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| author | nfenwick <nfenwick@pglaf.org> | 2025-03-08 05:21:05 -0800 |
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La premiere partie parle de l’image du monde et les +merveilles que elle y vid. + +Item la seconde partie parle de dame oppinion et de son ombre. + +Item la tierce partie parle de confort de philosophie. + + + + +[Illustration: Christine assise en sa maison écrivant un livre.] + + + + +Premierement dit christine comment son esperit fu transporté. + + +Ja passé avoie la moitié du chemin de mon pelerinage Comme un jour du +l’avesprir me trouvasse pour la longue voye lassee et desireuse de +hebarge Et comme je y fusse parvenue par appetit de repos apres la +reffeccion neccessaire a vie humaine prise et receue dites graces et me +recommandant a l’acteur de toutes choses entray en lit de repos +traveillable Et comme tost apres mes sens liez par la pesanteur de somne +me survenist merveilleuse avision en signe d’estrange presage/ tout ne +soie mie nabugodonosor Scipion ne joseph/ ne sont point veez les secrés +du tres hault aux bien simples. + +¶ Avis m’estoit que mon esperit laissoit son corps et par exemple tout +ainsi que mainte foiz en songe m’a semblé que mon corps en l’air volast/ +m’estoit adonc avis que par le soufflement de divers vens mon esperit +translatez estoit en une contree tenebreuse en la quelle terminoit un +val flotant sus diverses eaues. La m’aparoit l’estature d’un homme de +belle fourme mais de grandeur inextimable/ Car sa teste tresparçoit les +nues Ses piés marchoient les abeysmes/ et son ventre avironnoit toute la +terre/ clere face et sanguine avoit. aux coins de son chief donnoient +aournemens innombrables estoilles/ de la beauté de ses yeulx issoit si +grant clarté que tout l’enluminoit et jusques aux entrailles de son +corps reverberoit leur clarté. l’aspiracion de sa tres grant gueule +attrayoit si grant air et vent que tout en estoit remplis de couvenable +frescheur .ii. conduis principaulx avoit cest ymage l’un estoit le +pertuis de sa gueule par ou recevoit sa nourriture/ et l’autre estoit +dessoubz par ou se purgioit et vuidoit/ mais de differens natures +estoient yces .ii. Car tout ce qui entroit par le conduit hault par ou +repeus estoit couvenoit que corps materiel et corruptible eust/ mais par +l’autre conduit ne passoit riens fraisle ne palpable. la vesteure de +ceste creature estoit dyapree de toutes coulours/ tressoubtilment +ouvree. belle riche et de longue duree. en son front bien pourtrait +avoit l’emprainte de .v. lettres. c’est assavoir .C.h.a.o.z. qui son nom +signifioyent/ En ceste statue n’avoit riens de diffourme Exepté que par +fois faisoit chiere triste adoulee et plourable tout ainsi comme homme +qui par diverses parties de son corps sent et seuffre diverses passions +et doulours pour la quelle chose jectoit grans plains et a dieu +lamentacions par divers crys. + + + + +Ci dit l’ordre comment le dit ymage estoit repeus. + + +Delez le dit ymage avoit assistant une grant ombre couronnee de fourme +femenine comme se fust la semblance d’une tres poissant royne +naturellement formee sans corps visible ne palpable si estoit tant grant +qu’elle obombroit et avironnoit tout le corps du devant dit ymage/ du +quel estoit singulierement depputee et establie estre l’administraresse +de sa nourriture/ Et estoit tel son office/ environ soy avoit instrumens +de divers coings et empraintes ainsi comme sont a paris moles a faire +gaufres ou autres outilz semblables Et comme ceste dame n’eust en soy le +vice de parece l’ocupoit continuellement neccessaire diligence de divers +labours/ car sanz prendre repos elle destrampoit mortier qu’elle +coaguloit ensemble/ en la quelle mistion mettoit fyel/ myel/ plomb et +plume d’ycelle matere en emplissoit bures de diverses façons lesquelles +apres versoit en petite quantité es dis moles que bien estouppoit et +saeloit/ tout ce fait non d’une guise mais en diverses differences +metoit tout cuire et confire en la gueule du dit grant ymage qui tant +estoit lee que elle representoit une grant fournase chauffee en maniere +d’attrempees estuves/ la les laissoit jusques a temps couvenable l’un +plus que l’autre selon la difference et la grosseur des outilz/ apres le +temps venu que la sage administraresse savoit le terme de la perfection +de son oeuvre elle ouvroit la bouche de cel ymage par tel art que elle +donnoit lieu de tirer hors les matieres assez cuites et les autres +laissoit cuire jusques a l’acomplissement de leurs jours adont +sailloient hors de ces moles petis corps de diverses façons selon les +empraintes des instrumens mais merveilleuse aventure en avenoit/ car +aussi tost que ces petis ymages laissoient leur moles adont le grant +ymage en quel gueule avoient esté cuis les transgloutissoit tous vifs en +sa pance. sanz nombre a une goulee/ et ainsi nuit et jour ne cessoit cel +ouvrage continue par les mains d’ycelle dame pour la pasture du grant +corps insaciable. + + + + +Comment christine fu transgloutie ou corps du dit ymage. + + +Mon esperit entre gité celle part ententif a notter ceste merveille/ +Adont l’aspiracion de l’aleyne de ycellui grant le tira a soy/ tant +qu’il chut es mains de la dame couronnee/ Lors comme ja elle eust mis le +mole a tout la matiere en la fournase mon esperit prent si le fiche ens/ +et tout en la maniere que au corps humain donner fourme accoustumé avoit +tout mesla ensemble et ainsi cuire me laissa par quantité de temps tant +q’un petit corps humain me fu parfaict/ mais comme le voulsist ainsi +celle qui la destrempe avoit faite a la quel cause se tient et non au +mole je portay sexe femenin/ Si fus semblablement que les autres +soubdainement transgloutie ou ventre de cel ymage/ Quant je fus la +trebuchee adont prestement vint la chamberiere de la dicte dame qui +bures tenoit d’une liqueur doulce & tres souefve plaines de la quelle a +abuvrer doulcement me prist/ par quel vertu et continuacion mon corps de +plus en plus prenoit croiscence force et vigueur/ et ycelle sage +croisçoit et engrossoit la pasture au feur de ma force tant qu’a par moy +porter et paistre mon corps je pos ou quel croisçoit l’entendement qui +ja me donnoit cognoiscence de la diversité des entrailles du ventre de +l’image par sus les quelles a .ii. piez je marchoye/ lesquelles estoient +faites de cailloux et dures roches par montaignes et valees bois et +metaulx et diversitez maintes/ mais tant me sembloit longue et lee +l’espace de la pourprise d’icellui corps/ que l’espace de la vie d’un +homme ne pourroit souffire a toutes cercher les diverses contrees qui en +lui sont comprises. + + + + +Comment elle se transporta de lieu en autre. + + +En cellui temps comme renommee a tout ses cors et buisines eust corné et +encore cornast en la contree ou j’estoye/ ce que la et par toutes autres +contrees avoit ja par moult lonc temps signifié de rechief a haulte voix +ne cessast de cryer/ Ce estoit que elle racontoit le pris/ l’onneur/ la +haultece noblece et poissante digneté d’une princesse de grant +auctorité/ couronnee de precieux dyademe a ceptre royal de grant +ancienneté & richece la quelle seoit vers les parties que on dit fryge/ +et pareille n’avoit en beauté noblece vaillance et hault renom en tout +l’univers monde/ adont par les cris de fama apres ce que messages +certains orent de ceste chose certiffiez ceulx qui m’avoient en bail +desirans de tel princesse servir/ se partirent de la/ et ainsi avec eulx +marchant par sus les entrailles du dit ymage/ traversant estranges +contrees alpes haultaines/ landes sauvages/ forés parfondes et bruyans +rivieres Tant cheminay par maintes journees que de loins ja m’aparu la +lueur de la marche resplendissant en honneurs ou je tendoye/ Et ainsi +appercevant de mieulx en mieulx sa haultece com plus en approchoie +parfinay ma longue voye jusques en sa maistre cité/ la quelle estoit +nommee la seconde athenes/ adont acompli le travail d’icellui chemin +reposant les membres travaillez pourpensoie comment et par quel voye +peusse ataindre a l’acointance de la dicte princesse/ mais comme trop +jeune ancor fusse ne me savoie appliquer ne mes a apprendre le lengage +differant de cellui de mes parens/ neant moins selon la simplece de mes +sens non ancore du tout parcreus m’informoie adez des coustumes manieres +et condicions de la dicte dame/ Et comme ainsi je le continuasse par +l’espace de plusieurs ans croiscent ma retentive/ je fus informee de la +haulte poissance et seignourie d’ycelle/ de la quelle pour eschever +prolixité en brief je tesmoigne pour verité sanz adjoustement de +mençonge/ que sa contree m’aparu glorieuse de nom/ fertile de fruys/ +abondant en richeces grande et lee en circuit/ edifiee notablement +d’espesses villes/ fors citez/ chasteaulx bours fortereces et tres +nobles manoirs comme sanz nombre/ poissans seigneurs princes natureulx +non crueulx/ benignes en conversacion catholiques en foy/ prudens en +gouvernement/ et beaulx en faconde/ fort et poissant chevalerie/ loyaulx +subgés obeissant peuple/ En ycelle marche vrayement toutes ses +condicions j’apperceu/ et maintes autres bonnes que cause de briefté ne +me seuffre plus dire/ mais comme il ne soit aucun bien sans envie/ voir +est que je y vy de grans gastives par places venues et procurees par +estranges envieux/ par quoy m’aparoit en celle contree avoir esté et +estre par fois de grans et fieres persecucions. + + + + +L’acointance que elle desiroit a avoir a une dame portant couronne. + + +Ja estoie parcreue quant j’oz tant pourchacié par divers moyens apres +maintes aventures que je attaigni a ce que je desiroie Si oz la plaine +accointance de la dame renommee/ de la quelle la beauté/ sens & +benignité ne seroie souffisant de descripre/ pource me passe seulement +d’elle disant que sans faille fama ne tenoie menterresse des bons recors +que elle faisoit en toutes places d’elle/ aux quieulx la vraye +experience vi accordable. Or fus je la dieu mercy si prochaine privee +amie d’elle que de sa grace faveur ot a me descouvrir les secrés de son +cuer et n’ot orreur d’ajoindre a moy femme tel honnour comme de me +instituer estre philographe de ses aventures/ et volt que par moy +oroisons et chançons en fussent faites/ ja estoit informee tant de mes +affections comme qui je estoye. + + + + +La complainte de la dame couronnee a christine. + + +Adont parlant en tel maniere/ dist ainsi Chiere amie amaresse du +cultivement de mon bien comme il soit de neccessité en nature que tout +cuer amant desserve estre amez/ droit est que Ton bon desir te soit +valable/ Et comme il fust affectueux de m’acointance les bons vouloirs +de lui soient ottroyez amie a qui dieu et nature ont concedé oultre le +commun ordre des femmes le don d’amour d’estude/ appreste parchemin +ancre et plume et escrips les paroles issant de ma poitrine Car a toy me +vueil je du tout magnifester/ Et me plaist que a tes sages bien +vueillans faces d’or en avant present des memoires escriptes de ma +digneté. C’est chose nottoire qu’a cil qui bien se veult declarier +appartient qu’il speciffie son premier principe/ Si commenceray a +l’introyte de mes gestes te narrant ma premiere venue. + +¶ Ou temps du Second aage lors que la lignee neptunus regnoit en marche +chevalereuse es habitacions aysiees quant pour cause de la fille electee +transportee par le pastour mescongnu vindrent les hoirs des fremis +chavauchans chevaulx de bois a tout force d’armes furent par l’escu de +barat a la fin vainqueurs. Dont d’ycelle terre fu enrachié l’abre d’or +que les dieux anciens selon les chançons des poetes avoient reservé pour +leur gloire du quel la haultece de l’ombre s’espandoit jusques sus les +contrees lontaines/ Si fus lors par estrange fortune favourable a ycelle +fremiere desireuse de vengence ars destruis et mis en cendre/ mais non +obstant le furieux desir maling d’yceulx fremis furent aucuns cultiveurs +desireux de noble semence veant la persecucion de la noble plante qui +par soubtil art emblerent et de leurs mains ravirent en assez quantité +des vergetes et des gitons cueillis sur le hault sommeton d’ycellui +seignouri noble arbre/ Et comme le dieu pelagus fust consentant d’ycel +larrecin leur donna voye et passage par sa terre/ Si se transporterent +espandans en diverses contrees es quelles par grant digneté les +planterent en maint vergiers et firent greffes de nouvelles antes que +fort ilz cloyrent d’espineuses hayes pour obvier aux loisirs des +rappineurs. Et ainsi maugré les influences fortunees fu renouvellee en +plusieurs lieux la haute plante dont puis une vergete tant crut es +marches d’europpe en la terre latine que la haultece d’elle obumbra tout +le monde et presseda sanz comparoison sa premiere racine. + + + + +Ci devise la dame couronnee de son commencement. + + +Ou temps des susdiz larrecins entre les autres fu transportee en ceste +contree une vergete issue de la cosme du sus dit arbre d’or la quelle +ilz planterent en hault vergier en terre fructueuse/ ycelle plante +parcreut tant que de la beauté d’elle je pris mon nom/ & fus appellee/ +Libera/ apres par multiplicacion de cultivement tant crut et augmenta +tous jours en habondance de digneté ce noble estat/ que les plantes ja +montees et embelies en leur force couronnerent le .iii.e giton de leur +venue et comme le plus auctorisié en firent leur roy/ cestui porta fruit +de grant digneté car il sauva ceste terre de maintes enfermetez/ Et +ainsi pou a pou crut le renom de sa proprieté en multepliant Si en +furent peuplez mains delitables vergiers par espace de multitude de ans +en ceste contree/ Et ainsi t’ay compté la premiere racine de mon nom et +cultivement/ et te dis certainement que non obstant qu’a veue d’ueil je +soye et appere jeune freche nouvelle flourie et belle/ que plus de mil +ans a ja passez puis le temps de ma premiere naiscence. + + + + +Dit la dame couronnee de ses gestes. + + +Le renom de ma franchise ja espandus en toutes places/ les gouverneurs +de noble attrace avec leurs enfans me prirent en bail Si fu entregitee +entre leurs mains par lonc temps sanz estrange generacion. O dieux +glorieux se je te comptoie toutes les aventures courues es annees puis +la naiscence de mon nom jusques a ore/ l’espace de ta vie a l’escouter +me pourroit souffire Et pour ce en brief te dis que les tuteurs de mon +bail assez s’esforcierent d’acroistre la haultece de mon heritage/ mais +comme ignorance ancore les tenist tenebreux ne savoient attraire eaue +doulce pour pardurable arrosement presenter a mes racinetes et plantes/ +par quoy maint seps de vigne & autres tiges toutes sechees & sanz fruit +couvint esrachier & ou feu giter/ Et ainsi dura ceste pestillence tant +que le .iii.e filz vint le quel par vertu de sage conseil attray lumiere +telement que les tenebres de celle mortel secherresse furent chaciees +par la quelle voye ot cognoissance de doiz et source de eaue vive a +grant habondance si que lui meismes ja tout perdus & sechez en fu +arrosez et vivifiez Et tant pourchaça par sages maistres que l’abondance +du fleuve vivant rendy ruisseaulx sources & fontaines en si grant +quantité que toutes mes plantes en furent arrosees et viviffiees/ O +noble cultiveur fu ycellui car moult il augmenta et parcreut la +perpetuité de mon heritage/ en telle maniere qu’il fu le premier +registre de ma salvable gloire/ es mains de cestui pris grant croiscence +et plaisant beauté/ et tant qu’il me dura fus bien deffendue & si gardee +et soustenue que chose quelconques ne m’avint senestre. + + + + +Encore de ce mesmes. + + +Apres cestui cheux es mains des cultiveurs mau diligens par la quel +faute la gloire de mes vergiers fu tournee comme en friche remplie +d’erbes et graynes inutiles et de nul bon fruit/ Et comme le vice +fornicable fust fiché es os de l’eritier d’yceulx dont les causes de ses +demerites le rendent exillé transporterent ses voyes en marche fiable +piteuse de sa chetivoison. O le mal pechié d’ingratitude qui tolz et +ostes le merite et guerredon de benefice receu et estains recordance de +remuneracion deue ne fis tu a cellui mettre en oubly toute cause de +feauté/ quant frauduleusement souffris fortraire au feal sa beste +menterrece des couvenances de son premier lit/ et les nouvelles ouyes de +la reconsiliacion du filz de venus a ses persecuteurs par l’enseigne du +demi denier fu sa departie en repostailles rappineuse de l’espousee hors +ordre de loy doublement couronnee/ de la quelle songerresse la +presentacion du temps que tu vois/ peut signiffier l’ordre de ces +avisions. + +¶ Succedans cestui nasquirent de ses heritiers hommes de sanc plains de +couvoitise rappineux et sanz foy qui a leurs parens faisoient presens de +mort & d’occisions conseillez et baretez par les crestees crueuses +leonesses venues d’espaigne et de cucubinage desquelles vengence +n’espargna a leurs membres le trait des poulains/ a partie d’elles +accusee du sanc innocent devant le juste. + + + + +Des bons et des mauvais gouverneurs de la dame couronnee. + + +Apres ces choses d’un pepin du fruit du susdit arbre en ma terre sailli +une plante qui tant crut que elle estandoit ses branches verdure et +cosme plus lonc pays assez que n’est toute ma terre/ le fruit qui en +issoit estoit de grant vertu odeur et force/ car de grace especial dieu +lui ot donné proprieté de chacier les malings esperis/ et moult valoit +contre perpetuel venim/ Et par cestui furent gardees maintes contrees de +inreparable mort dont germanie se dot louer/ et jusques par dela les +alpes ytaliennes estendant sa vertu vers la terre de auffrike ha dieux +combien je fus renommee flourie et exaussee par la resplandeur et beauté +de ceste plante/ Car comme chose perpetuelle non obstant le lonc temps +puis passé/ ancore a celle cause est greigneur/ la fleur de ma renommee/ +de l’issue de cestui je fus cultivee un espace de temps. + +¶ Mais comme apres sa vertu alast en descroiscent vindrent d’estrange +attrace les cultiveurs diligens qui se vanterent de greigneur vertu que +les proprietaires & par oblique malice couverte et coulouree de jugement +apostolique reserverent pour eulx la souveraine chayere posse dans leur +lignee ycelle par plusieurs dessendues/ Mais comme entre les espines en +friche destournee fust ce/ tandis/ muciee une graislete ante hors +saillie de l’ancienne racine renommee/ le temps venu de sa croiscence +apparurent les fueilles vertes de sa haultece. + +¶ Adont furent estirpees les estranges germes la belle ante subjugant +toutes les tiges de mes courtilz flouri en grant reverence de l’issue de +lui sailli germe precieux rendant fruit en son temps a dieu sacré et +tres agreable or furent les premiers cultiveurs restituez a leur erre +ainsi continuans non obstant le lonc temps puis passé jusques a la +journee d’uy. O treschiere amie se je te comptoie toutes les +tribulacions par lesquelles j’ay esté pourmenee an l’espace des jours +que je te compte tu t’esmerveilleroies comment en tel beauté suis +demouree/ car pour moy ravir et embler s’assembloient diverses provinces +& gens estranges qui a grant ost deffoulerent ma terre/ brulerent mes +villes & mes manoirs/ faisoient de mes gens grant essart et toute me +pilloient/ et en tres grant quantité de foiz pareillement ay esté en +peril d’estre perdue ravie prise a force/ et du tout deshonoree/ non +obstant la deffence des assemblees de mes deffendeurs & de ma gent +contrestans a la fureur d’iceulx Et ne cuidez pas que de lonc temps +soient saillies a moy ycestes dures angoisses souvent renouvellees en +diverses guises dont au jour d’uy je ne suis exente mais te dis que +mesmement puis l’aage de tes parens si mal menee par divers cas que +onques puis ma premiere naiscence ne furent greigneurs les perilz de mes +aventures Et a tout regarder de n’estre du tout enchevé es las de +perdicion singuliere/ gloire ne attribue fors a dieu tout poissant qui +pour cause de ma catholique foy m’a reservee/ tout ainsi qu’il dist a +saint pierre que sa nacelle chancelleroit et ne seroit perie ha dieux +combien estoient grandes les orreurs de mes tribulacions/ car les +ennemis yssus des serves lignees venoient sur moy a grans effors/ Et +fortune pour le temps clere/ a eulx consentoit les victoires contre les +couronnes qui me deffendoient aux quieulx non obstant leurs grans et +nobles courages non reprouchez parmetoit adversitez non deservies/ En ce +temps se rebellerent les vers de terre qui pour les marcheys des +chevaulx saillirent/ contremont et ou visage me cuiderent deshonorer es +jours que mon dispensier estoit es buyes de mes aversaires/ mes vindrent +les ecouffles qui firent leur proye du verminier venimeux et abominable/ +ha hay comment estoie lors trouble et obscurcie par diverses afflictions +dont la lueur de ma beauté qui tant seult estre glorieuse plaisant et +saine fu comme morte/ Car n’en yssoit fors plains et plours/ et +toutevois de lamentacions que t’en diroye innumerables sont les diverses +angoisses qui m’ont traversee par infinies foiz mais la fin d’icelles te +sera comptee. + + + + +Ci parle la dame couronnee du bon gouverneur que elle ot. + + +Comme dieu ouvrist sur moy chastie l’ueil de sa misericorde sicomme pere +pitiable de sa tres amee fille volt cesser les verges de ses bateures et +espandre l’oeile de sa misericorde sur les navreures de mes maladies +adont sourdi le phisicien propice venus par succession a l’eritage de +mon ancienneté et ou palais de mes nobleces receu l’aureale de digneté +delaissant en jeunes jours les meurs de legiereté vint dame sapience +deesse venerable des choses ordenees qui comme chier filz le revesti du +mantel de ses proprietez lors disant fuiez fuiez lors voz ennemis de +beneurté laissiez venir les remedes de restoracion Tira a soy toutes +choses belles en deboutant les diffamables ycellui saisi de l’espee de +justice n’espargna mie les outilz de sa mere/ ains par la sentence +d’iceulx mist en oeuvre les mains de son hault sommet/ adont armé de +courage fructueux trassant par ces courtilz visitant les angles ja +couvers d’espineuses tiges donna ordre a ses commis de la reparacion des +ruynes/ lors par quantité de Cens et de millers furent les assemblees +d’yceulz alouez non estranges mais privez loyaulz subgez qui a tout fers +agus de diverses tailles s’embatoient es gastives remplies d’estranges +semences non propices a la nature de mes hommes qui vergiers portans +fruit estre souloient. adont se prirent a estirper de tous lez les +inutiles herbes chardons orties et toute male racine derompre et sacher +hors et a tout nettoyer et faire nouvel gueret ou ilz anterent et +attrayrent bonnes semences ainsi continuant le labourage droiturier +donnerent lieu aux herbetes et doulces plantelettes de saillir hors de +tapinage ou muciez orent esté soubz les espines qui toutes les +suffoquoyent Comme peryes en leur vertu/ qui les veist adonc croistre et +augmenter et remplir ces vergiers de verdures et flours odorans portans +fruit bien deist que moult fust changiee la fortune de leur estre que +t’en diroye ne fu mie cellui recreu par les liens de peccune qui +n’avoient lieu contre les distribucions de ses ordres/ ne travail +estaignoit l’excercite de la chose utile a la quelle oeuvre fortune non +reppunante fu/ a l’accomplissement d’ycelle continuee par l’espace des +jours du prouffitable ortelain qui n’y espargnoit ses ententes/ O dieu +glorieux quel ouvrier comment fus je par lui en joye renouvellee Or +furent oubliees les passees angoisses toute ma terre de choses nuisibles +auques descombree se prist a esjouyr rendant chançonnettes a la louenge +d’ycellui noble par la quel diligence estoie recouvree et mise en +convalescence/ a brief parler tant me fu cellui propice que encore +m’esjouist la souvenance de ses benefices dont longue parole ne m’en +pourroit estre anvieuse/ helas mais comme apres le temps sery viengne +souvent la grosse pluye Couvient a present changier le propos de mes ris +en tresamers pleurs/ Car comme le procés de fortune ne peust longuement +souffrir ma beneurté se monstrant envieuse de mon bien/ lors que ma +gloire estoit eslevee plus que n’avoit esté puis une grant part de mon +aage/ me toli le tressage administreur lasse moy/ mal apoint ains le +temps venu de l’achevement naturel de son voyage/ et envoya Celle qui +n’espargne nulz corps vivans le me tolir et ravir sanz pitié avoir de ma +vesveté/ Or peus tu cognoistre en moy les signes des mouvemens fortunez +qui ores ryoye parlant de mon amant/ Or me voyes a chiere troublee +plaines de larmes regraitter les trop tost faillis a moy ses vertus Si +couvient changier l’ordre de mes offices en mutacions merveilleuses/ +mais toutevoye la lueur de ses benefices apres lui demoura sur terre +tant que non obstant les antregetz de plusieurs mains en dure ancore la +clarté sus le plus bel de ma face. + + + + +De .ii. nobles oyseaulx de proye. + + +Sourdi des entrailles d’icellui en double nombre petis papillons dorez +tresgracieux et de grant beauté qui s’oserent vanter au feur de leur +croiscence avec les colacions des guespes d’estre gardeurs de moy et de +mes manoirs/ Si firent leurs assemblees et pour l’ancien renom de leur +venue a bon droit leur fu souffert seoir sus les sommetons des plus +hautes tiges/ Et tout ainsi comme le proprietaire dit du phenix qui au +premier ist hors de la cendre en fourme d’un petit ver/ puis croist & +augmente tant qu’il est bel sur tous oyseaulx/ yceulx papeillons tant +parcreurent & enforcierent que leur forme fu changee en especes de tres +nobles oyseaulx de proye mais par difference aucune quantité de ceulx +furent crestez sur les chiefs/ ainsi que sont oyseaulx que on dit +huppés/ yceulx nobles pour aviser leurs proyes se tindrent ensemble et +prirent leur vol par sus mes fossez et rivieres/ et comme bien avisez +n’orent mie conseil de tout essarter les repaires repaisans/ mais eulx +en passer rassadiez couvenablement/ O fortune aministraresse de tout +inconvenient qui te mut a trouver voye du destourbier du faucon pelerin +si hault volant que l’esperance de son attainte faisoit trembler devant +lui toutes les proyes rappineuses embatues en son yre/ ou pris tu le +vent contraire par ou tu l’abatis lors qu’il faisoit sa roe par si grant +fierté/ ains qu’il eust sa proie attainte le ruas jus par ton +soufflement si roidement qu’il demoura estendu du tout derompt non mie +seulement les plumes mais tout le corps par si que tous jours depuis +couvint qu’il fust repeus par estranges mains. O dieux quel dommage de +tant noble oysel affaitié en toutes bonnes coustumes/ fier et hardy en +son vol/ doulx en appel vif et plaisant en regart/ Et qui sans faille +eust deffendu toutes mes flaches et rivieres de tous oyseaulx rappineulz +et de mal erre Si fu de moy plaint et plourez grandement comme perte +singuliere le quel dommage ne m’est faillis ains renouvellé par chacun +jour par griefves pertes. + + + + +Ci dit la dame couronnee des contens qui furent pour elle gouverner. + + +Apres ces choses vindrent les esperis larrecineux habitans es silves qui +distrent qu’a eulx appartenoit a departir les choses propres et privees/ +yceulx firent des communs usages closes mansions/ et a eulx les +approprierent et tant que mesmement les sauvagines cryerent contre eulx. + +¶ En cellui temps par le cry du camellion s’esveillerent une maniere de +gent de reprouvee generacion qui dirent qu’ilz ne souffreroient mie +l’injurieuse clamour des voix femenines si entrerent es maisons des +oyseaulx de leurs forés et tant y furent que volans elles leur furent +donnees par ycelles en plusieurs parties se translaterent/ jusques +dedens les cavernes des traysons de mes bois/ Si cueillirent les glans +des chesnes et mirent ou feu les povres qu’ilz trouverent & a tout ce +faire ne trouverent contredit/ ains furent hourdez des degouttes de mes +terres. + +¶ Multiplié fu l’erreur par divers inconveniens/ car le temps vint que +les eaues tant crurent qu’il ne demoura champ qui tout couvert n’en +fust. Adont les poissons saillis hors de leurs fosses paissoient es +terres semees/ jusques a devourer apres la verdure des herbes les +racines des grains/ toutes ces choses representoient naiscence de +pestillence. Ha doulce chiere amie jusques cy t’ay compté grant part de +mes aventures diversement de joye en dueil entregitees mais comme je ne +puisse tout dire ensemble n’est mie faillis encore le lengage angoisseus +d’icelles ains a chiere amatye or a primes m’esteut te dire la +doulereuse encloeure de mes presens tenebres qui precede les autres en +cas que perseverence y seroit longue. + + + + +Ci se plaint la dame de ses Enfans. + + +Quelle plus grant perplexité peut venir en cuer de mere que veoir yre et +contens naistre et continuer jusques au point d’armes de guerre/ prendre +et saisir par assemblees entre ses propres enfans legitimes et de +loyaulx peres & a tant monter leur felonnie qu’ilz n’ayent regart a la +desolacion de leur povre mere qui comme piteuse de sa porteure se fiche +entre .ii. pour departir leurs batailles/ mais yceulz meus par courages +inanimez sans espargne n’avoir regart a honneur maternelle/ ne +destournent le trippignis de leurs chevaulx contre sa reverence ains +laissent aler la foule de leurs assemblees sur elle tant que toute la +debrisent et mahaignent. + +¶ Ne furent mie si crueulx jadis romulus et sa compaignie quant pour +cause du ravissement des filles de sabine fait par yceulx rommains +s’assemblerent a grant ost les peres et parens pour venger celle honte/ +mais comme la royne et toutes les dames piteuses de l’effusion de sanc +de leurs maris peres & parens eschevelees a pleurs et cris se venissent +ficher entre les batailles lors que assembler devoient/ priant pour dieu +que paix feissent/ ne furent mie d’iceulx chevaliers fors et poissans/ +les dames defoulees entre les piez des chevaulx ains par reverence +espargnees et ouyes en pitié leurs voix femenines qui leurs cuers +contraigny meismes ou champ a faire paix. O amie voy cy la suppellative +des douleurs. + +¶ Adont ycelle princesse/ je vy toute couvrir de larmes/ & sa belle +chiere qui estre souloit fresche & coulouree toute destainte & noircye/ +ainsi disant lasse lasse je suis celle mere amere en cheute es cas que +je te compte. O ma bonne nourrie et chere amie compaigne de mon dueil/ +tu ne soies tu mie du fruit de ma terre mais ton cuer de noble nature +non ingrat des biens que y as receux/ pleures avec moy par vraye amistié +piteuse de veoir les jours de ma tribulacion Et que experience te face +certaine de la verité de mes narracions/ non obstant ma beauté de prime +face/ regarde et avise les playes de mes costez et de mes membres. + +¶ Adont la tres venerable princesse haulce le pan de sa vesteure et a +moy descueuvre le nu de ses costez disant regarde Lors ma veue tournee +celle part comme j’avisasse les costez blans et tendres par force de +presse et de desfoulement noircis et betez & par lieux encavez auques +jusques aux entrailles/ non mie tranchez de coups d’espee mais froissez +par force de grans foulez. + +¶ Adont moy toute esmarie considerant le nouvel cas piteux et non +honorable que a mere tant venerable tieulx blesseures fussent procurees +par ses porteures/ En disant dame pour dieu couvrez cheux comme femme +foible remplie de merveilleuse pitié comme pasmee/ Et couverte de larmes +quant parler pos/ pris au mieulx que soz a conforter la desolee/ disant +haulte renommee dame vueillés en dieu remettre les larmes de voz +lamentacions esperant sa misericorde qui onques ne vous fu falible/ Et +pour un pou eslongner les pensees qui a tieulx sanglous vous conduisent +vous plaise tant honorer moy vostre povre indigne serve affin qu’entente +de parler vous entre oublie que descouvrir me vueillés les encloueures +des causes de ces zezanies/ Et ne vous soit estrange de dire a moy +vostre familiere et privee les fautes de voz porteures et elle a moy. ha +chiere amie se je blasmoie ceulx que je fais mon meismes ouvrage je +diffameroye. Si te dis qu’acusacion de mauvaistie formee en malice a nul +je ne donne ne que pour despit ne hayne que contre moy eussent ne sont a +ceste chose meus. bien est vray que considerant que je sui le lit de +leur estre et que a cause de moy vient la lueur de leur gloire/ deussent +refrener les assaulz qui tant me sont grevables et la naissance de la +racine de zezanye entre eulx semee te compteray. + +¶ Apres ce que les partages de mon propre selon les coustumes d’athenes +furent a chacun de mes engendrez sorties/ dist le plus grant qu’a lui +appartenoit le bail de son mainsné/ et comme ne lui fust contre dit les +establissemens d’icellui crierent contre lui/ dont les voix ouyes +assemblerent le sanc du pupille en conseil. + +¶ Adont mes enfans s’amasserent disant nequaquam aux oppinions +d’icellui/ Ceste cause assembla les fleaulx de mes bateures qui ne m’ont +espargnee Sicomme il t’est magnifeste/ Ceste orreur courant au jourd’uy +parmi mes gaignages rent fletries et sechees les verdures et liqueurs de +mes fruis tarist mes fontaines amendrist mon renom et lourdement me +tourmente et qui plus m’est grief/ c’est la paour de pis/ & que mes +playes par faulte de remede soient converties comme infistulees et +incurables. + + + + +Ci dit comment les vertus au monde sont emprisonnees. + + +Encore autre part gist la maladie amie chiere/ car comme il ne soit a +celle douleur pareille qui le cuer tient en amere pensee. Reste a te +dire les combles de mes souffrettes. + +¶ N’a pas souffit aux menistres de perdicion les oprobres offers a la +souche d’antiquité/ ainçois m’ont plus deshonoree. + +¶ Helas ou est la princesse a moy esgale qui peust souffrir veoir +d’environ soy a tres grant tort tolues chaciees batues banies et +emprisonnees ses dames de compaignie & de parage venerables & de grant +dignité d’ancien droit establies a estre appellees a ses conseuls a +porter les seaulx de ses ordenances/ a soustenir les pans de ses loncs +abis & les dorures de son chief/ et mettre en leur lieu paillardelles & +femmes diffamees et dissolues/ helas chiere amie ce suis je qui a toy +parle mais que mieulx me croyes vueil que le sens de ta veue ait +l’experience du vray de ma parole/ Adont comme elle ouvrist une petite +fenestrele me dist regarde les prisonnieres/ ton sens soit juge se en +palaix royaulx la presentacion de leur reverence seroit plus propre que +soubz muciees couvertures. avisez celles qui ja me gouvernerent ou temps +de ma joye or les m’ont ravies les persecuteurs de ma gloire. + +¶ Adont comme mon oeil adreçasse au pertuis de la chartre .iii. dames vy +de souveraine reverence et beauté mais differens leurs maintiens +estoient/ ha dieux quelle divine beauté en l’une vy le corps avoir droit +lonc et bien fait/ et de la beauté de son vis yssoit un ray de moult +grant resplandeur/ celle dame en sa main un grant mirouer tres cler +tenoit/ ou quel la reverberacion du dit ray redondoit et se frapoit en +maniere que si grant beauté et clarté en issoit qu’englet n’y avoit tant +obscur que tout n’en fust enluminez. Ha quel pitié de tel beauté tenir +couverte/ comment fust elle seant es places des assemblees publiques +affin que chacun se peust louer de sa lumiere/ ceste fu belle par +excellence/ mais trop plus noble car elle se disoit fille de dieu le +pere et plus forte qu’autre riens/ car de toutes choses vaincre se +vantoit. + +¶ En un lit couchiee palle et descoulouree vy une autre dame de grant +auctorité a chiere et semblant de femme maladive et enferme comme chose +deffoulee et desroupte/ et a la premiere se disoit serour a son costé +d’estre je vy gisant unes balances/ De l’autre part une mesure et une +ligne. + +¶ Assez loignet d’icelles vi gesir par terre endormie non honorablement +une dame de grant et fourni corsage la quelle estoit toute armee/ costé +soy gisant par terre avoit son escu sa lance et ses esperons/ sa teste +tenoit ou giron d’une folieuse femme de grant vagueté qui pour lui +mieulx endormir chantoit et li gratoit le chief Lors comme je regardasse +par grant entente cestes merveilleuses figures vi que/ par plusieurs +foiz vindrent de plusieurs pars en maintes flotes les ennemis/ les uns +cryoient a haultes voix a la dame endormie qu’elle se deffendist/ & +celle adont un petit remouvoit son chief et entre ouvroit un oeil/ et +lors la folieuse femme s’efforçoit de lui rendormir Revenoit l’autre +tourbe lui crier en l’oreille/ et celle toute estourdie sourdoit son +chief/ & la folle de rechief par son chant l’endormoit: Revenoient les +autres qui grans coups frapoient en son escu/ et celle se levoit toute +droite pour courir apres/ mais la deshoneste la prenoit par le col et la +rendormoit/ venoient les plus fors lui courir sus et la batoient/ adont +celle se levoit comme enragiee/ et juroit par sa force qu’elle occiroit +tout/ si leur lançoit a coup ce que tenir povoit et plusieurs en occioit +et souvent chaçoit et souvent chacee estoit/ mais a son refrain revenoit +a son giste qu’elle laissier ne povoit. + + + + +Ci dit des vices qui queurent en general. + + +Ainsi comme je regardoie ycestes choses me dist la dame la vois tu la +vois tu l’ebaluffree deshonnesté qui ma gent me honnist/ ceulx de ma +deffence endort plusieurs de mon palais dont auques est maistresse met a +honte/ helas et ou temps du sain renom de ma felicité veoir ne trouver +si osast mais ne cuides mie pourtant se cy la vois a requoy pour tenir +en prison endormie/ La dame armee/ que tous jours si tiengne/ Car elle a +filles ses semblables a grant quantité de diverses guises/ Si en laisse +foison environ celle qui se dort et trassant s’en va par toutes mes +citez et villes & en toutes places ou gent s’assemblent pour cerchier +qui elle pourra tirer a sa honteuse cordelle et se tres grant contredit +n’y treuve/ lieu n’est ou par sa presompcion ne se vueille embatre/ et +mesmement es secretes chambres de mes femmes/ se tant sages ne sont que +par grant vigueur lui sachent deffendre/ Or regarde seur doulce quel +compaignie est dame d’onneur bien paree de tel damoiselle/ mais ancore +vueil que tu voies comment de .ii. dames infernales que dieux confonde +m’ont acompaignee/ avises environ ceste chartre voy l’office de la +desloyale qui pour son inutile travail reçoit grant gages. + +¶ Adont hors de la chartre/ me monstre une orde vielle laide et terrible +qui sans repos de tel office s’entremettoit/ environ la chartre nuit et +jour traçoit plain giron de mousse que secourcie avoit/ la espioit par +grant entente que la force de la resplendeur du miroir luisant qui ens +estoit ne persast le mur/ et si tost que par aucun pertuis en veoit +saillir goute tantost la mousse y fichoit & fort l’estoupoit si que +point issir n’en laissoit. + +¶ Et je qui veant celle faulse solicitude ne me pos taire/ dis a ma +maistrece/ dame pour dieu me dites comment s’appelle ceste ennemie de +vertu/ car combien que des autres demander me soie teue pource que leurs +offices les me font magnifestes & bien cognoistre de ceste non mie pour +m’en accointier mais pour m’en garder vous requier que le sache/ Et +celle a moy doulce amie puis que celle qui le cler miroir tient cognois/ +son contraire est celle qui estaindre la veult ne deusses ignorer/ mais +bien me plaist que le saches/ Si te di que c’est dame fraude dame fraude +que dieu confonde Adont hault m’escriay/ ha desloyal ennemie de verité +qui cy t’a menee/ ne te vid pas en fourme d’orrible serpent a longue +queue jadis Le tressage poete dant de flourence sus les palus d’enfer +quant la le convoya virgille sicomme en son livre recite/ et tu es cy +saillie/ mieulx t’advisist accompaigner proserpine avec thesiphone +alecto et megera deesses de rage infernale qu’estre establie a ceste +court. Adont me dist la dame/ or te tays encor verras/ lors hault ou +palais me maine en une grant chambre toute plaine de coffres serrez en +la quelle vi une dame vielle palle rechignee maigre et seche et de tres +laide estature mais sur toute riens m’esmerveilla la façon de ses mains +qui grandes estoient a desmesure et si fortes que ce que elle tenoit +n’estoit nul qui le peust avoir/ n’esrachier/ fors a grant peine/ Les +ongles avoit longues aguës & crochues comme celles de griffon/ mais ce +trop m’espoventa que toutes ensanglantees les avoit ycelles ongles en +façon de croches fichoit partout ou embatre les povoit fust en ordure ou +char de gens ne lui chaloit ou puis tiroit a soy de partout sachoit +argent Et que par experience le sache comme la entree je fusse onques la +dame ou qui j’estoie si ne m’en sot garder que celles sanglantes ongles +ne s’estendissent jusques a moy si que des plumes m’esracherent jusques +au vif dont me dolu et tout cel avoir fichoit en coffres/ regarde amie +quel office dit la dame Suis je bien accompaignee/ si saches que ceste +est celle par qui gist malade en mauvais point au lit emprisonnee et +groucier n’ose la tres droituriere fille de dieu que as veu la jus en +celle chartre/ et ceste est mise oultre mon gré en son lieu en ma +compaignie/ Et ainsi comme ouyr peus m’ont esté ravies mes bien amees +dames de compaignie venues du ciel/ et en leur lieu mises cestes +perverses prises es infernales contrees si jugez amie tout mon fait veu +se joyeuse dois estre. + +¶ Encore y a il autre chose qui m’est grevable et moult m’anuye Car +comme je doie amer sicomme je fois naturellement ma porteure et mes +chiers nourris et loyaulx subgés/ Trop suis dolente d’une grieve maladie +comme incurable se de dieu par grace ne vient la medicine qui est +commune par toute matiere et par especial plus qu’es petis entre les +plus grans/ la cause t’en diray et que ce est. Il est voir que un +soubtil vent es montaignes plus que es valees cy environ court & pres de +cy le quel est tant envenimez que toute personne qui ferus en est +devient groz et enflez Or avient il que les plus poissans demeurent +hault es grans dongions et eslevez domiciles si reçoivent a descouvert +et a plain le soufflement du dit vent/ Et aussi comme ilz soient plus +deliquatis que les plus communs hommes par leur vie qui plus est deliee/ +plus sont disposez a recevoir ycellui vent plus penetratif en eulx qu’en +autres hommes/ & se de ceste chose te prens garde assez en verras +d’infects de ceste diverse egritude/ et pou en sont reservez se par sage +provision de y mettre ostacle ne les en garde/ ainsi en y a de sains par +tel prudence/ mais c’est petit/ toutefoiz de moins et plus les uns que +les autres selon ce qu’ilz seront ferus et disposez en y a de malades/ +Si est sicomme ceste pestilence qui pis vault que epidimie par toute ma +terre que c’est pitié/ & mesmement les serviteurs n’en sont communement +mie sains Ains comme mains de leur maistres ilz s’en gardent sont moult +en y a plus enflez Tel proprieté a celle enfleure qu’elle change regart +contenance et parole et la personne rent desdaigneuse et trop despite/ +et tant engrige souvent avient en maint en y a que a trop cruelle mort +et sanz respit elle les conduit/ Si est tant comme ceste playe non +mendre que celles d’egipte en mon royaume que grans moyens et petis +jusques aux vermissiaulx de terre communement en sont frappez/ & tant +que les contrees estranges le reprochent & rempreuvent a mes subgez. + + + + +Du vent de perdicion qui cuert par la terre. + + +De l’enfleure de ceste maladie qui ainsi court par my ma terre & de +l’inconvenient ou elle tire et qu’il s’en ensuivra recite le prophete +danyel ou .iiii.e chapitre l’avision que vid jadis l’orguilleux roy +nabugodonosor. Il veoit ce dit un arbre qui tant estoit hault/ grant/ & +eslevé que jusques au ciel attaignoit/ si branchu estoit que ses +branches s’estendoient de tous lez du monde/ de la grant planté du fruit +de cel arbre estoit remplie communement toute mondainne creature/ en ces +branches faisoient leurs nids les oyseaulx de l’air/ et desoubz elles se +reconçoient les bestes de terre Et puis veue/ ceste chose une haute voix +du ciel cryant ouoit qui commandoit que au lez de terre l’en coppast +ycellui arbre/ et que tout on l’ebranchast et s’en volassent les +oyseaulx & les bestes se departissent/ et fust le fruit dispers et +perdus. + +¶ Cestui dit arbre les enflez devant diz tres poissans qui sont logiez +es haulx dongions de ma terre reçoivent le vent de perdicion/ signifie +lesquieulx sont de si grant estat force et poissance que a pou cuident +ataindre au ciel et tant les rent infects l’enfleure du dit vent que non +pas seulement contre les creatures leurs courages sont gros qui remplis +de desdaing les demonstre mais aussi contre dieu et son eglise ce que +les branches s’estendoient par le monde c’est que yceulx enflez la force +de leur poissance par toutes terres estendent pour la quel force par +tout sont redoubtez & crains/ Les oysiaulx s’i nichoient et les bestes +s’i ombroyent/ c’est que l’espirituel et le temporel veulent subjuguer +gouverner et traire a eulx l’abondance du fruit de cel abre/ c’est +ycelle detestable contagieuse maladie qui communnement est en toute +gent. + +¶ Ceste prophecie signiffia la dicte enfermeté/ mais or entens la +diffinicion de sa sentence et l’exposicion de la mort et fin d’icelle/ +la voix crya du ciel qu’au lez de terre fust l’abre coppez et estirpez/ +c’est que par voulenté de dieu la force et poissance d’yceulz enflez +finera & sera retranchee les degitant de leurs haultesces les branches +qui seront esmondees et les oysiaulx et bestes qui se partiront/ C’est +que leur force faillie leurs subgiés et ceulx qui pour les cruaultez des +desdaings de leurs enfleures les craignent et doubtent/ les lairont en +leur persecucion/ le fruit qui sera dispars c’est leur semblables menus +membres pareillement enflés qui seront humiliez/ Et adonc sera certiffié +la prophecie de la vierge qui dit/ _Deposuit potentes de sede et +exaltavit humiles_. + + + + +De la punicion des vices. + + +Escoute aussi de rechief la belle louange des .iii. damoiselles +diffamees qui en lieu de mes .iii. tres amees emprisonnees que tu as +veues la en bas/ m’ot esté pour m’acompaigner baillees/ & avisez se +resjouir me doy de compaignie de si honteuse fame/ et toutevoyes nottes +a quelle fin terminoit. + +¶ De celle premierement que tu vois qui en son giron tenoit la dame +armee & qui tant mes subgés et les miens corrompt & sustrait/ Entens +l’avision comment en esperit de prophecie la vid le prophete zacarye +comme il recite en son livre ou cinquiesme chapitre. + +¶ Une femme dist il veoye ou milieu assise d’une bure remplie d’eaue/ & +tenoit celle une grosse masse de plomb qu’en sa gueule boutoit/ et puis +.ii. autres femmes je veoye qui avoient elles semblables a elles +descouffle. ycelles prinrent la dicte bure ou la femme assise estoit & +entre le ciel et la terre la portoient/ adont dist il a l’ange demanday +qui celle vision me monstroit ou ses femmes la bure atout la femme +assise en l’eaue portoient/ & cil me respondi. Ut edificetur sibi domus +in terra sennaar/ il la portent dist il pour lui ediffier la une maison +en la terre de sennaar/ par ceste prophecie est entendue la deshonnesté +dessus dicte et toute personne que elle a tiree a sa cordelle/ la quelle +en toutes plaisances et delis charneulz est de eslargir espandre et +laissier couler determinee/ tout ainsi comme les eaues sont fluentes et +decourans/ la masse de plomb la quelle est metal pesant et grief que +elle en sa gueule lançoit est entendu la griefté de l’offence de dieu & +la honte vituperable qui tant est ponderant et grieve que fait commettre +la deshonnesté a ceulx et celles qu’elle enveloppe en ses laceures. Les +.ii. femmes qui esles avoient et portoient la dicte femme assise sont +.ii. mauvaises habondances qui portent et soustiennent en voulenté +d’eulx espandre en toutes plaisances et charneulx delis/ celle et les +siens. La premiere femme est a entendre de delices habondance/ si a .ii. +esles comme oysel qui la portent/ c’est assavoir gloutonnie qui fors +menger et boire viandes glouttes ne queroit/ L’autre aelle est parece +qui ne veult que jouer & avoir repos/ La seconde femme est de richeces +grant abondance/ si a .ii. autres esles c’est assavoir rapine qui ne +veult fors tolir l’autruy/ L’autre aelle est cruaulté qui ne scet avoir +de nul compassion/ cestes aelles estoient a celles descouffle +semblables/ car ainsi que cil oysel ne vit que de proye rappineuse/ +ainsi a tele mauvaise abondance de richeces communement vient on par +extorcions et rapines/ Or est descripte ceste perverse deshonnesté selon +la prophecie zacharie/ mais la fin quelle en sera qu’en feront celles +qui flotant es eaues la portent ilz la porteront en la terre de sennaar +pour la lui ediffier sa maison/ sennaar vault autant a dire comme fetor +c’est punaisie qui est la honte & confusion ou ycelles l’amenront/ et en +la fin lui ediffieront sa maison en l’abitacion d’enfer ou a punaisie et +perpetuele orreur. + + + + +Encore de ce mesmes & complainte de la dame. + + +O chiere amie et de la desloyale de dieu haye la parfaicte ennemie du +faulx office la quelle bouche et estoupe la lumiere de verité sicomme +autour de la chartre tu as veu/ Et que dirons nous car de son malefice +helas je me dueil/ ne vois tu comment or y prens garde de s’alaine +corrupte tout est noirci/ Je enrage d’ire quant je lui voy giter les loz +de mes partages non pas par sort/ mais par malice assise a traire +finances de diverses buches pour fournir le feu qui ne peut estanchier +en mes palais la plus hault assise establir ses ordres plains de +desraison et nul grosser n’en ose/ quant je voy la hideuse voillee de +malice paistre les mauvais et ceulx de sa sorte et destruire les simples +& qu’en puis je dire fors cryer a dieu car les souverains de mes +ordonnances sont ses aliez. O dieux quel playe a moy adoulee avec mes +autres griefs. Je suis comme la vesve de bon per delaissiee a qui chacun +cuert sure et nul n’en a pitié/ et que sont devenus les champions de +droit ne s’en sont ilz fuis/ & s’aucun en y a la faulce desloyale ne +leur laisse sortir leur droiturier effait/ voyez voyez tous mes loyaulx +amis comment suis gouvernee par ce que j’ay perdu la joye de mon chief/ +Et ce fait ceste faulse qui n’y regarde droit pour ce que demouree comme +brebis sanz pastre suis sans joye d’ami Bien doy estre perplesse quant +je voy ma lignee d’icelle avironnee qui leur donne conseil de ses +desloyaulx voyes/ est il chose plus laide que ce qu’elle maintient +comment si fol est homme qu’il n’avise sa fin. O avuglee guespe ta +pointure perverse mainte gent persecute/ Tu es soubtille en oeuvre +malice te gouverne & barat tient le glaive de ceulx de ta justice/ Or +n’est il homme si sage qui en tous cas t’avise car tu te transfigures en +trop estranges fourmes si vas traçant par ville par palais & par sales & +par toutes mes places riens sanz toy ne demeure/ & chacun envenimes de +ta pouldre couverte. O dieux jusques a quant durera ceste guerre/ mais +je me reconforte sire par la figure qui m’en est prophecie de xanson le +tres fort. + +¶ Ainsi souspirant par semblant de grant douleur dist ceste complainte +la tres honoree princesse/ & quant ces choses ot dites comme femme +lassee et de dueil surmontee couverte de larmes si que parler plus ne +pot se taisoit quoye et moy qui ses maintiens regardoie comme compaigne +de son plour par pitié de sa reverence/ et qui de bon cueur y remediasse +s’a moy en fust lui dis ainsi. + + + + +De ce mesmes. + + +Ha dame tres redoubtee et digne comme il appartiengne a la haulteur de +vostre force monstrer la tendreur des femenins courages/ laissez en paix +les larmes non propices a vostre constance et plus avant me dites de ce +que touché avez/ c’est assavoir la figure ramenteue de sanxon le fort/ +la quelle s’il vous plait m’exposez/ Et elle a moy amie comme le temps +de la destruccion de la faulse fallacieuse et de ses desloyaulx enfans/ +je desire me resjouiray en celle attente le te disant/ il est escript ou +.xv.e chapitre ou livre des juges d’israel comme prophecie et figure du +desertement de mon ennemie et de ses complices qui comme psanxon le quel +est interprete comme _sol fortis_/ c’est a dire le souleil fort eust +lonc temps par les malices des philiciens ou ceste faulse regnoit/ esté +parcecutez vint le temps que dieu lui ouvri la voie du reparement de ses +adversitez par droituriere vengence/ adont prist cellui psanxon +plusieurs goupilz ou renars et ensemble les accoupla par les queues les +uns aux autres les lya/ Et comme il fust ja la nuit venue ou premier +somme gita ses renars es maisons plaines de fains de ses ennemis partie +d’iceulx renars et les autres chaça es blez des champs et en leurs bois +et en leurs vignes/ et par celle voye sicomme dieu volt furent les filz +de la desloyalle et elle avec eulx/ En celle partie mors destruis et ars +en leurs pechiez. O amie chiere nottez la prophecie du temps de ma +gloire. + +¶ Quant ceste desloyale assez m’ara chastiee Si que dieu vouldra sa +pugnicion cesser/ & les crys de mes plains seront par pitié devant dieu +portez Sicomme jadis furent ceulx des enfans d’israel lors que olofernes +a tout sa grant force assegiez les avoit/ Adont psanxon c’est le souleil +fort s’avisera de grant malice contre ses ennemis cessera un de mes filz +cler comme le souleil fort Car le souleil de justice en lui abitera/ +cellui destruira ses ennemis par estrange malice/ c’est assavoir les +enfans de la fraudulente ennemis de sa vertu qui ma terre et moy par +lonc temps ont persecutee/ si prendra renars & queue a queue les +acouplera et entre eulx mettra brandons de feu/ puis les getera par nuit +sus les desloyaulx & en leurs gaignages & tout bruslera et mourront en +leurs iniquitez/ les renars sont les soubtilz avis de son meismes sens +que il prendra que il queue a queue accoupplera/ Ce sont plusieurs poins +par quoy il les prendra en leur malice/ il mettra brandons de feu entre +.ii. c’est la punicion de leur meffais & que par droituriere justice il +leur baillera/ il les gettera sur eulx quant nuit sera venue et ou +premier somme c’est quant le terme de leur punicion sera venu/ & qu’ilz +seront endormis en leur perseverence il getera partie des renars en +leurs blez et gaignages C’est que l’avoir mal acquis qu’ilz ont par le +sens d’icellui sera distribuez es mains des droiz heritiers. + + + + +Encore du vitupere des vices en general. + + +Mais de celle aux ordes ongles et qui tant courbes les a ou quel faulx +gouvernement tu vois les mouchettes de mes ruches qui pervertist le miel +de leur cire en sauvage amertume que t’en diray je n’as tu sentu +l’experience de son office/ deust se dieux t’ayst tel monstre estre +trouvé en ma maison pour mes enfans m’empoisonner & pervertir et si +villainement sustraire et par faulce amonicion de ses flateries les +rendre deshonorez par sa fame villaine qui rent ses acointes en ciel et +en terre tous diffamez/ Est il riens plus blamé que l’estre ou elle +abite tant soit le lieu sacré d’autre vertu/ helas ne deust pas estre cy +assise Car qui qu’elle accompaigne ne lui affiert mie s’embatre en mes +proprietez. Ha beste orrible et venimeuse comment as tu fait si mortel +sault comme du puis de enfer ou est ta naturel demeure jusques es +courages de mes enfans en qui habiter ne souloies/ ou sont alez mes +anciennes vertueuses portieres pitié et charité quant empeschee n’ont ta +hardiece/ Or me pasme le cuer de yre voyant ta cruauté qui ne donne lieu +a nulle vertu/ mais sanz misericorde esrache les fruis ains qu’ilz +soient meurs de leur tige/ ce fait ta felonnie assise es combles de ma +maison/ Et sicomme dit le proverbe maisgnee duite selon seigneur les +menistres d’iniquité suivent la trace de leurs chiefs par tes fallaces/ +et de toy perverse qui tiens les clefs a force de mes escrins les +oeuvres et serres a ton vouloir a leur grant vitupere et prejudice en +font leur parement O moleste du monde/ tu sancsue infernale qui te +pourra assez vituperer/ n’es tu pas celle donques qui livres matiere aux +tourmens d’enfer et qui de cryer ne cesses affer affer/ fournase +insaciable et inestainsible qui te pourra assouvir n’a ja ton ardant feu +pire que gregois espris mes plus cheres choses Et ja te voy si effrontee +et magnifestement publique que nulle vergongne ne te tapist/ ne ceulx ne +se hontoient tant sont endurcis que tu compaignes. + +¶ Ha bien prophetisa le temps que je voy et le lieu ou tu es en ces +proverbes salomon .xxx.e Chapitre ou il dit ainsi. + +¶ _Generacio que pro dentibus gladios habet ut comedat inopes de terra +et pauperes ex hominibus_ Ha la generacion perverse qui en lieu de dens +usent de glaive non mie pour mordre mais pour tout trancher ce veons +magnifestement de la desloyale a qui ne souffit mie mordre se tout ne +tranche. + + + + +Piteuses paroles de la dame couronnee & recors de la sainte escripture. + + +O doulce amie et ma chiere nourrie/ et quant je sçay que dieux est juste +ne dois je penser que a tous jours pas ne dissimulera la paye de sa +droiture/ ne fait il grace quant la convercion qui trop retarde attent +sa misericorde mais sicomme naturellement la mere amoureuse de sa +porteure non obstant vices qu’elle y voye ne met en oubli l’amour +maternelle redoubte par desserte veoir la ruyne de ses filz/ ainsi +souspirant et lacrimeuse crainte et paour en freour me tient de +soubdaine vengence. Helas n’ay je cause de penser la figure de ma ruyne +en ce qu’il est escript ou .xv.e chapitre du livre des roys/ que comme +dieu de loy divine repreuve ceste dicte vicieuse gueppe/ sicomme son +contraire pour ycelle et a sa cause debouta saül roy que elle avoit +aluché/ lors que il l’ot envoyé en bataille contre le roy de amalech si +lui avoit deffendu que homme ne prensist a rençon mais tout meist a +l’espee comme orribles pecheurs et de dieu reprouvez ne vouloit plus sa +vie/ ne des despoulles retenist aucune chose/ mais comme saül mieulx +amast obeyr a ceste desloyale sancsue qui lui commandoit le contraire +que au commendement de dieu n’en fist riens Ains se volt engraissier des +faulces pastures de dieu vees/ et espargna le dit reprouvé roy/ pour la +quelle chose dieu appella samuel le prophete disant Je me repens d’avoir +ordené sus mon peuple Saül roy Dont comme le dit prophete reprensist +Saül d’ycelle forfaicture/ se volt excuser disant que les despoulles que +faites avoit/ c’estoit en entencion de a dieu les sacriffier/ de la quel +chose respondi le prophete/ mieulx vault obedience que sacrefice/ et +pour tant que par croire l’amonicion de la rapineuse as desobei/ Tu +seras debouté de ton royaume et adont le prophete le depposa et en oygny +david a roy/ Ha chiere amie et dois je penser que dieu dorme ne voy je +le temps que contre ses commandemens sont espargnees ses justices sur +les mauvais de droit divin condampnez a punicion/ mais qu’ilz ayent +pasture pour ficher en la quelle de la faulse adont tout est accoisie/ +Mais voir est qu’ilz s’escusent d’aucune faulse couleur de bonté faisant +leur malefice/ vois tu tout commandement de loy mis arriere pour elle +paistre et nourrir sans nulle espargne/ Que diray je donques se je n’ay +paour que dieu soit muable qui ne peut estre/ & s’il ne l’est pour quoy +ne me touche ceste figure par semblable cas n’en voye les aprestes/ Car +bien est fol cil qui mal fait & bien espoire/ ne sont les estranges +aussi aptes a recevoir nouvelles proyes comme ilz souloient/ Et tout +ainsi comme cellui qui se sent coulpable ne vid sans la runge de +conscience/ le rent paoureux la paour de punicion ne de lui ne depart. + +¶ Ancore a ce propos des malefices de ceste dampnee ne parla donques a +moy jhesucrist en la parabole de la vigne sicomme il dist en l’euvangile +des faulx coultiveurs lesquieulx comme ilz fussent de la maisgnie de +ceste doulereuse par envie d’avoir l’eritage n’occirent il les loyaulx +messages justement demandeurs des exfruis & comme ceste felonnie +engrigiast semblablement/ ne espargnerent leurs glaives le droit +heritier/ mais comme la sentence divine les despoulliast pour yceulx +crimes de toute possession/ et en revetist estranges cultiveurs les +miens cheus en la meismes fosse ne dois je doubter la meismes sentence/ +Car comme le souverain maistre establi les eust coultiveurs de ma vigne +pour bon compte en avoir/ n’ont ilz occis les messages demandeurs des +exfruis/ c’est assavoir les causes de mon exaltacion/ et qui plus est/ +le droit heritier c’est le loz de grace qui tous jours jusques a ore m’a +possedee/ mais tout ainsi que la femme ançainte la quelle non obstant le +desir de veoir le fruit de son ventre hors de soy a sauveté resongne la +douleur du temps de l’enfantement/ pareillement non obstant la joye de +l’esperance du bon reppareur avenir/ que dieu m’a promis/ je resongne le +mal par ou couvient que je passe ains que je y aviengne. + + + + +Encore de sa complainte. + + +Helas ancore de la paour que j’ay de ma ruyne n’ay je cause considerant +les dessertes de mes subgez/ car peut estre que ains la reparacion +attendue/ moult couvendra perir des miens Comme il soit vray que de +choses a avenir le temps mucié soit soubs le secret de dieu Sicomme la +promesse qu’il fist a abraham de ses lignees multiplier & croistre sus +la terre comme souvrains/ Et chose est certaine la parole de dieu estre +vraye/ Et toutevoye par les dessertes d’iceulx enfans et peuple d’ysrael +punicion a tres lonc temps leur a esté par mainte foiz de dieu envoyee/ +comme il appert par la bible qui de ce fait mencion/ et puis quant dieu +bien les avoit punis les rappelloit a soy Et ancore au jour d’uy les +veons dispers et fuitis pour leur dessertes/ leur repparacion selon ce +que l’en tient par la dicte promesse sera quant lumiere de vraye foy +leur sera donnee Ceste figure me fait doubter grans perplexitez avenir/ +ains le reparement de ma ruine/ Sicomme nous veons communement ou temps +d’orage grans escroiz de tonnoirres fouldres et tempestes cheoir +dommagiablement ainçois que le temps se resclaire/ Et se sur ce croire +n’en voulons des anciens les prophecies sicomme merlin les sibilles +joachin et mains autres qui nous dient tout plainement les advenemens de +noz adversitez et trebuchemens/ et se veoir les veulz en maint lieux les +trouveras plainement et a la lettre lesquieulx dis je laisse pour ce que +aucuns dire pourroient que comme ilz soient apocriffes ne doivent estre +recitez a cause de certaine preuve/ les textes des saintes escriptures +que nyer ne povons et ou n’a mençonge nous doivent a tout le moins estre +fondement de paour & petite asseurence/ et aussi les veritez des vrayes +histoires approuvees. + +¶ Qui me gardera donques de trembler quant je cognois que la justice de +dieu riens ne passe sans punicion et je voy les occasions d’inconvenient +courir toutes communes c’est assavoir par especial les filles de +perdicion dessus descriptes et que tu as veues et le vent penetrant qui +donne l’enfleure maloite qui bestourne le sens d’omme raisonnable en +beste mue. + + + + +Des punicions des vices. + + +Que j’aye paour de la punicion qui tant rent enfermés mes plus prochains +par les exemples que de l’ire de dieu je treuve encore pour trop mendre +cas que ceulx que courir voy commis par mes pourprises Sicomme il est +escript ou second livre des roys ou derrenier chapitre/ que comme le roy +david une foiz ferus du vent dessus dit eslevast son cuer en l’enfleure +de ambicion de savoir quel puissance il avoit et de combien de gens +d’armes finer pourroit/ & pource savoir fit son peuple nombrer pour la +cause de ceste elevacion seulement dieu fu contre lui tant courroucié +qu’il lui manda par le prophete gad/ que il choisist de .iii. punicions +l’une ou .vii. ans par tout son royaume aroit famine/ ou .iii. mois il +seroit en fuite pour paour de ses ennemis ou .iii. jours pestilence de +mortalité aroit en son peuple/ Dont apres qu’il ot choisi la tierce +punission/ une tele mortalité sourdy qu’en son royaume mourut .lx. & .x. +Mille hommes. O doulce amie/ or regardes comme grant punicion pour chose +qui au regart de noz grans enfleures sembleroit bien petite boce. + +¶ De ceste enfleure ancore et de la punicion de dieu envoyee comme il ne +la puist au lonc aler souffrir/ Est escript ou .iiii.e chapitre de +danyel que comme nabugodonosor une foiz alast et venist par mi sa sale & +son grant palais de babiloyne/ se gloriffiant et disent ne n’est ce pas +cy babiloine la grant/ la quelle pour ma maison royal j’ay ediffiee et +la poissance de ma force et la gloire de ma beauté. Adont disant ces +paroles vint une voix du ciel/ qui lui dist nabugodonosor escoute/ ton +royaume de toy est trespassé et bouté hors seras de la compaignie des +hommes & avec les sauvages bestes sera ta demeure/ & feing avec les +beufs tu mengeras ne fu pas mençongiere la promesse/ car gaires apres ne +tarda que executee ne fust en sa personne qui deboutez fu de la +compaignie humaine et ramené en fourme de beste paissant aux champs a la +pluye et au vent. + +¶ A quoy querons nous autres prophecies/ ne nous sont cestes +souffisantes/ ne savons nous que dieu est inmuable comme dit ay/ et que +tel est ores comme lors estoit/ ne sont les escriptures toutes plaines +des veritez de ses punicions/ et de tant comme plus il les retarde de +tant plus grant paour avoir devons/ Tout ainsi comme de l’archer de tant +comme plus il retarde a frapper tandis que fort il tire la corde/ de +tant fiert il plus grant coup quant il assene/ que t’en diroie plus/ +d’exemples infinis en sont qui nel croira si lise/ assez souffise ceste +narracion sus la dicte enfleure de mal affaire. + + + + +Encore de ce mesmes. + + +Encore de la deshonnesté qui ma gent de deffence et mes autres officiers +et meismement mes plus affins et prochains tient avec les autres +passions dessus dictes/ en ses liens comme cy dessus est dit. helas qui +n’aroit que un vice seroit a peu eureux/ mais mal pour cellui qui de +tous ou de plusieurs est avironnez et remplis/ ne me puis taire de +l’exploit de la grant condampnacion de dieu donnee contre son vice/ & +des maulx qui en viennent & au jour d’uy et tres les premiers temps +comme plusieurs royaumes destruis en ayent esté/ et pour ce doubter doy +quant je voy le cas pareil/ ce meismes flaiel/ exemple/ Dyna fille de +jacob fu ravie du filz du roy de Sichem et ce fu la cause de la +destrucion du dit royaume/ Amon se faigny malade pour avoir thamar sa +seur/ pour la quelle cause il fu de son frere absalon occis/ le +ravissement de heleyne par paris en grece fu cause de la destruccion de +troye. un roy de france comme racontent les croniques en fu chaciez et +exillez/ la force de tarquin l’orgueilleus faite a lucrece la chaste +dame de romme qui pour celle cause s’occist/ fu cause du desheritement +du roy tarquin et de son filz/ Et pour ce fait jurerent les rommains que +jamais a romme n’aroit roy. hanibal roy de cartage tant qu’il fu sans +l’acointance de la deshonnesté/ il fu vainqueur et victorieux es +batailles rommaines & en toutes pars/ Et fu son nom eslevé en proece/ +mais si tost qu’aprist le repos & en delices s’enveloppa/ es quelles +prist l’acointance de ceste mauvaise chut en la vallee de male fortune +ne puis bien ne lui vint. + +¶ Plus te diray et nottes que quiconques soit l’omme qui es dissolucions +communes s’enveloppe/ de ceste deshonnesté/ merveilles est se jamais +puis il a pris d’armes/ et se fortune en tous ses fais ne lui est +contraire/ puis que son cuer flote es eaues de ses dissolucions/ et se +n’estoit qu’il ne loit de nul diffamer publiquement de ce te donroye +exemple vray d’aucuns vivans au jour d’uy au monde sanz honneur/ loyez +de tieulx liens/ ancor te dis que pays terre ou regne dont des +chevetains est maistrece ne fructifie en honneur ne bonne renommee/ Et a +quoy plus alegueroye de ceste exemple la magnifeste experience le nous +declare/ mais de son trebuchement quoy qu’en aye dit devant/ ne couvient +autre prophecie/ ne mais les effais de la divine justice qui pour cause +de celle ebaluffree sanz frain de honte dont les humains estoient +remplis/ Dieu dit et sentencia que homme plus au monde ne seroit vivant +sus terre/ Et pour ce le deluge envoya jadis qui n’espargna creature +vivant fors noué & sa meisgnie que dieu ot preservez. Si pense & nottes +comment asseure je doy dormir. + + + + +Encore de ce. + + +Ancore de celle qui les voyes estouppe que verité ne saille/ C’est +fraude la perverse/ Sicomme dit valere le grant ou .ix.e livre que sa +tricherie barateuse est un mal mucié et espieus de qui les forces tres +efficans sont mentir et decevoir comme elle s’esjouisse en mençonges & +fallaces qui sont les faulx outilz de son soubtil art Et de ce parle +ysidore en ses synonimes qui dit que fraude ou barat est monstrer une +chose en semblant et faire autre en oeuvre/ Et cellui qui en lui l’a est +tricheur/ et par elle veult simuler et faindre l’issue de vertu/ de +ceste mauvaise vient desloyauté et foy mentie/ or prens garde se ma +terre et toutes mes cours sont semees de si fais hebarges/ ja moult +enracinez en de trop haulx lieux helas comment ne desplairoit a dieu +juste le vice de foy mentie de mençonge et de desloyauté entre les +freres parens et amis Et entre prochains sicomme il commande que ilz +aiment l’un l’autre quant meismement aux ennemis veult que foy soit +tenue/ et que il se courrouce du contraire le nous monstre assez par +l’exemple qui signefie des faulx jurans la grant punicion/ c’est +assavoir par ce qui est escript ou derrenier chapitre ou livre des roys +de zedechias roy de jherusalem qui brisa a nabugonodosor roy de +babiloine la foy promise que lui avoit/ pour la quelle chose le dit +nabugodonosor vint assegier jherusalem et dieu en sa main lui livra le +dit zedechias roy/ Si lui dit quant il le tint. Dieu qui het toute +infidelité de foy brisee & de mençonge te veult punir par ma main/ et +adont devant lui occire fist ses enfans/ & a lui crever les .ii. yeulx/ +et lié de chayennes le fist prisonnier mener en babiloine/ Or regarde +que doivent les miens attendre des infidelitez que chacun jour s’entre +font tant innormes que l’un en l’autre ne se peut fier/ ne loyauté a +peine en part qui soit du grant jusques au mendre peut estre trouvee/ +qui vit onques mais l’art de sofistiquacion si commune/ Car de ce semble +que chacun soit maistre et jusques aux entrailles des courages c’est +embatue celle art d’enfer et dyabolique/ si qu’il n’est a peine parole +dicte semblant fait ne chose ouvré qui ne soit sofistiqué en tele +maniere que elle a apparence de estre milleure qu’en effait de bonté +elle n’est trouvee. Si suis pour ces choses comme celle qui le baston a +sus le chief et le coup atent. + + + + +Encore de ce. + + +Et tout ainsi comme les vertus deppendent les unes des autres & s’entre +accompaignent & attrayent Semblablement ces filles de perdicion +trebuchent de l’une en l’autre/ et se entre sachent et apparient/ Et +qu’il soit vray pour quoy est doncques fraude trouvee ne mais pour +remplir les coffres de la rappineuse C’est l’administraresse de ses +pourveances et de son amas/ C’est celle qui treuve les voyes de attraire +ces finances et faire ses contras/ hahay se perdue l’avoit comment +esgaree seroit/ Onques ne fu si propice boyasse ne qui si bien pensast +de sa maistresse. Dieux quel compaignie et quel couple avarice et +fraude/ mais de leurs ordes mains _libera nos domine_. Dieux ne commença +ceste orde caigne aux ongles crochees/ tres que sus la terre n’avoit que +.iii. hommes Lors que kaÿm offroit a dieu des pires fruis de sa terre et +des pires bestes de son parc/ Et comme dieux qui scet les courages +n’eust agreable son sacrefice le reprouva ycellui chut ou second +inconvenient/ c’est assavoir de envie et puis ou tiers par l’omicide que +il fist de son frere abel Qui pourroit raconter les maulx qui par ceste +sont avenus/ et ancore ne cessent/ pour quoy te diroye des empires +royaumes/ citez et peuples qui destruis en ont esté les temps passez/ +Autre exemple ne couvient fors du temps present n’est elle celle qui en +l’eglise de dieu met la division et le Sisme/ certes c’elle n’estoit ne +couvendroit pas .ii. papes/ ains a peines un le vouldroit estre/ n’est +elle principale ou debat de mon royaume/ Se trouvee n’y estoit la charge +du gouvernement ne seroit tant chalengee/ dirons nous que elle