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If you are not located in the United States, you -will have to check the laws of the country where you are located before -using this eBook. - -Title: Deux contes - Le massacre des Innocents. Onirologie. - -Author: Maurice Maeterlinck - -Release Date: December 21, 2021 [eBook #66985] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -Produced by: Laurent Vogel (This file was produced from images generously - made available by the Bibliothèque nationale de France - (BnF/Gallica)) - -*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DEUX CONTES *** - - - - - Deux contes - - par - MAURICE MAETERLINCK - - Le Massacre des Innocents - Onirologie - - Avec un portrait de l’Auteur - - A PARIS - Chez Georges Crès et Cie, Éditeurs - 116, Boulevard Saint-Germain, 116 - - MCMXVIII - - - - -Exemplaire sur papier de Rives - -Nº - - - - -[Illustration] - - - - -Les deux contes que nous publions ici ont paru dans des périodiques; -l’un dans «La Pléiade» (Paris, mars 1886) et l’autre dans la «Revue -Générale» (Bruxelles, juin 1889). Le premier a été réimprimé plusieurs -fois, et son texte, légèrement modifié par l’auteur, figure dans ce -livre émouvant: «Les Débris de la Guerre» (Paris, Fasquelle, 1917, -in-18). On nous saura gré, nous voulons le croire, de trouver à la suite -le texte d’«Onirologie», cette œuvre de jeunesse, fort ignorée, ayant -l’attrait de l’inédit et offrant, de plus, une curieuse analogie avec -les admirables pages publiées récemment par Maurice Maeterlinck, sous ce -titre: «L’Hôte inconnu». - -Les Éditeurs. - - - - -LE MASSACRE DES INNOCENTS - - -Le «Massacre des Innocents» parut pour la première fois en 1886, dans -une petite revue: «La Pléiade», que quelques amis et moi avions fondée -au Quartier Latin, et qui mourut d’inanition après son sixième numéro. -Si je fais place ici à ces modestes pages d’un début sans éclat,--car je -n’avais rien imprimé jusqu’à ce jour,--ce n’est pas que je m’abuse sur -les mérites de cette œuvre de jeunesse, où je m’étais simplement -appliqué à reproduire de mon mieux les divers épisodes d’un tableau du -musée de Bruxelles, peint au XVIe siècle par Pieter Breughel-le-Vieux. -Mais il m’a semblé que les événements avaient transformé cet humble -exercice littéraire en une sorte de vision symbolique: car il n’est que -trop vraisemblable que des scènes analogues ont dû se répéter dans plus -d’un de nos malheureux villages des Flandres ou de Wallonie; et que pour -les décrire telles qu’elles viennent de se passer, il n’y aurait qu’à -changer le nom des bourreaux et probablement, hélas! à en accentuer la -cruauté, l’injustice et l’horreur. - -M. M. - - - - -LE - -MASSACRE DES INNOCENTS - - -Ce vendredi, 26 du mois de décembre, vers l’heure du souper, un petit -vacher vint à Bethléem en criant terriblement. - -Des paysans qui buvaient de la cervoise en l’auberge du Lion-Bleu -ouvrirent les volets pour regarder dans le verger du village, et virent -l’enfant qui accourait sur la neige. Ils reconnurent que c’était le fils -de Korneliz et lui crièrent par la fenêtre: «Qu’est-ce qu’il y a? Allez -vous coucher!» - -Mais il répondit avec épouvante que les Espagnols étaient arrivés, -qu’ils avaient incendié la ferme, pendu sa mère, dans les noyers, et lié -ses neuf petites sœurs au tronc d’un grand arbre. - -Ces paysans sortirent brusquement de l’auberge, entourèrent l’enfant et -l’interrogèrent. Il leur dit encore que les soldats étaient à cheval et -vêtus de fer, qu’ils avaient enlevé les bêtes de son oncle Petrus Krayer -et entreraient bientôt en forêt avec les moutons et les vaches. - -Tous coururent au Soleil-d’Or, où Korneliz et son beau-frère buvaient -aussi leur pot de cervoise, et l’aubergiste s’élança dans le village en -criant que les Espagnols approchaient. - -Alors il y eut une grande rumeur en Bethléem. Ces femmes ouvrirent les -fenêtres et les paysans sortirent de leurs maisons avec des lumières -qu’ils éteignirent lorsqu’ils furent dans le verger, où il faisait clair -comme à midi, à cause de la neige et de la pleine lune. - -Ils s’assemblèrent autour de Korneliz et de Krayer, sur la place, devant -les auberges. Plusieurs avaient apporté leurs fourches et leurs râteaux, -et se parlaient avec terreur sous les arbres. - -Mais comme ils ne savaient que faire, l’un d’eux courut chercher le -curé, à qui appartenait la ferme de Korneliz. Il sortit de sa maison -avec le sacristain en apportant les clefs de l’église. Tous le suivirent -dans le cimetière, et il leur cria du haut de la tour qu’il y avait des -nuages rouges du côté de sa ferme, bien que le ciel fût bleu et plein -d’étoiles sur tout le reste de la campagne. - -Ayant délibéré longtemps dans le cimetière, ils décidèrent de se cacher -dans le bois que les Espagnols devaient traverser et de les attaquer -s’ils n’étaient pas très nombreux, afin de reprendre le bétail de Petrus -Krayer et le butin qu’ils avaient fait à la ferme. - -Ils s’armèrent de fourches et de bêches, et les femmes restèrent autour -de l’église avec le curé. - -En cherchant un endroit favorable à leur embuscade, ils arrivèrent près -d’un moulin, aux limites de la forêt, et virent brûler la ferme au -milieu des étoiles. Ils s’installèrent là, devant une mare couverte de -glace, sous d’énormes chênes. - -Un berger, que l’on appelait le nain-Roux, monta au sommet de la colline -pour avertir le meunier, qui avait arrêté son moulin en voyant les -flammes à l’horizon. Cependant il laissa entrer le paysan, et tous deux -se mirent à une fenêtre pour regarder au loin. - -La lune brillait devant eux sur l’incendie, et ils aperçurent une longue -foule qui marchait sur la neige. Quand ils l’eurent contemplée, le Nain -descendit vers ceux qui étaient dans la forêt, et ils distinguèrent -lentement quatre cavaliers, au-dessus d’un troupeau qui semblait brouter -la plaine. - -Comme ils regardaient au bord de la mare, et sous les arbres éclairés de -neige, le sacristain leur montra une haie de buis, derrière laquelle ils -se cachèrent. - -Les bêtes et les Espagnols s’avancèrent sur la glace, et les moutons, en -arrivant à la haie, broutaient déjà la verdure, lorsque Korneliz creva -les buissons, et les autres le suivirent dans la clarté avec leurs -fourches. Il y eut alors un grand massacre sur l’étang au milieu des -brebis amoncelées et des vaches qui contemplaient la bataille et la -lune. - -Quand ils eurent tué les hommes et les chevaux, Korneliz s’élança dans -la prairie vers les flammes et les autres dépouillèrent les morts. Puis -ils retournèrent au village avec les troupeaux. Les femmes qui -regardaient la lourde forêt, derrière les murs du cimetière, les virent -s’avancer entre les arbres et coururent à leur rencontre avec le curé, -et ils revinrent en dansant de grandes rondes, au milieu des enfants et -des chiens. - -En se réjouissant sous les poiriers du verger, où le Nain-Roux -accrochait des lanternes en signe de kermesse, ils demandèrent au curé -ce qu’il fallait faire. - -Ils résolurent enfin d’atteler un chariot pour emmener au village le -corps de la femme et ses neuf petites filles. Les sœurs et d’autres -paysannes de la famille de la morte y montèrent, ainsi que le curé qui -marchait avec peine, étant vieux déjà et fort gros. - -Ils rentrèrent dans la forêt et arrivèrent en silence devant -l’éblouissement des plaines, où ils virent les hommes nus et les chevaux -renversés sur la glace lumineuse entre les arbres. Puis ils marchèrent -vers la ferme qui brûlait au milieu du paysage. - -En arrivant au verger et à la maison rouge de flammes, ils s’arrêtèrent -devant la grille pour contempler le grand malheur du paysan, dans son -jardin. Sa femme pendait toute nue aux branches d’un énorme noyer, et -lui, montait à l’échelle pour grimper dans l’arbre, autour duquel les -neuf petites filles attendaient leur mère sur le gazon. Il marchait déjà -dans les vastes ramures, lorsqu’il vit tout à coup, sur la lumière de la -neige, la foule qui le regardait. Il fit signe de l’aider, en pleurant, -et ils entrèrent dans le jardin. Alors le sacristain, le Nain-Roux, -l’aubergiste du Lion-Bleu et celui du Soleil-d’Or, le curé avec une -lanterne, et beaucoup d’autres paysans montèrent dans le noyer neigeux, -au clair de lune, pour dépendre la morte, que les femmes du village -reçurent dans leurs bras au pied de l’arbre, comme à la descente de -croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ. - -Ce lendemain, on l’enterra, et il n’y eut plus d’événements -extraordinaires à Bethléem cette semaine-là. Mais le dimanche suivant, -des loups affamés parcoururent le pays, après la grand’messe, et il -neigea jusqu’à midi; puis le soleil brilla soudain et les paysans -rentrèrent dîner comme d’habitude et s’habillèrent pour le salut. - -A ce moment il n’y avait personne sur la place, car il gelait -cruellement; seuls, les chiens et les poules vaguaient sous les arbres, -où des moutons broutaient un triangle de gazon; et la servante du curé -balayait la neige dans son jardin. - -Alors une troupe d’hommes armés passa le pont de pierre au bout du -village et s’arrêta dans le verger. Des paysans sortirent de leur -demeure, mais rentrèrent terrifiés en reconnaissant les Espagnols et se -mirent aux fenêtres afin de voir ce qui allait se passer. - -Il y avait une trentaine de cavaliers couverts d’armures, autour d’un -vieillard à barbe blanche. Ils portaient en croupe des lansquenets -jaunes ou rouges qui mirent pied à terre et coururent sur la neige pour -se dégourdir, pendant que plusieurs soldats habillés de fer descendaient -aussi et pissaient contre les arbres auxquels ils avaient attaché leurs -chevaux. - -Puis ils se dirigèrent vers l’auberge du Soleil-d’Or et frappèrent à la -porte. On leur ouvrit en hésitant; et ils allèrent se chauffer près du -feu en se faisant verser de la bière. - -Ensuite ils sortirent de l’auberge avec des pots, des cruches et des -pains de froment destinés à leurs compagnons rangés autour de l’homme à -barbe blanche qui attendait au milieu des lances. - -Comme la rue était déserte, le chef envoya des cavaliers derrière les -maisons, afin de garder le village du côté de la campagne, et ordonna -aux lansquenets d’amener devant lui les enfants âgés de deux ans et -au-dessous, pour les massacrer, selon qu’il est écrit en l’Évangile de -Saint Mathieu. - -Ils allèrent d’abord à la petite auberge du Chou-vert, et à la chaumière -du barbier, voisines au milieu de la rue. - -L’un d’eux ouvrit l’étable, et une bande de porcs s’en échappa qui se -répandit de tous côtés. L’aubergiste et le barbier sortirent de leur -maison et demandèrent humblement aux soldats ce qu’ils désiraient; mais -ceux-ci n’entendaient pas le flamand et entrèrent afin de chercher les -enfants. - -L’aubergiste en avait un qui pleurait en chemise sur la table où l’on -venait de dîner. Un homme le prit dans ses bras et l’emporta sous les -pommiers, tandis que le père et la mère le suivaient en poussant des -hurlements. - -Ces lansquenets ouvrirent encore l’étable du tonnelier, celle du -forgeron, celle du sabotier; et les veaux, les vaches, les ânes, les -cochons, les chèvres, les moutons et les lapins se promenèrent sur la -place. Lorsqu’ils enfoncèrent le vitrage du charpentier, plusieurs -paysans, parmi les vieillards et les plus riches de la paroisse, -s’assemblèrent dans la rue et s’avancèrent vers les Espagnols. Ils -ôtèrent respectueusement leurs bonnets et leurs feutres devant le chef -au manteau de velours, en demandant ce qu’il comptait faire; mais -lui-même ignorait leur langue et quelqu’un alla chercher le curé. - -Il s’apprêtait pour le salut et revêtait une chasuble d’or dans la -sacristie. Ce paysan cria; «Les Espagnols sont dans le verger!» -Épouvanté, le prêtre courut à la porte de l’église, suivi des enfants de -chœur qui portaient les cierges et l’encensoir. - -Alors il vit les animaux des étables circulant sur la neige et sur le -gazon, les cavaliers dans le village, les soldats devant les portes, les -chevaux attachés aux arbres le long de la rue, les hommes et les femmes -suppliant autour de celui qui tenait l’enfant en chemise. - -Il s’élança dans le cimetière, et les paysans se tournèrent avec -inquiétude vers leur prêtre qui arrivait comme un dieu couvert d’or et -l’environnèrent devant l’homme à barbe blanche. - -Il parla flamand et latin; mais le chef poussait lentement les épaules -pour exprimer qu’il ne comprenait point. - -Ses paroissiens lui demandaient à voix basse: «Que dit-il? que va-t-il -faire?» D’autres, voyant le curé, sortaient craintivement de leurs -fermes, des femmes accouraient et chuchotaient dans les groupes, tandis -que les soldats qui assiégeaient un cabaret, se joignaient au grand -rassemblement qui se formait sur la place. - -Alors celui qui tenait par la jambe l’enfant de l’aubergiste du -Chou-Vert, lui trancha la tête d’un coup d’épée. - -Ils la virent tomber devant eux, suivie du reste du corps qui saignait -sur l’herbe. La mère ramassa celui-ci et l’emporta en oubliant la tête. -Elle trotta vers sa maison mais se heurta contre un arbre et tomba à -plat ventre dans la neige où elle demeura évanouie, cependant que le -père se débattait entre deux soldats. - -De jeunes paysans lancèrent quelques pierres; mais les cavaliers -abaissèrent leurs lances, les femmes s’enfuirent et le curé se mit à -hurler avec ses paroissiens, au milieu des moutons, des oies et des -chiens. - -Néanmoins, comme les soldats s’éloignaient, ils se turent pour voir ce -qu’ils allaient faire. - -La bande entra dans la boutique des sœurs du sacristain; puis elle -sortit tranquillement, sans faire de mal aux cinq femmes qui priaient à -genoux sur le seuil. - -Ensuite ils avisèrent l’auberge du bossu de Saint-Nicolas. Là aussi on -leur ouvrit à l’instant pour les apaiser; mais ils reparurent au milieu -d’un grand tumulte, avec trois enfants sur les bras, entourés du bossu, -de sa femme et de ses filles, qui les suppliaient à mains jointes. - -Arrivés devant le vieillard, ils déposèrent les enfants au pied d’un -orme, où ils restèrent assis sur la neige en leurs habits de fête. Mais -l’un d’eux, qui avait une robe jaune, se leva et courut en chancelant -vers les moutons. Un soldat le poursuivit, l’épée nue; et l’enfant -mourut la face dans l’herbe, pendant que l’on tuait les autres autour de -l’arbre. - -Tous les paysans et les filles de l’aubergiste prirent la fuite en -poussant de grands cris et rentrèrent dans les fermes. Resté seul, le -curé suppliait les Espagnols avec des hurlements, se traînant à genoux -d’un cheval à l’autre, les bras en croix, tandis que le père et la mère, -assis sur la neige, pleuraient pitoyablement leurs enfants morts, -étendus en travers de leurs jambes. - -En parcourant la rue, les lansquenets remarquèrent la grande maison -bleue d’un fermier. Ils voulurent enfoncer la porte, mais elle était de -chêne et couverte de clous. Ils prirent alors des tonneaux gelés dans -une mare devant le seuil et s’en servirent pour monter à l’étage où ils -pénétrèrent par la fenêtre. - -Il y avait eu une fête en cette ferme; et des parents étaient venus -manger des gaufres, du flan et du jambon. Au bruit des vitres brisées, -ils s’étaient réfugiés derrière la table couverte de cruchons et de -vaisselle. Les soldats entrèrent dans la cuisine; et après une bataille -où plusieurs furent blessés, s’emparèrent des petits garçons, des -petites filles et du valet qui avait coupé le pouce d’un lansquenet, et -sortirent en fermant la porte pour empêcher les habitants de les -accompagner. - -Quand ils furent devant le vieillard, ils jetèrent les enfants sur le -gazon et les tuèrent paisiblement avec leurs lances et leurs épées, -pendant que sur toute la façade de la maison bleue, les femmes et les -hommes penchés aux fenêtres de l’étage et du grenier, blasphémaient et -s’agitaient éperdument à la vue des rodes blanches, roses ou rouges de -leurs petits, immobiles sur l’herbe entre les arbres. Puis les soldats -pendirent le valet de ferme à l’enseigne de la Demi-Lune, de l’autre -côté de la rue; et il y eut un long silence dans le village. - -Le