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If you are not located in the United States, you -will have to check the laws of the country where you are located before -using this eBook. - -Title: Le paillasson - Mœurs de province - -Author: Laurent Tailhade - -Release Date: November 26, 2021 [eBook #66827] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -Produced by: Laurent Vogel and the Online Distributed Proofreading Team at - https://www.pgdp.net (This book was produced from images made - available by the HathiTrust Digital Library.) - -*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE PAILLASSON *** - - - - - LAURENT TAILHADE - - LE PAILLASSON - - MŒURS DE PROVINCE - - - “LE LIVRE” - 9, RUE COËTLOGON, PARIS - 1924 - - - - -Il a été tiré à part de cet ouvrage 10 exemplaires sur Japon des -Manufactures Impériales, numérotés de 1 à 10, 50 exemplaires sur -Hollande Van Gelder Zonen, numérotés de 11 à 60 et 10 exemplaires de -Collaborateurs, Hors-Commerce, sur divers papiers, numérotés de I à X. - - - - -Tous droits de reproductions réservés pour tous pays. - -Copyright by «LE LIVRE», Paris, 1924. - - - - -AVANT-PROPOS - - -L’inintelligence du lecteur se devant présumer, nous voulons bien -élucider son titre aux acquéreurs de ce papier. - -«_Le Paillasson_» fut ainsi nommé pour ce qu’il servira d’intermédiaire -à décrotter nos bottes, ô province, contre ton mufle détesté. - - * * * * * - -Avec les indigènes, croupiers, logeurs en garnis, marchands d’eaux -tièdes, et autres infirmes à qui l’on montrera leur béjaune, nous -sacrifierons de quelques pinchenettes les touristes idiots, les -baigneurs incongrus. Une fois au moins «_la Reine des Pyrénées_» à -croppetons sur sa cagnotte, humera ce vase et quoi qu’elle en tienne, -exhibera ses parfums. - -Les goîtreux folâtres ou pontifiants: crétins politiques, noblesse de -comptoir, gouines parvenues, cette mont-joie de faux dandies qui, par -Bigorre, épanouit ses truandes élégances, obtiendront une vitrine élue, -en notre musée d’horreurs. - -De ce que peuvent furibonder à nos chausses les veillaques époussetés, -nous ne daignons avoir souci. Grognements de porcs, abois de roquets ou -sifflets de vipères, cela ne nous chault plus qu’une guigne, et même il -est pour nous complaire, qu’un peu de huée, contre-pointe l’honnêteté de -nos propos. - -Des pseudonymes transparents (de gaze et de barèges aérien), des -pseudonymes vêtiront les syllabes répugnantes, par quoi furent -immatriculés aux registres sociaux les algonquins à dégourdir nos -épigrammes. - -Savonnette précieuse et qui permet de ne s’écorcher point le galoubet -devant la ménagerie bigourdane. - -LAURENT TAILHADE. - - - - -I - -VILLES D’EAUX - -(_Bagnères de Bigorre_) - - -De tous les fumiers propres à réchauffer le goût de la prostitution, à -gonfler d’une sève fécale les ventres arrondis en citrouilles devant le -dieu Cent-Sous, de tous les pourrissoirs où la dignité se vertdegrise, -où l’intellect se désagrège en des pensers de batracien, il n’en est -point que je sache de plus méphitique, de plus nauséabond que les -tannières généralement connues sous l’appellation humide: _Villes -d’Eaux_. Pour la copulation du crétinisme avec la filouterie, pour -l’embrassement des pantalons et des sycophantes, ce sont bocages -d’élection, ces choses plantées sur la montagne ou déposées au fil des -grèves. - -Les barons de la séquence, les tendrons hydrargiriques, les calicots -phanérogames, les galériens nantis de mouchoirs, les Agnès compromises -par de trop peu secrètes parturitions, les femmes du monde Jean Lorrain, -se viennent engluer aux appeaux de l’habitant aranéeux. Campements de -bohème aux pays de _Misère_, visites de la pègre transhumante chez les -votereaux suspects des mauvais lieux à piscines, qui nombrera les -immondices, de quoi vous êtes parfumés! - -Certes le pays de Gascogne porte mieux que tout autre un vif renom pour -ses tripots et ses lieux d’empoisonnement. - -Depuis Barèges où Gassuro chasse l’izard et le chrétien, jusques à Pau -où trichent les notaires, chaque bourgade s’y peut vanter d’une table -hellénique, ornée d’un croupier en surtout. - -L’amoureux de la forte somme y serre l’ongle du ponte carottier. Sicre -règne à Luchon et Blandin--ce Neptune--donne des lois à Biarritz. Tous -les autres ont leurs _journées_, où des Espagnols pain d’épices, -aventurent leurs piastres, avec des mouvements de gorilles promus curés, -des _pokers_ où reluisent tels gentilshommes à qui le papa _Dur_[1] -refuserait quarante sols. Toutes ces villes ont leurs pontes et des -idées sur la conduite à mener devant le point de cinq: toutes regorgent -d’anecdotes que Follou brode sur le dessert; mais Bagnères de Bigorre se -glorifie seule de Monseigneur Fiorentino della Porta, fermier général à -Cauterets. - - [1] Dur, un citerien de Bagnères. - -Peut-être satisfairait-on les curieux de ce personnage en détaillant par -le menu son histoire naturelle. Contentons-nous de le suspendre à nos -discours (tel un rameau du Vignemale) et de nommer, après les fleurs de -chiourme écloses à ses pieds, Félix, le suzerain de Saint-Pol. Maréchal -qui, comme un lierre, végète sur les ruines et toi, jeune homme -inexpressible, que les femmes ont si fort gâté. - -Après le cercle, les étuves. Car il faut bien de temps à autre récurer -un peu ses ongles et se laver les pieds. Il existe des caractères -audacieux pour confier leurs organes les plus intimes aux fantaisies de -médecins hilares et de masseurs emplis de cupidité. Les adolescents -vigoureux réchappent quelquefois de ces immersions néfastes auprès -desquelles le système hydrothérapique du regrettable Carrier pourrait -passer pour de la Saint Jean. - -Bigorre s’est constitué depuis longtemps une spécialité de courants -d’air qui font de ses thermes le plus merveilleux endroit du monde pour, -en quelques minutes, acquérir une maladie mortelle. Par compensation un -administrateur infatigable prit le soin de réduire en cotrets tous les -arbres susceptibles de fournir quelque ombrage au temps caniculaire, de -sorte que les visiteurs ont le choix entre la pleurésie et l’insolation. - -Ceci posé, nulle industrie plus honnête dans Bagnères. Les démolitions -et reconstructions annuelles des baignoires donnent du pain à vingt -équipes d’ouvriers, que, nonobstant la douceur de son nom, le jeune -Monsieur Clément, traite comme des nègres. D’autres virtuoses aussi -jouent de ces pistons, par quoi les vice-rois de la compagnie nous -firent paraître leurs merveilleuses capacités. - -Les loueurs en garni, fournisseurs de punaises et de fauteuils à trois -pieds, les promeneurs de guimbardes, les caïmans de toute espèce, ne -mériteraient-ils pas un thrène spécial en cette véridique lamentation? -Mais la fée Mab, la jolie petite fée Mab, avec ses ailes de crêpe et son -diadème de perle, a tiré la coquille de noix, son carrosse, et Mercutio, -le page, se délecte à la voir baller dans un rayon nacreux de lune. - -A qui profite au surplus de prouver la moindre chose? A quoi bon -houspiller les échines de Messieurs les paltoquets et les honorer -d’exordes comminatoires. N’est-ce pas, proprement, vouloir ferrer des -cigales? Aussi bien, nous les allons voir à l’œuvre et notre petit -bonheur annuel est près de débuter. La saison s’ouvre en bâillant comme -une huître qu’elle est. Cabotins, épiciers, fausses comtesses, Athéniens -du baccara, valseuses en fer, chaperonnées de pères en bois, touristes à -voiles verts, Anglaises giraffières, le déballage commence et la parade -ambulera demain. Les gargottiers intoxiquent leurs potages, les valets -de cercle machinent des portées. Le juif Lévy est à son pupitre et les -doucheuses à leurs tuyaux. - -Philistins, entrez dans Bagnères! Le lotus de la sottise y va donner sa -floraison. - - - - -II - -LE ROI DE LA BAROUSSE - -OU M. IGNACE PAPULARD CANDIDAT AUX ÉLECTIONS GÉNÉRALES - - -M. Ignace Papulard, docteur en droit, zélateur de la Société des -Courses, membre de plusieurs archi-confréries et candidat balloté au -Conseil fédéral, avantagea récemment les lettres françaises d’un -opuscule immortel. - -J’entends le manifeste par quoi ce jeune Rodrigue dévoila son cœur aux -collèges électoraux selon la bonne formule du _conciones_ et de M. -Hervé. - -A l’exemple des grands aïeux, que les labeurs de la guerre et les soins -de la diplomatie n’empêchaient point de sacrifier aux grâces, l’éminent -docteur infuse sa doctrine en des pages stupéfiantes de beauté. Sa -harangue l’égale d’emblée aux gentilshommes qui n’estimèrent point -s’encanailler en raffinant sur le bien dire: Montaigne, Salluste du -Bartas, Agrippa d’Aubigné, Bussy-Rabutin, La Rochefoucauld et tant -d’autres illustres--ses précurseurs. - -Il convient de louer sur toutes fleurs, la rose blanche, et Ignace -Papulard entre les enfants des hommes. Jeune, verbeux, fait d’un air à -savoir peu de cruelles, Marc de la Barousse n’hésite point devant les -sacrifices les plus audacieux. Pour raffermir le trône et retaper -l’autel, il part comme un bon petit Quichotte, exposant aux vicissitudes -climatériques son crâne chauve et son paletot bleu--fidèle, mais -déteint. Par les granges, sous les arbres, dans les auberges, il -confabule avec le pacant et tette son reginglat. Des lumières -l’environnent. Saint-Crétin, dentiste, l’offre aux peuplades agricoles -«car, dit-il, lui seul peut guérir, sans pharmacopée, les maux de la -vigne et le progrès des doctrines funestes». O merveilleuse puissance de -l’orviétan! Ignace Papulard assoiera demain son alopécie hâtive entre -les grosses légumes départementales. Disert comme la jument de Bayard, -il parlera même sous l’eau, sans demander de sucre, et poussera Philippe -VII avec un zèle de voyageur en vins. - -Notre humble rang de chroniqueur, le respect qu’on doit aux institutions -monarchiques, nous imposent le devoir d’admirer en silence les hautes -destinées où gravit _Ignacelou_, sans prétendre le moins du monde -pénétrer les conseils de ce génie à la Talleyrand. - - «_Je laisse aux plus hardis l’honneur de la carrière_» - -et me contenterai de commenter l’échantillon d’éloquence tribunitienne -dont se pourlèchent encore les indigènes de Mauléon! - - «_Mes Chers Concitoyens_» - -Début simple, familier aux grands penseurs. Remarquons l’habileté dont -M. Papulard évite les formules irritantes. Un pur aux mains sales eût -apostrophé: «Citoyens!» tout court: lui, ne juge pas inutile d’ajouter -le préfixe que l’on sait, lorsqu’il est question de ses électeurs. - -Le docteur connaît la ponctuation et l’usite avec à propos. - - «_Je viens solliciter pour le Conseil général vos libres suffrages._» - -Notez la magnificence hautaine, la simplicité toute guerrière du -discours. La phrase tombe dans un vague lamartinien qui laisse fluer la -pensée, en de molles rêveries. Les suffrages que M. Papulard sollicite, -les veut-il pour sa personne ou pour le conseil général? Tout porte à -croire cependant qu’il les réclame en faveur de ce dernier. - - «_Trop souvent, on dénature le caractère véritable du mandat qui - incombe au conseiller général, et pour moi, c’est un mandat - d’affaires, que j’entends accepter et non un mandat politique._» - -D’aucuns esprits grincheux trouveront peut-être la liaison insuffisante -entre les deux idées que relie la conjonctive ET: 1º la pensée délicate -sur la falsification du mandat; 2º les intentions particulières de M. -Papulard, à l’égard du mandat susnommé. Pour notre part, nous ne voyons -en cela qu’une belle hardiesse miraculeusement propre à relever la -composition par quelque chose d’imprévu et de passionné. - -Autre exemple! - - «_La politique! on la mêle à tout et pour tout!_» - -Des grimauds eussent écrit: «_La politique, on la mêle à tout_» suivant -les errements de ce faquin de Vaugelas. Mais les porphyrogénètes -dédaignent ces pratiques de la syntaxe roturière et se laissent emporter -à leur bon plaisir. Par un tour incorrect le duc de Saint-Simon campe un -bélître en pleine lumière: - - «_Il n’avait pas le sens commun, ni fréquenté personne que l’on peut - nommer._» - -La Fontaine dit: - - «_Et pleurés du vieillard, il grava sur le marbre ce que je viens de - raconter._» - -Pourquoi, le dauphin de la Barousse, ne jouirait-il pas d’égales -privautés? - - «_Les électeurs, en ne se préoccupant que d’une chose, la couleur du - candidat_, (après tout, si c’est leur caprice à ces gens-là, de n’être - point conseillés par un nègre!)--_parfois indigne--souvent - incapable--plus souvent insatiable--ont fini par faire arriver au - pouvoir_... (le reste comme chez M. Goujat de Cassagnac). - -Je voudrais bien savoir lequel est incapable, indigne ou insatiable. Le -candidat? La couleur? nonobstant, je m’incline, en déplorant -l’imperfection de mon intelligence. - -Plus loin, notre Ignace, définit l’attitude qu’il prétend adopter «_au -sein_» de ses confrères: - - «_Or_, se demande-t-il par un artifice agréable--_quel est le vrai - rôle d’un conseiller général?_» - -Et d’emblée, il se répond: - - «C’est: 1º _de s’occuper des affaires du département_ (entre nous, je - l’avais soupçonné avant ce jour); 2º _de s’occuper plus - particulièrement et surtout des affaires du canton_» (Ah! bah!) - -_Particulièrement et surtout_, rappellent, sans l’affaiblir, la -construction _en outre_ et _surtout_, rencontrée un peu plus haut, les -répétitions ne contribuent pas peu à donner au style, un énergique -inattendu. - -J’omets à regret des aperçus exquis touchant le pacage et l’élève du -bétail, à propos de quoi le jeune écrivain sut retrouver les mots du -comte de Buffon. A travers un bosquet fleuri de catachrèses et de -synecdoques, j’arrive à la cavatine finale, au thème de bravoure où le -pacificateur du Louron exalte la bonté de son ours. D’accord avec son -roy, il veut «_à tout prix_» sauver _le droit, la liberté, la propriété, -l’ordre et la religion_. Ah! la religion! Est-elle assez consolée de -l’indifférence du temps en ces béates Pyrénées! Voici que pour corrober -son pouvoir, le palatin de la Barousse, apparaît casque en tête et dague -au poing. Spectacle édifiant! Comme la Hire ou du Guesclin, le baron -Marc s’agenouille dans le sanctuaire avec un bruit de casseroles -héroïques. Il offre pour les encensoirs, la myrrhe des croisades, le -baume oriental, le cinname, qu’autrefois sous le nom plus modeste de -cannelle, ses auteurs débitaient en des cornets de papier gris. - -J’arrête ici l’examen littéraire de l’élucubration Ignace Papulard. Pour -la fin, j’ai réservé la phrase unique, la phrase parangon, le Kohinnor -des phrases, dont s’empanache l’inaccessible péroraison. - -Oyez la dévotement: - - «_Non! Vous achèverez votre œuvre! elle est digne de vous_ (à toi, - Jacques Bonhomme!) _et moi, je me rendrai toujours digne de - vous-mêmes_.» - -Rien d’approchant ne fut à ma connaissance proféré jusqu’à nous par les -auteurs gaulois. L’on distingue ici l’influx du Paraclet. Je rementois -vaguement telles grandiloquences prud’hommiennes! «_Ce sabre est le plus -beau jour de ma vie! Si ce mariage ne peut faire ton bonheur, sois-le!_» -et je m’abîme, écrasé sous les catadupes oratoires de ce docteur en -droit qui pourrait aussi bien être docteur ès-lettres, mais qui préfère -solliciter le _libre_ choix du Louron. - -Puissent-ils poser sur sa tête les suffrages des bons ruraux! - -En le proclamant souverain définitif de la Barousse, les terriens de -Loures manifesteront une jugeotte extraordinaire: car jamais dans le -vaste monde, ils n’en pourraient trouver un autre aussi complet. - - - - -III - -LES GENTILSHOMMES DU RATEAU - - -Faites vos jeux, messieurs. Tout va. Messieurs, faites vos jeux. Les -jeux sont faits. Rien ne va plus. - -Et du soir au matin, l’homme psalmodie l’imperturbable rengaine, très -empesé, nonobstant la vâcherie des joueurs. La voix neutre, le regard -pâle, ce Kapellmeister de la ruine mène paisiblement la symphonie du -baccara. De tout ce qui remue autour des tables vertes, de toutes les -avarices, de toutes les fièvres, de tous les désastres, il extrait en -pièces de cent sous sa vie atone et régulière. Impassible, en la folie -des gageures, au souffle démentiel courbant les pontes énervés, il opère -et trafique, selon le rituel de son industrie. Il connaît le flux et le -reflux de l’or entre les mains fébriles et, des vices ambiants, extrait -des rentes, comme d’une portée de lapins. D’un coup de palette ou de -râteau, il exécute les arrêts du hasard--nul frisson n’avivant son -masque saturnien. Lorsqu’il mêle, indifférent, les lourdes portées de -cartes, lorsque d’un art prestigieux, il enchevêtre les séquences, ou, -correctement les étale sur le tapis, aucune terreur ne lui vient de ces -figures aux poses sacerdotales et farouches, teintes de rouge et de -noir, marquées aux couleurs du sang et du deuil. - -Sans broncher, il adjuge les banques, ramasse ou distribue les enjeux et -réclame le silence quand les conversations s’élèvent ou que les colères -s’exaltent. Si quelque malheureux, ne sachant pas encore l’art de tomber -avec grâce, lacère les cartes après un coup perdu, et les lui jette au -visage, il ne s’en émeut pas autrement. Le métier veut ça. Seul, il -n’est pas ivre et garde sa bienveillance d’homme sobre pour tous ces -malheureux inébriés d’avarice et de fureur. Il sait les jurons que la -malchance apprend aux gens distingués, le dictionnaire des tripots, -cette langue bête et puante comme le lieu où elle s’éveille, dans -l’empouacrement du tabac et l’infection de la sueur humaine. Il compatit -aux superstitions de ces crétins, qui, à l’heure de prendre une main, -observent des rites fétichistes à déconcerter un bonze. Appliqué à -ronger l’opulente moëlle de sa sottise, il a pour ses vagissements et -ses délices des caresses de belluaire présidant au repas des animaux. - -Le croupier n’a pas d’âge--peut-être n’a-t-il pas de sexe. Il est -indifféremment blond ou brun, laid ou beau, jeune ou vieux. Cependant un -air de maturité ne lui messied pas, non plus qu’un peu de calvitie, sa -fonction étant grave. Son costume varie à l’infini, depuis la mise sobre -du gentleman habillé chez Renard, jusqu’aux fantaisies bariolées, sous -quoi le hideux Alphonse dérobe ses nageoires. Toutefois le goût des -chaînes de montre et des bagues volumineuses l’accompagne dans ses -avatars. Quel que soit le milieu où vous le rencontrez, d’amples -orfèvreries s’accrochent à son gilet ou fulgurent à ses mains noires de -la crasse des tapis. - -Au moral le croupier regorge de paroles et d’intentions débonnaires. Il -a des encouragements de dentiste poussant à l’extraction: une aménité de -photographe accommodant le bourgeois. Des vocables d’un indicible -euphémisme habitent sur ses lèvres. Pour lui, la perte de fortune est un -«accident», la mort, «un événement bien désagréable». Hors de son -emploi, il se souvient parfois qu’il est homme et donne satisfaction à -des instincts paisibles, à ses aspirations bucoliques. Il raffole de -l’idylle en chambre, suspend à sa fenêtre un jardin de grisette; il a -des cyprins dans un bocal et sème du réséda au mois de mai. Il comprend -les calembours et cite des anecdotes. Il a retenu quelques motifs -d’opérette et les fredonne après souper. Il lit le compte-rendu des -spectacles à la troisième page des gazettes, s’intéresse aux courses et -sait mieux que personne de combien de longueurs _Miss Punaise_ à battu -_Melon III_ dans la dernière réunion de Chantilly. Curieux des choses de -l’esprit, il fréquente les petits théâtres et perfectionne son français -par l’étude approfondie des nouvelles érotiques au goût du jour. Et le -matin, quand le vent froid entrechoque vos membres, ô décavés, quand les -coqs lancent des appels tragiques et se lamentent avec des voix humaines -à cette heure du remords, du dégoût, de l’agonie et du suicide; lorsque -l’affreuse soif des nuits de déveine colle la langue des joueurs et -parchemine leurs joues, il regagne son logis, et d’un cœur imperturbé, -sous la pâleur mortuaire de l’aube, suppute le produit de son infâme -labeur. - -Au demeurant, il pense bien. Il est pour l’ordre avant tout et soutient -la religion. - -Les yeux mouillés, le cœur ému d’une allégresse pie, il rêve au temps où -son épargne lui fera des loisirs, où, béat et monseigneurisé, il -épanouira sa ventripotence dans le congrès des notables philistins. -Lorsque cette modération lui défaille et qu’il se sent promis à de plus -hauts destins, l’avenir n’en reste pas moins couleur de roses et les -portes béantes devant lui. Son étoile se dégage et, sans encombre, il -succède à son entrepreneur. Ainsi commencèrent tant d’illustres, à qui -les grives pleuvent à présent toutes rosées, décrotteurs passés -millionnaires, et vénérés à l’égal des patriarches dans le monde du -carton. - -La femme du croupier ne se distingue en rien de la bourgeoise ordinaire -et précoce. Elle fait des enfants, de la cuisine et tout ce qui concerne -son état. Elle peut être accoucheuse, modiste ou maîtresse de piano. -Dans les casinos balnéaires, il lui arrive, pendant que son mari -travaille, d’assister aux spectacles et aux bals, ce qui ne laisse pas -de jeter quelque émoi dans la sous-préfecture, surprise de tant -d’immodestie. A part cette débauche, elle vit chez elle en matrone -romaine. Elle élève sa progéniture, dans les saines doctrines et -souhaite mourir au milieu d’une postérité d’ingénieurs et d’avocats. - -Dans la vie de province, où la part faite à l’esprit est nulle, où les -jeunes hommes, privés de maîtresses par le _cant_ des commères et la -prudhommiaque austérité des parents, ne comprennent guère de l’amour que -les fangeuses voluptés, dans cette existence somnolente où ne passe -jamais le _sursum corda_ d’une passion ou d’une idée, le jeu tend toutes -grandes ses toiles d’araignée. La dame de Pique règne en souveraine et -le croupier, son féal page, grandit de la bassesse environnante. Le -pillard lucifuge croît de tous les appétits, qu’il exploite et qu’il -sert; des griffes, sinon des ailes de rapace viennent à ce chapon; juché -sur sa haute chaise, il voit défiler sans relâche les habitués du -cercle, connaît et salue presque _tous ces messieurs_. Il voit les -affamés qui viennent gagner leur dîner du lendemain fraterniser avec les -honnêtes personnes en train de perdre leur argent et leur orgueil. - - - - -IV - -IMPRESSIONS DE TAPIS VERT - - -Au Casino de Bagnères. Le cotillon du bal des Pauvres finissait et les -dernières figures se déroulaient dans la maussaderie générale, la -débandade des cavaliers laissés seuls sur leurs banquettes par le départ -de leurs danseuses. Encapuchonnées de blanc, le corps noyé dans -l’épaisseur des pelisses de bal et des fichus de blonde, des femmes -traversaient le grand salon d’un pas frileux et rapide comme si le vent -du matin eût déjà mordu les places nues de leur chair. Au dehors, des -roulements de voitures s’éloignaient, mêlés au claironnement des coqs, -au tintement obstiné d’une cloche conventuelle sonnant le lever des -religieux. Un rideau soulevé montrait à une fenêtre la tache grise de -l’aube. Les flammes du gaz défaillaient dans les lustres enguirlandés de -traînes de lierre, dans les girandoles où se fanaient des sorbes en -bouquets. Une impalpable vapeur enveloppait les choses d’un brouillard -subtil couvrant d’une teinte uniforme de poussière les couples attardés -dans la débâcle de la nuit. Et c’était dans la salle maintenant trop -vaste, une odeur