fust plus +grande jadis ou roy de babiloine/ pour tant se une seule foiz il desroba +le temple de dieu. helas avisons quantes extorcions on fait en plus ses +amees choses que son temple/ C’est assavoir a ses povres membres qui +sont les souffreteux de quoy il est escript que licite seroit vendre les +calices & les joyaulx livres et aournemens de autelz pour secourir a +besoing a la neccessité de yceulx Et ilz sont de toutes pars persecutez/ +et de tieulx joyaulx qu’ilz ont/ c’est leur sustentacion desrobez/ Et +dieux scet en quieulx usages sont employez/ Mais le cas de cestui dit +roy pour quoy ne nous peut estre figure et prophecie du pareil +inconvenient par divine punicion/ Car sicomme ou livre de danyel ou .v.e +Chapitre est escript que une foiz baltasar faisoit un grant disner/ et +seoit a table avec les nobles de son royaume/ commanda que fussent +apportez les vaisseaulx d’or et d’argent que son pere avoit pris ou +temple de jherusalem/ esquieulx vaisseaulx on souloit faire le service +de dieu/ Et cellui corrompu par pompe buvoit dedens presomptueusement/ +et y faisoit boire ses cucubines qui de tieulx rappines faisoient leurs +paremens/ et les choses de dieu mettoient en vilz usages/ Mais dieu +contre qui nulle force n’a poissance/ et quoy que il attende bien se +scet venger ot amené l’eure de la punicion de ycelluy mal faiteur/ Et +par cest exemple povons notter la ruyne des plus eslevez souventes foiz +quant plus cuident estre asseurez/ Car sicomme cellui Balthazar Roy de +Babiloine estoit plus en sa joye/ il leva les yeulx Et en la paroit de +sa sale vit une main qui escripsoit tieulx .iii. moz/ mané/ thetel/ +phares/ Le premier mot mané/ C’est a dire nombre/ et est a entendre que +dieu avoit nombré les jours de sa vie/ Et que venue en estoit la fin. Le +Second mot thetel est a dire pois/ qui vouloit dire que dieu avoit pesé +ses biens et ses maulx/ et legier avoit esté trouvé en biens/ et pesant +en maulx. Le tiers mot phares vouloit entendre division/ C’estoit a dire +que dieu avoit devisé son royaume et sepparé de lui/ Et ainsi avint car +celle meismes nuit/ daire le roy de mede/ et Cirus roy de perse +prindrent la cité de babiloine/ et fu occis balthazar et son royaume +transporté es mains des mediens et des persens. + + + + +Encore de ce. + + +Tant que c’est sanz nombre doulce chiere amie/ te pourroye dire de +tieulx exemples de diverses punicions pour divers pechez helas et les +miens ne s’i prennent garde/ ne dit le proverbe rural et commun que bien +se bat qui par autruy se chastie/ & que qui autrui maison voit bruler/ +de la sienne paour doit avoir/ Il n’est si beau chasti que cil qui de +soy meismes & sanz contrainte vient/ plus leur fust honorable laisser +les vices de pure voulenté que ce que a force on leur feist delaissier/ +n’est il escript que dieux a plus grant joye du pecheur retourné a lui +que du juste qui onques ne failli/ C’est chose humaine de pechier/ mais +infernalle est la perseverence. Ha doulce chose est que de suivre la +voye de vertu a qui si veult duire/ n’est il dit que l’omme vertueux a +ja un pié ou ciel/ Et a quoy se eslieve homme qui est terre & cendre/ ne +scet il que sa vie est brieve ne se gloriffie es richeces mondaines/ +lesquelles ne sont ne vrayes ne siennes/ Et que vault avoir seignourie +au monde grans tresors terres possessions et poissances sur les autres/ +un pou de temps pour an si user que on s’en enqueure dampnacion +perpetuele/ qui est cellui si ignorent qui n’ait le ver de conscience. +vueille ou ne vueille quant il se sent pecheur ne possede il et y a un +des tourmens d’enfer qui ne le laisse durer/ mais quelle est plus grant +seureté que nette conscience/ C’est joye celestielle/ Hahay mais pour +quoy ne a qui dis je ces paroles quant je sçay que n’en serai pas creue +Car ne pourront entrer es courages ja adurcis Sicomme on dit le fol ne +croit jusque il prent mais habondance de voulenté le me fait dire comme +tendre mere a ses enfans/ mais ce me desconforte que ja me semble en y a +d’entrez en obstinacion qui trop est chose perverse. Helas/ j’ay grant +paour que semblable je soie a Cassandra la sage fille du roy priant qui +veant la ruyne appareillee sus les troyens les amonnestoit d’appaisier +leurs courages contre grigois ains que pis leur venist/ mais en vain se +debati car n’en fu pas creue/ Si leur en ensuivi tout ce que pronostiqué +leur avoit/ Dont a tart de ne la croire se repentirent/ ainsi de eulx +amender et mettre a paix devers leur dieu de qui ja voy la guerre. Bien +vouldroye que a mes paroles si adjoustassent foy/ ains que pis leur +venist/ ilz me creussent ne que du tout ja son yre fust sur eulx +espandue/ par plus grieve vengence. O sage roy de ninive bien conseillez +qui creus le prophete jonas/ quant dieu par lui te manda/ que pour les +pechiés de toy et de ta cité tu avoies encouru sentence de destruccion +dedens quarante jours Mais lors te repentant batant ta coulpe/ en jeunes +plours et afflictions toy et tous tes subgés jusques aux bestes mues par +.iii. jours cryant a dieu mercis vestus de sacs/ cendres sur les testes/ +tant te humilias que Dieu ot pitié de ta contriction si/ que ton +humilité espargna sa vengence par bon appaisement. + +¶ N’ont doncques les miens assez de exemples d’eulx repentir ne scevent +ilz que de mal couvient que mal viengne Car non obstant que le sens +litteral de l’euvangile dye que neccessité est que esclande viengne/ ne +dist il apres que pour tant mal cellui par qui esclande vient/ veulent +ilz resembler le larron qui ne croit quelque exemple que il voye que +l’en destruise les mal faiteurs jusques a tant que il ait la corde au +col/ Helas/ mais c’est trop tart/ Car trop est meilleur a l’omme se +garder du mauvais pas que ce que a peine ou jamais s’en tirast hors se +il y estoit entrez. + + + + +La fin de la complainte de la dame couronnee. + + +Belle doulce amie que te diroye ne t’ay je assez tenue es narracions et +procés de mes aventures le bien et le mal je t’en ay regehy en general & +en particulier puis la naiscence de mon nom jusques au jour d’uy/ Et ce +plus m’a eslargie a te signiffier l’estat de mes anuys que piteuse de +mes afflictions je t’ay trouvee/ Si est temps des crimes/ que je me +seuffre/ de plus te dire/ que trop ne soie longue. O quel plaisir et +quel alegement est de dire et descouvrir a son loyal ami ou amie les +pesanteurs de ses pensees Car la viande presentee au famillieux n’est +plus savoureuse/ Si ne dis plus ce que autre foiz as dit quelle que je +appere que glorieuse soye/ Car je t’acertaine se dieu de sa grace n’y +remedye que passé a lonc temps ne fus plus perplesse helas mais comment +remede du ciel espereroye quant aux miens si mal je le voy desservir Et +ancore plus me grieve sans faille le peril de pis ou je me voy que le +mal que je seuffre Tout soye bien batue Tout ainsi que cellui qui devant +lui voit cil qui l’a navré/ a paour que il le partue Si te mercy ma bien +amee en fin de mes paroles de ta loyal amour et compaignie La quelle te +pry que ne me faille jusques a la fin. + +¶ Non obstant que d’alieurs tu soies requise/ et que de moy et des miens +tu ayes petis emolumens/ mais ton bon courage ne vueille delaissier la +nourriture de son enfance/ Si demeures constante avec moy ou gracieux +labour de tes dictiez/ du quel maint plaisirs ancore feras a moy et mes +enfans/ Lesquieulx je te pri que me salues/ Et que leur signifies les +plaintes de mes clamours Et que Comme loyaulx et vrays enfans veulent +avoir pitié de leur tendre mere/ de qui encore le lait leur est +neccessaire et doulce nourriture/ mais vueillent si espargner ses +doulces mamelles que ilz ne la succent jusques au sanc. + +¶ A tant cesserent les parolles de la dame couronnee Et moy apres ce que +selon ma poissance au mieulx que sos je l’os reconfortee/ lui disant que +non obstant son grant peril/ se dieux plait les prieres et oroisons de +maintes bonnes creatures/ et les biens fais qui sont celebrez par sa +terre/ non obstant les grans pechiez qui y queurent/ Comme dieu soit +misericors la reserveroyent et tireroient de peril/ La merciay de +l’onneur que m’avoit faite et de la charge que commise m’avoit/ lui en +promettant vraye excecussion. Et a tant reposer la laissay. + + +Explicit la premiere partie du livre de l’avision christine. + + + + +Ci commence la seconde partie du livre de l’avision christine la quelle +parle de dame oppinion et de ses ombres. + + +Apres ces choses me sembloit que desireuse de plus avant enquerre aloye +traçant par la cité d’athenes tant que m’embatoye entre les estudes/ +lors joyeuse d’estre parvenue a si noble université voluntaire de mon +sens par leur savoir prouffitablement imbuer/ m’arestoie entre les +escoliers de diverses facultez de sciences disputans ensemble de maintes +questions formant plusieurs argumens. + +¶ Lors sicomme l’oreille vouloie tendre a escouter/ adont le sens de ma +veue preceda cellui de m’ouye/ Car en haulçant mes yeulx avisay volant +entre yceulx une grant ombre femenine sanz corps sicomme chose +espirituelle de trop estrange nature et qu’elle fust merveilleuse +l’experience prouvoit/ Car celle chose veoie estre une seule ombre/ mais +de Cent mille milions voire innombrables parties les unes grandes/ les +autres mendres autres plus petites de soy elle faisoit/ puis +s’assembloient ses parties d’ombre comme par grans tourbes si que font +nuees ou ciel ou oyselés volans par tas ensemble/ mais plus en y avoit +que onques oyseaulx ne volerent. Si estoient ces tourbes sepparees les +unes des autres ainsi comme les couleurs d’elles se differoient/ car de +toutes les coulours qui onques furent et de plus que onques n’en fu +estoient differenciees les unes des autres/ Car une grant tourbe en y +avoit de toutes blanches une autre de toutes vermeilles/ les autres +yndes autres de couleur de feu autres d’eaue/ et ainsi de toutes les +couleurs/ Et se tenoient ensemble celles d’une couleur sicomme font +oyseaulx d’une espece Toutefois aucune foiz avenoit que ilz +s’entremesloyent/ mais tous jours retournoit chacune a sa couleur/ Et +non obstant que une chacune couleur se tenist ensemble toutefoiz en y +avoit en la route de plus fort taintes les unes que les autres/ se +vermeil estoit l’une plus ardant/ l’autre plus palle/ l’autre plus +sanguine/ & ainsi de toutes les couleurs si qu’a peine en y avoit une +qui aucunement ne differat de l’autre/ Et tout ainsi comme les couleurs +d’icelles ombres par tourbes se differoient semblablement faisoient +leurs fourmes Car il n’est corps de creature humaine ne d’estrange +beste/ oysel monstre de mer serpent ne chose que dieu formast onques +voire des plus haultes choses celestielles et de tout quanque pensee +peut presenter a la fantasie dont la n’y eust la fourme/ Si en y avoit +tant d’estranges qu’il n’est cuer qui le peust penser mais fourmes de +geans serpens orribles bestes ne chose mortelle tant ne m’espoventerent +comme firent les orribles noirs deffigurez monstres d’enfer de la quelle +remembrance encore suis toute espaourie. + + + + +Ci dit de quoy ces ombres servoient. + + +D’icelles tourbes d’ombres qui par l’air voloient je veoie tous +avironnez les clercs disputans es dictes escoles/ et avant que cellui +qui vouloit proposer sa question parlast/ une de ses ombres lui venoit +s’acouter en l’oreille comme se elle lui conseillast ce qu’il devoit +dire/ Et apres quant l’autre vouloit respondre ou repliquer/ une autre +ombre lui aloit semblablement s’acouter/ Et ainsi n’y avoit la nul +arguant qui ne eust autour de son chief ou une ou .ii. ou .iii. ou +.iiii. ou plus grant quantité qui toutes le conseilloient/ mais chacune +science a part avoit sa couleur d’ombres/ sicomme gramaire les verdes/ +dyaletique les morees/ arismetique dyaprees/ musique blanches Geometrie +vermeilles/ Astrologie les asurez/ theologie dorez philosophie +cristalines & ainsi des autres sciences liberaulx et deffendues/ Et +ceulx qui arguoyent n’avoient environ eulx tant que duroit la +disputoison fors les ombres de la couleur qui appartenoit a la science +de leurs argus mais non obstant que toutes traÿssent a une couleur/ +ceulx qui proposoient plus fort taintes ou moins taintes que ceulx qui +repliquoient les avoient si que nulle fois n’estoient sans difference/ +et s’il avenoit que pareilles venissent aux parties qui disputoient/ +adont estoient les .ii. disputans d’acort Si estoit la chose partie en +telle maniere qu’il sembloit que ycelles ombres fussent cause de leurs +descors et debas qui aucunefoiz tant multiplioit entr’eulx/ que de +tieulx de chaude cole y avoit faisoient venir de verbis ad verbera/ Et +pour ce que estrange chose pourroit sembler a ceulx qui oyent ou orront +la descripcion de ceste avision en ceste partie la quelle les yeulx de +mon entendement plus clerement veoit que expliquer ne sçay ne descripre +que j’appelle ycestes choses ombres/ & si dis qu’elles avoient coulours +diverses/ come se chose contredisant fust couleur et ombre estre +ensemble/ si dy que ombres voirement ce estoient/ car estranges causes +leur donnoient leur fourmes non mie d’elles mesmes les avoient/ +Coulourees couvenoit que elles fussent. autrement point ne fussent/ mais +transparans petites et grans si que on veoit par mi auques toutes +estoient/ fors d’aucunes si troubles que l’en n’y veoit grain ne goute. +Ancore plus/ car tout ainsi comme elles se dessembloient de couleurs/ +semblablement faisoient de fourmes car comme j’ay dit devant de toutes +les fourmes et choses qui pevent estre ymaginees avoient/ celles ombres +empraintes/ Celles qui appartenoient a philosophie estoient comme fleurs +de diverses façons et couleurs/ mais tant estoient de grant odeur et +beauté que toutes les escolles en resplandissoient/ si que grant beauté +d’i estre estoit/ les autres fourmes d’ombres comme de gens de bestes ou +d’autres choses s’estendoient plus dehors les escoles et voloient par +tout le monde/ car celles plus appartenoient a oeuvres manuelles & fais +que en speculacion et plus estoient attribuees aux gens d’armes et ordre +de chevalerie et autres ars mecaniques & ouvrables/ De tout ce me +sembloit que avoie clere cognoissance/ mais sur toute chose +m’esmerveilloit et fort a comprendre m’estoit ce que je veoye non +obstant ces diverses parties d’ombre qui par tout le monde s’espandoient +que toutefois n’estoit ce que l’image d’une toute seule ombre en la +quelle toutes se refrappoient. + + + + +Comment l’ombre araisonna christine. + + +Adont comme je fusse ententive a regarder ceste merveille/ l’ombreuse +creature s’en donna de garde et en telle maniere m’araisonna fille +d’escole qui ça t’amaine et moy a elle/ dame aventure mais voz +merveilles m’ont cy arrestee/ Et se je peusse moult voulsisse plus vous +cognoistre/ Et elle a moy comment ne me cognois tu doncques/ dame je +n’en ay pas recort/ et elle a moy O bien voy que ignorence tolt aux +humains la cognoissance des objects de leurs oeuvres mais pour emplir +ton desir Ottroy que tu me cognoisses pour ce par vehementes enseignes +te seray magnifestee. + +¶ Saches que tres que adam fu formez je fu cree/ Et suis fille de +ignorence desir de savoir m’engendra Le premier homme & sa femme par mon +exort decevable fis en la pomme mordre/ et apres ce que dieu l’ot pour +ce meffait condampné a avoir sa vie en sa sueur/ je lui fis querre et +encercher les proprietez des herbes et des plantes et lui appris la +maniere des terres cultiver et les natures des choses crees lui fis +esprouver tant qu’il les attaigni/ ensuivant apres je gouvernay les +humains/ & leur fis prendre loy/ la quelle fu premiere celle de nature/ +Et tres ces premiers aages furent aucuns soubtilz hommes aux quieulx +tant fis encerchier qu’ilz trouverent philosophie et par consequant +toutes les sciences & ars par moy furent premierement investiguees et la +voye trouvee d’y attaindre/ ne nom de philosophe oncques trouvé n’eust +esté se je ne fusse/ Sicomme plus a plain cy apres te declaireray/ Et +non obstant que philosophie avec ses filles fust avant que moy/ et que +fille de dieu soit/ si fus je faite aussitost que creé fu entendement +humain/ et lui et moy ouvrismes la voye aux hommes de cler engin a la +trouver a entendement premier et moy seconde/ si suis chamberiere d’elle +en ce mortel monde/ car en paradis n’enfer n’ay je demeure/ ma duree +sera jusques au derrain jour & lors finera. je rapporte les messages des +hommes de cler entendement a philosophie et a ceulx qui apliquer s’i +veulent je les fois par le moyen de diligent estude se ne leur tolt +deffaute d’engin attaindre par investigacion a elle/ Et pource non +obstant que par tout le monde soye me vois tu principalement en ses +escoles hanter es quelles par l’occasion de moy avec le labour d’estude +apprennent les clercs toutes sciences & sans moy apprises ne pourroient +estre Et non obstant que de dieu viengne la grace d’en hault je suis +celle qui la mes a oeuvre ou cuer de la personne & sanz moy riens ne +proufiteroit Et te dis plus fort que se je n’estoie avec foy esperance +et charité point ne seroit es humains. + + + + +Les choses que l’ombre disoit a christine. + + +Ancore te dis je que tous les anciens prophetes qui ont esté non obstant +qu’ilz parlassent par inspiracion divine de l’advenement de jhesucrist +et des temps avenir/ et mesmement saint jehan l’euvangeliste en +l’apocalipse et tous ceulx et celles qui ont prophetisié se j’eusse esté +en eulx contraire a leurs dis ja n’eussent saintement parlé des secrés +divins/ mais affin qu’en moy tu n’erres & que mieulx m’entendes te dis +que non obstant les choses dittes maint ont prophetisié verité es +quieulx je n’estoye mie saine mais leur disoie au contraire de leur +prophecie sicomme caÿphe qui dist de jhesucrist qu’il estoit expedient +un homme mourir pour sauver le peuple/ Il dist verité mais ce n’estoit +mie ou sens ou il le prenoit/ et pource estoye faulse en lui/ car je le +faisoie follement cuider. + +¶ Plus te diray de ma nature tres que creature humaine est nee si tost +qu’entendement commence aucun petit a ouvrer en lui/ tantost moy et de +mes plus legieres filles entrons en lui/ et au feur que l’enfant croist +avec son entendement nous croisçons en lui pareillement & en celle +croiscence selon ce que ses inclinacions se donnent je loge en lui de +mes filles/ s’il est soubtil en speculacions je les lui baille teles +qu’il lui fault et celles le font encercher plus avant de ce en quoy il +est enclin/ Se enclin est aux armes teles qu’il lui fault les lui +baille/ et celles le font encercher la maniere de excerciter les armes/ +Se a oeuvres mechaniques marchandise/ ou labour de terre/ paindre/ +escripre/ ou lengager pareillement selon les oeuvres par moy avec la +inclinacion ou longue coustume d’enseignement/ toute personne prent ses +meurs bons ou mauvais sages ou folz selon qu’il s’applique/ Si fais tout +homme ouvrer parler aler et venir et sanz moy ne se mouvroit pour oeuvre +faire Si me change souvent en eulx par divers accidens/ et fois souvent +des bons mauvais/ et des mauvais bons/ les savans errer et dire faulx en +divers cas/ et les simples aler droite voye et dire voir/ et selon que +je sui en eulx je me donne a cognoistre par leurs oeuvres et parolles/ +Se n’est en aucuns qui de faintise se cueuvrent/ toute foiz ce ne +pourroient faire sanz aucunes de mes filles. + +¶ Souventes foiz je deçois ceulx ou je habite par leur donner faulx a +croire/ nil n’est si sage que souvent ne deçoive ne autrement ne +pourroit estre selon le cours naturel. + +¶ Je suis fondee sur ce que la fantasie rapporte a l’omme soit mal ou +bien Si fois souvent faulx jugement et dis une chose estre bonne ou elle +est mauvaise/ et ainsi l’opposite et pour ce fais haÿr et amer sans +cause souvent advient et sans l’avoir desservi/ diffamer et aussi louer +sans achoison souventes foiz. + +¶ Es sages hommes suis plus certaine et plus vraye et es anciens de +longue experience/ et pource a bonne cause sont appellez es conseulx des +ordenances pollitiques Je suis naturellement plus vive et plus certaine +en un homme que en un autre selon l’abilleté de son entendement le quel +me rapporte en ses pensees Et en homme qui souvent me change est signe +de pou constant et legier courage// Je ne suis nulle fois certaine/ car +se certaineté y avoit/ ce ne seroie mie. Je dis souvent verité mais je +la dis par couleur et informacion d’autre chose Et la gist en l’omme le +sain jugement se la couleur est voir semblable et digne d’estre receue +qui me fait parler/ Je ay proprieté de faire encerchier verité et de +l’enquerir et fus faite pour celle cause/ mais aussi tost que elle est +clerement trouvee de la chose que je fois querir adont couvient que +celle mienne fille qui cause a esté d’ycelle verité attaindre se parte +de la personne/ Mais g’i demeure avec plusieurs autres de mes filles qui +pareillement s’en partent selon les veritez qui sont attaintes/ car la +ou elle est nous ne povons arrester/ et si la faisons attaindre par +labour d’encercher. + +¶ Mes jugemens en nul cas riens ne valent se fondez sur raison ne sont +Et cil qui parle ou oeuvre par moy ou sens n’est appellé il erre et +abonde en folie J’ay comme dit est filles bonnes et mauvaises voir +disans et menterresses/ mais se elles mentent ou dient voir n’est mie +certaine la pensee qui en soy les a/ Combien que souvent grant foy y +adjouste/ Et pour ce que je suis chose non certainement sceue peus tu +appercevoir que moy avecques esperance sur le temps avenir par le moyen +de vraye foy sommes cause du merite des vrays feaulx catholiques/ Si +peus notter que pour cause que ainsi je me diversiffie et change vois tu +ycy mes filles de diverses fourmes et couleurs Car n’est homme si sage +qui en soy ne m’ait diversement/ la cause si est que ma mere ignorence +ne laisse ou vaissel du corps pour sa groisseur l’ame du tout ouvrer +selon sa soubtilleté/ Et pour ce couvient que moy qui composee suis de +la nature de l’ame en tant que je suis speculative/ et de la nature du +corps en tant que je suis ignorent soie et abite ou cuer de creature +humaine mais es intelligences qui franchement voient verité & ont +cognoissance des proprietez de toutes choses je ne suis ne n’abite ne +nulle part se ignorence et entendement ne sont ensemble/ Et comme dit +est homme n’est si sage qui n’ignore les causes du plus des choses/ et +pour ce n’est il nul qui en moy ne varie/ mais pource que es moins +parfais suis plus foible sont leurs raisons nices et reprouvees. + + + + +Encore de ce mesmes. + + +Et entens sainement encore de ma poissance/ je te dis que toutes les +loys et secrés qui ont esté au monde/ puis son commencement exepté la +loy escripte qui a moy se fu de dieu donnee Et puis celle de jhesucrist +les quelles vindrent du ciel ou je n’ay nul repaire/ toutes les autres +ay trouvees la loy de nature ou n’aouroient que un seul dieu qui fu +premiere & bonne a qui bien la tenoit fu par moy trouvee Celles des +payens d’aourer plusieurs dieux/ je donnay aux hommes de fol +entendement/ et continuer leur fis par espace de moult lonc temps/ Et +ancore plusieurs parties du monde je tiens en celle erreur. Je fis +trouver a belus les premieres ydoles et a son filz le roy ninus aourer +l’ymage de son pere Et combien que ne trouvasse la loy escripte/ car n’i +sceusse attaindre/ fis je maintes foiz errer en ycelle plusieurs juifs +qui par moy firent maintes mauvaistiez & felons fais Sicomme mesmement +au peuple d’israel je conseillay faire un veel d’or et que ilz +l’aourassent comme dieu/ et ou temps de abdon le prophete fis je au roy +jheroboam semer la faulce creance contre dieu et sa loy/ et ainsi de +mains autres/ mais aussi continuay je les bons en oeuvres meritoires// +En la loy de grace je n’oz que veoir/ car elle est certaine/ mais a +cellui qui en fu acteur je fis par le moyen d’envie maintes peines faire +& aussi moyennant grace divine/ maint convertir a sa loy/ mais tout +fusse je cause de sa mort toute fois contre moy fu par paour jugez a +tort/ et ycelle envie et mauvaistié pareillement m’avoit fait ficher ou +temps devant es cuers de ceulx qui persecuterent les sains prophetes et +aussi en ceulx qui martirerent les benois sains Je fis trouver a +mahommet la faulce loy qui ores est a esté et sera pour la punicion des +crestiens continue/ si tiens les sarrasins en celle faulce creance. + +¶ Par moy se ficherent le temps passé en plusieurs du nom chrestien +diverses erreurs en la loy et folles creances qui fortes furent a +esracher Sicomme il appert de manés le faulx herite qui trouva la secte +de ceulx que on appelloit manichees/ et Arrianus qui ediffia l’eresie +arrienne/ et es parties de bretaigne pelage qui par sa faulce doctrine +plusieurs chrestiens corrompi/ un autre vers espaigne nomme precelin et +plusieurs autres/ en qui je fus faulce et en leurs disciples que je fis +errer/ Et mesmement plusieurs papes et patriarches et de divers estas de +l’eglise/ Et ancore ne suis si de tous esrachee en mains faulx pas que +non obstant les vrays amonnestemens de sainte theologie je ne soie en +eulx avec erreur tappie/ et couverte mais paour de feu nous fait tenir +coye et close. + + + + +Ci dit l’ombre les oppinions de philosophie sus le principe du monde. + + +En repliquant ce que devant est dit pour donner preuve que si sage ne +soit que je ne face errer parlerons des anciens philosophes quelle je +fus en eulx/ Et comme le traictier de ceste matiere/ tout soit elle +soubtille puisse estre au prouffit de l’entendement t’en deviseray plus +largement en lengage plus couvert comme la matiere le requiere/ te diray +premierement des tres ancians investigueurs des choses naturelles A +ceulx qui premierement philosopherent/ je disoie que des natures des +choses yceulz sont seulement les princippes qui sont ramenez a cause de +matere/ et a ce que plus leur fust ce apparant teles raisons leur +faisoie investiguer que .iiii. condicions semblans appartiennent aux +raisons des princippes/ premierement disoient ilz comme ce de quoy +aucune chose est faite/ semble le principe estre d’icelle chose/ Car +c’est vray signe de princippe par qui la chose est faite et tel est la +matiere/ Car de matieres toutes choses sont faites. Item car tout ainsi +que ce dont les choses sont faites nous disons le princippe de +l’engendrement d’elles et par consequant cause/ en tant que generacion +toute chose precede a estre a ce que elle est/ ne ainçois elle n’est +riens. Et toutefoiz de matiere premierement comme de son princippe +chacune chose est faite/ car la matiere precede la formacion des choses +Et aussi la matiere premierement non pas acidentelement est le suppost +des formes par quoy ancore appert que elle soit vray principe il +s’ensuit que matiere soit princippe des choses/ Tiercement car comme de +toutes choses ce semble le principe ou quel finablement toutes elles +retournent Car sicomme les principes sont premiers en la composicion/ +aussi doivent ilz derreniers estre en resolucion & autressi ytel en la +matiere Quartement comme il faille les princippes demourer/ ce par +especial semble estre vray principe qui en chacune generacion/ et apres +toutes corrupcion demeure/ dont comme la matiere la quelle ilz afferment +substance des choses soit tele que elle demeure en toutes mutacions/ +Combien que aucunes passions se varient en elle/ et en elle autressi +toutes les autres condicions devant dictes affierent. Par ces .iiii. +premisses ilz concluoient que la matiere est l’element et le premier +principe des natures des choses ainsi disoient que riens ne peut estre +simplement corrompu ne engendré Car tout ainsi se disoient ilz que quant +aucune mutacion est faite envers quelconques passions/ toute foiz +demeurent l’essence principal/ nous ne disons ycelle chose n’engendree +simplement ne corrompue aussi fors selon aucune chose c’est a dire +accidentellement sicomme un homme blanc devenir noir/ nous ne disons +ycellui homme engendré quant il prent tel abit ne corrompu quant il pert +le premier/ Car sa substance principal si demeure/ c’est assavoir son +estre le quel si est sa fourme tout autressi que la matiere disoient/ il +est la substance des choses/ et ycelle demeure permanablement/ Tout +autressi ilz concluent que rien n’est simplement corrompu ne engendré +fors accidentelement/ mais disoient ilz toutes mutacions qui adviennent +es choses sont faites vers aucuns accidans venans de la matiere comme +sont passions ou quelques qualitez/ Dont combien que tous yceulx +couvenissent ensemble en mettant la matiere comme cause premiere/ +Toutefoiz les faisoie differer doublement en la posicion d’elle C’est +assavoir quant a pluralité/ car les aucuns mettoient une seule matiere +et les autres plusieurs causes materielles/ et quant a l’espece aussi/ +Car aucuns l’eaue mettoient/ les autres l’air/ les autres le feu Thales +l’ancien philosophe qui prince fu de ycelle philosophie/ disoit que ce +estoit l’eaue et affermoit la terre estre assise sur l’eaue ainsi la +mettoit le principe des choses/ et dist que ainsi estoit fondee la terre +dessus comme le effaict est fondé sur la cause/ dont il est a savoir que +cestui thalles fu dit prince de ycelle philosophie/ Car comme il fust +l’un des .vii. sages qui plus proprement furent dis theologiens/ poetes/ +lui tout seul se transporta a considerer les causes & les princippes des +choses/ Les autres seulement demourez occupez es moralles sciences/ Les +noms d’iceulx .vii. sages sont premierement Chales millesien qui fu du +temps romulus cellui qui fonda romme ou temps d’achar le roy d’israel +comme on lit es croniques environ .vi.c .lxxxvii. ans devant +l’incarnacion jhesucrist & devant aristote environ .CCC.lii. ans/ Car +aristote fu du temps alixandre le grant qui preceda jhesucrist +.CCC.xxxv. ans/ Cestui thales fu astrologien/ Car meismes comme on lit +il pronostiqua un deffault du souleil ou temps d’ozias et des fondacions +de romme bien cent ans ains que il fust Cestui aussi fu cil dont on lit +en l’istoire des philosophes qui chaÿ en la fosse quant il aloit veoir +le cours des estoilles/ de quoy il fu remprouvé d’une vielle/ Comment +dit elle cuides tu veoir ce que l’en fait ou ciel/ quant a tes piez ne +vois. + +¶ Le second sage fu pitacus mitilenus ou temps que es ebrieux regnoit +zedechias et es rommains tharentin le premier/ le quel pithacus tua +frenon d’aches qui batailloit a lui. + +¶ Les autres .v. si furent solon d’athenes qui fu faiseur des drois & +des loys populaires/ Chilon lacedemonien/ pithidorus corintien/ +cleobelus sydien Byas periandran/ Et furent tous ou temps de la +chetiveté de babiloine/ Et en ce temps ci en bretaigne la grant raignoit +cordeille fille du roy loyr de bretaigne & femme d’agampus le roy de +gaule/ le quel agampus a l’instance de elle subjugua et conquesta +bretaigne occuppee par les serourges d’elle qui chacié en avoient son +pere/ si en chaça yceulz et le royaume au pere restitua au quel puis +succeda ycelle cordeille Comme plus a plain il appert par les gestes. + + + + +Ancore de ce mesmes. + + +Dont entre yceulx .vii. sages thales tant seulement specula la nature +des choses/ et ses disputacions et les raisons qu’il fist il envoya par +lettres en diverses contrees la quelle chose nul des autres ne fist pour +ce fu il entr’eulx appellé prince de leur philosophie Les raisons qui +murent Chales a dire ce qu’il disoit estoit qu’il veoit le nourrissement +de toutes choses estre moisteur/ et par .iii. signes prouvoit son propos +le premier est ce qui est dit c’est assavoir que toutes choses vivans +par moisteur sont nourries/ mais ce disoit il comme ce soit une +semblable chose de quoy les choses sont & a quoy elles viennent/ Et +ainsi humeur semble estre le principe des essences des choses/ le second +signe est que comme l’essence de toutes choses vivans tres grandement +soit conservee et gardee par sa propre et naturelle chaleur/ Toutefoiz +la chaleur semble faite et nourrie de humeur Car humeur est aussi comme +nourrissement et matiere a chaleur/ il appert et s’ensuit que humeur +soit principe des choses. + +¶ Le tiers signe comme la vie de tous les animaulx soit gardee en +humeur/ car par le deffault de naturelle humeur chacun animal meurt/ et +par la conservacion d’elle chacun animal vit/ par quoy comme vivre soit +estre aux choses qui ont vie comme il fu dit devant il appert qu’il +s’ensuive que humeur soit principe des essences des choses/ & ces .ii. +signes deppendent l’un de l’autre Aussi il prent signe par la generacion +des choses/ Car ce dit il comme toutes generacions par especial des +choses qui ont vie/ lesquelles sont tres nobles et parfaictes sur toutes +autres choses soient faites de semences/ lesquelles semences ont +escailles sont de nature moiste sicomme chacun scet/ il appert ce dist +il humeur estre princippe des generacions des choses Cestui Chales +estoit induit a ceste oppinion par l’auctorité des anciens/ car comme +aucuns poetes theologisans/ eussent esté ancore plus anciens de lui Et +yceulx eussent tele oppinion de nature/ c’est assavoir que l’eaue fust +principe des choses/ yceulx peut estre pour l’ancienneté d’eulx thales +si ensuivi. + +¶ Si est cy a savoir que comme les premiers en grece renommez de +sciences fussent appellez poetes theologisans/ ainsi diz poetes Car de +ce qu’ilz disoient ilz formoient dictiez & parloient faintement/ +theologisans aussi qu’ilz parloient des dieux et des choses divines/ les +premiers et les plus principaulx renommez d’iceulx furent .iii. c’est +assavoir orpheus et son disciple museus/ et linius de thebes qui fu +maistre de hercules/ Et ces .iii. furent ou temps des juges qui +regnoient ou peuple de israel environ. .v.c .xxvii. ans/ avant que +chales fust/ environ .xliii. ans avant que theseus le roy d’athenes +ravist helayne la fille au roy de thebes environ .lxxxviii. ans ains que +troye fust destruite/ Et de tous yceulx .iii. orpheus fu le plus +sollempnel/ Et cestui fu cellui dont les poetes parlent qu’il ala en +enfer querir erudice sa femme la quelle le serpent avoit pointe en +fuyant par le pré quant euristus le frere orpheus la vouloit violer la +quelle fable a bon entendement moral peut estre entendue Sicomme +fulgence ou livre des natures des dieux tres clerement l’expose/ De +cestui orpheus aussi parle boece ou .iii.e de sa consolacion a la fin et +ovide en methamorphoseos ou .x.e/ Cestui orpheus aussi a parler +proprement sanz nulle ficcion si que boece recite en sa musique estoit +tres bon cithariste C’est a dire tant melodieusement faisoit sons en la +harpe/ que par les proporcions des acors tant a point ordenez il +garissoit de plusieurs maladies/ et les tristes faisoit estre joyeus. + +¶ Ces .iii. poetes dis par maniere de fictions & de paroles +transumptives parlans des choses de nature disoient que occean c’est a +dire la mer ou l’abeisme ou a tres grant inundacion d’eaues/ Et thetis +qu’ilz disoient la deesse de humeur sont parens de generacion/ Et par ce +dist il comme par singuliere similitude ilz donnoient entendre que eaue +fust le principe de la generacion des choses/ Encore ceste sentence par +autre fabuleuse narracion ilz couvroient disant que le sacrement et le +serment des dieux estoit par l’eaue qu’il appellent stix/ La quelle est +un fleuve d’enfer/ Et par ce que ilz disoient les dieux faire leurs +sacremens & leurs sermens de l’eaue pour ce que sacrement se fait tous +jours par ce qui est plus digne/ Car le parfaict precede l’imparfaict de +nature et de temps ilz se donnoient a entendre que l’eaue fust plus +honorable et plus digne des dieux/ Et dont comme il appere qu’ilz +cuidassent l’eaue premiere et plus ancienne des dieux/ lesquieulx dieux +peut estre ilz entendoient estre les corps du ciel ou autres corps +sensibles/ Car ancore des choses sepparees n’avoient cognoissance/ Il +dit que nulle plus ancienne oppinion de ceste n’a esté es choses de +nature/ La quelle soit cogneue/ meismement ancore ceste oppinion a esté +nagaires d’aucuns renouvellee/ non pas qu’ilz deissent l’eaue plus noble +ne si noble que dieu comme yceulx premiers firent/ mais sans ficcion +aucune ilz la disoient & affermoient estre premiere & aussi la +derreniere des choses de ce monde/ car meismes ilz la mettent premiere +que le ciel/ Car la premiere espere/ c’est assavoir une que ilz +ymaginent comprendre La .ix.e ilz la mettent estre eaue Sicomme plus +plainement frere rogier bacon le recite en son livre du ciel ou .xii.e +chapitre/ Et peut estre a ce ilz se mouvoient cuidans les vieulx poetes +accorder avecques eulx/ ou peut estre pour les diz des philosophes +nommans en plusieurs lieux les eaues sur le ciel/ Toutefoiz tant yceulx +philosophes que aussi les poetes en tant comme a bon sens se puissent +ramener au moins le plus des choses en enveloppement et soubz ombre +parlerent non les nouveaulx mais yceulx anciens en tant que des sciences +les portes vous ouvrirent vous les devez excuser amer et supporter. + + + + +Les contre dis d’aristote aux autres philosophes. + + +Aristote qui lonc temps fu apres ou quel je fus tres vraye et certaine +par le moyen de son noble engin et entendement qui moy et mes filles +attrey les plus soubtilles impugnatables/ & les autres poetes non mie +les impugna en tant comme poetes/ mais en tant que ilz semblent +philosophes/ et sont hors de verité/ aussi recite il d’ippones/ le quel +sicomme maisme il recite sur le livre de l’ame/ fu de tres rude engin/ +car il mettoit l’ame des bestes et des hommes estre eaue/ Cestui dit il +suivi du tout thales sanz lui riens adjouster/ Et pource dit il nulle +louange ne nul pris n’en doit recevoir. + +¶ A autres philosophes je dis et fis a croire que l’air estoit principe +de toutes choses si comme a dyogenes & anaximenes/ et disoient que l’air +estoit premier de l’eaue Et principe de toutes choses simples/ c’est a +savoir des elemens/ Si est a savoir que .ii. anaximenes furent et tous +.ii. philosophes C’est assavoir l’un du temps aristote/ Et de cestui il +n’entent pas ycy/ mais cestui anaximenes dont il fait mencion fu +disciple d’anaxamandra qui disciple avoit esté thales devant dit/ Et +cestui anaximenes & anaximendra furent du temps que cirus conquist le +royaume de mede/ et transporta aux persens ou temps de la destruccion du +temple de jherusalem/ En ce temps cy aussi c’est assavoir ou temps +d’anaximenes regnoit tarquin l’orgueilleux. Le .vii.e et le derrenier +roy de romme/ cellui qui fu chacié pour tarqui son filz qui viola +lucrece/ cellui aussi fu disciple d’anaximenes/ Toute foiz tant de +difference ont ilz qu’anaximenes mettoit l’air simplement principe se +non en tant que composé il fust avec raison divine/ Et de ce vint une +oppinion qui est recitee sur le premier de l’ame/ Et la raison peut +estre fu tele qui les mouvoit Car ilz veoient que par respiracion d’air +la vie de plusieurs animaulx au moins du plus des bestes est sauvee/ Et +sanz air elle est anichilee/ Et aussi car ilz veoient par imitacion & +ensuite de l’air varier les generacions et les corrupcions des herbes et +de plusieurs des choses. + +¶ .ii. autres philosophes c’est assavoir ypassus et eraclitus mirent le +feu estre principe et matere des choses et peut estre furent meus a ce +pour la soubtilleté et noblece qu’il a/ Car meismes pour ce que ilz le +veoyent luisant et monter contre mont/ ilz cuidoient le ciel estre de +feu/ Cestui eraclitus/ pittagoras/ democritus et anaxagoras & plusieurs +autres furent tous en un temps/ C’est a savoir ou temps que +prophetisoient/ en judee/ aggenus/ zacharias/ et malechias/ ou temps du +dit cirus. + +¶ Cestui eraclitus sicomme il avoit oppinion ou feu quant aux principes +& causemens des choses ainsi comme on lit fu tout le premier de tous les +anciens qui par maniere d’art trouva deviner ou feu/ et celle art que on +dit piromancie/ Et sicomme on lit en aucuns traictiez d’elle/ lui lonc +temps ainçois pronostiqua la desolacion de babiloine la cité devant +qu’elle fust avenue. + +¶ Ainsi diversement mirent yceulx le principe de matiere/ C’est assavoir +d’eaue d’air & de feu en y adjoustant le quart element/ c’est assavoir +la terre ilz en disoient toutes choses causees/ et les disoient estre +incorruptibles & ingenerables/ sicomme faisoient ceulx qui mirent un +principe/ mais il metoit que par l’assemblement d’entre eulx selon +diversité de plus ou de moins se causoient les diversitez des choses qui +se font. + +¶ Dont combien que anaxagoras fust ainsné d’empedecles en temps/ +toutefoiz fu il plus novice en savoir/ Car comme un chacun abregier doye +a son povoir les principes des choses par quoy moins en deust avoir mis +que ne fist empedocles le quel en mettoit trop sicomme plus plainement +il appert ou premier de phisiques/ Cestui ancore pour les accroistre les +mist infinis/ c’est assavoir car il disoit les elemens et toutes choses +estre faites d’infinies petites parties/ lesquelles il mettoit estre les +drois princippes & mettoit les choses estre engendrees & corrompues par +congregacion & disgregacion/ c’est a dire par assemblement & +desassemblement d’icelles N’autrement ycelles ne pourissent ainçois +pardurablement demeurent/ Dont par les choses ja dictes de Aristote +conclut que par anaxagoras et par les oppinions des jadis philosophes on +ne peut autre chose cognoistre fors seulement la cause de matiere. + + + + +Encore des oppinions. + + +Pittagoras disoit les esperes qui sont menez ou ciel estre dix. Combien +que tant seulement .ix. en soient apparans/ c’est a savoir .vii. +comprises par les mouvemens des planettes/ l’uitieve par le mouvement +des estoilles/ et la .ix.e par le mouvement journal qui est le premier +mouvement/ mais pittagoras adjousta la .x.e antixthonan c’est a dire +menee au contraire des mouvemens/ et par consequant sonnent +contrairement/ Car comme il mist & aussi le mirent plusieurs autres que +des mouvemens des esperes du ciel se facent armonies Car comme ilz +considerassent que naturellement noz pensees lesquelles ilz metoient de +nature celeste se resjouissent de sons qui sont par mesure ordenez/ +considerans aussi que tous sons sont de mouvemens causés/ Car sanz +mouvement nul son ne seroit fait voyans ou ciel esperes et cercles de +diverses grandeurs preporcionnees les unes vers les autres ce leur +sembloit par moult nobles mesures et meues aussi de mouvemens +couvenables a elles ymaginans par ces choses ou ciel estre grans +melodies/ lassus ilz affermoient estre parfaicte musique/ et celle de ça +bas estre dirivee de celle de lassus Et aussi selon ceste leur ordenance +le mouvement journel qui va d’orient en occident au contraire des autres +seroit en l’espere .x.e & la .ix.e seroit celle la quelle si mouvroit +toutes les esperes basses au contraire du premier mouvement. + +¶ Pittagoras et ceulx de sa secte par lui instruis mettent les principes +des choses encheans es causes dessus dictez/ si mettent nombres ainsi +que matere et princippe des choses et les passions des nombres ainsi +comme les passions ou les abis des choses/ si que nous entendions par +passions accidens/ legierement passibles et par abis accidens permanens/ +sicomme ilz mettoient que la passion d’aucun nombre selon la quelle il +est dit pareillement per estoit princippe de justice pour l’equalité de +sa division Car tout nombre qui equalement se devise par egales moitiez +sicomme .viii. se devise en .ii. quatre & quatre/ en deux deux/ et .ii. +unitez et plusieurs autres par semblable maniere/ yceulx ilz disoient +princippes de justice/ Et par semblable maniere les autres accidens des +choses ilz assimuloient aux accidens des nombres & mettoient les +principes des nombres per et non per/ pour ce qu’icelles sont leurs +premieres differences mais le nombre per ilz metoient estre le principe +d’infinité Et le nombre non per estre princippe aux choses lesquelles +sont fenies/ Sicomme plus plainement il appert declairié sus le .iii.e +de phisiques/ c’est assavoir que le nombre per semble estre couvenable a +division. + +¶ Pour ce infinité par especial se semble ensuivre a la division des +choses continuees/ Et le nombre non per si a le per soubz lui/ & ancore +unité la quelle est cause de indivision/ Et aussi prenoient ilz que les +nombres non pers adjoustez par ordre l’un a l’autre retiennent la figure +des quarrez nombres mais les pers varient leurs figures/ Sicomme .iii. +adjoustez avec un qui est le principe des nombres/ causent ce nombre +.iiii. le premier de tous nombres quarrez/ car .ii. fois .ii. sont +.iiii. Et de rechief cinq qui apres .iiii. est le premier nomper +adjousté avec .iiii. fait .ix. qui est second quarré/ car .iii. fois +.iii. sont .ix. Et ancore adjousté .vii. a .ix. font .xvi. qui est le +tiers quarré car .iiii. foiz .iiii. sont .xvi. Et apres adjousté .ix. a +.xvi. font .xxv. qui est le quart quarré/ Et ainsi de tous autres. Mais +se le nombre de .ii. qui est le premier nombre per est adjousté a un il +constitue nombre triangulier/ c’est assavoir .iii. Et se a lui estoit +adjousté .iiii. qui est le second per il constitue .vii. qui n’a tele +figure/ Et ainsi les nombres pers adjoustez aux quarrez ne gardent point +une meismes figure/ Et pour ceste raison leur attribuoient infinité/ et +aux nompers finité/ Et pour ce que finité si signifie fourme a qui +compette l’active vertu/ Et infinité en depart la matiere a qui compette +passibilité/ pour ce les nombres pers ilz disoient femmelles et les +masculins nompers/ Et de ses .ii. diversitez per et nomper feni et non +feni non pas seulement ilz constituoient nombre mais aussi unité/ Car +unité disoient ilz est per et nomper en vertu/ pour ce que toutes +differences de nombres en vertu couviennent a unité/ Car tout se +retournent en elle & elle en nesune/ Car combien que unité de fait ne +soit pas aucun nombre. Toute foiz disoient ilz en vertu elle est un +chacun nombre/ Et pource la mettoient ilz constituee de per et de +nomper/ Et tous nombres constituez de elle Et mettoient le ciel et toute +chose sensible estre faictes de nombres/ Et ytele estoient l’ordre des +princippes qu’ilz mettoient. + + + + +De ce mesmes. + + +Aucuns autres naturiens anciens furent qui mirent mouvement c’est a +savoir en tant comme ilz mettoyent un principe le quel par reffaccion et +condempsacion ilz disoient mouvable du quel aussi engendrees metoient +les diversitez des choses/ Et par ceste maniere le monde disoient +engendré selon toutes differences des parties de lui/ Toute foiz car en +lui ne mettoient variacion se non selon les accidens/ pource concluoient +ilz que selon substance tout le monde fust un/ autres plusieurs +oppinions furent dont la narracion longue seroit/ mais en brief yceulz +anciens philosophes s’entre accordent assez en ce que ilz dient es +choses aucun principe de matiere/ sicomme thales et dyogenes & leurs +semblables/ & les aucuns si en misdrent plusieurs sicomme empidocles/ Et +aucuns autres aucunes choses non corporelles sicomme ceulx qui mirent +dualité/ c’est a savoir platon qui mist & grant et petit/ lesquieulx ilz +dient non estre corps/ les ytaliens aussi c’est a savoir pitagoras ont +remis infeni/ le quel de rechief pas ne mettoient corps/ Empedocles +aussi les .iiii. elemens qui sont corps pour principes mettoient aussi +anaxagoras mettoit infinité de semblables parties/ c’est assavoir +infenies pars semblables estans indivisibles pour principe des choses/ +Et tous ceulx ci ont touché tele cause/ c’est assavoir la cause de +materre/ Et ceulx aussi qui ont dit l’air ou l’eaue ou le feu pour +principes ou autre moyen entre yceulz elemens sicomme plus espeus de feu +ou plus tenues d’air/ Tous yceulx ont mis ycellui corps estre premier +principe et element des choses/ Et ainsi appert il que tous ceulx devant +diz quant aux choses ja dictes ont mise seulement cause materielle +autres plusieurs yceulx anciens ensuivirent que je delaisse pour +briefté/ Toutefoiz est a notter que tant avons eu d’eulx que par leurs +diz ne causes ne principes oultre yceulx canons mis en phisiques/ nul de +eulx n’a diffini/ bien qu’encore obscurement trestous/ toutefoiz les +aucuns y semblent approcher/ C’est a savoir yceulz qui materre estre +principe dirent/ fust une ou plusieurs ou corporee ou non/ aussi platon +qui mist grant et petit & les ytaliens qui mirent infini/ Et empedocles/ +l’eaue le feu l’air et la terre/ Et anaxagoras l’infinité de semblables +parties/ Car tous ceulx ci toucherent celle cause/ voire et aussi tous +ceulx qui ont touché d’air et d’eaue ou de plus espés de feu ou de plus +soubtil d’air/ lesquieulx ilz assignoient estre element premier/ yceulx +tous seulement ont touché de materre. + +¶ Mais les autres du principe de mouvement toucherent/ c’est a savoir +tous ceulx qui amistié ou haine ou entendement mirent estre principes. + +¶ Toutefoiz qui soit l’estre ou substance es choses plainement nul ne +dist/ Toutefoiz cuidoient ycelles estre causees d’immobilité et de +reposement/ Et pour ce de ce qui est la substance aux choses ilz mirent +especes estre causes/ et un la cause des especes. + + + + +Encore de ce. + + +Comme ces choses soient obscures a sentir aux gens lais et rudes a dire +en lengage vulgar et meismes a ton entendement pour la grosseur de lui +estranges passeray oultre des oppinions des anciens philosophes +lesquieulx en assez de manieres fis errer sus les princippes des choses. + +¶ Mais de ces choses fu je clere a mon tres amé filz aristote le prince +de philosophie le quel reprima yceulx anciens par vives raisons sicomme +cy en brief te toucheray sanz du tout definir/ car longue en seroit la +narracion non delitable a ceulx qui ne la sentent/ Aristote donques +reprime les oppinions d’icelz anciens philosophes es principes des +choses/ Et pour ce faire il se devise en .ii. parties premierement/ il +impreve les singulieres oppinions/ et d’enciennement il requeult les +choses qui sont dictes et les continue a celles qui ensuivent/ la +premiere par ce divise en .ii. autres/ premierement il impreuve les +oppinions de ceulx qui naturellement ont parlé .ii.ement des +pittagorians & des autres/ encore en la premiere part il fait .ii. +choses/ premierement il impreuve les oppinions de ceulx qui mirent une +cause materielle & .ii.ement de ceulx qui en mirent plusieurs/ ancore au +premier il fait .ii. choses premierement il impreuve les oppinions ja +dictes en general & .ii.ement en especial/ Il les impreuve en general +par .iii. raisons dont la premiere est telle Car comme les choses non +seulement aucunes soient corps/ mais aussi qu’aucunes soient non corps +comme il est apparu en son livre de l’ame que yceulx anciens n’ayent mis +fors seulement principes corporeulx/ La quelle chose appert/ Car ilz +mettoient un/ c’est assavoir le monde estre une seule substance et une +seule nature/ Sicomme la matere la quelle corporee ilz metoient recevant +mesure c’est a dire division/ Et toute foiz corps ne puisse estre cause +de chose incorporee/ il appert que en ce ilz ont failli +qu’insouffisamment ilz ont assignez les principes des choses/ Et non pas +seulement en ce ilz ont failli/ mais en autres choses plusieurs comme +plus a plain apres il declare. La .ii.e raison est tele/ que quiconques +a neccessairement a determiner de mouvement/ Il fault que il mette +aucune cause de mouvement dont comme les diz philosophes ayent +neccessairement a traictier de mouvement La quelle chose si appert +doublement c’est assavoir/ car ilz s’efforçoient a deviser la cause de +generacion et de corrupcion/ les quelles ne sont sanz mouvement Tant +aussi Car de toutes choses naturellement ilz vouloient traicter/ Et +toutefoiz toute naturelle consideracion enquiert de mouvement pour ce +que nature est principe de mouvement et de repos comme il appert ou +.ii.e de phisiques/ il s’ensuit que ilz devroient traictier de la cause +qui est le principe de mouvement/ Et ainsi comme ilz ostassent ou +oubliassent ycelle appert que ilz failloient La .iii.e raison Car comme +une chacune chose naturelle ait substance et essence/ C’est a dire +fourme/ Car fourme est princippe de l’estre et ce que c’est/ Donques +comme ce par qui toute chose a son estre soit le principe d’elle & de sa +cognoiscence/ Comme les philosophes dis/ ne meissent l’estre des choses +cause et laissassent la fourme il appert que ilz failloient ycy repreuve +il leur oppinion plus en especial/ & se fait doublement/ premierement +quant a ceulx qui le feu estre mettoient principe/ l’une/ bien que le +feu fust souffisant .ii.ement quant a ce que ilz laissoient la terre +comme aucunement elle appere premiere. premierement il resume la +posicion d’eulx/ Car comme ilz missent chacun des simples corps +transmuer l’un en l’autre si que les uns sont engendrez des autres selon +constricion ou inspissacion c’est assavoir selon tenueté ou +engrossissement/ sicomme les groz des soubtilz/ Et pour ce ilz missent +l’un de ces .iii. estre premier principe Car les autres sont engendrez +de lui/ ou par congregacion ou disgregacion/ lesquelles guises toute +foiz se different quant a priorité ou posteriorité c’est assavoir car +selon une maniere ce semble premier estre de quoy autre est engendré/ +par soubtiliacion/ et ceste guise il met .ii.ement Mais dit il que ce +soit premier de qui autre est engendré par condempsacion ou +inspissacion/ il appert dit il par ceulx qui mettoient principes les +corps plus simples/ c’est a savoir les corps ayans tres menues parties/ +desquieulx par condempsacion ilz disoient les choses estre faictes/ +sicomme aucuns qui mettoient le feu pource que il est tres soubtil/ +aussi un chacun des autres eslemens eut un philosophe qui le jugia +premier/ mais pour quoy dist il ne mirent la terre estre principe/ Il ne +peut estre dit que ce eust esté contre l’oppinion commune/ Car oppinion +divulguee fu la terre substance de toutes choses estre/ Et mesmement +exeodus qui fu l’un des poetes theologisans l’affermoit disant la terre +estre premiere faite par quoy comme il appere que la terre estre +principe fu l’oppinion des theologisans poetes qui precederent les +naturiens philosophes/ seulement les naturiens escheverent a la mettre +principe pour la groissesse de ses parties Et pour ce comme ilz veissent +que l’air eust plus grosses parties que le feu et l’eaue que l’air/ et +ilz ne veissent rien si soubtil que feu/ Il s’ensuit dit il que en +ensuivant ce principe de condempsacion nulz ne dirent si bien que ceulx +qui mirent feu principe/ Car comme pour cause de soubtilleté aucune +chose puit estre appellé premiere/ il est neccessité que celle soit +principe qui est tres soubtille sur toutes/ Toute foiz s’il estoit vray +qu’ilz dient s’ensuivroit il grant inconvenient/ C’est assavoir s’il +n’estoit riens que feu il s’ensuivroit s’aucun disoit que air fust plus +groz que feu/ ou plus soubtil que eaue que ilz mesprendroient. + + + + +Ancore des oppinions des philosophes. + + +Mais certes ycy met il l’autre raison par la quelle au rebours il appert +que la terre soit tres proprement principe/ car comme ce soit chose +evident que ce qui est derrenier en generacion est premier en nature/ +pource que nature a la fin de generacion tent a ce qui est premier en +son entencion/ mais tant que une chose est plus deprise plus espesse et +aussi plus composte/ Tant est elle plus derreniere en generacion/ pour +ce que en voye de generacion on precede de plus simples choses aux +composees sicomme des elemens on va aux miscions/ et les mixtions aux +humeurs et des humeurs aux membres/ tant que finablement on vient a +homme qui est le plus compost Semblablement doncques comme ce qui est le +plus espeus appert estre en generacion derrenier/ et par consequant +principe de nature/ il appert que ceste conclusion soit contraire a +celle de devant/ Car ainsi la terre qui est plus espesse et plus +disperse sera premiere d’eaue et l’eaue que l’air/ et l’air que le feu/ +Si est pour ce a savoir que il y a difference entre querir ce qui est +premier & a parler simplement/ Car s’on enquiert de premier simplement +n’est pas doubte que premier est parfaict/ de imparfaict et faict que +n’est poissance/ Car nulle chose n’est ramenee d’imparfaict a parfaict/ +ou de poissance en fait/ se non par aucun ens parfaict/ c’est a dire par +aucune chose estant de fait parfaicte Et c’est cy a savoir que je +appelle poissance en tant que je la distingue contre fait/ La poissance +de quelconques effait le quel n’est c’est a dire de quelconque chose +produisible et menable en aucune nature soit bonne ou mauvaise/ ycelle +nature non estre ore/ mais povoir estre/ Et pource la nomme l’en +poissance de povoir estre ou non/ mais quant elle est/ elle est nommee +fait a difference de povoir estre/ Et parce il appert que fait est le +plus noble/ Dont pource se nous parlons de la perfeccion de dieu/ dieu +si est tres parfaict/ et donques tres premier/ Car en son essence nulle +possibilité ne fu ainçois que fait/ mais ces particulieres choses qui +precedent en leur estre de poissance en effait/ la poissance en ycelles +quant temps si precede le fait et ainsi l’imparfaict le parfait combien +toutefois que a nature le fait soit le premier c’est asavoir quant en +son entencion et maniere d’elles savoir produire/ Tout ainsi que il +appert d’un messagier qui va en aucun lieu Combien que le lieu ou il va +quant au labour et a son entencion il atteigne de y venir/ Toutefoiz +estoit il le premier quant a son entencion/ car autrement ne se fust il +pas meu/ Et sicomme au lieu quant il ataint on pourroit dire qu’il y +estoit deffaict. aussi ainçois qu’il atteignist s’entencion povoit estre +appellé poissance/ Et ainsi il appert que fait se non en temps/ toute +foiz quant a nature ou a entencion est premier que poissance/ il est du +tout manifeste que ainsi le premier principe de toutes choses il fault +estre tres simple pour ce que toutes choses sont composees des simples & +non e converso donques il estoit neccessaire aux anciens naturiens que +l’un et l’autre ilz attribuassent au principe premier/ c’est a savoir au +principe du monde qu’ilz attribuassent avec souveraine simplicité +souveraine perfeccion Mais comme ces .ii. ne puissent estre atribuez a +aucun principe corporel Car es generacions & es corrupcions les tres +simples choses sont les plus imparfaictes pour ce leur sembloit estoient +ilz contraires mettre division es principes. + + + + +Cesse a parler des oppinions. + + +Plus te diroie assez quelle je fus es anciens philosophes en divers cas/ +et mesmement en cestui dessus dit plus largement/ & aussi des solucions +du vray distingueur et sage determineur Aristote Et qui plus de ce +vouldra savoir quiere le philosophe en sa methaphisique Mais comme la +matiere soit obscure de ce/ a tant souffise/ Et ainsi comme en une riche +mercerie ou tresor/ sont avec perles diverses pierres precieuses de +plusieurs vertus couleurs et pris/ les quelles au goust et plaisances de +divers barguigneurs sont requises/ Soient ycestes choses ou tresor de +ton volume reservees aux hommes scienceux de soubtil entendement/ Et +passent oultre les moins expers aux choses plus legieres et communes Et +tres ore soit changié l’ordre de nostre rethorique en plus vulgare et +elegant parleure en retournant a nostre premiere arrenge te soient assés +souffisantes les preuves des choses devant dictes/ me tenant quitte de +promesse a toy par moy faite/ C’est a savoir de te clairer les termes de +ma poissance manifestes mesmement es hommes plus sages & de plus +soubtilz engins. + + + + +De l’ombre la poissance que elle a. + + +Or t’ay je assez prouvé par ce que devant est dit comment je suis cause +premiere des oeuvres humaines & que se precedent ne fusse aucune oeuvre +n’aroit effect es humains/ pource te vueil reprendre en aucune partie de +tes dis/ en ton livre intitulé de la mutacion de fortune le quel +compilas par grant labour & estude/ Car combien que par moy t’en venist +l’invencion trop faillis sauve ta grace/ Lors que tu tant octorisas la +poissance de dame fortune que tu la dis estre toute ordenaresse des fais +qui cueurent entre les hommes/ Et ma poissance souveraine sur toutes +influences refleccibles es oeuvres communes qui precelle toutes autres/ +tu oublias/ Si ne te soit honte offrir l’amende a moy suppellative de +toy en ceste partie injuriee te rendant repentie coulpable comme mal +avertie me recongnoissant suppellative sur toutes poissances relatives +ça bas de dieu ordenees/ Et que ceste chose te soit magnifeste vueil que +me desnoues cest argument/ Je te demande le quel est plus noble ou +l’acteur qui est principe de la chose premierement mise en fourme/ ou +l’euvre qui despent et vient de la poissance de l’acteur premier +princippe/ Et moy a elle/ certes dame je tiens que comme dieu soit +principe de toutes choses/ Et aussi comme dit aristote l’entendement est +le souverain des biens/ Car a lui tous les autres obeissent le premier +principe des choses je confesse le plus parfaict en accion de oeuvre +comme ci devant est assez prouvé/ Et elle a moy/ bien respondis/ or t’ay +vaincue par ton meismes jugement/ Car non obstant qu’entendement soit +devant moy quant en concept Toute foiz suis je premiere cause de toutes +choses bonnes ou mauvaises faictes ou pourchacees par pensees ou oeuvres +humaines/ Et donques comme devant est dit s’il est ainsi/ ce que si/ que +principe soie des speculacions et toutes choses ouvrables/ comme il +appert Je conclus vraye ma preposicion que je precelle les choses +ouvrees/ Et que fortune a qui tant de poissance atribuez/ n’est fors ma +chamberiere mercenere comme conduisarresse des oeuvres ja par moy +disposees a mettre a effaict. + +¶ Mais affin que il ne semble que par mouvement de envie lui vueille +soubtraire la fame de son auctorité/ te cognois estre vray qu’en +disposicion de oeuvre/ fortune a poissance de conduire les fais +particuliers bien ou mal selon le soufflement de son influence/ mais te +souviegne que differens sont noz mouvemens/ car de rechief te dis que je +euvre en esperit et fortune ne peut ouvrer fors es choses ja par moy +deliberees aptes a recevoir ses influences es choses dehors et foraines +mais es repostailles de la pensee es quelles je sui muciee n’a nulle +poissance/ doncques tu peus cognoistre que elle est serville et villaine +vers mon auctorité comme elle soit au monde sicomme superflue comme le +las de l’adversaire/ Et je soie celle sans qui nulle chose n’est faite +et sans qui nul fruit d’oeuvre ne pourroit l’omme conduire a perpetuelle +gloire. + + + + +Encore dit de sa poissance. + + +Que te diroie de mes poissances n’en doubtes point que elles passent & +precedent toutes les choses mondaines Et t’acertaine que par moy +singulierement depuis le commencement du monde a esté est et sera +gouverné tout l’univers et fondé sur moy es choses ouvrees par les +hommes/ Et non obstant que grans sciences lois escriptes/ rigles de +princes coustumes de terres soient en commun usage/ si te di je que +precede toutes leurs poissances/ et plus puis que toutes ensemble/ et +qu’il soit voir il appert par ce que non obstant ycestes coustumes ou +establissemens souventes foiz/ fais errer meismes ceulx qui y sont les +plus savans et les plus expers et entrer en tieulx argumens dont les +conclusions sont faulces et dampnables sicomme ja est prouvé par ce qui +est dit des anciens philosophes. + +¶ Et pource que tu attribues en ton dit livre de la mutacion de fortune/ +elle estre menarresse des antregiez des seignouries/ je te dis que de +tous yces mouvemens suis le premier motif/ ne fu je celle qui tres le +.ii.e aage fis a nambroth le jayant par presompcion ediffier la fort +cité et tour de babiloine qui onques n’ot pareille comme ci apres sera +dit/ si le fis errer tant qu’il dechut de l’atainte de sa pensee/ apres +ce temps comme je fusse fort fichee ou cuer du roy de ninive par moy +mettre a effaict/ ne vint il a chief de prendre la dicte fort cité de +babiloine/ la quelle sa femme semiramis par moy et mon industrie +moyennant son chevalereux courage fist ancores enforcir et brayer de +bons fossez et bastides. + +¶ Item apres ce lonc temps ne donnay je cuer a cirus de guerroyer +astiagies son ayol qui a occire l’avoit commandé si me poursuivi tant +que il avint a son entente de ce et de tout oryant qu’il conquesta/ et +pour ce que la matiere en est belle ancore diray de sa conqueste/ Comme +je donnasse cuer et hardement a Cirus de emprendre fortes choses ce +meismes recite abacut en sa prophecie Il prist la dicte cité de +babiloine la quelle prise fust tant merveillable que ainsi comme dit +Orose & saint augustin a peine pout il lors estre creu que par vertu +humaine fust conquestee ne qu’en ceste mortelle vie ediffiee et puis +prise peut estre. Car si qu’il dit elle estoit en bel espace assise de +toutes pars tres fort en sa disposicion façonnee en quarrure/ la +haultece de ses murs estoit .l. coubdes/ et l’espesseur autant par +.iiii. fois/ tous les murs estoient de pierre cuite enlaciez par cyment/ +et avoit cent portes d’arain/ et environnoit .CCCC.lxxx. estades qui +valent .li. milles C’est assavoir .xxv. lieues et demie françoises/ Car +sicomme raconte orose Comme Cirus eust conquis auques tout orient & +voulsist subjuguer babiloine la quelle lui restoit Comme a un des +assaulx que il fist il perdist ou fleuve de euffrates qui cignoit la +cité de ses chevaliers/ cellui que il amoit le plus/ le quel aussi +surmontoit tous les autres en valeur et proece/ Il jura que cellui +fleuve le quel avoit noyé si vaillant chevalier deviseroit en tant de +parties que nulle part de lui ne seroit si grant que a une petite femme +venist aux genoulx/ et ainsi fu car en .CCCC. & .lx. ruisseaulx par +force d’ommes en l’espace des champs il devisa le fleuve/ si que le tres +noble fleuve qui passoit par dedens la cité osté et subtrait de elle/ fu +subjuguee/ et prise. + + + + +Encore de ce mesmes & des seignouries. + + +Pour briefté je laisse infinies autres choses lesquelles ay faites faire +pendant ce temps & meismes celles que tu imputes a fortune/ ne vindrent +de moy/ Les premieres invencions des fais que ains leur achevement vy en +pensees/ non obstant que souvent les veoye autrement qu’ilz n’avenoient +de tous les fais des conquereurs passez. + +¶ Ne fis je apres autres aventures passees/ a croire au roy xerses qu’il +conquerroit toute grece en lui ramentevant sa grant poissance/ Dont pour +ce faire assembla tant de gent que mons et vaulx en estoient couvers/ Si +avoye couleur de jugier pour lui la victoire/ mais comme fortune me soit +souvent contraire/ par especial en fais de guerres et es choses avenir/ +je confesse que elle voluntairement donna la victoire aux grieux +tresbuchant cellui poissant es las de maleurté sicomme toy meismes as +autres foiz apres autres aucteurs recordé en tes volumes Toute foiz non +obstant que a lui fusse mençongiere et decevable fis je la premiere +naiscence de celle emprise. + +¶ Apres ce temps par moy et par mon amonnestement furent commenciees et +continuees les grans guerres troyennes/ Ne fis je a croire a leomedon +roy de la premiere troye que les gregois dessendus a son port/ quant +aloient pour querir la toison d’or estoient venus pour espier sa terre +et lui pourchacier dommage/ et par moy sans cause envoya congeer de sa +terre jason hercules et les autres barons villainement/ pour le quel +despit je me mis ferme ou cuer des dis barons et leur promis que bien +s’en vengeroient comme ilz si firent apres/ car je fus simple et nice ou +dit roy leomedon qui follement me crut et mal se gaita de yceulx gregois +en qui je fus sage et vraye/ si que sagement menerent leur fait par +l’ayde et disposicion de fortune conduisaresse de leur bon eur/ si que +toute destruirent et ardirent la cité/ le roy occirent et toute la gent. + +¶ Apres ne fis je a priant filz leomedon rediffier la seconde troye qui +tant fu belle fort et poissant que merveilles estoit a comprendre/ par +moy apres entreprist la vengence sur les grieux Si fis aler paaris en +grece et ravir helayne et tout faire ce qui en fu fait/ Et par mes +amonnestemens avec l’ayde ou nuisance de fortune perdoient troyens et +gaignoient Je fus cause de la mort hector/ car je lui faisoie a croire +que il n’avoit garde d’achiles qui sans cesser le gaittoit/ si que au +derrain l’occist/ Semblablement depuis deceu je achilles tant que il +cheut es las de la royne Ecuba qui a bonne cause le hayoit/ tout pour +moy et par mon pourchas fu au derrain troye prise et destruite/ De la +quelle fis apres partir plusieurs barons du sanc real a tout grant +foison de gent qui par mer s’espandirent en diverses contrees dont eneas +et sa compagnie arriva en ytale si lui fis couvoiter la fille du roy +latin/ et pour celle cause emprendre guerre a turnus qui lui chalengioit +Dont d’icellui eneas venu a son entente deffendirent puis les fondeurs +de romme. + + + + +Dit ancore l’ombre des choses que elle a faites faire. + + +Depuis ensuivant n’ay je esté celle qui les successeurs de yceulx ay +amonnestez d’emprendre les grandes et merveilleuses choses/ lesquelles +par l’ayde de fortune a eulx propice/ tant esploitierent et par leur +travail ayde et sens en lonc espace de temps que ilz conquesterent le +monde Sicomme les histoires de leurs gestes/ et toy meismes apres autres +en ton dit livre de mutacion de fortune le recordes/ le recitent/ si +n’est besoing de plus en faire longue narracion. + +¶ Aussi ne fus je celle qui au grant Alixandre tres sa jonesce donnay +l’invension d’emprendre les fortes et fieres batailles en lui promettant +fortune en son ayde qu’il seigneuriroit sicomme il vint puis a chief de +tout le monde/ Semblablement devant et apres ensuivant de toutes +conquestes et seigneuries/ et toutes estranges choses mettre a effaict +des choses a l’aventure par propos deliberé/ ay esté moyen et principe/ +ce ne me peus tu nyer/ se tu ancores par grosseur d’entendement ne +m’ignores/ qu’en dis tu me suis je assez magnifestee/ me cognois tu/ et +moy a elle/ dame dites ancore. A quoy veulx tu que plus je dye. Ne vois +tu l’experience de moy manifeste meismes chacun jour ou pays ou tu +demeures par les debas que je fais par mi la ville et en toutes places/ +Regardes et avises quieulx descors/ mais meismement entre les princes +qui sont d’un sanc et amis naturellement par les diversitez de moy qui +suis contraire en eulx le fois devenir comme ennemis maintefoiz et en +chacun suis si afferme contrairement en ce qui lui semble bon que l’en +ne me peut desmouvoir Car chacun dit que il a droit et ainsi le veult +soustenir et a discuter leurs raisons ne vois tu les assemblees qui en +sont faites de plusieurs que on dit sages et a chacun pour soy de ses +aderés qui different les uns des autres/ Lesquelles choses sont causes +de grant inconvenient/ car en pays royaume/ empire ou cité ou je soie ou +aye esté communement de plusieurs guises contraires & mal accordables/ +ne fu que rebellion et grant debat commocion et bataille ne fust/ ne +autrement ne peut estre Car certes la ou je ne suis d’un commun accord/ +n’ara ja paix/ mais du tort ou droit d’entre lesdiz princes supperieurs +je me tais/ Car de ce determiner n’est mie mon office qui tous jours +suis en doubte et non certaine/ mais de ce demander couvendroit a la +tres clere resplandissant poissant deesse que tu veis enclose en chartre +et emprisonnee & de qui fraude s’estudie a estoupper et clorre les voyes +de sa lumiere sicomme a toy meismes fu apparant et de qui les menistres +quoy que leur desplaise n’osent soubz peine d’estre batus tinter ne +lever l’ueil/ mais de leurs descors fois je sourdre par toutes places +nouveaulx debas entre leurs ministres et aderez et par toute la ville en +deviser negativement l’un contre l’autre/ et meismes a de ceulx qui ne +les cognoiscent en estranges terres en qui je me fiche diversement/ Si +les fais entre batre souventes foiz/ et questionner mesmes de chose qui +riens ne leur touche/ Disant l’un contre l’autre Tel seigneur a droit +pour tel cause et pour tele/ L’autre replique que non/ et ainsi par non +a/ si a/ si fu/ non fu/ je fais gent entre occire souventes foix meismes +es tavernes souvent avient adont suis je forte quant il y a vin & plus +je y abonde & fais mesler gens de la chappe a l’evesque/ ou des guerres +de anthioche le quel a ou droit ou tort et ou le quel est