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@@ -0,0 +1,3690 @@
+
+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75555 ***
+
+
+
+
+
+
+ GUSTAVE LE BON
+
+ APHORISMES
+ du Temps présent
+
+
+ PARIS
+ ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR
+ 26, RUE RACINE
+
+ 1913
+
+ TROISIÈME MILLE Prix: 4 fr. »
+
+
+
+
+PRINCIPALES PUBLICATIONS
+
+DU Dr GUSTAVE LE BON
+
+
+1º RECHERCHES EXPÉRIMENTALES
+
+La Fumée du Tabac. 2e édition augmentée de nouvelles recherches sur les
+divers alcaloïdes que la fumée du tabac contient. In-8º. (_Épuisé._)
+
+La Vie.--Traité de physiologie humaine. 1 volume in-8º, illustré de 300
+gravures. (_Épuisé._)
+
+Recherches expérimentales sur l’Asphyxie. (Comptes rendus de l’Académie
+des Sciences.)
+
+Recherches anatomiques et mathématiques sur les lois des variations du
+volume du crâne. (_Épuisé._)
+
+La Méthode graphique et les appareils enregistreurs, contenant la
+description des nouveaux instruments de l’auteur. 1 vol. in-8º, avec 63
+figures. (_Épuisé._)
+
+Les Levers photographiques. Exposé des méthodes des levers de cartes et
+de plans employées par l’auteur pendant ses voyages. 2 vol. in-18.
+(Gauthier-Villars.)
+
+L’Équitation actuelle et ses principes.--Recherches expérimentales. 4e
+édition. 1 vol. in-8º, avec un atlas de 200 photographies instantanées.
+(Flammarion.)
+
+Mémoires de physique. _Lumière noire. Phosphorescence. Ondes
+hertziennes. Dissociation de la matière. Énergie intra-atomique_, etc.
+
+L’Évolution de la matière. 1 vol. in-18, illustré de 62 figures
+photographiées au laboratoire de l’auteur. 24e édition. (Flammarion)
+
+L’Évolution des forces. 1 vol. in-18, illustré de 40 figures. 13e
+édition. (Flammarion.)
+
+
+2º VOYAGES, HISTOIRE, PHILOSOPHIE
+
+Voyage aux monts Tatras, avec une carte et un panorama dressés par
+l’auteur. (Publié par la _Société géographique de Paris_.)
+
+Voyage au Népal. (Publié par le _Tour du monde_.)
+
+L’Homme et les Sociétés.--Leurs origines et leur histoire. 2 vol. in-8º.
+(_Épuisé._)
+
+Les premières Civilisations de l’Orient. Grand in-4º, illustré de 430
+gravures, 2 cartes et 9 photographies. (Flammarion.)
+
+La Civilisation des Arabes. Grand in-4º, illustré de 366 gravures, 4
+cartes et 11 planches en couleur, d’après les documents de l’auteur.
+(_Épuisé._)
+
+Les Civilisations de l’Inde. Grand in-4º, illustré de 352 photogravures
+et 2 cartes, d’après les photographies exécutées par l’auteur. 2e
+édition. (_Épuisé._)
+
+Les Monuments de l’Inde. In-folio, illustré de 400 planches, par
+l’auteur. (_Épuisé._)
+
+Les Lois psychologiques de l’évolution des peuples. 1 vol. in-18, 10e
+édition. (F. Alcan.)
+
+Psychologie des foules. 1 vol. in-18, 18e édition. (F. Alcan.)
+
+Psychologie du Socialisme. 1 vol. in-8º de la _Bibliothèque de
+philosophie contemporaine_. 7e édition. (F. Alcan.)
+
+Psychologie de l’Éducation. 1 vol. in-18, 14e mille. (Flammarion.)
+
+La Psychologie politique. 1 vol. in-18, 9e mille. (Flammarion.)
+
+Les Opinions et les Croyances. 1 vol. in-18, 7e mille. (Flammarion.)
+
+La Révolution française et la psychologie des révolutions. 1 vol.,
+in-18, 9e mille. (Flammarion.)
+
+ * * * * *
+
+Il existe des traductions en allemand, anglais, italien, russe,
+polonais, espagnol, portugais, suédois, tchèque, arabe, turc,
+hindoustani, japonais, etc., de plusieurs des précédents ouvrages.
+
+
+
+
+A
+
+S. A. R. LE PRINCE GEORGES DE GRÈCE
+
+Affectueux Souvenir
+
+GUSTAVE LE BON
+
+
+
+
+PRÉFACE
+
+
+Ce livre a pour but de condenser en aphorismes quelques-unes des idées
+disséminées dans mes divers ouvrages.
+
+Grâce à sa forme brève, l’aphorisme impressionne l’esprit et se retient
+facilement. Il constitue, pour ces raisons, un des genres littéraires
+les plus répandus.
+
+La plupart de nos vérités, c’est-à-dire des idées que nous nous faisons
+des choses, se présentent à l’esprit sous une forme concise.
+L’expérience humaine fut toujours synthétisée en proverbes et sentences,
+qui sont les aphorismes des peuples. L’homme pense par aphorismes et se
+guide avec des aphorismes. L’aphorisme le dispense de longuement
+réfléchir avant d’agir.
+
+Ces avantages ne sont pas sans inconvénients. L’aphorisme représente en
+effet la conclusion d’une démonstration que le lecteur doit chercher.
+
+Quand cette démonstration se devine facilement, l’aphorisme est voisin
+du truisme; si on ne la saisit pas, l’aphorisme reste incompréhensible.
+Il semble donc condamné à n’exprimer que des vérités très générales et
+souvent évidentes. Tel est justement le cas de la plupart des proverbes.
+
+Si je n’ai pas hésité à faire figurer dans ce livre certaines
+propositions dont l’évidence ne s’impose pas tout d’abord, c’est que
+leur démonstration se trouve dans mes ouvrages. Ce petit volume en est
+la synthèse.
+
+GUSTAVE LE BON
+
+Paris, Mars 1913.
+
+
+
+
+LIVRE PREMIER
+
+La Vie Affective
+
+
+
+
+I
+
+LE CARACTÈRE ET LA PERSONNALITÉ
+
+
+On ne se conduit pas avec son intelligence mais avec son caractère.
+
+ * * * * *
+
+Le moi se compose d’un agrégat d’éléments ancestraux souvent
+hétérogènes. Son unité est aussi fictive que celle d’une armée.
+
+ * * * * *
+
+La psychologie de chaque individu est formée de psychologies
+superposées: psychologie de sa race, de sa famille, de son groupe. Un
+homme peut rarement se soustraire à cette addition de forces
+accablantes.
+
+ * * * * *
+
+Les transformations brusques du caractère tiennent à ce que certains
+événements, font surgir une des nombreuses personnalités qui sommeillent
+en nous.
+
+ * * * * *
+
+Il est impossible de juger les sentiments d’un être par sa conduite dans
+un cas déterminé. L’homme d’une circonstance n’est pas celui de toutes
+les circonstances.
+
+ * * * * *
+
+Pour connaître un homme il faut l’étudier en temps de grandes crises,
+notamment de révolutions. Alors seulement se révèlent ses diverses
+possibilités de caractère.
+
+ * * * * *
+
+La constance du caractère représente surtout la constance du milieu.
+
+ * * * * *
+
+Les raisons attribuées par nous à nos actes constituent rarement leurs
+vrais mobiles. Elles servent surtout à justifier les impulsions
+sentimentales et mystiques qui nous ont fait agir.
+
+ * * * * *
+
+Les contradictions de la conduite tiennent souvent aux dissemblances de
+la volonté consciente et de la volonté inconsciente.
+
+ * * * * *
+
+L’intelligence et la volonté inconscientes, étant quelquefois
+supérieures à l’intelligence et à la volonté conscientes, des hommes
+raisonnant fort mal peuvent agir très bien.
+
+ * * * * *
+
+Supposer chez les autres des sentiments identiques à ceux qui nous
+mènent, est se condamner à ne jamais les comprendre.
+
+ * * * * *
+
+Grâce aux suggestions de l’habitude, les hommes savent chaque jour ce
+qu’il faut dire, faire et penser.
+
+ * * * * *
+
+L’être irrésolu n’est pas guidé par ses véritables désirs, mais par ceux
+qu’il se suppose au moment où il est forcé d’agir.
+
+ * * * * *
+
+Quand on ne gêne pas par sa volonté, on nuit souvent par son inertie.
+
+ * * * * *
+
+Les héros populaires n’ont pas toujours le caractère qu’on leur
+attribue, mais ils finissent souvent par le prendre.
+
+ * * * * *
+
+Les œuvres importantes résultent plus rarement d’un grand effort, que
+d’une accumulation de petits efforts.
+
+ * * * * *
+
+Le proverbe: _Qui peut le plus peut le moins_, n’est pas toujours exact.
+Les esprits supérieurs réussissent parfois mieux les choses difficiles
+que les choses faciles.
+
+ * * * * *
+
+La vanité est pour les imbéciles une puissante source de satisfaction.
+Elle leur permet de substituer aux qualités qu’ils n’acquerront jamais,
+la conviction de les avoir toujours possédées.
+
+ * * * * *
+
+Nul besoin d’être loué quand on est sûr de soi. Qui recherche la louange
+doute de sa propre valeur.
+
+ * * * * *
+
+Appartenir à une école, c’est perdre sa personnalité; ne pas appartenir
+à une école, c’est abdiquer toute possibilité de prestige.
+
+ * * * * *
+
+Les grandes pensées viennent de l’esprit et non du cœur comme on l’a
+soutenu, mais c’est du cœur qu’elles tirent leur force.
+
+ * * * * *
+
+Le caractère et l’intelligence étant rarement réunis, il faut se
+résigner à choisir ses amis pour leur caractère et ses relations pour
+leur intelligence.
+
+ * * * * *
+
+Chez les natures sensibles, l’âme est une mer changeante, sur laquelle
+la lumière des choses se reflète chaque jour avec des nuances
+différentes.
+
+ * * * * *
+
+Les grandes supériorités mentales sont un peu comparables aux
+monstruosités botaniques artificiellement créées. Leur descendance
+retourne toujours au type moyen de l’espèce.
+
+ * * * * *
+
+On n’est pas maître de ses désirs, on l’est souvent de sa volonté.
+
+ * * * * *
+
+Rien ne résiste à une volonté forte et continue: ni la nature, ni les
+hommes, ni la fatalité même.
+
+ * * * * *
+
+Une volonté forte a le plus souvent un désir fort pour soutien. Le désir
+est l’âme de la volonté.
+
+
+
+
+II
+
+L’AFFECTIF ET LE RATIONNEL
+
+
+Les sentiments sont la base de l’existence. Le jour où le dévouement, la
+pitié, l’amour, et les illusions qui nous mènent, seraient remplacés par
+la froide raison, tous les ressorts de l’activité se trouveraient
+brisés.
+
+ * * * * *
+
+Le rôle de la raison apparut très tard dans l’histoire de notre planète.
+Pendant des entassements d’âges, les êtres ont vécu et se sont
+transformés sans elle.
+
+ * * * * *
+
+L’évolution des sentiments est indépendante de la volonté. Nul ne peut
+aimer ou haïr à son gré. L’homme le plus fort reste sans pouvoir sur la
+vie de ses éléments affectifs et ne peut qu’en réfréner l’expression.
+
+ * * * * *
+
+Les sentiments, quoique peu variables, changent souvent d’objet. C’est
+ce qui fait croire à leurs transformations.
+
+ * * * * *
+
+En matière de sentiment, l’illusion crée vite la certitude.
+
+ * * * * *
+
+Les sentiments simulés finissent quelquefois par devenir des sentiments
+éprouvés.
+
+ * * * * *
+
+La force des évidences sentimentales, est de ne pas tenir compte des
+évidences rationnelles.
+
+ * * * * *
+
+Les diverses formes de logiques: mystique, sentimentale et rationnelle,
+n’ayant pas de commune mesure, peuvent se superposer mais non se
+concilier.
+
+ * * * * *
+
+Les sentiments se combattent avec des sentiments, ou des représentations
+mentales de sentiments, jamais avec des raisons.
+
+ * * * * *
+
+Ce qu’on fait par orgueil est supérieur à ce qu’on accomplit par devoir.
+
+ * * * * *
+
+Les impulsions sentimentales et mystiques agissent beaucoup plus sur la
+conduite des hommes, que toutes les démonstrations rationnelles.
+
+ * * * * *
+
+Une idée, dénuée de soutien affectif ou mystique, n’exerce aucune
+action. Elle est un fantôme sans prestige, sans durée et sans force.
+
+ * * * * *
+
+Les influences affectives, mystiques et collectives sont les grandes
+régulatrices de l’histoire.
+
+ * * * * *
+
+Démontrer qu’une chose est rationnelle ne prouve pas toujours qu’elle
+soit raisonnable.
+
+
+
+
+III
+
+LE PLAISIR ET LA DOULEUR
+
+
+L’homme ne possède que deux certitudes absolues: le plaisir et la
+douleur. Elles orientent toute sa vie individuelle et sociale.
+
+ * * * * *
+
+Les codes religieux et sociaux n’ont jamais pu trouver d’autres soutiens
+à leurs prescriptions, que l’attrait du plaisir et la crainte de la
+douleur: châtiments ou récompenses, paradis ou enfer.
+
+ * * * * *
+
+Les variations possibles de la sensibilité n’étant pas très étendues,
+les bornes du plaisir et de la douleur sont bientôt atteintes.
+
+ * * * * *
+
+La répétition fréquente des mêmes sensations, engendre un effet
+physiologique qu’on pourrait qualifier loi de lassitude. Elle oblige les
+êtres sensibles à varier souvent leurs désirs.
+
+ * * * * *
+
+Les croyants reconnaissent que l’attrait du paradis serait moins vif
+sans la crainte de l’enfer.
+
+ * * * * *
+
+Le plaisir étant éphémère, et le désir durable, les hommes sont plus
+facilement menés par le désir que par le plaisir.
+
+ * * * * *
+
+Le bonheur est surtout de l’espérance réalisable, mais non réalisée
+encore.
+
+ * * * * *
+
+L’homme qui, suivant le conseil du bouddhisme, tuerait en lui le désir
+perdrait toute raison d’agir.
+
+ * * * * *
+
+Le désir établit l’échelle de nos valeurs. L’idéal de chaque peuple est
+la synthèse de ses désirs.
+
+ * * * * *
+
+Les grands manieurs d’hommes furent toujours des créateurs de désirs.
+Les réformateurs ne font que substituer un désir à un autre désir.
+
+ * * * * *
+
+La vie paraîtrait trop longue si elle n’était consacrée à poursuivre des
+bonheurs chimériques, et à regretter ceux qu’on ne peut atteindre.
+
+ * * * * *
+
+L’homme vraiment sage saurait maîtriser toutes les impulsions de son
+cœur, mais être sage n’est pas toujours être heureux.
+
+ * * * * *
+
+La vue du malheur est antipathique au bonheur. L’amitié ne dure guère
+entre l’homme heureux et l’homme malheureux.
+
+ * * * * *
+
+L’attraction et la répulsion dirigent l’évolution des mondes. L’amour et
+la haine, qui en sont des formes, dirigent l’évolution des êtres.
+
+ * * * * *
+
+La véritable durée de la vie ne dépend pas du nombre des jours, mais de
+la diversité des sensations accumulées pendant ces jours.
+
+
+
+
+IV
+
+LA PSYCHOLOGIE FÉMININE
+
+
+La femme est trop confinée dans le domaine de l’affectif et du mystique,
+pour être beaucoup influencée par un raisonnement.
+
+ * * * * *
+
+L’intuition est souvent supérieure à la raison. Elle fait deviner à des
+femmes, raisonnant mal, des choses incomprises d’hommes raisonnant très
+bien.
+
+ * * * * *
+
+La femme demeurant plus apte à sentir qu’à raisonner, on n’améliore pas
+sa destinée en l’obligeant à trop penser.
+
+ * * * * *
+
+Selon les divers ordres d’activité, la femme est inférieure ou
+supérieure à l’homme. Elle est rarement son égale.
+
+ * * * * *
+
+En matière d’art et de toilette, les femmes n’ont que des goûts
+suggérés.
+
+ * * * * *
+
+La femme ne pardonne pas à l’homme de deviner ce qu’elle pense, à
+travers ce qu’elle dit.
+
+ * * * * *
+
+Dominer ou être dominée, il n’y a pas pour l’âme féminine, d’autre
+alternative.
+
+ * * * * *
+
+L’affectif étant mal exprimable en termes intellectuels, vouloir
+raisonner sur l’amour c’est forcément déraisonner.
+
+ * * * * *
+
+Les femmes perdraient vite leur empire sur l’homme, si elles pouvaient
+acquérir la faculté d’être sincères.
+
+ * * * * *
+
+L’homme ne croit guère la femme que quand elle ment. Il la condamne
+ainsi à souvent mentir.
+
+ * * * * *
+
+L’obstination habituelle des femmes et des diplomates à nier l’évidence,
+est la principale cause du scepticisme que leurs propos inspirent.
+
+ * * * * *
+
+Les femmes reprochent aux hommes de ne pas les comprendre, mais quels
+êtres de mentalités différentes se sont jamais compris?
+
+ * * * * *
+
+En amour, quand on demande des paroles, c’est qu’on a peur d’entendre
+les pensées.
+
+ * * * * *
+
+L’amour élève ou abaisse, il ne nous permet donc pas de rester
+nous-même.
+
+ * * * * *
+
+La femme est trop peu sortie encore du domaine de l’Instinctif pour ne
+pas préférer, à la gloire la plus haute, l’amour le plus médiocre.
+
+ * * * * *
+
+L’amour craint le doute, cependant il grandit par le doute et périt
+souvent par la certitude.
+
+ * * * * *
+
+Les passions modérées sont les plus durables. On arrive vite à ne plus
+se supporter quand on commence par trop s’aimer.
+
+ * * * * *
+
+L’amour devenu clairvoyant, est bien près de finir.
+
+ * * * * *
+
+Vouloir retenir un amour qui meurt, c’est prétendre ralentir
+l’écoulement des jours.
+
+
+
+
+V
+
+LES OPINIONS
+
+
+Nos opinions représentent souvent de petites croyances en voie de
+formation, et par conséquent non stabilisées encore.
+
+ * * * * *
+
+Une opinion peut avoir des origines affectives, mystiques ou
+rationnelles. L’origine rationnelle est la plus rare.
+
+ * * * * *
+
+Les opinions de la majorité des hommes ne se fondent pas sur des
+arguments, mais sur des haines, des sympathies ou des espérances.
+
+ * * * * *
+
+Le milieu crée nos opinions. Les passions et l’intérêt les transforment.
+
+ * * * * *
+
+La plupart des hommes sont incapables de se former une opinion
+personnelle, mais le groupe social auquel ils appartiennent leur en
+fournit de toutes faites.
+
+ * * * * *
+
+Peu d’êtres savent voir les choses comme elles sont. Les uns aperçoivent
+seulement ce qu’ils veulent voir, les autres ce qu’on leur fait voir.
+
+ * * * * *
+
+Il faut un esprit très indépendant, pour se créer cinq ou six opinions
+personnelles dans le cours de l’existence.
+
+ * * * * *
+
+Si les opinions les moins fondées sont généralement très tenaces, c’est
+qu’elles ont pour soutien des éléments affectifs et mystiques sur
+lesquels la raison reste sans prise.
+
+ * * * * *
+
+Un livre peut modifier pendant quelques instants les opinions du
+lecteur, mais ses idées inconscientes reprennent bientôt leur force.
+
+ * * * * *
+
+L’intolérance des opinions l’emporte sur la tolérance, parce que la
+première est d’origine affective ou mystique, et la seconde d’origine
+rationnelle.
+
+ * * * * *
+
+Contester la valeur d’une opinion d’origine affective ou mystique, c’est
+la fortifier.
+
+ * * * * *
+
+Les foules ne créent pas l’opinion, mais lui donnent sa force. Une
+opinion populaire devient vite contagieuse.
+
+ * * * * *
+
+Il n’y a guère aujourd’hui de journaux assez indépendants, pour
+permettre à leurs rédacteurs des opinions personnelles.
+
+ * * * * *
+
+L’absence d’esprit critique favorise beaucoup l’adoption des opinions
+générales, nécessaires à l’existence d’une société. Un peuple, dont
+toutes les unités seraient douées d’esprit critique, ne subsisterait pas
+longtemps.
+
+ * * * * *
+
+La force d’une opinion générale est irrésistible. En la créant on la
+domine; si on ne sait pas la créer il faut la subir.
+
+
+
+
+VI
+
+LES MOTS ET LES FORMULES
+
+
+L’affectif, n’ayant pas d’équivalent rationnel, n’est pas exprimable en
+termes intellectuels. Les mots ne peuvent donc traduire les sentiments
+avec exactitude.
+
+ * * * * *
+
+Derrière certains mots, se trouve un monde d’idées que ces mots ne
+sauraient atteindre.
+
+ * * * * *
+
+Plus un mot est d’usage général, plus il revêt de sens différents
+suivant la mentalité des hommes qui l’emploient.
+
+ * * * * *
+
+L’incompréhension qui domine les relations entre les êtres de races, de
+situations sociales et de sexes différents, est irréductible, parce que
+les mêmes mots éveillent chez eux des idées dissemblables. On peut donc
+dire qu’en réalité, ils ne parlent pas la même langue.
+
+ * * * * *
+
+Les mots qui représentent des idées abstraites, ne sont pas traduisibles
+avec exactitude dans une langue étrangère. D’un peuple à l’autre, les
+mêmes mots correspondent à des images mentales différentes.
+
+ * * * * *
+
+L’interprétation diverse de mêmes mots, par des êtres de mentalité
+dissemblable, a été une cause fréquente des luttes historiques.
+
+ * * * * *
+
+Dans l’art de gouverner figure la nécessité d’utiliser les mots
+possédant du prestige. Leur action est généralement plus efficace que
+celle des arguments rationnels.
+
+ * * * * *
+
+Le contenu mystique de certaines formules, leur donne un pouvoir magique
+redoutable. Des milliers d’hommes se firent tuer pour des paroles qu’ils
+ne pouvaient comprendre, et d’ailleurs dépourvues de sens rationnel.
+
+ * * * * *
+
+En politique, les choses ont moins d’importance que leurs noms. Déguiser
+sous des mots bien choisis, les théories les plus absurdes, suffit
+souvent à les faire accepter.
+
+ * * * * *
+
+Certains mots, certaines formules, sont de puissants évocateurs
+d’images, mais leur vie est éphémère. Ils s’usent et perdent alors la
+faculté d’émouvoir.
+
+ * * * * *
+
+Les mots fixés par l’écriture ne peuvent changer que lentement. Leur
+sens et les images qu’ils évoquent évoluent au contraire rapidement. Un
+langage ancien ne peut donc représenter que les idées d’autrefois.
+
+ * * * * *
+
+Chez beaucoup d’hommes, la parole précède la pensée. Ils savent
+seulement ce qu’ils pensent, après avoir entendu ce qu’ils disent.
+
+
+
+
+VII
+
+LA PERSUASION
+
+
+§ 1. La suggestion, la répétition et la contagion.
+
+Un traité complet de l’art de persuader pourrait ne contenir que cinq
+chapitres: Affirmation, Répétition, Prestige, Suggestion, Contagion.
+
+ * * * * *
+
+Persuader n’est pas simplement convaincre, mais faire agir.
+
+ * * * * *
+
+Les raisonnements peuvent convaincre, mais ils ne font pas toujours
+agir. La suggestion, la répétition et la contagion pénétrant dans
+l’inconscient, tendent au contraire à se transformer en actes.
+
+ * * * * *
+
+La contagion mentale est le plus sûr agent de propagation des opinions
+et des croyances. Les convictions politiques ne se fondent guère
+autrement, on tâche ensuite de leur donner un aspect rationnel pour les
+justifier.
+
+ * * * * *
+
+Si les observations collectives sont presque toujours erronées, c’est
+qu’elles représentent souvent l’illusion d’un individu, transmise par
+voie de contagion.
+
+ * * * * *
+
+Dès que, par suggestion ou contagion, une opinion est fixée dans
+l’esprit, son absurdité n’apparaît plus, la raison ne peut l’atteindre,
+elle domine la volonté et la conduite.
+
+ * * * * *
+
+Suffisamment répétées, les théories les plus funestes finissent par
+s’incorporer dans l’inconscient et devenir mobiles d’action.
+
+ * * * * *
+
+Obtenir par suggestion, vaut toujours mieux qu’obtenir par contrainte.
+
+ * * * * *
+
+L’art des grands meneurs, est de créer chez ceux qu’ils entraînent, des
+personnalités nouvelles.
+
+ * * * * *
+
+Pour acquérir une autorité momentanée, il suffit généralement de
+persuader qu’on la possède.
+
+ * * * * *
+
+On domine plus facilement les peuples en excitant leurs passions, qu’en
+s’occupant de leurs intérêts.
+
+ * * * * *
+
+Pour agir profondément sur les hommes, ce n’est pas leur âme consciente
+qu’il importe d’influencer, mais leur âme inconsciente.
+
+ * * * * *
+
+Qui sait dompter ou séduire, n’a pas besoin de discourir pour persuader.
+
+
+§ 2. Le Prestige.
+
+A qui possède le prestige, la force est inutile.
+
+ * * * * *
+
+Le prestige peut remplacer la force, mais la force ne remplace pas le
+prestige.
+
+ * * * * *
+
+La force contraint à obéir, le prestige enlève jusqu’à l’idée de
+désobéir.
+
+ * * * * *
+
+Pas d’obéissance volontaire sans respect, pas de respect sans prestige.
+
+ * * * * *
+
+En remplissant l’âme d’étonnement et de respect, le prestige paralyse
+les facultés critiques et rend la suggestion facile.
+
+ * * * * *
+
+Une erreur, auréolée de prestige, exercera toujours plus d’action qu’une
+vérité sans prestige.
+
+ * * * * *
+
+Les gouvernements et les peuples qui perdent leur prestige, ont bientôt
+tout perdu.