fauve et troublante, un effluve de fleurs brûlées par -la sueur des poitrines et la chaleur des haleines, un fumet de champagne -répandu et de parfums évaporés. Sur la scène que masquaient de leurs -végétations frêles des bambous et des phénix, à travers les cloches -orangées et blanches d’abutilons aussi hauts que des arbres, les -musiciens éreintés rabotaient avec résignation une valse quelconque. -Malgré l’ennui croissant on dansait encore. Le conducteur du cotillon -gravement distribuait les accessoires, consultait de temps à autre une -note écrite sur un carnet de bal. Les commissaires de la fête, une -cocarde bleue à la boutonnière, causaient dans l’embrasure des portes, -riant très haut, la verve chauffée par le vin de Bordeaux municipal. Par -une portière ouverte, apparaissait en pleine clarté, le pillage du -buffet, la déroute des bouteilles vidées, tandis qu’au centre de la -pièce, avec sa nappe éburnéenne et son surtout de fleurs, une grande -table s’offrait aux soupeurs attardés. - -Seul, en un coin, perdu et comme absent, un jeune homme somnolait dans -une attitude veule, le dos au mur. Les jambes pendantes, le claque -glissé à terre, dans un avachissement d’ennui, il attendait la fin du -bal, sans doute pour manger. Il était entré dans le salon de danse avec -une poignée de joueurs décavés et affamés, expectant pour se faire -servir, l’invitation de quelque obligeant ami. Et comme la sauterie ne -s’achevait pas et que les intrépides menaçaient de la prolonger pendant -une heure ou deux, avec un beau sans-gêne, il travaillait à s’endormir. - -Petit, court, la tête au niveau des épaules, il étalait dans toute sa -hideur, un joli visage d’imbécile aimé des femmes, avec sa moustache -blonde, ses yeux de lin aux paupières sigillées et l’enfantine douceur -de son sourire bête. Une graisse de volaille morte, empâtait ses joues -aux paupières meurtries, enflait ses membres gourds. C’était un habitué -des tapis verts, une figure continuellement rencontrée dans les tripots. -Hétéroclite et vague, il passait plus effacé qu’une ombre parmi les -comparses du jeu. Un des premiers à commencer la partie, il ne se -retirait qu’à l’heure où les garçons du cercle éteignent les quinquets; -une déveine tenace le poursuivait. Pendant des mois entiers, il perdait -en détail les sommes qu’il empruntait de tous côtés. Avec une abnégation -infinie, il recommençait les mêmes coups qui rataient invariablement, -sans une plainte, sans une colère, sans une de ces fulgurations de dépit -qui secouent en des spasmes rapides les joueurs les plus stoïques, -mettant des flammes dans leurs regards et des lambeaux de chair à leurs -ongles. Il n’en voulait pas à la fortune de lui être mauvaise, ni à ses -vices de l’appauvrir. - -Malgré tous les déboires de son existence, il gardait la foi des -lendemains, l’espoir d’un retour de chance qui le vengerait. Et souvent -les derniers restés du funèbre «chemin de fer» qui se joue à quatre -heures du matin, les combattants de cette lutte d’idiotie où chacun ne -songe qu’à enfoncer un peu plus son voisin pour se refaire, avaient été -surpris d’entendre sa voix flasque dire paisiblement: «Nous nous -rattraperons bien quelque jour. Nous finirons aussi par trouver une -main. Et puis, à quoi ça sert-il de se faire du mauvais sang?» - -Cette invincible confiance lui avait valu le surnom sous lequel tout le -monde le désignait et que ses amis de Casino lui donnaient carrément, -sans qu’il s’en fâchât. On l’appelait le _Monsieur qui attend une main_. - - * * * * * - -Son histoire était connue de tous et lui-même la racontait volontiers. -C’était inepte, triste et sale comme la vie. Après avoir scandalisé -Bordeaux, la ville des cravates blanches, où son père gagnait -passablement d’argent à fabriquer du Château-Laffite dans les prix doux -et avoir affiché une liaison ignoble, au point que sa famille avait dû -le chasser, il traînait sa misère et ses amours, dans tous les recoins -des Pyrénées. La bohême des villes d’eaux, le renouvellement de ces -milieux cocasses, l’abritait un peu, lui permettait de demander au -baccara de quoi payer l’auberge de l’exil. Mais les cartes n’étaient pas -prospères, les notes chômaient longtemps et les hôteliers assaisonnaient -d’insolences les repas qu’ils lui servaient. Heureusement il avait le -cœur et l’appétit robustes et ne se décourageait pas pour si peu. -Partout il était chez lui et perpétuait ses installations, habitué aux -vides que creusent, dans les stations thermales, les saisons -finissantes, acharné jusqu’au dernier jour à subjuguer la fortune. A -Cauterets, à Luchon, à Bagnères, partout où, sous couleur -d’hydrothérapie, on tripote du carton et l’on soupe avec des filles, il -s’éternisait, dînant aux tables d’hôte, se gargarisant aux buvettes, -expliquant aux nouveaux venus les paysages et les douches de l’endroit. -Cela durait depuis des années. Depuis des années, aussi, il remorquait -cette maîtresse par qui ses déboires avaient commencé, une grande brune -laide, fanée, sans race et sans grâce, dont le nez suintait sous un -enchifrènement perpétuel et qu’il adorait. C’était pour elle qu’il -s’était condamné à tant de grotesques souffrances, qu’il avait répudié -toute vergogne, frayant avec les grecs, tutoyé par des croupiers, si -déchu que même dans le monde des joueurs, on le prenait en pitié. Et ce -crucifié d’amour gardait parmi tous les hasards sa sérénité stupide de -gros bébé. Sans le sou, ne possédant pour vivre que l’argent des cartes, -il en était venu à garder les louis que «sa femme», ainsi qu’il la -nommait, glissait parfois, le matin, dans son gilet. L’opprobre et la -rancœur des choses qu’il vivait, ne mordaient pas sur lui. Dans la -détente de son orgueil, dans la fuite de toute volonté, il se plongeait, -comme en un bain d’indéfectible repos. Le pain de la douleur lui -profitait. - - * * * * * - -Mais une fanfare jaillit de l’orchestre subitement réveillé. Le cotillon -était fini. Deux par deux, les couples défilaient pour la promenade -finale, armés d’engins charivariques, mirlitons, crécelles, trompettes -et violons à quatre sols. Sur un signe du conducteur, les pistons -attaquèrent la marche du Prophète et ce fut un vacarme épouvantable qui -jaillit de toute la salle, accompagnant le thème auguste de Meyerbeer. - - - - -V - -BOURGEOIS DE BAGNÈRES DE BIGORRE EN 1886 - - -J’ai sous les yeux cette furieuse estampe de Rembrandt: Saint Jean dans -le Désert. Un plateau cendreux, aduste, et comme vitrifié par endroits, -que surplombent de noires falaises. L’aride et le nu du roc vif, sans -eau ni végétal. Un peuple éreinté de sommeil, prostré devers le sol, -regardant avec des yeux vides l’halluciné qui le harangue. Debout, sur -un mamelon effrité, le précurseur clame son rêve messianique, insoucieux -de toute chose hormis de l’idéal. Le souffle de la mort rétracte ses -lèvres d’où fulgure sur le vieux monde l’orage des malédictions. Son -maigre corps, serré dans une loque, le capuchon nimbant sa tête creuse, -le geste fanatique et bourru, tel surgit, en sa laideur fiévreuse, -l’ancêtre des moines tourmenteurs! - -A vrai dire, près d’un tel homme, le père Janvier semble un peu terne et -le comte de Mun tout à fait idiot. - ---Qu’importe à l’ascète l’horreur brûlante de sa tanière, l’obtuse -indifférence des auditeurs! Une voix lui parle. Hors du contingent et du -concret, l’extase le ravit. Un dieu l’emporte vers les cîmes, lui -découvre une justice nouvelle et, huées du farouche Thabor, les hordes -noires des Barbares à venir, les destructeurs de toute harmonie sociale -et de toute beauté. - -Au premier plan, dans une lumière--on dirait--apaisée, trois bourgeois -pérorent avec un dégoût manifeste, improuvent ces ardeurs de colère et -de foi. Leurs vêtements sont amples, levés dans des étoffes opulentes et -durables--et faits d’un air cossu qui, d’abord, les signale pour des -gens arrivés. De larges tiares, copieuses en broderies, cerclent leurs -tempes grisâtres et leur personne entière montre un air de délibération, -effet de la richesse autant que de l’estime où chacun les tient. Pour -les visages, rien ne se peut imaginer de plus bassement laid. Pas un -scrupule d’intelligence ou de passion. Ce sont bien là des marchands, -inaccessibles à toute vérité d’ordre surnaturel. L’astuce, la -goinfrerie, la lésine, la sottise poltronne déprimèrent ces faces, -creusèrent ces rides, ignoblement. A coup sûr, ce sont des gens pieux, -madrés en leur négoce et qui reluisent aux fins de mois. Aussi de quel -mépris toisent-ils le mangeur de sauterelles, l’essénien prêchant la -détestation du riche et la communauté. L’ahurissement du pleutre qui ne -saisit pas, s’unit en leurs discours à la haine du banquier menacé dans -son argent. Pourtant, ici, le grotesque domine, le trio de pieds-plats -fait songer à certaines planches de Daumier, le cruel historien des -bureaucrates; d’un Daumier gigantesque et promu à la vie sublime du -grand art. - - * * * * * - -J’ai retrouvé, sur mainte hure bagnéraise l’expression lamentable et -caricaturale de mes trois pharisiens. Un arrêté du préfet de police, le -grand architinclin des belles petites et des chevaliers du râteau, vient -d’interdire à grand tapage les jeux dits de hasard, dans les stations -thermales. On a saisi les engins de toute espèce, les râteaux, les -jetons, les chevaux de bois, les mascottes, ingénieux déguisement de la -roulette proscrite, et renvoyé à leurs chères études, les filous -cosmopolites dont se parent les Kursaals. Là-dessus, cris, fureurs, -malédictions. On se fût cru dans Rama, au temps que Rachel lamentait ses -enfançons. A Bigorre, comme ailleurs, l’exécution n’alla point sans -quelque tapage et grincements de dents. Des voix éplorées gémirent chez -Veaudelet. Polycarpe Remora, dit le bourreau des gueux, Polycarpe dont -le claque-dents prêtait asile au monde des petits baigneurs, des -ouvriers et des gens de peine, curieux d’être dévalisés, pleure des -larmes de crocodile sur son industrie méchamment mise à mort. Le -tenancier du casino, drapé dans sa majesté de père-noble, tonitrue avec -les gestes du cardinal Brogni et menace de fermer sa boutique. - -L’esprit s’accoutume avec peine à la superlative barbarie d’un pareil -châtiment. - -Quoi! jusqu’à la fin de septembre, les dilettanti de passage ne -pourraient plus ouïr la _Dame Blanche_ et _Si j’étais Roi_! Le _Grand -Mogol_, comme _Achilleus_ sous sa tente, disparaîtrait dans les jungles -de Delhi! Le ténor Dumollard, ce luth, et Mademoiselle Trop-de-lilas, -cette harpe, résorberaient leurs tons! Et tout cela pour éviter la ruine -de quelques familles, le déshonneur des jeunes hommes, le désespoir des -mères, les tragédies boueuses et sanglantes sur quoi les entrepreneurs -de casinos écrêment leurs profits. A d’autres! Nous prend-on pour des -faquins? Qu’une femme se noie, qu’un enfant de vingt ans se brûle après -quelques nuits, où, d’accord avec les croupiers municipaux, les grecs -ont arraché de ses mains le bien patrimonial, est-ce là de quoi mener si -grand bruit quand la cagnotte marche et que Monsieur Delaroulette est -satisfait? - -Pour mettre fin à ce scandale, et rendre aux amateurs passionnés de -musique les organes éoliens qui tant nous ont charmés, les éphores de la -ville se déboutonnèrent d’une protestation vraiment ingénieuse, où la -moralité, l’organisation savante et la délicatesse du cercle de Bagnères -sont exaltées comme il faut. Une localité si bien pensante, en effet, ne -peut tenir un vulgaire brelan. C’est avec des tarots présanctifiés que -l’on cartonne sur ses tapis. Un tripot, le casino de Bagnères! Oh! que -nenni, mais une académie fermée à double tour, aristocratique et pieuse, -moitié salon, moitié sanctuaire, où l’on ne coudoie que fleurs -héraldiques, où l’on n’entend que propos à la Champcenetz. Depuis -l’affaire Tigaud--un gentleman retiré dans sa villa de Poissy--l’on -garde les cartes comme des infantes. On les environne de précautions -merveilleusement combinées qu’un escroc de médiocre intelligence les -peut connaître en un clin d’œil. Le reste n’est qu’un jeu pour l’adresse -des philosophes à qui d’ailleurs le personnel des tables chaudes est -toujours prêt à servir du gâteau, malgré l’honnêteté de quelques -subalternes et la vigilance des ayants-droit. Mais c’est un fait -indéniable, que jamais un grec ne pénétra dans Bagnères, que ses -habitants professent une aversion marquée pour la poussette et le louis -qui tombe, que sa maison de conversation est un site où les mœurs -s’épurent, en même temps que l’esprit se familiarise avec les -chefs-d’œuvre escarpés. - -Le document de nos «édiles» a trouvé près de l’administration -préfectorale, un concours d’autant plus suave que des schismes -politiques divisaient ces pouvoirs. On combla les fossés,--l’on oublia -les querelles et l’on s’embrassa, comme, après la mort de Juliette, les -Capulets et les Montaigus. Que les «blaireaux» paient de leur fortune, -ou même de leur couenne, cette heure bénévole, quel maroufle -hypocondriaque oserait fronder là-dessus! - - * * * * * - -Voilà quels événements agitèrent Bigorre et ses faubourgs. Les endroits -publics regorgent d’yeux écarquillés et de lippes bavardes, commentant -la décision ministérielle à ne plus finir, proposant avec abondance -d’ineptes éventualités. Il y a là comme un bruit de grenouillère où -vient choir un pavé. Seulement au _brékékékeh_ du divin Aristophane -succèdent des aperçus écœurants de trivialité. Qui l’emportera dans ce -duel tintamarresque, où la ville, représentée par ses élus, joue le -personnage de mestre-de-camp! Souhaitons, pour en finir avec ces -rabâchages, que le monde où l’on triche ait partie gagnée, par l’or ou -par le fer, et que l’écharpe de Pallas, flotte comme devant sur la Tour -de l’Horloge. - -Et peut-être, un soir, apprendrons-nous--sans chagrin du reste--que les -vertueux défenseurs de la cagnotte y laissèrent, par la main de leurs -enfants, quelque formidable rançon. - -Alors, les yeux dessillés par une mésaventure personnelle, ils -comprendront, sans doute, à quel singulier rôle ils se voulurent -commettre, et que l’ignorance est un crime aussi. - -Car enfin que répondraient-ils, ces chevaliers, ces purs, ces -catholiques, si quelqu’un leur proposait en face de tenir--même par -procuration--un établissement de filles ou un comptoir de bonneteau? - - - - -VI - -BULLETIN DE VOTE. - - -_Bagnères de Bigorre, 1886._ - -J’ai reçu, ce matin, un imprimé de forme oblongue, contenant mes nom, -prénoms, domicile et vertus, mais d’une réserve charmante, au sujet de -mes ans. Cela remis par un sergot--irisurbaine--et dénudé de toute -enveloppe. Mon cœur électoral a tressailli; car vous supposez bien que -ce papier fatidique, n’était rien moins que la carte m’autorisant à -circuler sur le trottoir du suffrage universel. Dimanche et quelque peu -les jours suivants, s’il plaît aux candidats couchés dans le hamac du -ballottage, les entendoires bagnérais auront à prononcer entre Monsieur -Troussemêtre, qui en sa qualité d’arpenteur, doit tenir un plan, et le -docteur Cazalas, jaloux de médicamenter notre belle patrie. A vrai dire, -je dois beaucoup à ces messieurs, pour le soin qu’ils prennent d’égayer -les murs de proclamations versicolores. Je n’ai point lu le texte de -leurs papiers, à cause que le verbe constitutionnel n’entame point, sans -douleur, ma caboche ignorante. Mais les beaux placards, usités pour le -raccrochage des suffrageants, amusent l’œil de leur polychromie, et le -préparent aux oiseaux imprévus, aux étoffes estomirantes, qu’importent -dans nos murs les Landes et le Gers. - - * * * * * - -Pour le restant, Bagnères montre la gaieté, d’un champ de betteraves, -dans un jour brumeux. Le Casino, peu sorti de ses fondations, unit -agréablement les plâtriers aux dames indigènes, de quoi résultent force -erreurs et confusions de maquillages. Les comédies fossiles alternent -dans la salle des fêtes avec les renâclements du ténor sans voix et les -ingénuités de chanteuses quinquagénaires. Joignez la laideur crue du -badigeon, la présence inéluctable des mêmes spectateurs, et vous -imaginerez sans doute l’allure pénitentiaire de ces divertissements. - -L’obstination qui caractérise les hôtes du Casino avec l’inamovibilité -du répertoire, y donnent une sensation macabre d’ennui rétrospectif. Les -visages restent les mêmes, allégés d’incisives et soulignés de pattes -d’oie; les tailles se déforment, et telle qui s’essouffle aujourd’hui en -des valses commémoratives, bondissait aux rythmes printaniers, voici -quelque dix-huit ans. - -Il sied d’admirer la force d’âme à rendre capable d’endurer après des -lustres, la _Rose de Saint Flour_ ou _les Dragons de Villars_. - -Une autre cause de tristesse est l’absence de joueurs qui fait pousser -des champignons dans le tiroir de la cagnotte et substitue la dèche -crapuleuse aux pêches miraculeuses de l’été. L’auguste influence qui -supprima--fort à raison d’ailleurs--l’inepte pornographie des opérettes, -devrait bien suspendre aussi le passe-temps de _la Mascotte_, où les -petits jeunes gens compromettent le repos de leurs nuits et l’avarice de -leurs ascendants. - - * * * * * - -Le ciel tout gris, le ciel ouateux d’après l’orage, descend en brume -fine jusqu’au ras des coteaux. Les blanches routes aux candeurs -marmorales ignorent les sveltes promeneuses et le gai fracas des -excursions. Un petit âne chargé de bois, un pâtre sur le chemin de -hautes bergeries et dans leurs tape-culs, les courtiers d’élection, -promenant la sottise au grand air, voilà pour le paysage. La campagne -s’endort au clapotement des eaux troubles, au gargouillis des branches -égouttées. La pluie incessante avive et rajeunit le ton laqué des -feuilles, depuis le vert noir des aunes, jusques au pâle argent de -l’osier. - -Et c’est une gloire verte des bois et des prairies, des gazons où -s’enorgueillit la claire dentelle des frênes, la découpure savante des -yeuses, la pourpre jaune des sorbiers, l’aile tremblante des sycomores. -Renaisse le bon soleil, ami des plantes et des hommes, le soleil qui -fait bourdonner aux blessures des chênes les scarabées de lapis et d’or! -Renaisse le bon soleil et tremblantes dans leurs robes de printemps, les -belles dames inscriront sur les hêtres débonnaires des chiffres de -jeunesse et de coquet amour. - - - - -VII - -CONCERT NOCTURNE - - -Hier au soir, dix juillet, la moleskine officielle appesantie de visages -autochtones, un gros d’artistes lyriques préludaient à leurs -glapissements par l’exécution de _Madame Angot_, cette primeur! - -Heureusement, ce soir-là, des pentes de _Salut_ aux chênes de -_Labassère_, les arbres étaient mouillés de clair de lune. Sous le -couvert des frênes, le long des rus bavards entre les pieds de menthe, -un orchestre de parfums menait le branle des esprits. - -Au plus haut des frondes étagées, à travers les rameaux qu’empreint un -bleu phosphore, des lampes sidérales clignotaient, vertes comme des -émeraudes, sanglantes comme des rubis, laiteuses comme l’opale, -brillantes comme le diamant. L’eau pétillait sous les viornes avec -toutes sortes de _grupetti_, vocalises et _appoggiatures_, satisfaite -autant qu’une diva patentée de ce gongorisme musical. Mesdames les -fleurs en robes de gala, s’asseyaient pour entendre sur les coussins -verts des prairies. Les narcisses, vêtus de lampas aurore, comme il -convient à des princesses mythologiques. Les myosotis, en crêpe -turquoise, passequillés d’or faisaient valoir des grâces de _Keepsake_. -Les campanules désinvoltes rehaussaient, d’un œil de poudre, leur parure -de chanoinesses et déferraient de quelques impertinences les -pâquerettes, ces bourgeoises. Des pensionnats de clématites roulaient -avec candeur sur la mousse des roches. Les bras nus, la gorge au vent, -sous les palmes des houblonnières, les églantines riaient aux scarabées -audacieux et corrects, à leur beauté bête d’officiers vainqueurs. - -C’était une merveilleuse assemblée et digne en tous points du spectacle -attendu. Le gong des crapauds annonçait les entr’actes. Une escorte de -lucioles ramenait à leurs carrosses les belles invitées, piquait dans -l’herbe mille torches vivantes. - -A vrai dire, la fête manquait un peu de cette animation chère à nos -joviales compatriotes et maintes corolles spéciales à leurs chapeaux ne -l’honoraient point de leur présence. Mais ce sont là des revers sur quoi -l’on se résigne volontiers. - -On ne saurait imaginer d’ailleurs, exécution plus triomphante, auditoire -plus recueilli. Dans son duetto avec la fontaine, le rossignol provoqua -des élans d’admiration, nonobstant les épigrammes d’une chevêche -lettrée, adverse à toute espèce de ténor. Le grillon parut abuser aussi -de son agilité sur le _forte piano_ et prolonger outre mesure ses -dislocations. Une vieille cigale, son amie, l’excusa sur ses mauvaises -mœurs, et que depuis la fenaison, il se grisait chaque jour -abominablement. - -Les pieds poudreux, un brin de chèvrefeuille aux dents, l’oreille pleine -de souffles harmonieux et la poitrine élargie aux brises de l’été, vous -ouïrez demain la symphonie lunaire, vous boirez aux calices patents le -vin fantasque de la nuit. - - «_De la nuit, Vierge Mère impalpable qui baigne - Tous les jeunes émois de ses silences gris_» - -et vous ne me demanderez plus quels couvreurs en retrait d’emploi, quels -mineurs matrinicides, chantent, de huit à onze, la mère Godichon, sous -peine d’être classés bien au-dessous des mollusques gastéropodes, au -niveau des lecteurs de M. Georges Ohnet. - - - - -VIII - -FÊTE NATIONALE - - - «_Un beau soleil a fêté ce grand jour_» - -comme au temps de la première manifestation, lorsque ce pauvre -Flesselles, se chargea de fournir le _sang impur_. Les échevins -bagnérais ont témoigné de leur fidélité monarchique par une singulière -abstinence de pétards. J’avoue pour mon compte, adhérer petitement à ce -jeûne pyrotechnique. Quel que soit le culte en exercice, il ne me -déplaît point qu’on le récrée de fusées volantes. Cela repose un peu de -la conversation des naturels. La Sainte-Cécile et l’Harmonie des -pompiers ont alterné leurs fanfares exquises de civisme et d’éclat. Un -des principaux éléments de nos réjouissances nationales, j’entends -l’intoxication par les alcools, n’a point failli dans ce beau jour, que -j’appellerai volontiers la _Saint Pochard_, si le premier janvier -n’était baptisé la _Saint Concierge_, depuis longtemps. - - * * * * * - -Les embellissements du Casino marchent avec lenteur, en dépit de la -canicule. Soigneusement épilé de tout feuillage, le parc offre l’aspect -gracieux d’un steppe au grand soleil. Par contre, aux jours de pluie, -les talons s’impriment en boue de la façon la plus marécageuse qui soit. -Les scies grincent dans la pierre et la truelle sévit, comme aux beaux -temps de la concession. Un progrès toutefois s’impose en ce jardin: -c’est de complanter la maîtresse pelouse avec des tessons de bouteilles, -relevés çà et là de quelques plumeaux touffus, à l’ombre de quoi, l’on -acclimaterait aisément la vipère bérus et le serpent à sonnettes. - - - - -IX - -BAGNÈRES DE BIGORRE - - -_2 septembre 1886._ - -Notre petite ville si riante au cours de la saison, montra, ces jours -passés, une surprenante animation. L’on eût dit, que pour faire accueil -à ses visiteurs, Bagnères se fût mise en frais de coquetterie, en -multipliant sous leurs pas, les amusements de toutes sortes. A l’instar -des grandes stations, notre paisible «endroit» a sa «grande semaine» qui -ne le cède en rien à celles de Deauville, Luchon, Dinard et tous lieux -renommés. Aux sportsmen, la Société des Courses offre une réunion -embellie par tout ce que les haras pyrénéens recèlent de gentilshommes; -aux favoris de Terpsichore, la mairie donne, dans les salons princiers -du Casino, des bals d’une rare magnificence, où l’éclat des toilettes -rehausse encore le choix du personnel; aux amis d’une franche gaîté, la -Commission des fêtes exhibe des mâts de cocagne, avec leur couronnement -obligatoire de gallinacées en putréfaction; aux babies, le prépotent -Fauré ouvre l’Eden des sauteries infantiles, ce prélude aux jeux dont -Tissot écrivit le manuel. Enfin pour les bourgeois, qu’effarouchent la -dépense et le bruit, nos verdoyantes promenades se parent de leurs plus -clairs soleils. Mais, par-dessus toutes les attractions, celles du luxe -comme celles, non moins pénétrantes de la nature, le «clou» des -réjouissances fut la cavalcade en masques, organisée par quelques jeunes -fashionables, d’accord avec les notables commerçants. - -Notre compaing en journalisme, M. Ignace Papulard, que les graves soucis -de la vie publique n’empêchent point d’être tout à tous et d’entendre, -mieux que personne au monde, ces sortes de passe-temps, a droit à -l’hommage de notre gratitude. Il y a dans M. Papulard--comme dans -César--du dandy et du chef d’armée. C’est pourquoi nous le voyons si -merveilleusement propre à gouverner les masses, dans un but de conquête -ou de simple agrément. _Dux!