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+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75554 ***
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+Ci commence le livre de l’avision de christine le quel est party en
+.iii. parties. La premiere partie parle de l’image du monde et les
+merveilles que elle y vid.
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+Item la seconde partie parle de dame oppinion et de son ombre.
+
+Item la tierce partie parle de confort de philosophie.
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+[Illustration: Christine assise en sa maison écrivant un livre.]
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+Premierement dit christine comment son esperit fu transporté.
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+Ja passé avoie la moitié du chemin de mon pelerinage Comme un jour du
+l’avesprir me trouvasse pour la longue voye lassee et desireuse de
+hebarge Et comme je y fusse parvenue par appetit de repos apres la
+reffeccion neccessaire a vie humaine prise et receue dites graces et me
+recommandant a l’acteur de toutes choses entray en lit de repos
+traveillable Et comme tost apres mes sens liez par la pesanteur de somne
+me survenist merveilleuse avision en signe d’estrange presage/ tout ne
+soie mie nabugodonosor Scipion ne joseph/ ne sont point veez les secrés
+du tres hault aux bien simples.
+
+¶ Avis m’estoit que mon esperit laissoit son corps et par exemple tout
+ainsi que mainte foiz en songe m’a semblé que mon corps en l’air volast/
+m’estoit adonc avis que par le soufflement de divers vens mon esperit
+translatez estoit en une contree tenebreuse en la quelle terminoit un
+val flotant sus diverses eaues. La m’aparoit l’estature d’un homme de
+belle fourme mais de grandeur inextimable/ Car sa teste tresparçoit les
+nues Ses piés marchoient les abeysmes/ et son ventre avironnoit toute la
+terre/ clere face et sanguine avoit. aux coins de son chief donnoient
+aournemens innombrables estoilles/ de la beauté de ses yeulx issoit si
+grant clarté que tout l’enluminoit et jusques aux entrailles de son
+corps reverberoit leur clarté. l’aspiracion de sa tres grant gueule
+attrayoit si grant air et vent que tout en estoit remplis de couvenable
+frescheur .ii. conduis principaulx avoit cest ymage l’un estoit le
+pertuis de sa gueule par ou recevoit sa nourriture/ et l’autre estoit
+dessoubz par ou se purgioit et vuidoit/ mais de differens natures
+estoient yces .ii. Car tout ce qui entroit par le conduit hault par ou
+repeus estoit couvenoit que corps materiel et corruptible eust/ mais par
+l’autre conduit ne passoit riens fraisle ne palpable. la vesteure de
+ceste creature estoit dyapree de toutes coulours/ tressoubtilment
+ouvree. belle riche et de longue duree. en son front bien pourtrait
+avoit l’emprainte de .v. lettres. c’est assavoir .C.h.a.o.z. qui son nom
+signifioyent/ En ceste statue n’avoit riens de diffourme Exepté que par
+fois faisoit chiere triste adoulee et plourable tout ainsi comme homme
+qui par diverses parties de son corps sent et seuffre diverses passions
+et doulours pour la quelle chose jectoit grans plains et a dieu
+lamentacions par divers crys.
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+
+
+
+Ci dit l’ordre comment le dit ymage estoit repeus.
+
+
+Delez le dit ymage avoit assistant une grant ombre couronnee de fourme
+femenine comme se fust la semblance d’une tres poissant royne
+naturellement formee sans corps visible ne palpable si estoit tant grant
+qu’elle obombroit et avironnoit tout le corps du devant dit ymage/ du
+quel estoit singulierement depputee et establie estre l’administraresse
+de sa nourriture/ Et estoit tel son office/ environ soy avoit instrumens
+de divers coings et empraintes ainsi comme sont a paris moles a faire
+gaufres ou autres outilz semblables Et comme ceste dame n’eust en soy le
+vice de parece l’ocupoit continuellement neccessaire diligence de divers
+labours/ car sanz prendre repos elle destrampoit mortier qu’elle
+coaguloit ensemble/ en la quelle mistion mettoit fyel/ myel/ plomb et
+plume d’ycelle matere en emplissoit bures de diverses façons lesquelles
+apres versoit en petite quantité es dis moles que bien estouppoit et
+saeloit/ tout ce fait non d’une guise mais en diverses differences
+metoit tout cuire et confire en la gueule du dit grant ymage qui tant
+estoit lee que elle representoit une grant fournase chauffee en maniere
+d’attrempees estuves/ la les laissoit jusques a temps couvenable l’un
+plus que l’autre selon la difference et la grosseur des outilz/ apres le
+temps venu que la sage administraresse savoit le terme de la perfection
+de son oeuvre elle ouvroit la bouche de cel ymage par tel art que elle
+donnoit lieu de tirer hors les matieres assez cuites et les autres
+laissoit cuire jusques a l’acomplissement de leurs jours adont
+sailloient hors de ces moles petis corps de diverses façons selon les
+empraintes des instrumens mais merveilleuse aventure en avenoit/ car
+aussi tost que ces petis ymages laissoient leur moles adont le grant
+ymage en quel gueule avoient esté cuis les transgloutissoit tous vifs en
+sa pance. sanz nombre a une goulee/ et ainsi nuit et jour ne cessoit cel
+ouvrage continue par les mains d’ycelle dame pour la pasture du grant
+corps insaciable.
+
+
+
+
+Comment christine fu transgloutie ou corps du dit ymage.
+
+
+Mon esperit entre gité celle part ententif a notter ceste merveille/
+Adont l’aspiracion de l’aleyne de ycellui grant le tira a soy/ tant
+qu’il chut es mains de la dame couronnee/ Lors comme ja elle eust mis le
+mole a tout la matiere en la fournase mon esperit prent si le fiche ens/
+et tout en la maniere que au corps humain donner fourme accoustumé avoit
+tout mesla ensemble et ainsi cuire me laissa par quantité de temps tant
+q’un petit corps humain me fu parfaict/ mais comme le voulsist ainsi
+celle qui la destrempe avoit faite a la quel cause se tient et non au
+mole je portay sexe femenin/ Si fus semblablement que les autres
+soubdainement transgloutie ou ventre de cel ymage/ Quant je fus la
+trebuchee adont prestement vint la chamberiere de la dicte dame qui
+bures tenoit d’une liqueur doulce & tres souefve plaines de la quelle a
+abuvrer doulcement me prist/ par quel vertu et continuacion mon corps de
+plus en plus prenoit croiscence force et vigueur/ et ycelle sage
+croisçoit et engrossoit la pasture au feur de ma force tant qu’a par moy
+porter et paistre mon corps je pos ou quel croisçoit l’entendement qui
+ja me donnoit cognoiscence de la diversité des entrailles du ventre de
+l’image par sus les quelles a .ii. piez je marchoye/ lesquelles estoient
+faites de cailloux et dures roches par montaignes et valees bois et
+metaulx et diversitez maintes/ mais tant me sembloit longue et lee
+l’espace de la pourprise d’icellui corps/ que l’espace de la vie d’un
+homme ne pourroit souffire a toutes cercher les diverses contrees qui en
+lui sont comprises.
+
+
+
+
+Comment elle se transporta de lieu en autre.
+
+
+En cellui temps comme renommee a tout ses cors et buisines eust corné et
+encore cornast en la contree ou j’estoye/ ce que la et par toutes autres
+contrees avoit ja par moult lonc temps signifié de rechief a haulte voix
+ne cessast de cryer/ Ce estoit que elle racontoit le pris/ l’onneur/ la
+haultece noblece et poissante digneté d’une princesse de grant
+auctorité/ couronnee de precieux dyademe a ceptre royal de grant
+ancienneté & richece la quelle seoit vers les parties que on dit fryge/
+et pareille n’avoit en beauté noblece vaillance et hault renom en tout
+l’univers monde/ adont par les cris de fama apres ce que messages
+certains orent de ceste chose certiffiez ceulx qui m’avoient en bail
+desirans de tel princesse servir/ se partirent de la/ et ainsi avec eulx
+marchant par sus les entrailles du dit ymage/ traversant estranges
+contrees alpes haultaines/ landes sauvages/ forés parfondes et bruyans
+rivieres Tant cheminay par maintes journees que de loins ja m’aparu la
+lueur de la marche resplendissant en honneurs ou je tendoye/ Et ainsi
+appercevant de mieulx en mieulx sa haultece com plus en approchoie
+parfinay ma longue voye jusques en sa maistre cité/ la quelle estoit
+nommee la seconde athenes/ adont acompli le travail d’icellui chemin
+reposant les membres travaillez pourpensoie comment et par quel voye
+peusse ataindre a l’acointance de la dicte princesse/ mais comme trop
+jeune ancor fusse ne me savoie appliquer ne mes a apprendre le lengage
+differant de cellui de mes parens/ neant moins selon la simplece de mes
+sens non ancore du tout parcreus m’informoie adez des coustumes manieres
+et condicions de la dicte dame/ Et comme ainsi je le continuasse par
+l’espace de plusieurs ans croiscent ma retentive/ je fus informee de la
+haulte poissance et seignourie d’ycelle/ de la quelle pour eschever
+prolixité en brief je tesmoigne pour verité sanz adjoustement de
+mençonge/ que sa contree m’aparu glorieuse de nom/ fertile de fruys/
+abondant en richeces grande et lee en circuit/ edifiee notablement
+d’espesses villes/ fors citez/ chasteaulx bours fortereces et tres
+nobles manoirs comme sanz nombre/ poissans seigneurs princes natureulx
+non crueulx/ benignes en conversacion catholiques en foy/ prudens en
+gouvernement/ et beaulx en faconde/ fort et poissant chevalerie/ loyaulx
+subgés obeissant peuple/ En ycelle marche vrayement toutes ses
+condicions j’apperceu/ et maintes autres bonnes que cause de briefté ne
+me seuffre plus dire/ mais comme il ne soit aucun bien sans envie/ voir
+est que je y vy de grans gastives par places venues et procurees par
+estranges envieux/ par quoy m’aparoit en celle contree avoir esté et
+estre par fois de grans et fieres persecucions.
+
+
+
+
+L’acointance que elle desiroit a avoir a une dame portant couronne.
+
+
+Ja estoie parcreue quant j’oz tant pourchacié par divers moyens apres
+maintes aventures que je attaigni a ce que je desiroie Si oz la plaine
+accointance de la dame renommee/ de la quelle la beauté/ sens &
+benignité ne seroie souffisant de descripre/ pource me passe seulement
+d’elle disant que sans faille fama ne tenoie menterresse des bons recors
+que elle faisoit en toutes places d’elle/ aux quieulx la vraye
+experience vi accordable. Or fus je la dieu mercy si prochaine privee
+amie d’elle que de sa grace faveur ot a me descouvrir les secrés de son
+cuer et n’ot orreur d’ajoindre a moy femme tel honnour comme de me
+instituer estre philographe de ses aventures/ et volt que par moy
+oroisons et chançons en fussent faites/ ja estoit informee tant de mes
+affections comme qui je estoye.
+
+
+
+
+La complainte de la dame couronnee a christine.
+
+
+Adont parlant en tel maniere/ dist ainsi Chiere amie amaresse du
+cultivement de mon bien comme il soit de neccessité en nature que tout
+cuer amant desserve estre amez/ droit est que Ton bon desir te soit
+valable/ Et comme il fust affectueux de m’acointance les bons vouloirs
+de lui soient ottroyez amie a qui dieu et nature ont concedé oultre le
+commun ordre des femmes le don d’amour d’estude/ appreste parchemin
+ancre et plume et escrips les paroles issant de ma poitrine Car a toy me
+vueil je du tout magnifester/ Et me plaist que a tes sages bien
+vueillans faces d’or en avant present des memoires escriptes de ma
+digneté. C’est chose nottoire qu’a cil qui bien se veult declarier
+appartient qu’il speciffie son premier principe/ Si commenceray a
+l’introyte de mes gestes te narrant ma premiere venue.
+
+¶ Ou temps du Second aage lors que la lignee neptunus regnoit en marche
+chevalereuse es habitacions aysiees quant pour cause de la fille electee
+transportee par le pastour mescongnu vindrent les hoirs des fremis
+chavauchans chevaulx de bois a tout force d’armes furent par l’escu de
+barat a la fin vainqueurs. Dont d’ycelle terre fu enrachié l’abre d’or
+que les dieux anciens selon les chançons des poetes avoient reservé pour
+leur gloire du quel la haultece de l’ombre s’espandoit jusques sus les
+contrees lontaines/ Si fus lors par estrange fortune favourable a ycelle
+fremiere desireuse de vengence ars destruis et mis en cendre/ mais non
+obstant le furieux desir maling d’yceulx fremis furent aucuns cultiveurs
+desireux de noble semence veant la persecucion de la noble plante qui
+par soubtil art emblerent et de leurs mains ravirent en assez quantité
+des vergetes et des gitons cueillis sur le hault sommeton d’ycellui
+seignouri noble arbre/ Et comme le dieu pelagus fust consentant d’ycel
+larrecin leur donna voye et passage par sa terre/ Si se transporterent
+espandans en diverses contrees es quelles par grant digneté les
+planterent en maint vergiers et firent greffes de nouvelles antes que
+fort ilz cloyrent d’espineuses hayes pour obvier aux loisirs des
+rappineurs. Et ainsi maugré les influences fortunees fu renouvellee en
+plusieurs lieux la haute plante dont puis une vergete tant crut es
+marches d’europpe en la terre latine que la haultece d’elle obumbra tout
+le monde et presseda sanz comparoison sa premiere racine.
+
+
+
+
+Ci devise la dame couronnee de son commencement.
+
+
+Ou temps des susdiz larrecins entre les autres fu transportee en ceste
+contree une vergete issue de la cosme du sus dit arbre d’or la quelle
+ilz planterent en hault vergier en terre fructueuse/ ycelle plante
+parcreut tant que de la beauté d’elle je pris mon nom/ & fus appellee/
+Libera/ apres par multiplicacion de cultivement tant crut et augmenta
+tous jours en habondance de digneté ce noble estat/ que les plantes ja
+montees et embelies en leur force couronnerent le .iii.e giton de leur
+venue et comme le plus auctorisié en firent leur roy/ cestui porta fruit
+de grant digneté car il sauva ceste terre de maintes enfermetez/ Et
+ainsi pou a pou crut le renom de sa proprieté en multepliant Si en
+furent peuplez mains delitables vergiers par espace de multitude de ans
+en ceste contree/ Et ainsi t’ay compté la premiere racine de mon nom et
+cultivement/ et te dis certainement que non obstant qu’a veue d’ueil je
+soye et appere jeune freche nouvelle flourie et belle/ que plus de mil
+ans a ja passez puis le temps de ma premiere naiscence.
+
+
+
+
+Dit la dame couronnee de ses gestes.
+
+
+Le renom de ma franchise ja espandus en toutes places/ les gouverneurs
+de noble attrace avec leurs enfans me prirent en bail Si fu entregitee
+entre leurs mains par lonc temps sanz estrange generacion. O dieux
+glorieux se je te comptoie toutes les aventures courues es annees puis
+la naiscence de mon nom jusques a ore/ l’espace de ta vie a l’escouter
+me pourroit souffire Et pour ce en brief te dis que les tuteurs de mon
+bail assez s’esforcierent d’acroistre la haultece de mon heritage/ mais
+comme ignorance ancore les tenist tenebreux ne savoient attraire eaue
+doulce pour pardurable arrosement presenter a mes racinetes et plantes/
+par quoy maint seps de vigne & autres tiges toutes sechees & sanz fruit
+couvint esrachier & ou feu giter/ Et ainsi dura ceste pestillence tant
+que le .iii.e filz vint le quel par vertu de sage conseil attray lumiere
+telement que les tenebres de celle mortel secherresse furent chaciees
+par la quelle voye ot cognoissance de doiz et source de eaue vive a
+grant habondance si que lui meismes ja tout perdus & sechez en fu
+arrosez et vivifiez Et tant pourchaça par sages maistres que l’abondance
+du fleuve vivant rendy ruisseaulx sources & fontaines en si grant
+quantité que toutes mes plantes en furent arrosees et viviffiees/ O
+noble cultiveur fu ycellui car moult il augmenta et parcreut la
+perpetuité de mon heritage/ en telle maniere qu’il fu le premier
+registre de ma salvable gloire/ es mains de cestui pris grant croiscence
+et plaisant beauté/ et tant qu’il me dura fus bien deffendue & si gardee
+et soustenue que chose quelconques ne m’avint senestre.
+
+
+
+
+Encore de ce mesmes.
+
+
+Apres cestui cheux es mains des cultiveurs mau diligens par la quel
+faute la gloire de mes vergiers fu tournee comme en friche remplie
+d’erbes et graynes inutiles et de nul bon fruit/ Et comme le vice
+fornicable fust fiché es os de l’eritier d’yceulx dont les causes de ses
+demerites le rendent exillé transporterent ses voyes en marche fiable
+piteuse de sa chetivoison. O le mal pechié d’ingratitude qui tolz et
+ostes le merite et guerredon de benefice receu et estains recordance de
+remuneracion deue ne fis tu a cellui mettre en oubly toute cause de
+feauté/ quant frauduleusement souffris fortraire au feal sa beste
+menterrece des couvenances de son premier lit/ et les nouvelles ouyes de
+la reconsiliacion du filz de venus a ses persecuteurs par l’enseigne du
+demi denier fu sa departie en repostailles rappineuse de l’espousee hors
+ordre de loy doublement couronnee/ de la quelle songerresse la
+presentacion du temps que tu vois/ peut signiffier l’ordre de ces
+avisions.
+
+¶ Succedans cestui nasquirent de ses heritiers hommes de sanc plains de
+couvoitise rappineux et sanz foy qui a leurs parens faisoient presens de
+mort & d’occisions conseillez et baretez par les crestees crueuses
+leonesses venues d’espaigne et de cucubinage desquelles vengence
+n’espargna a leurs membres le trait des poulains/ a partie d’elles
+accusee du sanc innocent devant le juste.
+
+
+
+
+Des bons et des mauvais gouverneurs de la dame couronnee.
+
+
+Apres ces choses d’un pepin du fruit du susdit arbre en ma terre sailli
+une plante qui tant crut que elle estandoit ses branches verdure et
+cosme plus lonc pays assez que n’est toute ma terre/ le fruit qui en
+issoit estoit de grant vertu odeur et force/ car de grace especial dieu
+lui ot donné proprieté de chacier les malings esperis/ et moult valoit
+contre perpetuel venim/ Et par cestui furent gardees maintes contrees de
+inreparable mort dont germanie se dot louer/ et jusques par dela les
+alpes ytaliennes estendant sa vertu vers la terre de auffrike ha dieux
+combien je fus renommee flourie et exaussee par la resplandeur et beauté
+de ceste plante/ Car comme chose perpetuelle non obstant le lonc temps
+puis passé/ ancore a celle cause est greigneur/ la fleur de ma renommee/
+de l’issue de cestui je fus cultivee un espace de temps.
+
+¶ Mais comme apres sa vertu alast en descroiscent vindrent d’estrange
+attrace les cultiveurs diligens qui se vanterent de greigneur vertu que
+les proprietaires & par oblique malice couverte et coulouree de jugement
+apostolique reserverent pour eulx la souveraine chayere posse dans leur
+lignee ycelle par plusieurs dessendues/ Mais comme entre les espines en
+friche destournee fust ce/ tandis/ muciee une graislete ante hors
+saillie de l’ancienne racine renommee/ le temps venu de sa croiscence
+apparurent les fueilles vertes de sa haultece.
+
+¶ Adont furent estirpees les estranges germes la belle ante subjugant
+toutes les tiges de mes courtilz flouri en grant reverence de l’issue de
+lui sailli germe precieux rendant fruit en son temps a dieu sacré et
+tres agreable or furent les premiers cultiveurs restituez a leur erre
+ainsi continuans non obstant le lonc temps puis passé jusques a la
+journee d’uy. O treschiere amie se je te comptoie toutes les
+tribulacions par lesquelles j’ay esté pourmenee an l’espace des jours
+que je te compte tu t’esmerveilleroies comment en tel beauté suis
+demouree/ car pour moy ravir et embler s’assembloient diverses provinces
+& gens estranges qui a grant ost deffoulerent ma terre/ brulerent mes
+villes & mes manoirs/ faisoient de mes gens grant essart et toute me
+pilloient/ et en tres grant quantité de foiz pareillement ay esté en
+peril d’estre perdue ravie prise a force/ et du tout deshonoree/ non
+obstant la deffence des assemblees de mes deffendeurs & de ma gent
+contrestans a la fureur d’iceulx Et ne cuidez pas que de lonc temps
+soient saillies a moy ycestes dures angoisses souvent renouvellees en
+diverses guises dont au jour d’uy je ne suis exente mais te dis que
+mesmement puis l’aage de tes parens si mal menee par divers cas que
+onques puis ma premiere naiscence ne furent greigneurs les perilz de mes
+aventures Et a tout regarder de n’estre du tout enchevé es las de
+perdicion singuliere/ gloire ne attribue fors a dieu tout poissant qui
+pour cause de ma catholique foy m’a reservee/ tout ainsi qu’il dist a
+saint pierre que sa nacelle chancelleroit et ne seroit perie ha dieux
+combien estoient grandes les orreurs de mes tribulacions/ car les
+ennemis yssus des serves lignees venoient sur moy a grans effors/ Et
+fortune pour le temps clere/ a eulx consentoit les victoires contre les
+couronnes qui me deffendoient aux quieulx non obstant leurs grans et
+nobles courages non reprouchez parmetoit adversitez non deservies/ En ce
+temps se rebellerent les vers de terre qui pour les marcheys des
+chevaulx saillirent/ contremont et ou visage me cuiderent deshonorer es
+jours que mon dispensier estoit es buyes de mes aversaires/ mes vindrent
+les ecouffles qui firent leur proye du verminier venimeux et abominable/
+ha hay comment estoie lors trouble et obscurcie par diverses afflictions
+dont la lueur de ma beauté qui tant seult estre glorieuse plaisant et
+saine fu comme morte/ Car n’en yssoit fors plains et plours/ et
+toutevois de lamentacions que t’en diroye innumerables sont les diverses
+angoisses qui m’ont traversee par infinies foiz mais la fin d’icelles te
+sera comptee.
+
+
+
+
+Ci parle la dame couronnee du bon gouverneur que elle ot.
+
+
+Comme dieu ouvrist sur moy chastie l’ueil de sa misericorde sicomme pere
+pitiable de sa tres amee fille volt cesser les verges de ses bateures et
+espandre l’oeile de sa misericorde sur les navreures de mes maladies
+adont sourdi le phisicien propice venus par succession a l’eritage de
+mon ancienneté et ou palais de mes nobleces receu l’aureale de digneté
+delaissant en jeunes jours les meurs de legiereté vint dame sapience
+deesse venerable des choses ordenees qui comme chier filz le revesti du
+mantel de ses proprietez lors disant fuiez fuiez lors voz ennemis de
+beneurté laissiez venir les remedes de restoracion Tira a soy toutes
+choses belles en deboutant les diffamables ycellui saisi de l’espee de
+justice n’espargna mie les outilz de sa mere/ ains par la sentence
+d’iceulx mist en oeuvre les mains de son hault sommet/ adont armé de
+courage fructueux trassant par ces courtilz visitant les angles ja
+couvers d’espineuses tiges donna ordre a ses commis de la reparacion des
+ruynes/ lors par quantité de Cens et de millers furent les assemblees
+d’yceulz alouez non estranges mais privez loyaulz subgez qui a tout fers
+agus de diverses tailles s’embatoient es gastives remplies d’estranges
+semences non propices a la nature de mes hommes qui vergiers portans
+fruit estre souloient. adont se prirent a estirper de tous lez les
+inutiles herbes chardons orties et toute male racine derompre et sacher
+hors et a tout nettoyer et faire nouvel gueret ou ilz anterent et
+attrayrent bonnes semences ainsi continuant le labourage droiturier
+donnerent lieu aux herbetes et doulces plantelettes de saillir hors de
+tapinage ou muciez orent esté soubz les espines qui toutes les
+suffoquoyent Comme peryes en leur vertu/ qui les veist adonc croistre et
+augmenter et remplir ces vergiers de verdures et flours odorans portans
+fruit bien deist que moult fust changiee la fortune de leur estre que
+t’en diroye ne fu mie cellui recreu par les liens de peccune qui
+n’avoient lieu contre les distribucions de ses ordres/ ne travail
+estaignoit l’excercite de la chose utile a la quelle oeuvre fortune non
+reppunante fu/ a l’accomplissement d’ycelle continuee par l’espace des
+jours du prouffitable ortelain qui n’y espargnoit ses ententes/ O dieu
+glorieux quel ouvrier comment fus je par lui en joye renouvellee Or
+furent oubliees les passees angoisses toute ma terre de choses nuisibles
+auques descombree se prist a esjouyr rendant chançonnettes a la louenge
+d’ycellui noble par la quel diligence estoie recouvree et mise en
+convalescence/ a brief parler tant me fu cellui propice que encore
+m’esjouist la souvenance de ses benefices dont longue parole ne m’en
+pourroit estre anvieuse/ helas mais comme apres le temps sery viengne
+souvent la grosse pluye Couvient a present changier le propos de mes ris
+en tresamers pleurs/ Car comme le procés de fortune ne peust longuement
+souffrir ma beneurté se monstrant envieuse de mon bien/ lors que ma
+gloire estoit eslevee plus que n’avoit esté puis une grant part de mon
+aage/ me toli le tressage administreur lasse moy/ mal apoint ains le
+temps venu de l’achevement naturel de son voyage/ et envoya Celle qui
+n’espargne nulz corps vivans le me tolir et ravir sanz pitié avoir de ma
+vesveté/ Or peus tu cognoistre en moy les signes des mouvemens fortunez
+qui ores ryoye parlant de mon amant/ Or me voyes a chiere troublee
+plaines de larmes regraitter les trop tost faillis a moy ses vertus Si
+couvient changier l’ordre de mes offices en mutacions merveilleuses/
+mais toutevoye la lueur de ses benefices apres lui demoura sur terre
+tant que non obstant les antregetz de plusieurs mains en dure ancore la
+clarté sus le plus bel de ma face.
+
+
+
+
+De .ii. nobles oyseaulx de proye.
+
+
+Sourdi des entrailles d’icellui en double nombre petis papillons dorez
+tresgracieux et de grant beauté qui s’oserent vanter au feur de leur
+croiscence avec les colacions des guespes d’estre gardeurs de moy et de
+mes manoirs/ Si firent leurs assemblees et pour l’ancien renom de leur
+venue a bon droit leur fu souffert seoir sus les sommetons des plus
+hautes tiges/ Et tout ainsi comme le proprietaire dit du phenix qui au
+premier ist hors de la cendre en fourme d’un petit ver/ puis croist &
+augmente tant qu’il est bel sur tous oyseaulx/ yceulx papeillons tant
+parcreurent & enforcierent que leur forme fu changee en especes de tres
+nobles oyseaulx de proye mais par difference aucune quantité de ceulx
+furent crestez sur les chiefs/ ainsi que sont oyseaulx que on dit
+huppés/ yceulx nobles pour aviser leurs proyes se tindrent ensemble et
+prirent leur vol par sus mes fossez et rivieres/ et comme bien avisez
+n’orent mie conseil de tout essarter les repaires repaisans/ mais eulx
+en passer rassadiez couvenablement/ O fortune aministraresse de tout
+inconvenient qui te mut a trouver voye du destourbier du faucon pelerin
+si hault volant que l’esperance de son attainte faisoit trembler devant
+lui toutes les proyes rappineuses embatues en son yre/ ou pris tu le
+vent contraire par ou tu l’abatis lors qu’il faisoit sa roe par si grant
+fierté/ ains qu’il eust sa proie attainte le ruas jus par ton
+soufflement si roidement qu’il demoura estendu du tout derompt non mie
+seulement les plumes mais tout le corps par si que tous jours depuis
+couvint qu’il fust repeus par estranges mains. O dieux quel dommage de
+tant noble oysel affaitié en toutes bonnes coustumes/ fier et hardy en
+son vol/ doulx en appel vif et plaisant en regart/ Et qui sans faille
+eust deffendu toutes mes flaches et rivieres de tous oyseaulx rappineulz
+et de mal erre Si fu de moy plaint et plourez grandement comme perte
+singuliere le quel dommage ne m’est faillis ains renouvellé par chacun
+jour par griefves pertes.
+
+
+
+
+Ci dit la dame couronnee des contens qui furent pour elle gouverner.
+
+
+Apres ces choses vindrent les esperis larrecineux habitans es silves qui
+distrent qu’a eulx appartenoit a departir les choses propres et privees/
+yceulx firent des communs usages closes mansions/ et a eulx les
+approprierent et tant que mesmement les sauvagines cryerent contre eulx.
+
+¶ En cellui temps par le cry du camellion s’esveillerent une maniere de
+gent de reprouvee generacion qui dirent qu’ilz ne souffreroient mie
+l’injurieuse clamour des voix femenines si entrerent es maisons des
+oyseaulx de leurs forés et tant y furent que volans elles leur furent
+donnees par ycelles en plusieurs parties se translaterent/ jusques
+dedens les cavernes des traysons de mes bois/ Si cueillirent les glans
+des chesnes et mirent ou feu les povres qu’ilz trouverent & a tout ce
+faire ne trouverent contredit/ ains furent hourdez des degouttes de mes
+terres.
+
+¶ Multiplié fu l’erreur par divers inconveniens/ car le temps vint que
+les eaues tant crurent qu’il ne demoura champ qui tout couvert n’en
+fust. Adont les poissons saillis hors de leurs fosses paissoient es
+terres semees/ jusques a devourer apres la verdure des herbes les
+racines des grains/ toutes ces choses representoient naiscence de
+pestillence. Ha doulce chiere amie jusques cy t’ay compté grant part de
+mes aventures diversement de joye en dueil entregitees mais comme je ne
+puisse tout dire ensemble n’est mie faillis encore le lengage angoisseus
+d’icelles ains a chiere amatye or a primes m’esteut te dire la
+doulereuse encloeure de mes presens tenebres qui precede les autres en
+cas que perseverence y seroit longue.
+
+
+
+
+Ci se plaint la dame de ses Enfans.
+
+
+Quelle plus grant perplexité peut venir en cuer de mere que veoir yre et
+contens naistre et continuer jusques au point d’armes de guerre/ prendre
+et saisir par assemblees entre ses propres enfans legitimes et de
+loyaulx peres & a tant monter leur felonnie qu’ilz n’ayent regart a la
+desolacion de leur povre mere qui comme piteuse de sa porteure se fiche
+entre .ii. pour departir leurs batailles/ mais yceulz meus par courages
+inanimez sans espargne n’avoir regart a honneur maternelle/ ne
+destournent le trippignis de leurs chevaulx contre sa reverence ains
+laissent aler la foule de leurs assemblees sur elle tant que toute la
+debrisent et mahaignent.
+
+¶ Ne furent mie si crueulx jadis romulus et sa compaignie quant pour
+cause du ravissement des filles de sabine fait par yceulx rommains
+s’assemblerent a grant ost les peres et parens pour venger celle honte/
+mais comme la royne et toutes les dames piteuses de l’effusion de sanc
+de leurs maris peres & parens eschevelees a pleurs et cris se venissent
+ficher entre les batailles lors que assembler devoient/ priant pour dieu
+que paix feissent/ ne furent mie d’iceulx chevaliers fors et poissans/
+les dames defoulees entre les piez des chevaulx ains par reverence
+espargnees et ouyes en pitié leurs voix femenines qui leurs cuers
+contraigny meismes ou champ a faire paix. O amie voy cy la suppellative
+des douleurs.
+
+¶ Adont ycelle princesse/ je vy toute couvrir de larmes/ & sa belle
+chiere qui estre souloit fresche & coulouree toute destainte & noircye/
+ainsi disant lasse lasse je suis celle mere amere en cheute es cas que
+je te compte. O ma bonne nourrie et chere amie compaigne de mon dueil/
+tu ne soies tu mie du fruit de ma terre mais ton cuer de noble nature
+non ingrat des biens que y as receux/ pleures avec moy par vraye amistié
+piteuse de veoir les jours de ma tribulacion Et que experience te face
+certaine de la verité de mes narracions/ non obstant ma beauté de prime
+face/ regarde et avise les playes de mes costez et de mes membres.
+
+¶ Adont la tres venerable princesse haulce le pan de sa vesteure et a
+moy descueuvre le nu de ses costez disant regarde Lors ma veue tournee
+celle part comme j’avisasse les costez blans et tendres par force de
+presse et de desfoulement noircis et betez & par lieux encavez auques
+jusques aux entrailles/ non mie tranchez de coups d’espee mais froissez
+par force de grans foulez.
+
+¶ Adont moy toute esmarie considerant le nouvel cas piteux et non
+honorable que a mere tant venerable tieulx blesseures fussent procurees
+par ses porteures/ En disant dame pour dieu couvrez cheux comme femme
+foible remplie de merveilleuse pitié comme pasmee/ Et couverte de larmes
+quant parler pos/ pris au mieulx que soz a conforter la desolee/ disant
+haulte renommee dame vueillés en dieu remettre les larmes de voz
+lamentacions esperant sa misericorde qui onques ne vous fu falible/ Et
+pour un pou eslongner les pensees qui a tieulx sanglous vous conduisent
+vous plaise tant honorer moy vostre povre indigne serve affin qu’entente
+de parler vous entre oublie que descouvrir me vueillés les encloueures
+des causes de ces zezanies/ Et ne vous soit estrange de dire a moy
+vostre familiere et privee les fautes de voz porteures et elle a moy. ha
+chiere amie se je blasmoie ceulx que je fais mon meismes ouvrage je
+diffameroye. Si te dis qu’acusacion de mauvaistie formee en malice a nul
+je ne donne ne que pour despit ne hayne que contre moy eussent ne sont a
+ceste chose meus. bien est vray que considerant que je sui le lit de
+leur estre et que a cause de moy vient la lueur de leur gloire/ deussent
+refrener les assaulz qui tant me sont grevables et la naissance de la
+racine de zezanye entre eulx semee te compteray.
+
+¶ Apres ce que les partages de mon propre selon les coustumes d’athenes
+furent a chacun de mes engendrez sorties/ dist le plus grant qu’a lui
+appartenoit le bail de son mainsné/ et comme ne lui fust contre dit les
+establissemens d’icellui crierent contre lui/ dont les voix ouyes
+assemblerent le sanc du pupille en conseil.
+
+¶ Adont mes enfans s’amasserent disant nequaquam aux oppinions
+d’icellui/ Ceste cause assembla les fleaulx de mes bateures qui ne m’ont
+espargnee Sicomme il t’est magnifeste/ Ceste orreur courant au jourd’uy
+parmi mes gaignages rent fletries et sechees les verdures et liqueurs de
+mes fruis tarist mes fontaines amendrist mon renom et lourdement me
+tourmente et qui plus m’est grief/ c’est la paour de pis/ & que mes
+playes par faulte de remede soient converties comme infistulees et
+incurables.
+
+
+
+
+Ci dit comment les vertus au monde sont emprisonnees.
+
+
+Encore autre part gist la maladie amie chiere/ car comme il ne soit a
+celle douleur pareille qui le cuer tient en amere pensee. Reste a te
+dire les combles de mes souffrettes.
+
+¶ N’a pas souffit aux menistres de perdicion les oprobres offers a la
+souche d’antiquité/ ainçois m’ont plus deshonoree.
+
+¶ Helas ou est la princesse a moy esgale qui peust souffrir veoir
+d’environ soy a tres grant tort tolues chaciees batues banies et
+emprisonnees ses dames de compaignie & de parage venerables & de grant
+dignité d’ancien droit establies a estre appellees a ses conseuls a
+porter les seaulx de ses ordenances/ a soustenir les pans de ses loncs
+abis & les dorures de son chief/ et mettre en leur lieu paillardelles &
+femmes diffamees et dissolues/ helas chiere amie ce suis je qui a toy
+parle mais que mieulx me croyes vueil que le sens de ta veue ait
+l’experience du vray de ma parole/ Adont comme elle ouvrist une petite
+fenestrele me dist regarde les prisonnieres/ ton sens soit juge se en
+palaix royaulx la presentacion de leur reverence seroit plus propre que
+soubz muciees couvertures. avisez celles qui ja me gouvernerent ou temps
+de ma joye or les m’ont ravies les persecuteurs de ma gloire.
+
+¶ Adont comme mon oeil adreçasse au pertuis de la chartre .iii. dames vy
+de souveraine reverence et beauté mais differens leurs maintiens
+estoient/ ha dieux quelle divine beauté en l’une vy le corps avoir droit
+lonc et bien fait/ et de la beauté de son vis yssoit un ray de moult
+grant resplandeur/ celle dame en sa main un grant mirouer tres cler
+tenoit/ ou quel la reverberacion du dit ray redondoit et se frapoit en
+maniere que si grant beauté et clarté en issoit qu’englet n’y avoit tant
+obscur que tout n’en fust enluminez. Ha quel pitié de tel beauté tenir
+couverte/ comment fust elle seant es places des assemblees publiques
+affin que chacun se peust louer de sa lumiere/ ceste fu belle par
+excellence/ mais trop plus noble car elle se disoit fille de dieu le
+pere et plus forte qu’autre riens/ car de toutes choses vaincre se
+vantoit.
+
+¶ En un lit couchiee palle et descoulouree vy une autre dame de grant
+auctorité a chiere et semblant de femme maladive et enferme comme chose
+deffoulee et desroupte/ et a la premiere se disoit serour a son costé
+d’estre je vy gisant unes balances/ De l’autre part une mesure et une
+ligne.
+
+¶ Assez loignet d’icelles vi gesir par terre endormie non honorablement
+une dame de grant et fourni corsage la quelle estoit toute armee/ costé
+soy gisant par terre avoit son escu sa lance et ses esperons/ sa teste
+tenoit ou giron d’une folieuse femme de grant vagueté qui pour lui
+mieulx endormir chantoit et li gratoit le chief Lors comme je regardasse
+par grant entente cestes merveilleuses figures vi que/ par plusieurs
+foiz vindrent de plusieurs pars en maintes flotes les ennemis/ les uns
+cryoient a haultes voix a la dame endormie qu’elle se deffendist/ &
+celle adont un petit remouvoit son chief et entre ouvroit un oeil/ et
+lors la folieuse femme s’efforçoit de lui rendormir Revenoit l’autre
+tourbe lui crier en l’oreille/ et celle toute estourdie sourdoit son
+chief/ & la folle de rechief par son chant l’endormoit: Revenoient les
+autres qui grans coups frapoient en son escu/ et celle se levoit toute
+droite pour courir apres/ mais la deshoneste la prenoit par le col et la
+rendormoit/ venoient les plus fors lui courir sus et la batoient/ adont
+celle se levoit comme enragiee/ et juroit par sa force qu’elle occiroit
+tout/ si leur lançoit a coup ce que tenir povoit et plusieurs en occioit
+et souvent chaçoit et souvent chacee estoit/ mais a son refrain revenoit
+a son giste qu’elle laissier ne povoit.
+
+
+
+
+Ci dit des vices qui queurent en general.
+
+
+Ainsi comme je regardoie ycestes choses me dist la dame la vois tu la
+vois tu l’ebaluffree deshonnesté qui ma gent me honnist/ ceulx de ma
+deffence endort plusieurs de mon palais dont auques est maistresse met a
+honte/ helas et ou temps du sain renom de ma felicité veoir ne trouver
+si osast mais ne cuides mie pourtant se cy la vois a requoy pour tenir
+en prison endormie/ La dame armee/ que tous jours si tiengne/ Car elle a
+filles ses semblables a grant quantité de diverses guises/ Si en laisse
+foison environ celle qui se dort et trassant s’en va par toutes mes
+citez et villes & en toutes places ou gent s’assemblent pour cerchier
+qui elle pourra tirer a sa honteuse cordelle et se tres grant contredit
+n’y treuve/ lieu n’est ou par sa presompcion ne se vueille embatre/ et
+mesmement es secretes chambres de mes femmes/ se tant sages ne sont que
+par grant vigueur lui sachent deffendre/ Or regarde seur doulce quel
+compaignie est dame d’onneur bien paree de tel damoiselle/ mais ancore
+vueil que tu voies comment de .ii. dames infernales que dieux confonde
+m’ont acompaignee/ avises environ ceste chartre voy l’office de la
+desloyale qui pour son inutile travail reçoit grant gages.
+
+¶ Adont hors de la chartre/ me monstre une orde vielle laide et terrible
+qui sans repos de tel office s’entremettoit/ environ la chartre nuit et
+jour traçoit plain giron de mousse que secourcie avoit/ la espioit par
+grant entente que la force de la resplendeur du miroir luisant qui ens
+estoit ne persast le mur/ et si tost que par aucun pertuis en veoit
+saillir goute tantost la mousse y fichoit & fort l’estoupoit si que
+point issir n’en laissoit.
+
+¶ Et je qui veant celle faulse solicitude ne me pos taire/ dis a ma
+maistrece/ dame pour dieu me dites comment s’appelle ceste ennemie de
+vertu/ car combien que des autres demander me soie teue pource que leurs
+offices les me font magnifestes & bien cognoistre de ceste non mie pour
+m’en accointier mais pour m’en garder vous requier que le sache/ Et
+celle a moy doulce amie puis que celle qui le cler miroir tient cognois/
+son contraire est celle qui estaindre la veult ne deusses ignorer/ mais
+bien me plaist que le saches/ Si te di que c’est dame fraude dame fraude
+que dieu confonde Adont hault m’escriay/ ha desloyal ennemie de verité
+qui cy t’a menee/ ne te vid pas en fourme d’orrible serpent a longue
+queue jadis Le tressage poete dant de flourence sus les palus d’enfer
+quant la le convoya virgille sicomme en son livre recite/ et tu es cy
+saillie/ mieulx t’advisist accompaigner proserpine avec thesiphone
+alecto et megera deesses de rage infernale qu’estre establie a ceste
+court. Adont me dist la dame/ or te tays encor verras/ lors hault ou
+palais me maine en une grant chambre toute plaine de coffres serrez en
+la quelle vi une dame vielle palle rechignee maigre et seche et de tres
+laide estature mais sur toute riens m’esmerveilla la façon de ses mains
+qui grandes estoient a desmesure et si fortes que ce que elle tenoit
+n’estoit nul qui le peust avoir/ n’esrachier/ fors a grant peine/ Les
+ongles avoit longues aguës & crochues comme celles de griffon/ mais ce
+trop m’espoventa que toutes ensanglantees les avoit ycelles ongles en
+façon de croches fichoit partout ou embatre les povoit fust en ordure ou
+char de gens ne lui chaloit ou puis tiroit a soy de partout sachoit
+argent Et que par experience le sache comme la entree je fusse onques la
+dame ou qui j’estoie si ne m’en sot garder que celles sanglantes ongles
+ne s’estendissent jusques a moy si que des plumes m’esracherent jusques
+au vif dont me dolu et tout cel avoir fichoit en coffres/ regarde amie
+quel office dit la dame Suis je bien accompaignee/ si saches que ceste
+est celle par qui gist malade en mauvais point au lit emprisonnee et
+groucier n’ose la tres droituriere fille de dieu que as veu la jus en
+celle chartre/ et ceste est mise oultre mon gré en son lieu en ma
+compaignie/ Et ainsi comme ouyr peus m’ont esté ravies mes bien amees
+dames de compaignie venues du ciel/ et en leur lieu mises cestes
+perverses prises es infernales contrees si jugez amie tout mon fait veu
+se joyeuse dois estre.
+
+¶ Encore y a il autre chose qui m’est grevable et moult m’anuye Car
+comme je doie amer sicomme je fois naturellement ma porteure et mes
+chiers nourris et loyaulx subgés/ Trop suis dolente d’une grieve maladie
+comme incurable se de dieu par grace ne vient la medicine qui est
+commune par toute matiere et par especial plus qu’es petis entre les
+plus grans/ la cause t’en diray et que ce est. Il est voir que un
+soubtil vent es montaignes plus que es valees cy environ court & pres de
+cy le quel est tant envenimez que toute personne qui ferus en est
+devient groz et enflez Or avient il que les plus poissans demeurent
+hault es grans dongions et eslevez domiciles si reçoivent a descouvert
+et a plain le soufflement du dit vent/ Et aussi comme ilz soient plus
+deliquatis que les plus communs hommes par leur vie qui plus est deliee/
+plus sont disposez a recevoir ycellui vent plus penetratif en eulx qu’en
+autres hommes/ & se de ceste chose te prens garde assez en verras
+d’infects de ceste diverse egritude/ et pou en sont reservez se par sage
+provision de y mettre ostacle ne les en garde/ ainsi en y a de sains par
+tel prudence/ mais c’est petit/ toutefoiz de moins et plus les uns que
+les autres selon ce qu’ilz seront ferus et disposez en y a de malades/
+Si est sicomme ceste pestilence qui pis vault que epidimie par toute ma
+terre que c’est pitié/ & mesmement les serviteurs n’en sont communement
+mie sains Ains comme mains de leur maistres ilz s’en gardent sont moult
+en y a plus enflez Tel proprieté a celle enfleure qu’elle change regart
+contenance et parole et la personne rent desdaigneuse et trop despite/
+et tant engrige souvent avient en maint en y a que a trop cruelle mort
+et sanz respit elle les conduit/ Si est tant comme ceste playe non
+mendre que celles d’egipte en mon royaume que grans moyens et petis
+jusques aux vermissiaulx de terre communement en sont frappez/ & tant
+que les contrees estranges le reprochent & rempreuvent a mes subgez.
+
+
+
+
+Du vent de perdicion qui cuert par la terre.
+
+
+De l’enfleure de ceste maladie qui ainsi court par my ma terre & de
+l’inconvenient ou elle tire et qu’il s’en ensuivra recite le prophete
+danyel ou .iiii.e chapitre l’avision que vid jadis l’orguilleux roy
+nabugodonosor. Il veoit ce dit un arbre qui tant estoit hault/ grant/ &
+eslevé que jusques au ciel attaignoit/ si branchu estoit que ses
+branches s’estendoient de tous lez du monde/ de la grant planté du fruit
+de cel arbre estoit remplie communement toute mondainne creature/ en ces
+branches faisoient leurs nids les oyseaulx de l’air/ et desoubz elles se
+reconçoient les bestes de terre Et puis veue/ ceste chose une haute voix
+du ciel cryant ouoit qui commandoit que au lez de terre l’en coppast
+ycellui arbre/ et que tout on l’ebranchast et s’en volassent les
+oyseaulx & les bestes se departissent/ et fust le fruit dispers et
+perdus.
+
+¶ Cestui dit arbre les enflez devant diz tres poissans qui sont logiez
+es haulx dongions de ma terre reçoivent le vent de perdicion/ signifie
+lesquieulx sont de si grant estat force et poissance que a pou cuident
+ataindre au ciel et tant les rent infects l’enfleure du dit vent que non
+pas seulement contre les creatures leurs courages sont gros qui remplis
+de desdaing les demonstre mais aussi contre dieu et son eglise ce que
+les branches s’estendoient par le monde c’est que yceulx enflez la force
+de leur poissance par toutes terres estendent pour la quel force par
+tout sont redoubtez & crains/ Les oysiaulx s’i nichoient et les bestes
+s’i ombroyent/ c’est que l’espirituel et le temporel veulent subjuguer
+gouverner et traire a eulx l’abondance du fruit de cel abre/ c’est
+ycelle detestable contagieuse maladie qui communnement est en toute
+gent.
+
+¶ Ceste prophecie signiffia la dicte enfermeté/ mais or entens la
+diffinicion de sa sentence et l’exposicion de la mort et fin d’icelle/
+la voix crya du ciel qu’au lez de terre fust l’abre coppez et estirpez/
+c’est que par voulenté de dieu la force et poissance d’yceulz enflez
+finera & sera retranchee les degitant de leurs haultesces les branches
+qui seront esmondees et les oysiaulx et bestes qui se partiront/ C’est
+que leur force faillie leurs subgiés et ceulx qui pour les cruaultez des
+desdaings de leurs enfleures les craignent et doubtent/ les lairont en
+leur persecucion/ le fruit qui sera dispars c’est leur semblables menus
+membres pareillement enflés qui seront humiliez/ Et adonc sera certiffié
+la prophecie de la vierge qui dit/ _Deposuit potentes de sede et
+exaltavit humiles_.
+
+
+
+
+De la punicion des vices.
+
+
+Escoute aussi de rechief la belle louange des .iii. damoiselles
+diffamees qui en lieu de mes .iii. tres amees emprisonnees que tu as
+veues la en bas/ m’ot esté pour m’acompaigner baillees/ & avisez se
+resjouir me doy de compaignie de si honteuse fame/ et toutevoyes nottes
+a quelle fin terminoit.
+
+¶ De celle premierement que tu vois qui en son giron tenoit la dame
+armee & qui tant mes subgés et les miens corrompt & sustrait/ Entens
+l’avision comment en esperit de prophecie la vid le prophete zacarye
+comme il recite en son livre ou cinquiesme chapitre.
+
+¶ Une femme dist il veoye ou milieu assise d’une bure remplie d’eaue/ &
+tenoit celle une grosse masse de plomb qu’en sa gueule boutoit/ et puis
+.ii. autres femmes je veoye qui avoient elles semblables a elles
+descouffle. ycelles prinrent la dicte bure ou la femme assise estoit &
+entre le ciel et la terre la portoient/ adont dist il a l’ange demanday
+qui celle vision me monstroit ou ses femmes la bure atout la femme
+assise en l’eaue portoient/ & cil me respondi. Ut edificetur sibi domus
+in terra sennaar/ il la portent dist il pour lui ediffier la une maison
+en la terre de sennaar/ par ceste prophecie est entendue la deshonnesté
+dessus dicte et toute personne que elle a tiree a sa cordelle/ la quelle
+en toutes plaisances et delis charneulz est de eslargir espandre et
+laissier couler determinee/ tout ainsi comme les eaues sont fluentes et
+decourans/ la masse de plomb la quelle est metal pesant et grief que
+elle en sa gueule lançoit est entendu la griefté de l’offence de dieu &
+la honte vituperable qui tant est ponderant et grieve que fait commettre
+la deshonnesté a ceulx et celles qu’elle enveloppe en ses laceures. Les
+.ii. femmes qui esles avoient et portoient la dicte femme assise sont
+.ii. mauvaises habondances qui portent et soustiennent en voulenté
+d’eulx espandre en toutes plaisances et charneulx delis/ celle et les
+siens. La premiere femme est a entendre de delices habondance/ si a .ii.
+esles comme oysel qui la portent/ c’est assavoir gloutonnie qui fors
+menger et boire viandes glouttes ne queroit/ L’autre aelle est parece
+qui ne veult que jouer & avoir repos/ La seconde femme est de richeces
+grant abondance/ si a .ii. autres esles c’est assavoir rapine qui ne
+veult fors tolir l’autruy/ L’autre aelle est cruaulté qui ne scet avoir
+de nul compassion/ cestes aelles estoient a celles descouffle
+semblables/ car ainsi que cil oysel ne vit que de proye rappineuse/
+ainsi a tele mauvaise abondance de richeces communement vient on par
+extorcions et rapines/ Or est descripte ceste perverse deshonnesté selon
+la prophecie zacharie/ mais la fin quelle en sera qu’en feront celles
+qui flotant es eaues la portent ilz la porteront en la terre de sennaar
+pour la lui ediffier sa maison/ sennaar vault autant a dire comme fetor
+c’est punaisie qui est la honte & confusion ou ycelles l’amenront/ et en
+la fin lui ediffieront sa maison en l’abitacion d’enfer ou a punaisie et
+perpetuele orreur.
+
+
+
+
+Encore de ce mesmes & complainte de la dame.
+
+
+O chiere amie et de la desloyale de dieu haye la parfaicte ennemie du
+faulx office la quelle bouche et estoupe la lumiere de verité sicomme
+autour de la chartre tu as veu/ Et que dirons nous car de son malefice
+helas je me dueil/ ne vois tu comment or y prens garde de s’alaine
+corrupte tout est noirci/ Je enrage d’ire quant je lui voy giter les loz
+de mes partages non pas par sort/ mais par malice assise a traire
+finances de diverses buches pour fournir le feu qui ne peut estanchier
+en mes palais la plus hault assise establir ses ordres plains de
+desraison et nul grosser n’en ose/ quant je voy la hideuse voillee de
+malice paistre les mauvais et ceulx de sa sorte et destruire les simples
+& qu’en puis je dire fors cryer a dieu car les souverains de mes
+ordonnances sont ses aliez. O dieux quel playe a moy adoulee avec mes
+autres griefs. Je suis comme la vesve de bon per delaissiee a qui chacun
+cuert sure et nul n’en a pitié/ et que sont devenus les champions de
+droit ne s’en sont ilz fuis/ & s’aucun en y a la faulce desloyale ne
+leur laisse sortir leur droiturier effait/ voyez voyez tous mes loyaulx
+amis comment suis gouvernee par ce que j’ay perdu la joye de mon chief/
+Et ce fait ceste faulse qui n’y regarde droit pour ce que demouree comme
+brebis sanz pastre suis sans joye d’ami Bien doy estre perplesse quant
+je voy ma lignee d’icelle avironnee qui leur donne conseil de ses
+desloyaulx voyes/ est il chose plus laide que ce qu’elle maintient
+comment si fol est homme qu’il n’avise sa fin. O avuglee guespe ta
+pointure perverse mainte gent persecute/ Tu es soubtille en oeuvre
+malice te gouverne & barat tient le glaive de ceulx de ta justice/ Or
+n’est il homme si sage qui en tous cas t’avise car tu te transfigures en
+trop estranges fourmes si vas traçant par ville par palais & par sales &
+par toutes mes places riens sanz toy ne demeure/ & chacun envenimes de
+ta pouldre couverte. O dieux jusques a quant durera ceste guerre/ mais
+je me reconforte sire par la figure qui m’en est prophecie de xanson le
+tres fort.
+
+¶ Ainsi souspirant par semblant de grant douleur dist ceste complainte
+la tres honoree princesse/ & quant ces choses ot dites comme femme
+lassee et de dueil surmontee couverte de larmes si que parler plus ne
+pot se taisoit quoye et moy qui ses maintiens regardoie comme compaigne
+de son plour par pitié de sa reverence/ et qui de bon cueur y remediasse
+s’a moy en fust lui dis ainsi.
+
+
+
+
+De ce mesmes.
+
+
+Ha dame tres redoubtee et digne comme il appartiengne a la haulteur de
+vostre force monstrer la tendreur des femenins courages/ laissez en paix
+les larmes non propices a vostre constance et plus avant me dites de ce
+que touché avez/ c’est assavoir la figure ramenteue de sanxon le fort/
+la quelle s’il vous plait m’exposez/ Et elle a moy amie comme le temps
+de la destruccion de la faulse fallacieuse et de ses desloyaulx enfans/
+je desire me resjouiray en celle attente le te disant/ il est escript ou
+.xv.e chapitre ou livre des juges d’israel comme prophecie et figure du
+desertement de mon ennemie et de ses complices qui comme psanxon le quel
+est interprete comme _sol fortis_/ c’est a dire le souleil fort eust
+lonc temps par les malices des philiciens ou ceste faulse regnoit/ esté
+parcecutez vint le temps que dieu lui ouvri la voie du reparement de ses
+adversitez par droituriere vengence/ adont prist cellui psanxon
+plusieurs goupilz ou renars et ensemble les accoupla par les queues les
+uns aux autres les lya/ Et comme il fust ja la nuit venue ou premier
+somme gita ses renars es maisons plaines de fains de ses ennemis partie
+d’iceulx renars et les autres chaça es blez des champs et en leurs bois
+et en leurs vignes/ et par celle voye sicomme dieu volt furent les filz
+de la desloyalle et elle avec eulx/ En celle partie mors destruis et ars
+en leurs pechiez. O amie chiere nottez la prophecie du temps de ma
+gloire.
+
+¶ Quant ceste desloyale assez m’ara chastiee Si que dieu vouldra sa
+pugnicion cesser/ & les crys de mes plains seront par pitié devant dieu
+portez Sicomme jadis furent ceulx des enfans d’israel lors que olofernes
+a tout sa grant force assegiez les avoit/ Adont psanxon c’est le souleil
+fort s’avisera de grant malice contre ses ennemis cessera un de mes filz
+cler comme le souleil fort Car le souleil de justice en lui abitera/
+cellui destruira ses ennemis par estrange malice/ c’est assavoir les
+enfans de la fraudulente ennemis de sa vertu qui ma terre et moy par
+lonc temps ont persecutee/ si prendra renars & queue a queue les
+acouplera et entre eulx mettra brandons de feu/ puis les getera par nuit
+sus les desloyaulx & en leurs gaignages & tout bruslera et mourront en
+leurs iniquitez/ les renars sont les soubtilz avis de son meismes sens
+que il prendra que il queue a queue accoupplera/ Ce sont plusieurs poins
+par quoy il les prendra en leur malice/ il mettra brandons de feu entre
+.ii. c’est la punicion de leur meffais & que par droituriere justice il
+leur baillera/ il les gettera sur eulx quant nuit sera venue et ou
+premier somme c’est quant le terme de leur punicion sera venu/ & qu’ilz
+seront endormis en leur perseverence il getera partie des renars en
+leurs blez et gaignages C’est que l’avoir mal acquis qu’ilz ont par le
+sens d’icellui sera distribuez es mains des droiz heritiers.
+
+
+
+
+Encore du vitupere des vices en general.
+
+
+Mais de celle aux ordes ongles et qui tant courbes les a ou quel faulx
+gouvernement tu vois les mouchettes de mes ruches qui pervertist le miel
+de leur cire en sauvage amertume que t’en diray je n’as tu sentu
+l’experience de son office/ deust se dieux t’ayst tel monstre estre
+trouvé en ma maison pour mes enfans m’empoisonner & pervertir et si
+villainement sustraire et par faulce amonicion de ses flateries les
+rendre deshonorez par sa fame villaine qui rent ses acointes en ciel et
+en terre tous diffamez/ Est il riens plus blamé que l’estre ou elle
+abite tant soit le lieu sacré d’autre vertu/ helas ne deust pas estre cy
+assise Car qui qu’elle accompaigne ne lui affiert mie s’embatre en mes
+proprietez. Ha beste orrible et venimeuse comment as tu fait si mortel
+sault comme du puis de enfer ou est ta naturel demeure jusques es
+courages de mes enfans en qui habiter ne souloies/ ou sont alez mes
+anciennes vertueuses portieres pitié et charité quant empeschee n’ont ta
+hardiece/ Or me pasme le cuer de yre voyant ta cruauté qui ne donne lieu
+a nulle vertu/ mais sanz misericorde esrache les fruis ains qu’ilz
+soient meurs de leur tige/ ce fait ta felonnie assise es combles de ma
+maison/ Et sicomme dit le proverbe maisgnee duite selon seigneur les
+menistres d’iniquité suivent la trace de leurs chiefs par tes fallaces/
+et de toy perverse qui tiens les clefs a force de mes escrins les
+oeuvres et serres a ton vouloir a leur grant vitupere et prejudice en
+font leur parement O moleste du monde/ tu sancsue infernale qui te
+pourra assez vituperer/ n’es tu pas celle donques qui livres matiere aux
+tourmens d’enfer et qui de cryer ne cesses affer affer/ fournase
+insaciable et inestainsible qui te pourra assouvir n’a ja ton ardant feu
+pire que gregois espris mes plus cheres choses Et ja te voy si effrontee
+et magnifestement publique que nulle vergongne ne te tapist/ ne ceulx ne
+se hontoient tant sont endurcis que tu compaignes.
+
+¶ Ha bien prophetisa le temps que je voy et le lieu ou tu es en ces
+proverbes salomon .xxx.e Chapitre ou il dit ainsi.
+
+¶ _Generacio que pro dentibus gladios habet ut comedat inopes de terra
+et pauperes ex hominibus_ Ha la generacion perverse qui en lieu de dens
+usent de glaive non mie pour mordre mais pour tout trancher ce veons
+magnifestement de la desloyale a qui ne souffit mie mordre se tout ne
+tranche.
+
+
+
+
+Piteuses paroles de la dame couronnee & recors de la sainte escripture.
+
+
+O doulce amie et ma chiere nourrie/ et quant je sçay que dieux est juste
+ne dois je penser que a tous jours pas ne dissimulera la paye de sa
+droiture/ ne fait il grace quant la convercion qui trop retarde attent
+sa misericorde mais sicomme naturellement la mere amoureuse de sa
+porteure non obstant vices qu’elle y voye ne met en oubli l’amour
+maternelle redoubte par desserte veoir la ruyne de ses filz/ ainsi
+souspirant et lacrimeuse crainte et paour en freour me tient de
+soubdaine vengence. Helas n’ay je cause de penser la figure de ma ruyne
+en ce qu’il est escript ou .xv.e chapitre du livre des roys/ que comme
+dieu de loy divine repreuve ceste dicte vicieuse gueppe/ sicomme son
+contraire pour ycelle et a sa cause debouta saül roy que elle avoit
+aluché/ lors que il l’ot envoyé en bataille contre le roy de amalech si
+lui avoit deffendu que homme ne prensist a rençon mais tout meist a
+l’espee comme orribles pecheurs et de dieu reprouvez ne vouloit plus sa
+vie/ ne des despoulles retenist aucune chose/ mais comme saül mieulx
+amast obeyr a ceste desloyale sancsue qui lui commandoit le contraire
+que au commendement de dieu n’en fist riens Ains se volt engraissier des
+faulces pastures de dieu vees/ et espargna le dit reprouvé roy/ pour la
+quelle chose dieu appella samuel le prophete disant Je me repens d’avoir
+ordené sus mon peuple Saül roy Dont comme le dit prophete reprensist
+Saül d’ycelle forfaicture/ se volt excuser disant que les despoulles que
+faites avoit/ c’estoit en entencion de a dieu les sacriffier/ de la quel
+chose respondi le prophete/ mieulx vault obedience que sacrefice/ et
+pour tant que par croire l’amonicion de la rapineuse as desobei/ Tu
+seras debouté de ton royaume et adont le prophete le depposa et en oygny
+david a roy/ Ha chiere amie et dois je penser que dieu dorme ne voy je
+le temps que contre ses commandemens sont espargnees ses justices sur
+les mauvais de droit divin condampnez a punicion/ mais qu’ilz ayent
+pasture pour ficher en la quelle de la faulse adont tout est accoisie/
+Mais voir est qu’ilz s’escusent d’aucune faulse couleur de bonté faisant
+leur malefice/ vois tu tout commandement de loy mis arriere pour elle
+paistre et nourrir sans nulle espargne/ Que diray je donques se je n’ay
+paour que dieu soit muable qui ne peut estre/ & s’il ne l’est pour quoy
+ne me touche ceste figure par semblable cas n’en voye les aprestes/ Car
+bien est fol cil qui mal fait & bien espoire/ ne sont les estranges
+aussi aptes a recevoir nouvelles proyes comme ilz souloient/ Et tout
+ainsi comme cellui qui se sent coulpable ne vid sans la runge de
+conscience/ le rent paoureux la paour de punicion ne de lui ne depart.
+
+¶ Ancore a ce propos des malefices de ceste dampnee ne parla donques a
+moy jhesucrist en la parabole de la vigne sicomme il dist en l’euvangile
+des faulx coultiveurs lesquieulx comme ilz fussent de la maisgnie de
+ceste doulereuse par envie d’avoir l’eritage n’occirent il les loyaulx
+messages justement demandeurs des exfruis & comme ceste felonnie
+engrigiast semblablement/ ne espargnerent leurs glaives le droit
+heritier/ mais comme la sentence divine les despoulliast pour yceulx
+crimes de toute possession/ et en revetist estranges cultiveurs les
+miens cheus en la meismes fosse ne dois je doubter la meismes sentence/
+Car comme le souverain maistre establi les eust coultiveurs de ma vigne
+pour bon compte en avoir/ n’ont ilz occis les messages demandeurs des
+exfruis/ c’est assavoir les causes de mon exaltacion/ et qui plus est/
+le droit heritier c’est le loz de grace qui tous jours jusques a ore m’a
+possedee/ mais tout ainsi que la femme ançainte la quelle non obstant le
+desir de veoir le fruit de son ventre hors de soy a sauveté resongne la
+douleur du temps de l’enfantement/ pareillement non obstant la joye de
+l’esperance du bon reppareur avenir/ que dieu m’a promis/ je resongne le
+mal par ou couvient que je passe ains que je y aviengne.
+
+
+
+
+Encore de sa complainte.
+
+
+Helas ancore de la paour que j’ay de ma ruyne n’ay je cause considerant
+les dessertes de mes subgez/ car peut estre que ains la reparacion
+attendue/ moult couvendra perir des miens Comme il soit vray que de
+choses a avenir le temps mucié soit soubs le secret de dieu Sicomme la
+promesse qu’il fist a abraham de ses lignees multiplier & croistre sus
+la terre comme souvrains/ Et chose est certaine la parole de dieu estre
+vraye/ Et toutevoye par les dessertes d’iceulx enfans et peuple d’ysrael
+punicion a tres lonc temps leur a esté par mainte foiz de dieu envoyee/
+comme il appert par la bible qui de ce fait mencion/ et puis quant dieu
+bien les avoit punis les rappelloit a soy Et ancore au jour d’uy les
+veons dispers et fuitis pour leur dessertes/ leur repparacion selon ce
+que l’en tient par la dicte promesse sera quant lumiere de vraye foy
+leur sera donnee Ceste figure me fait doubter grans perplexitez avenir/
+ains le reparement de ma ruine/ Sicomme nous veons communement ou temps
+d’orage grans escroiz de tonnoirres fouldres et tempestes cheoir
+dommagiablement ainçois que le temps se resclaire/ Et se sur ce croire
+n’en voulons des anciens les prophecies sicomme merlin les sibilles
+joachin et mains autres qui nous dient tout plainement les advenemens de
+noz adversitez et trebuchemens/ et se veoir les veulz en maint lieux les
+trouveras plainement et a la lettre lesquieulx dis je laisse pour ce que
+aucuns dire pourroient que comme ilz soient apocriffes ne doivent estre
+recitez a cause de certaine preuve/ les textes des saintes escriptures
+que nyer ne povons et ou n’a mençonge nous doivent a tout le moins estre
+fondement de paour & petite asseurence/ et aussi les veritez des vrayes
+histoires approuvees.
+
+¶ Qui me gardera donques de trembler quant je cognois que la justice de
+dieu riens ne passe sans punicion et je voy les occasions d’inconvenient
+courir toutes communes c’est assavoir par especial les filles de
+perdicion dessus descriptes et que tu as veues et le vent penetrant qui
+donne l’enfleure maloite qui bestourne le sens d’omme raisonnable en
+beste mue.
+
+
+
+
+Des punicions des vices.
+
+
+Que j’aye paour de la punicion qui tant rent enfermés mes plus prochains
+par les exemples que de l’ire de dieu je treuve encore pour trop mendre
+cas que ceulx que courir voy commis par mes pourprises Sicomme il est
+escript ou second livre des roys ou derrenier chapitre/ que comme le roy
+david une foiz ferus du vent dessus dit eslevast son cuer en l’enfleure
+de ambicion de savoir quel puissance il avoit et de combien de gens
+d’armes finer pourroit/ & pource savoir fit son peuple nombrer pour la
+cause de ceste elevacion seulement dieu fu contre lui tant courroucié
+qu’il lui manda par le prophete gad/ que il choisist de .iii. punicions
+l’une ou .vii. ans par tout son royaume aroit famine/ ou .iii. mois il
+seroit en fuite pour paour de ses ennemis ou .iii. jours pestilence de
+mortalité aroit en son peuple/ Dont apres qu’il ot choisi la tierce
+punission/ une tele mortalité sourdy qu’en son royaume mourut .lx. & .x.
+Mille hommes. O doulce amie/ or regardes comme grant punicion pour chose
+qui au regart de noz grans enfleures sembleroit bien petite boce.
+
+¶ De ceste enfleure ancore et de la punicion de dieu envoyee comme il ne
+la puist au lonc aler souffrir/ Est escript ou .iiii.e chapitre de
+danyel que comme nabugodonosor une foiz alast et venist par mi sa sale &
+son grant palais de babiloyne/ se gloriffiant et disent ne n’est ce pas
+cy babiloine la grant/ la quelle pour ma maison royal j’ay ediffiee et
+la poissance de ma force et la gloire de ma beauté. Adont disant ces
+paroles vint une voix du ciel/ qui lui dist nabugodonosor escoute/ ton
+royaume de toy est trespassé et bouté hors seras de la compaignie des
+hommes & avec les sauvages bestes sera ta demeure/ & feing avec les
+beufs tu mengeras ne fu pas mençongiere la promesse/ car gaires apres ne
+tarda que executee ne fust en sa personne qui deboutez fu de la
+compaignie humaine et ramené en fourme de beste paissant aux champs a la
+pluye et au vent.
+
+¶ A quoy querons nous autres prophecies/ ne nous sont cestes
+souffisantes/ ne savons nous que dieu est inmuable comme dit ay/ et que
+tel est ores comme lors estoit/ ne sont les escriptures toutes plaines
+des veritez de ses punicions/ et de tant comme plus il les retarde de
+tant plus grant paour avoir devons/ Tout ainsi comme de l’archer de tant
+comme plus il retarde a frapper tandis que fort il tire la corde/ de
+tant fiert il plus grant coup quant il assene/ que t’en diroie plus/
+d’exemples infinis en sont qui nel croira si lise/ assez souffise ceste
+narracion sus la dicte enfleure de mal affaire.
+
+
+
+
+Encore de ce mesmes.
+
+
+Encore de la deshonnesté qui ma gent de deffence et mes autres officiers
+et meismement mes plus affins et prochains tient avec les autres
+passions dessus dictes/ en ses liens comme cy dessus est dit. helas qui
+n’aroit que un vice seroit a peu eureux/ mais mal pour cellui qui de
+tous ou de plusieurs est avironnez et remplis/ ne me puis taire de
+l’exploit de la grant condampnacion de dieu donnee contre son vice/ &
+des maulx qui en viennent & au jour d’uy et tres les premiers temps
+comme plusieurs royaumes destruis en ayent esté/ et pour ce doubter doy
+quant je voy le cas pareil/ ce meismes flaiel/ exemple/ Dyna fille de
+jacob fu ravie du filz du roy de Sichem et ce fu la cause de la
+destrucion du dit royaume/ Amon se faigny malade pour avoir thamar sa
+seur/ pour la quelle cause il fu de son frere absalon occis/ le
+ravissement de heleyne par paris en grece fu cause de la destruccion de
+troye. un roy de france comme racontent les croniques en fu chaciez et
+exillez/ la force de tarquin l’orgueilleus faite a lucrece la chaste
+dame de romme qui pour celle cause s’occist/ fu cause du desheritement
+du roy tarquin et de son filz/ Et pour ce fait jurerent les rommains que
+jamais a romme n’aroit roy. hanibal roy de cartage tant qu’il fu sans
+l’acointance de la deshonnesté/ il fu vainqueur et victorieux es
+batailles rommaines & en toutes pars/ Et fu son nom eslevé en proece/
+mais si tost qu’aprist le repos & en delices s’enveloppa/ es quelles
+prist l’acointance de ceste mauvaise chut en la vallee de male fortune
+ne puis bien ne lui vint.
+
+¶ Plus te diray et nottes que quiconques soit l’omme qui es dissolucions
+communes s’enveloppe/ de ceste deshonnesté/ merveilles est se jamais
+puis il a pris d’armes/ et se fortune en tous ses fais ne lui est
+contraire/ puis que son cuer flote es eaues de ses dissolucions/ et se
+n’estoit qu’il ne loit de nul diffamer publiquement de ce te donroye
+exemple vray d’aucuns vivans au jour d’uy au monde sanz honneur/ loyez
+de tieulx liens/ ancor te dis que pays terre ou regne dont des
+chevetains est maistrece ne fructifie en honneur ne bonne renommee/ Et a
+quoy plus alegueroye de ceste exemple la magnifeste experience le nous
+declare/ mais de son trebuchement quoy qu’en aye dit devant/ ne couvient
+autre prophecie/ ne mais les effais de la divine justice qui pour cause
+de celle ebaluffree sanz frain de honte dont les humains estoient
+remplis/ Dieu dit et sentencia que homme plus au monde ne seroit vivant
+sus terre/ Et pour ce le deluge envoya jadis qui n’espargna creature
+vivant fors noué & sa meisgnie que dieu ot preservez. Si pense & nottes
+comment asseure je doy dormir.
+
+
+
+
+Encore de ce.
+
+
+Ancore de celle qui les voyes estouppe que verité ne saille/ C’est
+fraude la perverse/ Sicomme dit valere le grant ou .ix.e livre que sa
+tricherie barateuse est un mal mucié et espieus de qui les forces tres
+efficans sont mentir et decevoir comme elle s’esjouisse en mençonges &
+fallaces qui sont les faulx outilz de son soubtil art Et de ce parle
+ysidore en ses synonimes qui dit que fraude ou barat est monstrer une
+chose en semblant et faire autre en oeuvre/ Et cellui qui en lui l’a est
+tricheur/ et par elle veult simuler et faindre l’issue de vertu/ de
+ceste mauvaise vient desloyauté et foy mentie/ or prens garde se ma
+terre et toutes mes cours sont semees de si fais hebarges/ ja moult
+enracinez en de trop haulx lieux helas comment ne desplairoit a dieu
+juste le vice de foy mentie de mençonge et de desloyauté entre les
+freres parens et amis Et entre prochains sicomme il commande que ilz
+aiment l’un l’autre quant meismement aux ennemis veult que foy soit
+tenue/ et que il se courrouce du contraire le nous monstre assez par
+l’exemple qui signefie des faulx jurans la grant punicion/ c’est
+assavoir par ce qui est escript ou derrenier chapitre ou livre des roys
+de zedechias roy de jherusalem qui brisa a nabugonodosor roy de
+babiloine la foy promise que lui avoit/ pour la quelle chose le dit
+nabugodonosor vint assegier jherusalem et dieu en sa main lui livra le
+dit zedechias roy/ Si lui dit quant il le tint. Dieu qui het toute
+infidelité de foy brisee & de mençonge te veult punir par ma main/ et
+adont devant lui occire fist ses enfans/ & a lui crever les .ii. yeulx/
+et lié de chayennes le fist prisonnier mener en babiloine/ Or regarde
+que doivent les miens attendre des infidelitez que chacun jour s’entre
+font tant innormes que l’un en l’autre ne se peut fier/ ne loyauté a
+peine en part qui soit du grant jusques au mendre peut estre trouvee/
+qui vit onques mais l’art de sofistiquacion si commune/ Car de ce semble
+que chacun soit maistre et jusques aux entrailles des courages c’est
+embatue celle art d’enfer et dyabolique/ si qu’il n’est a peine parole
+dicte semblant fait ne chose ouvré qui ne soit sofistiqué en tele
+maniere que elle a apparence de estre milleure qu’en effait de bonté
+elle n’est trouvee. Si suis pour ces choses comme celle qui le baston a
+sus le chief et le coup atent.
+
+
+
+
+Encore de ce.
+
+
+Et tout ainsi comme les vertus deppendent les unes des autres & s’entre
+accompaignent & attrayent Semblablement ces filles de perdicion
+trebuchent de l’une en l’autre/ et se entre sachent et apparient/ Et
+qu’il soit vray pour quoy est doncques fraude trouvee ne mais pour
+remplir les coffres de la rappineuse C’est l’administraresse de ses
+pourveances et de son amas/ C’est celle qui treuve les voyes de attraire
+ces finances et faire ses contras/ hahay se perdue l’avoit comment
+esgaree seroit/ Onques ne fu si propice boyasse ne qui si bien pensast
+de sa maistresse. Dieux quel compaignie et quel couple avarice et
+fraude/ mais de leurs ordes mains _libera nos domine_. Dieux ne commença
+ceste orde caigne aux ongles crochees/ tres que sus la terre n’avoit que
+.iii. hommes Lors que kaÿm offroit a dieu des pires fruis de sa terre et
+des pires bestes de son parc/ Et comme dieux qui scet les courages
+n’eust agreable son sacrefice le reprouva ycellui chut ou second
+inconvenient/ c’est assavoir de envie et puis ou tiers par l’omicide que
+il fist de son frere abel Qui pourroit raconter les maulx qui par ceste
+sont avenus/ et ancore ne cessent/ pour quoy te diroye des empires
+royaumes/ citez et peuples qui destruis en ont esté les temps passez/
+Autre exemple ne couvient fors du temps present n’est elle celle qui en
+l’eglise de dieu met la division et le Sisme/ certes c’elle n’estoit ne
+couvendroit pas .ii. papes/ ains a peines un le vouldroit estre/ n’est
+elle principale ou debat de mon royaume/ Se trouvee n’y estoit la charge
+du gouvernement ne seroit tant chalengee/ dirons nous que elle fust plus
+grande jadis ou roy de babiloine/ pour tant se une seule foiz il desroba
+le temple de dieu. helas avisons quantes extorcions on fait en plus ses
+amees choses que son temple/ C’est assavoir a ses povres membres qui
+sont les souffreteux de quoy il est escript que licite seroit vendre les
+calices & les joyaulx livres et aournemens de autelz pour secourir a
+besoing a la neccessité de yceulx Et ilz sont de toutes pars persecutez/
+et de tieulx joyaulx qu’ilz ont/ c’est leur sustentacion desrobez/ Et
+dieux scet en quieulx usages sont employez/ Mais le cas de cestui dit
+roy pour quoy ne nous peut estre figure et prophecie du pareil
+inconvenient par divine punicion/ Car sicomme ou livre de danyel ou .v.e
+Chapitre est escript que une foiz baltasar faisoit un grant disner/ et
+seoit a table avec les nobles de son royaume/ commanda que fussent
+apportez les vaisseaulx d’or et d’argent que son pere avoit pris ou
+temple de jherusalem/ esquieulx vaisseaulx on souloit faire le service
+de dieu/ Et cellui corrompu par pompe buvoit dedens presomptueusement/
+et y faisoit boire ses cucubines qui de tieulx rappines faisoient leurs
+paremens/ et les choses de dieu mettoient en vilz usages/ Mais dieu
+contre qui nulle force n’a poissance/ et quoy que il attende bien se
+scet venger ot amené l’eure de la punicion de ycelluy mal faiteur/ Et
+par cest exemple povons notter la ruyne des plus eslevez souventes foiz
+quant plus cuident estre asseurez/ Car sicomme cellui Balthazar Roy de
+Babiloine estoit plus en sa joye/ il leva les yeulx Et en la paroit de
+sa sale vit une main qui escripsoit tieulx .iii. moz/ mané/ thetel/
+phares/ Le premier mot mané/ C’est a dire nombre/ et est a entendre que
+dieu avoit nombré les jours de sa vie/ Et que venue en estoit la fin. Le
+Second mot thetel est a dire pois/ qui vouloit dire que dieu avoit pesé
+ses biens et ses maulx/ et legier avoit esté trouvé en biens/ et pesant
+en maulx. Le tiers mot phares vouloit entendre division/ C’estoit a dire
+que dieu avoit devisé son royaume et sepparé de lui/ Et ainsi avint car
+celle meismes nuit/ daire le roy de mede/ et Cirus roy de perse
+prindrent la cité de babiloine/ et fu occis balthazar et son royaume
+transporté es mains des mediens et des persens.