+
+
+
+
+LIVRE II
+
+La Vie Collective
+
+
+
+
+I
+
+L’AME DES RACES
+
+
+Les races pures n’existent plus que parmi les primitifs. Chez les
+peuples civilisés, la répétition des croisements et l’identité du milieu
+ont fini par former des races historiques nouvelles, analogues aux races
+pures.
+
+ * * * * *
+
+Les caractères psychologiques d’une race historique, sont aussi stables
+que ses caractères anatomiques. Ils se transmettent par l’hérédité avec
+régularité et constance.
+
+ * * * * *
+
+Le hasard des conquêtes peut courber sous une seule domination plusieurs
+peuples différents. Des siècles de croisements et de conditions
+d’existence identiques, leur sont nécessaires pour acquérir une âme
+nationale.
+
+ * * * * *
+
+L’histoire d’un peuple est le récit de ses efforts pour stabiliser son
+âme et sortir ainsi de la barbarie.
+
+ * * * * *
+
+La force d’un peuple réside moins dans la puissance de ses armées, que
+dans la communauté de sentiments engendrée par la solidité de son âme
+nationale. L’âme nationale des Romains leur fit dominer le monde. Ils
+disparurent en la perdant.
+
+ * * * * *
+
+L’évolution régressive étant toujours plus rapide que l’évolution
+ascendante, les peuples mettent des siècles à acquérir une certaine
+structure mentale et la perdent parfois très vite.
+
+ * * * * *
+
+Un peuple civilisé représente une foule, dont l’âme a été stabilisée par
+de lentes accumulations ancestrales.
+
+ * * * * *
+
+L’âme stable de la race tend toujours à lutter contre l’âme instable de
+la foule et à limiter ses oscillations. Les foules font les révolutions.
+L’âme de la race en restreint la durée.
+
+ * * * * *
+
+Chaque race historique et chaque phase de la vie de cette race
+impliquent certaines institutions, certaines morales, certains arts,
+certaines philosophies et n’en impliquent pas d’autres. Jamais peuple
+n’adopta une civilisation étrangère sans la transformer entièrement.
+
+ * * * * *
+
+Prétendre imposer nos institutions, nos coutumes et nos lois aux
+indigènes d’une colonie, c’est vouloir substituer au passé d’une race le
+passé d’une autre race.
+
+ * * * * *
+
+Sans rigidité, l’âme ancestrale ne possède aucune permanence. Sans une
+certaine malléabilité, elle ne saurait s’adapter aux changements de
+milieux, engendrés par l’évolution de la civilisation, et en conséquence
+progresser.
+
+ * * * * *
+
+L’hérédité seule peut lutter contre l’hérédité. Les croisements entre
+individus inégaux désagrègent l’âme ancestrale de la race. Plusieurs
+nations périrent pour ne l’avoir pas compris.
+
+ * * * * *
+
+Le patriotisme représente la synthèse des aspirations de l’âme
+nationale.
+
+ * * * * *
+
+Le métis est un homme qui flotte entre les impulsions contraires
+d’ancêtres, d’intelligence, de moralité et de caractère différents.
+
+ * * * * *
+
+Un peuple de métis est ingouvernable.
+
+ * * * * *
+
+Le passé ne meurt jamais. Il vit en nous-même et constitue le guide le
+plus sûr de la conduite des individus et des peuples. L’âme des vivants
+est faite surtout de la pensée des morts.
+
+ * * * * *
+
+Les morts sont souvent terriblement tyranniques.
+
+ * * * * *
+
+Créer des idées qui influenceront les hommes, c’est mettre un peu de
+soi-même dans la vie de ses descendants.
+
+
+
+
+II
+
+L’AME DES FOULES
+
+
+Chez les hommes en foule se forme une âme collective, très différente de
+l’âme individuelle de chacun d’eux.
+
+ * * * * *
+
+L’âme des foules est dominée par une logique particulière inconsciente:
+la logique collective.
+
+ * * * * *
+
+L’homme faisant partie d’une multitude cesse d’être lui-même. Sa
+personnalité consciente s’évanouit dans l’âme inconsciente de la foule.
+Il perd tout esprit critique, toute aptitude à raisonner, et redevient
+un primitif. Il en a les héroïsmes, les enthousiasmes et les violences.
+
+ * * * * *
+
+ * * * * *
+
+Excitabilité, fureurs subites, inaptitude au raisonnement, crédulité
+sans bornes, intolérance excessive, obéissance servile aux meneurs,
+constituent les caractères principaux des foules.
+
+ * * * * *
+
+Toujours intellectuellement au-dessous de l’homme isolé, une foule peut
+lui être supérieure ou inférieure dans le domaine des sentiments. Elle
+devient aussi aisément héroïque que criminelle.
+
+ * * * * *
+
+La foule est un être amorphe, incapable de vouloir et d’agir sans
+meneur. Son âme semble liée à celle de ce meneur.
+
+ * * * * *
+
+Exagérées dans leurs sentiments, les foules réclament de leurs meneurs
+la même exagération.
+
+ * * * * *
+
+Il est beaucoup plus facile de suggestionner une collectivité qu’un
+individu.
+
+ * * * * *
+
+La notion de sa puissance et de son irresponsabilité, donne à la foule
+une intolérance et un orgueil excessifs.
+
+ * * * * *
+
+La foule est plus susceptible d’héroïsme que de moralité.
+
+ * * * * *
+
+Il faut à la foule un fétiche: personnage, doctrine ou formule.
+
+ * * * * *
+
+L’extrême sensibilité des foules rend leurs sentiments très mobiles.
+Elles passent facilement de l’adoration à la haine.
+
+ * * * * *
+
+Le mysticisme, qui sature les foules, leur fait attribuer une puissance
+mystérieuse à la formule politique, ou au héros qui les séduit.
+
+ * * * * *
+
+Confinée dans l’affectif et le mystique, la foule est incapable de voir
+ce qu’apercevrait clairement l’observateur isolé. Un témoignage
+collectif est donc le plus souvent erroné.
+
+ * * * * *
+
+La foule ne retient guère des événements que leur côté merveilleux. Les
+légendes sont plus durables que l’histoire.
+
+ * * * * *
+
+Les foules exigent avant tout des espérances. Privées du sens des
+possibilités et douées d’une crédulité infinie, elles acceptent les plus
+invraisemblables promesses.
+
+ * * * * *
+
+Dans les foules, les sentiments les émotions et les croyances, exercent
+un pouvoir contagieux, contre lequel aucun argument rationnel ne peut
+lutter.
+
+ * * * * *
+
+L’affirmation, la répétition, la contagion et le prestige constituent
+les seuls moyens efficaces de persuader les foules.
+
+ * * * * *
+
+Une idée n’est acceptée par les foules que concrétisée en formules
+brèves et violentes.
+
+ * * * * *
+
+L’altruisme est une vertu collective. L’intérêt personnel, si influent
+sur les individus, agit peu sur les multitudes.
+
+ * * * * *
+
+Toujours impressionnées par la force, les foules le sont rarement par la
+bonté.
+
+ * * * * *
+
+Les foules ne respectent que les forts. Le mépris du faible a toujours
+été leur loi.
+
+ * * * * *
+
+A la liberté, les foules ont généralement préféré l’égalité dans la
+servitude.
+
+ * * * * *
+
+Quand les freins sociaux, qui contiennent les instincts des multitudes,
+sont brisés, elles retombent très vite dans la barbarie ancestrale.
+
+ * * * * *
+
+Il est parfois utile à un politicien d’invoquer la sagesse, le bon sens
+et la modération des multitudes. Les croire douées de telles qualités
+rend incapable de gouverner.
+
+ * * * * *
+
+Céder une fois à la foule, c’est lui donner conscience de sa force et se
+condamner à lui céder toujours.
+
+ * * * * *
+
+Le poids du nombre tend chaque jour à se substituer au poids de
+l’intelligence. Mais si le nombre peut détruire l’intelligence, il est
+incapable de la remplacer.
+
+ * * * * *
+
+Les foules comprennent rarement quelque chose aux événements qu’elles
+accomplissent.
+
+
+
+
+III
+
+L’AME DES ASSEMBLÉES
+
+
+Les grandes assemblées possèdent les principales caractéristiques des
+foules: Niveau intellectuel médiocre, excitabilité excessive, fureurs
+subites, intolérance complète, obéissance servile aux meneurs.
+
+ * * * * *
+
+Une foule hétérogène formée d’individus différents, réunis au hasard,
+n’a qu’une âme transitoire. Une foule homogène: comités politiques,
+groupements professionnels, congrégations, etc., possède une âme
+collective que la communauté des intérêts rend assez fixe.
+
+ * * * * *
+
+Bien que soumise aux règles de la psychologie collective, une assemblée
+politique n’agit pas toujours comme une foule, parce que les groupes
+rivaux dont elle se compose possèdent des intérêts contraires et ont
+chacun leurs meneurs.
+
+ * * * * *
+
+L’homme médiocre augmente sa valeur en faisant partie d’un groupe;
+l’homme supérieur la diminue.
+
+ * * * * *
+
+Certains meneurs violents et possédant du prestige, parviennent
+quelquefois à transformer tous les groupes d’une réunion, en une seule
+foule soumise à leur volonté. Les grandes assemblées révolutionnaires
+fournirent plusieurs exemples de ce phénomène.
+
+ * * * * *
+
+L’âme collective des assemblées les conduit souvent à des votes
+contraires aux volontés individuelles de leurs membres. L’histoire de la
+Révolution est incompréhensible sans la connaissance de cette loi.
+
+ * * * * *
+
+On ne peut agir sur les individus d’un groupe qu’en influençant d’abord
+les meneurs de ce groupe.
+
+ * * * * *
+
+Une minorité brutale et hardie conduira toujours une majorité craintive
+et irrésolue.
+
+ * * * * *
+
+La peur est un des plus grands mobiles d’action des assemblées
+politiques. C’est par excès de peur qu’elles manifestent quelquefois un
+peu de courage.
+
+
+
+
+IV
+
+LA VIE DES PEUPLES
+
+
+Les principes directeurs capables de guider un peuple n’ont pas besoin
+d’être nombreux, il suffit qu’ils soient stables et universellement
+respectés.
+
+ * * * * *
+
+La destinée d’un peuple dépend beaucoup plus de son caractère, que de
+son intelligence.
+
+ * * * * *
+
+L’âme ancestrale d’un peuple domine toute son évolution. Les
+bouleversements politiques ne modifient que l’expression de cette âme.
+
+ * * * * *
+
+Garder les institutions du passé, mais les transformer insensiblement,
+est pour les peuples une grande force. Les Romains jadis, les Anglais de
+nos jours, sont à peu près les seuls ayant su réaliser cet idéal.
+
+ * * * * *
+
+Un peuple n’essaya jamais de rompre brusquement avec ses aïeux, sans
+bouleverser profondément le cours de son histoire.
+
+ * * * * *
+
+Le joug formidable des ancêtres écrase l’individu mais fortifie la
+société.
+
+ * * * * *
+
+Pour un peuple, ne pas avoir de passé, comme les États-Unis, par
+exemple, est à la fois une force et une faiblesse.
+
+ * * * * *
+
+Un peuple ne pourrait pas plus transmettre à un autre ses institutions,
+que lui léguer son âme.
+
+ * * * * *
+
+La conquête durable d’un peuple ne se fait pas avec des canons, mais par
+l’établissement, entre conquérant et conquis, d’une certaine communauté
+de sentiments, d’intérêts et de pensées.
+
+ * * * * *
+
+Un peuple n’est vraiment fort que si les classes qui le composent
+possèdent beaucoup d’intérêts communs. L’égoïsme individuel agit alors
+dans le même sens que l’égoïsme collectif.
+
+ * * * * *
+
+Les divergences politiques chez un peuple, dont l’âme nationale est
+solidement constituée, s’effacent vite devant de grands intérêts
+collectifs.
+
+ * * * * *
+
+Les nations latines se fatiguent plus rapidement de la liberté que de la
+servitude.
+
+ * * * * *
+
+Les peuples qui n’ont pas su acquérir une discipline interne, sont
+condamnés à subir une discipline externe.
+
+ * * * * *
+
+L’élite d’un peuple crée ses progrès, les individus moyens font sa
+force.
+
+ * * * * *
+
+Dans la vie d’un peuple l’effort continu est seul efficace. L’effort
+intermittent peut créer des révolutions; il ne réalise pas de progrès
+durables.
+
+ * * * * *
+
+Un peuple dont la population augmente rapidement ne saurait rester
+pacifiste. Il finit par envahir les voisins dont la population demeure
+stationnaire.
+
+ * * * * *
+
+Les peuples restent toujours saturés de mysticisme. Les lois, les
+institutions et les gouvernements, représentent pour eux des puissances
+magiques, capables de changer le cours des choses à leur gré.
+
+ * * * * *
+
+Chez les primitifs, l’homme n’étant pas dégagé des influences
+collectives, l’âme de l’individu diffère peu de celle de son groupe.
+
+ * * * * *
+
+Une civilisation avancée contient des résidus de toutes les étapes
+successivement franchies. L’homme des cavernes et les barbares du temps
+d’Attila y ont des représentants.
+
+ * * * * *
+
+Les barbares de l’avenir ne surgiront pas du dehors, mais de cette armée
+des inadaptés, que les civilisations en progressant laissent derrière
+elles.
+
+ * * * * *
+
+Si médiocre que soit un homme d’État, ses facultés de jugement et de
+prévision sont supérieures à celles d’une réunion de diplomates. Par
+leur groupement, ces derniers acquièrent la mentalité inférieure des
+foules. Le sort des peuples réglé par des congrès fut toujours
+misérable.
+
+ * * * * *
+
+La civilisation d’un peuple est le vêtement extérieur de son âme,
+l’expression visible des forces invisibles qui le mènent.
+
+ * * * * *
+
+Une civilisation utilise la science, mais ne s’édifie pas sur elle.
+
+ * * * * *
+
+Une foi forte rend un peuple invincible, tant qu’il ne rencontre pas
+devant lui une foi plus forte.
+
+ * * * * *
+
+En créant des freins sociaux puissants les peuples sortent de la
+barbarie, en les brisant ils y retournent.
+
+ * * * * *
+
+Les progrès d’un peuple ne sont déterminés ni par les gouvernements ni
+par les révolutions, mais par la somme des efforts des individus qui le
+composent.
+
+ * * * * *
+
+Les peuples, comme les espèces vivantes, disparaissent lorsque, trop
+stabilisés par un long passé, ils sont devenus incapables de s’adapter à
+de nouvelles conditions d’existence.
+
+
+
+
+V
+
+LES INSTITUTIONS ET LES LOIS
+
+
+Les hommes en société ne pouvant vivre sans tyrannie, la plus acceptable
+est encore celle des lois.
+
+ * * * * *
+
+Les peuples étant gouvernés par leur mentalité et non par les
+institutions qu’on leur impose, les lois doivent être l’expression de
+cette mentalité. Une loi utile pour un peuple devient souvent nuisible
+pour un autre.
+
+ * * * * *
+
+Les lois n’ont pas à s’occuper de la logique rationnelle. Elles sont
+filles de nécessités indépendantes de cette logique.
+
+ * * * * *
+
+Les lois doivent fixer des nécessités et non des passions. Celles
+édictées sous l’empire d’une passion ne sont jamais durables.
+
+ * * * * *
+
+Les lois stabilisent des coutumes, elles peuvent rarement en créer.
+
+ * * * * *
+
+Une loi qui ne sanctionne pas simplement la coutume, c’est-à-dire
+l’expérience du passé, ne fait que codifier notre ignorance de l’avenir.
+
+ * * * * *
+
+Les nécessités sociales évoluant plus vite que les codes, la
+jurisprudence doit compléter et modifier les lois.
+
+ * * * * *
+
+Les institutions politiques ne créent pas les sentiments d’un peuple.
+Elles sont engendrées par ces sentiments.
+
+ * * * * *
+
+Les institutions imposées à coups de décrets troublent toujours le jeu
+des facteurs politiques que les nécessités naturelles finiraient par
+équilibrer.
+
+ * * * * *
+
+Croire, comme les politiciens, à la puissance transformatrice des lois,
+c’est oublier que derrière les phénomènes visibles, se trouvent toujours
+des forces invisibles qui les déterminent.
+
+ * * * * *
+
+Si tant de lois accroissent les maux qu’elles prétendaient guérir, c’est
+qu’en les votant on ignorait leurs incidences.
+
+ * * * * *
+
+Une loi générale, c’est-à-dire non édictée contre un parti, peut être
+despotique, elle n’est pas arbitraire.
+
+ * * * * *
+
+La tyrannie individuelle est prochaine quand les collectivités se
+soustraient au joug des lois.
+
+ * * * * *
+
+Un délit généralisé devient bientôt un droit.
+
+ * * * * *
+
+Les lois n’ayant que la force armée pour soutien, ne sauraient durer
+longtemps.
+
+ * * * * *
+
+On remanie facilement sur le papier les lois d’une nation, on ne refait
+pas son âme.
+
+
+
+
+VI
+
+LE DROIT
+
+
+La nature ignore la justice. L’équité est une création de l’homme.
+
+ * * * * *
+
+Le droit ne commence qu’à dater du moment où l’on détient la force
+nécessaire pour le faire respecter.
+
+ * * * * *
+
+Dès qu’on possède la force, on cesse d’invoquer la justice.
+
+ * * * * *
+
+Le droit et la justice ne jouent aucun rôle dans les relations entre
+peuples de forces inégales.
+
+ * * * * *
+
+On ne peut opposer le droit à la force, car la force et le droit sont
+des identités. Le droit est de la force qui dure.
+
+
+
+
+VII
+
+LA MORALE
+
+
+Les lois morales ne sont pas des entités fictives, mais d’impérieuses
+nécessités.
+
+ * * * * *
+
+La morale représente la synthèse des besoins sociaux d’une époque. Par
+le fait seul qu’elle veut subsister, une société est obligée d’avoir un
+criterium irréductible du bien et du mal.
+
+ * * * * *
+
+Nulle civilisation ne pouvant durer sans morale, les codes
+n’accumuleront jamais trop de sévérités pour maintenir les prescriptions
+morales.
+
+ * * * * *
+
+Formule des nécessités d’existence d’une société à un moment donné, la
+morale évolue avec ces nécessités.
+
+ * * * * *
+
+En droit, comme en morale, certaines nécessités ne sont pas toujours des
+vérités, mais il est inutile de contester des nécessités.
+
+ * * * * *
+
+Toute morale qui, sous l’influence de l’hérédité, de l’éducation et des
+codes, n’est pas devenue inconsciente, et par conséquent instinctive, ne
+constitue pas une sûre morale.
+
+ * * * * *
+
+Les règles morales n’ont de force que lorsqu’il n’y a plus de mérite à
+les observer.
+
+ * * * * *
+
+Une vertu pratiquée sans effort est une qualité, mais non une vertu.
+
+ * * * * *
+
+Vouloir, avec beaucoup de philosophes, fonder la morale sur la raison
+pure est une dangereuse illusion. Une morale, dépourvue de supports
+affectifs ou mystiques, reste sans durée et sans force.
+
+ * * * * *
+
+La morale ne s’apprend qu’en la pratiquant. Elle fait partie, comme les
+arts, de ces connaissances que ne sauraient enseigner les livres.
+
+ * * * * *
+
+Le milieu et l’exemple sont deux grands générateurs de la morale.
+
+ * * * * *
+
+Il faut quelquefois des siècles à un peuple pour acquérir une morale et
+peu d’années pour la perdre.
+
+ * * * * *
+
+La morale d’un peuple représente l’échelle de ses valeurs.
+
+ * * * * *
+
+Le minimum possible de morale est celui prescrit par les codes et
+maintenu par les gendarmes. Dès que ce minimum cesse d’être respecté,
+l’anarchie commence.
+
+ * * * * *
+
+Au-dessus de la morale indispensable, maintenue par les codes, existe
+une morale plus haute qui apprend à sacrifier l’intérêt individuel à
+l’intérêt collectif. Une société peut durer avec la première, elle ne
+grandit pas sans la seconde.
+
+ * * * * *
+
+On peut considérer comme un grave symptôme de décadence, que la moralité
+des classes dirigeantes tombe au-dessous de celle des classes dirigées.
+
+ * * * * *
+
+Faute d’un code accepté, la morale internationale n’a jamais réalisé
+aucun progrès. Elle est restée celle d’une bande de loups: respecter les
+forts, dévorer les faibles.
+
+ * * * * *
+
+Le même sentiment peut être appelé vice ou vertu suivant son utilité
+sociale. Étendu à la famille, à la tribu, à la patrie, l’égoïsme
+individuel devient une vertu. La vanité, défaut individuel, est
+également une vertu collective.
+
+ * * * * *
+
+Les vertus individuelles deviennent parfois des vices collectifs. La
+douceur et le pardon des injures, pratiqués par un peuple, attireraient
+sur lui un universel mépris.
+
+ * * * * *
+
+Possible entre individus, la tolérance ne l’est jamais entre
+collectivités.
+
+ * * * * *
+
+L’intolérance représente souvent dans la vie des peuples une vertu
+nécessaire à l’action.
+
+ * * * * *
+
+A en juger par ses résultats, on pourrait difficilement ranger
+l’humanitarisme parmi les vertus. Il est le plus redoutable ennemi de la
+morale. Quand l’humanitarisme grandit, la morale fléchit.
+
+ * * * * *
+
+La criminalité d’un pays croît avec le développement de l’humanitarisme.
+Limitant sans cesse la répression, il réduit l’action inhibitive des
+châtiments.
+
+ * * * * *
+
+Excuser le mal, c’est le multiplier.
+
+ * * * * *
+
+Dans le domaine moral, l’homme moderne détruit plus vite qu’il ne bâtit.
+
+ * * * * *
+
+La vertu ne pousse pas toujours à l’action. Des vices inférieurs: haine,
+vengeance, jalousie, amour du pillage, ont été les grands mobiles de
+l’activité des hommes. Ces sentiments maintiennent l’Europe en armes.
+
+ * * * * *
+
+Les gens vertueux se vengent souvent des contraintes qu’ils s’imposent,
+par l’ennui qu’ils inspirent.
+
+ * * * * *
+
+L’action désintéressée nous grandit à nos yeux et donne souvent plus de
+joie que des actes égoïstes.
+
+ * * * * *
+
+Les petits héroïsmes continus sont plus difficiles, que les grands
+héroïsmes accidentels.
+
+ * * * * *
+
+La peur du jugement des autres, est un des plus sûrs soutiens de la
+morale.
+
+ * * * * *
+
+Plus un peuple possède de discipline interne et par conséquent de
+moralité stable, plus il est élevé en civilisation.
+
+ * * * * *
+
+Les peuples disparaissent vite de l’histoire quand leur morale commence
+à se désagréger.
+
+
+
+
+VIII
+
+L’IDÉAL
+
+
+Un idéal a toujours des soutiens affectifs et mystiques. Les éléments
+rationnels qu’on lui superpose n’ont jamais servi à le créer.
+
+ * * * * *
+
+Les révolutions et l’anarchie représentent la rançon de ce phénomène,
+capital dans l’histoire d’un peuple, un changement d’idéal.
+
+ * * * * *
+
+On ne peut rien sur l’homme dont l’idéal, comme celui des
+révolutionnaires russes, est de sacrifier sa vie pour une croyance.
+
+ * * * * *
+
+Pas de peuple puissant sans un idéal respecté. Cet idéal le guide, comme
+une boussole oriente la direction d’un navire.
+
+ * * * * *
+
+Les peuples dont l’idéal est fort et les besoins faibles, triompheront
+toujours de ceux dont les besoins sont grands et l’idéal médiocre.
+
+ * * * * *
+
+Détruire l’idéal d’un individu, d’une classe, d’un peuple, c’est lui
+ôter tout ce qui faisait sa cohésion, sa grandeur et ses raisons d’agir.
+
+ * * * * *
+
+Synthèse de l’existence ancestrale, la patrie est un idéal dont le culte
+a toujours constitué un des plus forts ciments sociaux.
+
+ * * * * *
+
+Consacrer de longs efforts à édifier un idéal, puis autant d’efforts
+pour le détruire, tel est le cycle de la vie d’un peuple.
+
+
+
+
+IX
+
+LES DIEUX
+
+
+Il ne faut pas croire à la multiplicité des dieux. Sous des noms divers,
+les hommes de tous les âges n’ont guère adoré qu’une divinité:
+l’Espérance.
+
+ * * * * *
+
+L’attribution d’un pouvoir mystérieux à des forces supérieures,
+concrétisées sous forme d’idoles, de fétiches, de formules, constitue
+l’esprit mystique. Il domine l’histoire.
+
+ * * * * *
+
+Si l’homme change parfois les noms de ses dieux, il ne s’en est jamais
+passé. Le mysticisme semble un besoin indestructible de l’esprit.
+
+ * * * * *
+
+La logique mystique peut dominer la logique affective, au point
+d’annuler l’instinct de la conservation.
+
+ * * * * *
+
+Les héros et les Dieux, condensent en lumineuses synthèses, les obscures
+aspirations des peuples.
+
+ * * * * *
+
+Une religion traduit la mentalité collective d’un peuple à un moment
+donné de son histoire.
+
+ * * * * *
+
+Les dieux eux-mêmes évoluent. Les dogmes fixés par les textes restent
+invariables, mais suivant les peuples et le temps, l’interprétation de
+ces dogmes se transforme.
+
+ * * * * *
+
+L’esprit religieux est indépendant des dogmes qui l’alimentent. Les
+Jacobins de la Terreur et les moines de l’Inquisition possédaient une
+mentalité identique.
+
+ * * * * *
+
+Incapable de vivre sans certitude, l’homme préférera toujours les
+croyances les moins défendables, aux négations les plus justifiées.
+
+ * * * * *
+
+Si l’athéisme se propageait, il deviendrait une religion aussi
+intolérante que les anciennes.
+
+ * * * * *
+
+L’intolérance de certains libres penseurs, résulte fréquemment de la
+religiosité inconsciente dont l’atavisme a rempli leurs âmes.
+
+ * * * * *
+
+La libre pensée ne constitue souvent qu’une croyance, qui dispense de la
+fatigue de penser.