_ - -Donc la chevauchée à laquelle se complurent nos compatriotes et leurs -amphitryons, naquit d’un sien concept, uni au désir de quelques éphèbes -cagneux, jaloux d’exhiber, en tutus roses, leurs secrètes difformités. -Le succès décora leurs efforts et la recette--nous dit-on--atteignit un -chiffre inespéré. Qu’ils goûtent la pure joie d’adoucir quelques -misères; la journée fut deux fois bonne, pour le plaisir et pour la -charité. - - * * * * * - -Les étrangers affluent dans nos murs: le modeste «congé» coudoie -l’élégante Parisienne, les Thermes sont forcés de débiter les eaux -ménagères, pour satisfaire à l’incroyable empressement des baigneurs. -Personne d’ailleurs ne paraît s’apercevoir de la substitution. - - - - -X - -SUPPRESSION DES JEUX - - -L’on a fort épilogué, touchant la décision du préfet de police par quoi -le cercle chôme depuis huit jours. Certes rien n’est plus moral que de -combattre la funeste passion du jeu, dans les municipes voisins et d’y -protéger contre les écornifleurs, la ponte bécassière. Mais une telle -mesure est inapplicable dans Bagnères où l’on entoure les joueurs d’une -véhémente probité. Aussi, malgré les récriminations de quelques esprits -grincheux, malgré certaines déclamations dictées bien plutôt par de -basses rancunes que par la soif du vrai, nous n’hésitons pas à -redemander, la réouverture du boudoir à tapis vert. - -Le cercle du Casino est l’habitacle d’un monde choisi, avec lequel on a -tout bénéfice à perdre quelque somme. Pour notre part, nous avons -distribué, dans l’espace de deux ans, la bagatelle de 20.000 louis aux -diverses réunions florissant alors dans notre bonne ville et quand nous -songeons aux fruits que nous retirâmes de ce faible débours, il nous -vient une confusion d’avoir si chichement payé. Ce prix dérisoire nous -valut quelques-unes de nos meilleures relations: la familiarité de -Gaspard le Huron; le shake-hands du vénérable Escarmouche; le droit de -tutoyer Martin et de recourir à l’obligeance de P. Tapa, le plus -serviable des hommes--au denier deux. Pas une crapule n’a gîté dans -Bigorre, au cours de ces nuits-là; pas une arsouille, pas un truand, pas -un marlou, près de qui je n’aie connu la philanthropique douceur de -prendre place, en attendant la main. «_Homo sum_...» Pas un goujat qui -ne m’ait soufflé son brûle-gueule au visage! Pas un nigaud qui ne m’ait -abreuvé de sornettes! Pas un croupier qui ne m’ait salué par mon nom! - -De telles acquisitions contre une misérable dépense! N’est-ce pas tout -profit pour le récipiendaire et, comme disait Gavarni «beaucoup -d’honneur pour son argent.» En vérité qui se voudrait plaindre? Quelque -bardache, tout au plus. - - * * * * * - -Les représentations théâtrales poursuivent d’un cours égal leur -triomphante carrière. La troupe lyrique et celle de comédie (_amant -alterna camenæ_...) charment les doubles échos de la bonbonnière Saint -Jean et de la salle des Fêtes. Ne reculant guère devant les -sacrifices--même périlleux--quand il s’agit de l’art et de ses abonnés, -M. Fauré nous révéla naguère un ouvrage inédit, ou peu s’en faut, dont -l’originalité, la fantaisie et la verdeur nous ont su procurer une -jouissance artistique aussi vive qu’inattendue. La chose est, sauf -erreur, baptisée, _Les Dragons de Villars_ et passe communément pour une -œuvre posthume d’Hector Berlioz. Dans cette partition, d’un style -harmonieux et coulant, abondent les motifs aisés à retenir. Aussi -avons-nous ouï sans trop d’ébahissement des chœurs de jeunes hommes -aboyant à sa sortie - - «Je me disai... ai - Quand tu passai... ai». - -D’autres partitions de moindre importance, des vaudevilles à foison, des -drames par centaines et des saynettes par milliers; une fête nocturne -dans les jardins du Casino, de quoi le besoin se fit sentir du jour où -la température basse permit d’espérer une moisson flatteuse de -bronchites et de rhumes de cerveau: tel est en résumé le bilan des -allégresses bagnéraises. Soyons fiers et bénissons avec nos hôtes le -sagace cornac auteur de ces loisirs. - - - - -XI - -OUVERTURE DE LA CHASSE - - -_Bagnères de Bigorre, 7 septembre 1886_ - -L’ouverture de la chasse exécutée par un lutrin d’acéphales, peuple de -résonnances imbéciles les coteaux et les bois. La vénerie au petit pied -est à coup sûr un des moyens topiques dont use la classe moyenne pour -faire patente son incurable stupidité. Aucun spectacle n’est plus idoine -à éjouir les quadrupèdes de tout pelage que l’aspect d’un huissier en -tenue de guerre, ou le ventre d’un tabellion bedonnant sous son carnier. -J’imagine que les oiseaux de divers ordres garés des fusils maladroits, -s’esclaffent aux dépens des boutiquiers cynégétiques. Le hérisson débite -au lièvre maintes pointes, touchant les gabatines qu’il leur donna; le -connil, cette crapule forestière, leur fait la nique au bord des haies; -le geai les siffle, et le chat-huant les vitupère; la bécasse prend en -pitié la niaiserie de leurs apophthegmes; et du creux des châtaigniers, -la buse en parle à l’émouchet, son compère.--Eux, vont toujours, sans -même soupçonner l’ironie des bêtes et des choses; la grimace -cachinnatoire du soleil goguenard qui leur bleuit la trogne et -vermillonne leur sinciput. - -Puis le soir tombe et les bestioles vengées se livrent sans contrainte -aux passions affectives, dont Toussenel les a si libéralement -gratifiées. - -Celui de tous les écrivains qui s’est le plus attendri sur les -déjections naturelles, j’entends le père Michelet, n’a pas manqué -d’attribuer aux moindres volatiles de suprêmes amours et de rares -pensers. Volontiers, il s’extasie sur la vaillance des guêpes et le -grand cœur des pingouins... Sans communier aussi largement de l’âme des -choses, nous ressentons un fraternel émoi pour tant d’innocentes et -gracieuses formes de la vie. Les oiseaux surtout, amis de la chaumière -et du labour, portent une grâce augurale et pour ainsi dire sacrée. La -caille, au plumage couleur de terre et de blé; le virevent, qui fuse le -long des saulaies comme un éclair d’émeraude et de lapis; la perdrix, si -délicatement fourrée d’une peluche bleuâtre où saignent des gouttes de -corail; et par-dessus tous, la vaillante alouette qui porte au plus haut -ciel l’allégresse des laborieux matins, ne sont-ils pas la voix même, le -chant humble et doux du terroir natal? - -Je ne pense pas que ces considérations empêchent Messieurs les chasseurs -de tirer au poil et à la plume, ni les maîtres-queux d’étendre leur -butin sur de fines rôties. Nous déplorons seulement que la chair humaine -n’ait point la saveur du lapereau, sans quoi nous proposerions à -quelques snobs galipoteux, de remplacer les victimes ailées dont nous -nous délectons. - - Le dernier feu s’éteint sur la lande embrumée: - Plus de flamme aux carreaux, aux toits plus de fumée. - La note des crapauds vibre, seule, et la nuit - Sous ses voiles de crêpe endort ce faible bruit. - Les étoiles ne sont pas encore allumées, - Silencieusement des brises embaumées - Passent sur le sommeil des moissons et des bois; - Une clarté se pose au faîte blanc des toits - Et de taches d’argent sème la terre brune: - Voici qu’à l’orient, là-bas, monte la lune. - - * * * * * - -Le premier bal de la ville, commencé lugubrement, a secoué peu à peu son -allure mortuaire et jusques vers l’aurore, papillonné clopin-clopant. -Quelques gracieuses femmes, un soupçon de toilettes, les valses -émergeant de bambous tout en fleurs, l’or du gaz sur les moulures -pâtissières, en la salle dite des Fêtes, cela ne suffit point à -galvaniser l’ennui dont Bagnères affadit ses visiteurs. Certaine robe -d’un provincialisme excessif suscita de courts élans de gaieté, fournit -aux désheurés du lendemain, le motif d’une agréable conversation. L’on -rapporte que plusieurs convives autochtones portent encore du mal au -cœur, pour s’être ingurgité sans mesure, l’orgeat gratuit et les -sandwiches sébacées des festivals municipaux. - - - - -XII - -IMPRESSION DE MID-SUMMER - -DU VAL DE PAYOLLE, LE DIMANCHE DE LA SAINT JEAN D’ÉTÉ - - -Décortiqué, l’aubier fendu sous des coins ligneux, le pin surgit entre -les pals qui l’étançonnent, mitré de fleurs, chappé de branches avec -l’appareil d’un fantôme roi. - -Un orage fermente dans le ciel, torpide, rubéfiant l’azur de tonnerres -avortés. C’est la pesanteur des midis électriques, aggravée aux fades -exhalaisons des tilleuls. Ferments d’alcôve où se souvient le musc des -chevelures, frissons du rut universel, orgasme des sèves pâmées si -lourds aux poitrines humaines. - -De vers le ponant, aux fins de l’horizon, une rougeur étale, un abîme de -sang cuivreux où se détermine en silhouette l’ogive mince des peupliers. -En haut, le bleu lucide, l’onde claire d’un outremer déjà pâli. Des -hirondelles incisent de leur aile noire les volutes pourpres des nuées. -Tragiques, des flammes s’écroulent du zénith à l’occident. Et, dans une -seule apothéose, vers l’incendie astral qui s’effondre et s’échaffaude, -monte, d’abord fumée, l’embrase inepte et glorieux du _haillat_[2]. - - [2] Haillat, bûcher, en dialecte gascon. - - * * * * * - -La foule stupide comme il convient. Des avoués sont venus là, concomités -de leurs épouses, flanqués de leurs marcassins. Des guenipes aussi -professionnellement. Des blousards--maternels avec excès--érigent à -pleins bras leurs mômes englués de morve et de sucre en bâtons. - -Bannières en tête, chantres au flanc, voici le clergé nasiférant des -cantiques. Autour du bûcher les vicaires génuflectent, goupillonnent et -saluent, tandis que le célébrant à grand renfort d’allumettes, provoque -l’étincelle paresseuse à jaillir. Un nuage se tord, écharpe grise lamée -brusquement de stries écarlates. Des feuilles de buis vert claquent et -pétillent, s’enchevêtrent en sequins d’or. Sur le tronc voué ruisselle -un baume incandescent, qui le dévore. Les chantres suffoqués renâclent -l’hymne de Guy d’Arezzo, le verset à doubles croches où ce moinillon -inoccupé harponna «l’ut-ré-mi-fa-sol» tant douloureux aux enfances bien -nées. - -Un ecclésiastique myope que le brasier roussit quelque peu, s’évertue de -ramener son surplis en arrière. Les voyous se culbutent afin d’arder au -brandon public les thyrses dont ils vont sur l’heure, effarer mesdames -les bourgeoises en souci de leurs mollets. - -Et, dans le ciel où rougeoient des flammèches emportées dans le ciel -métallique et fumeux comme une forge éteinte, dans le ciel où grandit -l’impérissable amour, éclate, sur la cohue imbécile, le rire vengeur des -anciens Dieux. - - * * * * * - -Un âpre soleil darde sur la garrigue ses obliques rayons. La brande -verte et rose dort immobile dans les silences de midi. Seul, le claquet -des grillons scande les minutes chaudes--horloge de l’été. Au loin vers -la montagne, dans le val où badine quelque source, tremble au sommet des -aulnes un brouillard évanoui. Massives, érigeant en plein ciel leurs -arêtes d’acier bleu, les vastes Pyrénées enclosent l’horizon. Tours -crênelées, flèches de cathédrales, coupoles imbriquées d’argent, -toitures monstrueuses d’une cité pélasgique, les lourdes cîmes -échafaudent par la rude clarté leurs dômes prestigieux. Dans l’azur nu, -invisible presque, le tournoiement d’un vautour. Une couleuvre, par -instants, rampe sous la bruyère avec le bruit sec du papier froissé. - -Et le pastour, dont les sabots tintent pesamment sur la route -empoussiérée: le compagnon fourbu; le tourlourou convalescent, le -porte-balles qui vend aux filles de ferme des bréviaires d’amour, hument -avec transport l’incandescente beauté de la nature, cependant qu’au bord -du fossé où volète la mésange, le villageois, en pleine lumière, touche -les bœufs assés, d’un mouvement pontifical. - - * * * * * - -Sur la table un faisceau de lys. Chair florale près de quoi la chair -vive s’humilie, nacre odorante à dépriser le vernis des coquillages. Ni -feuilles, ni rameaux. La tige d’un vert blême ostente cet émail où--vol -d’insectes mordorés--posent les étamines. Nulle innocence, d’ailleurs, -malgré le symbolisme goîtreux des processionnaires. L’orgueil d’être -blanc--tel un soleil de juin;--le faste des parfums trop généreux pour -nos désirs. - -Superbes, d’une gloire laiteuse en la buire de Venise, les corymbes -liliaux versent le plein été aux choses familières. Comme les bergers du -Cantique, le Souvenir se repaît entre leurs dons. Emmi l’ombre où -sussurre--inquiet--l’appel des aromates, renaît l’effluve des charmilles -antérieures, le givre des longs soirs à travers d’autres branches. Les -baisers fleuris de troènes, les cheveux constellés aux pâleurs des -jasmins pernoctent, doux sabbat de la jeunesse fugitive. - -Par la fenêtre, un coin d’éther crépusculeux, estompé l’on dirait, de -gaze noire. Le parterre noyé d’obscur, sans un bruit d’ailes ou de pas. -Au loin, l’harmonica solitaire des crapauds exaltent Vénus qui rit à -leurs yeux de topaze, et sur l’arête des ormes, se lève coruscante. - - * * * * * - -Crépuscule, mais imprégné de jour, où défilent endimanchées, les -ménagères de l’endroit. Rasés bleu, les membres gauchis dans leur vêture -de cadix, les mâles fument sur la place de l’Eglise, en attendant -souper. Une fuite d’encens traîne sous le porche ouvert. Des béguines, -symétrisant les chaises bousculées par la débâcle de vêpres, glissent, -falottes entre les saints peinturlurés. C’est dans la nef, qu’épargne la -rousseur de l’heure, un bleuissement de paradis, une Avallon campagnarde -éclose aux fraîcheurs des bénitiers. - -Mais, plus rude, avec son fumet de simples écrasées, la moisson -lithurgique imprègne d’âcre miel les rues de la bourgade. Roses bénites, -lys sacrés et le fenouil qu’aima le Syrien Adonis, les herbes de la -Saint-Jean évaporent sous les toits rustiques, leur ardente fenaison. - -Parmi ses glauques cheveux d’ondine, la nigelle aux yeux pers sème des -nœuds de turquoise. La feuille trilobée des ancolies supporte avec -fierté des campanes d’améthyste. Les daturas, les molènes velues, les -euphorbes aux pétales virescents, les digitales assassines, bandent -leurs piques mal famées et, noir de suprêmes venins, l’aconit fait -craquer sous les sabots de frêne, ses cassolettes plutoniennes. - -Amère saveur des plantes! Breuvage de l’été qu’affadit à peine le -nauséeux encens! C’est la veille où, par les hautes prairies, les jeunes -hommes se baignent aux lustrales rosées, invigorent leur puberté dans la -communion des choses. Les fontaines débordent, la fougère mûrit. Le -village latin, célèbrera, ce soir, ses païennes et vivantes origines. A -moins que, nantie de quelque billon, la jouvence locale ne se rue au -café du Sud-Ouest, présentement illustré par les intermèdes et chansons -de Mlle Pépita, romancière excentrique à l’instar de Paris, comme en -témoigne, avec déférence, l’aboyeur public,--très digne--après un -roulement de son tambour enchifrené. - - - - -XIII - -PORTRAITS DE FAMILLE - - - Le père Chose éteint le feu - Et pour qu’aucun valseur ne lampe, - Renverse le thé dans la lampe. - Ses enfants le voudraient bien feu. - - Dindonnus semble un jeune Dieu - Peint sur le mur, à la détrempe: - Son crâne est la pomme de rampe - Chère à Philippe de Grandlieu. - - Près de Clary-Bell qu’on assiège - Dindonna, hors d’un bain de siège - Fait de musc et de néroli, - - Se comprime le métatarse. - Son corset de bourre est empli: - C’est une dinde avec sa farce. - - - - -XIV - -BALLADE - -EXÉCUTÉE EN RIMES PARNASSIENNES A LA LOUANGE DU DRAP BOSVIEL - - - Chœurs bondissants par l’oréas neigeuse, - Faunes velus, thyades aux bras blancs, - Vous qui menez la cordace orageuse, - Des antres sourds aux pics étincelants - Et qui, le soir, sous les rameaux tremblants - Mêlez vos voix au crotale sonore, - Je veux chanter, en un rythme de miel, - Le drap vainqueur, le drap essentiel, - Le drap cossu dont Bigorre s’honore: - Le meilleur drap est celui de Bosviel. - - Bosviel n’a pas la mine avantageuse. - Son ventre gros bedonne et sort des plans, - Son poil est gris et sa face rageuse: - Même il a pour nos regards indolents - L’air abruti des messieurs icoglans. - Cependant la flamme interne le dore, - Mais, dédaignant tout chic matériel, - Il va tissant la laine, sous le ciel. - Et, sans qu’il soit besoin de Mandragore, - Le meilleur drap est celui de Bosviel. - - Par les taillis ombrés de nuit songeuse - Le long des bois pleins de parfums troublants - Nul ne le vit contempler Beseigeuse - Cueillir des fleurs ou marcher à pas lents, - Nul moins que lui ne mange d’ortolans. - Il parle peu, sans nulle métaphore, - Il aime mieux Gothon qu’Alaciel - Et des bourgeois, sort providentiel, - De cornes d’or, son front plat se décore, - Le meilleur drap est celui de Bosviel, - -Envoi - - Prince, Carrère est beau comme Ariel, - Et l’oncle Uzac se teint avant l’aurore, - Turon fournit l’onguent mercuriel. - Mais, de Dunkerque aux montagnes d’Andorre, - Le meilleur drap est celui de Bosviel. - - - - -XV - -A SEULE FIN D’EXALTER LE TACT DE M. DURAND. - - - Des peintr’ étaient à la campagne, - Ils respiraient l’air librement, - Rêvant de revêtir le pagne, - Quand débarqua... Marie Durand! - - Elle arrivait, vrai sujet Suisse, - Mettant ses grands pieds dans le plat, - Etalant un esprit novice, - Parlant amour, et cœtera! - - Les peintres, frappés de marasme, - Auraient voulu la voir au loin, - Mais, comm’ ils avaient un’ belle âme, - A leur table, ils lui offrent’ un coin! - -Moralité - - Quand vous irez à la campagne, - Point n’en parlez à un M. Durand; - Allez, revêtissez le pagne - Et respirez l’air librement. - - - - -XVI - -BALLADE - -POUR EXALTER LES MELONS SURHUMAINS DE MONSIEUR GAGA - - - Il n’en est pas de plus sucré - A Gambaiseuil, aux Yvelines, - A Grosrouvre, Neauphle ou Méré. - Les compotes, combien câlines, - - Que fomentent les Ursulines - Et que Tanrade prodigua - N’ont pas de douceurs plus félines: - C’est l’œuvre de Monsieur Gaga. - - Il marche d’un air assuré, - Parmi les couches cristallines: - Ainsi Van Dick lâche son ré. - Et les courges, ces orphelines, - - Et les endives de Malines, - Et le myrthe, et le seringa, - Proclament du val aux collines: - C’est l’œuvre de Monsieur Gaga. - - Lorsque septembre enténébré - Te pleure, ô Soleil qui déclines, - Le melon, comme un sein doré, - Pointe parmi les avelines. - - Viens, Brunehilde et toi Zerline - Et toi, Maure pour qui Pingat - Aurait ourdi ses mousselines! - C’est l’œuvre de Monsieur Gaga! - -Envoi. - - Princesses! que vos mandolines - Chantent, du Zenil au Volga, - Ces cucurbites zinzolines: - C’est l’œuvre de Monsieur Gaga! - - - - -XVII - -SOUS LES TILLEULS DE BAGNÈRES - - -En Messidor, pendant l’octave de la Saint-Jean, saison amène où les -bouquets noués d’herbes au ruban mêlent à l’œillet de poète la rose de -tous les mois, quand le plus humble courtil se pavoise de lys blancs, de -jaunes soucis et de bleuâtres dauphinelles, quand le rossignol fait ouïr -encore une chanson de miel (ainsi parlait le bon Aristophane) et qu’aux -marges des fossés, le ver luisant pour sa vigile d’amour, accroche une -lampe furtive, la maison rustique et le domaine forestier, la campagne -avec ses champs, ses prés, ses halliers, ses jardins, ses pâturages et -ses landes, appartiennent aux Esprits bienveillants dont les travaux et -les jeux ne se déroulent que dans la paix des belles nuits. - -C’est le faîte de l’année et la semaine des semaines, où les ciels -moroses du livide Occident se parent d’une grâce inconnue aux pays mêmes -du lotus et de l’oranger. Le printemps s’achève et l’été commence à -peine. Quelques fruits cependant brillent déjà parmi les fleurs, mais si -légers, mais d’arome si suave, qu’on les prendrait pour des fleurs -encore sur l’épine du framboisier, aux branches d’où pendent les -cerises, au vert buisson que la groseille éclabousse d’ambre pâle et de -grenat. - -Shakespeare à choisi cette nuit, la plus belle de toutes, pour y situer -le rêve féerique de Thésée et d’Hippolyte, d’Obéron et de Titania, -Nicolas Gogol, ce Virgile du Dniéper assigne même aux conciliabules des -esprits qui gardent les richesses, des nains qui, dans les blancheurs -lunaires, décapent leurs trésors depuis que brille l’étoile au soir -jusqu’au premier chant du coq. Et c’est alors aussi que dans la nuit de -Walpurgis, apparaît le spectre fatidique du Brocken, que passe au -claquement des fouets, aux abois des limiers, la chevauchée -d’Athta-troll avec la fée Habonde et la jeune Hérodias. La forêt des -Ardennes se peuple de visions et de formes crépusculaires. - - _Les anciens loups - Qui dorment dans la lune éclatante et magique_ - -trottent devant le Chasseur Noir et la menée d’Hellequin, sous les fûts -des mélèzes et des pins résineux. Malgré les vieilles maléfiques et les -chats démoniaques menant leur sarabande au milieu des bruyères désertes, -cette heure appartient à la sorcellerie amicale, au petit monde -fantasque et tutélaire dont les caprices, la plupart du temps, -améliorent le sort du pauvre, du banni, de l’orphelin, du miséreux. -Nains propices, filandières secourables, corbeaux pareils à ceux de -Wotan préparent dans les _Kinder und Hausmärchen_ des frères Grimm, -toutes sortes de bonnes aventures aux porte-besaces, aux infirmes, aux -enfants malingres, chassés par une marâtre du foyer paternel. - -Ces miracles tout naturellement s’épanouissent comme la fleur qui chante -à l’époque où le soleil entre dans sa première maison d’été. - -En hiver, au contraire, les démons de la tempête rôdent parmi les -ténèbres de la lande. Le vent d’ouest pleure, crie et sanglote, comme un -chrétien égorgé par des bandits. Le froid, les bourrasques, la nuit -hostile retiennent près du foyer, dans leur demeure bien close, le -paysan et le bourgeois. Seuls, vagabondent après le couvre-feu, loin des -villes et des bourgs, les écorcheurs, les faux-saulniers, les coquemares -et les mauvais garçons. Beau temps pour le sabbat! Mais aux nuits de la -Saint-Jean, près des ruisseaux qu’embaument le fenouil, la menthe et la -reine des prés, sur les pelouses où verveine, sauge et boutons d’or -passementent l’herbe verte que n’a pas touchée encore la faux du -moissonneur, des esprits bénins, en attendant l’aurore, mènent danses et -chœurs. C’est le temps où Dames blanches, _hades_ et farfadets se -manifestent au pauvre bûcheron, à la fileuse indigente, où la fée et le -lutin emplissent la huche de farine, donnent de l’esprit au Petit Poucet -et des robes à Cendrillon. - -Le personnel des Contes de ma mère l’Oye, célèbre sa fête annuelle -pendant ces claires ténèbres du Mid-Summer. - -Chaque moment de la belle saison s’est orné d’une parure individuelle, -d’un parfum singulier. Il n’est herbe si menue, il n’est plante si -rebutée et misérable qui pour glorifier le beau soleil, n’arbore quelque -ornement. Les jardiniers se sont plus à dresser une horloge des fleurs. -Pourquoi pas un calendrier du printemps? - -Cela irait des jacinthes aux pivoines, des anémones à l’œillet. Les -arbres surtout, mieux que tout autre végétal, prêtent leur odeur, une -odeur spéciale à chaque semaine du renouveau. Les pommiers d’abord, les -pêchers, les amandiers; ensuite le lilas; puis, l’acacia, l’aubépin, le -laurier-cerise comptent les heures, signalent à chaque étape la marche -ascendante du soleil. Et quand, arrivé enfin au point culminant de sa -course, il triomphe dans la jeunesse et la beauté, les tilleuls ouvrent -enfin leur fleurette jaune pâle, d’où s’épanche, en plein ciel, un baume -puissant et délicat. Ni la rose, ni la tubéreuse, ni le frais jasmin, ni -le fugace parfum du réséda, aux crépuscules d’août, n’égalent cet arome -dont s’enivrent les nocturnes promeneurs; c’est l’âme elle-même, le -songe des belles nuits, au milieu de l’été. - - * * * * * - -Près de Riennel, dans ce vallon de Salut qu’enchante la lune féerique, -dans les sites virgiliens de Bagnères, plus qu’en aucun lieu du monde, -les tilleuls épanchent leur suave et pénétrante odeur. Quel adolescent -pouvait aborder ces beaux lieux sans être ému de leur grâce, de leur -paix profonde? Laissez Bagnères, la ville de province et la ville de -bains, toute blanche avec ses ruisseaux, les ondes vives qui jaillissent -dans un sol de marbre; négligez les édifices médiocres et la sculpture -officielle qui prétend orner ses carrefours. Ici, l’ornement unique -c’est l’arbre, le frêne, l’ormeau, le hêtre majestueux, dressant comme -une colonne dorique son fût poli et régulier; c’est au bord des -ruisseaux, dans les fonds marécageux pleins de calthas et de myosotis, -l’aulne au feuillage vernissé d’un vert noirâtre, qu’effleure de son -aile indécise l’essaim diapré des libellules. - -Dans le calme et frais décor, au pied de la montagne riche de sources, -d’ombre et de silence, parmi les arbres que rajeunit sans cesse l’eau -vive des fontaines, l’esprit se plaît à rêver les contes d’autrefois, à -suivre l’image des superstitions millénaires, à figurer les -métamorphoses de l’arbre et de la plante, du reptile et de l’oiseau, de -la grotte et du torrent, à peupler les herbes, ces gramens, ces pentes -d’émeraude, ces coins obscurs, d’êtres mystérieux et fugitifs, à suivre, -tandis que les tilleuls pleuvent leurs parfums, les rondes volages de la -Fée et de l’Ondine, le tournoiement des sylphes aériens, parmi les -phalènes et les chauves-souris. - -_Unter den linden!