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If you are not located in the United States, you -will have to check the laws of the country where you are located before -using this eBook. - -Title: Trois Églises - Eaux-fortes originales de Ch. Jouas - -Author: Joris-Karl Huysmans - -Illustrator: Charles Jouas - -Release Date: December 22, 2021 [eBook #66995] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -Produced by: Laurent Vogel (This file was produced from images generously - made available by the Bibliothèque nationale de France - (BnF/Gallica)) - -*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK TROIS ÉGLISES *** - - - - - Trois Eglises - - La Symbolique de Notre Dame - Saint Merry - Saint Germain l’Auxerrois - - par J. K. Huysmans - - Editions René Kieffer - Relieur d’Art. 18 Rue Séguier, VIe - Paris 1920 - - - - -Justification du Tirage - - - 20 Exemplaires contenant trois états des - eaux-fortes et une aquarelle originale - de l’illustrateur 700 fr. - Numérotés de 1 à 10 - - 30 Exemplaires contenant trois états des - eaux-fortes 550 fr. - Numérotés de 21 à 50 - - 20 Exemplaires contenant deux états des - eaux-fortes dont celui avec remarque 400 fr. - Numérotés de 51 à 70 - - 180 Exemplaires contenant un état des - eaux-fortes 300 fr. - Numérotés de 71 à 250 - -Il a été tiré en outre DIX Exemplaires sur Japon ancien à la forme -contenant: - -1º Une aquarelle originale, - -2º Tous les états du graveur pour chaque planche, - -3º Une suite en couleurs tirée sous la direction de Charles Jouas -d’après ses originaux, - -1500 francs. - - - - J.-K. Huysmans - - Trois - Eglises - - Eaux-fortes originales de Ch. Jouas - - - Editions René Kieffer - Relieur d’Art, 18, Rue Séguier - Paris 1920 - - - - -[Illustration] - - - - -La Symbolique de Notre-Dame de Paris - - -C’est à Victor Hugo, à Montalembert, à Viollet-le-Duc, à Didron, que -nous devons le réveil de louanges dont se pare maintenant l’art -gothique, si méprisé par le dix-septième et le dix-huitième siècles, en -France. A leur suite, les chartistes s’en sont mêlés et ont parfois -exhumé des layettes d’archives, des actes de naissance portant le nom -des «maîtres de la pierre vivel» qui bâtirent les cathédrales; les -recherches continuent dans les cimetières à paperasses des provinces; -quel est, à l’heure actuelle, le résultat de ce mouvement que détermina -le Romantisme? - -Celui-ci: tous les architectes, tous les archéologues, depuis -Viollet-le-Duc jusqu’à Quicherat, n’ont vu dans la basilique ogivale -qu’un corps de pierre dont ils ont expliqué contradictoirement les -origines et décrit plus ou moins ingénieusement les organes. Ils ont -surtout noté le travail apparent des âges, les changements apportés d’un -siècle à un autre; ils ont été à la fois physiologistes et historiens, -mais ils ont abouti à ce que l’on pourrait nommer le matérialisme des -monuments. Ils n’ont vu que la coque et l’écorce; ils se sont obnubilés -devant le corps et ils ont oublié l’âme. - -Et pourtant l’âme des cathédrales existe; l’étude de la symbolique le -prouve. - -La symbolique, qui est la science d’employer une figure ou une image -comme signe d’une autre chose, a été la grande idée du moyen âge, et, -sans elle, rien de ces époques lointaines ne s’explique. Sachant très -bien qu’ici-bas tout est figuré, que les êtres et que les objets -visibles sont, suivant l’expression de Saint Denys l’Aréopagite, les -images lumineuses des invisibles, l’art du moyen âge s’assigna le but -d’exprimer des sentiments et des pensées avec les formes matérielles, -variées, de la vitre et de la pierre et il créa un alphabet à son usage. -Une statue, une peinture, purent être un mot et des groupes, des alinéas -et des phrases; la difficulté est de les lire, mais le grimoire se -déchiffre. Des livres tels que le «Miroir du Monde» de Vincent de -Beauvais, le «Speculum Ecclesiæ» d’Honorius d’Autun, si bien mis en -valeur par M. Male, le Spicilège de Solesmes, les apocryphes, la Légende -dorée, nous donnent la clef des énigmes. - -L’on comprendra cette importance attribuée à la symbolique, par le -clergé, par les moines, par les imagiers, par le peuple même au -treizième siècle, si l’on tient compte de ce fait que la symbolique -provient d’une source divine, qu’elle est la langue parlée par Dieu -même. - -Elle a, en effet, jailli comme un arbre touffu du sol même de la Bible. -Le tronc est la Symbolique des Ecritures, les branches sont les -allégories de l’architecture, des couleurs, des pierreries, de la flore -et de la faune, les hiéroglyphes des Nombres. - -Si ces diverses branches peuvent donner lieu à des interprétations plus -ou moins sûres, il n’en est pas de même de la partie essentielle de la -Symbolique des Ecritures, qui, elle, est claire et tenue pour exacte par -tous les temps. Qui ne sait, en effet, nous déclare Saint Grégoire le -Grand, que «l’Ancien Testament est la prophétie du Nouveau et le Nouveau -la manifestation de l’Ancien», que, par conséquent, la religion Mosaïque -contient en emblèmes ce que la religion catholique nous divulgue en -réalité? L’histoire sainte est une somme d’images; tout arrivait aux -Hébreux en figures affirme saint Paul; le Christ l’a rappelé maintes -fois à ses disciples et lui-même s’est presque toujours servi, lorsqu’il -haranguait les foules, de paraboles ou, si l’on aime mieux, de récits -allégoriques qui lui permettaient, en montrant une chose, d’en dévoiler -une autre. - -Il n’est donc point surprenant que le moyen âge ait suivi la tradition -que lui avaient, après les enseignements du Messie, transmise les Pères -de l’Eglise et appliqué à la maison du Seigneur leurs procédés. - -[Illustration] - -Cela dit, nous devons ajouter qu’en sus de cette précaution d’enclore, -dans une cathédrale, les vérités du dogme, sous les apparences des -contours et les espèces des signes, le moyen âge a voulu traduire, en -des lignes sculptées ou peintes, les Légendaires et les évangiles -apocryphes, être en même temps aussi qu’un cours d’hagiographie et de -pieux fabliaux, un sermonaire narrant au peuple le combat des vertus et -des vices, lui prêchant la sobriété, le travail, la nécessité évoquée -par la parabole des vierges sages et des vierges folles, d’être toujours -prêt à paraître devant Dieu, le menant, peu à peu, tout en l’exhortant -le long de la route, jusqu’au jour de la mort qu’il lui découvrait -brutalement, dès l’entrée même de la basilique, dans les tableaux du -Jugement dernier et du pèsement des âmes. - -La cathédrale était donc un ensemble, une synthèse; elle embrassait -tout; elle était une bible, un catéchisme, une classe de morale, un -cours d’histoire et elle remplaçait le texte par l’image pour les -ignorants. - -Nous voici loin, avec ces données, de l’archéologie, de cette pauvre -science de l’anatomie des édifices! - -Voyons maintenant, en usant de la doctrine des symboles, ce qu’est -Notre-Dame de Paris, quel est le sens de ses divers organes, quelles -paroles elle profère, quelles idées elle décèle. - -Ses conceptions et son langage ne diffèrent pas de ceux de ses grandes -sœurs de Chartres, d’Amiens, de Strasbourg, de Bourges, de Reims. Tout -au plus cache-t-elle une arrière-pensée qui sent un tantinet le fagot et -que j’expliquerai plus loin;--nous pouvons donc, pour elle comme pour -les autres, l’étudier, en lui appliquant les théories générales du -symbolisme. - -Occupons-nous d’abord de l’intérieur. Durand, évêque de Mende, qui vécut -au treizième siècle, c’est-à-dire à l’époque même où fut construite -Notre-Dame, nous enseigne que ses tours représentent les prédicateurs, -et cette assertion se confirme par la signification assignée aux cloches -qui rappellent aux chrétiens, avec leurs prédications aériennes, les -vertus qu’il leur faut pratiquer, s’ils veulent parvenir aux sommets des -tours, images de la perfection que cherchent à atteindre, en s’élevant, -les âmes. Suivant une autre exégèse formulée, dans le Spicilège de -Solesmes, par Pierre de Mora, évêque de Capoue, les tours -représenteraient surtout la Vierge Marie et l’Eglise, veillant sur le -salut de la ville qui s’étend sous elles. - -Le toit est l’emblème de la charité; les tuiles destinées à abriter le -temple des pluies, sont les soldats qui protègent l’Eglise contre les -entreprises des païens; les pierres des murailles, soudées entre elles, -certifient, d’après saint Nil, l’union des âmes, et suivant Hugues de -Saint-Victor, le mélange des laïques et des clercs qui constituent la -société chrétienne, qui sont, dit-il, les deux flancs d’un même corps. - -Et ces pierres, liées par le ciment qu’Yves de Chartres assimile à la -charité, forment les quatre grands murs de la basilique, les quatre -Evangélistes, selon le «Tractatus super aedificium» de Prudence de -Troyes, et selon la traduction d’autres écrivains, les quatre vertus -principales: la Justice, la Force, la Prudence, la Tempérance. - -Les fenêtres sont les emblèmes de nos sens qui doivent être fermés aux -vanités de ce monde et ouverts aux dons du ciel; elles sont garnies de -vitres, laissant passer les rayons du soleil, du Soleil de Justice qui -est Dieu; elles sont encore, d’après la théorie d’Hugues de -Saint-Victor, les Ecritures qui éclairent mais repoussent le vent, la -neige, la pluie, similitudes des hérésies que le Père de la division et -du mensonge forme. - -Notre-Dame a trois portails, en l’honneur de la Trinité sainte; et celui -du milieu, dénommé portail royal, est divisé par un pilier sur lequel -repose une statue du Christ qui a dit de lui-même dans l’Evangile de -saint Jean: «Ego sum ostium.» Tranchée de cette façon, la porte signifie -les deux voies que l’homme est libre de suivre. - -Et cette allégorie est complétée par l’image du Jugement dernier qui se -déroule sur le tympan du porche, avisant le pécheur du sort qui -l’attend, suivant qu’il s’engagera dans l’une ou l’autre de ces deux -routes. - -[Illustration] - -Pour résumer en quelques lignes ces données, nous pouvons dire que l’âme -chrétienne, partie du sol, du bas des tours, avec la foi dans les -vérités primordiales de la religion, stipulées par les groupes des trois -porches: la Trinité, que le nombre même de ces entrées avère, la -croyance en la Divinité du Fils et la Maternité divine de la Vierge, -racontée par les statues et les figures, s’élève peu à peu, en -pratiquant les vertus désignées par les grands murs, jusqu’au toit, -symbole de la Charité qui couvre une multitude de péchés, qui est la -vertu par excellence, selon saint Paul. - -Il ne lui reste plus dès lors, pour atteindre le Seigneur et se fondre -en Lui, qu’à gravir les tours dont les sommets représentent les cimes de -la vie parfaite. - -Et cet abrégé de la théologie mystique que la façade de Notre-Dame nous -enseigne, nous le retrouvons, condensé en d’autres termes, exprimé par -d’autres mots, dans son intérieur, par l’ensemble de la nef, du transept -et du chœur, ces trois degrés de l’ascèse, la vie purgative, énoncée par -les ténèbres de l’entrée, loin de l’autel; la vie contemplative qui -s’éclaire en avançant vers le chœur; la vie unitive qui ne se réalise -que dans la partie attribuée à Dieu, là où convergent les feux allumés -par le soleil de Justice, dans les vitraux des roses. - -La forme intérieure de Notre-Dame est, de même que celle de la plupart -des grandes basiliques, cruciale. - -Et ainsi que nous l’apprend dans son «De Divinis officiis» le bénédictin -Rupert, abbé, au douzième siècle, du monastère de Deutz, si les -dimensions de la croix sont en profondeur, en longueur, en largeur et en -hauteur, il en est de même de l’église qui reproduit son image--et la -profondeur notifie la foi--la longueur, la persévérance--la largeur, la -charité--la hauteur, l’espoir de la récompense future. - -Si nous passons maintenant aux détails de l’ensemble, nous trouvons que -la voûte est, d’après l’exégèse de l’anonyme du «Psalterium glossatum» -du onzième siècle, l’image de la vie céleste, que les piliers sont les -apôtres, qu’au dire de Durand de Mende, les colonnes que, de son côté, -Petrus Cantor assimile, à cause de leur force, au Christ, sont les -Evêques et les Docteurs qui soutiennent l’église par leur doctrine; que -le pavé stipule l’humilité et qu’il figure aussi, parce qu’il est foulé -aux pieds, les labeurs mis au service de la Foi, des fidèles; que le -jubé, supprimé presque partout et remplacé par le coquetier, plus ou -moins élégant, de la chaire à prêcher, est l’emblème de la montagne du -haut de laquelle parlait le Fils. - -Le chœur et le sanctuaire symbolisent le ciel, tandis que la nef simule -la terre et comme l’on ne peut s’élever de la terre jusqu’au ciel que -par les souffrances rédemptrices de la croix, l’on érigeait jadis, au -sommet de l’arcade grandiose qui réunit la nef au chœur, un crucifix -colossal. - -L’ignorance des architectes et des curés a depuis longtemps fait -disparaître cette croix gigantesque de Notre-Dame. - -Le signe marquant la division des deux mondes ne subsiste plus -maintenant dans cette église que grâce à la grille qui entoure le chœur -et limite les deux zones, celle de Dieu et celle des hommes, dit saint -Grégoire de Nazianze, dans un poème cité par l’abbé Thiers. - -De son côté, l’abside, qui s’arrondit derrière le sanctuaire et affecte -dans la plupart des cathédrales la forme d’un demi-cercle, rappelle la -couronne d’épines sur laquelle s’appuya, lorsqu’elle fut sur le gibet, -la tête ensanglantée du Christ. - -Dans la majeure partie des temples, la chapelle du fond est dédiée à la -Vierge, afin d’attester, par cette position même qu’elle occupe, que -Marie est le dernier refuge des pécheurs, mais, ici, où tout l’édifice -lui est voué, elle n’a pas de chapelle spéciale à la fin du chevet et -l’espace qui ne lui est pas consacré est tenu par un oratoire où l’on -garde les réserves du Saint-Sacrement. - -Si l’abside, située derrière le maître-autel, signifie le douloureux -diadème qui ceignit le chef vivant du Christ, l’autel même est sa tête, -comme les bras étendus du transept sont ses bras, comme les portes -ouvertes au bout des deux allées de ce transept sont les plaies de ses -mains, comme les portes du grand porche d’entrée sont les blessures de -ses pieds percés de clous. - -Enfin si l’on se place dans la nef de Notre-Dame l’on peut remarquer que -l’axe du chœur incline légèrement sur la gauche. - -[Illustration] - -Cette inflexion, nous la retrouvons presque partout, à Saint-Ouen et à -la cathédrale de Rouen, à Saint-Jean de Poitiers, à Notre-Dame de -Chartres et de Reims, à Saint-Gatien de Tours, à Saint-Germain-des-Prés, -à Paris, à Saint-Nicolas-du-Port, près de Nancy, dans presque toutes les -grandes basiliques du moyen âge. - -La répétition constante de cet artifice est donc voulue et elle a sa -raison d’être. - -Or, jusqu’à présent, il était admis que cette déviation de l’axe du -chœur était une allusion à l’attitude de Jésus expirant sur le bois du -supplice; c’était la traduction, en langue architecturale, du passage de -l’Evangile selon Saint-Jean: «Et inclinato capite, tradidit spiritum.» - -Mais l’Ecole des Chartes, qui est devenue, depuis la mort de Léon -Gautier et de Lecoy de La Marche, une sorte d’officine de Juivophiles et -de protestants, dont le but semble être de déprécier le moyen âge que -ses professeurs de jadis exaltèrent, a tout changé. - -A l’heure actuelle la symbolique est reléguée par elle dans les rancarts -et l’on y enseigne le matérialisme archéologique dans ce qu’il a de plus -bas. - -Une brochure intitulée «La déviation de l’axe des églises est-elle -symbolique?» et qui a pour auteur M. de Lasteyrie, membre de l’Institut -et l’un des podestats de l’Ecole, est, à ce point de vue, typique. - -M. de Lasteyrie répond par la négative à sa question, déclare qu’il n’a -découvert aucun texte du moyen âge relatif à ce sujet et il ajoute -aussitôt: «Si jamais le hasard en faisait sortir quelqu’un des arcanes -de nos bibliothèques, je ne crois pas qu’on dût y prêter grande -attention, car il serait assez isolé pour qu’on pût hardiment en -contester la valeur.» - -Voilà qui est simple. Cette façon de prendre les devants pour nier -l’importance de tout document qui réduirait sa thèse à néant est pour le -moins ingénue; elle est, dans tous les cas, prudente. - -Mais en même temps qu’il nous atteste que l’inclinaison du chevet des -cathédrales n’est pas intentionnelle et n’a été inspirée par aucun -dessein mystique, il tente de nous fournir les raisons de cette -constante anomalie des axes et de nous expliquer les causes pour -lesquelles les architectes des basiliques du moyen âge la commirent. - -Et c’est alors que ce vétéran de la paperasse nous exhibe des arguments -dont l’extraordinaire indigence désarçonne. - -Après avoir raconté ce que nous savons déjà--que les cathédrales ont été -bâties par étapes successives et non d’un seul jet--très sérieusement, -il nous dit: - -«Il en résulte que les architectes qui présidaient à la suite des -travaux avaient à raccorder les maçonneries nouvelles avec les parties -antérieurement construites et c’était là un problème dont on comprendra -toute la difficulté, si l’on songe que la célébration du culte dans une -partie de l’église obligeait à élever, entre cette partie et le chantier -où se poursuivaient les travaux, des cloisons ou des murs qui -interceptaient complètement la vue. - -«Or les gens du moyen âge, ne connaissant aucun des instruments qui -permettent aux modernes de se repérer avec précision et de raccorder, -malgré tous les obstacles, les lignes les plus compliquées, éprouvaient -le plus grand embarras pour prendre leurs repères et une erreur minime -avait pour conséquence une déviation très marquée dans les alignements.» - -Et ce n’est pas plus malin que cela! Les permanentes irrégularités des -cathédrales tiennent simplement à ceci que les architectes du moyen âge -ne savaient pas leur métier et n’étaient pas pourvus d’instruments -modernes. - -Un tablier de bois tendu entre la partie construite et celle à -construire suffisait pour leur faire perdre la tête et tous se -trompaient, aucun dans ses calculs ne tombait juste. - -Evidemment les tire-lignes qui ont bâti, au dix-neuvième siècle, -Saint-François-Xavier, Notre-Dame-des-Champs et Saint-Pierre de -Montrouge étaient fort supérieurs, comme science, aux pauvres -architectes qui ont édifié les cathédrales de Chartres, de Reims, de -Paris, car eux, n’ont pas commis d’inadvertances; ils ont respecté les -règles intangibles du cordeau, ils n’ont pas fait pencher le chœur de -leurs églises! - -Telles sont les leçons d’orthopédie monumentale qui se débitent -maintenant à l’école des Chartes. - -[Illustration] - -Mais laissons ces pédantesques balivernes et revenons à Notre-Dame de -Paris. - -Elle n’est, pour la récapituler, qu’une des pages du grand livre de -pierre écrit au treizième siècle sur notre sol et elle ne fait -qu’enseigner dans l’Ile de France le même cours de théologie mystique -qu’enseignent en même temps, dans la Beauce, dans la Picardie, dans la -Champagne, ses sœurs de Chartres, d’Amiens, de Reims, en nous bornant à -en citer trois; elle se sert du même idiome qu’elles et cette unanimité -de doctrine et d’expression se comprend si l’on considère que les -artistes n’ont jamais été, à cette époque, que les interprètes de la -pensée de l’Eglise. Ainsi que le fait justement remarquer M. Male, dans -son substantiel volume sur «L’Art religieux au treizième siècle», dès -787, les Pères du second concile de Nicée déclaraient que la composition -des images n’était pas laissée à l’initiative des artistes; elle -relevait des principes posés par l’Eglise et la tradition religieuse et -les Pères ajoutent encore: «l’art seul appartient aux artistes, -l’ordonnance et la disposition nous appartiennent.» - -Il y eut donc immuabilité de théorie et de langue et les maîtres maçons -et les imagiers n’eurent qu’à se conformer aux règles de la symbolique -que leur indiquaient les moines ou les prêtres. - -Mais ce dialecte hermétique, clair pour ceux qui l’entendaient, était-il -compris du peuple? - -Nous pouvons le croire, d’après les quelques renseignements que nous -possédons. Yves de Chartres, dans son «De Sacramentis ecclesiasticis -sermones», nous affirme, en effet, que le clergé apprenait la science -des symboles au peuple et il résulte également des recherches de Dom -Pitra, qu’au moyen âge, l’œuvre du pseudo-Méliton, évêque de Sardes, qui -contient une clef des allégories employées par l’Eglise, était populaire -et connue de tous. - -Cette symbolique officielle, si l’on peut dire, était donc accessible à -tous les croyants, mais il en est une autre qui figure, à Notre-Dame de -Paris, une symbolique occulte, compréhensible seulement pour quelques -initiés; celle-là dérive de ce que l’on nomme les sciences maudites, -très pratiquées au moyen âge. A-t-elle été insérée, à l’insu du clergé -qui n’y vit goutte, sur certaines parties de la façade, ou les formules -en furent-elles dictées aux imagiers par un prêtre adepte de -l’astrologie et de l’alchimie? On ne le saura jamais; ce qui semble le -plus probable, c’est que les dresseurs de thèmes généthliaques et les -souffleurs de cornues ont cru découvrir, après coup, dans des sujets -purement religieux, des intentions qui n’y étaient pas. - -Toujours est-il que Notre-Dame de Paris est peut-être une des seules -cathédrales en France où de semblables secrets auraient été cachés sous -le voile apparent des Ecritures. - -Deux des portails de la façade, le portail royal, celui du milieu et -celui de Sainte-Anne et de Saint-Marcel qui longe le quai, sont ceux -devant lesquels se sont réunis, au moyen âge et depuis, les adeptes de -l’astrologie et les philosophes de la chrysopée. - -Au portail royal, quatre figures sont censées représenter les symboles -de la pierre philosophale; elles sont contenues dans quatre médaillons -qui se font vis-à-vis, deux par deux et qui sont encastrés, non dans le -portail même, mais dans les contreforts. Ils sont là, à taille d’homme, -très en évidence, séparés de tout l’ensemble décoratif de la porte. Ils -représentent: à gauche, le premier, en partant du haut, Job, sur son -fumier rongé par des vers que l’on voit et entouré d’amis; le second, un -personnage étêté et manchot qui traverse, appuyé sur un bâton ou sur une -lance, un torrent. Dans sa monographie de la cathédrale de Paris, M. de -Guilhermy déclare qu’il est impossible d’identifier cette figure. Il -est, en effet, difficile de savoir de quel nom ce bonhomme s’appelle. Il -a l’attitude de saint Christophe, franchissant, appuyé sur son bâton, -une rivière, et l’arc et les flèches que l’on aperçoit à ses pieds -seraient bien ses attributs, car il fut, avant que d’être décapité, tué -à coups de flèches et devint même, à cause de ce genre de supplice, le -patron des arbalétriers; mais la place en haut du médaillon, pour y -loger l’Enfant Jésus sur ses épaules, manque et d’ailleurs nul indice -n’existe d’une statuette brisée, près du dos et de la tête du Saint. Ce -n’est donc point le Christophore, et ce passant garde jusqu’à nouvel -ordre l’anonymat. - -[Illustration] - -De l’autre côté, maintenant, à droite, en partant toujours du haut, nous -trouvons Abraham prêt à sacrifier son fils et dont un ange arrête le -bras, lequel bras a disparu, ainsi qu’Isaac tout entier et une bonne -partie de l’ange; enfin, près d’une tour, un guerrier casqué et vêtu -d’une cotte d’armes, protégé par un bouclier, qui lance contre le soleil -un javelot. Celui-là serait Nemrod qui, d’après une ancienne tradition, -serait monté sur une tour pour livrer bataille au ciel et à ses -habitants. - -Si nous nous plaçons au point de vue de la symbolique chrétienne, ces -bas-reliefs ne suscitent aucune difficulté d’interprétation; les sujets, -sauf celui du faux saint Christophe, sont clairs, et les enseignements -lucides; mais, il faut bien l’avouer, ils sont étrangement mis à part; -ils ne décèlent aucun sens dans l’ensemble sculpté du portail; ils -constituent, en somme, des phrases isolées, sans rapports entre elles. - -Si nous acceptons le point de vue de la symbolique spagyrique, nous -pouvons reconnaître, avec le vieil hermétiste Gobineau de Montluisant, -que Job est une personnification de la pierre des philosophes qui passe -par les épreuves avant que d’atteindre son degré de perfection; -qu’Abraham est l’alchimiste, le souffleur; Isaac, la matière à jeter -dans le creuset; l’ange, le feu nécessaire pour opérer la transmutation -de la matière en or. Restent le pseudo-Christophe et le Nemrod, mais les -grimoires de l’alchimie ne nous renseignent guère sur le sens précis de -ces figures. - -D’autre part, les astrologues qui désignent, de temps immémorial, ce -portail sous le nom de porche de l’astrologie, ont toujours vu, dans les -tableaux qu’il représente, une effigie de la Vierge astronomique et dans -le Christ, accompagné de ses apôtres, l’image du soleil qui monte à -l’horizon, entouré des signes du zodiaque. Que cette opinion soit fondée -ou non, il faut avouer qu’elle a eu raison de se produire, car c’est à -elle que nous devons d’avoir conservé une partie du porche. Et, en -effet, en août 1793, la commune avait décrété la destruction de tous ces -simulacres de la vieille superstition religieuse; et ce fut le citoyen -Chaumette qui réclama en faveur de la science, déclarant que ce décor -constituait un cours d’astronomie et avait servi à Dupuis pour établir -son système planétaire--et le portail fut sauvé. Ce portail royal était -et est donc encore revendiqué par les partisans de l’astrologie et les -hermétistes.--La porte voisine, celle de Sainte-Anne et de Saint-Marcel, -l’était et l’est encore par les alchimistes. - -A les entendre, le récepte, le secret de la sublime pierre des sages est -inscrit sous la statue qui se dresse sur le trumeau, tranchant en deux -la baie. Cette statue,--qui n’est qu’une reproduction, car l’original -est placé dans la salle des Thermes, au Musée de Cluny--portraiture un -évêque, debout, mitré et crossé, bénissant d’une main ses visiteurs et -foulant aux pieds un dragon sorti d’une sorte de chapelle funéraire où -une femme morte est assise dans un linceul enveloppé de flammes. - -La lecture de cette scène est très simple. Il suffit d’ouvrir les -Bollandistes. La légende de saint Marcel, neuvième évêque de Paris, -raconte, en effet, que ce saint délivra la ville d’un horrible dragon -qui avait établi son gîte dans le cercueil d’une femme adultère, -décédée, sans avoir eu le temps de se repentir et sans avoir reçu les -sacrements; le saint frappa de sa crosse le monstre, lui entoura le cou -de son étole, l’emmena à quelques lieues de Paris, dans un désert, et -là, lui intima l’ordre, auquel d’ailleurs il obéit, de ne jamais plus -retourner dans la ville. - -Ajoutons ce détail, qu’aux processions des Rogations, le clergé de -Notre-Dame faisait autrefois porter, en souvenir de ce miracle, un grand -dragon d’osier dans la gueule ouverte duquel le peuple jetait des -gâteaux et des fruits. Cette coutume, qui remontait au moyen âge, a pris -fin en 1730. - -Telle est la version de l’Eglise; autre est celle des alchimistes. Dans -son cours de philosophie hermétique, Cambriel explique ainsi cette -figure: - -[Illustration] - -Sous les pieds de l’évêque, sur le socle même de sa statue, de chaque -côté, deux ronds de pierre sont sculptés. Les ronds de droite seraient -les simulacres de la nature métallique brute, telle qu’on l’extrait de -la mine, les ronds de gauche, négligés comme les premiers par la -symbolique chrétienne, seraient la même nature métallique mais purifiée; -et celle-là se rapporterait à la figure humaine, assise, dans la -chapelle sépulcrale, et qui a pris naissance dans le feu dont son -linceul s’entoure. De cette fournaise tombale qui serait l’œuf -philosophique, inséré dans l’athanor, le dragon, né à son tour de la -figure humaine, serait, en s’élevant hors du fourneau, en plein air, -sous les pieds du saint, le dragon babylonien dont parle Nicolas Flamel, -autrement dit, le mercure philosophal, le lion vert, le lait de la -vierge, la substance même qui change par une projection le plomb en or. - -Dans cette interprétation, saint Marcel ne nous bénirait plus, mais il -ferait un geste de circonspection, qui signifierait: taisez-vous, gardez -le secret si vous l’avez compris. - -Si bizarre qu’elle paraisse, cette glose se conçoit pourtant, car les -préparateurs du grand œuvre peuvent se placer sous le patronage de ce -saint qui a, en effet, opéré plusieurs transmutations. - -Une fois, alors qu’il n’était encore que sous-diacre et qu’il servait la -messe de l’évêque Prudence, il transmua en un vin qui manquait, l’eau -qu’il venait de puiser à la Seine; une autre fois aussi, il changea -cette même eau en une liqueur parfumée comme le saint chrême. - -Le choix que les alchimistes firent de cet Elu pour lui attribuer la -possession du fameux secret pourrait donc jusqu’à un certain point se -justifier; cependant, il convient d’observer que le patron officiel des -spagyriques au moyen âge, ne fut pas saint Marcel, mais bien saint Jean -l’Evangéliste, soit parce qu’une très ancienne légende nous le montre -savant dans l’art de traiter les minerais de fer; soit parce que deux -vers, pris en un sens éperdument littéral[1], de la séquence tissée en -son honneur par Adam de Saint-Victor, nous le représentent fabriquant -avec du bois de l’or et avec des cailloux des gemmes. - - [1] - - Qui de virgis fecit aurum, - Gemmas de lapidibus. - -Que ces explications puissent sembler erronées, c’est bien possible, -mais qu’importe! Que plus fabuleuse encore nous apparaisse cette autre -légende relatant qu’un scrupule de la pierre des sages a été caché par -l’évêque Guillaume de Paris dans l’un des piliers du chœur que l’on -reconnaîtra si l’on suit la direction de l’œil d’un corbeau qui le -regarde, sculpté sur l’un des porches, il ne nous en chaut pas -davantage; ce qu’il sied simplement de retenir, c’est que, plus que ses -congénères, Notre-Dame de Paris est mystérieuse, plus experte peut-être -mais moins pure, car elle est à la fois catholique et occulte et elle -greffe sur la symbolique chrétienne les réceptes de la Kabbale. - -En tous cas, ces discussions ne prouvent-elles pas que, sauf de nos -jours, cette basilique fut toujours envisagée telle qu’un traité de -symbolisme, s’exprimant à mots couverts, parlant, à l’exemple du Christ, -en paraboles? Les archéologues, les architectes l’ont disséquée, ainsi -que l’on disséquerait un cadavre; c’est très bien, l’anatomie de son -corps est désormais connue; les romanciers, comme Victor Hugo, ont créé -d’après elle un décor plus ou moins véridique pour y loger des -personnages imaginés de toutes pièces, et cependant le poète a été le -seul, alors, qui ait eu une vague intuition de la symbolique du moyen -âge, lorsqu’il a écrit sa comparaison fantaisiste de la façade royale, -trouée d’une grande fenêtre flanquée de deux petites, ainsi que le -prêtre est flanqué, pendant la messe, du diacre et du sous-diacre, à -l’autel. Il reste désormais à décrire, autrement qu’en