+
+ * * * * *
+
+Il est toujours imprudent de vouloir raisonner sa foi.
+
+ * * * * *
+
+En donnant aux hommes l’espoir d’une éternité heureuse, les religions
+ont été beaucoup plus utiles à l’humanité que toutes les philosophies
+réunies.
+
+ * * * * *
+
+Les religions constituent une force à utiliser; jamais à combattre.
+
+ * * * * *
+
+Si les croyances religieuses ont retardé la connaissance de quelques
+vérités scientifiques, il est douteux qu’aux phases inférieures de son
+évolution, l’homme eût beaucoup gagné à leur découverte.
+
+ * * * * *
+
+C’est surtout après avoir détruit ses dieux qu’on en découvre l’utilité.
+
+ * * * * *
+
+La raison crée le progrès, mais les bâtisseurs de croyances mènent
+l’histoire. Du fond de leurs tombeaux, de grands hallucinés comme
+Bouddha et Mahomet, courbent encore des millions d’hommes sous
+l’enchantement de leurs rêves.
+
+ * * * * *
+
+Les peuples survivent rarement à la mort de leurs dieux.
+
+
+
+
+X
+
+L’ART
+
+
+La naissance des arts a toujours précédé celle de la philosophie et des
+sciences. Fils de besoins affectifs et mystiques, antérieurs à l’âge de
+la raison, ils peuvent fleurir aux époques de barbarie.
+
+ * * * * *
+
+Les arts, la musique surtout, sont le langage de l’affectif et du
+mystique; les mots, celui du rationnel.
+
+ * * * * *
+
+L’artiste est médiocre quand il raisonne au lieu de sentir.
+
+ * * * * *
+
+L’art dérivant des sentiments n’est accessible aux interprétations
+intellectuelles, que dans ses éléments techniques.
+
+ * * * * *
+
+Comme la politique l’art est guidé par quelques meneurs, suivis d’une
+foule de menés.
+
+ * * * * *
+
+Le beau, c’est ce qui nous plaît, et ce qui nous plaît se détermine
+moins par le goût personnel, que par la sensibilité de personnes
+influentes, dont la contagion mentale impose le jugement.
+
+ * * * * *
+
+Il n’y a pas de lois esthétiques invariables. Les monuments gothiques et
+les œuvres de certains peintres, très admirés aujourd’hui, furent
+méprisés pendant longtemps.
+
+ * * * * *
+
+A certaines époques semble se créer une véritable atmosphère de goûts et
+de sentiments, qui s’impose aux esprits les plus indépendants.
+
+ * * * * *
+
+La contagion mentale est si puissante en art, qu’elle donne aux œuvres
+d’une époque un air de famille, permettant de reconnaître le moment de
+leur création.
+
+ * * * * *
+
+L’art subit tellement l’influence du milieu et de la race qu’il n’y a
+pas dans l’histoire, malgré certaines apparences contraires, de peuple
+ayant adopté les arts d’un autre sans les transformer.
+
+ * * * * *
+
+Une grande œuvre artistique est inconsciente. Consciente, elle
+deviendrait personnelle et ne traduirait plus les sentiments et les
+idées d’une époque.
+
+ * * * * *
+
+Évoquant des idées indécises, accompagnées de sensations fortes, la
+musique agit facilement sur les êtres d’intelligence faible mais de
+sensibilité vive. On a dit avec raison, qu’elle est l’art des femmes et
+des foules.
+
+ * * * * *
+
+L’homme, confiné par la nature dans l’éphémère, rêve d’éternité. En
+élevant des temples et des statues, il se donne l’illusion de créer des
+choses qu’on ne verra pas périr.
+
+ * * * * *
+
+Le véritable artiste crée, même en copiant.
+
+
+
+
+XI
+
+LES RITES ET LES SYMBOLES
+
+
+Les rites et les symboles: cérémonies, drapeaux, fêtes nationales,
+usages mondains, dominent la volonté individuelle. Ils constituent les
+plus sûrs soutiens de la vie religieuse et sociale.
+
+ * * * * *
+
+Nulle place dans une société, pour qui prétend s’affranchir des rites et
+mépriser les symboles.
+
+ * * * * *
+
+C’est seulement sous l’influence des rites et des symboles que les
+croyances individuelles prennent un caractère collectif.
+
+ * * * * *
+
+La justice privée de rites et de symboles ne serait plus la justice.
+
+ * * * * *
+
+Une croyance religieuse ou politique se fonde sur la foi, mais sans les
+rites et les symboles elle ne saurait durer.
+
+ * * * * *
+
+La force des rites est telle, qu’ils survivent longtemps à la foi qui
+les avait fait naître.
+
+ * * * * *
+
+L’homme le plus indépendant, le libre penseur le plus sceptique,
+soumettent volontairement leur existence à des rites politiques,
+mondains ou sociaux qui leur ôtent toute liberté réelle.
+
+ * * * * *
+
+Les rites évitent à l’homme l’incertitude. Grâce à eux, il sait, sans
+réfléchir, ce qui doit être dit et fait en toutes circonstances.
+
+ * * * * *
+
+Les rites et les symboles fondamentaux d’un peuple sont la création de
+ses morts.
+
+
+
+
+LIVRE III
+
+La Vie Rationnelle
+
+
+
+
+I
+
+LA CROYANCE ET LA CONNAISSANCE
+
+
+La croyance et la connaissance constituent deux modes d’activité
+mentale, d’origines différentes.
+
+ * * * * *
+
+La connaissance est toujours consciente et rationnelle, la croyance
+irrationnelle et inconsciente.
+
+ * * * * *
+
+La croyance a pour caractéristique fondamentale de n’être modifiable ni
+par l’observation, ni par la raison, ni par l’expérience.
+
+ * * * * *
+
+La découverte de la plus modeste connaissance scientifique exige un
+énorme labeur, l’acquisition d’une croyance n’en demande aucun.
+
+ * * * * *
+
+La connaissance se répand par les livres, les croyances par les apôtres.
+
+ * * * * *
+
+La connaissance constitue le grand facteur des progrès matériels de la
+civilisation. Les croyances orientent les idées, les sentiments, et par
+conséquent la conduite.
+
+ * * * * *
+
+La connaissance établit des vérités, la croyance incarne nos désirs;
+c’est pourquoi l’homme préféra toujours la croyance à la connaissance.
+
+ * * * * *
+
+Les religions donnent aux illusions, nées de nos désirs, une apparence
+de réalité. La science seule crée des réalités indépendantes de ces
+désirs.
+
+ * * * * *
+
+Une croyance politique, religieuse ou sociale, est un acte de foi
+inconscient. Lorsque le raisonnement essaie de la justifier, elle est
+déjà formée.
+
+ * * * * *
+
+La grande force des croyances, est de donner des espérances et des
+représentations mentales impliquant le bonheur.
+
+ * * * * *
+
+On ne citerait pas dans l’histoire, une croyance politique ou religieuse
+réduite par réfutation rationnelle. La raison se brise toujours contre
+le mur de la croyance.
+
+ * * * * *
+
+Une croyance se subit et ne se discute pas. Quand on la discute, c’est
+que, fort ébranlée déjà, elle est près de disparaître.
+
+ * * * * *
+
+On rencontre difficilement un homme acceptant d’exposer sa vie pour une
+vérité rationnelle. On en trouve aisément dix mille prêts à se faire
+tuer pour une croyance.
+
+ * * * * *
+
+Les hommes de chaque âge vivent sur un petit nombre de croyances
+politiques, religieuses et sociales, que le temps seul, ou l’acquisition
+d’une nouvelle croyance, peut transformer.
+
+ * * * * *
+
+Créer une croyance, c’est créer une nouvelle conscience, génératrice
+d’une nouvelle conduite.
+
+ * * * * *
+
+Le moindre changement dans les croyances d’un peuple modifie sa
+destinée.
+
+ * * * * *
+
+Lorsqu’une question soulève des opinions violemment contradictoires, on
+peut assurer qu’elle appartient au cycle de la croyance et non à celui
+de la connaissance.
+
+ * * * * *
+
+Dans les persécutions politiques antireligieuses, ce n’est pas la raison
+qui se dresse contre une croyance, mais deux croyances contraires qui se
+trouvent en lutte.
+
+ * * * * *
+
+Les divergences d’origine rationnelle se supportent facilement, les
+antagonismes de croyances ne se tolèrent pas. Les luttes religieuses ou
+politiques seront toujours violentes.
+
+ * * * * *
+
+L’intolérance est la compagne nécessaire des convictions fortes. Entre
+sectateurs de croyances voisines, elle est beaucoup plus accentuée
+qu’entre défenseurs de dogmes sans parenté.
+
+ * * * * *
+
+C’est surtout dans le domaine des croyances, que l’esprit humain cherche
+des certitudes.
+
+ * * * * *
+
+L’hypothèse est une croyance souvent prise pour une connaissance.
+
+ * * * * *
+
+Les phénomènes qui se passent dans le champ de la croyance n’étant pas
+scientifiquement vérifiables, la crédulité du savant y peut égaler celle
+de l’ignorant.
+
+ * * * * *
+
+Les choses rationnellement contradictoires se concilient parfaitement
+dans l’esprit hypnotisé par une croyance.
+
+ * * * * *
+
+Une croyance n’étant ni rationnelle ni volontaire, aucune des absurdités
+qu’elle enseigne ne saurait nuire à sa propagation.
+
+ * * * * *
+
+Ne pas croire les choses possibles, c’est les rendre impossibles. Une
+des forces de la foi est d’ignorer l’impossible.
+
+ * * * * *
+
+Une croyance forte crée des volontés fortes, auxquelles ne résistent
+jamais les volontés faibles.
+
+ * * * * *
+
+L’homme eut toujours besoin de croyances pour orienter sa pensée et
+guider sa conduite. Ni la philosophie, ni la science n’ont pu jusqu’ici
+les remplacer.
+
+ * * * * *
+
+Les croyances ont fait surgir du néant des œuvres d’art, qu’aucune
+pensée rationnelle n’aurait pu en faire sortir.
+
+ * * * * *
+
+Malgré leur faible valeur rationnelle, les croyances mènent les peuples.
+Elles les empêchent d’être une poussière de barbares, sans cohésion et
+sans force.
+
+
+
+
+II
+
+L’INSTRUCTION ET L’ÉDUCATION
+
+
+L’éducation est l’art de faire passer le conscient dans l’inconscient.
+
+ * * * * *
+
+Bien éduqué, l’inconscient est notre esclave et travaille pour nous. Mal
+éduqué, il devient notre maître et agit contre nous.
+
+ * * * * *
+
+La valeur de l’homme ne se mesure pas, comme le croient les maîtres de
+notre université, au niveau de son instruction mais à celui de son
+caractère.
+
+ * * * * *
+
+La force du caractère, et non l’instruction, donne à l’homme une
+armature interne résistante. Privé de cette armature, il devient le
+jouet de toutes les circonstances.
+
+ * * * * *
+
+Une des plus graves erreurs latines est de croire au parallélisme de
+l’instruction, de la moralité et de l’intelligence.
+
+ * * * * *
+
+Instruire n’est pas éduquer. L’instruction enrichit la mémoire.
+L’éducation crée chez l’homme des réflexes utiles et lui apprend à
+dominer les réflexes nuisibles.
+
+ * * * * *
+
+Quelques années suffisent pour instruire un barbare. Il faut parfois des
+siècles pour l’éduquer.
+
+ * * * * *
+
+Développer chez l’homme la réflexion, le jugement, l’énergie, et le
+sang-froid, serait autrement nécessaire que de lui imposer l’insipide
+phraséologie, qui constitue l’enseignement scolaire.
+
+ * * * * *
+
+Confiner l’esprit dans l’artificiel et le rendre incapable
+d’observation, est le plus sûr résultat des méthodes ne montrant le
+monde qu’à travers les livres.
+
+ * * * * *
+
+La science élève ou abaisse, suivant le terrain mental qui la reçoit. La
+culture supérieure n’est utilisable que par des cerveaux supérieurs.
+
+ * * * * *
+
+Une trop haute instruction, imposée à des êtres de mentalité inférieure,
+fausse tous leurs jugements. A demi rationalisés, ils perdent les
+qualités intuitives du primitif et deviennent des métis intellectuels.
+
+ * * * * *
+
+Les expériences, répétées sur des milliers d’indigènes des colonies,
+montrent combien une instruction mal adaptée, abaisse l’intelligence, la
+moralité et le caractère.
+
+ * * * * *
+
+Rien de plus dangereux que les idées générales dégagées de leurs
+racines. Elles conduisent toujours au simplisme et à l’incompréhension.
+
+ * * * * *
+
+Il faut d’abord de grands efforts pour établir d’utiles habitudes dans
+l’inconscient, mais une fois fixées elles permettent de se guider sans
+efforts.
+
+ * * * * *
+
+Canalisée par une bonne méthode, l’intelligence la plus faible arrive à
+progresser.
+
+ * * * * *
+
+Acquérir une méthode, c’est posséder l’art d’économiser le temps et, par
+suite, d’en prolonger la durée.
+
+ * * * * *
+
+Vouloir enseigner trop de choses empêche l’élève d’en apprendre aucune.
+Ce principe fondamental est entièrement méconnu de notre Université.
+
+ * * * * *
+
+L’éducateur devrait savoir déterminer les aptitudes de chaque élève, qui
+peuvent être utilement développées. Quand le hasard seul détermine le
+choix des études et des carrières, le rendement de l’homme est médiocre.
+
+ * * * * *
+
+Une des grandes illusions de la démocratie est de s’imaginer que
+l’instruction égalise les hommes. Elle ne sert souvent qu’à les
+différencier davantage.
+
+ * * * * *
+
+Les concours mnémoniques créent des inégalités sociales plus profondes
+que celles de l’ancien régime, et souvent moins justifiées.
+
+ * * * * *
+
+Notre système d’éducation classique a fini par créer une aristocratie de
+la mémoire, n’ayant aucun rapport avec celle du jugement et de
+l’intelligence.
+
+ * * * * *
+
+L’instruction peut être mnémonique ou expérimentale. La première forme
+les beaux parleurs, la seconde les hommes d’action.
+
+ * * * * *
+
+Conservée presque exclusivement par les peuples latins, l’instruction
+mnémonique est une des grandes causes de leur faiblesse. Elle a pour
+résultat de confier les plus importantes fonctions sociales à des
+individualités souvent fort médiocres.
+
+ * * * * *
+
+Le choix d’un système d’éducation, à plus d’importance pour un peuple,
+que celui de son gouvernement.
+
+
+
+
+III
+
+LES ÉLITES
+
+
+La force d’une nation ne se mesure pas au chiffre de sa population, mais
+à la valeur de ses élites.
+
+ * * * * *
+
+Créées par les élites, les civilisations ne progressent que par elles.
+Privé de ses élites, un pays tomberait bientôt dans la misère et
+l’anarchie.
+
+ * * * * *
+
+Le peuple est le grand réservoir d’énergie d’un pays, mais cette énergie
+n’est utilisable que canalisée par une élite.
+
+ * * * * *
+
+Les inventions de génie sont toujours personnelles. Elles s’épanouissent
+en devenant collectives.
+
+ * * * * *
+
+Des hommes d’élite réunis en groupe ne constituent plus une élite. Pour
+garder son niveau, l’esprit supérieur doit rester solitaire.
+
+ * * * * *
+
+Les aristocraties ont pris des formes diverses: naissance, talent ou
+fortune. Le monde ne s’en est jamais passé.
+
+ * * * * *
+
+L’aristocratie intellectuelle devrait paraître aussi peu équitable aux
+foules égalitaires que l’ancienne noblesse. La naissance seule en effet,
+confère les qualités intellectuelles, comme jadis elle conférait les
+privilèges.
+
+ * * * * *
+
+La lutte des aveugles multitudes contre les élites dont elles vivent est
+une des continuités de l’histoire. Le triomphe du nombre a marqué la fin
+de plusieurs civilisations.
+
+ * * * * *
+
+Les grandes civilisations n’ont pu prospérer, qu’en sachant dominer
+leurs éléments inférieurs.
+
+ * * * * *
+
+L’élite crée, la plèbe détruit.
+
+
+
+
+IV
+
+LES CONCEPTIONS PHILOSOPHIQUES
+
+
+La raison est beaucoup plus constructive qu’explicative. Elle a changé
+la face du monde mais n’a rien dit encore, des puissances secrètes qui
+font évoluer un brin d’herbe.
+
+ * * * * *
+
+La logique de l’univers diffère trop de notre logique pour que nous
+puissions espérer en pénétrer les secrets.
+
+ * * * * *
+
+Si on appelait miracle tout ce qui est incompréhensible, la vie d’un
+être quelconque devrait être considérée comme un perpétuel miracle.
+
+ * * * * *
+
+Les forces mystérieuses qui font naître, grandir et mourir les êtres,
+sont si éloignées de notre raison, que la science renonce aujourd’hui à
+les expliquer.
+
+ * * * * *
+
+La moindre cellule vivante porte en elle un immense passé et un
+mystérieux avenir.
+
+ * * * * *
+
+Le monde est-il créé ou incréé, réel ou irréel, l’espèce humaine durable
+ou éphémère? La philosophie, qui répondait jadis à ces questions,
+renonce maintenant à les résoudre.
+
+ * * * * *
+
+Certains problèmes redoutables: d’où venons-nous? où allons-nous? ne
+doivent pas être trop discutés, afin de leur laisser un nuage de doute
+qui n’efface pas toute espérance.
+
+ * * * * *
+
+Des trois conceptions possibles de la vie: optimiste, pessimiste,
+résignée, la dernière est peut-être la plus sage, mais aussi la moins
+génératrice d’action.
+
+ * * * * *
+
+Se révolter ou s’adapter, il n’y a guère d’autre choix dans la vie.
+
+ * * * * *
+
+En ôtant l’éternité à la matière, la science a détruit une des dernières
+idoles de la philosophie.
+
+ * * * * *
+
+La philosophie réelle du monde se fait à côté des philosophes et en
+dehors d’eux.
+
+ * * * * *
+
+Les systèmes philosophiques pourront disparaître, mais il restera
+toujours une façon philosophique d’envisager les phénomènes.
+
+ * * * * *
+
+Le dernier mot de la philosophie est de comprendre qu’on ne peut pas
+encore comprendre.
+
+ * * * * *
+
+Chaque phénomène a son mystère. Le mystère est l’âme ignorée des choses.
+
+
+
+
+V
+
+LES PRINCIPES SCIENTIFIQUES
+
+
+La science est en réalité une révolte de l’homme contre la nature, un
+effort pour se soustraire aux forces aveugles qui l’oppriment.
+
+ * * * * *
+
+Les asservissements, imposés à l’homme par la nature, constituaient
+autrefois d’inexorables fatalités. En apprenant à désagréger ces
+fatalités, la science leur ôte de plus en plus le caractère de
+nécessités.
+
+ * * * * *
+
+Déterminisme et fatalisme sent choses fort différentes. Découvrir le
+déterminisme d’un phénomène, fait souvent disparaître sa fatalité.
+
+ * * * * *
+
+L’harmonie, supposée préétablie de l’univers, n’est due sans doute qu’à
+l’équilibre inévitable des forces qui le composent.
+
+ * * * * *
+
+Les lois scientifiques les plus précises, ne sont valables que pour une
+portion limitée du temps et de l’espace.
+
+ * * * * *
+
+Chaque science dérive d’un petit nombre de principes. Celui de
+l’invariabilité de la masse soutient tout l’édifice de la chimie. Sur
+celui de la conservation de l’énergie reposent la physique et la
+mécanique.
+
+ * * * * *
+
+Les deux grandes constantes de l’univers sont la résistance et le
+mouvement. La première est constituée par l’inertie, la seconde par
+l’énergie.
+
+ * * * * *
+
+Les formes diverses de l’énergie, aussi bien que les phénomènes de la
+vie, résultent de perturbations d’équilibre, constituées le plus souvent
+par des dénivellations.
+
+ * * * * *
+
+Dans la constatation des phénomènes, la science avance rapidement. Dans
+leur explication, elle reste depuis longtemps stationnaire.
+
+ * * * * *
+
+Le terrain de la science est sûr, mais il ne représente qu’un îlot perdu
+dans l’océan illimité des choses inconnues.
+
+ * * * * *
+
+Les progrès scientifiques ne font que déplacer dans l’infini les
+barrières qui nous séparent de l’inaccessible.
+
+ * * * * *
+
+Le matérialisme a prétendu se substituer aux religions, mais aujourd’hui
+la matière est devenue aussi mystérieuse, que les dieux qu’elle devait
+remplacer.
+
+ * * * * *
+
+La précision des formules scientifiques cache souvent l’incertitude des
+principes.
+
+ * * * * *
+
+Une des supériorités du savant sur l’ignorant est de sentir où commence
+le mystère.
+
+ * * * * *
+
+Dès qu’une théorie scientifique arrive à la fixité, elle retarde tout
+progrès.
+
+ * * * * *
+
+La science crée plus de mystères qu’elle n’en éclaircit.
+
+
+
+
+VI
+
+LA MATIÈRE[1]
+
+ [1] Les propositions qui vont suivre étaient très neuves quand je les
+ formulai pour la première fois. Elles représentent les résultats de
+ recherches expérimentales, poursuivies pendant près de dix ans, et
+ exposées dans dix-huit mémoires que résument mes deux ouvrages:
+ _L’Évolution de la Matière_ et _L’Évolution des Forces_.
+ J’interrompis ces recherches le jour où elles devinrent trop
+ onéreuses et me résignai à retourner aux études psychologiques.
+
+
+La matière supposée jadis indestructible s’évanouit lentement par la
+dissociation continue des atomes qui la composent.
+
+ * * * * *
+
+Certains produits de la dématérialisation de la matière constituent par
+leurs propriétés, des intermédiaires entre les corps pondérables et
+l’éther impondérable, mondes profondément séparés par la science
+jusqu’ici.
+
+ * * * * *
+
+La matière, jadis envisagée comme inerte et ne pouvant que restituer une
+énergie préalablement fournie, est au contraire un colossal réservoir
+d’énergie--l’énergie intra-atomique--capable d’être spontanément
+dépensée.
+
+ * * * * *
+
+C’est de l’énergie intra-atomique, libérée pendant la dissociation de la
+matière, que résultent la plupart des forces de l’univers, l’électricité
+et la chaleur solaire notamment.
+
+ * * * * *
+
+La force et la matière sont deux aspects d’une même chose. La matière
+représente une forme relativement stable de l’énergie intra-atomique. La
+chaleur, la lumière, l’électricité, etc., représentent des formes
+instables de la même énergie.
+
+ * * * * *
+
+Dissocier les atomes, ou en d’autres termes dématérialiser la matière,
+c’est simplement transmuer la forme stable d’énergie nommée matière, en
+ces formes instables, connues sous les noms d’électricité, lumière,
+chaleur, etc.
+
+ * * * * *
+
+Les équilibres des forces colossales condensées dans les atomes leur
+donnent une stabilité très grande. Il suffit cependant de troubler ces
+équilibres, par un réactif approprié, pour que la désagrégation des
+atomes commence. C’est ainsi que certains rayons lumineux dissocient
+facilement les parties superficielles d’un corps quelconque.
+
+ * * * * *
+
+La lumière, l’électricité et la plupart des forces connues, résultant de
+la dématérialisation de la matière, un corps en rayonnant perd, par le
+fait seul de ce rayonnement, une partie de sa masse. S’il pouvait
+rayonner toute son énergie, il s’évanouirait entièrement dans l’éther.
+
+ * * * * *
+
+La matière se transmue en des formes diverses d’énergie, mais c’est
+uniquement sans doute à l’origine des choses, que l’énergie put se
+condenser sous forme de matière.
+
+ * * * * *
+
+La loi d’évolution, applicable aux êtres vivants, l’est également aux
+corps simples. Les espèces chimiques, pas plus que les espèces vivantes,
+ne sont invariables.
+
+
+
+
+VII
+
+LA VÉRITÉ ET L’ERREUR
+
+
+Le besoin de certitude a toujours été plus fort que le besoin de vérité.
+
+ * * * * *
+
+La valeur pratique d’une vérité se mesure au degré de croyance qu’elle
+inspire.
+
+ * * * * *
+
+Les apparences de certitude exercent sur les âmes autant d’action que
+les véritables certitudes.
+
+ * * * * *
+
+Parfois peu difficile sur le choix de ses vérités, l’homme supporte
+toujours mal qu’on les combatte.
+
+ * * * * *
+
+La logique affective et la logique mystique ne servent pas à découvrir
+des réalités mais à cacher celles qu’on redoute.
+
+ * * * * *
+
+Revêtir l’erreur d’une forme séduisante, suffit souvent pour la faire
+accepter comme vérité.
+
+ * * * * *
+
+Les vérités formulées mettent parfois longtemps à se transformer en
+vérités acceptées.
+
+ * * * * *
+
+C’est nuire à la découverte de la vérité que de l’apprécier, comme les
+pragmatistes, d’après son degré d’utilité.
+
+ * * * * *
+
+La vérité n’est ni une entité, ni une commodité, ni une utilité, mais
+une nécessité.
+
+ * * * * *
+
+Avant la science, l’homme ne connaissait guère que des vérités
+subjectives; le rôle des savants fut de créer des vérités
+impersonnelles.
+
+ * * * * *
+
+Dans notre univers, les choses s’enchaînent mais ne se fixent pas.
+
+ * * * * *
+
+Il n’y a pas plus de vérité définitive pour l’homme, qu’il n’y a d’être
+définitif pour la nature.
+
+ * * * * *
+
+Une vérité, comme un organisme vivant, n’est explicable que par la
+connaissance de ses états antérieurs.
+
+ * * * * *
+
+Les êtres et les choses se modifient sans cesse. Aux réalités qui
+s’écoulent correspondent des vérités suivant la même marche.
+
+ * * * * *
+
+Une vérité est une étape provisoire sur une route qui n’a pas de fin.
+
+ * * * * *
+
+Il y a des vérités absolues dans le temps mais non dans l’éternité.