massacre à présent s’étendait. Les mères s’échappaient des masures, -et à travers les jardins et les potagers, essayaient de fuir dans la -campagne; mais les cavaliers les poursuivaient et les refoulaient dans -la rue. Des paysans, le bonnet dans leurs mains jointes, suivaient à -genoux ceux qui entraînaient leurs enfants, parmi les chiens qui -aboyaient joyeusement dans le désordre. Le curé, les bras au ciel, -courait le long des maisons, priant désespérément comme un martyr; et -les soldats, tremblant de froid, soufflaient dans leurs doigts en -circulant sur la route, ou, les mains dans leurs poches de leur -haut-de-chausse, et l’épée sous le bras, attendaient devant les fenêtres -des maisons qu’on escaladait. - -Voyant la douleur craintive des paysans, ils entraient maintenant par -petites bandes dans les fermes; et tout le long de la rue c’étaient les -mêmes scènes. - -Une maraîchère qui habitait la vieille chaumière de briques roses, à -côté de l’église poursuivait, armée d’une chaise, deux hommes qui -emportaient ses enfants dans une brouette. Elle devint malade en les -voyant mourir; et on l’assit sur sa chaise, contre un arbre de la route. - -D’autres soldats grimpèrent dans les tilleuls, devant une ferme peinte -en lilas, et enlevèrent des tuiles afin de s’introduire dans la maison. -Quand ils reparurent sur le toit, le père et la mère, les bras tendus, -s’élevèrent aussi dans l’ouverture, et ils les renfoncèrent à plusieurs -reprises en leur assénant des coups d’épée sur la tête, avant de -redescendre dans la rue. - -Une famille, enfermée dans la cave d’une énorme chaumière, pleurait par -le soupirail où le père brandissait furieusement une fourche. Un -vieillard chauve sanglotait tout seul sur un tas de fumier, une femme en -robe orange s’était évanouie sur la place et son mari la soutenait sous -les aisselles, en gémissant à l’ombre d’un poirier: une autre embrassait -sa petite fille qui n’avait plus de mains, et lui soulevait -alternativement les bras pour voir si elle ne voulait pas revivre. Une -autre s’échappa dans la campagne et les soldats la poursuivaient entre -les meules, à l’horizon des champs de neige. - -Sous l’estaminet des Quatre-fils-Aymon, se voyait le tumulte d’un siège. -Les habitants s’étaient barricadés, et les soldats tournaient autour de -la demeure sans y pouvoir pénétrer. Ils essayaient de grimper jusqu’à -l’enseigne, en s’aidant des espaliers de la façade, lorsqu’ils -découvrirent une échelle derrière la porte du jardin. Ils l’appliquèrent -au mur et montèrent à la file. Mais l’aubergiste et toute sa famille -leur lancèrent alors par les fenêtres, des chaises, des assiettes, et -des escabeaux. L’échelle se rompit et les soldats tombèrent. - -Au fond d’une cabane, une autre bande trouva une paysanne qui lavait ses -enfants, devant le feu, dans un cuvier. Étant vieille et presque sourde -elle ne les entendit pas entrer. Deux hommes prirent le cuvier, -l’emportèrent; et la femme ahurie les suivit avec les vêtements des -petits qu’elle voulait rhabiller, mais quand elle vit, tout d’un coup, -du haut du seuil, les taches de sang sur la neige, les berceaux -renversés, les femmes agenouillées et celles qui agitaient les bras -autour des morts, elle se mit à crier formidablement en frappant les -soldats qui déposèrent le cuvier pour se défendre. Ce curé accourut -également et les mains jointes sur sa chasuble, implora les Espagnols -devant les enfants nus qui se lamentaient dans l’eau. Des soldats -arrivèrent qui l’écartèrent et lièrent la folle à un arbre. - -Le boucher avait caché sa petite fille, et appuyé contre le mur de sa -maison affectait de regarder avec indifférence. Un lansquenet et un de -ceux qui avaient une armure, entrèrent chez lui et découvrirent l’enfant -dans un chaudron de cuivre. Alors le boucher, désespéré, saisit un -coutelas et les poursuivit dans la rue; mais une troupe qui passait le -désarma et le pendit par les pieds aux crocs du mur, entre les bêtes -écorchées, où il remua les bras et la tête en blasphémant jusqu’à la -tombée de la nuit. - -Du côté du cimetière, il y avait un grand rassemblement devant une -longue grange peinte en vert. L’homme pleurait à chaudes larmes sur le -seuil. Comme il était fort gros et de joviale figure, les soldats assis -au soleil, contre le mur, l’écoutaient avec attendrissement en -contemplant le chien. Mais celui qui emmenait l’enfant faisait des -gestes pour dire: «Que voulez-vous? ce n’est pas ma faute!» - -Un paysan pourchassé sauta dans une barque amarrée au pont de pierre et -s’éloigna sur l’étang avec sa femme et ses enfants. N’osant se risquer -sur la glace, les soldats marchaient pleins de colère dans les roseaux. -Ils grimpèrent dans les saules de la rive pour tâcher d’atteindre les -fugitifs à coups de lance, et n’y parvenant pas, ils menacèrent -longtemps toute la famille épouvantée dans sa barque. - -Ce verger cependant était toujours plein de monde; car c’est là que l’on -tuait la plupart des enfants aux pieds de l’homme à barbe blanche qui -présidait au massacre. Les petits garçons et les petites filles qui -marchaient déjà seuls s’y réunissaient aussi et regardaient curieusement -mourir les autres en mangeant les tartines de leur goûter, ou se -groupaient autour du fou de la paroisse qui jouait de la flûte sur -l’herbe. - -Alors il y eut tout à coup un long mouvement dans Bethléem. - -Ces paysans couraient vers le château qui se trouvait sur une butte de -terre jaune, au bout de la rue. Ils avaient aperçu le seigneur penché -sur les créneaux de la tour, d’où il contemplait le massacre. Et les -hommes, les femmes, les vieillards, les mains tendues, le suppliaient -comme un roi dans le ciel. Mais, lui, levait les bras et haussait les -épaules pour exprimer son impuissance; et comme ils l’imploraient de -plus en plus terriblement, la tête nue, agenouillés dans la neige, en -poussant de grandes clameurs, il rentra dans sa tour et les paysans -n’eurent plus d’espoir. - -Lorsque tous les enfants furent exterminés, les soldats fatigués -essuyèrent leurs épées et soupèrent sous les poiriers. Ensuite les -lansquenets montèrent en croupe et ils quittèrent tous ensemble -Bethléem, par le pont de pierre, comme ils étaient venus. - - * * * * * - -Enfin le soleil se coucha derrière la forêt. Las de courir et de -supplier, le curé s’était assis sur la neige, devant l’église, et sa -servante se tenait près de lui. Ils voyaient la rue et le verger plein -de paysans qui circulaient sur la place et le long des maisons. Des -familles, l’enfant mort sur les genoux ou dans les bras, racontaient -leur malheur avec étonnement. D’autres le pleuraient encore où il était -tombé, près d’un tonneau, sous une brouette, au bord d’une mare, ou -l’emportaient silencieusement. Plusieurs lavaient déjà les bancs, les -chaises, les tables, les chemises tachées de sang et relevaient les -berceaux jetés dans la rue. Mais presque toutes les mères se lamentaient -sous les arbres, devant les petits corps étendus sur le gazon, et -qu’elles reconnaissaient à leurs robes de laine. Ceux qui n’avaient pas -d’enfants se promenaient sur la place et s’arrêtaient autour des groupes -désolés. Les hommes qui ne pleuraient plus, poursuivaient avec les -chiens leurs bêtes échappées ou réparaient leurs fenêtres brisées et -leurs toits entr’ouverts, tandis que le village s’apaisait aux clartés -de la lune qui montait dans le ciel. - - - - -ONIROLOGIE - - - Of this at least I feeld assured that there is not such thing as - «forgetting» possible to the mind. - - Thomas de Quincey. - - - - -ONIROLOGIE - - -Je descends d’une vieille famille hollandaise. Mon père était ce qu’on -appelle en néerlandais «Adsistent-Resident» de Lebak en l’île de Java. -J’ignore tout de sa vie et de ses aventures, à l’exception de ses -démêlés, célèbres à cette époque, avec le Régent indigène: «Radhen -Adhipatti Karta Natta Negara», dont j’ai lu, bien des soirs, le bizarre -et tranquille récit dans les collections du «Javasche Courant» et du -«Nieuws van den Dag» d’Amsterdam. Il était allé aux colonies avec ma -grand’mère et y mourut lorsque je n’avais pas encore atteint ma deuxième -année. - -Ma mère,--une faible et pâle Anglaise que l’amour avait exilée en -Hollande,--(j’ai recherché et appris tout ceci depuis l’inquiétante -aventure), ma mère était restée à Utrecht, où nous habitions une étroite -demeure sur le «Singel», ou canal d’enceinte, du côté du «Pardenveld». -Elle mourut peu de mois après mon père et peut-être à la suite même de -l’accident qui a eu pour moi d’aussi troublantes émersions. J’étais -alors l’enfant aux yeux clos et la pauvre âme endormie des grands -espaces blancs et des limbes de la vie, en sorte que je n’ai -«naturellement» (j’emploie «naturellement» au sens strict et ordinaire -du mot), conservé aucun souvenir de ces jours où des visages amis -s’éteignaient à jamais autour de moi. - -Ensuite, et bien longtemps après, au réveil de cette immobile nuit de -l’enfance, je m’entrevois en une vieille maison de la vieille et -américaine Salem, et en face d’un oncle puritain, extraordinairement -gros, pâle et taciturne. Enfin, cet oncle lui-même, «que je n’entendis -jamais prononcer un seul mot et que je ne revis jamais plus», disparaît -à son tour, sans autre souvenir que celui de son vague corps énorme en -cette maison de bois verdi par les ans et si extrêmement, si -insolitement petite, qu’il semblait la surcharger et en déborder comme -un être d’autrefois, lorsqu’il se penchait des journées entières aux -fenêtres ouvertes sur un sombre et humide jardin où j’errais seul. -Ainsi, sans liens dans un passé presque inconsistant encore, sans visage -et sans mains de femmes autour de mon enfance, je me vis, sachant à -peine me tenir debout, au milieu d’une cour entourée des hauts bâtiments -de pierre d’un antique orphelinat oublié au fond d’une immémoriale forêt -du Massachusetts. Et maintenant j’arrive à des jours dont je me souviens -trop nettement, et à des années sans issues, de tristesses et d’abandons -sans horizons, entre ces moroses et mornes descendants des puritains -d’Isaac Johnson, enfants au sourire blanchâtre et aux yeux obliques, -égarés en ces dortoirs aux alcôves noires et voûtées sous l’effroi de -cet édifice si souvent environné d’orages. Mais j’aime mieux ne plus me -souvenir. Ici d’ailleurs finissent les antécédents nécessaires mais -lointains, et il faut à présent examiner plus minutieusement les -circonstances qui ont immédiatement précédé l’anormal incident et -l’énigme dont les ailes ont laissé pour longtemps leurs ombres sur mon -âme. - -Entre tous ces enfants aux vêtements si lugubres qui habitaient avec moi -ce terne orphelinat américain; entre tous ces enfants presque muets, une -pauvre âme affligée et affaiblie avait seule attiédi mon abandon. J’ai -son cher nom sur mes lèvres, et son image en l’âme de mon âme; mais on -comprendra peut-être, et tout à l’heure, pour quelles tristes raisons il -m’est impossible de le révéler ici. Je ne dirai même pas ce nom à ceux -qui voudraient se donner la peine de faire une enquête sur -l’authenticité de cette histoire, et à moins que mon malheureux ami ne -parle lui-même, nul ne le saura jamais. - -A cette époque, j’avais un peu plus de dix-huit ans, et mon unique -ami--je l’appellerai Walter ici, ce nom d’ailleurs se rapproche un peu -de son nom véritable,--mon unique et mélancolique ami avait environ le -même âge. J’étais alors un pauvre être maladif et extraordinairement -émacié sous l’ennui sans interstices de cette vie claustrale, et je -souffrais de troubles nerveux, qui faisaient de mes nuits une trame de -douleurs. Malgré mes plaintes, l’austère et malveillant médecin de la -maison me laissait sans remèdes; mais à la longue, mes maîtres -s’inquiétèrent un peu, et s’ingénièrent à imaginer quelque distraction à -mon mal. Le pauvre Walter vint alors à mon aide. Walter avait une tante, -Mrs W.-K., qui occupait un éclatant cottage aux environs de Boston, et -non loin de la mer; et il obtint un soir l’autorisation de m’emmener -chez elle. Il y avait plus de quinze ans que je n’avais franchi le seuil -de la grande porte dont les battants s’ouvraient sur la vallée, et je -n’oublierai plus cette soirée. A notre arrivée, Mrs W.-K. me reçut sans -arrière-pensée apparente; nous ignorons d’ailleurs, en ce moment, les -anormales occupations et les desseins étranges de cette femme, et il -vaut mieux que ceux qui écoutent ceci les ignorent également. - -Il y avait déjà bien des jours que je m’attardais en cette hospitalité -maternelle dont je ne savais pas «alors» les dangers, et aux -encouragements de ceux qui m’entouraient, je prenais un peu d’opium aux -dernières heures des après-midi, parfois douloureuses de cet octobre -inoubliable. Maintenant, il faut que j’énumère très méticuleusement tous -les détails de la soirée et de la nuit de l’incident, car plusieurs -d’entre eux pourraient avoir une importance spéciale, au point de vue de -l’explication et de l’«éducation» du phénomène, encore qu’il soit triste -d’avoir à s’arrêter en d’aussi obscurs intervalles de l’événement. - -Un soir, après l’heure du thé, j’étais en cet état de béatitude -invisible et subtile que s’imagineront seuls les mangeurs d’opium. Mrs -W.-K. vers laquelle je me retournais parfois, comme on se retourne vers -un pas dans une rue déserte, Mrs W.-K., accoudée sous les tilleuls de la -terrasse, regardait s’allumer les étoiles sur la ville américaine. -Walter était absent, et j’étais allé avec Annie, l’unique enfant de la -tante de Walter, au fond du jardin, où il y avait un bois ancien, -profond et obscur; un bois où l’on pouvait s’attendre à mainte aventure -et si vieux, que nous avions l’habitude d’y parler à voix basse. Après -avoir suivi de lointaines musiques éparses en ce bois comme des fils de -soie multicolore, nous nous assîmes là; et à présent, lequel des -incidents de ce soir influa sur ma nuit? Fut-ce ce bassin de marbre avec -sa fontaine aux reflets de tilleuls? ou les arbres, extraordinaires à -travers ma mémoire, et auxquels Annie appliquait un mot: «Verdurous -gloom», qui semblait les mettre sous verre? ou la lune, sur -l’Atlantique, semblable à une fleur muette? ou tout ce bois hanté de -triste avenir? ou fut-ce, avant tout, le départ prochain d’Annie, un -départ déjà sans retour, et dont ses frêles mains aux gants de ténèbres, -semblaient m’avertir comme d’un mal entre le mal qu’on allait me -vouloir? ou fut-ce, enfin, un anneau d’or, qu’elle laissa choir dans le -bassin où elle éveilla une autre et étrange elle-même en le reprenant à -travers l’eau froide? Savait-elle quelque chose? Je ne sais, je ne sais, -je ne saurai jamais, car à présent tant de terre et d’années sont sur -elle! - -J’ai noté exactement ceci, parce qu’en «l’éducation» dont j’ai parlé, il -importerait peut-être de tenter un grand nombre d’expériences analogues, -afin d’attoucher ainsi, un peu au hasard, quelque scène endormie au fond -de l’âme et que cette espèce d’incantation pourrait réveiller. J’ajoute -enfin un antécédent accessoire, mais dont il ne faudrait cependant pas -négliger l’aide; au reste, on verra plus loin. - -En ce moment les lumières de la ville lointaine s’éteignaient comme -tombaient les feuilles de la forêt automnale. En rentrant dans ma -chambre après cette soirée au jardin, je pris--induit peut-être à cette -idée par l’image de la fontaine,--je pris un volume de l’insolite et -aquatique poète anglais, Thomas Hood, en flottant ainsi, jusque très -avant dans la nuit, au fil albumineux des visions sous-marines de son -admirable «Water Lady», du «Lycus the Centaur» et de «Hero and Leander». -Avant tout (et c’était sans nul doute un effet de l’opium), ce dernier -poème m’attarda, à cause de la descente du malheureux Léandre à travers -toute la mer, en une immersion infinie, au bras de la sirène, au milieu -d’êtres muets aux yeux ronds, de plantes en jaune d’œuf, d’anémones -d’aniline et de dahlias d’albumine, pendant qu’un vers monotone énumère -entre les strophes les évolutions de leur passage en glauque spirale -vibratile: - - Down and still downwards through the dusky