un rapide abrégé, -ses aîtres spirituels, sa vie intérieure, son âme, en un mot. La vraie -monographie de notre cathédrale serait celle-là; mais le positivisme -architectural ne fait que s’accroître, et, malheureusement, le clergé -s’éloigne de plus en plus de questions qu’il aurait pourtant intérêt à -ne pas dédaigner. - - - - -Saint-Germain-l’Auxerrois - - -[Illustration] - -Elle fut ronde comme le temple du Saint-Sépulcre à Jérusalem et ceinte -de fossés que remplirent de leurs cadavres les Normands qui -l’assiégèrent, l’église que fonda, au sixième siècle, à Paris, saint -Landry, sous le vocable de saint Germain d’Auxerre. Celle-là fut -l’aïeule. Cent ans après sa naissance, elle tombait de vétusté; le roi -Robert la jeta bas et en reconstruisit une autre à sa place; celle-là -fut la mère. Elle devint, à son tour, caduque et, au treizième siècle, -sur ses ruines, naquit l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois. Celle-là, -c’est la fille; elle vit encore. - -Son enfance fut troublée; elle grandit rapidement d’abord, puis, sa -croissance s’arrêta pendant une centaine d’années et ne reprit qu’après. -Le portail et le chœur étaient achevés à la fin du treizième siècle. Le -quinzième érigea le porche, la nef, les collatéraux du chœur et le -transept; le seizième réédifia les chapelles, changea les dispositions -du chevet, dressa le portail qui s’ouvre à gauche de l’abside sur la rue -de l’Arbre-Sec, déroula devant l’autel un magnifique jubé, bâti par -Pierre Lescot et sculpté par Jean Goujon; et l’église, parvenue à sa -pleine maturité, s’atteste, grâce au voisinage de la Cour, la plus -fastueuse et la plus fréquentée de Paris. - -Vint le dix-septième siècle qui, méprisant son allure gothique, omit de -la dénaturer; mais, moins dédaigneux, le dix-huitième siècle, qui la -jugeait de forme désuète, résolut de la rajeunir. - -En 1754, le curé et les marguilliers commencèrent par faire démolir le -jubé, mais cette destruction ne modifiait pas la mine restée, pour eux, -barbare, de la nef, et ils recoururent à un nommé Bacarit, architecte -des écuries du Roi, en le priant de la civiliser. Il apprêta un plan, et -le soumit à l’Académie des Beaux-Arts qui, dans un élan d’enthousiasme, -s’écria que cet habile homme «savait marier, de la manière la plus -heureuse, le genre moderne avec le gothique de l’église qu’il avait à -décorer». - -Et l’effrayante ganache se mit à l’œuvre. Ne pouvant, à son grand -regret, faute d’argent, tout saccager, il dut se borner à canneler les -colonnes du chœur, à remplacer la flore symbolique des chapiteaux par -d’insignifiantes guirlandes de feuillages et de fleurs, enfin à altérer -les contours des croisées qu’il débarrassa de leurs magnifiques vitraux -pour les habiller d’une claire vitraille qui fit se pâmer tous les -chanoines d’aise. - -Et Saint-Germain n’en continua pas moins d’être gothique. Bacarit ne -parvint pas à transmuer la douce orante du moyen âge en une Manon plus -ou moins pieuse; les traits reparaissaient sous le grimage; ne pouvant -obtenir mieux il songea à esquinter l’extérieur et il abattit la flèche -et ses quatre clochetons et installa sur le tronçon demeuré du fût, une -balustrade de pierre qui donna au sommet de la tour l’engageant aspect -d’un balcon; puis, après un tel labeur, il se reposa et s’éteignit sans -doute, chargé d’ans et de gloire, dans la paix du Seigneur, qu’il avait, -avec des travaux de ce genre, si fidèlement servi. - -[Illustration] - -Débarrassé de son bourreau, Saint-Germain-l’Auxerrois vivait placidement -quand la Révolution surgit. Alors ce fut autre chose. On ne l’affubla -plus de travestis plus ou moins disparates, mais on la dénuda. Ce fut le -pillage; ce après quoi le sanctuaire fut fermé; l’on installa dans ses -dépendances une mairie et l’on usa de sa nef comme d’un hangar pour y -gonfler des ballons. Il semblait que la série des déprédations fût close -lorsque s’effondra le régime des Jacobins; mais Napoléon, qui se mêlait -de tout, s’occupa de ce malchanceux édifice et projeta tout simplement -de le raser. Heureusement qu’il n’eut pas le temps d’exécuter ce dessein -et, en 1837, l’église, réouverte, fut réconciliée par Monseigneur de -Quélen, archevêque de Paris, et l’on s’efforça dès lors, sous prétexte -de panser ses blessures, de les ranimer. - -On la para, en effet, de flasques peintures et de redoutables vitres; -mais si déformée, si réparée qu’elle puisse être, elle est encore -charmante; son intérieur est un des plus intimes, des plus vraiment -religieux qui soient à Paris et son extérieur demeure un régal d’art. - -Le portail du treizième siècle est encore debout, avec sa baie médiane -datée de ce temps et les deux autres du quinzième siècle; quant aux -sculptures représentant, ainsi que sur presque toutes les façades des -cathédrales, le Jugement dernier, le pèsement des âmes, le sein -d’Abraham, l’enfer des démons, avec l’épisode habituel des vierges sages -et des vierges folles, elles ont disparu ou ne subsistent plus qu’à -l’état d’épaves et de rudiments; mais six grandes statues, rangées dans -les ébrasures de la porte du milieu, ont été refaites et repeintes; à -gauche, en entrant, saint Vincent, diacre et martyr, un livre à la main; -puis un roi barbu portant un sceptre, et une reine que de Guilhermy -croit être Childebert et Ultrogothe, sa femme; à droite, saint Germain -crossé et mitré; sainte Geneviève tenant un cierge qu’un petit diable -placé au-dessus d’elle s’efforce de souffler; enfin un ange souriant, un -flambeau au poing, prêt à rallumer, s’il s’éteint, le cierge de la -sainte. - -La voussure, au-dessus des vantaux, détient encore trois cordons de -personnages, anges, démons, ribaudes et vierges; le portail a, en somme, -gardé quelques mots d’une phrase effacée par le temps et qu’il est -facile de reconstituer, car elle est écrite au complet sur la façade des -autres églises, mais le trumeau pilier récemment rétabli au-dessous -d’elle est inexact, car il supporte, au lieu du Christ d’antan, une -vierge neuve. - -Si l’on ajoute que des fresques modernes d’un nommé Mottez ont rempli -les espaces demeurés vides, mais que l’on ne discerne plus de cette -inutile peinture que des écailles craquelées de badigeon, l’on aura -ainsi une idée précise du portail, tel qu’il existe à l’heure actuelle. - -Il est précédé d’un porche à cinq baies ogivales couronnées de balustres -et de combles fleuronnés, construit, en 1425, par Jean Gaussel. De -toutes les statues qui le peuplent, deux seulement sont authentiques, -toutes les autres ont été fabriquées de nos jours. Ces deux statues -représentent, l’une, située à la fin du porche et faisant face à la -place du Louvre, près de la rue des Prêtres-Saint-Germain-l’Auxerrois, -un saint François d’Assise énasé et manchot, à la figure mâchurée par -l’âge; l’autre, sise du côté opposé et regardant la grande porte, une -Marie l’Egyptienne enveloppée de ses cheveux qui ont conservé des traces -d’or; elle tient les trois pains qui doivent l’alimenter dans le désert -et penche mélancoliquement une petite tête oisive dont les yeux sont -clos. - -Au-dessus de ce porche, se dresse, entre deux élégantes tourelles -carrées, la façade trouée d’une rose flamboyante, terminée par un pignon -triangulaire, planté sur sa pointe, d’un simulacre d’ange. Derrière, le -vaisseau s’étend, flanqué de contreforts, hérissé de gargouilles, habité -par une amusante ménagerie qui exhibe depuis des siècles, entre ciel et -terre, les êtres les plus hétéroclites et les bêtes les plus cocasses. -Il y a de tout dans cette kermesse de la pierre, des mendiants et des -fous, un hippopotame qui rend par la gueule un sauvage; des singes et -des griffons, des ours à muselières, des truies allaitant des -ribambelles de gorets; des rats sortant, ainsi que d’un fromage de -Hollande, de la boule du monde et guettés par un chat, ce qui signifie -sans doute que les brigands qui dévastent la terre seront dévorés par le -Démon. - -L’intérieur vaut, lui aussi, que longuement on le visite; tous les -styles s’y coudoient. Il a été tellement défait et refait qu’il paraît -un peu incohérent, mais ce côté hagard est délicieux quand on le compare -à la monotone régularité des églises neuves! - -La nef gothique de quatre travées est coupée d’un transept percé d’une -porte à chaque bout; celle de gauche est condamnée, celle de droite -accède à la rue des Prêtres-Saint-Germain-l’Auxerrois, en face du bureau -du Journal des Débats. L’on a installé, au milieu de son allée un -bénitier exécuté par Jouffroy sur les dessins de Mademoiselle de -Lamartine, des mioches paradant autour d’une croix; c’est de l’art pour -la rue Saint-Sulpice, mais il ne dépare pas la misère ornementale des -murs chargés, par un sieur Guichard, d’encombrantes fresques. - -Le long de la nef et du chœur, à partir de l’entrée, de nombreuses -chapelles s’enfoncent entre les contreforts des murs, huit à gauche et -quatre à droite. - -A gauche, d’abord, la chapelle des fonts baptismaux, dite de -Saint-Michel, puis celles de Saint-Jean-Baptiste, de Sainte-Magdeleine, -de Notre-Dame de Compassion--celle-ci touche au transept, après lequel -se trouvent la chapelle de Saint-Louis, où réside le Saint-Sacrement et -où l’on a placé sur l’autel une statue de la Vierge qualifiée de -Notre-Dame de Bonne-Garde--celles de Saint-Vincent-de-Paul, de -Saint-Charles-Borromée, où un hideux vitrail assigne à cet élu la tête -d’un moricaud; enfin celle de Saint-Denys, Saint-Rustique et -Saint-Eleuthère--et nous atteignons la petite porte de la rue de -l’Arbre-Sec donnant sur l’abside et au-dessus de laquelle s’ouvre, -derrière un vitrage à losanges de couleur, une tribune dite «Tribune de -la Reine», parce que, prétend-on, la famille royale s’y serait -quelquefois tenue pendant la messe. - -[Illustration] - -Parmi ces minuscules chapelles, une seule est intéressante, celle de la -Compassion, qui fut, pendant plus d’un siècle, la chapelle du Conseil -d’Etat, car elle détient un superbe retable flamand en bois, de la fin -du quinzième siècle, provenant de la collection dispersée de M. de -Bruges-Duménil; divers épisodes de la vie de la Vierge et de la Passion -y sont sculptés; malheureusement, on ne le voit guère, la croisée qui -devrait l’éclairer étant obscurcie par des carreaux modernes à la fois -sombres et violents, qui ne laissent filtrer aucune lueur. - -A droite, maintenant, en partant de l’autre côté de l’abside dont nous -parlerons tout à l’heure, la sacristie occupe la place de plusieurs -chapelles, et les petits oratoires qui la suivent, en descendant avec le -chœur, sont dédiés aux saints Apôtres, à saint Pierre, aux Pères et aux -Docteurs de l’Eglise dont deux, saint Léon et saint Grégoire le Grand, -sont, en leur qualité de premiers rôles, en vedette sur l’affiche des -vitres; puis apparaît, succédant à ces réduits si exigus que le -confessionnal les emplit, avec un autel, tout entiers, une très élégante -porte du quinzième siècle surmontée d’une exquise Vierge en bois peint -de la même époque, une Vierge dolente et frileuse, mais perchée si haut -que, dans l’ombre des voûtes, on la remarque à peine; et vient le -transept de la rue des Prêtres; cette allée franchie, toute la place des -quatre chapelles situées en vis-à-vis, de l’autre côté de la nef, est -ici prise par une seule, par la chapelle de la Sainte-Vierge, entourée -d’une boiserie qui la cache aux yeux et munie d’une porte close, afin -d’empêcher tous ceux qui voudraient venir la prier d’y pénétrer. - -Une église où la chapelle de la Vierge n’est pas accessible aux fidèles, -c’est un comble! Que penser des curés qui mettent ainsi dans leur église -la Madone au rancart? La raison invoquée de ce monstrueux interdit est -que ce lieu sert parfois de chapelle pour les catéchismes. Eh! qu’ils le -fassent, leur catéchisme, dans les greniers, dans les caves, chez eux, -où ils voudront, mais qu’ils démolissent ce rempart de menuiserie, -qu’ils laissent en tous les cas la porte ouverte, lorsque leurs quatre -pelées et leurs trois tondus n’y sont pas! - -D’autant qu’elle est délicieuse cette chapelle! Intime et recueillie, -elle se pare d’un autel contenant des reliques de saint Denys, de saint -Célestin et de saint Benoît, au-dessus duquel est incrusté un antique -retable de pierre, figurant l’arbre de Jessé dont les fleurons et les -branches serpentent autour d’une belle statue de Vierge du quatorzième -siècle qui appartint jadis au presbytère de Radonvilliers, en Champagne, -le tout se détachant sur des fresques peintes par Amaury Duval; mais une -bienfaisante obscurité permet de les distinguer mal. - -Pour être complet, citons, dans la nef, en face de la chaire, une énorme -machine en bois monté, pourvue de colonnes et coiffée d’un baldaquin, -exécutée par Mercier sur les dessins de l’emphatique Lebrun et qui -servait de siège au roi quand il assistait officiellement à la messe; et -une grille en fer forgé du dix-huitième siècle qui fut très réparée et -privée de ses fleurs de lys; et revenons à l’abside qui est, selon moi, -la partie la plus savoureuse de Saint-Germain-l’Auxerrois, car l’on peut -s’y croire en même temps dans un oratoire de la fin du quinzième siècle -et dans une église de campagne de nos jours. - -L’on dirait que l’odeur particulière de tout l’édifice s’y concentre. Et -en effet, lorsqu’on entre dans Saint-Germain, on y hume une senteur -spéciale qui n’existe, semblable à Paris, que dans un autre sanctuaire, -celui de l’Abbaye-au-Bois de la rue de Sèvres, certains jours,--une -odeur de salpêtre relevée par une très fine pointe de cire consumée et -d’encens. Là, dans l’abside, cet arome d’églisette de village, le -dimanche après le salut, persiste surtout par les temps de pluie et vous -aide à vous transporter bien loin de Paris et de cette place du Louvre, -devenue l’un des plus bruyants lieux de rendez-vous des voitures à -vapeur et des tramways. - -Parfois, lorsque l’heure sonne à la tour voisine, le carillon qui -l’accompagne de son cliquetis de verre brisé, vous suggère l’idée que -l’on prie dans une église des Flandres. Et ces avatars successifs -d’alentours--de temple Renaissance, de chapelle de bourgade et d’église -flamande--font vraiment de cet obscur refuge un tremplin unique à Paris, -de rêves. - -Pour rester dans la réalité, l’on peut dater du seizième siècle cette -abside; elle est biscornue, de forme divagante; la vérité est que ses -chapelles sont refoulées, d’une part, par l’alignement de la rue qui les -cerne; de l’autre, elles sont entamées par le presbytère et la -sacristie, si bien qu’elles vont de guingois, plus larges ou plus -longues les unes que les autres. - -Celles des deux bouts sont de vagues réduits, des carrés irréguliers -dont les lignes verticales s’évasent; les autres suscitent la pensée, là -où sont percées les fenêtres, d’un triptyque ouvert, aux deux volets -revenus en avant, pas repliés par conséquent le long du mur, avec une -niche romane au-dessous de chacun d’eux. Il y a, en effet, sous les deux -croisées des coins, deux petites cavernes plafonnées de voûtes en arc, -creusées dans le bas des murailles et que l’on a remplies tant bien que -mal, avec des pieuses statues de la rue Bonaparte, dont l’obscurité et -la poussière effacent, Dieu merci, les traits. - -Ces chapelles sont au nombre de cinq; leur réunion dessine un -demi-cercle à la ligne cabossée du haut; elles sont placées sous le -vocable de sainte Geneviève, des saints patrons du lieu: saint Vincent -et saint Germain, du Tombeau, de la Bonne-Mort et de saint Landry. - -Les deux branches finales du demi-cercle s’appuient, la première sur la -porte de sortie de la rue de l’Arbre-Sec, la seconde sur la porte de la -sacristie, ornée de fresques dont une, un saint Martin à cheval -tranchant son manteau pour en donner la moitié à un pauvre, est due à ce -Mottez qui décora le grand portail de ses badigeons qu’abolirent, pour -l’allégresse des artistes, de secourables soleils et de propices pluies. - -[Illustration] - -De la chapelle Sainte-Geneviève, absolument sombre, tendue de toiles -gondolées, teintes au cirage par Gigoux, rien à dire; de la chapelle des -Saints-Patrons où s’érige dans une niche le tombeau de la famille des -marquis de Rostaing, agrémenté de deux seigneurs qui vous regardent à -genoux et l’air béat, et, près de la rampe de communion, de deux -statuettes neuves de sainte Anne et de saint Antoine de Padoue, tout se -pourrait également omettre si ces fenêtres ne détenaient peut-être, avec -celles de la chapelle voisine de la Bonne-Mort, les seuls vitraux qui, -par leur sens de la symbolique, par leur science des tons, par leur -étampe vraiment personnelle d’art, méritent qu’on s’arrête devant eux et -valent qu’on les loue. - -Dans ce Saint-Germain-l’Auxerrois qui n’a gardé, en fait de verrières -anciennes, que quelques panneaux du quinzième et du seizième siècle, -insérés dans les baies gothiques ou renaissance du transept et dans les -roses, des panneaux dont les chairs des personnages sont le fond blanc -même de la vitre et les vêtements de grandes taches de gomme-gutte de -rouge lourd, de vert rude et de bleu dur--des carreaux fabriqués sous la -monarchie de juillet bouchent toutes les ouvertures pratiquées dans les -bas-côtés de la nef. - -Et toutes les monographies exaltent un affreux vitrail, exécuté par -Lusson dans la chapelle des Apôtres sur les dessins de Viollet-le-Duc; -toutes citent à l’envi les œuvres de Maréchal de Metz, amusantes par -leur vert pistache et leur rose turc, peu usités dans les arts du feu, -mais peintes comme de la peinture ordinaire, avec des couleurs si peu -adhérentes, si mal cuites qu’ils s’éraillent à fleur de vitre et -laissent pénétrer, ainsi que de vulgaires carreaux, le jour. Ce sont des -aquarelles diaphanes, des peintures vitrifiées, c’est tout ce que l’on -voudra, sauf des vitraux. - -Plus réelles, seraient les imitations de la sainte Chapelle œuvrées par -Didron dans la chapelle du Tombeau; celles-là on les adule aussi, mais -personne ne parle de ce Thévenot qui a décoré les fenêtres des Chapelles -des Saints-Patrons et de la Bonne-Mort. - -Dans la première, le tableau du milieu qui a je l’ai dit, la forme d’un -triptyque ouvert, les volets poussés sur leurs gonds en avant, comprend -une Vierge couronnée et le Christ entre deux anges; le volet de gauche, -un saint Vincent, celui de droite un saint Germain. Ce sont de hautes -figures très hiératiques, et pourtant d’un modernisme un tantinet -campagnard, car elles ont dans la tournure, dans la mine, d’abord -presque déplaisantes, quelque chose d’agreste et de très simple. Les -couleurs sont profondes, d’une ardeur tempérée, quasi sombre. Le rouge -est rouge cerise; les violets et les verts, très nourris de bleu -discret, sont graves; les ors sont saurés; mais la plus belle teinte, en -dehors d’un chamois clair, est celle du manteau de saint Germain, une -teinte qui tient du brun violi de la robe du carme et de ce brun -rougeâtre connu dans la céramique sous le nom de foie de mulet; il est à -la fois somptueux et austère; les grands verriers du moyen âge n’ont pas -fait mieux. - -Ces mêmes couleurs, nous les retrouvons dans la chapelle de la -Bonne-Mort, mais là, en plus de la personnalité singulière de ses -figures, Thévenot se décèle comme un homme très au courant de cette -vieille science de la symbolique chrétienne, si parfaitement omise par -les vitriers et les architectes de nos jours. Il s’agissait d’historier -les lueurs qui doivent éclairer une chapelle funéraire et il disposait, -sur le panneau de face, de quatre places et sur chacun des panneaux de -côté, d’une; il a ordonnancé l’ensemble de la sorte: au milieu, il a -peint dans les quatre compartiments sur un fond de gris perle strié, -dans une bordure de chardons emblèmes de la pénitence, saint Joseph avec -un lys, la Vierge couronnée d’étoiles, le Christ bénissant le monde, -saint Michel arborant un étendard et une balance, le pied sur le démon. - -Dans le volet de gauche, un être barbu, étrange, coiffé d’une espèce de -turban déroulé, nimbé d’une auréole orange, fastueusement vêtu d’une -robe grenat brodée de ramages d’or, chaussé de violet, tient d’une main -un vase de parfums et s’appuie de l’autre sur une bêche. - -Dans le volet de droite, un saint Pierre, pieds nus, la tête cerclée -d’un halo, croise sur sa poitrine ses deux clefs. - -Et la phrase figurée sur ce triptyque de vitraux est facile à lire. Cet -être à l’allure bizarrement héraldique, qui porte, tel que Magdeleine -dans les tableaux des primitifs flamands, un pot d’aromates et est muni -d’une bêche, c’est saint Tobie, tout à fait inconnu de nos jours, mais -célèbre au moyen âge, car il était alors le saint des sépultures, le -patron des fossoyeurs qui l’avaient choisi à cause des paroles que, dans -la Bible, l’ange Raphaël lui adresse: «... Lorsqu’à minuit tu enterrais -les morts... c’est moi qui présentais tes prières au Seigneur...» - -Il est préposé aux soins de la dernière heure; il s’occupe du corps, -tandis que, de l’autre côté du Christ, saint Michel pèse dans sa balance -le poids des vertus et des fautes et présente la pauvre âme désincarnée -au Seigneur, auprès duquel intercèdent saint Joseph et la Vierge, alors -que, plus loin, saint Pierre attend, pour ouvrir les portes du ciel, que -le sort de la pécheresse soit résolu. - -Tous les célestes acteurs du drame qui commence à la descente de la -dépouille mortelle dans la terre, pour finir à l’entrée de l’âme dans le -paradis, sont réunis en ce lieu et font, en quelque sorte, le récit du -jugement, après la mort. - -[Illustration] - -Parmi ces personnages, en sus du Tobie si curieux, il en est deux -remarquables par leur aspect rigide et familier, la Vierge et le Christ. -Ils ont dans les mouvements, dans les traits surtout, quelque chose de -juste et de net qui fait songer aux types de certaines de ces admirables -illustrations des «Misérables» d’Hugo que dessina Brion. C’est un peu le -même art, sobre et éloquent dans sa simplesse même. - -Qu’est ce Thévenot, si délibérément oublié par la critique de notre -époque? O. Merson, dans son livre sur les vitraux, le représente comme -ayant vécu à Clermont-Ferrand et ayant restauré les verrières de -Bourges. Ottin, dans son «Histoire du Vitrail», lui consacre juste trois -mots: «Thévenot--Clermont--1834». J’ai trouvé, d’autre part, une -brochure signée de son nom suivi de ce titre: «chef d’escadron», un -essai historique sur le vitrail paru, en 1837, à Clermont. Il s’y révèle -tel qu’un homme épris de son art et plein d’enthousiasme pour les -verriers des grands siècles. - -Et c’est tout ce que j’ai pu recueillir sur son compte. - -De ces deux chapelles ainsi parées de vitres intelligentes, la plus -quiète, la plus douce, est, selon moi, celle de la Bonne-Mort. De vagues -peintures et des inscriptions gothiques tracées en lettres d’un or qui -s’efface, s’aperçoivent confusément dans l’obscurité lorsqu’on allume un -petit cierge; l’autel est surmonté d’un intéressant bas-relief de -pierre, racontant la scène d’une mise en tombeau, mais ce qui évoque la -senteur d’une chapelle de village dans ce petit coin, c’est le -délabrement de la pierre rongée par l’humidité, la tristesse du tapis -qui se décolore, la poussière amoncelée dans les deux niches de côté, -sur une Pieta de Bonnardel et une moderne statue de saint Joseph; c’est -la misère même des vieux prie-dieu de paille accumulés devant la rampe. - -Les types rustiques adoptés par Thévenot sont vraiment en accord avec -les alentours. - -Ah! s’il est un endroit propice pour s’écheniller la conscience, c’est -bien celui-là! Aucun bruit dans les ténèbres qui vous entourent, c’est à -peine si, de temps à autre, une ombre de vieille femme vient s’abattre -sur une chaise ou s’accouder contre un pilier. Il y a si peu de -visiteurs! - -Moins intéressante est la dernière chapelle de l’abside, celle qui -confine à la porte de la sacristie et qui est dédiée à saint Landry; -elle a été récemment nettoyée; on y a planté les monuments funéraires du -chancelier Etienne d’Aligre et de son fils, et sorti de la nuit où elles -dormaient des fresques du sieur Guichard, dont le réveil ne suscite -aucun réconfort: celles brossées par le même peinturlureur sur les murs -du transept suffisaient. - -Et le tour de l’église est accompli. - -Il reste pourtant une très ancienne salle dans laquelle le Chapitre -déposait naguère ses archives. On y monte par un escalier en colimaçon, -situé près de la chapelle de la Vierge, à l’entrée du grand portail et -l’on débouche, après avoir tourné dans la spirale qui s’éclaire par des -fentes de jour, sur le seuil d’une grande pièce carrée, demeurée, depuis -des siècles, intacte, avec son pavé aux losanges rouges, vernissés, -formant, en trompe-l’œil, un carrelage de dés, son plafond aux caissons -sculptés d’où pend un lustre à becs de cuivre, ses vieilles crédences, -ses armoires dont les pentures de fer s’ajourent en des lettres -gothiques inscrivant les noms de saint Vincent et de saint Germain sur -les panneaux de chêne. - -Mais la partie vraiment séduisante de ce logis, c’est le mur du fond qui -fait face à la croisée géminée, ouverte sur la place. Il est occupé tout -entier par un retable sculpté du seizième siècle, un triptyque -représentant les scènes de la vie de la Vierge et de sainte Anne. On y -retrouve la légende des Apocryphes, la rencontre d’Anne et de Joachim, à -la porte Dorée; on y voit un amusant escalier du Temple, gravi par une -figurine, toute une série de personnages autrefois teints et dont le -bois, maintenant décoloré, pèle; des personnages aux gestes exacts à la -fois et élargis, semblables à ceux que taillèrent presque tous les -imagiers, si savoureusement réalistes, de ce temps. Les volets qui -forment ce retable furent autrefois des tableaux peints à la détrempe, -mais ils sont tellement écaillés que l’on ne discerne plus que de -fantomatiques apparences de bouts de visages et de vagues fragments de -corps. - -Ce local poudreux est infiniment doux. L’on s’imagine très bien l’un des -treize chanoines qui composèrent le Chapitre desservant jadis la -paroisse de Saint-Germain, assis devant la table placée au milieu de la -pièce, dépouillant les archives, relevant les dates des obits, extrayant -des manuscrits les miracles des saints fondateurs de son église. - -Et l’on se prend, à ce dégoût d’un début de siècle, à envier ce bon -prêtre qui s’interrompt de son travail, pour essuyer ses besicles de -corne, dans le grand silence de ces murs de pierres sourdes, seulement -rompu par les soupirs fatigués du bois. - -Comme tout cela nous met loin! - -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - -Ce pauvre Saint-Germain-l’Auxerrois, quand on songe qu’il fut un des -sanctuaires les plus opulents et les plus renommés de Paris! Paroisse -des rois de France, logés en face de lui, au Louvre, il prêta, le 24 -août 1572, ses cloches pour sonner l’hallali de la partie de chasse de -la Saint-Barthélemy et, le dimanche de l’an 1594, Henri IV y donna le -pain bénit et suivit, une palme au poing, la procession qui se déroulait -dans les bas-côtés de la nef et du chœur. - -C’est dans cette même église, devant ce même roi, assis, cette fois, au -banc d’œuvre, que le grotesque P. Valladier, dont les sermons sur -l’avent, prêchés à Saint-Germain-l’Auxerrois, furent publiés sous le -titre de la «Sainte philosophie de l’âme», osa prononcer l’indécent -panégyrique des appas de Marie de Médicis. - -[Illustration] - -Il les divise en trois étages. Après avoir parlé du premier, -c’est-à-dire du visage qu’il compare à toutes les fleurs et à toutes les -gemmes, il passe au second, à la gorge de la reine qu’il traite de deux -fontaines cristallines de lait, deux magasins de mannes, deux sources -d’ambroisie, deux fontaines de nectar, deux cannes de sucre, deux -cruches de miel, deux plantes de baume, deux montres de l’horloge -intérieure, deux bastions et remparts du cœur, puis il descend... - -Encore qu’il fût épris des gaudrioles, l’on se demande vraiment ce que -le Vert-Galant dut penser de ce genre de prêche... - -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - -Après ces deux dates de 1572 et 1594, glorieuses si l’on veut, d’autres -se succèdent moins carillonnées par la bienveillance de l’Histoire. - -1617, année pendant laquelle une populace furieuse déterre le cadavre du -maréchal d’Ancre inhumé dans un caveau de l’église sous la tribune de -l’orgue et le coupe en petits morceaux. Le cœur fut rôti sur des -charbons et mangé publiquement par un homme; les entrailles furent -jetées dans la Seine et les restes brûlés sur le pont-neuf devant la -statue d’Henri IV. Le lendemain, l’on vendit les cendres un quart d’écu, -l’once; et les oreilles, que l’on avait mises à part furent payées fort -cher par un amateur. - -1665, année où eut lieu l’ostension des reliques de sainte Reine sur le -maître-autel de Saint-Germain-l’Auxerrois. - -Anne d’Autriche avait commandé à un orfèvre de Paris un reliquaire -d’argent pour y déposer l’os du métacarpe de cette sainte, dont elle -désirait faire présent à l’hôpital d’Alise. Quand le travail fut -terminé, la reine voulut que son église paroissiale profitât, la -première, des grâces dévolues à ces glorieux détriments et elle en -ordonna l’exhibition pendant la durée de trois neuvaines. - -«Une infinité de personnes de toutes conditions», disent les textes, se -rendit à Saint-Germain, pour prier devant ce reliquaire. - -Or, la spécialité de sainte Reine,--qui fut celle aussi de saint -Job--était la guérison des maladies secrètes. Comment et pourquoi? Un -vieil auteur, au nom prédestiné de Méat, tente de nous l’expliquer dans -un livre intitulé «La fille héroïque». - -«Deux contraires, raconte-t-il, ne sauraient souffrir dans un mesme -sujet et ils sont tellement opposez qu’ils se persécutent -continuellement et ne cessent jamais leur combat, qu’après que l’un -d’eux a obtenu la victoire sur son ennemy. C’est pourquoy je cesse mon -étonnement quand je considère l’opposition qu’il y a entre la chasteté -et ce vilain vice. Sainte Reine, qui avait eu très grand soin de -conserver sa pureté pendant sa vie, n’a pas voulu après sa mort, que les -impurs s’approchassent de sa fontaine sans estre nestoyez de leurs -ordures. De là vient que, quand ils boivent de cette eau, avec -confiance, ils s’en retournent avec joye de ce qu’ils sont délivrés de -ces maux estranges qui, sans ce divin remède, dureraient aussi longtemps -que leur vie.» - -L’Histoire ne nous narre pas si les malades qui vinrent implorer la -sainte à Saint-Germain-l’Auxerrois, guérirent. La fontaine, il est vrai, -dont parle Méat et qui servait et qui sert encore, dans le village -d’Alise, d’excipient aux cures, n’y coulait point, mais à défaut de -l’eau miraculeuse, les Parisiens avaient la ressource d’invoquer, en sus -de la bonne Déicole de la Bourgogne, le grand thaumaturge, Bourguignon, -lui aussi, guérisseur de tous les maux, le patron du sanctuaire où ils -priaient, saint Germain d’Auxerre. - -1831. L’église fut, le 14 février, envahie par le peuple, sous le -prétexte que l’on y célébrait une messe anniversaire pour le repos de -l’âme du duc de Berry. - -Ce fut une très ridicule aventure. Le service funèbre s’était terminé -vers midi et demi. Après l’absoute, le curé s’était retiré, lorsque -quelques royalistes échauffés s’avisèrent d’attacher sur le catafalque -une lithographie du duc de Bordeaux, une croix de Saint-Louis et une -couronne d’immortelles jaunes et noires. - -Le bruit se répandit aussitôt au dehors que les Henriquinquistes -préparaient un coup d’état, promenaient dans l’église un buste du prince -et y déployaient des drapeaux blancs; et sans en demander plus, la plèbe -se rua dans le sanctuaire et y saccagea tous les objets du culte. - -Cette équipée finit devant les tribunaux où tous les accusés furent -acquittés. Une brochure parue, en 1831, chez Dentu, nous relate ces -hauts faits et nous fournit ce spécimen de proclamation royaliste dont -le comique me paraît sûr. - -Elle est adressée à MM. les Charbonniers de Paris. - -«Messieurs, l’attachement que vous avez toujours montré pour la branche -aînée des Bourbons, la douleur que vous avez témoignée à la mort du duc -de Berry, ce prince bienfaisant qui vous a été ravi par un horrible -crime qui vous prive du digne père de notre Henri V, et l’horreur que -les Auvergnats ont ressentie de cet affreux assassinat, nous donnent -lieu de croire que vous vous ferez un devoir d’assister au service -anniversaire qui sera célébré à Saint-Germain-l’Auxerrois. D’après les -vrais sentiments qui vous ont toujours dirigés, nous avons l’espoir de -vous y trouver réunis en corps.» - -Ni en corps, ni en personne, les ingrats auverpins, si respectueusement -traités pourtant, ne vinrent. - -[Illustration] - -Si nous sautons maintenant de l’année 1831 à l’an 1871, nous voyons -encore l’église pleine; seulement, cette fois, ce ne sont plus des -partisans de la royauté mais bien les membres d’un club de -libres-penseurs qui s’entassent dans son vaisseau, sous la présidence -d’un sieur Pierre et d’une certaine Lodoïska, accoutrée d’une veste de -hussard, culottée d’un pantalon de turco, coiffée d’une toque à cocarde -rouge, et chaussée de bottines à glands d’or. - -Et tandis que, du haut de la chaire, un pochard pérore, un autre troue -d’un coup de baïonnette la bouche de la statue de la Vierge et y plante -une pipe; puis il arrache l’Enfant-Jésus et de toute l’église qui -trépigne de joie, des lazzis, exactement notés, s’échangent: - ---Passe le gosse par ici, pour qu’on l’embrasse! - ---Ouvrez-y la gueule pour voir s’il a fait ses dents! - -Et l’on promène l’Enfant que l’on finit par jeter, brisé, dans un coin. -Mais, pour dire vrai, les fédérés se bornèrent à ces aménités sacrilèges -et à ces farces impies et, moins féroces que d’autres ivrognes qui, -après avoir maltraité les prêtres, pillèrent les églises, ceux-ci se -contentèrent de voler quelques vêtements d’enfants de chœur et -d’emporter deux pianos qui, l’on ne sait trop pourquoi, stationnaient -là. - -Les temps sont changés; si Saint-Germain a vu les pieuses affluences et -les cohues irritées ou gouailleuses, s’il a même aussi connu, pendant la -Convention, les hilares assemblées de légères muscadines et de pesantes -commères, réunies, devant sa porte, pour applaudir aux audacieuses et -aux piètres chansons d’Ange Pitou, il ne connaît plus de foule d’aucune -sorte maintenant. Ses abords sont rapidement longés par des gens en rut -d’affaires et quant à son intérieur il est un des plus délaissés qui -soient à Paris; sa nef ne peut même, le dimanche, à la grand’messe, -malgré tous les enfants des écoles qu’on y parque, se remplir. - -La paroisse des rois est devenue la paroisse de la Mode; l’église est -enserrée par les magasins de la Belle-Jardinière, du Pont-Neuf et de la -Samaritaine. Ce dernier la touche presque, car la livrée bleue de ses -devantures s’étend dans la rue de l’Arbre-Sec et un ignoble bâtiment de -fer qu’il vient d’ériger, se dresse, surmonté, en guise de clocher, d’un -chapeau chinois, devant l’abside, là où le brave bourgeois qui alloua -des fonds pour la faire rebâtir, messire Jehan Tronson, drapier de -Paris, fit apposer sa signature, dans une frise, sous le toit, en -adoptant la forme d’un rébus figuré par des tronçons de carpes. - -Même au temps où les rois habitaient le Palais du Louvre, le commerce -des draps aidait à embellir l’église; il venait en aide aux bourses des -souverains, souvent sèches; cette affection des drapiers pour leur -sanctuaire explique la présence, sous le narthex, de la statue de sainte -Marie l’Egyptienne, leur sainte de prédilection et leur patronne, sans -doute parce que saint Zozime qui la rencontra dans le désert, vêtue -seulement de ses longs cheveux, donna son manteau pour la couvrir. - -Maintenant, il n’y a plus de monarques, mais je crois bien que les -grands industriels des draperies s’occupent moins que leur ancêtre -Tronson des besoins du culte; cette observation n’est pas un reproche, -car il est certainement très heureux qu’il en soit ainsi. S’ils -désiraient, en effet, faire réparer ou orner leurs chapelles, ils -seraient bien forcés de s’adresser, comme l’Etat dont ils prendraient la -place, à de dangereux architectes et à de nuisibles peintres, et que -resterait-il du charme dolent et désuet de cette très douce église? - - - - -Saint-Merry - - -[Illustration] - -Saint Médéric ou saint Merry n’est pas un saint sur le compte duquel les -renseignements abondent. Ce que l’on connaît de sa vie peut se résumer -en quelques lignes. Entré à l’âge de treize ans, au monastère bénédictin -de Saint-Martin situé près de la ville d’Autun où il naquit, il devint -abbé de ce cloître, prit la fuite pour se retirer dans un désert et y -mener l’existence des ermites, et fut ramené de force par l’évêque -d’Autun, au milieu de ses moines. Il s’évada de nouveau avec saint -Frodulphe, l’un de ses disciples et parvint près de Paris. Là, il -découvrit, dans un petit bois, une chapelle dédiée à saint Pierre, bâtit -une cellule dans son voisinage, et après y avoir demeuré pendant deux -ans et neuf mois, il y mourut, le 29 août de l’année 700 et fut inhumé -dans ladite chapelle. - -Et un point, c’est tout. - -Vers la fin du neuvième siècle, un capitaine qui avait combattu, sous -les ordres du comte Eudes, les Normands dont l’armée assiégeait Paris, -Odo falconarius, Odon le fauconnier, fit construire sur la place de la -chapelle, tombée en ruines, une église romane; elle fut érigée en -collégiale, baptisée sous le double vocable de Saint-Pierre et de -Saint-Merry, puis ce dernier, peu à peu, à cause des miracles qu’il -opéra, évinça l’autre et resta seul titulaire de cette église que l’on -détruisit au seizième siècle. - -Celle qu’on lui substitua et qui existe encore fut commencée en 1525 et -achevée en 1612. - -«En faisant les fondements de la neuve église», raconte le bon Gilles -Corrozet dans ses «antiquités chroniques et singularités de Paris», on -trouva sous le grand autel, dans un tombeau de pierre, le corps de son -fondateur, ayant des bottines de cuir doré aux jambes, lequel, sitôt -qu’il fut touché de l’air, tourna en poudre. Son épitaphe était auprès, -la date duquel pour la vieillesse, ne put être reconnue. Cet épitaphe -fut engravé en une autre pierre qui est au milieu du chœur et contient -ainsi: - -«Hic jacet vir boniæ memoriæ, Odo falconarius, fundator hujus ecclesiæ.» - -Et Corrozet ajoute: «Anciennement n’était qu’une petite chapelle en -laquelle, dit Vincent historial, au cinquième livre, chap. iiijxxij, -saint Merry trépassa. Son corps y fut enterré et y reposa deux ans et -depuis, en l’an 1304, il fut levé de terre et mis en une capse d’argent -en la même chapelle.» - -D’autre part, le Calendrier historique et chronologique de l’église de -Paris, pour l’année 1747, nous fait savoir que le compagnon du saint, -saint Frodulphe que le vulgaire appelle saint Frou, décéda, lui aussi, à -Paris et que son corps fut enseveli près de celui de son maître, dans -l’intérieur de Saint-Merry. - -En édifiant le nouveau sanctuaire, on eut soin de bâtir, au lieu même du -caveau où gisait la dépouille mortelle des deux saints, une crypte qui -subsiste encore; mais elle n’a jamais détenu leurs restes qui furent -exposés au-dessus du maître-autel, dans le chœur et enfermés dans un -reliquaire dont les chanoines de Notre-Dame vérifièrent le contenu, en -1625. Ils y remarquèrent, en sus des ossements, un flacon auquel était -jointe une cédule sur laquelle étaient écrits ces mots: «C’est une fiole -de baume creu et la donna Messire Etienne Maupas, l’an 1339, le -vingt-cinquième jour de may.» - -La châsse fut encore ouverte en 1793, mais, cette fois, par les -sans-culottes qui s’empressèrent de jeter à la voirie et les pieux -détriments et la fiole. - -Il n’existe donc plus de reliques de saint Merry. En fait d’objets lui -ayant appartenu, l’on peut voir, dit l’abbé Salmon, dans ses -«Pèlerinages de Paris», le fragment d’une de ses chasubles ornée de -dessins bizarres. Il est possédé par le trésor de l’église de Longpont. - -Sauf la tour ogivale dans le bas mais dont les derniers étages arborent -les pilastres et les cintres du dix-septième siècle, l’église actuelle -est du gothique de la dernière période; le portail principal s’étend sur -la rue Saint-Martin. Il est difficile à saisir, en son ensemble, à cause -du peu de recul que permet l’étroitesse de la rue; percé de trois portes -ogivales surmontées de crossettes et de fleurons, il n’a gardé de son -ornementation primitive que des bribes mais d’aucunes, celles surtout de -la porte de droite, méritent qu’on les loue. - -Il y a là, en haut, tapis dans une torsade de feuillages, un chien et un -lièvre qui se livrent à une éternelle partie de cache-cache et, plus -bas, un joueur de cornemuse coiffé d’une sorte de lampion de déménageur, -et qui regarde, accroupi, depuis bien des siècles, déambuler les -petits-fils de ces Parisiens réunis pour le fêter, aussitôt qu’il naquit -et qu’on le déposa dans le berceau préparé de sa porte. - -Aujourd’hui tous passent et nul ne s’arrête devant lui. Il vit, dépaysé, -survivant à de naïves sympathies qu’ont oubliées les âges. - -L’on discerne également sur les chambranles des autres porches, des -dragons qui descendent, en rampant, vers le sol, des bouts de marmousets -destinés à servir de consoles, des arcades trilobées, des lierres et des -vignes qui serpentent dans le creux des archivoltes. - -Tout cela est demeuré plus ou moins intact, mais le reste est du toc et -toutes les statues sont des faux. - -Les douze grandes et les six petites qui remplissent les niches des -trois portes, vidées par la Révolution, ont été fabriquées, en 1842, par -Desprez et Brun; les dix-huit figurines, placées sous les dais historiés -de la voussure, en recul, dans le haut de la baie médiane, sont des -moulages pris à Notre-Dame de Paris, de statuettes du treizième siècle; -mieux eût valu, à coup sûr, reproduire des images du seizième qui -eussent été au moins en accord avec le style de l’église, mais il ne -faut pas se plaindre, car l’on aurait pu imaginer pis, en commandant des -sculptures neuves aux limousins médaillés de notre temps. - -En tout cas, vieilles ou neuves, ces statues ont été si bien patinées -par la crasse des poussières et par la boue des pluies, qu’à distance, -avec un peu de bonne volonté, la confusion s’opère et que cette façade, -noire et comme rongée, semble avenante pour tous ceux qu’exaspèrent ces -basiliques modernes dont les murs ont la couleur des toiles écrues, -aggravées parfois, par des couches multipliées de blanc. - -[Illustration] - -L’église Saint-Merry longe d’un côté, au nord, la rue du Cloître, -au-dessus de laquelle elle ouvre une fenêtre à meneaux flamboyants, que -surplombe une meute de chiens de garde, veillant sur une ménagerie de -chimères dont les bustes rigides qui avancent sur la chaussée versaient -jadis de leurs gueules contournées des torrents de pluie. - -Et ces douches que recevaient les passants étaient, je veux le croire, -excellentes, sinon pour la santé des vêtements et le salut du corps, au -moins pour le bien-être de l’âme. Ces aspersions étaient, en effet, un -tonique contre la langueur du péché, un cordial interne, un réchauffant. - -Nos pères connaissaient le langage symbolique des gargouilles. Ils les -considéraient comme les images pétrifiées de ces princes de l’air dont -parle saint Paul, comme des démons rejetés hors du sanctuaire et -relégués le plus loin possible de son faîte, et tout en grelottant et en -dansant sous la furie des averses dont ces monstres leur inondaient le -crâne, ils faisaient sans doute un retour sur eux-mêmes, prenaient de -saines résolutions, se promettaient d’échapper à l’emprise de ces -Esprits de Malice, en s’épurant par la pénitence et la prière... - -De l’autre côté, au sud, l’église a encore conservé quelques spécimens -de son bestiaire infernal, mais c’est à peine si on les entrevoit, car -le bras de son transept qui s’élève au-dessus de la rue de la Verrerie, -est cerné par le presbytère et masqué par d’autres maisons. La grande -fenêtre placée en face de celle qui se hausse sur la rue du cloître -Saint-Merry est invisible; l’on peut, tout au plus, apercevoir au-dessus -des toits une pointe de fronton et deux tourelles, aux balustres -résillés, servant de cages à quelques chimères. - -L’intérieur est cruciforme; la nef et le chœur sont entourés d’un -bas-côté, bordé de chapelles qui communiquent entre elles par des portes -en ogive, trouées dans des murs de refend. Des vitraux sur lesquels -quatre des meilleurs verriers du seizième siècle, Héron, de Parvy, Chamu -et Nogare peignirent les vies de saint Pierre, de saint Joseph, de saint -Jean-Baptiste et de saint François d’Assise, certains fragments -subsistent, dans la nef; et des morceaux dépareillés ont été insérés, un -peu au hasard, dans les croisées aux carreaux blancs et verts, losangés -de plomb, qui ajourent actuellement les chapelles des bas-côtés. - -Ce fut ici, comme à Saint-Germain-l’Auxerrois, comme presque dans toutes -les anciennes églises, les chanoines du dix-huitième siècle qui -saccagèrent les vitraux, sous le prétexte qu’ils éclairaient mal. - -Sauf le chœur qui a été remanié, par eux, au dix-huitième siècle et une -grande chapelle de l’invention d’un nommé Richard qui, en 1754, défonça -trois chapelles gothiques pour y caser la sienne, l’intérieur de -Saint-Merry est de style ogival, avec piliers en arc pointu, dénués de -chapiteaux, fenêtres à dentelures flamboyantes, réseaux de nervures et -clefs de voûtes armoriées. Celle qui s’épanouit, au-dessus du transept, -ressemble à une cordelière de saint François; elle court, se déroulant -avec bouffettes, à plat sur la pierre, puis se laisse pendre, dans le -vide, en un nœud ouvragé qui fut sans doute autrefois peint en azur -rehaussé d’or. - -La première impression, lorsqu’on pénètre dans la nef, est imposante. Le -vaisseau jaillit d’un bond, avec ses murs, allégés par des vitres, dans -les airs; on respire la senteur d’une bonne, d’une vieille église, si -placide, si recueillie, alors que l’on vient de quitter le vacarme -commerçant de la rue Saint-Martin; mais cette impression se fâche, si on -lève les yeux et si l’on regarde, en haut, le fond de la nef et le -maître-autel, car l’abside s’illumine de trois lames de verre dont -l’aspect criard, dans cette atmosphère apaisée, détonne; celle du milieu -contient au-dessous d’un Père Eternel pour romance, un Christ dont la -robe en chair d’orange sanguine est un tourment; mais c’est surtout dans -la lame de droite, que la scélératesse de couleur du verrier moderne qui -les teignit, s’avère; il y a là un Jésus, habillé de rouge groseille et -de bleu de Prusse, debout devant une femme agenouillée dans du jaune de -jonquille et du bleu de paon, qui est pour l’œil ce que seraient pour -l’oreille des coups de pistons soufflés par des pitres éperdus, sur des -tréteaux de foire. - -Et au-dessous de ce tintamarre de tons, une gloire énorme de bois doré, -crache, ainsi qu’un soleil d’artifice, ses rayons dans tous les sens et -simule, si l’on veut, l’auréole d’un gigantesque Christ de marbre blanc, -campé, depuis l’an 1866, au-dessus de l’autel. - -Quant au chœur même, il a été, je l’ai déjà dit, complètement remanié au -dix-huitième siècle; les ogives ont été transformées en cintres, les -parois des piliers revêtues de plaques de marbre, les unes grises, les -autres du brun violacé des jujubes, toutes, vermicelées de blanc; mais -cet acte de vandalisme une fois commis, il faut bien confesser -que, moins malchanceux que Saint-Germain-l’Auxerrois et que -Saint-Nicolas-des-Champs, son voisin, Saint-Merry n’a pas eu ses -colonnes avariées par des cannelures et que le décor qui le déforme est -d’un aloi plus franc et porte, sans trop de réticences au moins, -l’étampe curieuse de cette époque dont l’esthétique n’accoucha pourtant -que d’un idéal de bourdalou et de guéridon. - -Elle créa, en effet, des pièces d’ameublement charmantes, mais aucun -siècle n’eut moins que celui-là le sens mystique; et cependant, si l’on -songe à la vulgarité de l’architecture et de l’ornementation -contemporaines, l’on finit par s’estimer heureux de retrouver le sourire -tourmenté de cet art de colifichets, dans une église. - -Même d’un art réduit, comme ici, à l’état de bribes! Il est vrai qu’à -Paris, si nous pouvons le voir plus complet, il n’en est pas moins -médiocre; ce n’est toujours que du dix-huitième siècle de second ordre. -Saint-Thomas-d’Aquin, par exemple, est une salle de théâtre, garnie de -très réelles baignoires qui tournent autour de la scène, là où se dresse -le grand autel; son décor hésite, ne se livre pas, tente presque de -donner le change en établissant un vague compromis entre une salle pour -ballets et un sanctuaire. C’est une œuvre hybride, un oratoire de -danseuses. Si l’on veut contempler un ensemble surprenant d’église du -temps demeurée intacte et conçue pour l’unique plaisir de confectionner -du joli et du futile, c’est à Mayence qu’il faut aller. Il existe, en -effet, dans cette ville, deux chapelles, l’une surtout, placée sous le -vocable de Notre-Dame, et située Augustinarstrasse qui sont les -authentiques bijoux du Rococo, les petits Dunkerques de la Vierge. Tout -y est: murs blancs, comme poudrés d’une fleur de riz et treillis d’or, -grand autel avec baldaquin et couronne, culbutis de menus anges relevant -des tentures de marbre autour de colonnes à chapiteaux; grand orgue avec -tribune, à ventre renflé, tel que celui d’une commode, orné d’amours -joufflus et de cartouches parés d’instruments de musique, en relief, -flûtes et tambourins, violons et basses; plafond peint dans le goût de -Tiepolo, chaire surmontée d’une gloire d’or dans une envolée de -séraphins bouffis. Ce ne sont partout que roses pompons, que chicorées, -que volutes, que pots à feux, que rocailles; c’est le babil doré du -bois, la minauderie des marbres, le tortillage des chandeliers, et les -pimpantes afféteries des appliques; cela sent la bergamote et l’ambre; -c’est pompeux et exquis, théâtral et léger; c’est anti-mystique, autant -que possible, mais combien ce boudoir façonné pour une Estelle céleste -est supérieur à ces casernes divines et à ces pieuses halles, que les -Ginain, que les Baltard, que les Ballu, que les Abadie, que tous les -rhéteurs de la jactance monumentale moderne nous fabriquent! - -[Illustration] - -Le décor de Saint-Merry ne peut se comparer à celui de la Notre-Dame de -Mayence; il est incomplet et grossier, il est mastoque; mais cependant -son chœur avec ses têtes d’angelots dorés, ses astragales et ses -marbres, ses bronzes tarabiscotés et ses coquilles de Saint-Jacques -évidées, intéresse; l’on peut en dire autant de cette chapelle du -Saint-Sacrement, creusée par le sieur Richard, à droite, près de -l’entrée du grand portail. Elle est vaste et froide, éclairée en l’air -par des toits en chapeaux de pierrot, par des toits blancs et pointus de -verre; mais elle a des tableaux et des statues qui suggèrent la même -réflexion que le décor de la Notre-Dame de Mayence. - -Leur art est discutable, mais c’est tout de même de l’art. - -Au fond de cette chapelle, à laquelle on accède par trois arcades, se -dresse un autel, avec fronton grec et colonnes corinthiennes filetées -d’or au-dessus du tabernacle, une grande toile représente les pèlerins -d’Emmaüs. Quand on pense à ce qu’un homme comme Rembrandt, a tiré d’un -tel sujet, l’on demeure confondu devant ce tableau de Coypel. Imaginez, -peint en une sorte de trompe-l’œil, un Christ accoutré d’une robe -bleuâtre, assis devant une table, et esquissant un geste d’escamoteur, -tandis qu’à droite, un individu penche sa tête sur cette table et qu’à -gauche, un autre, à barbe blanche, le regarde, en rapprochant ses mains. -Au premier plan, gravissant les marches d’un escalier,--car la scène se -passe dans le vestibule d’un palais--un domestique, en caleçon rouge, -monte les plats du souper. Enfin, au-dessus de ce Christ, au chef cerné -d’une lueur de veilleuse qui fignole, un tourbillon d’anges plane dans -les nuées rousses d’un plafond. - -Cette toile nous montre tout ce que l’on voudra, sauf la scène des -Evangiles. Sans le titre connu de l’œuvre, il serait impossible de -savoir ce que signifie le geste du Christ. - -Et cependant ce panneau de Coypel vous retient. Il réduit au rôle d’une -anecdote mal contée, un passage magnifique des Ecritures, mais, en -revanche, il décèle sous l’apparence facile, presque frivole de sa -couleur, une solidité de peinture que les artistes religieux de notre -époque ignorent. - -De même pour les anges sculptés par les frères Slodz, en haut relief, -au-dessus de deux portes, l’un tenant, à gauche, les tables de -l’ancienne Loi et, l’autre, à droite, le calice. Pas plus que ces -petites têtes, à collerettes de plumes, des amours sans corps qui les -entourent, ces anges ne sont de purs Esprits. Ils figurent tout -bonnement de jeunes adolescents demi-nus et dont les élégantes draperies -s’envolent; ce sont des païens accorts et distingués et ils triomphent -dans cette chapelle où, pour leur servir sans doute de repoussoir, l’on -a installé quelques statues modernes dont deux, un saint Pierre l’Ermite -et un saint Antoine sculptés, en 1842, par Evrard, sont cependant -viables. - -Voilà l’apport du dix-huitième siècle, dans l’église bâtie au seizième -en l’honneur de saint Merry. - -Possédons-nous au moins tous les ornements dont cet âge dota l’église? - -Non, car Germain Brice nous donne une description de l’intérieur du -sanctuaire, tel qu’il était de son temps, et il nous dit: - -«On expose, les jours de fêtes principales, des tapisseries assez belles -qui représentent la vie de Notre-Seigneur exécutées sur les cartons de -Henri Lerembart, peintre du roi, dont les ouvrages avaient quelque -beauté.» - -Ces tapisseries ont disparu. - -Il y avait aussi, ajoute-t-il, «une mosaïque en tableau qui représente -la Vierge et l’Enfant, accompagnés de quelques anges; ce morceau avait -été rapporté d’Italie par Jean de Ganay, premier président du -Parlement.» - -Et il poursuit: - -«A côté du chœur, près de la porte de la sacristie, on a construit un -tombeau pour Simon Arnaud, marquis de Pomponne, mort ministre d’Etat; la -chapelle où ce monument se trouve est fort serrée; et la quantité de -figures et d’ornements qui y sont employés, ne produit pas tout l’effet -que l’on pourrait désirer; cet ouvrage est de Barthélemy Rastrelli, un -Italien.» - -Et il cite encore, comme inhumés dans cette église, Simon Marion, avocat -général au Parlement et Jean Chapelain, «poète et bel esprit de son -temps à l’Académie française». - -Les cendres de ces personnages ont été depuis longtemps dispersées et le -monument du marquis de Pomponne est détruit; reste la mosaïque qui a été -transportée au Musée de Cluny. - -Le bon Germain Brice professait les idées de son siècle sur le style -gothique qu’il jugeait inutile et barbare. Aussi n’admire-t-il guère -Saint-Merry qu’il exécute à la cantonade, déclarant pour tout éloge -«qu’il est assez régulièrement distribué, mais triste et obscur et très -malpropre». - -Venons-en maintenant à l’église même, telle qu’elle existe de nos jours. -La description de la plupart de ses chapelles serait nulle; les fresques -qui couvrent les murs disparaissent dans l’obscurité, se voient à peine; -mais il ne faut pas regretter la prudence de cet éclairage, car il -dissimule des œuvres qui ne nous apporteraient, au point de vue de la -piété et de l’art, aucune aise. Les fresques de Chassériau qui parent -l’oratoire de sainte Marie l’Egyptienne, sont molles et poussives; elles -ont été exécutées ainsi qu’un devoir commandé, sans plaisir. Quant aux -autres panneaux plus visibles, tels que la Vierge bleue de Van Loo et la -grande bâche de Marie Belle, «le sacrifice de réparation pour la -profanation des saintes Espèces volées dans l’Eglise», elles gagneraient -à s’effacer dans une bienheureuse pénombre, car cette Vierge est tiède -et pourléchée et l’ouvrage de Belle, trempé dans la sauce d’une -blanquette de veau, est, avec ses figures efforcées de prêtres à genoux, -tendant la main vers une hostie et un ciboire renversé sur le sol, d’un -dramatique pompeux et facile; c’est du mélo de sacristie, de la -sacerdotaille d’art. - -[Illustration] - -En tout, trois objets, deux tableaux et un antique bénitier valent qu’on -s’en occupe; ils sont les seules pièces qui arrêtent, dans ce musée. - -Le premier de ces tableaux est un portrait de Madame Acarie, placé -au-dessus de l’autel qui lui est dédié sous le nom de la bienheureuse -Marie de l’Incarnation. Ce portrait daté du dix-huitième siècle et dont -l’auteur est inconnu resplendit au milieu des fades peintures de Cornu -qui l’entourent. Cette image d’une femme un peu soufflée, au teint rose, -vêtue de bure et contemplant une minuscule sainte Thérèse, apparue dans -l’ovale rayonnant d’une auréole, nous rappelle que la fondatrice des -Carmélites en France fut baptisée dans cette église, le 2 février 1566. -Elle fréquenta Saint-Merry pendant toute son enfance, mais après son -mariage, elle n’y vint plus régulièrement, car elle habita rue des -Juifs, et son biographe Boucher nous apprend «qu’elle ne connaissait -guère d’autre chemin que celui qui conduisait de sa maison à l’église -Saint-Gervais, sa paroisse». - -Mais très supérieur au point de vue de l’art, à cette effigie que -surtout la misère de ses alentours exalte, est un vieux panneau de bois -peint, accroché à contre-jour, dans une chapelle voisine. Ce panneau, -qui servait autrefois de devant d’autel, est un spécimen très curieux de -la peinture française, italianisée, du seizième siècle. - -Il exhibe, assise, une houlette à la main, sainte Geneviève, figurée par -une petite princesse, aux cheveux blonds et ondés qui fait plus songer, -à vrai dire, à une Diane de Poitiers qu’à une sainte entourée d’un -troupeau de moutons parqués dans un champ cerclé de pierres plantées -droites en terre, comme des dolmens bretons, et un chien noir, debout, -les pattes sur ses genoux, quête une caresse, tandis qu’elle lit ses -prières, dans un livre. - -Au second plan, sur un fond de paysage dont les feuillages persillés et -les donjons d’une ville s’enlèvent sur un ciel couleur de bistre, deux -hommes courent après une femme, la sainte sans doute; mais sa biographie -ne nous fournit pas l’explication bien claire de cette scène. - -Toujours est-il que cette œuvre un peu frêle est avenante et qu’elle -mériterait d’être exposée de telle sorte qu’on pût, sans être obligé -d’allumer un cierge, la voir. - -L’on pourrait faire la même réflexion à propos du bénitier, qui -s’examine malaisément dans l’ombre. Ce bénitier, en pierre blanche, du -temps de Louis XII, porte les armes de France et de Bretagne, alliées -aux insignes de la Passion; les sculptures sont encore vivaces, dans -leur relief cendré par la poudre des âges. - -Reste enfin la crypte dans laquelle on descend par un escalier de quinze -marches; une bouffée de cave vous saute au visage quand on y entre. On -vacille dans l’obscurité et c’est à peine si le cierge qui vous guide -vous laisse entrevoir une voûte basse à nervures retombant sur une -colonne centrale; les clefs sont sculptées de rosaces et les chapiteaux -sont fleuris de vigne. Malheureusement tout est retapé et les murs, -entre les colonnes de pierre qui s’y engagent, sont en fonte peinte, -imitant des plis de rideaux; pourquoi ce blindage de coffre-fort? - -Cette cave, dans laquelle on processionne, le jour de la fête de -Saint-Merry, contient des autels de rebut, une vieille châsse requinquée -de cuivre, une statue de la Vierge de la fin du dix-huitième siècle -posée, dans un coin, par terre. Le seul objet valable est une antique -pierre tombale, plaquée, à l’entrée, dans la nuit, contre une cloison. -On a l’impression, dans ce cellier, d’être en un lieu de débarras où -l’on entasse les objets détériorés ou qui ont cessé de plaire. - -Telle est présentement l’église Saint-Merry. Plus heureuse que la -plupart de ses sœurs de Paris, elle n’est pas isolée dans un milieu -moderne et elle demeure en accord avec les très anciennes rues qui -l’avoisinent et qui n’ont pas encore subi la stupide emphase des -constructions en fer et en plâtre de notre temps. Il y a, là, autour -d’elle, des ruelles délicieuses et infâmes, entre autres une certaine -rue Taillepain que l’on retrouve, avec le même nom et avec la même -forme, sur le plan de Turgot. Elle ressemble à une pipe, couchée sur le -sol et sur le flanc; le tuyau part de la rue du Cloître-Saint-Merry, en -face de la grande fenêtre du transept, et le fourneau s’évase, en -carrefour, dans la rue Brisemiche. - -Cette rue Taillepain est un couloir bordé par des dos de maisons; -presque toutes sont privées de portes et n’ont que des fenêtres, -démesurément carrées ou qui montent, alors, trop allongées, de guingois, -encadrant, dans leurs liserés de pierres sales, des paysages dessinés -avec de la poussière, sur d’invisibles vitres; celles qui ont des -entrées se contentent, en fait d’huis, de simples fentes, surmontées, à -hauteur d’homme, de barreaux de fer; l’on dirait de meurtrières de -défense et de poternes d’attaque; tout le quartier est misérable, mais -il efflue un relent de vieille truandaille qui réjouit. Les sentes sont -façonnées par des devants d’hôtel, noirs et gluants, qui arborent sur -des écriteaux cette inscription: «On loge à la nuit»; les boutiques sont -obscures et partout des réflecteurs dépassent l’alignement des façades -et s’efforcent de projeter un peu de jour dans les ténèbres des pièces. -La majeure partie est occupée par des marchands de vin de dernier ordre, -des bistros pour souteneurs, surtout par des magasins de rapetasseurs de -chaussures, par des échoppes de vieilles bottes; c’est le marché des -ripatons usés! - -La chaussée pue le marécage et des bords des trottoirs s’échappe une -odeur qui tient et de l’eau de choux-fleurs et de la vase de marée; -quelques-unes de ces ruelles dont ni le nom, ni l’aspect, n’ont, depuis -des siècles, changé, paraissent