summaryrefslogtreecommitdiff
diff options
context:
space:
mode:
-rw-r--r--.gitattributes4
-rw-r--r--LICENSE.txt11
-rw-r--r--README.md2
-rw-r--r--old/67867-0.txt2482
-rw-r--r--old/67867-0.zipbin40975 -> 0 bytes
-rw-r--r--old/67867-h.zipbin112074 -> 0 bytes
-rw-r--r--old/67867-h/67867-h.htm2761
-rw-r--r--old/67867-h/images/cover.jpgbin66187 -> 0 bytes
8 files changed, 17 insertions, 5243 deletions
diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes
new file mode 100644
index 0000000..d7b82bc
--- /dev/null
+++ b/.gitattributes
@@ -0,0 +1,4 @@
+*.txt text eol=lf
+*.htm text eol=lf
+*.html text eol=lf
+*.md text eol=lf
diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt
new file mode 100644
index 0000000..6312041
--- /dev/null
+++ b/LICENSE.txt
@@ -0,0 +1,11 @@
+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
+metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be
+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
+
+Procedures for determining public domain status are described in
+the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org.
+
+No investigation has been made concerning possible copyrights in
+jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize
+this eBook outside of the United States should confirm copyright
+status under the laws that apply to them.
diff --git a/README.md b/README.md
new file mode 100644
index 0000000..e5cbca6
--- /dev/null
+++ b/README.md
@@ -0,0 +1,2 @@
+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
+eBook #67867 (https://www.gutenberg.org/ebooks/67867)
diff --git a/old/67867-0.txt b/old/67867-0.txt
deleted file mode 100644
index 9c1dd9c..0000000
--- a/old/67867-0.txt
+++ /dev/null
@@ -1,2482 +0,0 @@
-The Project Gutenberg eBook of Le Témoin, by Jean Aicard
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
-most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
-of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you
-will have to check the laws of the country where you are located before
-using this eBook.
-
-Title: Le Témoin
- 1914-1916
-
-Author: Jean Aicard
-
-Release Date: April 18, 2022 [eBook #67867]
-
-Language: French
-
-Produced by: Laurent Vogel (This file was produced from images
- generously made available by the Bibliothèque nationale de
- France (BnF/Gallica))
-
-*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE TÉMOIN ***
-
-
-
-
-
- JEAN AICARD
- de l’Académie française
-
- LE TÉMOIN
- --1914-1916--
-
- A la guerre, tout est force morale.
- Napoléon.
-
- Courage, j’ai vaincu le monde.
- Jésus-Christ.
-
-
- PARIS
- ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR
- 26, RUE RACINE, 26
- Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous les pays.
-
-
-
-
-ŒUVRES DE JEAN AICARD
-
-Collection in-18 jésus à 3 fr. 50 le volume
-
-
-ROMANS
-
- Le Pavé d’Amour 1 vol.
- Roi de Camargue 1 vol.
- L’Été à l’Ombre 1 vol.
- L’Ame d’un Enfant 1 vol.
- Notre-Dame d’Amour 1 vol.
- Diamant noir 1 vol.
- Fleur d’Abîme 1 vol.
- Malita 1 vol.
- L’Ibis bleu 1 vol.
- Tata 1 vol.
- Benjamine 1 vol.
- Maurin des Maures 1 vol.
- L’Illustre Maurin 1 vol.
-
-
-POÉSIE
-
- Les jeunes Croyances 1 vol.
- Rébellions, Apaisements 1 vol.
- Poèmes de Provence (cour. par l’Acad. fr.) 1 vol.
- La Chanson de l’Enfant (cour. par l’Acad. fr.) 1 vol.
- Miette et Noré (cour. par l’Acad. fr. Prix Vitet) 1 vol.
- Lamartine (cour. par l’Ac. Prix du budg.) 1 vol.
- Le Livre d’heures de l’Amour 1 vol.
- Visite en Hollande 1 vol.
- Le Dieu dans l’Homme 1 vol.
- Au Bord du Désert 1 vol.
- Le Livre des Petits 1 vol.
- Jésus 1 vol.
-
-
-THÉATRE
-
- Au clair de la Lune (un acte en vers) 1 vol.
- Pygmalion (un acte en vers) 1 vol.
- Smilis (4 actes en prose, à la Comédie-Française) 1 vol.
- Le Père Lebonnard (4 actes en vers représentés à la
- Comédie-Française) 1 vol.
- Don Juan 1 vol.
- Othello, le More de Venise (5 actes en vers, représentés à la
- Comédie-Française). Portrait de Mounet-Sully, par Benjamin
- Constant 1 vol. 4 fr.
- La Légende du Cœur (5 actes en vers représentés au Théâtre
- Antique d’Orange et au Théâtre Sarah-Bernhardt) 1 vol.
- Le Manteau du Roi (5 actes en vers représentés à la
- Porte-Saint-Martin) 1 vol.
- Théâtre, tome I.
- Théâtre, tome II.
-
-
-77572.--Imprimerie LAHURE, rue de Fleurus, 9, à Paris.
-
-
-
-
-A MA SŒUR
-
-MADAME JACQUELINE LONCLAS
-
-morte le 12 juin 1915
-
-
-
-
-Chère grande sœur,
-
-
-J’avais commencé ce poème en 1913, et je t’en ai lu les douze premiers
-chants en 1914, à la veille de cette guerre, qui, toute une année, fut
-ton tourment. Elle te fit dire, le jour où l’on l’apprit qu’un de nos
-jeunes amis était tombé sous les balles allemandes:--«Je sacrifierais
-volontiers le temps qui me reste à vivre, si ma mort pouvait sauver
-pareille jeunesse!» Je sais pourtant avec quel chagrin tu te sentais
-arrachée lentement à mon infinie tendresse...
-
-Ce poème, dont la guerre a modifié le plan, sans rien modifier des
-conclusions, je te le dédie, comme je t’ai dédié tous mes ouvrages,--car
-la mort ne m’a pas séparé de toi: ton âme plus que jamais inspire et
-soutient la mienne.
-
-JEAN AICARD.
-
-La Garde (Var), Décembre 1915.
-
-
-
-
- CE POÈME A ÉTÉ LU
- POUR LA PREMIÈRE FOIS
- A BORD DU CUIRASSÉ PROVENCE
- EN PRÉSENCE DE MM. LES OFFICIERS RÉUNIS
- LE 30 DÉCEMBRE 1915
- ET
- LES DEUX STROPHES SUIVANTES
- EN SOUVENIR D’UNE COMMUNE ÉMOTION
- ONT ÉTÉ COMMUNIQUÉES
- A L’ÉQUIPAGE
- PUIS INSCRITES
- DUNE FAÇON DURABLE
- A BORD DU CUIRASSÉ.
-
-
-
-
-AU CUIRASSÉ PROVENCE
-
-
- TON PAVILLON ET TON CANON,
- JE LES VOIS VAINQUEURS PAR AVANCE,
- FIER VAISSEAU QUI PORTES LE NOM,
- L’AME ET LE NOM DE LA PROVENCE.
-
- AME FRANÇAISE, NOM LATIN,
- C’EST LÀ DEUX GRANDEURS DE L’HISTOIRE;
- ELLES T’ASSIGNENT TON DESTIN:
- TU VAS NAVIGUER VERS LA GLOIRE.
-
-J. A.
-
-
-
-
-TABLE DES TITRES
-
-
- I.--Dans le Crépuscule 1
- II.--La Rencontre 5
- III.--Les Lassitudes 7
- IV.--Dans la Nuit 11
- V.--Les Présages 15
- VI.--L’Invective 19
- VII.--Le Témoin 27
- VIII.--Christophore 31
- IX.--L’Amour 35
- X.--L’Aurore 41
- XI.--C’est le Passé 43
- XII.--La Chaîne 47
- XIII.--La Tempête 51
- XIV.--Aux Armes! 57
- XV.--Le Doute 63
- XVI.--Sous le Soleil 69
- XVII.--Vers l’Unité 73
- XVIII.--La Croisade 79
- XIX.--La grande Menace 85
- XX.--Le Miracle 91
- XXI.--Les Morts 95
- XXII.--L’Idéal 99
- XXIII.--La Bonne Lorraine 101
- XXIV.--Odeur d’Ames 103
- XXV.--Debout, les Morts! 105
- XXVI.--Le Christ Allemand 115
- XXVII.--La Vérité 121
- XXVIII.--Les Désarmés 125
- XXIX.--Force et Sérénité 131
- XXX.--Le Rouge-Gorge 137
- XXXI.--La Terre promise 139
-
-
-
-
-LE TÉMOIN
-
-
-
-
-I
-
-
- C’était l’heure où, les yeux et le cœur pleins de doute,
- Le marcheur devant lui voit s’effacer sa route,
- Et, serrant son bâton comme une arme en sa main,
- Cherche un gîte où dormir, en espérant demain.
-
- C’était l’heure où l’on sent sa lassitude, l’heure
- Où l’on sent mieux qu’il faut que toute chose meure;
- Heure auguste, où le froid qu’exhalent les tombeaux
- Mêle une inquiétude au désir du repos,
- Submerge les contours et les couleurs des choses,
- Et, de la plaine, aux pics neigeux, saignants et roses,
- Marée étrange, monte--et, lourde de sommeil,
- Couvre sur l’horizon la gloire du soleil.
-
- Aux temps païens, quand sur nos chemins tombait l’ombre,
- Quand les astres, qui sont les figures du Nombre
- Et du Rythme, un à un, s’allumaient dans le ciel,
- Les dieux, termes concrets de l’immatériel,
- Muses, nymphes, tritons, les grâces et les forces,
- Lentement s’échappaient des rochers, des écorces,
- Et des mers, pour charmer les soirs mystérieux...
-
- L’approche de la nuit était l’heure des dieux.
- Heure infinie, affreuse et tranquille, pareille
- A celle où, se parlant de Jésus, mort la veille,
- Deux pèlerins, dont l’un se nommait Cléophas,
- Sur la route déserte où résonnait leur pas,
- Dans la lente ténèbre où, sans voir, l’œil devine,
- Virent soudain près d’eux, ombre humaine et divine,
- Un inconnu surgir, étrange compagnon
- Dont ils sentaient l’amour sans connaître son nom.
-
-
-
-
-II
-
-
- C’était cette même heure, et, venant de la ville,
- Je regagnais mon champ, la maison, mon asile,
- D’un pas de plus en plus inquiet et pressé,
- Quand, devant moi, parut, spectre obscur et lassé,
- Un mendiant très vieux, qui portait à grand’peine,
- Tout seul, toute l’horreur de la misère humaine.
- Malgré l’ombre, où mourait encore un peu du jour,
- Je le voyais pliant sous ce fardeau trop lourd.
- Un bâton soutenait l’effort de son courage;
- Et, fouettant son manteau déchiqueté par l’âge,
- Sa barbe aux flots tordus semblait, drapeau vivant,
- Un haillon de douleur que déchire le vent.
-
-
-
-
-III
-
-
- Un vieil usage veut, au pays de mes pères,
- Que, le soir, quand les loups sortent de leurs repaires,
- On souhaite la paix aux passants inconnus.
- Donc, lorsque je joignis ce vieillard aux pieds nus,
- Je formulai le vœu qu’un salut accompagne,
- Puis j’ajoutai:--«L’orage assombrit la campagne;
- Allez-vous loin, par ces chemins très écartés?
- Je puis--le voulez-vous?--marcher à vos côtés.»
-
- --«Soyez remercié, bon passant, mais j’ignore,
- Chaque soir, en quel lieu me trouvera l’aurore:
- Marcher ce soir, demain, toujours, c’est mon destin;
- Et j’arrive du fond d’un passé si lointain
- Que ma lassitude est sans mesure; je porte
- Tous les maux et l’espoir de l’humanité morte.»
-
- --«Vous ne m’étonnez point, car moi-même, ô passant,
- Je me plains comme vous parfois; en vieillissant,
- On croit porter en soi l’âme même du monde;
- On sent partout la noire éternité profonde;
- On a tout vu, tout lu, tout souffert, on est las,
- Et le vœu de mourir alourdit tous nos pas.»
-
- Je dis, et regardai mon compagnon de route;
- Son dos, quoique bombé comme l’arc d’une voûte,
- Maintenant semblait jeune et ses pas résolus,
- Et je ne sais pourquoi je ne le plaignais plus:
- On l’eût dit plein de force, et que son âme seule
- Portât l’expérience et l’âge d’une aïeule,
- Quand son corps résistait sans peine au poids des temps.
- A chaque pas, ses pieds, tout à l’heure hésitants,
- Plus raffermis, semblaient prendre, par un mystère,
- Un élan de jeunesse au contact de la terre.
-
- Il me dit:--«De quel droit un dégoût si profond?
- L’œuvre lente et sans fin que de longs siècles font,
- Aucun siècle n’en voit au loin toute la trame:
- Un instant, joie ou peine, occupe seul votre âme,
- Comme le site étroit, dans un bois spacieux,
- Fourré sombre ou clairière, occupe seul nos yeux.»
-
-
-
-
-IV
-
-
- Il dit. Nous cheminions dans la longue vallée,
- Sous la nuit orageuse et comme désolée.
- Au ciel, pas un éclair, pas un petit point d’or;
- Le mont pourtant s’y découpait plus noir encor;
- Nos sentiers rocailleux, contournant la montagne,
- Étaient noirs; pas un feu, dans toute la campagne,
- N’annonçait la douceur des asiles humains;
- Et la nuit transformait en gouffres nos chemins.
-
- Il dit:--«Que souffre-t-on qui soit plus qu’une peine,
- Tant que l’on n’a vécu rien qu’une vie humaine?»
-
- --«C’est avoir tout souffert qu’avoir subi l’amour,
- Dis-je; c’est l’éternel enfer en un seul jour!
- Né du désir, toujours déçu, de tout connaître,
- L’amour, faux prometteur de joie, attire un être
- Comme l’aimant fatal attire un brin de fer.
- L’amour, qui soumet l’âme aux frissons de la chair,
- Et nous fait accepter l’horreur de nous survivre,
- Est un vin traître dont l’odeur vireuse enivre.
- L’homme, meilleur que Dieu, voudrait, mais veut en vain,
- Mêler aux âpretés de ce perfide vin
- Un miel que la nature ignore: la tendresse;
- Seules, les voluptés sont donneuses d’ivresse,
- Et, fier de piétiner des flancs nus, de beaux seins,
- Comme le vendangeur écrase les raisins,
- L’amant ivre, brutal et cruel par nature,
- Sans pitié comme Dieu, foule la créature!
- La tendresse eût voulu poser, comme une sœur,
- Sur un front douloureux son charme de douceur;
- Le dévoûment, son baume apaisant sur la plaie;
- Mais devant la laideur, le lâche amour s’effraie
- Et se détourne... il faut des corps neufs au désir!
- Le Minotaure, entre les vierges, veut choisir,
- Et ce dragon, aussi nombreux que nous le sommes,
- Renaît sans cesse au cœur des femmes et des hommes,
- Et la moitié du monde, en un rut sans pitié,
- Férocement affronte et mord l’autre moitié!
- A peine si, parfois, un tendre et triste couple
- Par les sentiers perdus s’enlace d’un bras souple;
- Les autres, se roulant à terre, n’ont en eux
- Que des tourments jaloux et des amours haineux;
- Et telle, subissant la destinée aveugle
- Qui livre au taureau fou la génisse qui meugle,
- La vie en gémissant se terrasse et se mord,
- Et s’enfante à jamais pour l’amour et la mort!»
-
-
-
-
-V
-
-
- --«Parmi les maux sans fin dont l’éternité pleure,
- Enfant, tu n’as souffert que les tiens, et qu’une heure!»
-
- Je lui dis:--«J’ai souffert aussi les maux d’autrui:
- Comme l’humanité, je traîne, dans la nuit,
- Sous le ciel dont l’affreux silence nous menace,
- Un reste douloureux d’espérance tenace.
- Oui, j’espère en un rêve auquel je ne crois pas,
- Et le vœu de mourir alourdit tous mes pas.
- Il sera doux, l’instant où la morne inconnue
- Entre ses bras terreux dissoudra ma chair nue;
- Où ma chair cessera de redouter l’amour;
- Où, ne regrettant rien, qu’un peu l’éclat du jour,
- Je dormirai content de ne plus voir l’envie,
- Acharnée et mordant sur la plus belle vie,
- Insulter ou nier les plus nobles efforts.
-
- «Oui, j’appelle à grands cris la paix, la paix des morts,
- Puisqu’il n’est pas d’amour certain ni de justice!
- Oui, j’invoque le pur néant, seul dieu propice!
- Un Autre avait promis à ce monde d’effrois
- Qu’il viendrait apaiser les peuples et les rois,
- Les courber sous sa main, les unir sous son règne;
- Mais Celui-là n’est plus qu’une image qui saigne
- Et montre à l’univers un flanc déchiqueté!
- Son cœur n’est qu’une plaie ouverte à son côté,
- Et c’est comme une bouche effroyable et plaintive
- Qui crie en vain: «Seigneur! que votre règne arrive!»
- Rien, rien ne lui répond, qu’un silence infini,
- Le même au Golgotha que sur Gethsémani!
- Il s’est trompé, Celui qui disait: «Paix sur terre!»
- Sur le mont déserté la croix est solitaire;
- La Guerre à l’œil de brute, au front dur et têtu,
- Piétine, dans le sang, sur le temple abattu!
- Les vrais rois sont ceux-là qui, brandissant l’épée,
- Fouaillent comme un troupeau l’humanité dupée;
- Le monde horrible attend les pires lendemains;
- La haine arme partout les enfants des humains;
- Les femmes, autrefois des mères attendries,
- Contre l’antique époux se dressent en furies:
- Et Celui qui promit au monde la pitié,
- Aux mains des flagellants n’est qu’un fou châtié!
- Il est traqué, raillé, chassé de tous ses temples,
- Exemple mémorable, entre tous les exemples,
- De l’inutilité d’avoir,--seul, au milieu
- Des hommes vils,--la grâce et la beauté d’un Dieu!»
-
-
-
-
-VI
-
-
- A ces mots, tout le ciel craqua comme une voûte
- Qui tout à coup s’entr’ouvre en se lézardant toute:
- Et des gouffres de feu parurent au travers,
- Par des trous aussitôt refermés qu’entr’ouverts.
- L’occident noir poussait, au-dessus de nos têtes,
- Les nuages, coursiers qui, fouettés des tempêtes,
- Paraissaient secouer des flammes dans leur crin;
- Sous leur galop, le ciel fut comme un pont d’airain
- Qui vibre en sons profonds qu’un écho sourd prolonge;
- Et, tout haut, malgré moi, je disais, comme en songe:
-
- --«N’est-il pas fou, ce dieu,--quand tout doit démentir
- Sa doctrine, sa vie et sa mort de martyr,
- (Et qui le sait! et qui connaît la race humaine!)
- D’annoncer aux humains sa victoire certaine?
- A peine intelligible à notre humanité,
- N’est-il pas fou de croire à l’homme racheté?
- Fou de croire qu’un jour tous iront dans sa voie?
- Et sa mort,--au sommet d’un mont, pour qu’on la voie
- De tous les horizons,--sa mort sur ce haut lieu,
- N’est-elle pas vraiment la défaite de Dieu?
- Elle est la grande preuve, éclatante, achevée,
- Qu’en lui l’amour ne fut qu’une splendeur rêvée!
- O Golgotha! sommet de honte! pilori
- Où l’unique Bonté jette en vain son grand cri!
- Monument d’infamie, où l’illusion sainte
- Pousse éternellement son inutile plainte!
- Trône où l’Envie, assise, heureuse, fouet en main,
- Incarnant tout le lâche et hideux genre humain,
- Tient sa cour de bourreaux, qui ricane autour d’elle!
- Piédestal odieux de la haine immortelle
- Qui brandit, en riant, les marteaux et les clous!
- Autel où l’agneau blanc s’offre en victime aux loups!
- Comment peux-tu paraître à l’humaine mémoire
- La cime où Dieu le Juste achève sa victoire?
- La justice avec lui fut roulée au linceul;
- On entrevoit l’amour dans le rêve d’un seul,
- Mais on veut oublier l’abandon des apôtres:
- Le renîment de Pierre et la fuite des autres.
- Et deux mille ans plus tard, ô Jésus mort pour nous,
- On cherche sous ta croix un fidèle à genoux;
- Car les pharisiens, qui font semblant de croire
- A ton pouvoir d’amour, le savent illusoire.
- Le bataillon sacré, tes chevaliers, soutiens
- Du trône et de l’autel, ces deux pôles chrétiens,
- Ceux-là, les prétendus servants de ta doctrine,
- Qui la disent encore efficace et divine,
- Ceux qui t’appellent Dieu de pitié, Dieu le Fils,
- Et brodent saintement ta bannière de lys,
- Tes derniers pèlerins, à peine quelques hommes,
- Nous connaissant mauvais et vils, tels que nous sommes,
- Tout en te proclamant vainqueur, ô dieu vaincu,
- Voient bien qu’en vain leur dieu sur la terre a vécu
- En homme,--et que ta mort n’a pas sauvé les mondes!
- Et t’invoquant toujours, sans que tu leur répondes,
- Ils appellent sur nous, châtiment mérité,
- Un dieu-soldat, l’épée en main, casqué, botté,
- Qui foule, sous des pieds sanglants, l’âme elle-même,
- Pour être, et non plus toi! le chef, le dieu suprême.
- ... Tes espoirs infinis sont-ils assez déçus!
- Quelle erreur fut égale à la tienne, ô Jésus!
- Oh! si du moins, quand sur ton gibet ton sang coule,
- Un seul cri de pitié s’élevait de la foule!
- Mais qu’espérais-tu donc de ce peuple au cœur bas?
- Son ami n’est jamais Jésus; c’est Barrabas!
- Mendiant de pitié sans pitié pour lui-même,
- Il ne sert pas l’amour et demande qu’on l’aime!
- A peine si le bon pasteur sauva parfois
- Quelque errante brebis accourue à sa voix;
- Le reste n’obéit qu’au chien puissant qui gronde;
- Et, veule, piétinant dans sa fange profonde,
- La foule est un troupeau qui bêle vers la mort!
- Que si, rebelle un jour aux caprices du fort,
- Un peuple, en justicier, tout à coup se redresse,
- Lui qui, dans l’esclavage, invoquait ta tendresse,
- Lui, doux vaincu d’hier, devient un dur vainqueur!
- Dès qu’il a la victoire au nom des droits du cœur,
- En hâte il les abjure, et sous ses pieds les broie:
- Le doux agneau bêlant devient bête de proie.
- Et c’est ainsi toujours qu’un juste révolté
- Rend aux tyrans déchus un droit d’iniquité.
-
- «Ta statue était d’or avec des pieds d’argile,
- Christ! Deux mille ans après l’aube de l’Évangile,
- Tes prétendus chrétiens, sur l’univers à feu
- Et à sang, blasphémant l’humanité de Dieu,
- Relèvent Sabaoth, que leur folie adore,
- Et dont la rouge gloire efface ton aurore!
- Il s’est aussi fait homme; il est le dieu rival;
- Tu passais sur un âne: il te nargue à cheval!
- Les hommes fascinés, glorieux dans la honte,
- Baisent les durs sabots de la bête qu’il monte.
- C’est lui que l’on invoque à toute heure et partout;
- Son image de bronze est la seule debout;
- Tout puissant ou martyr, lui qu’en tremblant on nomme,
- C’est lui qu’on voudrait être ou subir: le surhomme,
- NAPOLÉON! C’est lui, lui seul, le roi des rois!
- En un hochet de guerre il a changé ta croix;
- Et nul n’en peut parler, sans qu’une voix réponde:
- «C’est lui le vrai sauveur, le vrai maître du monde
- «C’est lui le dieu d’hier et le dieu de demain,
- «Qui règne et tient le globe étoilé dans sa main.
- «Il ressuscitera selon la prophétie;
- «C’est le mort qu’on attend toujours, le vrai Messie...»
-
- «J’ai tout vu, j’ai tout lu, tout souffert; je suis las,
- Et le vœu de mourir appesantit mes pas...»
-
-
-
-
-VII
-
-
- --«Un livre, dit le vieil homme, est l’ombre d’un songe
- Où, sans voix ni couleur, le passé se prolonge.
- Ce sont des siècles, non des livres, que j’ai lus:
- Bien des maux sont soufferts--que l’on ne verra plus.»
-
- Quand il se tut, la foudre errait encor, lointaine;
- Puis un éclair muet illumina la plaine.
- Le vent faiblit; sous des nuages moins épais,
- Les grands bois frissonnants sentaient venir la paix.
-
- Il dit:
- --«Je vois encor Jésus, devant ma porte,
- Tomber sur ses genoux avec la croix qu’il porte.
- Croyant son œuvre folle et son martyre vain,
- Moi, fou, j’ai comme vous raillé l’homme divin.
- Lui, ne m’a point maudit; il n’a maudit personne,
- Étant toujours celui qui bénit et pardonne,
- Mais il m’a regardé de son regard touchant,
- Doux à qui le menace et tendre au plus méchant,
- Et ce regard disait: «Tout passe: je demeure.
- «Comment juger les temps, lorsqu’on ne vit qu’une heure?
- «Je n’ai pas mérité ton rire et ton affront...
- «C’est pourquoi tu vivras, quand les siècles mourront;
- «Ainsi tu pourras, fût-ce après deux mille ans d’âge,
- «Vieux comme un monde, ô Juif, me rendre témoignage.
- «Tu marcheras sans halte, et partout, de tes yeux,
- «Partout tu pourras voir mon pas mystérieux.
- «Tu ne t’arrêteras, mort, dans ma paix profonde,
- «Que le jour où j’aurai soumis l’âme du monde.»
-
-
-
-
-VIII
-
-
- Un nuage s’ouvrit, au zénith, lentement,
- Par où nous souriait un peu du firmament;
- Puis la lune, en ce coin d’espace, parut toute,
- Éclairant de pâleurs mon compagnon de route.
-
- Ce vieillard, moins que moi lamentable, et moins las,
- Et qui pourtant portait un monde, comme Atlas,
- Ayant levé le front, parut grandir encore.
- Je songeai: «Ce n’est point Atlas, c’est Christophore!
- Il porte un souvenir plus lourd qu’un Christ-enfant,
- Un dieu qu’on dit vaincu, mais qu’il croit triomphant;
- Vingt siècles de combats pour la croix ou contre elle...»
-
- Il reprit, de sa voix calme et surnaturelle:
-
- --«Je marche sans repos, pour être le Témoin.
- Derrière moi, le jour où je partis est loin,
- Plus loin peut-être encore est devant moi ma halte;
- Mais ma foi dans le jour qui m’est promis, m’exalte,
- Et lorsque, par moments, les peuples plus heureux
- Ont des princes moins durs ou moins de haine entre eux,
- Alors, je sens venir la paix, et, comme une onde,
- En mes veines courir la jeunesse du monde;
- Un jeune espoir joyeux marche avec mes pieds lents;
- Pour le monde et pour moi, qu’est-ce que deux mille ans?
- J’ai deux mille ans, j’ai vu Lutèce et les deux Rome,
- Et les hommes mourir, mais vivre et grandir l’Homme,
- Car l’Homme a la durée et chacun n’a qu’un jour.
- Les générations font, chacune à son tour,
- En criant vers le ciel, leur chemin vers l’abîme...
- Or, tout mortel, n’ayant que sa minute infime,
- Nomme ses moindres maux le comble des malheurs,
- Et ne reconnaît pas si les temps sont meilleurs;
- Mais moi qui mesurai les horreurs de la vie
- Sur la route au tombeau par vingt siècles suivie,
- Moi qui raillai Jésus tombé sur le chemin,
- Je sens mon cœur plus large et l’homme plus humain.
-
- «Qui laisserait Jésus, à l’époque présente,
- Cheminer sans secours sous la croix écrasante?
- Depuis l’heure où le grand crime fut accompli,
- La croix n’est-elle pas un supplice aboli?
- Le juge, en condamnant, n’est-il pas moins sévère?
- Les fils du bon larron béni sur le Calvaire
- Connaissent-ils encor l’in-pace ténébreux?
- Les engins de terreur, toujours dressés contre eux,
- Coins et poires d’angoisse, et toutes les tortures?
-
- «La loi se fait clémente aux pires créatures;
- L’arbre infâme est en fleurs... L’ombre est douce, ô mon fils,
- Qui sur nous et sur tous--tombe du crucifix.»
-
-
-
-
-IX
-
-
- Sur les pics où le bord du firmament repose,
- Une lente lueur, blanche d’abord, puis rose,
- Ondulante, marqua les lignes d’horizon.
- Et, devinant au loin le toit de ma maison:
- --«Le repos nous attend sur ma terrasse haute,
- Lui dis-je, sous la treille où vous serez mon hôte.»
-
- Lointain, les yeux perdus, il ne m’écoutait pas,
- Et c’est son rêve seul qu’il suivait à grands pas.
-
- --«L’amour, dit-il (et sa voix grave était plus grave),
- C’est le maître insolent qui deviendra l’esclave.
- Les loups dans les forêts, les ours, même les cerfs,
- Et, dans les sables roux, les lions des déserts,
- Avec des cris haineux, pris de fureur jalouse,
- Bramant ou rugissant d’amour, mordent l’épouse;
- Les hommes font comme eux, et leurs désirs grondants,
- Fauves hargneux, ne sont que griffes et que dents.
- La griffe rétractile, ayant guetté, veut prendre;
- La dent se réjouit d’entrer dans la chair tendre;
- Qu’importe au cerf ardent, lascif et furieux,
- L’inutile refus de la biche aux grands yeux?
- En proie au faux amour, l’âme en vain crie et saigne,
- Et la tendresse humaine attend toujours son règne.
- C’est pourquoi, détournant des hommes mon regard,
- J’ai cherché l’homme--et vu, calme et chaste, à l’écart,
- Le couple pur errer sous la forêt ombreuse.
- J’ai vu, sur un seuil blanc, une sainte amoureuse
- Attendre le retour du fiancé lointain;
- L’amour est un plein jour dont elle est le matin;
- Tout l’avenir aimant naîtra de cette aurore
- Qui n’est qu’une lueur fraîche, incertaine encore;
- Et ce couple de deux bons cœurs, simples et purs,
- N’est que l’image en fleur d’innombrables futurs.
- Ces deux êtres liés, douceur, candeur et grâce,
- Promettent à l’amour une nouvelle race.
- Ce seul couple béni, qui s’aime sans tourment,
- Prépare à l’avenir un paradis aimant;
- Et qu’importe s’il a désappris l’Évangile?
- Tout amour vrai, qui n’est ni cruel ni fragile,
- Fut un rêve ineffable au cœur de Jésus-Christ,
- Car la lettre n’est rien, selon qu’il est écrit.
- Oui, compagnon, il faut voir, par-delà les hommes,
- Ce que nous deviendrons et non ce que nous sommes.
- Vaste est l’amas des temps; le mal rampe au-dessus;
- Par-dessous, mon œil suit la trace de Jésus.
