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+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57878 ***
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+LE
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+MOYEN
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+DE
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+PARVENIR.
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+_NOUVELLE ÉDITION._
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+Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres.
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+_Caritas inter jocosve regnat Moria._
+
+TOME PREMIER.
+
+
+A LONDRES.
+
+M. DCC. LXXXI.
+
+
+
+
+DISSERTATION
+
+_Qui doit être lue(*)._
+
+* Cette dissertation est du savant BERNARD DE LA MONNOYE. Elle donne une
+assez parfaite connoissance & une idée assez claire de l'Auteur, pour ne
+devoir pas être rejettée par les Lecteurs, qui veulent s'instruire quand
+ils lisent.
+
+
+Le livre, qui a pour titre _le Moyen de Parvenir_, étant en son espece
+véritablement original, bien des gens demandent tous les jours qui en
+est l'auteur. On sait, à n'en pouvoir douter, que c'est _François
+Béroalde, sieur de Verville, gentilhomme Parisien_, & de plus chanoine
+de saint Gatien de Tours. Les registres de cette cathédrale datent sa
+réception du vendredi 5 Novembre 1593.
+
+Il a composé, tant en prose qu'en vers, une infinité d'ouvrages, où, à
+l'exception du _Moyen de Parvenir_, il n'a fait nulle difficulté de
+mettre son nom. Comme cet écrit est extrêmement licentieux, il n'a pas
+voulu tout-à-fait demeurer d'accord qu'il fût de lui. Voici comme il
+s'en explique, pag. 461 & 462 de son _Palais des Curieux_. «Cependant je
+vous avise que, comme ici je donne des atteintes à plusieurs fautes,
+j'ai fait un oeuvre, lequel est une satire universelle, où je reprends
+les vices de chacun. Je pensois vous le faire voir sous un titre qui est
+tel: _le Moyen de Parvenir_. Mais on me l'a volé: si que, pour en avoir
+le plaisir, vous attendrez encore. Je l'ai mis en tel état, que je
+l'avouerai mien; au lieu que l'exemplaire, dont on m'a fait tort, est
+insolent, & que je dénierois être de moi, aussi qu'il n'est pas de mon
+écriture; & avec cela il n'est pas de mérite pour être lû, à cause des
+convives qu'on m'a rapporté qui y sont, pource qu'il y a des contes
+désagréables; ce qui n'est pas au mien, où je ne taxe ni moine ni
+prêtre, ni ministre ni nonnain, & n'y a point de contes qu'on tire à
+telle conséquence; mais rencontres joyeuses, & touches tendantes à
+réformation».
+
+Ce désaveu, fait pour la forme, n'a pas empêché qu'on ne l'ait crû
+l'unique auteur de ce livre. On y reconnoît d'un bout à l'autre son
+style & son caractere. Quoiqu'on l'ait repris d'avoir affecté, dans cet
+ouvrage, d'écrire sans suite; il ne laisse pas d'y marquer du dessein, &
+de cacher, dans son désordre apparent, un ordre plus fin qu'on ne se
+l'est imaginé. C'est une représentation naïve des conversations
+ordinaires. Que trois ou quatre personnes s'entretiennent ensemble
+familiérement, elles parleront insensiblement de mille choses
+différentes, sans s'appercevoir de la différence des sujets. Le marquis
+de Châtres-Brodeau nous donna, sur ce modèle, en 1697 ses _Jeux d'esprit
+& de mémoire_, mais d'un goût fort subalterne. J'ai exposé l'idée du
+_Moyen de Parvenir_. L'auteur y suppose une espece de festin général,
+où, sans conséquence pour les rangs, il introduit des gens de toute
+condition & de tout siecle, savans la plûpart, qui, n'étant là que pour
+se divertir, causent de tout en liberté, & par liaisons imperceptibles
+passant d'une matiere à une autre, font des contes à perte de vue. La
+vérité est que, brouillés comme ils sont dans le livre, on a de la peine
+à les y retrouver quand on les cherche; mais il est aisé de remédier à
+cet inconvénient par le secours d'une table sommaire des Chapitres qu'on
+a faite, en vertu de laquelle il n'y a pas de quolibet, pour mince qu'il
+soit, qu'on ne trouve en son lieu dans le moment.
+
+Le _Moyen de Parvenir_ en est le répertoire général; c'est en cette
+source que non-seulement Bruscambille & Tabarin ont puisé; mais encore
+Daubigné dans son _Baron de Fæneste_, & Sorel dans son _Francion_.
+
+Un ami très-docte du docte Saumaise, m'a dit que ce grand homme se
+délassoit quelquefois à lire le _Moyen de Parvenir_, & qu'il l'estimoit
+en son genre. Il m'en a même appris un fait curieux, qui mérite d'être
+rapporté. C'est que, dans le tems que monsieur Saumaise étoit malade à
+la cour de Suede, la reine Christine, qui l'y avoit fait venir, l'étant
+allé voir, le trouva au lit tenant un livre, que par respect il ferma,
+au moment qu'il la vit entrer. Elle lui demanda ce que c'étoit. Il lui
+avoua que c'étoient des contes un peu libres, que, dans l'intervale de
+sa maladie, il lisoit pour se réjouir. Ha, ha, dit la reine, voyons ce
+que c'est; montrez-m'en les bons endroits. Monsieur Saumaise lui en
+ayant montré un des meilleurs, elle le lut d'abord tout bas en souriant;
+après quoi pour se donner plus de plaisir, s'adressant à la belle
+Sparre, sa favorite, qui entendoit le françois: viens, Sparre,
+s'écria-t-elle; viens voir un beau livre de dévotion intitulé, le _Moyen
+de Parvenir_. Tiens, lis moi cette page tout haut. La belle demoiselle
+n'eut pas lû trois lignes, qu'arrêtée par les gros mots, elle se tût en
+rougissant; mais la reine, qui se tenoit les côtés de rire, lui ayant
+ordonné de continuer, il n'y eut pudeur qui tînt; il fallut que la
+pauvre fille lût tout. Monsieur Saumaise, racontant cette particularité
+au savant homme, alors fort jeune, de qui je la tiens, lui fit voir le
+propre exemplaire qui avoit été le sujet de cette plaisante scène, & le
+lui donna.
+
+Tout ce qu'on peut dire à l'avantage de cet ouvrage, c'est qu'il a été
+une source intarissable de bons contes, proverbes & mots plaisans pour
+nous & nos successeurs. Il n'est enfant de bonne maison qui n'en bégaie
+à tort & à travers quelque lambeau; bien ou mal placé, n'importe. Mais
+aussi Verville ne s'est pas livré à sa seule imagination dans la
+formation de ce livre plein d'imagination.
+
+Une remarque particuliere, sur le _Moyen de Parvenir_, c'est que le mot
+_car_, par où il commence, n'y est dans la suite répété en nul endroit.
+
+Bayle nous a donné un léger article de François Béroalde sieur de
+Verville, & un autre de Mathieu Béroalde, pere de François. Mathieu,
+originairement catholique, fut, vers 1550, précepteur d'Hector Frégose,
+fils de César Frégose & de Constance Rangon. Le Bandel en parle avec
+éloge, dans l'épître dédicatoire de la 63e. Nouvelle du 3e. tome.
+«Messer Matteo Beroaldo, Parigino, (_dit-il_) huomo non solamente nella
+lingua latina e greca eruditissimo, mà nell'hebrea anchora, e negli
+studii filosofici essercitato, e precettore del nostro signor Hettor
+Fregoso, dal re christianissimo nomato al summo pontefice per vescovo di
+Agen». Et dans l'épitre dédicatoire de la nouvelle suivante. «La novella
+fù narrata qui trà noi dal dottissimo messer Matteo Beroaldo, precettore
+del nostro gentilissimo signor Hettor Fregoso».
+
+Le calvinisme commençant alors à s'établir à Agen, Mathieu Béroalde,
+Jules-César Scaliger & quelques autres savans, alors habitans de cette
+même ville, goûterent la nouvelle religion. Mathieu Béroalde en fit
+profession ouverte, quelques années après, & fut même ministre à Genêve.
+Il étoit neveu de Vatable, & avoit des livres rares & exquis, lesquels
+furent la plupart vendus & dispersés après sa mort. Quelques-uns
+cependant demeurerent à son fils, qui, dans un tems de troubles, tel que
+celui où il vivoit, eut peine à les conserver. Il en regrettoit un,
+surtout, imprimé, dit-il, à la Chine, que Joseph Scaliger, à qui il
+l'avoit prêté, lui retint. Il en dit un mot dans son _Moyen de
+Parvenir_, tome II. chap. XXI. intitulé _Sommaire_, & en parle plus au
+long & plus sérieusement, sur la fin de son _Palais des Curieux_.
+
+Il étoit poëte, chimiste, médecin, philosophe, grammairien,
+mathématicien. Ses ouvrages, dont nous avons un grand nombre, sont
+presque tous ou romanesques ou chimiques, ou tous les deux, tel que son
+_Voyage des Princes Fortunés_, livre ennuyeux à la mort, au chapitre
+près qui contient l'histoire du roi Eufrantis, & de son favori Spanio.
+On la peut voir toute entiere, dans les remarques de Sorel, sur le Xe.
+livre de son _Berger Extravagant_. Claude Barthelemi Morisot, avocat au
+Parlement de Dijon, l'a mise en latin, en ayant seulement changé les
+noms, & l'a insérée dans son _Veritatis lacrima_, petite satire que les
+jésuites, qu'il y maltraitoit, firent brûler publiquement à Dijon, par
+arrêt du même parlement, le 4 Juillet 1625. On dit que, ce _Voyage des
+Princes Fortunés_ n'ayant point eu de débit, Verville composa, pour
+dédommager son libraire, le _Moyen de Parvenir_, dont il s'est fait des
+éditions sans nombre. Le titre seul excitoit la curiosité. C'est
+assurément un livre singulier. L'auteur y paroît fort désabusé de la
+pierre philosophale, dont il avoit été long-tems entêté. Pour sa
+religion, l'on ne peut douter qu'étant fils d'un ministre de Genêve, il
+n'ait été élevé dans la prétendue réformée. De huguenot, après la mort
+de son pere, il se fit catholique: mais à en juger par son _Moyen de
+Parvenir_; qui fut un de ses derniers ouvrages, il est aisé de voir que,
+s'y moquant comme des Catholiques & des Huguenots, il n'étoit ni l'un ni
+l'autre.
+
+Sa retraite à Tours, où apparemment il est mort, l'a fait mettre par
+l'abbé de Maroles, page 255. de la partie de ses _Mémoires_, au nombre
+des illustres Tourangeaux. Le même abbé lui donne pour compagnon de
+poésie enjouée, le nommé Gui de Tours, qui en effet s'appliqua peu de
+tems après que le _Moyen de Parvenir_ eut paru, à en tourner quelques
+contes en vers françois. Ce sont des manieres d'épigrammes. Je les ai
+vues, rien n'est plus sec.
+
+
+
+
+_SOMMAIRE_
+
+DES CHAPITRES.
+
+
+_TOME PREMIER._
+
+I. Qui sert d'exorde à ce discours clair & intelligible, intitulé:
+_Moyen de Parvenir_; satyrise les géometres, les géographes & les
+chronologues; prépare le lecteur à l'assemblée de ces illustres fous,
+qui, de section en section, donneront de plus en plus des preuves de
+leur folie stéganographique. Les interlocuteurs s'engagent à se revoir
+chez le bonhomme, pour y faire festin. Invective contre ceux qui donnent
+légérement leur parole.
+
+_Guillaume qui fait jurer pour lui_, Page 3.
+
+_Honnête démenti de Coguerean_, p. 4.
+
+_Seigneur de paroisse qui ne refuse rien_, p. 5.
+
+II. Satyre contre les grammairiens latins, si hérissés par-tout qu'on ne
+peut en aborder, sans être sûr d'être déchiré par l'épine; & contre les
+pindariseurs de la langue françoise.
+
+_L'assesseur pindarisant_, p. 6.
+
+III. A l'ajournement chez le bon homme, aucun des conviés ne manque, &
+tous en entrant dans la salle se saluent. Satyre contre les
+révérencieux. Description de la salle. Critique de Platon.
+
+IV. Eloge de toute l'assemblée, dans un style si singulier, qu'on ne
+sait s'il l'injurie ou la loue. Cet éloge est terminé par l'apologie de
+madame (la belle inconnue) dont beaucoup de bien est dit.
+
+V. Les flaccons de vin étoient au frais. Sortie vigoureuse contre les
+buveurs d'eau tiede, les sots à table, & les timides en conversation.
+Histoire de la découverte de _la vérité au fond d'un puits_ par
+Démocrite. Raison pourquoi le vin s'avale plus promptement que le pain.
+Vin répandu est le plus grand malheur. Origine du proverbe: _vessies
+sont des lanternes_.
+
+_Sermon du curé_, page 10.
+
+_Démocrite qui trouve la vérité dont un puits_, p. 12.
+
+VI. Socrate fut chargé de l'emploi de maître des cérémonies. On y vit
+arriver Alexandre revenu de chez les Gymnosophistes, Aphtonius, Bodin,
+Pythagore, Pline, Démosthenes, Aristote, Rabelais; Cusa & Jean Hus se
+placent; digression plaisante sur la future destinée de ce livre.
+
+_L'archidiacre grand gourmand_, p. 15.
+
+_Moine circonspect au pied de la potence_, p. 16.
+
+VII. Le repas commence. A propos de repas, savante & profonde
+dissertation sur les pets, & histoire des pets musqués de la belle
+Imperia avec le gentilhomme de Lierne.
+
+_Naissance de la couronne impériale_, p. 23.
+
+_De Lierne couché avec la belle courtisanne peteuse_, page 24.
+
+_Naissance des orties_, 26.
+
+VIII. L'histoire de la belle Marciole qui ramasse, toute nue, les
+cerises qu'elle avoit apportées au sieur de la Roche. Les plaisirs
+indiscrétement prisés des regardans, & la somme que la belle emporta,
+font le sujet de cette section.
+
+_Marciole ramassant les cerises_, p. 27.
+
+_Prudence de l'abbesse de Montfleury_, p. 33.
+
+IX. Il est bien intitulé _coq-à-l'âne_; chacun, rempli de l'histoire de
+Marciole, raisonne sur son _cela_, & pourquoi _cela_ est appellé cela.
+Plaisanterie d'un médecin visitant une fille malade.
+
+_Médecin examinant une malade_, p. 35.
+
+X. L'auteur annonce clairement à ses lecteurs la difficulté de lire ce
+livre, dont toutes les phrases sont cousues par le hazard: l'exemple du
+bon homme Guyon, qui mettoit dans une grande terrine tout pêle-mêle ce
+qu'on lui donnoit à boire & à manger, est une comparaison sensée de cet
+ouvrage. Analyse d'une dissertation d'un prieur de Vau-de-Vire, sur le
+mot _cela_. Homme & femme sont honteux de montrer leur _cela_, selon la
+petitesse de l'un ou la grandeur de l'autre. Le dialogue d'Hippolite &
+de son amant vis-à-vis sa mere, mérite l'attention de ceux qui aiment de
+la chaleur dans les dialogues. Histoire de monsieur de la Rose, qui,
+pour se moquer des notaires, fait passer des pois _pardevant eux_.
+
+_Guyon qui mangeoit & buvoit pêle-mêle_, page 36.
+
+_La belle Hippolite qui se chauffoit à la parisienne_, p. 39.
+
+_Pois passés pardevant notaires_, p. 43.
+
+XI. Eloge ambigu des convives, de l'ouvrage, & des lecteurs assez
+spirituels pour l'aimer & comprendre. Comparaison de ce volume avec
+verre & bouteille.
+
+XII. En continuant l'apologie de ce volume, il l'appelle bréviaire, pour
+avoir droit de faire un sarcasme contre les propriétaires de bréviaires.
+Le conte du bréviaire du curé, & du _quiproquo_ de la femme du libraire,
+n'est qu'une courte parenthese à cette apologie, qui n'est interrompue
+que par une furieuse satyre contre les financiers & gens pressurant le
+peuple par la levée des impôts. Embarras dans lequel il entre sur le nom
+qu'on doit dignement imposer à ce livre; en rejettant le mot de
+clavicule, il fait un conte sur Rabelais qui prépare une médecine à M.
+du Bellai avec une décoction de clefs. Il termine cette section par une
+invective contre les pédans latinistes, & les ennuyeux scholiastes.
+
+_Le bréviaire du curé_, page 48.
+
+_Quiproquo de la femme d'un libraire_, p. 49.
+
+_Médecine apéritive de Rabelais_, p. 53.
+
+XIII. Plaisante conversation d'un principal du collége de Genêve & d'un
+ministre: on y développe un germe de scepticisme sur les deux religions
+catholique & protestante. Il termine son éloge de ce livre par des idées
+très-burlesques & fort analogues au style dont il est écrit.
+
+_Guérison du ministre malade_, p. 58.
+
+XIV. Beze est le premier qui forme l'interlocution dans cet ouvrage; il
+disserte plaisamment sur les gouvernantes de prêtres, qui le premier
+jour disent _votre_; le second, _notre_: & le troisieme _mon_. Quelques
+_quiproquo_ fort plaisans précedent l'histoire du bachelier fouetté;
+elle est commencée, & tout d'un coup interrompue.
+
+_Bonne foi d'un homme prêt d'être rompu_, p. 62.
+
+_Gradations de familiarité des chambrieres_, p. 64.
+
+_La tête de veau de l'avocat du Mans_, p. 65.
+
+_Le bachelier fouetté & fouettant_, p. 66, contin. p. 71.
+
+XV. L'interruption ayant toujours lieu, à propos de soutanes & de
+braguettes, plaisanteries vives sur les papistes & les huguenots, sur
+les buveurs d'eau vigoureux champions en amour, & sur le terme de _faire
+la pauvreté_. Enfin le conte du bachelier fouetté par la dame Laurence &
+la fouettant à son tour, reprend son fil; le trépas de la pauvre dame, &
+la frayeur de sa jument à ce triste spectacle de fouetterie.
+
+XVI. Propos de soeur Dronice avec son abbesse qui la réprimande d'avoir
+tâté du fruit de vie. Raisonnement intéressant à la république sur
+l'encouragement qu'on doit donner à celles qui l'enrichissent par des
+enfans. Différentes réponses d'enfans sur le cocuage des peres & le
+putanisme des meres.
+
+_La nonnain curieuse reprimandée_, p. 78.
+
+_Réponses naïves d'un enfant à sa mere_, p. 81.
+
+_Naïveté d'un curé_, p. 82.
+
+XVII. Continuation des propos sur les femmes, que j'aime mieux qu'on
+lise que d'en faire l'analyse. Plaisanterie sur l'aventure d'un moine,
+(sans contredit c'est aventure de paillardise; & toutes les fois que je
+dirai _aventure de moine_, cela aura cette signification) & sur
+l'explication de _omnis caro foenum_. Thevet tourné en ridicule sur son
+style & ses bévues. Grotesque serment d'un paysan égrillard, pour
+détourner la jalousie bien fondée de son voisin sur son compte,
+vis-à-vis sa femme.
+
+_Décision sur les femmes en général_, page, 83.
+
+_Femme prise pour un boiteau de foin_, p. 84.
+
+_Frere Jérôme le chimiste_, p. 85; continuée, 86; cont. 87; finie, 89.
+
+_Expression reprise_, p. 86.
+
+_Plaisant serment de Georget_, 87.
+
+XVIII. Explication burlesque d'une vérité trop certaine, qu'il faut
+_graisser_ la main aux gens de justice. Histoire de frere Jérôme, grand
+alchimiste, dans laquelle on se moque des brûleurs de charbons & des
+entrepreneurs de fortunes imaginaires; frere Jérôme, pour fermer la
+bouche à sa parente anti-chimiste, lui dit qu'il cherche la poudre qui
+le fait faire sept coups.
+
+_Façon de graisser les mains de son juge_, p. 88.
+
+XIX. Un coq-à-l'âne fort court, d'un valet qui explique à sa façon
+_mundus caro dæmonia_, differe un moment l'histoire de la pierre à
+casser les oeufs. Secret de faire mourir quelqu'un sans qu'il y
+paroisse; il ne se peut pratiquer qu'en huitaine qui précede le carême.
+
+_Naïveté d'un valet_, page 91.
+
+_Pierre à casser les oeufs_, p. 91,
+
+XX. Nouvel éloge du livre, dont le résultat est de donner des leçons aux
+gourmands superlatifs, pour n'être jamais dupes dans les repas où ils se
+trouvent.
+
+XXI. Denost le gourmand sert de modele dans l'apothéose de la
+gourmandise. Ici la conversation des convives se brouille; & par une
+cascade inattendue, elle rentre dans les _quiproquo_. Comment faire dans
+un terrein couvert de neige, pour que les pas d'une pucelle n'y
+paroissent point. Conte de la fille du métayer qui avoit perdu un
+mouton, & qui vouloit être tuée pour retourner à la maison.
+
+_Cornu, le modele des gourmands_, page 99.
+
+_Quiproquo d'une femme_, p. 100.
+
+_La fille qui veut mourir_, p. 101.
+
+XXII. Secret infaillible pour savoir si une fille est pucelle, pourvu
+qu'on ne soit ni manchot ni courte-haleine. Maniere fort sensée
+d'annoncer la fête de la Madelaine.
+
+_Sermon de la Madelaine_, p. 104.
+
+XXIII. Les évêques ni les chapitres n'ont beau jeu dans cette section;
+les uns sont traités comme pharisiens, qui disent de bonnes choses & en
+font de mauvaises; les autres, comme assemblées de corps sans ame, de
+matiere sans esprit. Histoire de la fille reconnoissante qui prend le
+meilleur, & veut qu'on donne à sa mere le pire: vit-on un meilleur
+coeur!
+
+_Sermon sur la charité_, p. 106.
+
+_L'achat d'un meilleur outil_, p. 108.
+
+XXIV. Histoire du notaire & du beau petit diabolique faucheur: elle est
+coupée par deux ou trois parentheses fort plaisantes. Dans l'une on y
+développe bien réguliérement les différentes sortes de bénéfices; & ce
+développement ne peut manquer d'être bon & raisonnable, il est fait par
+Cicéron. Dans une autre, il y a quelques railleries sur des termes
+qu'entre gens de religion on se reproche qu'il ne faut jamais prononcer,
+à moins qu'on ne veuille se voir lapider avec pierres d'églises ou de
+prêches. Dans la derniere est une plaisanterie sur un faucheur qui se
+coupa la tête voulant attraper un poisson avec le bout de la lame de sa
+faux.
+
+_Le pré fauché & le petit faucheur_, p. 113, continuée, 117.
+
+_Maladresse d'un faucheur_, p. 116.
+
+XXV. Histoire de monsieur Jacques de la Tour, autrefois prédicateur, &
+finalement marchand de lanternes, qui mourrant de faim à en débiter, fit
+une petite fortune à en vendre. Sortie vigoureuse sur les ubiquitaires.
+Histoire du petit saint homme, qui devint méchant comme un diable dès
+qu'il fut moine.
+
+_Le ministre marchand de lanternes_, page 119.
+
+_Le novice méchant comme un diable_, p. 123.
+
+XXVI. De naïves & simples réponses font le sujet de cette section, qui
+est terminée par l'illustre & fameux conte de Robin mon oncle. Sarcasme
+contre la vénalité des bénéfices & la simonie.
+
+_Stupidité d'un écolier_, p. 126.
+
+_Le pere de Melchisedech_, p. 130; continuée, 133; fin. 134.
+
+_Evêque généreux comme de raison_, p. 131.
+
+_Conte de Robin mon oncle_, p. 132.
+
+XXVII. Pour autoriser son propos sur la simonie, il raconte plaisamment
+la finesse d'un jeune bachelier qui vouloit avoir un bénéfice de messire
+Imbert. Généalogie très-suivie de Melchisedech, quoi qu'en dise le texte
+sacré, qu'on ne connoît ni son pere ni sa mere.
+
+XXVIII. Singuliere explication du premier vers des distiques de Caton,
+sur les carmes. Soeur Jeanne explique fort énergiquement la valeur du
+mot _coquebin_. Plaisant remede d'une paysanne pour guérir son pataud de
+mari.
+
+_Chapelain chatré d'une Angloise_, page 137.
+
+_Valet qui n'est pas coquebin_, p. 138.
+
+XXIX. Messire Gilles, après avoir passé par l'étamine hypercritique de
+Scaliger sur son nom, & l'origine de son nom, raconte l'histoire du
+diable châtré. Sentimens de religion bien placés, sur le chagrin qu'on
+doit avoir que S. Michel n'aie pas tué le diable, quand il avoit si
+beau, puisqu'il étoit armé comme quatre mille, & que le diable étoit
+tout nud.
+
+_Le diable châtré_, p. 141.
+
+_Nom de sculpteur tronqué plaisamment_, p. 143.
+
+XXX. Naïveté d'une fille-de-chambre, qui ne cede en rien à la simplicité
+d'un prédicateur. Messire Guillaume le Vermeil veut parler à son tour;
+mais il est représenté comme un homme ivre & qui bégaie. Diogenes, dans
+ce repas, est aussi cinique contre nos porte-chasubles, qu'il l'étoit
+dans les rues d'Athenes, tapissé des douves de son tonneau.
+
+_Naïveté d'une fille de chambre_, p. 147; continuée, p. 148.
+
+_Sermon expressif fait à des jacobins_, p. 148.
+
+_Conte de la reine des pois pilés_, p. 149.
+
+XXXI. C'est ici la scene des souhaits; chacun en fait à double entente,
+plus plaisans les uns que les autres. Conte de Martine & de sa flûte,
+pour faire opposition à Robin & ses flûtes. Satyre contre les moines à
+besace. Plaisant testament d'un Toulousain, en faveur de sa femme, qu'il
+laissa fort bien pourvue, en ne lui ajoutant rien à ce qu'elle avoit
+auparavant. Sortie contre ces Agnès d'apparence, qui donnent leurs
+faveurs à des rustres. Conte des pelotons & de l'honneur cousu &
+recousu.
+
+_Martine qui promet une flûte à son mignon_, p. 154.
+
+_Amphibologie dans le sermon d'un curé_, p. 156.
+
+_Le testament en faveur d'une femme_, page 156.
+
+_Conte des pelotons & de l'honneur cousu_, p. 159.
+
+_Madeleine la bien fêtée_, p. 161.
+
+XXXII. Ici le banquet reprend vigueur; on boit & on mange en toute
+sûreté. Histoire du farfadet de Poissi. Explication des termes de petit
+exercice, de dispense, & de purgatoire. Sergent tombé plaisamment moqué.
+Question, dont le premier vers de Despautere est la réponse.
+Dissertation sur le vin, les buveurs & sur l'ivresse. Jaquette du Mas
+trouve bien heureusement le nom de son fils. Amiot accusé de vérole.
+Satire contre l'inquisition d'Espagne.
+
+_Conte du farfadet de Poissi_, p. 162.
+
+_Chûte d'un sergent_, p. 165.
+
+_Naïvetés d'un paysan d'Orléans_, p. 165.
+
+_Sermon d'un ministre de Strasbourg_, p. 167.
+
+_Prudence d'une servante_, p. 168.
+
+_Nom donné à un enfant par un sermon_, page 171.
+
+_Conte sur Amiot & sa vérole_, p. 171.
+
+_Bon avis d'un fils à sa mere_, p. 172.
+
+XXXIII. Erasme raconte aux convives l'histoire de Dom Rodigue das
+Yervas. La soupe de Glougourde la fait canoniser à Rennes. C'est une
+parenthese au conte de Dom Rodigue. Mot à double sens sur l'indifférence
+d'Erasme pour l'épître & l'évangile. Sentimens sur les poésies d'Æneas
+Silvius & de Beze. Munster moqué d'avoir voulu être l'apologiste de
+Thevet. Bonne raison de l'amour des femmes pour les moines. Cette
+section est terminée par quelques propos de niaiserie paysanne.
+
+_Conte de la soupe de S. Glougourde_, p. 174.
+
+_Mere d'Erasme, qui oublia son pater_, p. 175.
+
+_Naïveté d'un berger_, p. 178.
+
+_Histoire de Dom Rodigue das Yervas_, p. 178.
+
+_Balourdise d'une paysanne_, p. 182.
+
+XXXIV. Invective contre les moeurs & la fourberie des gens du siecle.
+Scot & Uldric se disent des pouilles; madame veut les racommoder;
+plaisante façon de faire une déclaration d'amour: si elle n'est pas bien
+éloquente, du moins est-elle bien sensible.
+
+_Chanoine qui veut le bien d'autrui_, p. 185.
+
+XXXV. Les convives se plaignent qu'on ne vient pas au but qu'ils
+s'étoient proposé. Tout d'un coup Paracelse commence une belle
+dissertation sur la premiere matiere. Dissertation claire comme un étang
+bourbeux, ou comme la bouteille à l'encre.
+
+
+_TOME SECOND._
+
+I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des
+parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de
+dissolution.
+
+_Plaisant parti d'un domestique_, p. 6.
+
+II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses
+instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de
+par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de
+Busançois, divisé en trois points.
+
+_Le conte de Quenault & de Thibault_, page 7.
+
+_Sermon en trois points, du curé de Busançois_, p. 10.
+
+III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie:
+_castigat ridendo mores_. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni
+raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni
+raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes
+ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un
+prêtre, &c.
+
+_Conte du ministre qui avoit rime & raison_, p. 14.
+
+_Conte de la malvoisie_, p. 16.
+
+_Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie_, p. 19.
+
+IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre
+d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du
+linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un
+besacier, l'autre pour l'avoir rebuté.
+
+_Ruisseau à faire la forte bierre_, page 20.
+
+_Conte de la Le Page & de la Gousson_, p. 23; contin. p. 24.
+
+_Interrogatoire de maître Pierre_, p. 23.
+
+_Propos de pisseurs_, p. 28.
+
+V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué.
+Pourquoi le _cela_ de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que
+celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule.
+Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la
+sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le _Moyen de Parvenir_,
+que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style
+des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y
+avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à
+faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il
+demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du
+chose. La section finit par une question, dont le titre de la section
+suivante fait la réponse.
+
+_Aventure de Platon & de Prédicac_, page 30.
+
+_Bonne logique d'une chambriere_, p. 32.
+
+_Plaisante origine des minimes_, p. 34.
+
+_Description élégante de la sphere_, p. 35.
+
+_Conte des trois filles_, p. 36; contin. p. 37.
+
+_Propos d'un curé & d'un charpentier_, p. 37.
+
+_Question d'une chambriere_, p. 38.
+
+VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou
+de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par
+les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape,
+qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les
+femmes Allemandes de ce temps-là, & qui pourroit très-bien convenir aux
+femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent
+leurs noms par des _du_, _de_, _le_, &c. Origine du proverbe: _s'il a
+bon coeur, qu'il mange de la merde_.
+
+_Conte du cul de la femme d'Esculape_, p. 42.
+
+_Changemens de noms_, p. 44.
+
+_Conte de Stace avec la femme peteuse_, p. 45.
+
+VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie
+noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves
+semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois
+tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme
+dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quilleboeuf
+ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre.
+
+_Trois féves qui font le mariage d'une fille_, p. 47.
+
+_Conte de la femme à moitié épilée_, p. 48.
+
+_Obstination d'un marinier_, p. 49.
+
+_Disputes de deux maquerelles_, p. 50.
+
+VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les
+distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du
+désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit
+le _comment a nom_ de sa femme un gardon. Origine de la solution de
+continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou
+trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des
+véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison.
+Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos
+facétieux.
+
+_Lamentation de putain_, p. 51.
+
+_Femme qui montre son cela, sans y prendre garde_, p. 52.
+
+_Conte de jeune femme & vieux mari_, page 53.
+
+_La couture des mâles & femelles_, p. 54.
+
+_Le beurre net de la Soldée_, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin.
+p. 63.
+
+_Propreté des femmes_, p. 57.
+
+_Caractere des moines_, p. 58.
+
+IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section,
+toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer
+que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI,
+tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le
+bon âge, & avance que le _cela_ des hommes est plus fort dans la
+vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le
+conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire
+contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du
+livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete.
+
+_Emploi d'un contrat de mariage_, p. 60.
+
+_Expérience de Sculpture_, p. 63.
+
+_Conte du médecin_, p. 65.
+
+_Mot à double entente_, p. 67.
+
+X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa
+liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine
+du proverbe, _afin que le bon homme ait son sac_. Quelques-uns des
+convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin,
+rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté
+sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se
+fendre la bouche.
+
+_Le revenant_, p. 71.
+
+_Conte du sac du bon homme_, p. 72.
+
+_Réponse humble d'un valet_, p. 73.
+
+_Propos naïf d'une fille_, p. 75.
+
+XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre.
+Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous oeuvre, de
+l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée.
+Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots.
+
+XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation
+sur le _Pheros_ ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames.
+Interprétation du mot _apprendre_. Conte fort plaisant à ce sujet.
+Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur
+les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure,
+& de la naïveté du procureur avec son écritoire.
+
+_Conte du bonnet tombé_, p. 83.
+
+_Bonne leçon d'une vieille servante_, p. 85.
+
+_Conte du moulin à barbe_, p. 87.
+
+_Chanoine pris par son propos_, p. 88.
+
+_Conte de l'écritoire du procureur_, p. 89.
+
+XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des
+prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient
+accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont
+il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de
+papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un _moine_.
+
+_Plaisante réponse d'un homme gras_, p. 93.
+
+_Le jeune homme en couche_, p. 93.
+
+_Quiproquo d'un domestique_, p. 94.
+
+_Nom tronqué_, p. 95.
+
+_Conte de la dispute d'Erasme_, p. 95.
+
+_Plaisant jugement_, p. 96.
+
+_Description du pays de papimanie_, p. 99.
+
+XIV. Moeurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan &
+Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre
+contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos
+passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité,
+& l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux,
+les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse
+attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre
+supérieure du mari par l'autre.
+
+_Eloge de la vis des tuileries_, p. 100.
+
+_Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle_, p. 103, contin. p. 104.
+
+_Les beaux sont les gros_, p. 105.
+
+XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui
+mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant
+être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere.
+
+_Conte d'un moine pris en partie, comme une souris_, p. 108.
+
+XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un
+sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un
+moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose
+qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise.
+Véritable explication du mot _quasimodo_, & de quelques autres
+intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens
+qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé
+un cocu. Maniere d'être poussé.
+
+_Sermon dont le texte est plaisant_, page 110.
+
+_Conte du moine & des voleurs_, p. 110.
+
+_Conte du fagot_, p. 112.
+
+_Le mot _quasimodo_ expliqué_, p. 113.
+
+_Secret pour être poussé_, p. 116.
+
+XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue;
+cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas
+putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du
+paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon
+subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur
+du terme de chausse-pied de mariage.
+
+_Conte canonique d'un homme & d'une femme_, p. 117.
+
+_Conte de l'âne volé sous son maître_, p. 120.
+
+_Confession d'une femme_, p. 121.
+
+_Bon avis d'un galant homme_, p. 124.
+
+XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les
+cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le
+cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il
+s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait.
+
+_Conte des hommes vissés_, p. 124.
+
+_Conte de la courtisanne Conscience_, page 130.
+
+XIX. Le bon prédicateur fait bonnes moeurs; exemple d'un qui détournoit
+ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend &
+continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame
+l'amiralle, vient égayer. (_Nota._ Dame de compagnie, auprès des dames
+de haut-parage, est même chose qu'_esprit_, auprès de leurs maris. On
+dit: monsieur D. est l'_esprit_ du duc D.)
+
+_Conte des prédicateurs ennemis des paillardises_, p. 134.
+
+_Naïveté de la belle Dubois_, p. 137.
+
+XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de
+ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si
+libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre
+remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours
+_vérité_ & _honneur_, (serment sans conséquence.)
+
+_Vérité dans la bouche d'une Normande_, p. 145.
+
+_Conte du Prieur de Marmoutier_, p. 146.
+
+XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers &
+conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'_in
+illo tempore_ à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit,
+pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes.
+
+_La ville de Lubec_, p. 148.
+
+XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin
+prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris
+dont les enfans ont cheveux de deux couleurs.
+
+_Conte de l'origine du putanisme_, p. 155.
+
+XXIII. Explication du terme de _putain_, faite par plusieurs, & terminée
+de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont
+injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c.
+&c. &c. Trois choses sont à éviter; trois voeux à faire. Satyre contre
+la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de _fesse tondue_.
+Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une
+réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés _béats peres_.
+
+_Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain_, page 163.
+
+_Conte de la fesse tondue_, p. 162.
+
+_L'éguillette nouée et dénouée_, p. 168.
+
+_Le Chanoine dupe_, p. 170.
+
+XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent
+sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut
+toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux
+miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre
+ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet;
+dissertation sur l'origine des mitres.
+
+XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double
+linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de
+Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en
+sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison.
+Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot _tu
+autem_. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il
+faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou,
+deux moines.
+
+_Conte d'un page attrapé_, page 177.
+
+_Jean Dissolez, voleur de poires_, p 180.
+
+_Aventure de Ferrand & Margeou_, p. 183, continuée, p. 192.
+
+XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met
+dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux
+moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis
+à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se
+reprend & se termine.
+
+_Musique d'un moine_, page 188.
+
+_Les deux moines en fonction_, p. 188, continuée, p. 191.
+
+_Origine du proverbe de la_ chape à l'évêque, p. 189.
+
+XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de
+gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a
+crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie
+naturelle d'une présidente.
+
+_Histoire d'une femme de sergent_, p. 194.
+
+_Conte de Jacques Adriot_, p. 197, contin. p. 198.
+
+_Plaisant mot d'une présidente_, p. 198.
+
+XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église,
+diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier.
+Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des
+religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est
+que femmes pour bien juger des choses.
+
+_Conte de la femme d'un huissier_, p. 200.
+
+_Conte des religieuses de Poissi_, p. 203.
+
+_Conte sur le mot groseille_, p. 204.
+
+_Résolution académique de trois nonnains_, p. 205.
+
+XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa
+stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon.
+Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé &
+inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de
+femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la
+preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures
+vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces.
+Façon d'un curé d'imposer silence.
+
+_Le conte de Nabuchodonosor_, p. 207, contin. p. 209.
+
+_La confession sincere_, page 214.
+
+_Conte d'une femme avare de beurre_, p. 218.
+
+XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son
+prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des
+charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle.
+Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque
+chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale
+furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle.
+
+_Femme soumise aux volontés du roi_, p. 220.
+
+_Conte du chaudron_, p. 223.
+
+_Le fromage mou & l'aveugle_, p. 228.
+
+XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de
+l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un
+appareil mis sur une blessure.
+
+_Le cheval de Rabelais_, p. 229.
+
+_Conte du mulet_, p. 231.
+
+XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie.
+Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence
+de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques
+chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de
+la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne
+& Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines.
+
+_Le ministre en cave_, p. 238.
+
+_Franchise d'un hôtelier_, p. 242.
+
+_La huguenote en colere_, p. 244.
+
+XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une
+femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans
+ses souhaits.
+
+_Conte de l'époussetée de deux façons_, p. 251.
+
+_Prudence d'une servante dans ses souhaits_, p. 255.
+
+XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées.
+Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des
+prunes.
+
+_Bans publiés_, p. 256.
+
+_Curé égrillard puni_, p. 257, continuée, page 259.
+
+_Le jardinier & les prunes_, p. 258.
+
+Propos dissolus de moines prêchans. Conte du _thuribulum_. Quelques
+explications de phrases latines.
+
+_Le conte de_ thuribulum, p. 266.
+
+
+_TOME TROISIEME._
+
+I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du
+meûnier complaisant.
+
+_Le meûnier complaisant_, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10.
+
+II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée;
+& de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à
+ordonner. Explication du mot _sot_; subtilité d'une femme, dont, je
+crois, elle fut dupe.
+
+_La file violée_, p. 8.
+
+_L'amant trop complaisant_, p. 9.
+
+_La femme chere à vivre_, p. 10.
+
+III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé.
+
+_Conte du ministre et de la servante_, p. 13.
+
+IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier.
+
+_Conte de l'âne bâté_, p. 15.
+
+_Conte du nom du paysan_, p. 17.
+
+V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux
+mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans
+une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée.
+Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son
+rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes
+délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement.
+
+_La famille bien élevée_, p. 23.
+
+_Le paysan et le rapporteur_, p. 25.
+
+VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la
+conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus
+impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la
+femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par
+l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la
+main.
+
+_Conte du barbier_, p. 32.
+
+VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier
+qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties
+singulieres.
+
+_Le barbier ladre & le médecin_, p. 35.
+
+_L'homme saigné par quiproquo_, p. 39.
+
+_Pari d'un paysan_, p. 40.
+
+VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de
+séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques
+& du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité.
+Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque.
+Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau
+froide.
+
+_Conte de Pâques & du jambon_, p. 44.
+
+_L'abbé de Grammont & madame l'amiralle_, p. 47.
+
+_L'ambassade grotesque_, p. 48, cont. p. 50.
+
+IX. Augurelle fait des voeux, & est la preuve que tôt ou tard les
+prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés,
+présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de
+prédicateurs.
+
+X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur;
+explication des mots _premiere messe & premieres nôces_. Ici les
+convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui
+déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne
+se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un
+François.
+
+_Le curé curieux_, p. 55.
+
+_Conte de l'amant en preuve de son amour_, p. 60.
+
+XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien.
+Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une
+épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de
+circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central.
+Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on
+presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens
+très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui
+fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église.
+Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés.
+
+_Conte du cheval chrétien_, p. 64.
+
+_La fille & l'oeuf_, p. 66.
+
+_Conte du crucifix du curé_, p. 67.
+
+XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des
+prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats &
+rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils
+s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris
+pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste
+que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le
+transport au cerveau.
+
+_Soldat pris en maraude_, p. 73.
+
+_Le ramonneur pris pour le diable_, p. 77.
+
+XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre
+nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une
+connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage.
+Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le
+lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la
+fourchette de St. Carpion.
+
+_Le serrurier de Bourgueil_, p. 82.
+
+_La fourchette de S. Carpion_, p. 86.
+
+XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui
+peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des
+femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce
+qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent
+encore. Conversation de Frostibus & de Luther.
+
+XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une
+abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour
+rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On
+recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, _le faire pour
+épargner le pain_. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi &
+privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si
+reconnoissantes.
+
+_Histoire de Michelle & de ses amans_, p. 105.
+
+XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne
+cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la
+maison. Métier de huguenot à vendre.
+
+XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans
+son genre.
+
+XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont
+les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable
+au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas
+obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le
+latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai.
+
+_Histoire de l'abbé de Turpenai_, p. 125.
+
+XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes.
+Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce
+qui est _malfait_ sans crime, & _bienfait_ sans mérite. Réception d'un
+maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être
+ministre, c'est à peu-près de même.
+
+XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison.
+Ridiculité des moines de parler toujours par _nous_.
+
+_Confession du Chien_, p. 135.
+
+XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande
+dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la
+Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un
+bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine,
+qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont
+faits pour tout savoir. Origine du proverbe, _avoir le boudin par le
+nez_. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il
+y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames.
+Pourquoi on appelle une femme _vesse_. Pourquoi les femmes ne prient pas
+les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le
+sotier de Genêve.
+
+_Conte du cordonnier & de la chambriere_, p. 153.
+
+XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire
+des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou
+l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit _audaces_.
+Obstination d'une femme. Invention du célibat.
+
+_Conte des génitoires noires_, p. 156.
+
+XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux
+prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que
+cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand
+on passe devant la porte d'une putain.
+
+XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots
+plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal.
+
+_Le Pendu de Douai_, p. 166.
+
+_La bonne fortune de Colette_, p. 170.
+
+XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces.
+
+XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au _memento_.
+
+XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le
+fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche
+la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets
+singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante.
+
+XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu
+de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris
+pour le diable.
+
+_Conte de Jean Tenon_, p. 181.
+
+_Le chaudronnier pris pour le diable_, p. 184.
+
+XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui
+croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités
+d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve
+clairement que Rabelais a été évêque.
+
+XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter
+des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni.
+Question lequel des deux boeufs est le plus gras. Plaisantes réparties.
+Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue
+par un savant & un menuisier.
+
+_Femme qui rend le pain béni_, p. 195.
+
+XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots.
+Rêverie de Cardan.
+
+XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante
+demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide
+de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la
+femme battue.
+
+XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de
+l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible.
+
+XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de
+l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois.
+Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de
+conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere
+de connoître les hommes & les femmes fideles.
+
+_La femme battue_, p. 208.
+
+_Le jeu de la courte-paille_, p. 216.
+
+XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de
+part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse
+favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte
+de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on
+en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce
+livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses
+affaires par trop de zele de son valet.
+
+_Conte de la femme bercée_, p. 220.
+
+XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la
+bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées.
+Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de
+souliers en une heure.
+
+XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort
+demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique.
+
+XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les
+Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux
+dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation
+s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une
+marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon
+de se torcher le cul avec du papier blanc.
+
+_Le jardinier & sa femme_, p. 239.
+
+_Le faiseur d'enfans_, p. 242.
+
+XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où
+une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir
+de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de
+femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il
+faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui
+n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le
+condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un
+libraire à l'article de la mort.
+
+XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de
+contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître.
+Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, &
+quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le
+prunier, devinez ce que c'est.
+
+XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur
+l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du _MOYEN DE PARVENIR_.
+
+.cgap Fin du Sommaire des Chapitres.
+
+
+
+
+LE
+
+MOYEN
+
+DE
+
+PARVENIR.
+
+
+I. Car est-il, que ce fut au tems, au siecle, en l'indiction, en l'ére,
+en l'hégire, en l'hebdomade, au lustre, en l'olympiade, en l'an, au
+terme, au mois, en la semaine, au jour, à l'heure, à la minute, &
+justement à l'instant, que, par l'avis & progrès du démon des spheres,
+les étoeufs déchurent de crédit, & qu'au lieu d'eux, furent avancées les
+molles balles, au préjudice de la noble antiquité qui se jouoit si
+joliment. Confus soient ces inventeurs de nouveautés, qui gâtent la
+jeunesse, & contre les bonnes coutumes, troublent nos jeux. N'est-ce
+point au jeu, où l'ame se dilate, pour faire voir ses conceptions? Si un
+diable jouoit avec vous, il ne se pourroit feindre; il vous feroit voir
+ses cornes. Mais qu'est-ce que jouer? c'est se délecter sans penser en
+mal. Beaucoup de maux sont avenus à cause de ce changement, qui
+troublera l'intelligence des histoires, & gauchira toute la mappe-monde.
+Voyez combien déja en sont venus de troubles, guerres, maux, véroles, &
+telles petites mignardises qui chatouillent malheureusement les
+personnes pour les faire rire. Tant de sages, qui étudient aux
+aventures, attribuent tels effets à d'autres causes; comme au
+retranchement des dix jours, depuis quoi on n'a fait vendanges que par
+rencontre de saison; aux pullulations d'hérésies, depuis lesquelles les
+bosses n'ont pu être plattes; aux révoltes des grands, qui sont occasion
+que fillettes ont hanté les cloîtres, & les ménagers les tavernes; aux
+haussemens des tailles, durant quoi les vieilles gens ne font que
+rechigner; & infinies autres sottises, dont je ne suis point contrôleur,
+d'autant qu'il ne m'appartient pas d'entreprendre sur vous. Et bien, en
+cet excellent période, il avint ce que vous savez; & je vous jure, sans
+jurer, que tout est vrai. Si vous me pressez, je vous défoncerai trois
+ou quatre ruades toutes brodées de cramoisi, & jurerai comme un homme;
+ou bien je prierai mon voisin de jurer pour moi, ainsi que fit le sire
+Guillaume, qui pressé du juge de jurer, lui dit ainsi: Monsieur, je ne
+sais point jurer, parce que je n'ai pas étudié, ni été à la guerre, & ne
+suis docteur, ni gendarme, ni gentilhomme; mais j'ai un frere qui jurera
+pour moi. Il fut donc, en cette saison, sonné, trompé, trompeté corné,
+(comme vous voudrez; prenez au goût de votre rate) & crié, huché, dit &
+proclamé avec la trompe philosophique, que toutes ames, qui avoient
+serment à la sophie, se trouvassent au lieu susdit, ainsi qu'il avoit
+été ordonné & promis avec serment solemnel, comme il est ordinaire ès
+affaires sérieuses de la benoîte coutume des sages; pour assurance de
+quoi les enfans de la science avoient mis la main au symbole de la
+conscience. Par quoi nous fûmes tous résolus de nous trouver chez le bon
+homme notre pere spirituel, parce qu'il avoit été ordonné & jugé en
+dernier ressort de serrure, d'horloge, de cranequin, de rouet, de
+rôtissoir, d'arbaleste, &c. que les défaillans seroient mis à la noix, à
+la noisette, au noyau & à l'amende. A cet éclat de mandement, je ne
+faillîmes à nous trouver; aussi avions-nous promis de nous bien chercher
+pour cet effet; & puis je l'avois juré: & sachez que c'est un grand
+péché de faillir parmi nous, parce que suivons uniquement la regle de
+perfection en promesse. Et bien que ce soit une ordinaire glissée de
+pere en fils pour gens de bien, coulée de mere en filles pour femmes
+d'honneur, d'oncle à neveu pour gens d'église; (ordinaire, dis-je, comme
+ces docteurs qui enflent leurs discours) que promettre & tenir est tout
+ce qu'une personne de bien peut faire, & qu'il n'appartient qu'à ceux
+qui sont issus de damoisellerie & de gentilhommeté; si en a-t-on menti
+un petit. Et je vous le dirai aussi honnêtement, que fit Coguerean à
+Monsieur le Président son maître. Il étoit sommelier; & nous boivions
+frais & bon: je disois que le vin étoit bas, Monsieur disoit qu'il étoit
+à la barre; Madame dit: eh bien, sommelier, qu'en est-il? Ha, ha,
+dit-il, Monsieur n'a menti de gueres. Promettre est facile; mais
+effectuer, difficile. De tenir, il est aisé. Tenir ce que l'on promet,
+est faire comme le Seigneur de notre Paroisse, qui ne vous refuse rien,
+& baille encore moins.
+
+
+
+
+POINT.
+
+
+II. Chut! je vous prie, si vous allez à l'école, enseignez ce mot de
+Grammaire à Lipsius & à Scaliger, afin que l'on die ci-après, _promettre
+& effectuer_: & que gens latineux & de telle farine qui remâchent ce que
+les doctes antiques ont jetté & chié, & vont grattant tant dans les
+balieures & bourbiers du latin, & ès éviers d'éloquence, pour en tirer
+quelque haillon, se rendent parfaits en leur art. J'ai ouï dire, à ce
+propos, que les docteurs de ce tems ont défoncé les pipes de leurs
+sciences, pour trouver une glu, qui pût congeler les paroles & les faire
+tenir. Je pense qu'ils y parviendront, moyennant qu'ils sachent ce
+volume; & que, par cette doctrine qui leur sera infuse comme une poignée
+de bon vin, ils aient connoissance de la glaire concentrique de
+l'émolument naturel, qui peut produire ce dont ils ont affaire. Mais, je
+vous prie, ne vous amusez pas à ces Messieurs les Gens de Lettres, qui
+sont si très-savans, qu'ils en sont tous sots. Vous les verrez
+hallebardant avec de grands lambeaux de latin, effarouchant les
+fauvettes. Fi, ôtez cela; ce n'est pas là le trou par où on enfourne
+notre pâte. Passons outre: si quelque sot s'en fâche, qu'il se mutine;
+que le plus sot en prenne la querelle. Allons vîtement: la soupe se
+mange. Je pindarise; je voulois dire: _on mange la soupe_. Aussi
+Monsieur dit au matin: ça mes habits, je me vais lever. Eh! où est-ce
+qu'il va, avant que se lever? J'aimerois autant notre Assesseur, qui
+durant ces guerres, étant Maire, ouit du bruit dans la rue; il étoit
+couché; il se leva vîtement, &, ouvrant sa fenêtre, il regarda les
+passans qu'il appella; & comme ils lui dirent quel bruit il y avoit, il
+leur demanda: Messieurs, me leverai-je?
+
+
+
+
+PARAPHRASE.
+
+
+III. Mes gens sont là qui m'attendent. Sont Messieurs da; ils sont à
+moi; est-il pas vrai? Ne sommes-nous pas les uns aux autres? Dites-vous
+pas: bon jour, Monsieur? Il est donc votre sieur; & partant, vous, le
+maître du chantier où l'on scie. Ainsi nous disons: bon jour, ou adieu,
+Madame, ma commere; & on nous dit: mon ami, mon hôte; & de même nous
+sommes aux autres, & nous à eux; pour ce ils sont à moi. Ils sont donc
+mes gens, qui avec moi, & moi avec eux, nous trouvâmes tous & toutes,
+chez notre pere _se puisse tuer_, que Madame avoit choisi pour y
+célébrer cet admirable banquet. Chacun y entrant avisa à son devoir; par
+ce moyen, nous exerçâmes un notable conflict de révérences, dont les
+pétarades sentoient, je ne sais quoi, de la musique ancienne; &
+pratiquant mille vétilles d'humilités, avec une friponne escopeterie de
+langage courtisanifié, fîmes plusieurs belles entrées & rencontres, à la
+façon que l'on porte les barbes, excepté l'institution de la petite
+Hongrie (Saint Martin en étoit, voilà pourquoi, parmi ses nourriçons, il
+y a toujours quelque châtré) & trouvant tant de gens de bien assemblés,
+nous nous sentîmes saisis de quelques menues tranchées de sagesse. Nous
+fûmes introduits en une belle grande salle parée, comme dit l'autre,
+autant à l'antique qu'à la moderne; tout y étoit avec grace fort bien
+rataconné, & avec symmétrie parfaite; & ce, pour donner autorité &
+lustre à l'aventure & aux discours; & pour enfler notre dessein de plus
+de majesté, Platon y apporta une siringue impériale, pleine de vent de
+cour, qu'il avoit autrefois épargnée à la suite de Denys.
+
+
+
+
+AXIOME.
+
+
+IV. Or entendez, belles petites mignonnes ames, qui venez ici succer les
+rainceaux du rameau d'or, pour savourer la science, que nous sommes,
+nous qui parlons de ce tems. Nous y sommes, en tenons & y vivons, si ne
+sommes trompés; & la plupart de ceux du tems passé ont vécu leur siecle,
+comme nous au nôtre, & vous au vôtre; & parce que nous sommes gens
+qualifiés, notre assemblée a été réparée de menus suffrages de la
+magnifique mélodie de l'antiquaille & nouveauté, congreageant ainsi le
+plus célebre, scientifique & vénérable Sénat qui fut jamais, & jamais
+sera: & de fait la gloire de l'antiquité, remembrance des gestes &
+parure de l'enfance, & autres âges du tems, n'a fait que feuille à notre
+congrégation, y apportant une gelée de sagesse, qui, resplendissant
+par-tout, nous a fait triomphamment agir. Madame, qui est l'unique entre
+les sages, la perle des entendues, & le parangon de perfection,
+(reconnoissez-là par ces épithetes, & ne vous enquêtez plus qui elle
+est) nous fêtoyoit, & prenoit grand plaisir de nous avoir pour son
+contentement, sans quoi les dames jamais n'en feroient rien, tant
+soient-elles ferues du desir de science.
+
+
+
+
+SONGE.
+
+
+V. Quand nous fûmes assemblés, qu'on fut prêt, le vin dans les vaisseaux
+plongés en l'eau fraîche pour se rafraichir, (aussi le pratiquer
+autrement, seroit boire à cloche-pied) la soif étant appétit de froid &
+d'humide. O qu'il est dangereux pour le corps & pour l'ame, (pour le
+corps, à cause de la fievre, pour l'ame, à l'occasion de la colere) de
+fréquenter ces malheureux, qui boivent tiede. Ils sont pires que
+Pharisiens, vu qu'ils trompent manifestement. Ceci vous fera souvenir de
+deux sortes de sots. Foin, il m'est échappé; je cuidois prononcer
+_honteux_; je n'en veux pourtant point quereller: je dirai comme notre
+vieux Curé, qui disoit en son prône: il y en a qui ont des pantoufles
+qui vont faisant flique flaque, & chantent: revange-moi, prens ma
+querelle. Et qui veux-tu qui te revange? Va, prens une échelle, & t'en
+va à tous les diables. Ces doncques troublés des documens de honte
+paysanne, ils n'osoient demander à boire frais, ni en demander
+davantage, si on leur en verse trop peu, ou si on leur baille un reste;
+mais le reçoivent comme corbeaux qui béent. Ils n'osent demander du
+meilleur, ou de celui de Monsieur; mais se contentent de ce qu'un
+malotru valet leur apportera. Hé! grosse pécore, grande pécude, animal
+irraisonnable, est-ce là le peu d'état que tu fais de ta conscience que
+tu ne crains point de la laver indiscrétement? Les autres sont des
+messieurs sages & entendus, c'est-à-dire, sots d'honneur, ou honorables,
+qui étant venus voir quelque Seigneur ou homme d'affaire, après avoir
+discouru & mis en avant la disposition du tems, qu'un chacun sait aussi
+bien qu'eux, soit chaud, ou froid, & puis ayant conté au-delà de ce
+qu'ils savent, demeurent là fichés & esto, & muets vont traversant après
+les caprioles de leurs fantaisies; & se tenant ès piéges d'ennui où ils
+se sont fourrés, n'ont pas l'assurance de dire adieu pour s'en aller, &
+cesser d'être importuns; mais, pour user la bienséance, demeurent là,
+tant que quelque changement les vienne relever de sotise, où ils sont en
+sentinelle. Jan il nous faisoit beau voir & bon ouir; &, si étoit chose
+meilleure, de regarder les flacons en état. Que vous apprendrez ici de
+bonnes doctrines! Les sots, qui viennent se mettre en état, se laissent
+envelopper; & puis on les gâte. O la belle distinction! La bouteille en
+état n'est point prisonniere; ains retient en soi, & enveloppe le vin:
+mais hélas! pauvre vin, où es-tu? Je vous prie, ôtez-moi ces bouteilles,
+d'autant qu'elles sont sujettes à être cassées: ayez de bons flaccons,
+pour y trouver, par leur moyen, la vérité, comme fit Démocrite, qui la
+trouva au fond du puits. Le roi avoit fait faire un puits, qui répondoit
+à une vieille carriere, où Démocrite alloit souvent se rafraîchir. En ce
+puits, on rafraîchissoit le vin du roi. Démocrite s'en apperçut, & alla,
+avant que d'être aveugle, joliment prendre le bon vin gisant en flaccons
+dans l'eau du puits, & trouva que c'étoit la vérité; que le vin valoit
+mieux que l'eau. C'étoit une vie mystique que de notre fait. Nos
+flaccons étoient d'argent vivans, & pleins de leur vraie ame, joint que
+sans vin ils sont corps inanimés, les vaisseaux étoient dignement
+arrangés, selon leur mérite, ne plus ne moins que les vers des Sibylles,
+couvrant sous leur sainte cabale les plus savoureuses intelligences du
+bien futur. Mais encore notre maître, vous qui savez que le pain est
+plus ancien que le vin, d'où vient qu'étant le pain en la bouche, il est
+long-tems à se démener çà & là, avant que de trouver le chemin de la
+vallée; & le vin tout incontinent le trouve. Ce mystere n'est pas de
+votre religion. C'est parce qu'il y a plus d'esprit en une pinte de vin,
+qu'il n'y en a en un boisseau de bled. Voire, direz-vous, l'eau en fait
+bien autant. O lourdaut, mon doux & bel ami, c'est une folle que l'eau;
+elle se laisse tomber du haut en bas, elle court les rues, & fait
+devenir fols ceux qui l'aiment: & là-dessus, mon mignon, résolvez un peu
+à quoi il y a plus de réputation à se faire déclarer ivrogne, ou fou.
+Guette au paneau, & dis que tu en as. Je vous avertis, doctes buveurs,
+que vous ayez des flaccons; ils sont bons vaisseaux fermans à vis, vous
+serez en sûreté. Qui a, pensez-vous, été cause de la guerre de Troye, du
+siége de Babylone, de la ruine de Thebes, de la venue de l'antechrist, &
+de tant d'autres malheurs, dont les vraies & fausses histoires nous
+amusent? Bouteilles cassées, & vin répandu. A dire vrai, vin répandu ne
+vaut pas plein le cul d'eau nette, pour vous débarbouiller dans une
+écuelle percée. Et pour ce que l'on n'osoit pas, en paroles vulgaires,
+prophaner ce digne & excellent sujet; on le taisoit, & faisoit-on
+accroire aux bonnes gens qui ne savent pas les mysteres mystérieux du
+vin, comme nous autres philosophes, que les lanternes étoient vessies, &
+attribuoit-on ces malheurs à d'autres jolies causes, pour vous
+emmailloter l'esprit.
+
+
+
+
+PROPOSITION.
+
+
+VI. Oui-dà, je vous ai ôté de peine, si vous en êtes capable; & vous
+ferai remarquer ceux qui assisterent en ce notable simpose. Au moins je
+vous en nommerai quelques-uns; si je ne me souviens de tous, je vous
+envoierai à la cuisine où ils sont, ou bien autre part, à jouer, comme
+les sages de la Grece, au franc du carreau, avec les pages & les
+laquais. Je vous dirai que Socrate étoit présent à ce banquet, où il fit
+fort bien son devoir des mâchoires; (à propos de notre archidiacre, qui
+s'en sait très-bien escrimer. Et vraiment, s'il se tenoit aussi bien à
+cheval qu'à table, il seroit le meilleur écuyer de France. Et bien plus
+s'il officioit, ou pouvoit officier autant parfaitement à un grand autel
+qu'à une table, il mériteroit d'être pape.) Quant à Socrate, il ne
+pensoit qu'à ce qui s'offroit; & je vous assure que, sur toutes choses,
+il avoit la meilleure mine à faire de l'honneur, & à en recevoir sans
+quittance. Ce fut lui qui inventa, puis l'enseigna à Messire Guillaume
+le Vermeil, à conclure sans résoudre, & à résoudre sans conclure, ainsi
+qu'il m'a assuré. Et pourtant Madame lui donna la charge d'expédier la
+bienséance, dont il s'acquitta galament, d'autant qu'il étoit expert aux
+proportions du manege révérencieux de la cour, & avoit fort bien étudié
+les circonstances & similitudes, cérémonies, fadaises & miracles, qui se
+pratiquent entre ceux qui s'aident des spécialités d'honneur, que l'on
+se fait, en entrant ou sortant, s'asséant ou se levant, se rencontrant
+ou passant. Je me repens d'avoir dit une parole, parce qu'il y a de nos
+maîtres, qui disent qu'en tous discours, il se faut garder de régimber
+des mâchoires, & qu'il ne faut pas user des mots réservés à certaines
+personnes & actions; témoin un pauvre moine, que l'on pendoit, pour
+avoir été trouvé faisant la guerre. Hélas! dit-il, messieurs, je suis
+bien marri, de n'avoir pas cru que nous avions congé de vivre à
+discrétion de conscience. Il n'osa dire _liberté_, de peur d'être estimé
+huguenot. Si tout le monde avisoit aussi bien à ses paroles, il n'y
+auroit pas tant de procès perdus, ni au croc. Alexandre y vint tout
+ralu; mais il nous fit tant de ravoire, que les dames d'Orléans en
+furent émues. Vraiment, j'en fus tout aise, & ma cervelle s'en épanouit
+philosophiquement; de sorte qu'il m'étoit avis que l'on m'enclissoit les
+réparations, pource que l'on nous avoit rapporté qu'il avoit été tué, ce
+que nous lui dîmes; & il se prit à rire & s'excuser, nous disant qu'il
+étoit vrai, qu'il s'étoit battu avec son ennemi, mais qu'il n'avoit pas
+été tué, & qu'il le prouveroit par ceux qui l'avoient vu faire. Il s'en
+rapportoit à Aphthonius son secrétaire, qui nous raconta la cause de son
+absence, qui étoit, qu'il avoit voyagé pour voir toutes sortes de
+sagesses; & que s'étant trouvé avec les gymnosophistes, il avoit
+séjourné avec eux; & y avoit tant profité, qu'il en étoit revenu savant,
+d'autant que, suivant leurs maximes, il avoit inventé les
+haut-de-chausses sans braguettes, en dépit des Turcs, pour favoriser les
+Vénitiens & les Suisses. En témoignage de quoi, il nous montra une belle
+piece qu'il en avoit apportée; c'est le rêts à prendre les ânes de haute
+futaie. Nous n'entendions point cela, quand il tira de sa manche, & nous
+montra le beau saint & gracieux abrifou, qui catholiquement s'interprete
+le rêts à prendre les cocus. Je n'ai garde d'oublier notre grand Bodin,
+qui, premier des mortels, & contre tout ordre naturel, par artifice
+délectable & grand revers d'entendement, en plein jour, en la présence
+de ceux qui s'y trouverent, prit la mesure au diable, & lui fit un
+habillement, dont depuis il s'est vêtu comme on le voit aujourd'hui
+habillé: chose, & ne leur déplaise, qu'ainsi que beaucoup d'autres, les
+anciens ne surent oncques, & jamais ne sauront; &, si vous ne me croyez,
+allez en enfer m'en quérir un vêtu à la nouvelle mode, & me le montrez
+tout vif & habillé; & puis me démentez. Il y a bien plus; c'est qu'ayant
+compassion d'une infinité de pauvres diables qui fournissent
+d'émouloires aux chambrieres, pour caqueter à la premiere messe, il leur
+donna une belle industrie, recueillie des antiques archives, & leur fit
+des genouillieres de conserve, si qu'ores les diables se mettent à
+genoux, ce qu'au tems passé ils n'eussent osé, de peur de se pocher les
+yeux qu'ils y ont. Voilà que c'est des gens de grand engin, de l'esprit
+des grandes natures, comme parle du Haillan en Charlemagne. O diables
+heureux de si belle commodité! Pythagoras étoit ici en fort bonne mine:
+il ressembloit à ces vieux sergens du Châtelet, qui ont fait faire leur
+barbe de pipeux; (je cuidois dire _depuis peu_) aussi savoit-il de
+vilaines fessées de prudence, témoin les morbolisantes estafilades de
+discrétion, que l'on reconnoissoit aux cicatrices de sa félenie. C'est
+lui qui, au livre des inventions, sans crainte, a librement prononcé
+hérétiques excommuniables, comme écus au soleil, ceux qui mangent des
+choux avec une cuilliere. Pline s'avança, selon la rente d'honneur qui
+lui étoit dûe; ainsi qu'il paroissoit par un contrat passé par-dessus
+les ponts de Rome. C'est un homme notable & de prix: il est le premier
+inventeur de pisser honorablement contre les murailles des autres.