pourtant s’être à la longue -désinfectées; telle cette rue de Venise dont le bas jadis s’ouvrait en -des boutiques qui étaient à la fois des taudis et des remises; l’on y -apercevait, dans la pénombre, un lit avec un thomas dessous et une dame -centenaire, assise sur une chaise de paille, qui déterminait, par -l’effort d’un engageant sourire, de profondes crevasses dans le plâtre -mollet de sa face. Maintenant ces bouges appartiennent à des négociants -des halles qui les ont mués en des resserres de légumes et de fruits; en -pleine rue, l’on y déballe des caisses et l’on y remplit des mannes. - -Les étonnantes fenestrières qui habitèrent ces clapiers sont désormais -éparses dans toutes les rues avoisinantes, ainsi que les juifs qui s’y -livrent, eux aussi, au commerce des déchets. Ils pullulaient autrefois -dans cette paroisse, dans cette rue des Juifs où demeura au seizième -siècle Mme Acarie et ils avaient même, rue de la Tâcherie, une -synagogue. - -[Illustration] - -Ce fut dans l’une des rues de leur refuge, la rue des Billettes, qu’eut -lieu, en 1290, le fameux miracle d’une hostie qui, après avoir été prise -dans l’église de Saint-Merry, fut lardée de coups de couteau et -ébouillantée par l’Israélite Jonathas; cette hostie qui voltigea, -sanglante, dans la chambre, fut recueillie par une femme chrétienne qui -l’apporta au Curé de l’église Saint-Jean-en-Grève, où elle fut l’objet -de pèlerinages auxquels la Révolution mit fin. - -A l’heure présente, on célèbre encore un triduum et un office de -réparation de ce sacrilège dans l’église Saint-Jean-Saint-François, qui -a remplacé Saint-Jean-en-Grève, démoli en 1800, et dont une chapelle, -retapée de fond en comble, exista jusqu’aux incendies de 1871 sous le -nom de salle Saint-Jean, dans les bâtiments de l’Hôtel de Ville. - -Pour en revenir à Saint-Merry, son clergé, plus heureux maintenant que -celui du moyen âge, n’a plus maille à partir avec les filles follieuses -et les ruffians. Les rues de cette paroisse étaient de celles que nos -pères appelaient des rues «chaudes et mal famées» et d’interminables -procès furent soutenus par le chapitre de Saint-Merry contre les -tenanciers de ses bouges. Dans son Histoire de Paris, Félibien note un -arrêt du 24 janvier 1388 aux termes duquel le prévôt Jean de Folleville -enjoignit aux femmes publiques de vider la rue de Baillehoé, voisine de -l’église. Celles-ci s’y refusèrent et le magistrat dut dépêcher des -archers pour les faire sortir de force, et des maçons pour murer les -portes de leurs maisons. Mais les propriétaires intentèrent un procès -devant le Parlement et assignèrent le chevecier, le curé de la paroisse -et les chanoines, arguant que le clergé n’avait pas besoin, comme il le -prétendait, de passer par cette rue, lorsqu’il avait à porter le -Saint-Sacrement aux malades, le chemin le plus court pour se rendre de -l’église dans le quartier étant la grande rue Saint-Merry et non la -sente de Baillehoé. - -En 1424, le Parlement finit par donner raison au curé, mais les filles -n’en persistèrent pas moins à résider dans la rue. Fatigué de ces -luttes, le curé se vengea d’un tenancier de «bouticle au péché», en le -faisant condamner par l’officialité à effectuer une amende honorable, un -dimanche, devant la porte de l’église, comme coupable d’avoir mangé de -la viande, un vendredi; et le chapitre obtint, de son côté, que l’on -débaptiserait la rue de son nom de Baillehoé auquel le peuple prêtait un -sens obscène, et qu’on la réunirait à sa voisine la rue Brisemiche. - -L’on ne badinait point, du reste, dans cette paroisse, sur la question -du maigre. Sauval raconte, en effet, une pénitence de ce genre qui fut -infligée, le 18 juillet 1535, à deux personnes accusées du même délit, -et qui durent s’humilier devant le porche de ladite église. - -D’autre part, une note de M. Bournon, annexée à «l’Histoire du diocèse -de Paris» de l’abbé Lebeuf, cite un arrêt du Parlement de 1366, relatif -à un conflit de juridiction entre le Prévôt de la ville et les -chanoines, à propos d’une certaine entremetteuse «mise en l’eschelle, -trois fois et par trois journées, avec le chappel de feurre sur la tête, -comme il est accoutumé de faire». - -Filles et prêtres se battirent donc, dans ce quartier, à coup de textes, -pendant le moyen âge. - -Et les gens d’Eglise se battirent, je crois bien, encore plus, entre -eux. - -Cela s’explique. Durant cinq siècles, il y eut deux curés à Saint-Merry, -appelés curés cheveciers. Vers l’an 1000, il y en eut même sept, les -chanoines de Notre-Dame ayant obtenu de l’évêque de Paris, le don de -cette paroisse. - -Le chapitre de Notre-Dame délégua alors sept chanoines ou bénéficiers -qui furent chargés, chacun à son tour, pendant une semaine, du service -du culte. En 1219, à la suite de la lâcheté de l’hebdomadier qui, en un -temps de choléra, laissa mourir, par peur de la contagion, l’un des -paroissiens sans sacrement, on décida qu’un seul et même curé serait -chargé des fonctions pastorales; puis on lui donna, pour l’aider, un -autre curé. Ils travaillaient chacun une semaine; plus tard, enfin, on -leur adjoignit des vicaires. - -Mais les chanoines implantés par le Chapitre de Notre-Dame à Saint-Merry -n’en continuèrent pas moins de résider dans l’église; et forcément leur -présence gâta tout. Ils occupaient le chœur et y chantaient l’office; -c’était un inévitable conflit de chaque jour entre eux et le clergé -auquel il était interdit de pénétrer dans ce chœur. - -Ce fut, pendant des années, des combats à coups d’épingles; puis, au -moment où l’on bâtissait l’église actuelle, la fabrique acheta, pour -agrandir l’abside qui ne pouvait s’étendre, faute de place, une ruelle -allant de la rue Saint-Bon à la rue Taillepain. Aussitôt les chanoines -partirent en guerre, déclarant que cette ruelle était à eux. - -Ils engagèrent de tenaces et de lents procès contre les curés et la -fabrique. On n’en vit la fin qu’en 1789. L’Assemblée Nationale mit tout -ce monde de chicaniers d’accord, en convertissant l’église en une -fabrique de salpêtre, puis en un temple du Commerce. - -Mais si, remontant en arrière, à travers les temps, nous regagnons -encore l’époque du moyen âge, nous devons constater, pour être justes, -qu’il y eut mieux que des litiges en suspens entre chanoines et filles -et chanoines et prêtres. - -Au treizième siècle, un saint fréquenta Saint-Merry, saint Edouard, -devenu plus tard archevêque de Cantorbéry et alors élève en théologie à -Paris; il chantait, chaque nuit, avec le Chapitre, l’office des Matines -et soignait les pauvres étudiants malades, vendant jusqu’à sa chemise -pour leur procurer des remèdes. - -Au siècle suivant, une autre célicole, Guillemette de la Rochelle, -séjourna également près de ce sanctuaire. Le roi Charles V, qui -connaissait la sainteté de sa vie et admirait ses révélations -extatiques, voulut qu’elle vînt se fixer dans la capitale et il lui fit -faire «un bel oratoire de bois à Saint-Merry». Elle y vécut dans le -ravissement, soulevée en l’air, souvent de plus de deux pieds; et l’on -pense qu’elle fut, après son trépas, inhumée dans l’église. - -Le même roi Charles V instaura aussi, en l’an 1373, une confrérie de -laïques de la paroisse, dont le but fut d’honorer plus spécialement la -Mère du Sauveur. Cette dévotion se continua et, deux siècles plus tard, -nous voyons que le moindre manquement qui se pouvait relever contre le -culte de la Madone, était aussitôt réparé. - -Lebeuf nous cite, en effet, cet épisode qu’il a lu dans les registres du -Parlement de l’année 1530: - -«Comme il s’était commis des excès sur une image de la sainte Vierge -peinte sur une maison proche de l’église, le Parlement ordonna, le 25 -mai, que le clergé se rendrait processionnellement à cette image qui -serait repeinte, pour y chanter les louanges de la Mère de Dieu.» - -[Illustration] - -Enfin s’il y eut, pour femmes, des «bouticles au péché», il y eut aussi -dans ce quartier, de pieux couvents de nonnes, des couvents aux règles -très particulières, tel que celui des Bonnes femmes de Saint-Avoye. - -Cette maison avait été fondée en 1283, par Jean Séquence, chevecier de -Saint-Merry et la Veuve Constance de Saint-Jacques, pour y recueillir -quarante veuves, pauvres et âgées d’au moins cinquante ans. Elle était -située en la rue Saint-Avoye, qui s’est fondue depuis dans le courant de -la rue du Temple. - -Ce monastère était une sorte d’assemblée de béguines, aux ordonnances -plus minutieuses et plus serrées; il réalisait un compromis entre un -béguinage et un couvent. - -Voici l’existence que l’on menait dans ce petit cloître: - -Lever à cinq heures du matin, en été, et en hiver, à six. On commençait -par réciter «les heures Notre-Dame, sept psaulmes et litanies et aultres -heures de la Passion et du Saint-Esprit; et les aultres qui ne savent -lyre, n’y leurs heures, seront tenues dire trois chappeletz et autres -menus suffrages qu’elles pourront scavoir». Puis l’on entendait la messe -et après, dit le règlement, «vous vous assemblerez pour assister à la -besongne, à tel œuvre et vacation honneste dont vous pourrez aider et -exerciter». - -Pendant ce travail opéré en commun, on faisait, durant l’espace d’une -demi-heure, lecture de «quelque bonne histoire de l’Escripture sainte». - -A dix heures on dînait, l’on se récréait pendant trente minutes, la -cloche tintait et l’on reprenait le travail jusqu’à l’heure du souper, -c’est-à-dire jusqu’à cinq heures. - -Et à neuf heures on sonnait le couvre-feu. - -La direction de cet institut était confiée aux cheveciers de Saint-Merry -qui nommaient une maîtresse révocable à leur gré et une secrétaire plus -spécialement chargée de l’entretien de la chapelle. - -La fondation de Saint-Avoye prospéra, puis déchut. En 1621, les bonnes -femmes renoncèrent à leurs prérogatives; elles firent don de leur -monastère aux Ursulines de la rue Saint-Jacques et elles s’y -incorporèrent, sous la règle de cet ordre, acceptant toutefois de rester -sous la juridiction du curé de Saint-Merry et lui présentant, à -l’église, en offrande, le jour de la fête de ce saint, chaque année «un -cierge d’une livre auquel était attaché un écu d’or». - -Les derniers vestiges de ce couvent ont disparu en 1838, lors du -percement de la rue Rambuteau. - -Appartenaient encore au territoire de Saint-Merry, tel que le limite -Lebeuf, la chapelle et l’hôpital de Saint-Julien des Ménétriers dont la -façade s’ouvrait sur la rue Saint-Martin et dont le vaisseau s’étendait -le long de la rue du Maure. Ils furent fondés au quatorzième siècle, -pour abriter et soigner les pauvres ménétriers en détresse dans la -ville, par deux musiciens, lesquels, nous raconte du Breul dans son -«Théâtre des Antiquités de Paris», «s’entr’aimaient et étaient toujours -ensemble. Si un était de Lombardie et avait nom Jacques Grave de -Pistoye, autrement dit Lappe; l’autre était de Lorraine et avait nom -Huet, le guette du Palais du Roy.» - -Ces deux bâtiments furent dédiés à saint Julien, protecteur des -voyageurs, et à saint Genès, mime chrétien, martyrisé sous le règne de -Dioclétien et patron des ménétriers. - -Terminée et livrée au culte, en 1335, la chapelle ne fut jamais que la -très humble vassale de Saint-Merry, car les chapelains, institués pour -la desservir, ne pouvaient administrer aucun sacrement sans la -permission du curé de la paroisse. Cette situation dura jusqu’au moment -où, sur les instances d’Anne d’Autriche, l’archevêque de Paris décida de -remplacer ces chapelains par des Pères de la doctrine chrétienne; les -ménétriers, qui tenaient à leurs prêtres, s’insurgèrent et entamèrent -contre les nouveaux venus une série de procès qu’ils finirent par -gagner; mais bientôt ils eurent à se débattre dans une plus menaçante -aventure. Un ordre de Louis XVI ayant prescrit, en 1781, la fermeture du -cimetière des Saints-Innocents qui était le lieu de sépulture des -fidèles de Saint-Merry, le curé et le chapitre de cette église voulurent -enterrer leurs morts sous le pavé de la nef de Saint-Julien et, à force -d’intrigues, ils déterminèrent le roi à convertir, pour leur usage, ce -sanctuaire en un charnier. - -Exaspérée, la corporation des Ménétriers souleva tout le quartier et en -présence des émeutes qui surgissaient de toutes parts, le malencontreux -édit fut rapporté. - -Une fois de plus, les braves musiciens, si dévoués à leur chapelle, -l’avaient sauvée; mais ce fut une victoire sans lendemain, car la -Révolution les dispersa et s’empara de leurs biens. - -Telle est en peu de mots la biographie de Saint-Julien dont le portail -était orné de trois grandes figures de pierre: le Christ, debout, entre -saint Julien et saint Genès; ce dernier tenait, d’une main, un violon et -un archet de l’autre; douze petites statues, nichées dans les voussures -du porche, complétaient le décor; elles effigiaient des joueurs de -timbale, de flûte, de musette, de trompette marine, de serpent, de -sistre, de harpe, d’épinette et de luth. - -Le tout fut vendu et démoli en 1790; l’emplacement de l’église et de -l’hospice est actuellement occupé par les maisons désignées sous les -numéros 164, 166, 168 de la rue Saint-Martin. - -Quant à Saint-Merry même, son histoire se confond pendant les époques -qui suivirent le moyen âge avec celle des autres quartiers de Paris; -elle ne présente pas du moins de faits bien personnels et qui méritent -d’être notés. Après avoir cité, pour mémoire, le vacarme nocturne de la -taverne de «l’Epée Royale» qui, avant d’avoir sous la Régence servi de -coupe-gorge au Comte de Horn, en mal d’argent, hébergea au dix-septième -siècle les poètes crottés et fut l’un des cabarets littéraires à la mode -de ce temps, il nous faut atteindre les mois de juin 1832 et de février -1848 pour discerner le nouvel et très spécial aspect que prennent ses -rues. - -En raison même de la sinueuse étroitesse de leurs lacis, elles étaient -faciles à défendre et les émeutiers y dressèrent ces persévérantes -barricades dont l’assaut a été magnifié par V. Hugo, dans des pages -superbes des «Misérables». - -Il en fut de même en 1871; l’église, le presbytère, leurs caves surtout -avaient été dévalisées par les soins du sieur Froissard, dit -Court-en-Cuisses, commissaire de la commune; le culte était interrompu; -le 24 mai, alors que l’insurrection était à peu près vaincue, les -fédérés et les Vengeurs de Flourens se précipitèrent dans l’église, -ivres de fureur et fous de vin. Ils résolurent d’incendier la nef; pour -sauver l’église, les habitants y apportèrent les gardes nationaux -blessés que l’on soignait dans les maisons voisines. Ils n’en -continuèrent pas moins d’enduire les murs de pétrole et ils allaient y -mettre le feu, quand un bataillon du vingtième chasseurs arriva au pas -de course et tua la plupart de ces brutes. - -Saint-Merry avait, au demeurant, peu souffert. Il fut vite réparé et -remis en l’état où nous le voyons actuellement. Il est, à vrai dire, -pendant la semaine, bien désert, car c’est à peine si quelques sœurs, si -quelques bonnes femmes viennent égrener leurs patenôtres devant le -Saint-Sacrement. - -On pourrait croire que la piété y est nulle. Il n’en est rien pourtant. - -Cette paroisse a gardé une vie religieuse, sourde, dont on peut -surprendre l’éclosion, le dimanche, et, l’une des seules de Paris -maintenant, elle conserve une institution laïque qui est un des précieux -reliefs du rit gallican, l’œuvre des Clercs de Saint-Merry. - -Dans une très intéressante brochure sur cette confrérie, M. l’abbé -Baloche fixe, à défaut de documents antérieurs, aux dernières années du -dix-septième siècle, la fondation de ces clercs. A vrai dire, ils -remontent aux premiers temps de l’ère chrétienne, ils sont de l’église -primitive même où, sous la direction des presbytres et des diacres, les -fidèles prenaient une part active à la vie du culte, en contribuant au -service intérieur de la synaxe, en portant le viatique aux malades, en -se communiant, eux-mêmes, chez eux, en élisant avec le clergé les -Evêques. Plus tard, au douzième siècle, nous les trouvons prêchant avec -l’assentiment de Rome dans des églises, et jusqu’au seizième écoutant, -si le prêtre manquait, les confessions des personnes en danger de mort. - -Et cette tâche était obligatoire. En cas de nécessité, il faut avouer -ses fautes à son prochain s’il n’y a pas de prêtre, dit saint -Bonaventure dans son huitième sermon sur les Rogations et, de son côté, -saint Thomas d’Aquin déclare que la confession opérée dans ces -conditions «est d’une certaine manière sacramentelle», bien qu’il soit -impossible de parfaire le sacrement à cause de l’absence du ministre qui -possède, seul, les pouvoirs rémissifs du déliement. - -[Illustration] - -Bref, l’on peut affirmer que les laïques s’acquittèrent alors de toutes -les fonctions qui n’exigeaient pas impérieusement le caractère -sacerdotal, pour être validement remplies. - -Ces prérogatives, ils en profitèrent tant que l’esprit de domination des -Pontifes romains se contint et daigna ne pas considérer les simples -chrétiens, ainsi qu’il le fait maintenant, comme ces épluchures du monde -dont parle saint Paul; mais peu à peu, sous l’impulsion du haut clergé, -le peuple fut évincé du service divin; il n’y eut plus que dans les pays -qui suivaient un rituel différent de celui de Rome, que les paroissiens -purent ne pas être dépouillés de leurs droits séculaires; ailleurs, ils -furent réduits au rôle de spectateurs muets, de simples assistants. - -Cet état inévangélique, eut, en France, pour cause l’éternelle servilité -des évêques. Sauf celui de Lyon, tous, sans y être forcés, pour être -agréables à la personne de Pie IX, répudièrent l’antique liturgie des -Gaules et adoptèrent avec le rit, le bréviaire romain, si peu varié, si -sec et si froid, si dénaturé même dans le texte revu de ses séquences. - -Sur leurs ordres, l’on arracha des antiphonaires la flore mystique de -très vieux plants; l’on extirpa, pour les jeter dans le fumier de -l’oubli, ces merveilleuses gerbes, où s’épanouissaient, les jours de -grandes fêtes, les ingénieuses hymnes d’Hilaire de Poitiers, de Prudence -et de Fortunat, les proses magnifiques d’Adam de Saint-Victor, les -admirables répons célébrant la Nativité de la Vierge, de Fulbert de -Chartres. - -Ce fut l’ovation du jardin bourgeois, le triomphe, sur toute la ligne, -du géranium liturgique! - -Ainsi que je l’écrivais naguère, dans «l’Oblat», les français -détruisirent alors l’œuvre des artistes indigènes, brûlèrent en quelque -sorte leurs primitifs. - -Il n’est pas douteux que les bréviaires gallicans, le parisien surtout, -n’eussent besoin de réformes. Dom Guéranger avait signalé très justement -leurs défauts, leur manque de piété même. Et de fait, manié et remanié -par les Harlay, les Noailles, les Vintimille, le bréviaire de Paris -sentait le Jansénisme à plein nez; il pouvait beaucoup moins servir aux -catholiques qu’aux «appelants». - -Mais ce n’était pas une raison pour accepter celui de Rome qui n’est -qu’un passe-partout, qui ne tient compte, ni des traditions, ni des -coutumes, ni des différentes dévotions des diocèses; il fallait -reconstituer le Parisien, tel qu’il était au moyen âge, avant que les -cuistres du dix-septième et du dix-huitième siècles, n’y eussent touché. - -Il n’en fut rien; et naturellement le cérémonial eut le même sort que le -bréviaire dont il était le complément. Ce fut avec la suppression du -bréviaire gallican la mort de son rit imagé et le renvoi de ces liturges -laïques que l’on désignait alors sous le nom de «chapiers ou d’indus». -Ils disparurent et l’orgueil sacerdotal auquel, si bon qu’il puisse -être, nul prêtre n’échappe, y trouva son compte. - -Comment expliquer alors que Saint-Merry ait pu garder ce vestige d’un -rituel périmé qui survécut d’ailleurs, pendant quelque temps encore, -mais plus effacé, dans d’autres églises du même archidiaconé, telles que -Saint-Nicolas-des-Champs et Sainte-Elisabeth, pour en citer deux? Je ne -sais. Il y eut, sans doute, jadis à Saint-Merry comme à Saint-Thomas -d’Aquin où les chapiers n’existent plus, mais où l’on chante encore, -pendant la Semaine Sainte, l’antique prose de l’ancien Parisien, le -«Languentibus in purgatorio» un curé, épris des doctrines gallicanes, et -qui sauva, de sa propre autorité, quelques débris des coutumes usitées -dans son église. Et par désir de ne rien innover, par crainte de -mécontenter les paroissiens, par ignorance peut-être, leurs successeurs -ont laissé les choses en l’état et nous en profitons. - -Mais en quoi consiste, au juste, le rôle réservé, dans leur sanctuaire, -aux clercs de Saint-Merry? Ils font office d’acolytes, de thuriféraires, -de cérémoniaires; ils remplissent les fonctions de diacres d’honneur aux -grand’messes; ils arborent donc la chape et quand ils n’officient pas, -ils revêtent dans le chœur la soutane vermillon, la grande aube blanche -et la ceinture cerise. - -Leur but, déclarent les statuts de l’œuvre, est «de contribuer à la -gloire de Dieu et aux pompes du culte divin: premièrement par -l’exactitude à assister aux offices, deuxièmement par la bonne tenue, le -recueillement et la piété au chœur». - -Et l’article III prescrit: «Les clercs s’engagent à exécuter de leur -mieux toutes les cérémonies qu’ils seront invités à faire par le Maître -des Cérémonies.» - -Ils s’acquittent de leur tâche, avec conscience et l’on peut, en toute -vérité le dire, leur présence à Saint-Merry est un vrai stimulant de -zèle, un réconfort. - -Voulant me rendre compte, par moi-même, de la façon dont ils -pratiquaient l’office, je me suis rendu, le jour de la fête du -Saint-Sacrement, à la grand’messe. J’y allai, je l’avoue, prévenu; je -pensais que des hommes à moustaches, habillés en enfants de chœur et -affublés d’ornements d’église, seraient très ridicules. Je me trompais; -ces gens, qui n’avaient pas du tout les faces en fuite des bigots, -portaient leur costume avec aisance et, très au courant de leur métier, -ils évoluaient avec une ferveur à la fois mâle et touchante. - -Quand l’aspersion eut lieu, le prêtre, le goupillon en main, traversa -toute la nef; les deux chapiers qui soutenaient sa dalmatique pour lui -permettre de lever le bras, étaient deux clercs de l’œuvre; l’un, âgé -d’une soixantaine d’années, avait une physionomie intelligente et -bonhomme, avec des traits un peu épaissis et une moustache grise; -l’autre, plus jeune, et très grand, figurait assez bien un reître de la -Renaissance, avec ses cheveux débordant en boucles sur le front, son nez -busqué et sa moustache rousse. Vêtus de grandes chapes d’or, ils -manœuvraient sans aucune gêne, comme aussi sans aucune pose, dans -l’allée enserrée par des rangs de chaises, très attentifs à éviter tout -faux pas au célébrant; puis, lorsque la messe commença, ils se tinrent -derrière le diacre et le sous-diacre prêtres, remplissant leur devoir de -liturges, avec une précision et un respect que dans d’autres églises, -certains membres du clergé ignorent. - -Elle était vraiment louable, cette grand’messe. On y chanta, en -plain-chant, l’Introït, le Kyrie Eleison, le Gloria, le Lauda Sion, le -Credo, le Sanctus et l’Agnus Dei; malheureusement, ici, de même que dans -beaucoup de sanctuaires de Paris, l’on escamota le Graduel, l’Offertoire -et la Communion, plus difficiles à chanter; mais enfin il n’y eut pas de -pétarades musicales modernes; grâces en soient rendues au maître de -chapelle et au curé! - -Et ce que l’on pouvait se croire, loin de Paris, dans cette vieille -église de la rue Saint-Martin, peuplée de Petits négociants dont la -piété était simple et réelle! - -Si les temps étaient, pour l’Eglise de France, moins durs, l’on -souhaiterait que des œuvres pareilles à celle des clercs de Saint-Merry -fussent fondées dans chaque paroisse, afin de rehausser la solennité du -culte et d’intéresser le peuple aux offices, en l’admettant à y prendre -part; mais, même à des époques plus propices, les clercs de Saint-Merry -ont eu bien du mal à conserver leur existence, car, en 1900, -l’Archidiacre de Notre-Dame, sous la juridiction duquel est placé -Saint-Merry, avait résolu de les supprimer. - -Celui-là pensait sans doute, comme tous ses confrères, que les laïques -ne peuvent être autre chose qu’un bétail parqué dans l’étable d’une nef. - -Ils furent sauvés par la mort de ce personnage qui trépassa avant -d’avoir pu mettre son projet à exécution; et le 26 novembre 1905, les -clercs ont célébré, glorieusement, par une cérémonie magnifique, dans -leur église, leur centenaire--non le centenaire de leur création dont on -ne connaît pas la date--mais celui de leur réorganisation qui fut -effectuée par le curé Fabrègue, en 1805. - - - - -Table des Chapitres - - - Pages - La Symbolique de Notre-Dame 7 - Saint-Germain-l’Auxerrois 49 - Saint-Merry 103 - - - - -Achevé d’imprimer le 28 février 1920 sur la presse de René Kieffer par -A. Paudras. - -Le Papier Fabriqué spécialement à la forme par la Maison -Blanchet-Kléber. - -Gothique de Simon Vostre. - - - -*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK TROIS ÉGLISES *** - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the -United States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, -and may not be used if you charge for an eBook, except by following -the terms of the trademark license, including paying royalties for use -of the Project Gutenberg trademark. 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Hart was the originator of the Project -Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of -volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online -at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. If you -are not located in the United States, you will have to check the laws of the -country where you are located before using this eBook. -</div> - -<p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Title: Trois Églises</p> -<p style='display:block; margin-top:0; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:0;'>Eaux-fortes originales de Ch. Jouas</p> - -<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Author: Joris-Karl Huysmans</div> - -<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Illustrator: Charles Jouas</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'>Release Date: December 22, 2021 [eBook #66995]</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'>Language: French</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'>Character set encoding: UTF-8</div> - -<div style='display:block; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Produced by: Laurent Vogel (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))</div> - -<div style='margin-top:2em; margin-bottom:4em'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK TROIS ÉGLISES ***</div> -<div class="c x-ebookaker-drop"><img class="h800" alt="" src="images/cover.jpg" /></div> -<div class="break"></div> -<p class="c huge top4em">Trois Eglises</p> - -<p class="c large">La Symbolique de Notre Dame</p> - -<p class="c large">Saint Merry</p> - -<p class="c large">Saint Germain l’Auxerrois</p> - -<p class="c xlarge">par J. K. Huysmans</p> - - -<p class="c gap"><span class="large">Editions René Kieffer</span><br /> -Relieur d’Art. 18 Rue Séguier, VI<sup>e</sup><br /> -Paris 1920</p> - -<div class="break"></div> - -<p class="c top4em large">Justification du Tirage</p> - - -<table summary=""> -<tr><td class="r"><div>20</div></td> -<td>Exemplaires contenant trois états des -eaux-fortes et une aquarelle originale -de l’illustrateur</td> -<td class="bot w4">700 fr.</td></tr> -<tr><td colspan="3" class="c"><div>Numérotés de 1 à 10</div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>30</div></td> -<td>Exemplaires contenant trois états des -eaux-fortes</td> -<td class="bot w4">550 fr.</td></tr> -<tr><td colspan="3" class="c"><div>Numérotés de 21 à 50</div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>20</div></td> -<td>Exemplaires contenant deux états des -eaux-fortes dont celui avec remarque</td> -<td class="bot w4">400 fr.</td></tr> -<tr><td colspan="3" class="c"><div>Numérotés de 51 à 70</div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>180</div></td> -<td>Exemplaires contenant un état des -eaux-fortes</td> -<td class="bot w4">300 fr.</td></tr> -<tr><td colspan="3" class="c"><div>Numérotés de 71 à 250</div></td></tr> -</table> -<p class="c">Il a été tiré en outre DIX Exemplaires sur -Japon ancien à la forme contenant :</p> - -<p class="c">1<sup>o</sup> Une aquarelle originale,</p> - -<p class="c">2<sup>o</sup> Tous les états du graveur pour chaque planche,</p> - -<p class="c">3<sup>o</sup> Une suite en couleurs tirée sous la direction -de Charles Jouas d’après ses originaux,</p> - -<p class="c">1500 francs.</p> - -<div class="break"></div> -<div class="c"><img src="images/illu1.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<div class="break"></div> -<p class="c large top4em">J.-K. Huysmans</p> - -<h1>Trois<br /> -Eglises</h1> - -<p class="c">Eaux-fortes originales de Ch. Jouas</p> - - -<p class="c gap"><span class="large">Editions René Kieffer</span><br /> -Relieur d’Art, 18, Rue Séguier<br /> -<span class="large">Paris 1920</span></p> - -<div class="break"></div> - -<div class="c"><img src="images/illu2.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<div class="chapter"></div> -<div class="c"><img src="images/illu3.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<h2 class="nobreak" id="ch1">La Symbolique de Notre-Dame de Paris</h2> - - -<p>C’est à Victor Hugo, à Montalembert, -à Viollet-le-Duc, à Didron, que nous devons le -réveil de louanges dont se pare maintenant l’art -gothique, si méprisé par le dix-septième et le dix-huitième -siècles, en France. A leur suite, les chartistes -s’en sont mêlés et ont parfois exhumé des layettes -d’archives, des actes de naissance portant le nom -des « maîtres de la pierre vivel » qui bâtirent les -cathédrales ; les recherches continuent dans les cimetières -à paperasses des provinces ; quel est, à l’heure -actuelle, le résultat de ce mouvement que détermina -le Romantisme ?</p> - -<p>Celui-ci : tous -les architectes, tous les archéologues, depuis -Viollet-le-Duc jusqu’à Quicherat, n’ont -vu dans la basilique ogivale qu’un corps de -pierre dont ils ont expliqué contradictoirement -les origines et décrit plus ou moins ingénieusement -les organes. Ils ont surtout noté le travail -apparent des âges, les changements apportés d’un -siècle à un autre ; ils ont été à la fois physiologistes -et historiens, mais ils ont abouti à ce que -l’on pourrait nommer le matérialisme des monuments. -Ils n’ont vu que la coque et l’écorce ; ils -se sont obnubilés devant le corps et ils ont oublié -l’âme.</p> - -<p>Et pourtant l’âme des cathédrales existe ; -l’étude de la symbolique le prouve.