plus sage/ ou +le quel ne l’est mie/ Et ainsi je demonstre es humains leur ignorence de +eulz debatre de ce de quoy riens ne scevent et ne leur appartient/ O +quel folie en homme de qui le sens doit gouverner raison/ se fonder sans +elle sur moy & jugier par moy certainement de chose non certaine et que +ilz ignorent Que t’en diroie je fois vivre les gens par moy/ c’est a +entendre disposer leurs fais selon ce que je leur conseille/ Et quant +ilz pevent avenir a l’ordre de vivre que je leur fois desirer/ adont +sont ilz contens de la chose que ilz vouloient/ mais je suis different +en eulx/ Car je fais penser et cuider a l’un que bon lui soit/ une +maniere de vivre/ et certaines choses que il appete lui sont bonnes/ que +a un autre ycelles meismes ne plairoient point/ mais lui plairoient +toutes contraires/ Et cestes differences viennent selon les condicions +et aages des gens sicomme je suis autre es jones que je ne suis es +vieulx/ et meismes es .ii. aages entre eulx suis je different/ Et pour +ce que ainsi je differe suis je cause des debas du monde/ et chacun me +cuide avoir en soy meilleur/ je fais sembler a un homme que avoir des +flourins il n’est plus de joye Je fais sembler a un autre que avoir +belles dames il n’est plus de bien/ aux uns juger que science est +souveraine chose/ aux autres que chevalerie est meilleur et plus noble & +ainsi des autres choses/ Et pour ce ne fu onq si parfaict pas +jhesuscrist comme homme qui peut bien vivre ne estre agreable a +l’oppinion de tous Toute foiz te dis je bien que vivre vertueusement & +bien faire si emporte le plus des voix des gens. + + + + +Ce que l’ombre disoit des arquemistes. + + +Comment cuides tu que je soie comme j’ay dit fort atachee es speculatis +clercs & entre les autres es arquemistes qui la science cuident trouver +par les termes entendre de aucuns livres obscurs de faire l’or/ +merveilles est car s’il est voir que aucuns philosophes par investiguer +les secrés de nature telle art trouvassent/ la quelle chose fort semble +a croire/ toutevoie tant sont couvers estrangement les textes de leurs +aucteurs que bonnement le sens humain ne les scet ne mais a l’aventure +concevoir/ ne sentir fors telement quellement/ mais voy ci qui deçoit +les ouvrans en ycelle art que ilz dient et touchent que comme il +n’apartiengne que aux ignorans ruraulx soit descouvert si noble secret/ +pour le bien des soubtilz l’ont voulu si mucier que des rustiques ne +leur soit tolu ne fortraict/ Et ycy est la decevance/ Car chacun qui s’i +fiche cuide estre du nombre des plus soubtilz & abuse en son entendement +en estudiant yceulx livres lesquieulx baillent le sens de leurs termes/ +a si doubles ententes que le plus cler voyant n’i voit nulle goute mais +adont je me fiche en eulx et leur fais a croire que l’asemblement des +metaulx sublimez diversement comment et de quoy doivent estre mistionnez +de diverses matieres et nourris en feu attaindront l’art de nature et +par espace de temps sera converty en or ou argent et toute voye l’un +entant la maniere du composer en une guise l’autre en un autre/ et le +tiennent secret les ouvreurs sans conferir ensemble de paour que ce que +ilz en croyent et la maniere de leur ouvrer peust aviser un autre de +trouver la voye d’i attaindre ne jamais nul ou pou n’euvre de la guise +de l’autre/ et ainsi gastent le temps et perdent et font grant mise +follement par vaine esperance qui par aventure en leur erreur les +reconforte pour un pou de apparance ou conjecture de aucune congelacion +estrange faite par diverses mistions & feu quelque matiere dure remettre +ou pouldre en eaue ou autrement cuident par ce avenir au degré ou ilz +tendent lesquelles choses sont toutes frivolles/ et tournent a folies et +a chetivoison et toute jour et nuit font feu contemplant un fournel/ mau +peus & mau vestus se paissent de vent/ & la font chasteaulx en espaigne +pensant comment il seront aise quant l’or saront faire/ et quieulx +despens ilz menront/ Et que cuides tu que de tieulx arquemistes sourdent +aucune fois de grans trompeurs qui cabusent les seigneurs & leur font a +croire que se ilz eussent quelque mise n’est mie doubte que ilz ont ja +ataint un grant secret si en tireront grant prouffit/ et ainsi par +quelque apparance de verité soubtille en ycelle art monstrent signe de +aucune chose voir semblable/ et au derrain tout tourne a neant comme tu +as veu meismes en ton aage avenir de plusieurs de quoy il estoit grant +renom/ et maintes gens foy y adjoustoient Sicomme d’un en alemaigne que +on nommoit maistre bernard qui tant se faisoit renommer par l’estat que +il tenoit/ et meismes a ton pere envoya il lettres/ et tant fist que +trop de gens foy y adjoustoient/ et aloient de toutes pars clercs devers +lui/ et toutevoye au derrain fu trouvé que tout estoit neant et +tromperie/ et de autres plusieurs que tu as veus que au derrain on +faisoit mourir par leurs dessertes par cabusemens faire a seigneurs/ Et +avient aucune foiz que je me fiche si en eulx par la speculacion que ilz +y ont trop ententive/ je les fois devenir tous fantastiques & si astras +que ilz sont comme inconversables. + +¶ La bonne galle est quant de aucuns folz non lettrez s’i boutent qui +mieulx cuident entendre et exposer les textes des aucteurs que les plus +savans & les lisent et ymaginent dessus/ et dieux scet les bonnes +fantasies/ que ilz y ont sicomme un orfevre qui volt devenir arquemiste/ +mais il le fu au contraire de la ou il tendoit Car or cuidoit faire et +le deffist/ comme il fust riches homs et povre devint/ cellui estudiant +un chapitre entendi que mercure c’est a savoir un metal que ainsi ilz +nomment estoit la matiere ouvrable de la science Et comme il passast +oultre tousjours lisant de rechief entendi que la cause de la perfeccion +de l’oeuvre estoit matere reputee ville/ Et que on trouvoit sur le fiens +gittee sicomme chose desprisee Adont comme cestui fust fort ententif a +bien speculer ceste chose que ce povoit estre Au derrain determina en +soy que vrayement par ce que dit estoit/ c’est a savoir mercure que +comme les aucteurs eussent baillez leurs termes obscurs/ on devoit +retourner le mot/ c’est a savoir cure ton marc que il entendi par la +fiente de l’omme que l’en devoit curer/ et ancore plus de ce/ le +certiffia que il trouvoit que sus les fiens comme chose ville estoit +trouvee/ si s’arresta sus ces poins/ et commença a ouvrer en sa fiente +en la faisant secher au feu et faire pouldre et la fin en fu que il +puoit comme charongne/ & chacun le fuioit et se moquoit on de lui qui +cuidoit faire de fiante or/ et aloit sus les fiens a grant diligence les +querir/ un autre estoit qui cuidoit de savates faire or/ et aloit sus +les fiens a grant diligence les querir puis les bruloit/ et tant ouvra +que les voisins qui empulantis en furent le chacierent. + +¶ De tieulx folz est il assez ouvrans en celle science a qui n’en +remaint ne mais parte de temps & povreté/ Et qu’il ne soit mie dit selon +le proverbe commun que les sciences n’ont plus fors ennemis que ceulx +qui les ignorent/ que elle soit vraye ou non je ne te acertaine mie/ +Toutevoie je te dis sans prejudice que la difficulté d’elle par +vehementes raisons que comme les oeuvres de nature soient impossibles a +ataindre sophistiquement donroit cause a plusieurs des plus avisez de +non y perdre temps et mise par folle occupacion/ en esperance vaine y +adjoustant grant foy. + + + + +Des nobles que l’ombre dit que elle deçoit. + + +Des nobles qui suivent les armes sont ilz point que tu cuides par moy +deceus/ certes si sont souvente foiz plusieurs y a Car je les fais +abuser du fait des armes par ce que ilz n’en scevent ou ne veulent +savoir les propres termes lesquieulx sont tieulx. Il ne loit point a nul +s’armer pour aler en bataille ne se combatre fors pour certaines causes +C’est a savoir pour la loy de dieu contre les mescreans ou herites +contraires a la foy/ Item pour deffendre l’eglise/ son prince/ son pays/ +sa terre/ le bien publique/ le droit des ignocens/ & ses propres choses/ +& autrement n’est loy qui le permette ne n’est bataille juste & sans +dampnacion. Or y prens garde se de tous ceulx qui s’arment sont +droiturierement ses poins gardez/ et se nulz y vont sus mauvaises +querelles. + +¶ Bataille que tu le saches justement faite est premise de droit divin & +du droit des gens qui n’est autre chose meismes ce dit la loy/ que +entencion de remettre a droit par force d’armes chose par autruy +deraisonnablement contendue/ Si ne regarde de sa nature ne mes retourner +droit a droit & faire convertir guerre a paix/ ne les maulx que fais y +sont/ de la nature de bataille ne sont mie ains par mauvais usage +acoustumé en guerre sont fais/ & que batailles en justes causes soient +de dieu premises appert en plusieurs lieux de l’escripture/ sicomme il +ordena a un homme nommé jhesus comment sa bataille establiroit/ et que +une embuche feist pour surprendre ses ennemis/ Et de ce dient voz +docteurs que dieux est vainqueur et ordeneur des batailles comme par +plusieurs fois est apparu. + +¶ Mais ceulx a qui je fais faire armes perilleuses & sanz raison/ et +leur donne a croire que grant honneur leur sera pour l’amour de leurs +dames sans visiere ou un bras nu/ ou descouvert d’aucun de leur harnois/ +ou en aucun autre peril emprendre fait contre un autre a qui n’ont nul +contens je les deçois/ et pareillement ceulx qui tieulx armes leur +aceptent/ et a eulx se coupplent. + + + + +Ce que l’ombre disoit des gens d’armes. + + +Et ceulx qui donnent gage pour a oultrance en champ de bataille combatre +sus aucune querelle soit droit ou tort/ je te promet en ce cas sont par +moi deceus/ car vers dieu mesprennent & pechent grandement/ et te diray +comment/ combatre en champ est contre droit divin qui est de dieu et de +sainte escripture contre le droit des gens Le civil/ le decret/ et +contre droit canon et cellui qui l’acepte/ pareillement peche La cause +est que a dieu miracle ne chose contre nature on ne doit demander/ comme +telle chose faire soit une maniere de tempter dieu esperant il aydera au +droit/ Si ne doit/ Si ne doit estre quise de la voulenté de dieu +experience/ Et que ceste espreuve soit faulse/ on a veu maintefoiz que +cellui qui droit avoit estoit vaincus/ sicomme une decretale raconte de +.ii. freres qui furent restez d’un crime & comme ilz fussent de celle +cause vaincus en champ tout ne fussent ilz mie coulpables & apres la +verité fu sceue par la confession meismes de ceulx qui le delit commis +avoyent/ et pareillement de plusieurs a esté prouvé la loy deffendi que +teles preuves non droitturieres plus ne fussent en usage/ Item juges +sont establis pour cognoistre des causes et faire droit/ Et est loy +ordenee que nul de sa propre cause ne soit juge/ Et cellui le veult +estre qui prouver veult son fait par soy meismes et par sa victoire qui +est soubz la distribucion de fortune/ et a l’aventure Item le droit +canon commande que au pape l’en obeisse/ le quel soubz peine +d’escommenie deffent comme chose reprouvee contre droit de justice/ que +tele espreuve ne soit faicte Et tu me diras donques comment seront punis +les mau faicteurs secrés Je te respons que dieu pour lui s’est reservee +la punicion/ et dit un decret que se en ce monde tous maulx pugnis +estoient/ le jugement de dieu dont point de lieu n’aroit/ et cellui +presomptueusement le se veult attribuer qui la victoire de la vengence +s’en veult donner. + +¶ Et comment est uns homs si folz qui plain de vices et de pechiez se +sent/ poson que il ait bonne querelle en aucun cas/ que il cuide que a +lui pecheur dieu face miracle de la chose muciee que il quiert/ mais se +il estoit sage paour devroit avoir de la pugnicion de dieu en sa juste +cause/ Comme souvent aviengne & soit avenu que dieu a dissimulee +vengence du pecheur ou cas ou desservi l’avoit/ et puis le pugni en +chose dont estoit ignocent. + + + + +La fin de l’oroison de l’ombre. + + +Que dis tu souffist il t’ay je assez compté du fait de mes poissances +desquelles ne pourroyes en ta vie comme autre foiz t’ay dit tous les +exemples ouyr tant en y a et si divers sont/ Scez tu ancore qui je suis/ +Et moy a elle dame congnoistre vous cuidasse/ mais les raisons +contradictoires que me narrez/ vaciler me font en vostre cognoissance/ +car se bien l’ay entendu/ tres au premier me dites que la ou verité est +attainte/ ne povez arrester/ et toutevoye bien sçay et suis certaine que +en maint cas m’avez pure verité ycy endroit clariffiee. Si ne sçay +entendre comment ce peut estre que chose doubteuse tesmoing puisse estre +de verité pure Et elle a moy fille envers le sens de ton entendement & +escoutez et nottez/ Car je te promet que quoy que autrefoiz en divers +cas te fusse menterresse en cestui cy t’ay je dit voir/ se bien l’entens +& ne m’i contredis/ S’il te recorde de ce qu’ay dit/ c’est assavoir que +cause suis moyennant estude & entendement de faire attaindre les choses +vrayes/ mais bien est vray que aussitost que attaintes sont je me depars +en cellui cas ne plus n’y arreste Et qu’il soit voir ainsi l’as +esprouvé/ car non obstant que ces choses t’aye dictes non pas moy les +t’ay certefiees mes les ses par le moyen d’estude qui raporté l’a a ton +entendement/ le quel par raison est certain que ainsi soit/ pource en +ces cas de toy me partiray et en lieu te remaindra certaineté/ Et par +plus groz exemple ne te souvient il de moy et de ma cognoissance par les +divers cas que je t’ay fait mettre en termes & faire plusieurs lectures. + +¶ Ne fus je celle qui mist le debat entre les clercs disciples de +maistre jehan de meun comme il s’i appellent/ Et toy sur la compillacion +du rommant de la rose du quel entre vous contradictoirement escripsistes +l’un a l’autre chacune partie soustenant ses raisons/ sicomme il appert +par le livret qui en fu fait. + + + + +Responce de christine a l’ombre. + + +Adont comme mon entendement se apperceust par clere cognoissance qui +estoit celle qui tant araisonnee m’avoit je dis ainsi. + +¶ Ha dame oppinion poissant et forte voirement vous doy je mon bien +cognoistre/ car tres m’enfance oz je vostre accointance/ Et certainement +je cognois et confesse vostre auctorité estre de grant vigueur et +poissance/ et quoy que vous soiez blasmee souventes foiz/ qui bien de +vous use ne peut errer/ et mal/ pour cellui en qui vous n’estes saine/ +mais puis que il vous a pleu de vostre grace tant m’onorer que a moy si +clere evidemment vous estes magnifestee me racontant voz grans +proprietez/ encore vous requier que ennuy ne vous soit de me declairier +aucunes demandes Et elle a moy/ fille dis ce qu’il te plaist. + +¶ Dame puis que il est ainsi que de vous vient la premiere invencion des +oeuvres humaines bonnes ou malles/ rudes ou soubtilles selon la +disposicion des entendemens comme dit avez/ plaise vous me certiffier se +es choses par vous engendrees en moy lesquelles a mon povoir par le +moyen d’estude & de tel science et entendement comme j’ay qui en mes +compilacions et volumes sont declairees se en aucune chose y ay erré/ +comme si sage ne soit qui aucune foiz ne erre/ Et elle a moy amie chiere +soyes en paix car se ainsi estoit mieulx vouldroie tart que jamais les +amender Car je te dis que non/ Tout t’ay je blasmee de ce que +prerogative de honneur vols comme je ay dit devant donner a fortune et +moy comme je soie princippe y oublias mais non pour tant faulte n’y a. + +¶ Non obstant que par moy maint s’en debatent diversement Car les aucuns +dient que clercs ou religieux les te forgent Et que de sentement de +femme venir ne pourroient mais ce sont les ignorens qui ce dient/ Car +ilz n’ont pas la cognoiscence des escriptures qui de tant de vaillans +femmes sages et lettrees et mesmement prophetes qui ou temps passé ont +esté font mencion/ Et comme nature ne soit amendrie de sa poissance/ +ancore en peut estre/ les autres dient que ton stile est trop obscur/ et +que on ne l’entent/ si n’est si delitable et ainsi diversement le fais +aux uns louer & aux autres reprimer de loz/ comme chose quelconques +estre a tous agreable soit impossible/ mais tant te dis que verité par +le tesmoing de l’experience ne seuffre le blasme avoir effait sur le +loz/ si te conseil que ton oeuvre tu continues comme elle soit juste Et +ne te doubtes d’errer en moy/ Car tant que je seray en toy fondee sur +loy/ raison & vray sentement tu ne mesprendras es fondacions de tes +oeuvres/ es choses plus voir semblables non obstant de plusieurs les +divers jugemens/ les uns par moy simplement/ les autres par envie/ Car +je t’acertaine que quant elle et moy sommes ensemble adont se font les +tres faulx jugemens ne il n’est si bon qui y soit espargné/ et adont +suis je perilleuse quant envie me gouverne/ si faisons la personne +avuglee es autruy choses et en son meismes fait qui en soy nous a si lui +rongnons le cuer/ ne reposer ne la laissons/ et vouloir lui donnons de +faire maint maulx qui accomplis sont aucune foiz/ & mal est gouverné cil +qui chiet entre noz mains ja si bon ne sera ne si poissant. + +¶ Ne veames nous jadis les portes de romme au preus julius cesar qui +tant victorieux s’en retournoit/ & au dernier tant pourchaçames que il +fu occis/ Assez de teles en avons faites/ ne il n’est si sage qui garder +s’en sache/ Si t’ay assez narré de mes aventures et a tant souffise/ Car +parce que je donne a croire a l’un que une chose est bonne et bien faite +ou que elle est vraye/ & a l’autre tout le contraire/ dont sourdent +bataille et maint debas/ la prolicité de mes narracions si racontees +pourroit aux lisans a ennuy tourner/ Et si te prophetise que yceste +lecture sera de plusieurs tesmoignee diversement les uns sur le lengage +donront leur sentence en plusieurs manieres/ diront que il n’est pas +bien elegant Les autres que la composicion des materes est estrange/ et +ceulx qui l’entendront en diront bien/ et le temps avenir plus en sera +parlé que a ton vivant/ Car tant te dis je ancore que tu es venue en +mauvais temps Car les sciences ne sont pas a present en leur reputacion +ains sont comme choses hors saison/ et que il soit vray/ tu en vois peu +qui a celle cause soient en la maison de fortune sus haulciez. + +¶ Mais apres ta mort vendra le prince plain de valour et sagece qui par +la relacion de tes volumes desirera tes jours avoir esté de son temps et +par grant desir souhaidera t’avoir veue Si me suis a toy descripte/ Or +diffinis de moy ce que il t’en semble. + +¶ Et moy a elle dame comme la descripcion de vous meismes/ m’en +appreigne la diffinitive. Je dis que comme parfaictement/ ore vous +cognoisce/ que vous voirement estes de ignorence fille adhesion a une +partie en doubtant tous jours de l’autre/ Et de ce je m’avise ce que de +vous dit aristote ou premier livre de posteres que cellui qui vous a +doubté tous jours que autrement puist estre que ce que il pense/ comme +vous soiés non certaine/ Et saint bernard dit aussi ou .v.e chapitre de +consideracion que vous estes ambiguë et povez estre deceue/ Si dis et +conclus que vous estes adhesion a une partie/ la quelle adhesion est +causee de l’aparance de aucune raison prouvable soit que l’oppinant ait +doubte de l’autre partie soit que non/ de vostre poissance je dis que +pour l’ignorence qui est es hommes que par vous est plus le monde +gouverné que par grant savoir. + + +Explicit la .ii.e partie du livre de l’avision christine. + + + + +Ci commence la tierce partie du livre de christine/ le quel parle/ de +confort de philosophie. + + +Es escolles dessus dictes apres ces choses comme je traçasse de lieu en +lieu/ cerchiant divers estudes fus convoyee par maintes chambres et +haulteces de pluseurs degrez/ Et comme les passages et destrois des diz +degrez fussent penibles et difficiles a ceulx qui acquerir et posseder +les vouloient a qui ne fust souffert se trouvé souffisant ne fussent a +moy qui transitoirement estoie errant par yceulx assez legiere fu la +voye/ Et tout ainsi comme a un estrangier voyageur lyement souventes +foiz sont monstrez et ouvers les tresors des princes par ou ilz passent +affin que ilz voyent la magnificence et richece de yceulx si que +recorder le puissent en leur pays/ fus paisiblement & sans grant dangier +menee par toutes les places des dictes estudes/ Et de raconter la beauté +et tresors que je y vi/ me passe pour briefté/ mais tant en di que avec +la beauté inextimable qui m’y apparu/ la soubtilleté des divers ouvrages +comment furent fais ouvrez et tissus et de quieulx matieres mon +entendement n’estoit digne de concevoir ne comprendre ne partir ne m’en +povoie de plus hault monter pour veoir diverses beautez fu souffisant +seulement mon bon desir et amour a m’empetrer lieu et licence de plus +savoir ainsi convoyee par la segretaine de philosophie abbesse et +superieure de ycellui couvent/ fus pourmenee par tous les estages de +toutes beautez et bonnes choses remplis et combles/ Et comme ancore plus +de grace receusse de ycelle noble conduisaresse de sa liberalité & +plaine largece me donna congié de hardiement mettre la main/ et prendre +tant comme porter pourroie des tresors de ces coffres Et je de ce non +reffusant comme couvoiteuse de en enrichir en la merciant me baissé pour +mon giron en emplir/ mais comme trop pesant fussent a mon corps femenin +et foible selon mon grant desir/ petit en emportay/ et non si peu que je +le donnasse pour quelconques autre tresor ou richece. + +¶ Ainsi convoyee fus menee tout au plus hault sommeton ou quel avoit +situee une tres belle sale clere luisant et de fines couleurs/ tres +richement painte ou furent pourtraictes toutes sciences et leur +deppendances au tour des parois et tout par mi la dicte sale avoit +fourmes arrengees pour seoir les escoliers escoutans les leçons des +maistres/ la en droit lisans en chayere qui la estoit haulte et moult +bien ouvree/ moy joyeuse de estre parvenue a si bel estre m’amusoie aux +riches pourtraitures vivement faites et de soubtilz ouvriers. + +¶ Adont comme je voulsisse encercher de toutes choses avisay un +huissellet de yvoire moult bien ouvré le quel estoit fort cloz et barré/ +ainsi comme ma veue moult ententive estoit celle part comme assez pres +j’en fusse/ presumant par les congectures que je veoie/ que grant tresor +encloz la devoit avoir reputant eureux l’entendement a qui la +cognoiscence en seroit donnee desiroie que tel digneté fust a moy +descouverte/ Lors si que je estoie en ce penser ouy la dedens moult +grant remuement & diverses voix femenines de doulce et soueve parolle/ +tost apres ouy barres tyrer clefs tourner et le dit huissellet +desverrouller/ adont comme je fouisse celle part pour tost estre preste +sans ressongner presompcion ou mesprenture a me ficher ens/ oz le visage +tout au plus pres/ mais aussi comme je avoie esté joyeuse esperant celle +ouverture fus a l’ouvrir autant esmerveillee et remplie d’espoventement +Car si tost que ouvert fu une si tres grant lumiere me feri en la face +et es yeulx que cuiday de tous poins estre avuglee par quoy de paour et +de la merveille cheus sur le sueil de l’uis pasmee me repentant d’estre +si hault montee/ adont comme ancore a terre fusse gisant/ ycy une voix +femenine de ce pourpris haulte sonnant mais non espoventable ne orrible/ +ainçois doulce belle et tres gracieuse/ mais ainsi que se auques loings +de moy fust je la ouoye/ la quelle m’appella par mon nom disant mon +ancelle tres loyalle lieves sus et ne te espoventes Car l’amour que as a +moy et le desir qui te maine en suppleant ton ignorence te sera valable/ +adont moy resjouye doublement/ c’est a savoir de ce que voix de dame +tres venerable me sembloit m’appelloit Et secondement que saroye partie +de ce que desiroye me ravigora et tres fort esjouy/ Lors de rechief +comme desireuse de choisir a l’ueil la beauté merveilleuse qui m’aparoit +estre ou lieu dont sailloit telle clarté/ adreçay ma veue de plain +visage/ tout par mi le dit huissellet/ mais tout ainsi comme quant par +mi le ray du souleil on regarde contremont ou ciel il semble veoir en +l’espere luisant un visage si cler que l’ueil humain ne le peut +souffrir/ semblablement la vi une tele tresluisent espere que toute la +chambre emplissoit de tres grant resplandeur/ Et environ celle espere +avoit .ix. dames luisantes comme estoilles desquelles je avoie +cognoiscence que establies estoient pour elle servir et moult me +sembloient de grant reverence si baissay incontinent ma veue ja toute +esblouye metant ma main au devant dis ainsi/ Tres haulte et tres noble +creature de la quelle la cognoissance m’est occulte/ puis que il vous +plaist tant m’onorer que vostre servante & ancelle me daignez appeller/ +plaise vous me certiffier donques la proprieté de vous ma venerable +maistresse/ Et elle a moy ma mechinete saches que non obstant que tes +yeulx foibles ne me puissent clerement veoir pour leur grosseur/ que je +suis celle qui nuement et visiblement s’aparu ou temps de l’exil/ et de +sa tribulacion/ a mon chier ame filz boece le tres sollempnel +philosophe/ le quel par mes confors je garday de mort et de langueur +desesperee. + + + + +Ce que christine dit a philosophie. + + +Quant j’oz ainsi ouy parler la tres venerable deesse par les quelles +paroles et enseignes elle me fu manifeste/ adont a .ii. genoulz je me +gitay ainsi disant/ o tres glorieuse sapience de la quelle toutes +cognoissances despendent tant de bon cuer remercy dieu et toy qui tant +benignement m’as fait digne de ton accointance/ et n’as eu orreur de moy +femme ignorent non digne de descoudre les lassemens de ta chaussemente/ +ains comme maistrece tres amiable/ m’as a toy appellee/ la quelle +humilité me certefie que tu ne refuseras a moy ta chamberiere des +petites mietes de ton relief souffisans pour sa nourriture Car comme tu +eusses nourry du laict de tes mamelles et de tes precieux mets ton tres +amé filz dessusdit qui tant t’onora et ama ne l’oublias pas ou temps de +sa grant neccessité/ et pareillement plusieurs autres de tes enfans/ +semblablement je suppose que moy ta serville mercenaire que tu as +nourrie des demourans des grosses viandes de tes tables tu n’oublieras +ains donras remede reconfortant les navreures de ses infortunees +adversitez/ car pour celle cause croy que dieu saint esperit pere des +povres & leur vray administrateur m’a conduite au terme de ta +cognoissance Sicomme il scet les pesanteurs de mes perplexitez/ aux +quelles reconfort ne m’est presenté par les humains de nulle part/ Et +comme assez soyent de moy celees et couvertes mes dictes aversitez et +non revellees aux mondains ainçois tres muciees pour cause que par +aventure eulx non charitables tourneroient les complaintes de mes +neccessitez a derrision & despris/ sans que aucun fruit donnant alegence +m’en ensuivist/ Et pource a toy celestielle cognoissance sepparee des +viltez de ça jus/ et vraye phisicienne essoreray et esventeray les +complaintes de mes pensees/ confiant que ta clemence n’ara a despris +l’umble voix de sa servante/ et amenistreras reparacion a la ruyne de +mon espoir/ rué jus par les soufflemens de fortune en la quelle hayne ay +esté tres mon enfance diversement non obstant que souvent m’ait monstré +son cler visage/ mais quant resjouir m’i cuidoye moult tost le couvroit +de s’obscure nue. + + + + +La complainte de christine a philosophie. + + +Reverend dame/ obeissance en facondede predite a ta serinité ne te tourt +a ennuy la narracion de mes aventures pour le procés de leur prolixité/ +et te plaise daigner estendre l’ayde de ton conseil au secours de la +chetivoison de mes pensees O dame chiere maistrece vueilles notter +comment fortune la variable/ m’a tous jours esté comme dit est tres +amere marrastre Considerant tres l’estre de mon enfance/ Car comme je +fusse nee de nobles parens ou pays d’ytalye en la cité de venise en la +quelle mon pere nez de boulongne la grace ou je fus puis nourrie/ ala +espouser ma mere qui nee en estoit par l’acointance que mon dit pere +avoit de lonc temps devant a mon ayol/ clerc licencié et docteur né/ de +la ville de fourly/ et gradué a l’estude de boulongne la grace qui +salarié conseiller de la dicte cité ou je nasqui estoit a cause du quel +parenté mon dit pere ot la cognoissance des veneciens/ et fu pour la +souffisance et auctorité de sa science retenu semblablement conseiller +salarié de la dicte cité de venise en la quelle fu un temps resident a +grant honneur richeces et gaings. + +¶ Or me dis ne fu ce pas fortune qui en ce temps assez tost apres ma +nativité fist mon dit pere pour certaines besongnes et ses possessions +viseter se transporter en la dicte cité de boulongne la grace/ En la +quelle lui vint tantost nouvelles & certains messages tout en un temps +de .ii. tres excellens roys lesquieulx pour la grant fame de l’auctorité +de sa science le mandoient priant et prommettant grans salaires et +emolumens chacun endroit soy que vers lui voulsist aler/ dont l’un +estoit le souverain des roys chrestiens le roy de france Charles le sage +quint de cellui nom/ Et l’autre fu le roy de honguerie/ cellui au quel +pour sa desserte et merite est demouré apres lui tel nom que on le dit +le bon roy de honguerye. + +¶ Adont comme la souffisance de ces ambassaderies pour la reverence de +la digneté des diz princes ne fust a mettre arriere/ delibera mon dit +pere a obeir a l’une des parties/ c’est assavoir comme au plus digne/ et +aussi le desir de veoir les estudes de paris et la haultece de la court +françoise/ venir vers le dit roy de france esperant transitoirement +veoir le roy/ obeir a ses commandemens/ et viseter les dis estudes +l’espace d’un an puis s’en tourner vers sa femme & famille/ la quelle il +ordena demourer sus ces possessions et heritages a boulongne la grace/ +Et toutes ces dites choses faites & ordenees avec la licence de la dicte +seignourie de venise se party & vint en france/ ou quel lieu fu du dit +sage roy Charles tres grandement receus et honorez/ et tost apres +l’experience veue de son savoir & science l’establi son conseiller tres +especial privé et chier tenu/ le quel lui fu tant agreable que du partir +au chief de l’an ne pot avoir licence ains volt a toutes fins le dit roy +que grandement a ses cousts et frais envoyast querir sa femme enfans & +famille pour user a tous jours leur vie en france pres de soy/ en +promettant possessions rentes/ et pensions pour tenir honorablement leur +estat/ neant moins comme mon dit pere en esperant tous jours le retour +retardast ceste chose pres de l’espace de .iii. ans/ en la fin couvint +que fait fust/ Et ainsi comme dit est fu fait le transport de nous de +ytalie en france/ grandement fu receue la femme et enfans de ton amé +philosophe maistre thomas mon dit pere arrivé a paris lesquieulx le +tresbenigne bon sage roy volt veoir et recevoir joyeusement/ la quelle +chose fu faite tost apres leur venue a tout leurs abis lombars riches +d’aournemens et d’atour selon l’usage des femmes et enfans d’estat/ ou +chastel du louvre a paris ou mois de dessembre/ estoit le dit roy lors +que la presentacion du dit mesnage a belle et honorable compaignie de +parens fu a ses yeulx magnifesté/ la quelle femme et famille a tres +grant joye et offre il receut. + + + + +Dit christine de ses bonnes fortunes. + + +Moult nous fu fortune favorable le temps durant de la vie du sus dit bon +sage roy charles/ Et avec les autres gloires des prosperitez receues/ en +joyeuse plantureuse et paisible vie/ en mariage/ comme ce soit naturel +joye/ a tout loyal serviteur veoir la prosperité de son bon maistre la +dieu merci puis le temps de la venue de mon dit pere au service du roy +gouverné en partie mesmement en ses guerres par l’administracion de son +sage conseil selon la science de astrologie crut & augmenta de mieulx en +mieulx la valeur de ses prosperitez recevant plusieurs victoires et +conquestes sus ses ennemis/ et que ces choses soient vrayes je m’en +rapporte aux vivans princes & autres ancore de ce temps qui ce scevent/ +le quel dit bien du prince estoit le comble de la joye de son sus dit +feal serviteur/ non obstant que a l’usage des philosophes fust nulle +l’espargne de la peccune/ et avoir de mon dit pere/ la quelle chose +sauve sa reverence je ne repute mie louable en l’estat des mariez soubz +la quelle main doit estre la cure de leur maisnage souffreteux apres +eulx peut estre a cause de leur prodigalité/ toute voye non obstant la +liberalité de ses coustumes la pourveance du bon roy ne laissoit a +l’ostel de son amé deffaillir nulles choses neccessaires. + +¶ A venir au point de mes fortunes le temps vint que ja approchoie +l’aage ou quel on seult les filles assener de mari tout fusse je ancores +assez jeunette non obstant que par chevaliers autres nobles & riches +clercs fusse de plusieurs demandee et ceste verité ne soit de nul +reputee ventence/ Car l’auctorité de l’onneur et grant amour que le roy +a mon pere demonstroit estoit de ce cause non mie ma valeur/ comme mon +dit pere reputast cellui plus valable qui le plus science avec bonnes +meurs avoit/ ainsi un jone escolier gradué bien né et de nobles parens +de picardie de qui les vertus passoient la richece/ a cellui que il +reputa comme propre filz je fus donnee/ En ce cas ne me plains je de +fortune/ car a droit eslire en toutes couvenables graces sicomme autre +foiz ay dit a mon gré mieulx ne voulsisse cellui pour sa souffisance +tost apres nostre sus dit bon prince qui l’ot agreable lui donna +l’office comme il fust vaquant de notaire et son secretaire a bourses & +a gages et retint de sa court tres amé serviteur. + + + + +Entre a parler christine de ses males fortunes. + + +Ainsi dura celle prosperité par plusieurs annees/ mais comme la dicte +fortune se montrast envieuse de noz gloires volt restraindre la source +dont ilz venoient/ Et ne fu ce pas par elle voirement chiere maistresse +qu’a cestui royaume fu procuré le grief dommage du quel malement se +senti le mesnage de maistre thomas ce fu lors que le tresbon sage prince +non pas envielli par cours de nature mais en assez jeune aage comme de +.xliiii. ans chut en maladie assez brieve dont il trespassa. helas +voirement souvent avient que choses bonnes petit durent/ Car ancore au +jour d’uy se a dieu plust avoir laissié durer sa vie neccessaire a +cestui royaume du quel le gouvernement & estat malement est ores de +cellui de lors different/ ne fust trop enviellis/ Or fu la porte ouverte +de noz infortunes/ et moy estant ancore assez jeunette y fus entree Et +comme ce soit de commune coustume des poissans hommes close la bouche +grant est le remuement et changement de l’estre de leurs cours et de +leurs lieux/ de la quelle chose sont causes plusieurs voulentez +contraires/ et a peine autrement peut estre se moult grant discrecion +n’y remedie. Comme il appert du grant alixandre/ sicomme il est escript +les divers descors lesquieulx non obstant les partages des regions que +il leur avoit limitees/ tantost apres sa mort entre ses barons +sourdirent. + +¶ Adont faillirent a mon dit pere ses grans penssions plus n’ot .C. +frans le mois bien payez/ avec ses livrees et dons qui gueres moins ne +montoient comme appris avoit/ et l’esperance que le dit bon Roy lui +avoit donnee de asseoir pour lui et ses hoirs .v.c livres de terre et +assez d’autres biens dont la deffaulte du ramentevoir au bon Roy & la +mort qui trop tost vint ne souffri la dicte promesse sortir son effait +non obstant que des princes gouverneurs fu retenu a gages malement +amendris et mal payez/ Si fu ja venu le temps de sa viellece qui en +assez brief temps apres chut en longue impotence et maladie ou maintes +souffrettes sourdirent aux quelles eust eu besoing l’espargne des choses +despendues/ Et pource au mien cuidier est juste prudent espargne en +jeunece qui secourt l’omme en sa viellece/ durant son sain entendement +jusques a la fin recognoissant son createur comme vray catholique +Trespassa mon dit pere droit a l’eure que devant ot prenostiqué/ du quel +entre les clercs demoura renommee que en son temps durant ne plus de +Cent ans devant n’avoit vescu homme de si hault entendement es sciences +mathematiques en jugemens d’astrologie avec ce entre les princes & ceulx +qui le frequentoient la vraye reputacion de sa prodomie/ ses biens fais/ +loyauté verité & autres vertus & nul reprouche faisoit plaindre sa mort +et regraiter sa vie/ en la quelle nulle reprehencion n’affiert se trop +grant liberalité de non refuser riens que il eust aux povres en tant que +il avoit femme et enfans ne lui donne/ Et que je ne le dye par faveur/ +de ceste verité sont ancores au jour d’uy maint de ses cognoiscens/ +princes et autres certains comme de experience/ si fu un tel homme a bon +droit des siens plaint et plourez. + + + + +Encor de ce mesmes. + + +Or fu demouré chief du mesnage mon mari jeune et preudomme sage et +prudent et tres amé des princes et toute gent frequentant son dit office +par le quel moyennant sa sage prudence estoit soustenu l’estat de la +dicte famille/ mais comme ja fortune m’eust mise ou declin de sa roe +disposee au mal que donner me vouloit pour du tout au plus bas me flatir +souffrir ne volt que gaires me durast ycellui tresbon par la quelle +dicte fortune mort lors que il estoit en sa fleur apte & appreste et sus +le point tant en science comme en sage et prudent conqueste & +gouvernement de monter en hault degré le me toli en fleur de jeunece +comme en l’aage de .xxxiiii. ans et moy de .xxv. demouray chargee de +.iii. enfans petis et de grant mesnage Si fus a bon droit plaine +d’amertume regraitant sa doulce compaignie et la joye passee qui ne mes +.x. ans m’avoit duré/ voyant venir le flo de tribulacion qui sur moy +accouroit fus plus desirant mourir que vivre et n’oubliant ma foy et +bonne amour promise a lui deliberay en sain propos de jamais autre +n’avoir or fus je choite en la valee de tribulacion/ Car comme la dicte +fortune quant du tout veult decliner quelque chose soit regne/ cité +empire ou singuliere personne/ elle de loings va querir ses apprestes +toutes contraires pour la chose que elle a acqueilli en yre conduire ou +point de maleurté/ ainsi m’avint Car comme je ne fusse au trespassement +de mon dit mari le quel fu surpris de hastive epidimie Toute foiz la +dieu grace fu sa fin comme bon catholique en la ville de beauvais ou +avec le Roy estoit alez & n’estoit accompaignié fors de ses serviteurs +et maignee estrange/ Si ne poz savoir precisement l’estat de sa +chevance/ Car comme ce soit la coustume commune des hommes mariez de non +dire et declarier leurs affaires entierement a leurs femmes de la quelle +chose vient souvent mal comme il m’apert par experience/ et n’est mie +sens quant femmes ont non nices mais prudentes et de sage gouvernance/ +Si sçay bien que a clarté ne me vint tout ce que il avoit/ Or me couvint +mettre mains a oeuvre/ ce que moy nourrie en delices et mignotement +n’avoie appris & estre conduisarresse de la nef demouree en la mer +ourage & sanz patron/ c’est a savoir le desolé mainage hors de son lieu +et pays/ adont me sourdirent angoisses de toutes pars/ Et comme ce +soient les mes des vesves plais et procés m’avironnerent de tous lez/ Et +ceulx qui me devoient m’assaillirent affin que ne m’avançasse de leur +riens demander Et dieux scet que il est vray que tel me demandoit que le +tesmoignage du papier des mises de mon mary Comme de un preudomme nya la +debte du fraudeleux comme payé et menteur de sa demande par le quel fut +confus et plus ne osa parler ne soustenir sa mençonge Tost me fu mis +empeschement en l’eritage que mon mari avoit acheté/ et comme il fust +mis en la main du Roy m’en couvenoit payer la rente et si n’en jouissoie +Et moy en la chambre des comptes demenee par lonc plait contre cellui +sanz pitié qui en estoit & ancore est des maistres et seigneurs de qui +avoir droit ne povoie receu par lui a tort tres grief dommage comme le +voir en soit magnifeste Ce scevent maint/ ne ancore lui en ses pechez +enviellis ne le considere ne fait conscience. + +¶ Ne fu pas seule celle pestillence/ car comme les deniers de mes petis +orfelins fussent par leurs tuteurs de mon consentement baillez en mains +de marchant reputé preudomme pour accroistre et multiplier leur povre +avoir/ comme il en eust l’espace de un an rendu couvenable conte et +gaing par la moitié raisonnablement lui tempté de l’ennemi fist a croire +qu’il avoit esté robé/ et s’asempta/ encore cousta a poursuivre/ et fu +ce la perdus Autres plais me sourdirent a cause de heritages/ sur +lesquieulx on demandoit ancienne rente & grans arrerages de la quelle +chose ou decret de notre achat n’avoit aucune mencion conseillee par des +plus sages avocas que hardiement sur ce me deffendisse & que ne +doubtasse que comme je eusse bonne cause la diffinitive en seroit pour +moy de sommer les garens de la vendicion lesquieulx estoient mors povres +et hors du pays/ n’y avoit remede affin que je parvenisse ou point ou +fortune me conduisoit/ En ce temps en comble de mes adverses fortunes me +sourdy comme a job longue maladie/ par ceste chose dont s’ensuivi faulte +de poursuite sicomme je tiens et par non avoir mise souffisant/ encheus +de mes causes par lesquelles condampnacions satisfiant les frais fus de +tous poins au chief de ma povre chevance Et merveilles est comment +fortune povoit estre tant sur moy achenye/ Car en toutes les manieres +que partes se pevent faire a personne disposant ses faiz par bon conseil +et ordennance sicomme a mon povoir dieux scet que je faisoie me venoient +au contraire de ce que par raison venir deussent toutes mes besongnes et +generaument en toutes choses/ O vertu de pacience tous jours ne te avoie +mie en la bourse ains te suppeditoit souvent en moy grant amertume Je vy +le temps que a .iiii. cours de paris estoie en plait et procés +deffenderresse et sur mon ame je te jure que a tort estoie grevee de +mauvaises parties par quoy couvenoit en fin se paix vouloie avoir comme +je apperceusse leur cavillacions desirant me tirer de plait comme celle +qui le hayoit parfaictement comme chose contre ma nature qui paix desire +que je chevisse a eulx moyennant le mien a tres grans frais et coust/ Et +ne cuidez mie que ce m’ait duré un an ou .ii. mais l’espace de plus de +.xiiii. ans que quant un meschief m’estoit faillis l’autre survenoit en +tant de manieres diversement que longue seroit et anuyeuse la narracion +de la moitié/ Et ainsi ne fina la sancsue de fortune de sucer mon povre +avoir jusques a tant que tout l’ot desfiné & que plus a perdre n’avoie/ +& adont faillirent mes plais mais non mie mes adversitez O doulce +maistrece quantes larmes souspirs plains lamentacions et griefs +pointures cuides tu que quant je estoie seulete a mon retrait que je +eusse et gitasse en ce tandis/ ou quant a mon foyer veoie environ moy +mes petis enfans et povres parens/ et consideroie le temps passé et les +infortunes presentes dont les floz si bas me affondoient et remedier n’y +povoie/ Desquieulx meschiefs plus plaignoye mes prochains que ma +personne Sicomme une foiz je respondis a un qui me disoit que je n’avoie +que plaindre car je estoie sans charge comme celle qui estoit seule/ & +sangle je dis qu’il ne m’avoit pas bien regardee/ car je estoie .iii. +foiz double/ et comme il ne m’entendist ce disoit lui exposay disant que +je estoie .vi. foiz moy mesmes Et avec ce cuidez tu point chiere +maistrece que grevast a mon cuer la charge de la paour que on +s’apperceust de mes affaires/ Et le soucy que a l’estat ne apparust a +ceulx dehors ne aux voisins le decheement de ce maleureux estat venu de +mes predecesseurs non pas de moy Le quel mon ignorence tant amer me +faisoit que mieulx eusse choisi mourir que en decheoir/ ha quel fardel +et quel pointure a cuer que trop aime le vouloir soustenir et fortune ne +vueille/ il n’est doulour a celle pareille/ et nul ne le croit s’il ne +l’essaye et dieux scet quans inconveniens a celle cause viennent & sont +venus a mainte gent Si te promés que a mes semblans et abis peu apparoit +entre gens le faissel de mes ennuys/ ains soubs mantel fourré de gris et +soubz seurcot d’escarlate non pas souvent renouvellé/ mais bien gardé +avoie espesses foiz de grans friçons/ et en beau lit et bien ordené de +males nuis mais le repast estoit sobre comme il affiere a femme vesve et +toute foiz vivre couvient Et dieux scet comment mon cuer tourmenté +estoit quant excecucions sur moy estoient faites et que mes chosettes +m’estoient levees par sergens/ le dommage grant m’estoit/ mais plus +craignoie la honte/ mais quant il couvenoit que je feisse aucun emprunt +ou que soit pour eschever plus grant inconvenient beau sire dieux +comment honteusement a face rougie tant fust la personne de mon amistié +le requeroye/ & ancore au jour d’uy ne suis garie de celle maladie dont +tant ne me greveroit comme il me semble quant faire le m’esteut un acés +de fievre Ha dieux quant il me souvient comment tant de foiz ay musé la +matinee a ce palais en yver mourant de froit espiant ceulx de mon +conseil pour ramentevoir et soliciter ma besongne ou maintes foiz y +ouoye a mes journees de diverses conclusions qui suer des yeulx me +faisoient et maintes estranges responces mais en sur que tout me grevoit +la mise de la quelle mal aisiee estoie. + +¶ A l’exemple de jhesuscrist qui volt estre tourmenté en toutes les +parties de son corps pour nous instruire a pacience/ volt fortune que +mon povre cuer fust tourmenté de toutes les manieres de dures et +diverses pensees. Quel plus grant mal et desplaisir peut sourdre a +l’innocent ne plus grant cause de inpacience que de soy oyr diffamer +sanz cause comme il appert par les recors de boece en son livre de +consolacion/ ne fu il pas dit de moy par toute la ville que je amoie par +amours Mais ycy trop fait a notter que il soit voir/ que tout ce feist +fortune par ses batemens divers/ car comme telz renommeus communement +viennent et souvent a tort par grant acointance & frequentacion les +personnes ensemble et par conjectures et couleurs voir semblables/ mais +je te jure m’ame que ycellui ne me cognoiscoit ne ne savoit qui je +estoie ne ne fu onques homme ne creature nee qui me veist en publique ne +en privé en lieu ou il fust/ Car mon chemin ne s’i adonnoit ne n’i +n’avoie que faire et de ce me soit dieu tesmoing que je dis voir. Et +comme selon l’estre de sa personne et de la moye ne se peust bonnement +tel chose faire ne n’estoit voir semblable/ ne nul n’avoit couleur de le +penser me suis mainte fois esmerveillee dont teles paroles povoient +sourdre/ lesquelles estoient portees de bouche en bouche disant je l’ay +ouy dire dont comme celle qui ignocent me sentoie aucune foiz quant on +le me disoit m’en troubloie/ et aucune foiz m’en sousrioye/ disant dieux +et ycellui et moy savons bien que il n’en est riens. + +¶ Ne se passa mie a tant ma peine/ Car comme a mon povoir tous jours +estrivasse contre la bataille et luite de fortune me voyant moult +dechoite de ma chevance comme je eusse cedules veriffiees et passees par +la chambre des comptes d’une somme d’argent qui ancore deue estoit a mon +feu mari a cause des gages de son dit office empetray mandement du roy +aux generaulx que de ce je fusse payee/ or vint la poursuite anuyeuse +que par neccessité contrainte faire me couvenoit/ a grant travail +pourmenee par maintes responces pro et contra plusieurs journees et que +ce soit lonc travail et ennuyeux je m’en rapporte a ceulx qui essayé +l’ont/ plus desplaisant que onques mais en ce temps ci comme dient les +anciens/ Or peus savoir se a moy femme foible de corps et naturellement +cremeteuse faire de neccessité vertu m’estoit labour qui a danger et +coust de compaignie selon l’estat appris me couvenoit trotter apres eulx +selon le stile puis en leurs cours ou sales en commun muser a toute ma +boite et mandement le plus des jours sanz y riens faire/ ou par lonc +train avoir responces doubles en esperance mais longue estoit l’attente/ +O dieux quantes parolles anuyeuses/ quans regars nices/ que de rigolages +de aucuns remplis de vins et graisse d’aise souvent y ouoye/ lesquieulx +choses de paour de empirer mon fait comme celle qui besoing avoit je +dissimuloie sanz riens respondre me retournant de autre part/ ou faisant +semblant que ne l’entendisse le getoie a truffe Et dieux amender vueille +toutes villes consciences Car de mauvaises en trouvoie. + +¶ A cause de ceste poursuite comme je ne trouvasse nulle part grant ne +petit charitable/ non obstant que a plusieurs nobles et grans requeisse +l’aide de leur parolle esperant que comme loy de droit les oblige au +secours des vesves et orphelins Et je n’y trouvasse en effaict riens bon +pour moy un jour desconfortee sur ces choses fis ceste balade. + + + + +Balade. + + + Helas ou donc trouveront reconfort + povres vesves de leurs biens despoullees + puis qu’en france qui seult estre le port + de leur salu et ou les exillees + Seulent fuir et les desconseillees + Mais or n’y ont mais amistié + Les nobles gens n’en ont nulle pitié + Aussi n’ont clercs li greigneur ne li mendre + ne les princes ne les daignent entendre + + ¶ Des chevaliers n’ont elles nesun port + par les prelas ne sont bien conseillees + Ne les juges ne les gardent de tort + des officiers n’aroient .ii. maillees + de bons respons des poissans travaillees + Sont en maint cas n’a la moitié + devers les grans n’aroient exploitié + Jamais nul jour ailleurs ont a entendre + ne les princes ne les daignent entendre + + ¶ Ou pourront mais fuir puis que ressort + n’ont en france la ou leur sont baillees + Esperances vaines conseil de mort + voyes d’enfer leur sont appareillees + S’elles veulent croire voyes broullees + Et faulx consaulx ou appointié + n’est de leur fait nul n’ont si acointié + qui les ayde sanz a aucun mal tendre + ne les princes ne les daignent entendre + + ¶ Bons et vaillans or soient esveillees + voz grans bontez ou vesves sont taillees + d’avoir maint maulx de cuer haitié + secourez les & croyez mon dictié + Car nul ne voy qui vers elle soit tendre + ne les princes &c. + +¶ La cause qui me mouvoit a en personne oultre mon gré faire telle +poursuite estoit que quant mon message y envoyoie n’avoit en leur +presence nulle audience mais a tout le moins quant je y venoie +ramentevoir l’estat de moy vesve requerant encline devant eulx par pitié +leur secours/ aucune apparence de pitié plus en eulx trouvoie/ cest +ennui avec des autres ne me dura pas petit/ ains y fus constant plus de +l’espace de .vi. ans sur le pourchas non mie de moult grant somme qui +par parties en tieulx travaulx et requestes de seigneurs resservé le +reste qui ancore m’est deu je fus payee. + + + + +Encore continue christine sa complainte. + + +Entens tu doulce maistrece en quieulx doulz deduis ay passé la jonesce +de ma vesveté Avoie je cause que trop druerie me feist entendre aux +foles amours/ mais non obstant ce que assez souffire deust par si lonc +temps a celle par qui tout ce me venoit ne fu pas appaisiee envers moy +la desloyale de qui autre foiz me suis plainte comme je en eusse cause/ +car la douleur du dent y trait la langue/ ains te diray en poursuivant +ceste matiere jusques au jour d’uy comment ses floz m’ont gouvernee et +ancore ne cessent. + +¶ Voir est que ou temps de mes perplexités dessus dit pour ce que +descouvrir a autrui si qu’ay touché ses adversitez et affaires/ La cause +pour quoy/ Car charité est pou trouvee ne peut tourner se a servitude +non et pou de preu/ Comme ce soit moult grief faissel de douleur tenir +enclose sans regehir ne m’avoit ancore tant grevee fortune comme elle ne +peust que je ne fusse accompaignee des musettes des poetes non obstant +que les reboutas arriere et chaças de la compaignie de boece ou temps de +sa tribulacion pour le repaistre de plus haultes viandes/ ycelles me +faisoient rimer complaintes plourables regraitant mon ami mort et le bon +temps passé/ sicomme il appert au commencement de mes premiers dictiez +ou principe de mes cent balades et mesmement pour passer temps/ et pour +aucune gayeté attraire a mon cuer doulereux faire diz amoureux et gays +d’autrui sentement comme je dis en un mien virelay. + + + + +Dit christine comment elle mua sa maniere de vivre. + + +Apres ces choses comme ja fussent passees mes plus jeunes jours et aussi +la plus grant part de mes occupacions foreines revins a la vie qui plus +naturellement me plaisoit c’est a savoir solitaire et quoye/ adont par +solitude me vindrent au devant les rumignacions du latin & des parleures +des belles sciences & diverses sentences et polie rethorique/ que oÿ le +temps passé au vivant de mes amis trespassez pere et mari/ je avoie de +eulx/ non obstant que par ma folour petit en retenisse/ Car non obstant +que naturellement et de ma nativité y fusse encline me toloit y vaquer +l’occupacion des affaires que ont communement les mariees/ et aussi la +charge de souvent porter enfans Avec ce la trop grant jonesce la trop +mignote ennemie de sens qui ne laisse souventes foiz aux enfans quelque +bon engin que ilz ayent pour le desir de jouer/ hanter l’estude se +crainte de bateures ne les y tient/ & pource que celle crainte n’avoie +la voulenté de jouer si maistrisoit l’engin & sentement si que constant +ne povoit estre ou labeur de apprendre. + + + + +Se plaint christine de jeunece. + + +Ha folle jonece avuglee et variable non cognoissant les prouffitables & +bonnes choses qui ne te delites fors en choses vaines/ oyseuses et de +nulle vertu/ ne ailleurs appliquer ne te querroies Et certes voirement +qui par toy se gouverne suit la voye de perdicion et se avugle en sa +meismes cognoissance/ Tant haÿr te dois quant ou temps que je estoie a +meimes les .ii. beaulz conduis de philosophie/ costé si haultes +fontaines tant cleres et saines Et moy comme fole jone trop mignote/ non +obstant que les beaulx ruisseaulx me pleussent ne m’en emplissoie/ mais +tout ainsi comme le fol qui voit luire le cler souleil ne s’avise de la +pluye ains cuide que tous jours lui dure/ n’en faisoie compte et a temps +cuidoie recouvrer a ce que je perdoie Ha fortune quel tresor tu me +tolis/ Tant fis grant dommage a mon entendement qui ne les me laissas +durer jusques en l’aage de plus grant cognoissance/ bien t’a herdis a +nuire meismes a la proprieté de mon ame/ car se ores avoie costé moy tel +clarté au desir que j’ay/ sustraite de toutes autres occupacions et +delis comme de choses vaines donnee entierement a l’estude/ telement et +si largement me empliroie que femme nee puis lonc temps ne m’en passa/ +helas quant je avoie costé moy les maistres de science/ conte +d’apprendre ne faisoie/ Et ores est le temps venu que mon engin et +sentement m’en die en desirant ce que par faulte de apprendre ne peut +avoir/ c’est a savoir l’art de toy philosophie m’amie science. Ha doulce +savoureuse chose et emmellee qui tous autres tresors en valeur precedes +comme souveraine/ tant sont eureux ceulx qui a plain t’a saveurent/ Et +toutevoie comme de ce je ne puisse juger fors a l’aventure sicomme de +chose que a plain je ne cognoisce/ neant moins m’en donne la +cognoissance le tres delitable goust & saveur que je treuve seulement es +petites deppendances et parties de sciences comme plus hault je ne +puisse attaindre me fait presumer ou bien de elle a ceulx qui l’aiment/ +& la saveurent et sentent souverain delit/ Ha enfans et jones se vous +saviés le bien qui est ou goust de savoir et le mal et laidure qui gist +en ignorence comment se bien avisié estiez petit plaindriés la peine et +labour de apprendre/ ne dit aristote que naturellement l’omme savant +seignourist l’ignorent sicomme nous veons l’ame seignourir le corps Et +quel chose est plus belle que savoir/ & quel chose est plus laide que +ignorence messeant a homme sicomme une foiz respondis a un homme qui +remprouvoit mon desir de savoir disant que il n’appartient a femme avoir +science comme il en soit pou Lui dis que moins appartient a homme avoir +ignorence comme il en soit beau coup. + + + + +Dit christine comment elle se mist a l’estude. + + +Ainsi en cellui temps que naturellement estoit parvenu mon aage au degré +de cognoissance regardant derriere moy les aventures passees & devant +moy la fin de toutes choses Tout ainsi comme un homme qui a passé +perilleuse voye se retourne arriere regardant le pas par merveille et +dit que plus n’y entrera/ et que a meilleur se tendra/ ainsi considerant +le monde tout plain de las perilleux/ & que il n’est fors pour toute fin +un seul bien qui est la voye de verité me tiray au chemin ou propre +nature et constellacion m’encline/ c’est a savoir amour d’estude/ adonc +clouy mes portes/ c’est a savoir mes sens que plus ne fussent tant +vagues aux choses foraines/ et vous happay ces beaulx livres et volumes/ +et dis que aucune chose recouvreroye de mes pertes passees/ ne me pris +pas comme presomptueuse aux parfondesses des sciences obscures es termes +que ne sceusse comprendre/ Sicomme dit Caton/ lire et non entendre/ +n’est mie lire ains comme l’enfant que au premier on met a l’a.b.c.d. me +pris aux histoires anciennes des commencement du monde/ les histoires +des ebrieux/ des assiriens et des principes des seignouries procedant de +l’une en l’autre dessendant aux rommains des françois des bretons & +autres plusieurs historiographes/ apres aux deducions des sciences selon +ce que en l’espace du temps que y estudiay j’en pos comprendre. + +¶ Puis me pris aux livres des poetes Et comme de plus en plus alast +croiscent le bien de ma cognoissance/ adont fus je aise quant j’oz +trouvé le stile a moy naturel me delittant en leurs soubtilles +couvertures et belles matieres muciees soubz fictions delitables et +morales/ et le bel stile de leur metres et proses deduites par belle et +pollie rethorique aournee de soubtil lengage et proverbes estranges/ +pour la quelle science de poaisie nature en moy resjouye/ me dist fille +soulasse toy quant tu as attaint en effait le desir que je te donne & +ainsi continuant et vaquant tous jours a l’estude comprenant les +sentences de mieulx en mieulx. + +¶ Ne souffist pas a tant a mon sentement & engin/ ains volt que par +l’engendrement d’estude et des choses veues nasquissent de moy nouvelles +lectures/ adont me dist prens les outilz et fiers sur l’enclume/ La +matere que je te bailleray si durable que fer ne feu ne autre chose ne +la pourra despecer si forges choses delitables/ & ou temps que tu +portoies les enfans en ton ventre grant douleur a l’enfanter sentoies/ +Or vueil que de toy naiscent nouveaulx volumes/ lesquieulx les temps +avenir perpetuellement au monde presenteront ta memoire devant les +princes et par l’univers en toutes places lesquieulx en joye et delit tu +enfanteras de ta memoire/ non obstant le labour et traveil le quel tout +ainsi comme la femme qui a enfanté si tost que ot le cry de l’enfant +oublie son mal/ oublieras le traveil du labour oyant la voix de tes +volumes. + +¶ Adont me pris a forger choses jolies a mon commencement plus legieres/ +& tout ainsi comme l’ouvrier qui de plus en plus en son oeuvre +s’asoubtille comme plus il la frequente/ ainsi tous jours estudiant +diverses matieres mon sens de plus en plus s’imbuoit de choses estranges +amendant mon stile en plus grant soubtilleté et plus haulte matiere +depuis l’an .M.CCC.iiii.xx & .xix. que je commençay jusques a cestui +.CCCC. & cinq/ ou quel ancore je ne cesse/ compilles en ce tandis quinze +volumes principaulx sanz les autres particuliers petis dictiez +lesquieulx tous ensemble contiennent environ .lxx. quayers de grant +volume comme l’experience en est magnifeste Et comme grant louange pour +ce n’y affiere/ Car pou y a soubtilleté/ par ventance dieux scet que ne +le dis mais pour continuer l’ordre de mes bonnes et mauvaises aventures. + + + + +Le plaisir que christine prenoit a l’estude. + + +Or fu l’estat de mon vivre tresmué en autre disposicion/ mais non pas +pour tant changié en mieulx ma malle fortune ains comme dolente du bien +et solas de ma vie speculative et solitaire persevera sa malivolence non +a ma personne seulement mais en despit de moy a de mes plus prochains la +quelle chose je attribue au procés de mes adversitez. Et te diray +comment par me tolir mes bons amis comme tous jours elle soit repunante +a ma prosperité ne les a souffers longuement vivre. Il est voir que +comme la voix courust ja et meismes entre les princes/ de l’ordre et +maniere de mon vivre c’est a savoir a l’estude/ pour ce que revellé leur +estoit non obstant celer le voulsisse leur fis present comme de nouvelle +chose quelque petis et foibles que ilz soient de mes volumes de +plusieurs matieres lesquieulx de leur grace comme princes benignes et +tres humains les virent voulentiers & receurent a joye/ et plus comme je +tiens pour la chose non usagee que femme escripse comme pieça ne +avenist/ que pour digneté qui y soit/ et ainsi furent en peu de heure +ventillez et portez mes dis livres en plusieurs pars et pays divers. + +¶ Environ ce temps comme la fille du roy de france fust mariee au roy +richart d’angleterre vint par de ça a celle cause/ un noble conte dit de +salsbery/ et comme ycellui gracieux chevalier amast dictiez & lui +meismes fust gracieux dicteur/ apres ce qu’il ot veu des miens dictiez +tant me fist prier par plusieurs grans que je consenti tout le feisse je +envis que l’ainsné de mes filz assez abille et bien chantant enfans de +l’aage de .xiii. ans alast avec lui ou pays d’engleterre pour estre avec +un sien filz auques de l’aage/ du quel dit conte comme il se portast +tant bien & grandement de mon dit enfant et plus promettoit pour le +temps avenir aux quelles choses croy que il n’eust failli/ comme il en +eust la poissance/ vrayement les promesses que faites m’en avoit ne +furent trouvees mençongieres/ mais ce bien ne volt pas celle souffrir +longuement qui mains autres maulx m’a fais c’est a savoir male fortune +qui non pas lonc temps apres procura la dure pestillence ou dit pays de +angleterre contre le dit Roy Richart comme chacun scet/ pour la quelle +cause apres pour sa grant loyauté vers son dit droit seigneur fu +decollez a grant tort le dessus dit tresbon conte/ or fu failli le eur +mondain du commencement de mon dit filz assez enfant en temps de grant +pestilence hors de son pays/ par raison dot estre esbahi/ mais que avint +il le roy henry qui ancore est qui s’atribua la couronne/ vit des +dictiez et livres que je avoie ja plusieurs envoyez comme desireuse de +lui faire plaisir au dit conte/ si lui vint a cognoiscence tout ce que +il en estoit/ adont tres joyeusement prist mon enfant vers lui/ et tint +chierement & en tres bon estat/ & de fait par .ii. de ses hayraulx +notables hommes venus par de ça lencastre et faucon roys d’armes me +manda moult a certes priant et promettant du bien largement que par de +la je alasse/ et comme de ce je ne fusse en riens temptee considerant +les choses comme elles estoient/ dissimulay tant que mon filz peusse +avoir disant grant mercis/ & que bien a son command estoie/ et a brief +parler tant fis a grant peine/ et de mes livres me cousta que congié ot +mon dit filz de me venir querir par de ça pour mener la qui ancore n’i +vois/ & ainsi reffusay l’eschoite de ycelle fortune pour moy et pour lui +pour ce que je ne puis croire que fin de desloyal viengne a bon terme/ +Or fus joyeuse de veoir cil que je amoie comme mort le m’eust seul filz +laissié & .iii. ans sans lui oz esté/ mais crue fu la charge de ma +deppense non a moy aysiee/ Car je doubtay que le grant estat ou quel +estoit par de la lui donnast vouloir de retourner comme enfant es +quieulx consideracion n’est grande voulentiers se tiennent a ce que aux +yeulx et a leur aise meilleur leur semble/ Si lui quis maistre grant et +poissant qui de sa grace le retint/ mais comme la petite faculté du +jeune enfant pou apparant en la multitude des grans de sa court tous +jours a ma charge couvint que son estat fust soustenu sanz de son +service tyrer aucun fruit/ & ainsi me desherita fortune d’un de mes bons +amis et d’une de mes esperances/ mais ancore de puis pis me fit. + + + + +Se plaint christine de fortune qui lui osta ses bons amis. + + +Sicomme devant est dit comme ja m’eussent donné nom mes dis volumes par +les presens qui a maint prince de estranges terres fais en furent nompas +de par moy envoyez mais par autres comme de chose nouvelle venue de +sentement de femme sicomme dit le proverbe choses nouvelles plaisent ne +le dis pour nulle ventance comme elle n’y affiere. + +¶ Le premier duc de milan en lombardie qui de ceste chose fu informez & +peut estre/ plus grandement que la cause n’y estoit/ desirant me traire +en son pays/ tres grandement avoit ordené de mon estat par rentes a tous +jours se aler y vouloye/ & ce scevent plusieurs gentilz hommes du pays +meismes commis a celle ambassaderie Mais fortune selon ses usages & +coustumes ne volt mie que la ruine de mon estat fust reparé/ si me tolli +tantost par mort cil qui bien me vouloit/ non pas que de legier eusse +deliberé laissier france pour certaines causes/ tout soit de la mon +naturel pays/ Toute foiz me greva elle quant me toli un bon ami qui +n’est petite perte/ Et tel que comme la relacion de gens notables m’a +dit/ sanz partir de ça meismes m’ust il valu par les dessertes de mes +livres. + + + + +Encore de ce mesmes. + + +Ancore reste a parler de ma plus grant perte a cause de grant prince +mort puis le temps du susdit sage roy Charles/ ne fusse pas voirement +evident signe de hayneuse envie de la perverse contre moy/ quant tost +apres que le tres venerable hault et poissant noble prince philippe duc +de bourgongne/ qui frere fu au dit sage roy m’ot par l’acointance de mes +dis livres & volumes prise a amour/ lesquieulx ne lui avoie ancore pou +de temps a presentez comme je ne les reputasse dignes de estre ouvers en +la presence de sa sagece/ mais comme sa benigne clemence plus +considerant je croy la constance de mon labour que grant soubtilleté +estre en mon oeuvre comme elle n’i soit moult les ot agreables/ sicomme +me apparu par la louange de sa parolle/ et plus par le effait de son bon +et grant secours a l’estat non de moy seulement/ mais de mon dit filz/ +de lui retenu a gages et bien amé serviteur Et moy semblablement a qui +avec les autres biens faiz tant daigna reputer mon savoir/ que il de sa +bouche me chargia que je tins a grant grace/ comme il desirast que la +belle vie et notables fais du sage roy susdit fust en propre volume mise +en registre affin que perpetuele memoire demourast au monde par bon +exemple de son noble nom que je compillasse des dictes choses certain +volume. + +¶ Helas et tost apres lors que sa grace vers moy de plus en plus +croisçoit le me toli par mort la desloyale/ la quelle mort fu +renouvellement des navreures de mes adversitez/ & semblablement grief +parte a cestui royaume sicomme ou dit livre que il me commanda/ non +ancore lors achevé je recorde en piteux regrais. + + + + +Conclut christine sa complainte a philosophie. + + +Or t’ay je dit tres reverend maistresse les motifs et causes de mes +ennuys passez/ et non pas tous/ car dieux scet que en grant quantité de +autres maulx & ennuys ay passé le temps que anuyeuses et longues +seroient a dire/ et la perseverence de yceulx qui dure encore/ ne de la +fin je ne voy signe. + +¶ Du temps present comment il m’est te dis que non obstant supplicacions +& requestes que par force de divers survenus affaires & partes en la +maniere dessus dicte par les floz infortunez souvent courans sur moy que +j’ay aux princes françois qui ancor vivent baillees/ mainte foiz +requerant leur secours/ non pas les adjurant par mes merites/ mais +suppliant par l’ancienne amour qui tira mon dit pere par de ça leur +serviteur et par ses bien fais a moy delaissiee et hors de son lieu a +son petit maisnage voulsissent secourir/ mais que je ne mente ne soie +ingrate/ le secours de aucun d’eulx comme il m’ait assez esté tardif +presenté par assignacion non de grans choses/ ancore la longueur de la +paye/ & ennuyeuse poursuite de leurs tresoriers auques estaint la value +de la grace et merite du bien fait/ O chere dame que cuides tu quel +peine/ c’est a femme de ma faculté abstrate assez/ et pou chalant des +aluchemens de couvoitise convenir contre ma naturel condicion non moult +curable ne ardant sur les desirs de peccune/ mais par neccessité +contrainte de grans charges poursuivre a grant train ces gens de finance +pourmenee de jour en jour de leurs belles parolles/ Et ainsi va au jour +de huy a l’estat de mon vesve colliege/ dame honoree a qui riens n’est +occult Et tu meismes qui scez que petit me chault des amas & assemblees +de tresors ne de croiscence d’estat fors soustenir cellui venu de mes +devanciers comme folle ancore de en curer/ recognoissant que tout est +vent chose mondaine/ ne que mes pensees ne sont es desirs de superflus +paremens ne delicatifs vivres me soies tesmoing que seulement l’amour & +charge agreable que je ay de ma bonne mere en viellece sur les bras de +sa seule fille qui n’est oublieuse des grans materneulx benefices d’elle +receus/ voluntaire du meriter comme droit est me rent perplexe et +adoulee quant fortune ne seuffre a ma voulenté sortir son bon effaict & +que femme de si parfaict honnour et si noble vie et bel estat comme est +et a tous jours esté/ celle ne soit tenue et ordenee selon son droit/ +avec les autres charges de povres parentes a marier & autres amis & ne +voie de nulle part fortune propice pour mon secours. + +¶ Encore au propos des pointures de mes dolentes pensees avec mes autres +anuys/ cuides tu que devant la face de fortune ne me repute peu eureuse/ +quant si voy ses autres accompaignez de leurs lignages freres et parens +d’estat & aisiez/ eulx resjouyr ensemble/ et je pense que je suis hors +des miens en estrange lieu/ & mesmement .ii. freres germains que j’ay +sages preudes hommes & de belle vie/ que il a couvenu que par ce que de +ça n’estoient pourveus que ilz soient alez vivre ou pays de la sus les +heritages venus du pere/ et moy qui suis tendre & a mes amis naturelle/ +me plains a dieu quant je voy la mere sans ses fieulx que elle desire/ & +moy sanz mes freres/ Et ainsi peus tu veoir chere maistrece que tout au +contraire de mes desirs m’a fortune servie qui ancores persevere en ses +malefices. + +¶ Et que de ces choses dis voir dieu qui proprement est toy & toy qui +proprement est lui le savez. Si reviens a ce que devant est dit que +comme fortune m’a contraire ades continue par tieulx molestes qui ne +sont a cuer femenin & foible pas petites plus me grieve l’empeschement +que a l’estude par ses occupacions me fait qui mainte foiz troublent si +ma fantasie que ne peut vaquer l’entendement au bien qui lui delite/ +tant est ofusqué par ses dures pointures/ que ne fait le fait du mal que +j’en seuffre. + + + + +Respont philosophie a cristine. + + +Quant ainsi je oz toutes mes raisons finees je me teus quoye/ adont la +excellent deesse parla ainsi que se semblant feist de sousrire/ tout +ainsi que fait un sage quant les raisons du simple lui sont presentes/ +mais non pourtant mon ignorence ne me toli l’aisance de sa digne +parolle/ qui ainsi me dist Certes amie a tes parolles cognoiz comment +folle faveur te deçoit es jugemens de ton meismes estat/ O creature +avuglee qui attribues a male fortune les dons de dieu et son propre +galice dont il t’abeuvre/ Et pour quoy te plains tu par ingratitude des +biens que as receus/ et certes moult est perverti l’estommac qui propice +viande reçoit/ & la convertist dalmagiablement a sa nourriture/ Et ou +est doncques le sens de ton entendement qui ne cognoist ce qui lui est +prouffitable/ et que tu es deceue te prouveray par pratique de groz +exemple tout ainsi comme l’expert medecin qui considere la faculté de la +nature & compleccion de son pacient & selon sa force ou foiblece lui +donne purgatoire et medicine/ ainsi useray en toy de regime tenue et +legier pour la foiblece de l’estomac de ton entendement a qui choses +pesantes et ponderans teles ou semblables que jadis donnay a mon amé +boece sicomme en son livre as trouvé seroyent fortes a digerer et +convertir a la sustentacion de ta neccessité/ Et pource comme exemples +ruraulx soient aux simples cause de plus legierement comprendre les +fourmes des choses par celle voye sus fondement de sainte escripture