a>.</li>
-<li><span class="small">Stewart</span> (Charles William, Lord), ambassadeur d'Angleterre Vienne, <a href="#Page_60">60</a>, <a href="#Page_61">61</a>, <a href="#Page_88">88</a>, <a href="#Page_97">97</a>, <a href="#Page_106">106</a>, <a href="#Page_107">107</a>, <a href="#Page_109">109</a>, <a href="#Page_110">110</a>, <a href="#Page_111">111</a>, <a href="#Page_169">169</a>, <a href="#Page_173">173</a>, <a href="#Page_205">205</a>, <a href="#Page_226">226</a>, <a href="#Page_299">299</a>.</li>
-<li><span class="small">Stewart</span> (Lady), ne Darnley, premire femme du prcdent, <a href="#Page_61">61</a>.</li>
-<li><span class="small">Stewart</span> (Francs-Anne <a id="Vane-Tempest"></a>Vane-Tempest, Lady), deuxime femme du prcdent, <a href="#Page_61">61</a>, <a href="#Page_107">107</a>, <a href="#Page_169">169</a>, <a href="#Page_299">299</a>.</li>
-<li><span class="small">Stockmar</span> (Christian-Frdric, baron <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XLV">XLV</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLVI">XLVI</a></span>, <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-<li><span class="small">Stockmar</span> (Ernest, baron <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XLVI">XLVI</a></span>, <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-<li><span class="small">Stratford Canning de Redcliffe</span> (Vicomte), <a href="#Page_352">352</a>, <a href="#Page_353">353</a>.</li>
-<li><span class="small">Strobl von Ravelsberg</span> (F.), <span class="small"><a href="#Page_IX">IX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXIV">XXIV</a></span>, <a href="#Page_6">6</a>, <a href="#Page_66">66</a>, <a href="#Page_98">98</a>, <a href="#Page_111">111</a>, <a href="#Page_148">148</a>, <a href="#Page_224">224</a>, <a href="#Page_248">248</a>, <a href="#Page_382">382</a>, <a href="#Page_383">383</a>, <a href="#Page_400">400</a>.</li>
-<li><span class="small">Strogonoff</span> (Grgoire, baron), <a href="#Page_327">327</a>.</li>
-<li><span class="small">Stuart</span> (Sir Charles), ambassadeur d'Angleterre Paris, <a href="#Page_69">69</a>.</li>
-<li><span class="small">Stuart</span> (Lady), <a href="#Page_356">356</a>, <a href="#Page_397">397</a>.</li>
-<li><span class="small">Sutherland</span> (le duc <span class="small">De</span>), <a href="#Page_390">390</a>.</li>
-<li><span class="small">Sutherland</span> (la duchesse <span class="small">De</span>), <a href="#Page_359">359</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">T</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Taafe</span> (la famille), <a href="#Page_379">379</a>.</li>
-<li><span class="small">Talbot</span> (Master), <a href="#Page_114">114</a>.</li>
-<li><span class="small">Talbot</span> (Miss), <a href="#Page_114">114</a>.</li>
-<li><span class="small">Talleyrand-Prigord</span> (Charles-Maurice, prince <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_II">II</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XVIII">XVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXVII">XXVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XXXVI">XXXVI</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XL">XL</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLVII">XLVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLVIII">XLVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLIX">XLIX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LII">LII</a></span>, <a href="#Page_111">111</a>, <a href="#Page_139">139</a>, <a href="#Page_354">354</a>, <a href="#Page_355">355</a>, <a href="#Page_359">359</a>, <a href="#Page_368">368</a>, <a href="#Page_369">369</a>, <a href="#Page_394">394</a>.</li>
-<li><span class="small">Talleyrand-Prigord</span> (Archambaud-Joseph, duc <span class="small">De</span>), frre du prcdent, <a href="#Page_368">368</a>.</li>
-<li><span class="small">Talleyrand-Prigord</span> (Edmond comte, puis duc <span class="small">De</span>), duc de Dino, fils du prcdent, <a href="#Page_111">111</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Talleyrand"></a>Talleyrand-Prigord</span> (Dorothe de Biren, princesse de Courlande, comtesse, puis duchesse <span class="small">De</span>), duchesse de Dino, duchesse de Sagan aprs la mort de sa s&oelig;ur, <span class="small"><a href="#Page_XXVII">XXVII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_XLVIII">XLVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LII">LII</a></span>, <a href="#Page_111">111</a>, <a href="#Page_355">355</a>, <a href="#Page_368">368</a>, <a href="#Page_369">369</a>.</li>
-<li><span class="small">Tatistcheff</span> (Dmitri Pavlovitch), <a href="#Page_324">324</a>, <a href="#Page_328">328</a>.</li>
-<li><span class="small">Taylor</span> (Mrs), <a href="#Page_299">299</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Tchernycheff"></a>Tchernycheff</span> (le comte, depuis prince Alexandre Ivanovitch), <a href="#Page_82">82</a>, <a href="#Page_83">83</a>.</li>
-<li><span class="small">Thodose</span> I<sup>er</sup>, empereur romain, <a href="#Page_281">281</a>.</li>
-<li><span class="small">Thiers</span> (Louis-Adolphe), <span class="small"><a href="#Page_XLVIII">XLVIII</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LIV">LIV</a></span>, <a href="#Page_360">360</a>.</li>
-<li><span class="small">Thorvaldsen</span> (Bertel), <a href="#Page_83">83</a>, <a href="#Page_84">84</a>, <a href="#Page_133">133</a>, <a href="#Page_277">277</a>.</li>
-<li><span class="small">Thugut</span> (Franois, baron <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XVI">XVI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Tolsto</span> (Jacques), <a href="#Page_370">370</a>, <a href="#Page_397">397</a>.</li>
-<li><span class="small">Trauttmansdorff</span> (le comte <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_XVI">XVI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Trauttmansdorff</span> (Weichard-Joseph, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_147">147</a>.</li>
-<li><span class="small">Trauttmansdorff</span> (Marie-Thadde, comte <span class="small">De</span>), cardinal, <a href="#Page_147">147</a>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_419"> 419</a></span></li>
-<li><span class="small">Troubetzko</span> (le prince Vassili Serguvitch), deuxime mari de la duchesse de Sagan, <a href="#Page_110">110</a>, <a href="#Page_196">196</a>.</li>
-<li><span class="small">Troubetzko</span> (le prince), <a href="#Page_96">96</a>.</li>
-<li><span class="small">Troubetzko</span> (la princesse Lise), <span class="small"><a href="#Page_XXX">XXX</a></span>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Trubert</span>, (M.), <span class="small"><a href="#Page_XLII">XLII</a></span>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">U</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Unger</span>, graveur, 9.</li>
-<li><span class="small">Uwarow</span> (Sergius), <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>, <a href="#Page_396">396</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">V</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Valentinien</span> II, empereur, <a href="#Page_281">281</a>.</li>
-<li><span class="small">Van der Meylen</span> (G.), <a href="#Page_356">356</a>.</li>
-<li><span class="small">Vane-Tempest</span> (Sir Harry), <a href="#Page_61">61</a>, <a href="#Page_169">169</a>.</li>
-<li><span class="small">Vane-Tempest</span> (Frances-Anne). Voir <a href="#Vane-Tempest"> Stewart</a>.</li>
-<li><span class="small">Varnhagen von Ense</span> (K. A.), <a href="#Page_401">401</a>.</li>
-<li><span class="small">Victoria</span>, reine d'Angleterre, <a href="#Page_51">51</a>, <a href="#Page_53">53</a>, <a href="#Page_361">361</a>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Vitinhof</span> (le baron), <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Vietinhof"></a>Vitinhof</span> (Catherine Andrevna de Lieven, baronne), <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Vignola</span> (Giacomo Barozzio da), <a href="#Page_273">273</a>.</li>
-<li><span class="small">Villafranca</span> (le comte <span class="small">De</span>). Voir <a href="#CHARLES-LOUIS">Charles-Louis</a>, duc de Parme.</li>
-<li><span class="small">Villafranca</span> (le marquis <span class="small">De</span>), ami du comte de Montemolin, fils de Don Carlos, <span class="small"><a href="#Page_XLIII">XLIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Villiers</span> (George), plus tard comte Clarendon, <a href="#Page_352">352</a>, <a href="#Page_366">366</a>.</li>
-<li><span class="small">Vlakonztky</span> (le postelnik), <a href="#Page_131">131</a>.</li>
-<li><span class="small">Vogt</span> (Nicolas), <span class="small"><a href="#Page_X">X</a></span>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">W</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Walderdorff</span> (Adalbert <span class="small">De</span>), prince abb de Fulda, <a href="#Page_47">47</a>.</li>
-<li><span class="small">Waliszewsky</span> (K.), <span class="small"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Wallis</span> (Joseph, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_55">55</a>, <a href="#Page_63">63</a>.</li>
-<li><span class="small">Warocqu</span> (Raoul), <a href="#Page_j">j</a>, <a href="#Page_356">356</a>, <a href="#Page_397">397</a>.</li>
-<li><span class="small">Watts</span> (G.-F.), peintre anglais, <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-<li><span class="small">Weigall</span> (Lady Rose), <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Wellington</span> (Arthur Wellesley, duc <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_LXIX">LXIX</a></span>, <a href="#Page_6">6</a>, <a href="#Page_14">14</a>, <a href="#Page_22">22</a>, <a href="#Page_26">26</a>, <a href="#Page_70">70</a>, <a href="#Page_72">72</a>, <a href="#Page_79">79</a>, <a href="#Page_90">90</a>, <a href="#Page_94">94</a>, <a href="#Page_95">95</a>, <a href="#Page_262">262</a>, <a href="#Page_263">263</a>, <a href="#Page_297">297</a>, <a href="#Page_298">298</a>, <a href="#Page_325">325</a>, <a href="#Page_338">338</a>, <a href="#Page_339">339</a>, <a href="#Page_344">344</a>, <a href="#Page_345">345</a>, <a href="#Page_347">347</a>, <a href="#Page_348">348</a>, <a href="#Page_349">349</a>, <a href="#Page_350">350</a>, <a href="#Page_351">351</a>, <a href="#Page_357">357</a>, <a href="#Page_393">393</a>, <a href="#Page_395">395</a>.</li>
-<li><span class="small">Wellington</span> (le duc <span class="small">De</span>), fils du prcdent, <a href="#Page_339">339</a>, <a href="#Page_393">393</a>.</li>
-<li><span class="small">Westmoreland</span> (John Fane, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_78">78</a>.</li>
-<li><span class="small">Whitbread</span> (Samuel), <a href="#Page_56">56</a>, <a href="#Page_57">57</a>.</li>
-<li><span class="small">Wildenstein</span>, propritaire Aix-la-Chapelle, <a href="#Page_10">10</a>.</li>
-<li><span class="small">Windischgraetz</span> (Alfred-Candide-Ferdinand, comte, puis prince <span class="small">De</span>), <a href="#Page_51">51</a>, <a href="#Page_52">52</a>.</li>
-<li><span class="small">Windischgraetz</span> (Marie-Elonore-Philippine-Louise de Schwarzenberg, princesse <span class="small">De</span>), pouse du prcdent, <a href="#Page_52">52</a>.</li>
-<li><span class="small">Windischgraetz</span> (Marie-Thrse <span class="small">De</span>), s&oelig;ur du prince Alfred. Voir <a href="#Arenberg">Arenberg</a>.</li>
-<li><span class="small">Windischgraetz</span> (Sophie-Louise-Wilhelmine <span class="small">De</span>), s&oelig;ur de la prcdente. Voir <a href="#Rochefort">L&oelig;wenstein-Rochefort</a>.</li>
-<li><span class="small">Windischgraetz</span> (Eulalie-Flore-Auguste <span class="small">De</span>), s&oelig;ur des prcdentes, <a href="#Page_52">52</a>.</li>
-<li><span class="small">Wolkonsky</span> (la princesse), ne Benckendorff, <span class="small"><a href="#Page_XXXI">XXXI</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Wright</span> (H.), graveur anglais, <a href="#Page_398">398</a>.</li>
-<li><span class="small">Wrtemberg</span> (Sophie-Dorothe princesse <span class="small">De</span>). Voir <a href="#Marie_Feodorovna">Marie Fodorovna</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Wurtemberg"></a>Wrtemberg</span> (Ferdinand-Auguste-Frdric, duc <span class="small">De</span>), <span class="small"><a href="#Page_VIII">VIII</a></span>.</li>
-<li><span class="small">Wrtemberg</span> (Pauline de Metternich, duchesse <span class="small">De</span>), pouse du prcdent, <span class="small"><a href="#Page_VIII">VIII</a></span>.</li>
-<li><span class="pagenum"><a id="Page_420"> 420</a></span></li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">Y</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Yarmouth</span> (Francis Seymour, comte <span class="small">De</span>), <a href="#Page_212">212</a>.</li>
-</ul>
-
-<p class="alphabet">Z</p>
-
-<ul>
-<li><span class="small">Zeidler</span>, musicien, <a href="#Page_253">253</a>.</li>
-<li><span class="small">Zichy</span> (la famille), <a href="#Page_66">66</a>.</li>
-<li><span class="small">Zichy</span> (le comte), <span class="small"><a href="#Page_LX">LX</a></span>, <span class="small"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></span>, <a href="#Page_28">28</a>.</li>
-<li><span class="small">Zichy</span> (Franois, comte), <a href="#Page_66">66</a>.</li>
-<li><span class="small">Zichy</span> (Marie-Wilhelmine dite Molly Ferraris, comtesse), pouse du prcdent, <a href="#Page_66">66</a>, <a href="#Page_334">334</a>.</li>
-<li><span class="small"><a id="Zichy"></a>Zichy-Ferraris</span> (Mlanie-Marie-Antoinette), fille des prcdents, troisime femme de Metternich. Voir ce dernier nom.</li>
-<li><span class="small">Zichy-Ferraris</span> (Mlanie), pouse du prince Paul de Metternich. <a href="#Metternich"> Voir ce dernier nom.</a></li>
-<li><span class="small">Zichy</span> (Joseph, comte), <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Zichy</span> (Mlanie de Metternich, comtesse), pouse du prcdent, <a href="#Page_382">382</a>.</li>
-<li><span class="small">Zondadari</span> (Antoine-Flix, cardinal), <a href="#Page_271">271</a>.</li>
-<li><span class="small">Zouboff</span> (le comte), <span class="small"><a href="#Page_XXXIII">XXXIII</a></span>.</li>
-</ul>
-
-<div class="chapter">
-<div class="footnotes">
-<h2 class="normal">NOTES:</h2>
-<div class="footnote">
-
-<p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1" class="label">[1]</a> Bien que la famille noble de Lieven soit d'origine livonienne,
-c'est--dire allemande, l'usage russe voudrait que nous disions comtesse
-Lieven, princesse Lieven, sans particule. Si nous commettons la faute
-d'ajouter cette dernire, c'est pour nous conformer, ainsi que l'ont fait
-M. Ernest Daudet et les autres biographes franais de la princesse,
-l'habitude prise et respecter le titre sous lequel notre hrone fut
-connue, Paris, de ses amis et du public. Nous avons eu, du reste,
-sous les yeux plusieurs lettres crites par Mme de Lieven aprs son
-tablissement en France et o elle signe en toutes lettres: <i>la princesse
-de Lieven</i> (Collection de M. le gnral Rebora: L. a. s. lundi, 11 novembre
-(1846); L. a. s. Richmond, mardi 15 aot 1848).</p>
-
-<p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2" class="label">[2]</a> <span class="smcap">Chateaubriand</span>, <i>Mmoires d'outre-tombe</i>, dition Bir. Paris,
-Garnier, s. d. 8 vol. in-32, t. IV, p. 250.&mdash;Le livre IX, dont ces
-lignes sont extraites, fut crit en 1839 et retouch en 1846. Les
-<i>Mmoires d'outre-tombe</i> parurent d'abord dans <i>la Presse</i> (21 octobre
-1848 au 3 juillet 1850), puis en 12 volumes de 1849 1850.
-Mme de Lieven mourut en 1857.</p>
-
-<p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3" class="label">[3]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier,
-La princesse de Lieven.</i> Paris, Plon, 1903, in-8<sup>o</sup>, p. 3.</p>
-</div>
-<div class="footnote">
-
-<p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4" class="label">[4]</a> Lord <span class="smcap">Holland</span>, <i>Souvenirs</i>, publis, avec avant-propos et notices,
-par F. Barrire. Paris, Firmin-Didot, 1862, in-12, p. 32.</p>
-
-<p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5" class="label">[5]</a> <i>Archives du ministre des affaires trangres.</i> Angleterre, Correspondance,
-vol. 615, f<sup>o</sup> 264. M. de Chateaubriand M. de Marcellus:
-Londres, 18 juin 1822. Il a t avis que le roi d'Angleterre a
-envie d'aller Paris. Je le sais par la marquise de Conyngham et par
-la comtesse de Lieven, femme d'intrigues qui exerce ici une assez
-grande influence.&mdash;Le congrs de Vrone s'ouvrit en octobre 1822.</p>
-
-<p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6" class="label">[6]</a> Louis XVIII Decazes, 30 novembre 1820. Lettre cite et
-publie en partie par M. Ernest <span class="smcap">Daudet</span> dans <i>Un Roman du prince de
-Metternich</i> (<i>Revue Hebdomadaire</i>, 29 juillet 1899, p. 659).</p>
-
-<p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7" class="label">[7]</a> <i>Lettres et papiers du chancelier comte de Nesselrode</i>, t. VI,
-p. 142. Mme de Nesselrode son mari, Saint-Ptersbourg, 9 dcembre
-1822.</p>
-
-<p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8" class="label">[8]</a> Le duc Decazes Louis XVIII, 24 novembre 1820 (<i>Revue Hebdomadaire</i>
-du 29 juillet 1899, p. 659).</p>
-
-<p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9" class="label">[9]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Un Roman du prince de Metternich</i> (<i>Revue
-Hebdomadaire</i> des 29 juillet et 5 aot 1899).</p>
-
-<p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10" class="label">[10]</a> M. Nol Charavay, le trs aimable et trs consciencieux expert en
-autographes, a bien voulu examiner le manuscrit de ces lettres avec sa
-grande comptence. De son examen approfondi rsulte la certitude de
-leur absolue authenticit.</p>
-
-<p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11" class="label">[11]</a> Charles <span class="smcap">de Mazade</span>, <i>Un chancelier d'ancien rgime. Le rgne
-diplomatique de M. de Metternich.</i> Paris, Plon, 1889, in-8<sup>o</sup>, p. 5.</p>
-
-<p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12" class="label">[12]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London</i>, 1812-1834. Edited by <span class="smcap">Lionel G. Robinson</span>. London, Longmans,
-Green and C<sup>o</sup>, 1902, in-8<sup>o</sup>. Prface, p. <span class="smcap">X</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13" class="label">[13]</a> <span class="smcap">Metternich-Winneburg</span> (Clemens-Wenzel-Lothar, comte puis
-prince de) tait fils de Franz-Georg-Karl-Joseph-Johann et de sa femme,
-Maria-Beatrix-Antonia-Alosia de Kagenegg. La branche de la vieille
-famille de noblesse rhnane laquelle il appartenait avait pris au quatorzime
-sicle le nom du village de Metternich prs d'Euskirchen, une
-lieue de Cologne. Elle avait reu en 1616 la dignit de baron de l'Empire
-et le 20 mars 1679 celle de comte. Le pre du futur chancelier tait n
-Coblenz, le 9 mars 1746. Devenu orphelin l'ge de quatre ans, il
-entra d'abord au service de l'lecteur de Hesse. En 1768, il fut accrdit
- Vienne comme ministre de l'lecteur de Trves. Rappel Trves,
-en 1769, comme ministre sans portefeuille au dpartement des affaires
-trangres, il fut de nouveau envoy Vienne l'anne suivante. En
-1774, il passa au service de l'empereur d'Allemagne qui l'accrdita le
-28 fvrier, comme son ministre auprs des cours lectorales de Trves
-et de Cologne. Ministre imprial dans le cercle du Bas-Rhin et de
-Westphalie (1778), ministre dirigeant dans les Pays-Bas autrichiens
-(1791), il quitta dfinitivement Bruxelles en 1794. Rest d'abord sans
-emploi, il fut nomm, en dcembre 1797, premier plnipotentiaire
-autrichien au Congrs de Rastatt. Prince de l'Empire (le 3 juin 1803)
- titre personnel, cette dignit fut tendue tous ses descendants le
-20 octobre 1813. Mari le 9 janvier 1771, M.-B. de Kagenegg, ne
-le 8 dcembre 1755, morte le 23 novembre 1828, il en eut quatre
-enfants: le prince Clment, le comte Joseph (11 novembre 1773-9
-dcembre 1838), un autre fils Louis mort jeune (14 janvier 1777-2
-mars 1778) et Pauline (29 novembre 1772-23 juin 1855), qui pousa
-le 23 fvrier 1817 Ferdinand, duc de Wurtemberg. Le prince Franz-Georg
-mourut Vienne le 11 aot 1818 (<i>Almanach de Gotha</i>, 1836,
-p. 174 et 1848, p. 159.&mdash;<span class="smcap">Wurzbach</span>, <i>Biographisches Lexikon de
-Kaiserthums Oesterreich</i>, t. XVIII, p. 60.&mdash;<span class="smcap">Strobl von Ravelsberg</span>,
-Metternich und seine Zeit, 1778-1875. Vienne et Leipzig, Stern, 1906,
-2 vol. in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 56).</p>
-
-<p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14" class="label">[14]</a> Paul <span class="smcap">Pisani</span>, <i>Rpertoire biographique de l'piscopat constitutionnel</i>.
-Paris, Picard, 1907, in-8<sup>o</sup>, p. 242.</p>
-
-<p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15" class="label">[15]</a> <i>Mmoires, Documents et crits divers laisss par le prince de
-Metternich</i> publis par son fils le prince Richard de Metternich, classs
-et runis par M. A. de Klinkowstroem. dition franaise. Paris, Plon,
-1880-1884, 8 vol. in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 6.</p>
-
-<p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16" class="label">[16]</a> Arthur <span class="smcap">Chuquet</span>, <i>la Jeunesse de Napolon</i>. <i>Brienne.</i> Paris,
-Armand Colin, 1897, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Albert <span class="smcap">Schuermans</span>, <i>Itinraire gnral
-de Napolon I</i><sup>er</sup>. Paris, Picard, 1908, in-8, p. 3.</p>
-
-<p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17" class="label">[17]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. I, p. 12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18" class="label">[18]</a> <span class="smcap">A. Giry</span>, <i>Manuel de diplomatique</i>. Paris, Hachette, 1894, in-8<sup>o</sup>,
-p. 170.</p>
-
-<p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19" class="label">[19]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. I, p. 8.</p>
-
-<p><a id="Footnote_20" href="#FNanchor_20" class="label">[20]</a> <span class="smcap">E. Seinguerlet</span>, <i>Strasbourg pendant la Rvolution</i>. Paris, Berger-Levrault,
-1881, in-8<sup>o</sup>, p. 306.</p>
-
-<p><a id="Footnote_21" href="#FNanchor_21" class="label">[21]</a> <i>Grande Encyclopdie</i>, t. III, p. 289, article Aot (Journe du 10)
-par M. Aulard.&mdash;<span class="smcap">Pollio et Marcel</span>, <i>le Bataillon du 10 Aot</i>. Paris,
-Charpentier, 1881, in-12.&mdash;<span class="smcap">E. Mhlenbeck</span>, <i>Euloge Schneider</i>.
-Strasbourg, Hertz, 1896, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_22" href="#FNanchor_22" class="label">[22]</a> Arthur <span class="smcap">Chuquet</span>, <i>Mayence</i>, Paris, Cerf, 1892, p. 60 et s.</p>
-
-<p><a id="Footnote_23" href="#FNanchor_23" class="label">[23]</a> Nous aurions voulu donner sur ce personnage quelques dtails
-plus complets, mais nos efforts n'ont pas t heureux. Les Archives nationales
-semblent ne possder aucun document le concernant.&mdash;M. de
-Metternich raconte encore que Napolon lui enleva sa place de matre
-d'allemand comme ancien jacobin. Nous avons pu retrouver et feuilleter
-les <i>Comptes Rendus du Procureur Grant</i> de Louis-le-Grand et les
-<i>Pices justificatives</i> de ces comptes rendus. Sur les feuilles d'margement
-pour le paiement des traitements du personnel, nous avons retrouv
-la trace de Simon, qui touchait annuellement 2,000 francs, depuis
-l'an XII jusqu'en dcembre 1813. Nous n'avons pu mettre la main sur
-les comptes des annes postrieures, ce qui nous a rendu impossible la
-vrification de l'assertion de M. de Metternich. Ce dernier ajoute qu'
-la Restauration, Simon fut choisi par le duc d'Orlans comme professeur
-d'allemand pour ses enfants.</p>
-
-<p>A titre de simple indication, signalons que, dans sa sance du
-14 septembre 1793, la Convention accorda une somme de 2,000 francs
-pour payer quatre mois de traitement chus un citoyen Simon qui
-aprs la clbre journe du mois d'aot 1792 avait t charg de
-traduire en langue allemande les dcrets de la Convention nationale.
-S'agit-il de J.-F. Simon? Le rle de ce dernier au 10 aot et sa connaissance
-de la langue trangre en question sont de trop faibles indices
-pour permettre d'mettre une hypothse ce sujet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_24" href="#FNanchor_24" class="label">[24]</a> Lopold II fut couronn empereur d'Allemagne en octobre 1790
-et Franois II le 14 juillet 1792.</p>
-
-<p><a id="Footnote_25" href="#FNanchor_25" class="label">[25]</a> Albert <span class="smcap">Sorel</span>, <i>l'Europe et la Rvolution franaise</i>, t. II, p. 492.</p>
-
-<p><a id="Footnote_26" href="#FNanchor_26" class="label">[26]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. I, p. 10.</p>
-
-<p><a id="Footnote_27" href="#FNanchor_27" class="label">[27]</a> Le mariage fut clbr le 27 septembre 1795.&mdash;Marie-lonore
-de Kaunitz tait ne le 1<sup>er</sup> octobre 1775. Elle mourut Paris le
-19 mars 1825 aprs avoir donn sept enfants son mari.</p>
-
-<p><a id="Footnote_28" href="#FNanchor_28" class="label">[28]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VII, p. 646.</p>
-
-<p><a id="Footnote_29" href="#FNanchor_29" class="label">[29]</a> <i>Ibid.</i>, p. 647.</p>
-
-<p><a id="Footnote_30" href="#FNanchor_30" class="label">[30]</a> Ministre de Confrences et d'tat le 4 aot 1809, M. de Metternich
-fut nomm le 8 octobre 1809 ministre de la Maison impriale et
-des Affaires trangres (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VIII,
-p. 647).</p>
-
-<p><a id="Footnote_31" href="#FNanchor_31" class="label">[31]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 99.</p>
-
-<p><a id="Footnote_32" href="#FNanchor_32" class="label">[32]</a> Albert <span class="smcap">Sorel</span>, <i>l'Europe et la Rvolution franaise</i>, t. II., p. 144.</p>
-
-<p><a id="Footnote_33" href="#FNanchor_33" class="label">[33]</a> Ferdinand I<sup>er</sup>, roi des Deux-Siciles, lui avait confr le rang de
-duc par dcret du 13 novembre 1815. M. de Metternich refusa de profiter
-de cette faveur, si ce titre n'tait pas assis sur une ville napolitaine.
-Par diplme du 9 septembre 1818, Ferdinand ajouta donc au titre de
-duc le nom de Portella (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VIII,
-p. 654).</p>
-
-<p><a id="Footnote_34" href="#FNanchor_34" class="label">[34]</a> <span class="smcap">De Lacombe</span>, <i>le Prince de Metternich</i>, dans <i>le Correspondant</i> du
-10 dcembre 1882, t. CXXIX, p. 893.</p>
-
-<p><a id="Footnote_35" href="#FNanchor_35" class="label">[35]</a> Comte <span class="smcap">A. de la Garde-Chambonas</span>, <i>Souvenirs du Congrs de
-Vienne</i>, 1814-15, publis avec introduction et notes par le comte Fleury.
-Paris, Vivien, 1901, in-8<sup>o</sup>, p. 343.</p>
-
-<p><a id="Footnote_36" href="#FNanchor_36" class="label">[36]</a> Le comte <span class="smcap">de Falloux</span>, <i>Mmoires d'un Royaliste</i>. Paris, Perrin,
-1888, 2 vol. in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 78.</p>
-
-<p><a id="Footnote_37" href="#FNanchor_37" class="label">[37]</a> Friedrich <span class="smcap">von Gentz</span>, <i>Tagebcher</i>. Leipzig, Brockhaus, 1861, in-8<sup>o</sup>,
-p. 257. Ce passage, sans date, est de la fin de 1810.</p>
-
-<p><a id="Footnote_38" href="#FNanchor_38" class="label">[38]</a> 1<sup>o</sup> Marie-Lopoldine, ne le 17 janvier 1797, marie le 15 septembre
-1817 Joseph, comte Esterhazy. Elle mourut le 20 juillet 1820;</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> Franz-Karl-Johann-Georg, n le 21 fvrier 1798, mort le 3 dcembre
-1799;</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> Clemens-duard, n le 10 juin 1799, mort le 15 du mme mois;</p>
-
-<p>4<sup>o</sup> Franz-Karl-Victor, n le 15 janvier 1803, fut attach d'ambassade
- Paris et mourut le 30 novembre 1829;</p>
-
-<p>5<sup>o</sup> Clmentine-Marie-Octavie, ne le 30 aot 1804, dcde le
-6 mai 1820;</p>
-
-<p>6<sup>o</sup> Lontine-Pauline-Marie, ne le 18 juin 1811. Elle pousa, le
-8 fvrier 1835, le comte Sandor de Slavnicza, fut la mre de la princesse
-Richard de Metternich, la trs spirituelle ambassadrice Paris sous
-Napolon III, et mourut le 16 novembre 1861;</p>
-
-<p>7<sup>o</sup> Hermina-Gabrielle-Marie, ne le 1<sup>er</sup> septembre 1815, mourut
-en 1890, chanoinesse honoraire du chapitre des Dames de Savoie
-Vienne.</p>
-
-<p><a id="Footnote_39" href="#FNanchor_39" class="label">[39]</a> <i>Galerie des Contemporains illustres</i> par <i>un homme de rien</i>
-(Louis de Lomnie). Paris, Ren et C<sup>ie</sup>, 1840-1847, 10 vol. in-12, t. II,
-p. 8.</p>
-
-<p><a id="Footnote_40" href="#FNanchor_40" class="label">[40]</a> <i>Galerie des Contemporains illustres</i>, t. II, p. 11.</p>
-
-<p><a id="Footnote_41" href="#FNanchor_41" class="label">[41]</a> Comte <span class="smcap">A. de La Garde-Chambonas</span>, <i>Souvenirs du Congrs de
-Vienne</i>, p. 88.&mdash;Mme de Bassanville, dans <i>les Salons d'autrefois,
-Souvenirs intimes</i>, t. II, p. 2, a copi ce passage presque mot pour
-mot. La premire dition des <i>Souvenirs</i> de M. de la Garde sous le titre
-de <i>Ftes et Souvenirs du Congrs de Vienne</i> a paru en 1843, Paris,
-chez Appert, 2 vol. in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_42" href="#FNanchor_42" class="label">[42]</a> Comte <span class="smcap">A. de la Garde-Chambonas</span>, <i>Souvenirs du Congrs de
-Vienne</i>, p. 88.</p>
-
-<p><a id="Footnote_43" href="#FNanchor_43" class="label">[43]</a> <span class="smcap">Skavronska</span> (Catherine-Pavlovna, comtesse) tait ne en 1783 et
-mourut Vienne le 21 mai 1857. Elle tait la fille du gnral Paul
-Skavronski et de Catherine Engelhardt, la nice prfre de Potemkin.
-Elle avait pous, en septembre 1800, le prince Pierre Bagration, n
-en 1765, qui mourut en septembre 1812. Bien plus tard, en 1830,
-elle pousa, tout en conservant le nom de son premier mari, le colonel
-anglais sir John Hobart Caradoc, baron Howden (1799-1873). La fille
-qu'elle eut du prince de Metternich, Clmentine, ne en 1802, morte
-en couches le 29 mai 1829, pousa en 1828 le gnral comte Otto Blome
-(1<sup>er</sup> octobre 1795-1<sup>er</sup> juin 1884) (dition du grand-duc Nicolas <span class="smcap">Mikhalovitch</span>,
-<i>Portraits russes des dix-huitime et dix-neuvime sicles</i>.
-Saint-Ptersbourg, manufacture des papiers d'tat, 3 vol. in-4<sup>o</sup>, 1905-1907,
-t. I, p. 49.&mdash;<span class="smcap">Strobl von Ravelsberg</span>, <i>Metternich und seine
-Zeit</i>, t. I, p. 14 et 33).</p>
-
-<p><a id="Footnote_44" href="#FNanchor_44" class="label">[44]</a> <i>Mmoires de Mme de Rmusat</i>, 1802-1808, publis par son petit-fils
-Paul de Rmusat. Paris, Calmann Lvy, 1879-1880, 3 vol. in-8<sup>o</sup>,
-t. III, p. 48.</p>
-
-<p><a id="Footnote_45" href="#FNanchor_45" class="label">[45]</a> Frdric <span class="smcap">Masson</span>, <i>Napolon et sa famille</i>. Paris, Ollendorf, 1897-1907,
-8 vol. in-8<sup>o</sup>, t. VI, p. 184.</p>
-
-<p><a id="Footnote_46" href="#FNanchor_46" class="label">[46]</a> Comte Fdor <span class="smcap">Golovkine</span>, <i>la Cour et le Rgne de Paul I</i><sup>er</sup>. <i>Portraits,
-souvenirs et anecdotes</i>, publis par S. Bonnet. Paris, Plon, 1905,
-in-8<sup>o</sup>, p. 309.</p>
-
-<p><a id="Footnote_47" href="#FNanchor_47" class="label">[47]</a> <i>Catalogue de la vente du 27 mai 1895</i>, n<sup>o</sup> 85. M. Nol Charavay,
-expert.&mdash;Ce dtail de l'amour de M. de Metternich pour l'amie
-de Chateaubriand n'est pas signal dans le remarquable ouvrage, pourtant
-si complet, de M. douard Herriot: <i>Mme Rcamier et ses amis</i>.
-Paris, Plon, 1905, 2 vol. in-8<sup>o</sup>. Par contre, M. Herriot signale, t. II,
-p. 405, l'opinion de la troisime princesse de Metternich sur son
-hrone, extraite de son journal (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>,
-t. V, p. 115). Cette opinion est malveillante l'gard de Mmes Junot
-et Rcamier. Ne serait-ce pas l un pur effet de jalousie rtrospective?</p>
-
-<p><a id="Footnote_48" href="#FNanchor_48" class="label">[48]</a> Le comte <span class="smcap">de Falloux</span>, <i>Mmoires d'un Royaliste</i>, t. I, p. 133.</p>
-
-<p><a id="Footnote_49" href="#FNanchor_49" class="label">[49]</a> <i>Souvenirs de la duchesse de Dino</i>, publis par sa petite-fille la
-comtesse Jean de Castellane, Paris, Calmann Lvy, in-8<sup>o</sup>, p. 113.</p>
-
-<p><a id="Footnote_50" href="#FNanchor_50" class="label">[50]</a> <i>Mmoires de Mme de Boigne</i>, t. I, p. 228.</p>
-
-<p><a id="Footnote_51" href="#FNanchor_51" class="label">[51]</a> Friedrich <span class="smcap">von Gentz</span>, <i>Tagebcher</i>. Leipzig, F.-A. Brockhaus,
-1873-1874, 4 vol. in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 322.</p>
-
-<p><a id="Footnote_52" href="#FNanchor_52" class="label">[52]</a> Friedrich <span class="smcap">von Gentz</span>, <i>Tagebcher</i>, t. I, p. 293. 24 juillet 1814,
-dimanche. Entre autres, j'ai crit une lettre trs nergique la duchesse
-de Sagan sur sa conduite envers Metternich et moi.&mdash;<i>Ibid.</i>, t. I,
-p. 322. Samedi 22 [octobre 1814]. Dn chez Metternich avec Nesselrode.
-Il me fait part de sa rupture dfinitive avec la duchesse, ce qui
-est aujourd'hui un vnement de premier ordre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_53" href="#FNanchor_53" class="label">[53]</a> Lettre du 1<sup>er</sup> dcembre 1818.</p>
-
-<p><a id="Footnote_54" href="#FNanchor_54" class="label">[54]</a> <i>Souvenirs et Fragments pour servir aux mmoires de ma vie et
-de mon temps</i>, par le marquis <span class="smcap">de Bouill</span>, publis par P.-L. de Kermaingant,
-Paris, Picard, 1908, 2 vol. in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 45.</p>
-
-<p><a id="Footnote_55" href="#FNanchor_55" class="label">[55]</a> Lettre du 1<sup>er</sup> dcembre 1818.</p>
-
-<p><a id="Footnote_56" href="#FNanchor_56" class="label">[56]</a> <span class="smcap">Benckendorf</span> (Christophe Ivanovitch de), n le 30 juillet 1749, gnral
-d'infanterie, mort le 10 juin 1823 (<span class="smcap">Ermerin</span>, <i>Annuaire de la noblesse
-de Russie</i>, 2<sup>e</sup> anne, 1892, p. 135).</p>
-
-<p><a id="Footnote_57" href="#FNanchor_57" class="label">[57]</a> <i>Correspondance de S. M. l'impratrice Marie Fodorovna avec
-Mlle de Nelidoff, sa demoiselle d'honneur.</i> Publie par la princesse
-Lise Troubetzko. Paris, Ernest Leroux, 1896, in-18, p. 1, 15, 31, 57,
-89, 92.</p>
-
-<p><a id="Footnote_58" href="#FNanchor_58" class="label">[58]</a> Ralph <span class="smcap">Sneyd</span>, <i>Notice of the late princess of Lieven</i> dans <i>Miscellanies
-of the Philobiblon Society</i>, vol. XIII, p. 8.</p>
-
-<p><a id="Footnote_59" href="#FNanchor_59" class="label">[59]</a> Alexandre, l'an, sous-officier en 1798 au rgiment Semenovski,
-capitaine aprs Preussich-Eylau, colonel quinze jours plus tard, gnral-major
-en 1812, chef de la 2<sup>e</sup> division de dragons le 9 avril 1816,
-gnral aide de camp le 22 juillet 1819. Il fut nomm, le 25 juin 1826,
-chef des gendarmes, chef de la 3<sup>e</sup> section de la police impriale spciale,
-commandant de la maison militaire de l'Empereur, et ds ce moment il
-devint et resta, jusqu' sa mort, insparable de la personne du souverain.