+
+ * * * * *
+
+Les siècles finissent par transformer en erreurs la plupart de nos
+vérités.
+
+ * * * * *
+
+Les vérités changent d’aspect suivant les mentalités qui les reçoivent.
+
+ * * * * *
+
+Présentée sous forme mathématique, l’erreur acquiert un grand prestige.
+Le sceptique le plus endurci, attribue volontiers aux équations de
+mystérieuses vertus.
+
+ * * * * *
+
+Beaucoup d’hommes se passent facilement de vérités, aucun n’est assez
+fort pour se passer d’illusions.
+
+ * * * * *
+
+Une illusion tenue pour vraie agit comme une réalité.
+
+ * * * * *
+
+Perdre une illusion n’est pas toujours acquérir une certitude.
+
+ * * * * *
+
+C’est en poursuivant des illusions, que l’homme a souvent réalisé des
+progrès qu’il ne cherchait pas.
+
+ * * * * *
+
+En devenant collective une illusion individuelle acquiert la force d’une
+vérité.
+
+ * * * * *
+
+L’erreur a peut-être rendu plus de services au monde que la vérité.
+
+
+
+
+VIII
+
+LA LÉGENDE ET L’HISTOIRE
+
+
+L’Histoire se déroule en dehors de la raison et souvent même contre
+toute raison.
+
+ * * * * *
+
+Beaucoup d’événements restent incompris tant qu’on leur suppose des
+causes rationnelles.
+
+ * * * * *
+
+Un historien n’a pas à s’occuper de la qualité rationnelle des
+croyances, mais seulement du degré de domination qu’elles ont exercé sur
+les âmes.
+
+ * * * * *
+
+La vie mentale de chaque génération dérivant des générations
+précédentes, la trame de l’histoire future est en partie tissée par le
+présent.
+
+ * * * * *
+
+La légende est généralement plus vraie que l’histoire. La première
+traduit les sentiments réels des peuples. La seconde raconte des
+événements déformés par la mentalité de leurs narrateurs.
+
+ * * * * *
+
+Il n’est possible d’écrire l’histoire que si, n’étant attaché à aucun
+parti, on se trouve dégagé des passions qui sont l’âme des partis.
+
+ * * * * *
+
+Les conflits psychologiques mènent l’histoire. Les grands
+bouleversements dérivent beaucoup plus des luttes de croyances que des
+oppositions d’intérêts.
+
+ * * * * *
+
+L’histoire fut presque toujours dominée par le mystique et l’affectif et
+rarement par le rationnel. L’Irréel a été le vrai moteur du monde.
+
+
+
+
+LIVRE IV
+
+La Pensée et l’Action
+
+
+
+
+I
+
+L’ACTION
+
+
+L’intelligence fait penser. La croyance fait agir.
+
+ * * * * *
+
+Si l’homme avait commencé par penser au lieu d’agir, le cycle de son
+histoire serait clos depuis longtemps.
+
+ * * * * *
+
+Illusoires ou réelles les certitudes sont génératrices d’action. L’homme
+privé de certitudes serait comme un vaisseau sans gouvernail, une
+machine sans moteur.
+
+ * * * * *
+
+L’absurde et l’impossible n’ont jamais empêché une croyance suffisamment
+forte, de faire agir.
+
+ * * * * *
+
+L’action seule révèle la nature de notre intelligence et la valeur de
+notre caractère.
+
+ * * * * *
+
+Réfléchir est utile, mais agir sans trop réfléchir est parfois
+nécessaire. Les grands héroïsmes sont généralement dus à des hommes
+ayant peu réfléchi.
+
+ * * * * *
+
+Les pensées, comme tous les phénomènes de la vie, résultent d’équilibres
+instables, sans cesse en voie de transformation.
+
+ * * * * *
+
+Les livres font rarement évoluer les idées générales. Ils se bornent le
+plus souvent à enregistrer leurs transformations.
+
+ * * * * *
+
+Nos actes portent en eux un cortège de conséquences nécessaires. Nous
+nommons fatalité l’enchaînement logique de ces conséquences.
+
+ * * * * *
+
+Savoir ce qu’on doit faire, n’est pas du tout savoir ce qu’on fera.
+
+
+
+
+II
+
+LES ILLUSIONS DÉMOCRATIQUES
+
+
+La démocratie, qui se croit d’origine rationnelle, tire en réalité sa
+force d’éléments affectifs et mystiques indépendants de la raison.
+
+ * * * * *
+
+Le mot démocratie correspond, dans les classes populaires et chez les
+lettrés, à des idées fort différentes.
+
+ * * * * *
+
+Dominée par le besoin d’égalité, la démocratie populaire repousse la
+fraternité entre classes et ne manifeste aucun souci de la liberté. La
+démocratie des intellectuels est au contraire avide de liberté et très
+peu d’égalité.
+
+ * * * * *
+
+Le vrai démocrate est un être collectif, n’ayant d’autre individualité
+que celle de son groupe.
+
+ * * * * *
+
+Contrairement aux idées démocratiques, la psychologie enseigne que
+l’entité collective, nommée Peuple, est très inférieure à l’homme isolé.
+
+ * * * * *
+
+Les empiètements successifs de la classe ouvrière rappellent ceux de la
+noblesse et du clergé, contre lesquels les anciens rois eurent tant de
+peine à lutter.
+
+ * * * * *
+
+La haine du despotisme et l’amour de la liberté, furent toujours
+proclamés chez des peuples supportant fort bien le despotisme et très
+mal la liberté.
+
+ * * * * *
+
+Les principes démocratiques font partie de ces idées, volontiers
+imposées aux autres, mais rarement acceptées pour soi.
+
+ * * * * *
+
+Plus les lois proclament l’égalité, plus se développe le besoin des
+signes extérieurs d’inégalité.
+
+ * * * * *
+
+Le démocratique besoin de paraître est le plus coûteux et le moins
+profitable des besoins.
+
+ * * * * *
+
+La soif d’égalité n’est souvent qu’une forme avouable du désir d’avoir
+des inférieurs et pas de supérieurs.
+
+ * * * * *
+
+La notion artificielle d’égalité a fait naître la haine de toutes les
+supériorités qui constituent la grandeur d’un pays.
+
+ * * * * *
+
+Les démocraties arriveront à remplacer les guerres intermittentes entre
+peuples, par des luttes continues entre classes.
+
+ * * * * *
+
+La nature ne connaît pas l’égalité. Elle n’a réalisé ses progrès que par
+des inégalités croissantes.
+
+ * * * * *
+
+Loin de tendre à l’égalisation des hommes, la civilisation les
+différencie chaque jour davantage.
+
+ * * * * *
+
+En lui attribuant des pouvoirs imaginaires, la démocratie a fini par
+faire de la science un faux dieu.
+
+
+
+
+III
+
+LES ILLUSIONS SOCIALISTES
+
+
+Le socialisme, forme ultime du principe d’égalité, est un état mental
+bien plus qu’une doctrine.
+
+ * * * * *
+
+Démocratie et socialisme sont, malgré les apparences, séparés par de
+profonds abîmes.
+
+ * * * * *
+
+Le socialisme qui prêche le nivellement des conditions, est en
+opposition évidente avec la démocratie des intellectuels, qui prétend
+faire triompher les plus capables.
+
+ * * * * *
+
+L’imprécision des doctrines socialistes est un élément de leur succès.
+Il importe pour un dogme de ne se préciser qu’après avoir triomphé.
+
+ * * * * *
+
+Les progrès du socialisme tiennent surtout à ce qu’il est une forme de
+l’Étatisme, idéal de tous les partis politiques en France.
+
+ * * * * *
+
+La dureté de certains capitalistes et la faiblesse de leur moralité,
+créent beaucoup d’adeptes au socialisme.
+
+ * * * * *
+
+Quand l’État prétend trop protéger les citoyens, ils perdent l’habitude
+de se protéger eux-mêmes et par conséquent toute initiative.
+
+ * * * * *
+
+Les croyances n’impliquant pas de désillusions, placent leur paradis
+dans des régions inaccessibles. La faiblesse du socialisme est de situer
+le sien ici-bas.
+
+ * * * * *
+
+Le bonheur mesquin, l’égalité dans la servitude, que promet le
+socialisme, n’est pas un idéal assez fort pour passionner longtemps les
+peuples.
+
+ * * * * *
+
+Par le seul fait de leurs progrès, les civilisations modernes créent une
+masse croissante d’inadaptés toujours prêts à lutter contre elles. Ils
+forment la majorité des socialistes.
+
+ * * * * *
+
+La richesse, édifiée jadis sur l’immobilisation du capital, dépend
+aujourd’hui de la rapidité de sa circulation, et par conséquent de
+l’intelligence qui le manie.
+
+ * * * * *
+
+Le socialisme serait un asservissement universel. Le syndicalisme serait
+aussi un asservissement, mais, limité aux intérêts de chaque groupement
+professionnel, il permettrait à l’individu de se défendre contre le
+despotisme de l’État.
+
+ * * * * *
+
+La plupart des progrès de l’esprit humain sont dus à certains facteurs:
+initiatives individuelles, risques, concurrence, etc., que le socialisme
+voudrait détruire.
+
+ * * * * *
+
+Substituer l’initiative et la responsabilité collectives, à l’initiative
+et à la responsabilité individuelles, c’est faire descendre l’homme très
+bas sur l’échelle des valeurs humaines.
+
+ * * * * *
+
+Certains groupements sociaux représentent une absorption de l’âme
+individuelle dans l’âme collective, et par conséquent un retour à des
+phases inférieures d’évolution.
+
+ * * * * *
+
+C’est en s’évadant de l’égalité des premiers âges, à laquelle le
+socialisme veut nous ramener, que l’homme put s’élever de la sauvagerie
+à la civilisation.
+
+
+
+
+IV
+
+LE PACIFISME ET LA GUERRE
+
+
+Vivre c’est lutter. La lutte est une loi universelle. Des êtres non
+combatifs n’auraient réalisé aucun progrès.
+
+ * * * * *
+
+Si la nature n’avait pas été impitoyable pour les faibles, le monde
+serait peuplé de monstres, et aucune civilisation n’aurait pu éclore.
+
+ * * * * *
+
+Les peuples possédant beaucoup de canons ont seuls le droit et le
+pouvoir d’être pacifistes.
+
+ * * * * *
+
+Une minutieuse préparation, une foi forte, une haine de l’ennemi très
+vive, seront toujours les grands éléments du succès des batailles.
+
+ * * * * *
+
+Reculer devant l’effort qu’on croit inutile, est renoncer d’avance à
+tout succès.
+
+ * * * * *
+
+Une armée, composée d’individus qui discutent, serait facilement vaincue
+par une armée de barbares, incapables de raisonnement, mais prêts à
+obéir sans discussion.
+
+ * * * * *
+
+Craindre d’être vaincu augmente les chances de l’être. Persuader une
+armée de sa supériorité, double son courage et ses chances de victoire.
+
+ * * * * *
+
+Le courage individuel est beaucoup plus rare que le courage collectif.
+
+ * * * * *
+
+Les amitiés entre individus peuvent n’avoir que la sympathie pour
+mobile. Les alliances entre collectivités ont uniquement des intérêts
+matériels pour bases, et s’évanouissent quand ces intérêts
+disparaissent.
+
+ * * * * *
+
+Les intérêts économiques des peuples leur font souhaiter la paix, mais
+les divergences de sentiments et de croyances, les poussent toujours à
+la guerre.
+
+ * * * * *
+
+Un peuple, vraiment pacifiste, disparaîtrait vite de l’histoire.
+
+
+
+
+V
+
+LES RÉVOLUTIONS
+
+
+Les seules révolutions durables sont celles de la pensée.
+
+ * * * * *
+
+Les révolutions scientifiques dérivent uniquement d’éléments rationnels,
+les révolutions politiques et religieuses d’éléments affectifs,
+mystiques et collectifs.
+
+ * * * * *
+
+Les révolutions scientifiques transforment beaucoup plus profondément la
+vie sociale que les révolutions politiques.
+
+ * * * * *
+
+Souvent rationnelle à ses débuts, une révolution politique ne se propage
+que par des influences affectives, collectives et mystiques étrangères à
+toute raison.
+
+ * * * * *
+
+Les révolutions, comme les guerres, représentent l’extériorisation de
+conflits entre forces psychologiques.
+
+ * * * * *
+
+Une révolution ne constitue pas toujours un phénomène qui finit suivi
+d’un autre qui commence, mais un phénomène continu ayant accéléré son
+évolution.
+
+ * * * * *
+
+Un peuple trop conservateur est fatalement voué aux révolutions
+violentes. Incapable d’évoluer, il est obligé de se transformer
+brusquement.
+
+ * * * * *
+
+L’être vraiment malheureux est celui à qui on persuade que son état est
+misérable. Ainsi procèdent les meneurs pour faire les révolutions.
+
+ * * * * *
+
+Les meneurs des révolutions se croient toujours guidés par la raison.
+Ils obéissent en réalité à des forces affectives, mystiques et
+collectives qu’ils ne soupçonnent pas.
+
+ * * * * *
+
+La contagion mentale est le plus puissant facteur de propagation d’un
+mouvement révolutionnaire.
+
+ * * * * *
+
+La multitude est l’aboutissant d’une révolution, mais n’en constitue pas
+le point de départ.
+
+ * * * * *
+
+Idées, meneurs, armée et foule sont les éléments fondamentaux des
+révolutions.
+
+ * * * * *
+
+Toute révolution populaire qui réussit est un retour momentané à la
+barbarie. Elle constitue le triomphe de l’instinctif sur le rationnel,
+le rejet des contraintes sociales qui différencient le civilisé du
+barbare.
+
+ * * * * *
+
+Les révolutions ne sauraient détruire une structure mentale édifiée par
+un long passé. Elles ne changent guère que des façades.
+
+ * * * * *
+
+Les révolutions n’ont généralement pour résultat immédiat, qu’un
+déplacement de servitude.
+
+ * * * * *
+
+Les grandes réformes sociales ne sont pas l’œuvre des révolutions. Elles
+s’opèrent, comme les bouleversements géologiques, par une lente
+accumulation de petites causes.
+
+ * * * * *
+
+La majorité des hommes demande à être dirigée et non à se révolter.
+
+ * * * * *
+
+Rarement un peuple comprend quelque chose aux révolutions accomplies
+avec son concours.
+
+ * * * * *
+
+Quand un peuple finit par comprendre pourquoi il a subi une révolution,
+elle est généralement terminée depuis longtemps.
+
+ * * * * *
+
+Un monarque se renverse facilement, mais les principes qu’il
+représentait survivent à sa chute. La plupart des révolutions sont
+suivies de restaurations.
+
+ * * * * *
+
+Dès que l’armée d’un pays commence à se désagréger, une révolution est
+proche. La royauté périt en France, le jour où des troupes
+indisciplinées refusèrent de défendre leur roi.
+
+ * * * * *
+
+Chez certains hommes, l’esprit révolutionnaire est un état mental,
+indépendant de l’objet sur lequel il s’exerce. Aucune concession ne
+pourrait donc l’apaiser.
+
+ * * * * *
+
+Les révolutions qui commencent, résultent le plus souvent de croyances
+qui finissent.
+
+
+
+
+VI
+
+LES GOUVERNEMENTS POPULAIRES
+
+
+Ce qu’on appelle gouvernement populaire est, en réalité, une petite
+oligarchie de meneurs.
+
+ * * * * *
+
+La grande illusion des politiciens est de considérer le peuple comme une
+sorte de divinité infaillible, n’ayant pas à rendre compte de ses actes.
+
+ * * * * *
+
+Se guider d’après des opinions fausses, mais populaires, est une
+condition d’existence de tous les gouvernements démocratiques.
+
+ * * * * *
+
+La surenchère, l’humanitarisme et la peur, furent toujours les grands
+facteurs de conduite des gouvernements démocratiques.
+
+ * * * * *
+
+Un gouvernement populaire est dominé par trop de passions pour rester
+équitable et tolérant. Il ne se maintient qu’en devenant de plus en plus
+despotique.
+
+ * * * * *
+
+Limité par la crainte des responsabilités, le despotisme individuel est
+moins oppressif qu’un despotisme collectif, toujours irresponsable.
+
+ * * * * *
+
+Une tyrannie individuelle se renverse aisément. Contre une tyrannie
+collective les opprimés sont sans force.
+
+ * * * * *
+
+Ce qu’on déteste dans une tyrannie, n’est pas toujours la tyrannie
+elle-même, mais les individus qui l’exercent.
+
+ * * * * *
+
+Les tyrannies les plus dures sont facilement acceptées dès qu’elles
+deviennent anonymes.
+
+ * * * * *
+
+Pas de gouvernement populaire possible sans prépondérance de la
+mentalité jacobine.
+
+ * * * * *
+
+Esprit borné, passions fortes, mysticisme intense, incapacité à
+raisonner juste, sont les principales composantes de l’âme jacobine.
+
+ * * * * *
+
+Le jacobin n’est pas un rationaliste, mais un croyant. Loin d’édifier sa
+croyance sur la raison, il tâche de mouler la raison sur sa croyance.
+
+ * * * * *
+
+Au point de vue politique, certains peuples se divisent en jacobins, qui
+ne comprennent rien aux influences du passé, et en conservateurs, qui
+n’aperçoivent pas les nécessités du présent.
+
+ * * * * *
+
+Une politique de groupe est toujours d’ordre inférieur. Les
+gouvernements populaires ne peuvent en avoir d’autre.
+
+ * * * * *
+
+Si les nécessités économiques ne réfrénaient pas les volontés
+passionnelles des gouvernements populaires, ils se détruiraient par
+leurs propres mains.
+
+ * * * * *
+
+La première phase d’évolution d’une démocratie triomphante est de
+détruire les anciennes aristocraties, la seconde d’en créer de
+nouvelles.
+
+ * * * * *
+
+Les crimes des rois sont peu de chose auprès des crimes des peuples.
+
+ * * * * *
+
+L’État moderne a hérité aux yeux des multitudes de la puissance mystique
+attribuée aux rois, lorsqu’ils incarnaient la volonté divine.
+
+ * * * * *
+
+Dans les gouvernements populaires, le fantôme de la peur joue un rôle
+prépondérant. La peur de l’armée, de l’Église, des ouvriers, des
+fonctionnaires, a dicté depuis vingt ans, la plupart de nos lois.
+
+ * * * * *
+
+Dans un gouvernement démocratique dont les ministres changent
+rapidement, le pouvoir réel appartient aux administrations. Chaque
+ministre croit les gouverner, il est en réalité gouverné par elles.
+
+ * * * * *
+
+Plus un gouvernement s’affaiblit, plus le pouvoir de la caste
+administrative grandit.
+
+ * * * * *
+
+Un peuple tombe vite dans l’anarchie, lorsque la souveraineté passe de
+la loi à la multitude.
+
+ * * * * *
+
+L’instabilité des gouvernements populaires limite seule leur tyrannie.
+Les partis en lutte se succédant rapidement au pouvoir, le despotisme de
+chacun est forcément éphémère.
+
+ * * * * *
+
+Quand les démocraties ne se transforment pas en dictatures militaires,
+elles finissent par la ploutocratie, forme très oppressive du
+despotisme.
+
+ * * * * *
+
+Le vrai régime politique d’un peuple n’est révélé, ni par sa
+constitution, ni par ses lois. Il se découvre seulement en recherchant
+l’étendue respective du rôle de l’État et des citoyens, dans les
+affaires publiques et privées.
+
+ * * * * *
+
+Les gouvernements démocratiques considèrent la fermeture des églises
+comme moins nuisible que celle des cabarets. Ils découvriront sûrement
+un jour, que la fermeture des églises est plus dangereuse.
+
+ * * * * *
+
+Un peuple qui réclame sans cesse l’égalité est bien près d’accepter la
+servitude.
+
+
+
+
+VII
+
+LA PSYCHOLOGIE POLITIQUE
+
+
+Les problèmes politiques modernes peuvent se comparer à ceux du sphinx
+de la légende antique. Il faut les résoudre ou être dévoré.
+
+ * * * * *
+
+Sans la connaissance de la psychologie des races, des peuples, des
+individus et des foules, la politique ne saurait être comprise.
+
+ * * * * *
+
+Une société est un agrégat de forces contraires, qu’il faut maintenir en
+équilibre. Avec la rupture de cet équilibre, l’anarchie commence.
+
+ * * * * *
+
+Toute la politique se ramène à ces deux règles, savoir et prévoir.
+
+ * * * * *
+
+Un gouvernement n’est pas le créateur d’une époque, mais sa création.
+
+ * * * * *
+
+Atomes physiques, cellules vivantes, unités humaines, restent une vaine
+poussière, tant que des forces directrices ne canalisent pas leurs
+actions.
+
+ * * * * *
+
+La vraie puissance d’un gouvernement réside moins dans sa force, que
+dans la soumission volontaire de ceux qui lui obéissent.
+
+ * * * * *
+
+La tyrannie individuelle et la tyrannie collective sont les seules
+formes de gouvernement découvertes, depuis l’origine de l’histoire. La
+seconde fut toujours la plus dure.
+
+ * * * * *
+
+Les incidences des mesures politiques ne pouvant se prévoir, la manie
+des grandes réformes est fort dangereuse pour un peuple.
+
+ * * * * *
+
+Un événement politique ne germe pas spontanément. Il est
+l’épanouissement de toute une série de causes antérieures.
+
+ * * * * *
+
+Juger un événement inévitable, c’est en faire une fatalité.
+
+ * * * * *
+
+En politique comme dans la vie, le succès appartient généralement aux
+convaincus et rarement aux sceptiques.
+
+ * * * * *
+
+Dès qu’une classe n’est plus sûre de ses droits, noblesse autrefois,
+bourgeoisie de nos jours, elle les perd bientôt.
+
+ * * * * *
+
+Dans la vie politique, comme dans la vie individuelle, les
+préoccupations formulées sont beaucoup moins importantes que celles qui
+ne se formulent pas.
+
+ * * * * *
+
+Déplacer une tyrannie n’est pas créer une liberté.
+
+ * * * * *
+
+Le danger de l’autocratie ne réside pas dans l’autocrate, mais dans les
+milliers d’individus se partageant son pouvoir et l’exerçant chacun
+comme un petit despote.
+
+ * * * * *
+
+La confusion des pouvoirs suit toujours la confusion des esprits.
+
+ * * * * *
+
+De même que les croyances religieuses, les idées politiques ne doivent
+pas être jugées d’après leur valeur rationnelle, mais d’après l’action
+qu’elles exercent.
+
+ * * * * *
+
+Beaucoup d’erreurs politiques dérivent d’idées théoriquement
+rationnelles.
+
+ * * * * *
+
+En politique, il est moins dangereux de manquer d’idées directrices que
+d’en avoir de fausses.
+
+ * * * * *
+
+Les gouvernements périssent beaucoup plus par leurs fautes, que par les
+attaques de leurs ennemis.
+
+ * * * * *
+
+Le despotisme des vivants serait parfois sans limite, s’il n’était
+contenu par le despotisme des morts.
+
+
+
+
+VIII
+
+L’ART DE GOUVERNER
+
+
+Il n’y a pas de société possible sans principe d’autorité, de même qu’il
+n’y a pas de fleuve sans rives pour l’endiguer.
+
+ * * * * *
+
+Le plus sûr moyen de détruire le principe d’autorité est de parler à
+chacun de ses droits et jamais de ses devoirs. Tous les hommes sont
+prêts à exercer les premiers, très peu se préoccupent des seconds.
+
+ * * * * *
+
+On ne gouverne pas un peuple en tenant compte seulement de ses besoins
+matériels, mais aussi de ses rêves.
+
+ * * * * *
+
+Les puissances morales ne se combattent ni avec des lois, ni avec des
+armées.
+
+ * * * * *
+
+Pour manier les hommes, il ne faut pas oublier, que leur moi affectif et
+leur moi intellectuel, n’ont pas d’évolution parallèle et ne
+s’influencent guère.
+
+ * * * * *
+
+Utiliser les impulsions affectives et mystiques des peuples comme moyen
+d’action en tâchant de leur donner une orientation rationnelle, est un
+des secrets de l’art de gouverner.
+
+ * * * * *
+
+Une idée nouvelle a besoin d’appuis pour se faire accepter. Devenue
+forte, elle sert d’appui.
+
+ * * * * *
+
+On ne doit jamais partager les passions des hommes qu’on dirige, mais il
+faut les connaître.
+
+ * * * * *
+
+Impossible de gouverner un peuple si l’on oublie que des croyances,
+jugées absurdes par la raison, sont parfois plus puissantes que des
+vérités démontrées.
+
+ * * * * *
+
+Il est fort dangereux d’avoir la foi pour ennemie. Un gouvernement qui
+persécute une croyance religieuse s’expose à périr par cette croyance.
+
+ * * * * *
+
+En ne se plaçant même qu’au point de vue de l’utilité pure, un
+gouvernement doit éviter les persécutions. Elles sont toujours plus
+utiles aux doctrines persécutées, qu’à leurs persécuteurs.
+
+ * * * * *
+
+Le rôle du savant est de détruire les chimères, celui de l’homme d’État
+de s’en servir.
+
+ * * * * *
+
+Quand un gouvernement demande à suivre l’opinion au lieu de l’orienter,
+il cesse d’être le maître.
+
+ * * * * *
+
+Un pouvoir discuté n’est bientôt plus un pouvoir respecté.
+
+ * * * * *
+
+Une responsabilité morcelée devient vite de l’irresponsabilité.
+
+ * * * * *
+
+Gouverner exclusivement au profit d’une classe, c’est accroître
+indéfiniment les exigences de cette classe, et se condamner à l’avoir
+bientôt pour ennemie.
+
+ * * * * *
+
+Un des éléments de l’art de gouverner consiste à conquérir les meneurs
+des majorités, ou à leur en opposer d’autres.
+
+ * * * * *
+
+Les meneurs ne se combattent qu’avec des meneurs.
+
+ * * * * *
+
+On peut désagréger facilement l’âme transitoire d’une foule, on demeure
+impuissant contre l’âme permanente d’une race.
