summaryrefslogtreecommitdiff
diff options
context:
space:
mode:
-rw-r--r--.gitattributes4
-rw-r--r--LICENSE.txt11
-rw-r--r--README.md2
-rw-r--r--old/66985-0.txt1459
-rw-r--r--old/66985-0.zipbin32083 -> 0 bytes
-rw-r--r--old/66985-h.zipbin262189 -> 0 bytes
-rw-r--r--old/66985-h/66985-h.htm2182
-rw-r--r--old/66985-h/images/cover.jpgbin65308 -> 0 bytes
-rw-r--r--old/66985-h/images/ill_000.jpgbin50480 -> 0 bytes
-rw-r--r--old/66985-h/images/ill_001.pngbin46302 -> 0 bytes
-rw-r--r--old/66985-h/images/ill_002.pngbin51039 -> 0 bytes
-rw-r--r--old/66985-h/images/ill_003.pngbin13196 -> 0 bytes
12 files changed, 17 insertions, 3641 deletions
diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes
new file mode 100644
index 0000000..d7b82bc
--- /dev/null
+++ b/.gitattributes
@@ -0,0 +1,4 @@
+*.txt text eol=lf
+*.htm text eol=lf
+*.html text eol=lf
+*.md text eol=lf
diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt
new file mode 100644
index 0000000..6312041
--- /dev/null
+++ b/LICENSE.txt
@@ -0,0 +1,11 @@
+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
+metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be
+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
+
+Procedures for determining public domain status are described in
+the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org.
+
+No investigation has been made concerning possible copyrights in
+jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize
+this eBook outside of the United States should confirm copyright
+status under the laws that apply to them.
diff --git a/README.md b/README.md
new file mode 100644
index 0000000..908ad8a
--- /dev/null
+++ b/README.md
@@ -0,0 +1,2 @@
+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
+eBook #66985 (https://www.gutenberg.org/ebooks/66985)
diff --git a/old/66985-0.txt b/old/66985-0.txt
deleted file mode 100644
index 59b3792..0000000
--- a/old/66985-0.txt
+++ /dev/null
@@ -1,1459 +0,0 @@
-The Project Gutenberg eBook of Deux contes, by Maurice Maeterlinck
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
-most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
-of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you
-will have to check the laws of the country where you are located before
-using this eBook.
-
-Title: Deux contes
- Le massacre des Innocents. Onirologie.
-
-Author: Maurice Maeterlinck
-
-Release Date: December 21, 2021 [eBook #66985]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: UTF-8
-
-Produced by: Laurent Vogel (This file was produced from images generously
- made available by the Bibliothèque nationale de France
- (BnF/Gallica))
-
-*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DEUX CONTES ***
-
-
-
-
- Deux contes
-
- par
- MAURICE MAETERLINCK
-
- Le Massacre des Innocents
- Onirologie
-
- Avec un portrait de l’Auteur
-
- A PARIS
- Chez Georges Crès et Cie, Éditeurs
- 116, Boulevard Saint-Germain, 116
-
- MCMXVIII
-
-
-
-
-Exemplaire sur papier de Rives
-
-Nº
-
-
-
-
-[Illustration]
-
-
-
-
-Les deux contes que nous publions ici ont paru dans des périodiques;
-l’un dans «La Pléiade» (Paris, mars 1886) et l’autre dans la «Revue
-Générale» (Bruxelles, juin 1889). Le premier a été réimprimé plusieurs
-fois, et son texte, légèrement modifié par l’auteur, figure dans ce
-livre émouvant: «Les Débris de la Guerre» (Paris, Fasquelle, 1917,
-in-18). On nous saura gré, nous voulons le croire, de trouver à la suite
-le texte d’«Onirologie», cette œuvre de jeunesse, fort ignorée, ayant
-l’attrait de l’inédit et offrant, de plus, une curieuse analogie avec
-les admirables pages publiées récemment par Maurice Maeterlinck, sous ce
-titre: «L’Hôte inconnu».
-
-Les Éditeurs.
-
-
-
-
-LE MASSACRE DES INNOCENTS
-
-
-Le «Massacre des Innocents» parut pour la première fois en 1886, dans
-une petite revue: «La Pléiade», que quelques amis et moi avions fondée
-au Quartier Latin, et qui mourut d’inanition après son sixième numéro.
-Si je fais place ici à ces modestes pages d’un début sans éclat,--car je
-n’avais rien imprimé jusqu’à ce jour,--ce n’est pas que je m’abuse sur
-les mérites de cette œuvre de jeunesse, où je m’étais simplement
-appliqué à reproduire de mon mieux les divers épisodes d’un tableau du
-musée de Bruxelles, peint au XVIe siècle par Pieter Breughel-le-Vieux.
-Mais il m’a semblé que les événements avaient transformé cet humble
-exercice littéraire en une sorte de vision symbolique: car il n’est que
-trop vraisemblable que des scènes analogues ont dû se répéter dans plus
-d’un de nos malheureux villages des Flandres ou de Wallonie; et que pour
-les décrire telles qu’elles viennent de se passer, il n’y aurait qu’à
-changer le nom des bourreaux et probablement, hélas! à en accentuer la
-cruauté, l’injustice et l’horreur.
-
-M. M.
-
-
-
-
-LE
-
-MASSACRE DES INNOCENTS
-
-
-Ce vendredi, 26 du mois de décembre, vers l’heure du souper, un petit
-vacher vint à Bethléem en criant terriblement.
-
-Des paysans qui buvaient de la cervoise en l’auberge du Lion-Bleu
-ouvrirent les volets pour regarder dans le verger du village, et virent
-l’enfant qui accourait sur la neige. Ils reconnurent que c’était le fils
-de Korneliz et lui crièrent par la fenêtre: «Qu’est-ce qu’il y a? Allez
-vous coucher!»
-
-Mais il répondit avec épouvante que les Espagnols étaient arrivés,
-qu’ils avaient incendié la ferme, pendu sa mère, dans les noyers, et lié
-ses neuf petites sœurs au tronc d’un grand arbre.
-
-Ces paysans sortirent brusquement de l’auberge, entourèrent l’enfant et
-l’interrogèrent. Il leur dit encore que les soldats étaient à cheval et
-vêtus de fer, qu’ils avaient enlevé les bêtes de son oncle Petrus Krayer
-et entreraient bientôt en forêt avec les moutons et les vaches.
-
-Tous coururent au Soleil-d’Or, où Korneliz et son beau-frère buvaient
-aussi leur pot de cervoise, et l’aubergiste s’élança dans le village en
-criant que les Espagnols approchaient.
-
-Alors il y eut une grande rumeur en Bethléem. Ces femmes ouvrirent les
-fenêtres et les paysans sortirent de leurs maisons avec des lumières
-qu’ils éteignirent lorsqu’ils furent dans le verger, où il faisait clair
-comme à midi, à cause de la neige et de la pleine lune.
-
-Ils s’assemblèrent autour de Korneliz et de Krayer, sur la place, devant
-les auberges. Plusieurs avaient apporté leurs fourches et leurs râteaux,
-et se parlaient avec terreur sous les arbres.
-
-Mais comme ils ne savaient que faire, l’un d’eux courut chercher le
-curé, à qui appartenait la ferme de Korneliz. Il sortit de sa maison
-avec le sacristain en apportant les clefs de l’église. Tous le suivirent
-dans le cimetière, et il leur cria du haut de la tour qu’il y avait des
-nuages rouges du côté de sa ferme, bien que le ciel fût bleu et plein
-d’étoiles sur tout le reste de la campagne.
-
-Ayant délibéré longtemps dans le cimetière, ils décidèrent de se cacher
-dans le bois que les Espagnols devaient traverser et de les attaquer
-s’ils n’étaient pas très nombreux, afin de reprendre le bétail de Petrus
-Krayer et le butin qu’ils avaient fait à la ferme.
-
-Ils s’armèrent de fourches et de bêches, et les femmes restèrent autour
-de l’église avec le curé.
-
-En cherchant un endroit favorable à leur embuscade, ils arrivèrent près
-d’un moulin, aux limites de la forêt, et virent brûler la ferme au
-milieu des étoiles. Ils s’installèrent là, devant une mare couverte de
-glace, sous d’énormes chênes.
-
-Un berger, que l’on appelait le nain-Roux, monta au sommet de la colline
-pour avertir le meunier, qui avait arrêté son moulin en voyant les
-flammes à l’horizon. Cependant il laissa entrer le paysan, et tous deux
-se mirent à une fenêtre pour regarder au loin.
-
-La lune brillait devant eux sur l’incendie, et ils aperçurent une longue
-foule qui marchait sur la neige. Quand ils l’eurent contemplée, le Nain
-descendit vers ceux qui étaient dans la forêt, et ils distinguèrent
-lentement quatre cavaliers, au-dessus d’un troupeau qui semblait brouter
-la plaine.
-
-Comme ils regardaient au bord de la mare, et sous les arbres éclairés de
-neige, le sacristain leur montra une haie de buis, derrière laquelle ils
-se cachèrent.
-
-Les bêtes et les Espagnols s’avancèrent sur la glace, et les moutons, en
-arrivant à la haie, broutaient déjà la verdure, lorsque Korneliz creva
-les buissons, et les autres le suivirent dans la clarté avec leurs
-fourches. Il y eut alors un grand massacre sur l’étang au milieu des
-brebis amoncelées et des vaches qui contemplaient la bataille et la
-lune.
-
-Quand ils eurent tué les hommes et les chevaux, Korneliz s’élança dans
-la prairie vers les flammes et les autres dépouillèrent les morts. Puis
-ils retournèrent au village avec les troupeaux. Les femmes qui
-regardaient la lourde forêt, derrière les murs du cimetière, les virent
-s’avancer entre les arbres et coururent à leur rencontre avec le curé,
-et ils revinrent en dansant de grandes rondes, au milieu des enfants et
-des chiens.
-
-En se réjouissant sous les poiriers du verger, où le Nain-Roux
-accrochait des lanternes en signe de kermesse, ils demandèrent au curé
-ce qu’il fallait faire.
-
-Ils résolurent enfin d’atteler un chariot pour emmener au village le
-corps de la femme et ses neuf petites filles. Les sœurs et d’autres
-paysannes de la famille de la morte y montèrent, ainsi que le curé qui
-marchait avec peine, étant vieux déjà et fort gros.
-
-Ils rentrèrent dans la forêt et arrivèrent en silence devant
-l’éblouissement des plaines, où ils virent les hommes nus et les chevaux
-renversés sur la glace lumineuse entre les arbres. Puis ils marchèrent
-vers la ferme qui brûlait au milieu du paysage.
-
-En arrivant au verger et à la maison rouge de flammes, ils s’arrêtèrent
-devant la grille pour contempler le grand malheur du paysan, dans son
-jardin. Sa femme pendait toute nue aux branches d’un énorme noyer, et
-lui, montait à l’échelle pour grimper dans l’arbre, autour duquel les
-neuf petites filles attendaient leur mère sur le gazon. Il marchait déjà
-dans les vastes ramures, lorsqu’il vit tout à coup, sur la lumière de la
-neige, la foule qui le regardait. Il fit signe de l’aider, en pleurant,
-et ils entrèrent dans le jardin. Alors le sacristain, le Nain-Roux,
-l’aubergiste du Lion-Bleu et celui du Soleil-d’Or, le curé avec une
-lanterne, et beaucoup d’autres paysans montèrent dans le noyer neigeux,
-au clair de lune, pour dépendre la morte, que les femmes du village
-reçurent dans leurs bras au pied de l’arbre, comme à la descente de
-croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
-
-Ce lendemain, on l’enterra, et il n’y eut plus d’événements
-extraordinaires à Bethléem cette semaine-là. Mais le dimanche suivant,
-des loups affamés parcoururent le pays, après la grand’messe, et il
-neigea jusqu’à midi; puis le soleil brilla soudain et les paysans
-rentrèrent dîner comme d’habitude et s’habillèrent pour le salut.
-
-A ce moment il n’y avait personne sur la place, car il gelait
-cruellement; seuls, les chiens et les poules vaguaient sous les arbres,
-où des moutons broutaient un triangle de gazon; et la servante du curé
-balayait la neige dans son jardin.
-
-Alors une troupe d’hommes armés passa le pont de pierre au bout du
-village et s’arrêta dans le verger. Des paysans sortirent de leur
-demeure, mais rentrèrent terrifiés en reconnaissant les Espagnols et se
-mirent aux fenêtres afin de voir ce qui allait se passer.
-
-Il y avait une trentaine de cavaliers couverts d’armures, autour d’un
-vieillard à barbe blanche. Ils portaient en croupe des lansquenets
-jaunes ou rouges qui mirent pied à terre et coururent sur la neige pour
-se dégourdir, pendant que plusieurs soldats habillés de fer descendaient
-aussi et pissaient contre les arbres auxquels ils avaient attaché leurs
-chevaux.
-
-Puis ils se dirigèrent vers l’auberge du Soleil-d’Or et frappèrent à la
-porte. On leur ouvrit en hésitant; et ils allèrent se chauffer près du
-feu en se faisant verser de la bière.
-
-Ensuite ils sortirent de l’auberge avec des pots, des cruches et des
-pains de froment destinés à leurs compagnons rangés autour de l’homme à
-barbe blanche qui attendait au milieu des lances.
-
-Comme la rue était déserte, le chef envoya des cavaliers derrière les
-maisons, afin de garder le village du côté de la campagne, et ordonna
-aux lansquenets d’amener devant lui les enfants âgés de deux ans et
-au-dessous, pour les massacrer, selon qu’il est écrit en l’Évangile de
-Saint Mathieu.
-
-Ils allèrent d’abord à la petite auberge du Chou-vert, et à la chaumière
-du barbier, voisines au milieu de la rue.
-
-L’un d’eux ouvrit l’étable, et une bande de porcs s’en échappa qui se
-répandit de tous côtés. L’aubergiste et le barbier sortirent de leur
-maison et demandèrent humblement aux soldats ce qu’ils désiraient; mais
-ceux-ci n’entendaient pas le flamand et entrèrent afin de chercher les
-enfants.
-
-L’aubergiste en avait un qui pleurait en chemise sur la table où l’on
-venait de dîner. Un homme le prit dans ses bras et l’emporta sous les
-pommiers, tandis que le père et la mère le suivaient en poussant des
-hurlements.
-
-Ces lansquenets ouvrirent encore l’étable du tonnelier, celle du
-forgeron, celle du sabotier; et les veaux, les vaches, les ânes, les
-cochons, les chèvres, les moutons et les lapins se promenèrent sur la
-place. Lorsqu’ils enfoncèrent le vitrage du charpentier, plusieurs
-paysans, parmi les vieillards et les plus riches de la paroisse,
-s’assemblèrent dans la rue et s’avancèrent vers les Espagnols. Ils
-ôtèrent respectueusement leurs bonnets et leurs feutres devant le chef
-au manteau de velours, en demandant ce qu’il comptait faire; mais
-lui-même ignorait leur langue et quelqu’un alla chercher le curé.
-
-Il s’apprêtait pour le salut et revêtait une chasuble d’or dans la
-sacristie. Ce paysan cria; «Les Espagnols sont dans le verger!»
-Épouvanté, le prêtre courut à la porte de l’église, suivi des enfants de
-chœur qui portaient les cierges et l’encensoir.
-
-Alors il vit les animaux des étables circulant sur la neige et sur le
-gazon, les cavaliers dans le village, les soldats devant les portes, les
-chevaux attachés aux arbres le long de la rue, les hommes et les femmes
-suppliant autour de celui qui tenait l’enfant en chemise.
-
-Il s’élança dans le cimetière, et les paysans se tournèrent avec
-inquiétude vers leur prêtre qui arrivait comme un dieu couvert d’or et
-l’environnèrent devant l’homme à barbe blanche.
-
-Il parla flamand et latin; mais le chef poussait lentement les épaules
-pour exprimer qu’il ne comprenait point.
-
-Ses paroissiens lui demandaient à voix basse: «Que dit-il? que va-t-il
-faire?» D’autres, voyant le curé, sortaient craintivement de leurs
-fermes, des femmes accouraient et chuchotaient dans les groupes, tandis
-que les soldats qui assiégeaient un cabaret, se joignaient au grand
-rassemblement qui se formait sur la place.
-
-Alors celui qui tenait par la jambe l’enfant de l’aubergiste du
-Chou-Vert, lui trancha la tête d’un coup d’épée.
-
-Ils la virent tomber devant eux, suivie du reste du corps qui saignait
-sur l’herbe. La mère ramassa celui-ci et l’emporta en oubliant la tête.
-Elle trotta vers sa maison mais se heurta contre un arbre et tomba à
-plat ventre dans la neige où elle demeura évanouie, cependant que le
-père se débattait entre deux soldats.
-
-De jeunes paysans lancèrent quelques pierres; mais les cavaliers
-abaissèrent leurs lances, les femmes s’enfuirent et le curé se mit à
-hurler avec ses paroissiens, au milieu des moutons, des oies et des
-chiens.
-
-Néanmoins, comme les soldats s’éloignaient, ils se turent pour voir ce
-qu’ils allaient faire.
-
-La bande entra dans la boutique des sœurs du sacristain; puis elle
-sortit tranquillement, sans faire de mal aux cinq femmes qui priaient à
-genoux sur le seuil.
-
-Ensuite ils avisèrent l’auberge du bossu de Saint-Nicolas. Là aussi on
-leur ouvrit à l’instant pour les apaiser; mais ils reparurent au milieu
-d’un grand tumulte, avec trois enfants sur les bras, entourés du bossu,
-de sa femme et de ses filles, qui les suppliaient à mains jointes.
-
-Arrivés devant le vieillard, ils déposèrent les enfants au pied d’un
-orme, où ils restèrent assis sur la neige en leurs habits de fête. Mais
-l’un d’eux, qui avait une robe jaune, se leva et courut en chancelant
-vers les moutons. Un soldat le poursuivit, l’épée nue; et l’enfant
-mourut la face dans l’herbe, pendant que l’on tuait les autres autour de
-l’arbre.
-
-Tous les paysans et les filles de l’aubergiste prirent la fuite en
-poussant de grands cris et rentrèrent dans les fermes. Resté seul, le
-curé suppliait les Espagnols avec des hurlements, se traînant à genoux
-d’un cheval à l’autre, les bras en croix, tandis que le père et la mère,
-assis sur la neige, pleuraient pitoyablement leurs enfants morts,
-étendus en travers de leurs jambes.
-
-En parcourant la rue, les lansquenets remarquèrent la grande maison
-bleue d’un fermier. Ils voulurent enfoncer la porte, mais elle était de
-chêne et couverte de clous. Ils prirent alors des tonneaux gelés dans
-une mare devant le seuil et s’en servirent pour monter à l’étage où ils
-pénétrèrent par la fenêtre.
-
-Il y avait eu une fête en cette ferme; et des parents étaient venus
-manger des gaufres, du flan et du jambon. Au bruit des vitres brisées,
-ils s’étaient réfugiés derrière la table couverte de cruchons et de
-vaisselle. Les soldats entrèrent dans la cuisine; et après une bataille
-où plusieurs furent blessés, s’emparèrent des petits garçons, des
-petites filles et du valet qui avait coupé le pouce d’un lansquenet, et
-sortirent en fermant la porte pour empêcher les habitants de les
-accompagner.
-
-Quand ils furent devant le vieillard, ils jetèrent les enfants sur le
-gazon et les tuèrent paisiblement avec leurs lances et leurs épées,
-pendant que sur toute la façade de la maison bleue, les femmes et les
-hommes penchés aux fenêtres de l’étage et du grenier, blasphémaient et
-s’agitaient éperdument à la vue des rodes blanches, roses ou rouges de
-leurs petits, immobiles sur l’herbe entre les arbres. Puis les soldats
-pendirent le valet de ferme à l’enseigne de la Demi-Lune, de l’autre
-côté de la rue; et il y eut un long silence dans le village.