la +plus seure/ te ramenray se je puis a vraye cognoiscence de ton tort. +Belle amie par ce que comprendre puis en ton fait moult te plains et +tiens mal contempt de fortune que tu dis estre et avoir esté ja lonc +temps ennemie de ta prosperité/ & que tres lors que en france conduisi +tes parens & toy avec eulx ourdi le las de tribulacion ou conduire te +vouloit/ Et puis les autres aventures tu dis estre venues a ton grant +grief aux quelles choses non a toutes particulierement/ Car n’en est +besoing/ mais assez servira pour chacune ma general responce te +monstreray ta vehemente folie & la descongnoissance qui te deçoit en +ceste partie/ et te destourne d’aviser le vray de ton fait/ avises un +pou en toy meismes les grans persecucions & mortieulx inconveniens qui +ont puis esté & ancore sont comme il ne puisse estre en paix/ ou pays +dont tu es nee/ et penses a certes se dieu te fist point grant grace non +obstant que t’en plaignes de oster toy et les tiens de entre les flames +de ceulx qui se bruslent/ cuides tu par ta foy que eschappee en fusses +jusques au jour d’uy sans ta part avoir du mal/ ou sur toy/ ou le veant +avoir a de tes amis Car meismes par de ça as tu plouré de tes charnelz +qui s’en sont sentus/ mais apres je me ry de ta niceté qui attribues a +la poissance de fortune la mort et trespas de creature humaine/ sicomme +tu dis du roy Charles & de tes autres amis/ et ce qui est ou secret de +dieu escript qui toutes choses dispose & gouverne a son bon plaisir/ +C’est a savoir la fin et terme de vie humaine/ Il semble que vueilles +appliquer a aventure/ quant tu dis que fortune t’en despoullia Tout +ainsi comme se autre chose ne eust afaire fors soy occuper pour tes +nuisances/ Et scez tu la cause qui te meut a tieulx ymaginacions/ c’est +la trop grant faveur et tendreur que as a toy meismes & a l’aise de tes +plaisirs qui te fait tout ce qui avient contre ce que vouldroyes +attribuer au propos de ce que tu ymagines/ Car quant est de la mort du +roy et aussi des autres dieu les avoit ordenez a ce terme pour le +meilleur comme toutes choses ainsi le face/ & se le mieulx fust les +laisser fait le eust Et des jugemens de dieu quoy que ilz vous semblent +merveilleux n’est pas en vous deu discuter en hardies parolles/ car +comme il soit tout sapient/ scet bien que il fait. + +¶ Et des autres adversitez dont tu te plains resembles l’enfant trop +mignot qui se deult du petit coup de la verge que son pere lui donne/ et +ne scet cognoistre le bien que il lui fait/ ainsi certes te plains sanz +cause Car ne scez adroit que sont tribulacions/ & en ce monstres que tu +es femme tendre fresle et pou souffrant qui de pou se scent/ Et ce te +prouveray je par raison cy apres. + + + + +Le reconfort de philosophie. + + +Toy qui te plains pour un pou de tribulacions se elles te sont survenues +tout ainsi comme se dieu fust plus tenus a toy que a un autre/ Avises en +toy meismes que pevent dire plusieurs bonnes personnes et christiens +comme toy qui par estranges fortunes n’ont pas seulement perdu tous +leurs biens temporelz mais leur membres dont sont mahaignez par longue +maladie/ et par survenue aventure/ et en autres cas divers tourmentez en +esperit ou en leurs corps/ Et ancore avec ce en tel povreté que ilz +n’ont lieu propre ne chose pour eulx couvrir ne leur lasse vie repaistre +se ilz ne se vont traisnant par entre vous a grant peine/ cerchant voz +aumosnes ou souvent treuvent pou de pitié que dirons nous de ceulx la/ +ou des autres qui ont diverses grandes tribulacions en maintes guises +que ilz sont mal eureux infortunez et de dieu haÿs/ nennil nennil/ Ce +n’est mie selon les sentences de noz loys qui sont l’euvangile/ ains +dirons que beneurez sont tout ainsi comme dieu le dit lui meismes +d’yceulz et des paciens. + +¶ _Beati pauperes quoniam ipsorum est regnum celorum/ beati pacifici +quoniam filii dei vocabuntur._ + +¶ Si dis que tu juges follement Car ne sont pas infortunez au regart des +distribucions justes de dieu les plus persecutez ains sont les plus +beneurez en tant comme plus s’approchent de la vie jhesucrist en ce +monde en toute tribulacion. Pour vostre exemple. Si te dis que de tant +es tu eureuse et je le te monstre se nyer ne veulx la sainte escripture/ +comme tu approches aucunement a ceulx qui passent par tribulacion/ et +plus eureuse fusses mais que pacience avec fust/ se plus en eusses/ car +de tant seroit plus grant ton merite/ et se tu es ferme en la foy/ de la +quelle chose mal fus nee se il n’est ainsi/ point ne mescroiras ce que +je dis. + +¶ Et a ce propos ne dit saint augustin sur le .xxi.e pseaulme Sache dist +il tout homme que dieu est un medecin qui au malade pecheur baille +tribulacion pour medicine a son salut non pas pour peine de sa +dampnacion/ O malade pecheur quant tu reçois la medicine de dieu en +tribulacion tu te deuls/ tu te plains et cryes a ton medecin il ne te +escoute pas a ta voulenté mais il te escoute a ta santé. + + + + +Encore de mesmes. + + +Mais alons oultre pour dieu mercis savoir mon de quoy tu te peus clamer +de dieu ne plaindre de fortune/ et certes par ce que il me semble en toy +apperçois grant ingratitude & descognoissance quant de foison biens +graces que par tant de fois t’a faites & fait chacun jour/ non pas +seulement ne le remercies ains te reputes recevoir tres grant tort comme +se digne fusses non pas senz plus de mieulx avoir mais toutes choses a +ton souhaid/ & que il soit vray avise toy avise quans grans benefices et +dons de dieu si notables toy indigne as receus/ & chacun jour fais aux +quelles choses se bien penser y veulx & sagement en toy discuter tu +trouveras que les adventures qui avenues au monde te sont que tu imputes +a male fortune te sont propices & couvenables meismement a l’utilité de +ton vivre au monde et pour ton mieulx sicomme cy apres te monstreray +Mais ta sensualité te tolt vraye cognoiscence. + +¶ Je avise que entre les autres prosperitez .iii. choses entre vous +mondains sont que vous reputez comme les principales de voz joyes & +gloires & sanz partie de ycelles .iii. ou toutes je suppose que il n’est +quelconques richece qui content feist cuer d’omme/ Et qu’il n’est si +grant tresor des biens de fortune que cellui a qui elles faillent ne +voulsist avoir donné se il l’avoit pour posseder ycelles/ les .ii. sont +hors soy & l’autre en soy meismes La premiere est estre nez de nobles +parens la quelle noblece je entens des vertus/ La seconde avoir corps +sanz nulle defformité et assez plaisant saintif et non maladis/ mais +bien complexionné et de competant discrecion & entendement/ La tierce +joye qui n’est mie petite avoir enfans beaulx et gracieux au monde de +bonne discrecion et de bonnes meurs et craignans dieu/ O femme avises +ton ingratitude/ Es tu donques exaussie de celles belles graces avec +maintes autres que dieu t’a donnees/ il semble que oublié ayes comment +il t’est quant si meseureuse te reputes Est il femme au jour de huy que +tu cognoisces plus glorieuse de parens que tu es/ ne te souvient il de +la digneté de nostre noble philosophe ton pere qui de noz estudes tant +estoit familier que nous seyons en la chayere avecques lui devisant de +noz secrés et pour l’acointance de nostre industrie fu en son temps +repputé le suppellatif en noz sciences speculatives/ & avec ce vray +catholique comme tous jours & a sa fin paru/ et vertueux que je m’en +rapporte a toy que plus prises seulement & plus te prouffite la +rumignacion de son savoir qui demouree t’est que quelconques avoir non +obstant que t’en plaignes que il te peust avoir laissié/ penses se +contente de ce bien te dois tenir/ Que diray je de ta tres noble mere +scez tu point de femme plus vertueuse/ remembre toy depuis sa jonece +jusques au jour d’ui se vie contemplative constamment ou service de dieu +quelque occupacion que elle onques eust l’a nul jour laissiee je croy +que non/ O quel noble femme comme sa vie est glorieuse comme de celle +que nulle tribulacion onques ne suppedita ne brisa par impacience son +tres bon courage/ & quel exemple de vivre en toute vertu pour toy/ se tu +bien t’i mires/ avises combien grant grace dieu te fait ancore avec tout +de si noble mere laisser vivre en ta compaignie en sa viellece plaine de +tant de vertu/ & quantes foix elle t’a reconfortee & menee de tes +impaciences a cognoistre ton dieu/ Et se tu te plains que peine seuffre +ton cuer pour ce que vers elle te semble ne peus faire comme il +appartient je te dis/ ce vouloir avec la pacience est meritoire a toy et +a elle/ et de elle sanz faille la digne conversacion & vie esleue l’a +fait estre clere entre les femmes c’est chose nottoire et tres beneuree +Item quant au .ii.e/ en tes biens ne t’a par ta foy dieu donné corps +fort assez & bien compleccionné selon ta qualité lui en peus tu rien +demander/ se tu ne varies/ si gardes que de tel entendement que il y a +mis/ bien en uses/ ou se non/ mieulx te vaulsist moins avoir sceu/ Ce +qui touche a la .iii.e joye/ n’as tu enfans beaulx gracieux & de bon +sens/ ton premier fruit qui est une fille donnee a dieu et a son +service/ rendue par inspiracion divine de sa pure voulenté & oultre ton +gré en l’eglise et noble religion de dames a poissi/ ou elle en fleur de +jonece et tres grant beauté se porte tant notablement en vie +contemplative et devocion/ que la joye de la relacion de sa belle vie +souventes foiz te rent grant reconfort/ et quant de elle meismes tu +reçois les tres doulces et devotes lettres/ discretes et sages que elle +t’envoye pour ta consolacion es quelles elle jeunette et ignocente te +induit et amonneste a haÿr le monde et despriser prosperité. + +¶ N’as tu un filz aussi bel et gracieux et bien moriginez/ et tel/ que +de sa jonece qui ne passe .xx. ans du temps que il a estudié en noz +premieres sciences en gramaire on ne trouveroit ne rethorique et +poetique lengage naturellement a lui propice gaires plus apte et plus +soubtil que il est avec le bel entendement & autre bonne intiquative que +il a/ et que je ne mente es choses dictes assez sont magnifestes si que +chacun le peut veoir/ non pas le te dis pour toy induire a vaine gloire/ +mais affin que graces rendes a cil dont tout bien vient qui t’a donné +les diz biens & mains autres/ & lesquieulx fortune ne donne mie/ mais +lui de sa pure grace especiale a qui il lui plaist. + +¶ Des autres complaintes que tu fais de tes amis germains que tu ne vois +et qui de toy sont loings/ je ne fais compte Car comme ce monde ci ne +soit que un trespas dois esperer que par les prieres de la bonne mere et +la preudommie de eulx serés par la misericorde de dieu conduis en la +cité de joye c’est la sus ou ciel ou se dieu plait vous entre verrés +perpetuellement. + + + + +Blasme philosophie christine de ce que elle se plaint. + + +De ce que ton mari en jone aage mort te toli dont tu te plains je te dy +que dieu ne te fist nul tort quant son serf pour mettre en plus hault +degré volt ravoir/ et lui plut que tu demourasses en la vallee de +tribulacion pour esprouver ta pacience et pour toy affiner en vertu/ +Sicomme dit saint augustin sur le .lx.e pseaulme que en une meisme +fournase la paelle art & l’or se purge/ la paelle tourne toute en +cendre/ & l’or de toute escume et ordure se nettoye/ Et que est a +entendre la fournase doulce amie scez tu/ c’est le monde ou tu es/ la +paelle/ Ce sont les mau prouffitans/ l’or/ ce sont les justes/ le feu/ +c’est tribulacion/ l’orfevre/ c’est dieu/ Ce que l’orfevre a voulu faire +de toy/ il te doit plaire/ ou il te veult mettre tu le dois vouloir/ tu +as commandement de endurer il a l’office de purger/ et combien que la +paele arde en ce feu/ c’est la douleur que tu sens/ toutevoye se tu es +sage tu t’y purges comme l’or. + +¶ Et ancore avec tout ce que le mieulx ait esté pour toy/ et au prouffit +de ton sens le te monstreray Il n’est ou monde plus grant bien et toy +meismes pas ne le me nyeras/ que cellui qui vient de l’entendement/ & +qui le parfait en savoir/ la quelle chose fait estude qui apprent +science/ et experience de moult de choses/ Ces .ii. causes font la +personne estre sage se faute de l’entendement ne lui tolt a ton propos +il n’est mie doubte que se ton mary te eust duré jusques a ore/ l’estude +tant comme tu as ne eusses frequenté Car occupacion de maisnage ne le +t’eust souffert au quel bien d’estude tu te mis comme a la chose plus +esleue selon ton jugement apres la vie qui est de tous poins pour les +parfais c’est la contemplative/ la quelle est vraye sapience/ le quel +bien d’estude je sçay que confesseras que pour tous les biens de fortune +ne vouldroies quelque pou que y ayes fait ne t’i estre occuppee & que la +delectacion qui tant t’en agree ne eusses Dont ne te dois tu pas tenir +pour meseuree/ quant tu as entre les autres biens une des choses du +monde qui plus te delite et te plaist a avoir/ C’est a savoir le doulx +goust de science. Item se riche et garnie & sans tribulacion fusses +demouree/ en delices te fusses nourrie/ lesquelles choses conduisent +creature a plusieurs inconveniens/ Si n’eusses mie l’experience de +congnoistre le monde/ et cause de tant le haÿr/ la quelle chose dieu +veult/ Et par consequant ne fusses si savant/ car saches de vray que les +riches que chascun agree non mie pour eulx/ mais pour le leur/ n’ont si +grant cause de congnoistre les fallaces du monde ne lesquieulx sont +leurs vrays amis comme ont ceulx qui les espreuvent et qui passent par +adversitez Car il leur semble pour ce que le monde leur rit que il ne +soit autre paradis et que il soit vray/ toy meismes as ouy mainte foiz +dire a de yceulx riches/ qu’ilz vouldroient que dieu gardast son paradis +et a tous jours les laissast en ce monde/ Or regarde a quel prejudice +tournent les delices quant ilz ramainent la voulenté qui doit suivre +raison a tele bestialité que elle ne use ne que une beste mue ne mais +aux pastures basses/ & ne se lieve ne regarde a son propre lieu naturel +qui est le ciel dont l’ame fourmee a l’image de dieu est venue et doit +tendre a aler Et que il soit vray que les espreuves de tribulacion te +soient prouffitables je me rapporte a toy que se dieu te ramenoit a un +pou plus d’aise de prosperité que pour riens ne vouldroyes que +tribulacion ne eusses essayee/ Or conclus en toy meismes et prens garde/ +puis que ainsi est que a l’entendement & au bien de ton corps sont +valables/ se a l’ame/ se bien en as usé plus sont proufitables/ Car dit +saint augustin sur l’euvangile saint jehan/ Les tribulacions que dieu +veult que tu ayes a souffrir en ce monde/ ce n’est pas peine de +dampnacion/ ains est le flayel de correccion Et vous enfans de dieu +estes appellez a l’eritage pardurable/ Et si ne daignez estre flayelez. + + + + +Encore de ce mesmes. + + +Apres il me semble que tu te plains Et dis que comme tu fusses choite es +las de dure fortune tantost que tu fus vesve te assaillirent les mauvais +par divers travaulx de plais & de plusieurs inconveniens que ilz te +bastirent O ma chiere amie/ ce n’est pas de nouvel que les mauvais +persecutent les ingnocens qui deffendre ne se scevent ou pevent/ mais +non pourtant que ce soit a leur dampnacion/ yceulx persecuteurs/ se bien +a ton utilité sceusses user des trais de leurs dars seroient les +orfevres de ta couronne// Car dit saint jerome en l’epistre a ciprian +que de tant comme creature humaine plus est afflicte par poissance +d’ennemis & de cruauté/ et de tant plus croist la couronne de son loyer/ +O folle qui plouroies par desconfort a ton foyer comme dit as ou temps +de tes tribulacions/ helas & ainsi faisoies de ton prouffit ton dommage/ +se par impacience estoit Car dit saint augustin/ beau filz se tu pleures +gardes que ce soit soubz la correccion de dieu ton pere et non mie par +impacience/ car la verge dont il te bat n’est mie punicion/ ains est +signe que tu as part en son testament Car dieu t’envoioit ton mieulx et +user n’en savoies Or regarde les beaulx enseignemens des sains docteurs/ +car de tel viande te vueil je repaistre comme elle soit plus penetrant +par aventure en ton entendement que force d’argumens ne seroit/ de quoy +autre foiz usay en confort de creature humaine. + +¶ Helas ne t’enseigna en ce pas ci saint gregoire ou .x.e livre de +morales que tu devoies faire lors que il dit tieulx parolles/ de tant +dist il/ que nous endurons pour l’amour de nostre dieu plus paciemment +tribulacion de tant plus croist nostre esperance en lui/ Car la joye de +retribucion pardurable ne peut estre cueillie se premierement n’est +semee en affliccion/ Et escoute un beau vers de ses parolles. + + ¶ Les maulx qui ycy nous estraignent + a aler a dieu nous contraignent. + +¶ Et combien que ci devant t’aye dit/ et il est vray que cause n’eusses +de si grant affliccion avoir selon le effait des choses comme tu dis que +avoyes/ Toutevoyes puis que te reputoies mal eureuse tu l’estoies/ et +c’estoit ce qui le te faisoit estre/ Car se toy meismes ne t’i +reputasses ne le fusses mie/ Dont puis que maladie ta meismes reputacion +te donnoit medicine/ Il couvient a quelque cause que le mal soit venus +mais a celle fin que a de tes amies ou amis semblablement enformez/ ou a +d’autres simples ou ignorens du coliege chrestien a qui ce vendra a +congnoissance puisse mon remede estre valable/ le regime a garison +prouffitable de tel maladie ne te sera par moy vee/ Et ancor voy que +maistier en as/ et a propos que de pou te plaignisses. + +¶ Escoute que dit Cassiodore sur le psaultier/ nous endurons dist il +petites choses mais s’il nous souvenoit bien quel buvrage pour nous but +en la croix de nostre seigneur qui a lui nous appelle/ nous avons +matiere de pacience O creature se il est ainsi que tribulacion tu ayes +receue ou reçoives/ Comment dieu t’a donné belle maniere de vivre se +bien en scez user/ car tribulacion euvre l’oreille du cuer mainte foiz +la ou mondainne prosperité la clot. + + + + +Encore de ce. + + +De ce que tu m’as dit/ que cheus en paroles de ce de quoy tu estoies +ignocent dont tu te troubloies O chiere amie quelle gracieuse punicion +dieu qui t’aime & n’est mie doubte que mainte fois l’as courroucié par +divers pechiez Il te volt donner par te corriger en ce que tu n’estoies +mie coulpable pour les pechiez muciez par aventure en conscience ou par +effait en quelque maniere que commis avoies/ et ainsi mainte foiz le +fait a creature Car en la chose dont n’est mie en coulpe la pugnist +d’autres divers pechiez mais c’est grant purgacion pour cellui qui est +persecutez de son innocence/ et les flaiolz des mauvais sont les +instrumens de sa gloire/ Et de cessi dit saint gerome es morales ou +.xx.e livre le tout poissant dist il seuffre en ce monde que les mauvais +griefvent les bons/ a ce que par la forsennerie des reprouvez soit +purgee de la vie des esleus/ Et n’est point a cuider que jamais dieu +souffrist que les mauvais ainsi cruellement tourmentassent les non +coulpables ou les bons se il ne veoit combien il leur prouffite/ Car +quant les mauvais forcennent sur les non courpables Adont sont luisans +les ignocens & purgiez & la perversité des mauvais plus redonde sur la +perdicion de eulx O dieux et de entre vous qui passer voulez de delices +en delices c’est a savoir des ayses de ce monde que vous desirez aux +biens celestiaulx la quelle chose ne se peut faire. + +¶ Escoutez que dit saint gregoire en une omelie quant je considere dist +il job couché sus un fumier comme mesel/ Saint jehan baptiste mourant de +fain en un desert/ saint pierre estendu en crois/ saint jaques decolé de +herode/ Je pense comment dieu tourmentera a son jugement durement ceulx +que il repreuve/ quant ycy presentement il afflict si durement ceulx que +il aime et appreuve. + +¶ Et entre vous mondains qui pensez en voz petites tribulacions que dieu +vous ait oubliez Et que fortune vous persecute/ Pensez vous que il soit +plus tenus a vous que a ses autres bons amis a qui tant laissa souffrir. + +¶ Mais de ycelle souffrance escoutez que dit saint bernard en un sermon/ +mes freres dist il nous sommes en ce monde ainsi comme en un champ de +bataille/ Et pour ce qui ycy playez de tribulacion n’apperra ne recevra +en l’autre la victoire de la couronne glorieuse/ O belle amie que cellui +est sage & vray/ Bon mainnager ou celle/ qui toutes choses scet bien +traire a son prouffit & bien en user soit de prosperité ou d’aversité/ +mais comme les delices mondains soient plus fors a en user au prouffit +de l’ame que les tribulacions nostresire pour bien de creature +communement les envoie a ses mieulx amez/ Car nient plus ne lui +cousteroit a envoyer prosperité que aversité/ mais soyez certaine que +lui qui scet vostre fragilité le fait pour le meilleur de cil a qui +l’envoye/ Car non obstant que vous en murmuriez par impacience souventes +fois si estes vous plus actes en la voye de tribulacion a aler ou ciel +que ceulx qui sont nourris es grans delices/ et que il soit vray se +mescroire ne voulez comme heretiques les saintes escriptures & les sains +docteurs moult en avez de preuves/ Car se tu me dis que fortes sont a +passer les tribulacions de ce monde & que elles dueillent griement. + +¶ Helas escoute a ce propos que dit crisostome sus l’euvangile saint +mathieu/ se aucun dist il repute la voye de ceste vie laborieuse pour +les afflictions qui y sont il accuse sa parece/ Car se aux maronniers +les floz de la mer & les tempestes et les gelees de l’iver aux +laboureurs/ et les playes orribles navreures aux chevaliers/ Semblent +estre legeres a porter pour l’esperance du gaing/ ou de l’onneur +temporelle que ilz en attendent par plus forte raison nous doivent +sembler aysiees les tribulacions de ce monde pour les quelles nous est +promis paradis en loyer. + +¶ Ha dieux & avec tout ce pensez vous point entre vous pecheurs que ayés +desservi par maintes diffames ancore trop plus grant punicion que +souffisant n’est de pugnir l’aversité que vous avez/ Et quant dieu selon +sa misericorde amodere et adoulcist vers vous sa justice pour un pou au +regart de voz maulx vous donner a souffrir/ n’estes vous bien tenus a +lui/ Et a ce propos dit pierre de ravenne en une epistre/ dieu dist il +te pugnist en ce monde a ce que la peine temporelle rachate tes ardeures +de la mort pardurable/ Car ainsi que les pierres ne sont mises en +edefice se premierement ne sont taillees & au martel acquerries ne le +grain n’est point mis ou grenier tant que au fleau soit batu/ aussi ne +peus tu estre logié en l’edefice de paradis ne mis ou guernier des +esleus se tu n’es esprouvé par tribulacion. + + + + +Encore de reconfort. + + +Amie chere par ce que dit t’ay/ me semble que assez doit souffire au +propos que au premier je promis te monstrer ton tort des grans reclaims +que m’as fais de tribulacions que tu dis avoir passees n’estre si +grandes que tu les poises/ & aussi que pour ton prouffit te sont +premises se en toy ne tient. Assez me semble t’ay prouvé souffisamment/ +mais sur le temps present ou quel tu dis ancores durer tes infortunes ou +tu ne vois ne cognoiz voye de relachement/ Te respondray confondant +pareillement tes oppinions en ce que tu ymagines. + +¶ Et apres pour le temps avenir se croire me veulx tout ainsi comme le +bon medecin quant il a curé son malade/ lui baille regime pour preserver +sa santé & affin que il ne renchee/ te bailleray ordre et voie de estre +conduite a la vraye felicité ou tout cuer humain doit tendre comme il +n’en soit point d’autre/ Et premierement pour ce que tu ne congnoiz ton +estat le te fere congnoistre/ te feray une demande Car par ce que de toy +entens tu ne te tiens mie content de telle porcion que tu as de biens Et +t’est avis que assez de autres abondent en superfluitez de choses dont +escharceté as et souffreté/ Si te demande se tu congnoiz homme ou femme +soit prince princesse ou autre des plus remplis des biens de fortune/ +soit en seignourie/ estas honneurs et autres dignitez/ je te parle de la +vie des mondains/ & en resserve les speculans nobles de entendement/ que +tu voulsisses avoir changié ton simple estat & maniere de vivre/ la +voulenté que tu as et l’amour et delit de estude que tu prens a ta vie +solitaire pour avoir la cure & charge de tant de divers faisselz/ Et +dame de conscience et l’ardeur de couvoitise & tout tel courage comme a +le plus eureux & fust meismes converti ton corps foible & femenin en +homme pour estre transmuee de condicions et de tout en cellui ou celle a +qui tu reputes es biens mondains fortune plus propice/ adont respondis a +la dame honoree/ dame a quoy me fais tu ceste demande/ ne scez tu que +couvoitise tant ne me suppedite que pour tous les biens de fortune +voulsisse avoir changié mon estre a cellui d’un autre pour toutes ses +richesces/ O folle et comment peut estre que apres tele sentence tu te +reputes mal eureuse et puis que mieulx te souffist ton estat que cellui +de un tres poissant riche ne feroit/ pour le laissier donc te reputes tu +plus riche c’est a savoir plus eureuse que le plus riche qui soit tant +que touchent ses richesces/ Car comme toute chose tende tous jours a sa +perfeccion/ se tu reputoies le plus riche plus parfaict que toy/ tu +vouldroies doncques ton estre avoir au sien changié/ Et ainsi peus tu +veoir que le mal ou le bien que les gens ont leur vient par cuider et +par oppinion & non mie des choses/ Car cellui est riche qui plus ne +couvoite/ et cellui est povre qui art en desir/ amie chiere ci n’as pas +mauvaise cause/ or te souffise doncques l’estat ou dieu t’a appellee/ Et +de ce que tu te complains de la charge de plusieurs parens que il te +faut avoir/ prens la en pacience et fais ton devoir/ Car tout est pour +ton merite/ & te resjouis en ce que ilz sont bons/ & espere en dieu +comme dit le psalmiste et fais bien/ Car il ne te fauldra ja/ nature est +de pou soustenue qui vit a la neccessité de nature il se sauve. Mais qui +vit selon les supperfluitez de delices il se pert et dampne & accourse +ses jours. + + + + +Le reconfort de philosophie aleguant la sainte escripture. + + +Mais pource que tu n’as pas ancore la mer de ton pelerinage toute passee +te tendray de promesse verité sus l’enseignement de ton vivre. + +¶ Tu qui felicité desires se parvenir y veulx viens a moy je te ouvreray +la voye/ la quelle non obstant que toute soit plaine de tribulacions/ +aler n’y peus par autre chemin et pour ce que entre les autres peines +dures a souffrir semble entre vous mondains que injure et persecucion +sanz cause receue de voz prochains soit a porter paciemment la plus fort +chose fonderay l’entree de nostre oroison sur ce que dit a ce propos +saint gregoire sur ezechiel/ tous les biens dist il que nous faisons +sont nulz se paciemment nous ne endurons les maulx que recevons de noz +prochains Et de ce nous donna exemple Jhesucrist qui plus souffry de son +meismes peuple que autre homme ne pourroit souffrir. + +¶ Mais bien dit voir grisostome/ quant sur l’epistre saint paul aux +ebrieux il dist/ il n’est riens qui si grant confusion au persecuteur +qui autrui persecute face que de endurer paciemment & forment ses +injures/ et ne lui en rendre vengence en fait ne en parolle. + +¶ De ce parla hue de saint victor ou .iii.e livre de l’ame/ grant vertu +dist il est a cellui qui est blecié se il espargne cellui a qui il +pourroit nuire Car c’est la plus noble victoire que homme puist avoir +que de espargner par vertu cellui a qui grever pourroit. + +¶ Et que les mauvais soient communement persecuteurs des bons/ ne fus +pas repunante a ce que devant est dit/ quant je dis a mon amé boece que +ceulx de nostre prophession desirent a estre haÿs des mauvais/ Car comme +toute chose hee son contraire ne seront pas leurs hayneulx participans +de leurs mauvaistiez. + +¶ O gens mortieulx ce dit boece pour quoy la hors querez la beneurté qui +assise dedens vous est ignorence vous deçoit/ car la pure vraye beneurté +est avoir de soy meismes la seigneurie Car homme n’a si chere chose +comme soy meismes Et ce ne lui peut fortune tolir/ Et affin que tu +saches que es choses de fortune ne peut avoir felicité je te dy que +felicité et beneurté sont les souverains biens de nature Et ce est +raison et entendement & bien souverain ne peut estre perdus/ Et ces +meismes paroles que je te dis pareillement dis a mon amé boece// Donques +entre vous usez des dons de dieu et laissez aler ceulx de fortune/ et +apprenez a seignourir vous meismes & adont ne vous seront tant grevez a +porter les tribulacions pour l’amour de cellui pour qui le ferés. + +¶ Car dit a ce propos saint gregoire ou .v.e de morales se la pensee de +l’omme est adreciee en dieu par forte entencion/ quanqu’i est amer en +ceste vie lui semble doulx/ & tout quanque afflict il repute repos. + +¶ Ancore dit le benoit gregoire sur ezechiel dieu avec ses dons nous +mesle ses fleaulx/ a ce que tout quanque mondainnement nous delictoit +nous semble amer/ et affin que en noz courages un feu se alume de +charitable pacience qui nous excite tous jours au desir du ciel. Et +ainsi nous morde delitablement/ nous tourmente souefvement/ et qui nous +contriste joyeusement Ha dist il ou premier de morales/ le benoit job +quant dieu souffroit que il fust de l’ennemi frappez/ autant de voix de +pacience comme il rendoit en ses tourmens autant de dars il regitoit +contre son adversaire/ Et assez plus grans coups lui donnoit que il ne +soustenoit. + +¶ Et en ce dist il lui meismes est discernee la pensee juste de la +pensee injuste Car la juste en tous estas et en toutes adversitez +confesse la louange du tout poissant/ & l’injuste ne fait que murmurer. + +¶ Et de ce dit saint ambroise sus le pseaume de _Beati inmaculati_/ En +ce as tu le grant merite de pacience se toy existant subget aux +tribulacions tu loes les jugemens de dieu/ se tu grevé de maladie tu +rens graces/ et en quelque estat que tu soies plus afflict & tant plus +prouffites. + +¶ Que te diroye de la noble vertu de pacience se toy existant subget aux +tribulacions/ tu loes les jugemens de dieu/ se tu grevez de maladie/ tu +rens graces & en quelque estat que tu soyes plus afflict et tant plus +prouffites. + +¶ Que te diroye de la noble vertu de pacience/ c’est celle en toute +somme qui est la maistre portiere de paradis/ et sanz qui les autres +vertus ne tiennent lieu Et ce conferme Cassiodore sur le psaultier/ +pacience dist il est la vertu qui vaint toutes choses non mie en +combatant mais en souffrant non pas en murmurant mais en rendant graces +C’est la vertu qui nettoie toute l’ordure de volupté & qui a dieu rent +les ames cleres. + + + + +Instruit philosophie a despriser les biens mondains. + + +Et de ce que entre vous tant amez les assemblemens des richeces/ & tant +vous traveillez pour ycelles m’en tairay je dont non feray Car combien +que par aventure petit penetreront mes parolles es courages obstinez/ +non pourtant viennent avant les notables au propos de leur vitupere/ +lesquieulx le dit boece nostre amé recite en son livre de reconfort/ et +les approuvons par l’escripture sainte en la maniere encommenciee/ et +avisez quelle introite d’ycelles/ veulx tu dist il assembler peccune il +couvient que tu la soubtrayes a qui que soit veulx tu avoir dignetez tu +seras ou desdaing des envieux/ veulx tu surmonter les autres/ tu seras +en peril de hayneux/ se tu montes en poissance/ la paour de decheoir ne +te laira point/ veulx tu renommee avoir il te couvendra moult souffrir +veulx tu delices/ tous ceulx te despriseront qui serf te verront a tes +aises/ Et pour ce peus notter que ces voies ne font pas l’omme riche +C’est a savoir assouvy. + +¶ Escoute ancore ces propres parolles/ certes dist il les richeces +n’estaignent pas l’avarice que l’en ne peut saouler/ ne la poissance ne +fait estre seur cellui qui de lians est enchaennez/ Et quant povoir +vient aux mauvais il ne les fait pas bons mais descueuvre et monstre +leur mauvaistie dont veu ce que vous avez joye de mettre voz cures a +choses qui autre sont que vous ne les nommez & que l’en peut assez +reprendre pour ce que elles ne sont ne vrayes poissances ne vrayes +dignitez/ Je puis conclurre de toute fortune que il n’y a chose qui a +desirer face ne qui naturellement soit bonne quant tous jours elle ne se +joint pas aux bons & que a ceulx a qui elle se joint elle n’est pas +bonne. + +¶ Et assez s’acorde a ceste sentence aristote quant ou livre de bonne et +de male fortune dit que la ou est le plus grant engin et entendement +n’est mie tous jours la meilleur fortune/ Et souvent avient que la ou +fortune est plus propice n’est mie le plus grant entendement. + +¶ Et ce est contre les arrogans qui presument d’eulx/ Et cuident que +quant fortune leur est propice que ce soit pour leur grant savoir ou +value/ mais comme l’experience du contraire nous soit magnifeste veons +le plus des bons et de cler engin mal fortunez es biens mondains/ Et +pource est voir le proverbe des lombars qui dit/ a fol aventureux n’a +lieu sens/ mais dit boece que plus prouffite la male fortune que la +bonne Car la bonne fait semblant de beneurté/ Et ainsi elle ment comme +en ses biens n’ait beneurté/ Et la mauvaise est vraye en ce que elle +monstre par soy changier que elle n’a point d’estat seur/ La bonne +donques deçoipt & la mauvaise fait sage par l’usage de tribulacion/ Et +certes Comme il dit les richesces ont donné nom a maint mauvais & sanz +vertu/ Et pour ce cuident yceulx que il ne soit autre bien ne plus digne +chose que avoir tresors pierres precieuses et grans seignouries/ O viles +dignetez et poissances du monde que entre vous exaussiez jusques au ciel +et ne savez qu’est povoir & vraye digneté/ & se mauvais vous a/ onques +grant elevacion d’eaues ou de flames plus ne dalmagierent. + +¶ Helas homme/ et se tu regardes ton corps/ tu ne trouveras pas plus +foible chose/ Car le mors de un chien ou une mouche/ se elle entre +dedens toy t’occist aucune foiz/ et de quoy peus tu qui tant te +orgueillis avoir povoir sus autre/ ce n’est ou corps & es choses de +fortune/ mais a force le cuer qui est franc & fort par le conduit de +raison n’est mie en toy de mouvoir. + + + + +Ci dit comment selon les diz de sainte escripture prosperité mondaine ne +fait a priser. + + +Et au propos ancore que dieux ait en reprobacion les mauvais riches & +que les simples ne se doient esmerveiller se il leur seuffre avoir des +biens temporeulz/ et consent que les bons soient persecutez Retournons +aux saintes escriptures/ Car de ce dit Bede sur l’epistre saint jaques +Ne soyez dist il point indignés se les mauvais flourissent en ce monde/ +Et vous serfs de dieu avez a souffrir/ Car ce n’est pas de chrestiane +religion estre exaussez en ce monde/ mais estre abaissiez/ & deprimez +Les mauvais n’ont riens ou ciel ne vous riens en ce monde/ Et pour ce en +esperance du bien ou vous tendez quelque chose que il vous aviengne en +la voye de ceste vie vous en devez esjouir. + +¶ Et ce tesmoigne saint gregoire en la .xl.e omelie sur les euvangiles/ +qui dit ainsi/ cellui que dieu het il lui seuffre avoir prosperité en ce +monde/ Et aussi retient il cellui que il aime soubz le frain de +tribulacion Et de ce monstra bien exemple mon seigneur saint ambroise +quant une foiz aloit par le pays & se volt logier pour la nuit en un +hostel/ si appella l’oste/ Et ainsi comme il avoit de coustume lui +demanda de sa fortune/ Le quel lui respondi que toute sa vie avoit +flouri en honneurs & habondé en richeces ne onques ne estoit decheu ne +en adversité maladie ne autre desplaisir/ mais tous jours lui estoient +venus ses choses a souhaid/ Adont ces choses ouyes saint ambroise s’en +parti/ et logier ne s’i volt combien que il fust nuit/ Et dit que +continuee succession de temporelle prosperité n’est mie signe de estre +amé ne esleu de dieu/ ains est signe de pardurable dampnacion. + +¶ Viengne avant Seneque & die a nostre propos son dit. voy le ci en la +.lxxxvii.e de ses epistres/ Se tu veulx avoir dist il la vraye +extimacion de l’omme/ et savoir quel ou quen grant il est/ regardes le +tout nu/ ostes son patrimoine oste ses honneurs & les autres mençonges +de fortune et le regardes se tu peus non pas ou corps mais ou courage/ +et la verras tu quel et com grant il est la saras tu se il est grant du +sien ou de l’autruy. + + + + +Conclusion des choses susdites & ancore de ce. + + +N’avons nous mie assez prouvé qu’en richeces et honneurs mondains n’est +pas felicité/ donques nous couvient tendre a la trouver/ mais comme en +ce monde ne peut estre trouvee/ ancore treant a nostre propos dire nous +en couvient/ si appert assez estre vray ce que dit boece/ Les choses +n’ont pas honneur selons elles/ mais selons l’extimacion & opinion des +gens qui le donnent et rostent comme il leur plaist/ Et donques puis que +injustement se pevent tieulz honneurs donner je conclus que elles sont +villes O donques vaine gloire/ ce dist il respandue en multitude de +gens/ tu n’es autre chose fors enfleure d’oreilles/ Car on voit souvent +louer par faulse oppinion de peuple ceulx qui n’ont mie en eulx le bien +que on y dit/ Et ce ne peut estre sanz leur grant honte quant ilz +sentent que ce leur fault dont ilz sont louez/ Et se il est ainsi que +preudomme doye estre loué pour sa vertu/ que lui chaut quant il ne +quiert pas la faveur du peuple/ mais la bonté de sa conscience/ Et se on +tient belle chose avoir renommee/ aussi doit on tenir a laide qui ne +l’a. + +¶ Que diray je dist il des delices du corps quant on les quiert il +donnent grant traveil/ quant on les a ilz tournent a ennuy/ quant on les +a eues ilz engendrent enfermetez & tele est la paye de ceulx qui leur +fin y mettent// Or est donques ainsi/ ce dist il que richeces honneurs/ +royaumes/ seigneuries forces beautez et poissances ne donnent pas de +felicité/ Car riens digne n’est de estre appellé felix comme dit est +devant se il n’est perpetuel/ et comme teles choses ne le soient n’est +pas cellui felix qui les a/ mais voy cy que il dit apres/ veulz tu +savoir dist il la vraye felicité qui repaist l’ame et donne souffisance/ +Or tourne ta force d’autre part/ si verras celle qui donne poissance +gloire renommee & delit tout ensemble/ & ce est dieu autre chose ne +l’est Sicomme ou dit livre de boece je prouvay par sa bouche/ et les +fleurs de ycellui je ay cueillies et appliquees ycy a ton propos pour +faire d’une sorte un gracieux chappel avec les dis des sains docteurs +pour ton livre/ a la fin comme victorieux couronner/ Or viengnent les +roses de la sainte escripture avec noz violettes et frappons ancore +contre les arrogans du monde. + +¶ Tu ce dit saint augustin qui tant aimes le monde pour quel loyer +guerriez vous/ n’est ce pas vostre plus grant esperance que vous +puissiés estre amis du monde. helas et quel bien est cestui au quel on +ne peut venir fors par grans inconveniens. homme homme laissez perir +toutes ces vanitez/ et te convertis a la seule inquisicion qui a gloire +et n’a fin/ & qui est ce/ ce est seul dieu. + +¶ Helas ce dist il ancore en une epistre/ ce monde ci plus est perilleux +quant il se monstre souef/ que quant il se monstre moleste/ & plus a +eschever quant plus attrait a soy amer. + +¶ De ce meismes ancore dit sur l’epistre saint jehan le monde dist il +est plain de tribulacions et voy cy comment chacun l’aime/ que seroit ce +se il estoit paisible/ s’il estoit bel comment t’y appuyeras tu quant si +lait & tant conturbez si fort l’embraces/ Et quant des espines ne peus +retraire ta main/ bien cueilleroies des fleurs se elles y estoient. + +¶ A ce propos dit saint gregoire en une omelie/ veez cy dist il le monde +qui est en soy tout seq/ Et toutevoyes ancore flourist il en noz cuers +par tout mort/ par tout plain de plour/ et par tout en desolacion/ nous +sommes de tous costez ferus/ nous sommes de tous lez remplis de +amertume/ Et toutevoyes de nostre avugle charnelle pensee et +concupiscence nous aimons ces amertumes nous les suivons fuyant nous +nous espinons a lui trebuchant/ et pourtant que il trebuche nous ne nous +povons tenir avec lui sanz tresbucher. + +¶ Mais dit saint bernard en un sermon/ A qui jhesucrist prent a sembler +doulx/ c’est neccessité que lui semble le monde amer. + +¶ Encore dist il sur quantiques/ ce monde est tout plain d’espines ilz +sont en terre ilz sont en ta char/ & converser entre ces espines & n’y +estre point blecié c’est de vertu divine et non pas de nostre fragilité. + +¶ Mais de ce dit saint gregoire es morales ou .xxiii.e a ses esleuez qui +vont a lui/ nostre seigneur a fait le chemin aspre a celle fin que tant +ne leur plaise le repos de ceste vie en fourme de la doulceur du chemin +que ilz ne se delitent plus a cheminer longuement que a tost venir au +terme de leur repos/ & que tant ne leur plaise la voye que ilz en +oublient leur propre pays/ C’est le ciel. Mais voy cy que il dit apres +les cuers de esleus dist il qui attendent les joyes de paradis prennent +cuer et force es adversitez Car de tant que croist plus la bataille de +tant attendent ilz plus glorieuse victoire/ les desirs des esleus si +prouffitent tant que ilz sont ainsi affermez es tribulacions comme le +feu ardant que le vent rabat la flame/ et toutevoye le fait plus +croistre et combien que il semble que estaindre le doye il le enforcist. + + + + +Encore de ce mesmes. + + +Or trayons au terme de nostre oeuvre au quel te desir a l’utilité de ton +sens conduire c’est a savoir a la conclusion de la vraye felicité/ ou tu +dois tendre comme nous ayons assez monstré par maint dignes preuves que +sont faulces felicitez combien que la cure des choses morteles s’i +traye/ n’est mie celle/ ains est celle qui a en soy bien parfaict & qui +la plus ne peut desirer/ c’est dieu comme dit est/ car on ne peut penser +riens meilleur de lui/ il couvient dont que son bien soit parfaict/ Car +autrement ce dit boece/ et il est vray ne seroit il pas prince des +autres biens/ Si avons dit ce dit boece & aussi nous l’acordons que +felicité est souverain bien/ et tu vois que homme est beneureux quant il +a felicité/ & felicité si est dieu/ dont est homme dieu quant il a +felicité ainsi comme ceulx qui ont droiture sont droituriers/ & ceulx +qui ont sapience sont sages Et ainsi ceulx qui ont divinité sont dieux/ +& cil qui a felicité est dieu dont tous beneurez sont dieux/ mais par +nature il n’est que un dieu et par participacion il en est moult/ Et ces +parolles sont le propre texte du dit livre de boece en consolacion/ Or +avons trouvee celle benoite felicité que desirer devons/ mais que ferons +nous de celle felicité nous promet elle riens. + +¶ Viengne saint gregoire en son omelie et le nous die/ veez le cy/ se +nous considerions bien quelles et comment grans choses nous sont +promises es cieulx/ nous reputeriens villes toutes les choses que nous +pourriens avoir en terre/ Car toute la substance terrienne comparee a la +souveraine felicité nous est plus a charge que a ayde/ la vie temporelle +comparee a la vie eternelle est plus mort que vie/ Car le deffault de +nostre cotidiane corrupcion n’est mais que une prolixité de mort Mais +qui est ce qui peut raconter ne entendement comprendre com grandes sont +les joyes de celle souveraine cité/ estre tous jours present es +compaignies des anges avec les benois esperis/ estre assistant a la +gloire de nostre conditeur/ veoir le visage de dieu & la benoite trinité +face a face/ regarder sa lumiere incomprehensible/ n’avoir jamais paour +de la mort/ & soy esjouir du don de perpetuité. + +¶ De celle benoite trinité un petit parlons pour plus grant efficace +selon les diz des sains docteurs/ et en elle vueil que soit terminee ton +oeuvre qui te doint grace que ainsi soit a la fin ta vie/ Mais comment +oseras tu entrer a la mediter toy povre miserable creature. + +¶ Car dit saint augustin ou livre de la trinité que tout l’ost de pensee +humaine n’est pas assez fort pour soy ficher en celle excellente lumiere +pardurable se elle n’est bien purgee par justice de foy. Mais que plus +soubtilment je t’en declarasse n’est neccessité. + +¶ Car dit saint augustin ou sus dit livre que l’en ne peut plus +perilleusement ailleurs errer ne l’en ne peut riens plus laborieusement +querir/ ne l’en ne peut riens plus prouffitablement trouver que la +benoite trinité du pere du filz et du saint esperit en unité de essence +divine. + +¶ Mais de ce dit il lui mesmes ou livre des paraboles de nostre seigneur +parlant contre arrian/ nous veons dist il le souleil ou ciel courant +luisant et chault/ aussi/ ces .iii. choses a le feu mouvement lueur et +chaleur/ Se tu peus donques dist il faulx arrian devise l’une qualité de +l’autre ou souleil/ ou ou feu/ Et puis si devise la trinité/ Et pour ce +comme dit saint bernard en un sermon Trop enquerir de la benoite trinité +c’est perverse curiosité/ fermement croire et tenir de la trinité ainsi +que tient l’eglise et la foy catholique/ c’est seureté. + +¶ Il est ce dit ancore saint augustin en un sermon plusieurs trinité/ +c’est a savoir la trinité qui nous a fait/ la trinité qui nous deffait/ +la trinité qui nous refait/ la trinité qui nous a fait/ c’est la trinité +pardurable/ le pere/ le filz et le saint esperit. La trinité qui nous +deffait c’est une trinité miserable Quelle est elle/ c’est non +puissance/ ignorence/ et concupiscence/ et par ceste trinité miserable +est deffaite nostre trinité raisonnable C’est a savoir memoire +entendement et voulenté Car quant nostre ame se dechiet de la trinité +pardurable/ la memoire chiet en non puissance l’entendement en ignorence +la voulenté en concupiscence/ la trinité qui nous reffait/ c’est une +trinité prouffitable/ foy/ esperance/ charité/ foy des articles des +commandemens & des sacremens/ esperance de pardon de grace et de gloire/ +Charité de pur cuer de bonne conscience & de foy non pas fainte. + +¶ Mais veoir la benoite trinité ainsi que elle est c’est la vraye +felicité seule & souveraine/ et non autre ou doit estre le terme et fin +du desir de toute humaine creature/ a la quelle felicité te vueille +conduire celle benoite trinité un seul dieu regnant ou siecle des +siecles amen. + + + + +Respont christine a philosophie & la remercie en la personne de +theologie. + + +Adont se tut la dame honoree/ et je commençay a ainsi dire/ O tres +souveraine aministrarece de la pasture/ et du restorant medicinable qui +ne garist pas tant seulement le malade par tribulacion navré/ mais lui +rent vie force & vigueur par le doulx ongnement et liqueur de ton +reconfort/ Toy philosophie l’armoire et corps de toute sciences/ +lesquelles sont tes membres/ Je apperçois que il est vray ce qui est dit +de toy sicomme saint augustin recite Car tu es toutes sciences et a tes +amez te demonstres tele qu’il te plaist selon la voye que on te veulent +enquerre & a moy simple de ta digne grace t’es monstré en fourme de +sainte theologie pour repaistre mon ignorent courage le plus sainement a +mon salu/ ne m’as pas fait comme a ta chamberiere/ mais mielx que tu ne +promis/ C’est a savoir moy servie de tes plus prouffitables et dignes +mes qui viennent de la table de dieu le pere/ dont te mercy C’est +assavoir dieu qui est toy plus que ne saroie dire Et vrayement es tu +toutes les sciences/ Car tu es vraye phisique/ c’est a savoir theologie +en tant que tu es de dieu/ Car toutes les causes de toute nature sont en +dieu createur/ Tu es ethiques/ car bonne vie et honneste que tu formes & +apprens/ c’est a savoir a amer/ ce qui est a amer c’est dieu et le +prochain/ & ce la toy theologie monstres tu en la science de phisique & +de ethiques/ Tu es logique car la lumiere et la verité de l’ame +raisonnable tu demonstres/ tu es politique Car tu apprens a bien vivre/ +Car nulle cité n’est mieulx gardee que par le fondement et l’eaue de foy +et de ferme concorde a amer le bien commun qui est tres vray et +tressouverain/ c’est dieu de qui tu parles en la science en quoy a moy +t’es demonstree/ c’est a savoir theologie. O theologie que je vueil +louer dame en toy souveraine philosophie. Je congnois que quant homme +apprent hors de toy/ se il lui est nuisible par toy il en scet la +verité/ Se il lui est prouffitable aussi tu lui demonstres/ et quanque +il ara peu apprendre ailleurs se en toy ne refiert/ tout sera parte de +temps et ignorence/ Car tu es la sapience vraye/ ne autre chose n’est +que toy en qui est trouvé ce que ailleurs ne peut estre c’est vraye +felicité. + +¶ Et ce tesmongne de toy saint gregoire ou prologue du livre des morales +que tu as en publique ce de quoy tu peus nourrir les petis/ et de ce +l’experience en ma personne le me tesmongne/ Et gardes en ton secret ce +dont tu peus prendre les haulx entendemens en grant admiracion/ Car tu +es ainsi comme un fleuve qui semble estre si pou parfont que un aygnel y +prent pié/ Et si est si parfont que un elephant y peut nagier/ +Merveilleux est ton fleuve sainte theologie qui si pou semble estre +parfont a un aignel/ c’est a entendre a un bon simple qui y prent pié/ +Et si est si parfont a un elephant orgueilleux/ c’est aux plus haulx +entendemens qui a peine te scevent et non toute comprendre. + +¶ Et pour ce dit bien le benoit saint jerome en l’epistre a sa bonne +devote la vierge de mecriade/ use dist il de la leçon de theologie en +lieu de miroir pour corriger ce que tu as en toy lait/ et pour garder ce +que tu as en toy bel/ et te faire plus belle/ Car toy sainte theologie +as un miroir qui monstre les ordures et les apprent a nettoyer. + +¶ De toy et a ta louange de rechief dit le benoit docteur saint jerome +qui tant cherement t’ama que ainsi comme les tenebres de la nuit point +n’obscurcissent la clarté des estoilles du ciel Ainsi nulle mondaine +iniquité ne peut obscurcir les ames qui sont appuyees au firmament de +sainte theologie/ O dame sainte theologie/ tu m’as donné certaineté de +ce que dit de toy le benoit saint gregoire ton docteur ou premier livre +de morales que ta doctrine & sainte escripture aucune fois nous est +viande aucune foiz nous est beuvrage en lieu plus obscurs/ lors est ce +que elle nous est viande Car quant nous l’exposons c’est la viande que +nous machons/ et quant nous l’entendons c’est ainsi comme la viande que +nous avalons mais es lieux ou elle est plus clere elle nous est buvrage +Car quant elle n’a besoing de exposicion/ nous la humons ainsi comme +nous la trouvons// Dame que puis je dire de toy et du bien que tu m’as +fait/ de la sainte viande de ton repast qui m’a rassadiee & fait +congnoistre la ignorence de ma descongnoissance par quoy je congnoiz mon +tort par ce que tu m’as conclus/ Si di que toy sainte theologie et +divinité es une tres grasse viande qui contiens en toy toute delices +ainsi comme la manne qui aux juifs plouvoit du ciel qui assavouroit en +la bouche de chacun selon sa voulenté// Ainsi me depars de mon avision +la quelle je ay partie sicomme en .iii. differences de .iii. pierres +precieuses en leur proprietez/ la premiere est en fourme de dyamant/ le +quel est dur et poignant/ et tout soit il cler hors oeuvre quant il est +relié et mis en l’or il semble estre obscur et brun/ et toutefoiz ne se +meut sa vertu qui est moult grande/ La seconde est le kamayeu en qui +plusieurs visages et figures diverses sont empraintes/ et est son siege +brun et l’emprainte blanche/ La tierce au rubis precieux cler et +resplandissant et sanz nue obscure qui a proprieté de tant plus plaire +comme plus on le regarde. + + +Explicit le livre de l’avision de christine. + + + + +Table des chapitres + +[Note: Cette table des chapitres ne figure pas dans l’original.] + + + feuillet + La premiere partie parle de l’image du monde et les merveilles + que elle y vid. 1 + 1. Premierement dit christine comment son esperit fu transporté. 1 + 2. Ci dit l’ordre comment le dit ymage estoit repeus. 1 + 3. Comment christine fu transgloutie ou corps du dit ymage. 2 + 4. Comment elle se transporta de lieu en autre. 2 + 5. L’acointance que elle desiroit a avoir a une dame portant + couronne. 3 + 6. La complainte de la dame couronnee a christine. 3 + 7. Ci devise la dame couronnee de son commencement. 4 + 8. Dit la dame couronnee de ses gestes. 4 + 9. Encore de ce mesmes. 5 + 10. Des bons et des mauvais gouverneurs de la dame couronnee. 5 + 11. Ci parle la dame couronnee du bon gouverneur que elle ot. 6 + 12. De .ii. nobles oyseaulx de proye. 8 + 13. Ci dit la dame couronnee des contens qui furent pour elle + gouverner. 8 + 14. Ci se plaint la dame de ses Enfans. 9 + 15. Ci dit comment les vertus au monde sont emprisonnees. 10 + 16. Ci dit des vices qui queurent en general. 11 + 17. Du vent de perdicion qui cuert par la terre. 13 + 18. De la punicion des vices. 13 + 19. Encore de ce mesmes & complainte de la dame. 14 + 20. De ce mesmes. 15 + 21. Encore du vitupere des vices en general. 16 + 22. Piteuses paroles de la dame couronnee & recors de la sainte + escripture. 17 + 23. Encore de sa complainte. 18 + 24. Des punicions des vices. 18 + 25. Encore de ce mesmes. 19 + 26. Encore de ce. 20 + 27. Encore de ce. 21 + 28. Encore de ce. 22 + 29. La fin de la complainte de la dame couronnee. 23 + + La seconde partie parle de dame oppinion et de ses ombres. 25 + 1. Ci dit de quoy ces ombres servoient. 25 + 2. Comment l’ombre araisonna christine. 26 + 3. Les choses que l’ombre disoit a christine. 27 + 4. Encore de ce mesmes. 29 + 5. Ci dit l’ombre les oppinions de philosophie sus le principe + du monde. 29 + 6. Ancore de ce mesmes. 31 + 7. Les contre dis d’aristote aux autres philosophes. 33 + 8. Encore des oppinions. 34 + 9. De ce mesmes. 36 + 10. Encore de ce. 37 + 11. Ancore des oppinions des philosophes. 38 + 12. Cesse a parler des oppinions. 39 + 13. De l’ombre la poissance que elle a. 40 + 14. Encore dit de sa poissance. 41 + 15. Encore de ce mesmes & des seignouries. 42 + 16. Dit ancore l’ombre des choses que elle a faites faire. 43 + 17. Ce que l’ombre disoit des arquemistes. 44 + 18. Des nobles que l’ombre dit que elle deçoit. 46 + 19. Ce que l’ombre disoit des gens d’armes. 46 + 20. La fin de l’oroison de l’ombre. 47 + 21. Responce de christine a l’ombre. 48 + + La tierce partie parle de confort de philosophie. 50 + 1. Ce que christine dit a philosophie. 51 + 2. La complainte de christine a philosophie. 52 + 3. Dit christine de ses bonnes fortunes. 53 + 4. Entre a parler christine de ses males fortunes. 54 + 5. Encor de ce mesmes. 55 + 6. Balade. 58 + 7. Encore continue christine sa complainte. 59 + 8. Dit christine comment elle mua sa maniere de vivre. 59 + 9. Se plaint christine de jeunece. 60 + 10. Dit christine comment elle se mist a l’estude. 61 + 11. Le plaisir que christine prenoit a l’estude. 62 + 12. Se plaint christine de fortune qui lui osta ses bons amis. 63 + 13. Encore de ce mesmes. 63 + 14. Conclut christine sa complainte a philosophie. 64 + 15. Respont philosophie a cristine. 65 + 16. Le reconfort de philosophie. 66 + 17. Encore de mesmes. 67 + 18. Blasme philosophie christine de ce que elle se plaint. 69 + 19. Encore de ce mesmes. 70 + 20. Encore de ce. 71 + 21. Encore de reconfort. 72 + 22. Le reconfort de philosophie aleguant la sainte escripture. 73 + 23. Instruit philosophie a despriser les biens mondains. 75 + 24. Ci dit comment selon les diz de sainte escripture prosperité + mondaine ne fait a priser. 76 + 25. Conclusion des choses susdites & ancore de ce. 76 + 26. Encore de ce mesmes. 78 + 27. Respont christine a philosophie & la remercie en la personne + de theologie. 79 + + + + +NOTES DU TRANSCRIPTEUR + + +On transcrit le manuscrit «Français 1176» de la bibliothèque nationale +de France, daté 1405-1406. + +L’orthographe, la ponctuation et l’usage des majuscules sont conformes à +l’original. On a résolu les abréviations par signes conventionnels (de +type Cõe pour Comme), ajouté accents, cédilles et apostrophes, et +distingué entre i/j, u/v. On a introduit un nouveau paragraphe à chaque +pied de mouche (¶), et mis systématiquement une majuscule en début et un +point en fin de paragraphe. + +Les corrections figurant sur le manuscrit, réputées de la main de +Christine de Pizan, ont été appliquées. On s’est permis également de +corriger certaines erreurs manifestement dues au copiste. + +On a conservé la phrase en double «se toy existant subget aux +tribulacions...» qui figure également en double dans le manuscrit 10309 +de la bibliothèque royale de Belgique. + + + + +*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75554 *** diff --git a/75554-h/75554-h.htm b/75554-h/75554-h.htm new file mode 100644 index 0000000..70f7d05 --- /dev/null +++ b/75554-h/75554-h.htm @@ -0,0 +1,11001 @@ +<!DOCTYPE html> +<html lang="fr"> +<head> + <meta charset="UTF-8"> + <title>L’avision de Christine | Project Gutenberg</title> + <link rel="icon" href="images/cover.jpg" type="image/x-cover"> + <style> + +p { text-align: justify; line-height: 1.2em; text-indent: 1.5em; + margin: .3em 0;} +.noindent { text-indent: 0; } + +h1 { text-align: center; line-height: 1.5em; margin: 1em 0; } +h2 { text-align: center; line-height: 1.5em; margin: 4em 0 2em 0; } +h3 { text-align: center; line-height: 1.5em; margin: 3em 0 1.5em 0; } + +div.c, p.c { text-align: center; line-height: 1.5em; text-indent: 0; + margin: 1em 0; } + +.small { font-size: 90%; } + +ins { text-decoration: none; border-bottom: 2px dotted #555; } + +.poetry { text-align: left; margin: 1em 0 1em 5%; } +.stanza { margin-top: 1em; } +.verse { padding-left: 3em; text-indent: -3em; } + +hr { width: 20%; margin: 1em 40%; } + +.pagenum { position: absolute; right: 1%; font-size: small; font-style: normal; + text-align: right; font-variant: small-caps; color: #333; text-indent: 0; +} + +sup { font-size: smaller; vertical-align: 30%; line-height: 1em; } + +li { list-style: none; text-indent: -1.5em; padding-left: 1.5em; } + +div.flex { display: flex; justify-content: center; } +table { margin: 1em auto; } +td { vertical-align: top; } +td.bot { vertical-align: bottom; padding-left: 1em; } +td.c div { text-align: center; } +td.r div { text-align: right; } +td.drap { text-indent: -1.5em; padding-left: 1.5em; text-align: left; } +td.left1 { padding-left: 1.5em; } +td.padtop { padding-top: 1em; } + +.trnote { font-family: sans-serif; font-size: 95%; padding: .5em; + margin: 3em 0 1em 0; border: thin dotted; background: #f8f8f8; } +.trnote h2 { margin: .5em 0; } + +a { text-decoration: none; } + +div.gap, p.gap { margin-top: 2.5em; } +.break, .chapter { margin-top: 4em; } + +img { max-width: 100%; } + +@media screen { + body { max-width: 40em; width: 80%; margin: 0 auto; } + img { max-height: 700px; } +} + +.x-ebookmaker .break, .x-ebookmaker .chapter { page-break-before: always; } +.top2em { padding-top: 2em; } +.nobreak { page-break-before: avoid; } + + </style> +</head> +<body> +<div style='text-align:center'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75554 ***</div> +<div class="x-ebookmaker-drop c"><img src="images/cover.jpg" alt=""></div> +<div class="x-ebookmaker-drop break"></div> +<p class="c"><img src="images/illu1.jpg" alt=""></p> + + +<h1>Ci commence le livre de +l’avision de christine</h1> + +<p class="noindent">le quel est +party en .iii. parties. <a href="#p1">La +premiere partie</a> parle de l’image +du monde et les merveilles +que elle y vid.</p> + +<p>Item <a href="#p2">la seconde partie</a> parle +de dame oppinion et de +son ombre.</p> + +<p>Item <a href="#p3">la tierce partie</a> parle +de confort de philosophie.</p> + +<div class="break"></div> +<p class="c"><img src="images/illu2.jpg" alt=""></p> + +<div class="chapter"></div> + +<p><span class="pagenum">-1-</span></p> + +<h2 class="nobreak" id="p1" title=".i. de l’image du monde"> </h2> + + + + +<h3 id="p1c1">Premierement dit christine +comment son esperit fu +transporté.</h3> + +<p class="c"><img src="images/illu3.jpg" alt=""></p> + + +<p>Ja passé avoie la +moitié du chemin +de mon pelerinage +Comme un jour +du l’avesprir me trouvasse +pour la longue voye lassee et +desireuse de hebarge Et comme +je y fusse parvenue par appetit +de repos apres la reffeccion +neccessaire a vie humaine +prise et receue dites graces +et me recommandant a l’acteur +de toutes choses entray +en lit de repos traveillable +Et comme tost apres mes +sens liez par la pesanteur de +somne me survenist merveilleuse +avision en signe d’estrange +presage/ tout ne soie mie +nabugodonosor Scipion ne +joseph/ ne sont point veez les +secrés du tres hault aux bien +simples.</p> + +<p>¶ Avis m’estoit que +mon esperit laissoit son corps +et par exemple tout ainsi +que mainte foiz en songe +m’a semblé que mon corps +en l’air volast/ m’estoit adonc +avis que par le soufflement +de divers vens mon esperit +translatez estoit en une contree +tenebreuse en la quelle +terminoit un val flotant +sus diverses eaues. La m’aparoit +l’estature d’un homme +de belle fourme mais de +grandeur inextimable/ Car +sa teste tresparçoit les nues +Ses piés marchoient les +abeysmes/ et son ventre avironnoit +toute la terre/ clere +face et sanguine avoit. +aux coins de son chief donnoient +aournemens innombrables +estoilles/ de la beauté +de ses yeulx issoit si +grant clarté que tout l’enluminoit +et jusques aux entrailles +de son corps reverberoit +leur clarté. l’aspiracion de sa +tres grant gueule attrayoit +si grant air et vent que tout +en estoit remplis de couvenable +frescheur .ii. conduis principaulx +avoit cest ymage +l’un estoit le pertuis de sa +gueule par ou recevoit sa +nourriture/ et l’autre estoit +dessoubz par ou se purgioit +et vuidoit/ mais de differens +natures estoient yces +.ii. Car tout ce qui entroit +par le conduit hault par +ou repeus estoit couvenoit +que corps materiel et corruptible +eust/ mais par l’autre +conduit ne passoit riens fraisle +ne palpable. la vesteure +de ceste creature estoit dyapree +de toutes coulours/ tressoubtilment +ouvree. belle +riche et de longue duree. +en son front bien pourtrait +avoit l’emprainte de .v. +lettres. c’est assavoir .C.h.a.o.z. +qui son nom +signifioyent/ En ceste statue +n’avoit riens de diffourme +Exepté que par fois faisoit +chiere triste adoulee et plourable +tout ainsi comme homme +qui par diverses parties de +son corps sent et seuffre diverses +passions et doulours pour +la quelle chose jectoit grans plains +et a dieu lamentacions par divers +crys.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c2">Ci dit l’ordre +comment le dit ymage +estoit repeus.</h3> + + +<p>Delez le dit ymage avoit +assistant une grant +ombre couronnee de fourme +femenine comme se fust la +semblance d’une tres poissant +royne naturellement formee +sans corps visible ne palpable +si estoit tant grant qu’elle +obombroit et avironnoit +tout le corps du devant dit +ymage/ du quel estoit singulierement +depputee et establie +estre l’administraresse de +sa nourriture/ Et estoit tel +son office/ environ soy avoit +instrumens de divers coings +et empraintes ainsi comme sont +a paris moles a faire gaufres +ou autres outilz semblables +<span class="pagenum">-2-</span> Et comme ceste dame n’eust +en soy le vice de parece l’ocupoit +continuellement neccessaire diligence +de divers labours/ car +sanz prendre repos elle destrampoit +mortier qu’elle coaguloit +ensemble/ en la quelle mistion +mettoit fyel/ myel/ plomb et +plume d’ycelle matere en emplissoit +bures de diverses façons +lesquelles apres versoit en petite +quantité es dis moles que +bien estouppoit et saeloit/ tout +ce fait non d’une guise mais +en diverses differences metoit +tout cuire et confire en la +gueule du dit grant ymage +qui tant estoit lee que elle +representoit une grant fournase +chauffee en maniere +d’attrempees estuves/ la les +laissoit jusques a temps couvenable +l’un plus que l’autre +selon la difference et la grosseur +des outilz/ apres le temps +venu que la sage administraresse +savoit le terme de +la perfection de son oeuvre +elle ouvroit la bouche de cel +ymage par tel art que elle +donnoit lieu de tirer hors +les matieres assez cuites +et les autres laissoit cuire +jusques a l’acomplissement de +leurs jours adont sailloient +hors de ces moles petis corps +de diverses façons selon les +empraintes des instrumens +mais merveilleuse aventure +en avenoit/ car aussi tost que +ces petis ymages laissoient +leur moles adont le grant +ymage en quel gueule avoient +esté cuis les transgloutissoit +tous vifs en sa pance. +sanz nombre a une goulee/ +et ainsi nuit et jour ne +cessoit cel ouvrage continue +par les mains d’ycelle dame +pour la pasture du +grant corps insaciable.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c3">Comment christine fu transgloutie +ou corps du dit ymage.</h3> + + +<p>Mon esperit entre gité +celle part ententif +a notter ceste merveille/ +Adont l’aspiracion de l’aleyne +de ycellui grant le +tira a soy/ tant qu’il chut +es mains de la dame couronnee/ +Lors comme ja elle +eust mis le mole a tout +la matiere en la fournase +mon esperit prent si le +fiche ens/ et tout en la maniere +que au corps humain +donner fourme accoustumé +avoit tout mesla ensemble +et ainsi cuire me laissa +par quantité de temps +tant q’un petit corps humain +me fu parfaict/ mais comme +le voulsist ainsi celle qui +la destrempe avoit faite +a la quel cause se tient et non +au mole je portay sexe femenin/ +Si fus semblablement +que les autres soubdainement +transgloutie ou ventre de +cel ymage/ Quant je fus +la trebuchee adont prestement +vint la chamberiere de la +dicte dame qui bures tenoit +d’une liqueur doulce & tres +souefve plaines de la quelle +a abuvrer doulcement me +prist/ par quel vertu et continuacion +mon corps de plus +en plus prenoit croiscence +force et vigueur/ et ycelle +sage croisçoit et engrossoit +la pasture au feur de ma +force tant qu’a par moy porter +et paistre mon corps je +pos ou quel croisçoit l’entendement +qui ja me donnoit +cognoiscence de la diversité des +entrailles du ventre de l’image +par sus les quelles a .ii. piez +je marchoye/ lesquelles estoient +faites de cailloux et dures roches +par montaignes et valees +bois et metaulx et diversitez +maintes/ mais tant me sembloit +longue et lee l’espace de +la pourprise d’icellui corps/ que +l’espace de la vie d’un homme +ne pourroit souffire a toutes +cercher les diverses contrees +qui en lui sont comprises.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c4">Comment elle se transporta +de lieu en autre.</h3> + + +<p>En cellui temps comme +renommee a tout ses +cors et buisines eust corné +et encore cornast en la contree +ou j’estoye/ ce que la et par +toutes autres contrees avoit +ja par moult lonc temps +signifié de rechief a haulte +voix ne cessast de cryer/ Ce +estoit que elle racontoit le +pris/ l’onneur/ la haultece +noblece et poissante digneté +d’une princesse de grant +auctorité/ couronnee de precieux +dyademe a ceptre royal +de grant ancienneté & richece +<span class="pagenum">-3-</span> la quelle seoit vers les parties +que on dit fryge/ et pareille +n’avoit en beauté noblece vaillance +et hault renom en tout +l’univers monde/ adont par +les cris de fama apres ce que +messages certains orent de ceste +chose certiffiez ceulx qui +m’avoient en bail desirans de +tel princesse servir/ se partirent +de la/ et ainsi avec eulx marchant +par sus les entrailles +du dit ymage/ traversant +estranges contrees alpes haultaines/ +landes sauvages/ forés +parfondes et bruyans rivieres +Tant cheminay par +maintes journees que de loins +ja m’aparu la lueur de la marche +resplendissant en honneurs +ou je tendoye/ Et ainsi appercevant +de mieulx en mieulx +sa haultece com plus en approchoie +parfinay ma longue voye +jusques en sa maistre cité/ la +quelle estoit nommee la seconde +athenes/ adont acompli le travail +d’icellui chemin reposant +les membres travaillez pourpensoie +comment et par quel +voye peusse ataindre a l’acointance +de la dicte princesse/ mais +comme trop jeune ancor fusse +ne me savoie appliquer +ne mes a apprendre le lengage +differant de cellui de mes +parens/ neant moins selon +la simplece de mes sens non +ancore du tout parcreus m’informoie +adez des coustumes +manieres et condicions de +la dicte dame/ Et comme ainsi +je le continuasse par l’espace +de plusieurs ans croiscent +ma retentive/ je fus informee +de la haulte poissance +et seignourie d’ycelle/ de la +quelle pour eschever prolixité +en brief je tesmoigne +pour verité sanz adjoustement +de mençonge/ que +sa contree m’aparu glorieuse +de nom/ fertile de +fruys/ abondant en richeces +grande et lee en circuit/ edifiee +notablement d’espesses +villes/ fors citez/ chasteaulx +bours fortereces et tres nobles +manoirs comme sanz +nombre/ poissans seigneurs +princes natureulx non crueulx/ +benignes en conversacion +catholiques en foy/ prudens +en gouvernement/ et beaulx +en faconde/ fort et poissant +chevalerie/ loyaulx subgés +obeissant peuple/ En ycelle +marche vrayement toutes +ses condicions j’apperceu/ et +maintes autres bonnes que +cause de briefté ne me seuffre +plus dire/ mais comme +il ne soit aucun bien sans +envie/ voir est que je y vy +de grans gastives par places +venues et procurees par estranges +envieux/ par quoy m’aparoit +en celle contree avoir +esté et estre par fois de grans +et fieres persecucions.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c5">L’acointance +que elle desiroit a +avoir a une dame portant couronne.</h3> + + +<p>Ja estoie parcreue quant +j’oz tant pourchacié +par divers moyens apres +maintes aventures que je +attaigni a ce que je desiroie +Si oz la plaine accointance +de la dame renommee/ de +la quelle la beauté/ sens & benignité +ne seroie souffisant +de descripre/ pource me passe +seulement d’elle disant +que sans faille fama ne +tenoie menterresse des bons +recors que elle faisoit en +toutes places d’elle/ aux quieulx +la vraye experience vi accordable. +Or fus je la dieu mercy +si prochaine privee amie d’elle +que de sa grace faveur ot a +me descouvrir les secrés de +son cuer et n’ot orreur d’ajoindre +a moy femme tel honnour +comme de me instituer estre +philographe de ses aventures/ +et volt que par moy oroisons +et chançons en fussent +faites/ ja estoit informee tant +de mes affections comme qui +je estoye.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c6">La complainte +de la dame couronnee +a christine.</h3> + + +<p>Adont parlant en tel +maniere/ dist ainsi +Chiere amie amaresse du +cultivement de mon bien comme +il soit de neccessité en nature +que tout cuer amant desserve +estre amez/ droit est que Ton +bon desir te soit valable/ Et +comme il fust affectueux de +m’acointance les bons vouloirs +de lui soient ottroyez +amie a qui dieu et nature +ont concedé oultre le commun +ordre des femmes le don +<span class="pagenum">-4-</span> d’amour d’estude/ appreste parchemin +ancre et plume et escrips les +paroles issant de ma poitrine +Car a toy me vueil je du tout +magnifester/ Et me plaist que +a tes sages bien vueillans faces +d’or en avant present des memoires +escriptes de ma digneté. +C’est chose nottoire qu’a cil qui +bien se veult declarier appartient +qu’il speciffie son premier +principe/ Si commenceray +a l’introyte de mes gestes te +narrant ma premiere venue.</p> + +<p>¶ Ou temps du Second aage +lors que la lignee neptunus +regnoit en marche chevalereuse +es habitacions aysiees quant +pour cause de la fille electee +transportee par le pastour mescongnu +vindrent les hoirs des +fremis chavauchans chevaulx +de bois a tout force d’armes +furent par l’escu de barat a +la fin vainqueurs. Dont d’ycelle +terre fu enrachié l’abre d’or +que les dieux anciens selon les +chançons des poetes avoient +reservé pour leur gloire du +quel la haultece de l’ombre s’espandoit +jusques sus les contrees +lontaines/ Si fus lors par +estrange fortune favourable +a ycelle fremiere desireuse +de vengence ars destruis et +mis en cendre/ mais non obstant +le furieux desir maling +d’yceulx fremis furent aucuns +cultiveurs desireux de +noble semence veant la persecucion +de la noble plante +qui par soubtil art emblerent +et de leurs mains ravirent +en assez quantité des vergetes +et des gitons cueillis sur +le hault sommeton d’ycellui +seignouri noble arbre/ Et +comme le dieu pelagus fust +consentant d’ycel larrecin +leur donna voye et passage +par sa terre/ Si se transporterent +espandans en +diverses contrees es quelles +par grant digneté les +planterent en maint vergiers +et firent greffes de nouvelles +antes que fort ilz cloyrent +d’espineuses hayes pour obvier +aux loisirs des rappineurs. +Et ainsi maugré les influences +fortunees fu renouvellee +en plusieurs lieux la haute +plante dont puis une vergete +tant crut es marches d’europpe +en la terre latine que la +haultece d’elle obumbra tout +le monde et presseda sanz +comparoison sa premiere +racine.