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On sait, à n'en pouvoir douter, que c'est _François +Béroalde, sieur de Verville, gentilhomme Parisien_, & de plus chanoine +de saint Gatien de Tours. Les registres de cette cathédrale datent sa +réception du vendredi 5 Novembre 1593. + +Il a composé, tant en prose qu'en vers, une infinité d'ouvrages, où, à +l'exception du _Moyen de Parvenir_, il n'a fait nulle difficulté de +mettre son nom. Comme cet écrit est extrêmement licentieux, il n'a pas +voulu tout-à -fait demeurer d'accord qu'il fût de lui. Voici comme il +s'en explique, pag. 461 & 462 de son _Palais des Curieux_. «Cependant je +vous avise que, comme ici je donne des atteintes à plusieurs fautes, +j'ai fait un oeuvre, lequel est une satire universelle, où je reprends +les vices de chacun. Je pensois vous le faire voir sous un titre qui est +tel: _le Moyen de Parvenir_. Mais on me l'a volé: si que, pour en avoir +le plaisir, vous attendrez encore. Je l'ai mis en tel état, que je +l'avouerai mien; au lieu que l'exemplaire, dont on m'a fait tort, est +insolent, & que je dénierois être de moi, aussi qu'il n'est pas de mon +écriture; & avec cela il n'est pas de mérite pour être lû, à cause des +convives qu'on m'a rapporté qui y sont, pource qu'il y a des contes +désagréables; ce qui n'est pas au mien, où je ne taxe ni moine ni +prêtre, ni ministre ni nonnain, & n'y a point de contes qu'on tire à +telle conséquence; mais rencontres joyeuses, & touches tendantes à +réformation». + +Ce désaveu, fait pour la forme, n'a pas empêché qu'on ne l'ait crû +l'unique auteur de ce livre. On y reconnoît d'un bout à l'autre son +style & son caractere. Quoiqu'on l'ait repris d'avoir affecté, dans cet +ouvrage, d'écrire sans suite; il ne laisse pas d'y marquer du dessein, & +de cacher, dans son désordre apparent, un ordre plus fin qu'on ne se +l'est imaginé. C'est une représentation naïve des conversations +ordinaires. Que trois ou quatre personnes s'entretiennent ensemble +familiérement, elles parleront insensiblement de mille choses +différentes, sans s'appercevoir de la différence des sujets. Le marquis +de Châtres-Brodeau nous donna, sur ce modèle, en 1697 ses _Jeux d'esprit +& de mémoire_, mais d'un goût fort subalterne. J'ai exposé l'idée du +_Moyen de Parvenir_. L'auteur y suppose une espece de festin général, +où, sans conséquence pour les rangs, il introduit des gens de toute +condition & de tout siecle, savans la plûpart, qui, n'étant là que pour +se divertir, causent de tout en liberté, & par liaisons imperceptibles +passant d'une matiere à une autre, font des contes à perte de vue. La +vérité est que, brouillés comme ils sont dans le livre, on a de la peine +à les y retrouver quand on les cherche; mais il est aisé de remédier à +cet inconvénient par le secours d'une table sommaire des Chapitres qu'on +a faite, en vertu de laquelle il n'y a pas de quolibet, pour mince qu'il +soit, qu'on ne trouve en son lieu dans le moment. + +Le _Moyen de Parvenir_ en est le répertoire général; c'est en cette +source que non-seulement Bruscambille & Tabarin ont puisé; mais encore +Daubigné dans son _Baron de Fæneste_, & Sorel dans son _Francion_. + +Un ami très-docte du docte Saumaise, m'a dit que ce grand homme se +délassoit quelquefois à lire le _Moyen de Parvenir_, & qu'il l'estimoit +en son genre. Il m'en a même appris un fait curieux, qui mérite d'être +rapporté. C'est que, dans le tems que monsieur Saumaise étoit malade à +la cour de Suede, la reine Christine, qui l'y avoit fait venir, l'étant +allé voir, le trouva au lit tenant un livre, que par respect il ferma, +au moment qu'il la vit entrer. Elle lui demanda ce que c'étoit. Il lui +avoua que c'étoient des contes un peu libres, que, dans l'intervale de +sa maladie, il lisoit pour se réjouir. Ha, ha, dit la reine, voyons ce +que c'est; montrez-m'en les bons endroits. Monsieur Saumaise lui en +ayant montré un des meilleurs, elle le lut d'abord tout bas en souriant; +après quoi pour se donner plus de plaisir, s'adressant à la belle +Sparre, sa favorite, qui entendoit le françois: viens, Sparre, +s'écria-t-elle; viens voir un beau livre de dévotion intitulé, le _Moyen +de Parvenir_. Tiens, lis moi cette page tout haut. La belle demoiselle +n'eut pas lû trois lignes, qu'arrêtée par les gros mots, elle se tût en +rougissant; mais la reine, qui se tenoit les côtés de rire, lui ayant +ordonné de continuer, il n'y eut pudeur qui tînt; il fallut que la +pauvre fille lût tout. Monsieur Saumaise, racontant cette particularité +au savant homme, alors fort jeune, de qui je la tiens, lui fit voir le +propre exemplaire qui avoit été le sujet de cette plaisante scène, & le +lui donna. + +Tout ce qu'on peut dire à l'avantage de cet ouvrage, c'est qu'il a été +une source intarissable de bons contes, proverbes & mots plaisans pour +nous & nos successeurs. Il n'est enfant de bonne maison qui n'en bégaie +à tort & à travers quelque lambeau; bien ou mal placé, n'importe. Mais +aussi Verville ne s'est pas livré à sa seule imagination dans la +formation de ce livre plein d'imagination. + +Une remarque particuliere, sur le _Moyen de Parvenir_, c'est que le mot +_car_, par où il commence, n'y est dans la suite répété en nul endroit. + +Bayle nous a donné un léger article de François Béroalde sieur de +Verville, & un autre de Mathieu Béroalde, pere de François. Mathieu, +originairement catholique, fut, vers 1550, précepteur d'Hector Frégose, +fils de César Frégose & de Constance Rangon. Le Bandel en parle avec +éloge, dans l'épître dédicatoire de la 63e. Nouvelle du 3e. tome. +«Messer Matteo Beroaldo, Parigino, (_dit-il_) huomo non solamente nella +lingua latina e greca eruditissimo, mà nell'hebrea anchora, e negli +studii filosofici essercitato, e precettore del nostro signor Hettor +Fregoso, dal re christianissimo nomato al summo pontefice per vescovo di +Agen». Et dans l'épitre dédicatoire de la nouvelle suivante. «La novella +fù narrata qui trà noi dal dottissimo messer Matteo Beroaldo, precettore +del nostro gentilissimo signor Hettor Fregoso». + +Le calvinisme commençant alors à s'établir à Agen, Mathieu Béroalde, +Jules-César Scaliger & quelques autres savans, alors habitans de cette +même ville, goûterent la nouvelle religion. Mathieu Béroalde en fit +profession ouverte, quelques années après, & fut même ministre à Genêve. +Il étoit neveu de Vatable, & avoit des livres rares & exquis, lesquels +furent la plupart vendus & dispersés après sa mort. Quelques-uns +cependant demeurerent à son fils, qui, dans un tems de troubles, tel que +celui où il vivoit, eut peine à les conserver. Il en regrettoit un, +surtout, imprimé, dit-il, à la Chine, que Joseph Scaliger, à qui il +l'avoit prêté, lui retint. Il en dit un mot dans son _Moyen de +Parvenir_, tome II. chap. XXI. intitulé _Sommaire_, & en parle plus au +long & plus sérieusement, sur la fin de son _Palais des Curieux_. + +Il étoit poëte, chimiste, médecin, philosophe, grammairien, +mathématicien. Ses ouvrages, dont nous avons un grand nombre, sont +presque tous ou romanesques ou chimiques, ou tous les deux, tel que son +_Voyage des Princes Fortunés_, livre ennuyeux à la mort, au chapitre +près qui contient l'histoire du roi Eufrantis, & de son favori Spanio. +On la peut voir toute entiere, dans les remarques de Sorel, sur le Xe. +livre de son _Berger Extravagant_. Claude Barthelemi Morisot, avocat au +Parlement de Dijon, l'a mise en latin, en ayant seulement changé les +noms, & l'a insérée dans son _Veritatis lacrima_, petite satire que les +jésuites, qu'il y maltraitoit, firent brûler publiquement à Dijon, par +arrêt du même parlement, le 4 Juillet 1625. On dit que, ce _Voyage des +Princes Fortunés_ n'ayant point eu de débit, Verville composa, pour +dédommager son libraire, le _Moyen de Parvenir_, dont il s'est fait des +éditions sans nombre. Le titre seul excitoit la curiosité. C'est +assurément un livre singulier. L'auteur y paroît fort désabusé de la +pierre philosophale, dont il avoit été long-tems entêté. Pour sa +religion, l'on ne peut douter qu'étant fils d'un ministre de Genêve, il +n'ait été élevé dans la prétendue réformée. De huguenot, après la mort +de son pere, il se fit catholique: mais à en juger par son _Moyen de +Parvenir_; qui fut un de ses derniers ouvrages, il est aisé de voir que, +s'y moquant comme des Catholiques & des Huguenots, il n'étoit ni l'un ni +l'autre. + +Sa retraite à Tours, où apparemment il est mort, l'a fait mettre par +l'abbé de Maroles, page 255. de la partie de ses _Mémoires_, au nombre +des illustres Tourangeaux. Le même abbé lui donne pour compagnon de +poésie enjouée, le nommé Gui de Tours, qui en effet s'appliqua peu de +tems après que le _Moyen de Parvenir_ eut paru, à en tourner quelques +contes en vers françois. Ce sont des manieres d'épigrammes. Je les ai +vues, rien n'est plus sec. + + + + +_SOMMAIRE_ + +DES CHAPITRES. + + +_TOME PREMIER._ + +I. Qui sert d'exorde à ce discours clair & intelligible, intitulé: +_Moyen de Parvenir_; satyrise les géometres, les géographes & les +chronologues; prépare le lecteur à l'assemblée de ces illustres fous, +qui, de section en section, donneront de plus en plus des preuves de +leur folie stéganographique. Les interlocuteurs s'engagent à se revoir +chez le bonhomme, pour y faire festin. Invective contre ceux qui donnent +légérement leur parole. + +_Guillaume qui fait jurer pour lui_, Page 3. + +_Honnête démenti de Coguerean_, p. 4. + +_Seigneur de paroisse qui ne refuse rien_, p. 5. + +II. Satyre contre les grammairiens latins, si hérissés par-tout qu'on ne +peut en aborder, sans être sûr d'être déchiré par l'épine; & contre les +pindariseurs de la langue françoise. + +_L'assesseur pindarisant_, p. 6. + +III. A l'ajournement chez le bon homme, aucun des conviés ne manque, & +tous en entrant dans la salle se saluent. Satyre contre les +révérencieux. Description de la salle. Critique de Platon. + +IV. Eloge de toute l'assemblée, dans un style si singulier, qu'on ne +sait s'il l'injurie ou la loue. Cet éloge est terminé par l'apologie de +madame (la belle inconnue) dont beaucoup de bien est dit. + +V. Les flaccons de vin étoient au frais. Sortie vigoureuse contre les +buveurs d'eau tiede, les sots à table, & les timides en conversation. +Histoire de la découverte de _la vérité au fond d'un puits_ par +Démocrite. Raison pourquoi le vin s'avale plus promptement que le pain. +Vin répandu est le plus grand malheur. Origine du proverbe: _vessies +sont des lanternes_. + +_Sermon du curé_, page 10. + +_Démocrite qui trouve la vérité dont un puits_, p. 12. + +VI. Socrate fut chargé de l'emploi de maître des cérémonies. On y vit +arriver Alexandre revenu de chez les Gymnosophistes, Aphtonius, Bodin, +Pythagore, Pline, Démosthenes, Aristote, Rabelais; Cusa & Jean Hus se +placent; digression plaisante sur la future destinée de ce livre. + +_L'archidiacre grand gourmand_, p. 15. + +_Moine circonspect au pied de la potence_, p. 16. + +VII. Le repas commence. A propos de repas, savante & profonde +dissertation sur les pets, & histoire des pets musqués de la belle +Imperia avec le gentilhomme de Lierne. + +_Naissance de la couronne impériale_, p. 23. + +_De Lierne couché avec la belle courtisanne peteuse_, page 24. + +_Naissance des orties_, 26. + +VIII. L'histoire de la belle Marciole qui ramasse, toute nue, les +cerises qu'elle avoit apportées au sieur de la Roche. Les plaisirs +indiscrétement prisés des regardans, & la somme que la belle emporta, +font le sujet de cette section. + +_Marciole ramassant les cerises_, p. 27. + +_Prudence de l'abbesse de Montfleury_, p. 33. + +IX. Il est bien intitulé _coq-à -l'âne_; chacun, rempli de l'histoire de +Marciole, raisonne sur son _cela_, & pourquoi _cela_ est appellé cela. +Plaisanterie d'un médecin visitant une fille malade. + +_Médecin examinant une malade_, p. 35. + +X. L'auteur annonce clairement à ses lecteurs la difficulté de lire ce +livre, dont toutes les phrases sont cousues par le hazard: l'exemple du +bon homme Guyon, qui mettoit dans une grande terrine tout pêle-mêle ce +qu'on lui donnoit à boire & à manger, est une comparaison sensée de cet +ouvrage. Analyse d'une dissertation d'un prieur de Vau-de-Vire, sur le +mot _cela_. Homme & femme sont honteux de montrer leur _cela_, selon la +petitesse de l'un ou la grandeur de l'autre. Le dialogue d'Hippolite & +de son amant vis-à -vis sa mere, mérite l'attention de ceux qui aiment de +la chaleur dans les dialogues. Histoire de monsieur de la Rose, qui, +pour se moquer des notaires, fait passer des pois _pardevant eux_. + +_Guyon qui mangeoit & buvoit pêle-mêle_, page 36. + +_La belle Hippolite qui se chauffoit à la parisienne_, p. 39. + +_Pois passés pardevant notaires_, p. 43. + +XI. Eloge ambigu des convives, de l'ouvrage, & des lecteurs assez +spirituels pour l'aimer & comprendre. Comparaison de ce volume avec +verre & bouteille. + +XII. En continuant l'apologie de ce volume, il l'appelle bréviaire, pour +avoir droit de faire un sarcasme contre les propriétaires de bréviaires. +Le conte du bréviaire du curé, & du _quiproquo_ de la femme du libraire, +n'est qu'une courte parenthese à cette apologie, qui n'est interrompue +que par une furieuse satyre contre les financiers & gens pressurant le +peuple par la levée des impôts. Embarras dans lequel il entre sur le nom +qu'on doit dignement imposer à ce livre; en rejettant le mot de +clavicule, il fait un conte sur Rabelais qui prépare une médecine à M. +du Bellai avec une décoction de clefs. Il termine cette section par une +invective contre les pédans latinistes, & les ennuyeux scholiastes. + +_Le bréviaire du curé_, page 48. + +_Quiproquo de la femme d'un libraire_, p. 49. + +_Médecine apéritive de Rabelais_, p. 53. + +XIII. Plaisante conversation d'un principal du collége de Genêve & d'un +ministre: on y développe un germe de scepticisme sur les deux religions +catholique & protestante. Il termine son éloge de ce livre par des idées +très-burlesques & fort analogues au style dont il est écrit. + +_Guérison du ministre malade_, p. 58. + +XIV. Beze est le premier qui forme l'interlocution dans cet ouvrage; il +disserte plaisamment sur les gouvernantes de prêtres, qui le premier +jour disent _votre_; le second, _notre_: & le troisieme _mon_. Quelques +_quiproquo_ fort plaisans précedent l'histoire du bachelier fouetté; +elle est commencée, & tout d'un coup interrompue. + +_Bonne foi d'un homme prêt d'être rompu_, p. 62. + +_Gradations de familiarité des chambrieres_, p. 64. + +_La tête de veau de l'avocat du Mans_, p. 65. + +_Le bachelier fouetté & fouettant_, p. 66, contin. p. 71. + +XV. L'interruption ayant toujours lieu, à propos de soutanes & de +braguettes, plaisanteries vives sur les papistes & les huguenots, sur +les buveurs d'eau vigoureux champions en amour, & sur le terme de _faire +la pauvreté_. Enfin le conte du bachelier fouetté par la dame Laurence & +la fouettant à son tour, reprend son fil; le trépas de la pauvre dame, & +la frayeur de sa jument à ce triste spectacle de fouetterie. + +XVI. Propos de soeur Dronice avec son abbesse qui la réprimande d'avoir +tâté du fruit de vie. Raisonnement intéressant à la république sur +l'encouragement qu'on doit donner à celles qui l'enrichissent par des +enfans. Différentes réponses d'enfans sur le cocuage des peres & le +putanisme des meres. + +_La nonnain curieuse reprimandée_, p. 78. + +_Réponses naïves d'un enfant à sa mere_, p. 81. + +_Naïveté d'un curé_, p. 82. + +XVII. Continuation des propos sur les femmes, que j'aime mieux qu'on +lise que d'en faire l'analyse. Plaisanterie sur l'aventure d'un moine, +(sans contredit c'est aventure de paillardise; & toutes les fois que je +dirai _aventure de moine_, cela aura cette signification) & sur +l'explication de _omnis caro foenum_. Thevet tourné en ridicule sur son +style & ses bévues. Grotesque serment d'un paysan égrillard, pour +détourner la jalousie bien fondée de son voisin sur son compte, +vis-à -vis sa femme. + +_Décision sur les femmes en général_, page, 83. + +_Femme prise pour un boiteau de foin_, p. 84. + +_Frere Jérôme le chimiste_, p. 85; continuée, 86; cont. 87; finie, 89. + +_Expression reprise_, p. 86. + +_Plaisant serment de Georget_, 87. + +XVIII. Explication burlesque d'une vérité trop certaine, qu'il faut +_graisser_ la main aux gens de justice. Histoire de frere Jérôme, grand +alchimiste, dans laquelle on se moque des brûleurs de charbons & des +entrepreneurs de fortunes imaginaires; frere Jérôme, pour fermer la +bouche à sa parente anti-chimiste, lui dit qu'il cherche la poudre qui +le fait faire sept coups. + +_Façon de graisser les mains de son juge_, p. 88. + +XIX. Un coq-à -l'âne fort court, d'un valet qui explique à sa façon +_mundus caro dæmonia_, differe un moment l'histoire de la pierre à +casser les oeufs. Secret de faire mourir quelqu'un sans qu'il y +paroisse; il ne se peut pratiquer qu'en huitaine qui précede le carême. + +_Naïveté d'un valet_, page 91. + +_Pierre à casser les oeufs_, p. 91, + +XX. Nouvel éloge du livre, dont le résultat est de donner des leçons aux +gourmands superlatifs, pour n'être jamais dupes dans les repas où ils se +trouvent. + +XXI. Denost le gourmand sert de modele dans l'apothéose de la +gourmandise. Ici la conversation des convives se brouille; & par une +cascade inattendue, elle rentre dans les _quiproquo_. Comment faire dans +un terrein couvert de neige, pour que les pas d'une pucelle n'y +paroissent point. Conte de la fille du métayer qui avoit perdu un +mouton, & qui vouloit être tuée pour retourner à la maison. + +_Cornu, le modele des gourmands_, page 99. + +_Quiproquo d'une femme_, p. 100. + +_La fille qui veut mourir_, p. 101. + +XXII. Secret infaillible pour savoir si une fille est pucelle, pourvu +qu'on ne soit ni manchot ni courte-haleine. Maniere fort sensée +d'annoncer la fête de la Madelaine. + +_Sermon de la Madelaine_, p. 104. + +XXIII. Les évêques ni les chapitres n'ont beau jeu dans cette section; +les uns sont traités comme pharisiens, qui disent de bonnes choses & en +font de mauvaises; les autres, comme assemblées de corps sans ame, de +matiere sans esprit. Histoire de la fille reconnoissante qui prend le +meilleur, & veut qu'on donne à sa mere le pire: vit-on un meilleur +coeur! + +_Sermon sur la charité_, p. 106. + +_L'achat d'un meilleur outil_, p. 108. + +XXIV. Histoire du notaire & du beau petit diabolique faucheur: elle est +coupée par deux ou trois parentheses fort plaisantes. Dans l'une on y +développe bien réguliérement les différentes sortes de bénéfices; & ce +développement ne peut manquer d'être bon & raisonnable, il est fait par +Cicéron. Dans une autre, il y a quelques railleries sur des termes +qu'entre gens de religion on se reproche qu'il ne faut jamais prononcer, +à moins qu'on ne veuille se voir lapider avec pierres d'églises ou de +prêches. Dans la derniere est une plaisanterie sur un faucheur qui se +coupa la tête voulant attraper un poisson avec le bout de la lame de sa +faux. + +_Le pré fauché & le petit faucheur_, p. 113, continuée, 117. + +_Maladresse d'un faucheur_, p. 116. + +XXV. Histoire de monsieur Jacques de la Tour, autrefois prédicateur, & +finalement marchand de lanternes, qui mourrant de faim à en débiter, fit +une petite fortune à en vendre. Sortie vigoureuse sur les ubiquitaires. +Histoire du petit saint homme, qui devint méchant comme un diable dès +qu'il fut moine. + +_Le ministre marchand de lanternes_, page 119. + +_Le novice méchant comme un diable_, p. 123. + +XXVI. De naïves & simples réponses font le sujet de cette section, qui +est terminée par l'illustre & fameux conte de Robin mon oncle. Sarcasme +contre la vénalité des bénéfices & la simonie. + +_Stupidité d'un écolier_, p. 126. + +_Le pere de Melchisedech_, p. 130; continuée, 133; fin. 134. + +_Evêque généreux comme de raison_, p. 131. + +_Conte de Robin mon oncle_, p. 132. + +XXVII. Pour autoriser son propos sur la simonie, il raconte plaisamment +la finesse d'un jeune bachelier qui vouloit avoir un bénéfice de messire +Imbert. Généalogie très-suivie de Melchisedech, quoi qu'en dise le texte +sacré, qu'on ne connoît ni son pere ni sa mere. + +XXVIII. Singuliere explication du premier vers des distiques de Caton, +sur les carmes. Soeur Jeanne explique fort énergiquement la valeur du +mot _coquebin_. Plaisant remede d'une paysanne pour guérir son pataud de +mari. + +_Chapelain chatré d'une Angloise_, page 137. + +_Valet qui n'est pas coquebin_, p. 138. + +XXIX. Messire Gilles, après avoir passé par l'étamine hypercritique de +Scaliger sur son nom, & l'origine de son nom, raconte l'histoire du +diable châtré. Sentimens de religion bien placés, sur le chagrin qu'on +doit avoir que S. Michel n'aie pas tué le diable, quand il avoit si +beau, puisqu'il étoit armé comme quatre mille, & que le diable étoit +tout nud. + +_Le diable châtré_, p. 141. + +_Nom de sculpteur tronqué plaisamment_, p. 143. + +XXX. Naïveté d'une fille-de-chambre, qui ne cede en rien à la simplicité +d'un prédicateur. Messire Guillaume le Vermeil veut parler à son tour; +mais il est représenté comme un homme ivre & qui bégaie. Diogenes, dans +ce repas, est aussi cinique contre nos porte-chasubles, qu'il l'étoit +dans les rues d'Athenes, tapissé des douves de son tonneau. + +_Naïveté d'une fille de chambre_, p. 147; continuée, p. 148. + +_Sermon expressif fait à des jacobins_, p. 148. + +_Conte de la reine des pois pilés_, p. 149. + +XXXI. C'est ici la scene des souhaits; chacun en fait à double entente, +plus plaisans les uns que les autres. Conte de Martine & de sa flûte, +pour faire opposition à Robin & ses flûtes. Satyre contre les moines à +besace. Plaisant testament d'un Toulousain, en faveur de sa femme, qu'il +laissa fort bien pourvue, en ne lui ajoutant rien à ce qu'elle avoit +auparavant. Sortie contre ces Agnès d'apparence, qui donnent leurs +faveurs à des rustres. Conte des pelotons & de l'honneur cousu & +recousu. + +_Martine qui promet une flûte à son mignon_, p. 154. + +_Amphibologie dans le sermon d'un curé_, p. 156. + +_Le testament en faveur d'une femme_, page 156. + +_Conte des pelotons & de l'honneur cousu_, p. 159. + +_Madeleine la bien fêtée_, p. 161. + +XXXII. Ici le banquet reprend vigueur; on boit & on mange en toute +sûreté. Histoire du farfadet de Poissi. Explication des termes de petit +exercice, de dispense, & de purgatoire. Sergent tombé plaisamment moqué. +Question, dont le premier vers de Despautere est la réponse. +Dissertation sur le vin, les buveurs & sur l'ivresse. Jaquette du Mas +trouve bien heureusement le nom de son fils. Amiot accusé de vérole. +Satire contre l'inquisition d'Espagne. + +_Conte du farfadet de Poissi_, p. 162. + +_Chûte d'un sergent_, p. 165. + +_Naïvetés d'un paysan d'Orléans_, p. 165. + +_Sermon d'un ministre de Strasbourg_, p. 167. + +_Prudence d'une servante_, p. 168. + +_Nom donné à un enfant par un sermon_, page 171. + +_Conte sur Amiot & sa vérole_, p. 171. + +_Bon avis d'un fils à sa mere_, p. 172. + +XXXIII. Erasme raconte aux convives l'histoire de Dom Rodigue das +Yervas. La soupe de Glougourde la fait canoniser à Rennes. C'est une +parenthese au conte de Dom Rodigue. Mot à double sens sur l'indifférence +d'Erasme pour l'épître & l'évangile. Sentimens sur les poésies d'Æneas +Silvius & de Beze. Munster moqué d'avoir voulu être l'apologiste de +Thevet. Bonne raison de l'amour des femmes pour les moines. Cette +section est terminée par quelques propos de niaiserie paysanne. + +_Conte de la soupe de S. Glougourde_, p. 174. + +_Mere d'Erasme, qui oublia son pater_, p. 175. + +_Naïveté d'un berger_, p. 178. + +_Histoire de Dom Rodigue das Yervas_, p. 178. + +_Balourdise d'une paysanne_, p. 182. + +XXXIV. Invective contre les moeurs & la fourberie des gens du siecle. +Scot & Uldric se disent des pouilles; madame veut les racommoder; +plaisante façon de faire une déclaration d'amour: si elle n'est pas bien +éloquente, du moins est-elle bien sensible. + +_Chanoine qui veut le bien d'autrui_, p. 185. + +XXXV. Les convives se plaignent qu'on ne vient pas au but qu'ils +s'étoient proposé. Tout d'un coup Paracelse commence une belle +dissertation sur la premiere matiere. Dissertation claire comme un étang +bourbeux, ou comme la bouteille à l'encre. + + +_TOME SECOND._ + +I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des +parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de +dissolution. + +_Plaisant parti d'un domestique_, p. 6. + +II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses +instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de +par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de +Busançois, divisé en trois points. + +_Le conte de Quenault & de Thibault_, page 7. + +_Sermon en trois points, du curé de Busançois_, p. 10. + +III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie: +_castigat ridendo mores_. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni +raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni +raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes +ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un +prêtre, &c. + +_Conte du ministre qui avoit rime & raison_, p. 14. + +_Conte de la malvoisie_, p. 16. + +_Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie_, p. 19. + +IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre +d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du +linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un +besacier, l'autre pour l'avoir rebuté. + +_Ruisseau à faire la forte bierre_, page 20. + +_Conte de la Le Page & de la Gousson_, p. 23; contin. p. 24. + +_Interrogatoire de maître Pierre_, p. 23. + +_Propos de pisseurs_, p. 28. + +V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué. +Pourquoi le _cela_ de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que +celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule. +Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la +sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le _Moyen de Parvenir_, +que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style +des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y +avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à +faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il +demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du +chose. La section finit par une question, dont le titre de la section +suivante fait la réponse. + +_Aventure de Platon & de Prédicac_, page 30. + +_Bonne logique d'une chambriere_, p. 32. + +_Plaisante origine des minimes_, p. 34. + +_Description élégante de la sphere_, p. 35. + +_Conte des trois filles_, p. 36; contin. p. 37. + +_Propos d'un curé & d'un charpentier_, p. 37. + +_Question d'une chambriere_, p. 38. + +VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou +de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par +les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape, +qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les +femmes Allemandes de ce temps-là , & qui pourroit très-bien convenir aux +femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent +leurs noms par des _du_, _de_, _le_, &c. Origine du proverbe: _s'il a +bon coeur, qu'il mange de la merde_. + +_Conte du cul de la femme d'Esculape_, p. 42. + +_Changemens de noms_, p. 44. + +_Conte de Stace avec la femme peteuse_, p. 45. + +VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie +noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves +semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois +tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme +dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quilleboeuf +ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre. + +_Trois féves qui font le mariage d'une fille_, p. 47. + +_Conte de la femme à moitié épilée_, p. 48. + +_Obstination d'un marinier_, p. 49. + +_Disputes de deux maquerelles_, p. 50. + +VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les +distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du +désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit +le _comment a nom_ de sa femme un gardon. Origine de la solution de +continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou +trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des +véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison. +Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos +facétieux. + +_Lamentation de putain_, p. 51. + +_Femme qui montre son cela, sans y prendre garde_, p. 52. + +_Conte de jeune femme & vieux mari_, page 53. + +_La couture des mâles & femelles_, p. 54. + +_Le beurre net de la Soldée_, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin. +p. 63. + +_Propreté des femmes_, p. 57. + +_Caractere des moines_, p. 58. + +IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section, +toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer +que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI, +tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le +bon âge, & avance que le _cela_ des hommes est plus fort dans la +vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le +conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire +contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du +livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete. + +_Emploi d'un contrat de mariage_, p. 60. + +_Expérience de Sculpture_, p. 63. + +_Conte du médecin_, p. 65. + +_Mot à double entente_, p. 67. + +X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa +liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine +du proverbe, _afin que le bon homme ait son sac_. Quelques-uns des +convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin, +rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté +sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se +fendre la bouche. + +_Le revenant_, p. 71. + +_Conte du sac du bon homme_, p. 72. + +_Réponse humble d'un valet_, p. 73. + +_Propos naïf d'une fille_, p. 75. + +XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre. +Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous oeuvre, de +l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée. +Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots. + +XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation +sur le _Pheros_ ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames. +Interprétation du mot _apprendre_. Conte fort plaisant à ce sujet. +Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur +les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure, +& de la naïveté du procureur avec son écritoire. + +_Conte du bonnet tombé_, p. 83. + +_Bonne leçon d'une vieille servante_, p. 85. + +_Conte du moulin à barbe_, p. 87. + +_Chanoine pris par son propos_, p. 88. + +_Conte de l'écritoire du procureur_, p. 89. + +XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des +prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient +accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont +il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de +papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un _moine_. + +_Plaisante réponse d'un homme gras_, p. 93. + +_Le jeune homme en couche_, p. 93. + +_Quiproquo d'un domestique_, p. 94. + +_Nom tronqué_, p. 95. + +_Conte de la dispute d'Erasme_, p. 95. + +_Plaisant jugement_, p. 96. + +_Description du pays de papimanie_, p. 99. + +XIV. Moeurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan & +Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre +contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos +passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité, +& l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux, +les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse +attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre +supérieure du mari par l'autre. + +_Eloge de la vis des tuileries_, p. 100. + +_Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle_, p. 103, contin. p. 104. + +_Les beaux sont les gros_, p. 105. + +XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui +mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant +être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere. + +_Conte d'un moine pris en partie, comme une souris_, p. 108. + +XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un +sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un +moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose +qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise. +Véritable explication du mot _quasimodo_, & de quelques autres +intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens +qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé +un cocu. Maniere d'être poussé. + +_Sermon dont le texte est plaisant_, page 110. + +_Conte du moine & des voleurs_, p. 110. + +_Conte du fagot_, p. 112. + +_Le mot _quasimodo_ expliqué_, p. 113. + +_Secret pour être poussé_, p. 116. + +XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue; +cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas +putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du +paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon +subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur +du terme de chausse-pied de mariage. + +_Conte canonique d'un homme & d'une femme_, p. 117. + +_Conte de l'âne volé sous son maître_, p. 120. + +_Confession d'une femme_, p. 121. + +_Bon avis d'un galant homme_, p. 124. + +XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les +cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le +cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il +s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait. + +_Conte des hommes vissés_, p. 124. + +_Conte de la courtisanne Conscience_, page 130. + +XIX. Le bon prédicateur fait bonnes moeurs; exemple d'un qui détournoit +ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend & +continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame +l'amiralle, vient égayer. (_Nota._ Dame de compagnie, auprès des dames +de haut-parage, est même chose qu'_esprit_, auprès de leurs maris. On +dit: monsieur D. est l'_esprit_ du duc D.) + +_Conte des prédicateurs ennemis des paillardises_, p. 134. + +_Naïveté de la belle Dubois_, p. 137. + +XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de +ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si +libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre +remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours +_vérité_ & _honneur_, (serment sans conséquence.) + +_Vérité dans la bouche d'une Normande_, p. 145. + +_Conte du Prieur de Marmoutier_, p. 146. + +XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers & +conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'_in +illo tempore_ à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit, +pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes. + +_La ville de Lubec_, p. 148. + +XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin +prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris +dont les enfans ont cheveux de deux couleurs. + +_Conte de l'origine du putanisme_, p. 155. + +XXIII. Explication du terme de _putain_, faite par plusieurs, & terminée +de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont +injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c. +&c. &c. Trois choses sont à éviter; trois voeux à faire. Satyre contre +la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de _fesse tondue_. +Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une +réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés _béats peres_. + +_Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain_, page 163. + +_Conte de la fesse tondue_, p. 162. + +_L'éguillette nouée et dénouée_, p. 168. + +_Le Chanoine dupe_, p. 170. + +XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent +sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut +toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux +miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre +ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet; +dissertation sur l'origine des mitres. + +XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double +linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de +Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en +sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison. +Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot _tu +autem_. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il +faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou, +deux moines. + +_Conte d'un page attrapé_, page 177. + +_Jean Dissolez, voleur de poires_, p 180. + +_Aventure de Ferrand & Margeou_, p. 183, continuée, p. 192. + +XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met +dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux +moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis +à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se +reprend & se termine. + +_Musique d'un moine_, page 188. + +_Les deux moines en fonction_, p. 188, continuée, p. 191. + +_Origine du proverbe de la_ chape à l'évêque, p. 189. + +XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de +gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a +crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie +naturelle d'une présidente. + +_Histoire d'une femme de sergent_, p. 194. + +_Conte de Jacques Adriot_, p. 197, contin. p. 198. + +_Plaisant mot d'une présidente_, p. 198. + +XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église, +diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier. +Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des +religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est +que femmes pour bien juger des choses. + +_Conte de la femme d'un huissier_, p. 200. + +_Conte des religieuses de Poissi_, p. 203. + +_Conte sur le mot groseille_, p. 204. + +_Résolution académique de trois nonnains_, p. 205. + +XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa +stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon. +Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé & +inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de +femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la +preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures +vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces. +Façon d'un curé d'imposer silence. + +_Le conte de Nabuchodonosor_, p. 207, contin. p. 209. + +_La confession sincere_, page 214. + +_Conte d'une femme avare de beurre_, p. 218. + +XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son +prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des +charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle. +Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque +chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale +furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle. + +_Femme soumise aux volontés du roi_, p. 220. + +_Conte du chaudron_, p. 223. + +_Le fromage mou & l'aveugle_, p. 228. + +XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de +l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un +appareil mis sur une blessure. + +_Le cheval de Rabelais_, p. 229. + +_Conte du mulet_, p. 231. + +XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie. +Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence +de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques +chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de +la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne +& Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines. + +_Le ministre en cave_, p. 238. + +_Franchise d'un hôtelier_, p. 242. + +_La huguenote en colere_, p. 244. + +XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une +femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans +ses souhaits. + +_Conte de l'époussetée de deux façons_, p. 251. + +_Prudence d'une servante dans ses souhaits_, p. 255. + +XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées. +Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des +prunes. + +_Bans publiés_, p. 256. + +_Curé égrillard puni_, p. 257, continuée, page 259. + +_Le jardinier & les prunes_, p. 258. + +Propos dissolus de moines prêchans. Conte du _thuribulum_. Quelques +explications de phrases latines. + +_Le conte de_ thuribulum, p. 266. + + +_TOME TROISIEME._ + +I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du +meûnier complaisant. + +_Le meûnier complaisant_, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10. + +II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée; +& de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à +ordonner. Explication du mot _sot_; subtilité d'une femme, dont, je +crois, elle fut dupe. + +_La file violée_, p. 8. + +_L'amant trop complaisant_, p. 9. + +_La femme chere à vivre_, p. 10. + +III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé. + +_Conte du ministre et de la servante_, p. 13. + +IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier. + +_Conte de l'âne bâté_, p. 15. + +_Conte du nom du paysan_, p. 17. + +V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux +mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans +une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée. +Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son +rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes +délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement. + +_La famille bien élevée_, p. 23. + +_Le paysan et le rapporteur_, p. 25. + +VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la +conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus +impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la +femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par +l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la +main. + +_Conte du barbier_, p. 32. + +VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier +qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties +singulieres. + +_Le barbier ladre & le médecin_, p. 35. + +_L'homme saigné par quiproquo_, p. 39. + +_Pari d'un paysan_, p. 40. + +VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de +séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques +& du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité. +Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque. +Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau +froide. + +_Conte de Pâques & du jambon_, p. 44. + +_L'abbé de Grammont & madame l'amiralle_, p. 47. + +_L'ambassade grotesque_, p. 48, cont. p. 50. + +IX. Augurelle fait des voeux, & est la preuve que tôt ou tard les +prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés, +présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de +prédicateurs. + +X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur; +explication des mots _premiere messe & premieres nôces_. Ici les +convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui +déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne +se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un +François. + +_Le curé curieux_, p. 55. + +_Conte de l'amant en preuve de son amour_, p. 60. + +XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien. +Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une +épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de +circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central. +Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on +presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens +très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui +fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église. +Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés. + +_Conte du cheval chrétien_, p. 64. + +_La fille & l'oeuf_, p. 66. + +_Conte du crucifix du curé_, p. 67. + +XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des +prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats & +rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils +s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris +pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste +que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le +transport au cerveau. + +_Soldat pris en maraude_, p. 73. + +_Le ramonneur pris pour le diable_, p. 77. + +XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre +nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une +connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage. +Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le +lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la +fourchette de St. Carpion. + +_Le serrurier de Bourgueil_, p. 82. + +_La fourchette de S. Carpion_, p. 86. + +XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui +peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des +femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce +qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent +encore. Conversation de Frostibus & de Luther. + +XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une +abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour +rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On +recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, _le faire pour +épargner le pain_. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi & +privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si +reconnoissantes. + +_Histoire de Michelle & de ses amans_, p. 105. + +XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne +cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la +maison. Métier de huguenot à vendre. + +XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans +son genre. + +XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont +les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable +au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas +obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le +latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai. + +_Histoire de l'abbé de Turpenai_, p. 125. + +XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes. +Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce +qui est _malfait_ sans crime, & _bienfait_ sans mérite. Réception d'un +maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être +ministre, c'est à peu-près de même. + +XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison. +Ridiculité des moines de parler toujours par _nous_. + +_Confession du Chien_, p. 135. + +XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande +dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la +Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un +bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine, +qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont +faits pour tout savoir. Origine du proverbe, _avoir le boudin par le +nez_. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il +y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames. +Pourquoi on appelle une femme _vesse_. Pourquoi les femmes ne prient pas +les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le +sotier de Genêve. + +_Conte du cordonnier & de la chambriere_, p. 153. + +XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire +des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou +l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit _audaces_. +Obstination d'une femme. Invention du célibat. + +_Conte des génitoires noires_, p. 156. + +XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux +prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que +cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand +on passe devant la porte d'une putain. + +XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots +plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal. + +_Le Pendu de Douai_, p. 166. + +_La bonne fortune de Colette_, p. 170. + +XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces. + +XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au _memento_. + +XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le +fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche +la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets +singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante. + +XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu +de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris +pour le diable. + +_Conte de Jean Tenon_, p. 181. + +_Le chaudronnier pris pour le diable_, p. 184. + +XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui +croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités +d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve +clairement que Rabelais a été évêque. + +XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter +des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni. +Question lequel des deux boeufs est le plus gras. Plaisantes réparties. +Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue +par un savant & un menuisier. + +_Femme qui rend le pain béni_, p. 195. + +XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots. +Rêverie de Cardan. + +XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante +demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide +de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la +femme battue. + +XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de +l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible. + +XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de +l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois. +Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de +conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere +de connoître les hommes & les femmes fideles. + +_La femme battue_, p. 208. + +_Le jeu de la courte-paille_, p. 216. + +XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de +part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse +favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte +de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on +en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce +livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses +affaires par trop de zele de son valet. + +_Conte de la femme bercée_, p. 220. + +XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la +bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées. +Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de +souliers en une heure. + +XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort +demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique. + +XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les +Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux +dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation +s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une +marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon +de se torcher le cul avec du papier blanc. + +_Le jardinier & sa femme_, p. 239. + +_Le faiseur d'enfans_, p. 242. + +XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où +une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir +de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de +femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il +faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui +n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le +condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un +libraire à l'article de la mort. + +XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de +contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître. +Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, & +quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le +prunier, devinez ce que c'est. + +XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur +l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du _MOYEN DE PARVENIR_. + +.cgap Fin du Sommaire des Chapitres. + + + + +LE + +MOYEN + +DE + +PARVENIR. + + +I. Car est-il, que ce fut au tems, au siecle, en l'indiction, en l'ére, +en l'hégire, en l'hebdomade, au lustre, en l'olympiade, en l'an, au +terme, au mois, en la semaine, au jour, à l'heure, à la minute, & +justement à l'instant, que, par l'avis & progrès du démon des spheres, +les étoeufs déchurent de crédit, & qu'au lieu d'eux, furent avancées les +molles balles, au préjudice de la noble antiquité qui se jouoit si +joliment. Confus soient ces inventeurs de nouveautés, qui gâtent la +jeunesse, & contre les bonnes coutumes, troublent nos jeux. N'est-ce +point au jeu, où l'ame se dilate, pour faire voir ses conceptions? Si un +diable jouoit avec vous, il ne se pourroit feindre; il vous feroit voir +ses cornes. Mais qu'est-ce que jouer? c'est se délecter sans penser en +mal. Beaucoup de maux sont avenus à cause de ce changement, qui +troublera l'intelligence des histoires, & gauchira toute la mappe-monde. +Voyez combien déja en sont venus de troubles, guerres, maux, véroles, & +telles petites mignardises qui chatouillent malheureusement les +personnes pour les faire rire. Tant de sages, qui étudient aux +aventures, attribuent tels effets à d'autres causes; comme au +retranchement des dix jours, depuis quoi on n'a fait vendanges que par +rencontre de saison; aux pullulations d'hérésies, depuis lesquelles les +bosses n'ont pu être plattes; aux révoltes des grands, qui sont occasion +que fillettes ont hanté les cloîtres, & les ménagers les tavernes; aux +haussemens des tailles, durant quoi les vieilles gens ne font que +rechigner; & infinies autres sottises, dont je ne suis point contrôleur, +d'autant qu'il ne m'appartient pas d'entreprendre sur vous. Et bien, en +cet excellent période, il avint ce que vous savez; & je vous jure, sans +jurer, que tout est vrai. Si vous me pressez, je vous défoncerai trois +ou quatre ruades toutes brodées de cramoisi, & jurerai comme un homme; +ou bien je prierai mon voisin de jurer pour moi, ainsi que fit le sire +Guillaume, qui pressé du juge de jurer, lui dit ainsi: Monsieur, je ne +sais point jurer, parce que je n'ai pas étudié, ni été à la guerre, & ne +suis docteur, ni gendarme, ni gentilhomme; mais j'ai un frere qui jurera +pour moi. Il fut donc, en cette saison, sonné, trompé, trompeté corné, +(comme vous voudrez; prenez au goût de votre rate) & crié, huché, dit & +proclamé avec la trompe philosophique, que toutes ames, qui avoient +serment à la sophie, se trouvassent au lieu susdit, ainsi qu'il avoit +été ordonné & promis avec serment solemnel, comme il est ordinaire ès +affaires sérieuses de la benoîte coutume des sages; pour assurance de +quoi les enfans de la science avoient mis la main au symbole de la +conscience. Par quoi nous fûmes tous résolus de nous trouver chez le bon +homme notre pere spirituel, parce qu'il avoit été ordonné & jugé en +dernier ressort de serrure, d'horloge, de cranequin, de rouet, de +rôtissoir, d'arbaleste, &c. que les défaillans seroient mis à la noix, à +la noisette, au noyau & à l'amende. A cet éclat de mandement, je ne +faillîmes à nous trouver; aussi avions-nous promis de nous bien chercher +pour cet effet; & puis je l'avois juré: & sachez que c'est un grand +péché de faillir parmi nous, parce que suivons uniquement la regle de +perfection en promesse. Et bien que ce soit une ordinaire glissée de +pere en fils pour gens de bien, coulée de mere en filles pour femmes +d'honneur, d'oncle à neveu pour gens d'église; (ordinaire, dis-je, comme +ces docteurs qui enflent leurs discours) que promettre & tenir est tout +ce qu'une personne de bien peut faire, & qu'il n'appartient qu'à ceux +qui sont issus de damoisellerie & de gentilhommeté; si en a-t-on menti +un petit. Et je vous le dirai aussi honnêtement, que fit Coguerean à +Monsieur le Président son maître. Il étoit sommelier; & nous boivions +frais & bon: je disois que le vin étoit bas, Monsieur disoit qu'il étoit +à la barre; Madame dit: eh bien, sommelier, qu'en est-il? Ha, ha, +dit-il, Monsieur n'a menti de gueres. Promettre est facile; mais +effectuer, difficile. De tenir, il est aisé. Tenir ce que l'on promet, +est faire comme le Seigneur de notre Paroisse, qui ne vous refuse rien, +& baille encore moins. + + + + +POINT. + + +II. Chut! je vous prie, si vous allez à l'école, enseignez ce mot de +Grammaire à Lipsius & à Scaliger, afin que l'on die ci-après, _promettre +& effectuer_: & que gens latineux & de telle farine qui remâchent ce que +les doctes antiques ont jetté & chié, & vont grattant tant dans les +balieures & bourbiers du latin, & ès éviers d'éloquence, pour en tirer +quelque haillon, se rendent parfaits en leur art. J'ai ouï dire, à ce +propos, que les docteurs de ce tems ont défoncé les pipes de leurs +sciences, pour trouver une glu, qui pût congeler les paroles & les faire +tenir. Je pense qu'ils y parviendront, moyennant qu'ils sachent ce +volume; & que, par cette doctrine qui leur sera infuse comme une poignée +de bon vin, ils aient connoissance de la glaire concentrique de +l'émolument naturel, qui peut produire ce dont ils ont affaire. Mais, je +vous prie, ne vous amusez pas à ces Messieurs les Gens de Lettres, qui +sont si très-savans, qu'ils en sont tous sots. Vous les verrez +hallebardant avec de grands lambeaux de latin, effarouchant les +fauvettes. Fi, ôtez cela; ce n'est pas là le trou par où on enfourne +notre pâte. Passons outre: si quelque sot s'en fâche, qu'il se mutine; +que le plus sot en prenne la querelle. Allons vîtement: la soupe se +mange. Je pindarise; je voulois dire: _on mange la soupe_. Aussi +Monsieur dit au matin: ça mes habits, je me vais lever. Eh! où est-ce +qu'il va, avant que se lever? J'aimerois autant notre Assesseur, qui +durant ces guerres, étant Maire, ouit du bruit dans la rue; il étoit +couché; il se leva vîtement, &, ouvrant sa fenêtre, il regarda les +passans qu'il appella; & comme ils lui dirent quel bruit il y avoit, il +leur demanda: Messieurs, me leverai-je? + + + + +PARAPHRASE. + + +III. Mes gens sont là qui m'attendent. Sont Messieurs da; ils sont à +moi; est-il pas vrai? Ne sommes-nous pas les uns aux autres? Dites-vous +pas: bon jour, Monsieur? Il est donc votre sieur; & partant, vous, le +maître du chantier où l'on scie. Ainsi nous disons: bon jour, ou adieu, +Madame, ma commere; & on nous dit: mon ami, mon hôte; & de même nous +sommes aux autres, & nous à eux; pour ce ils sont à moi. Ils sont donc +mes gens, qui avec moi, & moi avec eux, nous trouvâmes tous & toutes, +chez notre pere _se puisse tuer_, que Madame avoit choisi pour y +célébrer cet admirable banquet. Chacun y entrant avisa à son devoir; par +ce moyen, nous exerçâmes un notable conflict de révérences, dont les +pétarades sentoient, je ne sais quoi, de la musique ancienne; & +pratiquant mille vétilles d'humilités, avec une friponne escopeterie de +langage courtisanifié, fîmes plusieurs belles entrées & rencontres, à la +façon que l'on porte les barbes, excepté l'institution de la petite +Hongrie (Saint Martin en étoit, voilà pourquoi, parmi ses nourriçons, il +y a toujours quelque châtré) & trouvant tant de gens de bien assemblés, +nous nous sentîmes saisis de quelques menues tranchées de sagesse. Nous +fûmes introduits en une belle grande salle parée, comme dit l'autre, +autant à l'antique qu'à la moderne; tout y étoit avec grace fort bien +rataconné, & avec symmétrie parfaite; & ce, pour donner autorité & +lustre à l'aventure & aux discours; & pour enfler notre dessein de plus +de majesté, Platon y apporta une siringue impériale, pleine de vent de +cour, qu'il avoit autrefois épargnée à la suite de Denys. + + + + +AXIOME. + + +IV. Or entendez, belles petites mignonnes ames, qui venez ici succer les +rainceaux du rameau d'or, pour savourer la science, que nous sommes, +nous qui parlons de ce tems. Nous y sommes, en tenons & y vivons, si ne +sommes trompés; & la plupart de ceux du tems passé ont vécu leur siecle, +comme nous au nôtre, & vous au vôtre; & parce que nous sommes gens +qualifiés, notre assemblée a été réparée de menus suffrages de la +magnifique mélodie de l'antiquaille & nouveauté, congreageant ainsi le +plus célebre, scientifique & vénérable Sénat qui fut jamais, & jamais +sera: & de fait la gloire de l'antiquité, remembrance des gestes & +parure de l'enfance, & autres âges du tems, n'a fait que feuille à notre +congrégation, y apportant une gelée de sagesse, qui, resplendissant +par-tout, nous a fait triomphamment agir. Madame, qui est l'unique entre +les sages, la perle des entendues, & le parangon de perfection, +(reconnoissez-là par ces épithetes, & ne vous enquêtez plus qui elle +est) nous fêtoyoit, & prenoit grand plaisir de nous avoir pour son +contentement, sans quoi les dames jamais n'en feroient rien, tant +soient-elles ferues du desir de science. + + + + +SONGE. + + +V. Quand nous fûmes assemblés, qu'on fut prêt, le vin dans les vaisseaux +plongés en l'eau fraîche pour se rafraichir, (aussi le pratiquer +autrement, seroit boire à cloche-pied) la soif étant appétit de froid & +d'humide. O qu'il est dangereux pour le corps & pour l'ame, (pour le +corps, à cause de la fievre, pour l'ame, à l'occasion de la colere) de +fréquenter ces malheureux, qui boivent tiede. Ils sont pires que +Pharisiens, vu qu'ils trompent manifestement. Ceci vous fera souvenir de +deux sortes de sots. Foin, il m'est échappé; je cuidois prononcer +_honteux_; je n'en veux pourtant point quereller: je dirai comme notre +vieux Curé, qui disoit en son prône: il y en a qui ont des pantoufles +qui vont faisant flique flaque, & chantent: revange-moi, prens ma +querelle. Et qui veux-tu qui te revange? Va, prens une échelle, & t'en +va à tous les diables. Ces doncques troublés des documens de honte +paysanne, ils n'osoient demander à boire frais, ni en demander +davantage, si on leur en verse trop peu, ou si on leur baille un reste; +mais le reçoivent comme corbeaux qui béent. Ils n'osent demander du +meilleur, ou de celui de Monsieur; mais se contentent de ce qu'un +malotru valet leur apportera. Hé! grosse pécore, grande pécude, animal +irraisonnable, est-ce là le peu d'état que tu fais de ta conscience que +tu ne crains point de la laver indiscrétement? Les autres sont des +messieurs sages & entendus, c'est-à -dire, sots d'honneur, ou honorables, +qui étant venus voir quelque Seigneur ou homme d'affaire, après avoir +discouru & mis en avant la disposition du tems, qu'un chacun sait aussi +bien qu'eux, soit chaud, ou froid, & puis ayant conté au-delà de ce +qu'ils savent, demeurent là fichés & esto, & muets vont traversant après +les caprioles de leurs fantaisies; & se tenant ès piéges d'ennui où ils +se sont fourrés, n'ont pas l'assurance de dire adieu pour s'en aller, & +cesser d'être importuns; mais, pour user la bienséance, demeurent là , +tant que quelque changement les vienne relever de sotise, où ils sont en +sentinelle. Jan il nous faisoit beau voir & bon ouir; &, si étoit chose +meilleure, de regarder les flacons en état. Que vous apprendrez ici de +bonnes doctrines! Les sots, qui viennent se mettre en état, se laissent +envelopper; & puis on les gâte. O la belle distinction! La bouteille en +état n'est point prisonniere; ains retient en soi, & enveloppe le vin: +mais hélas! pauvre vin, où es-tu? Je vous prie, ôtez-moi ces bouteilles, +d'autant qu'elles sont sujettes à être cassées: ayez de bons flaccons, +pour y trouver, par leur moyen, la vérité, comme fit Démocrite, qui la +trouva au fond du puits. Le roi avoit fait faire un puits, qui répondoit +à une vieille carriere, où Démocrite alloit souvent se rafraîchir. En ce +puits, on rafraîchissoit le vin du roi. Démocrite s'en apperçut, & alla, +avant que d'être aveugle, joliment prendre le bon vin gisant en flaccons +dans l'eau du puits, & trouva que c'étoit la vérité; que le vin valoit +mieux que l'eau. C'étoit une vie mystique que de notre fait. Nos +flaccons étoient d'argent vivans, & pleins de leur vraie ame, joint que +sans vin ils sont corps inanimés, les vaisseaux étoient dignement +arrangés, selon leur mérite, ne plus ne moins que les vers des Sibylles, +couvrant sous leur sainte cabale les plus savoureuses intelligences du +bien futur. Mais encore notre maître, vous qui savez que le pain est +plus ancien que le vin, d'où vient qu'étant le pain en la bouche, il est +long-tems à se démener çà & là , avant que de trouver le chemin de la +vallée; & le vin tout incontinent le trouve. Ce mystere n'est pas de +votre religion. C'est parce qu'il y a plus d'esprit en une pinte de vin, +qu'il n'y en a en un boisseau de bled. Voire, direz-vous, l'eau en fait +bien autant. O lourdaut, mon doux & bel ami, c'est une folle que l'eau; +elle se laisse tomber du haut en bas, elle court les rues, & fait +devenir fols ceux qui l'aiment: & là -dessus, mon mignon, résolvez un peu +à quoi il y a plus de réputation à se faire déclarer ivrogne, ou fou. +Guette au paneau, & dis que tu en as. Je vous avertis, doctes buveurs, +que vous ayez des flaccons; ils sont bons vaisseaux fermans à vis, vous +serez en sûreté. Qui a, pensez-vous, été cause de la guerre de Troye, du +siége de Babylone, de la ruine de Thebes, de la venue de l'antechrist, & +de tant d'autres malheurs, dont les vraies & fausses histoires nous +amusent? Bouteilles cassées, & vin répandu. A dire vrai, vin répandu ne +vaut pas plein le cul d'eau nette, pour vous débarbouiller dans une +écuelle percée. Et pour ce que l'on n'osoit pas, en paroles vulgaires, +prophaner ce digne & excellent sujet; on le taisoit, & faisoit-on +accroire aux bonnes gens qui ne savent pas les mysteres mystérieux du +vin, comme nous autres philosophes, que les lanternes étoient vessies, & +attribuoit-on ces malheurs à d'autres jolies causes, pour vous +emmailloter l'esprit. + + + + +PROPOSITION. + + +VI. Oui-dà , je vous ai ôté de peine, si vous en êtes capable; & vous +ferai remarquer ceux qui assisterent en ce notable simpose. Au moins je +vous