-Cr snateur le 6 dcembre 1826, gnral de cavalerie en 1829,
-membre du Conseil de l'Empire le 8 fvrier 1830, comte le 8 novembre
-1832, il mourut le 23 septembre 1844 bord du vapeur de guerre
-russe l'<i>Hercule</i>, en revenant d'Allemagne (Toutes ces dates en vieux
-style). Il avait pous lisabeth Andrevna Donetz-Zakharjevski dont
-il eut trois filles: la comtesse Apponyi, la princesse Wolkonski, la
-princesse Demidoff (dition du grand-duc Nicolas <span class="smcap">Mikhalovitch</span>, <i>Portraits
-russes des dix-huitime et dix-neuvime sicles</i>, t. II, portrait 46).&mdash;Homme
-de talent, doux, souple, insinuant, agrable de figure,
-plein de galanterie dans les manires, il savait se faire aimer, et les Russes
-eux-mmes lui pardonnaient le grand tort d'tre Allemand (il appartenait
- la noblesse livonienne), dans une Cour o ils avaient t trop
-souvent humilis de voir des hommes de cette origine prendre le pas
-sur les premiers d'entre eux... Homme, sinon d'une haute moralit, du
-moins intgre et de plus actif, clair, d'une intelligence rare, d'une
-socit agrable. (J. H. <span class="smcap">Schnitzler</span>, <i>Histoire intime de la Russie
-sous les empereurs Alexandre et Nicolas</i>. Paris, Renouard, 1847, 2 vol.
-in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 263; t. II, p. 183).</p>
-
-<p>Constantin, le plus jeune des fils de la baronne Schilling, fut gnral-adjudant
-puis gnral-lieutenant et mourut pendant la guerre turco-russe
-de 1828 (<span class="smcap">Kleinschmidt</span>, <i>Frstin Dorothea Lieven</i>, dans <i>Westermanns
-Monatshefte</i>. Oktober 1898, p. 21).</p>
-
-<p><a id="Footnote_60" href="#FNanchor_60" class="label">[60]</a> Maria fut dame d'honneur de l'impratrice Marie Fodorovna.
-Elle mourut vers 1843.</p>
-
-<p><a id="Footnote_61" href="#FNanchor_61" class="label">[61]</a> <span class="smcap">Posse de Gaugreben</span> (Charlotte Karlovna), fille du lieutenant-gnral
-Karl de Gaugreben, tait ne vers 1743. En novembre 1783, elle fut
-charge par Catherine II de l'ducation des grands-ducs Nicolas et
-Michel Pavlovitch ainsi que de celle des grandes-duchesses leurs s&oelig;urs.
-Dame d'honneur en 1794, elle reut le titre de comtesse le 22 fvrier
-1799 et celui de princesse et d'Altesse Srnissime en 1826
-l'occasion du couronnement de Nicolas I<sup>er</sup>. Elle mourut le 24 fvrier
-1828 (<span class="smcap">Schnitzler</span>, <i>Histoire intime de la Russie</i>, t. I, p. 511.&mdash;Sergius
-<span class="smcap">Uwarow</span>, <i>Hommage Mme la princesse de Lieven</i>. Saint-Ptersbourg,
-1829, in-8<sup>o</sup>).</p>
-
-<p>Paul qui ne trouvait gure une mre en Catherine donna la gouvernante
-de ses enfants tout le respect et un peu de l'affection qu'il
-n'arrivait pas placer ailleurs. (K. <span class="smcap">Waliszewski</span>, <i>Autour d'un Trne.
-Catherine II de Russie</i>. Paris, Plon, 1894, in-8<sup>o</sup>, p. 398).</p>
-
-<p>Son mari, Otto-Heinrich-Andr Romanovitch, n le 11 octobre 1726,
-tait mort le 4 fvrier 1781. Elle lui avait donn trois fils: Charles,
-Christophe et Ivan et une fille, Catherine, qui pousa le baron Vitinhof.
-(dition du grand-duc Nicolas <span class="smcap">Mikhalovitch</span>. <i>Portraits russes des dix-huitime
-et dix-neuvime sicles</i>, t. III, portrait 104).</p>
-
-<p><a id="Footnote_62" href="#FNanchor_62" class="label">[62]</a> <span class="smcap">Lieven</span> (Christophe Andrvitch de) tait le second fils du gnral-major
-Andr Romanovitch et tait n Kieff. Il fut inscrit l'artillerie
-en 1779, passa comme enseigne au rgiment de Semenovski le
-1<sup>er</sup> janvier 1791 et fut nomm lieutenant en 1794. Il prit part la
-guerre de Sude en 1790 et combattit contre les Franais, aux Pays-Bas
-autrichiens, dans les rangs de l'arme autrichienne (1794). Lieutenant-colonel
-au rgiment de dragons de Wladimir le 20 fvrier 1796,
-puis dans les mousquetaires de Toula, il fit avec le comte Zouboff l'expdition
-contre la Perse. Aide de camp de l'Empereur le 27 avril 1797,
-gnral-major et aide de camp gnral le 27 juillet 1798, chef de la
-chancellerie en campagne le 12 novembre 1798, il est en 1805 Austerlitz.
-Lieutenant-gnral (1807). Envoy extraordinaire et ministre
-plnipotentiaire auprs du roi de Prusse le 31 dcembre 1809, ambassadeur
-extraordinaire Londres le 5 septembre 1812, rappel le
-22 avril 1834, mort Rome le 29 dcembre 1838-10 janvier 1839
-(dition du grand-duc Nicolas <span class="smcap">Mikhalovitch</span>. <i>Portraits russes des dix-huitime
-et dix-neuvime sicles</i>, t. III, p. 23, dates en vieux style).</p>
-
-<p><a id="Footnote_63" href="#FNanchor_63" class="label">[63]</a> Le fils an de la gouvernante des grands-ducs, Charles Andrvitch,
-n le 12 fvrier 1767, embrassa la carrire militaire. Major-gnral
-en 1797, lieutenant-gnral (1799), gnral d'infanterie (1827),
-curateur de l'universit de Dorpat (1817), membre du Conseil de
-l'Empire (1826), ministre de l'Instruction publique (1828-1838), il
-mourut dans ses terres de Courlande le 12 janvier 1845 laissant deux
-fils, dont l'un, Andr Karlovitch, fut plus tard gnral-major (Friedrich
-<span class="smcap">Busch</span>, <i>Frst C. Lieven und die Kaiserliche Universitt Dorpat unter
-seiner Oberleitung</i>. Dorpat et Leipzig, 1846, in-4<sup>o</sup>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_64" href="#FNanchor_64" class="label">[64]</a> Publi dans: <i>Die Ermordung Pauls und die Thronbesteigung
-Nikolaus I</i>. Neue materialien verffentlicht und eingeleitet von professor
-Dr. Theodor <span class="smcap">Schiemann</span>. Berlin, Georg Reimer, 1902, in-8<sup>o</sup>, p. 35.</p>
-
-<p><a id="Footnote_65" href="#FNanchor_65" class="label">[65]</a> Ce rcit a beaucoup d'intrt; il a un caractre de vrit et de
-vie. Mme de Lieven ne relate que ce qu'elle a vu et entendu, par consquent
-rien de l'acte mme de l'assassinat; mais l'impression gnrale
-sur la cour et le public, l'attitude et le langage des principaux personnages,
-l'Impratrice, l'empereur Alexandre, le comte Pahlen, sont
-peints avec finesse et relief (<i>Souvenirs du baron de Barante.</i> Paris,
-Calmann Lvy, 1890, 8 vol. in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 82).</p>
-
-<p><a id="Footnote_66" href="#FNanchor_66" class="label">[66]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier. La
-princesse de Lieven</i>, chap. <span class="smcap">I</span>. A la cour de Russie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_67" href="#FNanchor_67" class="label">[67]</a> <i>Gazette nationale ou le Moniteur universel</i> du lundi 30 avril 1810,
-n<sup>o</sup> 120, p. 475.</p>
-
-<p><a id="Footnote_68" href="#FNanchor_68" class="label">[68]</a> <i>Moniteur universel</i> du mercredi 15 juillet 1812, n<sup>o</sup> 197, p. 771.</p>
-
-<p><a id="Footnote_69" href="#FNanchor_69" class="label">[69]</a> <i>Moniteur universel</i> du samedi 26 dcembre 1812, n<sup>o</sup> 361,
-p. 1429.</p>
-
-<p><a id="Footnote_70" href="#FNanchor_70" class="label">[70]</a> <i>Mmoires du prince de Talleyrand</i>, publis par le duc de Broglie.
-Paris, Calmann Lvy, 1891, 8 vol. in-8<sup>o</sup>, t. III, p. 404.&mdash;L'authenticit
-de ces <i>Mmoires</i>, au moins dans leur forme actuelle, est trs conteste.
-Le duc de Broglie n'eut entre les mains qu'une copie excute
-par M. de Bacourt, qui dtruisit le manuscrit original. Si le passage
-reproduit ci-dessus a t retouch par M. de Bacourt, il n'en conserve
-pas moins quelque intrt documentaire, ce dernier ayant beaucoup
-connu Mme de Lieven Londres et Paris.</p>
-
-<p><a id="Footnote_71" href="#FNanchor_71" class="label">[71]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London.</i> Biographical notice, p. <span class="smcap">VIII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_72" href="#FNanchor_72" class="label">[72]</a> <span class="smcap">M. Guizot</span>, <i>Mlanges biographiques et littraires</i>. Paris, Michel
-Lvy, 1868, in-8<sup>o</sup>, p. 194.&mdash;En 1817, le marchal de Castellane notait
-dans son journal: Le comte et la comtesse de Lieven jouissaient d'une
-grande considration Londres; ils y tenaient un grand tat. Mme de
-Lieven tait une agrable et fort aimable personne de trente ans.
-(<i>Journal du marchal de Castellane.</i> Paris, Plon, 1897, 5 vol. in-8<sup>o</sup>,
-t. I, p. 348).</p>
-
-<p><a id="Footnote_73" href="#FNanchor_73" class="label">[73]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. II, p. 32, note 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_74" href="#FNanchor_74" class="label">[74]</a> <i>Mmoires d'outre-tombe</i>, dition Bir, t. IV, p. 249.</p>
-
-<p><a id="Footnote_75" href="#FNanchor_75" class="label">[75]</a> <i>Mmoires de Mme de Boigne</i>, t. II, p. 181.</p>
-
-<p><a id="Footnote_76" href="#FNanchor_76" class="label">[76]</a> <i>Mmoires du prince de Talleyrand</i>, t. III, p. 403.</p>
-
-<p><a id="Footnote_77" href="#FNanchor_77" class="label">[77]</a> <i>Mlanges biographiques</i>, p. 196.</p>
-
-<p><a id="Footnote_78" href="#FNanchor_78" class="label">[78]</a> <i>Mmoires de Mme de Boigne</i>, t. II, p. 181.</p>
-
-<p><a id="Footnote_79" href="#FNanchor_79" class="label">[79]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 228.</p>
-
-<p><a id="Footnote_80" href="#FNanchor_80" class="label">[80]</a> Duc <span class="smcap">de Broglie</span>, <i>le dernier Bienfait de la Monarchie</i>. Paris,
-Calmann Lvy, s. d., in-8<sup>o</sup>, p. 195.</p>
-
-<p><a id="Footnote_81" href="#FNanchor_81" class="label">[81]</a> Lord <span class="smcap">Malmesbury</span>, <i>Mmoires d'un ancien Ministre</i>, 1807-1869,
-traduits par M. A. B. Paris, Ollendorf, 1886, p. 47.&mdash;3 mai 1837.</p>
-
-<p><a id="Footnote_82" href="#FNanchor_82" class="label">[82]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 378.</p>
-
-<p><a id="Footnote_83" href="#FNanchor_83" class="label">[83]</a> M. <span class="smcap">Guizot</span>, <i>Mlanges biographiques</i>, p. 214.&mdash;La princesse de
-Lieven M. Guizot, Schlangenbad, 12 aot (lundi) 1850.</p>
-
-<p><a id="Footnote_84" href="#FNanchor_84" class="label">[84]</a> Cette anecdote se rapporte Charles-Louis, roi d'trurie sous le
-nom de Louis II, duc de Lucques sous le nom de Charles-Louis, duc de
-Parme aprs la mort de l'ex-impratrice Marie-Louise. Il abdiqua le
-14 mars 1849 (<span class="smcap">Dussieux</span>, <i>Gnalogie de la maison de Bourbon</i>, Paris,
-Lecoffre, 1872, 2<sup>e</sup> dit., p. 230).&mdash;Aprs son abdication le duc de
-Parme prit le titre de comte de Villafranca.</p>
-
-<p><a id="Footnote_85" href="#FNanchor_85" class="label">[85]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London.</i> Biographical notice, p. <span class="smcap">VIII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_86" href="#FNanchor_86" class="label">[86]</a> Les bals d'Almack taient des bals par souscription, trs aristocratiques,
-o il tait fort difficile de se faire admettre. Les billets taient
-vendus par des dames patronnesses appartenant toutes la grande
-noblesse anglaise ou au monde diplomatique.</p>
-
-<p><a id="Footnote_87" href="#FNanchor_87" class="label">[87]</a> <i>Mmoires de Mme de Boigne</i>, t. II, p. 180.</p>
-
-<p><a id="Footnote_88" href="#FNanchor_88" class="label">[88]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 180.</p>
-
-<p><a id="Footnote_89" href="#FNanchor_89" class="label">[89]</a> <span class="smcap">Stockmar</span>, <i>Denkwrdigkeiten aus den Papieren des Freiherrn
-Christian Friedrich von Stockmar</i>, zusammengestellt von Ernst, Freiherr
-von Stockmar. Braunschweig, Friedrich Vieweg und Sohn, 1872,
-in-8<sup>o</sup>, p. 97.</p>
-
-<p><a id="Footnote_90" href="#FNanchor_90" class="label">[90]</a> <i>Mmoires d'outre-tombe</i>, dition Bir, t. IV, p. 249.</p>
-
-<p><a id="Footnote_91" href="#FNanchor_91" class="label">[91]</a> Ralph <span class="smcap">Sneyd</span>, <i>Notice of the late princess of Lieven</i>, p. 5.</p>
-
-<p><a id="Footnote_92" href="#FNanchor_92" class="label">[92]</a> <i>Mmoires du prince de Talleyrand</i>, t. III, p. 405.</p>
-
-<p><a id="Footnote_93" href="#FNanchor_93" class="label">[93]</a> La comtesse Apponyi M. de Fontenay, Rome, 9 janvier 1824
-(Lettre analyse sous le n<sup>o</sup> 11 dans le <i>Catalogue de la maison Veuve
-Gabriel Charavay</i>, n<sup>o</sup> 263).</p>
-
-<p><a id="Footnote_94" href="#FNanchor_94" class="label">[94]</a> <span class="smcap">Greville</span>, <i>la Cour de George IV et de Guillaume IV</i>, extraits du
-<i>Journal de Charles C.-F. Greville</i>, traduits et annots par Mlle Marie-Anne
-de Bovet. Paris, Firmin-Didot, 1888, p. 346 (juin 1834).</p>
-
-<p><a id="Footnote_95" href="#FNanchor_95" class="label">[95]</a> <i>Mmoires d'outre-tombe</i>, dition Bir, t. IV, p. 249.</p>
-
-<p><a id="Footnote_96" href="#FNanchor_96" class="label">[96]</a> <span class="smcap">Greville</span>, <i>Les quinze premires annes du rgne de la reine
-Victoria</i>, extraits du <i>Journal de Charles C.-F. Greville</i>, traduits par
-Mlle Marie-Anne de Bovet. Paris, Firmin-Didot, 1889, in-12, p. 331.</p>
-
-<p><a id="Footnote_97" href="#FNanchor_97" class="label">[97]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. VIII, p. 155. La duchesse de
-Sagan M. de Barante. Berlin, 1<sup>er</sup> fvrier 1857.</p>
-
-<p><a id="Footnote_98" href="#FNanchor_98" class="label">[98]</a> <i>La Cour et le Rgne de George IV et de Guillaume IV</i>, p. 8.</p>
-
-<p><a id="Footnote_99" href="#FNanchor_99" class="label">[99]</a> Ralph <span class="smcap">Sneyd</span>, <i>Notice of the late princess of Lieven</i>, p. 6.</p>
-
-<p><a id="Footnote_100" href="#FNanchor_100" class="label">[100]</a> <i>Mmoires du prince de Talleyrand</i>, t. III, p. 405.</p>
-
-<p><a id="Footnote_101" href="#FNanchor_101" class="label">[101]</a> Ralph <span class="smcap">Sneyd</span>, <i>Notice of the late princess of Lieven</i>, p. 9.</p>
-
-<p><a id="Footnote_102" href="#FNanchor_102" class="label">[102]</a> <i>Ibid.</i>, p. 8.</p>
-
-<p><a id="Footnote_103" href="#FNanchor_103" class="label">[103]</a> Comte <span class="smcap">de Marcellus</span>, <i>Chateaubriand et son temps</i>. Paris, 1859,
-in-8<sup>o</sup>, p. 269.</p>
-
-<p><a id="Footnote_104" href="#FNanchor_104" class="label">[104]</a> <span class="smcap">Kleinschmidt</span>, <i>Drei Jahrhunderte russischer Geschichte</i> (1598-1898).
-Berlin, Georg Reimer, 1898, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 301.</p>
-
-<p><a id="Footnote_105" href="#FNanchor_105" class="label">[105]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London</i>, p. 172.</p>
-
-<p><a id="Footnote_106" href="#FNanchor_106" class="label">[106]</a> <i>La Cour et le Rgne de George IV et de Guillaume IV</i>, p. 9.</p>
-
-<p><a id="Footnote_107" href="#FNanchor_107" class="label">[107]</a> <i>Mmoires d'un ancien Ministre</i>, p. 237.</p>
-
-<p><a id="Footnote_108" href="#FNanchor_108" class="label">[108]</a> <i>Mmoires de Mme de Boigne</i>, t. II, p. 180.</p>
-
-<p><a id="Footnote_109" href="#FNanchor_109" class="label">[109]</a> <i>Revue d'Histoire moderne et contemporaine</i>, t. V, p. 138.</p>
-
-<p><a id="Footnote_110" href="#FNanchor_110" class="label">[110]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. VI, p. 209. La duchesse de
-Talleyrand M. de Barante, Paris, 5 avril 1839.&mdash;Nesselrode sa
-femme, 7 mars 1814: Lieven continue russir autant que sa femme
-russit peu. (<i>Lettres et papiers</i>, t. V, p. 171.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_111" href="#FNanchor_111" class="label">[111]</a> <i>Mmoires du prince de Talleyrand</i>, t. II, p. 407.</p>
-
-<p><a id="Footnote_112" href="#FNanchor_112" class="label">[112]</a> <i>Mmoires d'outre-tombe</i>, t. IV, p. 249, n. 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_113" href="#FNanchor_113" class="label">[113]</a> <i>Mmoires de Mme de Boigne</i>, t. II, p. 181.</p>
-
-<p><a id="Footnote_114" href="#FNanchor_114" class="label">[114]</a> <i>Les quinze premires annes du rgne de la reine Victoria</i>, p. 331.</p>
-
-<p><a id="Footnote_115" href="#FNanchor_115" class="label">[115]</a> Lettre du 30 janvier 1819.</p>
-
-<p><a id="Footnote_116" href="#FNanchor_116" class="label">[116]</a> Lettre du 13 mars 1819.</p>
-
-<p><a id="Footnote_117" href="#FNanchor_117" class="label">[117]</a> Dans une lettre M. de Metternich, date du 13 fvrier 1820,
-et dont M. le comte Puslowski, le savant collectionneur polonais, a
-bien voulu nous communiquer une copie qui lui fut jadis donne par
-M. Forneron, Mme de Lieven dit, en parlant de Palmella: Je t'ai
-parl dans le temps de P. Je crois m'tre explique clairement. Il a t
-amoureux et tout aussi loin d'tre heureux que le sera jamais Floret
-mon gard.</p>
-
-<p><a id="Footnote_118" href="#FNanchor_118" class="label">[118]</a> Sa fille tait ne vers le milieu de fvrier 1804. Alexandre tait
-n en 1805, Paul en 1806 et Constantin dans les premiers jours de
-1807.</p>
-
-<p><a id="Footnote_119" href="#FNanchor_119" class="label">[119]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Un Roman du prince de Metternich</i> dans la <i>Revue
-Hebdomadaire</i> du 4 aot 1898, p. 50.</p>
-
-<p><a id="Footnote_120" href="#FNanchor_120" class="label">[120]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t, III, p. 171, note 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_121" href="#FNanchor_121" class="label">[121]</a> <i>Moniteur universel</i> du samedi 3 octobre 1818, n<sup>o</sup> 276, p. 1168.</p>
-
-<p><a id="Footnote_122" href="#FNanchor_122" class="label">[122]</a> <i>Moniteur universel</i> du lundi 5 octobre 1818, n<sup>o</sup> 278, p. 1172.</p>
-
-<p><a id="Footnote_123" href="#FNanchor_123" class="label">[123]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Autour du Congrs d'Aix-la-Chapelle</i> (1818) dans
-le <i>Correspondant</i> du 10 juillet 1907, t. CCXXVIII, p. 38 (Rapport
-d'un agent secret).</p>
-
-<p><a id="Footnote_124" href="#FNanchor_124" class="label">[124]</a> Le fond de pouvoir de M. de Metternich avait pris possession du
-domaine en aot 1816 (<i>Moniteur Universel</i> du mardi 27 aot 1816,
-n<sup>o</sup> 240, p. 966).</p>
-
-<p><a id="Footnote_125" href="#FNanchor_125" class="label">[125]</a> <i>Archives du ministre des affaires trangres.</i> France, Mmoires
-et documents, vol. 337, f<sup>o</sup> 225 verso. Verzeichniss der zu dem Kaiserl.
-sterreichischen Ministerium der auswrtigen Angelegenheiten gehrigen
-Individuen.</p>
-
-<p><a id="Footnote_126" href="#FNanchor_126" class="label">[126]</a> <i>Gazette d'Augsbourg</i> du 4 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 338, p. 1351.</p>
-
-<p><a id="Footnote_127" href="#FNanchor_127" class="label">[127]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Autour du Congrs d'Aix-la-Chapelle</i> dans le
-<i>Correspondant</i> du 10 juillet 1907, p. 40.</p>
-
-<p><a id="Footnote_128" href="#FNanchor_128" class="label">[128]</a> <i>Archives du ministre des affaires trangres.</i> France, Mmoires
-et documents, vol. 337, f<sup>o</sup> 220. List of persons who form the mission
-of His Britannic Majesty at Aix-la-Chapelle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_129" href="#FNanchor_129" class="label">[129]</a> <i>Archives du ministre des affaires trangres.</i> France, Mmoires
-et Documents, vol. 337, f<sup>o</sup> 222. Quartierliste der Suite Seiner Majestt
-des Knigs von Preussen.</p>
-
-<p><a id="Footnote_130" href="#FNanchor_130" class="label">[130]</a> <i>Moniteur universel</i> du samedi 17 octobre 1818, n<sup>o</sup> 200, p. 1225:
-Aix-la-Chapelle, 11 octobre.&mdash;Deux fois par semaine, Lady Castlereagh
-donne une soire; tout le corps diplomatique y est fort assidu. Quand
-les parties sont arranges, les ministres passent dans une pice voisine
-du salon, et l l'entretien devient tout politique; il se prolonge fort tard.
-Il se tient en outre chaque soir de petits comits diplomatiques chez Lord
-Castlereagh.</p>
-
-<p><a id="Footnote_131" href="#FNanchor_131" class="label">[131]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 127. Metternich
-sa femme... octobre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_132" href="#FNanchor_132" class="label">[132]</a> <i>Moniteur universel</i> du samedi 17 octobre 1818, n<sup>o</sup> 200, p. 1225.
-Aix-la-Chapelle, le 11 octobre.&mdash;L'arrive de M. le comte de Lieven
-et de Mme la comtesse, son pouse, a augment le petit nombre
-de maisons qui, par des soires agrables, gaient un peu le ton srieux
-qui rgne ici. (<i>Journal des Dbats</i> du samedi 17 octobre 1818, p. 1).</p>
-
-<p><a id="Footnote_133" href="#FNanchor_133" class="label">[133]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III; p. 128. Metternich
-sa femme, ce 18 octobre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_134" href="#FNanchor_134" class="label">[134]</a> Lettre du 9 mars 1819.</p>
-
-<p><a id="Footnote_135" href="#FNanchor_135" class="label">[135]</a> Lettre du 28 novembre 1818.</p>
-
-<p><a id="Footnote_136" href="#FNanchor_136" class="label">[136]</a> Le prince de Metternich Mme de Lieven, Vienne, 24 mars
-1820.&mdash;La copie de cette lettre nous a t communique par M. le
-comte Puslowski.</p>
-
-<p><a id="Footnote_137" href="#FNanchor_137" class="label">[137]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 129. Metternich
-sa femme, ce 27 octobre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_138" href="#FNanchor_138" class="label">[138]</a> Lettre du 28 novembre 1818.</p>
-
-<p><a id="Footnote_139" href="#FNanchor_139" class="label">[139]</a> <i>Ibid.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_140" href="#FNanchor_140" class="label">[140]</a> <i>Moniteur universel</i> du lundi 9 novembre 1818, n<sup>o</sup> 313, p. 1313.</p>
-
-<p><a id="Footnote_141" href="#FNanchor_141" class="label">[141]</a> Premire lettre, s. d.</p>
-
-<p><a id="Footnote_142" href="#FNanchor_142" class="label">[142]</a> <i>Moniteur universel</i> du vendredi 20 novembre 1818, n<sup>o</sup> 324,
-p. 1359.</p>
-
-<p><a id="Footnote_143" href="#FNanchor_143" class="label">[143]</a> Aix, le 7 novembre. Le comte Esterhazy, avec son pouse, fille
-du prince de Metternich, est arriv avec trois voitures de suite. Le
-ministre tait all au devant d'eux plus d'une lieue. Le comte et la
-comtesse ne tarderont pas partir pour Paris comptant y passer l'hiver.
-(<i>Journal de Paris</i> du jeudi 12 novembre 1818, n<sup>o</sup> 316, p. 3).&mdash;Voir
-aussi <i>Moniteur universel</i> du 11 novembre 1818, n<sup>o</sup> 315, p. 1321.</p>
-
-<p><a id="Footnote_144" href="#FNanchor_144" class="label">[144]</a> 22 novembre.&mdash;Le Congrs touche sa fin. Aix-la-Chapelle
-ressemble maintenant une salle de fte 4 heures du matin; la foule
-est coule, les lustres sont presque teints. Tout le monde semble content
-de ce qui s'est pass et content de partir. (C.-L. <span class="smcap">Lesur</span>, <i>Annuaire
-historique universel</i> pour 1818, 2<sup>e</sup> dit. Paris, Thoisnier-Desplaces,
-1825, in-8<sup>o</sup>, p, 564).</p>
-
-<p><a id="Footnote_145" href="#FNanchor_145" class="label">[145]</a> <i>Journal des Dbats</i> du jeudi 26 novembre 1818. Aix-la-Chapelle,
-21 novembre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_146" href="#FNanchor_146" class="label">[146]</a> <i>Moniteur universel</i> du lundi 30 novembre 1818, n<sup>o</sup> 334, p. 1398.&mdash;<i>Gazette
-d'Augsbourg</i> du 1<sup>er</sup> dcembre 1818, n<sup>o</sup> 335, p. 1339.</p>
-
-<p><a id="Footnote_147" href="#FNanchor_147" class="label">[147]</a> <i>Moniteur universel</i> du mardi 1<sup>er</sup> dcembre 1818, n<sup>o</sup> 335, p. 1401.&mdash;<i>Journal
-de Paris</i> du lundi 30 novembre 1818, n<sup>o</sup> 334, p. 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_148" href="#FNanchor_148" class="label">[148]</a> Cette visite du champ de bataille de Waterloo eut lieu le 26 novembre
-(<i>Gazette d'Augsbourg</i>, 6 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 340, p. 1359).&mdash;Mme
-de Lieven y prit peut-tre part si l'on s'en rapporte quelques
-allusions que l'on trouvera dans les lettres qui suivent.</p>
-
-<p><a id="Footnote_149" href="#FNanchor_149" class="label">[149]</a> <i>Moniteur universel</i> du jeudi 3 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 337, p. 1410.</p>
-
-<p><a id="Footnote_150" href="#FNanchor_150" class="label">[150]</a> <i>Moniteur universel</i> du jeudi 3 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 337, p. 1410.&mdash;<i>Gazette
-d'Augsbourg</i> du 8 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 342, p. 1367.</p>
-
-<p><a id="Footnote_151" href="#FNanchor_151" class="label">[151]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Un Roman du prince de Metternich</i> dans la <i>Revue
-Hebdomadaire</i> du 29 juillet, 1899, p. 661.</p>
-
-<p><a id="Footnote_152" href="#FNanchor_152" class="label">[152]</a> Cette lettre, sans date, place en tte de la collection des lettres
-du prince de Metternich la comtesse de Lieven par celui ou celle qui
-fit relier cette collection, est vraisemblablement du commencement de
-novembre 1818 et probablement du 3. M. et Mme de Lieven, arrivs le
-11 octobre Aix-la-Chapelle, en partirent en effet le 4 novembre pour
-Bruxelles, la suite de l'impratrice douairire de Russie. Ils ne prvoyaient
-pas ce moment devoir revenir bientt dans la ville o se
-continuaient les sances du Congrs. Les sentiments d'amour rciproque
-du ministre des affaires trangres d'Autriche et de l'ambassadrice de
-Russie dataient d'une excursion Spa, faite de concert le 25 octobre
-1818.</p>
-
-<p><a id="Footnote_153" href="#FNanchor_153" class="label">[153]</a> Les mots entre crochets sont reconstitus, le fragment du papier
-sur lequel ils taient crits, plac sous le cachet, ayant t arrach lors
-de l'ouverture de la lettre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_154" href="#FNanchor_154" class="label">[154]</a> Aprs tre rests une semaine Bruxelles, M. et Mme de Lieven
-revinrent Aix-la-Chapelle. Le <i>Moniteur universel</i> signale leur passage
- Lige le 12 novembre. Ils durent arriver le 13 dans la ville du
-Congrs.</p>
-
-<p><a id="Footnote_155" href="#FNanchor_155" class="label">[155]</a> <span class="smcap">Hobart</span> (mily-Anne), fille de John Hobart, deuxime comte de
-Buckingham. Elle avait pous, le 9 juin 1794, Robert Stewart, lord
-Castlereagh. Elle mourut le 12 fvrier 1829 et fut enterre ct de
-son mari dans l'abbaye de Westminster (<i>Dictionary of National Bioqraphy</i>,
-edited by Sidney Lee, London, Smith, Elder and C<sup>o</sup>, t. XXVII,
-p. 33, t. LIV, p. 346 et 357).</p>
-
-<p><a id="Footnote_156" href="#FNanchor_156" class="label">[156]</a> <span class="smcap">Metternich</span> (Marie-Lopoldine), fille ane du prince, issue de
-son premier mariage avec la princesse Elonore de Kaunitz. Ne le
-17 janvier 1797, elle avait pous le 15 septembre 1817 le comte
-Joseph Esterhazy de Galantha, chambellan imprial et royal (n le
-24 novembre 1791, mort le 12 mai 1847), d'une branche cadette de la
-grande famille hongroise. Le 6 novembre 1818, elle tait arrive avec
-son mari Aix-la-Chapelle d'o elle devait se rendre Paris. Elle
-mourut, sans enfants, Baden, le 20 juillet 1820 et fut inhume en
-Bohme. Son corps fut transport dans le caveau de sa famille paternelle,
- Plass, le 9 aot 1828. Devenu veuf, le comte Joseph Esterhazy
-pousa, en juillet 1841, Hlne Bezobrazoff (<span class="smcap">StrobL von Ravelsberg</span>,
-<i>Metternich und Seine Zeit</i>, t. I, p. 57.&mdash;<i>Mmoires du prince de Metternich</i>,
-t. III, p. 359 et s., t. VII, p. 559.&mdash;<i>Moniteur Universel</i> du
-11 novembre 1818, n. 315, p. 1321.&mdash;<i>Genealogisches Taschenbuch
-der deutschen grflicher Huser.</i> Anne 1850, p. 193).</p>
-
-<p><a id="Footnote_157" href="#FNanchor_157" class="label">[157]</a> <span class="smcap">Castlereagh</span> (Robert <span class="smcap">Stewart</span>, vicomte). N en 1769, successivement
-garde du sceau priv d'Irlande, chef du secrtariat du lord lieutenant
-Camden, prsident du bureau de contrle des Indes orientales,
-secrtaire d'tat pour la guerre, il tait, depuis le 28 fvrier 1812, secrtaire
-d'tat des affaires trangres et le resta jusqu' sa mort, poursuivi
-par une impopularit extrme. Au Congrs d'Aix-la-Chapelle, il reprsentait
-la Grande-Bretagne avec Wellington. Devenu marquis de Londonderry
-en 1821 par la mort de son pre, il donna, partir du mois de
-juin 1822, des signes de drangement crbral. Le 12 aot 1822, Lord
-Castlereagh se coupa la gorge avec un canif dans sa maison de campagne
-de North Cray, et mourut presque immdiatement (Sir Archibald
-<span class="smcap">Alison</span>: <i>Lives of Lord Castlereagh and sir Charles Stewart</i>, Londres et
-Edimbourg, William Blackwood and sons, 1861, 3 vol. in-8<sup>o</sup>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_158" href="#FNanchor_158" class="label">[158]</a> Le prince de Metternich profitait de toutes les occasions sres
-pour faire parvenir ses lettres la comtesse de Lieven. En attendant ces
-occasions, il crivait la lettre de chaque jour la suite de celle de la
-veille, sur la page commence et interrompue. Chaque expdition, par
-mesure de prudence, tait soigneusement numrote par lui. Nous avons
-conserv ces numros qui prouvent l'absence de lacunes dans la correspondance
-publie ici.</p>
-
-<p><a id="Footnote_159" href="#FNanchor_159" class="label">[159]</a> Nuit du 17 au 18 novembre 1818.</p>
-
-<p><a id="Footnote_160" href="#FNanchor_160" class="label">[160]</a> Le comte et la comtesse de Lieven quittrent Aix-la-Chapelle le
-18 novembre 8 heures du matin pour se rendre Bruxelles. Le prince
-de Metternich avait d'abord d partir, lui aussi, le 18 pour la mme destination.
-Il fut oblig de retarder son dpart jusqu'au 22 novembre pour
-assister aux confrences diplomatiques qui se poursuivaient (<i>Mmoires
-du prince de Metternich</i>, t. III, p. 131 et s.).</p>
-
-<p><a id="Footnote_161" href="#FNanchor_161" class="label">[161]</a> La comtesse Marie Esterhazy qui partait pour Bruxelles avec son
-mari.</p>
-
-<p><a id="Footnote_162" href="#FNanchor_162" class="label">[162]</a> <span class="smcap">Lawrence</span> (Sir Thomas), peintre anglais. N Bristol le 4 mai 1769.
-En 1814, il avait t charg de faire le portrait des souverains allis, de
-leurs ministres et gnraux qui vinrent alors visiter Londres. Ces portraits
-ornent aujourd'hui la galerie de Waterloo au chteau de Windsor.
-Pour complter la srie ainsi commence des hommes d'tat de la
-Sainte-Alliance, le Prince Rgent envoya Lawrence en 1818 Aix-la-Chapelle
-pendant le Congrs. Pour l'y loger, une maison de bois portative
-avec un grand atelier fut construite en Angleterre; elle devait tre
-leve dans les jardins de l'ambassadeur anglais, Lord Castlereagh, mais
-elle arriva trop tard. Lawrence s'installa dans la grande galerie de
-l'Htel de Ville d'Aix. Aprs le Congrs, il se rendit Vienne et de l
- Rome. Il mourut le 7 janvier 1830 (<i>Dictionary of National Biography</i>,
-t. XXXII, p. 278).&mdash;Le portrait de M. de Metternich peint
- Aix est aujourd'hui Windsor. Une copie en a t excute Vienne
-pour la famille du prince, qui la possde encore. Une reproduction de
-ce tableau, grave par Unger, se trouve en tte du t. I des <i>Mmoires du
-prince de Metternich</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_163" href="#FNanchor_163" class="label">[163]</a> <span class="smcap">Frdric-Guillaume III</span>, n Potsdam le 3 aot 1770, roi de
-Prusse depuis la mort de son pre, Frdric-Guillaume II, le 16 novembre
-1797, mourut le 7 juin 1840 (<i>Almanach de Gotha</i>, 1841).</p>
-
-<p><a id="Footnote_164" href="#FNanchor_164" class="label">[164]</a> <span class="smcap">Franois</span> I<sup>er</sup>, empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de Bohme,
-de la Lombardie et de Venise. N le 12 fvrier 1768 Florence, succda
- son pre Lopold II dans les tats de sa maison le 1<sup>er</sup> mars 1792.