_ Alphonse Karr eut l’honneur d’être un sot par la -tête, un sot bien pensant, religieux, conservateur, et qui se piquait, -en outre, de proférer des bons mots. Il décerna au plus inepte de ses -bouquins le nom charmant des promenades germaniques. Ce n’est pas, en -effet, à Berlin seulement, que l’on marche «sous les tilleuls». A -Deventer, j’ai retrouvé le nom et la chose, vers la fin d’un été -mélancolique, d’un été de Hollande, où les feuilles mortes et les -bractées des chers tilleuls dansaient prématurément leur automnale -sarabande, venaient s’abattre, comme des papillons morts sur l’eau -dormante de l’Yssel. - -Mais, dans ce juillet pyrénéen, les feuillages gardent une jeunesse, une -vigueur, une sève d’adolescence, une robuste et juvénile beauté! - -Faits pour abriter les amours des dieux et prêter leur ombre à -l’éternelle fête des étreintes humaines, les arbres gardent à Bagnères -toute leur splendeur. Ce délice de la hache qui tourmente notre âge de -maçons, ne paraît pas avoir contaminé ce beau pays. A part une -échancrure faite par les cagots devant la vierge de Bédal, échancrure -qui met à nu ce fétiche mastoc et laid, pas un arbre, semble-t-il, -depuis quarante ans, ne fut détronqué sans raison. Les robustes ormeaux, -les frênes héroïques, dont chaque nodosité dit l’effort de la plante -pour s’arracher à la glèbe, pour individualiser sa vie, étalent chaque -année, avec plus de force, d’orgueil et d’opulence, leurs ombrages -respectés. - -Ceux qui vinrent, enfants, cueillir en des paniers de frêle vannerie et -proposer aux belles étrangères, le tilleul d’autrefois, hommes à -présent, voient leurs fils recommencer la cueillette aux rameaux -inférieurs des géants parfumés. Ils marchent dans le bain d’aromates qui -délecta leur jeunesse. La permanente beauté des choses les console -presque de vieillir. L’adolescence de la terre efface, un moment, les -rides sinon de leur visage, du moins de leur esprit. - -Ces routes verdoyantes, ces chemins dans les bois, ces pentes du Monné, -du Lhéris, ces rives de l’Adour, offrent aux cœurs inquiets un asile de -paix profonde, un lieu de calme, d’oubli et de sérénité. - -Sophie Cottin, sous le turban jaune de Corinne, y vint fluer ses larmes -en plusieurs volumes. Ramon y murmura, au lendemain de la Terreur, cette -parole émouvante que cite Michelet: «Tant de pertes irréparables -pleurées au sein de la Nature.» - -Les majestueuses cîmes encadrent l’horizon d’une muraille d’améthystes -et de lapis, de sommets que hantent les vautours et qu’habite -l’indéfectible hiver. Mais la plaine est à leurs pieds, d’un charme -infiniment doux, avec je ne sais quel agrément sauvage qui préserve de -toute fadeur ce climat délicieux. Qui l’a connu, aimé, aux heures de la -jeunesse, qui, libre d’ambition, exempt de soucis et gonflé de sève -comme les tilleuls de Messidor, a, sous leurs dômes pacifiques, goûté -l’enivrement du matin, la beauté païenne, les souffles vierges de la -montagne, en rapporte--je le sais!--pour les heures mornes et le -crépuscule de la vie, une allégresse qui ne meurt pas, tels ces pastours -des contes bleus qui, sur le coup de minuit, à la Saint-Jean d’Eté, ont -reçu d’une fée amicale sous les branches odorantes, le philtre suprême, -l’élixir de jouvence éternelle et d’indestructible amour. - - - - -XVIII - -RECUERDO DE LOS TOROS - - -_Saint Sébastien, 1886._ - -Au coup de trois heures, frappant à vingt horloges, la cohue envahit la -place des Taureaux. Avenue de la Libertad, sur la jetée de l’Alaméda, un -moutonnement de houle où les fiacres à tendelets verts creusent des -ressacs. Des femmes glissent, onduleuses, une flamme dans leurs yeux -noirs. Des mantilles, des _abanillos_, et,--portant des mannes de -raisin,--les Aragonnaises en taille courte, le visage délimité par une -mante de point roux. Des Basques, bérets en tête, et la jambe prise en -des housseaux de laine, soufflent abominablement dans leurs flûteaux -suraigus. - -Sur le pont, défilent sans trève des sociétés chorales: un tas de -_lyres_ et d’_harmonies_. Au festival tauromachique, le maire de -Saint-Sébastien, adjoignit un concours d’orphéons, et sous les yeux des -badauds vomis par les trains de plaisir, s’allonge vers le cirque, une -phalange d’instrumentistes. Crevés de chaud, bouffis et suants, avec des -gestes endoloris, ils traînent l’ampleur des grosses caisses, la -configuration bizarre des _saxhorns_. Des enfants se haussent pour voir -les _toreros_ escortés de longs hurrahs! des fils de bourgeois -qu’endoctrinent leurs auteurs sur l’abomination des plaisirs -sanguinaires; des filles vertes, aux hanches délurées, aux regards -explicites, des marchands d’allumettes et de programmes à s’éventer. - -Par delà les parapets, l’eau calme de _la Renteria_ bleuit au loin, sans -une écume, se perd au délicat azur. Des goëlands claquent du bec, -lustrent leurs ailes noires, fondent en cercle sur la mer, et leurs -appels mêlés aux fanfares retentissent opiniâtrement. - -La course ne promet pas d’être brillante, s’il faut en croire les -initiés. Des taureaux de Félix Gomez et les grandes épées ne combattront -pas. - -L’amphithéâtre est plein de la barrière au mur d’enceinte: des habitués -se reconnaissent, discutent à voix basse, l’air satisfait et compétent. -Une affiche reluisante de vermillon et d’or flotte sur le toril, indique -la stalle du gouverneur. De l’autre côté de l’arène, en plein soleil, la -foule encaquée sur les gradins d’_asiento_! la bariolure des ombrelles -et des éventails. C’est comme un battement d’ailes, où, sur les fonds de -couleur brutale, saignent des taureaux, flamboient des _matadors_. Le -portrait de Mazantini est dans toutes les mains, sa légende sur toutes -les lèvres. Jeune, beau, sorti d’honnête race, il apprit à toucher les -bœufs par amour de l’art. Et comme il fut baptisé sur le sol du -Guipuzcoa, qu’on le dit magnifique et brave de tous points, sa gloire -obscurcit un peu le vieux renom des _Lagartijo_ et des _Frascuelo_. - - * * * * * - -Une sonnerie de trompettes. Le maire est dans la loge, et les -_cuadrillas_ vont défiler. En tête, le héraut serré dans un justaucorps -noir, empanaché d’un arc-en-ciel de vieilles plumes, fait exécuter des -changements de pied à la plus lamentable haridelle qui se puisse voir: -après les _banderilleros_ imbriqués de métal, puis, seul, en cape -aventurine, la face rasée et le port olympien, l’_Espada_ Mazantini, -derrière les _sobresalientes_ et Cara-Ancha, son rival. Tous saluent le -magistrat qui, sans retard, octroie licence de procéder au combat. -Paillon de cuivre, fleurs d’argent, étoffes diaprées et violentes, -l’emphase des vieux costumes anoblit le champ-clos. Des servants -poussent une porte; le silence choit, et poussé dans la piste, le -taureau s’avance, ébloui. - -C’est un Andalou, bai-foncé, court de jambes, épais de fanon et -d’encolure, les cornes ouvertes en croissant. Depuis l’aube, afin -d’irriter son courage, on le tint prisonnier dans une boxe étroite, sans -jour, presque sans air. Aussi trébuche-t-il aveuglé de ce plafond -lumineux; soudain, un _chulo_ tout courant, le provoque des plis de sa -_muleta_. Déjà, les _picadores_ sont à leur poste, la lance en arrêt; -les pieds emboîtés dans des étriers de chêne, et le monstre, d’un élan -irrésistible, fond sur eux. - -Ce m’est toujours une satisfaction nouvelle, de voir étripailler cinq ou -six couples de chevaux. Avec le perroquet aimé des concierges, je ne -connais pas d’animal plus odieux que la «conquête» de Monsieur de -Buffon, ni qui mérite davantage l’animadversion des honnêtes gens. -N’est-il pas l’occasion de mille sottises nidoreuses telles que -steeple-chases, rallies-paper, courses plates, glapissements de -bookmakers, sans compter les propos des connaisseurs. - - * * * * * - -Le premier carcan décousu, perd lamentablement ses entrailles, poignardé -d’un coup de corne, puis le ventre, fouillé de l’encolure à -l’arrière-train. Le foie, les poumons, coulent de la bête ouverte, qui -souffle encore et trébuche parmi ses intestins: puis d’un tournoiement -conique, s’écrase dans une flaque d’ordure et de sang. Un _picador_ -renversé, quitte la lice en clopinant, tandis qu’un aide enfonce la -_puntilla_, dans le crâne des rosses moribondes. - - * * * * * - -Légers, sautillants, avec des pirouettes de danseurs, les -_banderilleros_ armés de courtes flèches, bondissent devant le taureau. -Lui, gratte le sol, du mufle et du pied; son haleine creuse des trous -dans le sable; mais avant qu’il ait effleuré l’homme, celui-ci plante -dans sa chair les banderilles empennées. Le hameçon tranchant et solide, -qui termine la flèche d’une cuisante piqûre, exaspère l’animal. Une -pratique féroce, contraire d’ailleurs aux traditions, consiste à ficher, -en guise de banderilles, une pièce d’artifice dont le fracas et les -étincelles aveuglent presque le taureau. Aussi quel qu’en puisse être le -ragoût, il convient de repousser de tels comportements. Le sang tout -cru--le sang versé par des mains intrépides--est la seule pourpre de -mise, en la _plaza de toros_. Que les eunuques et les femmes à pâmoison, -cherchent d’autres spectacles! La vue d’un beau supplice, la joie de -sentir la vie humaine risquée sur un coup de dés, le ruissellement des -blessures frais-giclantes, épanouissent en nous la férocité congénitale, -sans qu’il soit besoin d’amusettes pyrotechniques ou de fleurs en papier -peint. - - * * * * * - -Veste héliotrope à pampilles d’or, culotte et bas de soie blancs striés -de cannetille, le jarret tendu, la brette emmaillottée dans une housse -écarlate, Mazantini, jette à ses pieds, la toque de peluche et s’apprête -à frapper le taureau. - -Un grand garçon, mince, brun, au nez droit, les yeux comme voilés par le -froncement des paupières, la bouche fine et pure, accentuée d’un soupçon -de gouaillerie, tel apparaît, dans la vigueur de ses trente ans, -l’_Espada_ bien-aimé. L’on devine au moindre geste, qu’il marche dans le -prestige inatténué de sa force et de son orgueil. Le désir d’un peuple -de femmes et cette marée humaine, dont chaque souffle lui porte des -baisers, l’allégresse vive du péril encouru, la juste arrogance d’un -métier noble, en cet âge boutiquier, l’imprègnent d’une magnificence -inconnue aux plus reluisants ténors. Ses cheveux drus, tressés en -cadenette, selon le cérémonial prescrit, découvrent tout ce visage, -reluisant d’audace et de beauté: un dieu qui sent l’abattoir. - - * * * * * - -Le duel se poursuit entre la brute et le tueur, avec toutes les feintes -d’une escrime raffinée jusques au temps que, frappé droit entre les deux -épaules, le quadrupède chancelle et tombe sur le sable vermeil. Puis, ce -sont les vivats et les saluts de la foule, les petits cris extasiés des -_señoras_, les trains de mules chaperonnées, emportant au clair -grésillement des sonnettes, les lourds cadavres mutilés. - -Interminablement, les _corridas_ se déroulent avec des fortunes -diverses. Cara-Ancha, qui n’est guère en bonheur, manque plusieurs fois -la botte suprême, à la grande indignation de l’assistance. Les jurons -pleuvent. «A Madrid, ce seraient des bouteilles vides et des oranges -gâtées» dit quelqu’un près de moi. Des hommes, à barbe d’encre, avec des -yeux de Montezuma sur le bûcher, gesticulent furieusement. Un prêtre -jette son cigare pour injurier plus à l’aise: «_Fuero! Fuero! puerco! -conchino!_» et mille gentillesses d’outre-monts. Pendant ce temps, les -Basques sifflent dans leurs galoubets, les orphéons mugissent des polkas -et le déplorable coryphée rate ses victimes à coup sûr. Cela tourne à la -boucherie--«Charcutier», hurle un Français!--«_Puerco_» reprennent les -Espagnols. - -A nos pieds, agonise le dernier mâle, une douceur dans ses yeux -obliques, mourants déjà. Un coup de miséricorde, en plein front, le -renverse, foudroyé. - -Par les vomitoires grands ouverts, les spectateurs ruissellent entre -deux files de miquelets, s’éparpillent dans les rues pavoisées, comme un -jour de Fête-Dieu. A tous les balcons, des housses claires, des -verdures, des tapis: aux fenêtres, le drapeau de gueules et d’or: les -_miradores_ pleins de robes, couleur du temps. - - * * * * * - -A la _Maillorquina_, les femmes lunchent, égratignent des sorbets, -grignottent des pâtisseries aux jaunes d’œufs, avec force cédrats -confits, _heladas_ et _vasos d’agua con esponjado_. Les fanfares -continuent leurs évolutions au grand air. La _Marseillaise_ allume par -les carrefours son patriotisme de trombone: les Basques déchirent la -paix du soir de strideurs à la Valmajour. - -L’ombre s’appesantit et, dans l’or enfumé du couchant, passent les -filles des Provinces, hautaines et d’une beauté si grave qu’on les -prendrait, ainsi voilées, pour quelque Notre Dame, issant d’un retable, -avec sa jupe lamée et sa couronne de jayet noir. - - - - -TABLE DES MATIÈRES - - - Avant-propos 7 - I. Villes d’Eaux (Bagnères de Bigorre) 11 - II. Le roi de la Barousse, ou M. Ignace Papulard, candidat - aux élections générales 19 - III. Les gentilshommes du Râteau 31 - IV. Impression de tapis vert 41 - V. Bourgeois de Bagnères de Bigorre en 1886 51 - VI. Bulletin de vote 63 - VII. Concert nocturne 71 - VIII. Fête nationale 77 - IX. Bagnères de Bigorre (septembre 1886) 81 - X. Suppression des Jeux 87 - XI. Ouverture de la Chasse 93 - XII. Impressions du Mid-Summer, du Val de Payolle, le dimanche - de la Saint Jean d’Eté 101 - XIII. Portraits de famille 111 - XIV. Ballade exécutée en rimes parnassiennes à la louange du - drap Bosviel 115 - XV. A seule fin d’exalter le tact de M. Durand 121 - XVI. Ballade pour exalter les melons surhumains de - Monsieur Gaga 125 - XVII. Sous les tilleuls de Bagnères de Bigorre 129 - XVIII. Recuerdo de los Toros 143 - - -IMPRIMERIE SAINTE-CATHERINE, BRUGES (BELGIQUE). - - - - -ACHEVÉ D’IMPRIMER LE QUINZE FÉVRIER MIL NEUF CENT VINGT QUATRE SUR LES -PRESSES DE L’IMPRIMERIE SAINTE-CATHERINE A BRUGES, POUR LA SOCIÉTÉ -D’ÉDITION «LE LIVRE». - - - - -Note du transcripteur - -On a appliqué les corrections figurant en erratum. L’orthographe et la -ponctuation sont conformes à l’original, seules les erreurs -typographiques absolument flagrantes ayant été corrigées. - - - -*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE PAILLASSON *** - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the -United States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online -at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. 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Grognements de porcs, abois de -roquets ou sifflets de vipères, cela ne nous -chault plus qu’une guigne, et même il est -pour nous complaire, qu’un peu de huée, -contre-pointe l’honnêteté de nos propos.</p> - -<p class="i">Des pseudonymes transparents (de gaze -et de barèges aérien), des pseudonymes vêtiront -les syllabes répugnantes, par quoi furent -immatriculés aux registres sociaux les algonquins -à dégourdir nos épigrammes.</p> - -<p class="i">Savonnette précieuse et qui permet de ne -s’écorcher point le galoubet devant la ménagerie -bigourdane.</p> - -<p class="sign i">LAURENT TAILHADE.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch1">I<br /> -VILLES D’EAUX</h2> - -<p class="c">(<i>Bagnères de Bigorre</i>)</p> - - -<p>De tous les fumiers propres à -réchauffer le goût de la prostitution, -à gonfler d’une -sève fécale les ventres arrondis -en citrouilles devant le -dieu Cent-Sous, de tous les -pourrissoirs où la dignité se vertdegrise, -où l’intellect se désagrège en des pensers -de batracien, il n’en est point que je sache -de plus méphitique, de plus nauséabond -que les tannières généralement connues -sous l’appellation humide : <i>Villes d’Eaux</i>. -Pour la copulation du crétinisme avec la -filouterie, pour l’embrassement des pantalons -et des sycophantes, ce sont bocages -d’élection, ces choses plantées sur la montagne -ou déposées au fil des grèves.</p> - -<p>Les barons de la séquence, les tendrons -hydrargiriques, les calicots phanérogames, -les galériens nantis de mouchoirs, les Agnès -compromises par de trop peu secrètes -parturitions, les femmes du monde Jean -Lorrain, se viennent engluer aux appeaux -de l’habitant aranéeux. Campements de -bohème aux pays de <i>Misère</i>, visites de -la pègre transhumante chez les votereaux -suspects des mauvais lieux à piscines, qui -nombrera les immondices, de quoi vous -êtes parfumés !</p> - -<p>Certes le pays de Gascogne porte mieux -que tout autre un vif renom pour ses -tripots et ses lieux d’empoisonnement.</p> - -<p>Depuis Barèges où Gassuro chasse -l’izard et le chrétien, jusques à Pau où -trichent les notaires, chaque bourgade s’y -peut vanter d’une table hellénique, ornée -d’un croupier en surtout.</p> - -<p>L’amoureux de la forte somme y serre -l’ongle du ponte carottier. Sicre règne à -Luchon et Blandin — ce Neptune — donne -des lois à Biarritz. Tous les autres ont -leurs <i>journées</i>, où des Espagnols pain -d’épices, aventurent leurs piastres, avec -des mouvements de gorilles promus curés, -des <i>pokers</i> où reluisent tels gentilshommes -à qui le papa <i>Dur</i><a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a> refuserait quarante sols. -Toutes ces villes ont leurs pontes et des -idées sur la conduite à mener devant le -point de cinq : toutes regorgent d’anecdotes -que Follou brode sur le dessert ; -mais Bagnères de Bigorre se glorifie seule -de Monseigneur Fiorentino della Porta, -fermier général à Cauterets.</p> - -<div class="footnote"><p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> Dur, un citerien de Bagnères.</p> -</div> -<p>Peut-être satisfairait-on les curieux de -ce personnage en détaillant par le menu -son histoire naturelle. Contentons-nous de -le suspendre à nos discours (tel un rameau -du Vignemale) et de nommer, après les -fleurs de chiourme écloses à ses pieds, -Félix, le suzerain de Saint-Pol. Maréchal -qui, comme un lierre, végète sur les ruines -et toi, jeune homme inexpressible, que les -femmes ont si fort gâté.</p> - -<p>Après le cercle, les étuves. Car il faut -bien de temps à autre récurer un peu ses -ongles et se laver les pieds. Il existe des -caractères audacieux pour confier leurs -organes les plus intimes aux fantaisies -de médecins hilares et de masseurs emplis -de cupidité. Les adolescents vigoureux -réchappent quelquefois de ces immersions -néfastes auprès desquelles le système hydrothérapique -du regrettable Carrier pourrait -passer pour de la Saint Jean.</p> - -<p>Bigorre s’est constitué depuis longtemps -une spécialité de courants d’air qui font -de ses thermes le plus merveilleux endroit -du monde pour, en quelques minutes, -acquérir une maladie mortelle. Par compensation -un administrateur infatigable prit -le soin de réduire en cotrets tous les arbres -susceptibles de fournir quelque ombrage -au temps caniculaire, de sorte que les -visiteurs ont le choix entre la pleurésie et -l’insolation.</p> - -<p>Ceci posé, nulle industrie plus honnête -dans Bagnères. Les démolitions et reconstructions -annuelles des baignoires donnent -du pain à vingt équipes d’ouvriers, que, -nonobstant la douceur de son nom, le -jeune Monsieur Clément, traite comme des -nègres. D’autres virtuoses aussi jouent de -ces pistons, par quoi les vice-rois de la -compagnie nous firent paraître leurs merveilleuses -capacités.</p> - -<p>Les loueurs en garni, fournisseurs de -punaises et de fauteuils à trois pieds, les -promeneurs de guimbardes, les caïmans -de toute espèce, ne mériteraient-ils pas -un thrène spécial en cette véridique lamentation ? -Mais la fée Mab, la jolie petite -fée Mab, avec ses ailes de crêpe et son -diadème de perle, a tiré la coquille de noix, -son carrosse, et Mercutio, le page, se délecte -à la voir baller dans un rayon nacreux de -lune.