en nommerai quelques-uns; si je ne me souviens de tous, je vous +envoierai à la cuisine où ils sont, ou bien autre part, à jouer, comme +les sages de la Grece, au franc du carreau, avec les pages & les +laquais. Je vous dirai que Socrate étoit présent à ce banquet, où il fit +fort bien son devoir des mâchoires; (à propos de notre archidiacre, qui +s'en sait très-bien escrimer. Et vraiment, s'il se tenoit aussi bien à +cheval qu'à table, il seroit le meilleur écuyer de France. Et bien plus +s'il officioit, ou pouvoit officier autant parfaitement à un grand autel +qu'à une table, il mériteroit d'être pape.) Quant à Socrate, il ne +pensoit qu'à ce qui s'offroit; & je vous assure que, sur toutes choses, +il avoit la meilleure mine à faire de l'honneur, & à en recevoir sans +quittance. Ce fut lui qui inventa, puis l'enseigna à Messire Guillaume +le Vermeil, à conclure sans résoudre, & à résoudre sans conclure, ainsi +qu'il m'a assuré. Et pourtant Madame lui donna la charge d'expédier la +bienséance, dont il s'acquitta galament, d'autant qu'il étoit expert aux +proportions du manege révérencieux de la cour, & avoit fort bien étudié +les circonstances & similitudes, cérémonies, fadaises & miracles, qui se +pratiquent entre ceux qui s'aident des spécialités d'honneur, que l'on +se fait, en entrant ou sortant, s'asséant ou se levant, se rencontrant +ou passant. Je me repens d'avoir dit une parole, parce qu'il y a de nos +maîtres, qui disent qu'en tous discours, il se faut garder de régimber +des mâchoires, & qu'il ne faut pas user des mots réservés à certaines +personnes & actions; témoin un pauvre moine, que l'on pendoit, pour +avoir été trouvé faisant la guerre. Hélas! dit-il, messieurs, je suis +bien marri, de n'avoir pas cru que nous avions congé de vivre à +discrétion de conscience. Il n'osa dire _liberté_, de peur d'être estimé +huguenot. Si tout le monde avisoit aussi bien à ses paroles, il n'y +auroit pas tant de procès perdus, ni au croc. Alexandre y vint tout +ralu; mais il nous fit tant de ravoire, que les dames d'Orléans en +furent émues. Vraiment, j'en fus tout aise, & ma cervelle s'en épanouit +philosophiquement; de sorte qu'il m'étoit avis que l'on m'enclissoit les +réparations, pource que l'on nous avoit rapporté qu'il avoit été tué, ce +que nous lui dîmes; & il se prit à rire & s'excuser, nous disant qu'il +étoit vrai, qu'il s'étoit battu avec son ennemi, mais qu'il n'avoit pas +été tué, & qu'il le prouveroit par ceux qui l'avoient vu faire. Il s'en +rapportoit à Aphthonius son secrétaire, qui nous raconta la cause de son +absence, qui étoit, qu'il avoit voyagé pour voir toutes sortes de +sagesses; & que s'étant trouvé avec les gymnosophistes, il avoit +séjourné avec eux; & y avoit tant profité, qu'il en étoit revenu savant, +d'autant que, suivant leurs maximes, il avoit inventé les +haut-de-chausses sans braguettes, en dépit des Turcs, pour favoriser les +Vénitiens & les Suisses. En témoignage de quoi, il nous montra une belle +piece qu'il en avoit apportée; c'est le rêts à prendre les ânes de haute +futaie. Nous n'entendions point cela, quand il tira de sa manche, & nous +montra le beau saint & gracieux abrifou, qui catholiquement s'interprete +le rêts à prendre les cocus. Je n'ai garde d'oublier notre grand Bodin, +qui, premier des mortels, & contre tout ordre naturel, par artifice +délectable & grand revers d'entendement, en plein jour, en la présence +de ceux qui s'y trouverent, prit la mesure au diable, & lui fit un +habillement, dont depuis il s'est vêtu comme on le voit aujourd'hui +habillé: chose, & ne leur déplaise, qu'ainsi que beaucoup d'autres, les +anciens ne surent oncques, & jamais ne sauront; &, si vous ne me croyez, +allez en enfer m'en quérir un vêtu à la nouvelle mode, & me le montrez +tout vif & habillé; & puis me démentez. Il y a bien plus; c'est qu'ayant +compassion d'une infinité de pauvres diables qui fournissent +d'émouloires aux chambrieres, pour caqueter à la premiere messe, il leur +donna une belle industrie, recueillie des antiques archives, & leur fit +des genouillieres de conserve, si qu'ores les diables se mettent à +genoux, ce qu'au tems passé ils n'eussent osé, de peur de se pocher les +yeux qu'ils y ont. Voilà que c'est des gens de grand engin, de l'esprit +des grandes natures, comme parle du Haillan en Charlemagne. O diables +heureux de si belle commodité! Pythagoras étoit ici en fort bonne mine: +il ressembloit à ces vieux sergens du Châtelet, qui ont fait faire leur +barbe de pipeux; (je cuidois dire _depuis peu_) aussi savoit-il de +vilaines fessées de prudence, témoin les morbolisantes estafilades de +discrétion, que l'on reconnoissoit aux cicatrices de sa félenie. C'est +lui qui, au livre des inventions, sans crainte, a librement prononcé +hérétiques excommuniables, comme écus au soleil, ceux qui mangent des +choux avec une cuilliere. Pline s'avança, selon la rente d'honneur qui +lui étoit dûe; ainsi qu'il paroissoit par un contrat passé par-dessus +les ponts de Rome. C'est un homme notable & de prix: il est le premier +inventeur de pisser honorablement contre les murailles des autres. +Tandis que l'on murmuroit, le recevant, voici arriver le bon Démosthene. +J'y suimes, dimes-nous; j'en fûmes bien-aises; d'autant qu'il est +certain que j'apprendrois beaucoup de bonnes choses; comme déja il y +parut. En entrant, il se mit à discourir; & nous enseigna ce que c'est +qu'honnête homme, le définissant ainsi qu'il se trouve au Talmud; +honnête personne est celle qui, ayant santé, se torche le cul avec un +torchoir, le tenant de la main gauche. Aristote, dépité de n'avoir +trouvé cette belle définition, se noya, & lui déroba celle de bonne +ménagere, qui est insérée en ses économiques, comme l'a remarqué +Ciriaque Strosse. Bonne ménagere est celle personne qui, s'étant torché +le cul, resserre le papier dans sa pochette, le gardant pour une autre +fois, ou pour empaqueter des confitures pour donner aux mignardes. Il +n'y a plus de danger; nous sommes tous ici, puis que le pere Rabelais +est dedans; ceux qui viendront ci-après, passeront par l'huis de +derriere; la galle arrive au dernier. Et bien, couillaut que dis-tu de +ceci? Je dis que ceux qui s'amusent à nos folies, font comme les +médecins, qui regardent & épluchent les éjections des autres, qui sont +aussi fous que nous, si mieux n'aiment être dits fous d'Inde, ou fous de +Ludonois. Dieu sauve les beaux coqs, poules & poulets, amen. Et comptez +diligemment les jours: parce que, d'ici à deux cents trois ans, dix +mois, sept jours, dix-neuf heures, quarante minutes & trois secondes +justement, le grand stéganografique fera une nouvelle translation de ce +livre, à cause du changement de religion. Chaques uns, qui s'assirent +selon les paraphrases de leurs dignités, avoient fait ronfler la +réputation, pour maintenir leur rang, qui fut égal à tous jusques à la +semelle des souliers. Et ains, chicanant avec les plumes de modestie, +ils colloquerent leurs personnes, selon la remembrance de leur qualité. +Il n'y eut que le cardinal de Cusa, qui, se trouvant assis près de Jean +Hus, s'en prit si fort à rire, qu'il cuidât, éternuant, avancer toute sa +réputation. Il en devint un peu fou, sans que pour cela les autres +cardinaux encourussent note d'infamie, non plus que pour la dégradation +d'un ministre. Et, pour ce que l'intention juge de tout entre toutes, on +choisit la bonne intention, qui fut assise au haut bout avec une robe de +président. Nous étions-là devant elle, pour faire preuve de nos esprits. +Cela fut cause que je m'y trouvai, & m'assis aussi bien qu'un autre, +d'autant que j'ai un cul; joint que, sans cul, nul ne pourroit avoir +séance entre gens d'honneur. + + + + +COUPLET. + + +VII. Nous nous mîmes à étoffer des mâchoires. Cependant il y avoit gens +apostés, à ce qu'ils eussent égard que personne ne chommât; sur-tout +qu'il n'y eût point de parole perdue, & qu'aucune ne tombât, ou fût +égarée, ou échappée: pour à quoi parvenir on fit des barrieres +spirituelles, & des gardefous intellectuels. Avec cela furent haut & bas +tendus des tapis de considération, & des linceuls de conservation. On +m'a dit, (& je le tiens d'un bon théologien, consumé en l'une & l'autre +religion, comme chanoine en l'une & l'autre église d'Orléans) +qu'autrefois, & à faute de tels remedes, il chut des paroles à terre, +dont il leva des herbes de plusieurs façons: & y si a-t-il bien pis; +c'est que, quand la terre est en chaleur & forte rage d'engendrer, il se +faut bien garder de laisser tomber des pets; témoin Dioscoride écrit en +veau au livre des herbes nouvelles, lequel dit que les plantes ont des +odeurs différentes, selon tels accidens; & même les beautés & douceurs +des fleurs en sont dérivées, comme l'a bien remarqué Paracelse en ses +mineures. Et afin que je vous embouche, je vous mets devant le nez cette +belle fleur, la couronne impériale, qui nâquit d'une vesse que fit une +grande dame; étant fille & belle, après avoir mangé des confitures +musquées, elle fit une cabriole, qui causa ce bel accident. L'original +en est sorti du cabinet de notre Ambroise Paré. Je vous le prouverai par +le sieur de Lierne, gentilhomme François, lequel, étant couché avec une +courtisane à Rome, y fut pris. Elle, comme les chastes courtisanes le +savent pratiquer, avoit amassé des petites pellicules légeres, comme +celle des poules dougées & délicates; les avoit remplies de vent musqué, +selon l'artifice des parfumeurs. La belle Impéria, ayant quantité de +telles balottes, tenant le gentilhomme entre ses bras, se laissoit +aimer. Ainsi que ces deux amans temporels pigeonnoient la mignotise +d'amour, affilant le bandage, la dame, détournant la main, mit une +petite vessie en état, & d'un petit coup de fesse, la fit éclater, de +sorte que la petite balotte se résolut en la figure auditive d'un pet. +Le gentilhomme l'ayant oui, voulut retirer son nez du lit pour lui +donner air. Ce n'est pas ce que vous pensez, dit-elle; il faut savoir, +avant que craindre. A cette persuasion, il reçut une odeur agréable, & +contraire à celle qu'il présumoit. Ainsi il reçut ce parfum avec +délectation. Ce qu'ayant encore reçu d'abondant plusieurs fois, il +s'enquit de la dame, si tels vents procédoient d'elle qui sentoient si +bon, vu que celui qui glissoit des parties inférieures des dames +Françoises, étoit assez puant & abominable: à quoi elle répondit, avec +un frétillement philosophique, que le naturel du pays & de la nourriture +aromatique, faisoit que les dames Italiennes, qui usent de délices +odoriferantes, en rendoient la quintessence par le cul, ainsi que par le +bec d'une cornue. Vraiment, répondit-il, nos dames ont bien un autre +naturel de pets. Il advint qu'après quelques musquetades, par +circonstance de vent trop enfermé, Impéria fit un pet, non-seulement au +naturel, mais vrai & substantiel. Le François, accoutumé par le nez à la +chasse des pets, (de-là vient le proverbe, _mené par le nez_) oyant ce +corps sensuel & momentaire, jetta en diligence le nez sous le linceuil, +afin d'appréhender la benoîte odeur, pour laquelle envahir il eût voulu +être tout de nez; mais il fut trompé; il en recueillit avec le nez, plus +que vous n'en feriez avec quatorze pelles de bois, telles qu'on mesure +le bled à Orléans. Et quoi? Une odeur plus infecte, venu du plus fin +endroit de l'établissement de la merde, que vesse ne fut jamais si +puante. O dame, dit-il, qu'avez-vous fait? Encore, en ouvrant le +bagonisier, il y en entra une allenée humide, qui lui parfuma +breneusement tout le palais. Elle répondit: seigneur, c'est une +galantise, pour vous remettre en goût de votre pays. Avisez bien +doncques à tout ce qui peut avenir. Les orties sont crues des paroles +que disoit, en menaçant, un président, dont on ne faisoit gueres de cas. +Faites étendre de beaux draps blancs, comme fit monsieur de la Roche, +l'été passé. + + + + +CÉRÉMONIE. + + +VIII. Son meûnier plus proche de son château, ayant recueilli le premier +de fort belles cerises bien avancées, les lui envoya le même jour. Là , +il y avoit avec monsieur, plusieurs gentilhommes de ses voisins; +c'étoient gentilhommes de la petite passe, comme vous diriez des +chanoines de saint Mambeuf à Angers, au prix de ceux de saint Maurice; +ou bien ceux de saint Venant, à l'égard de ceux de saint Martin de +Tours. J'y suis, j'ai rencontré. Le meûnier mit ses cerises en un beau +petit panier; & le bailla à sa fille, pour le porter à monsieur. La +belle, qui étoit de l'âge d'un vieil boeuf, désirable & fraîche, vint à +la salle faire la révérence à monsieur qui dînoit, & lui présenta ce +fruit de par son pere. Ha! dit la Roche, voilà qui est très-beau. Sus, +dit-il à ses valets; apportez ici les quatre plus beaux linceuls qui +soient céans, & les étendez par la place. Notez, en passant, qu'il +falloit obéir à tout ce qu'il disoit, d'autant qu'il étoit le prototype +de l'antechrist. C'est lui, dont les prêcheurs disoient ce carême, que, +comme hérétique, il pointoit sur sa tour ses fauconneaux, & étoit si bon +canonier, comme le sire de Sautal, que gaiement il tiroit le cheval, +entre les jambes de son ami qui venoit de dîner avec lui, & le prenoit +au passage au détour du carrefour; & pour montrer son adresse, quand le +laboureur tournoit sa charrue, il donnoit droit à l'appui de +l'aiguillon, sans faire mal au laboureur: & le tout pour rire. Les draps +étendus, il commanda à la belle de se dépouiller. La pauvre Marciole se +prit à pleurer. Ha, que vous êtes sage! Vous vous gardez bien de rire; +Fille à qui la bouche pleure, le con lui rit. Allons, çà , dépêchez; ou +je ferai venir ici tous les diables. Holà , sans me fâcher, faites ce que +je vous dis. La pauvrette se déshabille, se déchausse, se décoeffe, & +puis, ô le danger! elle tira sa chemise; &, toute nue comme une fée +sortant de l'eau, va semer les cerises de côté & d'autre, de long en +large, sur les beaux linceuls, au commandement de monsieur. Ses beaux +cheveux épars, mignons lacets d'amour, alloient vétillant sur ce beau +chef-d'oeuvre de nature, poli, plein, & en bon poinct, montrant, en +diversités de gestes, un million d'admirables mignardises. Ses deux +tétons, jolies balottes de plaisir, jointes à l'ivoire du sein, firent +des apparences montueuses, différentes en trop de sortes, selon qu'elles +parurent en distincts aspects. Les yeux paillards, qui se glissoient +vers ses bonnes cuisses pleines & relevées de tout ce que la beauté +communique à tels remparts & commodités du cachot d'amour, ravissoient +de regards goulus toutes les plus parfaites idées qu'ils en pouvoient +remarquer: &, combien qu'il y eût tant de beautés mignonnement étalées +en doux spectacle, il n'y avoit pourtant qu'un petit endroit, qui fût +curieusement recherché avec la vue; tant les regards tiroient au but, où +chacun eût voulu donner, tous n'ayant intention qu'au précieux coin, où +se tient le registre des mysteres amoureux. Après que les cerises furent +semées, il les fallut recueillir, & ce fut lors qu'auparavant de +merveilleuses dispositions essayantes de cacher sur-tout le précieux +labyrinthe de concupiscence, le pauvre petit centre de délices eut bien +de la peine à chercher des gestes, pour se faire disparoître. Ce beau +parfait, cette belle étoffe à faire la pauvreté, ce corps tant accompli +fut vu à tant de plans si délicieux, que difficilement y eut-il jamais +yeux plus satisfaits que ceux des assistans. L'un le regardant, disoit: +il n'y a rien au monde de si beau; je ne voudrois pas pour cent écus +n'avoir eu le contentement que je reçois. Un autre, racontant sa +fantaisie occupée de délectation, prisoit sa bonne aventure, en ce +spectacle, plus de deux cents écus. Un vieux pécheur mettoit cette +liesse à trois cents écus. Un valet, trémoussant comme les autres, en +mettoit sa part de plaisir à dix écus. Et n'y eut celui des maîtres, qui +ne parlât de cent ou cent-cinquante écus; qui plus, qui moins, selon que +la langue alloit après les yeux, spirituellement léchant le marbre de ce +spectacle, sur lequel la parole fourchoit après l'esprit, lequel +attachoit à cette beauté son imagination, avec cent mille spécieuses +images. Chacun des regardans avança sa goulée, & proféra la somme du +prix des délices qu'il avoit imaginées. Les cerises remises au panier, +la belle revint vers les fenêtres reprendre sa chemise. Encore les yeux +des voyans s'alloient allongeant par les replis, afin d'avoir encore +quelque reste d'objet; &, ainsi peu à peu qu'elle levoit une jambe, puis +l'autre, ils épioient tant qu'elle se fût remise en l'état de sa venue, +toute coeffée & habillée. Ses beaux yeux, petits cupidonneaux, étoient +tout allans des vagues de feu qu'ils avoient octroyé à la honte de +présenter en liqueur pour excuse de cette aventure. Monsieur de la Roche +cependant avoit les yeux en la tête, & le regard au bel objet, riant en +quarré plus d'un pied & demi dans le coeur, ayant toutefois dessein à +écouter ce que ces tiercelets jasoient, tandis que trop bavards, ils se +délavoient les badigoinces de ce qu'ils avoient à dire. Il les +observoit, & retenoit fort bien le tout, & sur-tout la taxe que chacun +avoit faite au rapport de son aise; même il remarqua jusques à un +laquais, qui avoit allégué un écu. Laisse-toi cheoir, t'y voilà ; il ne +faut que se baisser & en prendre. Marciole, toute habillée, fut, par le +commandement de mondit sieur, assise au bout de la table, où il la +réconforta & reforça le mieux qu'il put, lui donnant ce qu'il y avoit de +plus délicat. Elle étoit fâchée & pleureuse, indignée d'avoir montré +tout ce que dieu lui avoit donné d'apparent; & avoit regret que tant de +gens l'eussent vu à la fois, hors de l'église. Quand la Roche se fut +avisé, il frémit sur la compagnie; &, tournant les yeux en la tête, +comme les lions de notre horloge de saint Jean de Lyon, se mit à jurer +son grand juron évangélique, d'autant que pour lors il étoit huguenot de +bienséance, & dit: par la certe dieu, (ainsi que jurent les voleurs qui +sont de la religion) messieurs, pensez-vous que je sois votre plaisant, +votre valet, votre provisionneur de chair vive? Par la double digne +grande corne triple du plus ferme cocu qui soit ici, vous paierez chacun +ce que vous avez dit; ou il n'y aura jambe, tête, membre, trippe, corps, +poil, jarret, qui demeure sauve. Ventre de putain, vous le compterez +tout présentement, si mieux vous n'aimez avoir les yeux pochés, & les +vits coupés. Si on les eût tous coupés, cela eût servi à l'abbesse de +Montfleury, à laquelle son procureur vint dire, ces vendanges passées, +que la vis de son pressoir étoit rompue; sur quoi ayant long-tems pensé, +elle dit: foi de femme, si je vis, je ferai provision des vis. Les +paroles de ce monsieur firent peur à messieurs les aubareaux, qui +payerent ce qu'ils avoient dit, ou l'envoyerent quérir, ou +l'emprunterent de mondit sieur, sur bons gages, ou bonnes cédules. Ainsi +cette noblesse effarée, cracha au panier environ douze cents beaux +mignons écus de mise & prise. J'aimerois bien mieux faire ma provision à +Paris; j'aurois pleine chemise de chair pour cinq sols, & une pannerée +de cerises pour quatre. Les écus mis au panier, la Roche les bailla à +Marciole, qui se mordoit la langue de grande rage d'aise, sachant que +c'étoit pour elle; & monsieur lui dit: tenez, ma mie, portez cela à +votre pere, & lui dites que vous l'avez gagné, à montrer votre cul. Il y +en a bien qui l'ont montré, le montrent, qui ne gagnent pas tant, & si +courent plus grande fortune. + + + + +COQ-À-L'ASNE. + + +IX. Voilà comment, en dînant & banquetant, ils avoient de notables +effets: aussi est-ce le tems des grands mysteres. C'est un grand heur de +bien dîner & voir une belle fille, & sans la payer; avoir une tant +délectable vision que l'aspect de Marciole toute nue, qui n'étoit fâchée +d'autre chose, sinon que l'on avoit vu son cela. J'ai pensé le nommer +par son droit nom. Bien le pouvois-je, d'autant que je sais plusieurs +langues; mais il me faut ici parler françois; & en françois, un con est +nommé _cela_. Qu'ainsi ne soit, si vous mettez la main au devant d'une +fillette, elle la repoussera vîte, & dira, laissez cela. Quand je dis le +devant, je l'entends comme faisoit monsieur le feu premier médecin, qui +ayant tâtonné l'estomac d'une belle demoiselle couchée & un peu malade, +coule sa main plus bas, &, venant à l'imperfection du corps, s'y +avançoit, quand elle lui dit: hé, monsieur, que pensez-vous faire? +Mademoiselle, je croyois que vous fussiez comme les vaches de notre +pays; que vous eussiez les tétins entre les jambes. Pourquoi est-ce que +les femelles repoussent la main, quand on la met vis-à -vis de leur cela? +C'est parce que ce n'est pas ce qu'il y faut mettre. + + + + +CIRCONCISION. + + +X. Dames, qui avez les oreilles chatouilleuses, de peur de rire, lisez +ceci tout bas ou de nuit, durant laquelle la honte dort; & ne vous +formalisez, scandalisez, ni estomirez de chose quelconque que trouverez +en ces textes & mémoires mêlés de toute sapience, moyens, élémens & +enseignemens à bien vivre. Les mélanges que vous trouverez sont +survenus, à cause de l'antiquité de ce volume, & des annotations, +apostilles & interprétations qui y étoient mises; & le gentilhomme qui +le transcrivit, pour votre avancement en toute sagesse, a tout écrit +d'une suite, mêlant, sans distinction, glose & texte, ainsi que, quand +vous êtes à table, vous qui ne jeûnez pas, vous mangez des viandes +prises deçà & delà , selon l'occurrence. Quant aux jeûneurs de carême, +ils mangent par couches, comme les bonnes femmes qui mettent des herbes +à distiller. Ils mangent le potage, puis des échaudés au beurre frais, +des entrées, des pois, des feves, des harengs, des pruneaux, puis le +poisson, puis le dessert, & tout à cause du jeûne. Je vous assure que ce +livre étoit simple & net, beau comme le jour, ainsi qu'il est encore, +bien qu'il soit pêlemêlé de notes & considérations, à la façon du bon +homme Guyon qui, à l'âge de cent ans, se mit à vivre capuchinement. Il +avoit été page de chez le roi; puis il etudia, fut à la guerre, se fit +cordelier, s'en retira pour être huguenot, se fit savant, devint +ministre, mangea tout, puis se mit à demander sa vie. On lui donnoit de +tout ce qu'il lui falloit, qu'il mettoit en son écuelle, pain, chair, +soupe, potage, vin, sert, dessert ensemble. Et on lui disoit: pourquoi +ne mangez-vous & beuvez d'ordre & à part? Ha, ha, disoit-il, lourdaut, +mon ami, puisqu'ils se doivent mêler au ventre, il n'y a point de danger +de lui envoyer tout déja mêlé. De même ceci doit être mêlé en votre +cervelle: il le vous faut bailler tout mêlé. Le personnage, qui vous +produit en tout honneur ces saints mémoires de perfection a pensé que le +texte ne valoit pas mieux que le commentaire; par quoi il les a fait +aller ensemble. Doncques, soit que vous les lisiez ou non, ou que vous +commenciez ici ou là , n'importe; ce livre est, partout, plein de fideles +instructions & sens parfait, tellement que c'est tout un, par où vous le +lisiez. Il est un globe d'infinie doctrine; & il y a autant à apprendre +dans un lieu qu'en l'autre; en cette sorte-ci qu'en celle-là : il n'y a +ligne, endroit, ou passage (afin de parler niaisement aussi-bien que les +doctes) qui ne soit tout farci de science mystigorique & concluante. +Qu'ainsi ne soit: le prieur du Vau-de-vire, lequel vivoit du tems des +Anglois: (il en vit encore de ce tems, ainsi que m'a assuré le gardien +des cordeliers qui m'a dit, qu'il y avoit encore des Anglois) ce bon +prieur avoit fait une grande annonciation sur ce mot _cela_, sur-tout à +cause de la considération de la soudure des membres d'amour, ou des +membres de la soudure d'amour, ajoutant, comme il se trouve ès vieux +exemplaires grecs & hébrieux, qui sont au Vatican & à Londres, ce qui +s'ensuit. C'est une chose étrange de la différence des hommes & des +femmes: si une femme l'a petit, elle ne fera point de difficulté de le +montrer, & ne se souciera guere qu'on le voie, parce qu'il sera le petit +mignon d'amourettes. Mais celle qui l'aura se dilatant en grandeur, +jamais n'en permettra la vue, de crainte qu'on voie son ignominie. Voyez +les hommes qui se baignent, & qui n'ont guere de différence masculine; +c'est-à -dire, qui sont mal envitaillés. Ils ont infiniment de la peine à +le cacher; ils mettent devant mains, chemise, chapeau, chausses; encore, +s'ils pouvoient prendre la lune, ils la mettroient devant leurs harnois, +tant ils craignent qu'on sache le peu qu'ils ont d'outil à faire la +belle joie, honteux de leur peu de bien. Au contraire, ceux qui en ont +une belle venue, ils la recommandent & commettent à nature, pour la +faire voir ou la cacher; ils en sont si libéraux. Aussi de fait, la +libéralité convient mieux à un homme riche qu'à un pauvre; joint que +l'âge, comme ils le croient, doit donner de la discrétion à leur chose, +pour se cacher, s'il en est besoin, comme le pensoit & faisoit bien la +belle Hipolite, qui, un jour d'hiver que nous étions auprès du feu, +madame sa mere y étoit en sa chaise, tournée vers la table, écrivant ou +faisant autre semblable exercice; nous vetillons près le feu; & la +belle, pour se chauffer, haussa un peu la cuisse & sa chemise, pour +faire convoitison, parce qu'elle y avoit froid: dont je m'étonne, parce +qu'il fait bien chaud là où il ne fit jamais froid, & où il y a toujours +du feu. Je lui dis: belle, cachez votre cela. Elle me dit: qu'est-ce que +mon cela? C'est votre minon. Qu'est-ce que mon minon? C'est votre petiot +de lectation. Qu'est ce que mon petiot de lectation? C'est celui qui a +perdu de l'argent. Qu'est-ce qui a perdu de l'argent? C'est celui qui +regarde contre bas. Qui est celui qui regarde contre bas? C'est votre +petit crot à faire bon, bon. Qu'est-ce que mon petit crot à faire bon, +bon? C'est votre chose. Qu'est-ce que mon chose? c'est votre con. Qu'est +ce, qu'est-ce? je le dirai à madame. Madame se revirant, dit: je +l'entends bien; vous êtes une sotte; que ne le cachez-vous? Hipolite +répond, qu'il se cache, s'il a honte; il est aussi vieil que moi. +Plutarque étoit au bout de la table, qui écrivoit ses morales, qui nous +tença en riant; (aussi je crois que c'étoit à petit semblant) & nous +dit: il n'est pas séant de nommer à nud les parties honteuses; & pour +cause. C'étoit pour voir ce que je lui répondrois; ce que je fis aussi +bien: _Signor mio, sur ma fe_, je deviendrai sage; je prends en gré & +fort honnêtement votre admonition; vous la faites & dites de bonne +grace; vous n'en usez pas comme ces docteurs qui, ne sachant que +répondre, viennent aux injures, & puis veulent s'immiscer à faire des +remontrances flasques comme une caillette froide. Je prendrai garde à +nommer ceci & cela. J'imiterai Platon, quand je parlerai de +l'endéléchie, (j'ai pensé dire de l'_endroit où l'on chie_) & grand +jointure du corps & de ses environs; je nommerai le cul _derriere_ ou +_fondement_; ou l'un, d'autant qu'il est un, & qu'il ne peut y avoir en +un corps deux culs, non plus que deux papes à Rome, & que le cul est +tellement uni de ses deux fesses, que miraculeusement il n'est qu'un, +non plus qu'une mitre n'est qu'une mitre, encore qu'elle ait deux +cornes. Je dirai doncques l'un; & celui d'auprès, je le nommerai +l'autre, d'autant que l'un sans l'autre n'agissent point en nature ès +productions génératives. Ainsi je disposerai les secrets, afin qu'ils ne +soient entendus que de ceux qui ont bon nez, lesquels, par ce moyen, +sous cette plaisante escorte, chercheront le noyau qui est caché en l'un +& en l'autre. Cependant je vous avertis, (& ne vous en déplaise; un sage +conseille bien un fou) il ne faut pas toujours dire ces parties là +_honteuses_, d'autant qu'elles ne le sont que par accident: &, faisant +autrement, vous feriez tort à nature, qui n'a rien fait de honteux. Ces +parties là sont secrettes, nobles, desirables, mignonnes & exquises, +comme l'or que l'on cache. Il est vrai qu'elles peuvent devenir +honteuses, & le sont, quand il leur survient une belle petite écrevisse +de mer; (c'est-à -dire un chancre) ou qu'auprès d'elles sont logés de +jeunes chevaux; (ce sont poulains) ou qu'une joyeuse chaude-pisse les +tient en humeur. C'est alors que tels membres sont honteux: &, ce qui +est encore pis au ceci d'un homme, & qui le rend du tout honteux & +mélancolique à bon escient, est quand il a perdu les cimbales de +concupiscence, les caisses d'amour, les boulettes de Vénus; le défaut +desquelles fait appeller les hommes châtrés. Ceux qui voyoient tantôt la +belle Marciole toute nue eussent bien voulu la châtrer, c'est-à -dire lui +ôter les trébillons d'entre les jambes; il eût fallu premiérement les y +mettre. Que le chat fût bien bridé des vôtres, qui riez encore de cette +belle fille qui fut mariée; & le contract de son mariage fut passé par +devant les deux plus savans notaires de Rouen. Le maître de la +rose-rouge en diroit bien ce qu'il en sait; & pource, il envoya quérir +ces deux fameux notaires; lesquels laisserent le bon paysan, pour venir +à ce riche marchand. Les notaires venus, on leur donna des siéges, & +Monsieur de la Rose commanda à sa servante d'apporter ce qu'il lui avoit +commandé; _notate verba_. Servantes, sont celles qui servent chez les +gens de bien, d'autant qu'à ce qu'elles disent, chambrieres sont celles +qui demeurent avec les prêtres, ou chanoines, pour subvenir à toutes +leurs nécessités. Là dessus, Monsieur de la Rose dit à ces Messieurs les +notaires, qu'il avoit grand desir de manger des pois passés par devant +notaires; partant il les prioit de les voir passer. Sa servante se mit, +là devant eux, à les passer. Ces notaires se mutinerent, & se fâcherent, +& l'injuriant l'appellerent moqueur, & dirent qu'ils s'en +ressentiroient. Ils se prirent aux paroles, jusques à dire qu'ils +alloient quérir leurs épées, pour s'aller battre hors la porte. Allez, +dit-il, je le veux bien: passez par ici, & m'appellez. Il prend son +épée, & se mit à la fenêtre. Incontinent les autres passerent & +l'appellerent. Ho, méchant, qui abuses les officiers du roi, viens +hardiment. Non ferai, dit-il, je ne suis plus courroucé; je ne vous veux +mie tuer. + + + + +PAUSE DERNIERE. + + +XI. Or commençons de conclure; & soyez avertis, vous qui verrez ces +précieuses reliques des richesses du monde, que vous devez porter +honneur à cet ouvrage; que, si vous n'êtes pas assez fort pour lui en +porter assez, traînez-le, ou lui envoyez, ou le roulez, ou lui faites +tenir en révérence; & prenez garde à ce que cet honneur soit distribué +honnêtement aux scientifiques personnes & discretes qui sont en ce +banquet, comme poulets en mue. Ne pensez pas que ce soit moquerie, que +de ce simpose & souper philosophique, le plus authentique qui fut +jamais, & auquel toutes questions, propositions, théorêmes, problêmes, & +plusieurs autres ont été solues, résolues, trouvées, démontrées & +fidélement reconnues en toute perfection; pource que tout y fut débattu, +égratigné, écorché, tourné & entendu; & ce, selon les graces dont +étoient barrés Messieurs les assistans, qui pourtant furent, & ont été, +& seront approuvés doctes & savans; ayant au reste tous si bon esprit, +qu'ils ne mirent guere à devenir fous. Ainsi soit-il de vous, amen. Ils +avoient les yeux ouverts, comme chiens qui chassent aux puces. Or ils +s'étoient réparés l'entendement à trois sous pour livre, y ayant fait +des arcs-boutans de mémoire, au rabais. Nos amis & toute la belle & sage +compagnie furent rangés en la salle au beau milieu, en même ordre & +façon que la Reine de Saba fêtoya ses Princes en Meroé, quand elle +voulut faire preuve de sa sagesse. A voir tous ces gens de bien en bel +ordre, vous eussiez dit & pensé avoir devant vos yeux une belle, joyeuse +& sainte congrégation, comme une bande de Prélats. Et que faisoient tant +de bonnes gens de loisir? Voire, mais que fit-on là ? On parla, on +mangea, on beut, on fist st, on se teut, on fit du bruit, on protesta, +on rencontra, on rit, on bailla, on entendit, on disputa, on cracha, on +moucha, on s'étonna, on s'ébahit, on admira, on gaussa, on rapporta, on +entendit, on brouilla, on s'éclaircit, on débattit, on s'accorda, on +trinqua l'un à l'autre, on fit carroux, on remarqua, on trémoussa, on +s'accorda, on cria tout bas, on se teut tout haut, on se moqua, murmura, +on s'avisa, on se reprit, on se contenta, on passa le tems, on douta, on +redouta, on s'assagit, on devint, on parvint. Qu'en avint-il? Il en +avint ce docte monument, ce précieux mémorial, ce joyeux répertoire de +perfection, cet antidote contre tout malheur, cette affiloire de bonnes +graces, _Ce Moyen de Parvenir_, unique bréviaire de résolutions +universelles & particulieres: à quoi on ne peut contredire, ni opposer +d'hyperboles, ni le rédarguer de fausseté. Et dites que vous en avez, +captieuses tignes, qui voulez