+Tandis que l'on murmuroit, le recevant, voici arriver le bon Démosthene.
+J'y suimes, dimes-nous; j'en fûmes bien-aises; d'autant qu'il est
+certain que j'apprendrois beaucoup de bonnes choses; comme déja il y
+parut. En entrant, il se mit à discourir; & nous enseigna ce que c'est
+qu'honnête homme, le définissant ainsi qu'il se trouve au Talmud;
+honnête personne est celle qui, ayant santé, se torche le cul avec un
+torchoir, le tenant de la main gauche. Aristote, dépité de n'avoir
+trouvé cette belle définition, se noya, & lui déroba celle de bonne
+ménagere, qui est insérée en ses économiques, comme l'a remarqué
+Ciriaque Strosse. Bonne ménagere est celle personne qui, s'étant torché
+le cul, resserre le papier dans sa pochette, le gardant pour une autre
+fois, ou pour empaqueter des confitures pour donner aux mignardes. Il
+n'y a plus de danger; nous sommes tous ici, puis que le pere Rabelais
+est dedans; ceux qui viendront ci-après, passeront par l'huis de
+derriere; la galle arrive au dernier. Et bien, couillaut que dis-tu de
+ceci? Je dis que ceux qui s'amusent à nos folies, font comme les
+médecins, qui regardent & épluchent les éjections des autres, qui sont
+aussi fous que nous, si mieux n'aiment être dits fous d'Inde, ou fous de
+Ludonois. Dieu sauve les beaux coqs, poules & poulets, amen. Et comptez
+diligemment les jours: parce que, d'ici à deux cents trois ans, dix
+mois, sept jours, dix-neuf heures, quarante minutes & trois secondes
+justement, le grand stéganografique fera une nouvelle translation de ce
+livre, à cause du changement de religion. Chaques uns, qui s'assirent
+selon les paraphrases de leurs dignités, avoient fait ronfler la
+réputation, pour maintenir leur rang, qui fut égal à tous jusques à la
+semelle des souliers. Et ains, chicanant avec les plumes de modestie,
+ils colloquerent leurs personnes, selon la remembrance de leur qualité.
+Il n'y eut que le cardinal de Cusa, qui, se trouvant assis près de Jean
+Hus, s'en prit si fort à rire, qu'il cuidât, éternuant, avancer toute sa
+réputation. Il en devint un peu fou, sans que pour cela les autres
+cardinaux encourussent note d'infamie, non plus que pour la dégradation
+d'un ministre. Et, pour ce que l'intention juge de tout entre toutes, on
+choisit la bonne intention, qui fut assise au haut bout avec une robe de
+président. Nous étions-là devant elle, pour faire preuve de nos esprits.
+Cela fut cause que je m'y trouvai, & m'assis aussi bien qu'un autre,
+d'autant que j'ai un cul; joint que, sans cul, nul ne pourroit avoir
+séance entre gens d'honneur.
+
+
+
+
+COUPLET.
+
+
+VII. Nous nous mîmes à étoffer des mâchoires. Cependant il y avoit gens
+apostés, à ce qu'ils eussent égard que personne ne chommât; sur-tout
+qu'il n'y eût point de parole perdue, & qu'aucune ne tombât, ou fût
+égarée, ou échappée: pour à quoi parvenir on fit des barrieres
+spirituelles, & des gardefous intellectuels. Avec cela furent haut & bas
+tendus des tapis de considération, & des linceuls de conservation. On
+m'a dit, (& je le tiens d'un bon théologien, consumé en l'une & l'autre
+religion, comme chanoine en l'une & l'autre église d'Orléans)
+qu'autrefois, & à faute de tels remedes, il chut des paroles à terre,
+dont il leva des herbes de plusieurs façons: & y si a-t-il bien pis;
+c'est que, quand la terre est en chaleur & forte rage d'engendrer, il se
+faut bien garder de laisser tomber des pets; témoin Dioscoride écrit en
+veau au livre des herbes nouvelles, lequel dit que les plantes ont des
+odeurs différentes, selon tels accidens; & même les beautés & douceurs
+des fleurs en sont dérivées, comme l'a bien remarqué Paracelse en ses
+mineures. Et afin que je vous embouche, je vous mets devant le nez cette
+belle fleur, la couronne impériale, qui nâquit d'une vesse que fit une
+grande dame; étant fille & belle, après avoir mangé des confitures
+musquées, elle fit une cabriole, qui causa ce bel accident. L'original
+en est sorti du cabinet de notre Ambroise Paré. Je vous le prouverai par
+le sieur de Lierne, gentilhomme François, lequel, étant couché avec une
+courtisane à Rome, y fut pris. Elle, comme les chastes courtisanes le
+savent pratiquer, avoit amassé des petites pellicules légeres, comme
+celle des poules dougées & délicates; les avoit remplies de vent musqué,
+selon l'artifice des parfumeurs. La belle Impéria, ayant quantité de
+telles balottes, tenant le gentilhomme entre ses bras, se laissoit
+aimer. Ainsi que ces deux amans temporels pigeonnoient la mignotise
+d'amour, affilant le bandage, la dame, détournant la main, mit une
+petite vessie en état, & d'un petit coup de fesse, la fit éclater, de
+sorte que la petite balotte se résolut en la figure auditive d'un pet.
+Le gentilhomme l'ayant oui, voulut retirer son nez du lit pour lui
+donner air. Ce n'est pas ce que vous pensez, dit-elle; il faut savoir,
+avant que craindre. A cette persuasion, il reçut une odeur agréable, &
+contraire à celle qu'il présumoit. Ainsi il reçut ce parfum avec
+délectation. Ce qu'ayant encore reçu d'abondant plusieurs fois, il
+s'enquit de la dame, si tels vents procédoient d'elle qui sentoient si
+bon, vu que celui qui glissoit des parties inférieures des dames
+Françoises, étoit assez puant & abominable: à quoi elle répondit, avec
+un frétillement philosophique, que le naturel du pays & de la nourriture
+aromatique, faisoit que les dames Italiennes, qui usent de délices
+odoriferantes, en rendoient la quintessence par le cul, ainsi que par le
+bec d'une cornue. Vraiment, répondit-il, nos dames ont bien un autre
+naturel de pets. Il advint qu'après quelques musquetades, par
+circonstance de vent trop enfermé, Impéria fit un pet, non-seulement au
+naturel, mais vrai & substantiel. Le François, accoutumé par le nez à la
+chasse des pets, (de-là vient le proverbe, _mené par le nez_) oyant ce
+corps sensuel & momentaire, jetta en diligence le nez sous le linceuil,
+afin d'appréhender la benoîte odeur, pour laquelle envahir il eût voulu
+être tout de nez; mais il fut trompé; il en recueillit avec le nez, plus
+que vous n'en feriez avec quatorze pelles de bois, telles qu'on mesure
+le bled à Orléans. Et quoi? Une odeur plus infecte, venu du plus fin
+endroit de l'établissement de la merde, que vesse ne fut jamais si
+puante. O dame, dit-il, qu'avez-vous fait? Encore, en ouvrant le
+bagonisier, il y en entra une allenée humide, qui lui parfuma
+breneusement tout le palais. Elle répondit: seigneur, c'est une
+galantise, pour vous remettre en goût de votre pays. Avisez bien
+doncques à tout ce qui peut avenir. Les orties sont crues des paroles
+que disoit, en menaçant, un président, dont on ne faisoit gueres de cas.
+Faites étendre de beaux draps blancs, comme fit monsieur de la Roche,
+l'été passé.
+
+
+
+
+CÉRÉMONIE.
+
+
+VIII. Son meûnier plus proche de son château, ayant recueilli le premier
+de fort belles cerises bien avancées, les lui envoya le même jour. Là,
+il y avoit avec monsieur, plusieurs gentilhommes de ses voisins;
+c'étoient gentilhommes de la petite passe, comme vous diriez des
+chanoines de saint Mambeuf à Angers, au prix de ceux de saint Maurice;
+ou bien ceux de saint Venant, à l'égard de ceux de saint Martin de
+Tours. J'y suis, j'ai rencontré. Le meûnier mit ses cerises en un beau
+petit panier; & le bailla à sa fille, pour le porter à monsieur. La
+belle, qui étoit de l'âge d'un vieil boeuf, désirable & fraîche, vint à
+la salle faire la révérence à monsieur qui dînoit, & lui présenta ce
+fruit de par son pere. Ha! dit la Roche, voilà qui est très-beau. Sus,
+dit-il à ses valets; apportez ici les quatre plus beaux linceuls qui
+soient céans, & les étendez par la place. Notez, en passant, qu'il
+falloit obéir à tout ce qu'il disoit, d'autant qu'il étoit le prototype
+de l'antechrist. C'est lui, dont les prêcheurs disoient ce carême, que,
+comme hérétique, il pointoit sur sa tour ses fauconneaux, & étoit si bon
+canonier, comme le sire de Sautal, que gaiement il tiroit le cheval,
+entre les jambes de son ami qui venoit de dîner avec lui, & le prenoit
+au passage au détour du carrefour; & pour montrer son adresse, quand le
+laboureur tournoit sa charrue, il donnoit droit à l'appui de
+l'aiguillon, sans faire mal au laboureur: & le tout pour rire. Les draps
+étendus, il commanda à la belle de se dépouiller. La pauvre Marciole se
+prit à pleurer. Ha, que vous êtes sage! Vous vous gardez bien de rire;
+Fille à qui la bouche pleure, le con lui rit. Allons, çà, dépêchez; ou
+je ferai venir ici tous les diables. Holà, sans me fâcher, faites ce que
+je vous dis. La pauvrette se déshabille, se déchausse, se décoeffe, &
+puis, ô le danger! elle tira sa chemise; &, toute nue comme une fée
+sortant de l'eau, va semer les cerises de côté & d'autre, de long en
+large, sur les beaux linceuls, au commandement de monsieur. Ses beaux
+cheveux épars, mignons lacets d'amour, alloient vétillant sur ce beau
+chef-d'oeuvre de nature, poli, plein, & en bon poinct, montrant, en
+diversités de gestes, un million d'admirables mignardises. Ses deux
+tétons, jolies balottes de plaisir, jointes à l'ivoire du sein, firent
+des apparences montueuses, différentes en trop de sortes, selon qu'elles
+parurent en distincts aspects. Les yeux paillards, qui se glissoient
+vers ses bonnes cuisses pleines & relevées de tout ce que la beauté
+communique à tels remparts & commodités du cachot d'amour, ravissoient
+de regards goulus toutes les plus parfaites idées qu'ils en pouvoient
+remarquer: &, combien qu'il y eût tant de beautés mignonnement étalées
+en doux spectacle, il n'y avoit pourtant qu'un petit endroit, qui fût
+curieusement recherché avec la vue; tant les regards tiroient au but, où
+chacun eût voulu donner, tous n'ayant intention qu'au précieux coin, où
+se tient le registre des mysteres amoureux. Après que les cerises furent
+semées, il les fallut recueillir, & ce fut lors qu'auparavant de
+merveilleuses dispositions essayantes de cacher sur-tout le précieux
+labyrinthe de concupiscence, le pauvre petit centre de délices eut bien
+de la peine à chercher des gestes, pour se faire disparoître. Ce beau
+parfait, cette belle étoffe à faire la pauvreté, ce corps tant accompli
+fut vu à tant de plans si délicieux, que difficilement y eut-il jamais
+yeux plus satisfaits que ceux des assistans. L'un le regardant, disoit:
+il n'y a rien au monde de si beau; je ne voudrois pas pour cent écus
+n'avoir eu le contentement que je reçois. Un autre, racontant sa
+fantaisie occupée de délectation, prisoit sa bonne aventure, en ce
+spectacle, plus de deux cents écus. Un vieux pécheur mettoit cette
+liesse à trois cents écus. Un valet, trémoussant comme les autres, en
+mettoit sa part de plaisir à dix écus. Et n'y eut celui des maîtres, qui
+ne parlât de cent ou cent-cinquante écus; qui plus, qui moins, selon que
+la langue alloit après les yeux, spirituellement léchant le marbre de ce
+spectacle, sur lequel la parole fourchoit après l'esprit, lequel
+attachoit à cette beauté son imagination, avec cent mille spécieuses
+images. Chacun des regardans avança sa goulée, & proféra la somme du
+prix des délices qu'il avoit imaginées. Les cerises remises au panier,
+la belle revint vers les fenêtres reprendre sa chemise. Encore les yeux
+des voyans s'alloient allongeant par les replis, afin d'avoir encore
+quelque reste d'objet; &, ainsi peu à peu qu'elle levoit une jambe, puis
+l'autre, ils épioient tant qu'elle se fût remise en l'état de sa venue,
+toute coeffée & habillée. Ses beaux yeux, petits cupidonneaux, étoient
+tout allans des vagues de feu qu'ils avoient octroyé à la honte de
+présenter en liqueur pour excuse de cette aventure. Monsieur de la Roche
+cependant avoit les yeux en la tête, & le regard au bel objet, riant en
+quarré plus d'un pied & demi dans le coeur, ayant toutefois dessein à
+écouter ce que ces tiercelets jasoient, tandis que trop bavards, ils se
+délavoient les badigoinces de ce qu'ils avoient à dire. Il les
+observoit, & retenoit fort bien le tout, & sur-tout la taxe que chacun
+avoit faite au rapport de son aise; même il remarqua jusques à un
+laquais, qui avoit allégué un écu. Laisse-toi cheoir, t'y voilà; il ne
+faut que se baisser & en prendre. Marciole, toute habillée, fut, par le
+commandement de mondit sieur, assise au bout de la table, où il la
+réconforta & reforça le mieux qu'il put, lui donnant ce qu'il y avoit de
+plus délicat. Elle étoit fâchée & pleureuse, indignée d'avoir montré
+tout ce que dieu lui avoit donné d'apparent; & avoit regret que tant de
+gens l'eussent vu à la fois, hors de l'église. Quand la Roche se fut
+avisé, il frémit sur la compagnie; &, tournant les yeux en la tête,
+comme les lions de notre horloge de saint Jean de Lyon, se mit à jurer
+son grand juron évangélique, d'autant que pour lors il étoit huguenot de
+bienséance, & dit: par la certe dieu, (ainsi que jurent les voleurs qui
+sont de la religion) messieurs, pensez-vous que je sois votre plaisant,
+votre valet, votre provisionneur de chair vive? Par la double digne
+grande corne triple du plus ferme cocu qui soit ici, vous paierez chacun
+ce que vous avez dit; ou il n'y aura jambe, tête, membre, trippe, corps,
+poil, jarret, qui demeure sauve. Ventre de putain, vous le compterez
+tout présentement, si mieux vous n'aimez avoir les yeux pochés, & les
+vits coupés. Si on les eût tous coupés, cela eût servi à l'abbesse de
+Montfleury, à laquelle son procureur vint dire, ces vendanges passées,
+que la vis de son pressoir étoit rompue; sur quoi ayant long-tems pensé,
+elle dit: foi de femme, si je vis, je ferai provision des vis. Les
+paroles de ce monsieur firent peur à messieurs les aubareaux, qui
+payerent ce qu'ils avoient dit, ou l'envoyerent quérir, ou
+l'emprunterent de mondit sieur, sur bons gages, ou bonnes cédules. Ainsi
+cette noblesse effarée, cracha au panier environ douze cents beaux
+mignons écus de mise & prise. J'aimerois bien mieux faire ma provision à
+Paris; j'aurois pleine chemise de chair pour cinq sols, & une pannerée
+de cerises pour quatre. Les écus mis au panier, la Roche les bailla à
+Marciole, qui se mordoit la langue de grande rage d'aise, sachant que
+c'étoit pour elle; & monsieur lui dit: tenez, ma mie, portez cela à
+votre pere, & lui dites que vous l'avez gagné, à montrer votre cul. Il y
+en a bien qui l'ont montré, le montrent, qui ne gagnent pas tant, & si
+courent plus grande fortune.
+
+
+
+
+COQ-À-L'ASNE.
+
+
+IX. Voilà comment, en dînant & banquetant, ils avoient de notables
+effets: aussi est-ce le tems des grands mysteres. C'est un grand heur de
+bien dîner & voir une belle fille, & sans la payer; avoir une tant
+délectable vision que l'aspect de Marciole toute nue, qui n'étoit fâchée
+d'autre chose, sinon que l'on avoit vu son cela. J'ai pensé le nommer
+par son droit nom. Bien le pouvois-je, d'autant que je sais plusieurs
+langues; mais il me faut ici parler françois; & en françois, un con est
+nommé _cela_. Qu'ainsi ne soit, si vous mettez la main au devant d'une
+fillette, elle la repoussera vîte, & dira, laissez cela. Quand je dis le
+devant, je l'entends comme faisoit monsieur le feu premier médecin, qui
+ayant tâtonné l'estomac d'une belle demoiselle couchée & un peu malade,
+coule sa main plus bas, &, venant à l'imperfection du corps, s'y
+avançoit, quand elle lui dit: hé, monsieur, que pensez-vous faire?
+Mademoiselle, je croyois que vous fussiez comme les vaches de notre
+pays; que vous eussiez les tétins entre les jambes. Pourquoi est-ce que
+les femelles repoussent la main, quand on la met vis-à-vis de leur cela?
+C'est parce que ce n'est pas ce qu'il y faut mettre.
+
+
+
+
+CIRCONCISION.
+
+
+X. Dames, qui avez les oreilles chatouilleuses, de peur de rire, lisez
+ceci tout bas ou de nuit, durant laquelle la honte dort; & ne vous
+formalisez, scandalisez, ni estomirez de chose quelconque que trouverez
+en ces textes & mémoires mêlés de toute sapience, moyens, élémens &
+enseignemens à bien vivre. Les mélanges que vous trouverez sont
+survenus, à cause de l'antiquité de ce volume, & des annotations,
+apostilles & interprétations qui y étoient mises; & le gentilhomme qui
+le transcrivit, pour votre avancement en toute sagesse, a tout écrit
+d'une suite, mêlant, sans distinction, glose & texte, ainsi que, quand
+vous êtes à table, vous qui ne jeûnez pas, vous mangez des viandes
+prises deçà & delà, selon l'occurrence. Quant aux jeûneurs de carême,
+ils mangent par couches, comme les bonnes femmes qui mettent des herbes
+à distiller. Ils mangent le potage, puis des échaudés au beurre frais,
+des entrées, des pois, des feves, des harengs, des pruneaux, puis le
+poisson, puis le dessert, & tout à cause du jeûne. Je vous assure que ce
+livre étoit simple & net, beau comme le jour, ainsi qu'il est encore,
+bien qu'il soit pêlemêlé de notes & considérations, à la façon du bon
+homme Guyon qui, à l'âge de cent ans, se mit à vivre capuchinement. Il
+avoit été page de chez le roi; puis il etudia, fut à la guerre, se fit
+cordelier, s'en retira pour être huguenot, se fit savant, devint
+ministre, mangea tout, puis se mit à demander sa vie. On lui donnoit de
+tout ce qu'il lui falloit, qu'il mettoit en son écuelle, pain, chair,
+soupe, potage, vin, sert, dessert ensemble. Et on lui disoit: pourquoi
+ne mangez-vous & beuvez d'ordre & à part? Ha, ha, disoit-il, lourdaut,
+mon ami, puisqu'ils se doivent mêler au ventre, il n'y a point de danger
+de lui envoyer tout déja mêlé. De même ceci doit être mêlé en votre
+cervelle: il le vous faut bailler tout mêlé. Le personnage, qui vous
+produit en tout honneur ces saints mémoires de perfection a pensé que le
+texte ne valoit pas mieux que le commentaire; par quoi il les a fait
+aller ensemble. Doncques, soit que vous les lisiez ou non, ou que vous
+commenciez ici ou là, n'importe; ce livre est, partout, plein de fideles
+instructions & sens parfait, tellement que c'est tout un, par où vous le
+lisiez. Il est un globe d'infinie doctrine; & il y a autant à apprendre
+dans un lieu qu'en l'autre; en cette sorte-ci qu'en celle-là: il n'y a
+ligne, endroit, ou passage (afin de parler niaisement aussi-bien que les
+doctes) qui ne soit tout farci de science mystigorique & concluante.
+Qu'ainsi ne soit: le prieur du Vau-de-vire, lequel vivoit du tems des
+Anglois: (il en vit encore de ce tems, ainsi que m'a assuré le gardien
+des cordeliers qui m'a dit, qu'il y avoit encore des Anglois) ce bon
+prieur avoit fait une grande annonciation sur ce mot _cela_, sur-tout à
+cause de la considération de la soudure des membres d'amour, ou des
+membres de la soudure d'amour, ajoutant, comme il se trouve ès vieux
+exemplaires grecs & hébrieux, qui sont au Vatican & à Londres, ce qui
+s'ensuit. C'est une chose étrange de la différence des hommes & des
+femmes: si une femme l'a petit, elle ne fera point de difficulté de le
+montrer, & ne se souciera guere qu'on le voie, parce qu'il sera le petit
+mignon d'amourettes. Mais celle qui l'aura se dilatant en grandeur,
+jamais n'en permettra la vue, de crainte qu'on voie son ignominie. Voyez
+les hommes qui se baignent, & qui n'ont guere de différence masculine;
+c'est-à-dire, qui sont mal envitaillés. Ils ont infiniment de la peine à
+le cacher; ils mettent devant mains, chemise, chapeau, chausses; encore,
+s'ils pouvoient prendre la lune, ils la mettroient devant leurs harnois,
+tant ils craignent qu'on sache le peu qu'ils ont d'outil à faire la
+belle joie, honteux de leur peu de bien. Au contraire, ceux qui en ont
+une belle venue, ils la recommandent & commettent à nature, pour la
+faire voir ou la cacher; ils en sont si libéraux. Aussi de fait, la
+libéralité convient mieux à un homme riche qu'à un pauvre; joint que
+l'âge, comme ils le croient, doit donner de la discrétion à leur chose,
+pour se cacher, s'il en est besoin, comme le pensoit & faisoit bien la
+belle Hipolite, qui, un jour d'hiver que nous étions auprès du feu,
+madame sa mere y étoit en sa chaise, tournée vers la table, écrivant ou
+faisant autre semblable exercice; nous vetillons près le feu; & la
+belle, pour se chauffer, haussa un peu la cuisse & sa chemise, pour
+faire convoitison, parce qu'elle y avoit froid: dont je m'étonne, parce
+qu'il fait bien chaud là où il ne fit jamais froid, & où il y a toujours
+du feu. Je lui dis: belle, cachez votre cela. Elle me dit: qu'est-ce que
+mon cela? C'est votre minon. Qu'est-ce que mon minon? C'est votre petiot
+de lectation. Qu'est ce que mon petiot de lectation? C'est celui qui a
+perdu de l'argent. Qu'est-ce qui a perdu de l'argent? C'est celui qui
+regarde contre bas. Qui est celui qui regarde contre bas? C'est votre
+petit crot à faire bon, bon. Qu'est-ce que mon petit crot à faire bon,
+bon? C'est votre chose. Qu'est-ce que mon chose? c'est votre con. Qu'est
+ce, qu'est-ce? je le dirai à madame. Madame se revirant, dit: je
+l'entends bien; vous êtes une sotte; que ne le cachez-vous? Hipolite
+répond, qu'il se cache, s'il a honte; il est aussi vieil que moi.
+Plutarque étoit au bout de la table, qui écrivoit ses morales, qui nous
+tença en riant; (aussi je crois que c'étoit à petit semblant) & nous
+dit: il n'est pas séant de nommer à nud les parties honteuses; & pour
+cause. C'étoit pour voir ce que je lui répondrois; ce que je fis aussi
+bien: _Signor mio, sur ma fe_, je deviendrai sage; je prends en gré &
+fort honnêtement votre admonition; vous la faites & dites de bonne
+grace; vous n'en usez pas comme ces docteurs qui, ne sachant que
+répondre, viennent aux injures, & puis veulent s'immiscer à faire des
+remontrances flasques comme une caillette froide. Je prendrai garde à
+nommer ceci & cela. J'imiterai Platon, quand je parlerai de
+l'endéléchie, (j'ai pensé dire de l'_endroit où l'on chie_) & grand
+jointure du corps & de ses environs; je nommerai le cul _derriere_ ou
+_fondement_; ou l'un, d'autant qu'il est un, & qu'il ne peut y avoir en
+un corps deux culs, non plus que deux papes à Rome, & que le cul est
+tellement uni de ses deux fesses, que miraculeusement il n'est qu'un,
+non plus qu'une mitre n'est qu'une mitre, encore qu'elle ait deux
+cornes. Je dirai doncques l'un; & celui d'auprès, je le nommerai
+l'autre, d'autant que l'un sans l'autre n'agissent point en nature ès
+productions génératives. Ainsi je disposerai les secrets, afin qu'ils ne
+soient entendus que de ceux qui ont bon nez, lesquels, par ce moyen,
+sous cette plaisante escorte, chercheront le noyau qui est caché en l'un
+& en l'autre. Cependant je vous avertis, (& ne vous en déplaise; un sage
+conseille bien un fou) il ne faut pas toujours dire ces parties là
+_honteuses_, d'autant qu'elles ne le sont que par accident: &, faisant
+autrement, vous feriez tort à nature, qui n'a rien fait de honteux. Ces
+parties là sont secrettes, nobles, desirables, mignonnes & exquises,
+comme l'or que l'on cache. Il est vrai qu'elles peuvent devenir
+honteuses, & le sont, quand il leur survient une belle petite écrevisse
+de mer; (c'est-à-dire un chancre) ou qu'auprès d'elles sont logés de
+jeunes chevaux; (ce sont poulains) ou qu'une joyeuse chaude-pisse les
+tient en humeur. C'est alors que tels membres sont honteux: &, ce qui
+est encore pis au ceci d'un homme, & qui le rend du tout honteux &
+mélancolique à bon escient, est quand il a perdu les cimbales de
+concupiscence, les caisses d'amour, les boulettes de Vénus; le défaut
+desquelles fait appeller les hommes châtrés. Ceux qui voyoient tantôt la
+belle Marciole toute nue eussent bien voulu la châtrer, c'est-à-dire lui
+ôter les trébillons d'entre les jambes; il eût fallu premiérement les y
+mettre. Que le chat fût bien bridé des vôtres, qui riez encore de cette
+belle fille qui fut mariée; & le contract de son mariage fut passé par
+devant les deux plus savans notaires de Rouen. Le maître de la
+rose-rouge en diroit bien ce qu'il en sait; & pource, il envoya quérir
+ces deux fameux notaires; lesquels laisserent le bon paysan, pour venir
+à ce riche marchand. Les notaires venus, on leur donna des siéges, &
+Monsieur de la Rose commanda à sa servante d'apporter ce qu'il lui avoit
+commandé; _notate verba_. Servantes, sont celles qui servent chez les
+gens de bien, d'autant qu'à ce qu'elles disent, chambrieres sont celles
+qui demeurent avec les prêtres, ou chanoines, pour subvenir à toutes
+leurs nécessités. Là dessus, Monsieur de la Rose dit à ces Messieurs les
+notaires, qu'il avoit grand desir de manger des pois passés par devant
+notaires; partant il les prioit de les voir passer. Sa servante se mit,
+là devant eux, à les passer. Ces notaires se mutinerent, & se fâcherent,
+& l'injuriant l'appellerent moqueur, & dirent qu'ils s'en
+ressentiroient. Ils se prirent aux paroles, jusques à dire qu'ils
+alloient quérir leurs épées, pour s'aller battre hors la porte. Allez,
+dit-il, je le veux bien: passez par ici, & m'appellez. Il prend son
+épée, & se mit à la fenêtre. Incontinent les autres passerent &
+l'appellerent. Ho, méchant, qui abuses les officiers du roi, viens
+hardiment. Non ferai, dit-il, je ne suis plus courroucé; je ne vous veux
+mie tuer.
+
+
+
+
+PAUSE DERNIERE.
+
+
+XI. Or commençons de conclure; & soyez avertis, vous qui verrez ces
+précieuses reliques des richesses du monde, que vous devez porter
+honneur à cet ouvrage; que, si vous n'êtes pas assez fort pour lui en
+porter assez, traînez-le, ou lui envoyez, ou le roulez, ou lui faites
+tenir en révérence; & prenez garde à ce que cet honneur soit distribué
+honnêtement aux scientifiques personnes & discretes qui sont en ce
+banquet, comme poulets en mue. Ne pensez pas que ce soit moquerie, que
+de ce simpose & souper philosophique, le plus authentique qui fut
+jamais, & auquel toutes questions, propositions, théorêmes, problêmes, &
+plusieurs autres ont été solues, résolues, trouvées, démontrées &
+fidélement reconnues en toute perfection; pource que tout y fut débattu,
+égratigné, écorché, tourné & entendu; & ce, selon les graces dont
+étoient barrés Messieurs les assistans, qui pourtant furent, & ont été,
+& seront approuvés doctes & savans; ayant au reste tous si bon esprit,
+qu'ils ne mirent guere à devenir fous. Ainsi soit-il de vous, amen. Ils
+avoient les yeux ouverts, comme chiens qui chassent aux puces. Or ils
+s'étoient réparés l'entendement à trois sous pour livre, y ayant fait
+des arcs-boutans de mémoire, au rabais. Nos amis & toute la belle & sage
+compagnie furent rangés en la salle au beau milieu, en même ordre &
+façon que la Reine de Saba fêtoya ses Princes en Meroé, quand elle
+voulut faire preuve de sa sagesse. A voir tous ces gens de bien en bel
+ordre, vous eussiez dit & pensé avoir devant vos yeux une belle, joyeuse
+& sainte congrégation, comme une bande de Prélats. Et que faisoient tant
+de bonnes gens de loisir? Voire, mais que fit-on là? On parla, on
+mangea, on beut, on fist st, on se teut, on fit du bruit, on protesta,
+on rencontra, on rit, on bailla, on entendit, on disputa, on cracha, on
+moucha, on s'étonna, on s'ébahit, on admira, on gaussa, on rapporta, on
+entendit, on brouilla, on s'éclaircit, on débattit, on s'accorda, on
+trinqua l'un à l'autre, on fit carroux, on remarqua, on trémoussa, on
+s'accorda, on cria tout bas, on se teut tout haut, on se moqua, murmura,
+on s'avisa, on se reprit, on se contenta, on passa le tems, on douta, on
+redouta, on s'assagit, on devint, on parvint. Qu'en avint-il? Il en
+avint ce docte monument, ce précieux mémorial, ce joyeux répertoire de
+perfection, cet antidote contre tout malheur, cette affiloire de bonnes
+graces, _Ce Moyen de Parvenir_, unique bréviaire de résolutions
+universelles & particulieres: à quoi on ne peut contredire, ni opposer
+d'hyperboles, ni le rédarguer de fausseté. Et dites que vous en avez,
+captieuses tignes, qui voulez tout réformer & refondre. Mais vous,
+sectateurs de vraies vertus cardinales, gens haïs de l'oisiveté, qui
+aimez mieux vous amuser à boire, que penser à mal, ou perdre le tems
+inutilement; considérez ceci, empoignez ce volume; _volume_ dit, à cause
+de la vérité qu'il contient, comme un bon verre plein de bon vin. Verre
+& volume sont équivoques; le verre est un volume: il est vrai que c'est
+le petit, c'est l'épitome; d'autant que le gros volume est le poinçon
+bienheureux. Qui ont belles & amples bibliotheques remplies de tels
+volumes, ils sont capables, de rendre _victus_ tout le monde, tant docte
+soit-il.
+
+
+
+
+VIDIMUS.
+
+
+XII. De tous bons volumes cettui-ci est le bréviaire, ainsi dit & nommé
+pour plusieurs raisons. C'est qu'il est bref; & qu'en peu de paroles il
+enseigne toutes sciences. Item, bréviaire est un livre ordinairement
+gras; &, par application, on s'engraisse au moyen de l'usage de
+cettui-ci. Le bréviaire donne de l'appétit & l'aiguise; cettui-ci
+l'entretient & le fortifie. Le bréviaire fait gagner la vie à ceux qui
+s'en aident; cettui-ci la fait trouver toute gagnée. Je m'en rapporte à
+notre curé, auquel, après le service, mademoiselle dit: monsieur le
+Curé, venez dîner avec nous, je vous prie. Je vous remercie,
+mademoiselle; j'y serai aussi-tôt que vous. Mademoiselle, ennuyée qu'il
+ne venoit, regarda par sa fenêtre, & vit à côté le Curé, qui, ayant
+pissé, serroit sa piece. Elle se retiroit de peur de le voir, parce que
+ceci l'eût fait rire. Quand il fut entré, elle dit: là, monsieur le
+Curé, lavez-vous la main, & venez. Eh da, dit-il, mademoiselle, je n'ai
+rien touché que mon bréviaire. Quel bréviaire, dit-elle! Il est fait
+comme une andouille. Là, là, lavez vos mains. Comme nous contions ceci à
+Paris, en la boutique d'un libraire, la dame écoutoit attentivement, &
+prêtoit aussi l'oreille au discours de son mari, qui contoit qu'en le
+payant d'un inventaire qu'il avoit fait, on lui avoit baillé un vieil
+bréviaire, qu'il avoit vendu six écus. La dame répondit (je ne sais à
+qui, d'autant que les deux contes furent achevés en un instant): je
+voudrois que tous nos livres ressemblassent à ce bréviaire. Ce que je
+vous dis est vrai; & savez-vous comment je prouverai cette vérité? Ce
+sera en la sorte que vous comprendrez ces heureux discours, auxquels si
+vous ne voulez croire, les prenant pour unique raison, faites ce que
+vous voudrez: comme charitable, je trouve tout bon ce qui plaît aux
+autres. O ames, à bon droit pleines de félicité, réservez au parfait
+contentement, puisque votre bonheur a eu la patience de vous faire
+naître en ce temps, pour avoir la grace, le bien, la prérogative,
+l'honneur & le profit que vous tirerez de ces mémoriaux & commentaires
+de raison étonnante, unique en son accomplissement, il ne faut point
+faire d'estime des belles inventions, & avoir regret de ne les avoir
+point vues, ou sues, ou penser ne les pouvoir rencontrer, puisque vous
+avez ce livre, qui vous fournit de tout. Ce bel objet est tel, qu'en lui
+vous avez les élémens qui vous guideront au bien accompli: & par ces
+élémens, non de particulieres sciences, mais de toutes exclusive &
+inclusive, vous pourrez trouver & inventer tout secret, tant caché,
+séparé & admirable soit-il, (si vous avez de l'esprit, cela s'entend) à
+crocheter, voir & chercher ce qui est sous cette écorce de velours &
+d'or entortillé de paroles, quelquefois de soie, & quelquefois d'or, &
+quelquefois de fil, & étoffées de petite qualité, & puis d'azur, & de
+gueules, & de ce qu'il ne faut alléguer. Il nous suffit de vous
+raconter, & à vous de croire que tout est fort bien caché sous ces
+énigmes, ainsi que le trouveront les enfans de la science, les fils des
+sages & heureux prédestinés à trouver la lanterne de discrétion, & la
+lampe de béatitude. Et afin d'avoir le crédit de se chauffer au beau feu
+d'intelligence, vous qui avez envie de parvenir, que nous vous faisons
+part de ce fin recueil de mysteres authentiques, vous proposant devant
+les yeux les symboles de chacun, comme ils ont été proférés. Sitôt que
+quelqu'un ouvroit la bouche pour prononcer sa goulée, aussi-tôt les
+secrétaires les mettoient par état, & colligeoient les paroles & propos,
+comme belles & bonnes perles ès rives de l'Asie, dont ce volume a été
+compilé & lequel de tout temps a été & sera, à cause de son excellence,
+pour son mérite, & à jamais, par ceux qui ont de l'entendement, en
+grosse lettre dit, nommé le _Livre_. Ne dites pas sans queue, d'autant
+qu'il aviendra, ainsi qu'il est avenu plusieurs fois, & que les grands,
+au détriment des plus foibles, les trouvant, & craignant qu'il ne soit
+vu du petit & bon monde, le scelleront, comme chanceliers à simple
+queue, ou à double, telle que le temps admettra. Je vous prie, bonnes
+personnes, de ne rien dire de ceci, & n'alléguer ce mot que nous n'avons
+pas mis au titre, d'autant que, s'il y étoit, on le reconnoîtroit tout
+aussi-tôt, & il en aviendroit trop de malheur. Le plaisir des gens de
+bien seroit perdu. Ces méchans excommuniés, qui font tant mettre de
+daces & impôts sur le peuple au desçu du Roi, (le pauvre homme ne
+l'entend pas) ces malheureux-là viendroient & prendroient ce livre, & le
+vous vendroient un écu pour lettre, au meilleur marché; joint qu'à tel
+on vendroit la lettre cinquante écus; & ainsi le feroient tout d'or,
+comme Simon Magus & son chien, & les ministres quand ils seront
+affriandés aux lettres d'envoi comme en Angleterre. Jouissez, amis, de
+cet oeuvre, sans le prophaner; & sachez que, par le rapport des savans,
+il est tel, que les plus gens de bien racontent & affirment par-tout
+qu'il contient tout ce que chacun sait, a su & saura, ou doit savoir &
+entendre. Il embrasse les mysteres approuvés de toutes sciences, pour
+autant qu'il est la juste, solide & naïve interprétation de la pure
+cabale de valeur non imaginaire. Ne parlez plus de clavicules ou
+clavifesses, ni d'arts apéritifs, canons & artillerie, qui sont engins
+grandement ouvrans, puisque vous avez ces cahiers de vérité; ce bon
+volume qui est la grosse clef d'ordonnance, à laquelle pend le trousseau
+de toutes clefs. Pour le prouver, j'ai le pere Rabelais le docte, qui
+fut Médecin de Monsieur le Cardinal du Bellay; & je le mets ici en
+avant, parce que les substances de ce présent ouvrage & enseignemens de
+ce livre furent trouvées entre les menues besognes de la fille de
+l'Auteur. Ce Cardinal étant au lit malade d'une humeur hyphocondriaque,
+fit assembler les médicins, pour consulter un remede à son mal. Il fut
+avisé par la docte conférence des docteurs, qu'il falloit faire à
+Monsieur une décoction apéritive, qui, réduite en sirop, seroit
+accommodée à son usage ordinaire. Rabelais, ayant recueilli cette
+résolution, sort, & laisse Messieurs achever de caqueter pour mieux
+employer l'argent; & fait ledit sieur mettre au milieu de la cour un
+trépied sur un grand feu, un chaudron dessus plein d'eau, où il mit le
+plus de clefs qu'il put trouver; &, en pourpoint, comme ménager, remuoit
+ces clefs avec un bâton, pour les faire prendre cuisson. Les docteurs
+descendus, voyant cet appareil, & s'en enquêtant, il leur dit:
+Messieurs, j'accomplis votre ordonnance, d'autant qu'il n'y a rien tant
+apéritif que des clefs; &, si vous n'en êtes contens, j'enverrai à
+l'arcenal quérir quelques pieces de canon: ce sera pour faire la
+derniere ouverture, après l'exhibition de ces apozemes. Je pense que
+cette preuve est de mérite. Avisez doncques bien, & diligemment
+épluchez, & voyez avec curieuse conférence. Tous les autres prétendus
+livres, cahiers, volumes, tomes, oeuvres, livrets, opuscules, libelles,
+fragmens, épitomes, registres, inventaires, copies, brouillards,
+originaux, exemplaires, manuscrits, imprimés, égratignés, bref les
+pancartes des bibliotheques, soit de ce qui a été, ou est, ou qui jamais
+encore ne fut ou ne sera, sont ici en lumiere prophétisés ou restitués;
+de perdus, sont retrouvés & recouvrés. Et s'il y a bien davantage: si
+quelqu'un a dérobé un oeuvre, il sera découvert, comme il se présume en
+vérité, par une bonne révisitation de textes, paraphrases, commentaires,
+métaphrases, homélies, annotations, récensions, notes, adversaires,
+lectures, leçons, & autres telles négoces & inventions de gloses &
+interlignes pédantines. Et les calculez: vous les trouverez ici, sans
+qu'il soit plus besoin de tant de livres, romans, poésies, prônes &
+bavarderies, qui occupent les esprits mal-à-propos, & lesquels, après
+que l'on les sait, ne laissent pas l'industrie d'avoir un paillard écu.
+A dire vrai, cette vérité a touché de compassion le coeur de beaucoup de
+gens de bien, qui, pleins de charité, comme j'en ai vu de doctes & sages
+avancés près les papes, rois, empereurs & républiques, gens sans fard,
+lesquels oyant les affamés de bonne lecture, s'amuser à faire joliment
+relier, parer, dorer & mignarder proprement des livres communs, tant
+vieux que nouveaux; ces bonnes personnes, ayant déplaisir & regret au
+tems qui se perd en la lecture de tant de livres de fadaises, de
+surcroît emplis de douleur & obscurité, avoient l'ame touchée de
+fâcherie & impatience, considérant que ce bon livre n'étoit pas connu
+des vrais amateurs de sciences; déploroient la misere de tels pauvres
+acheteurs abusés, & disoient: voilà dommage & pitié. Hé! qui ne
+s'étonneroit du malheur qui abonde en ce tems. Voilà, ces misérables
+dévoyés ont assez de ces livres de vétilles: ils n'auroient pas sitôt en
+main un _Moyen de Parvenir_. Sur quoi je vous dirai un grand secret, &
+puis l'autre; c'est que vous ne trouverez point en ceci de truandage de
+pédantisme, comme ès autres, pleins du ravaudage de folle doctrine qui
+n'apporte point à dîner. Et davantage, je vous dirai le secret des
+secrets: mais je vous prie, afin qu'il soit secret, de vous embéguiner
+le museau du cadenac de taciturnité; & écoutez. CE LIVRE EST LE CENTRE
+DE TOUS LES LIVRES. Voilà la parole secrette, qui doit être découverte
+du temps d'Hélie, artiste, ainsi que disent les alquemistes. Tenez-le
+fort caché, & vous gardez des pattes pelues de ces enfarinés, qui
+gourmandent la science & l'emplissent d'abus: étrangez-vous de ces
+pifres présomtueux, qui, voyant les bonnes personnes désireuses de se
+calfeutrer le cerveau d'un peu de bonne lecture & profitable, s'en
+scandalisent: chassez ces écorcheurs de latin, ces écarteleux de
+sentences, maquereaux de passages poétiques, qu'ils produisent &
+prostituent à tout venant: gardez-vous de ces entre-lardeurs de
+théologie allégorique, de ces effondreux d'argument, & de tous ceux qui
+aiguisent les remontrances sur la meule d'hypocrisie. Fuyez telles
+bêtes; & ne leur communiquez point ce rare trésor; ains le commettez à
+gens de bien, comme gens de bien ont pris la peine de le vous donner;
+non pour en abuser, d'autant que ce seroit un péché plus que contre
+nature, parce qu'il n'est ni mâle, ni femelle. Je m'en rapporte à ces
+sages & prudens prêtres, qui nomment leur bréviaire leur femme. O quelle
+impiété rouge comme sang! Ceux qui parlent d'abuser de ce qui peut
+servir, ne l'entendent pas. Je les renvoie au Principal du Collége de
+Geneve. J'en atteste la pantoufle du Pape, que je dis vrai.
+
+
+
+
+CONCLUSION.
+
+
+XIII. Le second Ministre étoit malade. Je fus appellé pour le voir; je
+lui fis au moins mal que je pus. Se trouvant un peu bien, il me parla de
+ce Monsieur le Principal, & me dit qu'il étoit fallot. A ce mot, il
+arriva; & moi bien aise, & aussi, parce qu'il y avoit occasion de rire,
+_inter privatos parietes_, je me mis à faire des contes, & lui aussi;
+mais les miens alloient plus vîte: de sorte que, soit ou pour
+m'éprouver, ou pour se venger, comme il me l'a confessé depuis, il lui
+prit fantaisie de changer de propos, & dit: O nous misérables réformés,
+de proférer tant de paroles oiseuses, dont nous rendrons compte; & vous
+le premier. Il est bien vrai, dis-je; mais, monsieur, il faut ici
+_distingo_ Genevoisien; venons à l'écriture. Le sage dit qu'il y a tems
+de rire & de pleurer. Et bien j'avons ri; ce que nous avons dit
+n'offense personne. Les paroles oiseuses, sont celles qui offensent, &
+qui sont dites pour ôter l'office, ou le bénéfice, ou la renommée à un
+homme; comme si je disois, monsieur le principal abuse des graces de
+Dieu; & que, pour le prouver, je misse en avant cette démonstration:
+c'est que, tous les matins, il fait de son vit un chausse-pied. Ce bon
+ministre se prit si fort à rire, qu'il fut tout guéri: & puis dites
+qu'il ne se fait point de miracle à Genève. Dis que tu en as, papiste.
+Recevez donc ce présent, ce passé, ce futur, beaux & fidèles esprits.
+Vous y trouverez un insigne profit, attendu que tous les livres qui
+furent jamais faits, ou seront faits par hommes ou femmes, filles ou
+garçons, ou neutres, sont signes, ou marques, ou paraphrases, ou
+prédictions de cettui-ci tant naïf, clair & évident, lequel est la fin
+finale & intelligible de tous: & ainsi que tous ne sont & ne seront
+qu'interprétation des secrets ici exposés, & qui ne se trouvent que par
+dessein en ce beau & petit abondant moule de perfection exemplaire.
+Quiconque le saura, sera capable de toutes sciences, & n'ignorera que ce
+qu'il ne saura pas; d'autant que tout est ici au petit-pied en parfaite
+idée, clarifiant tout autant qu'il est possible. Que si quelque mauvais
+opiniâtre, incrédule, hérétique, stupide, conscientieux, faussonnier, ou
+autre ribaudaille ne me veut croire; je parle à vous qui êtes de telle
+qualité, & vous dis que, si vous ne croyez, je veux & désire qu'en guise
+de personne demi-sainte, chacun pour soi, vous puissiez recevoir une
+bonne secouade d'estrapade, qui vous dure une semaine, redoublant
+toujours pour mignarder votre constance, ou une gêne de rage de
+fondement, ou une cuisson de carnosités intolérable, ou un
+chatouillement de fines goutes, ou passion colique, voire tout ensemble
+avec toutes autres sortes d'incommodités à la sauce d'Allemagne, tant
+qu'à votre requête je vous donne remede. Et ne vous scandalisez, si, en
+l'excès de mes charités, je vous souhaite, avec si bonne & sainte
+affection, tel & si grand bien. Assurez-vous que ce n'est sans cause,
+d'autant que je sais qu'il vous en aviendra un merveilleux émolument; à
+cause que, chatouillés de telles friandises de maux & trouble, de l'aise
+cruel que vous en sentirez, aurez connoissance de votre faute, & ne
+serez plus juges ingrats d'autrui, qui peut-être vaut mieux que vous.
+Ainsi ce mal vous réussira en bien, afin que, vous souvenant de ce livre
+en vos rigueurs, vous y aurez recours; & vous vous en trouverez ou de
+même, ou mieux, ou pis, au grand avantage du salut de votre ame, si vous
+en savez bien user, & comme nos bons peres de familles, qui traitent
+bien leurs hôtes, & entretiennent les toîts de leurs maisons, de peur
+d'être incommodés.
+
+
+
+
+COROLLAIRE.
+
+
+XIV. Par manda, j'en jure la bonne fête de madame la Saint-Jean, que je
+ne daignerois vous tromper loyalement; & y eût-il à gagner autant que le
+monde vaut, & fiez-vous en moi, comme le pauvre la Motte, qui étoit sur
+l'échaffaud prêt à être rompu, ce qui le fâchoit fort, parce qu'il ne
+l'avoit pas accoutumé, & il dit au greffier: hélas! monsieur le
+greffier, à la pareille; souvenez-vous de la grace que messieurs m'ont
+promise; je m'en fie en vous. Là, monsieur de la Motte, mon ami,
+fiez-vous à moi; on ne vous fera nul mal. Mais tandis que je vous
+sermone, il m'est avis que je vois un glorieux caparaçonneur
+d'intelligence bigarrée, qui, donnant dans les hypocondres de la
+conscience, pour éclorre quelque oeuf d'hypocrisie feint, qu'il a couvé
+sous le voile bigot de sapience folle, lequel grignotant de dépit, &
+pour faire l'habile homme, jettera dédaigneusement l'oeil sur ce
+monarque des livres d'humanité; blasphémera, & pour en conter se fera
+peter les mâchoires, comme un vendeur d'époussettes, disant que nos
+paroles sont erronées; & nous pensera faire des escapades d'admirations;
+alléguant des sentences du livre saint, auquel tels que lui n'entendent
+rien. O toi donc cettui là à qui je parlois tantôt, relevé d'orgueil,
+bouquin qui as été mille fois gourmandé par ta chambriere, ainsi qu'il
+se fait volontiers en nos cloîtres.
+
+BEZE. Savez-vous comment? Je fais cette parantese à votre discours;
+beuvez; puis vous acheverez. Mais devant, sachez que, quand une femelle
+s'addonne à un écclésiastique, elle est, le premier mois, sa chambriere;
+le second, elle est sa compagne; & le troisieme sa maîtresse; & ainsi
+conséquemment. Et de fait, votre chambriere vient-elle demeurer avec
+nous (pour nous servir, cela s'entend); le premier mois, elle est tant
+sage, que tout ce que j'ai est à moi. Si, en sortant de l'église, je la
+vois venir de chez un des confreres chanoines, je lui demanderai: d'où
+venez-vous, Jeanne? Je viens de chez votre compere, quérir votre
+vaisselle, que vous laissâtes hier que vous y fûtes souper. Ho dà! tout
+est encore à moi. Le mois d'après, je ferai la même question en même
+posture. Elle dira, je viens de quérir notre vaisselle, que nous
+laissâmes hier, chez notre compere où nous soupâmes. Ha, ha! nous y
+avons encore part. Mais après, si je l'interroge; elle me dira bien
+autrement. Que vous avez d'affaire, & n'avez point de chemise au cul!
+Vous voulez tout savoir comme les grands. Je viens de quérir ma
+vaisselle, que je laissai, hier au soir, chez mon compere où j'ai soupé.
+Voilà, tout est à elle. Mais je ne t'ai pas laissé, ô maître sophiste,
+perdu de la vanité de tes imaginations; ame déloyale qui ne peux
+comprendre le légitime _Moyen de parvenir_, auquel tu prétends d'arriver
+par sottise ou fraude ordinaire. Entens, vestaudier, que nous ne parlons
+ici que des livres d'humanité; & t'en vas faire panser à mon barbier; il
+te donnera, pour te faire docteur, une éponine ou épauliere, d'un coup
+de barre de fer, sur le collet, en guise de chausse d'hypocras, ou de
+hallebarde de drap. Que je dirois de belles choses, si je les savois; &
+en bons termes & beaux, si j'osois éventer ma doctrine. Je ne suis pas
+de ces petits docteraux, dont il est écrit: j'ai une tête de docteur à
+dîner. Un avocat du Mans ayant plaidé pour un boucher, & ayant gagné sa
+cause, il trouva sa partie. Hé bien, lui dit-il, n'ai-je pas bien plaidé
+pour vous? Je le sais bien, dit-il, monsieur; aussi en récompense, vous
+avez la plus belle tête de veau qui soit en la ville: ce sera pour votre
+dîner. Ce jour-là, nous devisions, en dînant, de choses diverses. On
+parloit d'une tête de veau, & aussi d'une serviette. A ces dernieres
+paroles, un jeune chantre dit à un monsieur: véritablement, monsieur,
+vous en avez une belle sur les épaules. Oh! devinez s'il parloit de
+tête, ou de serviette par intelligence. Je ne suis pas aussi docteur à
+la vinaigrette, ainsi qu'un tas de sages & beaux docteurs qui sont
+_doctores à docendo_, comme _montes a movendo_. C'est lancer du latin
+cela, comme pois en vessies. Allez donc au grat, correcteurs ingrats, &
+vous gratez le cul au soleil; puis succez vos ongles. Ça ici, bons amis
+du coeur, gens dociles, qui savourez le bien que dieu donne, voyez cette
+analogie d'harmonie parfaite. Si quelqu'un ne prend plaisir à ce banquet
+& aux beautés qu'il a produites, qu'il se fasse fouetter, comme fit
+celui qui s'adressa à madame la principale. Je vous prie d'écouter ce
+qu'en dit Ramus, qui fut son proche voisin. Paix là, paix; écoutez cet
+homme de bien.
+
+RAMUS. Près le collége du cardinal le Moine, de mon tems, & non si près,
+que ce ne fût aux fauxbourgs, une sage dame que tout le monde nommoit
+madame la principale, un mercredi matin qu'elle étoit à la porte assise,
+sans penser en mal, non plus qu'un autre: voici venir à elle un beau
+jeune homme habillé à la jésuite, ainsi qu'un écolier envoyé pour
+étudier. Il avoit une soutane. Soutane est un vétement; vétement est un
+accoutrement; accoutrement est dont on s'habille. Il étoit donc habillé
+d'une soutane. C'est comme nous eussions dit, de notre tems, _un saye_
+tout d'une venue. Je dis ceci, afin que vous trouviez ici la raison de
+tout; & notez qu'il est vrai que, de ce que vous desirez avoir la
+raison, sans faute vous la rencontrerez en ces mémoires. (Remarquez ce
+grand & admirable secret.) Si vous ne la rencontrez à votre intention,
+voici le remede; écrivez-la en un papier tant de fois, la corrigeant &
+racoûtrant, qu'elle vous plaise; & au soir, à soleil couchant,
+transcrivez-la, ou la faites transcrire en ce livre; & je vous assure
+que vous l'y trouverez au matin, si vous vivez: & que vous y regardiez,
+& que le livre soit encore en votre puissance, & que n'ayez perdu la
+vue, ou la mémoire. Et s'il y a encore quelque chose à dire, je le tiens
+pour dit, & c'est en quoi git l'admirable perfection de cette notre
+science universelle, mondaine & céleste.
+
+
+
+
+DESSEIN.
+
+
+XV. Mais à propos je m'ébahis comment, ô bon Gilandius, & me fâche qu'en
+Europe les chrétiens, même les bons catholiques, usent tant du vétement
+des Turcs, vu que nous ne voudrions pas être Turcs. Et ce qui me met en
+plus grand souci pour ces soutanes, est que tel habillement est devenu
+commun au grand préjudice des cocus, depuis que les braguettes ont été
+déclarées insupportables. Je me souviens qu'aux seconds troubles nous
+étions en garnison à la Charité. Etant en garde, s'il passoit un homme
+avec une braguette, nous l'appellions papiste, & la lui coupions:
+c'étoit mal fait, d'autant que sous tel signe, il y a de grands mysteres
+quelquefois cachés, vu que papiste peut signifier _pere de la foi_, ou
+_suivant la foi paternelle_. Je m'en repentis, & m'en allai à Cosne, où
+nous nous fîmes soldats derechef, & nous mîmes ès bandes catholiques. Il
+nous avint une autre cause de remords de conscience: c'est que, voyant
+ces ébraguettés, les disions huguenots. Notre bon ami Budée m'avisa de
+ce péché, m'instruisant que ce mot étoit grec, signifiant _heureusement
+reconnoissant_. En cette agitation, je m'en allai à Basle, dont je
+revins avec les jésuites, qui en apportoient cette invention. Je les
+laisse disputer avec Calvin, pour voir qui sait mieux entr'eux la
+religion du Turc, c'est-à dire, turcisme. O Suisses heureux! ne changez
+jamais de braguettes. Voyez, il ne faut que ce texte pour faire brûler
+beaucoup de pauvres gens. Ne changez point vos coutumes avec celles du
+Turc qui ne boit que de l'eau. Boire du vin, c'est être bon catholique.
+Y mettre trop d'eau, est se sentir de l'hérésie. Ne boire que de l'eau &
+avoir le vin en haine, est pure hérésie noyable, approchant de
+l'athéisme. N'en parlons plus. Mais vous, messieurs, qui avez femmes
+belles & friandes ou belles amies, defiez-vous de ces buveurs d'eau, &
+de ces gens qui ont la queue si longue, sous laquelle en liberté pend
+l'outil à faire la pauvreté.
+
+CESAR. Qu'est-ce que _faire la pauvreté_?
+
+RAMUS. Puisque je vous vois ententif, aussi éveillé qu'un chat qu'on
+fesse, vous le saurez. Toutefois je m'étonne, que vous, qui êtes Latin,
+ne le savez; & sur-tout vous, qui, entre les galans, savez mieux votre
+cour. J'ai pensé dire comme nos docteurs, votre _entregent_: mais il me
+sembleroit dire _entre-jambes_; tant cela est fat. Mais oyez: _Bipes
+facit damnum_, l'animal à deux pieds fait dommage. Onan en mourut
+célestement puni. _Quadrupes facit pauperium._ Venez un peu ici, hé!
+couilliacier de Papinian. L'animal à quatre pieds fait la pauvreté;
+c'est que, faisant la pauvreté, on a quatre pieds; on pratique le doux
+androgine, on fait la bête à deux dos; on fait le destin d'homme à
+femme; c'est faire la cause pourquoi, c'est exercer les bons membres;
+c'est être bonne personne, parce que nul n'est bon, & n'y a bonne
+personne, que celle qui, se faisant du bien, en fait à un autre. Il y a,
+_Fac benè, & benè tibi erit_. Et bien, voilà alléguer la loi, comme un
+beau petit licencié de l'antechrist. Si, nous autres doctes, n'avons que
+faire de noter le titre, ni le paragrafe, c'est à ces petits écoliers,
+qui ne font que venir, & tous nouveaux commencent à briller.
+
+SEVOLA. Cet écolier ensoutané vouloit-il faire la pauvreté avec la
+principale?
+
+CARPENTIER. C'est bien au rebours. Quand il l'eut profondément saluée,
+(ainsi on salue les dames; & les hommes, on les salue longuement &
+directement, &, _à contrario, quia_) elle, lui rendant son salut, lui
+dit: treves de chapeau, Monsieur; mettez dessus. Il repart: treves de
+fesses, Madame, tenez-vous ferme. Ainsi les hommes saluent du chapeau; &
+les dames saluent du cul.
+
+RAMUS. Poursuis, garçon.
+
+CARPENTIER. Ayant mutuellement achevé la salutation, il lui dit qu'il
+desiroit parler à elle, s'il lui plaisoit. Elle le mene en sa chambre,
+où ils s'asséent, & il dit: Madame, étant trébuché en extrémité de
+creuse dévotion, j'ai bonne envie d'être fouetté, réellement & de fait,
+par quinze matinées consécutives. S'il vous plaît me faire ce bien d'en
+prendre la peine, je vous donnerai douze beaux écus, & un écu pour les
+verges. Elle répond: Monsieur, excusez-moi, s'il vous plaît; je ne me
+connois point en fouetterie. A donc ce jeune ensénovillé gracieusement
+se retire. Oh! combien il y a d'écoliers, qui voudroient que fesserie
+fût éteinte, & que l'on n'en parlât non plus que de nôces en paradis. La
+dame, revenue à sa porte, fut enquise, par une voisine curieuse, de
+l'intention de ce beau fils, à laquelle la principale le déclara. O, ma
+voisine! dit l'autre, que ne me l'avez-vous adressé! Il le faut
+appeller. Huguette, (c'étoit sa servante) allez après, lui dit la
+principale. On cria après lui, à la mode des marchands de Paris:
+Monsieur, Monsieur! Il revint, & demanda à la dame si elle s'étoit
+ravisée. Non, dit-elle, mais voici ma commere Laurence, qui vous rendra
+content. Elle les mit ensemble; & ils allerent chez elle, à l'enseigne
+de la coquille, faire leur marché; & depuis il vint, tous les jours,
+être fouetté demi-heure; & ce, à sept heures du matin, qui est une heure
+fort commode à se faire fouetter; je vous en avise. Laurence, le
+trouvant gras & frais, eût bien voulu qu'il l'eût fouettée de verges de
+Saint-Benoît, dont il ne faut qu'un brin pour faire une poignée. Le tems
+& la fesserie accomplie, le fessé paya fort bien la fesseuse, & s'en
+alla. La bonne dame, à ce qu'elle disoit, en s'en délayant les
+badigoinces, eût bien voulu avoir souvent de telles pratiques: aussi
+étoit-elle de nos soeurs, faisant souvent plaisir aux amis; & faisoit
+exercer, comme dit Plaute, le proverbe de tantôt: _fac benè, & benè tibi
+erit_. Fais le bien, & il te fera grand bien. Ce sont de belles choses.
+Belles, si vous le savez, taisez-vous: si vous ne le savez, laissez-nous
+faire; nous vous l'apprendrons. Or Laurence ne faisoit pas l'amour; (il
+est tout fait; apprenez, jeunesse) mais elle pratiquoit les jeux d'amour
+avec un moine de Saint-Denis, qu'elle aimoit de bon foie, de bon coeur,
+(laissons le nom) de bonne cuisse, & de bon ventre. La coutume en étoit
+pour lors, parce que c'étoit durant les guerres, devant ou après; (il ne
+faut pas être si exact en tems, si ce n'est aux contracts, & sur-tout
+entre faussaires) & puis à Saint-Denis ils étoient tous gentilshommes;
+parquoi toutes bonnes conditions leur étoient permises; même ils les
+autorisoient: ce qui ne peut être, depuis, à ce qu'on m'a conté, qu'il y
+en est entré qui sentent l'aune, le marc, le mortier, & autres telles
+ustensiles roturieres, qui est cause qu'ils sont sujets à la loi
+commune, puis qu'ils sont enfans de personnes communes, _in utroque
+genere_. Or bien son ami frere Ambroise (dont on chante: _vous avez bû
+la cervoise, frere Ambroise, dont vous êtes enivré_) lui envoya sa
+haquenée. J'ai quasi dit _son haquené_, d'autant que son fils représente
+sa personne. La bonne Laurence monta dessus, en bonne intention de lui
+aller apprêter un bouillon. Aussi falloit-il restaurer le pauvre
+religieux qui étoit infirme, ayant une forte colique dans le ventre, ou
+dans la tête. Elle s'achemine. Et ainsi qu'elle est dans cette forêt de
+moulins à vent, voici sur la brune son fessé avec sa soutane, qui lui
+vint à la rencontre: & sur cela belle chose & grande pitié. Pleurez,
+vieille, pleurez: mais non faites; d'autant qu'il n'y a point de rime
+sur vieille; & j'en dépite tous les poëtes, fussent-ils autant savans
+que _chose_. Pleurez donc, & chiez bien des yeux; vous en pisserez
+moins. Cet homme, qui avoit eu la fessée au prix de son argent, vint à
+elle, & lui dit: mettez pied à terre; &, lui faisant la révérence de
+basse taille, avec un visage déchiqueté de mines remontrantes,
+passementé de rides de répréhensions, la prit & l'empoigne, & s'assit
+sur une pierre du chemin, la met sur son genouil le cul à mont, la
+trousse comme une petite fille qui va à l'école chez un montreux, & la
+fesse à nud avec de bonnes & sanglantes verges sur son cul de derriere.
+Elle n'en vit rien; & cette action lui repoussa fort & ferme le
+fondement. La haquenée, toute ébahie, regardoit si on lui en feroit
+autant, pour la passer maîtresse, comme le cheval de Rabelais fut passé
+docteur à Orange, sous le nom de _Joannes Cavallus_. Après la fessade
+accomplie, le jeune homme remit madame Laurence sur sa bête, à laquelle
+tournant la tête vers la ville, il la renvoya & tout le paquet à la
+ville, recommandant l'ame de Laurence à sa bonne grace. La pauvrette
+revint avec grande frayeur, & se mit au lit, où elle ne fut que cinq
+jours, finis lesquels elle mourut comme une vache qui trépasse.
+
+CESAR. Hé quelle fessée! Quel appliqueur de stigmates sensuels! O diable
+si cela me plairoit; j'aimerois mieux que tels
+fouetteurs-fouettés-fouettant, attendissent à naître après le jugement.
+
+CARPENTIER. Or le fouetté-fouettard conduisit sa fouettée de belles
+bénédictions, en lui disant: adieu, ma douce amie; ci-après soyez sage.
+Bienheureuses sont les personnes bien fouettantes, & bien fouettées.
+Voilà comme la pauvre Laurence a changé d'air; & avint, à sa mort, une
+merveille notable, une chose émerveilleuse. C'est que son ame sortit de
+son corps par l'endroit proportionnel & semblable à celui par lequel
+toutes les autres ames s'en vont.
+
+ESOPE. Que faisoit la haquenée, tandis qu'on fessoit la dame?
+
+RAMUS. L'as-tu pas ouï? Elle chioit de male rage de peur; & fiantoit si
+sec, que ses étrons devinrent étuis de lunettes, pour ceux qui ont
+courte haleine: mais un petit bout de patience. Messieurs les
+théologiens, dites-moi, si vous savez tous, qui étoit ce
+fouetté-fouettant. Vous en savez autant les uns que les autres. Vous
+hésitez, parce qu'il rendoit la pareille pour néant contre vos maximes:
+rien pour rien, tout pour argent. A dire vrai, (& je l'ai appris du
+grand vicaire du pape Jacques sixieme) que c'étoit un bon & magnanime
+pénitent, l'un de ceux qui (par dispense spéciale, comme dit le docte
+St. Antonin, lequel sortit de purgatoire, pour faire bien à quelques
+ames extravagantes. Si vous n'admettez cela, je dirai que c'étoit un
+vrai diable) s'en vint trouver proie, la goule enfarinée de bresil, se
+connoissant en parchemin; & parce que cettui-ci n'étoit pas vierge, il
+le courroya, ainsi que sera le vôtre, s'il y échet. Amen.
+
+
+
+
+HOMÉLIE.