-Couronn roi de Hongrie le 6 juin, lu empereur d'Allemagne le
-7 juillet 1792, couronn le 14, se dclara empereur hrditaire d'Autriche
-le 11 aot 1804 et se dmit de la dignit d'empereur romain le
-6 aot 1806. Mourut le 2 mars 1835 (<i>Almanach de Gotha</i>, 1819, 1830,
-1836).</p>
-
-<p><a id="Footnote_165" href="#FNanchor_165" class="label">[165]</a> <span class="smcap">Alexandre</span> I<sup>er</sup> Paulovitch, n 12/23 dcembre 1777, succde
-son pre Paul I<sup>er</sup> le 13/24 mars 1801, meurt le 19 novembre/1<sup>er</sup> dcembre
-1825 Taganrog (<i>Almanach de Gotha</i>, 1819, 1826.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_166" href="#FNanchor_166" class="label">[166]</a> <span class="smcap">Capo d'Istria</span> (Jean-Antoine, comte), n Corfou en 1776. Entr
-au service de la Russie en janvier 1809, il devint secrtaire d'tat de
-l'empire russe (novembre 1815) et dirigea jusqu'en 1822 le dpartement
-des affaires trangres conjointement avec Nesselrode. tait en 1818 l'un
-des plnipotentiaires russes au Congrs d'Aix-la-Chapelle et habitait avec
-Nesselrode, chez M. Wildenstein, rue du Pont, n<sup>o</sup> 11. Aprs sa dmission
-(1822), Capo d'Istria se retira Genve d'o il prit une part active
- l'organisation du soulvement hellnique. lu prsident pour sept
-annes par l'assemble nationale grecque de Trzne, le 2/14 avril 1827,
-il fut assassin le 27 septembre/9 octobre 1831 (<i>Nouvelle Biographie
-gnrale</i>) <span class="smcap">Didot</span>, t. VIII, col. 594.&mdash;<i>Archives du ministre des
-affaires trangres.</i> France, Mmoires et documents, vol. 337, f<sup>o</sup> 221.
-Liste des personnes qui composent la suite de S. M. l'empereur de
-Russie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_167" href="#FNanchor_167" class="label">[167]</a> <span class="smcap">Richelieu</span> (Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie du Plessis,
-d'abord comte de Chinon, puis duc de Fronsac et duc de), n Paris
-le 25 septembre 1766. Charg d'une mission prs la cour de Vienne
-(1790), il migra et prit du service dans l'arme russe o il arriva au
-grade de gnral major. Gouverneur d'Odessa (1803), puis de toute la
-Nouvelle-Russie (1805), il rentra en France la premire Restauration.
-Prsident du conseil, ministre des affaires trangres (26 septembre 1815-29
-dcembre 1818). De nouveau prsident du conseil, du 20 fvrier 1820
-au 14 dcembre 1821. Membre de l'Acadmie franaise (21 mars 1816),
-mort Paris le 17 mai 1822. Il fut le promoteur du Congrs d'Aix-la-Chapelle,
-qui lui permit de librer la France de l'occupation trangre.
-Pendant son sjour Aix, il tait log rue Saint-Pierre, n<sup>o</sup> 595
-(<span class="smcap">R. Bonnet</span>, <i>Isographie des membres de l'Acadmie franaise</i>, Paris,
-Nol Charavay, 1907, in-8<sup>o</sup>, p. 241.&mdash;<i>Archives du ministre des
-affaires trangres</i>, France, Mmoires et documents, vol. 337, f<sup>o</sup> 213).</p>
-
-<p><a id="Footnote_168" href="#FNanchor_168" class="label">[168]</a> <span class="smcap">Kozlovski</span> (prince Pierre Borissovitch), n en dcembre 1783,
-diplomate, bel esprit, lieutenant du royaume de Pologne, tait en 1818
-ministre de Russie Turin. Mourut le 26 octobre 1840 (Wilhelm
-<span class="smcap">Dorow</span>, <i>Frst Kozloffski</i>, Leipzig, Ph. Reclam junior, in-12, 1846.&mdash;Georges
-<span class="smcap">Stendman</span>, <i>Liste alphabtique de noms de personnages russes
-pour un dictionnaire biographique russe</i>, formant le t. LX du <i>Recueil
-de la socit impriale d'histoire de Russie</i> (<i>Sbornik Imperatorskavo
-Russkavo Istoritcheskavo Obchtchestva</i>).&mdash;Peu d'hommes runissaient
-comme le prince K. autant de vivacit et d'intelligence dans le travail,
-jointes une locution pleine de feu et d'entranement. Son instruction
-tait profonde et varie, sa mmoire admirable. (Comte <span class="smcap">A. de la Garde-Chambonas</span>,
-<i>Souvenirs du Congrs de Vienne</i>, p. 247).</p>
-
-<p><a id="Footnote_169" href="#FNanchor_169" class="label">[169]</a> Par cette expression qui revient plusieurs fois dans le cours de sa
-correspondance, le prince de Metternich dsignait sans doute les
-membres des familles souveraines et quelques personnages de grande
-importance. Il rangeait, comme on le verra plus loin, les personnages
-secondaires dans des catgories numrotes 2, 3, 4...</p>
-
-<p><a id="Footnote_170" href="#FNanchor_170" class="label">[170]</a> Le prince de Metternich l'empereur Franois.&mdash;Aix-la-Chapelle,
-17 novembre. Sire, dans notre confrence d'aujourd'hui, le
-duc de Richelieu a fait un rapport sur les affaires d'Espagne, en ce qui
-concerne les colonies de cette puissance; ce rapport entranera une
-discussion tellement importante que j'ai d me rendre au v&oelig;u unanime
-de mes collgues et prendre part au dbat. Dans tous les cas, il
-faudrait que je fusse de retour ici samedi prochain, c'est--dire le jour
-o le duc de Wellington assistera la confrence. Je me suis donc
-dcid partir pour Bruxelles samedi, le 21 de ce mois, au lieu de
-demain 18 novembre, aprs la clture des confrences. (<i>Mmoires du
-prince de Metternich</i>, t. III, p. 164).</p>
-
-<p><a id="Footnote_171" href="#FNanchor_171" class="label">[171]</a> La lettre n<sup>o</sup> 1 qui se termine quelques lignes plus bas.</p>
-
-<p><a id="Footnote_172" href="#FNanchor_172" class="label">[172]</a> <i>Journal des Dbats</i> du jeudi 26 novembre 1818.&mdash;Aix-la-Chapelle,
-21 novembre. M. le prince de Metternich part demain pour
-Bruxelles. M. de Floret l'a dj prcd aujourd'hui: on ignore l'objet
-de ce voyage.</p>
-
-<p><a id="Footnote_173" href="#FNanchor_173" class="label">[173]</a> Pendant leur sjour Aix, le comte et la comtesse de Lieven
-logeaient dans une maison de la rue de Cologne. L'empereur de Russie
-habitait l'ancien palais des prfets franais, dans la mme rue qui fut
-dbaptise en l'honneur de ce fait et devint la rue Alexandre (<i>Archives
-du ministre des affaires trangres.</i> France, Mmoires et documents,
-vol. 337, f<sup>o</sup> 221. Liste des personnes qui composent la suite de
-S. M. l'empereur de Russie.&mdash;<i>Moniteur universel</i> du 27 septembre et
-du 28 octobre 1818).</p>
-
-<p><a id="Footnote_174" href="#FNanchor_174" class="label">[174]</a> <span class="smcap">Nesselrode</span> (Charles-Robert, comte de). N Francfort, 14 dcembre
-1780. Il tait, depuis 1816, secrtaire d'tat dirigeant le
-dpartement des affaires trangres conjointement avec Capo d'Istria.
-Il occupa ce poste jusqu'au moment o il donna sa dmission, le
-15 avril 1856, aprs la guerre de Crime. Il mourut Saint-Ptersbourg
-le 23 mars 1862 (<i>Biographie gnrale</i> (Didot), vol. XXXVII,
-col. 772).</p>
-
-<p><a id="Footnote_175" href="#FNanchor_175" class="label">[175]</a> Cette lettre fut crite Bruxelles. M. et Mme de Lieven, partis le
-18 novembre d'Aix-la-Chapelle, taient arrivs le 19 l'Htel Bellevue
-et sjournrent dans la capitale des Pays-Bas jusqu'au 27. Metternich,
-arriv le 23, en repartit le 28 (Lettres du 17 novembre, du 27 novembre,
-du 28 novembre.&mdash;<i>Gazette d'Augsbourg</i>, 1<sup>er</sup> dcembre 1818,
-n<sup>o</sup> 335, p. 1339; n<sup>o</sup> 342, 8 dcembre 1818, p. 1367.&mdash;<i>Mmoires du
-prince de Metternich</i>, t. III, p. 132.&mdash;<i>Moniteur universel</i> du lundi
-30 novembre 1818, n<sup>o</sup> 334, p. 1398; du jeudi 3 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 337,
-p. 1410).</p>
-
-<p><a id="Footnote_176" href="#FNanchor_176" class="label">[176]</a> <span class="smcap">Floret</span> (Engelbert-Joseph, chevalier, puis baron de), conseiller
-de Cour la chancellerie de Cour et d'tat. N Vienne le 15 fvrier
-1776, mort dans la mme ville le 1<sup>er</sup> fvrier 1827. Il fit partie de l'ambassade
-extraordinaire envoye Londres en 1821 pour reprsenter
-l'empereur d'Autriche au couronnement du roi George IV. Trs dvou
- M. de Metternich, qui l'appelait le fidle Floret, il accompagnait
-ce dernier dans tous ses dplacements. C'est lui que les lettres de
-Mme de Lieven taient adresses sous double enveloppe pour tre
-remises au prince (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>.&mdash;<i>Mmoires du
-prince de Metternich</i>, t. III, p. 465).</p>
-
-<p><a id="Footnote_177" href="#FNanchor_177" class="label">[177]</a> M. de Metternich alla avec Wellington visiter le champ de bataille
-de Waterloo, le 26 novembre (Voir plus loin, lettre du <a href="#nov">27 novembre</a>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_178" href="#FNanchor_178" class="label">[178]</a> Ce projet fut abandonn.</p>
-
-<p><a id="Footnote_179" href="#FNanchor_179" class="label">[179]</a> Lettre sans date, vraisemblablement crite dans la nuit du 26 au
-27 novembre. Les Lieven quittrent Bruxelles le 27 au matin.</p>
-
-<p><a id="Footnote_180" href="#FNanchor_180" class="label">[180]</a> Ici reprend la srie des envois numrots, interrompue pendant le
-sjour commun du prince de Metternich et de la comtesse de Lieven
-Bruxelles.</p>
-
-<p><a id="Footnote_181" href="#FNanchor_181" class="label">[181]</a> A cette lettre est pingle une coupure de journal o le passage
-ci-dessous est soulign au crayon rouge: <span class="smcap">Royaume des Pays-Bas</span>. <i>De
-Bruxelles, le 26 novembre.</i> Ce matin, vers 10 heures, le duc de Wellington
-est all chercher S. A. le prince de Metternich et ils sont partis
-ensemble, avec une suite de trois voitures, pour aller visiter le clbre
-champ de bataille de Waterloo, thtre immortel de la valeur des
-armes allies et du gnie du grand capitaine qui les commandait.</p>
-
-<p><a id="Footnote_182" href="#FNanchor_182" class="label">[182]</a> Le 26 octobre, M. de Metternich et Mme de Lieven taient alls,
-d'Aix-la-Chapelle, en excursion Spa. C'est au cours de ce voyage que
-naquit leur sympathie rciproque (Voir lettre du 28 novembre).</p>
-
-<p><a id="Footnote_183" href="#FNanchor_183" class="label">[183]</a> M. de Nesselrode.</p>
-
-<p><a id="Footnote_184" href="#FNanchor_184" class="label">[184]</a> Le 26 octobre, le prince de Metternich, le comte et la comtesse
-de Lieven partaient d'Aix-la-Chapelle pour une excursion Spa. Faisaient
-galement partie du voyage: M. et Mme de Nesselrode, M. de Steigentesch,
-le comte Zichy, le comte de Lebzeltern, le prince de Hesse et
-M. de Floret. Les voyageurs passrent Spa la nuit du 26 au 27 et
-taient de retour le 27 8 heures du soir Aix. Il se pourrait que,
-contrairement ce qui est dit dans cette lettre, cette excursion ait eu
-lieu les 25 et 26 octobre et non les 26 et 27. Dans une lettre sa
-famille, date du 27 octobre, le prince dit: J'ai fait avant-hier une
-excursion Spa, etc.... Si cette dernire lettre est bien date, le
-prince, en crivant Mme de Lieven, se serait tromp d'un jour, ce qui
-est excusable un mois d'intervalle. Noter cependant que dans le
-cours de sa correspondance, il revient plusieurs fois sur la date du 26
-(Voir lettre prcdente et <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III,
-p. 129).</p>
-
-<p><a id="Footnote_185" href="#FNanchor_185" class="label">[185]</a> Le personnage dsign par cette initiale et dont il sera souvent
-question dans le cours de cette correspondance est Philippe <span class="smcap">Neumann</span>,
-n Vienne vers 1778. Il avait dbut dans la carrire diplomatique
-Paris auprs du prince de Metternich. En 1818, il tait secrtaire de
-l'ambassade d'Autriche Londres. Il y devint ensuite conseiller, prit
-en 1824 une part importante aux ngociations entre le Portugal et le
-Brsil et fut charg d'une mission spciale dans ce dernier pays en 1826.
-Il fut cr baron en 1830 et pousa Augusta Sommerset, fille de Henry,
-duc de Beaufort, dont il devint veuf le 15 juin 1850 (<span class="smcap">Wurzbach</span>, <i>Biographisches
-Lexikon des Kaiserthums Oesterreich</i>, t. XX, p. 291.&mdash;<span class="smcap">Oettinger</span>,
-<i>Moniteur des Dates</i>).&mdash;En marge d'une lettre de Mme de
-Lieven Metternich, en date du 3 septembre 1819, intercepte par le
-gouvernement franais et publie par M. Ernest <span class="smcap">Daudet</span> dans la <i>Revue
-Hebdomadaire</i> du 4 aot 1899, une note de la police dit que Neumann
-passe pour tre le fils naturel du prince de Metternich. Or Neumann
-tait n vers 1778 et Metternich en 1773.</p>
-
-<p><a id="Footnote_186" href="#FNanchor_186" class="label">[186]</a> Peut-tre Lady Castlereagh. Lord et Lady Castlereagh, venant d'Aix,
-taient arrivs le 26 novembre Bruxelles o ils taient descendus
-l'Htel Wellington. Ils y restrent jusqu'au 1<sup>er</sup> dcembre. Le 3 dcembre
-ils arrivaient Paris l'htel de la lgation d'Angleterre, rue du
-Faubourg-Saint-Honor (<i>Moniteur universel</i> du 1<sup>er</sup> dcembre 1818,
-n<sup>o</sup> 335, p. 1401 et du 5 dcembre, n<sup>o</sup> 339, p. 1420).&mdash;Le mnage Castlereagh
-tait trs uni (<i>Mmoires de la comtesse de Boigne</i>, t. II, p. 216).</p>
-
-<p><a id="Footnote_187" href="#FNanchor_187" class="label">[187]</a> <span class="smcap">Ficquelmont</span> (Charles-Louis, comte <span class="smcap">De</span>), n Dieuze (Lorraine) le
-23 mars 1777. Servit d'abord la France dans le Royal-Allemand et
-entra en 1793 dans l'arme autrichienne o il parvint au grade de
-gnral de cavalerie. Ambassadeur d'Autriche la Cour de Sude
-(septembre 1815-mai 1820), Florence, Naples, Saint-Ptersbourg,
-enfin ministre d'tat et chef de la section de la guerre au dpartement
-des affaires trangres (1840). Aprs la rvolution de 1848, il
-reut le ministre de la maison de l'Empereur et des affaires trangres
-(18 mars 1848) qu'il occupa jusqu' la retraite de Kolowrath. Il
-mourut Vienne le 6 avril 1857 (<i>Allgemeine Deutsche Biographie</i>
-Leipzig Duncker und Humblot, 1875-1900, t. VII, p. 1).</p>
-
-<p><a id="Footnote_188" href="#FNanchor_188" class="label">[188]</a> Le prince <span class="smcap">de Hardenberg</span> (voir <i>Mmoires du prince de Metternich</i>,
-t. III, p. 132).&mdash;<span class="smcap">Hardenberg</span> (Charles-Auguste, comte puis
-prince <span class="smcap">DE</span>), n le 31 mars 1750 Essenrode. D'abord ministre du
-Hanovre en Hollande, il passa au service du duc de Brunswick puis
-celui du margrave d'Anspach et Bayreuth, enfin celui de la Prusse.
-Chancelier aprs la retraite d'Haugwitz (1803), il dut abandonner ces
-fonctions le 24 avril 1806, mais les reprit le 6 juin 1810. Cr prince
-le 3 juin 1814, mort Gnes le 26 novembre 1822 (<i>Allgemeine Deutsche
-Biographie</i>, t. X, p. 572).</p>
-
-<p><a id="Footnote_189" href="#FNanchor_189" class="label">[189]</a> Madame de Lieven tait ne le 17 dcembre 1785 Riga, c'est--dire
-douze ans, sept mois et deux jours aprs le prince de Metternich.</p>
-
-<p><a id="Footnote_190" href="#FNanchor_190" class="label">[190]</a> Au moment de la naissance du prince Clment de Metternich, son
-pre n'tait pas encore ministre de l'Empereur. Il ne fut envoy en cette
-qualit auprs des Cours lectorales de Trves et de Cologne, que le
-28 fvrier 1774. En 1773, le comte Franz-Georg tait, depuis 1768,
-au service de l'lecteur de Trves.</p>
-
-<p><a id="Footnote_191" href="#FNanchor_191" class="label">[191]</a> Le pre du prince de Metternich avait t, en 1791, nomm
-ministre plnipotentiaire prs le gouvernement gnral des Pays-Bas
-autrichiens Bruxelles. Le jeune Clment, depuis 1791, faisait ses
-tudes de droit Mayence et il passait les vacances dans sa famille. Il
-dut interrompre ses tudes au milieu de l'anne 1793 et revint
-Bruxelles, qu'il quitta au printemps de 1794 pour faire un voyage en
-Angleterre (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. I, p. 13 et s.).</p>
-
-<p><a id="Footnote_192" href="#FNanchor_192" class="label">[192]</a> Il s'agit probablement ici de Marie-Constance <span class="smcap">de Lamoignon</span>, ne
- Paris le 14 fvrier 1774, morte Paris le 30 avril 1823, marie le
-30 avril 1788 F. P. B. <span class="smcap">Nompar de Caumont</span>, duc de <span class="smcap">la Force</span>
-(19 novembre 1772-28 mars 1854) (<span class="smcap">De Brotonne</span>, <i>Les snateurs du
-Consulat et de l'Empire</i>. Paris, Charavay, 1895, in-8<sup>o</sup>, p. 237.&mdash;Voir
-<i>Souvenirs et Fragments</i> du marquis <span class="smcap">de Bouill</span>, t. II, p. 45).</p>
-
-<p><a id="Footnote_193" href="#FNanchor_193" class="label">[193]</a> Metternich partit au commencement du printemps de 1794 avec
-le vicomte Desandroins, trsorier gnral du gouvernement des Pays-Bas,
-charg d'une mission pour le gouvernement anglais, et revint au
-commencement de l'automne sur le continent (<i>Mmoires du prince de
-Metternich</i>, t. I, p. 16).</p>
-
-<p><a id="Footnote_194" href="#FNanchor_194" class="label">[194]</a> D'aprs les <i>Mmoires</i>, t. I, p. 20, il partit pour Vienne au commencement
-d'octobre 1794.</p>
-
-<p><a id="Footnote_195" href="#FNanchor_195" class="label">[195]</a> M. de Metternich pousa, le 27 septembre 1795, Marie-lonore,
-fille du prince Ernest de Kaunitz (<i>Almanach de Gotha</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_196" href="#FNanchor_196" class="label">[196]</a> Il fut nomm ministre plnipotentiaire prs la Cour de la Saxe lectorale
- Dresde, le 5 fvrier 1801 (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>,
-t. VII, p. 646).</p>
-
-<p><a id="Footnote_197" href="#FNanchor_197" class="label">[197]</a> Ministre plnipotentiaire auprs de la Cour de Prusse le 3 janvier
-1803 (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VII, p. 646).</p>
-
-<p><a id="Footnote_198" href="#FNanchor_198" class="label">[198]</a> <span class="smcap">Cobenzel</span> (Ludwig, comte <span class="smcap">DE</span>), n Bruxelles en 1753, mort
-Vienne le 22 fvrier 1808, ministre d'Autriche Copenhague (1774),
-Berlin (1777) et enfin Saint-Ptersbourg (1779-1797). Plnipotentiaire
-au trait de Campo-Formio et au Congrs de Rastatt, ministre des affaires
-trangres (1800), signe le trait de Lunville. Dmissionnaire de son
-portefeuille le 24 dcembre 1805 (<i>Allgemeine Deutsche Biographie</i>,
-t. IV, p. 355).</p>
-
-<p><a id="Footnote_199" href="#FNanchor_199" class="label">[199]</a> Nomm ambassadeur d'Autriche auprs de la Cour de Napolon,
-le 18 mai 1806, il occupa ce poste jusqu'au 4 aot 1809, date laquelle
-il fut nomm ministre de confrence et d'tat (En fait, il avait t reconduit
- la frontire franaise quelques mois auparavant). Le 8 octobre
-1809, il recevait le portefeuille du ministre de la maison impriale
-et des affaires trangres (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VII,
-p. 647).</p>
-
-<p><a id="Footnote_200" href="#FNanchor_200" class="label">[200]</a> Le domaine du Johannisberg avait t donn par l'empire d'Autriche
-au prince de Metternich le 1<sup>er</sup> juillet 1816. Le chteau, situ au
-sommet d'une colline plante de vignes clbres, 104 mtres au-dessus
-du cours du Rhin, prs de Geisenheim, fut construit de 1757 1759
-par Adalbert de Walderdorf, prince abb de Fulda. Napolon I<sup>er</sup> en
-avait fait donation en 1807 au marchal Kellermann.</p>
-
-<p><a id="Footnote_201" href="#FNanchor_201" class="label">[201]</a> <span class="smcap">Richter</span> (Jean-Paul), le grand crivain allemand, n en 1763
-Wunsiedel (Franconie). Il publia en 1783 son premier ouvrage: <i>Groenlndische
-Processe</i> que suivit <i>Auswahl aus des Teufels Papieren</i>. Enfin
-en 1795, son roman <i>Hesperus</i> lui assura la clbrit. Il mourut le 14 novembre
-1825. Ses principaux ouvrages, outre ceux mentionns ci-dessus,
-sont: <i>Quintus Fixlein</i>, 1796; <i>Jubelsenior</i>, 1797; <i>Titan</i>, 1800; <i>Flegeljahre</i>,
-1804 (<i>Allgemeine Deutsche Biographie</i>, t. XXVIII, p. 467).</p>
-
-<p><a id="Footnote_202" href="#FNanchor_202" class="label">[202]</a> Le souvenir est le seul paradis d'o nous ne puissions tre chasss.&mdash;Nous
-donnons la disposition de cette phrase, videmment en
-prose, telle qu'elle existe dans le texte de M. de Metternich.</p>
-
-<p><a id="Footnote_203" href="#FNanchor_203" class="label">[203]</a> Le chteau d'Amorbach tait la rsidence des princes de Leiningen
-(Linange). Cette principaut appartenait, en 1818, Charles-Frdric-Guillaume-Emich,
-prince de Leiningen-Dachsburg-Hardenburg, n le
-12 septembre 1804 du prince Emich-Charles et de Victoria-Mary-Louisa,
-quatrime fille de Franois-Frdric-Antoine, duc de Saxe-Saalfeld-Cobourg.
-Depuis la mort de son pre (4 juillet 1814), la rgence tait
-exerce par sa mre.</p>
-<p>
-Celle-ci, ne le 17 aot 1786, avait pous en secondes noces, le
-29 mai 1818, Edouard-Auguste, duc de Kent and Strathern, quatrime
-fils de George III, roi d'Angleterre. C'est d'elle que parle Metternich
-dans la prsente lettre.</p>
-
-<p>De son second mariage, elle eut une fille unique qui fut la reine Victoria.
-Elle mourut Frogmore, le 16 mars 1861.</p>
-
-<p>Au moment du Congrs de 1818, le duc et la duchesse de Kent,
-venant de Bruxelles, taient arrivs Aix-la-Chapelle et descendus
-l'htel de la Grande-Bretagne, le 3 octobre. Ils quittrent Aix le 5 octobre
-pour se rendre, par Francfort, Amorbach, o ils rsidrent
-jusqu'au printemps de 1819 (<i>Dictionary of National Biography</i>,
-vol. XXXI, p. 19.&mdash;<i>Moniteur universel</i> du 8 octobre 1818, n<sup>o</sup> 281,
-p. 1189; du 10 octobre, n<sup>o</sup> 283, p. 1198; du 11 octobre, n<sup>o</sup> 284,
-p. 1201; du 13 octobre, n<sup>o</sup> 286, p. 1210; du 19 octobre, n<sup>o</sup> 292,
-p. 1233).</p>
-
-<p><a id="Footnote_204" href="#FNanchor_204" class="label">[204]</a> <span class="smcap">Windischgraetz</span> (Alfred-Candide-Ferdinand, comte puis prince
-de), n Bruxelles le 11 mai 1787. Prit part toutes les campagnes de
-l'arme autrichienne de 1804 1813. Feld-marchal (17 octobre 1848).
-Ambassadeur Berlin (1859), gouverneur de Mayence (1859) mort
-Vienne le 21 mars 1862. Il avait t lev au rang de prince le
-24 mai 1804 et avait pous le 16 juin 1817 Marie-lonore-Philippine-Louise
-de Schwarzenberg, ne le 21 septembre 1796, qui fut tue d'un
-coup de fusil le 12 juin 1848 pendant l'insurrection de Prague (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>,
-<i>Moniteur des dates</i>.&mdash;<i>Almanach de Gotha</i>, 1848 et 1860).</p>
-
-<p><span class="smcap">L&oelig;wenstein</span> (Sophie-Louise-Wilhelmine, comtesse puis princesse <span class="smcap">DE</span>),
-s&oelig;ur du prcdent, ne le 20 juin 1784, pouse le 29 septembre 1799
-Charles-Thomas-Albert-Louis-Joseph-Constantin, prince de L&oelig;wenstein-Rochefort
-(18 juillet 1783-3 novembre 1849). Elle mourut le 17 juillet
-1848 (<span class="smcap">Wurzbach</span>, t. LVII, tableau gnalogique de la maison de
-Windischgraetz.&mdash;<i>Almanach de Gotha</i>).</p>
-
-<p>En dehors de la princesse de L&oelig;wenstein, le prince de Windischgraetz
-avait deux autres s&oelig;urs:</p>
-
-<p>1<sup>o</sup> Marie-Thrse, ne le 4 mai 1774, pouse, le 2 avril 1800, Ernest-Engelbert,
-duc d'Arenberg (25 mai 1777-20 novembre 1857), meurt
-Vienne le 23 janvier 1841 (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>.&mdash;<span class="smcap">Wurzbach</span>,
-t. LVII.&mdash;<i>Almanach de Gotha</i>).</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> Eulalie-Flora-Augusta, ne le 28 mars 1786, morte le 26 juin 1821
-(<i>Almanach de Gotha.</i>&mdash;<span class="smcap">Wurzbach</span>, t. LVII).</p>
-
-<p>Nous n'avons pu dterminer quelle fut celle de ces deux s&oelig;urs que
-M. de Metternich rencontra Amorbach.</p>
-
-<p><a id="Footnote_205" href="#FNanchor_205" class="label">[205]</a> George-Auguste-Frdric, prince de Galles, duc de Cornwall et
-Rotsay, comte de Chester, n le 12 aot 1762, dclar rgent pendant
-la dmence de son pre, le 5 fvrier 1811, devint roi d'Angleterre sous
-le nom de George IV, le 29 janvier 1820 et mourut le 25 juin 1830
-(<i>Dictionary of National Biography</i>, t. XXI, p. 192).&mdash;Mme de Lieven
-passait pour avoir t, avec tant d'autres, la matresse de ce prince.</p>
-
-<p><a id="Footnote_206" href="#FNanchor_206" class="label">[206]</a> De la reine Victoria qui naquit, Kensington-Palace, le
-24 mai 1819.</p>
-
-<p><a id="Footnote_207" href="#FNanchor_207" class="label">[207]</a> M. de Floret.</p>
-
-<p><a id="Footnote_208" href="#FNanchor_208" class="label">[208]</a> Metternich sa femme. Donauwerth, 6 dcembre: Bon Dieu!
-tout ce qui est mort chez nous! J'ai appris toutes ces catastrophes d'une
-manire qui serait plaisante, si elle portait sur un autre sujet. J'ai vu
-Coblentz le comte d'Eltz,.. je lui demandai des nouvelles de Vienne;
-j'en avais manqu depuis plus de huit jours, car mes lettres m'attendaient
- Francfort. On a coup la jambe Jean Palffy, me dit-il,
-mais son frre est encore plus plaindre, car il perd une partie de son
-corps aprs l'autre dans son voyage d'Italie.&mdash;C'est affreux, lui dis-je.&mdash;Oui,
-deux jours avant la mort du comte de Wallis.&mdash;Comment, il est
-mort?&mdash;On a enterr le comte de Kuefstein.&mdash;Comment! lui aussi!&mdash;Et
-l'on a administr le marchal Colloredo; son frre, le marchal
-Wenzel est l'agonie. Je l'ai pri de se taire, car il avait l'air de ne
-pas avoir tout dit. (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 133).</p>
-
-<p><a id="Footnote_209" href="#FNanchor_209" class="label">[209]</a> <span class="smcap">Wallis</span> (Joseph, comte <span class="smcap">DE</span>), baron Carighmain, n Prague, d'une
-famille irlandaise le 31 aot 1767. Prsident de la cour d'appel de
-Prague (1805), gouverneur de la Moravie (1<sup>er</sup> janvier 1805), prsident
-de la Cour impriale (1810), ministre des finances la mme anne. Mort
-d'une attaque d'apoplexie, Vienne, le 18 novembre 1818 (<i>Allgemeine</i>
-<i>Deutsche Biographie</i>, t. XL, p. 751.&mdash;<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).&mdash;La
-rduction du papier monnaie au cinquime fut son ouvrage et
-froissa pour le moment toutes les fortunes: mais il est reconnu que le
-mal consistait dans la trop grande abondance de ces papiers. Il fallait
-ncessairement frapper ceux qui les tenaient en main... (<i>Moniteur
-universel</i> du 5 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 339, p. 1417).</p>
-
-<p><a id="Footnote_210" href="#FNanchor_210" class="label">[210]</a> <span class="smcap">Burdett</span> (Sir Francis), n en 1770, dput au Parlement ds 1796
-et de 1807 jusqu' sa mort, qui eut lieu le 23 janvier 1844. Il fut le
-champion de la libert de parole. Dput radical, longtemps seul reprsentant
-de ce parti aux Communes, il faisait en 1818, et depuis son
-entre la Chambre, une opposition trs vive aux cabinets qui se succdaient
-et en particulier Lord Castlereagh (<i>Dictionary of National
-Biography</i>, vol. VII, p. 296.&mdash;Ch. <span class="smcap">Seignobos</span>, <i>Histoire politique de
-l'Europe contemporaine</i>. Paris, Colin, 1897, in-8<sup>o</sup>, p. 28).</p>
-
-<p><a id="Footnote_211" href="#FNanchor_211" class="label">[211]</a> <span class="smcap">Whitbread</span> (Samuel), n en 1758. D'abord brasseur, son mariage
-en 1789 avec la s&oelig;ur de Charles, depuis comte Grey, le fit entrer dans
-la vie politique et il fut lu, en 1790, au Parlement, o il sigea jusqu'
-sa mort. Partisan de la paix avec la France, il fut l'adversaire de Pitt
-et de Castlereagh. Whitbread se suicida, en se coupant la gorge, le 6 juillet
-1815 (<i>Dictionary of National Biography</i>, t. LXI, p. 25).</p>
-
-<p><a id="Footnote_212" href="#FNanchor_212" class="label">[212]</a> Le prince de Metternich sa fille Marie. Vienne, ce 17 dcembre.
-Maman vous mandera la plaisante erreur que j'ai commise mon
-dbut, o je pris Lontine pour Herminie. Je lui ai demand des nouvelles
-de sa jambe; elle m'a cru en dmence. Elle tait couche dans
-sa nouvelle chambre, la place de sa s&oelig;ur; je l'ai trouve inconcevablement
-grandie, mais n'importe. Les penses fourchent quelquefois
-comme la langue, et l'on n'en sort plus (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>,
-t. III, p. 134).</p>
-
-<p><a id="Footnote_213" href="#FNanchor_213" class="label">[213]</a> Quoique le temps ne soit pas tout fait propice, une grande
-partie de la population de notre ville tait en mouvement ce matin pour
-voir arriver l'empereur Alexandre; Sa Majest avait expressment
-recommand le plus grand incognito. Mgr le prince hrditaire s'est
-rendu seul au-devant d'elle jusqu'aux barrires du Tabor... Notre souverain,
-qui tait lgrement indispos, a reu S. M. l'empereur de Russie,
-dans l'intrieur des appartements, la grande galerie qui aboutit
-l'antichambre de la garde noble allemande. (<i>Moniteur universel</i> du
-jeudi 24 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 358. Correspondance de Vienne du 12 dcembre,
-p. 1494).</p>
-
-<p><a id="Footnote_214" href="#FNanchor_214" class="label">[214]</a> M. de Metternich fait probablement allusion la princesse Lopoldine,
-femme du prince Maurice de Liechtenstein, dont Mme de Lieven
-tait jalouse.</p>
-
-<p><a id="Footnote_215" href="#FNanchor_215" class="label">[215]</a> Guillaume I<sup>er</sup>, prince de Nassau-Orange, grand-duc de Luxembourg,
-n le 24 aot 1772, se proclame prince souverain des Pays-Bas
-le 6 dcembre 1813, roi des Pays-Bas le 16 mars 1815. Guillaume I<sup>er</sup>
-abdiqua le 7 octobre 1840 en faveur de son fils Guillaume II et mourut
-le 12 dcembre 1843 (<i>Almanach de Gotha.</i>&mdash;<i>Biographie nationale</i>
-publie par l'Acadmie royale, Bruxelles, Braylant-Christophe, t. VIII,
-p. 511).&mdash;En 1793, le prince Clment de Metternich avait t nomm
-ministre d'Autriche la Haye, auprs du stathouder Guillaume V, pre
-du roi Guillaume I<sup>er</sup>, mais la rvolution ne lui avait pas permis de remplir
-ces fonctions.</p>
-
-<p><a id="Footnote_216" href="#FNanchor_216" class="label">[216]</a> <span class="smcap">Stewart</span> (Charles-William), n le 18 mai 1778, frre pun de
-Lord Castlereagh. Suivit d'abord la carrire des armes, dans laquelle il
-parvint au grade de lieutenant-gnral, le 4 juin 1814. Sous-secrtaire
-d'tat la guerre de 1807 1808. Son frre le nomma, le 9 avril 1813,
-ministre d'Angleterre Berlin. Le 27 aot 1814, il fut dsign comme
-ambassadeur Vienne et conserva ces fonctions jusqu' l'arrive de
-Canning au pouvoir en 1822. Cr baron le 1<sup>er</sup> juillet 1814, il devint
-marquis de Londonderry par la mort de son frre (12 aot 1822). Il se
-maria deux fois, d'abord, le 8 aot 1808, avec une fille du comte Darnley
-qu'il perdit le 8 fvrier 1812, puis, le 3 avril 1819, avec Frances-Anne,
-fille de Sir Harry Vane-Tempest. Il mourut Holderness House, Londres,
-le 6 mars 1854 (<i>Dictionary of National Biography</i>, t. LIV, p. 278.&mdash;Sir
-Archibald <span class="smcap">Alison</span>, <i>Lives of the Lord Castlereagh and Sir Charles
-Stewart</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_217" href="#FNanchor_217" class="label">[217]</a> <span class="smcap">Golovkine</span> (George Alexandrovitch), n en 1762, arrire-petit-fils
-de Gabriel Golovkine, chancelier de Pierre le Grand. Chambellan de
-l'empereur de Russie, snateur prsident du dpartement du commerce
-(1801). Il fut envoy en 1805, la tte d'un nombreux personnel, en
-ambassade auprs de l'empereur de Chine, mais il ne put parvenir jusqu'
-Pkin. A la suite de cet chec, il resta plusieurs annes sans recevoir
-de missions diplomatiques importantes. En 1818, il tait conseiller
-priv et ministre de Russie Stuttgart, lorsqu'il fut charg d'une mission
-extraordinaire Vienne, puis nomm ministre plnipotentiaire dans
-cette mme ville. Il entra au Conseil de l'Empire en 1831 et mourut
-en 1846 (Comte Fdor <span class="smcap">Golovkine</span>, <i>La Cour et le Rgne de Paul I</i><sup>er</sup>,
-p. 50 65.&mdash;<i>Recueil de la Socit impriale de Russie</i>, t. LX, <i>Liste
-alphabtique de noms de personnages russes, etc.</i>, p. 165.&mdash;<span class="smcap">Ermerin</span>,
-<i>Annuaire de la noblesse russe</i>, 1<sup>re</sup> anne, 1889, p. 272.&mdash;<span class="smcap">A.
-Polovtsoff</span>, <i>Correspondance diplomatique des ambassadeurs de
-Russie en France et de France en Russie de 1815 1830</i>, t. II,
-p. 882).&mdash;Mme du Montet (<i>Souvenirs</i>, p. 182) parle de lui en
-ces termes: Le comte G. qui est all jusqu' la Grande Muraille de
-Chine et qui use avec infiniment d'esprit du privilge qu'ont les voyageurs
-qui reviennent de loin.&mdash;Dolgoroukov (<i>Mmoires</i>, t. I, p. 116)
-le traite de grand hbleur.</p>
-
-<p><a id="Footnote_218" href="#FNanchor_218" class="label">[218]</a> Au sujet des projets de M. de Metternich pour faire nommer
-M. de Lieven ambassadeur Vienne, voir Conclusion.</p>
-
-<p><a id="Footnote_219" href="#FNanchor_219" class="label">[219]</a> Le comte de Wallis, ministre des finances, qui venait de mourir
-(voir p. 55), avait dj d rduire au cinquime la circulation du
-papier-monnaie (lettres patentes du 29 octobre 1816).</p>
-
-<p>En 1816, M. de Metternich avait t nomm prsident d'une commission
-consultative, compose d'hommes comptents pour mettre fin aux
-inconvnients rsultant du systme financier suivi jusqu'alors (<i>Mmoires
-du prince de Metternich</i>, t. III, p. 12).</p>
-
-<p><a id="Footnote_220" href="#FNanchor_220" class="label">[220]</a> Le prince de Metternich sa femme. Aix-la-Chapelle. Ce 10 octobre.
-Je vous ai inform dernirement de notre plan de voyage pour
-l'Italie. L'Empereur compte quitter Vienne entre le 10 et le 15 fvrier.