tout réformer & refondre. Mais vous, +sectateurs de vraies vertus cardinales, gens haïs de l'oisiveté, qui +aimez mieux vous amuser à boire, que penser à mal, ou perdre le tems +inutilement; considérez ceci, empoignez ce volume; _volume_ dit, à cause +de la vérité qu'il contient, comme un bon verre plein de bon vin. Verre +& volume sont équivoques; le verre est un volume: il est vrai que c'est +le petit, c'est l'épitome; d'autant que le gros volume est le poinçon +bienheureux. Qui ont belles & amples bibliotheques remplies de tels +volumes, ils sont capables, de rendre _victus_ tout le monde, tant docte +soit-il. + + + + +VIDIMUS. + + +XII. De tous bons volumes cettui-ci est le bréviaire, ainsi dit & nommé +pour plusieurs raisons. C'est qu'il est bref; & qu'en peu de paroles il +enseigne toutes sciences. Item, bréviaire est un livre ordinairement +gras; &, par application, on s'engraisse au moyen de l'usage de +cettui-ci. Le bréviaire donne de l'appétit & l'aiguise; cettui-ci +l'entretient & le fortifie. Le bréviaire fait gagner la vie à ceux qui +s'en aident; cettui-ci la fait trouver toute gagnée. Je m'en rapporte à +notre curé, auquel, après le service, mademoiselle dit: monsieur le +Curé, venez dîner avec nous, je vous prie. Je vous remercie, +mademoiselle; j'y serai aussi-tôt que vous. Mademoiselle, ennuyée qu'il +ne venoit, regarda par sa fenêtre, & vit à côté le Curé, qui, ayant +pissé, serroit sa piece. Elle se retiroit de peur de le voir, parce que +ceci l'eût fait rire. Quand il fut entré, elle dit: là , monsieur le +Curé, lavez-vous la main, & venez. Eh da, dit-il, mademoiselle, je n'ai +rien touché que mon bréviaire. Quel bréviaire, dit-elle! Il est fait +comme une andouille. Là , là , lavez vos mains. Comme nous contions ceci à +Paris, en la boutique d'un libraire, la dame écoutoit attentivement, & +prêtoit aussi l'oreille au discours de son mari, qui contoit qu'en le +payant d'un inventaire qu'il avoit fait, on lui avoit baillé un vieil +bréviaire, qu'il avoit vendu six écus. La dame répondit (je ne sais à +qui, d'autant que les deux contes furent achevés en un instant): je +voudrois que tous nos livres ressemblassent à ce bréviaire. Ce que je +vous dis est vrai; & savez-vous comment je prouverai cette vérité? Ce +sera en la sorte que vous comprendrez ces heureux discours, auxquels si +vous ne voulez croire, les prenant pour unique raison, faites ce que +vous voudrez: comme charitable, je trouve tout bon ce qui plaît aux +autres. O ames, à bon droit pleines de félicité, réservez au parfait +contentement, puisque votre bonheur a eu la patience de vous faire +naître en ce temps, pour avoir la grace, le bien, la prérogative, +l'honneur & le profit que vous tirerez de ces mémoriaux & commentaires +de raison étonnante, unique en son accomplissement, il ne faut point +faire d'estime des belles inventions, & avoir regret de ne les avoir +point vues, ou sues, ou penser ne les pouvoir rencontrer, puisque vous +avez ce livre, qui vous fournit de tout. Ce bel objet est tel, qu'en lui +vous avez les élémens qui vous guideront au bien accompli: & par ces +élémens, non de particulieres sciences, mais de toutes exclusive & +inclusive, vous pourrez trouver & inventer tout secret, tant caché, +séparé & admirable soit-il, (si vous avez de l'esprit, cela s'entend) à +crocheter, voir & chercher ce qui est sous cette écorce de velours & +d'or entortillé de paroles, quelquefois de soie, & quelquefois d'or, & +quelquefois de fil, & étoffées de petite qualité, & puis d'azur, & de +gueules, & de ce qu'il ne faut alléguer. Il nous suffit de vous +raconter, & à vous de croire que tout est fort bien caché sous ces +énigmes, ainsi que le trouveront les enfans de la science, les fils des +sages & heureux prédestinés à trouver la lanterne de discrétion, & la +lampe de béatitude. Et afin d'avoir le crédit de se chauffer au beau feu +d'intelligence, vous qui avez envie de parvenir, que nous vous faisons +part de ce fin recueil de mysteres authentiques, vous proposant devant +les yeux les symboles de chacun, comme ils ont été proférés. Sitôt que +quelqu'un ouvroit la bouche pour prononcer sa goulée, aussi-tôt les +secrétaires les mettoient par état, & colligeoient les paroles & propos, +comme belles & bonnes perles ès rives de l'Asie, dont ce volume a été +compilé & lequel de tout temps a été & sera, à cause de son excellence, +pour son mérite, & à jamais, par ceux qui ont de l'entendement, en +grosse lettre dit, nommé le _Livre_. Ne dites pas sans queue, d'autant +qu'il aviendra, ainsi qu'il est avenu plusieurs fois, & que les grands, +au détriment des plus foibles, les trouvant, & craignant qu'il ne soit +vu du petit & bon monde, le scelleront, comme chanceliers à simple +queue, ou à double, telle que le temps admettra. Je vous prie, bonnes +personnes, de ne rien dire de ceci, & n'alléguer ce mot que nous n'avons +pas mis au titre, d'autant que, s'il y étoit, on le reconnoîtroit tout +aussi-tôt, & il en aviendroit trop de malheur. Le plaisir des gens de +bien seroit perdu. Ces méchans excommuniés, qui font tant mettre de +daces & impôts sur le peuple au desçu du Roi, (le pauvre homme ne +l'entend pas) ces malheureux-là viendroient & prendroient ce livre, & le +vous vendroient un écu pour lettre, au meilleur marché; joint qu'à tel +on vendroit la lettre cinquante écus; & ainsi le feroient tout d'or, +comme Simon Magus & son chien, & les ministres quand ils seront +affriandés aux lettres d'envoi comme en Angleterre. Jouissez, amis, de +cet oeuvre, sans le prophaner; & sachez que, par le rapport des savans, +il est tel, que les plus gens de bien racontent & affirment par-tout +qu'il contient tout ce que chacun sait, a su & saura, ou doit savoir & +entendre. Il embrasse les mysteres approuvés de toutes sciences, pour +autant qu'il est la juste, solide & naïve interprétation de la pure +cabale de valeur non imaginaire. Ne parlez plus de clavicules ou +clavifesses, ni d'arts apéritifs, canons & artillerie, qui sont engins +grandement ouvrans, puisque vous avez ces cahiers de vérité; ce bon +volume qui est la grosse clef d'ordonnance, à laquelle pend le trousseau +de toutes clefs. Pour le prouver, j'ai le pere Rabelais le docte, qui +fut Médecin de Monsieur le Cardinal du Bellay; & je le mets ici en +avant, parce que les substances de ce présent ouvrage & enseignemens de +ce livre furent trouvées entre les menues besognes de la fille de +l'Auteur. Ce Cardinal étant au lit malade d'une humeur hyphocondriaque, +fit assembler les médicins, pour consulter un remede à son mal. Il fut +avisé par la docte conférence des docteurs, qu'il falloit faire à +Monsieur une décoction apéritive, qui, réduite en sirop, seroit +accommodée à son usage ordinaire. Rabelais, ayant recueilli cette +résolution, sort, & laisse Messieurs achever de caqueter pour mieux +employer l'argent; & fait ledit sieur mettre au milieu de la cour un +trépied sur un grand feu, un chaudron dessus plein d'eau, où il mit le +plus de clefs qu'il put trouver; &, en pourpoint, comme ménager, remuoit +ces clefs avec un bâton, pour les faire prendre cuisson. Les docteurs +descendus, voyant cet appareil, & s'en enquêtant, il leur dit: +Messieurs, j'accomplis votre ordonnance, d'autant qu'il n'y a rien tant +apéritif que des clefs; &, si vous n'en êtes contens, j'enverrai à +l'arcenal quérir quelques pieces de canon: ce sera pour faire la +derniere ouverture, après l'exhibition de ces apozemes. Je pense que +cette preuve est de mérite. Avisez doncques bien, & diligemment +épluchez, & voyez avec curieuse conférence. Tous les autres prétendus +livres, cahiers, volumes, tomes, oeuvres, livrets, opuscules, libelles, +fragmens, épitomes, registres, inventaires, copies, brouillards, +originaux, exemplaires, manuscrits, imprimés, égratignés, bref les +pancartes des bibliotheques, soit de ce qui a été, ou est, ou qui jamais +encore ne fut ou ne sera, sont ici en lumiere prophétisés ou restitués; +de perdus, sont retrouvés & recouvrés. Et s'il y a bien davantage: si +quelqu'un a dérobé un oeuvre, il sera découvert, comme il se présume en +vérité, par une bonne révisitation de textes, paraphrases, commentaires, +métaphrases, homélies, annotations, récensions, notes, adversaires, +lectures, leçons, & autres telles négoces & inventions de gloses & +interlignes pédantines. Et les calculez: vous les trouverez ici, sans +qu'il soit plus besoin de tant de livres, romans, poésies, prônes & +bavarderies, qui occupent les esprits mal-à -propos, & lesquels, après +que l'on les sait, ne laissent pas l'industrie d'avoir un paillard écu. +A dire vrai, cette vérité a touché de compassion le coeur de beaucoup de +gens de bien, qui, pleins de charité, comme j'en ai vu de doctes & sages +avancés près les papes, rois, empereurs & républiques, gens sans fard, +lesquels oyant les affamés de bonne lecture, s'amuser à faire joliment +relier, parer, dorer & mignarder proprement des livres communs, tant +vieux que nouveaux; ces bonnes personnes, ayant déplaisir & regret au +tems qui se perd en la lecture de tant de livres de fadaises, de +surcroît emplis de douleur & obscurité, avoient l'ame touchée de +fâcherie & impatience, considérant que ce bon livre n'étoit pas connu +des vrais amateurs de sciences; déploroient la misere de tels pauvres +acheteurs abusés, & disoient: voilà dommage & pitié. Hé! qui ne +s'étonneroit du malheur qui abonde en ce tems. Voilà , ces misérables +dévoyés ont assez de ces livres de vétilles: ils n'auroient pas sitôt en +main un _Moyen de Parvenir_. Sur quoi je vous dirai un grand secret, & +puis l'autre; c'est que vous ne trouverez point en ceci de truandage de +pédantisme, comme ès autres, pleins du ravaudage de folle doctrine qui +n'apporte point à dîner. Et davantage, je vous dirai le secret des +secrets: mais je vous prie, afin qu'il soit secret, de vous embéguiner +le museau du cadenac de taciturnité; & écoutez. CE LIVRE EST LE CENTRE +DE TOUS LES LIVRES. Voilà la parole secrette, qui doit être découverte +du temps d'Hélie, artiste, ainsi que disent les alquemistes. Tenez-le +fort caché, & vous gardez des pattes pelues de ces enfarinés, qui +gourmandent la science & l'emplissent d'abus: étrangez-vous de ces +pifres présomtueux, qui, voyant les bonnes personnes désireuses de se +calfeutrer le cerveau d'un peu de bonne lecture & profitable, s'en +scandalisent: chassez ces écorcheurs de latin, ces écarteleux de +sentences, maquereaux de passages poétiques, qu'ils produisent & +prostituent à tout venant: gardez-vous de ces entre-lardeurs de +théologie allégorique, de ces effondreux d'argument, & de tous ceux qui +aiguisent les remontrances sur la meule d'hypocrisie. Fuyez telles +bêtes; & ne leur communiquez point ce rare trésor; ains le commettez à +gens de bien, comme gens de bien ont pris la peine de le vous donner; +non pour en abuser, d'autant que ce seroit un péché plus que contre +nature, parce qu'il n'est ni mâle, ni femelle. Je m'en rapporte à ces +sages & prudens prêtres, qui nomment leur bréviaire leur femme. O quelle +impiété rouge comme sang! Ceux qui parlent d'abuser de ce qui peut +servir, ne l'entendent pas. Je les renvoie au Principal du Collége de +Geneve. J'en atteste la pantoufle du Pape, que je dis vrai. + + + + +CONCLUSION. + + +XIII. Le second Ministre étoit malade. Je fus appellé pour le voir; je +lui fis au moins mal que je pus. Se trouvant un peu bien, il me parla de +ce Monsieur le Principal, & me dit qu'il étoit fallot. A ce mot, il +arriva; & moi bien aise, & aussi, parce qu'il y avoit occasion de rire, +_inter privatos parietes_, je me mis à faire des contes, & lui aussi; +mais les miens alloient plus vîte: de sorte que, soit ou pour +m'éprouver, ou pour se venger, comme il me l'a confessé depuis, il lui +prit fantaisie de changer de propos, & dit: O nous misérables réformés, +de proférer tant de paroles oiseuses, dont nous rendrons compte; & vous +le premier. Il est bien vrai, dis-je; mais, monsieur, il faut ici +_distingo_ Genevoisien; venons à l'écriture. Le sage dit qu'il y a tems +de rire & de pleurer. Et bien j'avons ri; ce que nous avons dit +n'offense personne. Les paroles oiseuses, sont celles qui offensent, & +qui sont dites pour ôter l'office, ou le bénéfice, ou la renommée à un +homme; comme si je disois, monsieur le principal abuse des graces de +Dieu; & que, pour le prouver, je misse en avant cette démonstration: +c'est que, tous les matins, il fait de son vit un chausse-pied. Ce bon +ministre se prit si fort à rire, qu'il fut tout guéri: & puis dites +qu'il ne se fait point de miracle à Genève. Dis que tu en as, papiste. +Recevez donc ce présent, ce passé, ce futur, beaux & fidèles esprits. +Vous y trouverez un insigne profit, attendu que tous les livres qui +furent jamais faits, ou seront faits par hommes ou femmes, filles ou +garçons, ou neutres, sont signes, ou marques, ou paraphrases, ou +prédictions de cettui-ci tant naïf, clair & évident, lequel est la fin +finale & intelligible de tous: & ainsi que tous ne sont & ne seront +qu'interprétation des secrets ici exposés, & qui ne se trouvent que par +dessein en ce beau & petit abondant moule de perfection exemplaire. +Quiconque le saura, sera capable de toutes sciences, & n'ignorera que ce +qu'il ne saura pas; d'autant que tout est ici au petit-pied en parfaite +idée, clarifiant tout autant qu'il est possible. Que si quelque mauvais +opiniâtre, incrédule, hérétique, stupide, conscientieux, faussonnier, ou +autre ribaudaille ne me veut croire; je parle à vous qui êtes de telle +qualité, & vous dis que, si vous ne croyez, je veux & désire qu'en guise +de personne demi-sainte, chacun pour soi, vous puissiez recevoir une +bonne secouade d'estrapade, qui vous dure une semaine, redoublant +toujours pour mignarder votre constance, ou une gêne de rage de +fondement, ou une cuisson de carnosités intolérable, ou un +chatouillement de fines goutes, ou passion colique, voire tout ensemble +avec toutes autres sortes d'incommodités à la sauce d'Allemagne, tant +qu'à votre requête je vous donne remede. Et ne vous scandalisez, si, en +l'excès de mes charités, je vous souhaite, avec si bonne & sainte +affection, tel & si grand bien. Assurez-vous que ce n'est sans cause, +d'autant que je sais qu'il vous en aviendra un merveilleux émolument; à +cause que, chatouillés de telles friandises de maux & trouble, de l'aise +cruel que vous en sentirez, aurez connoissance de votre faute, & ne +serez plus juges ingrats d'autrui, qui peut-être vaut mieux que vous. +Ainsi ce mal vous réussira en bien, afin que, vous souvenant de ce livre +en vos rigueurs, vous y aurez recours; & vous vous en trouverez ou de +même, ou mieux, ou pis, au grand avantage du salut de votre ame, si vous +en savez bien user, & comme nos bons peres de familles, qui traitent +bien leurs hôtes, & entretiennent les toîts de leurs maisons, de peur +d'être incommodés. + + + + +COROLLAIRE. + + +XIV. Par manda, j'en jure la bonne fête de madame la Saint-Jean, que je +ne daignerois vous tromper loyalement; & y eût-il à gagner autant que le +monde vaut, & fiez-vous en moi, comme le pauvre la Motte, qui étoit sur +l'échaffaud prêt à être rompu, ce qui le fâchoit fort, parce qu'il ne +l'avoit pas accoutumé, & il dit au greffier: hélas! monsieur le +greffier, à la pareille; souvenez-vous de la grace que messieurs m'ont +promise; je m'en fie en vous. Là , monsieur de la Motte, mon ami, +fiez-vous à moi; on ne vous fera nul mal. Mais tandis que je vous +sermone, il m'est avis que je vois un glorieux caparaçonneur +d'intelligence bigarrée, qui, donnant dans les hypocondres de la +conscience, pour éclorre quelque oeuf d'hypocrisie feint, qu'il a couvé +sous le voile bigot de sapience folle, lequel grignotant de dépit, & +pour faire l'habile homme, jettera dédaigneusement l'oeil sur ce +monarque des livres d'humanité; blasphémera, & pour en conter se fera +peter les mâchoires, comme un vendeur d'époussettes, disant que nos +paroles sont erronées; & nous pensera faire des escapades d'admirations; +alléguant des sentences du livre saint, auquel tels que lui n'entendent +rien. O toi donc cettui là à qui je parlois tantôt, relevé d'orgueil, +bouquin qui as été mille fois gourmandé par ta chambriere, ainsi qu'il +se fait volontiers en nos cloîtres. + +BEZE. Savez-vous comment? Je fais cette parantese à votre discours; +beuvez; puis vous acheverez. Mais devant, sachez que, quand une femelle +s'addonne à un écclésiastique, elle est, le premier mois, sa chambriere; +le second, elle est sa compagne; & le troisieme sa maîtresse; & ainsi +conséquemment. Et de fait, votre chambriere vient-elle demeurer avec +nous (pour nous servir, cela s'entend); le premier mois, elle est tant +sage, que tout ce que j'ai est à moi. Si, en sortant de l'église, je la +vois venir de chez un des confreres chanoines, je lui demanderai: d'où +venez-vous, Jeanne? Je viens de chez votre compere, quérir votre +vaisselle, que vous laissâtes hier que vous y fûtes souper. Ho dà ! tout +est encore à moi. Le mois d'après, je ferai la même question en même +posture. Elle dira, je viens de quérir notre vaisselle, que nous +laissâmes hier, chez notre compere où nous soupâmes. Ha, ha! nous y +avons encore part. Mais après, si je l'interroge; elle me dira bien +autrement. Que vous avez d'affaire, & n'avez point de chemise au cul! +Vous voulez tout savoir comme les grands. Je viens de quérir ma +vaisselle, que je laissai, hier au soir, chez mon compere où j'ai soupé. +Voilà , tout est à elle. Mais je ne t'ai pas laissé, ô maître sophiste, +perdu de la vanité de tes imaginations; ame déloyale qui ne peux +comprendre le légitime _Moyen de parvenir_, auquel tu prétends d'arriver +par sottise ou fraude ordinaire. Entens, vestaudier, que nous ne parlons +ici que des livres d'humanité; & t'en vas faire panser à mon barbier; il +te donnera, pour te faire docteur, une éponine ou épauliere, d'un coup +de barre de fer, sur le collet, en guise de chausse d'hypocras, ou de +hallebarde de drap. Que je dirois de belles choses, si je les savois; & +en bons termes & beaux, si j'osois éventer ma doctrine. Je ne suis pas +de ces petits docteraux, dont il est écrit: j'ai une tête de docteur à +dîner. Un avocat du Mans ayant plaidé pour un boucher, & ayant gagné sa +cause, il trouva sa partie. Hé bien, lui dit-il, n'ai-je pas bien plaidé +pour vous? Je le sais bien, dit-il, monsieur; aussi en récompense, vous +avez la plus belle tête de veau qui soit en la ville: ce sera pour votre +dîner. Ce jour-là , nous devisions, en dînant, de choses diverses. On +parloit d'une tête de veau, & aussi d'une serviette. A ces dernieres +paroles, un jeune chantre dit à un monsieur: véritablement, monsieur, +vous en avez une belle sur les épaules. Oh! devinez s'il parloit de +tête, ou de serviette par intelligence. Je ne suis pas aussi docteur à +la vinaigrette, ainsi qu'un tas de sages & beaux docteurs qui sont +_doctores à docendo_, comme _montes a movendo_. C'est lancer du latin +cela, comme pois en vessies. Allez donc au grat, correcteurs ingrats, & +vous gratez le cul au soleil; puis succez vos ongles. Ça ici, bons amis +du coeur, gens dociles, qui savourez le bien que dieu donne, voyez cette +analogie d'harmonie parfaite. Si quelqu'un ne prend plaisir à ce banquet +& aux beautés qu'il a produites, qu'il se fasse fouetter, comme fit +celui qui s'adressa à madame la principale. Je vous prie d'écouter ce +qu'en dit Ramus, qui fut son proche voisin. Paix là , paix; écoutez cet +homme de bien. + +RAMUS. Près le collége du cardinal le Moine, de mon tems, & non si près, +que ce ne fût aux fauxbourgs, une sage dame que tout le monde nommoit +madame la principale, un mercredi matin qu'elle étoit à la porte assise, +sans penser en mal, non plus qu'un autre: voici venir à elle un beau +jeune homme habillé à la jésuite, ainsi qu'un écolier envoyé pour +étudier. Il avoit une soutane. Soutane est un vétement; vétement est un +accoutrement; accoutrement est dont on s'habille. Il étoit donc habillé +d'une soutane. C'est comme nous eussions dit, de notre tems, _un saye_ +tout d'une venue. Je dis ceci, afin que vous trouviez ici la raison de +tout; & notez qu'il est vrai que, de ce que vous desirez avoir la +raison, sans faute vous la rencontrerez en ces mémoires. (Remarquez ce +grand & admirable secret.) Si vous ne la rencontrez à votre intention, +voici le remede; écrivez-la en un papier tant de fois, la corrigeant & +racoûtrant, qu'elle vous plaise; & au soir, à soleil couchant, +transcrivez-la, ou la faites transcrire en ce livre; & je vous assure +que vous l'y trouverez au matin, si vous vivez: & que vous y regardiez, +& que le livre soit encore en votre puissance, & que n'ayez perdu la +vue, ou la mémoire. Et s'il y a encore quelque chose à dire, je le tiens +pour dit, & c'est en quoi git l'admirable perfection de cette notre +science universelle, mondaine & céleste. + + + + +DESSEIN. + + +XV. Mais à propos je m'ébahis comment, ô bon Gilandius, & me fâche qu'en +Europe les chrétiens, même les bons catholiques, usent tant du vétement +des Turcs, vu que nous ne voudrions pas être Turcs. Et ce qui me met en +plus grand souci pour ces soutanes, est que tel habillement est devenu +commun au grand préjudice des cocus, depuis que les braguettes ont été +déclarées insupportables. Je me souviens qu'aux seconds troubles nous +étions en garnison à la Charité. Etant en garde, s'il passoit un homme +avec une braguette, nous l'appellions papiste, & la lui coupions: +c'étoit mal fait, d'autant que sous tel signe, il y a de grands mysteres +quelquefois cachés, vu que papiste peut signifier _pere de la foi_, ou +_suivant la foi paternelle_. Je m'en repentis, & m'en allai à Cosne, où +nous nous fîmes soldats derechef, & nous mîmes ès bandes catholiques. Il +nous avint une autre cause de remords de conscience: c'est que, voyant +ces ébraguettés, les disions huguenots. Notre bon ami Budée m'avisa de +ce péché, m'instruisant que ce mot étoit grec, signifiant _heureusement +reconnoissant_. En cette agitation, je m'en allai à Basle, dont je +revins avec les jésuites, qui en apportoient cette invention. Je les +laisse disputer avec Calvin, pour voir qui sait mieux entr'eux la +religion du Turc, c'est-à dire, turcisme. O Suisses heureux! ne changez +jamais de braguettes. Voyez, il ne faut que ce texte pour faire brûler +beaucoup de pauvres gens. Ne changez point vos coutumes avec celles du +Turc qui ne boit que de l'eau. Boire du vin, c'est être bon catholique. +Y mettre trop d'eau, est se sentir de l'hérésie. Ne boire que de l'eau & +avoir le vin en haine, est pure hérésie noyable, approchant de +l'athéisme. N'en parlons plus. Mais vous, messieurs, qui avez femmes +belles & friandes ou belles amies, defiez-vous de ces buveurs d'eau, & +de ces gens qui ont la queue si longue, sous laquelle en liberté pend +l'outil à faire la pauvreté. + +CESAR. Qu'est-ce que _faire la pauvreté_? + +RAMUS. Puisque je vous vois ententif, aussi éveillé qu'un chat qu'on +fesse, vous le saurez. Toutefois je m'étonne, que vous, qui êtes Latin, +ne le savez; & sur-tout vous, qui, entre les galans, savez mieux votre +cour. J'ai pensé dire comme nos docteurs, votre _entregent_: mais il me +sembleroit dire _entre-jambes_; tant cela est fat. Mais oyez: _Bipes +facit damnum_, l'animal à deux pieds fait dommage. Onan en mourut +célestement puni. _Quadrupes facit pauperium._ Venez un peu ici, hé! +couilliacier de Papinian. L'animal à quatre pieds fait la pauvreté; +c'est que, faisant la pauvreté, on a quatre pieds; on pratique le doux +androgine, on fait la bête à deux dos; on fait le destin d'homme à +femme; c'est faire la cause pourquoi, c'est exercer les bons membres; +c'est être bonne personne, parce que nul n'est bon, & n'y a bonne +personne, que celle qui, se faisant du bien, en fait à un autre. Il y a, +_Fac benè, & benè tibi erit_. Et bien, voilà alléguer la loi, comme un +beau petit licencié de l'antechrist. Si, nous autres doctes, n'avons que +faire de noter le titre, ni le paragrafe, c'est à ces petits écoliers, +qui ne font que venir, & tous nouveaux commencent à briller. + +SEVOLA. Cet écolier ensoutané vouloit-il faire la pauvreté avec la +principale? + +CARPENTIER. C'est bien au rebours. Quand il l'eut profondément saluée, +(ainsi on salue les dames; & les hommes, on les salue longuement & +directement, &, _à contrario, quia_) elle, lui rendant son salut, lui +dit: treves de chapeau, Monsieur; mettez dessus. Il repart: treves de +fesses, Madame, tenez-vous ferme. Ainsi les hommes saluent du chapeau; & +les dames saluent du cul. + +RAMUS. Poursuis, garçon. + +CARPENTIER. Ayant mutuellement achevé la salutation, il lui dit qu'il +desiroit parler à elle, s'il lui plaisoit. Elle le mene en sa chambre, +où ils s'asséent, & il dit: Madame, étant trébuché en extrémité de +creuse dévotion, j'ai bonne envie d'être fouetté, réellement & de fait, +par quinze matinées consécutives. S'il vous plaît me faire ce bien d'en +prendre la peine, je vous donnerai douze beaux écus, & un écu pour les +verges. Elle répond: Monsieur, excusez-moi, s'il vous plaît; je ne me +connois point en fouetterie. A donc ce jeune ensénovillé gracieusement +se retire. Oh! combien il y a d'écoliers, qui voudroient que fesserie +fût éteinte, & que l'on n'en parlât non plus que de nôces en paradis. La +dame, revenue à sa porte, fut enquise, par une voisine curieuse, de +l'intention de ce beau fils, à laquelle la principale le déclara. O, ma +voisine! dit l'autre, que ne me l'avez-vous adressé! Il le faut +appeller. Huguette, (c'étoit sa servante) allez après, lui dit la +principale. On cria après lui, à la mode des marchands de Paris: +Monsieur, Monsieur! Il revint, & demanda à la dame si elle s'étoit +ravisée. Non, dit-elle, mais voici ma commere Laurence, qui vous rendra +content. Elle les mit ensemble; & ils allerent chez elle, à l'enseigne +de la coquille, faire leur marché; & depuis il vint, tous les jours, +être fouetté demi-heure; & ce, à sept heures du matin, qui est une heure +fort commode à se faire fouetter; je vous en avise. Laurence, le +trouvant gras & frais, eût bien voulu qu'il l'eût fouettée de verges de +Saint-Benoît, dont il ne faut qu'un brin pour faire une poignée. Le tems +& la fesserie accomplie, le fessé paya fort bien la fesseuse, & s'en +alla. La bonne dame, à ce qu'elle disoit, en s'en délayant les +badigoinces, eût bien voulu avoir souvent de telles pratiques: aussi +étoit-elle de nos soeurs, faisant souvent plaisir aux amis; & faisoit +exercer, comme dit Plaute, le proverbe de tantôt: _fac benè, & benè tibi +erit_. Fais le bien, & il te fera grand bien. Ce sont de belles choses. +Belles, si vous le savez, taisez-vous: si vous ne le savez, laissez-nous +faire; nous vous l'apprendrons. Or Laurence ne faisoit pas l'amour; (il +est tout fait; apprenez, jeunesse) mais elle pratiquoit les jeux d'amour +avec un moine de Saint-Denis, qu'elle aimoit de bon foie, de bon coeur, +(laissons le nom) de bonne cuisse, & de bon ventre. La coutume en étoit +pour lors, parce que c'étoit durant les guerres, devant ou après; (il ne +faut pas être si exact en tems, si ce n'est aux contracts, & sur-tout +entre faussaires) & puis à Saint-Denis ils étoient tous gentilshommes; +parquoi toutes bonnes conditions leur étoient permises; même ils les +autorisoient: ce qui ne peut être, depuis, à ce qu'on m'a conté, qu'il y +en est entré qui sentent l'aune, le marc, le mortier, & autres telles +ustensiles roturieres, qui est cause qu'ils sont sujets à la loi +commune, puis qu'ils sont enfans de personnes communes, _in utroque +genere_. Or bien son ami frere Ambroise (dont on chante: _vous avez bû +la cervoise, frere Ambroise, dont vous êtes enivré_) lui envoya sa +haquenée. J'ai quasi dit _son haquené_, d'autant que son fils représente +sa personne. La bonne Laurence monta dessus, en bonne intention de lui +aller apprêter un bouillon. Aussi falloit-il restaurer le pauvre +religieux qui étoit infirme, ayant une forte colique dans le ventre, ou +dans la tête. Elle s'achemine. Et ainsi qu'elle est dans cette forêt de +moulins à vent, voici sur la brune son fessé avec sa soutane, qui lui +vint à la rencontre: & sur cela belle chose & grande pitié. Pleurez, +vieille, pleurez: mais non faites; d'autant qu'il n'y a point de rime +sur vieille; & j'en dépite tous les poëtes, fussent-ils autant savans +que _chose_. Pleurez donc, & chiez bien des yeux; vous en pisserez +moins. Cet homme, qui avoit eu la fessée au prix de son argent, vint à +elle, & lui dit: mettez pied à terre; &, lui faisant la révérence de +basse taille, avec un visage déchiqueté de mines remontrantes, +passementé de rides de répréhensions, la prit & l'empoigne, & s'assit +sur une pierre du chemin, la met sur son genouil le cul à mont, la +trousse comme une petite fille qui va à l'école chez un montreux, & la +fesse à nud avec de bonnes & sanglantes verges sur son cul de derriere. +Elle n'en vit rien; & cette action lui repoussa fort & ferme le +fondement. La haquenée, toute ébahie, regardoit si on lui en feroit +autant, pour la passer maîtresse, comme le cheval de Rabelais fut passé +docteur à Orange, sous le nom de _Joannes Cavallus_. Après la fessade +accomplie, le jeune homme remit madame Laurence sur sa bête, à laquelle +tournant la tête vers la ville, il la renvoya & tout le paquet à la +ville, recommandant l'ame de Laurence à sa bonne grace. La pauvrette +revint avec grande frayeur, & se mit au lit, où elle ne fut que cinq +jours, finis lesquels elle mourut comme une vache qui trépasse. + +CESAR. Hé quelle fessée! Quel appliqueur de stigmates sensuels! O diable +si cela me plairoit; j'aimerois mieux que tels +fouetteurs-fouettés-fouettant, attendissent à naître après le jugement. + +CARPENTIER. Or le fouetté-fouettard conduisit sa fouettée de belles +bénédictions, en lui disant: adieu, ma douce amie; ci-après soyez sage. +Bienheureuses sont les personnes bien fouettantes, & bien fouettées. +Voilà comme la pauvre Laurence a changé d'air; & avint, à sa mort, une +merveille notable, une chose émerveilleuse. C'est que son ame sortit de +son corps par l'endroit proportionnel & semblable à celui par lequel +toutes les autres ames s'en vont. + +ESOPE. Que faisoit la haquenée, tandis qu'on fessoit la dame? + +RAMUS. L'as-tu pas ouï? Elle chioit de male rage de peur; & fiantoit si +sec, que ses étrons devinrent étuis de lunettes, pour ceux qui ont +courte haleine: mais un petit bout de patience. Messieurs les +théologiens, dites-moi, si vous savez tous, qui étoit ce +fouetté-fouettant. Vous en savez autant les uns que les autres. Vous +hésitez, parce qu'il rendoit la pareille pour néant contre vos maximes: +rien pour rien, tout pour argent. A dire vrai, (& je l'ai appris du +grand vicaire du pape Jacques sixieme) que c'étoit un bon & magnanime +pénitent, l'un de ceux qui (par dispense spéciale, comme dit le docte +St. Antonin, lequel sortit de purgatoire, pour faire bien à quelques +ames extravagantes. Si vous n'admettez cela, je dirai que c'étoit un +vrai diable) s'en vint trouver proie, la goule enfarinée de bresil, se +connoissant en parchemin; & parce que cettui-ci n'étoit pas vierge, il +le courroya, ainsi que sera le vôtre, s'il y échet. Amen. + + + + +HOMÉLIE. + + +XVI. CUJAS. Le parchemin peut bien mais de ceci; je m'en rapporte à la +Nonnain, & ne le voudrois avancer, sans que ces méchans hérétiques en +font le contenu au désavantage de la Religion: parquoi je le dirai au +vrai pour leur fermer la bouche, & qu'ils soient punis s'ils disent +autrement qu'il n'en est. Cette dame, par avis de connoissance, & pour +savoir le plaisir qu'il y a, sans toutefois tendre à aucune volupté ou +déshonnêteté, avoit voulu faire la pauvreté, & la fit moyennant un ami, +à quoi il n'y a point de coulpe, ainsi qu'elle m'a dit, d'autant qu'elle +ne s'y étoit obligée, ni par serment, ni par notaire, ni prêtre, ni +ministre. Aussi c'est un grand fait, que depuis qu'un fou de prêtre, ou +un étourdi de ministre, ont donné congé à deux personnes, ils le font à +gogo; mais le diable y est, pour autant que les pauvres mariés le font +par contract; ils y sont obligés: & les autres le font par plaisir, sans +être sujets à la loi, en quoi gît tout contentement. L'abbesse, un jour, +s'appercevant que cette nonnain venoit à quatre pieds au choeur, la prit +à part, & lui remontra, la censurant améro-doucement, comme font les +capucins, qui en cela imitent les ministres de Genève, qui épluchent à +leur mercuriale qu'ils font le jeudi prochain des quatre-temps, & puis +vont banqueter ensemble. Soeur Dronice, qui ne voulut point être tancée +pour avoir bien fait, lui dit humblement: madame, pardonnez-moi; je ne +pense pas avoir failli. J'ai lu au grand livre de parchemin: _bonum est +omnia scire_, il est bon de tout savoir. O, ma fille, il falloit tourner +le feuillet, vous eussiez trouvé: _& non uti_, & n'en faut pas user. +S'il eût été usé je n'en eusse pu travailler. Madame ma chere mere, +excusez-moi, s'il vous plaît; quand je serai de votre âge, je tournerai +le feuillet. + +SOLON. Puisqu'elle n'avoit point gâté son fruit, il la falloit louer. Si +jamais je fais des loix, je me joindrai avec notre ami Lycurgus, & +promulguerai cette-ci: _Toute fille qui aura fait un enfant à crédit, +sera dotée aux dépens de la ville_. + +PLUTARQUE. Si cela est reçu, on aura de beaux enfans, que les meres +feront à la dérobée; & les meres seront conservées; au contraire que, +selon qu'il avient souvent par sotte & maudite cruauté, les meres tuent +leurs enfans, puis sont justement punies, faute de bonnes loix. + +DENIS. Le diantre emporte qui en ment, disoit Janot à sa mere. + +PLUTARQUE. Je vous assure que j'ai ainsi ouï parler, & l'ai mis en mes +apophtegmes françois, & bien d'autres de ces menues réponses. Sa mere, +disputant, un jour, avec lui, & par dépit de quelque mauvais ménage, lui +reprocha sa femme, lui disant qu'elle étoit putain. Hau, ma mere, +dit-il, laissez-là ma femme, je vous prie; parlez de vous. Il est vrai +que, comme on lui dit que sa mere très-malade, se mouroit, il courut +l'assister plutôt que sa femme; &, comme on lui en disoit quelque chose: +otto o, dit-il, si je perds ma mere, je n'en pourrai retrouver une +autre; & si ma femme meurt, j'en trouverai assez d'autres. Sa mere étant +relevée, & devisant, avec sa voisine, du secours que lui avoit apporté +son fils, le vit venir, elle va dire: le voilà qui vient, ce grand +maladroit; mais avisez un peu comme il marche, ce grand fils de putain. + +POLIPHILE. Un jour, il m'en avint autant. Ma mere étoit fâchée contre +moi, & me voulut fesser; je résistai; elle me dit: tu en auras une autre +fois, petit fils de putain. Mon pere me trouva tout pleurant; & je lui +en dis la cause. Va lui dire, ce me dit-il, qu'elle est une sotte. Elle +me répondit, aussi-tôt que je le lui eus dit: va dire à ton pere qu'il +est un cocu. En même tems, un petit garçon de Paris appella un autre, +fils de putain, qui s'en prit à pleurer, & le vint dire à sa mere, qui +lui dit: que ne lui as-tu dit qu'il avoit menti? Et que savois-je, +dit-il? Ainsi parloit le curé de Saint-Denis, un dimanche, à son prône; +il exhortoit tout le monde, & dit aux dames: quant à vous autres, mes +bonnes paroissiennes, je vous reconnois pour femmes de bien; mais vos +enfans sont de mauvais fils de putains. + + + + +JOURNAL. + + +XVII. COMINES. A ce propos; une après-dînée, la reine d'Egypte étoit à +deviser, en sa chambre, avec quelques dames, sans autres personnes +(c'est qu'il n'y avoit ni homme, ni prêtre, ni moine, ni ministre). Le +seigneur de Danois se présenta pour entrer. Comme il eut vu qu'il n'y +avoit point d'homme, il se retira. La reine, qui l'avoit apperçu, +l'appella: ho, monsieur le grand prieur, entrez; vous y pouvez bien. Au +commandement, il s'approche. Elle lui dit: nous étions sur le sujet des +dames. Vraiment, madame, le sujet est unique en perfection. Mais qu'en +dites-vous? Tout bien, madame. Et encore? Dites-nous-en, à bon escient, +votre opinion. Puis qu'il vous plaît, madame, par la mordong, toutes les +femmes sont putains. O, ho, dit la reine, & moi? A, ha, madame, vous +êtes la reine. Et votre mere? Madame, ne parlons point des trépassés. + +BRUTUS. Comment vous parlez au désavantage des dames? + +COMINES. Point, d'autant que cela ne les touche aucunement. Mais à +savoir, s'il y a honte, ou non? Je pense que non. Si quelqu'un nommoit +une dame boiteau de foin, lui feroit-on autant ou même tort, que de +l'appeller putain? + +BRUTUS. Il n'y a point d'apparence. + +COMINES. Et si c'est une même chose, que direz-vous? + +BRUTUS. Je ne sais. + +COMINES. La nuit passée, il y eut un moine dru, gai & gaillard, qui fut +surpris avec une garce. J'ai quasi dit avec une _grace_; il n'y a que +transposition de lettres. Il s'étoit ébattu avec elle, _cum commento_, & +la sauce. Ses supérieurs lui remontrent qu'il avoit offensé. En +s'excusant, il démontra que non, disant qu'il étoit, selon la pauvreté +de l'ordre, couché sur un boiteau de foin: _quia omnis caro foenum_, +parce que toute chair est foin. Concluez. + +GUIDO. Je pensois que vous voulussiez donner jusques à St. Denis, & +parler de frere Jérôme, qui cherchoit la pierre à casser les oeufs. + +ALAIN. Qu'est-ce à dire! + +VIVES. Vous le saurez tantôt. Ce moine, pour le dire plus gaiement, +cherchoit la pierre philosophale, & étoit Parisien. Et de fait, j'ai été +en beaucoup de lieux & places du monde habitable philosophique, & je ne +vis jamais en aucun endroit tant de Parisiens qu'à Paris. Et bien que, +durant le grand jubilé, je visse beaucoup de Bretons à Rome, si n'en +ai-je tant vu oncque en un monceau qu'en Bretagne. Ne fou déplaise, ô +gros Thevet, bête de bon esprit, que tu étois sot, quand tu me dis qu'il +n'y avoit point de contrée, où il y eût plus de vingt-quatre heures de +jour, & que tu estimois que payennerie fut nationneté, comme tu dis en +ton livre des portraits des Grecs, Latins & Payens! Ta révérende +cervelle symbolise avec celle de messire Guillaume le Vermeil, quand tu +dis en ton histoire qu'Anacréon s'étrangla d'un pepin, (comme il +témoigne par ses écrits. Tu es un faiseur de parenthèse)! dont il mourut +parenthésaquement au monde. + +THEVET. Je vous attraperai tantôt, maître rufian, qui faisiez semblant +de me visiter; mais c'étoit pour, en mon absence, travailler ma jeune +chambriere. + +BRUTUS. Que tu dis de sottises! Ne saurois-tu lui dire autrement? Il +t'est avis que tu dis bien, d'avoir parlé de travailler, comme la +derniere fois que nous étions avec le feu roi notre maître. Tu voyois un +grand viédase d'évêque sur un beau cheval, & l'ayant considéré, le nous +vins dire: voilà un homme qui besongne mal, pour dire _il chevauche +mal_. + +VIVES. Laissons cela; nous le dirons au roi. Or frere Jérôme, cherchant +la pierre philosophale, que sans doute on trouvera ici. (Et ce que je +vous dis est vrai; & s'il n'est vrai, je puisse mourir devant toute la +compagnie, demeurant aussi sain & sauf que je fus jamais, ainsi que +Georget notre métayer, à qui son compere dit: je sui mau de toi. Et que +te faut-il? On dit que tu couches o ma femme. Pardai, Jean mon ami, +mordienne, ils sont menteurs. Que je passe monter sur iquent hesne, & +que j'en tombe de branque en branque, que je me rompe le cou sans m'y +faire mau, si je toque en pus que tai. A de pardi, alin bere, compere, +alin bere). + + + + +MAPPE-MONDE. + + +XVIII. Or frere Jérôme avoit consumé plus de trente ans à sa recherche, +& n'en avoit rien rapporté. J'en crois le Vigénere, qui n'en a pas fait +moins. C'est lui qui m'a fait ce conte; à quoi il ne songe pas à cette +heure, tant il est jaloux. Le voilà avec Postel, à fripper quelque vieil +haillon d'histoire, pour accommoder sa pierre. Les parens du frere +Jérôme, voyant qu'il se consumoit mal à propos, délibérerent ensemble de +lui en faire quelque gracieuse remontrance (non pas si grasse, que la +faveur de la vieille, à laquelle on avoit dit qu'il falloit graisser les +mains de son avocat; & elle, le prenant par derriere, lui ondoyoit les +mains avec une piece de lard, ainsi qu'il avoit les mains sur les reins. +Le bon homme, se revirant, lui dit: que me faites-vous, ma mie? On m'a +dit, monsieur, que je devois vous graisser les mains. Ha, pauvre bonne +femme, ce n'est pas dit quelle graisse). La conclusion prise, pour +tâcher à le détourner de telles follies, un des plus notables parens eut +charge de l'aller inviter, lequel le moine lui promit, moyennant la +commodité de monsieur son fourneau, qu'ils nomment _athanor_, dont les +fous alquemistes font un grand Achilles, ayant trouvé en Néhémie ce mot +_Athanorum_, i. des fourneaux. Voilà une des gloses des chymistes, dont +la secte est la plus jolie du monde, parce qu'à leur dire, & entr'eux, +il n'y en a pas qui sache; ils se tiennent tous pour bêtes au spécial, & +n'en estiment aucun, qui, au jugement des autres, ne soit un ignorant: +mais s'il y en a quelqu'un qui se laisse mourir, le voilà , par leur +jugement, aussi-tôt canonisé. O, diront-ils, grande perte! S'il eût +encore vécu quinze jours, trois heures & dix-sept minutes, il eût achevé +l'oeuvre, que j'acheverai, d'autant que j'ai son secret. Mais le +principal est de dîner; à quoi faire, vint à Paris le frere, qui s'y +transporta sans oublier son bon appétit. Il trouva bonne compagnie, qui +fit bonne chere. Après dîner, selon l'avis pris, vint à lui une dame +choisie entre celles qui ont été dépucelées sur le tard de leur âge. +Telles sont plus sages & meures, parce qu'elles n'ont tant été, ni sitôt +hochées; elles en sont plus fermes. Adonc la sage vieille, prenant la +main charbonneuse de frere Jérôme, lui dit: monsieur mon cousin, la +pitié que nous avons de vous voir décheoir, non-seulement de commodités, +mais aussi d'honneur, vu le mépris auquel vous gisez par vos +déportemens, est cause que nous nous sommes assemblés; & nous vous avons +appellé ici, pour vous dire notre ennui, vous priant de vous reconnoître +& penser à vous, & au lieu dont vous êtes sorti. Vous êtes en âge d'être +sage; faites paroître que vous l'êtes, prétendant à choses dignes de +vous. Que cuidez-vous, pour devenir si riche? Quand bien cela +aviendroit, que vinssiez à bout de votre philosopherie, vous devez être +content, vous avez le viton & le vetiton, sans en rechercher davantage +par cette arquemine. Il ne lui laissa pas achever, qu'il lui dit: madame +ma bonne cousine, je vous prie ne passer outre; je ne m'y amuserai plus +gueres; j'ai presque fait: mais il faut achever; je suis sur le point. +Ne pensez pas pourtant que je cherche ce grand bien, pour être riche; je +suis assez content d'avoir le _victum_ & le _vestitum_: mais sachez, ô +bienheureuse cousine, si vous le voyez, que, quand j'aurai fait cette +divine oeuvre, j'aurai une belle poudre, de laquelle je prendrai, au +soir, ou au matin, un seul petit grain, avec de la conserve de roses; & +je le ferai sept coups. + + + + +MÉTAPHRASE. + + +XIX. Dis que tu en as, grand chemise: & moine de rire, & de conter que +l'hiver passé, que la Seine chariote, un fauconnier venoit de la chasse, +avec son valet, qui l'avoit fâché; & il le vouloit battre: quand ils +eurent mis pied à terre, il y parut. Le maître prit une fourche, pour +plauder son serviteur, qui, n'en étant pas d'accord, s'enfuit & se jetta +en la riviere, qu'il passa à la nage; puis étant delà l'eau, le poulce +contre la joue, la main en aîle, fit la quine-mine à son maître, lui +criant tout haut: j'en savois bien d'autres. Et, là , là , _mundus, caro, +dæmonia_, le monde n'a cure de moines. + +CUJAS. Cette belle haquenée de bran nous a fait perdre la pierre à +casser les oeufs. + +VIVES. Non, ha non, j'y suis. Il y avoit, près Saint-Yves, un jeune +gentilhomme logé en chambre garnie, seul en sa chambre. Et ceci avint, +durant qu'il y avoit grand débat entre les moines & les ministres, pour +décider, qui étoit le mieux dit: _c'est demi-vie que d'être saoul_: ou, +_c'est demi-vie que de rire_; sur quoi ils se confondoient comme +hérétiques. Ce jeune homme, qui ne se soucioit pas beaucoup de ces +débats de théologie, jetta l'oeil sur la servante, qui étoit une assez +belle connaude, mais un peu nice. Il parloit souvent à elle assez +froidement & discrétement. Entr'autres, un jour, il lui dit: vous êtes +des champs, ma mie? Voire, monsieur. Je m'en doutois bien: je ne laisse +pas de vous aimer, autant que si vous étiez de la ville, vous voyant si +bonne fille & si bonne ménagere. En dà , monsieur, je vous en rends +graces. Or, ma mie, parce que je vous aime, & que vous nous servez bien, +je vous veux avertir, pour votre grand profit, qu'il y a un certain mal +qui prend aux filles des champs, quand elles viennent demeurer en la +ville: c'est qu'il leur croît dans le ventre de petits oeufs, qui y +grossissent & se durcissent; & puis il faut que les pauvres filles +montrent leur derriere au barbier. Je serois marri que cela vous avînt. +Il n'aviendra pas pourtant, si vous me voulez croire. Je ferai quelque +chose pour vous; & il est tems d'y commencer: je vois, à votre teint, +qu'il y en a déjà . Ardé, monsieur, je vous suis bien attenue; il est +bien vrai que je ne me porte pas bien; je ne suis pas en mon naturel. Je +vous donnerai demain quelque chose. Le matin venu, qu'elle vint en sa +chambre, il lui donna une cueillerée d'hypocras blanc, qu'elle savoura, +& lui dit qu'elle allât & vînt par le ménage, puis qu'elle déjeûnât d'un +peu de pain sec. Cela fut continué, deux ou trois jours. Un matin que +madame n'y étoit pas, il prit cette fille; & riant doucement, il la posa +contre le lit, comme pour lui regarder en la bouche. Hélas! monsieur que +voulez-vous faire? Je ne vous ferai point de mal; je veux vous casser un +oeuf, qui est prêt de se durcir. Elle se laissa faire & lui fit +céleques; il lui mit chair vive en chair vive. + +CUJAS. Mais encore, ô bon Lycurgus, est-ce péché de mettre chair vive en +chair vive? + +LYCURGUS. Non, quand ce n'est point contre les loix écrites. Si vous +mettez votre nez en mon cul, ce sera chair vive en chair vive; c'est +auprès de la merde. + +VIVES. Le gentilhomme acheva ce qui n'étoit point commencé: aussi ne +sauroit-on besongner une pucelle, parce que l'on ne sauroit mettre si +peu avant, que ce ne soit achevé. Elle s'en trouva fort bien, sinon +qu'il lui cuisoit un petit; & non tant, qu'elle ne fût contente d'y +retourner, tellement qu'en dépit qu'elle vouloit bien, il lui cassoit +souvent des oeufs au corps, au grand plaisir de la fille, qui eût voulu +en avoir autant en une ventrée, que l'on eût pu en casser en cent ans, +sans faire autre chose. Un jour que déja elle y étoit affriandée, & +qu'elle avoit trop musé, sa maîtresse la tança, quand elle fut +descendue, lui disant: vous êtes une affetée; vous faites quelque +méchanceterie avec cet homme de là -haut. Ha, ha, becasse, babouine, +qu'avez-vous tant fait là -haut? Rien autre chose, madame. Vous avez +menti, vilaine. Ne vous déplaise, madame; c'est ce que je vous dis. Vous +faites là -haut quelque rien qui vaille, avec cet homme. Hélas, madame, +ma bonne maîtresse, vous avez grand tort; c'est le plus honnête homme du +monde: il m'étoit venu des oeufs au ventre; & il me les a cassés. Quels +oeufs sont-ce, vilaine, quels oeufs? O regardez, madame, s'il n'est pas +vrai; tenez, je hausse ma chemise; voyez-en le devant, qui est tout +mouillé de la glaire qui en est sortie, quand il les cassoit. + +TERENCE. Sa maîtresse ne lui fit rien? + +GUIDO. Et que lui eût-elle fait? Elle la devoit tuer, voire donc sans +qu'il y parût. + +TERENCE. Comment ce feroit cela? + +GUIDO. Mon ami, si tu veux faire mourir une personne, sans qu'il y +paroisse, souffle lui si fort par le cul, que l'ame s'en aille par la +bouche. + +TITE-LIVE. Par Ædepol, voilà de belles nouveautés. + + + + +PARAGRAPHE. + + +XX. Davantage, il y a je ne sais quelle sorte de bouts d'hommes, ayant +les ames mal préparées à ces enseignemens, lesquels ont de petites +putains de fantaisies, qui les empêchent de voir & entendre. Tels +diront, comme faisoit hier un maquereau de l'antechrist: je ne sais que +trouver ici de nouveau. Je savois bien cela; je l'ai vu autre part; je +l'avois ouï dire. Pauvre défoncé d'entendement, avalé de la brague de +raison, déchaussé de cervelle jusques aux talons, fou métropolitain, +penses-tu pouvoir proférer quelque indiscrétion contre ce code de toute +vérité? Ne sais-tu point que ceci est proportionnellement établi plus de +cinq cents ans avant la création du monde? Te voilà au rouet: tu +n'entens pas ce problême. Aussi ne font plus sages que toi. Et encore tu +oses gronder, hérétique que tu es! Es-tu plus que le roi, qui sait bien +que, quand ce volume ne seroit point conféré au public, il ne lairroit +d'être écrit dans les ames des doctes, gravés dans les coeurs des +savans, imprimés dans les consciences des gens de bien, insculpé ès +esprits curieux, & mis au net dans les entendemens des bonnes personnes, +selon la minute qui en fut brochée par les premiers peres. De là avient +que, quand qui que ce soit s'est immiscé, mettroit, ou se mettra en +avant à faire quelque chose de bon, il se trouvera tiré & extrait, ou +puisé de cette source abondante en bénédictions de fontaine doctorale. +Croyez-le, si vous voulez: ou ne le croyez pas; si est-ce qu'il est bien +aisé de le croire, d'autant que vous croyez des choses de plus difficile +croyance. Vous croyez fort aisément que vous êtes habile personne; & +possible votre voisin croit le contraire, & que vous êtes une bête de +haute graisse en dépit du carême. Mais avisez à un conseil que je vous +donne, pour paroître en perfection de finesse. N'allez jamais dîner chez +ces seigneurs, où madame dîne à part, d'autant qu'il y a là des maîtres +d'hôtel du Levant. Ce sont Turcs; ils veulent faire mourir de faim les +Chrétiens; ils vont vîte en besogne. Otez-vous de-là ; vous n'auriez pas +le loisir de refaire votre nez. Quand je m'y trouve, afin d'empêcher +cette levée de plats, je demande à boire à quatre ou cinq tout à la +fois. Ceux-là ne peuvent aider à lever, ainsi j'en attrape; puis je me +venge sur le vin. Je ne parle pas de ceux qui ne soupent point. Il fait +bon avec eux à dîner: attachez là votre âne; faites-y bonne chere; puis, +après dîner, faites bonne mine: tenez-vous roide sur le devant, comme +une chevre qui pisse. Or, mes chers amis que j'aime de toute ma +fressure, si vous avez affaire de quelque sujet, cherchez-le ici; & ne +vous chaille des autres. Vivons & buvons, selon nos mérites. Il ne nous +faudra point de bésicles sur les oreilles, pour nous détourner le rhume; +ni de cotton dans le nez, pour l'empêcher. + + + + +OCCASION. + + +XXI. Un jour, Denost dînoit avec son prélat. On commença à proposer. Il +y avoit une belle langue de carpe, que monsieur donna à Denost & à son +prochain assis; & dit: je vous la donne à tous deux. Denost dit à +l'autre: Cornu, jouons à croix ou à pile, qui l'aura. C'est bien dit, +dit Cornu; il ne faut pas la diviser. Denost tire un douzain, & dit: que +prens-tu, Cornu? Cornu dit: je prens la croix. Et l'autre dit: & moi la +langue; & la mangea. Un médecin, qui étoit de ceux qui savent tout, +considéroit cet homme qui avoit le nez fort rouge; & comme il eut divisé +avantageusement de sa science, Denost va dire à ce médecin: monsieur, +vous qui êtes si expert, me feriez-vous bien partir ces rougeurs que +j'ai au visage & au nez? Oui dà , monsieur: j'en ai bien effacé de plus +maculées. Et combien me demanderiez-vous, pour ce faire? Deux cents +écus. Par le saint sabre du castud, vous êtes un affronteur, monsieur le +docteur. Vous ne sauriez pour si peu, d'autant qu'il m'en a coûté plus +de mille, à le rendre ainsi de haute couleur. Ecrivez ceci, vous autres +petits écoliers, en parchemin vierge. + +GALIEN. C'est une pitié que d'être tant de monde; on se ravit le propos +de la bouche les uns des autres? Tantôt on en parloit, & on me le fait +oublier: mais encore, sur le renouement de propos, qu'est-ce que vierge? + +CORDUS. _Virgo est puella intacta_, vierge est une fille à qui on n'a +rien fait; mot à mot, une fille non touchée. + +GALIEN. Ha, ha, hé, appelez-vous cela _intacta_? Une dame de Blois ne +l'entendoit pas ainsi. On parloit d'un sien cousin qui étoit décédé, & +sa femme étoit demeurée _intacta_. Cette femme l'ouit, & dit que ceux +qui le disoient avoient menti; que son cousin n'étoit point ladre; qu'il +ne tenoit point du tactac. + +HYPOCRATE. Venez çà , beaux conteux. S'il avoit neigé un demi-pied +d'épais, & qu'à l'autre côté de la cour, sous ce relais, il y eût une +pucelle qu'il vous fallût amener ici, & la conduire huze à huze, comme +monsieur de la Hunaudaye, & le roi, comment feriez-vous, afin que les +pas de la pucelle ne parussent point? + +CORDUS. Je ferois comme fit l'autre. + +HYPOCRATE. Et quel autre? + +CORDUS. Fils baise cul. + +PINDARE. Cela vous est aussi bien employé, que fievre en corps de moine: +c'est tout un. Je ne lairrai de vous dire ce que je ferois. + +VIVES. Et quoi? + +PINDARE. Je la dépucelerois toute vive, ainsi que fit notre valet à la +fille de notre métayer. Revenue au soir avec ses moutons, fut tancée de +ce qu'elle en avoit égaré un; & sa mere la voulant battre, lui dit! va, +méchante, va chercher ton ouaille. La pauvre fille, qui ne savoit où la +prendre, s'en alla pleurant, & se mit sous un arbre. Ainsi qu'elle +musoit trop, sa mere dit au valet: Jean, va-t'en quérir cette fille; va. +Il y alla, & la trouva; il lui dit: Michelle, reviens à la maison, ta +mere le dit. Non ferai. Viens, viens. Aga, non ferai: je n'irai pas +quand tu me devrois tuer. Si tu ne viens, je te tuerai. Je ne m'en +soucie pas. Adonc il la prend, la renverse sur l'échine, lui écarquille +les jambes, se jette sur elle, & lui fiche au bas du ventre son couteau +naturel, & la tue de la douce mort. Or çà , dit-il, je disois bien: oh +viens à cette heure. Non ferai. Et viens, Michelle, viens. Tue-moi donc +encore un coup. + +VIVES. C'est donc ainsi que tu ferois? Si tu as bons reins, je le +quitte. + +PINDARE. Ne sais-je pas faire de la poudre à grimper? + +HYPOCRATE. S'il est ainsi, tu serois propre à juger en hiver, qui sont +les chênes mâles & femelles. + +PINDARE. Dis-moi comment cela, je te prie. + +HYPOCRATE. Quand il gélera le plus fort, mettez-vous tout nud contre un +arbre; & si vous arsez contre, ce sera une femelle. + +PERION. Va, la gorge te coupe le col. + + + + +PLUMITIF. + + +XXII. A notre propos, ça vous qui parlez des pucelles, comment est-ce +que vous connoîtriez si une fille est pucelle? + +PLINE. Puis que ces doctes se taisent, je parlerai aussi. Je le sais +pour l'avoir appris en Chaldée, au voyage que je fis, du tems du pape +Sixte, qui pria le roi de France de lui envoyer cinq ou six cents de ses +quarante-cinq, avec une douzaine de druïdes, lesquels me reçurent avec +eux, & allâmes en ambassade en la Chine, où nous vîmes ces hommes plus +doctes. Il y en avoit un, qui étoit moult versé ès secrets. Il m'en +conta, dont je n'avois onc ouï parler. Il m'enseigna le moyen de +connoître les pucelles, de la même sorte que je l'ai démontré au premier +médecin de la reine. Si vous le voulez savoir, prenez une fille bien +faite, de quinze ans ou environ; mettez-la toute nue, & la faites tenir +debout; &, vous mettant derriere elle, passez votre main gauche par +entre ses jambes, & empoignez son cela, son con: (je m'ébahis puis qu'il +est à une fille, qu'on ne dit, comme le Breton, qui prêchant disoit: +sera cette semaine grand-fête de Mari-Marjolaine; qui, quand fut petite +garcette, prêta son con; mais sera tant prié & ploré, que de dieu lui +fut pardonné: faites ainsi, mes dames; & vous ferez très-bien pour votre +salut.) Tenant ce con bien justement ferme & clos, vous avancerez votre +main droite; & des deux premiers doigts vous ouvrirez le trou fignon, en +éloignant les fesses, puis l'ouverture capable: soufflez de toute votre +force; si d'aventure le vent passe outre, & que vous le sentiez à la +main gauche, elle ne sera pas pucelle; autrement elle le sera. O gens de +qualité, si vous ne mordez à ces intelligences, faites-vous bien +aiguiser les dents. J'en sais le moyen, dit mondit seigneur l'évêque de +Luçon, le bon prélat; il ne faut qu'envoyer quérir le faucheur du +notaire de mon chapitre. + + + + +PROBLÊME. + + +XXIII. A ce mot de chapitre, chacun prêta l'oreille; sur quoi Simplicius +dit tout haut: holà , messieurs, avant que passer outre, sachons que +c'est que chapitre: oiseau, poisson ou bête. + +MADAME. Par mon ame, c'est bien dit. On en parle en diverses sortes. Je +vous prie, cousin Zabarel, de nous l'enseigner. Adonc il empoigna la +parole, & dit: chapitre est un corps, non corps; un certain composé +dissoluble en ses élémens, sans détraction d'aucun; chose merveilleuse, +à cause de tant d'habitudes différentes & semblables, dont uniquement & +multipliquement il subsiste, étant homogene distingué en ce qu'il +contient, & en ce qui l'établit; une vraie arche de Noé, auquel elle +symbolise incessamment; & ce qui le fait être cela dont il est composé, +sont plusieurs têtes, oreilles, yeux & culs, sans quoi on n'auroit +aucune séance. On m'a dit qu'il étoit avenu une grande aventure: c'est +que, depuis quelque temps, il étoit échappé, comme le lievre de l'arche, +un certain petit consistoire qui sortit du chapitre imperceptiblement, +ainsi qu'un atome, & est devenu grand, ayant déja fait plusieurs enfans. +Je parle d'un petit corpuscule nommé _consistoire_. Je n'entends pas +proférer ce que je dis, de ce grand & unique consistoire pere des +chapitres. Paix, ce dit monsieur de Luçon; vous vous jouez à un +dangereux monstre. Ecoutez mon histoire: mais je suis bien sot; il faut +que je boive. Voilà Multon, qui a été mon clerc, mes successeurs usent +de secrétaires, d'autant qu'ils sont du monde; & nous n'en sommes plus: +ce compere contera ce que je disois là . Multon dit: j'aime mieux me +conserver, pour prêcher demain, s'il y échet. Or là , mon pelaud, dit; tu +sais ce qui avint, _in illo tempore_. Voire, monsieur. Il y eut un +pauvre qui ouit votre sermon, quand vous prêchâtes que qui auroit deux +robes, qu'il en donnât une au pauvre. Le pauvre, tout consolé, vous +oyoit avec une grande attention, étant merveilleusement aise. Après que +vous fûtes retourné au logis, le pauvre vous vint voir, vous fit une +ample & grande révérence, vous racontant qu'il avoit fort profité à +votre exhortation, dont il se consoloit du tout. Je suis bien aise, +dites-vous, mon fils, que vous soyez si bon chrétien. Mais, Monsieur, +dit-il, vous avez dit que qui auroit deux robes, en donne une au pauvre; +je vous supplie me donner la plus méchante que vous ayez. O, ho, +dites-vous, as-tu été au commencement du sermon. Non, dit-il, Monsieur. +Ha, ha, répliquâtes-vous, si vous eussiez été au commencement du sermon, +vous eussiez oui, _in illo tempore_, c'est-à -dire, en ce temps-là . Je +prêchois que cela se faisoit jadis, & non pour le présent. Vere, voilà +bien débuté, c'est bien ce que je vous ai dit; c'est bien à propos +d'aiguiser les dents, que male meule te puisse moudre. Ho, Monsieur, j'y +suis: ne vous couroucez pas; il ne se faut fâcher qu'à bon escient. +Acheve donc; va; je te le pardonne, pour tout ce que tu as dit. Le mulet +de monsieur le président ne laissera de porter la buée à la riviere, +tandis que monsieur sera au palais. Vous m'interrompez bien vraiment; je +dirai, comme le bon homme Hauterove disoit, travaillant sa premiere +femme: que j'enhane, ma mie! Je ne m'en ébahis pas, ce dit-elle; vous +travaillez d'un méchant outil. J'en aurois bien un autre, si j'avois de +l'argent. Oui? Et combien faudroit-il? Environ cent écus. Qu'il ne +tienne pas à cela: je vous les baillerai demain. Quand il en eut ces +écus, il va chez ses amis faire du feu & bonne chere, se rafraîchissant +gaillard; puis s'en revint, & coucha avec sa femme qu'il traita bien. +Ho, ho, dit-elle, mon ami; cettui-ci est aussi bon que celui que vous +aviez, quand nous fûmes mariés. Mais, mon ami, qu'avez-vous fait de +l'autre? Je l'ai jetté là , ma mie. En dà , vous avez eu grand tort; il +eût été bon pour no'mere. + +MADAME. Je ne vis jamais tant sauter du coq à l'âne. Que ne +poursuivez-vous le propos? Je vous jure, par la semelle du meilleur +escarpin que je goûtai jamais, que ne vous commanderai jamais rien. +Faut-il ainsi tergiverser à dire ce qu'un évêque vous commande de +réciter? + +CICERON. Si j'eusse parlé, j'eusse été bien marri, si on m'eût +interrompu. + +PERION. Il est nécessaire d'interrompre les prélats; par quoi on vous +fait grand plaisir. Mais écoutez tout bas; & je vous dirai une notable +raison, qui est dans le livre imprimé chez Eustache Vignon, intitulé: +_des prélats_. Il est besoin & utile d'interrompre un prélat prêchant; +parce qu'il lui faut beaucoup de temps à se préparer, pour se paillarder +à bien dire. Taisez-vous tous, dit l'évêque: ce petit bon homme ne sait +où il en est. Il faut que je déduise l'histoire de mon aiguiseur. + +CARDAN. Laissons-le un peu dire; nous oirons quelque chose d'excellent; +d'autant qu'il est plein de belles & bonnes paroles, comme sa mule a le +ventre farci de noix de muscades. Il ne l'entendit pas: autrement il lui +eût sans doute passé le pied par l'épaule: mais étoit attentif à ce +récit. + + + + +ENSEIGNEMENT. + + +XXIV. L'EVEQUE. Mon chapitre devoit, au jour de la solemnité S. Louis, à +Rome. (Si ce n'est ainsi: c'est tout un, puis que le reste est vrai. +Voilà le moyen de faire la barbe aux hérétiques, que d'accorder les +textes. Dis que tu en as, huguenot: tu n'es qu'une bête, comme dit +l'interprete d'Aristote, qui traduit, disant; _Aristoteles, au livre des +bêtes_, parlant de l'homme & de la femme, dit, &c. Ce docteur étoit +sursemé de doctrine comme une écrevisse de morsures de puces.) Mais que +devoit mon chapitre, ma petite église représentative, mon épouse, qui +toutefois est, comme je crois, adultere, d'autant qu'elle ne me +reconnoît point, & que je n'ai que voir sur mes chanoines, encore que je +les fasse tels? C'est un pur abus. Voilà , un jeune désirant me flattera +pour être chanoine; il sera mon petit chien couchant. Est-il reçu +chanoine, il ne me connoît plus; je n'ai que voir sur lui. Or bien, je +leur pardonne ces priviléges. Mon chapitre donc devoit un certain +service de conséquence, abondant & parfait; & le falloit expressément +effectuer; (_perdonate mi_; je n'ose parler en termes épiscopaux, à +cause de la compagnie, qu'il ne faut pas ennuyer) & le terme de ce +service échéoit dans six ou sept jours, ainsi que la bulle le portoit. +(Il y a quelque docte qui a lu, _traînoit long comme la gaîne d'une +faux, ou l'étui d'une lance_. Foin, que l'on ne m'interrompe point: j'y +vais assez: je souhaite, pour vous faire sages, que la premiere mouche +qui vous piquera, soit un petit diablotin tout éclos de frais.) Et si, +par fortune, selon les pactes & conditions, il fût manqué aucun de ce +service, on eût emporté, comme par droit de régale, tout le revenu +annuel de mes chanoines, le mien excepté, à cause des priviléges & +saints abus, qui nous séparent de corps & de biens. O, ho, quoi +taisez-vous; attendez; je n'entends pas du corps mystique. Comment? +quoi, dà , quelque fripon mouleroit un benoît dévolu sur mon bénéfice, & +me voilà constipé. + +CICERON. Quelle phrase de parler est ceci? O pauvre homme, si tu savois +combien il y a de sortes de bénéfices, tu ne serois pas sitôt offensé. +Sachez qu'il y a bénéfice papal ou ecclésiastique; bénéfice de prince; +bénéfice d'inventaire; bénéfice d'âge, & bénéfice de ventre. + +L'EVÊQUE. Je ne veux pas être dépourvu. Je me veux tenir au gros du +chêne, ainsi que fit le notaire du chapitre, qui, sachant cette affaire, +la proposa en tems qu'il n'y avoit plus de remede. Les chanoines avisés +de ce faire, on vit chapitre monologiquement troublé, & tellement +étonné, que godronnant sa mine de toutes sortes d'opinions, ne sut que +résoudre, sinon se proposer un jeûne d'un an. Quelques lirepons furent +d'avis par dépit, pour obvier à tel mal ci-après, qu'on élût un +contrôleur de chapitre, & que les chanoines y avisent. Comme le +président conclut, voilà le notaire qui, avec une sainte & pieuse +exclamation, va dire: voilà , certes, une belle conclusion de mes fesses! +(Il leur fut avis qu'il avoit dit de _messieurs_.) Vous ne remédiez pas +mal; c'est où il faut travailler, ou faire de repos pitances. (Je sus ce +discours par mes commençaux, qui me rapportent tout, ainsi qu'on fait +autre part.) Mais, messieurs, j'ai pensé un moyen pour vous sortir de +peine. Vous savez que, dieu merci à dieu & à vous, j'ai là -bas une +petite cassine, au bout de votre grande prée qui est sur la riviere, +vis-à -vis des fenêtres du palais épiscopal. S'il vous plaît me donner le +fonds de ce que pourra faucher en un jour un ouvrier que je vous +présenterai, je vous rendrai quittes de ce que vous devez à Rome. Et si +vous pensez que ce soit à petit semblant (ce que je ne voudrois +commettre, en lieu tant saint, & membre spécifique du concile qui ne +peut errer) je vous baillerai caution & plége de dix mille écus, sans le +bien de notre femme, & c'est à cette heure qu'il se faut résoudre, ou +tout quitter, vu que le temps presse. Ayant dit, il sortit; & messieurs +les capitulans ayant symbolisé sur cette affaire, conclurent de le +prendre au mot du guet, considérant que c'étoit le profit de la +compagnie. Il y avoit une de mesdames les dignités, qui vouloit mettre +empêchement. Même un jeune chanoine de sa faction dit tout haut: +messieurs, il y a six ans que je suis chanoine, moi indigne comme les +autres; mais je ne trouve pas de goût en cela. A la fin, après beaucoup +de telles foutimasseries