+
+
+XVI. CUJAS. Le parchemin peut bien mais de ceci; je m'en rapporte à la
+Nonnain, & ne le voudrois avancer, sans que ces méchans hérétiques en
+font le contenu au désavantage de la Religion: parquoi je le dirai au
+vrai pour leur fermer la bouche, & qu'ils soient punis s'ils disent
+autrement qu'il n'en est. Cette dame, par avis de connoissance, & pour
+savoir le plaisir qu'il y a, sans toutefois tendre à aucune volupté ou
+déshonnêteté, avoit voulu faire la pauvreté, & la fit moyennant un ami,
+à quoi il n'y a point de coulpe, ainsi qu'elle m'a dit, d'autant qu'elle
+ne s'y étoit obligée, ni par serment, ni par notaire, ni prêtre, ni
+ministre. Aussi c'est un grand fait, que depuis qu'un fou de prêtre, ou
+un étourdi de ministre, ont donné congé à deux personnes, ils le font à
+gogo; mais le diable y est, pour autant que les pauvres mariés le font
+par contract; ils y sont obligés: & les autres le font par plaisir, sans
+être sujets à la loi, en quoi gît tout contentement. L'abbesse, un jour,
+s'appercevant que cette nonnain venoit à quatre pieds au choeur, la prit
+à part, & lui remontra, la censurant améro-doucement, comme font les
+capucins, qui en cela imitent les ministres de Genève, qui épluchent à
+leur mercuriale qu'ils font le jeudi prochain des quatre-temps, & puis
+vont banqueter ensemble. Soeur Dronice, qui ne voulut point être tancée
+pour avoir bien fait, lui dit humblement: madame, pardonnez-moi; je ne
+pense pas avoir failli. J'ai lu au grand livre de parchemin: _bonum est
+omnia scire_, il est bon de tout savoir. O, ma fille, il falloit tourner
+le feuillet, vous eussiez trouvé: _& non uti_, & n'en faut pas user.
+S'il eût été usé je n'en eusse pu travailler. Madame ma chere mere,
+excusez-moi, s'il vous plaît; quand je serai de votre âge, je tournerai
+le feuillet.
+
+SOLON. Puisqu'elle n'avoit point gâté son fruit, il la falloit louer. Si
+jamais je fais des loix, je me joindrai avec notre ami Lycurgus, &
+promulguerai cette-ci: _Toute fille qui aura fait un enfant à crédit,
+sera dotée aux dépens de la ville_.
+
+PLUTARQUE. Si cela est reçu, on aura de beaux enfans, que les meres
+feront à la dérobée; & les meres seront conservées; au contraire que,
+selon qu'il avient souvent par sotte & maudite cruauté, les meres tuent
+leurs enfans, puis sont justement punies, faute de bonnes loix.
+
+DENIS. Le diantre emporte qui en ment, disoit Janot à sa mere.
+
+PLUTARQUE. Je vous assure que j'ai ainsi ouï parler, & l'ai mis en mes
+apophtegmes françois, & bien d'autres de ces menues réponses. Sa mere,
+disputant, un jour, avec lui, & par dépit de quelque mauvais ménage, lui
+reprocha sa femme, lui disant qu'elle étoit putain. Hau, ma mere,
+dit-il, laissez-là ma femme, je vous prie; parlez de vous. Il est vrai
+que, comme on lui dit que sa mere très-malade, se mouroit, il courut
+l'assister plutôt que sa femme; &, comme on lui en disoit quelque chose:
+otto o, dit-il, si je perds ma mere, je n'en pourrai retrouver une
+autre; & si ma femme meurt, j'en trouverai assez d'autres. Sa mere étant
+relevée, & devisant, avec sa voisine, du secours que lui avoit apporté
+son fils, le vit venir, elle va dire: le voilà qui vient, ce grand
+maladroit; mais avisez un peu comme il marche, ce grand fils de putain.
+
+POLIPHILE. Un jour, il m'en avint autant. Ma mere étoit fâchée contre
+moi, & me voulut fesser; je résistai; elle me dit: tu en auras une autre
+fois, petit fils de putain. Mon pere me trouva tout pleurant; & je lui
+en dis la cause. Va lui dire, ce me dit-il, qu'elle est une sotte. Elle
+me répondit, aussi-tôt que je le lui eus dit: va dire à ton pere qu'il
+est un cocu. En même tems, un petit garçon de Paris appella un autre,
+fils de putain, qui s'en prit à pleurer, & le vint dire à sa mere, qui
+lui dit: que ne lui as-tu dit qu'il avoit menti? Et que savois-je,
+dit-il? Ainsi parloit le curé de Saint-Denis, un dimanche, à son prône;
+il exhortoit tout le monde, & dit aux dames: quant à vous autres, mes
+bonnes paroissiennes, je vous reconnois pour femmes de bien; mais vos
+enfans sont de mauvais fils de putains.
+
+
+
+
+JOURNAL.
+
+
+XVII. COMINES. A ce propos; une après-dînée, la reine d'Egypte étoit à
+deviser, en sa chambre, avec quelques dames, sans autres personnes
+(c'est qu'il n'y avoit ni homme, ni prêtre, ni moine, ni ministre). Le
+seigneur de Danois se présenta pour entrer. Comme il eut vu qu'il n'y
+avoit point d'homme, il se retira. La reine, qui l'avoit apperçu,
+l'appella: ho, monsieur le grand prieur, entrez; vous y pouvez bien. Au
+commandement, il s'approche. Elle lui dit: nous étions sur le sujet des
+dames. Vraiment, madame, le sujet est unique en perfection. Mais qu'en
+dites-vous? Tout bien, madame. Et encore? Dites-nous-en, à bon escient,
+votre opinion. Puis qu'il vous plaît, madame, par la mordong, toutes les
+femmes sont putains. O, ho, dit la reine, & moi? A, ha, madame, vous
+êtes la reine. Et votre mere? Madame, ne parlons point des trépassés.
+
+BRUTUS. Comment vous parlez au désavantage des dames?
+
+COMINES. Point, d'autant que cela ne les touche aucunement. Mais à
+savoir, s'il y a honte, ou non? Je pense que non. Si quelqu'un nommoit
+une dame boiteau de foin, lui feroit-on autant ou même tort, que de
+l'appeller putain?
+
+BRUTUS. Il n'y a point d'apparence.
+
+COMINES. Et si c'est une même chose, que direz-vous?
+
+BRUTUS. Je ne sais.
+
+COMINES. La nuit passée, il y eut un moine dru, gai & gaillard, qui fut
+surpris avec une garce. J'ai quasi dit avec une _grace_; il n'y a que
+transposition de lettres. Il s'étoit ébattu avec elle, _cum commento_, &
+la sauce. Ses supérieurs lui remontrent qu'il avoit offensé. En
+s'excusant, il démontra que non, disant qu'il étoit, selon la pauvreté
+de l'ordre, couché sur un boiteau de foin: _quia omnis caro foenum_,
+parce que toute chair est foin. Concluez.
+
+GUIDO. Je pensois que vous voulussiez donner jusques à St. Denis, &
+parler de frere Jérôme, qui cherchoit la pierre à casser les oeufs.
+
+ALAIN. Qu'est-ce à dire!
+
+VIVES. Vous le saurez tantôt. Ce moine, pour le dire plus gaiement,
+cherchoit la pierre philosophale, & étoit Parisien. Et de fait, j'ai été
+en beaucoup de lieux & places du monde habitable philosophique, & je ne
+vis jamais en aucun endroit tant de Parisiens qu'à Paris. Et bien que,
+durant le grand jubilé, je visse beaucoup de Bretons à Rome, si n'en
+ai-je tant vu oncque en un monceau qu'en Bretagne. Ne fou déplaise, ô
+gros Thevet, bête de bon esprit, que tu étois sot, quand tu me dis qu'il
+n'y avoit point de contrée, où il y eût plus de vingt-quatre heures de
+jour, & que tu estimois que payennerie fut nationneté, comme tu dis en
+ton livre des portraits des Grecs, Latins & Payens! Ta révérende
+cervelle symbolise avec celle de messire Guillaume le Vermeil, quand tu
+dis en ton histoire qu'Anacréon s'étrangla d'un pepin, (comme il
+témoigne par ses écrits. Tu es un faiseur de parenthèse)! dont il mourut
+parenthésaquement au monde.
+
+THEVET. Je vous attraperai tantôt, maître rufian, qui faisiez semblant
+de me visiter; mais c'étoit pour, en mon absence, travailler ma jeune
+chambriere.
+
+BRUTUS. Que tu dis de sottises! Ne saurois-tu lui dire autrement? Il
+t'est avis que tu dis bien, d'avoir parlé de travailler, comme la
+derniere fois que nous étions avec le feu roi notre maître. Tu voyois un
+grand viédase d'évêque sur un beau cheval, & l'ayant considéré, le nous
+vins dire: voilà un homme qui besongne mal, pour dire _il chevauche
+mal_.
+
+VIVES. Laissons cela; nous le dirons au roi. Or frere Jérôme, cherchant
+la pierre philosophale, que sans doute on trouvera ici. (Et ce que je
+vous dis est vrai; & s'il n'est vrai, je puisse mourir devant toute la
+compagnie, demeurant aussi sain & sauf que je fus jamais, ainsi que
+Georget notre métayer, à qui son compere dit: je sui mau de toi. Et que
+te faut-il? On dit que tu couches o ma femme. Pardai, Jean mon ami,
+mordienne, ils sont menteurs. Que je passe monter sur iquent hesne, &
+que j'en tombe de branque en branque, que je me rompe le cou sans m'y
+faire mau, si je toque en pus que tai. A de pardi, alin bere, compere,
+alin bere).
+
+
+
+
+MAPPE-MONDE.
+
+
+XVIII. Or frere Jérôme avoit consumé plus de trente ans à sa recherche,
+& n'en avoit rien rapporté. J'en crois le Vigénere, qui n'en a pas fait
+moins. C'est lui qui m'a fait ce conte; à quoi il ne songe pas à cette
+heure, tant il est jaloux. Le voilà avec Postel, à fripper quelque vieil
+haillon d'histoire, pour accommoder sa pierre. Les parens du frere
+Jérôme, voyant qu'il se consumoit mal à propos, délibérerent ensemble de
+lui en faire quelque gracieuse remontrance (non pas si grasse, que la
+faveur de la vieille, à laquelle on avoit dit qu'il falloit graisser les
+mains de son avocat; & elle, le prenant par derriere, lui ondoyoit les
+mains avec une piece de lard, ainsi qu'il avoit les mains sur les reins.
+Le bon homme, se revirant, lui dit: que me faites-vous, ma mie? On m'a
+dit, monsieur, que je devois vous graisser les mains. Ha, pauvre bonne
+femme, ce n'est pas dit quelle graisse). La conclusion prise, pour
+tâcher à le détourner de telles follies, un des plus notables parens eut
+charge de l'aller inviter, lequel le moine lui promit, moyennant la
+commodité de monsieur son fourneau, qu'ils nomment _athanor_, dont les
+fous alquemistes font un grand Achilles, ayant trouvé en Néhémie ce mot
+_Athanorum_, i. des fourneaux. Voilà une des gloses des chymistes, dont
+la secte est la plus jolie du monde, parce qu'à leur dire, & entr'eux,
+il n'y en a pas qui sache; ils se tiennent tous pour bêtes au spécial, &
+n'en estiment aucun, qui, au jugement des autres, ne soit un ignorant:
+mais s'il y en a quelqu'un qui se laisse mourir, le voilà, par leur
+jugement, aussi-tôt canonisé. O, diront-ils, grande perte! S'il eût
+encore vécu quinze jours, trois heures & dix-sept minutes, il eût achevé
+l'oeuvre, que j'acheverai, d'autant que j'ai son secret. Mais le
+principal est de dîner; à quoi faire, vint à Paris le frere, qui s'y
+transporta sans oublier son bon appétit. Il trouva bonne compagnie, qui
+fit bonne chere. Après dîner, selon l'avis pris, vint à lui une dame
+choisie entre celles qui ont été dépucelées sur le tard de leur âge.
+Telles sont plus sages & meures, parce qu'elles n'ont tant été, ni sitôt
+hochées; elles en sont plus fermes. Adonc la sage vieille, prenant la
+main charbonneuse de frere Jérôme, lui dit: monsieur mon cousin, la
+pitié que nous avons de vous voir décheoir, non-seulement de commodités,
+mais aussi d'honneur, vu le mépris auquel vous gisez par vos
+déportemens, est cause que nous nous sommes assemblés; & nous vous avons
+appellé ici, pour vous dire notre ennui, vous priant de vous reconnoître
+& penser à vous, & au lieu dont vous êtes sorti. Vous êtes en âge d'être
+sage; faites paroître que vous l'êtes, prétendant à choses dignes de
+vous. Que cuidez-vous, pour devenir si riche? Quand bien cela
+aviendroit, que vinssiez à bout de votre philosopherie, vous devez être
+content, vous avez le viton & le vetiton, sans en rechercher davantage
+par cette arquemine. Il ne lui laissa pas achever, qu'il lui dit: madame
+ma bonne cousine, je vous prie ne passer outre; je ne m'y amuserai plus
+gueres; j'ai presque fait: mais il faut achever; je suis sur le point.
+Ne pensez pas pourtant que je cherche ce grand bien, pour être riche; je
+suis assez content d'avoir le _victum_ & le _vestitum_: mais sachez, ô
+bienheureuse cousine, si vous le voyez, que, quand j'aurai fait cette
+divine oeuvre, j'aurai une belle poudre, de laquelle je prendrai, au
+soir, ou au matin, un seul petit grain, avec de la conserve de roses; &
+je le ferai sept coups.
+
+
+
+
+MÉTAPHRASE.
+
+
+XIX. Dis que tu en as, grand chemise: & moine de rire, & de conter que
+l'hiver passé, que la Seine chariote, un fauconnier venoit de la chasse,
+avec son valet, qui l'avoit fâché; & il le vouloit battre: quand ils
+eurent mis pied à terre, il y parut. Le maître prit une fourche, pour
+plauder son serviteur, qui, n'en étant pas d'accord, s'enfuit & se jetta
+en la riviere, qu'il passa à la nage; puis étant delà l'eau, le poulce
+contre la joue, la main en aîle, fit la quine-mine à son maître, lui
+criant tout haut: j'en savois bien d'autres. Et, là, là, _mundus, caro,
+dæmonia_, le monde n'a cure de moines.
+
+CUJAS. Cette belle haquenée de bran nous a fait perdre la pierre à
+casser les oeufs.
+
+VIVES. Non, ha non, j'y suis. Il y avoit, près Saint-Yves, un jeune
+gentilhomme logé en chambre garnie, seul en sa chambre. Et ceci avint,
+durant qu'il y avoit grand débat entre les moines & les ministres, pour
+décider, qui étoit le mieux dit: _c'est demi-vie que d'être saoul_: ou,
+_c'est demi-vie que de rire_; sur quoi ils se confondoient comme
+hérétiques. Ce jeune homme, qui ne se soucioit pas beaucoup de ces
+débats de théologie, jetta l'oeil sur la servante, qui étoit une assez
+belle connaude, mais un peu nice. Il parloit souvent à elle assez
+froidement & discrétement. Entr'autres, un jour, il lui dit: vous êtes
+des champs, ma mie? Voire, monsieur. Je m'en doutois bien: je ne laisse
+pas de vous aimer, autant que si vous étiez de la ville, vous voyant si
+bonne fille & si bonne ménagere. En dà, monsieur, je vous en rends
+graces. Or, ma mie, parce que je vous aime, & que vous nous servez bien,
+je vous veux avertir, pour votre grand profit, qu'il y a un certain mal
+qui prend aux filles des champs, quand elles viennent demeurer en la
+ville: c'est qu'il leur croît dans le ventre de petits oeufs, qui y
+grossissent & se durcissent; & puis il faut que les pauvres filles
+montrent leur derriere au barbier. Je serois marri que cela vous avînt.
+Il n'aviendra pas pourtant, si vous me voulez croire. Je ferai quelque
+chose pour vous; & il est tems d'y commencer: je vois, à votre teint,
+qu'il y en a déjà. Ardé, monsieur, je vous suis bien attenue; il est
+bien vrai que je ne me porte pas bien; je ne suis pas en mon naturel. Je
+vous donnerai demain quelque chose. Le matin venu, qu'elle vint en sa
+chambre, il lui donna une cueillerée d'hypocras blanc, qu'elle savoura,
+& lui dit qu'elle allât & vînt par le ménage, puis qu'elle déjeûnât d'un
+peu de pain sec. Cela fut continué, deux ou trois jours. Un matin que
+madame n'y étoit pas, il prit cette fille; & riant doucement, il la posa
+contre le lit, comme pour lui regarder en la bouche. Hélas! monsieur que
+voulez-vous faire? Je ne vous ferai point de mal; je veux vous casser un
+oeuf, qui est prêt de se durcir. Elle se laissa faire & lui fit
+céleques; il lui mit chair vive en chair vive.
+
+CUJAS. Mais encore, ô bon Lycurgus, est-ce péché de mettre chair vive en
+chair vive?
+
+LYCURGUS. Non, quand ce n'est point contre les loix écrites. Si vous
+mettez votre nez en mon cul, ce sera chair vive en chair vive; c'est
+auprès de la merde.
+
+VIVES. Le gentilhomme acheva ce qui n'étoit point commencé: aussi ne
+sauroit-on besongner une pucelle, parce que l'on ne sauroit mettre si
+peu avant, que ce ne soit achevé. Elle s'en trouva fort bien, sinon
+qu'il lui cuisoit un petit; & non tant, qu'elle ne fût contente d'y
+retourner, tellement qu'en dépit qu'elle vouloit bien, il lui cassoit
+souvent des oeufs au corps, au grand plaisir de la fille, qui eût voulu
+en avoir autant en une ventrée, que l'on eût pu en casser en cent ans,
+sans faire autre chose. Un jour que déja elle y étoit affriandée, &
+qu'elle avoit trop musé, sa maîtresse la tança, quand elle fut
+descendue, lui disant: vous êtes une affetée; vous faites quelque
+méchanceterie avec cet homme de là-haut. Ha, ha, becasse, babouine,
+qu'avez-vous tant fait là-haut? Rien autre chose, madame. Vous avez
+menti, vilaine. Ne vous déplaise, madame; c'est ce que je vous dis. Vous
+faites là-haut quelque rien qui vaille, avec cet homme. Hélas, madame,
+ma bonne maîtresse, vous avez grand tort; c'est le plus honnête homme du
+monde: il m'étoit venu des oeufs au ventre; & il me les a cassés. Quels
+oeufs sont-ce, vilaine, quels oeufs? O regardez, madame, s'il n'est pas
+vrai; tenez, je hausse ma chemise; voyez-en le devant, qui est tout
+mouillé de la glaire qui en est sortie, quand il les cassoit.
+
+TERENCE. Sa maîtresse ne lui fit rien?
+
+GUIDO. Et que lui eût-elle fait? Elle la devoit tuer, voire donc sans
+qu'il y parût.
+
+TERENCE. Comment ce feroit cela?
+
+GUIDO. Mon ami, si tu veux faire mourir une personne, sans qu'il y
+paroisse, souffle lui si fort par le cul, que l'ame s'en aille par la
+bouche.
+
+TITE-LIVE. Par Ædepol, voilà de belles nouveautés.
+
+
+
+
+PARAGRAPHE.
+
+
+XX. Davantage, il y a je ne sais quelle sorte de bouts d'hommes, ayant
+les ames mal préparées à ces enseignemens, lesquels ont de petites
+putains de fantaisies, qui les empêchent de voir & entendre. Tels
+diront, comme faisoit hier un maquereau de l'antechrist: je ne sais que
+trouver ici de nouveau. Je savois bien cela; je l'ai vu autre part; je
+l'avois ouï dire. Pauvre défoncé d'entendement, avalé de la brague de
+raison, déchaussé de cervelle jusques aux talons, fou métropolitain,
+penses-tu pouvoir proférer quelque indiscrétion contre ce code de toute
+vérité? Ne sais-tu point que ceci est proportionnellement établi plus de
+cinq cents ans avant la création du monde? Te voilà au rouet: tu
+n'entens pas ce problême. Aussi ne font plus sages que toi. Et encore tu
+oses gronder, hérétique que tu es! Es-tu plus que le roi, qui sait bien
+que, quand ce volume ne seroit point conféré au public, il ne lairroit
+d'être écrit dans les ames des doctes, gravés dans les coeurs des
+savans, imprimés dans les consciences des gens de bien, insculpé ès
+esprits curieux, & mis au net dans les entendemens des bonnes personnes,
+selon la minute qui en fut brochée par les premiers peres. De là avient
+que, quand qui que ce soit s'est immiscé, mettroit, ou se mettra en
+avant à faire quelque chose de bon, il se trouvera tiré & extrait, ou
+puisé de cette source abondante en bénédictions de fontaine doctorale.
+Croyez-le, si vous voulez: ou ne le croyez pas; si est-ce qu'il est bien
+aisé de le croire, d'autant que vous croyez des choses de plus difficile
+croyance. Vous croyez fort aisément que vous êtes habile personne; &
+possible votre voisin croit le contraire, & que vous êtes une bête de
+haute graisse en dépit du carême. Mais avisez à un conseil que je vous
+donne, pour paroître en perfection de finesse. N'allez jamais dîner chez
+ces seigneurs, où madame dîne à part, d'autant qu'il y a là des maîtres
+d'hôtel du Levant. Ce sont Turcs; ils veulent faire mourir de faim les
+Chrétiens; ils vont vîte en besogne. Otez-vous de-là; vous n'auriez pas
+le loisir de refaire votre nez. Quand je m'y trouve, afin d'empêcher
+cette levée de plats, je demande à boire à quatre ou cinq tout à la
+fois. Ceux-là ne peuvent aider à lever, ainsi j'en attrape; puis je me
+venge sur le vin. Je ne parle pas de ceux qui ne soupent point. Il fait
+bon avec eux à dîner: attachez là votre âne; faites-y bonne chere; puis,
+après dîner, faites bonne mine: tenez-vous roide sur le devant, comme
+une chevre qui pisse. Or, mes chers amis que j'aime de toute ma
+fressure, si vous avez affaire de quelque sujet, cherchez-le ici; & ne
+vous chaille des autres. Vivons & buvons, selon nos mérites. Il ne nous
+faudra point de bésicles sur les oreilles, pour nous détourner le rhume;
+ni de cotton dans le nez, pour l'empêcher.
+
+
+
+
+OCCASION.
+
+
+XXI. Un jour, Denost dînoit avec son prélat. On commença à proposer. Il
+y avoit une belle langue de carpe, que monsieur donna à Denost & à son
+prochain assis; & dit: je vous la donne à tous deux. Denost dit à
+l'autre: Cornu, jouons à croix ou à pile, qui l'aura. C'est bien dit,
+dit Cornu; il ne faut pas la diviser. Denost tire un douzain, & dit: que
+prens-tu, Cornu? Cornu dit: je prens la croix. Et l'autre dit: & moi la
+langue; & la mangea. Un médecin, qui étoit de ceux qui savent tout,
+considéroit cet homme qui avoit le nez fort rouge; & comme il eut divisé
+avantageusement de sa science, Denost va dire à ce médecin: monsieur,
+vous qui êtes si expert, me feriez-vous bien partir ces rougeurs que
+j'ai au visage & au nez? Oui dà, monsieur: j'en ai bien effacé de plus
+maculées. Et combien me demanderiez-vous, pour ce faire? Deux cents
+écus. Par le saint sabre du castud, vous êtes un affronteur, monsieur le
+docteur. Vous ne sauriez pour si peu, d'autant qu'il m'en a coûté plus
+de mille, à le rendre ainsi de haute couleur. Ecrivez ceci, vous autres
+petits écoliers, en parchemin vierge.
+
+GALIEN. C'est une pitié que d'être tant de monde; on se ravit le propos
+de la bouche les uns des autres? Tantôt on en parloit, & on me le fait
+oublier: mais encore, sur le renouement de propos, qu'est-ce que vierge?
+
+CORDUS. _Virgo est puella intacta_, vierge est une fille à qui on n'a
+rien fait; mot à mot, une fille non touchée.
+
+GALIEN. Ha, ha, hé, appelez-vous cela _intacta_? Une dame de Blois ne
+l'entendoit pas ainsi. On parloit d'un sien cousin qui étoit décédé, &
+sa femme étoit demeurée _intacta_. Cette femme l'ouit, & dit que ceux
+qui le disoient avoient menti; que son cousin n'étoit point ladre; qu'il
+ne tenoit point du tactac.
+
+HYPOCRATE. Venez çà, beaux conteux. S'il avoit neigé un demi-pied
+d'épais, & qu'à l'autre côté de la cour, sous ce relais, il y eût une
+pucelle qu'il vous fallût amener ici, & la conduire huze à huze, comme
+monsieur de la Hunaudaye, & le roi, comment feriez-vous, afin que les
+pas de la pucelle ne parussent point?
+
+CORDUS. Je ferois comme fit l'autre.
+
+HYPOCRATE. Et quel autre?
+
+CORDUS. Fils baise cul.
+
+PINDARE. Cela vous est aussi bien employé, que fievre en corps de moine:
+c'est tout un. Je ne lairrai de vous dire ce que je ferois.
+
+VIVES. Et quoi?
+
+PINDARE. Je la dépucelerois toute vive, ainsi que fit notre valet à la
+fille de notre métayer. Revenue au soir avec ses moutons, fut tancée de
+ce qu'elle en avoit égaré un; & sa mere la voulant battre, lui dit! va,
+méchante, va chercher ton ouaille. La pauvre fille, qui ne savoit où la
+prendre, s'en alla pleurant, & se mit sous un arbre. Ainsi qu'elle
+musoit trop, sa mere dit au valet: Jean, va-t'en quérir cette fille; va.
+Il y alla, & la trouva; il lui dit: Michelle, reviens à la maison, ta
+mere le dit. Non ferai. Viens, viens. Aga, non ferai: je n'irai pas
+quand tu me devrois tuer. Si tu ne viens, je te tuerai. Je ne m'en
+soucie pas. Adonc il la prend, la renverse sur l'échine, lui écarquille
+les jambes, se jette sur elle, & lui fiche au bas du ventre son couteau
+naturel, & la tue de la douce mort. Or çà, dit-il, je disois bien: oh
+viens à cette heure. Non ferai. Et viens, Michelle, viens. Tue-moi donc
+encore un coup.
+
+VIVES. C'est donc ainsi que tu ferois? Si tu as bons reins, je le
+quitte.
+
+PINDARE. Ne sais-je pas faire de la poudre à grimper?
+
+HYPOCRATE. S'il est ainsi, tu serois propre à juger en hiver, qui sont
+les chênes mâles & femelles.
+
+PINDARE. Dis-moi comment cela, je te prie.
+
+HYPOCRATE. Quand il gélera le plus fort, mettez-vous tout nud contre un
+arbre; & si vous arsez contre, ce sera une femelle.
+
+PERION. Va, la gorge te coupe le col.
+
+
+
+
+PLUMITIF.
+
+
+XXII. A notre propos, ça vous qui parlez des pucelles, comment est-ce
+que vous connoîtriez si une fille est pucelle?
+
+PLINE. Puis que ces doctes se taisent, je parlerai aussi. Je le sais
+pour l'avoir appris en Chaldée, au voyage que je fis, du tems du pape
+Sixte, qui pria le roi de France de lui envoyer cinq ou six cents de ses
+quarante-cinq, avec une douzaine de druïdes, lesquels me reçurent avec
+eux, & allâmes en ambassade en la Chine, où nous vîmes ces hommes plus
+doctes. Il y en avoit un, qui étoit moult versé ès secrets. Il m'en
+conta, dont je n'avois onc ouï parler. Il m'enseigna le moyen de
+connoître les pucelles, de la même sorte que je l'ai démontré au premier
+médecin de la reine. Si vous le voulez savoir, prenez une fille bien
+faite, de quinze ans ou environ; mettez-la toute nue, & la faites tenir
+debout; &, vous mettant derriere elle, passez votre main gauche par
+entre ses jambes, & empoignez son cela, son con: (je m'ébahis puis qu'il
+est à une fille, qu'on ne dit, comme le Breton, qui prêchant disoit:
+sera cette semaine grand-fête de Mari-Marjolaine; qui, quand fut petite
+garcette, prêta son con; mais sera tant prié & ploré, que de dieu lui
+fut pardonné: faites ainsi, mes dames; & vous ferez très-bien pour votre
+salut.) Tenant ce con bien justement ferme & clos, vous avancerez votre
+main droite; & des deux premiers doigts vous ouvrirez le trou fignon, en
+éloignant les fesses, puis l'ouverture capable: soufflez de toute votre
+force; si d'aventure le vent passe outre, & que vous le sentiez à la
+main gauche, elle ne sera pas pucelle; autrement elle le sera. O gens de
+qualité, si vous ne mordez à ces intelligences, faites-vous bien
+aiguiser les dents. J'en sais le moyen, dit mondit seigneur l'évêque de
+Luçon, le bon prélat; il ne faut qu'envoyer quérir le faucheur du
+notaire de mon chapitre.
+
+
+
+
+PROBLÊME.
+
+
+XXIII. A ce mot de chapitre, chacun prêta l'oreille; sur quoi Simplicius
+dit tout haut: holà, messieurs, avant que passer outre, sachons que
+c'est que chapitre: oiseau, poisson ou bête.
+
+MADAME. Par mon ame, c'est bien dit. On en parle en diverses sortes. Je
+vous prie, cousin Zabarel, de nous l'enseigner. Adonc il empoigna la
+parole, & dit: chapitre est un corps, non corps; un certain composé
+dissoluble en ses élémens, sans détraction d'aucun; chose merveilleuse,
+à cause de tant d'habitudes différentes & semblables, dont uniquement &
+multipliquement il subsiste, étant homogene distingué en ce qu'il
+contient, & en ce qui l'établit; une vraie arche de Noé, auquel elle
+symbolise incessamment; & ce qui le fait être cela dont il est composé,
+sont plusieurs têtes, oreilles, yeux & culs, sans quoi on n'auroit
+aucune séance. On m'a dit qu'il étoit avenu une grande aventure: c'est
+que, depuis quelque temps, il étoit échappé, comme le lievre de l'arche,
+un certain petit consistoire qui sortit du chapitre imperceptiblement,
+ainsi qu'un atome, & est devenu grand, ayant déja fait plusieurs enfans.
+Je parle d'un petit corpuscule nommé _consistoire_. Je n'entends pas
+proférer ce que je dis, de ce grand & unique consistoire pere des
+chapitres. Paix, ce dit monsieur de Luçon; vous vous jouez à un
+dangereux monstre. Ecoutez mon histoire: mais je suis bien sot; il faut
+que je boive. Voilà Multon, qui a été mon clerc, mes successeurs usent
+de secrétaires, d'autant qu'ils sont du monde; & nous n'en sommes plus:
+ce compere contera ce que je disois là. Multon dit: j'aime mieux me
+conserver, pour prêcher demain, s'il y échet. Or là, mon pelaud, dit; tu
+sais ce qui avint, _in illo tempore_. Voire, monsieur. Il y eut un
+pauvre qui ouit votre sermon, quand vous prêchâtes que qui auroit deux
+robes, qu'il en donnât une au pauvre. Le pauvre, tout consolé, vous
+oyoit avec une grande attention, étant merveilleusement aise. Après que
+vous fûtes retourné au logis, le pauvre vous vint voir, vous fit une
+ample & grande révérence, vous racontant qu'il avoit fort profité à
+votre exhortation, dont il se consoloit du tout. Je suis bien aise,
+dites-vous, mon fils, que vous soyez si bon chrétien. Mais, Monsieur,
+dit-il, vous avez dit que qui auroit deux robes, en donne une au pauvre;
+je vous supplie me donner la plus méchante que vous ayez. O, ho,
+dites-vous, as-tu été au commencement du sermon. Non, dit-il, Monsieur.
+Ha, ha, répliquâtes-vous, si vous eussiez été au commencement du sermon,
+vous eussiez oui, _in illo tempore_, c'est-à-dire, en ce temps-là. Je
+prêchois que cela se faisoit jadis, & non pour le présent. Vere, voilà
+bien débuté, c'est bien ce que je vous ai dit; c'est bien à propos
+d'aiguiser les dents, que male meule te puisse moudre. Ho, Monsieur, j'y
+suis: ne vous couroucez pas; il ne se faut fâcher qu'à bon escient.
+Acheve donc; va; je te le pardonne, pour tout ce que tu as dit. Le mulet
+de monsieur le président ne laissera de porter la buée à la riviere,
+tandis que monsieur sera au palais. Vous m'interrompez bien vraiment; je
+dirai, comme le bon homme Hauterove disoit, travaillant sa premiere
+femme: que j'enhane, ma mie! Je ne m'en ébahis pas, ce dit-elle; vous
+travaillez d'un méchant outil. J'en aurois bien un autre, si j'avois de
+l'argent. Oui? Et combien faudroit-il? Environ cent écus. Qu'il ne
+tienne pas à cela: je vous les baillerai demain. Quand il en eut ces
+écus, il va chez ses amis faire du feu & bonne chere, se rafraîchissant
+gaillard; puis s'en revint, & coucha avec sa femme qu'il traita bien.
+Ho, ho, dit-elle, mon ami; cettui-ci est aussi bon que celui que vous
+aviez, quand nous fûmes mariés. Mais, mon ami, qu'avez-vous fait de
+l'autre? Je l'ai jetté là, ma mie. En dà, vous avez eu grand tort; il
+eût été bon pour no'mere.
+
+MADAME. Je ne vis jamais tant sauter du coq à l'âne. Que ne
+poursuivez-vous le propos? Je vous jure, par la semelle du meilleur
+escarpin que je goûtai jamais, que ne vous commanderai jamais rien.
+Faut-il ainsi tergiverser à dire ce qu'un évêque vous commande de
+réciter?
+
+CICERON. Si j'eusse parlé, j'eusse été bien marri, si on m'eût
+interrompu.
+
+PERION. Il est nécessaire d'interrompre les prélats; par quoi on vous
+fait grand plaisir. Mais écoutez tout bas; & je vous dirai une notable
+raison, qui est dans le livre imprimé chez Eustache Vignon, intitulé:
+_des prélats_. Il est besoin & utile d'interrompre un prélat prêchant;
+parce qu'il lui faut beaucoup de temps à se préparer, pour se paillarder
+à bien dire. Taisez-vous tous, dit l'évêque: ce petit bon homme ne sait
+où il en est. Il faut que je déduise l'histoire de mon aiguiseur.
+
+CARDAN. Laissons-le un peu dire; nous oirons quelque chose d'excellent;
+d'autant qu'il est plein de belles & bonnes paroles, comme sa mule a le
+ventre farci de noix de muscades. Il ne l'entendit pas: autrement il lui
+eût sans doute passé le pied par l'épaule: mais étoit attentif à ce
+récit.
+
+
+
+
+ENSEIGNEMENT.
+
+
+XXIV. L'EVEQUE. Mon chapitre devoit, au jour de la solemnité S. Louis, à
+Rome. (Si ce n'est ainsi: c'est tout un, puis que le reste est vrai.
+Voilà le moyen de faire la barbe aux hérétiques, que d'accorder les
+textes. Dis que tu en as, huguenot: tu n'es qu'une bête, comme dit
+l'interprete d'Aristote, qui traduit, disant; _Aristoteles, au livre des
+bêtes_, parlant de l'homme & de la femme, dit, &c. Ce docteur étoit
+sursemé de doctrine comme une écrevisse de morsures de puces.) Mais que
+devoit mon chapitre, ma petite église représentative, mon épouse, qui
+toutefois est, comme je crois, adultere, d'autant qu'elle ne me
+reconnoît point, & que je n'ai que voir sur mes chanoines, encore que je
+les fasse tels? C'est un pur abus. Voilà, un jeune désirant me flattera
+pour être chanoine; il sera mon petit chien couchant. Est-il reçu
+chanoine, il ne me connoît plus; je n'ai que voir sur lui. Or bien, je
+leur pardonne ces priviléges. Mon chapitre donc devoit un certain
+service de conséquence, abondant & parfait; & le falloit expressément
+effectuer; (_perdonate mi_; je n'ose parler en termes épiscopaux, à
+cause de la compagnie, qu'il ne faut pas ennuyer) & le terme de ce
+service échéoit dans six ou sept jours, ainsi que la bulle le portoit.
+(Il y a quelque docte qui a lu, _traînoit long comme la gaîne d'une
+faux, ou l'étui d'une lance_. Foin, que l'on ne m'interrompe point: j'y
+vais assez: je souhaite, pour vous faire sages, que la premiere mouche
+qui vous piquera, soit un petit diablotin tout éclos de frais.) Et si,
+par fortune, selon les pactes & conditions, il fût manqué aucun de ce
+service, on eût emporté, comme par droit de régale, tout le revenu
+annuel de mes chanoines, le mien excepté, à cause des priviléges &
+saints abus, qui nous séparent de corps & de biens. O, ho, quoi
+taisez-vous; attendez; je n'entends pas du corps mystique. Comment?
+quoi, dà, quelque fripon mouleroit un benoît dévolu sur mon bénéfice, &
+me voilà constipé.
+
+CICERON. Quelle phrase de parler est ceci? O pauvre homme, si tu savois
+combien il y a de sortes de bénéfices, tu ne serois pas sitôt offensé.
+Sachez qu'il y a bénéfice papal ou ecclésiastique; bénéfice de prince;
+bénéfice d'inventaire; bénéfice d'âge, & bénéfice de ventre.
+
+L'EVÊQUE. Je ne veux pas être dépourvu. Je me veux tenir au gros du
+chêne, ainsi que fit le notaire du chapitre, qui, sachant cette affaire,
+la proposa en tems qu'il n'y avoit plus de remede. Les chanoines avisés
+de ce faire, on vit chapitre monologiquement troublé, & tellement
+étonné, que godronnant sa mine de toutes sortes d'opinions, ne sut que
+résoudre, sinon se proposer un jeûne d'un an. Quelques lirepons furent
+d'avis par dépit, pour obvier à tel mal ci-après, qu'on élût un
+contrôleur de chapitre, & que les chanoines y avisent. Comme le
+président conclut, voilà le notaire qui, avec une sainte & pieuse
+exclamation, va dire: voilà, certes, une belle conclusion de mes fesses!
+(Il leur fut avis qu'il avoit dit de _messieurs_.) Vous ne remédiez pas
+mal; c'est où il faut travailler, ou faire de repos pitances. (Je sus ce
+discours par mes commençaux, qui me rapportent tout, ainsi qu'on fait
+autre part.) Mais, messieurs, j'ai pensé un moyen pour vous sortir de
+peine. Vous savez que, dieu merci à dieu & à vous, j'ai là-bas une
+petite cassine, au bout de votre grande prée qui est sur la riviere,
+vis-à-vis des fenêtres du palais épiscopal. S'il vous plaît me donner le
+fonds de ce que pourra faucher en un jour un ouvrier que je vous
+présenterai, je vous rendrai quittes de ce que vous devez à Rome. Et si
+vous pensez que ce soit à petit semblant (ce que je ne voudrois
+commettre, en lieu tant saint, & membre spécifique du concile qui ne
+peut errer) je vous baillerai caution & plége de dix mille écus, sans le
+bien de notre femme, & c'est à cette heure qu'il se faut résoudre, ou
+tout quitter, vu que le temps presse. Ayant dit, il sortit; & messieurs
+les capitulans ayant symbolisé sur cette affaire, conclurent de le
+prendre au mot du guet, considérant que c'étoit le profit de la
+compagnie. Il y avoit une de mesdames les dignités, qui vouloit mettre
+empêchement. Même un jeune chanoine de sa faction dit tout haut:
+messieurs, il y a six ans que je suis chanoine, moi indigne comme les
+autres; mais je ne trouve pas de goût en cela. A la fin, après beaucoup
+de telles foutimasseries capitulaires, il fut résolu que l'on
+contracteroit avec le notaire, & que commissaires, pour cet effet,
+iroient faire l'accord: & afin (ô sainteté ample) que la postérité n'y
+trouve de l'inconvénient, il fut dit que la conclusion en seroit mise
+entre celles du chapitre tenu un mois devant, de peur de scandale & de
+honte; selon quoi, & non autrement, il est permis de faire des faussetés
+aux statuts & registres. Le tout accordé, fut passée prévarication, (je
+cuidois dire _procuration_; voilà comment les belles paroles nous
+croissent en la goule) & fut donné tout pouvoir audit notaire, pour bien
+& dûement faire le pénitent. Aussi-tôt ce notaire ne fut plus notaire au
+pays; il n'avoit que trois jours pour faire ce qu'il avoit promis; &
+délogea aussi vîte que la natte d'un passementier frais marié, allant
+train magnifique, comme la mule du pape. A quinze ou vingt jours de-là,
+revint le notaire aussi gai, petou résolu, comme une brebis tondue, & se
+vint présenter à chapitre avec bon & entier certificat de sa
+négociation. Et comme il avoit légitimement, profitablement &
+catholiquement accompli le tout, selon l'intention de la bulle, au
+profit des chanoines & davantage, pour éviter aux frais futurs, il avoit
+fait marché avec les _fratti ignoranti_, (je n'entends pas bien le grec)
+lesquels s'obligerent à toujours d'acquitter ce qui étoit équitable. Ce
+qui étant reconnu vrai (comme on le peut aviser, si on n'est autant
+aveuglé de visage que du cul) le mutuel contrat du chapitre & du notaire
+étant vérifié & calfeutré de toutes les façons nécessaires, il fut dit
+au notaire que, fénaisons étant venues, il auroit ce qu'il avoit acquis,
+le temps échu. Mes chanoines, (je ne sais s'ils sont à moi ou au diable;
+mais je les nomme tels, _honoris gratiâ_, pour conserver notre
+institution en dépit des hérétiques) me supplierent de leur prêter ma
+salle, pour, des fenêtres, avoir avec moi le plaisir du faucheur
+notorial en fénaison. Un lundi matin, qui étoit le jour abuté, nous
+étions tous à regarder, ayant déjeûné joyeusement de bonne buglose, le
+soleil étant assez haut, que le notaire vint sur le pré avec un petit
+homme ramassé, qui portoit sa faux en-dehors. (Il ne l'avoit pas comme
+mon métayer, qui, ayant sa main sur son col, & passant sur une planche,
+avisa un gros poisson, qu'il cuida frapper du bout de la lame de sa
+faux; pourquoi faire, il s'efforça de si grande roideur, que la faux lui
+trancha le cou, & la tête alla en bas, dont il se trouva
+merveilleusement étonné; aussi étoit-il temps, témoin le proverbe qui en
+fut fait, _il ne se faut point étonner, que l'on ne voie sa tête à bas
+ses pieds_. A, a, si ces docteurs fussent venus ici apprendre, ils
+eussent été bien plus savans: cette recherche vient de mon entendement;
+regardez mon doigt à mon front, considérez mon entendoire, & notez les
+signacles.) Le petit faucheur quarré étant arrivé, se mit à travailler.
+Il ne donnoit trait de faux qu'il n'abbatît un quart de chartée de foin
+ou plus, tant il s'étendoit: & qui plus est, il ne s'amusoit pas à
+battre sa faux; mais quand elle ne tranchoit point, il la passoit sur le
+long de ses dents, & cela faisoit frooooococ. Ainsi il gagnoit temps, si
+qu'en moins de dix heures, qu'il fut sans boire & sans manger, il faucha
+plus de la moitié de la prée. Le notaire voyant qu'il avoit plus de
+soixante arpens de fonds, le fit arrêter, lui présenta un flaccon plein
+de vin d'Orléans tenant quinze pintes, qu'il avala tout d'un trait, & le
+vaisseau après. Adonc le notaire lui mit un doublon d'Espagne & deux
+angelots d'Angleterre, & trois vieux écus François, avec un daler d'or,
+& trois moutons à la grande laine, six sicles d'or, & douze médailles
+antiques de fin argent tenant d'or & le renvoya. De-là en avant, le
+notaire a joui de la part de la prée, & ses héritiers après lui, le
+reste appartenant aux chanoines jusques à cejourd'hui, s'il n'y a faute
+au bréviaire. Le joli faucheur n'avoit pas tant d'outils que les autres,
+qui ont une grosse gaîne de bois, où ils mettent rafraîchir leur coux,
+comme un prépuce en une grille de couvent féminin. Voilà comment ce
+faucheur s'en alla gai & droit, sans tourner çà ne là, comme vous irez
+en paradis. Que si vous desirez savoir où il alla & qui il étoit, allez
+après, tandis qu'il fait beau.
+
+DEMOSTHENE. Voilà un brave notaire! Il entendoit les écritures.
+
+EUCLIDE. On parle tant de cette intelligence d'écritures: qu'est-ce que
+c'est?
+
+
+
+
+RÉSULTAT.
+
+
+XXV. En bonne dà, je ne sais si on ne le nous apprend. Voilà Toustat,
+qui en diroit bien quelque chose s'il vouloit; il a longuement travaillé
+à recouvrer la lumiere de vérité: il en a une pleine lanterne.
+
+BUDÉE. Je ne saurois ouir parler de lanterne, que je n'aie le coeur tout
+gai, à cause d'une que j'achetai l'année passée à la foire de Fontenai.
+Je ne fis pas un petit acquêt, d'autant que je crois qu'elle est demi
+sainte, vu le marchand qui me la vendit.
+
+CICERON. Dites-nous donc un peu cette aventure lanterniere.
+
+BUDÉE. Je le veux, à la charge que vous le tiendrez secret, parce que je
+suis un peu soupçonné de la huguenotteté; & que pour ceci, il pourroit
+avenir de la dispute entre nous & nos bons comperes les Suisses, qui
+veulent que cette affaire soit de leur pays, avenue en la paroisse du
+sieur Tarould de Vautravers, en la comté de Neuf-châtel. Le colonel
+Galati le racontant au roi, en juroit & affermoit la vérité, la
+protestant sur sa braguette: & moi je ne veux point de disputes; j'en
+parle au vrai. Il y avoit un certain M. de la Tour, ministre en ce
+Poitou, lequel, par hazard, comme le diable est subtil à séduire les
+enfans de dieu, ayant avisé une belle femme qui ne lui appartenoit pas,
+& qui avoit pere & mere, il la convoita, suivant l'intention du canon 17
+du 1174 concile, qui démontre que la fille d'autrui n'est point
+défendue: parquoi il la besogna toute vive. J'eusse pu dire: oublia son
+devoir & sa charge, si que induement, il l'accoutra naturellement,
+charnellement, & comme vous pourriez dire, individuement, pour l'instant
+de la conjonction réciproque & mutuelle; mais je hais ces paraphrases:
+il faut donner dedans; il commit adultere. Ce qu'étant connu du
+consistoire, il fut corrigé & averti fraternellement, dont il ne tint
+compte, parce qu'il continua tellement, que le scandale fut grand, & fut
+passé par les consistoires, puis par le synode, & enfin déposé, comme un
+pot en tas; & lors fut inventé le jeu _au ministre dépouillé_. La triste
+condition de M. Jacques de la Tour le mit presque au désespoir:
+toutefois il eut meilleur coeur. Il ne voulut pas se donner au diable
+après son âne, ni jetter le manche après les écourgées, comme font les
+petits garçons qui fouettent le sabot; mais s'avisa de trafiquer & faire
+profiter si peu d'argent qu'il avoit de ses commodités passées. Il se
+mit donc à faire la marchandise, & profitant un peu, il fut affriandé de
+venir aux foires. Ainsi il se trouva à celle de Fontenai, avec beaucoup
+de marchandises; & entr'autres grande quantité de lanternes. Nous y
+fûmes avec bonne & joyeuse troupe de gentilshommes du pays. Me
+promenant, j'apperçus ce marchand, & le considérai fort, parce qu'il
+m'étoit avis que je l'avois vu autre part. Je le dis aux autres, qui de
+même en pensoient comme moi. Ainsi que nous doutions, & le trouvions de
+bonne façon pour un lanternier, & que déja nous nous étions entredit
+qu'il ressembloit au ministre déposé, il s'apperçut que nous le
+regardions. Alors approchant, le Fouilloux lui demanda: mon maître, mon
+ami, n'êtes-vous point parent de ce ministre, qui fut déposé à l'autre
+synode à Adonques, sans s'émouvoir, il dit: c'est moi qui suis celui que
+vous dites. Et pourquoi? Et comment est-il avenu qu'aujourd'hui vous
+êtes marchand de lanternes? O, ho, dit il, & pourquoi non? Je vous les
+ai autrefois prêchées; maintenant je vous les vends. Cela fut cause que
+j'en achetai une, parce qu'elle venoit de telle main. Il ne se peut
+qu'elle ne soit ou ne devienne lanterne cabalistique ou archimistique.
+
+BADIUS. Tout beau! vous blasphémez en deux intentions. Ce grec vous
+trouble. _Cabalistique_ ou _cavalistique_ ne vient pas de cavalerie. Il
+ne faut donc pas parler d'ânerie qu'à propos. Davantage, il convient
+dire sobrement, discourant des lanternes, pource que lanterne se prend
+souvent pour lumiere ecclésiastique, comme grue pour évêque: témoin
+Cassander, en son recueil qu'il a fait des comparaisons, au titre _du
+moyen d'accorder les religions_, nommant le premier ministre de
+Strasbourg, _le grand lanternier d'ubiquité_.
+
+BUDÉE. Or vous parlez selon votre intelligence; & m'accusez bientôt:
+c'est ce froc qui vous échauffe. Si vous étiez mon ami, je dirois: qui
+vous rend impudent & intolérable. Et de fait, prenez le plus simple
+homme du monde, qui soit honteux, comme une fille de chambre qui a chié
+dans sa chemise; jettez-lui un froc sur les épaules? vous le verrez
+incontinent devenir hagard, hardi & effronté. Mais, ô l'ami, je vous
+épargne; la doctrine vous a civilisé.
+
+BADIUS. Puisqu'il est question de tout dire, à cause que nous sommes ici
+en vérité, comme ceux du monde sont en faux, il est nécessaire de
+confesser que vous avez raison; votre chevau baille.
+
+BUDÉE. Ha, ha, _chevau_; vous ai-je acheté pour me mordre? Or bien il y
+avoit, de mon tems, (vous savez que j'ai été nourri page au couvent de
+Cormeri) un personnage de Tours, qui nourrissoit un sien fils tant sage,
+humble, doux & retiré que merveilles. Il étoit sons cesse à genoux, &
+n'y avoit moyen de le distraire de sa dévotion. Son pere, qui l'aimoit,
+ne le vouloit aucunement contraindre; mais le gratifioit en tout.
+Parquoi, le voyant de ce naturel, à sa requête, (je dis de ce fils) il
+le mit moine chez nous. Il n'y fut pas deux mois & demi, trois jours &
+sept heures, qu'il ne devint pire qu'un diable. Il fut tout
+métamorphosé. Il frappoit l'un; il poussoit l'autre; chioit en notre
+chemin, pour nous faire tomber; vomissoit, pour nous décourager; petoit,
+pour nous faire rire; faisoit la grimace durant le service, pour nous
+faire rougir; se levoit tard, pour nous faire enrager; faisoit le rabas
+toute la nuit, pour faire miracle: bref il devint si insolent, que,
+contraints, & n'en pouvant venir à bout, en avertîmes le pere, qui le
+vint voir, & lui remontra sur ce qu'il avoit changé de vie, qui
+autrefois étoit tant douce & humble. Attendez, dit-il, mon pere; je
+reviens à vous. Il va prendre un mouton mignon, qui étoit au préau, &
+l'enveloppa de son froc: puis vint à son pere, & le lui montra. Ce
+mouton bondissoit, sautoit, faisoit l'enragé. Et bien, mon pere, que
+dites-vous de cela? J'étois jadis un mouton, comme celui-là; aujourd'hui
+j'ai le froc, qui me fait ainsi petiller. Et bon jour; pourvoyez-y.
+
+GORREUS. Vraiment, frere, ce discours m'a autant fait rire, que me fit
+ma lanterne intellectuelle, à propos de celle de notre ami; & croyez-moi
+que j'en ris de bon foie.
+
+FERNEL. Pourquoi d'aussi bon foie!
+
+GORREUS. Parce que, selon votre doctrine, au livre _de abditis rerum
+causis_, où vous deviez mettre _effectis_, d'autant que vous ne parlez
+aucunement des causes, mais des effets, il faut considérer cette belle
+vente de foie qui palpille imperceptiblement, & excite les mélodies de
+la joie, d'autant qu'il fait désirer le dîner, & le rire, étant les
+orgues de liesse. Partant, ayant le foie doucement relevé, je ris encore
+de ma lanterne, dont l'occasion fut. Je fais ce conte pour les pédans,
+afin que chacun trouve ici de quoi pour soi, & que tout le monde
+connoisse, & sache qu'il n'y a rien d'oublié, s'il n'est trop ceci ou
+cela.
+
+
+
+
+LIVRE DE RAISON.
+
+
+XXVI. J'enseignois, en ma maison, des jeunes gens, lesquels je faisois
+dégrossir par Glareau. Un jour, que ce précepteur n'y étoit pas, il
+avint que, sans y penser, je surpris ces enfans jouant. A l'instant
+qu'ils me virent, chacun d'eux s'en fut à son livre. Il y en eut un que
+je choisis, d'autant qu'il étoit Breton, & avoit jetté la vue sur son
+livre. Je lui dis: _quid agis? Studeo, domine. Quid? Lectionem._ Or çà,
+où est cette belle leçon? _In oratione pro Murenâ._ Voilà qui va bien:
+or sus, qu'est-ce à dire _Murena_? Il se leva, & tournant son bonnet sur
+les doigts, le rouloit, en songeant creux, comme une pinte bridée; il
+avoit les yeux jusques dedans l'intention. Je lui commandai de se tenir
+coi, & de répondre hardiment à cela. Il se tint joint comme une
+pantoufle neuve, écoutant si quelqu'un lui souffleroit au cul; comme de
+fait, il y en avoit un, qui, lui bourdonnant de loin, l'avertissoit, &
+lui disoit un mot qu'il ne pouvoit tout comprendre, il n'en oyoit qu'une
+syllabe, encore qu'il y apportât une ferme attention, pour l'unir au
+reste. Ce souffleur lui crioit tout bas: _une lamproie_. Là, dis-je,
+hardiment. Toujours prêtant l'oreille, il me dit, en coulant sa parole à
+corde avalée: _une lan_. Achevez, courage, dites assurément. Lors le
+pauvre petit, qui n'avoit pas l'intelligence plus aiguisée qu'un fallot,
+va dire tout haut: _une lanterne_, _domine_.
+
+DE CUSA. Est-ce là cette belle lanterne, qui nous doit éclairer? Sera-ce
+elle, qui nous apprendra l'intelligence & solution de ce qui est proposé
+de l'excellence des écritures?
+
+LINACRE. M. le cardinal, les Bohémiens s'en recommandent à vos bonnes
+garces, (j'ai la langue fourchante & andistrofante; je dis _graces_)
+pour l'amour d'eux avec votre congelé, (j'ai cuidé dire _congé_; comme
+Busbeckius Allemand, qui, disant adieu à la reine d'Angleterre, voulant
+le dire en françois, proféra: mon dame, je prendre congelé). Je vous
+dirai que tout sera su; faisons un peu renfiler le discours, &
+réveillons ce bon homme, qui n'y pense plus.
+
+TOSTATUS. Vraiment, je vous écoutois. Mais, puisque j'y suis remis,
+sachez, s'il vous plaît, qu'après, ou aussi-tôt, ou environ le tems, (ce
+fut, quand ce fut) que le concile de Trente fut publié; je ne dis pas
+celui de monsieur le Grangier, qui est intitulé _le concile de xxx_.
+
+BUCANAN. Je vous prie, ne parlons ni en bien ni en mal des
+ecclésiastiques; laissons-les là sans les draper, comme les hérétiques
+qui ne savent faire un bon conte, s'il n'y a quelque moine, prêtre, ou
+ministre sur le métier. Si, bien; je voulois dire _les rangs_. Vous
+voilà bien ahuris, pour une parole.
+
+RUFIN. Laissez à part ces remontrances. Nous sommes ici en liberté. Nul
+ne parle céans pour scandaliser, mais pour édifier & corriger, s'il est
+besoin. Et de fait, ces préceptes tant beaux, & ces enseignemens si
+justes feront plus de gens de bien, que tous ces sermons ensemble de ces
+fagoteux d'éloquence, qui, sous ombre d'être humbles, avalent la gloire,
+comme un Allemand, qui, par humilité, fait carroux contre deux Suisses.
+
+MACROBE. Or là avant, n'épargnons personne; aussi bien tous ont failli.
+Les prêtres ont accusé Jésus-Christ; les gens de justice l'ont condamné;
+les ministres l'ont fouetté; le peuple l'a injurié; les passans se sont
+moqués de lui; les gens-d'armes l'ont crucifié. Il n'y a que les pauvres
+femmes qui l'ont pleuré, & ainsi ont trouvé le moyen de parvenir, sans
+quoi elles seroient trop dévergondées. Pour mieux faire, laissons tels
+sophistes au diable: aussi bien, il y a de nouveaux imposteurs qui
+disent que ministre signifie _boureau_. Ainsi il n'y aura que le pape
+qui ne soit boureau, à cause que, comme il est en nos heures, celui qui
+répond à la messe est dit ministre: par-là, il n'y auroit évêque,
+prêtre, ni clerc, qui ne fût de ce beau métier.
+
+RUFIN. Acheve, mon petit compere, acheve; tu eusses été pape, sans que
+tu avois été marié à deux veuves.
+
+TOSTATUS. Taisez-vous donques, & me laissez dire. Es pays du roi
+d'Espagne, où l'on parle françois, demeuroit messire Imbert Chapotel,
+prêtre, qui avoit de beaux & grands bénéfices: entr'autres, il tenoit le
+prieuré de St. Commode, dont il falloit qu'il se défît, parce qu'il
+n'étoit pas animal susceptible de tous bénéfices compatibles &
+incompatibles.
+
+PROCLUS. Quel animal est-ce?
+
+PANORME. C'est un cardinal: dieu sauve la chrétienté.
+
+PROCLUS. Et qu'est-ce que vous dites?
+
+PANORME. Poursuivez.
+
+TOSTATUS. Il sentoit une future grande incommodité, de la désaisie de ce
+prieuré tant bon, & qui lui aidoit & aux siens à faire commodément la
+soulée, pour donner le reste, dont il n'avoit cure, aux pauvres. Et de
+fait, il étoit aussi libéral que notre évêque, qui donnera plutôt un écu
+à une garce, qu'un denier à un pauvre. Or ce qui est bon à prendre,
+n'est point bon à rendre. Les hérétiques disent au contraire: hé,
+pauvres bêtes, qu'y a-t-il au monde de plus fâcheux, que de rendre? Donc
+il étoit fâché de se séparer de ce bénéfice, bien qu'il fût la moindre
+de ses pieces: & de fait, il eût été un grand sot, voire un archisot,
+s'il se fût défait du meilleur, & encore plus sot par nature, voire par
+toutes les quatre clefs de musique.
+
+ORLANDE. Vous errez, monsieur le théologien de beurre; vous fondrez sur
+le moine i. le réchaux. Il n'y a que trois clefs en la musique.
+
+MACROBE. Qui m'a amené ce chantre dans la seconde chambre d'enfer? Va,
+bestiau mon govial; sais-tu point que l'église ne peut faillir? Se
+peut-il faire que vous, qui avez tant bu en Allemagne, depuis que j'en
+suis parti, ne sachiez pas les clefs de votre métier. Allez à l'école; &
+sachez, apprenez, entendez & notez, comme monsieur de Beze me l'apprit,
+que la quatrieme clef fondamentale des trois clefs communes, de la
+divine douce, humaine & sainte harmonie, est la bonne clef de la cave;
+c'est la sainte & harmonieuse clef, c'est la fidele & parfaite. Mais
+c'est assez, il faut tenir secret le reste, que ces enfans de choeur
+n'aillent tout boire. Or un jour, une nuit, un soir, un matin, (c'est le
+commencement d'un conte. Ainsi disoit ma cousine à ma tante, dites-nous
+un conte. Et bien, dit-elle, je le vous dirai. Un jour il avint que ma
+mere grande nous fit un conte de Robin mon oncle, qui chia à l'âtre; sa
+femme y tâte, pensant que ce fût pâte, trouva que c'étoit merde, mâche.
+
+
+
+
+PARABOLE.
+
+
+XXVII. Eh bien!) un jeune écolier pourvu assez honnêtement ès ordres &
+lettres, prévoyant sa fortune, sut la future défaite du prieuré; par
+quoi il va s'adresser à messire Imbert, devant lequel, ouvrant la
+bouche, il décliqueta de la langue un beau petit paillard discours,
+regraté sur le droit de bienséance & de devoir, & lui manifesta son
+intention, qui étoit d'avoir & obtenir le bénéfice, s'il lui étoit
+agréable. Hé bien, mon ami, dites-moi premiérement, êtes-vous prêtre?
+Oui, monsieur. Or donc, messire _alterutrum_, il vous faut ouïr parler.
+
+PLOTIN. Pourquoi l'appelloit-il _alterutrum_?
+
+DURANDUS. Parce qu'il est écrit: _confitemini alterutrum_, c'est-à-dire,
+confessez-vous au prêtre.
+
+MAROT. Si j'avois dit cela, je serois gâté, ainsi tout est permis aux
+docteurs.
+
+GENEBRARD. Foutin, laissez dire ce docteur, ou vous en allez faire
+brûler en Espagne. Vraiment vous avez tort, vous ennuyez ce pauvre homme
+par vos interruptions; il en est si dépit, qu'il en retort les
+mâchoires, comme un official fâché.
+
+TOSTATUS. Je pense que vous ne me tenez pour quelque dictateur de
+moutardier. Or, écoutez-moi, ou prenez le chemin d'aller à tous les
+diables. Messire Imbert oit la requête du prétendant, duquel ayant
+savouré les propos avec les oreilles, lui dit: je ne puis mettre ce
+bénéfice entre les mains d'aucun, s'il n'entend les écritures, afin
+qu'il en soit trouvé capable. Pour donc savoir si vous entendez les
+écritures, dites-moi qui étoit le pere de Melchisedech? le clerc répond:
+monsieur! Saint Paul montre qu'il étoit sans pere, sans génération. Ha,
+ha, ha, dit messire Imbert, lourdaut mon ami, je sais cela avant vous;
+répondez à ce que je vous demande. Je ne le sais pas. Aussi n'aurez-vous
+pas le bénéfice. Cettui-ci s'en alla; & en vint un autre qui en avoit
+ouï parler. Ce nouveau venu étoit désalé, comme le commis d'un banquier.
+Il vint devant messire Imbert, lui faisant la discrete demande, pour
+obtenir le prieuré de S. Commode. Messire Imbert lui fit la question:
+entendez-vous les écritures! Oui, monsieur. Qui étoit le pere de
+Melchisedech? Alors le clerc dit, Gratian le démontre aisément comme
+cela, disputant contre les simoniaques. Ce que disant, il tira de sa
+pochette droite une belle bourse, où il y avoit cinq cents écus en or, &
+ce en bons termes. Donques, monsieur; voyez ce symbole
+philosopho-prophétique: voici le pere de Melchisedech. Et faisant de
+même de l'autre main; tire de sa pochette encore une autre bourse pleine
+de beaux écus au soleil, & dit: voilà la mere. Et afin que vous sachiez
+qu'il est vrai, mettant main droite en son sein, tira quelques soixante
+écus, & proférant, en les coulant vers la chambriere qui étoit au bout
+de la table, comme celles des chanoines ont accoutumé: ce sont ici les
+enfans. Ha, ha, ha, dit messire Imbert, c'est pratiquer la quatrieme
+figure de dialectique, en dépit de Galien. Et bien, dit le clerc,
+monsieur mon bienfaiteur, mon bon Mécénas, n'est-ce pas faire un diadême
+de racines de chaussepied, que de parler ainsi à ces sots? C'est
+_docere_; c'est expliquer le latin du chapitre _recitas docendo_. i.
+qu'il soit reçu en payant. Et bien, mon bon ami, dit messire Imbert, il
+faut que tu aies le bénéfice. Vraiement vous êtes docte; vous êtes en
+danger d'être un jour, pape. Vous aurez le bénéfice; votre doctrine vous
+l'adjuge. Il ne faudroit, à la vérité, que vous seul, pour faire tomber
+toute théologie en démonstration, en dépit de Raimond-Lulle. Que nous
+serions heureux, si on résolvoit ainsi tous argumens! Nous serions
+incontinent d'accord; toutes hérésies seroient englouties.
+
+
+
+
+FEN.
+
+
+XXVIII. Quand tout est dit, vêpres sont dites. Nous étions en grande
+pensée pour une telle affaire, & ne savions qu'en juger, sans l'Escot,
+qui nous ôta de peine, nous prouvant que c'est un bienfait méritoire,
+bailler de l'argent pour avoir un bénéfice: _primo_, d'autant qu'on n'en
+donne plus; _secundo_, on baille de l'argent à un maître, pour le
+servir; _item_, on s'incommode pour se châtrer, & c'est le poinct du
+mérite parfait.
+
+BACON. Le chapelain d'une Angloise se fit Châtrer, parce que l'on avoit
+opinion qu'il la travailloit. En après, on tire sa pénitence, d'autant
+que l'on jeûne pour en ramasser d'autres; & c'est ici le poinct
+d'honneur que messire Imbert entendoit fort bien; comme étant des plus
+grands théologiens; & de fait il étoit carme dispensé.
+
+DE CUSA. Et pour être carme, qu'en est-il?
+
+BACON. O, ho, & ne savez-vous pas qui sont les plus excellens
+théologiens? Ne sont-ce pas les carmes, comme dit le sage Caton? _Si
+deus est animus, nobis ut carmina dicunt_. _Carmina_, sont les carmes
+qui parlent de dieu: ergo, il est vrai. Il y eut un docteur en notre
+compagnie, qui voulut se formaliser; & jurant, il écumoit comme un
+verrat. Nous, qui voulions la paix, le fîmes bravement sortir. Soeur
+Jeanne en fut si aise, qu'elle en rit encore, & nous dit: que je suis
+aise que ce gros coquebin là est hors de céans!
+
+VARRO. Quoi, belle dame, & qu'est-ce que _coquebin_?
+
+SOEUR JEANNE. Ce que les Tourangeaux appellent _coquebin_; les Angevins
+le nomment _jagois_, & à Paris les femmes le huchent _bringuenel_.
+
+VARRO. Quelle sorte de personne est-ce?
+
+HERMÈS. On nomme ainsi ceux qui n'ont point vu le con de leur femme, ou
+de leur garce. Le pauvre valet de chez nous n'étoit donc pas coquebin;
+il eut beau le voir.
+
+VARRO. Quand?