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c7">Ci devise la dame couronnee +de son commencement.</h3> + + +<p>Ou temps des susdiz +larrecins entre les +autres fu transportee en ceste +contree une vergete issue +de la cosme du sus dit arbre +d’or la quelle ilz planterent +en hault vergier en terre +fructueuse/ ycelle plante +parcreut tant que de la beauté +d’elle je pris mon nom/ & +fus appellee/ Libera/ +apres par multiplicacion +de cultivement tant crut +et augmenta tous jours +en habondance de digneté +ce noble estat/ que les plantes +ja montees et embelies +en leur force couronnerent +le .iii.<sup>e</sup> giton de leur venue +et comme le plus auctorisié +en firent leur roy/ cestui +porta fruit de grant digneté +car il sauva ceste terre de +maintes enfermetez/ Et +ainsi pou a pou crut le renom +de sa proprieté en multepliant +Si en furent peuplez mains +delitables vergiers par espace +de multitude de ans en ceste +contree/ Et ainsi t’ay compté +la premiere racine de mon +nom et cultivement/ et te dis +certainement que non obstant +qu’a veue d’ueil je soye et appere +jeune freche nouvelle +flourie et belle/ que plus de +mil ans a ja passez puis le +temps de ma premiere naiscence.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c8">Dit la dame couronnee +de ses gestes.</h3> + + +<p>Le renom de ma franchise +ja espandus +en toutes places/ les gouverneurs +de noble attrace +avec leurs enfans me prirent +en bail Si fu entregitee +entre leurs mains par +lonc temps sanz estrange +generacion. O dieux glorieux +<span class="pagenum">-5-</span> se je te comptoie toutes les aventures +courues es annees puis +la naiscence de mon nom jusques +a ore/ l’espace de ta vie a +l’escouter <ins title="ne">me</ins> pourroit souffire +Et pour ce en brief te dis que +les tuteurs de mon bail assez +s’esforcierent d’acroistre la haultece +de mon heritage/ mais +comme ignorance ancore les +tenist tenebreux ne savoient +attraire eaue doulce pour pardurable +arrosement presenter +a mes racinetes et plantes/ par +quoy maint seps de vigne & +autres tiges toutes sechees & +sanz fruit couvint esrachier +& ou feu giter/ Et ainsi dura +ceste pestillence tant que le .iii.<sup>e</sup> +filz vint le quel par vertu de +sage conseil attray lumiere telement +que les tenebres de celle +mortel secherresse furent chaciees +par la quelle voye ot cognoissance +de doiz et source de +eaue vive a grant habondance +si que lui meismes ja tout perdus +& sechez en fu arrosez et vivifiez +Et tant pourchaça par +sages maistres que l’abondance +du fleuve vivant rendy ruisseaulx +sources & fontaines +en si grant quantité que +toutes mes plantes en furent +arrosees et viviffiees/ O +noble cultiveur fu ycellui +car moult il augmenta et +parcreut la perpetuité de +mon heritage/ en telle maniere +qu’il fu le premier registre +de ma salvable gloire/ +es mains de cestui pris +grant croiscence et plaisant +beauté/ et tant qu’il me +dura fus bien deffendue & +si gardee et soustenue que +chose quelconques ne +m’avint senestre.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c9">Encore de ce mesmes.</h3> + + +<p>Apres cestui cheux es +mains des cultiveurs +mau diligens par la quel +faute la gloire de mes vergiers +fu tournee comme en +friche remplie d’erbes et +graynes inutiles et de nul +bon fruit/ Et comme le vice +fornicable fust fiché es +os de l’eritier d’yceulx dont +les causes de ses demerites +le rendent exillé transporterent +ses voyes en marche fiable +piteuse de sa chetivoison. +O le mal pechié d’ingratitude +qui tolz et ostes le merite et +guerredon de benefice receu +et estains recordance de remuneracion +deue ne fis tu +a cellui mettre en oubly toute +cause de feauté/ quant +frauduleusement souffris +fortraire au feal sa beste +menterrece des couvenances +de son premier lit/ et les +nouvelles ouyes de la reconsiliacion +du filz de venus +a ses persecuteurs par +l’enseigne du demi denier +fu sa departie en repostailles +rappineuse de l’espousee +hors ordre de loy doublement +couronnee/ de la quelle songerresse +la presentacion du +temps que tu vois/ peut signiffier +l’ordre de ces avisions.</p> + +<p>¶ Succedans cestui +nasquirent de ses heritiers +hommes de sanc +plains de couvoitise rappineux +et sanz foy qui a +leurs parens faisoient +presens de mort & d’occisions +conseillez et baretez par les +crestees crueuses leonesses venues +d’espaigne et de cucubinage +desquelles vengence +n’espargna a leurs membres +le trait des poulains/ a partie +d’elles accusee du sanc innocent +devant le juste.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c10">Des +bons et des mauvais gouverneurs +de la dame couronnee.</h3> + + +<p>Apres ces choses d’un pepin +<ins title="d">du</ins> fruit du susdit +arbre en ma terre sailli une +plante qui tant crut que elle +estandoit ses branches verdure +et cosme plus lonc +pays assez que n’est toute +ma terre/ le fruit qui en +issoit estoit de grant vertu +odeur et force/ car de grace +especial dieu lui ot donné +proprieté de chacier les +malings esperis/ et moult +valoit contre perpetuel venim/ +Et par cestui furent +gardees maintes contrees +de inreparable mort dont +germanie se dot louer/ et +jusques par dela les alpes +ytaliennes estendant sa +vertu vers la terre de auffrike +<span class="pagenum">-6-</span> ha dieux combien je fus renommee +flourie et exaussee par la +resplandeur et beauté de ceste +plante/ Car comme chose perpetuelle +non obstant le lonc temps +puis passé/ ancore a celle cause +est greigneur/ la fleur de ma +renommee/ de l’issue de cestui +je fus cultivee un espace de +temps.</p> + +<p>¶ Mais comme apres +sa vertu alast en descroiscent +vindrent d’estrange attrace +les cultiveurs diligens qui se +vanterent de greigneur vertu +que les proprietaires & par +oblique malice couverte et +coulouree de jugement apostolique +reserverent pour eulx +la souveraine chayere posse +dans leur lignee ycelle par +plusieurs dessendues/ Mais +comme entre les espines en +friche destournee fust ce/ tandis/ +muciee une graislete +ante hors saillie de l’ancienne +racine renommee/ le temps +venu de sa croiscence apparurent +les fueilles vertes de sa +haultece.</p> + +<p>¶ Adont furent estirpees +les estranges germes +la belle ante subjugant toutes +les tiges de mes courtilz flouri +en grant reverence de l’issue +de lui sailli germe precieux +rendant fruit en son temps +a dieu sacré et tres agreable +or furent les premiers cultiveurs +restituez a leur erre +ainsi continuans non obstant +le lonc temps puis passé jusques +a la journee d’uy. O treschiere +amie se je te comptoie +toutes les tribulacions par +lesquelles j’ay esté pourmenee +an l’espace des jours que +je te compte tu t’esmerveilleroies +comment en tel beauté +suis demouree/ car pour moy +ravir et embler s’assembloient +diverses provinces & gens +estranges qui a grant ost +deffoulerent ma terre/ brulerent +mes villes & mes manoirs/ +faisoient de mes gens +grant essart et toute me pilloient/ +et en tres grant quantité +de foiz pareillement ay +esté en peril d’estre perdue +ravie prise a force/ et du +tout deshonoree/ non obstant +la deffence des assemblees +de mes deffendeurs & de +ma gent contrestans a la +fureur d’iceulx Et ne cuidez +pas que de lonc temps soient +saillies a moy ycestes dures +angoisses souvent renouvellees +en diverses guises dont +au jour d’uy je ne suis exente +mais te dis que mesmement +puis l’aage de tes parens si +mal menee par divers cas que +onques puis ma premiere +naiscence ne furent greigneurs +les perilz de mes aventures +Et a tout regarder de n’estre +du tout enchevé es las de perdicion +singuliere/ gloire ne +attribue fors a dieu tout +poissant qui pour cause de +ma catholique foy m’a reservee/ +tout ainsi qu’il dist a +saint pierre que sa nacelle +chancelleroit et ne seroit perie +ha dieux combien estoient +grandes les orreurs de mes +tribulacions/ car les ennemis +yssus des serves lignees venoient +sur moy a grans effors/ +Et fortune pour le temps +clere/ a eulx consentoit les +victoires contre les couronnes +qui me deffendoient +aux quieulx non obstant +leurs grans et nobles courages +non reprouchez parmetoit +adversitez non deservies/ En +ce temps se rebellerent les vers +de terre qui pour les marcheys +des chevaulx saillirent/ contremont +et ou visage me cuiderent deshonorer +es jours que mon dispensier +estoit es buyes de +mes aversaires/ mes vindrent +les ecouffles qui firent leur +proye du verminier venimeux +et abominable/ ha hay comment +estoie lors trouble et obscurcie +par diverses afflictions dont +la lueur de ma beauté qui +tant seult estre glorieuse plaisant +et saine fu comme morte/ +Car n’en yssoit fors plains +et plours/ et toutevois de +lamentacions que t’en diroye +innumerables sont les diverses +angoisses qui m’ont traversee +par infinies foiz mais +la fin d’icelles te sera comptee.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c11">Ci parle la dame couronnee +du bon gouverneur que elle ot.</h3> + + +<p>Comme dieu ouvrist +sur moy chastie l’ueil +de sa misericorde sicomme +pere pitiable de sa tres amee +fille volt cesser les verges +<span class="pagenum">-7-</span> de ses bateures et espandre l’oeile +de sa misericorde sur les navreures +de mes maladies adont sourdi +le phisicien propice venus +par succession a l’eritage de +mon ancienneté et ou palais +de mes nobleces receu l’aureale +de digneté delaissant en jeunes +jours les meurs de legiereté +vint dame sapience deesse venerable +des choses ordenees +qui comme chier filz le revesti +du mantel de ses proprietez +lors disant fuiez fuiez lors voz +ennemis de beneurté laissiez +venir les remedes de restoracion +Tira a soy toutes choses belles +en deboutant les diffamables +ycellui saisi de l’espee de justice +n’espargna mie les outilz de +sa mere/ ains par la sentence +d’iceulx mist en oeuvre les mains +de son hault sommet/ adont +armé de courage fructueux +trassant par ces courtilz visitant +les angles ja couvers d’espineuses +tiges donna ordre a +ses commis de la reparacion +des ruynes/ lors par quantité +de Cens et de millers +furent les assemblees d’yceulz +alouez non estranges mais +privez loyaulz subgez qui a +tout fers agus de diverses tailles +s’embatoient es gastives +remplies d’estranges semences +non propices a la nature de +mes hommes qui vergiers portans +fruit estre souloient. +adont se prirent a estirper +de tous lez les inutiles herbes +chardons orties et toute +male racine derompre et sacher +hors et a tout nettoyer +et faire nouvel gueret ou +ilz anterent et attrayrent +bonnes semences ainsi continuant +le labourage droiturier +donnerent lieu aux +herbetes et doulces plantelettes +de saillir hors de tapinage +ou muciez orent esté +soubz les espines qui toutes +les suffoquoyent Comme +peryes en leur vertu/ qui +les veist adonc croistre et +augmenter et remplir ces +vergiers de verdures et +flours odorans portans fruit +bien deist que moult fust +changiee la fortune de +leur estre que t’en diroye ne +fu mie cellui recreu par les +liens de peccune qui n’avoient +lieu contre les distribucions +de ses ordres/ ne travail estaignoit +l’excercite de la chose utile +a la quelle oeuvre fortune non +reppunante fu/ a l’accomplissement +d’ycelle continuee par +l’espace des jours du prouffitable +ortelain qui n’y espargnoit +ses ententes/ O dieu glorieux +quel ouvrier comment fus +je par lui en joye renouvellee +Or furent oubliees les passees +angoisses toute ma terre de +choses nuisibles auques descombree +se prist a esjouyr +rendant chançonnettes a +la louenge d’ycellui noble +par la quel diligence estoie +recouvree et mise en convalescence/ +a brief parler tant +me fu cellui propice que +encore m’esjouist la souvenance +de ses benefices dont +longue parole ne m’en pourroit +estre anvieuse/ helas +mais comme apres le temps +sery viengne souvent la +grosse pluye Couvient a +present changier le propos +de mes ris en tresamers +pleurs/ Car comme le procés +de fortune ne peust longuement +souffrir ma beneurté +se monstrant envieuse de +mon bien/ lors que ma gloire +estoit eslevee plus que n’avoit +esté puis une grant part de +mon aage/ me toli le tressage +administreur lasse moy/ +mal apoint ains le temps +venu de l’achevement naturel +de son voyage/ et envoya +Celle qui n’espargne nulz +corps vivans le me tolir et +ravir sanz pitié avoir de +ma vesveté/ Or peus tu +cognoistre en moy les signes +des mouvemens fortunez +qui ores ryoye parlant de +mon amant/ Or me voyes +a chiere troublee plaines de +larmes regraitter les trop +tost faillis a moy ses vertus +Si couvient changier l’ordre +de mes offices en mutacions +merveilleuses/ mais toutevoye +la lueur de ses benefices apres +lui demoura sur terre tant +que non obstant les antregetz +de plusieurs mains +en dure ancore la clarté +sus le plus bel de ma +<span class="pagenum">-8-</span> face.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c12">De .ii. nobles oyseaulx +de proye.</h3> + + +<p>Sourdi des entrailles +d’icellui en double nombre +petis papillons dorez tresgracieux +et de grant beauté +qui s’oserent vanter au feur +de leur croiscence avec les colacions +des guespes d’estre +gardeurs de moy et de mes +manoirs/ Si firent leurs assemblees +et pour l’ancien renom +de leur venue a bon droit +leur fu souffert seoir sus +les sommetons des plus hautes +tiges/ Et tout ainsi comme +le proprietaire dit du phenix +qui au premier ist hors +de la cendre en fourme d’un +petit ver/ puis croist & augmente +tant qu’il est bel sur +tous oyseaulx/ yceulx papeillons +tant parcreurent & enforcierent +que leur forme fu +changee en especes de tres +nobles oyseaulx de proye +mais par difference aucune +quantité de ceulx furent +crestez sur les chiefs/ ainsi +que sont oyseaulx que on dit +huppés/ yceulx nobles pour +aviser leurs proyes se tindrent +ensemble et prirent +leur vol par sus mes fossez +et rivieres/ et comme bien +avisez n’orent mie conseil +de tout essarter les repaires +repaisans/ mais eulx en +passer rassadiez couvenablement/ +O fortune +aministraresse de tout +inconvenient qui te mut +a trouver voye du destourbier +du faucon pelerin +si hault volant que l’esperance +de son attainte +faisoit trembler devant +lui toutes les proyes rappineuses +embatues en son +yre/ ou pris tu le vent contraire +par ou tu l’abatis +lors qu’il faisoit sa roe par +si grant fierté/ ains qu’il +eust sa proie attainte +le ruas jus par ton soufflement +si roidement +qu’il demoura estendu du +tout derompt non mie seulement +les plumes mais +tout le corps par si que +tous jours depuis couvint +qu’il fust repeus par estranges +mains. O dieux quel dommage +de tant noble oysel +affaitié en toutes bonnes coustumes/ +fier et hardy en son +vol/ doulx en appel vif et +plaisant en regart/ Et qui +sans faille eust deffendu +toutes mes flaches et rivieres +de tous oyseaulx rappineulz +et de mal erre Si fu de +moy plaint et plourez grandement +comme perte singuliere +le quel dommage ne +m’est faillis ains renouvellé +par chacun jour par griefves +pertes.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c13">Ci dit la dame +couronnee des contens +qui furent pour elle gouverner.</h3> + + +<p>Apres ces choses vindrent +les esperis larrecineux +habitans es silves qui distrent +qu’a eulx appartenoit +a departir les choses propres +et privees/ yceulx firent +des communs usages +closes mansions/ et a eulx +les approprierent et tant +que mesmement les sauvagines +cryerent contre +eulx.</p> + +<p>¶ En cellui temps +par le cry du camellion +s’esveillerent une maniere +de gent de reprouvee generacion +qui dirent qu’ilz ne +souffreroient mie l’injurieuse +clamour des voix femenines +si entrerent es maisons +des oyseaulx de leurs forés +et tant y furent que volans +elles leur furent donnees +par ycelles en plusieurs parties +se translaterent/ jusques +dedens les cavernes des traysons +de mes bois/ Si cueillirent +les glans des chesnes +et mirent ou feu les +povres qu’ilz trouverent +& a tout ce faire ne trouverent +contredit/ ains furent hourdez +des degouttes de mes +terres.</p> + +<p>¶ Multiplié fu +l’erreur par divers inconveniens/ +car le temps vint que +les eaues tant crurent qu’il +ne demoura champ qui +tout couvert n’en fust. +Adont les poissons saillis +hors de leurs fosses paissoient +es terres semees/ jusques a +devourer apres la verdure +des herbes les racines des +grains/ toutes ces choses +<span class="pagenum">-9-</span> representoient naiscence de pestillence. +Ha doulce chiere amie +jusques cy t’ay compté grant part +de mes aventures diversement +de joye en dueil entregitees mais +comme je ne puisse tout dire +ensemble n’est mie faillis encore +le lengage angoisseus d’icelles +ains a chiere amatye or a primes +m’esteut te dire la doulereuse +encloeure de mes presens tenebres +qui precede les autres en cas +que perseverence y seroit longue.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c14">Ci se plaint la dame +de ses Enfans.</h3> + + +<p>Quelle plus grant perplexité +peut venir en cuer +de mere que veoir yre et contens +naistre et continuer jusques +au point d’armes de guerre/ +prendre et saisir par assemblees +entre ses propres enfans +legitimes et de loyaulx peres +& a tant monter leur felonnie +qu’ilz n’ayent regart a la desolacion +de leur povre mere qui +comme piteuse de sa porteure +se fiche entre .ii. pour departir +leurs batailles/ mais yceulz +meus par courages inanimez +sans espargne n’avoir regart +a honneur maternelle/ ne +destournent le trippignis de leurs +chevaulx contre sa reverence +ains laissent aler la foule +de leurs assemblees sur elle +tant que toute la debrisent +et mahaignent.</p> + +<p>¶ Ne furent +mie si crueulx jadis romulus +et sa compaignie quant pour +cause du ravissement des filles +de sabine fait par yceulx +rommains s’assemblerent a +grant ost les peres et parens +pour venger celle honte/ mais +comme la royne et toutes les +dames piteuses de l’effusion +de sanc de leurs maris peres +& parens eschevelees a pleurs +et cris se venissent ficher entre +les batailles lors que assembler +devoient/ priant pour dieu que +paix feissent/ ne furent mie +d’iceulx chevaliers fors et poissans/ +les dames defoulees entre +les piez des chevaulx ains +par reverence espargnees et +ouyes en pitié leurs voix femenines +qui leurs cuers contraigny +meismes ou champ +a faire paix. O amie voy cy +la suppellative des douleurs.</p> + +<p>¶ Adont ycelle princesse/ je vy +toute couvrir de larmes/ & +sa belle chiere qui estre souloit +fresche & coulouree toute destainte +& noircye/ ainsi disant lasse +lasse je suis celle mere amere +en cheute es cas que je te +compte. O ma bonne nourrie +et chere amie compaigne +de mon dueil/ tu ne soies +tu mie du fruit de ma terre +mais ton cuer de noble nature +non ingrat des biens que y as +receux/ pleures avec moy par +vraye amistié piteuse de veoir +les jours de ma tribulacion +Et que experience te face certaine +de la verité de mes narracions/ +non obstant ma beauté +de prime face/ regarde et +avise les playes de mes costez +et de mes membres.</p> + +<p>¶ Adont +la tres venerable princesse +haulce le <ins title="pau">pan</ins> de sa vesteure +et a moy descueuvre le nu +de ses costez disant regarde +Lors ma veue tournee celle part +comme j’avisasse les costez +blans et tendres par force +de presse et de desfoulement +noircis et betez & par lieux encavez +auques jusques aux +entrailles/ non mie tranchez +de coups d’espee mais froissez +par force de grans foulez.</p> + +<p>¶ Adont moy toute esmarie +considerant le nouvel cas piteux +et non honorable que a +mere tant venerable tieulx +blesseures fussent procurees +par ses porteures/ En disant +dame pour dieu couvrez cheux +comme femme foible remplie +de merveilleuse pitié comme +pasmee/ Et couverte de larmes +quant parler pos/ pris +au mieulx que soz a conforter +la desolee/ disant haulte +renommee dame vueillés en +dieu remettre les larmes de +voz lamentacions esperant +sa misericorde qui onques +ne vous fu falible/ Et pour +un pou eslongner les pensees +qui a tieulx sanglous vous +conduisent vous plaise tant +honorer moy vostre povre +indigne serve affin qu’entente +de parler vous entre oublie +que descouvrir me vueillés +les encloueures des causes +de ces zezanies/ Et ne vous +soit estrange de dire a moy +vostre familiere et privee +les fautes de voz porteures +et elle a moy. ha chiere amie +se je blasmoie ceulx que je +fais mon meismes ouvrage +je diffameroye. Si te dis +<span class="pagenum">-10-</span> qu’acusacion de mauvaistie +formee en malice a nul je ne +donne ne que pour despit +ne hayne que contre moy +eussent ne sont a ceste chose +meus. bien est vray que +considerant que je sui le lit +de leur estre et que a cause de +moy vient la lueur de leur gloire/ +deussent refrener les assaulz +qui tant me sont grevables +et la naissance de la racine +de zezanye entre eulx semee +te compteray.</p> + +<p>¶ Apres ce que +les partages de mon propre +selon les coustumes d’athenes +furent a chacun de mes engendrez +sorties/ dist le plus +grant qu’a lui appartenoit +le bail de son mainsné/ et comme +ne lui fust contre dit les +establissemens d’icellui crierent +contre lui/ dont les voix +ouyes assemblerent le sanc +du pupille en conseil.</p> + +<p>¶ Adont +mes enfans s’amasserent +disant <span lang="la" xml:lang="la">nequaquam</span> aux oppinions +d’icellui/ Ceste cause assembla +les fleaulx de mes +bateures qui ne m’ont espargnee +Sicomme il t’est +magnifeste/ Ceste orreur +courant au jourd’uy parmi +mes gaignages rent fletries +et sechees les verdures et liqueurs +de mes fruis tarist mes fontaines +amendrist mon renom +et lourdement me tourmente +et qui plus m’est grief/ c’est +la paour de pis/ & que mes +playes par faulte de remede +soient converties comme infistulees +et incurables.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c15">Ci +dit comment les vertus au +monde sont emprisonnees.</h3> + + +<p>Encore autre part gist +la maladie amie +chiere/ car comme il ne soit +a celle douleur pareille qui +le cuer tient en amere pensee. +Reste a te dire les combles +de mes souffrettes.</p> + +<p>¶ N’a pas souffit aux menistres +de perdicion les oprobres +offers a la souche d’antiquité/ +ainçois m’ont +plus deshonoree.</p> + +<p>¶ Helas +ou est la princesse a moy +esgale qui peust souffrir +veoir d’environ soy a tres +grant tort tolues chaciees +batues banies et emprisonnees +ses dames de compaignie +& de parage venerables & de +grant dignité d’ancien droit +establies a estre appellees a ses +conseuls a porter les seaulx +de ses ordenances/ a soustenir +les pans de ses loncs abis & +les dorures de son chief/ et +mettre en leur lieu paillardelles +& femmes diffamees +et dissolues/ helas chiere +amie ce suis je qui a toy parle +mais que mieulx me croyes +vueil que le sens de ta veue +ait l’experience du vray de +ma parole/ Adont comme +elle ouvrist une petite fenestrele +me dist regarde les +prisonnieres/ ton sens soit +juge se en palaix royaulx +la presentacion de leur reverence +seroit plus propre que +soubz muciees couvertures. +avisez celles qui ja me gouvernerent +ou temps de ma joye +or les m’ont ravies les persecuteurs +de ma gloire.</p> + +<p>¶ Adont +comme mon oeil adreçasse +au pertuis de la chartre +.iii. dames vy de souveraine +reverence et beauté mais +differens leurs maintiens +estoient/ ha dieux quelle +divine beauté en l’une vy +le corps avoir droit lonc et bien +fait/ et de la beauté de son vis +yssoit un ray de moult grant +resplandeur/ celle dame en +sa main un grant mirouer +tres cler tenoit/ ou quel la +reverberacion du dit ray +redondoit et se frapoit en +maniere que si grant beauté +et clarté en issoit qu’englet +n’y avoit tant obscur que +tout n’en fust enluminez. +Ha quel pitié de tel beauté +tenir couverte/ comment +fust elle seant es places des +assemblees publiques affin +que chacun se peust louer +de sa lumiere/ ceste fu belle +par excellence/ mais trop plus +noble car elle se disoit fille +de dieu le pere et plus forte +qu’autre riens/ car de toutes +choses vaincre se vantoit.</p> + +<p>¶ En un lit couchiee palle +et descoulouree vy une autre +dame de grant auctorité a +chiere et semblant de femme +maladive et enferme comme +chose deffoulee et desroupte/ +et a la premiere +se disoit serour a son costé +d’estre je vy gisant unes +<span class="pagenum">-11-</span> balances/ De l’autre part +une mesure et une ligne.</p> + +<p>¶ Assez loignet d’icelles vi gesir +par terre endormie non honorablement +une dame de +grant et fourni corsage la quelle +estoit toute armee/ costé soy +gisant par terre avoit son escu +sa lance et ses esperons/ sa teste +tenoit ou giron d’une folieuse +femme de grant vagueté +qui pour lui mieulx endormir +chantoit et li gratoit le chief +Lors comme je regardasse par +grant entente cestes merveilleuses +figures vi que/ par plusieurs +foiz vindrent de plusieurs +pars en maintes flotes les +ennemis/ les uns cryoient a +haultes voix a la dame endormie +qu’elle se deffendist/ & celle +adont un petit remouvoit +son chief et entre ouvroit un +oeil/ et lors la folieuse femme +s’efforçoit de lui rendormir +Revenoit l’autre tourbe lui crier +en l’oreille/ et celle toute estourdie +sourdoit son chief/ & +la folle de rechief par son chant +l’endormoit : Revenoient les +autres qui grans coups frapoient +en son escu/ et celle +se levoit toute droite pour +courir apres/ mais la deshoneste +la prenoit par le col +et la rendormoit/ venoient +les plus fors lui courir sus +et la batoient/ adont celle se +levoit comme enragiee/ et +juroit par sa force qu’elle +occiroit tout/ si leur lançoit +a coup ce que tenir povoit +et plusieurs en occioit et souvent +chaçoit et souvent +chacee estoit/ mais a son +refrain revenoit a son giste +qu’elle laissier ne povoit.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c16">Ci dit des vices qui queurent +en general.</h3> + + +<p>Ainsi comme je regardoie +ycestes choses me +dist la dame la vois tu la +vois tu l’ebaluffree deshonnesté +qui ma gent me honnist/ +ceulx de ma deffence +endort plusieurs de mon palais +dont auques est maistresse +met a honte/ helas et ou temps +du sain renom de ma felicité +veoir ne trouver si osast +mais ne cuides mie pourtant +se cy la vois a requoy +pour tenir en prison endormie/ +La dame armee/ que +tous jours si tiengne/ Car +elle a filles ses semblables +a grant quantité de diverses +guises/ Si en laisse foison +environ celle qui se dort +et trassant s’en va par toutes +mes citez et villes & en +toutes places ou gent s’assemblent +pour cerchier qui +elle pourra tirer a sa honteuse +cordelle et se tres grant +contredit n’y treuve/ lieu +n’est ou par sa presompcion +ne se vueille embatre/ et mesmement +es secretes chambres +de mes femmes/ se tant +sages ne sont que par grant +vigueur lui sachent deffendre/ +Or regarde seur doulce +quel compaignie est dame +d’onneur bien paree de tel +damoiselle/ mais ancore +vueil que tu voies comment +de .ii. dames infernales +que dieux confonde m’ont +acompaignee/ avises environ +ceste chartre voy l’office +de la desloyale qui pour son +inutile travail reçoit grant +gages.</p> + +<p>¶ Adont hors de +la chartre/ me monstre une +orde vielle laide et terrible +qui sans repos de tel office +s’entremettoit/ environ la +chartre nuit et jour traçoit +plain giron de mousse que +secourcie avoit/ la espioit par +grant entente que la force +de la resplendeur du miroir +luisant qui ens estoit ne persast +le mur/ et si tost que par +aucun pertuis en veoit saillir +goute tantost la mousse y +fichoit & fort l’estoupoit si que +point issir n’en laissoit.</p> + +<p>¶ Et je qui veant celle faulse +solicitude ne me pos taire/ +dis a ma maistrece/ dame +pour dieu me dites comment +s’appelle ceste ennemie de vertu/ +car combien que des autres +demander me soie teue pource +que leurs offices les me font +magnifestes & bien cognoistre +de ceste non mie pour m’en +accointier mais pour m’en +garder vous requier que +le sache/ Et celle a moy +doulce amie puis que celle +qui le cler miroir tient +<span class="pagenum">-12-</span> cognois/ son contraire est celle +qui estaindre la veult ne +deusses ignorer/ mais bien +me plaist que le saches/ Si te +di que c’est dame fraude dame +fraude que dieu confonde +Adont hault m’escriay/ ha +desloyal ennemie de verité +qui cy t’a menee/ ne te vid +pas en fourme d’orrible serpent +a longue queue jadis Le +tressage poete dant de flourence +sus les palus d’enfer quant +la le convoya virgille sicomme +en son livre recite/ et tu es cy +saillie/ mieulx t’advisist accompaigner +proserpine avec thesiphone +alecto et megera deesses +de rage infernale qu’estre establie +a ceste court. Adont me dist +la dame/ or te tays encor verras/ +lors hault ou palais me +maine en une grant chambre +toute plaine de coffres serrez +en la quelle vi une dame +vielle palle rechignee maigre +et seche et de tres laide estature +mais sur toute riens m’esmerveilla +la façon de ses mains +qui grandes estoient a desmesure +et si fortes que ce que +elle tenoit n’estoit nul qui le +peust avoir/ n’esrachier/ fors +a grant peine/ Les ongles avoit +longues aguës & crochues comme +celles de griffon/ mais ce trop +m’espoventa que toutes ensanglantees +les avoit ycelles ongles +en façon de croches fichoit +partout ou embatre les povoit +fust en ordure ou char de gens +ne lui chaloit ou puis tiroit +a soy de partout sachoit argent +Et que par experience le sache +comme la entree je fusse onques +la dame ou qui j’estoie +si ne m’en sot garder que celles +sanglantes ongles ne s’estendissent +jusques a moy si +que des plumes m’esracherent +jusques au vif dont me dolu +et tout cel avoir fichoit en coffres/ +regarde amie quel office +dit la dame Suis je bien +accompaignee/ si saches que +ceste est celle par qui gist malade +en mauvais point au +lit emprisonnee et groucier +n’ose la tres droituriere fille +de dieu que as veu la jus en +celle chartre/ et ceste est mise +oultre mon gré en son lieu +en ma compaignie/ Et ainsi +comme ouyr peus m’ont +esté ravies mes bien amees +dames de compaignie venues +du ciel/ et en leur lieu mises +cestes perverses prises es infernales +contrees si jugez +amie tout mon fait veu se +joyeuse dois estre.</p> + +<p>¶ Encore +y a il autre chose qui m’est +grevable et moult m’anuye +Car comme je doie amer +sicomme je fois naturellement +ma porteure et mes +chiers nourris et loyaulx +subgés/ Trop suis dolente +d’une grieve maladie comme +incurable se de dieu par grace +ne vient la medicine qui +est commune par toute matiere +et par especial plus +qu’es petis entre les plus +grans/ la cause t’en diray +et que ce est. Il est voir que +un soubtil vent es montaignes +plus que es valees cy +environ court & pres de cy +le quel est tant envenimez +que toute personne qui ferus +en est devient groz et enflez +Or avient il que les plus +poissans demeurent hault +es grans dongions et eslevez +domiciles si reçoivent +a descouvert et a plain le soufflement +du dit vent/ Et aussi +comme ilz soient plus deliquatis +que les plus communs +hommes par leur vie qui plus +est deliee/ plus sont disposez +a recevoir ycellui vent plus +penetratif en eulx qu’en autres +hommes/ & se de ceste chose +te prens garde assez en verras +d’infects de ceste diverse +egritude/ et pou en sont reservez +se par sage provision +de y mettre ostacle ne les en +garde/ ainsi en y a de sains +par tel prudence/ mais c’est +petit/ toutefoiz de moins +et plus les uns que les autres +selon ce qu’ilz seront ferus +et disposez en y a de malades/ +Si est sicomme ceste +pestilence qui pis vault que +epidimie par toute ma +terre que c’est pitié/ & mesmement +les serviteurs n’en sont +communement mie sains +Ains comme mains de leur +maistres ilz s’en gardent +<span class="pagenum">-13-</span> sont moult en y a plus enflez +Tel proprieté a celle enfleure +qu’elle change regart contenance +et parole et la personne +rent desdaigneuse et trop +despite/ et tant engrige souvent +avient en maint en y a +que a trop cruelle <ins title="emort">mort</ins> et sanz +respit elle les conduit/ Si est +tant comme ceste playe non +mendre que celles d’egipte +en mon royaume que grans +moyens et petis jusques aux +vermissiaulx de terre communement +en sont frappez/ & tant +que les contrees estranges +le reprochent & rempreuvent +a mes subgez.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c17">Du vent +de perdicion qui cuert par +la terre.</h3> + + +<p>De l’enfleure de ceste +maladie qui ainsi +court par my ma terre & +de l’inconvenient ou elle tire +et qu’il s’en ensuivra recite +le prophete danyel ou .iiii.<sup>e</sup> chapitre +l’avision que vid jadis +l’orguilleux roy nabugodonosor. +Il veoit ce dit un arbre +qui tant estoit hault/ grant/ +& eslevé que jusques au ciel +attaignoit/ si branchu estoit +que ses branches s’estendoient +de tous lez du monde/ de la +grant planté du fruit de cel +arbre estoit remplie communement +toute mondainne +creature/ en ces branches faisoient +leurs nids les oyseaulx +de l’air/ et desoubz elles se reconçoient +les bestes de terre +Et puis veue/ ceste chose une +haute voix du ciel cryant +ouoit qui commandoit que au +lez de terre l’en coppast ycellui +arbre/ et que tout on +l’ebranchast et s’en volassent +les oyseaulx & les bestes se +departissent/ et fust le fruit +dispers et perdus.</p> + +<p>¶ Cestui +dit arbre les enflez devant +diz tres poissans qui sont +logiez es haulx dongions +de ma terre reçoivent le +vent de perdicion/ signifie +lesquieulx sont de si grant +estat force et poissance +que a pou cuident ataindre +au ciel et tant les rent +infects l’enfleure du dit +vent que non pas seulement +contre les creatures leurs courages +sont gros qui remplis +de desdaing les demonstre +mais aussi contre dieu et +son eglise ce que les branches +s’estendoient par le monde +c’est que yceulx enflez la force +de leur poissance par toutes +terres estendent pour la quel +force par tout sont redoubtez +& crains/ Les oysiaulx s’i nichoient +et les bestes s’i ombroyent/ +c’est que l’espirituel et +le temporel veulent subjuguer +gouverner et traire a eulx +l’abondance du fruit de cel +abre/ c’est ycelle detestable +contagieuse maladie qui +communnement est en +toute gent.</p> + +<p>¶ Ceste prophecie +signiffia la dicte enfermeté/ +mais or entens la +diffinicion de sa sentence +et l’exposicion de la mort +et fin d’icelle/ la voix crya +du ciel qu’au lez de terre fust +l’abre coppez et estirpez/ c’est +que par voulenté de dieu +la force et poissance d’yceulz +enflez finera & sera retranchee +les degitant de leurs haultesces +les branches qui seront +esmondees et les oysiaulx et +bestes qui se partiront/ C’est +que leur force faillie leurs +subgiés et ceulx qui pour les +cruaultez des desdaings de +leurs enfleures les craignent +et doubtent/ les lairont en +leur persecucion/ le fruit +qui sera dispars c’est leur +semblables menus membres +pareillement enflés qui seront +humiliez/ Et adonc +sera certiffié la prophecie +de la vierge qui dit/ <i lang="la" xml:lang="la">Deposuit +potentes de sede et +exaltavit humiles</i>.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c18">De la punicion des +vices.</h3> + + +<p>Escoute aussi de rechief +la belle louange +des .iii. damoiselles diffamees +qui en lieu de mes +.iii. tres amees emprisonnees +que tu as veues la +en bas/ m’ot esté pour m’acompaigner +baillees/ & avisez +se resjouir me doy de +compaignie de si honteuse +fame/ et toutevoyes nottes +<span class="pagenum">-14-</span> a quelle fin terminoit.</p> + +<p>¶ De celle premierement +que tu vois qui en son giron +tenoit la dame armee & qui +tant mes subgés et les miens +corrompt & sustrait/ Entens +l’avision comment en esperit +de prophecie la vid le prophete +zacarye comme il recite en son +livre ou cinquiesme +chapitre.</p> + +<p>¶ Une femme dist +il veoye ou milieu assise d’une +bure remplie d’eaue/ & tenoit +celle une grosse masse de plomb +qu’en sa gueule boutoit/ et +puis .ii. autres femmes je +veoye qui avoient elles semblables +a elles descouffle. ycelles +prinrent la dicte bure +ou la femme assise estoit & +entre le ciel et la terre la portoient/ +adont dist il a l’ange +demanday qui celle vision +me monstroit ou ses femmes +la bure atout la femme assise +en l’eaue portoient/ & cil me +respondi. <span lang="la" xml:lang="la">Ut edificetur sibi +domus in terra sennaar</span>/ il +la portent dist il pour lui +ediffier la une maison en +la terre de sennaar/ +par ceste prophecie est entendue +la deshonnesté dessus +dicte et toute personne que +elle a tiree a sa cordelle/ la +quelle en toutes plaisances +et delis charneulz est de eslargir +espandre et laissier +couler determinee/ tout ainsi +comme les eaues sont fluentes +et decourans/ la masse +de plomb la quelle est +metal pesant et grief que +elle en sa gueule lançoit +est entendu la griefté de +l’offence de dieu & la honte +vituperable qui tant est +ponderant et grieve que fait +commettre la deshonnesté +a ceulx et celles qu’elle enveloppe +en ses laceures. Les .ii. +femmes qui esles avoient et +portoient la dicte femme assise +sont .ii. mauvaises habondances +qui portent et +soustiennent en voulenté +d’eulx espandre en toutes +plaisances et charneulx +delis/ celle et les siens. La +premiere femme est a entendre +de delices habondance/ +si a .ii. esles comme oysel +qui la portent/ c’est assavoir +gloutonnie qui fors menger +et boire viandes glouttes ne +queroit/ L’autre aelle est parece +qui ne veult que jouer +& avoir repos/ La seconde +femme est de richeces grant +abondance/ si a .ii. autres +esles c’est assavoir rapine +qui ne veult fors tolir l’autruy/ +L’autre aelle est cruaulté +qui ne scet avoir de +nul compassion/ cestes aelles +estoient a celles descouffle +semblables/ car ainsi que +cil oysel ne vit que de proye +rappineuse/ ainsi a tele mauvaise +abondance de richeces +communement vient on par +extorcions et rapines/ Or est +descripte ceste perverse deshonnesté +selon la prophecie +zacharie/ mais la fin quelle +en sera qu’en feront celles +qui flotant es eaues la portent +ilz la porteront en la +terre de sennaar pour la +lui ediffier sa maison/ sennaar +vault autant a dire +comme fetor c’est punaisie +qui est la honte & confusion +ou ycelles l’amenront/ et en la +fin lui ediffieront sa maison +en l’abitacion d’enfer ou a +punaisie et perpetuele orreur.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c19">Encore de ce mesmes & complainte +de la dame.</h3> + + +<p>O chiere amie et de la +desloyale de dieu haye +la parfaicte ennemie du faulx +office la quelle bouche et estoupe +la lumiere de verité sicomme +autour de la chartre tu as +veu/ Et que dirons nous car +de son malefice helas je me +dueil/ ne vois tu comment +or y prens garde de s’alaine +corrupte tout est noirci/ Je +enrage d’ire quant je lui +voy giter les loz de mes partages +non pas par sort/ +mais par malice assise a +traire finances de diverses +buches pour fournir le +feu qui ne peut estanchier +en mes palais la plus hault +assise establir ses ordres +plains de desraison et nul +grosser n’en ose/ quant je +voy la hideuse voillee de +malice paistre les mauvais +et ceulx de sa sorte et +<span class="pagenum">-15-</span> destruire les simples & qu’en +puis je dire fors cryer a dieu +car les souverains de mes ordonnances +sont ses aliez. +O dieux quel playe a moy +adoulee avec mes autres griefs. +Je suis comme la vesve +de bon per delaissiee a qui +chacun cuert sure et nul n’en +a pitié/ et que sont devenus +les champions de droit ne s’en +sont ilz fuis/ & s’aucun en y a +la faulce desloyale ne leur +laisse sortir leur droiturier +effait/ voyez voyez tous mes +loyaulx amis comment suis +gouvernee par ce que j’ay perdu +la joye de mon chief/ Et +ce fait ceste faulse qui n’y regarde +droit pour ce que demouree +comme brebis sanz pastre +suis sans joye d’ami Bien doy +estre perplesse quant je voy +ma lignee d’icelle avironnee +qui leur donne conseil de ses +desloyaulx voyes/ est il chose +plus laide que ce qu’elle maintient +comment si fol est homme +qu’il n’avise sa fin. O +avuglee guespe ta pointure +perverse mainte gent persecute/ +Tu es soubtille en +oeuvre malice te +gouverne & barat tient le +glaive de ceulx de ta justice/ +Or n’est il homme si +sage qui en tous cas t’avise +car tu te transfigures en +trop estranges fourmes +si vas traçant par ville par +palais & par sales & par toutes +mes places riens sanz +toy ne demeure/ & chacun +envenimes de ta pouldre +couverte. O dieux jusques +a quant durera ceste guerre/ +mais je me reconforte +sire par la figure qui m’en +est prophecie de xanson +le tres fort.</p> + +<p>¶ Ainsi souspirant +par semblant de +grant douleur dist ceste +complainte la tres honoree +princesse/ & quant ces choses +ot dites comme femme +lassee et de dueil surmontee +couverte de larmes si que +parler plus ne pot se taisoit +quoye et moy qui ses maintiens +regardoie comme compaigne +de son plour par pitié +de sa reverence/ et qui de +bon cueur y remediasse s’a moy +en fust lui dis ainsi.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c20">De ce mesmes.</h3> + + +<p>Ha dame tres redoubtee +et digne comme il +appartiengne a la haulteur +de vostre force monstrer la +tendreur des femenins courages/ +laissez en paix les larmes +non propices a vostre +constance et plus avant +me dites de ce que touché +avez/ c’est assavoir la figure +ramenteue de sanxon +le fort/ la quelle s’il vous +plait m’exposez/ Et elle a +moy amie comme le temps +de la destruccion de la faulse +fallacieuse et de ses desloyaulx +enfans/ je desire me +resjouiray en celle attente le +te disant/ il est escript ou +.xv.<sup>e</sup> chapitre ou livre des +juges d’israel comme prophecie +et figure du desertement +de mon ennemie +et de ses complices qui comme +psanxon le quel est interprete +comme <i lang="la" xml:lang="la">sol fortis</i>/ c’est +a dire le souleil fort eust +lonc temps par les malices +des philiciens ou ceste faulse +regnoit/ esté parcecutez +vint le temps que dieu lui +ouvri la voie du reparement +de ses adversitez par droituriere +vengence/ adont prist +cellui psanxon plusieurs goupilz +ou renars et ensemble les +accoupla par les queues les +uns aux autres les lya/ Et +comme il fust ja la nuit venue +ou premier somme gita +ses renars es maisons +plaines de fains de ses ennemis +partie d’iceulx renars +et les autres chaça es blez des +champs et en leurs bois et +en leurs vignes/ et par celle +voye sicomme dieu volt furent +les filz de la desloyalle et elle +avec eulx/ En celle partie +mors destruis et ars en leurs +pechiez. O amie chiere nottez +la prophecie du temps +de ma gloire.</p> + +<p>¶ Quant ceste +desloyale assez m’ara chastiee +Si que dieu vouldra +sa pugnicion cesser/ & les +crys de mes plains seront +par pitié devant dieu portez +Sicomme jadis furent +ceulx des enfans d’israel +lors que olofernes a tout +sa grant force assegiez les +<span class="pagenum">-16-</span> avoit/ Adont psanxon +c’est le souleil fort s’avisera +de grant malice contre ses +ennemis cessera un de mes +filz cler comme le souleil fort +Car le souleil de justice en +lui abitera/ cellui destruira +ses ennemis par estrange +malice/ c’est assavoir les enfans +de la fraudulente ennemis +de sa vertu qui ma terre +et moy par lonc temps ont persecutee/ +si prendra renars & +queue a queue les acouplera +et entre eulx mettra brandons +de feu/ puis les getera +par nuit sus les desloyaulx +& en leurs gaignages & tout +bruslera et mourront en +leurs iniquitez/ les renars +sont les soubtilz avis de son +meismes sens que il prendra +que il queue a queue accoupplera/ +Ce sont plusieurs poins +par quoy il les prendra en leur +malice/ il mettra brandons +de feu entre .ii. c’est la punicion +de leur meffais & que +par droituriere justice il leur +baillera/ il les gettera sur +eulx quant nuit sera venue +et ou premier somme c’est +quant le terme de leur punicion +sera venu/ & qu’ilz seront +endormis en leur perseverence +il getera partie des renars +en leurs blez et gaignages +C’est que l’avoir mal acquis +qu’ilz ont par le sens d’icellui +sera distribuez es mains +des droiz heritiers.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c21">Encore du vitupere des +vices en general.</h3> + + +<p>Mais de celle aux ordes +ongles et qui tant +courbes les a ou quel faulx +gouvernement tu vois les +mouchettes de mes ruches +qui pervertist le miel de +leur cire en sauvage amertume +que t’en diray je +n’as tu sentu l’experience +de son office/ deust se dieux +t’ayst tel monstre estre trouvé +en ma maison pour +mes enfans m’empoisonner +& pervertir et si villainement +sustraire et par faulce +amonicion de ses flateries +les rendre deshonorez par +sa fame villaine qui rent +ses acointes en ciel et en +terre tous diffamez/ Est +il riens plus blamé que +l’estre ou elle abite tant +soit le lieu sacré d’autre +vertu/ helas ne deust pas +estre cy assise Car qui qu’elle +accompaigne ne lui affiert +mie s’embatre en mes proprietez. +Ha beste orrible et venimeuse +comment as tu fait si mortel +sault comme du puis de +enfer ou est ta naturel demeure +jusques es courages +de mes enfans en qui habiter +ne souloies/ ou sont alez +mes anciennes vertueuses +portieres pitié et charité +quant empeschee n’ont ta +hardiece/ Or me pasme +le cuer de yre voyant ta +cruauté qui ne donne lieu +a nulle vertu/ mais sanz +misericorde esrache les fruis +ains qu’ilz soient meurs +de leur tige/ ce fait ta felonnie +assise es combles de +ma maison/ Et sicomme dit +le proverbe maisgnee duite +selon seigneur les menistres +d’iniquité suivent +la trace de leurs chiefs par +tes fallaces/ et de toy perverse +qui tiens les clefs a force +de mes escrins les oeuvres +et serres a ton vouloir a +leur grant vitupere et +prejudice en font leur parement +O moleste du monde/ tu +sancsue infernale qui te pourra +assez vituperer/ n’es tu +pas celle donques qui livres +matiere aux tourmens d’enfer +et qui de cryer ne cesses +affer affer/ fournase insaciable +et inestainsible qui +te pourra assouvir n’a ja ton +ardant feu pire que gregois +espris mes plus cheres choses +Et ja te voy si effrontee +et magnifestement publique +que nulle vergongne ne +te tapist/ ne ceulx ne se hontoient +tant sont endurcis +que tu compaignes.</p> + +<p>¶ Ha +bien prophetisa le temps +que je voy et le lieu ou tu es +en ces proverbes salomon +.xxx.<sup>e</sup> Chapitre ou il dit +ainsi.</p> + +<p>¶ <i lang="la" xml:lang="la">Generacio que pro +dentibus gladios habet +ut comedat inopes de terra +et pauperes ex hominibus</i> +Ha la generacion perverse +qui en lieu de dens usent +de glaive non mie pour +mordre mais pour tout +<span class="pagenum">-17-</span> trancher ce veons magnifestement +de la desloyale a qui +ne souffit mie mordre se +tout ne tranche.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c22">Piteuses +paroles de la dame couronnee +& recors de la sainte escripture.</h3> + + +<p>O doulce amie et ma +chiere nourrie/ et quant +je sçay que dieux est juste ne +dois je penser que a tous jours +pas ne dissimulera la paye +de sa droiture/ ne fait il grace +quant la convercion qui trop +retarde attent sa misericorde +mais sicomme naturellement +la mere amoureuse de sa porteure +non obstant vices qu’elle +y voye ne met en oubli l’amour +maternelle redoubte par +desserte veoir la ruyne de ses +filz/ ainsi souspirant et lacrimeuse +crainte et paour en +freour me tient de soubdaine +vengence. Helas n’ay je cause +de penser la figure de ma +ruyne en ce qu’il est escript +ou .xv.<sup>e</sup> chapitre du livre +des roys/ que comme dieu de +loy divine repreuve ceste dicte +vicieuse gueppe/ sicomme son +contraire pour ycelle et a sa +cause debouta saül roy +que elle avoit aluché/ lors +que il l’ot envoyé en bataille +contre le roy de amalech +si lui avoit deffendu que +homme ne prensist a rençon +mais tout meist a l’espee +comme orribles pecheurs +et de dieu reprouvez ne +vouloit plus sa vie/ ne des +despoulles retenist aucune +chose/ mais comme +saül mieulx amast obeyr +a ceste desloyale sancsue +qui lui commandoit le +contraire que au commendement +de dieu n’en fist riens +Ains se volt engraissier des +faulces pastures de dieu +vees/ et espargna le dit +reprouvé roy/ pour la quelle +chose dieu appella samuel +le prophete disant Je +me repens d’avoir ordené +sus mon peuple Saül roy +Dont comme le dit prophete +reprensist Saül d’ycelle +forfaicture/ se volt excuser +disant que les despoulles +que faites avoit/ c’estoit +en entencion de a +dieu les sacriffier/ de la +quel chose respondi le prophete/ +mieulx vault obedience +que sacrefice/ et +pour tant que par croire +l’amonicion de la rapineuse +as desobei/ Tu seras debouté +de ton royaume +et adont le prophete le depposa +et en oygny david a +roy/ Ha chiere amie et dois +je penser que dieu dorme +ne voy je le temps que contre +ses commandemens sont +espargnees ses justices sur +les mauvais de droit divin +condampnez a punicion/ mais +qu’ilz ayent pasture pour +ficher en la quelle de la +faulse adont tout est accoisie/ +Mais voir est qu’ilz +s’escusent d’aucune faulse +couleur de bonté faisant +leur malefice/ vois tu tout +commandement de loy mis arriere +pour elle paistre et +nourrir sans nulle espargne/ +Que diray je donques +se je n’ay paour que +dieu soit muable qui ne +peut estre/ & s’il ne l’est pour +quoy ne me touche ceste +figure par semblable cas +n’en voye les aprestes/ Car +bien est fol cil qui mal fait +& bien espoire/ ne sont les +estranges aussi aptes a recevoir +nouvelles proyes comme +ilz souloient/ Et tout ainsi +comme cellui qui se sent +coulpable ne vid sans la runge +de conscience/ le rent +paoureux la paour de punicion +ne de lui ne depart.</p> + +<p>¶ Ancore a ce propos des +malefices de ceste dampnee +ne parla donques a moy +jhesucrist en la parabole de +la vigne sicomme il dist +en l’euvangile des faulx +coultiveurs lesquieulx comme +ilz fussent de la maisgnie +de ceste doulereuse +par envie d’avoir l’eritage +n’occirent il les loyaulx +messages justement demandeurs +des exfruis & +comme ceste felonnie engrigiast +semblablement/ ne espargnerent +leurs glaives le +droit heritier/ mais comme +la sentence divine les despoulliast +<span class="pagenum">-18-</span> pour yceulx crimes +de toute possession/ et en revetist +estranges cultiveurs les miens +cheus en la meismes fosse ne +dois je doubter la meismes +sentence/ Car comme le souverain +maistre establi les eust +coultiveurs de ma vigne pour +bon compte en avoir/ n’ont ilz +occis les messages demandeurs +des exfruis/ c’est assavoir les +causes de mon exaltacion/ et +qui plus est/ le droit heritier +c’est le loz de grace qui tous jours +jusques a ore m’a possedee/ mais +tout ainsi que la femme ançainte +la quelle non obstant le desir +de veoir le fruit de son ventre +hors de soy a sauveté resongne +la douleur du temps de l’enfantement/ +pareillement non obstant +la joye de l’esperance du +bon reppareur avenir/ que dieu +m’a promis/ je resongne le mal +par ou couvient que je passe +ains que je y aviengne.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c23">Encore de sa complainte.</h3> + + +<p>Helas ancore de la paour +que j’ay de ma ruyne +n’ay je cause considerant les +dessertes de mes subgez/ car +peut estre que ains la reparacion +attendue/ moult +couvendra perir des miens +Comme il soit vray que +de choses a avenir le temps +mucié soit soubs le secret +de dieu Sicomme la promesse +qu’il fist a abraham +de ses lignees multiplier & +croistre sus la terre comme +souvrains/ Et chose est +certaine la parole de dieu +estre vraye/ Et toutevoye +par les dessertes d’iceulx +enfans et peuple d’ysrael +punicion a tres lonc temps +leur a esté par mainte foiz +de dieu envoyee/ comme +il appert par la bible qui +de ce fait mencion/ et puis +quant dieu bien les avoit +punis les rappelloit a soy +Et ancore au jour d’uy +les veons dispers et fuitis +pour leur dessertes/ leur +repparacion selon ce que l’en +tient par la dicte promesse +sera quant lumiere de +vraye foy leur sera donnee +Ceste figure me fait +doubter grans perplexitez +avenir/ ains le reparement +de ma ruine/ Sicomme +nous veons communement +ou temps d’orage grans +escroiz de tonnoirres fouldres +et tempestes cheoir dommagiablement +ainçois <ins title="que que">que</ins> +le temps se resclaire/ Et +se sur ce croire n’en voulons +des anciens les prophecies +sicomme merlin les sibilles +joachin et mains autres +qui nous dient tout plainement +les advenemens +de noz adversitez et trebuchemens/ +et se veoir les veulz +en maint lieux les trouveras +plainement et a la lettre +lesquieulx dis je laisse pour +ce que aucuns dire pourroient +que comme ilz soient +apocriffes ne doivent +estre recitez a cause de +certaine preuve/ les textes +des saintes escriptures +que nyer ne povons et ou +n’a mençonge nous doivent +a tout le moins estre +fondement de paour & +petite asseurence/ et aussi +les veritez des vrayes +histoires approuvees.</p> + +<p>¶ Qui me gardera donques +de trembler quant je cognois +que la justice de dieu +riens ne passe sans punicion +et je voy les occasions d’inconvenient +courir toutes communes +c’est assavoir par especial les +filles de perdicion dessus descriptes +et que tu as veues +et le vent penetrant qui donne +l’enfleure maloite qui bestourne +le sens d’omme raisonnable +en beste mue.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c24">Des punicions des vices.</h3> + + +<p>Que j’aye paour de la +punicion qui tant +rent enfermés mes plus +prochains par les exemples +que de l’ire de dieu je treuve +encore pour trop mendre +cas que ceulx que courir voy +commis par mes pourprises +Sicomme il est escript ou +second livre des roys ou derrenier +chapitre/ que comme +le roy david une foiz ferus +du vent dessus dit eslevast +son cuer en l’enfleure de +ambicion de savoir quel +puissance il avoit et de +combien de gens d’armes +finer pourroit/ & pource savoir +<span class="pagenum">-19-</span> fit son peuple nombrer pour +la cause de ceste elevacion seulement +dieu fu contre lui tant +courroucié qu’il lui manda +par le prophete gad/ que il +choisist de .iii. punicions l’une +ou .vii. ans par tout son royaume +aroit famine/ ou .iii. +mois il seroit en fuite pour +paour de ses ennemis ou .iii. +jours pestilence de mortalité +aroit en son peuple/ Dont +apres qu’il ot choisi la tierce +punission/ une tele mortalité +sourdy qu’en son royaume +mourut .lx. & .x. Mille hommes. +O doulce amie/ or regardes +comme grant punicion +pour chose qui au regart +de noz grans enfleures sembleroit +bien petite boce.</p> + +<p>¶ De +ceste enfleure ancore et de la +punicion de dieu envoyee comme +il ne la puist au lonc aler +souffrir/ Est escript ou .iiii.<sup>e</sup> +chapitre de danyel que comme +nabugodonosor une foiz +alast et venist par mi sa sale +& son grant palais de babiloyne/ +se gloriffiant et disent +ne n’est ce pas cy babiloine +la grant/ la quelle pour ma +maison royal j’ay ediffiee +et la poissance de ma force +et la gloire de ma beauté. +Adont disant ces paroles vint +une voix du ciel/ qui lui dist +nabugodonosor escoute/ ton +royaume de toy est trespassé +et bouté hors seras de la +compaignie des hommes & +avec les sauvages bestes +sera ta demeure/ & feing +avec les beufs tu mengeras +ne fu pas mençongiere la +promesse/ car gaires apres +ne tarda que executee ne +fust en sa personne qui deboutez +fu de la compaignie +humaine et ramené en fourme +de beste paissant aux +champs a la pluye et au +vent.</p> + +<p>¶ A quoy querons +nous autres prophecies/ ne +nous sont cestes souffisantes/ +ne savons nous que +dieu est inmuable comme +dit ay/ et que tel est ores +comme lors estoit/ ne sont +les escriptures toutes plaines +des veritez de ses punicions/ +et de tant comme +plus il les retarde de tant +plus grant paour avoir +devons/ Tout ainsi comme +de l’archer de tant comme plus +il retarde a frapper tandis +que fort il tire la corde/ de +tant fiert il plus grant coup +quant il assene/ que t’en +diroie plus/ d’exemples infinis +en sont qui nel croira +si lise/ assez souffise ceste +narracion sus la dicte enfleure +de mal affaire.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c25">Encore de ce mesmes.</h3> + + +<p>Encore de la deshonnesté +qui ma gent de +deffence et mes autres officiers +et meismement mes +plus affins et prochains tient +avec les autres passions +dessus dictes/ en ses liens +comme cy dessus est dit. +helas qui n’aroit que un vice +seroit a peu eureux/ mais +mal pour cellui qui de tous +ou de plusieurs est avironnez +et remplis/ ne me puis +taire de l’exploit de la grant +condampnacion de dieu +donnee contre son vice/ & +des maulx qui en viennent +& au jour d’uy et tres les +premiers temps comme plusieurs +royaumes destruis en ayent +esté/ et pour ce doubter doy +quant je voy le cas pareil/ ce +meismes flaiel/ exemple/ +Dyna fille de jacob fu ravie +du filz du roy de Sichem +et ce fu la cause de la destrucion +du dit royaume/ Amon +se faigny malade pour avoir +thamar sa seur/ pour la quelle +cause il fu de son frere absalon +occis/ le ravissement +de heleyne par paris en grece +fu cause de la destruccion +de troye. un roy de france +comme racontent les croniques +en fu chaciez et exillez/ la +force de tarquin l’orgueilleus +faite a lucrece la chaste dame +de romme qui pour celle +cause s’occist/ fu cause du +desheritement du roy tarquin +et de son filz/ Et pour ce +fait jurerent les rommains +que jamais a romme n’aroit +roy. hanibal roy de cartage +tant qu’il fu sans l’acointance +de la deshonnesté/ il +fu vainqueur et victorieux +es batailles rommaines & +en toutes pars/ Et fu son +nom eslevé en proece/ mais +<span class="pagenum">-20-</span> si tost qu’aprist le repos & en delices +s’enveloppa/ es quelles prist +l’acointance de ceste mauvaise +chut en la vallee de male fortune +ne puis bien ne lui vint.</p> + +<p>¶ Plus te diray et nottes que +quiconques soit l’omme qui es +dissolucions communes s’enveloppe/ +de ceste deshonnesté/ +merveilles est se jamais puis +il a pris d’armes/ et se fortune +en tous ses fais ne lui +est contraire/ puis que son +cuer flote es eaues de ses +dissolucions/ et se n’estoit +qu’il ne loit de nul diffamer +publiquement de ce +te donroye exemple vray +d’aucuns vivans au jour d’uy au monde +sanz honneur/ loyez de tieulx +liens/ ancor te dis que pays +terre ou regne dont des +chevetains est maistrece +ne fructifie en honneur +ne bonne renommee/ Et a +quoy plus alegueroye de +ceste exemple la magnifeste +experience le nous declare/ +mais de son trebuchement +quoy qu’en aye dit +devant/ ne couvient autre +prophecie/ ne mais les effais +de la divine justice +qui pour cause de celle +ebaluffree sanz frain de +honte dont les humains +estoient remplis/ Dieu +dit et sentencia que homme +plus au monde ne seroit +vivant sus terre/ Et +pour ce le deluge envoya +jadis qui n’espargna +creature vivant fors noué +& sa meisgnie que dieu +ot preservez. Si pense +& nottes comment asseure +je doy dormir.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c26">Encore de ce.</h3> + + +<p>Ancore de celle qui +les voyes estouppe +que verité ne saille/ C’est +fraude la perverse/ Sicomme +dit valere le grant +ou .ix.<sup>e</sup> livre que sa tricherie +barateuse est un mal +mucié et espieus de qui +les forces tres efficans +sont mentir et decevoir +comme elle s’esjouisse +en mençonges & fallaces +qui sont les faulx +outilz de son soubtil art +Et de ce parle ysidore en +ses synonimes qui dit que +fraude ou barat est monstrer +une chose en semblant +et faire autre en oeuvre/ +Et cellui qui en lui l’a est +tricheur/ et par elle veult +simuler et faindre l’issue +de vertu/ de ceste mauvaise +vient desloyauté et foy +mentie/ or prens garde se +ma terre et toutes mes +cours sont semees de si fais +hebarges/ ja moult enracinez +en de trop haulx lieux +helas comment ne desplairoit +a dieu juste le vice +de foy mentie de mençonge +et de desloyauté entre +les freres parens et amis +Et entre prochains sicomme +il commande que ilz aiment +l’un l’autre quant meismement +aux ennemis veult +que foy soit tenue/ et que +il se courrouce du contraire +le nous monstre assez +par l’exemple qui signefie +des faulx jurans la grant punicion/ +c’est assavoir par +ce qui est escript ou derrenier +chapitre ou livre des roys +de zedechias roy de jherusalem qui +brisa a nabugonodosor roy +de babiloine la foy promise +que lui avoit/ pour la quelle +chose le dit nabugodonosor vint +assegier jherusalem et dieu en sa +main lui livra le dit zedechias +roy/ Si lui dit quant il le +tint. Dieu qui het toute infidelité +de foy brisee & +de mençonge te veult punir +par ma main/ et adont devant +lui occire fist ses enfans/ & a +lui crever les .ii. yeulx/ et lié +de chayennes le fist prisonnier +mener en babiloine/ Or +regarde que doivent les miens +attendre des infidelitez que +chacun jour s’entre font tant innormes +que l’un en l’autre +ne se peut fier/ ne loyauté +a peine en part qui soit du +grant jusques au mendre +peut estre trouvee/ qui vit +onques mais l’art de sofistiquacion +si commune/ Car +de ce semble que chacun +soit maistre et jusques aux +entrailles des courages +<span class="pagenum">-21-</span> c’est embatue celle art d’enfer +et dyabolique/ si qu’il n’est a +peine parole dicte semblant +fait ne chose ouvré qui ne +soit sofistiqué en tele maniere +que elle a apparence de estre +milleure qu’en effait de +bonté elle n’est trouvee. +Si suis pour ces choses comme +celle qui le baston a +sus le chief et le coup atent.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c27">Encore de ce.</h3> + + +<p>Et tout ainsi comme +les vertus deppendent +les unes des autres & s’entre +accompaignent & attrayent +Semblablement ces filles +de perdicion trebuchent de +l’une en l’autre/ et se entre +sachent et apparient/ Et +qu’il soit vray pour quoy est +doncques fraude trouvee +ne mais pour remplir les +coffres de la rappineuse +C’est l’administraresse de +ses pourveances et de son +amas/ C’est celle qui treuve +les voyes de attraire +ces finances et faire ses +contras/ hahay se perdue +l’avoit comment esgaree +seroit/ Onques ne fu +si propice boyasse ne qui +si bien pensast de sa maistresse. +Dieux quel compaignie et quel couple +avarice et fraude/ mais +de leurs ordes mains +<i lang="la" xml:lang="la">libera nos domine</i>. +Dieux ne commença +ceste orde caigne aux +ongles crochees/ tres que +sus la terre n’avoit que +.iii. hommes Lors que +kaÿm offroit a dieu des +pires fruis de sa terre +et des pires bestes de son +parc/ Et comme dieux +qui scet les courages +n’eust agreable son sacrefice +le reprouva +ycellui chut ou second +inconvenient/ c’est assavoir +de envie et puis +ou tiers par l’omicide que +il fist de son frere abel +Qui pourroit raconter +les maulx qui par ceste +sont avenus/ et ancore +ne cessent/ pour quoy +te diroye des empires +royaumes/ citez et peuples +qui destruis en ont +esté les temps passez/ +Autre exemple ne couvient +fors du temps present +n’est elle celle qui en l’eglise +de dieu met la division +et le Sisme/ certes +c’elle n’estoit ne couvendroit +pas .ii. papes/ ains +a peines un le vouldroit +estre/ n’est elle principale +ou debat de mon royaume/ +Se trouvee n’y +estoit la charge du gouvernement +ne seroit tant +chalengee/ dirons nous +que elle fust plus grande +jadis ou roy de babiloine/ +pour tant se une +seule foiz il desroba le +temple de dieu. helas +avisons quantes extorcions +on fait en plus ses +amees choses que son +temple/ C’est assavoir +a ses povres membres +qui sont les souffreteux +de quoy il est escript que +licite seroit vendre les +calices & les joyaulx livres +et aournemens de autelz +pour secourir a besoing +a la neccessité de yceulx +Et ilz sont de toutes pars +persecutez/ et de tieulx joyaulx +qu’ilz ont/ c’est leur +sustentacion desrobez/ Et +dieux scet en quieulx usages +sont employez/ Mais +le cas de cestui dit roy +pour quoy ne nous peut +estre figure et prophecie +du pareil inconvenient +par divine punicion/ Car +sicomme ou livre de danyel +ou .v.<sup>e</sup> Chapitre est +escript que une foiz baltasar +faisoit un grant disner/ +et seoit a table avec +les nobles de son royaume/ +commanda que fussent +apportez les vaisseaulx +d’or et d’argent que son +pere avoit pris ou temple +de jherusalem/ esquieulx +vaisseaulx on souloit +faire le service de +dieu/ Et cellui corrompu +par pompe buvoit dedens +presomptueusement/ et +y faisoit boire ses +<span class="pagenum">-22-</span> cucubines qui de tieulx +rappines faisoient leurs +paremens/ et les choses +de dieu mettoient en vilz +usages/ Mais dieu contre +qui nulle force n’a poissance/ +et quoy que il +attende bien se scet venger +ot amené l’eure de la punicion +de ycelluy mal +faiteur/ Et par cest exemple +povons notter la +ruyne des plus eslevez +souventes foiz quant +plus cuident estre asseurez/ +Car sicomme cellui +Balthazar Roy de Babiloine +estoit plus en +sa joye/ il leva les yeulx +Et en la paroit de sa +sale vit une main qui +escripsoit tieulx .iii. +moz/ mané/ thetel/ +phares/ Le premier mot +mané/ C’est a dire nombre/ +et est a entendre que +dieu avoit nombré les +jours de sa vie/ Et que +venue en estoit la fin. +Le Second mot thetel +est a dire pois/ qui vouloit +dire que dieu avoit +pesé ses biens et ses +maulx/ et legier avoit +esté trouvé en biens/ +et pesant en maulx. +Le tiers mot phares +vouloit entendre division/ +C’estoit a dire que +dieu avoit devisé son +royaume et sepparé de +lui/ Et ainsi avint car +celle meismes nuit/ daire +le roy de mede/ et +Cirus roy de perse prindrent +la cité de babiloine/ +et fu occis balthazar +et son royaume transporté +es mains des mediens +et des persens.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c28">Encore de ce.</h3> + + +<p>Tant que c’est sanz +nombre doulce +chiere amie/ te pourroye +dire de tieulx exemples +de diverses punicions +pour divers pechez +helas et les miens ne +s’i prennent garde/ ne +dit le proverbe rural +et commun que bien se +bat qui par autruy se +chastie/ & que qui autrui +maison voit bruler/ de la +sienne paour doit avoir/ +Il n’est si beau chasti +que cil qui de soy meismes +& sanz contrainte +vient/ plus leur fust +honorable laisser les vices +de pure voulenté que +ce que a force on leur +feist delaissier/ n’est il +escript que dieux a plus +grant joye du pecheur +retourné a lui que du +juste qui onques ne +failli/ C’est chose humaine +de pechier/ mais infernalle +est la perseverence. +Ha doulce chose +est que de suivre la +voye de vertu a qui si +veult duire/ n’est il +dit que l’omme vertueux +a ja un pié ou +ciel/ Et a quoy se eslieve +homme qui est terre +& cendre/ ne scet il +que sa vie est brieve +ne se gloriffie es richeces +mondaines/ lesquelles +ne sont ne vrayes ne +siennes/ Et que vault +avoir seignourie au monde +grans tresors terres possessions +et poissances sur +les autres/ un pou de temps +pour an si user que on +s’en enqueure dampnacion +perpetuele/ qui est cellui +si ignorent qui n’ait le +ver de conscience. vueille +ou ne vueille quant +il se sent pecheur ne +possede il et y a un des +tourmens d’enfer qui +ne le laisse durer/ mais +quelle est plus grant +seureté que nette conscience/ +C’est joye celestielle/ +Hahay mais pour +quoy ne a qui dis je +ces paroles quant je sçay +que n’en serai pas creue +Car ne pourront entrer +es courages ja adurcis +Sicomme on dit le fol +ne croit jusque il prent +mais habondance de +voulenté le me fait +dire comme tendre mere +<span class="pagenum">-23-</span> a ses enfans/ mais ce me +desconforte que ja me semble +en y a d’entrez en obstinacion +qui trop est chose perverse. +Helas/ j’ay grant +paour que semblable je +soie a Cassandra la sage +fille du roy priant +qui veant la ruyne appareillee +sus les troyens les +amonnestoit d’appaisier leurs +courages +contre grigois ains que +pis leur venist/ mais en +vain se debati car n’en fu +pas creue/ Si leur en ensuivi +tout ce que pronostiqué +leur avoit/ Dont a +tart de ne la croire se repentirent/ +ainsi de eulx +amender et mettre a paix +devers leur dieu de qui +ja voy la guerre. Bien +vouldroye que a mes +paroles si adjoustassent +foy/ ains que pis leur venist/ +ilz me creussent ne +que du tout ja son yre fust +sur eulx espandue/ par +plus grieve vengence. +O sage roy de ninive +bien conseillez qui creus +le prophete jonas/ quant +dieu par lui te manda/ +que pour les pechiés +de toy et de ta +cité tu avoies encouru +sentence de destruccion +dedens quarante jours +Mais lors te repentant +batant ta coulpe/ +en jeunes plours +et afflictions toy et +tous tes subgés jusques +aux bestes mues par +.iii. jours cryant a +dieu mercis vestus de +sacs/ cendres sur les +testes/ tant te humilias +que Dieu ot +pitié de ta contriction +si/ que ton humilité +espargna sa vengence +par bon appaisement.</p> + +<p>¶ N’ont doncques +les miens assez de +exemples d’eulx repentir +ne scevent ilz que +de mal couvient +que mal viengne +Car non obstant +que le sens litteral +de l’euvangile dye que +neccessité est que esclande +viengne/ ne dist il +apres que pour tant mal +cellui par qui esclande +vient/ veulent ilz resembler +le larron qui +ne croit quelque exemple +que il voye que l’en destruise +les mal faiteurs +jusques a tant que il +ait la corde au col/ +Helas/ mais c’est trop +tart/ Car trop est +meilleur a l’omme +se garder du mauvais +pas que ce que a peine +ou jamais s’en tirast +hors se il y estoit entrez.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p1c29">La fin de la complainte +de la dame couronnee.</h3> + + +<p>Belle doulce amie +que te diroye +ne t’ay je assez tenue +es narracions et procés +de mes aventures le +bien et le mal je t’en +ay regehy en general +& en particulier puis +la naiscence de mon +nom jusques au jour +d’uy/ Et ce plus m’a +eslargie a te signiffier +l’estat de mes anuys +que piteuse de mes +afflictions je t’ay trouvee/ +Si est temps des +crimes/ que je me seuffre/ +de plus te dire/ que +trop ne soie longue. +O quel plaisir et quel +alegement est de dire +et descouvrir a son loyal +ami ou amie les pesanteurs +de ses pensees +Car la viande presentee +au famillieux n’est +plus savoureuse/ Si +ne dis plus ce que +autre foiz as dit quelle +que je appere que glorieuse +soye/ Car je t’acertaine +se dieu de sa +grace n’y remedye que +passé a lonc temps +ne fus plus perplesse +helas mais comment +remede du ciel espereroye +quant aux miens si +mal je le voy desservir +<span class="pagenum">-24-</span> Et ancore plus me +grieve sans faille le +peril de pis ou je +me voy que le mal que +je seuffre Tout soye +bien batue Tout ainsi +que cellui qui devant +lui voit cil qui l’a navré/ +a paour que il le partue +Si te mercy ma bien +amee en fin de mes +paroles de ta loyal +amour et compaignie +La quelle te pry que +ne me faille jusques a +la fin.</p> + +<p>¶ Non obstant +que d’alieurs tu soies +requise/ et que de moy et +des miens tu ayes petis +emolumens/ mais ton +bon courage ne vueille +delaissier la nourriture +de son enfance/ Si demeures +constante avec +moy ou gracieux labour +de tes dictiez/ du quel +maint plaisirs ancore +feras a moy et mes +enfans/ Lesquieulx +je te pri que me salues/ +Et que leur signifies +les plaintes de mes clamours +Et que Comme loyaulx +et vrays enfans veulent +avoir pitié de +leur tendre mere/ de qui +encore le lait leur est neccessaire +et doulce nourriture/ +mais vueillent +si espargner ses doulces +mamelles que +ilz ne la succent jusques +au sanc.</p> + +<p>¶ A tant +cesserent les parolles +de la dame couronnee +Et moy apres +ce que selon +ma poissance au +mieulx que sos je l’os +reconfortee/ lui disant +que non obstant +son grant peril/ se +dieux plait les prieres +et oroisons de +maintes bonnes creatures/ +et les biens +fais qui sont celebrez +par sa terre/ non obstant +les grans pechiez +qui y queurent/ Comme +dieu soit misericors +la reserveroyent et +tireroient de peril/ La +merciay de l’onneur +que m’avoit faite et +de la charge que commise +m’avoit/ lui en +promettant vraye +excecussion. Et a +tant reposer la laissay.</p> + + +<p class="c gap">Explicit la premiere +partie du livre de +l’avision christine.