- Or, elle est comme une eau secrète sous la terre,
- Où, dès qu’elle jaillit, l’oiseau se désaltère;
- Je sais la reconnaître à ses reflets de feu,
- Qui, là, semblent s’éteindre; ici, renaître un peu;
- Et c’est en elle enfin, source, pluie ou rosée,
- Que toute eau bonne à boire est et sera puisée.
- Oui, sous les cris discords, j’entends de pures voix;
- Écoute-les, sois attentif, regarde et vois:
- Les œuvres de bonté, parmi tant d’œuvres viles,
- Fleurissent, comme, sur le pavé noir des villes,
- Quelques arbres, parmi les charrois et les cris,
- Tendent au ciel lointain de beaux thyrses fleuris.
- Que d’asiles de luxe offerts à la misère!
- Que d’infirmes, manquant chez eux du nécessaire,
- Hommes, enfants, vieillards, mères aux seins gonflés,
- Y trouvent leur salut, ou meurent consolés.
- D’autres que des croyants donnent les grands exemples.
- Jamais la charité n’éleva plus de temples.
- Et même l’animal,--que Christ a racheté,
- Quand sur un âne, sans orgueil, il est monté,--
- Le cheval dans l’étable et le chien à la chaîne,
- Sentent passer sur eux de la tendresse humaine...
-
- «Crois-moi, mon fils, car j’ai vingt siècles révolus,
- Bien des maux sont soufferts, qu’on ne reverra plus.»
-
-
-
-
-X
-
-
- Derrière les grands pics montait l’aube sublime;
- Puis l’aurore alluma des feux sur chaque cime.
- Candélabres géants, ténébreux par en bas,
- Les pins, les châtaigniers, ouvrant de larges bras,
- Portaient, au plus fin bout de leurs épaisses branches,
- Des feuilles qu’un reflet changeait en flammes blanches;
- Les nids se réveillaient; une joie en frissons
- Courait sur la colline où naissaient des chansons.
-
- Et le témoin de tant de jours tombés au gouffre,
- De tous les maux soufferts et de tous ceux qu’on souffre,
- Tourna vers moi son front par l’aurore éclairé.
- On ne sait quoi de grand, d’étrange, de sacré,
- La force du prophète et la douceur du sage,
- Étaient, en creux profonds, gravés sur son visage.
- Ses cheveux sur ses reins tombaient, bouclés et blancs;
- Sa barbe en nœuds tordus s’enroulait à ses flancs;
- Aux plis déchiquetés de sa souple tunique,
- Le vent jeune arrachait une poussière antique;
- Et, depuis deux mille ans, n’ayant fait que marcher,
- Ses grands pieds, nus et durs, effritaient le rocher.
-
-
-
-
-XI
-
-
- Il dit:--«Témoin d’horreurs dix-neuf fois séculaires,
- J’ai vu l’immense arène, aux hauts murs circulaires,
- Qui, tout chargés de fronts, d’yeux et de bras mouvants,
- Semblaient d’horribles murs faits de moellons vivants;
- Les parois de ce puits hurlaient par mille bouches,
- Et les regards étaient, sous des sourcils farouches,
- Plus mordants et plus durs que le ciment romain.
- Tout le fond de ce puits n’était que sang humain,
- Et luisait sous les yeux des horribles murailles.
- Ventre ouvert, retenant à deux mains leurs entrailles,
- Les gladiateurs, nus, saluaient en mourant
- Le vil César, qu’un peuple avili faisait grand.
- Et toute cette horreur a passé comme un rêve.
- Les vierges, les enfants qui saignaient sous le glaive,
- S’étant donné la main l’un à l’autre en s’aimant,
- Calmes, ont regardé le glaive fixement.
- Le cirque a dit: Je hais! Ils ont répondu: J’aime!
- Et le glaive est tombé, vaincu, dans leur sang même.»
-
- --«Vaincu pour peu de temps; des rois l’ont ramassé!
- Des papes ont brandi le fer!»
-
- --«C’est le passé.»
-
- --«Un moine inventera la poudre... Oh! que de veuves
- Pleurent les huguenots, chrétiens jetés aux fleuves!»
-
- --«C’est le passé.»
-
- --«Toi même, ils t’ont persécuté,
- Juif, tous ces prétendus rêveurs de charité.»
-
- --«C’est le passé, qui fut rage, haine, colère.
- Le jour vient, le regard du Juif même s’éclaire.»
-
- --«Le vieux peuple des Francs décapite son roi;
- Lorsque la liberté règne, c’est par l’effroi.
- A leur tour les martyrs ont ramassé l’épée:
- Notre foi dans leur Christ, c’est eux qui l’ont frappée!»
-
- --«L’épée est belle aux mains vengeresses du Droit!
-
- --«Ton Christ nous a menti, plus personne n’y croit!»
-
- --«Qu’importe à Dieu les noms mortels dont on le nomme?
- Amour, bonté, ces mots sur les lèvres de l’homme
- Sont des noms plus humains de l’immatériel.
- L’homme ne vit que pour lever les yeux au ciel;
- Il y cherche à jamais l’idéal, son étoile;
- L’orage n’est jamais qu’une heure, et n’est qu’un voile;
- L’étoile est fixe au fond des gouffres infinis;
- Et les hommes, pervers à la fois et bénis,
- Tous rencontreront Dieu, puisque Dieu pour la terre
- N’est qu’énigme, et que tous se heurtent au mystère...
-
- «L’Évangile chemine, et moi, je suis des yeux
- Le triomphe du Christ, secret et merveilleux.»
-
-
-
-
-XII
-
-
- Nous restâmes longtemps plongés dans ce silence
- Où l’esprit, comme dans un abîme, s’élance
- Jusqu’à des profondeurs où les mots ne vont pas.
-
- Enfin le grand vieillard reprit d’un ton plus bas:
-
- --«Oui, vingt siècles auront suffi pour sa victoire.
- Vous la mesurez lente au compas de l’histoire?
- Je l’estime autrement. Vous, c’est par millions
- Que vous comptez les morts des générations,
- Depuis le soir où, sur la croix, Jésus expire;
- Et vous répétez: «Comme il tarde, son empire!»
- Tandis que je me vois seulement séparé
- Par vingt hommes au plus, de son siècle sacré.
-
- «A l’heure où Christ, mourant, rentrait dans la lumière
- Un enfant m’appela de sa plainte première.
- Cet enfant, je le vis s’éteindre après cent ans,
- Juste à l’heure où, près d’un berceau, ses fils, contents,
- Accueillaient leur enfant à sa première plainte.
- Ce fils, le soir de sa centième année atteinte,
- Mourut. Et j’en ai vu vingt ainsi, tour à tour,
- Lorsqu’un enfant de ses enfants venait au jour,
- Expirer; et je vois que, du siècle où nous sommes,
- Si je retourne au Christ par cette chaîne d’hommes,
- Vingt hommes seulement, enlacés par la main,
- Sont entre nous et le sauveur du genre humain.»
-
- Le grand vieillard se tut. J’avais l’âme étonnée.
- A remonter les temps, non d’année en année,
- Mais par ces vingt chaînons d’hommes vivant très vieux,
- Les uns mourant quand les autres ouvraient les yeux,
- Il semblait qu’un esprit divinement agile
- M’emportât dans la crèche où naissait l’Évangile.
-
- --«Jésus, qu’on croit si loin de nous, est donc tout près?
- Oh! comme j’aimerais le voir! J’arrêterais
- Un peu, rien qu’en baisant le bas de sa tunique,
- L’homme si merveilleux qu’il reste l’homme unique,
- L’exemple, le modèle incomparable et pur,
- Le maître maternel, le conseil calme et sûr,
- L’être si beau, si calme et si pur, que nous, hommes,
- Montrant par là que nous jugeons ce que nous sommes,
- Nous n’avons pas admis qu’il fût un d’entre nous,
- Et nous ne le nommons qu’en pliant les genoux!»
-
- Le vieillard souriait:
- --«Dans le temps et l’espace,
- Dès que l’homme, plus grand que l’homme, se dépasse,
- Beau des vertus dont nous n’avons qu’un désir vain,
- Nos cœurs, en le suivant, entrent dans le divin.
- Et le divin, c’est nous meilleurs, nous bons et justes;
- Le sens en est vivant dans les cœurs les plus frustes;
- C’est le sens de l’amour, et rien n’est au-dessus,
- Sinon l’amour lui-même, et l’amour c’est Jésus.
- L’homme y va lentement, et par toutes les voies;
- Par les pires douleurs, il marche vers ses joies;
- Vous, vous désespérez du triomphe d’amour?
- Moi, deux mille ans de nuit m’en présagent le jour.»
-
-
-
-
-XIII
-
-
- --«L’aube avait ébloui de ses plus douces flammes,
- M’écriai-je, nos yeux trompés comme nos âmes.
- Tantôt, quand sa candeur argentait les sommets,
- Les orages semblaient vaincus à tout jamais;
- Et maintenant, voyez, le chaos recommence:
- Une nuit matinale emplit le ciel immense;
- J’entends d’ici souffler les chevaux de la mer
- Qui se cabrent, montés par les démons de l’air,
- Et déjà la forêt, cette autre mer mouvante,
- Paraît s’enfuir, courbée et criant d’épouvante.
- Que de vaisseaux, par un tel vent, vont naufrager!
- Venez sur la hauteur, où, loin de tout danger,
- Nous jouirons de voir, selon le vieux Lucrèce,
- Les gestes éperdus des marins en détresse...»
-
- Il comprit le sarcasme, et dit, sans plus: «Venez.»
-
- Un très grand crucifix, à mes yeux étonnés,
- Surgit. Nous arrivions sur un plateau sévère
- Que ce haut Christ de bois transformait en Calvaire.
-
- L’orage assombrissait deux tristes horizons:
- La plaine vers le nord, cultures et maisons,
- Qui, sans trop en souffrir, subissaient la tourmente,
- Et, dans le sud, la mer qui toujours se lamente,
- Qui fait, d’un seul soupir, osciller sur son dos
- Les cuirassés de fer comme d’humbles fardeaux,
- Et qui peut, s’il lui plaît, en rugissant de joie,
- Dévorer ces volcans comme une faible proie.
-
- La mer! Combien a-t-elle englouti d’armadas!
-
- Or, sur les flots grondants, j’aperçus, tout là-bas,
- Au bout d’un mât penchant, secoué par les lames,
- Un pauvre être!--Et, de tous nos yeux, nous regardâmes.
-
- Le navire englouti vibrait à tous les chocs
- Des lourds ressacs, dont la fureur brise des rocs.
- Seul, le mât, émergeant du formidable abîme,
- Secouait, comme un fruit perdu, l’homme à sa cime.
-
- Je songeais:--«En effet, cet homme est bien perdu!
- Par qui son cri lointain serait-il entendu?
- Et, le fût-il, qui donc quitterait le rivage
- Pour arracher sa proie à cette mer sauvage?
- Un bon Samaritain qui descend de cheval
- Pour panser un blessé, fait un acte banal,
- Facile, mais devant ce gouffre épouvantable,
- Il faut être un héros pour être charitable!»
-
- Et voici qu’apparut, au large, en plein danger,
- Un canot!--S’élevant, comme pour mieux plonger,
- Sur l’écumeux sommet d’une lame puissante,
- Il tomba vers les fonds par la pente glissante,
- Pour remonter sans fin sur les monstrueux flancs
- De ces montagnes d’eau, sombres, aux sommets blancs.
- Et douze hommes--ce nombre est cher à l’Évangile--
- Attaquaient l’ouragan dans cet esquif fragile.
-
- --«Ce spectacle est divin! me dit alors le Juif;
- Si tu cherches la vérité, sois attentif,
- Encore plus qu’à ma parole, à ce spectacle.
- L’action de ces gens est un humain miracle.
- Pour sauver un seul homme ils vont douze à la mort.
- Rester dans leur logis leur serait un remord;
- Même, ils ont pris conseil de leur femme attendrie;
- Connaissent-ils du moins cet homme, ou sa patrie?
- Non. Fût-il ennemi, qu’ils lui tendraient la main.
- Ils sont les sauveteurs, gloires du genre humain!
- Et ces simples pêcheurs, si pauvres et si braves,
- Sont les fils, rachetés, de ces pilleurs d’épaves
- Qui, traîtres, allumaient, la nuit, par mauvais temps,
- A terre, çà et là, de grands feux éclatants,
- Pour attirer,--c’était la coutume barbare--
- Sur des rocs, un vaisseau que la lumière égare,
- Et qui, trahi d’abord, était enfin pillé...
-
- «Depuis ce temps, un siècle à peine est écoulé!
-
- «Et, devant ce canot qui s’abaisse et remonte,
- Sans cesse, sur des monts écroulés qu’il affronte,
- Je vois, plus lumineux que l’aveuglant éclair,
- Le spectre de Jésus qui marche sur la mer.»
-
-
-
-
-XIV
-
-
- La mer, bouleversée encor, n’était plus noire;
- Les vents changeaient, chassant une nuit provisoire.
- ... Tout l’azur reparut dans sa sérénité.
-
- --«Oui, me dit le vieillard, le monde est racheté.
- Le Christ a, dans nos cœurs, jeté le grain qui lève.
- Lentement, des héros réalisent son rêve,
- Et son amour en eux resplendit, tout pareil
- (Si ton cœur sait le voir) au radieux soleil.»
-
- --«Vous triomphez! je suis convaincu, répondis-je;
- Ce triomphe à lui seul me paraît un prodige;
- J’abjure devant vous mon scepticisme vain:
- Des héros m’ont prouvé l’héroïsme divin!»
-
- Or, juste à ce moment, où le vieillard étrange
- Me montrait l’idéal, fixe lorsque tout change,
- Et sous le faux réel, qui seul nous apparaît,
- Dieu rayonnant en nous comme un soleil secret,
- Dans cet instant de joie et d’extase féconde,
- Où la paix nous semblait l’espoir certain du monde,
- Un cri troubla la terre, et, déchirant les airs,
- De nouveau souleva la profondeur des mers:
- --«AUX ARMES!»--
-
- Des clairons stridaient, sonnant la charge,
- Et la terre troublait les mers jusqu’au grand large:
- Un peuple épouvantable, armé de fer, de feu,
- De gaz mortels, et se disant l’élu de Dieu,
- N’étant, esprit et chair, qu’appétit d’ogre immonde,
- Marchait, organisé, contre l’ordre du monde!
-
- Tout le génie humain dompteur de l’élément,
- Ce peuple élémental, sauvage savamment,
- Le tournait contre l’homme en outil de torture;
- Lui-même il s’était fait monstre, par la culture!
- Méthodiquement serf d’un prince carnassier,
- Le Teuton, formidable automate d’acier,
- Ou chair amalgamée au corps des mitrailleuses,
- Colosse lourd de force et de haine orgueilleuses,
- Proclamait,--espérant figer ses ennemis
- Dans l’horreur,--que tout crime, à la guerre, est permis!
-
- Ses plus graves savants, et ses poètes même,
- Contresignaient d’un cœur tranquille un tel blasphème!
-
- Et ce peuple, avili par un si haut conseil,
- Ce peuple, tel qu’on n’en vit pas sous le soleil,
- Traînait captifs au loin femmes, enfants en larmes,
- Des êtres impuissants à manier les armes,
- Les grands-pères, craintifs et muets, consternés...
- Ces Allemands, parfois, en lâches forcenés,
- Faisaient de leurs captifs, sur leur front de bataille,
- Un rempart défenseur, pitoyable muraille,
- Où, frémissants d’amour, de haine,--de douleurs,
- Les soldats ennemis, reconnaissant les leurs,
- Vaincus par leur pitié, reculaient d’épouvante,
- Tremblant de mutiler la muraille vivante!
- Nietzsche, spectre dément, planait sur tout cela,
- Et, non moins fou, Guillaume, invoquant Attila,
- Criait: «Viole! tue! égorge enfants et femmes!»
- Des prêtres, torturés par les reîtres infâmes,
- Les yeux vers le ciel vide, y cherchaient Dieu, l’Absent!
- Tout nageait dans le sang; partout du sang! du sang!
- Les rivières étaient de sang et coulaient pleines!
- Et des fuyards, au flanc des monts ou dans les plaines,
- Couraient, se retournant pour regarder au loin
- Leur ville en flamme; et Dieu, leur juge et leur témoin,
- Laissait faire! et, dans sa fureur démoniaque,
- L’agresseur, prétendant que c’est lui qu’on attaque,
- Coupait des mains, des cous d’enfant, brûlait vivants
- Des vieillards; tout fuyait, comme l’eau sous les vents;
- Et le viol hideux, à face simiesque,
- Prenait--détail horrible en l’horreur gigantesque--
- Des vierges, qui fuyaient la vie éperdument
- Parce que c’était fuir l’affreux enfantement!
- Criminels au hasard, sur l’enfant, sur les mères,
- Du haut du ciel, les zeppelins, sombres chimères,
- Lâchaient leur bombe! et quand l’avion surgissant
- Les attaquait, alors le ciel pleurait du sang!
- Plus d’asile! Et sur les grands steamers d’Angleterre,
- Qui semblaient à l’abri des fureurs de la terre,
- Des passagers (toujours des faibles, et toujours
- Des femmes, des enfants, sans armes, sans secours!)
- Voyaient surgir, dans les houles des mers d’Europe,
- Le dos du sous-marin ou l’œil du périscope...
- La torpille frappait le grand navire au flanc;
- Et, colosse blessé, chancelant et soufflant,
- Il entraînait, dans les fonds glauques des abîmes,
- Avec lui, des milliers d’innocentes victimes
- Qui priaient, qui voulaient la vie éperdument...
-
- Et, terre et mer, le monde entier criait: «Maman!»
- Comme pour réveiller, dans son ombre éternelle,
- L’amour, le Dieu muet, la Cause maternelle!
-
-
-
-
-XV
-
-
- Mais rien ne répondit. Nulle part l’agresseur
- Ne trouva devant lui Dieu, le Dieu de douceur!
- Et nos peuples, parmi le sang, les cris, les larmes,
- Se levant indignés, durent prendre les armes,
- Aiguiser des poignards et fondre des canons;
- Et tous les beaux progrès, indignes de leurs noms,
- Se firent instruments de mort et de torture;
- Et, retournant aux lois brutes de la nature,
- L’âme humaine appela la force à son secours,
- La force! l’argument des grands loups et des ours!
-
- Et je dis au vieillard:
-
- --«C’est la fin de nos races.
- Vois-tu ton Christ encor? Vois-tu toujours ses traces?
- Vieux nécromant, je suis honteux de t’avoir cru:
- Le primate éternel dans l’homme a reparu!
- Le chrétien lâche, avec son rêve d’être un ange,
- Insultait à la brute--et la brute se venge!»
-
- Sous l’injure, le vieux, comme sourd à mes cris,
- Resta muet, songeur quelque temps. Je repris:
-
- --«Ton Christ est le plus faux des faux dieux qu’on délaisse!
- Amour, bonté, mots creux, tout gonflés de faiblesse!
- Sot qui ne sait qu’aimer! Fou qui veut être aimé!
- Qui suit ton Christ n’est plus qu’un martyr désarmé,
- Proie offerte aux soldats du lucre et de la haine,
- Qui sont le nombre affreux, sans nom, la masse humaine.
- Christ n’est qu’un doucereux et blanc magicien;
- Certe, un charme est caché dans le songe chrétien,
- Mais pernicieux, traître, endormeur d’énergie.
- Sur la terre, que tant de meurtres ont rougie,
- Comment répondre, nous, les tendres et les bons,
- Nous, les propagateurs des infinis pardons,
- Au fer qui fouille un cœur, en sort et s’y replonge?
- Quel réveil dans l’horrible, après le divin songe!
- Nos jardins, nos maisons, asiles de douceur,
- Les voilà donc ouverts au noir envahisseur!
- Nos bras chrétiens ne sauront pas tenir l’épée;
- Ton Christ livre aux bourreaux l’humanité trompée!»
-
- Le vieillard recueillit sa pensée un moment,
- Puis, l’œil plein de lumière, il dit, très doucement:
-
- --«S’il ne croit qu’aux ressorts puissants de la matière,
- L’homme n’a pas en lui la force humaine entière.
- Même stoïque, il meurt en vaincu révolté,
- Il périt tout entier, serait-ce avec fierté.
- Si la force est le droit, sa chute est légitime,
- C’est justement qu’il tombe, et non pas en victime.
- La force, c’est là tout ce que le fort défend;
- Après lui, rien de lui ne reste triomphant.
- Dès l’instant qu’à ses yeux seule la force compte,
- Devenu le plus faible il n’a droit qu’à la honte,
- Tandis que, l’œil levé vers son pur idéal,
- Le croyant de l’amour souffre et meurt triomphal.
- La souffrance est pour lui sainte, la mort sublime,
- Il sent orgueil et joie à s’offrir en victime,
- Il est le vrai guerrier qui veut, pense, aime et croit,
- Et qui, même vaincu, laisse un vengeur: le Droit.
- La force de l’idée est la seule immortelle;
- Telle est la loi du Christ: la foi de France est telle.
-
- «Mon Christ est mort voilà deux mille ans accomplis,
- Et nos âmes, aux plus secrets de leurs replis,
- Gardent toutes, mon fils, sa divine pensée,
- Que par le monde entier le temps a dispensée.
- Elle est si bien mêlée au cours de notre sang,
- Que, lorsque l’Antéchrist se lève menaçant,
- Le bras, avant le cœur, s’élance à la défendre;
- C’est d’instinct, désormais, malgré notre cœur tendre,
- Que nous défendons, même oublieux de Jésus,
- Les biens d’amour que, par sa mort, nous avons eus.
- Des hommes, non des Christs, voilà ce que nous sommes,
- Et nous le défendons, en nous, comme des hommes.
- Nul ne passe en valeur ta vaillance, ô chrétien!
- SACRIFICE est un fier mot d’ordre; c’est le tien.
- La lance et les deux pieds sur quelque hydre abattue,
- Lent à tuer, mais plus terrible lorsqu’il tue,
- Le juste, quand il croit la justice en danger,
- Non pas lui,--se fait dur pour la mieux protéger;
- Quand l’indignation des plus doux se soulève,
- Elle est comme la mer qui dévore la grève,
- Et, contre l’injustice et le mal provocants,
- Elle a la force involontaire des volcans!...»
-
-
-
-
-XVI
-
-
- Sans rien connaître à la souffrance de nos âmes,
- L’azur riait, moins doux mais plus beau d’être en flammes.
- Autour de nous, sur le haut désert rocailleux,
- Le calme indifférent des grands espaces bleus
- Resplendissait; mais, sous ce ciel d’apothéoses,
- Tant d’éclat dénonçait la misère des choses,
- Que, dressé là, sur ce plateau nu, dans les temps,
- Le Dieu n’était plus rien, sous les cieux éclatants,
- Qu’un débris plein de trous, où la vermine habite.
- Dans la clarté fondaient tous les rêves en fuite.
- Du radieux levant au couchant radieux,
- Une moitié du globe apparut à nos yeux;
- Et, du plateau désert où nous étions, nous vîmes,
- Comme jailli soudain des plus affreux abîmes,
- Un déluge de maux, de meurtres et d’effrois,
- Submerger l’univers, où mouraient tous les droits.
-
- Des termes d’Amérique aux bornes de l’Asie,
- Les hommes, en hurlant, frappés de frénésie,
- S’armaient,--des millions d’hommes! Vingt millions
- Ou trente, s’égorgeaient; sept, huit, dix nations.
- On eût dit de la fin du monde en cataclysme!
- Et tous se réclamaient du doux christianisme,
- Ou de l’Islam, qui voit un prophète en Jésus.
- Mais les fleuves étaient de sang, et, par-dessus,
- L’impassible soleil rayonnait dans sa gloire.
- Sur la réalité rouge, fangeuse et noire,
- Il épandait à flots, à verse, par torrents,
- Sur les camps ennemis, ses rais indifférents,
- Le même éclat sur Reims et sur Sainte-Sophie,
- Lui que, dans l’ostensoir, le prêtre glorifie!
-
- Et je criai:
-
- --«Maudit soit l’astre éblouissant
- Qui peut voir sans horreur des rivières de sang!
- Car le sang n’est pas fait pour empourprer la terre;
- Il doit, dans les vivants, rester vivant mystère,
- Dans les canaux secrets des corps rester secret;
- Malheur, lorsqu’au soleil le sang des cœurs paraît!
- Et malheur au soleil, quand l’humanité saigne,
- S’il ne se voile pas d’horreur, et s’il se baigne
- Dans la pourpre qui n’est pas, sur les horizons,
- L’adieu resplendissant de ses propres rayons!»
-
-
-
-
-XVII
-
-
- --«La terre, bien de tous, sera-t-elle usurpée
- Par un seul? Non! le droit de tous a pris l’épée,
- Affirma le vieillard, et lorsque, ô mon enfant,
- La Justice ou l’Amour indigné se défend,
- L’âme du défenseur passe et vit dans le glaive;
- Et même quand le bras des faibles le soulève,
- Dans ses propres éclairs passe un étrange éclair,
- Et, parmi les reflets dont resplendit le fer,
- L’âme voit des rayons qui lui viennent des âmes.
- Le juste armé vaincra les conquérants infâmes.
- Le monde est un, au fond; il va vers l’unité
- Visible, et ne peut être en sa marche arrêté.
- Tout peuple est criminel d’en asservir un autre;
- Et la France le sait, elle, le peuple apôtre!
- L’Évangile en tous temps fut au fond de son cœur,
- Et par elle le droit de tous sera vainqueur,
- Tous les droits de chacun se feront équilibre;
- Et, de même qu’en France un homme se sent libre,
- Fût-il faible, et se sait protégé dans son droit,
- De même, un jour, demain, ou plus tôt qu’on ne croit,
- Chaque peuple sera, devant tous, son seul maître;
- Et, librement unis, tous devront reconnaître,
- Pour être protégés, qu’ils doivent protéger,
- Et qu’être différent n’est pas être étranger.
- Il n’est qu’un Droit, unique et sacré, loi suprême
- Qui pour un homme ou pour tout un peuple est la même;
- Et le respect aux droits des peuples reste dû,
- Le même que l’État doit à l’individu.
- Jésus et Jeanne d’Arc semèrent cette idée
- Par le sang de vos morts aujourd’hui fécondée.»
-
- --«Fou! dis-je au grand vieillard, de croire au Dieu de paix!
- Tu vas connaître enfin comme tu te trompais,
- Tiens, vois!»
-
- La terre était un seul champ de bataille.
-
- Le Mage auguste, alors, sembla prendre la taille
- D’un géant, et, son dos voûté se redressant,
- Je crus voir un Samson indigné, si puissant
- Qu’il pourrait ébranler les colonnes du monde.
- Sa barbe au vent des monts se mouvait comme une onde;
- Ses sombres yeux semblaient lancer des dards de feu.
-
- --«L’empereur des Germains, tout en invoquant Dieu,
- Dit-il, a méconnu la norme de la vie.
- Il rêve l’homme esclave et la terre asservie;
- Il veut fouler la chair et l’esprit sous ses pieds;
- Il dit que la faiblesse est l’âme des pitiés;
- Il prétend que la force est l’unique puissance...
- La force n’est qu’esprit, mon fils, en son essence.
- Les peuples l’ont compris, et--regarde à ton tour--
- Albert, vrai roi, debout pour le droit et l’amour,
- Sert l’honneur, l’honneur pur, que l’Allemagne oublie;
- Et vos Français, qu’on crut une race affaiblie,
- Artistes, artisans, le marchand, le penseur,
- Et les oisifs, pour qui vivre n’est que douceur,
- Ceux dont le mot Patrie excitait les sarcasmes,
- Et tous ceux qui raillaient les beaux enthousiasmes,
- Ceux qui niaient le sentiment, le dévouement,
- Regarde-les! leur cœur s’exalte brusquement!
- On dirait qu’en voyant l’affreuse Germanie
- Servir les bas instincts dont elle est le génie,
- Les plus pervers ont pris leurs vices en dégoût!
- Transfigurés, soldats merveilleux tout à coup,
- Pour que la grande fin prédite s’accomplisse,
- Ils servent en héros ce mot: le Sacrifice,
- Et meurent pour prouver qu’il est le seul salut!
- Et, las des vanités où leur cœur se complut,
- Les plus obscurs d’entre eux, les martyrs anonymes,
- Disent, devant la mort, des mots qui sont sublimes!
- Un souffle d’héroïsme a traversé les cœurs...
-
- «Où sont-ils maintenant, vos sceptiques moqueurs?
- Ils trouvent, sous les yeux étonnés de l’Histoire,
- Au baiser de la mort une saveur de gloire!
- Et l’univers a dit: «Suivons les fils des Francs!
- «Eux, c’est par la bonté loyale qu’ils sont grands!»
- Et, de la mer Baltique au lac Tibériade,
- Tout est debout,--ou pour ou contre la Croisade!»
-
-
-
-
-XVIII
-
-
- --«La Croisade, vieillard?»
-
- --«Oui!» dit-il, élevant
- Son regard vers le ciel, tandis que, dans le vent,
- Flottaient sa barbe longue et sa longue tunique.
- Et, n’adressant qu’au Dieu fait homme--sa réplique:
-
- --«Oui, dit-il lentement, qu’il croie ou non en toi,
- Christ, le monde moderne en ta tendresse a foi.
- D’un mot que tu jetas dans la terre féconde
- L’arbre immense a jailli, dont l’ombre est douce au monde!
- Tous les penseurs, les plus libres, les plus hardis,
- Négateurs de ton ciel et de ses paradis,
- Souhaitent de les voir réalisés sur terre,
- Et c’est toi que Calas remercie en Voltaire!
- La Pensée affranchie est ta vassale encor;
- Le meilleur d’elle est un denier de ton trésor;
- L’altruisme, c’est ta charité sous un voile;
- C’est pour avoir levé les yeux vers ton Étoile,
- Que l’homme, avec des yeux mieux voyants, plus humains,
- Sait marcher plus heureux dans ses tristes chemins.
- Qu’il te confesse ou non, qu’importe! et que t’importe,
- Si ta bonté de Dieu survit à la foi morte!
- Non, tu n’as pas maudit les hommes pour si peu!
- Tu restes l’éternel, qu’on t’appelle ou non Dieu.
- Tu ne recherches point,--tu nous l’as dit toi même,--
- Les honneurs de ce monde, et, pourvu qu’on s’entr’aime,
- Et que du Christ humain la terre ait hérité,
- Toi, Dieu, tu nous souris, dans ton éternité!»
-
- --«Pourvu que l’on s’entr’aime!... Allons, vieillard, lui dis-je,
- Ta foi dans Christ me semble un risible prodige,
- Quand les humains, partout, inhumains sans remord,
- Ne sont unis que par la haine, dans la mort...»
-
- Il reprit:
-
- --«Pour sauver ton rêve de tendresse,
- Christ! contre le Germain le monde entier se dresse:
- C’est la Croisade! Eh oui, les peuples et les rois
- Se lèvent pour la croix de Rome, et pour la croix
- Que Genève dessine en rouge sur ses flammes,
- Et pour la croix secrète inscrite dans nos âmes,
- Car, même dans le cœur des enfants d’Israël,
- Quelque chose est entré de ton verbe immortel,
- Et ton espoir d’amour les gagne et les soulève!...