+
+ * * * * *
+
+Temporiser pour avoir le temps de se préparer, comme le conseillait
+Machiavel, est très sage. Temporiser, pour laisser au hasard le soin
+d’arranger les événements, est fort dangereux.
+
+ * * * * *
+
+Le mécontentement fut toujours générateur d’effort, l’homme trop content
+de son sort ne poursuit aucun progrès.
+
+ * * * * *
+
+Un gouvernement doit élever des barrières morales avant qu’elle soient
+indispensables. Au moment où elles le deviennent, il est trop tard pour
+les construire.
+
+ * * * * *
+
+Dès qu’on entrevoit la nécessité de céder, il ne faut pas attendre le
+moment où il sera impossible de ne pas céder.
+
+ * * * * *
+
+L’humanitarisme et la peur font partie des facteurs de dissociation des
+peuples. Ces sentiments sont sans excuse pour qui prétend gouverner.
+
+ * * * * *
+
+Céder toujours aux menaces et aux violences, c’est faire naître dans
+l’âme populaire l’idée qu’il suffit de menacer, et au besoin de
+saccager, pour être obéi.
+
+ * * * * *
+
+Les concessions n’empêchent pas les batailles devenues nécessaires.
+Elles les rendent plus coûteuses et plus dures.
+
+ * * * * *
+
+Une répression énergique momentanée est beaucoup plus efficace qu’une
+répression faible et continue.
+
+ * * * * *
+
+La terreur n’est un procédé psychologique utile, qu’à la condition de ne
+pas durer.
+
+ * * * * *
+
+Un gouvernement qui pactise sans cesse avec l’émeute périt par l’émeute.
+
+ * * * * *
+
+Quand on ne peut pas gouverner un peuple avec des idées vraies, il faut
+se résigner à le gouverner avec des idées tenues pour vraies.
+
+ * * * * *
+
+Les grands courants sociaux ne se remontent pas. La sagesse consiste à
+les dévier lentement.
+
+ * * * * *
+
+L’homme supérieur sait utiliser la fatalité, comme le marin utilise le
+vent, quelle que soit sa direction.
+
+ * * * * *
+
+Chaque événement visible a derrière lui des forces invisibles qui le
+déterminent. Qui ne sait les découvrir ignore l’art de gouverner.
+
+ * * * * *
+
+Une politique, ne tenant compte que de l’heure présente, est toujours
+d’ordre inférieur.
+
+ * * * * *
+
+Le bon sens et le caractère sont souvent plus utiles que le génie à un
+homme d’Etat.
+
+ * * * * *
+
+Une société ne dure pas sans pensées fixes, l’individu ne progresse pas
+sans pensées mobiles.
+
+ * * * * *
+
+L’avenir étant toujours chargé de passé, pour prévoir, c’est-à-dire voir
+en avant, il faut d’abord regarder en arrière.
+
+ * * * * *
+
+Prévoir est utile, prévenir l’est davantage. Prévoir, élimine les
+surprises de l’avenir. Prévenir, empêche leur action.
+
+ * * * * *
+
+Un homme d’État sans prévoyance est un créateur de fatalités
+désastreuses.
+
+
+
+
+TABLES DES MATIÈRES
+
+
+ Pages
+ Préface 1
+
+ LIVRE PREMIER
+ LA VIE AFFECTIVE
+
+ I. Le Caractère et la Personnalité 3
+ II. L’Affectif et le Rationnel 11
+ III. Le Plaisir et la Douleur 15
+ IV. La Psychologie féminine 19
+ V. Les Opinions 25
+ VI. Les Mots et les Formules 29
+ VII. La Persuasion 33
+
+ LIVRE II
+ LA VIE COLLECTIVE
+
+ I. L’Ame des Races 41
+ II. L’Ame des Foules 47
+ III. L’Ame des Assemblées 55
+ IV. La Vie des Peuples 59
+ V. Les Institutions et les Lois 67
+ VI. Le Droit 71
+ VII. La Morale 73
+ VIII. L’Idéal 81
+ IX. Les Dieux 85
+ X. L’Art 91
+ XI. Les Rites et les Symboles 95
+
+ LIVRE III
+ LA VIE RATIONNELLE
+
+ I. La Croyance et la Connaissance 101
+ II. L’Instruction et l’Éducation 109
+ III. Les Élites 117
+ IV. Les Conceptions philosophiques 121
+ V. Les Principes scientifiques 125
+ VI. La Matière 129
+ VII. La Vérité et l’Erreur 133
+ VIII. La Légende et l’Histoire 139
+
+ LIVRE IV
+ LA PENSÉE ET L’ACTION
+
+ I. L’Action 145
+ II. Les Illusions démocratiques 149
+ III. Les Illusions socialistes 155
+ IV. Le Pacifisme et la Guerre 161
+ V. Les Révolutions 165
+ VI. Les Gouvernements populaires 171
+ VII. La Psychologie politique 179
+ VIII. L’Art de gouverner 185
+
+
+
+
+*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75555 ***
diff --git a/75555-h/75555-h.htm b/75555-h/75555-h.htm
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+ <meta charset="UTF-8">
+ <title>Aphorismes du temps présent | Project Gutenberg</title>
+ <link rel="icon" href="images/cover.jpg" type="image/x-cover">
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+
+
+.ind { margin: 1em 0 1em 10%; }
+.offr { text-indent: 0; text-align: center; margin-left: 20%; }
+.sign { margin: 1em 5% 1em 20%; text-align: right; }
+
+hr { width: 20%; margin: 1em 40%; }
+
+sup { font-size: smaller; vertical-align: 30%; line-height: 1em; }
+
+ul { margin: 1em 0; padding: 0; }
+li { list-style: none; text-indent: -1.5em; padding: 0 0 0 1.5em;
+ margin: .5em 0; text-align: justify; }
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+td { vertical-align: top; }
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+ line-height: 1.5em; }
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+td.drap { text-indent: -1.5em; padding-left: 1.5em; text-align: left; }
+
+a { text-decoration: none; }
+
+.fnanchor { font-size: 80%; vertical-align: 0.35em; padding: 0 .15em;
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+}
+.footnote { margin: 1em 0 1em 30%; font-size: 90%; }
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+
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+
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+</head>
+<body>
+<div style='text-align:center'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75555 ***</div>
+<div class="x-ebookmaker-drop c"><img src="images/cover.jpg" alt=""></div>
+<div class="x-ebookmaker-drop break"></div>
+<p class="c top2em large">GUSTAVE LE BON</p>
+
+<h1>APHORISMES<br>
+du Temps présent</h1>
+
+
+<p class="c gap"><span class="large">PARIS</span><br>
+ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR<br>
+26, <span class="xsmall">RUE RACINE</span></p>
+
+<p class="c">1913</p>
+
+<p class="c"><span class="xsmall">TROISIÈME
+MILLE</span>   <span class="sc">Prix : 4 fr.  »</span></p>
+
+<div class="break"></div>
+
+<p class="c top4em"><span class="b">PRINCIPALES PUBLICATIONS</span><br>
+DU D<sup>r</sup> GUSTAVE LE BON</p>
+
+
+<p class="h4 b small">1<sup>o</sup> RECHERCHES EXPÉRIMENTALES</p>
+
+<ul><li><b>La Fumée du Tabac.</b> 2<sup>e</sup> édition augmentée de nouvelles
+recherches sur les divers alcaloïdes que la fumée du tabac
+contient. In-8<sup>o</sup>. (<i>Épuisé.</i>)</li>
+<li><b>La Vie. — Traité de physiologie humaine.</b> 1 volume
+in-8<sup>o</sup>, illustré de 300 gravures. (<i>Épuisé.</i>)</li>
+<li><b>Recherches expérimentales sur l’Asphyxie.</b> (Comptes
+rendus de l’Académie des Sciences.)</li>
+<li><b>Recherches anatomiques et mathématiques sur les
+lois des variations du volume du crâne.</b> (<i>Épuisé.</i>)</li>
+<li><b>La Méthode graphique et les appareils enregistreurs</b>,
+contenant la description des nouveaux instruments
+de l’auteur. 1 vol. in-8<sup>o</sup>, avec 63 figures. (<i>Épuisé.</i>)</li>
+<li><b>Les Levers photographiques.</b> Exposé des méthodes des
+levers de cartes et de plans employées par l’auteur pendant
+ses voyages. 2 vol. in-18. (Gauthier-Villars.)</li>
+<li><b>L’Équitation actuelle et ses principes. — Recherches
+expérimentales.</b> 4<sup>e</sup> édition. 1 vol. in-8<sup>o</sup>, avec un atlas de
+200 photographies instantanées. (Flammarion.)</li>
+<li><b>Mémoires de physique.</b> <i>Lumière noire. Phosphorescence.
+Ondes hertziennes. Dissociation de la matière.
+Énergie intra-atomique</i>, etc.</li>
+<li><b>L’Évolution de la matière.</b> 1 vol. in-18, illustré de
+62 figures photographiées au laboratoire de l’auteur. 24<sup>e</sup> édition.
+(Flammarion)</li>
+<li><b>L’Évolution des forces.</b> 1 vol. in-18, illustré de 40 figures.
+13<sup>e</sup> édition. (Flammarion.)</li></ul>
+
+<p class="h4 b small">2<sup>o</sup> VOYAGES, HISTOIRE, PHILOSOPHIE</p>
+
+<ul><li><b>Voyage aux monts Tatras</b>, avec une carte et un panorama
+dressés par l’auteur. (Publié par la <i>Société géographique de
+Paris</i>.)</li>
+<li><b>Voyage au Népal.</b> (Publié par le <i>Tour du monde</i>.)</li>
+<li><b>L’Homme et les Sociétés. — Leurs origines et leur
+histoire.</b> 2 vol. in-8<sup>o</sup>. (<i>Épuisé.</i>)</li>
+<li><b>Les premières Civilisations de l’Orient.</b> Grand in-4<sup>o</sup>,
+illustré de 430 gravures, 2 cartes et 9 photographies. (Flammarion.)</li>
+<li><b>La Civilisation des Arabes.</b> Grand in-4<sup>o</sup>, illustré de 366
+gravures, 4 cartes et 11 planches en couleur, d’après les documents
+de l’auteur. (<i>Épuisé.</i>)</li>
+<li><b>Les Civilisations de l’Inde.</b> Grand in-4<sup>o</sup>, illustré de 352 photogravures
+et 2 cartes, d’après les photographies exécutées par
+l’auteur. 2<sup>e</sup> édition. (<i>Épuisé.</i>)</li>
+<li><b>Les Monuments de l’Inde.</b> In-folio, illustré de 400 planches,
+par l’auteur. (<i>Épuisé.</i>)</li>
+<li><b>Les Lois psychologiques de l’évolution des peuples.</b>
+1 vol. in-18, 10<sup>e</sup> édition. (F. Alcan.)</li>
+<li><b>Psychologie des foules.</b> 1 vol. in-18, 18<sup>e</sup> édition. (F. Alcan.)</li>
+<li><b>Psychologie du Socialisme.</b> 1 vol. in-8<sup>o</sup> de la <i>Bibliothèque
+de philosophie contemporaine</i>. 7<sup>e</sup> édition. (F. Alcan.)</li>
+<li><b>Psychologie de l’Éducation.</b> 1 vol. in-18, 14<sup>e</sup> mille. (Flammarion.)</li>
+<li><b>La Psychologie politique.</b> 1 vol. in-18, 9<sup>e</sup> mille. (Flammarion.)</li>
+<li><b>Les Opinions et les Croyances.</b> 1 vol. in-18, 7<sup>e</sup> mille.
+(Flammarion.)</li>
+<li><b>La Révolution française et la psychologie des
+révolutions.</b> 1 vol., in-18, 9<sup>e</sup> mille. (Flammarion.)</li></ul>
+<hr>
+
+
+<p class="i">Il existe des traductions en allemand, anglais, italien,
+russe, polonais, espagnol, portugais, suédois, tchèque,
+arabe, turc, hindoustani, japonais, etc., de plusieurs des
+précédents ouvrages.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<p class="c top4em">A<br>
+S. A. R. LE PRINCE GEORGES DE GRÈCE</p>
+
+<p class="offr i">Affectueux Souvenir</p>
+
+<p class="sign">GUSTAVE LE BON</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak" id="c0">PRÉFACE</h2>
+
+
+<p class="i">Ce livre a pour but de condenser en aphorismes
+quelques-unes des idées disséminées dans
+mes divers ouvrages.</p>
+
+<p class="i">Grâce à sa forme brève, l’aphorisme impressionne
+l’esprit et se retient facilement. Il constitue,
+pour ces raisons, un des genres littéraires
+les plus répandus.</p>
+
+<p class="i">La plupart de nos vérités, c’est-à-dire des
+idées que nous nous faisons des choses, se
+présentent à l’esprit sous une forme concise.
+L’expérience humaine fut toujours synthétisée
+en proverbes et sentences, qui sont les aphorismes
+des peuples. L’homme pense par aphorismes
+et se guide avec des aphorismes.
+L’aphorisme le dispense de longuement réfléchir
+avant d’agir.</p>
+
+<p class="i">Ces avantages ne sont pas sans inconvénients.
+L’aphorisme représente en effet la
+conclusion d’une démonstration que le lecteur
+doit chercher.</p>
+
+<p class="i">Quand cette démonstration se devine facilement,
+l’aphorisme est voisin du truisme ; si on
+ne la saisit pas, l’aphorisme reste incompréhensible.
+Il semble donc condamné à n’exprimer
+que des vérités très générales et souvent évidentes.
+Tel est justement le cas de la plupart
+des proverbes.</p>
+
+<p class="i">Si je n’ai pas hésité à faire figurer dans
+ce livre certaines propositions dont l’évidence
+ne s’impose pas tout d’abord, c’est que leur
+démonstration se trouve dans mes ouvrages.
+Ce petit volume en est la synthèse.</p>
+
+<p class="sign i">GUSTAVE LE BON</p>
+
+<p class="ind sc">Paris, Mars 1913.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak"><span class="maigre">LIVRE PREMIER</span><br>
+<span class="sc large">La Vie Affective</span></h2>
+
+
+
+
+<h3 id="l1c1">I<br>
+LE CARACTÈRE
+ET LA PERSONNALITÉ</h3>
+
+
+<p>On ne se conduit pas avec son intelligence
+mais avec son caractère.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le moi se compose d’un agrégat d’éléments
+ancestraux souvent hétérogènes. Son
+unité est aussi fictive que celle d’une armée.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La psychologie de chaque individu
+est formée de psychologies superposées :
+psychologie de sa race, de sa famille, de
+son groupe. Un homme peut rarement se
+soustraire à cette addition de forces accablantes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les transformations brusques du caractère
+tiennent à ce que certains événements,
+font surgir une des nombreuses personnalités
+qui sommeillent en nous.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il est impossible de juger les sentiments
+d’un être par sa conduite dans un cas déterminé.
+L’homme d’une circonstance n’est pas
+celui de toutes les circonstances.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Pour connaître un homme il faut l’étudier
+en temps de grandes crises, notamment de
+révolutions. Alors seulement se révèlent ses
+diverses possibilités de caractère.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La constance du caractère représente
+surtout la constance du milieu.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les raisons attribuées par nous à nos actes
+constituent rarement leurs vrais mobiles.
+Elles servent surtout à justifier les impulsions
+sentimentales et mystiques qui nous
+ont fait agir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les contradictions de la conduite tiennent
+souvent aux dissemblances de la volonté
+consciente et de la volonté inconsciente.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’intelligence et la volonté inconscientes,
+étant quelquefois supérieures à l’intelligence
+et à la volonté conscientes, des hommes
+raisonnant fort mal peuvent agir très bien.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Supposer chez les autres des sentiments
+identiques à ceux qui nous mènent, est se
+condamner à ne jamais les comprendre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Grâce aux suggestions de l’habitude, les
+hommes savent chaque jour ce qu’il faut
+dire, faire et penser.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’être irrésolu n’est pas guidé par ses
+véritables désirs, mais par ceux qu’il se suppose
+au moment où il est forcé d’agir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Quand on ne gêne pas par sa volonté,
+on nuit souvent par son inertie.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les héros populaires n’ont pas toujours
+le caractère qu’on leur attribue, mais ils
+finissent souvent par le prendre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les œuvres importantes résultent plus
+rarement d’un grand effort, que d’une accumulation
+de petits efforts.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le proverbe : <i>Qui peut le plus peut le
+moins</i>, n’est pas toujours exact. Les esprits
+supérieurs réussissent parfois mieux les
+choses difficiles que les choses faciles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La vanité est pour les imbéciles une puissante
+source de satisfaction. Elle leur
+permet de substituer aux qualités qu’ils
+n’acquerront jamais, la conviction de les
+avoir toujours possédées.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Nul besoin d’être loué quand on est sûr
+de soi. Qui recherche la louange doute de
+sa propre valeur.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Appartenir à une école, c’est perdre sa
+personnalité ; ne pas appartenir à une école,
+c’est abdiquer toute possibilité de prestige.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les grandes pensées viennent de l’esprit
+et non du cœur comme on l’a soutenu, mais
+c’est du cœur qu’elles tirent leur force.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le caractère et l’intelligence étant rarement
+réunis, il faut se résigner à choisir
+ses amis pour leur caractère et ses relations
+pour leur intelligence.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Chez les natures sensibles, l’âme est une
+mer changeante, sur laquelle la lumière des
+choses se reflète chaque jour avec des
+nuances différentes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les grandes supériorités mentales sont un
+peu comparables aux monstruosités botaniques
+artificiellement créées. Leur descendance
+retourne toujours au type moyen de
+l’espèce.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On n’est pas maître de ses désirs, on l’est
+souvent de sa volonté.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Rien ne résiste à une volonté forte et
+continue : ni la nature, ni les hommes, ni
+la fatalité même.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une volonté forte a le plus souvent un
+désir fort pour soutien. Le désir est l’âme
+de la volonté.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l1c2">II<br>
+L’AFFECTIF ET LE RATIONNEL</h3>
+
+
+<p>Les sentiments sont la base de l’existence.
+Le jour où le dévouement, la pitié, l’amour,
+et les illusions qui nous mènent, seraient
+remplacés par la froide raison, tous les
+ressorts de l’activité se trouveraient brisés.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le rôle de la raison apparut très tard
+dans l’histoire de notre planète. Pendant
+des entassements d’âges, les êtres ont vécu
+et se sont transformés sans elle.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’évolution des sentiments est indépendante
+de la volonté. Nul ne peut aimer ou
+haïr à son gré. L’homme le plus fort reste
+sans pouvoir sur la vie de ses éléments affectifs
+et ne peut qu’en réfréner l’expression.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les sentiments, quoique peu variables,
+changent souvent d’objet. C’est ce qui fait
+croire à leurs transformations.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En matière de sentiment, l’illusion crée
+vite la certitude.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les sentiments simulés finissent quelquefois
+par devenir des sentiments éprouvés.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La force des évidences sentimentales, est
+de ne pas tenir compte des évidences
+rationnelles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les diverses formes de logiques : mystique,
+sentimentale et rationnelle, n’ayant
+pas de commune mesure, peuvent se superposer
+mais non se concilier.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les sentiments se combattent avec des
+sentiments, ou des représentations mentales
+de sentiments, jamais avec des raisons.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Ce qu’on fait par orgueil est supérieur à
+ce qu’on accomplit par devoir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les impulsions sentimentales et mystiques
+agissent beaucoup plus sur la conduite
+des hommes, que toutes les démonstrations
+rationnelles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une idée, dénuée de soutien affectif ou
+mystique, n’exerce aucune action. Elle est
+un fantôme sans prestige, sans durée et sans
+force.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les influences affectives, mystiques et collectives
+sont les grandes régulatrices de
+l’histoire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Démontrer qu’une chose est rationnelle
+ne prouve pas toujours qu’elle soit raisonnable.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l1c3">III<br>
+LE PLAISIR ET LA DOULEUR</h3>
+
+
+<p>L’homme ne possède que deux certitudes
+absolues : le plaisir et la douleur. Elles
+orientent toute sa vie individuelle et sociale.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les codes religieux et sociaux n’ont
+jamais pu trouver d’autres soutiens à leurs
+prescriptions, que l’attrait du plaisir et la
+crainte de la douleur : châtiments ou récompenses,
+paradis ou enfer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les variations possibles de la sensibilité
+n’étant pas très étendues, les bornes du
+plaisir et de la douleur sont bientôt atteintes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La répétition fréquente des mêmes sensations,
+engendre un effet physiologique
+qu’on pourrait qualifier loi de lassitude. Elle
+oblige les êtres sensibles à varier souvent
+leurs désirs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les croyants reconnaissent que l’attrait
+du paradis serait moins vif sans la crainte
+de l’enfer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le plaisir étant éphémère, et le désir
+durable, les hommes sont plus facilement
+menés par le désir que par le plaisir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le bonheur est surtout de l’espérance
+réalisable, mais non réalisée encore.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’homme qui, suivant le conseil du bouddhisme,
+tuerait en lui le désir perdrait toute
+raison d’agir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le désir établit l’échelle de nos valeurs.
+L’idéal de chaque peuple est la synthèse de
+ses désirs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les grands manieurs d’hommes furent
+toujours des créateurs de désirs. Les réformateurs
+ne font que substituer un désir à
+un autre désir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La vie paraîtrait trop longue si elle n’était
+consacrée à poursuivre des bonheurs chimériques,
+et à regretter ceux qu’on ne peut
+atteindre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’homme vraiment sage saurait maîtriser
+toutes les impulsions de son cœur, mais être
+sage n’est pas toujours être heureux.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La vue du malheur est antipathique au
+bonheur. L’amitié ne dure guère entre
+l’homme heureux et l’homme malheureux.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’attraction et la répulsion dirigent l’évolution
+des mondes. L’amour et la haine,
+qui en sont des formes, dirigent l’évolution
+des êtres.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La véritable durée de la vie ne dépend
+pas du nombre des jours, mais de la diversité
+des sensations accumulées pendant ces jours.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l1c4">IV<br>
+LA PSYCHOLOGIE FÉMININE</h3>
+
+
+<p>La femme est trop confinée dans le
+domaine de l’affectif et du mystique, pour
+être beaucoup influencée par un raisonnement.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’intuition est souvent supérieure à la raison.
+Elle fait deviner à des femmes, raisonnant
+mal, des choses incomprises d’hommes
+raisonnant très bien.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La femme demeurant plus apte à sentir
+qu’à raisonner, on n’améliore pas sa destinée
+en l’obligeant à trop penser.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Selon les divers ordres d’activité, la femme
+est inférieure ou supérieure à l’homme. Elle
+est rarement son égale.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En matière d’art et de toilette, les femmes
+n’ont que des goûts suggérés.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La femme ne pardonne pas à l’homme
+de deviner ce qu’elle pense, à travers ce
+qu’elle dit.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dominer ou être dominée, il n’y a pas
+pour l’âme féminine, d’autre alternative.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’affectif étant mal exprimable en termes
+intellectuels, vouloir raisonner sur l’amour
+c’est forcément déraisonner.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les femmes perdraient vite leur empire
+sur l’homme, si elles pouvaient acquérir la
+faculté d’être sincères.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’homme ne croit guère la femme que
+quand elle ment. Il la condamne ainsi à
+souvent mentir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’obstination habituelle des femmes et
+des diplomates à nier l’évidence, est la principale
+cause du scepticisme que leurs propos
+inspirent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les femmes reprochent aux hommes de
+ne pas les comprendre, mais quels êtres
+de mentalités différentes se sont jamais
+compris ?</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En amour, quand on demande des paroles,
+c’est qu’on a peur d’entendre les pensées.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’amour élève ou abaisse, il ne nous permet
+donc pas de rester nous-même.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La femme est trop peu sortie encore du
+domaine de l’Instinctif pour ne pas préférer,
+à la gloire la plus haute, l’amour le plus
+médiocre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’amour craint le doute, cependant il
+grandit par le doute et périt souvent par la
+certitude.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les passions modérées sont les plus
+durables. On arrive vite à ne plus se supporter
+quand on commence par trop s’aimer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’amour devenu clairvoyant, est bien près
+de finir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Vouloir retenir un amour qui meurt, c’est
+prétendre ralentir l’écoulement des jours.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l1c5">V<br>
+LES OPINIONS</h3>
+
+
+<p>Nos opinions représentent souvent de
+petites croyances en voie de formation, et
+par conséquent non stabilisées encore.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une opinion peut avoir des origines affectives,
+mystiques ou rationnelles. L’origine
+rationnelle est la plus rare.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les opinions de la majorité des hommes
+ne se fondent pas sur des arguments, mais
+sur des haines, des sympathies ou des espérances.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le milieu crée nos opinions. Les passions
+et l’intérêt les transforment.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La plupart des hommes sont incapables
+de se former une opinion personnelle, mais
+le groupe social auquel ils appartiennent
+leur en fournit de toutes faites.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Peu d’êtres savent voir les choses comme
+elles sont. Les uns aperçoivent seulement
+ce qu’ils veulent voir, les autres ce qu’on
+leur fait voir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il faut un esprit très indépendant, pour
+se créer cinq ou six opinions personnelles
+dans le cours de l’existence.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Si les opinions les moins fondées sont
+généralement très tenaces, c’est qu’elles
+ont pour soutien des éléments affectifs et
+mystiques sur lesquels la raison reste sans
+prise.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un livre peut modifier pendant quelques
+instants les opinions du lecteur, mais ses
+idées inconscientes reprennent bientôt leur
+force.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’intolérance des opinions l’emporte sur
+la tolérance, parce que la première est
+d’origine affective ou mystique, et la seconde
+d’origine rationnelle.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Contester la valeur d’une opinion d’origine
+affective ou mystique, c’est la fortifier.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les foules ne créent pas l’opinion, mais
+lui donnent sa force. Une opinion populaire
+devient vite contagieuse.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il n’y a guère aujourd’hui de journaux
+assez indépendants, pour permettre à leurs
+rédacteurs des opinions personnelles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’absence d’esprit critique favorise beaucoup
+l’adoption des opinions générales,
+nécessaires à l’existence d’une société. Un
+peuple, dont toutes les unités seraient
+douées d’esprit critique, ne subsisterait pas
+longtemps.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La force d’une opinion générale est irrésistible.