</p> - -<p>La symbolique, qui est la science d’employer -une figure ou une image comme signe d’une -autre chose, a été la grande idée du moyen âge, et, -sans elle, rien de ces époques lointaines ne s’explique. -Sachant très bien qu’ici-bas tout est figuré, -que les êtres et que les objets visibles sont, suivant -l’expression de Saint Denys l’Aréopagite, les images -lumineuses des invisibles, l’art du moyen âge -s’assigna le but d’exprimer des -sentiments et des pensées avec les -formes matérielles, variées, de la vitre et -de la pierre et il créa un alphabet à son -usage. Une statue, une peinture, purent être un -mot et des groupes, des alinéas et des phrases ; -la difficulté est de les lire, mais le grimoire se déchiffre. -Des livres tels que le « Miroir du Monde » -de Vincent de Beauvais, le « <span lang="la" xml:lang="la">Speculum Ecclesiæ</span> » -d’Honorius d’Autun, si bien mis en valeur par M. -Male, le Spicilège de Solesmes, les apocryphes, la -Légende dorée, nous donnent la clef des énigmes.</p> - -<p>L’on comprendra cette importance attribuée -à la symbolique, par le clergé, par les moines, -par les imagiers, par le peuple même au treizième siècle, -si l’on tient compte de ce fait que la symbolique -provient d’une source divine, qu’elle est la langue parlée -par Dieu même.</p> - -<p>Elle a, en effet, jailli comme un arbre -touffu du sol même de la Bible. Le tronc est la -Symbolique des Ecritures, les branches sont les -allégories de l’architecture, des couleurs, des pierreries, -de la flore et de la faune, les hiéroglyphes des -Nombres.</p> - -<p>Si ces diverses branches -peuvent donner lieu à des interprétations -plus ou moins sûres, il n’en est -pas de même de la partie essentielle de la -Symbolique des Ecritures, qui, elle, est claire et -tenue pour exacte par tous les temps. Qui ne sait, -en effet, nous déclare Saint Grégoire le Grand, -que « l’Ancien Testament est la prophétie du Nouveau -et le Nouveau la manifestation de l’Ancien », -que, par conséquent, la religion Mosaïque contient -en emblèmes ce que la religion catholique nous divulgue -en réalité ? L’histoire sainte est une somme -d’images ; tout arrivait aux Hébreux en figures -affirme saint Paul ; le Christ l’a rappelé maintes -fois à ses disciples et lui-même s’est presque -toujours servi, lorsqu’il haranguait les foules, de -paraboles ou, si l’on aime mieux, de récits allégoriques -qui lui permettaient, en montrant une chose, -d’en dévoiler une autre.</p> - -<p>Il n’est donc point surprenant que le -moyen âge ait suivi la tradition que lui avaient, -après les enseignements du Messie, transmise les Pères -de l’Eglise et appliqué à la maison du -Seigneur leurs procédés.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu4.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Cela dit, nous devons -ajouter qu’en sus de cette précaution -d’enclore, dans une cathédrale, les vérités -du dogme, sous les apparences des contours -et les espèces des signes, le moyen âge a voulu -traduire, en des lignes sculptées ou peintes, les -Légendaires et les évangiles apocryphes, être en -même temps aussi qu’un cours d’hagiographie et de -pieux fabliaux, un sermonaire narrant au peuple -le combat des vertus et des vices, lui prêchant la -sobriété, le travail, la nécessité évoquée par la parabole -des vierges sages et des vierges folles, d’être -toujours prêt à paraître devant Dieu, le menant, -peu à peu, tout en l’exhortant le long de la route, -jusqu’au jour de la mort qu’il lui découvrait brutalement, -dès l’entrée même de la basilique, dans les -tableaux du Jugement dernier et du pèsement des -âmes.</p> - -<p>La cathédrale était donc un ensemble, une -synthèse ; elle embrassait tout ; elle était une -bible, un catéchisme, une classe de morale, un -cours d’histoire et elle remplaçait le texte par -l’image pour les ignorants.</p> - -<p>Nous voici loin, avec ces données, de -l’archéologie, de cette pauvre -science de l’anatomie des édifices !</p> - -<p>Voyons maintenant, en usant -de la doctrine des symboles, ce qu’est Notre-Dame -de Paris, quel est le sens de ses divers -organes, quelles paroles elle profère, quelles idées -elle décèle.</p> - -<p>Ses conceptions et son langage ne diffèrent -pas de ceux de ses grandes sœurs de Chartres, -d’Amiens, de Strasbourg, de Bourges, de Reims. -Tout au plus cache-t-elle une arrière-pensée qui -sent un tantinet le fagot et que j’expliquerai plus -loin ; — nous pouvons donc, pour elle comme pour -les autres, l’étudier, en lui appliquant les théories -générales du symbolisme.</p> - -<p>Occupons-nous d’abord de l’intérieur. Durand, -évêque de Mende, qui vécut au treizième -siècle, c’est-à-dire à l’époque même où fut construite -Notre-Dame, nous enseigne que ses tours représentent -les prédicateurs, et cette assertion se confirme -par la signification assignée aux cloches qui -rappellent aux chrétiens, avec leurs prédications -aériennes, les vertus qu’il leur faut pratiquer, s’ils -veulent parvenir aux sommets des tours, images de -la perfection que cherchent à -atteindre, en s’élevant, les âmes. Suivant -une autre exégèse formulée, dans le -Spicilège de Solesmes, par Pierre de Mora, -évêque de Capoue, les tours représenteraient -surtout la Vierge Marie et l’Eglise, veillant -sur le salut de la ville qui s’étend sous elles.</p> - -<p>Le toit est l’emblème de la charité ; les -tuiles destinées à abriter le temple des pluies, sont -les soldats qui protègent l’Eglise contre les entreprises -des païens ; les pierres des murailles, soudées -entre elles, certifient, d’après saint Nil, l’union des -âmes, et suivant Hugues de Saint-Victor, le -mélange des laïques et des clercs qui constituent la -société chrétienne, qui sont, dit-il, les deux flancs -d’un même corps.</p> - -<p>Et ces pierres, liées par le ciment qu’Yves -de Chartres assimile à la charité, forment les -quatre grands murs de la basilique, les quatre -Evangélistes, selon le « <span lang="la" xml:lang="la">Tractatus super aedificium</span> » -de Prudence de Troyes, et selon la traduction -d’autres écrivains, les quatre vertus principales : -la Justice, la Force, la Prudence, la Tempérance.</p> - -<p>Les fenêtres sont les emblèmes de nos sens -qui doivent être fermés aux -vanités de ce monde et ouverts aux -dons du ciel ; elles sont garnies de vitres, -laissant passer les rayons du soleil, du Soleil -de Justice qui est Dieu ; elles sont encore, -d’après la théorie d’Hugues de Saint-Victor, les -Ecritures qui éclairent mais repoussent le vent, -la neige, la pluie, similitudes des hérésies que le -Père de la division et du mensonge forme.</p> - -<p>Notre-Dame a trois portails, en l’honneur -de la Trinité sainte ; et celui du milieu, dénommé -portail royal, est divisé par un pilier sur lequel -repose une statue du Christ qui a dit de lui-même -dans l’Evangile de saint Jean : « <span lang="la" xml:lang="la">Ego sum ostium.</span> » -Tranchée de cette façon, la porte signifie les deux -voies que l’homme est libre de suivre.</p> - -<p>Et cette allégorie est complétée par l’image -du Jugement dernier qui se déroule sur le tympan -du porche, avisant le pécheur du sort qui l’attend, -suivant qu’il s’engagera dans l’une ou l’autre de -ces deux routes.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu5.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Pour résumer en quelques lignes ces -données, nous pouvons dire que l’âme chrétienne, -partie du sol, du bas des tours, avec la foi dans les -vérités primordiales de la religion, -stipulées par les groupes des trois -porches : la Trinité, que le nombre même -de ces entrées avère, la croyance en la Divinité -du Fils et la Maternité divine de la Vierge, racontée -par les statues et les figures, s’élève peu à -peu, en pratiquant les vertus désignées par les -grands murs, jusqu’au toit, symbole de la Charité -qui couvre une multitude de péchés, qui est la vertu -par excellence, selon saint Paul.</p> - -<p>Il ne lui reste plus dès lors, pour atteindre -le Seigneur et se fondre en Lui, qu’à gravir les -tours dont les sommets représentent les cimes de -la vie parfaite.</p> - -<p>Et cet abrégé de la théologie mystique -que la façade de Notre-Dame nous enseigne, nous le -retrouvons, condensé en d’autres termes, exprimé -par d’autres mots, dans son intérieur, par l’ensemble -de la nef, du transept et du chœur, ces trois -degrés de l’ascèse, la vie purgative, énoncée par les -ténèbres de l’entrée, loin de l’autel ; la vie contemplative -qui s’éclaire en avançant vers le chœur ; la -vie unitive qui ne se réalise que dans la partie -attribuée à Dieu, là où convergent les feux allumés -par le soleil de Justice, dans -les vitraux des roses.</p> - -<p>La forme intérieure de Notre-Dame est, de -même que celle de la plupart -des grandes basiliques, cruciale.</p> - -<p>Et ainsi que nous l’apprend dans son -« <span lang="la" xml:lang="la">De Divinis officiis</span> » le bénédictin Rupert, abbé, -au douzième siècle, du monastère de Deutz, si les -dimensions de la croix sont en profondeur, en -longueur, en largeur et en hauteur, il en est de -même de l’église qui reproduit son image — et la -profondeur notifie la foi — la longueur, la persévérance — la -largeur, la charité — la hauteur, l’espoir -de la récompense future.</p> - -<p>Si nous passons maintenant aux détails -de l’ensemble, nous trouvons que la voûte est, -d’après l’exégèse de l’anonyme du « <span lang="la" xml:lang="la">Psalterium -glossatum</span> » du onzième siècle, l’image de la vie -céleste, que les piliers sont les apôtres, qu’au dire de -Durand de Mende, les colonnes que, de son côté, -Petrus Cantor assimile, à cause de leur force, au -Christ, sont les Evêques et les Docteurs qui -soutiennent l’église par leur doctrine ; que le pavé -stipule l’humilité et qu’il figure aussi, parce qu’il -est foulé aux pieds, les labeurs -mis au service de la Foi, des fidèles ; -que le jubé, supprimé presque partout et -remplacé par le coquetier, plus ou moins -élégant, de la chaire à prêcher, est l’emblème de -la montagne du haut de laquelle parlait le Fils.</p> - -<p>Le chœur et le sanctuaire symbolisent le -ciel, tandis que la nef simule la terre et comme -l’on ne peut s’élever de la terre jusqu’au ciel que -par les souffrances rédemptrices de la croix, l’on -érigeait jadis, au sommet de l’arcade grandiose -qui réunit la nef au chœur, un crucifix colossal.</p> - -<p>L’ignorance des architectes et des curés a -depuis longtemps fait disparaître cette croix gigantesque -de Notre-Dame.</p> - -<p>Le signe marquant la division des deux -mondes ne subsiste plus maintenant dans cette -église que grâce à la grille qui entoure le chœur et -limite les deux zones, celle de Dieu et celle des -hommes, dit saint Grégoire de Nazianze, dans -un poème cité par l’abbé Thiers.</p> - -<p>De son côté, l’abside, qui s’arrondit -derrière le sanctuaire et affecte dans la plupart des -cathédrales la forme d’un demi-cercle, rappelle la -couronne d’épines sur laquelle -s’appuya, lorsqu’elle fut sur le gibet, -la tête ensanglantée du Christ.</p> - -<p>Dans la majeure partie des temples, -la chapelle du fond est dédiée à la Vierge, afin -d’attester, par cette position même qu’elle occupe, -que Marie est le dernier refuge des pécheurs, mais, -ici, où tout l’édifice lui est voué, elle n’a pas de -chapelle spéciale à la fin du chevet et l’espace qui -ne lui est pas consacré est tenu par un oratoire -où l’on garde les réserves du Saint-Sacrement.</p> - -<p>Si l’abside, située derrière le maître-autel, -signifie le douloureux diadème qui ceignit le chef -vivant du Christ, l’autel même est sa tête, -comme les bras étendus du transept sont ses bras, -comme les portes ouvertes au bout des deux allées -de ce transept sont les plaies de ses mains, -comme les portes du grand porche d’entrée sont les -blessures de ses pieds percés de clous.</p> - -<p>Enfin si l’on se place dans la nef de -Notre-Dame l’on peut remarquer que l’axe du -chœur incline légèrement sur la gauche.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu6.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Cette inflexion, nous la retrouvons presque -partout, à Saint-Ouen et à la cathédrale de -Rouen, à Saint-Jean de Poitiers, -à Notre-Dame de Chartres et -de Reims, à Saint-Gatien de Tours, -à Saint-Germain-des-Prés, à Paris, à -Saint-Nicolas-du-Port, près de Nancy, dans -presque toutes les grandes basiliques du moyen -âge.</p> - -<p>La répétition constante de cet artifice est -donc voulue et elle a sa raison d’être.</p> - -<p>Or, jusqu’à présent, il était admis que -cette déviation de l’axe du chœur était une allusion -à l’attitude de Jésus expirant sur le bois du -supplice ; c’était la traduction, en langue architecturale, -du passage de l’Evangile selon Saint-Jean : -« <span lang="la" xml:lang="la">Et inclinato capite, tradidit spiritum.</span> »</p> - -<p>Mais l’Ecole des Chartes, qui est devenue, -depuis la mort de Léon Gautier et de -Lecoy de La Marche, une sorte d’officine de Juivophiles -et de protestants, dont le but semble être -de déprécier le moyen âge que ses professeurs de -jadis exaltèrent, a tout changé.</p> - -<p>A l’heure actuelle la symbolique est reléguée -par elle dans les rancarts et l’on y enseigne -le matérialisme archéologique dans ce qu’il a de -plus bas.</p> - -<p>Une brochure intitulée « La -déviation de l’axe des églises est-elle symbolique ? » -et qui a pour auteur M. de Lasteyrie, -membre de l’Institut et l’un des podestats -de l’Ecole, est, à ce point de vue, typique.</p> - -<p>M. de Lasteyrie répond par la négative à -sa question, déclare qu’il n’a découvert aucun texte -du moyen âge relatif à ce sujet et il ajoute aussitôt : -« Si jamais le hasard en faisait sortir -quelqu’un des arcanes de nos bibliothèques, je ne -crois pas qu’on dût y prêter grande attention, car -il serait assez isolé pour qu’on pût hardiment en -contester la valeur. »</p> - -<p>Voilà qui est simple. Cette façon de -prendre les devants pour nier l’importance de tout -document qui réduirait sa thèse à néant est pour -le moins ingénue ; elle est, dans tous les cas, -prudente.</p> - -<p>Mais en même temps qu’il nous atteste -que l’inclinaison du chevet des cathédrales n’est -pas intentionnelle et n’a été inspirée par aucun -dessein mystique, il tente de nous fournir les raisons -de cette constante anomalie des axes et de -nous expliquer les causes pour -lesquelles les architectes des basiliques -du moyen âge la commirent.</p> - -<p>Et c’est alors que ce vétéran de la -paperasse nous exhibe des arguments dont -l’extraordinaire indigence désarçonne.</p> - -<p>Après avoir raconté ce que nous savons -déjà — que les cathédrales ont été bâties par -étapes successives et non d’un seul jet — très -sérieusement, il nous dit :</p> - -<p>« Il en résulte que les architectes qui présidaient -à la suite des travaux avaient à raccorder -les maçonneries nouvelles avec les parties antérieurement -construites et c’était là un problème dont -on comprendra toute la difficulté, si l’on songe que la -célébration du culte dans une partie de l’église obligeait -à élever, entre cette partie et le chantier -où se poursuivaient les travaux, des cloisons ou -des murs qui interceptaient complètement la vue.</p> - -<p>« Or les gens du moyen âge, ne connaissant -aucun des instruments qui permettent aux -modernes de se repérer avec précision et de raccorder, -malgré tous les obstacles, les lignes les plus compliquées, -éprouvaient le plus grand embarras pour -prendre leurs repères et une -erreur minime avait pour conséquence -une déviation très marquée dans les alignements. »</p> - -<p>Et ce n’est pas plus malin que cela ! -Les permanentes irrégularités des cathédrales -tiennent simplement à ceci que les architectes du -moyen âge ne savaient pas leur métier et n’étaient pas -pourvus d’instruments modernes.</p> - -<p>Un tablier de bois tendu entre la partie -construite et celle à construire suffisait pour leur -faire perdre la tête et tous se trompaient, aucun -dans ses calculs ne tombait juste.</p> - -<p>Evidemment les tire-lignes qui ont bâti, -au dix-neuvième siècle, Saint-François-Xavier, -Notre-Dame-des-Champs et Saint-Pierre de -Montrouge étaient fort supérieurs, comme science, -aux pauvres architectes qui ont édifié les cathédrales -de Chartres, de Reims, de Paris, car eux, n’ont -pas commis d’inadvertances ; ils ont respecté les -règles intangibles du cordeau, ils n’ont pas fait -pencher le chœur de leurs églises !</p> - -<p>Telles sont les leçons d’orthopédie monumentale -qui se débitent maintenant à l’école des -Chartes.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu7.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Mais laissons ces pédantesques -balivernes et revenons à Notre-Dame -de Paris.</p> - -<p>Elle n’est, pour la récapituler, qu’une -des pages du grand livre de pierre écrit au treizième -siècle sur notre sol et elle ne fait qu’enseigner -dans l’Ile de France le même cours de théologie -mystique qu’enseignent en même temps, dans la -Beauce, dans la Picardie, dans la Champagne, -ses sœurs de Chartres, d’Amiens, de Reims, en nous bornant -à en citer trois ; elle se sert du même -idiome qu’elles et cette unanimité de doctrine et -d’expression se comprend si l’on considère que les -artistes n’ont jamais été, à cette époque, que les -interprètes de la pensée de l’Eglise. Ainsi que le -fait justement remarquer M. Male, dans son -substantiel volume sur « L’Art religieux au treizième -siècle », dès 787, les Pères du second concile -de Nicée déclaraient que la composition des images -n’était pas laissée à l’initiative des artistes ; elle -relevait des principes posés par l’Eglise et la tradition -religieuse et les Pères ajoutent encore : « l’art -seul appartient aux artistes, l’ordonnance et la -disposition nous appartiennent. »</p> - -<p>Il y eut donc immuabilité de -théorie et de langue et les maîtres maçons -et les imagiers n’eurent qu’à se conformer -aux règles de la symbolique que leur indiquaient les -moines ou les prêtres.</p> - -<p>Mais ce dialecte hermétique, clair pour -ceux qui l’entendaient, était-il compris du peuple ?</p> - -<p>Nous pouvons le croire, d’après les quelques -renseignements que nous possédons. Yves de Chartres, dans son -« <span lang="la" xml:lang="la">De Sacramentis ecclesiasticis -sermones</span> », nous affirme, en effet, que le -clergé apprenait la science des symboles au peuple -et il résulte également des recherches de Dom -Pitra, qu’au moyen âge, l’œuvre du pseudo-Méliton, -évêque de Sardes, qui contient une clef des allégories -employées par l’Eglise, était populaire et -connue de tous.</p> - -<p>Cette symbolique officielle, si l’on peut -dire, était donc accessible à tous les croyants, mais -il en est une autre qui figure, à Notre-Dame de -Paris, une symbolique occulte, compréhensible seulement -pour quelques initiés ; celle-là dérive de ce que -l’on nomme les sciences maudites, très pratiquées au -moyen âge. A-t-elle été insérée, -à l’insu du clergé qui n’y vit goutte, -sur certaines parties de la façade, ou les -formules en furent-elles dictées aux imagiers -par un prêtre adepte de l’astrologie et de l’alchimie ? -On ne le saura jamais ; ce qui semble le -plus probable, c’est que les dresseurs de thèmes -généthliaques et les souffleurs de cornues ont cru -découvrir, après coup, dans des sujets purement -religieux, des intentions qui n’y étaient pas.</p> - -<p>Toujours est-il que Notre-Dame de Paris -est peut-être une des seules cathédrales en France où de -semblables secrets auraient été cachés sous -le voile apparent des Ecritures.</p> - -<p>Deux des portails de la façade, le portail -royal, celui du milieu et celui de Sainte-Anne et de -Saint-Marcel qui longe le quai, sont ceux devant -lesquels se sont réunis, au moyen âge et depuis, -les adeptes de l’astrologie et les philosophes de la -chrysopée.</p> - -<p>Au portail royal, quatre figures sont -censées représenter les symboles de la pierre philosophale ; -elles sont contenues dans quatre médaillons -qui se font vis-à-vis, deux par deux et qui sont -encastrés, non dans le portail -même, mais dans les contreforts. Ils -sont là, à taille d’homme, très en évidence, -séparés de tout l’ensemble décoratif de la porte. -Ils représentent : à gauche, le premier, en partant -du haut, Job, sur son fumier rongé par -des vers que l’on voit et entouré d’amis ; le second, -un personnage étêté et manchot qui traverse, appuyé -sur un bâton ou sur une lance, un torrent. -Dans sa monographie de la cathédrale de Paris, -M. de Guilhermy déclare qu’il est impossible d’identifier -cette figure. Il est, en effet, difficile de savoir -de quel nom ce bonhomme s’appelle. Il a l’attitude -de saint Christophe, franchissant, appuyé sur -son bâton, une rivière, et l’arc et les flèches que -l’on aperçoit à ses pieds seraient bien ses attributs, -car il fut, avant que d’être décapité, tué à coups -de flèches et devint même, à cause de ce genre de -supplice, le patron des arbalétriers ; mais la place -en haut du médaillon, pour y loger l’Enfant Jésus -sur ses épaules, manque et d’ailleurs nul indice -n’existe d’une statuette brisée, près du dos et de la tête -du Saint. Ce n’est donc point le Christophore, et -ce passant garde jusqu’à nouvel ordre l’anonymat.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu8.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>De l’autre côté, maintenant, -à droite, en partant toujours -du haut, nous trouvons Abraham prêt à -sacrifier son fils et dont un ange arrête le -bras, lequel bras a disparu, ainsi qu’Isaac tout -entier et une bonne partie de l’ange ; enfin, près -d’une tour, un guerrier casqué et vêtu d’une cotte -d’armes, protégé par un bouclier, qui lance contre -le soleil un javelot. Celui-là serait Nemrod qui, -d’après une ancienne tradition, serait monté sur une -tour pour livrer bataille au ciel et à ses habitants.</p> - -<p>Si nous nous plaçons au point de vue de -la symbolique chrétienne, ces bas-reliefs ne suscitent -aucune difficulté d’interprétation ; les sujets, sauf -celui du faux saint Christophe, sont clairs, et les -enseignements lucides ; mais, il faut bien l’avouer, -ils sont étrangement mis à part ; ils ne décèlent -aucun sens dans l’ensemble sculpté du portail ; ils -constituent, en somme, des phrases isolées, sans -rapports entre elles.</p> - -<p>Si nous acceptons le point de vue de la -symbolique spagyrique, nous pouvons reconnaître, -avec le vieil hermétiste Gobineau de Montluisant, -que Job est une personnification de la pierre des -philosophes qui passe par les -épreuves avant que d’atteindre son -degré de perfection ; qu’Abraham est l’alchimiste, -le souffleur ; Isaac, la matière à -jeter dans le creuset ; l’ange, le feu nécessaire -pour opérer la transmutation de la matière en or. -Restent le pseudo-Christophe et le Nemrod, mais -les grimoires de l’alchimie ne nous renseignent -guère sur le sens précis de ces figures.</p> - -<p>D’autre part, les astrologues qui désignent, -de temps immémorial, ce portail sous le -nom de porche de l’astrologie, ont toujours vu, dans -les tableaux qu’il représente, une effigie de la Vierge -astronomique et dans le Christ, accompagné de ses -apôtres, l’image du soleil qui monte à l’horizon, -entouré des signes du zodiaque. Que cette opinion -soit fondée ou non, il faut avouer qu’elle a eu -raison de se produire, car c’est à elle que nous -devons d’avoir conservé une partie du porche. Et, -en effet, en août 1793, la commune avait décrété -la destruction de tous ces simulacres de la vieille -superstition religieuse ; et ce fut le citoyen Chaumette -qui réclama en faveur de la science, déclarant -que ce décor constituait un cours d’astronomie et -avait servi à Dupuis pour -établir son système planétaire — et le -portail fut sauvé. Ce portail royal était -et est donc encore revendiqué par les partisans -de l’astrologie et les hermétistes. — La porte -voisine, celle de Sainte-Anne et de Saint-Marcel, -l’était et l’est encore par les alchimistes.</p> - -<p>A les entendre, le récepte, le secret de la -sublime pierre des sages est inscrit sous la statue -qui se dresse sur le trumeau, tranchant en deux -la baie. Cette statue, — qui n’est qu’une reproduction, -car l’original est placé dans la salle des -Thermes, au Musée de Cluny — portraiture un -évêque, debout, mitré et crossé, bénissant d’une -main ses visiteurs et foulant aux pieds un dragon -sorti d’une sorte de chapelle funéraire où une femme -morte est assise dans un linceul enveloppé de -flammes.</p> - -<p>La lecture de cette scène est très simple. -Il suffit d’ouvrir les Bollandistes. La légende de -saint Marcel, neuvième évêque de Paris, raconte, -en effet, que ce saint délivra la ville d’un horrible -dragon qui avait établi son gîte dans le cercueil -d’une femme adultère, décédée, sans avoir eu le temps -de se repentir et sans avoir reçu -les sacrements ; le saint frappa de sa -crosse le monstre, lui entoura le cou de son -étole, l’emmena à quelques lieues de Paris, -dans un désert, et là, lui intima l’ordre, auquel -d’ailleurs il obéit, de ne jamais plus retourner dans la -ville.</p> - -<p>Ajoutons ce détail, qu’aux processions des -Rogations, le clergé de Notre-Dame faisait autrefois -porter, en souvenir de ce miracle, un grand -dragon d’osier dans la gueule ouverte duquel le -peuple jetait des gâteaux et des fruits. Cette -coutume, qui remontait au moyen âge, a pris fin -en 1730.</p> - -<p>Telle est la version de l’Eglise ; autre -est celle des alchimistes. Dans son cours de philosophie -hermétique, Cambriel explique ainsi cette -figure :</p> - -<div class="c"><img src="images/illu9.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Sous les pieds de l’évêque, sur le socle -même de sa statue, de chaque côté, deux ronds de -pierre sont sculptés. Les ronds de droite seraient -les simulacres de la nature métallique brute, telle -qu’on l’extrait de la mine, les ronds de gauche, -négligés comme les premiers par la symbolique -chrétienne, seraient la même -nature métallique mais purifiée ; et -celle-là se rapporterait à la figure humaine, -assise, dans la chapelle sépulcrale, et -qui a pris naissance dans le feu dont son -linceul s’entoure. De cette fournaise tombale qui -serait l’œuf philosophique, inséré dans l’athanor, le -dragon, né à son tour de la figure humaine, serait, -en s’élevant hors du fourneau, en plein air, sous -les pieds du saint, le dragon babylonien dont parle -Nicolas Flamel, autrement dit, le mercure philosophal, le -lion vert, le lait de la vierge, la substance -même qui change par une projection le plomb en or.</p> - -<p>Dans cette interprétation, saint Marcel -ne nous bénirait plus, mais il ferait un geste de -circonspection, qui signifierait : taisez-vous, gardez -le secret si vous l’avez compris.</p> - -<p>Si bizarre qu’elle paraisse, cette glose se -conçoit pourtant, car les préparateurs du grand -œuvre peuvent se placer sous le patronage de ce saint -qui a, en effet, opéré plusieurs transmutations.</p> - -<p>Une fois, alors qu’il n’était encore que -sous-diacre et qu’il servait la messe de l’évêque -Prudence, il transmua en un vin qui manquait, -l’eau qu’il venait de puiser à la -Seine ; une autre fois aussi, il changea -cette même eau en une liqueur parfumée -comme le saint chrême.</p> - -<p>Le choix que les alchimistes firent de -cet Elu pour lui attribuer la possession du fameux -secret pourrait donc jusqu’à un certain point se -justifier ; cependant, il convient d’observer que le -patron officiel des spagyriques au moyen âge, ne fut -pas saint Marcel, mais bien saint Jean l’Evangéliste, -soit parce qu’une très ancienne légende -nous le montre savant dans l’art de traiter les -minerais de fer ; soit parce que deux vers, pris en -un sens éperdument littéral<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a>, de la séquence tissée -en son honneur par Adam de Saint-Victor, nous -le représentent fabriquant avec du bois de l’or et -avec des cailloux des gemmes.</p> - -<div class="footnote"><p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a></p> - -<div class="poetry"> -<div class="verse" lang="la" xml:lang="la">Qui de virgis fecit aurum,</div> -<div class="verse" lang="la" xml:lang="la">Gemmas de lapidibus.</div> -</div> -</div> -<p>Que ces explications puissent sembler -erronées, c’est bien possible, mais qu’importe ! Que -plus fabuleuse encore nous apparaisse cette autre -légende relatant qu’un scrupule -de la pierre des sages a été caché par -l’évêque Guillaume de Paris dans l’un -des piliers du chœur que l’on reconnaîtra si -l’on suit la direction de l’œil d’un corbeau qui le -regarde, sculpté sur l’un des porches, il ne nous en -chaut pas davantage ; ce qu’il sied simplement de -retenir, c’est que, plus que ses congénères, Notre-Dame -de Paris est mystérieuse, plus experte peut-être -mais moins pure, car elle est à la fois catholique -et occulte et elle greffe sur la symbolique -chrétienne les réceptes de la Kabbale.</p> - -<p>En tous cas, ces discussions ne prouvent-elles pas -que, sauf de nos jours, cette basilique fut -toujours envisagée telle qu’un traité de symbolisme, -s’exprimant à mots couverts, parlant, à l’exemple -du Christ, en paraboles ? Les archéologues, les architectes -l’ont disséquée, ainsi que l’on disséquerait -un cadavre ; c’est très bien, l’anatomie de -son corps est désormais connue ; les romanciers, -comme Victor Hugo, ont créé d’après elle un décor -plus ou moins véridique pour y loger des personnages -imaginés de toutes pièces, et cependant le -poète a été le seul, alors, qui ait eu une vague -intuition de la symbolique du -moyen âge, lorsqu’il a écrit sa comparaison -fantaisiste de la façade royale, -trouée d’une grande fenêtre flanquée de deux -petites, ainsi que le prêtre est flanqué, pendant -la messe, du diacre et du sous-diacre, à l’autel. -Il reste désormais à décrire, autrement qu’en un -rapide abrégé, ses aîtres spirituels, sa vie intérieure, -son âme, en un mot. La vraie monographie de -notre cathédrale serait celle-là ; mais le positivisme -architectural ne fait que s’accroître, et, malheureusement, -le clergé s’éloigne de plus en plus de questions -qu’il aurait pourtant intérêt à ne pas dédaigner.</p> - -<div class="chapter"></div> -<div class="c"><img src="images/illu10.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<h2 class="nobreak" id="ch2">Saint-Germain-l’Auxerrois</h2> - - -<div class="c"><img src="images/illu11.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Elle fut ronde comme le temple du Saint-Sépulcre -à Jérusalem et ceinte de fossés que -remplirent de leurs cadavres les Normands qui -l’assiégèrent, l’église que fonda, au sixième siècle, -à Paris, saint Landry, sous le vocable de saint -Germain d’Auxerre. Celle-là fut l’aïeule. Cent ans -après sa naissance, elle tombait de vétusté ; le roi -Robert la jeta bas et en reconstruisit une autre -à sa place ; celle-là fut la mère. Elle devint, à son -tour, caduque et, au treizième siècle, sur ses ruines, -naquit l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois. -Celle-là, c’est la fille ; elle vit encore.</p> - -<p>Son enfance fut troublée ; -elle grandit rapidement d’abord, puis, -sa croissance s’arrêta pendant une centaine -d’années et ne reprit qu’après. Le portail et le -chœur étaient achevés à la fin du treizième siècle. -Le quinzième érigea le porche, la nef, les collatéraux -du chœur et le transept ; le seizième réédifia les -chapelles, changea les dispositions du chevet, dressa -le portail qui s’ouvre à gauche de l’abside sur la -rue de l’Arbre-Sec, déroula devant l’autel un magnifique -jubé, bâti par Pierre Lescot et sculpté -par Jean Goujon ; et l’église, parvenue à sa -pleine maturité, s’atteste, grâce au voisinage de la -Cour, la plus fastueuse et la plus fréquentée de -Paris.