+
+
+
+
+Encore de ce.
+
+
+Tant que c’est sanz nombre doulce chiere amie/ te pourroye dire de
+tieulx exemples de diverses punicions pour divers pechez helas et les
+miens ne s’i prennent garde/ ne dit le proverbe rural et commun que bien
+se bat qui par autruy se chastie/ & que qui autrui maison voit bruler/
+de la sienne paour doit avoir/ Il n’est si beau chasti que cil qui de
+soy meismes & sanz contrainte vient/ plus leur fust honorable laisser
+les vices de pure voulenté que ce que a force on leur feist delaissier/
+n’est il escript que dieux a plus grant joye du pecheur retourné a lui
+que du juste qui onques ne failli/ C’est chose humaine de pechier/ mais
+infernalle est la perseverence. Ha doulce chose est que de suivre la
+voye de vertu a qui si veult duire/ n’est il dit que l’omme vertueux a
+ja un pié ou ciel/ Et a quoy se eslieve homme qui est terre & cendre/ ne
+scet il que sa vie est brieve ne se gloriffie es richeces mondaines/
+lesquelles ne sont ne vrayes ne siennes/ Et que vault avoir seignourie
+au monde grans tresors terres possessions et poissances sur les autres/
+un pou de temps pour an si user que on s’en enqueure dampnacion
+perpetuele/ qui est cellui si ignorent qui n’ait le ver de conscience.
+vueille ou ne vueille quant il se sent pecheur ne possede il et y a un
+des tourmens d’enfer qui ne le laisse durer/ mais quelle est plus grant
+seureté que nette conscience/ C’est joye celestielle/ Hahay mais pour
+quoy ne a qui dis je ces paroles quant je sçay que n’en serai pas creue
+Car ne pourront entrer es courages ja adurcis Sicomme on dit le fol ne
+croit jusque il prent mais habondance de voulenté le me fait dire comme
+tendre mere a ses enfans/ mais ce me desconforte que ja me semble en y a
+d’entrez en obstinacion qui trop est chose perverse. Helas/ j’ay grant
+paour que semblable je soie a Cassandra la sage fille du roy priant qui
+veant la ruyne appareillee sus les troyens les amonnestoit d’appaisier
+leurs courages contre grigois ains que pis leur venist/ mais en vain se
+debati car n’en fu pas creue/ Si leur en ensuivi tout ce que pronostiqué
+leur avoit/ Dont a tart de ne la croire se repentirent/ ainsi de eulx
+amender et mettre a paix devers leur dieu de qui ja voy la guerre. Bien
+vouldroye que a mes paroles si adjoustassent foy/ ains que pis leur
+venist/ ilz me creussent ne que du tout ja son yre fust sur eulx
+espandue/ par plus grieve vengence. O sage roy de ninive bien conseillez
+qui creus le prophete jonas/ quant dieu par lui te manda/ que pour les
+pechiés de toy et de ta cité tu avoies encouru sentence de destruccion
+dedens quarante jours Mais lors te repentant batant ta coulpe/ en jeunes
+plours et afflictions toy et tous tes subgés jusques aux bestes mues par
+.iii. jours cryant a dieu mercis vestus de sacs/ cendres sur les testes/
+tant te humilias que Dieu ot pitié de ta contriction si/ que ton
+humilité espargna sa vengence par bon appaisement.
+
+¶ N’ont doncques les miens assez de exemples d’eulx repentir ne scevent
+ilz que de mal couvient que mal viengne Car non obstant que le sens
+litteral de l’euvangile dye que neccessité est que esclande viengne/ ne
+dist il apres que pour tant mal cellui par qui esclande vient/ veulent
+ilz resembler le larron qui ne croit quelque exemple que il voye que
+l’en destruise les mal faiteurs jusques a tant que il ait la corde au
+col/ Helas/ mais c’est trop tart/ Car trop est meilleur a l’omme se
+garder du mauvais pas que ce que a peine ou jamais s’en tirast hors se
+il y estoit entrez.
+
+
+
+
+La fin de la complainte de la dame couronnee.
+
+
+Belle doulce amie que te diroye ne t’ay je assez tenue es narracions et
+procés de mes aventures le bien et le mal je t’en ay regehy en general &
+en particulier puis la naiscence de mon nom jusques au jour d’uy/ Et ce
+plus m’a eslargie a te signiffier l’estat de mes anuys que piteuse de
+mes afflictions je t’ay trouvee/ Si est temps des crimes/ que je me
+seuffre/ de plus te dire/ que trop ne soie longue. O quel plaisir et
+quel alegement est de dire et descouvrir a son loyal ami ou amie les
+pesanteurs de ses pensees Car la viande presentee au famillieux n’est
+plus savoureuse/ Si ne dis plus ce que autre foiz as dit quelle que je
+appere que glorieuse soye/ Car je t’acertaine se dieu de sa grace n’y
+remedye que passé a lonc temps ne fus plus perplesse helas mais comment
+remede du ciel espereroye quant aux miens si mal je le voy desservir Et
+ancore plus me grieve sans faille le peril de pis ou je me voy que le
+mal que je seuffre Tout soye bien batue Tout ainsi que cellui qui devant
+lui voit cil qui l’a navré/ a paour que il le partue Si te mercy ma bien
+amee en fin de mes paroles de ta loyal amour et compaignie La quelle te
+pry que ne me faille jusques a la fin.
+
+¶ Non obstant que d’alieurs tu soies requise/ et que de moy et des miens
+tu ayes petis emolumens/ mais ton bon courage ne vueille delaissier la
+nourriture de son enfance/ Si demeures constante avec moy ou gracieux
+labour de tes dictiez/ du quel maint plaisirs ancore feras a moy et mes
+enfans/ Lesquieulx je te pri que me salues/ Et que leur signifies les
+plaintes de mes clamours Et que Comme loyaulx et vrays enfans veulent
+avoir pitié de leur tendre mere/ de qui encore le lait leur est
+neccessaire et doulce nourriture/ mais vueillent si espargner ses
+doulces mamelles que ilz ne la succent jusques au sanc.
+
+¶ A tant cesserent les parolles de la dame couronnee Et moy apres ce que
+selon ma poissance au mieulx que sos je l’os reconfortee/ lui disant que
+non obstant son grant peril/ se dieux plait les prieres et oroisons de
+maintes bonnes creatures/ et les biens fais qui sont celebrez par sa
+terre/ non obstant les grans pechiez qui y queurent/ Comme dieu soit
+misericors la reserveroyent et tireroient de peril/ La merciay de
+l’onneur que m’avoit faite et de la charge que commise m’avoit/ lui en
+promettant vraye excecussion. Et a tant reposer la laissay.
+
+
+Explicit la premiere partie du livre de l’avision christine.
+
+
+
+
+Ci commence la seconde partie du livre de l’avision christine la quelle
+parle de dame oppinion et de ses ombres.
+
+
+Apres ces choses me sembloit que desireuse de plus avant enquerre aloye
+traçant par la cité d’athenes tant que m’embatoye entre les estudes/
+lors joyeuse d’estre parvenue a si noble université voluntaire de mon
+sens par leur savoir prouffitablement imbuer/ m’arestoie entre les
+escoliers de diverses facultez de sciences disputans ensemble de maintes
+questions formant plusieurs argumens.
+
+¶ Lors sicomme l’oreille vouloie tendre a escouter/ adont le sens de ma
+veue preceda cellui de m’ouye/ Car en haulçant mes yeulx avisay volant
+entre yceulx une grant ombre femenine sanz corps sicomme chose
+espirituelle de trop estrange nature et qu’elle fust merveilleuse
+l’experience prouvoit/ Car celle chose veoie estre une seule ombre/ mais
+de Cent mille milions voire innombrables parties les unes grandes/ les
+autres mendres autres plus petites de soy elle faisoit/ puis
+s’assembloient ses parties d’ombre comme par grans tourbes si que font
+nuees ou ciel ou oyselés volans par tas ensemble/ mais plus en y avoit
+que onques oyseaulx ne volerent. Si estoient ces tourbes sepparees les
+unes des autres ainsi comme les couleurs d’elles se differoient/ car de
+toutes les coulours qui onques furent et de plus que onques n’en fu
+estoient differenciees les unes des autres/ Car une grant tourbe en y
+avoit de toutes blanches une autre de toutes vermeilles/ les autres
+yndes autres de couleur de feu autres d’eaue/ et ainsi de toutes les
+couleurs/ Et se tenoient ensemble celles d’une couleur sicomme font
+oyseaulx d’une espece Toutefois aucune foiz avenoit que ilz
+s’entremesloyent/ mais tous jours retournoit chacune a sa couleur/ Et
+non obstant que une chacune couleur se tenist ensemble toutefoiz en y
+avoit en la route de plus fort taintes les unes que les autres/ se
+vermeil estoit l’une plus ardant/ l’autre plus palle/ l’autre plus
+sanguine/ & ainsi de toutes les couleurs si qu’a peine en y avoit une
+qui aucunement ne differat de l’autre/ Et tout ainsi comme les couleurs
+d’icelles ombres par tourbes se differoient semblablement faisoient
+leurs fourmes Car il n’est corps de creature humaine ne d’estrange
+beste/ oysel monstre de mer serpent ne chose que dieu formast onques
+voire des plus haultes choses celestielles et de tout quanque pensee
+peut presenter a la fantasie dont la n’y eust la fourme/ Si en y avoit
+tant d’estranges qu’il n’est cuer qui le peust penser mais fourmes de
+geans serpens orribles bestes ne chose mortelle tant ne m’espoventerent
+comme firent les orribles noirs deffigurez monstres d’enfer de la quelle
+remembrance encore suis toute espaourie.
+
+
+
+
+Ci dit de quoy ces ombres servoient.
+
+
+D’icelles tourbes d’ombres qui par l’air voloient je veoie tous
+avironnez les clercs disputans es dictes escoles/ et avant que cellui
+qui vouloit proposer sa question parlast/ une de ses ombres lui venoit
+s’acouter en l’oreille comme se elle lui conseillast ce qu’il devoit
+dire/ Et apres quant l’autre vouloit respondre ou repliquer/ une autre
+ombre lui aloit semblablement s’acouter/ Et ainsi n’y avoit la nul
+arguant qui ne eust autour de son chief ou une ou .ii. ou .iii. ou
+.iiii. ou plus grant quantité qui toutes le conseilloient/ mais chacune
+science a part avoit sa couleur d’ombres/ sicomme gramaire les verdes/
+dyaletique les morees/ arismetique dyaprees/ musique blanches Geometrie
+vermeilles/ Astrologie les asurez/ theologie dorez philosophie
+cristalines & ainsi des autres sciences liberaulx et deffendues/ Et
+ceulx qui arguoyent n’avoient environ eulx tant que duroit la
+disputoison fors les ombres de la couleur qui appartenoit a la science
+de leurs argus mais non obstant que toutes traÿssent a une couleur/
+ceulx qui proposoient plus fort taintes ou moins taintes que ceulx qui
+repliquoient les avoient si que nulle fois n’estoient sans difference/
+et s’il avenoit que pareilles venissent aux parties qui disputoient/
+adont estoient les .ii. disputans d’acort Si estoit la chose partie en
+telle maniere qu’il sembloit que ycelles ombres fussent cause de leurs
+descors et debas qui aucunefoiz tant multiplioit entr’eulx/ que de
+tieulx de chaude cole y avoit faisoient venir de verbis ad verbera/ Et
+pour ce que estrange chose pourroit sembler a ceulx qui oyent ou orront
+la descripcion de ceste avision en ceste partie la quelle les yeulx de
+mon entendement plus clerement veoit que expliquer ne sçay ne descripre
+que j’appelle ycestes choses ombres/ & si dis qu’elles avoient coulours
+diverses/ come se chose contredisant fust couleur et ombre estre
+ensemble/ si dy que ombres voirement ce estoient/ car estranges causes
+leur donnoient leur fourmes non mie d’elles mesmes les avoient/
+Coulourees couvenoit que elles fussent. autrement point ne fussent/ mais
+transparans petites et grans si que on veoit par mi auques toutes
+estoient/ fors d’aucunes si troubles que l’en n’y veoit grain ne goute.
+Ancore plus/ car tout ainsi comme elles se dessembloient de couleurs/
+semblablement faisoient de fourmes car comme j’ay dit devant de toutes
+les fourmes et choses qui pevent estre ymaginees avoient/ celles ombres
+empraintes/ Celles qui appartenoient a philosophie estoient comme fleurs
+de diverses façons et couleurs/ mais tant estoient de grant odeur et
+beauté que toutes les escolles en resplandissoient/ si que grant beauté
+d’i estre estoit/ les autres fourmes d’ombres comme de gens de bestes ou
+d’autres choses s’estendoient plus dehors les escoles et voloient par
+tout le monde/ car celles plus appartenoient a oeuvres manuelles & fais
+que en speculacion et plus estoient attribuees aux gens d’armes et ordre
+de chevalerie et autres ars mecaniques & ouvrables/ De tout ce me
+sembloit que avoie clere cognoissance/ mais sur toute chose
+m’esmerveilloit et fort a comprendre m’estoit ce que je veoye non
+obstant ces diverses parties d’ombre qui par tout le monde s’espandoient
+que toutefois n’estoit ce que l’image d’une toute seule ombre en la
+quelle toutes se refrappoient.
+
+
+
+
+Comment l’ombre araisonna christine.
+
+
+Adont comme je fusse ententive a regarder ceste merveille/ l’ombreuse
+creature s’en donna de garde et en telle maniere m’araisonna fille
+d’escole qui ça t’amaine et moy a elle/ dame aventure mais voz
+merveilles m’ont cy arrestee/ Et se je peusse moult voulsisse plus vous
+cognoistre/ Et elle a moy comment ne me cognois tu doncques/ dame je
+n’en ay pas recort/ et elle a moy O bien voy que ignorence tolt aux
+humains la cognoissance des objects de leurs oeuvres mais pour emplir
+ton desir Ottroy que tu me cognoisses pour ce par vehementes enseignes
+te seray magnifestee.
+
+¶ Saches que tres que adam fu formez je fu cree/ Et suis fille de
+ignorence desir de savoir m’engendra Le premier homme & sa femme par mon
+exort decevable fis en la pomme mordre/ et apres ce que dieu l’ot pour
+ce meffait condampné a avoir sa vie en sa sueur/ je lui fis querre et
+encercher les proprietez des herbes et des plantes et lui appris la
+maniere des terres cultiver et les natures des choses crees lui fis
+esprouver tant qu’il les attaigni/ ensuivant apres je gouvernay les
+humains/ & leur fis prendre loy/ la quelle fu premiere celle de nature/
+Et tres ces premiers aages furent aucuns soubtilz hommes aux quieulx
+tant fis encerchier qu’ilz trouverent philosophie et par consequant
+toutes les sciences & ars par moy furent premierement investiguees et la
+voye trouvee d’y attaindre/ ne nom de philosophe oncques trouvé n’eust
+esté se je ne fusse/ Sicomme plus a plain cy apres te declaireray/ Et
+non obstant que philosophie avec ses filles fust avant que moy/ et que
+fille de dieu soit/ si fus je faite aussitost que creé fu entendement
+humain/ et lui et moy ouvrismes la voye aux hommes de cler engin a la
+trouver a entendement premier et moy seconde/ si suis chamberiere d’elle
+en ce mortel monde/ car en paradis n’enfer n’ay je demeure/ ma duree
+sera jusques au derrain jour & lors finera. je rapporte les messages des
+hommes de cler entendement a philosophie et a ceulx qui apliquer s’i
+veulent je les fois par le moyen de diligent estude se ne leur tolt
+deffaute d’engin attaindre par investigacion a elle/ Et pource non
+obstant que par tout le monde soye me vois tu principalement en ses
+escoles hanter es quelles par l’occasion de moy avec le labour d’estude
+apprennent les clercs toutes sciences & sans moy apprises ne pourroient
+estre Et non obstant que de dieu viengne la grace d’en hault je suis
+celle qui la mes a oeuvre ou cuer de la personne & sanz moy riens ne
+proufiteroit Et te dis plus fort que se je n’estoie avec foy esperance
+et charité point ne seroit es humains.
+
+
+
+
+Les choses que l’ombre disoit a christine.
+
+
+Ancore te dis je que tous les anciens prophetes qui ont esté non obstant
+qu’ilz parlassent par inspiracion divine de l’advenement de jhesucrist
+et des temps avenir/ et mesmement saint jehan l’euvangeliste en
+l’apocalipse et tous ceulx et celles qui ont prophetisié se j’eusse esté
+en eulx contraire a leurs dis ja n’eussent saintement parlé des secrés
+divins/ mais affin qu’en moy tu n’erres & que mieulx m’entendes te dis
+que non obstant les choses dittes maint ont prophetisié verité es
+quieulx je n’estoye mie saine mais leur disoie au contraire de leur
+prophecie sicomme caÿphe qui dist de jhesucrist qu’il estoit expedient
+un homme mourir pour sauver le peuple/ Il dist verité mais ce n’estoit
+mie ou sens ou il le prenoit/ et pource estoye faulse en lui/ car je le
+faisoie follement cuider.
+
+¶ Plus te diray de ma nature tres que creature humaine est nee si tost
+qu’entendement commence aucun petit a ouvrer en lui/ tantost moy et de
+mes plus legieres filles entrons en lui/ et au feur que l’enfant croist
+avec son entendement nous croisçons en lui pareillement & en celle
+croiscence selon ce que ses inclinacions se donnent je loge en lui de
+mes filles/ s’il est soubtil en speculacions je les lui baille teles
+qu’il lui fault et celles le font encercher plus avant de ce en quoy il
+est enclin/ Se enclin est aux armes teles qu’il lui fault les lui
+baille/ et celles le font encercher la maniere de excerciter les armes/
+Se a oeuvres mechaniques marchandise/ ou labour de terre/ paindre/
+escripre/ ou lengager pareillement selon les oeuvres par moy avec la
+inclinacion ou longue coustume d’enseignement/ toute personne prent ses
+meurs bons ou mauvais sages ou folz selon qu’il s’applique/ Si fais tout
+homme ouvrer parler aler et venir et sanz moy ne se mouvroit pour oeuvre
+faire Si me change souvent en eulx par divers accidens/ et fois souvent
+des bons mauvais/ et des mauvais bons/ les savans errer et dire faulx en
+divers cas/ et les simples aler droite voye et dire voir/ et selon que
+je sui en eulx je me donne a cognoistre par leurs oeuvres et parolles/
+Se n’est en aucuns qui de faintise se cueuvrent/ toute foiz ce ne
+pourroient faire sanz aucunes de mes filles.
+
+¶ Souventes foiz je deçois ceulx ou je habite par leur donner faulx a
+croire/ nil n’est si sage que souvent ne deçoive ne autrement ne
+pourroit estre selon le cours naturel.
+
+¶ Je suis fondee sur ce que la fantasie rapporte a l’omme soit mal ou
+bien Si fois souvent faulx jugement et dis une chose estre bonne ou elle
+est mauvaise/ et ainsi l’opposite et pour ce fais haÿr et amer sans
+cause souvent advient et sans l’avoir desservi/ diffamer et aussi louer
+sans achoison souventes foiz.
+
+¶ Es sages hommes suis plus certaine et plus vraye et es anciens de
+longue experience/ et pource a bonne cause sont appellez es conseulx des
+ordenances pollitiques Je suis naturellement plus vive et plus certaine
+en un homme que en un autre selon l’abilleté de son entendement le quel
+me rapporte en ses pensees Et en homme qui souvent me change est signe
+de pou constant et legier courage// Je ne suis nulle fois certaine/ car
+se certaineté y avoit/ ce ne seroie mie. Je dis souvent verité mais je
+la dis par couleur et informacion d’autre chose Et la gist en l’omme le
+sain jugement se la couleur est voir semblable et digne d’estre receue
+qui me fait parler/ Je ay proprieté de faire encerchier verité et de
+l’enquerir et fus faite pour celle cause/ mais aussi tost que elle est
+clerement trouvee de la chose que je fois querir adont couvient que
+celle mienne fille qui cause a esté d’ycelle verité attaindre se parte
+de la personne/ Mais g’i demeure avec plusieurs autres de mes filles qui
+pareillement s’en partent selon les veritez qui sont attaintes/ car la
+ou elle est nous ne povons arrester/ et si la faisons attaindre par
+labour d’encercher.
+
+¶ Mes jugemens en nul cas riens ne valent se fondez sur raison ne sont
+Et cil qui parle ou oeuvre par moy ou sens n’est appellé il erre et
+abonde en folie J’ay comme dit est filles bonnes et mauvaises voir
+disans et menterresses/ mais se elles mentent ou dient voir n’est mie
+certaine la pensee qui en soy les a/ Combien que souvent grant foy y
+adjouste/ Et pour ce que je suis chose non certainement sceue peus tu
+appercevoir que moy avecques esperance sur le temps avenir par le moyen
+de vraye foy sommes cause du merite des vrays feaulx catholiques/ Si
+peus notter que pour cause que ainsi je me diversiffie et change vois tu
+ycy mes filles de diverses fourmes et couleurs Car n’est homme si sage
+qui en soy ne m’ait diversement/ la cause si est que ma mere ignorence
+ne laisse ou vaissel du corps pour sa groisseur l’ame du tout ouvrer
+selon sa soubtilleté/ Et pour ce couvient que moy qui composee suis de
+la nature de l’ame en tant que je suis speculative/ et de la nature du
+corps en tant que je suis ignorent soie et abite ou cuer de creature
+humaine mais es intelligences qui franchement voient verité & ont
+cognoissance des proprietez de toutes choses je ne suis ne n’abite ne
+nulle part se ignorence et entendement ne sont ensemble/ Et comme dit
+est homme n’est si sage qui n’ignore les causes du plus des choses/ et
+pour ce n’est il nul qui en moy ne varie/ mais pource que es moins
+parfais suis plus foible sont leurs raisons nices et reprouvees.
+
+
+
+
+Encore de ce mesmes.
+
+
+Et entens sainement encore de ma poissance/ je te dis que toutes les
+loys et secrés qui ont esté au monde/ puis son commencement exepté la
+loy escripte qui a moy se fu de dieu donnee Et puis celle de jhesucrist
+les quelles vindrent du ciel ou je n’ay nul repaire/ toutes les autres
+ay trouvees la loy de nature ou n’aouroient que un seul dieu qui fu
+premiere & bonne a qui bien la tenoit fu par moy trouvee Celles des
+payens d’aourer plusieurs dieux/ je donnay aux hommes de fol
+entendement/ et continuer leur fis par espace de moult lonc temps/ Et
+ancore plusieurs parties du monde je tiens en celle erreur. Je fis
+trouver a belus les premieres ydoles et a son filz le roy ninus aourer
+l’ymage de son pere Et combien que ne trouvasse la loy escripte/ car n’i
+sceusse attaindre/ fis je maintes foiz errer en ycelle plusieurs juifs
+qui par moy firent maintes mauvaistiez & felons fais Sicomme mesmement
+au peuple d’israel je conseillay faire un veel d’or et que ilz
+l’aourassent comme dieu/ et ou temps de abdon le prophete fis je au roy
+jheroboam semer la faulce creance contre dieu et sa loy/ et ainsi de
+mains autres/ mais aussi continuay je les bons en oeuvres meritoires//
+En la loy de grace je n’oz que veoir/ car elle est certaine/ mais a
+cellui qui en fu acteur je fis par le moyen d’envie maintes peines faire
+& aussi moyennant grace divine/ maint convertir a sa loy/ mais tout
+fusse je cause de sa mort toute fois contre moy fu par paour jugez a
+tort/ et ycelle envie et mauvaistié pareillement m’avoit fait ficher ou
+temps devant es cuers de ceulx qui persecuterent les sains prophetes et
+aussi en ceulx qui martirerent les benois sains Je fis trouver a
+mahommet la faulce loy qui ores est a esté et sera pour la punicion des
+crestiens continue/ si tiens les sarrasins en celle faulce creance.
+
+¶ Par moy se ficherent le temps passé en plusieurs du nom chrestien
+diverses erreurs en la loy et folles creances qui fortes furent a
+esracher Sicomme il appert de manés le faulx herite qui trouva la secte
+de ceulx que on appelloit manichees/ et Arrianus qui ediffia l’eresie
+arrienne/ et es parties de bretaigne pelage qui par sa faulce doctrine
+plusieurs chrestiens corrompi/ un autre vers espaigne nomme precelin et
+plusieurs autres/ en qui je fus faulce et en leurs disciples que je fis
+errer/ Et mesmement plusieurs papes et patriarches et de divers estas de
+l’eglise/ Et ancore ne suis si de tous esrachee en mains faulx pas que
+non obstant les vrays amonnestemens de sainte theologie je ne soie en
+eulx avec erreur tappie/ et couverte mais paour de feu nous fait tenir
+coye et close.
+
+
+
+
+Ci dit l’ombre les oppinions de philosophie sus le principe du monde.
+
+
+En repliquant ce que devant est dit pour donner preuve que si sage ne
+soit que je ne face errer parlerons des anciens philosophes quelle je
+fus en eulx/ Et comme le traictier de ceste matiere/ tout soit elle
+soubtille puisse estre au prouffit de l’entendement t’en deviseray plus
+largement en lengage plus couvert comme la matiere le requiere/ te diray
+premierement des tres ancians investigueurs des choses naturelles A
+ceulx qui premierement philosopherent/ je disoie que des natures des
+choses yceulz sont seulement les princippes qui sont ramenez a cause de
+matere/ et a ce que plus leur fust ce apparant teles raisons leur
+faisoie investiguer que .iiii. condicions semblans appartiennent aux
+raisons des princippes/ premierement disoient ilz comme ce de quoy
+aucune chose est faite/ semble le principe estre d’icelle chose/ Car
+c’est vray signe de princippe par qui la chose est faite et tel est la
+matiere/ Car de matieres toutes choses sont faites. Item car tout ainsi
+que ce dont les choses sont faites nous disons le princippe de
+l’engendrement d’elles et par consequant cause/ en tant que generacion
+toute chose precede a estre a ce que elle est/ ne ainçois elle n’est
+riens. Et toutefoiz de matiere premierement comme de son princippe
+chacune chose est faite/ car la matiere precede la formacion des choses
+Et aussi la matiere premierement non pas acidentelement est le suppost
+des formes par quoy ancore appert que elle soit vray principe il
+s’ensuit que matiere soit princippe des choses/ Tiercement car comme de
+toutes choses ce semble le principe ou quel finablement toutes elles
+retournent Car sicomme les principes sont premiers en la composicion/
+aussi doivent ilz derreniers estre en resolucion & autressi ytel en la
+matiere Quartement comme il faille les princippes demourer/ ce par
+especial semble estre vray principe qui en chacune generacion/ et apres
+toutes corrupcion demeure/ dont comme la matiere la quelle ilz afferment
+substance des choses soit tele que elle demeure en toutes mutacions/
+Combien que aucunes passions se varient en elle/ et en elle autressi
+toutes les autres condicions devant dictes affierent. Par ces .iiii.
+premisses ilz concluoient que la matiere est l’element et le premier
+principe des natures des choses ainsi disoient que riens ne peut estre
+simplement corrompu ne engendré Car tout ainsi se disoient ilz que quant
+aucune mutacion est faite envers quelconques passions/ toute foiz
+demeurent l’essence principal/ nous ne disons ycelle chose n’engendree
+simplement ne corrompue aussi fors selon aucune chose c’est a dire
+accidentellement sicomme un homme blanc devenir noir/ nous ne disons
+ycellui homme engendré quant il prent tel abit ne corrompu quant il pert
+le premier/ Car sa substance principal si demeure/ c’est assavoir son
+estre le quel si est sa fourme tout autressi que la matiere disoient/ il
+est la substance des choses/ et ycelle demeure permanablement/ Tout
+autressi ilz concluent que rien n’est simplement corrompu ne engendré
+fors accidentelement/ mais disoient ilz toutes mutacions qui adviennent
+es choses sont faites vers aucuns accidans venans de la matiere comme
+sont passions ou quelques qualitez/ Dont combien que tous yceulx
+couvenissent ensemble en mettant la matiere comme cause premiere/
+Toutefoiz les faisoie differer doublement en la posicion d’elle C’est
+assavoir quant a pluralité/ car les aucuns mettoient une seule matiere
+et les autres plusieurs causes materielles/ et quant a l’espece aussi/
+Car aucuns l’eaue mettoient/ les autres l’air/ les autres le feu Thales
+l’ancien philosophe qui prince fu de ycelle philosophie/ disoit que ce
+estoit l’eaue et affermoit la terre estre assise sur l’eaue ainsi la
+mettoit le principe des choses/ et dist que ainsi estoit fondee la terre
+dessus comme le effaict est fondé sur la cause/ dont il est a savoir que
+cestui thalles fu dit prince de ycelle philosophie/ Car comme il fust
+l’un des .vii. sages qui plus proprement furent dis theologiens/ poetes/
+lui tout seul se transporta a considerer les causes & les princippes des
+choses/ Les autres seulement demourez occupez es moralles sciences/ Les
+noms d’iceulx .vii. sages sont premierement Chales millesien qui fu du
+temps romulus cellui qui fonda romme ou temps d’achar le roy d’israel
+comme on lit es croniques environ .vi.c .lxxxvii. ans devant
+l’incarnacion jhesucrist & devant aristote environ .CCC.lii. ans/ Car
+aristote fu du temps alixandre le grant qui preceda jhesucrist
+.CCC.xxxv. ans/ Cestui thales fu astrologien/ Car meismes comme on lit
+il pronostiqua un deffault du souleil ou temps d’ozias et des fondacions
+de romme bien cent ans ains que il fust Cestui aussi fu cil dont on lit
+en l’istoire des philosophes qui chaÿ en la fosse quant il aloit veoir
+le cours des estoilles/ de quoy il fu remprouvé d’une vielle/ Comment
+dit elle cuides tu veoir ce que l’en fait ou ciel/ quant a tes piez ne
+vois.
+
+¶ Le second sage fu pitacus mitilenus ou temps que es ebrieux regnoit
+zedechias et es rommains tharentin le premier/ le quel pithacus tua
+frenon d’aches qui batailloit a lui.
+
+¶ Les autres .v. si furent solon d’athenes qui fu faiseur des drois &
+des loys populaires/ Chilon lacedemonien/ pithidorus corintien/
+cleobelus sydien Byas periandran/ Et furent tous ou temps de la
+chetiveté de babiloine/ Et en ce temps ci en bretaigne la grant raignoit
+cordeille fille du roy loyr de bretaigne & femme d’agampus le roy de
+gaule/ le quel agampus a l’instance de elle subjugua et conquesta
+bretaigne occuppee par les serourges d’elle qui chacié en avoient son
+pere/ si en chaça yceulz et le royaume au pere restitua au quel puis
+succeda ycelle cordeille Comme plus a plain il appert par les gestes.
+
+
+
+
+Ancore de ce mesmes.
+
+
+Dont entre yceulx .vii. sages thales tant seulement specula la nature
+des choses/ et ses disputacions et les raisons qu’il fist il envoya par
+lettres en diverses contrees la quelle chose nul des autres ne fist pour
+ce fu il entr’eulx appellé prince de leur philosophie Les raisons qui
+murent Chales a dire ce qu’il disoit estoit qu’il veoit le nourrissement
+de toutes choses estre moisteur/ et par .iii. signes prouvoit son propos
+le premier est ce qui est dit c’est assavoir que toutes choses vivans
+par moisteur sont nourries/ mais ce disoit il comme ce soit une
+semblable chose de quoy les choses sont & a quoy elles viennent/ Et
+ainsi humeur semble estre le principe des essences des choses/ le second
+signe est que comme l’essence de toutes choses vivans tres grandement
+soit conservee et gardee par sa propre et naturelle chaleur/ Toutefoiz
+la chaleur semble faite et nourrie de humeur Car humeur est aussi comme
+nourrissement et matiere a chaleur/ il appert et s’ensuit que humeur
+soit principe des choses.
+
+¶ Le tiers signe comme la vie de tous les animaulx soit gardee en
+humeur/ car par le deffault de naturelle humeur chacun animal meurt/ et
+par la conservacion d’elle chacun animal vit/ par quoy comme vivre soit
+estre aux choses qui ont vie comme il fu dit devant il appert qu’il
+s’ensuive que humeur soit principe des essences des choses/ & ces .ii.
+signes deppendent l’un de l’autre Aussi il prent signe par la generacion
+des choses/ Car ce dit il comme toutes generacions par especial des
+choses qui ont vie/ lesquelles sont tres nobles et parfaictes sur toutes
+autres choses soient faites de semences/ lesquelles semences ont
+escailles sont de nature moiste sicomme chacun scet/ il appert ce dist
+il humeur estre princippe des generacions des choses Cestui Chales
+estoit induit a ceste oppinion par l’auctorité des anciens/ car comme
+aucuns poetes theologisans/ eussent esté ancore plus anciens de lui Et
+yceulx eussent tele oppinion de nature/ c’est assavoir que l’eaue fust
+principe des choses/ yceulx peut estre pour l’ancienneté d’eulx thales
+si ensuivi.
+
+¶ Si est cy a savoir que comme les premiers en grece renommez de
+sciences fussent appellez poetes theologisans/ ainsi diz poetes Car de
+ce qu’ilz disoient ilz formoient dictiez & parloient faintement/
+theologisans aussi qu’ilz parloient des dieux et des choses divines/ les
+premiers et les plus principaulx renommez d’iceulx furent .iii. c’est
+assavoir orpheus et son disciple museus/ et linius de thebes qui fu
+maistre de hercules/ Et ces .iii. furent ou temps des juges qui
+regnoient ou peuple de israel environ. .v.c .xxvii. ans/ avant que
+chales fust/ environ .xliii. ans avant que theseus le roy d’athenes
+ravist helayne la fille au roy de thebes environ .lxxxviii. ans ains que
+troye fust destruite/ Et de tous yceulx .iii. orpheus fu le plus
+sollempnel/ Et cestui fu cellui dont les poetes parlent qu’il ala en
+enfer querir erudice sa femme la quelle le serpent avoit pointe en
+fuyant par le pré quant euristus le frere orpheus la vouloit violer la
+quelle fable a bon entendement moral peut estre entendue Sicomme
+fulgence ou livre des natures des dieux tres clerement l’expose/ De
+cestui orpheus aussi parle boece ou .iii.e de sa consolacion a la fin et
+ovide en methamorphoseos ou .x.e/ Cestui orpheus aussi a parler
+proprement sanz nulle ficcion si que boece recite en sa musique estoit
+tres bon cithariste C’est a dire tant melodieusement faisoit sons en la
+harpe/ que par les proporcions des acors tant a point ordenez il
+garissoit de plusieurs maladies/ et les tristes faisoit estre joyeus.
+
+¶ Ces .iii. poetes dis par maniere de fictions & de paroles
+transumptives parlans des choses de nature disoient que occean c’est a
+dire la mer ou l’abeisme ou a tres grant inundacion d’eaues/ Et thetis
+qu’ilz disoient la deesse de humeur sont parens de generacion/ Et par ce
+dist il comme par singuliere similitude ilz donnoient entendre que eaue
+fust le principe de la generacion des choses/ Encore ceste sentence par
+autre fabuleuse narracion ilz couvroient disant que le sacrement et le
+serment des dieux estoit par l’eaue qu’il appellent stix/ La quelle est
+un fleuve d’enfer/ Et par ce que ilz disoient les dieux faire leurs
+sacremens & leurs sermens de l’eaue pour ce que sacrement se fait tous
+jours par ce qui est plus digne/ Car le parfaict precede l’imparfaict de
+nature et de temps ilz se donnoient a entendre que l’eaue fust plus
+honorable et plus digne des dieux/ Et dont comme il appere qu’ilz
+cuidassent l’eaue premiere et plus ancienne des dieux/ lesquieulx dieux
+peut estre ilz entendoient estre les corps du ciel ou autres corps
+sensibles/ Car ancore des choses sepparees n’avoient cognoissance/ Il
+dit que nulle plus ancienne oppinion de ceste n’a esté es choses de
+nature/ La quelle soit cogneue/ meismement ancore ceste oppinion a esté
+nagaires d’aucuns renouvellee/ non pas qu’ilz deissent l’eaue plus noble
+ne si noble que dieu comme yceulx premiers firent/ mais sans ficcion
+aucune ilz la disoient & affermoient estre premiere & aussi la
+derreniere des choses de ce monde/ car meismes ilz la mettent premiere
+que le ciel/ Car la premiere espere/ c’est assavoir une que ilz
+ymaginent comprendre La .ix.e ilz la mettent estre eaue Sicomme plus
+plainement frere rogier bacon le recite en son livre du ciel ou .xii.e
+chapitre/ Et peut estre a ce ilz se mouvoient cuidans les vieulx poetes
+accorder avecques eulx/ ou peut estre pour les diz des philosophes
+nommans en plusieurs lieux les eaues sur le ciel/ Toutefoiz tant yceulx
+philosophes que aussi les poetes en tant comme a bon sens se puissent
+ramener au moins le plus des choses en enveloppement et soubz ombre
+parlerent non les nouveaulx mais yceulx anciens en tant que des sciences
+les portes vous ouvrirent vous les devez excuser amer et supporter.
+
+
+
+
+Les contre dis d’aristote aux autres philosophes.
+
+
+Aristote qui lonc temps fu apres ou quel je fus tres vraye et certaine
+par le moyen de son noble engin et entendement qui moy et mes filles
+attrey les plus soubtilles impugnatables/ & les autres poetes non mie
+les impugna en tant comme poetes/ mais en tant que ilz semblent
+philosophes/ et sont hors de verité/ aussi recite il d’ippones/ le quel
+sicomme maisme il recite sur le livre de l’ame/ fu de tres rude engin/
+car il mettoit l’ame des bestes et des hommes estre eaue/ Cestui dit il
+suivi du tout thales sanz lui riens adjouster/ Et pource dit il nulle
+louange ne nul pris n’en doit recevoir.
+
+¶ A autres philosophes je dis et fis a croire que l’air estoit principe
+de toutes choses si comme a dyogenes & anaximenes/ et disoient que l’air
+estoit premier de l’eaue Et principe de toutes choses simples/ c’est a
+savoir des elemens/ Si est a savoir que .ii. anaximenes furent et tous
+.ii. philosophes C’est assavoir l’un du temps aristote/ Et de cestui il
+n’entent pas ycy/ mais cestui anaximenes dont il fait mencion fu
+disciple d’anaxamandra qui disciple avoit esté thales devant dit/ Et
+cestui anaximenes & anaximendra furent du temps que cirus conquist le
+royaume de mede/ et transporta aux persens ou temps de la destruccion du
+temple de jherusalem/ En ce temps cy aussi c’est assavoir ou temps
+d’anaximenes regnoit tarquin l’orgueilleux. Le .vii.e et le derrenier
+roy de romme/ cellui qui fu chacié pour tarqui son filz qui viola
+lucrece/ cellui aussi fu disciple d’anaximenes/ Toute foiz tant de
+difference ont ilz qu’anaximenes mettoit l’air simplement principe se
+non en tant que composé il fust avec raison divine/ Et de ce vint une
+oppinion qui est recitee sur le premier de l’ame/ Et la raison peut
+estre fu tele qui les mouvoit Car ilz veoient que par respiracion d’air
+la vie de plusieurs animaulx au moins du plus des bestes est sauvee/ Et
+sanz air elle est anichilee/ Et aussi car ilz veoient par imitacion &
+ensuite de l’air varier les generacions et les corrupcions des herbes et
+de plusieurs des choses.
+
+¶ .ii. autres philosophes c’est assavoir ypassus et eraclitus mirent le
+feu estre principe et matere des choses et peut estre furent meus a ce
+pour la soubtilleté et noblece qu’il a/ Car meismes pour ce que ilz le
+veoyent luisant et monter contre mont/ ilz cuidoient le ciel estre de
+feu/ Cestui eraclitus/ pittagoras/ democritus et anaxagoras & plusieurs
+autres furent tous en un temps/ C’est a savoir ou temps que
+prophetisoient/ en judee/ aggenus/ zacharias/ et malechias/ ou temps du
+dit cirus.
+
+¶ Cestui eraclitus sicomme il avoit oppinion ou feu quant aux principes
+& causemens des choses ainsi comme on lit fu tout le premier de tous les
+anciens qui par maniere d’art trouva deviner ou feu/ et celle art que on
+dit piromancie/ Et sicomme on lit en aucuns traictiez d’elle/ lui lonc
+temps ainçois pronostiqua la desolacion de babiloine la cité devant
+qu’elle fust avenue.
+
+¶ Ainsi diversement mirent yceulx le principe de matiere/ C’est assavoir
+d’eaue d’air & de feu en y adjoustant le quart element/ c’est assavoir
+la terre ilz en disoient toutes choses causees/ et les disoient estre
+incorruptibles & ingenerables/ sicomme faisoient ceulx qui mirent un
+principe/ mais il metoit que par l’assemblement d’entre eulx selon
+diversité de plus ou de moins se causoient les diversitez des choses qui
+se font.
+
+¶ Dont combien que anaxagoras fust ainsné d’empedecles en temps/
+toutefoiz fu il plus novice en savoir/ Car comme un chacun abregier doye
+a son povoir les principes des choses par quoy moins en deust avoir mis
+que ne fist empedocles le quel en mettoit trop sicomme plus plainement
+il appert ou premier de phisiques/ Cestui ancore pour les accroistre les
+mist infinis/ c’est assavoir car il disoit les elemens et toutes choses
+estre faites d’infinies petites parties/ lesquelles il mettoit estre les
+drois princippes & mettoit les choses estre engendrees & corrompues par
+congregacion & disgregacion/ c’est a dire par assemblement &
+desassemblement d’icelles N’autrement ycelles ne pourissent ainçois
+pardurablement demeurent/ Dont par les choses ja dictes de Aristote
+conclut que par anaxagoras et par les oppinions des jadis philosophes on
+ne peut autre chose cognoistre fors seulement la cause de matiere.
+
+
+
+
+Encore des oppinions.
+
+
+Pittagoras disoit les esperes qui sont menez ou ciel estre dix. Combien
+que tant seulement .ix. en soient apparans/ c’est a savoir .vii.
+comprises par les mouvemens des planettes/ l’uitieve par le mouvement
+des estoilles/ et la .ix.e par le mouvement journal qui est le premier
+mouvement/ mais pittagoras adjousta la .x.e antixthonan c’est a dire
+menee au contraire des mouvemens/ et par consequant sonnent
+contrairement/ Car comme il mist & aussi le mirent plusieurs autres que
+des mouvemens des esperes du ciel se facent armonies Car comme ilz
+considerassent que naturellement noz pensees lesquelles ilz metoient de
+nature celeste se resjouissent de sons qui sont par mesure ordenez/
+considerans aussi que tous sons sont de mouvemens causés/ Car sanz
+mouvement nul son ne seroit fait voyans ou ciel esperes et cercles de
+diverses grandeurs preporcionnees les unes vers les autres ce leur
+sembloit par moult nobles mesures et meues aussi de mouvemens
+couvenables a elles ymaginans par ces choses ou ciel estre grans
+melodies/ lassus ilz affermoient estre parfaicte musique/ et celle de ça
+bas estre dirivee de celle de lassus Et aussi selon ceste leur ordenance
+le mouvement journel qui va d’orient en occident au contraire des autres
+seroit en l’espere .x.e & la .ix.e seroit celle la quelle si mouvroit
+toutes les esperes basses au contraire du premier mouvement.
+
+¶ Pittagoras et ceulx de sa secte par lui instruis mettent les principes
+des choses encheans es causes dessus dictez/ si mettent nombres ainsi
+que matere et princippe des choses et les passions des nombres ainsi
+comme les passions ou les abis des choses/ si que nous entendions par
+passions accidens/ legierement passibles et par abis accidens permanens/
+sicomme ilz mettoient que la passion d’aucun nombre selon la quelle il
+est dit pareillement per estoit princippe de justice pour l’equalité de
+sa division Car tout nombre qui equalement se devise par egales moitiez
+sicomme .viii. se devise en .ii. quatre & quatre/ en deux deux/ et .ii.
+unitez et plusieurs autres par semblable maniere/ yceulx ilz disoient
+princippes de justice/ Et par semblable maniere les autres accidens des
+choses ilz assimuloient aux accidens des nombres & mettoient les
+principes des nombres per et non per/ pour ce qu’icelles sont leurs
+premieres differences mais le nombre per ilz metoient estre le principe
+d’infinité Et le nombre non per estre princippe aux choses lesquelles
+sont fenies/ Sicomme plus plainement il appert declairié sus le .iii.e
+de phisiques/ c’est assavoir que le nombre per semble estre couvenable a
+division.
+
+¶ Pour ce infinité par especial se semble ensuivre a la division des
+choses continuees/ Et le nombre non per si a le per soubz lui/ & ancore
+unité la quelle est cause de indivision/ Et aussi prenoient ilz que les
+nombres non pers adjoustez par ordre l’un a l’autre retiennent la figure
+des quarrez nombres mais les pers varient leurs figures/ Sicomme .iii.
+adjoustez avec un qui est le principe des nombres/ causent ce nombre
+.iiii. le premier de tous nombres quarrez/ car .ii. fois .ii. sont
+.iiii. Et de rechief cinq qui apres .iiii. est le premier nomper
+adjousté avec .iiii. fait .ix. qui est second quarré/ car .iii. fois
+.iii. sont .ix. Et ancore adjousté .vii. a .ix. font .xvi. qui est le
+tiers quarré car .iiii. foiz .iiii. sont .xvi. Et apres adjousté .ix. a
+.xvi. font .xxv. qui est le quart quarré/ Et ainsi de tous autres. Mais
+se le nombre de .ii. qui est le premier nombre per est adjousté a un il
+constitue nombre triangulier/ c’est assavoir .iii. Et se a lui estoit
+adjousté .iiii. qui est le second per il constitue .vii. qui n’a tele
+figure/ Et ainsi les nombres pers adjoustez aux quarrez ne gardent point
+une meismes figure/ Et pour ceste raison leur attribuoient infinité/ et
+aux nompers finité/ Et pour ce que finité si signifie fourme a qui
+compette l’active vertu/ Et infinité en depart la matiere a qui compette
+passibilité/ pour ce les nombres pers ilz disoient femmelles et les
+masculins nompers/ Et de ses .ii. diversitez per et nomper feni et non
+feni non pas seulement ilz constituoient nombre mais aussi unité/ Car
+unité disoient ilz est per et nomper en vertu/ pour ce que toutes
+differences de nombres en vertu couviennent a unité/ Car tout se
+retournent en elle & elle en nesune/ Car combien que unité de fait ne
+soit pas aucun nombre. Toute foiz disoient ilz en vertu elle est un
+chacun nombre/ Et pource la mettoient ilz constituee de per et de
+nomper/ Et tous nombres constituez de elle Et mettoient le ciel et toute
+chose sensible estre faictes de nombres/ Et ytele estoient l’ordre des
+princippes qu’ilz mettoient.
+
+
+
+
+De ce mesmes.
+
+
+Aucuns autres naturiens anciens furent qui mirent mouvement c’est a
+savoir en tant comme ilz mettoyent un principe le quel par reffaccion et
+condempsacion ilz disoient mouvable du quel aussi engendrees metoient
+les diversitez des choses/ Et par ceste maniere le monde disoient
+engendré selon toutes differences des parties de lui/ Toute foiz car en
+lui ne mettoient variacion se non selon les accidens/ pource concluoient
+ilz que selon substance tout le monde fust un/ autres plusieurs
+oppinions furent dont la narracion longue seroit/ mais en brief yceulz
+anciens philosophes s’entre accordent assez en ce que ilz dient es
+choses aucun principe de matiere/ sicomme thales et dyogenes & leurs
+semblables/ & les aucuns si en misdrent plusieurs sicomme empidocles/ Et
+aucuns autres aucunes choses non corporelles sicomme ceulx qui mirent
+dualité/ c’est a savoir platon qui mist & grant et petit/ lesquieulx ilz
+dient non estre corps/ les ytaliens aussi c’est a savoir pitagoras ont
+remis infeni/ le quel de rechief pas ne mettoient corps/ Empedocles
+aussi les .iiii. elemens qui sont corps pour principes mettoient aussi
+anaxagoras mettoit infinité de semblables parties/ c’est assavoir
+infenies pars semblables estans indivisibles pour principe des choses/
+Et tous ceulx ci ont touché tele cause/ c’est assavoir la cause de
+materre/ Et ceulx aussi qui ont dit l’air ou l’eaue ou le feu pour
+principes ou autre moyen entre yceulz elemens sicomme plus espeus de feu
+ou plus tenues d’air/ Tous yceulx ont mis ycellui corps estre premier
+principe et element des choses/ Et ainsi appert il que tous ceulx devant
+diz quant aux choses ja dictes ont mise seulement cause materielle
+autres plusieurs yceulx anciens ensuivirent que je delaisse pour
+briefté/ Toutefoiz est a notter que tant avons eu d’eulx que par leurs
+diz ne causes ne principes oultre yceulx canons mis en phisiques/ nul de
+eulx n’a diffini/ bien qu’encore obscurement trestous/ toutefoiz les
+aucuns y semblent approcher/ C’est a savoir yceulz qui materre estre
+principe dirent/ fust une ou plusieurs ou corporee ou non/ aussi platon
+qui mist grant et petit & les ytaliens qui mirent infini/ Et empedocles/
+l’eaue le feu l’air et la terre/ Et anaxagoras l’infinité de semblables
+parties/ Car tous ceulx ci toucherent celle cause/ voire et aussi tous
+ceulx qui ont touché d’air et d’eaue ou de plus espés de feu ou de plus
+soubtil d’air/ lesquieulx ilz assignoient estre element premier/ yceulx
+tous seulement ont touché de materre.
+
+¶ Mais les autres du principe de mouvement toucherent/ c’est a savoir
+tous ceulx qui amistié ou haine ou entendement mirent estre principes.
+
+¶ Toutefoiz qui soit l’estre ou substance es choses plainement nul ne
+dist/ Toutefoiz cuidoient ycelles estre causees d’immobilité et de
+reposement/ Et pour ce de ce qui est la substance aux choses ilz mirent
+especes estre causes/ et un la cause des especes.
+
+
+
+
+Encore de ce.
+
+
+Comme ces choses soient obscures a sentir aux gens lais et rudes a dire
+en lengage vulgar et meismes a ton entendement pour la grosseur de lui
+estranges passeray oultre des oppinions des anciens philosophes
+lesquieulx en assez de manieres fis errer sus les princippes des choses.
+
+¶ Mais de ces choses fu je clere a mon tres amé filz aristote le prince
+de philosophie le quel reprima yceulx anciens par vives raisons sicomme
+cy en brief te toucheray sanz du tout definir/ car longue en seroit la
+narracion non delitable a ceulx qui ne la sentent/ Aristote donques
+reprime les oppinions d’icelz anciens philosophes es principes des
+choses/ Et pour ce faire il se devise en .ii. parties premierement/ il
+impreve les singulieres oppinions/ et d’enciennement il requeult les
+choses qui sont dictes et les continue a celles qui ensuivent/ la
+premiere par ce divise en .ii. autres/ premierement il impreuve les
+oppinions de ceulx qui naturellement ont parlé .ii.ement des
+pittagorians & des autres/ encore en la premiere part il fait .ii.
+choses/ premierement il impreuve les oppinions de ceulx qui mirent une
+cause materielle & .ii.ement de ceulx qui en mirent plusieurs/ ancore au
+premier il fait .ii. choses premierement il impreuve les oppinions ja
+dictes en general & .ii.ement en especial/ Il les impreuve en general
+par .iii. raisons dont la premiere est telle Car comme les choses non
+seulement aucunes soient corps/ mais aussi qu’aucunes soient non corps
+comme il est apparu en son livre de l’ame que yceulx anciens n’ayent mis
+fors seulement principes corporeulx/ La quelle chose appert/ Car ilz
+mettoient un/ c’est assavoir le monde estre une seule substance et une
+seule nature/ Sicomme la matere la quelle corporee ilz metoient recevant
+mesure c’est a dire division/ Et toute foiz corps ne puisse estre cause
+de chose incorporee/ il appert que en ce ilz ont failli
+qu’insouffisamment ilz ont assignez les principes des choses/ Et non pas
+seulement en ce ilz ont failli/ mais en autres choses plusieurs comme
+plus a plain apres il declare. La .ii.e raison est tele/ que quiconques
+a neccessairement a determiner de mouvement/ Il fault que il mette
+aucune cause de mouvement dont comme les diz philosophes ayent
+neccessairement a traictier de mouvement La quelle chose si appert
+doublement c’est assavoir/ car ilz s’efforçoient a deviser la cause de
+generacion et de corrupcion/ les quelles ne sont sanz mouvement Tant
+aussi Car de toutes choses naturellement ilz vouloient traicter/ Et
+toutefoiz toute naturelle consideracion enquiert de mouvement pour ce
+que nature est principe de mouvement et de repos comme il appert ou
+.ii.e de phisiques/ il s’ensuit que ilz devroient traictier de la cause
+qui est le principe de mouvement/ Et ainsi comme ilz ostassent ou
+oubliassent ycelle appert que ilz failloient La .iii.e raison Car comme
+une chacune chose naturelle ait substance et essence/ C’est a dire
+fourme/ Car fourme est princippe de l’estre et ce que c’est/ Donques
+comme ce par qui toute chose a son estre soit le principe d’elle & de sa
+cognoiscence/ Comme les philosophes dis/ ne meissent l’estre des choses
+cause et laissassent la fourme il appert que ilz failloient ycy repreuve
+il leur oppinion plus en especial/ & se fait doublement/ premierement
+quant a ceulx qui le feu estre mettoient principe/ l’une/ bien que le
+feu fust souffisant .ii.ement quant a ce que ilz laissoient la terre
+comme aucunement elle appere premiere. premierement il resume la
+posicion d’eulx/ Car comme ilz missent chacun des simples corps
+transmuer l’un en l’autre si que les uns sont engendrez des autres selon
+constricion ou inspissacion c’est assavoir selon tenueté ou
+engrossissement/ sicomme les groz des soubtilz/ Et pour ce ilz missent
+l’un de ces .iii. estre premier principe Car les autres sont engendrez
+de lui/ ou par congregacion ou disgregacion/ lesquelles guises toute
+foiz se different quant a priorité ou posteriorité c’est assavoir car
+selon une maniere ce semble premier estre de quoy autre est engendré/
+par soubtiliacion/ et ceste guise il met .ii.ement Mais dit il que ce
+soit premier de qui autre est engendré par condempsacion ou
+inspissacion/ il appert dit il par ceulx qui mettoient principes les
+corps plus simples/ c’est a savoir les corps ayans tres menues parties/
+desquieulx par condempsacion ilz disoient les choses estre faictes/
+sicomme aucuns qui mettoient le feu pource que il est tres soubtil/
+aussi un chacun des autres eslemens eut un philosophe qui le jugia
+premier/ mais pour quoy dist il ne mirent la terre estre principe/ Il ne
+peut estre dit que ce eust esté contre l’oppinion commune/ Car oppinion
+divulguee fu la terre substance de toutes choses estre/ Et mesmement
+exeodus qui fu l’un des poetes theologisans l’affermoit disant la terre
+estre premiere faite par quoy comme il appere que la terre estre
+principe fu l’oppinion des theologisans poetes qui precederent les
+naturiens philosophes/ seulement les naturiens escheverent a la mettre
+principe pour la groissesse de ses parties Et pour ce comme ilz veissent
+que l’air eust plus grosses parties que le feu et l’eaue que l’air/ et
+ilz ne veissent rien si soubtil que feu/ Il s’ensuit dit il que en
+ensuivant ce principe de condempsacion nulz ne dirent si bien que ceulx
+qui mirent feu principe/ Car comme pour cause de soubtilleté aucune
+chose puit estre appellé premiere/ il est neccessité que celle soit
+principe qui est tres soubtille sur toutes/ Toute foiz s’il estoit vray
+qu’ilz dient s’ensuivroit il grant inconvenient/ C’est assavoir s’il
+n’estoit riens que feu il s’ensuivroit s’aucun disoit que air fust plus
+groz que feu/ ou plus soubtil que eaue que ilz mesprendroient.
+
+
+
+
+Ancore des oppinions des philosophes.
+
+
+Mais certes ycy met il l’autre raison par la quelle au rebours il appert
+que la terre soit tres proprement principe/ car comme ce soit chose
+evident que ce qui est derrenier en generacion est premier en nature/
+pource que nature a la fin de generacion tent a ce qui est premier en
+son entencion/ mais tant que une chose est plus deprise plus espesse et
+aussi plus composte/ Tant est elle plus derreniere en generacion/ pour
+ce que en voye de generacion on precede de plus simples choses aux
+composees sicomme des elemens on va aux miscions/ et les mixtions aux
+humeurs et des humeurs aux membres/ tant que finablement on vient a
+homme qui est le plus compost Semblablement doncques comme ce qui est le
+plus espeus appert estre en generacion derrenier/ et par consequant
+principe de nature/ il appert que ceste conclusion soit contraire a
+celle de devant/ Car ainsi la terre qui est plus espesse et plus
+disperse sera premiere d’eaue et l’eaue que l’air/ et l’air que le feu/
+Si est pour ce a savoir que il y a difference entre querir ce qui est
+premier & a parler simplement/ Car s’on enquiert de premier simplement
+n’est pas doubte que premier est parfaict/ de imparfaict et faict que
+n’est poissance/ Car nulle chose n’est ramenee d’imparfaict a parfaict/
+ou de poissance en fait/ se non par aucun ens parfaict/ c’est a dire par
+aucune chose estant de fait parfaicte Et c’est cy a savoir que je
+appelle poissance en tant que je la distingue contre fait/ La poissance
+de quelconques effait le quel n’est c’est a dire de quelconque chose
+produisible et menable en aucune nature soit bonne ou mauvaise/ ycelle
+nature non estre ore/ mais povoir estre/ Et pource la nomme l’en
+poissance de povoir estre ou non/ mais quant elle est/ elle est nommee
+fait a difference de povoir estre/ Et parce il appert que fait est le
+plus noble/ Dont pource se nous parlons de la perfeccion de dieu/ dieu
+si est tres parfaict/ et donques tres premier/ Car en son essence nulle
+possibilité ne fu ainçois que fait/ mais ces particulieres choses qui
+precedent en leur estre de poissance en effait/ la poissance en ycelles
+quant temps si precede le fait et ainsi l’imparfaict le parfait combien
+toutefois que a nature le fait soit le premier c’est asavoir quant en
+son entencion et maniere d’elles savoir produire/ Tout ainsi que il
+appert d’un messagier qui va en aucun lieu Combien que le lieu ou il va
+quant au labour et a son entencion il atteigne de y venir/ Toutefoiz
+estoit il le premier quant a son entencion/ car autrement ne se fust il
+pas meu/ Et sicomme au lieu quant il ataint on pourroit dire qu’il y
+estoit deffaict. aussi ainçois qu’il atteignist s’entencion povoit estre
+appellé poissance/ Et ainsi il appert que fait se non en temps/ toute
+foiz quant a nature ou a entencion est premier que poissance/ il est du
+tout manifeste que ainsi le premier principe de toutes choses il fault
+estre tres simple pour ce que toutes choses sont composees des simples &
+non e converso donques il estoit neccessaire aux anciens naturiens que
+l’un et l’autre ilz attribuassent au principe premier/ c’est a savoir au
+principe du monde qu’ilz attribuassent avec souveraine simplicité
+souveraine perfeccion Mais comme ces .ii. ne puissent estre atribuez a
+aucun principe corporel Car es generacions & es corrupcions les tres
+simples choses sont les plus imparfaictes pour ce leur sembloit estoient
+ilz contraires mettre division es principes.
+
+
+
+
+Cesse a parler des oppinions.
+
+
+Plus te diroie assez quelle je fus es anciens philosophes en divers cas/
+et mesmement en cestui dessus dit plus largement/ & aussi des solucions
+du vray distingueur et sage determineur Aristote Et qui plus de ce
+vouldra savoir quiere le philosophe en sa methaphisique Mais comme la
+matiere soit obscure de ce/ a tant souffise/ Et ainsi comme en une riche
+mercerie ou tresor/ sont avec perles diverses pierres precieuses de
+plusieurs vertus couleurs et pris/ les quelles au goust et plaisances de
+divers barguigneurs sont requises/ Soient ycestes choses ou tresor de
+ton volume reservees aux hommes scienceux de soubtil entendement/ Et
+passent oultre les moins expers aux choses plus legieres et communes Et
+tres ore soit changié l’ordre de nostre rethorique en plus vulgare et
+elegant parleure en retournant a nostre premiere arrenge te soient assés
+souffisantes les preuves des choses devant dictes/ me tenant quitte de
+promesse a toy par moy faite/ C’est a savoir de te clairer les termes de
+ma poissance manifestes mesmement es hommes plus sages & de plus
+soubtilz engins.
+
+
+
+
+De l’ombre la poissance que elle a.
+
+
+Or t’ay je assez prouvé par ce que devant est dit comment je suis cause
+premiere des oeuvres humaines & que se precedent ne fusse aucune oeuvre
+n’aroit effect es humains/ pource te vueil reprendre en aucune partie de
+tes dis/ en ton livre intitulé de la mutacion de fortune le quel
+compilas par grant labour & estude/ Car combien que par moy t’en venist
+l’invencion trop faillis sauve ta grace/ Lors que tu tant octorisas la
+poissance de dame fortune que tu la dis estre toute ordenaresse des fais
+qui cueurent entre les hommes/ Et ma poissance souveraine sur toutes
+influences refleccibles es oeuvres communes qui precelle toutes autres/
+tu oublias/ Si ne te soit honte offrir l’amende a moy suppellative de
+toy en ceste partie injuriee te rendant repentie coulpable comme mal
+avertie me recongnoissant suppellative sur toutes poissances relatives
+ça bas de dieu ordenees/ Et que ceste chose te soit magnifeste vueil que
+me desnoues cest argument/ Je te demande le quel est plus noble ou
+l’acteur qui est principe de la chose premierement mise en fourme/ ou
+l’euvre qui despent et vient de la poissance de l’acteur premier
+princippe/ Et moy a elle/ certes dame je tiens que comme dieu soit
+principe de toutes choses/ Et aussi comme dit aristote l’entendement est
+le souverain des biens/ Car a lui tous les autres obeissent le premier
+principe des choses je confesse le plus parfaict en accion de oeuvre
+comme ci devant est assez prouvé/ Et elle a moy/ bien respondis/ or t’ay
+vaincue par ton meismes jugement/ Car non obstant qu’entendement soit
+devant moy quant en concept Toute foiz suis je premiere cause de toutes
+choses bonnes ou mauvaises faictes ou pourchacees par pensees ou oeuvres
+humaines/ Et donques comme devant est dit s’il est ainsi/ ce que si/ que
+principe soie des speculacions et toutes choses ouvrables/ comme il
+appert Je conclus vraye ma preposicion que je precelle les choses
+ouvrees/ Et que fortune a qui tant de poissance atribuez/ n’est fors ma
+chamberiere mercenere comme conduisarresse des oeuvres ja par moy
+disposees a mettre a effaict.
+
+¶ Mais affin que il ne semble que par mouvement de envie lui vueille
+soubtraire la fame de son auctorité/ te cognois estre vray qu’en
+disposicion de oeuvre/ fortune a poissance de conduire les fais
+particuliers bien ou mal selon le soufflement de son influence/ mais te
+souviegne que differens sont noz mouvemens/ car de rechief te dis que je
+euvre en esperit et fortune ne peut ouvrer fors es choses ja par moy
+deliberees aptes a recevoir ses influences es choses dehors et foraines
+mais es repostailles de la pensee es quelles je sui muciee n’a nulle
+poissance/ doncques tu peus cognoistre que elle est serville et villaine
+vers mon auctorité comme elle soit au monde sicomme superflue comme le
+las de l’adversaire/ Et je soie celle sans qui nulle chose n’est faite
+et sans qui nul fruit d’oeuvre ne pourroit l’omme conduire a perpetuelle
+gloire.
+
+
+
+
+Encore dit de sa poissance.
+
+
+Que te diroie de mes poissances n’en doubtes point que elles passent &
+precedent toutes les choses mondaines Et t’acertaine que par moy
+singulierement depuis le commencement du monde a esté est et sera
+gouverné tout l’univers et fondé sur moy es choses ouvrees par les
+hommes/ Et non obstant que grans sciences lois escriptes/ rigles de
+princes coustumes de terres soient en commun usage/ si te di je que
+precede toutes leurs poissances/ et plus puis que toutes ensemble/ et
+qu’il soit voir il appert par ce que non obstant ycestes coustumes ou
+establissemens souventes foiz/ fais errer meismes ceulx qui y sont les
+plus savans et les plus expers et entrer en tieulx argumens dont les
+conclusions sont faulces et dampnables sicomme ja est prouvé par ce qui
+est dit des anciens philosophes.
+
+¶ Et pource que tu attribues en ton dit livre de la mutacion de fortune/
+elle estre menarresse des antregiez des seignouries/ je te dis que de
+tous yces mouvemens suis le premier motif/ ne fu je celle qui tres le
+.ii.e aage fis a nambroth le jayant par presompcion ediffier la fort
+cité et tour de babiloine qui onques n’ot pareille comme ci apres sera
+dit/ si le fis errer tant qu’il dechut de l’atainte de sa pensee/ apres
+ce temps comme je fusse fort fichee ou cuer du roy de ninive par moy
+mettre a effaict/ ne vint il a chief de prendre la dicte fort cité de
+babiloine/ la quelle sa femme semiramis par moy et mon industrie
+moyennant son chevalereux courage fist ancores enforcir et brayer de
+bons fossez et bastides.
+
+¶ Item apres ce lonc temps ne donnay je cuer a cirus de guerroyer
+astiagies son ayol qui a occire l’avoit commandé si me poursuivi tant
+que il avint a son entente de ce et de tout oryant qu’il conquesta/ et
+pour ce que la matiere en est belle ancore diray de sa conqueste/ Comme
+je donnasse cuer et hardement a Cirus de emprendre fortes choses ce
+meismes recite abacut en sa prophecie Il prist la dicte cité de
+babiloine la quelle prise fust tant merveillable que ainsi comme dit
+Orose & saint augustin a peine pout il lors estre creu que par vertu
+humaine fust conquestee ne qu’en ceste mortelle vie ediffiee et puis
+prise peut estre. Car si qu’il dit elle estoit en bel espace assise de
+toutes pars tres fort en sa disposicion façonnee en quarrure/ la
+haultece de ses murs estoit .l. coubdes/ et l’espesseur autant par
+.iiii. fois/ tous les murs estoient de pierre cuite enlaciez par cyment/
+et avoit cent portes d’arain/ et environnoit .CCCC.lxxx. estades qui
+valent .li. milles C’est assavoir .xxv. lieues et demie françoises/ Car
+sicomme raconte orose Comme Cirus eust conquis auques tout orient &
+voulsist subjuguer babiloine la quelle lui restoit Comme a un des
+assaulx que il fist il perdist ou fleuve de euffrates qui cignoit la
+cité de ses chevaliers/ cellui que il amoit le plus/ le quel aussi
+surmontoit tous les autres en valeur et proece/ Il jura que cellui
+fleuve le quel avoit noyé si vaillant chevalier deviseroit en tant de
+parties que nulle part de lui ne seroit si grant que a une petite femme
+venist aux genoulx/ et ainsi fu car en .CCCC. & .lx. ruisseaulx par
+force d’ommes en l’espace des champs il devisa le fleuve/ si que le tres
+noble fleuve qui passoit par dedens la cité osté et subtrait de elle/ fu
+subjuguee/ et prise.
+
+
+
+
+Encore de ce mesmes & des seignouries.
+
+
+Pour briefté je laisse infinies autres choses lesquelles ay faites faire
+pendant ce temps & meismes celles que tu imputes a fortune/ ne vindrent
+de moy/ Les premieres invencions des fais que ains leur achevement vy en
+pensees/ non obstant que souvent les veoye autrement qu’ilz n’avenoient
+de tous les fais des conquereurs passez.
+
+¶ Ne fis je apres autres aventures passees/ a croire au roy xerses qu’il
+conquerroit toute grece en lui ramentevant sa grant poissance/ Dont pour
+ce faire assembla tant de gent que mons et vaulx en estoient couvers/ Si
+avoye couleur de jugier pour lui la victoire/ mais comme fortune me soit
+souvent contraire/ par especial en fais de guerres et es choses avenir/
+je confesse que elle voluntairement donna la victoire aux grieux
+tresbuchant cellui poissant es las de maleurté sicomme toy meismes as
+autres foiz apres autres aucteurs recordé en tes volumes Toute foiz non
+obstant que a lui fusse mençongiere et decevable fis je la premiere
+naiscence de celle emprise.
+
+¶ Apres ce temps par moy et par mon amonnestement furent commenciees et
+continuees les grans guerres troyennes/ Ne fis je a croire a leomedon
+roy de la premiere troye que les gregois dessendus a son port/ quant
+aloient pour querir la toison d’or estoient venus pour espier sa terre
+et lui pourchacier dommage/ et par moy sans cause envoya congeer de sa
+terre jason hercules et les autres barons villainement/ pour le quel
+despit je me mis ferme ou cuer des dis barons et leur promis que bien
+s’en vengeroient comme ilz si firent apres/ car je fus simple et nice ou
+dit roy leomedon qui follement me crut et mal se gaita de yceulx gregois
+en qui je fus sage et vraye/ si que sagement menerent leur fait par
+l’ayde et disposicion de fortune conduisaresse de leur bon eur/ si que
+toute destruirent et ardirent la cité/ le roy occirent et toute la gent.
+
+¶ Apres ne fis je a priant filz leomedon rediffier la seconde troye qui
+tant fu belle fort et poissant que merveilles estoit a comprendre/ par
+moy apres entreprist la vengence sur les grieux Si fis aler paaris en
+grece et ravir helayne et tout faire ce qui en fu fait/ Et par mes
+amonnestemens avec l’ayde ou nuisance de fortune perdoient troyens et
+gaignoient Je fus cause de la mort hector/ car je lui faisoie a croire
+que il n’avoit garde d’achiles qui sans cesser le gaittoit/ si que au
+derrain l’occist/ Semblablement depuis deceu je achilles tant que il
+cheut es las de la royne Ecuba qui a bonne cause le hayoit/ tout pour
+moy et par mon pourchas fu au derrain troye prise et destruite/ De la
+quelle fis apres partir plusieurs barons du sanc real a tout grant
+foison de gent qui par mer s’espandirent en diverses contrees dont eneas
+et sa compagnie arriva en ytale si lui fis couvoiter la fille du roy
+latin/ et pour celle cause emprendre guerre a turnus qui lui chalengioit
+Dont d’icellui eneas venu a son entente deffendirent puis les fondeurs
+de romme.
+
+
+
+
+Dit ancore l’ombre des choses que elle a faites faire.
+
+
+Depuis ensuivant n’ay je esté celle qui les successeurs de yceulx ay
+amonnestez d’emprendre les grandes et merveilleuses choses/ lesquelles
+par l’ayde de fortune a eulx propice/ tant esploitierent et par leur
+travail ayde et sens en lonc espace de temps que ilz conquesterent le
+monde Sicomme les histoires de leurs gestes/ et toy meismes apres autres
+en ton dit livre de mutacion de fortune le recordes/ le recitent/ si
+n’est besoing de plus en faire longue narracion.
+
+¶ Aussi ne fus je celle qui au grant Alixandre tres sa jonesce donnay
+l’invension d’emprendre les fortes et fieres batailles en lui promettant
+fortune en son ayde qu’il seigneuriroit sicomme il vint puis a chief de
+tout le monde/ Semblablement devant et apres ensuivant de toutes
+conquestes et seigneuries/ et toutes estranges choses mettre a effaict
+des choses a l’aventure par propos deliberé/ ay esté moyen et principe/
+ce ne me peus tu nyer/ se tu ancores par grosseur d’entendement ne
+m’ignores/ qu’en dis tu me suis je assez magnifestee/ me cognois tu/ et
+moy a elle/ dame dites ancore. A quoy veulx tu que plus je dye. Ne vois
+tu l’experience de moy manifeste meismes chacun jour ou pays ou tu
+demeures par les debas que je fais par mi la ville et en toutes places/
+Regardes et avises quieulx descors/ mais meismement entre les princes
+qui sont d’un sanc et amis naturellement par les diversitez de moy qui
+suis contraire en eulx le fois devenir comme ennemis maintefoiz et en
+chacun suis si afferme contrairement en ce qui lui semble bon que l’en
+ne me peut desmouvoir Car chacun dit que il a droit et ainsi le veult
+soustenir et a discuter leurs raisons ne vois tu les assemblees qui en
+sont faites de plusieurs que on dit sages et a chacun pour soy de ses
+aderés qui different les uns des autres/ Lesquelles choses sont causes
+de grant inconvenient/ car en pays royaume/ empire ou cité ou je soie ou
+aye esté communement de plusieurs guises contraires & mal accordables/
+ne fu que rebellion et grant debat commocion et bataille ne fust/ ne
+autrement ne peut estre Car certes la ou je ne suis d’un commun accord/
+n’ara ja paix/ mais du tort ou droit d’entre lesdiz princes supperieurs
+je me tais/ Car de ce determiner n’est mie mon office qui tous jours
+suis en doubte et non certaine/ mais de ce demander couvendroit a la
+tres clere resplandissant poissant deesse que tu veis enclose en chartre
+et emprisonnee & de qui fraude s’estudie a estoupper et clorre les voyes
+de sa lumiere sicomme a toy meismes fu apparant et de qui les menistres
+quoy que leur desplaise n’osent soubz peine d’estre batus tinter ne
+lever l’ueil/ mais de leurs descors fois je sourdre par toutes places
+nouveaulx debas entre leurs ministres et aderez et par toute la ville en
+deviser negativement l’un contre l’autre/ et meismes a de ceulx qui ne
+les cognoiscent en estranges terres en qui je me fiche diversement/ Si
+les fais entre batre souventes foiz/ et questionner mesmes de chose qui
+riens ne leur touche/ Disant l’un contre l’autre Tel seigneur a droit
+pour tel cause et pour tele/ L’autre replique que non/ et ainsi par non
+a/ si a/ si fu/ non fu/ je fais gent entre occire souventes foix meismes
+es tavernes souvent avient adont suis je forte quant il y a vin & plus
+je y abonde & fais mesler gens de la chappe a l’evesque/ ou des guerres
+de anthioche le quel a ou droit ou tort et ou le quel est plus sage/ ou
+le quel ne l’est mie/ Et ainsi je demonstre es humains leur ignorence de
+eulz debatre de ce de quoy riens ne scevent et ne leur appartient/ O
+quel folie en homme de qui le sens doit gouverner raison/ se fonder sans
+elle sur moy & jugier par moy certainement de chose non certaine et que
+ilz ignorent Que t’en diroie je fois vivre les gens par moy/ c’est a
+entendre disposer leurs fais selon ce que je leur conseille/ Et quant
+ilz pevent avenir a l’ordre de vivre que je leur fois desirer/ adont
+sont ilz contens de la chose que ilz vouloient/ mais je suis different
+en eulx/ Car je fais penser et cuider a l’un que bon lui soit/ une
+maniere de vivre/ et certaines choses que il appete lui sont bonnes/ que
+a un autre ycelles meismes ne plairoient point/ mais lui plairoient
+toutes contraires/ Et cestes differences viennent selon les condicions
+et aages des gens sicomme je suis autre es jones que je ne suis es
+vieulx/ et meismes es .ii. aages entre eulx suis je different/ Et pour
+ce que ainsi je differe suis je cause des debas du monde/ et chacun me
+cuide avoir en soy meilleur/ je fais sembler a un homme que avoir des
+flourins il n’est plus de joye Je fais sembler a un autre que avoir
+belles dames il n’est plus de bien/ aux uns juger que science est
+souveraine chose/ aux autres que chevalerie est meilleur et plus noble &
+ainsi des autres choses/ Et pour ce ne fu onq si parfaict pas
+jhesuscrist comme homme qui peut bien vivre ne estre agreable a
+l’oppinion de tous Toute foiz te dis je bien que vivre vertueusement &
+bien faire si emporte le plus des voix des gens.
+
+
+
+
+Ce que l’ombre disoit des arquemistes.