-
-Le massacre à présent s’étendait. Les mères s’échappaient des masures,
-et à travers les jardins et les potagers, essayaient de fuir dans la
-campagne; mais les cavaliers les poursuivaient et les refoulaient dans
-la rue. Des paysans, le bonnet dans leurs mains jointes, suivaient à
-genoux ceux qui entraînaient leurs enfants, parmi les chiens qui
-aboyaient joyeusement dans le désordre. Le curé, les bras au ciel,
-courait le long des maisons, priant désespérément comme un martyr; et
-les soldats, tremblant de froid, soufflaient dans leurs doigts en
-circulant sur la route, ou, les mains dans leurs poches de leur
-haut-de-chausse, et l’épée sous le bras, attendaient devant les fenêtres
-des maisons qu’on escaladait.
-
-Voyant la douleur craintive des paysans, ils entraient maintenant par
-petites bandes dans les fermes; et tout le long de la rue c’étaient les
-mêmes scènes.
-
-Une maraîchère qui habitait la vieille chaumière de briques roses, à
-côté de l’église poursuivait, armée d’une chaise, deux hommes qui
-emportaient ses enfants dans une brouette. Elle devint malade en les
-voyant mourir; et on l’assit sur sa chaise, contre un arbre de la route.
-
-D’autres soldats grimpèrent dans les tilleuls, devant une ferme peinte
-en lilas, et enlevèrent des tuiles afin de s’introduire dans la maison.
-Quand ils reparurent sur le toit, le père et la mère, les bras tendus,
-s’élevèrent aussi dans l’ouverture, et ils les renfoncèrent à plusieurs
-reprises en leur assénant des coups d’épée sur la tête, avant de
-redescendre dans la rue.
-
-Une famille, enfermée dans la cave d’une énorme chaumière, pleurait par
-le soupirail où le père brandissait furieusement une fourche. Un
-vieillard chauve sanglotait tout seul sur un tas de fumier, une femme en
-robe orange s’était évanouie sur la place et son mari la soutenait sous
-les aisselles, en gémissant à l’ombre d’un poirier: une autre embrassait
-sa petite fille qui n’avait plus de mains, et lui soulevait
-alternativement les bras pour voir si elle ne voulait pas revivre. Une
-autre s’échappa dans la campagne et les soldats la poursuivaient entre
-les meules, à l’horizon des champs de neige.
-
-Sous l’estaminet des Quatre-fils-Aymon, se voyait le tumulte d’un siège.
-Les habitants s’étaient barricadés, et les soldats tournaient autour de
-la demeure sans y pouvoir pénétrer. Ils essayaient de grimper jusqu’à
-l’enseigne, en s’aidant des espaliers de la façade, lorsqu’ils
-découvrirent une échelle derrière la porte du jardin. Ils l’appliquèrent
-au mur et montèrent à la file. Mais l’aubergiste et toute sa famille
-leur lancèrent alors par les fenêtres, des chaises, des assiettes, et
-des escabeaux. L’échelle se rompit et les soldats tombèrent.
-
-Au fond d’une cabane, une autre bande trouva une paysanne qui lavait ses
-enfants, devant le feu, dans un cuvier. Étant vieille et presque sourde
-elle ne les entendit pas entrer. Deux hommes prirent le cuvier,
-l’emportèrent; et la femme ahurie les suivit avec les vêtements des
-petits qu’elle voulait rhabiller, mais quand elle vit, tout d’un coup,
-du haut du seuil, les taches de sang sur la neige, les berceaux
-renversés, les femmes agenouillées et celles qui agitaient les bras
-autour des morts, elle se mit à crier formidablement en frappant les
-soldats qui déposèrent le cuvier pour se défendre. Ce curé accourut
-également et les mains jointes sur sa chasuble, implora les Espagnols
-devant les enfants nus qui se lamentaient dans l’eau. Des soldats
-arrivèrent qui l’écartèrent et lièrent la folle à un arbre.
-
-Le boucher avait caché sa petite fille, et appuyé contre le mur de sa
-maison affectait de regarder avec indifférence. Un lansquenet et un de
-ceux qui avaient une armure, entrèrent chez lui et découvrirent l’enfant
-dans un chaudron de cuivre. Alors le boucher, désespéré, saisit un
-coutelas et les poursuivit dans la rue; mais une troupe qui passait le
-désarma et le pendit par les pieds aux crocs du mur, entre les bêtes
-écorchées, où il remua les bras et la tête en blasphémant jusqu’à la
-tombée de la nuit.
-
-Du côté du cimetière, il y avait un grand rassemblement devant une
-longue grange peinte en vert. L’homme pleurait à chaudes larmes sur le
-seuil. Comme il était fort gros et de joviale figure, les soldats assis
-au soleil, contre le mur, l’écoutaient avec attendrissement en
-contemplant le chien. Mais celui qui emmenait l’enfant faisait des
-gestes pour dire: «Que voulez-vous? ce n’est pas ma faute!»
-
-Un paysan pourchassé sauta dans une barque amarrée au pont de pierre et
-s’éloigna sur l’étang avec sa femme et ses enfants. N’osant se risquer
-sur la glace, les soldats marchaient pleins de colère dans les roseaux.
-Ils grimpèrent dans les saules de la rive pour tâcher d’atteindre les
-fugitifs à coups de lance, et n’y parvenant pas, ils menacèrent
-longtemps toute la famille épouvantée dans sa barque.
-
-Ce verger cependant était toujours plein de monde; car c’est là que l’on
-tuait la plupart des enfants aux pieds de l’homme à barbe blanche qui
-présidait au massacre. Les petits garçons et les petites filles qui
-marchaient déjà seuls s’y réunissaient aussi et regardaient curieusement
-mourir les autres en mangeant les tartines de leur goûter, ou se
-groupaient autour du fou de la paroisse qui jouait de la flûte sur
-l’herbe.
-
-Alors il y eut tout à coup un long mouvement dans Bethléem.
-
-Ces paysans couraient vers le château qui se trouvait sur une butte de
-terre jaune, au bout de la rue. Ils avaient aperçu le seigneur penché
-sur les créneaux de la tour, d’où il contemplait le massacre. Et les
-hommes, les femmes, les vieillards, les mains tendues, le suppliaient
-comme un roi dans le ciel. Mais, lui, levait les bras et haussait les
-épaules pour exprimer son impuissance; et comme ils l’imploraient de
-plus en plus terriblement, la tête nue, agenouillés dans la neige, en
-poussant de grandes clameurs, il rentra dans sa tour et les paysans
-n’eurent plus d’espoir.
-
-Lorsque tous les enfants furent exterminés, les soldats fatigués
-essuyèrent leurs épées et soupèrent sous les poiriers. Ensuite les
-lansquenets montèrent en croupe et ils quittèrent tous ensemble
-Bethléem, par le pont de pierre, comme ils étaient venus.
-
- * * * * *
-
-Enfin le soleil se coucha derrière la forêt. Las de courir et de
-supplier, le curé s’était assis sur la neige, devant l’église, et sa
-servante se tenait près de lui. Ils voyaient la rue et le verger plein
-de paysans qui circulaient sur la place et le long des maisons. Des
-familles, l’enfant mort sur les genoux ou dans les bras, racontaient
-leur malheur avec étonnement. D’autres le pleuraient encore où il était
-tombé, près d’un tonneau, sous une brouette, au bord d’une mare, ou
-l’emportaient silencieusement. Plusieurs lavaient déjà les bancs, les
-chaises, les tables, les chemises tachées de sang et relevaient les
-berceaux jetés dans la rue. Mais presque toutes les mères se lamentaient
-sous les arbres, devant les petits corps étendus sur le gazon, et
-qu’elles reconnaissaient à leurs robes de laine. Ceux qui n’avaient pas
-d’enfants se promenaient sur la place et s’arrêtaient autour des groupes
-désolés. Les hommes qui ne pleuraient plus, poursuivaient avec les
-chiens leurs bêtes échappées ou réparaient leurs fenêtres brisées et
-leurs toits entr’ouverts, tandis que le village s’apaisait aux clartés
-de la lune qui montait dans le ciel.
-
-
-
-
-ONIROLOGIE
-
-
- Of this at least I feeld assured that there is not such thing as
- «forgetting» possible to the mind.
-
- Thomas de Quincey.
-
-
-
-
-ONIROLOGIE
-
-
-Je descends d’une vieille famille hollandaise. Mon père était ce qu’on
-appelle en néerlandais «Adsistent-Resident» de Lebak en l’île de Java.
-J’ignore tout de sa vie et de ses aventures, à l’exception de ses
-démêlés, célèbres à cette époque, avec le Régent indigène: «Radhen
-Adhipatti Karta Natta Negara», dont j’ai lu, bien des soirs, le bizarre
-et tranquille récit dans les collections du «Javasche Courant» et du
-«Nieuws van den Dag» d’Amsterdam. Il était allé aux colonies avec ma
-grand’mère et y mourut lorsque je n’avais pas encore atteint ma deuxième
-année.
-
-Ma mère,--une faible et pâle Anglaise que l’amour avait exilée en
-Hollande,--(j’ai recherché et appris tout ceci depuis l’inquiétante
-aventure), ma mère était restée à Utrecht, où nous habitions une étroite
-demeure sur le «Singel», ou canal d’enceinte, du côté du «Pardenveld».
-Elle mourut peu de mois après mon père et peut-être à la suite même de
-l’accident qui a eu pour moi d’aussi troublantes émersions. J’étais
-alors l’enfant aux yeux clos et la pauvre âme endormie des grands
-espaces blancs et des limbes de la vie, en sorte que je n’ai
-«naturellement» (j’emploie «naturellement» au sens strict et ordinaire
-du mot), conservé aucun souvenir de ces jours où des visages amis
-s’éteignaient à jamais autour de moi.
-
-Ensuite, et bien longtemps après, au réveil de cette immobile nuit de
-l’enfance, je m’entrevois en une vieille maison de la vieille et
-américaine Salem, et en face d’un oncle puritain, extraordinairement
-gros, pâle et taciturne. Enfin, cet oncle lui-même, «que je n’entendis
-jamais prononcer un seul mot et que je ne revis jamais plus», disparaît
-à son tour, sans autre souvenir que celui de son vague corps énorme en
-cette maison de bois verdi par les ans et si extrêmement, si
-insolitement petite, qu’il semblait la surcharger et en déborder comme
-un être d’autrefois, lorsqu’il se penchait des journées entières aux
-fenêtres ouvertes sur un sombre et humide jardin où j’errais seul.
-Ainsi, sans liens dans un passé presque inconsistant encore, sans visage
-et sans mains de femmes autour de mon enfance, je me vis, sachant à
-peine me tenir debout, au milieu d’une cour entourée des hauts bâtiments
-de pierre d’un antique orphelinat oublié au fond d’une immémoriale forêt
-du Massachusetts. Et maintenant j’arrive à des jours dont je me souviens
-trop nettement, et à des années sans issues, de tristesses et d’abandons
-sans horizons, entre ces moroses et mornes descendants des puritains
-d’Isaac Johnson, enfants au sourire blanchâtre et aux yeux obliques,
-égarés en ces dortoirs aux alcôves noires et voûtées sous l’effroi de
-cet édifice si souvent environné d’orages. Mais j’aime mieux ne plus me
-souvenir. Ici d’ailleurs finissent les antécédents nécessaires mais
-lointains, et il faut à présent examiner plus minutieusement les
-circonstances qui ont immédiatement précédé l’anormal incident et
-l’énigme dont les ailes ont laissé pour longtemps leurs ombres sur mon
-âme.
-
-Entre tous ces enfants aux vêtements si lugubres qui habitaient avec moi
-ce terne orphelinat américain; entre tous ces enfants presque muets, une
-pauvre âme affligée et affaiblie avait seule attiédi mon abandon. J’ai
-son cher nom sur mes lèvres, et son image en l’âme de mon âme; mais on
-comprendra peut-être, et tout à l’heure, pour quelles tristes raisons il
-m’est impossible de le révéler ici. Je ne dirai même pas ce nom à ceux
-qui voudraient se donner la peine de faire une enquête sur
-l’authenticité de cette histoire, et à moins que mon malheureux ami ne
-parle lui-même, nul ne le saura jamais.
-
-A cette époque, j’avais un peu plus de dix-huit ans, et mon unique
-ami--je l’appellerai Walter ici, ce nom d’ailleurs se rapproche un peu
-de son nom véritable,--mon unique et mélancolique ami avait environ le
-même âge. J’étais alors un pauvre être maladif et extraordinairement
-émacié sous l’ennui sans interstices de cette vie claustrale, et je
-souffrais de troubles nerveux, qui faisaient de mes nuits une trame de
-douleurs. Malgré mes plaintes, l’austère et malveillant médecin de la
-maison me laissait sans remèdes; mais à la longue, mes maîtres
-s’inquiétèrent un peu, et s’ingénièrent à imaginer quelque distraction à
-mon mal. Le pauvre Walter vint alors à mon aide. Walter avait une tante,
-Mrs W.-K., qui occupait un éclatant cottage aux environs de Boston, et
-non loin de la mer; et il obtint un soir l’autorisation de m’emmener
-chez elle. Il y avait plus de quinze ans que je n’avais franchi le seuil
-de la grande porte dont les battants s’ouvraient sur la vallée, et je
-n’oublierai plus cette soirée. A notre arrivée, Mrs W.-K. me reçut sans
-arrière-pensée apparente; nous ignorons d’ailleurs, en ce moment, les
-anormales occupations et les desseins étranges de cette femme, et il
-vaut mieux que ceux qui écoutent ceci les ignorent également.
-
-Il y avait déjà bien des jours que je m’attardais en cette hospitalité
-maternelle dont je ne savais pas «alors» les dangers, et aux
-encouragements de ceux qui m’entouraient, je prenais un peu d’opium aux
-dernières heures des après-midi, parfois douloureuses de cet octobre
-inoubliable. Maintenant, il faut que j’énumère très méticuleusement tous
-les détails de la soirée et de la nuit de l’incident, car plusieurs
-d’entre eux pourraient avoir une importance spéciale, au point de vue de
-l’explication et de l’«éducation» du phénomène, encore qu’il soit triste
-d’avoir à s’arrêter en d’aussi obscurs intervalles de l’événement.
-
-Un soir, après l’heure du thé, j’étais en cet état de béatitude
-invisible et subtile que s’imagineront seuls les mangeurs d’opium. Mrs
-W.-K. vers laquelle je me retournais parfois, comme on se retourne vers
-un pas dans une rue déserte, Mrs W.-K., accoudée sous les tilleuls de la
-terrasse, regardait s’allumer les étoiles sur la ville américaine.
-Walter était absent, et j’étais allé avec Annie, l’unique enfant de la
-tante de Walter, au fond du jardin, où il y avait un bois ancien,
-profond et obscur; un bois où l’on pouvait s’attendre à mainte aventure
-et si vieux, que nous avions l’habitude d’y parler à voix basse. Après
-avoir suivi de lointaines musiques éparses en ce bois comme des fils de
-soie multicolore, nous nous assîmes là; et à présent, lequel des
-incidents de ce soir influa sur ma nuit? Fut-ce ce bassin de marbre avec
-sa fontaine aux reflets de tilleuls? ou les arbres, extraordinaires à
-travers ma mémoire, et auxquels Annie appliquait un mot: «Verdurous
-gloom», qui semblait les mettre sous verre? ou la lune, sur
-l’Atlantique, semblable à une fleur muette? ou tout ce bois hanté de
-triste avenir? ou fut-ce, avant tout, le départ prochain d’Annie, un
-départ déjà sans retour, et dont ses frêles mains aux gants de ténèbres,
-semblaient m’avertir comme d’un mal entre le mal qu’on allait me
-vouloir? ou fut-ce, enfin, un anneau d’or, qu’elle laissa choir dans le
-bassin où elle éveilla une autre et étrange elle-même en le reprenant à
-travers l’eau froide? Savait-elle quelque chose? Je ne sais, je ne sais,
-je ne saurai jamais, car à présent tant de terre et d’années sont sur
-elle!
-
-J’ai noté exactement ceci, parce qu’en «l’éducation» dont j’ai parlé, il
-importerait peut-être de tenter un grand nombre d’expériences analogues,
-afin d’attoucher ainsi, un peu au hasard, quelque scène endormie au fond
-de l’âme et que cette espèce d’incantation pourrait réveiller. J’ajoute
-enfin un antécédent accessoire, mais dont il ne faudrait cependant pas
-négliger l’aide; au reste, on verra plus loin.
-
-En ce moment les lumières de la ville lointaine s’éteignaient comme
-tombaient les feuilles de la forêt automnale. En rentrant dans ma
-chambre après cette soirée au jardin, je pris--induit peut-être à cette
-idée par l’image de la fontaine,--je pris un volume de l’insolite et
-aquatique poète anglais, Thomas Hood, en flottant ainsi, jusque très
-avant dans la nuit, au fil albumineux des visions sous-marines de son
-admirable «Water Lady», du «Lycus the Centaur» et de «Hero and Leander».
-Avant tout (et c’était sans nul doute un effet de l’opium), ce dernier
-poème m’attarda, à cause de la descente du malheureux Léandre à travers
-toute la mer, en une immersion infinie, au bras de la sirène, au milieu
-d’êtres muets aux yeux ronds, de plantes en jaune d’œuf, d’anémones
-d’aniline et de dahlias d’albumine, pendant qu’un vers monotone énumère
-entre les strophes les évolutions de leur passage en glauque spirale
-vibratile:
-
- Down and still downwards through the dusky green.
-
-Et tout au long de cette spirale d’eau verte, la sirène aux yeux où
-meurt le corps de Léandre et aux seins en bulles translucides, embrasse
-son involontaire amant, sur les lèvres duquel s’éteint en énormes perles
-le nom de Héro, jusqu’à ce qu’arrivés au fond lunaire des prairies
-sous-marines, la naïve vierge des mers s’étonne comme un enfant de voir
-le beau corps presque immobile et les yeux déjà clos, et s’agenouille à
-ses côtés en admirant ses derniers efforts pour échapper aux mailles
-bleues de l’Océan.
-
-C’est ainsi que je m’endormis, en accueillant en mes yeux les rives
-hantées de la glace de la cheminée où je voyais s’enfoncer la spirale de
-Léandre--jusqu’au sommeil--et voici ce que je vis immédiatement après:
-
-Sans nul préliminaire, je fus au fond d’un puits, ou du moins, je fus au
-fond d’une eau autour de laquelle régnait une impression de murailles,
-d’éminentes et étroites murailles, et je m’y noyais sans interruption, à
-travers un infini déroulement de transparences au milieu de ces efforts
-immobiles qui forment un des supplices propres aux songes et sans
-analogues dans la vie volontaire. En ce moment, j’étais assez près de la
-mort, et ici, il faut que j’explique très soigneusement un des plus
-singuliers phénomènes de mon rêve.
-
-On n’ignore pas que le rêve est toujours et exclusivement «égoïste»; et
-que cet égoïsme est tellement intense, aveugle et convergent, qu’il
-annule le passé et l’avenir au profit du moment où il règne sur
-l’horizon du cerveau.
-
-En d’autres termes, tout s’actualise dans la conscience du dormeur, et
-il n’y a pas de rêve que l’on sache «prospectif» du «rétrospectif» au
-moment où il a lieu. Je remets ce principe en mémoire parce qu’il
-servira tout à l’heure à éclairer la situation assez embarrassée de mon
-esprit en cet instant: sans avoir d’ailleurs l’intention d’élucider les
-mouvements si spéciaux et en apparence illogiques, de l’horlogerie du
-cerveau durant le sommeil. Au moment où je mourais ainsi au fond de
-l’eau, se produisit d’abord un phénomène extrêmement anormal, et dont je
-n’eus l’explication que bien des années après. Était-ce un souvenir de
-lectures anciennes, où j’avais appris que les noyés, à l’instant de leur
-mort, revoient, en une espèce de miroir, leur vie entière avec ses
-incidents les plus minutieux? Ou cette vision de l’existence est-elle
-réellement inséparable de la mort par immersion et se trouvait-elle
-naturellement amenée ici? Je ne sais; mais j’eus l’idée de cette espèce
-de miroir, et alors, comme l’esprit du songeur est assez semblable à
-celui d’un tout petit enfant, incapable d’abstraction, et en qui toute
-idée devient image et toute pensée se transforme en acte, j’eus
-immédiatement en main ce miroir même auquel j’avais songé et je me mis à
-y regarder attentivement.