green. - -Et tout au long de cette spirale d’eau verte, la sirène aux yeux où -meurt le corps de Léandre et aux seins en bulles translucides, embrasse -son involontaire amant, sur les lèvres duquel s’éteint en énormes perles -le nom de Héro, jusqu’à ce qu’arrivés au fond lunaire des prairies -sous-marines, la naïve vierge des mers s’étonne comme un enfant de voir -le beau corps presque immobile et les yeux déjà clos, et s’agenouille à -ses côtés en admirant ses derniers efforts pour échapper aux mailles -bleues de l’Océan. - -C’est ainsi que je m’endormis, en accueillant en mes yeux les rives -hantées de la glace de la cheminée où je voyais s’enfoncer la spirale de -Léandre--jusqu’au sommeil--et voici ce que je vis immédiatement après: - -Sans nul préliminaire, je fus au fond d’un puits, ou du moins, je fus au -fond d’une eau autour de laquelle régnait une impression de murailles, -d’éminentes et étroites murailles, et je m’y noyais sans interruption, à -travers un infini déroulement de transparences au milieu de ces efforts -immobiles qui forment un des supplices propres aux songes et sans -analogues dans la vie volontaire. En ce moment, j’étais assez près de la -mort, et ici, il faut que j’explique très soigneusement un des plus -singuliers phénomènes de mon rêve. - -On n’ignore pas que le rêve est toujours et exclusivement «égoïste»; et -que cet égoïsme est tellement intense, aveugle et convergent, qu’il -annule le passé et l’avenir au profit du moment où il règne sur -l’horizon du cerveau. - -En d’autres termes, tout s’actualise dans la conscience du dormeur, et -il n’y a pas de rêve que l’on sache «prospectif» du «rétrospectif» au -moment où il a lieu. Je remets ce principe en mémoire parce qu’il -servira tout à l’heure à éclairer la situation assez embarrassée de mon -esprit en cet instant: sans avoir d’ailleurs l’intention d’élucider les -mouvements si spéciaux et en apparence illogiques, de l’horlogerie du -cerveau durant le sommeil. Au moment où je mourais ainsi au fond de -l’eau, se produisit d’abord un phénomène extrêmement anormal, et dont je -n’eus l’explication que bien des années après. Était-ce un souvenir de -lectures anciennes, où j’avais appris que les noyés, à l’instant de leur -mort, revoient, en une espèce de miroir, leur vie entière avec ses -incidents les plus minutieux? Ou cette vision de l’existence est-elle -réellement inséparable de la mort par immersion et se trouvait-elle -naturellement amenée ici? Je ne sais; mais j’eus l’idée de cette espèce -de miroir, et alors, comme l’esprit du songeur est assez semblable à -celui d’un tout petit enfant, incapable d’abstraction, et en qui toute -idée devient image et toute pensée se transforme en acte, j’eus -immédiatement en main ce miroir même auquel j’avais songé et je me mis à -y regarder attentivement. - -Ici, je voudrais pouvoir exprimer mon étonnement (car le jugement -demeure souvent intact pendant le sommeil, et un rêve peut paraître -comique par exemple, encore que le rire n’y naisse pas toujours d’une -disproportion, ou de la «relation brisée» comme dit Hello, et puisse -avoir des causes plus mystérieuses), je voudrais pouvoir exprimer mon -étonnement, lorsque je réfléchis à l’invraisemblable vision, «car ce -miroir était à peu près vide», et cependant, en comptant mes années, il -eût dû être peuplé de tristes événements! tandis que ce n’était qu’en un -de ses angles que j’aperçus quelques vagues images à moitié dissoutes en -des obnubilations mobiles et d’une couleur fade. On eût dit de ces -dessins que tracent les enfants, et j’y reconnus les formes -embryonnaires d’un certain nombre de seins, une ronde feuille verte, un -rais de lumière, un morceau de lange et une petite main de nouveau-né -entr’ouverte. Tout le reste se perdait en une obscurité que je n’eus pas -le loisir d’examiner, et néanmoins, il devait y avoir là bien des choses -inconnues et peut-être «antérieures». Mais au bout de mon coup d’œil le -miroir s’éteignit, et mon rêve continua. Je n’insiste donc plus sur cet -incident accessoire. - -Levant ensuite les yeux vers l’orifice du puits, j’y entrevis, penchés, -«au milieu d’un ciel orageux», un visage de femme, et en même temps un -geste d’effroi où il y avait une multitude de fuites. En passant, il -faut observer que, dans ce récit fait d’après des souvenirs atténués, -ceci comme tout ce qui est du ressort de la raison diurne, prend -nécessairement une allure logique qui n’était nullement celle du rêve, -où maints événements, successifs ici, s’emmêlaient; on sait d’ailleurs -que le rêve, en apparence le plus long, dure à peine l’espace d’un -battement de cœur, et n’est qu’un afflux extraordinairement bref -d’aventures et d’images. Je venais à peine d’entrevoir ce geste, qu’il -s’évanouit; et je fus immédiatement imprégné de l’idée qu’une espèce de -cri spécial, inconnu et incompréhensible, devait avoir accompagné cet -évanouissement. Mais avant d’aller plus loin, une brève glose est à ce -propos strictement nécessaire. - -Je ne crois pas qu’on entende ordinairement un son en rêve, c’est-à-dire -«un véritable son de rêve», et non un bruit effectif et extérieur qui, -grâce à la mobilité du songe, peut parfaitement s’adapter à l’un de ses -épisodes. Il me semble, au contraire, que le rêve est presque toujours -«muet», et que tous ses personnages marchent, parlent et agissent au -milieu d’une matière molle et singulièrement insonore. L’oreille du -dormant «est déjà inutile», et il use exactement de cette invention au -bord de laquelle nous attendons encore pendant le jour, et qui rendra -superflues, avant peu, les découvertes assez puériles du télégraphe et -du téléphone. Je veux parler de la communion des esprits ou de -l’introspection réciproque de toutes les intelligences et de ce qu’on -pourrait appeler la «Télépsychie», qui permettra à toute âme, à un -moment donné, de communiquer avec telle autre qu’elle voudra, située -n’importe où dans l’espace ou le temps, après qu’on aura retrouvé les -liens qui nous unissent les uns aux autres et dont le magnétisme et la -télépathie rattachent actuellement les premiers fils épars. - -Ainsi, je sus, grâce à cette intuition du dormant, qu’une clameur -étrange avait été poussée. Après de longues années je reconnus la nature -et le sens exact de cette clameur; mais je la donnerai plus loin, telle -qu’elle m’apparut à mon réveil, et que je la notai dès le lendemain, au -moment où j’ignorais tout de ma famille, de mon enfance et de mes -origines. Je n’aurais du reste pas osé rapporter ce détail presque -enfantin, mais significatif, si je n’étais à même de le prouver d’une -manière irréfragable. - -Il y eut quelque confusion dans les événements subséquents, ainsi qu’il -arrive parfois aux endroits les plus importants des songes, car la -raison nocturne a bien des détours ignorés. Mais je revois distinctement -qu’une femme m’apparut, extraordinairement nette, à l’exception du -visage, où des traits, en tout semblables à ceux d’Annie, luttaient et -se mêlaient sans interruption avec d’autres traits d’une indéfinissable -impression, que j’appellerai, peu approximativement, «de réticence, et à -la fois implicite et virtuelle» (et ce visage, je le reconnaîtrais -néanmoins sans hésitation, «mais uniquement, je pense, durant la nuit»; -au surplus, il vaut mieux ne pas approfondir ces interpénétrations -d’identité dans les songes). Je me rappelle ensuite que je fus arraché à -l’eau du puits par un geste analogue à celui d’Annie à la fontaine, «en -considérant uniquement le reflet de ce geste, c’est-à-dire, qu’il me -sembla être sauvé par un bras nu qui sortait de l’eau». Et après une -incolore lacune, je me trouvai tout à coup en plein air, sous un ciel de -pluie, d’orage et de soir, et celle qui m’avait sauvé, et qui -m’embrassait «en me parlant une langue que je ne comprenais plus», -m’emportait le long de rues et de quais éclairés. - -En cet endroit, je note une exception assez bizarre aux habitudes du -songe: «c’est que je vis une partie du paysage que je traversais». Il -faut observer, en effet, que le paysage du sommeil est «presque toujours -utile», en ce sens qu’il n’existe qu’autant qu’il fasse partie -intégrante de l’action, et au fur et à mesure de cette action. Il est -sobre en outre comme un décor de Shakspeare, et les personnages n’ont -que le morceau de terrain strictement nécessaire à leurs évolutions, -tandis que ces fragments d’entours indispensables accompagnent le drame -pas à pas. C’est ainsi qu’en un rêve où j’étais poursuivi par une -pullulation de serpents blancs, je vis s’élever successivement devant -moi, les taillis, les touffes de plantes et les haies au travers -desquelles je passais pour leur échapper, sans avoir une vision -d’ensemble de la plaine où je fuyais. Une autre fois (mais cet exemple -est néanmoins d’«une nature différente», et l’égoïsme du dormeur n’est -pas «ici» la cause de l’annulation du paysage), ayant acheté un très -vieux château, et ne parvenant pas--à cause de l’une de ces -impossibilités arbitraires du rêve--à me rendre compte de l’étendue du -domaine, je montai sur un grand arbre, pour jeter de là un coup d’œil -sur le parc; mais, à mon insu, tout le terrain s’élevait avec moi, et il -me fut impossible d’apercevoir quelque chose au delà de l’avenue où -j’étais. A part ceci, il peut arriver toutefois, que le paysage serve de -«leitmotiv», à quelque acteur, et que celui-ci se présente avec le -milieu où il se meut à l’ordinaire; par exemple, un forgeron apparaîtra -parfois avec sa forge, un malade avec son lit, un horticulteur avec sa -serre, sans que ces accessoires subtils encombrent l’action ou le -théâtre nocturne. Mais je doute des songes descriptifs et des sites où -le dormant n’est pas mêlé, et cependant, ce que j’entrevis n’agissait -pas en ce dernier épisode. - -C’était un paysage comme celui qu’un homme effrayé regarde; un ciel de -cyclone où une lune se révélait par intervalles, des quais et des canaux -d’eaux noires, margés d’arbres très vieux et bouleversés, des -ponts-levis dressés comme des bras de terreur, de petites maisons à -pignons avec des poulies aux lucarnes, une multitude de barques avec des -lanternes, mais surtout (car il se peut que les précédentes apparitions -aient été éveillées depuis, tandis que cette dernière est d’une -inquiétante et inébranlable certitude), deux moulins noirs, l’un, aux -ailes titaniques et immobiles, et l’autre, un peu en arrière, dépouillé, -sombre, nu, abstrait, et sans ailes, et énormes tous deux, énormes et -hauts comme des tours à l’angle de la ville, oppressaient une violente -et ténébreuse touffe d’arbres extrêmement grands et anciens. - -Au détour d’une rue antique, je fis un effort pour revoir encore ces -deux extraordinaires témoins, et, avec ce déséquilibre des mouvements et -cette absence de mesure ordinaires au sommeil, en me retournant, je -heurtai le fer du lit et je m’éveillai. - -En cet état spécial entre la veille et le sommeil, qui est comme -l’entr’acte des songes, et où la volonté renaît un peu, j’essayai -d’analyser ma vision et de la fixer ainsi dans un demi-réel, car la -mémoire du sommeil est inexplicablement fugace et fragile, et tandis -qu’on peut se rappeler indéfiniment et exactement telle pensée ou image, -«créée pendant le jour», les images des songes, alors même qu’on a eu -soin de les établir nettement au réveil, et de les acclimater ainsi dans -la vie diurne, ne se laissent pas évoquer plus de deux ou trois fois, et -à chacune de ces évocations elles s’affaiblissent jusqu’à confluer en -une mort indistincte, comme si on les entrevoyait à travers quelque -verre grossissant qui s’éloigne outre mesure. Je ne m’attarde pas à -cette énigmatique anomalie de la mémoire, elle n’eut pas entièrement -lieu, du reste, dans le rêve en question, et le lendemain et depuis, je -pus éveiller assez minutieusement tous ses souvenirs. - -Annie, ce lendemain qui était un samedi, allait rejoindre Walter à -New-Haven, sans avoir eu le temps de me dire adieu. Elle devait revenir -le mardi suivant, mais elle ne revint plus. Je lui écrivis ce jour même -une lettre, où je lui parlais incidemment de ce rêve auquel elle me -semblait si ineffablement mêlée. Je traduis littéralement de l’anglais, -en omettant simplement les propos inutiles ou inefficaces.--On me -pardonnera, j’espère, la gaucherie de cette traduction, car il importait -de rendre «verbatim» le texte américain qui m’a été restitué et que j’ai -conservé par devers moi. - - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - - ... «A propos, j’ai rêvé de toi, Annie, mais ô, d’une étrange, étrange - toi! Sache d’abord que je me noyais au fond d’un insondable puits; - alors vint une très vieille femme regarder dans le puits, en levant - les bras, et en exclamant une incompréhensible phrase en fort mauvais - anglais: «The kind is in the pit! the kind is in the pit![1]» ou une - chose analogue. - - [1] «Kind» en anglais, genre, espèce, ou l’adjectif: bon, - bienveillant, etc. - - «Qu’est cela?--Après vint une autre femme, semblable à toi, Annie, ou - du moins, une presque en tout semblable à toi, sauf quant au visage - qui était bien plus triste. Alors toi, ou elle, m’as tiré de l’eau, en - te penchant sur le puits comme tu fis vendredi soir à la fontaine, et - tu m’emportas en tes bras (moi si grand et si lourd cependant) dans - une ville que je n’avais jamais vue auparavant, et où, à droite, il y - avait une vieille forêt de très hauts arbres, et au delà, deux - effrayants, effrayants moulins à vent, «tels qu’il n’en existe pas - ici», et dont un absolument sans ailes...» - -L’enveloppe de cette lettre (elle n’adhère malheureusement pas à la -lettre même, mais l’écriture est si parfaitement identique, que nul -doute n’est possible), porte le timbre vert des États de l’Union. Il a -été oblitéré à Boston, le 25 octobre 1880, 11. a. m. A la réception à -New-Haven, un timbre humide a marqué: «New-Haven, Wharf 25/10.80. 4 n.» -Je mets ces deux pièces à la disposition de ceux que cet événement -psychique pourrait intéresser. J’ai été obligé d’effacer sur -l’enveloppe, le nom patronymique d’Annie, et de découper l’angle gauche -de la lettre, car il portait en exergue le nom entier de Mrs. W.-K., -avec sa devise: «At last shut to fears» (enfin close aux peurs), que je -ne me suis jamais expliquée. - -Je passe à présent bien des années, des tristesses et des pièges, sans -relations avec le sujet actuel, et j’arrive ainsi au moment où -j’atteignis enfin ma majorité. - -Vers cette époque,--j’avais quitté le morne orphelinat, et je veux -désormais garder le silence sur tout ce qui concerne Mrs W.