-Il passera les derniers jours du carnaval Venise; les quatre premires
-semaines du carme Naples; la dernire quinzaine et la semaine de
-Pques Rome; trois semaines en Toscane; trois dans la Lombardie;
-ce qui le ramnera Vienne vers la mi-juillet. (<i>Mmoires du prince
-de Metternich</i>, t. III, p. 127).</p>
-
-<p><a id="Footnote_221" href="#FNanchor_221" class="label">[221]</a> C'est--dire l'ordre concernant les dplacements de l'Empereur
-pendant l'anne 1819.</p>
-
-<p><a id="Footnote_222" href="#FNanchor_222" class="label">[222]</a> Le Tsar et Metternich s'taient brouills pendant le Congrs de
-Vienne. Par la Convention de Kalisch, Alexandre et le roi de Prusse
-avaient dcid entre eux la cration d'un royaume de Pologne et l'attribution
-du royaume de Saxe la Prusse. L'Autriche s'opposa vivement
- cette dernire annexion. L'empereur de Russie en ressentit un violent
-dpit contre le prince de Metternich, qu'il voulut un instant provoquer
-en duel (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. I, p. 206 et 325 et t. III,
-p. 126).</p>
-
-<p><a id="Footnote_223" href="#FNanchor_223" class="label">[223]</a> <i>Moniteur universel</i> du jeudi 31 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 365, p. 1517.
-Vienne, 16 dcembre.&mdash;La nouvelle de la mort du grand-duc de Bade,
-arrive ici samedi, a beaucoup afflig l'empereur Alexandre. Ce monarque
-ne parut pas au thtre dimanche, comme il se l'tait propos. Il dna
-ce jour-l avec la famille impriale; le prince de Metternich, le baron de
-Helzebrun, ministre d'Autriche en Russie, et le comte de Golowkin,
-ministre de Russie Vienne, eurent l'honneur d'tre admis au repas.
-L'Empereur ne s'est pas encore montr au public. Demain il y aura revue
-au Prater... L'empereur Alexandre se rendit hier dans la caserne du rgiment
-d'infanterie qui porte son nom, le fit sortir et en passa la revue.</p>
-
-<p><a id="Footnote_224" href="#FNanchor_224" class="label">[224]</a> <span class="smcap">Zichy</span> (Marie-Wilhelmine, dite Molly, Ferraris, comtesse), ne le
-3 septembre 1780, morte le 25 janvier 1866. Elle avait pous, le
-6 mai 1799, le comte Franois Zichy (25 juin 1777-6 octobre 1839) dont
-elle eut onze enfants. L'une de ses filles, Mlanie, fut la troisime femme
-du prince de Metternich, qui l'pousa le 30 janvier 1831 (<span class="smcap">Strobl von
-Ravelsberg</span>, <i>Metternich und seine Zeit</i>, t. I, p. 48, tableau gnalogique
-de la maison de Zichy.&mdash;<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_225" href="#FNanchor_225" class="label">[225]</a> <span class="smcap">Stuart</span> (Sir Charles), n le 2 janvier 1779. Charg d'affaires
-adjoint d'Angleterre Madrid (1808). Envoy en Portugal, il y fut cr
-comte de Machico et marquis d'Angra en 1810. Ministre la Haye
-(1815-1816), ambassadeur Paris (1816-1830), Saint-Ptersbourg (1841-1845).
-Cr baron Stuart de Rothesay, le 22 janvier 1828, il mourut le
-6 novembre 1845 (<i>Dictionary of National Biography</i>, t. LV, p. 75).</p>
-
-<p><a id="Footnote_226" href="#FNanchor_226" class="label">[226]</a> Trs probablement Wellington.&mdash;<span class="smcap">Wellington</span> (Arthur Wellesley,
-premier duc <span class="smcap">DE</span>), le vainqueur de Waterloo, n Dublin le 29 avril 1769.
-De juillet 1815 au 21 novembre 1818, il fut commandant en chef des
-armes d'occupation en France. Il tait l'un des plnipotentiaires anglais
-au Congrs d'Aix-la-Chapelle. Il entra au cabinet comme commandant
-gnral de l'artillerie le 26 dcembre 1818. Aprs avoir t premier
-ministre puis secrtaire des affaires trangres dans les deux cabinets
-Peel, il mourut le 14 septembre 1852 Walmer-Castle (<i>Dictionary of
-National Biography</i>, t. LX, p. 170).&mdash;Wellington se trouvait Paris
-en mme temps que Mme de Lieven. Il rentra Londres le 21 dcembre
-1818 (<i>Moniteur universel</i> du lundi 28 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 362,
-p. 1506).</p>
-
-<p><a id="Footnote_227" href="#FNanchor_227" class="label">[227]</a> Wellington venait de quitter sa position de commandant de l'arme
-d'occupation en France. Il allait tre nomm Londres commandant
-gnral de l'artillerie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_228" href="#FNanchor_228" class="label">[228]</a> Le prince de Metternich avait form le projet d'aller passer
-quelques jours Paris en quittant Bruxelles. Il y aurait retrouv
-Mme de Lieven. Le voyage de l'empereur Alexandre Vienne et la
-ncessit pour le prince d'tre prsent dans cette ville pendant le sjour du
-Tsar empchrent ce projet d'aboutir. Metternich dut revenir directement
-en Autriche. A sa femme, dans une lettre du 11 novembre,
-crite Aix, il donne une autre explication de l'abandon du voyage
-Paris: Je ne pourrais y rester que quatre ou cinq jours, qui seraient
-pris entre tous les princes et ministres, et je ne trouve pas qu'il y ait un
-motif raisonnable pour aller s'embarquer de gaiet de c&oelig;ur dans une
-pareille galre. (<i>Mmoires</i>, t. III, p. 130).&mdash;Il ne pouvait videmment
-dire cette dernire phrase Mme de Lieven.</p>
-
-<p><a id="Footnote_229" href="#FNanchor_229" class="label">[229]</a> Dans les derniers jours de dcembre, M. et Mme de Lieven quittrent
-Paris et la France pour revenir en Angleterre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_230" href="#FNanchor_230" class="label">[230]</a> <span class="smcap">Jersey</span> (Sarah-Sophia Fane, comtesse <span class="smcap">DE</span>), ne en 1783, fille
-ane de John Fane, comte de Westmoreland. Elle pousa, Gretna
-Green, le 23 mai 1804, George Child-Villiers, V<sup>e</sup> comte de Jersey et
-VIII<sup>e</sup> vicomte Grandison (19 aot 1773-3 octobre 1839). Lady Jersey
-mourut en 1867. Cette charmante femme exera une influence considrable
-sur la socit et le monde politique de Londres. Elle fut, sur ce
-terrain, la rivale de Mme de Lieven. Son salon tait surtout frquent
-par les tories. Elle offrit un asile Lord Byron, Middleton Park en
-1814-1815 (<i>Dictionary of national Biography</i>, t. LVIII, p. 346).</p>
-
-<p><a id="Footnote_231" href="#FNanchor_231" class="label">[231]</a> <span class="smcap">Auersperg</span> (Gabrielle-Marie, princesse <span class="smcap">D</span>'), ne le 19 juillet 1793,
-fille de Franois-Joseph-Maximilien-Ferdinand de Lobkowitz, pouse, le
-23 septembre 1811, Vincent, prince d'Auersperg (9 juin 1790-16 fvrier
-1812), morte Vienne le 11 mai 1863 (<i>Almanach de Gotha</i>, 1820, 1849 et
-1868.&mdash;<span class="smcap">Wurzbach</span>, <i>Biographisches Lexikon des Kaiserthums Oesterreich</i>,
-t. XV, tableau gnalogique.&mdash;<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_232" href="#FNanchor_232" class="label">[232]</a> <span class="smcap">Ouvaroff</span> (Fdor Petrovitch, comte), n le 11 avril 1773 (vieux
-style). Gnral de cavalerie, aide de camp gnral de l'empereur de
-Russie, membre du conseil de l'Empire et chef du corps des chevaliers-gardes.
-Mort en dcembre 1824.&mdash;Ouvaroff tait arriv Vienne le
-10 dcembre 1818, prcdant de deux jours l'empereur Alexandre
-(<i>Recueil de la Socit impriale d'histoire de Russie</i>, t. LXII, p. 369.&mdash;<i>Moniteur
-universel</i> du 23 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 357, p. 1489).</p>
-
-<p><a id="Footnote_233" href="#FNanchor_233" class="label">[233]</a> Ce dtail permet de penser que Lady C. est Lady Castlereagh qui
-tait toujours entoure de chiens. Mme de Boigne dit qu'elle avait un
-got trs vif pour les bijoux: Toutefois, il tait domin par celui de la
-campagne, des fleurs, des oiseaux, des chiens et des animaux de toute
-espce... Parmi tous ses chiens, elle possdait un bull-dog. Il se jeta un
-jour sur un petit pagneul qu'il s'apprtait trangler lorsque Lord Castlereagh
-interposa sa mdiation. Il fut cruellement mordu la jambe et
-surtout la main. Il fallut du secours pour faire lcher prise au bull-dog,
-qui cumait de colre. Lady Castlereagh survint; son premier soin
-fut de caresser le chien, de le calmer. Les bruits de rage ne tardrent
-pas circuler; elle n'eut jamais l'air de les avoir entendus. Le bull-dog
-ne quittait pas la chambre o Lord Castlereagh tait horriblement souffrant
-de douleurs qui attaqurent ses nerfs... Ce n'est qu'au bout de
-quatre mois, quand Lord Castlereagh fut compltement guri, que, d'elle-mme,
-elle se dbarrassa du chien, que jusque-l elle avait combl de
-soins et de caresses (<i>Mmoires de Mme de Boigne</i>, t. II, p. 215 et 217).</p>
-
-<p><a id="Footnote_234" href="#FNanchor_234" class="label">[234]</a> <span class="smcap">Binder von Kriegelstein.</span>&mdash;Il y avait trois frres de ce nom,
-tous diplomates: 1<sup>o</sup> Charles, n le 22 juin 1772, conseiller aulique et
-d'ambassade, mort le 27 avril 1855; 2<sup>o</sup> Franois, n le 3 octobre 1774,
-ministre Dresde, Copenhague (1810), Stuttgart (1812), la Haye, Turin,
-Lisbonne, Berne, mort Vienne le 8 janvier 1855; 3<sup>o</sup> Frdric, n le
-12 novembre 1775, dcd le 17 mai 1836 (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).</p>
-
-<p>Tous les trois taient fils du baron Antoine B. von K., mort le 17 septembre
-1791, qui avait t ministre de l'Empereur la Haye.</p>
-
-<p>En 1818, le baron Frdric tait Conseiller de la Lgation autrichienne
- Paris (<i>Moniteur universel</i> du samedi 28 aot 1817, n<sup>o</sup> 242, p. 953),
-et c'est lui qui servait d'intermdiaire pour la correspondance de M. de
-Metternich et de Mme de Lieven (Voir Introduction, p. <a href="#Page_LXXI">LXXI</a>).</p>
-
-<p>Le 10 novembre, l'un des trois frres tait arriv Aix (<i>Moniteur
-universel</i> du mercredi 18 novembre 1818, n<sup>o</sup> 322, p. 1349).</p>
-
-<p><a id="Footnote_235" href="#FNanchor_235" class="label">[235]</a> Probablement le nom d'un chien de Lady Castlereagh.</p>
-
-<p><a id="Footnote_236" href="#FNanchor_236" class="label">[236]</a> Vienne, le 24 dcembre.&mdash;L'empereur de Russie, aprs avoir
-pass dix jours ici, est parti hier 3 heures et demie du matin, pour
-retourner par Brnn, Olmtz, Teschen, dans ses tats. Son dpart a eu
-lieu incognito comme son arrive (<i>Moniteur universel</i> du mardi 5 janvier
-1819, n<sup>o</sup> 5, p. 17).</p>
-
-<p><a id="Footnote_237" href="#FNanchor_237" class="label">[237]</a> Charles-Louis-Frdric, n Carlsruhe le 8 juin 1786, pousa le
-8 avril 1806 Stphanie-Louise-Adrienne de Beauharnais, cousine de l'impratrice
-Josphine, devint grand-duc de Bade la mort de son grand-pre,
-Charles-Frdric, le 11 juin 1811. Le Congrs d'Aix-la-Chapelle
-lui assura l'intgrit de son grand-duch, dont une partie du territoire
-tait convoite par l'Autriche et la Bavire. Il mourut le 8 dcembre 1818
- Rastatt (<i>Allgemeine Deutsche Biographie</i>, vol. XV, p. 248.&mdash;<i>Almanach
-de Gotha</i>, 1819).</p>
-
-<p><a id="Footnote_238" href="#FNanchor_238" class="label">[238]</a> Vienne, 24 dcembre&mdash;... Ce monarque avait demand expressment
-qu'on ne fit aucuns prparatifs pour sa rception et que son sjour
-ne ft point marqu par des ftes. Sa Majest a pass la plus grande
-partie de son temps dans le cercle de la famille impriale; elle a assist
-avec quelques-uns des principaux membres de cette famille des soires
-donnes par la haute noblesse et o il ne s'est trouv qu'une socit
-choisie et peu nombreuse. La seule fte qui ait eu lieu, et dans laquelle
-la cour ait dploy toute sa magnificence, a t donne le 19. Il y eut
-grande runion la cour, spectacle, bal et souper (<i>Moniteur universel</i>
-du mardi 5 janvier 1819, n<sup>o</sup> 5, p. 17).</p>
-
-<p><a id="Footnote_239" href="#FNanchor_239" class="label">[239]</a> <span class="smcap">Tchernycheff</span> (d'aprs l'orthographe polonaise: Czernycheff)
-(Alexandre Ivanovitch, comte, puis prince), n le 30 dcembre 1786,
-gnral de cavalerie, aide de camp gnral de l'empereur de Russie,
-ministre de la guerre (1828), prsident du conseil de l'Empire (1848).
-Cr comte le 22 aot 1826 et prince le 16 avril 1841. Mort Castellamare
-prs Naples le 20 juin 1857.&mdash;En 1818, Tchernycheff tait
-arriv Vienne le 9 dcembre, en qualit d'adjudant-gnral de l'Empereur
-(<span class="smcap">Ermerin</span>, <i>Annuaire de la noblesse russe</i>, 1<sup>re</sup> anne, 1889,
-p. 291.&mdash;<i>Recueil de la Socit impriale de Russie</i>, vol. LXII, p. 422.&mdash;<span class="smcap">Oettinger</span>,
-<i>Moniteur des Dates</i>.&mdash;<i>Moniteur universel</i> du 23 dcembre
-1818, n<sup>o</sup> 357, p. 1489).</p>
-
-<p><a id="Footnote_240" href="#FNanchor_240" class="label">[240]</a> La villa Metternich tait situe Vienne dans le district de
-Landstrass, sur la rive droite de la Wien et du canal du Danube. Son
-entre tait sur le Rennweg (aujourd'hui, n<sup>o</sup> 27). Le parc a t converti
-en un quartier neuf. Le prince de Metternich habitait le palais
-de la Chancellerie (Hofburg).</p>
-
-<p><a id="Footnote_241" href="#FNanchor_241" class="label">[241]</a> Le prince de Metternich sa femme, 29 juin 1817 (Florence):
-J'ai achet deux jolies choses: une charmante copie de la Vnus
-de Canova et un norme vase d'albtre d'un bon march ridicule.&mdash;Le
-prince de Metternich sa fille Marie. Florence, ce 3 juillet 1817:
-Je viens de commander Rome deux bas-reliefs de Thorvaldsen.
-Je les ferai incruster dans les deux panneaux du fond du petit salon
-la villa, que je mettrai en stuc. Je vous rponds qu'on viendra les voir.
-(<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 22 et 34).</p>
-
-<p><span class="smcap">Thorvaldsen</span> (Bertel), n Copenhague le 19 novembre 1770, sculpteur
-clbre qui passa une grande partie de sa vie en Italie. Il mourut
-dans sa ville natale le 24 mars 1844. Parmi ses &oelig;uvres: le tombeau de
-Pie VII Saint-Pierre de Rome, le monument de Gutemberg
-Mayence, le Lion de Lucerne (<i>Biographie gnrale</i> (Didot), t. XLV,
-p. 248).</p>
-
-<p><a id="Footnote_242" href="#FNanchor_242" class="label">[242]</a> Car notre me est la mme.</p>
-
-<p><a id="Footnote_243" href="#FNanchor_243" class="label">[243]</a> P. 83: Ma bonne amie, pourquoi faut-il que je te dise des
-btises quand je t'cris, etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_244" href="#FNanchor_244" class="label">[244]</a> Voir p. <a href="#Page_12">12</a>, note <a href="#Footnote_169">169</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_245" href="#FNanchor_245" class="label">[245]</a> <span class="smcap">Pfeffel von Kriegelstein</span> (Christian-Hubert, baron de), n
-Strasbourg le 4 avril 1765. Ministre de Bavire Dresde, puis
-Londres (1814), Francfort (1824) et enfin Paris, o il mourut le
-12 dcembre 1834 (<i>Allgemeine Deutsche Biographie</i>, t. XXV, p. 614.&mdash;<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>,
-<i>Moniteur des dates</i>.&mdash;<i>Moniteur universel</i> du lundi
-9 fvrier 1835, n<sup>o</sup> 40, p. 280).&mdash;Vienne, 16 dcembre (1818).
-M. de Pfeffel, ministre plnipotentiaire de Bavire la cour de Londres
-et M. le baron de Cetto, sont arrivs ici avant hier de Munich. On les
-croit chargs d'une mission de leur cour relativement aux bases poses
-dans les confrences d'Aix-la-Chapelle pour les arrangements avec la cour
-de Bade. (<i>Moniteur universel</i> du samedi 2 janvier 1819, n<sup>o</sup> 2, p. 5).</p>
-
-<p><a id="Footnote_246" href="#FNanchor_246" class="label">[246]</a> Il s'agit d'un ambassadeur extraordinaire envoy par le chah de
-Perse auprs des cours europennes. Il sera parl plus tard longuement
-de lui. Cet ambassadeur tait parti le 21 novembre de Constantinople
-pour Vienne.</p>
-
-<p><a id="Footnote_247" href="#FNanchor_247" class="label">[247]</a> Probablement Wellington, voir p. 70.</p>
-
-<p><a id="Footnote_248" href="#FNanchor_248" class="label">[248]</a> Probablement Wellington, voir p. 70 et 90.</p>
-
-<p><a id="Footnote_249" href="#FNanchor_249" class="label">[249]</a> <span class="smcap">Lebzeltern</span> (Louis, comte de), n le 20 octobre 1774 Lisbonne,
-o son pre tait ambassadeur d'Autriche, et o il commena sa carrire
-diplomatique. Il fut ensuite secrtaire d'ambassade Rome et plus tard
-ambassadeur Saint-Ptersbourg. Il dut quitter ce poste la suite de la
-disgrce de son beau-frre, le prince Troubetzko, qui avait pris part la
-conspiration ourdie l'avnement de Nicolas I<sup>er</sup>. Il fut envoy alors
-comme ambassadeur Naples. lev au rang de comte en 1823, il
-mourut le 18 janvier 1854 (<span class="smcap">Wurzbach</span>, <i>Biographisches Lexikon des Kaiserthums
-OEsterreich</i>, t. XIV, p. 280).</p>
-
-<p><a id="Footnote_250" href="#FNanchor_250" class="label">[250]</a> La duchesse de Sagan.&mdash;Voir lettre du <a href="#nov">5 janvier 1819</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_251" href="#FNanchor_251" class="label">[251]</a> <span class="smcap">Esterhazy de Galantha</span> (Paul-Antoine, prince), n le 10 mars
-1786, fils an du prince Nicolas et de la princesse Marie de Liechtenstein.
-Secrtaire de lgation Londres (10 mai 1806), puis Paris pendant
-l'ambassade du prince de Metternich. Ministre d'Autriche
-Dresde (1810-novembre 1813). Ambassadeur d'Autriche Londres
-(28 aot 1815), il jouit dans ce poste de la pleine confiance de George IV.
-Il resta Londres jusqu'en 1842. Ministre dans le premier ministre
-hongrois (1848), il donna sa dmission au mois d'aot de la mme
-anne. En 1856, il fut envoy Moscou comme ambassadeur extraordinaire
-pour assister au couronnement de l'Empereur. Cribl de dettes,
-bien qu'il ft le chef de la famille la plus riche en proprits foncires
-de l'Autriche, devant plus de 24 millions, il fut dclar insolvable et
-mourut Ratisbonne le 21 mai 1866.</p>
-
-<p>Il avait pous, le 18 juin 1812, Marie-Thrse, princesse de Thurn
-et Taxis, ne le 6 juillet 1794, morte en 1876, nice de la reine Louise
-de Prusse et de la reine Frdrique de Hanovre. Ce mariage le faisait alli
-de la famille royale d'Angleterre (<i>Allgemeine Deutsche Biographie</i>, t. VI,
-p. 388.&mdash;<span class="smcap">Wurzbach</span>, <i>Biographisches Lexikon des Kaiserthums &OElig;sterreich</i>,
-t. IV, p.105 (beaucoup de dates fausses).&mdash;<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des
-dates</i>.&mdash;<span class="smcap">Strobl von Ravelsberg</span>, <i>Metternich und seine Zeit</i>, p. 166 et 200).</p>
-
-<p><a id="Footnote_252" href="#FNanchor_252" class="label">[252]</a> <span class="smcap">Sch&oelig;nfeld</span> (Louis, comte de), chambellan de l'empereur d'Autriche,
-accompagna ce souverain au Congrs d'Aix-la-Chapelle, la suite
-duquel il alla Paris (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III,
-p. 155).&mdash;Il mourut le 19 aot 1826.</p>
-
-<p><a id="Footnote_253" href="#FNanchor_253" class="label">[253]</a> La comtesse Joseph Esterhazy, fille ane du prince de Metternich.</p>
-
-<p><a id="Footnote_254" href="#FNanchor_254" class="label">[254]</a> Vienne, 6 janvier.&mdash;Lord Stewart, ambassadeur d'Angleterre,
-est parti pour Londres, o il veut assister aux dbats du procs qui s'est
-lev relativement son mariage avec miss Vane-Tempest. On ne doute
-pas que le jugement ne soit favorable Son Excellence, qui reviendra
-aussitt son poste. (<i>Moniteur universel</i> du lundi 18 janvier 1819,
-n<sup>o</sup> 18, p. 69).</p>
-
-<p>Ch. Stewart avait rencontr en Angleterre, l't prcdent, Frances-Anne
-Vane-Tempest, alors ge de dix-neuf ans, qui tait non seulement
-l'une des plus riches hritires, mais aussi l'une des plus jolies jeunes
-filles de la socit de Londres. Elle tait encore ce moment pupille de
-la Cour de Chancellerie (<i>a ward in Chancery</i>). Comme Ch. Stewart
-n'avait qu'une fortune de cadet et les appointements de ses fonctions
-d'ambassadeur, la tutrice donne miss Vane par la Cour de Chancellerie
-s'opposa d'abord au mariage. La question dut tre tranche par la
-Chambre des Lords (Sir Archibald <span class="smcap">Alison</span>, <i>Lives of Lord Castlereagh
-and Sir Charles Stewart</i>, t. III, p. 213).</p>
-
-<p><a id="Footnote_255" href="#FNanchor_255" class="label">[255]</a> Intaille, pierre dure grave en creux.&mdash;Soufre, moulage en soufre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_256" href="#FNanchor_256" class="label">[256]</a> <span class="smcap">Pichler</span> (Luigi), graveur sur pierres et mdailles, n Rome en
-1773, originaire du Tyrol, tudia Rome et s'y tablit. En 1808, il vint
- Vienne et fut prsent l'empereur Franois. En 1818, Metternich l'y
-appela de nouveau comme professeur l'Acadmie, avec mission de
-reproduire en spath-fluor les plus belles gemmes du cabinet imprial. Il
-mourut Rome le 13 mars 1854 (<i>Allgemeine Deutsche Biographie</i>,
-t. XXVI, p. 105).</p>
-
-<p><a id="Footnote_257" href="#FNanchor_257" class="label">[257]</a> Voir p. <a href="#Page_35">35</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_258" href="#FNanchor_258" class="label">[258]</a> Stewart portait cependant Londres la lettre n<sup>o</sup> 10, mais probablement
- son insu. Cette missive devait tre comprise dans un paquet
-adress Neumann.</p>
-
-<p><a id="Footnote_259" href="#FNanchor_259" class="label">[259]</a> <span class="smcap">Sagan</span> (Catherine-Frdrique-Wilhelmine <span class="smcap">de Biren</span>, princesse <span class="smcap">de
-Courlande</span>, duchesse <span class="smcap">DE</span>), fille de Pierre, dernier duc de Courlande de la
-maison de Biren, et de sa femme, ne de Medem. Elle tait ne le 8 fvrier
-1781 et pousa successivement:</p>
-
-<p>1<sup>o</sup> le 23 juin 1800, Jules-Armand-Louis, prince de Rohan-Gumne,
-gnral-major autrichien, n le 20 octobre 1768, mort Prague le
-13 janvier 1836. Elle divora le 7 mars 1805.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> le 5 mai 1805, le prince Vassili Serguvitch Troubetzko,
-membre du conseil de l'Empire, n le 25 mars 1776, mort Saint-Ptersbourg
-en 1841. Divorce prononc en 1806.</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> le 17 juillet 1819, Charles-Rodolphe, comte de Schulenburg-Vitzenburg,
-lieutenant-colonel autrichien, n le 2 janvier 1788, mort aprs 1852.</p>
-
-<p>La duchesse de Sagan mourut sans enfants le 29 novembre 1839. Son
-titre passa la maison de Talleyrand-Prigord, par suite du mariage de sa
-s&oelig;ur Dorothe (1793-1862) avec le comte Edmond de Talleyrand-Prigord
-(1787-1872), neveu du prince de Bnvent, devenu duc de Dino en 1827
-(<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>.&mdash;<span class="smcap">Strobl von Ravelsberg</span>, t. I, p. 314).</p>
-
-<p><a id="Footnote_260" href="#FNanchor_260" class="label">[260]</a> Esterhazy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_261" href="#FNanchor_261" class="label">[261]</a> Au Congrs de Vienne: Par son esprit suprieur, il n'et
-dpendu que de cette femme remarquable d'exercer une grande influence
-sur les affaires srieuses: son jugement tait une autorit; mais elle n'en
-abusait pas (Comte <span class="smcap">A. de la Garde-Chambonas</span>, <i>Souvenirs du Congrs
-de Vienne</i>, dition du Conte Fleury, p. 87).</p>
-
-<p><a id="Footnote_262" href="#FNanchor_262" class="label">[262]</a> Metternich avait rompu avec la duchesse de Sagan en octobre
-1814. Voir <i>Introduction</i>, p. <span class="smcap"><a href="#Page_XXVII">XXVII</a></span>, et <span class="smcap">Gentz</span>, <i>Tagebcher</i>, t. I,
-p. 293.</p>
-
-<p><a id="Footnote_263" href="#FNanchor_263" class="label">[263]</a> <span class="smcap">Ponsonby</span> (John, baron, puis vicomte), n vers 1770, devint baron
-Ponsonby la mort de son pre (1806). Ministre Buenos Ayres (1826),
- Rio de Janeiro (1828), Naples (1832), ambassadeur Constantinople
-(1832-1837), Vienne (1846-1850), cr vicomte Ponsonby
-en 1839, mort Brighton, 21 fvrier 1855. C'tait un homme d'une
-beaut exceptionnelle. Il tait le beau-frre de Lord Grey et il avait
-pous le 13 janvier 1803 lisabeth-Frances Villiers, cinquime fille de
-George, quatrime comte de Jersey, laquelle mourut Londres le 14 avril
-1866 sans enfants (<i>Dictionary of National Biography</i>, t. XLVI, p. 86).</p>
-
-<p><a id="Footnote_264" href="#FNanchor_264" class="label">[264]</a> <span class="smcap">Bingham</span> (George-Charles), troisime comte de Lucan, n
-Londres, 16 avril 1800. Entra dans l'arme comme enseigne au 6<sup>e</sup> d'infanterie
-le 29 aot 1816. Il permuta pour le 3<sup>e</sup> d'infanterie de la garde,
-le 24 dcembre 1818, fut mis la demi-solde le jour suivant, voyagea en
-Autriche et en Russie et fut rintgr comme lieutenant au 8<sup>e</sup> d'infanterie
-le 20 janvier 1820. Pendant la guerre de Crime, il commanda la division
-de cavalerie anglaise et ordonna la charge de Balaklava (25 octobre
-1854). Il fut nomm lieutenant-gnral en 1858, gnral en 1865, feld-marchal
-en 1887 et mourut Londres le 10 novembre 1888 (<i>Dictionary
-of National Biography</i>, Supplment, t. I, p. 196).</p>
-
-<p><a id="Footnote_265" href="#FNanchor_265" class="label">[265]</a> Depuis 1817, chaque renouvellement partiel de la Chambre des
-dputs, le groupe libral s'tait trouv accru en nombre et en puissance.
-Les gouvernements trangers s'taient inquits de ces succs et
-ils pesrent sur Louis XVIII et sur Richelieu, pour les amener prendre
-des mesures contre les libraux. Le duc de Richelieu prpara la modification
-de la loi lectorale, mais il ne fut pas suivi par quelques-uns de
-ses collgues, Decazes, Gouvion Saint-Cyr et Pasquier. Richelieu donna
-sa dmission le 21 dcembre 1818. D'abord charg par le roi de reconstituer
-le ministre, il choua dans cette tentative. Decazes fit donner la
-prsidence du conseil au gnral Dessolle et prit pour lui le ministre
-de l'Intrieur. Le nouveau cabinet tait constitu le 29 dcembre 1818.
-Sa tendance tait librale.</p>
-
-<p><a id="Footnote_266" href="#FNanchor_266" class="label">[266]</a> La chute du duc de Richelieu et son remplacement par le comte
-Decazes, au moment o le premier s'apprtait faire modifier la loi
-lectorale laquelle on imputait les succs des libraux, avait vivement
-irrit le prince de Metternich. Plusieurs fois, dans la suite de sa
-correspondance avec Mme de Lieven, il reviendra sur les affaires de
-France.</p>
-
-<p>Malgr la rancune que le prince conservait M. Decazes, ce mot
-d'aventurier ne peut dsigner cet homme d'tat, rien dans la vie de ce
-dernier ne pouvant donner prise une appellation de ce genre. D'autre
-part, l'estime professe par le futur chancelier pour M. de Richelieu
-rend bien invraisemblable l'application de ce terme ce ministre,
-encore que sa carrire mouvemente soit plus susceptible de l'expliquer.</p>
-
-<p>Nous pensons donc que, par ce mot d'<i>aventurier</i>, M. de Metternich
-voulait dsigner Pozzo di Borgo, alors ministre de Russie Paris, ce
-qui ferait comprendre le soin mis ne pas prononcer son nom dans une
-lettre destine l'ambassadrice de Russie Londres.</p>
-
-<p>Pozzo avait pris une part active aux incidents de la crise ministrielle
-franaise. Il a racont lui-mme son rle dans une dpche au comte
-de Nesselrode, du 20 dcembre 1818/1<sup>er</sup> janvier 1819, rcemment publie
-dans le t. III de l'ouvrage de <span class="smcap">M. A. Polovtsoff</span>: <i>Correspondance diplomatique
-des ambassadeurs et ministres de France en Russie et de Russie
-en France</i> (dpche n<sup>o</sup> 734, p. 1).</p>
-
-<p>Nous renvoyons le lecteur cette importante dpche pour les dtails
-du rle de Pozzo. Encore que ce rle se ft exerc dans un sens hostile
- M. Decazes, M. de Metternich pouvait en vouloir son acteur de
-son intervention maladroite.</p>
-
-<p>Dans une lettre du 21 fvrier Mme de Lieven, le prince dit:
-<i>L'aventurier</i> a creus un abme sous les pas de ceux qu'il voulait servir
-de la meilleure foi du monde. C'est lui en grande partie qui a men les
-choses l o elles en sont.</p>
-
-<p>Dans une autre lettre (voir le n<sup>o</sup> 13), M. de Metternich avait dj dit,
-parlant de Pozzo: Le terrain de Paris qu'il a tant contribu de gter,
-lui parat intenable la longue.</p>
-
-<p>Enfin, dans une lettre Gentz, du 16 aot 1825, publie dans ses
-<i>Mmoires</i>, t. IV, p. 195, le prince applique directement ce mme nom
-d'aventurier Pozzo: Il y a des annes que j'ai jug Pozzo comme
-vous le faites. Il y a dans ma nature quelque chose qui me fait aller
-tout droit certains hommes, comme la piste conduit le chien de chasse
-au gibier. A peine les ai-je flairs, qu'ils s'loignent de moi, et ds lors
-il n'y a plus de rapprochement possible entre nous. Ces hommes sont
-plus ou moins des <i>aventuriers</i> comme Pozzo, Capo d'Istria, Armfeldt,
-d'Antraigues, etc. Sans que je connaisse les gens de cette espce, ma
-nature se soulve contre eux.</p>
-
-<p>Ce n'est pas la carrire de Pozzo, n Corse, mais successivement au service
-de la France et de la Russie, qui peut contredire M. de Metternich.</p>
-
-<p>Il est donc probable, selon nous, que dans la prsente lettre, le mot
-<i>aventurier</i> dsigne Pozzo di Borgo.</p>
-
-<p><a id="Footnote_267" href="#FNanchor_267" class="label">[267]</a> <i>Moniteur universel</i> des samedi 26 et dimanche 27 dcembre 1818,
-n<sup>os</sup> 360 et 361, p. 1501: Londres, le 21 dcembre.&mdash;Lord et Lady
-Castlereagh et leur suite (venant de Paris) ont dbarqu Douvres
-samedi soir. La batterie les a salus de vingt et un coups de canon. Sa
-Seigneurie s'tait embarque Calais dans l'aprs-midi de jeudi dernier
-et elle tait arrive devant Douvres dans la mme soire; mais le temps
-tait si mauvais qu'on ne put dbarquer. Le btiment fut chass dans la
-Manche jusqu'au-dessous de Brighton; et ce ne fut que samedi
-2 heures qu'il revint en vue de Douvres, totalement dmt. Plusieurs
-canots sortirent et le tourent jusque dans le port.</p>
-
-<p><i>Moniteur universel</i> du dimanche 3 janvier 1819, n<sup>o</sup> 3, p. 10. Londres,
-le 29 dcembre... Aprs les cinq ou six premires heures de la tempte,
-Lord Castlereagh se trouva trop affect par le mouvement du vaisseau
-pour rester sur le pont dans sa voiture avec son pouse; il descendit
-dans la cabine. Mais Lady Castlereagh ne voulut jamais quitter le pont,
-quoique les vagues vinssent chaque instant se briser sur sa voiture.</p>
-
-<p><a id="Footnote_268" href="#FNanchor_268" class="label">[268]</a> <span class="smcap">Caraman</span> (Victor-Louis-Charles <span class="smcap">de Riquet</span>, comte, puis marquis,
-puis duc <span class="smcap">DE</span>), ambassadeur de France Vienne. N Paris le 24 dcembre
-1762. Cadet au rgiment d'Aunis-Infanterie (1<sup>er</sup> avril 1778);
-enseigne surnumraire au rgiment des gardes franaises (21 mars 1779);
-rang de capitaine dans Royal-Lorraine-Cavalerie (24 juin 1780), dans
-Noailles-Dragons (28 mai 1783); capitaine de remplacement (10 juin
-1785); major en second au rgiment de Picardie (1<sup>er</sup> avril 1788). migr
-en aot 1791. Attach avec le grade de major la suite du roi de
-Prusse pendant les campagnes de 1792 et 1793. Major au service anglais
-(rgiment de Salm-Kyrburg-Hussards), du 25 avril 1794 au 24 dcembre
-1795. Reprend du service en Prusse comme colonel de cavalerie en
-1797. Nomm colonel de cavalerie par Louis XVIII le 15 avril 1800
-pour prendre rang du 30 janvier 1798. Rentre en France en 1802, mais
-est arrt Paris et enferm au Temple, puis Ivre, en Pimont, o
-il reste cinq ans. A sa libration, donne sa dmission de colonel (1807).
-Marchal de camp pour tenir rang du 13 aot 1814; marchal de camp
-titulaire le 1<sup>er</sup> juillet 1815. Retrait le 22 novembre 1820. Nomm au
-grade honorifique de lieutenant-gnral le 13 dcembre 1820. Ministre
- Berlin (1814), ambassadeur Vienne (1815-1828), assiste aux Congrs
-d'Aix-la-Chapelle, de Troppau, etc. Il mourut le 25 dcembre 1839.
-Il avait pous le 1<sup>er</sup> juillet 1785 Josphine-Lopoldine-Ghislaine de
-Mrode-Westerloo (<i>Archives administratives du ministre de la guerre</i>).</p>
-
-<p>Vienne, le 6 janvier.&mdash;M. le marquis de Caraman, ambassadeur de
-Sa Majest Trs Chrtienne, est de retour en cette capitale depuis la fin
-de dcembre. Son Excellence a rouvert son htel, le jour de l'an, par une
-fte o s'est trouve runie la plus haute et la plus brillante socit de
-Vienne (<i>Moniteur universel</i> du lundi 18 janvier 1819, n<sup>o</sup> 18, p. 69).</p>
-
-<p><a id="Footnote_269" href="#FNanchor_269" class="label">[269]</a> Voir p. <a href="#Page_116">116</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_270" href="#FNanchor_270" class="label">[270]</a> <i>Moniteur universel</i> du lundi 28 dcembre 1818, n<sup>o</sup> 362, p. 1506.
-Londres le 22 dcembre.&mdash;Londres a t hier envelopp dans un pais
-brouillard, tel qu'on n'en avait pas vu depuis plusieurs annes... De
-dessus les trottoirs, on n'apercevait pas les voitures qui roulaient au
-milieu du pav... Dans les thtres, les spectateurs apercevaient peine
-les acteurs.</p>
-
-<p><a id="Footnote_271" href="#FNanchor_271" class="label">[271]</a> <span class="smcap">Hobhouse</span> (John Cam), n Redland prs Bristol le 27 juin 1786.