-
-Ici, je voudrais pouvoir exprimer mon étonnement (car le jugement
-demeure souvent intact pendant le sommeil, et un rêve peut paraître
-comique par exemple, encore que le rire n’y naisse pas toujours d’une
-disproportion, ou de la «relation brisée» comme dit Hello, et puisse
-avoir des causes plus mystérieuses), je voudrais pouvoir exprimer mon
-étonnement, lorsque je réfléchis à l’invraisemblable vision, «car ce
-miroir était à peu près vide», et cependant, en comptant mes années, il
-eût dû être peuplé de tristes événements! tandis que ce n’était qu’en un
-de ses angles que j’aperçus quelques vagues images à moitié dissoutes en
-des obnubilations mobiles et d’une couleur fade. On eût dit de ces
-dessins que tracent les enfants, et j’y reconnus les formes
-embryonnaires d’un certain nombre de seins, une ronde feuille verte, un
-rais de lumière, un morceau de lange et une petite main de nouveau-né
-entr’ouverte. Tout le reste se perdait en une obscurité que je n’eus pas
-le loisir d’examiner, et néanmoins, il devait y avoir là bien des choses
-inconnues et peut-être «antérieures». Mais au bout de mon coup d’œil le
-miroir s’éteignit, et mon rêve continua. Je n’insiste donc plus sur cet
-incident accessoire.
-
-Levant ensuite les yeux vers l’orifice du puits, j’y entrevis, penchés,
-«au milieu d’un ciel orageux», un visage de femme, et en même temps un
-geste d’effroi où il y avait une multitude de fuites. En passant, il
-faut observer que, dans ce récit fait d’après des souvenirs atténués,
-ceci comme tout ce qui est du ressort de la raison diurne, prend
-nécessairement une allure logique qui n’était nullement celle du rêve,
-où maints événements, successifs ici, s’emmêlaient; on sait d’ailleurs
-que le rêve, en apparence le plus long, dure à peine l’espace d’un
-battement de cœur, et n’est qu’un afflux extraordinairement bref
-d’aventures et d’images. Je venais à peine d’entrevoir ce geste, qu’il
-s’évanouit; et je fus immédiatement imprégné de l’idée qu’une espèce de
-cri spécial, inconnu et incompréhensible, devait avoir accompagné cet
-évanouissement. Mais avant d’aller plus loin, une brève glose est à ce
-propos strictement nécessaire.
-
-Je ne crois pas qu’on entende ordinairement un son en rêve, c’est-à-dire
-«un véritable son de rêve», et non un bruit effectif et extérieur qui,
-grâce à la mobilité du songe, peut parfaitement s’adapter à l’un de ses
-épisodes. Il me semble, au contraire, que le rêve est presque toujours
-«muet», et que tous ses personnages marchent, parlent et agissent au
-milieu d’une matière molle et singulièrement insonore. L’oreille du
-dormant «est déjà inutile», et il use exactement de cette invention au
-bord de laquelle nous attendons encore pendant le jour, et qui rendra
-superflues, avant peu, les découvertes assez puériles du télégraphe et
-du téléphone. Je veux parler de la communion des esprits ou de
-l’introspection réciproque de toutes les intelligences et de ce qu’on
-pourrait appeler la «Télépsychie», qui permettra à toute âme, à un
-moment donné, de communiquer avec telle autre qu’elle voudra, située
-n’importe où dans l’espace ou le temps, après qu’on aura retrouvé les
-liens qui nous unissent les uns aux autres et dont le magnétisme et la
-télépathie rattachent actuellement les premiers fils épars.
-
-Ainsi, je sus, grâce à cette intuition du dormant, qu’une clameur
-étrange avait été poussée. Après de longues années je reconnus la nature
-et le sens exact de cette clameur; mais je la donnerai plus loin, telle
-qu’elle m’apparut à mon réveil, et que je la notai dès le lendemain, au
-moment où j’ignorais tout de ma famille, de mon enfance et de mes
-origines. Je n’aurais du reste pas osé rapporter ce détail presque
-enfantin, mais significatif, si je n’étais à même de le prouver d’une
-manière irréfragable.
-
-Il y eut quelque confusion dans les événements subséquents, ainsi qu’il
-arrive parfois aux endroits les plus importants des songes, car la
-raison nocturne a bien des détours ignorés. Mais je revois distinctement
-qu’une femme m’apparut, extraordinairement nette, à l’exception du
-visage, où des traits, en tout semblables à ceux d’Annie, luttaient et
-se mêlaient sans interruption avec d’autres traits d’une indéfinissable
-impression, que j’appellerai, peu approximativement, «de réticence, et à
-la fois implicite et virtuelle» (et ce visage, je le reconnaîtrais
-néanmoins sans hésitation, «mais uniquement, je pense, durant la nuit»;
-au surplus, il vaut mieux ne pas approfondir ces interpénétrations
-d’identité dans les songes). Je me rappelle ensuite que je fus arraché à
-l’eau du puits par un geste analogue à celui d’Annie à la fontaine, «en
-considérant uniquement le reflet de ce geste, c’est-à-dire, qu’il me
-sembla être sauvé par un bras nu qui sortait de l’eau». Et après une
-incolore lacune, je me trouvai tout à coup en plein air, sous un ciel de
-pluie, d’orage et de soir, et celle qui m’avait sauvé, et qui
-m’embrassait «en me parlant une langue que je ne comprenais plus»,
-m’emportait le long de rues et de quais éclairés.
-
-En cet endroit, je note une exception assez bizarre aux habitudes du
-songe: «c’est que je vis une partie du paysage que je traversais». Il
-faut observer, en effet, que le paysage du sommeil est «presque toujours
-utile», en ce sens qu’il n’existe qu’autant qu’il fasse partie
-intégrante de l’action, et au fur et à mesure de cette action. Il est
-sobre en outre comme un décor de Shakspeare, et les personnages n’ont
-que le morceau de terrain strictement nécessaire à leurs évolutions,
-tandis que ces fragments d’entours indispensables accompagnent le drame
-pas à pas. C’est ainsi qu’en un rêve où j’étais poursuivi par une
-pullulation de serpents blancs, je vis s’élever successivement devant
-moi, les taillis, les touffes de plantes et les haies au travers
-desquelles je passais pour leur échapper, sans avoir une vision
-d’ensemble de la plaine où je fuyais. Une autre fois (mais cet exemple
-est néanmoins d’«une nature différente», et l’égoïsme du dormeur n’est
-pas «ici» la cause de l’annulation du paysage), ayant acheté un très
-vieux château, et ne parvenant pas--à cause de l’une de ces
-impossibilités arbitraires du rêve--à me rendre compte de l’étendue du
-domaine, je montai sur un grand arbre, pour jeter de là un coup d’œil
-sur le parc; mais, à mon insu, tout le terrain s’élevait avec moi, et il
-me fut impossible d’apercevoir quelque chose au delà de l’avenue où
-j’étais. A part ceci, il peut arriver toutefois, que le paysage serve de
-«leitmotiv», à quelque acteur, et que celui-ci se présente avec le
-milieu où il se meut à l’ordinaire; par exemple, un forgeron apparaîtra
-parfois avec sa forge, un malade avec son lit, un horticulteur avec sa
-serre, sans que ces accessoires subtils encombrent l’action ou le
-théâtre nocturne. Mais je doute des songes descriptifs et des sites où
-le dormant n’est pas mêlé, et cependant, ce que j’entrevis n’agissait
-pas en ce dernier épisode.
-
-C’était un paysage comme celui qu’un homme effrayé regarde; un ciel de
-cyclone où une lune se révélait par intervalles, des quais et des canaux
-d’eaux noires, margés d’arbres très vieux et bouleversés, des
-ponts-levis dressés comme des bras de terreur, de petites maisons à
-pignons avec des poulies aux lucarnes, une multitude de barques avec des
-lanternes, mais surtout (car il se peut que les précédentes apparitions
-aient été éveillées depuis, tandis que cette dernière est d’une
-inquiétante et inébranlable certitude), deux moulins noirs, l’un, aux
-ailes titaniques et immobiles, et l’autre, un peu en arrière, dépouillé,
-sombre, nu, abstrait, et sans ailes, et énormes tous deux, énormes et
-hauts comme des tours à l’angle de la ville, oppressaient une violente
-et ténébreuse touffe d’arbres extrêmement grands et anciens.
-
-Au détour d’une rue antique, je fis un effort pour revoir encore ces
-deux extraordinaires témoins, et, avec ce déséquilibre des mouvements et
-cette absence de mesure ordinaires au sommeil, en me retournant, je
-heurtai le fer du lit et je m’éveillai.
-
-En cet état spécial entre la veille et le sommeil, qui est comme
-l’entr’acte des songes, et où la volonté renaît un peu, j’essayai
-d’analyser ma vision et de la fixer ainsi dans un demi-réel, car la
-mémoire du sommeil est inexplicablement fugace et fragile, et tandis
-qu’on peut se rappeler indéfiniment et exactement telle pensée ou image,
-«créée pendant le jour», les images des songes, alors même qu’on a eu
-soin de les établir nettement au réveil, et de les acclimater ainsi dans
-la vie diurne, ne se laissent pas évoquer plus de deux ou trois fois, et
-à chacune de ces évocations elles s’affaiblissent jusqu’à confluer en
-une mort indistincte, comme si on les entrevoyait à travers quelque
-verre grossissant qui s’éloigne outre mesure. Je ne m’attarde pas à
-cette énigmatique anomalie de la mémoire, elle n’eut pas entièrement
-lieu, du reste, dans le rêve en question, et le lendemain et depuis, je
-pus éveiller assez minutieusement tous ses souvenirs.
-
-Annie, ce lendemain qui était un samedi, allait rejoindre Walter à
-New-Haven, sans avoir eu le temps de me dire adieu. Elle devait revenir
-le mardi suivant, mais elle ne revint plus. Je lui écrivis ce jour même
-une lettre, où je lui parlais incidemment de ce rêve auquel elle me
-semblait si ineffablement mêlée. Je traduis littéralement de l’anglais,
-en omettant simplement les propos inutiles ou inefficaces.--On me
-pardonnera, j’espère, la gaucherie de cette traduction, car il importait
-de rendre «verbatim» le texte américain qui m’a été restitué et que j’ai
-conservé par devers moi.
-
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
- ... «A propos, j’ai rêvé de toi, Annie, mais ô, d’une étrange, étrange
- toi! Sache d’abord que je me noyais au fond d’un insondable puits;
- alors vint une très vieille femme regarder dans le puits, en levant
- les bras, et en exclamant une incompréhensible phrase en fort mauvais
- anglais: «The kind is in the pit! the kind is in the pit![1]» ou une
- chose analogue.
-
- [1] «Kind» en anglais, genre, espèce, ou l’adjectif: bon,
- bienveillant, etc.
-
- «Qu’est cela?--Après vint une autre femme, semblable à toi, Annie, ou
- du moins, une presque en tout semblable à toi, sauf quant au visage
- qui était bien plus triste. Alors toi, ou elle, m’as tiré de l’eau, en
- te penchant sur le puits comme tu fis vendredi soir à la fontaine, et
- tu m’emportas en tes bras (moi si grand et si lourd cependant) dans
- une ville que je n’avais jamais vue auparavant, et où, à droite, il y
- avait une vieille forêt de très hauts arbres, et au delà, deux
- effrayants, effrayants moulins à vent, «tels qu’il n’en existe pas
- ici», et dont un absolument sans ailes...»
-
-L’enveloppe de cette lettre (elle n’adhère malheureusement pas à la
-lettre même, mais l’écriture est si parfaitement identique, que nul
-doute n’est possible), porte le timbre vert des États de l’Union. Il a
-été oblitéré à Boston, le 25 octobre 1880, 11. a. m. A la réception à
-New-Haven, un timbre humide a marqué: «New-Haven, Wharf 25/10.80. 4 n.»
-Je mets ces deux pièces à la disposition de ceux que cet événement
-psychique pourrait intéresser. J’ai été obligé d’effacer sur
-l’enveloppe, le nom patronymique d’Annie, et de découper l’angle gauche
-de la lettre, car il portait en exergue le nom entier de Mrs. W.-K.,
-avec sa devise: «At last shut to fears» (enfin close aux peurs), que je
-ne me suis jamais expliquée.
-
-Je passe à présent bien des années, des tristesses et des pièges, sans
-relations avec le sujet actuel, et j’arrive ainsi au moment où
-j’atteignis enfin ma majorité.
-
-Vers cette époque,--j’avais quitté le morne orphelinat, et je veux
-désormais garder le silence sur tout ce qui concerne Mrs W.-K.,--vers
-cette époque, je reçus de Hollande, par l’intermédiaire du recteur de
-cet orphelinat, un volumineux envoi, comprenant des comptes de tutelle
-minutieux et compliqués, les procès-verbaux des délibérations du conseil
-de famille, des titres de propriété et de rentes, et une foule de
-papiers divers et anciens.
-
-Il était de règle, en la maison que je venais d’abandonner--afin de
-sauvegarder toute égalité et d’écarter tout leurre d’avenir, et à moins
-de quelque incident inévitable, comme ce qui eut lieu pour Walter,--de
-ne révéler aux orphelins quoi que ce fût, au sujet de leurs familles et
-de leurs antécédents.
-
-Je fus donc singulièrement étonné, à l’examen de cet envoi, d’apprendre
-que j’étais Hollandais, et maître d’une fortune assez importante; c’est
-plus tard seulement que je sus à la suite de quelle négligence et de
-quels mauvais vouloirs, j’avais été délaissé au fond du Massachusetts,
-mais ces détails n’ont aucun rapport avec le récit d’aujourd’hui.
-
-J’ai dit tout à l’heure «à l’examen de cet envoi», malheureusement cet
-examen fut plus tardif que je n’aurais voulu. J’ignorais complètement le
-néerlandais, et à Salem où j’étais retourné, je me mis vainement en
-quête d’un traducteur. Je résolus alors d’apprendre une langue qui
-s’était si subitement décelée maternelle, et grâce à l’anglais, et
-surtout à l’allemand que je possédais, je fus à même, au bout de deux ou
-trois semaines, de lire assez couramment les pièces les plus
-importantes.
-
-Une nuit, en feuilletant ainsi une liasse de papiers au timbre colonial
-de Java, je tombai,--graduellement en proie à une crise d’étonnement et
-d’effroi,--je tombai sur la brève et d’ailleurs très simple, mais pour
-moi, pour moi seul, vraiment insolite et incroyable lettre suivante,
-écrite de la main de ma mère, et dont l’influence a réellement et à
-jamais déplacé l’axe de ma vie. Je traduis mot à mot du hollandais, en
-omettant, comme tantôt, tout ce qui n’est pas essentiel.
-
- Utrecht, 23 septembre 1862.
-
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
- ... «Nous étions allés cette après-midi-là (très probablement le 17
- septembre, d’après le contexte, qui n’est cependant pas absolument
- décisif) avec la cousine Meeltje et Mme van Brammen, prendre le thé
- chez la tante van Naslaan, et l’agneau[2] était au jardin avec
- Sarthe--elle l’avait laissé seul «un clin d’œil», sur le gazon; et
- quand elle revint, plus d’agneau! Elle va regarder dans le puits; le
- pauvre innocent agneau était au fond! Elle, au lieu de l’en tirer tout
- de suite, vint crier à notre fenêtre «’t kind is in den put! ’t kind
- is in den put!» (l’enfant est dans le puits! l’enfant est dans le
- puits!). Je saute alors par la fenêtre du salon, et je tire de l’eau
- le cher agneau, qui pleurait toutes les larmes de son petit cœur, et
- je cours tout d’une haleine jusqu’à notre maison...»
-
- [2] «’t Sebaapje» la petite brebis, l’agneau, terme Hollandais pour
- désigner les enfants, etc.
-
-Cette lettre était adressée à mon père, alors, ainsi que je l’ai dit
-plus haut, «adsistent-resident» à Java. La date qu’elle porte est
-légalement certaine, car, à son retour de l’île, quatre mois après, avec
-d’autres papiers délaissés par mon père, elle fut déposée chez le
-notaire «Hendrik Joannes Bruis», et elle est mentionnée dans un
-inventaire enregistré à Utrecht le 3 février 1863.
-
-Au soir de cet accident, où je dus la vie à l’angélique célérité de ma
-mère, j’étais âgé de quatre mois et neuf jours, ce qu’il m’est,
-naturellement, facile de prouver.
-
-Ainsi donc, cette nuit d’octobre, j’avais communié, sans intermédiaire,
-avec l’invisible et l’inexplicable, et mon âme en est demeurée pâle et
-malade et sujette à toutes les inquiétudes et à tous les effrois. Je
-n’essaierai nulle élucidation aujourd’hui; et je classe ce phénomène
-parmi tant d’autres, aux causes latentes, dont les lois sûres seront
-retrouvées quelque jour. En attendant, je veux les ignorer, comme
-j’ignore, par exemple, l’innombrable inconnu des pressentiments, ou
-pourquoi la mort, lorsqu’elle a été dans une maison, y revient
-inévitablement peu après. Thomas de Quincey affirme en son étude: «On
-the knocking at the gate in Macbeth», que l’intelligence est une faculté
-inférieure de l’esprit humain, et je crois qu’il faut s’en défier avant
-tout, en ces zones d’événements. Au reste, il vaut mieux, peut-être, ne
-pas y réfléchir outre mesure, de peur de délier à la fin les cavales
-blanches de la folie, dans ce qu’un médecin illustre appelle étrangement
-«le grand territoire de la substance grise».
-
-Mais si je crains d’approfondir cette vision, au point de vue purement
-objectif, je voulus entièrement me plonger dans la joie de ma peur; et
-c’est pourquoi, je résolus de visiter, presque immédiatement après, le
-théâtre de mon rêve.
-
-Malheureusement, d’impérieuses circonstances abrégèrent subitement mon
-voyage en Hollande, et il me fut impossible de séjourner à Utrecht plus
-de sept à huit heures.
-
-J’y descendis aux dernières heures d’une après-midi d’hiver sombre, de
-nuages et de neige. En sortant de la gare de «Rhijnspoorweg», je devais
-être extraordinairement pâle, car j’entrevis, à mon aspect, une sorte
-d’hésitation et de méfiance sur le visage des employés et des passants.
-Après avoir traversé la place, on prend, pour se rendre en ville, la
-«Stationstraat». Jusque-là rien ne m’étonna, non plus, d’abord, que sur
-le canal d’enceinte, nommé «Stad’s buiten gracht», qui coupe cette rue à
-angle droit. Mais après quelques pas le long des berges, et au bout de
-ce canal désormais ineffaçable et éternel pour moi, j’ai éprouvé, pour
-la première fois, cette espèce de soudaine et polaire pâleur de
-l’esprit, qui n’est heureusement réservée qu’à quelques hommes, et mon
-âme, déjà si souvent agitée par ce songe, chancela littéralement dans
-mon cœur! En face de moi, subitement et si près que mes yeux semblaient
-les toucher (encore qu’en réalité ils fussent assez éloignés, car
-c’était un effet d’optique dû à leur disproportion), au milieu de
-l’irréel paysage d’une métropole de neige, sous un ciel obscurci et
-comme autrefois analogue à un glas, avec ses eaux engourdies entre les
-talus, ses barques écloses à fleur des marais morts, ses ponts-levis en
-mouvement le long des rues d’ouate, et pleines de maisons et de
-personnages muets au niveau des pignons, «je reconnaissais enfin les
-deux moulins à vent, effrayants et indubitables», mobiles aujourd’hui en
-une nuageuse trémulation d’aquarium et d’éclipse, identiques, mais plus
-imminents peut-être, plus funestes et plus oppresseurs de la ville et du
-bois ternement nuptiaux au-dessus desquels ils tournaient en envoyant de
-leurs épaisses ailes, des signes très tristes à une âme qu’ils
-attendaient patiemment depuis tant d’années!
-
-Après l’hallucinant coup d’œil, je voulus d’abord éperdument courir vers
-eux, au hasard des eaux et des quais; mais l’instinct de l’étranger
-m’interdit de troubler comme une pierre cette multitude malléable et
-stagnante qui s’étalait autour des ponts-levis; puis en route, à mesure
-que j’approchais des vieux arbres du «Pardenveld», mon enthousiasme
-glissait le long de moi, comme un manteau de flammes, et j’éprouvais une
-désillusion graduelle en observant une à une de notables différences.