</p> - -<p>A qui profite au surplus de prouver la -moindre chose ? A quoi bon houspiller les -échines de Messieurs les paltoquets et les -honorer d’exordes comminatoires. N’est-ce -pas, proprement, vouloir ferrer des cigales ? -Aussi bien, nous les allons voir à l’œuvre -et notre petit bonheur annuel est près de -débuter. La saison s’ouvre en bâillant -comme une huître qu’elle est. Cabotins, -épiciers, fausses comtesses, Athéniens du -baccara, valseuses en fer, chaperonnées de -pères en bois, touristes à voiles verts, -Anglaises giraffières, le déballage commence -et la parade ambulera demain. Les gargottiers -intoxiquent leurs potages, les valets -de cercle machinent des portées. Le juif -Lévy est à son pupitre et les doucheuses -à leurs tuyaux.</p> - -<p>Philistins, entrez dans Bagnères ! Le -lotus de la sottise y va donner -sa floraison.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch2">II<br /> -LE ROI DE LA BAROUSSE</h2> - -<p class="c">OU <span class="large">M</span>. <span class="large">I</span>GNACE -<span class="large">P</span>APULARD CANDIDAT AUX ÉLECTIONS GÉNÉRALES</p> - - -<p>M. Ignace Papulard, docteur en -droit, zélateur de la Société -des Courses, membre de -plusieurs archi-confréries et -candidat balloté au Conseil -fédéral, avantagea récemment -les lettres françaises d’un opuscule -immortel.</p> - -<p>J’entends le manifeste par quoi ce jeune -Rodrigue dévoila son cœur aux collèges -électoraux selon la bonne formule du <i lang="la" xml:lang="la">conciones</i> -et de M. Hervé.</p> - -<p>A l’exemple des grands aïeux, que les -labeurs de la guerre et les soins de la diplomatie -n’empêchaient point de sacrifier -aux grâces, l’éminent docteur infuse sa -doctrine en des pages stupéfiantes de beauté. -Sa harangue l’égale d’emblée aux gentilshommes -qui n’estimèrent point s’encanailler -en raffinant sur le bien dire : Montaigne, -Salluste du Bartas, Agrippa d’Aubigné, -Bussy-Rabutin, La Rochefoucauld -et tant d’autres illustres — ses précurseurs.</p> - -<p>Il convient de louer sur toutes fleurs, -la rose blanche, et Ignace Papulard -entre les enfants des hommes. Jeune, verbeux, -fait d’un air à savoir peu de cruelles, -Marc de la Barousse n’hésite point devant -les sacrifices les plus audacieux. Pour raffermir -le trône et retaper l’autel, il part -comme un bon petit Quichotte, exposant -aux vicissitudes climatériques son crâne -chauve et son paletot bleu — fidèle, mais -déteint. Par les granges, sous les arbres, -dans les auberges, il confabule avec le -pacant et tette son reginglat. Des lumières -l’environnent. Saint-Crétin, dentiste, -l’offre aux peuplades agricoles « car, -dit-il, lui seul peut guérir, sans pharmacopée, -les maux de la vigne et le progrès -des doctrines funestes ». O merveilleuse -puissance de l’orviétan ! Ignace Papulard -assoiera demain son alopécie hâtive entre -les grosses légumes départementales. Disert -comme la jument de Bayard, il -parlera même sous l’eau, sans demander -de sucre, et poussera Philippe VII avec -un zèle de voyageur en vins.</p> - -<p>Notre humble rang de chroniqueur, le -respect qu’on doit aux institutions monarchiques, -nous imposent le devoir d’admirer -en silence les hautes destinées où gravit -<i>Ignacelou</i>, sans prétendre le moins du -monde pénétrer les conseils de ce génie à -la Talleyrand.</p> - -<blockquote> -<p>« <i>Je laisse aux plus hardis l’honneur de la -carrière</i> »</p> -</blockquote> - -<p class="noindent">et me contenterai de commenter l’échantillon -d’éloquence tribunitienne dont se pourlèchent -encore les indigènes de Mauléon !</p> - -<blockquote> -<p class="ind">« <i>Mes Chers Concitoyens</i> »</p> -</blockquote> - -<p>Début simple, familier aux grands penseurs. -Remarquons l’habileté dont M. Papulard -évite les formules irritantes. Un -pur aux mains sales eût apostrophé : « Citoyens ! » -tout court : lui, ne juge pas -inutile d’ajouter le préfixe que l’on sait, -lorsqu’il est question de ses électeurs.</p> - -<p>Le docteur connaît la ponctuation et -l’usite avec à propos.</p> - -<blockquote> -<p class="noindent">« <i>Je viens solliciter pour le Conseil général -vos libres suffrages.</i> »</p> -</blockquote> - -<p>Notez la magnificence hautaine, la simplicité -toute guerrière du discours. La -phrase tombe dans un vague lamartinien -qui laisse fluer la pensée, en de molles -rêveries. Les suffrages que M. Papulard -sollicite, les veut-il pour sa personne ou -pour le conseil général ? Tout porte à croire -cependant qu’il les réclame en faveur de -ce dernier.</p> - -<blockquote> -<p class="noindent">« <i>Trop souvent, on dénature le caractère -véritable du mandat qui incombe au conseiller -général, et pour moi, c’est un mandat -d’affaires, que j’entends accepter et non -un mandat politique.</i> »</p> -</blockquote> - -<p>D’aucuns esprits grincheux trouveront -peut-être la liaison insuffisante entre les -deux idées que relie la conjonctive <span class="small">ET</span> : -1<sup>o</sup> la pensée délicate sur la falsification du -mandat ; 2<sup>o</sup> les intentions particulières de -M. Papulard, à l’égard du mandat susnommé. -Pour notre part, nous ne voyons -en cela qu’une belle hardiesse miraculeusement -propre à relever la composition par -quelque chose d’imprévu et de passionné.</p> - -<p>Autre exemple !</p> - -<blockquote> -<p class="noindent">« <i>La politique ! on la mêle à tout et pour -tout !</i> »</p> -</blockquote> - -<p>Des grimauds eussent écrit : « <i>La politique, -on la mêle à tout</i> » suivant les errements -de ce faquin de Vaugelas. Mais les -porphyrogénètes dédaignent ces pratiques -de la syntaxe roturière et se laissent emporter -à leur bon plaisir. Par un tour -incorrect le duc de Saint-Simon campe un -bélître en pleine lumière :</p> - -<blockquote> -<p class="noindent">« <i>Il n’avait pas le sens commun, ni fréquenté -personne que l’on peut nommer.</i> »</p> -</blockquote> - -<p>La Fontaine dit :</p> - -<blockquote> -<p class="noindent">« <i>Et pleurés du vieillard, il grava sur le -marbre ce que je viens de raconter.</i> »</p> -</blockquote> - -<p>Pourquoi, le dauphin de la Barousse, -ne jouirait-il pas d’égales privautés ?</p> - -<blockquote> -<p class="noindent">« <i>Les électeurs, en ne se préoccupant que -d’une chose, la couleur du candidat</i>, (après -tout, si c’est leur caprice à ces gens-là, -de n’être point conseillés par un nègre !) — <i>parfois -indigne — souvent incapable — plus -souvent insatiable — ont fini par faire -arriver au pouvoir</i>… (le reste comme chez -M. Goujat de Cassagnac).</p> -</blockquote> - -<p>Je voudrais bien savoir lequel est incapable, -indigne ou insatiable. Le candidat ? -La couleur ? nonobstant, je m’incline, en -déplorant l’imperfection de mon intelligence.</p> - -<p>Plus loin, notre Ignace, définit l’attitude -qu’il prétend adopter « <i>au sein</i> » de ses -confrères :</p> - -<blockquote> -<p class="noindent">« <i>Or</i>, se demande-t-il par un artifice -agréable — <i>quel est le vrai rôle d’un conseiller -général ?</i> »</p> -</blockquote> - -<p>Et d’emblée, il se répond :</p> - -<blockquote> -<p class="noindent">« C’est : 1<sup>o</sup> <i>de s’occuper des affaires du -département</i> (entre nous, je l’avais soupçonné -avant ce jour) ; 2<sup>o</sup> <i>de s’occuper plus -particulièrement et surtout des affaires du -canton</i> » (Ah ! bah !)</p> -</blockquote> - -<p><i>Particulièrement et surtout</i>, rappellent, -sans l’affaiblir, la construction <i>en outre</i> et -<i>surtout</i>, rencontrée un peu plus haut, les -répétitions ne contribuent pas peu à donner -au style, un énergique inattendu.</p> - -<p>J’omets à regret des aperçus exquis -touchant le pacage et l’élève du bétail, à -propos de quoi le jeune écrivain sut retrouver -les mots du comte de Buffon. A -travers un bosquet fleuri de catachrèses -et de synecdoques, j’arrive à la cavatine -finale, au thème de bravoure où le pacificateur -du Louron exalte la bonté de son -ours. D’accord avec son roy, il veut « <i>à -tout prix</i> » sauver <i>le droit, la liberté, la -propriété, l’ordre et la religion</i>. Ah ! la religion ! -Est-elle assez consolée de l’indifférence -du temps en ces béates Pyrénées ! -Voici que pour corrober son pouvoir, le -palatin de la Barousse, apparaît casque en -tête et dague au poing. Spectacle édifiant ! -Comme la Hire ou du Guesclin, le baron -Marc s’agenouille dans le sanctuaire avec -un bruit de casseroles héroïques. Il offre -pour les encensoirs, la myrrhe des croisades, -le baume oriental, le cinname, qu’autrefois -sous le nom plus modeste de cannelle, -ses auteurs débitaient en des cornets de -papier gris.</p> - -<p>J’arrête ici l’examen littéraire de l’élucubration -Ignace Papulard. Pour la -fin, j’ai réservé la phrase unique, la -phrase parangon, le Kohinnor des phrases, -dont s’empanache l’inaccessible péroraison.</p> - -<p>Oyez la dévotement :</p> - -<blockquote> -<p class="noindent">« <i>Non ! Vous achèverez votre œuvre ! -elle est digne de vous</i> (à toi, Jacques Bonhomme !) -<i>et moi, je me rendrai toujours -digne de vous-mêmes</i>. »</p> -</blockquote> - -<p>Rien d’approchant ne fut à ma connaissance -proféré jusqu’à nous par les auteurs -gaulois. L’on distingue ici l’influx du Paraclet. -Je rementois vaguement telles grandiloquences -prud’hommiennes ! « <i>Ce sabre -est le plus beau jour de ma vie ! Si ce mariage -ne peut faire ton bonheur, sois-le !</i> » et -je m’abîme, écrasé sous les catadupes oratoires -de ce docteur en droit qui pourrait -aussi bien être docteur ès-lettres, mais qui -préfère solliciter le <i>libre</i> choix du Louron.</p> - -<p>Puissent-ils poser sur sa tête les suffrages -des bons ruraux !</p> - -<p>En le proclamant souverain définitif de -la Barousse, les terriens de Loures manifesteront -une jugeotte extraordinaire : -car jamais dans le vaste -monde, ils n’en pourraient -trouver un autre aussi -complet.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch3">III<br /> -LES GENTILSHOMMES DU RATEAU</h2> - - -<p>Faites vos jeux, messieurs. -Tout va. Messieurs, faites -vos jeux. Les jeux sont faits. -Rien ne va plus.</p> - -<p>Et du soir au matin, -l’homme psalmodie l’imperturbable -rengaine, très empesé, nonobstant -la vâcherie des joueurs. La voix -neutre, le regard pâle, ce <span lang="de" xml:lang="de">Kapellmeister</span> -de la ruine mène paisiblement la symphonie -du baccara. De tout ce qui remue autour -des tables vertes, de toutes les avarices, -de toutes les fièvres, de tous les désastres, -il extrait en pièces de cent sous sa vie -atone et régulière. Impassible, en la folie -des gageures, au souffle démentiel courbant -les pontes énervés, il opère et trafique, -selon le rituel de son industrie. Il -connaît le flux et le reflux de l’or entre -les mains fébriles et, des vices ambiants, -extrait des rentes, comme d’une portée de -lapins. D’un coup de palette ou de râteau, -il exécute les arrêts du hasard — nul -frisson n’avivant son masque saturnien. -Lorsqu’il mêle, indifférent, les lourdes -portées de cartes, lorsque d’un art prestigieux, -il enchevêtre les séquences, ou, -correctement les étale sur le tapis, aucune -terreur ne lui vient de ces figures aux poses -sacerdotales et farouches, teintes de rouge -et de noir, marquées aux couleurs du sang -et du deuil.</p> - -<p>Sans broncher, il adjuge les banques, -ramasse ou distribue les enjeux et réclame -le silence quand les conversations s’élèvent -ou que les colères s’exaltent. Si quelque -malheureux, ne sachant pas encore l’art -de tomber avec grâce, lacère les cartes -après un coup perdu, et les lui jette au -visage, il ne s’en émeut pas autrement. -Le métier veut ça. Seul, il n’est pas ivre et -garde sa bienveillance d’homme sobre pour -tous ces malheureux inébriés d’avarice et -de fureur. Il sait les jurons que la malchance -apprend aux gens distingués, le -dictionnaire des tripots, cette langue bête -et puante comme le lieu où elle s’éveille, -dans l’empouacrement du tabac et l’infection -de la sueur humaine. Il compatit -aux superstitions de ces crétins, qui, à -l’heure de prendre une main, observent -des rites fétichistes à déconcerter un bonze. -Appliqué à ronger l’opulente moëlle de -sa sottise, il a pour ses vagissements et -ses délices des caresses de belluaire présidant -au repas des animaux.</p> - -<p>Le croupier n’a pas d’âge — peut-être -n’a-t-il pas de sexe. Il est indifféremment -blond ou brun, laid ou beau, jeune ou -vieux. Cependant un air de maturité ne lui -messied pas, non plus qu’un peu de calvitie, -sa fonction étant grave. Son costume -varie à l’infini, depuis la mise sobre du -gentleman habillé chez Renard, jusqu’aux -fantaisies bariolées, sous quoi le hideux -Alphonse dérobe ses nageoires. Toutefois -le goût des chaînes de montre et des bagues -volumineuses l’accompagne dans ses avatars. -Quel que soit le milieu où vous le -rencontrez, d’amples orfèvreries s’accrochent -à son gilet ou fulgurent à ses mains -noires de la crasse des tapis.</p> - -<p>Au moral le croupier regorge de paroles -et d’intentions débonnaires. Il a des encouragements -de dentiste poussant à l’extraction : -une aménité de photographe accommodant -le bourgeois. Des vocables -d’un indicible euphémisme habitent sur ses -lèvres. Pour lui, la perte de fortune est -un « accident », la mort, « un événement -bien désagréable ». Hors de son emploi, il -se souvient parfois qu’il est homme et -donne satisfaction à des instincts paisibles, -à ses aspirations bucoliques. Il raffole de -l’idylle en chambre, suspend à sa fenêtre -un jardin de grisette ; il a des cyprins dans -un bocal et sème du réséda au mois de mai. -Il comprend les calembours et cite des -anecdotes. Il a retenu quelques motifs -d’opérette et les fredonne après souper. Il -lit le compte-rendu des spectacles à la -troisième page des gazettes, s’intéresse aux -courses et sait mieux que personne de -combien de longueurs <i>Miss Punaise</i> à -battu <i>Melon III</i> dans la dernière réunion -de Chantilly. Curieux des choses de l’esprit, -il fréquente les petits théâtres et perfectionne -son français par l’étude approfondie -des nouvelles érotiques au goût -du jour. Et le matin, quand le vent froid -entrechoque vos membres, ô décavés, -quand les coqs lancent des appels tragiques -et se lamentent avec des voix humaines -à cette heure du remords, du dégoût, de -l’agonie et du suicide ; lorsque l’affreuse soif -des nuits de déveine colle la langue des -joueurs et parchemine leurs joues, il regagne -son logis, et d’un cœur imperturbé, -sous la pâleur mortuaire de l’aube, suppute -le produit de son infâme labeur.</p> - -<p>Au demeurant, il pense bien. Il est -pour l’ordre avant tout et soutient la religion.</p> - -<p>Les yeux mouillés, le cœur ému d’une -allégresse pie, il rêve au temps où son -épargne lui fera des loisirs, où, béat et -monseigneurisé, il épanouira sa ventripotence -dans le congrès des notables philistins. -Lorsque cette modération lui défaille -et qu’il se sent promis à de plus hauts -destins, l’avenir n’en reste pas moins couleur -de roses et les portes béantes devant -lui. Son étoile se dégage et, sans encombre, -il succède à son entrepreneur. Ainsi commencèrent -tant d’illustres, à qui les grives -pleuvent à présent toutes rosées, décrotteurs -passés millionnaires, et vénérés à -l’égal des patriarches dans le monde du -carton.</p> - -<p>La femme du croupier ne se distingue -en rien de la bourgeoise ordinaire et précoce. -Elle fait des enfants, de la cuisine et -tout ce qui concerne son état. Elle peut -être accoucheuse, modiste ou maîtresse de -piano. Dans les casinos balnéaires, il lui -arrive, pendant que son mari travaille, -d’assister aux spectacles et aux bals, ce -qui ne laisse pas de jeter quelque émoi dans -la sous-préfecture, surprise de tant d’immodestie. -A part cette débauche, elle vit -chez elle en matrone romaine. Elle élève -sa progéniture, dans les saines doctrines -et souhaite mourir au milieu d’une postérité -d’ingénieurs et d’avocats.</p> - -<p>Dans la vie de province, où la part faite -à l’esprit est nulle, où les jeunes hommes, -privés de maîtresses par le <i lang="en" xml:lang="en">cant</i> des commères -et la prudhommiaque austérité des -parents, ne comprennent guère de l’amour -que les fangeuses voluptés, dans cette -existence somnolente où ne passe jamais le -<i lang="la" xml:lang="la">sursum corda</i> d’une passion ou d’une idée, -le jeu tend toutes grandes ses toiles d’araignée. -La dame de Pique règne en souveraine -et le croupier, son féal page, grandit -de la bassesse environnante. Le pillard -lucifuge croît de tous les appétits, qu’il -exploite et qu’il sert ; des griffes, sinon des -ailes de rapace viennent à ce chapon ; -juché sur sa haute chaise, il voit défiler -sans relâche les habitués du cercle, connaît -et salue presque <i>tous ces messieurs</i>. Il voit -les affamés qui viennent gagner leur -dîner du lendemain fraterniser avec -les honnêtes personnes en -train de perdre leur argent -et leur orgueil.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch4">IV<br /> -IMPRESSIONS DE TAPIS VERT</h2> - - -<p>Au Casino de Bagnères. Le -cotillon du bal des Pauvres -finissait et les dernières figures -se déroulaient dans la -maussaderie générale, la débandade -des cavaliers laissés -seuls sur leurs banquettes par le départ -de leurs danseuses. Encapuchonnées de -blanc, le corps noyé dans l’épaisseur des -pelisses de bal et des fichus de blonde, des -femmes traversaient le grand salon d’un pas -frileux et rapide comme si le vent du matin -eût déjà mordu les places nues de leur chair. -Au dehors, des roulements de voitures -s’éloignaient, mêlés au claironnement des -coqs, au tintement obstiné d’une cloche -conventuelle sonnant le lever des religieux. -Un rideau soulevé montrait à une fenêtre -la tache grise de l’aube. Les flammes du -gaz défaillaient dans les lustres enguirlandés -de traînes de lierre, dans les girandoles -où se fanaient des sorbes en bouquets. -Une impalpable vapeur enveloppait les -choses d’un brouillard subtil couvrant d’une -teinte uniforme de poussière les couples -attardés dans la débâcle de la nuit. Et -c’était dans la salle maintenant trop vaste, -une odeur fauve et troublante, un effluve -de fleurs brûlées par la sueur des poitrines -et la chaleur des haleines, un fumet de -champagne répandu et de parfums évaporés. -Sur la scène que masquaient de leurs -végétations frêles des bambous et des -phénix, à travers les cloches orangées et -blanches d’abutilons aussi hauts que des -arbres, les musiciens éreintés rabotaient -avec résignation une valse quelconque. -Malgré l’ennui croissant on dansait encore. -Le conducteur du cotillon gravement distribuait -les accessoires, consultait de temps -à autre une note écrite sur un carnet de -bal. Les commissaires de la fête, une cocarde -bleue à la boutonnière, causaient -dans l’embrasure des portes, riant très -haut, la verve chauffée par le vin de Bordeaux -municipal. Par une portière ouverte, -apparaissait en pleine clarté, le pillage du -buffet, la déroute des bouteilles vidées, -tandis qu’au centre de la pièce, avec sa -nappe éburnéenne et son surtout de fleurs, -une grande table s’offrait aux soupeurs -attardés.</p> - -<p>Seul, en un coin, perdu et comme absent, -un jeune homme somnolait dans une -attitude veule, le dos au mur. Les jambes -pendantes, le claque glissé à terre, dans un -avachissement d’ennui, il attendait la fin -du bal, sans doute pour manger. Il était -entré dans le salon de danse avec une -poignée de joueurs décavés et affamés, -expectant pour se faire servir, l’invitation -de quelque obligeant ami. Et comme la -sauterie ne s’achevait pas et que les intrépides -menaçaient de la prolonger pendant -une heure ou deux, avec un beau sans-gêne, -il travaillait à s’endormir.</p> - -<p>Petit, court, la tête au niveau des épaules, -il étalait dans toute sa hideur, un joli visage -d’imbécile aimé des femmes, avec sa -moustache blonde, ses yeux de lin aux -paupières sigillées et l’enfantine douceur -de son sourire bête. Une graisse de volaille -morte, empâtait ses joues aux paupières -meurtries, enflait ses membres gourds. -C’était un habitué des tapis verts, une -figure continuellement rencontrée dans les -tripots. Hétéroclite et vague, il passait -plus effacé qu’une ombre parmi les comparses -du jeu. Un des premiers à commencer -la partie, il ne se retirait qu’à l’heure -où les garçons du cercle éteignent les quinquets ; -une déveine tenace le poursuivait. -Pendant des mois entiers, il perdait en -détail les sommes qu’il empruntait de tous -côtés. Avec une abnégation infinie, il recommençait -les mêmes coups qui rataient -invariablement, sans une plainte, sans une -colère, sans une de ces fulgurations de -dépit qui secouent en des spasmes rapides -les joueurs les plus stoïques, mettant des -flammes dans leurs regards et des lambeaux -de chair à leurs ongles. Il n’en voulait pas -à la fortune de lui être mauvaise, ni à ses -vices de l’appauvrir.</p> - -<p>Malgré tous les déboires de son existence, -il gardait la foi des lendemains, -l’espoir d’un retour de chance qui le vengerait. -Et souvent les derniers restés du -funèbre « chemin de fer » qui se joue à -quatre heures du matin, les combattants -de cette lutte d’idiotie où chacun ne songe -qu’à enfoncer un peu plus son voisin -pour se refaire, avaient été surpris d’entendre -sa voix flasque dire paisiblement : -« Nous nous rattraperons bien quelque -jour. Nous finirons aussi par trouver une -main. Et puis, à quoi ça sert-il de se faire -du mauvais sang ? »</p> - -<p>Cette invincible confiance lui avait valu -le surnom sous lequel tout le monde le -désignait et que ses amis de Casino lui -donnaient carrément, sans qu’il s’en fâchât. -On l’appelait le <i>Monsieur qui attend -une main</i>.</p> - -<hr /> - - -<p>Son histoire était connue de tous et lui-même -la racontait volontiers. C’était inepte, -triste et sale comme la vie. Après -avoir scandalisé Bordeaux, la ville des cravates -blanches, où son père gagnait passablement -d’argent à fabriquer du Château-Laffite -dans les prix doux et avoir affiché -une liaison ignoble, au point que sa famille -avait dû le chasser, il traînait sa -misère et ses amours, dans tous les recoins -des Pyrénées. La bohême des villes d’eaux, -le renouvellement de ces milieux cocasses, -l’abritait un peu, lui permettait de demander -au baccara de quoi payer l’auberge de -l’exil. Mais les cartes n’étaient pas prospères, -les notes chômaient longtemps et -les hôteliers assaisonnaient d’insolences les -repas qu’ils lui servaient. Heureusement il -avait le cœur et l’appétit robustes et ne se -décourageait pas pour si peu. Partout il -était chez lui et perpétuait ses installations, -habitué aux vides que creusent, dans les -stations thermales, les saisons finissantes, -acharné jusqu’au dernier jour à subjuguer -la fortune. A Cauterets, à Luchon, à Bagnères, -partout où, sous couleur d’hydrothérapie, -on tripote du carton et l’on soupe -avec des filles, il s’éternisait, dînant aux -tables d’hôte, se gargarisant aux buvettes, -expliquant aux nouveaux venus les paysages -et les douches de l’endroit. Cela -durait depuis des années. Depuis des années, -aussi, il remorquait cette maîtresse -par qui ses déboires avaient commencé, -une grande brune laide, fanée, sans race -et sans grâce, dont le nez suintait sous -un enchifrènement perpétuel et qu’il adorait. -C’était pour elle qu’il s’était condamné -à tant de grotesques souffrances, -qu’il avait répudié toute vergogne, frayant -avec les grecs, tutoyé par des croupiers, -si déchu que même dans le monde des -joueurs, on le prenait en pitié. Et ce crucifié -d’amour gardait parmi tous les hasards -sa sérénité stupide de gros bébé. -Sans le sou, ne possédant pour vivre que -l’argent des cartes, il en était venu à garder -les louis que « sa femme », ainsi qu’il la -nommait, glissait parfois, le matin, dans son -gilet. L’opprobre et la rancœur des choses -qu’il vivait, ne mordaient pas sur lui. -Dans la détente de son orgueil, dans la -fuite de toute volonté, il se plongeait, -comme en un bain d’indéfectible repos. -Le pain de la douleur lui profitait.