-Il est connu surtout comme l'ami et l'excuteur testamentaire de Lord
-Byron. En fvrier 1819, il brigua, comme candidat radical, le sige de la
-chambre des Communes de Westminster, laiss vacant par la mort de
-Sir Samuel Romilly. Bien qu'appuy par Sir Francis Burdett, il choua
-par 3,861 voix contre 4,465 son concurrent whig George Lamb, frre
-de Lord Melbourne. Il eut sa revanche en 1820 aprs la dissolution du
-Parlement et l'emporta sur Lamb par 446 voix. En 1832, il fut secrtaire
-pour la guerre, puis, en 1833, secrtaire pour l'Irlande, mais
-dmissionna la mme anne.</p>
-
-<p>Premier commissaire des bois et forts lors du premier ministre
-Melbourne (juillet-novembre 1834), prsident du bureau de contrle
-pour les Indes dans le second ministre Melbourne (29 avril 1835-septembre
-1841), il reprit ce poste dans le premier cabinet de Lord John
-Russell (10 juillet 1846-fvrier 1852). Cr baron Broughton de Gyfford,
-il mourut le 3 juin 1869 (<i>Dictionary of National Biography</i>,
-t. XXVII, p. 47).</p>
-
-<p><a id="Footnote_272" href="#FNanchor_272" class="label">[272]</a> Voir p. <a href="#Page_114">114</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_273" href="#FNanchor_273" class="label">[273]</a> Le Concordat entre la Bavire et le Saint-Sige avait t sign en
-octobre 1817, mais, publi par le roi Maximilien I<sup>er</sup> avec un dit analogue
-aux articles organiques de Napolon, les difficults qu'il aurait d
-aplanir se prolongrent jusque sous le rgne de Louis I<sup>er</sup> (1825-1848).</p>
-
-<p><a id="Footnote_274" href="#FNanchor_274" class="label">[274]</a> <i>12 octobre.</i>&mdash;Avant hier midi, le prince Karadscha se trouvait
-encore Bucharest; il assista la crmonie funbre du feu ban
-Goulesko. Aprs avoir dn dans son palais, il feignit de faire une promenade
-vers le faubourg Bayar, et excuta par ce moyen le projet de
-fuite qu'il avait mdit. Runi son pouse, son fils, ses filles et ses
-gendres, accompagn du ban d'Arguiropoulo et du postelnick Vlakontzky,
-et pourvu d'quipages de voyage, il prit la route de Cronstadt...
-Pour empcher toute poursuite, il a fait rompre derrire lui les ponts,
-jets et l sur les marais et rivires... On attribue la disparition subite
-du prince ce qu'il venait de recevoir un ordre de se rendre Constantinople.
-Le temps de son gouvernement, fix sept ans, n'tait pas
-encore expir. (<span class="smcap">C. L. Lesur</span>, <i>Annuaire historique universel pour 1818</i>,
-2<sup>e</sup> dit., Paris, Thoisnier-Desplaces, 1825, in-8<sup>o</sup>, p. 554).</p>
-
-<p><a id="Footnote_275" href="#FNanchor_275" class="label">[275]</a> <span class="smcap">Ruffo</span> (le commandeur, puis prince Alvar), ministre du roi de
-Naples Paris en 1797 et 1798. Il suivit son souverain en Sicile et,
-aprs avoir rempli une mission en Portugal, il fut nomm ambassadeur
-Vienne. Il occupa ce poste jusqu' sa mort, survenue le 1<sup>er</sup> aot 1825.
-Il institua pour son excuteur testamentaire le prince de Metternich
-avec lequel il tait li d'une troite amiti (<i>Nouvelle Biographie gnrale</i>,
-t. XLII, p. 872.&mdash;<i>Biographie universelle</i> (Michaud), t. XXXVII,
-p. 55).</p>
-
-<p><a id="Footnote_276" href="#FNanchor_276" class="label">[276]</a> <span class="smcap">Guilford</span> (Frdric <span class="smcap">North</span>, V<sup>e</sup> comte <span class="smcap">DE</span>), n en 1766. Aprs avoir
-parcouru l'Espagne (1788), il voyagea dans les les Ioniennes et s'y convertit
- la religion grecque. Gouverneur de Ceylan (1798-1805). Lors de
-l'tablissement du protectorat anglais sur les les Ioniennes, North,
-devenu comte Guilford en 1817 par la mort de son frre an, se consacra
-au projet de fonder une Universit ionienne. George IV, son
-avnement au trne (1820), le nomma chancelier de l'Universit projete,
-mais celle-ci ne put s'ouvrir qu'en 1824 Corfou. Guilford y rsida plusieurs
-annes et revint mourir en Angleterre le 14 octobre 1827 (<i>Dictionary
-of National Biography</i>, t. XLI, p. 164).</p>
-
-<p><a id="Footnote_277" href="#FNanchor_277" class="label">[277]</a> <span class="smcap">Palmstjerna</span> (Nils-Fredric, baron <span class="smcap">DE</span>), n le 1<sup>er</sup> dcembre 1788,
-officier sudois et diplomate. Nomm ministre de Sude Vienne en
-1818. Ministre Saint-Ptersbourg (septembre 1820). Gnral-lieutenant
-en 1843. Mort aprs 1862 (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>.&mdash;<i>Archives
-du ministre des affaires trangres</i>, Autriche, correspondance,
-vol. 400, f<sup>o</sup> 77 verso.&mdash;<i>Moniteur universel</i> du lundi 5 octobre 1820,
-n<sup>o</sup> 1347).</p>
-
-<p><a id="Footnote_278" href="#FNanchor_278" class="label">[278]</a> Voir p. <a href="#Page_83">83</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_279" href="#FNanchor_279" class="label">[279]</a> Acadmie impriale et royale des arts plastiques.&mdash;M. de Metternich
-en avait t nomm curateur en janvier 1811 (<i>Mmoires du prince
-de Metternich</i>, t. VII, p. 647).</p>
-
-<p><a id="Footnote_280" href="#FNanchor_280" class="label">[280]</a> Au commencement de l'anne russe.</p>
-
-<p><a id="Footnote_281" href="#FNanchor_281" class="label">[281]</a> M. le comte de Lieven, ambassadeur de Russie en Angleterre,
-qui s'tait rendu Aix-la-Chapelle, s'est embarqu le 27 dcembre
-Calais pour retourner son poste (<i>Journal de Paris</i> du samedi 2 janvier
-1819, n<sup>o</sup> 2, p. 1).</p>
-
-<p><a id="Footnote_282" href="#FNanchor_282" class="label">[282]</a> Catherine <span class="smcap">Pavlovna</span>, ne le 21 mai 1789 Saint-Ptersbourg, fille
-de Paul I<sup>er</sup>, empereur de Russie. Marie le 30 avril 1809, Paul-Frdric-Auguste,
-duc d'Oldenbourg, elle le perdit le 27 dcembre 1812.
-Le 24 janvier 1816, elle pousa, Saint-Ptersbourg, le prince royal de
-Wrtemberg, devenu roi le 30 octobre 1816 sous le nom de Guillaume
-I<sup>er</sup> (n le 27 septembre 1781, mort le 25 juin 1864). Elle mourut
-le 9 janvier 1819 Stuttgart (<i>Nouvelle biographie gnrale</i>, t. IX,
-p. 191.&mdash;<span class="smcap">J. Merkle</span>, <i>Katharina Pawlowna, Knigin von Wrtemberg</i>,
-Stuttgart, Kohlhammer, 1890, in-8<sup>o</sup>).</p>
-
-<p><i>Stuttgart, le 9 janvier.</i>&mdash;Le coup le plus terrible du sort a
-frapp le roi et la famille royale par la mort inopine de la reine, qui est
-dcde aujourd'hui, entre 8 et 9 heures du matin. Sa Majest ayant eu,
-il y a peu de jours, une attaque lgre de fivre rhumatismale, il s'y
-joignit avant-hier un rsyple du visage qui, s'tant jet ce matin sur
-le cerveau, occasionna une attaque d'apoplexie qui termina la vie de
-notre jeune souveraine (<i>Moniteur universel</i> du dimanche 17 janvier
-1819, n<sup>o</sup> 17, p. 65).</p>
-
-<p><a id="Footnote_283" href="#FNanchor_283" class="label">[283]</a> D'une inflammation de la gorge et des poumons.&mdash;La comtesse
-de Lieven son frre. 3/15 janvier 1819: I have been in great danger
-from an inflammation of the throat and lungs (<span class="smcap">Lionel G. Robinson</span>,
-<i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in London</i>,
-p. 37).&mdash;Les lettres de Mme de Lieven son frre, crites en franais,
-ont t traduites en anglais par M. Robinson.</p>
-
-<p><a id="Footnote_284" href="#FNanchor_284" class="label">[284]</a> <span class="smcap">Souza</span> (Adlade Filleul, madame <span class="smcap">DE</span>), ne Paris en 1761,
-pousa le 30 novembre 1779 Alexandre-Sbastien de Flahault de la
-Billarderie, marchal de camp et enseigne des gardes du corps, qui
-mourut sur l'chafaud Arras en 1794. Pendant ce mariage, elle fut la
-matresse de M. de Talleyrand, dont elle eut un fils, Charles-Joseph, n
-le 21 aot 1785, qui fut le pre du duc de Morny. Devenue veuve,
-Adlade Filleul pousa, son retour d'migration, le 17 octobre 1802,
-don Jos-Maria de Souza Botelho Mourao et Vasconcellos, n le
-9 mars 1758 Oporto, ministre de Portugal en Sude (1791), en Danemark
-(1795), puis Paris (1802-1805), mort le 1<sup>er</sup> juin 1825. Mme de
-Souza mourut elle-mme le 19 avril 1836. Elle est l'auteur de nombreux
-romans qui furent trs gots au dbut du dix-neuvime sicle (Baron de
-<span class="smcap">Maricourt</span>, <i>Mme de Souza et sa famille</i>. Paris, mile Paul, 1907, in-8<sup>o</sup>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_285" href="#FNanchor_285" class="label">[285]</a> <span class="smcap">Radcliffe</span> (Mme Anne), ne Anna Ward, naquit Londres le 9 juillet
-1764, pousa l'ge de vingt-trois ans William Radcliffe. Elle
-publia de nombreux romans qui eurent le mme succs que ceux de
-Mme de Souza. Elle mourut le 7 fvrier 1823 (<i>Dictionary of National
-Biography</i>, t. XLVII, p. 120).</p>
-
-<p><a id="Footnote_286" href="#FNanchor_286" class="label">[286]</a> Louise-Marie-Thrse, fille du duc Philippe de Parme, ne le
-9 dcembre 1751. Elle avait pous, le 4 septembre 1765, Charles IV, n
-le 11 novembre 1748, qui abdiqua le 19 mars 1808 en faveur de son
-fils Ferdinand VII. Elle mourut Rome le 2 janvier 1819 (<i>Almanach
-de Gotha</i>, 1819.&mdash;<span class="smcap">Lesur</span>, <i>Annuaire historique</i>, anne 1819).&mdash;Elle
-tait morte sept jours avant la reine de Wrtemberg, du dcs de
-laquelle M. de Metternich parlait le 13 (v. p. <a href="#Page_136">136</a>), mais la distance
-plus grande explique le retard de la nouvelle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_287" href="#FNanchor_287" class="label">[287]</a> Ces quatre reines sont:</p>
-
-<p>1<sup>o</sup> Charlotte, reine d'Angleterre (Sophie-Charlotte de Mecklembourg-Strlitz),
-ne le 19 mai 1744, pousa le 8 septembre 1761 George III,
-roi d'Angleterre. Morte le 17 novembre 1818 (<i>Almanach de Gotha</i>,
-1819 et 1820).</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> Isabelle-Marie, reine d'Espagne (Isabelle-Marie-Franoise de Bragance),
-fille de Jean VI, roi de Portugal, ne le 19 mai 1797. Elle avait
-pous par procuration, le 4 septembre 1816, et en personne le 29 du
-mme mois, Ferdinand VII, roi d'Espagne. Elle mourut le 26 dcembre
-1818.</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> Louise-Marie-Thrse, reine d'Espagne, morte le 2 janvier 1819
-(Voir ci-dessus, p. <a href="#Page_141"> mme page</a>, note 287).</p>
-
-<p>4<sup>o</sup> Catherine, reine de Wrtemberg, morte le 9 janvier 1819.</p>
-
-<p><a id="Footnote_288" href="#FNanchor_288" class="label">[288]</a> La comtesse Joseph Esterhazy, fille ane du prince de Metternich,
-tait alors Paris.</p>
-
-<p><a id="Footnote_289" href="#FNanchor_289" class="label">[289]</a> Ce portrait, command par le Prince Rgent, devait tre expdi
-Londres pour tre plac dans la galerie de Waterloo au chteau de
-Windsor.</p>
-
-<p><a id="Footnote_290" href="#FNanchor_290" class="label">[290]</a> Lawrence termina ce tableau en Italie et l'envoya de Florence au
-prince de Metternich, qui le reut cinq jours avant la mort de la princesse
-Clmentine (6 mai 1820). Hier est arriv de Florence le portrait
-que Lawrence a fait de Clmentine. J'tais dcid ne pas ouvrir
-pendant des mois la caisse qui le contenait. Il faut pourtant que Clmentine
-en ait entendu parler pendant qu'elle tait en lthargie. Le premier
-mot lucide qu'elle m'ait adress, elle me l'a dit pour me prier de
-faire dballer le portrait et de le lui montrer. Je le lui fis apporter. Elle
-sourit son image et dit: Lawrence semble m'avoir peinte pour le
-ciel, puisqu'il m'a entoure de nuages. Elle voulait qu'on plat le portrait
- ct de son lit. Mais ce portrait et t trop cruel pour nous;
-on ne peut pas mettre ainsi l'une ct de l'autre la vie et la mort.
-(<i>Mmoires du prince de Metternich</i>), t. III, p. 343. Le prince de Metternich
- (sans nom de destinataire), 2 mai (1820).</p>
-
-<p><a id="Footnote_291" href="#FNanchor_291" class="label">[291]</a> Ce grand corps (Castlereagh), dansant une gigue et levant en
-cadence ses longues et maigres jambes, forme le spectacle le plus divertissant.
-(Comte <span class="smcap">de La Garde-Chambonas</span>, <i>Souvenirs du Congrs de
-Vienne</i>, p. 192).</p>
-
-<p><a id="Footnote_292" href="#FNanchor_292" class="label">[292]</a> La trs maigre mais lgante princesse russe Lieven avait refus
-de danser avec un mauvais valseur anglais en se servant de l'expression:
-je ne danse qu'avec mes compatriotes. Aussitt parut une caricature: le
-corpulent prince Kosloffsky tait reprsent dansant avec l'invraisemblablement
-maigre princesse Lieven et, au-dessous, il y avait: la longitude
-et la latitude de Saint-Ptersbourg. (<span class="smcap">Dorow</span>, <i>Frst Kosloffsky</i>,
-p. 12).</p>
-
-<p><a id="Footnote_293" href="#FNanchor_293" class="label">[293]</a> Caroline-Amlie-lisabeth de <span class="smcap">Brunswick-Wolfenbttel</span>. Ne le
-17 mai 1768, elle avait pous, le 8 avril 1795, George-Auguste-Frdric,
-prince de Galles, plus tard Prince Rgent (10 janvier 1811), et enfin Roi
-d'Angleterre sous le nom de George IV (29 janvier 1820). Ds le dbut
-du mariage, la msintelligence rgna entre les deux poux. Lors du
-voyage que l'empereur de Russie, le roi de Prusse et M. de Metternich
-firent Londres en 1814 (ce dernier y resta du 8 au 26 juin), la
-princesse fut exclue de la Cour et ne reut pas la visite des souverains.
-Indigne de ce manque d'gards, elle quitta l'Angleterre le
-9 aot 1814 et vint mener une vie errante sur le continent, prenant
-pour amant son courrier, Bartolomeo Bergami. Lorsque son mari ft devenu
-roi d'Angleterre, elle revint Londres le 6 juin 1820 et fut reue
-triomphalement par le peuple. Mais George IV introduisit devant
-la Chambre des Lords une action en divorce qui surexcita violemment
-l'opinion publique. Elle mourut le 7 aot 1821 (<i>Dictionary of National
-Biography</i>, t. IX, p. 150).</p>
-
-<p><a id="Footnote_294" href="#FNanchor_294" class="label">[294]</a> Ville d'eaux thermales 27 kilomtres de Vienne.</p>
-
-<p><a id="Footnote_295" href="#FNanchor_295" class="label">[295]</a> Lord Castlereagh venait d'avoir une violente attaque de goutte:
-Londres, 29 dcembre.&mdash;Lord Castlereagh s'est trouv tellement incommod
-de la goutte pendant la journe d'hier qu'on a t oblig de le
-lever et de le coucher; peine pouvait-il se remuer le moins du monde
-sans assistance... Le mauvais temps que Sa Seigneurie a prouv pendant
-sa longue traverse de Calais Douvres a eu beaucoup d'influence
-sur sa sant... Le noble lord se proposait de partir vendredi de Londres
-pour North Cray. Mais malheureusement la goutte l'a pris jeudi (<i>Moniteur
-universel</i> du dimanche 3 janvier 1819, n<sup>o</sup> 3, p. 10).</p>
-
-<p>Londres, 31 dcembre.&mdash;Lord Castlereagh, ce que nous avons le
-plaisir d'apprendre, est beaucoup mieux aujourd'hui (<i>Moniteur universel</i>
-du mardi 5 janvier 1819, n<sup>o</sup> 5, p. 17).</p>
-
-<p><a id="Footnote_296" href="#FNanchor_296" class="label">[296]</a> Ds leur arrive au pouvoir, MM. Decazes, Gouvion Saint-Cyr
-et de Serre s'taient occups de remplacer les ultras de l'administration,
-de l'arme et de la magistrature. Le projet de modifications la
-loi lectorale tait abandonn. De nombreux rappels d'exil taient
-accords, etc., etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_297" href="#FNanchor_297" class="label">[297]</a> <span class="smcap">Trauttmansdorff-Weinsberg</span> (Maria-Thaddus, comte <span class="smcap">DE</span>). Fils
-du comte Weichard-Joseph de Trauttmansdorff. N Gratz (Styrie) le
-28 mai 1761, mort Olmtz le 17 janvier 1819. vque de Kniggraetz
-le 30 aot 1794, archevque d'Olmtz le 26 novembre 1811, cardinal-prtre
-le 8 mars 1816 (<i>Almanach de Gotha</i>, 1819.&mdash;<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>,
-<i>Moniteur des dates</i>.&mdash;<i>Almanach royal</i>, 1819).</p>
-
-<p><a id="Footnote_298" href="#FNanchor_298" class="label">[298]</a> <span class="smcap">Liechtenstein</span> (Maurice-Joseph, prince <span class="smcap">DE</span>), n Vienne le 21 juillet
-1775. Entr au service dans l'arme autrichienne en 1792, feld-marchal
-lieutenant en 1808, il mourut le 24 mars 1819.</p>
-
-<p>Il avait pous, le 13 avril 1806, Lopoldine, fille du prince Nicolas
-Esterhazy et s&oelig;ur du prince Paul, ambassadeur Londres. Ne le
-31 janvier 1788, la princesse de Liechtenstein mourut le 6 septembre
-1846 (<span class="smcap">Wurzbach</span>, <i>Biographisches Lexikon des Kaiserthums
-Oesterreich</i>, t. XV, p. 168.&mdash;<span class="smcap">Strobl von Ravelsberg</span>, <i>Metternich und
-seine Zeit</i>, t. II, p. 166).</p>
-
-<p>M. Schwebel, charg d'affaires de France, au ministre des affaires
-trangres: Vienne, 27 mars 1819... Le prince Maurice de Liechtenstein
-qui vient de mourir l'ge de quarante-quatre ans, aprs une
-longue et douloureuse maladie, est gnralement regrett. C'tait un
-gnral distingu par sa bravoure et d'un noble caractre. (<i>Archives
-du ministre des Affaires trangres</i>, Autriche, Correspondance,
-vol. 400, f<sup>o</sup> 44 verso).</p>
-
-<p><a id="Footnote_299" href="#FNanchor_299" class="label">[299]</a> La duchesse de Sagan, voir p. 110.</p>
-
-<p><a id="Footnote_300" href="#FNanchor_300" class="label">[300]</a> <span class="smcap">Albemarle</span> (William-Charles Keppel, IV<sup>e</sup> comte <span class="smcap">D</span>'), n le
-14 mai 1772, devint comte d'Albemarle la mort de son pre, le 13 octobre
-1772 et mourut en 1849. Il avait pous:</p>
-
-<p>1<sup>o</sup> le 9 avril 1792, lisabeth Southwell, fille de Lord Clifford, laquelle
-mourut le 14 novembre 1817;</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> le 11 fvrier 1822, Charlotte-Susannah, fille de Sir Henry Hunloke
-(<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_301" href="#FNanchor_301" class="label">[301]</a> Henry-Chapelle, bourgade sur la route d'Aix-la-Chapelle Spa,
-19 kilomtres de Verviers. Lors de l'excursion du prince de Metternich,
-du comte et de la comtesse de Lieven Spa, pendant le Congrs, les
-voyageurs s'taient arrts dans une auberge de ce village.</p>
-
-<p><a id="Footnote_302" href="#FNanchor_302" class="label">[302]</a> <span class="smcap">Pozzo di Borgo</span> (Charles), n le 8 mars 1764 Alala prs Ajaccio.
-Secrtaire en 1789 de l'assemble lectorale de la noblesse de Corse.
-Quitte cette le en 1796, entre au service russe comme conseiller d'tat
-en 1804, colonel en 1806, quitte aprs Tilsitt le service de la Russie
-mais y rentre en dcembre 1812. Gnral-major (1813), aide de camp
-gnral (1814), ministre, puis ambassadeur Paris, comte russe (1826),
-gnral d'infanterie (1827), ambassadeur de Russie Londres (1835-1839),
-mort Paris le 15 fvrier 1842 (Grand-duc Nicolas <span class="smcap">Mikhalovitch</span>,
-<i>Portraits russes des dix-huitime et dix-neuvime sicles</i>,
-t. II, portrait 162).</p>
-
-<p><a id="Footnote_303" href="#FNanchor_303" class="label">[303]</a> Au sujet du projet de faire nommer M. de Lieven ambassadeur
-Vienne, voir p. 62 et lettre du 31 janvier.</p>
-
-<p><a id="Footnote_304" href="#FNanchor_304" class="label">[304]</a> <i>Bottin</i> de 1819, p. 143: <span class="smcap">Huret</span> (Lopold). Ingnieur, brevet
-de S. M., de S. A. S. la duchesse douairire d'Orlans et du garde-meuble
-de la couronne, fournisseur des estafettes du gouvernement et
-des ministres. Belle collection de fermetures de combinaison, garnitures
-mobiles, etc., trs beaux portefeuilles ministriels, de voyage et
-mme de poche ferms avec ses nouveaux procds, ainsi que beaucoup
-de machines d'une utilit gnrale, toutes de son invention ou perfectionnes
-par lui. Fabrique, rue des Grands-Augustins, 5.</p>
-
-<p><a id="Footnote_305" href="#FNanchor_305" class="label">[305]</a> Jeu de mots sur les noms des quatre principaux membres du
-ministre du 29 dcembre 1818: M. Decazes, ministre de l'intrieur;
-M. de Serre, ministre de la justice; le marchal Gouvion Saint-Cyr,
-ministre de la guerre; le gnral Dessolle, ministre des affaires trangres,
-prsident du conseil.</p>
-
-<p><a id="Footnote_306" href="#FNanchor_306" class="label">[306]</a> Voir p. <a href="#Page_147">147</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_307" href="#FNanchor_307" class="label">[307]</a> Voir, p. <a href="#Page_154">154</a>, ce passage rtabli sa date.</p>
-
-<p><a id="Footnote_308" href="#FNanchor_308" class="label">[308]</a> Le comte et la comtesse Joseph Esterhazy, de retour de Paris,
-retrouvrent le prince de Metternich Florence.</p>
-
-<p><a id="Footnote_309" href="#FNanchor_309" class="label">[309]</a> C'est presque mot pour mot le texte du billet d'adieu adress par
-Mme de Lieven M. Guizot la veille de sa mort. Y aurait-il l une
-involontaire rminiscence?&mdash;(Voir <i>Souvenirs du baron de Barante</i>,
-t. VIII, p. 159).</p>
-
-<p><a id="Footnote_310" href="#FNanchor_310" class="label">[310]</a> Par le Prince Rgent qui s'y tait fait construire en 1818 un
-pavillon de style chinois. Le comte et la comtesse de Lieven, peine
-revenus de Paris, taient alls y passer quelques jours (L. G. <span class="smcap">Robinson</span>,
-<i>Letters of Dorothea, Princess Lieven, during her residence in
-London</i>, p. 38).</p>
-
-<p><a id="Footnote_311" href="#FNanchor_311" class="label">[311]</a> <span class="smcap">Lardi</span> (Paul, comte), n en 1763. vque <i>in partibus</i> d'phse,
-Nonce apostolique Vienne, mort dans cette ville le 30 dcembre 1823
-(<span class="smcap">Oettinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_312" href="#FNanchor_312" class="label">[312]</a> Les billets du 31 janvier et du 1<sup>er</sup> fvrier furent spares par Metternich
-de la lettre n<sup>o</sup> 13 et envoys postrieurement celle-ci. Il en
-informait la comtesse par ces mots placs la suite du billet du 30:
-Le reste de cette feuille et celle 6 t'arriveront par P. E. Tu verras
-la fin de la lettre pourquoi. Il en est de mme de la feuille 7 du n<sup>o</sup> 14.
-P. E. taient les initiales de Paul Esterhazy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_313" href="#FNanchor_313" class="label">[313]</a> Le Prince Rgent.</p>
-
-<p><a id="Footnote_314" href="#FNanchor_314" class="label">[314]</a> Ch. Stewart pousa en secondes noces le 3 avril Frances-Anne,
-fille unique de Sir Harry Vane-Tempest.</p>
-
-<p><a id="Footnote_315" href="#FNanchor_315" class="label">[315]</a> Cette faveur fut accorde au prince de Metternich par une lettre
-autographe de l'empereur Franois date de Paris, 21 avril 1814 (<i>Mmoires
-du prince de Metternich</i>, t. VII, p. 649).</p>
-
-<p><a id="Footnote_316" href="#FNanchor_316" class="label">[316]</a> En avant.</p>
-
-<p><a id="Footnote_317" href="#FNanchor_317" class="label">[317]</a> La Force dans le Droit.</p>
-
-<p><a id="Footnote_318" href="#FNanchor_318" class="label">[318]</a> <span class="smcap">Gordon</span> (Sir Robert), charg d'affaires de l'ambassade d'Angleterre
- Vienne pendant l'absence de Charles Stewart. N en 1791, fils de Lord
-Haddo, frre de Lord Aberdeen et de Sir Alexandre Gordon, qui fut tu
- Waterloo. Attach l'ambassade anglaise en Perse (1810), puis secrtaire
-d'ambassade la Haye. Ministre plnipotentiaire au Brsil (juillet
-1826-1828). Ambassadeur Constantinople (1828-1831), puis Vienne
-(octobre 1841-1846). Mort subitement Balmoral le 8 octobre 1847
-(<i>Dictionary of National Biography</i>, t. XXII, p. 228).</p>
-
-<p>Londres, 4 janvier.&mdash;Samedi, l'honorable M. Gordon est parti en
-qualit de charg d'affaires pour Vienne. Il passera par Paris. On dit
-qu'il va remplacer Lord Stewart, et Sa Seigneurie viendra passer quelque
-temps en Angleterre. (<i>Moniteur universel</i> du samedi 9 janvier 1819,
-n<sup>o</sup> 9, p. 34.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_319" href="#FNanchor_319" class="label">[319]</a> Disposition d'esprit mlancolique.</p>
-
-<p><a id="Footnote_320" href="#FNanchor_320" class="label">[320]</a> Mme de Lieven avait quinze ans l'poque de son mariage.</p>
-
-<p><a id="Footnote_321" href="#FNanchor_321" class="label">[321]</a> Le premier voyage de Metternich en Angleterre date de 1794. Le
-prince avait alors 21 ans et non 18.</p>
-
-<p><a id="Footnote_322" href="#FNanchor_322" class="label">[322]</a> Le marquis de Rivire, ambassadeur de France, au duc de
-Richelieu, Constantinople, 10 octobre 1818: Mirza-Abdul-Hassan-Khan,
-qui a rempli avec succs en 1810 une mission diplomatique
-importante la cour de Londres et qui, en 1814, 1815 et 1816, a rsid
- Saint-Ptersbourg, est arriv Constantinople le 26 septembre. Ce personnage
-se rend de nouveau Londres par l'Autriche et la France, et il
-est galement charg de missions pour les cours de Vienne et de Paris.</p>
-
-<p>Cet ambassadeur est un homme rellement distingu. Il parle fort
-aisment l'anglais et le russe. Il connat les intrts des puissances europennes,
-surtout les affaires de l'Inde, o il a fait un long sjour. Il a un
-esprit pntrant, beaucoup de dignit dans sa conduite, et une lvation
-d'ides peu commune chez ses compatriotes. Possesseur d'une fortune
-considrable et combl des bienfaits de Feth-Ali-Chah, il est encore
-trait par son matre d'une manire toute royale... Sa mission a essentiellement
-pour but de connatre l'tat des affaires de l'Europe, et celui
-de la France en particulier, laquelle la cour de Perse parat conserver
-une sorte de prdilection. Il aura aussi rgler avec le ministre anglais
-quelques affaires d'un haut intrt... Cet ambassadeur a eu l'honneur
-d'tre prsent Sa Majest (Louis XVIII) Hartwell et il ne parle du
-roi et de son auguste famille qu'en termes convenables. (<i>Archives
-du ministre des Affaires trangres.</i> Turquie, Correspondance. Vol. 231,
-f<sup>o</sup> 207 recto.)</p>
-
-<p>Du mme au mme. Constantinople, 25 novembre 1818: Mirza-Abdul-Hassan-Khan...
-a quitt Constantinople le 21, se dirigeant sur
-Vienne, o il espre trouver les deux empereurs de retour d'Aix-la-Chapelle.
-Tout le monde s'accorde dire beaucoup de bien de son caractre,
-de son esprit distingu et de sa noble conduite... Mirza-Abdul-Hassan-Khan
-est accompagn de quatorze personnes en tout... Mirza-Abdul-Hassan-Khan
-est trs instruit dans les langues persane, arabe et
-indienne, il parle aussi fort aisment le turc, l'anglais et le russe. Il
-souhaitait d'tre accompagn d'un Franais de mon choix, pour
-apprendre notre langue pendant le voyage, mais j'ai laiss tomber cette
-proposition, afin d'viter quelques inconvnients (<i>Ibid.</i>, f<sup>o</sup> 245).</p>
-
-<p>Mirza-Abdul-Hassan-Khan est l'auteur d'un ouvrage intitul <i>Harat-Nam</i>
-ou <i>Livre des Merveilles</i>, qui contient un long rcit des voyages
-du khan aux Indes, en Turquie, Russie, Angleterre, etc. (<span class="smcap">Beale</span>, <i>An
-Oriental Biographical Dictionary</i>, Londres, 1894).</p>
-
-<p><a id="Footnote_323" href="#FNanchor_323" class="label">[323]</a> Il n'est pas possible de voir un personnage plus taquin et plus
-pineux que Mirza-Abdul-Hassan-Khan chicanant sur toutes les tiquettes,
-avare, mais fin, rempli d'esprit, et connaissant parfaitement les usages
-europens, car il a pass trois ans Saint-Ptersbourg et quatre ans
-Londres. (<i>Souvenirs de la baronne du Montet</i>, 1785-1866, p. 183).</p>
-
-<p><a id="Footnote_324" href="#FNanchor_324" class="label">[324]</a> Nous avons t, avec Mmes de Chotek et de Kolowrath, voir
-la clbre beaut circassienne, l'esclave favorite de Mirza-Abdul-Hassan-Khan.
-Les noirs chargs de sa garde ont fait beaucoup de difficults
-pour nous admettre. Enfin, les portes se sont ouvertes et, notre grande
-surprise, nous avons vu une femme sans beaut, plutt petite que
-grande, assez maigre, peau trs jaune, cils et sourcils noirs, beaux
-grands yeux noirs, cheveux noirs et malpropres, sur lesquels elle avait
-jet quelques chiffons et de vieilles fleurs artificielles fanes et fltries,
-apparemment pour se donner une apparence de parure. Elle tait vtue
- l'europenne, d'une vilaine petite robe, raille, de mousseline jaune.
-(<i>Souvenirs de la baronne du Montet</i>, p. 184.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_325" href="#FNanchor_325" class="label">[325]</a> Voir p. <a href="#Page_41">41</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_326" href="#FNanchor_326" class="label">[326]</a> <span class="smcap">Harrowby</span> (Susan <span class="smcap">Leveson-Gower</span>, Lady). Elle tait la fille du
-premier marquis de Stafford. Elle avait pous, le 30 juillet 1795, Dudley
-Ryder, premier comte d'Harrowby et vicomte Sandon, n Londres,
-le 22 dcembre 1762. Sous-secrtaire d'tat pour les affaires trangres
-(1789), secrtaire d'tat pour les affaires trangres (1804), dmissionnaire
-la mme anne, ce dernier fut envoy sur le continent pour ngocier
-une coalition gnrale contre Napolon, mais Austerlitz mit fin
-sa mission; prsident du bureau du contrle des Indes (1809), ministre
-sans portefeuille jusqu'en 1812, ministre prsident du conseil (1812-1827),
-il mourut le 26 dcembre 1847. Lady Harrowby tait morte avant lui,
-le 26 mai 1838 (<i>Dictionary of National Biography</i>, t. L, p. 44).&mdash;Greville
-la dit suprieure toutes les femmes qu'il ait jamais connues.</p>
-
-<p><a id="Footnote_327" href="#FNanchor_327" class="label">[327]</a> <span class="smcap">Stal-Holstein</span> (Anne-Louise-Germaine <span class="smcap">Necker</span>, baronne <span class="smcap">DE</span>), ne
- Paris le 22 avril 1766, pousa le 14 janvier 1786 le baron de Stal
-qui mourut Poligny le 9 mai 1802. Elle-mme mourut le 14 juillet
-1817, Paris.</p>
-
-<p>Au cours d'un voyage en Allemagne, Mme de Stal tait arrive
-Berlin en mars 1804; elle y resta jusqu'au moment o elle fut rappele
- Coppet par la mort de son pre, en novembre 1804. M. de Metternich
-tait ambassadeur auprs de la cour de Prusse depuis le 3 janvier 1803.
-C'est donc cette priode, mars-novembre 1804, que le prince fait allusion
-dans les lignes qui suivent.</p>
-
-<p><a id="Footnote_328" href="#FNanchor_328" class="label">[328]</a> <i>Moniteur universel</i> du 21 fvrier 1819, n<sup>o</sup> 52, p. 213. Vienne,
-ce 6 fvrier.&mdash;L'ambassadeur de Perse, Mirza-Abdul-Hassan-Khan eut
-hier une audience solennelle du prince de Metternich. Elle dura un
-quart d'heure; M. de Hammer y servit d'interprte. Cet ambassadeur
-fera demain son entre solennelle; il y avait eu quelques difficults
-relatives l'tiquette, mais le prince de Metternich les a aplanies. La
-garnison formera une double haie. L'ambassadeur se rend directement
-au chteau pour avoir une audience de l'Empereur.</p>
-
-<p>Mme <span class="smcap">du Montet</span> (<i>Souvenirs</i>, p. 183) donne quelques dtails sur cette
-dernire audience: Il a appel l'Impratrice la <i>suprieure du srail</i>
-dans son discours d'audience. Elle tait prcisment entoure le jour de
-sa rception des plus respectables dames du palais, vieilles et laides.
-Ces tranges trangers ont fort diverti les lgants, mais il semble qu'ils
-nous trouvaient plus barbares qu'eux.</p>
-
-<p><a id="Footnote_329" href="#FNanchor_329" class="label">[329]</a> Feth-Ali-Chah (1797-1834).</p>
-
-<p><a id="Footnote_330" href="#FNanchor_330" class="label">[330]</a> Il y a un chemin qui conduit du c&oelig;ur au c&oelig;ur.</p>
-
-<p><a id="Footnote_331" href="#FNanchor_331" class="label">[331]</a> <i>Traduction littrale</i>: atelier du vizirat et de la majest; ordre
-du ministre et de la grandeur; renfort de l'honneur et de la magnificence;
-garant des affaires du monde; ordonnateur des vnements; vizir bni
-dont le jugement a une force pntrante qui gale celle de Jupiter
-(Jupiter la plante); digne et rvrendissime, puissant et glorieux, ferme
-et persvrant, srnissime vizir et mir; le plus magnifique, le plus
-magnanime, le plus digne, le plus considr, le plus excellent, le plus
-aim, le plus chri; exemple des grands vizirs chrtiens; modle des
-grands qui croient en Jsus; ami, le meilleur, le plus bienveillant Prince
-de Metternich, grand vizir de la haute cour allemande.</p>
-
-<p><a id="Footnote_332" href="#FNanchor_332" class="label">[332]</a> Aprs que les joues de cette fiance par lettre sont ornes de la
-rougeur de rose de souhaits amicaux, ce qui suit est vident et clair
-l'intelligence pntrante de la haute personne cite.</p>
-
-<p><a id="Footnote_333" href="#FNanchor_333" class="label">[333]</a> Nom que l'on donne au ministre des affaires trangres de Turquie.