+
+HERMÈS. Attendez. Etant en fiançailles, il vouloit prendre le cas de sa
+fiancée: elle ne le vouloit pas; il faisoit le malade, & elle lui
+demandoit: qu'y a-t-il, mon ami? Hélas! ma mie, je suis si malade, que
+je n'en puis plus; je mourrai, si je ne vois ton cas. Vraiment voire,
+dit-elle. Hélas! oui, si je l'avois vu, je guérirois. Elle ne le lui
+voulut point montrer. A la fin, ils furent mariés. Il avint, trois ou
+quatre mois après, qu'il fut fort malade; & il envoya sa femme au
+médecin, pour porter de son eau. En allant, elle s'avisa de ce qu'il lui
+avoit dit en fiançailles. Elle retourna vîtement, & se vint mettre sur
+le lit; puis levant cote & chemise, lui présenta son _cela_ en belle
+vue, & lui disoit: Jean, regarde le con, & te guéris. Mais que devint ce
+docteur! Nous le chassâmes & envoyâmes à tous les diables, où il trouva
+des soldats qui lui firent comme nous fîmes faire au diable de S. Martin
+de Tours.
+
+LE TREVISAN. Que lui fit-on à ce pauvre diable?
+
+HERMÈS. Je m'en rapporte au vieil chantre de leur église, qui eut la
+commission de le faire châtrer.
+
+VARRO. Dites-nous ce que c'est, de grace.
+
+HERMÈS. Voilà messire Gilles, qui est dignité de là dedans; qu'il vous
+en fasse le conte.
+
+
+
+
+CHAPITRE GÉNÉRAL.
+
+
+XXIX. Tous l'en prierent. Adonques il dit: ô belles pensées, gracieuses
+cervelles, nous sommes ici comme chez le roi Assuerus. La liberté nous
+sert de guide, comme la senteur pour aller au retrait; chacun dit & fait
+ici ce qu'il veut & peut. Mais avant que passer outre, dit le bon homme
+Scaliger, pourquoi est-ce que, quand quelqu'un s'en est fui, on dit, _il
+a fait gille_.
+
+PROTAGORAS. C'est parce que Saint Gilles s'enfuit de son pays, & se
+cacha de peur d'être fait roi.
+
+EPAMINONDAS. Oh, de par plus de cinq cents mille cornes de cocu,
+j'aimerois mieux être roi qu'hermite. Et quoi, il y a tant de gens qui
+se donnent au diable, poil & tout, pour devenir grands, & il y en a
+d'autres qui, sous le voile de religion, faisant un affront à la
+fortune, contristent le bonheur! Foin, je ne passerai point outre; je ne
+me rendrai jamais en communauté que de princes & grands seigneurs,
+d'autant que je n'ai point le coeur à la caimanderie. J'en sais bon gré
+à ce bon cordelier frere Hugonis, qui au commencement de l'établissement
+des capucins, se fâchoit de leur future pauvreté, & tout en colere, nous
+dit: si nous, qui avons le diable au corps, ne pouvons vivre, que feront
+enfin ces pauvres gens?
+
+MESSIRE GILLES. Or sus: c'est assez, paix, vous en diriez trop; vous ne
+vaudrez jamais rien.
+
+EPAMINONDAS. Pour le moins, je suis aussi bon qu'une femme.
+
+MESSIRE GILLES. Oui, qu'une mauvaise, c'est tout un. Elles sont toutes
+bonnes: si elles ne sont bonnes à dieu, elles sont bonnes au diable. Or
+paix, encore un coup, écoutez. Des personnes de bien avoient fait faire
+une image de saint Michel en notre église; en quoi le sculpteur avoit
+suivi la commune opinion des autres, ayant fait l'ange en vrai ange, &
+le diable comme un vrai diable d'enfer; mais parce qu'il n'étoit pas
+bien informé des résolutions de nos docteurs, il commit hérésie; à quoi
+sont sujets les pauvres sculpteurs, peintres, libraires, orfévres, &
+tels gens qui savent tout. J'excepte ceux qui ne s'accoûtrent guere de
+religion, lesquels sont pour l'enfer. Cet ouvrier fit saint Michel
+couvert en endroits douillets, ayant une cotte-d'armes, & ses bonnes
+aîles des fêtes, & un gros bâton de la croix, aussi gros que celui de
+Cîteaux: & sous ses pieds étoit couché le diable tout nud, qui n'avoit
+que le cul les dents & les griffes: c'étoit bien pour faire miracle. Il
+falloit plutôt armer le diable de toutes pieces, à l'avantage, à
+l'épreuve du canon, ayant la porte-piece, le haut appareil, bref tout le
+fait, ainsi que les preux armés à la payenne; & faire l'ange tout nud,
+avec une robe de _Quasimodo_. Je ne suis fâché que d'une chose; c'est
+que l'ange ne tuât le diable tout tué. Quoi! de laisser aller tel ennemi
+sur sa foi? Je n'aurois garde si je le tenois. Or, l'ouvrier, pour
+n'avoir étudié qu'au ciseau & au maillet, alloit suivant le grand
+chemin, comme un beau jeune pélerin qui revient. Le diable, comme vous
+savez, étoit couché sur les reims, & levoit les jambes en haut, si qu'il
+montra son composé de deux grosses fesses de provision.
+
+SILVIUS. Etoit-ce plate peinture, ou bosse?
+
+MESSIRE GILLES. Que vous avez la tête dure! Ne vous ai-je pas parlé d'un
+sculpteur? (Si j'eusse dit comme la reine des pois pilés, vous eussiez
+eu occasion. Un jour cet ouvrier étoit chez elle, & m'en parlant, elle
+me dit: j'ai céans le meilleur _culteur_ du monde). Je vous dis que
+cette figure étoit en bosse, & non si grande que ne l'eussiez bien
+portée; à savoir l'ange entre vos bras, & le diable à votre cou. Ce
+diable, se défendant, paroissoit à cul vu, & montroit deux gros
+dintiers, comme pommes de caspendu, en la forme de beaux gros couillons
+pourtraits de naturel. Un jour que le vieux chantre de l'église dînoit
+chez moi, le baron notre ami lui fit la guerre de ce diable endidime,
+qui étoit chose moult honteuse à voir aux yeux délicats de ces pudiques
+filles. Le bon homme rioit, & remarquoit ce qu'il lui disoit; & si bien,
+qu'après être sorti, il alla à l'église voir s'il étoit vrai. Ayant vu
+cette vérité, il fit assembler la compagnie, remontrant que les
+hérétiques auroient occasion de contaminer le prétoire, si on ne prenoit
+garde à ce dont il faisoit plainte, sur le sujet des trébillons de ce
+diable. Le tout fut remis au prochain chapitre, auquel, le fait vérifié,
+commissaires, dont il fut l'un, furent nommés, pour monocordialement,
+selon la conclusion, châtrer le diable. Le bon homme fut avoué des
+autres; ainsi il se transporta, dès l'après-dînée, sur le lieu, & mit à
+exécution la charge, menant le sculpteur sur le lieu, faisant entendre
+l'intention de messieurs, en lui interprétant la clause de la
+conclusion, laquelle étoit en latin de chapitre, en ces mots: _coupibus
+couillibus rasibus du culibus à diabolus_. Et cela entendu, lui dit:
+frere mon ami, faites votre état. L'ouvrier sarcla ces horribles verues,
+qui exhorbitamment faisoient démanger le cul au diable; lequel par la
+réale, non huguenotique, mais catholique apposition du ferrement, fut
+visiblement, non imaginairement, châtré, sené & écouillé, au grand
+préjudice de toute la race diabolique. Je vous assure que les cicatrices
+y sont encore, & y paroissent oculiquement. Et de cette aventure-là, est
+avenu qu'on appelle à cette heure ces esprits-là _pauvres diables_; & de
+fait, est bien pauvre celui qui n'a plus que ces tristes témoins, & on
+les lui ôte. Mais de ceci, comme dit Hermès Trimégiste, est avenu un
+grand malheur. C'est que tels diables ne peuvent plus engendrer par le
+bas; partant ils engendrent, à cette heure, par le haut toutes les
+méchantes opinions & hérésies qu'ils vous font concevoir en vos têtes.
+La chambre de l'édit ayant été importunée de ce désastre, avisa, du tems
+des apôtres, à remédier à ce malheur, afin de contenter les diables en
+forme de représailles; tellement que par accord vérifié ès chambres
+impériales, avec le consentement des Vénitiens & du pape, on bailleroit
+aux diables de manufacture les couillons d'infinis gros couillaux, qui
+vivent de l'ombre du crucifix, aussi bien ici qu'en Angleterre. C'est
+une belle vie, d'autant que leur viande est visible, & non palpable,
+viande qui grossit ou amenuise, à ce qu'on dit. Mais je n'en crois que
+le vrai, qui est que, sous cette ombre, il y a de gros coqs d'inde &
+telles viandes, que l'ombre cachant, on ne nomme que l'apparence. Ainsi
+les pauvres gens vivent d'ombrages; cela leur passe _rasibus_ du
+goulier; voire, mais le bon profit ne se dit pas. O belle cabale!
+Mignons, multipliez les ombres à la venue des lumieres; cela est de
+droit: _à mas ventos, mas vellas_; & gai, que je sais de langues! Je
+vous assure, à ce qu'en dit Carondas, le diable soit le sot; il se fâche
+que je le nomme. Par dépit de lui, j'en mettrai sous silence plus de
+trois vingts & dix-sept. Qu'ils s'aillent faire lanterner. Le droit
+françois déclare que c'est un grand bien que les diables soient châtrés,
+parce que tels, qui sont doctes, s'amuseront à chercher des caillettes
+qui leur soient propres, pour les mettre où il y en a faute, afin de
+récompenser l'intéressé; & ainsi laisseront en paix le monde, restant en
+quête de trébillons: que les vôtres fussent à vendre!
+
+
+
+
+RENCONTRE.
+
+
+XXX. Je te prie, page, laquais, novice, enfant de choeur, lévron de
+l'antechrist, qui que tu sois, donne-moi à boire, tant j'ai eu de peine
+à trouver un nom significatif pour dire, devant les filles, les
+pendloches humaines. Mais dà, quand j'y pense, vous êtes de grosses
+bêtes, que vous ne m'en avez avisé. L'autre jour, la fille de chambre de
+ma cousine du Val nous enseigna de les nommer. Notre laquais, venant de
+Saumur, entra en la cuisine, où la fille de chambre étoit descendue
+quérir du feu. Le gars contoit qu'il avoit vu grande & pitoyable misere;
+c'est que ce pauvre marchand, qui, la semaine devant, avoit vendu des
+hardes à mademoiselle, étoit tombé entre les mains des voleurs, qui lui
+avoient ôté toute sa marchandise; &, davantage, lui avoient arraché les
+(il se teut, & n'osa dire tout outre, à cause de cette fille. Il ne fit
+pas comme Regnard, qui prêchant aux jacobins, & tançant les mangeurs de
+chair en carême & jours défendus, dit: je voudrois, par fin souhait, que
+tous ces gourmans fussent sur la montagne de Tarare, avec un quartier de
+lard pendu aux couilles); après un peu de hésitation, il proféra: ils
+lui ont arraché les génitoires. Cette fille court en hâte, pour en faire
+le conte à sa maîtresse; & encore toute hors d'haleine, dit:
+mademoiselle, le grand malheur! Ces méchans lui ont arraché les
+histoires. Depuis on a mis en proverbe parmi nos soeurs, que ce qu'on
+dit _faire la pauvreté_, ou _besogner_, est maintenant nommé _histoire_,
+en bon françois. Messieurs les peintres, & vous qui entendez le métier,
+prêtez l'oreille à tout ceci. A ces paroles, voilà messire Guillaume le
+Vermeil, qui, tout comme en colere, va dire: vous m'avez empêché de
+faire le conte de madame des Manigances, que vous avez nommée _reine des
+pois pilés_, parce qu'à la cour elle étoit bien plus chichement habillée
+que les autres. Je vous assure véritablement, ainsi que de dire, quand
+tout est dit; rien, rien, pour néant; ainsi véritablement, comme dit
+l'autre: ha, ha, laissez-moi dire, _basta, basta_. Passez, révérend;
+ainsi je ne mens point; a, a, ces petits diablotins: véritablement vous
+m'interrompez, r r r a a a, je crie; je le dis ainsi que de dire. Son
+ouvrier avoit nom _maître Nicolas_; ce fut lui véritablement, ainsi
+qu'il fut, oui certes, ou cent mille petits diablotins, sec & au delà,
+qui fut cause véritablement qu'elle dit ce mot; & Ferchaudiere y étoit.
+
+EGEZZIPPUS. Tais-toi, je te prie, pauvre cheval, & bois; tu as la langue
+si aride, que tu nous lamponneras d'ici à demain. J'y étois. Il est
+certain que le maître d'hôtel & l'aumônier, qui se nommoit messire René
+Goulenoire, étoient présens. Et je demandai à ce maître, qui me montroit
+la cire qu'il avoit ébauchée: maître Nicolas, que ne dépêchez-vous de
+parfaire le portrait de madame? Il me répond: par ma foi, Monsieur, je
+la besogne tous les jours; & ne la puis achever.
+
+DIOGENES. Voilà parler, cela! Qu'en dites-vous? Que pensez-vous de ces
+gentillesses? Sont-elles pas de grande édification? Qu'en pensez-vous,
+Messieurs, qui faites des consciences à prendre mouches, & vieux affamés
+de vaine réputation? goulus de folle gloire qui vous démange,
+l'impudence à l'ombre de l'eau, le manique ou tibérine, tandis que vous
+vous tuez le coeur & le corps à charrier les ames vers la mélancolie,
+tâchant aussi de nous faire payer la voiture, quand le diable vous
+emportera; qui séchez de paillarde envie, dont vous regorgez, comme le
+savon des levres des gueux qui vivent sur le grand trimard? Vous,
+lourdauts, mes amis du foie, cousins de la rate, & mignons de petites
+tripes foireuses, ignorez-vous, d'ici à quelques siecles, que ce simpose
+ne soit, selon son mérite, tenu pour authentique, autant ou plus que
+toutes les calenderies grecques qui vous font bon ventre, & lesquelles
+vous croyez sans difficulté, suant jour & nuit après, pour dégaîner une
+pauvre parole, vous y harassant comme taureaux baniers qui vétellent
+toutes les vaches d'une paroisse à la rangette? Petits poupeaux de lait,
+je vous avertis que vieilles folies deviennent sagesses; & les anciens
+mensonges se transforment en de belles petites vérités, dont vous savez
+extraire à propos l'essence vivifiante, qui établit vos affaires. A quoi
+faire, si cela n'est, vous donner tant de peine à griffonner le papier,
+pour le barbouiller de commentaires sur tant de folies de Poëtes, &
+Orateurs, & _fouilleaucoffres_ qui les ont écrites en buvant & se riant;
+& les estimez tant sérieuses, & telles les persuadez aux pifres
+symbolisans, qui, suivant mêmes friponneries de doctrine que vous,
+dégénerant; si que, d'hommes qu'ils étoient ou pouvoient être, ils
+deviennent animaux fantastiques & rêveurs, comme la plupart de nos
+savans qui sont tant veaux, que les diables, aux heures de récréation,
+en font des contes pour rire? La plupart, comme tu disois tantôt, de ces
+gens de lettres, sont de vrais racleurs de savates, ratissant de
+vieilles antiquailles pour en avoir le verdet; & enfin ils ressemblent à
+mon chevau.
+
+
+
+
+CAUSE.
+
+
+XXXI. CATAN. Jean vere, compere, votre chevau bâille.
+
+DIOGENE. C'est cela, mon ami, jamais ne fut que vieilles gens qui
+groignissent, & jeunes gens qui s'éjouissent. Belle bouche, beaux yeux,
+qu'en dites-vous? Esprits de bien, je vous désire santé, & de l'argent.
+C'est tout; je voudrois que le plus gros & grand de ces censeurs fût
+tout d'or en ma cave.
+
+CATAN. Et bien mon fils, mon ami, voudrois-tu bien avoir ta peau pleine
+d'écus?
+
+DIOGENE. Non dà, si ce n'étoit celle de mon chien; ou la tienne, quand
+je t'aurois acheté.
+
+CATAN. Mais encore, ô roi des gueux, lequel aimerois-tu mieux avoir dix
+mille écus en ta couille, ou mourir de faim, ou être sujet à demander la
+triste aumône?
+
+DIOGENE. Va, vieil sorcier; eusses-tu la tienne pleine d'avoine, & une
+couvée de rats dedans!
+
+CATAN. Hé! gros lourdaut, tu ne sais ce que c'est. Je voudrois que le
+Duc mon bon maître fût en la gueule du loup, & que j'en eusse la peau
+pleine d'écus; gros soupier, j'entends la peau du loup.
+
+ARISTOTE. N'aurez-vous meshui fait-là? Après, achevez ces histoires. Tu
+y songes de bien loin. Il souvient toujours à Robin de ses flûtes.
+
+CICERON. C'est mal parlé, il faut dire _à Martine de sa flûte_. La cause
+est qu'un jour elle pissoit roide comme une bougie de cire blanche, &
+lui fut avis que son cas siffloit. Ha! mon mignon, lui dit-elle, vous
+sifflez; vous aurez vraiment une flûte.
+
+THÉMISTOCLES. Que vous parlez court! Vous faites le Lacédémonien; dites
+tout.
+
+ARISTOTE. Il ne faut pas dire les secrets, de peur qu'étant publiés, on
+n'en reconnoisse la vanité. Cependant que l'on ne les entend pas, on est
+en admiration. Si nous allions tout déclarer clairement ce qui est rare,
+nous profanerions tout: si nous ne faisons valoir le métier, que
+sera-ce! Ainsi faut-il, de ces menus propos, faire si bien qu'ils
+deviennent, selon qu'il est destiné: à savoir, les meilleurs & plus
+certains axiomes de la vie, contenant & comprenant toute la mouelle de
+doctrine universelle, sans tant d'arts.
+
+ARATUS. C'est là où je vous attendois. Pour un homme sage, vous ne
+parlez gueres bien.
+
+PORPHIRE. Taisez-vous; j'entends cela mieux que vous, d'autant que vous
+autres mettez sept arts _libéraux_; & ils ne le sont pas. Qu'est-ce
+qu'ils vous donnent par leur libéralité! Il faut dire _nobles_ &
+_libres_; apprenez à parler. Il n'y a qu'un art _libéral_ au monde, qui
+est la vraie octave ou parfait accord entre les bonnes disciplines.
+Quand vous me parlez d'arts libéraux, il me souvient de ces grosses
+bêtes de prêcheurs, qui fendent le ventre au diable avec leur libéral
+arbitre. Que ne disent-ils _libre_ & _franc_ arbitre. Mais, pour vous
+ôter de peine, je vous déclarerai le vrai art libéral, lequel est
+unique: c'est l'art de gueuserie. Il est libéral, cettui-là; il
+s'apprend sans argent; il donne à dîner sans qu'on le paie; c'est le
+bienheureux art qui nous fait vivre sans soin & sollicitude: c'est lui
+qui est le centre des arts, ainsi que le sens commun est le centre des
+six sens naturels. Bienheureux ceux qui le savent & le pratiquent avec
+honneur.
+
+APPOLONIUS. Tu rêves; il n'y a que cinq sens, & tu dis six.
+
+PORPHIRE. Oui, j'ai dit six.
+
+APPOLONIUS. Et qui est le sixieme?
+
+PORPHIRE. C'est le sens du cul.
+
+APPOLONIUS. Ta male'bosse, vilain gueux.
+
+PORPHIRE. Ne te fâche point; le Curé de ta Paroisse t'en bailla bien
+davantage. Pour un de ses amis, il fit une recommandation telle en son
+prône: il y a un honnête homme, qui avoit mis sa cavale enfargée en ses
+fossés. Messieurs mes Paroissiens, on lui a pris les enfarges avec une
+serrure à bosse. Il vous prie, Messieurs, de lui rendre lesdits
+enfarges; &, pour votre peine, de par Dieu, que la bosse vous demeure.
+
+BALDUIN. Entendoit-il qu'ils l'eussent déja, & qu'ainsi il la leur
+laissoit, comme un de nos docteurs de Toulouse, qui fit un legs de même
+à sa femme.
+
+DONAT. Comment?
+
+BALDUIN. En ces pays de droit écrit, un riche docteur, bien malade,
+avoit fait son testament, & avoit oublié sa femme tout exprès, & sans y
+penser. Elle s'en plaignit dolentement à ses parens, qui, pour l'amour
+d'elle, parlerent au testateur, le priant de laisser & donner quelque
+chose à sa femme. Hé bien, dit-il, faites venir le Notaire. Il étoit
+pressé: écrivez; je laisse. Hélas! il se meurt, disoit sa femme:
+hâtez-vous d'écrire, Monsieur le Notaire. Je laisse a a a... Hélas!
+dites donc, mon ami. Je laisse à ma femme a a a. Là, là, Monsieur, là,
+courage, pour cette pauvre femme. Je laisse à ma femme bien aimée la
+plus grosse motte de con qui soit en cette ville.
+
+DONAT. Que dit à cela cette pauvre femme?
+
+BALDUIN. Elle se mit à gronder, comme fait la fille de notre logis, qui
+est assez belle; mais elle rechigne toujours.
+
+ARTÉMIDORE. Quoi! cette petite friande-là, est-elle ainsi grondeuse? Il
+y a du cas-tu en son fait.
+
+PHILOSTRATE. Je vous dirai ce mot en passant de la langue, d'autant que
+je ne bougerai d'ici. Vous reprendrez bien vos propos; & j'ai peur de
+songer à autre chose, tant j'ai de fantaisies en la tête: prenez garde à
+ce que je dirai. Ces petites dédaigneuses d'apparence, qui montrent un
+geste morfondu, qui fait reculer possible pour cheoir. Je ne sais
+comment le monde va, ou que c'est qu'il y a de caché qu'on ne sait
+point. J'ai beau me gratter, s'il ne me démange, il me cuit. Ainsi en
+est-il des filles tant sages. Mais quoi! par leurs actions & gestes,
+elles signifient enfin qu'il n'en faut point parler, mais chercher
+l'occasion de le faire, & avec telle dextérité, qu'il n'y paroisse
+aucunement. Je n'en parle point à celles qui sont sages, & qui ne
+l'entendent pas, lesquelles, pour tout ce que je dirai, ne s'émouveront
+aucunement, d'autant que qui n'a point mangé d'avoine, n'entend pas le
+grand bruit du crible. (J'eusse dit le _son_; mais les Moines ne
+m'eussent-ils pas accusé d'hérésie, parce que _son_ appartient aux
+cloches? Et quand ils oient les cloches, ils disent: voilà la vache qui
+appelle les veaux.) Enfin, ces friandes grondent de si mauvaise grace,
+qu'elles semblent n'y présumer aucune douceur, ni espérer délice
+quelconque; & encore moins font mine d'y reconnoître de la délicatesse.
+
+SANDÉ. Il vaudroit mieux qu'elles fussent jolies & joyeuses, & qu'elles
+ne le fissent du tout point, parce que la douceur de le faire est
+éteinte par leur sottise. Pour conclusion, ces petites bêtes, qui
+disent: j'aimerois mieux que les chiens l'eussent déchiré; j'aimerois
+mieux que le diable l'eût éfrondré, se laissent faire à quelques chiens
+couchans de léchefrite, ou à quelque valet arrogant qui les bat en
+diable. Il n'est que le faire gai & paillard, par amitié ou rencontre.
+
+DONAT. Comme la fille de mon hôtesse. Par sainte Marande, la
+reconnoissance n'en est pas mauvaise, & vient bien pour mettre avec vos
+histoires. Un jour cette nicette voulut aller ès nôces dont elle étoit
+priée. Elle demanda congé à sa mere, qui le lui octroya; moyennant que
+paragrafiquement, sagement & à propos, elle gardât bien son honneur; ce
+qu'elle promit de faire fort bien. Elle alla donc, & se mit avec un
+grand soin de garder son honneur. Toutes les autres dansoient, & elle
+point, & ne s'osoit approcher de la colation, pour faire de la merde
+avec les dents comme les autres: elle ne bougeoit du coin de la salle à
+regarder, & avoit les deux mains sur le bord de son busque, justement au
+diametre de son intention. J'ai failli; je devois dire _le centre où
+doit passer le diametre qui n'y étoit pas encore_. Coipeau, qui l'avisa
+ainsi merde en vos lippes, (je dis, _mélancolique_) vint à elle, & lui
+dit: ça, ma cousine, allons danser. Je n'oserois; j'ai peur de perdre
+mon honneur; ma mere m'a commandé de le bien tenir. Venez, venez; ne
+laissez pas de venir. Je n'oserois, de peur de perdre mon honneur. O,
+ho, dit-il, n'y a-t-il que cela? Venez, cousine; allons ici en cette
+petite chambre, je vous le coudrai si bien, qu'il ne cherra pas. Il lui
+dit tout bas; & elle l'entendoit bien clair, parce qu'elle avoit envie
+de danser: par quoi elle le suivit. Il la poussa contre un coffre; & lui
+enseigna la danse du loup, la queue entre les jambes; & lui recousit son
+honneur, de la sorte qu'on attache la chose aux nouvelles mariées; &
+l'assura que jamais son honneur ne tomberoit par cette faute-là. Quand
+ce fut fait, elle vint danser; & n'y avoit que pour elle, étant
+affriandée. Elle trouva quelque chose à dire à la couture; parquoi elle
+en demanda encore, si qu'elle en eut jusqu'à trois fois. (C'étoit assez.
+Voire, voire, je le fis bien vingt-cinq coups en vingt-quatre heures à
+Madelaine: cinq fois la nuit; & le jour vint.) Il ne le fit pas tant;
+toutefois elle en étoit toute rejouie. Un peu après qu'elle eut mangé
+des confitures, & qu'elle n'étoit plus honteuse, elle s'avisa de son
+honneur, & vint encore à lui, le priant de le recoudre encore un petit.
+En dà, dit-il, je ne saurois; je n'ai plus de fil. Hé, hé, ce dit-elle,
+& qu'avez-vous dont fait de ces deux petits pelotons, qui vous pendoient
+entre les jambes.
+
+
+
+
+MINUTE.
+
+
+XXXII. Petronius voulut dire sa ratelée; mais il rengaîna son discours
+par la bouche, parce que le bon homme notre hôte vint criant tout haut,
+comme un belier égaré: ça, enfans, ça, ça, messieurs, c'est assez causé,
+il faut se reposer; _à l'Italiano sermo disme_. Beuvons & faisons une
+pause aux discours, & prenons quelque beau sujet, pour nous entretenir
+d'habits & de toute autre chose. Il ne faut toujours mordre, il faut
+tuer. J'ai fait fermer la porte; il n'entrera personne céans, nous
+sommes en liberté; la dispense, i. le verrouil & la barre sont mis à la
+porte; aucun n'entrera ici, si le diable ne le jette par la cheminée
+(comme le farfadet de Poissi). Au soir que les belles se retirerent,
+pour conduire une hôtesse en sa chambre; trois ou quatre avec elles,
+prêtes de se mettre au lit, devisoient auprès du feu, & par mignardise
+s'entremontroient leurs cuisses, pour voir qui l'avoit plus belle & plus
+potelée: ces cuisses étoient belles & mignonnes. Alors le farfadet vint
+par la cheminée; & après qu'elles eurent comparé leurs cuisses, il
+s'avança, & en montra une grosse & grande, velue comme celle d'un
+cheval, & leur dit en s'approchant: & la mienne? Or ça, j'ai apposé &
+contrôlé la juste dispense & huguenotique, ainsi que nous faisions, à
+Paris, le carême passé, quand, en pleine taverne, nous faisions le petit
+exercice de la religion.
+
+CLICHTOVEUS. Qu'est-ce à dire cela?
+
+LE BON HOMME. Vous qui savez tous les mysteres sacrés, êtes-vous si
+bête, que vous ne savez pas ceci, vu qu'il se pratique en de bons
+cloîtres? C'est que nous clouons, barrons, bouclons & fermons bien la
+porte, quand (comme ceux de la religion) nous voulons manger de la
+chair, aux jours défendus. Tel est le _petit exercice_, d'autant que le
+grand est d'aller au prêche.
+
+PETRONIUS. Je vous veux apprendre un autre secret, que m'a enseigné
+Hilaret. Mes amis, ne mangez point de chair, le jours défendus; mais
+jeûnez: & puis, toute la nuit, faites bonne chere, avec de bonne chair
+morte & vive. Les nuits ne sont point des jours; partant, point
+défendus. Un consul étoit de même opinion, quand, durant les treves, il
+faisoit la guerre de nuit.
+
+LE BON HOMME. Cette distinction est trop obscure: notre chose vaut
+mieux; & puis j'ai mis dehors tous ceux qui n'aiment point raillerie.
+Soyez les biens ventrus; la panse fait l'homme: je vous prie, ça, en
+liberté. Y a-t-il personne de vous qui ait le ventre tendu, qui veuille
+aller en purgatoire? Tout est libre & bon en son tems, lieu & endroit.
+Ce fut un moine de St. Denis, disciple de Genebrard, qui m'apprit à
+nommer ainsi le _privé_, parce qu'on s'y purge. Soyez, encore un coup,
+les bien venus, gens d'honneur, trafiquant sans marchandise, & dont la
+conscience est profitablement bonne; non scandaleux, non fistons ni
+sépulcreux, (je cuidois dire _scrupuleux_) je vous assure & jure que
+j'aime d'amour ceux qui trouvent tout bon sans sauce, qui jamais ne
+s'offensent, qui n'enragent point, quand on les corrige, comme fit ce
+maraut de sergent l'Espinai, qui, à Saumur, faisant panader son cheval,
+alla à bas bête & tout. La Maugis, le voyant ainsi tombé & à terre, lui
+dit: en dà, monsieur l'huissier, vous deviez demander ce qu'il vous
+faut, sans vous baisser si bas. Il en eut si grand dépit, qu'il en
+devint ladre, & sa postérité.
+
+AMIOT. Pourquoi dites-vous monsieur l'huissier? Il étoit sergent de
+bande.
+
+LE BON HOMME. Voire, un huissier & un sergent, n'est-ce pas tout un? Il
+étoit huissier de bande, comme à Orléans le paysan qui, cherchant
+l'avocat du roi, demandoit monsieur le baillif du roi, parce que, là, un
+avocat se nomme aussi baillif.
+
+PHILON. Je connois ce ladre: c'est lui même qui se presenta derniérement
+à monsieur le grand aumônier, pour avoir place en ladrerie. Je fus
+commis pour le visiter, d'autant que vous savez si je m'y dois
+connoître. Pour voir ce qu'il diroit, je lui dis: mon ami, vous n'êtes
+pas ladre. Ha, ha, dit-il, monsieur, si dieu plaît, je serai bientôt
+ladre; à ce renouveau, les boutons me paroîtront assez.
+
+LE BON HOMME. En dédit de toutes sortes de sots, beuvons, rions: ce sont
+des accidens de concomitance, liaisons de compagnies, relations
+légitimes, conséquences d'usufruit: c'est notre part, quand nous y
+sommes. Et de fait, rire, c'est ce qui contente le plus, & qui coûte le
+moins. S'il en étoit ainsi de boire, le bon vin ne coûteroit gueres.
+
+APULÉE. Hé, couillaud, tu ne t'y entens pas; parce que toujours le vin
+coutera, & sera cher, quoiqu'il coûte, d'autant qu'il faut payer pour
+deux, le rire pour l'ame, & le vin pour le corps; & tout sur le vin.
+
+LE BON HOMME. Là, là, disons bien; & si vous avez envie de trébucher en
+éloquence, dépêchez vous; coupez broche à toute cette paillardise de
+bien dire. Disons en bon françois, sans que rien nous échappe: & que
+savons nous qui nous aviendra, la vérole ou de l'argent? Il ne faut
+qu'un hazard semblable à celui de la belle fille, qui, le premier coup
+qu'elle fit, fut guimplée. Beuvons, lavons-nous le cou par dedans;
+c'est-là. Et si d'aventure nous nous enivrons, pour faire honneur à nos
+parens, que ce soit selon la remontrance du ministre de Strasbourg, qui,
+prêchant & remontrant les vices de ses brebis, leur disoit: quand vous
+dansez, il semble que vous vouliez jetter votre tête aux cieux, & vos
+jambes aux diables; dansez modestement. Quand vous beuvez, vous
+gargouillez comme pourceaux; hé! pauvres gens, enivrez-vous, mais que ce
+soit sobrement; jurez pieusement; maudissez flatteusement; battez
+mignardement, & paillardez chastement; donnez-vous au diable avec
+honneur, & éjouissez-vous de tous sujets, sans en abuser. La vieille
+Perrine, notre servante, avoit raison de dire que ce seroit abuser du
+vin, de s'en laver la raye d'en bas, avant qu'il eût coulé par celle
+d'en haut, comme du chausse-pied de tantôt; (ainsi qu'il est noté en la
+pénultieme page du _Talmud_) ajoûtant que ce seroit un abus formel, si
+une femme faisoit de son con un godet, un arbalête à grenouilles, bien
+qu'il serve à recevoir les queues de grenouilles, lesquelles leur ont
+été ôtées, pour en faire les choses des hommes, qui, pour cette cause,
+sont bien aises, & veulent toujours être en de tels marais. Mais
+pourquoi le con d'une femme est il mâle?
+
+ARTEMIDORE. _Omne, viro soli quod convenit, esto virile._ Les docteurs
+de Paris l'enseignent ainsi aux écoles. Je vous assure, ô vous qui
+entendez ceci, qu'il est vrai; & que, comme ce bon pere le dit, il n'y
+va point de sa faute. (A cela, il beut; & reprit sa parabole, comme
+Balaam à _propos de quoi_, c'est-à-dire, _de boire_). En quel tems le
+vin est-il meilleur ou bon? Dites, messieurs. C'est, dit l'un, quand on
+a grand soif. L'autre: c'est en été. Voire, dit frere Anselme, c'est en
+hiver au soir, quand on s'est bien rôti auprès du feu.
+
+ALBERT LE GRAND. Vous n'y êtes pas; c'est quand on le boit, que l'on le
+jette à poignées dans le corps; & par la sainte ombre du clocher du
+temple de Salomon, je vous proteste que je suis étonné, même de quelques
+doctes, & sur-tout de Séneque, qui derniérement nous fêtoyant, & me
+baillant de ce bon vin de copeaux d'Orléans: frere, me dit-il, voyez si
+ce vin est bon. Pargoi, j'eusse pu y regarder, d'ici au jour du
+jugement, que je n'y eusse rien connu de bon. Non, non plus que, si vous
+étiez barbouillé, ne pourriez le reconnoître vous mirant à mon cul. Et
+puis il y en a qui disent: tâtez. Il faut dire: _goûtez_ à ce vin, de ce
+vin, ce vin; beuvez-le, savourez-le: & pource, je me moque de toi, grand
+viédase Grec, qui desirois avoir le cou long comme une grue, quand tu
+boiras. Va te faire pancer par mon barbier; & il ne te coûtera rien, à
+te faire déclarer vrai St. Christophe de pâques fleuries. Ne sais-tu
+point que, depuis que le vin a joint l'épiglotte, il n'est plus
+favorable. Il convient, pour bien souhaiter en cette affaire, desirer
+avoir le palais aussi grand que celui de Paris, & le manche de priape
+aussi grand qu'une pique tournée comme une trompe de chasseur, afin que,
+venant à la liqueur arrousante, la douce rosée de nature, le sucre de
+l'aurore, on sentît une vraie rage de bien, tandis qu'elle passeroit par
+ces coulis infractueux. Venons au point. Quand est-ce qu'une femme est
+sage?
+
+LE BON HOMME. Remettez-le à tantôt que nous aurons beu; aussi bien
+jamais honnête homme ne besogna par procureur. Tenez ceci secret; & ne
+le montrez pas à ces maîtres veaux; bran pour eux.
+
+AZOARE. Davantage, il y a, comme je le conclus, des pifres équivolans,
+qui, oyant parler de ce grand simpose, en penseront de biais, comme
+Jaquette du Mas, qui fit un enfant, sans savoir le nom ni le surnom du
+pere; de quoi elle étoit fort dolente. Son enfant fut nommé Adam. Un
+jour qu'elle étoit au sermon, elle ouit le prêcheur qui s'éfiloit
+d'alléguer l'écriture, & disoit, _Adam, ubi es?_ Cette fillette sortit
+tout incontinent de là, très-aise de savoir le nom de son fils. On lui
+avoit dit que les prêcheurs savoient tout; parquoi elle nomma depuis son
+fils, Adam de Biais. C'est celle qui disputoit l'autre jour à la porte
+de l'église cathédrale.
+
+AMIOT. Qui est l'autre?
+
+AZOARE. C'est celle qui vous servoit, quand vous étiez grand aumônier, &
+que vous fûtes si malade. Elle m'a conté que vous disiez au barbier qui
+vous pançoit, & vous avoit assuré que vous aviez la vérole: hélas!
+monsieur Gaspard, mon ami, j'avois toujours prié ce bon dieu qu'il m'en
+gardât. Et il vous répondit: aussi a-t-il fait, monsieur; il vous a
+gardé de la plus fine. C'est qu'il falloit que cela passât. Pourquoi
+est-ce que vous y venez? Les friandes querelloient le fils de Jaquette
+qui étoit grandet. Voyant ces rixes, il tira sa mere par la robe, & lui
+dit: ma mere, appellez-la vîtement putain, avant qu'elle vous y appelle.
+Putain, dit-elle. Tu as menti, fit l'autre; c'est toi qui es une putain;
+tu as donné la vérole à messieurs. Elle parloit de chanoines.
+
+AUGUSTE. Vraiment, bon homme, c'est bien vous qui êtes allé de biais.
+Que n'achevez-vous ce que vous avez commencé.
+
+AZOARE. Pour votre révérence, bon empereur, je le ferai, d'autant que la
+barbare opinion de ces veaux d'attache ne pensera pas que nous beuvions
+& rions. Ils s'intentionneront à gauche, d'autant qu'ils n'approuvent
+que ce qui prend à leur mêche. Mais que l'aze les quille; & fût-ce celui
+de Don Rodigue das Yervas.
+
+SOPHOCLES. Pourquoi nommez-vous cettui là?
+
+AZOARE. Parce que, quand on le voulut faire inquisiteur, il dit qu'il
+eût mieux aimé être vendeur de morts aux rats & aux souris.
+
+
+
+
+REMONTRANCE.
+
+
+XXXIII. Mais cependant que je prendrai un peu de réfection, dites à
+notre ami Erasme qu'il vous conte l'histoire de Rodigue. Ce que je
+désire me réfectionner d'un peu de viande & de liqueur, est, que je
+crains de perdre le devant & le derriere, comme cette abstinente de
+Confolant. Je m'en rapporte aux médecins. Ça, notre ami, donne-moi un
+peu de cette vie sans fin; c'est-à-dire de cette langue de boeuf, de ce
+jambon. Çà, çà, Rabelais, Copus, Anacréon, beuvons, & gai. A savoir si
+la langue branle, quand on boit; si le troufignon barbotte, quand on
+pette. Aussi-bien ce causeur nous tiendra longtemps. Que voici un bon
+chausse-pied! Savez-vous bien pour quoi je me délecte tant à boire?
+C'est pour ce que j'ai une belle joie, quand il me pleut dans le ventre.
+Mais ce fou de Flamand se fâchera, si on ne l'écoute.
+
+CESAR. Il n'est pas Flamand.
+
+AZOARE. Et que s'en faut-il? N'est-il pas de même crême?
+
+ERASME. Il y a plus de cinquante ans que je n'avois tant parlé sans être
+écouté. Quand il n'y avoit que moi, on me couroit à force; mais, depuis
+que les cadenats des sciences furent crochetés, on m'a laissé en croupe;
+& bien que j'eusse si chaud, que la queue m'en suoit, encore on se mit à
+courir après ces nouveaux venus, qui, ô bon César, laissent votre latin
+naïf, pour aller aux cloaques des pédans chercher des mots tous pourris
+de cuire, & s'en barbouillent le museau. A propos de cela, quel est
+l'outil de ménage que jamais on ne prête ni emprunte, & si il n'y a
+guere de maisons où il n'y en ait? Hé gai, dit Saint Glougourde, c'est
+le bouchon des écuelles, qui fut cause que je fus canonisé: en voici
+l'occasion. Je faisois la cuisine des cordeliers de Rennes; & je mis:
+par mégarde, le bouchon des écuelles au pot, où je fis cuire la potée.
+Cela fit une soupe miraculeuse, sentant le potage des gueux jusques au
+tiers ciel: au reste, il étoit gras & fluant. Les freres le trouverent
+si bon, qu'ils en eussent mangé leurs mains jusques aux coudes; les
+novices, qui en eurent le plus, & le fond, le savourerent. Et parce que
+cela étoit mêlé de beaucoup d'essence, en devinrent si savans, qu'ils
+surpasserent leurs maîtres, qui, par envie, en firent mettre trois _in
+pace_, que je délivrai, tandis que l'on disoit matines de tripes.
+
+APULÉE. Et qu'est-ce que cela?
+
+ALCUIN. C'est le déjeûner.
+
+ERASME. Beuvez un trait tout plein, & me laissez dire; ou j'oublierai
+tout, ou je serai contraint de recommencer comme ma grand'mere, qui tant
+plus disoit sa patinostre, & moins la savoit, si qu'enfin elle la dit
+tant & tant, qu'elle l'oubliât. Or je vous dirai des vieilles vétilles
+françoises & espagnolles, & je draperai sur l'un, aussi-bien que sur
+l'autre, d'autant que je ne me soucie non plus de l'évangile que de
+l'épître.
+
+TRITEMIUS. Je ne m'étonne plus, si on a opinion que tu sois hérétique.
+
+ALCUIN. Vous n'êtes pas recevable à le dire.
+
+TRITEMIUS. Mieux que vous, qui dites qu'à S. Martin la messe & vêpres ne
+valent rien, qu'il n'y a que matines qui sont bonnes: parce que tout le
+gain le plus avantageux y est.
+
+ERASME. Allez; ou vous aurez taloche à la huguenote. Ce n'est ni vous ni
+moi qui faillons, parlant ainsi. Il n'y a que les commentateurs, qui
+donnent l'intelligence selon leur dessein. Plusieurs interpretent les
+écrits & paroles des autres, selon leur sens. Ainsi les moines ivrognes
+interpretent les épigrammes d'Ænéas Silvius & de Beze, en ivrognerie,
+les sodomistes, en sodomie; les amoureux en amour; les avaricieux, en
+richesses; & les doctes, en galantise & bonté, d'autant que tout bon
+fait bonne digestion: & pour ce que entendiez que je voulois parler
+bref; l'épître, c'est le roi d'Espagne; l'évangile, c'est le roi de
+France; d'autant que, devant le pape disant la messe, ils sont diacre &
+sous-diacre & je dis que je ne me soucie pas de leurs débats, d'autant
+que, demeurant à Bâle, j'étois chanoine de saint Paul.
+
+MUNSTER. Il n'y a point de chanoine de S. Paul à Bâle.
+
+ERASME. Je ne m'étonne pas, si Thevet te loue, tu es quasi aussi sot que
+lui. Hé! ne sais-tu pas que je vivois, comme dit S. Paul; & que j'étois
+chanoine, comme ne l'étant point; & partant, je me délectois à ma
+fantaisie: & sur cela je répete que, si vétilles françoises étoient
+emmaillottées de commentaire, comme celles du temps passé, elles
+auroient plus de graces que toutes les autres, & iroient jusques au ciel
+de la lune, comme étant de meilleur goût que les grecques, lesquelles
+puent le vomi d'après souper. Pensez que c'est une belle chose que la
+généalogie des dieux; & qu'Homere étoit alors bien fin (chut! il est là
+avec du Bartas qui en conte; il ne nous oit pas) & bien ingénieux; quand
+parlant de ce beau porcher, il dit qu'il étoit semblable aux dieux.
+Quels dieux de menue venaison! Il étoit compagnon de ce berger, auquel,
+en temps de pluie, la raie du cul servoit de goutiere. En toutes ces
+inventions, il n'y en a point une qui soit tant naïve, que la belle
+naïveté du berger du Genitoi, qui, se dépitant au temps de pluie,
+disoit: si je suis jamais roi, alors je garderai mes moutons à cheval.
+
+AZOARE. Les méchantes amours me sollicitent tant le fondement, que je
+vais errant çà là. Mais, pour l'amour de toi, ô grand prince de Rome,
+duquel Homere prophétisoit tantôt, toi qui l'as miraculisifiée de
+nouveau, qui as tant baillé à coudre aux Romains, leur ayant tant
+désenseveli d'éguilles, pour l'honneur & révérence que je te porte, pour
+ne t'avoir jamais vu ni connu, je poursuivrai mon Rodigue, qui fut
+gentilhomme signalé, & qui, étant revenu de plusieurs expéditions, où il
+avoit bien fait en obéissant, puis commandant, pour le service de son
+roi, & du sien propre, d'autant que ce seroit pour néant sans cette
+condition, se présenta en cour en cette sorte. Il s'en vint garni de
+lucances valables d'honneur & d'assurance, ainsi qu'il desiroit paroître
+devant son prince. Arrivé au château, il sut que le roi n'y étoit pas,
+ains s'en étoit allé à la chasse. Lui qui a le feu au cul, (bien
+d'autres l'y ont; & là-dessus, je vous demande, Lipsius, pourquoi les
+femmes qui aiment le déduit, hantent les gens de cloître?
+
+SUIDAS. C'est parce qu'elles ont le feu d'enfer ou cul; il faut des
+couilles bénites pour l'éteindre.)
+
+AZOARE. Or bien notre Rodigue avoit le feu au cul; partant il se hâta,
+d'aller trouver son roi. Il poussa son mulet, pour se diligenter; & de
+fortune, il rencontra le roi seul, lequel avoit pris le devant, à cause
+de la poudre. Rodigue, qui ne le connoissoit pas, le salua; & lui
+demanda où étoit le Roi. Le Roi, qui vit bien qu'il ne le connoissoit
+point, bien qu'il ressemblât mieux à un fou qu'à un moulin à vent, le
+laissa en cette opinion. Et puis, qui eût pensé que ce fût le roi? Il
+n'y a philosophe qui le pût deviner, sinon qu'il sût l'intention de ce
+prince, qui alloit ainsi seul, de peur que, par le mouvement de la
+troupe, les atomes de Démocrite ne se vinssent unir à la cire de ses
+yeux, pour y engendrer quelques roitelets guêpins. Ces deux, comme
+chevaliers, s'étant entresalués, le roi répondit à Rodigue, qu'il étoit
+fort loin; &, là-dessus, le pria, par la même usance de courtoisie dont
+il l'avoit prié, qu'il lui déclarât quel il étoit, & ce qu'il vouloit au
+roi. Adonc Rodigue lui déclara ses valeurs, ses prétentions, & comme,
+sur l'attestation de ses bons & signalés services, il venoit prier sa
+majesté de lui accorder quelque récompense de ses mérites. Et cettui-ci
+lui dit: si le roi ne vous veut rien donner, que sera-ce! Rien, sinon
+_bien se poede hazer hoder à mi machos_, c'est-à-dire, _qu'il se fasse
+saillir à mon mulet_. C'est ainsi qu'il trancha le mot, pour lequel les
+chiens se battent. Le roi passa outre; & Rodigue vint à la troupe, où
+entendant que le roi étoit passé il y avoit long-tems, il s'achemina
+avec les autres. Etant arrivé au château, il mit pied à terre, & attacha
+son cheval à une grille. A cela vous connoissez que ce ne fut pas en
+France; les pages & les laquais, ou autres affineurs, ne l'eussent pas
+laissé là, sans le mener boire, de peur des mouches. Le roi étoit à la
+fenêtre qui le considéroit; & l'ayant fait remarquer à deux
+gentils-hommes, les envoya lui dire qu'il vînt parler à lui. Ils lui
+dirent: segnor cavalier, le roi vous demande. Quoi! le roi sait-il bien
+que je suis venu, moi? Or le roi vouloit voir, s'il seroit constant en
+son humeur bravache. Rodigue entra, & fit une preude révérence à sa
+majesté: puis, ayant reconnu que c'étoit le roi qu'il avoit tantôt cru
+un simple chevalier, auquel il avoit fait cette défonçade de braverie,
+ne s'étonna point, s'affermit & avança, montrant au roi les attestations
+qu'il avoit, lesquelles faisoient preuve de son obéissance, valeur &
+fidélité. Sur quoi il supplia très-humblement le roi: sacrée majesté,
+vous êtes informé de ma bonté; je vous supplie d'une douce & favorable
+récompense. Si je ne veux point vous faire une récompense, dit le roi,
+malgré votre loyauté, que sera-ce? Sacrée majesté, mon mulet est là-bas.
+Cette parole fut ouie, & non entendue de tous, mais seulement du roi.
+Ceux qui ne savoient ce que c'étoit, croyoient qu'il avoit dit, comme
+prêt à monter dessus, & s'en retourner. Mais le roi l'eût pu interpréter
+ainsi: _mon mulet est là-bas, faites-le monter, il vous en donnera une
+venue._
+
+GALATINUS. Je pensois que vous dussiez parler autrement, comme la fille
+de notre métayer, qui vint un jour trouver ma grand'mere, & lui dit: bon
+jour, mademâselle. Mon pere vous prie de lui prêter voute taureau, pour
+donner une vertelée à noute vache. Il vous en rendra autant quand il
+vous plaira, mademâselle.
+
+CÉSAR. Que fit le roi à Rodigue?
+
+AZOARE. Il lui donna une pension de quatre mille malvedis de rente, & le
+retint près de sa personne.
+
+PIMANDER. Voilà; il n'y a que telles gens, qui aient les bonnes graces
+des grands. Si c'eût été quelqu'homme qui eût eu de la doctrine, on
+l'eût envoyé rôtir le balai. Il ne faut qu'être effronté, pour obtenir
+des faveurs: & à dire vrai, c'est pitié absolue, que pour être grand &
+gagner, il faut ruiner la vertu & le prochain. O quelle misere! que les
+hommes sont diables aux hommes. Quiconque ne croira point qu'il y ait
+des diables, qu'il aille au palais & à la cour.
+
+
+
+
+GÉNÉALOGIE.
+
+
+XXXIV. A la vérité, quand je m'en souviens, n'est-ce pas une grande
+misere, pour preuve de cette diableté, qu'il ne se trouvera homme, tant
+vanteur de la piété soit-il, qui veuille acheter un état de secret
+rechercheur des actions humaines, pour avertir les autres, à ce qu'ils
+soient garantis du danger, afin qu'ils se détournent de leurs mauvaises
+voies, & que, s'ils sont enclins à mal faire, ils s'en corrigent dès le
+commencement, ou s'en abstiennent à l'avenir de peur qu'ils ne tombent
+en péril! Plutôt, la plus grand part des hommes sont comme chats guetant
+les souris; & le plus homme de bien en apparence, sera en perpétuelle
+sentinelle, pour épier si quelqu'un bronche; non pour l'avertir bien &
+charitablement, mais pour le ruiner. Et pour faire preuve de plus
+d'impiété prévôtable, on contraint iniquement les autres, & incite à
+dire, s'ils savent quelque mauvais déportement de leur prochain, afin
+que l'on l'accable, pour s'engraisser à ses dépens, s'il a moyen de
+payer les ouvriers. Ainsi plusieurs sont riches du malheur des autres,
+desquels jamais la faute n'est cachée ou diminuée, ou détournée, ains
+multipliée abondamment. Or nous ne sommes plus au temps qu'on étoit
+sauvé par sa faute. Je pense que les bonnes gens qui gémissent sous la
+tyrannie des gros, seront émus par charité à bien estimer, en nos
+discours, comme nous découvrons le tombeau de vérité.
+
+EPICARME. Savez-vous bien ce que c'est que vérité?
+
+Q. P. Ne vous en enquêtez point tellement, dit le sage, que vous ne
+soyez estimé de la secte de Ponce-Pilate. Davantage, je vous avertis,
+par l'exemple de ce docteur, que nous avons chassé, que vous n'ayez à
+mettre en avant chose qui puisse être tirée en conséquence contre ce qui
+est saint, ou à moquerie de ce qui est vénérable. Usons notre temps avec
+la ponce de bienséance, ou le grès de sagesse; & que cependant notre
+satyre soit perpétuelle, pour découvrir l'abomination des affaires du
+mauvais monde.
+
+PÉTRARQUE. Mais de quoi sont composées les affaires du monde?
+
+QUELQU'UN. Du bien d'autrui; témoin ce que me dit le Chanoine qui
+plaidoit contre moi, & pour me tromper, comme c'est la coutume de telles
+gens, me fit parler d'accord; moi qui allois mon train, comme l'âne des
+bons-hommes, je lui disois que je ne desirois que la paix; & lui me
+protestoit qu'il ne vouloit que mon bien. J'en étois content; mais notre
+servante, qui avoit demeuré chez un Avocat en Cour d'Eglise, me sut bien
+retirer, me montrant qu'il disoit vrai, qu'il vouloit mon bien pour le
+mêler avec le sien.
+
+PÉTRARQUE. Voilà qui est bon; mais je demande que c'est qu'affaires du
+monde.
+
+PARACELSE. C'est le moyen de parvenir.
+
+CELSUS. Vous nous l'obscurcirez tout, comme vous avez fait la Médecine,
+en vous vantant, & n'y disant que des ventosités. Je vous prie,
+amusez-vous à boire; je vous prie, ne vous fâchez point; je vous dirai
+de belles choses douces, & avec facilité. Le moyen de parvenir comprend
+tout, & est composé des quatre élémens de piperies, avec leur
+quinte-essence.
+
+ERASTE. C'est une nouvelle philosophie, voire si nouvelle que l'on ne la
+connoît pas. C'est à ce coup que vous êtes trompé, d'autant qu'il y en a
+qui la savent bien, & qui se moquent de nous, qui nous amusons à voir
+des urines, & souffler du charbon; & les autres attrapent les
+incommodités. Or je vous dirai comment, & ronflerai en axiomes
+merveilleux. Çà que je tranche des sentences toutes pleines d'abondances
+mystigoriques; que je vous en donne, non ecclésiastiquement, ni
+chichement, ni justinia-niaisement; mais libéralement &
+philosophiquement en charité.
+
+SCOT. Ce n'est pas bien fait; il faut vendre la science; & par-là je
+connois bien que vous n'y entendez rien. A ce mot, Uldric, qui se
+fâchoit de quoi ce Moine interrompoit Paracelse, lui dit: taisez-vous;
+vous n'y entendez rien vous-même.
+
+SCOT. Si fait; aussi il n'y a science que je ne sache.
+
+ULDRIC. Vous en avez menti, au respect de Dieu.
+
+MADAME. Quoi, qu'est-cela? Voire, & faut-il que les gens doctes vivent
+ainsi? Buvez, & vous accordez.
+
+PARACELSE. Hélas! pardonnez-moi, Madame, ce n'est pas moi qui querelle.
+
+ULDRIC. Il y a plus d'une heure qu'il me picote, même encore tantôt,
+m'appellant hérétique pulvérisé; & pour ce si je me fâche, je vous prie,
+Madame, de croire que j'en ai juste cause, & aussi me vouloir favoriser
+en ma querelle. Je suis homme de bien, & lui aussi: je ne voudrois pas
+quereller un méchant, parce que je n'y aurois point d'honneur: mais je
+lui en veux, d'autant que tantôt il m'a fait une opprobre vergogneuse; &
+m'a dit une injure que je ne veux, ni ne peux lui remettre.
+
+SCOT. Je ne m'étonne plus de rien, puisqu'il s'en souvient. O! soit ce
+qui en pourra être, je me tais & vous en laisse tout faire; je m'en vais
+me consoler avec le flacon; je vous fais juge de tout, Madame.
+
+MADAME. Et bien, il vous a appellé hérétique; il y a bien de quoi?
+
+ULDRIC. Oh! que ce n'est pas cela pour si peu, je ne daignerois y
+penser. Il m'a fait une bien plus grande honte, diffamation & vitupere
+plus notable.
+
+MADAME. Pour vivre en paix & vous accorder, il faut tout dire: là,
+déclarez ce tort & injure.
+
+ULDRIC. Madame, je vous prie, c'est tout un; je vous le dirai; il m'a
+appellé viédaze.
+
+MADAME. Que lui avez-vous répondu?
+
+ULDRIC. Qui vous fouaille, Madame, en bon françois.
+
+MADAME. Mais vous, vraiment!
+
+ULDRIC. Je veux bien, puisqu'il vous plaît; je ne l'eusse su demander
+plus honnêtement, ni vous plus joyeusement me l'accorder. Ce sera quand
+il vous plaira, Madame. Employez-moi, tandis que je suis jeune; quand je
+serai vieil, je n'en pourrai plus. Mais ce démenti que deviendra-t-il.
+J'entends que ce soit un démenti de Meûnier; un âne le portera. Voire,
+mais plutôt de papier; je m'en torcherai le cul.
+
+
+
+
+NOTICE.
+
+
+XXXV. LE BON HOMME. Te voilà camus, Monsieur Scot: tu as le nez fait
+comme une truie gruesche. Que diable avois-tu affaire à cet hérétique?
+Ne sais-tu pas que tels gens sont injurieux comme Papistes & inventifs
+comme huguenots? Veux-tu que je te die? Il t'avient à les attaquer,
+comme une truie à dévider de la soie. Laisse-le là; il te feroit devenir
+aussi cheval, que le mulet du grand Turc. C'est un des malheurs du
+siecle, que si on veut apprendre quelque bien, on aura infinie peine à
+se mettre en train. Depuis le temps que nous sommes ici, nous n'avons
+non plus su entrer en matiere, qu'un coin de beurre en la fente d'un
+noyer. Nous ne faisons que perdre le temps; je ne m'en soucirois pas,
+s'il n'y avoit que pour nous. Je plains une infinité de pauvres ames,
+qui béent, attendant après la doctrine languissante du desir de science:
+& nous la retenons par nos rencontres, qui seroient aussi bonnes tantôt
+qu'à cette heure, d'autant que tout ce qui est ici est si bon, qu'il est
+tout égal, ni meilleur, ni pire, tel en un temps qu'en l'autre. Or bien,
+puisque vous avez envie de savoir, oyez notre docteur.
+
+PARACELSE. Vous saurez, en dépit de vous, que les quatre élémens sont
+formés d'une même matiere. Regardez comment je commence de belle & bonne
+grace, comme un apprentif qui retire sa quittance.
+
+ Quand maître coût, & putain file,
+ Petite pratique est en ville.
+
+La premiere matiere est celle dont les ouvriers du monde agissent,
+sachant élire ce qu'il en faut pour leurs affaires. J'ai honte de
+proférer ce mot de matiere, à cause de ces médecins qui me regardent, &
+pensent que je leur veuille proposer le monde malade, pour voir à sa
+matiere ce qu'il sera; s'il mourra bientôt, ou s'il guérira. Je vous
+dirai mes enfans, (ainsi vous puis-je nommer, d'autant que je vous
+adopte par science, & vous engendre par intelligence) que le monde ne
+s'est point encore vuidé; il n'a point fait de matiere. Savez-vous pas
+que la matiere se fait seulement, après l'opération de plénitude? Tout
+ainsi que le monde est beaucoup de fois plus grand que l'homme, qui est
+le petit monde, & le monde le grand animal corporel: aussi, en
+proportion, quand il sera plein, & après le tems & juste équivalence,
+ayant été rempli, rendra sa matiere; attendez ce tems-là, & vous qui
+jugez de sa durée & future dissipation, & la verrez au juste
+prognostique de l'éjection qu'il en fera. Ce n'est plus de telle chose
+que je veux parler: mais en faut avertir le monde, de peur
+d'inconvénient. Oyez donques que c'est de certains, purs, vrais, saints
+& justes élémens que je veux dire, lesquels les abstracteurs,
+falsificateurs, brouillons & hypocrites ont gâtés: & j'en veux à ces
+trompeurs, pour autant qu'ils me firent perdre ma manuelle, quand
+j'allai quérir les petites ordres. Aussi je n'ai garde d'y retourner, de
+peur de tout perdre; encore faut-il vous avertir touchant les
+abstracteurs, d'autant qu'il y a une sorte. On m'a dit que les plus
+subtils sont à la Rochelle, parce que c'est une ville maritime; & que là
+sont abstracteurs de cérémonies, qui se parent bravement de leur sujet,
+comme entendus philosophes qui levent les accidens de leur substance,
+sans qu'il y reste cicatrice qui ne soit apparente & manifeste. Je ne
+sais que j'en dois dire, de peur d'être estimé hérétique; je les laisse
+donques: mais je hais abondamment les voleurs, qui ont tiré de certains
+élémens d'une doctrine, que l'antechrist a inventée & supposée, sous
+lumiere de religion, pour faire une ombre mirlifique. Vous saurez tantôt
+que c'est, & jugerez que je ne passe point les limites de raison; mais
+que je galope ces gabeleurs de théologie, qui ne trouvent bon que ce qui
+quadre à leur paillarde opinion. Il y en a d'autres, qui ont remarqué
+comme cette cabale avoit ainsi pressuré & fait issir un élément
+génératif, perpétuellement en similitude, muni d'une fécondité future, &
+ont fait semblablement en les imitant. Par ainsi, ils ont sublimé,
+effressuré, & hipocondrillé la jurisprudence: puis après, les plus
+sages, pour n'être suspects à cause de la robe, ont escarmouché les
+embuches médecinales; si que, chatouillant le pénil de la médecine, lui
+ont fait couler le suc du moelleux endroit, ou la parfaite substance
+chytifre: & par ce moyen le relevant quintessentiellement en apparence
+magnifique, suivant comme les autres les belles amusoires de
+jurisdiction, & possession acquise, ont mêlé avec les médicamens
+l'oeuvre parfait de benoîte extraction; si que les méchans ayant passé
+par leurs mains, & goûté du brouet d'andouille, ont forcené d'amour
+après cette invention; tellement qu'ils ont dignifié leur état comme les
+autres, & contrepassant par l'étamine, & suivant les commentateurs des
+ruses soporiférantes, le scandale forfantesque avec grands labeurs &
+risques, ont trouvé la quintessence nécessaire, dont il est tant fait
+d'état entre ceux qui veulent parvenir. Et parce que par quelquefois
+boire ensemble, ou deviser, on se joint les uns aux autres, la
+fréquentation étant la soudure des volontés, il est avenu que toutes ces
+quatre essences sont mêlées ainsi que les opérateurs se sont assemblés;
+tellement que, messieurs ayant pris conseil & étant assemblés, ils ont
+fait, (je ne saurois dire ce mot des Apôtres; aidez-moi à le trouver;
+c'est un... Je l'ai trouvé; qu'au diantre soit le harnois, tant il m'a
+coûté à fourbir; c'est un symbole) ainsi chacun apportant son symbole,
+ils furent joints ensemble, comme la mie à la croûte. Donques de ces
+élémens unis, joints, assemblés, tirés, faits, extraits, proposés,
+trouvés, animés, & accomplis, a été construit, bâti, établi, composé,
+compli, balancé & accommodé le monde pipeur par ces élémens de piperie;
+& ce monde a été rendu complet en toutes ses parties, avec faculté
+perpétuelle de se régénérer, sans dissipation d'esprits, & par le
+mélange mystigorieux des forces & puissances qui y sont contenues.
+L'exercice a causé merveilles au progrès infini de l'univers pipeux.
+Mais vous m'aguettez, pour voir si je serai aussi ignorant, que ceux qui
+disent que le soleil n'est pas chaud: & je voudrois que tels me pussent
+prouver qu'ils n'eussent point le trou de cul puant, sans qu'on y
+fleurât. Même ils disent que la neige n'est pas blanche; que les étrons
+ne sont vifs ni morts; que la pluie ne chet pas; mais qu'elle monte vers
+le centre de la terre. Ils en disputent gaîment, & ne savent pas
+pourquoi les boeufs se couchent. A jan, grosse bête, c'est parce qu'ils
+ne se peuvent asseoir. Je me garderai bien de vous; & ferai si bien, que
+vous jugerez que je suis assez docte. Or ça n'est-il pas vrai? ne me
+voulez-vous pas attrapper sur la quintessence? Je vous satisferai, &
+vous la montrerai au doigt & à l'oeil.
+
+NICANDER. Il est vrai, notre ami, c'est-là; & je voulois considérer si
+votre analogie seroit parfaite.
+
+L'AUTRE. Mort aux rats, aux souris & aux guêpes, c'est s'y entendre
+cela, comme un rossignol à crier de la moutarde. Or là, laissez-moi
+achever; mon analogie sera parfaite; écoutez, j'ai repris mon propos par
+le bord de sa robe.
+
+
+_Fin du Tome premier._
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by
+François Béroalde de Verville
+
+*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57878 ***
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-The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by
-François Béroalde de Verville
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-
-Title: Le moyen de parvenir, tome 1/3
-
-Author: François Béroalde de Verville
-
-Release Date: September 9, 2018 [EBook #57878]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 1/3 ***
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-
-Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the
-Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
-(This book was produced from scanned images of public
-domain material from the Google Books project.)
-
-
-
-
-
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-
-
-
-
-LE
-
-MOYEN
-
-DE
-
-PARVENIR.
-
-_NOUVELLE ÉDITION._
-
-Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres.
-
-_Caritas inter jocosve regnat Moria._
-
-TOME PREMIER.
-
-
-A LONDRES.
-
-M. DCC. LXXXI.
-
-
-
-
-DISSERTATION
-
-_Qui doit être lue(*)._
-
-* Cette dissertation est du savant BERNARD DE LA MONNOYE. Elle donne une
-assez parfaite connoissance & une idée assez claire de l'Auteur, pour ne
-devoir pas être rejettée par les Lecteurs, qui veulent s'instruire quand
-ils lisent.
-
-
-Le livre, qui a pour titre _le Moyen de Parvenir_, étant en son espece
-véritablement original, bien des gens demandent tous les jours qui en
-est l'auteur. On sait, à n'en pouvoir douter, que c'est _François
-Béroalde, sieur de Verville, gentilhomme Parisien_, & de plus chanoine
-de saint Gatien de Tours. Les registres de cette cathédrale datent sa
-réception du vendredi 5 Novembre 1593.
-
-Il a composé, tant en prose qu'en vers, une infinité d'ouvrages, où, à
-l'exception du _Moyen de Parvenir_, il n'a fait nulle difficulté de
-mettre son nom. Comme cet écrit est extrêmement licentieux, il n'a pas
-voulu tout-à-fait demeurer d'accord qu'il fût de lui. Voici comme il
-s'en explique, pag. 461 & 462 de son _Palais des Curieux_. «Cependant je
-vous avise que, comme ici je donne des atteintes à plusieurs fautes,
-j'ai fait un oeuvre, lequel est une satire universelle, où je reprends
-les vices de chacun. Je pensois vous le faire voir sous un titre qui est
-tel: _le Moyen de Parvenir_. Mais on me l'a volé: si que, pour en avoir
-le plaisir, vous attendrez encore. Je l'ai mis en tel état, que je
-l'avouerai mien; au lieu que l'exemplaire, dont on m'a fait tort, est
-insolent, & que je dénierois être de moi, aussi qu'il n'est pas de mon
-écriture; & avec cela il n'est pas de mérite pour être lû, à cause des
-convives qu'on m'a rapporté qui y sont, pource qu'il y a des contes
-désagréables; ce qui n'est pas au mien, où je ne taxe ni moine ni
-prêtre, ni ministre ni nonnain, & n'y a point de contes qu'on tire à
-telle conséquence; mais rencontres joyeuses, & touches tendantes à
-réformation».