capitulaires, il fut résolu que l'on +contracteroit avec le notaire, & que commissaires, pour cet effet, +iroient faire l'accord: & afin (ô sainteté ample) que la postérité n'y +trouve de l'inconvénient, il fut dit que la conclusion en seroit mise +entre celles du chapitre tenu un mois devant, de peur de scandale & de +honte; selon quoi, & non autrement, il est permis de faire des faussetés +aux statuts & registres. Le tout accordé, fut passée prévarication, (je +cuidois dire _procuration_; voilà comment les belles paroles nous +croissent en la goule) & fut donné tout pouvoir audit notaire, pour bien +& dûement faire le pénitent. Aussi-tôt ce notaire ne fut plus notaire au +pays; il n'avoit que trois jours pour faire ce qu'il avoit promis; & +délogea aussi vîte que la natte d'un passementier frais marié, allant +train magnifique, comme la mule du pape. A quinze ou vingt jours de-là , +revint le notaire aussi gai, petou résolu, comme une brebis tondue, & se +vint présenter à chapitre avec bon & entier certificat de sa +négociation. Et comme il avoit légitimement, profitablement & +catholiquement accompli le tout, selon l'intention de la bulle, au +profit des chanoines & davantage, pour éviter aux frais futurs, il avoit +fait marché avec les _fratti ignoranti_, (je n'entends pas bien le grec) +lesquels s'obligerent à toujours d'acquitter ce qui étoit équitable. Ce +qui étant reconnu vrai (comme on le peut aviser, si on n'est autant +aveuglé de visage que du cul) le mutuel contrat du chapitre & du notaire +étant vérifié & calfeutré de toutes les façons nécessaires, il fut dit +au notaire que, fénaisons étant venues, il auroit ce qu'il avoit acquis, +le temps échu. Mes chanoines, (je ne sais s'ils sont à moi ou au diable; +mais je les nomme tels, _honoris gratiâ_, pour conserver notre +institution en dépit des hérétiques) me supplierent de leur prêter ma +salle, pour, des fenêtres, avoir avec moi le plaisir du faucheur +notorial en fénaison. Un lundi matin, qui étoit le jour abuté, nous +étions tous à regarder, ayant déjeûné joyeusement de bonne buglose, le +soleil étant assez haut, que le notaire vint sur le pré avec un petit +homme ramassé, qui portoit sa faux en-dehors. (Il ne l'avoit pas comme +mon métayer, qui, ayant sa main sur son col, & passant sur une planche, +avisa un gros poisson, qu'il cuida frapper du bout de la lame de sa +faux; pourquoi faire, il s'efforça de si grande roideur, que la faux lui +trancha le cou, & la tête alla en bas, dont il se trouva +merveilleusement étonné; aussi étoit-il temps, témoin le proverbe qui en +fut fait, _il ne se faut point étonner, que l'on ne voie sa tête à bas +ses pieds_. A, a, si ces docteurs fussent venus ici apprendre, ils +eussent été bien plus savans: cette recherche vient de mon entendement; +regardez mon doigt à mon front, considérez mon entendoire, & notez les +signacles.) Le petit faucheur quarré étant arrivé, se mit à travailler. +Il ne donnoit trait de faux qu'il n'abbatît un quart de chartée de foin +ou plus, tant il s'étendoit: & qui plus est, il ne s'amusoit pas à +battre sa faux; mais quand elle ne tranchoit point, il la passoit sur le +long de ses dents, & cela faisoit frooooococ. Ainsi il gagnoit temps, si +qu'en moins de dix heures, qu'il fut sans boire & sans manger, il faucha +plus de la moitié de la prée. Le notaire voyant qu'il avoit plus de +soixante arpens de fonds, le fit arrêter, lui présenta un flaccon plein +de vin d'Orléans tenant quinze pintes, qu'il avala tout d'un trait, & le +vaisseau après. Adonc le notaire lui mit un doublon d'Espagne & deux +angelots d'Angleterre, & trois vieux écus François, avec un daler d'or, +& trois moutons à la grande laine, six sicles d'or, & douze médailles +antiques de fin argent tenant d'or & le renvoya. De-là en avant, le +notaire a joui de la part de la prée, & ses héritiers après lui, le +reste appartenant aux chanoines jusques à cejourd'hui, s'il n'y a faute +au bréviaire. Le joli faucheur n'avoit pas tant d'outils que les autres, +qui ont une grosse gaîne de bois, où ils mettent rafraîchir leur coux, +comme un prépuce en une grille de couvent féminin. Voilà comment ce +faucheur s'en alla gai & droit, sans tourner çà ne là , comme vous irez +en paradis. Que si vous desirez savoir où il alla & qui il étoit, allez +après, tandis qu'il fait beau. + +DEMOSTHENE. Voilà un brave notaire! Il entendoit les écritures. + +EUCLIDE. On parle tant de cette intelligence d'écritures: qu'est-ce que +c'est? + + + + +RÉSULTAT. + + +XXV. En bonne dà , je ne sais si on ne le nous apprend. Voilà Toustat, +qui en diroit bien quelque chose s'il vouloit; il a longuement travaillé +à recouvrer la lumiere de vérité: il en a une pleine lanterne. + +BUDÉE. Je ne saurois ouir parler de lanterne, que je n'aie le coeur tout +gai, à cause d'une que j'achetai l'année passée à la foire de Fontenai. +Je ne fis pas un petit acquêt, d'autant que je crois qu'elle est demi +sainte, vu le marchand qui me la vendit. + +CICERON. Dites-nous donc un peu cette aventure lanterniere. + +BUDÉE. Je le veux, à la charge que vous le tiendrez secret, parce que je +suis un peu soupçonné de la huguenotteté; & que pour ceci, il pourroit +avenir de la dispute entre nous & nos bons comperes les Suisses, qui +veulent que cette affaire soit de leur pays, avenue en la paroisse du +sieur Tarould de Vautravers, en la comté de Neuf-châtel. Le colonel +Galati le racontant au roi, en juroit & affermoit la vérité, la +protestant sur sa braguette: & moi je ne veux point de disputes; j'en +parle au vrai. Il y avoit un certain M. de la Tour, ministre en ce +Poitou, lequel, par hazard, comme le diable est subtil à séduire les +enfans de dieu, ayant avisé une belle femme qui ne lui appartenoit pas, +& qui avoit pere & mere, il la convoita, suivant l'intention du canon 17 +du 1174 concile, qui démontre que la fille d'autrui n'est point +défendue: parquoi il la besogna toute vive. J'eusse pu dire: oublia son +devoir & sa charge, si que induement, il l'accoutra naturellement, +charnellement, & comme vous pourriez dire, individuement, pour l'instant +de la conjonction réciproque & mutuelle; mais je hais ces paraphrases: +il faut donner dedans; il commit adultere. Ce qu'étant connu du +consistoire, il fut corrigé & averti fraternellement, dont il ne tint +compte, parce qu'il continua tellement, que le scandale fut grand, & fut +passé par les consistoires, puis par le synode, & enfin déposé, comme un +pot en tas; & lors fut inventé le jeu _au ministre dépouillé_. La triste +condition de M. Jacques de la Tour le mit presque au désespoir: +toutefois il eut meilleur coeur. Il ne voulut pas se donner au diable +après son âne, ni jetter le manche après les écourgées, comme font les +petits garçons qui fouettent le sabot; mais s'avisa de trafiquer & faire +profiter si peu d'argent qu'il avoit de ses commodités passées. Il se +mit donc à faire la marchandise, & profitant un peu, il fut affriandé de +venir aux foires. Ainsi il se trouva à celle de Fontenai, avec beaucoup +de marchandises; & entr'autres grande quantité de lanternes. Nous y +fûmes avec bonne & joyeuse troupe de gentilshommes du pays. Me +promenant, j'apperçus ce marchand, & le considérai fort, parce qu'il +m'étoit avis que je l'avois vu autre part. Je le dis aux autres, qui de +même en pensoient comme moi. Ainsi que nous doutions, & le trouvions de +bonne façon pour un lanternier, & que déja nous nous étions entredit +qu'il ressembloit au ministre déposé, il s'apperçut que nous le +regardions. Alors approchant, le Fouilloux lui demanda: mon maître, mon +ami, n'êtes-vous point parent de ce ministre, qui fut déposé à l'autre +synode à Adonques, sans s'émouvoir, il dit: c'est moi qui suis celui que +vous dites. Et pourquoi? Et comment est-il avenu qu'aujourd'hui vous +êtes marchand de lanternes? O, ho, dit il, & pourquoi non? Je vous les +ai autrefois prêchées; maintenant je vous les vends. Cela fut cause que +j'en achetai une, parce qu'elle venoit de telle main. Il ne se peut +qu'elle ne soit ou ne devienne lanterne cabalistique ou archimistique. + +BADIUS. Tout beau! vous blasphémez en deux intentions. Ce grec vous +trouble. _Cabalistique_ ou _cavalistique_ ne vient pas de cavalerie. Il +ne faut donc pas parler d'ânerie qu'à propos. Davantage, il convient +dire sobrement, discourant des lanternes, pource que lanterne se prend +souvent pour lumiere ecclésiastique, comme grue pour évêque: témoin +Cassander, en son recueil qu'il a fait des comparaisons, au titre _du +moyen d'accorder les religions_, nommant le premier ministre de +Strasbourg, _le grand lanternier d'ubiquité_. + +BUDÉE. Or vous parlez selon votre intelligence; & m'accusez bientôt: +c'est ce froc qui vous échauffe. Si vous étiez mon ami, je dirois: qui +vous rend impudent & intolérable. Et de fait, prenez le plus simple +homme du monde, qui soit honteux, comme une fille de chambre qui a chié +dans sa chemise; jettez-lui un froc sur les épaules? vous le verrez +incontinent devenir hagard, hardi & effronté. Mais, ô l'ami, je vous +épargne; la doctrine vous a civilisé. + +BADIUS. Puisqu'il est question de tout dire, à cause que nous sommes ici +en vérité, comme ceux du monde sont en faux, il est nécessaire de +confesser que vous avez raison; votre chevau baille. + +BUDÉE. Ha, ha, _chevau_; vous ai-je acheté pour me mordre? Or bien il y +avoit, de mon tems, (vous savez que j'ai été nourri page au couvent de +Cormeri) un personnage de Tours, qui nourrissoit un sien fils tant sage, +humble, doux & retiré que merveilles. Il étoit sons cesse à genoux, & +n'y avoit moyen de le distraire de sa dévotion. Son pere, qui l'aimoit, +ne le vouloit aucunement contraindre; mais le gratifioit en tout. +Parquoi, le voyant de ce naturel, à sa requête, (je dis de ce fils) il +le mit moine chez nous. Il n'y fut pas deux mois & demi, trois jours & +sept heures, qu'il ne devint pire qu'un diable. Il fut tout +métamorphosé. Il frappoit l'un; il poussoit l'autre; chioit en notre +chemin, pour nous faire tomber; vomissoit, pour nous décourager; petoit, +pour nous faire rire; faisoit la grimace durant le service, pour nous +faire rougir; se levoit tard, pour nous faire enrager; faisoit le rabas +toute la nuit, pour faire miracle: bref il devint si insolent, que, +contraints, & n'en pouvant venir à bout, en avertîmes le pere, qui le +vint voir, & lui remontra sur ce qu'il avoit changé de vie, qui +autrefois étoit tant douce & humble. Attendez, dit-il, mon pere; je +reviens à vous. Il va prendre un mouton mignon, qui étoit au préau, & +l'enveloppa de son froc: puis vint à son pere, & le lui montra. Ce +mouton bondissoit, sautoit, faisoit l'enragé. Et bien, mon pere, que +dites-vous de cela? J'étois jadis un mouton, comme celui-là ; aujourd'hui +j'ai le froc, qui me fait ainsi petiller. Et bon jour; pourvoyez-y. + +GORREUS. Vraiment, frere, ce discours m'a autant fait rire, que me fit +ma lanterne intellectuelle, à propos de celle de notre ami; & croyez-moi +que j'en ris de bon foie. + +FERNEL. Pourquoi d'aussi bon foie! + +GORREUS. Parce que, selon votre doctrine, au livre _de abditis rerum +causis_, où vous deviez mettre _effectis_, d'autant que vous ne parlez +aucunement des causes, mais des effets, il faut considérer cette belle +vente de foie qui palpille imperceptiblement, & excite les mélodies de +la joie, d'autant qu'il fait désirer le dîner, & le rire, étant les +orgues de liesse. Partant, ayant le foie doucement relevé, je ris encore +de ma lanterne, dont l'occasion fut. Je fais ce conte pour les pédans, +afin que chacun trouve ici de quoi pour soi, & que tout le monde +connoisse, & sache qu'il n'y a rien d'oublié, s'il n'est trop ceci ou +cela. + + + + +LIVRE DE RAISON. + + +XXVI. J'enseignois, en ma maison, des jeunes gens, lesquels je faisois +dégrossir par Glareau. Un jour, que ce précepteur n'y étoit pas, il +avint que, sans y penser, je surpris ces enfans jouant. A l'instant +qu'ils me virent, chacun d'eux s'en fut à son livre. Il y en eut un que +je choisis, d'autant qu'il étoit Breton, & avoit jetté la vue sur son +livre. Je lui dis: _quid agis? Studeo, domine. Quid? Lectionem._ Or çà , +où est cette belle leçon? _In oratione pro Murenâ._ Voilà qui va bien: +or sus, qu'est-ce à dire _Murena_? Il se leva, & tournant son bonnet sur +les doigts, le rouloit, en songeant creux, comme une pinte bridée; il +avoit les yeux jusques dedans l'intention. Je lui commandai de se tenir +coi, & de répondre hardiment à cela. Il se tint joint comme une +pantoufle neuve, écoutant si quelqu'un lui souffleroit au cul; comme de +fait, il y en avoit un, qui, lui bourdonnant de loin, l'avertissoit, & +lui disoit un mot qu'il ne pouvoit tout comprendre, il n'en oyoit qu'une +syllabe, encore qu'il y apportât une ferme attention, pour l'unir au +reste. Ce souffleur lui crioit tout bas: _une lamproie_. Là , dis-je, +hardiment. Toujours prêtant l'oreille, il me dit, en coulant sa parole à +corde avalée: _une lan_. Achevez, courage, dites assurément. Lors le +pauvre petit, qui n'avoit pas l'intelligence plus aiguisée qu'un fallot, +va dire tout haut: _une lanterne_, _domine_. + +DE CUSA. Est-ce là cette belle lanterne, qui nous doit éclairer? Sera-ce +elle, qui nous apprendra l'intelligence & solution de ce qui est proposé +de l'excellence des écritures? + +LINACRE. M. le cardinal, les Bohémiens s'en recommandent à vos bonnes +garces, (j'ai la langue fourchante & andistrofante; je dis _graces_) +pour l'amour d'eux avec votre congelé, (j'ai cuidé dire _congé_; comme +Busbeckius Allemand, qui, disant adieu à la reine d'Angleterre, voulant +le dire en françois, proféra: mon dame, je prendre congelé). Je vous +dirai que tout sera su; faisons un peu renfiler le discours, & +réveillons ce bon homme, qui n'y pense plus. + +TOSTATUS. Vraiment, je vous écoutois. Mais, puisque j'y suis remis, +sachez, s'il vous plaît, qu'après, ou aussi-tôt, ou environ le tems, (ce +fut, quand ce fut) que le concile de Trente fut publié; je ne dis pas +celui de monsieur le Grangier, qui est intitulé _le concile de xxx_. + +BUCANAN. Je vous prie, ne parlons ni en bien ni en mal des +ecclésiastiques; laissons-les là sans les draper, comme les hérétiques +qui ne savent faire un bon conte, s'il n'y a quelque moine, prêtre, ou +ministre sur le métier. Si, bien; je voulois dire _les rangs_. Vous +voilà bien ahuris, pour une parole. + +RUFIN. Laissez à part ces remontrances. Nous sommes ici en liberté. Nul +ne parle céans pour scandaliser, mais pour édifier & corriger, s'il est +besoin. Et de fait, ces préceptes tant beaux, & ces enseignemens si +justes feront plus de gens de bien, que tous ces sermons ensemble de ces +fagoteux d'éloquence, qui, sous ombre d'être humbles, avalent la gloire, +comme un Allemand, qui, par humilité, fait carroux contre deux Suisses. + +MACROBE. Or là avant, n'épargnons personne; aussi bien tous ont failli. +Les prêtres ont accusé Jésus-Christ; les gens de justice l'ont condamné; +les ministres l'ont fouetté; le peuple l'a injurié; les passans se sont +moqués de lui; les gens-d'armes l'ont crucifié. Il n'y a que les pauvres +femmes qui l'ont pleuré, & ainsi ont trouvé le moyen de parvenir, sans +quoi elles seroient trop dévergondées. Pour mieux faire, laissons tels +sophistes au diable: aussi bien, il y a de nouveaux imposteurs qui +disent que ministre signifie _boureau_. Ainsi il n'y aura que le pape +qui ne soit boureau, à cause que, comme il est en nos heures, celui qui +répond à la messe est dit ministre: par-là , il n'y auroit évêque, +prêtre, ni clerc, qui ne fût de ce beau métier. + +RUFIN. Acheve, mon petit compere, acheve; tu eusses été pape, sans que +tu avois été marié à deux veuves. + +TOSTATUS. Taisez-vous donques, & me laissez dire. Es pays du roi +d'Espagne, où l'on parle françois, demeuroit messire Imbert Chapotel, +prêtre, qui avoit de beaux & grands bénéfices: entr'autres, il tenoit le +prieuré de St. Commode, dont il falloit qu'il se défît, parce qu'il +n'étoit pas animal susceptible de tous bénéfices compatibles & +incompatibles. + +PROCLUS. Quel animal est-ce? + +PANORME. C'est un cardinal: dieu sauve la chrétienté. + +PROCLUS. Et qu'est-ce que vous dites? + +PANORME. Poursuivez. + +TOSTATUS. Il sentoit une future grande incommodité, de la désaisie de ce +prieuré tant bon, & qui lui aidoit & aux siens à faire commodément la +soulée, pour donner le reste, dont il n'avoit cure, aux pauvres. Et de +fait, il étoit aussi libéral que notre évêque, qui donnera plutôt un écu +à une garce, qu'un denier à un pauvre. Or ce qui est bon à prendre, +n'est point bon à rendre. Les hérétiques disent au contraire: hé, +pauvres bêtes, qu'y a-t-il au monde de plus fâcheux, que de rendre? Donc +il étoit fâché de se séparer de ce bénéfice, bien qu'il fût la moindre +de ses pieces: & de fait, il eût été un grand sot, voire un archisot, +s'il se fût défait du meilleur, & encore plus sot par nature, voire par +toutes les quatre clefs de musique. + +ORLANDE. Vous errez, monsieur le théologien de beurre; vous fondrez sur +le moine i. le réchaux. Il n'y a que trois clefs en la musique. + +MACROBE. Qui m'a amené ce chantre dans la seconde chambre d'enfer? Va, +bestiau mon govial; sais-tu point que l'église ne peut faillir? Se +peut-il faire que vous, qui avez tant bu en Allemagne, depuis que j'en +suis parti, ne sachiez pas les clefs de votre métier. Allez à l'école; & +sachez, apprenez, entendez & notez, comme monsieur de Beze me l'apprit, +que la quatrieme clef fondamentale des trois clefs communes, de la +divine douce, humaine & sainte harmonie, est la bonne clef de la cave; +c'est la sainte & harmonieuse clef, c'est la fidele & parfaite. Mais +c'est assez, il faut tenir secret le reste, que ces enfans de choeur +n'aillent tout boire. Or un jour, une nuit, un soir, un matin, (c'est le +commencement d'un conte. Ainsi disoit ma cousine à ma tante, dites-nous +un conte. Et bien, dit-elle, je le vous dirai. Un jour il avint que ma +mere grande nous fit un conte de Robin mon oncle, qui chia à l'âtre; sa +femme y tâte, pensant que ce fût pâte, trouva que c'étoit merde, mâche. + + + + +PARABOLE. + + +XXVII. Eh bien!) un jeune écolier pourvu assez honnêtement ès ordres & +lettres, prévoyant sa fortune, sut la future défaite du prieuré; par +quoi il va s'adresser à messire Imbert, devant lequel, ouvrant la +bouche, il décliqueta de la langue un beau petit paillard discours, +regraté sur le droit de bienséance & de devoir, & lui manifesta son +intention, qui étoit d'avoir & obtenir le bénéfice, s'il lui étoit +agréable. Hé bien, mon ami, dites-moi premiérement, êtes-vous prêtre? +Oui, monsieur. Or donc, messire _alterutrum_, il vous faut ouïr parler. + +PLOTIN. Pourquoi l'appelloit-il _alterutrum_? + +DURANDUS. Parce qu'il est écrit: _confitemini alterutrum_, c'est-à -dire, +confessez-vous au prêtre. + +MAROT. Si j'avois dit cela, je serois gâté, ainsi tout est permis aux +docteurs. + +GENEBRARD. Foutin, laissez dire ce docteur, ou vous en allez faire +brûler en Espagne. Vraiment vous avez tort, vous ennuyez ce pauvre homme +par vos interruptions; il en est si dépit, qu'il en retort les +mâchoires, comme un official fâché. + +TOSTATUS. Je pense que vous ne me tenez pour quelque dictateur de +moutardier. Or, écoutez-moi, ou prenez le chemin d'aller à tous les +diables. Messire Imbert oit la requête du prétendant, duquel ayant +savouré les propos avec les oreilles, lui dit: je ne puis mettre ce +bénéfice entre les mains d'aucun, s'il n'entend les écritures, afin +qu'il en soit trouvé capable. Pour donc savoir si vous entendez les +écritures, dites-moi qui étoit le pere de Melchisedech? le clerc répond: +monsieur! Saint Paul montre qu'il étoit sans pere, sans génération. Ha, +ha, ha, dit messire Imbert, lourdaut mon ami, je sais cela avant vous; +répondez à ce que je vous demande. Je ne le sais pas. Aussi n'aurez-vous +pas le bénéfice. Cettui-ci s'en alla; & en vint un autre qui en avoit +ouï parler. Ce nouveau venu étoit désalé, comme le commis d'un banquier. +Il vint devant messire Imbert, lui faisant la discrete demande, pour +obtenir le prieuré de S. Commode. Messire Imbert lui fit la question: +entendez-vous les écritures! Oui, monsieur. Qui étoit le pere de +Melchisedech? Alors le clerc dit, Gratian le démontre aisément comme +cela, disputant contre les simoniaques. Ce que disant, il tira de sa +pochette droite une belle bourse, où il y avoit cinq cents écus en or, & +ce en bons termes. Donques, monsieur; voyez ce symbole +philosopho-prophétique: voici le pere de Melchisedech. Et faisant de +même de l'autre main; tire de sa pochette encore une autre bourse pleine +de beaux écus au soleil, & dit: voilà la mere. Et afin que vous sachiez +qu'il est vrai, mettant main droite en son sein, tira quelques soixante +écus, & proférant, en les coulant vers la chambriere qui étoit au bout +de la table, comme celles des chanoines ont accoutumé: ce sont ici les +enfans. Ha, ha, ha, dit messire Imbert, c'est pratiquer la quatrieme +figure de dialectique, en dépit de Galien. Et bien, dit le clerc, +monsieur mon bienfaiteur, mon bon Mécénas, n'est-ce pas faire un diadême +de racines de chaussepied, que de parler ainsi à ces sots? C'est +_docere_; c'est expliquer le latin du chapitre _recitas docendo_. i. +qu'il soit reçu en payant. Et bien, mon bon ami, dit messire Imbert, il +faut que tu aies le bénéfice. Vraiement vous êtes docte; vous êtes en +danger d'être un jour, pape. Vous aurez le bénéfice; votre doctrine vous +l'adjuge. Il ne faudroit, à la vérité, que vous seul, pour faire tomber +toute théologie en démonstration, en dépit de Raimond-Lulle. Que nous +serions heureux, si on résolvoit ainsi tous argumens! Nous serions +incontinent d'accord; toutes hérésies seroient englouties. + + + + +FEN. + + +XXVIII. Quand tout est dit, vêpres sont dites. Nous étions en grande +pensée pour une telle affaire, & ne savions qu'en juger, sans l'Escot, +qui nous ôta de peine, nous prouvant que c'est un bienfait méritoire, +bailler de l'argent pour avoir un bénéfice: _primo_, d'autant qu'on n'en +donne plus; _secundo_, on baille de l'argent à un maître, pour le +servir; _item_, on s'incommode pour se châtrer, & c'est le poinct du +mérite parfait. + +BACON. Le chapelain d'une Angloise se fit Châtrer, parce que l'on avoit +opinion qu'il la travailloit. En après, on tire sa pénitence, d'autant +que l'on jeûne pour en ramasser d'autres; & c'est ici le poinct +d'honneur que messire Imbert entendoit fort bien; comme étant des plus +grands théologiens; & de fait il étoit carme dispensé. + +DE CUSA. Et pour être carme, qu'en est-il? + +BACON. O, ho, & ne savez-vous pas qui sont les plus excellens +théologiens? Ne sont-ce pas les carmes, comme dit le sage Caton? _Si +deus est animus, nobis ut carmina dicunt_. _Carmina_, sont les carmes +qui parlent de dieu: ergo, il est vrai. Il y eut un docteur en notre +compagnie, qui voulut se formaliser; & jurant, il écumoit comme un +verrat. Nous, qui voulions la paix, le fîmes bravement sortir. Soeur +Jeanne en fut si aise, qu'elle en rit encore, & nous dit: que je suis +aise que ce gros coquebin là est hors de céans! + +VARRO. Quoi, belle dame, & qu'est-ce que _coquebin_? + +SOEUR JEANNE. Ce que les Tourangeaux appellent _coquebin_; les Angevins +le nomment _jagois_, & à Paris les femmes le huchent _bringuenel_. + +VARRO. Quelle sorte de personne est-ce? + +HERMÈS. On nomme ainsi ceux qui n'ont point vu le con de leur femme, ou +de leur garce. Le pauvre valet de chez nous n'étoit donc pas coquebin; +il eut beau le voir. + +VARRO. Quand? + +HERMÈS. Attendez. Etant en fiançailles, il vouloit prendre le cas de sa +fiancée: elle ne le vouloit pas; il faisoit le malade, & elle lui +demandoit: qu'y a-t-il, mon ami? Hélas! ma mie, je suis si malade, que +je n'en puis plus; je mourrai, si je ne vois ton cas. Vraiment voire, +dit-elle. Hélas! oui, si je l'avois vu, je guérirois. Elle ne le lui +voulut point montrer. A la fin, ils furent mariés. Il avint, trois ou +quatre mois après, qu'il fut fort malade; & il envoya sa femme au +médecin, pour porter de son eau. En allant, elle s'avisa de ce qu'il lui +avoit dit en fiançailles. Elle retourna vîtement, & se vint mettre sur +le lit; puis levant cote & chemise, lui présenta son _cela_ en belle +vue, & lui disoit: Jean, regarde le con, & te guéris. Mais que devint ce +docteur! Nous le chassâmes & envoyâmes à tous les diables, où il trouva +des soldats qui lui firent comme nous fîmes faire au diable de S. Martin +de Tours. + +LE TREVISAN. Que lui fit-on à ce pauvre diable? + +HERMÈS. Je m'en rapporte au vieil chantre de leur église, qui eut la +commission de le faire châtrer. + +VARRO. Dites-nous ce que c'est, de grace. + +HERMÈS. Voilà messire Gilles, qui est dignité de là dedans; qu'il vous +en fasse le conte. + + + + +CHAPITRE GÉNÉRAL. + + +XXIX. Tous l'en prierent. Adonques il dit: ô belles pensées, gracieuses +cervelles, nous sommes ici comme chez le roi Assuerus. La liberté nous +sert de guide, comme la senteur pour aller au retrait; chacun dit & fait +ici ce qu'il veut & peut. Mais avant que passer outre, dit le bon homme +Scaliger, pourquoi est-ce que, quand quelqu'un s'en est fui, on dit, _il +a fait gille_. + +PROTAGORAS. C'est parce que Saint Gilles s'enfuit de son pays, & se +cacha de peur d'être fait roi. + +EPAMINONDAS. Oh, de par plus de cinq cents mille cornes de cocu, +j'aimerois mieux être roi qu'hermite. Et quoi, il y a tant de gens qui +se donnent au diable, poil & tout, pour devenir grands, & il y en a +d'autres qui, sous le voile de religion, faisant un affront à la +fortune, contristent le bonheur! Foin, je ne passerai point outre; je ne +me rendrai jamais en communauté que de princes & grands seigneurs, +d'autant que je n'ai point le coeur à la caimanderie. J'en sais bon gré +à ce bon cordelier frere Hugonis, qui au commencement de l'établissement +des capucins, se fâchoit de leur future pauvreté, & tout en colere, nous +dit: si nous, qui avons le diable au corps, ne pouvons vivre, que feront +enfin ces pauvres gens? + +MESSIRE GILLES. Or sus: c'est assez, paix, vous en diriez trop; vous ne +vaudrez jamais rien. + +EPAMINONDAS. Pour le moins, je suis aussi bon qu'une femme. + +MESSIRE GILLES. Oui, qu'une mauvaise, c'est tout un. Elles sont toutes +bonnes: si elles ne sont bonnes à dieu, elles sont bonnes au diable. Or +paix, encore un coup, écoutez. Des personnes de bien avoient fait faire +une image de saint Michel en notre église; en quoi le sculpteur avoit +suivi la commune opinion des autres, ayant fait l'ange en vrai ange, & +le diable comme un vrai diable d'enfer; mais parce qu'il n'étoit pas +bien informé des résolutions de nos docteurs, il commit hérésie; à quoi +sont sujets les pauvres sculpteurs, peintres, libraires, orfévres, & +tels gens qui savent tout. J'excepte ceux qui ne s'accoûtrent guere de +religion, lesquels sont pour l'enfer. Cet ouvrier fit saint Michel +couvert en endroits douillets, ayant une cotte-d'armes, & ses bonnes +aîles des fêtes, & un gros bâton de la croix, aussi gros que celui de +Cîteaux: & sous ses pieds étoit couché le diable tout nud, qui n'avoit +que le cul les dents & les griffes: c'étoit bien pour faire miracle. Il +falloit plutôt armer le diable de toutes pieces, à l'avantage, à +l'épreuve du canon, ayant la porte-piece, le haut appareil, bref tout le +fait, ainsi que les preux armés à la payenne; & faire l'ange tout nud, +avec une robe de _Quasimodo_. Je ne suis fâché que d'une chose; c'est +que l'ange ne tuât le diable tout tué. Quoi! de laisser aller tel ennemi +sur sa foi? Je n'aurois garde si je le tenois. Or, l'ouvrier, pour +n'avoir étudié qu'au ciseau & au maillet, alloit suivant le grand +chemin, comme un beau jeune pélerin qui revient. Le diable, comme vous +savez, étoit couché sur les reims, & levoit les jambes en haut, si qu'il +montra son composé de deux grosses fesses de provision. + +SILVIUS. Etoit-ce plate peinture, ou bosse? + +MESSIRE GILLES. Que vous avez la tête dure! Ne vous ai-je pas parlé d'un +sculpteur? (Si j'eusse dit comme la reine des pois pilés, vous eussiez +eu occasion. Un jour cet ouvrier étoit chez elle, & m'en parlant, elle +me dit: j'ai céans le meilleur _culteur_ du monde). Je vous dis que +cette figure étoit en bosse, & non si grande que ne l'eussiez bien +portée; à savoir l'ange entre vos bras, & le diable à votre cou. Ce +diable, se défendant, paroissoit à cul vu, & montroit deux gros +dintiers, comme pommes de caspendu, en la forme de beaux gros couillons +pourtraits de naturel. Un jour que le vieux chantre de l'église dînoit +chez moi, le baron notre ami lui fit la guerre de ce diable endidime, +qui étoit chose moult honteuse à voir aux yeux délicats de ces pudiques +filles. Le bon homme rioit, & remarquoit ce qu'il lui disoit; & si bien, +qu'après être sorti, il alla à l'église voir s'il étoit vrai. Ayant vu +cette vérité, il fit assembler la compagnie, remontrant que les +hérétiques auroient occasion de contaminer le prétoire, si on ne prenoit +garde à ce dont il faisoit plainte, sur le sujet des trébillons de ce +diable. Le tout fut remis au prochain chapitre, auquel, le fait vérifié, +commissaires, dont il fut l'un, furent nommés, pour monocordialement, +selon la conclusion, châtrer le diable. Le bon homme fut avoué des +autres; ainsi il se transporta, dès l'après-dînée, sur le lieu, & mit à +exécution la charge, menant le sculpteur sur le lieu, faisant entendre +l'intention de messieurs, en lui interprétant la clause de la +conclusion, laquelle étoit en latin de chapitre, en ces mots: _coupibus +couillibus rasibus du culibus à diabolus_. Et cela entendu, lui dit: +frere mon ami, faites votre état. L'ouvrier sarcla ces horribles verues, +qui exhorbitamment faisoient démanger le cul au diable; lequel par la +réale, non huguenotique, mais catholique apposition du ferrement, fut +visiblement, non imaginairement, châtré, sené & écouillé, au grand +préjudice de toute la race diabolique. Je vous assure que les cicatrices +y sont encore, & y paroissent oculiquement. Et de cette aventure-là , est +avenu qu'on appelle à cette heure ces esprits-là _pauvres diables_; & de +fait, est bien pauvre celui qui n'a plus que ces tristes témoins, & on +les lui ôte. Mais de ceci, comme dit Hermès Trimégiste, est avenu un +grand malheur. C'est que tels diables ne peuvent plus engendrer par le +bas; partant ils engendrent, à cette heure, par le haut toutes les +méchantes opinions & hérésies qu'ils vous font concevoir en vos têtes. +La chambre de l'édit ayant été importunée de ce désastre, avisa, du tems +des apôtres, à remédier à ce malheur, afin de contenter les diables en +forme de représailles; tellement que par accord vérifié ès chambres +impériales, avec le consentement des Vénitiens & du pape, on bailleroit +aux diables de manufacture les couillons d'infinis gros couillaux, qui +vivent de l'ombre du crucifix, aussi bien ici qu'en Angleterre. C'est +une belle vie, d'autant que leur viande est visible, & non palpable, +viande qui grossit ou amenuise, à ce qu'on dit. Mais je n'en crois que +le vrai, qui est que, sous cette ombre, il y a de gros coqs d'inde & +telles viandes, que l'ombre cachant, on ne nomme que l'apparence. Ainsi +les pauvres gens vivent d'ombrages; cela leur passe _rasibus_ du +goulier; voire, mais le bon profit ne se dit pas. O belle cabale! +Mignons, multipliez les ombres à la venue des lumieres; cela est de +droit: _à mas ventos, mas vellas_; & gai, que je sais de langues! Je +vous assure, à ce qu'en dit Carondas, le diable soit le sot; il se fâche +que je le nomme. Par dépit de lui, j'en mettrai sous silence plus de +trois vingts & dix-sept. Qu'ils s'aillent faire lanterner. Le droit +françois déclare que c'est un grand bien que les diables soient châtrés, +parce que tels, qui sont doctes, s'amuseront à chercher des caillettes +qui leur soient propres, pour les mettre où il y en a faute, afin de +récompenser l'intéressé; & ainsi laisseront en paix le monde, restant en +quête de trébillons: que les vôtres fussent à vendre! + + + + +RENCONTRE. + + +XXX. Je te prie, page, laquais, novice, enfant de choeur, lévron de +l'antechrist, qui que tu sois, donne-moi à boire, tant j'ai eu de peine +à trouver un nom significatif pour dire, devant les filles, les +pendloches humaines. Mais dà , quand j'y pense, vous êtes de grosses +bêtes, que vous ne m'en avez avisé. L'autre jour, la fille de chambre de +ma cousine du Val nous enseigna de les nommer. Notre laquais, venant de +Saumur, entra en la cuisine, où la fille de chambre étoit descendue +quérir du feu. Le gars contoit qu'il avoit vu grande & pitoyable misere; +c'est que ce pauvre marchand, qui, la semaine devant, avoit vendu des +hardes à mademoiselle, étoit tombé entre les mains des voleurs, qui lui +avoient ôté toute sa marchandise; &, davantage, lui avoient arraché les +(il se teut, & n'osa dire tout