-L'<i>Almanach royal</i> de 1819 dit que le Reiss-effendi tait alors
-Seyda-effendi; mais ce personnage avait t remplac avant le mois
-d'aot 1818 par Mouhammed-Salyh-effendi, dit Djanib-effendi. C'est ce
-dernier qui tait en fonctions en janvier et fvrier 1819 (<i>Archives du
-ministre des Affaires trangres</i>). Turquie, Correspondance. Vol. 231,
-p. 181. Traduction de la liste officielle des promotions et confirmations
-des grandes charges civiles et militaires publie, suivant l'usage, le quatrime
-jour de la lune de Chawal 1233 (6 aot 1818).</p>
-
-<p><a id="Footnote_334" href="#FNanchor_334" class="label">[334]</a> Voir p. <a href="#Page_155">155</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_335" href="#FNanchor_335" class="label">[335]</a> Bourg situ 7 kilomtres au S.-S.-E. de Neresheim et prs
-duquel se trouve le chteau de Trugenhofen, proprit de la famille de
-Tour et Taxis.</p>
-
-<p><a id="Footnote_336" href="#FNanchor_336" class="label">[336]</a> Voir p. <a href="#Page_110">110</a> et <i>Introduction</i>, <span class="smcap"><a href="#Sag">Sagan</a></span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_337" href="#FNanchor_337" class="label">[337]</a> En octobre 1814.</p>
-
-<p><a id="Footnote_338" href="#FNanchor_338" class="label">[338]</a> <span class="smcap">Constantin Pavlovitch</span> (le grand-duc). N le 8 mai 1779. Prit part
-aux campagnes de 1799, 1805, 1812, 1813 et 1814. Gnralissime des
-armes polonaises (novembre 1815). Il tait l'hritier du trne de Russie,
-mais, ds l'assassinat de son pre Paul I<sup>er</sup>, il avait manifest l'intention
-de renoncer ses droits et avait renouvel cette renonciation Alexandre
-en 1821 et en 1822. Celui-ci n'en avait pas inform le grand-duc Nicolas,
-et cette ngligence fut la cause de l'interrgne de dcembre 1825 et de
-ses sanglantes complications. Il mourut Vitepsk le 27 juin 1831
-(<i>Nouvelle Biographie gnrale</i>, vol. XI, p. 617.&mdash;<span class="smcap">Rambaud</span> et <span class="smcap">Lavisse</span>,
-<i>Histoire gnrale du quatrime sicle nos jours</i>, t. X, chap. <span class="smcap">IV</span>, <i>la
-Russie</i>, par <span class="smcap">A. Rambaud</span>).</p>
-
-<p>Le grand-duc Constantin avait rencontr Mme de Lieven Aix-la-Chapelle,
-o il tait arriv le 31 octobre. Celle-ci dit dans une lettre
-son frre Alexandre: London, 3/15 january 1819... I renewed my
-tender passages with the Grand Duke Constantine. (<i>Letters of Dorothea,
-princess Lieven, during her residence in London</i>, p. 37).</p>
-
-<p><a id="Footnote_339" href="#FNanchor_339" class="label">[339]</a> Aussi infinis que la mer.</p>
-
-<p><a id="Footnote_340" href="#FNanchor_340" class="label">[340]</a> Profonds.</p>
-
-<p><a id="Footnote_341" href="#FNanchor_341" class="label">[341]</a> Ces derniers noms sont peut-tre ceux de chiens de Lady Castlereagh.
-Voir p. <a href="#Page_80">80</a> et <a href="#Page_81">81</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_342" href="#FNanchor_342" class="label">[342]</a> A Bruxelles.</p>
-
-<p><a id="Footnote_343" href="#FNanchor_343" class="label">[343]</a> Voir p. <a href="#Page_114">114</a> et <a href="#Page_146">146</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_344" href="#FNanchor_344" class="label">[344]</a> Voir p. <a href="#Page_115">115</a>, n. 266.</p>
-
-<p><a id="Footnote_345" href="#FNanchor_345" class="label">[345]</a> <span class="smcap">Lansdowne</span> (Henry Petty-Fitzmaurice, troisime marquis <span class="smcap">DE</span>), n
-le 2 juillet 1780 Lansdowne House. Fut nomm chancelier de l'chiquier
- vingt-cinq ans (1806), mais se retira le 8 avril 1807 avec le
-ministre Grenville. Pendant vingt ans il fut l'un des chefs de l'opposition
-whig, et ne revint au pouvoir que dans le ministre Canning. Il
-fit partie ensuite comme ministre de l'intrieur du ministre de Lord Goderich,
-tomb le 8 janvier 1828.</p>
-
-<p>Prsident du conseil dans le ministre de Lord Grey (1830-1834) puis
-dans celui de Lord Melbourne (1835-1841) et enfin dans celui de Lord
-Russell (1846-1852), ministre sans portefeuille dans les cabinets de Lord
-Aberdeen (1852-1855) et de Lord Palmerston (1855). Il mourut
-Bowood le 31 janvier 1863. Pendant toute sa vie, Lansdowne fut un
-whig trs modr (<i>Dictionary of National Biography</i>, t. XLV, p. 127).</p>
-
-<p>Cannes, 5 fvrier 1863.&mdash;Vous aurez appris la mort de Lord
-Lansdowne: c'est le dernier des grands seigneurs que j'ai connus. Il n'y
-a pas eu d'hommes plus heureux au monde, du moins en apparence, si
-la considration gnrale fait quelque chose au bonheur. (<span class="smcap">Mrime</span>,
-<i>Lettres M. Panizzi</i>, 1850-1870, publies par M. Louis Fagan. Paris,
-Calmann Lvy, 1881, 2 vol. in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 307).</p>
-
-<p><a id="Footnote_346" href="#FNanchor_346" class="label">[346]</a> <span class="smcap">Grenville</span> (Anne <span class="smcap">Pitt</span>, Lady). Fille du premier baron Camelford,
-elle avait pous Lord Grenville, depuis premier ministre, le 18 juillet
-1792. Elle mourut, sans enfants, Londres le 13 juin 1864, ge de
-quatre-vingt-onze ans (<i>Dictionary of National Biography</i>, t. XXIII,
-p. 138).</p>
-
-<p><a id="Footnote_347" href="#FNanchor_347" class="label">[347]</a> Du 8 au 26 juin 1814.</p>
-
-<p><a id="Footnote_348" href="#FNanchor_348" class="label">[348]</a> <span class="smcap">Lauderdale</span> (James <span class="smcap">Maitland</span>, Lord), n le 26 janvier 1759, devint
-Lord Lauderdale la mort de son pre en 1789. Il vint Paris en aot 1792,
-se lia avec Brissot, et retourna seulement en dcembre en Angleterre. Il
-fut nomm garde du grand-sceau d'cosse le 21 juillet 1806. Le 2 aot
-suivant, il se rendit Paris comme commissaire adjoint Francis Seymour,
-comte de Yarmouth, pour conclure la paix avec la France. Les
-ngociations chourent, il retourna en Angleterre en octobre 1806 et
-rsigna ses fonctions de garde du sceau en mars 1807. Jusqu'en 1821,
-il fut le chef reconnu du parti whig en cosse, mais, partir de cette
-poque, il devint tory. Il mourut le 13 septembre 1839 (<i>Dictionary of
-National Biography</i>, vol. XXXV, p. 355).</p>
-
-<p><a id="Footnote_349" href="#FNanchor_349" class="label">[349]</a> <span class="smcap">Kaunitz</span> (Aloys-Wenceslas, prince <span class="smcap">DE</span>), n le 20 juin 1774, fils du
-prince Dominique-Andr et petit-fils du clbre chancelier Wenceslas-Antoine.
-Anciennement ministre d'Autriche Dresde, Copenhague,
-Naples et Madrid. Ambassadeur Rome (1807). Mari le 29 juillet 1798
- la comtesse Franoise Ungnad de Weissenwolf, il n'eut que quatre
-filles. Mort le 15 novembre 1848. En lui s'teignit la ligne princire
-morave des Kaunitz, aprs trois sicles et demi d'existence (<span class="smcap">Wurzbach</span>,
-<i>Biographisches Lexikon des Kaiserthums</i> <i>&OElig;sterreich</i>, t. XI, p. 63).</p>
-
-<p><a id="Footnote_350" href="#FNanchor_350" class="label">[350]</a> Mme de Lieven mit au monde, le 15 octobre 1819, son fils
-Georges.</p>
-
-<p><a id="Footnote_351" href="#FNanchor_351" class="label">[351]</a> Le prince Maurice de Liechtenstein, voir p. 147.</p>
-
-<p><a id="Footnote_352" href="#FNanchor_352" class="label">[352]</a> Femme du prince Maurice de Liechtenstein.</p>
-
-<p><a id="Footnote_353" href="#FNanchor_353" class="label">[353]</a> Le mdecin particulier du prince de Metternich tait le docteur
-de Staudenheim, n Mayence en 1764, mort Vienne le 17 mai 1830
-(<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_354" href="#FNanchor_354" class="label">[354]</a> Voir p. <a href="#Page_45">45</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_355" href="#FNanchor_355" class="label">[355]</a> <span class="smcap">Metternich-Winneburg</span> (Franois-Charles-Victor <span class="smcap">DE</span>), fils du
-prince Clment de Metternich, issu de son premier mariage avec la princesse
-de Kaunitz. N le 15 janvier 1803. Chambellan imprial et royal,
-attach la lgation d'Autriche Paris (1825). Mort le 30 novembre 1829
-(<i>Almanach de Gotha</i>, 1820 et 1830).&mdash;Les lignes qui suivent semblent
-un dmenti suffisant divers bruits qui coururent sur l'attitude du
-prince de Metternich au moment de la naissance du prince Victor, bruits
-dont M. Strobl von Ravelsberg s'est fait l'cho (<i>Metternich und seine
-Zeit</i>, p. 15).&mdash;Voir aussi <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. IV,
-p. 556 et suiv.</p>
-
-<p><a id="Footnote_356" href="#FNanchor_356" class="label">[356]</a> Bas bleus.</p>
-
-<p><a id="Footnote_357" href="#FNanchor_357" class="label">[357]</a> <span class="smcap">Kourakine</span> (prince Alexandre Borissovitch), diplomate russe. N
-le 18-29 janvier 1752, vice-chancelier de Paul I<sup>er</sup>, ambassadeur
-Vienne (1807), puis Paris (1809-1812), mort Weimar le 24 juin-6
-juillet 1818 (<i>Recueil de la Socit impriale d'histoire de Russie</i>,
-t. LX, p. 460).</p>
-
-<p><a id="Footnote_358" href="#FNanchor_358" class="label">[358]</a> Le prince Victor de Metternich.</p>
-
-<p><a id="Footnote_359" href="#FNanchor_359" class="label">[359]</a> <span class="smcap">Frank</span> (Jean-Pierre), n le 19 mars 1745 Rothalben, dans
-le margraviat de Baden-Gravenstein. Mdecin de Marie-Louise et
-du duc de Reichstadt. Il mourut Vienne le 24 avril 1821 (<span class="smcap">Wurzbach</span>,
-<i>Biographisches Lexikon des Kaiserthums Oesterreich</i>, t. IV, p. 320).</p>
-
-<p><a id="Footnote_360" href="#FNanchor_360" class="label">[360]</a> Le prince Maurice de Liechtenstein mourut cependant le 24 mars
-suivant.</p>
-
-<p><a id="Footnote_361" href="#FNanchor_361" class="label">[361]</a> La princesse Maurice de Liechtenstein, dont Mme de Lieven tait
-jalouse. Voir p. <a href="#Page_148">148</a> et <a href="#Page_218">218</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_362" href="#FNanchor_362" class="label">[362]</a> Le prince de Metternich sa femme, Vienne, ce 5 mars 1819.
-... Voici mon plan de voyage: Je compte coucher: le 8 Schottwien, le
-9 Loben, le 10 Klagenfurt, le 11 Pontebba, le 12 Conegliano,
-le 13 Vrone, le 14 Modne, le 15 Scarica l'Asino, le 16 Florence.
-(<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 191).</p>
-
-<p>En ralit, les tapes du voyage furent le 8 Schottwien, le 9 Kraupath,
-le 10 Friesach, le 11 Tarvis, le 12 Conegliano, le 13 Vrone, le
-14 Bologne, le 15 Florence.</p>
-
-<p><a id="Footnote_363" href="#FNanchor_363" class="label">[363]</a> Voir p. <a href="#Page_215">215</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_364" href="#FNanchor_364" class="label">[364]</a> <span class="smcap">Esterhazy de Galantha</span> (Nicolas, prince), n le 12 dcembre 1765.
-Envoy Paris (1801) puis Londres et enfin Saint-Ptersbourg
-(1802). Napolon aurait voulu, dit-on, le faire roi de Hongrie. Ambassadeur
- Naples (1816). Il mourut Cme le 25 novembre 1833
-(<span class="smcap">Wurzbach</span>, <i>Biographisches Lexikon des Kaiserthums Oesterreich</i>, t. IV,
-p. 102.&mdash;<i>Biographie universelle</i>, dit. 1850, t. XIII, p. 106.&mdash;<i>Biographie
-gnrale</i>, t. XVI, p. 475).</p>
-
-<p>Il avait pous, le 15 septembre 1783, Marie-Josphe-Hermenegilde
-de Liechtenstein, ne en 1768, morte en 1845, et tait le pre du prince
-Paul Esterhazy (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_365" href="#FNanchor_365" class="label">[365]</a> Ce portrait de la princesse Clmentine fut livr au prince de Metternich
-quelques jours avant la mort de sa fille.</p>
-
-<p><a id="Footnote_366" href="#FNanchor_366" class="label">[366]</a> <span class="smcap">Palladio</span> (Andra), n Vicence le 30 novembre 1518, mort
-Venise le 19 aot 1580. Il construisit Vicence la Basilica Palladiana,
-construction grandiose deux rangs d'arcades superposes commence
-en 1549, le palais del Capitanio (1571), le palais Chiericati aujourd'hui
-muse municipal, le Thtre olympique termin aprs sa mort en
-1584, etc., etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_367" href="#FNanchor_367" class="label">[367]</a> Le prince de Metternich sa femme. Florence ce 18 mars...
-A Bologne, le cardinal lgat m'a attendu avec deux socits pries et
-deux soupers prts&mdash;l'un chez lui, et l'autre chez Marescalchi o j'ai
-log. Dans la difficult du choix, j'ai pris le parti d'aller me coucher et
-de laisser souper les deux compagnies tant qu'elles l'ont voulu, aprs
-avoir fraternis avec Son Eminence pendant peu prs deux heures <i>in
-camera caritatis</i>. (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 192).</p>
-
-<p>L'archevque de Bologne tait, en mars 1819, Mgr Carlo Oppizzoni,
-n Milan, le 5 avril 1769, archevque de Bologne le 20 septembre 1802,
-cardinal le 26 mars 1804, mort Rome le 14 avril 1855 (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>,
-<i>Moniteur des dates</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_368" href="#FNanchor_368" class="label">[368]</a> De faux pas.</p>
-
-<p><a id="Footnote_369" href="#FNanchor_369" class="label">[369]</a> Rafrachissements.</p>
-
-<p><a id="Footnote_370" href="#FNanchor_370" class="label">[370]</a> Le prince de Metternich sa femme. Florence, ce 18 mars...
-Je loge ici au palais Dragomanni. La matresse de ma maison est veuve,
-et c'est cette danseuse enrage de la <i>Furlana</i> que vous avez vue aux
-bals de Mme lisa, en 1810, Paris. Elle a neuf ans de plus et ne
-danse plus, mais ma vertu est couvert, tout comme si elle dansait
-encore avec son imptuosit ancienne. Je n'ai jamais aim les bourrasques
-et les ouragans. Les fentres de ma chambre coucher donnent
-sur un jardin o tout est en fleur. (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>,
-t. III, p. 193).</p>
-
-<p><a id="Footnote_371" href="#FNanchor_371" class="label">[371]</a> Le grand-duc de Toscane tait alors Ferdinand III, archiduc
-d'Autriche, n le 6 mai 1769, qui succda son pre Lopold I<sup>er</sup> le 2 juillet
-1790, cda la Toscane et reut en change, le 27 avril 1803, l'archevch
-de Salzbourg, changea encore cet archevch contre l'lectorat
-de Wurzbourg le 26 dcembre 1805. Il cda de nouveau ce dernier et
-reprit la Toscane le 30 mai 1814. Il avait pous l'infante Louise-Amlie,
-fille de Ferdinand IV des Deux-Siciles. Il perdit sa femme, le 19 septembre
-1802, et mourut lui-mme le 18 juin 1824.</p>
-
-<p>Son pre, le grand-duc Lopold I<sup>er</sup>, dont M. de Metternich parle ci-dessus,
-tait n le 5 mai 1747. Il devint grand-duc de Toscane en 1765.
-A la mort de son frre, Joseph II, en 1790, il lui succda comme
-empereur d'Allemagne sous le nom de Lopold II et mourut subitement
-le 1<sup>er</sup> mars 1792 (<i>Allgemeine Deutsche Biographie</i>, t. XVIII,
-p. 322.&mdash;<i>Almanach de Gotha.</i>&mdash;<span class="smcap">Strobl von Ravelsberg</span>, <i>Metternich
-und seine Zeit</i>, p. 370).</p>
-
-<p><a id="Footnote_372" href="#FNanchor_372" class="label">[372]</a> <span class="smcap">Rossini</span> (Gioacchino), n Pesaro le 29 fvrier 1792, mort en 1868.
-Son <i>Otello</i> avait t jou pour la premire fois en 1816, Naples, sur
-la scne du thtre del Fondo.</p>
-
-<p><a id="Footnote_373" href="#FNanchor_373" class="label">[373]</a> Le marquis de Caraman, voir p. 117.</p>
-
-<p><a id="Footnote_374" href="#FNanchor_374" class="label">[374]</a> <span class="smcap">Krusemarck</span> (Frdric-Guillaume-Louis <span class="smcap">DE</span>). Ministre de Prusse
- Vienne. N le 9 avril 1767. Accrdit comme charg d'affaires prs
-du gouvernement franais le 2 janvier 1810 puis comme ministre plnipotentiaire
-le 28 janvier suivant, occupa ce dernier poste jusqu'en
-1813. Pendant la campagne de 1814, il fut quelque temps gouverneur
-militaire du pays entre l'Elbe et le Weser. Ministre de Prusse Vienne
-(dcembre 1815), il exera cette fonction jusqu' sa mort survenue le
-25 avril 1822 (<span class="smcap">Potens</span>, <i>Handwrterbuch der Militr-Wissenschaften</i>,
-t. VI, p. 77.&mdash;<i>Allgemeine Deutsche Biographie</i>, t. XVI, p. 269).</p>
-
-<p><a id="Footnote_375" href="#FNanchor_375" class="label">[375]</a> Voir p. <a href="#Page_167">167</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_376" href="#FNanchor_376" class="label">[376]</a> Cette date et les lignes qui suivent permettent de croire que le
-personnage dsign par l'initiale D. est le prince Pierre Petrovitch
-<span class="smcap">Dolgorouki</span>, n le 19 dcembre 1777, aide de camp gnral (23 dcembre
-1798) et favori d'Alexandre I<sup>er</sup>, charg par lui de plusieurs
-ngociations diplomatiques en 1805 et 1806, commandant la ville de
-Smolensk, mort le 6 dcembre 1806 la suite de sa disgrce et
-enterr dans le couvent d'Alexandre Nevski (<span class="smcap">Ermerin</span>, <i>Annuaire de la
-noblesse de Russie</i>, 1889, p. 93.&mdash;<i>Recueil de la Socit impriale
-d'histoire de Russie</i>, t. LX, <i>Liste alphabtique de personnages russes
-pour un dictionnaire biographique russe</i>, p. 211).</p>
-
-<p>Les ngociations de Berlin en 1805 auxquelles fait allusion le prince
-de Metternich, avaient pour but d'entraner la Prusse dans la coalition
-de l'Autriche et de la Russie contre la France. Le prince Dolgorouki
-tait arriv dans les premiers jours d'octobre, porteur d'une lettre du
-Tsar demandant pour la seconde fois le passage travers les territoires
-prussiens pour les armes russes. Frdric-Guillaume hsita tout d'abord,
-mais Bernadotte ayant viol le territoire d'Anspach, le roi renvoya le
-prince Dolgorouki au Tsar, porteur de l'autorisation demande. Un
-trait fut sign le 3 novembre entre les trois cours, mais Austerlitz
-allait bientt le rendre inutile.</p>
-
-<p>M. de Metternich dit dans ses <i>Mmoires</i>, t. I, p. 41, propos de ces
-pourparlers: Plus tard l'empereur Alexandre expdia un des jeunes
-conseillers dont il s'tait entour depuis son avnement: c'tait un de
-ses aides de camp, le prince Dolgorouki, homme d'esprit, plein de feu,
-mais nullement fait pour une mission trop dlicate pour une nature
-comme la sienne. Son matre lui ayant recommand de ne rien faire
-sans moi, je pus bien le diriger un peu, mais non lui dicter sa conduite.</p>
-
-<p>Le 4 mai 1803, Mme de Lieven racontait son frre l'histoire d'un
-duel qui avait mis aux prises Dolgorouki et Borodine. Le premier avait
-provoqu le second et il avait reu une balle au-dessus du genou.
-Elle y est encore; il est couch et je crois pour longtemps. Il faut
-que j'aie le c&oelig;ur bien mauvais, mais en vrit cela m'a fait plaisir. Toute
-la ville se moque de Dolgorouki... Mon Dieu! comme il est bte, cet
-homme d'esprit! (Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle
-dernier</i>, p. 58).</p>
-
-<p>Si donc nous ne nous trompons pas sur le nom de Dolgorouki,
-l'amour de Mme de Lieven pour ce dernier tait dj mort en mai 1803...
-ou il n'tait pas encore n.</p>
-
-<p><a id="Footnote_377" href="#FNanchor_377" class="label">[377]</a> <span class="smcap">Burghersh</span> (John <span class="smcap">Fane</span>, XI<sup>e</sup> comte <span class="smcap">de Westmoreland</span>, connu,
-jusqu' la mort de son pre en 1841, sous le nom de Lord), ministre
-d'Angleterre Florence. N Londres le 3 fvrier 1784. D'abord officier
-dans l'arme anglaise, il fut envoy le 14 aot 1814 Florence
-comme ministre plnipotentiaire. Ministre Berlin de 1841 1851.
-Ambassadeur Vienne (1851-novembre 1855). Il fut promu gnral
-le 20 juin 1854 et mourut Apthorpe House, Northamptonshire, le
-16 octobre 1859.</p>
-
-<p>Il avait tudi le violon et la composition avec Hague, Zeidler, Platoni,
-Portogallo et Bianchi. Ce fut lui qui proposa la cration de l'Acadmie
-royale de musique de Londres, qui fut ouverte le 24 mars 1823.</p>
-
-<p>Lord Burghersh composa sept opras (<i>Bajazet</i>, <i>Fedra</i>, <i>Il Torneo</i>,
-<i>l'Eroe di Lancastro</i>, etc.) trois cantates, des messes et de nombreuses
-&oelig;uvres symphoniques (<i>Dictionary of National Biography</i>, vol. XVIII,
-p. 176).</p>
-
-<p><a id="Footnote_378" href="#FNanchor_378" class="label">[378]</a> <span class="smcap">Canova</span> (Antoine), n le 1<sup>er</sup> novembre 1757 Possagno, province
-de Trvise, mort Venise le 12 octobre 1822. Sa statue de Perse, en
-marbre, est actuellement au muse du Vatican.</p>
-
-<p><a id="Footnote_379" href="#FNanchor_379" class="label">[379]</a> <span class="smcap">Richelieu</span> (Louis-Franois-Armand <span class="smcap">de Vignerot du Plessis</span>, duc
-<span class="smcap">DE</span>). N Paris le 13 mars 1696. Ambassadeur Vienne (1725-1727),
-en Saxe (1746), marchal de France (11 octobre 1748), membre de
-l'Acadmie franaise (25 novembre 1720). Mort Paris le 8 aot 1788
-(R. <span class="smcap">Bonnet</span>, <i>Isographie des membres de l'Acadmie franaise</i>, p. 239).</p>
-
-<p><a id="Footnote_380" href="#FNanchor_380" class="label">[380]</a> Le mme jour, 22 mars, le prince de Metternich crivait la
-princesse lonore sa femme une lettre o il lui faisait, peu prs dans
-les mmes termes que dans la prsente, le rcit de la fte du 20 mars.
-Les deux pages, celle adresse l'pouse et celle destine la matresse,
-sont curieuses comparer (Voir <i>Mmoires du prince de Metternich</i>,
-t. III, p. 193).</p>
-
-<p><a id="Footnote_381" href="#FNanchor_381" class="label">[381]</a> Fonde au seizime sicle aux Offices, la manufacture de mosaques
-tait installe depuis 1797 dans les btiments du palais de l'Acadmie
-des beaux-arts, o elle se trouve encore (via degli Alfani, 82). A cette
-fabrique est joint le Muse des ouvrages en pierres dures (<i>Museo dei
-Lavori in Pietre dure</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_382" href="#FNanchor_382" class="label">[382]</a> <span class="smcap">Apponyi</span> (Antoine-Rodolphe, comte), n le 7 dcembre 1782
-d'une trs ancienne famille hongroise, ministre d'Autriche Florence,
-puis ambassadeur Rome, Londres (mai 1824), Paris o il resta
-jusqu'en 1849. Le 17 aot 1808, il avait pous Thrse, comtesse
-Nogarola de Vesone, et il mourut le 17 octobre 1852 (<span class="smcap">Wurzbach</span>, <i>Biographisches
-Lexikon des Kaiserthums &OElig;sterreich</i>, vol. I, p. 57).</p>
-
-<p>Mme de Lieven devait se lier plus tard avec Mme Apponyi, lors de
-l'ambassade de M. Apponyi Londres. Elle retrouva ses amis Paris.
-L'une de ses nices, fille du comte Alexandre de Benckendorf, pousa
-le fils de l'ambassadeur d'Autriche.</p>
-
-<p><a id="Footnote_383" href="#FNanchor_383" class="label">[383]</a> <span class="smcap">Dillon</span> (douard, comte), n en Angleterre vers l'an 1750 sans que
-l'on puisse dterminer la ville et l'poque, de Robert Dillon et de Marie
-Disconson d'aprs un acte de notorit qu'il se fit dlivrer le 3 juillet
-1819. Toutefois, sur ses tats de service, il est dit: n le
-21 juin 1750, d'aprs sa dclaration. Page du roi en la Grande
-curie (1766), sous-lieutenant de carabiniers (20 avril 1768), sous-aide
-major (20 fvrier 1774), rang de capitaine dans Royal-Allemand-Cavalerie
-(17 avril 1774), capitaine commandant d'une compagnie de mestre
-de camp dans le rgiment des Carabiniers (2 juillet 1774). Rform la
-formation de 1776. Rang de colonel, 29 dcembre 1777. Attach en
-qualit de colonel au rgiment d'infanterie de Dillon (21 mars 1779),
-mestre de camp commandant le rgiment de Provence ci-devant Blaisois
-(13 avril 1780). Quitta le corps en juillet 1791. Servit pendant l'migration
-dans le rgiment de Dillon, dont le roi l'avait nomm colonel
-propritaire, et obtint le rang de lieutenant-gnral le 23 aot 1814,
-suivit le roi Gand en 1815, fut nomm lieutenant-gnral titulaire
-pour tenir rang du 1<sup>er</sup> juillet 1815, retrait le 20 fvrier 1820. Trs en
-faveur la cour de Marie-Antoinette, il y tait connu sous le nom de
-Beau Dillon. Mme de Boigne dit de lui qu'il tait trs beau, trs
-fat, trs la mode. Pendant la Restauration, il avait t nomm
-ministre de France Dresde en 1816 et il passa de ce poste celui de
-Florence en 1818. Il fut, en 1821, nomm premier matre de la garde-robe
-de Monsieur, et mourut en 1839. Il avait pous en 1777 Fanny,
-fille de Sir Robert Harland, une crole de la Martinique, dit Mme de
-Boigne. douard Dillon tait l'oncle maternel de cette dernire (<i>Archives
-administratives du ministre de la guerre</i>.&mdash;<i>Mmoires de Mme de
-Boigne</i>, t. I, p. 194.&mdash;<i>Dictionary of National Biography</i>, t. XV,
-p. 82).</p>
-
-<p><a id="Footnote_384" href="#FNanchor_384" class="label">[384]</a> <span class="smcap">Burghersh</span> (Priscilla <span class="smcap">Wellesley-Pole</span>, Lady), femme du ministre
-d'Angleterre Florence. (Voir p. <a href="#Page_253">253</a>.) Ne le 13 mars 1793, elle tait la
-fille de William Wellesley-Pole et la petite-fille de l'amiral John Forbes.
-Elle se maria le 26 juin 1811. Lady Burghersh tait une artiste distingue
- laquelle sont dus plusieurs portraits remarquables, entre autres
-celui de la comtesse de Mornington. Elle mourut Londres le 18 fvrier
-1879 (<i>Dictionary of National Biography</i>, t. XVIII, p. 179).</p>
-
-<p><a id="Footnote_385" href="#FNanchor_385" class="label">[385]</a> Frdric-Guillaume III fut en effet pris de Georgine Dillon, fille
-d'douard. C'tait, d'aprs Mme de Boigne, une jeune personne charmante
-de figure et de caractre. Le roi lui proposa de l'pouser et de
-la crer duchesse de Brandebourg, mais elle refusa, malgr le dsir de
-ses parents de voir ce mariage se conclure. Mme de Boigne, dans ses
-<i>Mmoires</i> (t. II, p. 309), raconte l'histoire de ce projet. C'est la suite de
-l'chec de celui-ci que Dillon obtint sa mutation de Dresde Florence
-(1818). Georgine Dillon pousa le comte Karolyi. Mme du Montet
-fait d'elle ce portrait: Mme de Karoly serait extrmement jolie, sans
-la fixit de son regard. Le prince de Ruffo, cause de sa pleur et de
-ce regard, l'appelle un ange mort (<i>Souvenirs de la baronne du
-Montet</i>, p. 221).&mdash;Georgine Dillon tait ne le 10 mai 1799 et mourut
-le 3 mai 1827 (communication de M. le vicomte Rvrend).</p>
-
-<p><a id="Footnote_386" href="#FNanchor_386" class="label">[386]</a> Femme du ministre de Russie Florence, Nicolas Fdorovitch
-<span class="smcap">Khitroff</span> ou <span class="smcap">Hitroff</span>, gnral-major, ministre plnipotentiaire auprs du
-grand-duc de Toscane de 1816 1819 (<i>Recueil de la Socit impriale
-d'histoire de Russie</i>, t. LXII, <i>Liste alphabtique, etc.</i>&mdash;<i>Moniteur
-universel</i>, 4 octobre 1816, n<sup>o</sup> 278, p. 118).</p>
-
-<p><a id="Footnote_387" href="#FNanchor_387" class="label">[387]</a> Voir p. <a href="#Page_56">56</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_388" href="#FNanchor_388" class="label">[388]</a> <span class="smcap">Hunt</span> (Henry). Homme politique et agitateur anglais, n le 6 novembre
-1773, qui, partir de 1816, organisa de nombreux meetings populaires,
-notamment celui de Manchester qui fut dispers violemment par
-la yeomanry (16 aot 1819) et la suite duquel Hunt fut condamn
-deux ans de prison. Membre de la Chambre des communes de 1830
-1833, il mourut de paralysie le 15 fvrier 1835 (<i>Dictionary of National
-Biography</i>, t. XXVIII, p. 264).</p>
-
-<p><a id="Footnote_389" href="#FNanchor_389" class="label">[389]</a> <span class="smcap">Kinnaird</span> (Charles, Lord), n 8 avril 1780; membre de la Chambre
-des communes de 1802 1805, il vota constamment avec les whigs. Il
-fut nomm, en 1806, pair reprsentatif d'cosse. Lord Kinnaird rsida
-beaucoup sur le continent. Il avait pous, en mai 1806, Lady Olivia
-Fitzgerald, dernire fille du second duc de Leinster, et mourut le 11 dcembre
-1826 (<i>Dictionary of National Biography</i>, t. XXXI, p. 189).&mdash;Lady
-K. est peut-tre Lady Kinnaird.</p>
-
-<p><a id="Footnote_390" href="#FNanchor_390" class="label">[390]</a> <span class="smcap">Cholmondeley</span> (George-James, premier marquis de), n le 11 mai
-1749, mort le 10 avril 1827. Cr marquis le 22 novembre 1815. pouse
-le 25 avril 1795 Charlotte Bertie (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).&mdash;Son
-pre, George, vicomte Malpas, mort en 1764, avait eu de son mariage
-avec Hester, fille de Sir Francis Edwards: 1<sup>o</sup> George-James dont il
-vient d'tre question; 2<sup>o</sup> une fille, Hester, qui pousa William Clapcott-Lisle,
-dont elle eut une fille, marie Charles Arbuthnot (John <span class="smcap">Burke</span>,
-<i>A genealogical and heraldical Dictionary of the Peerage and Baronetage
-of the British Empire</i>, in-4<sup>o</sup>, Londres, Henry Colburn, 1845,
-p. 206).&mdash;Cette dernire tait donc la nice de Lord Cholmondeley.</p>
-
-<p>Lord Arbuthnot, n en 1767, sous-secrtaire d'tat aux affaires trangres,
-de novembre 1803 juin 1804, fut ensuite ambassadeur extraordinaire
- Constantinople en 1807. Il mourut en 1850. Aprs la mort de
-sa premire femme, il pousa Harriett, troisime fille de Henry Fane (<i>Dictionary
-of National Biography</i>, t. II, p. 61).</p>
-
-<p>D'aprs ce qui prcde, il est donc vraisemblable que la Lady A. dont
-parle M. de Metternich est Lady Harriett Arbuthnot.</p>
-
-<p><a id="Footnote_391" href="#FNanchor_391" class="label">[391]</a> <span class="smcap">Fremantle</span> (Sir Thomas-Francis). N en 1765, il entra douze ans
-dans la marine. Amiral en 1810, il fut charg la mme anne d'un commandement
-dans la Mditerrane et, en avril 1812, de celui de l'escadre
-de l'Adriatique. En 1818, il fut nomm au commandement en chef des
-forces navales anglaises dans la Mditerrane, mais n'exera ce commandement
-que pendant dix-huit mois, tant mort Naples le 19 dcembre
-1819 (<i>Dictionary of National Biography</i>, t. XX, p. 248).</p>
-
-<p><a id="Footnote_392" href="#FNanchor_392" class="label">[392]</a> <span class="smcap">Caraccioli</span> (Dominique, marquis) n Naples en 1715. Ambassadeur
-de Naples Londres (1763), Paris (1770). Vice-roi de Sicile
-(1780). Ministre des affaires trangres (1786), mort en 1799 (<i>Biographie
-universelle</i> (Michaud), t. VI, p. 642).</p>
-
-<p><a id="Footnote_393" href="#FNanchor_393" class="label">[393]</a> <span class="smcap">George III</span> (George-Guillaume-Frdric), n Londres le 4 juin
-1738. Roi d'Angleterre le 25 octobre 1760. Aprs plusieurs crises, sa
-raison s'teignit compltement en octobre 1810 et le gouvernement fut
-confi au Prince-Rgent. Devenu aveugle, il mourut le 20 janvier 1821.
-Il avait pous en 1761 Charlotte-Sophie de Mecklembourg-Strelitz
-(1744-1818) (<i>Dictionary of National Biography</i>, t. XXI, p. 172).</p>
-
-<p><a id="Footnote_394" href="#FNanchor_394" class="label">[394]</a> <span class="smcap">Generali</span> (Pierre), compositeur italien, matre de chapelle de la
-cathdrale de Novare. N Rome le 4 octobre 1783, mort Novare le
-3 novembre 1832 (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_395" href="#FNanchor_395" class="label">[395]</a> L'archiduc Maximilien, qui faisait alors un voyage en Angleterre.
-Extrait du <i>Journal de Portsmouth</i>.&mdash;L'archiduc Maximilien d'Autriche,
-cousin de l'Empereur et gnral d'artillerie son service, est
-arriv lundi soir avec sa suite l'auberge du Roi George... Ce prince est
-g d'environ trente-cinq ans; il montre une grande politesse et un dsir
-ardent de s'instruire du jeu des diverses machines, de leur principe et
-de leur emploi. (<i>Moniteur universel</i> du 19 janvier 1819, n<sup>o</sup> 19, p. 74).&mdash;Nouvelles
-de Londres.&mdash;L'archiduc Maximilien habite l'htel Clarendon.
-Il restera encore deux mois en Angleterre. (<i>Gazette d'Augsbourg</i>,
-7 fvrier 1819, n<sup>o</sup> 38, p. 148).&mdash;Il s'embarque Douvres pour
-revenir sur le continent le 19 mars (<i>Ibid.</i>, 2 avril 1819, n<sup>o</sup> 92, p. 365).&mdash;Maximilien-Joseph-Jean,
-fils de l'archiduc Ferdinand-Charles-Antoine,
-de la branche d'Este-Modne, n le 14 juillet 1782, gnral
-feldzeugmeister autrichien, mort clibataire Ebenzweier le 1<sup>er</sup> juin
-1863 (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).&mdash;Il est l'inventeur d'un systme
-de fortification connu sous le nom de tours maximiliennes (<i>maximilianische
-Thrme</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_396" href="#FNanchor_396" class="label">[396]</a> <span class="smcap">Zondadari</span> (Antoine-Flix), n Sienne le 14 janvier (ou juin) 1740.
-Archevque de Sienne le 1<sup>er</sup> juin 1795, cardinal le 25 fvrier 1821, mort
-le 13 avril 1823 (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>.&mdash;<span class="smcap">Gams</span>, <i>Series
-episcoporum</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_397" href="#FNanchor_397" class="label">[397]</a> La comtesse Marie Esterhazy avait pris son service un ancien
-courrier de Mme de Lieven. Voir p. <a href="#Page_142">142</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_398" href="#FNanchor_398" class="label">[398]</a> <span class="smcap">Severoli</span> (Antoine-Gabriel), n Faenza (tats de l'glise) le
-28 fvrier 1757. vque de Viterbe et de Toscanella le 11 janvier
-1808, cardinal le 8 mars 1816, mort Rome le 8 septembre 1824
-(<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_399" href="#FNanchor_399" class="label">[399]</a> <span class="smcap">Farnse</span> (Alexandre), n le 29 fvrier 1468 Canino, cardinal en
-1493, pape en 1534 sous le nom de Paul III, mort Rome le 10 novembre
-1549 (<i>Nouvelle biographie gnrale</i> (Didot), t. XXXIX,
-col. 373).</p>
-
-<p><a id="Footnote_400" href="#FNanchor_400" class="label">[400]</a> <span class="smcap">Vignola</span> (Giacomo <span class="smcap">Barozzio</span>, dit <span class="smcap">DA</span>). N en 1507 Vignola, mort
-en 1573 (<i>Nouvelle biographie gnrale</i> (Didot), t. XLVI, col. 146).</p>
-
-<p><a id="Footnote_401" href="#FNanchor_401" class="label">[401]</a> Le prince de Metternich sa femme: Rome, ce 2 avril.&mdash;Arriv
- la Consulta, o je loge et o le cardinal Consalvi m'attendait avec une
-foule de gens dont il a compos ma maison, j'ai t pris tout d'abord
-d'une vritable frayeur la vue de mon appartement. Il se compose de
-vingt-cinq salons magnifiques. Marie a pour elle la moiti de moins.