-
-Ce désaveu, fait pour la forme, n'a pas empêché qu'on ne l'ait crû
-l'unique auteur de ce livre. On y reconnoît d'un bout à l'autre son
-style & son caractere. Quoiqu'on l'ait repris d'avoir affecté, dans cet
-ouvrage, d'écrire sans suite; il ne laisse pas d'y marquer du dessein, &
-de cacher, dans son désordre apparent, un ordre plus fin qu'on ne se
-l'est imaginé. C'est une représentation naïve des conversations
-ordinaires. Que trois ou quatre personnes s'entretiennent ensemble
-familiérement, elles parleront insensiblement de mille choses
-différentes, sans s'appercevoir de la différence des sujets. Le marquis
-de Châtres-Brodeau nous donna, sur ce modèle, en 1697 ses _Jeux d'esprit
-& de mémoire_, mais d'un goût fort subalterne. J'ai exposé l'idée du
-_Moyen de Parvenir_. L'auteur y suppose une espece de festin général,
-où, sans conséquence pour les rangs, il introduit des gens de toute
-condition & de tout siecle, savans la plûpart, qui, n'étant là que pour
-se divertir, causent de tout en liberté, & par liaisons imperceptibles
-passant d'une matiere à une autre, font des contes à perte de vue. La
-vérité est que, brouillés comme ils sont dans le livre, on a de la peine
-à les y retrouver quand on les cherche; mais il est aisé de remédier à
-cet inconvénient par le secours d'une table sommaire des Chapitres qu'on
-a faite, en vertu de laquelle il n'y a pas de quolibet, pour mince qu'il
-soit, qu'on ne trouve en son lieu dans le moment.
-
-Le _Moyen de Parvenir_ en est le répertoire général; c'est en cette
-source que non-seulement Bruscambille & Tabarin ont puisé; mais encore
-Daubigné dans son _Baron de Fæneste_, & Sorel dans son _Francion_.
-
-Un ami très-docte du docte Saumaise, m'a dit que ce grand homme se
-délassoit quelquefois à lire le _Moyen de Parvenir_, & qu'il l'estimoit
-en son genre. Il m'en a même appris un fait curieux, qui mérite d'être
-rapporté. C'est que, dans le tems que monsieur Saumaise étoit malade à
-la cour de Suede, la reine Christine, qui l'y avoit fait venir, l'étant
-allé voir, le trouva au lit tenant un livre, que par respect il ferma,
-au moment qu'il la vit entrer. Elle lui demanda ce que c'étoit. Il lui
-avoua que c'étoient des contes un peu libres, que, dans l'intervale de
-sa maladie, il lisoit pour se réjouir. Ha, ha, dit la reine, voyons ce
-que c'est; montrez-m'en les bons endroits. Monsieur Saumaise lui en
-ayant montré un des meilleurs, elle le lut d'abord tout bas en souriant;
-après quoi pour se donner plus de plaisir, s'adressant à la belle
-Sparre, sa favorite, qui entendoit le françois: viens, Sparre,
-s'écria-t-elle; viens voir un beau livre de dévotion intitulé, le _Moyen
-de Parvenir_. Tiens, lis moi cette page tout haut. La belle demoiselle
-n'eut pas lû trois lignes, qu'arrêtée par les gros mots, elle se tût en
-rougissant; mais la reine, qui se tenoit les côtés de rire, lui ayant
-ordonné de continuer, il n'y eut pudeur qui tînt; il fallut que la
-pauvre fille lût tout. Monsieur Saumaise, racontant cette particularité
-au savant homme, alors fort jeune, de qui je la tiens, lui fit voir le
-propre exemplaire qui avoit été le sujet de cette plaisante scène, & le
-lui donna.
-
-Tout ce qu'on peut dire à l'avantage de cet ouvrage, c'est qu'il a été
-une source intarissable de bons contes, proverbes & mots plaisans pour
-nous & nos successeurs. Il n'est enfant de bonne maison qui n'en bégaie
-à tort & à travers quelque lambeau; bien ou mal placé, n'importe. Mais
-aussi Verville ne s'est pas livré à sa seule imagination dans la
-formation de ce livre plein d'imagination.
-
-Une remarque particuliere, sur le _Moyen de Parvenir_, c'est que le mot
-_car_, par où il commence, n'y est dans la suite répété en nul endroit.
-
-Bayle nous a donné un léger article de François Béroalde sieur de
-Verville, & un autre de Mathieu Béroalde, pere de François. Mathieu,
-originairement catholique, fut, vers 1550, précepteur d'Hector Frégose,
-fils de César Frégose & de Constance Rangon. Le Bandel en parle avec
-éloge, dans l'épître dédicatoire de la 63e. Nouvelle du 3e. tome.
-«Messer Matteo Beroaldo, Parigino, (_dit-il_) huomo non solamente nella
-lingua latina e greca eruditissimo, mà nell'hebrea anchora, e negli
-studii filosofici essercitato, e precettore del nostro signor Hettor
-Fregoso, dal re christianissimo nomato al summo pontefice per vescovo di
-Agen». Et dans l'épitre dédicatoire de la nouvelle suivante. «La novella
-fù narrata qui trà noi dal dottissimo messer Matteo Beroaldo, precettore
-del nostro gentilissimo signor Hettor Fregoso».
-
-Le calvinisme commençant alors à s'établir à Agen, Mathieu Béroalde,
-Jules-César Scaliger & quelques autres savans, alors habitans de cette
-même ville, goûterent la nouvelle religion. Mathieu Béroalde en fit
-profession ouverte, quelques années après, & fut même ministre à Genêve.
-Il étoit neveu de Vatable, & avoit des livres rares & exquis, lesquels
-furent la plupart vendus & dispersés après sa mort. Quelques-uns
-cependant demeurerent à son fils, qui, dans un tems de troubles, tel que
-celui où il vivoit, eut peine à les conserver. Il en regrettoit un,
-surtout, imprimé, dit-il, à la Chine, que Joseph Scaliger, à qui il
-l'avoit prêté, lui retint. Il en dit un mot dans son _Moyen de
-Parvenir_, tome II. chap. XXI. intitulé _Sommaire_, & en parle plus au
-long & plus sérieusement, sur la fin de son _Palais des Curieux_.
-
-Il étoit poëte, chimiste, médecin, philosophe, grammairien,
-mathématicien. Ses ouvrages, dont nous avons un grand nombre, sont
-presque tous ou romanesques ou chimiques, ou tous les deux, tel que son
-_Voyage des Princes Fortunés_, livre ennuyeux à la mort, au chapitre
-près qui contient l'histoire du roi Eufrantis, & de son favori Spanio.
-On la peut voir toute entiere, dans les remarques de Sorel, sur le Xe.
-livre de son _Berger Extravagant_. Claude Barthelemi Morisot, avocat au
-Parlement de Dijon, l'a mise en latin, en ayant seulement changé les
-noms, & l'a insérée dans son _Veritatis lacrima_, petite satire que les
-jésuites, qu'il y maltraitoit, firent brûler publiquement à Dijon, par
-arrêt du même parlement, le 4 Juillet 1625. On dit que, ce _Voyage des
-Princes Fortunés_ n'ayant point eu de débit, Verville composa, pour
-dédommager son libraire, le _Moyen de Parvenir_, dont il s'est fait des
-éditions sans nombre. Le titre seul excitoit la curiosité. C'est
-assurément un livre singulier. L'auteur y paroît fort désabusé de la
-pierre philosophale, dont il avoit été long-tems entêté. Pour sa
-religion, l'on ne peut douter qu'étant fils d'un ministre de Genêve, il
-n'ait été élevé dans la prétendue réformée. De huguenot, après la mort
-de son pere, il se fit catholique: mais à en juger par son _Moyen de
-Parvenir_; qui fut un de ses derniers ouvrages, il est aisé de voir que,
-s'y moquant comme des Catholiques & des Huguenots, il n'étoit ni l'un ni
-l'autre.
-
-Sa retraite à Tours, où apparemment il est mort, l'a fait mettre par
-l'abbé de Maroles, page 255. de la partie de ses _Mémoires_, au nombre
-des illustres Tourangeaux. Le même abbé lui donne pour compagnon de
-poésie enjouée, le nommé Gui de Tours, qui en effet s'appliqua peu de
-tems après que le _Moyen de Parvenir_ eut paru, à en tourner quelques
-contes en vers françois. Ce sont des manieres d'épigrammes. Je les ai
-vues, rien n'est plus sec.
-
-
-
-
-_SOMMAIRE_
-
-DES CHAPITRES.
-
-
-_TOME PREMIER._
-
-I. Qui sert d'exorde à ce discours clair & intelligible, intitulé:
-_Moyen de Parvenir_; satyrise les géometres, les géographes & les
-chronologues; prépare le lecteur à l'assemblée de ces illustres fous,
-qui, de section en section, donneront de plus en plus des preuves de
-leur folie stéganographique. Les interlocuteurs s'engagent à se revoir
-chez le bonhomme, pour y faire festin. Invective contre ceux qui donnent
-légérement leur parole.
-
-_Guillaume qui fait jurer pour lui_, Page 3.
-
-_Honnête démenti de Coguerean_, p. 4.
-
-_Seigneur de paroisse qui ne refuse rien_, p. 5.
-
-II. Satyre contre les grammairiens latins, si hérissés par-tout qu'on ne
-peut en aborder, sans être sûr d'être déchiré par l'épine; & contre les
-pindariseurs de la langue françoise.
-
-_L'assesseur pindarisant_, p. 6.
-
-III. A l'ajournement chez le bon homme, aucun des conviés ne manque, &
-tous en entrant dans la salle se saluent. Satyre contre les
-révérencieux. Description de la salle. Critique de Platon.
-
-IV. Eloge de toute l'assemblée, dans un style si singulier, qu'on ne
-sait s'il l'injurie ou la loue. Cet éloge est terminé par l'apologie de
-madame (la belle inconnue) dont beaucoup de bien est dit.
-
-V. Les flaccons de vin étoient au frais. Sortie vigoureuse contre les
-buveurs d'eau tiede, les sots à table, & les timides en conversation.
-Histoire de la découverte de _la vérité au fond d'un puits_ par
-Démocrite. Raison pourquoi le vin s'avale plus promptement que le pain.
-Vin répandu est le plus grand malheur. Origine du proverbe: _vessies
-sont des lanternes_.
-
-_Sermon du curé_, page 10.
-
-_Démocrite qui trouve la vérité dont un puits_, p. 12.
-
-VI. Socrate fut chargé de l'emploi de maître des cérémonies. On y vit
-arriver Alexandre revenu de chez les Gymnosophistes, Aphtonius, Bodin,
-Pythagore, Pline, Démosthenes, Aristote, Rabelais; Cusa & Jean Hus se
-placent; digression plaisante sur la future destinée de ce livre.
-
-_L'archidiacre grand gourmand_, p. 15.
-
-_Moine circonspect au pied de la potence_, p. 16.
-
-VII. Le repas commence. A propos de repas, savante & profonde
-dissertation sur les pets, & histoire des pets musqués de la belle
-Imperia avec le gentilhomme de Lierne.
-
-_Naissance de la couronne impériale_, p. 23.
-
-_De Lierne couché avec la belle courtisanne peteuse_, page 24.
-
-_Naissance des orties_, 26.
-
-VIII. L'histoire de la belle Marciole qui ramasse, toute nue, les
-cerises qu'elle avoit apportées au sieur de la Roche. Les plaisirs
-indiscrétement prisés des regardans, & la somme que la belle emporta,
-font le sujet de cette section.
-
-_Marciole ramassant les cerises_, p. 27.
-
-_Prudence de l'abbesse de Montfleury_, p. 33.
-
-IX. Il est bien intitulé _coq-à-l'âne_; chacun, rempli de l'histoire de
-Marciole, raisonne sur son _cela_, & pourquoi _cela_ est appellé cela.
-Plaisanterie d'un médecin visitant une fille malade.
-
-_Médecin examinant une malade_, p. 35.
-
-X. L'auteur annonce clairement à ses lecteurs la difficulté de lire ce
-livre, dont toutes les phrases sont cousues par le hazard: l'exemple du
-bon homme Guyon, qui mettoit dans une grande terrine tout pêle-mêle ce
-qu'on lui donnoit à boire & à manger, est une comparaison sensée de cet
-ouvrage. Analyse d'une dissertation d'un prieur de Vau-de-Vire, sur le
-mot _cela_. Homme & femme sont honteux de montrer leur _cela_, selon la
-petitesse de l'un ou la grandeur de l'autre. Le dialogue d'Hippolite &
-de son amant vis-à-vis sa mere, mérite l'attention de ceux qui aiment de
-la chaleur dans les dialogues. Histoire de monsieur de la Rose, qui,
-pour se moquer des notaires, fait passer des pois _pardevant eux_.
-
-_Guyon qui mangeoit & buvoit pêle-mêle_, page 36.
-
-_La belle Hippolite qui se chauffoit à la parisienne_, p. 39.
-
-_Pois passés pardevant notaires_, p. 43.
-
-XI. Eloge ambigu des convives, de l'ouvrage, & des lecteurs assez
-spirituels pour l'aimer & comprendre. Comparaison de ce volume avec
-verre & bouteille.
-
-XII. En continuant l'apologie de ce volume, il l'appelle bréviaire, pour
-avoir droit de faire un sarcasme contre les propriétaires de bréviaires.
-Le conte du bréviaire du curé, & du _quiproquo_ de la femme du libraire,
-n'est qu'une courte parenthese à cette apologie, qui n'est interrompue
-que par une furieuse satyre contre les financiers & gens pressurant le
-peuple par la levée des impôts. Embarras dans lequel il entre sur le nom
-qu'on doit dignement imposer à ce livre; en rejettant le mot de
-clavicule, il fait un conte sur Rabelais qui prépare une médecine à M.
-du Bellai avec une décoction de clefs. Il termine cette section par une
-invective contre les pédans latinistes, & les ennuyeux scholiastes.
-
-_Le bréviaire du curé_, page 48.
-
-_Quiproquo de la femme d'un libraire_, p. 49.
-
-_Médecine apéritive de Rabelais_, p. 53.
-
-XIII. Plaisante conversation d'un principal du collége de Genêve & d'un
-ministre: on y développe un germe de scepticisme sur les deux religions
-catholique & protestante. Il termine son éloge de ce livre par des idées
-très-burlesques & fort analogues au style dont il est écrit.
-
-_Guérison du ministre malade_, p. 58.
-
-XIV. Beze est le premier qui forme l'interlocution dans cet ouvrage; il
-disserte plaisamment sur les gouvernantes de prêtres, qui le premier
-jour disent _votre_; le second, _notre_: & le troisieme _mon_. Quelques
-_quiproquo_ fort plaisans précedent l'histoire du bachelier fouetté;
-elle est commencée, & tout d'un coup interrompue.
-
-_Bonne foi d'un homme prêt d'être rompu_, p. 62.
-
-_Gradations de familiarité des chambrieres_, p. 64.
-
-_La tête de veau de l'avocat du Mans_, p. 65.
-
-_Le bachelier fouetté & fouettant_, p. 66, contin. p. 71.
-
-XV. L'interruption ayant toujours lieu, à propos de soutanes & de
-braguettes, plaisanteries vives sur les papistes & les huguenots, sur
-les buveurs d'eau vigoureux champions en amour, & sur le terme de _faire
-la pauvreté_. Enfin le conte du bachelier fouetté par la dame Laurence &
-la fouettant à son tour, reprend son fil; le trépas de la pauvre dame, &
-la frayeur de sa jument à ce triste spectacle de fouetterie.
-
-XVI. Propos de soeur Dronice avec son abbesse qui la réprimande d'avoir
-tâté du fruit de vie. Raisonnement intéressant à la république sur
-l'encouragement qu'on doit donner à celles qui l'enrichissent par des
-enfans. Différentes réponses d'enfans sur le cocuage des peres & le
-putanisme des meres.
-
-_La nonnain curieuse reprimandée_, p. 78.
-
-_Réponses naïves d'un enfant à sa mere_, p. 81.
-
-_Naïveté d'un curé_, p. 82.
-
-XVII. Continuation des propos sur les femmes, que j'aime mieux qu'on
-lise que d'en faire l'analyse. Plaisanterie sur l'aventure d'un moine,
-(sans contredit c'est aventure de paillardise; & toutes les fois que je
-dirai _aventure de moine_, cela aura cette signification) & sur
-l'explication de _omnis caro foenum_. Thevet tourné en ridicule sur son
-style & ses bévues. Grotesque serment d'un paysan égrillard, pour
-détourner la jalousie bien fondée de son voisin sur son compte,
-vis-à-vis sa femme.
-
-_Décision sur les femmes en général_, page, 83.
-
-_Femme prise pour un boiteau de foin_, p. 84.
-
-_Frere Jérôme le chimiste_, p. 85; continuée, 86; cont. 87; finie, 89.
-
-_Expression reprise_, p. 86.
-
-_Plaisant serment de Georget_, 87.
-
-XVIII. Explication burlesque d'une vérité trop certaine, qu'il faut
-_graisser_ la main aux gens de justice. Histoire de frere Jérôme, grand
-alchimiste, dans laquelle on se moque des brûleurs de charbons & des
-entrepreneurs de fortunes imaginaires; frere Jérôme, pour fermer la
-bouche à sa parente anti-chimiste, lui dit qu'il cherche la poudre qui
-le fait faire sept coups.
-
-_Façon de graisser les mains de son juge_, p. 88.
-
-XIX. Un coq-à-l'âne fort court, d'un valet qui explique à sa façon
-_mundus caro dæmonia_, differe un moment l'histoire de la pierre à
-casser les oeufs. Secret de faire mourir quelqu'un sans qu'il y
-paroisse; il ne se peut pratiquer qu'en huitaine qui précede le carême.
-
-_Naïveté d'un valet_, page 91.
-
-_Pierre à casser les oeufs_, p. 91,
-
-XX. Nouvel éloge du livre, dont le résultat est de donner des leçons aux
-gourmands superlatifs, pour n'être jamais dupes dans les repas où ils se
-trouvent.
-
-XXI. Denost le gourmand sert de modele dans l'apothéose de la
-gourmandise. Ici la conversation des convives se brouille; & par une
-cascade inattendue, elle rentre dans les _quiproquo_. Comment faire dans
-un terrein couvert de neige, pour que les pas d'une pucelle n'y
-paroissent point. Conte de la fille du métayer qui avoit perdu un
-mouton, & qui vouloit être tuée pour retourner à la maison.
-
-_Cornu, le modele des gourmands_, page 99.
-
-_Quiproquo d'une femme_, p. 100.
-
-_La fille qui veut mourir_, p. 101.
-
-XXII. Secret infaillible pour savoir si une fille est pucelle, pourvu
-qu'on ne soit ni manchot ni courte-haleine. Maniere fort sensée
-d'annoncer la fête de la Madelaine.
-
-_Sermon de la Madelaine_, p. 104.
-
-XXIII. Les évêques ni les chapitres n'ont beau jeu dans cette section;
-les uns sont traités comme pharisiens, qui disent de bonnes choses & en
-font de mauvaises; les autres, comme assemblées de corps sans ame, de
-matiere sans esprit. Histoire de la fille reconnoissante qui prend le
-meilleur, & veut qu'on donne à sa mere le pire: vit-on un meilleur
-coeur!
-
-_Sermon sur la charité_, p. 106.
-
-_L'achat d'un meilleur outil_, p. 108.
-
-XXIV. Histoire du notaire & du beau petit diabolique faucheur: elle est
-coupée par deux ou trois parentheses fort plaisantes. Dans l'une on y
-développe bien réguliérement les différentes sortes de bénéfices; & ce
-développement ne peut manquer d'être bon & raisonnable, il est fait par
-Cicéron. Dans une autre, il y a quelques railleries sur des termes
-qu'entre gens de religion on se reproche qu'il ne faut jamais prononcer,
-à moins qu'on ne veuille se voir lapider avec pierres d'églises ou de
-prêches. Dans la derniere est une plaisanterie sur un faucheur qui se
-coupa la tête voulant attraper un poisson avec le bout de la lame de sa
-faux.
-
-_Le pré fauché & le petit faucheur_, p. 113, continuée, 117.
-
-_Maladresse d'un faucheur_, p. 116.
-
-XXV. Histoire de monsieur Jacques de la Tour, autrefois prédicateur, &
-finalement marchand de lanternes, qui mourrant de faim à en débiter, fit
-une petite fortune à en vendre. Sortie vigoureuse sur les ubiquitaires.
-Histoire du petit saint homme, qui devint méchant comme un diable dès
-qu'il fut moine.
-
-_Le ministre marchand de lanternes_, page 119.
-
-_Le novice méchant comme un diable_, p. 123.
-
-XXVI. De naïves & simples réponses font le sujet de cette section, qui
-est terminée par l'illustre & fameux conte de Robin mon oncle. Sarcasme
-contre la vénalité des bénéfices & la simonie.
-
-_Stupidité d'un écolier_, p. 126.
-
-_Le pere de Melchisedech_, p. 130; continuée, 133; fin. 134.
-
-_Evêque généreux comme de raison_, p. 131.
-
-_Conte de Robin mon oncle_, p. 132.
-
-XXVII. Pour autoriser son propos sur la simonie, il raconte plaisamment
-la finesse d'un jeune bachelier qui vouloit avoir un bénéfice de messire
-Imbert. Généalogie très-suivie de Melchisedech, quoi qu'en dise le texte
-sacré, qu'on ne connoît ni son pere ni sa mere.
-
-XXVIII. Singuliere explication du premier vers des distiques de Caton,
-sur les carmes. Soeur Jeanne explique fort énergiquement la valeur du
-mot _coquebin_. Plaisant remede d'une paysanne pour guérir son pataud de
-mari.
-
-_Chapelain chatré d'une Angloise_, page 137.
-
-_Valet qui n'est pas coquebin_, p. 138.
-
-XXIX. Messire Gilles, après avoir passé par l'étamine hypercritique de
-Scaliger sur son nom, & l'origine de son nom, raconte l'histoire du
-diable châtré. Sentimens de religion bien placés, sur le chagrin qu'on
-doit avoir que S. Michel n'aie pas tué le diable, quand il avoit si
-beau, puisqu'il étoit armé comme quatre mille, & que le diable étoit
-tout nud.
-
-_Le diable châtré_, p. 141.
-
-_Nom de sculpteur tronqué plaisamment_, p. 143.
-
-XXX. Naïveté d'une fille-de-chambre, qui ne cede en rien à la simplicité
-d'un prédicateur. Messire Guillaume le Vermeil veut parler à son tour;
-mais il est représenté comme un homme ivre & qui bégaie. Diogenes, dans
-ce repas, est aussi cinique contre nos porte-chasubles, qu'il l'étoit
-dans les rues d'Athenes, tapissé des douves de son tonneau.
-
-_Naïveté d'une fille de chambre_, p. 147; continuée, p. 148.
-
-_Sermon expressif fait à des jacobins_, p. 148.
-
-_Conte de la reine des pois pilés_, p. 149.
-
-XXXI. C'est ici la scene des souhaits; chacun en fait à double entente,
-plus plaisans les uns que les autres. Conte de Martine & de sa flûte,
-pour faire opposition à Robin & ses flûtes. Satyre contre les moines à
-besace. Plaisant testament d'un Toulousain, en faveur de sa femme, qu'il
-laissa fort bien pourvue, en ne lui ajoutant rien à ce qu'elle avoit
-auparavant. Sortie contre ces Agnès d'apparence, qui donnent leurs
-faveurs à des rustres. Conte des pelotons & de l'honneur cousu &
-recousu.
-
-_Martine qui promet une flûte à son mignon_, p. 154.
-
-_Amphibologie dans le sermon d'un curé_, p. 156.
-
-_Le testament en faveur d'une femme_, page 156.
-
-_Conte des pelotons & de l'honneur cousu_, p. 159.
-
-_Madeleine la bien fêtée_, p. 161.
-
-XXXII. Ici le banquet reprend vigueur; on boit & on mange en toute
-sûreté. Histoire du farfadet de Poissi. Explication des termes de petit
-exercice, de dispense, & de purgatoire. Sergent tombé plaisamment moqué.
-Question, dont le premier vers de Despautere est la réponse.
-Dissertation sur le vin, les buveurs & sur l'ivresse. Jaquette du Mas
-trouve bien heureusement le nom de son fils. Amiot accusé de vérole.
-Satire contre l'inquisition d'Espagne.
-
-_Conte du farfadet de Poissi_, p. 162.
-
-_Chûte d'un sergent_, p. 165.
-
-_Naïvetés d'un paysan d'Orléans_, p. 165.
-
-_Sermon d'un ministre de Strasbourg_, p. 167.
-
-_Prudence d'une servante_, p. 168.
-
-_Nom donné à un enfant par un sermon_, page 171.
-
-_Conte sur Amiot & sa vérole_, p. 171.
-
-_Bon avis d'un fils à sa mere_, p. 172.
-
-XXXIII. Erasme raconte aux convives l'histoire de Dom Rodigue das
-Yervas. La soupe de Glougourde la fait canoniser à Rennes. C'est une
-parenthese au conte de Dom Rodigue. Mot à double sens sur l'indifférence
-d'Erasme pour l'épître & l'évangile. Sentimens sur les poésies d'Æneas
-Silvius & de Beze. Munster moqué d'avoir voulu être l'apologiste de
-Thevet. Bonne raison de l'amour des femmes pour les moines. Cette
-section est terminée par quelques propos de niaiserie paysanne.
-
-_Conte de la soupe de S. Glougourde_, p. 174.
-
-_Mere d'Erasme, qui oublia son pater_, p. 175.
-
-_Naïveté d'un berger_, p. 178.
-
-_Histoire de Dom Rodigue das Yervas_, p. 178.
-
-_Balourdise d'une paysanne_, p. 182.
-
-XXXIV. Invective contre les moeurs & la fourberie des gens du siecle.
-Scot & Uldric se disent des pouilles; madame veut les racommoder;
-plaisante façon de faire une déclaration d'amour: si elle n'est pas bien
-éloquente, du moins est-elle bien sensible.
-
-_Chanoine qui veut le bien d'autrui_, p. 185.
-
-XXXV. Les convives se plaignent qu'on ne vient pas au but qu'ils
-s'étoient proposé. Tout d'un coup Paracelse commence une belle
-dissertation sur la premiere matiere. Dissertation claire comme un étang
-bourbeux, ou comme la bouteille à l'encre.
-
-
-_TOME SECOND._
-
-I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des
-parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de
-dissolution.
-
-_Plaisant parti d'un domestique_, p. 6.
-
-II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses
-instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de
-par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de
-Busançois, divisé en trois points.
-
-_Le conte de Quenault & de Thibault_, page 7.
-
-_Sermon en trois points, du curé de Busançois_, p. 10.
-
-III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie:
-_castigat ridendo mores_. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni
-raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni
-raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes
-ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un
-prêtre, &c.
-
-_Conte du ministre qui avoit rime & raison_, p. 14.
-
-_Conte de la malvoisie_, p. 16.
-
-_Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie_, p. 19.
-
-IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre
-d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du
-linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un
-besacier, l'autre pour l'avoir rebuté.
-
-_Ruisseau à faire la forte bierre_, page 20.
-
-_Conte de la Le Page & de la Gousson_, p. 23; contin. p. 24.
-
-_Interrogatoire de maître Pierre_, p. 23.
-
-_Propos de pisseurs_, p. 28.
-
-V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué.
-Pourquoi le _cela_ de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que
-celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule.
-Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la
-sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le _Moyen de Parvenir_,
-que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style
-des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y
-avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à
-faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il
-demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du
-chose. La section finit par une question, dont le titre de la section
-suivante fait la réponse.
-
-_Aventure de Platon & de Prédicac_, page 30.
-
-_Bonne logique d'une chambriere_, p. 32.
-
-_Plaisante origine des minimes_, p. 34.
-
-_Description élégante de la sphere_, p. 35.
-
-_Conte des trois filles_, p. 36; contin. p. 37.
-
-_Propos d'un curé & d'un charpentier_, p. 37.
-
-_Question d'une chambriere_, p. 38.
-
-VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou
-de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par
-les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape,
-qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les
-femmes Allemandes de ce temps-là, & qui pourroit très-bien convenir aux
-femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent
-leurs noms par des _du_, _de_, _le_, &c. Origine du proverbe: _s'il a
-bon coeur, qu'il mange de la merde_.
-
-_Conte du cul de la femme d'Esculape_, p. 42.
-
-_Changemens de noms_, p. 44.
-
-_Conte de Stace avec la femme peteuse_, p. 45.
-
-VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie
-noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves
-semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois
-tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme
-dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quilleboeuf
-ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre.
-
-_Trois féves qui font le mariage d'une fille_, p. 47.
-
-_Conte de la femme à moitié épilée_, p. 48.
-
-_Obstination d'un marinier_, p. 49.
-
-_Disputes de deux maquerelles_, p. 50.
-
-VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les
-distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du
-désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit
-le _comment a nom_ de sa femme un gardon. Origine de la solution de
-continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou
-trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des
-véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison.
-Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos
-facétieux.
-
-_Lamentation de putain_, p. 51.
-
-_Femme qui montre son cela, sans y prendre garde_, p. 52.
-
-_Conte de jeune femme & vieux mari_, page 53.
-
-_La couture des mâles & femelles_, p. 54.
-
-_Le beurre net de la Soldée_, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin.
-p. 63.
-
-_Propreté des femmes_, p. 57.
-
-_Caractere des moines_, p. 58.
-
-IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section,
-toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer
-que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI,
-tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le
-bon âge, & avance que le _cela_ des hommes est plus fort dans la
-vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le
-conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire
-contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du
-livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete.
-
-_Emploi d'un contrat de mariage_, p. 60.
-
-_Expérience de Sculpture_, p. 63.
-
-_Conte du médecin_, p. 65.
-
-_Mot à double entente_, p. 67.
-
-X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa
-liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine
-du proverbe, _afin que le bon homme ait son sac_. Quelques-uns des
-convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin,
-rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté
-sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se
-fendre la bouche.
-
-_Le revenant_, p. 71.
-
-_Conte du sac du bon homme_, p. 72.
-
-_Réponse humble d'un valet_, p. 73.
-
-_Propos naïf d'une fille_, p. 75.
-
-XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre.
-Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous oeuvre, de
-l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée.
-Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots.
-
-XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation
-sur le _Pheros_ ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames.
-Interprétation du mot _apprendre_. Conte fort plaisant à ce sujet.
-Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur
-les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure,
-& de la naïveté du procureur avec son écritoire.
-
-_Conte du bonnet tombé_, p. 83.
-
-_Bonne leçon d'une vieille servante_, p. 85.
-
-_Conte du moulin à barbe_, p. 87.
-
-_Chanoine pris par son propos_, p. 88.
-
-_Conte de l'écritoire du procureur_, p. 89.
-
-XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des
-prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient
-accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont
-il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de
-papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un _moine_.
-
-_Plaisante réponse d'un homme gras_, p. 93.
-
-_Le jeune homme en couche_, p. 93.
-
-_Quiproquo d'un domestique_, p. 94.
-
-_Nom tronqué_, p. 95.
-
-_Conte de la dispute d'Erasme_, p. 95.
-
-_Plaisant jugement_, p. 96.
-
-_Description du pays de papimanie_, p. 99.
-
-XIV. Moeurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan &
-Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre
-contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos
-passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité,
-& l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux,
-les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse
-attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre
-supérieure du mari par l'autre.
-
-_Eloge de la vis des tuileries_, p. 100.
-
-_Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle_, p. 103, contin. p. 104.
-
-_Les beaux sont les gros_, p. 105.
-
-XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui
-mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant
-être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere.
-
-_Conte d'un moine pris en partie, comme une souris_, p. 108.
-
-XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un
-sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un
-moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose
-qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise.
-Véritable explication du mot _quasimodo_, & de quelques autres
-intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens
-qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé
-un cocu. Maniere d'être poussé.
-
-_Sermon dont le texte est plaisant_, page 110.
-
-_Conte du moine & des voleurs_, p. 110.
-
-_Conte du fagot_, p. 112.
-
-_Le mot _quasimodo_ expliqué_, p. 113.
-
-_Secret pour être poussé_, p. 116.
-
-XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue;
-cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas
-putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du
-paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon
-subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur
-du terme de chausse-pied de mariage.
-
-_Conte canonique d'un homme & d'une femme_, p. 117.
-
-_Conte de l'âne volé sous son maître_, p. 120.
-
-_Confession d'une femme_, p. 121.
-
-_Bon avis d'un galant homme_, p. 124.
-
-XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les
-cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le
-cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il
-s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait.
-
-_Conte des hommes vissés_, p. 124.
-
-_Conte de la courtisanne Conscience_, page 130.
-
-XIX. Le bon prédicateur fait bonnes moeurs; exemple d'un qui détournoit
-ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend &
-continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame
-l'amiralle, vient égayer. (_Nota._ Dame de compagnie, auprès des dames
-de haut-parage, est même chose qu'_esprit_, auprès de leurs maris. On
-dit: monsieur D. est l'_esprit_ du duc D.)
-
-_Conte des prédicateurs ennemis des paillardises_, p. 134.
-
-_Naïveté de la belle Dubois_, p. 137.
-
-XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de
-ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si
-libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre
-remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours
-_vérité_ & _honneur_, (serment sans conséquence.)
-
-_Vérité dans la bouche d'une Normande_, p. 145.
-
-_Conte du Prieur de Marmoutier_, p. 146.
-
-XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers &
-conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'_in
-illo tempore_ à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit,
-pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes.
-
-_La ville de Lubec_, p. 148.
-
-XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin
-prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris
-dont les enfans ont cheveux de deux couleurs.
-
-_Conte de l'origine du putanisme_, p. 155.
-
-XXIII. Explication du terme de _putain_, faite par plusieurs, & terminée
-de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont
-injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c.
-&c. &c. Trois choses sont à éviter; trois voeux à faire. Satyre contre
-la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de _fesse tondue_.
-Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une
-réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés _béats peres_.
-
-_Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain_, page 163.
-
-_Conte de la fesse tondue_, p. 162.
-
-_L'éguillette nouée et dénouée_, p. 168.
-
-_Le Chanoine dupe_, p. 170.
-
-XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent
-sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut
-toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux
-miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre
-ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet;
-dissertation sur l'origine des mitres.
-
-XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double
-linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de
-Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en
-sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison.
-Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot _tu
-autem_. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il
-faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou,
-deux moines.
-
-_Conte d'un page attrapé_, page 177.
-
-_Jean Dissolez, voleur de poires_, p 180.
-
-_Aventure de Ferrand & Margeou_, p. 183, continuée, p. 192.
-
-XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met
-dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux
-moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis
-à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se
-reprend & se termine.
-
-_Musique d'un moine_, page 188.
-
-_Les deux moines en fonction_, p. 188, continuée, p. 191.
-
-_Origine du proverbe de la_ chape à l'évêque, p. 189.
-
-XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de
-gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a
-crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie
-naturelle d'une présidente.
-
-_Histoire d'une femme de sergent_, p. 194.
-
-_Conte de Jacques Adriot_, p. 197, contin. p. 198.
-
-_Plaisant mot d'une présidente_, p. 198.
-
-XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église,
-diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier.
-Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des
-religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est
-que femmes pour bien juger des choses.
-
-_Conte de la femme d'un huissier_, p. 200.
-
-_Conte des religieuses de Poissi_, p. 203.
-
-_Conte sur le mot groseille_, p. 204.
-
-_Résolution académique de trois nonnains_, p. 205.
-
-XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa
-stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon.
-Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé &
-inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de
-femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la
-preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures
-vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces.
-Façon d'un curé d'imposer silence.
-
-_Le conte de Nabuchodonosor_, p. 207, contin. p. 209.
-
-_La confession sincere_, page 214.
-
-_Conte d'une femme avare de beurre_, p. 218.
-
-XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son
-prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des
-charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle.
-Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque
-chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale
-furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle.
-
-_Femme soumise aux volontés du roi_, p. 220.
-
-_Conte du chaudron_, p. 223.
-
-_Le fromage mou & l'aveugle_, p. 228.
-
-XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de
-l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un
-appareil mis sur une blessure.
-
-_Le cheval de Rabelais_, p. 229.
-
-_Conte du mulet_, p. 231.
-
-XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie.
-Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence
-de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques
-chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de
-la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne
-& Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines.
-
-_Le ministre en cave_, p. 238.
-
-_Franchise d'un hôtelier_, p. 242.
-
-_La huguenote en colere_, p. 244.
-
-XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une
-femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans
-ses souhaits.
-
-_Conte de l'époussetée de deux façons_, p. 251.
-
-_Prudence d'une servante dans ses souhaits_, p. 255.
-
-XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées.
-Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des
-prunes.
-
-_Bans publiés_, p. 256.
-
-_Curé égrillard puni_, p. 257, continuée, page 259.
-
-_Le jardinier & les prunes_, p. 258.
-
-Propos dissolus de moines prêchans. Conte du _thuribulum_. Quelques
-explications de phrases latines.
-
-_Le conte de_ thuribulum, p. 266.
-
-
-_TOME TROISIEME._
-
-I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du
-meûnier complaisant.
-
-_Le meûnier complaisant_, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10.
-
-II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée;
-& de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à
-ordonner. Explication du mot _sot_; subtilité d'une femme, dont, je
-crois, elle fut dupe.
-
-_La file violée_, p. 8.
-
-_L'amant trop complaisant_, p. 9.
-
-_La femme chere à vivre_, p. 10.
-
-III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé.
-
-_Conte du ministre et de la servante_, p. 13.
-
-IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier.
-
-_Conte de l'âne bâté_, p. 15.
-
-_Conte du nom du paysan_, p. 17.
-
-V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux
-mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans
-une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée.
-Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son
-rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes
-délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement.
-
-_La famille bien élevée_, p. 23.
-
-_Le paysan et le rapporteur_, p. 25.
-
-VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la
-conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus
-impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la
-femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par
-l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la
-main.
-
-_Conte du barbier_, p. 32.
-
-VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier
-qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties
-singulieres.
-
-_Le barbier ladre & le médecin_, p. 35.
-
-_L'homme saigné par quiproquo_, p. 39.
-
-_Pari d'un paysan_, p. 40.
-
-VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de
-séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques
-& du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité.
-Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque.
-Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau
-froide.
-
-_Conte de Pâques & du jambon_, p. 44.
-
-_L'abbé de Grammont & madame l'amiralle_, p. 47.
-
-_L'ambassade grotesque_, p. 48, cont. p. 50.
-
-IX. Augurelle fait des voeux, & est la preuve que tôt ou tard les
-prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés,
-présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de
-prédicateurs.
-
-X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur;
-explication des mots _premiere messe & premieres nôces_. Ici les
-convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui
-déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne
-se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un
-François.
-
-_Le curé curieux_, p. 55.
-
-_Conte de l'amant en preuve de son amour_, p. 60.
-
-XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien.
-Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une
-épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de
-circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central.
-Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on
-presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens
-très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui
-fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église.
-Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés.
-
-_Conte du cheval chrétien_, p. 64.
-
-_La fille & l'oeuf_, p. 66.
-
-_Conte du crucifix du curé_, p. 67.
-
-XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des
-prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats &
-rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils
-s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris
-pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste
-que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le
-transport au cerveau.
-
-_Soldat pris en maraude_, p. 73.
-
-_Le ramonneur pris pour le diable_, p. 77.
-
-XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre
-nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une
-connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage.
-Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le
-lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la
-fourchette de St. Carpion.
-
-_Le serrurier de Bourgueil_, p. 82.
-
-_La fourchette de S. Carpion_, p. 86.
-
-XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui
-peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des
-femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce
-qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent
-encore. Conversation de Frostibus & de Luther.
-
-XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une
-abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour
-rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On
-recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, _le faire pour
-épargner le pain_. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi &
-privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si
-reconnoissantes.
-
-_Histoire de Michelle & de ses amans_, p. 105.
-
-XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne
-cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la
-maison. Métier de huguenot à vendre.
-
-XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans
-son genre.
-
-XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont
-les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable
-au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas
-obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le
-latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai.
-
-_Histoire de l'abbé de Turpenai_, p. 125.
-
-XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes.
-Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce
-qui est _malfait_ sans crime, & _bienfait_ sans mérite. Réception d'un
-maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être
-ministre, c'est à peu-près de même.
-
-XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison.
-Ridiculité des moines de parler toujours par _nous_.
-
-_Confession du Chien_, p. 135.
-
-XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande
-dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la
-Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un
-bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine,
-qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont
-faits pour tout savoir. Origine du proverbe, _avoir le boudin par le
-nez_. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il
-y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames.
-Pourquoi on appelle une femme _vesse_. Pourquoi les femmes ne prient pas
-les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le
-sotier de Genêve.
-
-_Conte du cordonnier & de la chambriere_, p. 153.
-
-XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire
-des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou
-l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit _audaces_.
-Obstination d'une femme. Invention du célibat.
-
-_Conte des génitoires noires_, p. 156.
-
-XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux
-prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que
-cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand
-on passe devant la porte d'une putain.
-
-XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots
-plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal.
-
-_Le Pendu de Douai_, p. 166.
-
-_La bonne fortune de Colette_, p. 170.
-
-XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces.
-
-XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au _memento_.
-
-XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le
-fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche
-la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets
-singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante.
-
-XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu
-de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris
-pour le diable.
-
-_Conte de Jean Tenon_, p. 181.
-
-_Le chaudronnier pris pour le diable_, p. 184.
-
-XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui
-croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités
-d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve
-clairement que Rabelais a été évêque.
-
-XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter
-des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni.
-Question lequel des deux boeufs est le plus gras. Plaisantes réparties.
-Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue
-par un savant & un menuisier.
-
-_Femme qui rend le pain béni_, p. 195.
-
-XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots.
-Rêverie de Cardan.
-
-XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante
-demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide
-de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la
-femme battue.
-
-XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de
-l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible.
-
-XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de
-l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois.
-Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de
-conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere
-de connoître les hommes & les femmes fideles.
-
-_La femme battue_, p. 208.
-
-_Le jeu de la courte-paille_, p. 216.
-
-XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de
-part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse
-favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte
-de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on
-en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce
-livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses
-affaires par trop de zele de son valet.
-
-_Conte de la femme bercée_, p. 220.
-
-XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la
-bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées.
-Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de
-souliers en une heure.
-
-XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort
-demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique.
-
-XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les
-Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux
-dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation
-s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une
-marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon
-de se torcher le cul avec du papier blanc.
-
-_Le jardinier & sa femme_, p. 239.
-
-_Le faiseur d'enfans_, p. 242.
-
-XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où
-une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir
-de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de
-femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il
-faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui
-n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le
-condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un
-libraire à l'article de la mort.
-
-XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de
-contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître.
-Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, &
-quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le
-prunier, devinez ce que c'est.
-
-XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur
-l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du _MOYEN DE PARVENIR_.
-
-.cgap Fin du Sommaire des Chapitres.
-
-
-
-
-LE
-
-MOYEN
-
-DE
-
-PARVENIR.
-
-
-I. Car est-il, que ce fut au tems, au siecle, en l'indiction, en l'ére,
-en l'hégire, en l'hebdomade, au lustre, en l'olympiade, en l'an, au
-terme, au mois, en la semaine, au jour, à l'heure, à la minute, &
-justement à l'instant, que, par l'avis & progrès du démon des spheres,
-les étoeufs déchurent de crédit, & qu'au lieu d'eux, furent avancées les
-molles balles, au préjudice de la noble antiquité qui se jouoit si
-joliment. Confus soient ces inventeurs de nouveautés, qui gâtent la
-jeunesse, & contre les bonnes coutumes, troublent nos jeux. N'est-ce
-point au jeu, où l'ame se dilate, pour faire voir ses conceptions? Si un
-diable jouoit avec vous, il ne se pourroit feindre; il vous feroit voir
-ses cornes. Mais qu'est-ce que jouer? c'est se délecter sans penser en
-mal. Beaucoup de maux sont avenus à cause de ce changement, qui
-troublera l'intelligence des histoires, & gauchira toute la mappe-monde.
-Voyez combien déja en sont venus de troubles, guerres, maux, véroles, &
-telles petites mignardises qui chatouillent malheureusement les
-personnes pour les faire rire. Tant de sages, qui étudient aux
-aventures, attribuent tels effets à d'autres causes; comme au
-retranchement des dix jours, depuis quoi on n'a fait vendanges que par
-rencontre de saison; aux pullulations d'hérésies, depuis lesquelles les
-bosses n'ont pu être plattes; aux révoltes des grands, qui sont occasion
-que fillettes ont hanté les cloîtres, & les ménagers les tavernes; aux
-haussemens des tailles, durant quoi les vieilles gens ne font que
-rechigner; & infinies autres sottises, dont je ne suis point contrôleur,
-d'autant qu'il ne m'appartient pas d'entreprendre sur vous. Et bien, en
-cet excellent période, il avint ce que vous savez; & je vous jure, sans
-jurer, que tout est vrai. Si vous me pressez, je vous défoncerai trois
-ou quatre ruades toutes brodées de cramoisi, & jurerai comme un homme;
-ou bien je prierai mon voisin de jurer pour moi, ainsi que fit le sire
-Guillaume, qui pressé du juge de jurer, lui dit ainsi: Monsieur, je ne
-sais point jurer, parce que je n'ai pas étudié, ni été à la guerre, & ne
-suis docteur, ni gendarme, ni gentilhomme; mais j'ai un frere qui jurera
-pour moi. Il fut donc, en cette saison, sonné, trompé, trompeté corné,
-(comme vous voudrez; prenez au goût de votre rate) & crié, huché, dit &
-proclamé avec la trompe philosophique, que toutes ames, qui avoient
-serment à la sophie, se trouvassent au lieu susdit, ainsi qu'il avoit
-été ordonné & promis avec serment solemnel, comme il est ordinaire ès
-affaires sérieuses de la benoîte coutume des sages; pour assurance de
-quoi les enfans de la science avoient mis la main au symbole de la
-conscience. Par quoi nous fûmes tous résolus de nous trouver chez le bon
-homme notre pere spirituel, parce qu'il avoit été ordonné & jugé en
-dernier ressort de serrure, d'horloge, de cranequin, de rouet, de
-rôtissoir, d'arbaleste, &c. que les défaillans seroient mis à la noix, à
-la noisette, au noyau & à l'amende. A cet éclat de mandement, je ne
-faillîmes à nous trouver; aussi avions-nous promis de nous bien chercher
-pour cet effet; & puis je l'avois juré: & sachez que c'est un grand
-péché de faillir parmi nous, parce que suivons uniquement la regle de
-perfection en promesse. Et bien que ce soit une ordinaire glissée de
-pere en fils pour gens de bien, coulée de mere en filles pour femmes
-d'honneur, d'oncle à neveu pour gens d'église; (ordinaire, dis-je, comme
-ces docteurs qui enflent leurs discours) que promettre & tenir est tout
-ce qu'une personne de bien peut faire, & qu'il n'appartient qu'à ceux
-qui sont issus de damoisellerie & de gentilhommeté; si en a-t-on menti
-un petit. Et je vous le dirai aussi honnêtement, que fit Coguerean à
-Monsieur le Président son maître. Il étoit sommelier; & nous boivions
-frais & bon: je disois que le vin étoit bas, Monsieur disoit qu'il étoit
-à la barre; Madame dit: eh bien, sommelier, qu'en est-il? Ha, ha,
-dit-il, Monsieur n'a menti de gueres. Promettre est facile; mais
-effectuer, difficile. De tenir, il est aisé. Tenir ce que l'on promet,
-est faire comme le Seigneur de notre Paroisse, qui ne vous refuse rien,
-& baille encore moins.
-
-
-
-
-POINT.
-
-
-II. Chut! je vous prie, si vous allez à l'école, enseignez ce mot de
-Grammaire à Lipsius & à Scaliger, afin que l'on die ci-après, _promettre
-& effectuer_: & que gens latineux & de telle farine qui remâchent ce que
-les doctes antiques ont jetté & chié, & vont grattant tant dans les
-balieures & bourbiers du latin, & ès éviers d'éloquence, pour en tirer
-quelque haillon, se rendent parfaits en leur art. J'ai ouï dire, à ce
-propos, que les docteurs de ce tems ont défoncé les pipes de leurs
-sciences, pour trouver une glu, qui pût congeler les paroles & les faire
-tenir. Je pense qu'ils y parviendront, moyennant qu'ils sachent ce
-volume; & que, par cette doctrine qui leur sera infuse comme une poignée
-de bon vin, ils aient connoissance de la glaire concentrique de
-l'émolument naturel, qui peut produire ce dont ils ont affaire. Mais, je
-vous prie, ne vous amusez pas à ces Messieurs les Gens de Lettres, qui
-sont si très-savans, qu'ils en sont tous sots. Vous les verrez
-hallebardant avec de grands lambeaux de latin, effarouchant les
-fauvettes. Fi, ôtez cela; ce n'est pas là le trou par où on enfourne
-notre pâte. Passons outre: si quelque sot s'en fâche, qu'il se mutine;
-que le plus sot en prenne la querelle. Allons vîtement: la soupe se
-mange. Je pindarise; je voulois dire: _on mange la soupe_. Aussi
-Monsieur dit au matin: ça mes habits, je me vais lever. Eh! où est-ce
-qu'il va, avant que se lever? J'aimerois autant notre Assesseur, qui
-durant ces guerres, étant Maire, ouit du bruit dans la rue; il étoit
-couché; il se leva vîtement, &, ouvrant sa fenêtre, il regarda les
-passans qu'il appella; & comme ils lui dirent quel bruit il y avoit, il
-leur demanda: Messieurs, me leverai-je?
-
-
-
-
-PARAPHRASE.
-
-
-III. Mes gens sont là qui m'attendent. Sont Messieurs da; ils sont à
-moi; est-il pas vrai? Ne sommes-nous pas les uns aux autres? Dites-vous
-pas: bon jour, Monsieur? Il est donc votre sieur; & partant, vous, le
-maître du chantier où l'on scie. Ainsi nous disons: bon jour, ou adieu,
-Madame, ma commere; & on nous dit: mon ami, mon hôte; & de même nous
-sommes aux autres, & nous à eux; pour ce ils sont à moi. Ils sont donc
-mes gens, qui avec moi, & moi avec eux, nous trouvâmes tous & toutes,
-chez notre pere _se puisse tuer_, que Madame avoit choisi pour y
-célébrer cet admirable banquet. Chacun y entrant avisa à son devoir; par
-ce moyen, nous exerçâmes un notable conflict de révérences, dont les
-pétarades sentoient, je ne sais quoi, de la musique ancienne; &
-pratiquant mille vétilles d'humilités, avec une friponne escopeterie de
-langage courtisanifié, fîmes plusieurs belles entrées & rencontres, à la
-façon que l'on porte les barbes, excepté l'institution de la petite
-Hongrie (Saint Martin en étoit, voilà pourquoi, parmi ses nourriçons, il
-y a toujours quelque châtré) & trouvant tant de gens de bien assemblés,
-nous nous sentîmes saisis de quelques menues tranchées de sagesse. Nous
-fûmes introduits en une belle grande salle parée, comme dit l'autre,
-autant à l'antique qu'à la moderne; tout y étoit avec grace fort bien
-rataconné, & avec symmétrie parfaite; & ce, pour donner autorité &
-lustre à l'aventure & aux discours; & pour enfler notre dessein de plus
-de majesté, Platon y apporta une siringue impériale, pleine de vent de
-cour, qu'il avoit autrefois épargnée à la suite de Denys.
-
-
-
-
-AXIOME.
-
-
-IV. Or entendez, belles petites mignonnes ames, qui venez ici succer les
-rainceaux du rameau d'or, pour savourer la science, que nous sommes,
-nous qui parlons de ce tems. Nous y sommes, en tenons & y vivons, si ne
-sommes trompés; & la plupart de ceux du tems passé ont vécu leur siecle,
-comme nous au nôtre, & vous au vôtre; & parce que nous sommes gens
-qualifiés, notre assemblée a été réparée de menus suffrages de la
-magnifique mélodie de l'antiquaille & nouveauté, congreageant ainsi le
-plus célebre, scientifique & vénérable Sénat qui fut jamais, & jamais
-sera: & de fait la gloire de l'antiquité, remembrance des gestes &
-parure de l'enfance, & autres âges du tems, n'a fait que feuille à notre
-congrégation, y apportant une gelée de sagesse, qui, resplendissant
-par-tout, nous a fait triomphamment agir. Madame, qui est l'unique entre
-les sages, la perle des entendues, & le parangon de perfection,
-(reconnoissez-là par ces épithetes, & ne vous enquêtez plus qui elle
-est) nous fêtoyoit, & prenoit grand plaisir de nous avoir pour son
-contentement, sans quoi les dames jamais n'en feroient rien, tant
-soient-elles ferues du desir de science.
-
-
-
-
-SONGE.
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-
-V. Quand nous fûmes assemblés, qu'on fut prêt, le vin dans les vaisseaux
-plongés en l'eau fraîche pour se rafraichir, (aussi le pratiquer
-autrement, seroit boire à cloche-pied) la soif étant appétit de froid &
-d'humide. O qu'il est dangereux pour le corps & pour l'ame, (pour le
-corps, à cause de la fievre, pour l'ame, à l'occasion de la colere) de
-fréquenter ces malheureux, qui boivent tiede. Ils sont pires que
-Pharisiens, vu qu'ils trompent manifestement. Ceci vous fera souvenir de
-deux sortes de sots. Foin, il m'est échappé; je cuidois prononcer
-_honteux_; je n'en veux pourtant point quereller: je dirai comme notre
-vieux Curé, qui disoit en son prône: il y en a qui ont des pantoufles
-qui vont faisant flique flaque, & chantent: revange-moi, prens ma
-querelle. Et qui veux-tu qui te revange? Va, prens une échelle, & t'en
-va à tous les diables. Ces doncques troublés des documens de honte
-paysanne, ils n'osoient demander à boire frais, ni en demander
-davantage, si on leur en verse trop peu, ou si on leur baille un reste;
-mais le reçoivent comme corbeaux qui béent. Ils n'osent demander du
-meilleur, ou de celui de Monsieur; mais se contentent de ce qu'un
-malotru valet leur apportera. Hé! grosse pécore, grande pécude, animal
-irraisonnable, est-ce là le peu d'état que tu fais de ta conscience que
-tu ne crains point de la laver indiscrétement? Les autres sont des
-messieurs sages & entendus, c'est-à-dire, sots d'honneur, ou honorables,
-qui étant venus voir quelque Seigneur ou homme d'affaire, après avoir
-discouru & mis en avant la disposition du tems, qu'un chacun sait aussi
-bien qu'eux, soit chaud, ou froid, & puis ayant conté au-delà de ce
-qu'ils savent, demeurent là fichés & esto, & muets vont traversant après
-les caprioles de leurs fantaisies; & se tenant ès piéges d'ennui où ils
-se sont fourrés, n'ont pas l'assurance de dire adieu pour s'en aller, &
-cesser d'être importuns; mais, pour user la bienséance, demeurent là,
-tant que quelque changement les vienne relever de sotise, où ils sont en
-sentinelle. Jan il nous faisoit beau voir & bon ouir; &, si étoit chose
-meilleure, de regarder les flacons en état. Que vous apprendrez ici de
-bonnes doctrines! Les sots, qui viennent se mettre en état, se laissent
-envelopper; & puis on les gâte. O la belle distinction! La bouteille en
-état n'est point prisonniere; ains retient en soi, & enveloppe le vin:
-mais hélas! pauvre vin, où es-tu? Je vous prie, ôtez-moi ces bouteilles,
-d'autant qu'elles sont sujettes à être cassées: ayez de bons flaccons,
-pour y trouver, par leur moyen, la vérité, comme fit Démocrite, qui la
-trouva au fond du puits. Le roi avoit fait faire un puits, qui répondoit
-à une vieille carriere, où Démocrite alloit souvent se rafraîchir. En ce
-puits, on rafraîchissoit le vin du roi. Démocrite s'en apperçut, & alla,
-avant que d'être aveugle, joliment prendre le bon vin gisant en flaccons
-dans l'eau du puits, & trouva que c'étoit la vérité; que le vin valoit
-mieux que l'eau. C'étoit une vie mystique que de notre fait. Nos
-flaccons étoient d'argent vivans, & pleins de leur vraie ame, joint que
-sans vin ils sont corps inanimés, les vaisseaux étoient dignement
-arrangés, selon leur mérite, ne plus ne moins que les vers des Sibylles,
-couvrant sous leur sainte cabale les plus savoureuses intelligences du
-bien futur. Mais encore notre maître, vous qui savez que le pain est
-plus ancien que le vin, d'où vient qu'étant le pain en la bouche, il est
-long-tems à se démener çà & là, avant que de trouver le chemin de la
-vallée; & le vin tout incontinent le trouve. Ce mystere n'est pas de
-votre religion. C'est parce qu'il y a plus d'esprit en une pinte de vin,
-qu'il n'y en a en un boisseau de bled. Voire, direz-vous, l'eau en fait
-bien autant. O lourdaut, mon doux & bel ami, c'est une folle que l'eau;
-elle se laisse tomber du haut en bas, elle court les rues, & fait
-devenir fols ceux qui l'aiment: & là-dessus, mon mignon, résolvez un peu
-à quoi il y a plus de réputation à se faire déclarer ivrogne, ou fou.
-Guette au paneau, & dis que tu en as. Je vous avertis, doctes buveurs,
-que vous ayez des flaccons; ils sont bons vaisseaux fermans à vis, vous
-serez en sûreté. Qui a, pensez-vous, été cause de la guerre de Troye, du
-siége de Babylone, de la ruine de Thebes, de la venue de l'antechrist, &
-de tant d'autres malheurs, dont les vraies & fausses histoires nous
-amusent? Bouteilles cassées, & vin répandu. A dire vrai, vin répandu ne
-vaut pas plein le cul d'eau nette, pour vous débarbouiller dans une
-écuelle percée. Et pour ce que l'on n'osoit pas, en paroles vulgaires,
-prophaner ce digne & excellent sujet; on le taisoit, & faisoit-on
-accroire aux bonnes gens qui ne savent pas les mysteres mystérieux du
-vin, comme nous autres philosophes, que les lanternes étoient vessies, &
-attribuoit-on ces malheurs à d'autres jolies causes, pour vous
-emmailloter l'esprit.
-
-
-
-
-PROPOSITION.
-
-
-VI. Oui-dà, je vous ai ôté de peine, si vous en êtes capable; & vous
-ferai remarquer ceux qui assisterent en ce notable simpose. Au moins je
-vous en nommerai quelques-uns; si je ne me souviens de tous, je vous
-envoierai à la cuisine où ils sont, ou bien autre part, à jouer, comme
-les sages de la Grece, au franc du carreau, avec les pages & les
-laquais. Je vous dirai que Socrate étoit présent à ce banquet, où il fit
-fort bien son devoir des mâchoires; (à propos de notre archidiacre, qui
-s'en sait très-bien escrimer. Et vraiment, s'il se tenoit aussi bien à
-cheval qu'à table, il seroit le meilleur écuyer de France. Et bien plus
-s'il officioit, ou pouvoit officier autant parfaitement à un grand autel
-qu'à une table, il mériteroit d'être pape.) Quant à Socrate, il ne
-pensoit qu'à ce qui s'offroit; & je vous assure que, sur toutes choses,
-il avoit la meilleure mine à faire de l'honneur, & à en recevoir sans
-quittance. Ce fut lui qui inventa, puis l'enseigna à Messire Guillaume
-le Vermeil, à conclure sans résoudre, & à résoudre sans conclure, ainsi
-qu'il m'a assuré. Et pourtant Madame lui donna la charge d'expédier la
-bienséance, dont il s'acquitta galament, d'autant qu'il étoit expert aux
-proportions du manege révérencieux de la cour, & avoit fort bien étudié
-les circonstances & similitudes, cérémonies, fadaises & miracles, qui se
-pratiquent entre ceux qui s'aident des spécialités d'honneur, que l'on
-se fait, en entrant ou sortant, s'asséant ou se levant, se rencontrant
-ou passant. Je me repens d'avoir dit une parole, parce qu'il y a de nos
-maîtres, qui disent qu'en tous discours, il se faut garder de régimber
-des mâchoires, & qu'il ne faut pas user des mots réservés à certaines
-personnes & actions; témoin un pauvre moine, que l'on pendoit, pour
-avoir été trouvé faisant la guerre. Hélas! dit-il, messieurs, je suis
-bien marri, de n'avoir pas cru que nous avions congé de vivre à
-discrétion de conscience. Il n'osa dire _liberté_, de peur d'être estimé
-huguenot. Si tout le monde avisoit aussi bien à ses paroles, il n'y
-auroit pas tant de procès perdus, ni au croc. Alexandre y vint tout
-ralu; mais il nous fit tant de ravoire, que les dames d'Orléans en
-furent émues. Vraiment, j'en fus tout aise, & ma cervelle s'en épanouit
-philosophiquement; de sorte qu'il m'étoit avis que l'on m'enclissoit les
-réparations, pource que l'on nous avoit rapporté qu'il avoit été tué, ce
-que nous lui dîmes; & il se prit à rire & s'excuser, nous disant qu'il
-étoit vrai, qu'il s'étoit battu avec son ennemi, mais qu'il n'avoit pas
-été tué, & qu'il le prouveroit par ceux qui l'avoient vu faire. Il s'en
-rapportoit à Aphthonius son secrétaire, qui nous raconta la cause de son
-absence, qui étoit, qu'il avoit voyagé pour voir toutes sortes de
-sagesses; & que s'étant trouvé avec les gymnosophistes, il avoit
-séjourné avec eux; & y avoit tant profité, qu'il en étoit revenu savant,
-d'autant que, suivant leurs maximes, il avoit inventé les
-haut-de-chausses sans braguettes, en dépit des Turcs, pour favoriser les
-Vénitiens & les Suisses. En témoignage de quoi, il nous montra une belle
-piece qu'il en avoit apportée; c'est le rêts à prendre les ânes de haute
-futaie. Nous n'entendions point cela, quand il tira de sa manche, & nous
-montra le beau saint & gracieux abrifou, qui catholiquement s'interprete
-le rêts à prendre les cocus. Je n'ai garde d'oublier notre grand Bodin,
-qui, premier des mortels, & contre tout ordre naturel, par artifice
-délectable & grand revers d'entendement, en plein jour, en la présence
-de ceux qui s'y trouverent, prit la mesure au diable, & lui fit un
-habillement, dont depuis il s'est vêtu comme on le voit aujourd'hui
-habillé: chose, & ne leur déplaise, qu'ainsi que beaucoup d'autres, les
-anciens ne surent oncques, & jamais ne sauront; &, si vous ne me croyez,
-allez en enfer m'en quérir un vêtu à la nouvelle mode, & me le montrez
-tout vif & habillé; & puis me démentez. Il y a bien plus; c'est qu'ayant
-compassion d'une infinité de pauvres diables qui fournissent
-d'émouloires aux chambrieres, pour caqueter à la premiere messe, il leur
-donna une belle industrie, recueillie des antiques archives, & leur fit
-des genouillieres de conserve, si qu'ores les diables se mettent à
-genoux, ce qu'au tems passé ils n'eussent osé, de peur de se pocher les
-yeux qu'ils y ont. Voilà que c'est des gens de grand engin, de l'esprit
-des grandes natures, comme parle du Haillan en Charlemagne. O diables
-heureux de si belle commodité! Pythagoras étoit ici en fort bonne mine:
-il ressembloit à ces vieux sergens du Châtelet, qui ont fait faire leur
-barbe de pipeux; (je cuidois dire _depuis peu_) aussi savoit-il de
-vilaines fessées de prudence, témoin les morbolisantes estafilades de
-discrétion, que l'on reconnoissoit aux cicatrices de sa félenie. C'est
-lui qui, au livre des inventions, sans crainte, a librement prononcé
-hérétiques excommuniables, comme écus au soleil, ceux qui mangent des
-choux avec une cuilliere. Pline s'avança, selon la rente d'honneur qui
-lui étoit dûe; ainsi qu'il paroissoit par un contrat passé par-dessus
-les ponts de Rome. C'est un homme notable & de prix: il est le premier
-inventeur de pisser honorablement contre les murailles des autres.
-Tandis que l'on murmuroit, le recevant, voici arriver le bon Démosthene.
-J'y suimes, dimes-nous; j'en fûmes bien-aises; d'autant qu'il est
-certain que j'apprendrois beaucoup de bonnes choses; comme déja il y
-parut. En entrant, il se mit à discourir; & nous enseigna ce que c'est
-qu'honnête homme, le définissant ainsi qu'il se trouve au Talmud;
-honnête personne est celle qui, ayant santé, se torche le cul avec un
-torchoir, le tenant de la main gauche. Aristote, dépité de n'avoir
-trouvé cette belle définition, se noya, & lui déroba celle de bonne
-ménagere, qui est insérée en ses économiques, comme l'a remarqué
-Ciriaque Strosse. Bonne ménagere est celle personne qui, s'étant torché
-le cul, resserre le papier dans sa pochette, le gardant pour une autre
-fois, ou pour empaqueter des confitures pour donner aux mignardes. Il
-n'y a plus de danger; nous sommes tous ici, puis que le pere Rabelais
-est dedans; ceux qui viendront ci-après, passeront par l'huis de
-derriere; la galle arrive au dernier. Et bien, couillaut que dis-tu de
-ceci? Je dis que ceux qui s'amusent à nos folies, font comme les
-médecins, qui regardent & épluchent les éjections des autres, qui sont
-aussi fous que nous, si mieux n'aiment être dits fous d'Inde, ou fous de
-Ludonois. Dieu sauve les beaux coqs, poules & poulets, amen. Et comptez
-diligemment les jours: parce que, d'ici à deux cents trois ans, dix
-mois, sept jours, dix-neuf heures, quarante minutes & trois secondes
-justement, le grand stéganografique fera une nouvelle translation de ce
-livre, à cause du changement de religion. Chaques uns, qui s'assirent
-selon les paraphrases de leurs dignités, avoient fait ronfler la
-réputation, pour maintenir leur rang, qui fut égal à tous jusques à la
-semelle des souliers. Et ains, chicanant avec les plumes de modestie,
-ils colloquerent leurs personnes, selon la remembrance de leur qualité.