-
-Je ne parlerai pas de l’aspect éclatant et pascal des entours
-d’aujourd’hui, qui avait remplacé l’aspect si néfaste et comme «à
-travers des glaces obscurcies» d’autrefois, ni des ailes qui viraient
-actuellement dans le ciel du second moulin, jadis si immobile, et dont
-la présence avait mis un malaise en mon coup d’œil, mais le premier des
-géants noirs, celui que j’avais toujours vu le plus exactement, me
-semblait incomparablement plus élevé qu’en ma nuit d’octobre, «comme
-s’il avait grandi plus vite que les arbres», ou qu’un insolite événement
-eût troublé ses proportions, par rapport à la ville, et je voulus
-immédiatement examiner cette infidélité.
-
-Je gravis le grand tertre à la cime duquel il s’épanouissait et je vis
-que cette énorme tour n’avait pas de porte, ni aucune ouverture, à
-l’exception, vers le haut, d’une étroite fenêtre déjà éclairée. Après
-avoir hélé longtemps en vain, à la longue, un visage de jeune fille,
-anormalement vaste et aux allures inexplicables, et cependant
-virginâtrement hollandaise, se pencha en révulsant ainsi une chevelure
-presque blanche qui coulait le long du moulin, mais à chacun de mes
-cris, elle se mettait muettement un doigt sur la bouche; et je n’en pus
-rien obtenir.
-
-Aux explications d’un paysan, je compris enfin, péniblement, que la
-porte était au bas du tertre, et que le meunier habitait seul le moulin
-avec sa petite-fille hydrocéphale. J’y allai frapper, mais comme je
-parlais un hollandais encore inintelligible, et sans doute aussi parce
-que j’avais l’air las, maladif et anxieux, l’homme m’écouta avec
-méfiance par l’entrebâillement de la porte et je ne recueillis aucun
-éclaircissement. Toutefois, en jetant un dernier coup d’œil sur la tour,
-j’ai noté un détail qui explique peut-être la disproportion observée:
-«c’est que les briques s’étendant depuis la toiture jusqu’à la petite
-fenêtre, semblaient plus rouges et par conséquent plus récentes que les
-autres». Malheureusement, il faisait déjà nuit, et ceci n’est qu’une
-allégation incertaine.
-
-Ensuite, j’allai vers le second moulin, afin d’apprendre à quelle époque
-on avait rétabli les ailes; mais il avait cessé de tourner depuis un
-quart d’heure et semblait absolument désert. Cependant, on m’affirma
-assez évasivement, en une «Taperij» ou auberge voisine, que les ailes
-actuelles existaient depuis une vingtaine d’années.
-
-Il fallut me contenter de ces renseignements incomplets; et je voulus,
-en dernier lieu, éclairer une autre obscurité. On n’a pas oublié que le
-premier visage à l’orifice du puits «m’avait apparu dans un ciel
-orageux» et que toute ma fuite avait traversé un paysage entièrement
-bouleversé par la tempête; or, selon la lettre de ma mère, j’étais au
-jardin au moment où l’accident eut lieu. Il y avait là une anomalie
-qu’il fallait indispensablement s’expliquer. Grâce à d’exactes
-indications de l’inventaire, je savais que la maison «de la tante van
-Naslaan», en laquelle j’avais eu une part de propriété indivise, était
-située au nº 33 de l’«Oude Gracht». Par malheur, la soirée était fort
-avancée, et la maison habitée par deux vieilles dames, en train de
-prendre le thé, qui n’entendirent rien à mes interrogations, d’ailleurs
-timides et maladroites, et me répondirent avec inquiétude, en
-verrouillant la porte, que leur demeure n’était pas à louer.
-
-Peut-être y avait-il là une serre, ou une partie du jardin était-elle
-vitrée, à la manière hollandaise, ce qui serait une explication après
-tout suffisante. Au reste, au sujet de l’orage du 17 septembre 1862,
-j’ai noté l’entrefilet suivant dans le numéro du vendredi 18, du
-«Rotterdamsche courant».--Je traduis: «Hier, vers 6 heures du soir, la
-goélette anglaise, «The faithfull Helen», capitaine Milford de Goole, a
-rompu ses amarres, sous la violence du vent, et est allée échouer au
-«Willems Kade», après avoir abordé une «tjalk» de Vlissingen. Ces dégâts
-sont insignifiants.»
-
-Il reste un dernier «desideratum». J’ai trouvé dans les papiers de
-famille envoyés à Salem, une quittance signée de la main du peintre
-belge, François-Joseph Navez, qui doit avoir peint le portrait de ma
-mère entre les années 1859 et 1860. Ce portrait a été vendu pour une
-somme de 12 florins, lors de la liquidation. Or, «il m’importerait
-extrêmement de retrouver ses traces», et c’est pourquoi je supplie tous
-ceux qui seraient à même de donner quelque indice à ce sujet, et en
-général au sujet de tous les «desiderata» de cet éclaircissement, de
-vouloir adresser leurs renseignements à «M. Balfour Stuwart, president
-of the Society of psychical inquiries, 75, Catherine street, strand,
-London», qui se chargera de me les transmettre. Ils rendront ainsi
-service à une science nouvelle (car on sait à quelles découvertes
-pourrait mener l’éducation de cette faculté spéciale de la mémoire, en
-l’appliquant, par exemple, à la période embryonnaire, et même
-préembryonnaire) et à une âme inquiète qui a consacré sa vie à la
-solution de ces problèmes.
-
-
-
-
-Ici finissent les «Deux Contes», de Maurice Maeterlinck; l’un: «Le
-massacre des Innocents», commençant à la page V, l’autre: «Onirologie»,
-à la page XXXVII; tous deux précédés d’une note de l’éditeur et d’un
-avis de l’auteur.
-
-
-
-
-Ce livre, le sixième de la collection des «Variétés littéraires», a été
-établi par Ad. van Bever; tiré à mille deux cents exemplaires, soit XXV
-exemplaires, sur vieux Japon impérial, dont V hors commerce, numérotés
-de I à XX et de XXI à XXV; XXV exemplaires sur Chine, numérotés de XXVI
-à L; et MCL exemplaires sur papier des manufactures de Rives (dont L
-hors commerce), numérotés de LI à MCL et de MCLI à MCC, le présent
-ouvrage a été achevé d’imprimer, en gothique française, par Paul
-Hérissey, imprimeur à Évreux, le XV août MCMXVIII; les ornements
-typographiques ont été dessinés et gravés sur bois par Louis Jou.
-
-
-
-*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DEUX CONTES ***
-
-Updated editions will replace the previous one--the old editions will
-be renamed.
-
-Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright
-law means that no one owns a United States copyright in these works,
-so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the
-United States without permission and without paying copyright
-royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part
-of this license, apply to copying and distributing Project
-Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm
-concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark,
-and may not be used if you charge for an eBook, except by following
-the terms of the trademark license, including paying royalties for use
-of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for
-copies of this eBook, complying with the trademark license is very
-easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation
-of derivative works, reports, performances and research. Project
-Gutenberg eBooks may be modified and printed and given away--you may
-do practically ANYTHING in the United States with eBooks not protected
-by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the trademark
-license, especially commercial redistribution.
-
-START: FULL LICENSE
-
-THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
-PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
-
-To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
-distribution of electronic works, by using or distributing this work
-(or any other work associated in any way with the phrase "Project
-Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full
-Project Gutenberg-tm License available with this file or online at
-www.gutenberg.org/license.
-
-Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project
-Gutenberg-tm electronic works
-
-1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
-electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
-and accept all the terms of this license and intellectual property
-(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
-the terms of this agreement, you must cease using and return or
-destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your
-possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a
-Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound
-by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the
-person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph
-1.E.8.
-
-1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
-used on or associated in any way with an electronic work by people who
-agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
-things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
-even without complying with the full terms of this agreement. See
-paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
-Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this
-agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm
-electronic works. See paragraph 1.E below.
-
-1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the
-Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
-of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual
-works in the collection are in the public domain in the United
-States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
-United States and you are located in the United States, we do not
-claim a right to prevent you from copying, distributing, performing,
-displaying or creating derivative works based on the work as long as
-all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope
-that you will support the Project Gutenberg-tm mission of promoting
-free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg-tm
-works in compliance with the terms of this agreement for keeping the
-Project Gutenberg-tm name associated with the work. You can easily
-comply with the terms of this agreement by keeping this work in the
-same format with its attached full Project Gutenberg-tm License when
-you share it without charge with others.
-
-1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
-what you can do with this work. Copyright laws in most countries are
-in a constant state of change. If you are outside the United States,
-check the laws of your country in addition to the terms of this
-agreement before downloading, copying, displaying, performing,
-distributing or creating derivative works based on this work or any
-other Project Gutenberg-tm work. The Foundation makes no
-representations concerning the copyright status of any work in any
-country other than the United States.
-
-1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
-
-1.E.1. The following sentence, with active links to, or other
-immediate access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear
-prominently whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work
-on which the phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the
-phrase "Project Gutenberg" is associated) is accessed, displayed,
-performed, viewed, copied or distributed:
-
- This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
- most other parts of the world at no cost and with almost no
- restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it
- under the terms of the Project Gutenberg License included with this
- eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the
- United States, you will have to check the laws of the country where
- you are located before using this eBook.
-
-1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is
-derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not
-contain a notice indicating that it is posted with permission of the
-copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in
-the United States without paying any fees or charges. If you are
-redistributing or providing access to a work with the phrase "Project
-Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply
-either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or
-obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm
-trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9.
-
-1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
-with the permission of the copyright holder, your use and distribution
-must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any
-additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms
-will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works
-posted with the permission of the copyright holder found at the
-beginning of this work.
-
-1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
-License terms from this work, or any files containing a part of this
-work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
-
-1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
-electronic work, or any part of this electronic work, without
-prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
-active links or immediate access to the full terms of the Project
-Gutenberg-tm License.
-
-1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
-compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including
-any word processing or hypertext form. However, if you provide access
-to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format
-other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official
-version posted on the official Project Gutenberg-tm website
-(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense
-to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means
-of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain
-Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the
-full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1.
-
-1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
-performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
-unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
-
-1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
-access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works
-provided that:
-
-* You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
- the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
- you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed
- to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has
- agreed to donate royalties under this paragraph to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid
- within 60 days following each date on which you prepare (or are
- legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty
- payments should be clearly marked as such and sent to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in
- Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg
- Literary Archive Foundation."
-
-* You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
- you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
- does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
- License. You must require such a user to return or destroy all
- copies of the works possessed in a physical medium and discontinue
- all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm
- works.
-
-* You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of
- any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
- electronic work is discovered and reported to you within 90 days of
- receipt of the work.
-
-* You comply with all other terms of this agreement for free
- distribution of Project Gutenberg-tm works.
-
-1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project
-Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than
-are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing
-from the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the manager of
-the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the Foundation as set
-forth in Section 3 below.
-
-1.F.
-
-1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
-effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
-works not protected by U.S. copyright law in creating the Project
-Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm
-electronic works, and the medium on which they may be stored, may
-contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate
-or corrupt data, transcription errors, a copyright or other
-intellectual property infringement, a defective or damaged disk or
-other medium, a computer virus, or computer codes that damage or
-cannot be read by your equipment.
-
-1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
-of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
-Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
-Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
-liability to you for damages, costs and expenses, including legal
-fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
-LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
-PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
-TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
-LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
-INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
-DAMAGE.
-
-1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
-defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
-receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
-written explanation to the person you received the work from. If you
-received the work on a physical medium, you must return the medium
-with your written explanation. The person or entity that provided you
-with the defective work may elect to provide a replacement copy in
-lieu of a refund. If you received the work electronically, the person
-or entity providing it to you may choose to give you a second
-opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If
-the second copy is also defective, you may demand a refund in writing
-without further opportunities to fix the problem.
-
-1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
-in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO
-OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT
-LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
-
-1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
-warranties or the exclusion or limitation of certain types of
-damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement
-violates the law of the state applicable to this agreement, the
-agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
-limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
-unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
-remaining provisions.
-
-1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
-trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
-providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in
-accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
-production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm
-electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
-including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
-the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
-or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or
-additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any
-Defect you cause.
-
-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
-
-Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of
-computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
-from people in all walks of life.
-
-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
-assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
-goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
-remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg-tm and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at
-www.gutenberg.org
-
-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation
-
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
-U.S. federal laws and your state's laws.
-
-The Foundation's business office is located at 809 North 1500 West,
-Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up
-to date contact information can be found at the Foundation's website
-and official page at www.gutenberg.org/contact
-
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
-Literary Archive Foundation
-
-Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without
-widespread public support and donations to carry out its mission of
-increasing the number of public domain and licensed works that can be
-freely distributed in machine-readable form accessible by the widest
-array of equipment including outdated equipment. Many small donations
-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
-with these requirements. We do not solicit donations in locations
-where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
-DONATIONS or determine the status of compliance for any particular
-state visit www.gutenberg.org/donate
-
-While we cannot and do not solicit contributions from states where we
-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
-against accepting unsolicited donations from donors in such states who
-approach us with offers to donate.
-
-International donations are gratefully accepted, but we cannot make
-any statements concerning tax treatment of donations received from
-outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
-
-Please check the Project Gutenberg web pages for current donation
-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations. To
-donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
-
-Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works
-
-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
-distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of
-volunteer support.
-
-Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
-the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
-necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
-edition.
-
-Most people start at our website which has the main PG search
-facility: www.gutenberg.org
-
-This website includes information about Project Gutenberg-tm,
-including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
-subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
diff --git a/old/66985-0.zip b/old/66985-0.zip
deleted file mode 100644
index c1532f2..0000000
--- a/old/66985-0.zip
+++ /dev/null
Binary files differ
diff --git a/old/66985-h.zip b/old/66985-h.zip
deleted file mode 100644
index 242d66d..0000000
--- a/old/66985-h.zip
+++ /dev/null
Binary files differ
diff --git a/old/66985-h/66985-h.htm b/old/66985-h/66985-h.htm
deleted file mode 100644
index aa031c2..0000000
--- a/old/66985-h/66985-h.htm
+++ /dev/null
@@ -1,2182 +0,0 @@
-<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN"
- "http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd">
-
-<html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" lang="fr" xml:lang="fr">
-<head>
-<meta http-equiv="Content-Type" content="text/html;charset=UTF-8" />
-<title>
- The Project Gutenberg eBook of Deux contes, by Maurice Maeterlink.
-</title>
-<link rel="coverpage" href="images/cover.jpg" />
-<style type="text/css">
-
-p { text-align: justify; line-height: 1.2em; text-indent: 1.5em;
- margin: .3em 0;}
-p.noindent { text-indent: 0; }
-
-h1 { text-align: center; line-height: 1.5em; margin: 1em 0; }
-h2, .t2 { text-align: center; text-indent: 0; line-height: 1.5em;
- font-size: 160%; font-weight: bold; margin: 4em 0 2em 0; }
-
-div.c, p.c { text-align: center; line-height: 1.5em; text-indent: 0;
- margin: 1em 0; }
-
-
-.large { font-size: 130%; }
-.small { font-size: 90%; }
-small { font-size: 80%; }
-
-.poetry { text-align: left; margin: 1em 0 1em 5%; }
-.verse { padding-left: 20%; text-indent: -20%; }
-
-blockquote.epi { margin: 1em 0 1em 40%; font-size: 90%; }
-
-.narrow { margin: 1em 15%; }
-.date { margin: 1em 5% 1em 20%; text-align: right; font-size: 90%; }
-.sign { margin: 1em 5% 1em 20%; text-align: right; }
-
-hr { width: 20%; margin: 1em 40%; }
-div.dots { margin: .5em 0; text-align: center; }
-div.dots b { display: inline-block; width: 4.8%; }
-
-
-sup { font-size: smaller; vertical-align: 20%; }
-
-li { list-style: none; }
-
-a { text-decoration: none; }
-
-.fnanchor { font-size: 80%; vertical-align: 0.35em; padding: 0 .15em;
- text-decoration: none;
-}
-.footnote { margin: 1em 0 1em 30%; font-size: 90%; }
-.footnote .label { }
-.footnote + .footnote { margin-top: -.5em; }
-
-div.gap, p.gap { margin-top: 2.5em; }
-.break, .chapter { margin-top: 4em; }
-
-img { max-width: 100%; }
-img.h700 { height: 700px; width: auto; }
-
-@media screen {
- body { max-width: 40em; width: 80%; margin: 0 auto; }
-}
-
-@media handheld {
- .break, .chapter { page-break-before: always; }
- .top4em { padding-top: 4em; }
- .nobreak { page-break-before: avoid; }
-}
-
-</style>
-</head>
-<body>
-
-<div style='text-align:center; font-size:1.2em; font-weight:bold'>The Project Gutenberg eBook of Deux contes, by Maurice Maeterlinck</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
-most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
-of the Project Gutenberg License included with this eBook or online
-at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. If you
-are not located in the United States, you will have to check the laws of the
-country where you are located before using this eBook.
-</div>
-
-<p style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:0; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Title: Deux contes</p>
-<p style='display:block; margin-top:0; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:0;'>Le massacre des Innocents. Onirologie.</p>
-
-<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Author: Maurice Maeterlinck</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>Release Date: December 21, 2021 [eBook #66985]</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>Language: French</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>Character set encoding: UTF-8</div>
-
-<div style='display:block; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Produced by: Laurent Vogel (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))</div>
-
-<div style='margin-top:2em; margin-bottom:4em'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DEUX CONTES ***</div>
-<div class="x-ebookmaker-drop c">
-<img src="images/cover.jpg" class="h700" alt="" />
-</div>
-<h1>Deux contes</h1>
-
-<p class="c">par<br />
-<span class="large">MAURICE MAETERLINCK</span></p>
-
-<p class="c">Le Massacre des Innocents<br />
-Onirologie</p>
-
-<p class="c small">Avec un portrait de l’Auteur</p>
-
-
-<p class="c gap"><span class="large">A PARIS</span><br />
-Chez Georges Crès et Cie, Éditeurs<br />
-<span class="small">116, Boulevard Saint-Germain, 116</span></p>
-
-<p class="c small">MCMXVIII</p>
-
-<div class="break"></div>
-
-<p class="c top4em">Exemplaire sur papier de Rives<br />
-N<sup>o</sup></p>
-
-<div class="break"></div>
-
-<div class="c top4em"><img src="images/ill_000.jpg" alt="" /></div>
-<div class="chapter"></div>
-
-<p class="top4em">Les deux contes que nous publions ici
-ont paru dans des périodiques ; l’un dans
-« La Pléiade » (Paris, mars 1886) et
-l’autre dans la « Revue Générale »
-(Bruxelles, juin 1889). Le premier a été
-réimprimé plusieurs fois, et son texte,
-légèrement modifié par l’auteur, figure
-dans ce livre émouvant : « Les Débris de
-la Guerre » (Paris, Fasquelle, 1917,
-in-18). On nous saura gré, nous voulons
-le croire, de trouver à la suite le texte
-d’« Onirologie », cette œuvre de jeunesse,
-fort ignorée, ayant l’attrait de
-l’inédit et offrant, de plus, une curieuse
-analogie avec les admirables pages publiées
-récemment par Maurice Maeterlinck, sous
-ce titre : « L’Hôte inconnu ».</p>
-
-<p class="sign">Les Éditeurs.</p>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak">LE MASSACRE<br />
-<span class="small">DES</span><br />
-INNOCENTS</h2>
-
-<div class="break"></div>
-<div class="c"><img src="images/ill_001.png" alt="" /></div>
-
-<p class="gap">Le « Massacre des Innocents » parut
-pour la première fois en 1886, dans une
-petite revue : « La Pléiade », que quelques
-amis et moi avions fondée au Quartier
-Latin, et qui mourut d’inanition après son
-sixième numéro. Si je fais place ici à ces
-modestes pages d’un début sans éclat, — car
-je n’avais rien imprimé jusqu’à ce jour, — ce
-n’est pas que je m’abuse sur les
-mérites de cette œuvre de jeunesse, où je
-m’étais simplement appliqué à reproduire
-de mon mieux les divers épisodes d’un
-tableau du musée de Bruxelles, peint au
-<small>XVI</small><sup>e</sup> siècle par Pieter Breughel-le-Vieux.