</p> + +<div class="chapter"></div> +<p><span class="pagenum">-25-</span></p> + +<h2 class="nobreak" id="p2" title=".ii. de dame oppinion et de ses ombres">Ci +commence la seconde +partie du livre de l’avision +christine la quelle parle de dame +oppinion et de ses ombres.</h2> + + +<p>Apres ces choses +me sembloit que +desireuse de plus +avant enquerre +aloye traçant par la cité d’athenes +tant que m’embatoye +entre les estudes/ lors joyeuse +d’estre parvenue a si noble +université voluntaire de mon +sens par leur savoir prouffitablement +imbuer/ m’arestoie +entre les escoliers de diverses +facultez de sciences disputans +ensemble de maintes questions +formant plusieurs argumens.</p> + +<p>¶ Lors sicomme l’oreille +vouloie tendre a escouter/ +adont le sens de ma veue +preceda cellui de m’ouye/ Car +en haulçant mes yeulx avisay +volant entre yceulx une +grant ombre femenine sanz +corps sicomme chose espirituelle +de trop estrange nature +et qu’elle fust merveilleuse +l’experience prouvoit/ Car celle +chose veoie estre une seule +ombre/ mais de Cent mille +milions voire innombrables +parties les unes grandes/ les +autres mendres autres plus +petites de soy elle faisoit/ puis +s’assembloient ses parties +d’ombre comme par grans +tourbes si que font nuees +ou ciel ou oyselés volans par +tas ensemble/ mais plus en +y avoit que onques oyseaulx +ne volerent. Si estoient +ces tourbes sepparees les unes +des autres ainsi comme +les couleurs d’elles se differoient/ +car de toutes les +coulours qui onques furent +et de plus que onques n’en +fu estoient differenciees +les unes des autres/ Car +une grant tourbe en y +avoit de toutes blanches +une autre de toutes vermeilles/ +les autres yndes +autres de couleur de feu +autres d’eaue/ et ainsi de +toutes les couleurs/ Et +se tenoient ensemble celles +d’une couleur sicomme +font oyseaulx d’une espece +Toutefois aucune +foiz avenoit que ilz s’entremesloyent/ +mais tous jours +retournoit chacune a sa +couleur/ Et non obstant que +une chacune couleur se tenist +ensemble toutefoiz en y +avoit en la route de plus +fort taintes les unes que les +autres/ se vermeil estoit l’une +plus ardant/ l’autre plus palle/ +l’autre plus sanguine/ & +ainsi de toutes les couleurs +si qu’a peine en y avoit une +qui aucunement ne differat +de l’autre/ Et tout ainsi comme +les couleurs d’icelles +ombres par tourbes se differoient +semblablement +faisoient leurs fourmes +Car il n’est corps de creature +humaine ne d’estrange +beste/ oysel monstre de mer +serpent ne chose que +dieu formast onques voire +des plus haultes choses celestielles +et de tout quanque +pensee peut presenter a +la fantasie dont la n’y eust +la fourme/ Si en y avoit +tant d’estranges qu’il n’est +cuer qui le peust penser +mais fourmes de geans +serpens orribles bestes +ne chose mortelle tant ne +m’espoventerent comme +firent les orribles noirs deffigurez +monstres d’enfer de +la quelle remembrance encore +suis toute espaourie.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c1">Ci dit de quoy ces ombres +servoient.</h3> + + +<p>D’icelles tourbes d’ombres +qui par l’air voloient +je veoie tous avironnez les +clercs disputans es dictes escoles/ +et avant que cellui qui +vouloit proposer sa question +parlast/ une de ses ombres +lui venoit s’acouter en l’oreille +comme se elle lui conseillast +ce qu’il devoit dire/ Et apres +quant l’autre vouloit respondre +ou repliquer/ une autre +ombre lui aloit semblablement +s’acouter/ Et ainsi n’y avoit +la nul arguant qui ne eust +autour de son chief ou une +ou .ii. ou .iii. ou .iiii. ou +plus grant quantité qui toutes +le conseilloient/ mais chacune +science a part avoit sa +couleur d’ombres/ sicomme +gramaire les verdes/ dyaletique +les morees/ arismetique +<span class="pagenum">-26-</span> dyaprees/ musique blanches +Geometrie vermeilles/ Astrologie +les asurez/ theologie dorez +philosophie cristalines & ainsi +des autres sciences liberaulx +et deffendues/ Et ceulx qui +arguoyent n’avoient environ +eulx tant que duroit la disputoison +fors les ombres de +la couleur qui appartenoit +a la science de leurs argus +mais non obstant que toutes +traÿssent a une couleur/ ceulx +qui proposoient plus fort +taintes ou moins taintes que +ceulx qui repliquoient les avoient si que +nulle fois n’estoient sans +difference/ et s’il avenoit que +pareilles venissent aux parties +qui disputoient/ adont estoient +les .ii. disputans d’acort +Si estoit la chose partie en +telle maniere qu’il sembloit +que ycelles ombres fussent +cause de leurs descors et debas +qui aucunefoiz tant multiplioit +entr’eulx/ que de +tieulx de chaude cole y avoit +faisoient venir <span lang="la" xml:lang="la">de verbis ad +verbera</span>/ Et pour ce que +estrange chose pourroit sembler +a ceulx qui oyent ou +orront la descripcion de ceste +avision en ceste partie la +quelle les yeulx de mon +entendement plus clerement +veoit que expliquer ne sçay +ne descripre que j’appelle +ycestes choses ombres/ & si +dis qu’elles avoient coulours +diverses/ come se +chose contredisant fust +couleur et ombre estre ensemble/ +si dy que ombres +voirement ce estoient/ car +estranges causes leur donnoient +leur fourmes non +mie d’elles mesmes les avoient/ +Coulourees couvenoit +que elles fussent. +autrement point ne fussent/ +mais transparans +petites et grans si que on +veoit par mi auques toutes +estoient/ fors d’aucunes +si troubles que l’en n’y +veoit grain ne goute. +Ancore plus/ car tout ainsi +comme elles se dessembloient +de couleurs/ semblablement +faisoient de fourmes +car comme j’ay dit devant +de toutes les fourmes et choses +qui pevent estre ymaginees +avoient/ celles ombres empraintes/ +Celles qui appartenoient +a philosophie estoient +comme fleurs de diverses +façons et couleurs/ mais tant +estoient de grant odeur et +beauté que toutes les escolles +en resplandissoient/ si +que grant beauté d’i estre +estoit/ les autres fourmes +d’ombres comme de gens +de bestes ou d’autres choses +s’estendoient plus dehors +les escoles et voloient par +tout le monde/ car celles +plus appartenoient a oeuvres +manuelles & fais que +en speculacion et plus estoient +attribuees aux gens +d’armes et ordre de chevalerie +et autres ars mecaniques +& ouvrables/ De tout ce me +sembloit que avoie clere cognoissance/ +mais sur toute chose +m’esmerveilloit et fort a +comprendre m’estoit ce que je +veoye non obstant ces diverses +parties d’ombre qui par +tout le monde s’espandoient +que toutefois n’estoit ce que +l’image d’une toute seule ombre +en la quelle toutes se +refrappoient.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c2">Comment l’ombre araisonna +christine.</h3> + + +<p>Adont comme je fusse +ententive a regarder +ceste merveille/ l’ombreuse +creature s’en donna de garde +et en telle maniere m’araisonna +fille d’escole qui ça t’amaine +et moy a elle/ dame aventure +mais voz merveilles m’ont +cy arrestee/ Et se je peusse +moult voulsisse plus vous +cognoistre/ Et elle a moy +comment ne me cognois tu +doncques/ dame je n’en +ay pas recort/ et elle a moy +O bien voy que ignorence +tolt aux humains la cognoissance +des objects de leurs oeuvres +mais pour emplir ton desir +Ottroy que tu me cognoisses +pour ce par vehementes +enseignes te seray magnifestee.</p> + +<p>¶ Saches que tres +que adam fu formez je fu +cree/ Et suis fille de ignorence +desir de savoir m’engendra +<span class="pagenum">-27-</span> Le premier homme & sa femme +par mon exort decevable +fis en la pomme mordre/ et +apres ce que dieu l’ot pour ce +meffait condampné a avoir +sa vie en sa sueur/ je lui fis +querre et encercher les proprietez +des herbes et des plantes +et lui appris la maniere des +terres cultiver et les natures +des choses crees lui fis esprouver +tant qu’il les attaigni/ ensuivant +apres je gouvernay +les humains/ & leur fis prendre +loy/ la quelle fu premiere +celle de nature/ Et tres ces +premiers aages furent aucuns +soubtilz hommes aux quieulx +tant fis encerchier qu’ilz trouverent +philosophie et par consequant +toutes les sciences & ars +par moy furent premierement +investiguees et la voye trouvee +d’y attaindre/ ne nom +de philosophe oncques trouvé +n’eust esté se je ne fusse/ +Sicomme plus a plain cy +apres te declaireray/ Et non +obstant que philosophie avec +ses filles fust avant que +moy/ et que fille de dieu +soit/ si fus je faite aussitost +que creé fu entendement +humain/ et lui et moy ouvrismes +la voye aux hommes +de cler engin a la trouver +a entendement premier et +moy seconde/ si suis chamberiere +d’elle en ce mortel monde/ +car en paradis n’enfer +n’ay je demeure/ ma duree +sera jusques au derrain jour +& lors finera. je rapporte les +messages des hommes de +cler entendement a philosophie +et a ceulx qui apliquer +s’i veulent je les fois par le +moyen de diligent estude +se ne leur tolt deffaute d’engin +attaindre par investigacion +a elle/ Et pource non +obstant que par tout le monde +soye me vois tu principalement +en ses escoles hanter +es quelles par l’occasion de +moy avec le labour d’estude +apprennent les clercs toutes +sciences & sans moy apprises +ne pourroient estre +Et non obstant que de dieu +viengne la grace d’en hault +je suis celle qui la mes a +oeuvre ou cuer de la personne +& sanz moy riens ne proufiteroit +Et te dis plus fort que se je +n’estoie avec foy esperance +et charité point ne seroit es +humains.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c3">Les choses que l’ombre disoit +a christine.</h3> + + +<p>Ancore te dis je que tous +les anciens prophetes +qui ont esté non obstant qu’ilz +parlassent par inspiracion +divine de l’advenement +de jhesucrist et des temps avenir/ +et mesmement saint +jehan l’euvangeliste en l’apocalipse +et tous ceulx et celles +qui ont prophetisié se j’eusse +esté en eulx contraire a leurs +dis ja n’eussent saintement parlé +des secrés divins/ mais +affin qu’en moy tu n’erres & +que mieulx m’entendes te +dis que non obstant les choses +dittes maint ont prophetisié +verité es quieulx je n’estoye +mie saine mais leur +disoie au contraire de leur +prophecie sicomme caÿphe +qui dist de jhesucrist qu’il +estoit expedient un homme +mourir pour sauver le +peuple/ Il dist verité +mais ce n’estoit mie ou sens +ou il le prenoit/ et pource estoye +faulse en lui/ car je le faisoie +follement cuider.</p> + +<p>¶ Plus te +diray de ma nature tres +que creature humaine est +nee si tost qu’entendement +commence aucun petit a +ouvrer en lui/ tantost moy +et de mes plus legieres filles +entrons en lui/ et au +feur que l’enfant croist +avec son entendement nous +croisçons en lui pareillement +& en celle croiscence selon +ce que ses inclinacions se +donnent je loge en lui de +mes filles/ s’il est soubtil +en speculacions je les lui +baille teles qu’il lui fault +et celles le font encercher +plus avant de ce en quoy +il est enclin/ Se enclin +est aux armes teles qu’il lui +fault les lui baille/ et celles +le font encercher la +maniere de excerciter les armes/ +Se a oeuvres mechaniques +marchandise/ ou +labour de terre/ paindre/ +escripre/ ou lengager pareillement +selon les oeuvres +par moy avec la +<span class="pagenum">-28-</span> inclinacion ou longue coustume +d’enseignement/ toute +personne prent ses meurs +bons ou mauvais sages ou +folz selon qu’il s’applique/ +Si fais tout homme ouvrer +parler aler et venir et sanz +moy ne se mouvroit pour +oeuvre faire Si me change +souvent en eulx par divers +accidens/ et fois souvent +des bons mauvais/ et des +mauvais bons/ les savans +errer et dire faulx en divers +cas/ et les simples aler droite +voye et dire voir/ et selon +que je sui en eulx je me donne +a cognoistre par leurs +oeuvres et parolles/ Se n’est +en aucuns qui de faintise +se cueuvrent/ toute foiz ce +ne pourroient faire sanz aucunes +de mes filles.</p> + +<p>¶ Souventes +foiz je deçois ceulx +ou je habite par leur donner +faulx a croire/ nil +n’est si sage que souvent +ne deçoive ne autrement +ne pourroit estre selon le +cours naturel.</p> + +<p>¶ Je suis +fondee sur ce que la fantasie +rapporte a l’omme +soit mal ou bien Si fois +souvent faulx jugement +et dis une chose estre bonne +ou elle est mauvaise/ et +ainsi l’opposite et pour ce fais +haÿr et amer sans cause +souvent advient et sans l’avoir +desservi/ diffamer et +aussi louer sans achoison +souventes foiz.</p> + +<p>¶ Es sages +hommes suis plus certaine +et plus vraye et es anciens +de longue experience/ et pource +a bonne cause sont appellez +es conseulx des ordenances +pollitiques Je suis naturellement +plus vive et plus +certaine en un homme que +en un autre selon l’abilleté +de son entendement le quel +me rapporte en ses pensees +Et en homme qui souvent +me change est signe de pou +constant et legier courage// +Je ne suis nulle fois certaine/ +car se certaineté y +avoit/ ce ne seroie mie. Je +dis souvent verité mais +je la dis par couleur et +informacion d’autre chose +Et la gist en l’omme le +sain jugement se la couleur +est voir semblable et digne +d’estre receue qui me fait parler/ +Je ay proprieté de faire +encerchier verité et de l’enquerir +et fus faite pour celle +cause/ mais +aussi tost que elle est clerement +trouvee de la chose que je +fois querir adont couvient +que celle mienne fille qui +cause a esté d’ycelle verité +attaindre se parte de la personne/ +Mais g’i demeure +avec plusieurs autres de +mes filles qui pareillement +s’en partent selon les veritez +qui sont attaintes/ car la +ou elle est nous ne povons +arrester/ et si la faisons attaindre +par labour d’encercher.</p> + +<p>¶ Mes jugemens en +nul cas riens ne valent se +fondez sur raison ne sont +Et cil qui parle ou oeuvre par +moy ou sens n’est appellé +il erre et abonde en folie J’ay +comme dit est filles bonnes +et mauvaises voir disans +et menterresses/ mais se elles +mentent ou dient voir +n’est mie certaine la pensee +qui en soy les a/ Combien +que souvent grant foy y +adjouste/ Et pour ce que +je suis chose non certainement +sceue peus tu appercevoir que +moy avecques esperance sur +le temps avenir par le moyen +de vraye foy sommes cause +du merite des vrays feaulx +catholiques/ Si peus notter +que pour cause que ainsi je +me diversiffie et change +vois tu ycy mes filles de diverses +fourmes et couleurs +Car n’est homme si sage +qui en soy ne m’ait diversement/ +la cause si est que ma +mere ignorence ne laisse ou +vaissel du corps pour sa groisseur +l’ame du tout ouvrer +selon sa soubtilleté/ Et pour ce +couvient que moy qui composee +suis de la nature de +l’ame en tant que je suis +speculative/ et de la nature +du corps en tant que je suis +ignorent soie et abite ou +cuer de creature humaine +mais es intelligences qui +franchement voient verité +& ont cognoissance des proprietez +de toutes choses je +ne suis ne n’abite ne nulle +<span class="pagenum">-29-</span> part se ignorence et entendement +ne sont ensemble/ Et comme +dit est homme n’est si sage +qui n’ignore les causes du plus +des choses/ et pour ce n’est il +nul qui en moy ne varie/ +mais pource que es moins +parfais suis plus foible sont +leurs raisons nices et reprouvees.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c4">Encore de ce mesmes.</h3> + + +<p>Et entens sainement +encore de ma poissance/ +je te dis que toutes les +loys et secrés qui ont esté au +monde/ puis son commencement +exepté la loy escripte +qui a moy se fu de dieu donnee +Et puis celle de jhesucrist les +quelles vindrent du ciel ou +je n’ay nul repaire/ toutes +les autres ay trouvees la loy +de nature ou n’aouroient que +un seul dieu qui fu premiere +& bonne a qui bien la +tenoit fu par moy trouvee +Celles des payens d’aourer +plusieurs dieux/ je donnay +aux hommes de fol entendement/ +et continuer leur +fis par espace de moult lonc +temps/ Et ancore plusieurs +parties du monde je tiens +en celle erreur. Je fis trouver +a belus les premieres ydoles +et a son filz le roy ninus +aourer l’ymage de son pere +Et combien que ne trouvasse +la loy escripte/ car n’i sceusse +attaindre/ fis je maintes +foiz errer en ycelle plusieurs +juifs qui par moy firent +maintes mauvaistiez & +felons fais Sicomme mesmement +au peuple d’israel +je conseillay faire un veel +d’or et que ilz l’aourassent +comme dieu/ et ou temps +de abdon le prophete fis je +au roy jheroboam semer +la faulce creance contre +dieu et sa loy/ et ainsi de +mains autres/ mais aussi +continuay je les bons +en oeuvres meritoires// +En la loy de grace je n’oz +que veoir/ car elle est certaine/ +mais a cellui qui +en fu acteur je fis par le +moyen d’envie maintes +peines faire & aussi moyennant +grace divine/ maint +convertir a sa loy/ mais tout +fusse je cause de sa mort +toute fois contre moy fu +par paour jugez a tort/ et +ycelle envie et mauvaistié +pareillement m’avoit fait +ficher ou temps devant es +cuers de ceulx qui persecuterent +les sains prophetes +et aussi en ceulx qui martirerent +les benois sains Je +fis trouver a mahommet +la faulce loy qui ores est +a esté et sera pour la +punicion des crestiens continue/ +si tiens les sarrasins +en celle faulce creance.</p> + +<p>¶ Par moy se ficherent le +temps passé en plusieurs du +nom chrestien diverses erreurs +en la loy et folles creances +qui fortes furent a esracher +Sicomme il appert de manés +le faulx herite qui trouva +la secte de ceulx que on +appelloit manichees/ et Arrianus +qui ediffia l’eresie +arrienne/ et es parties de +bretaigne pelage qui par +sa faulce doctrine plusieurs +chrestiens corrompi/ un autre +vers espaigne nomme precelin +et plusieurs autres/ en qui +je fus faulce et en leurs disciples +que je fis errer/ Et +mesmement plusieurs papes +et patriarches et de divers +estas de l’eglise/ Et ancore +ne suis si de tous esrachee +en mains faulx pas que +non obstant les vrays amonnestemens +de sainte theologie +je ne soie en eulx avec +erreur tappie/ et couverte +mais paour de feu nous +fait tenir coye et close.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c5">Ci +dit l’ombre les oppinions +de philosophie sus le principe du monde.</h3> + + +<p>En repliquant ce que +devant est dit pour +donner preuve que si sage +ne soit que je ne face errer +parlerons des anciens philosophes +quelle je fus en +eulx/ Et comme le traictier +de ceste matiere/ tout +soit elle soubtille puisse estre +au prouffit de l’entendement +t’en deviseray plus largement +en lengage plus couvert +comme la matiere le requiere/ +te diray premierement +<span class="pagenum">-30-</span> des tres ancians investigueurs +des choses naturelles +A ceulx qui premierement +philosopherent/ je disoie que +des natures des choses yceulz +sont seulement les princippes +qui sont ramenez a cause +de matere/ et a ce que plus +leur fust ce apparant teles +raisons leur faisoie investiguer +que .iiii. condicions +semblans appartiennent aux +raisons des princippes/ premierement +disoient ilz comme +ce de quoy aucune chose +est faite/ semble le principe +estre d’icelle chose/ Car c’est +vray signe de princippe par +qui la chose est faite et tel +est la matiere/ Car de +matieres toutes choses +sont faites. Item car tout +ainsi que ce dont les choses +sont faites nous disons +le princippe de l’engendrement +d’elles et par consequant +cause/ en tant que generacion +toute chose precede a +estre a ce que elle est/ ne +ainçois elle n’est riens. +Et toutefoiz de matiere +premierement comme de son +princippe chacune chose est +faite/ car la matiere precede +la formacion des choses +Et aussi la matiere premierement +non pas acidentelement +est le suppost des formes +par quoy ancore appert +que elle soit vray principe +il s’ensuit que matiere soit +princippe des choses/ Tiercement +car comme de toutes +choses ce semble le principe +ou quel finablement +toutes elles retournent +Car sicomme les principes +sont premiers en la composicion/ +aussi doivent ilz +derreniers estre en resolucion +& autressi ytel en la matiere +Quartement comme il +faille les princippes demourer/ +ce par especial +semble estre vray principe +qui en chacune generacion/ +et apres toutes corrupcion +demeure/ dont comme +la matiere la quelle ilz +afferment substance +des choses soit tele que +elle demeure en toutes +mutacions/ Combien que +aucunes passions se varient +en elle/ et en elle autressi toutes +les autres condicions devant +dictes affierent. Par +ces .iiii. premisses ilz concluoient +que la matiere est +l’element et le premier principe +des natures des choses +ainsi disoient que riens +ne peut estre simplement +corrompu ne engendré +Car tout ainsi se disoient +ilz que quant aucune mutacion +est faite envers quelconques +passions/ toute +foiz demeurent l’essence +principal/ nous ne disons +ycelle chose n’engendree simplement +ne corrompue aussi +fors selon aucune chose +c’est a dire accidentellement +sicomme un homme blanc +devenir noir/ nous ne disons +ycellui homme engendré +quant il prent tel abit +ne corrompu quant il pert +le premier/ Car sa substance +principal si demeure/ +c’est assavoir son estre +le quel si est sa fourme +tout autressi que la matiere +disoient/ il est la substance +des choses/ et ycelle demeure +permanablement/ Tout +autressi ilz concluent que +rien n’est simplement corrompu +ne engendré fors +accidentelement/ mais disoient +ilz toutes mutacions +qui adviennent es choses +sont faites vers aucuns accidans +venans de la matiere +comme sont passions +ou quelques qualitez/ Dont +combien que tous yceulx +couvenissent ensemble en +mettant la matiere comme +cause premiere/ Toutefoiz +les faisoie differer doublement +en la posicion d’elle +C’est assavoir quant a pluralité/ +car les aucuns mettoient +une seule matiere +et les autres plusieurs causes +materielles/ et quant +a l’espece aussi/ Car aucuns +l’eaue mettoient/ les autres +l’air/ les autres le feu +Thales l’ancien philosophe +qui prince fu de ycelle +philosophie/ disoit que ce +<span class="pagenum">-31-</span> estoit l’eaue et affermoit la +terre estre assise sur l’eaue +ainsi la mettoit le principe +des choses/ et dist que ainsi +estoit fondee la terre dessus +comme le effaict est fondé +sur la cause/ dont il est a +savoir que cestui thalles fu +dit prince de ycelle philosophie/ +Car comme il fust l’un +des .vii. sages qui plus proprement +furent dis theologiens/ +poetes/ lui tout +seul se transporta a considerer +les causes & les princippes +des choses/ Les autres +seulement demourez occupez +es moralles sciences/ Les +noms d’iceulx .vii. sages +sont premierement Chales +millesien qui fu du temps +romulus cellui qui fonda +romme ou temps +d’achar le roy d’israel comme +on lit es croniques environ +.vi.<sup>c</sup> .lxxxvii. ans devant +l’incarnacion jhesucrist & +devant aristote environ +.CCC.lii. ans/ Car aristote +fu du temps alixandre +le grant qui preceda +jhesucrist .CCC.xxxv. +ans/ Cestui thales fu +astrologien/ Car meismes +comme on lit il pronostiqua +un deffault du souleil +ou temps d’ozias et des fondacions +de romme bien +cent ans ains que il fust +Cestui aussi fu cil dont +on lit en l’istoire des philosophes +qui chaÿ en la fosse +quant il aloit veoir +le cours des estoilles/ de +quoy il fu remprouvé d’une +vielle/ Comment dit +elle cuides tu veoir ce que +l’en fait ou ciel/ quant a +tes piez ne vois.</p> + +<p>¶ Le second +sage fu pitacus mitilenus +ou temps que es +ebrieux regnoit zedechias +et es rommains tharentin +le premier/ le quel +pithacus tua frenon d’aches +qui batailloit a lui.</p> + +<p>¶ Les autres .v. si furent +solon d’athenes qui fu +faiseur des drois & des +loys populaires/ Chilon +lacedemonien/ pithidorus +corintien/ cleobelus sydien +Byas periandran/ Et furent +tous ou temps de la +chetiveté de babiloine/ Et +en ce temps ci en bretaigne +la grant raignoit cordeille +fille du roy loyr de bretaigne +& femme d’agampus +le roy de gaule/ le quel +agampus a l’instance de +elle subjugua et conquesta +bretaigne occuppee par les +serourges d’elle qui chacié +en avoient son pere/ si +en chaça yceulz et le royaume +au pere restitua au +quel puis succeda ycelle +cordeille Comme plus +a plain il appert par les +gestes.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c6">Ancore de ce +mesmes.</h3> + + +<p>Dont entre yceulx +.vii. sages thales +tant seulement specula la +nature des choses/ et ses +disputacions et les raisons +qu’il fist il envoya par +lettres en diverses contrees +la quelle chose nul des +autres ne fist pour ce +fu il entr’eulx appellé +prince de leur philosophie +Les raisons qui murent +Chales a dire ce qu’il disoit +estoit qu’il veoit le nourrissement +de toutes choses +estre moisteur/ et par .iii. +signes prouvoit son propos +le premier est ce qui est +dit c’est assavoir que toutes +choses vivans par moisteur +sont nourries/ mais ce +disoit il comme ce soit une +semblable chose de quoy +les choses sont & a quoy elles +viennent/ Et ainsi humeur +semble estre le principe des +essences des choses/ le second +signe est que comme +l’essence de toutes choses +vivans tres grandement +soit conservee et gardee +par sa propre et naturelle +chaleur/ Toutefoiz +la chaleur semble faite +et nourrie de humeur +Car humeur est aussi comme +nourrissement et +matiere a chaleur/ il +appert et s’ensuit que humeur +soit principe des +choses.</p> + +<p>¶ Le tiers signe +comme la vie de tous les +<span class="pagenum">-32-</span> animaulx soit gardee en humeur/ +car par le deffault de +naturelle humeur chacun +animal meurt/ et par la +conservacion d’elle chacun animal +vit/ par quoy comme vivre +soit estre aux choses qui +ont vie comme il fu dit devant +il appert qu’il s’ensuive que +humeur soit principe des essences +des choses/ & ces .ii. +signes deppendent l’un de l’autre +Aussi il prent signe par la +generacion des choses/ Car +ce dit il comme toutes generacions +par especial des choses +qui ont vie/ lesquelles sont +tres nobles et parfaictes sur +toutes autres choses soient +faites de semences/ lesquelles +semences ont escailles sont +de nature moiste sicomme +chacun scet/ il appert ce dist +il humeur estre princippe +des generacions des choses +Cestui Chales estoit induit +a ceste oppinion par +l’auctorité des anciens/ car +comme aucuns poetes theologisans/ +eussent esté ancore +plus anciens de lui +Et yceulx eussent tele oppinion +de nature/ c’est assavoir +que l’eaue fust principe +des choses/ yceulx peut +estre pour l’ancienneté +d’eulx thales si ensuivi.</p> + +<p>¶ Si est cy a savoir que +comme les premiers en grece +renommez de sciences +fussent appellez poetes theologisans/ +ainsi diz poetes +Car de ce qu’ilz disoient +ilz formoient dictiez & parloient +faintement/ theologisans +aussi qu’ilz parloient +des dieux et des choses +divines/ les premiers et +les plus principaulx renommez +d’iceulx furent .iii. +c’est assavoir orpheus et +son disciple museus/ et +linius de thebes qui fu +maistre de hercules/ Et +ces .iii. furent ou temps +des juges qui regnoient +ou peuple de israel environ. +.v.<sup>c</sup> .xxvii. ans/ avant que +chales fust/ environ +.xliii. ans avant que theseus +le roy d’athenes +ravist helayne la fille +au roy de thebes environ .lxxxviii. +ans ains que troye +fust destruite/ Et de tous +yceulx .iii. orpheus fu le +plus sollempnel/ Et cestui +fu cellui dont les poetes parlent +qu’il ala en enfer querir +erudice sa femme la +quelle le serpent avoit pointe +en fuyant par le pré +quant euristus le frere orpheus +la vouloit violer la +quelle fable a bon entendement +moral peut estre +entendue Sicomme fulgence +ou livre des natures +des dieux tres clerement +l’expose/ De cestui orpheus +aussi parle boece ou .iii.<sup>e</sup> +de sa consolacion a la fin +et ovide en methamorphoseos +ou .x.<sup>e</sup>/ Cestui orpheus +aussi a parler proprement +sanz nulle ficcion si que +boece recite en sa musique +estoit tres bon cithariste +C’est a dire tant melodieusement +faisoit sons +en la harpe/ que par les +proporcions des acors tant +a point ordenez il garissoit +de plusieurs maladies/ et +les tristes faisoit estre joyeus.</p> + +<p>¶ Ces .iii. poetes dis +par maniere de fictions & +de paroles transumptives +parlans des choses de nature +disoient que occean +c’est a dire la mer ou l’abeisme +ou a tres grant +inundacion d’eaues/ Et thetis +qu’ilz disoient la deesse +de humeur sont parens +de generacion/ Et par ce +dist il comme par singuliere +similitude ilz donnoient +entendre que eaue +fust le principe de la generacion +des choses/ Encore +ceste sentence par +autre fabuleuse narracion +ilz couvroient disant +que le sacrement et le +serment des dieux estoit +par l’eaue qu’il appellent +stix/ La quelle est un fleuve +d’enfer/ Et par ce +que ilz disoient les dieux +faire leurs sacremens & +leurs sermens de l’eaue +pour ce que sacrement se +fait tous jours par ce qui +<span class="pagenum">-33-</span> est plus digne/ Car le parfaict +precede l’imparfaict de +nature et de temps ilz se donnoient +a entendre que l’eaue fust +plus honorable et plus digne +des dieux/ Et dont comme +il appere qu’ilz cuidassent l’eaue +premiere et plus ancienne des +dieux/ lesquieulx dieux peut +estre ilz entendoient estre les +corps du ciel ou autres corps +sensibles/ Car ancore des choses +sepparees n’avoient cognoissance/ +Il dit que nulle plus +ancienne oppinion de ceste n’a +esté es choses de nature/ La +quelle soit cogneue/ meismement +ancore ceste oppinion a +esté nagaires d’aucuns renouvellee/ +non pas qu’ilz deissent +l’eaue plus noble ne si noble +que dieu comme yceulx premiers +firent/ mais sans ficcion +aucune ilz la disoient +& affermoient estre premiere +& aussi la derreniere des choses +de ce monde/ car meismes +ilz la mettent premiere que +le ciel/ Car la premiere espere/ +c’est assavoir une que ilz +ymaginent comprendre +La .ix.<sup>e</sup> ilz la mettent estre +eaue Sicomme plus plainement +frere rogier bacon +le recite en son livre du ciel +ou .xii.<sup>e</sup> chapitre/ Et peut +estre a ce ilz se mouvoient +cuidans les vieulx poetes +accorder avecques eulx/ ou +peut estre pour les diz des +philosophes nommans en +plusieurs lieux les eaues +sur le ciel/ Toutefoiz tant +yceulx philosophes que aussi +les poetes en tant comme +a bon sens se puissent ramener +au moins le plus +des choses en enveloppement +et soubz ombre parlerent +non les nouveaulx mais yceulx +anciens en tant que +des sciences les portes vous +ouvrirent vous les devez +excuser amer et supporter.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c7">Les contre dis d’aristote +aux autres philosophes.</h3> + + +<p>Aristote qui lonc temps +fu apres ou quel je +fus tres vraye et certaine +par le moyen de son noble +engin et entendement qui +moy et mes filles attrey +les plus soubtilles impugnatables/ +& les autres poetes +non mie les impugna en +tant comme poetes/ mais +en tant que ilz semblent +philosophes/ et sont hors +de verité/ aussi recite il +d’ippones/ le quel sicomme +maisme il recite sur le livre +de l’ame/ fu de tres rude +engin/ car il mettoit l’ame +des bestes et des hommes +estre eaue/ Cestui dit il +suivi du tout thales sanz +lui riens adjouster/ Et pource +dit il nulle louange ne nul +pris n’en doit recevoir.</p> + +<p>¶ A +autres philosophes je dis +et fis a croire que l’air estoit +principe de toutes choses si +comme a dyogenes & anaximenes/ +et disoient que l’air +estoit premier de l’eaue Et +principe de toutes choses +simples/ c’est a savoir des +elemens/ Si est a savoir +que .ii. anaximenes furent +et tous .ii. philosophes +C’est assavoir l’un du temps +aristote/ Et de cestui il +n’entent pas ycy/ mais +cestui anaximenes dont +il fait mencion fu disciple +d’anaxamandra qui disciple +avoit esté thales devant +dit/ Et cestui anaximenes +& anaximendra furent du +temps que cirus conquist +le royaume de mede/ et +transporta aux persens +ou temps de la destruccion +du temple de jherusalem/ En +ce temps cy aussi c’est assavoir +ou temps d’anaximenes +regnoit tarquin l’orgueilleux. +Le .vii.<sup>e</sup> et le +derrenier roy de romme/ +cellui qui fu chacié +pour tarqui son filz qui viola +lucrece/ cellui aussi fu +disciple d’anaximenes/ +Toute foiz tant de difference +ont ilz qu’anaximenes +mettoit l’air simplement +principe se non en tant que +composé il fust avec raison +divine/ Et de ce vint une +oppinion qui est recitee sur +le premier de l’ame/ Et +la raison peut estre fu +tele qui les mouvoit +Car ilz veoient que par +<span class="pagenum">-34-</span> respiracion d’air la vie de +plusieurs animaulx au +moins du plus des bestes +est sauvee/ Et sanz air elle +est anichilee/ Et aussi car +ilz veoient par imitacion +& ensuite de l’air varier les +generacions et les corrupcions +des herbes et de plusieurs +des choses.</p> + +<p>¶ .ii. autres philosophes +c’est assavoir ypassus +et eraclitus mirent le +feu estre principe et matere +des choses et peut estre furent +meus a ce pour la soubtilleté +et noblece qu’il a/ Car +meismes pour ce que ilz le +veoyent luisant et monter +contre mont/ ilz cuidoient +le ciel estre de feu/ Cestui +eraclitus/ pittagoras/ democritus +et anaxagoras +& plusieurs autres furent +tous en un temps/ C’est +a savoir ou temps que prophetisoient/ +en judee/ aggenus/ +zacharias/ et malechias/ +ou temps du dit cirus.</p> + +<p>¶ Cestui eraclitus sicomme +il avoit oppinion ou +feu quant aux principes +& causemens des choses +ainsi comme on lit fu +tout le premier de tous +les anciens qui par maniere +d’art trouva deviner +ou feu/ et celle art que on +dit piromancie/ Et sicomme +on lit en aucuns traictiez +d’elle/ lui lonc temps +ainçois pronostiqua la +desolacion de babiloine la +cité devant qu’elle fust +avenue.</p> + +<p>¶ Ainsi diversement +mirent yceulx le +principe de matiere/ C’est +assavoir d’eaue d’air & de +feu en y adjoustant le +quart element/ c’est assavoir +la terre ilz en disoient +toutes choses causees/ et +les disoient estre incorruptibles +& ingenerables/ sicomme +faisoient ceulx qui mirent +un principe/ mais il metoit +que par l’assemblement +d’entre eulx selon diversité +de plus ou de moins +se causoient les diversitez +des choses qui se font.</p> + +<p>¶ Dont combien que +anaxagoras fust ainsné +d’empedecles en temps/ toutefoiz +fu il plus novice en +savoir/ Car comme un chacun +abregier doye a son povoir +les principes des choses +par quoy moins en deust +avoir mis que ne fist empedocles +le quel en mettoit trop +sicomme plus plainement +il appert ou premier de phisiques/ +Cestui ancore pour +les accroistre les mist infinis/ +c’est assavoir car il +disoit les elemens et toutes +choses estre faites d’infinies +petites parties/ lesquelles +il mettoit estre les +drois princippes & mettoit +les choses estre engendrees +& corrompues par congregacion +& disgregacion/ c’est +a dire par assemblement & +desassemblement d’icelles +N’autrement ycelles ne pourissent +ainçois pardurablement +demeurent/ Dont +par les choses ja dictes de +Aristote conclut que par +anaxagoras et par les oppinions +des jadis philosophes +on ne peut autre chose +cognoistre fors seulement +la cause de matiere.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c8">Encore des oppinions.</h3> + + +<p>Pittagoras disoit les +esperes qui sont +menez ou ciel estre dix. +Combien que tant seulement +.ix. en soient apparans/ c’est +a savoir .vii. comprises par +les mouvemens des planettes/ +l’uitieve par le mouvement +des estoilles/ et la +.ix.<sup>e</sup> par le mouvement journal +qui est le premier mouvement/ +mais pittagoras +adjousta la .x.<sup>e</sup> antixthonan +c’est a dire menee au contraire +des mouvemens/ et +par consequant sonnent +contrairement/ Car comme +il mist & aussi le mirent +plusieurs autres que +des mouvemens des esperes +du ciel se facent armonies +Car comme ilz considerassent +que naturellement +noz pensees lesquelles +ilz metoient de nature +celeste se resjouissent de +sons qui sont par mesure +<span class="pagenum">-35-</span> ordenez/ considerans aussi +que tous sons sont de +mouvemens causés/ Car +sanz mouvement nul son ne +seroit fait voyans ou ciel esperes +et cercles de diverses +grandeurs preporcionnees +les unes vers les autres ce +leur sembloit par moult nobles +mesures et meues aussi +de mouvemens couvenables +a elles ymaginans par +ces choses ou ciel estre grans +melodies/ lassus ilz affermoient +estre parfaicte musique/ +et celle de ça bas estre +dirivee de celle de lassus +Et aussi selon ceste leur +ordenance le mouvement +journel qui va d’orient en +occident au contraire des +autres seroit en l’espere .x.<sup>e</sup> +& la .ix.<sup>e</sup> seroit celle la quelle +si mouvroit toutes les esperes +basses au contraire +du premier mouvement.</p> + +<p>¶ Pittagoras et ceulx de +sa secte par lui instruis +mettent les principes des +choses encheans es causes +dessus dictez/ si mettent +nombres ainsi que matere +et princippe des choses et +les passions des nombres +ainsi comme les passions +ou les abis des choses/ si +que nous entendions par +passions accidens/ legierement +passibles et par abis +accidens permanens/ sicomme +ilz mettoient que la +passion d’aucun nombre +selon la quelle il est dit +pareillement per estoit +princippe de justice pour +l’equalité de sa division +Car tout nombre qui equalement +se devise par egales +moitiez sicomme .viii. +se devise en .ii. quatre & +quatre/ en deux deux/ et +.ii. unitez et plusieurs +autres par semblable maniere/ +yceulx ilz disoient +princippes de justice/ Et +par semblable maniere les +autres accidens des choses +ilz assimuloient aux +accidens des nombres +& mettoient les principes +des nombres per et non +per/ pour ce qu’icelles +sont leurs premieres differences +mais le nombre per ilz metoient +estre le principe d’infinité +Et le nombre non per +estre princippe aux choses +lesquelles sont fenies/ Sicomme +plus plainement +il appert declairié sus le +.iii.<sup>e</sup> de phisiques/ c’est assavoir +que le nombre per semble +estre couvenable a division.</p> + +<p>¶ Pour ce infinité par +especial se semble ensuivre +a la division des choses continuees/ +Et le nombre non +per si a le per soubz lui/ & +ancore unité la quelle est +cause de indivision/ Et +aussi prenoient ilz que les +nombres non pers +adjoustez par ordre l’un +a l’autre retiennent la figure +des quarrez nombres +mais les pers varient leurs +figures/ Sicomme .iii. +adjoustez avec un qui est +le principe des nombres/ +causent ce nombre .iiii. +le premier de tous nombres +quarrez/ car .ii. fois .ii. +sont .iiii. Et de rechief +cinq qui apres .iiii. est le +premier nomper adjousté +avec .iiii. fait .ix. qui est +second quarré/ car .iii. +fois .iii. sont .ix. Et ancore +adjousté .vii. a .ix. +font .xvi. qui est le tiers +quarré car .iiii. foiz .iiii. +sont .xvi. Et apres adjousté +.ix. a .xvi. font .xxv. +qui est le quart quarré/ +Et ainsi de tous autres. +Mais se le nombre de .ii. +qui est le premier nombre +per est adjousté a un il +constitue nombre triangulier/ +c’est assavoir .iii. +Et se a lui estoit adjousté +.iiii. qui est le second per +il constitue .vii. qui n’a +tele figure/ Et ainsi les +nombres pers adjoustez +aux quarrez ne gardent +point une meismes figure/ +Et pour ceste raison +leur attribuoient +infinité/ et aux nompers +finité/ Et pour ce que +finité si signifie fourme +a qui compette l’active +vertu/ Et infinité en +<span class="pagenum">-36-</span> depart la matiere a qui compette +passibilité/ pour ce les +nombres pers ilz disoient +femmelles et les masculins +nompers/ Et de ses .ii. diversitez +per et nomper feni et +non feni non pas seulement +ilz constituoient nombre +mais aussi unité/ Car unité +disoient ilz est per et nomper +en vertu/ pour ce que toutes +differences de nombres +en vertu couviennent a unité/ +Car tout se retournent +en elle & elle en nesune/ Car combien +que unité de fait ne +soit pas aucun nombre. +Toute foiz disoient ilz en +vertu elle est un chacun +nombre/ Et pource la mettoient +ilz constituee de per +et de nomper/ Et tous nombres +constituez de elle Et +mettoient le ciel et toute +chose sensible estre faictes +de nombres/ Et ytele estoient +l’ordre des princippes +qu’ilz mettoient.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c9">De ce mesmes.</h3> + + +<p>Aucuns +autres naturiens +anciens furent qui mirent +mouvement c’est a savoir +en tant comme ilz mettoyent +un principe le quel par reffaccion +et condempsacion ilz +disoient mouvable du quel +aussi engendrees metoient +les diversitez des choses/ +Et par ceste maniere le +monde disoient engendré +selon toutes differences +des parties de lui/ Toute +foiz car en lui ne mettoient +variacion se non selon les +accidens/ pource concluoient +ilz que selon substance tout +le monde fust un/ autres +plusieurs oppinions furent +dont la narracion longue +seroit/ mais en brief yceulz +anciens philosophes s’entre +accordent assez en ce que +ilz dient es choses aucun +principe de matiere/ sicomme +thales et dyogenes & +leurs semblables/ & les aucuns +si en misdrent plusieurs +sicomme empidocles/ Et +aucuns autres aucunes +choses non corporelles sicomme +ceulx qui mirent +dualité/ c’est a savoir platon +qui mist & grant et petit/ +lesquieulx ilz dient non +estre corps/ les ytaliens aussi +c’est a savoir pitagoras +ont remis infeni/ le quel +de rechief pas ne mettoient +corps/ Empedocles aussi les +.iiii. elemens qui sont corps +pour principes mettoient +aussi anaxagoras mettoit +infinité de semblables parties/ +c’est assavoir infenies +pars semblables estans +indivisibles pour principe +des choses/ Et tous ceulx +ci ont touché tele cause/ +c’est assavoir la cause de +materre/ Et ceulx aussi +qui ont dit l’air ou l’eaue +ou le feu pour principes +ou autre moyen entre yceulz +elemens sicomme plus espeus +de feu ou plus tenues +d’air/ Tous yceulx ont mis +ycellui corps estre premier +principe et element des choses/ +Et ainsi appert il que +tous ceulx devant diz quant +aux choses ja dictes ont +mise seulement cause materielle +autres plusieurs yceulx anciens +ensuivirent que je +delaisse pour briefté/ Toutefoiz +est a notter que tant +avons eu d’eulx que par +leurs diz ne causes ne principes +oultre yceulx canons +mis en phisiques/ nul de eulx +n’a diffini/ bien qu’encore +obscurement trestous/ toutefoiz +les aucuns y semblent +approcher/ C’est a savoir yceulz +qui materre estre principe +dirent/ fust une ou plusieurs +ou corporee ou non/ aussi +platon qui mist grant et +petit & les ytaliens qui mirent +infini/ Et empedocles/ l’eaue +le feu l’air et la terre/ Et +anaxagoras l’infinité de +semblables parties/ Car +tous ceulx ci toucherent +celle cause/ voire et aussi +tous ceulx qui ont touché +d’air et d’eaue ou de plus +espés de feu ou de plus +soubtil d’air/ lesquieulx +ilz assignoient estre element +premier/ yceulx +tous seulement ont touché +de materre.</p> + +<p>¶ Mais +<span class="pagenum">-37-</span> les autres du principe de mouvement +toucherent/ c’est a +savoir tous ceulx qui amistié +ou haine ou entendement +mirent estre principes.</p> + +<p>¶ Toutefoiz qui soit l’estre +ou substance es choses plainement +nul ne dist/ Toutefoiz +cuidoient ycelles estre +causees d’immobilité et de reposement/ +Et pour ce de ce +qui est la substance aux +choses ilz mirent especes +estre causes/ et un la cause +des especes.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c10">Encore de ce.</h3> + + +<p>Comme ces choses soient +obscures a sentir aux +gens lais et rudes a dire en +lengage vulgar et meismes +a ton entendement pour la +grosseur de lui estranges +passeray oultre des oppinions +des anciens philosophes +lesquieulx en assez de manieres +fis errer sus les princippes +des choses.</p> + +<p>¶ Mais de +ces choses fu je clere a mon +tres amé filz aristote le prince +de philosophie le quel +reprima yceulx anciens +par vives raisons sicomme +cy en brief te toucheray sanz +du tout definir/ car longue +en seroit la narracion non +delitable a ceulx qui ne la +sentent/ Aristote donques +reprime les oppinions d’icelz +anciens philosophes es principes +des choses/ Et pour ce +faire il se devise en .ii. parties +premierement/ il <ins title="imprene">impreve</ins> +les singulieres oppinions/ +et d’enciennement +il requeult les choses qui +sont dictes et les continue +a celles qui ensuivent/ la +premiere par ce divise en +.ii. autres/ premierement +il impreuve les oppinions +de ceulx qui naturellement +ont parlé .ii.<sup>ement</sup> des pittagorians +& des autres/ encore +en la premiere part il +fait .ii. choses/ premierement +il impreuve les oppinions +de ceulx qui mirent une +cause materielle & .ii.<sup>ement</sup> de +ceulx qui en mirent plusieurs/ +ancore au premier +il fait .ii. choses premierement +il impreuve les oppinions +ja dictes en general & .ii.<sup>ement</sup> +en especial/ Il les impreuve +en general par .iii. raisons +dont la premiere est telle +Car comme les choses non +seulement aucunes soient +corps/ mais aussi qu’aucunes +soient non corps comme +il est apparu en son livre +de l’ame que yceulx anciens +n’ayent mis fors seulement +principes corporeulx/ La +quelle chose appert/ Car +ilz mettoient un/ c’est assavoir +le monde estre une +seule substance et une seule +nature/ Sicomme la matere +la quelle corporee ilz metoient +recevant mesure +c’est a dire division/ Et +toute foiz corps ne puisse +estre cause de chose incorporee/ +il appert que en ce +ilz ont failli qu’insouffisamment +ilz ont assignez les +principes des choses/ Et +non pas seulement en ce +ilz ont failli/ mais en autres +choses plusieurs comme +plus a plain apres il declare. +La .ii.<sup>e</sup> raison est tele/ que +quiconques a neccessairement +a determiner de mouvement/ +Il fault que il mette +aucune cause de mouvement +dont comme les diz philosophes +ayent neccessairement +a traictier de mouvement +La quelle chose si appert doublement +c’est assavoir/ car +ilz s’efforçoient a deviser +la cause de generacion et +de corrupcion/ les quelles +ne sont sanz mouvement +Tant aussi Car de toutes +choses naturellement ilz +vouloient traicter/ Et toutefoiz +toute naturelle consideracion +enquiert de mouvement +pour ce que nature +est principe de mouvement +et de repos comme il appert +ou .ii.<sup>e</sup> de phisiques/ il +s’ensuit que ilz devroient +traictier de la cause qui +est le principe de mouvement/ +Et ainsi comme +ilz ostassent ou oubliassent +ycelle appert que ilz failloient +La .iii.<sup>e</sup> raison Car comme +une chacune chose naturelle +<span class="pagenum">-38-</span> ait substance et essence/ +C’est a dire fourme/ Car +fourme est princippe de l’estre +et ce que c’est/ Donques comme +ce par qui toute chose a son +estre soit le principe d’elle & +de sa cognoiscence/ Comme +les philosophes dis/ ne meissent +l’estre des choses cause +et laissassent la fourme +il appert que ilz failloient +ycy repreuve il leur oppinion +plus en especial/ & se fait +doublement/ premierement +quant a ceulx qui le feu estre +mettoient principe/ l’une/ +bien que le feu fust souffisant +.ii.<sup>ement</sup> quant a ce que ilz +laissoient la terre comme +aucunement elle appere premiere. +premierement il resume +la posicion d’eulx/ Car comme +ilz missent chacun des simples +corps transmuer l’un en +l’autre si que les uns sont +engendrez des autres selon +constricion ou inspissacion +c’est assavoir selon tenueté +ou engrossissement/ sicomme +les groz des soubtilz/ Et +pour ce ilz missent l’un de +ces .iii. estre premier principe +Car les autres sont engendrez +de lui/ ou par congregacion +ou disgregacion/ lesquelles +guises toute foiz se different +quant a priorité ou posteriorité +c’est assavoir car selon +une maniere ce semble premier +estre de quoy autre +est engendré/ par soubtiliacion/ +et ceste guise il met +.ii.<sup>ement</sup> Mais dit il que ce soit +premier de qui autre est +engendré par condempsacion +ou inspissacion/ il +appert dit il par ceulx qui +mettoient principes les +corps plus simples/ c’est a +savoir les corps ayans tres +menues parties/ desquieulx +par condempsacion ilz disoient +les choses estre faictes/ +sicomme aucuns qui +mettoient le feu pource que +il est tres soubtil/ aussi +un chacun des autres eslemens +eut un philosophe +qui le jugia premier/ mais +pour quoy dist il ne mirent +la terre estre principe/ Il +ne peut estre dit que ce +eust esté contre l’oppinion +commune/ Car oppinion +divulguee fu la terre substance +de toutes choses estre/ Et +mesmement exeodus qui fu +l’un des poetes theologisans +l’affermoit disant la terre +estre premiere faite par quoy +comme il appere que la terre +estre principe fu l’oppinion +des theologisans poetes +qui precederent les naturiens +philosophes/ seulement +les naturiens escheverent +a la mettre principe pour +la groissesse de ses parties +Et pour ce comme ilz veissent +que l’air eust plus grosses +parties que le feu et +l’eaue que l’air/ et ilz ne veissent +rien si soubtil que +feu/ Il s’ensuit dit il que +en ensuivant ce principe +de condempsacion nulz ne +dirent si bien que ceulx qui +mirent feu principe/ Car +comme pour cause de soubtilleté +aucune chose puit +estre appellé premiere/ il +est neccessité que celle +soit principe qui est tres +soubtille sur toutes/ Toute +foiz s’il estoit vray qu’ilz +dient s’ensuivroit il grant +inconvenient/ C’est assavoir +s’il n’estoit riens que +feu il s’ensuivroit s’aucun +disoit que air fust plus groz +que feu/ ou plus soubtil que +eaue que ilz mesprendroient.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c11">Ancore des oppinions des +philosophes.</h3> + + +<p>Mais certes ycy met il +l’autre raison par +la quelle au rebours il appert +que la terre soit tres +proprement principe/ car +comme ce soit chose evident +que ce qui est derrenier en +generacion est premier en +nature/ pource que nature +a la fin de generacion +tent a ce qui est premier +en son entencion/ mais +tant que une chose est plus +deprise plus espesse et aussi +plus composte/ Tant est +elle plus derreniere en generacion/ +pour ce que en +voye de generacion on precede +de plus simples choses +aux composees sicomme +<span class="pagenum">-39-</span> des elemens on va aux miscions/ +et les mixtions aux +humeurs et des humeurs +aux membres/ tant que finablement +on vient a homme +qui est le plus compost +Semblablement doncques +comme ce qui est le plus espeus +appert estre en generacion +derrenier/ et par consequant +principe de nature/ il appert +que ceste conclusion soit contraire +a celle de devant/ Car +ainsi la terre qui est plus espesse +et plus disperse sera +premiere d’eaue et l’eaue que +l’air/ et l’air que le feu/ Si +est pour ce a savoir que il +y a difference entre querir +ce qui est premier & a parler +simplement/ Car s’on enquiert +de premier simplement +n’est pas doubte que +premier est parfaict/ de +imparfaict et faict que +n’est poissance/ Car nulle +chose n’est ramenee d’imparfaict +a parfaict/ ou de poissance +en fait/ se non par +aucun ens parfaict/ c’est a +dire par aucune chose +estant de fait parfaicte +Et c’est cy a savoir que je +appelle poissance en tant +que je la distingue contre +fait/ La poissance de quelconques +effait le quel n’est +c’est a dire de quelconque +chose produisible et menable +en aucune nature soit +bonne ou mauvaise/ ycelle +nature non estre ore/ +mais povoir estre/ Et pource +la nomme l’en poissance +de povoir estre ou non/ +mais quant elle est/ elle +est nommee fait a difference +de povoir estre/ Et parce +il appert que fait est le +plus noble/ Dont pource +se nous parlons de la perfeccion +de dieu/ dieu si +est tres parfaict/ et donques +tres premier/ Car en +son essence nulle possibilité +ne fu ainçois que fait/ +mais ces particulieres choses +qui precedent en leur estre +de poissance en effait/ la +poissance en ycelles quant +temps si precede le fait +et ainsi l’imparfaict le parfait +combien toutefois que a +nature le fait soit le premier +c’est asavoir quant en son +entencion et maniere d’elles +savoir produire/ Tout ainsi +que il appert d’un messagier +qui va en aucun lieu +Combien que le lieu ou il +va quant au labour et a +son entencion il atteigne +de y venir/ Toutefoiz estoit +il le premier quant a son +entencion/ car autrement +ne se fust il pas meu/ Et +sicomme au lieu quant il +ataint on pourroit dire +qu’il y estoit deffaict. aussi +ainçois qu’il atteignist +s’entencion povoit estre appellé +poissance/ Et ainsi +il appert que fait se non +en temps/ toute foiz quant +a nature ou a entencion +est premier que poissance/ +il est du tout manifeste +que ainsi le premier principe +de toutes choses il fault +estre tres simple pour ce +que toutes choses sont +composees des simples & +non <span lang="la" xml:lang="la">e converso</span> donques +il estoit neccessaire aux +anciens naturiens que l’un +et l’autre ilz attribuassent +au principe premier/ c’est +a savoir au principe du +monde qu’ilz attribuassent +avec souveraine simplicité +souveraine perfeccion +Mais comme ces .ii. ne +puissent estre atribuez +a aucun principe corporel +Car es generacions & es +corrupcions les tres simples +choses sont les plus +imparfaictes pour ce leur +sembloit estoient ilz contraires +mettre division +es principes.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c12">Cesse a parler des oppinions.</h3> + + +<p>Plus te diroie assez +quelle je fus es +anciens philosophes en divers +cas/ et mesmement +en cestui dessus dit plus +largement/ & aussi des solucions +du vray distingueur +et sage determineur Aristote +Et qui plus de ce vouldra +savoir quiere le philosophe +en sa methaphisique +<span class="pagenum">-40-</span> Mais comme la matiere soit +obscure de ce/ a tant souffise/ +Et ainsi comme en une +riche mercerie ou tresor/ sont +avec perles diverses pierres +precieuses de plusieurs vertus +couleurs et pris/ les quelles +au goust et plaisances de +divers barguigneurs sont +requises/ Soient ycestes choses +ou tresor de ton volume +reservees aux hommes scienceux +de soubtil entendement/ +Et passent oultre +les moins expers aux choses +plus legieres et communes +Et tres ore soit changié l’ordre +de nostre rethorique en +plus vulgare et elegant +parleure en retournant +a nostre premiere arrenge +te soient assés souffisantes +les preuves des choses devant +dictes/ me tenant quitte +de promesse a toy par +moy faite/ C’est a savoir +de te clairer les termes de +ma poissance manifestes +mesmement es hommes +plus sages & de plus soubtilz +engins.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c13">De l’ombre la poissance +que elle a.</h3> + + +<p>Or t’ay je assez prouvé +par ce que devant +est dit comment je +suis cause premiere des oeuvres +humaines & que se +precedent ne fusse aucune +oeuvre n’aroit effect es humains/ +pource te vueil +reprendre en aucune partie +de tes dis/ en ton livre +intitulé de la mutacion +de fortune le quel compilas +par grant labour & +estude/ Car combien que +par moy t’en venist l’invencion +trop faillis sauve +ta grace/ Lors que tu +tant octorisas la poissance +de dame fortune que tu +la dis estre toute ordenaresse +des fais qui cueurent +entre les hommes/ Et +ma poissance souveraine +sur toutes influences refleccibles +es oeuvres communes +qui precelle toutes +autres/ tu oublias/ Si +ne te soit honte offrir +l’amende a moy suppellative +de toy en ceste partie injuriee +te rendant repentie coulpable +comme mal avertie me +recongnoissant suppellative +sur toutes poissances +relatives ça bas de dieu +ordenees/ Et que ceste chose +te soit magnifeste vueil +que me desnoues cest argument/ +Je te demande +le quel est plus noble ou +l’acteur qui est principe de +la chose premierement mise +en fourme/ ou l’euvre +qui despent et vient de la +poissance de l’acteur premier +princippe/ Et moy a elle/ +certes dame je tiens que +comme dieu soit principe +de toutes choses/ Et aussi +comme dit aristote +l’entendement est le souverain +des biens/ Car a lui +tous les autres obeissent +le premier principe des +choses je confesse le plus +parfaict en accion de oeuvre +comme ci devant est assez +prouvé/ Et elle a moy/ +bien respondis/ or t’ay vaincue +par ton meismes jugement/ +Car non obstant +qu’entendement soit devant +moy quant en concept +Toute foiz suis je premiere +cause de toutes choses bonnes +ou mauvaises faictes +ou pourchacees par pensees +ou oeuvres humaines/ Et +donques comme devant +est dit s’il est ainsi/ ce que si/ +que principe soie des speculacions +et toutes choses +<ins title="ouvralles">ouvrables</ins>/ comme il appert +Je conclus vraye ma preposicion +que je precelle les choses +ouvrees/ Et que fortune +a qui tant de poissance atribuez/ +n’est fors ma chamberiere +mercenere comme +conduisarresse des oeuvres +ja par moy disposees a +mettre a effaict.</p> + +<p>¶ Mais +affin que il ne semble +que par mouvement de +envie lui vueille soubtraire +la fame de son auctorité/ +te cognois estre +vray qu’en disposicion de +oeuvre/ fortune a poissance +de conduire les fais +particuliers bien ou mal +<span class="pagenum">-41-</span> selon le soufflement de son +influence/ mais te souviegne +que differens sont noz +mouvemens/ car de rechief +te dis que je euvre en esperit +et fortune ne peut ouvrer fors +es choses ja par moy deliberees +aptes a recevoir ses influences +es choses dehors et foraines +mais es repostailles de la +pensee es quelles je sui muciee +n’a nulle poissance/ doncques +tu peus cognoistre que +elle est serville et villaine +vers mon auctorité comme +elle soit au monde sicomme +superflue comme le las de +l’adversaire/ Et je soie celle +sans qui nulle chose n’est +faite et sans qui nul fruit +d’oeuvre ne pourroit l’omme +conduire a perpetuelle gloire.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c14">Encore dit de sa +poissance.</h3> + + +<p>Que te diroie de mes +poissances n’en doubtes +point que elles passent +& precedent toutes les choses +mondaines Et t’acertaine +que par moy singulierement +depuis le commencement +du monde a esté est +et sera gouverné tout l’univers +et fondé sur moy +es choses ouvrees par les +hommes/ Et non obstant +que grans sciences lois escriptes/ +rigles de princes +coustumes de terres soient +en commun usage/ si te +di je que precede toutes leurs +poissances/ et plus puis que +toutes ensemble/ et qu’il +soit voir il appert par ce que +non obstant ycestes coustumes +ou establissemens souventes +foiz/ fais errer meismes +ceulx qui y sont les +plus savans et les plus expers +et entrer en tieulx argumens +dont les conclusions +sont faulces et dampnables +sicomme ja est +prouvé par ce qui est dit +des anciens philosophes.</p> + +<p>¶ Et pource que tu attribues +en ton dit livre de la +mutacion de fortune/ elle +estre menarresse des antregiez +des seignouries/ je +te dis que de tous yces mouvemens +suis le premier +motif/ ne fu je celle qui +tres le .ii.<sup>e</sup> aage fis a nambroth +le jayant par presompcion +ediffier la fort cité et tour +de babiloine qui onques n’ot +pareille comme ci apres sera +dit/ si le fis errer tant qu’il +dechut de l’atainte de sa +pensee/ apres ce temps comme +je fusse fort fichee ou cuer +du roy de ninive par moy +mettre a effaict/ ne vint il +a chief de prendre la dicte +fort cité de babiloine/ la quelle +sa femme semiramis par +moy et mon industrie moyennant +son chevalereux courage +fist ancores enforcir +et brayer de bons fossez et +bastides.</p> + +<p>¶ Item apres +ce lonc temps ne donnay +je cuer a cirus de guerroyer +astiagies son ayol +qui a occire l’avoit commandé +si me poursuivi tant que +il avint a son entente de ce +et de tout oryant qu’il conquesta/ +et pour ce que la +matiere en est belle ancore +diray de sa conqueste/ Comme +je donnasse cuer et hardement +a Cirus de emprendre +fortes choses ce meismes +recite abacut en sa prophecie +Il prist la dicte cité de babiloine +la quelle prise fust tant +merveillable que ainsi comme +dit Orose & saint augustin +a peine pout il lors estre creu +que par vertu humaine +fust conquestee ne qu’en +ceste mortelle vie ediffiee +et puis prise peut estre. +Car si qu’il dit elle estoit +en bel espace assise de toutes +pars tres fort en sa disposicion +façonnee en quarrure/ +la haultece de ses +murs estoit .l. coubdes/ et +l’espesseur autant par .iiii. +fois/ tous les murs estoient +de pierre cuite enlaciez par +cyment/ et avoit cent +portes d’arain/ et environnoit +.CCCC.lxxx. estades +qui valent .li. milles +C’est assavoir .xxv. lieues +et demie françoises/ Car +sicomme raconte orose +Comme Cirus eust conquis +auques tout orient +& voulsist subjuguer +<span class="pagenum">-42-</span> babiloine la quelle lui restoit +Comme a un des assaulx que +il fist il perdist ou fleuve de +euffrates qui cignoit la cité +de ses chevaliers/ cellui que +il amoit le plus/ le quel aussi +surmontoit tous les autres +en valeur et proece/ Il jura +que cellui fleuve le quel avoit +noyé si vaillant chevalier +deviseroit en tant de parties +que nulle part de lui ne seroit +si grant que a une petite femme +venist aux genoulx/ et +ainsi fu car en .CCCC. & .lx. +ruisseaulx par force d’ommes +en l’espace des champs il devisa +le fleuve/ si que le +tres noble fleuve qui passoit +par dedens la cité osté et +subtrait de elle/ fu subjuguee/ +et prise.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c15">Encore de ce mesmes & +des seignouries.</h3> + + +<p>Pour briefté je laisse +infinies autres choses +lesquelles ay faites faire +pendant ce temps & meismes +celles que tu imputes a fortune/ +ne vindrent de moy/ +Les premieres invencions +des fais que ains leur achevement +vy en pensees/ non +obstant que souvent les veoye +autrement qu’ilz n’avenoient +de tous les fais des conquereurs +passez.</p> + +<p>¶ Ne fis +je apres autres aventures +passees/ a croire au roy xerses +qu’il conquerroit toute +grece en lui ramentevant +sa grant poissance/ Dont +pour ce faire assembla tant +de gent que mons et vaulx +en estoient couvers/ Si avoye +couleur de jugier pour +lui la victoire/ mais comme +fortune me soit souvent +contraire/ par especial +en fais de guerres et es choses +avenir/ je confesse que +elle voluntairement donna +la victoire aux grieux tresbuchant +cellui poissant +es las de maleurté sicomme +toy meismes as autres foiz +apres autres aucteurs recordé +en tes volumes Toute +foiz non obstant que +a lui fusse mençongiere +et decevable fis je la +premiere naiscence de celle +emprise.</p> + +<p>¶ Apres ce +temps par moy et par mon +amonnestement furent commenciees +et continuees les +grans guerres troyennes/ +Ne fis je a croire a leomedon +roy de la premiere troye que +les gregois dessendus a son +port/ quant aloient pour +querir la toison d’or estoient +venus pour espier sa terre +et lui pourchacier dommage/ +et par moy sans cause +envoya congeer de sa terre +jason hercules et les autres +barons villainement/ pour +le quel despit je me mis +ferme ou cuer des dis barons +et leur promis que bien s’en +vengeroient comme ilz +si firent apres/ car je fus +simple et nice ou dit roy +leomedon qui follement +me crut et mal se gaita +de yceulx gregois en qui +je fus sage et vraye/ si que +sagement menerent leur +fait par l’ayde et disposicion +de fortune conduisaresse +de leur bon eur/ si que toute +destruirent et ardirent +la cité/ le roy occirent et toute +la gent.</p> + +<p>¶ Apres ne fis +je a priant filz leomedon +rediffier la seconde troye +qui tant fu belle fort +et poissant que merveilles +estoit a comprendre/ +par moy apres entreprist +la vengence sur les grieux +Si fis aler paaris en grece +et ravir helayne et tout +faire ce qui en fu fait/ Et par +mes amonnestemens avec +l’ayde ou nuisance de fortune +perdoient troyens et gaignoient +Je fus cause de la mort +hector/ car je lui faisoie a +croire que il n’avoit garde +d’achiles qui sans cesser le +gaittoit/ si que au derrain +l’occist/ Semblablement +depuis deceu je achilles +tant que il cheut es las de +la royne Ecuba qui a bonne +cause le hayoit/ tout +pour moy et par mon pourchas +fu au derrain troye +prise et destruite/ De la quelle +fis apres partir plusieurs +barons du sanc real a tout +grant foison de gent qui +<span class="pagenum">-43-</span> par mer s’espandirent en diverses +contrees dont eneas et sa +compagnie arriva en ytale +si lui fis couvoiter la fille +du roy latin/ et pour celle +cause emprendre guerre a +turnus qui lui chalengioit +Dont d’icellui eneas venu +a son entente deffendirent +puis les fondeurs de romme.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c16">Dit ancore l’ombre des +choses que elle a faites faire.</h3> + + +<p>Depuis ensuivant +n’ay je esté celle qui +les successeurs de yceulx +ay amonnestez d’emprendre +les grandes et merveilleuses +choses/ lesquelles par +l’ayde de fortune a eulx propice/ +tant esploitierent et +par leur travail ayde et +sens en lonc espace de temps +que ilz conquesterent le monde +Sicomme les histoires de +leurs gestes/ et toy meismes +apres autres en ton dit livre +de mutacion de fortune +le recordes/ le recitent/ si +n’est besoing de plus en faire +longue narracion.</p> + +<p>¶ Aussi ne fus je celle qui +au grant Alixandre tres +sa jonesce donnay l’invension +d’emprendre les fortes et +fieres batailles en lui promettant +fortune en son ayde +qu’il seigneuriroit sicomme +il vint puis a chief de tout +le monde/ Semblablement +devant et apres ensuivant +de toutes conquestes et +seigneuries/ et toutes estranges +choses mettre a effaict +des choses a l’aventure par propos deliberé/ +ay esté moyen et +principe/ ce ne me peus tu +nyer/ se tu ancores par +grosseur d’entendement +ne m’ignores/ qu’en dis tu +me suis je assez magnifestee/ +me cognois tu/ et moy +a elle/ dame dites ancore. +A quoy veulx tu que plus +je dye. Ne vois tu l’experience +de moy manifeste +meismes chacun jour ou +pays ou tu demeures par +les debas que je fais par +mi la ville et en toutes +places/ Regardes et avises +quieulx descors/ mais +meismement entre les +princes qui sont d’un sanc +et amis naturellement +par les diversitez de moy +qui suis contraire en eulx +le fois devenir comme +ennemis maintefoiz et en chacun suis si +afferme contrairement en +ce qui lui semble bon que +l’en ne me peut desmouvoir +Car chacun dit que il a droit +et ainsi le veult soustenir +et a discuter leurs raisons +ne vois tu les assemblees +qui en sont faites de plusieurs +que on dit sages et a chacun +pour soy de ses aderés +qui different les uns des +autres/ Lesquelles choses +sont causes de grant inconvenient/ +car en pays royaume/ +empire ou cité ou +je soie ou aye esté communement +de plusieurs guises +contraires & mal accordables/ +ne fu que rebellion +et grant debat commocion +et bataille ne fust/ ne +autrement ne peut estre +Car certes la ou je ne suis +d’un commun accord/ n’ara +ja paix/ mais du tort +ou droit d’entre lesdiz princes +supperieurs je me tais/ +Car de ce determiner n’est +mie mon office qui tous +jours suis en doubte et non +certaine/ mais de ce demander +couvendroit a la tres clere +resplandissant poissant +deesse que tu veis enclose +en chartre et emprisonnee +& de qui fraude s’estudie +a estoupper et clorre les voyes +de sa lumiere sicomme +a toy meismes fu apparant +et de qui les menistres quoy +que leur desplaise n’osent +soubz peine d’estre batus +tinter ne lever l’ueil/ mais +de leurs descors fois je sourdre +par toutes places +nouveaulx debas entre +leurs ministres et aderez +et par toute la ville en +deviser negativement +l’un contre l’autre/ et meismes +a de ceulx qui ne les +cognoiscent en estranges +terres en qui je me fiche +diversement/ Si les fais +entre batre souventes +foiz/ et questionner mesmes +<span class="pagenum">-44-</span> de chose qui riens ne leur touche/ +Disant l’un contre l’autre +Tel seigneur a droit pour tel +cause et pour tele/ L’autre +replique que non/ et ainsi +par non a/ si a/ si fu/ non +fu/ je fais gent entre occire +souventes foix meismes +es tavernes souvent avient +adont suis je forte quant +il y a vin & plus je y abonde +& fais mesler gens de la chappe +a l’evesque/ ou des guerres +de anthioche le quel a ou droit +ou tort et ou le quel est plus +sage/ ou le quel ne l’est +mie/ Et ainsi je demonstre +es humains leur ignorence +de eulz debatre de ce de quoy +riens ne scevent et ne leur +appartient/ O quel folie +en homme de qui le sens +doit gouverner raison/ se +fonder sans elle sur moy +& jugier par moy certainement +de chose non certaine +et que ilz ignorent +Que t’en diroie je fois vivre +les gens par moy/ c’est a +entendre disposer leurs +fais selon ce que je leur +conseille/ Et quant ilz pevent +avenir a l’ordre de vivre +que je leur fois desirer/ adont +sont ilz contens de la chose +que ilz vouloient/ mais je +suis different en eulx/ Car +je fais penser et cuider a +l’un que bon lui soit/ une +maniere de vivre/ et certaines +choses que il appete lui +sont bonnes/ que a un autre +ycelles meismes ne plairoient +point/ mais lui plairoient +toutes contraires/ Et cestes +differences viennent selon +les condicions et aages des +gens sicomme je suis autre +es jones que je ne suis es +vieulx/ et meismes es .ii. +aages entre eulx suis je +different/ Et pour ce que +ainsi je differe suis je cause +des debas du monde/ et +chacun me cuide avoir en soy +meilleur/ je fais sembler +a un homme que avoir des +flourins il n’est plus de joye +Je fais sembler a un autre +que avoir belles dames il +n’est plus de bien/ aux uns +juger que science est souveraine +chose/ aux autres que chevalerie +est meilleur et plus noble +& ainsi des autres choses/ Et +pour ce ne fu onq si parfaict +pas jhesuscrist comme homme +qui peut bien vivre ne estre +agreable a l’oppinion de tous +Toute foiz te dis je bien que +vivre vertueusement & bien +faire si emporte le plus des +voix des gens.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c17">Ce que l’ombre disoit +des arquemistes.</h3> + + +<p>Comment cuides tu que +je soie comme j’ay dit +fort atachee es speculatis clercs +& entre les autres es arquemistes +qui la science cuident trouver +par les termes entendre de +aucuns livres obscurs +de faire l’or/ merveilles +est car s’il est voir que aucuns +philosophes par investiguer +les secrés de nature telle art +trouvassent/ la quelle chose +fort semble a croire/ toutevoie +tant sont couvers estrangement +les <ins title="tertes">textes</ins> de leurs +aucteurs que bonnement +le sens humain ne les scet +ne mais a l’aventure concevoir/ +ne sentir fors telement +quellement/ mais voy ci qui +deçoit les ouvrans en ycelle +art que ilz dient et touchent +que comme il n’apartiengne +que aux ignorans ruraulx +soit descouvert si noble secret/ +pour le bien des soubtilz +l’ont voulu si mucier +que des rustiques ne leur +soit tolu ne fortraict/ Et ycy +est la decevance/ Car chacun +qui s’i fiche cuide estre du +nombre des plus soubtilz +& abuse en son entendement +en estudiant yceulx livres +lesquieulx baillent le sens +de leurs termes/ a si doubles +ententes que le plus cler +voyant n’i voit nulle goute +mais adont je me fiche en +eulx et leur fais a croire que +l’asemblement des metaulx +<ins title="sulimez">sublimez</ins> diversement comment +et de quoy doivent estre +mistionnez de diverses matieres +et nourris en feu +attaindront l’art de nature +et par espace de temps sera +converty en or ou argent +et toute voye l’un entant la +<span class="pagenum">-45-</span> maniere du composer en une +guise l’autre en un autre/ et +le tiennent secret les ouvreurs +sans conferir ensemble de paour +que ce que ilz en croyent +et la maniere de leur ouvrer +peust aviser un autre de trouver +la voye d’i attaindre ne +jamais nul ou pou n’euvre +de la guise de l’autre/ et ainsi +gastent le temps et perdent +et font grant mise follement +par vaine esperance qui par +aventure en leur erreur les +reconforte pour un pou de +apparance ou conjecture de +aucune congelacion estrange +faite par diverses mistions +& feu quelque matiere dure +remettre ou pouldre en +eaue ou autrement cuident +par ce avenir au degré ou +ilz tendent lesquelles choses +sont toutes frivolles/ et +tournent a folies et a chetivoison +et toute jour et +nuit font feu contemplant +un fournel/ mau peus & +mau vestus se paissent de +vent/ & la font chasteaulx +en espaigne pensant comment +il seront aise quant l’or +saront faire/ et quieulx despens +ilz menront/ Et que +cuides tu que de tieulx arquemistes +sourdent aucune +fois de grans trompeurs +qui cabusent les seigneurs +& leur font a croire que se +ilz eussent quelque mise +n’est mie doubte que ilz ont +ja ataint un grant secret +si en tireront grant prouffit/ +et ainsi par quelque +apparance de verité soubtille +en ycelle art monstrent +signe de aucune chose voir +semblable/ et au derrain +tout tourne a neant comme +tu as veu meismes en ton +aage avenir de plusieurs +de quoy il estoit grant renom/ +et maintes gens foy +y adjoustoient Sicomme +d’un en alemaigne que +on nommoit maistre +bernard qui tant se +faisoit renommer par +l’estat que il tenoit/ et +meismes a ton pere envoya +il lettres/ et tant +fist que trop de gens foy +y adjoustoient/ et aloient +de toutes pars clercs devers +lui/ et toutevoye au derrain +fu trouvé que tout estoit +neant et tromperie/ et de +autres plusieurs que tu +as veus que au derrain on +faisoit mourir par leurs +dessertes par cabusemens +faire a seigneurs/ Et avient +aucune foiz que je me +fiche si en eulx par la speculacion +que ilz y ont +trop ententive/ je les fois +devenir tous fantastiques +& si astras que ilz sont +comme inconversables.