-Il n'y eut que le cardinal de Cusa, qui, se trouvant assis près de Jean
-Hus, s'en prit si fort à rire, qu'il cuidât, éternuant, avancer toute sa
-réputation. Il en devint un peu fou, sans que pour cela les autres
-cardinaux encourussent note d'infamie, non plus que pour la dégradation
-d'un ministre. Et, pour ce que l'intention juge de tout entre toutes, on
-choisit la bonne intention, qui fut assise au haut bout avec une robe de
-président. Nous étions-là devant elle, pour faire preuve de nos esprits.
-Cela fut cause que je m'y trouvai, & m'assis aussi bien qu'un autre,
-d'autant que j'ai un cul; joint que, sans cul, nul ne pourroit avoir
-séance entre gens d'honneur.
-
-
-
-
-COUPLET.
-
-
-VII. Nous nous mîmes à étoffer des mâchoires. Cependant il y avoit gens
-apostés, à ce qu'ils eussent égard que personne ne chommât; sur-tout
-qu'il n'y eût point de parole perdue, & qu'aucune ne tombât, ou fût
-égarée, ou échappée: pour à quoi parvenir on fit des barrieres
-spirituelles, & des gardefous intellectuels. Avec cela furent haut & bas
-tendus des tapis de considération, & des linceuls de conservation. On
-m'a dit, (& je le tiens d'un bon théologien, consumé en l'une & l'autre
-religion, comme chanoine en l'une & l'autre église d'Orléans)
-qu'autrefois, & à faute de tels remedes, il chut des paroles à terre,
-dont il leva des herbes de plusieurs façons: & y si a-t-il bien pis;
-c'est que, quand la terre est en chaleur & forte rage d'engendrer, il se
-faut bien garder de laisser tomber des pets; témoin Dioscoride écrit en
-veau au livre des herbes nouvelles, lequel dit que les plantes ont des
-odeurs différentes, selon tels accidens; & même les beautés & douceurs
-des fleurs en sont dérivées, comme l'a bien remarqué Paracelse en ses
-mineures. Et afin que je vous embouche, je vous mets devant le nez cette
-belle fleur, la couronne impériale, qui nâquit d'une vesse que fit une
-grande dame; étant fille & belle, après avoir mangé des confitures
-musquées, elle fit une cabriole, qui causa ce bel accident. L'original
-en est sorti du cabinet de notre Ambroise Paré. Je vous le prouverai par
-le sieur de Lierne, gentilhomme François, lequel, étant couché avec une
-courtisane à Rome, y fut pris. Elle, comme les chastes courtisanes le
-savent pratiquer, avoit amassé des petites pellicules légeres, comme
-celle des poules dougées & délicates; les avoit remplies de vent musqué,
-selon l'artifice des parfumeurs. La belle Impéria, ayant quantité de
-telles balottes, tenant le gentilhomme entre ses bras, se laissoit
-aimer. Ainsi que ces deux amans temporels pigeonnoient la mignotise
-d'amour, affilant le bandage, la dame, détournant la main, mit une
-petite vessie en état, & d'un petit coup de fesse, la fit éclater, de
-sorte que la petite balotte se résolut en la figure auditive d'un pet.
-Le gentilhomme l'ayant oui, voulut retirer son nez du lit pour lui
-donner air. Ce n'est pas ce que vous pensez, dit-elle; il faut savoir,
-avant que craindre. A cette persuasion, il reçut une odeur agréable, &
-contraire à celle qu'il présumoit. Ainsi il reçut ce parfum avec
-délectation. Ce qu'ayant encore reçu d'abondant plusieurs fois, il
-s'enquit de la dame, si tels vents procédoient d'elle qui sentoient si
-bon, vu que celui qui glissoit des parties inférieures des dames
-Françoises, étoit assez puant & abominable: à quoi elle répondit, avec
-un frétillement philosophique, que le naturel du pays & de la nourriture
-aromatique, faisoit que les dames Italiennes, qui usent de délices
-odoriferantes, en rendoient la quintessence par le cul, ainsi que par le
-bec d'une cornue. Vraiment, répondit-il, nos dames ont bien un autre
-naturel de pets. Il advint qu'après quelques musquetades, par
-circonstance de vent trop enfermé, Impéria fit un pet, non-seulement au
-naturel, mais vrai & substantiel. Le François, accoutumé par le nez à la
-chasse des pets, (de-là vient le proverbe, _mené par le nez_) oyant ce
-corps sensuel & momentaire, jetta en diligence le nez sous le linceuil,
-afin d'appréhender la benoîte odeur, pour laquelle envahir il eût voulu
-être tout de nez; mais il fut trompé; il en recueillit avec le nez, plus
-que vous n'en feriez avec quatorze pelles de bois, telles qu'on mesure
-le bled à Orléans. Et quoi? Une odeur plus infecte, venu du plus fin
-endroit de l'établissement de la merde, que vesse ne fut jamais si
-puante. O dame, dit-il, qu'avez-vous fait? Encore, en ouvrant le
-bagonisier, il y en entra une allenée humide, qui lui parfuma
-breneusement tout le palais. Elle répondit: seigneur, c'est une
-galantise, pour vous remettre en goût de votre pays. Avisez bien
-doncques à tout ce qui peut avenir. Les orties sont crues des paroles
-que disoit, en menaçant, un président, dont on ne faisoit gueres de cas.
-Faites étendre de beaux draps blancs, comme fit monsieur de la Roche,
-l'été passé.
-
-
-
-
-CÉRÉMONIE.
-
-
-VIII. Son meûnier plus proche de son château, ayant recueilli le premier
-de fort belles cerises bien avancées, les lui envoya le même jour. Là,
-il y avoit avec monsieur, plusieurs gentilhommes de ses voisins;
-c'étoient gentilhommes de la petite passe, comme vous diriez des
-chanoines de saint Mambeuf à Angers, au prix de ceux de saint Maurice;
-ou bien ceux de saint Venant, à l'égard de ceux de saint Martin de
-Tours. J'y suis, j'ai rencontré. Le meûnier mit ses cerises en un beau
-petit panier; & le bailla à sa fille, pour le porter à monsieur. La
-belle, qui étoit de l'âge d'un vieil boeuf, désirable & fraîche, vint à
-la salle faire la révérence à monsieur qui dînoit, & lui présenta ce
-fruit de par son pere. Ha! dit la Roche, voilà qui est très-beau. Sus,
-dit-il à ses valets; apportez ici les quatre plus beaux linceuls qui
-soient céans, & les étendez par la place. Notez, en passant, qu'il
-falloit obéir à tout ce qu'il disoit, d'autant qu'il étoit le prototype
-de l'antechrist. C'est lui, dont les prêcheurs disoient ce carême, que,
-comme hérétique, il pointoit sur sa tour ses fauconneaux, & étoit si bon
-canonier, comme le sire de Sautal, que gaiement il tiroit le cheval,
-entre les jambes de son ami qui venoit de dîner avec lui, & le prenoit
-au passage au détour du carrefour; & pour montrer son adresse, quand le
-laboureur tournoit sa charrue, il donnoit droit à l'appui de
-l'aiguillon, sans faire mal au laboureur: & le tout pour rire. Les draps
-étendus, il commanda à la belle de se dépouiller. La pauvre Marciole se
-prit à pleurer. Ha, que vous êtes sage! Vous vous gardez bien de rire;
-Fille à qui la bouche pleure, le con lui rit. Allons, çà, dépêchez; ou
-je ferai venir ici tous les diables. Holà, sans me fâcher, faites ce que
-je vous dis. La pauvrette se déshabille, se déchausse, se décoeffe, &
-puis, ô le danger! elle tira sa chemise; &, toute nue comme une fée
-sortant de l'eau, va semer les cerises de côté & d'autre, de long en
-large, sur les beaux linceuls, au commandement de monsieur. Ses beaux
-cheveux épars, mignons lacets d'amour, alloient vétillant sur ce beau
-chef-d'oeuvre de nature, poli, plein, & en bon poinct, montrant, en
-diversités de gestes, un million d'admirables mignardises. Ses deux
-tétons, jolies balottes de plaisir, jointes à l'ivoire du sein, firent
-des apparences montueuses, différentes en trop de sortes, selon qu'elles
-parurent en distincts aspects. Les yeux paillards, qui se glissoient
-vers ses bonnes cuisses pleines & relevées de tout ce que la beauté
-communique à tels remparts & commodités du cachot d'amour, ravissoient
-de regards goulus toutes les plus parfaites idées qu'ils en pouvoient
-remarquer: &, combien qu'il y eût tant de beautés mignonnement étalées
-en doux spectacle, il n'y avoit pourtant qu'un petit endroit, qui fût
-curieusement recherché avec la vue; tant les regards tiroient au but, où
-chacun eût voulu donner, tous n'ayant intention qu'au précieux coin, où
-se tient le registre des mysteres amoureux. Après que les cerises furent
-semées, il les fallut recueillir, & ce fut lors qu'auparavant de
-merveilleuses dispositions essayantes de cacher sur-tout le précieux
-labyrinthe de concupiscence, le pauvre petit centre de délices eut bien
-de la peine à chercher des gestes, pour se faire disparoître. Ce beau
-parfait, cette belle étoffe à faire la pauvreté, ce corps tant accompli
-fut vu à tant de plans si délicieux, que difficilement y eut-il jamais
-yeux plus satisfaits que ceux des assistans. L'un le regardant, disoit:
-il n'y a rien au monde de si beau; je ne voudrois pas pour cent écus
-n'avoir eu le contentement que je reçois. Un autre, racontant sa
-fantaisie occupée de délectation, prisoit sa bonne aventure, en ce
-spectacle, plus de deux cents écus. Un vieux pécheur mettoit cette
-liesse à trois cents écus. Un valet, trémoussant comme les autres, en
-mettoit sa part de plaisir à dix écus. Et n'y eut celui des maîtres, qui
-ne parlât de cent ou cent-cinquante écus; qui plus, qui moins, selon que
-la langue alloit après les yeux, spirituellement léchant le marbre de ce
-spectacle, sur lequel la parole fourchoit après l'esprit, lequel
-attachoit à cette beauté son imagination, avec cent mille spécieuses
-images. Chacun des regardans avança sa goulée, & proféra la somme du
-prix des délices qu'il avoit imaginées. Les cerises remises au panier,
-la belle revint vers les fenêtres reprendre sa chemise. Encore les yeux
-des voyans s'alloient allongeant par les replis, afin d'avoir encore
-quelque reste d'objet; &, ainsi peu à peu qu'elle levoit une jambe, puis
-l'autre, ils épioient tant qu'elle se fût remise en l'état de sa venue,
-toute coeffée & habillée. Ses beaux yeux, petits cupidonneaux, étoient
-tout allans des vagues de feu qu'ils avoient octroyé à la honte de
-présenter en liqueur pour excuse de cette aventure. Monsieur de la Roche
-cependant avoit les yeux en la tête, & le regard au bel objet, riant en
-quarré plus d'un pied & demi dans le coeur, ayant toutefois dessein à
-écouter ce que ces tiercelets jasoient, tandis que trop bavards, ils se
-délavoient les badigoinces de ce qu'ils avoient à dire. Il les
-observoit, & retenoit fort bien le tout, & sur-tout la taxe que chacun
-avoit faite au rapport de son aise; même il remarqua jusques à un
-laquais, qui avoit allégué un écu. Laisse-toi cheoir, t'y voilà; il ne
-faut que se baisser & en prendre. Marciole, toute habillée, fut, par le
-commandement de mondit sieur, assise au bout de la table, où il la
-réconforta & reforça le mieux qu'il put, lui donnant ce qu'il y avoit de
-plus délicat. Elle étoit fâchée & pleureuse, indignée d'avoir montré
-tout ce que dieu lui avoit donné d'apparent; & avoit regret que tant de
-gens l'eussent vu à la fois, hors de l'église. Quand la Roche se fut
-avisé, il frémit sur la compagnie; &, tournant les yeux en la tête,
-comme les lions de notre horloge de saint Jean de Lyon, se mit à jurer
-son grand juron évangélique, d'autant que pour lors il étoit huguenot de
-bienséance, & dit: par la certe dieu, (ainsi que jurent les voleurs qui
-sont de la religion) messieurs, pensez-vous que je sois votre plaisant,
-votre valet, votre provisionneur de chair vive? Par la double digne
-grande corne triple du plus ferme cocu qui soit ici, vous paierez chacun
-ce que vous avez dit; ou il n'y aura jambe, tête, membre, trippe, corps,
-poil, jarret, qui demeure sauve. Ventre de putain, vous le compterez
-tout présentement, si mieux vous n'aimez avoir les yeux pochés, & les
-vits coupés. Si on les eût tous coupés, cela eût servi à l'abbesse de
-Montfleury, à laquelle son procureur vint dire, ces vendanges passées,
-que la vis de son pressoir étoit rompue; sur quoi ayant long-tems pensé,
-elle dit: foi de femme, si je vis, je ferai provision des vis. Les
-paroles de ce monsieur firent peur à messieurs les aubareaux, qui
-payerent ce qu'ils avoient dit, ou l'envoyerent quérir, ou
-l'emprunterent de mondit sieur, sur bons gages, ou bonnes cédules. Ainsi
-cette noblesse effarée, cracha au panier environ douze cents beaux
-mignons écus de mise & prise. J'aimerois bien mieux faire ma provision à
-Paris; j'aurois pleine chemise de chair pour cinq sols, & une pannerée
-de cerises pour quatre. Les écus mis au panier, la Roche les bailla à
-Marciole, qui se mordoit la langue de grande rage d'aise, sachant que
-c'étoit pour elle; & monsieur lui dit: tenez, ma mie, portez cela à
-votre pere, & lui dites que vous l'avez gagné, à montrer votre cul. Il y
-en a bien qui l'ont montré, le montrent, qui ne gagnent pas tant, & si
-courent plus grande fortune.
-
-
-
-
-COQ-À-L'ASNE.
-
-
-IX. Voilà comment, en dînant & banquetant, ils avoient de notables
-effets: aussi est-ce le tems des grands mysteres. C'est un grand heur de
-bien dîner & voir une belle fille, & sans la payer; avoir une tant
-délectable vision que l'aspect de Marciole toute nue, qui n'étoit fâchée
-d'autre chose, sinon que l'on avoit vu son cela. J'ai pensé le nommer
-par son droit nom. Bien le pouvois-je, d'autant que je sais plusieurs
-langues; mais il me faut ici parler françois; & en françois, un con est
-nommé _cela_. Qu'ainsi ne soit, si vous mettez la main au devant d'une
-fillette, elle la repoussera vîte, & dira, laissez cela. Quand je dis le
-devant, je l'entends comme faisoit monsieur le feu premier médecin, qui
-ayant tâtonné l'estomac d'une belle demoiselle couchée & un peu malade,
-coule sa main plus bas, &, venant à l'imperfection du corps, s'y
-avançoit, quand elle lui dit: hé, monsieur, que pensez-vous faire?
-Mademoiselle, je croyois que vous fussiez comme les vaches de notre
-pays; que vous eussiez les tétins entre les jambes. Pourquoi est-ce que
-les femelles repoussent la main, quand on la met vis-à-vis de leur cela?
-C'est parce que ce n'est pas ce qu'il y faut mettre.
-
-
-
-
-CIRCONCISION.
-
-
-X. Dames, qui avez les oreilles chatouilleuses, de peur de rire, lisez
-ceci tout bas ou de nuit, durant laquelle la honte dort; & ne vous
-formalisez, scandalisez, ni estomirez de chose quelconque que trouverez
-en ces textes & mémoires mêlés de toute sapience, moyens, élémens &
-enseignemens à bien vivre. Les mélanges que vous trouverez sont
-survenus, à cause de l'antiquité de ce volume, & des annotations,
-apostilles & interprétations qui y étoient mises; & le gentilhomme qui
-le transcrivit, pour votre avancement en toute sagesse, a tout écrit
-d'une suite, mêlant, sans distinction, glose & texte, ainsi que, quand
-vous êtes à table, vous qui ne jeûnez pas, vous mangez des viandes
-prises deçà & delà, selon l'occurrence. Quant aux jeûneurs de carême,
-ils mangent par couches, comme les bonnes femmes qui mettent des herbes
-à distiller. Ils mangent le potage, puis des échaudés au beurre frais,
-des entrées, des pois, des feves, des harengs, des pruneaux, puis le
-poisson, puis le dessert, & tout à cause du jeûne. Je vous assure que ce
-livre étoit simple & net, beau comme le jour, ainsi qu'il est encore,
-bien qu'il soit pêlemêlé de notes & considérations, à la façon du bon
-homme Guyon qui, à l'âge de cent ans, se mit à vivre capuchinement. Il
-avoit été page de chez le roi; puis il etudia, fut à la guerre, se fit
-cordelier, s'en retira pour être huguenot, se fit savant, devint
-ministre, mangea tout, puis se mit à demander sa vie. On lui donnoit de
-tout ce qu'il lui falloit, qu'il mettoit en son écuelle, pain, chair,
-soupe, potage, vin, sert, dessert ensemble. Et on lui disoit: pourquoi
-ne mangez-vous & beuvez d'ordre & à part? Ha, ha, disoit-il, lourdaut,
-mon ami, puisqu'ils se doivent mêler au ventre, il n'y a point de danger
-de lui envoyer tout déja mêlé. De même ceci doit être mêlé en votre
-cervelle: il le vous faut bailler tout mêlé. Le personnage, qui vous
-produit en tout honneur ces saints mémoires de perfection a pensé que le
-texte ne valoit pas mieux que le commentaire; par quoi il les a fait
-aller ensemble. Doncques, soit que vous les lisiez ou non, ou que vous
-commenciez ici ou là, n'importe; ce livre est, partout, plein de fideles
-instructions & sens parfait, tellement que c'est tout un, par où vous le
-lisiez. Il est un globe d'infinie doctrine; & il y a autant à apprendre
-dans un lieu qu'en l'autre; en cette sorte-ci qu'en celle-là: il n'y a
-ligne, endroit, ou passage (afin de parler niaisement aussi-bien que les
-doctes) qui ne soit tout farci de science mystigorique & concluante.
-Qu'ainsi ne soit: le prieur du Vau-de-vire, lequel vivoit du tems des
-Anglois: (il en vit encore de ce tems, ainsi que m'a assuré le gardien
-des cordeliers qui m'a dit, qu'il y avoit encore des Anglois) ce bon
-prieur avoit fait une grande annonciation sur ce mot _cela_, sur-tout à
-cause de la considération de la soudure des membres d'amour, ou des
-membres de la soudure d'amour, ajoutant, comme il se trouve ès vieux
-exemplaires grecs & hébrieux, qui sont au Vatican & à Londres, ce qui
-s'ensuit. C'est une chose étrange de la différence des hommes & des
-femmes: si une femme l'a petit, elle ne fera point de difficulté de le
-montrer, & ne se souciera guere qu'on le voie, parce qu'il sera le petit
-mignon d'amourettes. Mais celle qui l'aura se dilatant en grandeur,
-jamais n'en permettra la vue, de crainte qu'on voie son ignominie. Voyez
-les hommes qui se baignent, & qui n'ont guere de différence masculine;
-c'est-à-dire, qui sont mal envitaillés. Ils ont infiniment de la peine à
-le cacher; ils mettent devant mains, chemise, chapeau, chausses; encore,
-s'ils pouvoient prendre la lune, ils la mettroient devant leurs harnois,
-tant ils craignent qu'on sache le peu qu'ils ont d'outil à faire la
-belle joie, honteux de leur peu de bien. Au contraire, ceux qui en ont
-une belle venue, ils la recommandent & commettent à nature, pour la
-faire voir ou la cacher; ils en sont si libéraux. Aussi de fait, la
-libéralité convient mieux à un homme riche qu'à un pauvre; joint que
-l'âge, comme ils le croient, doit donner de la discrétion à leur chose,
-pour se cacher, s'il en est besoin, comme le pensoit & faisoit bien la
-belle Hipolite, qui, un jour d'hiver que nous étions auprès du feu,
-madame sa mere y étoit en sa chaise, tournée vers la table, écrivant ou
-faisant autre semblable exercice; nous vetillons près le feu; & la
-belle, pour se chauffer, haussa un peu la cuisse & sa chemise, pour
-faire convoitison, parce qu'elle y avoit froid: dont je m'étonne, parce
-qu'il fait bien chaud là où il ne fit jamais froid, & où il y a toujours
-du feu. Je lui dis: belle, cachez votre cela. Elle me dit: qu'est-ce que
-mon cela? C'est votre minon. Qu'est-ce que mon minon? C'est votre petiot
-de lectation. Qu'est ce que mon petiot de lectation? C'est celui qui a
-perdu de l'argent. Qu'est-ce qui a perdu de l'argent? C'est celui qui
-regarde contre bas. Qui est celui qui regarde contre bas? C'est votre
-petit crot à faire bon, bon. Qu'est-ce que mon petit crot à faire bon,
-bon? C'est votre chose. Qu'est-ce que mon chose? c'est votre con. Qu'est
-ce, qu'est-ce? je le dirai à madame. Madame se revirant, dit: je
-l'entends bien; vous êtes une sotte; que ne le cachez-vous? Hipolite
-répond, qu'il se cache, s'il a honte; il est aussi vieil que moi.
-Plutarque étoit au bout de la table, qui écrivoit ses morales, qui nous
-tença en riant; (aussi je crois que c'étoit à petit semblant) & nous
-dit: il n'est pas séant de nommer à nud les parties honteuses; & pour
-cause. C'étoit pour voir ce que je lui répondrois; ce que je fis aussi
-bien: _Signor mio, sur ma fe_, je deviendrai sage; je prends en gré &
-fort honnêtement votre admonition; vous la faites & dites de bonne
-grace; vous n'en usez pas comme ces docteurs qui, ne sachant que
-répondre, viennent aux injures, & puis veulent s'immiscer à faire des
-remontrances flasques comme une caillette froide. Je prendrai garde à
-nommer ceci & cela. J'imiterai Platon, quand je parlerai de
-l'endéléchie, (j'ai pensé dire de l'_endroit où l'on chie_) & grand
-jointure du corps & de ses environs; je nommerai le cul _derriere_ ou
-_fondement_; ou l'un, d'autant qu'il est un, & qu'il ne peut y avoir en
-un corps deux culs, non plus que deux papes à Rome, & que le cul est
-tellement uni de ses deux fesses, que miraculeusement il n'est qu'un,
-non plus qu'une mitre n'est qu'une mitre, encore qu'elle ait deux
-cornes. Je dirai doncques l'un; & celui d'auprès, je le nommerai
-l'autre, d'autant que l'un sans l'autre n'agissent point en nature ès
-productions génératives. Ainsi je disposerai les secrets, afin qu'ils ne
-soient entendus que de ceux qui ont bon nez, lesquels, par ce moyen,
-sous cette plaisante escorte, chercheront le noyau qui est caché en l'un
-& en l'autre. Cependant je vous avertis, (& ne vous en déplaise; un sage
-conseille bien un fou) il ne faut pas toujours dire ces parties là
-_honteuses_, d'autant qu'elles ne le sont que par accident: &, faisant
-autrement, vous feriez tort à nature, qui n'a rien fait de honteux. Ces
-parties là sont secrettes, nobles, desirables, mignonnes & exquises,
-comme l'or que l'on cache. Il est vrai qu'elles peuvent devenir
-honteuses, & le sont, quand il leur survient une belle petite écrevisse
-de mer; (c'est-à-dire un chancre) ou qu'auprès d'elles sont logés de
-jeunes chevaux; (ce sont poulains) ou qu'une joyeuse chaude-pisse les
-tient en humeur. C'est alors que tels membres sont honteux: &, ce qui
-est encore pis au ceci d'un homme, & qui le rend du tout honteux &
-mélancolique à bon escient, est quand il a perdu les cimbales de
-concupiscence, les caisses d'amour, les boulettes de Vénus; le défaut
-desquelles fait appeller les hommes châtrés. Ceux qui voyoient tantôt la
-belle Marciole toute nue eussent bien voulu la châtrer, c'est-à-dire lui
-ôter les trébillons d'entre les jambes; il eût fallu premiérement les y
-mettre. Que le chat fût bien bridé des vôtres, qui riez encore de cette
-belle fille qui fut mariée; & le contract de son mariage fut passé par
-devant les deux plus savans notaires de Rouen. Le maître de la
-rose-rouge en diroit bien ce qu'il en sait; & pource, il envoya quérir
-ces deux fameux notaires; lesquels laisserent le bon paysan, pour venir
-à ce riche marchand. Les notaires venus, on leur donna des siéges, &
-Monsieur de la Rose commanda à sa servante d'apporter ce qu'il lui avoit
-commandé; _notate verba_. Servantes, sont celles qui servent chez les
-gens de bien, d'autant qu'à ce qu'elles disent, chambrieres sont celles
-qui demeurent avec les prêtres, ou chanoines, pour subvenir à toutes
-leurs nécessités. Là dessus, Monsieur de la Rose dit à ces Messieurs les
-notaires, qu'il avoit grand desir de manger des pois passés par devant
-notaires; partant il les prioit de les voir passer. Sa servante se mit,
-là devant eux, à les passer. Ces notaires se mutinerent, & se fâcherent,
-& l'injuriant l'appellerent moqueur, & dirent qu'ils s'en
-ressentiroient. Ils se prirent aux paroles, jusques à dire qu'ils
-alloient quérir leurs épées, pour s'aller battre hors la porte. Allez,
-dit-il, je le veux bien: passez par ici, & m'appellez. Il prend son
-épée, & se mit à la fenêtre. Incontinent les autres passerent &
-l'appellerent. Ho, méchant, qui abuses les officiers du roi, viens
-hardiment. Non ferai, dit-il, je ne suis plus courroucé; je ne vous veux
-mie tuer.
-
-
-
-
-PAUSE DERNIERE.
-
-
-XI. Or commençons de conclure; & soyez avertis, vous qui verrez ces
-précieuses reliques des richesses du monde, que vous devez porter
-honneur à cet ouvrage; que, si vous n'êtes pas assez fort pour lui en
-porter assez, traînez-le, ou lui envoyez, ou le roulez, ou lui faites
-tenir en révérence; & prenez garde à ce que cet honneur soit distribué
-honnêtement aux scientifiques personnes & discretes qui sont en ce
-banquet, comme poulets en mue. Ne pensez pas que ce soit moquerie, que
-de ce simpose & souper philosophique, le plus authentique qui fut
-jamais, & auquel toutes questions, propositions, théorêmes, problêmes, &
-plusieurs autres ont été solues, résolues, trouvées, démontrées &
-fidélement reconnues en toute perfection; pource que tout y fut débattu,
-égratigné, écorché, tourné & entendu; & ce, selon les graces dont
-étoient barrés Messieurs les assistans, qui pourtant furent, & ont été,
-& seront approuvés doctes & savans; ayant au reste tous si bon esprit,
-qu'ils ne mirent guere à devenir fous. Ainsi soit-il de vous, amen. Ils
-avoient les yeux ouverts, comme chiens qui chassent aux puces. Or ils
-s'étoient réparés l'entendement à trois sous pour livre, y ayant fait
-des arcs-boutans de mémoire, au rabais. Nos amis & toute la belle & sage
-compagnie furent rangés en la salle au beau milieu, en même ordre &
-façon que la Reine de Saba fêtoya ses Princes en Meroé, quand elle
-voulut faire preuve de sa sagesse. A voir tous ces gens de bien en bel
-ordre, vous eussiez dit & pensé avoir devant vos yeux une belle, joyeuse
-& sainte congrégation, comme une bande de Prélats. Et que faisoient tant
-de bonnes gens de loisir? Voire, mais que fit-on là? On parla, on
-mangea, on beut, on fist st, on se teut, on fit du bruit, on protesta,
-on rencontra, on rit, on bailla, on entendit, on disputa, on cracha, on
-moucha, on s'étonna, on s'ébahit, on admira, on gaussa, on rapporta, on
-entendit, on brouilla, on s'éclaircit, on débattit, on s'accorda, on
-trinqua l'un à l'autre, on fit carroux, on remarqua, on trémoussa, on
-s'accorda, on cria tout bas, on se teut tout haut, on se moqua, murmura,
-on s'avisa, on se reprit, on se contenta, on passa le tems, on douta, on
-redouta, on s'assagit, on devint, on parvint. Qu'en avint-il? Il en
-avint ce docte monument, ce précieux mémorial, ce joyeux répertoire de
-perfection, cet antidote contre tout malheur, cette affiloire de bonnes
-graces, _Ce Moyen de Parvenir_, unique bréviaire de résolutions
-universelles & particulieres: à quoi on ne peut contredire, ni opposer
-d'hyperboles, ni le rédarguer de fausseté. Et dites que vous en avez,
-captieuses tignes, qui voulez tout réformer & refondre. Mais vous,
-sectateurs de vraies vertus cardinales, gens haïs de l'oisiveté, qui
-aimez mieux vous amuser à boire, que penser à mal, ou perdre le tems
-inutilement; considérez ceci, empoignez ce volume; _volume_ dit, à cause
-de la vérité qu'il contient, comme un bon verre plein de bon vin. Verre
-& volume sont équivoques; le verre est un volume: il est vrai que c'est
-le petit, c'est l'épitome; d'autant que le gros volume est le poinçon
-bienheureux. Qui ont belles & amples bibliotheques remplies de tels
-volumes, ils sont capables, de rendre _victus_ tout le monde, tant docte
-soit-il.
-
-
-
-
-VIDIMUS.
-
-
-XII. De tous bons volumes cettui-ci est le bréviaire, ainsi dit & nommé
-pour plusieurs raisons. C'est qu'il est bref; & qu'en peu de paroles il
-enseigne toutes sciences. Item, bréviaire est un livre ordinairement
-gras; &, par application, on s'engraisse au moyen de l'usage de
-cettui-ci. Le bréviaire donne de l'appétit & l'aiguise; cettui-ci
-l'entretient & le fortifie. Le bréviaire fait gagner la vie à ceux qui
-s'en aident; cettui-ci la fait trouver toute gagnée. Je m'en rapporte à
-notre curé, auquel, après le service, mademoiselle dit: monsieur le
-Curé, venez dîner avec nous, je vous prie. Je vous remercie,
-mademoiselle; j'y serai aussi-tôt que vous. Mademoiselle, ennuyée qu'il
-ne venoit, regarda par sa fenêtre, & vit à côté le Curé, qui, ayant
-pissé, serroit sa piece. Elle se retiroit de peur de le voir, parce que
-ceci l'eût fait rire. Quand il fut entré, elle dit: là, monsieur le
-Curé, lavez-vous la main, & venez. Eh da, dit-il, mademoiselle, je n'ai
-rien touché que mon bréviaire. Quel bréviaire, dit-elle! Il est fait
-comme une andouille. Là, là, lavez vos mains. Comme nous contions ceci à
-Paris, en la boutique d'un libraire, la dame écoutoit attentivement, &
-prêtoit aussi l'oreille au discours de son mari, qui contoit qu'en le
-payant d'un inventaire qu'il avoit fait, on lui avoit baillé un vieil
-bréviaire, qu'il avoit vendu six écus. La dame répondit (je ne sais à
-qui, d'autant que les deux contes furent achevés en un instant): je
-voudrois que tous nos livres ressemblassent à ce bréviaire. Ce que je
-vous dis est vrai; & savez-vous comment je prouverai cette vérité? Ce
-sera en la sorte que vous comprendrez ces heureux discours, auxquels si
-vous ne voulez croire, les prenant pour unique raison, faites ce que
-vous voudrez: comme charitable, je trouve tout bon ce qui plaît aux
-autres. O ames, à bon droit pleines de félicité, réservez au parfait
-contentement, puisque votre bonheur a eu la patience de vous faire
-naître en ce temps, pour avoir la grace, le bien, la prérogative,
-l'honneur & le profit que vous tirerez de ces mémoriaux & commentaires
-de raison étonnante, unique en son accomplissement, il ne faut point
-faire d'estime des belles inventions, & avoir regret de ne les avoir
-point vues, ou sues, ou penser ne les pouvoir rencontrer, puisque vous
-avez ce livre, qui vous fournit de tout. Ce bel objet est tel, qu'en lui
-vous avez les élémens qui vous guideront au bien accompli: & par ces
-élémens, non de particulieres sciences, mais de toutes exclusive &
-inclusive, vous pourrez trouver & inventer tout secret, tant caché,
-séparé & admirable soit-il, (si vous avez de l'esprit, cela s'entend) à
-crocheter, voir & chercher ce qui est sous cette écorce de velours &
-d'or entortillé de paroles, quelquefois de soie, & quelquefois d'or, &
-quelquefois de fil, & étoffées de petite qualité, & puis d'azur, & de
-gueules, & de ce qu'il ne faut alléguer. Il nous suffit de vous
-raconter, & à vous de croire que tout est fort bien caché sous ces
-énigmes, ainsi que le trouveront les enfans de la science, les fils des
-sages & heureux prédestinés à trouver la lanterne de discrétion, & la
-lampe de béatitude. Et afin d'avoir le crédit de se chauffer au beau feu
-d'intelligence, vous qui avez envie de parvenir, que nous vous faisons
-part de ce fin recueil de mysteres authentiques, vous proposant devant
-les yeux les symboles de chacun, comme ils ont été proférés. Sitôt que
-quelqu'un ouvroit la bouche pour prononcer sa goulée, aussi-tôt les
-secrétaires les mettoient par état, & colligeoient les paroles & propos,
-comme belles & bonnes perles ès rives de l'Asie, dont ce volume a été
-compilé & lequel de tout temps a été & sera, à cause de son excellence,
-pour son mérite, & à jamais, par ceux qui ont de l'entendement, en
-grosse lettre dit, nommé le _Livre_. Ne dites pas sans queue, d'autant
-qu'il aviendra, ainsi qu'il est avenu plusieurs fois, & que les grands,
-au détriment des plus foibles, les trouvant, & craignant qu'il ne soit
-vu du petit & bon monde, le scelleront, comme chanceliers à simple
-queue, ou à double, telle que le temps admettra. Je vous prie, bonnes
-personnes, de ne rien dire de ceci, & n'alléguer ce mot que nous n'avons
-pas mis au titre, d'autant que, s'il y étoit, on le reconnoîtroit tout
-aussi-tôt, & il en aviendroit trop de malheur. Le plaisir des gens de
-bien seroit perdu. Ces méchans excommuniés, qui font tant mettre de
-daces & impôts sur le peuple au desçu du Roi, (le pauvre homme ne
-l'entend pas) ces malheureux-là viendroient & prendroient ce livre, & le
-vous vendroient un écu pour lettre, au meilleur marché; joint qu'à tel
-on vendroit la lettre cinquante écus; & ainsi le feroient tout d'or,
-comme Simon Magus & son chien, & les ministres quand ils seront
-affriandés aux lettres d'envoi comme en Angleterre. Jouissez, amis, de
-cet oeuvre, sans le prophaner; & sachez que, par le rapport des savans,
-il est tel, que les plus gens de bien racontent & affirment par-tout
-qu'il contient tout ce que chacun sait, a su & saura, ou doit savoir &
-entendre. Il embrasse les mysteres approuvés de toutes sciences, pour
-autant qu'il est la juste, solide & naïve interprétation de la pure
-cabale de valeur non imaginaire. Ne parlez plus de clavicules ou
-clavifesses, ni d'arts apéritifs, canons & artillerie, qui sont engins
-grandement ouvrans, puisque vous avez ces cahiers de vérité; ce bon
-volume qui est la grosse clef d'ordonnance, à laquelle pend le trousseau
-de toutes clefs. Pour le prouver, j'ai le pere Rabelais le docte, qui
-fut Médecin de Monsieur le Cardinal du Bellay; & je le mets ici en
-avant, parce que les substances de ce présent ouvrage & enseignemens de
-ce livre furent trouvées entre les menues besognes de la fille de
-l'Auteur. Ce Cardinal étant au lit malade d'une humeur hyphocondriaque,
-fit assembler les médicins, pour consulter un remede à son mal. Il fut
-avisé par la docte conférence des docteurs, qu'il falloit faire à
-Monsieur une décoction apéritive, qui, réduite en sirop, seroit
-accommodée à son usage ordinaire. Rabelais, ayant recueilli cette
-résolution, sort, & laisse Messieurs achever de caqueter pour mieux
-employer l'argent; & fait ledit sieur mettre au milieu de la cour un
-trépied sur un grand feu, un chaudron dessus plein d'eau, où il mit le
-plus de clefs qu'il put trouver; &, en pourpoint, comme ménager, remuoit
-ces clefs avec un bâton, pour les faire prendre cuisson. Les docteurs
-descendus, voyant cet appareil, & s'en enquêtant, il leur dit:
-Messieurs, j'accomplis votre ordonnance, d'autant qu'il n'y a rien tant
-apéritif que des clefs; &, si vous n'en êtes contens, j'enverrai à
-l'arcenal quérir quelques pieces de canon: ce sera pour faire la
-derniere ouverture, après l'exhibition de ces apozemes. Je pense que
-cette preuve est de mérite. Avisez doncques bien, & diligemment
-épluchez, & voyez avec curieuse conférence. Tous les autres prétendus
-livres, cahiers, volumes, tomes, oeuvres, livrets, opuscules, libelles,
-fragmens, épitomes, registres, inventaires, copies, brouillards,
-originaux, exemplaires, manuscrits, imprimés, égratignés, bref les
-pancartes des bibliotheques, soit de ce qui a été, ou est, ou qui jamais
-encore ne fut ou ne sera, sont ici en lumiere prophétisés ou restitués;
-de perdus, sont retrouvés & recouvrés. Et s'il y a bien davantage: si
-quelqu'un a dérobé un oeuvre, il sera découvert, comme il se présume en
-vérité, par une bonne révisitation de textes, paraphrases, commentaires,
-métaphrases, homélies, annotations, récensions, notes, adversaires,
-lectures, leçons, & autres telles négoces & inventions de gloses &
-interlignes pédantines. Et les calculez: vous les trouverez ici, sans
-qu'il soit plus besoin de tant de livres, romans, poésies, prônes &
-bavarderies, qui occupent les esprits mal-à-propos, & lesquels, après
-que l'on les sait, ne laissent pas l'industrie d'avoir un paillard écu.
-A dire vrai, cette vérité a touché de compassion le coeur de beaucoup de
-gens de bien, qui, pleins de charité, comme j'en ai vu de doctes & sages
-avancés près les papes, rois, empereurs & républiques, gens sans fard,
-lesquels oyant les affamés de bonne lecture, s'amuser à faire joliment
-relier, parer, dorer & mignarder proprement des livres communs, tant
-vieux que nouveaux; ces bonnes personnes, ayant déplaisir & regret au
-tems qui se perd en la lecture de tant de livres de fadaises, de
-surcroît emplis de douleur & obscurité, avoient l'ame touchée de
-fâcherie & impatience, considérant que ce bon livre n'étoit pas connu
-des vrais amateurs de sciences; déploroient la misere de tels pauvres
-acheteurs abusés, & disoient: voilà dommage & pitié. Hé! qui ne
-s'étonneroit du malheur qui abonde en ce tems. Voilà, ces misérables
-dévoyés ont assez de ces livres de vétilles: ils n'auroient pas sitôt en
-main un _Moyen de Parvenir_. Sur quoi je vous dirai un grand secret, &
-puis l'autre; c'est que vous ne trouverez point en ceci de truandage de
-pédantisme, comme ès autres, pleins du ravaudage de folle doctrine qui
-n'apporte point à dîner. Et davantage, je vous dirai le secret des
-secrets: mais je vous prie, afin qu'il soit secret, de vous embéguiner
-le museau du cadenac de taciturnité; & écoutez. CE LIVRE EST LE CENTRE
-DE TOUS LES LIVRES. Voilà la parole secrette, qui doit être découverte
-du temps d'Hélie, artiste, ainsi que disent les alquemistes. Tenez-le
-fort caché, & vous gardez des pattes pelues de ces enfarinés, qui
-gourmandent la science & l'emplissent d'abus: étrangez-vous de ces
-pifres présomtueux, qui, voyant les bonnes personnes désireuses de se
-calfeutrer le cerveau d'un peu de bonne lecture & profitable, s'en
-scandalisent: chassez ces écorcheurs de latin, ces écarteleux de
-sentences, maquereaux de passages poétiques, qu'ils produisent &
-prostituent à tout venant: gardez-vous de ces entre-lardeurs de
-théologie allégorique, de ces effondreux d'argument, & de tous ceux qui
-aiguisent les remontrances sur la meule d'hypocrisie. Fuyez telles
-bêtes; & ne leur communiquez point ce rare trésor; ains le commettez à
-gens de bien, comme gens de bien ont pris la peine de le vous donner;
-non pour en abuser, d'autant que ce seroit un péché plus que contre
-nature, parce qu'il n'est ni mâle, ni femelle. Je m'en rapporte à ces
-sages & prudens prêtres, qui nomment leur bréviaire leur femme. O quelle
-impiété rouge comme sang! Ceux qui parlent d'abuser de ce qui peut
-servir, ne l'entendent pas. Je les renvoie au Principal du Collége de
-Geneve. J'en atteste la pantoufle du Pape, que je dis vrai.
-
-
-
-
-CONCLUSION.
-
-
-XIII. Le second Ministre étoit malade. Je fus appellé pour le voir; je
-lui fis au moins mal que je pus. Se trouvant un peu bien, il me parla de
-ce Monsieur le Principal, & me dit qu'il étoit fallot. A ce mot, il
-arriva; & moi bien aise, & aussi, parce qu'il y avoit occasion de rire,
-_inter privatos parietes_, je me mis à faire des contes, & lui aussi;
-mais les miens alloient plus vîte: de sorte que, soit ou pour
-m'éprouver, ou pour se venger, comme il me l'a confessé depuis, il lui
-prit fantaisie de changer de propos, & dit: O nous misérables réformés,
-de proférer tant de paroles oiseuses, dont nous rendrons compte; & vous
-le premier. Il est bien vrai, dis-je; mais, monsieur, il faut ici
-_distingo_ Genevoisien; venons à l'écriture. Le sage dit qu'il y a tems
-de rire & de pleurer. Et bien j'avons ri; ce que nous avons dit
-n'offense personne. Les paroles oiseuses, sont celles qui offensent, &
-qui sont dites pour ôter l'office, ou le bénéfice, ou la renommée à un
-homme; comme si je disois, monsieur le principal abuse des graces de
-Dieu; & que, pour le prouver, je misse en avant cette démonstration:
-c'est que, tous les matins, il fait de son vit un chausse-pied. Ce bon
-ministre se prit si fort à rire, qu'il fut tout guéri: & puis dites
-qu'il ne se fait point de miracle à Genève. Dis que tu en as, papiste.
-Recevez donc ce présent, ce passé, ce futur, beaux & fidèles esprits.
-Vous y trouverez un insigne profit, attendu que tous les livres qui
-furent jamais faits, ou seront faits par hommes ou femmes, filles ou
-garçons, ou neutres, sont signes, ou marques, ou paraphrases, ou
-prédictions de cettui-ci tant naïf, clair & évident, lequel est la fin
-finale & intelligible de tous: & ainsi que tous ne sont & ne seront
-qu'interprétation des secrets ici exposés, & qui ne se trouvent que par
-dessein en ce beau & petit abondant moule de perfection exemplaire.
-Quiconque le saura, sera capable de toutes sciences, & n'ignorera que ce
-qu'il ne saura pas; d'autant que tout est ici au petit-pied en parfaite
-idée, clarifiant tout autant qu'il est possible. Que si quelque mauvais
-opiniâtre, incrédule, hérétique, stupide, conscientieux, faussonnier, ou
-autre ribaudaille ne me veut croire; je parle à vous qui êtes de telle
-qualité, & vous dis que, si vous ne croyez, je veux & désire qu'en guise
-de personne demi-sainte, chacun pour soi, vous puissiez recevoir une
-bonne secouade d'estrapade, qui vous dure une semaine, redoublant
-toujours pour mignarder votre constance, ou une gêne de rage de
-fondement, ou une cuisson de carnosités intolérable, ou un
-chatouillement de fines goutes, ou passion colique, voire tout ensemble
-avec toutes autres sortes d'incommodités à la sauce d'Allemagne, tant
-qu'à votre requête je vous donne remede. Et ne vous scandalisez, si, en
-l'excès de mes charités, je vous souhaite, avec si bonne & sainte
-affection, tel & si grand bien. Assurez-vous que ce n'est sans cause,
-d'autant que je sais qu'il vous en aviendra un merveilleux émolument; à
-cause que, chatouillés de telles friandises de maux & trouble, de l'aise
-cruel que vous en sentirez, aurez connoissance de votre faute, & ne
-serez plus juges ingrats d'autrui, qui peut-être vaut mieux que vous.
-Ainsi ce mal vous réussira en bien, afin que, vous souvenant de ce livre
-en vos rigueurs, vous y aurez recours; & vous vous en trouverez ou de
-même, ou mieux, ou pis, au grand avantage du salut de votre ame, si vous
-en savez bien user, & comme nos bons peres de familles, qui traitent
-bien leurs hôtes, & entretiennent les toîts de leurs maisons, de peur
-d'être incommodés.
-
-
-
-
-COROLLAIRE.
-
-
-XIV. Par manda, j'en jure la bonne fête de madame la Saint-Jean, que je
-ne daignerois vous tromper loyalement; & y eût-il à gagner autant que le
-monde vaut, & fiez-vous en moi, comme le pauvre la Motte, qui étoit sur
-l'échaffaud prêt à être rompu, ce qui le fâchoit fort, parce qu'il ne
-l'avoit pas accoutumé, & il dit au greffier: hélas! monsieur le
-greffier, à la pareille; souvenez-vous de la grace que messieurs m'ont
-promise; je m'en fie en vous. Là, monsieur de la Motte, mon ami,
-fiez-vous à moi; on ne vous fera nul mal. Mais tandis que je vous
-sermone, il m'est avis que je vois un glorieux caparaçonneur
-d'intelligence bigarrée, qui, donnant dans les hypocondres de la
-conscience, pour éclorre quelque oeuf d'hypocrisie feint, qu'il a couvé
-sous le voile bigot de sapience folle, lequel grignotant de dépit, &
-pour faire l'habile homme, jettera dédaigneusement l'oeil sur ce
-monarque des livres d'humanité; blasphémera, & pour en conter se fera
-peter les mâchoires, comme un vendeur d'époussettes, disant que nos
-paroles sont erronées; & nous pensera faire des escapades d'admirations;
-alléguant des sentences du livre saint, auquel tels que lui n'entendent
-rien. O toi donc cettui là à qui je parlois tantôt, relevé d'orgueil,
-bouquin qui as été mille fois gourmandé par ta chambriere, ainsi qu'il
-se fait volontiers en nos cloîtres.
-
-BEZE. Savez-vous comment? Je fais cette parantese à votre discours;
-beuvez; puis vous acheverez. Mais devant, sachez que, quand une femelle
-s'addonne à un écclésiastique, elle est, le premier mois, sa chambriere;
-le second, elle est sa compagne; & le troisieme sa maîtresse; & ainsi
-conséquemment. Et de fait, votre chambriere vient-elle demeurer avec
-nous (pour nous servir, cela s'entend); le premier mois, elle est tant
-sage, que tout ce que j'ai est à moi. Si, en sortant de l'église, je la
-vois venir de chez un des confreres chanoines, je lui demanderai: d'où
-venez-vous, Jeanne? Je viens de chez votre compere, quérir votre
-vaisselle, que vous laissâtes hier que vous y fûtes souper. Ho dà! tout
-est encore à moi. Le mois d'après, je ferai la même question en même
-posture. Elle dira, je viens de quérir notre vaisselle, que nous
-laissâmes hier, chez notre compere où nous soupâmes. Ha, ha! nous y
-avons encore part. Mais après, si je l'interroge; elle me dira bien
-autrement. Que vous avez d'affaire, & n'avez point de chemise au cul!
-Vous voulez tout savoir comme les grands. Je viens de quérir ma
-vaisselle, que je laissai, hier au soir, chez mon compere où j'ai soupé.
-Voilà, tout est à elle. Mais je ne t'ai pas laissé, ô maître sophiste,
-perdu de la vanité de tes imaginations; ame déloyale qui ne peux
-comprendre le légitime _Moyen de parvenir_, auquel tu prétends d'arriver
-par sottise ou fraude ordinaire. Entens, vestaudier, que nous ne parlons
-ici que des livres d'humanité; & t'en vas faire panser à mon barbier; il
-te donnera, pour te faire docteur, une éponine ou épauliere, d'un coup
-de barre de fer, sur le collet, en guise de chausse d'hypocras, ou de
-hallebarde de drap. Que je dirois de belles choses, si je les savois; &
-en bons termes & beaux, si j'osois éventer ma doctrine. Je ne suis pas
-de ces petits docteraux, dont il est écrit: j'ai une tête de docteur à
-dîner. Un avocat du Mans ayant plaidé pour un boucher, & ayant gagné sa
-cause, il trouva sa partie. Hé bien, lui dit-il, n'ai-je pas bien plaidé
-pour vous? Je le sais bien, dit-il, monsieur; aussi en récompense, vous
-avez la plus belle tête de veau qui soit en la ville: ce sera pour votre
-dîner. Ce jour-là, nous devisions, en dînant, de choses diverses. On
-parloit d'une tête de veau, & aussi d'une serviette. A ces dernieres
-paroles, un jeune chantre dit à un monsieur: véritablement, monsieur,
-vous en avez une belle sur les épaules. Oh! devinez s'il parloit de
-tête, ou de serviette par intelligence. Je ne suis pas aussi docteur à
-la vinaigrette, ainsi qu'un tas de sages & beaux docteurs qui sont
-_doctores à docendo_, comme _montes a movendo_. C'est lancer du latin
-cela, comme pois en vessies. Allez donc au grat, correcteurs ingrats, &
-vous gratez le cul au soleil; puis succez vos ongles. Ça ici, bons amis
-du coeur, gens dociles, qui savourez le bien que dieu donne, voyez cette
-analogie d'harmonie parfaite. Si quelqu'un ne prend plaisir à ce banquet
-& aux beautés qu'il a produites, qu'il se fasse fouetter, comme fit
-celui qui s'adressa à madame la principale. Je vous prie d'écouter ce
-qu'en dit Ramus, qui fut son proche voisin. Paix là, paix; écoutez cet
-homme de bien.
-
-RAMUS. Près le collége du cardinal le Moine, de mon tems, & non si près,
-que ce ne fût aux fauxbourgs, une sage dame que tout le monde nommoit
-madame la principale, un mercredi matin qu'elle étoit à la porte assise,
-sans penser en mal, non plus qu'un autre: voici venir à elle un beau
-jeune homme habillé à la jésuite, ainsi qu'un écolier envoyé pour
-étudier. Il avoit une soutane. Soutane est un vétement; vétement est un
-accoutrement; accoutrement est dont on s'habille. Il étoit donc habillé
-d'une soutane. C'est comme nous eussions dit, de notre tems, _un saye_
-tout d'une venue. Je dis ceci, afin que vous trouviez ici la raison de
-tout; & notez qu'il est vrai que, de ce que vous desirez avoir la
-raison, sans faute vous la rencontrerez en ces mémoires. (Remarquez ce
-grand & admirable secret.) Si vous ne la rencontrez à votre intention,
-voici le remede; écrivez-la en un papier tant de fois, la corrigeant &
-racoûtrant, qu'elle vous plaise; & au soir, à soleil couchant,
-transcrivez-la, ou la faites transcrire en ce livre; & je vous assure
-que vous l'y trouverez au matin, si vous vivez: & que vous y regardiez,
-& que le livre soit encore en votre puissance, & que n'ayez perdu la
-vue, ou la mémoire. Et s'il y a encore quelque chose à dire, je le tiens
-pour dit, & c'est en quoi git l'admirable perfection de cette notre
-science universelle, mondaine & céleste.
-
-
-
-
-DESSEIN.
-
-
-XV. Mais à propos je m'ébahis comment, ô bon Gilandius, & me fâche qu'en
-Europe les chrétiens, même les bons catholiques, usent tant du vétement
-des Turcs, vu que nous ne voudrions pas être Turcs. Et ce qui me met en
-plus grand souci pour ces soutanes, est que tel habillement est devenu
-commun au grand préjudice des cocus, depuis que les braguettes ont été
-déclarées insupportables. Je me souviens qu'aux seconds troubles nous
-étions en garnison à la Charité. Etant en garde, s'il passoit un homme
-avec une braguette, nous l'appellions papiste, & la lui coupions:
-c'étoit mal fait, d'autant que sous tel signe, il y a de grands mysteres
-quelquefois cachés, vu que papiste peut signifier _pere de la foi_, ou
-_suivant la foi paternelle_. Je m'en repentis, & m'en allai à Cosne, où
-nous nous fîmes soldats derechef, & nous mîmes ès bandes catholiques. Il
-nous avint une autre cause de remords de conscience: c'est que, voyant
-ces ébraguettés, les disions huguenots. Notre bon ami Budée m'avisa de
-ce péché, m'instruisant que ce mot étoit grec, signifiant _heureusement
-reconnoissant_. En cette agitation, je m'en allai à Basle, dont je
-revins avec les jésuites, qui en apportoient cette invention. Je les
-laisse disputer avec Calvin, pour voir qui sait mieux entr'eux la
-religion du Turc, c'est-à dire, turcisme. O Suisses heureux! ne changez
-jamais de braguettes. Voyez, il ne faut que ce texte pour faire brûler
-beaucoup de pauvres gens. Ne changez point vos coutumes avec celles du
-Turc qui ne boit que de l'eau. Boire du vin, c'est être bon catholique.
-Y mettre trop d'eau, est se sentir de l'hérésie. Ne boire que de l'eau &
-avoir le vin en haine, est pure hérésie noyable, approchant de
-l'athéisme. N'en parlons plus. Mais vous, messieurs, qui avez femmes
-belles & friandes ou belles amies, defiez-vous de ces buveurs d'eau, &
-de ces gens qui ont la queue si longue, sous laquelle en liberté pend
-l'outil à faire la pauvreté.
-
-CESAR. Qu'est-ce que _faire la pauvreté_?
-
-RAMUS. Puisque je vous vois ententif, aussi éveillé qu'un chat qu'on
-fesse, vous le saurez. Toutefois je m'étonne, que vous, qui êtes Latin,
-ne le savez; & sur-tout vous, qui, entre les galans, savez mieux votre
-cour. J'ai pensé dire comme nos docteurs, votre _entregent_: mais il me
-sembleroit dire _entre-jambes_; tant cela est fat. Mais oyez: _Bipes
-facit damnum_, l'animal à deux pieds fait dommage. Onan en mourut
-célestement puni. _Quadrupes facit pauperium._ Venez un peu ici, hé!
-couilliacier de Papinian. L'animal à quatre pieds fait la pauvreté;
-c'est que, faisant la pauvreté, on a quatre pieds; on pratique le doux
-androgine, on fait la bête à deux dos; on fait le destin d'homme à
-femme; c'est faire la cause pourquoi, c'est exercer les bons membres;
-c'est être bonne personne, parce que nul n'est bon, & n'y a bonne
-personne, que celle qui, se faisant du bien, en fait à un autre. Il y a,
-_Fac benè, & benè tibi erit_. Et bien, voilà alléguer la loi, comme un
-beau petit licencié de l'antechrist. Si, nous autres doctes, n'avons que
-faire de noter le titre, ni le paragrafe, c'est à ces petits écoliers,
-qui ne font que venir, & tous nouveaux commencent à briller.
-
-SEVOLA. Cet écolier ensoutané vouloit-il faire la pauvreté avec la
-principale?
-
-CARPENTIER. C'est bien au rebours. Quand il l'eut profondément saluée,
-(ainsi on salue les dames; & les hommes, on les salue longuement &
-directement, &, _à contrario, quia_) elle, lui rendant son salut, lui
-dit: treves de chapeau, Monsieur; mettez dessus. Il repart: treves de
-fesses, Madame, tenez-vous ferme. Ainsi les hommes saluent du chapeau; &
-les dames saluent du cul.
-
-RAMUS. Poursuis, garçon.
-
-CARPENTIER. Ayant mutuellement achevé la salutation, il lui dit qu'il
-desiroit parler à elle, s'il lui plaisoit. Elle le mene en sa chambre,
-où ils s'asséent, & il dit: Madame, étant trébuché en extrémité de
-creuse dévotion, j'ai bonne envie d'être fouetté, réellement & de fait,
-par quinze matinées consécutives. S'il vous plaît me faire ce bien d'en
-prendre la peine, je vous donnerai douze beaux écus, & un écu pour les
-verges. Elle répond: Monsieur, excusez-moi, s'il vous plaît; je ne me
-connois point en fouetterie. A donc ce jeune ensénovillé gracieusement
-se retire. Oh! combien il y a d'écoliers, qui voudroient que fesserie
-fût éteinte, & que l'on n'en parlât non plus que de nôces en paradis. La
-dame, revenue à sa porte, fut enquise, par une voisine curieuse, de
-l'intention de ce beau fils, à laquelle la principale le déclara. O, ma
-voisine! dit l'autre, que ne me l'avez-vous adressé! Il le faut
-appeller. Huguette, (c'étoit sa servante) allez après, lui dit la
-principale. On cria après lui, à la mode des marchands de Paris:
-Monsieur, Monsieur! Il revint, & demanda à la dame si elle s'étoit
-ravisée. Non, dit-elle, mais voici ma commere Laurence, qui vous rendra
-content. Elle les mit ensemble; & ils allerent chez elle, à l'enseigne
-de la coquille, faire leur marché; & depuis il vint, tous les jours,
-être fouetté demi-heure; & ce, à sept heures du matin, qui est une heure
-fort commode à se faire fouetter; je vous en avise. Laurence, le
-trouvant gras & frais, eût bien voulu qu'il l'eût fouettée de verges de
-Saint-Benoît, dont il ne faut qu'un brin pour faire une poignée. Le tems
-& la fesserie accomplie, le fessé paya fort bien la fesseuse, & s'en
-alla. La bonne dame, à ce qu'elle disoit, en s'en délayant les
-badigoinces, eût bien voulu avoir souvent de telles pratiques: aussi
-étoit-elle de nos soeurs, faisant souvent plaisir aux amis; & faisoit
-exercer, comme dit Plaute, le proverbe de tantôt: _fac benè, & benè tibi
-erit_. Fais le bien, & il te fera grand bien. Ce sont de belles choses.
-Belles, si vous le savez, taisez-vous: si vous ne le savez, laissez-nous
-faire; nous vous l'apprendrons. Or Laurence ne faisoit pas l'amour; (il
-est tout fait; apprenez, jeunesse) mais elle pratiquoit les jeux d'amour
-avec un moine de Saint-Denis, qu'elle aimoit de bon foie, de bon coeur,
-(laissons le nom) de bonne cuisse, & de bon ventre. La coutume en étoit
-pour lors, parce que c'étoit durant les guerres, devant ou après; (il ne
-faut pas être si exact en tems, si ce n'est aux contracts, & sur-tout
-entre faussaires) & puis à Saint-Denis ils étoient tous gentilshommes;
-parquoi toutes bonnes conditions leur étoient permises; même ils les
-autorisoient: ce qui ne peut être, depuis, à ce qu'on m'a conté, qu'il y
-en est entré qui sentent l'aune, le marc, le mortier, & autres telles
-ustensiles roturieres, qui est cause qu'ils sont sujets à la loi
-commune, puis qu'ils sont enfans de personnes communes, _in utroque
-genere_. Or bien son ami frere Ambroise (dont on chante: _vous avez bû
-la cervoise, frere Ambroise, dont vous êtes enivré_) lui envoya sa
-haquenée. J'ai quasi dit _son haquené_, d'autant que son fils représente
-sa personne. La bonne Laurence monta dessus, en bonne intention de lui
-aller apprêter un bouillon. Aussi falloit-il restaurer le pauvre
-religieux qui étoit infirme, ayant une forte colique dans le ventre, ou
-dans la tête. Elle s'achemine. Et ainsi qu'elle est dans cette forêt de
-moulins à vent, voici sur la brune son fessé avec sa soutane, qui lui
-vint à la rencontre: & sur cela belle chose & grande pitié. Pleurez,
-vieille, pleurez: mais non faites; d'autant qu'il n'y a point de rime
-sur vieille; & j'en dépite tous les poëtes, fussent-ils autant savans
-que _chose_. Pleurez donc, & chiez bien des yeux; vous en pisserez
-moins. Cet homme, qui avoit eu la fessée au prix de son argent, vint à
-elle, & lui dit: mettez pied à terre; &, lui faisant la révérence de
-basse taille, avec un visage déchiqueté de mines remontrantes,
-passementé de rides de répréhensions, la prit & l'empoigne, & s'assit
-sur une pierre du chemin, la met sur son genouil le cul à mont, la
-trousse comme une petite fille qui va à l'école chez un montreux, & la
-fesse à nud avec de bonnes & sanglantes verges sur son cul de derriere.
-Elle n'en vit rien; & cette action lui repoussa fort & ferme le
-fondement. La haquenée, toute ébahie, regardoit si on lui en feroit
-autant, pour la passer maîtresse, comme le cheval de Rabelais fut passé
-docteur à Orange, sous le nom de _Joannes Cavallus_. Après la fessade
-accomplie, le jeune homme remit madame Laurence sur sa bête, à laquelle
-tournant la tête vers la ville, il la renvoya & tout le paquet à la
-ville, recommandant l'ame de Laurence à sa bonne grace. La pauvrette
-revint avec grande frayeur, & se mit au lit, où elle ne fut que cinq
-jours, finis lesquels elle mourut comme une vache qui trépasse.
-
-CESAR. Hé quelle fessée! Quel appliqueur de stigmates sensuels! O diable
-si cela me plairoit; j'aimerois mieux que tels
-fouetteurs-fouettés-fouettant, attendissent à naître après le jugement.
-
-CARPENTIER. Or le fouetté-fouettard conduisit sa fouettée de belles
-bénédictions, en lui disant: adieu, ma douce amie; ci-après soyez sage.
-Bienheureuses sont les personnes bien fouettantes, & bien fouettées.
-Voilà comme la pauvre Laurence a changé d'air; & avint, à sa mort, une
-merveille notable, une chose émerveilleuse. C'est que son ame sortit de
-son corps par l'endroit proportionnel & semblable à celui par lequel
-toutes les autres ames s'en vont.
-
-ESOPE. Que faisoit la haquenée, tandis qu'on fessoit la dame?
-
-RAMUS. L'as-tu pas ouï? Elle chioit de male rage de peur; & fiantoit si
-sec, que ses étrons devinrent étuis de lunettes, pour ceux qui ont
-courte haleine: mais un petit bout de patience. Messieurs les
-théologiens, dites-moi, si vous savez tous, qui étoit ce
-fouetté-fouettant. Vous en savez autant les uns que les autres. Vous
-hésitez, parce qu'il rendoit la pareille pour néant contre vos maximes:
-rien pour rien, tout pour argent. A dire vrai, (& je l'ai appris du
-grand vicaire du pape Jacques sixieme) que c'étoit un bon & magnanime
-pénitent, l'un de ceux qui (par dispense spéciale, comme dit le docte
-St. Antonin, lequel sortit de purgatoire, pour faire bien à quelques
-ames extravagantes. Si vous n'admettez cela, je dirai que c'étoit un
-vrai diable) s'en vint trouver proie, la goule enfarinée de bresil, se
-connoissant en parchemin; & parce que cettui-ci n'étoit pas vierge, il
-le courroya, ainsi que sera le vôtre, s'il y échet. Amen.
-
-
-
-
-HOMÉLIE.
-
-
-XVI. CUJAS. Le parchemin peut bien mais de ceci; je m'en rapporte à la
-Nonnain, & ne le voudrois avancer, sans que ces méchans hérétiques en
-font le contenu au désavantage de la Religion: parquoi je le dirai au
-vrai pour leur fermer la bouche, & qu'ils soient punis s'ils disent
-autrement qu'il n'en est. Cette dame, par avis de connoissance, & pour
-savoir le plaisir qu'il y a, sans toutefois tendre à aucune volupté ou
-déshonnêteté, avoit voulu faire la pauvreté, & la fit moyennant un ami,
-à quoi il n'y a point de coulpe, ainsi qu'elle m'a dit, d'autant qu'elle
-ne s'y étoit obligée, ni par serment, ni par notaire, ni prêtre, ni
-ministre. Aussi c'est un grand fait, que depuis qu'un fou de prêtre, ou
-un étourdi de ministre, ont donné congé à deux personnes, ils le font à
-gogo; mais le diable y est, pour autant que les pauvres mariés le font
-par contract; ils y sont obligés: & les autres le font par plaisir, sans
-être sujets à la loi, en quoi gît tout contentement. L'abbesse, un jour,
-s'appercevant que cette nonnain venoit à quatre pieds au choeur, la prit
-à part, & lui remontra, la censurant améro-doucement, comme font les
-capucins, qui en cela imitent les ministres de Genève, qui épluchent à
-leur mercuriale qu'ils font le jeudi prochain des quatre-temps, & puis
-vont banqueter ensemble. Soeur Dronice, qui ne voulut point être tancée
-pour avoir bien fait, lui dit humblement: madame, pardonnez-moi; je ne
-pense pas avoir failli. J'ai lu au grand livre de parchemin: _bonum est
-omnia scire_, il est bon de tout savoir. O, ma fille, il falloit tourner
-le feuillet, vous eussiez trouvé: _& non uti_, & n'en faut pas user.
-S'il eût été usé je n'en eusse pu travailler. Madame ma chere mere,
-excusez-moi, s'il vous plaît; quand je serai de votre âge, je tournerai
-le feuillet.
-
-SOLON. Puisqu'elle n'avoit point gâté son fruit, il la falloit louer. Si
-jamais je fais des loix, je me joindrai avec notre ami Lycurgus, &
-promulguerai cette-ci: _Toute fille qui aura fait un enfant à crédit,
-sera dotée aux dépens de la ville_.
-
-PLUTARQUE. Si cela est reçu, on aura de beaux enfans, que les meres
-feront à la dérobée; & les meres seront conservées; au contraire que,
-selon qu'il avient souvent par sotte & maudite cruauté, les meres tuent
-leurs enfans, puis sont justement punies, faute de bonnes loix.
-
-DENIS. Le diantre emporte qui en ment, disoit Janot à sa mere.