outre, à cause de cette fille. Il ne fit +pas comme Regnard, qui prêchant aux jacobins, & tançant les mangeurs de +chair en carême & jours défendus, dit: je voudrois, par fin souhait, que +tous ces gourmans fussent sur la montagne de Tarare, avec un quartier de +lard pendu aux couilles); après un peu de hésitation, il proféra: ils +lui ont arraché les génitoires. Cette fille court en hâte, pour en faire +le conte à sa maîtresse; & encore toute hors d'haleine, dit: +mademoiselle, le grand malheur! Ces méchans lui ont arraché les +histoires. Depuis on a mis en proverbe parmi nos soeurs, que ce qu'on +dit _faire la pauvreté_, ou _besogner_, est maintenant nommé _histoire_, +en bon françois. Messieurs les peintres, & vous qui entendez le métier, +prêtez l'oreille à tout ceci. A ces paroles, voilà messire Guillaume le +Vermeil, qui, tout comme en colere, va dire: vous m'avez empêché de +faire le conte de madame des Manigances, que vous avez nommée _reine des +pois pilés_, parce qu'à la cour elle étoit bien plus chichement habillée +que les autres. Je vous assure véritablement, ainsi que de dire, quand +tout est dit; rien, rien, pour néant; ainsi véritablement, comme dit +l'autre: ha, ha, laissez-moi dire, _basta, basta_. Passez, révérend; +ainsi je ne mens point; a, a, ces petits diablotins: véritablement vous +m'interrompez, r r r a a a, je crie; je le dis ainsi que de dire. Son +ouvrier avoit nom _maître Nicolas_; ce fut lui véritablement, ainsi +qu'il fut, oui certes, ou cent mille petits diablotins, sec & au delà , +qui fut cause véritablement qu'elle dit ce mot; & Ferchaudiere y étoit. + +EGEZZIPPUS. Tais-toi, je te prie, pauvre cheval, & bois; tu as la langue +si aride, que tu nous lamponneras d'ici à demain. J'y étois. Il est +certain que le maître d'hôtel & l'aumônier, qui se nommoit messire René +Goulenoire, étoient présens. Et je demandai à ce maître, qui me montroit +la cire qu'il avoit ébauchée: maître Nicolas, que ne dépêchez-vous de +parfaire le portrait de madame? Il me répond: par ma foi, Monsieur, je +la besogne tous les jours; & ne la puis achever. + +DIOGENES. Voilà parler, cela! Qu'en dites-vous? Que pensez-vous de ces +gentillesses? Sont-elles pas de grande édification? Qu'en pensez-vous, +Messieurs, qui faites des consciences à prendre mouches, & vieux affamés +de vaine réputation? goulus de folle gloire qui vous démange, +l'impudence à l'ombre de l'eau, le manique ou tibérine, tandis que vous +vous tuez le coeur & le corps à charrier les ames vers la mélancolie, +tâchant aussi de nous faire payer la voiture, quand le diable vous +emportera; qui séchez de paillarde envie, dont vous regorgez, comme le +savon des levres des gueux qui vivent sur le grand trimard? Vous, +lourdauts, mes amis du foie, cousins de la rate, & mignons de petites +tripes foireuses, ignorez-vous, d'ici à quelques siecles, que ce simpose +ne soit, selon son mérite, tenu pour authentique, autant ou plus que +toutes les calenderies grecques qui vous font bon ventre, & lesquelles +vous croyez sans difficulté, suant jour & nuit après, pour dégaîner une +pauvre parole, vous y harassant comme taureaux baniers qui vétellent +toutes les vaches d'une paroisse à la rangette? Petits poupeaux de lait, +je vous avertis que vieilles folies deviennent sagesses; & les anciens +mensonges se transforment en de belles petites vérités, dont vous savez +extraire à propos l'essence vivifiante, qui établit vos affaires. A quoi +faire, si cela n'est, vous donner tant de peine à griffonner le papier, +pour le barbouiller de commentaires sur tant de folies de Poëtes, & +Orateurs, & _fouilleaucoffres_ qui les ont écrites en buvant & se riant; +& les estimez tant sérieuses, & telles les persuadez aux pifres +symbolisans, qui, suivant mêmes friponneries de doctrine que vous, +dégénerant; si que, d'hommes qu'ils étoient ou pouvoient être, ils +deviennent animaux fantastiques & rêveurs, comme la plupart de nos +savans qui sont tant veaux, que les diables, aux heures de récréation, +en font des contes pour rire? La plupart, comme tu disois tantôt, de ces +gens de lettres, sont de vrais racleurs de savates, ratissant de +vieilles antiquailles pour en avoir le verdet; & enfin ils ressemblent à +mon chevau. + + + + +CAUSE. + + +XXXI. CATAN. Jean vere, compere, votre chevau bâille. + +DIOGENE. C'est cela, mon ami, jamais ne fut que vieilles gens qui +groignissent, & jeunes gens qui s'éjouissent. Belle bouche, beaux yeux, +qu'en dites-vous? Esprits de bien, je vous désire santé, & de l'argent. +C'est tout; je voudrois que le plus gros & grand de ces censeurs fût +tout d'or en ma cave. + +CATAN. Et bien mon fils, mon ami, voudrois-tu bien avoir ta peau pleine +d'écus? + +DIOGENE. Non dà , si ce n'étoit celle de mon chien; ou la tienne, quand +je t'aurois acheté. + +CATAN. Mais encore, ô roi des gueux, lequel aimerois-tu mieux avoir dix +mille écus en ta couille, ou mourir de faim, ou être sujet à demander la +triste aumône? + +DIOGENE. Va, vieil sorcier; eusses-tu la tienne pleine d'avoine, & une +couvée de rats dedans! + +CATAN. Hé! gros lourdaut, tu ne sais ce que c'est. Je voudrois que le +Duc mon bon maître fût en la gueule du loup, & que j'en eusse la peau +pleine d'écus; gros soupier, j'entends la peau du loup. + +ARISTOTE. N'aurez-vous meshui fait-là ? Après, achevez ces histoires. Tu +y songes de bien loin. Il souvient toujours à Robin de ses flûtes. + +CICERON. C'est mal parlé, il faut dire _à Martine de sa flûte_. La cause +est qu'un jour elle pissoit roide comme une bougie de cire blanche, & +lui fut avis que son cas siffloit. Ha! mon mignon, lui dit-elle, vous +sifflez; vous aurez vraiment une flûte. + +THÉMISTOCLES. Que vous parlez court! Vous faites le Lacédémonien; dites +tout. + +ARISTOTE. Il ne faut pas dire les secrets, de peur qu'étant publiés, on +n'en reconnoisse la vanité. Cependant que l'on ne les entend pas, on est +en admiration. Si nous allions tout déclarer clairement ce qui est rare, +nous profanerions tout: si nous ne faisons valoir le métier, que +sera-ce! Ainsi faut-il, de ces menus propos, faire si bien qu'ils +deviennent, selon qu'il est destiné: à savoir, les meilleurs & plus +certains axiomes de la vie, contenant & comprenant toute la mouelle de +doctrine universelle, sans tant d'arts. + +ARATUS. C'est là où je vous attendois. Pour un homme sage, vous ne +parlez gueres bien. + +PORPHIRE. Taisez-vous; j'entends cela mieux que vous, d'autant que vous +autres mettez sept arts _libéraux_; & ils ne le sont pas. Qu'est-ce +qu'ils vous donnent par leur libéralité! Il faut dire _nobles_ & +_libres_; apprenez à parler. Il n'y a qu'un art _libéral_ au monde, qui +est la vraie octave ou parfait accord entre les bonnes disciplines. +Quand vous me parlez d'arts libéraux, il me souvient de ces grosses +bêtes de prêcheurs, qui fendent le ventre au diable avec leur libéral +arbitre. Que ne disent-ils _libre_ & _franc_ arbitre. Mais, pour vous +ôter de peine, je vous déclarerai le vrai art libéral, lequel est +unique: c'est l'art de gueuserie. Il est libéral, cettui-là ; il +s'apprend sans argent; il donne à dîner sans qu'on le paie; c'est le +bienheureux art qui nous fait vivre sans soin & sollicitude: c'est lui +qui est le centre des arts, ainsi que le sens commun est le centre des +six sens naturels. Bienheureux ceux qui le savent & le pratiquent avec +honneur. + +APPOLONIUS. Tu rêves; il n'y a que cinq sens, & tu dis six. + +PORPHIRE. Oui, j'ai dit six. + +APPOLONIUS. Et qui est le sixieme? + +PORPHIRE. C'est le sens du cul. + +APPOLONIUS. Ta male'bosse, vilain gueux. + +PORPHIRE. Ne te fâche point; le Curé de ta Paroisse t'en bailla bien +davantage. Pour un de ses amis, il fit une recommandation telle en son +prône: il y a un honnête homme, qui avoit mis sa cavale enfargée en ses +fossés. Messieurs mes Paroissiens, on lui a pris les enfarges avec une +serrure à bosse. Il vous prie, Messieurs, de lui rendre lesdits +enfarges; &, pour votre peine, de par Dieu, que la bosse vous demeure. + +BALDUIN. Entendoit-il qu'ils l'eussent déja, & qu'ainsi il la leur +laissoit, comme un de nos docteurs de Toulouse, qui fit un legs de même +à sa femme. + +DONAT. Comment? + +BALDUIN. En ces pays de droit écrit, un riche docteur, bien malade, +avoit fait son testament, & avoit oublié sa femme tout exprès, & sans y +penser. Elle s'en plaignit dolentement à ses parens, qui, pour l'amour +d'elle, parlerent au testateur, le priant de laisser & donner quelque +chose à sa femme. Hé bien, dit-il, faites venir le Notaire. Il étoit +pressé: écrivez; je laisse. Hélas! il se meurt, disoit sa femme: +hâtez-vous d'écrire, Monsieur le Notaire. Je laisse a a a... Hélas! +dites donc, mon ami. Je laisse à ma femme a a a. Là , là , Monsieur, là , +courage, pour cette pauvre femme. Je laisse à ma femme bien aimée la +plus grosse motte de con qui soit en cette ville. + +DONAT. Que dit à cela cette pauvre femme? + +BALDUIN. Elle se mit à gronder, comme fait la fille de notre logis, qui +est assez belle; mais elle rechigne toujours. + +ARTÉMIDORE. Quoi! cette petite friande-là , est-elle ainsi grondeuse? Il +y a du cas-tu en son fait. + +PHILOSTRATE. Je vous dirai ce mot en passant de la langue, d'autant que +je ne bougerai d'ici. Vous reprendrez bien vos propos; & j'ai peur de +songer à autre chose, tant j'ai de fantaisies en la tête: prenez garde à +ce que je dirai. Ces petites dédaigneuses d'apparence, qui montrent un +geste morfondu, qui fait reculer possible pour cheoir. Je ne sais +comment le monde va, ou que c'est qu'il y a de caché qu'on ne sait +point. J'ai beau me gratter, s'il ne me démange, il me cuit. Ainsi en +est-il des filles tant sages. Mais quoi! par leurs actions & gestes, +elles signifient enfin qu'il n'en faut point parler, mais chercher +l'occasion de le faire, & avec telle dextérité, qu'il n'y paroisse +aucunement. Je n'en parle point à celles qui sont sages, & qui ne +l'entendent pas, lesquelles, pour tout ce que je dirai, ne s'émouveront +aucunement, d'autant que qui n'a point mangé d'avoine, n'entend pas le +grand bruit du crible. (J'eusse dit le _son_; mais les Moines ne +m'eussent-ils pas accusé d'hérésie, parce que _son_ appartient aux +cloches? Et quand ils oient les cloches, ils disent: voilà la vache qui +appelle les veaux.) Enfin, ces friandes grondent de si mauvaise grace, +qu'elles semblent n'y présumer aucune douceur, ni espérer délice +quelconque; & encore moins font mine d'y reconnoître de la délicatesse. + +SANDÉ. Il vaudroit mieux qu'elles fussent jolies & joyeuses, & qu'elles +ne le fissent du tout point, parce que la douceur de le faire est +éteinte par leur sottise. Pour conclusion, ces petites bêtes, qui +disent: j'aimerois mieux que les chiens l'eussent déchiré; j'aimerois +mieux que le diable l'eût éfrondré, se laissent faire à quelques chiens +couchans de léchefrite, ou à quelque valet arrogant qui les bat en +diable. Il n'est que le faire gai & paillard, par amitié ou rencontre. + +DONAT. Comme la fille de mon hôtesse. Par sainte Marande, la +reconnoissance n'en est pas mauvaise, & vient bien pour mettre avec vos +histoires. Un jour cette nicette voulut aller ès nôces dont elle étoit +priée. Elle demanda congé à sa mere, qui le lui octroya; moyennant que +paragrafiquement, sagement & à propos, elle gardât bien son honneur; ce +qu'elle promit de faire fort bien. Elle alla donc, & se mit avec un +grand soin de garder son honneur. Toutes les autres dansoient, & elle +point, & ne s'osoit approcher de la colation, pour faire de la merde +avec les dents comme les autres: elle ne bougeoit du coin de la salle à +regarder, & avoit les deux mains sur le bord de son busque, justement au +diametre de son intention. J'ai failli; je devois dire _le centre où +doit passer le diametre qui n'y étoit pas encore_. Coipeau, qui l'avisa +ainsi merde en vos lippes, (je dis, _mélancolique_) vint à elle, & lui +dit: ça, ma cousine, allons danser. Je n'oserois; j'ai peur de perdre +mon honneur; ma mere m'a commandé de le bien tenir. Venez, venez; ne +laissez pas de venir. Je n'oserois, de peur de perdre mon honneur. O, +ho, dit-il, n'y a-t-il que cela? Venez, cousine; allons ici en cette +petite chambre, je vous le coudrai si bien, qu'il ne cherra pas. Il lui +dit tout bas; & elle l'entendoit bien clair, parce qu'elle avoit envie +de danser: par quoi elle le suivit. Il la poussa contre un coffre; & lui +enseigna la danse du loup, la queue entre les jambes; & lui recousit son +honneur, de la sorte qu'on attache la chose aux nouvelles mariées; & +l'assura que jamais son honneur ne tomberoit par cette faute-là . Quand +ce fut fait, elle vint danser; & n'y avoit que pour elle, étant +affriandée. Elle trouva quelque chose à dire à la couture; parquoi elle +en demanda encore, si qu'elle en eut jusqu'à trois fois. (C'étoit assez. +Voire, voire, je le fis bien vingt-cinq coups en vingt-quatre heures à +Madelaine: cinq fois la nuit; & le jour vint.) Il ne le fit pas tant; +toutefois elle en étoit toute rejouie. Un peu après qu'elle eut mangé +des confitures, & qu'elle n'étoit plus honteuse, elle s'avisa de son +honneur, & vint encore à lui, le priant de le recoudre encore un petit. +En dà , dit-il, je ne saurois; je n'ai plus de fil. Hé, hé, ce dit-elle, +& qu'avez-vous dont fait de ces deux petits pelotons, qui vous pendoient +entre les jambes. + + + + +MINUTE. + + +XXXII. Petronius voulut dire sa ratelée; mais il rengaîna son discours +par la bouche, parce que le bon homme notre hôte vint criant tout haut, +comme un belier égaré: ça, enfans, ça, ça, messieurs, c'est assez causé, +il faut se reposer; _à l'Italiano sermo disme_. Beuvons & faisons une +pause aux discours, & prenons quelque beau sujet, pour nous entretenir +d'habits & de toute autre chose. Il ne faut toujours mordre, il faut +tuer. J'ai fait fermer la porte; il n'entrera personne céans, nous +sommes en liberté; la dispense, i. le verrouil & la barre sont mis à la +porte; aucun n'entrera ici, si le diable ne le jette par la cheminée +(comme le farfadet de Poissi). Au soir que les belles se retirerent, +pour conduire une hôtesse en sa chambre; trois ou quatre avec elles, +prêtes de se mettre au lit, devisoient auprès du feu, & par mignardise +s'entremontroient leurs cuisses, pour voir qui l'avoit plus belle & plus +potelée: ces cuisses étoient belles & mignonnes. Alors le farfadet vint +par la cheminée; & après qu'elles eurent comparé leurs cuisses, il +s'avança, & en montra une grosse & grande, velue comme celle d'un +cheval, & leur dit en s'approchant: & la mienne? Or ça, j'ai apposé & +contrôlé la juste dispense & huguenotique, ainsi que nous faisions, à +Paris, le carême passé, quand, en pleine taverne, nous faisions le petit +exercice de la religion. + +CLICHTOVEUS. Qu'est-ce à dire cela? + +LE BON HOMME. Vous qui savez tous les mysteres sacrés, êtes-vous si +bête, que vous ne savez pas ceci, vu qu'il se pratique en de bons +cloîtres? C'est que nous clouons, barrons, bouclons & fermons bien la +porte, quand (comme ceux de la religion) nous voulons manger de la +chair, aux jours défendus. Tel est le _petit exercice_, d'autant que le +grand est d'aller au prêche. + +PETRONIUS. Je vous veux apprendre un autre secret, que m'a enseigné +Hilaret. Mes amis, ne mangez point de chair, le jours défendus; mais +jeûnez: & puis, toute la nuit, faites bonne chere, avec de bonne chair +morte & vive. Les nuits ne sont point des jours; partant, point +défendus. Un consul étoit de même opinion, quand, durant les treves, il +faisoit la guerre de nuit. + +LE BON HOMME. Cette distinction est trop obscure: notre chose vaut +mieux; & puis j'ai mis dehors tous ceux qui n'aiment point raillerie. +Soyez les biens ventrus; la panse fait l'homme: je vous prie, ça, en +liberté. Y a-t-il personne de vous qui ait le ventre tendu, qui veuille +aller en purgatoire? Tout est libre & bon en son tems, lieu & endroit. +Ce fut un moine de St. Denis, disciple de Genebrard, qui m'apprit à +nommer ainsi le _privé_, parce qu'on s'y purge. Soyez, encore un coup, +les bien venus, gens d'honneur, trafiquant sans marchandise, & dont la +conscience est profitablement bonne; non scandaleux, non fistons ni +sépulcreux, (je cuidois dire _scrupuleux_) je vous assure & jure que +j'aime d'amour ceux qui trouvent tout bon sans sauce, qui jamais ne +s'offensent, qui n'enragent point, quand on les corrige, comme fit ce +maraut de sergent l'Espinai, qui, à Saumur, faisant panader son cheval, +alla à bas bête & tout. La Maugis, le voyant ainsi tombé & à terre, lui +dit: en dà , monsieur l'huissier, vous deviez demander ce qu'il vous +faut, sans vous baisser si bas. Il en eut si grand dépit, qu'il en +devint ladre, & sa postérité. + +AMIOT. Pourquoi dites-vous monsieur l'huissier? Il étoit sergent de +bande. + +LE BON HOMME. Voire, un huissier & un sergent, n'est-ce pas tout un? Il +étoit huissier de bande, comme à Orléans le paysan qui, cherchant +l'avocat du roi, demandoit monsieur le baillif du roi, parce que, là , un +avocat se nomme aussi baillif. + +PHILON. Je connois ce ladre: c'est lui même qui se presenta derniérement +à monsieur le grand aumônier, pour avoir place en ladrerie. Je fus +commis pour le visiter, d'autant que vous savez si je m'y dois +connoître. Pour voir ce qu'il diroit, je lui dis: mon ami, vous n'êtes +pas ladre. Ha, ha, dit-il, monsieur, si dieu plaît, je serai bientôt +ladre; à ce renouveau, les boutons me paroîtront assez. + +LE BON HOMME. En dédit de toutes sortes de sots, beuvons, rions: ce sont +des accidens de concomitance, liaisons de compagnies, relations +légitimes, conséquences d'usufruit: c'est notre part, quand nous y +sommes. Et de fait, rire, c'est ce qui contente le plus, & qui coûte le +moins. S'il en étoit ainsi de boire, le bon vin ne coûteroit gueres. + +APULÉE. Hé, couillaud, tu ne t'y entens pas; parce que toujours le vin +coutera, & sera cher, quoiqu'il coûte, d'autant qu'il faut payer pour +deux, le rire pour l'ame, & le vin pour le corps; & tout sur le vin. + +LE BON HOMME. Là , là , disons bien; & si vous avez envie de trébucher en +éloquence, dépêchez vous; coupez broche à toute cette paillardise de +bien dire. Disons en bon françois, sans que rien nous échappe: & que +savons nous qui nous aviendra, la vérole ou de l'argent? Il ne faut +qu'un hazard semblable à celui de la belle fille, qui, le premier coup +qu'elle fit, fut guimplée. Beuvons, lavons-nous le cou par dedans; +c'est-là . Et si d'aventure nous nous enivrons, pour faire honneur à nos +parens, que ce soit selon la remontrance du ministre de Strasbourg, qui, +prêchant & remontrant les vices de ses brebis, leur disoit: quand vous +dansez, il semble que vous vouliez jetter votre tête aux cieux, & vos +jambes aux diables; dansez modestement. Quand vous beuvez, vous +gargouillez comme pourceaux; hé! pauvres gens, enivrez-vous, mais que ce +soit sobrement; jurez pieusement; maudissez flatteusement; battez +mignardement, & paillardez chastement; donnez-vous au diable avec +honneur, & éjouissez-vous de tous sujets, sans en abuser. La vieille +Perrine, notre servante, avoit raison de dire que ce seroit abuser du +vin, de s'en laver la raye d'en bas, avant qu'il eût coulé par celle +d'en haut, comme du chausse-pied de tantôt; (ainsi qu'il est noté en la +pénultieme page du _Talmud_) ajoûtant que ce seroit un abus formel, si +une femme faisoit de son con un godet, un arbalête à grenouilles, bien +qu'il serve à recevoir les queues de grenouilles, lesquelles leur ont +été ôtées, pour en faire les choses des hommes, qui, pour cette cause, +sont bien aises, & veulent toujours être en de tels marais. Mais +pourquoi le con d'une femme est il mâle? + +ARTEMIDORE. _Omne, viro soli quod convenit, esto virile._ Les docteurs +de Paris l'enseignent ainsi aux écoles. Je vous assure, ô vous qui +entendez ceci, qu'il est vrai; & que, comme ce bon pere le dit, il n'y +va point de sa faute. (A cela, il beut; & reprit sa parabole, comme +Balaam à _propos de quoi_, c'est-à -dire, _de boire_). En quel tems le +vin est-il meilleur ou bon? Dites, messieurs. C'est, dit l'un, quand on +a grand soif. L'autre: c'est en été. Voire, dit frere Anselme, c'est en +hiver au soir, quand on s'est bien rôti auprès du feu. + +ALBERT LE GRAND. Vous n'y êtes pas; c'est quand on le boit, que l'on le +jette à poignées dans le corps; & par la sainte ombre du clocher du +temple de Salomon, je vous proteste que je suis étonné, même de quelques +doctes, & sur-tout de Séneque, qui derniérement nous fêtoyant, & me +baillant de ce bon vin de copeaux d'Orléans: frere, me dit-il, voyez si +ce vin est bon. Pargoi, j'eusse pu y regarder, d'ici au jour du +jugement, que je n'y eusse rien connu de bon. Non, non plus que, si vous +étiez barbouillé, ne pourriez le reconnoître vous mirant à mon cul. Et +puis il y en a qui disent: tâtez. Il faut dire: _goûtez_ à ce vin, de ce +vin, ce vin; beuvez-le, savourez-le: & pource, je me moque de toi, grand +viédase Grec, qui desirois avoir le cou long comme une grue, quand tu +boiras. Va te faire pancer par mon barbier; & il ne te coûtera rien, à +te faire déclarer vrai St. Christophe de pâques fleuries. Ne sais-tu +point que, depuis que le vin a joint l'épiglotte, il n'est plus +favorable. Il convient, pour bien souhaiter en cette affaire, desirer +avoir le palais aussi grand que celui de Paris, & le manche de priape +aussi grand qu'une pique tournée comme une trompe de chasseur, afin que, +venant à la liqueur arrousante, la douce rosée de nature, le sucre de +l'aurore, on sentît une vraie rage de bien, tandis qu'elle passeroit par +ces coulis infractueux. Venons au point. Quand est-ce qu'une femme est +sage? + +LE BON HOMME. Remettez-le à tantôt que nous aurons beu; aussi bien +jamais honnête homme ne besogna par procureur. Tenez ceci secret; & ne +le montrez pas à ces maîtres veaux; bran pour eux. + +AZOARE. Davantage, il y a, comme je le conclus, des pifres équivolans, +qui, oyant parler de ce grand simpose, en penseront de biais, comme +Jaquette du Mas, qui fit un enfant, sans savoir le nom ni le surnom du +pere; de quoi elle étoit fort dolente. Son enfant fut nommé Adam. Un +jour qu'elle étoit au sermon, elle ouit le prêcheur qui s'éfiloit +d'alléguer l'écriture, & disoit, _Adam, ubi es?_ Cette fillette sortit +tout incontinent de là , très-aise de savoir le nom de son fils. On lui +avoit dit que les prêcheurs savoient tout; parquoi elle nomma depuis son +fils, Adam de Biais. C'est celle qui disputoit l'autre jour à la porte +de l'église cathédrale. + +AMIOT. Qui est l'autre? + +AZOARE. C'est celle qui vous servoit, quand vous étiez grand aumônier, & +que vous fûtes si malade. Elle m'a conté que vous disiez au barbier qui +vous pançoit, & vous avoit assuré que vous aviez la vérole: hélas! +monsieur Gaspard, mon ami, j'avois toujours prié ce bon dieu qu'il m'en +gardât. Et il vous répondit: aussi a-t-il fait, monsieur; il vous a +gardé de la plus fine. C'est qu'il falloit que cela passât. Pourquoi +est-ce que vous y venez? Les friandes querelloient le fils de Jaquette +qui étoit grandet. Voyant ces rixes, il tira sa mere par la robe, & lui +dit: ma mere, appellez-la vîtement putain, avant qu'elle vous y appelle. +Putain, dit-elle. Tu as menti, fit l'autre; c'est toi qui es une putain; +tu as donné la vérole à messieurs. Elle parloit de chanoines. + +AUGUSTE. Vraiment, bon homme, c'est bien vous qui êtes allé de biais. +Que n'achevez-vous ce que vous avez commencé. + +AZOARE. Pour votre révérence, bon empereur, je le ferai, d'autant que la +barbare opinion de ces veaux d'attache ne pensera pas que nous beuvions +& rions. Ils s'intentionneront à gauche, d'autant qu'ils n'approuvent +que ce qui prend à leur mêche. Mais que l'aze les quille; & fût-ce celui +de Don Rodigue das Yervas. + +SOPHOCLES. Pourquoi nommez-vous cettui là ? + +AZOARE. Parce que, quand on le voulut faire inquisiteur, il dit qu'il +eût mieux aimé être vendeur de morts aux rats & aux souris. + + + + +REMONTRANCE. + + +XXXIII. Mais cependant que je prendrai un peu de réfection, dites à +notre ami Erasme qu'il vous conte l'histoire de Rodigue. Ce que je +désire me réfectionner d'un peu de viande & de liqueur, est, que je +crains de perdre le devant & le derriere, comme cette abstinente de +Confolant. Je m'en rapporte aux médecins. Ça, notre ami, donne-moi un +peu de cette vie sans fin; c'est-à -dire de cette langue de boeuf, de ce +jambon. Çà , çà , Rabelais, Copus, Anacréon, beuvons, & gai. A savoir si +la langue branle, quand on boit; si le troufignon barbotte, quand on +pette. Aussi-bien ce causeur nous tiendra longtemps. Que voici un bon +chausse-pied! Savez-vous bien pour quoi je me délecte tant à boire? +C'est pour ce que j'ai une belle joie, quand il me pleut dans le ventre. +Mais ce fou de Flamand se fâchera, si on ne l'écoute. + +CESAR. Il n'est pas Flamand. + +AZOARE. Et que s'en faut-il? N'est-il pas de même crême? + +ERASME. Il y a plus de cinquante ans que je n'avois tant parlé sans être +écouté. Quand il n'y avoit que moi, on me couroit à force; mais, depuis +que les cadenats des sciences furent crochetés, on m'a laissé en croupe; +& bien que j'eusse si chaud, que la queue m'en suoit, encore on se mit à +courir après ces nouveaux venus, qui, ô bon César, laissent votre latin +naïf, pour aller aux cloaques des pédans chercher des mots tous pourris +de cuire, & s'en barbouillent le museau. A propos de cela, quel est +l'outil de ménage que jamais on ne prête ni emprunte, & si il n'y a +guere de maisons où il n'y en ait? Hé gai, dit Saint Glougourde, c'est +le bouchon des écuelles, qui fut cause que je fus canonisé: en voici +l'occasion. Je faisois la cuisine des cordeliers de Rennes; & je mis: +par mégarde, le bouchon des écuelles au pot, où je fis cuire la potée. +Cela fit une soupe miraculeuse, sentant le potage des gueux jusques au +tiers ciel: au reste, il étoit gras & fluant. Les freres le trouverent +si bon, qu'ils en eussent mangé leurs mains jusques aux coudes; les +novices, qui en eurent le plus, & le fond, le savourerent. Et parce que +cela étoit mêlé de beaucoup d'essence, en devinrent si savans, qu'ils +surpasserent leurs maîtres, qui, par envie, en firent mettre trois _in +pace_, que je délivrai, tandis que l'on disoit matines de tripes. + +APULÉE. Et qu'est-ce que cela? + +ALCUIN. C'est le déjeûner. + +ERASME. Beuvez un trait tout plein, & me laissez dire; ou j'oublierai +tout, ou je serai contraint de recommencer comme ma grand'mere, qui tant +plus disoit sa patinostre, & moins la savoit, si qu'enfin elle la dit +tant & tant, qu'elle l'oubliât. Or je vous dirai des vieilles vétilles +françoises & espagnolles, & je draperai sur l'un, aussi-bien que sur +l'autre, d'autant que je ne me soucie non plus de l'évangile que de +l'épître. + +TRITEMIUS. Je ne m'étonne plus, si on a opinion que tu sois hérétique. + +ALCUIN. Vous n'êtes pas recevable à le dire. + +TRITEMIUS. Mieux que vous, qui dites qu'à S. Martin la messe & vêpres ne +valent rien, qu'il n'y a que matines qui sont bonnes: parce que tout le +gain le plus avantageux y est. + +ERASME. Allez; ou vous aurez taloche à la huguenote. Ce n'est ni vous ni +moi qui faillons, parlant ainsi. Il n'y a que les commentateurs, qui +donnent l'intelligence selon leur dessein. Plusieurs interpretent les +écrits & paroles des autres, selon leur sens. Ainsi les moines ivrognes +interpretent les épigrammes d'Ænéas Silvius & de Beze, en ivrognerie, +les sodomistes, en sodomie; les amoureux en amour; les avaricieux, en +richesses; & les doctes, en galantise & bonté, d'autant que tout bon +fait bonne digestion: & pour ce que entendiez que je voulois parler +bref; l'épître, c'est le roi d'Espagne; l'évangile, c'est le roi de +France; d'autant que, devant le pape disant la messe, ils sont diacre & +sous-diacre & je dis que je ne me soucie pas de leurs débats, d'autant +que, demeurant à Bâle, j'étois chanoine de saint Paul. + +MUNSTER. Il n'y a point de chanoine de S. Paul à Bâle. + +ERASME. Je ne m'étonne pas, si Thevet te loue, tu es quasi aussi sot que +lui. Hé! ne sais-tu pas que je vivois, comme dit S. Paul; & que j'étois +chanoine, comme ne l'étant point; & partant, je me délectois à ma +fantaisie: & sur cela je répete que, si vétilles françoises étoient +emmaillottées de commentaire, comme celles du temps passé, elles +auroient plus de graces que toutes les autres, & iroient jusques au ciel +de la lune, comme étant de meilleur goût que les grecques, lesquelles +puent le vomi d'après souper. Pensez que c'est une belle chose que la +généalogie des dieux; & qu'Homere étoit alors bien fin (chut! il est là +avec du Bartas qui en conte; il ne nous oit pas) & bien ingénieux; quand +parlant de ce beau porcher, il dit qu'il étoit semblable aux dieux. +Quels dieux de menue venaison! Il étoit compagnon de ce berger, auquel, +en temps de pluie, la raie du cul servoit de goutiere. En toutes ces +inventions, il n'y en a point une qui soit tant naïve, que la belle +naïveté du berger du Genitoi, qui, se dépitant au temps de pluie, +disoit: si je suis jamais roi, alors je garderai mes moutons à cheval. + +AZOARE. Les méchantes amours me sollicitent tant le fondement, que je +vais errant çà là . Mais, pour l'amour de toi, ô grand prince de Rome, +duquel Homere prophétisoit tantôt, toi qui l'as miraculisifiée de +nouveau, qui as tant baillé à coudre aux Romains, leur ayant tant +désenseveli d'éguilles, pour l'honneur & révérence que je te porte, pour +ne t'avoir jamais vu ni connu, je poursuivrai mon Rodigue, qui fut +gentilhomme signalé, & qui, étant revenu de plusieurs expéditions, où il +avoit bien fait en obéissant, puis commandant, pour le service de son +roi, & du sien propre, d'autant que ce seroit pour néant sans cette +condition, se présenta en cour en cette sorte. Il s'en vint garni de +lucances valables d'honneur & d'assurance, ainsi qu'il desiroit paroître +devant son prince. Arrivé au château, il sut que le roi n'y étoit pas, +ains s'en étoit allé à la chasse. Lui qui a le feu au cul, (bien +d'autres l'y ont; & là -dessus, je vous demande, Lipsius, pourquoi les +femmes qui aiment le déduit, hantent les gens de cloître? + +SUIDAS. C'est parce qu'elles ont le feu d'enfer ou cul; il faut des +couilles bénites pour l'éteindre.) + +AZOARE. Or bien notre Rodigue avoit le feu au cul; partant il se hâta, +d'aller trouver son roi. Il poussa son mulet, pour se diligenter; & de +fortune, il rencontra le roi seul, lequel avoit pris le devant, à cause +de la poudre. Rodigue, qui ne le connoissoit pas, le salua; & lui +demanda où étoit le Roi. Le Roi, qui vit bien qu'il ne le connoissoit +point, bien qu'il ressemblât mieux à un fou qu'à un moulin à vent, le +laissa en cette opinion. Et puis, qui eût pensé que ce fût le roi? Il +n'y a philosophe qui le pût deviner, sinon qu'il sût l'intention de ce +prince, qui alloit ainsi seul, de peur que, par le mouvement de la +troupe, les atomes de Démocrite ne se vinssent unir à la cire de ses +yeux, pour y engendrer quelques roitelets guêpins. Ces deux, comme +chevaliers, s'étant entresalués, le roi répondit à Rodigue, qu'il étoit +fort loin; &, là -dessus, le pria, par la même usance de courtoisie dont +il l'avoit prié, qu'il lui déclarât quel il étoit, & ce qu'il vouloit au +roi. Adonc Rodigue lui déclara ses valeurs, ses prétentions, & comme, +sur l'attestation de ses bons & signalés services, il venoit prier sa +majesté de lui accorder quelque récompense de ses mérites. Et cettui-ci +lui dit: si le roi ne vous veut rien donner, que sera-ce! Rien, sinon +_bien se poede hazer hoder à mi machos_, c'est-à -dire, _qu'il se fasse +saillir à mon mulet_. C'est ainsi qu'il trancha le mot, pour lequel les +chiens se battent. Le roi passa outre; & Rodigue vint à la troupe, où +entendant que le roi étoit passé il y avoit long-tems, il s'achemina +avec les autres. Etant arrivé au château, il mit pied à terre, & attacha +son cheval à une grille. A cela vous connoissez que ce ne fut pas en +France; les pages & les laquais, ou autres affineurs, ne l'eussent pas +laissé là , sans le mener boire, de peur des mouches. Le roi étoit à la +fenêtre qui le considéroit; & l'ayant fait remarquer à deux +gentils-hommes, les envoya lui dire qu'il vînt parler à lui. Ils lui +dirent: segnor cavalier, le roi vous demande. Quoi! le roi sait-il bien +que je suis venu, moi? Or le roi vouloit voir, s'il seroit constant en +son humeur bravache. Rodigue entra, & fit une preude révérence à sa +majesté: puis, ayant reconnu que c'étoit le roi qu'il avoit tantôt cru +un simple chevalier, auquel il avoit fait cette défonçade de braverie, +ne s'étonna point, s'affermit & avança, montrant au roi les attestations +qu'il avoit, lesquelles faisoient preuve de son obéissance, valeur & +fidélité. Sur quoi il supplia très-humblement le roi: sacrée majesté, +vous êtes informé de ma bonté; je vous supplie d'une douce & favorable +récompense. Si