</p> - -<hr /> - - -<p>Mais une fanfare jaillit de l’orchestre -subitement réveillé. Le cotillon était fini. -Deux par deux, les couples défilaient pour -la promenade finale, armés d’engins charivariques, -mirlitons, crécelles, trompettes et -violons à quatre sols. Sur un signe du conducteur, -les pistons attaquèrent la -marche du Prophète et ce fut un -vacarme épouvantable qui jaillit -de toute la salle, accompagnant -le thème auguste -de Meyerbeer.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch5">V<br /> -BOURGEOIS DE BAGNÈRES DE -BIGORRE EN 1886</h2> - - -<p>J’ai sous les yeux cette furieuse -estampe de Rembrandt : Saint -Jean dans le Désert. Un -plateau cendreux, aduste, et -comme vitrifié par endroits, -que surplombent de noires -falaises. L’aride et le nu du roc vif, sans eau -ni végétal. Un peuple éreinté de sommeil, -prostré devers le sol, regardant avec des yeux -vides l’halluciné qui le harangue. Debout, -sur un mamelon effrité, le précurseur clame -son rêve messianique, insoucieux de toute -chose hormis de l’idéal. Le souffle de la -mort rétracte ses lèvres d’où fulgure sur -le vieux monde l’orage des malédictions. -Son maigre corps, serré dans une loque, -le capuchon nimbant sa tête creuse, le -geste fanatique et bourru, tel surgit, en -sa laideur fiévreuse, l’ancêtre des moines -tourmenteurs !</p> - -<p>A vrai dire, près d’un tel homme, le -père Janvier semble un peu terne et le -comte de Mun tout à fait idiot.</p> - -<p>— Qu’importe à l’ascète l’horreur brûlante -de sa tanière, l’obtuse indifférence -des auditeurs ! Une voix lui parle. Hors du -contingent et du concret, l’extase le ravit. -Un dieu l’emporte vers les cîmes, lui -découvre une justice nouvelle et, huées -du farouche Thabor, les hordes noires des -Barbares à venir, les destructeurs de toute -harmonie sociale et de toute beauté.</p> - -<p>Au premier plan, dans une lumière — on -dirait — apaisée, trois bourgeois pérorent -avec un dégoût manifeste, improuvent -ces ardeurs de colère et de foi. Leurs vêtements -sont amples, levés dans des étoffes -opulentes et durables — et faits d’un air -cossu qui, d’abord, les signale pour des -gens arrivés. De larges tiares, copieuses en -broderies, cerclent leurs tempes grisâtres -et leur personne entière montre un air de -délibération, effet de la richesse autant -que de l’estime où chacun les tient. Pour -les visages, rien ne se peut imaginer de -plus bassement laid. Pas un scrupule d’intelligence -ou de passion. Ce sont bien là -des marchands, inaccessibles à toute vérité -d’ordre surnaturel. L’astuce, la goinfrerie, -la lésine, la sottise poltronne déprimèrent -ces faces, creusèrent ces rides, -ignoblement. A coup sûr, ce sont des gens -pieux, madrés en leur négoce et qui reluisent -aux fins de mois. Aussi de quel -mépris toisent-ils le mangeur de sauterelles, -l’essénien prêchant la détestation -du riche et la communauté. L’ahurissement -du pleutre qui ne saisit pas, s’unit -en leurs discours à la haine du banquier -menacé dans son argent. Pourtant, ici, -le grotesque domine, le trio de pieds-plats -fait songer à certaines planches de -Daumier, le cruel historien des bureaucrates ; -d’un Daumier gigantesque et promu -à la vie sublime du grand art.</p> - -<hr /> - - -<p>J’ai retrouvé, sur mainte hure bagnéraise -l’expression lamentable et caricaturale -de mes trois pharisiens. Un arrêté -du préfet de police, le grand architinclin des -belles petites et des chevaliers du râteau, -vient d’interdire à grand tapage les jeux -dits de hasard, dans les stations thermales. -On a saisi les engins de toute espèce, -les râteaux, les jetons, les chevaux -de bois, les mascottes, ingénieux déguisement -de la roulette proscrite, et renvoyé à -leurs chères études, les filous cosmopolites -dont se parent les Kursaals. Là-dessus, -cris, fureurs, malédictions. On se -fût cru dans Rama, au temps que Rachel -lamentait ses enfançons. A Bigorre, comme -ailleurs, l’exécution n’alla point sans quelque -tapage et grincements de dents. Des -voix éplorées gémirent chez Veaudelet. -Polycarpe Remora, dit le bourreau des -gueux, Polycarpe dont le claque-dents prêtait -asile au monde des petits baigneurs, des -ouvriers et des gens de peine, curieux -d’être dévalisés, pleure des larmes de crocodile -sur son industrie méchamment -mise à mort. Le tenancier du casino, -drapé dans sa majesté de père-noble, tonitrue -avec les gestes du cardinal Brogni et -menace de fermer sa boutique.</p> - -<p>L’esprit s’accoutume avec peine à la -superlative barbarie d’un pareil châtiment.</p> - -<p>Quoi ! jusqu’à la fin de septembre, les -<span lang="it" xml:lang="it">dilettanti</span> de passage ne pourraient plus -ouïr la <i>Dame Blanche</i> et <i>Si j’étais Roi</i> ! -Le <i>Grand Mogol</i>, comme <i>Achilleus</i> sous -sa tente, disparaîtrait dans les jungles de -Delhi ! Le ténor Dumollard, ce luth, et -Mademoiselle Trop-de-lilas, cette harpe, -résorberaient leurs tons ! Et tout cela pour -éviter la ruine de quelques familles, le -déshonneur des jeunes hommes, le désespoir -des mères, les tragédies boueuses et -sanglantes sur quoi les entrepreneurs de -casinos écrêment leurs profits. A d’autres ! -Nous prend-on pour des faquins ? Qu’une -femme se noie, qu’un enfant de vingt ans -se brûle après quelques nuits, où, d’accord -avec les croupiers municipaux, les grecs -ont arraché de ses mains le bien patrimonial, -est-ce là de quoi mener si grand -bruit quand la cagnotte marche et que -Monsieur Delaroulette est satisfait ?</p> - -<p>Pour mettre fin à ce scandale, et rendre -aux amateurs passionnés de musique les -organes éoliens qui tant nous ont charmés, -les éphores de la ville se déboutonnèrent -d’une protestation vraiment ingénieuse, où -la moralité, l’organisation savante et la -délicatesse du cercle de Bagnères sont exaltées -comme il faut. Une localité si bien -pensante, en effet, ne peut tenir un vulgaire -brelan. C’est avec des tarots présanctifiés -que l’on cartonne sur ses tapis. -Un tripot, le casino de Bagnères ! Oh ! -que nenni, mais une académie fermée à -double tour, aristocratique et pieuse, moitié -salon, moitié sanctuaire, où l’on ne coudoie -que fleurs héraldiques, où l’on n’entend que -propos à la Champcenetz. Depuis l’affaire -Tigaud — un gentleman retiré dans -sa villa de Poissy — l’on garde les cartes -comme des infantes. On les environne de -précautions merveilleusement combinées -qu’un escroc de médiocre intelligence les -peut connaître en un clin d’œil. Le reste -n’est qu’un jeu pour l’adresse des philosophes -à qui d’ailleurs le personnel des -tables chaudes est toujours prêt à servir du -gâteau, malgré l’honnêteté de quelques -subalternes et la vigilance des ayants-droit. -Mais c’est un fait indéniable, que jamais -un grec ne pénétra dans Bagnères, que ses -habitants professent une aversion marquée -pour la poussette et le louis qui tombe, -que sa maison de conversation est un site -où les mœurs s’épurent, en même temps que -l’esprit se familiarise avec les chefs-d’œuvre -escarpés.</p> - -<p>Le document de nos « édiles » a trouvé -près de l’administration préfectorale, un -concours d’autant plus suave que des schismes -politiques divisaient ces pouvoirs. On -combla les fossés, — l’on oublia les querelles -et l’on s’embrassa, comme, après la -mort de Juliette, les Capulets et les Montaigus. -Que les « blaireaux » paient de leur -fortune, ou même de leur couenne, cette -heure bénévole, quel maroufle hypocondriaque -oserait fronder là-dessus !</p> - -<hr /> - - -<p>Voilà quels événements agitèrent Bigorre -et ses faubourgs. Les endroits publics -regorgent d’yeux écarquillés et de -lippes bavardes, commentant la décision -ministérielle à ne plus finir, proposant avec -abondance d’ineptes éventualités. Il y a -là comme un bruit de grenouillère où -vient choir un pavé. Seulement au <i>brékékékeh</i> -du divin Aristophane succèdent des -aperçus écœurants de trivialité. Qui l’emportera -dans ce duel tintamarresque, où -la ville, représentée par ses élus, joue le -personnage de mestre-de-camp ! Souhaitons, -pour en finir avec ces rabâchages, -que le monde où l’on triche ait partie -gagnée, par l’or ou par le fer, et que l’écharpe -de Pallas, flotte comme devant sur la -Tour de l’Horloge.</p> - -<p>Et peut-être, un soir, apprendrons-nous — sans -chagrin du reste — que les vertueux -défenseurs de la cagnotte y laissèrent, -par la main de leurs enfants, quelque formidable -rançon.</p> - -<p>Alors, les yeux dessillés par une mésaventure -personnelle, ils comprendront, -sans doute, à quel singulier rôle ils se -voulurent commettre, et que l’ignorance -est un crime aussi.</p> - -<p>Car enfin que répondraient-ils, ces chevaliers, -ces purs, ces catholiques, si quelqu’un -leur proposait en face de tenir — même -par procuration — un -établissement de filles ou -un comptoir de bonneteau ?</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch6">VI<br /> -BULLETIN DE VOTE.</h2> - - -<p class="date"><i>Bagnères de Bigorre, 1886.</i></p> - -<p>J’ai reçu, ce matin, un imprimé -de forme oblongue, contenant -mes nom, prénoms, domicile -et vertus, mais d’une -réserve charmante, au sujet -de mes ans. Cela remis par -un sergot — irisurbaine — et dénudé de -toute enveloppe. Mon cœur électoral a tressailli ; -car vous supposez bien que ce papier -fatidique, n’était rien moins que la carte -m’autorisant à circuler sur le trottoir du -suffrage universel. Dimanche et quelque -peu les jours suivants, s’il plaît aux candidats -couchés dans le hamac du ballottage, -les entendoires bagnérais auront à prononcer -entre Monsieur Troussemêtre, qui -en sa qualité d’arpenteur, doit tenir un plan, -et le docteur Cazalas, jaloux de médicamenter -notre belle patrie. A vrai dire, je dois beaucoup -à ces messieurs, pour le soin qu’ils -prennent d’égayer les murs de proclamations -versicolores. Je n’ai point lu le texte de leurs -papiers, à cause que le verbe constitutionnel -n’entame point, sans douleur, ma caboche -ignorante. Mais les beaux placards, usités -pour le raccrochage des suffrageants, amusent -l’œil de leur polychromie, et le préparent -aux oiseaux imprévus, aux étoffes -estomirantes, qu’importent dans nos murs -les Landes et le Gers.</p> - -<hr /> - - -<p>Pour le restant, Bagnères montre la gaieté, -d’un champ de betteraves, dans un jour -brumeux. Le Casino, peu sorti de ses fondations, -unit agréablement les plâtriers -aux dames indigènes, de quoi résultent -force erreurs et confusions de maquillages. -Les comédies fossiles alternent dans la -salle des fêtes avec les renâclements du -ténor sans voix et les ingénuités de chanteuses -quinquagénaires. Joignez la laideur -crue du badigeon, la présence inéluctable -des mêmes spectateurs, et vous imaginerez -sans doute l’allure pénitentiaire de -ces divertissements.</p> - -<p>L’obstination qui caractérise les hôtes -du Casino avec l’inamovibilité du répertoire, -y donnent une sensation macabre -d’ennui rétrospectif. Les visages restent les -mêmes, allégés d’incisives et soulignés de -pattes d’oie ; les tailles se déforment, et -telle qui s’essouffle aujourd’hui en des -valses commémoratives, bondissait aux -rythmes printaniers, voici quelque dix-huit -ans.</p> - -<p>Il sied d’admirer la force d’âme à rendre -capable d’endurer après des lustres, la -<i>Rose de Saint Flour</i> ou <i>les Dragons de -Villars</i>.</p> - -<p>Une autre cause de tristesse est l’absence -de joueurs qui fait pousser des -champignons dans le tiroir de la cagnotte -et substitue la dèche crapuleuse aux pêches -miraculeuses de l’été. L’auguste influence -qui supprima — fort à raison d’ailleurs — l’inepte -pornographie des opérettes, devrait -bien suspendre aussi le passe-temps -de <i>la Mascotte</i>, où les petits jeunes gens -compromettent le repos de leurs nuits et -l’avarice de leurs ascendants.</p> - -<hr /> - - -<p>Le ciel tout gris, le ciel ouateux d’après -l’orage, descend en brume fine jusqu’au -ras des coteaux. Les blanches routes aux -candeurs marmorales ignorent les sveltes -promeneuses et le gai fracas des excursions. -Un petit âne chargé de bois, un pâtre -sur le chemin de hautes bergeries et dans -leurs tape-culs, les courtiers d’élection, -promenant la sottise au grand air, voilà -pour le paysage. La campagne s’endort au -clapotement des eaux troubles, au gargouillis -des branches égouttées. La pluie -incessante avive et rajeunit le ton laqué des -feuilles, depuis le vert noir des aunes, jusques -au pâle argent de l’osier.</p> - -<p>Et c’est une gloire verte des bois et des -prairies, des gazons où s’enorgueillit la -claire dentelle des frênes, la découpure -savante des yeuses, la pourpre jaune des -sorbiers, l’aile tremblante des sycomores. -Renaisse le bon soleil, ami des plantes et -des hommes, le soleil qui fait bourdonner -aux blessures des chênes les scarabées de -lapis et d’or ! Renaisse le bon soleil et -tremblantes dans leurs robes de printemps, -les belles dames inscriront -sur les hêtres débonnaires des -chiffres de jeunesse et de -coquet amour.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch7">VII<br /> -CONCERT NOCTURNE</h2> - - -<p>Hier au soir, dix juillet, la -moleskine officielle appesantie -de visages autochtones, -un gros d’artistes lyriques -préludaient à leurs glapissements -par l’exécution de -<i>Madame Angot</i>, cette primeur !</p> - -<p>Heureusement, ce soir-là, des pentes de -<i>Salut</i> aux chênes de <i>Labassère</i>, les arbres -étaient mouillés de clair de lune. Sous le -couvert des frênes, le long des rus bavards -entre les pieds de menthe, un orchestre -de parfums menait le branle des esprits.</p> - -<p>Au plus haut des frondes étagées, à -travers les rameaux qu’empreint un bleu -phosphore, des lampes sidérales clignotaient, -vertes comme des émeraudes, sanglantes -comme des rubis, laiteuses comme -l’opale, brillantes comme le diamant. L’eau -pétillait sous les viornes avec toutes sortes -de <i lang="it" xml:lang="it">grupetti</i>, vocalises et <i>appoggiatures</i>, satisfaite -autant qu’une diva patentée de ce -gongorisme musical. Mesdames les fleurs -en robes de gala, s’asseyaient pour entendre -sur les coussins verts des prairies. Les -narcisses, vêtus de lampas aurore, comme -il convient à des princesses mythologiques. -Les myosotis, en crêpe turquoise, passequillés -d’or faisaient valoir des grâces de -<i lang="en" xml:lang="en">Keepsake</i>. Les campanules désinvoltes rehaussaient, -d’un œil de poudre, leur parure -de chanoinesses et déferraient de quelques -impertinences les pâquerettes, ces bourgeoises. -Des pensionnats de clématites roulaient -avec candeur sur la mousse des -roches. Les bras nus, la gorge au vent, -sous les palmes des houblonnières, les -églantines riaient aux scarabées audacieux -et corrects, à leur beauté bête d’officiers -vainqueurs.</p> - -<p>C’était une merveilleuse assemblée et -digne en tous points du spectacle attendu. -Le gong des crapauds annonçait les entr’actes. -Une escorte de lucioles ramenait à -leurs carrosses les belles invitées, piquait -dans l’herbe mille torches vivantes.</p> - -<p>A vrai dire, la fête manquait un peu de -cette animation chère à nos joviales compatriotes -et maintes corolles spéciales à -leurs chapeaux ne l’honoraient point de -leur présence. Mais ce sont là des revers -sur quoi l’on se résigne volontiers.</p> - -<p>On ne saurait imaginer d’ailleurs, exécution -plus triomphante, auditoire plus -recueilli. Dans son duetto avec la fontaine, -le rossignol provoqua des élans d’admiration, -nonobstant les épigrammes d’une -chevêche lettrée, adverse à toute espèce de -ténor. Le grillon parut abuser aussi de -son agilité sur le <i lang="it" xml:lang="it">forte piano</i> et prolonger -outre mesure ses dislocations. Une vieille -cigale, son amie, l’excusa sur ses mauvaises -mœurs, et que depuis la fenaison, il se -grisait chaque jour abominablement.</p> - -<p>Les pieds poudreux, un brin de chèvrefeuille -aux dents, l’oreille pleine de souffles -harmonieux et la poitrine élargie aux -brises de l’été, vous ouïrez demain la symphonie -lunaire, vous boirez aux calices -patents le vin fantasque de la nuit.</p> - -<div class="poetry"> -<div class="verse">« <i>De la nuit, Vierge Mère impalpable qui baigne</i></div> -<div class="verse"><i>Tous les jeunes émois de ses silences gris</i> »</div> -</div> - -<p class="noindent">et vous ne me demanderez plus quels -couvreurs en retrait d’emploi, quels mineurs -matrinicides, chantent, de huit à -onze, la mère Godichon, sous peine -d’être classés bien au-dessous des -mollusques gastéropodes, au -niveau des lecteurs de -M. Georges Ohnet.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch8">VIII<br /> -FÊTE NATIONALE</h2> - - - -<p>« <i>Un beau soleil a fêté ce grand -jour</i> »</p> - - -<p class="noindent">comme au temps de la première -manifestation, lorsque -ce pauvre Flesselles, se chargea -de fournir le <i>sang impur</i>. Les échevins -bagnérais ont témoigné de leur fidélité -monarchique par une singulière abstinence -de pétards. J’avoue pour mon compte, -adhérer petitement à ce jeûne pyrotechnique. -Quel que soit le culte en exercice, -il ne me déplaît point qu’on le récrée de -fusées volantes. Cela repose un peu de la -conversation des naturels. La Sainte-Cécile -et l’Harmonie des pompiers ont alterné -leurs fanfares exquises de civisme et d’éclat. -Un des principaux éléments de nos réjouissances -nationales, j’entends l’intoxication -par les alcools, n’a point failli dans -ce beau jour, que j’appellerai volontiers -la <i>Saint Pochard</i>, si le premier janvier -n’était baptisé la <i>Saint Concierge</i>, depuis -longtemps.</p> - -<hr /> - - -<p>Les embellissements du Casino marchent -avec lenteur, en dépit de la canicule. Soigneusement -épilé de tout feuillage, le parc -offre l’aspect gracieux d’un steppe au grand -soleil. Par contre, aux jours de pluie, les -talons s’impriment en boue de la façon la -plus marécageuse qui soit. Les scies grincent -dans la pierre et la truelle sévit, -comme aux beaux temps de la concession. -Un progrès toutefois s’impose en ce jardin : -c’est de complanter la maîtresse pelouse -avec des tessons de bouteilles, relevés çà -et là de quelques plumeaux touffus, -à l’ombre de quoi, l’on acclimaterait -aisément la vipère bérus -et le serpent à sonnettes.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch9">IX<br /> -BAGNÈRES DE BIGORRE</h2> - - -<p class="date"><i>2 septembre 1886.</i></p> - -<p>Notre petite ville si riante au -cours de la saison, montra, -ces jours passés, une surprenante -animation. L’on eût -dit, que pour faire accueil à -ses visiteurs, Bagnères se fût -mise en frais de coquetterie, en multipliant -sous leurs pas, les amusements de toutes -sortes. A l’instar des grandes stations, -notre paisible « endroit » a sa « grande -semaine » qui ne le cède en rien à celles de -Deauville, Luchon, Dinard et tous lieux -renommés. Aux sportsmen, la Société des -Courses offre une réunion embellie par -tout ce que les haras pyrénéens recèlent -de gentilshommes ; aux favoris de Terpsichore, -la mairie donne, dans les salons -princiers du Casino, des bals d’une rare -magnificence, où l’éclat des toilettes rehausse -encore le choix du personnel ; aux -amis d’une franche gaîté, la Commission -des fêtes exhibe des mâts de cocagne, -avec leur couronnement obligatoire de gallinacées -en putréfaction ; aux <span lang="en" xml:lang="en">babies</span>, le -prépotent Fauré ouvre l’Eden des sauteries -infantiles, ce prélude aux jeux dont -Tissot écrivit le manuel. Enfin pour les -bourgeois, qu’effarouchent la dépense et -le bruit, nos verdoyantes promenades se -parent de leurs plus clairs soleils. Mais, -par-dessus toutes les attractions, celles -du luxe comme celles, non moins pénétrantes -de la nature, le « clou » des réjouissances -fut la cavalcade en masques, organisée -par quelques jeunes <span lang="en" xml:lang="en">fashionables</span>, -d’accord avec les notables commerçants.</p> - -<p>Notre compaing en journalisme, M. -Ignace Papulard, que les graves soucis de -la vie publique n’empêchent point d’être -tout à tous et d’entendre, mieux que personne -au monde, ces sortes de passe-temps, -a droit à l’hommage de notre gratitude. Il y -a dans M. Papulard — comme dans César — du -dandy et du chef d’armée. C’est -pourquoi nous le voyons si merveilleusement -propre à gouverner les masses, dans -un but de conquête ou de simple agrément. -<i lang="la" xml:lang="la">Dux !</i></p> - -<p>Donc la chevauchée à laquelle se complurent -nos compatriotes et leurs amphitryons, -naquit d’un sien concept, uni au -désir de quelques éphèbes cagneux, jaloux -d’exhiber, en tutus roses, leurs secrètes -difformités. Le succès décora leurs efforts -et la recette — nous dit-on — atteignit -un chiffre inespéré. Qu’ils goûtent la pure -joie d’adoucir quelques misères ; la journée -fut deux fois bonne, pour le plaisir et pour -la charité.</p> - -<hr /> - - -<p>Les étrangers affluent dans nos murs : le -modeste « congé » coudoie l’élégante Parisienne, -les Thermes sont forcés de débiter -les eaux ménagères, pour satisfaire à -l’incroyable empressement des -baigneurs. Personne d’ailleurs -ne paraît s’apercevoir de -la substitution.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch10">X<br /> -SUPPRESSION DES JEUX</h2> - - -<p>L’on a fort épilogué, touchant -la décision du préfet de police -par quoi le cercle chôme -depuis huit jours. Certes -rien n’est plus moral que de -combattre la funeste passion -du jeu, dans les municipes voisins et d’y -protéger contre les écornifleurs, la ponte -bécassière. Mais une telle mesure est -inapplicable dans Bagnères où l’on entoure -les joueurs d’une véhémente probité. -Aussi, malgré les récriminations de quelques -esprits grincheux, malgré certaines -déclamations dictées bien plutôt par de -basses rancunes que par la soif du vrai, -nous n’hésitons pas à redemander, la réouverture -du boudoir à tapis vert.</p> - -<p>Le cercle du Casino est l’habitacle d’un -monde choisi, avec lequel on a tout bénéfice -à perdre quelque somme. Pour notre part, -nous avons distribué, dans l’espace de -deux ans, la bagatelle de 20.000 louis aux -diverses réunions florissant alors dans notre -bonne ville et quand nous songeons aux -fruits que nous retirâmes de ce faible débours, -il nous vient une confusion d’avoir -si chichement payé. Ce prix dérisoire nous -valut quelques-unes de nos meilleures relations : -la familiarité de Gaspard le Huron ; -le <span lang="en" xml:lang="en">shake-hands</span> du vénérable Escarmouche ; -le droit de tutoyer Martin et de recourir -à l’obligeance de P. Tapa, le plus serviable -des hommes — au denier deux. Pas une -crapule n’a gîté dans Bigorre, au cours de -ces nuits-là ; pas une arsouille, pas un -truand, pas un marlou, près de qui je n’aie -connu la philanthropique douceur de prendre -place, en attendant la main. « <i lang="la" xml:lang="la">Homo sum</i>… » -Pas un goujat qui ne m’ait soufflé son -brûle-gueule au visage ! Pas un nigaud qui -ne m’ait abreuvé de sornettes ! Pas un croupier -qui ne m’ait salué par mon nom !