+
+
+Comment cuides tu que je soie comme j’ay dit fort atachee es speculatis
+clercs & entre les autres es arquemistes qui la science cuident trouver
+par les termes entendre de aucuns livres obscurs de faire l’or/
+merveilles est car s’il est voir que aucuns philosophes par investiguer
+les secrés de nature telle art trouvassent/ la quelle chose fort semble
+a croire/ toutevoie tant sont couvers estrangement les textes de leurs
+aucteurs que bonnement le sens humain ne les scet ne mais a l’aventure
+concevoir/ ne sentir fors telement quellement/ mais voy ci qui deçoit
+les ouvrans en ycelle art que ilz dient et touchent que comme il
+n’apartiengne que aux ignorans ruraulx soit descouvert si noble secret/
+pour le bien des soubtilz l’ont voulu si mucier que des rustiques ne
+leur soit tolu ne fortraict/ Et ycy est la decevance/ Car chacun qui s’i
+fiche cuide estre du nombre des plus soubtilz & abuse en son entendement
+en estudiant yceulx livres lesquieulx baillent le sens de leurs termes/
+a si doubles ententes que le plus cler voyant n’i voit nulle goute mais
+adont je me fiche en eulx et leur fais a croire que l’asemblement des
+metaulx sublimez diversement comment et de quoy doivent estre mistionnez
+de diverses matieres et nourris en feu attaindront l’art de nature et
+par espace de temps sera converty en or ou argent et toute voye l’un
+entant la maniere du composer en une guise l’autre en un autre/ et le
+tiennent secret les ouvreurs sans conferir ensemble de paour que ce que
+ilz en croyent et la maniere de leur ouvrer peust aviser un autre de
+trouver la voye d’i attaindre ne jamais nul ou pou n’euvre de la guise
+de l’autre/ et ainsi gastent le temps et perdent et font grant mise
+follement par vaine esperance qui par aventure en leur erreur les
+reconforte pour un pou de apparance ou conjecture de aucune congelacion
+estrange faite par diverses mistions & feu quelque matiere dure remettre
+ou pouldre en eaue ou autrement cuident par ce avenir au degré ou ilz
+tendent lesquelles choses sont toutes frivolles/ et tournent a folies et
+a chetivoison et toute jour et nuit font feu contemplant un fournel/ mau
+peus & mau vestus se paissent de vent/ & la font chasteaulx en espaigne
+pensant comment il seront aise quant l’or saront faire/ et quieulx
+despens ilz menront/ Et que cuides tu que de tieulx arquemistes sourdent
+aucune fois de grans trompeurs qui cabusent les seigneurs & leur font a
+croire que se ilz eussent quelque mise n’est mie doubte que ilz ont ja
+ataint un grant secret si en tireront grant prouffit/ et ainsi par
+quelque apparance de verité soubtille en ycelle art monstrent signe de
+aucune chose voir semblable/ et au derrain tout tourne a neant comme tu
+as veu meismes en ton aage avenir de plusieurs de quoy il estoit grant
+renom/ et maintes gens foy y adjoustoient Sicomme d’un en alemaigne que
+on nommoit maistre bernard qui tant se faisoit renommer par l’estat que
+il tenoit/ et meismes a ton pere envoya il lettres/ et tant fist que
+trop de gens foy y adjoustoient/ et aloient de toutes pars clercs devers
+lui/ et toutevoye au derrain fu trouvé que tout estoit neant et
+tromperie/ et de autres plusieurs que tu as veus que au derrain on
+faisoit mourir par leurs dessertes par cabusemens faire a seigneurs/ Et
+avient aucune foiz que je me fiche si en eulx par la speculacion que ilz
+y ont trop ententive/ je les fois devenir tous fantastiques & si astras
+que ilz sont comme inconversables.
+
+¶ La bonne galle est quant de aucuns folz non lettrez s’i boutent qui
+mieulx cuident entendre et exposer les textes des aucteurs que les plus
+savans & les lisent et ymaginent dessus/ et dieux scet les bonnes
+fantasies/ que ilz y ont sicomme un orfevre qui volt devenir arquemiste/
+mais il le fu au contraire de la ou il tendoit Car or cuidoit faire et
+le deffist/ comme il fust riches homs et povre devint/ cellui estudiant
+un chapitre entendi que mercure c’est a savoir un metal que ainsi ilz
+nomment estoit la matiere ouvrable de la science Et comme il passast
+oultre tousjours lisant de rechief entendi que la cause de la perfeccion
+de l’oeuvre estoit matere reputee ville/ Et que on trouvoit sur le fiens
+gittee sicomme chose desprisee Adont comme cestui fust fort ententif a
+bien speculer ceste chose que ce povoit estre Au derrain determina en
+soy que vrayement par ce que dit estoit/ c’est a savoir mercure que
+comme les aucteurs eussent baillez leurs termes obscurs/ on devoit
+retourner le mot/ c’est a savoir cure ton marc que il entendi par la
+fiente de l’omme que l’en devoit curer/ et ancore plus de ce/ le
+certiffia que il trouvoit que sus les fiens comme chose ville estoit
+trouvee/ si s’arresta sus ces poins/ et commença a ouvrer en sa fiente
+en la faisant secher au feu et faire pouldre et la fin en fu que il
+puoit comme charongne/ & chacun le fuioit et se moquoit on de lui qui
+cuidoit faire de fiante or/ et aloit sus les fiens a grant diligence les
+querir/ un autre estoit qui cuidoit de savates faire or/ et aloit sus
+les fiens a grant diligence les querir puis les bruloit/ et tant ouvra
+que les voisins qui empulantis en furent le chacierent.
+
+¶ De tieulx folz est il assez ouvrans en celle science a qui n’en
+remaint ne mais parte de temps & povreté/ Et qu’il ne soit mie dit selon
+le proverbe commun que les sciences n’ont plus fors ennemis que ceulx
+qui les ignorent/ que elle soit vraye ou non je ne te acertaine mie/
+Toutevoie je te dis sans prejudice que la difficulté d’elle par
+vehementes raisons que comme les oeuvres de nature soient impossibles a
+ataindre sophistiquement donroit cause a plusieurs des plus avisez de
+non y perdre temps et mise par folle occupacion/ en esperance vaine y
+adjoustant grant foy.
+
+
+
+
+Des nobles que l’ombre dit que elle deçoit.
+
+
+Des nobles qui suivent les armes sont ilz point que tu cuides par moy
+deceus/ certes si sont souvente foiz plusieurs y a Car je les fais
+abuser du fait des armes par ce que ilz n’en scevent ou ne veulent
+savoir les propres termes lesquieulx sont tieulx. Il ne loit point a nul
+s’armer pour aler en bataille ne se combatre fors pour certaines causes
+C’est a savoir pour la loy de dieu contre les mescreans ou herites
+contraires a la foy/ Item pour deffendre l’eglise/ son prince/ son pays/
+sa terre/ le bien publique/ le droit des ignocens/ & ses propres choses/
+& autrement n’est loy qui le permette ne n’est bataille juste & sans
+dampnacion. Or y prens garde se de tous ceulx qui s’arment sont
+droiturierement ses poins gardez/ et se nulz y vont sus mauvaises
+querelles.
+
+¶ Bataille que tu le saches justement faite est premise de droit divin &
+du droit des gens qui n’est autre chose meismes ce dit la loy/ que
+entencion de remettre a droit par force d’armes chose par autruy
+deraisonnablement contendue/ Si ne regarde de sa nature ne mes retourner
+droit a droit & faire convertir guerre a paix/ ne les maulx que fais y
+sont/ de la nature de bataille ne sont mie ains par mauvais usage
+acoustumé en guerre sont fais/ & que batailles en justes causes soient
+de dieu premises appert en plusieurs lieux de l’escripture/ sicomme il
+ordena a un homme nommé jhesus comment sa bataille establiroit/ et que
+une embuche feist pour surprendre ses ennemis/ Et de ce dient voz
+docteurs que dieux est vainqueur et ordeneur des batailles comme par
+plusieurs fois est apparu.
+
+¶ Mais ceulx a qui je fais faire armes perilleuses & sanz raison/ et
+leur donne a croire que grant honneur leur sera pour l’amour de leurs
+dames sans visiere ou un bras nu/ ou descouvert d’aucun de leur harnois/
+ou en aucun autre peril emprendre fait contre un autre a qui n’ont nul
+contens je les deçois/ et pareillement ceulx qui tieulx armes leur
+aceptent/ et a eulx se coupplent.
+
+
+
+
+Ce que l’ombre disoit des gens d’armes.
+
+
+Et ceulx qui donnent gage pour a oultrance en champ de bataille combatre
+sus aucune querelle soit droit ou tort/ je te promet en ce cas sont par
+moi deceus/ car vers dieu mesprennent & pechent grandement/ et te diray
+comment/ combatre en champ est contre droit divin qui est de dieu et de
+sainte escripture contre le droit des gens Le civil/ le decret/ et
+contre droit canon et cellui qui l’acepte/ pareillement peche La cause
+est que a dieu miracle ne chose contre nature on ne doit demander/ comme
+telle chose faire soit une maniere de tempter dieu esperant il aydera au
+droit/ Si ne doit/ Si ne doit estre quise de la voulenté de dieu
+experience/ Et que ceste espreuve soit faulse/ on a veu maintefoiz que
+cellui qui droit avoit estoit vaincus/ sicomme une decretale raconte de
+.ii. freres qui furent restez d’un crime & comme ilz fussent de celle
+cause vaincus en champ tout ne fussent ilz mie coulpables & apres la
+verité fu sceue par la confession meismes de ceulx qui le delit commis
+avoyent/ et pareillement de plusieurs a esté prouvé la loy deffendi que
+teles preuves non droitturieres plus ne fussent en usage/ Item juges
+sont establis pour cognoistre des causes et faire droit/ Et est loy
+ordenee que nul de sa propre cause ne soit juge/ Et cellui le veult
+estre qui prouver veult son fait par soy meismes et par sa victoire qui
+est soubz la distribucion de fortune/ et a l’aventure Item le droit
+canon commande que au pape l’en obeisse/ le quel soubz peine
+d’escommenie deffent comme chose reprouvee contre droit de justice/ que
+tele espreuve ne soit faicte Et tu me diras donques comment seront punis
+les mau faicteurs secrés Je te respons que dieu pour lui s’est reservee
+la punicion/ et dit un decret que se en ce monde tous maulx pugnis
+estoient/ le jugement de dieu dont point de lieu n’aroit/ et cellui
+presomptueusement le se veult attribuer qui la victoire de la vengence
+s’en veult donner.
+
+¶ Et comment est uns homs si folz qui plain de vices et de pechiez se
+sent/ poson que il ait bonne querelle en aucun cas/ que il cuide que a
+lui pecheur dieu face miracle de la chose muciee que il quiert/ mais se
+il estoit sage paour devroit avoir de la pugnicion de dieu en sa juste
+cause/ Comme souvent aviengne & soit avenu que dieu a dissimulee
+vengence du pecheur ou cas ou desservi l’avoit/ et puis le pugni en
+chose dont estoit ignocent.
+
+
+
+
+La fin de l’oroison de l’ombre.
+
+
+Que dis tu souffist il t’ay je assez compté du fait de mes poissances
+desquelles ne pourroyes en ta vie comme autre foiz t’ay dit tous les
+exemples ouyr tant en y a et si divers sont/ Scez tu ancore qui je suis/
+Et moy a elle dame congnoistre vous cuidasse/ mais les raisons
+contradictoires que me narrez/ vaciler me font en vostre cognoissance/
+car se bien l’ay entendu/ tres au premier me dites que la ou verité est
+attainte/ ne povez arrester/ et toutevoye bien sçay et suis certaine que
+en maint cas m’avez pure verité ycy endroit clariffiee. Si ne sçay
+entendre comment ce peut estre que chose doubteuse tesmoing puisse estre
+de verité pure Et elle a moy fille envers le sens de ton entendement &
+escoutez et nottez/ Car je te promet que quoy que autrefoiz en divers
+cas te fusse menterresse en cestui cy t’ay je dit voir/ se bien l’entens
+& ne m’i contredis/ S’il te recorde de ce qu’ay dit/ c’est assavoir que
+cause suis moyennant estude & entendement de faire attaindre les choses
+vrayes/ mais bien est vray que aussitost que attaintes sont je me depars
+en cellui cas ne plus n’y arreste Et qu’il soit voir ainsi l’as
+esprouvé/ car non obstant que ces choses t’aye dictes non pas moy les
+t’ay certefiees mes les ses par le moyen d’estude qui raporté l’a a ton
+entendement/ le quel par raison est certain que ainsi soit/ pource en
+ces cas de toy me partiray et en lieu te remaindra certaineté/ Et par
+plus groz exemple ne te souvient il de moy et de ma cognoissance par les
+divers cas que je t’ay fait mettre en termes & faire plusieurs lectures.
+
+¶ Ne fus je celle qui mist le debat entre les clercs disciples de
+maistre jehan de meun comme il s’i appellent/ Et toy sur la compillacion
+du rommant de la rose du quel entre vous contradictoirement escripsistes
+l’un a l’autre chacune partie soustenant ses raisons/ sicomme il appert
+par le livret qui en fu fait.
+
+
+
+
+Responce de christine a l’ombre.
+
+
+Adont comme mon entendement se apperceust par clere cognoissance qui
+estoit celle qui tant araisonnee m’avoit je dis ainsi.
+
+¶ Ha dame oppinion poissant et forte voirement vous doy je mon bien
+cognoistre/ car tres m’enfance oz je vostre accointance/ Et certainement
+je cognois et confesse vostre auctorité estre de grant vigueur et
+poissance/ et quoy que vous soiez blasmee souventes foiz/ qui bien de
+vous use ne peut errer/ et mal/ pour cellui en qui vous n’estes saine/
+mais puis que il vous a pleu de vostre grace tant m’onorer que a moy si
+clere evidemment vous estes magnifestee me racontant voz grans
+proprietez/ encore vous requier que ennuy ne vous soit de me declairier
+aucunes demandes Et elle a moy/ fille dis ce qu’il te plaist.
+
+¶ Dame puis que il est ainsi que de vous vient la premiere invencion des
+oeuvres humaines bonnes ou malles/ rudes ou soubtilles selon la
+disposicion des entendemens comme dit avez/ plaise vous me certiffier se
+es choses par vous engendrees en moy lesquelles a mon povoir par le
+moyen d’estude & de tel science et entendement comme j’ay qui en mes
+compilacions et volumes sont declairees se en aucune chose y ay erré/
+comme si sage ne soit qui aucune foiz ne erre/ Et elle a moy amie chiere
+soyes en paix car se ainsi estoit mieulx vouldroie tart que jamais les
+amender Car je te dis que non/ Tout t’ay je blasmee de ce que
+prerogative de honneur vols comme je ay dit devant donner a fortune et
+moy comme je soie princippe y oublias mais non pour tant faulte n’y a.
+
+¶ Non obstant que par moy maint s’en debatent diversement Car les aucuns
+dient que clercs ou religieux les te forgent Et que de sentement de
+femme venir ne pourroient mais ce sont les ignorens qui ce dient/ Car
+ilz n’ont pas la cognoiscence des escriptures qui de tant de vaillans
+femmes sages et lettrees et mesmement prophetes qui ou temps passé ont
+esté font mencion/ Et comme nature ne soit amendrie de sa poissance/
+ancore en peut estre/ les autres dient que ton stile est trop obscur/ et
+que on ne l’entent/ si n’est si delitable et ainsi diversement le fais
+aux uns louer & aux autres reprimer de loz/ comme chose quelconques
+estre a tous agreable soit impossible/ mais tant te dis que verité par
+le tesmoing de l’experience ne seuffre le blasme avoir effait sur le
+loz/ si te conseil que ton oeuvre tu continues comme elle soit juste Et
+ne te doubtes d’errer en moy/ Car tant que je seray en toy fondee sur
+loy/ raison & vray sentement tu ne mesprendras es fondacions de tes
+oeuvres/ es choses plus voir semblables non obstant de plusieurs les
+divers jugemens/ les uns par moy simplement/ les autres par envie/ Car
+je t’acertaine que quant elle et moy sommes ensemble adont se font les
+tres faulx jugemens ne il n’est si bon qui y soit espargné/ et adont
+suis je perilleuse quant envie me gouverne/ si faisons la personne
+avuglee es autruy choses et en son meismes fait qui en soy nous a si lui
+rongnons le cuer/ ne reposer ne la laissons/ et vouloir lui donnons de
+faire maint maulx qui accomplis sont aucune foiz/ & mal est gouverné cil
+qui chiet entre noz mains ja si bon ne sera ne si poissant.
+
+¶ Ne veames nous jadis les portes de romme au preus julius cesar qui
+tant victorieux s’en retournoit/ & au dernier tant pourchaçames que il
+fu occis/ Assez de teles en avons faites/ ne il n’est si sage qui garder
+s’en sache/ Si t’ay assez narré de mes aventures et a tant souffise/ Car
+parce que je donne a croire a l’un que une chose est bonne et bien faite
+ou que elle est vraye/ & a l’autre tout le contraire/ dont sourdent
+bataille et maint debas/ la prolicité de mes narracions si racontees
+pourroit aux lisans a ennuy tourner/ Et si te prophetise que yceste
+lecture sera de plusieurs tesmoignee diversement les uns sur le lengage
+donront leur sentence en plusieurs manieres/ diront que il n’est pas
+bien elegant Les autres que la composicion des materes est estrange/ et
+ceulx qui l’entendront en diront bien/ et le temps avenir plus en sera
+parlé que a ton vivant/ Car tant te dis je ancore que tu es venue en
+mauvais temps Car les sciences ne sont pas a present en leur reputacion
+ains sont comme choses hors saison/ et que il soit vray/ tu en vois peu
+qui a celle cause soient en la maison de fortune sus haulciez.
+
+¶ Mais apres ta mort vendra le prince plain de valour et sagece qui par
+la relacion de tes volumes desirera tes jours avoir esté de son temps et
+par grant desir souhaidera t’avoir veue Si me suis a toy descripte/ Or
+diffinis de moy ce que il t’en semble.
+
+¶ Et moy a elle dame comme la descripcion de vous meismes/ m’en
+appreigne la diffinitive. Je dis que comme parfaictement/ ore vous
+cognoisce/ que vous voirement estes de ignorence fille adhesion a une
+partie en doubtant tous jours de l’autre/ Et de ce je m’avise ce que de
+vous dit aristote ou premier livre de posteres que cellui qui vous a
+doubté tous jours que autrement puist estre que ce que il pense/ comme
+vous soiés non certaine/ Et saint bernard dit aussi ou .v.e chapitre de
+consideracion que vous estes ambiguë et povez estre deceue/ Si dis et
+conclus que vous estes adhesion a une partie/ la quelle adhesion est
+causee de l’aparance de aucune raison prouvable soit que l’oppinant ait
+doubte de l’autre partie soit que non/ de vostre poissance je dis que
+pour l’ignorence qui est es hommes que par vous est plus le monde
+gouverné que par grant savoir.
+
+
+Explicit la .ii.e partie du livre de l’avision christine.
+
+
+
+
+Ci commence la tierce partie du livre de christine/ le quel parle/ de
+confort de philosophie.
+
+
+Es escolles dessus dictes apres ces choses comme je traçasse de lieu en
+lieu/ cerchiant divers estudes fus convoyee par maintes chambres et
+haulteces de pluseurs degrez/ Et comme les passages et destrois des diz
+degrez fussent penibles et difficiles a ceulx qui acquerir et posseder
+les vouloient a qui ne fust souffert se trouvé souffisant ne fussent a
+moy qui transitoirement estoie errant par yceulx assez legiere fu la
+voye/ Et tout ainsi comme a un estrangier voyageur lyement souventes
+foiz sont monstrez et ouvers les tresors des princes par ou ilz passent
+affin que ilz voyent la magnificence et richece de yceulx si que
+recorder le puissent en leur pays/ fus paisiblement & sans grant dangier
+menee par toutes les places des dictes estudes/ Et de raconter la beauté
+et tresors que je y vi/ me passe pour briefté/ mais tant en di que avec
+la beauté inextimable qui m’y apparu/ la soubtilleté des divers ouvrages
+comment furent fais ouvrez et tissus et de quieulx matieres mon
+entendement n’estoit digne de concevoir ne comprendre ne partir ne m’en
+povoie de plus hault monter pour veoir diverses beautez fu souffisant
+seulement mon bon desir et amour a m’empetrer lieu et licence de plus
+savoir ainsi convoyee par la segretaine de philosophie abbesse et
+superieure de ycellui couvent/ fus pourmenee par tous les estages de
+toutes beautez et bonnes choses remplis et combles/ Et comme ancore plus
+de grace receusse de ycelle noble conduisaresse de sa liberalité &
+plaine largece me donna congié de hardiement mettre la main/ et prendre
+tant comme porter pourroie des tresors de ces coffres Et je de ce non
+reffusant comme couvoiteuse de en enrichir en la merciant me baissé pour
+mon giron en emplir/ mais comme trop pesant fussent a mon corps femenin
+et foible selon mon grant desir/ petit en emportay/ et non si peu que je
+le donnasse pour quelconques autre tresor ou richece.
+
+¶ Ainsi convoyee fus menee tout au plus hault sommeton ou quel avoit
+situee une tres belle sale clere luisant et de fines couleurs/ tres
+richement painte ou furent pourtraictes toutes sciences et leur
+deppendances au tour des parois et tout par mi la dicte sale avoit
+fourmes arrengees pour seoir les escoliers escoutans les leçons des
+maistres/ la en droit lisans en chayere qui la estoit haulte et moult
+bien ouvree/ moy joyeuse de estre parvenue a si bel estre m’amusoie aux
+riches pourtraitures vivement faites et de soubtilz ouvriers.
+
+¶ Adont comme je voulsisse encercher de toutes choses avisay un
+huissellet de yvoire moult bien ouvré le quel estoit fort cloz et barré/
+ainsi comme ma veue moult ententive estoit celle part comme assez pres
+j’en fusse/ presumant par les congectures que je veoie/ que grant tresor
+encloz la devoit avoir reputant eureux l’entendement a qui la
+cognoiscence en seroit donnee desiroie que tel digneté fust a moy
+descouverte/ Lors si que je estoie en ce penser ouy la dedens moult
+grant remuement & diverses voix femenines de doulce et soueve parolle/
+tost apres ouy barres tyrer clefs tourner et le dit huissellet
+desverrouller/ adont comme je fouisse celle part pour tost estre preste
+sans ressongner presompcion ou mesprenture a me ficher ens/ oz le visage
+tout au plus pres/ mais aussi comme je avoie esté joyeuse esperant celle
+ouverture fus a l’ouvrir autant esmerveillee et remplie d’espoventement
+Car si tost que ouvert fu une si tres grant lumiere me feri en la face
+et es yeulx que cuiday de tous poins estre avuglee par quoy de paour et
+de la merveille cheus sur le sueil de l’uis pasmee me repentant d’estre
+si hault montee/ adont comme ancore a terre fusse gisant/ ycy une voix
+femenine de ce pourpris haulte sonnant mais non espoventable ne orrible/
+ainçois doulce belle et tres gracieuse/ mais ainsi que se auques loings
+de moy fust je la ouoye/ la quelle m’appella par mon nom disant mon
+ancelle tres loyalle lieves sus et ne te espoventes Car l’amour que as a
+moy et le desir qui te maine en suppleant ton ignorence te sera valable/
+adont moy resjouye doublement/ c’est a savoir de ce que voix de dame
+tres venerable me sembloit m’appelloit Et secondement que saroye partie
+de ce que desiroye me ravigora et tres fort esjouy/ Lors de rechief
+comme desireuse de choisir a l’ueil la beauté merveilleuse qui m’aparoit
+estre ou lieu dont sailloit telle clarté/ adreçay ma veue de plain
+visage/ tout par mi le dit huissellet/ mais tout ainsi comme quant par
+mi le ray du souleil on regarde contremont ou ciel il semble veoir en
+l’espere luisant un visage si cler que l’ueil humain ne le peut
+souffrir/ semblablement la vi une tele tresluisent espere que toute la
+chambre emplissoit de tres grant resplandeur/ Et environ celle espere
+avoit .ix. dames luisantes comme estoilles desquelles je avoie
+cognoiscence que establies estoient pour elle servir et moult me
+sembloient de grant reverence si baissay incontinent ma veue ja toute
+esblouye metant ma main au devant dis ainsi/ Tres haulte et tres noble
+creature de la quelle la cognoissance m’est occulte/ puis que il vous
+plaist tant m’onorer que vostre servante & ancelle me daignez appeller/
+plaise vous me certiffier donques la proprieté de vous ma venerable
+maistresse/ Et elle a moy ma mechinete saches que non obstant que tes
+yeulx foibles ne me puissent clerement veoir pour leur grosseur/ que je
+suis celle qui nuement et visiblement s’aparu ou temps de l’exil/ et de
+sa tribulacion/ a mon chier ame filz boece le tres sollempnel
+philosophe/ le quel par mes confors je garday de mort et de langueur
+desesperee.
+
+
+
+
+Ce que christine dit a philosophie.
+
+
+Quant j’oz ainsi ouy parler la tres venerable deesse par les quelles
+paroles et enseignes elle me fu manifeste/ adont a .ii. genoulz je me
+gitay ainsi disant/ o tres glorieuse sapience de la quelle toutes
+cognoissances despendent tant de bon cuer remercy dieu et toy qui tant
+benignement m’as fait digne de ton accointance/ et n’as eu orreur de moy
+femme ignorent non digne de descoudre les lassemens de ta chaussemente/
+ains comme maistrece tres amiable/ m’as a toy appellee/ la quelle
+humilité me certefie que tu ne refuseras a moy ta chamberiere des
+petites mietes de ton relief souffisans pour sa nourriture Car comme tu
+eusses nourry du laict de tes mamelles et de tes precieux mets ton tres
+amé filz dessusdit qui tant t’onora et ama ne l’oublias pas ou temps de
+sa grant neccessité/ et pareillement plusieurs autres de tes enfans/
+semblablement je suppose que moy ta serville mercenaire que tu as
+nourrie des demourans des grosses viandes de tes tables tu n’oublieras
+ains donras remede reconfortant les navreures de ses infortunees
+adversitez/ car pour celle cause croy que dieu saint esperit pere des
+povres & leur vray administrateur m’a conduite au terme de ta
+cognoissance Sicomme il scet les pesanteurs de mes perplexitez/ aux
+quelles reconfort ne m’est presenté par les humains de nulle part/ Et
+comme assez soyent de moy celees et couvertes mes dictes aversitez et
+non revellees aux mondains ainçois tres muciees pour cause que par
+aventure eulx non charitables tourneroient les complaintes de mes
+neccessitez a derrision & despris/ sans que aucun fruit donnant alegence
+m’en ensuivist/ Et pource a toy celestielle cognoissance sepparee des
+viltez de ça jus/ et vraye phisicienne essoreray et esventeray les
+complaintes de mes pensees/ confiant que ta clemence n’ara a despris
+l’umble voix de sa servante/ et amenistreras reparacion a la ruyne de
+mon espoir/ rué jus par les soufflemens de fortune en la quelle hayne ay
+esté tres mon enfance diversement non obstant que souvent m’ait monstré
+son cler visage/ mais quant resjouir m’i cuidoye moult tost le couvroit
+de s’obscure nue.
+
+
+
+
+La complainte de christine a philosophie.
+
+
+Reverend dame/ obeissance en facondede predite a ta serinité ne te tourt
+a ennuy la narracion de mes aventures pour le procés de leur prolixité/
+et te plaise daigner estendre l’ayde de ton conseil au secours de la
+chetivoison de mes pensees O dame chiere maistrece vueilles notter
+comment fortune la variable/ m’a tous jours esté comme dit est tres
+amere marrastre Considerant tres l’estre de mon enfance/ Car comme je
+fusse nee de nobles parens ou pays d’ytalye en la cité de venise en la
+quelle mon pere nez de boulongne la grace ou je fus puis nourrie/ ala
+espouser ma mere qui nee en estoit par l’acointance que mon dit pere
+avoit de lonc temps devant a mon ayol/ clerc licencié et docteur né/ de
+la ville de fourly/ et gradué a l’estude de boulongne la grace qui
+salarié conseiller de la dicte cité ou je nasqui estoit a cause du quel
+parenté mon dit pere ot la cognoissance des veneciens/ et fu pour la
+souffisance et auctorité de sa science retenu semblablement conseiller
+salarié de la dicte cité de venise en la quelle fu un temps resident a
+grant honneur richeces et gaings.
+
+¶ Or me dis ne fu ce pas fortune qui en ce temps assez tost apres ma
+nativité fist mon dit pere pour certaines besongnes et ses possessions
+viseter se transporter en la dicte cité de boulongne la grace/ En la
+quelle lui vint tantost nouvelles & certains messages tout en un temps
+de .ii. tres excellens roys lesquieulx pour la grant fame de l’auctorité
+de sa science le mandoient priant et prommettant grans salaires et
+emolumens chacun endroit soy que vers lui voulsist aler/ dont l’un
+estoit le souverain des roys chrestiens le roy de france Charles le sage
+quint de cellui nom/ Et l’autre fu le roy de honguerie/ cellui au quel
+pour sa desserte et merite est demouré apres lui tel nom que on le dit
+le bon roy de honguerye.
+
+¶ Adont comme la souffisance de ces ambassaderies pour la reverence de
+la digneté des diz princes ne fust a mettre arriere/ delibera mon dit
+pere a obeir a l’une des parties/ c’est assavoir comme au plus digne/ et
+aussi le desir de veoir les estudes de paris et la haultece de la court
+françoise/ venir vers le dit roy de france esperant transitoirement
+veoir le roy/ obeir a ses commandemens/ et viseter les dis estudes
+l’espace d’un an puis s’en tourner vers sa femme & famille/ la quelle il
+ordena demourer sus ces possessions et heritages a boulongne la grace/
+Et toutes ces dites choses faites & ordenees avec la licence de la dicte
+seignourie de venise se party & vint en france/ ou quel lieu fu du dit
+sage roy Charles tres grandement receus et honorez/ et tost apres
+l’experience veue de son savoir & science l’establi son conseiller tres
+especial privé et chier tenu/ le quel lui fu tant agreable que du partir
+au chief de l’an ne pot avoir licence ains volt a toutes fins le dit roy
+que grandement a ses cousts et frais envoyast querir sa femme enfans &
+famille pour user a tous jours leur vie en france pres de soy/ en
+promettant possessions rentes/ et pensions pour tenir honorablement leur
+estat/ neant moins comme mon dit pere en esperant tous jours le retour
+retardast ceste chose pres de l’espace de .iii. ans/ en la fin couvint
+que fait fust/ Et ainsi comme dit est fu fait le transport de nous de
+ytalie en france/ grandement fu receue la femme et enfans de ton amé
+philosophe maistre thomas mon dit pere arrivé a paris lesquieulx le
+tresbenigne bon sage roy volt veoir et recevoir joyeusement/ la quelle
+chose fu faite tost apres leur venue a tout leurs abis lombars riches
+d’aournemens et d’atour selon l’usage des femmes et enfans d’estat/ ou
+chastel du louvre a paris ou mois de dessembre/ estoit le dit roy lors
+que la presentacion du dit mesnage a belle et honorable compaignie de
+parens fu a ses yeulx magnifesté/ la quelle femme et famille a tres
+grant joye et offre il receut.
+
+
+
+
+Dit christine de ses bonnes fortunes.
+
+
+Moult nous fu fortune favorable le temps durant de la vie du sus dit bon
+sage roy charles/ Et avec les autres gloires des prosperitez receues/ en
+joyeuse plantureuse et paisible vie/ en mariage/ comme ce soit naturel
+joye/ a tout loyal serviteur veoir la prosperité de son bon maistre la
+dieu merci puis le temps de la venue de mon dit pere au service du roy
+gouverné en partie mesmement en ses guerres par l’administracion de son
+sage conseil selon la science de astrologie crut & augmenta de mieulx en
+mieulx la valeur de ses prosperitez recevant plusieurs victoires et
+conquestes sus ses ennemis/ et que ces choses soient vrayes je m’en
+rapporte aux vivans princes & autres ancore de ce temps qui ce scevent/
+le quel dit bien du prince estoit le comble de la joye de son sus dit
+feal serviteur/ non obstant que a l’usage des philosophes fust nulle
+l’espargne de la peccune/ et avoir de mon dit pere/ la quelle chose
+sauve sa reverence je ne repute mie louable en l’estat des mariez soubz
+la quelle main doit estre la cure de leur maisnage souffreteux apres
+eulx peut estre a cause de leur prodigalité/ toute voye non obstant la
+liberalité de ses coustumes la pourveance du bon roy ne laissoit a
+l’ostel de son amé deffaillir nulles choses neccessaires.
+
+¶ A venir au point de mes fortunes le temps vint que ja approchoie
+l’aage ou quel on seult les filles assener de mari tout fusse je ancores
+assez jeunette non obstant que par chevaliers autres nobles & riches
+clercs fusse de plusieurs demandee et ceste verité ne soit de nul
+reputee ventence/ Car l’auctorité de l’onneur et grant amour que le roy
+a mon pere demonstroit estoit de ce cause non mie ma valeur/ comme mon
+dit pere reputast cellui plus valable qui le plus science avec bonnes
+meurs avoit/ ainsi un jone escolier gradué bien né et de nobles parens
+de picardie de qui les vertus passoient la richece/ a cellui que il
+reputa comme propre filz je fus donnee/ En ce cas ne me plains je de
+fortune/ car a droit eslire en toutes couvenables graces sicomme autre
+foiz ay dit a mon gré mieulx ne voulsisse cellui pour sa souffisance
+tost apres nostre sus dit bon prince qui l’ot agreable lui donna
+l’office comme il fust vaquant de notaire et son secretaire a bourses &
+a gages et retint de sa court tres amé serviteur.
+
+
+
+
+Entre a parler christine de ses males fortunes.
+
+
+Ainsi dura celle prosperité par plusieurs annees/ mais comme la dicte
+fortune se montrast envieuse de noz gloires volt restraindre la source
+dont ilz venoient/ Et ne fu ce pas par elle voirement chiere maistresse
+qu’a cestui royaume fu procuré le grief dommage du quel malement se
+senti le mesnage de maistre thomas ce fu lors que le tresbon sage prince
+non pas envielli par cours de nature mais en assez jeune aage comme de
+.xliiii. ans chut en maladie assez brieve dont il trespassa. helas
+voirement souvent avient que choses bonnes petit durent/ Car ancore au
+jour d’uy se a dieu plust avoir laissié durer sa vie neccessaire a
+cestui royaume du quel le gouvernement & estat malement est ores de
+cellui de lors different/ ne fust trop enviellis/ Or fu la porte ouverte
+de noz infortunes/ et moy estant ancore assez jeunette y fus entree Et
+comme ce soit de commune coustume des poissans hommes close la bouche
+grant est le remuement et changement de l’estre de leurs cours et de
+leurs lieux/ de la quelle chose sont causes plusieurs voulentez
+contraires/ et a peine autrement peut estre se moult grant discrecion
+n’y remedie. Comme il appert du grant alixandre/ sicomme il est escript
+les divers descors lesquieulx non obstant les partages des regions que
+il leur avoit limitees/ tantost apres sa mort entre ses barons
+sourdirent.
+
+¶ Adont faillirent a mon dit pere ses grans penssions plus n’ot .C.
+frans le mois bien payez/ avec ses livrees et dons qui gueres moins ne
+montoient comme appris avoit/ et l’esperance que le dit bon Roy lui
+avoit donnee de asseoir pour lui et ses hoirs .v.c livres de terre et
+assez d’autres biens dont la deffaulte du ramentevoir au bon Roy & la
+mort qui trop tost vint ne souffri la dicte promesse sortir son effait
+non obstant que des princes gouverneurs fu retenu a gages malement
+amendris et mal payez/ Si fu ja venu le temps de sa viellece qui en
+assez brief temps apres chut en longue impotence et maladie ou maintes
+souffrettes sourdirent aux quelles eust eu besoing l’espargne des choses
+despendues/ Et pource au mien cuidier est juste prudent espargne en
+jeunece qui secourt l’omme en sa viellece/ durant son sain entendement
+jusques a la fin recognoissant son createur comme vray catholique
+Trespassa mon dit pere droit a l’eure que devant ot prenostiqué/ du quel
+entre les clercs demoura renommee que en son temps durant ne plus de
+Cent ans devant n’avoit vescu homme de si hault entendement es sciences
+mathematiques en jugemens d’astrologie avec ce entre les princes & ceulx
+qui le frequentoient la vraye reputacion de sa prodomie/ ses biens fais/
+loyauté verité & autres vertus & nul reprouche faisoit plaindre sa mort
+et regraiter sa vie/ en la quelle nulle reprehencion n’affiert se trop
+grant liberalité de non refuser riens que il eust aux povres en tant que
+il avoit femme et enfans ne lui donne/ Et que je ne le dye par faveur/
+de ceste verité sont ancores au jour d’uy maint de ses cognoiscens/
+princes et autres certains comme de experience/ si fu un tel homme a bon
+droit des siens plaint et plourez.
+
+
+
+
+Encor de ce mesmes.
+
+
+Or fu demouré chief du mesnage mon mari jeune et preudomme sage et
+prudent et tres amé des princes et toute gent frequentant son dit office
+par le quel moyennant sa sage prudence estoit soustenu l’estat de la
+dicte famille/ mais comme ja fortune m’eust mise ou declin de sa roe
+disposee au mal que donner me vouloit pour du tout au plus bas me flatir
+souffrir ne volt que gaires me durast ycellui tresbon par la quelle
+dicte fortune mort lors que il estoit en sa fleur apte & appreste et sus
+le point tant en science comme en sage et prudent conqueste &
+gouvernement de monter en hault degré le me toli en fleur de jeunece
+comme en l’aage de .xxxiiii. ans et moy de .xxv. demouray chargee de
+.iii. enfans petis et de grant mesnage Si fus a bon droit plaine
+d’amertume regraitant sa doulce compaignie et la joye passee qui ne mes
+.x. ans m’avoit duré/ voyant venir le flo de tribulacion qui sur moy
+accouroit fus plus desirant mourir que vivre et n’oubliant ma foy et
+bonne amour promise a lui deliberay en sain propos de jamais autre
+n’avoir or fus je choite en la valee de tribulacion/ Car comme la dicte
+fortune quant du tout veult decliner quelque chose soit regne/ cité
+empire ou singuliere personne/ elle de loings va querir ses apprestes
+toutes contraires pour la chose que elle a acqueilli en yre conduire ou
+point de maleurté/ ainsi m’avint Car comme je ne fusse au trespassement
+de mon dit mari le quel fu surpris de hastive epidimie Toute foiz la
+dieu grace fu sa fin comme bon catholique en la ville de beauvais ou
+avec le Roy estoit alez & n’estoit accompaignié fors de ses serviteurs
+et maignee estrange/ Si ne poz savoir precisement l’estat de sa
+chevance/ Car comme ce soit la coustume commune des hommes mariez de non
+dire et declarier leurs affaires entierement a leurs femmes de la quelle
+chose vient souvent mal comme il m’apert par experience/ et n’est mie
+sens quant femmes ont non nices mais prudentes et de sage gouvernance/
+Si sçay bien que a clarté ne me vint tout ce que il avoit/ Or me couvint
+mettre mains a oeuvre/ ce que moy nourrie en delices et mignotement
+n’avoie appris & estre conduisarresse de la nef demouree en la mer
+ourage & sanz patron/ c’est a savoir le desolé mainage hors de son lieu
+et pays/ adont me sourdirent angoisses de toutes pars/ Et comme ce
+soient les mes des vesves plais et procés m’avironnerent de tous lez/ Et
+ceulx qui me devoient m’assaillirent affin que ne m’avançasse de leur
+riens demander Et dieux scet que il est vray que tel me demandoit que le
+tesmoignage du papier des mises de mon mary Comme de un preudomme nya la
+debte du fraudeleux comme payé et menteur de sa demande par le quel fut
+confus et plus ne osa parler ne soustenir sa mençonge Tost me fu mis
+empeschement en l’eritage que mon mari avoit acheté/ et comme il fust
+mis en la main du Roy m’en couvenoit payer la rente et si n’en jouissoie
+Et moy en la chambre des comptes demenee par lonc plait contre cellui
+sanz pitié qui en estoit & ancore est des maistres et seigneurs de qui
+avoir droit ne povoie receu par lui a tort tres grief dommage comme le
+voir en soit magnifeste Ce scevent maint/ ne ancore lui en ses pechez
+enviellis ne le considere ne fait conscience.
+
+¶ Ne fu pas seule celle pestillence/ car comme les deniers de mes petis
+orfelins fussent par leurs tuteurs de mon consentement baillez en mains
+de marchant reputé preudomme pour accroistre et multiplier leur povre
+avoir/ comme il en eust l’espace de un an rendu couvenable conte et
+gaing par la moitié raisonnablement lui tempté de l’ennemi fist a croire
+qu’il avoit esté robé/ et s’asempta/ encore cousta a poursuivre/ et fu
+ce la perdus Autres plais me sourdirent a cause de heritages/ sur
+lesquieulx on demandoit ancienne rente & grans arrerages de la quelle
+chose ou decret de notre achat n’avoit aucune mencion conseillee par des
+plus sages avocas que hardiement sur ce me deffendisse & que ne
+doubtasse que comme je eusse bonne cause la diffinitive en seroit pour
+moy de sommer les garens de la vendicion lesquieulx estoient mors povres
+et hors du pays/ n’y avoit remede affin que je parvenisse ou point ou
+fortune me conduisoit/ En ce temps en comble de mes adverses fortunes me
+sourdy comme a job longue maladie/ par ceste chose dont s’ensuivi faulte
+de poursuite sicomme je tiens et par non avoir mise souffisant/ encheus
+de mes causes par lesquelles condampnacions satisfiant les frais fus de
+tous poins au chief de ma povre chevance Et merveilles est comment
+fortune povoit estre tant sur moy achenye/ Car en toutes les manieres
+que partes se pevent faire a personne disposant ses faiz par bon conseil
+et ordennance sicomme a mon povoir dieux scet que je faisoie me venoient
+au contraire de ce que par raison venir deussent toutes mes besongnes et
+generaument en toutes choses/ O vertu de pacience tous jours ne te avoie
+mie en la bourse ains te suppeditoit souvent en moy grant amertume Je vy
+le temps que a .iiii. cours de paris estoie en plait et procés
+deffenderresse et sur mon ame je te jure que a tort estoie grevee de
+mauvaises parties par quoy couvenoit en fin se paix vouloie avoir comme
+je apperceusse leur cavillacions desirant me tirer de plait comme celle
+qui le hayoit parfaictement comme chose contre ma nature qui paix desire
+que je chevisse a eulx moyennant le mien a tres grans frais et coust/ Et
+ne cuidez mie que ce m’ait duré un an ou .ii. mais l’espace de plus de
+.xiiii. ans que quant un meschief m’estoit faillis l’autre survenoit en
+tant de manieres diversement que longue seroit et anuyeuse la narracion
+de la moitié/ Et ainsi ne fina la sancsue de fortune de sucer mon povre
+avoir jusques a tant que tout l’ot desfiné & que plus a perdre n’avoie/
+& adont faillirent mes plais mais non mie mes adversitez O doulce
+maistrece quantes larmes souspirs plains lamentacions et griefs
+pointures cuides tu que quant je estoie seulete a mon retrait que je
+eusse et gitasse en ce tandis/ ou quant a mon foyer veoie environ moy
+mes petis enfans et povres parens/ et consideroie le temps passé et les
+infortunes presentes dont les floz si bas me affondoient et remedier n’y
+povoie/ Desquieulx meschiefs plus plaignoye mes prochains que ma
+personne Sicomme une foiz je respondis a un qui me disoit que je n’avoie
+que plaindre car je estoie sans charge comme celle qui estoit seule/ &
+sangle je dis qu’il ne m’avoit pas bien regardee/ car je estoie .iii.
+foiz double/ et comme il ne m’entendist ce disoit lui exposay disant que
+je estoie .vi. foiz moy mesmes Et avec ce cuidez tu point chiere
+maistrece que grevast a mon cuer la charge de la paour que on
+s’apperceust de mes affaires/ Et le soucy que a l’estat ne apparust a
+ceulx dehors ne aux voisins le decheement de ce maleureux estat venu de
+mes predecesseurs non pas de moy Le quel mon ignorence tant amer me
+faisoit que mieulx eusse choisi mourir que en decheoir/ ha quel fardel
+et quel pointure a cuer que trop aime le vouloir soustenir et fortune ne
+vueille/ il n’est doulour a celle pareille/ et nul ne le croit s’il ne
+l’essaye et dieux scet quans inconveniens a celle cause viennent & sont
+venus a mainte gent Si te promés que a mes semblans et abis peu apparoit
+entre gens le faissel de mes ennuys/ ains soubs mantel fourré de gris et
+soubz seurcot d’escarlate non pas souvent renouvellé/ mais bien gardé
+avoie espesses foiz de grans friçons/ et en beau lit et bien ordené de
+males nuis mais le repast estoit sobre comme il affiere a femme vesve et
+toute foiz vivre couvient Et dieux scet comment mon cuer tourmenté
+estoit quant excecucions sur moy estoient faites et que mes chosettes
+m’estoient levees par sergens/ le dommage grant m’estoit/ mais plus
+craignoie la honte/ mais quant il couvenoit que je feisse aucun emprunt
+ou que soit pour eschever plus grant inconvenient beau sire dieux
+comment honteusement a face rougie tant fust la personne de mon amistié
+le requeroye/ & ancore au jour d’uy ne suis garie de celle maladie dont
+tant ne me greveroit comme il me semble quant faire le m’esteut un acés
+de fievre Ha dieux quant il me souvient comment tant de foiz ay musé la
+matinee a ce palais en yver mourant de froit espiant ceulx de mon
+conseil pour ramentevoir et soliciter ma besongne ou maintes foiz y
+ouoye a mes journees de diverses conclusions qui suer des yeulx me
+faisoient et maintes estranges responces mais en sur que tout me grevoit
+la mise de la quelle mal aisiee estoie.
+
+¶ A l’exemple de jhesuscrist qui volt estre tourmenté en toutes les
+parties de son corps pour nous instruire a pacience/ volt fortune que
+mon povre cuer fust tourmenté de toutes les manieres de dures et
+diverses pensees. Quel plus grant mal et desplaisir peut sourdre a
+l’innocent ne plus grant cause de inpacience que de soy oyr diffamer
+sanz cause comme il appert par les recors de boece en son livre de
+consolacion/ ne fu il pas dit de moy par toute la ville que je amoie par
+amours Mais ycy trop fait a notter que il soit voir/ que tout ce feist
+fortune par ses batemens divers/ car comme telz renommeus communement
+viennent et souvent a tort par grant acointance & frequentacion les
+personnes ensemble et par conjectures et couleurs voir semblables/ mais
+je te jure m’ame que ycellui ne me cognoiscoit ne ne savoit qui je
+estoie ne ne fu onques homme ne creature nee qui me veist en publique ne
+en privé en lieu ou il fust/ Car mon chemin ne s’i adonnoit ne n’i
+n’avoie que faire et de ce me soit dieu tesmoing que je dis voir. Et
+comme selon l’estre de sa personne et de la moye ne se peust bonnement
+tel chose faire ne n’estoit voir semblable/ ne nul n’avoit couleur de le
+penser me suis mainte fois esmerveillee dont teles paroles povoient
+sourdre/ lesquelles estoient portees de bouche en bouche disant je l’ay
+ouy dire dont comme celle qui ignocent me sentoie aucune foiz quant on
+le me disoit m’en troubloie/ et aucune foiz m’en sousrioye/ disant dieux
+et ycellui et moy savons bien que il n’en est riens.
+
+¶ Ne se passa mie a tant ma peine/ Car comme a mon povoir tous jours
+estrivasse contre la bataille et luite de fortune me voyant moult
+dechoite de ma chevance comme je eusse cedules veriffiees et passees par
+la chambre des comptes d’une somme d’argent qui ancore deue estoit a mon
+feu mari a cause des gages de son dit office empetray mandement du roy
+aux generaulx que de ce je fusse payee/ or vint la poursuite anuyeuse
+que par neccessité contrainte faire me couvenoit/ a grant travail
+pourmenee par maintes responces pro et contra plusieurs journees et que
+ce soit lonc travail et ennuyeux je m’en rapporte a ceulx qui essayé
+l’ont/ plus desplaisant que onques mais en ce temps ci comme dient les
+anciens/ Or peus savoir se a moy femme foible de corps et naturellement
+cremeteuse faire de neccessité vertu m’estoit labour qui a danger et
+coust de compaignie selon l’estat appris me couvenoit trotter apres eulx
+selon le stile puis en leurs cours ou sales en commun muser a toute ma
+boite et mandement le plus des jours sanz y riens faire/ ou par lonc
+train avoir responces doubles en esperance mais longue estoit l’attente/
+O dieux quantes parolles anuyeuses/ quans regars nices/ que de rigolages
+de aucuns remplis de vins et graisse d’aise souvent y ouoye/ lesquieulx
+choses de paour de empirer mon fait comme celle qui besoing avoit je
+dissimuloie sanz riens respondre me retournant de autre part/ ou faisant
+semblant que ne l’entendisse le getoie a truffe Et dieux amender vueille
+toutes villes consciences Car de mauvaises en trouvoie.
+
+¶ A cause de ceste poursuite comme je ne trouvasse nulle part grant ne
+petit charitable/ non obstant que a plusieurs nobles et grans requeisse
+l’aide de leur parolle esperant que comme loy de droit les oblige au
+secours des vesves et orphelins Et je n’y trouvasse en effaict riens bon
+pour moy un jour desconfortee sur ces choses fis ceste balade.
+
+
+
+
+Balade.
+
+
+ Helas ou donc trouveront reconfort
+ povres vesves de leurs biens despoullees
+ puis qu’en france qui seult estre le port
+ de leur salu et ou les exillees
+ Seulent fuir et les desconseillees
+ Mais or n’y ont mais amistié
+ Les nobles gens n’en ont nulle pitié
+ Aussi n’ont clercs li greigneur ne li mendre
+ ne les princes ne les daignent entendre
+
+ ¶ Des chevaliers n’ont elles nesun port
+ par les prelas ne sont bien conseillees
+ Ne les juges ne les gardent de tort
+ des officiers n’aroient .ii. maillees
+ de bons respons des poissans travaillees
+ Sont en maint cas n’a la moitié
+ devers les grans n’aroient exploitié
+ Jamais nul jour ailleurs ont a entendre
+ ne les princes ne les daignent entendre
+
+ ¶ Ou pourront mais fuir puis que ressort
+ n’ont en france la ou leur sont baillees
+ Esperances vaines conseil de mort
+ voyes d’enfer leur sont appareillees
+ S’elles veulent croire voyes broullees
+ Et faulx consaulx ou appointié
+ n’est de leur fait nul n’ont si acointié
+ qui les ayde sanz a aucun mal tendre
+ ne les princes ne les daignent entendre
+
+ ¶ Bons et vaillans or soient esveillees
+ voz grans bontez ou vesves sont taillees
+ d’avoir maint maulx de cuer haitié
+ secourez les & croyez mon dictié
+ Car nul ne voy qui vers elle soit tendre
+ ne les princes &c.
+
+¶ La cause qui me mouvoit a en personne oultre mon gré faire telle
+poursuite estoit que quant mon message y envoyoie n’avoit en leur
+presence nulle audience mais a tout le moins quant je y venoie
+ramentevoir l’estat de moy vesve requerant encline devant eulx par pitié
+leur secours/ aucune apparence de pitié plus en eulx trouvoie/ cest
+ennui avec des autres ne me dura pas petit/ ains y fus constant plus de
+l’espace de .vi. ans sur le pourchas non mie de moult grant somme qui
+par parties en tieulx travaulx et requestes de seigneurs resservé le
+reste qui ancore m’est deu je fus payee.
+
+
+
+
+Encore continue christine sa complainte.
+
+
+Entens tu doulce maistrece en quieulx doulz deduis ay passé la jonesce
+de ma vesveté Avoie je cause que trop druerie me feist entendre aux
+foles amours/ mais non obstant ce que assez souffire deust par si lonc
+temps a celle par qui tout ce me venoit ne fu pas appaisiee envers moy
+la desloyale de qui autre foiz me suis plainte comme je en eusse cause/
+car la douleur du dent y trait la langue/ ains te diray en poursuivant
+ceste matiere jusques au jour d’uy comment ses floz m’ont gouvernee et
+ancore ne cessent.
+
+¶ Voir est que ou temps de mes perplexités dessus dit pour ce que
+descouvrir a autrui si qu’ay touché ses adversitez et affaires/ La cause
+pour quoy/ Car charité est pou trouvee ne peut tourner se a servitude
+non et pou de preu/ Comme ce soit moult grief faissel de douleur tenir
+enclose sans regehir ne m’avoit ancore tant grevee fortune comme elle ne
+peust que je ne fusse accompaignee des musettes des poetes non obstant
+que les reboutas arriere et chaças de la compaignie de boece ou temps de
+sa tribulacion pour le repaistre de plus haultes viandes/ ycelles me
+faisoient rimer complaintes plourables regraitant mon ami mort et le bon
+temps passé/ sicomme il appert au commencement de mes premiers dictiez
+ou principe de mes cent balades et mesmement pour passer temps/ et pour
+aucune gayeté attraire a mon cuer doulereux faire diz amoureux et gays
+d’autrui sentement comme je dis en un mien virelay.
+
+
+
+
+Dit christine comment elle mua sa maniere de vivre.
+
+
+Apres ces choses comme ja fussent passees mes plus jeunes jours et aussi
+la plus grant part de mes occupacions foreines revins a la vie qui plus
+naturellement me plaisoit c’est a savoir solitaire et quoye/ adont par
+solitude me vindrent au devant les rumignacions du latin & des parleures
+des belles sciences & diverses sentences et polie rethorique/ que oÿ le
+temps passé au vivant de mes amis trespassez pere et mari/ je avoie de
+eulx/ non obstant que par ma folour petit en retenisse/ Car non obstant
+que naturellement et de ma nativité y fusse encline me toloit y vaquer
+l’occupacion des affaires que ont communement les mariees/ et aussi la
+charge de souvent porter enfans Avec ce la trop grant jonesce la trop
+mignote ennemie de sens qui ne laisse souventes foiz aux enfans quelque
+bon engin que ilz ayent pour le desir de jouer/ hanter l’estude se
+crainte de bateures ne les y tient/ & pource que celle crainte n’avoie
+la voulenté de jouer si maistrisoit l’engin & sentement si que constant
+ne povoit estre ou labeur de apprendre.
+
+
+
+
+Se plaint christine de jeunece.
+
+
+Ha folle jonece avuglee et variable non cognoissant les prouffitables &
+bonnes choses qui ne te delites fors en choses vaines/ oyseuses et de
+nulle vertu/ ne ailleurs appliquer ne te querroies Et certes voirement
+qui par toy se gouverne suit la voye de perdicion et se avugle en sa
+meismes cognoissance/ Tant haÿr te dois quant ou temps que je estoie a
+meimes les .ii. beaulz conduis de philosophie/ costé si haultes
+fontaines tant cleres et saines Et moy comme fole jone trop mignote/ non
+obstant que les beaulx ruisseaulx me pleussent ne m’en emplissoie/ mais
+tout ainsi comme le fol qui voit luire le cler souleil ne s’avise de la
+pluye ains cuide que tous jours lui dure/ n’en faisoie compte et a temps
+cuidoie recouvrer a ce que je perdoie Ha fortune quel tresor tu me
+tolis/ Tant fis grant dommage a mon entendement qui ne les me laissas
+durer jusques en l’aage de plus grant cognoissance/ bien t’a herdis a
+nuire meismes a la proprieté de mon ame/ car se ores avoie costé moy tel
+clarté au desir que j’ay/ sustraite de toutes autres occupacions et
+delis comme de choses vaines donnee entierement a l’estude/ telement et
+si largement me empliroie que femme nee puis lonc temps ne m’en passa/
+helas quant je avoie costé moy les maistres de science/ conte
+d’apprendre ne faisoie/ Et ores est le temps venu que mon engin et
+sentement m’en die en desirant ce que par faulte de apprendre ne peut
+avoir/ c’est a savoir l’art de toy philosophie m’amie science. Ha doulce
+savoureuse chose et emmellee qui tous autres tresors en valeur precedes
+comme souveraine/ tant sont eureux ceulx qui a plain t’a saveurent/ Et
+toutevoie comme de ce je ne puisse juger fors a l’aventure sicomme de
+chose que a plain je ne cognoisce/ neant moins m’en donne la
+cognoissance le tres delitable goust & saveur que je treuve seulement es
+petites deppendances et parties de sciences comme plus hault je ne
+puisse attaindre me fait presumer ou bien de elle a ceulx qui l’aiment/
+& la saveurent et sentent souverain delit/ Ha enfans et jones se vous
+saviés le bien qui est ou goust de savoir et le mal et laidure qui gist
+en ignorence comment se bien avisié estiez petit plaindriés la peine et
+labour de apprendre/ ne dit aristote que naturellement l’omme savant
+seignourist l’ignorent sicomme nous veons l’ame seignourir le corps Et
+quel chose est plus belle que savoir/ & quel chose est plus laide que
+ignorence messeant a homme sicomme une foiz respondis a un homme qui
+remprouvoit mon desir de savoir disant que il n’appartient a femme avoir
+science comme il en soit pou Lui dis que moins appartient a homme avoir
+ignorence comme il en soit beau coup.
+
+
+
+
+Dit christine comment elle se mist a l’estude.
+
+
+Ainsi en cellui temps que naturellement estoit parvenu mon aage au degré
+de cognoissance regardant derriere moy les aventures passees & devant
+moy la fin de toutes choses Tout ainsi comme un homme qui a passé
+perilleuse voye se retourne arriere regardant le pas par merveille et
+dit que plus n’y entrera/ et que a meilleur se tendra/ ainsi considerant
+le monde tout plain de las perilleux/ & que il n’est fors pour toute fin
+un seul bien qui est la voye de verité me tiray au chemin ou propre
+nature et constellacion m’encline/ c’est a savoir amour d’estude/ adonc
+clouy mes portes/ c’est a savoir mes sens que plus ne fussent tant
+vagues aux choses foraines/ et vous happay ces beaulx livres et volumes/
+et dis que aucune chose recouvreroye de mes pertes passees/ ne me pris
+pas comme presomptueuse aux parfondesses des sciences obscures es termes
+que ne sceusse comprendre/ Sicomme dit Caton/ lire et non entendre/
+n’est mie lire ains comme l’enfant que au premier on met a l’a.b.c.d. me
+pris aux histoires anciennes des commencement du monde/ les histoires
+des ebrieux/ des assiriens et des principes des seignouries procedant de
+l’une en l’autre dessendant aux rommains des françois des bretons &
+autres plusieurs historiographes/ apres aux deducions des sciences selon
+ce que en l’espace du temps que y estudiay j’en pos comprendre.
+
+¶ Puis me pris aux livres des poetes Et comme de plus en plus alast
+croiscent le bien de ma cognoissance/ adont fus je aise quant j’oz
+trouvé le stile a moy naturel me delittant en leurs soubtilles
+couvertures et belles matieres muciees soubz fictions delitables et
+morales/ et le bel stile de leur metres et proses deduites par belle et
+pollie rethorique aournee de soubtil lengage et proverbes estranges/
+pour la quelle science de poaisie nature en moy resjouye/ me dist fille
+soulasse toy quant tu as attaint en effait le desir que je te donne &
+ainsi continuant et vaquant tous jours a l’estude comprenant les
+sentences de mieulx en mieulx.
+
+¶ Ne souffist pas a tant a mon sentement & engin/ ains volt que par
+l’engendrement d’estude et des choses veues nasquissent de moy nouvelles
+lectures/ adont me dist prens les outilz et fiers sur l’enclume/ La
+matere que je te bailleray si durable que fer ne feu ne autre chose ne
+la pourra despecer si forges choses delitables/ & ou temps que tu
+portoies les enfans en ton ventre grant douleur a l’enfanter sentoies/
+Or vueil que de toy naiscent nouveaulx volumes/ lesquieulx les temps
+avenir perpetuellement au monde presenteront ta memoire devant les
+princes et par l’univers en toutes places lesquieulx en joye et delit tu
+enfanteras de ta memoire/ non obstant le labour et traveil le quel tout
+ainsi comme la femme qui a enfanté si tost que ot le cry de l’enfant
+oublie son mal/ oublieras le traveil du labour oyant la voix de tes
+volumes.
+
+¶ Adont me pris a forger choses jolies a mon commencement plus legieres/
+& tout ainsi comme l’ouvrier qui de plus en plus en son oeuvre
+s’asoubtille comme plus il la frequente/ ainsi tous jours estudiant
+diverses matieres mon sens de plus en plus s’imbuoit de choses estranges
+amendant mon stile en plus grant soubtilleté et plus haulte matiere
+depuis l’an .M.CCC.iiii.xx & .xix. que je commençay jusques a cestui
+.CCCC. & cinq/ ou quel ancore je ne cesse/ compilles en ce tandis quinze
+volumes principaulx sanz les autres particuliers petis dictiez
+lesquieulx tous ensemble contiennent environ .lxx. quayers de grant
+volume comme l’experience en est magnifeste Et comme grant louange pour
+ce n’y affiere/ Car pou y a soubtilleté/ par ventance dieux scet que ne
+le dis mais pour continuer l’ordre de mes bonnes et mauvaises aventures.
+
+
+
+
+Le plaisir que christine prenoit a l’estude.
+
+
+Or fu l’estat de mon vivre tresmué en autre disposicion/ mais non pas
+pour tant changié en mieulx ma malle fortune ains comme dolente du bien
+et solas de ma vie speculative et solitaire persevera sa malivolence non
+a ma personne seulement mais en despit de moy a de mes plus prochains la
+quelle chose je attribue au procés de mes adversitez. Et te diray
+comment par me tolir mes bons amis comme tous jours elle soit repunante
+a ma prosperité ne les a souffers longuement vivre. Il est voir que
+comme la voix courust ja et meismes entre les princes/ de l’ordre et
+maniere de mon vivre c’est a savoir a l’estude/ pour ce que revellé leur
+estoit non obstant celer le voulsisse leur fis present comme de nouvelle
+chose quelque petis et foibles que ilz soient de mes volumes de
+plusieurs matieres lesquieulx de leur grace comme princes benignes et
+tres humains les virent voulentiers & receurent a joye/ et plus comme je
+tiens pour la chose non usagee que femme escripse comme pieça ne
+avenist/ que pour digneté qui y soit/ et ainsi furent en peu de heure
+ventillez et portez mes dis livres en plusieurs pars et pays divers.
+
+¶ Environ ce temps comme la fille du roy de france fust mariee au roy
+richart d’angleterre vint par de ça a celle cause/ un noble conte dit de
+salsbery/ et comme ycellui gracieux chevalier amast dictiez & lui
+meismes fust gracieux dicteur/ apres ce qu’il ot veu des miens dictiez
+tant me fist prier par plusieurs grans que je consenti tout le feisse je
+envis que l’ainsné de mes filz assez abille et bien chantant enfans de
+l’aage de .xiii. ans alast avec lui ou pays d’engleterre pour estre avec
+un sien filz auques de l’aage/ du quel dit conte comme il se portast
+tant bien & grandement de mon dit enfant et plus promettoit pour le
+temps avenir aux quelles choses croy que il n’eust failli/ comme il en
+eust la poissance/ vrayement les promesses que faites m’en avoit ne
+furent trouvees mençongieres/ mais ce bien ne volt pas celle souffrir
+longuement qui mains autres maulx m’a fais c’est a savoir male fortune
+qui non pas lonc temps apres procura la dure pestillence ou dit pays de
+angleterre contre le dit Roy Richart comme chacun scet/ pour la quelle
+cause apres pour sa grant loyauté vers son dit droit seigneur fu
+decollez a grant tort le dessus dit tresbon conte/ or fu failli le eur
+mondain du commencement de mon dit filz assez enfant en temps de grant
+pestilence hors de son pays/ par raison dot estre esbahi/ mais que avint
+il le roy henry qui ancore est qui s’atribua la couronne/ vit des
+dictiez et livres que je avoie ja plusieurs envoyez comme desireuse de
+lui faire plaisir au dit conte/ si lui vint a cognoiscence tout ce que
+il en estoit/ adont tres joyeusement prist mon enfant vers lui/ et tint
+chierement & en tres bon estat/ & de fait par .ii. de ses hayraulx
+notables hommes venus par de ça lencastre et faucon roys d’armes me
+manda moult a certes priant et promettant du bien largement que par de
+la je alasse/ et comme de ce je ne fusse en riens temptee considerant
+les choses comme elles estoient/ dissimulay tant que mon filz peusse
+avoir disant grant mercis/ & que bien a son command estoie/ et a brief
+parler tant fis a grant peine/ et de mes livres me cousta que congié ot
+mon dit filz de me venir querir par de ça pour mener la qui ancore n’i
+vois/ & ainsi reffusay l’eschoite de ycelle fortune pour moy et pour lui
+pour ce que je ne puis croire que fin de desloyal viengne a bon terme/
+Or fus joyeuse de veoir cil que je amoie comme mort le m’eust seul filz
+laissié & .iii. ans sans lui oz esté/ mais crue fu la charge de ma
+deppense non a moy aysiee/ Car je doubtay que le grant estat ou quel
+estoit par de la lui donnast vouloir de retourner comme enfant es
+quieulx consideracion n’est grande voulentiers se tiennent a ce que aux
+yeulx et a leur aise meilleur leur semble/ Si lui quis maistre grant et
+poissant qui de sa grace le retint/ mais comme la petite faculté du
+jeune enfant pou apparant en la multitude des grans de sa court tous
+jours a ma charge couvint que son estat fust soustenu sanz de son
+service tyrer aucun fruit/ & ainsi me desherita fortune d’un de mes bons
+amis et d’une de mes esperances/ mais ancore de puis pis me fit.
+
+
+
+
+Se plaint christine de fortune qui lui osta ses bons amis.
+
+
+Sicomme devant est dit comme ja m’eussent donné nom mes dis volumes par
+les presens qui a maint prince de estranges terres fais en furent nompas
+de par moy envoyez mais par autres comme de chose nouvelle venue de
+sentement de femme sicomme dit le proverbe choses nouvelles plaisent ne
+le dis pour nulle ventance comme elle n’y affiere.
+
+¶ Le premier duc de milan en lombardie qui de ceste chose fu informez &
+peut estre/ plus grandement que la cause n’y estoit/ desirant me traire
+en son pays/ tres grandement avoit ordené de mon estat par rentes a tous
+jours se aler y vouloye/ & ce scevent plusieurs gentilz hommes du pays
+meismes commis a celle ambassaderie Mais fortune selon ses usages &
+coustumes ne volt mie que la ruine de mon estat fust reparé/ si me tolli
+tantost par mort cil qui bien me vouloit/ non pas que de legier eusse
+deliberé laissier france pour certaines causes/ tout soit de la mon
+naturel pays/ Toute foiz me greva elle quant me toli un bon ami qui
+n’est petite perte/ Et tel que comme la relacion de gens notables m’a
+dit/ sanz partir de ça meismes m’ust il valu par les dessertes de mes
+livres.
+
+
+
+
+Encore de ce mesmes.
+
+
+Ancore reste a parler de ma plus grant perte a cause de grant prince
+mort puis le temps du susdit sage roy Charles/ ne fusse pas voirement
+evident signe de hayneuse envie de la perverse contre moy/ quant tost
+apres que le tres venerable hault et poissant noble prince philippe duc
+de bourgongne/ qui frere fu au dit sage roy m’ot par l’acointance de mes
+dis livres & volumes prise a amour/ lesquieulx ne lui avoie ancore pou
+de temps a presentez comme je ne les reputasse dignes de estre ouvers en
+la presence de sa sagece/ mais comme sa benigne clemence plus
+considerant je croy la constance de mon labour que grant soubtilleté
+estre en mon oeuvre comme elle n’i soit moult les ot agreables/ sicomme
+me apparu par la louange de sa parolle/ et plus par le effait de son bon
+et grant secours a l’estat non de moy seulement/ mais de mon dit filz/
+de lui retenu a gages et bien amé serviteur Et moy semblablement a qui
+avec les autres biens faiz tant daigna reputer mon savoir/ que il de sa
+bouche me chargia que je tins a grant grace/ comme il desirast que la
+belle vie et notables fais du sage roy susdit fust en propre volume mise
+en registre affin que perpetuele memoire demourast au monde par bon
+exemple de son noble nom que je compillasse des dictes choses certain
+volume.
+
+¶ Helas et tost apres lors que sa grace vers moy de plus en plus
+croisçoit le me toli par mort la desloyale/ la quelle mort fu
+renouvellement des navreures de mes adversitez/ & semblablement grief
+parte a cestui royaume sicomme ou dit livre que il me commanda/ non
+ancore lors achevé je recorde en piteux regrais.
+
+
+
+
+Conclut christine sa complainte a philosophie.
+
+
+Or t’ay je dit tres reverend maistresse les motifs et causes de mes
+ennuys passez/ et non pas tous/ car dieux scet que en grant quantité de
+autres maulx & ennuys ay passé le temps que anuyeuses et longues
+seroient a dire/ et la perseverence de yceulx qui dure encore/ ne de la
+fin je ne voy signe.
+
+¶ Du temps present comment il m’est te dis que non obstant supplicacions
+& requestes que par force de divers survenus affaires & partes en la
+maniere dessus dicte par les floz infortunez souvent courans sur moy que
+j’ay aux princes françois qui ancor vivent baillees/ mainte foiz
+requerant leur secours/ non pas les adjurant par mes merites/ mais
+suppliant par l’ancienne amour qui tira mon dit pere par de ça leur
+serviteur et par ses bien fais a moy delaissiee et hors de son lieu a
+son petit maisnage voulsissent secourir/ mais que je ne mente ne soie
+ingrate/ le secours de aucun d’eulx comme il m’ait assez esté tardif
+presenté par assignacion non de grans choses/ ancore la longueur de la
+paye/ & ennuyeuse poursuite de leurs tresoriers auques estaint la value
+de la grace et merite du bien fait/ O chere dame que cuides tu quel
+peine/ c’est a femme de ma faculté abstrate assez/ et pou chalant des
+aluchemens de couvoitise convenir contre ma naturel condicion non moult
+curable ne ardant sur les desirs de peccune/ mais par neccessité
+contrainte de grans charges poursuivre a grant train ces gens de finance
+pourmenee de jour en jour de leurs belles parolles/ Et ainsi va au jour
+de huy a l’estat de mon vesve colliege/ dame honoree a qui riens n’est
+occult Et tu meismes qui scez que petit me chault des amas & assemblees
+de tresors ne de croiscence d’estat fors soustenir cellui venu de mes
+devanciers comme folle ancore de en curer/ recognoissant que tout est
+vent chose mondaine/ ne que mes pensees ne sont es desirs de superflus
+paremens ne delicatifs vivres me soies tesmoing que seulement l’amour &
+charge agreable que je ay de ma bonne mere en viellece sur les bras de
+sa seule fille qui n’est oublieuse des grans materneulx benefices d’elle
+receus/ voluntaire du meriter comme droit est me rent perplexe et
+adoulee quant fortune ne seuffre a ma voulenté sortir son bon effaict &
+que femme de si parfaict honnour et si noble vie et bel estat comme est
+et a tous jours esté/ celle ne soit tenue et ordenee selon son droit/
+avec les autres charges de povres parentes a marier & autres amis & ne
+voie de nulle part fortune propice pour mon secours.
+
+¶ Encore au propos des pointures de mes dolentes pensees avec mes autres
+anuys/ cuides tu que devant la face de fortune ne me repute peu eureuse/
+quant si voy ses autres accompaignez de leurs lignages freres et parens
+d’estat & aisiez/ eulx resjouyr ensemble/ et je pense que je suis hors
+des miens en estrange lieu/ & mesmement .ii. freres germains que j’ay
+sages preudes hommes & de belle vie/ que il a couvenu que par ce que de
+ça n’estoient pourveus que ilz soient alez vivre ou pays de la sus les
+heritages venus du pere/ et moy qui suis tendre & a mes amis naturelle/
+me plains a dieu quant je voy la mere sans ses fieulx que elle desire/ &
+moy sanz mes freres/ Et ainsi peus tu veoir chere maistrece que tout au
+contraire de mes desirs m’a fortune servie qui ancores persevere en ses
+malefices.
+
+¶ Et que de ces choses dis voir dieu qui proprement est toy & toy qui
+proprement est lui le savez. Si reviens a ce que devant est dit que
+comme fortune m’a contraire ades continue par tieulx molestes qui ne
+sont a cuer femenin & foible pas petites plus me grieve l’empeschement
+que a l’estude par ses occupacions me fait qui mainte foiz troublent si
+ma fantasie que ne peut vaquer l’entendement au bien qui lui delite/
+tant est ofusqué par ses dures pointures/ que ne fait le fait du mal que
+j’en seuffre.
+
+
+
+
+Respont philosophie a cristine.
+
+
+Quant ainsi je oz toutes mes raisons finees je me teus quoye/ adont la
+excellent deesse parla ainsi que se semblant feist de sousrire/ tout
+ainsi que fait un sage quant les raisons du simple lui sont presentes/
+mais non pourtant mon ignorence ne me toli l’aisance de sa digne
+parolle/ qui ainsi me dist Certes amie a tes parolles cognoiz comment
+folle faveur te deçoit es jugemens de ton meismes estat/ O creature
+avuglee qui attribues a male fortune les dons de dieu et son propre
+galice dont il t’abeuvre/ Et pour quoy te plains tu par ingratitude des
+biens que as receus/ et certes moult est perverti l’estommac qui propice
+viande reçoit/ & la convertist dalmagiablement a sa nourriture/ Et ou
+est doncques le sens de ton entendement qui ne cognoist ce qui lui est
+prouffitable/ et que tu es deceue te prouveray par pratique de groz
+exemple tout ainsi comme l’expert medecin qui considere la faculté de la
+nature & compleccion de son pacient & selon sa force ou foiblece lui
+donne purgatoire et medicine/ ainsi useray en toy de regime tenue et
+legier pour la foiblece de l’estomac de ton entendement a qui choses
+pesantes et ponderans teles ou semblables que jadis donnay a mon amé
+boece sicomme en son livre as trouvé seroyent fortes a digerer et
+convertir a la sustentacion de ta neccessité/ Et pource comme exemples
+ruraulx soient aux simples cause de plus legierement comprendre les
+fourmes des choses par celle voye sus fondement de sainte escripture la
+plus seure/ te ramenray se je puis a vraye cognoiscence de ton tort.
+Belle amie par ce que comprendre puis en ton fait moult te plains et
+tiens mal contempt de fortune que tu dis estre et avoir esté ja lonc
+temps ennemie de ta prosperité/ & que tres lors que en france conduisi
+tes parens & toy avec eulx ourdi le las de tribulacion ou conduire te
+vouloit/ Et puis les autres aventures tu dis estre venues a ton grant
+grief aux quelles choses non a toutes particulierement/ Car n’en est
+besoing/ mais assez servira pour chacune ma general responce te
+monstreray ta vehemente folie & la descongnoissance qui te deçoit en
+ceste partie/ et te destourne d’aviser le vray de ton fait/ avises un
+pou en toy meismes les grans persecucions & mortieulx inconveniens qui
+ont puis esté & ancore sont comme il ne puisse estre en paix/ ou pays
+dont tu es nee/ et penses a certes se dieu te fist point grant grace non
+obstant que t’en plaignes de oster toy et les tiens de entre les flames
+de ceulx qui se bruslent/ cuides tu par ta foy que eschappee en fusses
+jusques au jour d’uy sans ta part avoir du mal/ ou sur toy/ ou le veant
+avoir a de tes amis Car meismes par de ça as tu plouré de tes charnelz
+qui s’en sont sentus/ mais apres je me ry de ta niceté qui attribues a
+la poissance de fortune la mort et trespas de creature humaine/ sicomme
+tu dis du roy Charles & de tes autres amis/ et ce qui est ou secret de
+dieu escript qui toutes choses dispose & gouverne a son bon plaisir/
+C’est a savoir la fin et terme de vie humaine/ Il semble que vueilles
+appliquer a aventure/ quant tu dis que fortune t’en despoullia Tout
+ainsi comme se autre chose ne eust afaire fors soy occuper pour tes
+nuisances/ Et scez tu la cause qui te meut a tieulx ymaginacions/ c’est
+la trop grant faveur et tendreur que as a toy meismes & a l’aise de tes
+plaisirs qui te fait tout ce qui avient contre ce que vouldroyes
+attribuer au propos de ce que tu ymagines/ Car quant est de la mort du
+roy et aussi des autres dieu les avoit ordenez a ce terme pour le
+meilleur comme toutes choses ainsi le face/ & se le mieulx fust les
+laisser fait le eust Et des jugemens de dieu quoy que ilz vous semblent
+merveilleux n’est pas en vous deu discuter en hardies parolles/ car
+comme il soit tout sapient/ scet bien que il fait.
+
+¶ Et des autres adversitez dont tu te plains resembles l’enfant trop
+mignot qui se deult du petit coup de la verge que son pere lui donne/ et
+ne scet cognoistre le bien que il lui fait/ ainsi certes te plains sanz
+cause Car ne scez adroit que sont tribulacions/ & en ce monstres que tu
+es femme tendre fresle et pou souffrant qui de pou se scent/ Et ce te
+prouveray je par raison cy apres.
+
+
+
+
+Le reconfort de philosophie.
+
+
+Toy qui te plains pour un pou de tribulacions se elles te sont survenues
+tout ainsi comme se dieu fust plus tenus a toy que a un autre/ Avises en
+toy meismes que pevent dire plusieurs bonnes personnes et christiens
+comme toy qui par estranges fortunes n’ont pas seulement perdu tous
+leurs biens temporelz mais leur membres dont sont mahaignez par longue
+maladie/ et par survenue aventure/ et en autres cas divers tourmentez en
+esperit ou en leurs corps/ Et ancore avec ce en tel povreté que ilz
+n’ont lieu propre ne chose pour eulx couvrir ne leur lasse vie repaistre
+se ilz ne se vont traisnant par entre vous a grant peine/ cerchant voz
+aumosnes ou souvent treuvent pou de pitié que dirons nous de ceulx la/
+ou des autres qui ont diverses grandes tribulacions en maintes guises
+que ilz sont mal eureux infortunez et de dieu haÿs/ nennil nennil/ Ce
+n’est mie selon les sentences de noz loys qui sont l’euvangile/ ains
+dirons que beneurez sont tout ainsi comme dieu le dit lui meismes
+d’yceulz et des paciens.
+
+¶ _Beati pauperes quoniam ipsorum est regnum celorum/ beati pacifici
+quoniam filii dei vocabuntur._
+
+¶ Si dis que tu juges follement Car ne sont pas infortunez au regart des
+distribucions justes de dieu les plus persecutez ains sont les plus
+beneurez en tant comme plus s’approchent de la vie jhesucrist en ce
+monde en toute tribulacion. Pour vostre exemple. Si te dis que de tant
+es tu eureuse et je le te monstre se nyer ne veulx la sainte escripture/
+comme tu approches aucunement a ceulx qui passent par tribulacion/ et
+plus eureuse fusses mais que pacience avec fust/ se plus en eusses/ car
+de tant seroit plus grant ton merite/ et se tu es ferme en la foy/ de la
+quelle chose mal fus nee se il n’est ainsi/ point ne mescroiras ce que
+je dis.