-Mais il m’a semblé que les événements
-avaient transformé cet humble exercice
-littéraire en une sorte de vision symbolique :
-car il n’est que trop vraisemblable
-que des scènes analogues ont dû se répéter
-dans plus d’un de nos malheureux villages
-des Flandres ou de Wallonie ; et que pour
-les décrire telles qu’elles viennent de se
-passer, il n’y aurait qu’à changer le nom
-des bourreaux et probablement,
-hélas ! à en accentuer la
-cruauté, l’injustice et
-l’horreur.</p>
-
-<p class="sign">M. M.</p>
-
-<div class="chapter"></div>
-<div class="c"><img src="images/ill_002.png" alt="" /></div>
-<p class="t2"><span class="small">LE</span><br />
-MASSACRE DES INNOCENTS</p>
-
-
-<p>Ce vendredi, 26 du mois de décembre,
-vers l’heure du souper, un petit
-vacher vint à Bethléem en criant terriblement.</p>
-
-<p>Des paysans qui buvaient de la cervoise
-en l’auberge du Lion-Bleu ouvrirent les
-volets pour regarder dans le verger du
-village, et virent l’enfant qui accourait sur
-la neige. Ils reconnurent que c’était le fils
-de Korneliz et lui crièrent par la fenêtre :
-« Qu’est-ce qu’il y a ? Allez vous coucher ! »</p>
-
-<p>Mais il répondit avec épouvante que les
-Espagnols étaient arrivés, qu’ils avaient
-incendié la ferme, pendu sa mère, dans les
-noyers, et lié ses neuf petites sœurs au
-tronc d’un grand arbre.</p>
-
-<p>Ces paysans sortirent brusquement de
-l’auberge, entourèrent l’enfant et l’interrogèrent.
-Il leur dit encore que les soldats
-étaient à cheval et vêtus de fer, qu’ils
-avaient enlevé les bêtes de son oncle Petrus
-Krayer et entreraient bientôt en forêt
-avec les moutons et les vaches.</p>
-
-<p>Tous coururent au Soleil-d’Or, où Korneliz
-et son beau-frère buvaient aussi leur
-pot de cervoise, et l’aubergiste s’élança
-dans le village en criant que les Espagnols
-approchaient.</p>
-
-<p>Alors il y eut une grande rumeur en
-Bethléem. Ces femmes ouvrirent les fenêtres
-et les paysans sortirent de leurs
-maisons avec des lumières qu’ils éteignirent
-lorsqu’ils furent dans le verger, où il
-faisait clair comme à midi, à cause de la
-neige et de la pleine lune.</p>
-
-<p>Ils s’assemblèrent autour de Korneliz et
-de Krayer, sur la place, devant les auberges.
-Plusieurs avaient apporté leurs
-fourches et leurs râteaux, et se parlaient
-avec terreur sous les arbres.</p>
-
-<p>Mais comme ils ne savaient que faire,
-l’un d’eux courut chercher le curé, à qui
-appartenait la ferme de Korneliz. Il sortit de
-sa maison avec le sacristain en apportant
-les clefs de l’église. Tous le suivirent dans le
-cimetière, et il leur cria du haut de la tour
-qu’il y avait des nuages rouges du côté de
-sa ferme, bien que le ciel fût bleu et plein
-d’étoiles sur tout le reste de la campagne.</p>
-
-<p>Ayant délibéré longtemps dans le cimetière,
-ils décidèrent de se cacher dans le
-bois que les Espagnols devaient traverser
-et de les attaquer s’ils n’étaient pas très
-nombreux, afin de reprendre le bétail de
-Petrus Krayer et le butin qu’ils avaient fait
-à la ferme.</p>
-
-<p>Ils s’armèrent de fourches et de bêches,
-et les femmes restèrent autour de l’église
-avec le curé.</p>
-
-<p>En cherchant un endroit favorable à leur
-embuscade, ils arrivèrent près d’un moulin,
-aux limites de la forêt, et virent brûler
-la ferme au milieu des étoiles. Ils s’installèrent
-là, devant une mare couverte de
-glace, sous d’énormes chênes.</p>
-
-<p>Un berger, que l’on appelait le nain-Roux,
-monta au sommet de la colline
-pour avertir le meunier, qui avait arrêté
-son moulin en voyant les flammes à l’horizon.
-Cependant il laissa entrer le paysan,
-et tous deux se mirent à une fenêtre pour
-regarder au loin.</p>
-
-<p>La lune brillait devant eux sur l’incendie,
-et ils aperçurent une longue foule qui marchait
-sur la neige. Quand ils l’eurent contemplée,
-le Nain descendit vers ceux qui
-étaient dans la forêt, et ils distinguèrent
-lentement quatre cavaliers, au-dessus d’un
-troupeau qui semblait brouter la plaine.</p>
-
-<p>Comme ils regardaient au bord de la
-mare, et sous les arbres éclairés de neige,
-le sacristain leur montra une haie de buis,
-derrière laquelle ils se cachèrent.</p>
-
-<p>Les bêtes et les Espagnols s’avancèrent
-sur la glace, et les moutons, en arrivant à
-la haie, broutaient déjà la verdure, lorsque
-Korneliz creva les buissons, et les autres
-le suivirent dans la clarté avec leurs fourches.
-Il y eut alors un grand massacre sur
-l’étang au milieu des brebis amoncelées
-et des vaches qui contemplaient la bataille
-et la lune.</p>
-
-<p>Quand ils eurent tué les hommes et les
-chevaux, Korneliz s’élança dans la prairie
-vers les flammes et les autres dépouillèrent
-les morts. Puis ils retournèrent au village
-avec les troupeaux. Les femmes qui
-regardaient la lourde forêt, derrière les
-murs du cimetière, les virent s’avancer
-entre les arbres et coururent à leur rencontre
-avec le curé, et ils revinrent en dansant
-de grandes rondes, au milieu des
-enfants et des chiens.</p>
-
-<p>En se réjouissant sous les poiriers du
-verger, où le Nain-Roux accrochait des
-lanternes en signe de kermesse, ils demandèrent
-au curé ce qu’il fallait faire.</p>
-
-<p>Ils résolurent enfin d’atteler un chariot
-pour emmener au village le corps de la
-femme et ses neuf petites filles. Les sœurs et
-d’autres paysannes de la famille de la morte
-y montèrent, ainsi que le curé qui marchait
-avec peine, étant vieux déjà et fort gros.</p>
-
-<p>Ils rentrèrent dans la forêt et arrivèrent
-en silence devant l’éblouissement des
-plaines, où ils virent les hommes nus et
-les chevaux renversés sur la glace lumineuse
-entre les arbres. Puis ils marchèrent
-vers la ferme qui brûlait au milieu du paysage.</p>
-
-<p>En arrivant au verger et à la maison
-rouge de flammes, ils s’arrêtèrent devant
-la grille pour contempler le grand malheur
-du paysan, dans son jardin. Sa femme pendait
-toute nue aux branches d’un énorme
-noyer, et lui, montait à l’échelle pour
-grimper dans l’arbre, autour duquel les
-neuf petites filles attendaient leur mère
-sur le gazon. Il marchait déjà dans les
-vastes ramures, lorsqu’il vit tout à coup,
-sur la lumière de la neige, la foule qui le
-regardait. Il fit signe de l’aider, en pleurant,
-et ils entrèrent dans le jardin. Alors le sacristain,
-le Nain-Roux, l’aubergiste du Lion-Bleu
-et celui du Soleil-d’Or, le curé avec
-une lanterne, et beaucoup d’autres paysans
-montèrent dans le noyer neigeux, au clair
-de lune, pour dépendre la morte, que les
-femmes du village reçurent dans leurs bras
-au pied de l’arbre, comme à la descente de
-croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ.</p>
-
-<p>Ce lendemain, on l’enterra, et il n’y eut
-plus d’événements extraordinaires à Bethléem
-cette semaine-là. Mais le dimanche
-suivant, des loups affamés parcoururent
-le pays, après la grand’messe, et il neigea
-jusqu’à midi ; puis le soleil brilla soudain
-et les paysans rentrèrent dîner comme
-d’habitude et s’habillèrent pour le salut.</p>
-
-<p>A ce moment il n’y avait personne sur
-la place, car il gelait cruellement ; seuls, les
-chiens et les poules vaguaient sous les
-arbres, où des moutons broutaient un
-triangle de gazon ; et la servante du curé
-balayait la neige dans son jardin.</p>
-
-<p>Alors une troupe d’hommes armés passa
-le pont de pierre au bout du village et
-s’arrêta dans le verger. Des paysans sortirent
-de leur demeure, mais rentrèrent
-terrifiés en reconnaissant les Espagnols
-et se mirent aux fenêtres afin de voir ce
-qui allait se passer.</p>
-
-<p>Il y avait une trentaine de cavaliers couverts
-d’armures, autour d’un vieillard à
-barbe blanche. Ils portaient en croupe des
-lansquenets jaunes ou rouges qui mirent
-pied à terre et coururent sur la neige pour
-se dégourdir, pendant que plusieurs soldats
-habillés de fer descendaient aussi et
-pissaient contre les arbres auxquels ils
-avaient attaché leurs chevaux.</p>
-
-<p>Puis ils se dirigèrent vers l’auberge du
-Soleil-d’Or et frappèrent à la porte. On
-leur ouvrit en hésitant ; et ils allèrent se
-chauffer près du feu en se faisant verser
-de la bière.</p>
-
-<p>Ensuite ils sortirent de l’auberge avec
-des pots, des cruches et des pains de froment
-destinés à leurs compagnons rangés
-autour de l’homme à barbe blanche qui
-attendait au milieu des lances.</p>
-
-<p>Comme la rue était déserte, le chef envoya
-des cavaliers derrière les maisons,
-afin de garder le village du côté de la
-campagne, et ordonna aux lansquenets
-d’amener devant lui les enfants âgés de
-deux ans et au-dessous, pour les massacrer,
-selon qu’il est écrit en l’Évangile de
-Saint Mathieu.</p>
-
-<p>Ils allèrent d’abord à la petite auberge
-du Chou-vert, et à la chaumière du barbier,
-voisines au milieu de la rue.</p>
-
-<p>L’un d’eux ouvrit l’étable, et une bande
-de porcs s’en échappa qui se répandit de
-tous côtés. L’aubergiste et le barbier sortirent
-de leur maison et demandèrent humblement
-aux soldats ce qu’ils désiraient ;
-mais ceux-ci n’entendaient pas le flamand
-et entrèrent afin de chercher les enfants.</p>
-
-<p>L’aubergiste en avait un qui pleurait en
-chemise sur la table où l’on venait de
-dîner. Un homme le prit dans ses bras et
-l’emporta sous les pommiers, tandis que
-le père et la mère le suivaient en poussant
-des hurlements.</p>
-
-<p>Ces lansquenets ouvrirent encore l’étable
-du tonnelier, celle du forgeron, celle du
-sabotier ; et les veaux, les vaches, les ânes,
-les cochons, les chèvres, les moutons et
-les lapins se promenèrent sur la place.
-Lorsqu’ils enfoncèrent le vitrage du charpentier,
-plusieurs paysans, parmi les vieillards
-et les plus riches de la paroisse,
-s’assemblèrent dans la rue et s’avancèrent
-vers les Espagnols. Ils ôtèrent respectueusement
-leurs bonnets et leurs feutres devant
-le chef au manteau de velours, en
-demandant ce qu’il comptait faire ; mais
-lui-même ignorait leur langue et quelqu’un
-alla chercher le curé.</p>
-
-<p>Il s’apprêtait pour le salut et revêtait
-une chasuble d’or dans la sacristie. Ce
-paysan cria ; « Les Espagnols sont dans
-le verger ! » Épouvanté, le prêtre courut à
-la porte de l’église, suivi des enfants de
-chœur qui portaient les cierges et l’encensoir.</p>
-
-<p>Alors il vit les animaux des étables circulant
-sur la neige et sur le gazon, les
-cavaliers dans le village, les soldats devant
-les portes, les chevaux attachés aux arbres
-le long de la rue, les hommes et les femmes
-suppliant autour de celui qui tenait l’enfant
-en chemise.</p>
-
-<p>Il s’élança dans le cimetière, et les paysans
-se tournèrent avec inquiétude vers
-leur prêtre qui arrivait comme un dieu couvert
-d’or et l’environnèrent devant l’homme
-à barbe blanche.</p>
-
-<p>Il parla flamand et latin ; mais le chef
-poussait lentement les épaules pour exprimer
-qu’il ne comprenait point.</p>
-
-<p>Ses paroissiens lui demandaient à voix
-basse : « Que dit-il ? que va-t-il faire ? »
-D’autres, voyant le curé, sortaient craintivement
-de leurs fermes, des femmes accouraient
-et chuchotaient dans les groupes,
-tandis que les soldats qui assiégeaient un
-cabaret, se joignaient au grand rassemblement
-qui se formait sur la place.</p>
-
-<p>Alors celui qui tenait par la jambe l’enfant
-de l’aubergiste du Chou-Vert, lui trancha
-la tête d’un coup d’épée.</p>
-
-<p>Ils la virent tomber devant eux, suivie
-du reste du corps qui saignait sur l’herbe.
-La mère ramassa celui-ci et l’emporta en
-oubliant la tête. Elle trotta vers sa maison
-mais se heurta contre un arbre et tomba
-à plat ventre dans la neige où elle demeura
-évanouie, cependant que le père se débattait
-entre deux soldats.</p>
-
-<p>De jeunes paysans lancèrent quelques
-pierres ; mais les cavaliers abaissèrent
-leurs lances, les femmes s’enfuirent et le
-curé se mit à hurler avec ses paroissiens,
-au milieu des moutons, des oies et des
-chiens.</p>
-
-<p>Néanmoins, comme les soldats s’éloignaient,
-ils se turent pour voir ce qu’ils
-allaient faire.</p>
-
-<p>La bande entra dans la boutique des
-sœurs du sacristain ; puis elle sortit tranquillement,
-sans faire de mal aux cinq
-femmes qui priaient à genoux sur le seuil.</p>
-
-<p>Ensuite ils avisèrent l’auberge du bossu
-de Saint-Nicolas. Là aussi on leur ouvrit
-à l’instant pour les apaiser ; mais ils reparurent
-au milieu d’un grand tumulte, avec
-trois enfants sur les bras, entourés du
-bossu, de sa femme et de ses filles, qui les
-suppliaient à mains jointes.</p>
-
-<p>Arrivés devant le vieillard, ils déposèrent
-les enfants au pied d’un orme, où ils restèrent
-assis sur la neige en leurs habits
-de fête. Mais l’un d’eux, qui avait une robe
-jaune, se leva et courut en chancelant vers
-les moutons. Un soldat le poursuivit, l’épée
-nue ; et l’enfant mourut la face dans l’herbe,
-pendant que l’on tuait les autres autour
-de l’arbre.</p>
-
-<p>Tous les paysans et les filles de l’aubergiste
-prirent la fuite en poussant de grands
-cris et rentrèrent dans les fermes. Resté
-seul, le curé suppliait les Espagnols avec
-des hurlements, se traînant à genoux d’un
-cheval à l’autre, les bras en croix, tandis
-que le père et la mère, assis sur la neige,
-pleuraient pitoyablement leurs enfants
-morts, étendus en travers de leurs jambes.</p>
-
-<p>En parcourant la rue, les lansquenets
-remarquèrent la grande maison bleue d’un
-fermier. Ils voulurent enfoncer la porte,
-mais elle était de chêne et couverte de clous.
-Ils prirent alors des tonneaux gelés dans
-une mare devant le seuil et s’en servirent
-pour monter à l’étage où ils pénétrèrent
-par la fenêtre.</p>
-
-<p>Il y avait eu une fête en cette ferme ; et
-des parents étaient venus manger des
-gaufres, du flan et du jambon. Au bruit
-des vitres brisées, ils s’étaient réfugiés derrière
-la table couverte de cruchons et de
-vaisselle. Les soldats entrèrent dans la
-cuisine ; et après une bataille où plusieurs
-furent blessés, s’emparèrent des petits
-garçons, des petites filles et du valet qui
-avait coupé le pouce d’un lansquenet, et sortirent
-en fermant la porte pour empêcher
-les habitants de les accompagner.</p>
-
-<p>Quand ils furent devant le vieillard, ils
-jetèrent les enfants sur le gazon et les
-tuèrent paisiblement avec leurs lances et
-leurs épées, pendant que sur toute la façade
-de la maison bleue, les femmes et les
-hommes penchés aux fenêtres de l’étage et
-du grenier, blasphémaient et s’agitaient
-éperdument à la vue des rodes blanches,
-roses ou rouges de leurs petits, immobiles
-sur l’herbe entre les arbres. Puis les soldats
-pendirent le valet de ferme à l’enseigne
-de la Demi-Lune, de l’autre côté de
-la rue ; et il y eut un long silence dans le
-village.</p>
-
-<p>Le massacre à présent s’étendait. Les
-mères s’échappaient des masures, et à travers
-les jardins et les potagers, essayaient
-de fuir dans la campagne ; mais les cavaliers
-les poursuivaient et les refoulaient
-dans la rue. Des paysans, le bonnet dans
-leurs mains jointes, suivaient à genoux
-ceux qui entraînaient leurs enfants, parmi
-les chiens qui aboyaient joyeusement dans
-le désordre. Le curé, les bras au ciel, courait
-le long des maisons, priant désespérément
-comme un martyr ; et les soldats,
-tremblant de froid, soufflaient dans leurs
-doigts en circulant sur la route, ou, les
-mains dans leurs poches de leur haut-de-chausse,
-et l’épée sous le bras, attendaient
-devant les fenêtres des maisons qu’on
-escaladait.</p>
-
-<p>Voyant la douleur craintive des paysans,
-ils entraient maintenant par petites bandes
-dans les fermes ; et tout le long de la rue
-c’étaient les mêmes scènes.</p>
-
-<p>Une maraîchère qui habitait la vieille
-chaumière de briques roses, à côté de
-l’église poursuivait, armée d’une chaise,
-deux hommes qui emportaient ses enfants
-dans une brouette. Elle devint malade en
-les voyant mourir ; et on l’assit sur sa
-chaise, contre un arbre de la route.</p>
-
-<p>D’autres soldats grimpèrent dans les
-tilleuls, devant une ferme peinte en lilas,
-et enlevèrent des tuiles afin de s’introduire
-dans la maison. Quand ils reparurent sur
-le toit, le père et la mère, les bras tendus,
-s’élevèrent aussi dans l’ouverture, et ils
-les renfoncèrent à plusieurs reprises en
-leur assénant des coups d’épée sur la tête,
-avant de redescendre dans la rue.</p>
-
-<p>Une famille, enfermée dans la cave d’une
-énorme chaumière, pleurait par le soupirail
-où le père brandissait furieusement
-une fourche. Un vieillard chauve sanglotait
-tout seul sur un tas de fumier, une femme
-en robe orange s’était évanouie sur la
-place et son mari la soutenait sous les
-aisselles, en gémissant à l’ombre d’un poirier :
-une autre embrassait sa petite fille
-qui n’avait plus de mains, et lui soulevait
-alternativement les bras pour voir si elle
-ne voulait pas revivre. Une autre s’échappa
-dans la campagne et les soldats la poursuivaient
-entre les meules, à l’horizon des
-champs de neige.</p>
-
-<p>Sous l’estaminet des Quatre-fils-Aymon,
-se voyait le tumulte d’un siège. Les habitants
-s’étaient barricadés, et les soldats
-tournaient autour de la demeure sans y
-pouvoir pénétrer. Ils essayaient de grimper
-jusqu’à l’enseigne, en s’aidant des espaliers
-de la façade, lorsqu’ils découvrirent
-une échelle derrière la porte du jardin. Ils
-l’appliquèrent au mur et montèrent à la
-file. Mais l’aubergiste et toute sa famille
-leur lancèrent alors par les fenêtres, des
-chaises, des assiettes, et des escabeaux.