</p> + +<p>¶ La bonne galle est quant +de aucuns folz non lettrez +s’i boutent qui mieulx +cuident entendre et exposer +les textes des aucteurs +que les plus savans & les +lisent et ymaginent +dessus/ et dieux scet les +bonnes fantasies/ que ilz +y ont sicomme un orfevre +qui volt devenir arquemiste/ +mais il le fu au contraire +de la ou il tendoit +Car or cuidoit faire et le +deffist/ comme il fust +riches homs et povre devint/ +cellui estudiant un +chapitre entendi que mercure +c’est a savoir un metal que +ainsi ilz nomment estoit la +matiere ouvrable de la science +Et comme il passast oultre +tousjours lisant de rechief entendi +que la cause de la perfeccion +de l’oeuvre estoit matere +reputee ville/ Et que +on trouvoit sur le fiens gittee +sicomme chose desprisee +Adont comme cestui fust +fort ententif a bien speculer +ceste chose que ce povoit estre +Au derrain determina en +soy que vrayement par ce +que dit estoit/ c’est a savoir +mercure que comme les +aucteurs eussent baillez leurs +termes obscurs/ on devoit +retourner le mot/ c’est a +savoir cure ton marc que +il entendi par la fiente +de l’omme que l’en devoit +curer/ et ancore plus de +ce/ le certiffia que il trouvoit +que sus les fiens +comme chose ville estoit +<span class="pagenum">-46-</span> trouvee/ si s’arresta sus ces +poins/ et commença a ouvrer +en sa fiente en la faisant +secher au feu et faire pouldre +et la fin en fu que il puoit +comme charongne/ & chacun +le fuioit et se moquoit on +de lui qui cuidoit faire de +fiante or/ et aloit sus les fiens a grant diligence les +querir/ un autre estoit qui cuidoit de savates faire or/ +et aloit sus les fiens a +grant diligence les querir +puis les bruloit/ et tant +ouvra que les voisins qui +empulantis en furent le +chacierent.</p> + +<p>¶ De tieulx folz +est il assez ouvrans en celle +science a qui n’en remaint +ne mais parte de temps & +povreté/ Et qu’il ne soit +mie dit selon le proverbe +commun que les sciences +n’ont plus fors ennemis que +ceulx qui les ignorent/ que +elle soit vraye ou non je +ne te acertaine mie/ Toutevoie +je te dis sans prejudice +que la difficulté d’elle +par vehementes raisons +que comme les oeuvres de nature +soient impossibles a +ataindre sophistiquement +donroit cause a plusieurs +des plus avisez de non y +perdre temps et mise par +folle occupacion/ en esperance +vaine y adjoustant grant +foy.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c18">Des nobles que l’ombre +dit que elle deçoit.</h3> + + +<p>Des nobles qui suivent +les armes sont ilz +point que tu cuides par +moy deceus/ certes si sont +souvente foiz plusieurs y a +Car je les fais abuser du +fait des armes par ce que +ilz n’en scevent ou ne veulent +savoir les propres +termes lesquieulx sont +tieulx. Il ne loit point a +nul s’armer pour aler en +bataille ne se combatre +fors pour certaines causes +C’est a savoir pour la +loy de dieu contre les mescreans +ou herites contraires +a la foy/ Item pour +deffendre l’eglise/ son prince/ +son pays/ sa terre/ le +bien publique/ le droit +des ignocens/ & ses propres +choses/ & autrement n’est loy +qui le permette ne n’est bataille +juste & sans dampnacion. +Or y prens garde se de tous +ceulx qui s’arment sont +droiturierement ses poins +gardez/ et se nulz y vont +sus mauvaises querelles.</p> + +<p>¶ Bataille que tu le saches +justement faite est premise +de droit divin & du droit +des gens qui n’est autre chose +meismes ce dit la loy/ que +entencion de remettre a +droit par force d’armes chose +par autruy deraisonnablement +contendue/ Si ne +regarde de sa nature ne +mes retourner droit a droit +& faire convertir guerre a +paix/ ne les maulx que +fais y sont/ de la nature +de bataille ne sont mie +ains par mauvais usage +acoustumé en guerre sont +fais/ & que batailles en +justes causes soient de dieu +premises appert en +plusieurs lieux de l’escripture/ +sicomme il ordena a +un homme nommé jhesus +comment sa bataille +establiroit/ et que une embuche +feist pour surprendre +ses ennemis/ Et de ce +dient voz docteurs que dieux +est vainqueur et ordeneur +des batailles comme par plusieurs +fois est apparu.</p> + +<p>¶ Mais +ceulx a qui je fais faire +armes perilleuses & sanz +raison/ et leur donne a +croire que grant honneur +leur sera pour l’amour de +leurs dames sans visiere +ou un bras nu/ ou descouvert +d’aucun de leur harnois/ ou +en aucun autre peril emprendre +fait contre un autre a +qui n’ont nul contens je les +deçois/ et pareillement +ceulx qui tieulx armes leur +aceptent/ et a eulx se +coupplent.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c19">Ce que l’ombre +disoit des gens d’armes.</h3> + + +<p>Et ceulx qui donnent +gage pour a oultrance +en champ de bataille combatre +sus aucune querelle +soit droit ou tort/ je te promet +<span class="pagenum">-47-</span> en ce cas sont par moi deceus/ car +vers dieu mesprennent & pechent +grandement/ et te diray +comment/ combatre en champ +est contre droit divin qui est +de dieu et de sainte escripture +contre le droit des gens +Le civil/ le decret/ et contre +droit canon et cellui qui l’acepte/ +pareillement peche +La cause est que a dieu miracle +ne chose contre nature +on ne doit demander/ comme +telle chose faire soit une +maniere de tempter dieu esperant +il aydera au droit/ +Si ne doit/ Si ne doit estre +quise de la voulenté de dieu +experience/ Et que ceste espreuve +soit faulse/ on a veu maintefoiz +que cellui qui droit avoit +estoit vaincus/ sicomme une +decretale raconte de .ii. freres +qui <ins title="fu">furent</ins> restez d’un crime & +comme ilz fussent de celle +cause vaincus en champ tout +ne fussent ilz mie coulpables +& apres la verité fu sceue par +la confession meismes de +ceulx qui le delit commis +avoyent/ et pareillement de plusieurs +a esté prouvé la loy deffendi +que teles preuves non +droitturieres plus ne fussent +en usage/ Item juges sont +establis pour cognoistre des +causes et faire droit/ Et est +loy ordenee que nul de sa +propre cause ne soit juge/ Et +cellui le veult estre qui prouver +veult son fait par soy +meismes et par sa victoire +qui est soubz la distribucion +de fortune/ et a l’aventure +Item le droit canon commande +que au pape l’en +obeisse/ le quel soubz peine +d’escommenie deffent comme +chose reprouvee contre +droit de justice/ que tele +espreuve ne soit faicte +Et tu me diras donques +comment seront punis +les mau faicteurs secrés +Je te respons que dieu pour +lui s’est reservee la punicion/ +et dit un decret que +se en ce monde tous maulx +pugnis estoient/ le jugement +de dieu dont point +de lieu n’aroit/ et cellui +presomptueusement le +se veult attribuer qui la +victoire de la vengence s’en +veult donner.</p> + +<p>¶ Et comment +est uns homs si folz +qui plain de vices et de +pechiez se sent/ poson que +il ait bonne querelle en aucun +cas/ que il cuide que +a lui pecheur dieu face +miracle de la chose muciee +que il quiert/ mais se il estoit +sage paour devroit +avoir de la pugnicion de +dieu en sa juste cause/ +Comme souvent aviengne +& soit avenu que dieu a +dissimulee vengence du pecheur +ou cas ou desservi +l’avoit/ et puis le pugni +en chose dont estoit ignocent.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c20">La fin de l’oroison +de l’ombre.</h3> + + +<p>Que dis tu souffist +il t’ay je assez compté +du fait de mes poissances +desquelles ne pourroyes +en ta vie comme autre +foiz t’ay dit tous les exemples +ouyr tant en y a et si divers +sont/ Scez tu ancore +qui je suis/ Et moy +a elle dame congnoistre +vous cuidasse/ mais les +raisons contradictoires que +me narrez/ vaciler me font +en vostre cognoissance/ car +se bien l’ay entendu/ tres au +premier me dites que la +ou verité est attainte/ ne +povez arrester/ et toutevoye +bien sçay et suis certaine +que en maint cas m’avez +pure verité ycy endroit clariffiee. +Si ne sçay entendre +comment ce peut estre +que chose doubteuse tesmoing +puisse estre de verité pure +Et elle a moy fille envers +le sens de ton entendement +& escoutez et nottez/ Car +je te promet que quoy +que autrefoiz en divers +cas te fusse menterresse +en cestui cy t’ay je dit +voir/ se bien l’entens & ne +m’i contredis/ S’il te recorde +de ce qu’ay dit/ c’est +assavoir que cause suis +moyennant estude & entendement +de faire attaindre +les choses vrayes/ mais +bien est vray que aussitost +<span class="pagenum">-48-</span> que attaintes sont je +me depars en cellui +cas ne plus n’y arreste +Et qu’il soit voir ainsi l’as +esprouvé/ car non obstant +que ces choses t’aye dictes +non pas moy les t’ay certefiees +mes les ses par le +moyen d’estude qui raporté +l’a a ton entendement/ le +quel par raison est certain +que ainsi soit/ pource en +ces cas de toy me partiray +et en lieu te remaindra +certaineté/ Et par plus groz +exemple ne te souvient il +de moy et de ma cognoissance +par les divers cas que +je t’ay fait mettre en termes +& faire plusieurs lectures.</p> + +<p>¶ Ne fus je celle qui mist +le debat entre les clercs disciples +de maistre jehan +de meun comme il s’i appellent/ +Et toy sur la compillacion +du rommant +de la rose du quel entre +vous contradictoirement +escripsistes l’un a l’autre +chacune partie soustenant +ses raisons/ sicomme il +appert par le livret qui +en fu fait.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p2c21">Responce de +christine a l’ombre.</h3> + + +<p>Adont comme mon +entendement se +apperceust par clere cognoissance +qui estoit celle qui +tant araisonnee m’avoit +je dis ainsi.</p> + +<p>¶ Ha dame +oppinion poissant et forte +voirement vous doy +je mon bien cognoistre/ car +tres m’enfance oz je vostre +accointance/ Et certainement +je cognois et confesse +vostre auctorité estre +de grant vigueur et poissance/ +et quoy que vous +soiez blasmee souventes +foiz/ qui bien de vous use +ne peut errer/ et mal/ +pour cellui en qui vous +n’estes saine/ mais puis +que il vous a pleu de vostre +grace tant m’onorer +que a moy si clere evidemment +vous estes magnifestee +me racontant voz +grans proprietez/ encore +vous requier que ennuy +ne vous soit de me declairier +aucunes demandes +Et elle a moy/ fille dis +ce qu’il te plaist.</p> + +<p>¶ Dame +puis que il est ainsi que +de vous vient la premiere +invencion des +oeuvres humaines bonnes +ou malles/ rudes ou soubtilles +selon la disposicion +des entendemens comme +dit avez/ plaise vous me +certiffier se es choses par +vous engendrees en moy +lesquelles a mon povoir +par le moyen d’estude & +de tel science et entendement +comme j’ay qui en mes +compilacions et volumes +sont declairees se en aucune +chose y ay erré/ comme +si sage ne soit qui aucune +foiz ne erre/ Et elle +a moy amie chiere soyes +en paix car se ainsi estoit +mieulx vouldroie tart +que jamais les amender +Car je te dis que non/ +Tout t’ay je blasmee de +ce que prerogative de +honneur vols comme je ay +dit devant donner a fortune +et moy comme je +soie princippe y oublias +mais non pour tant faulte +n’y a.</p> + +<p>¶ Non obstant que +par moy maint s’en debatent +diversement Car +les aucuns dient que clercs +ou religieux les te forgent +Et que de sentement de +femme venir ne pourroient +mais ce sont les ignorens +qui ce dient/ Car ilz n’ont +pas la cognoiscence des escriptures +qui de tant de +vaillans femmes sages +et lettrees et mesmement +prophetes qui ou temps +passé ont esté font mencion/ +Et comme nature +ne soit amendrie de sa +poissance/ ancore en peut +estre/ les autres dient +que ton stile est trop obscur/ +et que on ne l’entent/ +si n’est si delitable +et ainsi diversement +le fais aux uns louer +& aux autres reprimer +de loz/ comme chose quelconques +<span class="pagenum">-49-</span> estre a tous agreable soit impossible/ +mais tant te dis que +verité par le tesmoing de l’experience +ne seuffre le blasme +avoir effait sur le loz/ si te +conseil que ton oeuvre tu continues +comme elle soit juste +Et ne te doubtes d’errer en +moy/ Car tant que je seray +en toy fondee sur loy/ raison +& vray sentement tu ne mesprendras +es fondacions de +tes oeuvres/ es choses plus +voir semblables non obstant +de plusieurs les divers jugemens/ +les uns par moy +simplement/ les autres par +envie/ Car je t’acertaine +que quant elle et moy sommes +ensemble adont se font +les tres faulx jugemens +ne il n’est si bon qui y soit +espargné/ et adont suis je +perilleuse quant envie me +gouverne/ si faisons la +personne avuglee es autruy +choses et en son meismes +fait qui en soy nous a +si lui rongnons le cuer/ ne +reposer ne la laissons/ et +vouloir lui donnons de faire +maint maulx qui accomplis +sont aucune foiz/ & +mal est gouverné cil qui +chiet entre noz mains +ja si bon ne sera ne si +poissant.</p> + +<p>¶ Ne veames +nous jadis les portes de +romme au preus julius +cesar qui tant victorieux +s’en retournoit/ & au dernier +tant pourchaçames +que il fu occis/ Assez de +teles en avons faites/ ne +il n’est si sage qui garder +s’en sache/ Si t’ay assez +narré de mes aventures +et a tant souffise/ Car parce +que je donne a croire +a l’un que une chose est +bonne et bien faite ou que +elle est vraye/ & a l’autre +tout le contraire/ dont sourdent +bataille et maint debas/ +la prolicité de mes +narracions si racontees +pourroit aux lisans a +ennuy tourner/ Et si te +prophetise que yceste +lecture sera de plusieurs +tesmoignee diversement +les uns sur le lengage +donront leur sentence en +plusieurs manieres/ diront +que il n’est pas bien elegant +Les autres que la composicion +des materes est estrange/ +et ceulx qui l’entendront +en diront bien/ et le temps +avenir plus en sera parlé +que a ton vivant/ Car tant +te dis je ancore que tu es +venue en mauvais temps +Car les sciences ne sont pas +a present en leur reputacion +ains sont comme choses +hors saison/ et que il soit +vray/ tu en vois peu qui +a celle cause soient en la +maison de fortune sus +haulciez.</p> + +<p>¶ Mais apres ta +mort vendra le prince +plain de valour et sagece +qui par la relacion de +tes volumes desirera tes +jours avoir esté de son +temps et par grant desir +souhaidera t’avoir veue +Si me suis a toy descripte/ +Or diffinis de moy +ce que il t’en semble.</p> + +<p>¶ Et +moy a elle dame comme +la descripcion de vous +meismes/ m’en appreigne la +diffinitive. Je dis que +comme parfaictement/ ore +vous cognoisce/ que vous +voirement estes de ignorence +fille adhesion a une partie +en doubtant tous jours de +l’autre/ Et de ce je m’avise +ce que de vous dit aristote +ou premier livre de posteres +que cellui qui vous a doubté +tous jours que autrement +puist estre que ce que il +pense/ comme vous soiés +non certaine/ Et saint +bernard dit aussi ou .v.<sup>e</sup> +chapitre de consideracion +que vous estes ambiguë +et povez estre deceue/ +Si dis et conclus que vous +estes adhesion a une partie/ +la quelle adhesion +est causee de l’aparance +de aucune raison prouvable +soit que l’oppinant +ait doubte de l’autre partie +soit que non/ de vostre +poissance je dis que pour +l’ignorence qui est es hommes +que par vous est plus +le monde gouverné que +par grant savoir.</p> + + +<p class="c gap">Explicit la .ii.<sup>e</sup> partie +du livre de l’avision christine.</p> + +<div class="chapter"></div> +<p><span class="pagenum">-50-</span></p> + +<h2 class="nobreak" title=".iii. du confort de philosophie" id="p3">Ci +commence la tierce partie du +livre de christine/ le quel parle/ +de confort de philosophie.</h2> + + +<p>Es escolles dessus dictes +apres ces choses comme +je traçasse de lieu en lieu/ cerchiant +divers estudes fus +convoyee par maintes chambres +et haulteces de pluseurs +degrez/ Et comme les passages +et destrois des diz degrez +fussent penibles et difficiles +a ceulx qui acquerir +et posseder les vouloient +a qui ne fust souffert se +trouvé souffisant ne fussent +a moy qui transitoirement +estoie errant par yceulx +assez legiere fu la voye/ Et +tout ainsi comme a un estrangier +voyageur lyement +souventes foiz sont monstrez +et ouvers les tresors des princes +par ou ilz passent affin +que ilz voyent la magnificence +et richece de yceulx si +que recorder le puissent en +leur pays/ fus paisiblement +& sans grant dangier menee +par toutes les places +des dictes estudes/ Et de +raconter la beauté et +tresors que je y vi/ me passe +pour briefté/ mais tant +en di que avec la beauté +inextimable qui m’y apparu/ +la soubtilleté des +divers ouvrages comment +furent fais ouvrez et +tissus et de quieulx matieres +mon entendement +n’estoit digne de concevoir +ne comprendre ne +partir ne m’en povoie +de plus hault monter +pour veoir diverses beautez +fu souffisant seulement +mon bon desir et amour +a m’empetrer lieu et licence +de plus savoir ainsi +convoyee par la segretaine +de philosophie abbesse et +superieure de ycellui couvent/ +fus pourmenee par +tous les estages de toutes +beautez et bonnes choses +remplis et combles/ Et +comme ancore plus de +grace receusse de ycelle +noble conduisaresse +de sa liberalité & plaine largece +me donna congié de +hardiement mettre la +main/ et prendre tant +comme porter pourroie +des tresors de ces coffres +Et je de ce non reffusant +comme couvoiteuse de +en enrichir en la merciant +me baissé pour mon giron +en emplir/ mais comme +trop pesant fussent a mon +corps femenin et foible +selon mon grant desir/ petit +en emportay/ et non si +peu que je le donnasse pour +quelconques autre tresor +ou richece.</p> + +<p>¶ Ainsi convoyee +fus menee tout +au plus hault sommeton +ou quel avoit situee une +tres belle sale clere luisant +et de fines couleurs/ tres +richement painte ou +furent pourtraictes toutes +sciences et leur deppendances +au tour des parois +et tout par mi la dicte +sale avoit fourmes arrengees +pour seoir les +escoliers escoutans les +leçons des maistres/ la en +droit lisans en chayere qui +la estoit haulte et moult +bien ouvree/ moy joyeuse de +estre parvenue a si bel estre +m’amusoie aux riches pourtraitures +vivement faites +et de soubtilz ouvriers.</p> + +<p>¶ Adont comme je voulsisse +encercher de toutes choses +avisay un huissellet de +yvoire moult bien ouvré +le quel estoit fort cloz et +barré/ ainsi comme ma +veue moult ententive estoit +celle part comme assez +pres j’en fusse/ presumant +par les congectures +que je veoie/ que grant +tresor encloz la devoit avoir +reputant eureux l’entendement +a qui la cognoiscence +en seroit donnee desiroie +que tel digneté fust +a moy descouverte/ Lors +si que je estoie en ce penser +ouy la dedens moult +grant remuement & diverses +voix femenines de doulce +et soueve parolle/ tost +apres ouy barres tyrer +<span class="pagenum">-51-</span> clefs tourner et le dit huissellet +desverrouller/ adont comme +je fouisse celle part pour tost +estre <ins title="prestre">preste</ins> sans ressongner +presompcion ou mesprenture +a me ficher ens/ oz le visage +tout au plus pres/ mais aussi +comme je avoie esté joyeuse +esperant celle ouverture fus +a l’ouvrir autant esmerveillee +et remplie d’espoventement +Car si tost que ouvert fu +une si tres grant lumiere +me feri en la face et es yeulx +que cuiday de tous poins estre +avuglee par quoy de paour +et de la merveille cheus sur +le sueil de l’uis pasmee me +repentant d’estre si hault montee/ +adont comme ancore +a terre fusse gisant/ ycy une +voix femenine de ce pourpris +haulte sonnant mais non +espoventable ne orrible/ +ainçois doulce belle et tres +gracieuse/ mais ainsi que +se auques loings de moy +fust je la ouoye/ la quelle +m’appella par mon nom disant +mon ancelle tres loyalle +lieves sus et ne te espoventes +Car l’amour que as a moy +et le desir qui te maine en +suppleant ton ignorence +te sera valable/ adont moy +resjouye doublement/ c’est +a savoir de ce que voix +de dame tres venerable +me sembloit m’appelloit +Et secondement que saroye +partie de ce que desiroye +me ravigora et tres fort +esjouy/ Lors de rechief +comme desireuse de choisir +a l’ueil la beauté merveilleuse +qui m’aparoit +estre ou lieu dont sailloit +telle clarté/ adreçay ma +veue de plain visage/ tout +par mi le dit huissellet/ +mais tout ainsi comme +quant par mi le ray +du souleil on regarde +contremont ou ciel il semble +veoir en l’espere luisant +un visage si cler que l’ueil +humain ne le peut souffrir/ +semblablement la +vi une tele tresluisent espere +que toute la chambre +emplissoit de tres grant +resplandeur/ Et environ +celle espere avoit .ix. dames +luisantes comme estoilles +desquelles je avoie cognoiscence +que establies estoient pour +elle servir et moult me sembloient +de grant reverence +si baissay incontinent ma +veue ja toute esblouye metant +ma main au devant +dis ainsi/ Tres haulte et +tres noble creature de la quelle +la cognoissance m’est occulte/ +puis que il vous plaist +tant m’onorer que vostre +servante & ancelle me daignez +appeller/ plaise vous +me certiffier donques la +proprieté de vous ma venerable +maistresse/ Et +elle a moy ma mechinete +saches que non obstant que +tes yeulx foibles ne me +puissent clerement veoir +pour leur grosseur/ que +je suis celle qui nuement +et visiblement s’aparu ou +temps de l’exil/ et de sa +tribulacion/ a mon chier +ame filz boece le tres sollempnel +philosophe/ le quel +par mes confors je garday +de mort et de langueur desesperee.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c1">Ce que christine dit +a philosophie.</h3> + + +<p>Quant j’oz ainsi ouy +parler la tres venerable +deesse par les quelles +paroles et enseignes elle me +fu manifeste/ adont a +.ii. genoulz je me gitay ainsi +disant/ o tres glorieuse sapience +de la quelle toutes +cognoissances despendent +tant de bon cuer remercy +dieu et toy qui tant benignement +m’as fait digne +de ton accointance/ et n’as +eu orreur de moy femme +ignorent non digne de descoudre +les lassemens de ta +chaussemente/ ains comme +maistrece tres amiable/ m’as +a toy appellee/ la quelle +humilité me certefie que +tu ne refuseras a moy ta +chamberiere des petites +mietes de ton relief souffisans +pour sa nourriture +Car comme tu eusses nourry +du laict de tes mamelles +et de tes precieux mets +ton tres amé filz dessusdit +<span class="pagenum">-52-</span> qui tant t’onora et ama +ne l’oublias pas ou temps +de sa grant neccessité/ et +pareillement plusieurs autres +de tes enfans/ semblablement +je suppose que moy ta serville +mercenaire que tu as +nourrie des demourans des +grosses viandes de tes tables +tu n’oublieras ains donras +remede reconfortant les +navreures de ses infortunees +adversitez/ car pour celle +cause croy que dieu saint +esperit pere des povres & +leur vray administrateur +m’a conduite au terme de +ta cognoissance Sicomme +il scet les pesanteurs de +mes perplexitez/ aux quelles +reconfort ne m’est presenté +par les humains de nulle +part/ Et comme assez soyent +de moy celees et couvertes +mes dictes aversitez et non +revellees aux mondains +ainçois tres muciees pour +cause que par aventure +eulx non charitables tourneroient +les complaintes +de mes neccessitez a derrision +& despris/ sans que aucun +fruit donnant alegence +m’en ensuivist/ Et pource +a toy celestielle cognoissance +sepparee des viltez de +ça jus/ et vraye phisicienne +essoreray et esventeray +les complaintes de mes +pensees/ confiant que +ta clemence n’ara a despris +l’umble voix de sa servante/ +et amenistreras reparacion +a la ruyne de mon +espoir/ rué jus par les +soufflemens de fortune +en la quelle hayne ay +esté tres mon enfance diversement +non obstant +que souvent m’ait monstré +son cler visage/ mais +quant resjouir m’i cuidoye +moult tost le couvroit de +s’obscure nue.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c2">La complainte +de christine a philosophie.</h3> + + +<p>Reverend dame/ obeissance +en facondede +predite a ta serinité +ne te tourt a ennuy la +narracion de mes aventures +pour le procés de +leur prolixité/ et te plaise +daigner estendre l’ayde de +ton conseil au secours de la +chetivoison de mes pensees +O dame chiere maistrece +vueilles notter comment +fortune la variable/ m’a +tous jours esté comme dit +est tres amere marrastre +Considerant tres l’estre +de mon enfance/ Car comme +je fusse nee de nobles +parens ou pays d’ytalye +en la cité de venise en la +quelle mon pere nez de +boulongne la grace ou je +fus puis nourrie/ ala espouser +ma mere qui nee +en estoit par l’acointance +que mon dit pere avoit +de lonc temps devant a +mon ayol/ clerc licencié et +docteur né/ de la ville de +fourly/ et gradué a l’estude de +boulongne la grace qui salarié conseiller +de la dicte cité ou +je nasqui estoit a cause du quel +parenté mon dit pere ot +la cognoissance des veneciens/ +et fu pour la souffisance +et auctorité de sa +science retenu semblablement +conseiller salarié de la dicte cité +de venise en la quelle +fu un temps resident a grant +honneur richeces et gaings.</p> + +<p>¶ Or me dis ne fu ce pas fortune +qui en ce temps assez +tost apres ma nativité fist +mon dit pere pour certaines +besongnes et ses possessions +viseter se transporter +en la dicte cité de boulongne +la grace/ En la quelle lui +vint tantost nouvelles & +certains messages tout en +un temps de .ii. tres excellens +roys lesquieulx pour +la grant fame de l’auctorité +de sa science le mandoient +priant et prommettant +grans salaires et emolumens +chacun endroit soy que vers +lui voulsist aler/ dont +l’un estoit le souverain des +roys chrestiens le roy de +france Charles le sage +quint de cellui nom/ Et +l’autre fu le roy de honguerie/ +cellui au quel +pour sa desserte et merite +est demouré apres lui tel +nom que on le dit le bon +<span class="pagenum">-53-</span> roy de honguerye.</p> + +<p>¶ Adont +comme la souffisance de ces +ambassaderies pour la reverence +de la digneté des diz +princes ne fust a mettre +arriere/ delibera mon dit +pere a obeir a l’une des parties/ +c’est assavoir comme au +plus digne/ et aussi le desir +de veoir les estudes de paris +et la haultece +de la court françoise/ venir +vers le dit roy de france +esperant transitoirement +veoir le roy/ obeir a ses commandemens/ +et viseter les +dis estudes l’espace d’un an +puis s’en tourner vers sa +femme & famille/ la quelle +il ordena demourer sus ces +possessions et heritages a +boulongne la grace/ Et toutes +ces dites choses faites & +ordenees avec la licence +de la dicte seignourie de +venise se party & vint en +france/ ou quel lieu fu du +dit sage roy Charles tres +grandement receus et honorez/ +et tost apres l’experience +veue de son savoir +& science l’establi son conseiller +tres especial privé +et chier tenu/ le quel lui +fu tant agreable que du +partir au chief +de l’an ne pot avoir licence +ains volt a toutes fins +le dit roy que grandement +a ses cousts et frais envoyast +querir sa femme enfans +& famille pour user +a tous jours leur vie en +france pres de soy/ en +promettant possessions +rentes/ et pensions pour +tenir honorablement +leur estat/ neant moins +comme mon dit pere en +esperant tous jours le +retour retardast ceste +chose pres de l’espace de +.iii. ans/ en la fin couvint +que fait fust/ Et ainsi comme +dit est fu fait le transport +de nous de ytalie en +france/ grandement fu +receue la femme et enfans +de ton amé philosophe +maistre thomas +mon dit pere arrivé a +paris lesquieulx le tresbenigne +bon sage roy volt veoir +et recevoir joyeusement/ la +quelle chose fu faite tost +apres leur venue a tout +leurs abis lombars riches +d’aournemens et d’atour selon +l’usage des femmes et +enfans d’estat/ ou chastel +du louvre a paris ou mois +de dessembre/ estoit le dit +roy lors que la presentacion +du dit mesnage a +belle et honorable compaignie +de parens fu a ses +yeulx magnifesté/ la quelle +femme et famille a tres +grant joye et offre il receut.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c3">Dit christine de ses bonnes +fortunes.</h3> + + +<p>Moult nous fu fortune +favorable +le temps durant de la vie +du sus dit bon sage roy +charles/ Et avec les autres +gloires des prosperitez receues/ +en joyeuse plantureuse +et paisible vie/ en +mariage/ comme ce soit +naturel joye/ a tout loyal +serviteur veoir la prosperité +de son bon maistre +la dieu merci puis le temps de +la venue de mon dit pere au +service du roy gouverné en +partie mesmement en ses +guerres par l’administracion +de son sage conseil selon la +science de astrologie crut & +augmenta de mieulx en +mieulx la valeur de ses prosperitez +recevant plusieurs +victoires et conquestes sus +ses ennemis/ et que ces choses +soient vrayes je m’en rapporte +aux vivans princes +& autres ancore de ce temps +qui ce scevent/ le quel dit bien +du prince estoit le comble +de la joye de son sus dit feal +serviteur/ non obstant +que a l’usage des philosophes +fust nulle l’espargne +de la peccune/ et avoir de +mon dit pere/ la quelle +chose sauve sa reverence +je ne repute mie louable +en l’estat des mariez soubz +la quelle main doit estre +la cure de leur maisnage +souffreteux apres eulx +peut estre a cause de leur +prodigalité/ toute voye +<span class="pagenum">-54-</span> non obstant la liberalité de ses +coustumes la pourveance du +bon roy ne laissoit a l’ostel de +son amé deffaillir nulles choses +neccessaires.</p> + +<p>¶ A venir au +point de mes fortunes le +temps vint que ja approchoie +l’aage ou quel on seult les +filles assener de mari tout +fusse je ancores assez jeunette +non obstant que par chevaliers +autres nobles & riches clercs +fusse de plusieurs demandee +et ceste verité ne soit de nul +reputee ventence/ Car l’auctorité +de l’onneur +et grant amour que le roy +a mon pere demonstroit estoit +de ce cause non mie ma +valeur/ comme mon dit pere +reputast cellui plus valable +qui le plus science avec bonnes +meurs avoit/ ainsi un jone +escolier gradué bien né et +de nobles parens de picardie +de qui les vertus passoient +la richece/ a cellui que il +reputa comme propre filz +je fus donnee/ En ce cas ne +me plains je de fortune/ car +a droit eslire en toutes couvenables +graces sicomme +autre foiz ay dit a mon +gré mieulx ne voulsisse +cellui pour sa souffisance +tost apres nostre sus dit +bon prince qui l’ot agreable +lui donna l’office comme +il fust vaquant de notaire +et son secretaire a bourses +& a gages et retint de sa +court tres amé serviteur.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c4">Entre a parler christine +de ses males fortunes.</h3> + + +<p>Ainsi dura celle prosperité +par plusieurs +annees/ mais comme la +dicte fortune se montrast +envieuse de noz gloires +volt restraindre la source +dont ilz venoient/ Et ne +fu ce pas par elle voirement +chiere maistresse qu’a cestui +royaume fu procuré +le grief dommage du quel +malement se senti le mesnage +de maistre thomas +ce fu lors que le tresbon sage +prince non pas envielli +par cours de nature +mais en assez jeune aage +comme de .xliiii. ans +chut en maladie assez brieve +dont il trespassa. helas +voirement souvent avient +que choses bonnes petit durent/ +Car ancore au jour +d’uy se a dieu plust avoir +laissié durer sa vie neccessaire +a cestui royaume du +quel le gouvernement +& estat +malement est ores de +cellui de lors different/ ne +fust trop enviellis/ Or fu +la porte ouverte de noz infortunes/ +et moy estant ancore +assez jeunette y fus entree Et +comme ce soit de commune +coustume des poissans hommes +close la bouche grant +est le remuement et changement +de l’estre de leurs +cours et de leurs lieux/ de +la quelle chose sont causes +plusieurs voulentez contraires/ +et a peine autrement +peut estre se moult grant +discrecion n’y remedie. +Comme il appert du grant +alixandre/ sicomme il est +escript les divers descors +lesquieulx non obstant +les partages des regions que +il leur avoit limitees/ tantost +apres sa mort entre ses barons +sourdirent.</p> + +<p>¶ Adont faillirent +a mon dit pere ses grans +penssions plus n’ot .C. frans +le mois bien payez/ avec ses +livrees et dons qui gueres +moins ne montoient comme +appris avoit/ +et l’esperance que le dit bon +Roy lui avoit donnee de +asseoir pour lui et ses hoirs +.v.<sup>c</sup> livres de terre et assez +d’autres biens dont la deffaulte +du ramentevoir au +bon Roy & la mort qui trop +tost vint ne souffri la dicte +promesse sortir son effait +non obstant que des princes +gouverneurs fu retenu +a gages malement amendris +et mal payez/ Si fu +ja venu le temps de sa viellece +qui en assez brief temps +apres chut en longue impotence +et maladie ou maintes +souffrettes sourdirent +aux quelles eust eu besoing +l’espargne des choses despendues/ +Et pource au +<span class="pagenum">-55-</span> mien cuidier est juste prudent +espargne en jeunece qui secourt +l’omme en sa viellece/ durant +son sain entendement jusques +a la fin recognoissant son createur +comme vray catholique +Trespassa mon dit pere droit +a l’eure que devant ot prenostiqué/ +du quel entre les clercs +demoura renommee que en +son temps durant ne plus de +Cent ans devant n’avoit vescu +homme de si hault entendement +es sciences mathematiques +en jugemens d’astrologie +avec ce entre les princes & +ceulx qui le frequentoient +la vraye reputacion de sa +prodomie/ ses biens fais/ loyauté +verité & autres vertus +& nul reprouche faisoit plaindre +sa mort et regraiter +sa vie/ en la quelle nulle +reprehencion n’affiert se +trop grant liberalité de non +refuser riens que il eust +aux povres en tant que il +avoit femme et enfans ne +lui donne/ Et que je ne le +dye par faveur/ de ceste verité +sont ancores au jour d’uy +maint de ses cognoiscens/ +princes et autres certains +comme de experience/ si +fu un tel homme a bon +droit des siens plaint +et plourez.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c5">Encor de ce +mesmes.</h3> + + +<p>Or fu demouré chief +du mesnage mon +mari jeune et preudomme +sage et prudent et tres +amé des princes et toute +gent frequentant son dit +office par le quel moyennant +sa sage prudence +estoit soustenu l’estat de +la dicte famille/ mais comme +ja fortune m’eust mise +ou declin de sa roe disposee +au mal que donner +me vouloit pour du tout +au plus bas me flatir +souffrir ne volt que gaires +me durast ycellui tresbon +par la quelle dicte +fortune mort lors que il +estoit en sa fleur apte & +appreste et sus le point +tant en science comme +en sage et prudent +conqueste & gouvernement +de monter en hault degré le +me toli en fleur de jeunece +comme en l’aage de .xxxiiii. +ans et moy de .xxv. demouray +chargee de .iii. enfans +petis et de grant mesnage +Si fus a bon droit plaine +d’amertume regraitant sa +doulce compaignie et la +joye passee qui ne mes .x. +ans m’avoit duré/ voyant +venir le flo de tribulacion +qui sur moy accouroit fus +plus desirant mourir que +vivre et n’oubliant ma foy +et bonne amour promise +a lui deliberay en sain propos +de jamais autre n’avoir +or fus je choite en la valee +de tribulacion/ Car comme +la dicte fortune quant +du tout veult decliner quelque +chose soit regne/ cité +empire ou singuliere personne/ +elle de loings +va querir ses apprestes +toutes contraires pour +la chose que elle a acqueilli +en yre conduire ou +point de maleurté/ ainsi +m’avint Car comme +je ne fusse au trespassement +de mon dit mari le quel fu +surpris de hastive epidimie +Toute foiz la dieu grace +fu sa fin comme bon catholique +en la ville de beauvais +ou avec le Roy estoit alez & +n’estoit accompaignié fors +de ses serviteurs et maignee +estrange/ Si ne poz savoir +precisement l’estat de sa +chevance/ Car comme ce +soit la coustume commune +des hommes mariez de non +dire et declarier leurs affaires +entierement a leurs +femmes de la quelle chose +vient souvent mal comme il +m’apert par experience/ et +n’est mie sens quant femmes +ont non nices mais +prudentes et de sage gouvernance/ +Si sçay bien +que a clarté ne me vint +tout ce que il avoit/ Or +me couvint mettre mains +a oeuvre/ ce que moy +nourrie en delices et mignotement +n’avoie appris +& estre conduisarresse de +la nef demouree en la mer +<span class="pagenum">-56-</span> ourage & sanz patron/ c’est +a savoir le desolé mainage +hors de son lieu et pays/ adont +me sourdirent angoisses de +toutes pars/ Et comme ce +soient les mes des vesves +plais et procés m’avironnerent +de tous lez/ Et ceulx qui me +devoient m’assaillirent affin +que ne m’avançasse +de leur riens demander +Et dieux scet que il est vray +que tel me demandoit que +le tesmoignage du papier +des mises de mon mary +Comme de un preudomme +nya la debte du fraudeleux +comme payé et menteur de +sa demande par le quel fut +confus et plus ne osa parler +ne soustenir sa mençonge +Tost me fu mis empeschement +en l’eritage que mon +mari avoit acheté/ et comme +il fust mis en la main du +Roy m’en couvenoit payer +la rente et si n’en jouissoie +Et moy en la chambre des +comptes demenee par lonc +plait contre cellui sanz pitié +qui en estoit & ancore +est des maistres et seigneurs +de qui avoir droit ne povoie +receu par lui a tort +tres grief dommage comme +le voir en soit magnifeste +Ce scevent maint/ ne +ancore lui en ses pechez +enviellis ne le considere +ne fait conscience.</p> + +<p>¶ Ne +fu pas seule celle pestillence/ +car comme les +deniers de mes petis orfelins +fussent par leurs +tuteurs de mon consentement +baillez en mains +de marchant reputé preudomme +pour accroistre +et multiplier leur povre +avoir/ comme il en eust +l’espace de un an rendu +couvenable conte et +gaing par la moitié +raisonnablement lui +tempté de l’ennemi fist +a croire qu’il avoit esté +robé/ et s’asempta/ encore +cousta a poursuivre/ +et fu ce la perdus +Autres plais me sourdirent +a cause de heritages/ +sur lesquieulx +on demandoit ancienne rente +& grans arrerages de la quelle +chose ou decret de notre achat +n’avoit aucune mencion +conseillee par des plus sages +avocas que hardiement +sur ce me deffendisse & que +ne doubtasse que comme +je eusse bonne cause la +diffinitive en seroit pour +moy de sommer les garens +de la vendicion lesquieulx +estoient mors povres et +hors du pays/ n’y avoit +remede affin que je parvenisse +ou point ou fortune +me conduisoit/ En ce +temps en comble de mes +adverses fortunes me +sourdy comme a job longue +maladie/ par ceste +chose dont s’ensuivi faulte +de poursuite sicomme +je tiens et par non avoir +mise souffisant/ encheus +de mes causes par lesquelles +condampnacions +satisfiant les frais fus +de tous poins au chief +de ma povre chevance +Et merveilles est comment +fortune povoit estre tant +sur moy achenye/ Car +en toutes les manieres que +partes se pevent faire a personne +disposant ses faiz +par bon conseil et ordennance +sicomme a mon povoir +dieux scet que je faisoie +me venoient au contraire +de ce que par raison venir +deussent toutes mes besongnes +et generaument en +toutes choses/ O vertu de +pacience tous jours ne +te avoie mie en la bourse +ains te suppeditoit souvent +en moy grant amertume +Je vy le temps que a +.iiii. cours de paris estoie +en plait et procés deffenderresse +et sur mon ame +je te jure que a tort estoie +grevee de mauvaises parties +par quoy couvenoit +en fin se paix vouloie avoir +comme je apperceusse +leur cavillacions desirant +me tirer de plait comme +celle qui le hayoit parfaictement +comme chose contre +ma nature qui paix +<span class="pagenum">-57-</span> desire que je chevisse a eulx +moyennant le mien a tres grans +frais et coust/ Et ne cuidez mie +que ce m’ait duré un an ou .ii. +mais l’espace de plus de .xiiii. +ans que quant un meschief m’estoit +faillis l’autre survenoit +en tant de manieres diversement +que longue seroit et +anuyeuse la narracion de la +moitié/ Et ainsi ne fina la +sancsue de fortune de sucer +mon povre avoir jusques a +tant que tout l’ot desfiné & +que plus a perdre n’avoie/ & +adont faillirent mes plais +mais non mie mes adversitez +O doulce maistrece quantes +larmes souspirs plains lamentacions +et griefs pointures +cuides tu que quant je +estoie seulete a mon retrait +que je eusse et gitasse en +ce tandis/ ou quant a mon +foyer veoie environ moy mes +petis enfans et povres parens/ +et consideroie le temps +passé et les infortunes presentes +dont les floz si bas +me affondoient et remedier +n’y povoie/ Desquieulx +meschiefs plus plaignoye +mes prochains que ma personne +Sicomme une foiz je +respondis a un qui me disoit +que je n’avoie que plaindre +car je estoie sans charge comme +celle qui estoit seule/ & sangle +je dis qu’il ne m’avoit pas +bien regardee/ car je estoie +.iii. foiz double/ et comme +il ne m’entendist ce disoit +lui exposay disant que je +estoie .vi. foiz moy mesmes +Et avec ce cuidez tu point +chiere maistrece que grevast +a mon cuer la charge de la +paour que on s’apperceust +de mes affaires/ Et le soucy +que a l’estat ne apparust +a ceulx dehors ne aux voisins +le decheement de ce maleureux +estat venu de mes +predecesseurs non pas de +moy Le quel mon ignorence +tant amer me faisoit +que mieulx eusse choisi mourir +que en decheoir/ ha quel +fardel et quel pointure a +cuer que trop aime le vouloir +soustenir et fortune +ne vueille/ il n’est doulour +a celle pareille/ et nul ne +le croit s’il ne l’essaye et +dieux scet quans inconveniens +a celle cause viennent +& sont venus a mainte gent +Si te promés que a mes semblans +et abis peu apparoit +entre gens le faissel de mes +ennuys/ ains soubs mantel +fourré de gris et soubz seurcot +d’escarlate non pas souvent +renouvellé/ mais bien gardé +avoie espesses foiz de grans +friçons/ et en beau lit et bien +ordené de males nuis mais +le repast estoit sobre comme +il affiere a femme vesve +et toute foiz vivre couvient +Et dieux scet comment +mon cuer tourmenté estoit +quant excecucions sur moy +estoient faites et que mes +chosettes m’estoient levees +par sergens/ le dommage +grant m’estoit/ mais plus +craignoie la honte/ mais +quant il couvenoit que je +feisse aucun emprunt ou +que soit pour eschever plus +grant inconvenient beau +sire dieux comment honteusement +a face rougie tant +fust la personne de mon +amistié le requeroye/ & ancore +au jour d’uy ne suis garie +de celle maladie dont tant +ne me greveroit comme il +me semble quant faire le +m’esteut un acés de fievre +Ha dieux quant il me souvient +comment tant de foiz +ay musé la matinee a ce palais +en yver mourant de froit +espiant ceulx de mon conseil +pour ramentevoir et soliciter +ma besongne ou maintes +foiz y ouoye a mes journees de +diverses conclusions qui suer +des yeulx me faisoient et +maintes estranges responces +mais en sur que tout me +grevoit la mise de la quelle +mal aisiee estoie.</p> + +<p>¶ A l’exemple +de jhesuscrist qui volt estre tourmenté +en toutes les parties +de son corps pour nous instruire +a pacience/ volt fortune que +mon povre cuer fust tourmenté +de toutes les manieres de +dures et diverses pensees. +Quel plus grant mal et +desplaisir peut sourdre a +l’innocent ne plus grant cause +de inpacience que de soy oyr +<span class="pagenum">-58-</span> diffamer sanz cause comme +il appert par les recors de boece en son +livre de consolacion/ ne fu il +pas dit de moy par toute la +ville que je amoie par amours +Mais ycy trop fait a notter que +il soit voir/ que tout ce feist +fortune par ses batemens divers/ +car comme telz renommeus +communement viennent +et souvent a tort par +grant acointance & frequentacion +les personnes ensemble +et par conjectures et couleurs +voir semblables/ mais +je te jure m’ame que ycellui +ne me cognoiscoit ne ne +savoit qui je estoie ne ne fu +onques homme ne creature +nee qui me veist en publique +ne en privé en lieu ou il +fust/ Car mon chemin ne +s’i adonnoit ne n’i n’avoie que +faire et de ce me soit dieu +tesmoing que je dis voir. +Et comme selon l’estre de sa +personne et de la moye ne +se peust bonnement tel chose +faire ne n’estoit voir semblable/ +ne nul n’avoit +couleur de le penser me +suis mainte fois esmerveillee +dont teles paroles povoient +sourdre/ lesquelles estoient +portees de bouche en +bouche disant je l’ay ouy dire +dont comme celle qui ignocent +me sentoie aucune +foiz quant on le me disoit +m’en troubloie/ et aucune +foiz m’en sousrioye/ disant +dieux et ycellui et moy savons +bien que il n’en est +riens.</p> + +<p>¶ Ne se passa mie +a tant ma peine/ Car comme +a mon povoir tous +jours estrivasse contre la +bataille et luite de fortune +me voyant moult dechoite +de ma chevance +comme je eusse cedules +veriffiees et passees par +la chambre des comptes +d’une somme d’argent qui +ancore deue estoit a mon +feu mari a cause des gages +de son dit office empetray +mandement du +roy aux generaulx que +de ce je fusse payee/ or +vint la poursuite anuyeuse +que par neccessité +contrainte faire me couvenoit/ +a grant travail +pourmenee par maintes responces +<span lang="la" xml:lang="la">pro et contra</span> plusieurs +journees et que ce soit lonc +travail et ennuyeux je +m’en rapporte a ceulx qui +essayé l’ont/ plus desplaisant +que onques mais en +ce temps ci comme dient +les anciens/ Or peus savoir +se a moy femme foible de +corps et naturellement +cremeteuse faire de neccessité +vertu m’estoit labour +qui a danger et coust de +compaignie selon l’estat appris +me couvenoit trotter +apres eulx selon le stile +puis en leurs cours ou sales +en commun muser a +toute ma boite et mandement +le plus des jours sanz +y riens faire/ ou par lonc +train avoir responces doubles +en esperance mais longue +estoit l’attente/ O dieux +quantes parolles +anuyeuses/ quans regars +nices/ que de rigolages de +aucuns remplis de vins +et graisse d’aise souvent +y ouoye/ lesquieulx choses +de paour de empirer mon +fait comme celle qui besoing +avoit je dissimuloie sanz +riens respondre me retournant +de autre part/ ou faisant +semblant que ne l’entendisse +le getoie a truffe +Et dieux amender vueille +toutes villes consciences +Car de mauvaises en trouvoie.</p> + +<p>¶ A cause de ceste +poursuite comme je ne +trouvasse nulle part grant +ne petit charitable/ non +obstant que a plusieurs +nobles et grans requeisse +l’aide de leur parolle esperant +que comme loy de droit les +oblige au secours des vesves +et orphelins Et je n’y trouvasse +en effaict riens bon +pour moy un jour desconfortee +sur ces choses fis ceste +balade.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c6">Balade.</h3> + + +<div class="flex"> +<div class="poetry"> +<div class="verse">Helas ou donc trouveront reconfort</div> +<div class="verse">povres vesves de leurs biens despoullees</div> +<div class="verse">puis qu’en france qui seult estre le port</div> +<div class="verse">de leur salu et ou les exillees</div> +<div class="verse">Seulent fuir et les desconseillees</div> +<div class="verse">Mais or n’y ont mais amistié</div> +<div class="verse">Les nobles gens n’en ont nulle pitié</div> +<div class="verse"><span class="pagenum">-59-</span> Aussi n’ont clercs li greigneur ne li mendre</div> +<div class="verse">ne les princes ne les daignent entendre</div> + +<div class="verse stanza">¶ Des chevaliers n’ont elles nesun port</div> +<div class="verse">par les prelas ne sont bien conseillees</div> +<div class="verse">Ne les juges ne les gardent de tort</div> +<div class="verse">des officiers n’aroient .ii. maillees</div> +<div class="verse">de bons respons des poissans travaillees</div> +<div class="verse">Sont en maint cas n’a la moitié</div> +<div class="verse">devers les grans n’aroient exploitié</div> +<div class="verse">Jamais nul jour ailleurs ont a entendre</div> +<div class="verse">ne les princes ne les daignent entendre</div> + +<div class="verse stanza">¶ Ou pourront mais fuir puis que ressort</div> +<div class="verse">n’ont en france la ou leur sont baillees</div> +<div class="verse">Esperances vaines conseil de mort</div> +<div class="verse">voyes d’enfer leur sont appareillees</div> +<div class="verse">S’elles veulent croire voyes broullees</div> +<div class="verse">Et faulx consaulx ou appointié</div> +<div class="verse">n’est de leur fait nul n’ont si acointié</div> +<div class="verse">qui les ayde sanz a aucun mal tendre</div> +<div class="verse">ne les princes ne les daignent entendre</div> + +<div class="verse stanza">¶ Bons et vaillans or soient esveillees</div> +<div class="verse">voz grans bontez ou vesves sont taillees</div> +<div class="verse">d’avoir maint maulx de cuer haitié</div> +<div class="verse">secourez les & croyez mon dictié</div> +<div class="verse">Car nul ne voy qui vers elle soit tendre</div> +<div class="verse">ne les princes &c.</div> +</div> + +</div> +<p>¶ La cause qui me mouvoit a +en personne oultre mon gré +faire telle poursuite estoit +que quant mon message +y envoyoie n’avoit en leur +presence nulle audience +mais a tout le moins quant +je y venoie ramentevoir +l’estat de moy vesve requerant +encline devant eulx par pitié +leur secours/ aucune apparence +de pitié plus en eulx +trouvoie/ cest ennui avec +des autres ne me dura +pas petit/ ains y fus constant +plus de l’espace de +.vi. ans sur le pourchas non +mie de moult grant somme +qui par parties en tieulx +travaulx et requestes de +seigneurs resservé le reste +qui ancore m’est deu je fus +payee.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c7">Encore continue +christine sa complainte.</h3> + + +<p>Entens tu doulce maistrece +en quieulx doulz +deduis ay passé la jonesce +de ma vesveté Avoie +je cause que trop druerie +me feist entendre aux +foles amours/ mais non +obstant ce que assez souffire +deust par si lonc temps a celle +par qui tout ce me venoit +ne fu pas appaisiee envers +moy la desloyale de qui autre +foiz me suis plainte comme +je en eusse cause/ car la douleur +du dent y trait la +langue/ ains te diray en +poursuivant ceste matiere +jusques au jour d’uy comment +ses floz m’ont gouvernee +et ancore ne cessent.</p> + +<p>¶ Voir est que ou temps de +mes perplexités dessus dit +pour ce que descouvrir a +autrui si qu’ay touché ses +adversitez et affaires/ La +cause pour quoy/ Car charité +est pou trouvee ne peut +tourner se a servitude non +et pou de preu/ Comme +ce soit moult grief faissel +de douleur tenir enclose +sans regehir ne m’avoit +ancore tant grevee fortune +comme elle ne peust que +je ne fusse accompaignee +des musettes des poetes +non obstant que les reboutas +arriere et chaças de +la compaignie de boece +ou temps de sa tribulacion +pour le repaistre de plus +haultes viandes/ ycelles +me faisoient rimer complaintes +plourables regraitant +mon ami mort et le bon temps +passé/ sicomme il appert +au commencement de +mes premiers dictiez ou +principe de mes cent balades +et mesmement pour passer +temps/ et pour aucune +gayeté attraire a mon cuer +doulereux faire diz amoureux +et gays d’autrui sentement +comme je dis en +un mien virelay.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c8">Dit christine comment elle +mua sa maniere de vivre.</h3> + + +<p>Apres ces choses comme +ja fussent passees +mes plus jeunes jours et +aussi la plus grant part de +mes occupacions foreines +revins a la vie qui plus +naturellement me plaisoit +c’est a savoir solitaire et +quoye/ adont par solitude +me vindrent au devant +les rumignacions du latin +& des parleures des belles +<span class="pagenum">-60-</span> sciences & diverses sentences +et polie rethorique/ que oÿ +le temps passé au vivant +de mes amis trespassez pere +et mari/ je avoie de eulx/ non +obstant que par ma folour +petit en retenisse/ Car non +obstant que naturellement +et de ma nativité y fusse +encline me toloit y vaquer +l’occupacion des affaires que +ont communement les +mariees/ et aussi la charge +de souvent porter enfans +Avec ce la trop grant jonesce +la trop mignote ennemie +de sens qui ne laisse +souventes foiz aux enfans quelque +bon engin que ilz ayent pour +le desir de jouer/ hanter +l’estude se crainte de bateures +ne les y tient/ & pource +que celle crainte n’avoie +la voulenté de jouer si maistrisoit +l’engin & sentement +si que constant ne povoit +estre ou labeur de apprendre.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c9">Se plaint christine +de jeunece.</h3> + + +<p>Ha folle jonece avuglee +et variable non +cognoissant les prouffitables +& bonnes choses qui +ne te delites fors en choses +vaines/ oyseuses et de +nulle vertu/ ne ailleurs +appliquer ne te querroies +Et certes voirement qui +par toy se gouverne suit +la voye de perdicion et se +avugle en sa meismes cognoissance/ +Tant haÿr +te dois quant ou temps que +je estoie a meimes les .ii. +beaulz conduis de philosophie/ +costé si haultes fontaines +tant cleres et saines +Et moy comme fole jone +trop mignote/ non obstant +que les beaulx ruisseaulx +me pleussent ne m’en +emplissoie/ mais tout +ainsi comme le fol qui +voit luire le cler souleil +ne s’avise de la pluye ains +cuide que tous jours lui +dure/ n’en faisoie compte +et a temps cuidoie recouvrer +a ce que je perdoie +Ha fortune quel tresor +tu me tolis/ Tant fis +grant dommage a mon +entendement qui ne les me +laissas durer jusques en +l’aage de plus grant cognoissance/ +bien t’a herdis a +nuire meismes a la proprieté +de mon ame/ car se +ores avoie costé moy tel +clarté au desir que j’ay/ sustraite +de toutes autres occupacions +et delis comme +de choses vaines donnee +entierement a l’estude/ telement +et si largement me +empliroie que femme nee +puis lonc temps ne m’en +passa/ helas quant je +avoie costé moy les maistres +de science/ conte d’apprendre +ne faisoie/ Et ores est le +temps venu que mon engin +et sentement m’en die en +desirant ce que par faulte +de apprendre ne peut +avoir/ c’est a savoir l’art +de toy philosophie m’amie +science. Ha doulce savoureuse +chose et emmellee +qui tous autres tresors +en valeur precedes comme +souveraine/ tant sont +eureux ceulx qui a +plain t’a saveurent/ Et toutevoie +comme de ce je ne puisse +juger fors a l’aventure +sicomme de chose que a +plain je ne cognoisce/ neant +moins m’en donne la cognoissance +le tres delitable goust +& saveur que je treuve seulement +es petites deppendances +et parties de sciences +comme plus hault je ne +puisse attaindre me fait +presumer ou bien de elle +a ceulx qui l’aiment/ & +la saveurent et sentent +souverain delit/ Ha enfans +et jones se vous saviés +le bien qui est ou goust +de savoir et le mal et laidure +qui gist en ignorence +comment se bien avisié +estiez petit plaindriés la +peine et labour de apprendre/ +ne dit aristote que +naturellement l’omme +savant seignourist l’ignorent +sicomme nous veons l’ame +seignourir le corps +Et quel chose est plus belle +que savoir/ & quel chose +est plus laide que ignorence +<span class="pagenum">-61-</span> messeant a homme sicomme +une foiz respondis a un homme +qui remprouvoit mon +desir de savoir disant que +il n’appartient a femme avoir +science comme il en soit pou +Lui dis que moins appartient +a homme avoir ignorence +comme il en soit beau coup.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c10">Dit christine comment elle +se mist a l’estude.</h3> + + +<p>Ainsi en cellui temps +que naturellement +estoit parvenu mon aage +au degré de cognoissance +regardant derriere moy les +aventures passees & devant +moy la fin de toutes choses +Tout ainsi comme un +homme qui a passé perilleuse +voye se retourne arriere +regardant le pas par merveille +et dit que plus n’y +entrera/ et que a meilleur +se tendra/ ainsi considerant +le monde tout plain de las +perilleux/ & que il n’est fors +pour toute fin un seul bien +qui est la voye de verité +me tiray au chemin ou propre +nature et constellacion +m’encline/ c’est a savoir +amour d’estude/ adonc +clouy mes portes/ c’est a +savoir mes sens que plus +ne fussent tant vagues +aux choses foraines/ et vous +happay ces beaulx livres +et volumes/ et dis que +aucune chose recouvreroye +de mes pertes passees/ ne +me pris pas comme presomptueuse +aux parfondesses +des sciences obscures es +termes que ne sceusse comprendre/ +Sicomme dit +Caton/ lire et non entendre/ +n’est mie lire ains +comme l’enfant que au premier +on met a l’a.b.c.d. +me pris aux histoires anciennes +des commencement +du monde/ les histoires +des ebrieux/ des assiriens +et des principes des +seignouries procedant +de l’une en l’autre dessendant +aux rommains +des françois des bretons +& autres plusieurs historiographes/ +apres aux +deducions des sciences +selon ce que en l’espace du +temps que y estudiay j’en +pos comprendre.</p> + +<p>¶ Puis me +pris aux livres des poetes +Et comme de plus en plus +alast croiscent le bien de ma +cognoissance/ adont fus +je aise quant j’oz trouvé +le stile a moy naturel +me delittant en leurs soubtilles +couvertures et belles +matieres muciees soubz +fictions delitables et morales/ +et le bel stile de +leur metres et proses deduites +par belle et pollie +rethorique aournee de +soubtil lengage et proverbes +estranges/ pour la quelle +science de poaisie nature +en moy resjouye/ me dist +fille soulasse toy quant +tu as attaint en effait +le desir que je te donne +& ainsi continuant et vaquant +tous jours a l’estude +comprenant les sentences +de mieulx en mieulx.</p> + +<p>¶ Ne souffist pas +a tant a mon sentement +& engin/ ains volt que +par l’engendrement d’estude +et des choses veues nasquissent +de moy nouvelles +lectures/ adont me dist +prens les outilz et fiers +sur l’enclume/ La matere +que je te bailleray si durable +que fer ne feu ne autre +chose ne la pourra despecer +si forges choses delitables/ +& ou temps que tu portoies +les enfans en ton ventre +grant douleur a l’enfanter +sentoies/ Or vueil +que de toy naiscent nouveaulx +volumes/ lesquieulx +les temps avenir +perpetuellement au monde +presenteront ta memoire +devant les princes et par +l’univers en toutes places +lesquieulx en joye et +delit tu enfanteras de +ta memoire/ non obstant +le labour et traveil le quel +tout ainsi comme la femme +qui a enfanté si tost +que ot le cry de l’enfant +oublie son mal/ oublieras +le traveil du labour oyant +la voix de tes volumes.</p> + +<p><span class="pagenum">-62-</span> ¶ Adont me pris a forger +choses jolies a mon commencement +plus legieres/ & +tout ainsi comme l’ouvrier +qui de plus en plus en son +oeuvre s’asoubtille comme plus +il la frequente/ ainsi tous +jours estudiant diverses +matieres mon sens de plus +en plus s’imbuoit de choses +estranges amendant +mon stile en plus grant +soubtilleté et plus haulte +matiere depuis l’an .M.CCC.iiii.<sup>xx</sup> & .xix. que je +commençay jusques a +cestui .CCCC. & cinq/ ou +quel ancore je ne cesse/ compilles +en ce tandis quinze +volumes principaulx sanz +les autres particuliers petis +dictiez lesquieulx tous +ensemble contiennent environ +.lxx. quayers de +grant volume comme l’experience +en est magnifeste +Et comme grant louange +pour ce n’y affiere/ Car +pou y a soubtilleté/ par +ventance dieux scet que ne +le dis mais pour continuer +l’ordre de mes bonnes et +mauvaises aventures.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c11">Le plaisir que christine prenoit +a l’estude.</h3> + + +<p>Or fu l’estat de mon +vivre tresmué en +autre disposicion/ mais +non pas pour tant changié +en mieulx ma malle +fortune ains comme dolente +du bien et solas de ma +vie speculative et solitaire +persevera sa malivolence +non a ma personne seulement +mais en despit de moy +a de mes plus prochains +la quelle chose je attribue +au procés de mes adversitez. +Et te diray comment par +me tolir mes bons amis +comme tous jours elle soit +repunante a ma prosperité +ne les a souffers longuement +vivre. Il est voir que comme la +voix courust ja et meismes +entre les princes/ de l’ordre +et maniere de mon vivre +c’est a savoir a l’estude/ +pour ce que +revellé leur estoit non obstant +celer le voulsisse leur fis +present comme de nouvelle +chose quelque petis et foibles +que ilz soient de mes volumes +de plusieurs matieres +lesquieulx de leur grace comme +princes benignes et tres humains +les virent voulentiers +& receurent a joye/ et plus +comme je tiens pour la chose +non usagee que femme +escripse comme pieça ne +avenist/ que pour digneté +qui y soit/ et ainsi furent +en peu de heure ventillez +et portez mes dis livres en +plusieurs pars et pays divers.</p> + +<p>¶ Environ ce temps comme +la fille du roy de france +fust mariee au roy richart +d’angleterre vint par de ça +a celle cause/ un noble +conte dit de salsbery/ et +comme ycellui gracieux chevalier +amast dictiez & lui meismes +fust gracieux dicteur/ apres +ce qu’il ot veu des miens dictiez +tant me fist prier par +plusieurs grans que je +consenti tout le feisse je +envis que l’ainsné de mes +filz assez abille et bien +chantant enfans de l’aage +de .xiii. ans alast avec lui +ou pays d’engleterre pour estre +avec un sien filz auques de +l’aage/ du quel dit conte +comme il se portast tant bien +& grandement de mon dit +enfant et plus promettoit +pour le temps avenir aux quelles +choses croy que il n’eust +failli/ comme il en eust la +poissance/ vrayement les +promesses que faites m’en +avoit ne furent trouvees +mençongieres/ mais ce bien +ne volt pas celle souffrir +longuement qui mains +autres maulx m’a fais +c’est a savoir male fortune +qui non pas lonc temps +apres procura la dure +pestillence ou dit pays de +angleterre contre le dit +Roy Richart comme chacun +scet/ pour la quelle cause +apres pour sa grant +loyauté vers son dit droit +seigneur fu decollez a grant +tort le dessus dit tresbon +conte/ or fu failli le eur +mondain du commencement +<span class="pagenum">-63-</span> de mon dit filz assez enfant +en temps de grant pestilence +hors de son pays/ par raison +dot estre esbahi/ mais que +avint il le roy henry qui ancore +est qui s’atribua la couronne/ +vit des dictiez et livres +que je avoie ja plusieurs envoyez +comme desireuse de lui +faire plaisir au dit conte/ si +lui vint a cognoiscence tout +ce que il en estoit/ adont tres +joyeusement prist mon enfant +vers lui/ et tint chierement +& en tres bon estat/ & de fait +par .ii. de ses hayraulx notables +hommes venus par de ça +lencastre et faucon roys +d’armes me manda moult +a certes priant et promettant +du bien largement que par de la +je alasse/ et comme de ce je +ne fusse en riens temptee +considerant les choses comme +elles estoient/ dissimulay +tant que mon filz peusse +avoir disant grant mercis/ +& que bien a son command +estoie/ et a brief parler tant +fis a grant peine/ et de +mes livres me cousta +que congié ot mon dit filz +de me venir querir par de +ça pour mener la qui ancore +n’i vois/ & ainsi reffusay +l’eschoite de ycelle fortune +pour moy et pour lui +pour ce que je ne puis croire +que fin de desloyal viengne +a bon terme/ Or fus +joyeuse de veoir cil que +je amoie comme mort le +m’eust seul filz laissié & +.iii. ans sans lui +oz esté/ mais crue +fu la charge de ma +deppense non a +moy aysiee/ Car je doubtay +que le grant estat ou quel +estoit par de la lui donnast +vouloir de retourner comme +enfant es quieulx consideracion +n’est grande voulentiers +se tiennent a ce que +aux yeulx et a leur aise meilleur +leur semble/ Si lui +quis maistre grant et +poissant qui de sa grace +le retint/ mais comme +la petite faculté du jeune +enfant pou apparant +en la multitude des grans +de sa court tous jours a +ma charge couvint que +son estat fust soustenu +sanz de son service tyrer +aucun fruit/ & ainsi me desherita +fortune d’un de +mes bons amis et d’une de +mes esperances/ mais ancore +de puis pis me fit.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c12">Se plaint christine de fortune +qui lui osta ses bons amis.</h3> + + +<p>Sicomme devant +est dit comme ja +m’eussent donné nom mes +dis volumes par les presens +qui a maint prince de estranges +terres fais en furent +nompas de par moy envoyez +mais par autres comme +de chose nouvelle venue +de sentement de femme +sicomme dit le proverbe +choses nouvelles plaisent +ne le dis pour nulle ventance +comme elle n’y affiere.</p> + +<p>¶ Le premier duc de milan +en lombardie qui de +ceste chose fu informez +& peut estre/ plus grandement +que la cause n’y +estoit/ desirant me traire +en son pays/ tres grandement +avoit ordené de mon +estat par rentes a tous jours +se aler y vouloye/ & ce +scevent plusieurs gentilz hommes +du pays meismes +commis a celle ambassaderie +Mais fortune selon ses usages +& coustumes ne volt mie +que la ruine de mon estat +fust reparé/ si me tolli tantost +par mort cil qui bien +me vouloit/ non pas que +de legier eusse deliberé laissier +france pour certaines +causes/ tout soit de la mon +naturel pays/ Toute +foiz me greva elle quant +me toli un bon ami qui n’est +petite perte/ Et tel que comme +la relacion de gens notables +m’a dit/ sanz partir de ça +meismes m’ust il valu par +les dessertes de mes livres.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c13">Encore de ce mesmes.</h3> + + +<p>Ancore reste a parler +de ma plus grant perte +a cause de grant prince +mort puis le temps du susdit +sage roy Charles/ +ne fusse pas voirement +evident signe de hayneuse +envie de la perverse contre +moy/ quant tost apres que +<span class="pagenum">-64-</span> le tres venerable hault et poissant +noble prince philippe duc +de bourgongne/ qui frere fu +au dit sage roy m’ot par l’acointance +de mes dis livres & +volumes prise a amour/ lesquieulx +ne lui avoie ancore +pou de temps a presentez +comme je ne les reputasse +dignes de estre ouvers en la +presence de sa sagece/ mais +comme sa benigne clemence +plus considerant je croy la +constance de mon labour que +grant soubtilleté estre en mon +oeuvre comme elle n’i soit +moult les ot agreables/ sicomme +me apparu par la louange +de sa parolle/ et plus par le +effait de son bon et grant secours +a l’estat non de moy +seulement/ mais de mon +dit filz/ de lui retenu a gages +et bien amé serviteur +Et moy semblablement a +qui avec les autres biens faiz +tant daigna reputer mon +savoir/ que il de sa bouche +me chargia que je tins a +grant grace/ comme il +desirast que la belle vie et +notables fais du sage roy +susdit fust en propre volume +mise en registre affin +que perpetuele memoire demourast +au monde par bon +exemple de son noble nom +que je compillasse des dictes +choses certain volume.</p> + +<p>¶ Helas +et tost apres lors que sa +grace vers moy de plus en +plus croisçoit le me toli par +mort la desloyale/ la quelle +mort fu renouvellement +des navreures de mes adversitez/ +& semblablement grief +parte a cestui royaume +sicomme ou dit livre que +il me commanda/ non ancore +lors achevé je recorde +en piteux regrais.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c14">Conclut christine sa complainte +a philosophie.</h3> + + +<p>Or t’ay je dit tres +reverend maistresse +les motifs et causes de +mes ennuys passez/ et non +pas tous/ car dieux scet +que en grant quantité de +autres maulx & ennuys +ay passé le temps que +anuyeuses et longues seroient +a dire/ et la perseverence +de yceulx qui dure +encore/ ne de la fin je ne voy +signe.</p> + +<p>¶ Du temps present +comment il m’est te dis que +non obstant supplicacions & +requestes que par force de +divers survenus affaires +& partes en la maniere dessus +dicte par les floz infortunez +souvent courans sur +moy que j’ay aux princes +françois qui ancor vivent +baillees/ mainte foiz requerant +leur secours/ non +pas les adjurant par mes +merites/ mais suppliant +par l’ancienne amour qui +tira mon dit pere par de +ça leur serviteur et par +ses bien fais a moy delaissiee +et hors de son lieu a +son petit maisnage voulsissent +secourir/ mais que +je ne mente ne soie ingrate/ +le secours de aucun +d’eulx comme il m’ait assez +esté tardif presenté par +assignacion non de grans +choses/ ancore la longueur +de la paye/ & ennuyeuse +poursuite de leurs tresoriers +auques estaint la value +de la grace et merite du bien +fait/ O chere dame que cuides +tu quel peine/ c’est a +femme de ma faculté abstrate +assez/ et pou chalant +des aluchemens de couvoitise +convenir contre ma naturel +condicion non moult +curable ne ardant sur les +desirs de peccune/ mais par +neccessité contrainte de +grans charges poursuivre +a grant train ces gens de +finance pourmenee de jour +en jour de leurs belles parolles/ +Et ainsi va au jour +de huy a l’estat de mon +vesve colliege/ dame honoree +a qui riens n’est occult +Et tu meismes qui scez que +petit me chault des amas +& assemblees de tresors ne +de croiscence d’estat fors soustenir +cellui venu de mes +devanciers comme folle ancore +de en curer/ recognoissant +que tout est vent chose +mondaine/ ne que mes pensees +ne sont es desirs de superflus +paremens ne delicatifs vivres +me soies tesmoing que seulement +l’amour & charge agreable +que je ay de ma bonne mere +<span class="pagenum">-65-</span> en viellece sur les bras de sa +seule fille qui n’est oublieuse +des grans materneulx benefices +d’elle receus/ voluntaire +du meriter comme droit est +me rent perplexe et adoulee +quant fortune ne seuffre a +ma voulenté sortir son bon effaict +& que femme de si parfaict +honnour et si noble vie et bel +estat comme est et a tous jours +esté/ celle ne soit tenue et ordenee +selon son droit/ avec les +autres charges de povres parentes +a marier & autres amis +& ne voie de nulle part fortune +propice pour mon secours.</p> + +<p>¶ Encore au propos des pointures +de mes dolentes pensees +avec mes autres anuys/ cuides +tu que devant la face +de fortune ne me repute +peu eureuse/ quant si voy +ses autres accompaignez de +leurs lignages freres et parens +d’estat & aisiez/ eulx resjouyr +ensemble/ et je pense que +je suis hors des miens en +estrange lieu/ & mesmement +.ii. freres germains que j’ay +sages preudes hommes & +de belle vie/ que il a couvenu +que par ce que de ça +n’estoient pourveus que ilz +soient alez vivre ou pays de +la sus les heritages venus +du pere/ et moy qui suis tendre +& a mes amis naturelle/ +me plains a dieu quant je +voy la mere sans ses fieulx +que elle desire/ & moy sanz +mes freres/ Et ainsi peus +tu veoir chere maistrece que +tout au contraire de mes +desirs m’a fortune servie qui +ancores persevere en ses malefices.</p> + +<p>¶ Et que de ces choses +dis voir dieu qui proprement +est toy & toy qui proprement +est lui le savez. +Si reviens a ce que devant est +dit que comme fortune +m’a contraire ades continue +par tieulx molestes qui +ne sont a cuer femenin +& foible pas petites plus +me grieve l’empeschement que +a l’estude par ses occupacions +me fait qui mainte +foiz troublent si ma fantasie +que ne peut vaquer +l’entendement au bien qui +lui delite/ tant est ofusqué +par ses dures pointures/ que +ne fait le fait du mal que +j’en seuffre.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c15">Respont +philosophie a cristine.