-K.,--vers -cette époque, je reçus de Hollande, par l’intermédiaire du recteur de -cet orphelinat, un volumineux envoi, comprenant des comptes de tutelle -minutieux et compliqués, les procès-verbaux des délibérations du conseil -de famille, des titres de propriété et de rentes, et une foule de -papiers divers et anciens. - -Il était de règle, en la maison que je venais d’abandonner--afin de -sauvegarder toute égalité et d’écarter tout leurre d’avenir, et à moins -de quelque incident inévitable, comme ce qui eut lieu pour Walter,--de -ne révéler aux orphelins quoi que ce fût, au sujet de leurs familles et -de leurs antécédents. - -Je fus donc singulièrement étonné, à l’examen de cet envoi, d’apprendre -que j’étais Hollandais, et maître d’une fortune assez importante; c’est -plus tard seulement que je sus à la suite de quelle négligence et de -quels mauvais vouloirs, j’avais été délaissé au fond du Massachusetts, -mais ces détails n’ont aucun rapport avec le récit d’aujourd’hui. - -J’ai dit tout à l’heure «à l’examen de cet envoi», malheureusement cet -examen fut plus tardif que je n’aurais voulu. J’ignorais complètement le -néerlandais, et à Salem où j’étais retourné, je me mis vainement en -quête d’un traducteur. Je résolus alors d’apprendre une langue qui -s’était si subitement décelée maternelle, et grâce à l’anglais, et -surtout à l’allemand que je possédais, je fus à même, au bout de deux ou -trois semaines, de lire assez couramment les pièces les plus -importantes. - -Une nuit, en feuilletant ainsi une liasse de papiers au timbre colonial -de Java, je tombai,--graduellement en proie à une crise d’étonnement et -d’effroi,--je tombai sur la brève et d’ailleurs très simple, mais pour -moi, pour moi seul, vraiment insolite et incroyable lettre suivante, -écrite de la main de ma mère, et dont l’influence a réellement et à -jamais déplacé l’axe de ma vie. Je traduis mot à mot du hollandais, en -omettant, comme tantôt, tout ce qui n’est pas essentiel. - - Utrecht, 23 septembre 1862. - - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - - ... «Nous étions allés cette après-midi-là (très probablement le 17 - septembre, d’après le contexte, qui n’est cependant pas absolument - décisif) avec la cousine Meeltje et Mme van Brammen, prendre le thé - chez la tante van Naslaan, et l’agneau[2] était au jardin avec - Sarthe--elle l’avait laissé seul «un clin d’œil», sur le gazon; et - quand elle revint, plus d’agneau! Elle va regarder dans le puits; le - pauvre innocent agneau était au fond! Elle, au lieu de l’en tirer tout - de suite, vint crier à notre fenêtre «’t kind is in den put! ’t kind - is in den put!» (l’enfant est dans le puits! l’enfant est dans le - puits!). Je saute alors par la fenêtre du salon, et je tire de l’eau - le cher agneau, qui pleurait toutes les larmes de son petit cœur, et - je cours tout d’une haleine jusqu’à notre maison...» - - [2] «’t Sebaapje» la petite brebis, l’agneau, terme Hollandais pour - désigner les enfants, etc. - -Cette lettre était adressée à mon père, alors, ainsi que je l’ai dit -plus haut, «adsistent-resident» à Java. La date qu’elle porte est -légalement certaine, car, à son retour de l’île, quatre mois après, avec -d’autres papiers délaissés par mon père, elle fut déposée chez le -notaire «Hendrik Joannes Bruis», et elle est mentionnée dans un -inventaire enregistré à Utrecht le 3 février 1863. - -Au soir de cet accident, où je dus la vie à l’angélique célérité de ma -mère, j’étais âgé de quatre mois et neuf jours, ce qu’il m’est, -naturellement, facile de prouver. - -Ainsi donc, cette nuit d’octobre, j’avais communié, sans intermédiaire, -avec l’invisible et l’inexplicable, et mon âme en est demeurée pâle et -malade et sujette à toutes les inquiétudes et à tous les effrois. Je -n’essaierai nulle élucidation aujourd’hui; et je classe ce phénomène -parmi tant d’autres, aux causes latentes, dont les lois sûres seront -retrouvées quelque jour. En attendant, je veux les ignorer, comme -j’ignore, par exemple, l’innombrable inconnu des pressentiments, ou -pourquoi la mort, lorsqu’elle a été dans une maison, y revient -inévitablement peu après. Thomas de Quincey affirme en son étude: «On -the knocking at the gate in Macbeth», que l’intelligence est une faculté -inférieure de l’esprit humain, et je crois qu’il faut s’en défier avant -tout, en ces zones d’événements. Au reste, il vaut mieux, peut-être, ne -pas y réfléchir outre mesure, de peur de délier à la fin les cavales -blanches de la folie, dans ce qu’un médecin illustre appelle étrangement -«le grand territoire de la substance grise». - -Mais si je crains d’approfondir cette vision, au point de vue purement -objectif, je voulus entièrement me plonger dans la joie de ma peur; et -c’est pourquoi, je résolus de visiter, presque immédiatement après, le -théâtre de mon rêve. - -Malheureusement, d’impérieuses circonstances abrégèrent subitement mon -voyage en Hollande, et il me fut impossible de séjourner à Utrecht plus -de sept à huit heures. - -J’y descendis aux dernières heures d’une après-midi d’hiver sombre, de -nuages et de neige. En sortant de la gare de «Rhijnspoorweg», je devais -être extraordinairement pâle, car j’entrevis, à mon aspect, une sorte -d’hésitation et de méfiance sur le visage des employés et des passants. -Après avoir traversé la place, on prend, pour se rendre en ville, la -«Stationstraat». Jusque-là rien ne m’étonna, non plus, d’abord, que sur -le canal d’enceinte, nommé «Stad’s buiten gracht», qui coupe cette rue à -angle droit. Mais après quelques pas le long des berges, et au bout de -ce canal désormais ineffaçable et éternel pour moi, j’ai éprouvé, pour -la première fois, cette espèce de soudaine et polaire pâleur de -l’esprit, qui n’est heureusement réservée qu’à quelques hommes, et mon -âme, déjà si souvent agitée par ce songe, chancela littéralement dans -mon cœur! En face de moi, subitement et si près que mes yeux semblaient -les toucher (encore qu’en réalité ils fussent assez éloignés, car -c’était un effet d’optique dû à leur disproportion), au milieu de -l’irréel paysage d’une métropole de neige, sous un ciel obscurci et -comme autrefois analogue à un glas, avec ses eaux engourdies entre les -talus, ses barques écloses à fleur des marais morts, ses ponts-levis en -mouvement le long des rues d’ouate, et pleines de maisons et de -personnages muets au niveau des pignons, «je reconnaissais enfin les -deux moulins à vent, effrayants et indubitables», mobiles aujourd’hui en -une nuageuse trémulation d’aquarium et d’éclipse, identiques, mais plus -imminents peut-être, plus funestes et plus oppresseurs de la ville et du -bois ternement nuptiaux au-dessus desquels ils tournaient en envoyant de -leurs épaisses ailes, des signes très tristes à une âme qu’ils -attendaient patiemment depuis tant d’années! - -Après l’hallucinant coup d’œil, je voulus d’abord éperdument courir vers -eux, au hasard des eaux et des quais; mais l’instinct de l’étranger -m’interdit de troubler comme une pierre cette multitude malléable et -stagnante qui s’étalait autour des ponts-levis; puis en route, à mesure -que j’approchais des vieux arbres du «Pardenveld», mon enthousiasme -glissait le long de moi, comme un manteau de flammes, et j’éprouvais une -désillusion graduelle en observant une à une de notables différences. - -Je ne parlerai pas de l’aspect éclatant et pascal des entours -d’aujourd’hui, qui avait remplacé l’aspect si néfaste et comme «à -travers des glaces obscurcies» d’autrefois, ni des ailes qui viraient -actuellement dans le ciel du second moulin, jadis si immobile, et dont -la présence avait mis un malaise en mon coup d’œil, mais le premier des -géants noirs, celui que j’avais toujours vu le plus exactement, me -semblait incomparablement plus élevé qu’en ma nuit d’octobre, «comme -s’il avait grandi plus vite que les arbres», ou qu’un insolite événement -eût troublé ses proportions, par rapport à la ville, et je voulus -immédiatement examiner cette infidélité. - -Je gravis le grand tertre à la cime duquel il s’épanouissait et je vis -que cette énorme tour n’avait pas de porte, ni aucune ouverture, à -l’exception, vers le haut, d’une étroite fenêtre déjà éclairée. Après -avoir hélé longtemps en vain, à la longue, un visage de jeune fille, -anormalement vaste et aux allures inexplicables, et cependant -virginâtrement hollandaise, se pencha en révulsant ainsi une chevelure -presque blanche qui coulait le long du moulin, mais à chacun de mes -cris, elle se mettait muettement un doigt sur la bouche; et je n’en pus -rien obtenir. - -Aux explications d’un paysan, je compris enfin, péniblement, que la -porte était au bas du tertre, et que le meunier habitait seul le moulin -avec sa petite-fille hydrocéphale. J’y allai frapper, mais comme je -parlais un hollandais encore inintelligible, et sans doute aussi parce -que j’avais l’air las, maladif et anxieux, l’homme m’écouta avec -méfiance par l’entrebâillement de la porte et je ne recueillis aucun -éclaircissement. Toutefois, en jetant un dernier coup d’œil sur la tour, -j’ai noté un détail qui explique peut-être la disproportion observée: -«c’est que les briques s’étendant depuis la toiture jusqu’à la petite -fenêtre, semblaient plus rouges et par conséquent plus récentes que les -autres». Malheureusement, il faisait déjà nuit, et ceci n’est qu’une -allégation incertaine. - -Ensuite, j’allai vers le second moulin, afin d’apprendre à quelle époque -on avait rétabli les ailes; mais il avait cessé de tourner depuis un -quart d’heure et semblait absolument désert. Cependant, on m’affirma -assez évasivement, en une «Taperij» ou auberge voisine, que les ailes -actuelles existaient depuis une vingtaine d’années. - -Il fallut me contenter de ces renseignements incomplets; et je voulus, -en dernier lieu, éclairer une autre obscurité. On n’a pas oublié que le -premier visage à l’orifice du puits «m’avait apparu dans un ciel -orageux» et que toute ma fuite avait traversé un paysage entièrement -bouleversé par la tempête; or, selon la lettre de ma mère, j’étais au -jardin au moment où l’accident eut lieu. Il y avait là une anomalie -qu’il fallait indispensablement s’expliquer. Grâce à d’exactes -indications de l’inventaire, je savais que la maison «de la tante van -Naslaan», en laquelle j’avais eu une part de propriété indivise, était -située au nº 33 de l’«Oude Gracht». Par malheur, la soirée était fort -avancée, et la maison habitée par deux vieilles dames, en train de -prendre le thé, qui n’entendirent rien à mes interrogations, d’ailleurs -timides et maladroites, et me répondirent avec inquiétude, en -verrouillant la porte, que leur demeure n’était pas à louer. - -Peut-être y avait-il là une serre, ou une partie du jardin était-elle -vitrée, à la manière hollandaise, ce qui serait une explication après -tout suffisante. Au reste, au sujet de l’orage du 17 septembre 1862, -j’ai noté l’entrefilet suivant dans le numéro du vendredi 18, du -«Rotterdamsche courant».--Je traduis: «Hier, vers 6 heures du soir, la -goélette anglaise, «The faithfull Helen», capitaine Milford de Goole, a -rompu ses amarres, sous la violence du vent, et est allée échouer au -«Willems Kade», après avoir abordé une «tjalk» de Vlissingen. Ces dégâts -sont insignifiants.» - -Il reste un dernier «desideratum». J’ai trouvé dans les papiers de -famille envoyés à Salem, une quittance signée de la main du peintre -belge, François-Joseph Navez, qui doit avoir peint le portrait de ma -mère entre les années 1859 et 1860. Ce portrait a été vendu pour une -somme de 12 florins, lors de la liquidation. Or, «il m’importerait -extrêmement de retrouver ses traces», et c’est pourquoi je supplie tous -ceux qui seraient à même de donner quelque indice à ce sujet, et en -général au sujet de tous les «desiderata» de cet éclaircissement, de -vouloir adresser leurs renseignements à «M. Balfour Stuwart, president -of the Society of psychical inquiries, 75, Catherine street, strand, -London», qui se chargera de me les transmettre. Ils rendront ainsi -service à une science nouvelle (car on sait à quelles découvertes -pourrait mener l’éducation de cette faculté spéciale de la mémoire, en -l’appliquant, par exemple, à la période embryonnaire, et même -préembryonnaire) et à une âme inquiète qui a consacré sa vie à la -solution de ces problèmes. - - - - -Ici finissent les «Deux Contes», de Maurice Maeterlinck; l’un: «Le -massacre des Innocents», commençant à la page V, l’autre: «Onirologie», -à la page XXXVII; tous deux précédés d’une note de l’éditeur et d’un -avis de l’auteur. - - - - -Ce livre, le sixième de la collection des «Variétés littéraires», a été -établi par Ad. van Bever; tiré à mille deux cents exemplaires, soit XXV -exemplaires, sur vieux Japon impérial, dont V hors commerce, numérotés -de I à XX et de XXI à XXV; XXV exemplaires sur Chine, numérotés de XXVI -à L; et MCL exemplaires sur papier des manufactures de Rives (dont L -hors commerce), numérotés de LI à MCL et de MCLI à MCC, le présent -ouvrage a été achevé d’imprimer, en gothique française, par Paul -Hérissey, imprimeur à Évreux, le XV août MCMXVIII; les ornements -typographiques ont été dessinés et gravés sur bois par Louis Jou. - - - -*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DEUX CONTES *** - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the -United States without permission and without paying copyright -royalties. 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Redistribution is subject to the trademark -license, especially commercial redistribution. - -START: FULL LICENSE - -THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK - -To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase "Project -Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg-tm License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. - -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project -Gutenberg-tm electronic works - -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. 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Hart was the originator of the Project -Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of -volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online -at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. If you -are not located in the United States, you will have to check the laws of the -country where you are located before using this eBook. -</div> - -<p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Title: Deux contes</p> -<p style='display:block; margin-top:0; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:0;'>Le massacre des Innocents. Onirologie.</p> - -<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Author: Maurice Maeterlinck</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'>Release Date: December 21, 2021 [eBook #66985]</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'>Language: French</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'>Character set encoding: UTF-8</div> - -<div style='display:block; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Produced by: Laurent Vogel (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))</div> - -<div style='margin-top:2em; margin-bottom:4em'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DEUX CONTES ***</div> -<div class="x-ebookmaker-drop c"> -<img src="images/cover.jpg" class="h700" alt="" /> -</div> -<h1>Deux contes</h1> - -<p class="c">par<br /> -<span class="large">MAURICE MAETERLINCK</span></p> - -<p class="c">Le Massacre des Innocents<br /> -Onirologie</p> - -<p class="c small">Avec un portrait de l’Auteur</p> - - -<p class="c gap"><span class="large">A PARIS</span><br /> -Chez Georges Crès et Cie, Éditeurs<br /> -<span class="small">116, Boulevard Saint-Germain, 116</span></p> - -<p class="c small">MCMXVIII</p> - -<div class="break"></div> - -<p class="c top4em">Exemplaire sur papier de Rives<br /> -N<sup>o</sup></p> - -<div class="break"></div> - -<div class="c top4em"><img src="images/ill_000.jpg" alt="" /></div> -<div class="chapter"></div> - -<p class="top4em">Les deux contes que nous publions ici -ont paru dans des périodiques ; l’un dans -« La Pléiade » (Paris, mars 1886) et -l’autre dans la « Revue Générale » -(Bruxelles, juin 1889). Le premier a été -réimprimé plusieurs fois, et son texte, -légèrement modifié par l’auteur, figure -dans ce livre émouvant : « Les Débris de -la Guerre » (Paris, Fasquelle, 1917, -in-18). On nous saura gré, nous voulons -le croire, de trouver à la suite le texte -d’« Onirologie », cette œuvre de jeunesse, -fort ignorée, ayant l’attrait de -l’inédit et offrant, de plus, une curieuse -analogie avec les admirables pages publiées -récemment par Maurice Maeterlinck, sous -ce titre : « L’Hôte inconnu ».</p> - -<p class="sign">Les Éditeurs.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">LE MASSACRE<br /> -<span class="small">DES</span><br /> -INNOCENTS</h2> - -<div class="break"></div> -<div class="c"><img src="images/ill_001.png" alt="" /></div> - -<p class="gap">Le « Massacre des Innocents » parut -pour la première fois en 1886, dans une -petite revue : « La Pléiade », que quelques -amis et moi avions fondée au Quartier -Latin, et qui mourut d’inanition après son -sixième numéro. Si je fais place ici à ces -modestes pages d’un début sans éclat, — car -je n’avais rien imprimé jusqu’à ce jour, — ce -n’est pas que je m’abuse sur les -mérites de cette œuvre de jeunesse, où je -m’étais simplement appliqué à reproduire -de mon mieux les divers épisodes d’un -tableau du musée de Bruxelles, peint au -<small>XVI</small><sup>e</sup> siècle par Pieter Breughel-le-Vieux. -Mais il m’a semblé que les événements -avaient transformé cet humble exercice -littéraire en une sorte de vision symbolique : -car il n’est que trop vraisemblable -que des scènes analogues ont dû se répéter -dans plus d’un de nos malheureux villages -des Flandres ou de Wallonie ; et que pour -les décrire telles qu’elles viennent de se -passer, il n’y aurait qu’à changer le nom -des bourreaux et probablement, -hélas ! à en accentuer la -cruauté, l’injustice et -l’horreur.