-L’échelle se rompit et les soldats tombèrent.</p>
-
-<p>Au fond d’une cabane, une autre bande
-trouva une paysanne qui lavait ses enfants,
-devant le feu, dans un cuvier. Étant vieille
-et presque sourde elle ne les entendit pas
-entrer. Deux hommes prirent le cuvier,
-l’emportèrent ; et la femme ahurie les suivit
-avec les vêtements des petits qu’elle
-voulait rhabiller, mais quand elle vit, tout
-d’un coup, du haut du seuil, les taches de
-sang sur la neige, les berceaux renversés,
-les femmes agenouillées et celles qui agitaient
-les bras autour des morts, elle se
-mit à crier formidablement en frappant les
-soldats qui déposèrent le cuvier pour se
-défendre. Ce curé accourut également et les
-mains jointes sur sa chasuble, implora les
-Espagnols devant les enfants nus qui se lamentaient
-dans l’eau. Des soldats arrivèrent
-qui l’écartèrent et lièrent la folle à un arbre.</p>
-
-<p>Le boucher avait caché sa petite fille, et
-appuyé contre le mur de sa maison affectait
-de regarder avec indifférence. Un lansquenet
-et un de ceux qui avaient une armure,
-entrèrent chez lui et découvrirent
-l’enfant dans un chaudron de cuivre. Alors
-le boucher, désespéré, saisit un coutelas et
-les poursuivit dans la rue ; mais une troupe
-qui passait le désarma et le pendit par les
-pieds aux crocs du mur, entre les bêtes
-écorchées, où il remua les bras et la tête
-en blasphémant jusqu’à la tombée de la
-nuit.</p>
-
-<p>Du côté du cimetière, il y avait un grand
-rassemblement devant une longue grange
-peinte en vert. L’homme pleurait à chaudes
-larmes sur le seuil. Comme il était fort gros
-et de joviale figure, les soldats assis au
-soleil, contre le mur, l’écoutaient avec
-attendrissement en contemplant le chien.
-Mais celui qui emmenait l’enfant faisait
-des gestes pour dire : « Que voulez-vous ?
-ce n’est pas ma faute ! »</p>
-
-<p>Un paysan pourchassé sauta dans une
-barque amarrée au pont de pierre et s’éloigna
-sur l’étang avec sa femme et ses
-enfants. N’osant se risquer sur la glace,
-les soldats marchaient pleins de colère dans
-les roseaux. Ils grimpèrent dans les saules
-de la rive pour tâcher d’atteindre les fugitifs
-à coups de lance, et n’y parvenant pas,
-ils menacèrent longtemps toute la famille
-épouvantée dans sa barque.</p>
-
-<p>Ce verger cependant était toujours plein
-de monde ; car c’est là que l’on tuait la plupart
-des enfants aux pieds de l’homme à
-barbe blanche qui présidait au massacre.
-Les petits garçons et les petites filles qui
-marchaient déjà seuls s’y réunissaient aussi
-et regardaient curieusement mourir les
-autres en mangeant les tartines de leur
-goûter, ou se groupaient autour du fou
-de la paroisse qui jouait de la flûte sur
-l’herbe.</p>
-
-<p>Alors il y eut tout à coup un long mouvement
-dans Bethléem.</p>
-
-<p>Ces paysans couraient vers le château
-qui se trouvait sur une butte de terre jaune,
-au bout de la rue. Ils avaient aperçu le
-seigneur penché sur les créneaux de la
-tour, d’où il contemplait le massacre. Et les
-hommes, les femmes, les vieillards, les
-mains tendues, le suppliaient comme un
-roi dans le ciel. Mais, lui, levait les bras
-et haussait les épaules pour exprimer son
-impuissance ; et comme ils l’imploraient
-de plus en plus terriblement, la tête nue,
-agenouillés dans la neige, en poussant de
-grandes clameurs, il rentra dans sa tour et
-les paysans n’eurent plus d’espoir.</p>
-
-<p>Lorsque tous les enfants furent exterminés,
-les soldats fatigués essuyèrent leurs
-épées et soupèrent sous les poiriers. Ensuite
-les lansquenets montèrent en croupe
-et ils quittèrent tous ensemble Bethléem,
-par le pont de pierre, comme ils étaient
-venus.</p>
-
-<hr />
-
-
-<p>Enfin le soleil se coucha derrière la forêt.
-Las de courir et de supplier, le curé s’était
-assis sur la neige, devant l’église, et sa servante
-se tenait près de lui. Ils voyaient la
-rue et le verger plein de paysans qui circulaient
-sur la place et le long des maisons.
-Des familles, l’enfant mort sur les genoux
-ou dans les bras, racontaient leur malheur
-avec étonnement. D’autres le pleuraient
-encore où il était tombé, près d’un tonneau,
-sous une brouette, au bord d’une mare, ou
-l’emportaient silencieusement. Plusieurs
-lavaient déjà les bancs, les chaises, les
-tables, les chemises tachées de sang et
-relevaient les berceaux jetés dans la rue.
-Mais presque toutes les mères se lamentaient
-sous les arbres, devant les petits
-corps étendus sur le gazon, et qu’elles reconnaissaient
-à leurs robes de laine. Ceux
-qui n’avaient pas d’enfants se promenaient
-sur la place et s’arrêtaient autour des
-groupes désolés. Les hommes qui ne pleuraient
-plus, poursuivaient avec les chiens
-leurs bêtes échappées ou réparaient leurs
-fenêtres brisées et leurs toits entr’ouverts,
-tandis que le village s’apaisait
-aux clartés de la lune
-qui montait dans
-le ciel.</p>
-
-<div class="chapter"></div>
-
-<h2 class="nobreak">ONIROLOGIE</h2>
-
-
-<blockquote class="epi">
-<p lang="en" xml:lang="en">Of this at least I feeld assured
-that there is not such thing as
-« forgetting » possible to the mind.</p>
-
-<p class="sign">Thomas de Quincey.</p>
-
-</blockquote>
-<div class="break"></div>
-<div class="c"><img src="images/ill_003.png" alt="" /></div>
-
-
-<p class="t2">ONIROLOGIE</p>
-
-
-<p>Je descends d’une vieille famille hollandaise.
-Mon père était ce qu’on appelle
-en néerlandais « <span lang="nl" xml:lang="nl">Adsistent-Resident</span> » de
-Lebak en l’île de Java. J’ignore tout de
-sa vie et de ses aventures, à l’exception
-de ses démêlés, célèbres à cette époque,
-avec le Régent indigène : « Radhen Adhipatti
-Karta Natta Negara », dont j’ai lu,
-bien des soirs, le bizarre et tranquille
-récit dans les collections du « <span lang="nl" xml:lang="nl">Javasche
-Courant</span> » et du « <span lang="nl" xml:lang="nl">Nieuws van den Dag</span> »
-d’Amsterdam. Il était allé aux colonies
-avec ma grand’mère et y mourut lorsque
-je n’avais pas encore atteint ma deuxième
-année.</p>
-
-<p>Ma mère, — une faible et pâle Anglaise
-que l’amour avait exilée en Hollande, — (j’ai
-recherché et appris tout ceci depuis
-l’inquiétante aventure), ma mère était
-restée à Utrecht, où nous habitions une
-étroite demeure sur le « <span lang="nl" xml:lang="nl">Singel</span> », ou canal
-d’enceinte, du côté du « <span lang="nl" xml:lang="nl">Pardenveld</span> ». Elle
-mourut peu de mois après mon père et
-peut-être à la suite même de l’accident qui
-a eu pour moi d’aussi troublantes émersions.
-J’étais alors l’enfant aux yeux clos
-et la pauvre âme endormie des grands
-espaces blancs et des limbes de la vie, en
-sorte que je n’ai « naturellement » (j’emploie
-« naturellement » au sens strict et
-ordinaire du mot), conservé aucun souvenir
-de ces jours où des visages amis s’éteignaient
-à jamais autour de moi.</p>
-
-<p>Ensuite, et bien longtemps après, au
-réveil de cette immobile nuit de l’enfance,
-je m’entrevois en une vieille maison de la
-vieille et américaine Salem, et en face d’un
-oncle puritain, extraordinairement gros,
-pâle et taciturne. Enfin, cet oncle lui-même,
-« que je n’entendis jamais prononcer un
-seul mot et que je ne revis jamais plus »,
-disparaît à son tour, sans autre souvenir
-que celui de son vague corps énorme en
-cette maison de bois verdi par les ans
-et si extrêmement, si insolitement petite,
-qu’il semblait la surcharger et en déborder
-comme un être d’autrefois, lorsqu’il se penchait
-des journées entières aux fenêtres
-ouvertes sur un sombre et humide jardin
-où j’errais seul. Ainsi, sans liens dans un
-passé presque inconsistant encore, sans
-visage et sans mains de femmes autour
-de mon enfance, je me vis, sachant à peine
-me tenir debout, au milieu d’une cour entourée
-des hauts bâtiments de pierre d’un
-antique orphelinat oublié au fond d’une
-immémoriale forêt du Massachusetts. Et
-maintenant j’arrive à des jours dont je me
-souviens trop nettement, et à des années
-sans issues, de tristesses et d’abandons
-sans horizons, entre ces moroses et mornes
-descendants des puritains d’Isaac Johnson,
-enfants au sourire blanchâtre et aux yeux
-obliques, égarés en ces dortoirs aux alcôves
-noires et voûtées sous l’effroi de cet édifice
-si souvent environné d’orages. Mais
-j’aime mieux ne plus me souvenir. Ici
-d’ailleurs finissent les antécédents nécessaires
-mais lointains, et il faut à présent
-examiner plus minutieusement les circonstances
-qui ont immédiatement précédé
-l’anormal incident et l’énigme dont les ailes
-ont laissé pour longtemps leurs ombres
-sur mon âme.</p>
-
-<p>Entre tous ces enfants aux vêtements si
-lugubres qui habitaient avec moi ce terne
-orphelinat américain ; entre tous ces enfants
-presque muets, une pauvre âme
-affligée et affaiblie avait seule attiédi mon
-abandon. J’ai son cher nom sur mes lèvres,
-et son image en l’âme de mon âme ; mais
-on comprendra peut-être, et tout à l’heure,
-pour quelles tristes raisons il m’est impossible
-de le révéler ici. Je ne dirai même
-pas ce nom à ceux qui voudraient se donner
-la peine de faire une enquête sur l’authenticité
-de cette histoire, et à moins que mon
-malheureux ami ne parle lui-même, nul ne
-le saura jamais.</p>
-
-<p>A cette époque, j’avais un peu plus de
-dix-huit ans, et mon unique ami — je l’appellerai
-Walter ici, ce nom d’ailleurs se rapproche
-un peu de son nom véritable, — mon
-unique et mélancolique ami avait
-environ le même âge. J’étais alors un pauvre
-être maladif et extraordinairement émacié
-sous l’ennui sans interstices de cette vie
-claustrale, et je souffrais de troubles nerveux,
-qui faisaient de mes nuits une trame
-de douleurs. Malgré mes plaintes, l’austère
-et malveillant médecin de la maison me
-laissait sans remèdes ; mais à la longue,
-mes maîtres s’inquiétèrent un peu, et s’ingénièrent
-à imaginer quelque distraction à
-mon mal. Le pauvre Walter vint alors à mon
-aide. Walter avait une tante, Mrs W.-K., qui
-occupait un éclatant cottage aux environs
-de Boston, et non loin de la mer ; et il
-obtint un soir l’autorisation de m’emmener
-chez elle. Il y avait plus de quinze ans que
-je n’avais franchi le seuil de la grande porte
-dont les battants s’ouvraient sur la vallée,
-et je n’oublierai plus cette soirée. A notre
-arrivée, Mrs W.-K. me reçut sans arrière-pensée
-apparente ; nous ignorons d’ailleurs,
-en ce moment, les anormales occupations
-et les desseins étranges de cette femme, et
-il vaut mieux que ceux qui écoutent ceci les
-ignorent également.</p>
-
-<p>Il y avait déjà bien des jours que je
-m’attardais en cette hospitalité maternelle
-dont je ne savais pas « alors » les dangers,
-et aux encouragements de ceux qui m’entouraient,
-je prenais un peu d’opium aux
-dernières heures des après-midi, parfois
-douloureuses de cet octobre inoubliable.
-Maintenant, il faut que j’énumère très méticuleusement
-tous les détails de la soirée
-et de la nuit de l’incident, car plusieurs
-d’entre eux pourraient avoir une importance
-spéciale, au point de vue de l’explication
-et de l’« éducation » du phénomène,
-encore qu’il soit triste d’avoir à s’arrêter en
-d’aussi obscurs intervalles de l’événement.</p>
-
-<p>Un soir, après l’heure du thé, j’étais en
-cet état de béatitude invisible et subtile
-que s’imagineront seuls les mangeurs d’opium.
-Mrs W.-K. vers laquelle je me retournais
-parfois, comme on se retourne
-vers un pas dans une rue déserte, Mrs W.-K.,
-accoudée sous les tilleuls de la terrasse,
-regardait s’allumer les étoiles sur la ville
-américaine. Walter était absent, et j’étais
-allé avec Annie, l’unique enfant de la tante
-de Walter, au fond du jardin, où il y avait
-un bois ancien, profond et obscur ; un bois
-où l’on pouvait s’attendre à mainte aventure
-et si vieux, que nous avions l’habitude
-d’y parler à voix basse. Après avoir suivi
-de lointaines musiques éparses en ce bois
-comme des fils de soie multicolore, nous
-nous assîmes là ; et à présent, lequel des
-incidents de ce soir influa sur ma nuit ?
-Fut-ce ce bassin de marbre avec sa fontaine
-aux reflets de tilleuls ? ou les arbres,
-extraordinaires à travers ma mémoire, et
-auxquels Annie appliquait un mot : « <span lang="en" xml:lang="en">Verdurous
-gloom</span> », qui semblait les mettre
-sous verre ? ou la lune, sur l’Atlantique,
-semblable à une fleur muette ? ou tout ce
-bois hanté de triste avenir ? ou fut-ce, avant
-tout, le départ prochain d’Annie, un départ
-déjà sans retour, et dont ses frêles mains
-aux gants de ténèbres, semblaient m’avertir
-comme d’un mal entre le mal qu’on
-allait me vouloir ? ou fut-ce, enfin, un
-anneau d’or, qu’elle laissa choir dans le
-bassin où elle éveilla une autre et étrange
-elle-même en le reprenant à travers l’eau
-froide ? Savait-elle quelque chose ? Je ne
-sais, je ne sais, je ne saurai jamais, car à
-présent tant de terre et d’années sont sur
-elle !</p>
-
-<p>J’ai noté exactement ceci, parce qu’en
-« l’éducation » dont j’ai parlé, il importerait
-peut-être de tenter un grand nombre
-d’expériences analogues, afin d’attoucher
-ainsi, un peu au hasard, quelque scène
-endormie au fond de l’âme et que cette
-espèce d’incantation pourrait réveiller. J’ajoute
-enfin un antécédent accessoire, mais
-dont il ne faudrait cependant pas négliger
-l’aide ; au reste, on verra plus loin.</p>
-
-<p>En ce moment les lumières de la ville
-lointaine s’éteignaient comme tombaient les
-feuilles de la forêt automnale. En rentrant
-dans ma chambre après cette soirée au
-jardin, je pris — induit peut-être à cette
-idée par l’image de la fontaine, — je pris
-un volume de l’insolite et aquatique poète
-anglais, Thomas Hood, en flottant ainsi,
-jusque très avant dans la nuit, au fil albumineux
-des visions sous-marines de son
-admirable « <span lang="en" xml:lang="en">Water Lady</span> », du « <span lang="en" xml:lang="en">Lycus the
-Centaur</span> » et de « <span lang="en" xml:lang="en">Hero and Leander</span> ».
-Avant tout (et c’était sans nul doute un
-effet de l’opium), ce dernier poème m’attarda,
-à cause de la descente du malheureux
-Léandre à travers toute la mer, en
-une immersion infinie, au bras de la sirène,
-au milieu d’êtres muets aux yeux ronds,
-de plantes en jaune d’œuf, d’anémones
-d’aniline et de dahlias d’albumine, pendant
-qu’un vers monotone énumère entre
-les strophes les évolutions de leur passage
-en glauque spirale vibratile :</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="verse" lang="en" xml:lang="en">Down and still downwards through the dusky green.</div>
-</div>
-
-<p class="noindent">Et tout au long de cette spirale d’eau
-verte, la sirène aux yeux où meurt le corps
-de Léandre et aux seins en bulles translucides,
-embrasse son involontaire amant,
-sur les lèvres duquel s’éteint en énormes
-perles le nom de Héro, jusqu’à ce qu’arrivés
-au fond lunaire des prairies sous-marines,
-la naïve vierge des mers s’étonne
-comme un enfant de voir le beau corps
-presque immobile et les yeux déjà clos, et
-s’agenouille à ses côtés en admirant ses
-derniers efforts pour échapper aux mailles
-bleues de l’Océan.</p>
-
-<p>C’est ainsi que je m’endormis, en accueillant
-en mes yeux les rives hantées de la
-glace de la cheminée où je voyais s’enfoncer
-la spirale de Léandre — jusqu’au
-sommeil — et voici ce que je vis immédiatement
-après :</p>
-
-<p>Sans nul préliminaire, je fus au fond
-d’un puits, ou du moins, je fus au fond
-d’une eau autour de laquelle régnait une
-impression de murailles, d’éminentes et
-étroites murailles, et je m’y noyais sans
-interruption, à travers un infini déroulement
-de transparences au milieu de ces
-efforts immobiles qui forment un des supplices
-propres aux songes et sans analogues
-dans la vie volontaire. En ce moment,
-j’étais assez près de la mort, et ici, il faut
-que j’explique très soigneusement un des
-plus singuliers phénomènes de mon rêve.</p>
-
-<p>On n’ignore pas que le rêve est toujours
-et exclusivement « égoïste » ; et que cet
-égoïsme est tellement intense, aveugle et
-convergent, qu’il annule le passé et l’avenir
-au profit du moment où il règne sur
-l’horizon du cerveau.</p>
-
-<p>En d’autres termes, tout s’actualise dans
-la conscience du dormeur, et il n’y a pas
-de rêve que l’on sache « prospectif » du
-« rétrospectif » au moment où il a lieu. Je
-remets ce principe en mémoire parce qu’il
-servira tout à l’heure à éclairer la situation
-assez embarrassée de mon esprit en
-cet instant : sans avoir d’ailleurs l’intention
-d’élucider les mouvements si spéciaux
-et en apparence illogiques, de l’horlogerie
-du cerveau durant le sommeil. Au moment
-où je mourais ainsi au fond de l’eau, se
-produisit d’abord un phénomène extrêmement
-anormal, et dont je n’eus l’explication
-que bien des années après. Était-ce un
-souvenir de lectures anciennes, où j’avais
-appris que les noyés, à l’instant de leur
-mort, revoient, en une espèce de miroir,
-leur vie entière avec ses incidents les plus
-minutieux ? Ou cette vision de l’existence
-est-elle réellement inséparable de la mort
-par immersion et se trouvait-elle naturellement
-amenée ici ? Je ne sais ; mais j’eus
-l’idée de cette espèce de miroir, et alors,
-comme l’esprit du songeur est assez
-semblable à celui d’un tout petit enfant,
-incapable d’abstraction, et en qui toute
-idée devient image et toute pensée se
-transforme en acte, j’eus immédiatement
-en main ce miroir même auquel j’avais
-songé et je me mis à y regarder attentivement.</p>
-
-<p>Ici, je voudrais pouvoir exprimer mon
-étonnement (car le jugement demeure
-souvent intact pendant le sommeil, et un
-rêve peut paraître comique par exemple,
-encore que le rire n’y naisse pas toujours
-d’une disproportion, ou de la « relation
-brisée » comme dit Hello, et puisse avoir
-des causes plus mystérieuses), je voudrais
-pouvoir exprimer mon étonnement, lorsque
-je réfléchis à l’invraisemblable vision, « car
-ce miroir était à peu près vide », et cependant,
-en comptant mes années, il eût dû
-être peuplé de tristes événements ! tandis
-que ce n’était qu’en un de ses angles que
-j’aperçus quelques vagues images à moitié
-dissoutes en des obnubilations mobiles et
-d’une couleur fade. On eût dit de ces dessins
-que tracent les enfants, et j’y reconnus
-les formes embryonnaires d’un certain
-nombre de seins, une ronde feuille verte,
-un rais de lumière, un morceau de lange
-et une petite main de nouveau-né entr’ouverte.