- Germains vils, qui tirez sur les croix de Genève,
- La France est devant vous la chrétienne sans peur;
- Le Quirinal, qui vous observe avec stupeur,
- Sent se confondre, en la même pitié des hommes,
- Les deux cœurs, hier encor désunis, des deux Romes;
- Çakia-Mouni s’indigne, et les rajahs hindous
- Vous surveillent de loin avec leurs grands yeux doux;
- Mahomet vous méprise, et l’Afrique immobile
- S’agite et court sur vous, toute, arabe et kabyle;
- Et, vous tombés, elle dira: «C’était écrit,»
- Car Mahomet sait rendre hommage à Jésus-Christ.
- Oui, c’est bien la Croisade et c’est la guerre sainte!
- L’Angleterre, dont les océans sont l’enceinte,
- Tient fixés ses yeux clairs sur vous, sombres géants,
- Et vous menace avec la voix des océans!
- Et le tsar de Pologne et le tsar de la Haye,
- Père des Slaves dont le nombre vous effraie,
- Le tsar au bon cœur, pape et roi, Nicolas II,
- Qui compte vos hauts faits et les juge hideux,
- Nicolas II, que la douleur française touche,
- Contre ta force brute, Allemagne farouche,
- Brandit à l’horizon le glaive éblouissant
- Dont la poignée est une croix teinte de sang!»
-
-
-
-
-XIX
-
-
- Le Christ de bois, que, seul, un ermite révère,
- Du pic que nous foulions faisait un vrai Calvaire,
- Et, chancelant, le Juif s’appuya d’une main
- Sur Celui qui voulut sauver le genre humain.
- Alors il dit, debout sur le pic haut et chauve:
-
- --«Sauveur, c’est, à son tour, Le monde qui te sauve!
- S’il n’est fort, s’il n’est grand qu’appuyé sur toi,--toi,
- Tu n’as plus de salut qu’en son glaive et sa loi.»
-
- Mais l’image du Dieu dont l’humanité doute,
- La voyant à ses pieds souffrir et mourir toute,
- Sembla crier vers nous et vers le ciel: «Je meurs!»
- Et cela dominait la guerre et ses clameurs.
-
- Et, dans les grands lointains, voici ce que nous vîmes:
- Des soldats ivres, fous, et prêts à tous les crimes,
- Des hordes, mais en bel ordre matériel,
- Avec un bruit de pas qui montait Jusqu’au ciel,
- S’avançaient sur Paris, menaçaient Notre-Dame,
- Et derrière eux, Louvain, Maline, étaient en flamme.
- «Les voilà! les voilà qui viennent sur Paris!»
-
- C’est un sourd grondement sinistre; point de cris.
- Sous le piétinement de l’innombrable foule,
- Le sol, comme un tambour voilé, tressaille et roule.
- Ils viennent,--les uhlans en tête, lance au poing.
- La tour Eiffel les guette: ils se traînent au loin,
- Hommes, chars et chevaux, fusils et mitrailleuses,
- Sombre nuage, gros de foudres furieuses.
- A voir sur l’horizon marcher ces guerriers-là,
- Le mont de Geneviève a dit: «C’est Attila!»
- Dans cette immense armée, il reconnaît la horde.
- Ces êtres sans amour et sans miséricorde,
- Gueule et ventre affamés, ces appétits grondants,
- Veulent de la chair vive à mettre sous leurs dents;
- Ils veulent des terrains tout cultivés, blé, vigne,
- Un vaincu qui sous eux s’écrase,--et se résigne
- A leur donner de l’or, de l’or par milliards!
- Leur chef sinistre crie à ces bandits pillards,
- Dont l’affreux crâne--en fer de lance se termine:
- «Va, mon peuple, toi qui ne crains que la famine,
- La France est riche! prends son pain, son or, son vin,
- Et saccage Paris comme un autre Louvain!
- Obéis; je commande, et mon ordre te couvre.
- Fais flamber, s’il le faut, la Sorbonne et le Louvre!
- Prends-leur Paris,--ou meurs! voilà ce que je veux,
- Et que l’histoire dise à nos petits-neveux:
- «Guillaume II, géant de Prusse, fut un homme
- Plus grand que ce fameux Néron--qui brûla Rome!»
-
- Il dit, et les Germains répondent: «Hoch! hurrah!
- Chef, nous t’aurons Paris! et lorsqu’il flambera,
- Alors, docile au roi sanglant qui nous commande,
- La France deviendra l’Allemagne plus grande!
- Hoch! hoch!»
- Tout en jetant le cri cher au Kaiser,
- Ils roulent, flot montant d’horreur, de sang, de fer,
- De feu,--torrent sans nom qui tord, saccage et broie,
- Et c’est bien Attila, c’est la race de proie!
-
- Les voilà sous Paris, sous l’œil fixe des forts.
-
- Oh! qui seront les morts? Combien seront les morts?
-
- --«Les noirs envahisseurs, avec la faim au ventre,
- Resteront là longtemps, cherchant par où l’on entre.»
-
- --«Soit, la France attendra.»
- --«Mais s’ils étaient vainqueurs?»
- --«On peut vaincre les corps, non la vertu des cœurs;
- Nous attendrons toujours: le salut, c’est d’attendre.»
- --«Mais s’ils prennent Paris?
- --«Se laissera-t-il prendre?»
- --«S’ils le prennent?»
- --«Eh bien, sur Paris dévasté
- Nous attendrons toujours.»
- --«Quoi?»
- --«Le jour d’équité,
- Le triomphe final de la justice sainte!
- L’autel du temple est mieux gardé que son enceinte!
- L’esprit chrétien, l’esprit pur, ne peut pas mourir!»
-
- --«Mais s’ils brûlent Paris?»
-
- --«Nous saurons tout souffrir!
- Nous le rebâtirons, sous les yeux de l’histoire,
- Avec du ciment rouge et des marbres de gloire!
- Nous n’attendons qu’un mot, le dernier, du Destin.»
-
-
-
-
-XX
-
-
- Ce spectacle et ces voix nous venaient d’un lointain
- Formidable,--et ni mes regards ni mes oreilles,
- Qui n’auraient pu subir réalités pareilles,
- Ne percevaient image ou son; seuls, mes esprits
- En eux-mêmes portaient ce spectacle et ces cris.
- Et je sentais en moi, dans mon simple cœur d’homme,
- Les souffrances de tous, dont je souffrais la somme.
-
- Et je compris quel faix terrible, à mes côtés,
- Portaient, après dix-neuf cents ans, les reins voûtés
- Du grand Juif; car son dos, qu’il redressait naguère,
- Se courbait sous les maux que déchaîne la guerre,
- Et qui lui rappelaient l’horreur du monde ancien.
-
- --«Paris, libre cerveau, cœur du monde chrétien,
- Va périr!... Rien ne peut faire mentir l’oracle,
- Criai-je. Rien ne peut nous sauver--qu’un miracle!»
-
- --«L’oracle, dit le vieux, sur quoi se fonde-t-il?»
-
- --«Sur l’imminence et sur la grandeur du péril.
- Quand le boulet, dans l’air, accourt droit sur la cible,
- Empêcher qu’il la frappe est la chose impossible:
- Rien ne l’arrêtera sur la fin du trajet.»
-
- Or, à travers le sol sacré qu’il ravageait,
- Peuple conculcateur de la miséricorde,
- L’effroyable Germain, armée et pourtant horde,
- Roulait à flots grondants comme un torrent mortel.
-
- Oiseaux rocks fabuleux, souillant le bleu du ciel,
- Les taubes allemands, les éperviers corsaires,
- Sur Compiègne déjà planaient, crispant leurs serres,
-
- Et, l’incendie au poing, chargés d’engins maudits,
- Déguisés en soldats, je voyais des bandits
- Qui menaçaient Paris du martyre et des flammes...
-
- Et le torrent de fer sanglant, de feux infâmes,
- Gagne la capitale! y touche! en rugissant
- Sa joie affreuse; et tout est rouge, flamme et sang...
- Quand, sous mes yeux hagards, soudainement tout change...
- La course au sud devient fuite à l’est?...
- --«C’est étrange!
- Le hideux cauchemar, criai-je, est-il fini?
- Joffre le patient, Maunoury, Galliéni,
- Comme Hercule, changeant, d’un simple coup d’épaule,
- Le cours d’un fleuve, ont-ils détourné de la Gaule
- L’horrible envahisseur, près de nous submerger?
- Ou quel dieu nous a-t-il sauvés d’un tel danger?»
-
-
-
-
-XXI
-
-
- Alors le grand vieillard, désignant tout l’espace
- Du ciel, dit simplement:
-
- --«Vois, là-haut, ce qui passe!»
-
- Une armée, en plein ciel, étonnait nos regards.
-
- Spectres flottants, esprits visibles, milliards
- De formes, dont chacune était une pensée,
- Multitude en une âme unique condensée,
- Tous les morts accouraient, sans gestes et sans cris,
- Sauver le cœur chrétien de l’univers, Paris.
-
- Et l’humanité morte emplissait l’étendue.
-
- Et sans être aperçue, et sans être entendue,
- Elle pénétrait tout, réalité sans chair,
- Matière éparse, plus subtile que l’éther,
- Feu d’un éclat secret plus ardent qu’une flamme,
- Fluide magnétique et respirable à l’âme;
- Et tous nos combattants sentaient naître en leur cœur
- Un dieu, l’enthousiasme, un dieu déjà vainqueur,
- Une force innommée, un élan invincible,
- Une puissance à qui rien n’est plus impossible...
- C’était, dans les vivants, le vœu de tous les morts!
-
- Des milliards de vœux, des milliards d’efforts,
- Tout le labeur humain, depuis l’âge de pierre,
- Où l’homme se sentit des pleurs sous la paupière,
- Joyeux lorsqu’il connut qu’il pouvait, de sa main,
- Sur la paroi des rocs graver un rêve humain,
- Et léguer à ses fils l’œuvre à peine rêvée
- Pour qu’un jour, par leurs mains, elle fût achevée;
- L’espoir d’un idéal que chaque siècle accroît,
- L’amour d’abord, puis la justice, enfin le droit,
- Tout cela, menacé par un peuple rapace,
- L’éternité des morts, substance de l’espace,
- Accourait le défendre; et tous, tous étaient là,
- Même Caïn! Judas mère et même Attila,
- Car, dans la mort immense, où tout crime s’expie,
- Les négateurs d’amour, les meurtriers, l’impie,
- Se sentent dépouillés d’eux-mêmes, lentement...
-
- Et servir la justice est leur seul châtiment.
-
-
-
-
-XXII
-
-
- --«L’humanité, mon fils, par de mauvaises routes,
- Rêve confusément, à travers tous les doutes,
- D’une paix merveilleuse et d’un amour final.
- Parfois elle a cru voir mourir son idéal,
- Mais l’éclipse n’est pas la fin et n’a qu’une heure.
- L’idéal, qui n’est pas encor, lui seul demeure;
- C’est le but immuable et sans fin déplacé,
- Et l’avenir y court, sur l’aile du passé.
- Sans l’idéal, n’étant que muscles, chair et force,
- L’homme, athlète stupide, orgueilleux de son torse,
- (La vie et la durée étant leur propre fin)
- N’aurait pour tout devoir que d’assouvir sa faim,
- Tandis qu’il cherche au monde une plus douce joie;
- Et la beauté des cieux est là pour qu’il la voie,
- Et la douceur d’aimer pour qu’il la sente en lui;
- Et depuis qu’en son cœur son premier rêve a lui,
- Astre d’un ciel plus beau que l’autre et non moins vaste,
- Cet idéal a fait de lui l’Enthousiaste,
- Et tous vont à l’Étoile, et tous lèvent le front,
- Et c’est pourquoi les doux sont les forts, et vaincront.»
-
- Ainsi parla le vieux scruteur de tout mystère
- Dont les pas en tous lieux sont écrits sur la terre.
-
-
-
-
-XXIII
-
-
- Nous croyions distinguer, dans les espaces bleus,
- Tous les grands morts, tous les héros miraculeux,
- Tous,--les penseurs et les guerriers... Et la bannière
- De Jeanne d’Arc flottait, blanche, en pleine lumière,
- Et sur cet étendard, qui planait au-dessus
- De tous les fronts, ce mot resplendissait: JÉSUS.
-
- Puis, le soir vint, triste et profond. La cathédrale
- De Reims, chef-d’œuvre pur de la France ancestrale,
- Profilait son fantôme obscur dans l’azur noir.
- Tout à coup, chose affreuse en la beauté du soir,
- Sous les obus germains, toute, du faîte au porche,
- Toute, elle s’enflamma comme une immense torche...
- Et l’on vit, à cheval, aux clartés de ce feu,
- Jeanne resplendissante et criant:
- --«En nom Dieu,
- Anglais! je vous adjure, en avant pour la France!
- Nous avons même cœur: ayons même espérance,
- Anglais! Boutons-les hors de France! chassons-les!»
-
- Et Jeanne chargeait, seule, en avant des Anglais.
-
-
-
-
-XXIV
-
-
- Paris, Paris sauvé jadis par Geneviève,
- Voyait se détourner de lui le mauvais rêve,
- Et les vils Allemands, les perfides guerriers,
- En France même ayant préparé des terriers,
- S’y cachaient, poursuivis, tels des bêtes immondes,
- Par le glaive de France et le mépris des mondes.
-
- Dans ces trous, comme en leurs naturels habitats,
- Dans ces bauges, vivaient, accroupis, leurs soldats.
-
- Et comme une eau pourrie exhale ses buées,
- Ils soufflaient contre nous des poisons, par nuées
- Ténébreuses, et qui, trahissant l’air du ciel,
- Rendaient l’azur complice et pestilentiel.
-
- Leurs gaz asphyxiants, moyens de guerre infâmes,
- Semblaient leur propre souffle et l’odeur de leurs âmes.
-
-
-
-
-XXV
-
-
- Parmi des morts et de grands blessés,--c’est alors
- Qu’un Français, se levant, cria: «Debout, les morts!»
- Mais nous seuls nous savions que cet appel sublime
- Montait vers tous les morts accourus de l’abîme.
-
- Or, cet appel vibra dans tous les cœurs en deuil,
- Au souvenir des morts enterrés sans cercueil.
- Et les vierges en pleurs, les femmes noir-vêtues,
- Croyaient ouïr les voix chères qui se sont tues...
- Et nous, nous entendions chanter, en longs accords,
- Ces même voix, lointains adieux d’esprits sans corps:
-
- --«Nous sommes morts pour vous défendre
- Contre de vils envahisseurs,
- Vous que nous aimions d’amour tendre,
- Vieilles mères, petites sœurs!
-
- «Jeunesse encor mal aguerrie,
- Tout éprise de grâce et d’arts,
- Nous sommes morts pour la patrie,
- Fiers de tomber sous vos regards.
-
- «La mort nous prit sans différence,
- Riches, pauvres, jeunes ou vieux.
- Et nous sommes morts, chère France,
- Pour tes fils et pour nos aïeux.
-
- «Mourir pour toi,--ce fut bien vivre,
- O France, cœur du monde! sel
- De la terre! esprit du saint Livre
- Qui veut l’amour universel!
-
- «Nous sommes morts pour la défense
- Du plus doux idéal humain;
- Pour le léguer pur à l’enfance
- Qui sera la France demain.
-
- «Rapprochés par la mort des pères,
- Et sentant notre âme sur eux,
- Nos fils, dans nos maisons prospères,
- Vivront plus fiers et plus heureux.
-
- «Nous sommes morts pour vous défendre
- Contre de vils envahisseurs,
- Vous que nous aimions d’un cœur tendre,
- Petits enfants,--frères et sœurs!»
-
- Des tombes, çà et là fraîchement remuées,
- Cette hymne, dominant la guerre et ses huées,
- S’élançait, rejoignait, comme mêlée au vent,
- Les anciens morts,--la mort, autre infini vivant,
- Matrice des soleils, semence des étoiles!
- Et les femmes, penchant le front sous leurs longs voiles,
- Les vieux, un crêpe au bras, plusieurs peuples en deuil,
- Répondaient, en un chant de magnifique orgueil:
-
- --«Vous aurez dans nos cœurs une tombe immortelle,
- O vous que votre amour de la paix--a trahis!
- Vous fîtes en mourant l’humanité plus belle,
- Soldats morts pour notre pays!
-
- «Nous laissons, sous nos yeux cernés, couler nos larmes,
- Mais nos cœurs sont encor plus grands que nos douleurs,
- Et sur vos corps, ensevelis avec leurs armes,
- Nous jetons des lauriers en fleurs.
-
- «Votre mort que l’on pleure, on la donne en exemple;
- On la pleure en silence, on l’admire à grands cris;
- Et nos cœurs éternels sont pour vous comme un temple
- Où, dans l’or, vos noms sont inscrits.
-
- «Vous sûtes, par la mort, avec vos grandes âmes,
- Faire, au monde sauvé, des avenirs plus beaux!
- Et c’est pourquoi vos sœurs, vos mères et vos femmes,
- Vous voient vivants sur vos tombeaux.»
-
- Telle, en prodigieuse et lente symphonie,
- Chantait son chant d’orgueil l’espérance infinie.
-
- Alors, un autre chœur, mais plus retentissant,
- De moins lente harmonie et de plus rude accent,
- Vint jusqu’à nous... C’était la voix, l’âme enflammée,
- La résolution ardente d’une armée...
- Quelque chose pourtant d’allègre et de moqueur
- Traversait les accords farouches de ce chœur:
-
- --«Nos camarades morts sont les moissons fauchées;
- Mais nous, nous sommes le grain mûr,
- Le grain gonflé d’espoir qui dort dans les tranchées,
- Où germine déjà le triomphe futur.
-
- «Nous avons en mépris cette race allemande,
- Son idéal matériel.
- C’est la bête puante et féroce,--et gourmande,
- L’ours noir qui rôde autour des ruchers pleins de miel.
-
- «Ruisselantes de sang, baïonnettes vermeilles,
- Harcelez le fauve aux pieds lourds!
- La brute, sous le dard de toutes les abeilles,
- Saura bientôt comment on fait danser les ours.
-
- «Mais non, le dur Germain n’est pas si débonnaire;
- Ce n’est pas l’ours, plaisant danseur;
- Et les canons d’Europe, à défaut du tonnerre,
- Écraseront, dans sa fange, l’envahisseur!
-
- «Voyons-le tel qu’il est: un dragon de légende,
- Un monstre aux sept gueules d’enfer,
- Et jurons-nous d’anéantir l’hydre allemande,
- Avec la sape, avec la flamme, avec le fer!
-
- «Nous sauverons l’espoir, l’amour, la paix des mondes,
- En frappant le monstre en plein cœur,
- Et nous arracherons les sept langues immondes:
- Il tordra ses anneaux sous le pied du vainqueur.
-
- «Entends-tu le serment des Francs, prince féroce,
- Faux roi, Guillaume le second?
- Nous mettrons sous nos pieds, sous l’épée et la crosse,
- Ta tête affreuse et les sept têtes du dragon.
-
- «Nous ne voulons revoir nos maisons, plus prospères,
- Que sous des drapeaux triomphants,
- Quand les mères pourront offrir aux heureux pères
- Des lauriers tout en fleurs par la main des enfants.»
-
- Des soldats souriants chantaient ce chant suprême,
- Et la Mort reculait et doutait d’elle-même.
-
-
-
-
-XXVI
-
-
- La France ainsi chantait, fidèle librement
- Au Christ universel, à l’Évangile aimant.
-
- Or un vent noir, venu du fond de l’Allemagne,
- Apporta jusqu’à nous, dans un long sifflement,
- Avec un gaz fétide, épars sur la campagne,
- Un chant que suit l’effroi, que la mort accompagne...
- C’est l’hymne du Christ allemand:
-
- «Je veux, moi, seul grand dans le monde,
- Moi, le seul peuple élu de Dieu,
- Purger la terre--elle est immonde--
- Par l’air empoisonné, par le fer et le feu.
-
- «C’est sur l’ordre exprès de Dieu même,
- Que j’attaque, en vils ennemis,
- Ces peuples corrompus, que j’aime,
- Et qui, pour leur bonheur, doivent m’être soumis.
-
- «Notre vieux Dieu, celui qu’on nomme
- Dieu le Père et le Roi des rois,
- Laissa clouer le Fils de l’Homme,
- Pour le salut du monde, à l’infamante croix...
-
- «Je suis le peuple qu’il désigne
- Pour crucifier, à mon tour,
- L’Humanité, sa fille indigne,
- Et je la châtierai sans pitié, par amour.
-
- «La France est la prostituée
- Qui corrompt le vieil univers;
- Il faut donc qu’elle soit tuée!...
- A nous ses vins! et les plages de ses deux mers!
-
- «Et puisqu’elle a dit elle-même
- Qu’elle est le Christ des nations,
- Je justifierai son blasphème:
- Je livrerai la France aux tribulations.
-
- «Allemands! acceptons sans plainte
- L’ordre de nous faire un cœur dur:
- Nous accomplirons l’œuvre sainte
- Que commandent Dieu même et Guillaume le Pur.
-
- «Soyons des Attilas superbes;
- Fléaux par Dieu même voulus,
- Foulons les corps comme des herbes!
- Où passent nos chevaux, que rien ne vive plus!
-
- «Torturons nos tristes victimes,
- Puisque Dieu veut leur châtiment;
- Assurons-leur, bourreaux sublimes,
- Un salut éternel par des maux d’un moment!
-
- «Que leur sanglot nous réjouisse,
- Comme il réjouira le ciel!
- Dieu m’a dit: «Va! le sacrifice
- «Sera d’autant plus beau qu’il sera plus cruel!»
-
- «Savourons les cris de souffrance!
- Pour être grands, soyons sans cœur!
- Et sur le monde, et sur la France,
- Nous représenterons Dieu même,--et Christ vainqueur.»
-
- --«Les entends-tu? dis-je au vieillard.
-
- «En Germanie,
- Où l’on condamne à mort l’humanité punie,
- Catholiques ou non, tous, prêtres et pasteurs,
- Prônent le sacrifice... en sacrificateurs.
-
- «Ce qu’on prêche, dans les églises allemandes,
- C’est un Christ noir, vrai fils du Satan des légendes.»
-
-
-
-
-XXVII
-
-
- --«La mort, dit Le vieux sage, est un feu dans la nuit;
- C’est dans l’obscurité, qu’une étoile éblouit;
- Plus s’épaissit l’obscur, mieux on voit toute flamme;
- Nuit pour la chair, la mort est lumière pour l’âme.
- A peine est-il tombé, que le reître germain,
- Qui marchait contre vous, torche ou fusil en main,
- Mort, entre frissonnant dans la vérité même,
- O France! et c’est alors toi qu’il sert, toi qu’il aime!
- Mais toi, France au grand cœur, ce qui fait ton cœur fort,
- C’est la fidélité de tes fils dans la mort.
- Le lourd crâne carré, que surmonte une pique,
- Subit aveuglément son maître satanique,
- Mais, cadavre, il le juge; il maudit, plein d’horreur,
- L’Antéchrist reconnu dans ce rouge empereur;
- Et Guillaume le Fauve à tout moment tressaille,
- Quand il passe aujourd’hui sur un champ de bataille,
- Car il y voit tous les cadavres allemands,
- Le suivre du regard avec des yeux tournants.
- Et ce regard, où désespère l’âme humaine,
- Pour lui n’a plus d’humain qu’une implacable haine.
-
- «Le soldat français, lui, mort pour la vérité,
- Ne donne à son bourreau qu’un regard contristé...
- C’est alors que, sentant l’horreur de sa tuerie,
- Le roi rouge, croyant mentir à Dieu, s’écrie:
-
- --«Je ne l’ai pas voulue!»
- «A ce mot, l’œil des morts
- Jette des feux qui vont, comme autant de remords,
- Fouiller cette âme obscure, éperdue, exécrée,
- Où s’allume un enfer d’épouvante sacrée.»
-
-
-
-
-XXVIII
-
-
- --«Haine! mort! je n’entends que ces mots, et des pleurs!
- Père! je meurs de voir tuer!»
-
- --«Regarde ailleurs.»
-
- --«Hélas! vieillard! devant tant d’horreurs amassées
- Toutes, à tout instant, par d’autres dépassées,
- Aucun de nos espoirs ne me reste certain,
- Je perds le goût de vivre et le sens du destin.
- Le monde entier me semble entré dans la démence.
- Comme un naufragé, seul, sur une mer immense,
- Désespérément nage, et cherche, autour de lui,
- Une épave, un débris flottant, un point d’appui,
- Et, n’en trouvant aucun, seul dans la grande houle,
- Tout seul contre les flots monstrueux,--sent qu’il coule,
- Je meurs à ma raison qui sombre avec ma foi.
- Si tu vois un vrai point fixe, montre-le-moi,
- Mais qui soit bien réel, non plus dans tes chimères.
- On égorge l’enfance! on fusille les mères!
- Guillaume a fait cela! le refera demain!
- Et qu’un prince vivant soit ce monstre inhumain,
- Sans qu’il tombe honni, dégradé par le nombre,
- Devant l’inexpliqué ma raison fuit... je sombre!
- Et, mourant sans honneur, vainement irrité,
- Ma faiblesse me semble une complicité!
-
- «Oh! lorsqu’on est l’esprit, la tendresse, la grâce,
- La France! et reine et libre, et guerrière de race,
- Riche, enviée, on a des périls à prévoir,
- Et se garder au monde est le premier devoir;
- Honneur du monde, on doit, plus belle d’être forte,
- Abriter, au milieu d’une invincible escorte,
- Ses droits et ses orgueils fièrement défendus,
- Sous un dais rayonnant fait de glaives tendus.
-
- «Sous la voûte d’acier n’être pas bien gardée,
- C’est offrir aux périls l’avenir de l’idée,
- Les noblesses de l’art, les bonheurs de l’amour,
- Tout ce qui rend si doux au cœur--l’éclat du jour.
-
- «Maintenant qu’une guerre interminable gronde,
- Où rencontrer, dans quel recoin du vaste monde,
- Puisqu’il faut qu’on massacre ou qu’on soit massacré,
- Un geste évangélique et pur, vraiment sacré,
- Le Christ en acte et non en mots gonflés d’emphase?
- L’heure n’est plus à l’art de cadencer la phrase;
- Montre-moi, si tu peux, un héros désarmé
- Qui, vrai soldat du Christ, ne veuille qu’être aimé.
-
- «Alors, tout en foulant cette fange sanglante,
- Vieillard, je pourrai croire à la victoire lente
- Mais sûre,--de ce Dieu qui, mort sur un sommet,
- Jamais ne nous revient et toujours se promet!»
-
- --«Eh bien, regarde, au plein milieu de la tuerie,
- Vois, penché sur les grands blessés, dont la chair crie,
- L’homme de paix, qui va les guérir par l’acier,
- Et dont le saint labeur est de s’apitoyer,
- De vaincre la souffrance et d’exalter la vie;
- Par lui, la charité, malgré tout, est servie;
- Ennemi de la mort qu’il attaque en soldat,
- Seul il défend l’esprit de paix, en plein combat.
-
- «Vestale des chrétiens, près de lui, l’infirmière
- Abrite, de sa main, l’amour--notre lumière.
-
- «Et parmi les effrois, le prêtre, à leur côté,
- Héroïque avec eux, sauve la charité.
-
- «Tant que ceux-là, souvent martyrs de l’Allemagne,
- Donneront aux horreurs la bonté pour compagne,
- Le globe pourra voir, du zénith au nadir,
- L’astre de Bethléem marcher et resplendir.»
-
-
-
-
-XXIX
-
-
- De hauts palmiers berçaient au vent leurs nobles palmes,
- Sur les bords en gradins d’une rade aux eaux calmes.
-
- Cela nous apparut comme un vibrant décor,
- Où dominait l’azur, où resplendissait l’or.
- De notre plateau nu, rocailleux et grisâtre,
- Nous admirions, comme un heureux fond de théâtre,
- La ville, dont les toits, les clochers et les tours,
- Encerclaient cette rade aux sinueux contours.
-
- Et le spectacle était d’une beauté parfaite.
-
- Pourtant, dans la cité qu’on aurait crue en fête,
- A qui tout souriait, mer pure et ciel serein,
- Les arsenaux, battant le fer, fondant l’airain,
- Travaillaient pour la mort, à l’appel de la guerre;
- Mais tout semblait aussi tranquille que naguère,
- D’abord par la vertu du climat souriant
- Où s’annonce déjà le charme d’Orient,
- Puis, parce que le cœur héroïque de France
- Poursuit son rythme, en guerre, en paix, sans différence,
- Et que, sûr de sa force, exalté par son droit,
- Il jouit du futur triomphe--auquel il croit.
-
- Nous avions sous nos yeux non pas un paysage,
- Mais l’âme de la France aimée,--et son visage,
- Tel qu’il était hier, tel qu’il sera demain,
- Lorsqu’on aura chassé le cauchemar germain.
-
- Le grand pavois flottait, triomphant par avance,
- En plein ciel libre, à bord du cuirassé PROVENCE,
- Qui saluait, du bruit tonnant de son canon,
- Le pays des lauriers, dont il porte le nom.
-
- Dans la montagne et les gorges les plus profondes,
- Ce tonnerre, en échos, roulait par larges ondes,
- Sans qu’on vît, même au loin, un nuage orageux.
- Cachée, et s’exerçant à ses terribles jeux,
- La mitrailleuse, exacte à scander ses rafales,
- Soufflait ce bruit que fait la mer, par intervalles,
- En roulant des galets qui se choquent entre eux.
-
- Dans l’air pur, tout fleuri de pavillons nombreux,
- De blancs oiseaux marins, les ailes toutes grandes,
- Entrelaçaient leurs vols en vivantes guirlandes,
- Sur cet éden réel, sur ce rêve enchanté.
-
- Et, devant ces splendeurs de suprême beauté,
- Le Mage s’écria:
-
- --«France, celte et latine,
- A tous les beaux destins ta beauté te destine!
-
- «O France! tu vaincras tes fauves ennemis.
- Ton triomphe certain commence; il est promis;
- Car il faut que le monde aille vers la lumière,
- Et c’est toi, vers l’amour, qui marches la première!
-
- «L’esprit germain est lourd, comme matériel,
- Et le tien est ailé comme l’oiseau du ciel.
-
- «O France! tu vaincras, car le monde veut vivre.
- La terre entière attend le verbe qui délivre,
- Et qu’il soit esprit libre ou sentiment chrétien,
- Le grand verbe d’amour sur terre, c’est le tien.»
-
- Entre ciel et mer, blanc, ses deux ailes tendues,
- Un hydroavion, roi des deux étendues,
- Planait,--et, pour nos cœurs, en ce siècle d’effrois,
- Moderne labarum, figurait une croix.
-
-
-
-
-XXX
-
-
- La vision fondit comme un reflet sous l’onde.
-
- Et nous étions tous deux, seuls, au sommet du monde.