-(<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 195).</p>
-
-<p><a id="Footnote_402" href="#FNanchor_402" class="label">[402]</a> Le prince de Metternich sa femme: Rome, ce 2 avril.&mdash;Il en a
-t pour moi de Rome comme d'une personne que j'aurais voulu
-deviner, faute de la connatre. On se trompe toujours dans ces sortes de
-calculs. Je l'ai trouve tout autre que je n'avais suppos; j'ai cru Rome
-vieille et sombre, elle est antique et superbe, resplendissante et neuve.
-(<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 194).</p>
-
-<p><a id="Footnote_403" href="#FNanchor_403" class="label">[403]</a> <span class="smcap">Pie VII</span> (Grgoire-Barnab-Louis <span class="smcap">Chiaramonti</span>). N Cesena (tats
-de l'glise), le 14 aot 1742, vque de Tivoli 1782, cardinal et vque
-d'Imola le 14 fvrier 1785. lu pape, Venise, le 14 mars 1800. Signe
-le Concordat avec Napolon, vient sacrer l'Empereur Paris (2 dcembre
-1804). Enlev de Rome par le gnral Radet dans la nuit du 5 au 6 juillet
-1809, il fut gard prisonnier Grenoble, puis Savone et enfin
-Fontainebleau. Il rentra Rome le 25 mai 1814 et mourut le 20 aot
-1823 (<i>Nouvelle Biographie gnrale</i> (Didot), t. XL, col. 109).</p>
-
-<p><a id="Footnote_404" href="#FNanchor_404" class="label">[404]</a> Le prince de Metternich sa femme: Rome, ce 2 avril.&mdash;Ma
-premire sortie a donc t pour lui faire ma cour (au pape). Il m'a reu
-comme il pourrait recevoir un vieil ami; il m'a parl sur-le-champ de
-notre correspondance pendant qu'il tait prisonnier Savone. (<i>Mmoires
-du prince de Metternich</i>, t. III, p. 195).</p>
-
-<p><a id="Footnote_405" href="#FNanchor_405" class="label">[405]</a> Le prince de Metternich sa femme: Rome, ce 3 avril.&mdash;Hier
-matin, nous avons t voir le Forum de Trajan, restes magnifiques de
-l'antiquit.</p>
-
-<p>Puis, nous avons t visiter les ateliers de Canova et de Thorvaldsen
-ainsi que deux autres, d'artistes trs remarquables... L'Empereur est
-arriv 4 heures et demie. Nous l'avons attendu dans son appartement.</p>
-
-<p>Du mme la mme: Ce 4 avril.&mdash;Je ferme ma lettre au moment
-o je me rends au Quirinal pour la fte des Rameaux. La crmonie
-durera trois heures... Marie vous parle sans doute de nos courses d'hier
-matin. Nous avons pass quatre heures dans la Rome des Csars, au
-milieu des plus magnifiques dcombres des constructions la fois les
-plus sublimes et les plus gigantesques que le gnie humain ait cres
-(<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 197).</p>
-
-<p><a id="Footnote_406" href="#FNanchor_406" class="label">[406]</a> La villa Mills.</p>
-
-<p><a id="Footnote_407" href="#FNanchor_407" class="label">[407]</a> Le Cirque Maximus.</p>
-
-<p><a id="Footnote_408" href="#FNanchor_408" class="label">[408]</a> Voir p. <a href="#Page_262">262</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_409" href="#FNanchor_409" class="label">[409]</a> M. de Metternich veut parler de Saint-Paul-hors-les-murs, basilique
-difie entre 375 et 385 par Valentinien II et Thodose I<sup>er</sup>. Construite
-sur l'emplacement d'une chapelle dont la construction avait t
-commence par Constantin, elle contenait quatre-vingts colonnes de
-marbre violet et de marbre de Paros. Cette basilique fut incendie
-en 1823 et reconstruite par Lon XII.</p>
-
-<p><a id="Footnote_410" href="#FNanchor_410" class="label">[410]</a> Samedi saint.</p>
-
-<p><a id="Footnote_411" href="#FNanchor_411" class="label">[411]</a> <span class="smcap">Sandwich</span> (Mariana-Juliana-Louisa Corry, Lady), ne le 3 avril 1781,
-pousa le 9 juillet 1804 George-John Montagu, VI<sup>e</sup> comte de Sandwich,
-n le 5 mars 1773, mort Rome le 21 mai 1818. Aprs la mort
-de son mari, Lady Sandwich resta quelque temps Rome. Elle mourut
- Londres le 19 avril 1862 (<span class="smcap">&OElig;ttinger</span>, <i>Moniteur des dates</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_412" href="#FNanchor_412" class="label">[412]</a> Cicisbeo, mot italien d'o vient le franais Sigisbe.</p>
-
-<p><a id="Footnote_413" href="#FNanchor_413" class="label">[413]</a> M. de Metternich veut parler ici de l'illumination de la coupole de
-Saint-Pierre. La seconde illumination, qui eut lieu 8 heures, comprenait
-l'embrasement de la faade et de la colonnade (<i>Mmoires du
-prince de Metternich</i>, t. III, p. 202).</p>
-
-<p><a id="Footnote_414" href="#FNanchor_414" class="label">[414]</a> Le prince de Metternich sa femme: Rome ce 13 avril.&mdash;Le
-feu d'artifice au chteau Saint-Ange... est le plus beau que j'aie vu,
-et je suppose, le plus beau que l'on puisse voir.</p>
-
-<p>Vous vous souvenez sans doute de la girandole tire de la place
-Louis XV en 1810. Eh bien! c'est ce mme nombre de fuses tires
-d'un plateau isol et lev 150 ou 200 pieds, et qui donne l'ensemble
-l'aspect du Vsuve en ruption. Le reste du feu a reprsent
-l'ancien difice avec ses centaines de colonnes, son immense fontaine,
-etc. Le tout a fini par trois girandoles dont l'une s'est leve du
-haut de l'difice, les deux autres du plan infrieur et latral (<i>Mmoires
-du prince de Metternich</i>, t. III, p. 202).</p>
-
-<p><a id="Footnote_415" href="#FNanchor_415" class="label">[415]</a> Au sud de la porte Saint-Laurent. Cet difice, construit au troisime
-sicle de l're chrtienne, tait en ralit une nymphe qui faisait
-partie de thermes aujourd'hui disparus. Sa vote s'croula en 1828.</p>
-
-<p><a id="Footnote_416" href="#FNanchor_416" class="label">[416]</a> Vous tes Anglais?</p>
-
-<p><a id="Footnote_417" href="#FNanchor_417" class="label">[417]</a> Ils ne payent jamais rien.</p>
-
-<p><a id="Footnote_418" href="#FNanchor_418" class="label">[418]</a> Un pourboire de deux pauli.</p>
-
-<p><a id="Footnote_419" href="#FNanchor_419" class="label">[419]</a> <span class="smcap">Kotzebue</span> (Auguste-Frdric-Ferdinand de) venait d'tre assassin
-le 23 mars 1819 10 heures du matin.&mdash;N Weimar le 3 mai
-1761, il avait t charg par le gouvernement russe, en 1817, de parcourir
-la Confdration germanique pour se rendre compte de l'opinion
-publique. Quelques fragments de sa correspondance avec le tsar ce
-sujet ayant t intercepts et publis, ils excitrent la colre des tudiants,
-dont l'tat d'esprit tait peint sous les aspects les plus menaants.
-L'un d'eux, Charles-Louis Sand, assassina Kotzebue Mannheim.
-Ce meurtre fut le prtexte aux mesures de rigueur qui marqurent les
-annes suivantes (<i>Nouvelle Biographie gnrale</i> (Didot), t. XXVIII,
-col. 135.&mdash;<i>Allgemeine deutsche Biographie</i>, t. XVI, p. 772).</p>
-
-<p>Le prince de Metternich sa femme: Rome, 10 avril ...&mdash;L'assassinat
-de Kotzebue est plus qu'un fait isol. Cela va se dvelopper, et je
-ne serai pas le dernier en tirer un bon parti. (<i>Mmoires du prince
-de Metternich</i>, t. III, p. 290)</p>
-
-<p><a id="Footnote_420" href="#FNanchor_420" class="label">[420]</a> Le prince Paul Esterhazy avait port Mme de Lieven les lettres
-o le prince de Metternich lui faisait part de ses projets pour obtenir
-la nomination de M. de Lieven au poste de Vienne. Voir p. <a href="#Page_199">199</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_421" href="#FNanchor_421" class="label">[421]</a> Trs probablement Wellington.</p>
-
-<p><a id="Footnote_422" href="#FNanchor_422" class="label">[422]</a> Vous me paraissez trs enrhume.</p>
-
-<p><a id="Footnote_423" href="#FNanchor_423" class="label">[423]</a> Le procs de Lord Stewart (voir p. 107) avait t jug vers la fin
-de mars par la Chambre des Lords. Il pousa sa fiance le 3 avril.</p>
-
-<p><a id="Footnote_424" href="#FNanchor_424" class="label">[424]</a> <span class="smcap">Consalvi</span> (Hercule), cardinal et secrtaire d'tat. N Rome le
-8 juin 1757. Cr cardinal le 11 aot 1800, puis nomm secrtaire d'tat,
-ngocia le Concordat avec le Premier Consul. Ayant rsign ses fonctions
-en 1806, il reprsenta le pape au Congrs de Vienne et reprit
-la secrtairerie d'tat (1816) qu'il perdit de nouveau l'avnement de
-Lon XII (28 septembre 1823). Il mourut Rome le 24 janvier 1824
-(<i>Nouvelle biographie gnrale</i> (Didot), t. XI, col. 530).</p>
-
-<p><a id="Footnote_425" href="#FNanchor_425" class="label">[425]</a> Voir <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 227 269.</p>
-
-<p><a id="Footnote_426" href="#FNanchor_426" class="label">[426]</a> <span class="smcap">Constant de Rebecque</span> (Henri-Benjamin), n Lausanne le
-25 octobre 1767, mort Paris le 8 dcembre 1830. Benjamin Constant
-avait cr, en 1818, la <i>Minerve franaise</i> o il dfendait avec ardeur la
-libert de la presse et dveloppait ses ides librales. En dcembre 1816,
-il avait publi une brochure: <i>De la politique qui peut runir tous les
-partis en France</i>, qui tait une rponse celle de Chateaubriand: <i>De
-la Monarchie selon la Charte</i> (<i>Grande Encyclopdie</i>, t. XII, p. 570).</p>
-
-<p><a id="Footnote_427" href="#FNanchor_427" class="label">[427]</a> <span class="smcap">Chateaubriand</span> (Franois-Ren, chevalier puis vicomte <span class="smcap">DE</span>), n
-Saint-Malo le 14 septembre 1768, mort Paris le 4 juillet 1848. Cr
-pair de France le 17 aot 1815, il dfendit la Chambre introuvable
-dans une brochure clbre: <i>De la Monarchie selon la Charte</i>. Il attaquait
-sans mesure, en 1818 et 1819, dans le <i>Conservateur</i>, le duc de
-Richelieu, et plus tard, il attaqua avec la mme fougue le comte Decazes
-(<span class="smcap">R. Bonnet</span>, <i>Isographie des membres de l'Acadmie franaise</i>,
-p. 53).&mdash;Dans une lettre Gentz, Rome, le 23 avril 1819, M. de Metternich
-disait: Entre les deux, j'aime encore mieux les Chateaubriand
-que les Benjamin Constant et les Lanjuinais. (<i>Mmoires du prince de
-Metternich</i>, t. III, p. 246).</p>
-
-<p><a id="Footnote_428" href="#FNanchor_428" class="label">[428]</a> Mola di Gaeta, aujourd'hui Formies.</p>
-
-<p><a id="Footnote_429" href="#FNanchor_429" class="label">[429]</a> <span class="smcap">Pie VI</span> (Jean-Ange <span class="smcap">Braschi</span>), n Cesena (tats de l'glise) en
-1717, lu pape le 15 fvrier 1775, mort Valence le 29 aot 1799.
-Son pontificat fut marqu par de grands travaux d'utilit publique.
-Outre le desschement des marais Pontins, il restaura en partie la voie
-Appienne, agrandit le port d'Ancne, etc. (<i>Nouvelle Biographie gnrale</i>
-(Didot), t. XL, vol. 105).</p>
-
-<p><a id="Footnote_430" href="#FNanchor_430" class="label">[430]</a> Malgr ce qu'en dit M. de Metternich, cette assertion est
-errone, car Cicron naquit Arpino (Arpinum), le 3 janvier l'an 106
-avant Jsus-Christ. Cette prtendue villa de Cicron ou villa Caposele
-tait la proprit des rois de Naples.</p>
-
-<p><a id="Footnote_431" href="#FNanchor_431" class="label">[431]</a> La Riviera di Chiaja, spare seulement de la mer par le parc
-dit villa Nazionale et le quai (via Caracciolo).</p>
-
-<p><a id="Footnote_432" href="#FNanchor_432" class="label">[432]</a> Le prince de Metternich sa femme: Naples, ce 3 mai...&mdash;Ce
-Vsuve, ma bonne amie, est un spectacle bien imposant et bien auguste.
-J'ai le malheur de ne pas le voir de ma fentre; mais de partout ailleurs,
-c'est--dire cent pas de ma maison, on le voit, ds qu'il fait nuit,
-comme un immense fanal. (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III,
-p. 206).</p>
-
-<p><a id="Footnote_433" href="#FNanchor_433" class="label">[433]</a> La collina di Posilipo, le Pausilippe.</p>
-
-<p><a id="Footnote_434" href="#FNanchor_434" class="label">[434]</a> Rout, s. m. (on fait sentir le t, quelques-uns prononcent raout).
-Mot emprunt de l'anglais. Assemble nombreuse de personnes du
-grand monde (<i>Dictionnaire de l'Acadmie franaise</i>, dition de 1878,
-t. II, p. 684).</p>
-
-<p><a id="Footnote_435" href="#FNanchor_435" class="label">[435]</a> Thtre San Carlo, le plus grand thtre de musique de Naples.</p>
-
-<p><a id="Footnote_436" href="#FNanchor_436" class="label">[436]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 205.</p>
-
-<p><a id="Footnote_437" href="#FNanchor_437" class="label">[437]</a> <i>Revue Hebdomadaire</i>, 8<sup>e</sup> anne, 1899, n<sup>o</sup> 35, 29 juillet, p. 648 et
-n<sup>o</sup> 36, 4 aot, p. 31.&mdash;Les lettres publies par M. Ernest Daudet forment
-ainsi une suite celles donnes par nous. Le lecteur y retrouvera les
-mmes personnages et les mmes accents.</p>
-
-<p><a id="Footnote_438" href="#FNanchor_438" class="label">[438]</a> Dans la publication de M. Ernest Daudet (<i>Revue Hebdomadaire</i>,
-n<sup>o</sup> 35, p. 662), cette premire lettre est date de Vienne. Il y a certainement
-l une erreur due au scribe de la police par lequel fut excute
-la copie que M. Daudet a eue entre les mains. Ce scribe a lu Vienne
-pour Vrone.</p>
-
-<p>En effet, M. de Metternich ne passa pas par Vienne en allant d'Italie
-Carlsbad. Le 4 juillet, de Florence, il crivait sa femme. Je puis
-aujourd'hui vous fixer sur mon itinraire, ma bonne amie. Je compte
-partir d'ici samedi prochain, 10 juillet. Je serai le 11 Bologne; le 12
-Vrone; le 13 Trente; le 14 Brixen; le 15 Innsbrck; le 16
-Munich; le 17 Ratisbonne; le 18 entre Ratisbonne et Carlsbad. L'Empereur
-arrivera ici le 7. Il serait possible que mon dpart ft retard
-d'un ou mme de deux jours. (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III,
-p. 221).</p>
-
-<p>La lettre du 13 juillet, dont nous discutons le lieu d'origine, nous
-apprend qu'effectivement le dpart fut retard, puisqu'il y est dit: J'ai
-quitt Florence le 11, 9 heures du soir.</p>
-
-<p>Enfin, dans une lettre date de Vrone, 14 juillet, et publie dans ses
-<i>Mmoires</i> (t. III, p. 222), M. de Metternich crit: Je suis arriv ici
-hier vers 11 heures du matin... Je suis parti de Florence le 11 9 heures
-du soir; j'ai t d'un trait jusqu' Bologne... Je suis reparti de Bologne
- 7 heures du soir, et Vrone a vu mon entre triomphale hier 13,
-10 heures du matin... Je partirai cet aprs-dner pour aller tout d'un
-trait jusqu' Brixen.</p>
-
-<p>Du 13 juillet 1819, 10 heures du matin, au 14 juillet aprs-dner,
-M. de Metternich sjourna donc Vrone. La lettre du 13 juillet
-publie par M. Daudet doit donc certainement tre date de cette ville,
-malgr l'erreur de lecture que nous signalons.</p>
-
-<p><a id="Footnote_439" href="#FNanchor_439" class="label">[439]</a> <i>Revue Hebdomadaire</i> du 29 juillet 1899. Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Un
-Roman du prince de Metternich</i>, p. 662.</p>
-
-<p><a id="Footnote_440" href="#FNanchor_440" class="label">[440]</a> <i>Ibid.</i>, p. 664.</p>
-
-<p><a id="Footnote_441" href="#FNanchor_441" class="label">[441]</a> <i>Ibid.</i>, p. 665.</p>
-
-<p><a id="Footnote_442" href="#FNanchor_442" class="label">[442]</a> <i>Ibid.</i>, p. 666.</p>
-
-<p><a id="Footnote_443" href="#FNanchor_443" class="label">[443]</a> Chez Lady Jersey.</p>
-
-<p><a id="Footnote_444" href="#FNanchor_444" class="label">[444]</a> <i>Revue Hebdomadaire</i> du 4 aot 1899. Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Un Roman
-du prince de Metternich</i>, p. 49.</p>
-
-<p><a id="Footnote_445" href="#FNanchor_445" class="label">[445]</a> <i>Revue Hebdomadaire</i> du 4 aot 1899. Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Un Roman
-du prince de Metternich</i>, p. 34. Le prince de Metternich l'inconnue.
-Vienne, ce 22 (octobre).</p>
-
-<p><a id="Footnote_446" href="#FNanchor_446" class="label">[446]</a> <i>Ibid.</i>, p. 36. Le prince de Metternich l'inconnue. Vienne, ce
-2 novembre 1819.</p>
-
-<p><a id="Footnote_447" href="#FNanchor_447" class="label">[447]</a> <i>Ibid.</i>, p. 38. Le prince de Metternich l'inconnue. Ce 4 (novembre).</p>
-
-<p>A l'occasion de la naissance de son fils, la comtesse de Lieven reut
-du grand-duc Nicolas la lettre autographe ci-dessous, jusqu' prsent
-indite, et dont nous devons communication l'obligeance habituelle
-de M. Nol Charavay. Elle nous a sembl pouvoir tre publie ici, pour
-tmoigner de l'estime en laquelle sa destinataire tait tenue par la
-famille impriale de Russie.</p>
-
-<p class="i2">Saint-Ptersbourg, 21 novembre/3 dcembre 1819.</p>
-
-<p>Chre comtesse! Ce n'est que dans ce moment que j'apprends qu'un
-courrier part pour Londres et, quoique trs press, je ne puis rsister
-l'envie de vous offrir mes plus sincres flicitations et mes v&oelig;ux les
-plus ardents pour votre prompt rtablissement. J'ai t d'autant plus
-charm de savoir l'heureux rsultat, que je vous avoue que je n'tais
-pas sans inquitude. Dieu soit lou que tout est pass! C'est un bon
-exemple suivre et vous avez fait merveille.</p>
-
-<p>Je crains manquer l'occasion, car on me presse fort. Ainsi veuillez
-vous rappeler encore quelquefois de moi et croire que je ne cesserai de
-ma vie d'tre</p>
-
-<p class="i2">Votre tout dvou et bien attach,</p>
-
-<p class="i9"><span class="smcap">Nicolas</span>.</p>
-
-<p>Mille choses votre mari et tous ceux qui ne m'oublient pas.</p>
-
-<p><a id="Footnote_448" href="#FNanchor_448" class="label">[448]</a> Lettre autographe signe, en date de Prague, 5 juin 1820 (<i>Lettres
-autographes composant la collection de M. Alfred Bovet.</i> Paris, Charavay,
-1884, in-4<sup>o</sup>, n<sup>o</sup> 244).</p>
-
-<p><a id="Footnote_449" href="#FNanchor_449" class="label">[449]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 361. Vienne, le
-25 juillet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_450" href="#FNanchor_450" class="label">[450]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 362 et s. Vienne, 28 juillet, 29 juillet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_451" href="#FNanchor_451" class="label">[451]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 362. Vienne, 26 juillet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_452" href="#FNanchor_452" class="label">[452]</a> Le 25 mai 1821 (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VII,
-p. 656).</p>
-
-<p><a id="Footnote_453" href="#FNanchor_453" class="label">[453]</a> <i>Gazette d'Augsbourg</i> du 2 novembre 1821, n<sup>o</sup> 306, p. 1223.</p>
-
-<p><a id="Footnote_454" href="#FNanchor_454" class="label">[454]</a> <i>Gazette d'Augsbourg</i> du 2 novembre 1821, n<sup>o</sup> 306, p. 1223.&mdash;<i>Archives
-du ministre des affaires trangres.</i> Hanovre, Correspondance,
-vol. 56, f<sup>o</sup> 322 verso. Le marquis de Moustier au baron Pasquier.
-Hanovre, 21 octobre 1821.</p>
-
-<p><a id="Footnote_455" href="#FNanchor_455" class="label">[455]</a> <i>Archives du ministre des affaires trangres.</i> Hanovre, Correspondance,
-vol. 56, f<sup>o</sup> 350 recto. Le marquis de Moustier au baron
-Pasquier. Hanovre, 28 octobre 1821.</p>
-
-<p><a id="Footnote_456" href="#FNanchor_456" class="label">[456]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 480. Hanovre,
-25 octobre 1821.</p>
-
-<p><a id="Footnote_457" href="#FNanchor_457" class="label">[457]</a> <i>Archives du ministre des affaires trangres.</i> Hanovre, Correspondance,
-vol. 56, f<sup>o</sup> 322 verso. Le marquis de Moustier au baron
-Pasquier. Hanovre, 21 octobre 1821.</p>
-
-<p><a id="Footnote_458" href="#FNanchor_458" class="label">[458]</a> <i>Gazette d'Augsbourg</i> du 10 novembre 1821, n<sup>o</sup> 314, p. 1255.</p>
-
-<p><a id="Footnote_459" href="#FNanchor_459" class="label">[459]</a> <i>Archives du ministre des affaires trangres.</i> Hanovre, Correspondance,
-vol. 56, f<sup>o</sup> 351 recto. Le marquis de Moustier au baron
-Pasquier. Hanovre, le 29 octobre 1821.</p>
-
-<p><a id="Footnote_460" href="#FNanchor_460" class="label">[460]</a> <i>Archives du ministre des affaires trangres.</i> Hanovre, Correspondance,
-vol. 56, f<sup>o</sup> 352 recto. Le marquis de Moustier au baron
-Pasquier. Hanovre, le 29 octobre 1821.</p>
-
-<p><a id="Footnote_461" href="#FNanchor_461" class="label">[461]</a> <i>Ibid.</i>, vol 56, f<sup>o</sup> 361 recto. Le marquis de Moustier au baron
-Pasquier. Hanovre, le 31 octobre 1821.</p>
-
-<p><a id="Footnote_462" href="#FNanchor_462" class="label">[462]</a> O il arriva le 3 novembre et descendit l'Htel de l'Empereur
-romain (<i>Moniteur universel</i>) du vendredi 9 novembre 1821, n<sup>o</sup> 313,
-p. 1529.&mdash;<i>Gazette d'Augsbourg</i> du 8 novembre 1821, n<sup>o</sup> 312, p. 1246.</p>
-
-<p><a id="Footnote_463" href="#FNanchor_463" class="label">[463]</a> <i>Gazette d'Augsbourg</i> du 11 novembre 1821, n<sup>o</sup> 315, p. 1259.</p>
-
-<p><a id="Footnote_464" href="#FNanchor_464" class="label">[464]</a> <i>Ibid.</i> du 12 novembre 1821, n<sup>o</sup> 316, p. 1363.</p>
-
-<p><a id="Footnote_465" href="#FNanchor_465" class="label">[465]</a> <i>Moniteur universel</i> du lundi 19 novembre 1821, n<sup>o</sup> 323,
-p. 1569.</p>
-
-<p><a id="Footnote_466" href="#FNanchor_466" class="label">[466]</a> <i>Gazette d'Augsbourg</i> du 26 octobre 1822, n<sup>o</sup> 299, p. 1195.</p>
-
-<p><a id="Footnote_467" href="#FNanchor_467" class="label">[467]</a> <i>Sic.</i> Si les diteurs des Mmoires de M. de Metternich ont ici
-respect le texte original du chancelier, celui-ci commet un singulier
-anachronisme, car les Lieven ne reurent le titre de prince qu'en 1826.</p>
-
-<p><a id="Footnote_468" href="#FNanchor_468" class="label">[468]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 560. Vrone,
-12 novembre (sans nom de destinataire).</p>
-
-<p><a id="Footnote_469" href="#FNanchor_469" class="label">[469]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 120,
-et <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in London</i>,
-p. 59. Vrone, 1<sup>er</sup> dcembre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_470" href="#FNanchor_470" class="label">[470]</a> <i>Lettres et papiers du chancelier comte de Nesselrode</i>, t. VI, p. 142.</p>
-
-<p><a id="Footnote_471" href="#FNanchor_471" class="label">[471]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 120,
-et <i>Letters of Dorothea, princess Lieven</i>, p. 59.</p>
-
-<p><a id="Footnote_472" href="#FNanchor_472" class="label">[472]</a> <i>Revue Hebdomadaire</i> du 4 aot 1899. Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Un Roman
-du prince de Metternich</i>, p. 51. La comtesse de Lieven M. de Metternich.
-Dimanche, le 5 (septembre 1819).</p>
-
-<p><a id="Footnote_473" href="#FNanchor_473" class="label">[473]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 532. Le prince de
-Metternich ..... (sans nom de destinataire), 23 janvier (1822).</p>
-
-<p><a id="Footnote_474" href="#FNanchor_474" class="label">[474]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 121
-et <i>Letters of Dorothea, princess Lieven</i>, p. 60. La comtesse de Lieven
- son frre, 7 dcembre 1822.</p>
-
-<p><a id="Footnote_475" href="#FNanchor_475" class="label">[475]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. III, p. 560. Venise, le
-16 dcembre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_476" href="#FNanchor_476" class="label">[476]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven</i>, p. 64.&mdash;Jusque-l, l'htel
-de l'ambassade se trouvait dans Harley Street, prs de Cavendish Square.
-Le nouvel htel, Ashburnham House, situ Dover Street, tait beaucoup
-plus vaste et plus somptueux que l'ancien.</p>
-
-<p><a id="Footnote_477" href="#FNanchor_477" class="label">[477]</a> <i>Archives du ministre des affaires trangres.</i> Angleterre, Correspondance,
-vol. 616, f<sup>o</sup> 18. M. de Marcellus M. de Chateaubriand,
-7 janvier 1823.</p>
-
-<p><a id="Footnote_478" href="#FNanchor_478" class="label">[478]</a> Theodor <span class="smcap">Schiemann</span>, <i>Geschichte Russlands unter Kaiser Nikolaus
-I</i>. Berlin, Georg Reimer, 1904, t. I, p. 587. Lieven Nesselrode,
-11/23 septembre 1823.</p>
-
-<p><a id="Footnote_479" href="#FNanchor_479" class="label">[479]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 588. Lieven Nesselrode, Londres, 21 novembre/3
-dcembre 1823.</p>
-
-<p><a id="Footnote_480" href="#FNanchor_480" class="label">[480]</a> Thodor <span class="smcap">Schiemann</span>, <i>Geschichte Russlands unter Kaiser Nikolaus
-I</i>, t. I, p. 590. Lieven Nesselrode. Londres, 10/22 janvier
-1824.</p>
-
-<p><a id="Footnote_481" href="#FNanchor_481" class="label">[481]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 596. Lieven Nesselrode. Londres, 5/17 novembre
-1824.</p>
-
-<p><a id="Footnote_482" href="#FNanchor_482" class="label">[482]</a> C'est Rome que Mme de Lieven fit la connaissance de Mme Apponyi.
-Dans une lettre M. de Fontenay dont nous avons dj donn
-un extrait, cette dernire dit en parlant de l'amie de M. de Metternich:
-Elle est aimable avec nous et passe pour un peu fire, du
-reste. Lettre autographe signe M. de Fontenay, Rome, 9 janvier
-1824 (<i>Catalogue de la maison veuve Gabriel Charavay</i>, n<sup>o</sup> 263).</p>
-
-<p>Il avait t question d'un voyage de l'empereur d'Autriche et de Metternich
-en Italie au printemps de 1824. Ce dernier devait arriver
-Milan dans les premiers jours d'avril (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>,
-t. IV, p. 91).&mdash;Au dbut de mars, ce voyage fut remis: Des raisons
-srieuses l'ont fait ajourner. L'une d'entre elles, c'est que nous
-sommes si compltement d'accord avec Saint-Ptersbourg que ce serait une
-maladresse d'augmenter encore la distance qui nous spare et de ralentir
-ainsi notre correspondance. (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. IV,
-p. 93).</p>
-
-<p><a id="Footnote_483" href="#FNanchor_483" class="label">[483]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. IV, p. 25&mdash;25 novembre.....
-Mon poumon est encore bien malade; s'il n'tait pas si robuste,
-il me jouerait en ce moment un vilain tour.</p>
-
-<p><a id="Footnote_484" href="#FNanchor_484" class="label">[484]</a> La lettre date du 11 janvier 1824 (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>,
-t. IV, p. 89) sans nom de destinataire, tait peut-tre adresse
-Mme de Lieven.</p>
-
-<p><a id="Footnote_485" href="#FNanchor_485" class="label">[485]</a> <i>Geschichte Russlands unter Kaiser Nikolaus I</i>, t. I, p. 604. Lieven
- Nesselrode. Londres, 31 janvier/12 fvrier 1825.</p>
-
-<p><a id="Footnote_486" href="#FNanchor_486" class="label">[486]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London</i>, p. 76. Londres 2/14 mars 1825.</p>
-
-<p><a id="Footnote_487" href="#FNanchor_487" class="label">[487]</a> <i>Geschichte Russlands unter Kaiser Nikolaus I</i><sup>er</sup>, t. I, p. 613. Lieven
- Nesselrode. Londres, 23 septembre/5 octobre 1825.</p>
-
-<p><a id="Footnote_488" href="#FNanchor_488" class="label">[488]</a> <i>Moniteur universel</i> du mardi 22 mars 1825, n<sup>o</sup> 81, p. 418.</p>
-
-<p><a id="Footnote_489" href="#FNanchor_489" class="label">[489]</a> Theodor <span class="smcap">Schiemann</span>, <i>Geschichte Russlands unter Kaiser Nikolaus
-I</i>, t. I, p. 613. Lieven Nesselrode. Londres, le 23 septembre/5 octobre
-1825.</p>
-
-<p><a id="Footnote_490" href="#FNanchor_490" class="label">[490]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 126.</p>
-
-<p><a id="Footnote_491" href="#FNanchor_491" class="label">[491]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London</i>, p. 166.&mdash;Comparer cette phrase ce que dit M. de Metternich
-dans une lettre Ottenfels, Vienne, le 18 dcembre 1825. Il s'agit
-du grand-duc Constantin que le chancelier s'attendait voir devenir Tsar.
-Il a beaucoup d'esprit, un c&oelig;ur droit plein de noblesse, les principes
-politiques les plus corrects; souvent peu d'accord avec la pente d'ides
-sentimentale et romanesque de son auguste frre... Ou je me trompe
-fort, ou bien l'<i>histoire</i> de Russie va commencer l o vient de finir le
-<i>roman</i>. (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. IV, p. 258).</p>
-
-<p><a id="Footnote_492" href="#FNanchor_492" class="label">[492]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. IV, p. 205.</p>
-
-<p><a id="Footnote_493" href="#FNanchor_493" class="label">[493]</a> Joseph <span class="smcap">von Hormayr</span>, <i>Kaiser Franz und Metternich</i>, ein nachgelassenes
-Fragment. Berlin, 1848, in-8<sup>o</sup>, p. 38.</p>
-
-<p><a id="Footnote_494" href="#FNanchor_494" class="label">[494]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. IV, p. 345.</p>
-
-<p><a id="Footnote_495" href="#FNanchor_495" class="label">[495]</a> <i>Correspondence of princess Lieven and Earl Grey</i>, 1824-1841,
-edited by Guy Le Strange. Londres, Bentley, 1890, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 73.
-Londres, 19 novembre 1827.</p>
-
-<p><a id="Footnote_496" href="#FNanchor_496" class="label">[496]</a> La seconde princesse de Metternich mourut le 17 janvier 1829.
-Son fils, le prince Richard, tait n le 7 janvier prcdent.</p>
-
-<p><a id="Footnote_497" href="#FNanchor_497" class="label">[497]</a> Collection particulire. Lettre autographe signe M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_498" href="#FNanchor_498" class="label">[498]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London.</i> Biographical notice, p. <span class="smcap">VIII</span> et <span class="smcap">IX</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_499" href="#FNanchor_499" class="label">[499]</a> <i>Private Correspondence of Thomas Raikes with the Duke of Wellington
-and other distinguished contemporaries</i>, edited by his daughter
-Harriet Raikes. In-8<sup>o</sup>, Londres, Richard Bentley, 1861, p. 215.&mdash;Wellington
- T. Raikes, Strathfieldsaye, 23 dcembre 1840.</p>
-
-<p><a id="Footnote_500" href="#FNanchor_500" class="label">[500]</a> <i>Despatches, correspondence and memoranda of field marshal
-Arthur, duke of Wellington</i>, edited by his son the duke of Wellington
-(In continuation of the former series). 8 vol. in-8<sup>o</sup>, Londres, John Murray,
-1867-1880, t. VI, p. 145.&mdash;Wellington Lord Heytesbury,
-Londres, 8 septembre 1828.</p>
-
-<p><a id="Footnote_501" href="#FNanchor_501" class="label">[501]
-1<sup>er</sup> octobre[1825]</a>.&mdash;On parat trs mont contre moi Saint-Ptersbourg,
-et cela est tout naturel. Si les vagues de la mer taient animes
-de sentiments humains, on pourrait trs bien s'expliquer leur antipathie
-pour le corps solide contre lequel elles viennent se briser. (<i>Mmoires
-du prince de Metternich</i>, t. IV, p. 199. Lettre du prince un
-destinataire inconnu.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_502" href="#FNanchor_502" class="label">[502]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London</i>, p. 103. Londres, 1/13 juillet 1827.</p>
-
-<p><a id="Footnote_503" href="#FNanchor_503" class="label">[503]</a> M. de Metternich, pour viter que la querelle pendante entre le
-duc et ses sujets ne vnt devant la Dite, avait fait des ouvertures amicales
-aux deux parties.</p>
-
-<p><a id="Footnote_504" href="#FNanchor_504" class="label">[504]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London</i>, p. 106. Richmond, 8/20 octobre 1827.&mdash;Le dernier membre de
-phrase fait allusion au mariage de M. de Metternich avec Mlle de Leykam.
-Le chancelier n'avait pas soixante ans, comme le dit Mme de
-Lieven, mais cinquante-quatre ans.</p>
-
-<p><a id="Footnote_505" href="#FNanchor_505" class="label">[505]</a> <i>Correspondence of princess Lieven and Earl Grey</i>, 1824-1841,
-t. I, p. 68. Howick, 4 novembre 1827.</p>
-
-<p><a id="Footnote_506" href="#FNanchor_506" class="label">[506]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 73 et 74. Londres, 19 novembre 1827.</p>
-
-<p><a id="Footnote_507" href="#FNanchor_507" class="label">[507]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London</i>, p. 110. Londres, 4/16 novembre 1827.</p>
-
-<p><a id="Footnote_508" href="#FNanchor_508" class="label">[508]</a> <i>Ibid.,</i> p. 115. Londres, 5/17 dcembre 1827.</p>
-
-<p><a id="Footnote_509" href="#FNanchor_509" class="label">[509]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London</i>, p. 122. Londres, 8/20 fvrier 1828.</p>
-
-<p><a id="Footnote_510" href="#FNanchor_510" class="label">[510]</a> <i>Ibid.</i>, p. 137. Londres, 18/30 juin 1828.</p>
-
-<p><a id="Footnote_511" href="#FNanchor_511" class="label">[511]</a> <i>Correspondence of princess Lieven and Earl Grey</i>, t. I, p, 128.
-Londres, 14 aot 1828.</p>
-
-<p><a id="Footnote_512" href="#FNanchor_512" class="label">[512]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London</i>, p. 146. Londres, 13/25 juillet 1828.</p>
-
-<p><a id="Footnote_513" href="#FNanchor_513" class="label">[513]</a> <i>Ibid.</i>, p. 151. Londres, 10/22 aot 1828.</p>
-
-<p><a id="Footnote_514" href="#FNanchor_514" class="label">[514]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London</i>, p. 199. Richmond, 10/22 octobre 1829.</p>
-
-<p><a id="Footnote_515" href="#FNanchor_515" class="label">[515]</a> <i>Correspondent of princess Lieven and Earl Grey</i>, t. I, p. 215.
-Londres, 31 dcembre 1828.</p>
-
-<p><a id="Footnote_516" href="#FNanchor_516" class="label">[516]</a> <i>Letters of Dorothea, princess Lieven, during her residence in
-London</i>, p. 175. Londres, 3/15 janvier 1829.</p>
-
-<p><a id="Footnote_517" href="#FNanchor_517" class="label">[517]</a> <i>Ibid.</i>, p. 204. Richmond, 4/16 novembre 1829.</p>
-
-<p><a id="Footnote_518" href="#FNanchor_518" class="label">[518]</a> <i>Correspondence of princess Lieven and Earl Grey</i>, t. I, p. 232.