</p> - -<p>De telles acquisitions contre une misérable -dépense ! N’est-ce pas tout profit -pour le récipiendaire et, comme disait -Gavarni « beaucoup d’honneur pour son -argent. » En vérité qui se voudrait plaindre ? -Quelque bardache, tout au plus.</p> - -<hr /> - - -<p>Les représentations théâtrales poursuivent -d’un cours égal leur triomphante carrière. -La troupe lyrique et celle de comédie -(<i lang="la" xml:lang="la">amant alterna camenæ</i>…) charment les -doubles échos de la bonbonnière Saint -Jean et de la salle des Fêtes. Ne reculant -guère devant les sacrifices — même périlleux — quand -il s’agit de l’art et de ses -abonnés, M. Fauré nous révéla naguère -un ouvrage inédit, ou peu s’en faut, dont -l’originalité, la fantaisie et la verdeur nous -ont su procurer une jouissance artistique -aussi vive qu’inattendue. La chose est, sauf -erreur, baptisée, <i>Les Dragons de Villars</i> et -passe communément pour une œuvre posthume -d’Hector Berlioz. Dans cette partition, -d’un style harmonieux et coulant, -abondent les motifs aisés à retenir. Aussi -avons-nous ouï sans trop d’ébahissement -des chœurs de jeunes hommes aboyant à sa -sortie</p> - -<div class="poetry"> -<div class="verse">« Je me disai… ai</div> -<div class="verse">Quand tu passai… ai ».</div> -</div> - -<p>D’autres partitions de moindre importance, -des vaudevilles à foison, des drames -par centaines et des saynettes par milliers ; -une fête nocturne dans les jardins du -Casino, de quoi le besoin se fit sentir du -jour où la température basse permit d’espérer -une moisson flatteuse de bronchites -et de rhumes de cerveau : tel est en résumé -le bilan des allégresses bagnéraises. -Soyons fiers et bénissons avec nos -hôtes le sagace cornac auteur -de ces loisirs.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch11">XI<br /> -OUVERTURE DE LA CHASSE</h2> - - -<p class="date"><i>Bagnères de Bigorre, 7 septembre 1886</i></p> - -<p>L’ouverture de la chasse exécutée -par un lutrin d’acéphales, -peuple de résonnances -imbéciles les coteaux et les -bois. La vénerie au petit -pied est à coup sûr un -des moyens topiques dont use la classe -moyenne pour faire patente son incurable -stupidité. Aucun spectacle n’est -plus idoine à éjouir les quadrupèdes de -tout pelage que l’aspect d’un huissier en -tenue de guerre, ou le ventre d’un tabellion -bedonnant sous son carnier. J’imagine -que les oiseaux de divers ordres -garés des fusils maladroits, s’esclaffent aux -dépens des boutiquiers cynégétiques. Le -hérisson débite au lièvre maintes pointes, -touchant les gabatines qu’il leur donna ; le -connil, cette crapule forestière, leur fait la -nique au bord des haies ; le geai les siffle, -et le chat-huant les vitupère ; la bécasse -prend en pitié la niaiserie de leurs apophthegmes ; -et du creux des châtaigniers, la -buse en parle à l’émouchet, son compère. — Eux, -vont toujours, sans même soupçonner -l’ironie des bêtes et des choses ; la grimace -cachinnatoire du soleil goguenard qui leur -bleuit la trogne et vermillonne leur sinciput.</p> - -<p>Puis le soir tombe et les bestioles vengées -se livrent sans contrainte aux passions -affectives, dont Toussenel les a si libéralement -gratifiées.</p> - -<p>Celui de tous les écrivains qui s’est le -plus attendri sur les déjections naturelles, -j’entends le père Michelet, n’a pas manqué -d’attribuer aux moindres volatiles de suprêmes -amours et de rares pensers. Volontiers, -il s’extasie sur la vaillance des -guêpes et le grand cœur des pingouins… -Sans communier aussi largement de l’âme -des choses, nous ressentons un fraternel -émoi pour tant d’innocentes et gracieuses -formes de la vie. Les oiseaux surtout, -amis de la chaumière et du labour, portent -une grâce augurale et pour ainsi dire -sacrée. La caille, au plumage couleur de -terre et de blé ; le virevent, qui fuse le long -des saulaies comme un éclair d’émeraude -et de lapis ; la perdrix, si délicatement -fourrée d’une peluche bleuâtre où saignent -des gouttes de corail ; et par-dessus tous, -la vaillante alouette qui porte au plus haut -ciel l’allégresse des laborieux matins, ne -sont-ils pas la voix même, le chant humble -et doux du terroir natal ?</p> - -<p>Je ne pense pas que ces considérations -empêchent Messieurs les chasseurs de tirer -au poil et à la plume, ni les maîtres-queux -d’étendre leur butin sur de fines rôties. -Nous déplorons seulement que la chair -humaine n’ait point la saveur du lapereau, -sans quoi nous proposerions à quelques -snobs galipoteux, de remplacer les victimes -ailées dont nous nous délectons.</p> - -<div class="poetry"> -<div class="verse">Le dernier feu s’éteint sur la lande embrumée :</div> -<div class="verse">Plus de flamme aux carreaux, aux toits plus de fumée.</div> -<div class="verse">La note des crapauds vibre, seule, et la nuit</div> -<div class="verse">Sous ses voiles de crêpe endort ce faible bruit.</div> -<div class="verse">Les étoiles ne sont pas encore allumées,</div> -<div class="verse">Silencieusement des brises embaumées</div> -<div class="verse">Passent sur le sommeil des moissons et des bois ;</div> -<div class="verse">Une clarté se pose au faîte blanc des toits</div> -<div class="verse">Et de taches d’argent sème la terre brune :</div> -<div class="verse">Voici qu’à l’orient, là-bas, monte la lune.</div> -</div> - -<hr /> - - -<p>Le premier bal de la ville, commencé -lugubrement, a secoué peu à peu son allure -mortuaire et jusques vers l’aurore, papillonné -clopin-clopant. Quelques gracieuses -femmes, un soupçon de toilettes, les valses -émergeant de bambous tout en fleurs, -l’or du gaz sur les moulures pâtissières, -en la salle dite des Fêtes, cela ne suffit -point à galvaniser l’ennui dont Bagnères -affadit ses visiteurs. Certaine robe d’un -provincialisme excessif suscita de courts -élans de gaieté, fournit aux désheurés du -lendemain, le motif d’une agréable conversation. -L’on rapporte que plusieurs convives -autochtones portent encore du -mal au cœur, pour s’être ingurgité -sans mesure, l’orgeat gratuit -et les sandwiches sébacées -des festivals -municipaux.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch12">XII<br /> -IMPRESSION DE <span lang="en" xml:lang="en">MID-SUMMER</span></h2> - -<p class="c">DU VAL DE PAYOLLE, LE DIMANCHE DE LA -SAINT JEAN D’ÉTÉ</p> - - -<p>Décortiqué, -l’aubier fendu sous -des coins ligneux, le pin surgit -entre les pals qui l’étançonnent, -mitré de fleurs, -chappé de branches avec -l’appareil d’un fantôme roi.</p> - -<p>Un orage fermente dans le ciel, torpide, -rubéfiant l’azur de tonnerres avortés. C’est -la pesanteur des midis électriques, aggravée -aux fades exhalaisons des tilleuls. Ferments -d’alcôve où se souvient le musc des -chevelures, frissons du rut universel, orgasme -des sèves pâmées si lourds aux -poitrines humaines.</p> - -<p>De vers le ponant, aux fins de l’horizon, -une rougeur étale, un abîme de sang cuivreux -où se détermine en silhouette l’ogive -mince des peupliers. En haut, le bleu lucide, -l’onde claire d’un outremer déjà -pâli. Des hirondelles incisent de leur aile -noire les volutes pourpres des nuées. Tragiques, -des flammes s’écroulent du zénith -à l’occident. Et, dans une seule apothéose, -vers l’incendie astral qui s’effondre et -s’échaffaude, monte, d’abord fumée, l’embrase -inepte et glorieux du <i>haillat</i><a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a>.</p> - -<div class="footnote"><p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a> Haillat, bûcher, en dialecte gascon.</p> -</div> -<hr /> - - -<p>La foule stupide comme il convient. -Des avoués sont venus là, concomités de -leurs épouses, flanqués de leurs marcassins. -Des guenipes aussi professionnellement. -Des blousards — maternels avec -excès — érigent à pleins bras leurs mômes -englués de morve et de sucre en bâtons.</p> - -<p>Bannières en tête, chantres au flanc, -voici le clergé nasiférant des cantiques. -Autour du bûcher les vicaires génuflectent, -goupillonnent et saluent, tandis que le -célébrant à grand renfort d’allumettes, -provoque l’étincelle paresseuse à jaillir. -Un nuage se tord, écharpe grise lamée -brusquement de stries écarlates. Des feuilles -de buis vert claquent et pétillent, s’enchevêtrent -en sequins d’or. Sur le tronc -voué ruisselle un baume incandescent, qui -le dévore. Les chantres suffoqués renâclent -l’hymne de Guy d’Arezzo, le verset à -doubles croches où ce moinillon inoccupé -harponna « l’ut-ré-mi-fa-sol » tant douloureux -aux enfances bien nées.</p> - -<p>Un ecclésiastique myope que le brasier -roussit quelque peu, s’évertue de ramener -son surplis en arrière. Les voyous se culbutent -afin d’arder au brandon public les -thyrses dont ils vont sur l’heure, effarer -mesdames les bourgeoises en souci de leurs -mollets.</p> - -<p>Et, dans le ciel où rougeoient des flammèches -emportées dans le ciel métallique -et fumeux comme une forge éteinte, dans -le ciel où grandit l’impérissable amour, -éclate, sur la cohue imbécile, le rire vengeur -des anciens Dieux.</p> - -<hr /> - - -<p>Un âpre soleil darde sur la garrigue ses -obliques rayons. La brande verte et rose -dort immobile dans les silences de midi. -Seul, le claquet des grillons scande les -minutes chaudes — horloge de l’été. Au -loin vers la montagne, dans le val où badine -quelque source, tremble au sommet des -aulnes un brouillard évanoui. Massives, -érigeant en plein ciel leurs arêtes d’acier -bleu, les vastes Pyrénées enclosent l’horizon. -Tours crênelées, flèches de cathédrales, -coupoles imbriquées d’argent, toitures -monstrueuses d’une cité pélasgique, -les lourdes cîmes échafaudent par la rude -clarté leurs dômes prestigieux. Dans l’azur -nu, invisible presque, le tournoiement d’un -vautour. Une couleuvre, par instants, rampe -sous la bruyère avec le bruit sec du papier -froissé.</p> - -<p>Et le pastour, dont les sabots tintent -pesamment sur la route empoussiérée : le -compagnon fourbu ; le tourlourou convalescent, -le porte-balles qui vend aux filles -de ferme des bréviaires d’amour, hument -avec transport l’incandescente beauté de -la nature, cependant qu’au bord du fossé -où volète la mésange, le villageois, en -pleine lumière, touche les bœufs assés, -d’un mouvement pontifical.</p> - -<hr /> - - -<p>Sur la table un faisceau de lys. Chair -florale près de quoi la chair vive s’humilie, -nacre odorante à dépriser le vernis des -coquillages. Ni feuilles, ni rameaux. La -tige d’un vert blême ostente cet émail où — vol -d’insectes mordorés — posent les -étamines. Nulle innocence, d’ailleurs, malgré -le symbolisme goîtreux des processionnaires. -L’orgueil d’être blanc — tel -un soleil de juin ; — le faste des parfums -trop généreux pour nos désirs.</p> - -<p>Superbes, d’une gloire laiteuse en la -buire de Venise, les corymbes liliaux versent -le plein été aux choses familières. Comme -les bergers du Cantique, le Souvenir se -repaît entre leurs dons. Emmi l’ombre -où sussurre — inquiet — l’appel des -aromates, renaît l’effluve des charmilles -antérieures, le givre des longs soirs à travers -d’autres branches. Les baisers fleuris de -troènes, les cheveux constellés aux pâleurs -des jasmins pernoctent, doux sabbat de -la jeunesse fugitive.</p> - -<p>Par la fenêtre, un coin d’éther crépusculeux, -estompé l’on dirait, de gaze noire. -Le parterre noyé d’obscur, sans un bruit -d’ailes ou de pas. Au loin, l’harmonica -solitaire des crapauds exaltent Vénus qui -rit à leurs yeux de topaze, et sur l’arête -des ormes, se lève coruscante.</p> - -<hr /> - - -<p>Crépuscule, mais imprégné de jour, où -défilent endimanchées, les ménagères de -l’endroit. Rasés bleu, les membres gauchis -dans leur vêture de cadix, les mâles fument -sur la place de l’Eglise, en attendant -souper. Une fuite d’encens traîne sous le -porche ouvert. Des béguines, symétrisant -les chaises bousculées par la débâcle de -vêpres, glissent, falottes entre les saints -peinturlurés. C’est dans la nef, qu’épargne -la rousseur de l’heure, un bleuissement de -paradis, une Avallon campagnarde éclose -aux fraîcheurs des bénitiers.</p> - -<p>Mais, plus rude, avec son fumet de -simples écrasées, la moisson lithurgique -imprègne d’âcre miel les rues de la bourgade. -Roses bénites, lys sacrés et le fenouil -qu’aima le Syrien Adonis, les herbes de la -Saint-Jean évaporent sous les toits rustiques, -leur ardente fenaison.</p> - -<p>Parmi ses glauques cheveux d’ondine, -la nigelle aux yeux pers sème des nœuds de -turquoise. La feuille trilobée des ancolies -supporte avec fierté des campanes d’améthyste. -Les daturas, les molènes velues, les -euphorbes aux pétales virescents, les digitales -assassines, bandent leurs piques mal -famées et, noir de suprêmes venins, l’aconit -fait craquer sous les sabots de frêne, -ses cassolettes plutoniennes.</p> - -<p>Amère saveur des plantes ! Breuvage de -l’été qu’affadit à peine le nauséeux encens ! -C’est la veille où, par les hautes prairies, -les jeunes hommes se baignent aux lustrales -rosées, invigorent leur puberté dans -la communion des choses. Les fontaines -débordent, la fougère mûrit. Le village -latin, célèbrera, ce soir, ses païennes et -vivantes origines. A moins que, nantie de -quelque billon, la jouvence locale ne se -rue au café du Sud-Ouest, présentement -illustré par les intermèdes et chansons de -Mlle Pépita, romancière excentrique à l’instar -de Paris, comme en témoigne, -avec déférence, l’aboyeur public, — très -digne — après un -roulement de son tambour -enchifrené.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch13">XIII<br /> -PORTRAITS DE FAMILLE</h2> - - -<div class="poetry"> -<div class="verse">Le père Chose éteint le feu</div> -<div class="verse">Et pour qu’aucun valseur ne lampe,</div> -<div class="verse">Renverse le thé dans la lampe.</div> -<div class="verse">Ses enfants le voudraient bien feu.</div> - -<div class="verse stanza">Dindonnus semble un jeune Dieu</div> -<div class="verse">Peint sur le mur, à la détrempe :</div> -<div class="verse">Son crâne est la pomme de rampe</div> -<div class="verse">Chère à Philippe de Grandlieu.</div> - -<div class="verse stanza">Près de Clary-Bell qu’on assiège</div> -<div class="verse">Dindonna, hors d’un bain de siège</div> -<div class="verse">Fait de musc et de néroli,</div> - -<div class="verse stanza">Se comprime le métatarse.</div> -<div class="verse">Son corset de bourre est empli :</div> -<div class="verse">C’est une dinde avec sa farce.</div> -</div> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch14">XIV<br /> -BALLADE</h2> - -<p class="c">EXÉCUTÉE EN RIMES PARNASSIENNES A LA -LOUANGE DU DRAP BOSVIEL</p> - - -<div class="poetry"> -<div class="verse">Chœurs bondissants par l’oréas neigeuse,</div> -<div class="verse">Faunes velus, thyades aux bras blancs,</div> -<div class="verse">Vous qui menez la cordace orageuse,</div> -<div class="verse">Des antres sourds aux pics étincelants</div> -<div class="verse">Et qui, le soir, sous les rameaux tremblants</div> -<div class="verse">Mêlez vos voix au crotale sonore,</div> -<div class="verse">Je veux chanter, en un rythme de miel,</div> -<div class="verse">Le drap vainqueur, le drap essentiel,</div> -<div class="verse">Le drap cossu dont Bigorre s’honore :</div> -<div class="verse">Le meilleur drap est celui de Bosviel.</div> - -<div class="verse stanza">Bosviel n’a pas la mine avantageuse.</div> -<div class="verse">Son ventre gros bedonne et sort des plans,</div> -<div class="verse">Son poil est gris et sa face rageuse :</div> -<div class="verse">Même il a pour nos regards indolents</div> -<div class="verse">L’air abruti des messieurs icoglans.</div> -<div class="verse">Cependant la flamme interne le dore,</div> -<div class="verse">Mais, dédaignant tout chic matériel,</div> -<div class="verse">Il va tissant la laine, sous le ciel.</div> -<div class="verse">Et, sans qu’il soit besoin de Mandragore,</div> -<div class="verse">Le meilleur drap est celui de Bosviel.</div> - -<div class="verse stanza">Par les taillis ombrés de nuit songeuse</div> -<div class="verse">Le long des bois pleins de parfums troublants</div> -<div class="verse">Nul ne le vit contempler Beseigeuse</div> -<div class="verse">Cueillir des fleurs ou marcher à pas lents,</div> -<div class="verse">Nul moins que lui ne mange d’ortolans.</div> -<div class="verse">Il parle peu, sans nulle métaphore,</div> -<div class="verse">Il aime mieux Gothon qu’Alaciel</div> -<div class="verse">Et des bourgeois, sort providentiel,</div> -<div class="verse">De cornes d’or, son front plat se décore,</div> -<div class="verse">Le meilleur drap est celui de Bosviel,</div> -</div> - -<p class="c i">Envoi</p> - -<div class="poetry"> -<div class="verse">Prince, Carrère est beau comme Ariel,</div> -<div class="verse">Et l’oncle Uzac se teint avant l’aurore,</div> -<div class="verse">Turon fournit l’onguent mercuriel.</div> -<div class="verse">Mais, de Dunkerque aux montagnes d’Andorre,</div> -<div class="verse">Le meilleur drap est celui de Bosviel.</div> -</div> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch15">XV<br /> -A SEULE FIN D’EXALTER LE TACT -DE M. DURAND.</h2> - - -<div class="poetry"> -<div class="verse">Des peintr’ étaient à la campagne,</div> -<div class="verse">Ils respiraient l’air librement,</div> -<div class="verse">Rêvant de revêtir le pagne,</div> -<div class="verse">Quand débarqua… Marie Durand !</div> - -<div class="verse stanza">Elle arrivait, vrai sujet Suisse,</div> -<div class="verse">Mettant ses grands pieds dans le plat,</div> -<div class="verse">Etalant un esprit novice,</div> -<div class="verse">Parlant amour, et cœtera !</div> - -<div class="verse stanza">Les peintres, frappés de marasme,</div> -<div class="verse">Auraient voulu la voir au loin,</div> -<div class="verse">Mais, comm’ ils avaient un’ belle âme,</div> -<div class="verse">A leur table, ils lui offrent’ un coin !</div> -</div> - -<p class="c i">Moralité</p> - -<div class="poetry"> -<div class="verse">Quand vous irez à la campagne,</div> -<div class="verse">Point n’en parlez à un M. Durand ;</div> -<div class="verse">Allez, revêtissez le pagne</div> -<div class="verse">Et respirez l’air librement.</div> -</div> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch16">XVI<br /> -BALLADE</h2> - -<p class="c">POUR EXALTER LES MELONS SURHUMAINS DE -<span class="large">M</span>ONSIEUR <span class="large">G</span>AGA</p> - - -<div class="poetry"> -<div class="verse">Il n’en est pas de plus sucré</div> -<div class="verse">A Gambaiseuil, aux Yvelines,</div> -<div class="verse">A Grosrouvre, Neauphle ou Méré.</div> -<div class="verse">Les compotes, combien câlines,</div> - -<div class="verse stanza">Que fomentent les Ursulines</div> -<div class="verse">Et que Tanrade prodigua</div> -<div class="verse">N’ont pas de douceurs plus félines :</div> -<div class="verse">C’est l’œuvre de Monsieur Gaga.</div> - -<div class="verse stanza">Il marche d’un air assuré,</div> -<div class="verse">Parmi les couches cristallines :</div> -<div class="verse">Ainsi Van Dick lâche son ré.</div> -<div class="verse">Et les courges, ces orphelines,</div> - -<div class="verse stanza">Et les endives de Malines,</div> -<div class="verse">Et le myrthe, et le seringa,</div> -<div class="verse">Proclament du val aux collines :</div> -<div class="verse">C’est l’œuvre de Monsieur Gaga.</div> - -<div class="verse stanza">Lorsque septembre enténébré</div> -<div class="verse">Te pleure, ô Soleil qui déclines,</div> -<div class="verse">Le melon, comme un sein doré,</div> -<div class="verse">Pointe parmi les avelines.</div> - -<div class="verse stanza">Viens, Brunehilde et toi Zerline</div> -<div class="verse">Et toi, Maure pour qui Pingat</div> -<div class="verse">Aurait ourdi ses mousselines !</div> -<div class="verse">C’est l’œuvre de Monsieur Gaga !</div> -</div> - -<p class="c i">Envoi.</p> - -<div class="poetry"> -<div class="verse">Princesses ! que vos mandolines</div> -<div class="verse">Chantent, du Zenil au Volga,</div> -<div class="verse">Ces cucurbites zinzolines :</div> -<div class="verse">C’est l’œuvre de Monsieur Gaga !</div> -</div> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch17">XVII<br /> -SOUS LES TILLEULS DE BAGNÈRES</h2> - - -<p>En Messidor, pendant l’octave -de la Saint-Jean, saison -amène où les bouquets noués -d’herbes au ruban mêlent à -l’œillet de poète la rose de -tous les mois, quand le -plus humble courtil se pavoise de lys -blancs, de jaunes soucis et de bleuâtres -dauphinelles, quand le rossignol fait ouïr -encore une chanson de miel (ainsi parlait -le bon Aristophane) et qu’aux marges des -fossés, le ver luisant pour sa vigile d’amour, -accroche une lampe furtive, la maison -rustique et le domaine forestier, la campagne -avec ses champs, ses prés, ses halliers, -ses jardins, ses pâturages et ses landes, -appartiennent aux Esprits bienveillants dont -les travaux et les jeux ne se déroulent que -dans la paix des belles nuits.</p> - -<p>C’est le faîte de l’année et la semaine des -semaines, où les ciels moroses du livide -Occident se parent d’une grâce inconnue -aux pays mêmes du lotus et de l’oranger. -Le printemps s’achève et l’été commence -à peine. Quelques fruits cependant brillent -déjà parmi les fleurs, mais si légers, mais -d’arome si suave, qu’on les prendrait pour -des fleurs encore sur l’épine du framboisier, -aux branches d’où pendent les cerises, au -vert buisson que la groseille éclabousse -d’ambre pâle et de grenat.</p> - -<p>Shakespeare à choisi cette nuit, la plus -belle de toutes, pour y situer le rêve féerique -de Thésée et d’Hippolyte, d’Obéron -et de Titania, Nicolas Gogol, ce Virgile -du Dniéper assigne même aux conciliabules -des esprits qui gardent les richesses, -des nains qui, dans les blancheurs lunaires, -décapent leurs trésors depuis que brille -l’étoile au soir jusqu’au premier chant du -coq. Et c’est alors aussi que dans la nuit de -Walpurgis, apparaît le spectre fatidique -du Brocken, que passe au claquement des -fouets, aux abois des limiers, la chevauchée -d’Athta-troll avec la fée Habonde et la jeune -Hérodias. La forêt des Ardennes se peuple -de visions et de formes crépusculaires.</p> - -<div class="poetry"> -<div class="verse i3"><i>Les anciens loups</i></div> -<div class="verse"><i>Qui dorment dans la lune éclatante et magique</i></div> -</div> - -<p class="noindent">trottent devant le Chasseur Noir et la -menée d’Hellequin, sous les fûts des mélèzes -et des pins résineux. Malgré les -vieilles maléfiques et les chats démoniaques -menant leur sarabande au milieu des bruyères -désertes, cette heure appartient à la -sorcellerie amicale, au petit monde fantasque -et tutélaire dont les caprices, la plupart -du temps, améliorent le sort du pauvre, du -banni, de l’orphelin, du miséreux. Nains -propices, filandières secourables, corbeaux -pareils à ceux de Wotan préparent dans -les <i lang="de" xml:lang="de">Kinder und Hausmärchen</i> des frères -Grimm, toutes sortes de bonnes aventures -aux porte-besaces, aux infirmes, aux enfants -malingres, chassés par une marâtre -du foyer paternel.</p> - -<p>Ces miracles tout naturellement s’épanouissent -comme la fleur qui chante à -l’époque où le soleil entre dans sa première -maison d’été.