+En la créant on la domine ; si on ne
+sait pas la créer il faut la subir.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l1c6">VI<br>
+LES MOTS ET LES FORMULES</h3>
+
+
+<p>L’affectif, n’ayant pas d’équivalent rationnel,
+n’est pas exprimable en termes intellectuels.
+Les mots ne peuvent donc traduire
+les sentiments avec exactitude.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Derrière certains mots, se trouve un
+monde d’idées que ces mots ne sauraient
+atteindre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Plus un mot est d’usage général, plus il
+revêt de sens différents suivant la mentalité
+des hommes qui l’emploient.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’incompréhension qui domine les relations
+entre les êtres de races, de situations
+sociales et de sexes différents, est irréductible,
+parce que les mêmes mots éveillent
+chez eux des idées dissemblables. On peut
+donc dire qu’en réalité, ils ne parlent pas la
+même langue.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les mots qui représentent des idées
+abstraites, ne sont pas traduisibles avec
+exactitude dans une langue étrangère.
+D’un peuple à l’autre, les mêmes mots correspondent
+à des images mentales différentes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’interprétation diverse de mêmes mots,
+par des êtres de mentalité dissemblable, a
+été une cause fréquente des luttes historiques.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dans l’art de gouverner figure la nécessité
+d’utiliser les mots possédant du prestige.
+Leur action est généralement plus efficace
+que celle des arguments rationnels.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le contenu mystique de certaines formules,
+leur donne un pouvoir magique
+redoutable. Des milliers d’hommes se firent
+tuer pour des paroles qu’ils ne pouvaient
+comprendre, et d’ailleurs dépourvues de
+sens rationnel.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En politique, les choses ont moins d’importance
+que leurs noms. Déguiser sous
+des mots bien choisis, les théories les plus
+absurdes, suffit souvent à les faire accepter.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Certains mots, certaines formules, sont de
+puissants évocateurs d’images, mais leur vie
+est éphémère. Ils s’usent et perdent alors
+la faculté d’émouvoir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les mots fixés par l’écriture ne peuvent
+changer que lentement. Leur sens et les
+images qu’ils évoquent évoluent au contraire
+rapidement. Un langage ancien ne peut
+donc représenter que les idées d’autrefois.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Chez beaucoup d’hommes, la parole précède
+la pensée. Ils savent seulement ce
+qu’ils pensent, après avoir entendu ce qu’ils
+disent.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l1c7">VII<br>
+LA PERSUASION</h3>
+
+
+<p class="h4">§ 1. <span class="i">La suggestion, la répétition
+et la contagion.</span></p>
+
+<p>Un traité complet de l’art de persuader
+pourrait ne contenir que cinq chapitres :
+Affirmation, Répétition, Prestige, Suggestion,
+Contagion.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Persuader n’est pas simplement convaincre,
+mais faire agir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les raisonnements peuvent convaincre,
+mais ils ne font pas toujours agir. La suggestion,
+la répétition et la contagion pénétrant
+dans l’inconscient, tendent au contraire
+à se transformer en actes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La contagion mentale est le plus sûr
+agent de propagation des opinions et des
+croyances. Les convictions politiques ne se
+fondent guère autrement, on tâche ensuite
+de leur donner un aspect rationnel pour les
+justifier.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Si les observations collectives sont presque
+toujours erronées, c’est qu’elles représentent
+souvent l’illusion d’un individu, transmise
+par voie de contagion.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dès que, par suggestion ou contagion, une
+opinion est fixée dans l’esprit, son absurdité
+n’apparaît plus, la raison ne peut
+l’atteindre, elle domine la volonté et la
+conduite.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Suffisamment répétées, les théories les
+plus funestes finissent par s’incorporer dans
+l’inconscient et devenir mobiles d’action.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Obtenir par suggestion, vaut toujours
+mieux qu’obtenir par contrainte.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’art des grands meneurs, est de créer
+chez ceux qu’ils entraînent, des personnalités
+nouvelles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Pour acquérir une autorité momentanée,
+il suffit généralement de persuader qu’on la
+possède.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On domine plus facilement les peuples
+en excitant leurs passions, qu’en s’occupant
+de leurs intérêts.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Pour agir profondément sur les hommes,
+ce n’est pas leur âme consciente qu’il importe
+d’influencer, mais leur âme inconsciente.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Qui sait dompter ou séduire, n’a pas
+besoin de discourir pour persuader.</p>
+
+
+<p class="h4">§ 2. <span class="i">Le Prestige.</span></p>
+
+<p>A qui possède le prestige, la force est
+inutile.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le prestige peut remplacer la force, mais
+la force ne remplace pas le prestige.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La force contraint à obéir, le prestige
+enlève jusqu’à l’idée de désobéir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Pas d’obéissance volontaire sans respect,
+pas de respect sans prestige.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En remplissant l’âme d’étonnement et de
+respect, le prestige paralyse les facultés critiques
+et rend la suggestion facile.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une erreur, auréolée de prestige, exercera
+toujours plus d’action qu’une vérité
+sans prestige.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les gouvernements et les peuples qui
+perdent leur prestige, ont bientôt tout
+perdu.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak"><span class="maigre">LIVRE II</span><br>
+<span class="sc large">La Vie Collective</span></h2>
+
+
+
+
+<h3 id="l2c1">I<br>
+L’AME DES RACES</h3>
+
+
+<p>Les races pures n’existent plus que parmi
+les primitifs. Chez les peuples civilisés, la
+répétition des croisements et l’identité du
+milieu ont fini par former des races historiques
+nouvelles, analogues aux races pures.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les caractères psychologiques d’une race
+historique, sont aussi stables que ses caractères
+anatomiques. Ils se transmettent par
+l’hérédité avec régularité et constance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le hasard des conquêtes peut courber
+sous une seule domination plusieurs peuples
+différents. Des siècles de croisements et
+de conditions d’existence identiques, leur
+sont nécessaires pour acquérir une âme
+nationale.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’histoire d’un peuple est le récit de ses
+efforts pour stabiliser son âme et sortir
+ainsi de la barbarie.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La force d’un peuple réside moins dans
+la puissance de ses armées, que dans la communauté
+de sentiments engendrée par la
+solidité de son âme nationale. L’âme nationale
+des Romains leur fit dominer le monde.
+Ils disparurent en la perdant.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’évolution régressive étant toujours plus
+rapide que l’évolution ascendante, les
+peuples mettent des siècles à acquérir une
+certaine structure mentale et la perdent
+parfois très vite.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un peuple civilisé représente une foule,
+dont l’âme a été stabilisée par de lentes
+accumulations ancestrales.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’âme stable de la race tend toujours à
+lutter contre l’âme instable de la foule et à
+limiter ses oscillations. Les foules font les
+révolutions. L’âme de la race en restreint
+la durée.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Chaque race historique et chaque phase
+de la vie de cette race impliquent certaines
+institutions, certaines morales, certains
+arts, certaines philosophies et n’en
+impliquent pas d’autres. Jamais peuple
+n’adopta une civilisation étrangère sans la
+transformer entièrement.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Prétendre imposer nos institutions, nos
+coutumes et nos lois aux indigènes d’une
+colonie, c’est vouloir substituer au passé
+d’une race le passé d’une autre race.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Sans rigidité, l’âme ancestrale ne possède
+aucune permanence. Sans une certaine malléabilité,
+elle ne saurait s’adapter aux changements
+de milieux, engendrés par l’évolution
+de la civilisation, et en conséquence progresser.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’hérédité seule peut lutter contre l’hérédité.
+Les croisements entre individus inégaux
+désagrègent l’âme ancestrale de la
+race. Plusieurs nations périrent pour ne
+l’avoir pas compris.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le patriotisme représente la synthèse des
+aspirations de l’âme nationale.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le métis est un homme qui flotte entre
+les impulsions contraires d’ancêtres, d’intelligence,
+de moralité et de caractère différents.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un peuple de métis est ingouvernable.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le passé ne meurt jamais. Il vit en nous-même
+et constitue le guide le plus sûr de
+la conduite des individus et des peuples.
+L’âme des vivants est faite surtout de la
+pensée des morts.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les morts sont souvent terriblement
+tyranniques.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Créer des idées qui influenceront les
+hommes, c’est mettre un peu de soi-même
+dans la vie de ses descendants.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l2c2">II<br>
+L’AME DES FOULES</h3>
+
+
+<p>Chez les hommes en foule se forme une
+âme collective, très différente de l’âme
+individuelle de chacun d’eux.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’âme des foules est dominée par une
+logique particulière inconsciente : la logique
+collective.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’homme faisant partie d’une multitude
+cesse d’être lui-même. Sa personnalité consciente
+s’évanouit dans l’âme inconsciente de
+la foule. Il perd tout esprit critique, toute
+aptitude à raisonner, et redevient un primitif.
+Il en a les héroïsmes, les enthousiasmes
+et les violences.</p>
+
+<hr>
+
+
+<hr>
+
+
+<p>Excitabilité, fureurs subites, inaptitude
+au raisonnement, crédulité sans bornes,
+intolérance excessive, obéissance servile aux
+meneurs, constituent les caractères principaux
+des foules.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Toujours intellectuellement au-dessous de
+l’homme isolé, une foule peut lui être supérieure
+ou inférieure dans le domaine des
+sentiments. Elle devient aussi aisément
+héroïque que criminelle.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La foule est un être amorphe, incapable
+de vouloir et d’agir sans meneur. Son âme
+semble liée à celle de ce meneur.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Exagérées dans leurs sentiments, les
+foules réclament de leurs meneurs la même
+exagération.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il est beaucoup plus facile de suggestionner
+une collectivité qu’un individu.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La notion de sa puissance et de son
+irresponsabilité, donne à la foule une intolérance
+et un orgueil excessifs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La foule est plus susceptible d’héroïsme
+que de moralité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il faut à la foule un fétiche : personnage,
+doctrine ou formule.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’extrême sensibilité des foules rend leurs
+sentiments très mobiles. Elles passent facilement
+de l’adoration à la haine.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le mysticisme, qui sature les foules, leur
+fait attribuer une puissance mystérieuse à
+la formule politique, ou au héros qui les
+séduit.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Confinée dans l’affectif et le mystique, la
+foule est incapable de voir ce qu’apercevrait
+clairement l’observateur isolé. Un
+témoignage collectif est donc le plus souvent
+erroné.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La foule ne retient guère des événements
+que leur côté merveilleux. Les légendes
+sont plus durables que l’histoire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les foules exigent avant tout des espérances.
+Privées du sens des possibilités et
+douées d’une crédulité infinie, elles acceptent
+les plus invraisemblables promesses.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dans les foules, les sentiments les émotions
+et les croyances, exercent un pouvoir
+contagieux, contre lequel aucun argument
+rationnel ne peut lutter.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’affirmation, la répétition, la contagion
+et le prestige constituent les seuls moyens
+efficaces de persuader les foules.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une idée n’est acceptée par les foules que
+concrétisée en formules brèves et violentes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’altruisme est une vertu collective. L’intérêt
+personnel, si influent sur les individus,
+agit peu sur les multitudes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Toujours impressionnées par la force,
+les foules le sont rarement par la bonté.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les foules ne respectent que les forts.
+Le mépris du faible a toujours été leur loi.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>A la liberté, les foules ont généralement
+préféré l’égalité dans la servitude.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Quand les freins sociaux, qui contiennent
+les instincts des multitudes, sont brisés, elles
+retombent très vite dans la barbarie ancestrale.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il est parfois utile à un politicien d’invoquer
+la sagesse, le bon sens et la modération
+des multitudes. Les croire douées de telles
+qualités rend incapable de gouverner.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Céder une fois à la foule, c’est lui donner
+conscience de sa force et se condamner à lui
+céder toujours.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le poids du nombre tend chaque jour
+à se substituer au poids de l’intelligence.
+Mais si le nombre peut détruire l’intelligence,
+il est incapable de la remplacer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les foules comprennent rarement quelque
+chose aux événements qu’elles accomplissent.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l2c3">III<br>
+L’AME DES ASSEMBLÉES</h3>
+
+
+<p>Les grandes assemblées possèdent les
+principales caractéristiques des foules :
+Niveau intellectuel médiocre, excitabilité
+excessive, fureurs subites, intolérance complète,
+obéissance servile aux meneurs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une foule hétérogène formée d’individus
+différents, réunis au hasard, n’a qu’une
+âme transitoire. Une foule homogène :
+comités politiques, groupements professionnels,
+congrégations, etc., possède une
+âme collective que la communauté des
+intérêts rend assez fixe.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Bien que soumise aux règles de la psychologie
+collective, une assemblée politique
+n’agit pas toujours comme une foule, parce
+que les groupes rivaux dont elle se compose
+possèdent des intérêts contraires et ont chacun
+leurs meneurs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’homme médiocre augmente sa valeur
+en faisant partie d’un groupe ; l’homme
+supérieur la diminue.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Certains meneurs violents et possédant
+du prestige, parviennent quelquefois à transformer
+tous les groupes d’une réunion, en
+une seule foule soumise à leur volonté. Les
+grandes assemblées révolutionnaires fournirent
+plusieurs exemples de ce phénomène.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’âme collective des assemblées les conduit
+souvent à des votes contraires aux
+volontés individuelles de leurs membres.
+L’histoire de la Révolution est incompréhensible
+sans la connaissance de cette loi.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On ne peut agir sur les individus d’un
+groupe qu’en influençant d’abord les meneurs
+de ce groupe.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une minorité brutale et hardie conduira
+toujours une majorité craintive et irrésolue.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La peur est un des plus grands mobiles
+d’action des assemblées politiques. C’est
+par excès de peur qu’elles manifestent quelquefois
+un peu de courage.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l2c4">IV<br>
+LA VIE DES PEUPLES</h3>
+
+
+<p>Les principes directeurs capables de
+guider un peuple n’ont pas besoin d’être
+nombreux, il suffit qu’ils soient stables et
+universellement respectés.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La destinée d’un peuple dépend beaucoup
+plus de son caractère, que de son intelligence.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’âme ancestrale d’un peuple domine
+toute son évolution. Les bouleversements
+politiques ne modifient que l’expression de
+cette âme.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Garder les institutions du passé, mais les
+transformer insensiblement, est pour les
+peuples une grande force. Les Romains
+jadis, les Anglais de nos jours, sont à peu
+près les seuls ayant su réaliser cet idéal.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un peuple n’essaya jamais de rompre
+brusquement avec ses aïeux, sans bouleverser
+profondément le cours de son histoire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le joug formidable des ancêtres écrase
+l’individu mais fortifie la société.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Pour un peuple, ne pas avoir de passé,
+comme les États-Unis, par exemple, est à
+la fois une force et une faiblesse.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un peuple ne pourrait pas plus transmettre
+à un autre ses institutions, que lui
+léguer son âme.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La conquête durable d’un peuple ne se
+fait pas avec des canons, mais par l’établissement,
+entre conquérant et conquis,
+d’une certaine communauté de sentiments,
+d’intérêts et de pensées.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un peuple n’est vraiment fort que si
+les classes qui le composent possèdent
+beaucoup d’intérêts communs. L’égoïsme
+individuel agit alors dans le même sens que
+l’égoïsme collectif.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les divergences politiques chez un
+peuple, dont l’âme nationale est solidement
+constituée, s’effacent vite devant de grands
+intérêts collectifs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les nations latines se fatiguent plus rapidement
+de la liberté que de la servitude.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les peuples qui n’ont pas su acquérir une
+discipline interne, sont condamnés à subir
+une discipline externe.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’élite d’un peuple crée ses progrès, les
+individus moyens font sa force.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dans la vie d’un peuple l’effort continu
+est seul efficace. L’effort intermittent peut
+créer des révolutions ; il ne réalise pas de
+progrès durables.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un peuple dont la population augmente
+rapidement ne saurait rester pacifiste. Il
+finit par envahir les voisins dont la population
+demeure stationnaire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les peuples restent toujours saturés de
+mysticisme. Les lois, les institutions et les
+gouvernements, représentent pour eux des
+puissances magiques, capables de changer le
+cours des choses à leur gré.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Chez les primitifs, l’homme n’étant pas
+dégagé des influences collectives, l’âme de
+l’individu diffère peu de celle de son
+groupe.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une civilisation avancée contient des
+résidus de toutes les étapes successivement
+franchies. L’homme des cavernes et les
+barbares du temps d’Attila y ont des représentants.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les barbares de l’avenir ne surgiront pas
+du dehors, mais de cette armée des inadaptés,
+que les civilisations en progressant
+laissent derrière elles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Si médiocre que soit un homme d’État,
+ses facultés de jugement et de prévision
+sont supérieures à celles d’une réunion de
+diplomates. Par leur groupement, ces derniers
+acquièrent la mentalité inférieure des
+foules. Le sort des peuples réglé par des
+congrès fut toujours misérable.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La civilisation d’un peuple est le vêtement
+extérieur de son âme, l’expression visible
+des forces invisibles qui le mènent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une civilisation utilise la science, mais ne
+s’édifie pas sur elle.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une foi forte rend un peuple invincible,
+tant qu’il ne rencontre pas devant lui une
+foi plus forte.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En créant des freins sociaux puissants les
+peuples sortent de la barbarie, en les brisant
+ils y retournent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les progrès d’un peuple ne sont déterminés
+ni par les gouvernements ni par les
+révolutions, mais par la somme des efforts
+des individus qui le composent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les peuples, comme les espèces vivantes,
+disparaissent lorsque, trop stabilisés par un
+long passé, ils sont devenus incapables de
+s’adapter à de nouvelles conditions d’existence.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l2c5">V<br>
+LES INSTITUTIONS ET LES LOIS</h3>
+
+
+<p>Les hommes en société ne pouvant vivre
+sans tyrannie, la plus acceptable est encore
+celle des lois.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les peuples étant gouvernés par leur
+mentalité et non par les institutions qu’on
+leur impose, les lois doivent être l’expression
+de cette mentalité. Une loi utile pour
+un peuple devient souvent nuisible pour un
+autre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les lois n’ont pas à s’occuper de la
+logique rationnelle. Elles sont filles de
+nécessités indépendantes de cette logique.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les lois doivent fixer des nécessités et
+non des passions. Celles édictées sous l’empire
+d’une passion ne sont jamais durables.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les lois stabilisent des coutumes, elles
+peuvent rarement en créer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une loi qui ne sanctionne pas simplement
+la coutume, c’est-à-dire l’expérience du
+passé, ne fait que codifier notre ignorance
+de l’avenir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les nécessités sociales évoluant plus vite
+que les codes, la jurisprudence doit compléter
+et modifier les lois.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les institutions politiques ne créent pas
+les sentiments d’un peuple. Elles sont
+engendrées par ces sentiments.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les institutions imposées à coups de
+décrets troublent toujours le jeu des facteurs
+politiques que les nécessités naturelles
+finiraient par équilibrer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Croire, comme les politiciens, à la puissance
+transformatrice des lois, c’est oublier
+que derrière les phénomènes visibles, se
+trouvent toujours des forces invisibles qui
+les déterminent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Si tant de lois accroissent les maux
+qu’elles prétendaient guérir, c’est qu’en
+les votant on ignorait leurs incidences.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une loi générale, c’est-à-dire non édictée
+contre un parti, peut être despotique, elle
+n’est pas arbitraire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La tyrannie individuelle est prochaine
+quand les collectivités se soustraient au joug
+des lois.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un délit généralisé devient bientôt un
+droit.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les lois n’ayant que la force armée pour
+soutien, ne sauraient durer longtemps.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On remanie facilement sur le papier les
+lois d’une nation, on ne refait pas son âme.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l2c6">VI<br>
+LE DROIT</h3>
+
+
+<p>La nature ignore la justice. L’équité est
+une création de l’homme.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le droit ne commence qu’à dater du
+moment où l’on détient la force nécessaire
+pour le faire respecter.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dès qu’on possède la force, on cesse
+d’invoquer la justice.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le droit et la justice ne jouent aucun
+rôle dans les relations entre peuples de
+forces inégales.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On ne peut opposer le droit à la force,
+car la force et le droit sont des identités.
+Le droit est de la force qui dure.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l2c7">VII<br>
+LA MORALE</h3>
+
+
+<p>Les lois morales ne sont pas des entités
+fictives, mais d’impérieuses nécessités.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La morale représente la synthèse des
+besoins sociaux d’une époque. Par le fait
+seul qu’elle veut subsister, une société est
+obligée d’avoir un criterium irréductible du
+bien et du mal.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Nulle civilisation ne pouvant durer sans
+morale, les codes n’accumuleront jamais
+trop de sévérités pour maintenir les prescriptions
+morales.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Formule des nécessités d’existence d’une
+société à un moment donné, la morale
+évolue avec ces nécessités.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En droit, comme en morale, certaines
+nécessités ne sont pas toujours des vérités,
+mais il est inutile de contester des nécessités.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Toute morale qui, sous l’influence de l’hérédité,
+de l’éducation et des codes, n’est pas
+devenue inconsciente, et par conséquent
+instinctive, ne constitue pas une sûre morale.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les règles morales n’ont de force que
+lorsqu’il n’y a plus de mérite à les observer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une vertu pratiquée sans effort est une
+qualité, mais non une vertu.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Vouloir, avec beaucoup de philosophes,
+fonder la morale sur la raison pure est une
+dangereuse illusion. Une morale, dépourvue
+de supports affectifs ou mystiques, reste
+sans durée et sans force.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La morale ne s’apprend qu’en la pratiquant.
+Elle fait partie, comme les arts, de
+ces connaissances que ne sauraient enseigner
+les livres.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le milieu et l’exemple sont deux grands
+générateurs de la morale.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il faut quelquefois des siècles à un peuple
+pour acquérir une morale et peu d’années
+pour la perdre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La morale d’un peuple représente l’échelle
+de ses valeurs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le minimum possible de morale est celui
+prescrit par les codes et maintenu par les
+gendarmes. Dès que ce minimum cesse
+d’être respecté, l’anarchie commence.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Au-dessus de la morale indispensable,
+maintenue par les codes, existe une morale
+plus haute qui apprend à sacrifier l’intérêt
+individuel à l’intérêt collectif. Une société
+peut durer avec la première, elle ne grandit
+pas sans la seconde.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On peut considérer comme un grave
+symptôme de décadence, que la moralité
+des classes dirigeantes tombe au-dessous de
+celle des classes dirigées.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Faute d’un code accepté, la morale internationale
+n’a jamais réalisé aucun progrès.
+Elle est restée celle d’une bande de loups :
+respecter les forts, dévorer les faibles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le même sentiment peut être appelé vice
+ou vertu suivant son utilité sociale. Étendu
+à la famille, à la tribu, à la patrie, l’égoïsme
+individuel devient une vertu. La vanité,
+défaut individuel, est également une vertu
+collective.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les vertus individuelles deviennent parfois
+des vices collectifs. La douceur et le pardon
+des injures, pratiqués par un peuple, attireraient
+sur lui un universel mépris.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Possible entre individus, la tolérance ne
+l’est jamais entre collectivités.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’intolérance représente souvent dans la
+vie des peuples une vertu nécessaire à
+l’action.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>A en juger par ses résultats, on pourrait
+difficilement ranger l’humanitarisme parmi
+les vertus. Il est le plus redoutable ennemi
+de la morale. Quand l’humanitarisme grandit,
+la morale fléchit.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La criminalité d’un pays croît avec le
+développement de l’humanitarisme. Limitant
+sans cesse la répression, il réduit l’action
+inhibitive des châtiments.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Excuser le mal, c’est le multiplier.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dans le domaine moral, l’homme moderne
+détruit plus vite qu’il ne bâtit.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La vertu ne pousse pas toujours à l’action.