</p> - -<p>Vint le dix-septième siècle qui, méprisant -son allure gothique, omit de la dénaturer ; mais, -moins dédaigneux, le dix-huitième siècle, qui la jugeait de -forme désuète, résolut de la rajeunir.</p> - -<p>En 1754, le curé et les marguilliers -commencèrent par faire démolir le jubé, mais cette -destruction ne modifiait pas la mine -restée, pour eux, barbare, de la nef, et ils -recoururent à un nommé Bacarit, architecte -des écuries du Roi, en le priant de la civiliser. -Il apprêta un plan, et le soumit à l’Académie -des Beaux-Arts qui, dans un élan d’enthousiasme, -s’écria que cet habile homme « savait marier, de la -manière la plus heureuse, le genre moderne avec le -gothique de l’église qu’il avait à décorer ».</p> - -<p>Et l’effrayante ganache se mit à l’œuvre. -Ne pouvant, à son grand regret, faute d’argent, -tout saccager, il dut se borner à canneler les -colonnes du chœur, à remplacer la flore symbolique -des chapiteaux par d’insignifiantes guirlandes de feuillages et de -fleurs, enfin à altérer les contours -des croisées qu’il débarrassa de leurs magnifiques -vitraux pour les habiller d’une claire vitraille qui fit -se pâmer tous les chanoines d’aise.</p> - -<p>Et Saint-Germain n’en continua pas -moins d’être gothique. Bacarit ne parvint pas -à transmuer la douce orante du moyen âge en une -Manon plus ou moins pieuse ; les -traits reparaissaient sous le grimage ; ne -pouvant obtenir mieux il songea à esquinter -l’extérieur et il abattit la flèche et ses quatre -clochetons et installa sur le tronçon demeuré du -fût, une balustrade de pierre qui donna au sommet -de la tour l’engageant aspect d’un balcon ; puis, -après un tel labeur, il se reposa et s’éteignit sans -doute, chargé d’ans et de gloire, dans la paix du -Seigneur, qu’il avait, avec des travaux de ce genre, -si fidèlement servi.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu12.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Débarrassé de son bourreau, Saint-Germain-l’Auxerrois -vivait placidement quand la -Révolution surgit. Alors ce fut autre chose. On ne -l’affubla plus de travestis plus ou moins disparates, -mais on la dénuda. Ce fut le pillage ; ce après -quoi le sanctuaire fut fermé ; l’on installa dans ses -dépendances une mairie et l’on usa de sa nef -comme d’un hangar pour y gonfler des ballons. Il -semblait que la série des déprédations fût close -lorsque s’effondra le régime des Jacobins ; mais -Napoléon, qui se mêlait de tout, -s’occupa de ce malchanceux édifice et projeta -tout simplement de le raser. Heureusement qu’il n’eut -pas le temps d’exécuter ce dessein -et, en 1837, l’église, réouverte, fut réconciliée par -Monseigneur de Quélen, archevêque de Paris, et -l’on s’efforça dès lors, sous prétexte de panser ses blessures, -de les ranimer.</p> - -<p>On la para, en effet, de flasques peintures -et de redoutables vitres ; mais si déformée, si réparée -qu’elle puisse être, elle est encore charmante ; -son intérieur est un des plus intimes, des plus -vraiment religieux qui soient à Paris et son extérieur -demeure un régal d’art.</p> - -<p>Le portail du treizième siècle est encore -debout, avec sa baie médiane datée de ce temps et -les deux autres du quinzième siècle ; quant aux sculptures -représentant, ainsi que sur presque toutes les façades -des cathédrales, le Jugement dernier, le pèsement -des âmes, le sein d’Abraham, l’enfer des démons, -avec l’épisode habituel des vierges sages et des -vierges folles, elles ont disparu ou ne -subsistent plus qu’à l’état d’épaves et de -rudiments ; mais six grandes statues, rangées -dans les ébrasures de la porte du milieu, ont -été refaites et repeintes ; à gauche, en entrant, -saint Vincent, diacre et martyr, un livre à la -main ; puis un roi barbu portant un sceptre, et -une reine que de Guilhermy croit être Childebert -et Ultrogothe, sa femme ; à droite, saint Germain -crossé et mitré ; sainte Geneviève tenant un cierge -qu’un petit diable placé au-dessus d’elle s’efforce de -souffler ; enfin un ange souriant, un flambeau au -poing, prêt à rallumer, s’il s’éteint, le cierge de la -sainte.</p> - -<p>La voussure, au-dessus des vantaux, détient -encore trois cordons de personnages, anges, -démons, ribaudes et vierges ; le portail a, en -somme, gardé quelques mots d’une phrase effacée -par le temps et qu’il est facile de reconstituer, car -elle est écrite au complet sur la façade des autres -églises, mais le trumeau pilier récemment rétabli -au-dessous d’elle est inexact, car il -supporte, au lieu du Christ d’antan, une -vierge neuve.</p> - -<p>Si l’on ajoute que des fresques modernes -d’un nommé Mottez ont rempli les espaces demeurés -vides, mais que l’on ne discerne plus de cette -inutile peinture que des écailles craquelées de badigeon, -l’on aura ainsi une idée précise du portail, tel -qu’il existe à l’heure actuelle.</p> - -<p>Il est précédé d’un porche à cinq baies -ogivales couronnées de balustres et de combles -fleuronnés, construit, en 1425, par Jean Gaussel. -De toutes les statues qui le peuplent, deux seulement -sont authentiques, toutes les autres ont été -fabriquées de nos jours. Ces deux statues représentent, -l’une, située à la fin du porche et faisant -face à la place du Louvre, près de la rue des Prêtres-Saint-Germain-l’Auxerrois, -un saint François -d’Assise énasé et manchot, à la figure mâchurée -par l’âge ; l’autre, sise du côté opposé et regardant -la grande porte, une Marie l’Egyptienne enveloppée -de ses cheveux qui ont conservé des -traces d’or ; elle tient les trois pains qui -doivent l’alimenter dans le désert et penche -mélancoliquement une petite tête oisive dont les -yeux sont clos.</p> - -<p>Au-dessus de ce porche, se dresse, entre -deux élégantes tourelles carrées, la façade trouée -d’une rose flamboyante, terminée par un pignon -triangulaire, planté sur sa pointe, d’un simulacre -d’ange. Derrière, le vaisseau s’étend, flanqué de -contreforts, hérissé de gargouilles, habité par une -amusante ménagerie qui exhibe depuis des siècles, -entre ciel et terre, les êtres les plus hétéroclites et -les bêtes les plus cocasses. Il y a de tout dans cette -kermesse de la pierre, des mendiants et des -fous, un hippopotame qui rend par la gueule un -sauvage ; des singes et des griffons, des ours à -muselières, des truies allaitant des ribambelles de -gorets ; des rats sortant, ainsi que d’un fromage de -Hollande, de la boule du monde et guettés par un -chat, ce qui signifie sans doute que les brigands -qui dévastent la terre seront dévorés -par le Démon.</p> - -<p>L’intérieur vaut, lui aussi, que longuement -on le visite ; tous les styles s’y coudoient. -Il a été tellement défait et refait qu’il paraît -un peu incohérent, mais ce côté hagard est délicieux -quand on le compare à la monotone régularité -des églises neuves !</p> - -<p>La nef gothique de quatre travées est -coupée d’un transept percé d’une porte à chaque -bout ; celle de gauche est condamnée, celle de droite -accède à la rue des Prêtres-Saint-Germain-l’Auxerrois, -en face du bureau du Journal des -Débats. L’on a installé, au milieu de son allée un -bénitier exécuté par Jouffroy sur les dessins de -Mademoiselle de Lamartine, des mioches paradant -autour d’une croix ; c’est de l’art pour la rue -Saint-Sulpice, mais il ne dépare pas la misère ornementale -des murs chargés, par un sieur -Guichard, d’encombrantes fresques.</p> - -<p>Le long de la nef et du chœur, à partir -de l’entrée, de nombreuses chapelles -s’enfoncent entre les contreforts des murs, -huit à gauche et quatre à droite.</p> - -<p>A gauche, d’abord, la chapelle des fonts -baptismaux, dite de Saint-Michel, puis celles de -Saint-Jean-Baptiste, de Sainte-Magdeleine, de -Notre-Dame de Compassion — celle-ci touche au -transept, après lequel se trouvent la chapelle de -Saint-Louis, où réside le Saint-Sacrement et -où l’on a placé sur l’autel une statue de la Vierge -qualifiée de Notre-Dame de Bonne-Garde — celles de -Saint-Vincent-de-Paul, de Saint-Charles-Borromée, -où un hideux vitrail assigne à cet élu -la tête d’un moricaud ; enfin celle de Saint-Denys, -Saint-Rustique et Saint-Eleuthère — et nous -atteignons la petite porte de la rue de l’Arbre-Sec -donnant sur l’abside et au-dessus de laquelle -s’ouvre, derrière un vitrage à losanges de couleur, -une tribune dite « Tribune de la Reine », parce que, -prétend-on, la famille royale s’y serait quelquefois -tenue pendant la messe.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu13.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Parmi ces minuscules chapelles, -une seule est intéressante, celle de la -Compassion, qui fut, pendant plus d’un siècle, -la chapelle du Conseil d’Etat, car elle détient un -superbe retable flamand en bois, de la fin du -quinzième siècle, provenant de la collection dispersée -de M. de Bruges-Duménil ; divers épisodes de la -vie de la Vierge et de la Passion y sont sculptés ; -malheureusement, on ne le voit guère, la croisée -qui devrait l’éclairer étant obscurcie par des carreaux -modernes à la fois sombres et violents, qui ne -laissent filtrer aucune lueur.</p> - -<p>A droite, maintenant, en partant de -l’autre côté de l’abside dont nous parlerons tout -à l’heure, la sacristie occupe la place de plusieurs -chapelles, et les petits oratoires qui la suivent, en -descendant avec le chœur, sont dédiés aux saints -Apôtres, à saint Pierre, aux Pères et aux Docteurs -de l’Eglise dont deux, saint Léon et saint -Grégoire le Grand, sont, en leur qualité de premiers -rôles, en vedette sur l’affiche des vitres ; puis -apparaît, succédant à ces réduits si -exigus que le confessionnal les emplit, avec -un autel, tout entiers, une très élégante porte -du quinzième siècle surmontée d’une exquise Vierge -en bois peint de la même époque, une Vierge -dolente et frileuse, mais perchée si haut que, dans -l’ombre des voûtes, on la remarque à peine ; et -vient le transept de la rue des Prêtres ; cette allée -franchie, toute la place des quatre chapelles situées -en vis-à-vis, de l’autre côté de la nef, est ici prise -par une seule, par la chapelle de la Sainte-Vierge, -entourée d’une boiserie qui la cache aux yeux et -munie d’une porte close, afin d’empêcher tous ceux -qui voudraient venir la prier d’y pénétrer.</p> - -<p>Une église où la chapelle de la Vierge -n’est pas accessible aux fidèles, c’est un comble ! -Que penser des curés qui mettent ainsi dans leur -église la Madone au rancart ? La raison invoquée -de ce monstrueux interdit est que ce lieu sert -parfois de chapelle pour les catéchismes. Eh ! qu’ils -le fassent, leur catéchisme, dans les greniers, dans -les caves, chez eux, où ils voudront, -mais qu’ils démolissent ce rempart de -menuiserie, qu’ils laissent en tous les cas la -porte ouverte, lorsque leurs quatre pelées et leurs -trois tondus n’y sont pas !</p> - -<p>D’autant qu’elle est délicieuse cette chapelle ! -Intime et recueillie, elle se pare d’un autel -contenant des reliques de saint Denys, de saint -Célestin et de saint Benoît, au-dessus duquel est -incrusté un antique retable de pierre, figurant l’arbre -de Jessé dont les fleurons et les branches serpentent -autour d’une belle statue de Vierge du quatorzième -siècle qui appartint jadis au presbytère de Radonvilliers, -en Champagne, le tout se détachant sur -des fresques peintes par Amaury Duval ; mais une -bienfaisante obscurité permet de les distinguer mal.</p> - -<p>Pour être complet, citons, dans la nef, en -face de la chaire, une énorme machine en bois monté, -pourvue de colonnes et coiffée d’un baldaquin, -exécutée par Mercier sur les dessins de l’emphatique -Lebrun et qui servait de siège au roi quand il -assistait officiellement à la messe ; -et une grille en fer forgé du dix-huitième -siècle qui fut très réparée et privée de ses -fleurs de lys ; et revenons à l’abside qui est, selon -moi, la partie la plus savoureuse de Saint-Germain-l’Auxerrois, -car l’on peut s’y croire -en même temps dans un oratoire de la fin du -quinzième siècle et dans une église de campagne de -nos jours.</p> - -<p>L’on dirait que l’odeur particulière de tout -l’édifice s’y concentre. Et en effet, lorsqu’on entre -dans Saint-Germain, on y hume une senteur -spéciale qui n’existe, semblable à Paris, que dans -un autre sanctuaire, celui de l’Abbaye-au-Bois de -la rue de Sèvres, certains jours, — une odeur de -salpêtre relevée par une très fine pointe de cire -consumée et d’encens. Là, dans l’abside, cet arome -d’églisette de village, le dimanche après le salut, -persiste surtout par les temps de pluie et vous -aide à vous transporter bien loin de Paris et de -cette place du Louvre, devenue l’un des plus bruyants -lieux de rendez-vous des voitures à -vapeur et des tramways.</p> - -<p>Parfois, lorsque l’heure sonne à la -tour voisine, le carillon qui l’accompagne de son -cliquetis de verre brisé, vous suggère l’idée que -l’on prie dans une église des Flandres. Et ces -avatars successifs d’alentours — de temple Renaissance, -de chapelle de bourgade et d’église flamande — font -vraiment de cet obscur refuge un tremplin -unique à Paris, de rêves.</p> - -<p>Pour rester dans la réalité, l’on peut -dater du seizième siècle cette abside ; elle est biscornue, -de forme divagante ; la vérité est que ses -chapelles sont refoulées, d’une part, par l’alignement -de la rue qui les cerne ; de l’autre, elles sont -entamées par le presbytère et la sacristie, si bien -qu’elles vont de guingois, plus larges ou plus -longues les unes que les autres.</p> - -<p>Celles des deux bouts sont de vagues -réduits, des carrés irréguliers dont les lignes verticales -s’évasent ; les autres suscitent la pensée, là où -sont percées les fenêtres, d’un triptyque -ouvert, aux deux volets revenus en avant, -pas repliés par conséquent le long du mur, -avec une niche romane au-dessous de chacun d’eux. -Il y a, en effet, sous les deux croisées des coins, -deux petites cavernes plafonnées de voûtes en arc, -creusées dans le bas des murailles et que l’on a -remplies tant bien que mal, avec des pieuses statues -de la rue Bonaparte, dont l’obscurité et la -poussière effacent, Dieu merci, les traits.</p> - -<p>Ces chapelles sont au nombre de cinq ; -leur réunion dessine un demi-cercle à la ligne cabossée -du haut ; elles sont placées sous le vocable -de sainte Geneviève, des saints patrons du lieu : -saint Vincent et saint Germain, du Tombeau, -de la Bonne-Mort et de saint Landry.</p> - -<p>Les deux branches finales du demi-cercle -s’appuient, la première sur la porte de sortie de la -rue de l’Arbre-Sec, la seconde sur la porte de la -sacristie, ornée de fresques dont une, un saint -Martin à cheval tranchant son manteau pour en -donner la moitié à un pauvre, est due -à ce Mottez qui décora le grand portail de -ses badigeons qu’abolirent, pour l’allégresse -des artistes, de secourables soleils et de propices -pluies.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu14.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>De la chapelle Sainte-Geneviève, absolument -sombre, tendue de toiles gondolées, teintes au -cirage par Gigoux, rien à dire ; de la chapelle des -Saints-Patrons où s’érige dans une niche le tombeau -de la famille des marquis de Rostaing, agrémenté de -deux seigneurs qui vous regardent à genoux et l’air -béat, et, près de la rampe de communion, de deux -statuettes neuves de sainte Anne et de saint -Antoine de Padoue, tout se pourrait également -omettre si ces fenêtres ne détenaient peut-être, avec -celles de la chapelle voisine de la Bonne-Mort, -les seuls vitraux qui, par leur sens de la symbolique, -par leur science des tons, par leur étampe vraiment -personnelle d’art, méritent qu’on s’arrête devant -eux et valent qu’on les loue.</p> - -<p>Dans ce Saint-Germain-l’Auxerrois qui -n’a gardé, en fait de verrières anciennes, -que quelques panneaux du quinzième et du -seizième siècle, insérés dans les baies gothiques -ou renaissance du transept et dans les roses, -des panneaux dont les chairs des personnages -sont le fond blanc même de la vitre et les vêtements -de grandes taches de gomme-gutte de rouge -lourd, de vert rude et de bleu dur — des carreaux -fabriqués sous la monarchie de juillet bouchent -toutes les ouvertures pratiquées dans les bas-côtés -de la nef.</p> - -<p>Et toutes les monographies exaltent un -affreux vitrail, exécuté par Lusson dans la chapelle -des Apôtres sur les dessins de Viollet-le-Duc ; -toutes citent à l’envi les œuvres de Maréchal de -Metz, amusantes par leur vert pistache et leur -rose turc, peu usités dans les arts du feu, mais -peintes comme de la peinture ordinaire, avec des -couleurs si peu adhérentes, si mal cuites qu’ils -s’éraillent à fleur de vitre et laissent pénétrer, -ainsi que de vulgaires carreaux, le jour. Ce sont -des aquarelles diaphanes, des peintures -vitrifiées, c’est tout ce que l’on voudra, -sauf des vitraux.</p> - -<p>Plus réelles, seraient les imitations de -la sainte Chapelle œuvrées par Didron dans la -chapelle du Tombeau ; celles-là on les adule aussi, -mais personne ne parle de ce Thévenot qui a -décoré les fenêtres des Chapelles des Saints-Patrons -et de la Bonne-Mort.</p> - -<p>Dans la première, le tableau du milieu -qui a je l’ai dit, la forme d’un triptyque ouvert, -les volets poussés sur leurs gonds en avant, -comprend une Vierge couronnée et le Christ entre -deux anges ; le volet de gauche, un saint Vincent, -celui de droite un saint Germain. Ce sont de -hautes figures très hiératiques, et pourtant d’un -modernisme un tantinet campagnard, car elles ont -dans la tournure, dans la mine, d’abord presque -déplaisantes, quelque chose d’agreste et de très -simple. Les couleurs sont profondes, d’une ardeur -tempérée, quasi sombre. Le rouge est rouge cerise ; -les violets et les verts, très nourris -de bleu discret, sont graves ; les ors -sont saurés ; mais la plus belle teinte, en -dehors d’un chamois clair, est celle du manteau -de saint Germain, une teinte qui tient du brun -violi de la robe du carme et de ce brun rougeâtre -connu dans la céramique sous le nom de foie de -mulet ; il est à la fois somptueux et austère ; les -grands verriers du moyen âge n’ont pas fait mieux.</p> - -<p>Ces mêmes couleurs, nous les retrouvons -dans la chapelle de la Bonne-Mort, mais là, en plus de -la personnalité singulière de ses figures, -Thévenot se décèle comme un homme très au -courant de cette vieille science de la symbolique -chrétienne, si parfaitement omise par les vitriers et -les architectes de nos jours. Il s’agissait d’historier -les lueurs qui doivent éclairer une chapelle funéraire -et il disposait, sur le panneau de face, de quatre -places et sur chacun des panneaux de côté, d’une ; -il a ordonnancé l’ensemble de la sorte : au milieu, -il a peint dans les quatre compartiments sur un -fond de gris perle strié, dans une bordure -de chardons emblèmes de la pénitence, -saint Joseph avec un lys, la Vierge couronnée -d’étoiles, le Christ bénissant le monde, saint -Michel arborant un étendard et une balance, le -pied sur le démon.</p> - -<p>Dans le volet de gauche, un être barbu, -étrange, coiffé d’une espèce de turban déroulé, nimbé -d’une auréole orange, fastueusement vêtu d’une robe -grenat brodée de ramages d’or, chaussé de violet, -tient d’une main un vase de parfums et s’appuie -de l’autre sur une bêche.</p> - -<p>Dans le volet de droite, un saint Pierre, -pieds nus, la tête cerclée d’un halo, croise sur sa -poitrine ses deux clefs.</p> - -<p>Et la phrase figurée sur ce triptyque de -vitraux est facile à lire. Cet être à l’allure bizarrement -héraldique, qui porte, tel que Magdeleine dans -les tableaux des primitifs flamands, un pot d’aromates -et est muni d’une bêche, c’est saint Tobie, -tout à fait inconnu de nos jours, mais célèbre au -moyen âge, car il était alors le saint -des sépultures, le patron des fossoyeurs qui -l’avaient choisi à cause des paroles que, dans -la Bible, l’ange Raphaël lui adresse : « … Lorsqu’à -minuit tu enterrais les morts… c’est moi qui -présentais tes prières au Seigneur… »</p> - -<p>Il est préposé aux soins de la dernière -heure ; il s’occupe du corps, tandis que, de l’autre -côté du Christ, saint Michel pèse dans sa balance -le poids des vertus et des fautes et présente la -pauvre âme désincarnée au Seigneur, auprès duquel -intercèdent saint Joseph et la Vierge, alors que, -plus loin, saint Pierre attend, pour ouvrir les -portes du ciel, que le sort de la pécheresse soit -résolu.</p> - -<p>Tous les célestes acteurs du drame qui -commence à la descente de la dépouille mortelle -dans la terre, pour finir à l’entrée de l’âme dans le -paradis, sont réunis en ce lieu et font, en quelque -sorte, le récit du jugement, après la mort.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu15.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Parmi ces personnages, en sus du Tobie -si curieux, il en est deux remarquables -par leur aspect rigide et familier, la Vierge -et le Christ. Ils ont dans les mouvements, -dans les traits surtout, quelque chose -de juste et de net qui fait songer aux types de -certaines de ces admirables illustrations des « Misérables » -d’Hugo que dessina Brion. C’est un peu le -même art, sobre et éloquent dans sa simplesse -même.</p> - -<p>Qu’est ce Thévenot, si délibérément -oublié par la critique de notre époque ? O. Merson, -dans son livre sur les vitraux, le représente comme -ayant vécu à Clermont-Ferrand et ayant restauré -les verrières de Bourges. Ottin, dans son « Histoire -du Vitrail », lui consacre juste trois mots : « Thévenot — Clermont — 1834 ». -J’ai trouvé, d’autre part, une -brochure signée de son nom suivi de ce titre : « chef -d’escadron », un essai historique sur le vitrail paru, -en 1837, à Clermont. Il s’y révèle tel qu’un homme -épris de son art et plein d’enthousiasme pour les -verriers des grands siècles.</p> - -<p>Et c’est tout ce que j’ai pu -recueillir sur son compte.</p> - -<p>De ces deux chapelles ainsi parées de -vitres intelligentes, la plus quiète, la plus douce, -est, selon moi, celle de la Bonne-Mort. De -vagues peintures et des inscriptions gothiques -tracées en lettres d’un or qui s’efface, s’aperçoivent -confusément dans l’obscurité lorsqu’on allume un -petit cierge ; l’autel est surmonté d’un intéressant -bas-relief de pierre, racontant la scène d’une mise -en tombeau, mais ce qui évoque la senteur d’une -chapelle de village dans ce petit coin, c’est le -délabrement de la pierre rongée par l’humidité, la -tristesse du tapis qui se décolore, la poussière -amoncelée dans les deux niches de côté, sur une -Pieta de Bonnardel et une moderne statue de saint -Joseph ; c’est la misère même des vieux prie-dieu -de paille accumulés devant la rampe.</p> - -<p>Les types rustiques adoptés par Thévenot -sont vraiment en accord avec les alentours.</p> - -<p>Ah ! s’il est un endroit propice pour -s’écheniller la conscience, c’est bien -celui-là ! Aucun bruit dans les ténèbres -qui vous entourent, c’est à peine si, de temps -à autre, une ombre de vieille femme vient -s’abattre sur une chaise ou s’accouder contre un -pilier. Il y a si peu de visiteurs !</p> - -<p>Moins intéressante est la dernière chapelle -de l’abside, celle qui confine à la porte de la -sacristie et qui est dédiée à saint Landry ; elle a -été récemment nettoyée ; on y a planté les monuments -funéraires du chancelier Etienne d’Aligre et -de son fils, et sorti de la nuit où elles dormaient -des fresques du sieur Guichard, dont le réveil ne -suscite aucun réconfort : celles brossées par le -même peinturlureur sur les murs du transept -suffisaient.</p> - -<p>Et le tour de l’église est accompli.</p> - -<p>Il reste pourtant une très ancienne salle -dans laquelle le Chapitre déposait naguère ses -archives. On y monte par un escalier en colimaçon, -situé près de la chapelle de la Vierge, à l’entrée du -grand portail et l’on débouche, après -avoir tourné dans la spirale qui s’éclaire par -des fentes de jour, sur le seuil d’une grande -pièce carrée, demeurée, depuis des siècles, intacte, -avec son pavé aux losanges rouges, vernissés, -formant, en trompe-l’œil, un carrelage de dés, son -plafond aux caissons sculptés d’où pend un lustre -à becs de cuivre, ses vieilles crédences, ses armoires -dont les pentures de fer s’ajourent en des lettres -gothiques inscrivant les noms de saint Vincent -et de saint Germain sur les panneaux de chêne.</p> - -<p>Mais la partie vraiment séduisante de ce -logis, c’est le mur du fond qui fait face à la -croisée géminée, ouverte sur la place. Il est -occupé tout entier par un retable sculpté du seizième -siècle, un triptyque représentant les scènes de la vie -de la Vierge et de sainte Anne. On y retrouve la -légende des Apocryphes, la rencontre d’Anne et de -Joachim, à la porte Dorée ; on y voit un amusant -escalier du Temple, gravi par une figurine, -toute une série de personnages autrefois teints et -dont le bois, maintenant décoloré, -pèle ; des personnages aux gestes exacts à -la fois et élargis, semblables à ceux que -taillèrent presque tous les imagiers, si savoureusement -réalistes, de ce temps. Les volets qui -forment ce retable furent autrefois des tableaux -peints à la détrempe, mais ils sont tellement -écaillés que l’on ne discerne plus que de fantomatiques -apparences de bouts de visages et de vagues -fragments de corps.</p> - -<p>Ce local poudreux est infiniment doux. -L’on s’imagine très bien l’un des treize chanoines -qui composèrent le Chapitre desservant jadis la -paroisse de Saint-Germain, assis devant la -table placée au milieu de la pièce, dépouillant les -archives, relevant les dates des obits, extrayant -des manuscrits les miracles des saints fondateurs -de son église.</p> - -<p>Et l’on se prend, à ce dégoût d’un début -de siècle, à envier ce bon prêtre qui s’interrompt de -son travail, pour essuyer ses besicles de corne, -dans le grand silence de ces murs de -pierres sourdes, seulement rompu par les soupirs -fatigués du bois.</p> - -<p>Comme tout cela nous met loin !</p> - -<div class="dots"><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b></div> -<p>Ce pauvre Saint-Germain-l’Auxerrois, -quand on songe qu’il fut un des sanctuaires les -plus opulents et les plus renommés de Paris ! -Paroisse des rois de France, logés en face de lui, -au Louvre, il prêta, le 24 août 1572, ses cloches -pour sonner l’hallali de la partie de chasse de la -Saint-Barthélemy et, le dimanche de l’an 1594, -Henri IV y donna le pain bénit et suivit, une -palme au poing, la procession qui se déroulait dans -les bas-côtés de la nef et du chœur.</p> - -<p>C’est dans cette même église, devant ce -même roi, assis, cette fois, au banc d’œuvre, que le -grotesque P. Valladier, dont les sermons sur -l’avent, prêchés à Saint-Germain-l’Auxerrois, furent publiés -sous le titre de la « Sainte philosophie -de l’âme », osa prononcer l’indécent panégyrique -des appas de Marie de Médicis.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu16.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Il les divise en trois étages. -Après avoir parlé du premier, c’est-à-dire du -visage qu’il compare à toutes les fleurs et à -toutes les gemmes, il passe au second, à la gorge -de la reine qu’il traite de deux fontaines cristallines -de lait, deux magasins de mannes, deux sources -d’ambroisie, deux fontaines de nectar, deux cannes -de sucre, deux cruches de miel, deux plantes de -baume, deux montres de l’horloge intérieure, deux -bastions et remparts du cœur, puis il descend…</p> - -<p>Encore qu’il fût épris des gaudrioles, l’on -se demande vraiment ce que le Vert-Galant dut -penser de ce genre de prêche…</p> - -<div class="dots"><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b></div> -<p>Après ces deux dates de 1572 et 1594, -glorieuses si l’on veut, d’autres se succèdent moins -carillonnées par la bienveillance de l’Histoire.</p> - -<p>1617, année pendant laquelle une populace -furieuse déterre le cadavre du maréchal d’Ancre -inhumé dans un caveau de l’église sous la tribune -de l’orgue et le coupe en petits -morceaux. Le cœur fut rôti sur des -charbons et mangé publiquement par un -homme ; les entrailles furent jetées dans la Seine -et les restes brûlés sur le pont-neuf devant la -statue d’Henri IV. Le lendemain, l’on vendit les -cendres un quart d’écu, l’once ; et les oreilles, que -l’on avait mises à part furent payées fort cher -par un amateur.</p> - -<p>1665, année où eut lieu l’ostension des -reliques de sainte Reine sur le maître-autel de -Saint-Germain-l’Auxerrois.</p> - -<p>Anne d’Autriche avait commandé à un -orfèvre de Paris un reliquaire d’argent pour y -déposer l’os du métacarpe de cette sainte, dont elle -désirait faire présent à l’hôpital d’Alise. Quand le -travail fut terminé, la reine voulut que son église -paroissiale profitât, la première, des grâces dévolues -à ces glorieux détriments et elle en ordonna l’exhibition -pendant la durée de trois neuvaines.</p> - -<p>« Une infinité de personnes de toutes -conditions », disent les textes, se -rendit à Saint-Germain, pour prier -devant ce reliquaire.</p> - -<p>Or, la spécialité de sainte Reine, — qui -fut celle aussi de saint Job — était la guérison -des maladies secrètes. Comment et pourquoi ? Un vieil -auteur, au nom prédestiné de Méat, tente de nous -l’expliquer dans un livre intitulé « La fille héroïque ».</p> - -<p>« Deux contraires, raconte-t-il, ne sauraient -souffrir dans un mesme sujet et ils sont -tellement opposez qu’ils se persécutent continuellement -et ne cessent jamais leur combat, qu’après -que l’un d’eux a obtenu la victoire sur son ennemy. -C’est pourquoy je cesse mon étonnement quand je -considère l’opposition qu’il y a entre la chasteté et -ce vilain vice. Sainte Reine, qui avait eu très -grand soin de conserver sa pureté pendant sa vie, -n’a pas voulu après sa mort, que les impurs -s’approchassent de sa fontaine sans estre nestoyez -de leurs ordures. De là vient que, quand ils -boivent de cette eau, avec confiance, ils s’en -retournent avec joye de ce qu’ils sont -délivrés de ces maux estranges qui, sans ce -divin remède, dureraient aussi longtemps que -leur vie. »</p> - -<p>L’Histoire ne nous narre pas si les -malades qui vinrent implorer la sainte à Saint-Germain-l’Auxerrois, -guérirent. La fontaine, il -est vrai, dont parle Méat et qui servait et qui -sert encore, dans le village d’Alise, d’excipient aux -cures, n’y coulait point, mais à défaut de l’eau -miraculeuse, les Parisiens avaient la ressource -d’invoquer, en sus de la bonne Déicole de la -Bourgogne, le grand thaumaturge, Bourguignon, -lui aussi, guérisseur de tous les maux, le patron -du sanctuaire où ils priaient, saint Germain -d’Auxerre.</p> - -<p>1831. L’église fut, le 14 février, envahie -par le peuple, sous le prétexte que l’on y célébrait -une messe anniversaire pour le repos de l’âme du -duc de Berry.