-
- Le bruit sourd du canon lointain, à temps égaux,
- Ébranlait la montagne en frappant les échos:
- On eût dit le marteau d’un Titan dans sa forge.
-
- Auprès de nous, chantait un petit rouge-gorge;
- Sous la croix, sur ce haut désert plat, rocailleux,
- Il s’attaquait du bec aux dards des chardons bleus.
-
-
-
-
-XXXI
-
-
- Et l’univers n’était, sous nos yeux, qu’une plaine.
-
- Tel, au pied de la croix, Jean, près de Magdeleine,
- Le vieillard, sur le haut crucifix vermoulu,
- S’appuya, cette fois dans un geste voulu.
- Il mourait, et cherchait cet appui de son âme.
-
- Et de ses veux sa foi jaillit comme une flamme;
- Il sembla qu’elle allait allumer tout là-bas
- Des renouveaux d’espoir aux cœurs de nos soldats;
-
- Et l’on eût dit, au front du Sinaï, Moïse
- Lançant des feux lointains sur la Terre Promise,
- Et certain que les fils d’Israël la verront.
- Ses cheveux au soleil irradiaient son front;
- Sa barbe ruisselait dans le vent comme un fleuve:
- Et ses yeux contemplaient une humanité neuve,
- Préparée, à travers tant de siècles éteints,
- Par tous les rêves purs qu’on n’a jamais atteints.
-
- O Terre de l’amour! éternelle espérée!
-
- Or, sous la Croix, qui me parut démesurée,
- Le vieillard, tout à coup, en murmurant: «Je vois!»
- Tomba. Tout s’éteignit en lui, regards et voix...
-
- Et la Croix, sous mes yeux, parut grandir encore.
-
- Midi, plus rayonnant, mais plus frais qu’une aurore,
- Frappait d’aplomb sur nous et sur le Crucifix;
- Le Dieu mort promettait le triomphe à ses fils:
- Sur ses bras grands ouverts tombait tant de lumière,
- Que leur ombre enlaçait la terre tout entière.
-
-
-
-
-ACHEVÉ D’IMPRIMER
-
-SUR LES PRESSES DE L’IMPRIMERIE LAHURE
-
-LE 10 MARS 1916
-
-
-*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE TÉMOIN ***
-
-Updated editions will replace the previous one--the old editions will
-be renamed.
-
-Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright
-law means that no one owns a United States copyright in these works,
-so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the
-United States without permission and without paying copyright
-royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part
-of this license, apply to copying and distributing Project
-Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm
-concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark,
-and may not be used if you charge for an eBook, except by following
-the terms of the trademark license, including paying royalties for use
-of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for
-copies of this eBook, complying with the trademark license is very
-easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation
-of derivative works, reports, performances and research. Project
-Gutenberg eBooks may be modified and printed and given away--you may
-do practically ANYTHING in the United States with eBooks not protected
-by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the trademark
-license, especially commercial redistribution.
-
-START: FULL LICENSE
-
-THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
-PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
-
-To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
-distribution of electronic works, by using or distributing this work
-(or any other work associated in any way with the phrase "Project
-Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full
-Project Gutenberg-tm License available with this file or online at
-www.gutenberg.org/license.
-
-Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project
-Gutenberg-tm electronic works
-
-1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
-electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
-and accept all the terms of this license and intellectual property
-(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
-the terms of this agreement, you must cease using and return or
-destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your
-possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a
-Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound
-by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the
-person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph
-1.E.8.
-
-1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
-used on or associated in any way with an electronic work by people who
-agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
-things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
-even without complying with the full terms of this agreement. See
-paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
-Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this
-agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm
-electronic works. See paragraph 1.E below.
-
-1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the
-Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
-of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual
-works in the collection are in the public domain in the United
-States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
-United States and you are located in the United States, we do not
-claim a right to prevent you from copying, distributing, performing,
-displaying or creating derivative works based on the work as long as
-all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope
-that you will support the Project Gutenberg-tm mission of promoting
-free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg-tm
-works in compliance with the terms of this agreement for keeping the
-Project Gutenberg-tm name associated with the work. You can easily
-comply with the terms of this agreement by keeping this work in the
-same format with its attached full Project Gutenberg-tm License when
-you share it without charge with others.
-
-1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
-what you can do with this work. Copyright laws in most countries are
-in a constant state of change. If you are outside the United States,
-check the laws of your country in addition to the terms of this
-agreement before downloading, copying, displaying, performing,
-distributing or creating derivative works based on this work or any
-other Project Gutenberg-tm work. The Foundation makes no
-representations concerning the copyright status of any work in any
-country other than the United States.
-
-1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
-
-1.E.1. The following sentence, with active links to, or other
-immediate access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear
-prominently whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work
-on which the phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the
-phrase "Project Gutenberg" is associated) is accessed, displayed,
-performed, viewed, copied or distributed:
-
- This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
- most other parts of the world at no cost and with almost no
- restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it
- under the terms of the Project Gutenberg License included with this
- eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the
- United States, you will have to check the laws of the country where
- you are located before using this eBook.
-
-1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is
-derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not
-contain a notice indicating that it is posted with permission of the
-copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in
-the United States without paying any fees or charges. If you are
-redistributing or providing access to a work with the phrase "Project
-Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply
-either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or
-obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm
-trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9.
-
-1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
-with the permission of the copyright holder, your use and distribution
-must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any
-additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms
-will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works
-posted with the permission of the copyright holder found at the
-beginning of this work.
-
-1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
-License terms from this work, or any files containing a part of this
-work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
-
-1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
-electronic work, or any part of this electronic work, without
-prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
-active links or immediate access to the full terms of the Project
-Gutenberg-tm License.
-
-1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
-compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including
-any word processing or hypertext form. However, if you provide access
-to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format
-other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official
-version posted on the official Project Gutenberg-tm website
-(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense
-to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means
-of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain
-Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the
-full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1.
-
-1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
-performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
-unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
-
-1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
-access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works
-provided that:
-
-* You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
- the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
- you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed
- to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has
- agreed to donate royalties under this paragraph to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid
- within 60 days following each date on which you prepare (or are
- legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty
- payments should be clearly marked as such and sent to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in
- Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg
- Literary Archive Foundation."
-
-* You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
- you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
- does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
- License. You must require such a user to return or destroy all
- copies of the works possessed in a physical medium and discontinue
- all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm
- works.
-
-* You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of
- any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
- electronic work is discovered and reported to you within 90 days of
- receipt of the work.
-
-* You comply with all other terms of this agreement for free
- distribution of Project Gutenberg-tm works.
-
-1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project
-Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than
-are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing
-from the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the manager of
-the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the Foundation as set
-forth in Section 3 below.
-
-1.F.
-
-1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
-effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
-works not protected by U.S. copyright law in creating the Project
-Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm
-electronic works, and the medium on which they may be stored, may
-contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate
-or corrupt data, transcription errors, a copyright or other
-intellectual property infringement, a defective or damaged disk or
-other medium, a computer virus, or computer codes that damage or
-cannot be read by your equipment.
-
-1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
-of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
-Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
-Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
-liability to you for damages, costs and expenses, including legal
-fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
-LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
-PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
-TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
-LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
-INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
-DAMAGE.
-
-1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
-defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
-receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
-written explanation to the person you received the work from. If you
-received the work on a physical medium, you must return the medium
-with your written explanation. The person or entity that provided you
-with the defective work may elect to provide a replacement copy in
-lieu of a refund. If you received the work electronically, the person
-or entity providing it to you may choose to give you a second
-opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If
-the second copy is also defective, you may demand a refund in writing
-without further opportunities to fix the problem.
-
-1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
-in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO
-OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT
-LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
-
-1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
-warranties or the exclusion or limitation of certain types of
-damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement
-violates the law of the state applicable to this agreement, the
-agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
-limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
-unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
-remaining provisions.
-
-1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
-trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
-providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in
-accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
-production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm
-electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
-including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
-the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
-or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or
-additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any
-Defect you cause.
-
-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
-
-Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of
-computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
-from people in all walks of life.
-
-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
-assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
-goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
-remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg-tm and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at
-www.gutenberg.org
-
-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation
-
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
-U.S. federal laws and your state's laws.
-
-The Foundation's business office is located at 809 North 1500 West,
-Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up
-to date contact information can be found at the Foundation's website
-and official page at www.gutenberg.org/contact
-
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
-Literary Archive Foundation
-
-Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without
-widespread public support and donations to carry out its mission of
-increasing the number of public domain and licensed works that can be
-freely distributed in machine-readable form accessible by the widest
-array of equipment including outdated equipment. Many small donations
-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
-with these requirements. We do not solicit donations in locations
-where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
-DONATIONS or determine the status of compliance for any particular
-state visit www.gutenberg.org/donate
-
-While we cannot and do not solicit contributions from states where we
-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
-against accepting unsolicited donations from donors in such states who
-approach us with offers to donate.
-
-International donations are gratefully accepted, but we cannot make
-any statements concerning tax treatment of donations received from
-outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
-
-Please check the Project Gutenberg web pages for current donation
-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations. To
-donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
-
-Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works
-
-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
-distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of
-volunteer support.
-
-Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
-the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
-necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
-edition.
-
-Most people start at our website which has the main PG search
-facility: www.gutenberg.org
-
-This website includes information about Project Gutenberg-tm,
-including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
-subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
diff --git a/old/67867-0.zip b/old/67867-0.zip
deleted file mode 100644
index aa1cfd0..0000000
--- a/old/67867-0.zip
+++ /dev/null
Binary files differ
diff --git a/old/67867-h.zip b/old/67867-h.zip
deleted file mode 100644
index 3273c55..0000000
--- a/old/67867-h.zip
+++ /dev/null
Binary files differ
diff --git a/old/67867-h/67867-h.htm b/old/67867-h/67867-h.htm
deleted file mode 100644
index 39f17b9..0000000
--- a/old/67867-h/67867-h.htm
+++ /dev/null
@@ -1,2761 +0,0 @@
-<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN"
- "http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd">
-
-<html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" lang="fr" xml:lang="fr">
-<head>
-<meta http-equiv="Content-Type" content="text/html;charset=UTF-8" />
-<title>
- The Project Gutenberg eBook of Le Témoin, by Jean Aicard.
-</title>
-<link rel="coverpage" href="images/cover.jpg" />
-<style type="text/css">
-
-p { text-align: justify; line-height: 1.2em; text-indent: 1.5em;
- margin: .3em 0;}
-
-h1 { text-align: center; line-height: 1.5em; margin: 1em 0; }
-h2 { text-align: center; line-height: 1.5em; margin: 4em 0 2em 0; }
-
-div.c, p.c { text-align: center; line-height: 1.5em; text-indent: 0;
- margin: 1em 0; }
-
-.large { font-size: 130%; }
-.xlarge {font-size: 150%; }
-.small { font-size: 90%; }
-small { font-size: 80%; }
-
-.i { font-style: italic; }
-.i i, .i em, .roman { font-style: normal; }
-
-.sc { font-variant: small-caps; }
-
-.poetry { text-align: left; margin: 1em 0 1em 5%; }
-.stanza { margin-top: 1em; }
-.verse { padding-left: 20%; text-indent: -20%; }
-.i1 { text-indent: -16%; }
-.i2 { text-indent: -12%; }
-.i3 { text-indent: -8%; }
-.i4 { text-indent: -4%; }
-.i5 { text-indent: 0%; }
-.i6 { text-indent: 4%; }
-.i7 { text-indent: 8%; }
-.i8 { text-indent: 12%; }
-.i9 { text-indent: 16%; }
-.i10 { text-indent: 20%; }
-.i11 { text-indent: 24%; }
-
-
-blockquote.epi { margin: 1em 0 1em 40%; font-size: 90%; }
-
-span.fl { float: right; }
-li, .clr { clear: right; }
-
-.ind { margin: 1em 0 1em 10%; }
-.sign { margin: 1em 5% 1em 20%; text-align: right; }
-
-hr { width: 20%; margin: 1em 40%; }
-
-sup { font-size: smaller; vertical-align: 20%; }
-
-li { list-style: none; text-indent: -1.5em; padding-left: 1.5em; }
-
-
-table { margin: 1em auto; }
-td { vertical-align: top; }
-td.bot { vertical-align: bottom; }
-td.c div { text-align: center; }
-td.r div { text-align: right; }
-td.drap { text-indent: -1.5em; padding-left: 1.5em; text-align: left; }
-
-
-a { text-decoration: none; }
-
-div.gap, p.gap { margin-top: 2.5em; }
-.break, .chapter { margin-top: 4em; }
-
-img { max-width: 100%; }
-
-@media screen {
- body { max-width: 40em; width: 80%; margin: 0 auto; }
-}
-
-@media handheld {
- .break, .chapter { page-break-before: always; }
- .top2em { padding-top: 2em; }
- .top4em { padding-top: 4em; }
- .top6em { padding-top: 6em; }
- .nobreak { page-break-before: avoid; }
-}
-
-</style>
-</head>
-<body>
-<div lang='en' xml:lang='en'>
-<p style='text-align:center; font-size:1.2em; font-weight:bold'>The Project Gutenberg eBook of <span lang='fr' xml:lang='fr'>Le Témoin</span>, by Jean Aicard</p>
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
-most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
-of the Project Gutenberg License included with this eBook or online
-at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. If you
-are not located in the United States, you will have to check the laws of the
-country where you are located before using this eBook.
-</div>
-</div>
-
-<p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Title: <span lang='fr' xml:lang='fr'>Le Témoin</span></p>
-<p style='display:block; margin-left:2em; text-indent:0; margin-top:0; margin-bottom:1em;'><span lang='fr' xml:lang='fr'>1914-1916</span></p>
-<p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Author: Jean Aicard</p>
-<p style='display:block; text-indent:0; margin:1em 0'>Release Date: April 18, 2022 [eBook #67867]</p>
-<p style='display:block; text-indent:0; margin:1em 0'>Language: French</p>
- <p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em; text-align:left'>Produced by: Laurent Vogel (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))</p>
-<div style='margin-top:2em; margin-bottom:4em'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK <span lang='fr' xml:lang='fr'>LE TÉMOIN</span> ***</div>
-<p class="c"><span class="large">JEAN AICARD</span><br />
-<span class="small">de l’Académie française</span></p>
-
-<h1>LE TÉMOIN</h1>
-
-<p class="c">— 1914-1916 —</p>
-
-<blockquote class="epi">
-<p>A la guerre, tout est
-force morale.</p>
-
-<p class="sign"><span class="sc">Napoléon</span>.</p>
-
-<p>Courage, j’ai vaincu
-le monde.</p>
-
-<p class="sign"><span class="sc">Jésus-Christ</span>.</p>
-
-</blockquote>
-<p class="c gap"><span class="large">PARIS</span><br />
-ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR<br />
-26, <span class="small">RUE RACINE</span>, 26</p>
-
-<p class="c small">Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous les pays.</p>
-
-<div class="break"></div>
-
-<p class="c top2em">ŒUVRES DE JEAN AICARD</p>
-
-<p class="c"><i>Collection in-</i>18 <i>jésus à</i>
-<b>3</b> <i>fr.</i> <b>50</b> <i>le volume</i></p>
-
-
-<p class="c">ROMANS</p>
-
-<ul>
-<li><b>Le Pavé d’Amour</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Roi de Camargue</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>L’Été à l’Ombre</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>L’Ame d’un Enfant</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Notre-Dame d’Amour</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Diamant noir</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Fleur d’Abîme</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Malita</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>L’Ibis bleu</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Tata</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Benjamine</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Maurin des Maures</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>L’Illustre Maurin</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-</ul>
-<p class="c clr">POÉSIE</p>
-
-<ul>
-<li><b>Les jeunes Croyances</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Rébellions, Apaisements</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Poèmes de Provence</b> (cour. par l’Acad. fr.) <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>La Chanson de l’Enfant</b> (cour. par l’Acad. fr.) <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Miette et Noré</b> (cour. par l’Acad. fr. Prix Vitet) <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Lamartine</b> (cour. par l’Ac. Prix du budg.) <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Le Livre d’heures de l’Amour</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Visite en Hollande</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Le Dieu dans l’Homme</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Au Bord du Désert</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Le Livre des Petits</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Jésus</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-</ul>
-<p class="c">THÉATRE</p>
-
-<ul>
-<li><b>Au clair de la Lune</b> (un acte en vers) <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Pygmalion</b> (un acte en vers) <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Smilis</b> (4 actes en prose, à la Comédie-Française) <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Le Père Lebonnard</b> (4 actes en vers représentés à la
-Comédie-Française) <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Don Juan</b> <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Othello, le More de Venise</b> (5 actes en vers, représentés
-à la Comédie-Française). Portrait de Mounet-Sully, par
-Benjamin Constant <span class="fl">1 vol. 4 fr.</span></li>
-<li><b>La Légende du Cœur</b> (5 actes en vers représentés au Théâtre
-Antique d’Orange et au Théâtre Sarah-Bernhardt) <span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Le Manteau du Roi</b> (5 actes en vers représentés à la Porte-Saint-Martin)
-<span class="fl">1 vol.</span></li>
-<li><b>Théâtre</b>, tome I.</li>
-<li><b>Théâtre</b>, tome II.</li>
-</ul>
-
-<p class="c gap small">77572. — Imprimerie <span class="sc">Lahure</span>, rue de Fleurus, 9, à Paris.</p>
-
-<div class="break"></div>
-
-<p class="c top6em"><span class="large">A MA SŒUR</span><br />
-<span class="sc">Madame Jacqueline</span> LONCLAS<br />
-<i>morte le</i> 12 <i>juin</i> 1915</p>
-
-<div class="break"></div>
-
-<p class="ind top4em i">Chère grande sœur,</p>
-
-
-<p class="i">J’avais commencé ce poème en <span class="roman">1913</span>, et je t’en ai lu les
-douze premiers chants en <span class="roman">1914</span>, à la veille de cette guerre,
-qui, toute une année, fut ton tourment. Elle te fit dire, le
-jour où l’on l’apprit qu’un de nos jeunes amis était tombé
-sous les balles allemandes : — « Je sacrifierais volontiers le
-temps qui me reste à vivre, si ma mort pouvait sauver
-pareille jeunesse ! » Je sais pourtant avec quel chagrin tu
-te sentais arrachée lentement à mon infinie tendresse…</p>
-
-<p class="i">Ce poème, dont la guerre a modifié le plan, sans rien
-modifier des conclusions, je te le dédie, comme je t’ai dédié
-tous mes ouvrages, — car la mort ne m’a pas séparé de toi :
-ton âme plus que jamais inspire et soutient la mienne.</p>
-
-<p class="sign"><span class="sc">Jean Aicard</span>.</p>
-
-<p class="ind small i">La Garde (Var), Décembre <span class="roman">1915</span>.</p>
-
-<div class="break"></div>
-
-
-<p class="c small top4em">CE POÈME A ÉTÉ LU<br />
-POUR LA PREMIÈRE FOIS<br />
-A BORD DU CUIRASSÉ PROVENCE<br />
-EN PRÉSENCE DE MM. LES OFFICIERS RÉUNIS<br />
-LE 30 DÉCEMBRE 1915<br />
-ET<br />
-LES DEUX STROPHES SUIVANTES<br />
-EN SOUVENIR D’UNE COMMUNE ÉMOTION<br />
-ONT ÉTÉ COMMUNIQUÉES<br />
-A L’ÉQUIPAGE<br />
-PUIS INSCRITES<br />
-DUNE FAÇON DURABLE<br />
-A BORD DU CUIRASSÉ.</p>
-
-
-<div class="break"></div>
-
-<p class="c large top4em">AU CUIRASSÉ PROVENCE</p>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse small">TON PAVILLON ET TON CANON,</div>
-<div class="verse small">JE LES VOIS VAINQUEURS PAR AVANCE,</div>
-<div class="verse small">FIER VAISSEAU QUI PORTES LE NOM,</div>
-<div class="verse small">L’AME ET LE NOM DE LA PROVENCE.</div>
-
-<div class="verse stanza small">AME FRANÇAISE, NOM LATIN,</div>
-<div class="verse small">C’EST LÀ DEUX GRANDEURS DE L’HISTOIRE ;</div>
-<div class="verse small">ELLES T’ASSIGNENT TON DESTIN :</div>
-<div class="verse small">TU VAS NAVIGUER VERS LA GLOIRE.</div>
-</div>
-
-<p class="sign">J. A.</p>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak">TABLE DES TITRES</h2>
-
-
-<table summary="">
-<tr><td class="r"><div>I.</div></td>
-<td class="drap sc">— Dans le Crépuscule</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c1">1</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>II.</div></td>
-<td class="drap sc">— La Rencontre</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c2">5</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>III.</div></td>
-<td class="drap sc">— Les Lassitudes</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c3">7</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>IV.</div></td>
-<td class="drap sc">— Dans la Nuit</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c4">11</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>V.</div></td>
-<td class="drap sc">— Les Présages</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c5">15</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>VI.</div></td>
-<td class="drap sc">— L’Invective</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c6">19</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>VII.</div></td>
-<td class="drap sc">— Le Témoin</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c7">27</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>VIII.</div></td>
-<td class="drap sc">— Christophore</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c8">31</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>IX.</div></td>
-<td class="drap sc">— L’Amour</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c9">35</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>X.</div></td>
-<td class="drap sc">— L’Aurore</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c10">41</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XI.</div></td>
-<td class="drap sc">— C’est le Passé</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c11">43</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XII.</div></td>
-<td class="drap sc">— La Chaîne</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c12">47</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XIII.</div></td>
-<td class="drap sc">— La Tempête</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c13">51</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XIV.</div></td>
-<td class="drap sc">— Aux Armes !</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c14">57</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XV.</div></td>
-<td class="drap sc">— Le Doute</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c15">63</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XVI.</div></td>
-<td class="drap sc">— Sous le Soleil</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c16">69</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XVII.</div></td>
-<td class="drap sc">— Vers l’Unité</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c17">73</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XVIII.</div></td>
-<td class="drap sc">— La Croisade</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c18">79</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XIX.</div></td>
-<td class="drap sc">— La grande Menace</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c19">85</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XX.</div></td>
-<td class="drap sc">— Le Miracle</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c20">91</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XXI.</div></td>
-<td class="drap sc">— Les Morts</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c21">95</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XXII.</div></td>
-<td class="drap sc">— L’Idéal</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c22">99</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XXIII.</div></td>
-<td class="drap sc">— La Bonne Lorraine</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c23">101</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XXIV.</div></td>
-<td class="drap sc">— Odeur d’Ames</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c24">103</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XXV.</div></td>
-<td class="drap sc">— Debout, les Morts !</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c25">105</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XXVI.</div></td>
-<td class="drap sc">— Le Christ Allemand</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c26">115</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XXVII.</div></td>
-<td class="drap sc">— La Vérité</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c27">121</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XXVIII.</div></td>
-<td class="drap sc">— Les Désarmés</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c28">125</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XXIX.</div></td>
-<td class="drap sc">— Force et Sérénité</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c29">131</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XXX.</div></td>
-<td class="drap sc">— Le Rouge-Gorge</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c30">137</a></div></td></tr>
-<tr><td class="r"><div>XXXI.</div></td>
-<td class="drap sc">— La Terre promise</td>
-<td class="bot r"><div><a href="#c31">139</a></div></td></tr>
-</table>
-<div class="chapter"></div>
-
-<p class="c xlarge">LE TÉMOIN</p>
-
-
-
-