-Richmond, 29 janvier 1829.</p>
-
-<p><a id="Footnote_519" href="#FNanchor_519" class="label">[519]</a> <i>Correspondence of princess Lieven and Earl Grey</i>, t. I, p. 233.
-Richmond, 29 janvier 1829.</p>
-
-<p><a id="Footnote_520" href="#FNanchor_520" class="label">[520]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 137. Londres (Downing Street), 17 janvier 1831.</p>
-
-<p><a id="Footnote_521" href="#FNanchor_521" class="label">[521]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 138, 18 janvier 1831.</p>
-
-<p><a id="Footnote_522" href="#FNanchor_522" class="label">[522]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 185. Howick, 2 fvrier 1836.</p>
-
-<p><a id="Footnote_523" href="#FNanchor_523" class="label">[523]</a> <i>Correspondence of princess Lieven and Earl Grey</i>, t. I, p. 237.
-Howick, 1<sup>er</sup> fvrier 1829.</p>
-
-<p><a id="Footnote_524" href="#FNanchor_524" class="label">[524]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VI, p. 187. Vienne, 2 janvier
-1837.</p>
-
-<p><a id="Footnote_525" href="#FNanchor_525" class="label">[525]</a> <i>Revue Hebdomadaire</i> du 4 aot 1899, Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Un roman
-du prince de Metternich</i>, p. 52. Le 6 septembre (1819).</p>
-
-<p><a id="Footnote_526" href="#FNanchor_526" class="label">[526]</a> Dix-huit mois plus tard, le 12 mars 1828, la mort de sa belle-mre,
-Mme de Lieven recevait encore de la famille impriale un brevet
-de dame d'honneur de l'impratrice Alexandra Fodorovna (Arthur
-<span class="smcap">Kleinschmidt</span>, <i>Frstin Dorothea Lieven dans Westermanns Illustrierte
-Deutsche Monatshefte</i>, octobre 1898, p. 24).</p>
-
-<p><a id="Footnote_527" href="#FNanchor_527" class="label">[527]</a> <i>La Cour de George IV et de Guillaume IV</i>, p. 91.&mdash;Voir une
-lettre du duc de Wellington au comte d'Aberdeen (<i>Despatches, etc., of
-Wellington (in continuation of the former series),</i> 8 vol. in-8<sup>o</sup>, 1867-1880,
-t. VI, p. 56, 29 juillet 1829) reproduite par M. Robinson (<i>Letters
-of Dorothea, princess Lieven, during her residence in London</i>,
-p. <span class="smcap">XII</span>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_528" href="#FNanchor_528" class="label">[528]</a> Wellington au comte d'Aberdeen, 24 aot 1829 (<i>loc. cit.</i>, t. VI,
-p. 103).</p>
-
-<p><a id="Footnote_529" href="#FNanchor_529" class="label">[529]</a> Wellington Lord Heytesbury, 8 septembre 1829 (<i>loc. cit.</i>, t. VI,
-p. 145).</p>
-
-<p><a id="Footnote_530" href="#FNanchor_530" class="label">[530]</a> En novembre 1830.</p>
-
-<p><a id="Footnote_531" href="#FNanchor_531" class="label">[531]</a> Wellington au comte d'Aberdeen, 29 juillet 1829 (<i>loc. cit.</i>, t. VI,
-p. 58).</p>
-
-<p><a id="Footnote_532" href="#FNanchor_532" class="label">[532]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 170.</p>
-
-<p><a id="Footnote_533" href="#FNanchor_533" class="label">[533]</a> <span class="smcap">Greville</span>, <i>la Cour de George IV et de Guillaume IV</i>, p. 308.</p>
-
-<p><a id="Footnote_534" href="#FNanchor_534" class="label">[534]</a> <i>Ibid.</i>, p. 305.</p>
-
-<p><a id="Footnote_535" href="#FNanchor_535" class="label">[535]</a> <i>Ibid.</i>, p. 307.</p>
-
-<p><a id="Footnote_536" href="#FNanchor_536" class="label">[536]</a> <span class="smcap">Greville</span>, <i>la Cour de George IV et de Guillaume IV</i>, p. 308.</p>
-
-<p><a id="Footnote_537" href="#FNanchor_537" class="label">[537]</a> <i>Ibid.</i>, p. 325.</p>
-
-<p><a id="Footnote_538" href="#FNanchor_538" class="label">[538]</a> Le 8 juillet 1833.</p>
-
-<p><a id="Footnote_539" href="#FNanchor_539" class="label">[539]</a> Le trait de Saint-Ptersbourg, sign le 29 janvier 1834, avait
-oblig les Russes vacuer la Moldavie et la Valachie, mais, en leur
-laissant la nomination des hospodars, leur avait conserv une influence
-dans ces tats.</p>
-
-<p><a id="Footnote_540" href="#FNanchor_540" class="label">[540]</a> <i>La Cour de George IV et de Guillaume IV</i>, p. 342.</p>
-
-<p><a id="Footnote_541" href="#FNanchor_541" class="label">[541]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 183.</p>
-
-<p><a id="Footnote_542" href="#FNanchor_542" class="label">[542]</a> <i>La Cour de George IV et de Guillaume IV</i>, p. 342.</p>
-
-<p><a id="Footnote_543" href="#FNanchor_543" class="label">[543]</a> M. <span class="smcap">de Marcellus</span>, <i>Chateaubriand et son temps</i>, p. 269.</p>
-
-<p><a id="Footnote_544" href="#FNanchor_544" class="label">[544]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. V, p. 148. La duchesse de
-Dino M. de Barante. Londres, 13 juillet 1834.</p>
-
-<p><a id="Footnote_545" href="#FNanchor_545" class="label">[545]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 150.</p>
-
-<p><a id="Footnote_546" href="#FNanchor_546" class="label">[546]</a> Cette lettre indite fait partie de la trs prcieuse collection d'autographes
-de M. Raoul Warocqu. Nous en devons la communication
-l'obligeante entremise de M. G. Van der Meylen. Nous leur exprimons
- tous deux notre gale gratitude.</p>
-
-<p><a id="Footnote_547" href="#FNanchor_547" class="label">[547]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 183.</p>
-
-<p><a id="Footnote_548" href="#FNanchor_548" class="label">[548]</a> Ch. <span class="smcap">Seignobos</span>, <i>Histoire politique de l'Europe contemporaine</i>.
-Paris, Armand Colin, 1897, in-8<sup>o</sup>, p. 560.</p>
-
-<p><a id="Footnote_549" href="#FNanchor_549" class="label">[549]</a> Mme de Lieven passa l't de 1836 en partie Valenay, chez le
-prince de Talleyrand, en partie Londres chez son amie la duchesse de
-Sutherland (<i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. V, p. 405. Le comte
-Mol au baron de Barante, 13 juin 1836).</p>
-
-<p><a id="Footnote_550" href="#FNanchor_550" class="label">[550]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 228.</p>
-
-<p><a id="Footnote_551" href="#FNanchor_551" class="label">[551]</a> Le 29 dcembre 1838/10 janvier 1839.</p>
-
-<p><a id="Footnote_552" href="#FNanchor_552" class="label">[552]</a> Journal <i>le Nord</i>. Correspondance de Paris du 30 janvier 1857.</p>
-
-<p><a id="Footnote_553" href="#FNanchor_553" class="label">[553]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. V, p. 405. Le comte Mol au
-baron de Barante. Paris, 13 juin 1836.</p>
-
-<p><a id="Footnote_554" href="#FNanchor_554" class="label">[554]</a> <i>La Cour de George IV et de Guillaume IV</i>, p. 432.</p>
-
-<p><a id="Footnote_555" href="#FNanchor_555" class="label">[555]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. VI, p. 47. Le comte Mol au
-baron de Barante, 20 aot 1837.</p>
-
-<p><a id="Footnote_556" href="#FNanchor_556" class="label">[556]</a> Lord <span class="smcap">Malmesbury</span>, <i>Mmoires d'un ancien ministre</i> (1807-1869),
-p. 47, 3 mai 1837.</p>
-
-<p><a id="Footnote_557" href="#FNanchor_557" class="label">[557]</a> <span class="smcap">Greville</span>, <i>Les quinze premires annes du rgne de la reine
-Victoria</i>, p. 11.</p>
-
-<p><a id="Footnote_558" href="#FNanchor_558" class="label">[558]</a> Le roi des Belges la reine Victoria. Neuilly, 12 juillet 1837.&mdash;D'aprs
-ce que j'entends, il y a beaucoup d'intrigues actuellement
-en train en Angleterre. La princesse de Lieven et un autre individu,
-rcemment import de son pays, semblent s'occuper trs activement de
-ce qui ne les regarde pas; mfiez-vous-en. (<i>La reine Victoria d'aprs
-sa correspondance indite.</i> Traduction franaise avec introduction et
-notes par Jacques Bardoux. Paris, Hachette, 1907, 3 vol. in-8<sup>o</sup>, t. I,
-p. 123).</p>
-
-<p>Le roi des Belges la reine Victoria. Laeken, 29 juillet 1837.&mdash;Je
-suis heureux de vous voir sur vos gardes vis--vis de la princesse de
-Lieven et de ses pareilles. (<i>Ibid.</i>, t. I, p. 127).</p>
-
-<p><a id="Footnote_559" href="#FNanchor_559" class="label">[559]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 236.</p>
-
-<p><a id="Footnote_560" href="#FNanchor_560" class="label">[560]</a> M. <span class="smcap">Guizot</span>, <i>Mlanges biographiques et littraires</i>. Paris, Michel
-Lvy, 1868, in-8<sup>o</sup>, p. 206.</p>
-
-<p><a id="Footnote_561" href="#FNanchor_561" class="label">[561]</a> Franois Guizot, mort le 15 fvrier 1837.</p>
-
-<p><a id="Footnote_562" href="#FNanchor_562" class="label">[562]</a> M. <span class="smcap">Guizot</span>, <i>Mlanges biographiques et littraires</i>, p. 209.</p>
-
-<p><a id="Footnote_563" href="#FNanchor_563" class="label">[563]</a> M. <span class="smcap">Guizot</span>, <i>Mlanges biographiques et littraires</i>, p. 211.</p>
-
-<p><a id="Footnote_564" href="#FNanchor_564" class="label">[564]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 236.</p>
-
-<p><a id="Footnote_565" href="#FNanchor_565" class="label">[565]</a> Ernest <span class="smcap">Daudet</span>, <i>Une vie d'ambassadrice au sicle dernier</i>, p. 325.</p>
-
-<p><a id="Footnote_566" href="#FNanchor_566" class="label">[566]</a> <i>Ibid.</i>, p. 323.</p>
-
-<p><a id="Footnote_567" href="#FNanchor_567" class="label">[567]</a> Fvrier 1840.</p>
-
-<p><a id="Footnote_568" href="#FNanchor_568" class="label">[568]</a> M. Guizot fut nomm prsident du Conseil le 19 septembre 1847.</p>
-
-<p><a id="Footnote_569" href="#FNanchor_569" class="label">[569]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. VI, p. 168. La comtesse de
-Castellane au baron de Barante. Paris, 7 janvier 1839.</p>
-
-<p><a id="Footnote_571" href="#FNanchor_571" class="label">[571]</a> <i>Ibid.</i>, p. 258.</p>
-
-<p><a id="Footnote_570" href="#FNanchor_570" class="label">[570]</a> <i>Les quinze premires annes du rgne de la reine Victoria</i>,
-p. 257.</p>
-
-<p><a id="Footnote_572" href="#FNanchor_572" class="label">[572]</a> Lord <span class="smcap">Malmesbury</span>, <i>Mmoires d'un ancien ministre</i>, p. 47.</p>
-
-<p><a id="Footnote_573" href="#FNanchor_573" class="label">[573]</a> Quand Greville vint Paris, en 1847, charg par Lord Clarendon
-d'une mission officieuse pour tenter d'amener une dtente dans les rapports
-des deux gouvernements britannique et franais, c'est d'abord
-Mme de Lieven qu'il va voir. Dj quand Lord Palmerston avait voulu
-venir Paris, il avait fait tter le terrain par l'intermdiaire de cette
-dernire (<i>Les quinze premires annes du rgne de la reine Victoria</i>,
-p. 286).</p>
-
-<p><a id="Footnote_574" href="#FNanchor_574" class="label">[574]</a> <i>La Cour de George IV et de Guillaume IV</i>, p. 432.</p>
-
-<p><a id="Footnote_575" href="#FNanchor_575" class="label">[575]</a> <i>Correspondant</i> du 10 aot 1893, t. CLXXII, p. 533. <i>Lettres de la
-princesse de Lieven M. de Bacourt</i>, publies par la comtesse de Mirabeau,
-nice de ce dernier.</p>
-
-<p><a id="Footnote_576" href="#FNanchor_576" class="label">[576]</a> Note communique par M. Germain Bapst.</p>
-
-<p><a id="Footnote_577" href="#FNanchor_577" class="label">[577]</a> Mme de Lieven avait fait la connaissance de M. de Bacourt alors
-que ce dernier tait premier secrtaire d'ambassade Londres.</p>
-
-<p><a id="Footnote_578" href="#FNanchor_578" class="label">[578]</a> <i>Correspondant</i> du 10 aot 1893, t. CLXXII, p, 531. <i>Lettres de
-la princesse de Lieven M. de Bacourt.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_579" href="#FNanchor_579" class="label">[579]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VIII, p. 359. Le prince
-de Metternich au comte de Buol, 12 juillet 1853.</p>
-
-<p><a id="Footnote_580" href="#FNanchor_580" class="label">[580]</a> <i>Journal du marchal de Castellane</i>, 1804-1862. Paris, Plon, 1896,
-5 vol. in-8<sup>o</sup>, t. V, p. 27.</p>
-
-<p><a id="Footnote_581" href="#FNanchor_581" class="label">[581]</a> Lord <span class="smcap">Malmesbury</span>, <i>Mmoires d'un ancien ministre</i>, p. 237.</p>
-
-<p><a id="Footnote_582" href="#FNanchor_582" class="label">[582]</a> Dorothe de Courlande, duchesse de Dino, devenue duchesse de
-Talleyrand par la mort de son beau-pre, Archambauld-Joseph de Talleyrand-Prigord,
-frre du prince de Bnvent, survenue le 28 avril 1838.</p>
-
-<p><a id="Footnote_583" href="#FNanchor_583" class="label">[583]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. VI, p. 80. La duchesse de
-Talleyrand au baron de Barante. Baden, 15 juillet 1838.</p>
-
-<p><a id="Footnote_584" href="#FNanchor_584" class="label">[584]</a> <i>Ibid.</i>, t. VI, p. 339. La duchesse de Talleyrand au baron de Barante.
-Paris, 27 septembre 1839.</p>
-
-<p><a id="Footnote_585" href="#FNanchor_585" class="label">[585]</a> <i>Journal du marchal de Castellane</i>, t. III, p. 330.&mdash;C'est tort
-que l'diteur des <i>Souvenirs du baron de Barante</i> place ce Beausjour
-prs de Saint-Germain.</p>
-
-<p><a id="Footnote_586" href="#FNanchor_586" class="label">[586]</a> <span class="smcap">Greville</span>, <i>Les quinze premires annes du rgne de la reine Victoria</i>,
-p. 368.</p>
-
-<p><a id="Footnote_587" href="#FNanchor_587" class="label">[587]</a> Elle partagea son temps, pendant ce sjour l'tranger, entre Londres,
-Richmond, Brighton et Schlangenbad, continuant recevoir les hommes
-politiques de tous les partis. Le 3 juillet 1849, le duc Decazes, parlant d'un
-voyage qu'il venait de faire Richmond, crivait au baron de Barante:
-Mme de Lieven a son salon ouvert tous les jours 4 et 8 heures. Guizot
-y vient rgulirement 2 heures et aprs dner. (<i>Souvenirs du baron de
-Barante</i>, t. VII, p. 456).&mdash;En Angleterre, o elle retourna en 1850,
-elle ne sut rsister son got pour l'intrigue. Le prince Albert, dans un mmorandum
-dat d'Osborne, 8 aot 1850, raconte que Palmerston s'inquite
-du complot tram contre lui l'instigation d'trangers, se plaignant particulirement...
-de Guizot, de la princesse de Lieven, etc., etc. (<i>La
-reine Victoria d'aprs sa correspondance indite</i>, t. II, p. 388).</p>
-
-<p>La lettre ci-dessous, jusqu' prsent indite, donne quelques dtails
-sur la vie que menait Mme de Lieven Richmond. Elle tait adresse
- M. Jacques Tolsto, attach l'ambassade de Russie Paris, et provient
-de la prcieuse collection d'autographes de M. le gnral Rebora.</p>
-
-<div class="blockquote">
-
-<p class="date">Richmond, mardi le 15 aot 1848.</p>
-
-<p>Rien ne pouvait me faire plus de plaisir que d'apprendre votre
-arrive, Monsieur, et je vous remercie bien vite de l'avis que vous
-m'en donnez et de votre bonne intention de venir me voir. Permettez-moi
-de vous proposer demain mercredi. Voulez-vous venir le matin?
-Je suis visible depuis midi, et je sors 3 heures pour ma promenade.
-Ou bien voulez-vous dner avec moi? Je dne 6 heures prcises. Si ni
-l'une ni l'autre de ces propositions ne vous agrent, peut-tre seriez-vous
-ici avant 3 heures pour faire avec moi une promenade dans ce
-charmant pays. Vous n'aurez plus le temps de me rpondre, moins que
-ceci ne vous parvienne aujourd'hui de bonne heure. Dans ce cas, dites-moi
-un mot. Si non, je vous attendrai demain l'un des moments
-indiqus, et je vous assure que je m'en rjouis beaucoup.</p>
-
-<p>Mille compliments.</p>
-
-<p class="signature">La princesse <span class="smcap">de Lieven</span>.</p>
-</div>
-
-<p><a id="Footnote_588" href="#FNanchor_588" class="label">[588]</a> <i>Journal du marchal de Castellane</i>, t. VI, p. 200.</p>
-
-<p><a id="Footnote_589" href="#FNanchor_589" class="label">[589]</a> <i>Les quinze premires annes de la reine Victoria</i>, p, 454.</p>
-
-<p><a id="Footnote_590" href="#FNanchor_590" class="label">[590]</a> Lord <span class="smcap">Malmesbury</span>, <i>Mmoires d'un ancien ministre</i>, p. 160.</p>
-
-<p><a id="Footnote_591" href="#FNanchor_591" class="label">[591]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. VIII, p. 48. Le comte de Saint-Aulaire
-au baron de Barante, 22 janvier 1853.</p>
-
-<p><a id="Footnote_592" href="#FNanchor_592" class="label">[592]</a> Cette action nfaste tait connue aux Tuileries, et l'Impratrice disait
-au marchal de Castellane: Oui, c'est cette ambassade de femmes qui a
-fait la guerre. Les personnes importantes qui allaient dans les salons de
-Mmes de Lieven, Narichkine, Kalergis disaient que la guerre tait impossible,
-qu'il y avait trop d'intrts en jeu, que l'industrie tait pousse trop
-loin pour que la guerre pt avoir lieu. Kisseleff, croyant que l'empereur
-tait trs capable de la faire et que l'alliance anglaise tait probable, crivait
-dans un sens oppos; cela lui a valu des avertissements de sa cour; il n'osait
-plus exprimer ou, du moins, il n'exprimait plus que timidement son opinion
-(<i>Journal du marchal de Castellane</i>, t. V, p. 113).</p>
-
-<p><a id="Footnote_593" href="#FNanchor_593" class="label">[593]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. VIII, p. 59. Le comte de Saint-Aulaire
-au baron de Barante. Paris, 27 fvrier 1854.</p>
-
-<p><a id="Footnote_594" href="#FNanchor_594" class="label">[594]</a> <i>Journal du marchal de Castellane</i>, t. V, p. 95.</p>
-
-<p><a id="Footnote_595" href="#FNanchor_595" class="label">[595]</a> Mars 1856.</p>
-
-<p><a id="Footnote_596" href="#FNanchor_596" class="label">[596]</a> En novembre 1852, le marchal de Castellane note dj: Elle
-est fort souffrante et ne se lve plus de dessus son canap. Ce qui la
-soutient, c'est de s'occuper de politique, sa grande passion. (<i>Journal du
-marchal de Castellane</i>, t. IV, p. 408).</p>
-
-<p>Il rpte en dcembre 1852: La princesse de Lieven est fort souffrante;
-elle n'ira pas loin. La politique est la seule chose qui remonte
-ses forces; elle en a la rage. Sa perte fera un vide Paris, pour les
-ambassadeurs surtout. Elle a une correspondance dans toute l'Europe;
-elle a le besoin de savoir. (<i>Ibid.</i>, t. IV, p. 420).</p>
-
-<p><a id="Footnote_597" href="#FNanchor_597" class="label">[597]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. VIII, p. 156 et 159. M. Guizot
-au baron de Barante. Paris, 3 fvrier et lundi 9 fvrier 1857.</p>
-
-<p><a id="Footnote_598" href="#FNanchor_598" class="label">[598]</a> <i>Ibid.</i>, t. VIII, p. 159. Ces mots rappellent ceux d'un billet de la
-comtesse Marie Esterhazy sa mre, dont M. de Metternich avait autrefois
-parl Mme de Lieven. Voir p. <a href="#Page_16">16</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_599" href="#FNanchor_599" class="label">[599]</a> M. <span class="smcap">Guizot</span>, <i>Mlanges biographiques et littraires</i>, p. 222.</p>
-
-<p><a id="Footnote_600" href="#FNanchor_600" class="label">[600]</a> Les princes Paul et Alexandre qui, seuls, lui survcurent de ses
-six enfants, moururent clibataires. Le dernier fut lieutenant-gnral,
-snateur, gouverneur civil de Moscou, conseiller priv adjoint du
-ministre des domaines (<span class="smcap">Ermerin</span>, <i>Annuaire de la noblesse de Russie</i>,
-2<sup>e</sup> anne, 1892, p. 135).</p>
-
-<p><a id="Footnote_601" href="#FNanchor_601" class="label">[601]</a> Comte <span class="smcap">de Hbner</span>, <i>Neuf ans de souvenirs d'un Ambassadeur d'Autriche
- Paris, 1851-1859</i>, publis par son fils le comte Alexandre
-de Hbner, 2 vol. in-8<sup>o</sup>, Paris, Plon, 1904, t. II, p. 6.</p>
-
-<p><a id="Footnote_602" href="#FNanchor_602" class="label">[602]</a> Le comte <span class="smcap">de Falloux</span>, <i>Mmoires d'un royaliste</i>, t. I, p. 79.</p>
-
-<p><a id="Footnote_603" href="#FNanchor_603" class="label">[603]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. V, VI, VII, VIII.</p>
-
-<p><a id="Footnote_604" href="#FNanchor_604" class="label">[604]</a> <i>Ibid.</i>, t. V, p. 557 (Journal de la princesse Mlanie, 9 janvier
-1834).</p>
-
-<p><a id="Footnote_605" href="#FNanchor_605" class="label">[605]</a> <i>Ibid.</i>, t. V, p. 593.</p>
-
-<p><a id="Footnote_606" href="#FNanchor_606" class="label">[606]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VII, p. 630.</p>
-
-<p><a id="Footnote_607" href="#FNanchor_607" class="label">[607]</a> <i>Ibid.</i>, t. VII, p. 301.</p>
-
-<p><a id="Footnote_608" href="#FNanchor_608" class="label">[608]</a> Comte <span class="smcap">de Hbner</span>, <i>Une anne de ma vie</i>, 1848-1849, Paris,
-Hachette, 1891, in-8<sup>o</sup>, p. 7.</p>
-
-<p><a id="Footnote_609" href="#FNanchor_609" class="label">[609]</a> <span class="smcap">Greville</span>, <i>Les quinze premires annes du rgne de la reine
-Victoria</i>, p. 375.</p>
-
-<p><a id="Footnote_610" href="#FNanchor_610" class="label">[610]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VII, p. 545 (Journal de la
-princesse Mlanie).</p>
-
-<p><a id="Footnote_611" href="#FNanchor_611" class="label">[611]</a> <i>Ibid.</i>, t. VII, p. 629 (Autobiographie), p. 546 (Journal de la
-princesse Mlanie).</p>
-
-<p><a id="Footnote_612" href="#FNanchor_612" class="label">[612]</a> <i>Ibid.</i>, t. VIII, p. 5 (Journal de la princesse Mlanie).</p>
-
-<p><a id="Footnote_613" href="#FNanchor_613" class="label">[613]</a> A son arrive Londres, M. de Metternich descendit avec les
-siens Brunswick-Htel, Hanover Square; mais, quinze jours aprs son
-arrive, il s'installa dans la maison de Lord Denbigh, 44, Eaton-Square.</p>
-
-<p><a id="Footnote_614" href="#FNanchor_614" class="label">[614]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VIII, p. 5 (Journal de la
-princesse Mlanie).</p>
-
-<p><a id="Footnote_615" href="#FNanchor_615" class="label">[615]</a> M. <span class="smcap">Guizot</span>, <i>Mmoires pour servir l'histoire de mon temps</i>,
-t. V, p. 21.</p>
-
-<p><a id="Footnote_616" href="#FNanchor_616" class="label">[616]</a> A Richmond, M. et Mme de Metternich habitrent Old Palace. A
-Bruxelles, ils lourent une maison appartenant au violoniste Briot et
-situe 11, boulevard de l'Observatoire. Ils y demeurrent du mois d'octobre
-1849 au 17 octobre 1850. A cette dernire date, ils s'installrent
-au palais d'Arenberg, prs du Sablon (<i>Mmoires du prince de Metternich</i>,
-t. VIII, p. 50, 72 et 90).</p>
-
-<p><a id="Footnote_617" href="#FNanchor_617" class="label">[617]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VIII, p. 648. Le baron
-Alexandre de Hbner au prince Richard de Metternich, Vienne, le
-26 mai 1883.</p>
-
-<p><a id="Footnote_618" href="#FNanchor_618" class="label">[618]</a> De son second mariage avec Mlle de Leykam, M. de Metternich
-n'avait eu qu'un fils: le prince Richard, n le 7 janvier 1829, qui
-mourut le 1<sup>er</sup> mars 1895. Il avait pous le 13 juin 1856 sa nice, la
-comtesse Pauline Sandor, dont l'esprit et l'entrain firent tant de sensation
- la cour des Tuileries sous le Second Empire. Il fut ambassadeur
-d'Autriche Paris et son nom, comme celui de sa femme, est associ
-aux joies ainsi qu'aux dtresses de l'entourage de Napolon III.</p>
-
-<p>Du troisime mariage du prince Clment avec la comtesse Zichy
-naquirent cinq enfants.</p>
-
-<p>1<sup>o</sup> Mlanie, ne le 27 fvrier 1832, morte le 14 janvier 1897, marie
-le 20 novembre 1853 au comte Joseph Zichy.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> Clment, n le 21 avril 1833, mort le 10 juin de la mme anne.</p>
-
-<p>3<sup>o</sup> Paul, n le 14 octobre 1834, mort le 6 fvrier 1906, pouse, le
-9 mai 1868, la comtesse Mlanie Zichy-Ferraris.</p>
-
-<p>4<sup>o</sup> Marie, ne le 23 mars 1836, morte le 12 juin 1836.</p>
-
-<p>5<sup>o</sup> Lothaire, n le 12 septembre 1837, mort le 2 octobre 1904, pousa
-successivement Caroline Reitter (21 avril 1868) et la comtesse Franoise
-Mittrowsky (5 juin 1900).</p>
-
-<p>(<span class="smcap">Strobl von Ravelsberg</span>, <i>Metternich und seine Zeit</i>, t. I, p. 56.&mdash;<i>Almanach
-de Gotha.</i>&mdash;<i>Mmoires du prince de Metternich</i>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_619" href="#FNanchor_619" class="label">[619]</a> <span class="smcap">Strobl von Ravelsberg</span>, <i>Metternich und seine Zeit</i>, t. I, p. 54.</p>
-
-<p><a id="Footnote_620" href="#FNanchor_620" class="label">[620]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VIII, p. 43.</p>
-
-<p><a id="Footnote_621" href="#FNanchor_621" class="label">[621]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VIII, p. 36, 37, 42, 85
-(Journal de la princesse Mlanie).</p>
-
-<p><a id="Footnote_622" href="#FNanchor_622" class="label">[622]</a> <i>Souvenirs du baron de Barante</i>, t. VII, p. 421. La princesse de
-Lieven M. de Barante, Brighton, 19 janvier 1849.</p>
-
-<p><a id="Footnote_623" href="#FNanchor_623" class="label">[623]</a> <i>Mmoires du prince de Metternich</i>, t. VIII, p. 88 (Journal de
-la princesse Mlanie).</p>
-
-<p><a id="Footnote_624" href="#FNanchor_624" class="label">[624]</a> J. M. <span class="smcap">Qurard</span>, <i>Les supercheries littraires dvoiles</i>, t. III,
-p. 1127.</p>
-
-<p><a id="Footnote_625" href="#FNanchor_625" class="label">[625]</a> Le <i>Moniteur universel</i> du 31 dcembre 1818, cit page 66, l'appelle par
-erreur Helzebrun.</p>
- </div>
- </div>
-</div>
-
-<p class="subt">ERRATUM<br />
-<span class="medium">P. 193. Mettre le rappel de note [335] aprs <i>Dischingen</i>.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_421"> 421</a></span></p>
-<h2 class="normal">TABLE DES MATIRES</h2>
-</div>
-
-<table id="ToC" summary="contents">
-<tr>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdr">Pages</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Prface de M. Arthur <span class="smcap">Chuquet</span></td>
-<td class="tdr"><i><a href="#Page_a">a</a></i></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="smcap">Introduction</span></td>
-<td class="tdr"><span class="smcap"><a href="#Page_I">I</a></span></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Lettres du Prince de Metternich</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_1">1</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Conclusion</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_313">313</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sources</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_389">389</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Index des noms de personnes</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_403">403</a></td>
-</tr>
-</table>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_422"> 422</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_423"> 423</a></span></p>
-
-<div class="topspace endmatter">
-<hr class="deco" />
-<p class="large">PARIS</p>
-<p class="medium">TYPOGRAPHIE PLON-NOURRIT ET C<sup>ie</sup></p>
-<p class="small">Rue Garancire,</p>
-</div>
-<hr class="deco" />
-
-
-
-
-
-
-
-<pre>
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Lettres du prince de Metternich la
-comtesse de Lieven, 1818-1819 1818-1819, by Klemens Wenzel von Metternich
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LETTRES DU PRINCE DE METTERNICH ***
-
-***** This file should be named 50708-h.htm or 50708-h.zip *****
-This and all associated files of various formats will be found in:
- http://www.gutenberg.org/5/0/7/0/50708/
-
-Produced by Clarity, Hlne de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by The Internet Archive/American Libraries.)
-
-
-Updated editions will replace the previous one--the old editions will
-be renamed.
-
-Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright
-law means that no one owns a United States copyright in these works,
-so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United
-States without permission and without paying copyright
-royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part
-of this license, apply to copying and distributing Project
-Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm
-concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark,
-and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive
-specific permission. If you do not charge anything for copies of this
-eBook, complying with the rules is very easy. You may use this eBook
-for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports,
-performances and research. They may be modified and printed and given
-away--you may do practically ANYTHING in the United States with eBooks
-not protected by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the
-trademark license, especially commercial redistribution.
-
-START: FULL LICENSE
-
-THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
-PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
-
-To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
-distribution of electronic works, by using or distributing this work
-(or any other work associated in any way with the phrase "Project
-Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full
-Project Gutenberg-tm License available with this file or online at
-www.gutenberg.org/license.
-
-Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project
-Gutenberg-tm electronic works
-
-1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
-electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
-and accept all the terms of this license and intellectual property
-(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
-the terms of this agreement, you must cease using and return or
-destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your
-possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a
-Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound
-by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the
-person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph
-1.E.8.
-
-1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
-used on or associated in any way with an electronic work by people who
-agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
-things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
-even without complying with the full terms of this agreement. See
-paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
-Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this
-agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm
-electronic works. See paragraph 1.E below.
-
-1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the
-Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
-of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual
-works in the collection are in the public domain in the United
-States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
-United States and you are located in the United States, we do not
-claim a right to prevent you from copying, distributing, performing,
-displaying or creating derivative works based on the work as long as
-all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope
-that you will support the Project Gutenberg-tm mission of promoting
-free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg-tm
-works in compliance with the terms of this agreement for keeping the
-Project Gutenberg-tm name associated with the work. You can easily
-comply with the terms of this agreement by keeping this work in the
-same format with its attached full Project Gutenberg-tm License when
-you share it without charge with others.
-
-1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
-what you can do with this work. Copyright laws in most countries are
-in a constant state of change. If you are outside the United States,
-check the laws of your country in addition to the terms of this
-agreement before downloading, copying, displaying, performing,
-distributing or creating derivative works based on this work or any
-other Project Gutenberg-tm work. The Foundation makes no
-representations concerning the copyright status of any work in any
-country outside the United States.
-
-1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
-
-1.E.1. The following sentence, with active links to, or other
-immediate access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear
-prominently whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work
-on which the phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the
-phrase "Project Gutenberg" is associated) is accessed, displayed,
-performed, viewed, copied or distributed:
-
- This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
- most other parts of the world at no cost and with almost no
- restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it
- under the terms of the Project Gutenberg License included with this
- eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the
- United States, you'll have to check the laws of the country where you
- are located before using this ebook.
-
-1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is
-derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not
-contain a notice indicating that it is posted with permission of the
-copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in
-the United States without paying any fees or charges. If you are
-redistributing or providing access to a work with the phrase "Project
-Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply
-either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or
-obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm
-trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9.
-
-1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
-with the permission of the copyright holder, your use and distribution
-must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any
-additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms
-will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works
-posted with the permission of the copyright holder found at the
-beginning of this work.
-
-1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
-License terms from this work, or any files containing a part of this
-work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
-
-1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
-electronic work, or any part of this electronic work, without
-prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
-active links or immediate access to the full terms of the Project
-Gutenberg-tm License.
-
-1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
-compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including
-any word processing or hypertext form. However, if you provide access
-to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format
-other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official
-version posted on the official Project Gutenberg-tm web site
-(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense
-to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means
-of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain
-Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the
-full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1.
-
-1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
-performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
-unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
-
-1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
-access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works
-provided that
-
-* You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
- the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
- you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed
- to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has
- agreed to donate royalties under this paragraph to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid
- within 60 days following each date on which you prepare (or are
- legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty
- payments should be clearly marked as such and sent to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in
- Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg
- Literary Archive Foundation."
-
-* You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
- you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
- does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
- License. You must require such a user to return or destroy all
- copies of the works possessed in a physical medium and discontinue
- all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm
- works.
-
-* You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of
- any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
- electronic work is discovered and reported to you within 90 days of
- receipt of the work.
-
-* You comply with all other terms of this agreement for free
- distribution of Project Gutenberg-tm works.
-
-1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project
-Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than
-are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing
-from both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and The
-Project Gutenberg Trademark LLC, the owner of the Project Gutenberg-tm
-trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below.
-
-1.F.
-
-1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
-effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
-works not protected by U.S. copyright law in creating the Project
-Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm
-electronic works, and the medium on which they may be stored, may
-contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate
-or corrupt data, transcription errors, a copyright or other
-intellectual property infringement, a defective or damaged disk or
-other medium, a computer virus, or computer codes that damage or
-cannot be read by your equipment.
-
-1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
-of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
-Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
-Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
-liability to you for damages, costs and expenses, including legal
-fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
-LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
-PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
-TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
-LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
-INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
-DAMAGE.
-
-1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
-defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
-receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
-written explanation to the person you received the work from. If you
-received the work on a physical medium, you must return the medium
-with your written explanation. The person or entity that provided you
-with the defective work may elect to provide a replacement copy in
-lieu of a refund. If you received the work electronically, the person
-or entity providing it to you may choose to give you a second
-opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If
-the second copy is also defective, you may demand a refund in writing
-without further opportunities to fix the problem.
-
-1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
-in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO
-OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT
-LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
-
-1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
-warranties or the exclusion or limitation of certain types of
-damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement
-violates the law of the state applicable to this agreement, the
-agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
-limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
-unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
-remaining provisions.
-
-1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
-trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
-providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in
-accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
-production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm
-electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
-including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
-the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
-or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or
-additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any
-Defect you cause.
-
-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
-
-Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of
-computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
-from people in all walks of life.
-
-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
-assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
-goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
-remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg-tm and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at
-www.gutenberg.org Section 3. Information about the Project Gutenberg
-Literary Archive Foundation
-
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
-U.S. federal laws and your state's laws.
-
-The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the
-mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its
-volunteers and employees are scattered throughout numerous
-locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt
-Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to
-date contact information can be found at the Foundation's web site and
-official page at www.gutenberg.org/contact
-
-For additional contact information:
-
- Dr. Gregory B. Newby
- Chief Executive and Director
- gbnewby@pglaf.org
-
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
-Literary Archive Foundation
-
-Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
-spread public support and donations to carry out its mission of
-increasing the number of public domain and licensed works that can be
-freely distributed in machine readable form accessible by the widest
-array of equipment including outdated equipment. Many small donations
-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
-with these requirements. We do not solicit donations in locations
-where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
-DONATIONS or determine the status of compliance for any particular
-state visit www.gutenberg.org/donate
-
-While we cannot and do not solicit contributions from states where we
-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
-against accepting unsolicited donations from donors in such states who
-approach us with offers to donate.
-
-International donations are gratefully accepted, but we cannot make
-any statements concerning tax treatment of donations received from
-outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
-
-Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations. To
-donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
-
-Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works.
-
-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
-distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of
-volunteer support.
-
-Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
-the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
-necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
-edition.
-
-Most people start at our Web site which has the main PG search
-facility: www.gutenberg.org
-
-This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
-including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
-subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
-
-
-
-</pre>
-
-</body>
-</html>
diff --git a/old/50708-h/images/cover.jpg b/old/50708-h/images/cover.jpg
deleted file mode 100644
index e35da2e..0000000
--- a/old/50708-h/images/cover.jpg
+++ /dev/null
Binary files differ
diff --git a/old/50708-h/images/logo.jpg b/old/50708-h/images/logo.jpg
deleted file mode 100644
index 3d86487..0000000
--- a/old/50708-h/images/logo.jpg
+++ /dev/null
Binary files differ