-
-PLUTARQUE. Je vous assure que j'ai ainsi ouï parler, & l'ai mis en mes
-apophtegmes françois, & bien d'autres de ces menues réponses. Sa mere,
-disputant, un jour, avec lui, & par dépit de quelque mauvais ménage, lui
-reprocha sa femme, lui disant qu'elle étoit putain. Hau, ma mere,
-dit-il, laissez-là ma femme, je vous prie; parlez de vous. Il est vrai
-que, comme on lui dit que sa mere très-malade, se mouroit, il courut
-l'assister plutôt que sa femme; &, comme on lui en disoit quelque chose:
-otto o, dit-il, si je perds ma mere, je n'en pourrai retrouver une
-autre; & si ma femme meurt, j'en trouverai assez d'autres. Sa mere étant
-relevée, & devisant, avec sa voisine, du secours que lui avoit apporté
-son fils, le vit venir, elle va dire: le voilà qui vient, ce grand
-maladroit; mais avisez un peu comme il marche, ce grand fils de putain.
-
-POLIPHILE. Un jour, il m'en avint autant. Ma mere étoit fâchée contre
-moi, & me voulut fesser; je résistai; elle me dit: tu en auras une autre
-fois, petit fils de putain. Mon pere me trouva tout pleurant; & je lui
-en dis la cause. Va lui dire, ce me dit-il, qu'elle est une sotte. Elle
-me répondit, aussi-tôt que je le lui eus dit: va dire à ton pere qu'il
-est un cocu. En même tems, un petit garçon de Paris appella un autre,
-fils de putain, qui s'en prit à pleurer, & le vint dire à sa mere, qui
-lui dit: que ne lui as-tu dit qu'il avoit menti? Et que savois-je,
-dit-il? Ainsi parloit le curé de Saint-Denis, un dimanche, à son prône;
-il exhortoit tout le monde, & dit aux dames: quant à vous autres, mes
-bonnes paroissiennes, je vous reconnois pour femmes de bien; mais vos
-enfans sont de mauvais fils de putains.
-
-
-
-
-JOURNAL.
-
-
-XVII. COMINES. A ce propos; une après-dînée, la reine d'Egypte étoit à
-deviser, en sa chambre, avec quelques dames, sans autres personnes
-(c'est qu'il n'y avoit ni homme, ni prêtre, ni moine, ni ministre). Le
-seigneur de Danois se présenta pour entrer. Comme il eut vu qu'il n'y
-avoit point d'homme, il se retira. La reine, qui l'avoit apperçu,
-l'appella: ho, monsieur le grand prieur, entrez; vous y pouvez bien. Au
-commandement, il s'approche. Elle lui dit: nous étions sur le sujet des
-dames. Vraiment, madame, le sujet est unique en perfection. Mais qu'en
-dites-vous? Tout bien, madame. Et encore? Dites-nous-en, à bon escient,
-votre opinion. Puis qu'il vous plaît, madame, par la mordong, toutes les
-femmes sont putains. O, ho, dit la reine, & moi? A, ha, madame, vous
-êtes la reine. Et votre mere? Madame, ne parlons point des trépassés.
-
-BRUTUS. Comment vous parlez au désavantage des dames?
-
-COMINES. Point, d'autant que cela ne les touche aucunement. Mais à
-savoir, s'il y a honte, ou non? Je pense que non. Si quelqu'un nommoit
-une dame boiteau de foin, lui feroit-on autant ou même tort, que de
-l'appeller putain?
-
-BRUTUS. Il n'y a point d'apparence.
-
-COMINES. Et si c'est une même chose, que direz-vous?
-
-BRUTUS. Je ne sais.
-
-COMINES. La nuit passée, il y eut un moine dru, gai & gaillard, qui fut
-surpris avec une garce. J'ai quasi dit avec une _grace_; il n'y a que
-transposition de lettres. Il s'étoit ébattu avec elle, _cum commento_, &
-la sauce. Ses supérieurs lui remontrent qu'il avoit offensé. En
-s'excusant, il démontra que non, disant qu'il étoit, selon la pauvreté
-de l'ordre, couché sur un boiteau de foin: _quia omnis caro foenum_,
-parce que toute chair est foin. Concluez.
-
-GUIDO. Je pensois que vous voulussiez donner jusques à St. Denis, &
-parler de frere Jérôme, qui cherchoit la pierre à casser les oeufs.
-
-ALAIN. Qu'est-ce à dire!
-
-VIVES. Vous le saurez tantôt. Ce moine, pour le dire plus gaiement,
-cherchoit la pierre philosophale, & étoit Parisien. Et de fait, j'ai été
-en beaucoup de lieux & places du monde habitable philosophique, & je ne
-vis jamais en aucun endroit tant de Parisiens qu'à Paris. Et bien que,
-durant le grand jubilé, je visse beaucoup de Bretons à Rome, si n'en
-ai-je tant vu oncque en un monceau qu'en Bretagne. Ne fou déplaise, ô
-gros Thevet, bête de bon esprit, que tu étois sot, quand tu me dis qu'il
-n'y avoit point de contrée, où il y eût plus de vingt-quatre heures de
-jour, & que tu estimois que payennerie fut nationneté, comme tu dis en
-ton livre des portraits des Grecs, Latins & Payens! Ta révérende
-cervelle symbolise avec celle de messire Guillaume le Vermeil, quand tu
-dis en ton histoire qu'Anacréon s'étrangla d'un pepin, (comme il
-témoigne par ses écrits. Tu es un faiseur de parenthèse)! dont il mourut
-parenthésaquement au monde.
-
-THEVET. Je vous attraperai tantôt, maître rufian, qui faisiez semblant
-de me visiter; mais c'étoit pour, en mon absence, travailler ma jeune
-chambriere.
-
-BRUTUS. Que tu dis de sottises! Ne saurois-tu lui dire autrement? Il
-t'est avis que tu dis bien, d'avoir parlé de travailler, comme la
-derniere fois que nous étions avec le feu roi notre maître. Tu voyois un
-grand viédase d'évêque sur un beau cheval, & l'ayant considéré, le nous
-vins dire: voilà un homme qui besongne mal, pour dire _il chevauche
-mal_.
-
-VIVES. Laissons cela; nous le dirons au roi. Or frere Jérôme, cherchant
-la pierre philosophale, que sans doute on trouvera ici. (Et ce que je
-vous dis est vrai; & s'il n'est vrai, je puisse mourir devant toute la
-compagnie, demeurant aussi sain & sauf que je fus jamais, ainsi que
-Georget notre métayer, à qui son compere dit: je sui mau de toi. Et que
-te faut-il? On dit que tu couches o ma femme. Pardai, Jean mon ami,
-mordienne, ils sont menteurs. Que je passe monter sur iquent hesne, &
-que j'en tombe de branque en branque, que je me rompe le cou sans m'y
-faire mau, si je toque en pus que tai. A de pardi, alin bere, compere,
-alin bere).
-
-
-
-
-MAPPE-MONDE.
-
-
-XVIII. Or frere Jérôme avoit consumé plus de trente ans à sa recherche,
-& n'en avoit rien rapporté. J'en crois le Vigénere, qui n'en a pas fait
-moins. C'est lui qui m'a fait ce conte; à quoi il ne songe pas à cette
-heure, tant il est jaloux. Le voilà avec Postel, à fripper quelque vieil
-haillon d'histoire, pour accommoder sa pierre. Les parens du frere
-Jérôme, voyant qu'il se consumoit mal à propos, délibérerent ensemble de
-lui en faire quelque gracieuse remontrance (non pas si grasse, que la
-faveur de la vieille, à laquelle on avoit dit qu'il falloit graisser les
-mains de son avocat; & elle, le prenant par derriere, lui ondoyoit les
-mains avec une piece de lard, ainsi qu'il avoit les mains sur les reins.
-Le bon homme, se revirant, lui dit: que me faites-vous, ma mie? On m'a
-dit, monsieur, que je devois vous graisser les mains. Ha, pauvre bonne
-femme, ce n'est pas dit quelle graisse). La conclusion prise, pour
-tâcher à le détourner de telles follies, un des plus notables parens eut
-charge de l'aller inviter, lequel le moine lui promit, moyennant la
-commodité de monsieur son fourneau, qu'ils nomment _athanor_, dont les
-fous alquemistes font un grand Achilles, ayant trouvé en Néhémie ce mot
-_Athanorum_, i. des fourneaux. Voilà une des gloses des chymistes, dont
-la secte est la plus jolie du monde, parce qu'à leur dire, & entr'eux,
-il n'y en a pas qui sache; ils se tiennent tous pour bêtes au spécial, &
-n'en estiment aucun, qui, au jugement des autres, ne soit un ignorant:
-mais s'il y en a quelqu'un qui se laisse mourir, le voilà, par leur
-jugement, aussi-tôt canonisé. O, diront-ils, grande perte! S'il eût
-encore vécu quinze jours, trois heures & dix-sept minutes, il eût achevé
-l'oeuvre, que j'acheverai, d'autant que j'ai son secret. Mais le
-principal est de dîner; à quoi faire, vint à Paris le frere, qui s'y
-transporta sans oublier son bon appétit. Il trouva bonne compagnie, qui
-fit bonne chere. Après dîner, selon l'avis pris, vint à lui une dame
-choisie entre celles qui ont été dépucelées sur le tard de leur âge.
-Telles sont plus sages & meures, parce qu'elles n'ont tant été, ni sitôt
-hochées; elles en sont plus fermes. Adonc la sage vieille, prenant la
-main charbonneuse de frere Jérôme, lui dit: monsieur mon cousin, la
-pitié que nous avons de vous voir décheoir, non-seulement de commodités,
-mais aussi d'honneur, vu le mépris auquel vous gisez par vos
-déportemens, est cause que nous nous sommes assemblés; & nous vous avons
-appellé ici, pour vous dire notre ennui, vous priant de vous reconnoître
-& penser à vous, & au lieu dont vous êtes sorti. Vous êtes en âge d'être
-sage; faites paroître que vous l'êtes, prétendant à choses dignes de
-vous. Que cuidez-vous, pour devenir si riche? Quand bien cela
-aviendroit, que vinssiez à bout de votre philosopherie, vous devez être
-content, vous avez le viton & le vetiton, sans en rechercher davantage
-par cette arquemine. Il ne lui laissa pas achever, qu'il lui dit: madame
-ma bonne cousine, je vous prie ne passer outre; je ne m'y amuserai plus
-gueres; j'ai presque fait: mais il faut achever; je suis sur le point.
-Ne pensez pas pourtant que je cherche ce grand bien, pour être riche; je
-suis assez content d'avoir le _victum_ & le _vestitum_: mais sachez, ô
-bienheureuse cousine, si vous le voyez, que, quand j'aurai fait cette
-divine oeuvre, j'aurai une belle poudre, de laquelle je prendrai, au
-soir, ou au matin, un seul petit grain, avec de la conserve de roses; &
-je le ferai sept coups.
-
-
-
-
-MÉTAPHRASE.
-
-
-XIX. Dis que tu en as, grand chemise: & moine de rire, & de conter que
-l'hiver passé, que la Seine chariote, un fauconnier venoit de la chasse,
-avec son valet, qui l'avoit fâché; & il le vouloit battre: quand ils
-eurent mis pied à terre, il y parut. Le maître prit une fourche, pour
-plauder son serviteur, qui, n'en étant pas d'accord, s'enfuit & se jetta
-en la riviere, qu'il passa à la nage; puis étant delà l'eau, le poulce
-contre la joue, la main en aîle, fit la quine-mine à son maître, lui
-criant tout haut: j'en savois bien d'autres. Et, là, là, _mundus, caro,
-dæmonia_, le monde n'a cure de moines.
-
-CUJAS. Cette belle haquenée de bran nous a fait perdre la pierre à
-casser les oeufs.
-
-VIVES. Non, ha non, j'y suis. Il y avoit, près Saint-Yves, un jeune
-gentilhomme logé en chambre garnie, seul en sa chambre. Et ceci avint,
-durant qu'il y avoit grand débat entre les moines & les ministres, pour
-décider, qui étoit le mieux dit: _c'est demi-vie que d'être saoul_: ou,
-_c'est demi-vie que de rire_; sur quoi ils se confondoient comme
-hérétiques. Ce jeune homme, qui ne se soucioit pas beaucoup de ces
-débats de théologie, jetta l'oeil sur la servante, qui étoit une assez
-belle connaude, mais un peu nice. Il parloit souvent à elle assez
-froidement & discrétement. Entr'autres, un jour, il lui dit: vous êtes
-des champs, ma mie? Voire, monsieur. Je m'en doutois bien: je ne laisse
-pas de vous aimer, autant que si vous étiez de la ville, vous voyant si
-bonne fille & si bonne ménagere. En dà, monsieur, je vous en rends
-graces. Or, ma mie, parce que je vous aime, & que vous nous servez bien,
-je vous veux avertir, pour votre grand profit, qu'il y a un certain mal
-qui prend aux filles des champs, quand elles viennent demeurer en la
-ville: c'est qu'il leur croît dans le ventre de petits oeufs, qui y
-grossissent & se durcissent; & puis il faut que les pauvres filles
-montrent leur derriere au barbier. Je serois marri que cela vous avînt.
-Il n'aviendra pas pourtant, si vous me voulez croire. Je ferai quelque
-chose pour vous; & il est tems d'y commencer: je vois, à votre teint,
-qu'il y en a déjà. Ardé, monsieur, je vous suis bien attenue; il est
-bien vrai que je ne me porte pas bien; je ne suis pas en mon naturel. Je
-vous donnerai demain quelque chose. Le matin venu, qu'elle vint en sa
-chambre, il lui donna une cueillerée d'hypocras blanc, qu'elle savoura,
-& lui dit qu'elle allât & vînt par le ménage, puis qu'elle déjeûnât d'un
-peu de pain sec. Cela fut continué, deux ou trois jours. Un matin que
-madame n'y étoit pas, il prit cette fille; & riant doucement, il la posa
-contre le lit, comme pour lui regarder en la bouche. Hélas! monsieur que
-voulez-vous faire? Je ne vous ferai point de mal; je veux vous casser un
-oeuf, qui est prêt de se durcir. Elle se laissa faire & lui fit
-céleques; il lui mit chair vive en chair vive.
-
-CUJAS. Mais encore, ô bon Lycurgus, est-ce péché de mettre chair vive en
-chair vive?
-
-LYCURGUS. Non, quand ce n'est point contre les loix écrites. Si vous
-mettez votre nez en mon cul, ce sera chair vive en chair vive; c'est
-auprès de la merde.
-
-VIVES. Le gentilhomme acheva ce qui n'étoit point commencé: aussi ne
-sauroit-on besongner une pucelle, parce que l'on ne sauroit mettre si
-peu avant, que ce ne soit achevé. Elle s'en trouva fort bien, sinon
-qu'il lui cuisoit un petit; & non tant, qu'elle ne fût contente d'y
-retourner, tellement qu'en dépit qu'elle vouloit bien, il lui cassoit
-souvent des oeufs au corps, au grand plaisir de la fille, qui eût voulu
-en avoir autant en une ventrée, que l'on eût pu en casser en cent ans,
-sans faire autre chose. Un jour que déja elle y étoit affriandée, &
-qu'elle avoit trop musé, sa maîtresse la tança, quand elle fut
-descendue, lui disant: vous êtes une affetée; vous faites quelque
-méchanceterie avec cet homme de là-haut. Ha, ha, becasse, babouine,
-qu'avez-vous tant fait là-haut? Rien autre chose, madame. Vous avez
-menti, vilaine. Ne vous déplaise, madame; c'est ce que je vous dis. Vous
-faites là-haut quelque rien qui vaille, avec cet homme. Hélas, madame,
-ma bonne maîtresse, vous avez grand tort; c'est le plus honnête homme du
-monde: il m'étoit venu des oeufs au ventre; & il me les a cassés. Quels
-oeufs sont-ce, vilaine, quels oeufs? O regardez, madame, s'il n'est pas
-vrai; tenez, je hausse ma chemise; voyez-en le devant, qui est tout
-mouillé de la glaire qui en est sortie, quand il les cassoit.
-
-TERENCE. Sa maîtresse ne lui fit rien?
-
-GUIDO. Et que lui eût-elle fait? Elle la devoit tuer, voire donc sans
-qu'il y parût.
-
-TERENCE. Comment ce feroit cela?
-
-GUIDO. Mon ami, si tu veux faire mourir une personne, sans qu'il y
-paroisse, souffle lui si fort par le cul, que l'ame s'en aille par la
-bouche.
-
-TITE-LIVE. Par Ædepol, voilà de belles nouveautés.
-
-
-
-
-PARAGRAPHE.
-
-
-XX. Davantage, il y a je ne sais quelle sorte de bouts d'hommes, ayant
-les ames mal préparées à ces enseignemens, lesquels ont de petites
-putains de fantaisies, qui les empêchent de voir & entendre. Tels
-diront, comme faisoit hier un maquereau de l'antechrist: je ne sais que
-trouver ici de nouveau. Je savois bien cela; je l'ai vu autre part; je
-l'avois ouï dire. Pauvre défoncé d'entendement, avalé de la brague de
-raison, déchaussé de cervelle jusques aux talons, fou métropolitain,
-penses-tu pouvoir proférer quelque indiscrétion contre ce code de toute
-vérité? Ne sais-tu point que ceci est proportionnellement établi plus de
-cinq cents ans avant la création du monde? Te voilà au rouet: tu
-n'entens pas ce problême. Aussi ne font plus sages que toi. Et encore tu
-oses gronder, hérétique que tu es! Es-tu plus que le roi, qui sait bien
-que, quand ce volume ne seroit point conféré au public, il ne lairroit
-d'être écrit dans les ames des doctes, gravés dans les coeurs des
-savans, imprimés dans les consciences des gens de bien, insculpé ès
-esprits curieux, & mis au net dans les entendemens des bonnes personnes,
-selon la minute qui en fut brochée par les premiers peres. De là avient
-que, quand qui que ce soit s'est immiscé, mettroit, ou se mettra en
-avant à faire quelque chose de bon, il se trouvera tiré & extrait, ou
-puisé de cette source abondante en bénédictions de fontaine doctorale.
-Croyez-le, si vous voulez: ou ne le croyez pas; si est-ce qu'il est bien
-aisé de le croire, d'autant que vous croyez des choses de plus difficile
-croyance. Vous croyez fort aisément que vous êtes habile personne; &
-possible votre voisin croit le contraire, & que vous êtes une bête de
-haute graisse en dépit du carême. Mais avisez à un conseil que je vous
-donne, pour paroître en perfection de finesse. N'allez jamais dîner chez
-ces seigneurs, où madame dîne à part, d'autant qu'il y a là des maîtres
-d'hôtel du Levant. Ce sont Turcs; ils veulent faire mourir de faim les
-Chrétiens; ils vont vîte en besogne. Otez-vous de-là; vous n'auriez pas
-le loisir de refaire votre nez. Quand je m'y trouve, afin d'empêcher
-cette levée de plats, je demande à boire à quatre ou cinq tout à la
-fois. Ceux-là ne peuvent aider à lever, ainsi j'en attrape; puis je me
-venge sur le vin. Je ne parle pas de ceux qui ne soupent point. Il fait
-bon avec eux à dîner: attachez là votre âne; faites-y bonne chere; puis,
-après dîner, faites bonne mine: tenez-vous roide sur le devant, comme
-une chevre qui pisse. Or, mes chers amis que j'aime de toute ma
-fressure, si vous avez affaire de quelque sujet, cherchez-le ici; & ne
-vous chaille des autres. Vivons & buvons, selon nos mérites. Il ne nous
-faudra point de bésicles sur les oreilles, pour nous détourner le rhume;
-ni de cotton dans le nez, pour l'empêcher.
-
-
-
-
-OCCASION.
-
-
-XXI. Un jour, Denost dînoit avec son prélat. On commença à proposer. Il
-y avoit une belle langue de carpe, que monsieur donna à Denost & à son
-prochain assis; & dit: je vous la donne à tous deux. Denost dit à
-l'autre: Cornu, jouons à croix ou à pile, qui l'aura. C'est bien dit,
-dit Cornu; il ne faut pas la diviser. Denost tire un douzain, & dit: que
-prens-tu, Cornu? Cornu dit: je prens la croix. Et l'autre dit: & moi la
-langue; & la mangea. Un médecin, qui étoit de ceux qui savent tout,
-considéroit cet homme qui avoit le nez fort rouge; & comme il eut divisé
-avantageusement de sa science, Denost va dire à ce médecin: monsieur,
-vous qui êtes si expert, me feriez-vous bien partir ces rougeurs que
-j'ai au visage & au nez? Oui dà, monsieur: j'en ai bien effacé de plus
-maculées. Et combien me demanderiez-vous, pour ce faire? Deux cents
-écus. Par le saint sabre du castud, vous êtes un affronteur, monsieur le
-docteur. Vous ne sauriez pour si peu, d'autant qu'il m'en a coûté plus
-de mille, à le rendre ainsi de haute couleur. Ecrivez ceci, vous autres
-petits écoliers, en parchemin vierge.
-
-GALIEN. C'est une pitié que d'être tant de monde; on se ravit le propos
-de la bouche les uns des autres? Tantôt on en parloit, & on me le fait
-oublier: mais encore, sur le renouement de propos, qu'est-ce que vierge?
-
-CORDUS. _Virgo est puella intacta_, vierge est une fille à qui on n'a
-rien fait; mot à mot, une fille non touchée.
-
-GALIEN. Ha, ha, hé, appelez-vous cela _intacta_? Une dame de Blois ne
-l'entendoit pas ainsi. On parloit d'un sien cousin qui étoit décédé, &
-sa femme étoit demeurée _intacta_. Cette femme l'ouit, & dit que ceux
-qui le disoient avoient menti; que son cousin n'étoit point ladre; qu'il
-ne tenoit point du tactac.
-
-HYPOCRATE. Venez çà, beaux conteux. S'il avoit neigé un demi-pied
-d'épais, & qu'à l'autre côté de la cour, sous ce relais, il y eût une
-pucelle qu'il vous fallût amener ici, & la conduire huze à huze, comme
-monsieur de la Hunaudaye, & le roi, comment feriez-vous, afin que les
-pas de la pucelle ne parussent point?
-
-CORDUS. Je ferois comme fit l'autre.
-
-HYPOCRATE. Et quel autre?
-
-CORDUS. Fils baise cul.
-
-PINDARE. Cela vous est aussi bien employé, que fievre en corps de moine:
-c'est tout un. Je ne lairrai de vous dire ce que je ferois.
-
-VIVES. Et quoi?
-
-PINDARE. Je la dépucelerois toute vive, ainsi que fit notre valet à la
-fille de notre métayer. Revenue au soir avec ses moutons, fut tancée de
-ce qu'elle en avoit égaré un; & sa mere la voulant battre, lui dit! va,
-méchante, va chercher ton ouaille. La pauvre fille, qui ne savoit où la
-prendre, s'en alla pleurant, & se mit sous un arbre. Ainsi qu'elle
-musoit trop, sa mere dit au valet: Jean, va-t'en quérir cette fille; va.
-Il y alla, & la trouva; il lui dit: Michelle, reviens à la maison, ta
-mere le dit. Non ferai. Viens, viens. Aga, non ferai: je n'irai pas
-quand tu me devrois tuer. Si tu ne viens, je te tuerai. Je ne m'en
-soucie pas. Adonc il la prend, la renverse sur l'échine, lui écarquille
-les jambes, se jette sur elle, & lui fiche au bas du ventre son couteau
-naturel, & la tue de la douce mort. Or çà, dit-il, je disois bien: oh
-viens à cette heure. Non ferai. Et viens, Michelle, viens. Tue-moi donc
-encore un coup.
-
-VIVES. C'est donc ainsi que tu ferois? Si tu as bons reins, je le
-quitte.
-
-PINDARE. Ne sais-je pas faire de la poudre à grimper?
-
-HYPOCRATE. S'il est ainsi, tu serois propre à juger en hiver, qui sont
-les chênes mâles & femelles.
-
-PINDARE. Dis-moi comment cela, je te prie.
-
-HYPOCRATE. Quand il gélera le plus fort, mettez-vous tout nud contre un
-arbre; & si vous arsez contre, ce sera une femelle.
-
-PERION. Va, la gorge te coupe le col.
-
-
-
-
-PLUMITIF.
-
-
-XXII. A notre propos, ça vous qui parlez des pucelles, comment est-ce
-que vous connoîtriez si une fille est pucelle?
-
-PLINE. Puis que ces doctes se taisent, je parlerai aussi. Je le sais
-pour l'avoir appris en Chaldée, au voyage que je fis, du tems du pape
-Sixte, qui pria le roi de France de lui envoyer cinq ou six cents de ses
-quarante-cinq, avec une douzaine de druïdes, lesquels me reçurent avec
-eux, & allâmes en ambassade en la Chine, où nous vîmes ces hommes plus
-doctes. Il y en avoit un, qui étoit moult versé ès secrets. Il m'en
-conta, dont je n'avois onc ouï parler. Il m'enseigna le moyen de
-connoître les pucelles, de la même sorte que je l'ai démontré au premier
-médecin de la reine. Si vous le voulez savoir, prenez une fille bien
-faite, de quinze ans ou environ; mettez-la toute nue, & la faites tenir
-debout; &, vous mettant derriere elle, passez votre main gauche par
-entre ses jambes, & empoignez son cela, son con: (je m'ébahis puis qu'il
-est à une fille, qu'on ne dit, comme le Breton, qui prêchant disoit:
-sera cette semaine grand-fête de Mari-Marjolaine; qui, quand fut petite
-garcette, prêta son con; mais sera tant prié & ploré, que de dieu lui
-fut pardonné: faites ainsi, mes dames; & vous ferez très-bien pour votre
-salut.) Tenant ce con bien justement ferme & clos, vous avancerez votre
-main droite; & des deux premiers doigts vous ouvrirez le trou fignon, en
-éloignant les fesses, puis l'ouverture capable: soufflez de toute votre
-force; si d'aventure le vent passe outre, & que vous le sentiez à la
-main gauche, elle ne sera pas pucelle; autrement elle le sera. O gens de
-qualité, si vous ne mordez à ces intelligences, faites-vous bien
-aiguiser les dents. J'en sais le moyen, dit mondit seigneur l'évêque de
-Luçon, le bon prélat; il ne faut qu'envoyer quérir le faucheur du
-notaire de mon chapitre.
-
-
-
-
-PROBLÊME.
-
-
-XXIII. A ce mot de chapitre, chacun prêta l'oreille; sur quoi Simplicius
-dit tout haut: holà, messieurs, avant que passer outre, sachons que
-c'est que chapitre: oiseau, poisson ou bête.
-
-MADAME. Par mon ame, c'est bien dit. On en parle en diverses sortes. Je
-vous prie, cousin Zabarel, de nous l'enseigner. Adonc il empoigna la
-parole, & dit: chapitre est un corps, non corps; un certain composé
-dissoluble en ses élémens, sans détraction d'aucun; chose merveilleuse,
-à cause de tant d'habitudes différentes & semblables, dont uniquement &
-multipliquement il subsiste, étant homogene distingué en ce qu'il
-contient, & en ce qui l'établit; une vraie arche de Noé, auquel elle
-symbolise incessamment; & ce qui le fait être cela dont il est composé,
-sont plusieurs têtes, oreilles, yeux & culs, sans quoi on n'auroit
-aucune séance. On m'a dit qu'il étoit avenu une grande aventure: c'est
-que, depuis quelque temps, il étoit échappé, comme le lievre de l'arche,
-un certain petit consistoire qui sortit du chapitre imperceptiblement,
-ainsi qu'un atome, & est devenu grand, ayant déja fait plusieurs enfans.
-Je parle d'un petit corpuscule nommé _consistoire_. Je n'entends pas
-proférer ce que je dis, de ce grand & unique consistoire pere des
-chapitres. Paix, ce dit monsieur de Luçon; vous vous jouez à un
-dangereux monstre. Ecoutez mon histoire: mais je suis bien sot; il faut
-que je boive. Voilà Multon, qui a été mon clerc, mes successeurs usent
-de secrétaires, d'autant qu'ils sont du monde; & nous n'en sommes plus:
-ce compere contera ce que je disois là. Multon dit: j'aime mieux me
-conserver, pour prêcher demain, s'il y échet. Or là, mon pelaud, dit; tu
-sais ce qui avint, _in illo tempore_. Voire, monsieur. Il y eut un
-pauvre qui ouit votre sermon, quand vous prêchâtes que qui auroit deux
-robes, qu'il en donnât une au pauvre. Le pauvre, tout consolé, vous
-oyoit avec une grande attention, étant merveilleusement aise. Après que
-vous fûtes retourné au logis, le pauvre vous vint voir, vous fit une
-ample & grande révérence, vous racontant qu'il avoit fort profité à
-votre exhortation, dont il se consoloit du tout. Je suis bien aise,
-dites-vous, mon fils, que vous soyez si bon chrétien. Mais, Monsieur,
-dit-il, vous avez dit que qui auroit deux robes, en donne une au pauvre;
-je vous supplie me donner la plus méchante que vous ayez. O, ho,
-dites-vous, as-tu été au commencement du sermon. Non, dit-il, Monsieur.
-Ha, ha, répliquâtes-vous, si vous eussiez été au commencement du sermon,
-vous eussiez oui, _in illo tempore_, c'est-à-dire, en ce temps-là. Je
-prêchois que cela se faisoit jadis, & non pour le présent. Vere, voilà
-bien débuté, c'est bien ce que je vous ai dit; c'est bien à propos
-d'aiguiser les dents, que male meule te puisse moudre. Ho, Monsieur, j'y
-suis: ne vous couroucez pas; il ne se faut fâcher qu'à bon escient.
-Acheve donc; va; je te le pardonne, pour tout ce que tu as dit. Le mulet
-de monsieur le président ne laissera de porter la buée à la riviere,
-tandis que monsieur sera au palais. Vous m'interrompez bien vraiment; je
-dirai, comme le bon homme Hauterove disoit, travaillant sa premiere
-femme: que j'enhane, ma mie! Je ne m'en ébahis pas, ce dit-elle; vous
-travaillez d'un méchant outil. J'en aurois bien un autre, si j'avois de
-l'argent. Oui? Et combien faudroit-il? Environ cent écus. Qu'il ne
-tienne pas à cela: je vous les baillerai demain. Quand il en eut ces
-écus, il va chez ses amis faire du feu & bonne chere, se rafraîchissant
-gaillard; puis s'en revint, & coucha avec sa femme qu'il traita bien.
-Ho, ho, dit-elle, mon ami; cettui-ci est aussi bon que celui que vous
-aviez, quand nous fûmes mariés. Mais, mon ami, qu'avez-vous fait de
-l'autre? Je l'ai jetté là, ma mie. En dà, vous avez eu grand tort; il
-eût été bon pour no'mere.
-
-MADAME. Je ne vis jamais tant sauter du coq à l'âne. Que ne
-poursuivez-vous le propos? Je vous jure, par la semelle du meilleur
-escarpin que je goûtai jamais, que ne vous commanderai jamais rien.
-Faut-il ainsi tergiverser à dire ce qu'un évêque vous commande de
-réciter?
-
-CICERON. Si j'eusse parlé, j'eusse été bien marri, si on m'eût
-interrompu.
-
-PERION. Il est nécessaire d'interrompre les prélats; par quoi on vous
-fait grand plaisir. Mais écoutez tout bas; & je vous dirai une notable
-raison, qui est dans le livre imprimé chez Eustache Vignon, intitulé:
-_des prélats_. Il est besoin & utile d'interrompre un prélat prêchant;
-parce qu'il lui faut beaucoup de temps à se préparer, pour se paillarder
-à bien dire. Taisez-vous tous, dit l'évêque: ce petit bon homme ne sait
-où il en est. Il faut que je déduise l'histoire de mon aiguiseur.
-
-CARDAN. Laissons-le un peu dire; nous oirons quelque chose d'excellent;
-d'autant qu'il est plein de belles & bonnes paroles, comme sa mule a le
-ventre farci de noix de muscades. Il ne l'entendit pas: autrement il lui
-eût sans doute passé le pied par l'épaule: mais étoit attentif à ce
-récit.
-
-
-
-
-ENSEIGNEMENT.
-
-
-XXIV. L'EVEQUE. Mon chapitre devoit, au jour de la solemnité S. Louis, à
-Rome. (Si ce n'est ainsi: c'est tout un, puis que le reste est vrai.
-Voilà le moyen de faire la barbe aux hérétiques, que d'accorder les
-textes. Dis que tu en as, huguenot: tu n'es qu'une bête, comme dit
-l'interprete d'Aristote, qui traduit, disant; _Aristoteles, au livre des
-bêtes_, parlant de l'homme & de la femme, dit, &c. Ce docteur étoit
-sursemé de doctrine comme une écrevisse de morsures de puces.) Mais que
-devoit mon chapitre, ma petite église représentative, mon épouse, qui
-toutefois est, comme je crois, adultere, d'autant qu'elle ne me
-reconnoît point, & que je n'ai que voir sur mes chanoines, encore que je
-les fasse tels? C'est un pur abus. Voilà, un jeune désirant me flattera
-pour être chanoine; il sera mon petit chien couchant. Est-il reçu
-chanoine, il ne me connoît plus; je n'ai que voir sur lui. Or bien, je
-leur pardonne ces priviléges. Mon chapitre donc devoit un certain
-service de conséquence, abondant & parfait; & le falloit expressément
-effectuer; (_perdonate mi_; je n'ose parler en termes épiscopaux, à
-cause de la compagnie, qu'il ne faut pas ennuyer) & le terme de ce
-service échéoit dans six ou sept jours, ainsi que la bulle le portoit.
-(Il y a quelque docte qui a lu, _traînoit long comme la gaîne d'une
-faux, ou l'étui d'une lance_. Foin, que l'on ne m'interrompe point: j'y
-vais assez: je souhaite, pour vous faire sages, que la premiere mouche
-qui vous piquera, soit un petit diablotin tout éclos de frais.) Et si,
-par fortune, selon les pactes & conditions, il fût manqué aucun de ce
-service, on eût emporté, comme par droit de régale, tout le revenu
-annuel de mes chanoines, le mien excepté, à cause des priviléges &
-saints abus, qui nous séparent de corps & de biens. O, ho, quoi
-taisez-vous; attendez; je n'entends pas du corps mystique. Comment?
-quoi, dà, quelque fripon mouleroit un benoît dévolu sur mon bénéfice, &
-me voilà constipé.
-
-CICERON. Quelle phrase de parler est ceci? O pauvre homme, si tu savois
-combien il y a de sortes de bénéfices, tu ne serois pas sitôt offensé.
-Sachez qu'il y a bénéfice papal ou ecclésiastique; bénéfice de prince;
-bénéfice d'inventaire; bénéfice d'âge, & bénéfice de ventre.
-
-L'EVÊQUE. Je ne veux pas être dépourvu. Je me veux tenir au gros du
-chêne, ainsi que fit le notaire du chapitre, qui, sachant cette affaire,
-la proposa en tems qu'il n'y avoit plus de remede. Les chanoines avisés
-de ce faire, on vit chapitre monologiquement troublé, & tellement
-étonné, que godronnant sa mine de toutes sortes d'opinions, ne sut que
-résoudre, sinon se proposer un jeûne d'un an. Quelques lirepons furent
-d'avis par dépit, pour obvier à tel mal ci-après, qu'on élût un
-contrôleur de chapitre, & que les chanoines y avisent. Comme le
-président conclut, voilà le notaire qui, avec une sainte & pieuse
-exclamation, va dire: voilà, certes, une belle conclusion de mes fesses!
-(Il leur fut avis qu'il avoit dit de _messieurs_.) Vous ne remédiez pas
-mal; c'est où il faut travailler, ou faire de repos pitances. (Je sus ce
-discours par mes commençaux, qui me rapportent tout, ainsi qu'on fait
-autre part.) Mais, messieurs, j'ai pensé un moyen pour vous sortir de
-peine. Vous savez que, dieu merci à dieu & à vous, j'ai là-bas une
-petite cassine, au bout de votre grande prée qui est sur la riviere,
-vis-à-vis des fenêtres du palais épiscopal. S'il vous plaît me donner le
-fonds de ce que pourra faucher en un jour un ouvrier que je vous
-présenterai, je vous rendrai quittes de ce que vous devez à Rome. Et si
-vous pensez que ce soit à petit semblant (ce que je ne voudrois
-commettre, en lieu tant saint, & membre spécifique du concile qui ne
-peut errer) je vous baillerai caution & plége de dix mille écus, sans le
-bien de notre femme, & c'est à cette heure qu'il se faut résoudre, ou
-tout quitter, vu que le temps presse. Ayant dit, il sortit; & messieurs
-les capitulans ayant symbolisé sur cette affaire, conclurent de le
-prendre au mot du guet, considérant que c'étoit le profit de la
-compagnie. Il y avoit une de mesdames les dignités, qui vouloit mettre
-empêchement. Même un jeune chanoine de sa faction dit tout haut:
-messieurs, il y a six ans que je suis chanoine, moi indigne comme les
-autres; mais je ne trouve pas de goût en cela. A la fin, après beaucoup
-de telles foutimasseries capitulaires, il fut résolu que l'on
-contracteroit avec le notaire, & que commissaires, pour cet effet,
-iroient faire l'accord: & afin (ô sainteté ample) que la postérité n'y
-trouve de l'inconvénient, il fut dit que la conclusion en seroit mise
-entre celles du chapitre tenu un mois devant, de peur de scandale & de
-honte; selon quoi, & non autrement, il est permis de faire des faussetés
-aux statuts & registres. Le tout accordé, fut passée prévarication, (je
-cuidois dire _procuration_; voilà comment les belles paroles nous
-croissent en la goule) & fut donné tout pouvoir audit notaire, pour bien
-& dûement faire le pénitent. Aussi-tôt ce notaire ne fut plus notaire au
-pays; il n'avoit que trois jours pour faire ce qu'il avoit promis; &
-délogea aussi vîte que la natte d'un passementier frais marié, allant
-train magnifique, comme la mule du pape. A quinze ou vingt jours de-là,
-revint le notaire aussi gai, petou résolu, comme une brebis tondue, & se
-vint présenter à chapitre avec bon & entier certificat de sa
-négociation. Et comme il avoit légitimement, profitablement &
-catholiquement accompli le tout, selon l'intention de la bulle, au
-profit des chanoines & davantage, pour éviter aux frais futurs, il avoit
-fait marché avec les _fratti ignoranti_, (je n'entends pas bien le grec)
-lesquels s'obligerent à toujours d'acquitter ce qui étoit équitable. Ce
-qui étant reconnu vrai (comme on le peut aviser, si on n'est autant
-aveuglé de visage que du cul) le mutuel contrat du chapitre & du notaire
-étant vérifié & calfeutré de toutes les façons nécessaires, il fut dit
-au notaire que, fénaisons étant venues, il auroit ce qu'il avoit acquis,
-le temps échu. Mes chanoines, (je ne sais s'ils sont à moi ou au diable;
-mais je les nomme tels, _honoris gratiâ_, pour conserver notre
-institution en dépit des hérétiques) me supplierent de leur prêter ma
-salle, pour, des fenêtres, avoir avec moi le plaisir du faucheur
-notorial en fénaison. Un lundi matin, qui étoit le jour abuté, nous
-étions tous à regarder, ayant déjeûné joyeusement de bonne buglose, le
-soleil étant assez haut, que le notaire vint sur le pré avec un petit
-homme ramassé, qui portoit sa faux en-dehors. (Il ne l'avoit pas comme
-mon métayer, qui, ayant sa main sur son col, & passant sur une planche,
-avisa un gros poisson, qu'il cuida frapper du bout de la lame de sa
-faux; pourquoi faire, il s'efforça de si grande roideur, que la faux lui
-trancha le cou, & la tête alla en bas, dont il se trouva
-merveilleusement étonné; aussi étoit-il temps, témoin le proverbe qui en
-fut fait, _il ne se faut point étonner, que l'on ne voie sa tête à bas
-ses pieds_. A, a, si ces docteurs fussent venus ici apprendre, ils
-eussent été bien plus savans: cette recherche vient de mon entendement;
-regardez mon doigt à mon front, considérez mon entendoire, & notez les
-signacles.) Le petit faucheur quarré étant arrivé, se mit à travailler.
-Il ne donnoit trait de faux qu'il n'abbatît un quart de chartée de foin
-ou plus, tant il s'étendoit: & qui plus est, il ne s'amusoit pas à
-battre sa faux; mais quand elle ne tranchoit point, il la passoit sur le
-long de ses dents, & cela faisoit frooooococ. Ainsi il gagnoit temps, si
-qu'en moins de dix heures, qu'il fut sans boire & sans manger, il faucha
-plus de la moitié de la prée. Le notaire voyant qu'il avoit plus de
-soixante arpens de fonds, le fit arrêter, lui présenta un flaccon plein
-de vin d'Orléans tenant quinze pintes, qu'il avala tout d'un trait, & le
-vaisseau après. Adonc le notaire lui mit un doublon d'Espagne & deux
-angelots d'Angleterre, & trois vieux écus François, avec un daler d'or,
-& trois moutons à la grande laine, six sicles d'or, & douze médailles
-antiques de fin argent tenant d'or & le renvoya. De-là en avant, le
-notaire a joui de la part de la prée, & ses héritiers après lui, le
-reste appartenant aux chanoines jusques à cejourd'hui, s'il n'y a faute
-au bréviaire. Le joli faucheur n'avoit pas tant d'outils que les autres,
-qui ont une grosse gaîne de bois, où ils mettent rafraîchir leur coux,
-comme un prépuce en une grille de couvent féminin. Voilà comment ce
-faucheur s'en alla gai & droit, sans tourner çà ne là, comme vous irez
-en paradis. Que si vous desirez savoir où il alla & qui il étoit, allez
-après, tandis qu'il fait beau.
-
-DEMOSTHENE. Voilà un brave notaire! Il entendoit les écritures.
-
-EUCLIDE. On parle tant de cette intelligence d'écritures: qu'est-ce que
-c'est?
-
-
-
-
-RÉSULTAT.
-
-
-XXV. En bonne dà, je ne sais si on ne le nous apprend. Voilà Toustat,
-qui en diroit bien quelque chose s'il vouloit; il a longuement travaillé
-à recouvrer la lumiere de vérité: il en a une pleine lanterne.
-
-BUDÉE. Je ne saurois ouir parler de lanterne, que je n'aie le coeur tout
-gai, à cause d'une que j'achetai l'année passée à la foire de Fontenai.
-Je ne fis pas un petit acquêt, d'autant que je crois qu'elle est demi
-sainte, vu le marchand qui me la vendit.
-
-CICERON. Dites-nous donc un peu cette aventure lanterniere.
-
-BUDÉE. Je le veux, à la charge que vous le tiendrez secret, parce que je
-suis un peu soupçonné de la huguenotteté; & que pour ceci, il pourroit
-avenir de la dispute entre nous & nos bons comperes les Suisses, qui
-veulent que cette affaire soit de leur pays, avenue en la paroisse du
-sieur Tarould de Vautravers, en la comté de Neuf-châtel. Le colonel
-Galati le racontant au roi, en juroit & affermoit la vérité, la
-protestant sur sa braguette: & moi je ne veux point de disputes; j'en
-parle au vrai. Il y avoit un certain M. de la Tour, ministre en ce
-Poitou, lequel, par hazard, comme le diable est subtil à séduire les
-enfans de dieu, ayant avisé une belle femme qui ne lui appartenoit pas,
-& qui avoit pere & mere, il la convoita, suivant l'intention du canon 17
-du 1174 concile, qui démontre que la fille d'autrui n'est point
-défendue: parquoi il la besogna toute vive. J'eusse pu dire: oublia son
-devoir & sa charge, si que induement, il l'accoutra naturellement,
-charnellement, & comme vous pourriez dire, individuement, pour l'instant
-de la conjonction réciproque & mutuelle; mais je hais ces paraphrases:
-il faut donner dedans; il commit adultere. Ce qu'étant connu du
-consistoire, il fut corrigé & averti fraternellement, dont il ne tint
-compte, parce qu'il continua tellement, que le scandale fut grand, & fut
-passé par les consistoires, puis par le synode, & enfin déposé, comme un
-pot en tas; & lors fut inventé le jeu _au ministre dépouillé_. La triste
-condition de M. Jacques de la Tour le mit presque au désespoir:
-toutefois il eut meilleur coeur. Il ne voulut pas se donner au diable
-après son âne, ni jetter le manche après les écourgées, comme font les
-petits garçons qui fouettent le sabot; mais s'avisa de trafiquer & faire
-profiter si peu d'argent qu'il avoit de ses commodités passées. Il se
-mit donc à faire la marchandise, & profitant un peu, il fut affriandé de
-venir aux foires. Ainsi il se trouva à celle de Fontenai, avec beaucoup
-de marchandises; & entr'autres grande quantité de lanternes. Nous y
-fûmes avec bonne & joyeuse troupe de gentilshommes du pays. Me
-promenant, j'apperçus ce marchand, & le considérai fort, parce qu'il
-m'étoit avis que je l'avois vu autre part. Je le dis aux autres, qui de
-même en pensoient comme moi. Ainsi que nous doutions, & le trouvions de
-bonne façon pour un lanternier, & que déja nous nous étions entredit
-qu'il ressembloit au ministre déposé, il s'apperçut que nous le
-regardions. Alors approchant, le Fouilloux lui demanda: mon maître, mon
-ami, n'êtes-vous point parent de ce ministre, qui fut déposé à l'autre
-synode à Adonques, sans s'émouvoir, il dit: c'est moi qui suis celui que
-vous dites. Et pourquoi? Et comment est-il avenu qu'aujourd'hui vous
-êtes marchand de lanternes? O, ho, dit il, & pourquoi non? Je vous les
-ai autrefois prêchées; maintenant je vous les vends. Cela fut cause que
-j'en achetai une, parce qu'elle venoit de telle main. Il ne se peut
-qu'elle ne soit ou ne devienne lanterne cabalistique ou archimistique.
-
-BADIUS. Tout beau! vous blasphémez en deux intentions. Ce grec vous
-trouble. _Cabalistique_ ou _cavalistique_ ne vient pas de cavalerie. Il
-ne faut donc pas parler d'ânerie qu'à propos. Davantage, il convient
-dire sobrement, discourant des lanternes, pource que lanterne se prend
-souvent pour lumiere ecclésiastique, comme grue pour évêque: témoin
-Cassander, en son recueil qu'il a fait des comparaisons, au titre _du
-moyen d'accorder les religions_, nommant le premier ministre de
-Strasbourg, _le grand lanternier d'ubiquité_.
-
-BUDÉE. Or vous parlez selon votre intelligence; & m'accusez bientôt:
-c'est ce froc qui vous échauffe. Si vous étiez mon ami, je dirois: qui
-vous rend impudent & intolérable. Et de fait, prenez le plus simple
-homme du monde, qui soit honteux, comme une fille de chambre qui a chié
-dans sa chemise; jettez-lui un froc sur les épaules? vous le verrez
-incontinent devenir hagard, hardi & effronté. Mais, ô l'ami, je vous
-épargne; la doctrine vous a civilisé.
-
-BADIUS. Puisqu'il est question de tout dire, à cause que nous sommes ici
-en vérité, comme ceux du monde sont en faux, il est nécessaire de
-confesser que vous avez raison; votre chevau baille.
-
-BUDÉE. Ha, ha, _chevau_; vous ai-je acheté pour me mordre? Or bien il y
-avoit, de mon tems, (vous savez que j'ai été nourri page au couvent de
-Cormeri) un personnage de Tours, qui nourrissoit un sien fils tant sage,
-humble, doux & retiré que merveilles. Il étoit sons cesse à genoux, &
-n'y avoit moyen de le distraire de sa dévotion. Son pere, qui l'aimoit,
-ne le vouloit aucunement contraindre; mais le gratifioit en tout.
-Parquoi, le voyant de ce naturel, à sa requête, (je dis de ce fils) il
-le mit moine chez nous. Il n'y fut pas deux mois & demi, trois jours &
-sept heures, qu'il ne devint pire qu'un diable. Il fut tout
-métamorphosé. Il frappoit l'un; il poussoit l'autre; chioit en notre
-chemin, pour nous faire tomber; vomissoit, pour nous décourager; petoit,
-pour nous faire rire; faisoit la grimace durant le service, pour nous
-faire rougir; se levoit tard, pour nous faire enrager; faisoit le rabas
-toute la nuit, pour faire miracle: bref il devint si insolent, que,
-contraints, & n'en pouvant venir à bout, en avertîmes le pere, qui le
-vint voir, & lui remontra sur ce qu'il avoit changé de vie, qui
-autrefois étoit tant douce & humble. Attendez, dit-il, mon pere; je
-reviens à vous. Il va prendre un mouton mignon, qui étoit au préau, &
-l'enveloppa de son froc: puis vint à son pere, & le lui montra. Ce
-mouton bondissoit, sautoit, faisoit l'enragé. Et bien, mon pere, que
-dites-vous de cela? J'étois jadis un mouton, comme celui-là; aujourd'hui
-j'ai le froc, qui me fait ainsi petiller. Et bon jour; pourvoyez-y.
-
-GORREUS. Vraiment, frere, ce discours m'a autant fait rire, que me fit
-ma lanterne intellectuelle, à propos de celle de notre ami; & croyez-moi
-que j'en ris de bon foie.
-
-FERNEL. Pourquoi d'aussi bon foie!
-
-GORREUS. Parce que, selon votre doctrine, au livre _de abditis rerum
-causis_, où vous deviez mettre _effectis_, d'autant que vous ne parlez
-aucunement des causes, mais des effets, il faut considérer cette belle
-vente de foie qui palpille imperceptiblement, & excite les mélodies de
-la joie, d'autant qu'il fait désirer le dîner, & le rire, étant les
-orgues de liesse. Partant, ayant le foie doucement relevé, je ris encore
-de ma lanterne, dont l'occasion fut. Je fais ce conte pour les pédans,
-afin que chacun trouve ici de quoi pour soi, & que tout le monde
-connoisse, & sache qu'il n'y a rien d'oublié, s'il n'est trop ceci ou
-cela.
-
-
-
-
-LIVRE DE RAISON.
-
-
-XXVI. J'enseignois, en ma maison, des jeunes gens, lesquels je faisois
-dégrossir par Glareau. Un jour, que ce précepteur n'y étoit pas, il
-avint que, sans y penser, je surpris ces enfans jouant. A l'instant
-qu'ils me virent, chacun d'eux s'en fut à son livre. Il y en eut un que
-je choisis, d'autant qu'il étoit Breton, & avoit jetté la vue sur son
-livre. Je lui dis: _quid agis? Studeo, domine. Quid? Lectionem._ Or çà,
-où est cette belle leçon? _In oratione pro Murenâ._ Voilà qui va bien:
-or sus, qu'est-ce à dire _Murena_? Il se leva, & tournant son bonnet sur
-les doigts, le rouloit, en songeant creux, comme une pinte bridée; il
-avoit les yeux jusques dedans l'intention. Je lui commandai de se tenir
-coi, & de répondre hardiment à cela. Il se tint joint comme une
-pantoufle neuve, écoutant si quelqu'un lui souffleroit au cul; comme de
-fait, il y en avoit un, qui, lui bourdonnant de loin, l'avertissoit, &
-lui disoit un mot qu'il ne pouvoit tout comprendre, il n'en oyoit qu'une
-syllabe, encore qu'il y apportât une ferme attention, pour l'unir au
-reste. Ce souffleur lui crioit tout bas: _une lamproie_. Là, dis-je,
-hardiment. Toujours prêtant l'oreille, il me dit, en coulant sa parole à
-corde avalée: _une lan_. Achevez, courage, dites assurément. Lors le
-pauvre petit, qui n'avoit pas l'intelligence plus aiguisée qu'un fallot,
-va dire tout haut: _une lanterne_, _domine_.
-
-DE CUSA. Est-ce là cette belle lanterne, qui nous doit éclairer? Sera-ce
-elle, qui nous apprendra l'intelligence & solution de ce qui est proposé
-de l'excellence des écritures?
-
-LINACRE. M. le cardinal, les Bohémiens s'en recommandent à vos bonnes
-garces, (j'ai la langue fourchante & andistrofante; je dis _graces_)
-pour l'amour d'eux avec votre congelé, (j'ai cuidé dire _congé_; comme
-Busbeckius Allemand, qui, disant adieu à la reine d'Angleterre, voulant
-le dire en françois, proféra: mon dame, je prendre congelé). Je vous
-dirai que tout sera su; faisons un peu renfiler le discours, &
-réveillons ce bon homme, qui n'y pense plus.
-
-TOSTATUS. Vraiment, je vous écoutois. Mais, puisque j'y suis remis,
-sachez, s'il vous plaît, qu'après, ou aussi-tôt, ou environ le tems, (ce
-fut, quand ce fut) que le concile de Trente fut publié; je ne dis pas
-celui de monsieur le Grangier, qui est intitulé _le concile de xxx_.
-
-BUCANAN. Je vous prie, ne parlons ni en bien ni en mal des
-ecclésiastiques; laissons-les là sans les draper, comme les hérétiques
-qui ne savent faire un bon conte, s'il n'y a quelque moine, prêtre, ou
-ministre sur le métier. Si, bien; je voulois dire _les rangs_. Vous
-voilà bien ahuris, pour une parole.
-
-RUFIN. Laissez à part ces remontrances. Nous sommes ici en liberté. Nul
-ne parle céans pour scandaliser, mais pour édifier & corriger, s'il est
-besoin. Et de fait, ces préceptes tant beaux, & ces enseignemens si
-justes feront plus de gens de bien, que tous ces sermons ensemble de ces
-fagoteux d'éloquence, qui, sous ombre d'être humbles, avalent la gloire,
-comme un Allemand, qui, par humilité, fait carroux contre deux Suisses.
-
-MACROBE. Or là avant, n'épargnons personne; aussi bien tous ont failli.
-Les prêtres ont accusé Jésus-Christ; les gens de justice l'ont condamné;
-les ministres l'ont fouetté; le peuple l'a injurié; les passans se sont
-moqués de lui; les gens-d'armes l'ont crucifié. Il n'y a que les pauvres
-femmes qui l'ont pleuré, & ainsi ont trouvé le moyen de parvenir, sans
-quoi elles seroient trop dévergondées. Pour mieux faire, laissons tels
-sophistes au diable: aussi bien, il y a de nouveaux imposteurs qui
-disent que ministre signifie _boureau_. Ainsi il n'y aura que le pape
-qui ne soit boureau, à cause que, comme il est en nos heures, celui qui
-répond à la messe est dit ministre: par-là, il n'y auroit évêque,
-prêtre, ni clerc, qui ne fût de ce beau métier.
-
-RUFIN. Acheve, mon petit compere, acheve; tu eusses été pape, sans que
-tu avois été marié à deux veuves.
-
-TOSTATUS. Taisez-vous donques, & me laissez dire. Es pays du roi
-d'Espagne, où l'on parle françois, demeuroit messire Imbert Chapotel,
-prêtre, qui avoit de beaux & grands bénéfices: entr'autres, il tenoit le
-prieuré de St. Commode, dont il falloit qu'il se défît, parce qu'il
-n'étoit pas animal susceptible de tous bénéfices compatibles &
-incompatibles.
-
-PROCLUS. Quel animal est-ce?
-
-PANORME. C'est un cardinal: dieu sauve la chrétienté.
-
-PROCLUS. Et qu'est-ce que vous dites?
-
-PANORME. Poursuivez.
-
-TOSTATUS. Il sentoit une future grande incommodité, de la désaisie de ce
-prieuré tant bon, & qui lui aidoit & aux siens à faire commodément la
-soulée, pour donner le reste, dont il n'avoit cure, aux pauvres. Et de
-fait, il étoit aussi libéral que notre évêque, qui donnera plutôt un écu
-à une garce, qu'un denier à un pauvre. Or ce qui est bon à prendre,
-n'est point bon à rendre. Les hérétiques disent au contraire: hé,
-pauvres bêtes, qu'y a-t-il au monde de plus fâcheux, que de rendre? Donc
-il étoit fâché de se séparer de ce bénéfice, bien qu'il fût la moindre
-de ses pieces: & de fait, il eût été un grand sot, voire un archisot,
-s'il se fût défait du meilleur, & encore plus sot par nature, voire par
-toutes les quatre clefs de musique.
-
-ORLANDE. Vous errez, monsieur le théologien de beurre; vous fondrez sur
-le moine i. le réchaux. Il n'y a que trois clefs en la musique.
-
-MACROBE. Qui m'a amené ce chantre dans la seconde chambre d'enfer? Va,
-bestiau mon govial; sais-tu point que l'église ne peut faillir? Se
-peut-il faire que vous, qui avez tant bu en Allemagne, depuis que j'en
-suis parti, ne sachiez pas les clefs de votre métier. Allez à l'école; &
-sachez, apprenez, entendez & notez, comme monsieur de Beze me l'apprit,
-que la quatrieme clef fondamentale des trois clefs communes, de la
-divine douce, humaine & sainte harmonie, est la bonne clef de la cave;
-c'est la sainte & harmonieuse clef, c'est la fidele & parfaite. Mais
-c'est assez, il faut tenir secret le reste, que ces enfans de choeur
-n'aillent tout boire. Or un jour, une nuit, un soir, un matin, (c'est le
-commencement d'un conte. Ainsi disoit ma cousine à ma tante, dites-nous
-un conte. Et bien, dit-elle, je le vous dirai. Un jour il avint que ma
-mere grande nous fit un conte de Robin mon oncle, qui chia à l'âtre; sa
-femme y tâte, pensant que ce fût pâte, trouva que c'étoit merde, mâche.
-
-
-
-
-PARABOLE.
-
-
-XXVII. Eh bien!) un jeune écolier pourvu assez honnêtement ès ordres &
-lettres, prévoyant sa fortune, sut la future défaite du prieuré; par
-quoi il va s'adresser à messire Imbert, devant lequel, ouvrant la
-bouche, il décliqueta de la langue un beau petit paillard discours,
-regraté sur le droit de bienséance & de devoir, & lui manifesta son
-intention, qui étoit d'avoir & obtenir le bénéfice, s'il lui étoit
-agréable. Hé bien, mon ami, dites-moi premiérement, êtes-vous prêtre?
-Oui, monsieur. Or donc, messire _alterutrum_, il vous faut ouïr parler.
-
-PLOTIN. Pourquoi l'appelloit-il _alterutrum_?
-
-DURANDUS. Parce qu'il est écrit: _confitemini alterutrum_, c'est-à-dire,
-confessez-vous au prêtre.
-
-MAROT. Si j'avois dit cela, je serois gâté, ainsi tout est permis aux
-docteurs.
-
-GENEBRARD. Foutin, laissez dire ce docteur, ou vous en allez faire
-brûler en Espagne. Vraiment vous avez tort, vous ennuyez ce pauvre homme
-par vos interruptions; il en est si dépit, qu'il en retort les
-mâchoires, comme un official fâché.
-
-TOSTATUS. Je pense que vous ne me tenez pour quelque dictateur de
-moutardier. Or, écoutez-moi, ou prenez le chemin d'aller à tous les
-diables. Messire Imbert oit la requête du prétendant, duquel ayant
-savouré les propos avec les oreilles, lui dit: je ne puis mettre ce
-bénéfice entre les mains d'aucun, s'il n'entend les écritures, afin
-qu'il en soit trouvé capable. Pour donc savoir si vous entendez les
-écritures, dites-moi qui étoit le pere de Melchisedech? le clerc répond:
-monsieur! Saint Paul montre qu'il étoit sans pere, sans génération. Ha,
-ha, ha, dit messire Imbert, lourdaut mon ami, je sais cela avant vous;
-répondez à ce que je vous demande. Je ne le sais pas. Aussi n'aurez-vous
-pas le bénéfice. Cettui-ci s'en alla; & en vint un autre qui en avoit
-ouï parler. Ce nouveau venu étoit désalé, comme le commis d'un banquier.
-Il vint devant messire Imbert, lui faisant la discrete demande, pour
-obtenir le prieuré de S. Commode. Messire Imbert lui fit la question:
-entendez-vous les écritures! Oui, monsieur. Qui étoit le pere de
-Melchisedech? Alors le clerc dit, Gratian le démontre aisément comme
-cela, disputant contre les simoniaques. Ce que disant, il tira de sa
-pochette droite une belle bourse, où il y avoit cinq cents écus en or, &
-ce en bons termes. Donques, monsieur; voyez ce symbole
-philosopho-prophétique: voici le pere de Melchisedech. Et faisant de
-même de l'autre main; tire de sa pochette encore une autre bourse pleine
-de beaux écus au soleil, & dit: voilà la mere. Et afin que vous sachiez
-qu'il est vrai, mettant main droite en son sein, tira quelques soixante
-écus, & proférant, en les coulant vers la chambriere qui étoit au bout
-de la table, comme celles des chanoines ont accoutumé: ce sont ici les
-enfans. Ha, ha, ha, dit messire Imbert, c'est pratiquer la quatrieme
-figure de dialectique, en dépit de Galien. Et bien, dit le clerc,
-monsieur mon bienfaiteur, mon bon Mécénas, n'est-ce pas faire un diadême
-de racines de chaussepied, que de parler ainsi à ces sots? C'est
-_docere_; c'est expliquer le latin du chapitre _recitas docendo_. i.
-qu'il soit reçu en payant. Et bien, mon bon ami, dit messire Imbert, il
-faut que tu aies le bénéfice. Vraiement vous êtes docte; vous êtes en
-danger d'être un jour, pape. Vous aurez le bénéfice; votre doctrine vous
-l'adjuge. Il ne faudroit, à la vérité, que vous seul, pour faire tomber
-toute théologie en démonstration, en dépit de Raimond-Lulle. Que nous
-serions heureux, si on résolvoit ainsi tous argumens! Nous serions
-incontinent d'accord; toutes hérésies seroient englouties.
-
-
-
-
-FEN.
-
-
-XXVIII. Quand tout est dit, vêpres sont dites. Nous étions en grande
-pensée pour une telle affaire, & ne savions qu'en juger, sans l'Escot,
-qui nous ôta de peine, nous prouvant que c'est un bienfait méritoire,
-bailler de l'argent pour avoir un bénéfice: _primo_, d'autant qu'on n'en
-donne plus; _secundo_, on baille de l'argent à un maître, pour le
-servir; _item_, on s'incommode pour se châtrer, & c'est le poinct du
-mérite parfait.
-
-BACON. Le chapelain d'une Angloise se fit Châtrer, parce que l'on avoit
-opinion qu'il la travailloit. En après, on tire sa pénitence, d'autant
-que l'on jeûne pour en ramasser d'autres; & c'est ici le poinct
-d'honneur que messire Imbert entendoit fort bien; comme étant des plus
-grands théologiens; & de fait il étoit carme dispensé.
-
-DE CUSA. Et pour être carme, qu'en est-il?
-
-BACON. O, ho, & ne savez-vous pas qui sont les plus excellens
-théologiens? Ne sont-ce pas les carmes, comme dit le sage Caton? _Si
-deus est animus, nobis ut carmina dicunt_. _Carmina_, sont les carmes
-qui parlent de dieu: ergo, il est vrai. Il y eut un docteur en notre
-compagnie, qui voulut se formaliser; & jurant, il écumoit comme un
-verrat. Nous, qui voulions la paix, le fîmes bravement sortir. Soeur
-Jeanne en fut si aise, qu'elle en rit encore, & nous dit: que je suis
-aise que ce gros coquebin là est hors de céans!
-
-VARRO. Quoi, belle dame, & qu'est-ce que _coquebin_?
-
-SOEUR JEANNE. Ce que les Tourangeaux appellent _coquebin_; les Angevins
-le nomment _jagois_, & à Paris les femmes le huchent _bringuenel_.
-
-VARRO. Quelle sorte de personne est-ce?
-
-HERMÈS. On nomme ainsi ceux qui n'ont point vu le con de leur femme, ou
-de leur garce. Le pauvre valet de chez nous n'étoit donc pas coquebin;
-il eut beau le voir.
-
-VARRO. Quand?
-
-HERMÈS. Attendez. Etant en fiançailles, il vouloit prendre le cas de sa
-fiancée: elle ne le vouloit pas; il faisoit le malade, & elle lui
-demandoit: qu'y a-t-il, mon ami? Hélas! ma mie, je suis si malade, que
-je n'en puis plus; je mourrai, si je ne vois ton cas. Vraiment voire,
-dit-elle. Hélas! oui, si je l'avois vu, je guérirois. Elle ne le lui
-voulut point montrer. A la fin, ils furent mariés. Il avint, trois ou
-quatre mois après, qu'il fut fort malade; & il envoya sa femme au
-médecin, pour porter de son eau. En allant, elle s'avisa de ce qu'il lui
-avoit dit en fiançailles. Elle retourna vîtement, & se vint mettre sur
-le lit; puis levant cote & chemise, lui présenta son _cela_ en belle
-vue, & lui disoit: Jean, regarde le con, & te guéris. Mais que devint ce
-docteur! Nous le chassâmes & envoyâmes à tous les diables, où il trouva
-des soldats qui lui firent comme nous fîmes faire au diable de S. Martin
-de Tours.
-
-LE TREVISAN. Que lui fit-on à ce pauvre diable?
-
-HERMÈS. Je m'en rapporte au vieil chantre de leur église, qui eut la
-commission de le faire châtrer.
-
-VARRO. Dites-nous ce que c'est, de grace.
-
-HERMÈS. Voilà messire Gilles, qui est dignité de là dedans; qu'il vous
-en fasse le conte.
-
-
-
-
-CHAPITRE GÉNÉRAL.
-
-
-XXIX. Tous l'en prierent. Adonques il dit: ô belles pensées, gracieuses
-cervelles, nous sommes ici comme chez le roi Assuerus. La liberté nous
-sert de guide, comme la senteur pour aller au retrait; chacun dit & fait
-ici ce qu'il veut & peut. Mais avant que passer outre, dit le bon homme
-Scaliger, pourquoi est-ce que, quand quelqu'un s'en est fui, on dit, _il
-a fait gille_.
-
-PROTAGORAS. C'est parce que Saint Gilles s'enfuit de son pays, & se
-cacha de peur d'être fait roi.
-
-EPAMINONDAS. Oh, de par plus de cinq cents mille cornes de cocu,
-j'aimerois mieux être roi qu'hermite. Et quoi, il y a tant de gens qui
-se donnent au diable, poil & tout, pour devenir grands, & il y en a
-d'autres qui, sous le voile de religion, faisant un affront à la
-fortune, contristent le bonheur! Foin, je ne passerai point outre; je ne
-me rendrai jamais en communauté que de princes & grands seigneurs,
-d'autant que je n'ai point le coeur à la caimanderie. J'en sais bon gré
-à ce bon cordelier frere Hugonis, qui au commencement de l'établissement
-des capucins, se fâchoit de leur future pauvreté, & tout en colere, nous
-dit: si nous, qui avons le diable au corps, ne pouvons vivre, que feront
-enfin ces pauvres gens?