-Tout le reste se perdait en une
-obscurité que je n’eus pas le loisir d’examiner,
-et néanmoins, il devait y avoir là
-bien des choses inconnues et peut-être
-« antérieures ». Mais au bout de mon coup
-d’œil le miroir s’éteignit, et mon rêve continua.
-Je n’insiste donc plus sur cet incident
-accessoire.</p>
-
-<p>Levant ensuite les yeux vers l’orifice du
-puits, j’y entrevis, penchés, « au milieu
-d’un ciel orageux », un visage de femme,
-et en même temps un geste d’effroi où il
-y avait une multitude de fuites. En passant,
-il faut observer que, dans ce récit
-fait d’après des souvenirs atténués, ceci
-comme tout ce qui est du ressort de la
-raison diurne, prend nécessairement une
-allure logique qui n’était nullement celle
-du rêve, où maints événements, successifs
-ici, s’emmêlaient ; on sait d’ailleurs que le
-rêve, en apparence le plus long, dure à
-peine l’espace d’un battement de cœur, et
-n’est qu’un afflux extraordinairement bref
-d’aventures et d’images. Je venais à peine
-d’entrevoir ce geste, qu’il s’évanouit ; et je
-fus immédiatement imprégné de l’idée
-qu’une espèce de cri spécial, inconnu et
-incompréhensible, devait avoir accompagné
-cet évanouissement. Mais avant d’aller
-plus loin, une brève glose est à ce propos
-strictement nécessaire.</p>
-
-<p>Je ne crois pas qu’on entende ordinairement
-un son en rêve, c’est-à-dire « un
-véritable son de rêve », et non un bruit
-effectif et extérieur qui, grâce à la mobilité
-du songe, peut parfaitement s’adapter à
-l’un de ses épisodes. Il me semble, au contraire,
-que le rêve est presque toujours
-« muet », et que tous ses personnages
-marchent, parlent et agissent au milieu
-d’une matière molle et singulièrement insonore.
-L’oreille du dormant « est déjà inutile »,
-et il use exactement de cette invention
-au bord de laquelle nous attendons
-encore pendant le jour, et qui rendra superflues,
-avant peu, les découvertes assez
-puériles du télégraphe et du téléphone. Je
-veux parler de la communion des esprits
-ou de l’introspection réciproque de toutes
-les intelligences et de ce qu’on pourrait
-appeler la « Télépsychie », qui permettra
-à toute âme, à un moment donné, de communiquer
-avec telle autre qu’elle voudra,
-située n’importe où dans l’espace ou le
-temps, après qu’on aura retrouvé les liens
-qui nous unissent les uns aux autres et
-dont le magnétisme et la télépathie rattachent
-actuellement les premiers fils épars.</p>
-
-<p>Ainsi, je sus, grâce à cette intuition du
-dormant, qu’une clameur étrange avait été
-poussée. Après de longues années je reconnus
-la nature et le sens exact de cette
-clameur ; mais je la donnerai plus loin,
-telle qu’elle m’apparut à mon réveil, et
-que je la notai dès le lendemain, au moment
-où j’ignorais tout de ma famille, de mon
-enfance et de mes origines. Je n’aurais du
-reste pas osé rapporter ce détail presque enfantin,
-mais significatif, si je n’étais à même
-de le prouver d’une manière irréfragable.</p>
-
-<p>Il y eut quelque confusion dans les événements
-subséquents, ainsi qu’il arrive
-parfois aux endroits les plus importants
-des songes, car la raison nocturne a bien
-des détours ignorés. Mais je revois distinctement
-qu’une femme m’apparut, extraordinairement
-nette, à l’exception du visage,
-où des traits, en tout semblables à ceux
-d’Annie, luttaient et se mêlaient sans interruption
-avec d’autres traits d’une indéfinissable
-impression, que j’appellerai, peu
-approximativement, « de réticence, et à la
-fois implicite et virtuelle » (et ce visage,
-je le reconnaîtrais néanmoins sans hésitation,
-« mais uniquement, je pense, durant
-la nuit » ; au surplus, il vaut mieux ne pas
-approfondir ces interpénétrations d’identité
-dans les songes). Je me rappelle ensuite
-que je fus arraché à l’eau du puits
-par un geste analogue à celui d’Annie à
-la fontaine, « en considérant uniquement
-le reflet de ce geste, c’est-à-dire, qu’il me
-sembla être sauvé par un bras nu qui sortait
-de l’eau ». Et après une incolore lacune,
-je me trouvai tout à coup en plein air, sous
-un ciel de pluie, d’orage et de soir, et celle
-qui m’avait sauvé, et qui m’embrassait « en
-me parlant une langue que je ne comprenais
-plus », m’emportait le long de rues et
-de quais éclairés.</p>
-
-<p>En cet endroit, je note une exception
-assez bizarre aux habitudes du songe :
-« c’est que je vis une partie du paysage
-que je traversais ». Il faut observer, en
-effet, que le paysage du sommeil est
-« presque toujours utile », en ce sens qu’il
-n’existe qu’autant qu’il fasse partie intégrante
-de l’action, et au fur et à mesure
-de cette action. Il est sobre en outre comme
-un décor de Shakspeare, et les personnages
-n’ont que le morceau de terrain
-strictement nécessaire à leurs évolutions,
-tandis que ces fragments d’entours indispensables
-accompagnent le drame pas à
-pas. C’est ainsi qu’en un rêve où j’étais
-poursuivi par une pullulation de serpents
-blancs, je vis s’élever successivement devant
-moi, les taillis, les touffes de plantes et les
-haies au travers desquelles je passais pour
-leur échapper, sans avoir une vision d’ensemble
-de la plaine où je fuyais. Une autre
-fois (mais cet exemple est néanmoins
-d’« une nature différente », et l’égoïsme
-du dormeur n’est pas « ici » la cause de
-l’annulation du paysage), ayant acheté un
-très vieux château, et ne parvenant pas — à
-cause de l’une de ces impossibilités arbitraires
-du rêve — à me rendre compte de
-l’étendue du domaine, je montai sur un
-grand arbre, pour jeter de là un coup d’œil
-sur le parc ; mais, à mon insu, tout le terrain
-s’élevait avec moi, et il me fut impossible
-d’apercevoir quelque chose au delà
-de l’avenue où j’étais. A part ceci, il peut
-arriver toutefois, que le paysage serve de
-« <span lang="de" xml:lang="de">leitmotiv</span> », à quelque acteur, et que celui-ci
-se présente avec le milieu où il se meut
-à l’ordinaire ; par exemple, un forgeron
-apparaîtra parfois avec sa forge, un malade
-avec son lit, un horticulteur avec sa
-serre, sans que ces accessoires subtils
-encombrent l’action ou le théâtre nocturne.
-Mais je doute des songes descriptifs et
-des sites où le dormant n’est pas mêlé, et
-cependant, ce que j’entrevis n’agissait pas
-en ce dernier épisode.</p>
-
-<p>C’était un paysage comme celui qu’un
-homme effrayé regarde ; un ciel de cyclone
-où une lune se révélait par intervalles, des
-quais et des canaux d’eaux noires, margés
-d’arbres très vieux et bouleversés, des
-ponts-levis dressés comme des bras de
-terreur, de petites maisons à pignons avec
-des poulies aux lucarnes, une multitude
-de barques avec des lanternes, mais surtout
-(car il se peut que les précédentes
-apparitions aient été éveillées depuis, tandis
-que cette dernière est d’une inquiétante
-et inébranlable certitude), deux moulins
-noirs, l’un, aux ailes titaniques et immobiles,
-et l’autre, un peu en arrière, dépouillé,
-sombre, nu, abstrait, et sans ailes,
-et énormes tous deux, énormes et hauts
-comme des tours à l’angle de la ville, oppressaient
-une violente et ténébreuse touffe
-d’arbres extrêmement grands et anciens.</p>
-
-<p>Au détour d’une rue antique, je fis un
-effort pour revoir encore ces deux extraordinaires
-témoins, et, avec ce déséquilibre
-des mouvements et cette absence de mesure
-ordinaires au sommeil, en me retournant,
-je heurtai le fer du lit et je m’éveillai.</p>
-
-<p>En cet état spécial entre la veille et le
-sommeil, qui est comme l’entr’acte des
-songes, et où la volonté renaît un peu,
-j’essayai d’analyser ma vision et de la fixer
-ainsi dans un demi-réel, car la mémoire du
-sommeil est inexplicablement fugace et fragile,
-et tandis qu’on peut se rappeler indéfiniment
-et exactement telle pensée ou
-image, « créée pendant le jour », les images
-des songes, alors même qu’on a eu soin
-de les établir nettement au réveil, et de les
-acclimater ainsi dans la vie diurne, ne se
-laissent pas évoquer plus de deux ou trois
-fois, et à chacune de ces évocations elles
-s’affaiblissent jusqu’à confluer en une mort
-indistincte, comme si on les entrevoyait à
-travers quelque verre grossissant qui
-s’éloigne outre mesure. Je ne m’attarde
-pas à cette énigmatique anomalie de la
-mémoire, elle n’eut pas entièrement lieu, du
-reste, dans le rêve en question, et le lendemain
-et depuis, je pus éveiller assez minutieusement
-tous ses souvenirs.</p>
-
-<p>Annie, ce lendemain qui était un samedi,
-allait rejoindre Walter à New-Haven, sans
-avoir eu le temps de me dire adieu. Elle
-devait revenir le mardi suivant, mais elle
-ne revint plus. Je lui écrivis ce jour même
-une lettre, où je lui parlais incidemment de
-ce rêve auquel elle me semblait si ineffablement
-mêlée. Je traduis littéralement
-de l’anglais, en omettant simplement les
-propos inutiles ou inefficaces. — On me
-pardonnera, j’espère, la gaucherie de cette
-traduction, car il importait de rendre « <span lang="la" xml:lang="la">verbatim</span> »
-le texte américain qui m’a été restitué
-et que j’ai conservé par devers moi.</p>
-
-<blockquote>
-<div class="dots"><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.
-</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.
-</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b></div>
-<p>… « A propos, j’ai rêvé de toi, Annie,
-mais ô, d’une étrange, étrange toi ! Sache
-d’abord que je me noyais au fond d’un
-insondable puits ; alors vint une très vieille
-femme regarder dans le puits, en levant
-les bras, et en exclamant une incompréhensible
-phrase en fort mauvais anglais :
-« <span lang="en" xml:lang="en">The kind is in the pit ! the kind is in the
-pit !</span><a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a> » ou une chose analogue.</p>
-
-<div class="footnote"><p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> « <span lang="en" xml:lang="en">Kind</span> » en anglais, genre, espèce, ou l’adjectif : bon,
-bienveillant, etc.</p>
-</div>
-<p>« Qu’est cela ? — Après vint une autre
-femme, semblable à toi, Annie, ou du
-moins, une presque en tout semblable à
-toi, sauf quant au visage qui était bien
-plus triste. Alors toi, ou elle, m’as tiré de
-l’eau, en te penchant sur le puits comme tu
-fis vendredi soir à la fontaine, et tu m’emportas
-en tes bras (moi si grand et si
-lourd cependant) dans une ville que je
-n’avais jamais vue auparavant, et où, à
-droite, il y avait une vieille forêt de très
-hauts arbres, et au delà, deux effrayants,
-effrayants moulins à vent, « tels qu’il n’en
-existe pas ici », et dont un absolument sans
-ailes… »</p>
-</blockquote>
-
-<p>L’enveloppe de cette lettre (elle n’adhère
-malheureusement pas à la lettre même,
-mais l’écriture est si parfaitement identique,
-que nul doute n’est possible), porte
-le timbre vert des États de l’Union. Il a été
-oblitéré à Boston, le 25 octobre 1880,
-11. a. m. A la réception à New-Haven, un
-timbre humide a marqué : « New-Haven,
-Wharf 25/10.80. 4 n. » Je mets ces deux
-pièces à la disposition de ceux que cet
-événement psychique pourrait intéresser.
-J’ai été obligé d’effacer sur l’enveloppe, le
-nom patronymique d’Annie, et de découper
-l’angle gauche de la lettre, car il portait
-en exergue le nom entier de Mrs. W.-K.,
-avec sa devise : « <span lang="en" xml:lang="en">At last shut to fears</span> »
-(enfin close aux peurs), que je ne me suis
-jamais expliquée.</p>
-
-<p>Je passe à présent bien des années, des
-tristesses et des pièges, sans relations
-avec le sujet actuel, et j’arrive ainsi au
-moment où j’atteignis enfin ma majorité.</p>
-
-<p>Vers cette époque, — j’avais quitté le
-morne orphelinat, et je veux désormais
-garder le silence sur tout ce qui concerne
-Mrs W.-K., — vers cette époque, je reçus
-de Hollande, par l’intermédiaire du recteur
-de cet orphelinat, un volumineux envoi,
-comprenant des comptes de tutelle minutieux
-et compliqués, les procès-verbaux des
-délibérations du conseil de famille, des
-titres de propriété et de rentes, et une foule
-de papiers divers et anciens.</p>
-
-<p>Il était de règle, en la maison que je
-venais d’abandonner — afin de sauvegarder
-toute égalité et d’écarter tout leurre
-d’avenir, et à moins de quelque incident
-inévitable, comme ce qui eut lieu pour
-Walter, — de ne révéler aux orphelins
-quoi que ce fût, au sujet de leurs familles
-et de leurs antécédents.</p>
-
-<p>Je fus donc singulièrement étonné, à
-l’examen de cet envoi, d’apprendre que
-j’étais Hollandais, et maître d’une fortune
-assez importante ; c’est plus tard seulement
-que je sus à la suite de quelle négligence et
-de quels mauvais vouloirs, j’avais été délaissé
-au fond du Massachusetts, mais ces
-détails n’ont aucun rapport avec le récit
-d’aujourd’hui.</p>
-
-<p>J’ai dit tout à l’heure « à l’examen de cet
-envoi », malheureusement cet examen fut
-plus tardif que je n’aurais voulu. J’ignorais
-complètement le néerlandais, et à Salem
-où j’étais retourné, je me mis vainement
-en quête d’un traducteur. Je résolus alors
-d’apprendre une langue qui s’était si subitement
-décelée maternelle, et grâce à l’anglais,
-et surtout à l’allemand que je possédais,
-je fus à même, au bout de deux ou
-trois semaines, de lire assez couramment
-les pièces les plus importantes.</p>
-
-<p>Une nuit, en feuilletant ainsi une liasse
-de papiers au timbre colonial de Java, je
-tombai, — graduellement en proie à une
-crise d’étonnement et d’effroi, — je tombai
-sur la brève et d’ailleurs très simple, mais
-pour moi, pour moi seul, vraiment insolite
-et incroyable lettre suivante, écrite de la
-main de ma mère, et dont l’influence a
-réellement et à jamais déplacé l’axe de ma
-vie. Je traduis mot à mot du hollandais,
-en omettant, comme tantôt, tout ce qui
-n’est pas essentiel.</p>
-
-<blockquote>
-<p class="date">Utrecht, 23 septembre 1862.</p>
-
-<div class="dots"><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.
-</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.
-</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b></div>
-<p>… « Nous étions allés cette après-midi-là
-(très probablement le 17 septembre, d’après
-le contexte, qui n’est cependant pas absolument
-décisif) avec la cousine Meeltje et
-Mme van Brammen, prendre le thé chez la
-tante van Naslaan, et l’agneau<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a> était au
-jardin avec Sarthe — elle l’avait laissé seul
-« un clin d’œil », sur le gazon ; et quand
-elle revint, plus d’agneau ! Elle va regarder
-dans le puits ; le pauvre innocent agneau
-était au fond ! Elle, au lieu de l’en tirer
-tout de suite, vint crier à notre fenêtre
-« <span lang="nl" xml:lang="nl">’t kind is in den put ! ’t kind is in den
-put !</span> » (l’enfant est dans le puits ! l’enfant
-est dans le puits !). Je saute alors par la
-fenêtre du salon, et je tire de l’eau le cher
-agneau, qui pleurait toutes les larmes de son
-petit cœur, et je cours tout d’une haleine
-jusqu’à notre maison… »</p>
-</blockquote>
-
-<div class="footnote"><p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a> « <span lang="nl" xml:lang="nl">’t Sebaapje</span> » la petite brebis, l’agneau, terme Hollandais
-pour désigner les enfants, etc.</p>
-</div>
-<p>Cette lettre était adressée à mon père,
-alors, ainsi que je l’ai dit plus haut, « <span lang="nl" xml:lang="nl">adsistent-resident</span> »
-à Java. La date qu’elle
-porte est légalement certaine, car, à son
-retour de l’île, quatre mois après, avec
-d’autres papiers délaissés par mon père,
-elle fut déposée chez le notaire « Hendrik
-Joannes Bruis », et elle est mentionnée
-dans un inventaire enregistré à Utrecht le
-3 février 1863.</p>
-
-<p>Au soir de cet accident, où je dus la vie
-à l’angélique célérité de ma mère, j’étais
-âgé de quatre mois et neuf jours, ce qu’il
-m’est, naturellement, facile de prouver.</p>
-
-<p>Ainsi donc, cette nuit d’octobre, j’avais
-communié, sans intermédiaire, avec l’invisible
-et l’inexplicable, et mon âme en est
-demeurée pâle et malade et sujette à toutes
-les inquiétudes et à tous les effrois. Je
-n’essaierai nulle élucidation aujourd’hui ;
-et je classe ce phénomène parmi tant d’autres,
-aux causes latentes, dont les lois sûres
-seront retrouvées quelque jour. En attendant,
-je veux les ignorer, comme j’ignore,
-par exemple, l’innombrable inconnu des
-pressentiments, ou pourquoi la mort, lorsqu’elle
-a été dans une maison, y revient
-inévitablement peu après. Thomas de
-Quincey affirme en son étude : « <span lang="en" xml:lang="en">On the
-knocking at the gate in Macbeth</span> », que
-l’intelligence est une faculté inférieure de
-l’esprit humain, et je crois qu’il faut s’en
-défier avant tout, en ces zones d’événements.
-Au reste, il vaut mieux, peut-être, ne
-pas y réfléchir outre mesure, de peur de
-délier à la fin les cavales blanches de la
-folie, dans ce qu’un médecin illustre appelle
-étrangement « le grand territoire de la
-substance grise ».</p>
-
-<p>Mais si je crains d’approfondir cette
-vision, au point de vue purement objectif,
-je voulus entièrement me plonger dans la
-joie de ma peur ; et c’est pourquoi, je résolus
-de visiter, presque immédiatement après,
-le théâtre de mon rêve.</p>
-
-<p>Malheureusement, d’impérieuses circonstances
-abrégèrent subitement mon voyage
-en Hollande, et il me fut impossible de
-séjourner à Utrecht plus de sept à huit
-heures.</p>
-
-<p>J’y descendis aux dernières heures d’une
-après-midi d’hiver sombre, de nuages et de
-neige. En sortant de la gare de « <span lang="nl" xml:lang="nl">Rhijnspoorweg</span> »,
-je devais être extraordinairement
-pâle, car j’entrevis, à mon aspect,
-une sorte d’hésitation et de méfiance sur
-le visage des employés et des passants.
-Après avoir traversé la place, on prend,
-pour se rendre en ville, la « <span lang="nl" xml:lang="nl">Stationstraat</span> ».