-<h2 class="nobreak" id="c1" title="I. — Dans le Crépuscule">I</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">C’était l’heure où, les yeux et le cœur pleins de doute,</div>
-<div class="verse">Le marcheur devant lui voit s’effacer sa route,</div>
-<div class="verse">Et, serrant son bâton comme une arme en sa main,</div>
-<div class="verse">Cherche un gîte où dormir, en espérant demain.</div>
-
-<div class="verse stanza">C’était l’heure où l’on sent sa lassitude, l’heure</div>
-<div class="verse">Où l’on sent mieux qu’il faut que toute chose meure ;</div>
-<div class="verse">Heure auguste, où le froid qu’exhalent les tombeaux</div>
-<div class="verse">Mêle une inquiétude au désir du repos,</div>
-<div class="verse">Submerge les contours et les couleurs des choses,</div>
-<div class="verse">Et, de la plaine, aux pics neigeux, saignants et roses,</div>
-<div class="verse">Marée étrange, monte — et, lourde de sommeil,</div>
-<div class="verse">Couvre sur l’horizon la gloire du soleil.</div>
-
-<div class="verse stanza">Aux temps païens, quand sur nos chemins tombait l’ombre,</div>
-<div class="verse">Quand les astres, qui sont les figures du Nombre</div>
-<div class="verse">Et du Rythme, un à un, s’allumaient dans le ciel,</div>
-<div class="verse">Les dieux, termes concrets de l’immatériel,</div>
-<div class="verse">Muses, nymphes, tritons, les grâces et les forces,</div>
-<div class="verse">Lentement s’échappaient des rochers, des écorces,</div>
-<div class="verse">Et des mers, pour charmer les soirs mystérieux…</div>
-
-<div class="verse stanza">L’approche de la nuit était l’heure des dieux.</div>
-<div class="verse">Heure infinie, affreuse et tranquille, pareille</div>
-<div class="verse">A celle où, se parlant de Jésus, mort la veille,</div>
-<div class="verse">Deux pèlerins, dont l’un se nommait Cléophas,</div>
-<div class="verse">Sur la route déserte où résonnait leur pas,</div>
-<div class="verse">Dans la lente ténèbre où, sans voir, l’œil devine,</div>
-<div class="verse">Virent soudain près d’eux, ombre humaine et divine,</div>
-<div class="verse">Un inconnu surgir, étrange compagnon</div>
-<div class="verse">Dont ils sentaient l’amour sans connaître son nom.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c2" title="II. — La Rencontre">II</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">C’était cette même heure, et, venant de la ville,</div>
-<div class="verse">Je regagnais mon champ, la maison, mon asile,</div>
-<div class="verse">D’un pas de plus en plus inquiet et pressé,</div>
-<div class="verse">Quand, devant moi, parut, spectre obscur et lassé,</div>
-<div class="verse">Un mendiant très vieux, qui portait à grand’peine,</div>
-<div class="verse">Tout seul, toute l’horreur de la misère humaine.</div>
-<div class="verse">Malgré l’ombre, où mourait encore un peu du jour,</div>
-<div class="verse">Je le voyais pliant sous ce fardeau trop lourd.</div>
-<div class="verse">Un bâton soutenait l’effort de son courage ;</div>
-<div class="verse">Et, fouettant son manteau déchiqueté par l’âge,</div>
-<div class="verse">Sa barbe aux flots tordus semblait, drapeau vivant,</div>
-<div class="verse">Un haillon de douleur que déchire le vent.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c3" title="III. — Les Lassitudes">III</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Un vieil usage veut, au pays de mes pères,</div>
-<div class="verse">Que, le soir, quand les loups sortent de leurs repaires,</div>
-<div class="verse">On souhaite la paix aux passants inconnus.</div>
-<div class="verse">Donc, lorsque je joignis ce vieillard aux pieds nus,</div>
-<div class="verse">Je formulai le vœu qu’un salut accompagne,</div>
-<div class="verse">Puis j’ajoutai : — « L’orage assombrit la campagne ;</div>
-<div class="verse">Allez-vous loin, par ces chemins très écartés ?</div>
-<div class="verse">Je puis — le voulez-vous ? — marcher à vos côtés. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Soyez remercié, bon passant, mais j’ignore,</div>
-<div class="verse">Chaque soir, en quel lieu me trouvera l’aurore :</div>
-<div class="verse">Marcher ce soir, demain, toujours, c’est mon destin ;</div>
-<div class="verse">Et j’arrive du fond d’un passé si lointain</div>
-<div class="verse">Que ma lassitude est sans mesure ; je porte</div>
-<div class="verse">Tous les maux et l’espoir de l’humanité morte. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Vous ne m’étonnez point, car moi-même, ô passant,</div>
-<div class="verse">Je me plains comme vous parfois ; en vieillissant,</div>
-<div class="verse">On croit porter en soi l’âme même du monde ;</div>
-<div class="verse">On sent partout la noire éternité profonde ;</div>
-<div class="verse">On a tout vu, tout lu, tout souffert, on est las,</div>
-<div class="verse">Et le vœu de mourir alourdit tous nos pas. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Je dis, et regardai mon compagnon de route ;</div>
-<div class="verse">Son dos, quoique bombé comme l’arc d’une voûte,</div>
-<div class="verse">Maintenant semblait jeune et ses pas résolus,</div>
-<div class="verse">Et je ne sais pourquoi je ne le plaignais plus :</div>
-<div class="verse">On l’eût dit plein de force, et que son âme seule</div>
-<div class="verse">Portât l’expérience et l’âge d’une aïeule,</div>
-<div class="verse">Quand son corps résistait sans peine au poids des temps.</div>
-<div class="verse">A chaque pas, ses pieds, tout à l’heure hésitants,</div>
-<div class="verse">Plus raffermis, semblaient prendre, par un mystère,</div>
-<div class="verse">Un élan de jeunesse au contact de la terre.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il me dit : — « De quel droit un dégoût si profond ?</div>
-<div class="verse">L’œuvre lente et sans fin que de longs siècles font,</div>
-<div class="verse">Aucun siècle n’en voit au loin toute la trame :</div>
-<div class="verse">Un instant, joie ou peine, occupe seul votre âme,</div>
-<div class="verse">Comme le site étroit, dans un bois spacieux,</div>
-<div class="verse">Fourré sombre ou clairière, occupe seul nos yeux. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c4" title="IV. — Dans la Nuit">IV</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il dit. Nous cheminions dans la longue vallée,</div>
-<div class="verse">Sous la nuit orageuse et comme désolée.</div>
-<div class="verse">Au ciel, pas un éclair, pas un petit point d’or ;</div>
-<div class="verse">Le mont pourtant s’y découpait plus noir encor ;</div>
-<div class="verse">Nos sentiers rocailleux, contournant la montagne,</div>
-<div class="verse">Étaient noirs ; pas un feu, dans toute la campagne,</div>
-<div class="verse">N’annonçait la douceur des asiles humains ;</div>
-<div class="verse">Et la nuit transformait en gouffres nos chemins.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il dit : — « Que souffre-t-on qui soit plus qu’une peine,</div>
-<div class="verse">Tant que l’on n’a vécu rien qu’une vie humaine ? »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « C’est avoir tout souffert qu’avoir subi l’amour,</div>
-<div class="verse">Dis-je ; c’est l’éternel enfer en un seul jour !</div>
-<div class="verse">Né du désir, toujours déçu, de tout connaître,</div>
-<div class="verse">L’amour, faux prometteur de joie, attire un être</div>
-<div class="verse">Comme l’aimant fatal attire un brin de fer.</div>
-<div class="verse">L’amour, qui soumet l’âme aux frissons de la chair,</div>
-<div class="verse">Et nous fait accepter l’horreur de nous survivre,</div>
-<div class="verse">Est un vin traître dont l’odeur vireuse enivre.</div>
-<div class="verse">L’homme, meilleur que Dieu, voudrait, mais veut en vain,</div>
-<div class="verse">Mêler aux âpretés de ce perfide vin</div>
-<div class="verse">Un miel que la nature ignore : la tendresse ;</div>
-<div class="verse">Seules, les voluptés sont donneuses d’ivresse,</div>
-<div class="verse">Et, fier de piétiner des flancs nus, de beaux seins,</div>
-<div class="verse">Comme le vendangeur écrase les raisins,</div>
-<div class="verse">L’amant ivre, brutal et cruel par nature,</div>
-<div class="verse">Sans pitié comme Dieu, foule la créature !</div>
-<div class="verse">La tendresse eût voulu poser, comme une sœur,</div>
-<div class="verse">Sur un front douloureux son charme de douceur ;</div>
-<div class="verse">Le dévoûment, son baume apaisant sur la plaie ;</div>
-<div class="verse">Mais devant la laideur, le lâche amour s’effraie</div>
-<div class="verse">Et se détourne… il faut des corps neufs au désir !</div>
-<div class="verse">Le Minotaure, entre les vierges, veut choisir,</div>
-<div class="verse">Et ce dragon, aussi nombreux que nous le sommes,</div>
-<div class="verse">Renaît sans cesse au cœur des femmes et des hommes,</div>
-<div class="verse">Et la moitié du monde, en un rut sans pitié,</div>
-<div class="verse">Férocement affronte et mord l’autre moitié !</div>
-<div class="verse">A peine si, parfois, un tendre et triste couple</div>
-<div class="verse">Par les sentiers perdus s’enlace d’un bras souple ;</div>
-<div class="verse">Les autres, se roulant à terre, n’ont en eux</div>
-<div class="verse">Que des tourments jaloux et des amours haineux ;</div>
-<div class="verse">Et telle, subissant la destinée aveugle</div>
-<div class="verse">Qui livre au taureau fou la génisse qui meugle,</div>
-<div class="verse">La vie en gémissant se terrasse et se mord,</div>
-<div class="verse">Et s’enfante à jamais pour l’amour et la mort ! »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c5" title="V. — Les Présages">V</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « Parmi les maux sans fin dont l’éternité pleure,</div>
-<div class="verse">Enfant, tu n’as souffert que les tiens, et qu’une heure ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Je lui dis : — « J’ai souffert aussi les maux d’autrui :</div>
-<div class="verse">Comme l’humanité, je traîne, dans la nuit,</div>
-<div class="verse">Sous le ciel dont l’affreux silence nous menace,</div>
-<div class="verse">Un reste douloureux d’espérance tenace.</div>
-<div class="verse">Oui, j’espère en un rêve auquel je ne crois pas,</div>
-<div class="verse">Et le vœu de mourir alourdit tous mes pas.</div>
-<div class="verse">Il sera doux, l’instant où la morne inconnue</div>
-<div class="verse">Entre ses bras terreux dissoudra ma chair nue ;</div>
-<div class="verse">Où ma chair cessera de redouter l’amour ;</div>
-<div class="verse">Où, ne regrettant rien, qu’un peu l’éclat du jour,</div>
-<div class="verse">Je dormirai content de ne plus voir l’envie,</div>
-<div class="verse">Acharnée et mordant sur la plus belle vie,</div>
-<div class="verse">Insulter ou nier les plus nobles efforts.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Oui, j’appelle à grands cris la paix, la paix des morts,</div>
-<div class="verse">Puisqu’il n’est pas d’amour certain ni de justice !</div>
-<div class="verse">Oui, j’invoque le pur néant, seul dieu propice !</div>
-<div class="verse">Un Autre avait promis à ce monde d’effrois</div>
-<div class="verse">Qu’il viendrait apaiser les peuples et les rois,</div>
-<div class="verse">Les courber sous sa main, les unir sous son règne ;</div>
-<div class="verse">Mais Celui-là n’est plus qu’une image qui saigne</div>
-<div class="verse">Et montre à l’univers un flanc déchiqueté !</div>
-<div class="verse">Son cœur n’est qu’une plaie ouverte à son côté,</div>
-<div class="verse">Et c’est comme une bouche effroyable et plaintive</div>
-<div class="verse">Qui crie en vain : « Seigneur ! que votre règne arrive ! »</div>
-<div class="verse">Rien, rien ne lui répond, qu’un silence infini,</div>
-<div class="verse">Le même au Golgotha que sur Gethsémani !</div>
-<div class="verse">Il s’est trompé, Celui qui disait : « Paix sur terre ! »</div>
-<div class="verse">Sur le mont déserté la croix est solitaire ;</div>
-<div class="verse">La Guerre à l’œil de brute, au front dur et têtu,</div>
-<div class="verse">Piétine, dans le sang, sur le temple abattu !</div>
-<div class="verse">Les vrais rois sont ceux-là qui, brandissant l’épée,</div>
-<div class="verse">Fouaillent comme un troupeau l’humanité dupée ;</div>
-<div class="verse">Le monde horrible attend les pires lendemains ;</div>
-<div class="verse">La haine arme partout les enfants des humains ;</div>
-<div class="verse">Les femmes, autrefois des mères attendries,</div>
-<div class="verse">Contre l’antique époux se dressent en furies :</div>
-<div class="verse">Et Celui qui promit au monde la pitié,</div>
-<div class="verse">Aux mains des flagellants n’est qu’un fou châtié !</div>
-<div class="verse">Il est traqué, raillé, chassé de tous ses temples,</div>
-<div class="verse">Exemple mémorable, entre tous les exemples,</div>
-<div class="verse">De l’inutilité d’avoir, — seul, au milieu</div>
-<div class="verse">Des hommes vils, — la grâce et la beauté d’un Dieu ! »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c6" title="VI. — L’Invective">VI</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">A ces mots, tout le ciel craqua comme une voûte</div>
-<div class="verse">Qui tout à coup s’entr’ouvre en se lézardant toute :</div>
-<div class="verse">Et des gouffres de feu parurent au travers,</div>
-<div class="verse">Par des trous aussitôt refermés qu’entr’ouverts.</div>
-<div class="verse">L’occident noir poussait, au-dessus de nos têtes,</div>
-<div class="verse">Les nuages, coursiers qui, fouettés des tempêtes,</div>
-<div class="verse">Paraissaient secouer des flammes dans leur crin ;</div>
-<div class="verse">Sous leur galop, le ciel fut comme un pont d’airain</div>
-<div class="verse">Qui vibre en sons profonds qu’un écho sourd prolonge ;</div>
-<div class="verse">Et, tout haut, malgré moi, je disais, comme en songe :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « N’est-il pas fou, ce dieu, — quand tout doit démentir</div>
-<div class="verse">Sa doctrine, sa vie et sa mort de martyr,</div>
-<div class="verse">(Et qui le sait ! et qui connaît la race humaine !)</div>
-<div class="verse">D’annoncer aux humains sa victoire certaine ?</div>
-<div class="verse">A peine intelligible à notre humanité,</div>
-<div class="verse">N’est-il pas fou de croire à l’homme racheté ?</div>
-<div class="verse">Fou de croire qu’un jour tous iront dans sa voie ?</div>
-<div class="verse">Et sa mort, — au sommet d’un mont, pour qu’on la voie</div>
-<div class="verse">De tous les horizons, — sa mort sur ce haut lieu,</div>
-<div class="verse">N’est-elle pas vraiment la défaite de Dieu ?</div>
-<div class="verse">Elle est la grande preuve, éclatante, achevée,</div>
-<div class="verse">Qu’en lui l’amour ne fut qu’une splendeur rêvée !</div>
-<div class="verse">O Golgotha ! sommet de honte ! pilori</div>
-<div class="verse">Où l’unique Bonté jette en vain son grand cri !</div>
-<div class="verse">Monument d’infamie, où l’illusion sainte</div>
-<div class="verse">Pousse éternellement son inutile plainte !</div>
-<div class="verse">Trône où l’Envie, assise, heureuse, fouet en main,</div>
-<div class="verse">Incarnant tout le lâche et hideux genre humain,</div>
-<div class="verse">Tient sa cour de bourreaux, qui ricane autour d’elle !</div>
-<div class="verse">Piédestal odieux de la haine immortelle</div>
-<div class="verse">Qui brandit, en riant, les marteaux et les clous !</div>
-<div class="verse">Autel où l’agneau blanc s’offre en victime aux loups !</div>
-<div class="verse">Comment peux-tu paraître à l’humaine mémoire</div>
-<div class="verse">La cime où Dieu le Juste achève sa victoire ?</div>
-<div class="verse">La justice avec lui fut roulée au linceul ;</div>
-<div class="verse">On entrevoit l’amour dans le rêve d’un seul,</div>
-<div class="verse">Mais on veut oublier l’abandon des apôtres :</div>
-<div class="verse">Le renîment de Pierre et la fuite des autres.</div>
-<div class="verse">Et deux mille ans plus tard, ô Jésus mort pour nous,</div>
-<div class="verse">On cherche sous ta croix un fidèle à genoux ;</div>
-<div class="verse">Car les pharisiens, qui font semblant de croire</div>
-<div class="verse">A ton pouvoir d’amour, le savent illusoire.</div>
-<div class="verse">Le bataillon sacré, tes chevaliers, soutiens</div>
-<div class="verse">Du trône et de l’autel, ces deux pôles chrétiens,</div>
-<div class="verse">Ceux-là, les prétendus servants de ta doctrine,</div>
-<div class="verse">Qui la disent encore efficace et divine,</div>
-<div class="verse">Ceux qui t’appellent Dieu de pitié, Dieu le Fils,</div>
-<div class="verse">Et brodent saintement ta bannière de lys,</div>
-<div class="verse">Tes derniers pèlerins, à peine quelques hommes,</div>
-<div class="verse">Nous connaissant mauvais et vils, tels que nous sommes,</div>
-<div class="verse">Tout en te proclamant vainqueur, ô dieu vaincu,</div>
-<div class="verse">Voient bien qu’en vain leur dieu sur la terre a vécu</div>
-<div class="verse">En homme, — et que ta mort n’a pas sauvé les mondes !</div>
-<div class="verse">Et t’invoquant toujours, sans que tu leur répondes,</div>
-<div class="verse">Ils appellent sur nous, châtiment mérité,</div>
-<div class="verse">Un dieu-soldat, l’épée en main, casqué, botté,</div>
-<div class="verse">Qui foule, sous des pieds sanglants, l’âme elle-même,</div>
-<div class="verse">Pour être, et non plus toi ! le chef, le dieu suprême.</div>
-<div class="verse">… Tes espoirs infinis sont-ils assez déçus !</div>
-<div class="verse">Quelle erreur fut égale à la tienne, ô Jésus !</div>
-<div class="verse">Oh ! si du moins, quand sur ton gibet ton sang coule,</div>
-<div class="verse">Un seul cri de pitié s’élevait de la foule !</div>
-<div class="verse">Mais qu’espérais-tu donc de ce peuple au cœur bas ?</div>
-<div class="verse">Son ami n’est jamais Jésus ; c’est Barrabas !</div>
-<div class="verse">Mendiant de pitié sans pitié pour lui-même,</div>
-<div class="verse">Il ne sert pas l’amour et demande qu’on l’aime !</div>
-<div class="verse">A peine si le bon pasteur sauva parfois</div>
-<div class="verse">Quelque errante brebis accourue à sa voix ;</div>
-<div class="verse">Le reste n’obéit qu’au chien puissant qui gronde ;</div>
-<div class="verse">Et, veule, piétinant dans sa fange profonde,</div>
-<div class="verse">La foule est un troupeau qui bêle vers la mort !</div>
-<div class="verse">Que si, rebelle un jour aux caprices du fort,</div>
-<div class="verse">Un peuple, en justicier, tout à coup se redresse,</div>
-<div class="verse">Lui qui, dans l’esclavage, invoquait ta tendresse,</div>
-<div class="verse">Lui, doux vaincu d’hier, devient un dur vainqueur !</div>
-<div class="verse">Dès qu’il a la victoire au nom des droits du cœur,</div>
-<div class="verse">En hâte il les abjure, et sous ses pieds les broie :</div>
-<div class="verse">Le doux agneau bêlant devient bête de proie.</div>
-<div class="verse">Et c’est ainsi toujours qu’un juste révolté</div>
-<div class="verse">Rend aux tyrans déchus un droit d’iniquité.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Ta statue était d’or avec des pieds d’argile,</div>
-<div class="verse">Christ ! Deux mille ans après l’aube de l’Évangile,</div>
-<div class="verse">Tes prétendus chrétiens, sur l’univers à feu</div>
-<div class="verse">Et à sang, blasphémant l’humanité de Dieu,</div>
-<div class="verse">Relèvent Sabaoth, que leur folie adore,</div>
-<div class="verse">Et dont la rouge gloire efface ton aurore !</div>
-<div class="verse">Il s’est aussi fait homme ; il est le dieu rival ;</div>
-<div class="verse">Tu passais sur un âne : il te nargue à cheval !</div>
-<div class="verse">Les hommes fascinés, glorieux dans la honte,</div>
-<div class="verse">Baisent les durs sabots de la bête qu’il monte.</div>
-<div class="verse">C’est lui que l’on invoque à toute heure et partout ;</div>
-<div class="verse">Son image de bronze est la seule debout ;</div>
-<div class="verse">Tout puissant ou martyr, lui qu’en tremblant on nomme,</div>
-<div class="verse">C’est lui qu’on voudrait être ou subir : le surhomme,</div>
-<div class="verse"><span class="sc">Napoléon</span> ! C’est lui, lui seul, le roi des rois !</div>
-<div class="verse">En un hochet de guerre il a changé ta croix ;</div>
-<div class="verse">Et nul n’en peut parler, sans qu’une voix réponde :</div>
-<div class="verse">« C’est lui le vrai sauveur, le vrai maître du monde</div>
-<div class="verse">« C’est lui le dieu d’hier et le dieu de demain,</div>
-<div class="verse">« Qui règne et tient le globe étoilé dans sa main.</div>
-<div class="verse">« Il ressuscitera selon la prophétie ;</div>
-<div class="verse">« C’est le mort qu’on attend toujours, le vrai Messie… »</div>
-
-<div class="verse stanza">« J’ai tout vu, j’ai tout lu, tout souffert ; je suis las,</div>
-<div class="verse">Et le vœu de mourir appesantit mes pas… »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c7" title="VII. — Le Témoin">VII</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « Un livre, dit le vieil homme, est l’ombre d’un songe</div>
-<div class="verse">Où, sans voix ni couleur, le passé se prolonge.</div>
-<div class="verse">Ce sont des siècles, non des livres, que j’ai lus :</div>
-<div class="verse">Bien des maux sont soufferts — que l’on ne verra plus. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Quand il se tut, la foudre errait encor, lointaine ;</div>
-<div class="verse">Puis un éclair muet illumina la plaine.</div>
-<div class="verse">Le vent faiblit ; sous des nuages moins épais,</div>
-<div class="verse">Les grands bois frissonnants sentaient venir la paix.</div>
-
-<div class="verse stanza">Il dit :</div>
-<div class="verse i2">— « Je vois encor Jésus, devant ma porte,</div>
-<div class="verse">Tomber sur ses genoux avec la croix qu’il porte.</div>
-<div class="verse">Croyant son œuvre folle et son martyre vain,</div>
-<div class="verse">Moi, fou, j’ai comme vous raillé l’homme divin.</div>
-<div class="verse">Lui, ne m’a point maudit ; il n’a maudit personne,</div>
-<div class="verse">Étant toujours celui qui bénit et pardonne,</div>
-<div class="verse">Mais il m’a regardé de son regard touchant,</div>
-<div class="verse">Doux à qui le menace et tendre au plus méchant,</div>
-<div class="verse">Et ce regard disait : « Tout passe : je demeure.</div>
-<div class="verse">« Comment juger les temps, lorsqu’on ne vit qu’une heure ?</div>
-<div class="verse">« Je n’ai pas mérité ton rire et ton affront…</div>
-<div class="verse">« C’est pourquoi tu vivras, quand les siècles mourront ;</div>
-<div class="verse">« Ainsi tu pourras, fût-ce après deux mille ans d’âge,</div>
-<div class="verse">« Vieux comme un monde, ô Juif, me rendre témoignage.</div>
-<div class="verse">« Tu marcheras sans halte, et partout, de tes yeux,</div>
-<div class="verse">« Partout tu pourras voir mon pas mystérieux.</div>
-<div class="verse">« Tu ne t’arrêteras, mort, dans ma paix profonde,</div>
-<div class="verse">« Que le jour où j’aurai soumis l’âme du monde. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c8" title="VIII. — Christophore">VIII</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Un nuage s’ouvrit, au zénith, lentement,</div>
-<div class="verse">Par où nous souriait un peu du firmament ;</div>
-<div class="verse">Puis la lune, en ce coin d’espace, parut toute,</div>
-<div class="verse">Éclairant de pâleurs mon compagnon de route.</div>
-
-<div class="verse stanza">Ce vieillard, moins que moi lamentable, et moins las,</div>
-<div class="verse">Et qui pourtant portait un monde, comme Atlas,</div>
-<div class="verse">Ayant levé le front, parut grandir encore.</div>
-<div class="verse">Je songeai : « Ce n’est point Atlas, c’est Christophore !</div>
-<div class="verse">Il porte un souvenir plus lourd qu’un Christ-enfant,</div>
-<div class="verse">Un dieu qu’on dit vaincu, mais qu’il croit triomphant ;</div>
-<div class="verse">Vingt siècles de combats pour la croix ou contre elle… »</div>
-
-<div class="verse stanza">Il reprit, de sa voix calme et surnaturelle :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Je marche sans repos, pour être le Témoin.</div>
-<div class="verse">Derrière moi, le jour où je partis est loin,</div>
-<div class="verse">Plus loin peut-être encore est devant moi ma halte ;</div>
-<div class="verse">Mais ma foi dans le jour qui m’est promis, m’exalte,</div>
-<div class="verse">Et lorsque, par moments, les peuples plus heureux</div>
-<div class="verse">Ont des princes moins durs ou moins de haine entre eux,</div>
-<div class="verse">Alors, je sens venir la paix, et, comme une onde,</div>
-<div class="verse">En mes veines courir la jeunesse du monde ;</div>
-<div class="verse">Un jeune espoir joyeux marche avec mes pieds lents ;</div>
-<div class="verse">Pour le monde et pour moi, qu’est-ce que deux mille ans ?</div>
-<div class="verse">J’ai deux mille ans, j’ai vu Lutèce et les deux Rome,</div>
-<div class="verse">Et les hommes mourir, mais vivre et grandir l’Homme,</div>
-<div class="verse">Car l’Homme a la durée et chacun n’a qu’un jour.</div>
-<div class="verse">Les générations font, chacune à son tour,</div>
-<div class="verse">En criant vers le ciel, leur chemin vers l’abîme…</div>
-<div class="verse">Or, tout mortel, n’ayant que sa minute infime,</div>
-<div class="verse">Nomme ses moindres maux le comble des malheurs,</div>
-<div class="verse">Et ne reconnaît pas si les temps sont meilleurs ;</div>
-<div class="verse">Mais moi qui mesurai les horreurs de la vie</div>
-<div class="verse">Sur la route au tombeau par vingt siècles suivie,</div>
-<div class="verse">Moi qui raillai Jésus tombé sur le chemin,</div>
-<div class="verse">Je sens mon cœur plus large et l’homme plus humain.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Qui laisserait Jésus, à l’époque présente,</div>
-<div class="verse">Cheminer sans secours sous la croix écrasante ?</div>
-<div class="verse">Depuis l’heure où le grand crime fut accompli,</div>
-<div class="verse">La croix n’est-elle pas un supplice aboli ?</div>
-<div class="verse">Le juge, en condamnant, n’est-il pas moins sévère ?</div>
-<div class="verse">Les fils du bon larron béni sur le Calvaire</div>
-<div class="verse">Connaissent-ils encor l’<span lang="la" xml:lang="la">in-pace</span> ténébreux ?</div>
-<div class="verse">Les engins de terreur, toujours dressés contre eux,</div>
-<div class="verse">Coins et poires d’angoisse, et toutes les tortures ?</div>
-
-<div class="verse stanza">« La loi se fait clémente aux pires créatures ;</div>
-<div class="verse">L’arbre infâme est en fleurs… L’ombre est douce, ô mon fils,</div>
-<div class="verse">Qui sur nous et sur tous — tombe du crucifix. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c9" title="IX. — L’Amour">IX</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Sur les pics où le bord du firmament repose,</div>
-<div class="verse">Une lente lueur, blanche d’abord, puis rose,</div>
-<div class="verse">Ondulante, marqua les lignes d’horizon.</div>
-<div class="verse">Et, devinant au loin le toit de ma maison :</div>
-<div class="verse">— « Le repos nous attend sur ma terrasse haute,</div>
-<div class="verse">Lui dis-je, sous la treille où vous serez mon hôte. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Lointain, les yeux perdus, il ne m’écoutait pas,</div>
-<div class="verse">Et c’est son rêve seul qu’il suivait à grands pas.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « L’amour, dit-il (et sa voix grave était plus grave),</div>
-<div class="verse">C’est le maître insolent qui deviendra l’esclave.</div>
-<div class="verse">Les loups dans les forêts, les ours, même les cerfs,</div>
-<div class="verse">Et, dans les sables roux, les lions des déserts,</div>
-<div class="verse">Avec des cris haineux, pris de fureur jalouse,</div>
-<div class="verse">Bramant ou rugissant d’amour, mordent l’épouse ;</div>
-<div class="verse">Les hommes font comme eux, et leurs désirs grondants,</div>
-<div class="verse">Fauves hargneux, ne sont que griffes et que dents.</div>
-<div class="verse">La griffe rétractile, ayant guetté, veut prendre ;</div>
-<div class="verse">La dent se réjouit d’entrer dans la chair tendre ;</div>
-<div class="verse">Qu’importe au cerf ardent, lascif et furieux,</div>
-<div class="verse">L’inutile refus de la biche aux grands yeux ?</div>
-<div class="verse">En proie au faux amour, l’âme en vain crie et saigne,</div>
-<div class="verse">Et la tendresse humaine attend toujours son règne.</div>
-<div class="verse">C’est pourquoi, détournant des hommes mon regard,</div>
-<div class="verse">J’ai cherché l’homme — et vu, calme et chaste, à l’écart,</div>
-<div class="verse">Le couple pur errer sous la forêt ombreuse.</div>
-<div class="verse">J’ai vu, sur un seuil blanc, une sainte amoureuse</div>
-<div class="verse">Attendre le retour du fiancé lointain ;</div>
-<div class="verse">L’amour est un plein jour dont elle est le matin ;</div>
-<div class="verse">Tout l’avenir aimant naîtra de cette aurore</div>
-<div class="verse">Qui n’est qu’une lueur fraîche, incertaine encore ;</div>
-<div class="verse">Et ce couple de deux bons cœurs, simples et purs,</div>
-<div class="verse">N’est que l’image en fleur d’innombrables futurs.</div>
-<div class="verse">Ces deux êtres liés, douceur, candeur et grâce,</div>
-<div class="verse">Promettent à l’amour une nouvelle race.</div>
-<div class="verse">Ce seul couple béni, qui s’aime sans tourment,</div>
-<div class="verse">Prépare à l’avenir un paradis aimant ;</div>
-<div class="verse">Et qu’importe s’il a désappris l’Évangile ?</div>
-<div class="verse">Tout amour vrai, qui n’est ni cruel ni fragile,</div>
-<div class="verse">Fut un rêve ineffable au cœur de Jésus-Christ,</div>
-<div class="verse">Car la lettre n’est rien, selon qu’il est écrit.</div>
-<div class="verse">Oui, compagnon, il faut voir, par-delà les hommes,</div>
-<div class="verse">Ce que nous deviendrons et non ce que nous sommes.</div>
-<div class="verse">Vaste est l’amas des temps ; le mal rampe au-dessus ;</div>
-<div class="verse">Par-dessous, mon œil suit la trace de Jésus.</div>
-<div class="verse">Or, elle est comme une eau secrète sous la terre,</div>
-<div class="verse">Où, dès qu’elle jaillit, l’oiseau se désaltère ;</div>
-<div class="verse">Je sais la reconnaître à ses reflets de feu,</div>
-<div class="verse">Qui, là, semblent s’éteindre ; ici, renaître un peu ;</div>
-<div class="verse">Et c’est en elle enfin, source, pluie ou rosée,</div>
-<div class="verse">Que toute eau bonne à boire est et sera puisée.</div>
-<div class="verse">Oui, sous les cris discords, j’entends de pures voix ;</div>
-<div class="verse">Écoute-les, sois attentif, regarde et vois :</div>
-<div class="verse">Les œuvres de bonté, parmi tant d’œuvres viles,</div>
-<div class="verse">Fleurissent, comme, sur le pavé noir des villes,</div>
-<div class="verse">Quelques arbres, parmi les charrois et les cris,</div>
-<div class="verse">Tendent au ciel lointain de beaux thyrses fleuris.</div>
-<div class="verse">Que d’asiles de luxe offerts à la misère !</div>
-<div class="verse">Que d’infirmes, manquant chez eux du nécessaire,</div>
-<div class="verse">Hommes, enfants, vieillards, mères aux seins gonflés,</div>
-<div class="verse">Y trouvent leur salut, ou meurent consolés.</div>
-<div class="verse">D’autres que des croyants donnent les grands exemples.</div>
-<div class="verse">Jamais la charité n’éleva plus de temples.</div>
-<div class="verse">Et même l’animal, — que Christ a racheté,</div>
-<div class="verse">Quand sur un âne, sans orgueil, il est monté, —</div>
-<div class="verse">Le cheval dans l’étable et le chien à la chaîne,</div>
-<div class="verse">Sentent passer sur eux de la tendresse humaine…</div>
-
-<div class="verse stanza">« Crois-moi, mon fils, car j’ai vingt siècles révolus,</div>
-<div class="verse">Bien des maux sont soufferts, qu’on ne reverra plus. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c10" title="X. — L’Aurore">X</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Derrière les grands pics montait l’aube sublime ;</div>
-<div class="verse">Puis l’aurore alluma des feux sur chaque cime.</div>
-<div class="verse">Candélabres géants, ténébreux par en bas,</div>
-<div class="verse">Les pins, les châtaigniers, ouvrant de larges bras,</div>
-<div class="verse">Portaient, au plus fin bout de leurs épaisses branches,</div>
-<div class="verse">Des feuilles qu’un reflet changeait en flammes blanches ;</div>
-<div class="verse">Les nids se réveillaient ; une joie en frissons</div>
-<div class="verse">Courait sur la colline où naissaient des chansons.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et le témoin de tant de jours tombés au gouffre,</div>
-<div class="verse">De tous les maux soufferts et de tous ceux qu’on souffre,</div>
-<div class="verse">Tourna vers moi son front par l’aurore éclairé.</div>
-<div class="verse">On ne sait quoi de grand, d’étrange, de sacré,</div>
-<div class="verse">La force du prophète et la douceur du sage,</div>
-<div class="verse">Étaient, en creux profonds, gravés sur son visage.</div>
-<div class="verse">Ses cheveux sur ses reins tombaient, bouclés et blancs ;</div>
-<div class="verse">Sa barbe en nœuds tordus s’enroulait à ses flancs ;</div>
-<div class="verse">Aux plis déchiquetés de sa souple tunique,</div>
-<div class="verse">Le vent jeune arrachait une poussière antique ;</div>
-<div class="verse">Et, depuis deux mille ans, n’ayant fait que marcher,</div>
-<div class="verse">Ses grands pieds, nus et durs, effritaient le rocher.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c11" title="XI. — C’est le Passé">XI</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Il dit : — « Témoin d’horreurs dix-neuf fois séculaires,</div>
-<div class="verse">J’ai vu l’immense arène, aux hauts murs circulaires,</div>