+
+¶ Et a ce propos ne dit saint augustin sur le .xxi.e pseaulme Sache dist
+il tout homme que dieu est un medecin qui au malade pecheur baille
+tribulacion pour medicine a son salut non pas pour peine de sa
+dampnacion/ O malade pecheur quant tu reçois la medicine de dieu en
+tribulacion tu te deuls/ tu te plains et cryes a ton medecin il ne te
+escoute pas a ta voulenté mais il te escoute a ta santé.
+
+
+
+
+Encore de mesmes.
+
+
+Mais alons oultre pour dieu mercis savoir mon de quoy tu te peus clamer
+de dieu ne plaindre de fortune/ et certes par ce que il me semble en toy
+apperçois grant ingratitude & descognoissance quant de foison biens
+graces que par tant de fois t’a faites & fait chacun jour/ non pas
+seulement ne le remercies ains te reputes recevoir tres grant tort comme
+se digne fusses non pas senz plus de mieulx avoir mais toutes choses a
+ton souhaid/ & que il soit vray avise toy avise quans grans benefices et
+dons de dieu si notables toy indigne as receus/ & chacun jour fais aux
+quelles choses se bien penser y veulx & sagement en toy discuter tu
+trouveras que les adventures qui avenues au monde te sont que tu imputes
+a male fortune te sont propices & couvenables meismement a l’utilité de
+ton vivre au monde et pour ton mieulx sicomme cy apres te monstreray
+Mais ta sensualité te tolt vraye cognoiscence.
+
+¶ Je avise que entre les autres prosperitez .iii. choses entre vous
+mondains sont que vous reputez comme les principales de voz joyes &
+gloires & sanz partie de ycelles .iii. ou toutes je suppose que il n’est
+quelconques richece qui content feist cuer d’omme/ Et qu’il n’est si
+grant tresor des biens de fortune que cellui a qui elles faillent ne
+voulsist avoir donné se il l’avoit pour posseder ycelles/ les .ii. sont
+hors soy & l’autre en soy meismes La premiere est estre nez de nobles
+parens la quelle noblece je entens des vertus/ La seconde avoir corps
+sanz nulle defformité et assez plaisant saintif et non maladis/ mais
+bien complexionné et de competant discrecion & entendement/ La tierce
+joye qui n’est mie petite avoir enfans beaulx et gracieux au monde de
+bonne discrecion et de bonnes meurs et craignans dieu/ O femme avises
+ton ingratitude/ Es tu donques exaussie de celles belles graces avec
+maintes autres que dieu t’a donnees/ il semble que oublié ayes comment
+il t’est quant si meseureuse te reputes Est il femme au jour de huy que
+tu cognoisces plus glorieuse de parens que tu es/ ne te souvient il de
+la digneté de nostre noble philosophe ton pere qui de noz estudes tant
+estoit familier que nous seyons en la chayere avecques lui devisant de
+noz secrés et pour l’acointance de nostre industrie fu en son temps
+repputé le suppellatif en noz sciences speculatives/ & avec ce vray
+catholique comme tous jours & a sa fin paru/ et vertueux que je m’en
+rapporte a toy que plus prises seulement & plus te prouffite la
+rumignacion de son savoir qui demouree t’est que quelconques avoir non
+obstant que t’en plaignes que il te peust avoir laissié/ penses se
+contente de ce bien te dois tenir/ Que diray je de ta tres noble mere
+scez tu point de femme plus vertueuse/ remembre toy depuis sa jonece
+jusques au jour d’ui se vie contemplative constamment ou service de dieu
+quelque occupacion que elle onques eust l’a nul jour laissiee je croy
+que non/ O quel noble femme comme sa vie est glorieuse comme de celle
+que nulle tribulacion onques ne suppedita ne brisa par impacience son
+tres bon courage/ & quel exemple de vivre en toute vertu pour toy/ se tu
+bien t’i mires/ avises combien grant grace dieu te fait ancore avec tout
+de si noble mere laisser vivre en ta compaignie en sa viellece plaine de
+tant de vertu/ & quantes foix elle t’a reconfortee & menee de tes
+impaciences a cognoistre ton dieu/ Et se tu te plains que peine seuffre
+ton cuer pour ce que vers elle te semble ne peus faire comme il
+appartient je te dis/ ce vouloir avec la pacience est meritoire a toy et
+a elle/ et de elle sanz faille la digne conversacion & vie esleue l’a
+fait estre clere entre les femmes c’est chose nottoire et tres beneuree
+Item quant au .ii.e/ en tes biens ne t’a par ta foy dieu donné corps
+fort assez & bien compleccionné selon ta qualité lui en peus tu rien
+demander/ se tu ne varies/ si gardes que de tel entendement que il y a
+mis/ bien en uses/ ou se non/ mieulx te vaulsist moins avoir sceu/ Ce
+qui touche a la .iii.e joye/ n’as tu enfans beaulx gracieux & de bon
+sens/ ton premier fruit qui est une fille donnee a dieu et a son
+service/ rendue par inspiracion divine de sa pure voulenté & oultre ton
+gré en l’eglise et noble religion de dames a poissi/ ou elle en fleur de
+jonece et tres grant beauté se porte tant notablement en vie
+contemplative et devocion/ que la joye de la relacion de sa belle vie
+souventes foiz te rent grant reconfort/ et quant de elle meismes tu
+reçois les tres doulces et devotes lettres/ discretes et sages que elle
+t’envoye pour ta consolacion es quelles elle jeunette et ignocente te
+induit et amonneste a haÿr le monde et despriser prosperité.
+
+¶ N’as tu un filz aussi bel et gracieux et bien moriginez/ et tel/ que
+de sa jonece qui ne passe .xx. ans du temps que il a estudié en noz
+premieres sciences en gramaire on ne trouveroit ne rethorique et
+poetique lengage naturellement a lui propice gaires plus apte et plus
+soubtil que il est avec le bel entendement & autre bonne intiquative que
+il a/ et que je ne mente es choses dictes assez sont magnifestes si que
+chacun le peut veoir/ non pas le te dis pour toy induire a vaine gloire/
+mais affin que graces rendes a cil dont tout bien vient qui t’a donné
+les diz biens & mains autres/ & lesquieulx fortune ne donne mie/ mais
+lui de sa pure grace especiale a qui il lui plaist.
+
+¶ Des autres complaintes que tu fais de tes amis germains que tu ne vois
+et qui de toy sont loings/ je ne fais compte Car comme ce monde ci ne
+soit que un trespas dois esperer que par les prieres de la bonne mere et
+la preudommie de eulx serés par la misericorde de dieu conduis en la
+cité de joye c’est la sus ou ciel ou se dieu plait vous entre verrés
+perpetuellement.
+
+
+
+
+Blasme philosophie christine de ce que elle se plaint.
+
+
+De ce que ton mari en jone aage mort te toli dont tu te plains je te dy
+que dieu ne te fist nul tort quant son serf pour mettre en plus hault
+degré volt ravoir/ et lui plut que tu demourasses en la vallee de
+tribulacion pour esprouver ta pacience et pour toy affiner en vertu/
+Sicomme dit saint augustin sur le .lx.e pseaulme que en une meisme
+fournase la paelle art & l’or se purge/ la paelle tourne toute en
+cendre/ & l’or de toute escume et ordure se nettoye/ Et que est a
+entendre la fournase doulce amie scez tu/ c’est le monde ou tu es/ la
+paelle/ Ce sont les mau prouffitans/ l’or/ ce sont les justes/ le feu/
+c’est tribulacion/ l’orfevre/ c’est dieu/ Ce que l’orfevre a voulu faire
+de toy/ il te doit plaire/ ou il te veult mettre tu le dois vouloir/ tu
+as commandement de endurer il a l’office de purger/ et combien que la
+paele arde en ce feu/ c’est la douleur que tu sens/ toutevoye se tu es
+sage tu t’y purges comme l’or.
+
+¶ Et ancore avec tout ce que le mieulx ait esté pour toy/ et au prouffit
+de ton sens le te monstreray Il n’est ou monde plus grant bien et toy
+meismes pas ne le me nyeras/ que cellui qui vient de l’entendement/ &
+qui le parfait en savoir/ la quelle chose fait estude qui apprent
+science/ et experience de moult de choses/ Ces .ii. causes font la
+personne estre sage se faute de l’entendement ne lui tolt a ton propos
+il n’est mie doubte que se ton mary te eust duré jusques a ore/ l’estude
+tant comme tu as ne eusses frequenté Car occupacion de maisnage ne le
+t’eust souffert au quel bien d’estude tu te mis comme a la chose plus
+esleue selon ton jugement apres la vie qui est de tous poins pour les
+parfais c’est la contemplative/ la quelle est vraye sapience/ le quel
+bien d’estude je sçay que confesseras que pour tous les biens de fortune
+ne vouldroies quelque pou que y ayes fait ne t’i estre occuppee & que la
+delectacion qui tant t’en agree ne eusses Dont ne te dois tu pas tenir
+pour meseuree/ quant tu as entre les autres biens une des choses du
+monde qui plus te delite et te plaist a avoir/ C’est a savoir le doulx
+goust de science. Item se riche et garnie & sans tribulacion fusses
+demouree/ en delices te fusses nourrie/ lesquelles choses conduisent
+creature a plusieurs inconveniens/ Si n’eusses mie l’experience de
+congnoistre le monde/ et cause de tant le haÿr/ la quelle chose dieu
+veult/ Et par consequant ne fusses si savant/ car saches de vray que les
+riches que chascun agree non mie pour eulx/ mais pour le leur/ n’ont si
+grant cause de congnoistre les fallaces du monde ne lesquieulx sont
+leurs vrays amis comme ont ceulx qui les espreuvent et qui passent par
+adversitez Car il leur semble pour ce que le monde leur rit que il ne
+soit autre paradis et que il soit vray/ toy meismes as ouy mainte foiz
+dire a de yceulx riches/ qu’ilz vouldroient que dieu gardast son paradis
+et a tous jours les laissast en ce monde/ Or regarde a quel prejudice
+tournent les delices quant ilz ramainent la voulenté qui doit suivre
+raison a tele bestialité que elle ne use ne que une beste mue ne mais
+aux pastures basses/ & ne se lieve ne regarde a son propre lieu naturel
+qui est le ciel dont l’ame fourmee a l’image de dieu est venue et doit
+tendre a aler Et que il soit vray que les espreuves de tribulacion te
+soient prouffitables je me rapporte a toy que se dieu te ramenoit a un
+pou plus d’aise de prosperité que pour riens ne vouldroyes que
+tribulacion ne eusses essayee/ Or conclus en toy meismes et prens garde/
+puis que ainsi est que a l’entendement & au bien de ton corps sont
+valables/ se a l’ame/ se bien en as usé plus sont proufitables/ Car dit
+saint augustin sur l’euvangile saint jehan/ Les tribulacions que dieu
+veult que tu ayes a souffrir en ce monde/ ce n’est pas peine de
+dampnacion/ ains est le flayel de correccion Et vous enfans de dieu
+estes appellez a l’eritage pardurable/ Et si ne daignez estre flayelez.
+
+
+
+
+Encore de ce mesmes.
+
+
+Apres il me semble que tu te plains Et dis que comme tu fusses choite es
+las de dure fortune tantost que tu fus vesve te assaillirent les mauvais
+par divers travaulx de plais & de plusieurs inconveniens que ilz te
+bastirent O ma chiere amie/ ce n’est pas de nouvel que les mauvais
+persecutent les ingnocens qui deffendre ne se scevent ou pevent/ mais
+non pourtant que ce soit a leur dampnacion/ yceulx persecuteurs/ se bien
+a ton utilité sceusses user des trais de leurs dars seroient les
+orfevres de ta couronne// Car dit saint jerome en l’epistre a ciprian
+que de tant comme creature humaine plus est afflicte par poissance
+d’ennemis & de cruauté/ et de tant plus croist la couronne de son loyer/
+O folle qui plouroies par desconfort a ton foyer comme dit as ou temps
+de tes tribulacions/ helas & ainsi faisoies de ton prouffit ton dommage/
+se par impacience estoit Car dit saint augustin/ beau filz se tu pleures
+gardes que ce soit soubz la correccion de dieu ton pere et non mie par
+impacience/ car la verge dont il te bat n’est mie punicion/ ains est
+signe que tu as part en son testament Car dieu t’envoioit ton mieulx et
+user n’en savoies Or regarde les beaulx enseignemens des sains docteurs/
+car de tel viande te vueil je repaistre comme elle soit plus penetrant
+par aventure en ton entendement que force d’argumens ne seroit/ de quoy
+autre foiz usay en confort de creature humaine.
+
+¶ Helas ne t’enseigna en ce pas ci saint gregoire ou .x.e livre de
+morales que tu devoies faire lors que il dit tieulx parolles/ de tant
+dist il/ que nous endurons pour l’amour de nostre dieu plus paciemment
+tribulacion de tant plus croist nostre esperance en lui/ Car la joye de
+retribucion pardurable ne peut estre cueillie se premierement n’est
+semee en affliccion/ Et escoute un beau vers de ses parolles.
+
+ ¶ Les maulx qui ycy nous estraignent
+ a aler a dieu nous contraignent.
+
+¶ Et combien que ci devant t’aye dit/ et il est vray que cause n’eusses
+de si grant affliccion avoir selon le effait des choses comme tu dis que
+avoyes/ Toutevoyes puis que te reputoies mal eureuse tu l’estoies/ et
+c’estoit ce qui le te faisoit estre/ Car se toy meismes ne t’i
+reputasses ne le fusses mie/ Dont puis que maladie ta meismes reputacion
+te donnoit medicine/ Il couvient a quelque cause que le mal soit venus
+mais a celle fin que a de tes amies ou amis semblablement enformez/ ou a
+d’autres simples ou ignorens du coliege chrestien a qui ce vendra a
+congnoissance puisse mon remede estre valable/ le regime a garison
+prouffitable de tel maladie ne te sera par moy vee/ Et ancor voy que
+maistier en as/ et a propos que de pou te plaignisses.
+
+¶ Escoute que dit Cassiodore sur le psaultier/ nous endurons dist il
+petites choses mais s’il nous souvenoit bien quel buvrage pour nous but
+en la croix de nostre seigneur qui a lui nous appelle/ nous avons
+matiere de pacience O creature se il est ainsi que tribulacion tu ayes
+receue ou reçoives/ Comment dieu t’a donné belle maniere de vivre se
+bien en scez user/ car tribulacion euvre l’oreille du cuer mainte foiz
+la ou mondainne prosperité la clot.
+
+
+
+
+Encore de ce.
+
+
+De ce que tu m’as dit/ que cheus en paroles de ce de quoy tu estoies
+ignocent dont tu te troubloies O chiere amie quelle gracieuse punicion
+dieu qui t’aime & n’est mie doubte que mainte fois l’as courroucié par
+divers pechiez Il te volt donner par te corriger en ce que tu n’estoies
+mie coulpable pour les pechiez muciez par aventure en conscience ou par
+effait en quelque maniere que commis avoies/ et ainsi mainte foiz le
+fait a creature Car en la chose dont n’est mie en coulpe la pugnist
+d’autres divers pechiez mais c’est grant purgacion pour cellui qui est
+persecutez de son innocence/ et les flaiolz des mauvais sont les
+instrumens de sa gloire/ Et de cessi dit saint gerome es morales ou
+.xx.e livre le tout poissant dist il seuffre en ce monde que les mauvais
+griefvent les bons/ a ce que par la forsennerie des reprouvez soit
+purgee de la vie des esleus/ Et n’est point a cuider que jamais dieu
+souffrist que les mauvais ainsi cruellement tourmentassent les non
+coulpables ou les bons se il ne veoit combien il leur prouffite/ Car
+quant les mauvais forcennent sur les non courpables Adont sont luisans
+les ignocens & purgiez & la perversité des mauvais plus redonde sur la
+perdicion de eulx O dieux et de entre vous qui passer voulez de delices
+en delices c’est a savoir des ayses de ce monde que vous desirez aux
+biens celestiaulx la quelle chose ne se peut faire.
+
+¶ Escoutez que dit saint gregoire en une omelie quant je considere dist
+il job couché sus un fumier comme mesel/ Saint jehan baptiste mourant de
+fain en un desert/ saint pierre estendu en crois/ saint jaques decolé de
+herode/ Je pense comment dieu tourmentera a son jugement durement ceulx
+que il repreuve/ quant ycy presentement il afflict si durement ceulx que
+il aime et appreuve.
+
+¶ Et entre vous mondains qui pensez en voz petites tribulacions que dieu
+vous ait oubliez Et que fortune vous persecute/ Pensez vous que il soit
+plus tenus a vous que a ses autres bons amis a qui tant laissa souffrir.
+
+¶ Mais de ycelle souffrance escoutez que dit saint bernard en un sermon/
+mes freres dist il nous sommes en ce monde ainsi comme en un champ de
+bataille/ Et pour ce qui ycy playez de tribulacion n’apperra ne recevra
+en l’autre la victoire de la couronne glorieuse/ O belle amie que cellui
+est sage & vray/ Bon mainnager ou celle/ qui toutes choses scet bien
+traire a son prouffit & bien en user soit de prosperité ou d’aversité/
+mais comme les delices mondains soient plus fors a en user au prouffit
+de l’ame que les tribulacions nostresire pour bien de creature
+communement les envoie a ses mieulx amez/ Car nient plus ne lui
+cousteroit a envoyer prosperité que aversité/ mais soyez certaine que
+lui qui scet vostre fragilité le fait pour le meilleur de cil a qui
+l’envoye/ Car non obstant que vous en murmuriez par impacience souventes
+fois si estes vous plus actes en la voye de tribulacion a aler ou ciel
+que ceulx qui sont nourris es grans delices/ et que il soit vray se
+mescroire ne voulez comme heretiques les saintes escriptures & les sains
+docteurs moult en avez de preuves/ Car se tu me dis que fortes sont a
+passer les tribulacions de ce monde & que elles dueillent griement.
+
+¶ Helas escoute a ce propos que dit crisostome sus l’euvangile saint
+mathieu/ se aucun dist il repute la voye de ceste vie laborieuse pour
+les afflictions qui y sont il accuse sa parece/ Car se aux maronniers
+les floz de la mer & les tempestes et les gelees de l’iver aux
+laboureurs/ et les playes orribles navreures aux chevaliers/ Semblent
+estre legeres a porter pour l’esperance du gaing/ ou de l’onneur
+temporelle que ilz en attendent par plus forte raison nous doivent
+sembler aysiees les tribulacions de ce monde pour les quelles nous est
+promis paradis en loyer.
+
+¶ Ha dieux & avec tout ce pensez vous point entre vous pecheurs que ayés
+desservi par maintes diffames ancore trop plus grant punicion que
+souffisant n’est de pugnir l’aversité que vous avez/ Et quant dieu selon
+sa misericorde amodere et adoulcist vers vous sa justice pour un pou au
+regart de voz maulx vous donner a souffrir/ n’estes vous bien tenus a
+lui/ Et a ce propos dit pierre de ravenne en une epistre/ dieu dist il
+te pugnist en ce monde a ce que la peine temporelle rachate tes ardeures
+de la mort pardurable/ Car ainsi que les pierres ne sont mises en
+edefice se premierement ne sont taillees & au martel acquerries ne le
+grain n’est point mis ou grenier tant que au fleau soit batu/ aussi ne
+peus tu estre logié en l’edefice de paradis ne mis ou guernier des
+esleus se tu n’es esprouvé par tribulacion.
+
+
+
+
+Encore de reconfort.
+
+
+Amie chere par ce que dit t’ay/ me semble que assez doit souffire au
+propos que au premier je promis te monstrer ton tort des grans reclaims
+que m’as fais de tribulacions que tu dis avoir passees n’estre si
+grandes que tu les poises/ & aussi que pour ton prouffit te sont
+premises se en toy ne tient. Assez me semble t’ay prouvé souffisamment/
+mais sur le temps present ou quel tu dis ancores durer tes infortunes ou
+tu ne vois ne cognoiz voye de relachement/ Te respondray confondant
+pareillement tes oppinions en ce que tu ymagines.
+
+¶ Et apres pour le temps avenir se croire me veulx tout ainsi comme le
+bon medecin quant il a curé son malade/ lui baille regime pour preserver
+sa santé & affin que il ne renchee/ te bailleray ordre et voie de estre
+conduite a la vraye felicité ou tout cuer humain doit tendre comme il
+n’en soit point d’autre/ Et premierement pour ce que tu ne congnoiz ton
+estat le te fere congnoistre/ te feray une demande Car par ce que de toy
+entens tu ne te tiens mie content de telle porcion que tu as de biens Et
+t’est avis que assez de autres abondent en superfluitez de choses dont
+escharceté as et souffreté/ Si te demande se tu congnoiz homme ou femme
+soit prince princesse ou autre des plus remplis des biens de fortune/
+soit en seignourie/ estas honneurs et autres dignitez/ je te parle de la
+vie des mondains/ & en resserve les speculans nobles de entendement/ que
+tu voulsisses avoir changié ton simple estat & maniere de vivre/ la
+voulenté que tu as et l’amour et delit de estude que tu prens a ta vie
+solitaire pour avoir la cure & charge de tant de divers faisselz/ Et
+dame de conscience et l’ardeur de couvoitise & tout tel courage comme a
+le plus eureux & fust meismes converti ton corps foible & femenin en
+homme pour estre transmuee de condicions et de tout en cellui ou celle a
+qui tu reputes es biens mondains fortune plus propice/ adont respondis a
+la dame honoree/ dame a quoy me fais tu ceste demande/ ne scez tu que
+couvoitise tant ne me suppedite que pour tous les biens de fortune
+voulsisse avoir changié mon estre a cellui d’un autre pour toutes ses
+richesces/ O folle et comment peut estre que apres tele sentence tu te
+reputes mal eureuse et puis que mieulx te souffist ton estat que cellui
+de un tres poissant riche ne feroit/ pour le laissier donc te reputes tu
+plus riche c’est a savoir plus eureuse que le plus riche qui soit tant
+que touchent ses richesces/ Car comme toute chose tende tous jours a sa
+perfeccion/ se tu reputoies le plus riche plus parfaict que toy/ tu
+vouldroies doncques ton estre avoir au sien changié/ Et ainsi peus tu
+veoir que le mal ou le bien que les gens ont leur vient par cuider et
+par oppinion & non mie des choses/ Car cellui est riche qui plus ne
+couvoite/ et cellui est povre qui art en desir/ amie chiere ci n’as pas
+mauvaise cause/ or te souffise doncques l’estat ou dieu t’a appellee/ Et
+de ce que tu te complains de la charge de plusieurs parens que il te
+faut avoir/ prens la en pacience et fais ton devoir/ Car tout est pour
+ton merite/ & te resjouis en ce que ilz sont bons/ & espere en dieu
+comme dit le psalmiste et fais bien/ Car il ne te fauldra ja/ nature est
+de pou soustenue qui vit a la neccessité de nature il se sauve. Mais qui
+vit selon les supperfluitez de delices il se pert et dampne & accourse
+ses jours.
+
+
+
+
+Le reconfort de philosophie aleguant la sainte escripture.
+
+
+Mais pource que tu n’as pas ancore la mer de ton pelerinage toute passee
+te tendray de promesse verité sus l’enseignement de ton vivre.
+
+¶ Tu qui felicité desires se parvenir y veulx viens a moy je te ouvreray
+la voye/ la quelle non obstant que toute soit plaine de tribulacions/
+aler n’y peus par autre chemin et pour ce que entre les autres peines
+dures a souffrir semble entre vous mondains que injure et persecucion
+sanz cause receue de voz prochains soit a porter paciemment la plus fort
+chose fonderay l’entree de nostre oroison sur ce que dit a ce propos
+saint gregoire sur ezechiel/ tous les biens dist il que nous faisons
+sont nulz se paciemment nous ne endurons les maulx que recevons de noz
+prochains Et de ce nous donna exemple Jhesucrist qui plus souffry de son
+meismes peuple que autre homme ne pourroit souffrir.
+
+¶ Mais bien dit voir grisostome/ quant sur l’epistre saint paul aux
+ebrieux il dist/ il n’est riens qui si grant confusion au persecuteur
+qui autrui persecute face que de endurer paciemment & forment ses
+injures/ et ne lui en rendre vengence en fait ne en parolle.
+
+¶ De ce parla hue de saint victor ou .iii.e livre de l’ame/ grant vertu
+dist il est a cellui qui est blecié se il espargne cellui a qui il
+pourroit nuire Car c’est la plus noble victoire que homme puist avoir
+que de espargner par vertu cellui a qui grever pourroit.
+
+¶ Et que les mauvais soient communement persecuteurs des bons/ ne fus
+pas repunante a ce que devant est dit/ quant je dis a mon amé boece que
+ceulx de nostre prophession desirent a estre haÿs des mauvais/ Car comme
+toute chose hee son contraire ne seront pas leurs hayneulx participans
+de leurs mauvaistiez.
+
+¶ O gens mortieulx ce dit boece pour quoy la hors querez la beneurté qui
+assise dedens vous est ignorence vous deçoit/ car la pure vraye beneurté
+est avoir de soy meismes la seigneurie Car homme n’a si chere chose
+comme soy meismes Et ce ne lui peut fortune tolir/ Et affin que tu
+saches que es choses de fortune ne peut avoir felicité je te dy que
+felicité et beneurté sont les souverains biens de nature Et ce est
+raison et entendement & bien souverain ne peut estre perdus/ Et ces
+meismes paroles que je te dis pareillement dis a mon amé boece// Donques
+entre vous usez des dons de dieu et laissez aler ceulx de fortune/ et
+apprenez a seignourir vous meismes & adont ne vous seront tant grevez a
+porter les tribulacions pour l’amour de cellui pour qui le ferés.
+
+¶ Car dit a ce propos saint gregoire ou .v.e de morales se la pensee de
+l’omme est adreciee en dieu par forte entencion/ quanqu’i est amer en
+ceste vie lui semble doulx/ & tout quanque afflict il repute repos.
+
+¶ Ancore dit le benoit gregoire sur ezechiel dieu avec ses dons nous
+mesle ses fleaulx/ a ce que tout quanque mondainnement nous delictoit
+nous semble amer/ et affin que en noz courages un feu se alume de
+charitable pacience qui nous excite tous jours au desir du ciel. Et
+ainsi nous morde delitablement/ nous tourmente souefvement/ et qui nous
+contriste joyeusement Ha dist il ou premier de morales/ le benoit job
+quant dieu souffroit que il fust de l’ennemi frappez/ autant de voix de
+pacience comme il rendoit en ses tourmens autant de dars il regitoit
+contre son adversaire/ Et assez plus grans coups lui donnoit que il ne
+soustenoit.
+
+¶ Et en ce dist il lui meismes est discernee la pensee juste de la
+pensee injuste Car la juste en tous estas et en toutes adversitez
+confesse la louange du tout poissant/ & l’injuste ne fait que murmurer.
+
+¶ Et de ce dit saint ambroise sus le pseaume de _Beati inmaculati_/ En
+ce as tu le grant merite de pacience se toy existant subget aux
+tribulacions tu loes les jugemens de dieu/ se tu grevé de maladie tu
+rens graces/ et en quelque estat que tu soies plus afflict & tant plus
+prouffites.
+
+¶ Que te diroye de la noble vertu de pacience se toy existant subget aux
+tribulacions/ tu loes les jugemens de dieu/ se tu grevez de maladie/ tu
+rens graces & en quelque estat que tu soyes plus afflict et tant plus
+prouffites.
+
+¶ Que te diroye de la noble vertu de pacience/ c’est celle en toute
+somme qui est la maistre portiere de paradis/ et sanz qui les autres
+vertus ne tiennent lieu Et ce conferme Cassiodore sur le psaultier/
+pacience dist il est la vertu qui vaint toutes choses non mie en
+combatant mais en souffrant non pas en murmurant mais en rendant graces
+C’est la vertu qui nettoie toute l’ordure de volupté & qui a dieu rent
+les ames cleres.
+
+
+
+
+Instruit philosophie a despriser les biens mondains.
+
+
+Et de ce que entre vous tant amez les assemblemens des richeces/ & tant
+vous traveillez pour ycelles m’en tairay je dont non feray Car combien
+que par aventure petit penetreront mes parolles es courages obstinez/
+non pourtant viennent avant les notables au propos de leur vitupere/
+lesquieulx le dit boece nostre amé recite en son livre de reconfort/ et
+les approuvons par l’escripture sainte en la maniere encommenciee/ et
+avisez quelle introite d’ycelles/ veulx tu dist il assembler peccune il
+couvient que tu la soubtrayes a qui que soit veulx tu avoir dignetez tu
+seras ou desdaing des envieux/ veulx tu surmonter les autres/ tu seras
+en peril de hayneux/ se tu montes en poissance/ la paour de decheoir ne
+te laira point/ veulx tu renommee avoir il te couvendra moult souffrir
+veulx tu delices/ tous ceulx te despriseront qui serf te verront a tes
+aises/ Et pour ce peus notter que ces voies ne font pas l’omme riche
+C’est a savoir assouvy.
+
+¶ Escoute ancore ces propres parolles/ certes dist il les richeces
+n’estaignent pas l’avarice que l’en ne peut saouler/ ne la poissance ne
+fait estre seur cellui qui de lians est enchaennez/ Et quant povoir
+vient aux mauvais il ne les fait pas bons mais descueuvre et monstre
+leur mauvaistie dont veu ce que vous avez joye de mettre voz cures a
+choses qui autre sont que vous ne les nommez & que l’en peut assez
+reprendre pour ce que elles ne sont ne vrayes poissances ne vrayes
+dignitez/ Je puis conclurre de toute fortune que il n’y a chose qui a
+desirer face ne qui naturellement soit bonne quant tous jours elle ne se
+joint pas aux bons & que a ceulx a qui elle se joint elle n’est pas
+bonne.
+
+¶ Et assez s’acorde a ceste sentence aristote quant ou livre de bonne et
+de male fortune dit que la ou est le plus grant engin et entendement
+n’est mie tous jours la meilleur fortune/ Et souvent avient que la ou
+fortune est plus propice n’est mie le plus grant entendement.
+
+¶ Et ce est contre les arrogans qui presument d’eulx/ Et cuident que
+quant fortune leur est propice que ce soit pour leur grant savoir ou
+value/ mais comme l’experience du contraire nous soit magnifeste veons
+le plus des bons et de cler engin mal fortunez es biens mondains/ Et
+pource est voir le proverbe des lombars qui dit/ a fol aventureux n’a
+lieu sens/ mais dit boece que plus prouffite la male fortune que la
+bonne Car la bonne fait semblant de beneurté/ Et ainsi elle ment comme
+en ses biens n’ait beneurté/ Et la mauvaise est vraye en ce que elle
+monstre par soy changier que elle n’a point d’estat seur/ La bonne
+donques deçoipt & la mauvaise fait sage par l’usage de tribulacion/ Et
+certes Comme il dit les richesces ont donné nom a maint mauvais & sanz
+vertu/ Et pour ce cuident yceulx que il ne soit autre bien ne plus digne
+chose que avoir tresors pierres precieuses et grans seignouries/ O viles
+dignetez et poissances du monde que entre vous exaussiez jusques au ciel
+et ne savez qu’est povoir & vraye digneté/ & se mauvais vous a/ onques
+grant elevacion d’eaues ou de flames plus ne dalmagierent.
+
+¶ Helas homme/ et se tu regardes ton corps/ tu ne trouveras pas plus
+foible chose/ Car le mors de un chien ou une mouche/ se elle entre
+dedens toy t’occist aucune foiz/ et de quoy peus tu qui tant te
+orgueillis avoir povoir sus autre/ ce n’est ou corps & es choses de
+fortune/ mais a force le cuer qui est franc & fort par le conduit de
+raison n’est mie en toy de mouvoir.
+
+
+
+
+Ci dit comment selon les diz de sainte escripture prosperité mondaine ne
+fait a priser.
+
+
+Et au propos ancore que dieux ait en reprobacion les mauvais riches &
+que les simples ne se doient esmerveiller se il leur seuffre avoir des
+biens temporeulz/ et consent que les bons soient persecutez Retournons
+aux saintes escriptures/ Car de ce dit Bede sur l’epistre saint jaques
+Ne soyez dist il point indignés se les mauvais flourissent en ce monde/
+Et vous serfs de dieu avez a souffrir/ Car ce n’est pas de chrestiane
+religion estre exaussez en ce monde/ mais estre abaissiez/ & deprimez
+Les mauvais n’ont riens ou ciel ne vous riens en ce monde/ Et pour ce en
+esperance du bien ou vous tendez quelque chose que il vous aviengne en
+la voye de ceste vie vous en devez esjouir.
+
+¶ Et ce tesmoigne saint gregoire en la .xl.e omelie sur les euvangiles/
+qui dit ainsi/ cellui que dieu het il lui seuffre avoir prosperité en ce
+monde/ Et aussi retient il cellui que il aime soubz le frain de
+tribulacion Et de ce monstra bien exemple mon seigneur saint ambroise
+quant une foiz aloit par le pays & se volt logier pour la nuit en un
+hostel/ si appella l’oste/ Et ainsi comme il avoit de coustume lui
+demanda de sa fortune/ Le quel lui respondi que toute sa vie avoit
+flouri en honneurs & habondé en richeces ne onques ne estoit decheu ne
+en adversité maladie ne autre desplaisir/ mais tous jours lui estoient
+venus ses choses a souhaid/ Adont ces choses ouyes saint ambroise s’en
+parti/ et logier ne s’i volt combien que il fust nuit/ Et dit que
+continuee succession de temporelle prosperité n’est mie signe de estre
+amé ne esleu de dieu/ ains est signe de pardurable dampnacion.
+
+¶ Viengne avant Seneque & die a nostre propos son dit. voy le ci en la
+.lxxxvii.e de ses epistres/ Se tu veulx avoir dist il la vraye
+extimacion de l’omme/ et savoir quel ou quen grant il est/ regardes le
+tout nu/ ostes son patrimoine oste ses honneurs & les autres mençonges
+de fortune et le regardes se tu peus non pas ou corps mais ou courage/
+et la verras tu quel et com grant il est la saras tu se il est grant du
+sien ou de l’autruy.
+
+
+
+
+Conclusion des choses susdites & ancore de ce.
+
+
+N’avons nous mie assez prouvé qu’en richeces et honneurs mondains n’est
+pas felicité/ donques nous couvient tendre a la trouver/ mais comme en
+ce monde ne peut estre trouvee/ ancore treant a nostre propos dire nous
+en couvient/ si appert assez estre vray ce que dit boece/ Les choses
+n’ont pas honneur selons elles/ mais selons l’extimacion & opinion des
+gens qui le donnent et rostent comme il leur plaist/ Et donques puis que
+injustement se pevent tieulz honneurs donner je conclus que elles sont
+villes O donques vaine gloire/ ce dist il respandue en multitude de
+gens/ tu n’es autre chose fors enfleure d’oreilles/ Car on voit souvent
+louer par faulse oppinion de peuple ceulx qui n’ont mie en eulx le bien
+que on y dit/ Et ce ne peut estre sanz leur grant honte quant ilz
+sentent que ce leur fault dont ilz sont louez/ Et se il est ainsi que
+preudomme doye estre loué pour sa vertu/ que lui chaut quant il ne
+quiert pas la faveur du peuple/ mais la bonté de sa conscience/ Et se on
+tient belle chose avoir renommee/ aussi doit on tenir a laide qui ne
+l’a.
+
+¶ Que diray je dist il des delices du corps quant on les quiert il
+donnent grant traveil/ quant on les a ilz tournent a ennuy/ quant on les
+a eues ilz engendrent enfermetez & tele est la paye de ceulx qui leur
+fin y mettent// Or est donques ainsi/ ce dist il que richeces honneurs/
+royaumes/ seigneuries forces beautez et poissances ne donnent pas de
+felicité/ Car riens digne n’est de estre appellé felix comme dit est
+devant se il n’est perpetuel/ et comme teles choses ne le soient n’est
+pas cellui felix qui les a/ mais voy cy que il dit apres/ veulz tu
+savoir dist il la vraye felicité qui repaist l’ame et donne souffisance/
+Or tourne ta force d’autre part/ si verras celle qui donne poissance
+gloire renommee & delit tout ensemble/ & ce est dieu autre chose ne
+l’est Sicomme ou dit livre de boece je prouvay par sa bouche/ et les
+fleurs de ycellui je ay cueillies et appliquees ycy a ton propos pour
+faire d’une sorte un gracieux chappel avec les dis des sains docteurs
+pour ton livre/ a la fin comme victorieux couronner/ Or viengnent les
+roses de la sainte escripture avec noz violettes et frappons ancore
+contre les arrogans du monde.
+
+¶ Tu ce dit saint augustin qui tant aimes le monde pour quel loyer
+guerriez vous/ n’est ce pas vostre plus grant esperance que vous
+puissiés estre amis du monde. helas et quel bien est cestui au quel on
+ne peut venir fors par grans inconveniens. homme homme laissez perir
+toutes ces vanitez/ et te convertis a la seule inquisicion qui a gloire
+et n’a fin/ & qui est ce/ ce est seul dieu.
+
+¶ Helas ce dist il ancore en une epistre/ ce monde ci plus est perilleux
+quant il se monstre souef/ que quant il se monstre moleste/ & plus a
+eschever quant plus attrait a soy amer.
+
+¶ De ce meismes ancore dit sur l’epistre saint jehan le monde dist il
+est plain de tribulacions et voy cy comment chacun l’aime/ que seroit ce
+se il estoit paisible/ s’il estoit bel comment t’y appuyeras tu quant si
+lait & tant conturbez si fort l’embraces/ Et quant des espines ne peus
+retraire ta main/ bien cueilleroies des fleurs se elles y estoient.
+
+¶ A ce propos dit saint gregoire en une omelie/ veez cy dist il le monde
+qui est en soy tout seq/ Et toutevoyes ancore flourist il en noz cuers
+par tout mort/ par tout plain de plour/ et par tout en desolacion/ nous
+sommes de tous costez ferus/ nous sommes de tous lez remplis de
+amertume/ Et toutevoyes de nostre avugle charnelle pensee et
+concupiscence nous aimons ces amertumes nous les suivons fuyant nous
+nous espinons a lui trebuchant/ et pourtant que il trebuche nous ne nous
+povons tenir avec lui sanz tresbucher.
+
+¶ Mais dit saint bernard en un sermon/ A qui jhesucrist prent a sembler
+doulx/ c’est neccessité que lui semble le monde amer.
+
+¶ Encore dist il sur quantiques/ ce monde est tout plain d’espines ilz
+sont en terre ilz sont en ta char/ & converser entre ces espines & n’y
+estre point blecié c’est de vertu divine et non pas de nostre fragilité.
+
+¶ Mais de ce dit saint gregoire es morales ou .xxiii.e a ses esleuez qui
+vont a lui/ nostre seigneur a fait le chemin aspre a celle fin que tant
+ne leur plaise le repos de ceste vie en fourme de la doulceur du chemin
+que ilz ne se delitent plus a cheminer longuement que a tost venir au
+terme de leur repos/ & que tant ne leur plaise la voye que ilz en
+oublient leur propre pays/ C’est le ciel. Mais voy cy que il dit apres
+les cuers de esleus dist il qui attendent les joyes de paradis prennent
+cuer et force es adversitez Car de tant que croist plus la bataille de
+tant attendent ilz plus glorieuse victoire/ les desirs des esleus si
+prouffitent tant que ilz sont ainsi affermez es tribulacions comme le
+feu ardant que le vent rabat la flame/ et toutevoye le fait plus
+croistre et combien que il semble que estaindre le doye il le enforcist.
+
+
+
+
+Encore de ce mesmes.
+
+
+Or trayons au terme de nostre oeuvre au quel te desir a l’utilité de ton
+sens conduire c’est a savoir a la conclusion de la vraye felicité/ ou tu
+dois tendre comme nous ayons assez monstré par maint dignes preuves que
+sont faulces felicitez combien que la cure des choses morteles s’i
+traye/ n’est mie celle/ ains est celle qui a en soy bien parfaict & qui
+la plus ne peut desirer/ c’est dieu comme dit est/ car on ne peut penser
+riens meilleur de lui/ il couvient dont que son bien soit parfaict/ Car
+autrement ce dit boece/ et il est vray ne seroit il pas prince des
+autres biens/ Si avons dit ce dit boece & aussi nous l’acordons que
+felicité est souverain bien/ et tu vois que homme est beneureux quant il
+a felicité/ & felicité si est dieu/ dont est homme dieu quant il a
+felicité ainsi comme ceulx qui ont droiture sont droituriers/ & ceulx
+qui ont sapience sont sages Et ainsi ceulx qui ont divinité sont dieux/
+& cil qui a felicité est dieu dont tous beneurez sont dieux/ mais par
+nature il n’est que un dieu et par participacion il en est moult/ Et ces
+parolles sont le propre texte du dit livre de boece en consolacion/ Or
+avons trouvee celle benoite felicité que desirer devons/ mais que ferons
+nous de celle felicité nous promet elle riens.
+
+¶ Viengne saint gregoire en son omelie et le nous die/ veez le cy/ se
+nous considerions bien quelles et comment grans choses nous sont
+promises es cieulx/ nous reputeriens villes toutes les choses que nous
+pourriens avoir en terre/ Car toute la substance terrienne comparee a la
+souveraine felicité nous est plus a charge que a ayde/ la vie temporelle
+comparee a la vie eternelle est plus mort que vie/ Car le deffault de
+nostre cotidiane corrupcion n’est mais que une prolixité de mort Mais
+qui est ce qui peut raconter ne entendement comprendre com grandes sont
+les joyes de celle souveraine cité/ estre tous jours present es
+compaignies des anges avec les benois esperis/ estre assistant a la
+gloire de nostre conditeur/ veoir le visage de dieu & la benoite trinité
+face a face/ regarder sa lumiere incomprehensible/ n’avoir jamais paour
+de la mort/ & soy esjouir du don de perpetuité.
+
+¶ De celle benoite trinité un petit parlons pour plus grant efficace
+selon les diz des sains docteurs/ et en elle vueil que soit terminee ton
+oeuvre qui te doint grace que ainsi soit a la fin ta vie/ Mais comment
+oseras tu entrer a la mediter toy povre miserable creature.
+
+¶ Car dit saint augustin ou livre de la trinité que tout l’ost de pensee
+humaine n’est pas assez fort pour soy ficher en celle excellente lumiere
+pardurable se elle n’est bien purgee par justice de foy. Mais que plus
+soubtilment je t’en declarasse n’est neccessité.
+
+¶ Car dit saint augustin ou sus dit livre que l’en ne peut plus
+perilleusement ailleurs errer ne l’en ne peut riens plus laborieusement
+querir/ ne l’en ne peut riens plus prouffitablement trouver que la
+benoite trinité du pere du filz et du saint esperit en unité de essence
+divine.
+
+¶ Mais de ce dit il lui mesmes ou livre des paraboles de nostre seigneur
+parlant contre arrian/ nous veons dist il le souleil ou ciel courant
+luisant et chault/ aussi/ ces .iii. choses a le feu mouvement lueur et
+chaleur/ Se tu peus donques dist il faulx arrian devise l’une qualité de
+l’autre ou souleil/ ou ou feu/ Et puis si devise la trinité/ Et pour ce
+comme dit saint bernard en un sermon Trop enquerir de la benoite trinité
+c’est perverse curiosité/ fermement croire et tenir de la trinité ainsi
+que tient l’eglise et la foy catholique/ c’est seureté.
+
+¶ Il est ce dit ancore saint augustin en un sermon plusieurs trinité/
+c’est a savoir la trinité qui nous a fait/ la trinité qui nous deffait/
+la trinité qui nous refait/ la trinité qui nous a fait/ c’est la trinité
+pardurable/ le pere/ le filz et le saint esperit. La trinité qui nous
+deffait c’est une trinité miserable Quelle est elle/ c’est non
+puissance/ ignorence/ et concupiscence/ et par ceste trinité miserable
+est deffaite nostre trinité raisonnable C’est a savoir memoire
+entendement et voulenté Car quant nostre ame se dechiet de la trinité
+pardurable/ la memoire chiet en non puissance l’entendement en ignorence
+la voulenté en concupiscence/ la trinité qui nous reffait/ c’est une
+trinité prouffitable/ foy/ esperance/ charité/ foy des articles des
+commandemens & des sacremens/ esperance de pardon de grace et de gloire/
+Charité de pur cuer de bonne conscience & de foy non pas fainte.
+
+¶ Mais veoir la benoite trinité ainsi que elle est c’est la vraye
+felicité seule & souveraine/ et non autre ou doit estre le terme et fin
+du desir de toute humaine creature/ a la quelle felicité te vueille
+conduire celle benoite trinité un seul dieu regnant ou siecle des
+siecles amen.
+
+
+
+
+Respont christine a philosophie & la remercie en la personne de
+theologie.
+
+
+Adont se tut la dame honoree/ et je commençay a ainsi dire/ O tres
+souveraine aministrarece de la pasture/ et du restorant medicinable qui
+ne garist pas tant seulement le malade par tribulacion navré/ mais lui
+rent vie force & vigueur par le doulx ongnement et liqueur de ton
+reconfort/ Toy philosophie l’armoire et corps de toute sciences/
+lesquelles sont tes membres/ Je apperçois que il est vray ce qui est dit
+de toy sicomme saint augustin recite Car tu es toutes sciences et a tes
+amez te demonstres tele qu’il te plaist selon la voye que on te veulent
+enquerre & a moy simple de ta digne grace t’es monstré en fourme de
+sainte theologie pour repaistre mon ignorent courage le plus sainement a
+mon salu/ ne m’as pas fait comme a ta chamberiere/ mais mielx que tu ne
+promis/ C’est a savoir moy servie de tes plus prouffitables et dignes
+mes qui viennent de la table de dieu le pere/ dont te mercy C’est
+assavoir dieu qui est toy plus que ne saroie dire Et vrayement es tu
+toutes les sciences/ Car tu es vraye phisique/ c’est a savoir theologie
+en tant que tu es de dieu/ Car toutes les causes de toute nature sont en
+dieu createur/ Tu es ethiques/ car bonne vie et honneste que tu formes &
+apprens/ c’est a savoir a amer/ ce qui est a amer c’est dieu et le
+prochain/ & ce la toy theologie monstres tu en la science de phisique &
+de ethiques/ Tu es logique car la lumiere et la verité de l’ame
+raisonnable tu demonstres/ tu es politique Car tu apprens a bien vivre/
+Car nulle cité n’est mieulx gardee que par le fondement et l’eaue de foy
+et de ferme concorde a amer le bien commun qui est tres vray et
+tressouverain/ c’est dieu de qui tu parles en la science en quoy a moy
+t’es demonstree/ c’est a savoir theologie. O theologie que je vueil
+louer dame en toy souveraine philosophie. Je congnois que quant homme
+apprent hors de toy/ se il lui est nuisible par toy il en scet la
+verité/ Se il lui est prouffitable aussi tu lui demonstres/ et quanque
+il ara peu apprendre ailleurs se en toy ne refiert/ tout sera parte de
+temps et ignorence/ Car tu es la sapience vraye/ ne autre chose n’est
+que toy en qui est trouvé ce que ailleurs ne peut estre c’est vraye
+felicité.
+
+¶ Et ce tesmongne de toy saint gregoire ou prologue du livre des morales
+que tu as en publique ce de quoy tu peus nourrir les petis/ et de ce
+l’experience en ma personne le me tesmongne/ Et gardes en ton secret ce
+dont tu peus prendre les haulx entendemens en grant admiracion/ Car tu
+es ainsi comme un fleuve qui semble estre si pou parfont que un aygnel y
+prent pié/ Et si est si parfont que un elephant y peut nagier/
+Merveilleux est ton fleuve sainte theologie qui si pou semble estre
+parfont a un aignel/ c’est a entendre a un bon simple qui y prent pié/
+Et si est si parfont a un elephant orgueilleux/ c’est aux plus haulx
+entendemens qui a peine te scevent et non toute comprendre.
+
+¶ Et pour ce dit bien le benoit saint jerome en l’epistre a sa bonne
+devote la vierge de mecriade/ use dist il de la leçon de theologie en
+lieu de miroir pour corriger ce que tu as en toy lait/ et pour garder ce
+que tu as en toy bel/ et te faire plus belle/ Car toy sainte theologie
+as un miroir qui monstre les ordures et les apprent a nettoyer.
+
+¶ De toy et a ta louange de rechief dit le benoit docteur saint jerome
+qui tant cherement t’ama que ainsi comme les tenebres de la nuit point
+n’obscurcissent la clarté des estoilles du ciel Ainsi nulle mondaine
+iniquité ne peut obscurcir les ames qui sont appuyees au firmament de
+sainte theologie/ O dame sainte theologie/ tu m’as donné certaineté de
+ce que dit de toy le benoit saint gregoire ton docteur ou premier livre
+de morales que ta doctrine & sainte escripture aucune fois nous est
+viande aucune foiz nous est beuvrage en lieu plus obscurs/ lors est ce
+que elle nous est viande Car quant nous l’exposons c’est la viande que
+nous machons/ et quant nous l’entendons c’est ainsi comme la viande que
+nous avalons mais es lieux ou elle est plus clere elle nous est buvrage
+Car quant elle n’a besoing de exposicion/ nous la humons ainsi comme
+nous la trouvons// Dame que puis je dire de toy et du bien que tu m’as
+fait/ de la sainte viande de ton repast qui m’a rassadiee & fait
+congnoistre la ignorence de ma descongnoissance par quoy je congnoiz mon
+tort par ce que tu m’as conclus/ Si di que toy sainte theologie et
+divinité es une tres grasse viande qui contiens en toy toute delices
+ainsi comme la manne qui aux juifs plouvoit du ciel qui assavouroit en
+la bouche de chacun selon sa voulenté// Ainsi me depars de mon avision
+la quelle je ay partie sicomme en .iii. differences de .iii. pierres
+precieuses en leur proprietez/ la premiere est en fourme de dyamant/ le
+quel est dur et poignant/ et tout soit il cler hors oeuvre quant il est
+relié et mis en l’or il semble estre obscur et brun/ et toutefoiz ne se
+meut sa vertu qui est moult grande/ La seconde est le kamayeu en qui
+plusieurs visages et figures diverses sont empraintes/ et est son siege
+brun et l’emprainte blanche/ La tierce au rubis precieux cler et
+resplandissant et sanz nue obscure qui a proprieté de tant plus plaire
+comme plus on le regarde.
+
+
+Explicit le livre de l’avision de christine.
+
+
+
+
+Table des chapitres
+
+[Note: Cette table des chapitres ne figure pas dans l’original.]
+
+
+ feuillet
+ La premiere partie parle de l’image du monde et les merveilles
+ que elle y vid. 1
+ 1. Premierement dit christine comment son esperit fu transporté. 1
+ 2. Ci dit l’ordre comment le dit ymage estoit repeus. 1
+ 3. Comment christine fu transgloutie ou corps du dit ymage. 2
+ 4. Comment elle se transporta de lieu en autre. 2
+ 5. L’acointance que elle desiroit a avoir a une dame portant
+ couronne. 3
+ 6. La complainte de la dame couronnee a christine. 3
+ 7. Ci devise la dame couronnee de son commencement. 4
+ 8. Dit la dame couronnee de ses gestes. 4
+ 9. Encore de ce mesmes. 5
+ 10. Des bons et des mauvais gouverneurs de la dame couronnee. 5
+ 11. Ci parle la dame couronnee du bon gouverneur que elle ot. 6
+ 12. De .ii. nobles oyseaulx de proye. 8
+ 13. Ci dit la dame couronnee des contens qui furent pour elle
+ gouverner. 8
+ 14. Ci se plaint la dame de ses Enfans. 9
+ 15. Ci dit comment les vertus au monde sont emprisonnees. 10
+ 16. Ci dit des vices qui queurent en general. 11
+ 17. Du vent de perdicion qui cuert par la terre. 13
+ 18. De la punicion des vices. 13
+ 19. Encore de ce mesmes & complainte de la dame. 14
+ 20. De ce mesmes. 15
+ 21. Encore du vitupere des vices en general. 16
+ 22. Piteuses paroles de la dame couronnee & recors de la sainte
+ escripture. 17
+ 23. Encore de sa complainte. 18
+ 24. Des punicions des vices. 18
+ 25. Encore de ce mesmes. 19
+ 26. Encore de ce. 20
+ 27. Encore de ce. 21
+ 28. Encore de ce. 22
+ 29. La fin de la complainte de la dame couronnee. 23
+
+ La seconde partie parle de dame oppinion et de ses ombres. 25
+ 1. Ci dit de quoy ces ombres servoient. 25
+ 2. Comment l’ombre araisonna christine. 26
+ 3. Les choses que l’ombre disoit a christine. 27
+ 4. Encore de ce mesmes. 29
+ 5. Ci dit l’ombre les oppinions de philosophie sus le principe
+ du monde. 29
+ 6. Ancore de ce mesmes. 31
+ 7. Les contre dis d’aristote aux autres philosophes. 33
+ 8. Encore des oppinions. 34
+ 9. De ce mesmes. 36
+ 10. Encore de ce. 37
+ 11. Ancore des oppinions des philosophes. 38
+ 12. Cesse a parler des oppinions. 39
+ 13. De l’ombre la poissance que elle a. 40
+ 14. Encore dit de sa poissance. 41
+ 15. Encore de ce mesmes & des seignouries. 42
+ 16. Dit ancore l’ombre des choses que elle a faites faire. 43
+ 17. Ce que l’ombre disoit des arquemistes. 44
+ 18. Des nobles que l’ombre dit que elle deçoit. 46
+ 19. Ce que l’ombre disoit des gens d’armes. 46
+ 20. La fin de l’oroison de l’ombre. 47
+ 21. Responce de christine a l’ombre. 48
+
+ La tierce partie parle de confort de philosophie. 50
+ 1. Ce que christine dit a philosophie. 51
+ 2. La complainte de christine a philosophie. 52
+ 3. Dit christine de ses bonnes fortunes. 53
+ 4. Entre a parler christine de ses males fortunes. 54
+ 5. Encor de ce mesmes. 55
+ 6. Balade. 58
+ 7. Encore continue christine sa complainte. 59
+ 8. Dit christine comment elle mua sa maniere de vivre. 59
+ 9. Se plaint christine de jeunece. 60
+ 10. Dit christine comment elle se mist a l’estude. 61
+ 11. Le plaisir que christine prenoit a l’estude. 62
+ 12. Se plaint christine de fortune qui lui osta ses bons amis. 63
+ 13. Encore de ce mesmes. 63
+ 14. Conclut christine sa complainte a philosophie. 64
+ 15. Respont philosophie a cristine. 65
+ 16. Le reconfort de philosophie. 66
+ 17. Encore de mesmes. 67
+ 18. Blasme philosophie christine de ce que elle se plaint. 69
+ 19. Encore de ce mesmes. 70
+ 20. Encore de ce. 71
+ 21. Encore de reconfort. 72
+ 22. Le reconfort de philosophie aleguant la sainte escripture. 73
+ 23. Instruit philosophie a despriser les biens mondains. 75
+ 24. Ci dit comment selon les diz de sainte escripture prosperité
+ mondaine ne fait a priser. 76
+ 25. Conclusion des choses susdites & ancore de ce. 76
+ 26. Encore de ce mesmes. 78
+ 27. Respont christine a philosophie & la remercie en la personne
+ de theologie. 79
+
+
+
+
+NOTES DU TRANSCRIPTEUR
+
+
+On transcrit le manuscrit «Français 1176» de la bibliothèque nationale
+de France, daté 1405-1406.
+
+L’orthographe, la ponctuation et l’usage des majuscules sont conformes à
+l’original. On a résolu les abréviations par signes conventionnels (de
+type Cõe pour Comme), ajouté accents, cédilles et apostrophes, et
+distingué entre i/j, u/v. On a introduit un nouveau paragraphe à chaque
+pied de mouche (¶), et mis systématiquement une majuscule en début et un
+point en fin de paragraphe.
+
+Les corrections figurant sur le manuscrit, réputées de la main de
+Christine de Pizan, ont été appliquées. On s’est permis également de
+corriger certaines erreurs manifestement dues au copiste.
+
+On a conservé la phrase en double «se toy existant subget aux
+tribulacions...» qui figure également en double dans le manuscrit 10309
+de la bibliothèque royale de Belgique.
+
+
+
+
+*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75554 ***
diff --git a/75554-h/75554-h.htm b/75554-h/75554-h.htm
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+ <title>L’avision de Christine | Project Gutenberg</title>
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+<div style='text-align:center'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75554 ***</div>
+<div class="x-ebookmaker-drop c"><img src="images/cover.jpg" alt=""></div>
+<div class="x-ebookmaker-drop break"></div>
+<p class="c"><img src="images/illu1.jpg" alt=""></p>
+
+
+<h1>Ci commence le livre de
+l’avision de christine</h1>
+
+<p class="noindent">le quel est
+party en .iii. parties. <a href="#p1">La
+premiere partie</a> parle de l’image
+du monde et les merveilles
+que elle y vid.</p>
+
+<p>Item <a href="#p2">la seconde partie</a> parle
+de dame oppinion et de
+son ombre.</p>
+
+<p>Item <a href="#p3">la tierce partie</a> parle
+de confort de philosophie.</p>
+
+<div class="break"></div>
+<p class="c"><img src="images/illu2.jpg" alt=""></p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<p><span class="pagenum">-1-</span></p>
+
+<h2 class="nobreak" id="p1" title=".i. de l’image du monde">&nbsp;</h2>
+
+
+
+
+<h3 id="p1c1">Premierement dit christine
+comment son esperit fu
+transporté.</h3>
+
+<p class="c"><img src="images/illu3.jpg" alt=""></p>
+
+
+<p>Ja passé avoie la
+moitié du chemin
+de mon pelerinage
+Comme un jour
+du l’avesprir me trouvasse
+pour la longue voye lassee et
+desireuse de hebarge Et comme
+je y fusse parvenue par appetit
+de repos apres la reffeccion
+neccessaire a vie humaine
+prise et receue dites graces
+et me recommandant a l’acteur
+de toutes choses entray
+en lit de repos traveillable
+Et comme tost apres mes
+sens liez par la pesanteur de
+somne me survenist merveilleuse
+avision en signe d’estrange
+presage/ tout ne soie mie
+nabugodonosor Scipion ne
+joseph/ ne sont point veez les
+secrés du tres hault aux bien
+simples.</p>
+
+<p>¶ Avis m’estoit que
+mon esperit laissoit son corps
+et par exemple tout ainsi
+que mainte foiz en songe
+m’a semblé que mon corps
+en l’air volast/ m’estoit adonc
+avis que par le soufflement
+de divers vens mon esperit
+translatez estoit en une contree
+tenebreuse en la quelle
+terminoit un val flotant
+sus diverses eaues. La m’aparoit
+l’estature d’un homme
+de belle fourme mais de
+grandeur inextimable/ Car
+sa teste tresparçoit les nues
+Ses piés marchoient les
+abeysmes/ et son ventre avironnoit
+toute la terre/ clere
+face et sanguine avoit.
+aux coins de son chief donnoient
+aournemens innombrables
+estoilles/ de la beauté
+de ses yeulx issoit si
+grant clarté que tout l’enluminoit
+et jusques aux entrailles
+de son corps reverberoit
+leur clarté. l’aspiracion de sa
+tres grant gueule attrayoit
+si grant air et vent que tout
+en estoit remplis de couvenable
+frescheur .ii. conduis principaulx
+avoit cest ymage
+l’un estoit le pertuis de sa
+gueule par ou recevoit sa
+nourriture/ et l’autre estoit
+dessoubz par ou se purgioit
+et vuidoit/ mais de differens
+natures estoient yces
+.ii. Car tout ce qui entroit
+par le conduit hault par
+ou repeus estoit couvenoit
+que corps materiel et corruptible
+eust/ mais par l’autre
+conduit ne passoit riens fraisle
+ne palpable. la vesteure
+de ceste creature estoit dyapree
+de toutes coulours/ tressoubtilment
+ouvree. belle
+riche et de longue duree.
+en son front bien pourtrait
+avoit l’emprainte de .v.
+lettres. c’est assavoir .C.h.a.o.z.
+qui son nom
+signifioyent/ En ceste statue
+n’avoit riens de diffourme
+Exepté que par fois faisoit
+chiere triste adoulee et plourable
+tout ainsi comme homme
+qui par diverses parties de
+son corps sent et seuffre diverses
+passions et doulours pour
+la quelle chose jectoit grans plains
+et a dieu lamentacions par divers
+crys.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c2">Ci dit l’ordre
+comment le dit ymage
+estoit repeus.</h3>
+
+
+<p>Delez le dit ymage avoit
+assistant une grant
+ombre couronnee de fourme
+femenine comme se fust la
+semblance d’une tres poissant
+royne naturellement formee
+sans corps visible ne palpable
+si estoit tant grant qu’elle
+obombroit et avironnoit
+tout le corps du devant dit
+ymage/ du quel estoit singulierement
+depputee et establie
+estre l’administraresse de
+sa nourriture/ Et estoit tel
+son office/ environ soy avoit
+instrumens de divers coings
+et empraintes ainsi comme sont
+a paris moles a faire gaufres
+ou autres outilz semblables
+<span class="pagenum">-2-</span> Et comme ceste dame n’eust
+en soy le vice de parece l’ocupoit
+continuellement neccessaire diligence
+de divers labours/ car
+sanz prendre repos elle destrampoit
+mortier qu’elle coaguloit
+ensemble/ en la quelle mistion
+mettoit fyel/ myel/ plomb et
+plume d’ycelle matere en emplissoit
+bures de diverses façons
+lesquelles apres versoit en petite
+quantité es dis moles que
+bien estouppoit et saeloit/ tout
+ce fait non d’une guise mais
+en diverses differences metoit
+tout cuire et confire en la
+gueule du dit grant ymage
+qui tant estoit lee que elle
+representoit une grant fournase
+chauffee en maniere
+d’attrempees estuves/ la les
+laissoit jusques a temps couvenable
+l’un plus que l’autre
+selon la difference et la grosseur
+des outilz/ apres le temps
+venu que la sage administraresse
+savoit le terme de
+la perfection de son oeuvre
+elle ouvroit la bouche de cel
+ymage par tel art que elle
+donnoit lieu de tirer hors
+les matieres assez cuites
+et les autres laissoit cuire
+jusques a l’acomplissement de
+leurs jours adont sailloient
+hors de ces moles petis corps
+de diverses façons selon les
+empraintes des instrumens
+mais merveilleuse aventure
+en avenoit/ car aussi tost que
+ces petis ymages laissoient
+leur moles adont le grant
+ymage en quel gueule avoient
+esté cuis les transgloutissoit
+tous vifs en sa pance.
+sanz nombre a une goulee/
+et ainsi nuit et jour ne
+cessoit cel ouvrage continue
+par les mains d’ycelle dame
+pour la pasture du
+grant corps insaciable.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c3">Comment christine fu transgloutie
+ou corps du dit ymage.</h3>
+
+
+<p>Mon esperit entre gité
+celle part ententif
+a notter ceste merveille/
+Adont l’aspiracion de l’aleyne
+de ycellui grant le
+tira a soy/ tant qu’il chut
+es mains de la dame couronnee/
+Lors comme ja elle
+eust mis le mole a tout
+la matiere en la fournase
+mon esperit prent si le
+fiche ens/ et tout en la maniere
+que au corps humain
+donner fourme accoustumé
+avoit tout mesla ensemble
+et ainsi cuire me laissa
+par quantité de temps
+tant q’un petit corps humain
+me fu parfaict/ mais comme
+le voulsist ainsi celle qui
+la destrempe avoit faite
+a la quel cause se tient et non
+au mole je portay sexe femenin/
+Si fus semblablement
+que les autres soubdainement
+transgloutie ou ventre de
+cel ymage/ Quant je fus
+la trebuchee adont prestement
+vint la chamberiere de la
+dicte dame qui bures tenoit
+d’une liqueur doulce &amp; tres
+souefve plaines de la quelle
+a abuvrer doulcement me
+prist/ par quel vertu et continuacion
+mon corps de plus
+en plus prenoit croiscence
+force et vigueur/ et ycelle
+sage croisçoit et engrossoit
+la pasture au feur de ma
+force tant qu’a par moy porter
+et paistre mon corps je
+pos ou quel croisçoit l’entendement
+qui ja me donnoit
+cognoiscence de la diversité des
+entrailles du ventre de l’image
+par sus les quelles a .ii. piez
+je marchoye/ lesquelles estoient
+faites de cailloux et dures roches
+par montaignes et valees
+bois et metaulx et diversitez
+maintes/ mais tant me sembloit
+longue et lee l’espace de
+la pourprise d’icellui corps/ que
+l’espace de la vie d’un homme
+ne pourroit souffire a toutes
+cercher les diverses contrees
+qui en lui sont comprises.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c4">Comment elle se transporta
+de lieu en autre.</h3>
+
+
+<p>En cellui temps comme
+renommee a tout ses
+cors et buisines eust corné
+et encore cornast en la contree
+ou j’estoye/ ce que la et par
+toutes autres contrees avoit
+ja par moult lonc temps
+signifié de rechief a haulte
+voix ne cessast de cryer/ Ce
+estoit que elle racontoit le
+pris/ l’onneur/ la haultece
+noblece et poissante digneté
+d’une princesse de grant
+auctorité/ couronnee de precieux
+dyademe a ceptre royal
+de grant ancienneté &amp; richece
+<span class="pagenum">-3-</span> la quelle seoit vers les parties
+que on dit fryge/ et pareille
+n’avoit en beauté noblece vaillance
+et hault renom en tout
+l’univers monde/ adont par
+les cris de fama apres ce que
+messages certains orent de ceste
+chose certiffiez ceulx qui
+m’avoient en bail desirans de
+tel princesse servir/ se partirent
+de la/ et ainsi avec eulx marchant
+par sus les entrailles
+du dit ymage/ traversant
+estranges contrees alpes haultaines/
+landes sauvages/ forés
+parfondes et bruyans rivieres
+Tant cheminay par
+maintes journees que de loins
+ja m’aparu la lueur de la marche
+resplendissant en honneurs
+ou je tendoye/ Et ainsi appercevant
+de mieulx en mieulx
+sa haultece com plus en approchoie
+parfinay ma longue voye
+jusques en sa maistre cité/ la
+quelle estoit nommee la seconde
+athenes/ adont acompli le travail
+d’icellui chemin reposant
+les membres travaillez pourpensoie
+comment et par quel
+voye peusse ataindre a l’acointance
+de la dicte princesse/ mais
+comme trop jeune ancor fusse
+ne me savoie appliquer
+ne mes a apprendre le lengage
+differant de cellui de mes
+parens/ neant moins selon
+la simplece de mes sens non
+ancore du tout parcreus m’informoie
+adez des coustumes
+manieres et condicions de
+la dicte dame/ Et comme ainsi
+je le continuasse par l’espace
+de plusieurs ans croiscent
+ma retentive/ je fus informee
+de la haulte poissance
+et seignourie d’ycelle/ de la
+quelle pour eschever prolixité
+en brief je tesmoigne
+pour verité sanz adjoustement
+de mençonge/ que
+sa contree m’aparu glorieuse
+de nom/ fertile de
+fruys/ abondant en richeces
+grande et lee en circuit/ edifiee
+notablement d’espesses
+villes/ fors citez/ chasteaulx
+bours fortereces et tres nobles
+manoirs comme sanz
+nombre/ poissans seigneurs
+princes natureulx non crueulx/
+benignes en conversacion
+catholiques en foy/ prudens
+en gouvernement/ et beaulx
+en faconde/ fort et poissant
+chevalerie/ loyaulx subgés
+obeissant peuple/ En ycelle
+marche vrayement toutes
+ses condicions j’apperceu/ et
+maintes autres bonnes que
+cause de briefté ne me seuffre
+plus dire/ mais comme
+il ne soit aucun bien sans
+envie/ voir est que je y vy
+de grans gastives par places
+venues et procurees par estranges
+envieux/ par quoy m’aparoit
+en celle contree avoir
+esté et estre par fois de grans
+et fieres persecucions.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c5">L’acointance
+que elle desiroit a
+avoir a une dame portant couronne.</h3>
+
+
+<p>Ja estoie parcreue quant
+j’oz tant pourchacié
+par divers moyens apres
+maintes aventures que je
+attaigni a ce que je desiroie
+Si oz la plaine accointance
+de la dame renommee/ de
+la quelle la beauté/ sens &amp; benignité
+ne seroie souffisant
+de descripre/ pource me passe
+seulement d’elle disant
+que sans faille fama ne
+tenoie menterresse des bons
+recors que elle faisoit en
+toutes places d’elle/ aux quieulx
+la vraye experience vi accordable.
+Or fus je la dieu mercy
+si prochaine privee amie d’elle
+que de sa grace faveur ot a
+me descouvrir les secrés de
+son cuer et n’ot orreur d’ajoindre
+a moy femme tel honnour
+comme de me instituer estre
+philographe de ses aventures/
+et volt que par moy oroisons
+et chançons en fussent
+faites/ ja estoit informee tant
+de mes affections comme qui
+je estoye.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c6">La complainte
+de la dame couronnee
+a christine.</h3>
+
+
+<p>Adont parlant en tel
+maniere/ dist ainsi
+Chiere amie amaresse du
+cultivement de mon bien comme
+il soit de neccessité en nature
+que tout cuer amant desserve
+estre amez/ droit est que Ton
+bon desir te soit valable/ Et
+comme il fust affectueux de
+m’acointance les bons vouloirs
+de lui soient ottroyez
+amie a qui dieu et nature
+ont concedé oultre le commun
+ordre des femmes le don
+<span class="pagenum">-4-</span> d’amour d’estude/ appreste parchemin
+ancre et plume et escrips les
+paroles issant de ma poitrine
+Car a toy me vueil je du tout
+magnifester/ Et me plaist que
+a tes sages bien vueillans faces
+d’or en avant present des memoires
+escriptes de ma digneté.
+C’est chose nottoire qu’a cil qui
+bien se veult declarier appartient
+qu’il speciffie son premier
+principe/ Si commenceray
+a l’introyte de mes gestes te
+narrant ma premiere venue.</p>
+
+<p>¶ Ou temps du Second aage
+lors que la lignee neptunus
+regnoit en marche chevalereuse
+es habitacions aysiees quant
+pour cause de la fille electee
+transportee par le pastour mescongnu
+vindrent les hoirs des
+fremis chavauchans chevaulx
+de bois a tout force d’armes
+furent par l’escu de barat a
+la fin vainqueurs. Dont d’ycelle
+terre fu enrachié l’abre d’or
+que les dieux anciens selon les
+chançons des poetes avoient
+reservé pour leur gloire du
+quel la haultece de l’ombre s’espandoit
+jusques sus les contrees
+lontaines/ Si fus lors par
+estrange fortune favourable
+a ycelle fremiere desireuse
+de vengence ars destruis et
+mis en cendre/ mais non obstant
+le furieux desir maling
+d’yceulx fremis furent aucuns
+cultiveurs desireux de
+noble semence veant la persecucion
+de la noble plante
+qui par soubtil art emblerent
+et de leurs mains ravirent
+en assez quantité des vergetes
+et des gitons cueillis sur
+le hault sommeton d’ycellui
+seignouri noble arbre/ Et
+comme le dieu pelagus fust
+consentant d’ycel larrecin
+leur donna voye et passage
+par sa terre/ Si se transporterent
+espandans en
+diverses contrees es quelles
+par grant digneté les
+planterent en maint vergiers
+et firent greffes de nouvelles
+antes que fort ilz cloyrent
+d’espineuses hayes pour obvier
+aux loisirs des rappineurs.
+Et ainsi maugré les influences
+fortunees fu renouvellee
+en plusieurs lieux la haute
+plante dont puis une vergete
+tant crut es marches d’europpe
+en la terre latine que la
+haultece d’elle obumbra tout
+le monde et presseda sanz
+comparoison sa premiere
+racine.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c7">Ci devise la dame couronnee
+de son commencement.</h3>
+
+
+<p>Ou temps des susdiz
+larrecins entre les
+autres fu transportee en ceste
+contree une vergete issue
+de la cosme du sus dit arbre
+d’or la quelle ilz planterent
+en hault vergier en terre
+fructueuse/ ycelle plante
+parcreut tant que de la beauté
+d’elle je pris mon nom/ &amp;
+fus appellee/ Libera/
+apres par multiplicacion
+de cultivement tant crut
+et augmenta tous jours
+en habondance de digneté
+ce noble estat/ que les plantes
+ja montees et embelies
+en leur force couronnerent
+le .iii.<sup>e</sup> giton de leur venue
+et comme le plus auctorisié
+en firent leur roy/ cestui
+porta fruit de grant digneté
+car il sauva ceste terre de
+maintes enfermetez/ Et
+ainsi pou a pou crut le renom
+de sa proprieté en multepliant
+Si en furent peuplez mains
+delitables vergiers par espace
+de multitude de ans en ceste
+contree/ Et ainsi t’ay compté
+la premiere racine de mon
+nom et cultivement/ et te dis
+certainement que non obstant
+qu’a veue d’ueil je soye et appere
+jeune freche nouvelle
+flourie et belle/ que plus de
+mil ans a ja passez puis le
+temps de ma premiere naiscence.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c8">Dit la dame couronnee
+de ses gestes.</h3>
+
+
+<p>Le renom de ma franchise
+ja espandus
+en toutes places/ les gouverneurs
+de noble attrace
+avec leurs enfans me prirent
+en bail Si fu entregitee
+entre leurs mains par
+lonc temps sanz estrange
+generacion. O dieux glorieux
+<span class="pagenum">-5-</span> se je te comptoie toutes les aventures
+courues es annees puis
+la naiscence de mon nom jusques
+a ore/ l’espace de ta vie a
+l’escouter <ins title="ne">me</ins> pourroit souffire
+Et pour ce en brief te dis que
+les tuteurs de mon bail assez
+s’esforcierent d’acroistre la haultece
+de mon heritage/ mais
+comme ignorance ancore les
+tenist tenebreux ne savoient
+attraire eaue doulce pour pardurable
+arrosement presenter
+a mes racinetes et plantes/ par
+quoy maint seps de vigne &amp;
+autres tiges toutes sechees &amp;
+sanz fruit couvint esrachier
+&amp; ou feu giter/ Et ainsi dura
+ceste pestillence tant que le .iii.<sup>e</sup>
+filz vint le quel par vertu de
+sage conseil attray lumiere telement
+que les tenebres de celle
+mortel secherresse furent chaciees
+par la quelle voye ot cognoissance
+de doiz et source de
+eaue vive a grant habondance
+si que lui meismes ja tout perdus
+&amp; sechez en fu arrosez et vivifiez
+Et tant pourchaça par
+sages maistres que l’abondance
+du fleuve vivant rendy ruisseaulx
+sources &amp; fontaines
+en si grant quantité que
+toutes mes plantes en furent
+arrosees et viviffiees/ O
+noble cultiveur fu ycellui
+car moult il augmenta et
+parcreut la perpetuité de
+mon heritage/ en telle maniere
+qu’il fu le premier registre
+de ma salvable gloire/
+es mains de cestui pris
+grant croiscence et plaisant
+beauté/ et tant qu’il me
+dura fus bien deffendue &amp;
+si gardee et soustenue que
+chose quelconques ne
+m’avint senestre.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c9">Encore de ce mesmes.</h3>
+
+
+<p>Apres cestui cheux es
+mains des cultiveurs
+mau diligens par la quel
+faute la gloire de mes vergiers
+fu tournee comme en
+friche remplie d’erbes et
+graynes inutiles et de nul
+bon fruit/ Et comme le vice
+fornicable fust fiché es
+os de l’eritier d’yceulx dont
+les causes de ses demerites
+le rendent exillé transporterent
+ses voyes en marche fiable
+piteuse de sa chetivoison.