+Des vices inférieurs : haine, vengeance,
+jalousie, amour du pillage, ont été les grands
+mobiles de l’activité des hommes. Ces sentiments
+maintiennent l’Europe en armes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les gens vertueux se vengent souvent
+des contraintes qu’ils s’imposent, par l’ennui
+qu’ils inspirent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’action désintéressée nous grandit à nos
+yeux et donne souvent plus de joie que des
+actes égoïstes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les petits héroïsmes continus sont plus
+difficiles, que les grands héroïsmes accidentels.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La peur du jugement des autres, est un
+des plus sûrs soutiens de la morale.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Plus un peuple possède de discipline
+interne et par conséquent de moralité stable,
+plus il est élevé en civilisation.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les peuples disparaissent vite de l’histoire
+quand leur morale commence à se
+désagréger.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l2c8">VIII<br>
+L’IDÉAL</h3>
+
+
+<p>Un idéal a toujours des soutiens affectifs
+et mystiques. Les éléments rationnels qu’on
+lui superpose n’ont jamais servi à le créer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les révolutions et l’anarchie représentent
+la rançon de ce phénomène, capital dans
+l’histoire d’un peuple, un changement
+d’idéal.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On ne peut rien sur l’homme dont l’idéal,
+comme celui des révolutionnaires russes,
+est de sacrifier sa vie pour une croyance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Pas de peuple puissant sans un idéal
+respecté. Cet idéal le guide, comme une
+boussole oriente la direction d’un navire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les peuples dont l’idéal est fort et les
+besoins faibles, triompheront toujours de
+ceux dont les besoins sont grands et l’idéal
+médiocre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Détruire l’idéal d’un individu, d’une
+classe, d’un peuple, c’est lui ôter tout ce
+qui faisait sa cohésion, sa grandeur et ses
+raisons d’agir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Synthèse de l’existence ancestrale, la
+patrie est un idéal dont le culte a toujours
+constitué un des plus forts ciments sociaux.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Consacrer de longs efforts à édifier un
+idéal, puis autant d’efforts pour le détruire,
+tel est le cycle de la vie d’un peuple.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l2c9">IX<br>
+LES DIEUX</h3>
+
+
+<p>Il ne faut pas croire à la multiplicité des
+dieux. Sous des noms divers, les hommes de
+tous les âges n’ont guère adoré qu’une divinité :
+l’Espérance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’attribution d’un pouvoir mystérieux à
+des forces supérieures, concrétisées sous
+forme d’idoles, de fétiches, de formules,
+constitue l’esprit mystique. Il domine
+l’histoire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Si l’homme change parfois les noms de
+ses dieux, il ne s’en est jamais passé. Le
+mysticisme semble un besoin indestructible
+de l’esprit.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La logique mystique peut dominer la
+logique affective, au point d’annuler l’instinct
+de la conservation.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les héros et les Dieux, condensent en
+lumineuses synthèses, les obscures aspirations
+des peuples.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une religion traduit la mentalité collective
+d’un peuple à un moment donné de
+son histoire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les dieux eux-mêmes évoluent. Les
+dogmes fixés par les textes restent invariables,
+mais suivant les peuples et le temps,
+l’interprétation de ces dogmes se transforme.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’esprit religieux est indépendant des
+dogmes qui l’alimentent. Les Jacobins de la
+Terreur et les moines de l’Inquisition possédaient
+une mentalité identique.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Incapable de vivre sans certitude, l’homme
+préférera toujours les croyances les moins
+défendables, aux négations les plus justifiées.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Si l’athéisme se propageait, il deviendrait
+une religion aussi intolérante que les
+anciennes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’intolérance de certains libres penseurs,
+résulte fréquemment de la religiosité inconsciente
+dont l’atavisme a rempli leurs âmes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La libre pensée ne constitue souvent
+qu’une croyance, qui dispense de la fatigue
+de penser.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il est toujours imprudent de vouloir raisonner
+sa foi.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En donnant aux hommes l’espoir d’une
+éternité heureuse, les religions ont été
+beaucoup plus utiles à l’humanité que toutes
+les philosophies réunies.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les religions constituent une force à
+utiliser ; jamais à combattre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Si les croyances religieuses ont retardé
+la connaissance de quelques vérités scientifiques,
+il est douteux qu’aux phases inférieures
+de son évolution, l’homme eût beaucoup
+gagné à leur découverte.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>C’est surtout après avoir détruit ses
+dieux qu’on en découvre l’utilité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La raison crée le progrès, mais les bâtisseurs
+de croyances mènent l’histoire. Du
+fond de leurs tombeaux, de grands hallucinés
+comme Bouddha et Mahomet, courbent
+encore des millions d’hommes sous l’enchantement
+de leurs rêves.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les peuples survivent rarement à la mort
+de leurs dieux.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l2c10">X<br>
+L’ART</h3>
+
+
+<p>La naissance des arts a toujours précédé
+celle de la philosophie et des sciences. Fils
+de besoins affectifs et mystiques, antérieurs
+à l’âge de la raison, ils peuvent fleurir aux
+époques de barbarie.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les arts, la musique surtout, sont le langage
+de l’affectif et du mystique ; les mots,
+celui du rationnel.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’artiste est médiocre quand il raisonne
+au lieu de sentir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’art dérivant des sentiments n’est accessible
+aux interprétations intellectuelles, que
+dans ses éléments techniques.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Comme la politique l’art est guidé par
+quelques meneurs, suivis d’une foule de
+menés.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le beau, c’est ce qui nous plaît, et ce
+qui nous plaît se détermine moins par le
+goût personnel, que par la sensibilité de
+personnes influentes, dont la contagion
+mentale impose le jugement.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il n’y a pas de lois esthétiques invariables.
+Les monuments gothiques et les
+œuvres de certains peintres, très admirés
+aujourd’hui, furent méprisés pendant longtemps.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>A certaines époques semble se créer une
+véritable atmosphère de goûts et de sentiments,
+qui s’impose aux esprits les plus indépendants.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La contagion mentale est si puissante en
+art, qu’elle donne aux œuvres d’une époque
+un air de famille, permettant de reconnaître
+le moment de leur création.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’art subit tellement l’influence du milieu
+et de la race qu’il n’y a pas dans l’histoire,
+malgré certaines apparences contraires, de
+peuple ayant adopté les arts d’un autre
+sans les transformer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une grande œuvre artistique est inconsciente.
+Consciente, elle deviendrait personnelle
+et ne traduirait plus les sentiments
+et les idées d’une époque.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Évoquant des idées indécises, accompagnées
+de sensations fortes, la musique agit
+facilement sur les êtres d’intelligence faible
+mais de sensibilité vive. On a dit avec raison,
+qu’elle est l’art des femmes et des
+foules.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’homme, confiné par la nature dans
+l’éphémère, rêve d’éternité. En élevant des
+temples et des statues, il se donne l’illusion
+de créer des choses qu’on ne verra pas
+périr.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le véritable artiste crée, même en copiant.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l2c11">XI<br>
+LES RITES ET LES SYMBOLES</h3>
+
+
+<p>Les rites et les symboles : cérémonies,
+drapeaux, fêtes nationales, usages mondains,
+dominent la volonté individuelle. Ils
+constituent les plus sûrs soutiens de la vie
+religieuse et sociale.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Nulle place dans une société, pour qui
+prétend s’affranchir des rites et mépriser les
+symboles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>C’est seulement sous l’influence des rites
+et des symboles que les croyances individuelles
+prennent un caractère collectif.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La justice privée de rites et de symboles
+ne serait plus la justice.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une croyance religieuse ou politique se
+fonde sur la foi, mais sans les rites et les
+symboles elle ne saurait durer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La force des rites est telle, qu’ils survivent
+longtemps à la foi qui les avait fait naître.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’homme le plus indépendant, le libre
+penseur le plus sceptique, soumettent volontairement
+leur existence à des rites politiques,
+mondains ou sociaux qui leur ôtent
+toute liberté réelle.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les rites évitent à l’homme l’incertitude.
+Grâce à eux, il sait, sans réfléchir, ce qui doit
+être dit et fait en toutes circonstances.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les rites et les symboles fondamentaux
+d’un peuple sont la création de ses morts.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak"><span class="maigre">LIVRE III</span><br>
+<span class="sc large">La Vie Rationnelle</span></h2>
+
+
+
+
+<h3 id="l3c1">I<br>
+LA CROYANCE
+ET LA CONNAISSANCE</h3>
+
+
+<p>La croyance et la connaissance constituent
+deux modes d’activité mentale, d’origines
+différentes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La connaissance est toujours consciente
+et rationnelle, la croyance irrationnelle et
+inconsciente.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La croyance a pour caractéristique fondamentale
+de n’être modifiable ni par
+l’observation, ni par la raison, ni par l’expérience.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La découverte de la plus modeste connaissance
+scientifique exige un énorme
+labeur, l’acquisition d’une croyance n’en
+demande aucun.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La connaissance se répand par les livres,
+les croyances par les apôtres.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La connaissance constitue le grand facteur
+des progrès matériels de la civilisation.
+Les croyances orientent les idées, les sentiments,
+et par conséquent la conduite.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La connaissance établit des vérités, la
+croyance incarne nos désirs ; c’est pourquoi
+l’homme préféra toujours la croyance à
+la connaissance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les religions donnent aux illusions, nées
+de nos désirs, une apparence de réalité. La
+science seule crée des réalités indépendantes
+de ces désirs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une croyance politique, religieuse ou
+sociale, est un acte de foi inconscient.
+Lorsque le raisonnement essaie de la justifier,
+elle est déjà formée.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La grande force des croyances, est de
+donner des espérances et des représentations
+mentales impliquant le bonheur.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On ne citerait pas dans l’histoire, une
+croyance politique ou religieuse réduite par
+réfutation rationnelle. La raison se brise
+toujours contre le mur de la croyance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une croyance se subit et ne se discute
+pas. Quand on la discute, c’est que, fort
+ébranlée déjà, elle est près de disparaître.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On rencontre difficilement un homme
+acceptant d’exposer sa vie pour une vérité
+rationnelle. On en trouve aisément dix mille
+prêts à se faire tuer pour une croyance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les hommes de chaque âge vivent sur
+un petit nombre de croyances politiques,
+religieuses et sociales, que le temps seul, ou
+l’acquisition d’une nouvelle croyance, peut
+transformer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Créer une croyance, c’est créer une nouvelle
+conscience, génératrice d’une nouvelle
+conduite.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le moindre changement dans les croyances
+d’un peuple modifie sa destinée.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Lorsqu’une question soulève des opinions
+violemment contradictoires, on peut assurer
+qu’elle appartient au cycle de la croyance
+et non à celui de la connaissance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dans les persécutions politiques antireligieuses,
+ce n’est pas la raison qui se
+dresse contre une croyance, mais deux
+croyances contraires qui se trouvent en
+lutte.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les divergences d’origine rationnelle se
+supportent facilement, les antagonismes de
+croyances ne se tolèrent pas. Les luttes religieuses
+ou politiques seront toujours violentes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’intolérance est la compagne nécessaire
+des convictions fortes. Entre sectateurs de
+croyances voisines, elle est beaucoup plus
+accentuée qu’entre défenseurs de dogmes
+sans parenté.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>C’est surtout dans le domaine des croyances,
+que l’esprit humain cherche des certitudes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’hypothèse est une croyance souvent
+prise pour une connaissance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les phénomènes qui se passent dans le
+champ de la croyance n’étant pas scientifiquement
+vérifiables, la crédulité du savant
+y peut égaler celle de l’ignorant.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les choses rationnellement contradictoires
+se concilient parfaitement dans l’esprit
+hypnotisé par une croyance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une croyance n’étant ni rationnelle ni
+volontaire, aucune des absurdités qu’elle
+enseigne ne saurait nuire à sa propagation.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Ne pas croire les choses possibles, c’est
+les rendre impossibles. Une des forces de
+la foi est d’ignorer l’impossible.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une croyance forte crée des volontés
+fortes, auxquelles ne résistent jamais les
+volontés faibles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’homme eut toujours besoin de croyances
+pour orienter sa pensée et guider sa conduite.
+Ni la philosophie, ni la science n’ont
+pu jusqu’ici les remplacer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les croyances ont fait surgir du néant
+des œuvres d’art, qu’aucune pensée rationnelle
+n’aurait pu en faire sortir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Malgré leur faible valeur rationnelle, les
+croyances mènent les peuples. Elles les
+empêchent d’être une poussière de barbares,
+sans cohésion et sans force.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l3c2">II<br>
+L’INSTRUCTION ET L’ÉDUCATION</h3>
+
+
+<p>L’éducation est l’art de faire passer le
+conscient dans l’inconscient.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Bien éduqué, l’inconscient est notre
+esclave et travaille pour nous. Mal éduqué,
+il devient notre maître et agit contre nous.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La valeur de l’homme ne se mesure pas,
+comme le croient les maîtres de notre université,
+au niveau de son instruction mais à
+celui de son caractère.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La force du caractère, et non l’instruction,
+donne à l’homme une armature interne
+résistante. Privé de cette armature, il
+devient le jouet de toutes les circonstances.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une des plus graves erreurs latines est de
+croire au parallélisme de l’instruction, de la
+moralité et de l’intelligence.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Instruire n’est pas éduquer. L’instruction
+enrichit la mémoire. L’éducation crée chez
+l’homme des réflexes utiles et lui apprend
+à dominer les réflexes nuisibles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Quelques années suffisent pour instruire
+un barbare. Il faut parfois des siècles pour
+l’éduquer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Développer chez l’homme la réflexion,
+le jugement, l’énergie, et le sang-froid,
+serait autrement nécessaire que de lui
+imposer l’insipide phraséologie, qui constitue
+l’enseignement scolaire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Confiner l’esprit dans l’artificiel et le
+rendre incapable d’observation, est le plus
+sûr résultat des méthodes ne montrant le
+monde qu’à travers les livres.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La science élève ou abaisse, suivant le
+terrain mental qui la reçoit. La culture
+supérieure n’est utilisable que par des cerveaux
+supérieurs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une trop haute instruction, imposée à des
+êtres de mentalité inférieure, fausse tous
+leurs jugements. A demi rationalisés, ils
+perdent les qualités intuitives du primitif
+et deviennent des métis intellectuels.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les expériences, répétées sur des milliers
+d’indigènes des colonies, montrent combien
+une instruction mal adaptée, abaisse l’intelligence,
+la moralité et le caractère.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Rien de plus dangereux que les idées
+générales dégagées de leurs racines. Elles
+conduisent toujours au simplisme et à l’incompréhension.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il faut d’abord de grands efforts pour
+établir d’utiles habitudes dans l’inconscient,
+mais une fois fixées elles permettent de se
+guider sans efforts.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Canalisée par une bonne méthode, l’intelligence
+la plus faible arrive à progresser.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Acquérir une méthode, c’est posséder
+l’art d’économiser le temps et, par suite,
+d’en prolonger la durée.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Vouloir enseigner trop de choses empêche
+l’élève d’en apprendre aucune. Ce principe
+fondamental est entièrement méconnu de
+notre Université.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’éducateur devrait savoir déterminer les
+aptitudes de chaque élève, qui peuvent être
+utilement développées. Quand le hasard
+seul détermine le choix des études et des
+carrières, le rendement de l’homme est
+médiocre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une des grandes illusions de la démocratie
+est de s’imaginer que l’instruction
+égalise les hommes. Elle ne sert souvent
+qu’à les différencier davantage.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les concours mnémoniques créent des
+inégalités sociales plus profondes que celles
+de l’ancien régime, et souvent moins justifiées.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Notre système d’éducation classique a
+fini par créer une aristocratie de la mémoire,
+n’ayant aucun rapport avec celle du jugement
+et de l’intelligence.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’instruction peut être mnémonique ou
+expérimentale. La première forme les beaux
+parleurs, la seconde les hommes d’action.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Conservée presque exclusivement par les
+peuples latins, l’instruction mnémonique est
+une des grandes causes de leur faiblesse.
+Elle a pour résultat de confier les plus
+importantes fonctions sociales à des individualités
+souvent fort médiocres.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le choix d’un système d’éducation, à
+plus d’importance pour un peuple, que celui
+de son gouvernement.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l3c3">III<br>
+LES ÉLITES</h3>
+
+
+<p>La force d’une nation ne se mesure pas
+au chiffre de sa population, mais à la valeur
+de ses élites.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Créées par les élites, les civilisations ne
+progressent que par elles. Privé de ses
+élites, un pays tomberait bientôt dans la
+misère et l’anarchie.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le peuple est le grand réservoir d’énergie
+d’un pays, mais cette énergie n’est utilisable
+que canalisée par une élite.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les inventions de génie sont toujours
+personnelles. Elles s’épanouissent en devenant
+collectives.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Des hommes d’élite réunis en groupe ne
+constituent plus une élite. Pour garder son
+niveau, l’esprit supérieur doit rester solitaire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les aristocraties ont pris des formes
+diverses : naissance, talent ou fortune. Le
+monde ne s’en est jamais passé.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’aristocratie intellectuelle devrait paraître
+aussi peu équitable aux foules égalitaires
+que l’ancienne noblesse. La naissance seule
+en effet, confère les qualités intellectuelles,
+comme jadis elle conférait les privilèges.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La lutte des aveugles multitudes contre les
+élites dont elles vivent est une des continuités
+de l’histoire. Le triomphe du nombre a marqué
+la fin de plusieurs civilisations.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les grandes civilisations n’ont pu prospérer,
+qu’en sachant dominer leurs éléments
+inférieurs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’élite crée, la plèbe détruit.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l3c4">IV<br>
+LES CONCEPTIONS PHILOSOPHIQUES</h3>
+
+
+<p>La raison est beaucoup plus constructive
+qu’explicative. Elle a changé la face du
+monde mais n’a rien dit encore, des puissances
+secrètes qui font évoluer un brin
+d’herbe.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La logique de l’univers diffère trop de
+notre logique pour que nous puissions
+espérer en pénétrer les secrets.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Si on appelait miracle tout ce qui est
+incompréhensible, la vie d’un être quelconque
+devrait être considérée comme un
+perpétuel miracle.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les forces mystérieuses qui font naître,
+grandir et mourir les êtres, sont si éloignées
+de notre raison, que la science renonce
+aujourd’hui à les expliquer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La moindre cellule vivante porte en elle
+un immense passé et un mystérieux avenir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le monde est-il créé ou incréé, réel ou
+irréel, l’espèce humaine durable ou éphémère ?
+La philosophie, qui répondait jadis
+à ces questions, renonce maintenant à les
+résoudre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Certains problèmes redoutables : d’où
+venons-nous ? où allons-nous ? ne doivent pas
+être trop discutés, afin de leur laisser un
+nuage de doute qui n’efface pas toute espérance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Des trois conceptions possibles de la vie :
+optimiste, pessimiste, résignée, la dernière
+est peut-être la plus sage, mais aussi la
+moins génératrice d’action.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Se révolter ou s’adapter, il n’y a guère
+d’autre choix dans la vie.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En ôtant l’éternité à la matière, la science
+a détruit une des dernières idoles de la
+philosophie.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La philosophie réelle du monde se fait à
+côté des philosophes et en dehors d’eux.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les systèmes philosophiques pourront
+disparaître, mais il restera toujours une
+façon philosophique d’envisager les phénomènes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le dernier mot de la philosophie est de
+comprendre qu’on ne peut pas encore comprendre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Chaque phénomène a son mystère. Le
+mystère est l’âme ignorée des choses.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l3c5">V<br>
+LES PRINCIPES SCIENTIFIQUES</h3>
+
+
+<p>La science est en réalité une révolte
+de l’homme contre la nature, un effort
+pour se soustraire aux forces aveugles qui
+l’oppriment.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les asservissements, imposés à l’homme
+par la nature, constituaient autrefois d’inexorables
+fatalités. En apprenant à désagréger
+ces fatalités, la science leur ôte de plus en
+plus le caractère de nécessités.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Déterminisme et fatalisme sent choses fort
+différentes. Découvrir le déterminisme d’un
+phénomène, fait souvent disparaître sa fatalité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’harmonie, supposée préétablie de l’univers,
+n’est due sans doute qu’à l’équilibre
+inévitable des forces qui le composent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les lois scientifiques les plus précises, ne
+sont valables que pour une portion limitée
+du temps et de l’espace.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Chaque science dérive d’un petit nombre
+de principes. Celui de l’invariabilité de la
+masse soutient tout l’édifice de la chimie.
+Sur celui de la conservation de l’énergie
+reposent la physique et la mécanique.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les deux grandes constantes de l’univers
+sont la résistance et le mouvement. La première
+est constituée par l’inertie, la seconde
+par l’énergie.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les formes diverses de l’énergie, aussi
+bien que les phénomènes de la vie, résultent
+de perturbations d’équilibre, constituées le
+plus souvent par des dénivellations.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dans la constatation des phénomènes, la
+science avance rapidement. Dans leur explication,
+elle reste depuis longtemps stationnaire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le terrain de la science est sûr, mais il
+ne représente qu’un îlot perdu dans l’océan
+illimité des choses inconnues.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les progrès scientifiques ne font que
+déplacer dans l’infini les barrières qui nous
+séparent de l’inaccessible.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le matérialisme a prétendu se substituer
+aux religions, mais aujourd’hui la matière
+est devenue aussi mystérieuse, que les dieux
+qu’elle devait remplacer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La précision des formules scientifiques
+cache souvent l’incertitude des principes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une des supériorités du savant sur l’ignorant
+est de sentir où commence le mystère.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dès qu’une théorie scientifique arrive à
+la fixité, elle retarde tout progrès.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La science crée plus de mystères qu’elle
+n’en éclaircit.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l3c6" title="VI LA MATIÈRE">VI<br>
+LA MATIÈRE<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a></h3>
+
+<div class="footnote"><p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> Les propositions qui vont suivre étaient très
+neuves quand je les formulai pour la première fois.
+Elles représentent les résultats de recherches expérimentales,
+poursuivies pendant près de dix ans, et
+exposées dans dix-huit mémoires que résument mes
+deux ouvrages : <i>L’Évolution de la Matière</i> et <i>L’Évolution
+des Forces</i>. J’interrompis ces recherches le jour
+où elles devinrent trop onéreuses et me résignai à
+retourner aux études psychologiques.</p>
+</div>
+
+<p>La matière supposée jadis indestructible
+s’évanouit lentement par la dissociation continue
+des atomes qui la composent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Certains produits de la dématérialisation
+de la matière constituent par leurs propriétés,
+des intermédiaires entre les corps pondérables
+et l’éther impondérable, mondes
+profondément séparés par la science jusqu’ici.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La matière, jadis envisagée comme inerte
+et ne pouvant que restituer une énergie
+préalablement fournie, est au contraire un
+colossal réservoir d’énergie — l’énergie
+intra-atomique — capable d’être spontanément
+dépensée.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>C’est de l’énergie intra-atomique, libérée
+pendant la dissociation de la matière, que
+résultent la plupart des forces de l’univers,
+l’électricité et la chaleur solaire notamment.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La force et la matière sont deux aspects
+d’une même chose. La matière représente
+une forme relativement stable de l’énergie
+intra-atomique. La chaleur, la lumière,
+l’électricité, etc., représentent des formes
+instables de la même énergie.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dissocier les atomes, ou en d’autres termes
+dématérialiser la matière, c’est simplement
+transmuer la forme stable d’énergie nommée
+matière, en ces formes instables, connues
+sous les noms d’électricité, lumière, chaleur,
+etc.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les équilibres des forces colossales condensées
+dans les atomes leur donnent une
+stabilité très grande. Il suffit cependant de
+troubler ces équilibres, par un réactif approprié,
+pour que la désagrégation des atomes
+commence. C’est ainsi que certains rayons
+lumineux dissocient facilement les parties
+superficielles d’un corps quelconque.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La lumière, l’électricité et la plupart des
+forces connues, résultant de la dématérialisation
+de la matière, un corps en rayonnant
+perd, par le fait seul de ce rayonnement,
+une partie de sa masse. S’il pouvait rayonner
+toute son énergie, il s’évanouirait entièrement
+dans l’éther.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La matière se transmue en des formes
+diverses d’énergie, mais c’est uniquement
+sans doute à l’origine des choses, que l’énergie
+put se condenser sous forme de matière.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La loi d’évolution, applicable aux êtres
+vivants, l’est également aux corps simples.
+Les espèces chimiques, pas plus que les
+espèces vivantes, ne sont invariables.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l3c7">VII<br>
+LA VÉRITÉ ET L’ERREUR</h3>
+
+
+<p>Le besoin de certitude a toujours été
+plus fort que le besoin de vérité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La valeur pratique d’une vérité se mesure
+au degré de croyance qu’elle inspire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les apparences de certitude exercent sur
+les âmes autant d’action que les véritables
+certitudes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Parfois peu difficile sur le choix de ses
+vérités, l’homme supporte toujours mal
+qu’on les combatte.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La logique affective et la logique mystique
+ne servent pas à découvrir des réalités
+mais à cacher celles qu’on redoute.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Revêtir l’erreur d’une forme séduisante,
+suffit souvent pour la faire accepter comme
+vérité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les vérités formulées mettent parfois
+longtemps à se transformer en vérités
+acceptées.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>C’est nuire à la découverte de la vérité
+que de l’apprécier, comme les pragmatistes,
+d’après son degré d’utilité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La vérité n’est ni une entité, ni une
+commodité, ni une utilité, mais une nécessité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Avant la science, l’homme ne connaissait
+guère que des vérités subjectives ; le rôle
+des savants fut de créer des vérités impersonnelles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dans notre univers, les choses s’enchaînent
+mais ne se fixent pas.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il n’y a pas plus de vérité définitive pour
+l’homme, qu’il n’y a d’être définitif pour la
+nature.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une vérité, comme un organisme vivant,
+n’est explicable que par la connaissance de
+ses états antérieurs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les êtres et les choses se modifient sans
+cesse. Aux réalités qui s’écoulent correspondent
+des vérités suivant la même marche.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une vérité est une étape provisoire sur
+une route qui n’a pas de fin.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il y a des vérités absolues dans le temps
+mais non dans l’éternité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les siècles finissent par transformer en
+erreurs la plupart de nos vérités.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les vérités changent d’aspect suivant les
+mentalités qui les reçoivent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Présentée sous forme mathématique,
+l’erreur acquiert un grand prestige. Le sceptique
+le plus endurci, attribue volontiers aux
+équations de mystérieuses vertus.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Beaucoup d’hommes se passent facilement
+de vérités, aucun n’est assez fort pour se
+passer d’illusions.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une illusion tenue pour vraie agit comme
+une réalité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Perdre une illusion n’est pas toujours
+acquérir une certitude.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>C’est en poursuivant des illusions, que
+l’homme a souvent réalisé des progrès qu’il
+ne cherchait pas.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En devenant collective une illusion individuelle
+acquiert la force d’une vérité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’erreur a peut-être rendu plus de services
+au monde que la vérité.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l3c8">VIII<br>
+LA LÉGENDE ET L’HISTOIRE</h3>
+
+
+<p>L’Histoire se déroule en dehors de la
+raison et souvent même contre toute raison.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Beaucoup d’événements restent incompris
+tant qu’on leur suppose des causes rationnelles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un historien n’a pas à s’occuper de la
+qualité rationnelle des croyances, mais seulement
+du degré de domination qu’elles ont
+exercé sur les âmes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La vie mentale de chaque génération
+dérivant des générations précédentes,
+la trame de l’histoire future est en partie
+tissée par le présent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La légende est généralement plus vraie
+que l’histoire. La première traduit les sentiments
+réels des peuples. La seconde raconte
+des événements déformés par la mentalité
+de leurs narrateurs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il n’est possible d’écrire l’histoire que si,
+n’étant attaché à aucun parti, on se trouve
+dégagé des passions qui sont l’âme des partis.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les conflits psychologiques mènent l’histoire.