-<div class="verse">Qui, tout chargés de fronts, d’yeux et de bras mouvants,</div>
-<div class="verse">Semblaient d’horribles murs faits de moellons vivants ;</div>
-<div class="verse">Les parois de ce puits hurlaient par mille bouches,</div>
-<div class="verse">Et les regards étaient, sous des sourcils farouches,</div>
-<div class="verse">Plus mordants et plus durs que le ciment romain.</div>
-<div class="verse">Tout le fond de ce puits n’était que sang humain,</div>
-<div class="verse">Et luisait sous les yeux des horribles murailles.</div>
-<div class="verse">Ventre ouvert, retenant à deux mains leurs entrailles,</div>
-<div class="verse">Les gladiateurs, nus, saluaient en mourant</div>
-<div class="verse">Le vil César, qu’un peuple avili faisait grand.</div>
-<div class="verse">Et toute cette horreur a passé comme un rêve.</div>
-<div class="verse">Les vierges, les enfants qui saignaient sous le glaive,</div>
-<div class="verse">S’étant donné la main l’un à l’autre en s’aimant,</div>
-<div class="verse">Calmes, ont regardé le glaive fixement.</div>
-<div class="verse">Le cirque a dit : Je hais ! Ils ont répondu : J’aime !</div>
-<div class="verse">Et le glaive est tombé, vaincu, dans leur sang même. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Vaincu pour peu de temps ; des rois l’ont ramassé !</div>
-<div class="verse">Des papes ont brandi le fer ! »</div>
-
-<div class="verse i8 stanza">— « C’est le passé. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Un moine inventera la poudre… Oh ! que de veuves</div>
-<div class="verse">Pleurent les huguenots, chrétiens jetés aux fleuves ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « C’est le passé. »</div>
-
-<div class="verse i5 stanza">— « Toi même, ils t’ont persécuté,</div>
-<div class="verse">Juif, tous ces prétendus rêveurs de charité. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « C’est le passé, qui fut rage, haine, colère.</div>
-<div class="verse">Le jour vient, le regard du Juif même s’éclaire. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Le vieux peuple des Francs décapite son roi ;</div>
-<div class="verse">Lorsque la liberté règne, c’est par l’effroi.</div>
-<div class="verse">A leur tour les martyrs ont ramassé l’épée :</div>
-<div class="verse">Notre foi dans leur Christ, c’est eux qui l’ont frappée ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « L’épée est belle aux mains vengeresses du Droit !</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Ton Christ nous a menti, plus personne n’y croit ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Qu’importe à Dieu les noms mortels dont on le nomme ?</div>
-<div class="verse">Amour, bonté, ces mots sur les lèvres de l’homme</div>
-<div class="verse">Sont des noms plus humains de l’immatériel.</div>
-<div class="verse">L’homme ne vit que pour lever les yeux au ciel ;</div>
-<div class="verse">Il y cherche à jamais l’idéal, son étoile ;</div>
-<div class="verse">L’orage n’est jamais qu’une heure, et n’est qu’un voile ;</div>
-<div class="verse">L’étoile est fixe au fond des gouffres infinis ;</div>
-<div class="verse">Et les hommes, pervers à la fois et bénis,</div>
-<div class="verse">Tous rencontreront Dieu, puisque Dieu pour la terre</div>
-<div class="verse">N’est qu’énigme, et que tous se heurtent au mystère…</div>
-
-<div class="verse stanza">« L’Évangile chemine, et moi, je suis des yeux</div>
-<div class="verse">Le triomphe du Christ, secret et merveilleux. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c12" title="XII. — La Chaîne">XII</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Nous restâmes longtemps plongés dans ce silence</div>
-<div class="verse">Où l’esprit, comme dans un abîme, s’élance</div>
-<div class="verse">Jusqu’à des profondeurs où les mots ne vont pas.</div>
-
-<div class="verse stanza">Enfin le grand vieillard reprit d’un ton plus bas :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Oui, vingt siècles auront suffi pour sa victoire.</div>
-<div class="verse">Vous la mesurez lente au compas de l’histoire ?</div>
-<div class="verse">Je l’estime autrement. Vous, c’est par millions</div>
-<div class="verse">Que vous comptez les morts des générations,</div>
-<div class="verse">Depuis le soir où, sur la croix, Jésus expire ;</div>
-<div class="verse">Et vous répétez : « Comme il tarde, son empire ! »</div>
-<div class="verse">Tandis que je me vois seulement séparé</div>
-<div class="verse">Par vingt hommes au plus, de son siècle sacré.</div>
-
-<div class="verse stanza">« A l’heure où Christ, mourant, rentrait dans la lumière</div>
-<div class="verse">Un enfant m’appela de sa plainte première.</div>
-<div class="verse">Cet enfant, je le vis s’éteindre après cent ans,</div>
-<div class="verse">Juste à l’heure où, près d’un berceau, ses fils, contents,</div>
-<div class="verse">Accueillaient leur enfant à sa première plainte.</div>
-<div class="verse">Ce fils, le soir de sa centième année atteinte,</div>
-<div class="verse">Mourut. Et j’en ai vu vingt ainsi, tour à tour,</div>
-<div class="verse">Lorsqu’un enfant de ses enfants venait au jour,</div>
-<div class="verse">Expirer ; et je vois que, du siècle où nous sommes,</div>
-<div class="verse">Si je retourne au Christ par cette chaîne d’hommes,</div>
-<div class="verse">Vingt hommes seulement, enlacés par la main,</div>
-<div class="verse">Sont entre nous et le sauveur du genre humain. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Le grand vieillard se tut. J’avais l’âme étonnée.</div>
-<div class="verse">A remonter les temps, non d’année en année,</div>
-<div class="verse">Mais par ces vingt chaînons d’hommes vivant très vieux,</div>
-<div class="verse">Les uns mourant quand les autres ouvraient les yeux,</div>
-<div class="verse">Il semblait qu’un esprit divinement agile</div>
-<div class="verse">M’emportât dans la crèche où naissait l’Évangile.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Jésus, qu’on croit si loin de nous, est donc tout près ?</div>
-<div class="verse">Oh ! comme j’aimerais le voir ! J’arrêterais</div>
-<div class="verse">Un peu, rien qu’en baisant le bas de sa tunique,</div>
-<div class="verse">L’homme si merveilleux qu’il reste l’homme unique,</div>
-<div class="verse">L’exemple, le modèle incomparable et pur,</div>
-<div class="verse">Le maître maternel, le conseil calme et sûr,</div>
-<div class="verse">L’être si beau, si calme et si pur, que nous, hommes,</div>
-<div class="verse">Montrant par là que nous jugeons ce que nous sommes,</div>
-<div class="verse">Nous n’avons pas admis qu’il fût un d’entre nous,</div>
-<div class="verse">Et nous ne le nommons qu’en pliant les genoux ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Le vieillard souriait :</div>
-<div class="verse i6">— « Dans le temps et l’espace,</div>
-<div class="verse">Dès que l’homme, plus grand que l’homme, se dépasse,</div>
-<div class="verse">Beau des vertus dont nous n’avons qu’un désir vain,</div>
-<div class="verse">Nos cœurs, en le suivant, entrent dans le divin.</div>
-<div class="verse">Et le divin, c’est nous meilleurs, nous bons et justes ;</div>
-<div class="verse">Le sens en est vivant dans les cœurs les plus frustes ;</div>
-<div class="verse">C’est le sens de l’amour, et rien n’est au-dessus,</div>
-<div class="verse">Sinon l’amour lui-même, et l’amour c’est Jésus.</div>
-<div class="verse">L’homme y va lentement, et par toutes les voies ;</div>
-<div class="verse">Par les pires douleurs, il marche vers ses joies ;</div>
-<div class="verse">Vous, vous désespérez du triomphe d’amour ?</div>
-<div class="verse">Moi, deux mille ans de nuit m’en présagent le jour. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c13" title="XIII. — La Tempête">XIII</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « L’aube avait ébloui de ses plus douces flammes,</div>
-<div class="verse">M’écriai-je, nos yeux trompés comme nos âmes.</div>
-<div class="verse">Tantôt, quand sa candeur argentait les sommets,</div>
-<div class="verse">Les orages semblaient vaincus à tout jamais ;</div>
-<div class="verse">Et maintenant, voyez, le chaos recommence :</div>
-<div class="verse">Une nuit matinale emplit le ciel immense ;</div>
-<div class="verse">J’entends d’ici souffler les chevaux de la mer</div>
-<div class="verse">Qui se cabrent, montés par les démons de l’air,</div>
-<div class="verse">Et déjà la forêt, cette autre mer mouvante,</div>
-<div class="verse">Paraît s’enfuir, courbée et criant d’épouvante.</div>
-<div class="verse">Que de vaisseaux, par un tel vent, vont naufrager !</div>
-<div class="verse">Venez sur la hauteur, où, loin de tout danger,</div>
-<div class="verse">Nous jouirons de voir, selon le vieux Lucrèce,</div>
-<div class="verse">Les gestes éperdus des marins en détresse… »</div>
-
-<div class="verse stanza">Il comprit le sarcasme, et dit, sans plus : « Venez. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Un très grand crucifix, à mes yeux étonnés,</div>
-<div class="verse">Surgit. Nous arrivions sur un plateau sévère</div>
-<div class="verse">Que ce haut Christ de bois transformait en Calvaire.</div>
-
-<div class="verse stanza">L’orage assombrissait deux tristes horizons :</div>
-<div class="verse">La plaine vers le nord, cultures et maisons,</div>
-<div class="verse">Qui, sans trop en souffrir, subissaient la tourmente,</div>
-<div class="verse">Et, dans le sud, la mer qui toujours se lamente,</div>
-<div class="verse">Qui fait, d’un seul soupir, osciller sur son dos</div>
-<div class="verse">Les cuirassés de fer comme d’humbles fardeaux,</div>
-<div class="verse">Et qui peut, s’il lui plaît, en rugissant de joie,</div>
-<div class="verse">Dévorer ces volcans comme une faible proie.</div>
-
-<div class="verse stanza">La mer ! Combien a-t-elle englouti d’armadas !</div>
-
-<div class="verse stanza">Or, sur les flots grondants, j’aperçus, tout là-bas,</div>
-<div class="verse">Au bout d’un mât penchant, secoué par les lames,</div>
-<div class="verse">Un pauvre être ! — Et, de tous nos yeux, nous regardâmes.</div>
-
-<div class="verse stanza">Le navire englouti vibrait à tous les chocs</div>
-<div class="verse">Des lourds ressacs, dont la fureur brise des rocs.</div>
-<div class="verse">Seul, le mât, émergeant du formidable abîme,</div>
-<div class="verse">Secouait, comme un fruit perdu, l’homme à sa cime.</div>
-
-<div class="verse stanza">Je songeais : — « En effet, cet homme est bien perdu !</div>
-<div class="verse">Par qui son cri lointain serait-il entendu ?</div>
-<div class="verse">Et, le fût-il, qui donc quitterait le rivage</div>
-<div class="verse">Pour arracher sa proie à cette mer sauvage ?</div>
-<div class="verse">Un bon Samaritain qui descend de cheval</div>
-<div class="verse">Pour panser un blessé, fait un acte banal,</div>
-<div class="verse">Facile, mais devant ce gouffre épouvantable,</div>
-<div class="verse">Il faut être un héros pour être charitable ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et voici qu’apparut, au large, en plein danger,</div>
-<div class="verse">Un canot ! — S’élevant, comme pour mieux plonger,</div>
-<div class="verse">Sur l’écumeux sommet d’une lame puissante,</div>
-<div class="verse">Il tomba vers les fonds par la pente glissante,</div>
-<div class="verse">Pour remonter sans fin sur les monstrueux flancs</div>
-<div class="verse">De ces montagnes d’eau, sombres, aux sommets blancs.</div>
-<div class="verse">Et douze hommes — ce nombre est cher à l’Évangile —</div>
-<div class="verse">Attaquaient l’ouragan dans cet esquif fragile.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Ce spectacle est divin ! me dit alors le Juif ;</div>
-<div class="verse">Si tu cherches la vérité, sois attentif,</div>
-<div class="verse">Encore plus qu’à ma parole, à ce spectacle.</div>
-<div class="verse">L’action de ces gens est un humain miracle.</div>
-<div class="verse">Pour sauver un seul homme ils vont douze à la mort.</div>
-<div class="verse">Rester dans leur logis leur serait un remord ;</div>
-<div class="verse">Même, ils ont pris conseil de leur femme attendrie ;</div>
-<div class="verse">Connaissent-ils du moins cet homme, ou sa patrie ?</div>
-<div class="verse">Non. Fût-il ennemi, qu’ils lui tendraient la main.</div>
-<div class="verse">Ils sont les sauveteurs, gloires du genre humain !</div>
-<div class="verse">Et ces simples pêcheurs, si pauvres et si braves,</div>
-<div class="verse">Sont les fils, rachetés, de ces pilleurs d’épaves</div>
-<div class="verse">Qui, traîtres, allumaient, la nuit, par mauvais temps,</div>
-<div class="verse">A terre, çà et là, de grands feux éclatants,</div>
-<div class="verse">Pour attirer, — c’était la coutume barbare —</div>
-<div class="verse">Sur des rocs, un vaisseau que la lumière égare,</div>
-<div class="verse">Et qui, trahi d’abord, était enfin pillé…</div>
-
-<div class="verse stanza">« Depuis ce temps, un siècle à peine est écoulé !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Et, devant ce canot qui s’abaisse et remonte,</div>
-<div class="verse">Sans cesse, sur des monts écroulés qu’il affronte,</div>
-<div class="verse">Je vois, plus lumineux que l’aveuglant éclair,</div>
-<div class="verse">Le spectre de Jésus qui marche sur la mer. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c14" title="XIV. — Aux Armes !">XIV</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">La mer, bouleversée encor, n’était plus noire ;</div>
-<div class="verse">Les vents changeaient, chassant une nuit provisoire.</div>
-<div class="verse">… Tout l’azur reparut dans sa sérénité.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Oui, me dit le vieillard, le monde est racheté.</div>
-<div class="verse">Le Christ a, dans nos cœurs, jeté le grain qui lève.</div>
-<div class="verse">Lentement, des héros réalisent son rêve,</div>
-<div class="verse">Et son amour en eux resplendit, tout pareil</div>
-<div class="verse">(Si ton cœur sait le voir) au radieux soleil. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Vous triomphez ! je suis convaincu, répondis-je ;</div>
-<div class="verse">Ce triomphe à lui seul me paraît un prodige ;</div>
-<div class="verse">J’abjure devant vous mon scepticisme vain :</div>
-<div class="verse">Des héros m’ont prouvé l’héroïsme divin ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Or, juste à ce moment, où le vieillard étrange</div>
-<div class="verse">Me montrait l’idéal, fixe lorsque tout change,</div>
-<div class="verse">Et sous le faux réel, qui seul nous apparaît,</div>
-<div class="verse">Dieu rayonnant en nous comme un soleil secret,</div>
-<div class="verse">Dans cet instant de joie et d’extase féconde,</div>
-<div class="verse">Où la paix nous semblait l’espoir certain du monde,</div>
-<div class="verse">Un cri troubla la terre, et, déchirant les airs,</div>
-<div class="verse">De nouveau souleva la profondeur des mers :</div>
-<div class="verse">— « <span class="sc">Aux armes !</span> » —</div>
-
-<div class="verse i4 stanza">Des clairons stridaient, sonnant la charge,</div>
-<div class="verse">Et la terre troublait les mers jusqu’au grand large :</div>
-<div class="verse">Un peuple épouvantable, armé de fer, de feu,</div>
-<div class="verse">De gaz mortels, et se disant l’élu de Dieu,</div>
-<div class="verse">N’étant, esprit et chair, qu’appétit d’ogre immonde,</div>
-<div class="verse">Marchait, organisé, contre l’ordre du monde !</div>
-
-<div class="verse stanza">Tout le génie humain dompteur de l’élément,</div>
-<div class="verse">Ce peuple élémental, sauvage savamment,</div>
-<div class="verse">Le tournait contre l’homme en outil de torture ;</div>
-<div class="verse">Lui-même il s’était fait monstre, par la culture !</div>
-<div class="verse">Méthodiquement serf d’un prince carnassier,</div>
-<div class="verse">Le Teuton, formidable automate d’acier,</div>
-<div class="verse">Ou chair amalgamée au corps des mitrailleuses,</div>
-<div class="verse">Colosse lourd de force et de haine orgueilleuses,</div>
-<div class="verse">Proclamait, — espérant figer ses ennemis</div>
-<div class="verse">Dans l’horreur, — que tout crime, à la guerre, est permis !</div>
-
-<div class="verse stanza">Ses plus graves savants, et ses poètes même,</div>
-<div class="verse">Contresignaient d’un cœur tranquille un tel blasphème !</div>
-
-<div class="verse stanza">Et ce peuple, avili par un si haut conseil,</div>
-<div class="verse">Ce peuple, tel qu’on n’en vit pas sous le soleil,</div>
-<div class="verse">Traînait captifs au loin femmes, enfants en larmes,</div>
-<div class="verse">Des êtres impuissants à manier les armes,</div>
-<div class="verse">Les grands-pères, craintifs et muets, consternés…</div>
-<div class="verse">Ces Allemands, parfois, en lâches forcenés,</div>
-<div class="verse">Faisaient de leurs captifs, sur leur front de bataille,</div>
-<div class="verse">Un rempart défenseur, pitoyable muraille,</div>
-<div class="verse">Où, frémissants d’amour, de haine, — de douleurs,</div>
-<div class="verse">Les soldats ennemis, reconnaissant les leurs,</div>
-<div class="verse">Vaincus par leur pitié, reculaient d’épouvante,</div>
-<div class="verse">Tremblant de mutiler la muraille vivante !</div>
-<div class="verse">Nietzsche, spectre dément, planait sur tout cela,</div>
-<div class="verse">Et, non moins fou, Guillaume, invoquant Attila,</div>
-<div class="verse">Criait : « Viole ! tue ! égorge enfants et femmes ! »</div>
-<div class="verse">Des prêtres, torturés par les reîtres infâmes,</div>
-<div class="verse">Les yeux vers le ciel vide, y cherchaient Dieu, l’Absent !</div>
-<div class="verse">Tout nageait dans le sang ; partout du sang ! du sang !</div>
-<div class="verse">Les rivières étaient de sang et coulaient pleines !</div>
-<div class="verse">Et des fuyards, au flanc des monts ou dans les plaines,</div>
-<div class="verse">Couraient, se retournant pour regarder au loin</div>
-<div class="verse">Leur ville en flamme ; et Dieu, leur juge et leur témoin,</div>
-<div class="verse">Laissait faire ! et, dans sa fureur démoniaque,</div>
-<div class="verse">L’agresseur, prétendant que c’est lui qu’on attaque,</div>
-<div class="verse">Coupait des mains, des cous d’enfant, brûlait vivants</div>
-<div class="verse">Des vieillards ; tout fuyait, comme l’eau sous les vents ;</div>
-<div class="verse">Et le viol hideux, à face simiesque,</div>
-<div class="verse">Prenait — détail horrible en l’horreur gigantesque —</div>
-<div class="verse">Des vierges, qui fuyaient la vie éperdument</div>
-<div class="verse">Parce que c’était fuir l’affreux enfantement !</div>
-<div class="verse">Criminels au hasard, sur l’enfant, sur les mères,</div>
-<div class="verse">Du haut du ciel, les zeppelins, sombres chimères,</div>
-<div class="verse">Lâchaient leur bombe ! et quand l’avion surgissant</div>
-<div class="verse">Les attaquait, alors le ciel pleurait du sang !</div>
-<div class="verse">Plus d’asile ! Et sur les grands steamers d’Angleterre,</div>
-<div class="verse">Qui semblaient à l’abri des fureurs de la terre,</div>
-<div class="verse">Des passagers (toujours des faibles, et toujours</div>
-<div class="verse">Des femmes, des enfants, sans armes, sans secours !)</div>
-<div class="verse">Voyaient surgir, dans les houles des mers d’Europe,</div>
-<div class="verse">Le dos du sous-marin ou l’œil du périscope…</div>
-<div class="verse">La torpille frappait le grand navire au flanc ;</div>
-<div class="verse">Et, colosse blessé, chancelant et soufflant,</div>
-<div class="verse">Il entraînait, dans les fonds glauques des abîmes,</div>
-<div class="verse">Avec lui, des milliers d’innocentes victimes</div>
-<div class="verse">Qui priaient, qui voulaient la vie éperdument…</div>
-
-<div class="verse stanza">Et, terre et mer, le monde entier criait : « Maman ! »</div>
-<div class="verse">Comme pour réveiller, dans son ombre éternelle,</div>
-<div class="verse">L’amour, le Dieu muet, la Cause maternelle !</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c15" title="XV. — Le Doute">XV</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Mais rien ne répondit. Nulle part l’agresseur</div>
-<div class="verse">Ne trouva devant lui Dieu, le Dieu de douceur !</div>
-<div class="verse">Et nos peuples, parmi le sang, les cris, les larmes,</div>
-<div class="verse">Se levant indignés, durent prendre les armes,</div>
-<div class="verse">Aiguiser des poignards et fondre des canons ;</div>
-<div class="verse">Et tous les beaux progrès, indignes de leurs noms,</div>
-<div class="verse">Se firent instruments de mort et de torture ;</div>
-<div class="verse">Et, retournant aux lois brutes de la nature,</div>
-<div class="verse">L’âme humaine appela la force à son secours,</div>
-<div class="verse">La force ! l’argument des grands loups et des ours !</div>
-
-<div class="verse stanza">Et je dis au vieillard :</div>
-
-<div class="verse i6 stanza">— « C’est la fin de nos races.</div>
-<div class="verse">Vois-tu ton Christ encor ? Vois-tu toujours ses traces ?</div>
-<div class="verse">Vieux nécromant, je suis honteux de t’avoir cru :</div>
-<div class="verse">Le primate éternel dans l’homme a reparu !</div>
-<div class="verse">Le chrétien lâche, avec son rêve d’être un ange,</div>
-<div class="verse">Insultait à la brute — et la brute se venge ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Sous l’injure, le vieux, comme sourd à mes cris,</div>
-<div class="verse">Resta muet, songeur quelque temps. Je repris :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Ton Christ est le plus faux des faux dieux qu’on délaisse !</div>
-<div class="verse">Amour, bonté, mots creux, tout gonflés de faiblesse !</div>
-<div class="verse">Sot qui ne sait qu’aimer ! Fou qui veut être aimé !</div>
-<div class="verse">Qui suit ton Christ n’est plus qu’un martyr désarmé,</div>
-<div class="verse">Proie offerte aux soldats du lucre et de la haine,</div>
-<div class="verse">Qui sont le nombre affreux, sans nom, la masse humaine.</div>
-<div class="verse">Christ n’est qu’un doucereux et blanc magicien ;</div>
-<div class="verse">Certe, un charme est caché dans le songe chrétien,</div>
-<div class="verse">Mais pernicieux, traître, endormeur d’énergie.</div>
-<div class="verse">Sur la terre, que tant de meurtres ont rougie,</div>
-<div class="verse">Comment répondre, nous, les tendres et les bons,</div>
-<div class="verse">Nous, les propagateurs des infinis pardons,</div>
-<div class="verse">Au fer qui fouille un cœur, en sort et s’y replonge ?</div>
-<div class="verse">Quel réveil dans l’horrible, après le divin songe !</div>
-<div class="verse">Nos jardins, nos maisons, asiles de douceur,</div>
-<div class="verse">Les voilà donc ouverts au noir envahisseur !</div>
-<div class="verse">Nos bras chrétiens ne sauront pas tenir l’épée ;</div>
-<div class="verse">Ton Christ livre aux bourreaux l’humanité trompée ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Le vieillard recueillit sa pensée un moment,</div>
-<div class="verse">Puis, l’œil plein de lumière, il dit, très doucement :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « S’il ne croit qu’aux ressorts puissants de la matière,</div>
-<div class="verse">L’homme n’a pas en lui la force humaine entière.</div>
-<div class="verse">Même stoïque, il meurt en vaincu révolté,</div>
-<div class="verse">Il périt tout entier, serait-ce avec fierté.</div>
-<div class="verse">Si la force est le droit, sa chute est légitime,</div>
-<div class="verse">C’est justement qu’il tombe, et non pas en victime.</div>
-<div class="verse">La force, c’est là tout ce que le fort défend ;</div>
-<div class="verse">Après lui, rien de lui ne reste triomphant.</div>
-<div class="verse">Dès l’instant qu’à ses yeux seule la force compte,</div>
-<div class="verse">Devenu le plus faible il n’a droit qu’à la honte,</div>
-<div class="verse">Tandis que, l’œil levé vers son pur idéal,</div>
-<div class="verse">Le croyant de l’amour souffre et meurt triomphal.</div>
-<div class="verse">La souffrance est pour lui sainte, la mort sublime,</div>
-<div class="verse">Il sent orgueil et joie à s’offrir en victime,</div>
-<div class="verse">Il est le vrai guerrier qui veut, pense, aime et croit,</div>
-<div class="verse">Et qui, même vaincu, laisse un vengeur : le Droit.</div>
-<div class="verse">La force de l’idée est la seule immortelle ;</div>
-<div class="verse">Telle est la loi du Christ : la foi de France est telle.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Mon Christ est mort voilà deux mille ans accomplis,</div>
-<div class="verse">Et nos âmes, aux plus secrets de leurs replis,</div>
-<div class="verse">Gardent toutes, mon fils, sa divine pensée,</div>
-<div class="verse">Que par le monde entier le temps a dispensée.</div>
-<div class="verse">Elle est si bien mêlée au cours de notre sang,</div>
-<div class="verse">Que, lorsque l’Antéchrist se lève menaçant,</div>
-<div class="verse">Le bras, avant le cœur, s’élance à la défendre ;</div>
-<div class="verse">C’est d’instinct, désormais, malgré notre cœur tendre,</div>
-<div class="verse">Que nous défendons, même oublieux de Jésus,</div>
-<div class="verse">Les biens d’amour que, par sa mort, nous avons eus.</div>
-<div class="verse">Des hommes, non des Christs, voilà ce que nous sommes,</div>
-<div class="verse">Et nous le défendons, en nous, comme des hommes.</div>
-<div class="verse">Nul ne passe en valeur ta vaillance, ô chrétien !</div>
-<div class="verse"><span class="sc">Sacrifice</span> est un fier mot d’ordre ; c’est le tien.</div>
-<div class="verse">La lance et les deux pieds sur quelque hydre abattue,</div>
-<div class="verse">Lent à tuer, mais plus terrible lorsqu’il tue,</div>
-<div class="verse">Le juste, quand il croit la justice en danger,</div>
-<div class="verse">Non pas lui, — se fait dur pour la mieux protéger ;</div>
-<div class="verse">Quand l’indignation des plus doux se soulève,</div>
-<div class="verse">Elle est comme la mer qui dévore la grève,</div>
-<div class="verse">Et, contre l’injustice et le mal provocants,</div>
-<div class="verse">Elle a la force involontaire des volcans !… »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c16" title="XVI. — Sous le Soleil">XVI</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Sans rien connaître à la souffrance de nos âmes,</div>
-<div class="verse">L’azur riait, moins doux mais plus beau d’être en flammes.</div>
-<div class="verse">Autour de nous, sur le haut désert rocailleux,</div>
-<div class="verse">Le calme indifférent des grands espaces bleus</div>
-<div class="verse">Resplendissait ; mais, sous ce ciel d’apothéoses,</div>
-<div class="verse">Tant d’éclat dénonçait la misère des choses,</div>
-<div class="verse">Que, dressé là, sur ce plateau nu, dans les temps,</div>
-<div class="verse">Le Dieu n’était plus rien, sous les cieux éclatants,</div>
-<div class="verse">Qu’un débris plein de trous, où la vermine habite.</div>
-<div class="verse">Dans la clarté fondaient tous les rêves en fuite.</div>
-<div class="verse">Du radieux levant au couchant radieux,</div>
-<div class="verse">Une moitié du globe apparut à nos yeux ;</div>
-<div class="verse">Et, du plateau désert où nous étions, nous vîmes,</div>
-<div class="verse">Comme jailli soudain des plus affreux abîmes,</div>
-<div class="verse">Un déluge de maux, de meurtres et d’effrois,</div>
-<div class="verse">Submerger l’univers, où mouraient tous les droits.</div>
-
-<div class="verse stanza">Des termes d’Amérique aux bornes de l’Asie,</div>
-<div class="verse">Les hommes, en hurlant, frappés de frénésie,</div>
-<div class="verse">S’armaient, — des millions d’hommes ! Vingt millions</div>
-<div class="verse">Ou trente, s’égorgeaient ; sept, huit, dix nations.</div>
-<div class="verse">On eût dit de la fin du monde en cataclysme !</div>
-<div class="verse">Et tous se réclamaient du doux christianisme,</div>
-<div class="verse">Ou de l’Islam, qui voit un prophète en Jésus.</div>
-<div class="verse">Mais les fleuves étaient de sang, et, par-dessus,</div>
-<div class="verse">L’impassible soleil rayonnait dans sa gloire.</div>
-<div class="verse">Sur la réalité rouge, fangeuse et noire,</div>
-<div class="verse">Il épandait à flots, à verse, par torrents,</div>
-<div class="verse">Sur les camps ennemis, ses rais indifférents,</div>
-<div class="verse">Le même éclat sur Reims et sur Sainte-Sophie,</div>
-<div class="verse">Lui que, dans l’ostensoir, le prêtre glorifie !</div>
-
-<div class="verse stanza">Et je criai :</div>
-
-<div class="verse i3 stanza">— « Maudit soit l’astre éblouissant</div>
-<div class="verse">Qui peut voir sans horreur des rivières de sang !</div>
-<div class="verse">Car le sang n’est pas fait pour empourprer la terre ;</div>
-<div class="verse">Il doit, dans les vivants, rester vivant mystère,</div>
-<div class="verse">Dans les canaux secrets des corps rester secret ;</div>
-<div class="verse">Malheur, lorsqu’au soleil le sang des cœurs paraît !</div>
-<div class="verse">Et malheur au soleil, quand l’humanité saigne,</div>
-<div class="verse">S’il ne se voile pas d’horreur, et s’il se baigne</div>
-<div class="verse">Dans la pourpre qui n’est pas, sur les horizons,</div>
-<div class="verse">L’adieu resplendissant de ses propres rayons ! »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c17" title="XVII. — Vers l’Unité">XVII</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « La terre, bien de tous, sera-t-elle usurpée</div>
-<div class="verse">Par un seul ? Non ! le droit de tous a pris l’épée,</div>
-<div class="verse">Affirma le vieillard, et lorsque, ô mon enfant,</div>
-<div class="verse">La Justice ou l’Amour indigné se défend,</div>
-<div class="verse">L’âme du défenseur passe et vit dans le glaive ;</div>
-<div class="verse">Et même quand le bras des faibles le soulève,</div>
-<div class="verse">Dans ses propres éclairs passe un étrange éclair,</div>
-<div class="verse">Et, parmi les reflets dont resplendit le fer,</div>
-<div class="verse">L’âme voit des rayons qui lui viennent des âmes.</div>
-<div class="verse">Le juste armé vaincra les conquérants infâmes.</div>
-<div class="verse">Le monde est un, au fond ; il va vers l’unité</div>
-<div class="verse">Visible, et ne peut être en sa marche arrêté.</div>
-<div class="verse">Tout peuple est criminel d’en asservir un autre ;</div>
-<div class="verse">Et la France le sait, elle, le peuple apôtre !</div>
-<div class="verse">L’Évangile en tous temps fut au fond de son cœur,</div>
-<div class="verse">Et par elle le droit de tous sera vainqueur,</div>
-<div class="verse">Tous les droits de chacun se feront équilibre ;</div>
-<div class="verse">Et, de même qu’en France un homme se sent libre,</div>
-<div class="verse">Fût-il faible, et se sait protégé dans son droit,</div>
-<div class="verse">De même, un jour, demain, ou plus tôt qu’on ne croit,</div>
-<div class="verse">Chaque peuple sera, devant tous, son seul maître ;</div>
-<div class="verse">Et, librement unis, tous devront reconnaître,</div>
-<div class="verse">Pour être protégés, qu’ils doivent protéger,</div>
-<div class="verse">Et qu’être différent n’est pas être étranger.</div>
-<div class="verse">Il n’est qu’un Droit, unique et sacré, loi suprême</div>
-<div class="verse">Qui pour un homme ou pour tout un peuple est la même ;</div>
-<div class="verse">Et le respect aux droits des peuples reste dû,</div>
-<div class="verse">Le même que l’État doit à l’individu.</div>
-<div class="verse">Jésus et Jeanne d’Arc semèrent cette idée</div>
-<div class="verse">Par le sang de vos morts aujourd’hui fécondée. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Fou ! dis-je au grand vieillard, de croire au Dieu de paix !</div>
-<div class="verse">Tu vas connaître enfin comme tu te trompais,</div>
-<div class="verse">Tiens, vois ! »</div>
-
-<div class="verse i4 stanza">La terre était un seul champ de bataille.</div>
-
-<div class="verse stanza">Le Mage auguste, alors, sembla prendre la taille</div>
-<div class="verse">D’un géant, et, son dos voûté se redressant,</div>
-<div class="verse">Je crus voir un Samson indigné, si puissant</div>
-<div class="verse">Qu’il pourrait ébranler les colonnes du monde.</div>
-<div class="verse">Sa barbe au vent des monts se mouvait comme une onde ;</div>
-<div class="verse">Ses sombres yeux semblaient lancer des dards de feu.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « L’empereur des Germains, tout en invoquant Dieu,</div>
-<div class="verse">Dit-il, a méconnu la norme de la vie.</div>
-<div class="verse">Il rêve l’homme esclave et la terre asservie ;</div>
-<div class="verse">Il veut fouler la chair et l’esprit sous ses pieds ;</div>
-<div class="verse">Il dit que la faiblesse est l’âme des pitiés ;</div>
-<div class="verse">Il prétend que la force est l’unique puissance…</div>
-<div class="verse">La force n’est qu’esprit, mon fils, en son essence.</div>
-<div class="verse">Les peuples l’ont compris, et — regarde à ton tour —</div>
-<div class="verse">Albert, vrai roi, debout pour le droit et l’amour,</div>
-<div class="verse">Sert l’honneur, l’honneur pur, que l’Allemagne oublie ;</div>
-<div class="verse">Et vos Français, qu’on crut une race affaiblie,</div>
-<div class="verse">Artistes, artisans, le marchand, le penseur,</div>
-<div class="verse">Et les oisifs, pour qui vivre n’est que douceur,</div>
-<div class="verse">Ceux dont le mot Patrie excitait les sarcasmes,</div>
-<div class="verse">Et tous ceux qui raillaient les beaux enthousiasmes,</div>
-<div class="verse">Ceux qui niaient le sentiment, le dévouement,</div>
-<div class="verse">Regarde-les ! leur cœur s’exalte brusquement !</div>
-<div class="verse">On dirait qu’en voyant l’affreuse Germanie</div>
-<div class="verse">Servir les bas instincts dont elle est le génie,</div>
-<div class="verse">Les plus pervers ont pris leurs vices en dégoût !</div>