</p> - -<p class="sign">M. M.</p> - -<div class="chapter"></div> -<div class="c"><img src="images/ill_002.png" alt="" /></div> -<p class="t2"><span class="small">LE</span><br /> -MASSACRE DES INNOCENTS</p> - - -<p>Ce vendredi, 26 du mois de décembre, -vers l’heure du souper, un petit -vacher vint à Bethléem en criant terriblement.</p> - -<p>Des paysans qui buvaient de la cervoise -en l’auberge du Lion-Bleu ouvrirent les -volets pour regarder dans le verger du -village, et virent l’enfant qui accourait sur -la neige. Ils reconnurent que c’était le fils -de Korneliz et lui crièrent par la fenêtre : -« Qu’est-ce qu’il y a ? Allez vous coucher ! »</p> - -<p>Mais il répondit avec épouvante que les -Espagnols étaient arrivés, qu’ils avaient -incendié la ferme, pendu sa mère, dans les -noyers, et lié ses neuf petites sœurs au -tronc d’un grand arbre.</p> - -<p>Ces paysans sortirent brusquement de -l’auberge, entourèrent l’enfant et l’interrogèrent. -Il leur dit encore que les soldats -étaient à cheval et vêtus de fer, qu’ils -avaient enlevé les bêtes de son oncle Petrus -Krayer et entreraient bientôt en forêt -avec les moutons et les vaches.</p> - -<p>Tous coururent au Soleil-d’Or, où Korneliz -et son beau-frère buvaient aussi leur -pot de cervoise, et l’aubergiste s’élança -dans le village en criant que les Espagnols -approchaient.</p> - -<p>Alors il y eut une grande rumeur en -Bethléem. Ces femmes ouvrirent les fenêtres -et les paysans sortirent de leurs -maisons avec des lumières qu’ils éteignirent -lorsqu’ils furent dans le verger, où il -faisait clair comme à midi, à cause de la -neige et de la pleine lune.</p> - -<p>Ils s’assemblèrent autour de Korneliz et -de Krayer, sur la place, devant les auberges. -Plusieurs avaient apporté leurs -fourches et leurs râteaux, et se parlaient -avec terreur sous les arbres.</p> - -<p>Mais comme ils ne savaient que faire, -l’un d’eux courut chercher le curé, à qui -appartenait la ferme de Korneliz. Il sortit de -sa maison avec le sacristain en apportant -les clefs de l’église. Tous le suivirent dans le -cimetière, et il leur cria du haut de la tour -qu’il y avait des nuages rouges du côté de -sa ferme, bien que le ciel fût bleu et plein -d’étoiles sur tout le reste de la campagne.</p> - -<p>Ayant délibéré longtemps dans le cimetière, -ils décidèrent de se cacher dans le -bois que les Espagnols devaient traverser -et de les attaquer s’ils n’étaient pas très -nombreux, afin de reprendre le bétail de -Petrus Krayer et le butin qu’ils avaient fait -à la ferme.</p> - -<p>Ils s’armèrent de fourches et de bêches, -et les femmes restèrent autour de l’église -avec le curé.</p> - -<p>En cherchant un endroit favorable à leur -embuscade, ils arrivèrent près d’un moulin, -aux limites de la forêt, et virent brûler -la ferme au milieu des étoiles. Ils s’installèrent -là, devant une mare couverte de -glace, sous d’énormes chênes.</p> - -<p>Un berger, que l’on appelait le nain-Roux, -monta au sommet de la colline -pour avertir le meunier, qui avait arrêté -son moulin en voyant les flammes à l’horizon. -Cependant il laissa entrer le paysan, -et tous deux se mirent à une fenêtre pour -regarder au loin.</p> - -<p>La lune brillait devant eux sur l’incendie, -et ils aperçurent une longue foule qui marchait -sur la neige. Quand ils l’eurent contemplée, -le Nain descendit vers ceux qui -étaient dans la forêt, et ils distinguèrent -lentement quatre cavaliers, au-dessus d’un -troupeau qui semblait brouter la plaine.</p> - -<p>Comme ils regardaient au bord de la -mare, et sous les arbres éclairés de neige, -le sacristain leur montra une haie de buis, -derrière laquelle ils se cachèrent.</p> - -<p>Les bêtes et les Espagnols s’avancèrent -sur la glace, et les moutons, en arrivant à -la haie, broutaient déjà la verdure, lorsque -Korneliz creva les buissons, et les autres -le suivirent dans la clarté avec leurs fourches. -Il y eut alors un grand massacre sur -l’étang au milieu des brebis amoncelées -et des vaches qui contemplaient la bataille -et la lune.</p> - -<p>Quand ils eurent tué les hommes et les -chevaux, Korneliz s’élança dans la prairie -vers les flammes et les autres dépouillèrent -les morts. Puis ils retournèrent au village -avec les troupeaux. Les femmes qui -regardaient la lourde forêt, derrière les -murs du cimetière, les virent s’avancer -entre les arbres et coururent à leur rencontre -avec le curé, et ils revinrent en dansant -de grandes rondes, au milieu des -enfants et des chiens.</p> - -<p>En se réjouissant sous les poiriers du -verger, où le Nain-Roux accrochait des -lanternes en signe de kermesse, ils demandèrent -au curé ce qu’il fallait faire.</p> - -<p>Ils résolurent enfin d’atteler un chariot -pour emmener au village le corps de la -femme et ses neuf petites filles. Les sœurs et -d’autres paysannes de la famille de la morte -y montèrent, ainsi que le curé qui marchait -avec peine, étant vieux déjà et fort gros.</p> - -<p>Ils rentrèrent dans la forêt et arrivèrent -en silence devant l’éblouissement des -plaines, où ils virent les hommes nus et -les chevaux renversés sur la glace lumineuse -entre les arbres. Puis ils marchèrent -vers la ferme qui brûlait au milieu du paysage.</p> - -<p>En arrivant au verger et à la maison -rouge de flammes, ils s’arrêtèrent devant -la grille pour contempler le grand malheur -du paysan, dans son jardin. Sa femme pendait -toute nue aux branches d’un énorme -noyer, et lui, montait à l’échelle pour -grimper dans l’arbre, autour duquel les -neuf petites filles attendaient leur mère -sur le gazon. Il marchait déjà dans les -vastes ramures, lorsqu’il vit tout à coup, -sur la lumière de la neige, la foule qui le -regardait. Il fit signe de l’aider, en pleurant, -et ils entrèrent dans le jardin. Alors le sacristain, -le Nain-Roux, l’aubergiste du Lion-Bleu -et celui du Soleil-d’Or, le curé avec -une lanterne, et beaucoup d’autres paysans -montèrent dans le noyer neigeux, au clair -de lune, pour dépendre la morte, que les -femmes du village reçurent dans leurs bras -au pied de l’arbre, comme à la descente de -croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ.</p> - -<p>Ce lendemain, on l’enterra, et il n’y eut -plus d’événements extraordinaires à Bethléem -cette semaine-là. Mais le dimanche -suivant, des loups affamés parcoururent -le pays, après la grand’messe, et il neigea -jusqu’à midi ; puis le soleil brilla soudain -et les paysans rentrèrent dîner comme -d’habitude et s’habillèrent pour le salut.</p> - -<p>A ce moment il n’y avait personne sur -la place, car il gelait cruellement ; seuls, les -chiens et les poules vaguaient sous les -arbres, où des moutons broutaient un -triangle de gazon ; et la servante du curé -balayait la neige dans son jardin.</p> - -<p>Alors une troupe d’hommes armés passa -le pont de pierre au bout du village et -s’arrêta dans le verger. Des paysans sortirent -de leur demeure, mais rentrèrent -terrifiés en reconnaissant les Espagnols -et se mirent aux fenêtres afin de voir ce -qui allait se passer.</p> - -<p>Il y avait une trentaine de cavaliers couverts -d’armures, autour d’un vieillard à -barbe blanche. Ils portaient en croupe des -lansquenets jaunes ou rouges qui mirent -pied à terre et coururent sur la neige pour -se dégourdir, pendant que plusieurs soldats -habillés de fer descendaient aussi et -pissaient contre les arbres auxquels ils -avaient attaché leurs chevaux.</p> - -<p>Puis ils se dirigèrent vers l’auberge du -Soleil-d’Or et frappèrent à la porte. On -leur ouvrit en hésitant ; et ils allèrent se -chauffer près du feu en se faisant verser -de la bière.</p> - -<p>Ensuite ils sortirent de l’auberge avec -des pots, des cruches et des pains de froment -destinés à leurs compagnons rangés -autour de l’homme à barbe blanche qui -attendait au milieu des lances.</p> - -<p>Comme la rue était déserte, le chef envoya -des cavaliers derrière les maisons, -afin de garder le village du côté de la -campagne, et ordonna aux lansquenets -d’amener devant lui les enfants âgés de -deux ans et au-dessous, pour les massacrer, -selon qu’il est écrit en l’Évangile de -Saint Mathieu.</p> - -<p>Ils allèrent d’abord à la petite auberge -du Chou-vert, et à la chaumière du barbier, -voisines au milieu de la rue.</p> - -<p>L’un d’eux ouvrit l’étable, et une bande -de porcs s’en échappa qui se répandit de -tous côtés. L’aubergiste et le barbier sortirent -de leur maison et demandèrent humblement -aux soldats ce qu’ils désiraient ; -mais ceux-ci n’entendaient pas le flamand -et entrèrent afin de chercher les enfants.</p> - -<p>L’aubergiste en avait un qui pleurait en -chemise sur la table où l’on venait de -dîner. Un homme le prit dans ses bras et -l’emporta sous les pommiers, tandis que -le père et la mère le suivaient en poussant -des hurlements.</p> - -<p>Ces lansquenets ouvrirent encore l’étable -du tonnelier, celle du forgeron, celle du -sabotier ; et les veaux, les vaches, les ânes, -les cochons, les chèvres, les moutons et -les lapins se promenèrent sur la place. -Lorsqu’ils enfoncèrent le vitrage du charpentier, -plusieurs paysans, parmi les vieillards -et les plus riches de la paroisse, -s’assemblèrent dans la rue et s’avancèrent -vers les Espagnols. Ils ôtèrent respectueusement -leurs bonnets et leurs feutres devant -le chef au manteau de velours, en -demandant ce qu’il comptait faire ; mais -lui-même ignorait leur langue et quelqu’un -alla chercher le curé.</p> - -<p>Il s’apprêtait pour le salut et revêtait -une chasuble d’or dans la sacristie. Ce -paysan cria ; « Les Espagnols sont dans -le verger ! » Épouvanté, le prêtre courut à -la porte de l’église, suivi des enfants de -chœur qui portaient les cierges et l’encensoir.</p> - -<p>Alors il vit les animaux des étables circulant -sur la neige et sur le gazon, les -cavaliers dans le village, les soldats devant -les portes, les chevaux attachés aux arbres -le long de la rue, les hommes et les femmes -suppliant autour de celui qui tenait l’enfant -en chemise.</p> - -<p>Il s’élança dans le cimetière, et les paysans -se tournèrent avec inquiétude vers -leur prêtre qui arrivait comme un dieu couvert -d’or et l’environnèrent devant l’homme -à barbe blanche.</p> - -<p>Il parla flamand et latin ; mais le chef -poussait lentement les épaules pour exprimer -qu’il ne comprenait point.</p> - -<p>Ses paroissiens lui demandaient à voix -basse : « Que dit-il ? que va-t-il faire ? » -D’autres, voyant le curé, sortaient craintivement -de leurs fermes, des femmes accouraient -et chuchotaient dans les groupes, -tandis que les soldats qui assiégeaient un -cabaret, se joignaient au grand rassemblement -qui se formait sur la place.</p> - -<p>Alors celui qui tenait par la jambe l’enfant -de l’aubergiste du Chou-Vert, lui trancha -la tête d’un coup d’épée.</p> - -<p>Ils la virent tomber devant eux, suivie -du reste du corps qui saignait sur l’herbe. -La mère ramassa celui-ci et l’emporta en -oubliant la tête. Elle trotta vers sa maison -mais se heurta contre un arbre et tomba -à plat ventre dans la neige où elle demeura -évanouie, cependant que le père se débattait -entre deux soldats.</p> - -<p>De jeunes paysans lancèrent quelques -pierres ; mais les cavaliers abaissèrent -leurs lances, les femmes s’enfuirent et le -curé se mit à hurler avec ses paroissiens, -au milieu des moutons, des oies et des -chiens.</p> - -<p>Néanmoins, comme les soldats s’éloignaient, -ils se turent pour voir ce qu’ils -allaient faire.</p> - -<p>La bande entra dans la boutique des -sœurs du sacristain ; puis elle sortit tranquillement, -sans faire de mal aux cinq -femmes qui priaient à genoux sur le seuil.</p> - -<p>Ensuite ils avisèrent l’auberge du bossu -de Saint-Nicolas. Là aussi on leur ouvrit -à l’instant pour les apaiser ; mais ils reparurent -au milieu d’un grand tumulte, avec -trois enfants sur les bras, entourés du -bossu, de sa femme et de ses filles, qui les -suppliaient à mains jointes.</p> - -<p>Arrivés devant le vieillard, ils déposèrent -les enfants au pied d’un orme, où ils restèrent -assis sur la neige en leurs habits -de fête. Mais l’un d’eux, qui avait une robe -jaune, se leva et courut en chancelant vers -les moutons. Un soldat le poursuivit, l’épée -nue ; et l’enfant mourut la face dans l’herbe, -pendant que l’on tuait les autres autour -de l’arbre.</p> - -<p>Tous les paysans et les filles de l’aubergiste -prirent la fuite en poussant de grands -cris et rentrèrent dans les fermes. Resté -seul, le curé suppliait les Espagnols avec -des hurlements, se traînant à genoux d’un -cheval à l’autre, les bras en croix, tandis -que le père et la mère, assis sur la neige, -pleuraient pitoyablement leurs enfants -morts, étendus en travers de leurs jambes.</p> - -<p>En parcourant la rue, les lansquenets -remarquèrent la grande maison bleue d’un -fermier. Ils voulurent enfoncer la porte, -mais elle était de chêne et couverte de clous. -Ils prirent alors des tonneaux gelés dans -une mare devant le seuil et s’en servirent -pour monter à l’étage où ils pénétrèrent -par la fenêtre.</p> - -<p>Il y avait eu une fête en cette ferme ; et -des parents étaient venus manger des -gaufres, du flan et du jambon. Au bruit -des vitres brisées, ils s’étaient réfugiés derrière -la table couverte de cruchons et de -vaisselle. Les soldats entrèrent dans la -cuisine ; et après une bataille où plusieurs -furent blessés, s’emparèrent des petits -garçons, des petites filles et du valet qui -avait coupé le pouce d’un lansquenet, et sortirent -en fermant la porte pour empêcher -les habitants de les accompagner.</p> - -<p>Quand ils furent devant le vieillard, ils -jetèrent les enfants sur le gazon et les -tuèrent paisiblement avec leurs lances et -leurs épées, pendant que sur toute la façade -de la maison bleue, les femmes et les -hommes penchés aux fenêtres de l’étage et -du grenier, blasphémaient et s’agitaient -éperdument à la vue des rodes blanches, -roses ou rouges de leurs petits, immobiles -sur l’herbe entre les arbres. Puis les soldats -pendirent le valet de ferme à l’enseigne -de la Demi-Lune, de l’autre côté de -la rue ; et il y eut un long silence dans le -village.</p> - -<p>Le massacre à présent s’étendait. Les -mères s’échappaient des masures, et à travers -les jardins et les potagers, essayaient -de fuir dans la campagne ; mais les cavaliers -les poursuivaient et les refoulaient -dans la rue. Des paysans, le bonnet dans -leurs mains jointes, suivaient à genoux -ceux qui entraînaient leurs enfants, parmi -les chiens qui aboyaient joyeusement dans -le désordre. Le curé, les bras au ciel, courait -le long des maisons, priant désespérément -comme un martyr ; et les soldats, -tremblant de froid, soufflaient dans leurs -doigts en circulant sur la route, ou, les -mains dans leurs poches de leur haut-de-chausse, -et l’épée sous le bras, attendaient -devant les fenêtres des maisons qu’on -escaladait.</p> - -<p>Voyant la douleur craintive des paysans, -ils entraient maintenant par petites bandes -dans les fermes ; et tout le long de la rue -c’étaient les mêmes scènes.</p> - -<p>Une maraîchère qui habitait la vieille -chaumière de briques roses, à côté de -l’église poursuivait, armée d’une chaise, -deux hommes qui emportaient ses enfants -dans une brouette. Elle devint malade en -les voyant mourir ; et on l’assit sur sa -chaise, contre un arbre de la route.</p> - -<p>D’autres soldats grimpèrent dans les -tilleuls, devant une ferme peinte en lilas, -et enlevèrent des tuiles afin de s’introduire -dans la maison. Quand ils reparurent sur -le toit, le père et la mère, les bras tendus, -s’élevèrent aussi dans l’ouverture, et ils -les renfoncèrent à plusieurs reprises en -leur assénant des coups d’épée sur la tête, -avant de redescendre dans la rue.