+O le mal pechié d’ingratitude
+qui tolz et ostes le merite et
+guerredon de benefice receu
+et estains recordance de remuneracion
+deue ne fis tu
+a cellui mettre en oubly toute
+cause de feauté/ quant
+frauduleusement souffris
+fortraire au feal sa beste
+menterrece des couvenances
+de son premier lit/ et les
+nouvelles ouyes de la reconsiliacion
+du filz de venus
+a ses persecuteurs par
+l’enseigne du demi denier
+fu sa departie en repostailles
+rappineuse de l’espousee
+hors ordre de loy doublement
+couronnee/ de la quelle songerresse
+la presentacion du
+temps que tu vois/ peut signiffier
+l’ordre de ces avisions.</p>
+
+<p>¶ Succedans cestui
+nasquirent de ses heritiers
+hommes de sanc
+plains de couvoitise rappineux
+et sanz foy qui a
+leurs parens faisoient
+presens de mort &amp; d’occisions
+conseillez et baretez par les
+crestees crueuses leonesses venues
+d’espaigne et de cucubinage
+desquelles vengence
+n’espargna a leurs membres
+le trait des poulains/ a partie
+d’elles accusee du sanc innocent
+devant le juste.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c10">Des
+bons et des mauvais gouverneurs
+de la dame couronnee.</h3>
+
+
+<p>Apres ces choses d’un pepin
+<ins title="d">du</ins> fruit du susdit
+arbre en ma terre sailli une
+plante qui tant crut que elle
+estandoit ses branches verdure
+et cosme plus lonc
+pays assez que n’est toute
+ma terre/ le fruit qui en
+issoit estoit de grant vertu
+odeur et force/ car de grace
+especial dieu lui ot donné
+proprieté de chacier les
+malings esperis/ et moult
+valoit contre perpetuel venim/
+Et par cestui furent
+gardees maintes contrees
+de inreparable mort dont
+germanie se dot louer/ et
+jusques par dela les alpes
+ytaliennes estendant sa
+vertu vers la terre de auffrike
+<span class="pagenum">-6-</span> ha dieux combien je fus renommee
+flourie et exaussee par la
+resplandeur et beauté de ceste
+plante/ Car comme chose perpetuelle
+non obstant le lonc temps
+puis passé/ ancore a celle cause
+est greigneur/ la fleur de ma
+renommee/ de l’issue de cestui
+je fus cultivee un espace de
+temps.</p>
+
+<p>¶ Mais comme apres
+sa vertu alast en descroiscent
+vindrent d’estrange attrace
+les cultiveurs diligens qui se
+vanterent de greigneur vertu
+que les proprietaires &amp; par
+oblique malice couverte et
+coulouree de jugement apostolique
+reserverent pour eulx
+la souveraine chayere posse
+dans leur lignee ycelle par
+plusieurs dessendues/ Mais
+comme entre les espines en
+friche destournee fust ce/ tandis/
+muciee une graislete
+ante hors saillie de l’ancienne
+racine renommee/ le temps
+venu de sa croiscence apparurent
+les fueilles vertes de sa
+haultece.</p>
+
+<p>¶ Adont furent estirpees
+les estranges germes
+la belle ante subjugant toutes
+les tiges de mes courtilz flouri
+en grant reverence de l’issue
+de lui sailli germe precieux
+rendant fruit en son temps
+a dieu sacré et tres agreable
+or furent les premiers cultiveurs
+restituez a leur erre
+ainsi continuans non obstant
+le lonc temps puis passé jusques
+a la journee d’uy. O treschiere
+amie se je te comptoie
+toutes les tribulacions par
+lesquelles j’ay esté pourmenee
+an l’espace des jours que
+je te compte tu t’esmerveilleroies
+comment en tel beauté
+suis demouree/ car pour moy
+ravir et embler s’assembloient
+diverses provinces &amp; gens
+estranges qui a grant ost
+deffoulerent ma terre/ brulerent
+mes villes &amp; mes manoirs/
+faisoient de mes gens
+grant essart et toute me pilloient/
+et en tres grant quantité
+de foiz pareillement ay
+esté en peril d’estre perdue
+ravie prise a force/ et du
+tout deshonoree/ non obstant
+la deffence des assemblees
+de mes deffendeurs &amp; de
+ma gent contrestans a la
+fureur d’iceulx Et ne cuidez
+pas que de lonc temps soient
+saillies a moy ycestes dures
+angoisses souvent renouvellees
+en diverses guises dont
+au jour d’uy je ne suis exente
+mais te dis que mesmement
+puis l’aage de tes parens si
+mal menee par divers cas que
+onques puis ma premiere
+naiscence ne furent greigneurs
+les perilz de mes aventures
+Et a tout regarder de n’estre
+du tout enchevé es las de perdicion
+singuliere/ gloire ne
+attribue fors a dieu tout
+poissant qui pour cause de
+ma catholique foy m’a reservee/
+tout ainsi qu’il dist a
+saint pierre que sa nacelle
+chancelleroit et ne seroit perie
+ha dieux combien estoient
+grandes les orreurs de mes
+tribulacions/ car les ennemis
+yssus des serves lignees venoient
+sur moy a grans effors/
+Et fortune pour le temps
+clere/ a eulx consentoit les
+victoires contre les couronnes
+qui me deffendoient
+aux quieulx non obstant
+leurs grans et nobles courages
+non reprouchez parmetoit
+adversitez non deservies/ En
+ce temps se rebellerent les vers
+de terre qui pour les marcheys
+des chevaulx saillirent/ contremont
+et ou visage me cuiderent deshonorer
+es jours que mon dispensier
+estoit es buyes de
+mes aversaires/ mes vindrent
+les ecouffles qui firent leur
+proye du verminier venimeux
+et abominable/ ha hay comment
+estoie lors trouble et obscurcie
+par diverses afflictions dont
+la lueur de ma beauté qui
+tant seult estre glorieuse plaisant
+et saine fu comme morte/
+Car n’en yssoit fors plains
+et plours/ et toutevois de
+lamentacions que t’en diroye
+innumerables sont les diverses
+angoisses qui m’ont traversee
+par infinies foiz mais
+la fin d’icelles te sera comptee.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c11">Ci parle la dame couronnee
+du bon gouverneur que elle ot.</h3>
+
+
+<p>Comme dieu ouvrist
+sur moy chastie l’ueil
+de sa misericorde sicomme
+pere pitiable de sa tres amee
+fille volt cesser les verges
+<span class="pagenum">-7-</span> de ses bateures et espandre l’oeile
+de sa misericorde sur les navreures
+de mes maladies adont sourdi
+le phisicien propice venus
+par succession a l’eritage de
+mon ancienneté et ou palais
+de mes nobleces receu l’aureale
+de digneté delaissant en jeunes
+jours les meurs de legiereté
+vint dame sapience deesse venerable
+des choses ordenees
+qui comme chier filz le revesti
+du mantel de ses proprietez
+lors disant fuiez fuiez lors voz
+ennemis de beneurté laissiez
+venir les remedes de restoracion
+Tira a soy toutes choses belles
+en deboutant les diffamables
+ycellui saisi de l’espee de justice
+n’espargna mie les outilz de
+sa mere/ ains par la sentence
+d’iceulx mist en oeuvre les mains
+de son hault sommet/ adont
+armé de courage fructueux
+trassant par ces courtilz visitant
+les angles ja couvers d’espineuses
+tiges donna ordre a
+ses commis de la reparacion
+des ruynes/ lors par quantité
+de Cens et de millers
+furent les assemblees d’yceulz
+alouez non estranges mais
+privez loyaulz subgez qui a
+tout fers agus de diverses tailles
+s’embatoient es gastives
+remplies d’estranges semences
+non propices a la nature de
+mes hommes qui vergiers portans
+fruit estre souloient.
+adont se prirent a estirper
+de tous lez les inutiles herbes
+chardons orties et toute
+male racine derompre et sacher
+hors et a tout nettoyer
+et faire nouvel gueret ou
+ilz anterent et attrayrent
+bonnes semences ainsi continuant
+le labourage droiturier
+donnerent lieu aux
+herbetes et doulces plantelettes
+de saillir hors de tapinage
+ou muciez orent esté
+soubz les espines qui toutes
+les suffoquoyent Comme
+peryes en leur vertu/ qui
+les veist adonc croistre et
+augmenter et remplir ces
+vergiers de verdures et
+flours odorans portans fruit
+bien deist que moult fust
+changiee la fortune de
+leur estre que t’en diroye ne
+fu mie cellui recreu par les
+liens de peccune qui n’avoient
+lieu contre les distribucions
+de ses ordres/ ne travail estaignoit
+l’excercite de la chose utile
+a la quelle oeuvre fortune non
+reppunante fu/ a l’accomplissement
+d’ycelle continuee par
+l’espace des jours du prouffitable
+ortelain qui n’y espargnoit
+ses ententes/ O dieu glorieux
+quel ouvrier comment fus
+je par lui en joye renouvellee
+Or furent oubliees les passees
+angoisses toute ma terre de
+choses nuisibles auques descombree
+se prist a esjouyr
+rendant chançonnettes a
+la louenge d’ycellui noble
+par la quel diligence estoie
+recouvree et mise en convalescence/
+a brief parler tant
+me fu cellui propice que
+encore m’esjouist la souvenance
+de ses benefices dont
+longue parole ne m’en pourroit
+estre anvieuse/ helas
+mais comme apres le temps
+sery viengne souvent la
+grosse pluye Couvient a
+present changier le propos
+de mes ris en tresamers
+pleurs/ Car comme le procés
+de fortune ne peust longuement
+souffrir ma beneurté
+se monstrant envieuse de
+mon bien/ lors que ma gloire
+estoit eslevee plus que n’avoit
+esté puis une grant part de
+mon aage/ me toli le tressage
+administreur lasse moy/
+mal apoint ains le temps
+venu de l’achevement naturel
+de son voyage/ et envoya
+Celle qui n’espargne nulz
+corps vivans le me tolir et
+ravir sanz pitié avoir de
+ma vesveté/ Or peus tu
+cognoistre en moy les signes
+des mouvemens fortunez
+qui ores ryoye parlant de
+mon amant/ Or me voyes
+a chiere troublee plaines de
+larmes regraitter les trop
+tost faillis a moy ses vertus
+Si couvient changier l’ordre
+de mes offices en mutacions
+merveilleuses/ mais toutevoye
+la lueur de ses benefices apres
+lui demoura sur terre tant
+que non obstant les antregetz
+de plusieurs mains
+en dure ancore la clarté
+sus le plus bel de ma
+<span class="pagenum">-8-</span> face.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c12">De .ii. nobles oyseaulx
+de proye.</h3>
+
+
+<p>Sourdi des entrailles
+d’icellui en double nombre
+petis papillons dorez tresgracieux
+et de grant beauté
+qui s’oserent vanter au feur
+de leur croiscence avec les colacions
+des guespes d’estre
+gardeurs de moy et de mes
+manoirs/ Si firent leurs assemblees
+et pour l’ancien renom
+de leur venue a bon droit
+leur fu souffert seoir sus
+les sommetons des plus hautes
+tiges/ Et tout ainsi comme
+le proprietaire dit du phenix
+qui au premier ist hors
+de la cendre en fourme d’un
+petit ver/ puis croist &amp; augmente
+tant qu’il est bel sur
+tous oyseaulx/ yceulx papeillons
+tant parcreurent &amp; enforcierent
+que leur forme fu
+changee en especes de tres
+nobles oyseaulx de proye
+mais par difference aucune
+quantité de ceulx furent
+crestez sur les chiefs/ ainsi
+que sont oyseaulx que on dit
+huppés/ yceulx nobles pour
+aviser leurs proyes se tindrent
+ensemble et prirent
+leur vol par sus mes fossez
+et rivieres/ et comme bien
+avisez n’orent mie conseil
+de tout essarter les repaires
+repaisans/ mais eulx en
+passer rassadiez couvenablement/
+O fortune
+aministraresse de tout
+inconvenient qui te mut
+a trouver voye du destourbier
+du faucon pelerin
+si hault volant que l’esperance
+de son attainte
+faisoit trembler devant
+lui toutes les proyes rappineuses
+embatues en son
+yre/ ou pris tu le vent contraire
+par ou tu l’abatis
+lors qu’il faisoit sa roe par
+si grant fierté/ ains qu’il
+eust sa proie attainte
+le ruas jus par ton soufflement
+si roidement
+qu’il demoura estendu du
+tout derompt non mie seulement
+les plumes mais
+tout le corps par si que
+tous jours depuis couvint
+qu’il fust repeus par estranges
+mains. O dieux quel dommage
+de tant noble oysel
+affaitié en toutes bonnes coustumes/
+fier et hardy en son
+vol/ doulx en appel vif et
+plaisant en regart/ Et qui
+sans faille eust deffendu
+toutes mes flaches et rivieres
+de tous oyseaulx rappineulz
+et de mal erre Si fu de
+moy plaint et plourez grandement
+comme perte singuliere
+le quel dommage ne
+m’est faillis ains renouvellé
+par chacun jour par griefves
+pertes.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c13">Ci dit la dame
+couronnee des contens
+qui furent pour elle gouverner.</h3>
+
+
+<p>Apres ces choses vindrent
+les esperis larrecineux
+habitans es silves qui distrent
+qu’a eulx appartenoit
+a departir les choses propres
+et privees/ yceulx firent
+des communs usages
+closes mansions/ et a eulx
+les approprierent et tant
+que mesmement les sauvagines
+cryerent contre
+eulx.</p>
+
+<p>¶ En cellui temps
+par le cry du camellion
+s’esveillerent une maniere
+de gent de reprouvee generacion
+qui dirent qu’ilz ne
+souffreroient mie l’injurieuse
+clamour des voix femenines
+si entrerent es maisons
+des oyseaulx de leurs forés
+et tant y furent que volans
+elles leur furent donnees
+par ycelles en plusieurs parties
+se translaterent/ jusques
+dedens les cavernes des traysons
+de mes bois/ Si cueillirent
+les glans des chesnes
+et mirent ou feu les
+povres qu’ilz trouverent
+&amp; a tout ce faire ne trouverent
+contredit/ ains furent hourdez
+des degouttes de mes
+terres.</p>
+
+<p>¶ Multiplié fu
+l’erreur par divers inconveniens/
+car le temps vint que
+les eaues tant crurent qu’il
+ne demoura champ qui
+tout couvert n’en fust.
+Adont les poissons saillis
+hors de leurs fosses paissoient
+es terres semees/ jusques a
+devourer apres la verdure
+des herbes les racines des
+grains/ toutes ces choses
+<span class="pagenum">-9-</span> representoient naiscence de pestillence.
+Ha doulce chiere amie
+jusques cy t’ay compté grant part
+de mes aventures diversement
+de joye en dueil entregitees mais
+comme je ne puisse tout dire
+ensemble n’est mie faillis encore
+le lengage angoisseus d’icelles
+ains a chiere amatye or a primes
+m’esteut te dire la doulereuse
+encloeure de mes presens tenebres
+qui precede les autres en cas
+que perseverence y seroit longue.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c14">Ci se plaint la dame
+de ses Enfans.</h3>
+
+
+<p>Quelle plus grant perplexité
+peut venir en cuer
+de mere que veoir yre et contens
+naistre et continuer jusques
+au point d’armes de guerre/
+prendre et saisir par assemblees
+entre ses propres enfans
+legitimes et de loyaulx peres
+&amp; a tant monter leur felonnie
+qu’ilz n’ayent regart a la desolacion
+de leur povre mere qui
+comme piteuse de sa porteure
+se fiche entre .ii. pour departir
+leurs batailles/ mais yceulz
+meus par courages inanimez
+sans espargne n’avoir regart
+a honneur maternelle/ ne
+destournent le trippignis de leurs
+chevaulx contre sa reverence
+ains laissent aler la foule
+de leurs assemblees sur elle
+tant que toute la debrisent
+et mahaignent.</p>
+
+<p>¶ Ne furent
+mie si crueulx jadis romulus
+et sa compaignie quant pour
+cause du ravissement des filles
+de sabine fait par yceulx
+rommains s’assemblerent a
+grant ost les peres et parens
+pour venger celle honte/ mais
+comme la royne et toutes les
+dames piteuses de l’effusion
+de sanc de leurs maris peres
+&amp; parens eschevelees a pleurs
+et cris se venissent ficher entre
+les batailles lors que assembler
+devoient/ priant pour dieu que
+paix feissent/ ne furent mie
+d’iceulx chevaliers fors et poissans/
+les dames defoulees entre
+les piez des chevaulx ains
+par reverence espargnees et
+ouyes en pitié leurs voix femenines
+qui leurs cuers contraigny
+meismes ou champ
+a faire paix. O amie voy cy
+la suppellative des douleurs.</p>
+
+<p>¶ Adont ycelle princesse/ je vy
+toute couvrir de larmes/ &amp;
+sa belle chiere qui estre souloit
+fresche &amp; coulouree toute destainte
+&amp; noircye/ ainsi disant lasse
+lasse je suis celle mere amere
+en cheute es cas que je te
+compte. O ma bonne nourrie
+et chere amie compaigne
+de mon dueil/ tu ne soies
+tu mie du fruit de ma terre
+mais ton cuer de noble nature
+non ingrat des biens que y as
+receux/ pleures avec moy par
+vraye amistié piteuse de veoir
+les jours de ma tribulacion
+Et que experience te face certaine
+de la verité de mes narracions/
+non obstant ma beauté
+de prime face/ regarde et
+avise les playes de mes costez
+et de mes membres.</p>
+
+<p>¶ Adont
+la tres venerable princesse
+haulce le <ins title="pau">pan</ins> de sa vesteure
+et a moy descueuvre le nu
+de ses costez disant regarde
+Lors ma veue tournee celle part
+comme j’avisasse les costez
+blans et tendres par force
+de presse et de desfoulement
+noircis et betez &amp; par lieux encavez
+auques jusques aux
+entrailles/ non mie tranchez
+de coups d’espee mais froissez
+par force de grans foulez.</p>
+
+<p>¶ Adont moy toute esmarie
+considerant le nouvel cas piteux
+et non honorable que a
+mere tant venerable tieulx
+blesseures fussent procurees
+par ses porteures/ En disant
+dame pour dieu couvrez cheux
+comme femme foible remplie
+de merveilleuse pitié comme
+pasmee/ Et couverte de larmes
+quant parler pos/ pris
+au mieulx que soz a conforter
+la desolee/ disant haulte
+renommee dame vueillés en
+dieu remettre les larmes de
+voz lamentacions esperant
+sa misericorde qui onques
+ne vous fu falible/ Et pour
+un pou eslongner les pensees
+qui a tieulx sanglous vous
+conduisent vous plaise tant
+honorer moy vostre povre
+indigne serve affin qu’entente
+de parler vous entre oublie
+que descouvrir me vueillés
+les encloueures des causes
+de ces zezanies/ Et ne vous
+soit estrange de dire a moy
+vostre familiere et privee
+les fautes de voz porteures
+et elle a moy. ha chiere amie
+se je blasmoie ceulx que je
+fais mon meismes ouvrage
+je diffameroye. Si te dis
+<span class="pagenum">-10-</span> qu’acusacion de mauvaistie
+formee en malice a nul je ne
+donne ne que pour despit
+ne hayne que contre moy
+eussent ne sont a ceste chose
+meus. bien est vray que
+considerant que je sui le lit
+de leur estre et que a cause de
+moy vient la lueur de leur gloire/
+deussent refrener les assaulz
+qui tant me sont grevables
+et la naissance de la racine
+de zezanye entre eulx semee
+te compteray.</p>
+
+<p>¶ Apres ce que
+les partages de mon propre
+selon les coustumes d’athenes
+furent a chacun de mes engendrez
+sorties/ dist le plus
+grant qu’a lui appartenoit
+le bail de son mainsné/ et comme
+ne lui fust contre dit les
+establissemens d’icellui crierent
+contre lui/ dont les voix
+ouyes assemblerent le sanc
+du pupille en conseil.</p>
+
+<p>¶ Adont
+mes enfans s’amasserent
+disant <span lang="la" xml:lang="la">nequaquam</span> aux oppinions
+d’icellui/ Ceste cause assembla
+les fleaulx de mes
+bateures qui ne m’ont espargnee
+Sicomme il t’est
+magnifeste/ Ceste orreur
+courant au jourd’uy parmi
+mes gaignages rent fletries
+et sechees les verdures et liqueurs
+de mes fruis tarist mes fontaines
+amendrist mon renom
+et lourdement me tourmente
+et qui plus m’est grief/ c’est
+la paour de pis/ &amp; que mes
+playes par faulte de remede
+soient converties comme infistulees
+et incurables.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c15">Ci
+dit comment les vertus au
+monde sont emprisonnees.</h3>
+
+
+<p>Encore autre part gist
+la maladie amie
+chiere/ car comme il ne soit
+a celle douleur pareille qui
+le cuer tient en amere pensee.
+Reste a te dire les combles
+de mes souffrettes.</p>
+
+<p>¶ N’a pas souffit aux menistres
+de perdicion les oprobres
+offers a la souche d’antiquité/
+ainçois m’ont
+plus deshonoree.</p>
+
+<p>¶ Helas
+ou est la princesse a moy
+esgale qui peust souffrir
+veoir d’environ soy a tres
+grant tort tolues chaciees
+batues banies et emprisonnees
+ses dames de compaignie
+&amp; de parage venerables &amp; de
+grant dignité d’ancien droit
+establies a estre appellees a ses
+conseuls a porter les seaulx
+de ses ordenances/ a soustenir
+les pans de ses loncs abis &amp;
+les dorures de son chief/ et
+mettre en leur lieu paillardelles
+&amp; femmes diffamees
+et dissolues/ helas chiere
+amie ce suis je qui a toy parle
+mais que mieulx me croyes
+vueil que le sens de ta veue
+ait l’experience du vray de
+ma parole/ Adont comme
+elle ouvrist une petite fenestrele
+me dist regarde les
+prisonnieres/ ton sens soit
+juge se en palaix royaulx
+la presentacion de leur reverence
+seroit plus propre que
+soubz muciees couvertures.
+avisez celles qui ja me gouvernerent
+ou temps de ma joye
+or les m’ont ravies les persecuteurs
+de ma gloire.</p>
+
+<p>¶ Adont
+comme mon oeil adreçasse
+au pertuis de la chartre
+.iii. dames vy de souveraine
+reverence et beauté mais
+differens leurs maintiens
+estoient/ ha dieux quelle
+divine beauté en l’une vy
+le corps avoir droit lonc et bien
+fait/ et de la beauté de son vis
+yssoit un ray de moult grant
+resplandeur/ celle dame en
+sa main un grant mirouer
+tres cler tenoit/ ou quel la
+reverberacion du dit ray
+redondoit et se frapoit en
+maniere que si grant beauté
+et clarté en issoit qu’englet
+n’y avoit tant obscur que
+tout n’en fust enluminez.
+Ha quel pitié de tel beauté
+tenir couverte/ comment
+fust elle seant es places des
+assemblees publiques affin
+que chacun se peust louer
+de sa lumiere/ ceste fu belle
+par excellence/ mais trop plus
+noble car elle se disoit fille
+de dieu le pere et plus forte
+qu’autre riens/ car de toutes
+choses vaincre se vantoit.</p>
+
+<p>¶ En un lit couchiee palle
+et descoulouree vy une autre
+dame de grant auctorité a
+chiere et semblant de femme
+maladive et enferme comme
+chose deffoulee et desroupte/
+et a la premiere
+se disoit serour a son costé
+d’estre je vy gisant unes
+<span class="pagenum">-11-</span> balances/ De l’autre part
+une mesure et une ligne.</p>
+
+<p>¶ Assez loignet d’icelles vi gesir
+par terre endormie non honorablement
+une dame de
+grant et fourni corsage la quelle
+estoit toute armee/ costé soy
+gisant par terre avoit son escu
+sa lance et ses esperons/ sa teste
+tenoit ou giron d’une folieuse
+femme de grant vagueté
+qui pour lui mieulx endormir
+chantoit et li gratoit le chief
+Lors comme je regardasse par
+grant entente cestes merveilleuses
+figures vi que/ par plusieurs
+foiz vindrent de plusieurs
+pars en maintes flotes les
+ennemis/ les uns cryoient a
+haultes voix a la dame endormie
+qu’elle se deffendist/ &amp; celle
+adont un petit remouvoit
+son chief et entre ouvroit un
+oeil/ et lors la folieuse femme
+s’efforçoit de lui rendormir
+Revenoit l’autre tourbe lui crier
+en l’oreille/ et celle toute estourdie
+sourdoit son chief/ &amp;
+la folle de rechief par son chant
+l’endormoit : Revenoient les
+autres qui grans coups frapoient
+en son escu/ et celle
+se levoit toute droite pour
+courir apres/ mais la deshoneste
+la prenoit par le col
+et la rendormoit/ venoient
+les plus fors lui courir sus
+et la batoient/ adont celle se
+levoit comme enragiee/ et
+juroit par sa force qu’elle
+occiroit tout/ si leur lançoit
+a coup ce que tenir povoit
+et plusieurs en occioit et souvent
+chaçoit et souvent
+chacee estoit/ mais a son
+refrain revenoit a son giste
+qu’elle laissier ne povoit.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c16">Ci dit des vices qui queurent
+en general.</h3>
+
+
+<p>Ainsi comme je regardoie
+ycestes choses me
+dist la dame la vois tu la
+vois tu l’ebaluffree deshonnesté
+qui ma gent me honnist/
+ceulx de ma deffence
+endort plusieurs de mon palais
+dont auques est maistresse
+met a honte/ helas et ou temps
+du sain renom de ma felicité
+veoir ne trouver si osast
+mais ne cuides mie pourtant
+se cy la vois a requoy
+pour tenir en prison endormie/
+La dame armee/ que
+tous jours si tiengne/ Car
+elle a filles ses semblables
+a grant quantité de diverses
+guises/ Si en laisse foison
+environ celle qui se dort
+et trassant s’en va par toutes
+mes citez et villes &amp; en
+toutes places ou gent s’assemblent
+pour cerchier qui
+elle pourra tirer a sa honteuse
+cordelle et se tres grant
+contredit n’y treuve/ lieu
+n’est ou par sa presompcion
+ne se vueille embatre/ et mesmement
+es secretes chambres
+de mes femmes/ se tant
+sages ne sont que par grant
+vigueur lui sachent deffendre/
+Or regarde seur doulce
+quel compaignie est dame
+d’onneur bien paree de tel
+damoiselle/ mais ancore
+vueil que tu voies comment
+de .ii. dames infernales
+que dieux confonde m’ont
+acompaignee/ avises environ
+ceste chartre voy l’office
+de la desloyale qui pour son
+inutile travail reçoit grant
+gages.</p>
+
+<p>¶ Adont hors de
+la chartre/ me monstre une
+orde vielle laide et terrible
+qui sans repos de tel office
+s’entremettoit/ environ la
+chartre nuit et jour traçoit
+plain giron de mousse que
+secourcie avoit/ la espioit par
+grant entente que la force
+de la resplendeur du miroir
+luisant qui ens estoit ne persast
+le mur/ et si tost que par
+aucun pertuis en veoit saillir
+goute tantost la mousse y
+fichoit &amp; fort l’estoupoit si que
+point issir n’en laissoit.</p>
+
+<p>¶ Et je qui veant celle faulse
+solicitude ne me pos taire/
+dis a ma maistrece/ dame
+pour dieu me dites comment
+s’appelle ceste ennemie de vertu/
+car combien que des autres
+demander me soie teue pource
+que leurs offices les me font
+magnifestes &amp; bien cognoistre
+de ceste non mie pour m’en
+accointier mais pour m’en
+garder vous requier que
+le sache/ Et celle a moy
+doulce amie puis que celle
+qui le cler miroir tient
+<span class="pagenum">-12-</span> cognois/ son contraire est celle
+qui estaindre la veult ne
+deusses ignorer/ mais bien
+me plaist que le saches/ Si te
+di que c’est dame fraude dame
+fraude que dieu confonde
+Adont hault m’escriay/ ha
+desloyal ennemie de verité
+qui cy t’a menee/ ne te vid
+pas en fourme d’orrible serpent
+a longue queue jadis Le
+tressage poete dant de flourence
+sus les palus d’enfer quant
+la le convoya virgille sicomme
+en son livre recite/ et tu es cy
+saillie/ mieulx t’advisist accompaigner
+proserpine avec thesiphone
+alecto et megera deesses
+de rage infernale qu’estre establie
+a ceste court. Adont me dist
+la dame/ or te tays encor verras/
+lors hault ou palais me
+maine en une grant chambre
+toute plaine de coffres serrez
+en la quelle vi une dame
+vielle palle rechignee maigre
+et seche et de tres laide estature
+mais sur toute riens m’esmerveilla
+la façon de ses mains
+qui grandes estoient a desmesure
+et si fortes que ce que
+elle tenoit n’estoit nul qui le
+peust avoir/ n’esrachier/ fors
+a grant peine/ Les ongles avoit
+longues aguës &amp; crochues comme
+celles de griffon/ mais ce trop
+m’espoventa que toutes ensanglantees
+les avoit ycelles ongles
+en façon de croches fichoit
+partout ou embatre les povoit
+fust en ordure ou char de gens
+ne lui chaloit ou puis tiroit
+a soy de partout sachoit argent
+Et que par experience le sache
+comme la entree je fusse onques
+la dame ou qui j’estoie
+si ne m’en sot garder que celles
+sanglantes ongles ne s’estendissent
+jusques a moy si
+que des plumes m’esracherent
+jusques au vif dont me dolu
+et tout cel avoir fichoit en coffres/
+regarde amie quel office
+dit la dame Suis je bien
+accompaignee/ si saches que
+ceste est celle par qui gist malade
+en mauvais point au
+lit emprisonnee et groucier
+n’ose la tres droituriere fille
+de dieu que as veu la jus en
+celle chartre/ et ceste est mise
+oultre mon gré en son lieu
+en ma compaignie/ Et ainsi
+comme ouyr peus m’ont
+esté ravies mes bien amees
+dames de compaignie venues
+du ciel/ et en leur lieu mises
+cestes perverses prises es infernales
+contrees si jugez
+amie tout mon fait veu se
+joyeuse dois estre.</p>
+
+<p>¶ Encore
+y a il autre chose qui m’est
+grevable et moult m’anuye
+Car comme je doie amer
+sicomme je fois naturellement
+ma porteure et mes
+chiers nourris et loyaulx
+subgés/ Trop suis dolente
+d’une grieve maladie comme
+incurable se de dieu par grace
+ne vient la medicine qui
+est commune par toute matiere
+et par especial plus
+qu’es petis entre les plus
+grans/ la cause t’en diray
+et que ce est. Il est voir que
+un soubtil vent es montaignes
+plus que es valees cy
+environ court &amp; pres de cy
+le quel est tant envenimez
+que toute personne qui ferus
+en est devient groz et enflez
+Or avient il que les plus
+poissans demeurent hault
+es grans dongions et eslevez
+domiciles si reçoivent
+a descouvert et a plain le soufflement
+du dit vent/ Et aussi
+comme ilz soient plus deliquatis
+que les plus communs
+hommes par leur vie qui plus
+est deliee/ plus sont disposez
+a recevoir ycellui vent plus
+penetratif en eulx qu’en autres
+hommes/ &amp; se de ceste chose
+te prens garde assez en verras
+d’infects de ceste diverse
+egritude/ et pou en sont reservez
+se par sage provision
+de y mettre ostacle ne les en
+garde/ ainsi en y a de sains
+par tel prudence/ mais c’est
+petit/ toutefoiz de moins
+et plus les uns que les autres
+selon ce qu’ilz seront ferus
+et disposez en y a de malades/
+Si est sicomme ceste
+pestilence qui pis vault que
+epidimie par toute ma
+terre que c’est pitié/ &amp; mesmement
+les serviteurs n’en sont
+communement mie sains
+Ains comme mains de leur
+maistres ilz s’en gardent
+<span class="pagenum">-13-</span> sont moult en y a plus enflez
+Tel proprieté a celle enfleure
+qu’elle change regart contenance
+et parole et la personne
+rent desdaigneuse et trop
+despite/ et tant engrige souvent
+avient en maint en y a
+que a trop cruelle <ins title="emort">mort</ins> et sanz
+respit elle les conduit/ Si est
+tant comme ceste playe non
+mendre que celles d’egipte
+en mon royaume que grans
+moyens et petis jusques aux
+vermissiaulx de terre communement
+en sont frappez/ &amp; tant
+que les contrees estranges
+le reprochent &amp; rempreuvent
+a mes subgez.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c17">Du vent
+de perdicion qui cuert par
+la terre.</h3>
+
+
+<p>De l’enfleure de ceste
+maladie qui ainsi
+court par my ma terre &amp;
+de l’inconvenient ou elle tire
+et qu’il s’en ensuivra recite
+le prophete danyel ou .iiii.<sup>e</sup> chapitre
+l’avision que vid jadis
+l’orguilleux roy nabugodonosor.
+Il veoit ce dit un arbre
+qui tant estoit hault/ grant/
+&amp; eslevé que jusques au ciel
+attaignoit/ si branchu estoit
+que ses branches s’estendoient
+de tous lez du monde/ de la
+grant planté du fruit de cel
+arbre estoit remplie communement
+toute mondainne
+creature/ en ces branches faisoient
+leurs nids les oyseaulx
+de l’air/ et desoubz elles se reconçoient
+les bestes de terre
+Et puis veue/ ceste chose une
+haute voix du ciel cryant
+ouoit qui commandoit que au
+lez de terre l’en coppast ycellui
+arbre/ et que tout on
+l’ebranchast et s’en volassent
+les oyseaulx &amp; les bestes se
+departissent/ et fust le fruit
+dispers et perdus.</p>
+
+<p>¶ Cestui
+dit arbre les enflez devant
+diz tres poissans qui sont
+logiez es haulx dongions
+de ma terre reçoivent le
+vent de perdicion/ signifie
+lesquieulx sont de si grant
+estat force et poissance
+que a pou cuident ataindre
+au ciel et tant les rent
+infects l’enfleure du dit
+vent que non pas seulement
+contre les creatures leurs courages
+sont gros qui remplis
+de desdaing les demonstre
+mais aussi contre dieu et
+son eglise ce que les branches
+s’estendoient par le monde
+c’est que yceulx enflez la force
+de leur poissance par toutes
+terres estendent pour la quel
+force par tout sont redoubtez
+&amp; crains/ Les oysiaulx s’i nichoient
+et les bestes s’i ombroyent/
+c’est que l’espirituel et
+le temporel veulent subjuguer
+gouverner et traire a eulx
+l’abondance du fruit de cel
+abre/ c’est ycelle detestable
+contagieuse maladie qui
+communnement est en
+toute gent.</p>
+
+<p>¶ Ceste prophecie
+signiffia la dicte enfermeté/
+mais or entens la
+diffinicion de sa sentence
+et l’exposicion de la mort
+et fin d’icelle/ la voix crya
+du ciel qu’au lez de terre fust
+l’abre coppez et estirpez/ c’est
+que par voulenté de dieu
+la force et poissance d’yceulz
+enflez finera &amp; sera retranchee
+les degitant de leurs haultesces
+les branches qui seront
+esmondees et les oysiaulx et
+bestes qui se partiront/ C’est
+que leur force faillie leurs
+subgiés et ceulx qui pour les
+cruaultez des desdaings de
+leurs enfleures les craignent
+et doubtent/ les lairont en
+leur persecucion/ le fruit
+qui sera dispars c’est leur
+semblables menus membres
+pareillement enflés qui seront
+humiliez/ Et adonc
+sera certiffié la prophecie
+de la vierge qui dit/ <i lang="la" xml:lang="la">Deposuit
+potentes de sede et
+exaltavit humiles</i>.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c18">De la punicion des
+vices.</h3>
+
+
+<p>Escoute aussi de rechief
+la belle louange
+des .iii. damoiselles diffamees
+qui en lieu de mes
+.iii. tres amees emprisonnees
+que tu as veues la
+en bas/ m’ot esté pour m’acompaigner
+baillees/ &amp; avisez
+se resjouir me doy de
+compaignie de si honteuse
+fame/ et toutevoyes nottes
+<span class="pagenum">-14-</span> a quelle fin terminoit.</p>
+
+<p>¶ De celle premierement
+que tu vois qui en son giron
+tenoit la dame armee &amp; qui
+tant mes subgés et les miens
+corrompt &amp; sustrait/ Entens
+l’avision comment en esperit
+de prophecie la vid le prophete
+zacarye comme il recite en son
+livre ou cinquiesme
+chapitre.</p>
+
+<p>¶ Une femme dist
+il veoye ou milieu assise d’une
+bure remplie d’eaue/ &amp; tenoit
+celle une grosse masse de plomb
+qu’en sa gueule boutoit/ et
+puis .ii. autres femmes je
+veoye qui avoient elles semblables
+a elles descouffle. ycelles
+prinrent la dicte bure
+ou la femme assise estoit &amp;
+entre le ciel et la terre la portoient/
+adont dist il a l’ange
+demanday qui celle vision
+me monstroit ou ses femmes
+la bure atout la femme assise
+en l’eaue portoient/ &amp; cil me
+respondi. <span lang="la" xml:lang="la">Ut edificetur sibi
+domus in terra sennaar</span>/ il
+la portent dist il pour lui
+ediffier la une maison en
+la terre de sennaar/
+par ceste prophecie est entendue
+la deshonnesté dessus
+dicte et toute personne que
+elle a tiree a sa cordelle/ la
+quelle en toutes plaisances
+et delis charneulz est de eslargir
+espandre et laissier
+couler determinee/ tout ainsi
+comme les eaues sont fluentes
+et decourans/ la masse
+de plomb la quelle est
+metal pesant et grief que
+elle en sa gueule lançoit
+est entendu la griefté de
+l’offence de dieu &amp; la honte
+vituperable qui tant est
+ponderant et grieve que fait
+commettre la deshonnesté
+a ceulx et celles qu’elle enveloppe
+en ses laceures. Les .ii.
+femmes qui esles avoient et
+portoient la dicte femme assise
+sont .ii. mauvaises habondances
+qui portent et
+soustiennent en voulenté
+d’eulx espandre en toutes
+plaisances et charneulx
+delis/ celle et les siens. La
+premiere femme est a entendre
+de delices habondance/
+si a .ii. esles comme oysel
+qui la portent/ c’est assavoir
+gloutonnie qui fors menger
+et boire viandes glouttes ne
+queroit/ L’autre aelle est parece
+qui ne veult que jouer
+&amp; avoir repos/ La seconde
+femme est de richeces grant
+abondance/ si a .ii. autres
+esles c’est assavoir rapine
+qui ne veult fors tolir l’autruy/
+L’autre aelle est cruaulté
+qui ne scet avoir de
+nul compassion/ cestes aelles
+estoient a celles descouffle
+semblables/ car ainsi que
+cil oysel ne vit que de proye
+rappineuse/ ainsi a tele mauvaise
+abondance de richeces
+communement vient on par
+extorcions et rapines/ Or est
+descripte ceste perverse deshonnesté
+selon la prophecie
+zacharie/ mais la fin quelle
+en sera qu’en feront celles
+qui flotant es eaues la portent
+ilz la porteront en la
+terre de sennaar pour la
+lui ediffier sa maison/ sennaar
+vault autant a dire
+comme fetor c’est punaisie
+qui est la honte &amp; confusion
+ou ycelles l’amenront/ et en la
+fin lui ediffieront sa maison
+en l’abitacion d’enfer ou a
+punaisie et perpetuele orreur.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c19">Encore de ce mesmes &amp; complainte
+de la dame.</h3>
+
+
+<p>O chiere amie et de la
+desloyale de dieu haye
+la parfaicte ennemie du faulx
+office la quelle bouche et estoupe
+la lumiere de verité sicomme
+autour de la chartre tu as
+veu/ Et que dirons nous car
+de son malefice helas je me
+dueil/ ne vois tu comment
+or y prens garde de s’alaine
+corrupte tout est noirci/ Je
+enrage d’ire quant je lui
+voy giter les loz de mes partages
+non pas par sort/
+mais par malice assise a
+traire finances de diverses
+buches pour fournir le
+feu qui ne peut estanchier
+en mes palais la plus hault
+assise establir ses ordres
+plains de desraison et nul
+grosser n’en ose/ quant je
+voy la hideuse voillee de
+malice paistre les mauvais
+et ceulx de sa sorte et
+<span class="pagenum">-15-</span> destruire les simples &amp; qu’en
+puis je dire fors cryer a dieu
+car les souverains de mes ordonnances
+sont ses aliez.
+O dieux quel playe a moy
+adoulee avec mes autres griefs.
+Je suis comme la vesve
+de bon per delaissiee a qui
+chacun cuert sure et nul n’en
+a pitié/ et que sont devenus
+les champions de droit ne s’en
+sont ilz fuis/ &amp; s’aucun en y a
+la faulce desloyale ne leur
+laisse sortir leur droiturier
+effait/ voyez voyez tous mes
+loyaulx amis comment suis
+gouvernee par ce que j’ay perdu
+la joye de mon chief/ Et
+ce fait ceste faulse qui n’y regarde
+droit pour ce que demouree
+comme brebis sanz pastre
+suis sans joye d’ami Bien doy
+estre perplesse quant je voy
+ma lignee d’icelle avironnee
+qui leur donne conseil de ses
+desloyaulx voyes/ est il chose
+plus laide que ce qu’elle maintient
+comment si fol est homme
+qu’il n’avise sa fin. O
+avuglee guespe ta pointure
+perverse mainte gent persecute/
+Tu es soubtille en
+oeuvre malice te
+gouverne &amp; barat tient le
+glaive de ceulx de ta justice/
+Or n’est il homme si
+sage qui en tous cas t’avise
+car tu te transfigures en
+trop estranges fourmes
+si vas traçant par ville par
+palais &amp; par sales &amp; par toutes
+mes places riens sanz
+toy ne demeure/ &amp; chacun
+envenimes de ta pouldre
+couverte. O dieux jusques
+a quant durera ceste guerre/
+mais je me reconforte
+sire par la figure qui m’en
+est prophecie de xanson
+le tres fort.</p>
+
+<p>¶ Ainsi souspirant
+par semblant de
+grant douleur dist ceste
+complainte la tres honoree
+princesse/ &amp; quant ces choses
+ot dites comme femme
+lassee et de dueil surmontee
+couverte de larmes si que
+parler plus ne pot se taisoit
+quoye et moy qui ses maintiens
+regardoie comme compaigne
+de son plour par pitié
+de sa reverence/ et qui de
+bon cueur y remediasse s’a moy
+en fust lui dis ainsi.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c20">De ce mesmes.</h3>
+
+
+<p>Ha dame tres redoubtee
+et digne comme il
+appartiengne a la haulteur
+de vostre force monstrer la
+tendreur des femenins courages/
+laissez en paix les larmes
+non propices a vostre
+constance et plus avant
+me dites de ce que touché
+avez/ c’est assavoir la figure
+ramenteue de sanxon
+le fort/ la quelle s’il vous
+plait m’exposez/ Et elle a
+moy amie comme le temps
+de la destruccion de la faulse
+fallacieuse et de ses desloyaulx
+enfans/ je desire me
+resjouiray en celle attente le
+te disant/ il est escript ou
+.xv.<sup>e</sup> chapitre ou livre des
+juges d’israel comme prophecie
+et figure du desertement
+de mon ennemie
+et de ses complices qui comme
+psanxon le quel est interprete
+comme <i lang="la" xml:lang="la">sol fortis</i>/ c’est
+a dire le souleil fort eust
+lonc temps par les malices
+des philiciens ou ceste faulse
+regnoit/ esté parcecutez
+vint le temps que dieu lui
+ouvri la voie du reparement
+de ses adversitez par droituriere
+vengence/ adont prist
+cellui psanxon plusieurs goupilz
+ou renars et ensemble les
+accoupla par les queues les
+uns aux autres les lya/ Et
+comme il fust ja la nuit venue
+ou premier somme gita
+ses renars es maisons
+plaines de fains de ses ennemis
+partie d’iceulx renars
+et les autres chaça es blez des
+champs et en leurs bois et
+en leurs vignes/ et par celle
+voye sicomme dieu volt furent
+les filz de la desloyalle et elle
+avec eulx/ En celle partie
+mors destruis et ars en leurs
+pechiez. O amie chiere nottez
+la prophecie du temps
+de ma gloire.</p>
+
+<p>¶ Quant ceste
+desloyale assez m’ara chastiee
+Si que dieu vouldra
+sa pugnicion cesser/ &amp; les
+crys de mes plains seront
+par pitié devant dieu portez
+Sicomme jadis furent
+ceulx des enfans d’israel
+lors que olofernes a tout
+sa grant force assegiez les
+<span class="pagenum">-16-</span> avoit/ Adont psanxon
+c’est le souleil fort s’avisera
+de grant malice contre ses
+ennemis cessera un de mes
+filz cler comme le souleil fort
+Car le souleil de justice en
+lui abitera/ cellui destruira
+ses ennemis par estrange
+malice/ c’est assavoir les enfans
+de la fraudulente ennemis
+de sa vertu qui ma terre
+et moy par lonc temps ont persecutee/
+si prendra renars &amp;
+queue a queue les acouplera
+et entre eulx mettra brandons
+de feu/ puis les getera
+par nuit sus les desloyaulx
+&amp; en leurs gaignages &amp; tout
+bruslera et mourront en
+leurs iniquitez/ les renars
+sont les soubtilz avis de son
+meismes sens que il prendra
+que il queue a queue accoupplera/
+Ce sont plusieurs poins
+par quoy il les prendra en leur
+malice/ il mettra brandons
+de feu entre .ii. c’est la punicion
+de leur meffais &amp; que
+par droituriere justice il leur
+baillera/ il les gettera sur
+eulx quant nuit sera venue
+et ou premier somme c’est
+quant le terme de leur punicion
+sera venu/ &amp; qu’ilz seront
+endormis en leur perseverence
+il getera partie des renars
+en leurs blez et gaignages
+C’est que l’avoir mal acquis
+qu’ilz ont par le sens d’icellui
+sera distribuez es mains
+des droiz heritiers.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c21">Encore du vitupere des
+vices en general.</h3>
+
+
+<p>Mais de celle aux ordes
+ongles et qui tant
+courbes les a ou quel faulx
+gouvernement tu vois les
+mouchettes de mes ruches
+qui pervertist le miel de
+leur cire en sauvage amertume
+que t’en diray je
+n’as tu sentu l’experience
+de son office/ deust se dieux
+t’ayst tel monstre estre trouvé
+en ma maison pour
+mes enfans m’empoisonner
+&amp; pervertir et si villainement
+sustraire et par faulce
+amonicion de ses flateries
+les rendre deshonorez par
+sa fame villaine qui rent
+ses acointes en ciel et en
+terre tous diffamez/ Est
+il riens plus blamé que
+l’estre ou elle abite tant
+soit le lieu sacré d’autre
+vertu/ helas ne deust pas
+estre cy assise Car qui qu’elle
+accompaigne ne lui affiert
+mie s’embatre en mes proprietez.
+Ha beste orrible et venimeuse
+comment as tu fait si mortel
+sault comme du puis de
+enfer ou est ta naturel demeure
+jusques es courages
+de mes enfans en qui habiter
+ne souloies/ ou sont alez
+mes anciennes vertueuses
+portieres pitié et charité
+quant empeschee n’ont ta
+hardiece/ Or me pasme
+le cuer de yre voyant ta
+cruauté qui ne donne lieu
+a nulle vertu/ mais sanz
+misericorde esrache les fruis
+ains qu’ilz soient meurs
+de leur tige/ ce fait ta felonnie
+assise es combles de
+ma maison/ Et sicomme dit
+le proverbe maisgnee duite
+selon seigneur les menistres
+d’iniquité suivent
+la trace de leurs chiefs par
+tes fallaces/ et de toy perverse
+qui tiens les clefs a force
+de mes escrins les oeuvres
+et serres a ton vouloir a
+leur grant vitupere et
+prejudice en font leur parement
+O moleste du monde/ tu
+sancsue infernale qui te pourra
+assez vituperer/ n’es tu
+pas celle donques qui livres
+matiere aux tourmens d’enfer
+et qui de cryer ne cesses
+affer affer/ fournase insaciable
+et inestainsible qui
+te pourra assouvir n’a ja ton
+ardant feu pire que gregois
+espris mes plus cheres choses
+Et ja te voy si effrontee
+et magnifestement publique
+que nulle vergongne ne
+te tapist/ ne ceulx ne se hontoient
+tant sont endurcis
+que tu compaignes.</p>
+
+<p>¶ Ha
+bien prophetisa le temps
+que je voy et le lieu ou tu es
+en ces proverbes salomon
+.xxx.<sup>e</sup> Chapitre ou il dit
+ainsi.</p>
+
+<p>¶ <i lang="la" xml:lang="la">Generacio que pro
+dentibus gladios habet
+ut comedat inopes de terra
+et pauperes ex hominibus</i>
+Ha la generacion perverse
+qui en lieu de dens usent
+de glaive non mie pour
+mordre mais pour tout
+<span class="pagenum">-17-</span> trancher ce veons magnifestement
+de la desloyale a qui
+ne souffit mie mordre se
+tout ne tranche.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c22">Piteuses
+paroles de la dame couronnee
+&amp; recors de la sainte escripture.</h3>
+
+
+<p>O doulce amie et ma
+chiere nourrie/ et quant
+je sçay que dieux est juste ne
+dois je penser que a tous jours
+pas ne dissimulera la paye
+de sa droiture/ ne fait il grace
+quant la convercion qui trop
+retarde attent sa misericorde
+mais sicomme naturellement
+la mere amoureuse de sa porteure
+non obstant vices qu’elle
+y voye ne met en oubli l’amour
+maternelle redoubte par
+desserte veoir la ruyne de ses
+filz/ ainsi souspirant et lacrimeuse
+crainte et paour en
+freour me tient de soubdaine
+vengence. Helas n’ay je cause
+de penser la figure de ma
+ruyne en ce qu’il est escript
+ou .xv.<sup>e</sup> chapitre du livre
+des roys/ que comme dieu de
+loy divine repreuve ceste dicte
+vicieuse gueppe/ sicomme son
+contraire pour ycelle et a sa
+cause debouta saül roy
+que elle avoit aluché/ lors
+que il l’ot envoyé en bataille
+contre le roy de amalech
+si lui avoit deffendu que
+homme ne prensist a rençon
+mais tout meist a l’espee
+comme orribles pecheurs
+et de dieu reprouvez ne
+vouloit plus sa vie/ ne des
+despoulles retenist aucune
+chose/ mais comme
+saül mieulx amast obeyr
+a ceste desloyale sancsue
+qui lui commandoit le
+contraire que au commendement
+de dieu n’en fist riens
+Ains se volt engraissier des
+faulces pastures de dieu
+vees/ et espargna le dit
+reprouvé roy/ pour la quelle
+chose dieu appella samuel
+le prophete disant Je
+me repens d’avoir ordené
+sus mon peuple Saül roy
+Dont comme le dit prophete
+reprensist Saül d’ycelle
+forfaicture/ se volt excuser
+disant que les despoulles
+que faites avoit/ c’estoit
+en entencion de a
+dieu les sacriffier/ de la
+quel chose respondi le prophete/
+mieulx vault obedience
+que sacrefice/ et
+pour tant que par croire
+l’amonicion de la rapineuse
+as desobei/ Tu seras debouté
+de ton royaume
+et adont le prophete le depposa
+et en oygny david a
+roy/ Ha chiere amie et dois
+je penser que dieu dorme
+ne voy je le temps que contre
+ses commandemens sont
+espargnees ses justices sur
+les mauvais de droit divin
+condampnez a punicion/ mais
+qu’ilz ayent pasture pour
+ficher en la quelle de la
+faulse adont tout est accoisie/
+Mais voir est qu’ilz
+s’escusent d’aucune faulse
+couleur de bonté faisant
+leur malefice/ vois tu tout
+commandement de loy mis arriere
+pour elle paistre et
+nourrir sans nulle espargne/
+Que diray je donques
+se je n’ay paour que
+dieu soit muable qui ne
+peut estre/ &amp; s’il ne l’est pour
+quoy ne me touche ceste
+figure par semblable cas
+n’en voye les aprestes/ Car
+bien est fol cil qui mal fait
+&amp; bien espoire/ ne sont les
+estranges aussi aptes a recevoir
+nouvelles proyes comme
+ilz souloient/ Et tout ainsi
+comme cellui qui se sent
+coulpable ne vid sans la runge
+de conscience/ le rent
+paoureux la paour de punicion
+ne de lui ne depart.</p>
+
+<p>¶ Ancore a ce propos des
+malefices de ceste dampnee
+ne parla donques a moy
+jhesucrist en la parabole de
+la vigne sicomme il dist
+en l’euvangile des faulx
+coultiveurs lesquieulx comme
+ilz fussent de la maisgnie
+de ceste doulereuse
+par envie d’avoir l’eritage
+n’occirent il les loyaulx
+messages justement demandeurs
+des exfruis &amp;
+comme ceste felonnie engrigiast
+semblablement/ ne espargnerent
+leurs glaives le
+droit heritier/ mais comme
+la sentence divine les despoulliast
+<span class="pagenum">-18-</span> pour yceulx crimes
+de toute possession/ et en revetist
+estranges cultiveurs les miens
+cheus en la meismes fosse ne
+dois je doubter la meismes
+sentence/ Car comme le souverain
+maistre establi les eust
+coultiveurs de ma vigne pour
+bon compte en avoir/ n’ont ilz
+occis les messages demandeurs
+des exfruis/ c’est assavoir les
+causes de mon exaltacion/ et
+qui plus est/ le droit heritier
+c’est le loz de grace qui tous jours
+jusques a ore m’a possedee/ mais
+tout ainsi que la femme ançainte
+la quelle non obstant le desir
+de veoir le fruit de son ventre
+hors de soy a sauveté resongne
+la douleur du temps de l’enfantement/
+pareillement non obstant
+la joye de l’esperance du
+bon reppareur avenir/ que dieu
+m’a promis/ je resongne le mal
+par ou couvient que je passe
+ains que je y aviengne.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c23">Encore de sa complainte.</h3>
+
+
+<p>Helas ancore de la paour
+que j’ay de ma ruyne
+n’ay je cause considerant les
+dessertes de mes subgez/ car
+peut estre que ains la reparacion
+attendue/ moult
+couvendra perir des miens
+Comme il soit vray que
+de choses a avenir le temps
+mucié soit soubs le secret
+de dieu Sicomme la promesse
+qu’il fist a abraham
+de ses lignees multiplier &amp;
+croistre sus la terre comme
+souvrains/ Et chose est
+certaine la parole de dieu
+estre vraye/ Et toutevoye
+par les dessertes d’iceulx
+enfans et peuple d’ysrael
+punicion a tres lonc temps
+leur a esté par mainte foiz
+de dieu envoyee/ comme
+il appert par la bible qui
+de ce fait mencion/ et puis
+quant dieu bien les avoit
+punis les rappelloit a soy
+Et ancore au jour d’uy
+les veons dispers et fuitis
+pour leur dessertes/ leur
+repparacion selon ce que l’en
+tient par la dicte promesse
+sera quant lumiere de
+vraye foy leur sera donnee
+Ceste figure me fait
+doubter grans perplexitez
+avenir/ ains le reparement
+de ma ruine/ Sicomme
+nous veons communement
+ou temps d’orage grans
+escroiz de tonnoirres fouldres
+et tempestes cheoir dommagiablement
+ainçois <ins title="que que">que</ins>
+le temps se resclaire/ Et
+se sur ce croire n’en voulons
+des anciens les prophecies
+sicomme merlin les sibilles
+joachin et mains autres
+qui nous dient tout plainement
+les advenemens
+de noz adversitez et trebuchemens/
+et se veoir les veulz
+en maint lieux les trouveras
+plainement et a la lettre
+lesquieulx dis je laisse pour
+ce que aucuns dire pourroient
+que comme ilz soient
+apocriffes ne doivent
+estre recitez a cause de
+certaine preuve/ les textes
+des saintes escriptures
+que nyer ne povons et ou
+n’a mençonge nous doivent
+a tout le moins estre
+fondement de paour &amp;
+petite asseurence/ et aussi
+les veritez des vrayes
+histoires approuvees.</p>
+
+<p>¶ Qui me gardera donques
+de trembler quant je cognois
+que la justice de dieu
+riens ne passe sans punicion
+et je voy les occasions d’inconvenient
+courir toutes communes
+c’est assavoir par especial les
+filles de perdicion dessus descriptes
+et que tu as veues
+et le vent penetrant qui donne
+l’enfleure maloite qui bestourne
+le sens d’omme raisonnable
+en beste mue.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c24">Des punicions des vices.</h3>
+
+
+<p>Que j’aye paour de la
+punicion qui tant
+rent enfermés mes plus
+prochains par les exemples
+que de l’ire de dieu je treuve
+encore pour trop mendre
+cas que ceulx que courir voy
+commis par mes pourprises
+Sicomme il est escript ou
+second livre des roys ou derrenier
+chapitre/ que comme
+le roy david une foiz ferus
+du vent dessus dit eslevast
+son cuer en l’enfleure de
+ambicion de savoir quel
+puissance il avoit et de
+combien de gens d’armes
+finer pourroit/ &amp; pource savoir
+<span class="pagenum">-19-</span> fit son peuple nombrer pour
+la cause de ceste elevacion seulement
+dieu fu contre lui tant
+courroucié qu’il lui manda
+par le prophete gad/ que il
+choisist de .iii. punicions l’une
+ou .vii. ans par tout son royaume
+aroit famine/ ou .iii.
+mois il seroit en fuite pour
+paour de ses ennemis ou .iii.
+jours pestilence de mortalité
+aroit en son peuple/ Dont
+apres qu’il ot choisi la tierce
+punission/ une tele mortalité
+sourdy qu’en son royaume
+mourut .lx. &amp; .x. Mille hommes.
+O doulce amie/ or regardes
+comme grant punicion
+pour chose qui au regart
+de noz grans enfleures sembleroit
+bien petite boce.</p>
+
+<p>¶ De
+ceste enfleure ancore et de la
+punicion de dieu envoyee comme
+il ne la puist au lonc aler
+souffrir/ Est escript ou .iiii.<sup>e</sup>
+chapitre de danyel que comme
+nabugodonosor une foiz
+alast et venist par mi sa sale
+&amp; son grant palais de babiloyne/
+se gloriffiant et disent
+ne n’est ce pas cy babiloine
+la grant/ la quelle pour ma
+maison royal j’ay ediffiee
+et la poissance de ma force
+et la gloire de ma beauté.
+Adont disant ces paroles vint
+une voix du ciel/ qui lui dist
+nabugodonosor escoute/ ton
+royaume de toy est trespassé
+et bouté hors seras de la
+compaignie des hommes &amp;
+avec les sauvages bestes
+sera ta demeure/ &amp; feing
+avec les beufs tu mengeras
+ne fu pas mençongiere la
+promesse/ car gaires apres
+ne tarda que executee ne
+fust en sa personne qui deboutez
+fu de la compaignie
+humaine et ramené en fourme
+de beste paissant aux
+champs a la pluye et au
+vent.</p>
+
+<p>¶ A quoy querons
+nous autres prophecies/ ne
+nous sont cestes souffisantes/
+ne savons nous que
+dieu est inmuable comme
+dit ay/ et que tel est ores
+comme lors estoit/ ne sont
+les escriptures toutes plaines
+des veritez de ses punicions/
+et de tant comme
+plus il les retarde de tant
+plus grant paour avoir
+devons/ Tout ainsi comme
+de l’archer de tant comme plus
+il retarde a frapper tandis
+que fort il tire la corde/ de
+tant fiert il plus grant coup
+quant il assene/ que t’en
+diroie plus/ d’exemples infinis
+en sont qui nel croira
+si lise/ assez souffise ceste
+narracion sus la dicte enfleure
+de mal affaire.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c25">Encore de ce mesmes.</h3>
+
+
+<p>Encore de la deshonnesté
+qui ma gent de
+deffence et mes autres officiers
+et meismement mes
+plus affins et prochains tient
+avec les autres passions
+dessus dictes/ en ses liens
+comme cy dessus est dit.
+helas qui n’aroit que un vice
+seroit a peu eureux/ mais
+mal pour cellui qui de tous
+ou de plusieurs est avironnez
+et remplis/ ne me puis
+taire de l’exploit de la grant
+condampnacion de dieu
+donnee contre son vice/ &amp;
+des maulx qui en viennent
+&amp; au jour d’uy et tres les
+premiers temps comme plusieurs
+royaumes destruis en ayent
+esté/ et pour ce doubter doy
+quant je voy le cas pareil/ ce
+meismes flaiel/ exemple/
+Dyna fille de jacob fu ravie
+du filz du roy de Sichem
+et ce fu la cause de la destrucion
+du dit royaume/ Amon
+se faigny malade pour avoir
+thamar sa seur/ pour la quelle
+cause il fu de son frere absalon
+occis/ le ravissement
+de heleyne par paris en grece
+fu cause de la destruccion
+de troye. un roy de france
+comme racontent les croniques
+en fu chaciez et exillez/ la
+force de tarquin l’orgueilleus
+faite a lucrece la chaste dame
+de romme qui pour celle
+cause s’occist/ fu cause du
+desheritement du roy tarquin
+et de son filz/ Et pour ce
+fait jurerent les rommains
+que jamais a romme n’aroit
+roy. hanibal roy de cartage
+tant qu’il fu sans l’acointance
+de la deshonnesté/ il
+fu vainqueur et victorieux
+es batailles rommaines &amp;
+en toutes pars/ Et fu son
+nom eslevé en proece/ mais
+<span class="pagenum">-20-</span> si tost qu’aprist le repos &amp; en delices
+s’enveloppa/ es quelles prist
+l’acointance de ceste mauvaise
+chut en la vallee de male fortune
+ne puis bien ne lui vint.</p>
+
+<p>¶ Plus te diray et nottes que
+quiconques soit l’omme qui es
+dissolucions communes s’enveloppe/
+de ceste deshonnesté/
+merveilles est se jamais puis
+il a pris d’armes/ et se fortune
+en tous ses fais ne lui
+est contraire/ puis que son
+cuer flote es eaues de ses
+dissolucions/ et se n’estoit
+qu’il ne loit de nul diffamer
+publiquement de ce
+te donroye exemple vray
+d’aucuns vivans au jour d’uy au monde
+sanz honneur/ loyez de tieulx
+liens/ ancor te dis que pays
+terre ou regne dont des
+chevetains est maistrece
+ne fructifie en honneur
+ne bonne renommee/ Et a
+quoy plus alegueroye de
+ceste exemple la magnifeste
+experience le nous declare/
+mais de son trebuchement
+quoy qu’en aye dit
+devant/ ne couvient autre
+prophecie/ ne mais les effais
+de la divine justice
+qui pour cause de celle
+ebaluffree sanz frain de
+honte dont les humains
+estoient remplis/ Dieu
+dit et sentencia que homme
+plus au monde ne seroit
+vivant sus terre/ Et
+pour ce le deluge envoya
+jadis qui n’espargna
+creature vivant fors noué
+&amp; sa meisgnie que dieu
+ot preservez. Si pense
+&amp; nottes comment asseure
+je doy dormir.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c26">Encore de ce.</h3>
+
+
+<p>Ancore de celle qui
+les voyes estouppe
+que verité ne saille/ C’est
+fraude la perverse/ Sicomme
+dit valere le grant
+ou .ix.<sup>e</sup> livre que sa tricherie
+barateuse est un mal
+mucié et espieus de qui
+les forces tres efficans
+sont mentir et decevoir
+comme elle s’esjouisse
+en mençonges &amp; fallaces
+qui sont les faulx
+outilz de son soubtil art
+Et de ce parle ysidore en
+ses synonimes qui dit que
+fraude ou barat est monstrer
+une chose en semblant
+et faire autre en oeuvre/
+Et cellui qui en lui l’a est
+tricheur/ et par elle veult
+simuler et faindre l’issue
+de vertu/ de ceste mauvaise
+vient desloyauté et foy
+mentie/ or prens garde se
+ma terre et toutes mes
+cours sont semees de si fais
+hebarges/ ja moult enracinez
+en de trop haulx lieux
+helas comment ne desplairoit
+a dieu juste le vice
+de foy mentie de mençonge
+et de desloyauté entre
+les freres parens et amis
+Et entre prochains sicomme
+il commande que ilz aiment
+l’un l’autre quant meismement
+aux ennemis veult
+que foy soit tenue/ et que
+il se courrouce du contraire
+le nous monstre assez
+par l’exemple qui signefie
+des faulx jurans la grant punicion/
+c’est assavoir par
+ce qui est escript ou derrenier
+chapitre ou livre des roys
+de zedechias roy de jherusalem qui
+brisa a nabugonodosor roy
+de babiloine la foy promise
+que lui avoit/ pour la quelle
+chose le dit nabugodonosor vint
+assegier jherusalem et dieu en sa
+main lui livra le dit zedechias
+roy/ Si lui dit quant il le
+tint. Dieu qui het toute infidelité
+de foy brisee &amp;
+de mençonge te veult punir
+par ma main/ et adont devant
+lui occire fist ses enfans/ &amp; a
+lui crever les .ii. yeulx/ et lié
+de chayennes le fist prisonnier
+mener en babiloine/ Or
+regarde que doivent les miens
+attendre des infidelitez que
+chacun jour s’entre font tant innormes
+que l’un en l’autre
+ne se peut fier/ ne loyauté
+a peine en part qui soit du
+grant jusques au mendre
+peut estre trouvee/ qui vit
+onques mais l’art de sofistiquacion
+si commune/ Car
+de ce semble que chacun
+soit maistre et jusques aux
+entrailles des courages
+<span class="pagenum">-21-</span> c’est embatue celle art d’enfer
+et dyabolique/ si qu’il n’est a
+peine parole dicte semblant
+fait ne chose ouvré qui ne
+soit sofistiqué en tele maniere
+que elle a apparence de estre
+milleure qu’en effait de
+bonté elle n’est trouvee.
+Si suis pour ces choses comme
+celle qui le baston a
+sus le chief et le coup atent.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c27">Encore de ce.</h3>
+
+
+<p>Et tout ainsi comme
+les vertus deppendent
+les unes des autres &amp; s’entre
+accompaignent &amp; attrayent
+Semblablement ces filles
+de perdicion trebuchent de
+l’une en l’autre/ et se entre
+sachent et apparient/ Et
+qu’il soit vray pour quoy est
+doncques fraude trouvee
+ne mais pour remplir les
+coffres de la rappineuse
+C’est l’administraresse de
+ses pourveances et de son
+amas/ C’est celle qui treuve
+les voyes de attraire
+ces finances et faire ses
+contras/ hahay se perdue
+l’avoit comment esgaree
+seroit/ Onques ne fu
+si propice boyasse ne qui
+si bien pensast de sa maistresse.
+Dieux quel compaignie et quel couple
+avarice et fraude/ mais
+de leurs ordes mains
+<i lang="la" xml:lang="la">libera nos domine</i>.
+Dieux ne commença
+ceste orde caigne aux
+ongles crochees/ tres que
+sus la terre n’avoit que
+.iii. hommes Lors que
+kaÿm offroit a dieu des
+pires fruis de sa terre
+et des pires bestes de son
+parc/ Et comme dieux
+qui scet les courages
+n’eust agreable son sacrefice
+le reprouva
+ycellui chut ou second
+inconvenient/ c’est assavoir
+de envie et puis
+ou tiers par l’omicide que
+il fist de son frere abel
+Qui pourroit raconter
+les maulx qui par ceste
+sont avenus/ et ancore
+ne cessent/ pour quoy
+te diroye des empires
+royaumes/ citez et peuples
+qui destruis en ont
+esté les temps passez/
+Autre exemple ne couvient
+fors du temps present
+n’est elle celle qui en l’eglise
+de dieu met la division
+et le Sisme/ certes
+c’elle n’estoit ne couvendroit
+pas .ii. papes/ ains
+a peines un le vouldroit
+estre/ n’est elle principale
+ou debat de mon royaume/
+Se trouvee n’y
+estoit la charge du gouvernement
+ne seroit tant
+chalengee/ dirons nous
+que elle fust plus grande
+jadis ou roy de babiloine/
+pour tant se une
+seule foiz il desroba le
+temple de dieu. helas
+avisons quantes extorcions
+on fait en plus ses
+amees choses que son
+temple/ C’est assavoir
+a ses povres membres
+qui sont les souffreteux
+de quoy il est escript que
+licite seroit vendre les
+calices &amp; les joyaulx livres
+et aournemens de autelz
+pour secourir a besoing
+a la neccessité de yceulx
+Et ilz sont de toutes pars
+persecutez/ et de tieulx joyaulx
+qu’ilz ont/ c’est leur
+sustentacion desrobez/ Et
+dieux scet en quieulx usages
+sont employez/ Mais
+le cas de cestui dit roy
+pour quoy ne nous peut
+estre figure et prophecie
+du pareil inconvenient
+par divine punicion/ Car
+sicomme ou livre de danyel
+ou .v.<sup>e</sup> Chapitre est
+escript que une foiz baltasar
+faisoit un grant disner/
+et seoit a table avec
+les nobles de son royaume/
+commanda que fussent
+apportez les vaisseaulx
+d’or et d’argent que son
+pere avoit pris ou temple
+de jherusalem/ esquieulx
+vaisseaulx on souloit
+faire le service de
+dieu/ Et cellui corrompu
+par pompe buvoit dedens
+presomptueusement/ et
+y faisoit boire ses
+<span class="pagenum">-22-</span> cucubines qui de tieulx
+rappines faisoient leurs
+paremens/ et les choses
+de dieu mettoient en vilz
+usages/ Mais dieu contre
+qui nulle force n’a poissance/
+et quoy que il
+attende bien se scet venger
+ot amené l’eure de la punicion
+de ycelluy mal
+faiteur/ Et par cest exemple
+povons notter la
+ruyne des plus eslevez
+souventes foiz quant
+plus cuident estre asseurez/
+Car sicomme cellui
+Balthazar Roy de Babiloine
+estoit plus en
+sa joye/ il leva les yeulx
+Et en la paroit de sa
+sale vit une main qui
+escripsoit tieulx .iii.
+moz/ mané/ thetel/
+phares/ Le premier mot
+mané/ C’est a dire nombre/
+et est a entendre que
+dieu avoit nombré les
+jours de sa vie/ Et que
+venue en estoit la fin.
+Le Second mot thetel
+est a dire pois/ qui vouloit
+dire que dieu avoit
+pesé ses biens et ses
+maulx/ et legier avoit
+esté trouvé en biens/
+et pesant en maulx.
+Le tiers mot phares
+vouloit entendre division/
+C’estoit a dire que
+dieu avoit devisé son
+royaume et sepparé de
+lui/ Et ainsi avint car
+celle meismes nuit/ daire
+le roy de mede/ et
+Cirus roy de perse prindrent
+la cité de babiloine/
+et fu occis balthazar
+et son royaume transporté
+es mains des mediens
+et des persens.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c28">Encore de ce.</h3>
+
+
+<p>Tant que c’est sanz
+nombre doulce
+chiere amie/ te pourroye
+dire de tieulx exemples
+de diverses punicions
+pour divers pechez
+helas et les miens ne
+s’i prennent garde/ ne
+dit le proverbe rural
+et commun que bien se
+bat qui par autruy se
+chastie/ &amp; que qui autrui
+maison voit bruler/ de la
+sienne paour doit avoir/
+Il n’est si beau chasti
+que cil qui de soy meismes
+&amp; sanz contrainte
+vient/ plus leur fust
+honorable laisser les vices
+de pure voulenté que
+ce que a force on leur
+feist delaissier/ n’est il
+escript que dieux a plus
+grant joye du pecheur
+retourné a lui que du
+juste qui onques ne
+failli/ C’est chose humaine
+de pechier/ mais infernalle
+est la perseverence.
+Ha doulce chose
+est que de suivre la
+voye de vertu a qui si
+veult duire/ n’est il
+dit que l’omme vertueux
+a ja un pié ou
+ciel/ Et a quoy se eslieve
+homme qui est terre
+&amp; cendre/ ne scet il
+que sa vie est brieve
+ne se gloriffie es richeces
+mondaines/ lesquelles
+ne sont ne vrayes ne
+siennes/ Et que vault
+avoir seignourie au monde
+grans tresors terres possessions
+et poissances sur
+les autres/ un pou de temps
+pour an si user que on
+s’en enqueure dampnacion
+perpetuele/ qui est cellui
+si ignorent qui n’ait le
+ver de conscience. vueille
+ou ne vueille quant
+il se sent pecheur ne
+possede il et y a un des
+tourmens d’enfer qui
+ne le laisse durer/ mais
+quelle est plus grant
+seureté que nette conscience/
+C’est joye celestielle/
+Hahay mais pour
+quoy ne a qui dis je
+ces paroles quant je sçay
+que n’en serai pas creue
+Car ne pourront entrer
+es courages ja adurcis
+Sicomme on dit le fol
+ne croit jusque il prent
+mais habondance de
+voulenté le me fait
+dire comme tendre mere
+<span class="pagenum">-23-</span> a ses enfans/ mais ce me
+desconforte que ja me semble
+en y a d’entrez en obstinacion
+qui trop est chose perverse.
+Helas/ j’ay grant
+paour que semblable je
+soie a Cassandra la sage
+fille du roy priant
+qui veant la ruyne appareillee
+sus les troyens les
+amonnestoit d’appaisier leurs
+courages
+contre grigois ains que
+pis leur venist/ mais en
+vain se debati car n’en fu
+pas creue/ Si leur en ensuivi
+tout ce que pronostiqué
+leur avoit/ Dont a
+tart de ne la croire se repentirent/
+ainsi de eulx
+amender et mettre a paix
+devers leur dieu de qui
+ja voy la guerre. Bien
+vouldroye que a mes
+paroles si adjoustassent
+foy/ ains que pis leur venist/
+ilz me creussent ne
+que du tout ja son yre fust
+sur eulx espandue/ par
+plus grieve vengence.
+O sage roy de ninive
+bien conseillez qui creus
+le prophete jonas/ quant
+dieu par lui te manda/
+que pour les pechiés
+de toy et de ta
+cité tu avoies encouru
+sentence de destruccion
+dedens quarante jours
+Mais lors te repentant
+batant ta coulpe/
+en jeunes plours
+et afflictions toy et
+tous tes subgés jusques
+aux bestes mues par
+.iii. jours cryant a
+dieu mercis vestus de
+sacs/ cendres sur les
+testes/ tant te humilias
+que Dieu ot
+pitié de ta contriction
+si/ que ton humilité
+espargna sa vengence
+par bon appaisement.</p>
+
+<p>¶ N’ont doncques
+les miens assez de
+exemples d’eulx repentir
+ne scevent ilz que
+de mal couvient
+que mal viengne
+Car non obstant
+que le sens litteral
+de l’euvangile dye que
+neccessité est que esclande
+viengne/ ne dist il
+apres que pour tant mal
+cellui par qui esclande
+vient/ veulent ilz resembler
+le larron qui
+ne croit quelque exemple
+que il voye que l’en destruise
+les mal faiteurs
+jusques a tant que il
+ait la corde au col/
+Helas/ mais c’est trop
+tart/ Car trop est
+meilleur a l’omme
+se garder du mauvais
+pas que ce que a peine
+ou jamais s’en tirast
+hors se il y estoit entrez.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p1c29">La fin de la complainte
+de la dame couronnee.</h3>
+
+
+<p>Belle doulce amie
+que te diroye
+ne t’ay je assez tenue
+es narracions et procés
+de mes aventures le
+bien et le mal je t’en
+ay regehy en general
+&amp; en particulier puis
+la naiscence de mon
+nom jusques au jour
+d’uy/ Et ce plus m’a
+eslargie a te signiffier
+l’estat de mes anuys
+que piteuse de mes
+afflictions je t’ay trouvee/
+Si est temps des
+crimes/ que je me seuffre/
+de plus te dire/ que
+trop ne soie longue.
+O quel plaisir et quel
+alegement est de dire
+et descouvrir a son loyal
+ami ou amie les pesanteurs
+de ses pensees
+Car la viande presentee
+au famillieux n’est
+plus savoureuse/ Si
+ne dis plus ce que
+autre foiz as dit quelle
+que je appere que glorieuse
+soye/ Car je t’acertaine
+se dieu de sa
+grace n’y remedye que
+passé a lonc temps
+ne fus plus perplesse
+helas mais comment
+remede du ciel espereroye
+quant aux miens si
+mal je le voy desservir
+<span class="pagenum">-24-</span> Et ancore plus me
+grieve sans faille le
+peril de pis ou je
+me voy que le mal que
+je seuffre Tout soye
+bien batue Tout ainsi
+que cellui qui devant
+lui voit cil qui l’a navré/
+a paour que il le partue
+Si te mercy ma bien
+amee en fin de mes
+paroles de ta loyal
+amour et compaignie
+La quelle te pry que
+ne me faille jusques a
+la fin.</p>
+
+<p>¶ Non obstant
+que d’alieurs tu soies
+requise/ et que de moy et
+des miens tu ayes petis
+emolumens/ mais ton
+bon courage ne vueille
+delaissier la nourriture
+de son enfance/ Si demeures
+constante avec
+moy ou gracieux labour
+de tes dictiez/ du quel
+maint plaisirs ancore
+feras a moy et mes
+enfans/ Lesquieulx
+je te pri que me salues/
+Et que leur signifies
+les plaintes de mes clamours
+Et que Comme loyaulx
+et vrays enfans veulent
+avoir pitié de
+leur tendre mere/ de qui
+encore le lait leur est neccessaire
+et doulce nourriture/
+mais vueillent
+si espargner ses doulces
+mamelles que
+ilz ne la succent jusques
+au sanc.</p>
+
+<p>¶ A tant
+cesserent les parolles
+de la dame couronnee
+Et moy apres
+ce que selon
+ma poissance au
+mieulx que sos je l’os
+reconfortee/ lui disant
+que non obstant
+son grant peril/ se
+dieux plait les prieres
+et oroisons de
+maintes bonnes creatures/
+et les biens
+fais qui sont celebrez
+par sa terre/ non obstant
+les grans pechiez
+qui y queurent/ Comme
+dieu soit misericors
+la reserveroyent et
+tireroient de peril/ La
+merciay de l’onneur
+que m’avoit faite et
+de la charge que commise
+m’avoit/ lui en
+promettant vraye
+excecussion. Et a
+tant reposer la laissay.</p>
+
+
+<p class="c gap">Explicit la premiere
+partie du livre de
+l’avision christine.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<p><span class="pagenum">-25-</span></p>
+
+<h2 class="nobreak" id="p2" title=".ii. de dame oppinion et de ses ombres">Ci
+commence la seconde
+partie du livre de l’avision
+christine la quelle parle de dame
+oppinion et de ses ombres.</h2>
+
+
+<p>Apres ces choses
+me sembloit que
+desireuse de plus
+avant enquerre
+aloye traçant par la cité d’athenes
+tant que m’embatoye
+entre les estudes/ lors joyeuse
+d’estre parvenue a si noble
+université voluntaire de mon
+sens par leur savoir prouffitablement
+imbuer/ m’arestoie
+entre les escoliers de diverses
+facultez de sciences disputans
+ensemble de maintes questions
+formant plusieurs argumens.</p>
+
+<p>¶ Lors sicomme l’oreille
+vouloie tendre a escouter/
+adont le sens de ma veue
+preceda cellui de m’ouye/ Car
+en haulçant mes yeulx avisay
+volant entre yceulx une
+grant ombre femenine sanz
+corps sicomme chose espirituelle
+de trop estrange nature
+et qu’elle fust merveilleuse
+l’experience prouvoit/ Car celle
+chose veoie estre une seule
+ombre/ mais de Cent mille
+milions voire innombrables
+parties les unes grandes/ les
+autres mendres autres plus
+petites de soy elle faisoit/ puis
+s’assembloient ses parties
+d’ombre comme par grans
+tourbes si que font nuees
+ou ciel ou oyselés volans par
+tas ensemble/ mais plus en
+y avoit que onques oyseaulx
+ne volerent. Si estoient
+ces tourbes sepparees les unes
+des autres ainsi comme
+les couleurs d’elles se differoient/
+car de toutes les
+coulours qui onques furent
+et de plus que onques n’en
+fu estoient differenciees
+les unes des autres/ Car
+une grant tourbe en y
+avoit de toutes blanches
+une autre de toutes vermeilles/
+les autres yndes
+autres de couleur de feu
+autres d’eaue/ et ainsi de
+toutes les couleurs/ Et
+se tenoient ensemble celles
+d’une couleur sicomme
+font oyseaulx d’une espece
+Toutefois aucune
+foiz avenoit que ilz s’entremesloyent/
+mais tous jours
+retournoit chacune a sa
+couleur/ Et non obstant que
+une chacune couleur se tenist
+ensemble toutefoiz en y
+avoit en la route de plus
+fort taintes les unes que les
+autres/ se vermeil estoit l’une
+plus ardant/ l’autre plus palle/
+l’autre plus sanguine/ &amp;
+ainsi de toutes les couleurs
+si qu’a peine en y avoit une
+qui aucunement ne differat
+de l’autre/ Et tout ainsi comme
+les couleurs d’icelles
+ombres par tourbes se differoient
+semblablement
+faisoient leurs fourmes
+Car il n’est corps de creature
+humaine ne d’estrange
+beste/ oysel monstre de mer
+serpent ne chose que
+dieu formast onques voire
+des plus haultes choses celestielles
+et de tout quanque
+pensee peut presenter a
+la fantasie dont la n’y eust
+la fourme/ Si en y avoit
+tant d’estranges qu’il n’est
+cuer qui le peust penser
+mais fourmes de geans
+serpens orribles bestes
+ne chose mortelle tant ne
+m’espoventerent comme
+firent les orribles noirs deffigurez
+monstres d’enfer de
+la quelle remembrance encore
+suis toute espaourie.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c1">Ci dit de quoy ces ombres
+servoient.</h3>
+
+
+<p>D’icelles tourbes d’ombres
+qui par l’air voloient
+je veoie tous avironnez les
+clercs disputans es dictes escoles/
+et avant que cellui qui
+vouloit proposer sa question
+parlast/ une de ses ombres
+lui venoit s’acouter en l’oreille
+comme se elle lui conseillast
+ce qu’il devoit dire/ Et apres
+quant l’autre vouloit respondre
+ou repliquer/ une autre
+ombre lui aloit semblablement
+s’acouter/ Et ainsi n’y avoit
+la nul arguant qui ne eust
+autour de son chief ou une
+ou .ii. ou .iii. ou .iiii. ou
+plus grant quantité qui toutes
+le conseilloient/ mais chacune
+science a part avoit sa
+couleur d’ombres/ sicomme
+gramaire les verdes/ dyaletique
+les morees/ arismetique
+<span class="pagenum">-26-</span> dyaprees/ musique blanches
+Geometrie vermeilles/ Astrologie
+les asurez/ theologie dorez
+philosophie cristalines &amp; ainsi
+des autres sciences liberaulx
+et deffendues/ Et ceulx qui
+arguoyent n’avoient environ
+eulx tant que duroit la disputoison
+fors les ombres de
+la couleur qui appartenoit
+a la science de leurs argus
+mais non obstant que toutes
+traÿssent a une couleur/ ceulx
+qui proposoient plus fort
+taintes ou moins taintes que
+ceulx qui repliquoient les avoient si que
+nulle fois n’estoient sans
+difference/ et s’il avenoit que
+pareilles venissent aux parties
+qui disputoient/ adont estoient
+les .ii. disputans d’acort
+Si estoit la chose partie en
+telle maniere qu’il sembloit
+que ycelles ombres fussent
+cause de leurs descors et debas
+qui aucunefoiz tant multiplioit
+entr’eulx/ que de
+tieulx de chaude cole y avoit
+faisoient venir <span lang="la" xml:lang="la">de verbis ad
+verbera</span>/ Et pour ce que
+estrange chose pourroit sembler
+a ceulx qui oyent ou
+orront la descripcion de ceste
+avision en ceste partie la
+quelle les yeulx de mon
+entendement plus clerement
+veoit que expliquer ne sçay
+ne descripre que j’appelle
+ycestes choses ombres/ &amp; si
+dis qu’elles avoient coulours
+diverses/ come se
+chose contredisant fust
+couleur et ombre estre ensemble/
+si dy que ombres
+voirement ce estoient/ car
+estranges causes leur donnoient
+leur fourmes non
+mie d’elles mesmes les avoient/
+Coulourees couvenoit
+que elles fussent.