</p> - -<p>En hiver, au contraire, les démons de la -tempête rôdent parmi les ténèbres de la -lande. Le vent d’ouest pleure, crie et sanglote, -comme un chrétien égorgé par des -bandits. Le froid, les bourrasques, la nuit -hostile retiennent près du foyer, dans leur -demeure bien close, le paysan et le bourgeois. -Seuls, vagabondent après le couvre-feu, -loin des villes et des bourgs, les écorcheurs, -les faux-saulniers, les coquemares -et les mauvais garçons. Beau temps pour -le sabbat ! Mais aux nuits de la Saint-Jean, -près des ruisseaux qu’embaument le fenouil, -la menthe et la reine des prés, sur les -pelouses où verveine, sauge et boutons -d’or passementent l’herbe verte que n’a -pas touchée encore la faux du moissonneur, -des esprits bénins, en attendant l’aurore, -mènent danses et chœurs. C’est le temps -où Dames blanches, <i>hades</i> et farfadets se -manifestent au pauvre bûcheron, à la fileuse -indigente, où la fée et le lutin emplissent la -huche de farine, donnent de l’esprit au -Petit Poucet et des robes à Cendrillon.</p> - -<p>Le personnel des Contes de ma mère -l’Oye, célèbre sa fête annuelle pendant ces -claires ténèbres du <span lang="en" xml:lang="en">Mid-Summer</span>.</p> - -<p>Chaque moment de la belle saison s’est -orné d’une parure individuelle, d’un parfum -singulier. Il n’est herbe si menue, il -n’est plante si rebutée et misérable qui -pour glorifier le beau soleil, n’arbore quelque -ornement. Les jardiniers se sont plus -à dresser une horloge des fleurs. Pourquoi -pas un calendrier du printemps ?</p> - -<p>Cela irait des jacinthes aux pivoines, -des anémones à l’œillet. Les arbres surtout, -mieux que tout autre végétal, prêtent leur -odeur, une odeur spéciale à chaque semaine -du renouveau. Les pommiers d’abord, les -pêchers, les amandiers ; ensuite le lilas ; -puis, l’acacia, l’aubépin, le laurier-cerise -comptent les heures, signalent à chaque -étape la marche ascendante du soleil. Et -quand, arrivé enfin au point culminant de sa -course, il triomphe dans la jeunesse et la -beauté, les tilleuls ouvrent enfin leur fleurette -jaune pâle, d’où s’épanche, en plein -ciel, un baume puissant et délicat. Ni la -rose, ni la tubéreuse, ni le frais jasmin, ni -le fugace parfum du réséda, aux crépuscules -d’août, n’égalent cet arome dont -s’enivrent les nocturnes promeneurs ; c’est -l’âme elle-même, le songe des belles nuits, -au milieu de l’été.</p> - -<hr /> - - -<p>Près de Riennel, dans ce vallon de Salut -qu’enchante la lune féerique, dans les sites -virgiliens de Bagnères, plus qu’en aucun -lieu du monde, les tilleuls épanchent leur -suave et pénétrante odeur. Quel adolescent -pouvait aborder ces beaux lieux sans être -ému de leur grâce, de leur paix profonde ? -Laissez Bagnères, la ville de province et -la ville de bains, toute blanche avec ses -ruisseaux, les ondes vives qui jaillissent -dans un sol de marbre ; négligez les édifices -médiocres et la sculpture officielle qui -prétend orner ses carrefours. Ici, l’ornement -unique c’est l’arbre, le frêne, l’ormeau, -le hêtre majestueux, dressant comme -une colonne dorique son fût poli et régulier ; -c’est au bord des ruisseaux, dans les -fonds marécageux pleins de calthas et de -myosotis, l’aulne au feuillage vernissé d’un -vert noirâtre, qu’effleure de son aile indécise -l’essaim diapré des libellules.</p> - -<p>Dans le calme et frais décor, au pied de -la montagne riche de sources, d’ombre et de -silence, parmi les arbres que rajeunit sans -cesse l’eau vive des fontaines, l’esprit se -plaît à rêver les contes d’autrefois, à suivre -l’image des superstitions millénaires, à -figurer les métamorphoses de l’arbre et -de la plante, du reptile et de l’oiseau, de -la grotte et du torrent, à peupler les herbes, -ces gramens, ces pentes d’émeraude, ces -coins obscurs, d’êtres mystérieux et fugitifs, -à suivre, tandis que les tilleuls pleuvent -leurs parfums, les rondes volages de -la Fée et de l’Ondine, le tournoiement des -sylphes aériens, parmi les phalènes et les -chauves-souris.</p> - -<p><i lang="de" xml:lang="de">Unter den linden !</i> Alphonse Karr eut -l’honneur d’être un sot par la tête, un -sot bien pensant, religieux, conservateur, -et qui se piquait, en outre, de proférer -des bons mots. Il décerna au plus -inepte de ses bouquins le nom charmant -des promenades germaniques. Ce n’est pas, -en effet, à Berlin seulement, que l’on -marche « sous les tilleuls ». A Deventer, -j’ai retrouvé le nom et la chose, vers la -fin d’un été mélancolique, d’un été de -Hollande, où les feuilles mortes et les -bractées des chers tilleuls dansaient prématurément -leur automnale sarabande, venaient -s’abattre, comme des papillons morts -sur l’eau dormante de l’Yssel.</p> - -<p>Mais, dans ce juillet pyrénéen, les feuillages -gardent une jeunesse, une vigueur, -une sève d’adolescence, une robuste et -juvénile beauté !</p> - -<p>Faits pour abriter les amours des dieux -et prêter leur ombre à l’éternelle fête des -étreintes humaines, les arbres gardent à -Bagnères toute leur splendeur. Ce délice -de la hache qui tourmente notre âge de -maçons, ne paraît pas avoir contaminé ce -beau pays. A part une échancrure faite par -les cagots devant la vierge de Bédal, -échancrure qui met à nu ce fétiche mastoc et -laid, pas un arbre, semble-t-il, depuis -quarante ans, ne fut détronqué sans raison. -Les robustes ormeaux, les frênes héroïques, -dont chaque nodosité dit l’effort de la -plante pour s’arracher à la glèbe, pour -individualiser sa vie, étalent chaque année, -avec plus de force, d’orgueil et d’opulence, -leurs ombrages respectés.</p> - -<p>Ceux qui vinrent, enfants, cueillir en -des paniers de frêle vannerie et proposer -aux belles étrangères, le tilleul d’autrefois, -hommes à présent, voient leurs fils recommencer -la cueillette aux rameaux inférieurs -des géants parfumés. Ils marchent -dans le bain d’aromates qui délecta leur -jeunesse. La permanente beauté des choses -les console presque de vieillir. L’adolescence -de la terre efface, un moment, les -rides sinon de leur visage, du moins de -leur esprit.</p> - -<p>Ces routes verdoyantes, ces chemins -dans les bois, ces pentes du Monné, du -Lhéris, ces rives de l’Adour, offrent aux -cœurs inquiets un asile de paix profonde, -un lieu de calme, d’oubli et de sérénité.</p> - -<p>Sophie Cottin, sous le turban jaune de -Corinne, y vint fluer ses larmes en plusieurs -volumes. Ramon y murmura, au -lendemain de la Terreur, cette parole -émouvante que cite Michelet : « Tant de -pertes irréparables pleurées au sein de la -Nature. »</p> - -<p>Les majestueuses cîmes encadrent l’horizon -d’une muraille d’améthystes et de -lapis, de sommets que hantent les vautours -et qu’habite l’indéfectible hiver. Mais la -plaine est à leurs pieds, d’un charme -infiniment doux, avec je ne sais quel agrément -sauvage qui préserve de toute fadeur -ce climat délicieux. Qui l’a connu, aimé, -aux heures de la jeunesse, qui, libre d’ambition, -exempt de soucis et gonflé de sève -comme les tilleuls de Messidor, a, sous leurs -dômes pacifiques, goûté l’enivrement du -matin, la beauté païenne, les souffles vierges -de la montagne, en rapporte — je le sais ! — pour -les heures mornes et le crépuscule -de la vie, une allégresse qui ne meurt pas, -tels ces pastours des contes bleus qui, -sur le coup de minuit, à la Saint-Jean -d’Eté, ont reçu d’une fée amicale sous -les branches odorantes, le philtre -suprême, l’élixir de jouvence -éternelle et d’indestructible -amour.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak" id="ch18">XVIII<br /> -<span lang="es" xml:lang="es">RECUERDO DE LOS TOROS</span></h2> - - -<p class="date"><i>Saint Sébastien, 1886.</i></p> - -<p>Au coup de trois heures, frappant -à vingt horloges, la -cohue envahit la place des -Taureaux. Avenue de la -<span lang="es" xml:lang="es">Libertad</span>, sur la jetée de -l’Alaméda, un moutonnement -de houle où les fiacres à tendelets verts -creusent des ressacs. Des femmes glissent, -onduleuses, une flamme dans leurs yeux -noirs. Des mantilles, des <i lang="es" xml:lang="es">abanillos</i>, et, — portant -des mannes de raisin, — les Aragonnaises -en taille courte, le visage délimité -par une mante de point roux. Des Basques, -bérets en tête, et la jambe prise en des -housseaux de laine, soufflent abominablement -dans leurs flûteaux suraigus.</p> - -<p>Sur le pont, défilent sans trève des -sociétés chorales : un tas de <i>lyres</i> et d’<i>harmonies</i>. -Au festival tauromachique, le maire -de Saint-Sébastien, adjoignit un concours -d’orphéons, et sous les yeux des badauds -vomis par les trains de plaisir, s’allonge -vers le cirque, une phalange d’instrumentistes. -Crevés de chaud, bouffis et suants, -avec des gestes endoloris, ils traînent l’ampleur -des grosses caisses, la configuration -bizarre des <i lang="en" xml:lang="en">saxhorns</i>. Des enfants se haussent -pour voir les <i lang="es" xml:lang="es">toreros</i> escortés de -longs hurrahs ! des fils de bourgeois qu’endoctrinent -leurs auteurs sur l’abomination -des plaisirs sanguinaires ; des filles vertes, -aux hanches délurées, aux regards explicites, -des marchands d’allumettes et de -programmes à s’éventer.</p> - -<p>Par delà les parapets, l’eau calme de -<i>la Renteria</i> bleuit au loin, sans une écume, -se perd au délicat azur. Des goëlands -claquent du bec, lustrent leurs ailes noires, -fondent en cercle sur la mer, et leurs appels -mêlés aux fanfares retentissent opiniâtrement.</p> - -<p>La course ne promet pas d’être brillante, -s’il faut en croire les initiés. Des taureaux -de Félix Gomez et les grandes épées ne -combattront pas.</p> - -<p>L’amphithéâtre est plein de la barrière -au mur d’enceinte : des habitués se reconnaissent, -discutent à voix basse, l’air -satisfait et compétent. Une affiche reluisante -de vermillon et d’or flotte sur le toril, -indique la stalle du gouverneur. De l’autre -côté de l’arène, en plein soleil, la foule -encaquée sur les gradins d’<i lang="es" xml:lang="es">asiento</i> ! la bariolure -des ombrelles et des éventails. C’est -comme un battement d’ailes, où, sur les -fonds de couleur brutale, saignent des -taureaux, flamboient des <i lang="es" xml:lang="es">matadors</i>. Le -portrait de Mazantini est dans toutes les -mains, sa légende sur toutes les lèvres. -Jeune, beau, sorti d’honnête race, il apprit -à toucher les bœufs par amour de l’art. -Et comme il fut baptisé sur le sol du -Guipuzcoa, qu’on le dit magnifique et -brave de tous points, sa gloire obscurcit -un peu le vieux renom des <i>Lagartijo</i> et -des <i>Frascuelo</i>.</p> - -<hr /> - - -<p>Une sonnerie de trompettes. Le maire -est dans la loge, et les <i lang="es" xml:lang="es">cuadrillas</i> vont -défiler. En tête, le héraut serré dans un -justaucorps noir, empanaché d’un arc-en-ciel -de vieilles plumes, fait exécuter des -changements de pied à la plus lamentable -haridelle qui se puisse voir : après les -<i lang="es" xml:lang="es">banderilleros</i> imbriqués de métal, puis, seul, -en cape aventurine, la face rasée et le -port olympien, l’<i lang="es" xml:lang="es">Espada</i> Mazantini, derrière -les <i lang="es" xml:lang="es">sobresalientes</i> et Cara-Ancha, son -rival. Tous saluent le magistrat qui, sans -retard, octroie licence de procéder au combat. -Paillon de cuivre, fleurs d’argent, -étoffes diaprées et violentes, l’emphase -des vieux costumes anoblit le champ-clos. -Des servants poussent une porte ; le silence -choit, et poussé dans la piste, le taureau -s’avance, ébloui.</p> - -<p>C’est un Andalou, bai-foncé, court de -jambes, épais de fanon et d’encolure, les -cornes ouvertes en croissant. Depuis l’aube, -afin d’irriter son courage, on le tint prisonnier -dans une boxe étroite, sans jour, -presque sans air. Aussi trébuche-t-il aveuglé -de ce plafond lumineux ; soudain, un -<i lang="es" xml:lang="es">chulo</i> tout courant, le provoque des plis -de sa <i lang="es" xml:lang="es">muleta</i>. Déjà, les <i lang="es" xml:lang="es">picadores</i> sont à -leur poste, la lance en arrêt ; les pieds -emboîtés dans des étriers de chêne, et le -monstre, d’un élan irrésistible, fond sur -eux.</p> - -<p>Ce m’est toujours une satisfaction nouvelle, -de voir étripailler cinq ou six couples -de chevaux. Avec le perroquet aimé des -concierges, je ne connais pas d’animal plus -odieux que la « conquête » de Monsieur -de Buffon, ni qui mérite davantage l’animadversion -des honnêtes gens. N’est-il pas -l’occasion de mille sottises nidoreuses telles -que <span lang="en" xml:lang="en">steeple-chases</span>, <span lang="en" xml:lang="en">rallies-paper</span>, courses -plates, glapissements de bookmakers, sans -compter les propos des connaisseurs.</p> - -<hr /> - - -<p>Le premier carcan décousu, perd lamentablement -ses entrailles, poignardé d’un -coup de corne, puis le ventre, fouillé de -l’encolure à l’arrière-train. Le foie, les -poumons, coulent de la bête ouverte, qui -souffle encore et trébuche parmi ses intestins : -puis d’un tournoiement conique, -s’écrase dans une flaque d’ordure et de -sang. Un <i lang="es" xml:lang="es">picador</i> renversé, quitte la lice -en clopinant, tandis qu’un aide enfonce -la <i lang="es" xml:lang="es">puntilla</i>, dans le crâne des rosses moribondes.</p> - -<hr /> - - -<p>Légers, sautillants, avec des pirouettes de -danseurs, les <i lang="es" xml:lang="es">banderilleros</i> armés de courtes -flèches, bondissent devant le taureau. Lui, -gratte le sol, du mufle et du pied ; son -haleine creuse des trous dans le sable ; -mais avant qu’il ait effleuré l’homme, celui-ci -plante dans sa chair les banderilles -empennées. Le hameçon tranchant et solide, -qui termine la flèche d’une cuisante -piqûre, exaspère l’animal. Une pratique -féroce, contraire d’ailleurs aux traditions, -consiste à ficher, en guise de banderilles, -une pièce d’artifice dont le fracas et les -étincelles aveuglent presque le taureau. -Aussi quel qu’en puisse être le ragoût, il -convient de repousser de tels comportements. -Le sang tout cru — le sang versé -par des mains intrépides — est la seule -pourpre de mise, en la <i lang="es" xml:lang="es">plaza de toros</i>. Que -les eunuques et les femmes à pâmoison, -cherchent d’autres spectacles ! La vue d’un -beau supplice, la joie de sentir la vie humaine -risquée sur un coup de dés, le ruissellement -des blessures frais-giclantes, épanouissent -en nous la férocité congénitale, -sans qu’il soit besoin d’amusettes pyrotechniques -ou de fleurs en papier peint.</p> - -<hr /> - - -<p>Veste héliotrope à pampilles d’or, culotte -et bas de soie blancs striés de cannetille, -le jarret tendu, la brette emmaillottée -dans une housse écarlate, Mazantini, jette -à ses pieds, la toque de peluche et s’apprête -à frapper le taureau.</p> - -<p>Un grand garçon, mince, brun, au nez -droit, les yeux comme voilés par le froncement -des paupières, la bouche fine et pure, -accentuée d’un soupçon de gouaillerie, tel -apparaît, dans la vigueur de ses trente ans, -l’<i lang="es" xml:lang="es">Espada</i> bien-aimé. L’on devine au moindre -geste, qu’il marche dans le prestige inatténué -de sa force et de son orgueil. Le -désir d’un peuple de femmes et cette -marée humaine, dont chaque souffle lui -porte des baisers, l’allégresse vive du péril -encouru, la juste arrogance d’un métier -noble, en cet âge boutiquier, l’imprègnent -d’une magnificence inconnue aux plus reluisants -ténors. Ses cheveux drus, tressés -en cadenette, selon le cérémonial prescrit, -découvrent tout ce visage, reluisant d’audace -et de beauté : un dieu qui sent l’abattoir.</p> - -<hr /> - - -<p>Le duel se poursuit entre la brute et -le tueur, avec toutes les feintes d’une escrime -raffinée jusques au temps que, frappé -droit entre les deux épaules, le quadrupède -chancelle et tombe sur le sable vermeil. -Puis, ce sont les vivats et les saluts de la -foule, les petits cris extasiés des <i lang="es" xml:lang="es">señoras</i>, -les trains de mules chaperonnées, emportant -au clair grésillement des sonnettes, les -lourds cadavres mutilés.</p> - -<p>Interminablement, les <i lang="es" xml:lang="es">corridas</i> se déroulent -avec des fortunes diverses. Cara-Ancha, -qui n’est guère en bonheur, manque -plusieurs fois la botte suprême, à la grande -indignation de l’assistance. Les jurons pleuvent. -« A Madrid, ce seraient des bouteilles -vides et des oranges gâtées » dit quelqu’un -près de moi. Des hommes, à barbe d’encre, -avec des yeux de Montezuma sur le bûcher, -gesticulent furieusement. Un prêtre jette -son cigare pour injurier plus à l’aise : -« <i lang="es" xml:lang="es">Fuero ! Fuero ! puerco ! conchino !</i> » et mille -gentillesses d’outre-monts. Pendant ce -temps, les Basques sifflent dans leurs galoubets, -les orphéons mugissent des polkas -et le déplorable coryphée rate ses victimes -à coup sûr. Cela tourne à la boucherie — « Charcutier », -hurle un Français ! — « <i lang="es" xml:lang="es">Puerco</i> » -reprennent les Espagnols.</p> - -<p>A nos pieds, agonise le dernier mâle, une -douceur dans ses yeux obliques, mourants -déjà. Un coup de miséricorde, en plein -front, le renverse, foudroyé.</p> - -<p>Par les vomitoires grands ouverts, les -spectateurs ruissellent entre deux files de -miquelets, s’éparpillent dans les rues pavoisées, -comme un jour de Fête-Dieu. -A tous les balcons, des housses claires, -des verdures, des tapis : aux fenêtres, -le drapeau de gueules et d’or : les -<i lang="es" xml:lang="es">miradores</i> pleins de robes, couleur du -temps.</p> - -<hr /> - - -<p>A la <i lang="es" xml:lang="es">Maillorquina</i>, les femmes lunchent, -égratignent des sorbets, grignottent des -pâtisseries aux jaunes d’œufs, avec force -cédrats confits, <i lang="es" xml:lang="es">heladas</i> et <i lang="es" xml:lang="es">vasos d’agua con -esponjado</i>. Les fanfares continuent leurs -évolutions au grand air. La <i>Marseillaise</i> -allume par les carrefours son patriotisme -de trombone : les Basques déchirent -la paix du soir de strideurs à la Valmajour.</p> - -<p>L’ombre s’appesantit et, dans l’or enfumé -du couchant, passent les filles des -Provinces, hautaines et d’une beauté si -grave qu’on les prendrait, ainsi voilées, -pour quelque Notre Dame, issant -d’un retable, avec sa jupe -lamée et sa couronne de -jayet noir.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">TABLE DES MATIÈRES</h2> - - -<table summary=""> -<tr><td> </td> -<td class="drap">Avant-propos</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch0">7</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>I.</div></td> -<td class="drap">Villes d’Eaux (<i>Bagnères -de Bigorre</i>)</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch1">11</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>II.</div></td> -<td class="drap">Le roi de la Barousse, ou -M. Ignace Papulard, -candidat aux élections -générales</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch2">19</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>III.</div></td> -<td class="drap">Les gentilshommes du Râteau</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch3">31</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>IV.</div></td> -<td class="drap">Impression de tapis vert</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch4">41</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>V.</div></td> -<td class="drap">Bourgeois de Bagnères de -Bigorre en 1886</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch5">51</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>VI.</div></td> -<td class="drap">Bulletin de vote</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch6">63</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>VII.</div></td> -<td class="drap">Concert nocturne</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch7">71</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>VIII.</div></td> -<td class="drap">Fête nationale</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch8">77</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>IX.</div></td> -<td class="drap">Bagnères de Bigorre (<i>septembre -1886</i>)</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch9">81</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>X.</div></td> -<td class="drap">Suppression des Jeux</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch10">87</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>XI.</div></td> -<td class="drap">Ouverture de la Chasse</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch11">93</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>XII.</div></td> -<td class="drap">Impressions du <span lang="en" xml:lang="en">Mid-Summer</span>, -du Val de Payolle, -le dimanche de la -Saint Jean d’Eté</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch12">101</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>XIII.</div></td> -<td class="drap">Portraits de famille</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch13">111</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>XIV.</div></td> -<td class="drap">Ballade exécutée en rimes -parnassiennes à la -louange du drap Bosviel</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch14">115</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>XV.</div></td> -<td class="drap">A seule fin d’exalter le -tact de M. Durand</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch15">121</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>XVI.</div></td> -<td class="drap">Ballade pour exalter les -melons surhumains de -Monsieur Gaga</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch16">125</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>XVII.</div></td> -<td class="drap">Sous les tilleuls de Bagnères -de Bigorre</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch17">129</a></div></td></tr> -<tr><td class="r"><div>XVIII.</div></td> -<td class="drap" lang="es" xml:lang="es">Recuerdo de los Toros</td> -<td class="bot r"><div><a href="#ch18">143</a></div></td></tr> -</table> - -<p class="c gap xsmall">IMPRIMERIE SAINTE-CATHERINE, BRUGES (BELGIQUE).</p> - -<div class="break"></div> - -<p class="narrow noindent top6em"><span class="small">ACHEVÉ D’IMPRIMER LE QUINZE FÉVRIER -MIL NEUF CENT VINGT QUATRE SUR LES -PRESSES DE L’IMPRIMERIE SAINTE-CATHERINE -A BRUGES, POUR LA SOCIÉTÉ D’ÉDITION</span> -« LE LIVRE ».</p> - - -<div class="trnote"> -<h2>Note du transcripteur</h2> - -<p>On a appliqué les corrections figurant en erratum. L’orthographe et la -ponctuation sont conformes à l’original, seules les erreurs -typographiques absolument flagrantes ayant été corrigées.</p> - -</div> -<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE PAILLASSON ***</div> -<div style='text-align:left'> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Updated editions will replace the previous one—the old editions will -be renamed. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ -concept and trademark. 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Redistribution is subject to the trademark -license, especially commercial redistribution. -</div> - -<div style='margin:0.83em 0; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE<br /> -<span style='font-size:smaller'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE<br /> -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</span> -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase “Project -Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg™ License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.A. 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Information about the Mission of Project Gutenberg™ -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s -goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg™ and future -generations. 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