</p> - -<p>Ce fut une très ridicule aventure. Le -service funèbre s’était terminé vers -midi et demi. Après l’absoute, le curé -s’était retiré, lorsque quelques royalistes -échauffés s’avisèrent d’attacher sur le catafalque -une lithographie du duc de Bordeaux, une croix de -Saint-Louis et une couronne d’immortelles jaunes -et noires.</p> - -<p>Le bruit se répandit aussitôt au dehors que les -Henriquinquistes préparaient un coup d’état, -promenaient dans l’église un buste du prince et y -déployaient des drapeaux blancs ; et sans en -demander plus, la plèbe se rua dans le sanctuaire -et y saccagea tous les objets du culte.</p> - -<p>Cette équipée finit devant les tribunaux -où tous les accusés furent acquittés. Une brochure -parue, en 1831, chez Dentu, nous relate ces hauts -faits et nous fournit ce spécimen de proclamation -royaliste dont le comique me paraît sûr.</p> - -<p>Elle est adressée à MM. les Charbonniers -de Paris.</p> - -<p>« Messieurs, l’attachement que vous avez -toujours montré pour la branche aînée -des Bourbons, la douleur que vous avez -témoignée à la mort du duc de Berry, ce -prince bienfaisant qui vous a été ravi par un -horrible crime qui vous prive du digne père de notre -Henri V, et l’horreur que les Auvergnats ont -ressentie de cet affreux assassinat, nous donnent -lieu de croire que vous vous ferez un devoir -d’assister au service anniversaire qui sera célébré à -Saint-Germain-l’Auxerrois. D’après les vrais -sentiments qui vous ont toujours dirigés, nous -avons l’espoir de vous y trouver réunis en corps. »</p> - -<p>Ni en corps, ni en personne, les ingrats -auverpins, si respectueusement traités pourtant, ne -vinrent.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu17.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Si nous sautons maintenant de l’année 1831 à -l’an 1871, nous voyons encore l’église pleine ; seulement, -cette fois, ce ne sont plus des partisans -de la royauté mais bien les membres d’un club de -libres-penseurs qui s’entassent dans son vaisseau, -sous la présidence d’un sieur Pierre et d’une certaine -Lodoïska, accoutrée d’une veste de -hussard, culottée d’un pantalon de turco, -coiffée d’une toque à cocarde rouge, et chaussée -de bottines à glands d’or.</p> - -<p>Et tandis que, du haut de la chaire, -un pochard pérore, un autre troue d’un coup de -baïonnette la bouche de la statue de la Vierge et -y plante une pipe ; puis il arrache l’Enfant-Jésus et -de toute l’église qui trépigne de joie, des lazzis, -exactement notés, s’échangent :</p> - -<p>— Passe le gosse par ici, pour qu’on -l’embrasse !</p> - -<p>— Ouvrez-y la gueule pour voir s’il a fait -ses dents !</p> - -<p>Et l’on promène l’Enfant que l’on finit -par jeter, brisé, dans un coin. Mais, pour dire vrai, -les fédérés se bornèrent à ces aménités sacrilèges -et à ces farces impies et, moins féroces que -d’autres ivrognes qui, après avoir maltraité les -prêtres, pillèrent les églises, ceux-ci se contentèrent -de voler quelques vêtements d’enfants de chœur et -d’emporter deux pianos qui, l’on ne -sait trop pourquoi, stationnaient là.</p> - -<p>Les temps sont changés ; si Saint-Germain -a vu les pieuses affluences et les -cohues irritées ou gouailleuses, s’il a même aussi -connu, pendant la Convention, les hilares assemblées -de légères muscadines et de pesantes -commères, réunies, devant sa porte, pour applaudir -aux audacieuses et aux piètres chansons d’Ange -Pitou, il ne connaît plus de foule d’aucune sorte -maintenant. Ses abords sont rapidement longés -par des gens en rut d’affaires et quant à son -intérieur il est un des plus délaissés qui soient à -Paris ; sa nef ne peut même, le dimanche, à la -grand’messe, malgré tous les enfants des écoles -qu’on y parque, se remplir.</p> - -<p>La paroisse des rois est devenue la -paroisse de la Mode ; l’église est enserrée par les -magasins de la Belle-Jardinière, du Pont-Neuf et de -la Samaritaine. Ce dernier la touche presque, -car la livrée bleue de ses devantures s’étend dans la -rue de l’Arbre-Sec et un ignoble -bâtiment de fer qu’il vient d’ériger, se -dresse, surmonté, en guise de clocher, d’un -chapeau chinois, devant l’abside, là où le brave -bourgeois qui alloua des fonds pour la faire -rebâtir, messire Jehan Tronson, drapier de Paris, -fit apposer sa signature, dans une frise, sous le -toit, en adoptant la forme d’un rébus figuré par -des tronçons de carpes.</p> - -<p>Même au temps où les rois habitaient le -Palais du Louvre, le commerce des draps aidait à -embellir l’église ; il venait en aide aux bourses des -souverains, souvent sèches ; cette affection des -drapiers pour leur sanctuaire explique la présence, -sous le narthex, de la statue de sainte Marie -l’Egyptienne, leur sainte de prédilection et leur -patronne, sans doute parce que saint Zozime qui la -rencontra dans le désert, vêtue seulement de ses -longs cheveux, donna son manteau pour la couvrir.</p> - -<p>Maintenant, il n’y a plus de monarques, -mais je crois bien que les grands industriels des -draperies s’occupent moins que leur -ancêtre Tronson des besoins du culte ; -cette observation n’est pas un reproche, car il -est certainement très heureux qu’il en soit ainsi. -S’ils désiraient, en effet, faire réparer ou orner -leurs chapelles, ils seraient bien forcés de s’adresser, -comme l’Etat dont ils prendraient la place, à de -dangereux architectes et à de nuisibles peintres, et -que resterait-il du charme dolent et désuet de -cette très douce église ?</p> - -<div class="chapter"></div> -<div class="c"><img src="images/illu18.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<h2 class="nobreak" id="ch3">Saint-Merry</h2> - - -<div class="c"><img src="images/illu19.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Saint Médéric ou saint Merry n’est pas -un saint sur le compte duquel les renseignements -abondent. Ce que l’on connaît de sa vie peut se -résumer en quelques lignes. Entré à l’âge de treize ans, -au monastère bénédictin de Saint-Martin situé -près de la ville d’Autun où il naquit, il devint abbé -de ce cloître, prit la fuite pour se retirer dans un -désert et y mener l’existence des ermites, et fut -ramené de force par l’évêque d’Autun, au milieu de ses -moines. Il s’évada de nouveau avec saint Frodulphe, -l’un de ses disciples et parvint près de Paris. Là, -il découvrit, dans un petit bois, une chapelle dédiée à -saint Pierre, bâtit une cellule dans son voisinage, -et après y avoir demeuré pendant deux ans et neuf -mois, il y mourut, le 29 août de l’année 700 et fut -inhumé dans ladite chapelle.</p> - -<p>Et un point, c’est tout.</p> - -<p>Vers la fin du neuvième siècle, -un capitaine qui avait combattu, sous les -ordres du comte Eudes, les Normands dont -l’armée assiégeait Paris, <span lang="la" xml:lang="la">Odo falconarius</span>, -Odon le fauconnier, fit construire sur la place de -la chapelle, tombée en ruines, une église romane ; elle -fut érigée en collégiale, baptisée sous le double -vocable de Saint-Pierre et de Saint-Merry, puis -ce dernier, peu à peu, à cause des miracles qu’il opéra, -évinça l’autre et resta seul titulaire de cette église -que l’on détruisit au seizième siècle.</p> - -<p>Celle qu’on lui substitua et qui existe encore -fut commencée en 1525 et achevée en 1612.</p> - -<p>« En faisant les fondements de la neuve -église », raconte le bon Gilles Corrozet dans ses -« antiquités chroniques et singularités de Paris », on -trouva sous le grand autel, dans un tombeau de -pierre, le corps de son fondateur, ayant des bottines -de cuir doré aux jambes, lequel, sitôt qu’il fut touché -de l’air, tourna en poudre. Son épitaphe était auprès, la -date duquel pour la vieillesse, ne put être reconnue. -Cet épitaphe fut engravé en une autre pierre qui est -au milieu du chœur et contient ainsi :</p> - -<p>« <span lang="la" xml:lang="la">Hic jacet vir boniæ memoriæ, -Odo falconarius, fundator hujus -ecclesiæ.</span> »</p> - -<p>Et Corrozet ajoute : « Anciennement -n’était qu’une petite chapelle en laquelle, dit -Vincent historial, au cinquième livre, chap. iiijxxij, -saint Merry trépassa. Son corps y fut enterré et y -reposa deux ans et depuis, en l’an 1304, il fut levé -de terre et mis en une capse d’argent en la même -chapelle. »</p> - -<p>D’autre part, le Calendrier historique et chronologique -de l’église de Paris, pour l’année 1747, -nous fait savoir que le compagnon du saint, saint -Frodulphe que le vulgaire appelle saint Frou, décéda, -lui aussi, à Paris et que son corps fut enseveli près -de celui de son maître, dans l’intérieur de Saint-Merry.</p> - -<p>En édifiant le nouveau sanctuaire, on eut -soin de bâtir, au lieu même du caveau où gisait la -dépouille mortelle des deux saints, une crypte qui subsiste -encore ; mais elle n’a jamais détenu leurs restes -qui furent exposés au-dessus du maître-autel, dans -le chœur et enfermés dans un reliquaire dont les -chanoines de Notre-Dame vérifièrent le contenu, -en 1625. Ils y remarquèrent, en sus des ossements, -un flacon auquel était jointe une -cédule sur laquelle étaient écrits ces mots : -« C’est une fiole de baume creu et la donna -Messire Etienne Maupas, l’an 1339, le vingt-cinquième -jour de may. »</p> - -<p>La châsse fut encore ouverte en 1793, -mais, cette fois, par les sans-culottes qui s’empressèrent -de jeter à la voirie et les pieux détriments -et la fiole.</p> - -<p>Il n’existe donc plus de reliques de saint -Merry. En fait d’objets lui ayant appartenu, l’on -peut voir, dit l’abbé Salmon, dans ses « Pèlerinages -de Paris », le fragment d’une de ses chasubles ornée -de dessins bizarres. Il est possédé par le trésor de -l’église de Longpont.</p> - -<p>Sauf la tour ogivale dans le bas mais dont les -derniers étages arborent les pilastres et les cintres -du dix-septième siècle, l’église actuelle est du gothique de -la dernière période ; le portail principal s’étend sur la -rue Saint-Martin. Il est difficile à saisir, en son ensemble, -à cause du peu de recul que permet l’étroitesse -de la rue ; percé de trois portes ogivales surmontées -de crossettes et de fleurons, il n’a gardé de son -ornementation primitive que des bribes mais d’aucunes, -celles surtout de la porte de droite, -méritent qu’on les loue.</p> - -<p>Il y a là, en haut, tapis dans -une torsade de feuillages, un chien et un lièvre -qui se livrent à une éternelle partie de cache-cache -et, plus bas, un joueur de cornemuse coiffé -d’une sorte de lampion de déménageur, et qui regarde, -accroupi, depuis bien des siècles, déambuler les petits-fils -de ces Parisiens réunis pour le fêter, aussitôt qu’il -naquit et qu’on le déposa dans le berceau préparé -de sa porte.</p> - -<p>Aujourd’hui tous passent et nul ne s’arrête -devant lui. Il vit, dépaysé, survivant à de naïves -sympathies qu’ont oubliées les âges.</p> - -<p>L’on discerne également sur les chambranles -des autres porches, des dragons qui descendent, en rampant, -vers le sol, des bouts de marmousets -destinés à servir de consoles, des arcades trilobées, des -lierres et des vignes qui serpentent dans le creux -des archivoltes.</p> - -<p>Tout cela est demeuré plus ou moins -intact, mais le reste est du toc et toutes les statues sont -des faux.</p> - -<p>Les douze grandes et les six petites qui -remplissent les niches des trois -portes, vidées par la Révolution, ont été -fabriquées, en 1842, par Desprez et Brun ; les -dix-huit figurines, placées sous les dais -historiés de la voussure, en recul, dans le haut -de la baie médiane, sont des moulages pris à -Notre-Dame de Paris, de statuettes du treizième -siècle ; mieux eût valu, à coup sûr, reproduire des -images du seizième qui eussent été au moins en -accord avec le style de l’église, mais il ne faut pas se -plaindre, car l’on aurait pu imaginer pis, en commandant -des sculptures neuves aux limousins médaillés -de notre temps.</p> - -<p>En tout cas, vieilles ou neuves, ces statues -ont été si bien patinées par la crasse des poussières -et par la boue des pluies, qu’à distance, avec un peu -de bonne volonté, la confusion s’opère et que cette -façade, noire et comme rongée, semble avenante pour -tous ceux qu’exaspèrent ces basiliques modernes dont -les murs ont la couleur des toiles écrues, aggravées -parfois, par des couches multipliées de blanc.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu20.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>L’église Saint-Merry longe d’un côté, au -nord, la rue du Cloître, au-dessus de laquelle elle ouvre -une fenêtre à meneaux flamboyants, que surplombe une -meute de chiens de garde, veillant -sur une ménagerie de chimères dont les bustes -rigides qui avancent sur la chaussée -versaient jadis de leurs gueules contournées -des torrents de pluie.</p> - -<p>Et ces douches que recevaient les passants -étaient, je veux le croire, excellentes, sinon pour la -santé des vêtements et le salut du corps, au moins -pour le bien-être de l’âme. Ces aspersions étaient, en -effet, un tonique contre la langueur du péché, un -cordial interne, un réchauffant.</p> - -<p>Nos pères connaissaient le langage symbolique -des gargouilles. Ils les considéraient comme les -images pétrifiées de ces princes de l’air dont parle -saint Paul, comme des démons rejetés hors du -sanctuaire et relégués le plus loin possible de son -faîte, et tout en grelottant et en dansant sous la -furie des averses dont ces monstres leur inondaient -le crâne, ils faisaient sans doute un retour sur -eux-mêmes, prenaient de saines résolutions, se promettaient -d’échapper à l’emprise de ces Esprits de -Malice, en s’épurant par la pénitence et la prière…</p> - -<p>De l’autre côté, au sud, l’église a encore -conservé quelques spécimens de son bestiaire infernal, -mais c’est à peine si on les -entrevoit, car le bras de son transept -qui s’élève au-dessus de la rue de la Verrerie, -est cerné par le presbytère et masqué par -d’autres maisons. La grande fenêtre placée en -face de celle qui se hausse sur la rue du cloître Saint-Merry est -invisible ; l’on peut, tout au -plus, apercevoir au-dessus des toits une pointe de -fronton et deux tourelles, aux balustres résillés, -servant de cages à quelques chimères.</p> - -<p>L’intérieur est cruciforme ; la nef et le -chœur sont entourés d’un bas-côté, bordé de chapelles -qui communiquent entre elles par des portes en ogive, -trouées dans des murs de refend. Des vitraux sur -lesquels quatre des meilleurs verriers du seizième siècle, Héron, -de Parvy, Chamu et Nogare peignirent les -vies de saint Pierre, de saint Joseph, de saint -Jean-Baptiste et de saint François d’Assise, certains -fragments subsistent, dans la nef ; et des morceaux -dépareillés ont été insérés, un peu au hasard, dans les -croisées aux carreaux blancs et verts, losangés de -plomb, qui ajourent actuellement les chapelles des -bas-côtés.</p> - -<p>Ce fut ici, comme à Saint-Germain-l’Auxerrois, -comme presque dans -toutes les anciennes églises, les chanoines -du dix-huitième siècle qui saccagèrent les -vitraux, sous le prétexte qu’ils éclairaient mal.</p> - -<p>Sauf le chœur qui a été remanié, par -eux, au dix-huitième siècle et une grande chapelle -de l’invention d’un nommé Richard qui, en 1754, -défonça trois chapelles gothiques pour y caser la -sienne, l’intérieur de Saint-Merry est de style ogival, -avec piliers en arc pointu, dénués de chapiteaux, -fenêtres à dentelures flamboyantes, réseaux de nervures -et clefs de voûtes armoriées. Celle qui s’épanouit, -au-dessus du transept, ressemble à une cordelière de -saint François ; elle court, se déroulant avec bouffettes, -à plat sur la pierre, puis se laisse pendre, -dans le vide, en un nœud ouvragé qui fut sans doute -autrefois peint en azur rehaussé d’or.</p> - -<p>La première impression, lorsqu’on pénètre -dans la nef, est imposante. Le vaisseau jaillit d’un -bond, avec ses murs, allégés par des vitres, dans les -airs ; on respire la senteur d’une bonne, d’une vieille -église, si placide, si recueillie, alors que l’on vient de -quitter le vacarme commerçant de la rue Saint-Martin ; -mais cette impression se fâche, si on lève les -yeux et si l’on regarde, en haut, -le fond de la nef et le maître-autel, car -l’abside s’illumine de trois lames de verre -dont l’aspect criard, dans cette atmosphère -apaisée, détonne ; celle du milieu contient au-dessous -d’un Père Eternel pour romance, un Christ dont -la robe en chair d’orange sanguine est un tourment ; -mais c’est surtout dans la lame de droite, que la -scélératesse de couleur du verrier moderne qui les -teignit, s’avère ; il y a là un Jésus, habillé de rouge -groseille et de bleu de Prusse, debout devant une -femme agenouillée dans du jaune de jonquille et du -bleu de paon, qui est pour l’œil ce que seraient pour -l’oreille des coups de pistons soufflés par des pitres -éperdus, sur des tréteaux de foire.</p> - -<p>Et au-dessous de ce tintamarre de tons, une -gloire énorme de bois doré, crache, ainsi qu’un soleil -d’artifice, ses rayons dans tous les sens et simule, si -l’on veut, l’auréole d’un gigantesque Christ de -marbre blanc, campé, depuis l’an 1866, au-dessus de -l’autel.</p> - -<p>Quant au chœur même, il a été, je l’ai déjà -dit, complètement remanié au dix-huitième siècle ; les -ogives ont été transformées en cintres, les parois -des piliers revêtues de plaques de -marbre, les unes grises, les autres du -brun violacé des jujubes, toutes, vermicelées -de blanc ; mais cet acte de vandalisme une -fois commis, il faut bien confesser que, moins -malchanceux que Saint-Germain-l’Auxerrois et -que Saint-Nicolas-des-Champs, son voisin, Saint-Merry -n’a pas eu ses colonnes avariées par des -cannelures et que le décor qui le déforme est d’un aloi -plus franc et porte, sans trop de réticences au moins, -l’étampe curieuse de cette époque dont l’esthétique -n’accoucha pourtant que d’un idéal de bourdalou et -de guéridon.</p> - -<p>Elle créa, en effet, des pièces d’ameublement -charmantes, mais aucun siècle n’eut moins que celui-là -le sens mystique ; et cependant, si l’on songe à -la vulgarité de l’architecture et de l’ornementation -contemporaines, l’on finit par s’estimer heureux de -retrouver le sourire tourmenté de cet art de colifichets, -dans une église.</p> - -<p>Même d’un art réduit, comme ici, à l’état -de bribes ! Il est vrai qu’à Paris, si nous pouvons le -voir plus complet, il n’en est pas moins médiocre ; -ce n’est toujours que du dix-huitième siècle de second -ordre. Saint-Thomas-d’Aquin, -par exemple, est une salle de théâtre, -garnie de très réelles baignoires qui tournent -autour de la scène, là où se dresse le grand -autel ; son décor hésite, ne se livre pas, tente -presque de donner le change en établissant un -vague compromis entre une salle pour ballets et un -sanctuaire. C’est une œuvre hybride, un oratoire de -danseuses. Si l’on veut contempler un ensemble -surprenant d’église du temps demeurée intacte et -conçue pour l’unique plaisir de confectionner -du joli et du futile, c’est à Mayence qu’il faut aller. Il existe, -en effet, dans cette ville, deux chapelles, l’une surtout, -placée sous le vocable de Notre-Dame, et située -<span lang="de" xml:lang="de">Augustinarstrasse</span> qui sont les authentiques -bijoux du Rococo, les petits Dunkerques de la Vierge. Tout -y est : murs blancs, comme poudrés d’une fleur de riz -et treillis d’or, grand autel avec baldaquin et couronne, -culbutis de menus anges relevant des tentures de -marbre autour de colonnes à chapiteaux ; grand -orgue avec tribune, à ventre renflé, tel que celui d’une -commode, orné d’amours joufflus et de cartouches -parés d’instruments de musique, en relief, flûtes et -tambourins, violons et basses ; plafond peint dans le -goût de Tiepolo, chaire surmontée -d’une gloire d’or dans une envolée de -séraphins bouffis. Ce ne sont partout que roses -pompons, que chicorées, que volutes, que -pots à feux, que rocailles ; c’est le babil doré du -bois, la minauderie des marbres, le tortillage des -chandeliers, et les pimpantes afféteries des appliques ; -cela sent la bergamote et l’ambre ; c’est pompeux -et exquis, théâtral et léger ; c’est anti-mystique, -autant que possible, mais combien ce boudoir façonné -pour une Estelle céleste est supérieur à ces casernes -divines et à ces pieuses halles, que les Ginain, que -les Baltard, que les Ballu, que les Abadie, que tous -les rhéteurs de la jactance monumentale moderne -nous fabriquent !</p> - -<div class="c"><img src="images/illu21.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Le décor de Saint-Merry ne peut se -comparer à celui de la Notre-Dame de Mayence ; -il est incomplet et grossier, il est mastoque ; mais -cependant son chœur avec ses têtes d’angelots dorés, -ses astragales et ses marbres, ses bronzes tarabiscotés -et ses coquilles de Saint-Jacques évidées, -intéresse ; l’on peut en dire autant de cette chapelle -du Saint-Sacrement, creusée par le sieur Richard, à -droite, près de l’entrée du grand portail. Elle est -vaste et froide, éclairée en l’air -par des toits en chapeaux de pierrot, par des -toits blancs et pointus de verre ; mais elle -a des tableaux et des statues qui suggèrent -la même réflexion que le décor de la Notre-Dame de -Mayence.</p> - -<p>Leur art est discutable, mais c’est tout -de même de l’art.</p> - -<p>Au fond de cette chapelle, à laquelle on -accède par trois arcades, se dresse un autel, avec -fronton grec et colonnes corinthiennes filetées d’or -au-dessus du tabernacle, une grande toile représente -les pèlerins d’Emmaüs. Quand on pense à ce qu’un -homme comme Rembrandt, a tiré d’un tel sujet, l’on -demeure confondu devant ce tableau de Coypel. -Imaginez, peint en une sorte de trompe-l’œil, un -Christ accoutré d’une robe bleuâtre, assis devant une -table, et esquissant un geste d’escamoteur, tandis qu’à -droite, un individu penche sa tête sur cette table et -qu’à gauche, un autre, à barbe blanche, le regarde, en -rapprochant ses mains. Au premier plan, gravissant -les marches d’un escalier, — car la scène se passe -dans le vestibule d’un palais — un domestique, en -caleçon rouge, monte les plats du souper. Enfin, -au-dessus de ce Christ, au chef -cerné d’une lueur de veilleuse qui fignole, -un tourbillon d’anges plane dans les nuées rousses -d’un plafond.</p> - -<p>Cette toile nous montre tout ce que l’on -voudra, sauf la scène des Evangiles. Sans le titre -connu de l’œuvre, il serait impossible de savoir ce -que signifie le geste du Christ.</p> - -<p>Et cependant ce panneau de Coypel vous -retient. Il réduit au rôle d’une anecdote mal contée, -un passage magnifique des Ecritures, mais, en -revanche, il décèle sous l’apparence facile, presque -frivole de sa couleur, une solidité de peinture que les -artistes religieux de notre époque ignorent.</p> - -<p>De même pour les anges sculptés par les -frères Slodz, en haut relief, au-dessus de deux -portes, l’un tenant, à gauche, les tables de l’ancienne -Loi et, l’autre, à droite, le calice. Pas plus que ces -petites têtes, à collerettes de plumes, des amours sans -corps qui les entourent, ces anges ne sont de purs -Esprits. Ils figurent tout bonnement de jeunes -adolescents demi-nus et dont les élégantes draperies -s’envolent ; ce sont des païens accorts et distingués -et ils triomphent dans cette chapelle où, pour leur -servir sans doute de repoussoir, -l’on a installé quelques statues modernes -dont deux, un saint Pierre l’Ermite et un -saint Antoine sculptés, en 1842, par Evrard, -sont cependant viables.</p> - -<p>Voilà l’apport du dix-huitième siècle, dans -l’église bâtie au seizième en l’honneur de saint -Merry.</p> - -<p>Possédons-nous au moins tous les ornements -dont cet âge dota l’église ?</p> - -<p>Non, car Germain Brice nous donne une -description de l’intérieur du sanctuaire, tel qu’il était -de son temps, et il nous dit :</p> - -<p>« On expose, les jours de fêtes principales, -des tapisseries assez belles qui représentent la vie de -Notre-Seigneur exécutées sur les cartons de Henri -Lerembart, peintre du roi, dont les ouvrages avaient -quelque beauté. »</p> - -<p>Ces tapisseries ont disparu.</p> - -<p>Il y avait aussi, ajoute-t-il, « une mosaïque -en tableau qui représente la Vierge et l’Enfant, -accompagnés de quelques anges ; ce morceau avait -été rapporté d’Italie par Jean de Ganay, premier -président du Parlement. »</p> - -<p>Et il poursuit :</p> - -<p>« A côté du chœur, près de la -porte de la sacristie, on a construit un -tombeau pour Simon Arnaud, marquis de -Pomponne, mort ministre d’Etat ; la chapelle -où ce monument se trouve est fort serrée ; et la -quantité de figures et d’ornements qui y sont -employés, ne produit pas tout l’effet que l’on -pourrait désirer ; cet ouvrage est de Barthélemy -Rastrelli, un Italien. »</p> - -<p>Et il cite encore, comme inhumés dans cette -église, Simon Marion, avocat général au Parlement -et Jean Chapelain, « poète et bel esprit de son temps -à l’Académie française ».</p> - -<p>Les cendres de ces personnages ont été -depuis longtemps dispersées et le monument du -marquis de Pomponne est détruit ; reste la mosaïque -qui a été transportée au Musée de Cluny.</p> - -<p>Le bon Germain Brice professait les idées -de son siècle sur le style gothique qu’il jugeait inutile -et barbare. Aussi n’admire-t-il guère Saint-Merry qu’il -exécute à la cantonade, déclarant pour tout -éloge « qu’il est assez régulièrement distribué, mais -triste et obscur et très malpropre ».</p> - -<p>Venons-en maintenant -à l’église même, telle qu’elle existe de -nos jours. La description de la plupart -de ses chapelles serait nulle ; les fresques qui -couvrent les murs disparaissent dans l’obscurité, -se voient à peine ; mais il ne faut pas regretter -la prudence de cet éclairage, car il dissimule des -œuvres qui ne nous apporteraient, au point de vue de -la piété et de l’art, aucune aise. Les fresques de -Chassériau qui parent l’oratoire de sainte Marie -l’Egyptienne, sont molles et poussives ; elles ont -été exécutées ainsi qu’un devoir commandé, sans -plaisir. Quant aux autres panneaux plus visibles, -tels que la Vierge bleue de Van Loo et la grande -bâche de Marie Belle, « le sacrifice de réparation pour -la profanation des saintes Espèces volées dans -l’Eglise », elles gagneraient à s’effacer dans une -bienheureuse pénombre, car cette Vierge est tiède et -pourléchée et l’ouvrage de Belle, trempé dans la -sauce d’une blanquette de veau, est, avec ses figures -efforcées de prêtres à genoux, tendant la main vers -une hostie et un ciboire renversé sur le sol, d’un -dramatique pompeux et facile ; c’est du mélo de -sacristie, de la sacerdotaille d’art.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu22.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>En tout, trois objets, -deux tableaux et un antique bénitier -valent qu’on s’en occupe ; ils sont les -seules pièces qui arrêtent, dans ce musée.</p> - -<p>Le premier de ces tableaux est un -portrait de Madame Acarie, placé au-dessus de -l’autel qui lui est dédié sous le nom de la bienheureuse -Marie de l’Incarnation. Ce portrait daté du dix-huitième -siècle et dont l’auteur est inconnu resplendit -au milieu des fades peintures de Cornu qui l’entourent. -Cette image d’une femme un peu soufflée, au teint -rose, vêtue de bure et contemplant une minuscule -sainte Thérèse, apparue dans l’ovale rayonnant -d’une auréole, nous rappelle que la fondatrice des -Carmélites en France fut baptisée dans cette église, le -2 février 1566. Elle fréquenta Saint-Merry pendant -toute son enfance, mais après son mariage, elle n’y vint -plus régulièrement, car elle habita rue des Juifs, et -son biographe Boucher nous apprend « qu’elle -ne connaissait guère d’autre chemin que celui qui -conduisait de sa maison à l’église Saint-Gervais, sa paroisse ».</p> - -<p>Mais très supérieur au point de vue de -l’art, à cette effigie que surtout la misère de ses -alentours exalte, est un vieux -panneau de bois peint, accroché à contre-jour, -dans une chapelle voisine. Ce panneau, -qui servait autrefois de devant d’autel, est -un spécimen très curieux de la peinture française, -italianisée, du seizième siècle.</p> - -<p>Il exhibe, assise, une houlette à la main, -sainte Geneviève, figurée par une petite princesse, aux -cheveux blonds et ondés qui fait plus songer, à vrai -dire, à une Diane de Poitiers qu’à une sainte entourée -d’un troupeau de moutons parqués dans un champ -cerclé de pierres plantées droites en terre, comme des -dolmens bretons, et un chien noir, debout, les pattes -sur ses genoux, quête une caresse, tandis qu’elle lit -ses prières, dans un livre.</p> - -<p>Au second plan, sur un fond de paysage dont les -feuillages persillés et les donjons d’une ville s’enlèvent sur -un ciel couleur de bistre, deux hommes courent après -une femme, la sainte sans doute ; mais sa biographie ne -nous fournit pas l’explication bien claire de cette scène.</p> - -<p>Toujours est-il que cette œuvre un peu frêle -est avenante et qu’elle mériterait d’être exposée de -telle sorte qu’on pût, sans être obligé d’allumer un -cierge, la voir.</p> - -<p>L’on pourrait faire la -même réflexion à propos du bénitier, -qui s’examine malaisément dans l’ombre. -Ce bénitier, en pierre blanche, du temps de -Louis XII, porte les armes de France et de -Bretagne, alliées aux insignes de la Passion ; les -sculptures sont encore vivaces, dans leur relief -cendré par la poudre des âges.</p> - -<p>Reste enfin la crypte dans laquelle on -descend par un escalier de quinze marches ; une bouffée -de cave vous saute au visage quand on y entre. -On vacille dans l’obscurité et c’est à peine si le cierge -qui vous guide vous laisse entrevoir une voûte basse -à nervures retombant sur une colonne centrale ; les -clefs sont sculptées de rosaces et les chapiteaux sont -fleuris de vigne. Malheureusement tout est retapé -et les murs, entre les colonnes de pierre qui s’y -engagent, sont en fonte peinte, imitant des plis de -rideaux ; pourquoi ce blindage de coffre-fort ?</p> - -<p>Cette cave, dans laquelle on processionne, le -jour de la fête de Saint-Merry, contient des autels -de rebut, une vieille châsse requinquée de cuivre, une -statue de la Vierge de la fin du dix-huitième siècle -posée, dans un coin, par terre. Le seul objet valable -est une antique pierre tombale, -plaquée, à l’entrée, dans la nuit, contre -une cloison. On a l’impression, dans ce -cellier, d’être en un lieu de débarras où l’on -entasse les objets détériorés ou qui ont cessé de -plaire.</p> - -<p>Telle est présentement l’église Saint-Merry. -Plus heureuse que la plupart de ses sœurs -de Paris, elle n’est pas isolée dans un milieu moderne -et elle demeure en accord avec les très anciennes rues -qui l’avoisinent et qui n’ont pas encore subi la -stupide emphase des constructions en fer et en plâtre -de notre temps. Il y a, là, autour d’elle, des ruelles -délicieuses et infâmes, entre autres une certaine rue -Taillepain que l’on retrouve, avec le même nom et -avec la même forme, sur le plan de Turgot. Elle -ressemble à une pipe, couchée sur le sol et sur le flanc ; -le tuyau part de la rue du Cloître-Saint-Merry, -en face de la grande fenêtre du transept, -et le fourneau s’évase, en carrefour, dans la rue -Brisemiche.