</h3> + + +<p>Quant ainsi je oz toutes +mes raisons finees +je me teus quoye/ adont la +excellent deesse parla ainsi +que se semblant feist de +sousrire/ tout ainsi que +fait un sage quant les +raisons du simple lui sont +presentes/ mais non pourtant +mon ignorence ne me +toli l’aisance de sa digne +parolle/ qui ainsi me dist +Certes amie a tes parolles +cognoiz comment folle faveur +te deçoit es jugemens +de ton meismes estat/ O creature +avuglee qui attribues +a male fortune les dons +de dieu et son propre galice +dont il t’abeuvre/ Et +pour quoy te plains tu +par ingratitude des biens +que as receus/ et certes +moult est perverti l’estommac +qui propice viande +reçoit/ & la convertist +dalmagiablement a sa nourriture/ +Et ou est doncques +le sens de ton entendement +qui ne cognoist ce qui lui est +prouffitable/ et que tu es +deceue te prouveray par +pratique de groz exemple +tout ainsi comme l’expert +medecin qui considere la +faculté de la nature & compleccion +de son pacient & +selon sa force ou foiblece +lui donne purgatoire et +medicine/ ainsi useray en +toy de regime tenue et legier +pour la foiblece de +l’estomac de ton entendement +a qui choses pesantes +et ponderans teles ou +semblables que jadis donnay +a mon amé boece sicomme +en son livre as trouvé seroyent +fortes a digerer et convertir +a la sustentacion de ta +neccessité/ Et pource comme +exemples ruraulx soient +aux simples cause de plus +legierement comprendre +les fourmes des choses +par celle voye sus fondement +de sainte escripture la plus +<span class="pagenum">-66-</span> seure/ te ramenray se je +puis a vraye cognoiscence +de ton tort. Belle amie par ce +que comprendre puis en ton +fait moult te plains et tiens +mal contempt de fortune +que tu dis estre et avoir esté +ja lonc temps ennemie de +ta prosperité/ & que tres lors +que en france conduisi tes +parens & toy avec eulx ourdi +le las de tribulacion ou +conduire te vouloit/ Et puis +les autres aventures tu dis +estre venues a ton grant grief +aux quelles choses non a +toutes particulierement/ Car +n’en est besoing/ mais assez +servira pour chacune ma +general responce te monstreray +ta vehemente folie & +la descongnoissance qui te +deçoit en ceste partie/ et te +destourne d’aviser le vray +de ton fait/ avises un pou +en toy meismes les grans +persecucions & mortieulx +inconveniens qui ont puis +esté & ancore sont comme il +ne puisse estre en paix/ ou +pays dont tu es nee/ et +penses a certes se dieu te +fist point grant grace non +obstant que t’en plaignes +de oster toy et les tiens de +entre les flames de ceulx +qui se bruslent/ cuides tu +par ta foy que eschappee +en fusses jusques au jour +d’uy sans ta part avoir +du mal/ ou sur toy/ ou +le veant avoir a de tes amis +Car meismes par de ça as +tu plouré de tes charnelz +qui s’en sont sentus/ mais +apres je me ry de ta +niceté qui attribues a +la poissance de fortune +la mort et trespas de creature +humaine/ sicomme +tu dis du roy Charles +& de tes autres amis/ et +ce qui est ou secret de dieu +escript qui toutes choses +dispose & gouverne a +son bon plaisir/ C’est +a savoir la fin et terme +de vie humaine/ Il +semble que vueilles appliquer +a aventure/ quant +tu dis que fortune t’en +despoullia Tout ainsi +comme se autre chose ne +eust afaire fors soy occuper +pour tes nuisances/ Et scez +tu la cause qui te meut a +tieulx ymaginacions/ c’est +la trop grant faveur et tendreur +que as a toy meismes +& a l’aise de tes plaisirs qui +te fait tout ce qui avient +contre ce que vouldroyes +attribuer au propos de ce +que tu ymagines/ Car +quant est de la mort du +roy et aussi des autres +dieu les avoit ordenez a +ce terme pour le meilleur +comme toutes choses ainsi +le face/ & se le mieulx +fust les laisser fait le eust +Et des jugemens de dieu +quoy que ilz vous semblent +merveilleux n’est pas en +vous deu discuter en hardies +parolles/ car comme +il soit tout sapient/ scet +bien que il fait.</p> + +<p>¶ Et des +autres adversitez dont +tu te plains resembles +l’enfant trop mignot qui +se deult du petit coup de +la verge que son pere lui +donne/ et ne scet cognoistre +le bien que il lui fait/ ainsi +certes te plains sanz cause +Car ne scez adroit que sont +tribulacions/ & en ce monstres +que tu es femme tendre +fresle et pou souffrant qui +de pou se scent/ Et ce te +prouveray je par raison cy +apres.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c16">Le reconfort +de philosophie.</h3> + + +<p>Toy qui te plains pour +un pou de tribulacions +se elles te sont survenues +tout ainsi comme se +dieu fust plus tenus a toy +que a un autre/ Avises en +toy meismes que pevent +dire plusieurs bonnes personnes +et christiens comme toy +qui par estranges fortunes +n’ont pas seulement perdu +tous leurs biens temporelz +mais leur membres dont +sont mahaignez par longue +maladie/ et par survenue +aventure/ et en autres cas +divers tourmentez en esperit ou +en leurs corps/ Et ancore +avec ce en tel povreté que +ilz n’ont lieu propre ne +<span class="pagenum">-67-</span> chose pour eulx couvrir ne +leur lasse vie repaistre se +ilz ne se vont traisnant par +entre vous a grant peine/ cerchant +voz aumosnes ou souvent +treuvent pou de pitié +que dirons nous de ceulx +la/ ou des autres qui ont +diverses grandes tribulacions +en maintes guises que +ilz sont mal eureux infortunez +et de dieu haÿs/ nennil +nennil/ Ce n’est mie selon +les sentences de noz loys +qui sont l’euvangile/ ains +dirons que beneurez sont +tout ainsi comme dieu le +dit lui meismes d’yceulz +et des paciens.</p> + +<p>¶ <i lang="la" xml:lang="la">Beati +pauperes quoniam ipsorum est +regnum celorum/ beati +pacifici quoniam filii dei vocabuntur.</i></p> + +<p>¶ Si dis que tu +juges follement Car ne sont +pas infortunez au regart +des distribucions justes de +dieu les plus persecutez +ains sont les plus beneurez +en tant comme plus +s’approchent de la vie jhesucrist +en ce monde en toute tribulacion. +Pour vostre exemple. +Si te dis que de +tant es tu eureuse et je le +te monstre se nyer ne veulx +la sainte escripture/ comme +tu approches aucunement +a ceulx qui passent par +tribulacion/ et plus eureuse +fusses mais que +pacience avec fust/ se plus +en eusses/ car de tant seroit +plus grant ton merite/ +et se tu es ferme +en la foy/ de la quelle chose +mal fus nee se il n’est +ainsi/ point ne mescroiras +ce que je dis.</p> + +<p>¶ Et a ce +propos ne dit saint augustin +sur le .xxi.<sup>e</sup> pseaulme +Sache dist il tout homme +que dieu est un medecin +qui au malade pecheur +baille tribulacion pour +medicine a son salut non +pas pour peine de sa +dampnacion/ O malade +pecheur quant tu reçois +la medicine de dieu en tribulacion +tu te deuls/ tu te +plains et cryes a ton medecin +il ne te escoute pas a ta +voulenté mais il te escoute +a ta santé.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c17">Encore de mesmes.</h3> + + +<p>Mais alons oultre pour +dieu mercis savoir +mon de quoy tu te peus clamer +de dieu ne plaindre +de fortune/ et certes par ce +que il me semble en toy apperçois +grant ingratitude +& descognoissance quant +de foison biens graces que +par tant de fois t’a faites +& fait chacun jour/ non +pas seulement ne le remercies +ains te reputes recevoir +tres grant tort comme +se digne fusses non pas +senz plus de mieulx avoir +mais toutes choses a ton +souhaid/ & que il soit vray +avise toy avise quans +grans benefices et dons +de dieu si notables toy indigne +as receus/ & chacun +jour fais aux quelles choses +se bien penser y veulx & +sagement en toy discuter +tu trouveras que les +adventures qui avenues +au monde te sont que tu +imputes a male fortune +te sont propices & couvenables +meismement a l’utilité +de ton vivre au monde +et pour ton mieulx sicomme +cy apres te monstreray +Mais ta sensualité te tolt +vraye cognoiscence.</p> + +<p>¶ Je avise +que entre les autres prosperitez +.iii. choses entre +vous mondains sont que +vous reputez comme les +principales de voz joyes +& gloires & sanz partie +de ycelles .iii. ou toutes je +suppose que il n’est quelconques +richece qui content feist +cuer d’omme/ Et qu’il n’est +si grant tresor des biens +de fortune que cellui a +qui elles faillent ne voulsist +avoir donné se il +l’avoit pour posseder ycelles/ +les .ii. sont hors soy +& l’autre en soy meismes +La premiere est estre nez +de nobles parens la +quelle noblece je entens +des vertus/ La seconde +avoir corps sanz nulle +<span class="pagenum">-68-</span> defformité et assez plaisant +saintif et non maladis/ +mais bien complexionné +et de competant discrecion +& entendement/ La tierce +joye qui n’est mie petite avoir +enfans beaulx et gracieux +au monde de bonne discrecion +et de bonnes meurs et +craignans dieu/ O femme +avises ton ingratitude/ Es +tu donques exaussie de celles +belles graces avec maintes +autres que dieu t’a donnees/ +il semble que oublié +ayes comment il t’est quant +si meseureuse te reputes +Est il femme au jour de +huy que tu cognoisces plus +glorieuse de parens que +tu es/ ne te souvient il +de la digneté de nostre +noble philosophe ton pere +qui de noz estudes tant estoit +familier que nous +seyons en la chayere avecques +lui devisant de noz secrés +et pour l’acointance de +nostre industrie fu en son +temps repputé le suppellatif +en noz sciences speculatives/ +& avec ce vray catholique +comme tous jours & +a sa fin paru/ et vertueux +que je m’en rapporte a toy +que plus prises seulement +& plus te prouffite la rumignacion +de son savoir +qui demouree t’est que quelconques +avoir non obstant +que t’en plaignes que il +te peust avoir laissié/ penses +se contente de ce bien +te dois tenir/ Que diray +je de ta tres noble mere +scez tu point de femme plus +vertueuse/ remembre toy +depuis sa jonece jusques +au jour d’ui se vie contemplative +constamment ou +service de dieu quelque +occupacion que elle onques +eust l’a nul jour laissiee +je croy que non/ O quel +noble femme comme sa +vie est glorieuse comme de +celle que nulle tribulacion +onques ne suppedita ne +brisa par impacience son +tres bon courage/ & quel +exemple de vivre en toute +vertu pour toy/ se tu +bien t’i mires/ avises combien +grant grace dieu te fait +ancore avec tout de si noble +mere laisser vivre en ta compaignie +en sa viellece plaine +de tant de vertu/ & quantes +foix elle t’a reconfortee & +menee de tes impaciences +a cognoistre ton dieu/ Et +se tu te plains que peine seuffre +ton cuer pour ce que +vers elle te semble ne peus +faire comme il appartient +je te dis/ ce vouloir avec la +pacience est meritoire a +toy et a elle/ et de elle sanz +faille la digne conversacion +& vie esleue l’a fait estre clere +entre les femmes c’est chose +nottoire et tres beneuree +Item quant au .ii.<sup>e</sup>/ en tes +biens ne t’a par ta foy dieu +donné corps fort assez & +bien compleccionné selon +ta qualité lui en peus tu +rien demander/ se tu ne +varies/ si gardes que de +tel entendement que il +y a mis/ bien en uses/ ou +se non/ mieulx te vaulsist +moins avoir sceu/ Ce qui +touche a la .iii.<sup>e</sup> joye/ n’as tu +enfans beaulx gracieux & +de bon sens/ ton premier +fruit qui est une fille donnee +a dieu et a son service/ rendue +par inspiracion divine +de sa pure voulenté & +oultre ton gré en l’eglise et +noble religion de dames a +poissi/ ou elle en fleur de +jonece et tres grant beauté +se porte tant notablement +en vie contemplative et +devocion/ que la joye de la +relacion de sa belle vie souventes +foiz te rent grant +reconfort/ et quant de elle +meismes tu reçois les tres +doulces et devotes lettres/ discretes +et sages que elle t’envoye +pour ta consolacion es +quelles elle jeunette et ignocente +te induit et amonneste +a haÿr le monde et despriser +prosperité.</p> + +<p>¶ N’as +tu un filz aussi bel et gracieux +et bien moriginez/ et +tel/ que de sa jonece qui ne +passe .xx. ans du temps +que il a estudié en noz premieres +sciences en gramaire +<span class="pagenum">-69-</span> on ne trouveroit ne rethorique +et poetique lengage naturellement +a lui propice gaires +plus apte et plus soubtil que +il est avec le bel entendement +& autre bonne intiquative +que il a/ et que je ne mente +es choses dictes assez sont +magnifestes si que chacun +le peut veoir/ non pas le te +dis pour toy induire a vaine +gloire/ mais affin que graces +rendes a cil dont tout +bien vient qui t’a donné les +diz biens & mains autres/ & +lesquieulx fortune ne donne +mie/ mais lui de sa +pure grace especiale a qui +il lui plaist.</p> + +<p>¶ Des autres +complaintes que tu fais de +tes amis germains que tu +ne vois et qui de toy sont +loings/ je ne fais compte +Car comme ce monde ci ne +soit que un trespas dois esperer +que par les prieres +de la bonne mere et la +preudommie de eulx serés +par la misericorde de dieu +conduis en la cité de joye +c’est la sus ou ciel ou se dieu +plait vous entre verrés perpetuellement.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c18">Blasme philosophie +christine de ce que elle se plaint.</h3> + + +<p>De ce que ton mari en +jone aage mort te +toli dont tu te plains je +te dy que dieu ne te fist +nul tort quant son serf +pour mettre en plus hault +degré volt ravoir/ et lui +plut que tu demourasses +en la vallee de tribulacion +pour esprouver ta pacience +et pour toy affiner en vertu/ +Sicomme dit saint +augustin sur le .lx.<sup>e</sup> pseaulme +que en une meisme +fournase la paelle art & +l’or se purge/ la paelle +tourne toute en cendre/ & +l’or de toute escume et +ordure se nettoye/ Et que +est a entendre la fournase +doulce amie scez tu/ c’est +le monde ou tu es/ la +paelle/ Ce sont les mau +prouffitans/ l’or/ ce sont +les justes/ le feu/ c’est tribulacion/ +l’orfevre/ c’est +dieu/ Ce que l’orfevre a +voulu faire de toy/ il te +doit plaire/ ou il te veult mettre +tu le dois vouloir/ tu as +commandement de endurer +il a l’office de purger/ et combien +que la paele arde en ce +feu/ c’est la douleur que +tu sens/ toutevoye se tu es +sage tu t’y purges comme +l’or.</p> + +<p>¶ Et ancore avec tout +ce que le mieulx ait esté +pour toy/ et au prouffit de +ton sens le te monstreray +Il n’est ou monde plus grant +bien et toy meismes pas +ne le me nyeras/ que cellui +qui vient de l’entendement/ & +qui le parfait en savoir/ la +quelle chose fait estude qui +apprent science/ et experience +de moult de choses/ Ces +.ii. causes font la personne +estre sage se faute de l’entendement +ne lui tolt a +ton propos il n’est mie +doubte que se ton mary +te eust duré jusques a +ore/ l’estude tant comme +tu as ne eusses frequenté +Car occupacion de maisnage +ne le t’eust souffert au +quel bien d’estude tu te mis +comme a la chose plus esleue +selon ton jugement +apres la vie qui est de tous +poins pour les parfais c’est +la contemplative/ la quelle +est vraye sapience/ le quel +bien d’estude je sçay que +confesseras que pour tous +les biens de fortune ne vouldroies +quelque pou que y +ayes fait ne t’i estre occuppee +& que la delectacion qui +tant t’en agree ne eusses +Dont ne te dois tu pas tenir +pour meseuree/ quant tu +as entre les autres biens +une des choses du monde +qui plus te delite et te plaist +a avoir/ C’est a savoir le +doulx goust de science. +Item se riche et garnie & +sans tribulacion fusses demouree/ +en delices te fusses +nourrie/ lesquelles choses +conduisent creature a plusieurs +inconveniens/ Si +n’eusses mie l’experience de +congnoistre le monde/ et +cause de tant le haÿr/ la +quelle chose dieu veult/ +Et par consequant ne +<span class="pagenum">-70-</span> fusses si savant/ car saches de +vray que les riches que chascun +agree non mie pour eulx/ mais +pour le leur/ n’ont si grant cause +de congnoistre les fallaces +du monde ne lesquieulx sont +leurs vrays amis comme ont +ceulx qui les espreuvent et +qui passent par adversitez +Car il leur semble pour ce que +le monde leur rit que il ne +soit autre paradis et que il +soit vray/ toy meismes as +ouy mainte foiz dire a de +yceulx riches/ qu’ilz vouldroient +que dieu gardast son +paradis et a tous jours +les laissast en ce monde/ +Or regarde a quel prejudice +tournent les delices quant +ilz ramainent la voulenté +qui doit suivre raison a +tele bestialité que elle ne +use ne que une beste mue +ne mais aux pastures basses/ +& ne se lieve ne regarde +a son propre lieu naturel +qui est le ciel dont l’ame fourmee +a l’image de dieu est +venue et doit tendre a aler +Et que il soit vray que +les espreuves de tribulacion +te soient prouffitables +je me rapporte a toy que +se dieu te ramenoit a un +pou plus d’aise de prosperité +que pour riens ne +vouldroyes que tribulacion +ne eusses essayee/ Or conclus +en toy meismes et prens +garde/ puis que ainsi est +que a l’entendement & +au bien de ton corps sont +valables/ se a l’ame/ se bien +en as usé plus sont proufitables/ +Car dit saint +augustin sur l’euvangile +saint jehan/ Les tribulacions +que dieu veult +que tu ayes a souffrir en +ce monde/ ce n’est pas peine +de dampnacion/ ains +est le flayel de correccion +Et vous enfans de dieu +estes appellez a l’eritage +pardurable/ Et si ne daignez +estre flayelez.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c19">Encore de ce mesmes.</h3> + + +<p>Apres il me semble +que tu te plains +Et dis que comme tu +fusses choite es las de dure +fortune tantost que tu fus +vesve te assaillirent les mauvais +par divers travaulx +de plais & de plusieurs inconveniens +que ilz te bastirent +O ma chiere amie/ ce n’est +pas de nouvel que les mauvais +persecutent les ingnocens +qui deffendre ne se +scevent ou pevent/ mais non +pourtant que ce soit a leur +dampnacion/ yceulx persecuteurs/ +se bien a ton utilité +sceusses user des trais de +leurs dars seroient les orfevres +de ta couronne// +Car dit saint jerome en +l’epistre a ciprian que +de tant comme creature +humaine plus est afflicte +par poissance d’ennemis +& de cruauté/ et de tant +plus croist la couronne de +son loyer/ O folle qui plouroies +par desconfort a ton +foyer comme dit as ou temps +de tes tribulacions/ helas +& ainsi faisoies de ton prouffit +ton dommage/ se par +impacience estoit Car dit +saint augustin/ beau filz +se tu pleures gardes que ce +soit soubz la correccion de +dieu ton pere et non mie par +impacience/ car la verge +dont il te bat n’est mie punicion/ +ains est signe que +tu as part en son testament +Car dieu t’envoioit ton mieulx +et user n’en savoies +Or regarde les beaulx +enseignemens des sains +docteurs/ car de tel viande +te vueil je repaistre comme elle +soit plus penetrant par +aventure en ton entendement +que force d’argumens ne +seroit/ de quoy autre foiz +usay en confort de creature +humaine.</p> + +<p>¶ Helas ne +t’enseigna en ce pas ci saint +gregoire ou .x.<sup>e</sup> livre de morales +que tu devoies faire +lors que il dit tieulx parolles/ +de tant dist il/ que +nous endurons pour l’amour +de nostre dieu plus +paciemment tribulacion +de tant plus croist nostre esperance +en lui/ Car la +joye de retribucion pardurable +<span class="pagenum">-71-</span> ne peut estre cueillie se premierement +n’est semee en affliccion/ +Et escoute un beau vers +de ses parolles.</p> + +<div class="flex"> +<div class="poetry"> +<div class="verse">¶ Les maulx qui ycy nous estraignent</div> +<div class="verse">a aler a dieu nous contraignent.</div> +</div> + +</div> +<p>¶ Et combien que ci devant +t’aye dit/ et il est vray que cause +n’eusses de si grant affliccion +avoir selon le effait des +choses comme tu dis que avoyes/ +Toutevoyes puis que te +reputoies mal eureuse tu +l’estoies/ et c’estoit ce qui le te +faisoit estre/ Car se toy +meismes ne t’i reputasses +ne le fusses mie/ Dont puis +que maladie ta meismes +reputacion te donnoit medicine/ +Il couvient a quelque +cause que le mal soit venus +mais a celle fin que a de tes +amies ou amis semblablement +enformez/ ou a d’autres simples +ou ignorens du coliege +chrestien a qui ce vendra a +congnoissance puisse mon +remede estre valable/ le regime +a garison prouffitable +de tel maladie ne te sera +par moy vee/ Et ancor voy +que maistier en as/ et a propos +que de pou te plaignisses.</p> + +<p>¶ Escoute que dit Cassiodore +sur le psaultier/ nous +endurons dist il petites choses +mais s’il nous souvenoit +bien quel buvrage pour nous +but en la croix de nostre seigneur +qui a lui nous appelle/ nous +avons matiere de pacience +O creature se il est ainsi +que tribulacion tu ayes +receue ou reçoives/ Comment +dieu t’a donné belle maniere +de vivre se bien en scez +user/ car tribulacion euvre +l’oreille du cuer mainte foiz +la ou mondainne prosperité +la clot.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c20">Encore de ce.</h3> + + +<p>De ce que tu m’as dit/ +que cheus en paroles +de ce de quoy tu estoies ignocent +dont tu te troubloies +O chiere amie quelle gracieuse +punicion dieu qui +t’aime & n’est mie doubte +que mainte fois l’as courroucié +par divers pechiez +Il te volt donner par te +corriger en ce que tu n’estoies +mie coulpable pour +les pechiez muciez par aventure +en conscience ou par effait +en quelque maniere que +commis avoies/ et ainsi +mainte foiz le fait a creature +Car en la chose dont n’est +mie en coulpe la pugnist +d’autres divers pechiez +mais c’est grant purgacion +pour cellui qui est persecutez +de son innocence/ et les +flaiolz des mauvais sont +les instrumens de sa gloire/ +Et de cessi dit saint +gerome es morales ou +.xx.<sup>e</sup> livre le tout poissant +dist il seuffre en ce monde +que les mauvais griefvent +les bons/ a ce que par la +forsennerie des reprouvez +soit purgee de la vie des esleus/ +Et n’est point a cuider +que jamais dieu souffrist +que les mauvais ainsi cruellement +tourmentassent +les non coulpables ou les +bons se il ne veoit combien +il leur prouffite/ Car quant +les mauvais forcennent +sur les non courpables +Adont sont luisans les ignocens +& purgiez & la perversité +des mauvais plus redonde +sur la perdicion de eulx +O dieux et de entre vous qui +passer voulez de delices en delices +c’est a savoir des ayses de ce +monde que vous desirez aux +biens celestiaulx la quelle +chose ne se peut faire.</p> + +<p>¶ Escoutez que dit saint +gregoire en une omelie quant +je considere dist il job couché +sus un fumier comme +mesel/ Saint jehan baptiste +mourant de fain en +un desert/ saint pierre estendu +en crois/ saint jaques +decolé de herode/ Je pense +comment dieu tourmentera +a son jugement durement +ceulx que il repreuve/ quant +ycy presentement il afflict +si durement ceulx que il +aime et appreuve.</p> + +<p>¶ Et entre +vous mondains qui pensez +en voz petites tribulacions +que dieu vous ait oubliez +Et que fortune vous persecute/ +Pensez vous que il +soit plus tenus a vous que +<span class="pagenum">-72-</span> a ses autres bons amis a qui +tant laissa souffrir.</p> + +<p>¶ Mais +de ycelle souffrance escoutez +que dit saint bernard en un +sermon/ mes freres dist il +nous sommes en ce monde ainsi +comme en un champ de bataille/ +Et pour ce qui ycy playez +de tribulacion n’apperra ne +recevra en l’autre la victoire +de la couronne glorieuse/ O +belle amie que cellui est sage +& vray/ Bon mainnager ou +celle/ qui toutes choses scet +bien traire a son prouffit & +bien en user soit de prosperité +ou d’aversité/ mais comme +les delices mondains soient +plus fors a en user au prouffit +de l’ame que les tribulacions +nostresire pour bien de +creature communement les envoie +a ses mieulx amez/ Car +nient plus ne lui cousteroit +a envoyer prosperité que aversité/ +mais soyez certaine que +lui qui scet vostre fragilité +le fait pour le meilleur +de cil a qui l’envoye/ Car +non obstant que vous en +murmuriez par impacience +souventes fois si estes vous +plus actes en la voye de tribulacion +a aler ou ciel que +ceulx qui sont nourris es +grans delices/ et que il soit +vray se mescroire ne voulez +comme heretiques les saintes +escriptures & les sains +docteurs moult en avez de +preuves/ Car se tu me dis +que fortes sont a passer les +tribulacions de ce monde +& que elles dueillent griement.</p> + +<p>¶ Helas escoute a ce propos +que dit crisostome sus l’euvangile +saint mathieu/ +se aucun dist il repute la +voye de ceste vie laborieuse +pour les afflictions qui y +sont il accuse sa parece/ Car +se aux maronniers les floz +de la mer & les tempestes +et les gelees de l’iver aux +laboureurs/ et les playes +orribles navreures aux +chevaliers/ Semblent estre legeres +a porter pour l’esperance +du gaing/ ou de l’onneur +temporelle que ilz en attendent +par plus forte +raison nous doivent +sembler aysiees les tribulacions +de ce monde pour les +quelles nous est promis paradis +en loyer.</p> + +<p>¶ Ha dieux +& avec tout ce pensez vous +point entre vous pecheurs +que ayés desservi par maintes +diffames ancore trop plus +grant punicion que souffisant +n’est de pugnir l’aversité +que vous avez/ Et quant +dieu selon sa misericorde +amodere et adoulcist vers +vous sa justice pour un pou +au regart de voz maulx vous +donner a souffrir/ n’estes vous +bien tenus a lui/ Et a ce +propos dit pierre de ravenne +en une epistre/ dieu +dist il te pugnist en ce monde +a ce que la peine temporelle +rachate tes ardeures de +la mort pardurable/ Car +ainsi que les pierres ne +sont mises en edefice se premierement +ne sont taillees +& au martel acquerries +ne le grain n’est point mis +ou grenier tant que au fleau +soit batu/ aussi ne peus +tu estre logié en l’edefice +de paradis ne mis ou guernier +des esleus se tu n’es +esprouvé par tribulacion.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c21">Encore de reconfort.</h3> + + +<p>Amie chere par ce que +dit t’ay/ me semble que +assez doit souffire au propos +que au premier je promis +te monstrer ton tort des grans +reclaims que m’as fais de +tribulacions que tu dis avoir +passees n’estre si grandes que +tu les poises/ & aussi que +pour ton prouffit te sont premises +se en toy ne tient. +Assez me semble t’ay prouvé +souffisamment/ mais sur +le temps present ou quel tu +dis ancores durer tes infortunes +ou tu ne vois ne cognoiz +voye de relachement/ Te +respondray confondant pareillement +tes oppinions +en ce que tu ymagines.</p> + +<p>¶ Et apres pour le temps +avenir se croire me veulx +tout ainsi comme le bon +medecin quant il a curé +son malade/ lui baille regime +pour preserver sa santé +<span class="pagenum">-73-</span> & affin que il ne renchee/ te +bailleray ordre et voie de estre +conduite a la vraye felicité +ou tout cuer humain doit tendre +comme il n’en soit point +d’autre/ Et premierement +pour ce que tu ne congnoiz +ton estat le te fere congnoistre/ +te feray une demande +Car par ce que de toy entens +tu ne te tiens mie content de +telle porcion que tu as de biens +Et t’est avis que assez de +autres abondent en superfluitez +de choses dont escharceté +as et souffreté/ Si te demande +se tu congnoiz homme +ou femme soit prince princesse +ou autre des plus remplis +des biens de fortune/ soit +en seignourie/ estas honneurs +et autres dignitez/ je te parle +de la vie des mondains/ & +en resserve les speculans nobles +de entendement/ que +tu voulsisses avoir changié +ton simple estat & maniere +de vivre/ la voulenté +que tu as et l’amour et delit +de estude que tu prens +a ta vie solitaire pour +avoir la cure & charge de +tant de divers faisselz/ Et +dame de conscience et l’ardeur +de couvoitise & tout tel courage +comme a le plus eureux +& fust meismes converti +ton corps foible & femenin +en homme pour estre transmuee +de condicions et de +tout en cellui ou celle a +qui tu reputes es biens +mondains fortune plus +propice/ adont respondis +a la dame honoree/ dame +a quoy me fais tu ceste +demande/ ne scez tu que +couvoitise tant ne me suppedite +que pour tous les +biens de fortune voulsisse +avoir changié mon estre +a cellui d’un autre pour +toutes ses richesces/ O +folle et comment peut estre +que apres tele sentence +tu te reputes mal eureuse +et puis que mieulx te souffist +ton estat que cellui de +un tres poissant riche +ne feroit/ pour le laissier +donc te reputes tu plus riche +c’est a savoir plus eureuse +que le plus riche qui soit +tant que touchent ses richesces/ +Car comme toute chose +tende tous jours a sa perfeccion/ +se tu reputoies le +plus riche plus parfaict que +toy/ tu vouldroies doncques +ton estre avoir au sien changié/ +Et ainsi peus tu veoir +que le mal ou le bien que +les gens ont leur vient par +cuider et par oppinion & +non mie des choses/ Car +cellui est riche qui plus ne +couvoite/ et cellui est povre +qui art en desir/ amie +chiere ci n’as pas mauvaise +cause/ or te souffise doncques +l’estat ou dieu t’a appellee/ +Et de ce que tu te +complains de la charge +de plusieurs parens que +il te faut avoir/ prens +la en pacience et fais ton +devoir/ Car tout est pour +ton merite/ & te resjouis en +ce que ilz sont bons/ & espere +en dieu comme dit le psalmiste +et fais bien/ Car +il ne te fauldra ja/ nature +est de pou soustenue qui +vit a la neccessité de nature +il se sauve. Mais qui vit +selon les supperfluitez de delices +il se pert et dampne & +accourse ses jours.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c22">Le reconfort de philosophie +aleguant la sainte escripture.</h3> + + +<p>Mais pource que tu n’as +pas ancore la mer de +ton pelerinage toute passee +te tendray de promesse verité +sus l’enseignement de ton +vivre.</p> + +<p>¶ Tu qui felicité +desires se parvenir y veulx +viens a moy je te ouvreray +la voye/ la quelle non obstant +que toute soit plaine +de tribulacions/ aler n’y +peus par autre chemin et +pour ce que entre les autres +peines dures a souffrir +semble entre vous mondains +que injure et persecucion +sanz cause receue de voz +prochains soit a porter paciemment +la plus fort chose +fonderay l’entree de nostre +oroison sur ce que dit a ce +propos saint gregoire sur +ezechiel/ tous les biens +dist il que nous faisons +<span class="pagenum">-74-</span> sont nulz se paciemment nous +ne endurons les maulx que +recevons de noz prochains +Et de ce nous donna exemple +Jhesucrist qui plus souffry +de son meismes peuple que +autre homme ne pourroit +souffrir.</p> + +<p>¶ Mais bien dit +voir grisostome/ quant sur +l’epistre saint paul aux ebrieux +il dist/ il n’est riens qui +si grant confusion au persecuteur +qui autrui persecute face +que de endurer paciemment +& forment ses injures/ et ne +lui en rendre vengence en +fait ne en parolle.</p> + +<p>¶ De ce +parla hue de saint victor +ou .iii.<sup>e</sup> livre de l’ame/ grant +vertu dist il est a cellui qui +est blecié se il espargne cellui +a qui il pourroit nuire +Car c’est la plus noble victoire +que homme puist avoir +que de espargner par vertu +cellui a qui grever pourroit.</p> + +<p>¶ Et que les mauvais +soient communement persecuteurs +des bons/ ne fus +pas repunante a ce que +devant est dit/ quant je +dis a mon amé boece que +ceulx de nostre prophession +desirent a estre haÿs des +mauvais/ Car comme +toute chose hee son contraire +ne seront pas leurs hayneulx +participans de leurs +mauvaistiez.</p> + +<p>¶ O gens +mortieulx ce dit boece pour +quoy la hors querez la +beneurté qui assise dedens +vous est ignorence vous +deçoit/ car la pure vraye +beneurté est avoir de soy +meismes la seigneurie +Car homme n’a si chere +chose comme soy meismes +Et ce ne lui peut fortune +tolir/ Et affin que tu +saches que es choses de +fortune ne peut avoir +felicité je te dy que felicité +et beneurté sont les +souverains biens de nature +Et ce est raison et entendement +& bien souverain ne peut +estre perdus/ Et ces meismes +paroles que je te dis +pareillement dis a mon +amé boece// Donques entre +vous usez des dons de dieu +et laissez aler ceulx de +fortune/ et apprenez a +seignourir vous meismes +& adont ne vous seront tant +grevez a porter les tribulacions +pour l’amour de cellui +pour qui le ferés.</p> + +<p>¶ Car +dit a ce propos saint gregoire +ou .v.<sup>e</sup> de morales +se la pensee de l’omme est +adreciee en dieu par forte +entencion/ quanqu’i est +amer en ceste vie lui semble +doulx/ & tout quanque +afflict il repute repos.</p> + +<p>¶ Ancore dit le benoit gregoire +sur ezechiel dieu +avec ses dons nous mesle +ses fleaulx/ a ce que +tout quanque mondainnement +nous delictoit nous +semble amer/ et affin que +en noz courages un feu se +alume de charitable pacience +qui nous excite tous +jours au desir du ciel. +Et ainsi nous morde delitablement/ +nous tourmente +souefvement/ et qui nous +contriste joyeusement +Ha dist il ou premier de +morales/ le benoit job quant +dieu souffroit que il fust +de l’ennemi frappez/ autant +de voix de pacience comme +il rendoit en ses tourmens +autant de dars il regitoit +contre son adversaire/ Et +assez plus grans coups lui +donnoit que il ne soustenoit.</p> + +<p>¶ Et en ce dist il lui meismes +est discernee la pensee +juste de la pensee injuste +Car la juste en tous estas +et en toutes adversitez confesse +la louange du tout +poissant/ & l’injuste ne fait +que murmurer.</p> + +<p>¶ Et de +ce dit saint ambroise sus +le pseaume de <i lang="la" xml:lang="la">Beati +inmaculati</i>/ En ce as tu +le grant merite de pacience +se toy existant subget aux +tribulacions tu loes les jugemens +de dieu/ se tu grevé +de maladie tu rens graces/ +et en quelque estat que +tu soies plus afflict & +tant plus prouffites.</p> + +<p>¶ Que te diroye de la +noble vertu de pacience +se toy existant subget aux +<span class="pagenum">-75-</span> tribulacions/ tu loes les jugemens +de dieu/ se tu grevez +de maladie/ tu rens graces +& en quelque estat que tu soyes +plus afflict et tant plus +prouffites.</p> + +<p>¶ Que te diroye +de la noble vertu de pacience/ +c’est celle en toute somme +qui est la maistre portiere +de paradis/ et sanz qui les +autres vertus ne tiennent lieu +Et ce conferme Cassiodore +sur le psaultier/ pacience +dist il est la vertu qui vaint +toutes choses non mie en combatant +mais en souffrant +non pas en murmurant +mais en rendant graces +C’est la vertu qui nettoie +toute l’ordure de volupté +& qui a dieu rent les ames +cleres.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c23">Instruit philosophie +a despriser les biens mondains.</h3> + + +<p>Et de ce que entre vous +tant amez les assemblemens +des richeces/ & tant +vous traveillez pour ycelles +m’en tairay je dont non +feray Car combien que par +aventure petit penetreront +mes parolles es courages +obstinez/ non pourtant +viennent avant les notables +au propos de leur vitupere/ +lesquieulx le dit +boece nostre amé recite en son +livre de reconfort/ et les +approuvons par l’escripture +sainte en la maniere encommenciee/ +et avisez quelle +introite d’ycelles/ veulx +tu dist il assembler peccune +il couvient que tu la +soubtrayes a qui que soit +veulx tu avoir dignetez +tu seras ou desdaing des +envieux/ veulx tu surmonter +les autres/ tu seras en +peril de hayneux/ se tu +montes en poissance/ la +paour de decheoir ne te +laira point/ veulx tu +renommee avoir il te couvendra +moult souffrir +veulx tu delices/ tous ceulx +te despriseront qui serf te +verront a tes aises/ Et pour +ce peus notter que ces voies +ne font pas l’omme riche +C’est a savoir assouvy.</p> + +<p>¶ Escoute ancore ces +propres parolles/ certes +dist il les richeces n’estaignent +pas l’avarice que l’en +ne peut saouler/ ne la poissance +ne fait estre seur cellui +qui de lians est enchaennez/ +Et quant povoir +vient aux mauvais il +ne les fait pas bons mais +descueuvre et monstre leur +mauvaistie dont veu ce +que vous avez joye de mettre +voz cures a choses qui autre +sont que vous ne les nommez +& que l’en peut assez reprendre +pour ce que elles ne sont +ne vrayes poissances ne +vrayes dignitez/ Je puis +conclurre de toute fortune +que il n’y a chose qui a desirer +face ne qui naturellement +soit bonne quant +tous jours elle ne se joint +pas aux bons & que a +ceulx a qui elle se joint +elle n’est pas bonne.</p> + +<p>¶ Et assez s’acorde a ceste +sentence aristote quant +ou livre de bonne et de +male fortune dit que +la ou est le plus grant +engin et entendement +n’est mie tous jours la +meilleur fortune/ Et souvent +avient que la ou fortune +est plus propice n’est +mie le plus grant entendement.</p> + +<p>¶ Et ce est contre +les arrogans qui presument +d’eulx/ Et cuident que quant +fortune leur est propice que +ce soit pour leur grant savoir +ou value/ mais comme +l’experience du contraire nous +soit magnifeste veons le +plus des bons et de cler engin +mal fortunez es biens +mondains/ Et pource est +voir le proverbe des lombars +qui dit/ a fol aventureux +n’a lieu sens/ mais dit +boece que plus prouffite la +male fortune que la bonne +Car la bonne fait semblant +de beneurté/ Et ainsi elle +ment comme en ses biens +n’ait beneurté/ Et la +mauvaise est vraye en ce +que elle monstre par soy +changier que elle n’a +point d’estat seur/ La +bonne donques deçoipt +& la mauvaise fait sage +<span class="pagenum">-76-</span> par l’usage de tribulacion/ Et +certes Comme il dit les richesces +ont donné nom a maint +mauvais & sanz vertu/ Et +pour ce cuident yceulx que il +ne soit autre bien ne plus digne +chose que avoir tresors pierres +precieuses et grans seignouries/ +O viles dignetez et +poissances du monde que entre +vous exaussiez jusques au +ciel et ne savez qu’est povoir +& vraye digneté/ & se mauvais +vous a/ onques grant elevacion +d’eaues ou de flames +plus ne dalmagierent.</p> + +<p>¶ Helas +homme/ et se tu regardes +ton corps/ tu ne trouveras +pas plus foible chose/ Car +le mors de un chien ou une +mouche/ se elle entre dedens +toy t’occist aucune foiz/ et +de quoy peus tu qui tant +te orgueillis avoir povoir +sus autre/ ce n’est ou corps +& es choses de fortune/ mais +a force le cuer qui est franc +& fort par le conduit de raison +n’est mie en toy de mouvoir.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c24">Ci dit comment selon les +diz de sainte escripture prosperité +mondaine ne fait a priser.</h3> + + +<p>Et au propos ancore +que dieux ait en reprobacion +les mauvais riches +& que les simples ne +se doient esmerveiller se il +leur seuffre avoir des biens +temporeulz/ et consent que +les bons soient persecutez +Retournons aux saintes +escriptures/ Car de ce dit +Bede sur l’epistre saint jaques +Ne soyez dist il point indignés +se les mauvais flourissent +en ce monde/ Et vous +serfs de dieu avez a souffrir/ +Car ce n’est pas de +chrestiane religion estre exaussez +en ce monde/ mais +estre abaissiez/ & deprimez +Les mauvais n’ont riens +ou ciel ne vous riens en +ce monde/ Et pour ce en +esperance du bien ou vous +tendez quelque chose que +il vous aviengne en la +voye de ceste vie vous en +devez esjouir.</p> + +<p>¶ Et ce +tesmoigne saint gregoire +en la .xl.<sup>e</sup> omelie sur les +euvangiles/ qui dit ainsi/ +cellui que dieu het il lui +seuffre avoir prosperité +en ce monde/ Et aussi +retient il cellui que il aime +soubz le frain de tribulacion +Et de ce monstra bien exemple +mon seigneur saint +ambroise quant une foiz +aloit par le pays & se volt +logier pour la nuit en un +hostel/ si appella l’oste/ Et +ainsi comme il avoit de +coustume lui demanda +de sa fortune/ Le quel +lui respondi que toute sa +vie avoit flouri en honneurs +& habondé en richeces ne +onques ne estoit decheu +ne en adversité maladie +ne autre desplaisir/ mais +tous jours lui estoient venus +ses choses a souhaid/ Adont +ces choses ouyes saint ambroise +s’en parti/ et logier +ne s’i volt combien que il +fust nuit/ Et dit que continuee +succession de temporelle +prosperité n’est mie +signe de estre amé ne esleu +de dieu/ ains est signe +de pardurable dampnacion.</p> + +<p>¶ Viengne avant +Seneque & die a nostre propos son +dit. voy le ci en la .lxxxvii.<sup>e</sup> +de ses epistres/ Se tu veulx +avoir dist il la vraye extimacion +de l’omme/ et savoir quel +ou quen grant il est/ regardes +le tout nu/ ostes son +patrimoine oste ses honneurs +& les autres mençonges de +fortune et le regardes se tu +peus non pas ou corps mais +ou courage/ et la verras +tu quel et com grant il est +la saras tu se il est grant +du sien ou de l’autruy.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c25">Conclusion des choses susdites +& ancore de ce.</h3> + + +<p>N’avons nous mie assez +prouvé qu’en richeces +et honneurs mondains n’est +pas felicité/ donques nous +couvient tendre a la trouver/ +mais comme en ce monde +ne peut estre trouvee/ +ancore treant a nostre propos +dire nous en couvient/ si +appert assez estre vray ce +que dit boece/ Les choses +n’ont pas honneur selons +elles/ mais selons l’extimacion +& opinion des gens +<span class="pagenum">-77-</span> qui le donnent et rostent comme +il leur plaist/ Et donques +puis que injustement se pevent +tieulz honneurs donner +je conclus que elles sont villes +O donques vaine gloire/ ce +dist il respandue en multitude +de gens/ tu n’es autre chose +fors enfleure d’oreilles/ Car +on voit souvent louer par +faulse oppinion de peuple +ceulx qui n’ont mie en eulx +le bien que on y dit/ Et ce +ne peut estre sanz leur grant +honte quant ilz sentent que +ce leur fault dont ilz sont +louez/ Et se il est ainsi que +preudomme doye estre loué +pour sa vertu/ que lui chaut +quant il ne quiert pas la +faveur du peuple/ mais la +bonté de sa conscience/ Et +se on tient belle chose avoir +renommee/ aussi doit on +tenir a laide qui ne l’a.</p> + +<p>¶ Que diray je dist il +des delices du corps quant +on les quiert il donnent +grant traveil/ quant on +les a ilz tournent a ennuy/ +quant on les a eues ilz +engendrent enfermetez +& tele est la paye de ceulx +qui leur fin y mettent// +Or est donques ainsi/ ce +dist il que richeces honneurs/ +royaumes/ seigneuries +forces beautez et poissances +ne donnent pas de +felicité/ Car riens digne +n’est de estre appellé felix +comme dit est devant se +il n’est perpetuel/ et comme +teles choses ne le soient +n’est pas cellui felix qui +les a/ mais voy cy que il +dit apres/ veulz tu savoir +dist il la vraye felicité +qui repaist l’ame et donne +souffisance/ Or tourne +ta force d’autre part/ si +verras celle qui donne poissance +gloire renommee & +delit tout ensemble/ & ce +est dieu autre chose ne l’est +Sicomme ou dit livre +de boece je prouvay par sa bouche/ +et les fleurs de +ycellui je ay cueillies et +appliquees ycy a ton propos +pour faire d’une +sorte un gracieux chappel +avec les dis des sains docteurs +pour ton livre/ a la fin comme +victorieux couronner/ Or +viengnent les roses de la +sainte escripture avec noz +violettes et frappons ancore +contre les arrogans du monde.</p> + +<p>¶ Tu ce dit saint augustin +qui tant aimes le monde +pour quel loyer guerriez +vous/ n’est ce pas vostre +plus grant esperance que +vous puissiés estre amis +du monde. helas et quel +bien est cestui au quel on ne +peut venir fors par grans +inconveniens. homme homme +laissez perir toutes ces +vanitez/ et te convertis a +la seule inquisicion qui a +gloire et n’a fin/ & qui est +ce/ ce est seul dieu.</p> + +<p>¶ Helas +ce dist il ancore en une +epistre/ ce monde ci plus +est perilleux quant il se +monstre souef/ que quant +il se monstre moleste/ & +plus a eschever quant +plus attrait a soy amer.</p> + +<p>¶ De ce meismes ancore +dit sur l’epistre saint +jehan le monde dist il +est plain de tribulacions +et voy cy comment chacun +l’aime/ que seroit ce se il estoit +paisible/ s’il estoit bel comment +t’y appuyeras tu quant si +lait & tant conturbez si fort +l’embraces/ Et quant des +espines ne peus retraire ta +main/ bien cueilleroies des +fleurs se elles y estoient.</p> + +<p>¶ A ce propos dit saint gregoire +en une omelie/ veez +cy dist il le monde qui est en soy +tout seq/ Et toutevoyes ancore +flourist il en noz cuers +par tout mort/ par tout +plain de plour/ et par tout +en desolacion/ nous sommes +de tous costez ferus/ nous sommes +de tous lez remplis de +amertume/ Et toutevoyes +de nostre avugle charnelle +pensee et concupiscence nous +aimons ces amertumes +nous les suivons fuyant +nous nous espinons a lui +trebuchant/ et pourtant +que il trebuche nous ne +nous povons tenir avec +lui sanz tresbucher.</p> + +<p><span class="pagenum">-78-</span> ¶ Mais dit saint +bernard en un sermon/ A +qui jhesucrist prent a sembler +doulx/ c’est neccessité que +lui semble le monde amer.</p> + +<p>¶ Encore dist il sur quantiques/ +ce monde est tout plain +d’espines ilz sont en terre +ilz sont en ta char/ & converser +entre ces espines & n’y +estre point blecié c’est de +vertu divine et non pas +de nostre fragilité.</p> + +<p>¶ Mais +de ce dit saint gregoire es +morales ou .xxiii.<sup>e</sup> a ses esleuez +qui vont a lui/ nostre +seigneur a fait le chemin +aspre a celle fin que tant +ne leur plaise le repos de +ceste vie en fourme de la +doulceur du chemin que +ilz ne se delitent plus a +cheminer longuement +que a tost venir au terme +de leur repos/ & que tant +ne leur plaise la voye que +ilz en oublient leur propre +pays/ C’est le ciel. +Mais voy cy que il dit +apres les cuers de esleus +dist il qui attendent les +joyes de paradis prennent +cuer et force es adversitez +Car de tant que croist plus +la bataille de tant attendent +ilz plus glorieuse victoire/ +les desirs des esleus +si prouffitent tant que +ilz sont ainsi affermez +es tribulacions comme le +feu ardant que le vent rabat +la flame/ et toutevoye +le fait plus croistre +et combien que il semble +que estaindre le doye il +le enforcist.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c26">Encore de ce mesmes.</h3> + + +<p>Or trayons au terme +de nostre oeuvre +au quel te desir a l’utilité +de ton sens conduire +c’est a savoir a la conclusion +de la vraye felicité/ ou tu +dois tendre comme nous +ayons assez monstré par +maint dignes preuves +que sont faulces felicitez +combien que la cure des choses +morteles s’i traye/ n’est +mie celle/ ains est celle +qui a en soy bien parfaict +& qui la plus ne peut desirer/ +c’est dieu comme dit +est/ car on ne peut penser +riens meilleur de lui/ il +couvient dont que son bien +soit parfaict/ Car autrement +ce dit boece/ et il est vray +ne seroit il pas prince des +autres biens/ Si avons dit +ce dit boece & aussi nous +l’acordons que felicité est +souverain bien/ et tu vois que +homme est beneureux quant +il a felicité/ & felicité si est +dieu/ dont est homme dieu +quant il a felicité ainsi comme +ceulx qui ont droiture +sont droituriers/ & ceulx +qui ont sapience sont sages +Et ainsi ceulx qui ont divinité +sont dieux/ & cil qui +a felicité est dieu dont tous +beneurez sont dieux/ mais +par nature il n’est que un +dieu et par participacion +il en est moult/ Et ces +parolles sont le propre +texte du dit livre de boece +en consolacion/ Or avons +trouvee celle benoite felicité +que desirer devons/ mais que +ferons nous de celle felicité +nous promet elle riens.</p> + +<p>¶ Viengne saint gregoire +en son omelie et le nous die/ +veez le cy/ se nous considerions +bien quelles et comment +grans choses nous sont promises +es cieulx/ nous reputeriens +villes toutes les choses +que nous pourriens avoir +en terre/ Car toute la substance +terrienne comparee +a la souveraine felicité nous +est plus a charge que a +ayde/ la vie temporelle +comparee a la vie eternelle +est plus mort que vie/ Car +le deffault de nostre cotidiane +corrupcion n’est mais +que une prolixité de mort +Mais qui est ce qui peut +raconter ne entendement +comprendre com grandes +sont les joyes de celle souveraine +cité/ estre tous +jours present es compaignies +des anges avec les +benois esperis/ estre assistant +a la gloire de nostre conditeur/ +veoir le visage de dieu +<span class="pagenum">-79-</span> & la benoite trinité face a +face/ regarder sa lumiere incomprehensible/ +n’avoir jamais +paour de la mort/ & +soy esjouir du don de perpetuité.</p> + +<p>¶ De celle benoite trinité +un petit parlons pour +plus grant efficace selon les +diz des sains docteurs/ et en +elle vueil que soit terminee +ton oeuvre qui te doint grace +que ainsi soit a la fin +ta vie/ Mais comment oseras +tu entrer a la mediter toy povre +miserable creature.</p> + +<p>¶ Car +dit saint augustin ou livre +de la trinité que tout l’ost +de pensee humaine n’est pas +assez fort pour soy ficher +en celle excellente lumiere pardurable +se elle n’est bien purgee +par justice de foy. Mais que +plus soubtilment je t’en declarasse +n’est neccessité.</p> + +<p>¶ Car +dit saint augustin ou sus +dit livre que l’en ne peut plus +perilleusement ailleurs errer +ne l’en ne peut riens plus +laborieusement querir/ ne +l’en ne peut riens plus prouffitablement +trouver que +la benoite trinité du pere +du filz et du saint esperit +en unité de essence divine.</p> + +<p>¶ Mais de ce dit il lui mesmes +ou livre des paraboles +de nostre seigneur parlant +contre arrian/ nous veons +dist il le souleil ou ciel courant +luisant et chault/ aussi/ +ces .iii. choses a le feu +mouvement lueur et chaleur/ +Se tu peus donques +dist il faulx arrian devise +l’une qualité de l’autre ou +souleil/ ou ou feu/ Et puis +si devise la trinité/ Et +pour ce comme dit saint +bernard en un sermon +Trop enquerir de la benoite +trinité c’est perverse curiosité/ +fermement croire +et tenir de la trinité ainsi +que tient l’eglise et la foy +catholique/ c’est seureté.</p> + +<p>¶ Il est ce dit ancore saint +augustin en un sermon +plusieurs trinité/ c’est a +savoir la trinité qui nous +a fait/ la trinité qui nous +deffait/ la trinité qui +nous refait/ la trinité qui +nous a fait/ c’est la trinité +pardurable/ le pere/ le +filz et le saint esperit. La +trinité qui nous deffait +c’est une trinité miserable +Quelle est elle/ c’est non +puissance/ ignorence/ et +concupiscence/ et par ceste +trinité miserable est deffaite +nostre trinité raisonnable +C’est a savoir memoire +entendement et voulenté +Car quant nostre ame se dechiet +de la trinité +pardurable/ la memoire +chiet en non puissance +l’entendement en ignorence +la voulenté en concupiscence/ +la trinité qui nous +reffait/ c’est une trinité +prouffitable/ foy/ esperance/ +charité/ foy des +articles des commandemens +& des sacremens/ esperance +de pardon de grace et de +gloire/ Charité de pur +cuer de bonne conscience +& de foy non pas fainte.</p> + +<p>¶ Mais veoir la benoite +trinité ainsi que elle est +c’est la vraye felicité seule +& souveraine/ et non autre +ou doit estre le terme et +fin du desir de toute humaine +creature/ a la quelle +felicité te vueille conduire +celle benoite trinité un +seul dieu regnant ou siecle +des siecles amen.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h3 id="p3c27">Respont +christine a philosophie & la +remercie en la personne de theologie.</h3> + + +<p>Adont se tut la dame +honoree/ et je commençay +a ainsi dire/ O tres +souveraine aministrarece +de la pasture/ et du restorant +medicinable qui ne +garist pas tant seulement +le malade par tribulacion +navré/ mais lui rent vie +force & vigueur par le doulx +ongnement et liqueur +de ton reconfort/ Toy philosophie +l’armoire et corps +de toute sciences/ lesquelles +sont tes membres/ Je +apperçois que il est vray +ce qui est dit de toy sicomme +saint augustin recite +Car tu es toutes sciences +<span class="pagenum">-80-</span> et a tes amez te demonstres +tele qu’il te plaist selon la +voye que on te veulent enquerre +& a moy simple de ta digne +grace t’es monstré en fourme +de sainte theologie pour repaistre +mon ignorent courage +le plus sainement a mon +salu/ ne m’as pas fait comme +a ta chamberiere/ mais mielx +que tu ne promis/ C’est a +savoir moy servie de tes plus +prouffitables et dignes mes +qui viennent de la table de +dieu le pere/ dont te mercy +C’est assavoir dieu qui est +toy plus que ne saroie dire +Et vrayement es tu toutes +les sciences/ Car tu es +vraye phisique/ c’est a savoir +theologie en tant que +tu es de dieu/ Car toutes +les causes de toute nature +sont en dieu createur/ Tu +es ethiques/ car bonne vie +et honneste que tu formes +& apprens/ c’est a savoir +a amer/ ce qui est a amer +c’est dieu et le prochain/ & +ce la toy theologie monstres +tu en la science de phisique +& de ethiques/ Tu es logique +car la lumiere et la verité +de l’ame raisonnable tu +demonstres/ tu es politique +Car tu apprens a bien vivre/ +Car nulle cité n’est +mieulx gardee que par +le fondement et l’eaue de +foy et de ferme concorde +a amer le bien commun +qui est tres vray et tressouverain/ +c’est dieu de +qui tu parles en la science +en quoy a moy t’es demonstree/ +c’est a savoir theologie. +O theologie que je +vueil louer dame en toy +souveraine philosophie. +Je congnois que quant +homme apprent hors de +toy/ se il lui est nuisible +par toy il en scet la verité/ +Se il lui est prouffitable +aussi tu lui demonstres/ +et quanque il ara +peu apprendre ailleurs +se en toy ne refiert/ tout +sera parte de temps et +ignorence/ Car tu es la +sapience vraye/ ne autre +chose n’est que toy en qui +est trouvé ce que ailleurs +ne peut estre c’est vraye felicité.</p> + +<p>¶ Et ce tesmongne +de toy saint gregoire ou prologue +du livre des morales +que tu as en publique ce +de quoy tu peus nourrir +les petis/ et de ce l’experience +en ma personne le me +tesmongne/ Et gardes +en ton secret ce dont tu peus prendre +les haulx entendemens +en grant admiracion/ +Car tu es ainsi comme +un fleuve qui semble estre +si pou parfont que un aygnel +y prent pié/ Et si +est si parfont que un elephant +y peut nagier/ +Merveilleux est ton fleuve +sainte theologie qui +si pou semble estre parfont +a un aignel/ c’est a entendre +a un bon simple qui y +prent pié/ Et si est si +parfont a un elephant +orgueilleux/ c’est aux +plus haulx entendemens +qui a peine te scevent et +non toute comprendre.</p> + +<p>¶ Et pour ce dit bien le benoit +saint jerome en l’epistre a +sa bonne devote la vierge +de mecriade/ use dist il de +la leçon de theologie en lieu +de miroir pour corriger ce +que tu as en toy lait/ et +pour garder ce que tu as +en toy bel/ et te faire plus +belle/ Car toy sainte theologie +as un miroir qui monstre +les ordures et les apprent +a nettoyer.</p> + +<p>¶ De toy et +a ta louange de rechief +dit le benoit docteur saint +jerome qui tant cherement +t’ama que ainsi comme +les tenebres de la nuit +point n’obscurcissent la +clarté des estoilles du ciel +Ainsi nulle mondaine iniquité +ne peut obscurcir +les ames qui sont appuyees +au firmament de +sainte theologie/ O dame +sainte theologie/ tu +m’as donné certaineté +de ce que dit de toy le benoit +saint gregoire ton +docteur ou premier livre +de morales que ta doctrine +& sainte escripture +<span class="pagenum">-81-</span> aucune fois nous est viande +aucune foiz nous est beuvrage +en lieu plus obscurs/ lors +est ce que elle nous est viande +Car quant nous l’exposons +c’est la viande que nous machons/ +et quant nous l’entendons +c’est ainsi comme la +viande que nous avalons +mais es lieux ou elle est plus +clere elle nous est buvrage +Car quant elle n’a besoing +de exposicion/ nous la humons +ainsi comme nous la trouvons// +Dame que puis +je dire de toy et du bien que +tu m’as fait/ de la sainte viande +de ton repast qui m’a rassadiee +& fait congnoistre la +ignorence de ma descongnoissance +par quoy je congnoiz +mon tort par ce que tu m’as +conclus/ Si di que toy sainte +theologie et divinité es +une tres grasse viande qui +contiens en toy toute delices +ainsi comme la manne qui +aux juifs plouvoit du ciel +qui assavouroit en la bouche +de chacun selon sa voulenté// +Ainsi me depars de mon +avision la quelle je ay +partie sicomme en .iii. +differences de .iii. pierres +precieuses en leur proprietez/ +la premiere est en fourme +de dyamant/ le quel +est dur et poignant/ et +tout soit il cler hors oeuvre +quant il est relié et mis +en l’or il semble estre obscur +et brun/ et toutefoiz +ne se meut sa vertu qui +est moult grande/ La +seconde est le kamayeu +en qui plusieurs visages +et figures diverses +sont empraintes/ et est +son siege brun et l’emprainte +blanche/ La tierce au +rubis precieux cler et resplandissant +et sanz nue +obscure qui a proprieté +de tant plus plaire comme +plus on le regarde.</p> + + +<p class="c gap">Explicit le livre de l’avision +de christine.</p> + +<div class="chapter"></div> + +<h2 class="nobreak">Table des chapitres</h2> + +<p class="trnote c">Cette table des chapitres ne figure pas dans l’original.</p> + + +<div class="flex"> +<table> +<tr><td colspan="2"> </td> <td class="small bot r"><div>Fueillet</div></td></tr> +<tr><td colspan="2" class="drap">La premiere partie parle de l’image du monde et les merveilles que elle y vid.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1">1</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>1.</div></td> +<td class="drap">Premierement dit christine comment son esperit fu transporté.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c1">1</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>2.</div></td> +<td class="drap">Ci dit l’ordre comment le dit ymage estoit repeus.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c2">1</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>3.</div></td> +<td class="drap">Comment christine fu transgloutie ou corps du dit ymage.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c3">2</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>4.</div></td> +<td class="drap">Comment elle se transporta de lieu en autre.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c4">2</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>5.</div></td> +<td class="drap">L’acointance que elle desiroit a avoir a une dame portant couronne.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c5">3</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>6.</div></td> +<td class="drap">La complainte de la dame couronnee a christine.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c6">3</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>7.</div></td> +<td class="drap">Ci devise la dame couronnee de son commencement.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c7">4</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>8.</div></td> +<td class="drap">Dit la dame couronnee de ses gestes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c8">4</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>9.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c9">5</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>10.</div></td> +<td class="drap">Des bons et des mauvais gouverneurs de la dame couronnee.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c10">5</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>11.</div></td> +<td class="drap">Ci parle la dame couronnee du bon gouverneur que elle ot.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c11">6</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>12.</div></td> +<td class="drap">De .ii. nobles oyseaulx de proye.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c12">8</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>13.</div></td> +<td class="drap">Ci dit la dame couronnee des contens qui furent pour elle gouverner.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c13">8</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>14.</div></td> +<td class="drap">Ci se plaint la dame de ses Enfans.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c14">9</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>15.</div></td> +<td class="drap">Ci dit comment les vertus au monde sont emprisonnees.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c15">10</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>16.</div></td> +<td class="drap">Ci dit des vices qui queurent en general.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c16">11</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>17.</div></td> +<td class="drap">Du vent de perdicion qui cuert par la terre.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c17">13</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>18.</div></td> +<td class="drap">De la punicion des vices.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c18">13</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>19.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce mesmes & complainte de la dame.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c19">14</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>20.</div></td> +<td class="drap">De ce mesmes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c20">15</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>21.</div></td> +<td class="drap">Encore du vitupere des vices en general.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c21">16</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>22.</div></td> +<td class="drap">Piteuses paroles de la dame couronnee & recors de la sainte escripture.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c22">17</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>23.</div></td> +<td class="drap">Encore de sa complainte.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c23">18</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>24.</div></td> +<td class="drap">Des punicions des vices.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c24">18</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>25.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c25">19</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>26.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c26">20</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>27.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c27">21</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>28.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c28">22</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>29.</div></td> +<td class="drap">La fin de la complainte de la dame couronnee.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p1c29">23</a></div></td></tr> +<tr><td colspan="2" class="drap padtop">La seconde partie parle de dame oppinion et de ses ombres.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2">25</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>1.</div></td> +<td class="drap">Ci dit de quoy ces ombres servoient.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c1">25</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>2.</div></td> +<td class="drap">Comment l’ombre araisonna christine.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c2">26</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>3.</div></td> +<td class="drap">Les choses que l’ombre disoit a christine.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c3">27</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>4.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c4">29</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>5.</div></td> +<td class="drap">Ci dit l’ombre les oppinions de philosophie sus le principe du monde.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c5">29</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>6.</div></td> +<td class="drap">Ancore de ce mesmes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c6">31</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>7.</div></td> +<td class="drap">Les contre dis d’aristote aux autres philosophes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c7">33</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>8.</div></td> +<td class="drap">Encore des oppinions.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c8">34</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>9.</div></td> +<td class="drap">De ce mesmes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c9">36</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>10.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c10">37</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>11.</div></td> +<td class="drap">Ancore des oppinions des philosophes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c11">38</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>12.</div></td> +<td class="drap">Cesse a parler des oppinions.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c12">39</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>13.</div></td> +<td class="drap">De l’ombre la poissance que elle a.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c13">40</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>14.</div></td> +<td class="drap">Encore dit de sa poissance.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c14">41</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>15.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce mesmes & des seignouries.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c15">42</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>16.</div></td> +<td class="drap">Dit ancore l’ombre des choses que elle a faites faire.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c16">43</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>17.</div></td> +<td class="drap">Ce que l’ombre disoit des arquemistes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c17">44</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>18.</div></td> +<td class="drap">Des nobles que l’ombre dit que elle deçoit.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c18">46</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>19.</div></td> +<td class="drap">Ce que l’ombre disoit des gens d’armes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c19">46</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>20.</div></td> +<td class="drap">La fin de l’oroison de l’ombre.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c20">47</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>21.</div></td> +<td class="drap">Responce de christine a l’ombre.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p2c21">48</a></div></td></tr> +<tr><td colspan="2" class="drap padtop">La tierce partie parle de confort de philosophie.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3">50</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>1.</div></td> +<td class="drap">Ce que christine dit a philosophie.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c1">51</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>2.</div></td> +<td class="drap">La complainte de christine a philosophie.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c2">52</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>3.</div></td> +<td class="drap">Dit christine de ses bonnes fortunes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c3">53</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>4.</div></td> +<td class="drap">Entre a parler christine de ses males fortunes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c4">54</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>5.</div></td> +<td class="drap">Encor de ce mesmes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c5">55</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>6.</div></td> +<td class="drap">Balade.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c6">58</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>7.</div></td> +<td class="drap">Encore continue christine sa complainte.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c7">59</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>8.</div></td> +<td class="drap">Dit christine comment elle mua sa maniere de vivre.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c8">59</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>9.</div></td> +<td class="drap">Se plaint christine de jeunece.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c9">60</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>10.</div></td> +<td class="drap">Dit christine comment elle se mist a l’estude.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c10">61</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>11.</div></td> +<td class="drap">Le plaisir que christine prenoit a l’estude.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c11">62</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>12.</div></td> +<td class="drap">Se plaint christine de fortune qui lui osta ses bons amis.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c12">63</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>13.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c13">63</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>14.</div></td> +<td class="drap">Conclut christine sa complainte a philosophie.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c14">64</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>15.</div></td> +<td class="drap">Respont philosophie a cristine.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c15">65</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>16.</div></td> +<td class="drap">Le reconfort de philosophie.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c16">66</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>17.</div></td> +<td class="drap">Encore de mesmes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c17">67</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>18.</div></td> +<td class="drap">Blasme philosophie christine de ce que elle se plaint.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c18">69</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>19.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c19">70</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>20.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c20">71</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>21.</div></td> +<td class="drap">Encore de reconfort.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c21">72</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>22.</div></td> +<td class="drap">Le reconfort de philosophie aleguant la sainte escripture.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c22">73</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>23.</div></td> +<td class="drap">Instruit philosophie a despriser les biens mondains.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c23">75</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>24.</div></td> +<td class="drap">Ci dit comment selon les diz de sainte escripture prosperité mondaine ne fait a priser.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c24">76</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>25.</div></td> +<td class="drap">Conclusion des choses susdites & ancore de ce.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c25">76</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>26.</div></td> +<td class="drap">Encore de ce mesmes.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c26">78</a></div></td></tr> +<tr><td class="r left1"><div>27.</div></td> +<td class="drap">Respont christine a philosophie & la remercie en la personne de theologie.</td> +<td class="bot r"><div><a href="#p3c27">79</a></div></td></tr> +</table> +</div> +<div class="chapter"></div> +<div class="trnote"> +<h2 class="nobreak">NOTES DU TRANSCRIPTEUR</h2> + + +<p>On transcrit le manuscrit « Français 1176 » de la bibliothèque nationale +de France, daté 1405-1406.</p> + +<p>L’orthographe, la ponctuation et l’usage des majuscules sont conformes à +l’original. On a résolu les abréviations par signes conventionnels (de +type Cõe pour Comme), ajouté accents, cédilles et apostrophes, et +distingué entre i/j, u/v. On a introduit un nouveau paragraphe à chaque +pied de mouche (¶), et mis systématiquement une majuscule en début et un +point en fin de paragraphe.</p> + +<p>Les corrections figurant sur le manuscrit, réputées de la main de +Christine de Pizan, ont été appliquées. On s’est permis également de +corriger certaines erreurs manifestement dues au copiste +et ces dernières corrections sont soulignées +<ins title="texte original">en pointillés</ins>. Placez le curseur +sur ces mots pour faire apparaître le texte original.</p> + +<p>On a conservé la phrase en double « se toy existant subget aux +tribulacions… » qui figure également en double dans le manuscrit +10309 de la bibliothèque royale de Belgique.</p> + +<p class="x-ebookmaker-drop">Les nombres en marge indiquent les numéros +de feuillet figurant en chiffres arabes sur l’original.</p> + +<p>L’image de couverture, réalisée par le transcripteur à partir de la +couverture du manuscrit, est placée dans le domaine public.</p> + +</div> + +<div style='text-align:center'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 75554 ***</div> +</body> +</html> + diff --git a/75554-h/images/cover.jpg b/75554-h/images/cover.jpg Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..dfb36e3 --- /dev/null +++ b/75554-h/images/cover.jpg diff --git a/75554-h/images/illu1.jpg b/75554-h/images/illu1.jpg Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..c910a04 --- /dev/null +++ b/75554-h/images/illu1.jpg diff --git a/75554-h/images/illu2.jpg b/75554-h/images/illu2.jpg Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..f9bcdda --- /dev/null +++ b/75554-h/images/illu2.jpg diff --git a/75554-h/images/illu3.jpg b/75554-h/images/illu3.jpg Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..8fcc7eb --- /dev/null +++ b/75554-h/images/illu3.jpg diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt new file mode 100644 index 0000000..6312041 --- /dev/null +++ b/LICENSE.txt @@ -0,0 +1,11 @@ +This eBook, including all associated images, markup, improvements, +metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be +in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES. + +Procedures for determining public domain status are described in +the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org. + +No investigation has been made concerning possible copyrights in +jurisdictions other than the United States. 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