-<div class="verse">Transfigurés, soldats merveilleux tout à coup,</div>
-<div class="verse">Pour que la grande fin prédite s’accomplisse,</div>
-<div class="verse">Ils servent en héros ce mot : le Sacrifice,</div>
-<div class="verse">Et meurent pour prouver qu’il est le seul salut !</div>
-<div class="verse">Et, las des vanités où leur cœur se complut,</div>
-<div class="verse">Les plus obscurs d’entre eux, les martyrs anonymes,</div>
-<div class="verse">Disent, devant la mort, des mots qui sont sublimes !</div>
-<div class="verse">Un souffle d’héroïsme a traversé les cœurs…</div>
-
-<div class="verse stanza">« Où sont-ils maintenant, vos sceptiques moqueurs ?</div>
-<div class="verse">Ils trouvent, sous les yeux étonnés de l’Histoire,</div>
-<div class="verse">Au baiser de la mort une saveur de gloire !</div>
-<div class="verse">Et l’univers a dit : « Suivons les fils des Francs !</div>
-<div class="verse">« Eux, c’est par la bonté loyale qu’ils sont grands ! »</div>
-<div class="verse">Et, de la mer Baltique au lac Tibériade,</div>
-<div class="verse">Tout est debout, — ou pour ou contre la Croisade ! »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c18" title="XVIII. — La Croisade">XVIII</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « La Croisade, vieillard ? »</div>
-
-<div class="verse i7 stanza">— « Oui ! » dit-il, élevant</div>
-<div class="verse">Son regard vers le ciel, tandis que, dans le vent,</div>
-<div class="verse">Flottaient sa barbe longue et sa longue tunique.</div>
-<div class="verse">Et, n’adressant qu’au Dieu fait homme — sa réplique :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Oui, dit-il lentement, qu’il croie ou non en toi,</div>
-<div class="verse">Christ, le monde moderne en ta tendresse a foi.</div>
-<div class="verse">D’un mot que tu jetas dans la terre féconde</div>
-<div class="verse">L’arbre immense a jailli, dont l’ombre est douce au monde !</div>
-<div class="verse">Tous les penseurs, les plus libres, les plus hardis,</div>
-<div class="verse">Négateurs de ton ciel et de ses paradis,</div>
-<div class="verse">Souhaitent de les voir réalisés sur terre,</div>
-<div class="verse">Et c’est toi que Calas remercie en Voltaire !</div>
-<div class="verse">La Pensée affranchie est ta vassale encor ;</div>
-<div class="verse">Le meilleur d’elle est un denier de ton trésor ;</div>
-<div class="verse">L’altruisme, c’est ta charité sous un voile ;</div>
-<div class="verse">C’est pour avoir levé les yeux vers ton Étoile,</div>
-<div class="verse">Que l’homme, avec des yeux mieux voyants, plus humains,</div>
-<div class="verse">Sait marcher plus heureux dans ses tristes chemins.</div>
-<div class="verse">Qu’il te confesse ou non, qu’importe ! et que t’importe,</div>
-<div class="verse">Si ta bonté de Dieu survit à la foi morte !</div>
-<div class="verse">Non, tu n’as pas maudit les hommes pour si peu !</div>
-<div class="verse">Tu restes l’éternel, qu’on t’appelle ou non Dieu.</div>
-<div class="verse">Tu ne recherches point, — tu nous l’as dit toi même, —</div>
-<div class="verse">Les honneurs de ce monde, et, pourvu qu’on s’entr’aime,</div>
-<div class="verse">Et que du Christ humain la terre ait hérité,</div>
-<div class="verse">Toi, Dieu, tu nous souris, dans ton éternité ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Pourvu que l’on s’entr’aime !… Allons, vieillard, lui dis-je,</div>
-<div class="verse">Ta foi dans Christ me semble un risible prodige,</div>
-<div class="verse">Quand les humains, partout, inhumains sans remord,</div>
-<div class="verse">Ne sont unis que par la haine, dans la mort… »</div>
-
-<div class="verse stanza">Il reprit :</div>
-
-<div class="verse i3 stanza">— « Pour sauver ton rêve de tendresse,</div>
-<div class="verse">Christ ! contre le Germain le monde entier se dresse :</div>
-<div class="verse">C’est la Croisade ! Eh oui, les peuples et les rois</div>
-<div class="verse">Se lèvent pour la croix de Rome, et pour la croix</div>
-<div class="verse">Que Genève dessine en rouge sur ses flammes,</div>
-<div class="verse">Et pour la croix secrète inscrite dans nos âmes,</div>
-<div class="verse">Car, même dans le cœur des enfants d’Israël,</div>
-<div class="verse">Quelque chose est entré de ton verbe immortel,</div>
-<div class="verse">Et ton espoir d’amour les gagne et les soulève !…</div>
-<div class="verse">Germains vils, qui tirez sur les croix de Genève,</div>
-<div class="verse">La France est devant vous la chrétienne sans peur ;</div>
-<div class="verse">Le Quirinal, qui vous observe avec stupeur,</div>
-<div class="verse">Sent se confondre, en la même pitié des hommes,</div>
-<div class="verse">Les deux cœurs, hier encor désunis, des deux Romes ;</div>
-<div class="verse">Çakia-Mouni s’indigne, et les rajahs hindous</div>
-<div class="verse">Vous surveillent de loin avec leurs grands yeux doux ;</div>
-<div class="verse">Mahomet vous méprise, et l’Afrique immobile</div>
-<div class="verse">S’agite et court sur vous, toute, arabe et kabyle ;</div>
-<div class="verse">Et, vous tombés, elle dira : « C’était écrit, »</div>
-<div class="verse">Car Mahomet sait rendre hommage à Jésus-Christ.</div>
-<div class="verse">Oui, c’est bien la Croisade et c’est la guerre sainte !</div>
-<div class="verse">L’Angleterre, dont les océans sont l’enceinte,</div>
-<div class="verse">Tient fixés ses yeux clairs sur vous, sombres géants,</div>
-<div class="verse">Et vous menace avec la voix des océans !</div>
-<div class="verse">Et le tsar de Pologne et le tsar de la Haye,</div>
-<div class="verse">Père des Slaves dont le nombre vous effraie,</div>
-<div class="verse">Le tsar au bon cœur, pape et roi, Nicolas II,</div>
-<div class="verse">Qui compte vos hauts faits et les juge hideux,</div>
-<div class="verse">Nicolas II, que la douleur française touche,</div>
-<div class="verse">Contre ta force brute, Allemagne farouche,</div>
-<div class="verse">Brandit à l’horizon le glaive éblouissant</div>
-<div class="verse">Dont la poignée est une croix teinte de sang ! »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c19" title="XIX. — La grande Menace">XIX</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Le Christ de bois, que, seul, un ermite révère,</div>
-<div class="verse">Du pic que nous foulions faisait un vrai Calvaire,</div>
-<div class="verse">Et, chancelant, le Juif s’appuya d’une main</div>
-<div class="verse">Sur Celui qui voulut sauver le genre humain.</div>
-<div class="verse">Alors il dit, debout sur le pic haut et chauve :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Sauveur, c’est, à son tour, Le monde qui te sauve !</div>
-<div class="verse">S’il n’est fort, s’il n’est grand qu’appuyé sur toi, — toi,</div>
-<div class="verse">Tu n’as plus de salut qu’en son glaive et sa loi. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Mais l’image du Dieu dont l’humanité doute,</div>
-<div class="verse">La voyant à ses pieds souffrir et mourir toute,</div>
-<div class="verse">Sembla crier vers nous et vers le ciel : « Je meurs ! »</div>
-<div class="verse">Et cela dominait la guerre et ses clameurs.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et, dans les grands lointains, voici ce que nous vîmes :</div>
-<div class="verse">Des soldats ivres, fous, et prêts à tous les crimes,</div>
-<div class="verse">Des hordes, mais en bel ordre matériel,</div>
-<div class="verse">Avec un bruit de pas qui montait Jusqu’au ciel,</div>
-<div class="verse">S’avançaient sur Paris, menaçaient Notre-Dame,</div>
-<div class="verse">Et derrière eux, Louvain, Maline, étaient en flamme.</div>
-<div class="verse">« Les voilà ! les voilà qui viennent sur Paris ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">C’est un sourd grondement sinistre ; point de cris.</div>
-<div class="verse">Sous le piétinement de l’innombrable foule,</div>
-<div class="verse">Le sol, comme un tambour voilé, tressaille et roule.</div>
-<div class="verse">Ils viennent, — les uhlans en tête, lance au poing.</div>
-<div class="verse">La tour Eiffel les guette : ils se traînent au loin,</div>
-<div class="verse">Hommes, chars et chevaux, fusils et mitrailleuses,</div>
-<div class="verse">Sombre nuage, gros de foudres furieuses.</div>
-<div class="verse">A voir sur l’horizon marcher ces guerriers-là,</div>
-<div class="verse">Le mont de Geneviève a dit : « C’est Attila ! »</div>
-<div class="verse">Dans cette immense armée, il reconnaît la horde.</div>
-<div class="verse">Ces êtres sans amour et sans miséricorde,</div>
-<div class="verse">Gueule et ventre affamés, ces appétits grondants,</div>
-<div class="verse">Veulent de la chair vive à mettre sous leurs dents ;</div>
-<div class="verse">Ils veulent des terrains tout cultivés, blé, vigne,</div>
-<div class="verse">Un vaincu qui sous eux s’écrase, — et se résigne</div>
-<div class="verse">A leur donner de l’or, de l’or par milliards !</div>
-<div class="verse">Leur chef sinistre crie à ces bandits pillards,</div>
-<div class="verse">Dont l’affreux crâne — en fer de lance se termine :</div>
-<div class="verse">« Va, mon peuple, toi qui ne crains que la famine,</div>
-<div class="verse">La France est riche ! prends son pain, son or, son vin,</div>
-<div class="verse">Et saccage Paris comme un autre Louvain !</div>
-<div class="verse">Obéis ; je commande, et mon ordre te couvre.</div>
-<div class="verse">Fais flamber, s’il le faut, la Sorbonne et le Louvre !</div>
-<div class="verse">Prends-leur Paris, — ou meurs ! voilà ce que je veux,</div>
-<div class="verse">Et que l’histoire dise à nos petits-neveux :</div>
-<div class="verse">« Guillaume II, géant de Prusse, fut un homme</div>
-<div class="verse">Plus grand que ce fameux Néron — qui brûla Rome ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Il dit, et les Germains répondent : « Hoch ! hurrah !</div>
-<div class="verse">Chef, nous t’aurons Paris ! et lorsqu’il flambera,</div>
-<div class="verse">Alors, docile au roi sanglant qui nous commande,</div>
-<div class="verse">La France deviendra l’Allemagne plus grande !</div>
-<div class="verse">Hoch ! hoch ! »</div>
-<div class="verse i3">Tout en jetant le cri cher au Kaiser,</div>
-<div class="verse">Ils roulent, flot montant d’horreur, de sang, de fer,</div>
-<div class="verse">De feu, — torrent sans nom qui tord, saccage et broie,</div>
-<div class="verse">Et c’est bien Attila, c’est la race de proie !</div>
-
-<div class="verse stanza">Les voilà sous Paris, sous l’œil fixe des forts.</div>
-
-<div class="verse stanza">Oh ! qui seront les morts ? Combien seront les morts ?</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Les noirs envahisseurs, avec la faim au ventre,</div>
-<div class="verse">Resteront là longtemps, cherchant par où l’on entre. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Soit, la France attendra. »</div>
-<div class="verse i8">— « Mais s’ils étaient vainqueurs ? »</div>
-<div class="verse">— « On peut vaincre les corps, non la vertu des cœurs ;</div>
-<div class="verse">Nous attendrons toujours : le salut, c’est d’attendre. »</div>
-<div class="verse">— « Mais s’ils prennent Paris ?</div>
-<div class="verse i8">— « Se laissera-t-il prendre ? »</div>
-<div class="verse">— « S’ils le prennent ? »</div>
-<div class="verse i6">— « Eh bien, sur Paris dévasté</div>
-<div class="verse">Nous attendrons toujours. »</div>
-<div class="verse i7">— « Quoi ? »</div>
-<div class="verse i9">— « Le jour d’équité,</div>
-<div class="verse">Le triomphe final de la justice sainte !</div>
-<div class="verse">L’autel du temple est mieux gardé que son enceinte !</div>
-<div class="verse">L’esprit chrétien, l’esprit pur, ne peut pas mourir ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Mais s’ils brûlent Paris ? »</div>
-
-<div class="verse i8 stanza">— « Nous saurons tout souffrir !</div>
-<div class="verse">Nous le rebâtirons, sous les yeux de l’histoire,</div>
-<div class="verse">Avec du ciment rouge et des marbres de gloire !</div>
-<div class="verse">Nous n’attendons qu’un mot, le dernier, du Destin. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c20" title="XX. — Le Miracle">XX</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Ce spectacle et ces voix nous venaient d’un lointain</div>
-<div class="verse">Formidable, — et ni mes regards ni mes oreilles,</div>
-<div class="verse">Qui n’auraient pu subir réalités pareilles,</div>
-<div class="verse">Ne percevaient image ou son ; seuls, mes esprits</div>
-<div class="verse">En eux-mêmes portaient ce spectacle et ces cris.</div>
-<div class="verse">Et je sentais en moi, dans mon simple cœur d’homme,</div>
-<div class="verse">Les souffrances de tous, dont je souffrais la somme.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et je compris quel faix terrible, à mes côtés,</div>
-<div class="verse">Portaient, après dix-neuf cents ans, les reins voûtés</div>
-<div class="verse">Du grand Juif ; car son dos, qu’il redressait naguère,</div>
-<div class="verse">Se courbait sous les maux que déchaîne la guerre,</div>
-<div class="verse">Et qui lui rappelaient l’horreur du monde ancien.</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Paris, libre cerveau, cœur du monde chrétien,</div>
-<div class="verse">Va périr !… Rien ne peut faire mentir l’oracle,</div>
-<div class="verse">Criai-je. Rien ne peut nous sauver — qu’un miracle ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « L’oracle, dit le vieux, sur quoi se fonde-t-il ? »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Sur l’imminence et sur la grandeur du péril.</div>
-<div class="verse">Quand le boulet, dans l’air, accourt droit sur la cible,</div>
-<div class="verse">Empêcher qu’il la frappe est la chose impossible :</div>
-<div class="verse">Rien ne l’arrêtera sur la fin du trajet. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Or, à travers le sol sacré qu’il ravageait,</div>
-<div class="verse">Peuple conculcateur de la miséricorde,</div>
-<div class="verse">L’effroyable Germain, armée et pourtant horde,</div>
-<div class="verse">Roulait à flots grondants comme un torrent mortel.</div>
-
-<div class="verse stanza">Oiseaux rocks fabuleux, souillant le bleu du ciel,</div>
-<div class="verse">Les taubes allemands, les éperviers corsaires,</div>
-<div class="verse">Sur Compiègne déjà planaient, crispant leurs serres,</div>
-
-<div class="verse stanza">Et, l’incendie au poing, chargés d’engins maudits,</div>
-<div class="verse">Déguisés en soldats, je voyais des bandits</div>
-<div class="verse">Qui menaçaient Paris du martyre et des flammes…</div>
-
-<div class="verse stanza">Et le torrent de fer sanglant, de feux infâmes,</div>
-<div class="verse">Gagne la capitale ! y touche ! en rugissant</div>
-<div class="verse">Sa joie affreuse ; et tout est rouge, flamme et sang…</div>
-<div class="verse">Quand, sous mes yeux hagards, soudainement tout change…</div>
-<div class="verse">La course au sud devient fuite à l’est ?…</div>
-<div class="verse i11">— « C’est étrange !</div>
-<div class="verse">Le hideux cauchemar, criai-je, est-il fini ?</div>
-<div class="verse">Joffre le patient, Maunoury, Galliéni,</div>
-<div class="verse">Comme Hercule, changeant, d’un simple coup d’épaule,</div>
-<div class="verse">Le cours d’un fleuve, ont-ils détourné de la Gaule</div>
-<div class="verse">L’horrible envahisseur, près de nous submerger ?</div>
-<div class="verse">Ou quel dieu nous a-t-il sauvés d’un tel danger ? »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c21" title="XXI. — Les Morts">XXI</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Alors le grand vieillard, désignant tout l’espace</div>
-<div class="verse">Du ciel, dit simplement :</div>
-
-<div class="verse i6 stanza">— « Vois, là-haut, ce qui passe ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Une armée, en plein ciel, étonnait nos regards.</div>
-
-<div class="verse stanza">Spectres flottants, esprits visibles, milliards</div>
-<div class="verse">De formes, dont chacune était une pensée,</div>
-<div class="verse">Multitude en une âme unique condensée,</div>
-<div class="verse">Tous les morts accouraient, sans gestes et sans cris,</div>
-<div class="verse">Sauver le cœur chrétien de l’univers, Paris.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et l’humanité morte emplissait l’étendue.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et sans être aperçue, et sans être entendue,</div>
-<div class="verse">Elle pénétrait tout, réalité sans chair,</div>
-<div class="verse">Matière éparse, plus subtile que l’éther,</div>
-<div class="verse">Feu d’un éclat secret plus ardent qu’une flamme,</div>
-<div class="verse">Fluide magnétique et respirable à l’âme ;</div>
-<div class="verse">Et tous nos combattants sentaient naître en leur cœur</div>
-<div class="verse">Un dieu, l’enthousiasme, un dieu déjà vainqueur,</div>
-<div class="verse">Une force innommée, un élan invincible,</div>
-<div class="verse">Une puissance à qui rien n’est plus impossible…</div>
-<div class="verse">C’était, dans les vivants, le vœu de tous les morts !</div>
-
-<div class="verse stanza">Des milliards de vœux, des milliards d’efforts,</div>
-<div class="verse">Tout le labeur humain, depuis l’âge de pierre,</div>
-<div class="verse">Où l’homme se sentit des pleurs sous la paupière,</div>
-<div class="verse">Joyeux lorsqu’il connut qu’il pouvait, de sa main,</div>
-<div class="verse">Sur la paroi des rocs graver un rêve humain,</div>
-<div class="verse">Et léguer à ses fils l’œuvre à peine rêvée</div>
-<div class="verse">Pour qu’un jour, par leurs mains, elle fût achevée ;</div>
-<div class="verse">L’espoir d’un idéal que chaque siècle accroît,</div>
-<div class="verse">L’amour d’abord, puis la justice, enfin le droit,</div>
-<div class="verse">Tout cela, menacé par un peuple rapace,</div>
-<div class="verse">L’éternité des morts, substance de l’espace,</div>
-<div class="verse">Accourait le défendre ; et tous, tous étaient là,</div>
-<div class="verse">Même Caïn ! Judas mère et même Attila,</div>
-<div class="verse">Car, dans la mort immense, où tout crime s’expie,</div>
-<div class="verse">Les négateurs d’amour, les meurtriers, l’impie,</div>
-<div class="verse">Se sentent dépouillés d’eux-mêmes, lentement…</div>
-
-<div class="verse stanza">Et servir la justice est leur seul châtiment.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c22" title="XXII. — L’Idéal">XXII</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « L’humanité, mon fils, par de mauvaises routes,</div>
-<div class="verse">Rêve confusément, à travers tous les doutes,</div>
-<div class="verse">D’une paix merveilleuse et d’un amour final.</div>
-<div class="verse">Parfois elle a cru voir mourir son idéal,</div>
-<div class="verse">Mais l’éclipse n’est pas la fin et n’a qu’une heure.</div>
-<div class="verse">L’idéal, qui n’est pas encor, lui seul demeure ;</div>
-<div class="verse">C’est le but immuable et sans fin déplacé,</div>
-<div class="verse">Et l’avenir y court, sur l’aile du passé.</div>
-<div class="verse">Sans l’idéal, n’étant que muscles, chair et force,</div>
-<div class="verse">L’homme, athlète stupide, orgueilleux de son torse,</div>
-<div class="verse">(La vie et la durée étant leur propre fin)</div>
-<div class="verse">N’aurait pour tout devoir que d’assouvir sa faim,</div>
-<div class="verse">Tandis qu’il cherche au monde une plus douce joie ;</div>
-<div class="verse">Et la beauté des cieux est là pour qu’il la voie,</div>
-<div class="verse">Et la douceur d’aimer pour qu’il la sente en lui ;</div>
-<div class="verse">Et depuis qu’en son cœur son premier rêve a lui,</div>
-<div class="verse">Astre d’un ciel plus beau que l’autre et non moins vaste,</div>
-<div class="verse">Cet idéal a fait de lui l’Enthousiaste,</div>
-<div class="verse">Et tous vont à l’Étoile, et tous lèvent le front,</div>
-<div class="verse">Et c’est pourquoi les doux sont les forts, et vaincront. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Ainsi parla le vieux scruteur de tout mystère</div>
-<div class="verse">Dont les pas en tous lieux sont écrits sur la terre.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c23" title="XXIII. — La Bonne Lorraine">XXIII</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Nous croyions distinguer, dans les espaces bleus,</div>
-<div class="verse">Tous les grands morts, tous les héros miraculeux,</div>
-<div class="verse">Tous, — les penseurs et les guerriers… Et la bannière</div>
-<div class="verse">De Jeanne d’Arc flottait, blanche, en pleine lumière,</div>
-<div class="verse">Et sur cet étendard, qui planait au-dessus</div>
-<div class="verse">De tous les fronts, ce mot resplendissait : JÉSUS.</div>
-
-<div class="verse stanza">Puis, le soir vint, triste et profond. La cathédrale</div>
-<div class="verse">De Reims, chef-d’œuvre pur de la France ancestrale,</div>
-<div class="verse">Profilait son fantôme obscur dans l’azur noir.</div>
-<div class="verse">Tout à coup, chose affreuse en la beauté du soir,</div>
-<div class="verse">Sous les obus germains, toute, du faîte au porche,</div>
-<div class="verse">Toute, elle s’enflamma comme une immense torche…</div>
-<div class="verse">Et l’on vit, à cheval, aux clartés de ce feu,</div>
-<div class="verse">Jeanne resplendissante et criant :</div>
-<div class="verse i9">— « En nom Dieu,</div>
-<div class="verse">Anglais ! je vous adjure, en avant pour la France !</div>
-<div class="verse">Nous avons même cœur : ayons même espérance,</div>
-<div class="verse">Anglais ! Boutons-les hors de France ! chassons-les ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Et Jeanne chargeait, seule, en avant des Anglais.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c24" title="XXIV. — Odeur d’Ames">XXIV</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Paris, Paris sauvé jadis par Geneviève,</div>
-<div class="verse">Voyait se détourner de lui le mauvais rêve,</div>
-<div class="verse">Et les vils Allemands, les perfides guerriers,</div>
-<div class="verse">En France même ayant préparé des terriers,</div>
-<div class="verse">S’y cachaient, poursuivis, tels des bêtes immondes,</div>
-<div class="verse">Par le glaive de France et le mépris des mondes.</div>
-
-<div class="verse stanza">Dans ces trous, comme en leurs naturels habitats,</div>
-<div class="verse">Dans ces bauges, vivaient, accroupis, leurs soldats.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et comme une eau pourrie exhale ses buées,</div>
-<div class="verse">Ils soufflaient contre nous des poisons, par nuées</div>
-<div class="verse">Ténébreuses, et qui, trahissant l’air du ciel,</div>
-<div class="verse">Rendaient l’azur complice et pestilentiel.</div>
-
-<div class="verse stanza">Leurs gaz asphyxiants, moyens de guerre infâmes,</div>
-<div class="verse">Semblaient leur propre souffle et l’odeur de leurs âmes.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c25" title="XXV. — Debout, les Morts !">XXV</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Parmi des morts et de grands blessés, — c’est alors</div>
-<div class="verse">Qu’un Français, se levant, cria : « Debout, les morts ! »</div>
-<div class="verse">Mais nous seuls nous savions que cet appel sublime</div>
-<div class="verse">Montait vers tous les morts accourus de l’abîme.</div>
-
-<div class="verse stanza">Or, cet appel vibra dans tous les cœurs en deuil,</div>
-<div class="verse">Au souvenir des morts enterrés sans cercueil.</div>
-<div class="verse">Et les vierges en pleurs, les femmes noir-vêtues,</div>
-<div class="verse">Croyaient ouïr les voix chères qui se sont tues…</div>
-<div class="verse">Et nous, nous entendions chanter, en longs accords,</div>
-<div class="verse">Ces même voix, lointains adieux d’esprits sans corps :</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">— « Nous sommes morts pour vous défendre</div>
-<div class="verse i1">Contre de vils envahisseurs,</div>
-<div class="verse i1">Vous que nous aimions d’amour tendre,</div>
-<div class="verse i1">Vieilles mères, petites sœurs !</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Jeunesse encor mal aguerrie,</div>
-<div class="verse i1">Tout éprise de grâce et d’arts,</div>
-<div class="verse i1">Nous sommes morts pour la patrie,</div>
-<div class="verse i1">Fiers de tomber sous vos regards.</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« La mort nous prit sans différence,</div>
-<div class="verse i1">Riches, pauvres, jeunes ou vieux.</div>
-<div class="verse i1">Et nous sommes morts, chère France,</div>
-<div class="verse i1">Pour tes fils et pour nos aïeux.</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Mourir pour toi, — ce fut bien vivre,</div>
-<div class="verse i1">O France, cœur du monde ! sel</div>
-<div class="verse i1">De la terre ! esprit du saint Livre</div>
-<div class="verse i1">Qui veut l’amour universel !</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Nous sommes morts pour la défense</div>
-<div class="verse i1">Du plus doux idéal humain ;</div>
-<div class="verse i1">Pour le léguer pur à l’enfance</div>
-<div class="verse i1">Qui sera la France demain.</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Rapprochés par la mort des pères,</div>
-<div class="verse i1">Et sentant notre âme sur eux,</div>
-<div class="verse i1">Nos fils, dans nos maisons prospères,</div>
-<div class="verse i1">Vivront plus fiers et plus heureux.</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Nous sommes morts pour vous défendre</div>
-<div class="verse i1">Contre de vils envahisseurs,</div>
-<div class="verse i1">Vous que nous aimions d’un cœur tendre,</div>
-<div class="verse i1">Petits enfants, — frères et sœurs ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">Des tombes, çà et là fraîchement remuées,</div>
-<div class="verse">Cette hymne, dominant la guerre et ses huées,</div>
-<div class="verse">S’élançait, rejoignait, comme mêlée au vent,</div>
-<div class="verse">Les anciens morts, — la mort, autre infini vivant,</div>
-<div class="verse">Matrice des soleils, semence des étoiles !</div>
-<div class="verse">Et les femmes, penchant le front sous leurs longs voiles,</div>
-<div class="verse">Les vieux, un crêpe au bras, plusieurs peuples en deuil,</div>
-<div class="verse">Répondaient, en un chant de magnifique orgueil :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Vous aurez dans nos cœurs une tombe immortelle,</div>
-<div class="verse">O vous que votre amour de la paix — a trahis !</div>
-<div class="verse">Vous fîtes en mourant l’humanité plus belle,</div>
-<div class="verse i1">Soldats morts pour notre pays !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Nous laissons, sous nos yeux cernés, couler nos larmes,</div>
-<div class="verse">Mais nos cœurs sont encor plus grands que nos douleurs,</div>
-<div class="verse">Et sur vos corps, ensevelis avec leurs armes,</div>
-<div class="verse i1">Nous jetons des lauriers en fleurs.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Votre mort que l’on pleure, on la donne en exemple ;</div>
-<div class="verse">On la pleure en silence, on l’admire à grands cris ;</div>
-<div class="verse">Et nos cœurs éternels sont pour vous comme un temple</div>
-<div class="verse i1">Où, dans l’or, vos noms sont inscrits.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Vous sûtes, par la mort, avec vos grandes âmes,</div>
-<div class="verse">Faire, au monde sauvé, des avenirs plus beaux !</div>
-<div class="verse">Et c’est pourquoi vos sœurs, vos mères et vos femmes,</div>
-<div class="verse i1">Vous voient vivants sur vos tombeaux. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Telle, en prodigieuse et lente symphonie,</div>
-<div class="verse">Chantait son chant d’orgueil l’espérance infinie.</div>
-
-<div class="verse stanza">Alors, un autre chœur, mais plus retentissant,</div>
-<div class="verse">De moins lente harmonie et de plus rude accent,</div>
-<div class="verse">Vint jusqu’à nous… C’était la voix, l’âme enflammée,</div>
-<div class="verse">La résolution ardente d’une armée…</div>
-<div class="verse">Quelque chose pourtant d’allègre et de moqueur</div>
-<div class="verse">Traversait les accords farouches de ce chœur :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Nos camarades morts sont les moissons fauchées ;</div>
-<div class="verse i1">Mais nous, nous sommes le grain mûr,</div>
-<div class="verse">Le grain gonflé d’espoir qui dort dans les tranchées,</div>
-<div class="verse">Où germine déjà le triomphe futur.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Nous avons en mépris cette race allemande,</div>
-<div class="verse i1">Son idéal matériel.</div>
-<div class="verse">C’est la bête puante et féroce, — et gourmande,</div>
-<div class="verse">L’ours noir qui rôde autour des ruchers pleins de miel.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Ruisselantes de sang, baïonnettes vermeilles,</div>
-<div class="verse i1">Harcelez le fauve aux pieds lourds !</div>
-<div class="verse">La brute, sous le dard de toutes les abeilles,</div>
-<div class="verse">Saura bientôt comment on fait danser les ours.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Mais non, le dur Germain n’est pas si débonnaire ;</div>
-<div class="verse i1">Ce n’est pas l’ours, plaisant danseur ;</div>
-<div class="verse">Et les canons d’Europe, à défaut du tonnerre,</div>
-<div class="verse">Écraseront, dans sa fange, l’envahisseur !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Voyons-le tel qu’il est : un dragon de légende,</div>
-<div class="verse i1">Un monstre aux sept gueules d’enfer,</div>
-<div class="verse">Et jurons-nous d’anéantir l’hydre allemande,</div>
-<div class="verse">Avec la sape, avec la flamme, avec le fer !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Nous sauverons l’espoir, l’amour, la paix des mondes,</div>
-<div class="verse i1">En frappant le monstre en plein cœur,</div>
-<div class="verse">Et nous arracherons les sept langues immondes :</div>
-<div class="verse">Il tordra ses anneaux sous le pied du vainqueur.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Entends-tu le serment des Francs, prince féroce,</div>
-<div class="verse i1">Faux roi, Guillaume le second ?</div>
-<div class="verse">Nous mettrons sous nos pieds, sous l’épée et la crosse,</div>
-<div class="verse">Ta tête affreuse et les sept têtes du dragon.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Nous ne voulons revoir nos maisons, plus prospères,</div>
-<div class="verse i1">Que sous des drapeaux triomphants,</div>
-<div class="verse">Quand les mères pourront offrir aux heureux pères</div>
-<div class="verse">Des lauriers tout en fleurs par la main des enfants. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Des soldats souriants chantaient ce chant suprême,</div>
-<div class="verse">Et la Mort reculait et doutait d’elle-même.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c26" title="XXVI. — Le Christ Allemand">XXVI</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">La France ainsi chantait, fidèle librement</div>
-<div class="verse">Au Christ universel, à l’Évangile aimant.</div>
-
-<div class="verse stanza">Or un vent noir, venu du fond de l’Allemagne,</div>
-<div class="verse">Apporta jusqu’à nous, dans un long sifflement,</div>
-<div class="verse">Avec un gaz fétide, épars sur la campagne,</div>
-<div class="verse">Un chant que suit l’effroi, que la mort accompagne…</div>
-<div class="verse i1">C’est l’hymne du Christ allemand :</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Je veux, moi, seul grand dans le monde,</div>
-<div class="verse i1">Moi, le seul peuple élu de Dieu,</div>
-<div class="verse i1">Purger la terre — elle est immonde —</div>
-<div class="verse">Par l’air empoisonné, par le fer et le feu.</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« C’est sur l’ordre exprès de Dieu même,</div>
-<div class="verse i1">Que j’attaque, en vils ennemis,</div>
-<div class="verse i1">Ces peuples corrompus, que j’aime,</div>
-<div class="verse">Et qui, pour leur bonheur, doivent m’être soumis.</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Notre vieux Dieu, celui qu’on nomme</div>
-<div class="verse i1">Dieu le Père et le Roi des rois,</div>
-<div class="verse i1">Laissa clouer le Fils de l’Homme,</div>
-<div class="verse">Pour le salut du monde, à l’infamante croix…</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Je suis le peuple qu’il désigne</div>
-<div class="verse i1">Pour crucifier, à mon tour,</div>
-<div class="verse i1">L’Humanité, sa fille indigne,</div>
-<div class="verse">Et je la châtierai sans pitié, par amour.</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« La France est la prostituée</div>
-<div class="verse i1">Qui corrompt le vieil univers ;</div>
-<div class="verse i1">Il faut donc qu’elle soit tuée !…</div>
-<div class="verse">A nous ses vins ! et les plages de ses deux mers !</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Et puisqu’elle a dit elle-même</div>
-<div class="verse i1">Qu’elle est le Christ des nations,</div>
-<div class="verse i1">Je justifierai son blasphème :</div>
-<div class="verse">Je livrerai la France aux tribulations.</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Allemands ! acceptons sans plainte</div>
-<div class="verse i1">L’ordre de nous faire un cœur dur :</div>
-<div class="verse i1">Nous accomplirons l’œuvre sainte</div>
-<div class="verse">Que commandent Dieu même et Guillaume le Pur.</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Soyons des Attilas superbes ;</div>
-<div class="verse i1">Fléaux par Dieu même voulus,</div>
-<div class="verse i1">Foulons les corps comme des herbes !</div>
-<div class="verse">Où passent nos chevaux, que rien ne vive plus !</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Torturons nos tristes victimes,</div>
-<div class="verse i1">Puisque Dieu veut leur châtiment ;</div>