</p> - -<p>Une famille, enfermée dans la cave d’une -énorme chaumière, pleurait par le soupirail -où le père brandissait furieusement -une fourche. Un vieillard chauve sanglotait -tout seul sur un tas de fumier, une femme -en robe orange s’était évanouie sur la -place et son mari la soutenait sous les -aisselles, en gémissant à l’ombre d’un poirier : -une autre embrassait sa petite fille -qui n’avait plus de mains, et lui soulevait -alternativement les bras pour voir si elle -ne voulait pas revivre. Une autre s’échappa -dans la campagne et les soldats la poursuivaient -entre les meules, à l’horizon des -champs de neige.</p> - -<p>Sous l’estaminet des Quatre-fils-Aymon, -se voyait le tumulte d’un siège. Les habitants -s’étaient barricadés, et les soldats -tournaient autour de la demeure sans y -pouvoir pénétrer. Ils essayaient de grimper -jusqu’à l’enseigne, en s’aidant des espaliers -de la façade, lorsqu’ils découvrirent -une échelle derrière la porte du jardin. Ils -l’appliquèrent au mur et montèrent à la -file. Mais l’aubergiste et toute sa famille -leur lancèrent alors par les fenêtres, des -chaises, des assiettes, et des escabeaux. -L’échelle se rompit et les soldats tombèrent.</p> - -<p>Au fond d’une cabane, une autre bande -trouva une paysanne qui lavait ses enfants, -devant le feu, dans un cuvier. Étant vieille -et presque sourde elle ne les entendit pas -entrer. Deux hommes prirent le cuvier, -l’emportèrent ; et la femme ahurie les suivit -avec les vêtements des petits qu’elle -voulait rhabiller, mais quand elle vit, tout -d’un coup, du haut du seuil, les taches de -sang sur la neige, les berceaux renversés, -les femmes agenouillées et celles qui agitaient -les bras autour des morts, elle se -mit à crier formidablement en frappant les -soldats qui déposèrent le cuvier pour se -défendre. Ce curé accourut également et les -mains jointes sur sa chasuble, implora les -Espagnols devant les enfants nus qui se lamentaient -dans l’eau. Des soldats arrivèrent -qui l’écartèrent et lièrent la folle à un arbre.</p> - -<p>Le boucher avait caché sa petite fille, et -appuyé contre le mur de sa maison affectait -de regarder avec indifférence. Un lansquenet -et un de ceux qui avaient une armure, -entrèrent chez lui et découvrirent -l’enfant dans un chaudron de cuivre. Alors -le boucher, désespéré, saisit un coutelas et -les poursuivit dans la rue ; mais une troupe -qui passait le désarma et le pendit par les -pieds aux crocs du mur, entre les bêtes -écorchées, où il remua les bras et la tête -en blasphémant jusqu’à la tombée de la -nuit.</p> - -<p>Du côté du cimetière, il y avait un grand -rassemblement devant une longue grange -peinte en vert. L’homme pleurait à chaudes -larmes sur le seuil. Comme il était fort gros -et de joviale figure, les soldats assis au -soleil, contre le mur, l’écoutaient avec -attendrissement en contemplant le chien. -Mais celui qui emmenait l’enfant faisait -des gestes pour dire : « Que voulez-vous ? -ce n’est pas ma faute ! »</p> - -<p>Un paysan pourchassé sauta dans une -barque amarrée au pont de pierre et s’éloigna -sur l’étang avec sa femme et ses -enfants. N’osant se risquer sur la glace, -les soldats marchaient pleins de colère dans -les roseaux. Ils grimpèrent dans les saules -de la rive pour tâcher d’atteindre les fugitifs -à coups de lance, et n’y parvenant pas, -ils menacèrent longtemps toute la famille -épouvantée dans sa barque.</p> - -<p>Ce verger cependant était toujours plein -de monde ; car c’est là que l’on tuait la plupart -des enfants aux pieds de l’homme à -barbe blanche qui présidait au massacre. -Les petits garçons et les petites filles qui -marchaient déjà seuls s’y réunissaient aussi -et regardaient curieusement mourir les -autres en mangeant les tartines de leur -goûter, ou se groupaient autour du fou -de la paroisse qui jouait de la flûte sur -l’herbe.</p> - -<p>Alors il y eut tout à coup un long mouvement -dans Bethléem.</p> - -<p>Ces paysans couraient vers le château -qui se trouvait sur une butte de terre jaune, -au bout de la rue. Ils avaient aperçu le -seigneur penché sur les créneaux de la -tour, d’où il contemplait le massacre. Et les -hommes, les femmes, les vieillards, les -mains tendues, le suppliaient comme un -roi dans le ciel. Mais, lui, levait les bras -et haussait les épaules pour exprimer son -impuissance ; et comme ils l’imploraient -de plus en plus terriblement, la tête nue, -agenouillés dans la neige, en poussant de -grandes clameurs, il rentra dans sa tour et -les paysans n’eurent plus d’espoir.</p> - -<p>Lorsque tous les enfants furent exterminés, -les soldats fatigués essuyèrent leurs -épées et soupèrent sous les poiriers. Ensuite -les lansquenets montèrent en croupe -et ils quittèrent tous ensemble Bethléem, -par le pont de pierre, comme ils étaient -venus.</p> - -<hr /> - - -<p>Enfin le soleil se coucha derrière la forêt. -Las de courir et de supplier, le curé s’était -assis sur la neige, devant l’église, et sa servante -se tenait près de lui. Ils voyaient la -rue et le verger plein de paysans qui circulaient -sur la place et le long des maisons. -Des familles, l’enfant mort sur les genoux -ou dans les bras, racontaient leur malheur -avec étonnement. D’autres le pleuraient -encore où il était tombé, près d’un tonneau, -sous une brouette, au bord d’une mare, ou -l’emportaient silencieusement. Plusieurs -lavaient déjà les bancs, les chaises, les -tables, les chemises tachées de sang et -relevaient les berceaux jetés dans la rue. -Mais presque toutes les mères se lamentaient -sous les arbres, devant les petits -corps étendus sur le gazon, et qu’elles reconnaissaient -à leurs robes de laine. Ceux -qui n’avaient pas d’enfants se promenaient -sur la place et s’arrêtaient autour des -groupes désolés. Les hommes qui ne pleuraient -plus, poursuivaient avec les chiens -leurs bêtes échappées ou réparaient leurs -fenêtres brisées et leurs toits entr’ouverts, -tandis que le village s’apaisait -aux clartés de la lune -qui montait dans -le ciel.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">ONIROLOGIE</h2> - - -<blockquote class="epi"> -<p lang="en" xml:lang="en">Of this at least I feeld assured -that there is not such thing as -« forgetting » possible to the mind.</p> - -<p class="sign">Thomas de Quincey.</p> - -</blockquote> -<div class="break"></div> -<div class="c"><img src="images/ill_003.png" alt="" /></div> - - -<p class="t2">ONIROLOGIE</p> - - -<p>Je descends d’une vieille famille hollandaise. -Mon père était ce qu’on appelle -en néerlandais « <span lang="nl" xml:lang="nl">Adsistent-Resident</span> » de -Lebak en l’île de Java. J’ignore tout de -sa vie et de ses aventures, à l’exception -de ses démêlés, célèbres à cette époque, -avec le Régent indigène : « Radhen Adhipatti -Karta Natta Negara », dont j’ai lu, -bien des soirs, le bizarre et tranquille -récit dans les collections du « <span lang="nl" xml:lang="nl">Javasche -Courant</span> » et du « <span lang="nl" xml:lang="nl">Nieuws van den Dag</span> » -d’Amsterdam. Il était allé aux colonies -avec ma grand’mère et y mourut lorsque -je n’avais pas encore atteint ma deuxième -année.</p> - -<p>Ma mère, — une faible et pâle Anglaise -que l’amour avait exilée en Hollande, — (j’ai -recherché et appris tout ceci depuis -l’inquiétante aventure), ma mère était -restée à Utrecht, où nous habitions une -étroite demeure sur le « <span lang="nl" xml:lang="nl">Singel</span> », ou canal -d’enceinte, du côté du « <span lang="nl" xml:lang="nl">Pardenveld</span> ». Elle -mourut peu de mois après mon père et -peut-être à la suite même de l’accident qui -a eu pour moi d’aussi troublantes émersions. -J’étais alors l’enfant aux yeux clos -et la pauvre âme endormie des grands -espaces blancs et des limbes de la vie, en -sorte que je n’ai « naturellement » (j’emploie -« naturellement » au sens strict et -ordinaire du mot), conservé aucun souvenir -de ces jours où des visages amis s’éteignaient -à jamais autour de moi.</p> - -<p>Ensuite, et bien longtemps après, au -réveil de cette immobile nuit de l’enfance, -je m’entrevois en une vieille maison de la -vieille et américaine Salem, et en face d’un -oncle puritain, extraordinairement gros, -pâle et taciturne. Enfin, cet oncle lui-même, -« que je n’entendis jamais prononcer un -seul mot et que je ne revis jamais plus », -disparaît à son tour, sans autre souvenir -que celui de son vague corps énorme en -cette maison de bois verdi par les ans -et si extrêmement, si insolitement petite, -qu’il semblait la surcharger et en déborder -comme un être d’autrefois, lorsqu’il se penchait -des journées entières aux fenêtres -ouvertes sur un sombre et humide jardin -où j’errais seul. Ainsi, sans liens dans un -passé presque inconsistant encore, sans -visage et sans mains de femmes autour -de mon enfance, je me vis, sachant à peine -me tenir debout, au milieu d’une cour entourée -des hauts bâtiments de pierre d’un -antique orphelinat oublié au fond d’une -immémoriale forêt du Massachusetts. Et -maintenant j’arrive à des jours dont je me -souviens trop nettement, et à des années -sans issues, de tristesses et d’abandons -sans horizons, entre ces moroses et mornes -descendants des puritains d’Isaac Johnson, -enfants au sourire blanchâtre et aux yeux -obliques, égarés en ces dortoirs aux alcôves -noires et voûtées sous l’effroi de cet édifice -si souvent environné d’orages. Mais -j’aime mieux ne plus me souvenir. Ici -d’ailleurs finissent les antécédents nécessaires -mais lointains, et il faut à présent -examiner plus minutieusement les circonstances -qui ont immédiatement précédé -l’anormal incident et l’énigme dont les ailes -ont laissé pour longtemps leurs ombres -sur mon âme.</p> - -<p>Entre tous ces enfants aux vêtements si -lugubres qui habitaient avec moi ce terne -orphelinat américain ; entre tous ces enfants -presque muets, une pauvre âme -affligée et affaiblie avait seule attiédi mon -abandon. J’ai son cher nom sur mes lèvres, -et son image en l’âme de mon âme ; mais -on comprendra peut-être, et tout à l’heure, -pour quelles tristes raisons il m’est impossible -de le révéler ici. Je ne dirai même -pas ce nom à ceux qui voudraient se donner -la peine de faire une enquête sur l’authenticité -de cette histoire, et à moins que mon -malheureux ami ne parle lui-même, nul ne -le saura jamais.</p> - -<p>A cette époque, j’avais un peu plus de -dix-huit ans, et mon unique ami — je l’appellerai -Walter ici, ce nom d’ailleurs se rapproche -un peu de son nom véritable, — mon -unique et mélancolique ami avait -environ le même âge. J’étais alors un pauvre -être maladif et extraordinairement émacié -sous l’ennui sans interstices de cette vie -claustrale, et je souffrais de troubles nerveux, -qui faisaient de mes nuits une trame -de douleurs. Malgré mes plaintes, l’austère -et malveillant médecin de la maison me -laissait sans remèdes ; mais à la longue, -mes maîtres s’inquiétèrent un peu, et s’ingénièrent -à imaginer quelque distraction à -mon mal. Le pauvre Walter vint alors à mon -aide. Walter avait une tante, Mrs W.-K., qui -occupait un éclatant cottage aux environs -de Boston, et non loin de la mer ; et il -obtint un soir l’autorisation de m’emmener -chez elle. Il y avait plus de quinze ans que -je n’avais franchi le seuil de la grande porte -dont les battants s’ouvraient sur la vallée, -et je n’oublierai plus cette soirée. A notre -arrivée, Mrs W.-K. me reçut sans arrière-pensée -apparente ; nous ignorons d’ailleurs, -en ce moment, les anormales occupations -et les desseins étranges de cette femme, et -il vaut mieux que ceux qui écoutent ceci les -ignorent également.</p> - -<p>Il y avait déjà bien des jours que je -m’attardais en cette hospitalité maternelle -dont je ne savais pas « alors » les dangers, -et aux encouragements de ceux qui m’entouraient, -je prenais un peu d’opium aux -dernières heures des après-midi, parfois -douloureuses de cet octobre inoubliable. -Maintenant, il faut que j’énumère très méticuleusement -tous les détails de la soirée -et de la nuit de l’incident, car plusieurs -d’entre eux pourraient avoir une importance -spéciale, au point de vue de l’explication -et de l’« éducation » du phénomène, -encore qu’il soit triste d’avoir à s’arrêter en -d’aussi obscurs intervalles de l’événement.</p> - -<p>Un soir, après l’heure du thé, j’étais en -cet état de béatitude invisible et subtile -que s’imagineront seuls les mangeurs d’opium. -Mrs W.-K. vers laquelle je me retournais -parfois, comme on se retourne -vers un pas dans une rue déserte, Mrs W.-K., -accoudée sous les tilleuls de la terrasse, -regardait s’allumer les étoiles sur la ville -américaine. Walter était absent, et j’étais -allé avec Annie, l’unique enfant de la tante -de Walter, au fond du jardin, où il y avait -un bois ancien, profond et obscur ; un bois -où l’on pouvait s’attendre à mainte aventure -et si vieux, que nous avions l’habitude -d’y parler à voix basse. Après avoir suivi -de lointaines musiques éparses en ce bois -comme des fils de soie multicolore, nous -nous assîmes là ; et à présent, lequel des -incidents de ce soir influa sur ma nuit ? -Fut-ce ce bassin de marbre avec sa fontaine -aux reflets de tilleuls ? ou les arbres, -extraordinaires à travers ma mémoire, et -auxquels Annie appliquait un mot : « <span lang="en" xml:lang="en">Verdurous -gloom</span> », qui semblait les mettre -sous verre ? ou la lune, sur l’Atlantique, -semblable à une fleur muette ? ou tout ce -bois hanté de triste avenir ? ou fut-ce, avant -tout, le départ prochain d’Annie, un départ -déjà sans retour, et dont ses frêles mains -aux gants de ténèbres, semblaient m’avertir -comme d’un mal entre le mal qu’on -allait me vouloir ? ou fut-ce, enfin, un -anneau d’or, qu’elle laissa choir dans le -bassin où elle éveilla une autre et étrange -elle-même en le reprenant à travers l’eau -froide ? Savait-elle quelque chose ? Je ne -sais, je ne sais, je ne saurai jamais, car à -présent tant de terre et d’années sont sur -elle !</p> - -<p>J’ai noté exactement ceci, parce qu’en -« l’éducation » dont j’ai parlé, il importerait -peut-être de tenter un grand nombre -d’expériences analogues, afin d’attoucher -ainsi, un peu au hasard, quelque scène -endormie au fond de l’âme et que cette -espèce d’incantation pourrait réveiller. J’ajoute -enfin un antécédent accessoire, mais -dont il ne faudrait cependant pas négliger -l’aide ; au reste, on verra plus loin.</p> - -<p>En ce moment les lumières de la ville -lointaine s’éteignaient comme tombaient les -feuilles de la forêt automnale. En rentrant -dans ma chambre après cette soirée au -jardin, je pris — induit peut-être à cette -idée par l’image de la fontaine, — je pris -un volume de l’insolite et aquatique poète -anglais, Thomas Hood, en flottant ainsi, -jusque très avant dans la nuit, au fil albumineux -des visions sous-marines de son -admirable « <span lang="en" xml:lang="en">Water Lady</span> », du « <span lang="en" xml:lang="en">Lycus the -Centaur</span> » et de « <span lang="en" xml:lang="en">Hero and Leander</span> ». -Avant tout (et c’était sans nul doute un -effet de l’opium), ce dernier poème m’attarda, -à cause de la descente du malheureux -Léandre à travers toute la mer, en -une immersion infinie, au bras de la sirène, -au milieu d’êtres muets aux yeux ronds, -de plantes en jaune d’œuf, d’anémones -d’aniline et de dahlias d’albumine, pendant -qu’un vers monotone énumère entre -les strophes les évolutions de leur passage -en glauque spirale vibratile :</p> - -<div class="poetry"> -<div class="verse" lang="en" xml:lang="en">Down and still downwards through the dusky green.</div> -</div> - -<p class="noindent">Et tout au long de cette spirale d’eau -verte, la sirène aux yeux où meurt le corps -de Léandre et aux seins en bulles translucides, -embrasse son involontaire amant, -sur les lèvres duquel s’éteint en énormes -perles le nom de Héro, jusqu’à ce qu’arrivés -au fond lunaire des prairies sous-marines, -la naïve vierge des mers s’étonne -comme un enfant de voir le beau corps -presque immobile et les yeux déjà clos, et -s’agenouille à ses côtés en admirant ses -derniers efforts pour échapper aux mailles -bleues de l’Océan.