+autrement point ne fussent/
+mais transparans
+petites et grans si que on
+veoit par mi auques toutes
+estoient/ fors d’aucunes
+si troubles que l’en n’y
+veoit grain ne goute.
+Ancore plus/ car tout ainsi
+comme elles se dessembloient
+de couleurs/ semblablement
+faisoient de fourmes
+car comme j’ay dit devant
+de toutes les fourmes et choses
+qui pevent estre ymaginees
+avoient/ celles ombres empraintes/
+Celles qui appartenoient
+a philosophie estoient
+comme fleurs de diverses
+façons et couleurs/ mais tant
+estoient de grant odeur et
+beauté que toutes les escolles
+en resplandissoient/ si
+que grant beauté d’i estre
+estoit/ les autres fourmes
+d’ombres comme de gens
+de bestes ou d’autres choses
+s’estendoient plus dehors
+les escoles et voloient par
+tout le monde/ car celles
+plus appartenoient a oeuvres
+manuelles &amp; fais que
+en speculacion et plus estoient
+attribuees aux gens
+d’armes et ordre de chevalerie
+et autres ars mecaniques
+&amp; ouvrables/ De tout ce me
+sembloit que avoie clere cognoissance/
+mais sur toute chose
+m’esmerveilloit et fort a
+comprendre m’estoit ce que je
+veoye non obstant ces diverses
+parties d’ombre qui par
+tout le monde s’espandoient
+que toutefois n’estoit ce que
+l’image d’une toute seule ombre
+en la quelle toutes se
+refrappoient.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c2">Comment l’ombre araisonna
+christine.</h3>
+
+
+<p>Adont comme je fusse
+ententive a regarder
+ceste merveille/ l’ombreuse
+creature s’en donna de garde
+et en telle maniere m’araisonna
+fille d’escole qui ça t’amaine
+et moy a elle/ dame aventure
+mais voz merveilles m’ont
+cy arrestee/ Et se je peusse
+moult voulsisse plus vous
+cognoistre/ Et elle a moy
+comment ne me cognois tu
+doncques/ dame je n’en
+ay pas recort/ et elle a moy
+O bien voy que ignorence
+tolt aux humains la cognoissance
+des objects de leurs oeuvres
+mais pour emplir ton desir
+Ottroy que tu me cognoisses
+pour ce par vehementes
+enseignes te seray magnifestee.</p>
+
+<p>¶ Saches que tres
+que adam fu formez je fu
+cree/ Et suis fille de ignorence
+desir de savoir m’engendra
+<span class="pagenum">-27-</span> Le premier homme &amp; sa femme
+par mon exort decevable
+fis en la pomme mordre/ et
+apres ce que dieu l’ot pour ce
+meffait condampné a avoir
+sa vie en sa sueur/ je lui fis
+querre et encercher les proprietez
+des herbes et des plantes
+et lui appris la maniere des
+terres cultiver et les natures
+des choses crees lui fis esprouver
+tant qu’il les attaigni/ ensuivant
+apres je gouvernay
+les humains/ &amp; leur fis prendre
+loy/ la quelle fu premiere
+celle de nature/ Et tres ces
+premiers aages furent aucuns
+soubtilz hommes aux quieulx
+tant fis encerchier qu’ilz trouverent
+philosophie et par consequant
+toutes les sciences &amp; ars
+par moy furent premierement
+investiguees et la voye trouvee
+d’y attaindre/ ne nom
+de philosophe oncques trouvé
+n’eust esté se je ne fusse/
+Sicomme plus a plain cy
+apres te declaireray/ Et non
+obstant que philosophie avec
+ses filles fust avant que
+moy/ et que fille de dieu
+soit/ si fus je faite aussitost
+que creé fu entendement
+humain/ et lui et moy ouvrismes
+la voye aux hommes
+de cler engin a la trouver
+a entendement premier et
+moy seconde/ si suis chamberiere
+d’elle en ce mortel monde/
+car en paradis n’enfer
+n’ay je demeure/ ma duree
+sera jusques au derrain jour
+&amp; lors finera. je rapporte les
+messages des hommes de
+cler entendement a philosophie
+et a ceulx qui apliquer
+s’i veulent je les fois par le
+moyen de diligent estude
+se ne leur tolt deffaute d’engin
+attaindre par investigacion
+a elle/ Et pource non
+obstant que par tout le monde
+soye me vois tu principalement
+en ses escoles hanter
+es quelles par l’occasion de
+moy avec le labour d’estude
+apprennent les clercs toutes
+sciences &amp; sans moy apprises
+ne pourroient estre
+Et non obstant que de dieu
+viengne la grace d’en hault
+je suis celle qui la mes a
+oeuvre ou cuer de la personne
+&amp; sanz moy riens ne proufiteroit
+Et te dis plus fort que se je
+n’estoie avec foy esperance
+et charité point ne seroit es
+humains.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c3">Les choses que l’ombre disoit
+a christine.</h3>
+
+
+<p>Ancore te dis je que tous
+les anciens prophetes
+qui ont esté non obstant qu’ilz
+parlassent par inspiracion
+divine de l’advenement
+de jhesucrist et des temps avenir/
+et mesmement saint
+jehan l’euvangeliste en l’apocalipse
+et tous ceulx et celles
+qui ont prophetisié se j’eusse
+esté en eulx contraire a leurs
+dis ja n’eussent saintement parlé
+des secrés divins/ mais
+affin qu’en moy tu n’erres &amp;
+que mieulx m’entendes te
+dis que non obstant les choses
+dittes maint ont prophetisié
+verité es quieulx je n’estoye
+mie saine mais leur
+disoie au contraire de leur
+prophecie sicomme caÿphe
+qui dist de jhesucrist qu’il
+estoit expedient un homme
+mourir pour sauver le
+peuple/ Il dist verité
+mais ce n’estoit mie ou sens
+ou il le prenoit/ et pource estoye
+faulse en lui/ car je le faisoie
+follement cuider.</p>
+
+<p>¶ Plus te
+diray de ma nature tres
+que creature humaine est
+nee si tost qu’entendement
+commence aucun petit a
+ouvrer en lui/ tantost moy
+et de mes plus legieres filles
+entrons en lui/ et au
+feur que l’enfant croist
+avec son entendement nous
+croisçons en lui pareillement
+&amp; en celle croiscence selon
+ce que ses inclinacions se
+donnent je loge en lui de
+mes filles/ s’il est soubtil
+en speculacions je les lui
+baille teles qu’il lui fault
+et celles le font encercher
+plus avant de ce en quoy
+il est enclin/ Se enclin
+est aux armes teles qu’il lui
+fault les lui baille/ et celles
+le font encercher la
+maniere de excerciter les armes/
+Se a oeuvres mechaniques
+marchandise/ ou
+labour de terre/ paindre/
+escripre/ ou lengager pareillement
+selon les oeuvres
+par moy avec la
+<span class="pagenum">-28-</span> inclinacion ou longue coustume
+d’enseignement/ toute
+personne prent ses meurs
+bons ou mauvais sages ou
+folz selon qu’il s’applique/
+Si fais tout homme ouvrer
+parler aler et venir et sanz
+moy ne se mouvroit pour
+oeuvre faire Si me change
+souvent en eulx par divers
+accidens/ et fois souvent
+des bons mauvais/ et des
+mauvais bons/ les savans
+errer et dire faulx en divers
+cas/ et les simples aler droite
+voye et dire voir/ et selon
+que je sui en eulx je me donne
+a cognoistre par leurs
+oeuvres et parolles/ Se n’est
+en aucuns qui de faintise
+se cueuvrent/ toute foiz ce
+ne pourroient faire sanz aucunes
+de mes filles.</p>
+
+<p>¶ Souventes
+foiz je deçois ceulx
+ou je habite par leur donner
+faulx a croire/ nil
+n’est si sage que souvent
+ne deçoive ne autrement
+ne pourroit estre selon le
+cours naturel.</p>
+
+<p>¶ Je suis
+fondee sur ce que la fantasie
+rapporte a l’omme
+soit mal ou bien Si fois
+souvent faulx jugement
+et dis une chose estre bonne
+ou elle est mauvaise/ et
+ainsi l’opposite et pour ce fais
+haÿr et amer sans cause
+souvent advient et sans l’avoir
+desservi/ diffamer et
+aussi louer sans achoison
+souventes foiz.</p>
+
+<p>¶ Es sages
+hommes suis plus certaine
+et plus vraye et es anciens
+de longue experience/ et pource
+a bonne cause sont appellez
+es conseulx des ordenances
+pollitiques Je suis naturellement
+plus vive et plus
+certaine en un homme que
+en un autre selon l’abilleté
+de son entendement le quel
+me rapporte en ses pensees
+Et en homme qui souvent
+me change est signe de pou
+constant et legier courage//
+Je ne suis nulle fois certaine/
+car se certaineté y
+avoit/ ce ne seroie mie. Je
+dis souvent verité mais
+je la dis par couleur et
+informacion d’autre chose
+Et la gist en l’omme le
+sain jugement se la couleur
+est voir semblable et digne
+d’estre receue qui me fait parler/
+Je ay proprieté de faire
+encerchier verité et de l’enquerir
+et fus faite pour celle
+cause/ mais
+aussi tost que elle est clerement
+trouvee de la chose que je
+fois querir adont couvient
+que celle mienne fille qui
+cause a esté d’ycelle verité
+attaindre se parte de la personne/
+Mais g’i demeure
+avec plusieurs autres de
+mes filles qui pareillement
+s’en partent selon les veritez
+qui sont attaintes/ car la
+ou elle est nous ne povons
+arrester/ et si la faisons attaindre
+par labour d’encercher.</p>
+
+<p>¶ Mes jugemens en
+nul cas riens ne valent se
+fondez sur raison ne sont
+Et cil qui parle ou oeuvre par
+moy ou sens n’est appellé
+il erre et abonde en folie J’ay
+comme dit est filles bonnes
+et mauvaises voir disans
+et menterresses/ mais se elles
+mentent ou dient voir
+n’est mie certaine la pensee
+qui en soy les a/ Combien
+que souvent grant foy y
+adjouste/ Et pour ce que
+je suis chose non certainement
+sceue peus tu appercevoir que
+moy avecques esperance sur
+le temps avenir par le moyen
+de vraye foy sommes cause
+du merite des vrays feaulx
+catholiques/ Si peus notter
+que pour cause que ainsi je
+me diversiffie et change
+vois tu ycy mes filles de diverses
+fourmes et couleurs
+Car n’est homme si sage
+qui en soy ne m’ait diversement/
+la cause si est que ma
+mere ignorence ne laisse ou
+vaissel du corps pour sa groisseur
+l’ame du tout ouvrer
+selon sa soubtilleté/ Et pour ce
+couvient que moy qui composee
+suis de la nature de
+l’ame en tant que je suis
+speculative/ et de la nature
+du corps en tant que je suis
+ignorent soie et abite ou
+cuer de creature humaine
+mais es intelligences qui
+franchement voient verité
+&amp; ont cognoissance des proprietez
+de toutes choses je
+ne suis ne n’abite ne nulle
+<span class="pagenum">-29-</span> part se ignorence et entendement
+ne sont ensemble/ Et comme
+dit est homme n’est si sage
+qui n’ignore les causes du plus
+des choses/ et pour ce n’est il
+nul qui en moy ne varie/
+mais pource que es moins
+parfais suis plus foible sont
+leurs raisons nices et reprouvees.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c4">Encore de ce mesmes.</h3>
+
+
+<p>Et entens sainement
+encore de ma poissance/
+je te dis que toutes les
+loys et secrés qui ont esté au
+monde/ puis son commencement
+exepté la loy escripte
+qui a moy se fu de dieu donnee
+Et puis celle de jhesucrist les
+quelles vindrent du ciel ou
+je n’ay nul repaire/ toutes
+les autres ay trouvees la loy
+de nature ou n’aouroient que
+un seul dieu qui fu premiere
+&amp; bonne a qui bien la
+tenoit fu par moy trouvee
+Celles des payens d’aourer
+plusieurs dieux/ je donnay
+aux hommes de fol entendement/
+et continuer leur
+fis par espace de moult lonc
+temps/ Et ancore plusieurs
+parties du monde je tiens
+en celle erreur. Je fis trouver
+a belus les premieres ydoles
+et a son filz le roy ninus
+aourer l’ymage de son pere
+Et combien que ne trouvasse
+la loy escripte/ car n’i sceusse
+attaindre/ fis je maintes
+foiz errer en ycelle plusieurs
+juifs qui par moy firent
+maintes mauvaistiez &amp;
+felons fais Sicomme mesmement
+au peuple d’israel
+je conseillay faire un veel
+d’or et que ilz l’aourassent
+comme dieu/ et ou temps
+de abdon le prophete fis je
+au roy jheroboam semer
+la faulce creance contre
+dieu et sa loy/ et ainsi de
+mains autres/ mais aussi
+continuay je les bons
+en oeuvres meritoires//
+En la loy de grace je n’oz
+que veoir/ car elle est certaine/
+mais a cellui qui
+en fu acteur je fis par le
+moyen d’envie maintes
+peines faire &amp; aussi moyennant
+grace divine/ maint
+convertir a sa loy/ mais tout
+fusse je cause de sa mort
+toute fois contre moy fu
+par paour jugez a tort/ et
+ycelle envie et mauvaistié
+pareillement m’avoit fait
+ficher ou temps devant es
+cuers de ceulx qui persecuterent
+les sains prophetes
+et aussi en ceulx qui martirerent
+les benois sains Je
+fis trouver a mahommet
+la faulce loy qui ores est
+a esté et sera pour la
+punicion des crestiens continue/
+si tiens les sarrasins
+en celle faulce creance.</p>
+
+<p>¶ Par moy se ficherent le
+temps passé en plusieurs du
+nom chrestien diverses erreurs
+en la loy et folles creances
+qui fortes furent a esracher
+Sicomme il appert de manés
+le faulx herite qui trouva
+la secte de ceulx que on
+appelloit manichees/ et Arrianus
+qui ediffia l’eresie
+arrienne/ et es parties de
+bretaigne pelage qui par
+sa faulce doctrine plusieurs
+chrestiens corrompi/ un autre
+vers espaigne nomme precelin
+et plusieurs autres/ en qui
+je fus faulce et en leurs disciples
+que je fis errer/ Et
+mesmement plusieurs papes
+et patriarches et de divers
+estas de l’eglise/ Et ancore
+ne suis si de tous esrachee
+en mains faulx pas que
+non obstant les vrays amonnestemens
+de sainte theologie
+je ne soie en eulx avec
+erreur tappie/ et couverte
+mais paour de feu nous
+fait tenir coye et close.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c5">Ci
+dit l’ombre les oppinions
+de philosophie sus le principe du monde.</h3>
+
+
+<p>En repliquant ce que
+devant est dit pour
+donner preuve que si sage
+ne soit que je ne face errer
+parlerons des anciens philosophes
+quelle je fus en
+eulx/ Et comme le traictier
+de ceste matiere/ tout
+soit elle soubtille puisse estre
+au prouffit de l’entendement
+t’en deviseray plus largement
+en lengage plus couvert
+comme la matiere le requiere/
+te diray premierement
+<span class="pagenum">-30-</span> des tres ancians investigueurs
+des choses naturelles
+A ceulx qui premierement
+philosopherent/ je disoie que
+des natures des choses yceulz
+sont seulement les princippes
+qui sont ramenez a cause
+de matere/ et a ce que plus
+leur fust ce apparant teles
+raisons leur faisoie investiguer
+que .iiii. condicions
+semblans appartiennent aux
+raisons des princippes/ premierement
+disoient ilz comme
+ce de quoy aucune chose
+est faite/ semble le principe
+estre d’icelle chose/ Car c’est
+vray signe de princippe par
+qui la chose est faite et tel
+est la matiere/ Car de
+matieres toutes choses
+sont faites. Item car tout
+ainsi que ce dont les choses
+sont faites nous disons
+le princippe de l’engendrement
+d’elles et par consequant
+cause/ en tant que generacion
+toute chose precede a
+estre a ce que elle est/ ne
+ainçois elle n’est riens.
+Et toutefoiz de matiere
+premierement comme de son
+princippe chacune chose est
+faite/ car la matiere precede
+la formacion des choses
+Et aussi la matiere premierement
+non pas acidentelement
+est le suppost des formes
+par quoy ancore appert
+que elle soit vray principe
+il s’ensuit que matiere soit
+princippe des choses/ Tiercement
+car comme de toutes
+choses ce semble le principe
+ou quel finablement
+toutes elles retournent
+Car sicomme les principes
+sont premiers en la composicion/
+aussi doivent ilz
+derreniers estre en resolucion
+&amp; autressi ytel en la matiere
+Quartement comme il
+faille les princippes demourer/
+ce par especial
+semble estre vray principe
+qui en chacune generacion/
+et apres toutes corrupcion
+demeure/ dont comme
+la matiere la quelle ilz
+afferment substance
+des choses soit tele que
+elle demeure en toutes
+mutacions/ Combien que
+aucunes passions se varient
+en elle/ et en elle autressi toutes
+les autres condicions devant
+dictes affierent. Par
+ces .iiii. premisses ilz concluoient
+que la matiere est
+l’element et le premier principe
+des natures des choses
+ainsi disoient que riens
+ne peut estre simplement
+corrompu ne engendré
+Car tout ainsi se disoient
+ilz que quant aucune mutacion
+est faite envers quelconques
+passions/ toute
+foiz demeurent l’essence
+principal/ nous ne disons
+ycelle chose n’engendree simplement
+ne corrompue aussi
+fors selon aucune chose
+c’est a dire accidentellement
+sicomme un homme blanc
+devenir noir/ nous ne disons
+ycellui homme engendré
+quant il prent tel abit
+ne corrompu quant il pert
+le premier/ Car sa substance
+principal si demeure/
+c’est assavoir son estre
+le quel si est sa fourme
+tout autressi que la matiere
+disoient/ il est la substance
+des choses/ et ycelle demeure
+permanablement/ Tout
+autressi ilz concluent que
+rien n’est simplement corrompu
+ne engendré fors
+accidentelement/ mais disoient
+ilz toutes mutacions
+qui adviennent es choses
+sont faites vers aucuns accidans
+venans de la matiere
+comme sont passions
+ou quelques qualitez/ Dont
+combien que tous yceulx
+couvenissent ensemble en
+mettant la matiere comme
+cause premiere/ Toutefoiz
+les faisoie differer doublement
+en la posicion d’elle
+C’est assavoir quant a pluralité/
+car les aucuns mettoient
+une seule matiere
+et les autres plusieurs causes
+materielles/ et quant
+a l’espece aussi/ Car aucuns
+l’eaue mettoient/ les autres
+l’air/ les autres le feu
+Thales l’ancien philosophe
+qui prince fu de ycelle
+philosophie/ disoit que ce
+<span class="pagenum">-31-</span> estoit l’eaue et affermoit la
+terre estre assise sur l’eaue
+ainsi la mettoit le principe
+des choses/ et dist que ainsi
+estoit fondee la terre dessus
+comme le effaict est fondé
+sur la cause/ dont il est a
+savoir que cestui thalles fu
+dit prince de ycelle philosophie/
+Car comme il fust l’un
+des .vii. sages qui plus proprement
+furent dis theologiens/
+poetes/ lui tout
+seul se transporta a considerer
+les causes &amp; les princippes
+des choses/ Les autres
+seulement demourez occupez
+es moralles sciences/ Les
+noms d’iceulx .vii. sages
+sont premierement Chales
+millesien qui fu du temps
+romulus cellui qui fonda
+romme ou temps
+d’achar le roy d’israel comme
+on lit es croniques environ
+.vi.<sup>c</sup> .lxxxvii. ans devant
+l’incarnacion jhesucrist &amp;
+devant aristote environ
+.CCC.lii. ans/ Car aristote
+fu du temps alixandre
+le grant qui preceda
+jhesucrist .CCC.xxxv.
+ans/ Cestui thales fu
+astrologien/ Car meismes
+comme on lit il pronostiqua
+un deffault du souleil
+ou temps d’ozias et des fondacions
+de romme bien
+cent ans ains que il fust
+Cestui aussi fu cil dont
+on lit en l’istoire des philosophes
+qui chaÿ en la fosse
+quant il aloit veoir
+le cours des estoilles/ de
+quoy il fu remprouvé d’une
+vielle/ Comment dit
+elle cuides tu veoir ce que
+l’en fait ou ciel/ quant a
+tes piez ne vois.</p>
+
+<p>¶ Le second
+sage fu pitacus mitilenus
+ou temps que es
+ebrieux regnoit zedechias
+et es rommains tharentin
+le premier/ le quel
+pithacus tua frenon d’aches
+qui batailloit a lui.</p>
+
+<p>¶ Les autres .v. si furent
+solon d’athenes qui fu
+faiseur des drois &amp; des
+loys populaires/ Chilon
+lacedemonien/ pithidorus
+corintien/ cleobelus sydien
+Byas periandran/ Et furent
+tous ou temps de la
+chetiveté de babiloine/ Et
+en ce temps ci en bretaigne
+la grant raignoit cordeille
+fille du roy loyr de bretaigne
+&amp; femme d’agampus
+le roy de gaule/ le quel
+agampus a l’instance de
+elle subjugua et conquesta
+bretaigne occuppee par les
+serourges d’elle qui chacié
+en avoient son pere/ si
+en chaça yceulz et le royaume
+au pere restitua au
+quel puis succeda ycelle
+cordeille Comme plus
+a plain il appert par les
+gestes.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c6">Ancore de ce
+mesmes.</h3>
+
+
+<p>Dont entre yceulx
+.vii. sages thales
+tant seulement specula la
+nature des choses/ et ses
+disputacions et les raisons
+qu’il fist il envoya par
+lettres en diverses contrees
+la quelle chose nul des
+autres ne fist pour ce
+fu il entr’eulx appellé
+prince de leur philosophie
+Les raisons qui murent
+Chales a dire ce qu’il disoit
+estoit qu’il veoit le nourrissement
+de toutes choses
+estre moisteur/ et par .iii.
+signes prouvoit son propos
+le premier est ce qui est
+dit c’est assavoir que toutes
+choses vivans par moisteur
+sont nourries/ mais ce
+disoit il comme ce soit une
+semblable chose de quoy
+les choses sont &amp; a quoy elles
+viennent/ Et ainsi humeur
+semble estre le principe des
+essences des choses/ le second
+signe est que comme
+l’essence de toutes choses
+vivans tres grandement
+soit conservee et gardee
+par sa propre et naturelle
+chaleur/ Toutefoiz
+la chaleur semble faite
+et nourrie de humeur
+Car humeur est aussi comme
+nourrissement et
+matiere a chaleur/ il
+appert et s’ensuit que humeur
+soit principe des
+choses.</p>
+
+<p>¶ Le tiers signe
+comme la vie de tous les
+<span class="pagenum">-32-</span> animaulx soit gardee en humeur/
+car par le deffault de
+naturelle humeur chacun
+animal meurt/ et par la
+conservacion d’elle chacun animal
+vit/ par quoy comme vivre
+soit estre aux choses qui
+ont vie comme il fu dit devant
+il appert qu’il s’ensuive que
+humeur soit principe des essences
+des choses/ &amp; ces .ii.
+signes deppendent l’un de l’autre
+Aussi il prent signe par la
+generacion des choses/ Car
+ce dit il comme toutes generacions
+par especial des choses
+qui ont vie/ lesquelles sont
+tres nobles et parfaictes sur
+toutes autres choses soient
+faites de semences/ lesquelles
+semences ont escailles sont
+de nature moiste sicomme
+chacun scet/ il appert ce dist
+il humeur estre princippe
+des generacions des choses
+Cestui Chales estoit induit
+a ceste oppinion par
+l’auctorité des anciens/ car
+comme aucuns poetes theologisans/
+eussent esté ancore
+plus anciens de lui
+Et yceulx eussent tele oppinion
+de nature/ c’est assavoir
+que l’eaue fust principe
+des choses/ yceulx peut
+estre pour l’ancienneté
+d’eulx thales si ensuivi.</p>
+
+<p>¶ Si est cy a savoir que
+comme les premiers en grece
+renommez de sciences
+fussent appellez poetes theologisans/
+ainsi diz poetes
+Car de ce qu’ilz disoient
+ilz formoient dictiez &amp; parloient
+faintement/ theologisans
+aussi qu’ilz parloient
+des dieux et des choses
+divines/ les premiers et
+les plus principaulx renommez
+d’iceulx furent .iii.
+c’est assavoir orpheus et
+son disciple museus/ et
+linius de thebes qui fu
+maistre de hercules/ Et
+ces .iii. furent ou temps
+des juges qui regnoient
+ou peuple de israel environ.
+.v.<sup>c</sup> .xxvii. ans/ avant que
+chales fust/ environ
+.xliii. ans avant que theseus
+le roy d’athenes
+ravist helayne la fille
+au roy de thebes environ .lxxxviii.
+ans ains que troye
+fust destruite/ Et de tous
+yceulx .iii. orpheus fu le
+plus sollempnel/ Et cestui
+fu cellui dont les poetes parlent
+qu’il ala en enfer querir
+erudice sa femme la
+quelle le serpent avoit pointe
+en fuyant par le pré
+quant euristus le frere orpheus
+la vouloit violer la
+quelle fable a bon entendement
+moral peut estre
+entendue Sicomme fulgence
+ou livre des natures
+des dieux tres clerement
+l’expose/ De cestui orpheus
+aussi parle boece ou .iii.<sup>e</sup>
+de sa consolacion a la fin
+et ovide en methamorphoseos
+ou .x.<sup>e</sup>/ Cestui orpheus
+aussi a parler proprement
+sanz nulle ficcion si que
+boece recite en sa musique
+estoit tres bon cithariste
+C’est a dire tant melodieusement
+faisoit sons
+en la harpe/ que par les
+proporcions des acors tant
+a point ordenez il garissoit
+de plusieurs maladies/ et
+les tristes faisoit estre joyeus.</p>
+
+<p>¶ Ces .iii. poetes dis
+par maniere de fictions &amp;
+de paroles transumptives
+parlans des choses de nature
+disoient que occean
+c’est a dire la mer ou l’abeisme
+ou a tres grant
+inundacion d’eaues/ Et thetis
+qu’ilz disoient la deesse
+de humeur sont parens
+de generacion/ Et par ce
+dist il comme par singuliere
+similitude ilz donnoient
+entendre que eaue
+fust le principe de la generacion
+des choses/ Encore
+ceste sentence par
+autre fabuleuse narracion
+ilz couvroient disant
+que le sacrement et le
+serment des dieux estoit
+par l’eaue qu’il appellent
+stix/ La quelle est un fleuve
+d’enfer/ Et par ce
+que ilz disoient les dieux
+faire leurs sacremens &amp;
+leurs sermens de l’eaue
+pour ce que sacrement se
+fait tous jours par ce qui
+<span class="pagenum">-33-</span> est plus digne/ Car le parfaict
+precede l’imparfaict de
+nature et de temps ilz se donnoient
+a entendre que l’eaue fust
+plus honorable et plus digne
+des dieux/ Et dont comme
+il appere qu’ilz cuidassent l’eaue
+premiere et plus ancienne des
+dieux/ lesquieulx dieux peut
+estre ilz entendoient estre les
+corps du ciel ou autres corps
+sensibles/ Car ancore des choses
+sepparees n’avoient cognoissance/
+Il dit que nulle plus
+ancienne oppinion de ceste n’a
+esté es choses de nature/ La
+quelle soit cogneue/ meismement
+ancore ceste oppinion a
+esté nagaires d’aucuns renouvellee/
+non pas qu’ilz deissent
+l’eaue plus noble ne si noble
+que dieu comme yceulx premiers
+firent/ mais sans ficcion
+aucune ilz la disoient
+&amp; affermoient estre premiere
+&amp; aussi la derreniere des choses
+de ce monde/ car meismes
+ilz la mettent premiere que
+le ciel/ Car la premiere espere/
+c’est assavoir une que ilz
+ymaginent comprendre
+La .ix.<sup>e</sup> ilz la mettent estre
+eaue Sicomme plus plainement
+frere rogier bacon
+le recite en son livre du ciel
+ou .xii.<sup>e</sup> chapitre/ Et peut
+estre a ce ilz se mouvoient
+cuidans les vieulx poetes
+accorder avecques eulx/ ou
+peut estre pour les diz des
+philosophes nommans en
+plusieurs lieux les eaues
+sur le ciel/ Toutefoiz tant
+yceulx philosophes que aussi
+les poetes en tant comme
+a bon sens se puissent ramener
+au moins le plus
+des choses en enveloppement
+et soubz ombre parlerent
+non les nouveaulx mais yceulx
+anciens en tant que
+des sciences les portes vous
+ouvrirent vous les devez
+excuser amer et supporter.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c7">Les contre dis d’aristote
+aux autres philosophes.</h3>
+
+
+<p>Aristote qui lonc temps
+fu apres ou quel je
+fus tres vraye et certaine
+par le moyen de son noble
+engin et entendement qui
+moy et mes filles attrey
+les plus soubtilles impugnatables/
+&amp; les autres poetes
+non mie les impugna en
+tant comme poetes/ mais
+en tant que ilz semblent
+philosophes/ et sont hors
+de verité/ aussi recite il
+d’ippones/ le quel sicomme
+maisme il recite sur le livre
+de l’ame/ fu de tres rude
+engin/ car il mettoit l’ame
+des bestes et des hommes
+estre eaue/ Cestui dit il
+suivi du tout thales sanz
+lui riens adjouster/ Et pource
+dit il nulle louange ne nul
+pris n’en doit recevoir.</p>
+
+<p>¶ A
+autres philosophes je dis
+et fis a croire que l’air estoit
+principe de toutes choses si
+comme a dyogenes &amp; anaximenes/
+et disoient que l’air
+estoit premier de l’eaue Et
+principe de toutes choses
+simples/ c’est a savoir des
+elemens/ Si est a savoir
+que .ii. anaximenes furent
+et tous .ii. philosophes
+C’est assavoir l’un du temps
+aristote/ Et de cestui il
+n’entent pas ycy/ mais
+cestui anaximenes dont
+il fait mencion fu disciple
+d’anaxamandra qui disciple
+avoit esté thales devant
+dit/ Et cestui anaximenes
+&amp; anaximendra furent du
+temps que cirus conquist
+le royaume de mede/ et
+transporta aux persens
+ou temps de la destruccion
+du temple de jherusalem/ En
+ce temps cy aussi c’est assavoir
+ou temps d’anaximenes
+regnoit tarquin l’orgueilleux.
+Le .vii.<sup>e</sup> et le
+derrenier roy de romme/
+cellui qui fu chacié
+pour tarqui son filz qui viola
+lucrece/ cellui aussi fu
+disciple d’anaximenes/
+Toute foiz tant de difference
+ont ilz qu’anaximenes
+mettoit l’air simplement
+principe se non en tant que
+composé il fust avec raison
+divine/ Et de ce vint une
+oppinion qui est recitee sur
+le premier de l’ame/ Et
+la raison peut estre fu
+tele qui les mouvoit
+Car ilz veoient que par
+<span class="pagenum">-34-</span> respiracion d’air la vie de
+plusieurs animaulx au
+moins du plus des bestes
+est sauvee/ Et sanz air elle
+est anichilee/ Et aussi car
+ilz veoient par imitacion
+&amp; ensuite de l’air varier les
+generacions et les corrupcions
+des herbes et de plusieurs
+des choses.</p>
+
+<p>¶ .ii. autres philosophes
+c’est assavoir ypassus
+et eraclitus mirent le
+feu estre principe et matere
+des choses et peut estre furent
+meus a ce pour la soubtilleté
+et noblece qu’il a/ Car
+meismes pour ce que ilz le
+veoyent luisant et monter
+contre mont/ ilz cuidoient
+le ciel estre de feu/ Cestui
+eraclitus/ pittagoras/ democritus
+et anaxagoras
+&amp; plusieurs autres furent
+tous en un temps/ C’est
+a savoir ou temps que prophetisoient/
+en judee/ aggenus/
+zacharias/ et malechias/
+ou temps du dit cirus.</p>
+
+<p>¶ Cestui eraclitus sicomme
+il avoit oppinion ou
+feu quant aux principes
+&amp; causemens des choses
+ainsi comme on lit fu
+tout le premier de tous
+les anciens qui par maniere
+d’art trouva deviner
+ou feu/ et celle art que on
+dit piromancie/ Et sicomme
+on lit en aucuns traictiez
+d’elle/ lui lonc temps
+ainçois pronostiqua la
+desolacion de babiloine la
+cité devant qu’elle fust
+avenue.</p>
+
+<p>¶ Ainsi diversement
+mirent yceulx le
+principe de matiere/ C’est
+assavoir d’eaue d’air &amp; de
+feu en y adjoustant le
+quart element/ c’est assavoir
+la terre ilz en disoient
+toutes choses causees/ et
+les disoient estre incorruptibles
+&amp; ingenerables/ sicomme
+faisoient ceulx qui mirent
+un principe/ mais il metoit
+que par l’assemblement
+d’entre eulx selon diversité
+de plus ou de moins
+se causoient les diversitez
+des choses qui se font.</p>
+
+<p>¶ Dont combien que
+anaxagoras fust ainsné
+d’empedecles en temps/ toutefoiz
+fu il plus novice en
+savoir/ Car comme un chacun
+abregier doye a son povoir
+les principes des choses
+par quoy moins en deust
+avoir mis que ne fist empedocles
+le quel en mettoit trop
+sicomme plus plainement
+il appert ou premier de phisiques/
+Cestui ancore pour
+les accroistre les mist infinis/
+c’est assavoir car il
+disoit les elemens et toutes
+choses estre faites d’infinies
+petites parties/ lesquelles
+il mettoit estre les
+drois princippes &amp; mettoit
+les choses estre engendrees
+&amp; corrompues par congregacion
+&amp; disgregacion/ c’est
+a dire par assemblement &amp;
+desassemblement d’icelles
+N’autrement ycelles ne pourissent
+ainçois pardurablement
+demeurent/ Dont
+par les choses ja dictes de
+Aristote conclut que par
+anaxagoras et par les oppinions
+des jadis philosophes
+on ne peut autre chose
+cognoistre fors seulement
+la cause de matiere.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c8">Encore des oppinions.</h3>
+
+
+<p>Pittagoras disoit les
+esperes qui sont
+menez ou ciel estre dix.
+Combien que tant seulement
+.ix. en soient apparans/ c’est
+a savoir .vii. comprises par
+les mouvemens des planettes/
+l’uitieve par le mouvement
+des estoilles/ et la
+.ix.<sup>e</sup> par le mouvement journal
+qui est le premier mouvement/
+mais pittagoras
+adjousta la .x.<sup>e</sup> antixthonan
+c’est a dire menee au contraire
+des mouvemens/ et
+par consequant sonnent
+contrairement/ Car comme
+il mist &amp; aussi le mirent
+plusieurs autres que
+des mouvemens des esperes
+du ciel se facent armonies
+Car comme ilz considerassent
+que naturellement
+noz pensees lesquelles
+ilz metoient de nature
+celeste se resjouissent de
+sons qui sont par mesure
+<span class="pagenum">-35-</span> ordenez/ considerans aussi
+que tous sons sont de
+mouvemens causés/ Car
+sanz mouvement nul son ne
+seroit fait voyans ou ciel esperes
+et cercles de diverses
+grandeurs preporcionnees
+les unes vers les autres ce
+leur sembloit par moult nobles
+mesures et meues aussi
+de mouvemens couvenables
+a elles ymaginans par
+ces choses ou ciel estre grans
+melodies/ lassus ilz affermoient
+estre parfaicte musique/
+et celle de ça bas estre
+dirivee de celle de lassus
+Et aussi selon ceste leur
+ordenance le mouvement
+journel qui va d’orient en
+occident au contraire des
+autres seroit en l’espere .x.<sup>e</sup>
+&amp; la .ix.<sup>e</sup> seroit celle la quelle
+si mouvroit toutes les esperes
+basses au contraire
+du premier mouvement.</p>
+
+<p>¶ Pittagoras et ceulx de
+sa secte par lui instruis
+mettent les principes des
+choses encheans es causes
+dessus dictez/ si mettent
+nombres ainsi que matere
+et princippe des choses et
+les passions des nombres
+ainsi comme les passions
+ou les abis des choses/ si
+que nous entendions par
+passions accidens/ legierement
+passibles et par abis
+accidens permanens/ sicomme
+ilz mettoient que la
+passion d’aucun nombre
+selon la quelle il est dit
+pareillement per estoit
+princippe de justice pour
+l’equalité de sa division
+Car tout nombre qui equalement
+se devise par egales
+moitiez sicomme .viii.
+se devise en .ii. quatre &amp;
+quatre/ en deux deux/ et
+.ii. unitez et plusieurs
+autres par semblable maniere/
+yceulx ilz disoient
+princippes de justice/ Et
+par semblable maniere les
+autres accidens des choses
+ilz assimuloient aux
+accidens des nombres
+&amp; mettoient les principes
+des nombres per et non
+per/ pour ce qu’icelles
+sont leurs premieres differences
+mais le nombre per ilz metoient
+estre le principe d’infinité
+Et le nombre non per
+estre princippe aux choses
+lesquelles sont fenies/ Sicomme
+plus plainement
+il appert declairié sus le
+.iii.<sup>e</sup> de phisiques/ c’est assavoir
+que le nombre per semble
+estre couvenable a division.</p>
+
+<p>¶ Pour ce infinité par
+especial se semble ensuivre
+a la division des choses continuees/
+Et le nombre non
+per si a le per soubz lui/ &amp;
+ancore unité la quelle est
+cause de indivision/ Et
+aussi prenoient ilz que les
+nombres non pers
+adjoustez par ordre l’un
+a l’autre retiennent la figure
+des quarrez nombres
+mais les pers varient leurs
+figures/ Sicomme .iii.
+adjoustez avec un qui est
+le principe des nombres/
+causent ce nombre .iiii.
+le premier de tous nombres
+quarrez/ car .ii. fois .ii.
+sont .iiii. Et de rechief
+cinq qui apres .iiii. est le
+premier nomper adjousté
+avec .iiii. fait .ix. qui est
+second quarré/ car .iii.
+fois .iii. sont .ix. Et ancore
+adjousté .vii. a .ix.
+font .xvi. qui est le tiers
+quarré car .iiii. foiz .iiii.
+sont .xvi. Et apres adjousté
+.ix. a .xvi. font .xxv.
+qui est le quart quarré/
+Et ainsi de tous autres.
+Mais se le nombre de .ii.
+qui est le premier nombre
+per est adjousté a un il
+constitue nombre triangulier/
+c’est assavoir .iii.
+Et se a lui estoit adjousté
+.iiii. qui est le second per
+il constitue .vii. qui n’a
+tele figure/ Et ainsi les
+nombres pers adjoustez
+aux quarrez ne gardent
+point une meismes figure/
+Et pour ceste raison
+leur attribuoient
+infinité/ et aux nompers
+finité/ Et pour ce que
+finité si signifie fourme
+a qui compette l’active
+vertu/ Et infinité en
+<span class="pagenum">-36-</span> depart la matiere a qui compette
+passibilité/ pour ce les
+nombres pers ilz disoient
+femmelles et les masculins
+nompers/ Et de ses .ii. diversitez
+per et nomper feni et
+non feni non pas seulement
+ilz constituoient nombre
+mais aussi unité/ Car unité
+disoient ilz est per et nomper
+en vertu/ pour ce que toutes
+differences de nombres
+en vertu couviennent a unité/
+Car tout se retournent
+en elle &amp; elle en nesune/ Car combien
+que unité de fait ne
+soit pas aucun nombre.
+Toute foiz disoient ilz en
+vertu elle est un chacun
+nombre/ Et pource la mettoient
+ilz constituee de per
+et de nomper/ Et tous nombres
+constituez de elle Et
+mettoient le ciel et toute
+chose sensible estre faictes
+de nombres/ Et ytele estoient
+l’ordre des princippes
+qu’ilz mettoient.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c9">De ce mesmes.</h3>
+
+
+<p>Aucuns
+autres naturiens
+anciens furent qui mirent
+mouvement c’est a savoir
+en tant comme ilz mettoyent
+un principe le quel par reffaccion
+et condempsacion ilz
+disoient mouvable du quel
+aussi engendrees metoient
+les diversitez des choses/
+Et par ceste maniere le
+monde disoient engendré
+selon toutes differences
+des parties de lui/ Toute
+foiz car en lui ne mettoient
+variacion se non selon les
+accidens/ pource concluoient
+ilz que selon substance tout
+le monde fust un/ autres
+plusieurs oppinions furent
+dont la narracion longue
+seroit/ mais en brief yceulz
+anciens philosophes s’entre
+accordent assez en ce que
+ilz dient es choses aucun
+principe de matiere/ sicomme
+thales et dyogenes &amp;
+leurs semblables/ &amp; les aucuns
+si en misdrent plusieurs
+sicomme empidocles/ Et
+aucuns autres aucunes
+choses non corporelles sicomme
+ceulx qui mirent
+dualité/ c’est a savoir platon
+qui mist &amp; grant et petit/
+lesquieulx ilz dient non
+estre corps/ les ytaliens aussi
+c’est a savoir pitagoras
+ont remis infeni/ le quel
+de rechief pas ne mettoient
+corps/ Empedocles aussi les
+.iiii. elemens qui sont corps
+pour principes mettoient
+aussi anaxagoras mettoit
+infinité de semblables parties/
+c’est assavoir infenies
+pars semblables estans
+indivisibles pour principe
+des choses/ Et tous ceulx
+ci ont touché tele cause/
+c’est assavoir la cause de
+materre/ Et ceulx aussi
+qui ont dit l’air ou l’eaue
+ou le feu pour principes
+ou autre moyen entre yceulz
+elemens sicomme plus espeus
+de feu ou plus tenues
+d’air/ Tous yceulx ont mis
+ycellui corps estre premier
+principe et element des choses/
+Et ainsi appert il que
+tous ceulx devant diz quant
+aux choses ja dictes ont
+mise seulement cause materielle
+autres plusieurs yceulx anciens
+ensuivirent que je
+delaisse pour briefté/ Toutefoiz
+est a notter que tant
+avons eu d’eulx que par
+leurs diz ne causes ne principes
+oultre yceulx canons
+mis en phisiques/ nul de eulx
+n’a diffini/ bien qu’encore
+obscurement trestous/ toutefoiz
+les aucuns y semblent
+approcher/ C’est a savoir yceulz
+qui materre estre principe
+dirent/ fust une ou plusieurs
+ou corporee ou non/ aussi
+platon qui mist grant et
+petit &amp; les ytaliens qui mirent
+infini/ Et empedocles/ l’eaue
+le feu l’air et la terre/ Et
+anaxagoras l’infinité de
+semblables parties/ Car
+tous ceulx ci toucherent
+celle cause/ voire et aussi
+tous ceulx qui ont touché
+d’air et d’eaue ou de plus
+espés de feu ou de plus
+soubtil d’air/ lesquieulx
+ilz assignoient estre element
+premier/ yceulx
+tous seulement ont touché
+de materre.</p>
+
+<p>¶ Mais
+<span class="pagenum">-37-</span> les autres du principe de mouvement
+toucherent/ c’est a
+savoir tous ceulx qui amistié
+ou haine ou entendement
+mirent estre principes.</p>
+
+<p>¶ Toutefoiz qui soit l’estre
+ou substance es choses plainement
+nul ne dist/ Toutefoiz
+cuidoient ycelles estre
+causees d’immobilité et de reposement/
+Et pour ce de ce
+qui est la substance aux
+choses ilz mirent especes
+estre causes/ et un la cause
+des especes.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c10">Encore de ce.</h3>
+
+
+<p>Comme ces choses soient
+obscures a sentir aux
+gens lais et rudes a dire en
+lengage vulgar et meismes
+a ton entendement pour la
+grosseur de lui estranges
+passeray oultre des oppinions
+des anciens philosophes
+lesquieulx en assez de manieres
+fis errer sus les princippes
+des choses.</p>
+
+<p>¶ Mais de
+ces choses fu je clere a mon
+tres amé filz aristote le prince
+de philosophie le quel
+reprima yceulx anciens
+par vives raisons sicomme
+cy en brief te toucheray sanz
+du tout definir/ car longue
+en seroit la narracion non
+delitable a ceulx qui ne la
+sentent/ Aristote donques
+reprime les oppinions d’icelz
+anciens philosophes es principes
+des choses/ Et pour ce
+faire il se devise en .ii. parties
+premierement/ il <ins title="imprene">impreve</ins>
+les singulieres oppinions/
+et d’enciennement
+il requeult les choses qui
+sont dictes et les continue
+a celles qui ensuivent/ la
+premiere par ce divise en
+.ii. autres/ premierement
+il impreuve les oppinions
+de ceulx qui naturellement
+ont parlé .ii.<sup>ement</sup> des pittagorians
+&amp; des autres/ encore
+en la premiere part il
+fait .ii. choses/ premierement
+il impreuve les oppinions
+de ceulx qui mirent une
+cause materielle &amp; .ii.<sup>ement</sup> de
+ceulx qui en mirent plusieurs/
+ancore au premier
+il fait .ii. choses premierement
+il impreuve les oppinions
+ja dictes en general &amp; .ii.<sup>ement</sup>
+en especial/ Il les impreuve
+en general par .iii. raisons
+dont la premiere est telle
+Car comme les choses non
+seulement aucunes soient
+corps/ mais aussi qu’aucunes
+soient non corps comme
+il est apparu en son livre
+de l’ame que yceulx anciens
+n’ayent mis fors seulement
+principes corporeulx/ La
+quelle chose appert/ Car
+ilz mettoient un/ c’est assavoir
+le monde estre une
+seule substance et une seule
+nature/ Sicomme la matere
+la quelle corporee ilz metoient
+recevant mesure
+c’est a dire division/ Et
+toute foiz corps ne puisse
+estre cause de chose incorporee/
+il appert que en ce
+ilz ont failli qu’insouffisamment
+ilz ont assignez les
+principes des choses/ Et
+non pas seulement en ce
+ilz ont failli/ mais en autres
+choses plusieurs comme
+plus a plain apres il declare.
+La .ii.<sup>e</sup> raison est tele/ que
+quiconques a neccessairement
+a determiner de mouvement/
+Il fault que il mette
+aucune cause de mouvement
+dont comme les diz philosophes
+ayent neccessairement
+a traictier de mouvement
+La quelle chose si appert doublement
+c’est assavoir/ car
+ilz s’efforçoient a deviser
+la cause de generacion et
+de corrupcion/ les quelles
+ne sont sanz mouvement
+Tant aussi Car de toutes
+choses naturellement ilz
+vouloient traicter/ Et toutefoiz
+toute naturelle consideracion
+enquiert de mouvement
+pour ce que nature
+est principe de mouvement
+et de repos comme il appert
+ou .ii.<sup>e</sup> de phisiques/ il
+s’ensuit que ilz devroient
+traictier de la cause qui
+est le principe de mouvement/
+Et ainsi comme
+ilz ostassent ou oubliassent
+ycelle appert que ilz failloient
+La .iii.<sup>e</sup> raison Car comme
+une chacune chose naturelle
+<span class="pagenum">-38-</span> ait substance et essence/
+C’est a dire fourme/ Car
+fourme est princippe de l’estre
+et ce que c’est/ Donques comme
+ce par qui toute chose a son
+estre soit le principe d’elle &amp;
+de sa cognoiscence/ Comme
+les philosophes dis/ ne meissent
+l’estre des choses cause
+et laissassent la fourme
+il appert que ilz failloient
+ycy repreuve il leur oppinion
+plus en especial/ &amp; se fait
+doublement/ premierement
+quant a ceulx qui le feu estre
+mettoient principe/ l’une/
+bien que le feu fust souffisant
+.ii.<sup>ement</sup> quant a ce que ilz
+laissoient la terre comme
+aucunement elle appere premiere.
+premierement il resume
+la posicion d’eulx/ Car comme
+ilz missent chacun des simples
+corps transmuer l’un en
+l’autre si que les uns sont
+engendrez des autres selon
+constricion ou inspissacion
+c’est assavoir selon tenueté
+ou engrossissement/ sicomme
+les groz des soubtilz/ Et
+pour ce ilz missent l’un de
+ces .iii. estre premier principe
+Car les autres sont engendrez
+de lui/ ou par congregacion
+ou disgregacion/ lesquelles
+guises toute foiz se different
+quant a priorité ou posteriorité
+c’est assavoir car selon
+une maniere ce semble premier
+estre de quoy autre
+est engendré/ par soubtiliacion/
+et ceste guise il met
+.ii.<sup>ement</sup> Mais dit il que ce soit
+premier de qui autre est
+engendré par condempsacion
+ou inspissacion/ il
+appert dit il par ceulx qui
+mettoient principes les
+corps plus simples/ c’est a
+savoir les corps ayans tres
+menues parties/ desquieulx
+par condempsacion ilz disoient
+les choses estre faictes/
+sicomme aucuns qui
+mettoient le feu pource que
+il est tres soubtil/ aussi
+un chacun des autres eslemens
+eut un philosophe
+qui le jugia premier/ mais
+pour quoy dist il ne mirent
+la terre estre principe/ Il
+ne peut estre dit que ce
+eust esté contre l’oppinion
+commune/ Car oppinion
+divulguee fu la terre substance
+de toutes choses estre/ Et
+mesmement exeodus qui fu
+l’un des poetes theologisans
+l’affermoit disant la terre
+estre premiere faite par quoy
+comme il appere que la terre
+estre principe fu l’oppinion
+des theologisans poetes
+qui precederent les naturiens
+philosophes/ seulement
+les naturiens escheverent
+a la mettre principe pour
+la groissesse de ses parties
+Et pour ce comme ilz veissent
+que l’air eust plus grosses
+parties que le feu et
+l’eaue que l’air/ et ilz ne veissent
+rien si soubtil que
+feu/ Il s’ensuit dit il que
+en ensuivant ce principe
+de condempsacion nulz ne
+dirent si bien que ceulx qui
+mirent feu principe/ Car
+comme pour cause de soubtilleté
+aucune chose puit
+estre appellé premiere/ il
+est neccessité que celle
+soit principe qui est tres
+soubtille sur toutes/ Toute
+foiz s’il estoit vray qu’ilz
+dient s’ensuivroit il grant
+inconvenient/ C’est assavoir
+s’il n’estoit riens que
+feu il s’ensuivroit s’aucun
+disoit que air fust plus groz
+que feu/ ou plus soubtil que
+eaue que ilz mesprendroient.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c11">Ancore des oppinions des
+philosophes.</h3>
+
+
+<p>Mais certes ycy met il
+l’autre raison par
+la quelle au rebours il appert
+que la terre soit tres
+proprement principe/ car
+comme ce soit chose evident
+que ce qui est derrenier en
+generacion est premier en
+nature/ pource que nature
+a la fin de generacion
+tent a ce qui est premier
+en son entencion/ mais
+tant que une chose est plus
+deprise plus espesse et aussi
+plus composte/ Tant est
+elle plus derreniere en generacion/
+pour ce que en
+voye de generacion on precede
+de plus simples choses
+aux composees sicomme
+<span class="pagenum">-39-</span> des elemens on va aux miscions/
+et les mixtions aux
+humeurs et des humeurs
+aux membres/ tant que finablement
+on vient a homme
+qui est le plus compost
+Semblablement doncques
+comme ce qui est le plus espeus
+appert estre en generacion
+derrenier/ et par consequant
+principe de nature/ il appert
+que ceste conclusion soit contraire
+a celle de devant/ Car
+ainsi la terre qui est plus espesse
+et plus disperse sera
+premiere d’eaue et l’eaue que
+l’air/ et l’air que le feu/ Si
+est pour ce a savoir que il
+y a difference entre querir
+ce qui est premier &amp; a parler
+simplement/ Car s’on enquiert
+de premier simplement
+n’est pas doubte que
+premier est parfaict/ de
+imparfaict et faict que
+n’est poissance/ Car nulle
+chose n’est ramenee d’imparfaict
+a parfaict/ ou de poissance
+en fait/ se non par
+aucun ens parfaict/ c’est a
+dire par aucune chose
+estant de fait parfaicte
+Et c’est cy a savoir que je
+appelle poissance en tant
+que je la distingue contre
+fait/ La poissance de quelconques
+effait le quel n’est
+c’est a dire de quelconque
+chose produisible et menable
+en aucune nature soit
+bonne ou mauvaise/ ycelle
+nature non estre ore/
+mais povoir estre/ Et pource
+la nomme l’en poissance
+de povoir estre ou non/
+mais quant elle est/ elle
+est nommee fait a difference
+de povoir estre/ Et parce
+il appert que fait est le
+plus noble/ Dont pource
+se nous parlons de la perfeccion
+de dieu/ dieu si
+est tres parfaict/ et donques
+tres premier/ Car en
+son essence nulle possibilité
+ne fu ainçois que fait/
+mais ces particulieres choses
+qui precedent en leur estre
+de poissance en effait/ la
+poissance en ycelles quant
+temps si precede le fait
+et ainsi l’imparfaict le parfait
+combien toutefois que a
+nature le fait soit le premier
+c’est asavoir quant en son
+entencion et maniere d’elles
+savoir produire/ Tout ainsi
+que il appert d’un messagier
+qui va en aucun lieu
+Combien que le lieu ou il
+va quant au labour et a
+son entencion il atteigne
+de y venir/ Toutefoiz estoit
+il le premier quant a son
+entencion/ car autrement
+ne se fust il pas meu/ Et
+sicomme au lieu quant il
+ataint on pourroit dire
+qu’il y estoit deffaict. aussi
+ainçois qu’il atteignist
+s’entencion povoit estre appellé
+poissance/ Et ainsi
+il appert que fait se non
+en temps/ toute foiz quant
+a nature ou a entencion
+est premier que poissance/
+il est du tout manifeste
+que ainsi le premier principe
+de toutes choses il fault
+estre tres simple pour ce
+que toutes choses sont
+composees des simples &amp;
+non <span lang="la" xml:lang="la">e converso</span> donques
+il estoit neccessaire aux
+anciens naturiens que l’un
+et l’autre ilz attribuassent
+au principe premier/ c’est
+a savoir au principe du
+monde qu’ilz attribuassent
+avec souveraine simplicité
+souveraine perfeccion
+Mais comme ces .ii. ne
+puissent estre atribuez
+a aucun principe corporel
+Car es generacions &amp; es
+corrupcions les tres simples
+choses sont les plus
+imparfaictes pour ce leur
+sembloit estoient ilz contraires
+mettre division
+es principes.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c12">Cesse a parler des oppinions.</h3>
+
+
+<p>Plus te diroie assez
+quelle je fus es
+anciens philosophes en divers
+cas/ et mesmement
+en cestui dessus dit plus
+largement/ &amp; aussi des solucions
+du vray distingueur
+et sage determineur Aristote
+Et qui plus de ce vouldra
+savoir quiere le philosophe
+en sa methaphisique
+<span class="pagenum">-40-</span> Mais comme la matiere soit
+obscure de ce/ a tant souffise/
+Et ainsi comme en une
+riche mercerie ou tresor/ sont
+avec perles diverses pierres
+precieuses de plusieurs vertus
+couleurs et pris/ les quelles
+au goust et plaisances de
+divers barguigneurs sont
+requises/ Soient ycestes choses
+ou tresor de ton volume
+reservees aux hommes scienceux
+de soubtil entendement/
+Et passent oultre
+les moins expers aux choses
+plus legieres et communes
+Et tres ore soit changié l’ordre
+de nostre rethorique en
+plus vulgare et elegant
+parleure en retournant
+a nostre premiere arrenge
+te soient assés souffisantes
+les preuves des choses devant
+dictes/ me tenant quitte
+de promesse a toy par
+moy faite/ C’est a savoir
+de te clairer les termes de
+ma poissance manifestes
+mesmement es hommes
+plus sages &amp; de plus soubtilz
+engins.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c13">De l’ombre la poissance
+que elle a.</h3>
+
+
+<p>Or t’ay je assez prouvé
+par ce que devant
+est dit comment je
+suis cause premiere des oeuvres
+humaines &amp; que se
+precedent ne fusse aucune
+oeuvre n’aroit effect es humains/
+pource te vueil
+reprendre en aucune partie
+de tes dis/ en ton livre
+intitulé de la mutacion
+de fortune le quel compilas
+par grant labour &amp;
+estude/ Car combien que
+par moy t’en venist l’invencion
+trop faillis sauve
+ta grace/ Lors que tu
+tant octorisas la poissance
+de dame fortune que tu
+la dis estre toute ordenaresse
+des fais qui cueurent
+entre les hommes/ Et
+ma poissance souveraine
+sur toutes influences refleccibles
+es oeuvres communes
+qui precelle toutes
+autres/ tu oublias/ Si
+ne te soit honte offrir
+l’amende a moy suppellative
+de toy en ceste partie injuriee
+te rendant repentie coulpable
+comme mal avertie me
+recongnoissant suppellative
+sur toutes poissances
+relatives ça bas de dieu
+ordenees/ Et que ceste chose
+te soit magnifeste vueil
+que me desnoues cest argument/
+Je te demande
+le quel est plus noble ou
+l’acteur qui est principe de
+la chose premierement mise
+en fourme/ ou l’euvre
+qui despent et vient de la
+poissance de l’acteur premier
+princippe/ Et moy a elle/
+certes dame je tiens que
+comme dieu soit principe
+de toutes choses/ Et aussi
+comme dit aristote
+l’entendement est le souverain
+des biens/ Car a lui
+tous les autres obeissent
+le premier principe des
+choses je confesse le plus
+parfaict en accion de oeuvre
+comme ci devant est assez
+prouvé/ Et elle a moy/
+bien respondis/ or t’ay vaincue
+par ton meismes jugement/
+Car non obstant
+qu’entendement soit devant
+moy quant en concept
+Toute foiz suis je premiere
+cause de toutes choses bonnes
+ou mauvaises faictes
+ou pourchacees par pensees
+ou oeuvres humaines/ Et
+donques comme devant
+est dit s’il est ainsi/ ce que si/
+que principe soie des speculacions
+et toutes choses
+<ins title="ouvralles">ouvrables</ins>/ comme il appert
+Je conclus vraye ma preposicion
+que je precelle les choses
+ouvrees/ Et que fortune
+a qui tant de poissance atribuez/
+n’est fors ma chamberiere
+mercenere comme
+conduisarresse des oeuvres
+ja par moy disposees a
+mettre a effaict.</p>
+
+<p>¶ Mais
+affin que il ne semble
+que par mouvement de
+envie lui vueille soubtraire
+la fame de son auctorité/
+te cognois estre
+vray qu’en disposicion de
+oeuvre/ fortune a poissance
+de conduire les fais
+particuliers bien ou mal
+<span class="pagenum">-41-</span> selon le soufflement de son
+influence/ mais te souviegne
+que differens sont noz
+mouvemens/ car de rechief
+te dis que je euvre en esperit
+et fortune ne peut ouvrer fors
+es choses ja par moy deliberees
+aptes a recevoir ses influences
+es choses dehors et foraines
+mais es repostailles de la
+pensee es quelles je sui muciee
+n’a nulle poissance/ doncques
+tu peus cognoistre que
+elle est serville et villaine
+vers mon auctorité comme
+elle soit au monde sicomme
+superflue comme le las de
+l’adversaire/ Et je soie celle
+sans qui nulle chose n’est
+faite et sans qui nul fruit
+d’oeuvre ne pourroit l’omme
+conduire a perpetuelle gloire.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c14">Encore dit de sa
+poissance.</h3>
+
+
+<p>Que te diroie de mes
+poissances n’en doubtes
+point que elles passent
+&amp; precedent toutes les choses
+mondaines Et t’acertaine
+que par moy singulierement
+depuis le commencement
+du monde a esté est
+et sera gouverné tout l’univers
+et fondé sur moy
+es choses ouvrees par les
+hommes/ Et non obstant
+que grans sciences lois escriptes/
+rigles de princes
+coustumes de terres soient
+en commun usage/ si te
+di je que precede toutes leurs
+poissances/ et plus puis que
+toutes ensemble/ et qu’il
+soit voir il appert par ce que
+non obstant ycestes coustumes
+ou establissemens souventes
+foiz/ fais errer meismes
+ceulx qui y sont les
+plus savans et les plus expers
+et entrer en tieulx argumens
+dont les conclusions
+sont faulces et dampnables
+sicomme ja est
+prouvé par ce qui est dit
+des anciens philosophes.</p>
+
+<p>¶ Et pource que tu attribues
+en ton dit livre de la
+mutacion de fortune/ elle
+estre menarresse des antregiez
+des seignouries/ je
+te dis que de tous yces mouvemens
+suis le premier
+motif/ ne fu je celle qui
+tres le .ii.<sup>e</sup> aage fis a nambroth
+le jayant par presompcion
+ediffier la fort cité et tour
+de babiloine qui onques n’ot
+pareille comme ci apres sera
+dit/ si le fis errer tant qu’il
+dechut de l’atainte de sa
+pensee/ apres ce temps comme
+je fusse fort fichee ou cuer
+du roy de ninive par moy
+mettre a effaict/ ne vint il
+a chief de prendre la dicte
+fort cité de babiloine/ la quelle
+sa femme semiramis par
+moy et mon industrie moyennant
+son chevalereux courage
+fist ancores enforcir
+et brayer de bons fossez et
+bastides.</p>
+
+<p>¶ Item apres
+ce lonc temps ne donnay
+je cuer a cirus de guerroyer
+astiagies son ayol
+qui a occire l’avoit commandé
+si me poursuivi tant que
+il avint a son entente de ce
+et de tout oryant qu’il conquesta/
+et pour ce que la
+matiere en est belle ancore
+diray de sa conqueste/ Comme
+je donnasse cuer et hardement
+a Cirus de emprendre
+fortes choses ce meismes
+recite abacut en sa prophecie
+Il prist la dicte cité de babiloine
+la quelle prise fust tant
+merveillable que ainsi comme
+dit Orose &amp; saint augustin
+a peine pout il lors estre creu
+que par vertu humaine
+fust conquestee ne qu’en
+ceste mortelle vie ediffiee
+et puis prise peut estre.
+Car si qu’il dit elle estoit
+en bel espace assise de toutes
+pars tres fort en sa disposicion
+façonnee en quarrure/
+la haultece de ses
+murs estoit .l. coubdes/ et
+l’espesseur autant par .iiii.
+fois/ tous les murs estoient
+de pierre cuite enlaciez par
+cyment/ et avoit cent
+portes d’arain/ et environnoit
+.CCCC.lxxx. estades
+qui valent .li. milles
+C’est assavoir .xxv. lieues
+et demie françoises/ Car
+sicomme raconte orose
+Comme Cirus eust conquis
+auques tout orient
+&amp; voulsist subjuguer
+<span class="pagenum">-42-</span> babiloine la quelle lui restoit
+Comme a un des assaulx que
+il fist il perdist ou fleuve de
+euffrates qui cignoit la cité
+de ses chevaliers/ cellui que
+il amoit le plus/ le quel aussi
+surmontoit tous les autres
+en valeur et proece/ Il jura
+que cellui fleuve le quel avoit
+noyé si vaillant chevalier
+deviseroit en tant de parties
+que nulle part de lui ne seroit
+si grant que a une petite femme
+venist aux genoulx/ et
+ainsi fu car en .CCCC. &amp; .lx.
+ruisseaulx par force d’ommes
+en l’espace des champs il devisa
+le fleuve/ si que le
+tres noble fleuve qui passoit
+par dedens la cité osté et
+subtrait de elle/ fu subjuguee/
+et prise.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c15">Encore de ce mesmes &amp;
+des seignouries.</h3>
+
+
+<p>Pour briefté je laisse
+infinies autres choses
+lesquelles ay faites faire
+pendant ce temps &amp; meismes
+celles que tu imputes a fortune/
+ne vindrent de moy/
+Les premieres invencions
+des fais que ains leur achevement
+vy en pensees/ non
+obstant que souvent les veoye
+autrement qu’ilz n’avenoient
+de tous les fais des conquereurs
+passez.</p>
+
+<p>¶ Ne fis
+je apres autres aventures
+passees/ a croire au roy xerses
+qu’il conquerroit toute
+grece en lui ramentevant
+sa grant poissance/ Dont
+pour ce faire assembla tant
+de gent que mons et vaulx
+en estoient couvers/ Si avoye
+couleur de jugier pour
+lui la victoire/ mais comme
+fortune me soit souvent
+contraire/ par especial
+en fais de guerres et es choses
+avenir/ je confesse que
+elle voluntairement donna
+la victoire aux grieux tresbuchant
+cellui poissant
+es las de maleurté sicomme
+toy meismes as autres foiz
+apres autres aucteurs recordé
+en tes volumes Toute
+foiz non obstant que
+a lui fusse mençongiere
+et decevable fis je la
+premiere naiscence de celle
+emprise.</p>
+
+<p>¶ Apres ce
+temps par moy et par mon
+amonnestement furent commenciees
+et continuees les
+grans guerres troyennes/
+Ne fis je a croire a leomedon
+roy de la premiere troye que
+les gregois dessendus a son
+port/ quant aloient pour
+querir la toison d’or estoient
+venus pour espier sa terre
+et lui pourchacier dommage/
+et par moy sans cause
+envoya congeer de sa terre
+jason hercules et les autres
+barons villainement/ pour
+le quel despit je me mis
+ferme ou cuer des dis barons
+et leur promis que bien s’en
+vengeroient comme ilz
+si firent apres/ car je fus
+simple et nice ou dit roy
+leomedon qui follement
+me crut et mal se gaita
+de yceulx gregois en qui
+je fus sage et vraye/ si que
+sagement menerent leur
+fait par l’ayde et disposicion
+de fortune conduisaresse
+de leur bon eur/ si que toute
+destruirent et ardirent
+la cité/ le roy occirent et toute
+la gent.</p>
+
+<p>¶ Apres ne fis
+je a priant filz leomedon
+rediffier la seconde troye
+qui tant fu belle fort
+et poissant que merveilles
+estoit a comprendre/
+par moy apres entreprist
+la vengence sur les grieux
+Si fis aler paaris en grece
+et ravir helayne et tout
+faire ce qui en fu fait/ Et par
+mes amonnestemens avec
+l’ayde ou nuisance de fortune
+perdoient troyens et gaignoient
+Je fus cause de la mort
+hector/ car je lui faisoie a
+croire que il n’avoit garde
+d’achiles qui sans cesser le
+gaittoit/ si que au derrain
+l’occist/ Semblablement
+depuis deceu je achilles
+tant que il cheut es las de
+la royne Ecuba qui a bonne
+cause le hayoit/ tout
+pour moy et par mon pourchas
+fu au derrain troye
+prise et destruite/ De la quelle
+fis apres partir plusieurs
+barons du sanc real a tout
+grant foison de gent qui
+<span class="pagenum">-43-</span> par mer s’espandirent en diverses
+contrees dont eneas et sa
+compagnie arriva en ytale
+si lui fis couvoiter la fille
+du roy latin/ et pour celle
+cause emprendre guerre a
+turnus qui lui chalengioit
+Dont d’icellui eneas venu
+a son entente deffendirent
+puis les fondeurs de romme.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c16">Dit ancore l’ombre des
+choses que elle a faites faire.</h3>
+
+
+<p>Depuis ensuivant
+n’ay je esté celle qui
+les successeurs de yceulx
+ay amonnestez d’emprendre
+les grandes et merveilleuses
+choses/ lesquelles par
+l’ayde de fortune a eulx propice/
+tant esploitierent et
+par leur travail ayde et
+sens en lonc espace de temps
+que ilz conquesterent le monde
+Sicomme les histoires de
+leurs gestes/ et toy meismes
+apres autres en ton dit livre
+de mutacion de fortune
+le recordes/ le recitent/ si
+n’est besoing de plus en faire
+longue narracion.</p>
+
+<p>¶ Aussi ne fus je celle qui
+au grant Alixandre tres
+sa jonesce donnay l’invension
+d’emprendre les fortes et
+fieres batailles en lui promettant
+fortune en son ayde
+qu’il seigneuriroit sicomme
+il vint puis a chief de tout
+le monde/ Semblablement
+devant et apres ensuivant
+de toutes conquestes et
+seigneuries/ et toutes estranges
+choses mettre a effaict
+des choses a l’aventure par propos deliberé/
+ay esté moyen et
+principe/ ce ne me peus tu
+nyer/ se tu ancores par
+grosseur d’entendement
+ne m’ignores/ qu’en dis tu
+me suis je assez magnifestee/
+me cognois tu/ et moy
+a elle/ dame dites ancore.
+A quoy veulx tu que plus
+je dye. Ne vois tu l’experience
+de moy manifeste
+meismes chacun jour ou
+pays ou tu demeures par
+les debas que je fais par
+mi la ville et en toutes
+places/ Regardes et avises
+quieulx descors/ mais
+meismement entre les
+princes qui sont d’un sanc
+et amis naturellement
+par les diversitez de moy
+qui suis contraire en eulx
+le fois devenir comme
+ennemis maintefoiz et en chacun suis si
+afferme contrairement en
+ce qui lui semble bon que
+l’en ne me peut desmouvoir
+Car chacun dit que il a droit
+et ainsi le veult soustenir
+et a discuter leurs raisons
+ne vois tu les assemblees
+qui en sont faites de plusieurs
+que on dit sages et a chacun
+pour soy de ses aderés
+qui different les uns des
+autres/ Lesquelles choses
+sont causes de grant inconvenient/
+car en pays royaume/
+empire ou cité ou
+je soie ou aye esté communement
+de plusieurs guises
+contraires &amp; mal accordables/
+ne fu que rebellion
+et grant debat commocion
+et bataille ne fust/ ne
+autrement ne peut estre
+Car certes la ou je ne suis
+d’un commun accord/ n’ara
+ja paix/ mais du tort
+ou droit d’entre lesdiz princes
+supperieurs je me tais/
+Car de ce determiner n’est
+mie mon office qui tous
+jours suis en doubte et non
+certaine/ mais de ce demander
+couvendroit a la tres clere
+resplandissant poissant
+deesse que tu veis enclose
+en chartre et emprisonnee
+&amp; de qui fraude s’estudie
+a estoupper et clorre les voyes
+de sa lumiere sicomme
+a toy meismes fu apparant
+et de qui les menistres quoy
+que leur desplaise n’osent
+soubz peine d’estre batus
+tinter ne lever l’ueil/ mais
+de leurs descors fois je sourdre
+par toutes places
+nouveaulx debas entre
+leurs ministres et aderez
+et par toute la ville en
+deviser negativement
+l’un contre l’autre/ et meismes
+a de ceulx qui ne les
+cognoiscent en estranges
+terres en qui je me fiche
+diversement/ Si les fais
+entre batre souventes
+foiz/ et questionner mesmes
+<span class="pagenum">-44-</span> de chose qui riens ne leur touche/
+Disant l’un contre l’autre
+Tel seigneur a droit pour tel
+cause et pour tele/ L’autre
+replique que non/ et ainsi
+par non a/ si a/ si fu/ non
+fu/ je fais gent entre occire
+souventes foix meismes
+es tavernes souvent avient
+adont suis je forte quant
+il y a vin &amp; plus je y abonde
+&amp; fais mesler gens de la chappe
+a l’evesque/ ou des guerres
+de anthioche le quel a ou droit
+ou tort et ou le quel est plus
+sage/ ou le quel ne l’est
+mie/ Et ainsi je demonstre
+es humains leur ignorence
+de eulz debatre de ce de quoy
+riens ne scevent et ne leur
+appartient/ O quel folie
+en homme de qui le sens
+doit gouverner raison/ se
+fonder sans elle sur moy
+&amp; jugier par moy certainement
+de chose non certaine
+et que ilz ignorent
+Que t’en diroie je fois vivre
+les gens par moy/ c’est a
+entendre disposer leurs
+fais selon ce que je leur
+conseille/ Et quant ilz pevent
+avenir a l’ordre de vivre
+que je leur fois desirer/ adont
+sont ilz contens de la chose
+que ilz vouloient/ mais je
+suis different en eulx/ Car
+je fais penser et cuider a
+l’un que bon lui soit/ une
+maniere de vivre/ et certaines
+choses que il appete lui
+sont bonnes/ que a un autre
+ycelles meismes ne plairoient
+point/ mais lui plairoient
+toutes contraires/ Et cestes
+differences viennent selon
+les condicions et aages des
+gens sicomme je suis autre
+es jones que je ne suis es
+vieulx/ et meismes es .ii.