-
-MESSIRE GILLES. Or sus: c'est assez, paix, vous en diriez trop; vous ne
-vaudrez jamais rien.
-
-EPAMINONDAS. Pour le moins, je suis aussi bon qu'une femme.
-
-MESSIRE GILLES. Oui, qu'une mauvaise, c'est tout un. Elles sont toutes
-bonnes: si elles ne sont bonnes à dieu, elles sont bonnes au diable. Or
-paix, encore un coup, écoutez. Des personnes de bien avoient fait faire
-une image de saint Michel en notre église; en quoi le sculpteur avoit
-suivi la commune opinion des autres, ayant fait l'ange en vrai ange, &
-le diable comme un vrai diable d'enfer; mais parce qu'il n'étoit pas
-bien informé des résolutions de nos docteurs, il commit hérésie; à quoi
-sont sujets les pauvres sculpteurs, peintres, libraires, orfévres, &
-tels gens qui savent tout. J'excepte ceux qui ne s'accoûtrent guere de
-religion, lesquels sont pour l'enfer. Cet ouvrier fit saint Michel
-couvert en endroits douillets, ayant une cotte-d'armes, & ses bonnes
-aîles des fêtes, & un gros bâton de la croix, aussi gros que celui de
-Cîteaux: & sous ses pieds étoit couché le diable tout nud, qui n'avoit
-que le cul les dents & les griffes: c'étoit bien pour faire miracle. Il
-falloit plutôt armer le diable de toutes pieces, à l'avantage, à
-l'épreuve du canon, ayant la porte-piece, le haut appareil, bref tout le
-fait, ainsi que les preux armés à la payenne; & faire l'ange tout nud,
-avec une robe de _Quasimodo_. Je ne suis fâché que d'une chose; c'est
-que l'ange ne tuât le diable tout tué. Quoi! de laisser aller tel ennemi
-sur sa foi? Je n'aurois garde si je le tenois. Or, l'ouvrier, pour
-n'avoir étudié qu'au ciseau & au maillet, alloit suivant le grand
-chemin, comme un beau jeune pélerin qui revient. Le diable, comme vous
-savez, étoit couché sur les reims, & levoit les jambes en haut, si qu'il
-montra son composé de deux grosses fesses de provision.
-
-SILVIUS. Etoit-ce plate peinture, ou bosse?
-
-MESSIRE GILLES. Que vous avez la tête dure! Ne vous ai-je pas parlé d'un
-sculpteur? (Si j'eusse dit comme la reine des pois pilés, vous eussiez
-eu occasion. Un jour cet ouvrier étoit chez elle, & m'en parlant, elle
-me dit: j'ai céans le meilleur _culteur_ du monde). Je vous dis que
-cette figure étoit en bosse, & non si grande que ne l'eussiez bien
-portée; à savoir l'ange entre vos bras, & le diable à votre cou. Ce
-diable, se défendant, paroissoit à cul vu, & montroit deux gros
-dintiers, comme pommes de caspendu, en la forme de beaux gros couillons
-pourtraits de naturel. Un jour que le vieux chantre de l'église dînoit
-chez moi, le baron notre ami lui fit la guerre de ce diable endidime,
-qui étoit chose moult honteuse à voir aux yeux délicats de ces pudiques
-filles. Le bon homme rioit, & remarquoit ce qu'il lui disoit; & si bien,
-qu'après être sorti, il alla à l'église voir s'il étoit vrai. Ayant vu
-cette vérité, il fit assembler la compagnie, remontrant que les
-hérétiques auroient occasion de contaminer le prétoire, si on ne prenoit
-garde à ce dont il faisoit plainte, sur le sujet des trébillons de ce
-diable. Le tout fut remis au prochain chapitre, auquel, le fait vérifié,
-commissaires, dont il fut l'un, furent nommés, pour monocordialement,
-selon la conclusion, châtrer le diable. Le bon homme fut avoué des
-autres; ainsi il se transporta, dès l'après-dînée, sur le lieu, & mit à
-exécution la charge, menant le sculpteur sur le lieu, faisant entendre
-l'intention de messieurs, en lui interprétant la clause de la
-conclusion, laquelle étoit en latin de chapitre, en ces mots: _coupibus
-couillibus rasibus du culibus à diabolus_. Et cela entendu, lui dit:
-frere mon ami, faites votre état. L'ouvrier sarcla ces horribles verues,
-qui exhorbitamment faisoient démanger le cul au diable; lequel par la
-réale, non huguenotique, mais catholique apposition du ferrement, fut
-visiblement, non imaginairement, châtré, sené & écouillé, au grand
-préjudice de toute la race diabolique. Je vous assure que les cicatrices
-y sont encore, & y paroissent oculiquement. Et de cette aventure-là, est
-avenu qu'on appelle à cette heure ces esprits-là _pauvres diables_; & de
-fait, est bien pauvre celui qui n'a plus que ces tristes témoins, & on
-les lui ôte. Mais de ceci, comme dit Hermès Trimégiste, est avenu un
-grand malheur. C'est que tels diables ne peuvent plus engendrer par le
-bas; partant ils engendrent, à cette heure, par le haut toutes les
-méchantes opinions & hérésies qu'ils vous font concevoir en vos têtes.
-La chambre de l'édit ayant été importunée de ce désastre, avisa, du tems
-des apôtres, à remédier à ce malheur, afin de contenter les diables en
-forme de représailles; tellement que par accord vérifié ès chambres
-impériales, avec le consentement des Vénitiens & du pape, on bailleroit
-aux diables de manufacture les couillons d'infinis gros couillaux, qui
-vivent de l'ombre du crucifix, aussi bien ici qu'en Angleterre. C'est
-une belle vie, d'autant que leur viande est visible, & non palpable,
-viande qui grossit ou amenuise, à ce qu'on dit. Mais je n'en crois que
-le vrai, qui est que, sous cette ombre, il y a de gros coqs d'inde &
-telles viandes, que l'ombre cachant, on ne nomme que l'apparence. Ainsi
-les pauvres gens vivent d'ombrages; cela leur passe _rasibus_ du
-goulier; voire, mais le bon profit ne se dit pas. O belle cabale!
-Mignons, multipliez les ombres à la venue des lumieres; cela est de
-droit: _à mas ventos, mas vellas_; & gai, que je sais de langues! Je
-vous assure, à ce qu'en dit Carondas, le diable soit le sot; il se fâche
-que je le nomme. Par dépit de lui, j'en mettrai sous silence plus de
-trois vingts & dix-sept. Qu'ils s'aillent faire lanterner. Le droit
-françois déclare que c'est un grand bien que les diables soient châtrés,
-parce que tels, qui sont doctes, s'amuseront à chercher des caillettes
-qui leur soient propres, pour les mettre où il y en a faute, afin de
-récompenser l'intéressé; & ainsi laisseront en paix le monde, restant en
-quête de trébillons: que les vôtres fussent à vendre!
-
-
-
-
-RENCONTRE.
-
-
-XXX. Je te prie, page, laquais, novice, enfant de choeur, lévron de
-l'antechrist, qui que tu sois, donne-moi à boire, tant j'ai eu de peine
-à trouver un nom significatif pour dire, devant les filles, les
-pendloches humaines. Mais dà, quand j'y pense, vous êtes de grosses
-bêtes, que vous ne m'en avez avisé. L'autre jour, la fille de chambre de
-ma cousine du Val nous enseigna de les nommer. Notre laquais, venant de
-Saumur, entra en la cuisine, où la fille de chambre étoit descendue
-quérir du feu. Le gars contoit qu'il avoit vu grande & pitoyable misere;
-c'est que ce pauvre marchand, qui, la semaine devant, avoit vendu des
-hardes à mademoiselle, étoit tombé entre les mains des voleurs, qui lui
-avoient ôté toute sa marchandise; &, davantage, lui avoient arraché les
-(il se teut, & n'osa dire tout outre, à cause de cette fille. Il ne fit
-pas comme Regnard, qui prêchant aux jacobins, & tançant les mangeurs de
-chair en carême & jours défendus, dit: je voudrois, par fin souhait, que
-tous ces gourmans fussent sur la montagne de Tarare, avec un quartier de
-lard pendu aux couilles); après un peu de hésitation, il proféra: ils
-lui ont arraché les génitoires. Cette fille court en hâte, pour en faire
-le conte à sa maîtresse; & encore toute hors d'haleine, dit:
-mademoiselle, le grand malheur! Ces méchans lui ont arraché les
-histoires. Depuis on a mis en proverbe parmi nos soeurs, que ce qu'on
-dit _faire la pauvreté_, ou _besogner_, est maintenant nommé _histoire_,
-en bon françois. Messieurs les peintres, & vous qui entendez le métier,
-prêtez l'oreille à tout ceci. A ces paroles, voilà messire Guillaume le
-Vermeil, qui, tout comme en colere, va dire: vous m'avez empêché de
-faire le conte de madame des Manigances, que vous avez nommée _reine des
-pois pilés_, parce qu'à la cour elle étoit bien plus chichement habillée
-que les autres. Je vous assure véritablement, ainsi que de dire, quand
-tout est dit; rien, rien, pour néant; ainsi véritablement, comme dit
-l'autre: ha, ha, laissez-moi dire, _basta, basta_. Passez, révérend;
-ainsi je ne mens point; a, a, ces petits diablotins: véritablement vous
-m'interrompez, r r r a a a, je crie; je le dis ainsi que de dire. Son
-ouvrier avoit nom _maître Nicolas_; ce fut lui véritablement, ainsi
-qu'il fut, oui certes, ou cent mille petits diablotins, sec & au delà,
-qui fut cause véritablement qu'elle dit ce mot; & Ferchaudiere y étoit.
-
-EGEZZIPPUS. Tais-toi, je te prie, pauvre cheval, & bois; tu as la langue
-si aride, que tu nous lamponneras d'ici à demain. J'y étois. Il est
-certain que le maître d'hôtel & l'aumônier, qui se nommoit messire René
-Goulenoire, étoient présens. Et je demandai à ce maître, qui me montroit
-la cire qu'il avoit ébauchée: maître Nicolas, que ne dépêchez-vous de
-parfaire le portrait de madame? Il me répond: par ma foi, Monsieur, je
-la besogne tous les jours; & ne la puis achever.
-
-DIOGENES. Voilà parler, cela! Qu'en dites-vous? Que pensez-vous de ces
-gentillesses? Sont-elles pas de grande édification? Qu'en pensez-vous,
-Messieurs, qui faites des consciences à prendre mouches, & vieux affamés
-de vaine réputation? goulus de folle gloire qui vous démange,
-l'impudence à l'ombre de l'eau, le manique ou tibérine, tandis que vous
-vous tuez le coeur & le corps à charrier les ames vers la mélancolie,
-tâchant aussi de nous faire payer la voiture, quand le diable vous
-emportera; qui séchez de paillarde envie, dont vous regorgez, comme le
-savon des levres des gueux qui vivent sur le grand trimard? Vous,
-lourdauts, mes amis du foie, cousins de la rate, & mignons de petites
-tripes foireuses, ignorez-vous, d'ici à quelques siecles, que ce simpose
-ne soit, selon son mérite, tenu pour authentique, autant ou plus que
-toutes les calenderies grecques qui vous font bon ventre, & lesquelles
-vous croyez sans difficulté, suant jour & nuit après, pour dégaîner une
-pauvre parole, vous y harassant comme taureaux baniers qui vétellent
-toutes les vaches d'une paroisse à la rangette? Petits poupeaux de lait,
-je vous avertis que vieilles folies deviennent sagesses; & les anciens
-mensonges se transforment en de belles petites vérités, dont vous savez
-extraire à propos l'essence vivifiante, qui établit vos affaires. A quoi
-faire, si cela n'est, vous donner tant de peine à griffonner le papier,
-pour le barbouiller de commentaires sur tant de folies de Poëtes, &
-Orateurs, & _fouilleaucoffres_ qui les ont écrites en buvant & se riant;
-& les estimez tant sérieuses, & telles les persuadez aux pifres
-symbolisans, qui, suivant mêmes friponneries de doctrine que vous,
-dégénerant; si que, d'hommes qu'ils étoient ou pouvoient être, ils
-deviennent animaux fantastiques & rêveurs, comme la plupart de nos
-savans qui sont tant veaux, que les diables, aux heures de récréation,
-en font des contes pour rire? La plupart, comme tu disois tantôt, de ces
-gens de lettres, sont de vrais racleurs de savates, ratissant de
-vieilles antiquailles pour en avoir le verdet; & enfin ils ressemblent à
-mon chevau.
-
-
-
-
-CAUSE.
-
-
-XXXI. CATAN. Jean vere, compere, votre chevau bâille.
-
-DIOGENE. C'est cela, mon ami, jamais ne fut que vieilles gens qui
-groignissent, & jeunes gens qui s'éjouissent. Belle bouche, beaux yeux,
-qu'en dites-vous? Esprits de bien, je vous désire santé, & de l'argent.
-C'est tout; je voudrois que le plus gros & grand de ces censeurs fût
-tout d'or en ma cave.
-
-CATAN. Et bien mon fils, mon ami, voudrois-tu bien avoir ta peau pleine
-d'écus?
-
-DIOGENE. Non dà, si ce n'étoit celle de mon chien; ou la tienne, quand
-je t'aurois acheté.
-
-CATAN. Mais encore, ô roi des gueux, lequel aimerois-tu mieux avoir dix
-mille écus en ta couille, ou mourir de faim, ou être sujet à demander la
-triste aumône?
-
-DIOGENE. Va, vieil sorcier; eusses-tu la tienne pleine d'avoine, & une
-couvée de rats dedans!
-
-CATAN. Hé! gros lourdaut, tu ne sais ce que c'est. Je voudrois que le
-Duc mon bon maître fût en la gueule du loup, & que j'en eusse la peau
-pleine d'écus; gros soupier, j'entends la peau du loup.
-
-ARISTOTE. N'aurez-vous meshui fait-là? Après, achevez ces histoires. Tu
-y songes de bien loin. Il souvient toujours à Robin de ses flûtes.
-
-CICERON. C'est mal parlé, il faut dire _à Martine de sa flûte_. La cause
-est qu'un jour elle pissoit roide comme une bougie de cire blanche, &
-lui fut avis que son cas siffloit. Ha! mon mignon, lui dit-elle, vous
-sifflez; vous aurez vraiment une flûte.
-
-THÉMISTOCLES. Que vous parlez court! Vous faites le Lacédémonien; dites
-tout.
-
-ARISTOTE. Il ne faut pas dire les secrets, de peur qu'étant publiés, on
-n'en reconnoisse la vanité. Cependant que l'on ne les entend pas, on est
-en admiration. Si nous allions tout déclarer clairement ce qui est rare,
-nous profanerions tout: si nous ne faisons valoir le métier, que
-sera-ce! Ainsi faut-il, de ces menus propos, faire si bien qu'ils
-deviennent, selon qu'il est destiné: à savoir, les meilleurs & plus
-certains axiomes de la vie, contenant & comprenant toute la mouelle de
-doctrine universelle, sans tant d'arts.
-
-ARATUS. C'est là où je vous attendois. Pour un homme sage, vous ne
-parlez gueres bien.
-
-PORPHIRE. Taisez-vous; j'entends cela mieux que vous, d'autant que vous
-autres mettez sept arts _libéraux_; & ils ne le sont pas. Qu'est-ce
-qu'ils vous donnent par leur libéralité! Il faut dire _nobles_ &
-_libres_; apprenez à parler. Il n'y a qu'un art _libéral_ au monde, qui
-est la vraie octave ou parfait accord entre les bonnes disciplines.
-Quand vous me parlez d'arts libéraux, il me souvient de ces grosses
-bêtes de prêcheurs, qui fendent le ventre au diable avec leur libéral
-arbitre. Que ne disent-ils _libre_ & _franc_ arbitre. Mais, pour vous
-ôter de peine, je vous déclarerai le vrai art libéral, lequel est
-unique: c'est l'art de gueuserie. Il est libéral, cettui-là; il
-s'apprend sans argent; il donne à dîner sans qu'on le paie; c'est le
-bienheureux art qui nous fait vivre sans soin & sollicitude: c'est lui
-qui est le centre des arts, ainsi que le sens commun est le centre des
-six sens naturels. Bienheureux ceux qui le savent & le pratiquent avec
-honneur.
-
-APPOLONIUS. Tu rêves; il n'y a que cinq sens, & tu dis six.
-
-PORPHIRE. Oui, j'ai dit six.
-
-APPOLONIUS. Et qui est le sixieme?
-
-PORPHIRE. C'est le sens du cul.
-
-APPOLONIUS. Ta male'bosse, vilain gueux.
-
-PORPHIRE. Ne te fâche point; le Curé de ta Paroisse t'en bailla bien
-davantage. Pour un de ses amis, il fit une recommandation telle en son
-prône: il y a un honnête homme, qui avoit mis sa cavale enfargée en ses
-fossés. Messieurs mes Paroissiens, on lui a pris les enfarges avec une
-serrure à bosse. Il vous prie, Messieurs, de lui rendre lesdits
-enfarges; &, pour votre peine, de par Dieu, que la bosse vous demeure.
-
-BALDUIN. Entendoit-il qu'ils l'eussent déja, & qu'ainsi il la leur
-laissoit, comme un de nos docteurs de Toulouse, qui fit un legs de même
-à sa femme.
-
-DONAT. Comment?
-
-BALDUIN. En ces pays de droit écrit, un riche docteur, bien malade,
-avoit fait son testament, & avoit oublié sa femme tout exprès, & sans y
-penser. Elle s'en plaignit dolentement à ses parens, qui, pour l'amour
-d'elle, parlerent au testateur, le priant de laisser & donner quelque
-chose à sa femme. Hé bien, dit-il, faites venir le Notaire. Il étoit
-pressé: écrivez; je laisse. Hélas! il se meurt, disoit sa femme:
-hâtez-vous d'écrire, Monsieur le Notaire. Je laisse a a a... Hélas!
-dites donc, mon ami. Je laisse à ma femme a a a. Là, là, Monsieur, là,
-courage, pour cette pauvre femme. Je laisse à ma femme bien aimée la
-plus grosse motte de con qui soit en cette ville.
-
-DONAT. Que dit à cela cette pauvre femme?
-
-BALDUIN. Elle se mit à gronder, comme fait la fille de notre logis, qui
-est assez belle; mais elle rechigne toujours.
-
-ARTÉMIDORE. Quoi! cette petite friande-là, est-elle ainsi grondeuse? Il
-y a du cas-tu en son fait.
-
-PHILOSTRATE. Je vous dirai ce mot en passant de la langue, d'autant que
-je ne bougerai d'ici. Vous reprendrez bien vos propos; & j'ai peur de
-songer à autre chose, tant j'ai de fantaisies en la tête: prenez garde à
-ce que je dirai. Ces petites dédaigneuses d'apparence, qui montrent un
-geste morfondu, qui fait reculer possible pour cheoir. Je ne sais
-comment le monde va, ou que c'est qu'il y a de caché qu'on ne sait
-point. J'ai beau me gratter, s'il ne me démange, il me cuit. Ainsi en
-est-il des filles tant sages. Mais quoi! par leurs actions & gestes,
-elles signifient enfin qu'il n'en faut point parler, mais chercher
-l'occasion de le faire, & avec telle dextérité, qu'il n'y paroisse
-aucunement. Je n'en parle point à celles qui sont sages, & qui ne
-l'entendent pas, lesquelles, pour tout ce que je dirai, ne s'émouveront
-aucunement, d'autant que qui n'a point mangé d'avoine, n'entend pas le
-grand bruit du crible. (J'eusse dit le _son_; mais les Moines ne
-m'eussent-ils pas accusé d'hérésie, parce que _son_ appartient aux
-cloches? Et quand ils oient les cloches, ils disent: voilà la vache qui
-appelle les veaux.) Enfin, ces friandes grondent de si mauvaise grace,
-qu'elles semblent n'y présumer aucune douceur, ni espérer délice
-quelconque; & encore moins font mine d'y reconnoître de la délicatesse.
-
-SANDÉ. Il vaudroit mieux qu'elles fussent jolies & joyeuses, & qu'elles
-ne le fissent du tout point, parce que la douceur de le faire est
-éteinte par leur sottise. Pour conclusion, ces petites bêtes, qui
-disent: j'aimerois mieux que les chiens l'eussent déchiré; j'aimerois
-mieux que le diable l'eût éfrondré, se laissent faire à quelques chiens
-couchans de léchefrite, ou à quelque valet arrogant qui les bat en
-diable. Il n'est que le faire gai & paillard, par amitié ou rencontre.
-
-DONAT. Comme la fille de mon hôtesse. Par sainte Marande, la
-reconnoissance n'en est pas mauvaise, & vient bien pour mettre avec vos
-histoires. Un jour cette nicette voulut aller ès nôces dont elle étoit
-priée. Elle demanda congé à sa mere, qui le lui octroya; moyennant que
-paragrafiquement, sagement & à propos, elle gardât bien son honneur; ce
-qu'elle promit de faire fort bien. Elle alla donc, & se mit avec un
-grand soin de garder son honneur. Toutes les autres dansoient, & elle
-point, & ne s'osoit approcher de la colation, pour faire de la merde
-avec les dents comme les autres: elle ne bougeoit du coin de la salle à
-regarder, & avoit les deux mains sur le bord de son busque, justement au
-diametre de son intention. J'ai failli; je devois dire _le centre où
-doit passer le diametre qui n'y étoit pas encore_. Coipeau, qui l'avisa
-ainsi merde en vos lippes, (je dis, _mélancolique_) vint à elle, & lui
-dit: ça, ma cousine, allons danser. Je n'oserois; j'ai peur de perdre
-mon honneur; ma mere m'a commandé de le bien tenir. Venez, venez; ne
-laissez pas de venir. Je n'oserois, de peur de perdre mon honneur. O,
-ho, dit-il, n'y a-t-il que cela? Venez, cousine; allons ici en cette
-petite chambre, je vous le coudrai si bien, qu'il ne cherra pas. Il lui
-dit tout bas; & elle l'entendoit bien clair, parce qu'elle avoit envie
-de danser: par quoi elle le suivit. Il la poussa contre un coffre; & lui
-enseigna la danse du loup, la queue entre les jambes; & lui recousit son
-honneur, de la sorte qu'on attache la chose aux nouvelles mariées; &
-l'assura que jamais son honneur ne tomberoit par cette faute-là. Quand
-ce fut fait, elle vint danser; & n'y avoit que pour elle, étant
-affriandée. Elle trouva quelque chose à dire à la couture; parquoi elle
-en demanda encore, si qu'elle en eut jusqu'à trois fois. (C'étoit assez.
-Voire, voire, je le fis bien vingt-cinq coups en vingt-quatre heures à
-Madelaine: cinq fois la nuit; & le jour vint.) Il ne le fit pas tant;
-toutefois elle en étoit toute rejouie. Un peu après qu'elle eut mangé
-des confitures, & qu'elle n'étoit plus honteuse, elle s'avisa de son
-honneur, & vint encore à lui, le priant de le recoudre encore un petit.
-En dà, dit-il, je ne saurois; je n'ai plus de fil. Hé, hé, ce dit-elle,
-& qu'avez-vous dont fait de ces deux petits pelotons, qui vous pendoient
-entre les jambes.
-
-
-
-
-MINUTE.
-
-
-XXXII. Petronius voulut dire sa ratelée; mais il rengaîna son discours
-par la bouche, parce que le bon homme notre hôte vint criant tout haut,
-comme un belier égaré: ça, enfans, ça, ça, messieurs, c'est assez causé,
-il faut se reposer; _à l'Italiano sermo disme_. Beuvons & faisons une
-pause aux discours, & prenons quelque beau sujet, pour nous entretenir
-d'habits & de toute autre chose. Il ne faut toujours mordre, il faut
-tuer. J'ai fait fermer la porte; il n'entrera personne céans, nous
-sommes en liberté; la dispense, i. le verrouil & la barre sont mis à la
-porte; aucun n'entrera ici, si le diable ne le jette par la cheminée
-(comme le farfadet de Poissi). Au soir que les belles se retirerent,
-pour conduire une hôtesse en sa chambre; trois ou quatre avec elles,
-prêtes de se mettre au lit, devisoient auprès du feu, & par mignardise
-s'entremontroient leurs cuisses, pour voir qui l'avoit plus belle & plus
-potelée: ces cuisses étoient belles & mignonnes. Alors le farfadet vint
-par la cheminée; & après qu'elles eurent comparé leurs cuisses, il
-s'avança, & en montra une grosse & grande, velue comme celle d'un
-cheval, & leur dit en s'approchant: & la mienne? Or ça, j'ai apposé &
-contrôlé la juste dispense & huguenotique, ainsi que nous faisions, à
-Paris, le carême passé, quand, en pleine taverne, nous faisions le petit
-exercice de la religion.
-
-CLICHTOVEUS. Qu'est-ce à dire cela?
-
-LE BON HOMME. Vous qui savez tous les mysteres sacrés, êtes-vous si
-bête, que vous ne savez pas ceci, vu qu'il se pratique en de bons
-cloîtres? C'est que nous clouons, barrons, bouclons & fermons bien la
-porte, quand (comme ceux de la religion) nous voulons manger de la
-chair, aux jours défendus. Tel est le _petit exercice_, d'autant que le
-grand est d'aller au prêche.
-
-PETRONIUS. Je vous veux apprendre un autre secret, que m'a enseigné
-Hilaret. Mes amis, ne mangez point de chair, le jours défendus; mais
-jeûnez: & puis, toute la nuit, faites bonne chere, avec de bonne chair
-morte & vive. Les nuits ne sont point des jours; partant, point
-défendus. Un consul étoit de même opinion, quand, durant les treves, il
-faisoit la guerre de nuit.
-
-LE BON HOMME. Cette distinction est trop obscure: notre chose vaut
-mieux; & puis j'ai mis dehors tous ceux qui n'aiment point raillerie.
-Soyez les biens ventrus; la panse fait l'homme: je vous prie, ça, en
-liberté. Y a-t-il personne de vous qui ait le ventre tendu, qui veuille
-aller en purgatoire? Tout est libre & bon en son tems, lieu & endroit.
-Ce fut un moine de St. Denis, disciple de Genebrard, qui m'apprit à
-nommer ainsi le _privé_, parce qu'on s'y purge. Soyez, encore un coup,
-les bien venus, gens d'honneur, trafiquant sans marchandise, & dont la
-conscience est profitablement bonne; non scandaleux, non fistons ni
-sépulcreux, (je cuidois dire _scrupuleux_) je vous assure & jure que
-j'aime d'amour ceux qui trouvent tout bon sans sauce, qui jamais ne
-s'offensent, qui n'enragent point, quand on les corrige, comme fit ce
-maraut de sergent l'Espinai, qui, à Saumur, faisant panader son cheval,
-alla à bas bête & tout. La Maugis, le voyant ainsi tombé & à terre, lui
-dit: en dà, monsieur l'huissier, vous deviez demander ce qu'il vous
-faut, sans vous baisser si bas. Il en eut si grand dépit, qu'il en
-devint ladre, & sa postérité.
-
-AMIOT. Pourquoi dites-vous monsieur l'huissier? Il étoit sergent de
-bande.
-
-LE BON HOMME. Voire, un huissier & un sergent, n'est-ce pas tout un? Il
-étoit huissier de bande, comme à Orléans le paysan qui, cherchant
-l'avocat du roi, demandoit monsieur le baillif du roi, parce que, là, un
-avocat se nomme aussi baillif.
-
-PHILON. Je connois ce ladre: c'est lui même qui se presenta derniérement
-à monsieur le grand aumônier, pour avoir place en ladrerie. Je fus
-commis pour le visiter, d'autant que vous savez si je m'y dois
-connoître. Pour voir ce qu'il diroit, je lui dis: mon ami, vous n'êtes
-pas ladre. Ha, ha, dit-il, monsieur, si dieu plaît, je serai bientôt
-ladre; à ce renouveau, les boutons me paroîtront assez.
-
-LE BON HOMME. En dédit de toutes sortes de sots, beuvons, rions: ce sont
-des accidens de concomitance, liaisons de compagnies, relations
-légitimes, conséquences d'usufruit: c'est notre part, quand nous y
-sommes. Et de fait, rire, c'est ce qui contente le plus, & qui coûte le
-moins. S'il en étoit ainsi de boire, le bon vin ne coûteroit gueres.
-
-APULÉE. Hé, couillaud, tu ne t'y entens pas; parce que toujours le vin
-coutera, & sera cher, quoiqu'il coûte, d'autant qu'il faut payer pour
-deux, le rire pour l'ame, & le vin pour le corps; & tout sur le vin.
-
-LE BON HOMME. Là, là, disons bien; & si vous avez envie de trébucher en
-éloquence, dépêchez vous; coupez broche à toute cette paillardise de
-bien dire. Disons en bon françois, sans que rien nous échappe: & que
-savons nous qui nous aviendra, la vérole ou de l'argent? Il ne faut
-qu'un hazard semblable à celui de la belle fille, qui, le premier coup
-qu'elle fit, fut guimplée. Beuvons, lavons-nous le cou par dedans;
-c'est-là. Et si d'aventure nous nous enivrons, pour faire honneur à nos
-parens, que ce soit selon la remontrance du ministre de Strasbourg, qui,
-prêchant & remontrant les vices de ses brebis, leur disoit: quand vous
-dansez, il semble que vous vouliez jetter votre tête aux cieux, & vos
-jambes aux diables; dansez modestement. Quand vous beuvez, vous
-gargouillez comme pourceaux; hé! pauvres gens, enivrez-vous, mais que ce
-soit sobrement; jurez pieusement; maudissez flatteusement; battez
-mignardement, & paillardez chastement; donnez-vous au diable avec
-honneur, & éjouissez-vous de tous sujets, sans en abuser. La vieille
-Perrine, notre servante, avoit raison de dire que ce seroit abuser du
-vin, de s'en laver la raye d'en bas, avant qu'il eût coulé par celle
-d'en haut, comme du chausse-pied de tantôt; (ainsi qu'il est noté en la
-pénultieme page du _Talmud_) ajoûtant que ce seroit un abus formel, si
-une femme faisoit de son con un godet, un arbalête à grenouilles, bien
-qu'il serve à recevoir les queues de grenouilles, lesquelles leur ont
-été ôtées, pour en faire les choses des hommes, qui, pour cette cause,
-sont bien aises, & veulent toujours être en de tels marais. Mais
-pourquoi le con d'une femme est il mâle?
-
-ARTEMIDORE. _Omne, viro soli quod convenit, esto virile._ Les docteurs
-de Paris l'enseignent ainsi aux écoles. Je vous assure, ô vous qui
-entendez ceci, qu'il est vrai; & que, comme ce bon pere le dit, il n'y
-va point de sa faute. (A cela, il beut; & reprit sa parabole, comme
-Balaam à _propos de quoi_, c'est-à-dire, _de boire_). En quel tems le
-vin est-il meilleur ou bon? Dites, messieurs. C'est, dit l'un, quand on
-a grand soif. L'autre: c'est en été. Voire, dit frere Anselme, c'est en
-hiver au soir, quand on s'est bien rôti auprès du feu.
-
-ALBERT LE GRAND. Vous n'y êtes pas; c'est quand on le boit, que l'on le
-jette à poignées dans le corps; & par la sainte ombre du clocher du
-temple de Salomon, je vous proteste que je suis étonné, même de quelques
-doctes, & sur-tout de Séneque, qui derniérement nous fêtoyant, & me
-baillant de ce bon vin de copeaux d'Orléans: frere, me dit-il, voyez si
-ce vin est bon. Pargoi, j'eusse pu y regarder, d'ici au jour du
-jugement, que je n'y eusse rien connu de bon. Non, non plus que, si vous
-étiez barbouillé, ne pourriez le reconnoître vous mirant à mon cul. Et
-puis il y en a qui disent: tâtez. Il faut dire: _goûtez_ à ce vin, de ce
-vin, ce vin; beuvez-le, savourez-le: & pource, je me moque de toi, grand
-viédase Grec, qui desirois avoir le cou long comme une grue, quand tu
-boiras. Va te faire pancer par mon barbier; & il ne te coûtera rien, à
-te faire déclarer vrai St. Christophe de pâques fleuries. Ne sais-tu
-point que, depuis que le vin a joint l'épiglotte, il n'est plus
-favorable. Il convient, pour bien souhaiter en cette affaire, desirer
-avoir le palais aussi grand que celui de Paris, & le manche de priape
-aussi grand qu'une pique tournée comme une trompe de chasseur, afin que,
-venant à la liqueur arrousante, la douce rosée de nature, le sucre de
-l'aurore, on sentît une vraie rage de bien, tandis qu'elle passeroit par
-ces coulis infractueux. Venons au point. Quand est-ce qu'une femme est
-sage?
-
-LE BON HOMME. Remettez-le à tantôt que nous aurons beu; aussi bien
-jamais honnête homme ne besogna par procureur. Tenez ceci secret; & ne
-le montrez pas à ces maîtres veaux; bran pour eux.
-
-AZOARE. Davantage, il y a, comme je le conclus, des pifres équivolans,
-qui, oyant parler de ce grand simpose, en penseront de biais, comme
-Jaquette du Mas, qui fit un enfant, sans savoir le nom ni le surnom du
-pere; de quoi elle étoit fort dolente. Son enfant fut nommé Adam. Un
-jour qu'elle étoit au sermon, elle ouit le prêcheur qui s'éfiloit
-d'alléguer l'écriture, & disoit, _Adam, ubi es?_ Cette fillette sortit
-tout incontinent de là, très-aise de savoir le nom de son fils. On lui
-avoit dit que les prêcheurs savoient tout; parquoi elle nomma depuis son
-fils, Adam de Biais. C'est celle qui disputoit l'autre jour à la porte
-de l'église cathédrale.
-
-AMIOT. Qui est l'autre?
-
-AZOARE. C'est celle qui vous servoit, quand vous étiez grand aumônier, &
-que vous fûtes si malade. Elle m'a conté que vous disiez au barbier qui
-vous pançoit, & vous avoit assuré que vous aviez la vérole: hélas!
-monsieur Gaspard, mon ami, j'avois toujours prié ce bon dieu qu'il m'en
-gardât. Et il vous répondit: aussi a-t-il fait, monsieur; il vous a
-gardé de la plus fine. C'est qu'il falloit que cela passât. Pourquoi
-est-ce que vous y venez? Les friandes querelloient le fils de Jaquette
-qui étoit grandet. Voyant ces rixes, il tira sa mere par la robe, & lui
-dit: ma mere, appellez-la vîtement putain, avant qu'elle vous y appelle.
-Putain, dit-elle. Tu as menti, fit l'autre; c'est toi qui es une putain;
-tu as donné la vérole à messieurs. Elle parloit de chanoines.
-
-AUGUSTE. Vraiment, bon homme, c'est bien vous qui êtes allé de biais.
-Que n'achevez-vous ce que vous avez commencé.
-
-AZOARE. Pour votre révérence, bon empereur, je le ferai, d'autant que la
-barbare opinion de ces veaux d'attache ne pensera pas que nous beuvions
-& rions. Ils s'intentionneront à gauche, d'autant qu'ils n'approuvent
-que ce qui prend à leur mêche. Mais que l'aze les quille; & fût-ce celui
-de Don Rodigue das Yervas.
-
-SOPHOCLES. Pourquoi nommez-vous cettui là?
-
-AZOARE. Parce que, quand on le voulut faire inquisiteur, il dit qu'il
-eût mieux aimé être vendeur de morts aux rats & aux souris.
-
-
-
-
-REMONTRANCE.
-
-
-XXXIII. Mais cependant que je prendrai un peu de réfection, dites à
-notre ami Erasme qu'il vous conte l'histoire de Rodigue. Ce que je
-désire me réfectionner d'un peu de viande & de liqueur, est, que je
-crains de perdre le devant & le derriere, comme cette abstinente de
-Confolant. Je m'en rapporte aux médecins. Ça, notre ami, donne-moi un
-peu de cette vie sans fin; c'est-à-dire de cette langue de boeuf, de ce
-jambon. Çà, çà, Rabelais, Copus, Anacréon, beuvons, & gai. A savoir si
-la langue branle, quand on boit; si le troufignon barbotte, quand on
-pette. Aussi-bien ce causeur nous tiendra longtemps. Que voici un bon
-chausse-pied! Savez-vous bien pour quoi je me délecte tant à boire?
-C'est pour ce que j'ai une belle joie, quand il me pleut dans le ventre.
-Mais ce fou de Flamand se fâchera, si on ne l'écoute.
-
-CESAR. Il n'est pas Flamand.
-
-AZOARE. Et que s'en faut-il? N'est-il pas de même crême?
-
-ERASME. Il y a plus de cinquante ans que je n'avois tant parlé sans être
-écouté. Quand il n'y avoit que moi, on me couroit à force; mais, depuis
-que les cadenats des sciences furent crochetés, on m'a laissé en croupe;
-& bien que j'eusse si chaud, que la queue m'en suoit, encore on se mit à
-courir après ces nouveaux venus, qui, ô bon César, laissent votre latin
-naïf, pour aller aux cloaques des pédans chercher des mots tous pourris
-de cuire, & s'en barbouillent le museau. A propos de cela, quel est
-l'outil de ménage que jamais on ne prête ni emprunte, & si il n'y a
-guere de maisons où il n'y en ait? Hé gai, dit Saint Glougourde, c'est
-le bouchon des écuelles, qui fut cause que je fus canonisé: en voici
-l'occasion. Je faisois la cuisine des cordeliers de Rennes; & je mis:
-par mégarde, le bouchon des écuelles au pot, où je fis cuire la potée.
-Cela fit une soupe miraculeuse, sentant le potage des gueux jusques au
-tiers ciel: au reste, il étoit gras & fluant. Les freres le trouverent
-si bon, qu'ils en eussent mangé leurs mains jusques aux coudes; les
-novices, qui en eurent le plus, & le fond, le savourerent. Et parce que
-cela étoit mêlé de beaucoup d'essence, en devinrent si savans, qu'ils
-surpasserent leurs maîtres, qui, par envie, en firent mettre trois _in
-pace_, que je délivrai, tandis que l'on disoit matines de tripes.
-
-APULÉE. Et qu'est-ce que cela?
-
-ALCUIN. C'est le déjeûner.
-
-ERASME. Beuvez un trait tout plein, & me laissez dire; ou j'oublierai
-tout, ou je serai contraint de recommencer comme ma grand'mere, qui tant
-plus disoit sa patinostre, & moins la savoit, si qu'enfin elle la dit
-tant & tant, qu'elle l'oubliât. Or je vous dirai des vieilles vétilles
-françoises & espagnolles, & je draperai sur l'un, aussi-bien que sur
-l'autre, d'autant que je ne me soucie non plus de l'évangile que de
-l'épître.
-
-TRITEMIUS. Je ne m'étonne plus, si on a opinion que tu sois hérétique.
-
-ALCUIN. Vous n'êtes pas recevable à le dire.
-
-TRITEMIUS. Mieux que vous, qui dites qu'à S. Martin la messe & vêpres ne
-valent rien, qu'il n'y a que matines qui sont bonnes: parce que tout le
-gain le plus avantageux y est.
-
-ERASME. Allez; ou vous aurez taloche à la huguenote. Ce n'est ni vous ni
-moi qui faillons, parlant ainsi. Il n'y a que les commentateurs, qui
-donnent l'intelligence selon leur dessein. Plusieurs interpretent les
-écrits & paroles des autres, selon leur sens. Ainsi les moines ivrognes
-interpretent les épigrammes d'Ænéas Silvius & de Beze, en ivrognerie,
-les sodomistes, en sodomie; les amoureux en amour; les avaricieux, en
-richesses; & les doctes, en galantise & bonté, d'autant que tout bon
-fait bonne digestion: & pour ce que entendiez que je voulois parler
-bref; l'épître, c'est le roi d'Espagne; l'évangile, c'est le roi de
-France; d'autant que, devant le pape disant la messe, ils sont diacre &
-sous-diacre & je dis que je ne me soucie pas de leurs débats, d'autant
-que, demeurant à Bâle, j'étois chanoine de saint Paul.
-
-MUNSTER. Il n'y a point de chanoine de S. Paul à Bâle.
-
-ERASME. Je ne m'étonne pas, si Thevet te loue, tu es quasi aussi sot que
-lui. Hé! ne sais-tu pas que je vivois, comme dit S. Paul; & que j'étois
-chanoine, comme ne l'étant point; & partant, je me délectois à ma
-fantaisie: & sur cela je répete que, si vétilles françoises étoient
-emmaillottées de commentaire, comme celles du temps passé, elles
-auroient plus de graces que toutes les autres, & iroient jusques au ciel
-de la lune, comme étant de meilleur goût que les grecques, lesquelles
-puent le vomi d'après souper. Pensez que c'est une belle chose que la
-généalogie des dieux; & qu'Homere étoit alors bien fin (chut! il est là
-avec du Bartas qui en conte; il ne nous oit pas) & bien ingénieux; quand
-parlant de ce beau porcher, il dit qu'il étoit semblable aux dieux.
-Quels dieux de menue venaison! Il étoit compagnon de ce berger, auquel,
-en temps de pluie, la raie du cul servoit de goutiere. En toutes ces
-inventions, il n'y en a point une qui soit tant naïve, que la belle
-naïveté du berger du Genitoi, qui, se dépitant au temps de pluie,
-disoit: si je suis jamais roi, alors je garderai mes moutons à cheval.
-
-AZOARE. Les méchantes amours me sollicitent tant le fondement, que je
-vais errant çà là. Mais, pour l'amour de toi, ô grand prince de Rome,
-duquel Homere prophétisoit tantôt, toi qui l'as miraculisifiée de
-nouveau, qui as tant baillé à coudre aux Romains, leur ayant tant
-désenseveli d'éguilles, pour l'honneur & révérence que je te porte, pour
-ne t'avoir jamais vu ni connu, je poursuivrai mon Rodigue, qui fut
-gentilhomme signalé, & qui, étant revenu de plusieurs expéditions, où il
-avoit bien fait en obéissant, puis commandant, pour le service de son
-roi, & du sien propre, d'autant que ce seroit pour néant sans cette
-condition, se présenta en cour en cette sorte. Il s'en vint garni de
-lucances valables d'honneur & d'assurance, ainsi qu'il desiroit paroître
-devant son prince. Arrivé au château, il sut que le roi n'y étoit pas,
-ains s'en étoit allé à la chasse. Lui qui a le feu au cul, (bien
-d'autres l'y ont; & là-dessus, je vous demande, Lipsius, pourquoi les
-femmes qui aiment le déduit, hantent les gens de cloître?
-
-SUIDAS. C'est parce qu'elles ont le feu d'enfer ou cul; il faut des
-couilles bénites pour l'éteindre.)
-
-AZOARE. Or bien notre Rodigue avoit le feu au cul; partant il se hâta,
-d'aller trouver son roi. Il poussa son mulet, pour se diligenter; & de
-fortune, il rencontra le roi seul, lequel avoit pris le devant, à cause
-de la poudre. Rodigue, qui ne le connoissoit pas, le salua; & lui
-demanda où étoit le Roi. Le Roi, qui vit bien qu'il ne le connoissoit
-point, bien qu'il ressemblât mieux à un fou qu'à un moulin à vent, le
-laissa en cette opinion. Et puis, qui eût pensé que ce fût le roi? Il
-n'y a philosophe qui le pût deviner, sinon qu'il sût l'intention de ce
-prince, qui alloit ainsi seul, de peur que, par le mouvement de la
-troupe, les atomes de Démocrite ne se vinssent unir à la cire de ses
-yeux, pour y engendrer quelques roitelets guêpins. Ces deux, comme
-chevaliers, s'étant entresalués, le roi répondit à Rodigue, qu'il étoit
-fort loin; &, là-dessus, le pria, par la même usance de courtoisie dont
-il l'avoit prié, qu'il lui déclarât quel il étoit, & ce qu'il vouloit au
-roi. Adonc Rodigue lui déclara ses valeurs, ses prétentions, & comme,
-sur l'attestation de ses bons & signalés services, il venoit prier sa
-majesté de lui accorder quelque récompense de ses mérites. Et cettui-ci
-lui dit: si le roi ne vous veut rien donner, que sera-ce! Rien, sinon
-_bien se poede hazer hoder à mi machos_, c'est-à-dire, _qu'il se fasse
-saillir à mon mulet_. C'est ainsi qu'il trancha le mot, pour lequel les
-chiens se battent. Le roi passa outre; & Rodigue vint à la troupe, où
-entendant que le roi étoit passé il y avoit long-tems, il s'achemina
-avec les autres. Etant arrivé au château, il mit pied à terre, & attacha
-son cheval à une grille. A cela vous connoissez que ce ne fut pas en
-France; les pages & les laquais, ou autres affineurs, ne l'eussent pas
-laissé là, sans le mener boire, de peur des mouches. Le roi étoit à la
-fenêtre qui le considéroit; & l'ayant fait remarquer à deux
-gentils-hommes, les envoya lui dire qu'il vînt parler à lui. Ils lui
-dirent: segnor cavalier, le roi vous demande. Quoi! le roi sait-il bien
-que je suis venu, moi? Or le roi vouloit voir, s'il seroit constant en
-son humeur bravache. Rodigue entra, & fit une preude révérence à sa
-majesté: puis, ayant reconnu que c'étoit le roi qu'il avoit tantôt cru
-un simple chevalier, auquel il avoit fait cette défonçade de braverie,
-ne s'étonna point, s'affermit & avança, montrant au roi les attestations
-qu'il avoit, lesquelles faisoient preuve de son obéissance, valeur &
-fidélité. Sur quoi il supplia très-humblement le roi: sacrée majesté,
-vous êtes informé de ma bonté; je vous supplie d'une douce & favorable
-récompense. Si je ne veux point vous faire une récompense, dit le roi,
-malgré votre loyauté, que sera-ce? Sacrée majesté, mon mulet est là-bas.
-Cette parole fut ouie, & non entendue de tous, mais seulement du roi.
-Ceux qui ne savoient ce que c'étoit, croyoient qu'il avoit dit, comme
-prêt à monter dessus, & s'en retourner. Mais le roi l'eût pu interpréter
-ainsi: _mon mulet est là-bas, faites-le monter, il vous en donnera une
-venue._
-
-GALATINUS. Je pensois que vous dussiez parler autrement, comme la fille
-de notre métayer, qui vint un jour trouver ma grand'mere, & lui dit: bon
-jour, mademâselle. Mon pere vous prie de lui prêter voute taureau, pour
-donner une vertelée à noute vache. Il vous en rendra autant quand il
-vous plaira, mademâselle.
-
-CÉSAR. Que fit le roi à Rodigue?
-
-AZOARE. Il lui donna une pension de quatre mille malvedis de rente, & le
-retint près de sa personne.
-
-PIMANDER. Voilà; il n'y a que telles gens, qui aient les bonnes graces
-des grands. Si c'eût été quelqu'homme qui eût eu de la doctrine, on
-l'eût envoyé rôtir le balai. Il ne faut qu'être effronté, pour obtenir
-des faveurs: & à dire vrai, c'est pitié absolue, que pour être grand &
-gagner, il faut ruiner la vertu & le prochain. O quelle misere! que les
-hommes sont diables aux hommes. Quiconque ne croira point qu'il y ait
-des diables, qu'il aille au palais & à la cour.
-
-
-
-
-GÉNÉALOGIE.
-
-
-XXXIV. A la vérité, quand je m'en souviens, n'est-ce pas une grande
-misere, pour preuve de cette diableté, qu'il ne se trouvera homme, tant
-vanteur de la piété soit-il, qui veuille acheter un état de secret
-rechercheur des actions humaines, pour avertir les autres, à ce qu'ils
-soient garantis du danger, afin qu'ils se détournent de leurs mauvaises
-voies, & que, s'ils sont enclins à mal faire, ils s'en corrigent dès le
-commencement, ou s'en abstiennent à l'avenir de peur qu'ils ne tombent
-en péril! Plutôt, la plus grand part des hommes sont comme chats guetant
-les souris; & le plus homme de bien en apparence, sera en perpétuelle
-sentinelle, pour épier si quelqu'un bronche; non pour l'avertir bien &
-charitablement, mais pour le ruiner. Et pour faire preuve de plus
-d'impiété prévôtable, on contraint iniquement les autres, & incite à
-dire, s'ils savent quelque mauvais déportement de leur prochain, afin
-que l'on l'accable, pour s'engraisser à ses dépens, s'il a moyen de
-payer les ouvriers. Ainsi plusieurs sont riches du malheur des autres,
-desquels jamais la faute n'est cachée ou diminuée, ou détournée, ains
-multipliée abondamment. Or nous ne sommes plus au temps qu'on étoit
-sauvé par sa faute. Je pense que les bonnes gens qui gémissent sous la
-tyrannie des gros, seront émus par charité à bien estimer, en nos
-discours, comme nous découvrons le tombeau de vérité.
-
-EPICARME. Savez-vous bien ce que c'est que vérité?
-
-Q. P. Ne vous en enquêtez point tellement, dit le sage, que vous ne
-soyez estimé de la secte de Ponce-Pilate. Davantage, je vous avertis,
-par l'exemple de ce docteur, que nous avons chassé, que vous n'ayez à
-mettre en avant chose qui puisse être tirée en conséquence contre ce qui
-est saint, ou à moquerie de ce qui est vénérable. Usons notre temps avec
-la ponce de bienséance, ou le grès de sagesse; & que cependant notre
-satyre soit perpétuelle, pour découvrir l'abomination des affaires du
-mauvais monde.
-
-PÉTRARQUE. Mais de quoi sont composées les affaires du monde?
-
-QUELQU'UN. Du bien d'autrui; témoin ce que me dit le Chanoine qui
-plaidoit contre moi, & pour me tromper, comme c'est la coutume de telles
-gens, me fit parler d'accord; moi qui allois mon train, comme l'âne des
-bons-hommes, je lui disois que je ne desirois que la paix; & lui me
-protestoit qu'il ne vouloit que mon bien. J'en étois content; mais notre
-servante, qui avoit demeuré chez un Avocat en Cour d'Eglise, me sut bien
-retirer, me montrant qu'il disoit vrai, qu'il vouloit mon bien pour le
-mêler avec le sien.
-
-PÉTRARQUE. Voilà qui est bon; mais je demande que c'est qu'affaires du
-monde.
-
-PARACELSE. C'est le moyen de parvenir.
-
-CELSUS. Vous nous l'obscurcirez tout, comme vous avez fait la Médecine,
-en vous vantant, & n'y disant que des ventosités. Je vous prie,
-amusez-vous à boire; je vous prie, ne vous fâchez point; je vous dirai
-de belles choses douces, & avec facilité. Le moyen de parvenir comprend
-tout, & est composé des quatre élémens de piperies, avec leur
-quinte-essence.
-
-ERASTE. C'est une nouvelle philosophie, voire si nouvelle que l'on ne la
-connoît pas. C'est à ce coup que vous êtes trompé, d'autant qu'il y en a
-qui la savent bien, & qui se moquent de nous, qui nous amusons à voir
-des urines, & souffler du charbon; & les autres attrapent les
-incommodités. Or je vous dirai comment, & ronflerai en axiomes
-merveilleux. Çà que je tranche des sentences toutes pleines d'abondances
-mystigoriques; que je vous en donne, non ecclésiastiquement, ni
-chichement, ni justinia-niaisement; mais libéralement &
-philosophiquement en charité.
-
-SCOT. Ce n'est pas bien fait; il faut vendre la science; & par-là je
-connois bien que vous n'y entendez rien. A ce mot, Uldric, qui se
-fâchoit de quoi ce Moine interrompoit Paracelse, lui dit: taisez-vous;
-vous n'y entendez rien vous-même.
-
-SCOT. Si fait; aussi il n'y a science que je ne sache.
-
-ULDRIC. Vous en avez menti, au respect de Dieu.
-
-MADAME. Quoi, qu'est-cela? Voire, & faut-il que les gens doctes vivent
-ainsi? Buvez, & vous accordez.
-
-PARACELSE. Hélas! pardonnez-moi, Madame, ce n'est pas moi qui querelle.
-
-ULDRIC. Il y a plus d'une heure qu'il me picote, même encore tantôt,
-m'appellant hérétique pulvérisé; & pour ce si je me fâche, je vous prie,
-Madame, de croire que j'en ai juste cause, & aussi me vouloir favoriser
-en ma querelle. Je suis homme de bien, & lui aussi: je ne voudrois pas
-quereller un méchant, parce que je n'y aurois point d'honneur: mais je
-lui en veux, d'autant que tantôt il m'a fait une opprobre vergogneuse; &
-m'a dit une injure que je ne veux, ni ne peux lui remettre.
-
-SCOT. Je ne m'étonne plus de rien, puisqu'il s'en souvient. O! soit ce
-qui en pourra être, je me tais & vous en laisse tout faire; je m'en vais
-me consoler avec le flacon; je vous fais juge de tout, Madame.
-
-MADAME. Et bien, il vous a appellé hérétique; il y a bien de quoi?
-
-ULDRIC. Oh! que ce n'est pas cela pour si peu, je ne daignerois y
-penser. Il m'a fait une bien plus grande honte, diffamation & vitupere
-plus notable.
-
-MADAME. Pour vivre en paix & vous accorder, il faut tout dire: là,
-déclarez ce tort & injure.
-
-ULDRIC. Madame, je vous prie, c'est tout un; je vous le dirai; il m'a
-appellé viédaze.
-
-MADAME. Que lui avez-vous répondu?
-
-ULDRIC. Qui vous fouaille, Madame, en bon françois.
-
-MADAME. Mais vous, vraiment!
-
-ULDRIC. Je veux bien, puisqu'il vous plaît; je ne l'eusse su demander
-plus honnêtement, ni vous plus joyeusement me l'accorder. Ce sera quand
-il vous plaira, Madame. Employez-moi, tandis que je suis jeune; quand je
-serai vieil, je n'en pourrai plus. Mais ce démenti que deviendra-t-il.
-J'entends que ce soit un démenti de Meûnier; un âne le portera. Voire,
-mais plutôt de papier; je m'en torcherai le cul.
-
-
-
-
-NOTICE.
-
-
-XXXV. LE BON HOMME. Te voilà camus, Monsieur Scot: tu as le nez fait
-comme une truie gruesche. Que diable avois-tu affaire à cet hérétique?
-Ne sais-tu pas que tels gens sont injurieux comme Papistes & inventifs
-comme huguenots? Veux-tu que je te die? Il t'avient à les attaquer,
-comme une truie à dévider de la soie. Laisse-le là; il te feroit devenir
-aussi cheval, que le mulet du grand Turc. C'est un des malheurs du
-siecle, que si on veut apprendre quelque bien, on aura infinie peine à
-se mettre en train. Depuis le temps que nous sommes ici, nous n'avons
-non plus su entrer en matiere, qu'un coin de beurre en la fente d'un
-noyer. Nous ne faisons que perdre le temps; je ne m'en soucirois pas,
-s'il n'y avoit que pour nous. Je plains une infinité de pauvres ames,
-qui béent, attendant après la doctrine languissante du desir de science:
-& nous la retenons par nos rencontres, qui seroient aussi bonnes tantôt
-qu'à cette heure, d'autant que tout ce qui est ici est si bon, qu'il est
-tout égal, ni meilleur, ni pire, tel en un temps qu'en l'autre. Or bien,
-puisque vous avez envie de savoir, oyez notre docteur.
-
-PARACELSE. Vous saurez, en dépit de vous, que les quatre élémens sont
-formés d'une même matiere. Regardez comment je commence de belle & bonne
-grace, comme un apprentif qui retire sa quittance.
-
- Quand maître coût, & putain file,
- Petite pratique est en ville.
-
-La premiere matiere est celle dont les ouvriers du monde agissent,
-sachant élire ce qu'il en faut pour leurs affaires. J'ai honte de
-proférer ce mot de matiere, à cause de ces médecins qui me regardent, &
-pensent que je leur veuille proposer le monde malade, pour voir à sa
-matiere ce qu'il sera; s'il mourra bientôt, ou s'il guérira. Je vous
-dirai mes enfans, (ainsi vous puis-je nommer, d'autant que je vous
-adopte par science, & vous engendre par intelligence) que le monde ne
-s'est point encore vuidé; il n'a point fait de matiere. Savez-vous pas
-que la matiere se fait seulement, après l'opération de plénitude? Tout
-ainsi que le monde est beaucoup de fois plus grand que l'homme, qui est
-le petit monde, & le monde le grand animal corporel: aussi, en
-proportion, quand il sera plein, & après le tems & juste équivalence,
-ayant été rempli, rendra sa matiere; attendez ce tems-là, & vous qui
-jugez de sa durée & future dissipation, & la verrez au juste
-prognostique de l'éjection qu'il en fera. Ce n'est plus de telle chose
-que je veux parler: mais en faut avertir le monde, de peur
-d'inconvénient. Oyez donques que c'est de certains, purs, vrais, saints
-& justes élémens que je veux dire, lesquels les abstracteurs,
-falsificateurs, brouillons & hypocrites ont gâtés: & j'en veux à ces
-trompeurs, pour autant qu'ils me firent perdre ma manuelle, quand
-j'allai quérir les petites ordres. Aussi je n'ai garde d'y retourner, de
-peur de tout perdre; encore faut-il vous avertir touchant les
-abstracteurs, d'autant qu'il y a une sorte. On m'a dit que les plus
-subtils sont à la Rochelle, parce que c'est une ville maritime; & que là
-sont abstracteurs de cérémonies, qui se parent bravement de leur sujet,
-comme entendus philosophes qui levent les accidens de leur substance,
-sans qu'il y reste cicatrice qui ne soit apparente & manifeste. Je ne
-sais que j'en dois dire, de peur d'être estimé hérétique; je les laisse
-donques: mais je hais abondamment les voleurs, qui ont tiré de certains
-élémens d'une doctrine, que l'antechrist a inventée & supposée, sous
-lumiere de religion, pour faire une ombre mirlifique. Vous saurez tantôt
-que c'est, & jugerez que je ne passe point les limites de raison; mais
-que je galope ces gabeleurs de théologie, qui ne trouvent bon que ce qui
-quadre à leur paillarde opinion. Il y en a d'autres, qui ont remarqué
-comme cette cabale avoit ainsi pressuré & fait issir un élément
-génératif, perpétuellement en similitude, muni d'une fécondité future, &
-ont fait semblablement en les imitant. Par ainsi, ils ont sublimé,
-effressuré, & hipocondrillé la jurisprudence: puis après, les plus
-sages, pour n'être suspects à cause de la robe, ont escarmouché les
-embuches médecinales; si que, chatouillant le pénil de la médecine, lui
-ont fait couler le suc du moelleux endroit, ou la parfaite substance
-chytifre: & par ce moyen le relevant quintessentiellement en apparence
-magnifique, suivant comme les autres les belles amusoires de
-jurisdiction, & possession acquise, ont mêlé avec les médicamens
-l'oeuvre parfait de benoîte extraction; si que les méchans ayant passé
-par leurs mains, & goûté du brouet d'andouille, ont forcené d'amour
-après cette invention; tellement qu'ils ont dignifié leur état comme les
-autres, & contrepassant par l'étamine, & suivant les commentateurs des
-ruses soporiférantes, le scandale forfantesque avec grands labeurs &
-risques, ont trouvé la quintessence nécessaire, dont il est tant fait
-d'état entre ceux qui veulent parvenir. Et parce que par quelquefois
-boire ensemble, ou deviser, on se joint les uns aux autres, la
-fréquentation étant la soudure des volontés, il est avenu que toutes ces
-quatre essences sont mêlées ainsi que les opérateurs se sont assemblés;
-tellement que, messieurs ayant pris conseil & étant assemblés, ils ont
-fait, (je ne saurois dire ce mot des Apôtres; aidez-moi à le trouver;
-c'est un... Je l'ai trouvé; qu'au diantre soit le harnois, tant il m'a
-coûté à fourbir; c'est un symbole) ainsi chacun apportant son symbole,
-ils furent joints ensemble, comme la mie à la croûte. Donques de ces
-élémens unis, joints, assemblés, tirés, faits, extraits, proposés,
-trouvés, animés, & accomplis, a été construit, bâti, établi, composé,
-compli, balancé & accommodé le monde pipeur par ces élémens de piperie;
-& ce monde a été rendu complet en toutes ses parties, avec faculté
-perpétuelle de se régénérer, sans dissipation d'esprits, & par le
-mélange mystigorieux des forces & puissances qui y sont contenues.
-L'exercice a causé merveilles au progrès infini de l'univers pipeux.
-Mais vous m'aguettez, pour voir si je serai aussi ignorant, que ceux qui
-disent que le soleil n'est pas chaud: & je voudrois que tels me pussent
-prouver qu'ils n'eussent point le trou de cul puant, sans qu'on y
-fleurât. Même ils disent que la neige n'est pas blanche; que les étrons
-ne sont vifs ni morts; que la pluie ne chet pas; mais qu'elle monte vers
-le centre de la terre. Ils en disputent gaîment, & ne savent pas
-pourquoi les boeufs se couchent. A jan, grosse bête, c'est parce qu'ils
-ne se peuvent asseoir. Je me garderai bien de vous; & ferai si bien, que
-vous jugerez que je suis assez docte. Or ça n'est-il pas vrai? ne me
-voulez-vous pas attrapper sur la quintessence? Je vous satisferai, &
-vous la montrerai au doigt & à l'oeil.
-
-NICANDER. Il est vrai, notre ami, c'est-là; & je voulois considérer si
-votre analogie seroit parfaite.
-
-L'AUTRE. Mort aux rats, aux souris & aux guêpes, c'est s'y entendre
-cela, comme un rossignol à crier de la moutarde. Or là, laissez-moi
-achever; mon analogie sera parfaite; écoutez, j'ai repris mon propos par
-le bord de sa robe.
-
-
-_Fin du Tome premier._
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by
-François Béroalde de Verville
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 1/3 ***
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- Dr. Gregory B. Newby
- Chief Executive and Director
- gbnewby@pglaf.org
-
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
-Literary Archive Foundation
-
-Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
-spread public support and donations to carry out its mission of
-increasing the number of public domain and licensed works that can be
-freely distributed in machine readable form accessible by the widest
-array of equipment including outdated equipment. Many small donations
-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
-with these requirements. We do not solicit donations in locations
-where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
-DONATIONS or determine the status of compliance for any particular
-state visit www.gutenberg.org/donate
-
-While we cannot and do not solicit contributions from states where we
-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
-against accepting unsolicited donations from donors in such states who
-approach us with offers to donate.
-
-International donations are gratefully accepted, but we cannot make
-any statements concerning tax treatment of donations received from
-outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
-
-Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations. To
-donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
-
-Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works.
-
-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
-distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of
-volunteer support.
-
-Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
-the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
-necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
-edition.
-
-Most people start at our Web site which has the main PG search
-facility: www.gutenberg.org
-
-This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
-including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
-subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
-
diff --git a/57878-h/57878-h.htm b/57878-h/57878-h.htm
index b9d13bb..e3afd98 100644
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@@ -44,44 +44,7 @@ i em { font-style: normal; }
<body>
-<pre>
-
-The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by
-François Béroalde de Verville
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-Title: Le moyen de parvenir, tome 1/3
-
-Author: François Béroalde de Verville
-
-Release Date: September 9, 2018 [EBook #57878]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 1/3 ***
-
-
-
-
-Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the
-Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
-(This book was produced from scanned images of public
-domain material from the Google Books project.)
-
-
-
-
-
-
-</pre>
+<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57878 ***</div>
<h1><span class="xsmall">LE</span><br/>
<b class="large g">MOYEN</b><br/>
@@ -5030,382 +4993,7 @@ moutarde. Or là, laissez-moi achever; mon analogie sera parfaite;
-<pre>
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by
-François Béroalde de Verville
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 1/3 ***
-
-***** This file should be named 57878-h.htm or 57878-h.zip *****
-This and all associated files of various formats will be found in:
- http://www.gutenberg.org/5/7/8/7/57878/
-
-Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the
-Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
-(This book was produced from scanned images of public
-domain material from the Google Books project.)
-
-Updated editions will replace the previous one--the old editions will
-be renamed.
-
-Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright
-law means that no one owns a United States copyright in these works,
-so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United
-States without permission and without paying copyright
-royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part
-of this license, apply to copying and distributing Project
-Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm
-concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark,
-and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive
-specific permission. If you do not charge anything for copies of this
-eBook, complying with the rules is very easy. You may use this eBook
-for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports,
-performances and research. They may be modified and printed and given
-away--you may do practically ANYTHING in the United States with eBooks
-not protected by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the
-trademark license, especially commercial redistribution.
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-START: FULL LICENSE
-
-THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
-PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
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-Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full
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-used on or associated in any way with an electronic work by people who
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-things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
-even without complying with the full terms of this agreement. See
-paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
-Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this
-agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm
-electronic works. See paragraph 1.E below.
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-Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
-of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual
-works in the collection are in the public domain in the United
-States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
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-what you can do with this work. Copyright laws in most countries are
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- most other parts of the world at no cost and with almost no
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-contain a notice indicating that it is posted with permission of the
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-Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply
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-obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm
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-electronic work, or any part of this electronic work, without
-prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
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-compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including
-any word processing or hypertext form. However, if you provide access
-to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format
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-provided that
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- you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed
- to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has
- agreed to donate royalties under this paragraph to the Project
- Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid
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- payments should be clearly marked as such and sent to the Project
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- License. You must require such a user to return or destroy all
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- all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm
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-from both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and The
-Project Gutenberg Trademark LLC, the owner of the Project Gutenberg-tm
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-LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
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-1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
-warranties or the exclusion or limitation of certain types of
-damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement
-violates the law of the state applicable to this agreement, the
-agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
-limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
-unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
-remaining provisions.
-
-1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
-trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
-providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in
-accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
-production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm
-electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
-including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
-the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
-or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or
-additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any
-Defect you cause.
-
-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
-
-Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of
-computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
-from people in all walks of life.
-
-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
-assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
-goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
-remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg-tm and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at
-www.gutenberg.org
-
-
-
-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
-
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
-U.S. federal laws and your state's laws.
-
-The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the
-mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its
-volunteers and employees are scattered throughout numerous
-locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt
-Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to
-date contact information can be found at the Foundation's web site and
-official page at www.gutenberg.org/contact
-
-For additional contact information:
-
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