</p> - -<p>C’est ainsi que je m’endormis, en accueillant -en mes yeux les rives hantées de la -glace de la cheminée où je voyais s’enfoncer -la spirale de Léandre — jusqu’au -sommeil — et voici ce que je vis immédiatement -après :</p> - -<p>Sans nul préliminaire, je fus au fond -d’un puits, ou du moins, je fus au fond -d’une eau autour de laquelle régnait une -impression de murailles, d’éminentes et -étroites murailles, et je m’y noyais sans -interruption, à travers un infini déroulement -de transparences au milieu de ces -efforts immobiles qui forment un des supplices -propres aux songes et sans analogues -dans la vie volontaire. En ce moment, -j’étais assez près de la mort, et ici, il faut -que j’explique très soigneusement un des -plus singuliers phénomènes de mon rêve.</p> - -<p>On n’ignore pas que le rêve est toujours -et exclusivement « égoïste » ; et que cet -égoïsme est tellement intense, aveugle et -convergent, qu’il annule le passé et l’avenir -au profit du moment où il règne sur -l’horizon du cerveau.</p> - -<p>En d’autres termes, tout s’actualise dans -la conscience du dormeur, et il n’y a pas -de rêve que l’on sache « prospectif » du -« rétrospectif » au moment où il a lieu. Je -remets ce principe en mémoire parce qu’il -servira tout à l’heure à éclairer la situation -assez embarrassée de mon esprit en -cet instant : sans avoir d’ailleurs l’intention -d’élucider les mouvements si spéciaux -et en apparence illogiques, de l’horlogerie -du cerveau durant le sommeil. Au moment -où je mourais ainsi au fond de l’eau, se -produisit d’abord un phénomène extrêmement -anormal, et dont je n’eus l’explication -que bien des années après. Était-ce un -souvenir de lectures anciennes, où j’avais -appris que les noyés, à l’instant de leur -mort, revoient, en une espèce de miroir, -leur vie entière avec ses incidents les plus -minutieux ? Ou cette vision de l’existence -est-elle réellement inséparable de la mort -par immersion et se trouvait-elle naturellement -amenée ici ? Je ne sais ; mais j’eus -l’idée de cette espèce de miroir, et alors, -comme l’esprit du songeur est assez -semblable à celui d’un tout petit enfant, -incapable d’abstraction, et en qui toute -idée devient image et toute pensée se -transforme en acte, j’eus immédiatement -en main ce miroir même auquel j’avais -songé et je me mis à y regarder attentivement.</p> - -<p>Ici, je voudrais pouvoir exprimer mon -étonnement (car le jugement demeure -souvent intact pendant le sommeil, et un -rêve peut paraître comique par exemple, -encore que le rire n’y naisse pas toujours -d’une disproportion, ou de la « relation -brisée » comme dit Hello, et puisse avoir -des causes plus mystérieuses), je voudrais -pouvoir exprimer mon étonnement, lorsque -je réfléchis à l’invraisemblable vision, « car -ce miroir était à peu près vide », et cependant, -en comptant mes années, il eût dû -être peuplé de tristes événements ! tandis -que ce n’était qu’en un de ses angles que -j’aperçus quelques vagues images à moitié -dissoutes en des obnubilations mobiles et -d’une couleur fade. On eût dit de ces dessins -que tracent les enfants, et j’y reconnus -les formes embryonnaires d’un certain -nombre de seins, une ronde feuille verte, -un rais de lumière, un morceau de lange -et une petite main de nouveau-né entr’ouverte. -Tout le reste se perdait en une -obscurité que je n’eus pas le loisir d’examiner, -et néanmoins, il devait y avoir là -bien des choses inconnues et peut-être -« antérieures ». Mais au bout de mon coup -d’œil le miroir s’éteignit, et mon rêve continua. -Je n’insiste donc plus sur cet incident -accessoire.</p> - -<p>Levant ensuite les yeux vers l’orifice du -puits, j’y entrevis, penchés, « au milieu -d’un ciel orageux », un visage de femme, -et en même temps un geste d’effroi où il -y avait une multitude de fuites. En passant, -il faut observer que, dans ce récit -fait d’après des souvenirs atténués, ceci -comme tout ce qui est du ressort de la -raison diurne, prend nécessairement une -allure logique qui n’était nullement celle -du rêve, où maints événements, successifs -ici, s’emmêlaient ; on sait d’ailleurs que le -rêve, en apparence le plus long, dure à -peine l’espace d’un battement de cœur, et -n’est qu’un afflux extraordinairement bref -d’aventures et d’images. Je venais à peine -d’entrevoir ce geste, qu’il s’évanouit ; et je -fus immédiatement imprégné de l’idée -qu’une espèce de cri spécial, inconnu et -incompréhensible, devait avoir accompagné -cet évanouissement. Mais avant d’aller -plus loin, une brève glose est à ce propos -strictement nécessaire.</p> - -<p>Je ne crois pas qu’on entende ordinairement -un son en rêve, c’est-à-dire « un -véritable son de rêve », et non un bruit -effectif et extérieur qui, grâce à la mobilité -du songe, peut parfaitement s’adapter à -l’un de ses épisodes. Il me semble, au contraire, -que le rêve est presque toujours -« muet », et que tous ses personnages -marchent, parlent et agissent au milieu -d’une matière molle et singulièrement insonore. -L’oreille du dormant « est déjà inutile », -et il use exactement de cette invention -au bord de laquelle nous attendons -encore pendant le jour, et qui rendra superflues, -avant peu, les découvertes assez -puériles du télégraphe et du téléphone. Je -veux parler de la communion des esprits -ou de l’introspection réciproque de toutes -les intelligences et de ce qu’on pourrait -appeler la « Télépsychie », qui permettra -à toute âme, à un moment donné, de communiquer -avec telle autre qu’elle voudra, -située n’importe où dans l’espace ou le -temps, après qu’on aura retrouvé les liens -qui nous unissent les uns aux autres et -dont le magnétisme et la télépathie rattachent -actuellement les premiers fils épars.</p> - -<p>Ainsi, je sus, grâce à cette intuition du -dormant, qu’une clameur étrange avait été -poussée. Après de longues années je reconnus -la nature et le sens exact de cette -clameur ; mais je la donnerai plus loin, -telle qu’elle m’apparut à mon réveil, et -que je la notai dès le lendemain, au moment -où j’ignorais tout de ma famille, de mon -enfance et de mes origines. Je n’aurais du -reste pas osé rapporter ce détail presque enfantin, -mais significatif, si je n’étais à même -de le prouver d’une manière irréfragable.</p> - -<p>Il y eut quelque confusion dans les événements -subséquents, ainsi qu’il arrive -parfois aux endroits les plus importants -des songes, car la raison nocturne a bien -des détours ignorés. Mais je revois distinctement -qu’une femme m’apparut, extraordinairement -nette, à l’exception du visage, -où des traits, en tout semblables à ceux -d’Annie, luttaient et se mêlaient sans interruption -avec d’autres traits d’une indéfinissable -impression, que j’appellerai, peu -approximativement, « de réticence, et à la -fois implicite et virtuelle » (et ce visage, -je le reconnaîtrais néanmoins sans hésitation, -« mais uniquement, je pense, durant -la nuit » ; au surplus, il vaut mieux ne pas -approfondir ces interpénétrations d’identité -dans les songes). Je me rappelle ensuite -que je fus arraché à l’eau du puits -par un geste analogue à celui d’Annie à -la fontaine, « en considérant uniquement -le reflet de ce geste, c’est-à-dire, qu’il me -sembla être sauvé par un bras nu qui sortait -de l’eau ». Et après une incolore lacune, -je me trouvai tout à coup en plein air, sous -un ciel de pluie, d’orage et de soir, et celle -qui m’avait sauvé, et qui m’embrassait « en -me parlant une langue que je ne comprenais -plus », m’emportait le long de rues et -de quais éclairés.</p> - -<p>En cet endroit, je note une exception -assez bizarre aux habitudes du songe : -« c’est que je vis une partie du paysage -que je traversais ». Il faut observer, en -effet, que le paysage du sommeil est -« presque toujours utile », en ce sens qu’il -n’existe qu’autant qu’il fasse partie intégrante -de l’action, et au fur et à mesure -de cette action. Il est sobre en outre comme -un décor de Shakspeare, et les personnages -n’ont que le morceau de terrain -strictement nécessaire à leurs évolutions, -tandis que ces fragments d’entours indispensables -accompagnent le drame pas à -pas. C’est ainsi qu’en un rêve où j’étais -poursuivi par une pullulation de serpents -blancs, je vis s’élever successivement devant -moi, les taillis, les touffes de plantes et les -haies au travers desquelles je passais pour -leur échapper, sans avoir une vision d’ensemble -de la plaine où je fuyais. Une autre -fois (mais cet exemple est néanmoins -d’« une nature différente », et l’égoïsme -du dormeur n’est pas « ici » la cause de -l’annulation du paysage), ayant acheté un -très vieux château, et ne parvenant pas — à -cause de l’une de ces impossibilités arbitraires -du rêve — à me rendre compte de -l’étendue du domaine, je montai sur un -grand arbre, pour jeter de là un coup d’œil -sur le parc ; mais, à mon insu, tout le terrain -s’élevait avec moi, et il me fut impossible -d’apercevoir quelque chose au delà -de l’avenue où j’étais. A part ceci, il peut -arriver toutefois, que le paysage serve de -« <span lang="de" xml:lang="de">leitmotiv</span> », à quelque acteur, et que celui-ci -se présente avec le milieu où il se meut -à l’ordinaire ; par exemple, un forgeron -apparaîtra parfois avec sa forge, un malade -avec son lit, un horticulteur avec sa -serre, sans que ces accessoires subtils -encombrent l’action ou le théâtre nocturne. -Mais je doute des songes descriptifs et -des sites où le dormant n’est pas mêlé, et -cependant, ce que j’entrevis n’agissait pas -en ce dernier épisode.</p> - -<p>C’était un paysage comme celui qu’un -homme effrayé regarde ; un ciel de cyclone -où une lune se révélait par intervalles, des -quais et des canaux d’eaux noires, margés -d’arbres très vieux et bouleversés, des -ponts-levis dressés comme des bras de -terreur, de petites maisons à pignons avec -des poulies aux lucarnes, une multitude -de barques avec des lanternes, mais surtout -(car il se peut que les précédentes -apparitions aient été éveillées depuis, tandis -que cette dernière est d’une inquiétante -et inébranlable certitude), deux moulins -noirs, l’un, aux ailes titaniques et immobiles, -et l’autre, un peu en arrière, dépouillé, -sombre, nu, abstrait, et sans ailes, -et énormes tous deux, énormes et hauts -comme des tours à l’angle de la ville, oppressaient -une violente et ténébreuse touffe -d’arbres extrêmement grands et anciens.</p> - -<p>Au détour d’une rue antique, je fis un -effort pour revoir encore ces deux extraordinaires -témoins, et, avec ce déséquilibre -des mouvements et cette absence de mesure -ordinaires au sommeil, en me retournant, -je heurtai le fer du lit et je m’éveillai.</p> - -<p>En cet état spécial entre la veille et le -sommeil, qui est comme l’entr’acte des -songes, et où la volonté renaît un peu, -j’essayai d’analyser ma vision et de la fixer -ainsi dans un demi-réel, car la mémoire du -sommeil est inexplicablement fugace et fragile, -et tandis qu’on peut se rappeler indéfiniment -et exactement telle pensée ou -image, « créée pendant le jour », les images -des songes, alors même qu’on a eu soin -de les établir nettement au réveil, et de les -acclimater ainsi dans la vie diurne, ne se -laissent pas évoquer plus de deux ou trois -fois, et à chacune de ces évocations elles -s’affaiblissent jusqu’à confluer en une mort -indistincte, comme si on les entrevoyait à -travers quelque verre grossissant qui -s’éloigne outre mesure. Je ne m’attarde -pas à cette énigmatique anomalie de la -mémoire, elle n’eut pas entièrement lieu, du -reste, dans le rêve en question, et le lendemain -et depuis, je pus éveiller assez minutieusement -tous ses souvenirs.</p> - -<p>Annie, ce lendemain qui était un samedi, -allait rejoindre Walter à New-Haven, sans -avoir eu le temps de me dire adieu. Elle -devait revenir le mardi suivant, mais elle -ne revint plus. Je lui écrivis ce jour même -une lettre, où je lui parlais incidemment de -ce rêve auquel elle me semblait si ineffablement -mêlée. Je traduis littéralement -de l’anglais, en omettant simplement les -propos inutiles ou inefficaces. — On me -pardonnera, j’espère, la gaucherie de cette -traduction, car il importait de rendre « <span lang="la" xml:lang="la">verbatim</span> » -le texte américain qui m’a été restitué -et que j’ai conservé par devers moi.</p> - -<blockquote> -<div class="dots"><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b></div> -<p>… « A propos, j’ai rêvé de toi, Annie, -mais ô, d’une étrange, étrange toi ! Sache -d’abord que je me noyais au fond d’un -insondable puits ; alors vint une très vieille -femme regarder dans le puits, en levant -les bras, et en exclamant une incompréhensible -phrase en fort mauvais anglais : -« <span lang="en" xml:lang="en">The kind is in the pit ! the kind is in the -pit !</span><a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a> » ou une chose analogue.</p> - -<div class="footnote"><p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> « <span lang="en" xml:lang="en">Kind</span> » en anglais, genre, espèce, ou l’adjectif : bon, -bienveillant, etc.</p> -</div> -<p>« Qu’est cela ? — Après vint une autre -femme, semblable à toi, Annie, ou du -moins, une presque en tout semblable à -toi, sauf quant au visage qui était bien -plus triste. Alors toi, ou elle, m’as tiré de -l’eau, en te penchant sur le puits comme tu -fis vendredi soir à la fontaine, et tu m’emportas -en tes bras (moi si grand et si -lourd cependant) dans une ville que je -n’avais jamais vue auparavant, et où, à -droite, il y avait une vieille forêt de très -hauts arbres, et au delà, deux effrayants, -effrayants moulins à vent, « tels qu’il n’en -existe pas ici », et dont un absolument sans -ailes… »</p> -</blockquote> - -<p>L’enveloppe de cette lettre (elle n’adhère -malheureusement pas à la lettre même, -mais l’écriture est si parfaitement identique, -que nul doute n’est possible), porte -le timbre vert des États de l’Union. Il a été -oblitéré à Boston, le 25 octobre 1880, -11. a. m. A la réception à New-Haven, un -timbre humide a marqué : « New-Haven, -Wharf 25/10.80. 4 n. » Je mets ces deux -pièces à la disposition de ceux que cet -événement psychique pourrait intéresser. -J’ai été obligé d’effacer sur l’enveloppe, le -nom patronymique d’Annie, et de découper -l’angle gauche de la lettre, car il portait -en exergue le nom entier de Mrs. W.-K., -avec sa devise : « <span lang="en" xml:lang="en">At last shut to fears</span> » -(enfin close aux peurs), que je ne me suis -jamais expliquée.</p> - -<p>Je passe à présent bien des années, des -tristesses et des pièges, sans relations -avec le sujet actuel, et j’arrive ainsi au -moment où j’atteignis enfin ma majorité.</p> - -<p>Vers cette époque, — j’avais quitté le -morne orphelinat, et je veux désormais -garder le silence sur tout ce qui concerne -Mrs W.-K., — vers cette époque, je reçus -de Hollande, par l’intermédiaire du recteur -de cet orphelinat, un volumineux envoi, -comprenant des comptes de tutelle minutieux -et compliqués, les procès-verbaux des -délibérations du conseil de famille, des -titres de propriété et de rentes, et une foule -de papiers divers et anciens.</p> - -<p>Il était de règle, en la maison que je -venais d’abandonner — afin de sauvegarder -toute égalité et d’écarter tout leurre -d’avenir, et à moins de quelque incident -inévitable, comme ce qui eut lieu pour -Walter, — de ne révéler aux orphelins -quoi que ce fût, au sujet de leurs familles -et de leurs antécédents.</p> - -<p>Je fus donc singulièrement étonné, à -l’examen de cet envoi, d’apprendre que -j’étais Hollandais, et maître d’une fortune -assez importante ; c’est plus tard seulement -que je sus à la suite de quelle négligence et -de quels mauvais vouloirs, j’avais été délaissé -au fond du Massachusetts, mais ces -détails n’ont aucun rapport avec le récit -d’aujourd’hui.</p> - -<p>J’ai dit tout à l’heure « à l’examen de cet -envoi », malheureusement cet examen fut -plus tardif que je n’aurais voulu. J’ignorais -complètement le néerlandais, et à Salem -où j’étais retourné, je me mis vainement -en quête d’un traducteur. Je résolus alors -d’apprendre une langue qui s’était si subitement -décelée maternelle, et grâce à l’anglais, -et surtout à l’allemand que je possédais, -je fus à même, au bout de deux ou -trois semaines, de lire assez couramment -les pièces les plus importantes.