-<div class="verse i1">Assurons-leur, bourreaux sublimes,</div>
-<div class="verse">Un salut éternel par des maux d’un moment !</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Que leur sanglot nous réjouisse,</div>
-<div class="verse i1">Comme il réjouira le ciel !</div>
-<div class="verse i1">Dieu m’a dit : « Va ! le sacrifice</div>
-<div class="verse">« Sera d’autant plus beau qu’il sera plus cruel ! »</div>
-
-<div class="verse i1 stanza">« Savourons les cris de souffrance !</div>
-<div class="verse i1">Pour être grands, soyons sans cœur !</div>
-<div class="verse i1">Et sur le monde, et sur la France,</div>
-<div class="verse">Nous représenterons Dieu même, — et Christ vainqueur. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Les entends-tu ? dis-je au vieillard.</div>
-
-<div class="verse i10 stanza">« En Germanie,</div>
-<div class="verse">Où l’on condamne à mort l’humanité punie,</div>
-<div class="verse">Catholiques ou non, tous, prêtres et pasteurs,</div>
-<div class="verse">Prônent le sacrifice… en sacrificateurs.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Ce qu’on prêche, dans les églises allemandes,</div>
-<div class="verse">C’est un Christ noir, vrai fils du Satan des légendes. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c27" title="XXVII. — La Vérité">XXVII</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « La mort, dit Le vieux sage, est un feu dans la nuit ;</div>
-<div class="verse">C’est dans l’obscurité, qu’une étoile éblouit ;</div>
-<div class="verse">Plus s’épaissit l’obscur, mieux on voit toute flamme ;</div>
-<div class="verse">Nuit pour la chair, la mort est lumière pour l’âme.</div>
-<div class="verse">A peine est-il tombé, que le reître germain,</div>
-<div class="verse">Qui marchait contre vous, torche ou fusil en main,</div>
-<div class="verse">Mort, entre frissonnant dans la vérité même,</div>
-<div class="verse">O France ! et c’est alors toi qu’il sert, toi qu’il aime !</div>
-<div class="verse">Mais toi, France au grand cœur, ce qui fait ton cœur fort,</div>
-<div class="verse">C’est la fidélité de tes fils dans la mort.</div>
-<div class="verse">Le lourd crâne carré, que surmonte une pique,</div>
-<div class="verse">Subit aveuglément son maître satanique,</div>
-<div class="verse">Mais, cadavre, il le juge ; il maudit, plein d’horreur,</div>
-<div class="verse">L’Antéchrist reconnu dans ce rouge empereur ;</div>
-<div class="verse">Et Guillaume le Fauve à tout moment tressaille,</div>
-<div class="verse">Quand il passe aujourd’hui sur un champ de bataille,</div>
-<div class="verse">Car il y voit tous les cadavres allemands,</div>
-<div class="verse">Le suivre du regard avec des yeux tournants.</div>
-<div class="verse">Et ce regard, où désespère l’âme humaine,</div>
-<div class="verse">Pour lui n’a plus d’humain qu’une implacable haine.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Le soldat français, lui, mort pour la vérité,</div>
-<div class="verse">Ne donne à son bourreau qu’un regard contristé…</div>
-<div class="verse">C’est alors que, sentant l’horreur de sa tuerie,</div>
-<div class="verse">Le roi rouge, croyant mentir à Dieu, s’écrie :</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Je ne l’ai pas voulue ! »</div>
-<div class="verse i7">« A ce mot, l’œil des morts</div>
-<div class="verse">Jette des feux qui vont, comme autant de remords,</div>
-<div class="verse">Fouiller cette âme obscure, éperdue, exécrée,</div>
-<div class="verse">Où s’allume un enfer d’épouvante sacrée. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c28" title="XXVIII. — Les Désarmés">XXVIII</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">— « Haine ! mort ! je n’entends que ces mots, et des pleurs !</div>
-<div class="verse">Père ! je meurs de voir tuer ! »</div>
-
-<div class="verse i8 stanza">— « Regarde ailleurs. »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Hélas ! vieillard ! devant tant d’horreurs amassées</div>
-<div class="verse">Toutes, à tout instant, par d’autres dépassées,</div>
-<div class="verse">Aucun de nos espoirs ne me reste certain,</div>
-<div class="verse">Je perds le goût de vivre et le sens du destin.</div>
-<div class="verse">Le monde entier me semble entré dans la démence.</div>
-<div class="verse">Comme un naufragé, seul, sur une mer immense,</div>
-<div class="verse">Désespérément nage, et cherche, autour de lui,</div>
-<div class="verse">Une épave, un débris flottant, un point d’appui,</div>
-<div class="verse">Et, n’en trouvant aucun, seul dans la grande houle,</div>
-<div class="verse">Tout seul contre les flots monstrueux, — sent qu’il coule,</div>
-<div class="verse">Je meurs à ma raison qui sombre avec ma foi.</div>
-<div class="verse">Si tu vois un vrai point fixe, montre-le-moi,</div>
-<div class="verse">Mais qui soit bien réel, non plus dans tes chimères.</div>
-<div class="verse">On égorge l’enfance ! on fusille les mères !</div>
-<div class="verse">Guillaume a fait cela ! le refera demain !</div>
-<div class="verse">Et qu’un prince vivant soit ce monstre inhumain,</div>
-<div class="verse">Sans qu’il tombe honni, dégradé par le nombre,</div>
-<div class="verse">Devant l’inexpliqué ma raison fuit… je sombre !</div>
-<div class="verse">Et, mourant sans honneur, vainement irrité,</div>
-<div class="verse">Ma faiblesse me semble une complicité !</div>
-
-<div class="verse stanza">« Oh ! lorsqu’on est l’esprit, la tendresse, la grâce,</div>
-<div class="verse">La France ! et reine et libre, et guerrière de race,</div>
-<div class="verse">Riche, enviée, on a des périls à prévoir,</div>
-<div class="verse">Et se garder au monde est le premier devoir ;</div>
-<div class="verse">Honneur du monde, on doit, plus belle d’être forte,</div>
-<div class="verse">Abriter, au milieu d’une invincible escorte,</div>
-<div class="verse">Ses droits et ses orgueils fièrement défendus,</div>
-<div class="verse">Sous un dais rayonnant fait de glaives tendus.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Sous la voûte d’acier n’être pas bien gardée,</div>
-<div class="verse">C’est offrir aux périls l’avenir de l’idée,</div>
-<div class="verse">Les noblesses de l’art, les bonheurs de l’amour,</div>
-<div class="verse">Tout ce qui rend si doux au cœur — l’éclat du jour.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Maintenant qu’une guerre interminable gronde,</div>
-<div class="verse">Où rencontrer, dans quel recoin du vaste monde,</div>
-<div class="verse">Puisqu’il faut qu’on massacre ou qu’on soit massacré,</div>
-<div class="verse">Un geste évangélique et pur, vraiment sacré,</div>
-<div class="verse">Le Christ en acte et non en mots gonflés d’emphase ?</div>
-<div class="verse">L’heure n’est plus à l’art de cadencer la phrase ;</div>
-<div class="verse">Montre-moi, si tu peux, un héros désarmé</div>
-<div class="verse">Qui, vrai soldat du Christ, ne veuille qu’être aimé.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Alors, tout en foulant cette fange sanglante,</div>
-<div class="verse">Vieillard, je pourrai croire à la victoire lente</div>
-<div class="verse">Mais sûre, — de ce Dieu qui, mort sur un sommet,</div>
-<div class="verse">Jamais ne nous revient et toujours se promet ! »</div>
-
-<div class="verse stanza">— « Eh bien, regarde, au plein milieu de la tuerie,</div>
-<div class="verse">Vois, penché sur les grands blessés, dont la chair crie,</div>
-<div class="verse">L’homme de paix, qui va les guérir par l’acier,</div>
-<div class="verse">Et dont le saint labeur est de s’apitoyer,</div>
-<div class="verse">De vaincre la souffrance et d’exalter la vie ;</div>
-<div class="verse">Par lui, la charité, malgré tout, est servie ;</div>
-<div class="verse">Ennemi de la mort qu’il attaque en soldat,</div>
-<div class="verse">Seul il défend l’esprit de paix, en plein combat.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Vestale des chrétiens, près de lui, l’infirmière</div>
-<div class="verse">Abrite, de sa main, l’amour — notre lumière.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Et parmi les effrois, le prêtre, à leur côté,</div>
-<div class="verse">Héroïque avec eux, sauve la charité.</div>
-
-<div class="verse stanza">« Tant que ceux-là, souvent martyrs de l’Allemagne,</div>
-<div class="verse">Donneront aux horreurs la bonté pour compagne,</div>
-<div class="verse">Le globe pourra voir, du zénith au nadir,</div>
-<div class="verse">L’astre de Bethléem marcher et resplendir. »</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c29" title="XXIX. — Force et Sérénité">XXIX</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">De hauts palmiers berçaient au vent leurs nobles palmes,</div>
-<div class="verse">Sur les bords en gradins d’une rade aux eaux calmes.</div>
-
-<div class="verse stanza">Cela nous apparut comme un vibrant décor,</div>
-<div class="verse">Où dominait l’azur, où resplendissait l’or.</div>
-<div class="verse">De notre plateau nu, rocailleux et grisâtre,</div>
-<div class="verse">Nous admirions, comme un heureux fond de théâtre,</div>
-<div class="verse">La ville, dont les toits, les clochers et les tours,</div>
-<div class="verse">Encerclaient cette rade aux sinueux contours.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et le spectacle était d’une beauté parfaite.</div>
-
-<div class="verse stanza">Pourtant, dans la cité qu’on aurait crue en fête,</div>
-<div class="verse">A qui tout souriait, mer pure et ciel serein,</div>
-<div class="verse">Les arsenaux, battant le fer, fondant l’airain,</div>
-<div class="verse">Travaillaient pour la mort, à l’appel de la guerre ;</div>
-<div class="verse">Mais tout semblait aussi tranquille que naguère,</div>
-<div class="verse">D’abord par la vertu du climat souriant</div>
-<div class="verse">Où s’annonce déjà le charme d’Orient,</div>
-<div class="verse">Puis, parce que le cœur héroïque de France</div>
-<div class="verse">Poursuit son rythme, en guerre, en paix, sans différence,</div>
-<div class="verse">Et que, sûr de sa force, exalté par son droit,</div>
-<div class="verse">Il jouit du futur triomphe — auquel il croit.</div>
-
-<div class="verse stanza">Nous avions sous nos yeux non pas un paysage,</div>
-<div class="verse">Mais l’âme de la France aimée, — et son visage,</div>
-<div class="verse">Tel qu’il était hier, tel qu’il sera demain,</div>
-<div class="verse">Lorsqu’on aura chassé le cauchemar germain.</div>
-
-<div class="verse stanza">Le grand pavois flottait, triomphant par avance,</div>
-<div class="verse">En plein ciel libre, à bord du cuirassé <span class="sc">Provence</span>,</div>
-<div class="verse">Qui saluait, du bruit tonnant de son canon,</div>
-<div class="verse">Le pays des lauriers, dont il porte le nom.</div>
-
-<div class="verse stanza">Dans la montagne et les gorges les plus profondes,</div>
-<div class="verse">Ce tonnerre, en échos, roulait par larges ondes,</div>
-<div class="verse">Sans qu’on vît, même au loin, un nuage orageux.</div>
-<div class="verse">Cachée, et s’exerçant à ses terribles jeux,</div>
-<div class="verse">La mitrailleuse, exacte à scander ses rafales,</div>
-<div class="verse">Soufflait ce bruit que fait la mer, par intervalles,</div>
-<div class="verse">En roulant des galets qui se choquent entre eux.</div>
-
-<div class="verse stanza">Dans l’air pur, tout fleuri de pavillons nombreux,</div>
-<div class="verse">De blancs oiseaux marins, les ailes toutes grandes,</div>
-<div class="verse">Entrelaçaient leurs vols en vivantes guirlandes,</div>
-<div class="verse">Sur cet éden réel, sur ce rêve enchanté.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et, devant ces splendeurs de suprême beauté,</div>
-<div class="verse">Le Mage s’écria :</div>
-
-<div class="verse i4 stanza">— « France, celte et latine,</div>
-<div class="verse">A tous les beaux destins ta beauté te destine !</div>
-
-<div class="verse stanza">« O France ! tu vaincras tes fauves ennemis.</div>
-<div class="verse">Ton triomphe certain commence ; il est promis ;</div>
-<div class="verse">Car il faut que le monde aille vers la lumière,</div>
-<div class="verse">Et c’est toi, vers l’amour, qui marches la première !</div>
-
-<div class="verse stanza">« L’esprit germain est lourd, comme matériel,</div>
-<div class="verse">Et le tien est ailé comme l’oiseau du ciel.</div>
-
-<div class="verse stanza">« O France ! tu vaincras, car le monde veut vivre.</div>
-<div class="verse">La terre entière attend le verbe qui délivre,</div>
-<div class="verse">Et qu’il soit esprit libre ou sentiment chrétien,</div>
-<div class="verse">Le grand verbe d’amour sur terre, c’est le tien. »</div>
-
-<div class="verse stanza">Entre ciel et mer, blanc, ses deux ailes tendues,</div>
-<div class="verse">Un hydroavion, roi des deux étendues,</div>
-<div class="verse">Planait, — et, pour nos cœurs, en ce siècle d’effrois,</div>
-<div class="verse">Moderne labarum, figurait une croix.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c30" title="XXX. — Le Rouge-Gorge">XXX</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">La vision fondit comme un reflet sous l’onde.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et nous étions tous deux, seuls, au sommet du monde.</div>
-
-<div class="verse stanza">Le bruit sourd du canon lointain, à temps égaux,</div>
-<div class="verse">Ébranlait la montagne en frappant les échos :</div>
-<div class="verse">On eût dit le marteau d’un Titan dans sa forge.</div>
-
-<div class="verse stanza">Auprès de nous, chantait un petit rouge-gorge ;</div>
-<div class="verse">Sous la croix, sur ce haut désert plat, rocailleux,</div>
-<div class="verse">Il s’attaquait du bec aux dards des chardons bleus.</div>
-</div>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak" id="c31" title="XXXI. — La Terre promise">XXXI</h2>
-
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse">Et l’univers n’était, sous nos yeux, qu’une plaine.</div>
-
-<div class="verse stanza">Tel, au pied de la croix, Jean, près de Magdeleine,</div>
-<div class="verse">Le vieillard, sur le haut crucifix vermoulu,</div>
-<div class="verse">S’appuya, cette fois dans un geste voulu.</div>
-<div class="verse">Il mourait, et cherchait cet appui de son âme.</div>
-
-<div class="verse stanza">Et de ses veux sa foi jaillit comme une flamme ;</div>
-<div class="verse">Il sembla qu’elle allait allumer tout là-bas</div>
-<div class="verse">Des renouveaux d’espoir aux cœurs de nos soldats ;</div>
-
-<div class="verse stanza">Et l’on eût dit, au front du Sinaï, Moïse</div>
-<div class="verse">Lançant des feux lointains sur la Terre Promise,</div>
-<div class="verse">Et certain que les fils d’Israël la verront.</div>
-<div class="verse">Ses cheveux au soleil irradiaient son front ;</div>
-<div class="verse">Sa barbe ruisselait dans le vent comme un fleuve :</div>
-<div class="verse">Et ses yeux contemplaient une humanité neuve,</div>
-<div class="verse">Préparée, à travers tant de siècles éteints,</div>
-<div class="verse">Par tous les rêves purs qu’on n’a jamais atteints.</div>
-
-<div class="verse stanza">O Terre de l’amour ! éternelle espérée !</div>
-
-<div class="verse stanza">Or, sous la Croix, qui me parut démesurée,</div>
-<div class="verse">Le vieillard, tout à coup, en murmurant : « Je vois ! »</div>
-<div class="verse">Tomba. Tout s’éteignit en lui, regards et voix…</div>
-
-<div class="verse stanza">Et la Croix, sous mes yeux, parut grandir encore.</div>
-
-<div class="verse stanza">Midi, plus rayonnant, mais plus frais qu’une aurore,</div>
-<div class="verse">Frappait d’aplomb sur nous et sur le Crucifix ;</div>
-<div class="verse">Le Dieu mort promettait le triomphe à ses fils :</div>
-<div class="verse">Sur ses bras grands ouverts tombait tant de lumière,</div>
-<div class="verse">Que leur ombre enlaçait la terre tout entière.</div>
-</div>
-
-<div class="break"></div>
-
-<p class="c top6em">ACHEVÉ D’IMPRIMER<br />
-<span class="small">SUR LES PRESSES DE L’IMPRIMERIE LAHURE<br />
-LE 10 MARS 1916</span></p>
-
-
-<div lang='en' xml:lang='en'>
-<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK <span lang='fr' xml:lang='fr'>LE TÉMOIN</span> ***</div>
-<div style='text-align:left'>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Updated editions will replace the previous one&#8212;the old editions will
-be renamed.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright
-law means that no one owns a United States copyright in these works,
-so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United
-States without permission and without paying copyright
-royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part
-of this license, apply to copying and distributing Project
-Gutenberg&#8482; electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG&#8482;
-concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark,
-and may not be used if you charge for an eBook, except by following
-the terms of the trademark license, including paying royalties for use
-of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for
-copies of this eBook, complying with the trademark license is very
-easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation
-of derivative works, reports, performances and research. Project
-Gutenberg eBooks may be modified and printed and given away&#8212;you may
-do practically ANYTHING in the United States with eBooks not protected
-by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the trademark
-license, especially commercial redistribution.
-</div>
-
-<div style='margin-top:1em; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE</div>
-<div style='text-align:center;font-size:0.9em'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE</div>
-<div style='text-align:center;font-size:0.9em'>PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-To protect the Project Gutenberg&#8482; mission of promoting the free
-distribution of electronic works, by using or distributing this work
-(or any other work associated in any way with the phrase &#8220;Project
-Gutenberg&#8221;), you agree to comply with all the terms of the Full
-Project Gutenberg&#8482; License available with this file or online at
-www.gutenberg.org/license.
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg&#8482; electronic works
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg&#8482;
-electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
-and accept all the terms of this license and intellectual property
-(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
-the terms of this agreement, you must cease using and return or
-destroy all copies of Project Gutenberg&#8482; electronic works in your
-possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a
-Project Gutenberg&#8482; electronic work and you do not agree to be bound
-by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person
-or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.B. &#8220;Project Gutenberg&#8221; is a registered trademark. It may only be
-used on or associated in any way with an electronic work by people who
-agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
-things that you can do with most Project Gutenberg&#8482; electronic works
-even without complying with the full terms of this agreement. See
-paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
-Gutenberg&#8482; electronic works if you follow the terms of this
-agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg&#8482;
-electronic works. See paragraph 1.E below.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation (&#8220;the
-Foundation&#8221; or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
-of Project Gutenberg&#8482; electronic works. Nearly all the individual
-works in the collection are in the public domain in the United
-States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
-United States and you are located in the United States, we do not
-claim a right to prevent you from copying, distributing, performing,
-displaying or creating derivative works based on the work as long as
-all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope
-that you will support the Project Gutenberg&#8482; mission of promoting
-free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg&#8482;
-works in compliance with the terms of this agreement for keeping the
-Project Gutenberg&#8482; name associated with the work. You can easily
-comply with the terms of this agreement by keeping this work in the
-same format with its attached full Project Gutenberg&#8482; License when
-you share it without charge with others.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
-what you can do with this work. Copyright laws in most countries are
-in a constant state of change. If you are outside the United States,
-check the laws of your country in addition to the terms of this
-agreement before downloading, copying, displaying, performing,
-distributing or creating derivative works based on this work or any
-other Project Gutenberg&#8482; work. The Foundation makes no
-representations concerning the copyright status of any work in any
-country other than the United States.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.1. The following sentence, with active links to, or other
-immediate access to, the full Project Gutenberg&#8482; License must appear
-prominently whenever any copy of a Project Gutenberg&#8482; work (any work
-on which the phrase &#8220;Project Gutenberg&#8221; appears, or with which the
-phrase &#8220;Project Gutenberg&#8221; is associated) is accessed, displayed,
-performed, viewed, copied or distributed:
-</div>
-
-<blockquote>
- <div style='display:block; margin:1em 0'>
- This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
- other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
- whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
- of the Project Gutenberg License included with this eBook or online
- at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. If you
- are not located in the United States, you will have to check the laws
- of the country where you are located before using this eBook.
- </div>
-</blockquote>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.2. If an individual Project Gutenberg&#8482; electronic work is
-derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not
-contain a notice indicating that it is posted with permission of the
-copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in
-the United States without paying any fees or charges. If you are
-redistributing or providing access to a work with the phrase &#8220;Project
-Gutenberg&#8221; associated with or appearing on the work, you must comply
-either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or
-obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg&#8482;
-trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.3. If an individual Project Gutenberg&#8482; electronic work is posted
-with the permission of the copyright holder, your use and distribution
-must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any
-additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms
-will be linked to the Project Gutenberg&#8482; License for all works
-posted with the permission of the copyright holder found at the
-beginning of this work.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg&#8482;
-License terms from this work, or any files containing a part of this
-work or any other work associated with Project Gutenberg&#8482;.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
-electronic work, or any part of this electronic work, without
-prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
-active links or immediate access to the full terms of the Project
-Gutenberg&#8482; License.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
-compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including
-any word processing or hypertext form. However, if you provide access
-to or distribute copies of a Project Gutenberg&#8482; work in a format
-other than &#8220;Plain Vanilla ASCII&#8221; or other format used in the official
-version posted on the official Project Gutenberg&#8482; website
-(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense
-to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means
-of obtaining a copy upon request, of the work in its original &#8220;Plain
-Vanilla ASCII&#8221; or other form. Any alternate format must include the
-full Project Gutenberg&#8482; License as specified in paragraph 1.E.1.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
-performing, copying or distributing any Project Gutenberg&#8482; works
-unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
-access to or distributing Project Gutenberg&#8482; electronic works
-provided that:
-</div>
-
-<div style='margin-left:0.7em;'>
- <div style='text-indent:-0.7em'>
- &#8226; You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
- the use of Project Gutenberg&#8482; works calculated using the method
- you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed
- to the owner of the Project Gutenberg&#8482; trademark, but he has
- agreed to donate royalties under this paragraph to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid
- within 60 days following each date on which you prepare (or are
- legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty
- payments should be clearly marked as such and sent to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in
- Section 4, &#8220;Information about donations to the Project Gutenberg
- Literary Archive Foundation.&#8221;
- </div>
-
- <div style='text-indent:-0.7em'>
- &#8226; You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
- you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
- does not agree to the terms of the full Project Gutenberg&#8482;
- License. You must require such a user to return or destroy all
- copies of the works possessed in a physical medium and discontinue
- all use of and all access to other copies of Project Gutenberg&#8482;
- works.
- </div>
-
- <div style='text-indent:-0.7em'>
- &#8226; You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of
- any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
- electronic work is discovered and reported to you within 90 days of
- receipt of the work.
- </div>
-
- <div style='text-indent:-0.7em'>
- &#8226; You comply with all other terms of this agreement for free
- distribution of Project Gutenberg&#8482; works.
- </div>
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project
-Gutenberg&#8482; electronic work or group of works on different terms than
-are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing
-from the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the manager of
-the Project Gutenberg&#8482; trademark. Contact the Foundation as set
-forth in Section 3 below.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
-effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
-works not protected by U.S. copyright law in creating the Project
-Gutenberg&#8482; collection. Despite these efforts, Project Gutenberg&#8482;
-electronic works, and the medium on which they may be stored, may
-contain &#8220;Defects,&#8221; such as, but not limited to, incomplete, inaccurate
-or corrupt data, transcription errors, a copyright or other
-intellectual property infringement, a defective or damaged disk or
-other medium, a computer virus, or computer codes that damage or
-cannot be read by your equipment.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the &#8220;Right
-of Replacement or Refund&#8221; described in paragraph 1.F.3, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
-Gutenberg&#8482; trademark, and any other party distributing a Project
-Gutenberg&#8482; electronic work under this agreement, disclaim all
-liability to you for damages, costs and expenses, including legal
-fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
-LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
-PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
-TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
-LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
-INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
-DAMAGE.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
-defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
-receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
-written explanation to the person you received the work from. If you
-received the work on a physical medium, you must return the medium
-with your written explanation. The person or entity that provided you
-with the defective work may elect to provide a replacement copy in
-lieu of a refund. If you received the work electronically, the person
-or entity providing it to you may choose to give you a second
-opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If
-the second copy is also defective, you may demand a refund in writing
-without further opportunities to fix the problem.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
-in paragraph 1.F.3, this work is provided to you &#8216;AS-IS&#8217;, WITH NO
-OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT
-LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
-warranties or the exclusion or limitation of certain types of
-damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement
-violates the law of the state applicable to this agreement, the
-agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
-limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
-unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
-remaining provisions.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
-trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
-providing copies of Project Gutenberg&#8482; electronic works in
-accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
-production, promotion and distribution of Project Gutenberg&#8482;
-electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
-including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
-the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
-or any Project Gutenberg&#8482; work, (b) alteration, modification, or
-additions or deletions to any Project Gutenberg&#8482; work, and (c) any
-Defect you cause.
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg&#8482;
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Project Gutenberg&#8482; is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of
-computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
-from people in all walks of life.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
-assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg&#8482;&#8217;s
-goals and ensuring that the Project Gutenberg&#8482; collection will
-remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg&#8482; and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation&#8217;s EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
-U.S. federal laws and your state&#8217;s laws.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Foundation&#8217;s business office is located at 809 North 1500 West,
-Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up
-to date contact information can be found at the Foundation&#8217;s website
-and official page at www.gutenberg.org/contact
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Project Gutenberg&#8482; depends upon and cannot survive without widespread
-public support and donations to carry out its mission of
-increasing the number of public domain and licensed works that can be
-freely distributed in machine-readable form accessible by the widest
-array of equipment including outdated equipment. Many small donations
-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
-with these requirements. We do not solicit donations in locations
-where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
-DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state
-visit <a href="https://www.gutenberg.org/donate/">www.gutenberg.org/donate</a>.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-While we cannot and do not solicit contributions from states where we
-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
-against accepting unsolicited donations from donors in such states who
-approach us with offers to donate.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-International donations are gratefully accepted, but we cannot make
-any statements concerning tax treatment of donations received from
-outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Please check the Project Gutenberg web pages for current donation
-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations. To
-donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 5. General Information About Project Gutenberg&#8482; electronic works
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg&#8482; concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
-distributed Project Gutenberg&#8482; eBooks with only a loose network of
-volunteer support.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Project Gutenberg&#8482; eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
-the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
-necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
-edition.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Most people start at our website which has the main PG search
-facility: <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-This website includes information about Project Gutenberg&#8482;,
-including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
-subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
-</div>
-
-</div>
-</div>
-</body>
-</html>
diff --git a/old/67867-h/images/cover.jpg b/old/67867-h/images/cover.jpg
deleted file mode 100644
index 602c6bb..0000000
--- a/old/67867-h/images/cover.jpg
+++ /dev/null
Binary files differ