</p> - -<p>Cette rue Taillepain est un couloir bordé -par des dos de maisons ; presque toutes sont privées -de portes et n’ont que des fenêtres, démesurément -carrées ou qui montent, alors, -trop allongées, de guingois, encadrant, -dans leurs liserés de pierres sales, des -paysages dessinés avec de la poussière, sur -d’invisibles vitres ; celles qui ont des entrées se -contentent, en fait d’huis, de simples fentes, -surmontées, à hauteur d’homme, de barreaux de fer ; -l’on dirait de meurtrières de défense et de poternes -d’attaque ; tout le quartier est misérable, mais il -efflue un relent de vieille truandaille qui réjouit. Les -sentes sont façonnées par des devants d’hôtel, noirs -et gluants, qui arborent sur des écriteaux cette -inscription : « On loge à la nuit » ; les boutiques -sont obscures et partout des réflecteurs dépassent l’alignement -des façades et s’efforcent de projeter un -peu de jour dans les ténèbres des pièces. La majeure -partie est occupée par des marchands de vin de -dernier ordre, des bistros pour souteneurs, surtout -par des magasins de rapetasseurs de chaussures, par -des échoppes de vieilles bottes ; c’est le marché des -ripatons usés !</p> - -<p>La chaussée pue le marécage et des bords -des trottoirs s’échappe une odeur qui tient et de l’eau -de choux-fleurs et de la vase de marée ; quelques-unes -de ces ruelles dont ni le nom, ni -l’aspect, n’ont, depuis des siècles, changé, -paraissent pourtant s’être à la longue -désinfectées ; telle cette rue de Venise dont le bas -jadis s’ouvrait en des boutiques qui étaient -à la fois des taudis et des remises ; l’on y apercevait, -dans la pénombre, un lit avec un thomas -dessous et une dame centenaire, assise sur une chaise -de paille, qui déterminait, par l’effort d’un engageant -sourire, de profondes crevasses dans le plâtre mollet -de sa face. Maintenant ces bouges appartiennent -à des négociants des halles qui les ont mués en des -resserres de légumes et de fruits ; en pleine rue, l’on -y déballe des caisses et l’on y remplit des mannes.</p> - -<p>Les étonnantes fenestrières qui habitèrent ces clapiers -sont désormais éparses dans toutes les rues -avoisinantes, ainsi que les juifs qui s’y livrent, eux -aussi, au commerce des déchets. Ils pullulaient -autrefois dans cette paroisse, dans cette rue des Juifs -où demeura au seizième siècle Mme Acarie et ils -avaient même, rue de la Tâcherie, une synagogue.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu23.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Ce fut dans l’une des rues de leur refuge, la rue -des Billettes, qu’eut lieu, en 1290, le fameux -miracle d’une hostie qui, après avoir été prise dans -l’église de Saint-Merry, fut -lardée de coups de couteau et ébouillantée -par l’Israélite Jonathas ; cette hostie qui voltigea, -sanglante, dans la chambre, fut -recueillie par une femme chrétienne qui l’apporta -au Curé de l’église Saint-Jean-en-Grève, où elle -fut l’objet de pèlerinages auxquels la Révolution -mit fin.</p> - -<p>A l’heure présente, on célèbre encore un -<span lang="la" xml:lang="la">triduum</span> et un office de réparation de ce sacrilège -dans l’église Saint-Jean-Saint-François, qui a -remplacé Saint-Jean-en-Grève, démoli en 1800, et -dont une chapelle, retapée de fond en comble, exista -jusqu’aux incendies de 1871 sous le nom de salle Saint-Jean, -dans les bâtiments de l’Hôtel de Ville.</p> - -<p>Pour en revenir à Saint-Merry, son clergé, -plus heureux maintenant que celui du moyen âge, n’a -plus maille à partir avec les filles follieuses et les -ruffians. Les rues de cette paroisse étaient de celles -que nos pères appelaient des rues « chaudes -et mal famées » et d’interminables procès furent soutenus -par le chapitre de Saint-Merry contre les tenanciers -de ses bouges. Dans son Histoire de Paris, Félibien -note un arrêt du 24 janvier 1388 aux termes duquel le -prévôt Jean de Folleville enjoignit -aux femmes publiques de vider la rue de -Baillehoé, voisine de l’église. Celles-ci s’y -refusèrent et le magistrat dut dépêcher des -archers pour les faire sortir de force, et des -maçons pour murer les portes de leurs maisons. -Mais les propriétaires intentèrent un procès devant -le Parlement et assignèrent le chevecier, le curé de -la paroisse et les chanoines, arguant que le clergé -n’avait pas besoin, comme il le prétendait, de passer -par cette rue, lorsqu’il avait à porter le Saint-Sacrement -aux malades, le chemin le plus court -pour se rendre de l’église dans le quartier étant -la grande rue Saint-Merry et non la sente de Baillehoé.</p> - -<p>En 1424, le Parlement finit par donner -raison au curé, mais les filles n’en persistèrent pas -moins à résider dans la rue. Fatigué de ces luttes, le -curé se vengea d’un tenancier de « bouticle au péché », -en le faisant condamner par l’officialité à effectuer -une amende honorable, un dimanche, devant la porte -de l’église, comme coupable d’avoir mangé de la viande, -un vendredi ; et le chapitre obtint, de son côté, que -l’on débaptiserait la rue de son nom de Baillehoé -auquel le peuple prêtait un sens -obscène, et qu’on la réunirait à sa -voisine la rue Brisemiche.</p> - -<p>L’on ne badinait point, du reste, -dans cette paroisse, sur la question du maigre. -Sauval raconte, en effet, une pénitence de ce genre -qui fut infligée, le 18 juillet 1535, à deux personnes -accusées du même délit, et qui durent s’humilier -devant le porche de ladite église.</p> - -<p>D’autre part, une note de M. Bournon, -annexée à « l’Histoire du diocèse de Paris » de l’abbé -Lebeuf, cite un arrêt du Parlement de 1366, relatif à -un conflit de juridiction entre le Prévôt de la ville -et les chanoines, à propos d’une certaine entremetteuse -« mise en l’eschelle, trois fois et par trois journées, -avec le chappel de feurre sur la tête, comme il est -accoutumé de faire ».</p> - -<p>Filles et prêtres se battirent donc, dans ce quartier, -à coup de textes, pendant le moyen âge.</p> - -<p>Et les gens d’Eglise se battirent, je crois -bien, encore plus, entre eux.</p> - -<p>Cela s’explique. Durant cinq siècles, il y eut -deux curés à Saint-Merry, appelés curés cheveciers. -Vers l’an 1000, il y en eut même sept, les -chanoines de Notre-Dame ayant -obtenu de l’évêque de Paris, le don de -cette paroisse.</p> - -<p>Le chapitre de Notre-Dame délégua alors -sept chanoines ou bénéficiers qui furent -chargés, chacun à son tour, pendant une semaine, -du service du culte. En 1219, à la suite de la lâcheté -de l’hebdomadier qui, en un temps de choléra, laissa -mourir, par peur de la contagion, l’un des paroissiens -sans sacrement, on décida qu’un seul et même curé -serait chargé des fonctions pastorales ; puis on lui -donna, pour l’aider, un autre curé. Ils travaillaient -chacun une semaine ; plus tard, enfin, on leur -adjoignit des vicaires.</p> - -<p>Mais les chanoines implantés par le Chapitre -de Notre-Dame à Saint-Merry n’en continuèrent -pas moins de résider dans l’église ; et forcément leur -présence gâta tout. Ils occupaient le chœur et y -chantaient l’office ; c’était un inévitable conflit de -chaque jour entre eux et le clergé auquel il était -interdit de pénétrer dans ce chœur.</p> - -<p>Ce fut, pendant des années, des combats à -coups d’épingles ; puis, au moment où l’on bâtissait -l’église actuelle, la fabrique acheta, pour agrandir -l’abside qui ne pouvait s’étendre, -faute de place, une ruelle allant de la -rue Saint-Bon à la rue Taillepain. -Aussitôt les chanoines partirent en guerre, -déclarant que cette ruelle était à eux.</p> - -<p>Ils engagèrent de tenaces et de lents -procès contre les curés et la fabrique. On n’en vit -la fin qu’en 1789. L’Assemblée Nationale mit tout -ce monde de chicaniers d’accord, en convertissant -l’église en une fabrique de salpêtre, puis en un temple -du Commerce.</p> - -<p>Mais si, remontant en arrière, à travers les temps, -nous regagnons encore l’époque du moyen âge, -nous devons constater, pour être justes, qu’il y eut -mieux que des litiges en suspens entre chanoines et -filles et chanoines et prêtres.</p> - -<p>Au treizième siècle, un saint fréquenta Saint-Merry, -saint Edouard, devenu plus tard archevêque -de Cantorbéry et alors élève en théologie à Paris ; -il chantait, chaque nuit, avec le Chapitre, l’office des -Matines et soignait les pauvres étudiants malades, -vendant jusqu’à sa chemise pour leur procurer des -remèdes.</p> - -<p>Au siècle suivant, une autre célicole, -Guillemette de la Rochelle, séjourna -également près de ce sanctuaire. -Le roi Charles V, qui connaissait la sainteté -de sa vie et admirait ses révélations extatiques, -voulut qu’elle vînt se fixer dans la -capitale et il lui fit faire « un bel oratoire de bois -à Saint-Merry ». Elle y vécut dans le ravissement, -soulevée en l’air, souvent de plus de deux pieds ; -et l’on pense qu’elle fut, après son trépas, inhumée dans -l’église.</p> - -<p>Le même roi Charles V instaura aussi, en l’an -1373, une confrérie de laïques de la paroisse, dont -le but fut d’honorer plus spécialement la Mère du -Sauveur. Cette dévotion se continua et, deux siècles -plus tard, nous voyons que le moindre manquement -qui se pouvait relever contre le culte de la Madone, -était aussitôt réparé.</p> - -<p>Lebeuf nous cite, en effet, cet épisode -qu’il a lu dans les registres du Parlement de -l’année 1530 :</p> - -<p>« Comme il s’était commis des excès sur -une image de la sainte Vierge peinte sur une maison -proche de l’église, le Parlement ordonna, le 25 mai, -que le clergé se rendrait processionnellement à cette -image qui serait repeinte, pour y -chanter les louanges de la Mère de Dieu. »</p> - -<div class="c"><img src="images/illu24.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Enfin s’il y eut, pour femmes, des -« bouticles au péché », il y eut aussi dans ce -quartier, de pieux couvents de nonnes, des couvents -aux règles très particulières, tel que celui des Bonnes -femmes de Saint-Avoye.</p> - -<p>Cette maison avait été fondée en 1283, par -Jean Séquence, chevecier de Saint-Merry et la Veuve -Constance de Saint-Jacques, pour y recueillir -quarante veuves, pauvres et âgées d’au moins cinquante -ans. Elle était située en la rue Saint-Avoye, qui -s’est fondue depuis dans le courant de la rue du -Temple.</p> - -<p>Ce monastère était une sorte d’assemblée de -béguines, aux ordonnances plus minutieuses et plus -serrées ; il réalisait un compromis entre un béguinage -et un couvent.</p> - -<p>Voici l’existence que l’on menait dans ce -petit cloître :</p> - -<p>Lever à cinq heures du matin, en été, et en -hiver, à six. On commençait par réciter « les heures -Notre-Dame, sept psaulmes et litanies et aultres -heures de la Passion et du Saint-Esprit ; et les -aultres qui ne savent lyre, n’y -leurs heures, seront tenues dire trois -chappeletz et autres menus suffrages qu’elles -pourront scavoir ». Puis l’on entendait la -messe et après, dit le règlement, « vous vous -assemblerez pour assister à la besongne, à tel œuvre -et vacation honneste dont vous pourrez aider et -exerciter ».</p> - -<p>Pendant ce travail opéré en commun, on -faisait, durant l’espace d’une demi-heure, lecture de -« quelque bonne histoire de l’Escripture sainte ».</p> - -<p>A dix heures on dînait, l’on se récréait -pendant trente minutes, la cloche tintait et l’on -reprenait le travail jusqu’à l’heure du souper, c’est-à-dire -jusqu’à cinq heures.</p> - -<p>Et à neuf heures on sonnait le couvre-feu.</p> - -<p>La direction de cet institut était confiée aux -cheveciers de Saint-Merry qui nommaient une -maîtresse révocable à leur gré et une secrétaire plus -spécialement chargée de l’entretien de la chapelle.</p> - -<p>La fondation de Saint-Avoye prospéra, puis -déchut. En 1621, les bonnes femmes renoncèrent à -leurs prérogatives ; elles firent don de leur monastère -aux Ursulines de la rue Saint-Jacques et elles s’y -incorporèrent, sous la règle de cet -ordre, acceptant toutefois de rester sous -la juridiction du curé de Saint-Merry et lui -présentant, à l’église, en offrande, le jour de -la fête de ce saint, chaque année « un cierge -d’une livre auquel était attaché un écu d’or ».</p> - -<p>Les derniers vestiges de ce couvent ont -disparu en 1838, lors du percement de la rue Rambuteau.</p> - -<p>Appartenaient encore au territoire de Saint-Merry, -tel que le limite Lebeuf, la chapelle et l’hôpital -de Saint-Julien des Ménétriers dont la façade -s’ouvrait sur la rue Saint-Martin et dont le -vaisseau s’étendait le long de la rue du Maure. Ils -furent fondés au quatorzième siècle, pour abriter et -soigner les pauvres ménétriers en détresse dans la -ville, par deux musiciens, lesquels, nous raconte -du Breul dans son « Théâtre des Antiquités de Paris », -« s’entr’aimaient et étaient toujours ensemble. Si un -était de Lombardie et avait nom Jacques Grave de -Pistoye, autrement dit Lappe ; l’autre était de -Lorraine et avait nom Huet, le guette du Palais du -Roy. »</p> - -<p>Ces deux bâtiments furent dédiés à saint -Julien, protecteur des voyageurs, -et à saint Genès, mime chrétien, martyrisé -sous le règne de Dioclétien et patron -des ménétriers.</p> - -<p>Terminée et livrée au culte, en 1335, la -chapelle ne fut jamais que la très humble vassale -de Saint-Merry, car les chapelains, institués pour -la desservir, ne pouvaient administrer aucun sacrement -sans la permission du curé de la paroisse. Cette -situation dura jusqu’au moment où, sur les instances -d’Anne d’Autriche, l’archevêque de Paris décida de -remplacer ces chapelains par des Pères de la doctrine -chrétienne ; les ménétriers, qui tenaient à leurs prêtres, -s’insurgèrent et entamèrent contre les nouveaux -venus une série de procès qu’ils finirent par gagner ; -mais bientôt ils eurent à se débattre dans une plus -menaçante aventure. Un ordre de Louis XVI ayant -prescrit, en 1781, la fermeture du cimetière des Saints-Innocents -qui était le lieu de sépulture des fidèles -de Saint-Merry, le curé et le chapitre de cette -église voulurent enterrer leurs morts sous le pavé de -la nef de Saint-Julien et, à force d’intrigues, ils -déterminèrent le roi à convertir, pour leur usage, ce -sanctuaire en un charnier.</p> - -<p>Exaspérée, la corporation des -Ménétriers souleva tout le quartier -et en présence des émeutes qui surgissaient -de toutes parts, le malencontreux édit fut -rapporté.</p> - -<p>Une fois de plus, les braves musiciens, si -dévoués à leur chapelle, l’avaient sauvée ; mais ce -fut une victoire sans lendemain, car la Révolution les -dispersa et s’empara de leurs biens.</p> - -<p>Telle est en peu de mots la biographie de -Saint-Julien dont le portail était orné de trois -grandes figures de pierre : le Christ, debout, entre -saint Julien et saint Genès ; ce dernier tenait, -d’une main, un violon et un archet de l’autre ; -douze petites statues, nichées dans les voussures du -porche, complétaient le décor ; elles effigiaient des -joueurs de timbale, de flûte, de musette, de trompette -marine, de serpent, de sistre, de harpe, d’épinette et -de luth.</p> - -<p>Le tout fut vendu et démoli en 1790 ; -l’emplacement de l’église et de l’hospice est actuellement -occupé par les maisons désignées sous les -numéros 164, 166, 168 de la rue Saint-Martin.</p> - -<p>Quant à Saint-Merry même, son histoire -se confond pendant les époques qui -suivirent le moyen âge avec celle des -autres quartiers de Paris ; elle ne présente -pas du moins de faits bien personnels et qui -méritent d’être notés. Après avoir cité, pour -mémoire, le vacarme nocturne de la taverne de -« l’Epée Royale » qui, avant d’avoir sous la Régence -servi de coupe-gorge au Comte de Horn, en mal -d’argent, hébergea au dix-septième siècle les poètes -crottés et fut l’un des cabarets littéraires à la mode -de ce temps, il nous faut atteindre les mois de juin 1832 -et de février 1848 pour discerner le nouvel et très -spécial aspect que prennent ses rues.</p> - -<p>En raison même de la sinueuse étroitesse de -leurs lacis, elles étaient faciles à défendre et les -émeutiers y dressèrent ces persévérantes -barricades dont l’assaut a été magnifié par V. Hugo, dans des -pages superbes des « Misérables ».</p> - -<p>Il en fut de même en 1871 ; l’église, le -presbytère, leurs caves surtout avaient été dévalisées -par les soins du sieur Froissard, dit Court-en-Cuisses, -commissaire de la commune ; le culte était -interrompu ; le 24 mai, alors que l’insurrection était à -peu près vaincue, les fédérés et les Vengeurs de -Flourens se précipitèrent dans -l’église, ivres de fureur et fous de vin. -Ils résolurent d’incendier la nef ; pour -sauver l’église, les habitants y apportèrent les -gardes nationaux blessés que l’on soignait dans -les maisons voisines. Ils n’en continuèrent pas -moins d’enduire les murs de pétrole et ils allaient y -mettre le feu, quand un bataillon du vingtième -chasseurs arriva au pas de course et tua la plupart -de ces brutes.</p> - -<p>Saint-Merry avait, au demeurant, peu -souffert. Il fut vite réparé et remis en l’état où -nous le voyons actuellement. Il est, à vrai dire, -pendant la semaine, bien désert, car c’est à peine -si quelques sœurs, si quelques bonnes femmes viennent -égrener leurs patenôtres devant le Saint-Sacrement.</p> - -<p>On pourrait croire que la piété y est nulle. -Il n’en est rien pourtant.</p> - -<p>Cette paroisse a gardé une vie religieuse, -sourde, dont on peut surprendre l’éclosion, le dimanche, -et, l’une des seules de Paris maintenant, elle conserve -une institution laïque qui est un des précieux reliefs -du rit gallican, l’œuvre des Clercs de Saint-Merry.</p> - -<p>Dans une très intéressante brochure sur -cette confrérie, M. l’abbé Baloche -fixe, à défaut de documents antérieurs, -aux dernières années du dix-septième siècle, -la fondation de ces clercs. A vrai dire, ils -remontent aux premiers temps de l’ère chrétienne, -ils sont de l’église primitive même où, sous la -direction des presbytres et des diacres, les fidèles -prenaient une part active à la vie du culte, en -contribuant au service intérieur de la synaxe, en -portant le viatique aux malades, en se communiant, -eux-mêmes, chez eux, en élisant avec le clergé les -Evêques. Plus tard, au douzième siècle, nous les -trouvons prêchant avec l’assentiment de Rome -dans des églises, et jusqu’au seizième écoutant, si le -prêtre manquait, les confessions des personnes en -danger de mort.</p> - -<p>Et cette tâche était obligatoire. En cas de -nécessité, il faut avouer ses fautes à son prochain s’il -n’y a pas de prêtre, dit saint Bonaventure dans -son huitième sermon sur les Rogations et, de son côté, -saint Thomas d’Aquin déclare que la confession -opérée dans ces conditions « est d’une certaine manière -sacramentelle », bien qu’il soit impossible de parfaire -le sacrement à cause de l’absence du ministre qui -possède, seul, les pouvoirs rémissifs du déliement.</p> - -<div class="c"><img src="images/illu25.jpg" class="h800" alt="" /></div> -<p>Bref, l’on peut affirmer que les -laïques s’acquittèrent alors de toutes les -fonctions qui n’exigeaient pas impérieusement le -caractère sacerdotal, pour être validement remplies.</p> - -<p>Ces prérogatives, ils en profitèrent tant -que l’esprit de domination des Pontifes romains se -contint et daigna ne pas considérer les simples -chrétiens, ainsi qu’il le fait maintenant, comme ces -épluchures du monde dont parle saint Paul ; mais -peu à peu, sous l’impulsion du haut clergé, le peuple -fut évincé du service divin ; il n’y eut plus que dans -les pays qui suivaient un rituel différent de celui de -Rome, que les paroissiens purent ne pas être dépouillés -de leurs droits séculaires ; ailleurs, ils furent réduits -au rôle de spectateurs muets, de simples assistants.</p> - -<p>Cet état inévangélique, eut, en France, -pour cause l’éternelle servilité des évêques. Sauf celui -de Lyon, tous, sans y être forcés, pour être agréables -à la personne de Pie IX, répudièrent l’antique -liturgie des Gaules et adoptèrent avec le rit, le -bréviaire romain, si peu varié, si sec et si froid, si -dénaturé même dans le texte revu de ses séquences.</p> - -<p>Sur leurs ordres, l’on -arracha des antiphonaires la flore mystique -de très vieux plants ; l’on extirpa, pour -les jeter dans le fumier de l’oubli, ces merveilleuses -gerbes, où s’épanouissaient, les jours -de grandes fêtes, les ingénieuses hymnes d’Hilaire -de Poitiers, de Prudence et de Fortunat, les proses -magnifiques d’Adam de Saint-Victor, les admirables -répons célébrant la Nativité de la Vierge, de Fulbert -de Chartres.</p> - -<p>Ce fut l’ovation du jardin bourgeois, le -triomphe, sur toute la ligne, du géranium liturgique !</p> - -<p>Ainsi que je l’écrivais naguère, dans -« l’Oblat », les français détruisirent alors -l’œuvre des artistes indigènes, brûlèrent en quelque -sorte leurs primitifs.</p> - -<p>Il n’est pas douteux que les bréviaires -gallicans, le parisien surtout, n’eussent besoin de -réformes. Dom Guéranger avait signalé très justement -leurs défauts, leur manque de piété même. Et -de fait, manié et remanié par les Harlay, les Noailles, -les Vintimille, le bréviaire de Paris sentait le Jansénisme -à plein nez ; il pouvait beaucoup moins servir -aux catholiques qu’aux « appelants ».</p> - -<p>Mais ce n’était pas une -raison pour accepter celui de Rome qui -n’est qu’un passe-partout, qui ne tient -compte, ni des traditions, ni des coutumes, ni -des différentes dévotions des diocèses ; il fallait -reconstituer le Parisien, tel qu’il était au moyen -âge, avant que les cuistres du dix-septième et du -dix-huitième siècles, n’y eussent touché.</p> - -<p>Il n’en fut rien ; et naturellement le cérémonial -eut le même sort que le bréviaire dont il était le -complément. Ce fut avec la suppression du -bréviaire gallican la mort de son rit imagé et le -renvoi de ces liturges laïques que l’on désignait alors -sous le nom de « chapiers ou d’indus ». Ils disparurent -et l’orgueil sacerdotal auquel, si bon qu’il puisse être, -nul prêtre n’échappe, y trouva son compte.</p> - -<p>Comment expliquer alors que Saint-Merry ait -pu garder ce vestige d’un rituel périmé qui survécut -d’ailleurs, pendant quelque temps encore, mais plus -effacé, dans d’autres églises du même archidiaconé, -telles que Saint-Nicolas-des-Champs et Sainte-Elisabeth, -pour en citer deux ? Je ne sais. Il y eut, -sans doute, jadis à Saint-Merry comme à Saint-Thomas -d’Aquin où les chapiers n’existent plus, mais -où l’on chante encore, pendant la -Semaine Sainte, l’antique prose de -l’ancien Parisien, le « <span lang="la" xml:lang="la">Languentibus in -purgatorio</span> » un curé, épris des doctrines gallicanes, -et qui sauva, de sa propre autorité, -quelques débris des coutumes usitées dans son -église. Et par désir de ne rien innover, par crainte -de mécontenter les paroissiens, par ignorance peut-être, -leurs successeurs ont laissé les choses en l’état -et nous en profitons.</p> - -<p>Mais en quoi consiste, au juste, le rôle -réservé, dans leur sanctuaire, aux clercs de Saint-Merry ? -Ils font office d’acolytes, de thuriféraires, -de cérémoniaires ; ils remplissent les fonctions de -diacres d’honneur aux grand’messes ; ils arborent -donc la chape et quand ils n’officient pas, ils revêtent -dans le chœur la soutane vermillon, la grande aube -blanche et la ceinture cerise.</p> - -<p>Leur but, déclarent les statuts de l’œuvre, -est « de contribuer à la gloire de Dieu et aux pompes -du culte divin : premièrement par l’exactitude à -assister aux offices, deuxièmement par la bonne tenue, -le recueillement et la piété au chœur ».</p> - -<p>Et l’article III prescrit : « Les clercs -s’engagent à exécuter de leur mieux -toutes les cérémonies qu’ils seront invités -à faire par le Maître des Cérémonies. »</p> - -<p>Ils s’acquittent de leur tâche, avec -conscience et l’on peut, en toute vérité le dire, -leur présence à Saint-Merry est un vrai stimulant -de zèle, un réconfort.</p> - -<p>Voulant me rendre compte, par moi-même, -de la façon dont ils pratiquaient l’office, je me suis -rendu, le jour de la fête du Saint-Sacrement, à la -grand’messe. J’y allai, je l’avoue, prévenu ; je pensais -que des hommes à moustaches, habillés en enfants de -chœur et affublés d’ornements d’église, seraient très -ridicules. Je me trompais ; ces gens, qui n’avaient pas -du tout les faces en fuite des bigots, portaient leur -costume avec aisance et, très au courant de leur -métier, ils évoluaient avec une ferveur à la fois mâle -et touchante.</p> - -<p>Quand l’aspersion eut lieu, le prêtre, le -goupillon en main, traversa toute la nef ; les deux -chapiers qui soutenaient sa dalmatique pour lui -permettre de lever le bras, étaient deux clercs de -l’œuvre ; l’un, âgé d’une soixantaine d’années, avait -une physionomie intelligente et bonhomme, -avec des traits un peu épaissis et une -moustache grise ; l’autre, plus jeune, et -très grand, figurait assez bien un reître de -la Renaissance, avec ses cheveux débordant en boucles -sur le front, son nez busqué et sa -moustache rousse. Vêtus de grandes chapes d’or, -ils manœuvraient sans aucune gêne, comme aussi -sans aucune pose, dans l’allée enserrée par des rangs -de chaises, très attentifs à éviter tout faux pas au -célébrant ; puis, lorsque la messe commença, ils se -tinrent derrière le diacre et le sous-diacre prêtres, -remplissant leur devoir de liturges, avec une précision -et un respect que dans d’autres églises, certains -membres du clergé ignorent.</p> - -<p>Elle était vraiment louable, cette grand’messe. -On y chanta, en plain-chant, l’<span lang="la" xml:lang="la">Introït</span>, le -Kyrie Eleison, le <span lang="la" xml:lang="la">Gloria</span>, le <span lang="la" xml:lang="la">Lauda Sion</span>, le <span lang="la" xml:lang="la">Credo</span>, -le <span lang="la" xml:lang="la">Sanctus</span> et l’<span lang="la" xml:lang="la">Agnus Dei</span> ; malheureusement, ici, de -même que dans beaucoup de sanctuaires de Paris, l’on -escamota le Graduel, l’Offertoire et la Communion, -plus difficiles à chanter ; mais enfin il n’y eut pas de -pétarades musicales modernes ; grâces en soient rendues -au maître de chapelle et au curé !</p> - -<p>Et ce que l’on pouvait se croire, loin de -Paris, dans cette vieille église de -la rue Saint-Martin, peuplée de Petits -négociants dont la piété était simple et réelle !</p> - -<p>Si les temps étaient, pour l’Eglise de -France, moins durs, l’on souhaiterait que des -œuvres pareilles à celle des clercs de Saint-Merry -fussent fondées dans chaque paroisse, afin de rehausser -la solennité du culte et d’intéresser le peuple aux offices, -en l’admettant à y prendre part ; mais, même à des -époques plus propices, les clercs de Saint-Merry ont -eu bien du mal à conserver leur existence, car, en 1900, -l’Archidiacre de Notre-Dame, sous la juridiction duquel -est placé Saint-Merry, avait résolu de les supprimer.</p> - -<p>Celui-là pensait sans doute, comme tous ses -confrères, que les laïques ne peuvent être autre chose -qu’un bétail parqué dans l’étable d’une nef.</p> - -<p>Ils furent sauvés par la mort de ce -personnage qui trépassa avant d’avoir pu mettre son -projet à exécution ; et le 26 novembre 1905, les -clercs ont célébré, glorieusement, par une cérémonie -magnifique, dans leur église, leur centenaire — non -le centenaire de leur création dont on ne connaît -pas la date — mais celui de leur réorganisation qui -fut effectuée par le curé Fabrègue, en 1805.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">Table des Chapitres</h2> - - -<table summary=""> -<tr><td> </td><td class="small">Pages</td></tr> -<tr><td>La Symbolique de Notre-Dame</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch1">7</a></div></td></tr> -<tr><td>Saint-Germain-l’Auxerrois</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch2">49</a></div></td></tr> -<tr><td>Saint-Merry</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch3">103</a></div></td></tr> -</table> -<div class="break"></div> - -<p class="c top6em">Achevé d’imprimer le 28 février 1920<br /> -sur la presse de René Kieffer<br /> -par A. Paudras.</p> - -<p class="c">Le Papier<br /> -Fabriqué spécialement à la forme par la<br /> -Maison Blanchet-Kléber.</p> - -<p class="c">Gothique de Simon Vostre.</p> - - - -<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK TROIS ÉGLISES ***</div> -<div style='text-align:left'> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Updated editions will replace the previous one—the old editions will -be renamed. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ -concept and trademark. 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Redistribution is subject to the trademark -license, especially commercial redistribution. -</div> - -<div style='margin:0.83em 0; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE<br /> -<span style='font-size:smaller'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE<br /> -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</span> -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase “Project -Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg™ License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.A. 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Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread -public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine-readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. We do not solicit donations in locations -where we have not received written confirmation of compliance. To SEND -DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state -visit <a href="https://www.gutenberg.org/donate/">www.gutenberg.org/donate</a>. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -While we cannot and do not solicit contributions from states where we -have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition -against accepting unsolicited donations from donors in such states who -approach us with offers to donate. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -International donations are gratefully accepted, but we cannot make -any statements concerning tax treatment of donations received from -outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Please check the Project Gutenberg web pages for current donation -methods and addresses. Donations are accepted in a number of other -ways including checks, online payments and credit card donations. To -donate, please visit: www.gutenberg.org/donate -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Professor Michael S. Hart was the originator of the Project -Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of -volunteer support. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Most people start at our website which has the main PG search -facility: <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -This website includes information about Project Gutenberg™, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. -</div> - -</div> diff --git a/old/66995-h/images/cover.jpg b/old/66995-h/images/cover.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 1656151..0000000 --- a/old/66995-h/images/cover.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/66995-h/images/illu1.jpg b/old/66995-h/images/illu1.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 5717e2f..0000000 --- a/old/66995-h/images/illu1.jpg +++ /dev/null diff --git 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