</p> - -<p>Une nuit, en feuilletant ainsi une liasse -de papiers au timbre colonial de Java, je -tombai, — graduellement en proie à une -crise d’étonnement et d’effroi, — je tombai -sur la brève et d’ailleurs très simple, mais -pour moi, pour moi seul, vraiment insolite -et incroyable lettre suivante, écrite de la -main de ma mère, et dont l’influence a -réellement et à jamais déplacé l’axe de ma -vie. Je traduis mot à mot du hollandais, -en omettant, comme tantôt, tout ce qui -n’est pas essentiel.</p> - -<blockquote> -<p class="date">Utrecht, 23 septembre 1862.</p> - -<div class="dots"><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b></div> -<p>… « Nous étions allés cette après-midi-là -(très probablement le 17 septembre, d’après -le contexte, qui n’est cependant pas absolument -décisif) avec la cousine Meeltje et -Mme van Brammen, prendre le thé chez la -tante van Naslaan, et l’agneau<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a> était au -jardin avec Sarthe — elle l’avait laissé seul -« un clin d’œil », sur le gazon ; et quand -elle revint, plus d’agneau ! Elle va regarder -dans le puits ; le pauvre innocent agneau -était au fond ! Elle, au lieu de l’en tirer -tout de suite, vint crier à notre fenêtre -« <span lang="nl" xml:lang="nl">’t kind is in den put ! ’t kind is in den -put !</span> » (l’enfant est dans le puits ! l’enfant -est dans le puits !). Je saute alors par la -fenêtre du salon, et je tire de l’eau le cher -agneau, qui pleurait toutes les larmes de son -petit cœur, et je cours tout d’une haleine -jusqu’à notre maison… »</p> -</blockquote> - -<div class="footnote"><p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a> « <span lang="nl" xml:lang="nl">’t Sebaapje</span> » la petite brebis, l’agneau, terme Hollandais -pour désigner les enfants, etc.</p> -</div> -<p>Cette lettre était adressée à mon père, -alors, ainsi que je l’ai dit plus haut, « <span lang="nl" xml:lang="nl">adsistent-resident</span> » -à Java. La date qu’elle -porte est légalement certaine, car, à son -retour de l’île, quatre mois après, avec -d’autres papiers délaissés par mon père, -elle fut déposée chez le notaire « Hendrik -Joannes Bruis », et elle est mentionnée -dans un inventaire enregistré à Utrecht le -3 février 1863.</p> - -<p>Au soir de cet accident, où je dus la vie -à l’angélique célérité de ma mère, j’étais -âgé de quatre mois et neuf jours, ce qu’il -m’est, naturellement, facile de prouver.</p> - -<p>Ainsi donc, cette nuit d’octobre, j’avais -communié, sans intermédiaire, avec l’invisible -et l’inexplicable, et mon âme en est -demeurée pâle et malade et sujette à toutes -les inquiétudes et à tous les effrois. Je -n’essaierai nulle élucidation aujourd’hui ; -et je classe ce phénomène parmi tant d’autres, -aux causes latentes, dont les lois sûres -seront retrouvées quelque jour. En attendant, -je veux les ignorer, comme j’ignore, -par exemple, l’innombrable inconnu des -pressentiments, ou pourquoi la mort, lorsqu’elle -a été dans une maison, y revient -inévitablement peu après. Thomas de -Quincey affirme en son étude : « <span lang="en" xml:lang="en">On the -knocking at the gate in Macbeth</span> », que -l’intelligence est une faculté inférieure de -l’esprit humain, et je crois qu’il faut s’en -défier avant tout, en ces zones d’événements. -Au reste, il vaut mieux, peut-être, ne -pas y réfléchir outre mesure, de peur de -délier à la fin les cavales blanches de la -folie, dans ce qu’un médecin illustre appelle -étrangement « le grand territoire de la -substance grise ».</p> - -<p>Mais si je crains d’approfondir cette -vision, au point de vue purement objectif, -je voulus entièrement me plonger dans la -joie de ma peur ; et c’est pourquoi, je résolus -de visiter, presque immédiatement après, -le théâtre de mon rêve.</p> - -<p>Malheureusement, d’impérieuses circonstances -abrégèrent subitement mon voyage -en Hollande, et il me fut impossible de -séjourner à Utrecht plus de sept à huit -heures.</p> - -<p>J’y descendis aux dernières heures d’une -après-midi d’hiver sombre, de nuages et de -neige. En sortant de la gare de « <span lang="nl" xml:lang="nl">Rhijnspoorweg</span> », -je devais être extraordinairement -pâle, car j’entrevis, à mon aspect, -une sorte d’hésitation et de méfiance sur -le visage des employés et des passants. -Après avoir traversé la place, on prend, -pour se rendre en ville, la « <span lang="nl" xml:lang="nl">Stationstraat</span> ». -Jusque-là rien ne m’étonna, non plus, -d’abord, que sur le canal d’enceinte, nommé -« <span lang="nl" xml:lang="nl">Stad’s buiten gracht</span> », qui coupe cette -rue à angle droit. Mais après quelques pas -le long des berges, et au bout de ce canal -désormais ineffaçable et éternel pour moi, -j’ai éprouvé, pour la première fois, cette -espèce de soudaine et polaire pâleur de -l’esprit, qui n’est heureusement réservée -qu’à quelques hommes, et mon âme, déjà -si souvent agitée par ce songe, chancela -littéralement dans mon cœur ! En face de -moi, subitement et si près que mes yeux -semblaient les toucher (encore qu’en réalité -ils fussent assez éloignés, car c’était un -effet d’optique dû à leur disproportion), au -milieu de l’irréel paysage d’une métropole -de neige, sous un ciel obscurci et comme -autrefois analogue à un glas, avec ses -eaux engourdies entre les talus, ses barques -écloses à fleur des marais morts, ses -ponts-levis en mouvement le long des rues -d’ouate, et pleines de maisons et de personnages -muets au niveau des pignons, -« je reconnaissais enfin les deux moulins -à vent, effrayants et indubitables », mobiles -aujourd’hui en une nuageuse trémulation -d’aquarium et d’éclipse, identiques, -mais plus imminents peut-être, plus funestes -et plus oppresseurs de la ville et -du bois ternement nuptiaux au-dessus -desquels ils tournaient en envoyant de -leurs épaisses ailes, des signes très tristes -à une âme qu’ils attendaient patiemment -depuis tant d’années !</p> - -<p>Après l’hallucinant coup d’œil, je voulus -d’abord éperdument courir vers eux, au -hasard des eaux et des quais ; mais l’instinct -de l’étranger m’interdit de troubler -comme une pierre cette multitude malléable -et stagnante qui s’étalait autour des ponts-levis ; -puis en route, à mesure que j’approchais -des vieux arbres du « <span lang="nl" xml:lang="nl">Pardenveld</span> », -mon enthousiasme glissait le long de moi, -comme un manteau de flammes, et j’éprouvais -une désillusion graduelle en observant -une à une de notables différences.</p> - -<p>Je ne parlerai pas de l’aspect éclatant et -pascal des entours d’aujourd’hui, qui avait -remplacé l’aspect si néfaste et comme « à -travers des glaces obscurcies » d’autrefois, -ni des ailes qui viraient actuellement dans -le ciel du second moulin, jadis si immobile, -et dont la présence avait mis un malaise -en mon coup d’œil, mais le premier des -géants noirs, celui que j’avais toujours vu -le plus exactement, me semblait incomparablement -plus élevé qu’en ma nuit d’octobre, -« comme s’il avait grandi plus vite -que les arbres », ou qu’un insolite événement -eût troublé ses proportions, par rapport -à la ville, et je voulus immédiatement -examiner cette infidélité.</p> - -<p>Je gravis le grand tertre à la cime -duquel il s’épanouissait et je vis que cette -énorme tour n’avait pas de porte, ni -aucune ouverture, à l’exception, vers le -haut, d’une étroite fenêtre déjà éclairée. -Après avoir hélé longtemps en vain, à la -longue, un visage de jeune fille, anormalement -vaste et aux allures inexplicables, et -cependant virginâtrement hollandaise, se -pencha en révulsant ainsi une chevelure -presque blanche qui coulait le long du -moulin, mais à chacun de mes cris, elle se -mettait muettement un doigt sur la -bouche ; et je n’en pus rien obtenir.</p> - -<p>Aux explications d’un paysan, je compris -enfin, péniblement, que la porte était au -bas du tertre, et que le meunier habitait -seul le moulin avec sa petite-fille hydrocéphale. -J’y allai frapper, mais comme je -parlais un hollandais encore inintelligible, -et sans doute aussi parce que j’avais l’air -las, maladif et anxieux, l’homme m’écouta -avec méfiance par l’entrebâillement de la -porte et je ne recueillis aucun éclaircissement. -Toutefois, en jetant un dernier coup -d’œil sur la tour, j’ai noté un détail qui -explique peut-être la disproportion observée : -« c’est que les briques s’étendant -depuis la toiture jusqu’à la petite fenêtre, -semblaient plus rouges et par conséquent -plus récentes que les autres ». Malheureusement, -il faisait déjà nuit, et ceci n’est -qu’une allégation incertaine.</p> - -<p>Ensuite, j’allai vers le second moulin, afin -d’apprendre à quelle époque on avait rétabli -les ailes ; mais il avait cessé de tourner -depuis un quart d’heure et semblait absolument -désert. Cependant, on m’affirma -assez évasivement, en une « <span lang="nl" xml:lang="nl">Taperij</span> » ou -auberge voisine, que les ailes actuelles -existaient depuis une vingtaine d’années.</p> - -<p>Il fallut me contenter de ces renseignements -incomplets ; et je voulus, en dernier -lieu, éclairer une autre obscurité. On n’a -pas oublié que le premier visage à l’orifice -du puits « m’avait apparu dans un ciel -orageux » et que toute ma fuite avait traversé -un paysage entièrement bouleversé -par la tempête ; or, selon la lettre de ma -mère, j’étais au jardin au moment où l’accident -eut lieu. Il y avait là une anomalie -qu’il fallait indispensablement s’expliquer. -Grâce à d’exactes indications de l’inventaire, -je savais que la maison « de la tante van -Naslaan », en laquelle j’avais eu une part -de propriété indivise, était située au n<sup>o</sup> 33 -de l’« <span lang="nl" xml:lang="nl">Oude Gracht</span> ». Par malheur, la soirée -était fort avancée, et la maison habitée -par deux vieilles dames, en train de prendre -le thé, qui n’entendirent rien à mes interrogations, -d’ailleurs timides et maladroites, -et me répondirent avec inquiétude, en verrouillant -la porte, que leur demeure n’était -pas à louer.</p> - -<p>Peut-être y avait-il là une serre, ou une -partie du jardin était-elle vitrée, à la manière -hollandaise, ce qui serait une explication -après tout suffisante. Au reste, au -sujet de l’orage du 17 septembre 1862, j’ai -noté l’entrefilet suivant dans le numéro du -vendredi 18, du « <span lang="nl" xml:lang="nl">Rotterdamsche courant</span> ». — Je -traduis : « Hier, vers 6 heures du -soir, la goélette anglaise, « <span lang="en" xml:lang="en">The faithfull -Helen</span> », capitaine Milford de Goole, a -rompu ses amarres, sous la violence du -vent, et est allée échouer au « <span lang="nl" xml:lang="nl">Willems -Kade</span> », après avoir abordé une « <span lang="nl" xml:lang="nl">tjalk</span> » -de Vlissingen. Ces dégâts sont insignifiants. »</p> - -<p>Il reste un dernier « <span lang="la" xml:lang="la">desideratum</span> ». J’ai -trouvé dans les papiers de famille envoyés -à Salem, une quittance signée de la main du -peintre belge, François-Joseph Navez, qui -doit avoir peint le portrait de ma mère -entre les années 1859 et 1860. Ce portrait -a été vendu pour une somme de 12 florins, -lors de la liquidation. Or, « il m’importerait -extrêmement de retrouver ses traces », -et c’est pourquoi je supplie tous ceux qui -seraient à même de donner quelque indice -à ce sujet, et en général au sujet de tous -les « <span lang="la" xml:lang="la">desiderata</span> » de cet éclaircissement, -de vouloir adresser leurs renseignements -à « M. Balfour Stuwart, <span lang="en" xml:lang="en">president of the -Society of psychical inquiries, 75, Catherine -street, strand, London</span> », qui se chargera -de me les transmettre. Ils rendront ainsi -service à une science nouvelle (car on sait -à quelles découvertes pourrait mener -l’éducation de cette faculté spéciale de la -mémoire, en l’appliquant, par exemple, à -la période embryonnaire, et même préembryonnaire) -et à une âme inquiète -qui a consacré sa vie à -la solution de ces -problèmes.</p> - -<div class="break"></div> - -<p class="narrow noindent top4em">Ici finissent les « Deux Contes », -de Maurice Maeterlinck ; l’un : « Le -massacre des Innocents », commençant -à la page V, l’autre : « Onirologie », -à la page XXXVII ; tous -deux précédés d’une note de -l’éditeur et d’un avis -de l’auteur.</p> - -<div class="break"></div> - -<p class="noindent narrow top4em">Ce livre, le sixième de la collection des « Variétés -littéraires », a été établi par Ad. van Bever ; -tiré à mille deux cents exemplaires, soit XXV exemplaires, -sur vieux Japon impérial, dont V hors commerce, numérotés -de I à XX et de XXI à XXV ; XXV exemplaires sur -Chine, numérotés de XXVI à L ; et MCL exemplaires sur -papier des manufactures de Rives (dont L hors commerce), -numérotés de LI à MCL et de MCLI à MCC, le présent -ouvrage a été achevé d’imprimer, en gothique française, -par Paul Hérissey, imprimeur à Évreux, le XV août -MCMXVIII ; les ornements typographiques ont -été dessinés et gravés sur bois par Louis Jou.</p> - - - -<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DEUX CONTES ***</div> -<div style='text-align:left'> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Updated editions will replace the previous one—the old editions will -be renamed. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Redistribution is subject to the trademark -license, especially commercial redistribution. -</div> - -<div style='margin:0.83em 0; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE<br /> -<span style='font-size:smaller'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE<br /> -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</span> -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase “Project -Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg™ License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.A. 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Information about the Mission of Project Gutenberg™ -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s -goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg™ and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state’s laws. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, -Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up -to date contact information can be found at the Foundation’s website -and official page at www.gutenberg.org/contact -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread -public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine-readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. 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Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Most people start at our website which has the main PG search -facility: <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -This website includes information about Project Gutenberg™, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. -</div> - -</div> diff --git a/old/66985-h/images/cover.jpg b/old/66985-h/images/cover.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 1f2f9fe..0000000 --- a/old/66985-h/images/cover.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/66985-h/images/ill_000.jpg b/old/66985-h/images/ill_000.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 5723889..0000000 --- a/old/66985-h/images/ill_000.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/66985-h/images/ill_001.png b/old/66985-h/images/ill_001.png Binary files differdeleted file mode 100644 index e7a5cfc..0000000 --- a/old/66985-h/images/ill_001.png +++ /dev/null diff --git a/old/66985-h/images/ill_002.png b/old/66985-h/images/ill_002.png Binary files differdeleted file mode 100644 index b019fcc..0000000 --- a/old/66985-h/images/ill_002.png +++ /dev/null diff --git a/old/66985-h/images/ill_003.png b/old/66985-h/images/ill_003.png Binary files differdeleted file mode 100644 index 7f38993..0000000 --- a/old/66985-h/images/ill_003.png +++ /dev/null |