-Jusque-là rien ne m’étonna, non plus,
-d’abord, que sur le canal d’enceinte, nommé
-« <span lang="nl" xml:lang="nl">Stad’s buiten gracht</span> », qui coupe cette
-rue à angle droit. Mais après quelques pas
-le long des berges, et au bout de ce canal
-désormais ineffaçable et éternel pour moi,
-j’ai éprouvé, pour la première fois, cette
-espèce de soudaine et polaire pâleur de
-l’esprit, qui n’est heureusement réservée
-qu’à quelques hommes, et mon âme, déjà
-si souvent agitée par ce songe, chancela
-littéralement dans mon cœur ! En face de
-moi, subitement et si près que mes yeux
-semblaient les toucher (encore qu’en réalité
-ils fussent assez éloignés, car c’était un
-effet d’optique dû à leur disproportion), au
-milieu de l’irréel paysage d’une métropole
-de neige, sous un ciel obscurci et comme
-autrefois analogue à un glas, avec ses
-eaux engourdies entre les talus, ses barques
-écloses à fleur des marais morts, ses
-ponts-levis en mouvement le long des rues
-d’ouate, et pleines de maisons et de personnages
-muets au niveau des pignons,
-« je reconnaissais enfin les deux moulins
-à vent, effrayants et indubitables », mobiles
-aujourd’hui en une nuageuse trémulation
-d’aquarium et d’éclipse, identiques,
-mais plus imminents peut-être, plus funestes
-et plus oppresseurs de la ville et
-du bois ternement nuptiaux au-dessus
-desquels ils tournaient en envoyant de
-leurs épaisses ailes, des signes très tristes
-à une âme qu’ils attendaient patiemment
-depuis tant d’années !</p>
-
-<p>Après l’hallucinant coup d’œil, je voulus
-d’abord éperdument courir vers eux, au
-hasard des eaux et des quais ; mais l’instinct
-de l’étranger m’interdit de troubler
-comme une pierre cette multitude malléable
-et stagnante qui s’étalait autour des ponts-levis ;
-puis en route, à mesure que j’approchais
-des vieux arbres du « <span lang="nl" xml:lang="nl">Pardenveld</span> »,
-mon enthousiasme glissait le long de moi,
-comme un manteau de flammes, et j’éprouvais
-une désillusion graduelle en observant
-une à une de notables différences.</p>
-
-<p>Je ne parlerai pas de l’aspect éclatant et
-pascal des entours d’aujourd’hui, qui avait
-remplacé l’aspect si néfaste et comme « à
-travers des glaces obscurcies » d’autrefois,
-ni des ailes qui viraient actuellement dans
-le ciel du second moulin, jadis si immobile,
-et dont la présence avait mis un malaise
-en mon coup d’œil, mais le premier des
-géants noirs, celui que j’avais toujours vu
-le plus exactement, me semblait incomparablement
-plus élevé qu’en ma nuit d’octobre,
-« comme s’il avait grandi plus vite
-que les arbres », ou qu’un insolite événement
-eût troublé ses proportions, par rapport
-à la ville, et je voulus immédiatement
-examiner cette infidélité.</p>
-
-<p>Je gravis le grand tertre à la cime
-duquel il s’épanouissait et je vis que cette
-énorme tour n’avait pas de porte, ni
-aucune ouverture, à l’exception, vers le
-haut, d’une étroite fenêtre déjà éclairée.
-Après avoir hélé longtemps en vain, à la
-longue, un visage de jeune fille, anormalement
-vaste et aux allures inexplicables, et
-cependant virginâtrement hollandaise, se
-pencha en révulsant ainsi une chevelure
-presque blanche qui coulait le long du
-moulin, mais à chacun de mes cris, elle se
-mettait muettement un doigt sur la
-bouche ; et je n’en pus rien obtenir.</p>
-
-<p>Aux explications d’un paysan, je compris
-enfin, péniblement, que la porte était au
-bas du tertre, et que le meunier habitait
-seul le moulin avec sa petite-fille hydrocéphale.
-J’y allai frapper, mais comme je
-parlais un hollandais encore inintelligible,
-et sans doute aussi parce que j’avais l’air
-las, maladif et anxieux, l’homme m’écouta
-avec méfiance par l’entrebâillement de la
-porte et je ne recueillis aucun éclaircissement.
-Toutefois, en jetant un dernier coup
-d’œil sur la tour, j’ai noté un détail qui
-explique peut-être la disproportion observée :
-« c’est que les briques s’étendant
-depuis la toiture jusqu’à la petite fenêtre,
-semblaient plus rouges et par conséquent
-plus récentes que les autres ». Malheureusement,
-il faisait déjà nuit, et ceci n’est
-qu’une allégation incertaine.</p>
-
-<p>Ensuite, j’allai vers le second moulin, afin
-d’apprendre à quelle époque on avait rétabli
-les ailes ; mais il avait cessé de tourner
-depuis un quart d’heure et semblait absolument
-désert. Cependant, on m’affirma
-assez évasivement, en une « <span lang="nl" xml:lang="nl">Taperij</span> » ou
-auberge voisine, que les ailes actuelles
-existaient depuis une vingtaine d’années.</p>
-
-<p>Il fallut me contenter de ces renseignements
-incomplets ; et je voulus, en dernier
-lieu, éclairer une autre obscurité. On n’a
-pas oublié que le premier visage à l’orifice
-du puits « m’avait apparu dans un ciel
-orageux » et que toute ma fuite avait traversé
-un paysage entièrement bouleversé
-par la tempête ; or, selon la lettre de ma
-mère, j’étais au jardin au moment où l’accident
-eut lieu. Il y avait là une anomalie
-qu’il fallait indispensablement s’expliquer.
-Grâce à d’exactes indications de l’inventaire,
-je savais que la maison « de la tante van
-Naslaan », en laquelle j’avais eu une part
-de propriété indivise, était située au n<sup>o</sup> 33
-de l’« <span lang="nl" xml:lang="nl">Oude Gracht</span> ». Par malheur, la soirée
-était fort avancée, et la maison habitée
-par deux vieilles dames, en train de prendre
-le thé, qui n’entendirent rien à mes interrogations,
-d’ailleurs timides et maladroites,
-et me répondirent avec inquiétude, en verrouillant
-la porte, que leur demeure n’était
-pas à louer.</p>
-
-<p>Peut-être y avait-il là une serre, ou une
-partie du jardin était-elle vitrée, à la manière
-hollandaise, ce qui serait une explication
-après tout suffisante. Au reste, au
-sujet de l’orage du 17 septembre 1862, j’ai
-noté l’entrefilet suivant dans le numéro du
-vendredi 18, du « <span lang="nl" xml:lang="nl">Rotterdamsche courant</span> ». — Je
-traduis : « Hier, vers 6 heures du
-soir, la goélette anglaise, « <span lang="en" xml:lang="en">The faithfull
-Helen</span> », capitaine Milford de Goole, a
-rompu ses amarres, sous la violence du
-vent, et est allée échouer au « <span lang="nl" xml:lang="nl">Willems
-Kade</span> », après avoir abordé une « <span lang="nl" xml:lang="nl">tjalk</span> »
-de Vlissingen. Ces dégâts sont insignifiants. »</p>
-
-<p>Il reste un dernier « <span lang="la" xml:lang="la">desideratum</span> ». J’ai
-trouvé dans les papiers de famille envoyés
-à Salem, une quittance signée de la main du
-peintre belge, François-Joseph Navez, qui
-doit avoir peint le portrait de ma mère
-entre les années 1859 et 1860. Ce portrait
-a été vendu pour une somme de 12 florins,
-lors de la liquidation. Or, « il m’importerait
-extrêmement de retrouver ses traces »,
-et c’est pourquoi je supplie tous ceux qui
-seraient à même de donner quelque indice
-à ce sujet, et en général au sujet de tous
-les « <span lang="la" xml:lang="la">desiderata</span> » de cet éclaircissement,
-de vouloir adresser leurs renseignements
-à « M. Balfour Stuwart, <span lang="en" xml:lang="en">president of the
-Society of psychical inquiries, 75, Catherine
-street, strand, London</span> », qui se chargera
-de me les transmettre. Ils rendront ainsi
-service à une science nouvelle (car on sait
-à quelles découvertes pourrait mener
-l’éducation de cette faculté spéciale de la
-mémoire, en l’appliquant, par exemple, à
-la période embryonnaire, et même préembryonnaire)
-et à une âme inquiète
-qui a consacré sa vie à
-la solution de ces
-problèmes.</p>
-
-<div class="break"></div>
-
-<p class="narrow noindent top4em">Ici finissent les « Deux Contes »,
-de Maurice Maeterlinck ; l’un : « Le
-massacre des Innocents », commençant
-à la page V, l’autre : « Onirologie »,
-à la page XXXVII ; tous
-deux précédés d’une note de
-l’éditeur et d’un avis
-de l’auteur.</p>
-
-<div class="break"></div>
-
-<p class="noindent narrow top4em">Ce livre, le sixième de la collection des « Variétés
-littéraires », a été établi par Ad. van Bever ;
-tiré à mille deux cents exemplaires, soit XXV exemplaires,
-sur vieux Japon impérial, dont V hors commerce, numérotés
-de I à XX et de XXI à XXV ; XXV exemplaires sur
-Chine, numérotés de XXVI à L ; et MCL exemplaires sur
-papier des manufactures de Rives (dont L hors commerce),
-numérotés de LI à MCL et de MCLI à MCC, le présent
-ouvrage a été achevé d’imprimer, en gothique française,
-par Paul Hérissey, imprimeur à Évreux, le XV août
-MCMXVIII ; les ornements typographiques ont
-été dessinés et gravés sur bois par Louis Jou.</p>
-
-
-
-<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DEUX CONTES ***</div>
-<div style='text-align:left'>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Updated editions will replace the previous one&#8212;the old editions will
-be renamed.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright
-law means that no one owns a United States copyright in these works,
-so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United
-States without permission and without paying copyright
-royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part
-of this license, apply to copying and distributing Project
-Gutenberg&#8482; electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG&#8482;
-concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark,
-and may not be used if you charge for an eBook, except by following
-the terms of the trademark license, including paying royalties for use
-of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for
-copies of this eBook, complying with the trademark license is very
-easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation
-of derivative works, reports, performances and research. Project
-Gutenberg eBooks may be modified and printed and given away--you may
-do practically ANYTHING in the United States with eBooks not protected
-by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the trademark
-license, especially commercial redistribution.
-</div>
-
-<div style='margin:0.83em 0; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE<br />
-<span style='font-size:smaller'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE<br />
-PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</span>
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-To protect the Project Gutenberg&#8482; mission of promoting the free
-distribution of electronic works, by using or distributing this work
-(or any other work associated in any way with the phrase &#8220;Project
-Gutenberg&#8221;), you agree to comply with all the terms of the Full
-Project Gutenberg&#8482; License available with this file or online at
-www.gutenberg.org/license.
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg&#8482; electronic works
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg&#8482;
-electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
-and accept all the terms of this license and intellectual property
-(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
-the terms of this agreement, you must cease using and return or
-destroy all copies of Project Gutenberg&#8482; electronic works in your
-possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a
-Project Gutenberg&#8482; electronic work and you do not agree to be bound
-by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person
-or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.B. &#8220;Project Gutenberg&#8221; is a registered trademark. It may only be
-used on or associated in any way with an electronic work by people who
-agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
-things that you can do with most Project Gutenberg&#8482; electronic works
-even without complying with the full terms of this agreement. See
-paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
-Gutenberg&#8482; electronic works if you follow the terms of this
-agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg&#8482;
-electronic works. See paragraph 1.E below.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation (&#8220;the
-Foundation&#8221; or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
-of Project Gutenberg&#8482; electronic works. Nearly all the individual
-works in the collection are in the public domain in the United
-States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
-United States and you are located in the United States, we do not
-claim a right to prevent you from copying, distributing, performing,
-displaying or creating derivative works based on the work as long as
-all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope
-that you will support the Project Gutenberg&#8482; mission of promoting
-free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg&#8482;
-works in compliance with the terms of this agreement for keeping the
-Project Gutenberg&#8482; name associated with the work. You can easily
-comply with the terms of this agreement by keeping this work in the
-same format with its attached full Project Gutenberg&#8482; License when
-you share it without charge with others.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
-what you can do with this work. Copyright laws in most countries are
-in a constant state of change. If you are outside the United States,
-check the laws of your country in addition to the terms of this
-agreement before downloading, copying, displaying, performing,
-distributing or creating derivative works based on this work or any
-other Project Gutenberg&#8482; work. The Foundation makes no
-representations concerning the copyright status of any work in any
-country other than the United States.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.1. The following sentence, with active links to, or other
-immediate access to, the full Project Gutenberg&#8482; License must appear
-prominently whenever any copy of a Project Gutenberg&#8482; work (any work
-on which the phrase &#8220;Project Gutenberg&#8221; appears, or with which the
-phrase &#8220;Project Gutenberg&#8221; is associated) is accessed, displayed,
-performed, viewed, copied or distributed:
-</div>
-
-<blockquote>
- <div style='display:block; margin:1em 0'>
- This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
- other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
- whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
- of the Project Gutenberg License included with this eBook or online
- at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. If you
- are not located in the United States, you will have to check the laws
- of the country where you are located before using this eBook.
- </div>
-</blockquote>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.2. If an individual Project Gutenberg&#8482; electronic work is
-derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not
-contain a notice indicating that it is posted with permission of the
-copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in
-the United States without paying any fees or charges. If you are
-redistributing or providing access to a work with the phrase &#8220;Project
-Gutenberg&#8221; associated with or appearing on the work, you must comply
-either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or
-obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg&#8482;
-trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.3. If an individual Project Gutenberg&#8482; electronic work is posted
-with the permission of the copyright holder, your use and distribution
-must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any
-additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms
-will be linked to the Project Gutenberg&#8482; License for all works
-posted with the permission of the copyright holder found at the
-beginning of this work.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg&#8482;
-License terms from this work, or any files containing a part of this
-work or any other work associated with Project Gutenberg&#8482;.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
-electronic work, or any part of this electronic work, without
-prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
-active links or immediate access to the full terms of the Project
-Gutenberg&#8482; License.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
-compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including
-any word processing or hypertext form. However, if you provide access
-to or distribute copies of a Project Gutenberg&#8482; work in a format
-other than &#8220;Plain Vanilla ASCII&#8221; or other format used in the official
-version posted on the official Project Gutenberg&#8482; website
-(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense
-to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means
-of obtaining a copy upon request, of the work in its original &#8220;Plain
-Vanilla ASCII&#8221; or other form. Any alternate format must include the
-full Project Gutenberg&#8482; License as specified in paragraph 1.E.1.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
-performing, copying or distributing any Project Gutenberg&#8482; works
-unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
-access to or distributing Project Gutenberg&#8482; electronic works
-provided that:
-</div>
-
-<div style='margin-left:0.7em;'>
- <div style='text-indent:-0.7em'>
- &#8226; You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
- the use of Project Gutenberg&#8482; works calculated using the method
- you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed
- to the owner of the Project Gutenberg&#8482; trademark, but he has
- agreed to donate royalties under this paragraph to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid
- within 60 days following each date on which you prepare (or are
- legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty
- payments should be clearly marked as such and sent to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in
- Section 4, &#8220;Information about donations to the Project Gutenberg
- Literary Archive Foundation.&#8221;
- </div>
-
- <div style='text-indent:-0.7em'>
- &#8226; You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
- you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
- does not agree to the terms of the full Project Gutenberg&#8482;
- License. You must require such a user to return or destroy all
- copies of the works possessed in a physical medium and discontinue
- all use of and all access to other copies of Project Gutenberg&#8482;
- works.
- </div>
-
- <div style='text-indent:-0.7em'>
- &#8226; You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of
- any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
- electronic work is discovered and reported to you within 90 days of
- receipt of the work.
- </div>
-
- <div style='text-indent:-0.7em'>
- &#8226; You comply with all other terms of this agreement for free
- distribution of Project Gutenberg&#8482; works.
- </div>
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project
-Gutenberg&#8482; electronic work or group of works on different terms than
-are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing
-from the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the manager of
-the Project Gutenberg&#8482; trademark. Contact the Foundation as set
-forth in Section 3 below.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
-effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
-works not protected by U.S. copyright law in creating the Project
-Gutenberg&#8482; collection. Despite these efforts, Project Gutenberg&#8482;
-electronic works, and the medium on which they may be stored, may
-contain &#8220;Defects,&#8221; such as, but not limited to, incomplete, inaccurate
-or corrupt data, transcription errors, a copyright or other
-intellectual property infringement, a defective or damaged disk or
-other medium, a computer virus, or computer codes that damage or
-cannot be read by your equipment.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the &#8220;Right
-of Replacement or Refund&#8221; described in paragraph 1.F.3, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
-Gutenberg&#8482; trademark, and any other party distributing a Project
-Gutenberg&#8482; electronic work under this agreement, disclaim all
-liability to you for damages, costs and expenses, including legal
-fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
-LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
-PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
-TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
-LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
-INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
-DAMAGE.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
-defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
-receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
-written explanation to the person you received the work from. If you
-received the work on a physical medium, you must return the medium
-with your written explanation. The person or entity that provided you
-with the defective work may elect to provide a replacement copy in
-lieu of a refund. If you received the work electronically, the person
-or entity providing it to you may choose to give you a second
-opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If
-the second copy is also defective, you may demand a refund in writing
-without further opportunities to fix the problem.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
-in paragraph 1.F.3, this work is provided to you &#8216;AS-IS&#8217;, WITH NO
-OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT
-LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
-warranties or the exclusion or limitation of certain types of
-damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement
-violates the law of the state applicable to this agreement, the
-agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
-limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
-unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
-remaining provisions.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
-trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
-providing copies of Project Gutenberg&#8482; electronic works in
-accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
-production, promotion and distribution of Project Gutenberg&#8482;
-electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
-including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
-the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
-or any Project Gutenberg&#8482; work, (b) alteration, modification, or
-additions or deletions to any Project Gutenberg&#8482; work, and (c) any
-Defect you cause.
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg&#8482;
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Project Gutenberg&#8482; is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of
-computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
-from people in all walks of life.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
-assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg&#8482;&#8217;s
-goals and ensuring that the Project Gutenberg&#8482; collection will
-remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg&#8482; and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation&#8217;s EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
-U.S. federal laws and your state&#8217;s laws.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Foundation&#8217;s business office is located at 809 North 1500 West,
-Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up
-to date contact information can be found at the Foundation&#8217;s website
-and official page at www.gutenberg.org/contact
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Project Gutenberg&#8482; depends upon and cannot survive without widespread
-public support and donations to carry out its mission of
-increasing the number of public domain and licensed works that can be
-freely distributed in machine-readable form accessible by the widest
-array of equipment including outdated equipment. Many small donations
-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
-with these requirements. We do not solicit donations in locations
-where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
-DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state
-visit <a href="https://www.gutenberg.org/donate/">www.gutenberg.org/donate</a>.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-While we cannot and do not solicit contributions from states where we
-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
-against accepting unsolicited donations from donors in such states who
-approach us with offers to donate.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-International donations are gratefully accepted, but we cannot make
-any statements concerning tax treatment of donations received from
-outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Please check the Project Gutenberg web pages for current donation
-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations. To
-donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
-</div>
-
-<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'>
-Section 5. General Information About Project Gutenberg&#8482; electronic works
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg&#8482; concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
-distributed Project Gutenberg&#8482; eBooks with only a loose network of
-volunteer support.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Project Gutenberg&#8482; eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
-the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
-necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
-edition.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-Most people start at our website which has the main PG search
-facility: <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>.
-</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>
-This website includes information about Project Gutenberg&#8482;,
-including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
-subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
-</div>
-
-</div>
diff --git a/old/66985-h/images/cover.jpg b/old/66985-h/images/cover.jpg
deleted file mode 100644
index 1f2f9fe..0000000
--- a/old/66985-h/images/cover.jpg
+++ /dev/null
Binary files differ
diff --git a/old/66985-h/images/ill_000.jpg b/old/66985-h/images/ill_000.jpg
deleted file mode 100644
index 5723889..0000000
--- a/old/66985-h/images/ill_000.jpg
+++ /dev/null
Binary files differ
diff --git a/old/66985-h/images/ill_001.png b/old/66985-h/images/ill_001.png
deleted file mode 100644
index e7a5cfc..0000000
--- a/old/66985-h/images/ill_001.png
+++ /dev/null
Binary files differ
diff --git a/old/66985-h/images/ill_002.png b/old/66985-h/images/ill_002.png
deleted file mode 100644
index b019fcc..0000000
--- a/old/66985-h/images/ill_002.png
+++ /dev/null
Binary files differ
diff --git a/old/66985-h/images/ill_003.png b/old/66985-h/images/ill_003.png
deleted file mode 100644
index 7f38993..0000000
--- a/old/66985-h/images/ill_003.png
+++ /dev/null
Binary files differ