+aages entre eulx suis je
+different/ Et pour ce que
+ainsi je differe suis je cause
+des debas du monde/ et
+chacun me cuide avoir en soy
+meilleur/ je fais sembler
+a un homme que avoir des
+flourins il n’est plus de joye
+Je fais sembler a un autre
+que avoir belles dames il
+n’est plus de bien/ aux uns
+juger que science est souveraine
+chose/ aux autres que chevalerie
+est meilleur et plus noble
+&amp; ainsi des autres choses/ Et
+pour ce ne fu onq si parfaict
+pas jhesuscrist comme homme
+qui peut bien vivre ne estre
+agreable a l’oppinion de tous
+Toute foiz te dis je bien que
+vivre vertueusement &amp; bien
+faire si emporte le plus des
+voix des gens.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c17">Ce que l’ombre disoit
+des arquemistes.</h3>
+
+
+<p>Comment cuides tu que
+je soie comme j’ay dit
+fort atachee es speculatis clercs
+&amp; entre les autres es arquemistes
+qui la science cuident trouver
+par les termes entendre de
+aucuns livres obscurs
+de faire l’or/ merveilles
+est car s’il est voir que aucuns
+philosophes par investiguer
+les secrés de nature telle art
+trouvassent/ la quelle chose
+fort semble a croire/ toutevoie
+tant sont couvers estrangement
+les <ins title="tertes">textes</ins> de leurs
+aucteurs que bonnement
+le sens humain ne les scet
+ne mais a l’aventure concevoir/
+ne sentir fors telement
+quellement/ mais voy ci qui
+deçoit les ouvrans en ycelle
+art que ilz dient et touchent
+que comme il n’apartiengne
+que aux ignorans ruraulx
+soit descouvert si noble secret/
+pour le bien des soubtilz
+l’ont voulu si mucier
+que des rustiques ne leur
+soit tolu ne fortraict/ Et ycy
+est la decevance/ Car chacun
+qui s’i fiche cuide estre du
+nombre des plus soubtilz
+&amp; abuse en son entendement
+en estudiant yceulx livres
+lesquieulx baillent le sens
+de leurs termes/ a si doubles
+ententes que le plus cler
+voyant n’i voit nulle goute
+mais adont je me fiche en
+eulx et leur fais a croire que
+l’asemblement des metaulx
+<ins title="sulimez">sublimez</ins> diversement comment
+et de quoy doivent estre
+mistionnez de diverses matieres
+et nourris en feu
+attaindront l’art de nature
+et par espace de temps sera
+converty en or ou argent
+et toute voye l’un entant la
+<span class="pagenum">-45-</span> maniere du composer en une
+guise l’autre en un autre/ et
+le tiennent secret les ouvreurs
+sans conferir ensemble de paour
+que ce que ilz en croyent
+et la maniere de leur ouvrer
+peust aviser un autre de trouver
+la voye d’i attaindre ne
+jamais nul ou pou n’euvre
+de la guise de l’autre/ et ainsi
+gastent le temps et perdent
+et font grant mise follement
+par vaine esperance qui par
+aventure en leur erreur les
+reconforte pour un pou de
+apparance ou conjecture de
+aucune congelacion estrange
+faite par diverses mistions
+&amp; feu quelque matiere dure
+remettre ou pouldre en
+eaue ou autrement cuident
+par ce avenir au degré ou
+ilz tendent lesquelles choses
+sont toutes frivolles/ et
+tournent a folies et a chetivoison
+et toute jour et
+nuit font feu contemplant
+un fournel/ mau peus &amp;
+mau vestus se paissent de
+vent/ &amp; la font chasteaulx
+en espaigne pensant comment
+il seront aise quant l’or
+saront faire/ et quieulx despens
+ilz menront/ Et que
+cuides tu que de tieulx arquemistes
+sourdent aucune
+fois de grans trompeurs
+qui cabusent les seigneurs
+&amp; leur font a croire que se
+ilz eussent quelque mise
+n’est mie doubte que ilz ont
+ja ataint un grant secret
+si en tireront grant prouffit/
+et ainsi par quelque
+apparance de verité soubtille
+en ycelle art monstrent
+signe de aucune chose voir
+semblable/ et au derrain
+tout tourne a neant comme
+tu as veu meismes en ton
+aage avenir de plusieurs
+de quoy il estoit grant renom/
+et maintes gens foy
+y adjoustoient Sicomme
+d’un en alemaigne que
+on nommoit maistre
+bernard qui tant se
+faisoit renommer par
+l’estat que il tenoit/ et
+meismes a ton pere envoya
+il lettres/ et tant
+fist que trop de gens foy
+y adjoustoient/ et aloient
+de toutes pars clercs devers
+lui/ et toutevoye au derrain
+fu trouvé que tout estoit
+neant et tromperie/ et de
+autres plusieurs que tu
+as veus que au derrain on
+faisoit mourir par leurs
+dessertes par cabusemens
+faire a seigneurs/ Et avient
+aucune foiz que je me
+fiche si en eulx par la speculacion
+que ilz y ont
+trop ententive/ je les fois
+devenir tous fantastiques
+&amp; si astras que ilz sont
+comme inconversables.</p>
+
+<p>¶ La bonne galle est quant
+de aucuns folz non lettrez
+s’i boutent qui mieulx
+cuident entendre et exposer
+les textes des aucteurs
+que les plus savans &amp; les
+lisent et ymaginent
+dessus/ et dieux scet les
+bonnes fantasies/ que ilz
+y ont sicomme un orfevre
+qui volt devenir arquemiste/
+mais il le fu au contraire
+de la ou il tendoit
+Car or cuidoit faire et le
+deffist/ comme il fust
+riches homs et povre devint/
+cellui estudiant un
+chapitre entendi que mercure
+c’est a savoir un metal que
+ainsi ilz nomment estoit la
+matiere ouvrable de la science
+Et comme il passast oultre
+tousjours lisant de rechief entendi
+que la cause de la perfeccion
+de l’oeuvre estoit matere
+reputee ville/ Et que
+on trouvoit sur le fiens gittee
+sicomme chose desprisee
+Adont comme cestui fust
+fort ententif a bien speculer
+ceste chose que ce povoit estre
+Au derrain determina en
+soy que vrayement par ce
+que dit estoit/ c’est a savoir
+mercure que comme les
+aucteurs eussent baillez leurs
+termes obscurs/ on devoit
+retourner le mot/ c’est a
+savoir cure ton marc que
+il entendi par la fiente
+de l’omme que l’en devoit
+curer/ et ancore plus de
+ce/ le certiffia que il trouvoit
+que sus les fiens
+comme chose ville estoit
+<span class="pagenum">-46-</span> trouvee/ si s’arresta sus ces
+poins/ et commença a ouvrer
+en sa fiente en la faisant
+secher au feu et faire pouldre
+et la fin en fu que il puoit
+comme charongne/ &amp; chacun
+le fuioit et se moquoit on
+de lui qui cuidoit faire de
+fiante or/ et aloit sus les fiens a grant diligence les
+querir/ un autre estoit qui cuidoit de savates faire or/
+et aloit sus les fiens a
+grant diligence les querir
+puis les bruloit/ et tant
+ouvra que les voisins qui
+empulantis en furent le
+chacierent.</p>
+
+<p>¶ De tieulx folz
+est il assez ouvrans en celle
+science a qui n’en remaint
+ne mais parte de temps &amp;
+povreté/ Et qu’il ne soit
+mie dit selon le proverbe
+commun que les sciences
+n’ont plus fors ennemis que
+ceulx qui les ignorent/ que
+elle soit vraye ou non je
+ne te acertaine mie/ Toutevoie
+je te dis sans prejudice
+que la difficulté d’elle
+par vehementes raisons
+que comme les oeuvres de nature
+soient impossibles a
+ataindre sophistiquement
+donroit cause a plusieurs
+des plus avisez de non y
+perdre temps et mise par
+folle occupacion/ en esperance
+vaine y adjoustant grant
+foy.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c18">Des nobles que l’ombre
+dit que elle deçoit.</h3>
+
+
+<p>Des nobles qui suivent
+les armes sont ilz
+point que tu cuides par
+moy deceus/ certes si sont
+souvente foiz plusieurs y a
+Car je les fais abuser du
+fait des armes par ce que
+ilz n’en scevent ou ne veulent
+savoir les propres
+termes lesquieulx sont
+tieulx. Il ne loit point a
+nul s’armer pour aler en
+bataille ne se combatre
+fors pour certaines causes
+C’est a savoir pour la
+loy de dieu contre les mescreans
+ou herites contraires
+a la foy/ Item pour
+deffendre l’eglise/ son prince/
+son pays/ sa terre/ le
+bien publique/ le droit
+des ignocens/ &amp; ses propres
+choses/ &amp; autrement n’est loy
+qui le permette ne n’est bataille
+juste &amp; sans dampnacion.
+Or y prens garde se de tous
+ceulx qui s’arment sont
+droiturierement ses poins
+gardez/ et se nulz y vont
+sus mauvaises querelles.</p>
+
+<p>¶ Bataille que tu le saches
+justement faite est premise
+de droit divin &amp; du droit
+des gens qui n’est autre chose
+meismes ce dit la loy/ que
+entencion de remettre a
+droit par force d’armes chose
+par autruy deraisonnablement
+contendue/ Si ne
+regarde de sa nature ne
+mes retourner droit a droit
+&amp; faire convertir guerre a
+paix/ ne les maulx que
+fais y sont/ de la nature
+de bataille ne sont mie
+ains par mauvais usage
+acoustumé en guerre sont
+fais/ &amp; que batailles en
+justes causes soient de dieu
+premises appert en
+plusieurs lieux de l’escripture/
+sicomme il ordena a
+un homme nommé jhesus
+comment sa bataille
+establiroit/ et que une embuche
+feist pour surprendre
+ses ennemis/ Et de ce
+dient voz docteurs que dieux
+est vainqueur et ordeneur
+des batailles comme par plusieurs
+fois est apparu.</p>
+
+<p>¶ Mais
+ceulx a qui je fais faire
+armes perilleuses &amp; sanz
+raison/ et leur donne a
+croire que grant honneur
+leur sera pour l’amour de
+leurs dames sans visiere
+ou un bras nu/ ou descouvert
+d’aucun de leur harnois/ ou
+en aucun autre peril emprendre
+fait contre un autre a
+qui n’ont nul contens je les
+deçois/ et pareillement
+ceulx qui tieulx armes leur
+aceptent/ et a eulx se
+coupplent.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c19">Ce que l’ombre
+disoit des gens d’armes.</h3>
+
+
+<p>Et ceulx qui donnent
+gage pour a oultrance
+en champ de bataille combatre
+sus aucune querelle
+soit droit ou tort/ je te promet
+<span class="pagenum">-47-</span> en ce cas sont par moi deceus/ car
+vers dieu mesprennent &amp; pechent
+grandement/ et te diray
+comment/ combatre en champ
+est contre droit divin qui est
+de dieu et de sainte escripture
+contre le droit des gens
+Le civil/ le decret/ et contre
+droit canon et cellui qui l’acepte/
+pareillement peche
+La cause est que a dieu miracle
+ne chose contre nature
+on ne doit demander/ comme
+telle chose faire soit une
+maniere de tempter dieu esperant
+il aydera au droit/
+Si ne doit/ Si ne doit estre
+quise de la voulenté de dieu
+experience/ Et que ceste espreuve
+soit faulse/ on a veu maintefoiz
+que cellui qui droit avoit
+estoit vaincus/ sicomme une
+decretale raconte de .ii. freres
+qui <ins title="fu">furent</ins> restez d’un crime &amp;
+comme ilz fussent de celle
+cause vaincus en champ tout
+ne fussent ilz mie coulpables
+&amp; apres la verité fu sceue par
+la confession meismes de
+ceulx qui le delit commis
+avoyent/ et pareillement de plusieurs
+a esté prouvé la loy deffendi
+que teles preuves non
+droitturieres plus ne fussent
+en usage/ Item juges sont
+establis pour cognoistre des
+causes et faire droit/ Et est
+loy ordenee que nul de sa
+propre cause ne soit juge/ Et
+cellui le veult estre qui prouver
+veult son fait par soy
+meismes et par sa victoire
+qui est soubz la distribucion
+de fortune/ et a l’aventure
+Item le droit canon commande
+que au pape l’en
+obeisse/ le quel soubz peine
+d’escommenie deffent comme
+chose reprouvee contre
+droit de justice/ que tele
+espreuve ne soit faicte
+Et tu me diras donques
+comment seront punis
+les mau faicteurs secrés
+Je te respons que dieu pour
+lui s’est reservee la punicion/
+et dit un decret que
+se en ce monde tous maulx
+pugnis estoient/ le jugement
+de dieu dont point
+de lieu n’aroit/ et cellui
+presomptueusement le
+se veult attribuer qui la
+victoire de la vengence s’en
+veult donner.</p>
+
+<p>¶ Et comment
+est uns homs si folz
+qui plain de vices et de
+pechiez se sent/ poson que
+il ait bonne querelle en aucun
+cas/ que il cuide que
+a lui pecheur dieu face
+miracle de la chose muciee
+que il quiert/ mais se il estoit
+sage paour devroit
+avoir de la pugnicion de
+dieu en sa juste cause/
+Comme souvent aviengne
+&amp; soit avenu que dieu a
+dissimulee vengence du pecheur
+ou cas ou desservi
+l’avoit/ et puis le pugni
+en chose dont estoit ignocent.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c20">La fin de l’oroison
+de l’ombre.</h3>
+
+
+<p>Que dis tu souffist
+il t’ay je assez compté
+du fait de mes poissances
+desquelles ne pourroyes
+en ta vie comme autre
+foiz t’ay dit tous les exemples
+ouyr tant en y a et si divers
+sont/ Scez tu ancore
+qui je suis/ Et moy
+a elle dame congnoistre
+vous cuidasse/ mais les
+raisons contradictoires que
+me narrez/ vaciler me font
+en vostre cognoissance/ car
+se bien l’ay entendu/ tres au
+premier me dites que la
+ou verité est attainte/ ne
+povez arrester/ et toutevoye
+bien sçay et suis certaine
+que en maint cas m’avez
+pure verité ycy endroit clariffiee.
+Si ne sçay entendre
+comment ce peut estre
+que chose doubteuse tesmoing
+puisse estre de verité pure
+Et elle a moy fille envers
+le sens de ton entendement
+&amp; escoutez et nottez/ Car
+je te promet que quoy
+que autrefoiz en divers
+cas te fusse menterresse
+en cestui cy t’ay je dit
+voir/ se bien l’entens &amp; ne
+m’i contredis/ S’il te recorde
+de ce qu’ay dit/ c’est
+assavoir que cause suis
+moyennant estude &amp; entendement
+de faire attaindre
+les choses vrayes/ mais
+bien est vray que aussitost
+<span class="pagenum">-48-</span> que attaintes sont je
+me depars en cellui
+cas ne plus n’y arreste
+Et qu’il soit voir ainsi l’as
+esprouvé/ car non obstant
+que ces choses t’aye dictes
+non pas moy les t’ay certefiees
+mes les ses par le
+moyen d’estude qui raporté
+l’a a ton entendement/ le
+quel par raison est certain
+que ainsi soit/ pource en
+ces cas de toy me partiray
+et en lieu te remaindra
+certaineté/ Et par plus groz
+exemple ne te souvient il
+de moy et de ma cognoissance
+par les divers cas que
+je t’ay fait mettre en termes
+&amp; faire plusieurs lectures.</p>
+
+<p>¶ Ne fus je celle qui mist
+le debat entre les clercs disciples
+de maistre jehan
+de meun comme il s’i appellent/
+Et toy sur la compillacion
+du rommant
+de la rose du quel entre
+vous contradictoirement
+escripsistes l’un a l’autre
+chacune partie soustenant
+ses raisons/ sicomme il
+appert par le livret qui
+en fu fait.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p2c21">Responce de
+christine a l’ombre.</h3>
+
+
+<p>Adont comme mon
+entendement se
+apperceust par clere cognoissance
+qui estoit celle qui
+tant araisonnee m’avoit
+je dis ainsi.</p>
+
+<p>¶ Ha dame
+oppinion poissant et forte
+voirement vous doy
+je mon bien cognoistre/ car
+tres m’enfance oz je vostre
+accointance/ Et certainement
+je cognois et confesse
+vostre auctorité estre
+de grant vigueur et poissance/
+et quoy que vous
+soiez blasmee souventes
+foiz/ qui bien de vous use
+ne peut errer/ et mal/
+pour cellui en qui vous
+n’estes saine/ mais puis
+que il vous a pleu de vostre
+grace tant m’onorer
+que a moy si clere evidemment
+vous estes magnifestee
+me racontant voz
+grans proprietez/ encore
+vous requier que ennuy
+ne vous soit de me declairier
+aucunes demandes
+Et elle a moy/ fille dis
+ce qu’il te plaist.</p>
+
+<p>¶ Dame
+puis que il est ainsi que
+de vous vient la premiere
+invencion des
+oeuvres humaines bonnes
+ou malles/ rudes ou soubtilles
+selon la disposicion
+des entendemens comme
+dit avez/ plaise vous me
+certiffier se es choses par
+vous engendrees en moy
+lesquelles a mon povoir
+par le moyen d’estude &amp;
+de tel science et entendement
+comme j’ay qui en mes
+compilacions et volumes
+sont declairees se en aucune
+chose y ay erré/ comme
+si sage ne soit qui aucune
+foiz ne erre/ Et elle
+a moy amie chiere soyes
+en paix car se ainsi estoit
+mieulx vouldroie tart
+que jamais les amender
+Car je te dis que non/
+Tout t’ay je blasmee de
+ce que prerogative de
+honneur vols comme je ay
+dit devant donner a fortune
+et moy comme je
+soie princippe y oublias
+mais non pour tant faulte
+n’y a.</p>
+
+<p>¶ Non obstant que
+par moy maint s’en debatent
+diversement Car
+les aucuns dient que clercs
+ou religieux les te forgent
+Et que de sentement de
+femme venir ne pourroient
+mais ce sont les ignorens
+qui ce dient/ Car ilz n’ont
+pas la cognoiscence des escriptures
+qui de tant de
+vaillans femmes sages
+et lettrees et mesmement
+prophetes qui ou temps
+passé ont esté font mencion/
+Et comme nature
+ne soit amendrie de sa
+poissance/ ancore en peut
+estre/ les autres dient
+que ton stile est trop obscur/
+et que on ne l’entent/
+si n’est si delitable
+et ainsi diversement
+le fais aux uns louer
+&amp; aux autres reprimer
+de loz/ comme chose quelconques
+<span class="pagenum">-49-</span> estre a tous agreable soit impossible/
+mais tant te dis que
+verité par le tesmoing de l’experience
+ne seuffre le blasme
+avoir effait sur le loz/ si te
+conseil que ton oeuvre tu continues
+comme elle soit juste
+Et ne te doubtes d’errer en
+moy/ Car tant que je seray
+en toy fondee sur loy/ raison
+&amp; vray sentement tu ne mesprendras
+es fondacions de
+tes oeuvres/ es choses plus
+voir semblables non obstant
+de plusieurs les divers jugemens/
+les uns par moy
+simplement/ les autres par
+envie/ Car je t’acertaine
+que quant elle et moy sommes
+ensemble adont se font
+les tres faulx jugemens
+ne il n’est si bon qui y soit
+espargné/ et adont suis je
+perilleuse quant envie me
+gouverne/ si faisons la
+personne avuglee es autruy
+choses et en son meismes
+fait qui en soy nous a
+si lui rongnons le cuer/ ne
+reposer ne la laissons/ et
+vouloir lui donnons de faire
+maint maulx qui accomplis
+sont aucune foiz/ &amp;
+mal est gouverné cil qui
+chiet entre noz mains
+ja si bon ne sera ne si
+poissant.</p>
+
+<p>¶ Ne veames
+nous jadis les portes de
+romme au preus julius
+cesar qui tant victorieux
+s’en retournoit/ &amp; au dernier
+tant pourchaçames
+que il fu occis/ Assez de
+teles en avons faites/ ne
+il n’est si sage qui garder
+s’en sache/ Si t’ay assez
+narré de mes aventures
+et a tant souffise/ Car parce
+que je donne a croire
+a l’un que une chose est
+bonne et bien faite ou que
+elle est vraye/ &amp; a l’autre
+tout le contraire/ dont sourdent
+bataille et maint debas/
+la prolicité de mes
+narracions si racontees
+pourroit aux lisans a
+ennuy tourner/ Et si te
+prophetise que yceste
+lecture sera de plusieurs
+tesmoignee diversement
+les uns sur le lengage
+donront leur sentence en
+plusieurs manieres/ diront
+que il n’est pas bien elegant
+Les autres que la composicion
+des materes est estrange/
+et ceulx qui l’entendront
+en diront bien/ et le temps
+avenir plus en sera parlé
+que a ton vivant/ Car tant
+te dis je ancore que tu es
+venue en mauvais temps
+Car les sciences ne sont pas
+a present en leur reputacion
+ains sont comme choses
+hors saison/ et que il soit
+vray/ tu en vois peu qui
+a celle cause soient en la
+maison de fortune sus
+haulciez.</p>
+
+<p>¶ Mais apres ta
+mort vendra le prince
+plain de valour et sagece
+qui par la relacion de
+tes volumes desirera tes
+jours avoir esté de son
+temps et par grant desir
+souhaidera t’avoir veue
+Si me suis a toy descripte/
+Or diffinis de moy
+ce que il t’en semble.</p>
+
+<p>¶ Et
+moy a elle dame comme
+la descripcion de vous
+meismes/ m’en appreigne la
+diffinitive. Je dis que
+comme parfaictement/ ore
+vous cognoisce/ que vous
+voirement estes de ignorence
+fille adhesion a une partie
+en doubtant tous jours de
+l’autre/ Et de ce je m’avise
+ce que de vous dit aristote
+ou premier livre de posteres
+que cellui qui vous a doubté
+tous jours que autrement
+puist estre que ce que il
+pense/ comme vous soiés
+non certaine/ Et saint
+bernard dit aussi ou .v.<sup>e</sup>
+chapitre de consideracion
+que vous estes ambiguë
+et povez estre deceue/
+Si dis et conclus que vous
+estes adhesion a une partie/
+la quelle adhesion
+est causee de l’aparance
+de aucune raison prouvable
+soit que l’oppinant
+ait doubte de l’autre partie
+soit que non/ de vostre
+poissance je dis que pour
+l’ignorence qui est es hommes
+que par vous est plus
+le monde gouverné que
+par grant savoir.</p>
+
+
+<p class="c gap">Explicit la .ii.<sup>e</sup> partie
+du livre de l’avision christine.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+<p><span class="pagenum">-50-</span></p>
+
+<h2 class="nobreak" title=".iii. du confort de philosophie" id="p3">Ci
+commence la tierce partie du
+livre de christine/ le quel parle/
+de confort de philosophie.</h2>
+
+
+<p>Es escolles dessus dictes
+apres ces choses comme
+je traçasse de lieu en lieu/ cerchiant
+divers estudes fus
+convoyee par maintes chambres
+et haulteces de pluseurs
+degrez/ Et comme les passages
+et destrois des diz degrez
+fussent penibles et difficiles
+a ceulx qui acquerir
+et posseder les vouloient
+a qui ne fust souffert se
+trouvé souffisant ne fussent
+a moy qui transitoirement
+estoie errant par yceulx
+assez legiere fu la voye/ Et
+tout ainsi comme a un estrangier
+voyageur lyement
+souventes foiz sont monstrez
+et ouvers les tresors des princes
+par ou ilz passent affin
+que ilz voyent la magnificence
+et richece de yceulx si
+que recorder le puissent en
+leur pays/ fus paisiblement
+&amp; sans grant dangier menee
+par toutes les places
+des dictes estudes/ Et de
+raconter la beauté et
+tresors que je y vi/ me passe
+pour briefté/ mais tant
+en di que avec la beauté
+inextimable qui m’y apparu/
+la soubtilleté des
+divers ouvrages comment
+furent fais ouvrez et
+tissus et de quieulx matieres
+mon entendement
+n’estoit digne de concevoir
+ne comprendre ne
+partir ne m’en povoie
+de plus hault monter
+pour veoir diverses beautez
+fu souffisant seulement
+mon bon desir et amour
+a m’empetrer lieu et licence
+de plus savoir ainsi
+convoyee par la segretaine
+de philosophie abbesse et
+superieure de ycellui couvent/
+fus pourmenee par
+tous les estages de toutes
+beautez et bonnes choses
+remplis et combles/ Et
+comme ancore plus de
+grace receusse de ycelle
+noble conduisaresse
+de sa liberalité &amp; plaine largece
+me donna congié de
+hardiement mettre la
+main/ et prendre tant
+comme porter pourroie
+des tresors de ces coffres
+Et je de ce non reffusant
+comme couvoiteuse de
+en enrichir en la merciant
+me baissé pour mon giron
+en emplir/ mais comme
+trop pesant fussent a mon
+corps femenin et foible
+selon mon grant desir/ petit
+en emportay/ et non si
+peu que je le donnasse pour
+quelconques autre tresor
+ou richece.</p>
+
+<p>¶ Ainsi convoyee
+fus menee tout
+au plus hault sommeton
+ou quel avoit situee une
+tres belle sale clere luisant
+et de fines couleurs/ tres
+richement painte ou
+furent pourtraictes toutes
+sciences et leur deppendances
+au tour des parois
+et tout par mi la dicte
+sale avoit fourmes arrengees
+pour seoir les
+escoliers escoutans les
+leçons des maistres/ la en
+droit lisans en chayere qui
+la estoit haulte et moult
+bien ouvree/ moy joyeuse de
+estre parvenue a si bel estre
+m’amusoie aux riches pourtraitures
+vivement faites
+et de soubtilz ouvriers.</p>
+
+<p>¶ Adont comme je voulsisse
+encercher de toutes choses
+avisay un huissellet de
+yvoire moult bien ouvré
+le quel estoit fort cloz et
+barré/ ainsi comme ma
+veue moult ententive estoit
+celle part comme assez
+pres j’en fusse/ presumant
+par les congectures
+que je veoie/ que grant
+tresor encloz la devoit avoir
+reputant eureux l’entendement
+a qui la cognoiscence
+en seroit donnee desiroie
+que tel digneté fust
+a moy descouverte/ Lors
+si que je estoie en ce penser
+ouy la dedens moult
+grant remuement &amp; diverses
+voix femenines de doulce
+et soueve parolle/ tost
+apres ouy barres tyrer
+<span class="pagenum">-51-</span> clefs tourner et le dit huissellet
+desverrouller/ adont comme
+je fouisse celle part pour tost
+estre <ins title="prestre">preste</ins> sans ressongner
+presompcion ou mesprenture
+a me ficher ens/ oz le visage
+tout au plus pres/ mais aussi
+comme je avoie esté joyeuse
+esperant celle ouverture fus
+a l’ouvrir autant esmerveillee
+et remplie d’espoventement
+Car si tost que ouvert fu
+une si tres grant lumiere
+me feri en la face et es yeulx
+que cuiday de tous poins estre
+avuglee par quoy de paour
+et de la merveille cheus sur
+le sueil de l’uis pasmee me
+repentant d’estre si hault montee/
+adont comme ancore
+a terre fusse gisant/ ycy une
+voix femenine de ce pourpris
+haulte sonnant mais non
+espoventable ne orrible/
+ainçois doulce belle et tres
+gracieuse/ mais ainsi que
+se auques loings de moy
+fust je la ouoye/ la quelle
+m’appella par mon nom disant
+mon ancelle tres loyalle
+lieves sus et ne te espoventes
+Car l’amour que as a moy
+et le desir qui te maine en
+suppleant ton ignorence
+te sera valable/ adont moy
+resjouye doublement/ c’est
+a savoir de ce que voix
+de dame tres venerable
+me sembloit m’appelloit
+Et secondement que saroye
+partie de ce que desiroye
+me ravigora et tres fort
+esjouy/ Lors de rechief
+comme desireuse de choisir
+a l’ueil la beauté merveilleuse
+qui m’aparoit
+estre ou lieu dont sailloit
+telle clarté/ adreçay ma
+veue de plain visage/ tout
+par mi le dit huissellet/
+mais tout ainsi comme
+quant par mi le ray
+du souleil on regarde
+contremont ou ciel il semble
+veoir en l’espere luisant
+un visage si cler que l’ueil
+humain ne le peut souffrir/
+semblablement la
+vi une tele tresluisent espere
+que toute la chambre
+emplissoit de tres grant
+resplandeur/ Et environ
+celle espere avoit .ix. dames
+luisantes comme estoilles
+desquelles je avoie cognoiscence
+que establies estoient pour
+elle servir et moult me sembloient
+de grant reverence
+si baissay incontinent ma
+veue ja toute esblouye metant
+ma main au devant
+dis ainsi/ Tres haulte et
+tres noble creature de la quelle
+la cognoissance m’est occulte/
+puis que il vous plaist
+tant m’onorer que vostre
+servante &amp; ancelle me daignez
+appeller/ plaise vous
+me certiffier donques la
+proprieté de vous ma venerable
+maistresse/ Et
+elle a moy ma mechinete
+saches que non obstant que
+tes yeulx foibles ne me
+puissent clerement veoir
+pour leur grosseur/ que
+je suis celle qui nuement
+et visiblement s’aparu ou
+temps de l’exil/ et de sa
+tribulacion/ a mon chier
+ame filz boece le tres sollempnel
+philosophe/ le quel
+par mes confors je garday
+de mort et de langueur desesperee.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c1">Ce que christine dit
+a philosophie.</h3>
+
+
+<p>Quant j’oz ainsi ouy
+parler la tres venerable
+deesse par les quelles
+paroles et enseignes elle me
+fu manifeste/ adont a
+.ii. genoulz je me gitay ainsi
+disant/ o tres glorieuse sapience
+de la quelle toutes
+cognoissances despendent
+tant de bon cuer remercy
+dieu et toy qui tant benignement
+m’as fait digne
+de ton accointance/ et n’as
+eu orreur de moy femme
+ignorent non digne de descoudre
+les lassemens de ta
+chaussemente/ ains comme
+maistrece tres amiable/ m’as
+a toy appellee/ la quelle
+humilité me certefie que
+tu ne refuseras a moy ta
+chamberiere des petites
+mietes de ton relief souffisans
+pour sa nourriture
+Car comme tu eusses nourry
+du laict de tes mamelles
+et de tes precieux mets
+ton tres amé filz dessusdit
+<span class="pagenum">-52-</span> qui tant t’onora et ama
+ne l’oublias pas ou temps
+de sa grant neccessité/ et
+pareillement plusieurs autres
+de tes enfans/ semblablement
+je suppose que moy ta serville
+mercenaire que tu as
+nourrie des demourans des
+grosses viandes de tes tables
+tu n’oublieras ains donras
+remede reconfortant les
+navreures de ses infortunees
+adversitez/ car pour celle
+cause croy que dieu saint
+esperit pere des povres &amp;
+leur vray administrateur
+m’a conduite au terme de
+ta cognoissance Sicomme
+il scet les pesanteurs de
+mes perplexitez/ aux quelles
+reconfort ne m’est presenté
+par les humains de nulle
+part/ Et comme assez soyent
+de moy celees et couvertes
+mes dictes aversitez et non
+revellees aux mondains
+ainçois tres muciees pour
+cause que par aventure
+eulx non charitables tourneroient
+les complaintes
+de mes neccessitez a derrision
+&amp; despris/ sans que aucun
+fruit donnant alegence
+m’en ensuivist/ Et pource
+a toy celestielle cognoissance
+sepparee des viltez de
+ça jus/ et vraye phisicienne
+essoreray et esventeray
+les complaintes de mes
+pensees/ confiant que
+ta clemence n’ara a despris
+l’umble voix de sa servante/
+et amenistreras reparacion
+a la ruyne de mon
+espoir/ rué jus par les
+soufflemens de fortune
+en la quelle hayne ay
+esté tres mon enfance diversement
+non obstant
+que souvent m’ait monstré
+son cler visage/ mais
+quant resjouir m’i cuidoye
+moult tost le couvroit de
+s’obscure nue.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c2">La complainte
+de christine a philosophie.</h3>
+
+
+<p>Reverend dame/ obeissance
+en facondede
+predite a ta serinité
+ne te tourt a ennuy la
+narracion de mes aventures
+pour le procés de
+leur prolixité/ et te plaise
+daigner estendre l’ayde de
+ton conseil au secours de la
+chetivoison de mes pensees
+O dame chiere maistrece
+vueilles notter comment
+fortune la variable/ m’a
+tous jours esté comme dit
+est tres amere marrastre
+Considerant tres l’estre
+de mon enfance/ Car comme
+je fusse nee de nobles
+parens ou pays d’ytalye
+en la cité de venise en la
+quelle mon pere nez de
+boulongne la grace ou je
+fus puis nourrie/ ala espouser
+ma mere qui nee
+en estoit par l’acointance
+que mon dit pere avoit
+de lonc temps devant a
+mon ayol/ clerc licencié et
+docteur né/ de la ville de
+fourly/ et gradué a l’estude de
+boulongne la grace qui salarié conseiller
+de la dicte cité ou
+je nasqui estoit a cause du quel
+parenté mon dit pere ot
+la cognoissance des veneciens/
+et fu pour la souffisance
+et auctorité de sa
+science retenu semblablement
+conseiller salarié de la dicte cité
+de venise en la quelle
+fu un temps resident a grant
+honneur richeces et gaings.</p>
+
+<p>¶ Or me dis ne fu ce pas fortune
+qui en ce temps assez
+tost apres ma nativité fist
+mon dit pere pour certaines
+besongnes et ses possessions
+viseter se transporter
+en la dicte cité de boulongne
+la grace/ En la quelle lui
+vint tantost nouvelles &amp;
+certains messages tout en
+un temps de .ii. tres excellens
+roys lesquieulx pour
+la grant fame de l’auctorité
+de sa science le mandoient
+priant et prommettant
+grans salaires et emolumens
+chacun endroit soy que vers
+lui voulsist aler/ dont
+l’un estoit le souverain des
+roys chrestiens le roy de
+france Charles le sage
+quint de cellui nom/ Et
+l’autre fu le roy de honguerie/
+cellui au quel
+pour sa desserte et merite
+est demouré apres lui tel
+nom que on le dit le bon
+<span class="pagenum">-53-</span> roy de honguerye.</p>
+
+<p>¶ Adont
+comme la souffisance de ces
+ambassaderies pour la reverence
+de la digneté des diz
+princes ne fust a mettre
+arriere/ delibera mon dit
+pere a obeir a l’une des parties/
+c’est assavoir comme au
+plus digne/ et aussi le desir
+de veoir les estudes de paris
+et la haultece
+de la court françoise/ venir
+vers le dit roy de france
+esperant transitoirement
+veoir le roy/ obeir a ses commandemens/
+et viseter les
+dis estudes l’espace d’un an
+puis s’en tourner vers sa
+femme &amp; famille/ la quelle
+il ordena demourer sus ces
+possessions et heritages a
+boulongne la grace/ Et toutes
+ces dites choses faites &amp;
+ordenees avec la licence
+de la dicte seignourie de
+venise se party &amp; vint en
+france/ ou quel lieu fu du
+dit sage roy Charles tres
+grandement receus et honorez/
+et tost apres l’experience
+veue de son savoir
+&amp; science l’establi son conseiller
+tres especial privé
+et chier tenu/ le quel lui
+fu tant agreable que du
+partir au chief
+de l’an ne pot avoir licence
+ains volt a toutes fins
+le dit roy que grandement
+a ses cousts et frais envoyast
+querir sa femme enfans
+&amp; famille pour user
+a tous jours leur vie en
+france pres de soy/ en
+promettant possessions
+rentes/ et pensions pour
+tenir honorablement
+leur estat/ neant moins
+comme mon dit pere en
+esperant tous jours le
+retour retardast ceste
+chose pres de l’espace de
+.iii. ans/ en la fin couvint
+que fait fust/ Et ainsi comme
+dit est fu fait le transport
+de nous de ytalie en
+france/ grandement fu
+receue la femme et enfans
+de ton amé philosophe
+maistre thomas
+mon dit pere arrivé a
+paris lesquieulx le tresbenigne
+bon sage roy volt veoir
+et recevoir joyeusement/ la
+quelle chose fu faite tost
+apres leur venue a tout
+leurs abis lombars riches
+d’aournemens et d’atour selon
+l’usage des femmes et
+enfans d’estat/ ou chastel
+du louvre a paris ou mois
+de dessembre/ estoit le dit
+roy lors que la presentacion
+du dit mesnage a
+belle et honorable compaignie
+de parens fu a ses
+yeulx magnifesté/ la quelle
+femme et famille a tres
+grant joye et offre il receut.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c3">Dit christine de ses bonnes
+fortunes.</h3>
+
+
+<p>Moult nous fu fortune
+favorable
+le temps durant de la vie
+du sus dit bon sage roy
+charles/ Et avec les autres
+gloires des prosperitez receues/
+en joyeuse plantureuse
+et paisible vie/ en
+mariage/ comme ce soit
+naturel joye/ a tout loyal
+serviteur veoir la prosperité
+de son bon maistre
+la dieu merci puis le temps de
+la venue de mon dit pere au
+service du roy gouverné en
+partie mesmement en ses
+guerres par l’administracion
+de son sage conseil selon la
+science de astrologie crut &amp;
+augmenta de mieulx en
+mieulx la valeur de ses prosperitez
+recevant plusieurs
+victoires et conquestes sus
+ses ennemis/ et que ces choses
+soient vrayes je m’en rapporte
+aux vivans princes
+&amp; autres ancore de ce temps
+qui ce scevent/ le quel dit bien
+du prince estoit le comble
+de la joye de son sus dit feal
+serviteur/ non obstant
+que a l’usage des philosophes
+fust nulle l’espargne
+de la peccune/ et avoir de
+mon dit pere/ la quelle
+chose sauve sa reverence
+je ne repute mie louable
+en l’estat des mariez soubz
+la quelle main doit estre
+la cure de leur maisnage
+souffreteux apres eulx
+peut estre a cause de leur
+prodigalité/ toute voye
+<span class="pagenum">-54-</span> non obstant la liberalité de ses
+coustumes la pourveance du
+bon roy ne laissoit a l’ostel de
+son amé deffaillir nulles choses
+neccessaires.</p>
+
+<p>¶ A venir au
+point de mes fortunes le
+temps vint que ja approchoie
+l’aage ou quel on seult les
+filles assener de mari tout
+fusse je ancores assez jeunette
+non obstant que par chevaliers
+autres nobles &amp; riches clercs
+fusse de plusieurs demandee
+et ceste verité ne soit de nul
+reputee ventence/ Car l’auctorité
+de l’onneur
+et grant amour que le roy
+a mon pere demonstroit estoit
+de ce cause non mie ma
+valeur/ comme mon dit pere
+reputast cellui plus valable
+qui le plus science avec bonnes
+meurs avoit/ ainsi un jone
+escolier gradué bien né et
+de nobles parens de picardie
+de qui les vertus passoient
+la richece/ a cellui que il
+reputa comme propre filz
+je fus donnee/ En ce cas ne
+me plains je de fortune/ car
+a droit eslire en toutes couvenables
+graces sicomme
+autre foiz ay dit a mon
+gré mieulx ne voulsisse
+cellui pour sa souffisance
+tost apres nostre sus dit
+bon prince qui l’ot agreable
+lui donna l’office comme
+il fust vaquant de notaire
+et son secretaire a bourses
+&amp; a gages et retint de sa
+court tres amé serviteur.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c4">Entre a parler christine
+de ses males fortunes.</h3>
+
+
+<p>Ainsi dura celle prosperité
+par plusieurs
+annees/ mais comme la
+dicte fortune se montrast
+envieuse de noz gloires
+volt restraindre la source
+dont ilz venoient/ Et ne
+fu ce pas par elle voirement
+chiere maistresse qu’a cestui
+royaume fu procuré
+le grief dommage du quel
+malement se senti le mesnage
+de maistre thomas
+ce fu lors que le tresbon sage
+prince non pas envielli
+par cours de nature
+mais en assez jeune aage
+comme de .xliiii. ans
+chut en maladie assez brieve
+dont il trespassa. helas
+voirement souvent avient
+que choses bonnes petit durent/
+Car ancore au jour
+d’uy se a dieu plust avoir
+laissié durer sa vie neccessaire
+a cestui royaume du
+quel le gouvernement
+&amp; estat
+malement est ores de
+cellui de lors different/ ne
+fust trop enviellis/ Or fu
+la porte ouverte de noz infortunes/
+et moy estant ancore
+assez jeunette y fus entree Et
+comme ce soit de commune
+coustume des poissans hommes
+close la bouche grant
+est le remuement et changement
+de l’estre de leurs
+cours et de leurs lieux/ de
+la quelle chose sont causes
+plusieurs voulentez contraires/
+et a peine autrement
+peut estre se moult grant
+discrecion n’y remedie.
+Comme il appert du grant
+alixandre/ sicomme il est
+escript les divers descors
+lesquieulx non obstant
+les partages des regions que
+il leur avoit limitees/ tantost
+apres sa mort entre ses barons
+sourdirent.</p>
+
+<p>¶ Adont faillirent
+a mon dit pere ses grans
+penssions plus n’ot .C. frans
+le mois bien payez/ avec ses
+livrees et dons qui gueres
+moins ne montoient comme
+appris avoit/
+et l’esperance que le dit bon
+Roy lui avoit donnee de
+asseoir pour lui et ses hoirs
+.v.<sup>c</sup> livres de terre et assez
+d’autres biens dont la deffaulte
+du ramentevoir au
+bon Roy &amp; la mort qui trop
+tost vint ne souffri la dicte
+promesse sortir son effait
+non obstant que des princes
+gouverneurs fu retenu
+a gages malement amendris
+et mal payez/ Si fu
+ja venu le temps de sa viellece
+qui en assez brief temps
+apres chut en longue impotence
+et maladie ou maintes
+souffrettes sourdirent
+aux quelles eust eu besoing
+l’espargne des choses despendues/
+Et pource au
+<span class="pagenum">-55-</span> mien cuidier est juste prudent
+espargne en jeunece qui secourt
+l’omme en sa viellece/ durant
+son sain entendement jusques
+a la fin recognoissant son createur
+comme vray catholique
+Trespassa mon dit pere droit
+a l’eure que devant ot prenostiqué/
+du quel entre les clercs
+demoura renommee que en
+son temps durant ne plus de
+Cent ans devant n’avoit vescu
+homme de si hault entendement
+es sciences mathematiques
+en jugemens d’astrologie
+avec ce entre les princes &amp;
+ceulx qui le frequentoient
+la vraye reputacion de sa
+prodomie/ ses biens fais/ loyauté
+verité &amp; autres vertus
+&amp; nul reprouche faisoit plaindre
+sa mort et regraiter
+sa vie/ en la quelle nulle
+reprehencion n’affiert se
+trop grant liberalité de non
+refuser riens que il eust
+aux povres en tant que il
+avoit femme et enfans ne
+lui donne/ Et que je ne le
+dye par faveur/ de ceste verité
+sont ancores au jour d’uy
+maint de ses cognoiscens/
+princes et autres certains
+comme de experience/ si
+fu un tel homme a bon
+droit des siens plaint
+et plourez.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c5">Encor de ce
+mesmes.</h3>
+
+
+<p>Or fu demouré chief
+du mesnage mon
+mari jeune et preudomme
+sage et prudent et tres
+amé des princes et toute
+gent frequentant son dit
+office par le quel moyennant
+sa sage prudence
+estoit soustenu l’estat de
+la dicte famille/ mais comme
+ja fortune m’eust mise
+ou declin de sa roe disposee
+au mal que donner
+me vouloit pour du tout
+au plus bas me flatir
+souffrir ne volt que gaires
+me durast ycellui tresbon
+par la quelle dicte
+fortune mort lors que il
+estoit en sa fleur apte &amp;
+appreste et sus le point
+tant en science comme
+en sage et prudent
+conqueste &amp; gouvernement
+de monter en hault degré le
+me toli en fleur de jeunece
+comme en l’aage de .xxxiiii.
+ans et moy de .xxv. demouray
+chargee de .iii. enfans
+petis et de grant mesnage
+Si fus a bon droit plaine
+d’amertume regraitant sa
+doulce compaignie et la
+joye passee qui ne mes .x.
+ans m’avoit duré/ voyant
+venir le flo de tribulacion
+qui sur moy accouroit fus
+plus desirant mourir que
+vivre et n’oubliant ma foy
+et bonne amour promise
+a lui deliberay en sain propos
+de jamais autre n’avoir
+or fus je choite en la valee
+de tribulacion/ Car comme
+la dicte fortune quant
+du tout veult decliner quelque
+chose soit regne/ cité
+empire ou singuliere personne/
+elle de loings
+va querir ses apprestes
+toutes contraires pour
+la chose que elle a acqueilli
+en yre conduire ou
+point de maleurté/ ainsi
+m’avint Car comme
+je ne fusse au trespassement
+de mon dit mari le quel fu
+surpris de hastive epidimie
+Toute foiz la dieu grace
+fu sa fin comme bon catholique
+en la ville de beauvais
+ou avec le Roy estoit alez &amp;
+n’estoit accompaignié fors
+de ses serviteurs et maignee
+estrange/ Si ne poz savoir
+precisement l’estat de sa
+chevance/ Car comme ce
+soit la coustume commune
+des hommes mariez de non
+dire et declarier leurs affaires
+entierement a leurs
+femmes de la quelle chose
+vient souvent mal comme il
+m’apert par experience/ et
+n’est mie sens quant femmes
+ont non nices mais
+prudentes et de sage gouvernance/
+Si sçay bien
+que a clarté ne me vint
+tout ce que il avoit/ Or
+me couvint mettre mains
+a oeuvre/ ce que moy
+nourrie en delices et mignotement
+n’avoie appris
+&amp; estre conduisarresse de
+la nef demouree en la mer
+<span class="pagenum">-56-</span> ourage &amp; sanz patron/ c’est
+a savoir le desolé mainage
+hors de son lieu et pays/ adont
+me sourdirent angoisses de
+toutes pars/ Et comme ce
+soient les mes des vesves
+plais et procés m’avironnerent
+de tous lez/ Et ceulx qui me
+devoient m’assaillirent affin
+que ne m’avançasse
+de leur riens demander
+Et dieux scet que il est vray
+que tel me demandoit que
+le tesmoignage du papier
+des mises de mon mary
+Comme de un preudomme
+nya la debte du fraudeleux
+comme payé et menteur de
+sa demande par le quel fut
+confus et plus ne osa parler
+ne soustenir sa mençonge
+Tost me fu mis empeschement
+en l’eritage que mon
+mari avoit acheté/ et comme
+il fust mis en la main du
+Roy m’en couvenoit payer
+la rente et si n’en jouissoie
+Et moy en la chambre des
+comptes demenee par lonc
+plait contre cellui sanz pitié
+qui en estoit &amp; ancore
+est des maistres et seigneurs
+de qui avoir droit ne povoie
+receu par lui a tort
+tres grief dommage comme
+le voir en soit magnifeste
+Ce scevent maint/ ne
+ancore lui en ses pechez
+enviellis ne le considere
+ne fait conscience.</p>
+
+<p>¶ Ne
+fu pas seule celle pestillence/
+car comme les
+deniers de mes petis orfelins
+fussent par leurs
+tuteurs de mon consentement
+baillez en mains
+de marchant reputé preudomme
+pour accroistre
+et multiplier leur povre
+avoir/ comme il en eust
+l’espace de un an rendu
+couvenable conte et
+gaing par la moitié
+raisonnablement lui
+tempté de l’ennemi fist
+a croire qu’il avoit esté
+robé/ et s’asempta/ encore
+cousta a poursuivre/
+et fu ce la perdus
+Autres plais me sourdirent
+a cause de heritages/
+sur lesquieulx
+on demandoit ancienne rente
+&amp; grans arrerages de la quelle
+chose ou decret de notre achat
+n’avoit aucune mencion
+conseillee par des plus sages
+avocas que hardiement
+sur ce me deffendisse &amp; que
+ne doubtasse que comme
+je eusse bonne cause la
+diffinitive en seroit pour
+moy de sommer les garens
+de la vendicion lesquieulx
+estoient mors povres et
+hors du pays/ n’y avoit
+remede affin que je parvenisse
+ou point ou fortune
+me conduisoit/ En ce
+temps en comble de mes
+adverses fortunes me
+sourdy comme a job longue
+maladie/ par ceste
+chose dont s’ensuivi faulte
+de poursuite sicomme
+je tiens et par non avoir
+mise souffisant/ encheus
+de mes causes par lesquelles
+condampnacions
+satisfiant les frais fus
+de tous poins au chief
+de ma povre chevance
+Et merveilles est comment
+fortune povoit estre tant
+sur moy achenye/ Car
+en toutes les manieres que
+partes se pevent faire a personne
+disposant ses faiz
+par bon conseil et ordennance
+sicomme a mon povoir
+dieux scet que je faisoie
+me venoient au contraire
+de ce que par raison venir
+deussent toutes mes besongnes
+et generaument en
+toutes choses/ O vertu de
+pacience tous jours ne
+te avoie mie en la bourse
+ains te suppeditoit souvent
+en moy grant amertume
+Je vy le temps que a
+.iiii. cours de paris estoie
+en plait et procés deffenderresse
+et sur mon ame
+je te jure que a tort estoie
+grevee de mauvaises parties
+par quoy couvenoit
+en fin se paix vouloie avoir
+comme je apperceusse
+leur cavillacions desirant
+me tirer de plait comme
+celle qui le hayoit parfaictement
+comme chose contre
+ma nature qui paix
+<span class="pagenum">-57-</span> desire que je chevisse a eulx
+moyennant le mien a tres grans
+frais et coust/ Et ne cuidez mie
+que ce m’ait duré un an ou .ii.
+mais l’espace de plus de .xiiii.
+ans que quant un meschief m’estoit
+faillis l’autre survenoit
+en tant de manieres diversement
+que longue seroit et
+anuyeuse la narracion de la
+moitié/ Et ainsi ne fina la
+sancsue de fortune de sucer
+mon povre avoir jusques a
+tant que tout l’ot desfiné &amp;
+que plus a perdre n’avoie/ &amp;
+adont faillirent mes plais
+mais non mie mes adversitez
+O doulce maistrece quantes
+larmes souspirs plains lamentacions
+et griefs pointures
+cuides tu que quant je
+estoie seulete a mon retrait
+que je eusse et gitasse en
+ce tandis/ ou quant a mon
+foyer veoie environ moy mes
+petis enfans et povres parens/
+et consideroie le temps
+passé et les infortunes presentes
+dont les floz si bas
+me affondoient et remedier
+n’y povoie/ Desquieulx
+meschiefs plus plaignoye
+mes prochains que ma personne
+Sicomme une foiz je
+respondis a un qui me disoit
+que je n’avoie que plaindre
+car je estoie sans charge comme
+celle qui estoit seule/ &amp; sangle
+je dis qu’il ne m’avoit pas
+bien regardee/ car je estoie
+.iii. foiz double/ et comme
+il ne m’entendist ce disoit
+lui exposay disant que je
+estoie .vi. foiz moy mesmes
+Et avec ce cuidez tu point
+chiere maistrece que grevast
+a mon cuer la charge de la
+paour que on s’apperceust
+de mes affaires/ Et le soucy
+que a l’estat ne apparust
+a ceulx dehors ne aux voisins
+le decheement de ce maleureux
+estat venu de mes
+predecesseurs non pas de
+moy Le quel mon ignorence
+tant amer me faisoit
+que mieulx eusse choisi mourir
+que en decheoir/ ha quel
+fardel et quel pointure a
+cuer que trop aime le vouloir
+soustenir et fortune
+ne vueille/ il n’est doulour
+a celle pareille/ et nul ne
+le croit s’il ne l’essaye et
+dieux scet quans inconveniens
+a celle cause viennent
+&amp; sont venus a mainte gent
+Si te promés que a mes semblans
+et abis peu apparoit
+entre gens le faissel de mes
+ennuys/ ains soubs mantel
+fourré de gris et soubz seurcot
+d’escarlate non pas souvent
+renouvellé/ mais bien gardé
+avoie espesses foiz de grans
+friçons/ et en beau lit et bien
+ordené de males nuis mais
+le repast estoit sobre comme
+il affiere a femme vesve
+et toute foiz vivre couvient
+Et dieux scet comment
+mon cuer tourmenté estoit
+quant excecucions sur moy
+estoient faites et que mes
+chosettes m’estoient levees
+par sergens/ le dommage
+grant m’estoit/ mais plus
+craignoie la honte/ mais
+quant il couvenoit que je
+feisse aucun emprunt ou
+que soit pour eschever plus
+grant inconvenient beau
+sire dieux comment honteusement
+a face rougie tant
+fust la personne de mon
+amistié le requeroye/ &amp; ancore
+au jour d’uy ne suis garie
+de celle maladie dont tant
+ne me greveroit comme il
+me semble quant faire le
+m’esteut un acés de fievre
+Ha dieux quant il me souvient
+comment tant de foiz
+ay musé la matinee a ce palais
+en yver mourant de froit
+espiant ceulx de mon conseil
+pour ramentevoir et soliciter
+ma besongne ou maintes
+foiz y ouoye a mes journees de
+diverses conclusions qui suer
+des yeulx me faisoient et
+maintes estranges responces
+mais en sur que tout me
+grevoit la mise de la quelle
+mal aisiee estoie.</p>
+
+<p>¶ A l’exemple
+de jhesuscrist qui volt estre tourmenté
+en toutes les parties
+de son corps pour nous instruire
+a pacience/ volt fortune que
+mon povre cuer fust tourmenté
+de toutes les manieres de
+dures et diverses pensees.
+Quel plus grant mal et
+desplaisir peut sourdre a
+l’innocent ne plus grant cause
+de inpacience que de soy oyr
+<span class="pagenum">-58-</span> diffamer sanz cause comme
+il appert par les recors de boece en son
+livre de consolacion/ ne fu il
+pas dit de moy par toute la
+ville que je amoie par amours
+Mais ycy trop fait a notter que
+il soit voir/ que tout ce feist
+fortune par ses batemens divers/
+car comme telz renommeus
+communement viennent
+et souvent a tort par
+grant acointance &amp; frequentacion
+les personnes ensemble
+et par conjectures et couleurs
+voir semblables/ mais
+je te jure m’ame que ycellui
+ne me cognoiscoit ne ne
+savoit qui je estoie ne ne fu
+onques homme ne creature
+nee qui me veist en publique
+ne en privé en lieu ou il
+fust/ Car mon chemin ne
+s’i adonnoit ne n’i n’avoie que
+faire et de ce me soit dieu
+tesmoing que je dis voir.
+Et comme selon l’estre de sa
+personne et de la moye ne
+se peust bonnement tel chose
+faire ne n’estoit voir semblable/
+ne nul n’avoit
+couleur de le penser me
+suis mainte fois esmerveillee
+dont teles paroles povoient
+sourdre/ lesquelles estoient
+portees de bouche en
+bouche disant je l’ay ouy dire
+dont comme celle qui ignocent
+me sentoie aucune
+foiz quant on le me disoit
+m’en troubloie/ et aucune
+foiz m’en sousrioye/ disant
+dieux et ycellui et moy savons
+bien que il n’en est
+riens.</p>
+
+<p>¶ Ne se passa mie
+a tant ma peine/ Car comme
+a mon povoir tous
+jours estrivasse contre la
+bataille et luite de fortune
+me voyant moult dechoite
+de ma chevance
+comme je eusse cedules
+veriffiees et passees par
+la chambre des comptes
+d’une somme d’argent qui
+ancore deue estoit a mon
+feu mari a cause des gages
+de son dit office empetray
+mandement du
+roy aux generaulx que
+de ce je fusse payee/ or
+vint la poursuite anuyeuse
+que par neccessité
+contrainte faire me couvenoit/
+a grant travail
+pourmenee par maintes responces
+<span lang="la" xml:lang="la">pro et contra</span> plusieurs
+journees et que ce soit lonc
+travail et ennuyeux je
+m’en rapporte a ceulx qui
+essayé l’ont/ plus desplaisant
+que onques mais en
+ce temps ci comme dient
+les anciens/ Or peus savoir
+se a moy femme foible de
+corps et naturellement
+cremeteuse faire de neccessité
+vertu m’estoit labour
+qui a danger et coust de
+compaignie selon l’estat appris
+me couvenoit trotter
+apres eulx selon le stile
+puis en leurs cours ou sales
+en commun muser a
+toute ma boite et mandement
+le plus des jours sanz
+y riens faire/ ou par lonc
+train avoir responces doubles
+en esperance mais longue
+estoit l’attente/ O dieux
+quantes parolles
+anuyeuses/ quans regars
+nices/ que de rigolages de
+aucuns remplis de vins
+et graisse d’aise souvent
+y ouoye/ lesquieulx choses
+de paour de empirer mon
+fait comme celle qui besoing
+avoit je dissimuloie sanz
+riens respondre me retournant
+de autre part/ ou faisant
+semblant que ne l’entendisse
+le getoie a truffe
+Et dieux amender vueille
+toutes villes consciences
+Car de mauvaises en trouvoie.</p>
+
+<p>¶ A cause de ceste
+poursuite comme je ne
+trouvasse nulle part grant
+ne petit charitable/ non
+obstant que a plusieurs
+nobles et grans requeisse
+l’aide de leur parolle esperant
+que comme loy de droit les
+oblige au secours des vesves
+et orphelins Et je n’y trouvasse
+en effaict riens bon
+pour moy un jour desconfortee
+sur ces choses fis ceste
+balade.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c6">Balade.</h3>
+
+
+<div class="flex">
+<div class="poetry">
+<div class="verse">Helas ou donc trouveront reconfort</div>
+<div class="verse">povres vesves de leurs biens despoullees</div>
+<div class="verse">puis qu’en france qui seult estre le port</div>
+<div class="verse">de leur salu et ou les exillees</div>
+<div class="verse">Seulent fuir et les desconseillees</div>
+<div class="verse">Mais or n’y ont mais amistié</div>
+<div class="verse">Les nobles gens n’en ont nulle pitié</div>
+<div class="verse"><span class="pagenum">-59-</span> Aussi n’ont clercs li greigneur ne li mendre</div>
+<div class="verse">ne les princes ne les daignent entendre</div>
+
+<div class="verse stanza">¶ Des chevaliers n’ont elles nesun port</div>
+<div class="verse">par les prelas ne sont bien conseillees</div>
+<div class="verse">Ne les juges ne les gardent de tort</div>
+<div class="verse">des officiers n’aroient .ii. maillees</div>
+<div class="verse">de bons respons des poissans travaillees</div>
+<div class="verse">Sont en maint cas n’a la moitié</div>
+<div class="verse">devers les grans n’aroient exploitié</div>
+<div class="verse">Jamais nul jour ailleurs ont a entendre</div>
+<div class="verse">ne les princes ne les daignent entendre</div>
+
+<div class="verse stanza">¶ Ou pourront mais fuir puis que ressort</div>
+<div class="verse">n’ont en france la ou leur sont baillees</div>
+<div class="verse">Esperances vaines conseil de mort</div>
+<div class="verse">voyes d’enfer leur sont appareillees</div>
+<div class="verse">S’elles veulent croire voyes broullees</div>
+<div class="verse">Et faulx consaulx ou appointié</div>
+<div class="verse">n’est de leur fait nul n’ont si acointié</div>
+<div class="verse">qui les ayde sanz a aucun mal tendre</div>
+<div class="verse">ne les princes ne les daignent entendre</div>
+
+<div class="verse stanza">¶ Bons et vaillans or soient esveillees</div>
+<div class="verse">voz grans bontez ou vesves sont taillees</div>
+<div class="verse">d’avoir maint maulx de cuer haitié</div>
+<div class="verse">secourez les &amp; croyez mon dictié</div>
+<div class="verse">Car nul ne voy qui vers elle soit tendre</div>
+<div class="verse">ne les princes &amp;c.</div>
+</div>
+
+</div>
+<p>¶ La cause qui me mouvoit a
+en personne oultre mon gré
+faire telle poursuite estoit
+que quant mon message
+y envoyoie n’avoit en leur
+presence nulle audience
+mais a tout le moins quant
+je y venoie ramentevoir
+l’estat de moy vesve requerant
+encline devant eulx par pitié
+leur secours/ aucune apparence
+de pitié plus en eulx
+trouvoie/ cest ennui avec
+des autres ne me dura
+pas petit/ ains y fus constant
+plus de l’espace de
+.vi. ans sur le pourchas non
+mie de moult grant somme
+qui par parties en tieulx
+travaulx et requestes de
+seigneurs resservé le reste
+qui ancore m’est deu je fus
+payee.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c7">Encore continue
+christine sa complainte.</h3>
+
+
+<p>Entens tu doulce maistrece
+en quieulx doulz
+deduis ay passé la jonesce
+de ma vesveté Avoie
+je cause que trop druerie
+me feist entendre aux
+foles amours/ mais non
+obstant ce que assez souffire
+deust par si lonc temps a celle
+par qui tout ce me venoit
+ne fu pas appaisiee envers
+moy la desloyale de qui autre
+foiz me suis plainte comme
+je en eusse cause/ car la douleur
+du dent y trait la
+langue/ ains te diray en
+poursuivant ceste matiere
+jusques au jour d’uy comment
+ses floz m’ont gouvernee
+et ancore ne cessent.</p>
+
+<p>¶ Voir est que ou temps de
+mes perplexités dessus dit
+pour ce que descouvrir a
+autrui si qu’ay touché ses
+adversitez et affaires/ La
+cause pour quoy/ Car charité
+est pou trouvee ne peut
+tourner se a servitude non
+et pou de preu/ Comme
+ce soit moult grief faissel
+de douleur tenir enclose
+sans regehir ne m’avoit
+ancore tant grevee fortune
+comme elle ne peust que
+je ne fusse accompaignee
+des musettes des poetes
+non obstant que les reboutas
+arriere et chaças de
+la compaignie de boece
+ou temps de sa tribulacion
+pour le repaistre de plus
+haultes viandes/ ycelles
+me faisoient rimer complaintes
+plourables regraitant
+mon ami mort et le bon temps
+passé/ sicomme il appert
+au commencement de
+mes premiers dictiez ou
+principe de mes cent balades
+et mesmement pour passer
+temps/ et pour aucune
+gayeté attraire a mon cuer
+doulereux faire diz amoureux
+et gays d’autrui sentement
+comme je dis en
+un mien virelay.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c8">Dit christine comment elle
+mua sa maniere de vivre.</h3>
+
+
+<p>Apres ces choses comme
+ja fussent passees
+mes plus jeunes jours et
+aussi la plus grant part de
+mes occupacions foreines
+revins a la vie qui plus
+naturellement me plaisoit
+c’est a savoir solitaire et
+quoye/ adont par solitude
+me vindrent au devant
+les rumignacions du latin
+&amp; des parleures des belles
+<span class="pagenum">-60-</span> sciences &amp; diverses sentences
+et polie rethorique/ que oÿ
+le temps passé au vivant
+de mes amis trespassez pere
+et mari/ je avoie de eulx/ non
+obstant que par ma folour
+petit en retenisse/ Car non
+obstant que naturellement
+et de ma nativité y fusse
+encline me toloit y vaquer
+l’occupacion des affaires que
+ont communement les
+mariees/ et aussi la charge
+de souvent porter enfans
+Avec ce la trop grant jonesce
+la trop mignote ennemie
+de sens qui ne laisse
+souventes foiz aux enfans quelque
+bon engin que ilz ayent pour
+le desir de jouer/ hanter
+l’estude se crainte de bateures
+ne les y tient/ &amp; pource
+que celle crainte n’avoie
+la voulenté de jouer si maistrisoit
+l’engin &amp; sentement
+si que constant ne povoit
+estre ou labeur de apprendre.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c9">Se plaint christine
+de jeunece.</h3>
+
+
+<p>Ha folle jonece avuglee
+et variable non
+cognoissant les prouffitables
+&amp; bonnes choses qui
+ne te delites fors en choses
+vaines/ oyseuses et de
+nulle vertu/ ne ailleurs
+appliquer ne te querroies
+Et certes voirement qui
+par toy se gouverne suit
+la voye de perdicion et se
+avugle en sa meismes cognoissance/
+Tant haÿr
+te dois quant ou temps que
+je estoie a meimes les .ii.
+beaulz conduis de philosophie/
+costé si haultes fontaines
+tant cleres et saines
+Et moy comme fole jone
+trop mignote/ non obstant
+que les beaulx ruisseaulx
+me pleussent ne m’en
+emplissoie/ mais tout
+ainsi comme le fol qui
+voit luire le cler souleil
+ne s’avise de la pluye ains
+cuide que tous jours lui
+dure/ n’en faisoie compte
+et a temps cuidoie recouvrer
+a ce que je perdoie
+Ha fortune quel tresor
+tu me tolis/ Tant fis
+grant dommage a mon
+entendement qui ne les me
+laissas durer jusques en
+l’aage de plus grant cognoissance/
+bien t’a herdis a
+nuire meismes a la proprieté
+de mon ame/ car se
+ores avoie costé moy tel
+clarté au desir que j’ay/ sustraite
+de toutes autres occupacions
+et delis comme
+de choses vaines donnee
+entierement a l’estude/ telement
+et si largement me
+empliroie que femme nee
+puis lonc temps ne m’en
+passa/ helas quant je
+avoie costé moy les maistres
+de science/ conte d’apprendre
+ne faisoie/ Et ores est le
+temps venu que mon engin
+et sentement m’en die en
+desirant ce que par faulte
+de apprendre ne peut
+avoir/ c’est a savoir l’art
+de toy philosophie m’amie
+science. Ha doulce savoureuse
+chose et emmellee
+qui tous autres tresors
+en valeur precedes comme
+souveraine/ tant sont
+eureux ceulx qui a
+plain t’a saveurent/ Et toutevoie
+comme de ce je ne puisse
+juger fors a l’aventure
+sicomme de chose que a
+plain je ne cognoisce/ neant
+moins m’en donne la cognoissance
+le tres delitable goust
+&amp; saveur que je treuve seulement
+es petites deppendances
+et parties de sciences
+comme plus hault je ne
+puisse attaindre me fait
+presumer ou bien de elle
+a ceulx qui l’aiment/ &amp;
+la saveurent et sentent
+souverain delit/ Ha enfans
+et jones se vous saviés
+le bien qui est ou goust
+de savoir et le mal et laidure
+qui gist en ignorence
+comment se bien avisié
+estiez petit plaindriés la
+peine et labour de apprendre/
+ne dit aristote que
+naturellement l’omme
+savant seignourist l’ignorent
+sicomme nous veons l’ame
+seignourir le corps
+Et quel chose est plus belle
+que savoir/ &amp; quel chose
+est plus laide que ignorence
+<span class="pagenum">-61-</span> messeant a homme sicomme
+une foiz respondis a un homme
+qui remprouvoit mon
+desir de savoir disant que
+il n’appartient a femme avoir
+science comme il en soit pou
+Lui dis que moins appartient
+a homme avoir ignorence
+comme il en soit beau coup.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c10">Dit christine comment elle
+se mist a l’estude.</h3>
+
+
+<p>Ainsi en cellui temps
+que naturellement
+estoit parvenu mon aage
+au degré de cognoissance
+regardant derriere moy les
+aventures passees &amp; devant
+moy la fin de toutes choses
+Tout ainsi comme un
+homme qui a passé perilleuse
+voye se retourne arriere
+regardant le pas par merveille
+et dit que plus n’y
+entrera/ et que a meilleur
+se tendra/ ainsi considerant
+le monde tout plain de las
+perilleux/ &amp; que il n’est fors
+pour toute fin un seul bien
+qui est la voye de verité
+me tiray au chemin ou propre
+nature et constellacion
+m’encline/ c’est a savoir
+amour d’estude/ adonc
+clouy mes portes/ c’est a
+savoir mes sens que plus
+ne fussent tant vagues
+aux choses foraines/ et vous
+happay ces beaulx livres
+et volumes/ et dis que
+aucune chose recouvreroye
+de mes pertes passees/ ne
+me pris pas comme presomptueuse
+aux parfondesses
+des sciences obscures es
+termes que ne sceusse comprendre/
+Sicomme dit
+Caton/ lire et non entendre/
+n’est mie lire ains
+comme l’enfant que au premier
+on met a l’a.b.c.d.
+me pris aux histoires anciennes
+des commencement
+du monde/ les histoires
+des ebrieux/ des assiriens
+et des principes des
+seignouries procedant
+de l’une en l’autre dessendant
+aux rommains
+des françois des bretons
+&amp; autres plusieurs historiographes/
+apres aux
+deducions des sciences
+selon ce que en l’espace du
+temps que y estudiay j’en
+pos comprendre.</p>
+
+<p>¶ Puis me
+pris aux livres des poetes
+Et comme de plus en plus
+alast croiscent le bien de ma
+cognoissance/ adont fus
+je aise quant j’oz trouvé
+le stile a moy naturel
+me delittant en leurs soubtilles
+couvertures et belles
+matieres muciees soubz
+fictions delitables et morales/
+et le bel stile de
+leur metres et proses deduites
+par belle et pollie
+rethorique aournee de
+soubtil lengage et proverbes
+estranges/ pour la quelle
+science de poaisie nature
+en moy resjouye/ me dist
+fille soulasse toy quant
+tu as attaint en effait
+le desir que je te donne
+&amp; ainsi continuant et vaquant
+tous jours a l’estude
+comprenant les sentences
+de mieulx en mieulx.</p>
+
+<p>¶ Ne souffist pas
+a tant a mon sentement
+&amp; engin/ ains volt que
+par l’engendrement d’estude
+et des choses veues nasquissent
+de moy nouvelles
+lectures/ adont me dist
+prens les outilz et fiers
+sur l’enclume/ La matere
+que je te bailleray si durable
+que fer ne feu ne autre
+chose ne la pourra despecer
+si forges choses delitables/
+&amp; ou temps que tu portoies
+les enfans en ton ventre
+grant douleur a l’enfanter
+sentoies/ Or vueil
+que de toy naiscent nouveaulx
+volumes/ lesquieulx
+les temps avenir
+perpetuellement au monde
+presenteront ta memoire
+devant les princes et par
+l’univers en toutes places
+lesquieulx en joye et
+delit tu enfanteras de
+ta memoire/ non obstant
+le labour et traveil le quel
+tout ainsi comme la femme
+qui a enfanté si tost
+que ot le cry de l’enfant
+oublie son mal/ oublieras
+le traveil du labour oyant
+la voix de tes volumes.</p>
+
+<p><span class="pagenum">-62-</span> ¶ Adont me pris a forger
+choses jolies a mon commencement
+plus legieres/ &amp;
+tout ainsi comme l’ouvrier
+qui de plus en plus en son
+oeuvre s’asoubtille comme plus
+il la frequente/ ainsi tous
+jours estudiant diverses
+matieres mon sens de plus
+en plus s’imbuoit de choses
+estranges amendant
+mon stile en plus grant
+soubtilleté et plus haulte
+matiere depuis l’an .M.CCC.iiii.<sup>xx</sup> &amp; .xix. que je
+commençay jusques a
+cestui .CCCC. &amp; cinq/ ou
+quel ancore je ne cesse/ compilles
+en ce tandis quinze
+volumes principaulx sanz
+les autres particuliers petis
+dictiez lesquieulx tous
+ensemble contiennent environ
+.lxx. quayers de
+grant volume comme l’experience
+en est magnifeste
+Et comme grant louange
+pour ce n’y affiere/ Car
+pou y a soubtilleté/ par
+ventance dieux scet que ne
+le dis mais pour continuer
+l’ordre de mes bonnes et
+mauvaises aventures.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c11">Le plaisir que christine prenoit
+a l’estude.</h3>
+
+
+<p>Or fu l’estat de mon
+vivre tresmué en
+autre disposicion/ mais
+non pas pour tant changié
+en mieulx ma malle
+fortune ains comme dolente
+du bien et solas de ma
+vie speculative et solitaire
+persevera sa malivolence
+non a ma personne seulement
+mais en despit de moy
+a de mes plus prochains
+la quelle chose je attribue
+au procés de mes adversitez.
+Et te diray comment par
+me tolir mes bons amis
+comme tous jours elle soit
+repunante a ma prosperité
+ne les a souffers longuement
+vivre. Il est voir que comme la
+voix courust ja et meismes
+entre les princes/ de l’ordre
+et maniere de mon vivre
+c’est a savoir a l’estude/
+pour ce que
+revellé leur estoit non obstant
+celer le voulsisse leur fis
+present comme de nouvelle
+chose quelque petis et foibles
+que ilz soient de mes volumes
+de plusieurs matieres
+lesquieulx de leur grace comme
+princes benignes et tres humains
+les virent voulentiers
+&amp; receurent a joye/ et plus
+comme je tiens pour la chose
+non usagee que femme
+escripse comme pieça ne
+avenist/ que pour digneté
+qui y soit/ et ainsi furent
+en peu de heure ventillez
+et portez mes dis livres en
+plusieurs pars et pays divers.</p>
+
+<p>¶ Environ ce temps comme
+la fille du roy de france
+fust mariee au roy richart
+d’angleterre vint par de ça
+a celle cause/ un noble
+conte dit de salsbery/ et
+comme ycellui gracieux chevalier
+amast dictiez &amp; lui meismes
+fust gracieux dicteur/ apres
+ce qu’il ot veu des miens dictiez
+tant me fist prier par
+plusieurs grans que je
+consenti tout le feisse je
+envis que l’ainsné de mes
+filz assez abille et bien
+chantant enfans de l’aage
+de .xiii. ans alast avec lui
+ou pays d’engleterre pour estre
+avec un sien filz auques de
+l’aage/ du quel dit conte
+comme il se portast tant bien
+&amp; grandement de mon dit
+enfant et plus promettoit
+pour le temps avenir aux quelles
+choses croy que il n’eust
+failli/ comme il en eust la
+poissance/ vrayement les
+promesses que faites m’en
+avoit ne furent trouvees
+mençongieres/ mais ce bien
+ne volt pas celle souffrir
+longuement qui mains
+autres maulx m’a fais
+c’est a savoir male fortune
+qui non pas lonc temps
+apres procura la dure
+pestillence ou dit pays de
+angleterre contre le dit
+Roy Richart comme chacun
+scet/ pour la quelle cause
+apres pour sa grant
+loyauté vers son dit droit
+seigneur fu decollez a grant
+tort le dessus dit tresbon
+conte/ or fu failli le eur
+mondain du commencement
+<span class="pagenum">-63-</span> de mon dit filz assez enfant
+en temps de grant pestilence
+hors de son pays/ par raison
+dot estre esbahi/ mais que
+avint il le roy henry qui ancore
+est qui s’atribua la couronne/
+vit des dictiez et livres
+que je avoie ja plusieurs envoyez
+comme desireuse de lui
+faire plaisir au dit conte/ si
+lui vint a cognoiscence tout
+ce que il en estoit/ adont tres
+joyeusement prist mon enfant
+vers lui/ et tint chierement
+&amp; en tres bon estat/ &amp; de fait
+par .ii. de ses hayraulx notables
+hommes venus par de ça
+lencastre et faucon roys
+d’armes me manda moult
+a certes priant et promettant
+du bien largement que par de la
+je alasse/ et comme de ce je
+ne fusse en riens temptee
+considerant les choses comme
+elles estoient/ dissimulay
+tant que mon filz peusse
+avoir disant grant mercis/
+&amp; que bien a son command
+estoie/ et a brief parler tant
+fis a grant peine/ et de
+mes livres me cousta
+que congié ot mon dit filz
+de me venir querir par de
+ça pour mener la qui ancore
+n’i vois/ &amp; ainsi reffusay
+l’eschoite de ycelle fortune
+pour moy et pour lui
+pour ce que je ne puis croire
+que fin de desloyal viengne
+a bon terme/ Or fus
+joyeuse de veoir cil que
+je amoie comme mort le
+m’eust seul filz laissié &amp;
+.iii. ans sans lui
+oz esté/ mais crue
+fu la charge de ma
+deppense non a
+moy aysiee/ Car je doubtay
+que le grant estat ou quel
+estoit par de la lui donnast
+vouloir de retourner comme
+enfant es quieulx consideracion
+n’est grande voulentiers
+se tiennent a ce que
+aux yeulx et a leur aise meilleur
+leur semble/ Si lui
+quis maistre grant et
+poissant qui de sa grace
+le retint/ mais comme
+la petite faculté du jeune
+enfant pou apparant
+en la multitude des grans
+de sa court tous jours a
+ma charge couvint que
+son estat fust soustenu
+sanz de son service tyrer
+aucun fruit/ &amp; ainsi me desherita
+fortune d’un de
+mes bons amis et d’une de
+mes esperances/ mais ancore
+de puis pis me fit.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c12">Se plaint christine de fortune
+qui lui osta ses bons amis.</h3>
+
+
+<p>Sicomme devant
+est dit comme ja
+m’eussent donné nom mes
+dis volumes par les presens
+qui a maint prince de estranges
+terres fais en furent
+nompas de par moy envoyez
+mais par autres comme
+de chose nouvelle venue
+de sentement de femme
+sicomme dit le proverbe
+choses nouvelles plaisent
+ne le dis pour nulle ventance
+comme elle n’y affiere.</p>
+
+<p>¶ Le premier duc de milan
+en lombardie qui de
+ceste chose fu informez
+&amp; peut estre/ plus grandement
+que la cause n’y
+estoit/ desirant me traire
+en son pays/ tres grandement
+avoit ordené de mon
+estat par rentes a tous jours
+se aler y vouloye/ &amp; ce
+scevent plusieurs gentilz hommes
+du pays meismes
+commis a celle ambassaderie
+Mais fortune selon ses usages
+&amp; coustumes ne volt mie
+que la ruine de mon estat
+fust reparé/ si me tolli tantost
+par mort cil qui bien
+me vouloit/ non pas que
+de legier eusse deliberé laissier
+france pour certaines
+causes/ tout soit de la mon
+naturel pays/ Toute
+foiz me greva elle quant
+me toli un bon ami qui n’est
+petite perte/ Et tel que comme
+la relacion de gens notables
+m’a dit/ sanz partir de ça
+meismes m’ust il valu par
+les dessertes de mes livres.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c13">Encore de ce mesmes.</h3>
+
+
+<p>Ancore reste a parler
+de ma plus grant perte
+a cause de grant prince
+mort puis le temps du susdit
+sage roy Charles/
+ne fusse pas voirement
+evident signe de hayneuse
+envie de la perverse contre
+moy/ quant tost apres que
+<span class="pagenum">-64-</span> le tres venerable hault et poissant
+noble prince philippe duc
+de bourgongne/ qui frere fu
+au dit sage roy m’ot par l’acointance
+de mes dis livres &amp;
+volumes prise a amour/ lesquieulx
+ne lui avoie ancore
+pou de temps a presentez
+comme je ne les reputasse
+dignes de estre ouvers en la
+presence de sa sagece/ mais
+comme sa benigne clemence
+plus considerant je croy la
+constance de mon labour que
+grant soubtilleté estre en mon
+oeuvre comme elle n’i soit
+moult les ot agreables/ sicomme
+me apparu par la louange
+de sa parolle/ et plus par le
+effait de son bon et grant secours
+a l’estat non de moy
+seulement/ mais de mon
+dit filz/ de lui retenu a gages
+et bien amé serviteur
+Et moy semblablement a
+qui avec les autres biens faiz
+tant daigna reputer mon
+savoir/ que il de sa bouche
+me chargia que je tins a
+grant grace/ comme il
+desirast que la belle vie et
+notables fais du sage roy
+susdit fust en propre volume
+mise en registre affin
+que perpetuele memoire demourast
+au monde par bon
+exemple de son noble nom
+que je compillasse des dictes
+choses certain volume.</p>
+
+<p>¶ Helas
+et tost apres lors que sa
+grace vers moy de plus en
+plus croisçoit le me toli par
+mort la desloyale/ la quelle
+mort fu renouvellement
+des navreures de mes adversitez/
+&amp; semblablement grief
+parte a cestui royaume
+sicomme ou dit livre que
+il me commanda/ non ancore
+lors achevé je recorde
+en piteux regrais.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c14">Conclut christine sa complainte
+a philosophie.</h3>
+
+
+<p>Or t’ay je dit tres
+reverend maistresse
+les motifs et causes de
+mes ennuys passez/ et non
+pas tous/ car dieux scet
+que en grant quantité de
+autres maulx &amp; ennuys
+ay passé le temps que
+anuyeuses et longues seroient
+a dire/ et la perseverence
+de yceulx qui dure
+encore/ ne de la fin je ne voy
+signe.</p>
+
+<p>¶ Du temps present
+comment il m’est te dis que
+non obstant supplicacions &amp;
+requestes que par force de
+divers survenus affaires
+&amp; partes en la maniere dessus
+dicte par les floz infortunez
+souvent courans sur
+moy que j’ay aux princes
+françois qui ancor vivent
+baillees/ mainte foiz requerant
+leur secours/ non
+pas les adjurant par mes
+merites/ mais suppliant
+par l’ancienne amour qui
+tira mon dit pere par de
+ça leur serviteur et par
+ses bien fais a moy delaissiee
+et hors de son lieu a
+son petit maisnage voulsissent
+secourir/ mais que
+je ne mente ne soie ingrate/
+le secours de aucun
+d’eulx comme il m’ait assez
+esté tardif presenté par
+assignacion non de grans
+choses/ ancore la longueur
+de la paye/ &amp; ennuyeuse
+poursuite de leurs tresoriers
+auques estaint la value
+de la grace et merite du bien
+fait/ O chere dame que cuides
+tu quel peine/ c’est a
+femme de ma faculté abstrate
+assez/ et pou chalant
+des aluchemens de couvoitise
+convenir contre ma naturel
+condicion non moult
+curable ne ardant sur les
+desirs de peccune/ mais par
+neccessité contrainte de
+grans charges poursuivre
+a grant train ces gens de
+finance pourmenee de jour
+en jour de leurs belles parolles/
+Et ainsi va au jour
+de huy a l’estat de mon
+vesve colliege/ dame honoree
+a qui riens n’est occult
+Et tu meismes qui scez que
+petit me chault des amas
+&amp; assemblees de tresors ne
+de croiscence d’estat fors soustenir
+cellui venu de mes
+devanciers comme folle ancore
+de en curer/ recognoissant
+que tout est vent chose
+mondaine/ ne que mes pensees
+ne sont es desirs de superflus
+paremens ne delicatifs vivres
+me soies tesmoing que seulement
+l’amour &amp; charge agreable
+que je ay de ma bonne mere
+<span class="pagenum">-65-</span> en viellece sur les bras de sa
+seule fille qui n’est oublieuse
+des grans materneulx benefices
+d’elle receus/ voluntaire
+du meriter comme droit est
+me rent perplexe et adoulee
+quant fortune ne seuffre a
+ma voulenté sortir son bon effaict
+&amp; que femme de si parfaict
+honnour et si noble vie et bel
+estat comme est et a tous jours
+esté/ celle ne soit tenue et ordenee
+selon son droit/ avec les
+autres charges de povres parentes
+a marier &amp; autres amis
+&amp; ne voie de nulle part fortune
+propice pour mon secours.</p>
+
+<p>¶ Encore au propos des pointures
+de mes dolentes pensees
+avec mes autres anuys/ cuides
+tu que devant la face
+de fortune ne me repute
+peu eureuse/ quant si voy
+ses autres accompaignez de
+leurs lignages freres et parens
+d’estat &amp; aisiez/ eulx resjouyr
+ensemble/ et je pense que
+je suis hors des miens en
+estrange lieu/ &amp; mesmement
+.ii. freres germains que j’ay
+sages preudes hommes &amp;
+de belle vie/ que il a couvenu
+que par ce que de ça
+n’estoient pourveus que ilz
+soient alez vivre ou pays de
+la sus les heritages venus
+du pere/ et moy qui suis tendre
+&amp; a mes amis naturelle/
+me plains a dieu quant je
+voy la mere sans ses fieulx
+que elle desire/ &amp; moy sanz
+mes freres/ Et ainsi peus
+tu veoir chere maistrece que
+tout au contraire de mes
+desirs m’a fortune servie qui
+ancores persevere en ses malefices.</p>
+
+<p>¶ Et que de ces choses
+dis voir dieu qui proprement
+est toy &amp; toy qui proprement
+est lui le savez.