+Les grands bouleversements dérivent
+beaucoup plus des luttes de croyances que
+des oppositions d’intérêts.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’histoire fut presque toujours dominée
+par le mystique et l’affectif et rarement par
+le rationnel. L’Irréel a été le vrai moteur
+du monde.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak"><span class="maigre">LIVRE IV</span><br>
+<span class="large sc">La Pensée et l’Action</span></h2>
+
+
+
+
+<h3 id="l4c1">I<br>
+L’ACTION</h3>
+
+
+<p>L’intelligence fait penser. La croyance
+fait agir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Si l’homme avait commencé par penser
+au lieu d’agir, le cycle de son histoire serait
+clos depuis longtemps.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Illusoires ou réelles les certitudes sont
+génératrices d’action. L’homme privé de
+certitudes serait comme un vaisseau sans
+gouvernail, une machine sans moteur.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’absurde et l’impossible n’ont jamais
+empêché une croyance suffisamment forte,
+de faire agir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’action seule révèle la nature de notre
+intelligence et la valeur de notre caractère.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Réfléchir est utile, mais agir sans trop
+réfléchir est parfois nécessaire. Les grands
+héroïsmes sont généralement dus à des
+hommes ayant peu réfléchi.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les pensées, comme tous les phénomènes
+de la vie, résultent d’équilibres instables,
+sans cesse en voie de transformation.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les livres font rarement évoluer les idées
+générales. Ils se bornent le plus souvent à
+enregistrer leurs transformations.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Nos actes portent en eux un cortège de
+conséquences nécessaires. Nous nommons
+fatalité l’enchaînement logique de ces conséquences.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Savoir ce qu’on doit faire, n’est pas du
+tout savoir ce qu’on fera.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l4c2">II<br>
+LES ILLUSIONS DÉMOCRATIQUES</h3>
+
+
+<p>La démocratie, qui se croit d’origine
+rationnelle, tire en réalité sa force d’éléments
+affectifs et mystiques indépendants
+de la raison.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le mot démocratie correspond, dans les
+classes populaires et chez les lettrés, à des
+idées fort différentes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dominée par le besoin d’égalité, la démocratie
+populaire repousse la fraternité entre
+classes et ne manifeste aucun souci de la
+liberté. La démocratie des intellectuels est
+au contraire avide de liberté et très peu
+d’égalité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le vrai démocrate est un être collectif,
+n’ayant d’autre individualité que celle de
+son groupe.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Contrairement aux idées démocratiques,
+la psychologie enseigne que l’entité collective,
+nommée Peuple, est très inférieure à
+l’homme isolé.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les empiètements successifs de la classe
+ouvrière rappellent ceux de la noblesse et
+du clergé, contre lesquels les anciens rois
+eurent tant de peine à lutter.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La haine du despotisme et l’amour de la
+liberté, furent toujours proclamés chez des
+peuples supportant fort bien le despotisme
+et très mal la liberté.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les principes démocratiques font partie
+de ces idées, volontiers imposées aux autres,
+mais rarement acceptées pour soi.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Plus les lois proclament l’égalité, plus se
+développe le besoin des signes extérieurs
+d’inégalité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le démocratique besoin de paraître est
+le plus coûteux et le moins profitable des
+besoins.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La soif d’égalité n’est souvent qu’une
+forme avouable du désir d’avoir des inférieurs
+et pas de supérieurs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La notion artificielle d’égalité a fait naître
+la haine de toutes les supériorités qui constituent
+la grandeur d’un pays.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les démocraties arriveront à remplacer
+les guerres intermittentes entre peuples, par
+des luttes continues entre classes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La nature ne connaît pas l’égalité. Elle
+n’a réalisé ses progrès que par des inégalités
+croissantes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Loin de tendre à l’égalisation des
+hommes, la civilisation les différencie chaque
+jour davantage.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En lui attribuant des pouvoirs imaginaires,
+la démocratie a fini par faire de la
+science un faux dieu.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l4c3">III<br>
+LES ILLUSIONS SOCIALISTES</h3>
+
+
+<p>Le socialisme, forme ultime du principe
+d’égalité, est un état mental bien plus qu’une
+doctrine.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Démocratie et socialisme sont, malgré les
+apparences, séparés par de profonds abîmes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le socialisme qui prêche le nivellement
+des conditions, est en opposition évidente
+avec la démocratie des intellectuels, qui
+prétend faire triompher les plus capables.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’imprécision des doctrines socialistes est
+un élément de leur succès. Il importe pour
+un dogme de ne se préciser qu’après avoir
+triomphé.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les progrès du socialisme tiennent surtout
+à ce qu’il est une forme de l’Étatisme,
+idéal de tous les partis politiques en France.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La dureté de certains capitalistes et la
+faiblesse de leur moralité, créent beaucoup
+d’adeptes au socialisme.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Quand l’État prétend trop protéger les
+citoyens, ils perdent l’habitude de se protéger
+eux-mêmes et par conséquent toute
+initiative.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les croyances n’impliquant pas de désillusions,
+placent leur paradis dans des
+régions inaccessibles. La faiblesse du socialisme
+est de situer le sien ici-bas.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le bonheur mesquin, l’égalité dans la
+servitude, que promet le socialisme, n’est
+pas un idéal assez fort pour passionner
+longtemps les peuples.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Par le seul fait de leurs progrès, les civilisations
+modernes créent une masse croissante
+d’inadaptés toujours prêts à lutter
+contre elles. Ils forment la majorité des
+socialistes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La richesse, édifiée jadis sur l’immobilisation
+du capital, dépend aujourd’hui de
+la rapidité de sa circulation, et par conséquent
+de l’intelligence qui le manie.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le socialisme serait un asservissement
+universel. Le syndicalisme serait aussi un
+asservissement, mais, limité aux intérêts
+de chaque groupement professionnel, il permettrait
+à l’individu de se défendre contre
+le despotisme de l’État.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La plupart des progrès de l’esprit humain
+sont dus à certains facteurs : initiatives
+individuelles, risques, concurrence, etc.,
+que le socialisme voudrait détruire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Substituer l’initiative et la responsabilité
+collectives, à l’initiative et à la responsabilité
+individuelles, c’est faire descendre l’homme
+très bas sur l’échelle des valeurs humaines.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Certains groupements sociaux représentent
+une absorption de l’âme individuelle
+dans l’âme collective, et par conséquent
+un retour à des phases inférieures d’évolution.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>C’est en s’évadant de l’égalité des premiers
+âges, à laquelle le socialisme veut nous
+ramener, que l’homme put s’élever de la
+sauvagerie à la civilisation.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l4c4">IV<br>
+LE PACIFISME ET LA GUERRE</h3>
+
+
+<p>Vivre c’est lutter. La lutte est une loi
+universelle. Des êtres non combatifs n’auraient
+réalisé aucun progrès.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Si la nature n’avait pas été impitoyable
+pour les faibles, le monde serait peuplé
+de monstres, et aucune civilisation n’aurait
+pu éclore.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les peuples possédant beaucoup de canons
+ont seuls le droit et le pouvoir d’être pacifistes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une minutieuse préparation, une foi forte,
+une haine de l’ennemi très vive, seront toujours
+les grands éléments du succès des
+batailles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Reculer devant l’effort qu’on croit inutile,
+est renoncer d’avance à tout succès.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une armée, composée d’individus qui
+discutent, serait facilement vaincue par une
+armée de barbares, incapables de raisonnement,
+mais prêts à obéir sans discussion.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Craindre d’être vaincu augmente les
+chances de l’être. Persuader une armée de
+sa supériorité, double son courage et ses
+chances de victoire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le courage individuel est beaucoup plus
+rare que le courage collectif.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les amitiés entre individus peuvent
+n’avoir que la sympathie pour mobile. Les
+alliances entre collectivités ont uniquement
+des intérêts matériels pour bases, et s’évanouissent
+quand ces intérêts disparaissent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les intérêts économiques des peuples
+leur font souhaiter la paix, mais les divergences
+de sentiments et de croyances, les
+poussent toujours à la guerre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un peuple, vraiment pacifiste, disparaîtrait
+vite de l’histoire.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l4c5">V<br>
+LES RÉVOLUTIONS</h3>
+
+
+<p>Les seules révolutions durables sont celles
+de la pensée.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les révolutions scientifiques dérivent
+uniquement d’éléments rationnels, les révolutions
+politiques et religieuses d’éléments
+affectifs, mystiques et collectifs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les révolutions scientifiques transforment
+beaucoup plus profondément la vie sociale
+que les révolutions politiques.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Souvent rationnelle à ses débuts, une
+révolution politique ne se propage que par
+des influences affectives, collectives et mystiques
+étrangères à toute raison.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les révolutions, comme les guerres,
+représentent l’extériorisation de conflits
+entre forces psychologiques.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une révolution ne constitue pas toujours
+un phénomène qui finit suivi d’un autre qui
+commence, mais un phénomène continu
+ayant accéléré son évolution.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un peuple trop conservateur est fatalement
+voué aux révolutions violentes. Incapable
+d’évoluer, il est obligé de se transformer
+brusquement.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’être vraiment malheureux est celui à
+qui on persuade que son état est misérable.
+Ainsi procèdent les meneurs pour faire les
+révolutions.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les meneurs des révolutions se croient
+toujours guidés par la raison. Ils obéissent
+en réalité à des forces affectives, mystiques
+et collectives qu’ils ne soupçonnent pas.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La contagion mentale est le plus puissant
+facteur de propagation d’un mouvement
+révolutionnaire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La multitude est l’aboutissant d’une révolution,
+mais n’en constitue pas le point de
+départ.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Idées, meneurs, armée et foule sont les
+éléments fondamentaux des révolutions.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Toute révolution populaire qui réussit
+est un retour momentané à la barbarie. Elle
+constitue le triomphe de l’instinctif sur le
+rationnel, le rejet des contraintes sociales
+qui différencient le civilisé du barbare.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les révolutions ne sauraient détruire une
+structure mentale édifiée par un long passé.
+Elles ne changent guère que des façades.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les révolutions n’ont généralement pour
+résultat immédiat, qu’un déplacement de
+servitude.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les grandes réformes sociales ne sont pas
+l’œuvre des révolutions. Elles s’opèrent,
+comme les bouleversements géologiques, par
+une lente accumulation de petites causes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La majorité des hommes demande à être
+dirigée et non à se révolter.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Rarement un peuple comprend quelque
+chose aux révolutions accomplies avec son
+concours.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Quand un peuple finit par comprendre
+pourquoi il a subi une révolution, elle est
+généralement terminée depuis longtemps.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un monarque se renverse facilement,
+mais les principes qu’il représentait survivent
+à sa chute. La plupart des révolutions
+sont suivies de restaurations.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dès que l’armée d’un pays commence à
+se désagréger, une révolution est proche.
+La royauté périt en France, le jour où
+des troupes indisciplinées refusèrent de
+défendre leur roi.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Chez certains hommes, l’esprit révolutionnaire
+est un état mental, indépendant de
+l’objet sur lequel il s’exerce. Aucune concession
+ne pourrait donc l’apaiser.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les révolutions qui commencent, résultent
+le plus souvent de croyances qui finissent.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l4c6">VI<br>
+LES GOUVERNEMENTS POPULAIRES</h3>
+
+
+<p>Ce qu’on appelle gouvernement populaire
+est, en réalité, une petite oligarchie
+de meneurs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La grande illusion des politiciens est de
+considérer le peuple comme une sorte de
+divinité infaillible, n’ayant pas à rendre
+compte de ses actes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Se guider d’après des opinions fausses,
+mais populaires, est une condition d’existence
+de tous les gouvernements démocratiques.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La surenchère, l’humanitarisme et la
+peur, furent toujours les grands facteurs
+de conduite des gouvernements démocratiques.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un gouvernement populaire est dominé
+par trop de passions pour rester équitable
+et tolérant. Il ne se maintient qu’en devenant
+de plus en plus despotique.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Limité par la crainte des responsabilités,
+le despotisme individuel est moins oppressif
+qu’un despotisme collectif, toujours irresponsable.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une tyrannie individuelle se renverse
+aisément. Contre une tyrannie collective les
+opprimés sont sans force.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Ce qu’on déteste dans une tyrannie, n’est
+pas toujours la tyrannie elle-même, mais
+les individus qui l’exercent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les tyrannies les plus dures sont facilement
+acceptées dès qu’elles deviennent anonymes.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Pas de gouvernement populaire possible
+sans prépondérance de la mentalité jacobine.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Esprit borné, passions fortes, mysticisme
+intense, incapacité à raisonner juste, sont
+les principales composantes de l’âme jacobine.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le jacobin n’est pas un rationaliste, mais
+un croyant. Loin d’édifier sa croyance sur
+la raison, il tâche de mouler la raison sur
+sa croyance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Au point de vue politique, certains peuples
+se divisent en jacobins, qui ne comprennent
+rien aux influences du passé, et en conservateurs,
+qui n’aperçoivent pas les nécessités
+du présent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une politique de groupe est toujours
+d’ordre inférieur. Les gouvernements populaires
+ne peuvent en avoir d’autre.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Si les nécessités économiques ne réfrénaient
+pas les volontés passionnelles des
+gouvernements populaires, ils se détruiraient
+par leurs propres mains.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La première phase d’évolution d’une
+démocratie triomphante est de détruire les
+anciennes aristocraties, la seconde d’en créer
+de nouvelles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les crimes des rois sont peu de chose
+auprès des crimes des peuples.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’État moderne a hérité aux yeux des
+multitudes de la puissance mystique attribuée
+aux rois, lorsqu’ils incarnaient la
+volonté divine.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dans les gouvernements populaires, le
+fantôme de la peur joue un rôle prépondérant.
+La peur de l’armée, de l’Église, des
+ouvriers, des fonctionnaires, a dicté depuis
+vingt ans, la plupart de nos lois.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dans un gouvernement démocratique dont
+les ministres changent rapidement, le pouvoir
+réel appartient aux administrations.
+Chaque ministre croit les gouverner, il est
+en réalité gouverné par elles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Plus un gouvernement s’affaiblit, plus le
+pouvoir de la caste administrative grandit.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un peuple tombe vite dans l’anarchie,
+lorsque la souveraineté passe de la loi à la
+multitude.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’instabilité des gouvernements populaires
+limite seule leur tyrannie. Les partis
+en lutte se succédant rapidement au pouvoir,
+le despotisme de chacun est forcément
+éphémère.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Quand les démocraties ne se transforment
+pas en dictatures militaires, elles finissent
+par la ploutocratie, forme très oppressive du
+despotisme.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le vrai régime politique d’un peuple
+n’est révélé, ni par sa constitution, ni par ses
+lois. Il se découvre seulement en recherchant
+l’étendue respective du rôle de l’État
+et des citoyens, dans les affaires publiques
+et privées.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les gouvernements démocratiques considèrent
+la fermeture des églises comme
+moins nuisible que celle des cabarets. Ils
+découvriront sûrement un jour, que la fermeture
+des églises est plus dangereuse.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un peuple qui réclame sans cesse l’égalité
+est bien près d’accepter la servitude.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l4c7">VII<br>
+LA PSYCHOLOGIE POLITIQUE</h3>
+
+
+<p>Les problèmes politiques modernes peuvent
+se comparer à ceux du sphinx de la
+légende antique. Il faut les résoudre ou
+être dévoré.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Sans la connaissance de la psychologie
+des races, des peuples, des individus et des
+foules, la politique ne saurait être comprise.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une société est un agrégat de forces
+contraires, qu’il faut maintenir en équilibre.
+Avec la rupture de cet équilibre, l’anarchie
+commence.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Toute la politique se ramène à ces deux
+règles, savoir et prévoir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un gouvernement n’est pas le créateur
+d’une époque, mais sa création.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Atomes physiques, cellules vivantes,
+unités humaines, restent une vaine poussière,
+tant que des forces directrices ne canalisent
+pas leurs actions.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La vraie puissance d’un gouvernement
+réside moins dans sa force, que dans la soumission
+volontaire de ceux qui lui obéissent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La tyrannie individuelle et la tyrannie
+collective sont les seules formes de gouvernement
+découvertes, depuis l’origine de l’histoire.
+La seconde fut toujours la plus dure.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les incidences des mesures politiques ne
+pouvant se prévoir, la manie des grandes
+réformes est fort dangereuse pour un
+peuple.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un événement politique ne germe pas
+spontanément. Il est l’épanouissement de
+toute une série de causes antérieures.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Juger un événement inévitable, c’est en
+faire une fatalité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En politique comme dans la vie, le succès
+appartient généralement aux convaincus et
+rarement aux sceptiques.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dès qu’une classe n’est plus sûre de ses
+droits, noblesse autrefois, bourgeoisie de
+nos jours, elle les perd bientôt.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dans la vie politique, comme dans la vie
+individuelle, les préoccupations formulées
+sont beaucoup moins importantes que celles
+qui ne se formulent pas.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Déplacer une tyrannie n’est pas créer
+une liberté.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le danger de l’autocratie ne réside pas
+dans l’autocrate, mais dans les milliers d’individus
+se partageant son pouvoir et l’exerçant
+chacun comme un petit despote.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La confusion des pouvoirs suit toujours
+la confusion des esprits.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>De même que les croyances religieuses,
+les idées politiques ne doivent pas être
+jugées d’après leur valeur rationnelle, mais
+d’après l’action qu’elles exercent.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Beaucoup d’erreurs politiques dérivent
+d’idées théoriquement rationnelles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En politique, il est moins dangereux de
+manquer d’idées directrices que d’en avoir
+de fausses.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les gouvernements périssent beaucoup
+plus par leurs fautes, que par les attaques
+de leurs ennemis.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le despotisme des vivants serait parfois
+sans limite, s’il n’était contenu par le despotisme
+des morts.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="l4c8">VIII<br>
+L’ART DE GOUVERNER</h3>
+
+
+<p>Il n’y a pas de société possible sans
+principe d’autorité, de même qu’il n’y a
+pas de fleuve sans rives pour l’endiguer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le plus sûr moyen de détruire le principe
+d’autorité est de parler à chacun de ses
+droits et jamais de ses devoirs. Tous les
+hommes sont prêts à exercer les premiers,
+très peu se préoccupent des seconds.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On ne gouverne pas un peuple en tenant
+compte seulement de ses besoins matériels,
+mais aussi de ses rêves.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les puissances morales ne se combattent
+ni avec des lois, ni avec des armées.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Pour manier les hommes, il ne faut pas
+oublier, que leur moi affectif et leur moi
+intellectuel, n’ont pas d’évolution parallèle
+et ne s’influencent guère.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Utiliser les impulsions affectives et mystiques
+des peuples comme moyen d’action
+en tâchant de leur donner une orientation
+rationnelle, est un des secrets de l’art de
+gouverner.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une idée nouvelle a besoin d’appuis pour
+se faire accepter. Devenue forte, elle sert
+d’appui.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On ne doit jamais partager les passions
+des hommes qu’on dirige, mais il faut les
+connaître.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Impossible de gouverner un peuple si l’on
+oublie que des croyances, jugées absurdes
+par la raison, sont parfois plus puissantes
+que des vérités démontrées.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Il est fort dangereux d’avoir la foi pour
+ennemie. Un gouvernement qui persécute
+une croyance religieuse s’expose à périr
+par cette croyance.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>En ne se plaçant même qu’au point de
+vue de l’utilité pure, un gouvernement doit
+éviter les persécutions. Elles sont toujours
+plus utiles aux doctrines persécutées, qu’à
+leurs persécuteurs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le rôle du savant est de détruire les
+chimères, celui de l’homme d’État de s’en
+servir.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Quand un gouvernement demande à suivre
+l’opinion au lieu de l’orienter, il cesse d’être
+le maître.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un pouvoir discuté n’est bientôt plus un
+pouvoir respecté.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une responsabilité morcelée devient vite
+de l’irresponsabilité.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Gouverner exclusivement au profit d’une
+classe, c’est accroître indéfiniment les exigences
+de cette classe, et se condamner à
+l’avoir bientôt pour ennemie.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un des éléments de l’art de gouverner
+consiste à conquérir les meneurs des majorités,
+ou à leur en opposer d’autres.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les meneurs ne se combattent qu’avec
+des meneurs.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>On peut désagréger facilement l’âme
+transitoire d’une foule, on demeure impuissant
+contre l’âme permanente d’une race.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Temporiser pour avoir le temps de se
+préparer, comme le conseillait Machiavel,
+est très sage. Temporiser, pour laisser au
+hasard le soin d’arranger les événements,
+est fort dangereux.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le mécontentement fut toujours générateur
+d’effort, l’homme trop content de son
+sort ne poursuit aucun progrès.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un gouvernement doit élever des barrières
+morales avant qu’elle soient indispensables.
+Au moment où elles le deviennent,
+il est trop tard pour les construire.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Dès qu’on entrevoit la nécessité de céder,
+il ne faut pas attendre le moment où il sera
+impossible de ne pas céder.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’humanitarisme et la peur font partie
+des facteurs de dissociation des peuples.
+Ces sentiments sont sans excuse pour qui
+prétend gouverner.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Céder toujours aux menaces et aux violences,
+c’est faire naître dans l’âme populaire
+l’idée qu’il suffit de menacer, et au besoin
+de saccager, pour être obéi.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les concessions n’empêchent pas les
+batailles devenues nécessaires. Elles les
+rendent plus coûteuses et plus dures.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une répression énergique momentanée
+est beaucoup plus efficace qu’une répression
+faible et continue.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>La terreur n’est un procédé psychologique
+utile, qu’à la condition de ne pas durer.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un gouvernement qui pactise sans cesse
+avec l’émeute périt par l’émeute.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Quand on ne peut pas gouverner un
+peuple avec des idées vraies, il faut se résigner
+à le gouverner avec des idées tenues
+pour vraies.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Les grands courants sociaux ne se remontent
+pas. La sagesse consiste à les dévier
+lentement.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’homme supérieur sait utiliser la fatalité,
+comme le marin utilise le vent, quelle que
+soit sa direction.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Chaque événement visible a derrière lui
+des forces invisibles qui le déterminent. Qui
+ne sait les découvrir ignore l’art de gouverner.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une politique, ne tenant compte que de
+l’heure présente, est toujours d’ordre inférieur.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Le bon sens et le caractère sont souvent
+plus utiles que le génie à un homme d’Etat.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Une société ne dure pas sans pensées
+fixes, l’individu ne progresse pas sans pensées
+mobiles.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>L’avenir étant toujours chargé de passé,
+pour prévoir, c’est-à-dire voir en avant, il
+faut d’abord regarder en arrière.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Prévoir est utile, prévenir l’est davantage.
+Prévoir, élimine les surprises de l’avenir.
+Prévenir, empêche leur action.</p>
+
+<hr>
+
+
+<p>Un homme d’État sans prévoyance est
+un créateur de fatalités désastreuses.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak">TABLES DES MATIÈRES</h2>
+
+
+<div class="flex">
+<table>
+<tr><td colspan="2">&nbsp;</td>
+<td class="bot r small"><div>Pages</div></td></tr>
+<tr><td colspan="2" class="drap sc">Préface</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#c0">1</a></div></td></tr>
+<tr><td colspan="3" class="c"><div>LIVRE PREMIER<br>
+<span class="large">LA VIE AFFECTIVE</span></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>I.</div></td>
+<td class="drap">Le Caractère et la Personnalité</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l1c1">3</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>II.</div></td>
+<td class="drap">L’Affectif et le Rationnel</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l1c2">11</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>III.</div></td>
+<td class="drap">Le Plaisir et la Douleur</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l1c3">15</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>IV.</div></td>
+<td class="drap">La Psychologie féminine</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l1c4">19</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>V.</div></td>
+<td class="drap">Les Opinions</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l1c5">25</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VI.</div></td>
+<td class="drap">Les Mots et les Formules</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l1c6">29</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VII.</div></td>
+<td class="drap">La Persuasion</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l1c7">33</a></div></td></tr>
+<tr><td colspan="3" class="c"><div>LIVRE II<br>
+<span class="large">LA VIE COLLECTIVE</span></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>I.</div></td>
+<td class="drap">L’Ame des Races</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l2c1">41</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>II.</div></td>
+<td class="drap">L’Ame des Foules</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l2c2">47</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>III.</div></td>
+<td class="drap">L’Ame des Assemblées</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l2c3">55</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>IV.</div></td>
+<td class="drap">La Vie des Peuples</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l2c4">59</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>V.</div></td>
+<td class="drap">Les Institutions et les Lois</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l2c5">67</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VI.</div></td>
+<td class="drap">Le Droit</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l2c6">71</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VII.</div></td>
+<td class="drap">La Morale</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l2c7">73</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VIII.</div></td>
+<td class="drap">L’Idéal</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l2c8">81</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>IX.</div></td>
+<td class="drap">Les Dieux</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l2c9">85</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>X.</div></td>
+<td class="drap">L’Art</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l2c10">91</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>XI.</div></td>
+<td class="drap">Les Rites et les Symboles</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l2c11">95</a></div></td></tr>
+<tr><td colspan="3" class="c"><div>LIVRE III<br>
+<span class="large">LA VIE RATIONNELLE</span></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>I.</div></td>
+<td class="drap">La Croyance et la Connaissance</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l3c1">101</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>II.</div></td>
+<td class="drap">L’Instruction et l’Éducation</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l3c2">109</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>III.</div></td>
+<td class="drap">Les Élites</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l3c3">117</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>IV.</div></td>
+<td class="drap">Les Conceptions philosophiques</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l3c4">121</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>V.</div></td>
+<td class="drap">Les Principes scientifiques</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l3c5">125</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VI.</div></td>
+<td class="drap">La Matière</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l3c6">129</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VII.</div></td>
+<td class="drap">La Vérité et l’Erreur</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l3c7">133</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VIII.</div></td>
+<td class="drap">La Légende et l’Histoire</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l3c8">139</a></div></td></tr>
+<tr><td colspan="3" class="c"><div>LIVRE IV<br>
+<span class="large">LA PENSÉE ET L’ACTION</span></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>I.</div></td>
+<td class="drap">L’Action</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l4c1">145</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>II.</div></td>
+<td class="drap">Les Illusions démocratiques</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l4c2">149</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>III.</div></td>
+<td class="drap">Les Illusions socialistes</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l4c3">155</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>IV.</div></td>
+<td class="drap">Le Pacifisme et la Guerre</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l4c4">161</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>V.</div></td>
+<td class="drap">Les Révolutions</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l4c5">165</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VI.</div></td>
+<td class="drap">Les Gouvernements populaires</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l4c6">171</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VII.</div></td>
+<td class="drap">La Psychologie politique</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l4c7">179</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r"><div>VIII.</div></td>
+<td class="drap">L’Art de gouverner</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#l4c8">185</a></div></td></tr>
+</table>
+</div>
+
+<div style='text-align:center'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75555 ***</div>
+</body>
+</html>
+
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