+Si reviens a ce que devant est
+dit que comme fortune
+m’a contraire ades continue
+par tieulx molestes qui
+ne sont a cuer femenin
+&amp; foible pas petites plus
+me grieve l’empeschement que
+a l’estude par ses occupacions
+me fait qui mainte
+foiz troublent si ma fantasie
+que ne peut vaquer
+l’entendement au bien qui
+lui delite/ tant est ofusqué
+par ses dures pointures/ que
+ne fait le fait du mal que
+j’en seuffre.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c15">Respont
+philosophie a cristine.</h3>
+
+
+<p>Quant ainsi je oz toutes
+mes raisons finees
+je me teus quoye/ adont la
+excellent deesse parla ainsi
+que se semblant feist de
+sousrire/ tout ainsi que
+fait un sage quant les
+raisons du simple lui sont
+presentes/ mais non pourtant
+mon ignorence ne me
+toli l’aisance de sa digne
+parolle/ qui ainsi me dist
+Certes amie a tes parolles
+cognoiz comment folle faveur
+te deçoit es jugemens
+de ton meismes estat/ O creature
+avuglee qui attribues
+a male fortune les dons
+de dieu et son propre galice
+dont il t’abeuvre/ Et
+pour quoy te plains tu
+par ingratitude des biens
+que as receus/ et certes
+moult est perverti l’estommac
+qui propice viande
+reçoit/ &amp; la convertist
+dalmagiablement a sa nourriture/
+Et ou est doncques
+le sens de ton entendement
+qui ne cognoist ce qui lui est
+prouffitable/ et que tu es
+deceue te prouveray par
+pratique de groz exemple
+tout ainsi comme l’expert
+medecin qui considere la
+faculté de la nature &amp; compleccion
+de son pacient &amp;
+selon sa force ou foiblece
+lui donne purgatoire et
+medicine/ ainsi useray en
+toy de regime tenue et legier
+pour la foiblece de
+l’estomac de ton entendement
+a qui choses pesantes
+et ponderans teles ou
+semblables que jadis donnay
+a mon amé boece sicomme
+en son livre as trouvé seroyent
+fortes a digerer et convertir
+a la sustentacion de ta
+neccessité/ Et pource comme
+exemples ruraulx soient
+aux simples cause de plus
+legierement comprendre
+les fourmes des choses
+par celle voye sus fondement
+de sainte escripture la plus
+<span class="pagenum">-66-</span> seure/ te ramenray se je
+puis a vraye cognoiscence
+de ton tort. Belle amie par ce
+que comprendre puis en ton
+fait moult te plains et tiens
+mal contempt de fortune
+que tu dis estre et avoir esté
+ja lonc temps ennemie de
+ta prosperité/ &amp; que tres lors
+que en france conduisi tes
+parens &amp; toy avec eulx ourdi
+le las de tribulacion ou
+conduire te vouloit/ Et puis
+les autres aventures tu dis
+estre venues a ton grant grief
+aux quelles choses non a
+toutes particulierement/ Car
+n’en est besoing/ mais assez
+servira pour chacune ma
+general responce te monstreray
+ta vehemente folie &amp;
+la descongnoissance qui te
+deçoit en ceste partie/ et te
+destourne d’aviser le vray
+de ton fait/ avises un pou
+en toy meismes les grans
+persecucions &amp; mortieulx
+inconveniens qui ont puis
+esté &amp; ancore sont comme il
+ne puisse estre en paix/ ou
+pays dont tu es nee/ et
+penses a certes se dieu te
+fist point grant grace non
+obstant que t’en plaignes
+de oster toy et les tiens de
+entre les flames de ceulx
+qui se bruslent/ cuides tu
+par ta foy que eschappee
+en fusses jusques au jour
+d’uy sans ta part avoir
+du mal/ ou sur toy/ ou
+le veant avoir a de tes amis
+Car meismes par de ça as
+tu plouré de tes charnelz
+qui s’en sont sentus/ mais
+apres je me ry de ta
+niceté qui attribues a
+la poissance de fortune
+la mort et trespas de creature
+humaine/ sicomme
+tu dis du roy Charles
+&amp; de tes autres amis/ et
+ce qui est ou secret de dieu
+escript qui toutes choses
+dispose &amp; gouverne a
+son bon plaisir/ C’est
+a savoir la fin et terme
+de vie humaine/ Il
+semble que vueilles appliquer
+a aventure/ quant
+tu dis que fortune t’en
+despoullia Tout ainsi
+comme se autre chose ne
+eust afaire fors soy occuper
+pour tes nuisances/ Et scez
+tu la cause qui te meut a
+tieulx ymaginacions/ c’est
+la trop grant faveur et tendreur
+que as a toy meismes
+&amp; a l’aise de tes plaisirs qui
+te fait tout ce qui avient
+contre ce que vouldroyes
+attribuer au propos de ce
+que tu ymagines/ Car
+quant est de la mort du
+roy et aussi des autres
+dieu les avoit ordenez a
+ce terme pour le meilleur
+comme toutes choses ainsi
+le face/ &amp; se le mieulx
+fust les laisser fait le eust
+Et des jugemens de dieu
+quoy que ilz vous semblent
+merveilleux n’est pas en
+vous deu discuter en hardies
+parolles/ car comme
+il soit tout sapient/ scet
+bien que il fait.</p>
+
+<p>¶ Et des
+autres adversitez dont
+tu te plains resembles
+l’enfant trop mignot qui
+se deult du petit coup de
+la verge que son pere lui
+donne/ et ne scet cognoistre
+le bien que il lui fait/ ainsi
+certes te plains sanz cause
+Car ne scez adroit que sont
+tribulacions/ &amp; en ce monstres
+que tu es femme tendre
+fresle et pou souffrant qui
+de pou se scent/ Et ce te
+prouveray je par raison cy
+apres.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c16">Le reconfort
+de philosophie.</h3>
+
+
+<p>Toy qui te plains pour
+un pou de tribulacions
+se elles te sont survenues
+tout ainsi comme se
+dieu fust plus tenus a toy
+que a un autre/ Avises en
+toy meismes que pevent
+dire plusieurs bonnes personnes
+et christiens comme toy
+qui par estranges fortunes
+n’ont pas seulement perdu
+tous leurs biens temporelz
+mais leur membres dont
+sont mahaignez par longue
+maladie/ et par survenue
+aventure/ et en autres cas
+divers tourmentez en esperit ou
+en leurs corps/ Et ancore
+avec ce en tel povreté que
+ilz n’ont lieu propre ne
+<span class="pagenum">-67-</span> chose pour eulx couvrir ne
+leur lasse vie repaistre se
+ilz ne se vont traisnant par
+entre vous a grant peine/ cerchant
+voz aumosnes ou souvent
+treuvent pou de pitié
+que dirons nous de ceulx
+la/ ou des autres qui ont
+diverses grandes tribulacions
+en maintes guises que
+ilz sont mal eureux infortunez
+et de dieu haÿs/ nennil
+nennil/ Ce n’est mie selon
+les sentences de noz loys
+qui sont l’euvangile/ ains
+dirons que beneurez sont
+tout ainsi comme dieu le
+dit lui meismes d’yceulz
+et des paciens.</p>
+
+<p>¶ <i lang="la" xml:lang="la">Beati
+pauperes quoniam ipsorum est
+regnum celorum/ beati
+pacifici quoniam filii dei vocabuntur.</i></p>
+
+<p>¶ Si dis que tu
+juges follement Car ne sont
+pas infortunez au regart
+des distribucions justes de
+dieu les plus persecutez
+ains sont les plus beneurez
+en tant comme plus
+s’approchent de la vie jhesucrist
+en ce monde en toute tribulacion.
+Pour vostre exemple.
+Si te dis que de
+tant es tu eureuse et je le
+te monstre se nyer ne veulx
+la sainte escripture/ comme
+tu approches aucunement
+a ceulx qui passent par
+tribulacion/ et plus eureuse
+fusses mais que
+pacience avec fust/ se plus
+en eusses/ car de tant seroit
+plus grant ton merite/
+et se tu es ferme
+en la foy/ de la quelle chose
+mal fus nee se il n’est
+ainsi/ point ne mescroiras
+ce que je dis.</p>
+
+<p>¶ Et a ce
+propos ne dit saint augustin
+sur le .xxi.<sup>e</sup> pseaulme
+Sache dist il tout homme
+que dieu est un medecin
+qui au malade pecheur
+baille tribulacion pour
+medicine a son salut non
+pas pour peine de sa
+dampnacion/ O malade
+pecheur quant tu reçois
+la medicine de dieu en tribulacion
+tu te deuls/ tu te
+plains et cryes a ton medecin
+il ne te escoute pas a ta
+voulenté mais il te escoute
+a ta santé.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c17">Encore de mesmes.</h3>
+
+
+<p>Mais alons oultre pour
+dieu mercis savoir
+mon de quoy tu te peus clamer
+de dieu ne plaindre
+de fortune/ et certes par ce
+que il me semble en toy apperçois
+grant ingratitude
+&amp; descognoissance quant
+de foison biens graces que
+par tant de fois t’a faites
+&amp; fait chacun jour/ non
+pas seulement ne le remercies
+ains te reputes recevoir
+tres grant tort comme
+se digne fusses non pas
+senz plus de mieulx avoir
+mais toutes choses a ton
+souhaid/ &amp; que il soit vray
+avise toy avise quans
+grans benefices et dons
+de dieu si notables toy indigne
+as receus/ &amp; chacun
+jour fais aux quelles choses
+se bien penser y veulx &amp;
+sagement en toy discuter
+tu trouveras que les
+adventures qui avenues
+au monde te sont que tu
+imputes a male fortune
+te sont propices &amp; couvenables
+meismement a l’utilité
+de ton vivre au monde
+et pour ton mieulx sicomme
+cy apres te monstreray
+Mais ta sensualité te tolt
+vraye cognoiscence.</p>
+
+<p>¶ Je avise
+que entre les autres prosperitez
+.iii. choses entre
+vous mondains sont que
+vous reputez comme les
+principales de voz joyes
+&amp; gloires &amp; sanz partie
+de ycelles .iii. ou toutes je
+suppose que il n’est quelconques
+richece qui content feist
+cuer d’omme/ Et qu’il n’est
+si grant tresor des biens
+de fortune que cellui a
+qui elles faillent ne voulsist
+avoir donné se il
+l’avoit pour posseder ycelles/
+les .ii. sont hors soy
+&amp; l’autre en soy meismes
+La premiere est estre nez
+de nobles parens la
+quelle noblece je entens
+des vertus/ La seconde
+avoir corps sanz nulle
+<span class="pagenum">-68-</span> defformité et assez plaisant
+saintif et non maladis/
+mais bien complexionné
+et de competant discrecion
+&amp; entendement/ La tierce
+joye qui n’est mie petite avoir
+enfans beaulx et gracieux
+au monde de bonne discrecion
+et de bonnes meurs et
+craignans dieu/ O femme
+avises ton ingratitude/ Es
+tu donques exaussie de celles
+belles graces avec maintes
+autres que dieu t’a donnees/
+il semble que oublié
+ayes comment il t’est quant
+si meseureuse te reputes
+Est il femme au jour de
+huy que tu cognoisces plus
+glorieuse de parens que
+tu es/ ne te souvient il
+de la digneté de nostre
+noble philosophe ton pere
+qui de noz estudes tant estoit
+familier que nous
+seyons en la chayere avecques
+lui devisant de noz secrés
+et pour l’acointance de
+nostre industrie fu en son
+temps repputé le suppellatif
+en noz sciences speculatives/
+&amp; avec ce vray catholique
+comme tous jours &amp;
+a sa fin paru/ et vertueux
+que je m’en rapporte a toy
+que plus prises seulement
+&amp; plus te prouffite la rumignacion
+de son savoir
+qui demouree t’est que quelconques
+avoir non obstant
+que t’en plaignes que il
+te peust avoir laissié/ penses
+se contente de ce bien
+te dois tenir/ Que diray
+je de ta tres noble mere
+scez tu point de femme plus
+vertueuse/ remembre toy
+depuis sa jonece jusques
+au jour d’ui se vie contemplative
+constamment ou
+service de dieu quelque
+occupacion que elle onques
+eust l’a nul jour laissiee
+je croy que non/ O quel
+noble femme comme sa
+vie est glorieuse comme de
+celle que nulle tribulacion
+onques ne suppedita ne
+brisa par impacience son
+tres bon courage/ &amp; quel
+exemple de vivre en toute
+vertu pour toy/ se tu
+bien t’i mires/ avises combien
+grant grace dieu te fait
+ancore avec tout de si noble
+mere laisser vivre en ta compaignie
+en sa viellece plaine
+de tant de vertu/ &amp; quantes
+foix elle t’a reconfortee &amp;
+menee de tes impaciences
+a cognoistre ton dieu/ Et
+se tu te plains que peine seuffre
+ton cuer pour ce que
+vers elle te semble ne peus
+faire comme il appartient
+je te dis/ ce vouloir avec la
+pacience est meritoire a
+toy et a elle/ et de elle sanz
+faille la digne conversacion
+&amp; vie esleue l’a fait estre clere
+entre les femmes c’est chose
+nottoire et tres beneuree
+Item quant au .ii.<sup>e</sup>/ en tes
+biens ne t’a par ta foy dieu
+donné corps fort assez &amp;
+bien compleccionné selon
+ta qualité lui en peus tu
+rien demander/ se tu ne
+varies/ si gardes que de
+tel entendement que il
+y a mis/ bien en uses/ ou
+se non/ mieulx te vaulsist
+moins avoir sceu/ Ce qui
+touche a la .iii.<sup>e</sup> joye/ n’as tu
+enfans beaulx gracieux &amp;
+de bon sens/ ton premier
+fruit qui est une fille donnee
+a dieu et a son service/ rendue
+par inspiracion divine
+de sa pure voulenté &amp;
+oultre ton gré en l’eglise et
+noble religion de dames a
+poissi/ ou elle en fleur de
+jonece et tres grant beauté
+se porte tant notablement
+en vie contemplative et
+devocion/ que la joye de la
+relacion de sa belle vie souventes
+foiz te rent grant
+reconfort/ et quant de elle
+meismes tu reçois les tres
+doulces et devotes lettres/ discretes
+et sages que elle t’envoye
+pour ta consolacion es
+quelles elle jeunette et ignocente
+te induit et amonneste
+a haÿr le monde et despriser
+prosperité.</p>
+
+<p>¶ N’as
+tu un filz aussi bel et gracieux
+et bien moriginez/ et
+tel/ que de sa jonece qui ne
+passe .xx. ans du temps
+que il a estudié en noz premieres
+sciences en gramaire
+<span class="pagenum">-69-</span> on ne trouveroit ne rethorique
+et poetique lengage naturellement
+a lui propice gaires
+plus apte et plus soubtil que
+il est avec le bel entendement
+&amp; autre bonne intiquative
+que il a/ et que je ne mente
+es choses dictes assez sont
+magnifestes si que chacun
+le peut veoir/ non pas le te
+dis pour toy induire a vaine
+gloire/ mais affin que graces
+rendes a cil dont tout
+bien vient qui t’a donné les
+diz biens &amp; mains autres/ &amp;
+lesquieulx fortune ne donne
+mie/ mais lui de sa
+pure grace especiale a qui
+il lui plaist.</p>
+
+<p>¶ Des autres
+complaintes que tu fais de
+tes amis germains que tu
+ne vois et qui de toy sont
+loings/ je ne fais compte
+Car comme ce monde ci ne
+soit que un trespas dois esperer
+que par les prieres
+de la bonne mere et la
+preudommie de eulx serés
+par la misericorde de dieu
+conduis en la cité de joye
+c’est la sus ou ciel ou se dieu
+plait vous entre verrés perpetuellement.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c18">Blasme philosophie
+christine de ce que elle se plaint.</h3>
+
+
+<p>De ce que ton mari en
+jone aage mort te
+toli dont tu te plains je
+te dy que dieu ne te fist
+nul tort quant son serf
+pour mettre en plus hault
+degré volt ravoir/ et lui
+plut que tu demourasses
+en la vallee de tribulacion
+pour esprouver ta pacience
+et pour toy affiner en vertu/
+Sicomme dit saint
+augustin sur le .lx.<sup>e</sup> pseaulme
+que en une meisme
+fournase la paelle art &amp;
+l’or se purge/ la paelle
+tourne toute en cendre/ &amp;
+l’or de toute escume et
+ordure se nettoye/ Et que
+est a entendre la fournase
+doulce amie scez tu/ c’est
+le monde ou tu es/ la
+paelle/ Ce sont les mau
+prouffitans/ l’or/ ce sont
+les justes/ le feu/ c’est tribulacion/
+l’orfevre/ c’est
+dieu/ Ce que l’orfevre a
+voulu faire de toy/ il te
+doit plaire/ ou il te veult mettre
+tu le dois vouloir/ tu as
+commandement de endurer
+il a l’office de purger/ et combien
+que la paele arde en ce
+feu/ c’est la douleur que
+tu sens/ toutevoye se tu es
+sage tu t’y purges comme
+l’or.</p>
+
+<p>¶ Et ancore avec tout
+ce que le mieulx ait esté
+pour toy/ et au prouffit de
+ton sens le te monstreray
+Il n’est ou monde plus grant
+bien et toy meismes pas
+ne le me nyeras/ que cellui
+qui vient de l’entendement/ &amp;
+qui le parfait en savoir/ la
+quelle chose fait estude qui
+apprent science/ et experience
+de moult de choses/ Ces
+.ii. causes font la personne
+estre sage se faute de l’entendement
+ne lui tolt a
+ton propos il n’est mie
+doubte que se ton mary
+te eust duré jusques a
+ore/ l’estude tant comme
+tu as ne eusses frequenté
+Car occupacion de maisnage
+ne le t’eust souffert au
+quel bien d’estude tu te mis
+comme a la chose plus esleue
+selon ton jugement
+apres la vie qui est de tous
+poins pour les parfais c’est
+la contemplative/ la quelle
+est vraye sapience/ le quel
+bien d’estude je sçay que
+confesseras que pour tous
+les biens de fortune ne vouldroies
+quelque pou que y
+ayes fait ne t’i estre occuppee
+&amp; que la delectacion qui
+tant t’en agree ne eusses
+Dont ne te dois tu pas tenir
+pour meseuree/ quant tu
+as entre les autres biens
+une des choses du monde
+qui plus te delite et te plaist
+a avoir/ C’est a savoir le
+doulx goust de science.
+Item se riche et garnie &amp;
+sans tribulacion fusses demouree/
+en delices te fusses
+nourrie/ lesquelles choses
+conduisent creature a plusieurs
+inconveniens/ Si
+n’eusses mie l’experience de
+congnoistre le monde/ et
+cause de tant le haÿr/ la
+quelle chose dieu veult/
+Et par consequant ne
+<span class="pagenum">-70-</span> fusses si savant/ car saches de
+vray que les riches que chascun
+agree non mie pour eulx/ mais
+pour le leur/ n’ont si grant cause
+de congnoistre les fallaces
+du monde ne lesquieulx sont
+leurs vrays amis comme ont
+ceulx qui les espreuvent et
+qui passent par adversitez
+Car il leur semble pour ce que
+le monde leur rit que il ne
+soit autre paradis et que il
+soit vray/ toy meismes as
+ouy mainte foiz dire a de
+yceulx riches/ qu’ilz vouldroient
+que dieu gardast son
+paradis et a tous jours
+les laissast en ce monde/
+Or regarde a quel prejudice
+tournent les delices quant
+ilz ramainent la voulenté
+qui doit suivre raison a
+tele bestialité que elle ne
+use ne que une beste mue
+ne mais aux pastures basses/
+&amp; ne se lieve ne regarde
+a son propre lieu naturel
+qui est le ciel dont l’ame fourmee
+a l’image de dieu est
+venue et doit tendre a aler
+Et que il soit vray que
+les espreuves de tribulacion
+te soient prouffitables
+je me rapporte a toy que
+se dieu te ramenoit a un
+pou plus d’aise de prosperité
+que pour riens ne
+vouldroyes que tribulacion
+ne eusses essayee/ Or conclus
+en toy meismes et prens
+garde/ puis que ainsi est
+que a l’entendement &amp;
+au bien de ton corps sont
+valables/ se a l’ame/ se bien
+en as usé plus sont proufitables/
+Car dit saint
+augustin sur l’euvangile
+saint jehan/ Les tribulacions
+que dieu veult
+que tu ayes a souffrir en
+ce monde/ ce n’est pas peine
+de dampnacion/ ains
+est le flayel de correccion
+Et vous enfans de dieu
+estes appellez a l’eritage
+pardurable/ Et si ne daignez
+estre flayelez.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c19">Encore de ce mesmes.</h3>
+
+
+<p>Apres il me semble
+que tu te plains
+Et dis que comme tu
+fusses choite es las de dure
+fortune tantost que tu fus
+vesve te assaillirent les mauvais
+par divers travaulx
+de plais &amp; de plusieurs inconveniens
+que ilz te bastirent
+O ma chiere amie/ ce n’est
+pas de nouvel que les mauvais
+persecutent les ingnocens
+qui deffendre ne se
+scevent ou pevent/ mais non
+pourtant que ce soit a leur
+dampnacion/ yceulx persecuteurs/
+se bien a ton utilité
+sceusses user des trais de
+leurs dars seroient les orfevres
+de ta couronne//
+Car dit saint jerome en
+l’epistre a ciprian que
+de tant comme creature
+humaine plus est afflicte
+par poissance d’ennemis
+&amp; de cruauté/ et de tant
+plus croist la couronne de
+son loyer/ O folle qui plouroies
+par desconfort a ton
+foyer comme dit as ou temps
+de tes tribulacions/ helas
+&amp; ainsi faisoies de ton prouffit
+ton dommage/ se par
+impacience estoit Car dit
+saint augustin/ beau filz
+se tu pleures gardes que ce
+soit soubz la correccion de
+dieu ton pere et non mie par
+impacience/ car la verge
+dont il te bat n’est mie punicion/
+ains est signe que
+tu as part en son testament
+Car dieu t’envoioit ton mieulx
+et user n’en savoies
+Or regarde les beaulx
+enseignemens des sains
+docteurs/ car de tel viande
+te vueil je repaistre comme elle
+soit plus penetrant par
+aventure en ton entendement
+que force d’argumens ne
+seroit/ de quoy autre foiz
+usay en confort de creature
+humaine.</p>
+
+<p>¶ Helas ne
+t’enseigna en ce pas ci saint
+gregoire ou .x.<sup>e</sup> livre de morales
+que tu devoies faire
+lors que il dit tieulx parolles/
+de tant dist il/ que
+nous endurons pour l’amour
+de nostre dieu plus
+paciemment tribulacion
+de tant plus croist nostre esperance
+en lui/ Car la
+joye de retribucion pardurable
+<span class="pagenum">-71-</span> ne peut estre cueillie se premierement
+n’est semee en affliccion/
+Et escoute un beau vers
+de ses parolles.</p>
+
+<div class="flex">
+<div class="poetry">
+<div class="verse">¶ Les maulx qui ycy nous estraignent</div>
+<div class="verse">a aler a dieu nous contraignent.</div>
+</div>
+
+</div>
+<p>¶ Et combien que ci devant
+t’aye dit/ et il est vray que cause
+n’eusses de si grant affliccion
+avoir selon le effait des
+choses comme tu dis que avoyes/
+Toutevoyes puis que te
+reputoies mal eureuse tu
+l’estoies/ et c’estoit ce qui le te
+faisoit estre/ Car se toy
+meismes ne t’i reputasses
+ne le fusses mie/ Dont puis
+que maladie ta meismes
+reputacion te donnoit medicine/
+Il couvient a quelque
+cause que le mal soit venus
+mais a celle fin que a de tes
+amies ou amis semblablement
+enformez/ ou a d’autres simples
+ou ignorens du coliege
+chrestien a qui ce vendra a
+congnoissance puisse mon
+remede estre valable/ le regime
+a garison prouffitable
+de tel maladie ne te sera
+par moy vee/ Et ancor voy
+que maistier en as/ et a propos
+que de pou te plaignisses.</p>
+
+<p>¶ Escoute que dit Cassiodore
+sur le psaultier/ nous
+endurons dist il petites choses
+mais s’il nous souvenoit
+bien quel buvrage pour nous
+but en la croix de nostre seigneur
+qui a lui nous appelle/ nous
+avons matiere de pacience
+O creature se il est ainsi
+que tribulacion tu ayes
+receue ou reçoives/ Comment
+dieu t’a donné belle maniere
+de vivre se bien en scez
+user/ car tribulacion euvre
+l’oreille du cuer mainte foiz
+la ou mondainne prosperité
+la clot.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c20">Encore de ce.</h3>
+
+
+<p>De ce que tu m’as dit/
+que cheus en paroles
+de ce de quoy tu estoies ignocent
+dont tu te troubloies
+O chiere amie quelle gracieuse
+punicion dieu qui
+t’aime &amp; n’est mie doubte
+que mainte fois l’as courroucié
+par divers pechiez
+Il te volt donner par te
+corriger en ce que tu n’estoies
+mie coulpable pour
+les pechiez muciez par aventure
+en conscience ou par effait
+en quelque maniere que
+commis avoies/ et ainsi
+mainte foiz le fait a creature
+Car en la chose dont n’est
+mie en coulpe la pugnist
+d’autres divers pechiez
+mais c’est grant purgacion
+pour cellui qui est persecutez
+de son innocence/ et les
+flaiolz des mauvais sont
+les instrumens de sa gloire/
+Et de cessi dit saint
+gerome es morales ou
+.xx.<sup>e</sup> livre le tout poissant
+dist il seuffre en ce monde
+que les mauvais griefvent
+les bons/ a ce que par la
+forsennerie des reprouvez
+soit purgee de la vie des esleus/
+Et n’est point a cuider
+que jamais dieu souffrist
+que les mauvais ainsi cruellement
+tourmentassent
+les non coulpables ou les
+bons se il ne veoit combien
+il leur prouffite/ Car quant
+les mauvais forcennent
+sur les non courpables
+Adont sont luisans les ignocens
+&amp; purgiez &amp; la perversité
+des mauvais plus redonde
+sur la perdicion de eulx
+O dieux et de entre vous qui
+passer voulez de delices en delices
+c’est a savoir des ayses de ce
+monde que vous desirez aux
+biens celestiaulx la quelle
+chose ne se peut faire.</p>
+
+<p>¶ Escoutez que dit saint
+gregoire en une omelie quant
+je considere dist il job couché
+sus un fumier comme
+mesel/ Saint jehan baptiste
+mourant de fain en
+un desert/ saint pierre estendu
+en crois/ saint jaques
+decolé de herode/ Je pense
+comment dieu tourmentera
+a son jugement durement
+ceulx que il repreuve/ quant
+ycy presentement il afflict
+si durement ceulx que il
+aime et appreuve.</p>
+
+<p>¶ Et entre
+vous mondains qui pensez
+en voz petites tribulacions
+que dieu vous ait oubliez
+Et que fortune vous persecute/
+Pensez vous que il
+soit plus tenus a vous que
+<span class="pagenum">-72-</span> a ses autres bons amis a qui
+tant laissa souffrir.</p>
+
+<p>¶ Mais
+de ycelle souffrance escoutez
+que dit saint bernard en un
+sermon/ mes freres dist il
+nous sommes en ce monde ainsi
+comme en un champ de bataille/
+Et pour ce qui ycy playez
+de tribulacion n’apperra ne
+recevra en l’autre la victoire
+de la couronne glorieuse/ O
+belle amie que cellui est sage
+&amp; vray/ Bon mainnager ou
+celle/ qui toutes choses scet
+bien traire a son prouffit &amp;
+bien en user soit de prosperité
+ou d’aversité/ mais comme
+les delices mondains soient
+plus fors a en user au prouffit
+de l’ame que les tribulacions
+nostresire pour bien de
+creature communement les envoie
+a ses mieulx amez/ Car
+nient plus ne lui cousteroit
+a envoyer prosperité que aversité/
+mais soyez certaine que
+lui qui scet vostre fragilité
+le fait pour le meilleur
+de cil a qui l’envoye/ Car
+non obstant que vous en
+murmuriez par impacience
+souventes fois si estes vous
+plus actes en la voye de tribulacion
+a aler ou ciel que
+ceulx qui sont nourris es
+grans delices/ et que il soit
+vray se mescroire ne voulez
+comme heretiques les saintes
+escriptures &amp; les sains
+docteurs moult en avez de
+preuves/ Car se tu me dis
+que fortes sont a passer les
+tribulacions de ce monde
+&amp; que elles dueillent griement.</p>
+
+<p>¶ Helas escoute a ce propos
+que dit crisostome sus l’euvangile
+saint mathieu/
+se aucun dist il repute la
+voye de ceste vie laborieuse
+pour les afflictions qui y
+sont il accuse sa parece/ Car
+se aux maronniers les floz
+de la mer &amp; les tempestes
+et les gelees de l’iver aux
+laboureurs/ et les playes
+orribles navreures aux
+chevaliers/ Semblent estre legeres
+a porter pour l’esperance
+du gaing/ ou de l’onneur
+temporelle que ilz en attendent
+par plus forte
+raison nous doivent
+sembler aysiees les tribulacions
+de ce monde pour les
+quelles nous est promis paradis
+en loyer.</p>
+
+<p>¶ Ha dieux
+&amp; avec tout ce pensez vous
+point entre vous pecheurs
+que ayés desservi par maintes
+diffames ancore trop plus
+grant punicion que souffisant
+n’est de pugnir l’aversité
+que vous avez/ Et quant
+dieu selon sa misericorde
+amodere et adoulcist vers
+vous sa justice pour un pou
+au regart de voz maulx vous
+donner a souffrir/ n’estes vous
+bien tenus a lui/ Et a ce
+propos dit pierre de ravenne
+en une epistre/ dieu
+dist il te pugnist en ce monde
+a ce que la peine temporelle
+rachate tes ardeures de
+la mort pardurable/ Car
+ainsi que les pierres ne
+sont mises en edefice se premierement
+ne sont taillees
+&amp; au martel acquerries
+ne le grain n’est point mis
+ou grenier tant que au fleau
+soit batu/ aussi ne peus
+tu estre logié en l’edefice
+de paradis ne mis ou guernier
+des esleus se tu n’es
+esprouvé par tribulacion.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c21">Encore de reconfort.</h3>
+
+
+<p>Amie chere par ce que
+dit t’ay/ me semble que
+assez doit souffire au propos
+que au premier je promis
+te monstrer ton tort des grans
+reclaims que m’as fais de
+tribulacions que tu dis avoir
+passees n’estre si grandes que
+tu les poises/ &amp; aussi que
+pour ton prouffit te sont premises
+se en toy ne tient.
+Assez me semble t’ay prouvé
+souffisamment/ mais sur
+le temps present ou quel tu
+dis ancores durer tes infortunes
+ou tu ne vois ne cognoiz
+voye de relachement/ Te
+respondray confondant pareillement
+tes oppinions
+en ce que tu ymagines.</p>
+
+<p>¶ Et apres pour le temps
+avenir se croire me veulx
+tout ainsi comme le bon
+medecin quant il a curé
+son malade/ lui baille regime
+pour preserver sa santé
+<span class="pagenum">-73-</span> &amp; affin que il ne renchee/ te
+bailleray ordre et voie de estre
+conduite a la vraye felicité
+ou tout cuer humain doit tendre
+comme il n’en soit point
+d’autre/ Et premierement
+pour ce que tu ne congnoiz
+ton estat le te fere congnoistre/
+te feray une demande
+Car par ce que de toy entens
+tu ne te tiens mie content de
+telle porcion que tu as de biens
+Et t’est avis que assez de
+autres abondent en superfluitez
+de choses dont escharceté
+as et souffreté/ Si te demande
+se tu congnoiz homme
+ou femme soit prince princesse
+ou autre des plus remplis
+des biens de fortune/ soit
+en seignourie/ estas honneurs
+et autres dignitez/ je te parle
+de la vie des mondains/ &amp;
+en resserve les speculans nobles
+de entendement/ que
+tu voulsisses avoir changié
+ton simple estat &amp; maniere
+de vivre/ la voulenté
+que tu as et l’amour et delit
+de estude que tu prens
+a ta vie solitaire pour
+avoir la cure &amp; charge de
+tant de divers faisselz/ Et
+dame de conscience et l’ardeur
+de couvoitise &amp; tout tel courage
+comme a le plus eureux
+&amp; fust meismes converti
+ton corps foible &amp; femenin
+en homme pour estre transmuee
+de condicions et de
+tout en cellui ou celle a
+qui tu reputes es biens
+mondains fortune plus
+propice/ adont respondis
+a la dame honoree/ dame
+a quoy me fais tu ceste
+demande/ ne scez tu que
+couvoitise tant ne me suppedite
+que pour tous les
+biens de fortune voulsisse
+avoir changié mon estre
+a cellui d’un autre pour
+toutes ses richesces/ O
+folle et comment peut estre
+que apres tele sentence
+tu te reputes mal eureuse
+et puis que mieulx te souffist
+ton estat que cellui de
+un tres poissant riche
+ne feroit/ pour le laissier
+donc te reputes tu plus riche
+c’est a savoir plus eureuse
+que le plus riche qui soit
+tant que touchent ses richesces/
+Car comme toute chose
+tende tous jours a sa perfeccion/
+se tu reputoies le
+plus riche plus parfaict que
+toy/ tu vouldroies doncques
+ton estre avoir au sien changié/
+Et ainsi peus tu veoir
+que le mal ou le bien que
+les gens ont leur vient par
+cuider et par oppinion &amp;
+non mie des choses/ Car
+cellui est riche qui plus ne
+couvoite/ et cellui est povre
+qui art en desir/ amie
+chiere ci n’as pas mauvaise
+cause/ or te souffise doncques
+l’estat ou dieu t’a appellee/
+Et de ce que tu te
+complains de la charge
+de plusieurs parens que
+il te faut avoir/ prens
+la en pacience et fais ton
+devoir/ Car tout est pour
+ton merite/ &amp; te resjouis en
+ce que ilz sont bons/ &amp; espere
+en dieu comme dit le psalmiste
+et fais bien/ Car
+il ne te fauldra ja/ nature
+est de pou soustenue qui
+vit a la neccessité de nature
+il se sauve. Mais qui vit
+selon les supperfluitez de delices
+il se pert et dampne &amp;
+accourse ses jours.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c22">Le reconfort de philosophie
+aleguant la sainte escripture.</h3>
+
+
+<p>Mais pource que tu n’as
+pas ancore la mer de
+ton pelerinage toute passee
+te tendray de promesse verité
+sus l’enseignement de ton
+vivre.</p>
+
+<p>¶ Tu qui felicité
+desires se parvenir y veulx
+viens a moy je te ouvreray
+la voye/ la quelle non obstant
+que toute soit plaine
+de tribulacions/ aler n’y
+peus par autre chemin et
+pour ce que entre les autres
+peines dures a souffrir
+semble entre vous mondains
+que injure et persecucion
+sanz cause receue de voz
+prochains soit a porter paciemment
+la plus fort chose
+fonderay l’entree de nostre
+oroison sur ce que dit a ce
+propos saint gregoire sur
+ezechiel/ tous les biens
+dist il que nous faisons
+<span class="pagenum">-74-</span> sont nulz se paciemment nous
+ne endurons les maulx que
+recevons de noz prochains
+Et de ce nous donna exemple
+Jhesucrist qui plus souffry
+de son meismes peuple que
+autre homme ne pourroit
+souffrir.</p>
+
+<p>¶ Mais bien dit
+voir grisostome/ quant sur
+l’epistre saint paul aux ebrieux
+il dist/ il n’est riens qui
+si grant confusion au persecuteur
+qui autrui persecute face
+que de endurer paciemment
+&amp; forment ses injures/ et ne
+lui en rendre vengence en
+fait ne en parolle.</p>
+
+<p>¶ De ce
+parla hue de saint victor
+ou .iii.<sup>e</sup> livre de l’ame/ grant
+vertu dist il est a cellui qui
+est blecié se il espargne cellui
+a qui il pourroit nuire
+Car c’est la plus noble victoire
+que homme puist avoir
+que de espargner par vertu
+cellui a qui grever pourroit.</p>
+
+<p>¶ Et que les mauvais
+soient communement persecuteurs
+des bons/ ne fus
+pas repunante a ce que
+devant est dit/ quant je
+dis a mon amé boece que
+ceulx de nostre prophession
+desirent a estre haÿs des
+mauvais/ Car comme
+toute chose hee son contraire
+ne seront pas leurs hayneulx
+participans de leurs
+mauvaistiez.</p>
+
+<p>¶ O gens
+mortieulx ce dit boece pour
+quoy la hors querez la
+beneurté qui assise dedens
+vous est ignorence vous
+deçoit/ car la pure vraye
+beneurté est avoir de soy
+meismes la seigneurie
+Car homme n’a si chere
+chose comme soy meismes
+Et ce ne lui peut fortune
+tolir/ Et affin que tu
+saches que es choses de
+fortune ne peut avoir
+felicité je te dy que felicité
+et beneurté sont les
+souverains biens de nature
+Et ce est raison et entendement
+&amp; bien souverain ne peut
+estre perdus/ Et ces meismes
+paroles que je te dis
+pareillement dis a mon
+amé boece// Donques entre
+vous usez des dons de dieu
+et laissez aler ceulx de
+fortune/ et apprenez a
+seignourir vous meismes
+&amp; adont ne vous seront tant
+grevez a porter les tribulacions
+pour l’amour de cellui
+pour qui le ferés.</p>
+
+<p>¶ Car
+dit a ce propos saint gregoire
+ou .v.<sup>e</sup> de morales
+se la pensee de l’omme est
+adreciee en dieu par forte
+entencion/ quanqu’i est
+amer en ceste vie lui semble
+doulx/ &amp; tout quanque
+afflict il repute repos.</p>
+
+<p>¶ Ancore dit le benoit gregoire
+sur ezechiel dieu
+avec ses dons nous mesle
+ses fleaulx/ a ce que
+tout quanque mondainnement
+nous delictoit nous
+semble amer/ et affin que
+en noz courages un feu se
+alume de charitable pacience
+qui nous excite tous
+jours au desir du ciel.
+Et ainsi nous morde delitablement/
+nous tourmente
+souefvement/ et qui nous
+contriste joyeusement
+Ha dist il ou premier de
+morales/ le benoit job quant
+dieu souffroit que il fust
+de l’ennemi frappez/ autant
+de voix de pacience comme
+il rendoit en ses tourmens
+autant de dars il regitoit
+contre son adversaire/ Et
+assez plus grans coups lui
+donnoit que il ne soustenoit.</p>
+
+<p>¶ Et en ce dist il lui meismes
+est discernee la pensee
+juste de la pensee injuste
+Car la juste en tous estas
+et en toutes adversitez confesse
+la louange du tout
+poissant/ &amp; l’injuste ne fait
+que murmurer.</p>
+
+<p>¶ Et de
+ce dit saint ambroise sus
+le pseaume de <i lang="la" xml:lang="la">Beati
+inmaculati</i>/ En ce as tu
+le grant merite de pacience
+se toy existant subget aux
+tribulacions tu loes les jugemens
+de dieu/ se tu grevé
+de maladie tu rens graces/
+et en quelque estat que
+tu soies plus afflict &amp;
+tant plus prouffites.</p>
+
+<p>¶ Que te diroye de la
+noble vertu de pacience
+se toy existant subget aux
+<span class="pagenum">-75-</span> tribulacions/ tu loes les jugemens
+de dieu/ se tu grevez
+de maladie/ tu rens graces
+&amp; en quelque estat que tu soyes
+plus afflict et tant plus
+prouffites.</p>
+
+<p>¶ Que te diroye
+de la noble vertu de pacience/
+c’est celle en toute somme
+qui est la maistre portiere
+de paradis/ et sanz qui les
+autres vertus ne tiennent lieu
+Et ce conferme Cassiodore
+sur le psaultier/ pacience
+dist il est la vertu qui vaint
+toutes choses non mie en combatant
+mais en souffrant
+non pas en murmurant
+mais en rendant graces
+C’est la vertu qui nettoie
+toute l’ordure de volupté
+&amp; qui a dieu rent les ames
+cleres.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c23">Instruit philosophie
+a despriser les biens mondains.</h3>
+
+
+<p>Et de ce que entre vous
+tant amez les assemblemens
+des richeces/ &amp; tant
+vous traveillez pour ycelles
+m’en tairay je dont non
+feray Car combien que par
+aventure petit penetreront
+mes parolles es courages
+obstinez/ non pourtant
+viennent avant les notables
+au propos de leur vitupere/
+lesquieulx le dit
+boece nostre amé recite en son
+livre de reconfort/ et les
+approuvons par l’escripture
+sainte en la maniere encommenciee/
+et avisez quelle
+introite d’ycelles/ veulx
+tu dist il assembler peccune
+il couvient que tu la
+soubtrayes a qui que soit
+veulx tu avoir dignetez
+tu seras ou desdaing des
+envieux/ veulx tu surmonter
+les autres/ tu seras en
+peril de hayneux/ se tu
+montes en poissance/ la
+paour de decheoir ne te
+laira point/ veulx tu
+renommee avoir il te couvendra
+moult souffrir
+veulx tu delices/ tous ceulx
+te despriseront qui serf te
+verront a tes aises/ Et pour
+ce peus notter que ces voies
+ne font pas l’omme riche
+C’est a savoir assouvy.</p>
+
+<p>¶ Escoute ancore ces
+propres parolles/ certes
+dist il les richeces n’estaignent
+pas l’avarice que l’en
+ne peut saouler/ ne la poissance
+ne fait estre seur cellui
+qui de lians est enchaennez/
+Et quant povoir
+vient aux mauvais il
+ne les fait pas bons mais
+descueuvre et monstre leur
+mauvaistie dont veu ce
+que vous avez joye de mettre
+voz cures a choses qui autre
+sont que vous ne les nommez
+&amp; que l’en peut assez reprendre
+pour ce que elles ne sont
+ne vrayes poissances ne
+vrayes dignitez/ Je puis
+conclurre de toute fortune
+que il n’y a chose qui a desirer
+face ne qui naturellement
+soit bonne quant
+tous jours elle ne se joint
+pas aux bons &amp; que a
+ceulx a qui elle se joint
+elle n’est pas bonne.</p>
+
+<p>¶ Et assez s’acorde a ceste
+sentence aristote quant
+ou livre de bonne et de
+male fortune dit que
+la ou est le plus grant
+engin et entendement
+n’est mie tous jours la
+meilleur fortune/ Et souvent
+avient que la ou fortune
+est plus propice n’est
+mie le plus grant entendement.</p>
+
+<p>¶ Et ce est contre
+les arrogans qui presument
+d’eulx/ Et cuident que quant
+fortune leur est propice que
+ce soit pour leur grant savoir
+ou value/ mais comme
+l’experience du contraire nous
+soit magnifeste veons le
+plus des bons et de cler engin
+mal fortunez es biens
+mondains/ Et pource est
+voir le proverbe des lombars
+qui dit/ a fol aventureux
+n’a lieu sens/ mais dit
+boece que plus prouffite la
+male fortune que la bonne
+Car la bonne fait semblant
+de beneurté/ Et ainsi elle
+ment comme en ses biens
+n’ait beneurté/ Et la
+mauvaise est vraye en ce
+que elle monstre par soy
+changier que elle n’a
+point d’estat seur/ La
+bonne donques deçoipt
+&amp; la mauvaise fait sage
+<span class="pagenum">-76-</span> par l’usage de tribulacion/ Et
+certes Comme il dit les richesces
+ont donné nom a maint
+mauvais &amp; sanz vertu/ Et
+pour ce cuident yceulx que il
+ne soit autre bien ne plus digne
+chose que avoir tresors pierres
+precieuses et grans seignouries/
+O viles dignetez et
+poissances du monde que entre
+vous exaussiez jusques au
+ciel et ne savez qu’est povoir
+&amp; vraye digneté/ &amp; se mauvais
+vous a/ onques grant elevacion
+d’eaues ou de flames
+plus ne dalmagierent.</p>
+
+<p>¶ Helas
+homme/ et se tu regardes
+ton corps/ tu ne trouveras
+pas plus foible chose/ Car
+le mors de un chien ou une
+mouche/ se elle entre dedens
+toy t’occist aucune foiz/ et
+de quoy peus tu qui tant
+te orgueillis avoir povoir
+sus autre/ ce n’est ou corps
+&amp; es choses de fortune/ mais
+a force le cuer qui est franc
+&amp; fort par le conduit de raison
+n’est mie en toy de mouvoir.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c24">Ci dit comment selon les
+diz de sainte escripture prosperité
+mondaine ne fait a priser.</h3>
+
+
+<p>Et au propos ancore
+que dieux ait en reprobacion
+les mauvais riches
+&amp; que les simples ne
+se doient esmerveiller se il
+leur seuffre avoir des biens
+temporeulz/ et consent que
+les bons soient persecutez
+Retournons aux saintes
+escriptures/ Car de ce dit
+Bede sur l’epistre saint jaques
+Ne soyez dist il point indignés
+se les mauvais flourissent
+en ce monde/ Et vous
+serfs de dieu avez a souffrir/
+Car ce n’est pas de
+chrestiane religion estre exaussez
+en ce monde/ mais
+estre abaissiez/ &amp; deprimez
+Les mauvais n’ont riens
+ou ciel ne vous riens en
+ce monde/ Et pour ce en
+esperance du bien ou vous
+tendez quelque chose que
+il vous aviengne en la
+voye de ceste vie vous en
+devez esjouir.</p>
+
+<p>¶ Et ce
+tesmoigne saint gregoire
+en la .xl.<sup>e</sup> omelie sur les
+euvangiles/ qui dit ainsi/
+cellui que dieu het il lui
+seuffre avoir prosperité
+en ce monde/ Et aussi
+retient il cellui que il aime
+soubz le frain de tribulacion
+Et de ce monstra bien exemple
+mon seigneur saint
+ambroise quant une foiz
+aloit par le pays &amp; se volt
+logier pour la nuit en un
+hostel/ si appella l’oste/ Et
+ainsi comme il avoit de
+coustume lui demanda
+de sa fortune/ Le quel
+lui respondi que toute sa
+vie avoit flouri en honneurs
+&amp; habondé en richeces ne
+onques ne estoit decheu
+ne en adversité maladie
+ne autre desplaisir/ mais
+tous jours lui estoient venus
+ses choses a souhaid/ Adont
+ces choses ouyes saint ambroise
+s’en parti/ et logier
+ne s’i volt combien que il
+fust nuit/ Et dit que continuee
+succession de temporelle
+prosperité n’est mie
+signe de estre amé ne esleu
+de dieu/ ains est signe
+de pardurable dampnacion.</p>
+
+<p>¶ Viengne avant
+Seneque &amp; die a nostre propos son
+dit. voy le ci en la .lxxxvii.<sup>e</sup>
+de ses epistres/ Se tu veulx
+avoir dist il la vraye extimacion
+de l’omme/ et savoir quel
+ou quen grant il est/ regardes
+le tout nu/ ostes son
+patrimoine oste ses honneurs
+&amp; les autres mençonges de
+fortune et le regardes se tu
+peus non pas ou corps mais
+ou courage/ et la verras
+tu quel et com grant il est
+la saras tu se il est grant
+du sien ou de l’autruy.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c25">Conclusion des choses susdites
+&amp; ancore de ce.</h3>
+
+
+<p>N’avons nous mie assez
+prouvé qu’en richeces
+et honneurs mondains n’est
+pas felicité/ donques nous
+couvient tendre a la trouver/
+mais comme en ce monde
+ne peut estre trouvee/
+ancore treant a nostre propos
+dire nous en couvient/ si
+appert assez estre vray ce
+que dit boece/ Les choses
+n’ont pas honneur selons
+elles/ mais selons l’extimacion
+&amp; opinion des gens
+<span class="pagenum">-77-</span> qui le donnent et rostent comme
+il leur plaist/ Et donques
+puis que injustement se pevent
+tieulz honneurs donner
+je conclus que elles sont villes
+O donques vaine gloire/ ce
+dist il respandue en multitude
+de gens/ tu n’es autre chose
+fors enfleure d’oreilles/ Car
+on voit souvent louer par
+faulse oppinion de peuple
+ceulx qui n’ont mie en eulx
+le bien que on y dit/ Et ce
+ne peut estre sanz leur grant
+honte quant ilz sentent que
+ce leur fault dont ilz sont
+louez/ Et se il est ainsi que
+preudomme doye estre loué
+pour sa vertu/ que lui chaut
+quant il ne quiert pas la
+faveur du peuple/ mais la
+bonté de sa conscience/ Et
+se on tient belle chose avoir
+renommee/ aussi doit on
+tenir a laide qui ne l’a.</p>
+
+<p>¶ Que diray je dist il
+des delices du corps quant
+on les quiert il donnent
+grant traveil/ quant on
+les a ilz tournent a ennuy/
+quant on les a eues ilz
+engendrent enfermetez
+&amp; tele est la paye de ceulx
+qui leur fin y mettent//
+Or est donques ainsi/ ce
+dist il que richeces honneurs/
+royaumes/ seigneuries
+forces beautez et poissances
+ne donnent pas de
+felicité/ Car riens digne
+n’est de estre appellé felix
+comme dit est devant se
+il n’est perpetuel/ et comme
+teles choses ne le soient
+n’est pas cellui felix qui
+les a/ mais voy cy que il
+dit apres/ veulz tu savoir
+dist il la vraye felicité
+qui repaist l’ame et donne
+souffisance/ Or tourne
+ta force d’autre part/ si
+verras celle qui donne poissance
+gloire renommee &amp;
+delit tout ensemble/ &amp; ce
+est dieu autre chose ne l’est
+Sicomme ou dit livre
+de boece je prouvay par sa bouche/
+et les fleurs de
+ycellui je ay cueillies et
+appliquees ycy a ton propos
+pour faire d’une
+sorte un gracieux chappel
+avec les dis des sains docteurs
+pour ton livre/ a la fin comme
+victorieux couronner/ Or
+viengnent les roses de la
+sainte escripture avec noz
+violettes et frappons ancore
+contre les arrogans du monde.</p>
+
+<p>¶ Tu ce dit saint augustin
+qui tant aimes le monde
+pour quel loyer guerriez
+vous/ n’est ce pas vostre
+plus grant esperance que
+vous puissiés estre amis
+du monde. helas et quel
+bien est cestui au quel on ne
+peut venir fors par grans
+inconveniens. homme homme
+laissez perir toutes ces
+vanitez/ et te convertis a
+la seule inquisicion qui a
+gloire et n’a fin/ &amp; qui est
+ce/ ce est seul dieu.</p>
+
+<p>¶ Helas
+ce dist il ancore en une
+epistre/ ce monde ci plus
+est perilleux quant il se
+monstre souef/ que quant
+il se monstre moleste/ &amp;
+plus a eschever quant
+plus attrait a soy amer.</p>
+
+<p>¶ De ce meismes ancore
+dit sur l’epistre saint
+jehan le monde dist il
+est plain de tribulacions
+et voy cy comment chacun
+l’aime/ que seroit ce se il estoit
+paisible/ s’il estoit bel comment
+t’y appuyeras tu quant si
+lait &amp; tant conturbez si fort
+l’embraces/ Et quant des
+espines ne peus retraire ta
+main/ bien cueilleroies des
+fleurs se elles y estoient.</p>
+
+<p>¶ A ce propos dit saint gregoire
+en une omelie/ veez
+cy dist il le monde qui est en soy
+tout seq/ Et toutevoyes ancore
+flourist il en noz cuers
+par tout mort/ par tout
+plain de plour/ et par tout
+en desolacion/ nous sommes
+de tous costez ferus/ nous sommes
+de tous lez remplis de
+amertume/ Et toutevoyes
+de nostre avugle charnelle
+pensee et concupiscence nous
+aimons ces amertumes
+nous les suivons fuyant
+nous nous espinons a lui
+trebuchant/ et pourtant
+que il trebuche nous ne
+nous povons tenir avec
+lui sanz tresbucher.</p>
+
+<p><span class="pagenum">-78-</span> ¶ Mais dit saint
+bernard en un sermon/ A
+qui jhesucrist prent a sembler
+doulx/ c’est neccessité que
+lui semble le monde amer.</p>
+
+<p>¶ Encore dist il sur quantiques/
+ce monde est tout plain
+d’espines ilz sont en terre
+ilz sont en ta char/ &amp; converser
+entre ces espines &amp; n’y
+estre point blecié c’est de
+vertu divine et non pas
+de nostre fragilité.</p>
+
+<p>¶ Mais
+de ce dit saint gregoire es
+morales ou .xxiii.<sup>e</sup> a ses esleuez
+qui vont a lui/ nostre
+seigneur a fait le chemin
+aspre a celle fin que tant
+ne leur plaise le repos de
+ceste vie en fourme de la
+doulceur du chemin que
+ilz ne se delitent plus a
+cheminer longuement
+que a tost venir au terme
+de leur repos/ &amp; que tant
+ne leur plaise la voye que
+ilz en oublient leur propre
+pays/ C’est le ciel.
+Mais voy cy que il dit
+apres les cuers de esleus
+dist il qui attendent les
+joyes de paradis prennent
+cuer et force es adversitez
+Car de tant que croist plus
+la bataille de tant attendent
+ilz plus glorieuse victoire/
+les desirs des esleus
+si prouffitent tant que
+ilz sont ainsi affermez
+es tribulacions comme le
+feu ardant que le vent rabat
+la flame/ et toutevoye
+le fait plus croistre
+et combien que il semble
+que estaindre le doye il
+le enforcist.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c26">Encore de ce mesmes.</h3>
+
+
+<p>Or trayons au terme
+de nostre oeuvre
+au quel te desir a l’utilité
+de ton sens conduire
+c’est a savoir a la conclusion
+de la vraye felicité/ ou tu
+dois tendre comme nous
+ayons assez monstré par
+maint dignes preuves
+que sont faulces felicitez
+combien que la cure des choses
+morteles s’i traye/ n’est
+mie celle/ ains est celle
+qui a en soy bien parfaict
+&amp; qui la plus ne peut desirer/
+c’est dieu comme dit
+est/ car on ne peut penser
+riens meilleur de lui/ il
+couvient dont que son bien
+soit parfaict/ Car autrement
+ce dit boece/ et il est vray
+ne seroit il pas prince des
+autres biens/ Si avons dit
+ce dit boece &amp; aussi nous
+l’acordons que felicité est
+souverain bien/ et tu vois que
+homme est beneureux quant
+il a felicité/ &amp; felicité si est
+dieu/ dont est homme dieu
+quant il a felicité ainsi comme
+ceulx qui ont droiture
+sont droituriers/ &amp; ceulx
+qui ont sapience sont sages
+Et ainsi ceulx qui ont divinité
+sont dieux/ &amp; cil qui
+a felicité est dieu dont tous
+beneurez sont dieux/ mais
+par nature il n’est que un
+dieu et par participacion
+il en est moult/ Et ces
+parolles sont le propre
+texte du dit livre de boece
+en consolacion/ Or avons
+trouvee celle benoite felicité
+que desirer devons/ mais que
+ferons nous de celle felicité
+nous promet elle riens.</p>
+
+<p>¶ Viengne saint gregoire
+en son omelie et le nous die/
+veez le cy/ se nous considerions
+bien quelles et comment
+grans choses nous sont promises
+es cieulx/ nous reputeriens
+villes toutes les choses
+que nous pourriens avoir
+en terre/ Car toute la substance
+terrienne comparee
+a la souveraine felicité nous
+est plus a charge que a
+ayde/ la vie temporelle
+comparee a la vie eternelle
+est plus mort que vie/ Car
+le deffault de nostre cotidiane
+corrupcion n’est mais
+que une prolixité de mort
+Mais qui est ce qui peut
+raconter ne entendement
+comprendre com grandes
+sont les joyes de celle souveraine
+cité/ estre tous
+jours present es compaignies
+des anges avec les
+benois esperis/ estre assistant
+a la gloire de nostre conditeur/
+veoir le visage de dieu
+<span class="pagenum">-79-</span> &amp; la benoite trinité face a
+face/ regarder sa lumiere incomprehensible/
+n’avoir jamais
+paour de la mort/ &amp;
+soy esjouir du don de perpetuité.</p>
+
+<p>¶ De celle benoite trinité
+un petit parlons pour
+plus grant efficace selon les
+diz des sains docteurs/ et en
+elle vueil que soit terminee
+ton oeuvre qui te doint grace
+que ainsi soit a la fin
+ta vie/ Mais comment oseras
+tu entrer a la mediter toy povre
+miserable creature.</p>
+
+<p>¶ Car
+dit saint augustin ou livre
+de la trinité que tout l’ost
+de pensee humaine n’est pas
+assez fort pour soy ficher
+en celle excellente lumiere pardurable
+se elle n’est bien purgee
+par justice de foy. Mais que
+plus soubtilment je t’en declarasse
+n’est neccessité.</p>
+
+<p>¶ Car
+dit saint augustin ou sus
+dit livre que l’en ne peut plus
+perilleusement ailleurs errer
+ne l’en ne peut riens plus
+laborieusement querir/ ne
+l’en ne peut riens plus prouffitablement
+trouver que
+la benoite trinité du pere
+du filz et du saint esperit
+en unité de essence divine.</p>
+
+<p>¶ Mais de ce dit il lui mesmes
+ou livre des paraboles
+de nostre seigneur parlant
+contre arrian/ nous veons
+dist il le souleil ou ciel courant
+luisant et chault/ aussi/
+ces .iii. choses a le feu
+mouvement lueur et chaleur/
+Se tu peus donques
+dist il faulx arrian devise
+l’une qualité de l’autre ou
+souleil/ ou ou feu/ Et puis
+si devise la trinité/ Et
+pour ce comme dit saint
+bernard en un sermon
+Trop enquerir de la benoite
+trinité c’est perverse curiosité/
+fermement croire
+et tenir de la trinité ainsi
+que tient l’eglise et la foy
+catholique/ c’est seureté.</p>
+
+<p>¶ Il est ce dit ancore saint
+augustin en un sermon
+plusieurs trinité/ c’est a
+savoir la trinité qui nous
+a fait/ la trinité qui nous
+deffait/ la trinité qui
+nous refait/ la trinité qui
+nous a fait/ c’est la trinité
+pardurable/ le pere/ le
+filz et le saint esperit. La
+trinité qui nous deffait
+c’est une trinité miserable
+Quelle est elle/ c’est non
+puissance/ ignorence/ et
+concupiscence/ et par ceste
+trinité miserable est deffaite
+nostre trinité raisonnable
+C’est a savoir memoire
+entendement et voulenté
+Car quant nostre ame se dechiet
+de la trinité
+pardurable/ la memoire
+chiet en non puissance
+l’entendement en ignorence
+la voulenté en concupiscence/
+la trinité qui nous
+reffait/ c’est une trinité
+prouffitable/ foy/ esperance/
+charité/ foy des
+articles des commandemens
+&amp; des sacremens/ esperance
+de pardon de grace et de
+gloire/ Charité de pur
+cuer de bonne conscience
+&amp; de foy non pas fainte.</p>
+
+<p>¶ Mais veoir la benoite
+trinité ainsi que elle est
+c’est la vraye felicité seule
+&amp; souveraine/ et non autre
+ou doit estre le terme et
+fin du desir de toute humaine
+creature/ a la quelle
+felicité te vueille conduire
+celle benoite trinité un
+seul dieu regnant ou siecle
+des siecles amen.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h3 id="p3c27">Respont
+christine a philosophie &amp; la
+remercie en la personne de theologie.</h3>
+
+
+<p>Adont se tut la dame
+honoree/ et je commençay
+a ainsi dire/ O tres
+souveraine aministrarece
+de la pasture/ et du restorant
+medicinable qui ne
+garist pas tant seulement
+le malade par tribulacion
+navré/ mais lui rent vie
+force &amp; vigueur par le doulx
+ongnement et liqueur
+de ton reconfort/ Toy philosophie
+l’armoire et corps
+de toute sciences/ lesquelles
+sont tes membres/ Je
+apperçois que il est vray
+ce qui est dit de toy sicomme
+saint augustin recite
+Car tu es toutes sciences
+<span class="pagenum">-80-</span> et a tes amez te demonstres
+tele qu’il te plaist selon la
+voye que on te veulent enquerre
+&amp; a moy simple de ta digne
+grace t’es monstré en fourme
+de sainte theologie pour repaistre
+mon ignorent courage
+le plus sainement a mon
+salu/ ne m’as pas fait comme
+a ta chamberiere/ mais mielx
+que tu ne promis/ C’est a
+savoir moy servie de tes plus
+prouffitables et dignes mes
+qui viennent de la table de
+dieu le pere/ dont te mercy
+C’est assavoir dieu qui est
+toy plus que ne saroie dire
+Et vrayement es tu toutes
+les sciences/ Car tu es
+vraye phisique/ c’est a savoir
+theologie en tant que
+tu es de dieu/ Car toutes
+les causes de toute nature
+sont en dieu createur/ Tu
+es ethiques/ car bonne vie
+et honneste que tu formes
+&amp; apprens/ c’est a savoir
+a amer/ ce qui est a amer
+c’est dieu et le prochain/ &amp;
+ce la toy theologie monstres
+tu en la science de phisique
+&amp; de ethiques/ Tu es logique
+car la lumiere et la verité
+de l’ame raisonnable tu
+demonstres/ tu es politique
+Car tu apprens a bien vivre/
+Car nulle cité n’est
+mieulx gardee que par
+le fondement et l’eaue de
+foy et de ferme concorde
+a amer le bien commun
+qui est tres vray et tressouverain/
+c’est dieu de
+qui tu parles en la science
+en quoy a moy t’es demonstree/
+c’est a savoir theologie.
+O theologie que je
+vueil louer dame en toy
+souveraine philosophie.
+Je congnois que quant
+homme apprent hors de
+toy/ se il lui est nuisible
+par toy il en scet la verité/
+Se il lui est prouffitable
+aussi tu lui demonstres/
+et quanque il ara
+peu apprendre ailleurs
+se en toy ne refiert/ tout
+sera parte de temps et
+ignorence/ Car tu es la
+sapience vraye/ ne autre
+chose n’est que toy en qui
+est trouvé ce que ailleurs
+ne peut estre c’est vraye felicité.</p>
+
+<p>¶ Et ce tesmongne
+de toy saint gregoire ou prologue
+du livre des morales
+que tu as en publique ce
+de quoy tu peus nourrir
+les petis/ et de ce l’experience
+en ma personne le me
+tesmongne/ Et gardes
+en ton secret ce dont tu peus prendre
+les haulx entendemens
+en grant admiracion/
+Car tu es ainsi comme
+un fleuve qui semble estre
+si pou parfont que un aygnel
+y prent pié/ Et si
+est si parfont que un elephant
+y peut nagier/
+Merveilleux est ton fleuve
+sainte theologie qui
+si pou semble estre parfont
+a un aignel/ c’est a entendre
+a un bon simple qui y
+prent pié/ Et si est si
+parfont a un elephant
+orgueilleux/ c’est aux
+plus haulx entendemens
+qui a peine te scevent et
+non toute comprendre.</p>
+
+<p>¶ Et pour ce dit bien le benoit
+saint jerome en l’epistre a
+sa bonne devote la vierge
+de mecriade/ use dist il de
+la leçon de theologie en lieu
+de miroir pour corriger ce
+que tu as en toy lait/ et
+pour garder ce que tu as
+en toy bel/ et te faire plus
+belle/ Car toy sainte theologie
+as un miroir qui monstre
+les ordures et les apprent
+a nettoyer.</p>
+
+<p>¶ De toy et
+a ta louange de rechief
+dit le benoit docteur saint
+jerome qui tant cherement
+t’ama que ainsi comme
+les tenebres de la nuit
+point n’obscurcissent la
+clarté des estoilles du ciel
+Ainsi nulle mondaine iniquité
+ne peut obscurcir
+les ames qui sont appuyees
+au firmament de
+sainte theologie/ O dame
+sainte theologie/ tu
+m’as donné certaineté
+de ce que dit de toy le benoit
+saint gregoire ton
+docteur ou premier livre
+de morales que ta doctrine
+&amp; sainte escripture
+<span class="pagenum">-81-</span> aucune fois nous est viande
+aucune foiz nous est beuvrage
+en lieu plus obscurs/ lors
+est ce que elle nous est viande
+Car quant nous l’exposons
+c’est la viande que nous machons/
+et quant nous l’entendons
+c’est ainsi comme la
+viande que nous avalons
+mais es lieux ou elle est plus
+clere elle nous est buvrage
+Car quant elle n’a besoing
+de exposicion/ nous la humons
+ainsi comme nous la trouvons//
+Dame que puis
+je dire de toy et du bien que
+tu m’as fait/ de la sainte viande
+de ton repast qui m’a rassadiee
+&amp; fait congnoistre la
+ignorence de ma descongnoissance
+par quoy je congnoiz
+mon tort par ce que tu m’as
+conclus/ Si di que toy sainte
+theologie et divinité es
+une tres grasse viande qui
+contiens en toy toute delices
+ainsi comme la manne qui
+aux juifs plouvoit du ciel
+qui assavouroit en la bouche
+de chacun selon sa voulenté//
+Ainsi me depars de mon
+avision la quelle je ay
+partie sicomme en .iii.
+differences de .iii. pierres
+precieuses en leur proprietez/
+la premiere est en fourme
+de dyamant/ le quel
+est dur et poignant/ et
+tout soit il cler hors oeuvre
+quant il est relié et mis
+en l’or il semble estre obscur
+et brun/ et toutefoiz
+ne se meut sa vertu qui
+est moult grande/ La
+seconde est le kamayeu
+en qui plusieurs visages
+et figures diverses
+sont empraintes/ et est
+son siege brun et l’emprainte
+blanche/ La tierce au
+rubis precieux cler et resplandissant
+et sanz nue
+obscure qui a proprieté
+de tant plus plaire comme
+plus on le regarde.</p>
+
+
+<p class="c gap">Explicit le livre de l’avision
+de christine.</p>
+
+<div class="chapter"></div>
+
+<h2 class="nobreak">Table des chapitres</h2>
+
+<p class="trnote c">Cette table des chapitres ne figure pas dans l’original.</p>
+
+
+<div class="flex">
+<table>
+<tr><td colspan="2">&nbsp;</td> <td class="small bot r"><div>Fueillet</div></td></tr>
+<tr><td colspan="2" class="drap">La premiere partie parle de l’image du monde et les merveilles que elle y vid.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1">1</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>1.</div></td>
+<td class="drap">Premierement dit christine comment son esperit fu transporté.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c1">1</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>2.</div></td>
+<td class="drap">Ci dit l’ordre comment le dit ymage estoit repeus.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c2">1</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>3.</div></td>
+<td class="drap">Comment christine fu transgloutie ou corps du dit ymage.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c3">2</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>4.</div></td>
+<td class="drap">Comment elle se transporta de lieu en autre.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c4">2</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>5.</div></td>
+<td class="drap">L’acointance que elle desiroit a avoir a une dame portant couronne.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c5">3</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>6.</div></td>
+<td class="drap">La complainte de la dame couronnee a christine.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c6">3</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>7.</div></td>
+<td class="drap">Ci devise la dame couronnee de son commencement.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c7">4</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>8.</div></td>
+<td class="drap">Dit la dame couronnee de ses gestes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c8">4</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>9.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c9">5</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>10.</div></td>
+<td class="drap">Des bons et des mauvais gouverneurs de la dame couronnee.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c10">5</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>11.</div></td>
+<td class="drap">Ci parle la dame couronnee du bon gouverneur que elle ot.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c11">6</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>12.</div></td>
+<td class="drap">De .ii. nobles oyseaulx de proye.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c12">8</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>13.</div></td>
+<td class="drap">Ci dit la dame couronnee des contens qui furent pour elle gouverner.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c13">8</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>14.</div></td>
+<td class="drap">Ci se plaint la dame de ses Enfans.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c14">9</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>15.</div></td>
+<td class="drap">Ci dit comment les vertus au monde sont emprisonnees.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c15">10</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>16.</div></td>
+<td class="drap">Ci dit des vices qui queurent en general.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c16">11</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>17.</div></td>
+<td class="drap">Du vent de perdicion qui cuert par la terre.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c17">13</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>18.</div></td>
+<td class="drap">De la punicion des vices.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c18">13</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>19.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce mesmes &amp; complainte de la dame.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c19">14</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>20.</div></td>
+<td class="drap">De ce mesmes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c20">15</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>21.</div></td>
+<td class="drap">Encore du vitupere des vices en general.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c21">16</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>22.</div></td>
+<td class="drap">Piteuses paroles de la dame couronnee &amp; recors de la sainte escripture.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c22">17</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>23.</div></td>
+<td class="drap">Encore de sa complainte.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c23">18</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>24.</div></td>
+<td class="drap">Des punicions des vices.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c24">18</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>25.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c25">19</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>26.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c26">20</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>27.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c27">21</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>28.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c28">22</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>29.</div></td>
+<td class="drap">La fin de la complainte de la dame couronnee.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p1c29">23</a></div></td></tr>
+<tr><td colspan="2" class="drap padtop">La seconde partie parle de dame oppinion et de ses ombres.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2">25</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>1.</div></td>
+<td class="drap">Ci dit de quoy ces ombres servoient.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c1">25</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>2.</div></td>
+<td class="drap">Comment l’ombre araisonna christine.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c2">26</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>3.</div></td>
+<td class="drap">Les choses que l’ombre disoit a christine.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c3">27</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>4.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c4">29</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>5.</div></td>
+<td class="drap">Ci dit l’ombre les oppinions de philosophie sus le principe du monde.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c5">29</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>6.</div></td>
+<td class="drap">Ancore de ce mesmes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c6">31</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>7.</div></td>
+<td class="drap">Les contre dis d’aristote aux autres philosophes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c7">33</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>8.</div></td>
+<td class="drap">Encore des oppinions.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c8">34</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>9.</div></td>
+<td class="drap">De ce mesmes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c9">36</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>10.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c10">37</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>11.</div></td>
+<td class="drap">Ancore des oppinions des philosophes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c11">38</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>12.</div></td>
+<td class="drap">Cesse a parler des oppinions.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c12">39</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>13.</div></td>
+<td class="drap">De l’ombre la poissance que elle a.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c13">40</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>14.</div></td>
+<td class="drap">Encore dit de sa poissance.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c14">41</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>15.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce mesmes &amp; des seignouries.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c15">42</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>16.</div></td>
+<td class="drap">Dit ancore l’ombre des choses que elle a faites faire.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c16">43</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>17.</div></td>
+<td class="drap">Ce que l’ombre disoit des arquemistes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c17">44</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>18.</div></td>
+<td class="drap">Des nobles que l’ombre dit que elle deçoit.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c18">46</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>19.</div></td>
+<td class="drap">Ce que l’ombre disoit des gens d’armes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c19">46</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>20.</div></td>
+<td class="drap">La fin de l’oroison de l’ombre.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c20">47</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>21.</div></td>
+<td class="drap">Responce de christine a l’ombre.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p2c21">48</a></div></td></tr>
+<tr><td colspan="2" class="drap padtop">La tierce partie parle de confort de philosophie.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3">50</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>1.</div></td>
+<td class="drap">Ce que christine dit a philosophie.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c1">51</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>2.</div></td>
+<td class="drap">La complainte de christine a philosophie.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c2">52</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>3.</div></td>
+<td class="drap">Dit christine de ses bonnes fortunes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c3">53</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>4.</div></td>
+<td class="drap">Entre a parler christine de ses males fortunes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c4">54</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>5.</div></td>
+<td class="drap">Encor de ce mesmes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c5">55</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>6.</div></td>
+<td class="drap">Balade.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c6">58</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>7.</div></td>
+<td class="drap">Encore continue christine sa complainte.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c7">59</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>8.</div></td>
+<td class="drap">Dit christine comment elle mua sa maniere de vivre.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c8">59</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>9.</div></td>
+<td class="drap">Se plaint christine de jeunece.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c9">60</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>10.</div></td>
+<td class="drap">Dit christine comment elle se mist a l’estude.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c10">61</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>11.</div></td>
+<td class="drap">Le plaisir que christine prenoit a l’estude.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c11">62</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>12.</div></td>
+<td class="drap">Se plaint christine de fortune qui lui osta ses bons amis.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c12">63</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>13.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c13">63</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>14.</div></td>
+<td class="drap">Conclut christine sa complainte a philosophie.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c14">64</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>15.</div></td>
+<td class="drap">Respont philosophie a cristine.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c15">65</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>16.</div></td>
+<td class="drap">Le reconfort de philosophie.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c16">66</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>17.</div></td>
+<td class="drap">Encore de mesmes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c17">67</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>18.</div></td>
+<td class="drap">Blasme philosophie christine de ce que elle se plaint.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c18">69</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>19.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c19">70</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>20.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c20">71</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>21.</div></td>
+<td class="drap">Encore de reconfort.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c21">72</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>22.</div></td>
+<td class="drap">Le reconfort de philosophie aleguant la sainte escripture.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c22">73</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>23.</div></td>
+<td class="drap">Instruit philosophie a despriser les biens mondains.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c23">75</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>24.</div></td>
+<td class="drap">Ci dit comment selon les diz de sainte escripture prosperité mondaine ne fait a priser.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c24">76</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>25.</div></td>
+<td class="drap">Conclusion des choses susdites &amp; ancore de ce.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c25">76</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>26.</div></td>
+<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c26">78</a></div></td></tr>
+<tr><td class="r left1"><div>27.</div></td>
+<td class="drap">Respont christine a philosophie &amp; la remercie en la personne de theologie.</td>
+<td class="bot r"><div><a href="#p3c27">79</a></div></td></tr>
+</table>
+</div>
+<div class="chapter"></div>
+<div class="trnote">
+<h2 class="nobreak">NOTES DU TRANSCRIPTEUR</h2>
+
+
+<p>On transcrit le manuscrit « Français 1176 » de la bibliothèque nationale
+de France, daté 1405-1406.</p>
+
+<p>L’orthographe, la ponctuation et l’usage des majuscules sont conformes à
+l’original. On a résolu les abréviations par signes conventionnels (de
+type Cõe pour Comme), ajouté accents, cédilles et apostrophes, et
+distingué entre i/j, u/v. On a introduit un nouveau paragraphe à chaque
+pied de mouche (¶), et mis systématiquement une majuscule en début et un
+point en fin de paragraphe.</p>
+
+<p>Les corrections figurant sur le manuscrit, réputées de la main de
+Christine de Pizan, ont été appliquées. On s’est permis également de
+corriger certaines erreurs manifestement dues au copiste
+et ces dernières corrections sont soulignées
+<ins title="texte original">en pointillés</ins>. Placez le curseur
+sur ces mots pour faire apparaître le texte original.</p>
+
+<p>On a conservé la phrase en double « se toy existant subget aux
+tribulacions… » qui figure également en double dans le manuscrit
+10309 de la bibliothèque royale de Belgique.</p>
+
+<p class="x-ebookmaker-drop">Les nombres en marge indiquent les numéros
+de feuillet figurant en chiffres arabes sur l’original.</p>
+
+<p>L’image de couverture, réalisée par le transcripteur à partir de la
+couverture du manuscrit, est placée dans le domaine public.</p>
+
+</div>
+
+<div style='text-align:center'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75554 ***</div>
+</body>
+</html>
+
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