je ne veux point vous faire une récompense, dit le roi, +malgré votre loyauté, que sera-ce? Sacrée majesté, mon mulet est là -bas. +Cette parole fut ouie, & non entendue de tous, mais seulement du roi. +Ceux qui ne savoient ce que c'étoit, croyoient qu'il avoit dit, comme +prêt à monter dessus, & s'en retourner. Mais le roi l'eût pu interpréter +ainsi: _mon mulet est là -bas, faites-le monter, il vous en donnera une +venue._ + +GALATINUS. Je pensois que vous dussiez parler autrement, comme la fille +de notre métayer, qui vint un jour trouver ma grand'mere, & lui dit: bon +jour, mademâselle. Mon pere vous prie de lui prêter voute taureau, pour +donner une vertelée à noute vache. Il vous en rendra autant quand il +vous plaira, mademâselle. + +CÉSAR. Que fit le roi à Rodigue? + +AZOARE. Il lui donna une pension de quatre mille malvedis de rente, & le +retint près de sa personne. + +PIMANDER. Voilà ; il n'y a que telles gens, qui aient les bonnes graces +des grands. Si c'eût été quelqu'homme qui eût eu de la doctrine, on +l'eût envoyé rôtir le balai. Il ne faut qu'être effronté, pour obtenir +des faveurs: & à dire vrai, c'est pitié absolue, que pour être grand & +gagner, il faut ruiner la vertu & le prochain. O quelle misere! que les +hommes sont diables aux hommes. Quiconque ne croira point qu'il y ait +des diables, qu'il aille au palais & à la cour. + + + + +GÉNÉALOGIE. + + +XXXIV. A la vérité, quand je m'en souviens, n'est-ce pas une grande +misere, pour preuve de cette diableté, qu'il ne se trouvera homme, tant +vanteur de la piété soit-il, qui veuille acheter un état de secret +rechercheur des actions humaines, pour avertir les autres, à ce qu'ils +soient garantis du danger, afin qu'ils se détournent de leurs mauvaises +voies, & que, s'ils sont enclins à mal faire, ils s'en corrigent dès le +commencement, ou s'en abstiennent à l'avenir de peur qu'ils ne tombent +en péril! Plutôt, la plus grand part des hommes sont comme chats guetant +les souris; & le plus homme de bien en apparence, sera en perpétuelle +sentinelle, pour épier si quelqu'un bronche; non pour l'avertir bien & +charitablement, mais pour le ruiner. Et pour faire preuve de plus +d'impiété prévôtable, on contraint iniquement les autres, & incite à +dire, s'ils savent quelque mauvais déportement de leur prochain, afin +que l'on l'accable, pour s'engraisser à ses dépens, s'il a moyen de +payer les ouvriers. Ainsi plusieurs sont riches du malheur des autres, +desquels jamais la faute n'est cachée ou diminuée, ou détournée, ains +multipliée abondamment. Or nous ne sommes plus au temps qu'on étoit +sauvé par sa faute. Je pense que les bonnes gens qui gémissent sous la +tyrannie des gros, seront émus par charité à bien estimer, en nos +discours, comme nous découvrons le tombeau de vérité. + +EPICARME. Savez-vous bien ce que c'est que vérité? + +Q. P. Ne vous en enquêtez point tellement, dit le sage, que vous ne +soyez estimé de la secte de Ponce-Pilate. Davantage, je vous avertis, +par l'exemple de ce docteur, que nous avons chassé, que vous n'ayez à +mettre en avant chose qui puisse être tirée en conséquence contre ce qui +est saint, ou à moquerie de ce qui est vénérable. Usons notre temps avec +la ponce de bienséance, ou le grès de sagesse; & que cependant notre +satyre soit perpétuelle, pour découvrir l'abomination des affaires du +mauvais monde. + +PÉTRARQUE. Mais de quoi sont composées les affaires du monde? + +QUELQU'UN. Du bien d'autrui; témoin ce que me dit le Chanoine qui +plaidoit contre moi, & pour me tromper, comme c'est la coutume de telles +gens, me fit parler d'accord; moi qui allois mon train, comme l'âne des +bons-hommes, je lui disois que je ne desirois que la paix; & lui me +protestoit qu'il ne vouloit que mon bien. J'en étois content; mais notre +servante, qui avoit demeuré chez un Avocat en Cour d'Eglise, me sut bien +retirer, me montrant qu'il disoit vrai, qu'il vouloit mon bien pour le +mêler avec le sien. + +PÉTRARQUE. Voilà qui est bon; mais je demande que c'est qu'affaires du +monde. + +PARACELSE. C'est le moyen de parvenir. + +CELSUS. Vous nous l'obscurcirez tout, comme vous avez fait la Médecine, +en vous vantant, & n'y disant que des ventosités. Je vous prie, +amusez-vous à boire; je vous prie, ne vous fâchez point; je vous dirai +de belles choses douces, & avec facilité. Le moyen de parvenir comprend +tout, & est composé des quatre élémens de piperies, avec leur +quinte-essence. + +ERASTE. C'est une nouvelle philosophie, voire si nouvelle que l'on ne la +connoît pas. C'est à ce coup que vous êtes trompé, d'autant qu'il y en a +qui la savent bien, & qui se moquent de nous, qui nous amusons à voir +des urines, & souffler du charbon; & les autres attrapent les +incommodités. Or je vous dirai comment, & ronflerai en axiomes +merveilleux. Çà que je tranche des sentences toutes pleines d'abondances +mystigoriques; que je vous en donne, non ecclésiastiquement, ni +chichement, ni justinia-niaisement; mais libéralement & +philosophiquement en charité. + +SCOT. Ce n'est pas bien fait; il faut vendre la science; & par-là je +connois bien que vous n'y entendez rien. A ce mot, Uldric, qui se +fâchoit de quoi ce Moine interrompoit Paracelse, lui dit: taisez-vous; +vous n'y entendez rien vous-même. + +SCOT. Si fait; aussi il n'y a science que je ne sache. + +ULDRIC. Vous en avez menti, au respect de Dieu. + +MADAME. Quoi, qu'est-cela? Voire, & faut-il que les gens doctes vivent +ainsi? Buvez, & vous accordez. + +PARACELSE. Hélas! pardonnez-moi, Madame, ce n'est pas moi qui querelle. + +ULDRIC. Il y a plus d'une heure qu'il me picote, même encore tantôt, +m'appellant hérétique pulvérisé; & pour ce si je me fâche, je vous prie, +Madame, de croire que j'en ai juste cause, & aussi me vouloir favoriser +en ma querelle. Je suis homme de bien, & lui aussi: je ne voudrois pas +quereller un méchant, parce que je n'y aurois point d'honneur: mais je +lui en veux, d'autant que tantôt il m'a fait une opprobre vergogneuse; & +m'a dit une injure que je ne veux, ni ne peux lui remettre. + +SCOT. Je ne m'étonne plus de rien, puisqu'il s'en souvient. O! soit ce +qui en pourra être, je me tais & vous en laisse tout faire; je m'en vais +me consoler avec le flacon; je vous fais juge de tout, Madame. + +MADAME. Et bien, il vous a appellé hérétique; il y a bien de quoi? + +ULDRIC. Oh! que ce n'est pas cela pour si peu, je ne daignerois y +penser. Il m'a fait une bien plus grande honte, diffamation & vitupere +plus notable. + +MADAME. Pour vivre en paix & vous accorder, il faut tout dire: là , +déclarez ce tort & injure. + +ULDRIC. Madame, je vous prie, c'est tout un; je vous le dirai; il m'a +appellé viédaze. + +MADAME. Que lui avez-vous répondu? + +ULDRIC. Qui vous fouaille, Madame, en bon françois. + +MADAME. Mais vous, vraiment! + +ULDRIC. Je veux bien, puisqu'il vous plaît; je ne l'eusse su demander +plus honnêtement, ni vous plus joyeusement me l'accorder. Ce sera quand +il vous plaira, Madame. Employez-moi, tandis que je suis jeune; quand je +serai vieil, je n'en pourrai plus. Mais ce démenti que deviendra-t-il. +J'entends que ce soit un démenti de Meûnier; un âne le portera. Voire, +mais plutôt de papier; je m'en torcherai le cul. + + + + +NOTICE. + + +XXXV. LE BON HOMME. Te voilà camus, Monsieur Scot: tu as le nez fait +comme une truie gruesche. Que diable avois-tu affaire à cet hérétique? +Ne sais-tu pas que tels gens sont injurieux comme Papistes & inventifs +comme huguenots? Veux-tu que je te die? Il t'avient à les attaquer, +comme une truie à dévider de la soie. Laisse-le là ; il te feroit devenir +aussi cheval, que le mulet du grand Turc. C'est un des malheurs du +siecle, que si on veut apprendre quelque bien, on aura infinie peine à +se mettre en train. Depuis le temps que nous sommes ici, nous n'avons +non plus su entrer en matiere, qu'un coin de beurre en la fente d'un +noyer. Nous ne faisons que perdre le temps; je ne m'en soucirois pas, +s'il n'y avoit que pour nous. Je plains une infinité de pauvres ames, +qui béent, attendant après la doctrine languissante du desir de science: +& nous la retenons par nos rencontres, qui seroient aussi bonnes tantôt +qu'à cette heure, d'autant que tout ce qui est ici est si bon, qu'il est +tout égal, ni meilleur, ni pire, tel en un temps qu'en l'autre. Or bien, +puisque vous avez envie de savoir, oyez notre docteur. + +PARACELSE. Vous saurez, en dépit de vous, que les quatre élémens sont +formés d'une même matiere. Regardez comment je commence de belle & bonne +grace, comme un apprentif qui retire sa quittance. + + Quand maître coût, & putain file, + Petite pratique est en ville. + +La premiere matiere est celle dont les ouvriers du monde agissent, +sachant élire ce qu'il en faut pour leurs affaires. J'ai honte de +proférer ce mot de matiere, à cause de ces médecins qui me regardent, & +pensent que je leur veuille proposer le monde malade, pour voir à sa +matiere ce qu'il sera; s'il mourra bientôt, ou s'il guérira. Je vous +dirai mes enfans, (ainsi vous puis-je nommer, d'autant que je vous +adopte par science, & vous engendre par intelligence) que le monde ne +s'est point encore vuidé; il n'a point fait de matiere. Savez-vous pas +que la matiere se fait seulement, après l'opération de plénitude? Tout +ainsi que le monde est beaucoup de fois plus grand que l'homme, qui est +le petit monde, & le monde le grand animal corporel: aussi, en +proportion, quand il sera plein, & après le tems & juste équivalence, +ayant été rempli, rendra sa matiere; attendez ce tems-là , & vous qui +jugez de sa durée & future dissipation, & la verrez au juste +prognostique de l'éjection qu'il en fera. Ce n'est plus de telle chose +que je veux parler: mais en faut avertir le monde, de peur +d'inconvénient. Oyez donques que c'est de certains, purs, vrais, saints +& justes élémens que je veux dire, lesquels les abstracteurs, +falsificateurs, brouillons & hypocrites ont gâtés: & j'en veux à ces +trompeurs, pour autant qu'ils me firent perdre ma manuelle, quand +j'allai quérir les petites ordres. Aussi je n'ai garde d'y retourner, de +peur de tout perdre; encore faut-il vous avertir touchant les +abstracteurs, d'autant qu'il y a une sorte. On m'a dit que les plus +subtils sont à la Rochelle, parce que c'est une ville maritime; & que là +sont abstracteurs de cérémonies, qui se parent bravement de leur sujet, +comme entendus philosophes qui levent les accidens de leur substance, +sans qu'il y reste cicatrice qui ne soit apparente & manifeste. Je ne +sais que j'en dois dire, de peur d'être estimé hérétique; je les laisse +donques: mais je hais abondamment les voleurs, qui ont tiré de certains +élémens d'une doctrine, que l'antechrist a inventée & supposée, sous +lumiere de religion, pour faire une ombre mirlifique. Vous saurez tantôt +que c'est, & jugerez que je ne passe point les limites de raison; mais +que je galope ces gabeleurs de théologie, qui ne trouvent bon que ce qui +quadre à leur paillarde opinion. Il y en a d'autres, qui ont remarqué +comme cette cabale avoit ainsi pressuré & fait issir un élément +génératif, perpétuellement en similitude, muni d'une fécondité future, & +ont fait semblablement en les imitant. Par ainsi, ils ont sublimé, +effressuré, & hipocondrillé la jurisprudence: puis après, les plus +sages, pour n'être suspects à cause de la robe, ont escarmouché les +embuches médecinales; si que, chatouillant le pénil de la médecine, lui +ont fait couler le suc du moelleux endroit, ou la parfaite substance +chytifre: & par ce moyen le relevant quintessentiellement en apparence +magnifique, suivant comme les autres les belles amusoires de +jurisdiction, & possession acquise, ont mêlé avec les médicamens +l'oeuvre parfait de benoîte extraction; si que les méchans ayant passé +par leurs mains, & goûté du brouet d'andouille, ont forcené d'amour +après cette invention; tellement qu'ils ont dignifié leur état comme les +autres, & contrepassant par l'étamine, & suivant les commentateurs des +ruses soporiférantes, le scandale forfantesque avec grands labeurs & +risques, ont trouvé la quintessence nécessaire, dont il est tant fait +d'état entre ceux qui veulent parvenir. Et parce que par quelquefois +boire ensemble, ou deviser, on se joint les uns aux autres, la +fréquentation étant la soudure des volontés, il est avenu que toutes ces +quatre essences sont mêlées ainsi que les opérateurs se sont assemblés; +tellement que, messieurs ayant pris conseil & étant assemblés, ils ont +fait, (je ne saurois dire ce mot des Apôtres; aidez-moi à le trouver; +c'est un... Je l'ai trouvé; qu'au diantre soit le harnois, tant il m'a +coûté à fourbir; c'est un symbole) ainsi chacun apportant son symbole, +ils furent joints ensemble, comme la mie à la croûte. Donques de ces +élémens unis, joints, assemblés, tirés, faits, extraits, proposés, +trouvés, animés, & accomplis, a été construit, bâti, établi, composé, +compli, balancé & accommodé le monde pipeur par ces élémens de piperie; +& ce monde a été rendu complet en toutes ses parties, avec faculté +perpétuelle de se régénérer, sans dissipation d'esprits, & par le +mélange mystigorieux des forces & puissances qui y sont contenues. +L'exercice a causé merveilles au progrès infini de l'univers pipeux. +Mais vous m'aguettez, pour voir si je serai aussi ignorant, que ceux qui +disent que le soleil n'est pas chaud: & je voudrois que tels me pussent +prouver qu'ils n'eussent point le trou de cul puant, sans qu'on y +fleurât. Même ils disent que la neige n'est pas blanche; que les étrons +ne sont vifs ni morts; que la pluie ne chet pas; mais qu'elle monte vers +le centre de la terre. Ils en disputent gaîment, & ne savent pas +pourquoi les boeufs se couchent. A jan, grosse bête, c'est parce qu'ils +ne se peuvent asseoir. Je me garderai bien de vous; & ferai si bien, que +vous jugerez que je suis assez docte. Or ça n'est-il pas vrai? ne me +voulez-vous pas attrapper sur la quintessence? Je vous satisferai, & +vous la montrerai au doigt & à l'oeil. + +NICANDER. Il est vrai, notre ami, c'est-là ; & je voulois considérer si +votre analogie seroit parfaite. + +L'AUTRE. Mort aux rats, aux souris & aux guêpes, c'est s'y entendre +cela, comme un rossignol à crier de la moutarde. Or là , laissez-moi +achever; mon analogie sera parfaite; écoutez, j'ai repris mon propos par +le bord de sa robe. + + +_Fin du Tome premier._ + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by +François Béroalde de Verville + +*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57878 *** diff --git a/57878-8.txt b/57878-8.txt deleted file mode 100644 index b5ea185..0000000 --- a/57878-8.txt +++ /dev/null @@ -1,4993 +0,0 @@ -The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by -François Béroalde de Verville - -This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most -other parts of the world at no cost and with almost no restrictions -whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of -the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. 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Elle donne une -assez parfaite connoissance & une idée assez claire de l'Auteur, pour ne -devoir pas être rejettée par les Lecteurs, qui veulent s'instruire quand -ils lisent. - - -Le livre, qui a pour titre _le Moyen de Parvenir_, étant en son espece -véritablement original, bien des gens demandent tous les jours qui en -est l'auteur. On sait, à n'en pouvoir douter, que c'est _François -Béroalde, sieur de Verville, gentilhomme Parisien_, & de plus chanoine -de saint Gatien de Tours. Les registres de cette cathédrale datent sa -réception du vendredi 5 Novembre 1593. - -Il a composé, tant en prose qu'en vers, une infinité d'ouvrages, où, à -l'exception du _Moyen de Parvenir_, il n'a fait nulle difficulté de -mettre son nom. Comme cet écrit est extrêmement licentieux, il n'a pas -voulu tout-à-fait demeurer d'accord qu'il fût de lui. Voici comme il -s'en explique, pag. 461 & 462 de son _Palais des Curieux_. «Cependant je -vous avise que, comme ici je donne des atteintes à plusieurs fautes, -j'ai fait un oeuvre, lequel est une satire universelle, où je reprends -les vices de chacun. Je pensois vous le faire voir sous un titre qui est -tel: _le Moyen de Parvenir_. Mais on me l'a volé: si que, pour en avoir -le plaisir, vous attendrez encore. Je l'ai mis en tel état, que je -l'avouerai mien; au lieu que l'exemplaire, dont on m'a fait tort, est -insolent, & que je dénierois être de moi, aussi qu'il n'est pas de mon -écriture; & avec cela il n'est pas de mérite pour être lû, à cause des -convives qu'on m'a rapporté qui y sont, pource qu'il y a des contes -désagréables; ce qui n'est pas au mien, où je ne taxe ni moine ni -prêtre, ni ministre ni nonnain, & n'y a point de contes qu'on tire à -telle conséquence; mais rencontres joyeuses, & touches tendantes à -réformation». - -Ce désaveu, fait pour la forme, n'a pas empêché qu'on ne l'ait crû -l'unique auteur de ce livre. On y reconnoît d'un bout à l'autre son -style & son caractere. Quoiqu'on l'ait repris d'avoir affecté, dans cet -ouvrage, d'écrire sans suite; il ne laisse pas d'y marquer du dessein, & -de cacher, dans son désordre apparent, un ordre plus fin qu'on ne se -l'est imaginé. C'est une représentation naïve des conversations -ordinaires. Que trois ou quatre personnes s'entretiennent ensemble -familiérement, elles parleront insensiblement de mille choses -différentes, sans s'appercevoir de la différence des sujets. Le marquis -de Châtres-Brodeau nous donna, sur ce modèle, en 1697 ses _Jeux d'esprit -& de mémoire_, mais d'un goût fort subalterne. J'ai exposé l'idée du -_Moyen de Parvenir_. L'auteur y suppose une espece de festin général, -où, sans conséquence pour les rangs, il introduit des gens de toute -condition & de tout siecle, savans la plûpart, qui, n'étant là que pour -se divertir, causent de tout en liberté, & par liaisons imperceptibles -passant d'une matiere à une autre, font des contes à perte de vue. La -vérité est que, brouillés comme ils sont dans le livre, on a de la peine -à les y retrouver quand on les cherche; mais il est aisé de remédier à -cet inconvénient par le secours d'une table sommaire des Chapitres qu'on -a faite, en vertu de laquelle il n'y a pas de quolibet, pour mince qu'il -soit, qu'on ne trouve en son lieu dans le moment. - -Le _Moyen de Parvenir_ en est le répertoire général; c'est en cette -source que non-seulement Bruscambille & Tabarin ont puisé; mais encore -Daubigné dans son _Baron de Fæneste_, & Sorel dans son _Francion_. - -Un ami très-docte du docte Saumaise, m'a dit que ce grand homme se -délassoit quelquefois à lire le _Moyen de Parvenir_, & qu'il l'estimoit -en son genre. Il m'en a même appris un fait curieux, qui mérite d'être -rapporté. C'est que, dans le tems que monsieur Saumaise étoit malade à -la cour de Suede, la reine Christine, qui l'y avoit fait venir, l'étant -allé voir, le trouva au lit tenant un livre, que par respect il ferma, -au moment qu'il la vit entrer. Elle lui demanda ce que c'étoit. Il lui -avoua que c'étoient des contes un peu libres, que, dans l'intervale de -sa maladie, il lisoit pour se réjouir. Ha, ha, dit la reine, voyons ce -que c'est; montrez-m'en les bons endroits. Monsieur Saumaise lui en -ayant montré un des meilleurs, elle le lut d'abord tout bas en souriant; -après quoi pour se donner plus de plaisir, s'adressant à la belle -Sparre, sa favorite, qui entendoit le françois: viens, Sparre, -s'écria-t-elle; viens voir un beau livre de dévotion intitulé, le _Moyen -de Parvenir_. Tiens, lis moi cette page tout haut. La belle demoiselle -n'eut pas lû trois lignes, qu'arrêtée par les gros mots, elle se tût en -rougissant; mais la reine, qui se tenoit les côtés de rire, lui ayant -ordonné de continuer, il n'y eut pudeur qui tînt; il fallut que la -pauvre fille lût tout. Monsieur Saumaise, racontant cette particularité -au savant homme, alors fort jeune, de qui je la tiens, lui fit voir le -propre exemplaire qui avoit été le sujet de cette plaisante scène, & le -lui donna. - -Tout ce qu'on peut dire à l'avantage de cet ouvrage, c'est qu'il a été -une source intarissable de bons contes, proverbes & mots plaisans pour -nous & nos successeurs. Il n'est enfant de bonne maison qui n'en bégaie -à tort & à travers quelque lambeau; bien ou mal placé, n'importe. Mais -aussi Verville ne s'est pas livré à sa seule imagination dans la -formation de ce livre plein d'imagination. - -Une remarque particuliere, sur le _Moyen de Parvenir_, c'est que le mot -_car_, par où il commence, n'y est dans la suite répété en nul endroit. - -Bayle nous a donné un léger article de François Béroalde sieur de -Verville, & un autre de Mathieu Béroalde, pere de François. Mathieu, -originairement catholique, fut, vers 1550, précepteur d'Hector Frégose, -fils de César Frégose & de Constance Rangon. Le Bandel en parle avec -éloge, dans l'épître dédicatoire de la 63e. Nouvelle du 3e. tome. -«Messer Matteo Beroaldo, Parigino, (_dit-il_) huomo non solamente nella -lingua latina e greca eruditissimo, mà nell'hebrea anchora, e negli -studii filosofici essercitato, e precettore del nostro signor Hettor -Fregoso, dal re christianissimo nomato al summo pontefice per vescovo di -Agen». Et dans l'épitre dédicatoire de la nouvelle suivante. «La novella -fù narrata qui trà noi dal dottissimo messer Matteo Beroaldo, precettore -del nostro gentilissimo signor Hettor Fregoso». - -Le calvinisme commençant alors à s'établir à Agen, Mathieu Béroalde, -Jules-César Scaliger & quelques autres savans, alors habitans de cette -même ville, goûterent la nouvelle religion. Mathieu Béroalde en fit -profession ouverte, quelques années après, & fut même ministre à Genêve. -Il étoit neveu de Vatable, & avoit des livres rares & exquis, lesquels -furent la plupart vendus & dispersés après sa mort. Quelques-uns -cependant demeurerent à son fils, qui, dans un tems de troubles, tel que -celui où il vivoit, eut peine à les conserver. Il en regrettoit un, -surtout, imprimé, dit-il, à la Chine, que Joseph Scaliger, à qui il -l'avoit prêté, lui retint. Il en dit un mot dans son _Moyen de -Parvenir_, tome II. chap. XXI. intitulé _Sommaire_, & en parle plus au -long & plus sérieusement, sur la fin de son _Palais des Curieux_. - -Il étoit poëte, chimiste, médecin, philosophe, grammairien, -mathématicien. Ses ouvrages, dont nous avons un grand nombre, sont -presque tous ou romanesques ou chimiques, ou tous les deux, tel que son -_Voyage des Princes Fortunés_, livre ennuyeux à la mort, au chapitre -près qui contient l'histoire du roi Eufrantis, & de son favori Spanio. -On la peut voir toute entiere, dans les remarques de Sorel, sur le Xe. -livre de son _Berger Extravagant_. Claude Barthelemi Morisot, avocat au -Parlement de Dijon, l'a mise en latin, en ayant seulement changé les -noms, & l'a insérée dans son _Veritatis lacrima_, petite satire que les -jésuites, qu'il y maltraitoit, firent brûler publiquement à Dijon, par -arrêt du même parlement, le 4 Juillet 1625. On dit que, ce _Voyage des -Princes Fortunés_ n'ayant point eu de débit, Verville composa, pour -dédommager son libraire, le _Moyen de Parvenir_, dont il s'est fait des -éditions sans nombre. Le titre seul excitoit la curiosité. C'est -assurément un livre singulier. L'auteur y paroît fort désabusé de la -pierre philosophale, dont il avoit été long-tems entêté. Pour sa -religion, l'on ne peut douter qu'étant fils d'un ministre de Genêve, il -n'ait été élevé dans la prétendue réformée. De huguenot, après la mort -de son pere, il se fit catholique: mais à en juger par son _Moyen de -Parvenir_; qui fut un de ses derniers ouvrages, il est aisé de voir que, -s'y moquant comme des Catholiques & des Huguenots, il n'étoit ni l'un ni -l'autre. - -Sa retraite à Tours, où apparemment il est mort, l'a fait mettre par -l'abbé de Maroles, page 255. de la partie de ses _Mémoires_, au nombre -des illustres Tourangeaux. Le même abbé lui donne pour compagnon de -poésie enjouée, le nommé Gui de Tours, qui en effet s'appliqua peu de -tems après que le _Moyen de Parvenir_ eut paru, à en tourner quelques -contes en vers françois. Ce sont des manieres d'épigrammes. Je les ai -vues, rien n'est plus sec. - - - - -_SOMMAIRE_ - -DES CHAPITRES. - - -_TOME PREMIER._ - -I. Qui sert d'exorde à ce discours clair & intelligible, intitulé: -_Moyen de Parvenir_; satyrise les géometres, les géographes & les -chronologues; prépare le lecteur à l'assemblée de ces illustres fous, -qui, de section en section, donneront de plus en plus des preuves de -leur folie stéganographique. Les interlocuteurs s'engagent à se revoir -chez le bonhomme, pour y faire festin. Invective contre ceux qui donnent -légérement leur parole. - -_Guillaume qui fait jurer pour lui_, Page 3. - -_Honnête démenti de Coguerean_, p. 4. - -_Seigneur de paroisse qui ne refuse rien_, p. 5. - -II. Satyre contre les grammairiens latins, si hérissés par-tout qu'on ne -peut en aborder, sans être sûr d'être déchiré par l'épine; & contre les -pindariseurs de la langue françoise. - -_L'assesseur pindarisant_, p. 6. - -III. A l'ajournement chez le bon homme, aucun des conviés ne manque, & -tous en entrant dans la salle se saluent. Satyre contre les -révérencieux. Description de la salle. Critique de Platon. - -IV. Eloge de toute l'assemblée, dans un style si singulier, qu'on ne -sait s'il l'injurie ou la loue. Cet éloge est terminé par l'apologie de -madame (la belle inconnue) dont beaucoup de bien est dit. - -V. Les flaccons de vin étoient au frais. Sortie vigoureuse contre les -buveurs d'eau tiede, les sots à table, & les timides en conversation. -Histoire de la découverte de _la vérité au fond d'un puits_ par -Démocrite. Raison pourquoi le vin s'avale plus promptement que le pain. -Vin répandu est le plus grand malheur. Origine du proverbe: _vessies -sont des lanternes_. - -_Sermon du curé_, page 10. - -_Démocrite qui trouve la vérité dont un puits_, p. 12. - -VI. Socrate fut chargé de l'emploi de maître des cérémonies. On y vit -arriver Alexandre revenu de chez les Gymnosophistes, Aphtonius, Bodin, -Pythagore, Pline, Démosthenes, Aristote, Rabelais; Cusa & Jean Hus se -placent; digression plaisante sur la future destinée de ce livre. - -_L'archidiacre grand gourmand_, p. 15. - -_Moine circonspect au pied de la potence_, p. 16. - -VII. Le repas commence. A propos de repas, savante & profonde -dissertation sur les pets, & histoire des pets musqués de la belle -Imperia avec le gentilhomme de Lierne. - -_Naissance de la couronne impériale_, p. 23. - -_De Lierne couché avec la belle courtisanne peteuse_, page 24. - -_Naissance des orties_, 26. - -VIII. L'histoire de la belle Marciole qui ramasse, toute nue, les -cerises qu'elle avoit apportées au sieur de la Roche. Les plaisirs -indiscrétement prisés des regardans, & la somme que la belle emporta, -font le sujet de cette section. - -_Marciole ramassant les cerises_, p. 27. - -_Prudence de l'abbesse de Montfleury_, p. 33. - -IX. Il est bien intitulé _coq-à-l'âne_; chacun, rempli de l'histoire de -Marciole, raisonne sur son _cela_, & pourquoi _cela_ est appellé cela. -Plaisanterie d'un médecin visitant une fille malade. - -_Médecin examinant une malade_, p. 35. - -X. L'auteur annonce clairement à ses lecteurs la difficulté de lire ce -livre, dont toutes les phrases sont cousues par le hazard: l'exemple du -bon homme Guyon, qui mettoit dans une grande terrine tout pêle-mêle ce -qu'on lui donnoit à boire & à manger, est une comparaison sensée de cet -ouvrage. Analyse d'une dissertation d'un prieur de Vau-de-Vire, sur le -mot _cela_. Homme & femme sont honteux de montrer leur _cela_, selon la -petitesse de l'un ou la grandeur de l'autre. Le dialogue d'Hippolite & -de son amant vis-à-vis sa mere, mérite l'attention de ceux qui aiment de -la chaleur dans les dialogues. Histoire de monsieur de la Rose, qui, -pour se moquer des notaires, fait passer des pois _pardevant eux_. - -_Guyon qui mangeoit & buvoit pêle-mêle_, page 36. - -_La belle Hippolite qui se chauffoit à la parisienne_, p. 39. - -_Pois passés pardevant notaires_, p. 43. - -XI. Eloge ambigu des convives, de l'ouvrage, & des lecteurs assez -spirituels pour l'aimer & comprendre. Comparaison de ce volume avec -verre & bouteille. - -XII. En continuant l'apologie de ce volume, il l'appelle bréviaire, pour -avoir droit de faire un sarcasme contre les propriétaires de bréviaires. -Le conte du bréviaire du curé, & du _quiproquo_ de la femme du libraire, -n'est qu'une courte parenthese à cette apologie, qui n'est interrompue -que par une furieuse satyre contre les financiers & gens pressurant le -peuple par la levée des impôts. Embarras dans lequel il entre sur le nom -qu'on doit dignement imposer à ce livre; en rejettant le mot de -clavicule, il fait un conte sur Rabelais qui prépare une médecine à M. -du Bellai avec une décoction de clefs. Il termine cette section par une -invective contre les pédans latinistes, & les ennuyeux scholiastes. - -_Le bréviaire du curé_, page 48. - -_Quiproquo de la femme d'un libraire_, p. 49. - -_Médecine apéritive de Rabelais_, p. 53. - -XIII. Plaisante conversation d'un principal du collége de Genêve & d'un -ministre: on y développe un germe de scepticisme sur les deux religions -catholique & protestante. Il termine son éloge de ce livre par des idées -très-burlesques & fort analogues au style dont il est écrit. - -_Guérison du ministre malade_, p. 58. - -XIV. Beze est le premier qui forme l'interlocution dans cet ouvrage; il -disserte plaisamment sur les gouvernantes de prêtres, qui le premier -jour disent _votre_; le second, _notre_: & le troisieme _mon_. Quelques -_quiproquo_ fort plaisans précedent l'histoire du bachelier fouetté; -elle est commencée, & tout d'un coup interrompue. - -_Bonne foi d'un homme prêt d'être rompu_, p. 62. - -_Gradations de familiarité des chambrieres_, p. 64. - -_La tête de veau de l'avocat du Mans_, p. 65. - -_Le bachelier fouetté & fouettant_, p. 66, contin. p. 71. - -XV. L'interruption ayant toujours lieu, à propos de soutanes & de -braguettes, plaisanteries vives sur les papistes & les huguenots, sur -les buveurs d'eau vigoureux champions en amour, & sur le terme de _faire -la pauvreté_. Enfin le conte du bachelier fouetté par la dame Laurence & -la fouettant à son tour, reprend son fil; le trépas de la pauvre dame, & -la frayeur de sa jument à ce triste spectacle de fouetterie. - -XVI. Propos de soeur Dronice avec son abbesse qui la réprimande d'avoir -tâté du fruit de vie. Raisonnement intéressant à la république sur -l'encouragement qu'on doit donner à celles qui l'enrichissent par des -enfans. Différentes réponses d'enfans sur le cocuage des peres & le -putanisme des meres. - -_La nonnain curieuse reprimandée_, p. 78. - -_Réponses naïves d'un enfant à sa mere_, p. 81. - -_Naïveté d'un curé_, p. 82. - -XVII. Continuation des propos sur les femmes, que j'aime mieux qu'on -lise que d'en faire l'analyse. Plaisanterie sur l'aventure d'un moine, -(sans contredit c'est aventure de paillardise; & toutes les fois que je -dirai _aventure de moine_, cela aura cette signification) & sur -l'explication de _omnis caro foenum_. Thevet tourné en ridicule sur son -style & ses bévues. Grotesque serment d'un paysan égrillard, pour -détourner la jalousie bien fondée de son voisin sur son compte, -vis-à-vis sa femme. - -_Décision sur les femmes en général_, page, 83. - -_Femme prise pour un boiteau de foin_, p. 84. - -_Frere Jérôme le chimiste_, p. 85; continuée, 86; cont. 87; finie, 89. - -_Expression reprise_, p. 86. - -_Plaisant serment de Georget_, 87. - -XVIII. Explication burlesque d'une vérité trop certaine, qu'il faut -_graisser_ la main aux gens de justice. Histoire de frere Jérôme, grand -alchimiste, dans laquelle on se moque des brûleurs de charbons & des -entrepreneurs de fortunes imaginaires; frere Jérôme, pour fermer la -bouche à sa parente anti-chimiste, lui dit qu'il cherche la poudre qui -le fait faire sept coups. - -_Façon de graisser les mains de son juge_, p. 88. - -XIX. Un coq-à-l'âne fort court, d'un valet qui explique à sa façon -_mundus caro dæmonia_, differe un moment l'histoire de la pierre à -casser les oeufs. Secret de faire mourir quelqu'un sans qu'il y -paroisse; il ne se peut pratiquer qu'en huitaine qui précede le carême. - -_Naïveté d'un valet_, page 91. - -_Pierre à casser les oeufs_, p. 91, - -XX. Nouvel éloge du livre, dont le résultat est de donner des leçons aux -gourmands superlatifs, pour n'être jamais dupes dans les repas où ils se -trouvent. - -XXI. Denost le gourmand sert de modele dans l'apothéose de la -gourmandise. Ici la conversation des convives se brouille; & par une -cascade inattendue, elle rentre dans les _quiproquo_. Comment faire dans -un terrein couvert de neige, pour que les pas d'une pucelle n'y -paroissent point. Conte de la fille du métayer qui avoit perdu un -mouton, & qui vouloit être tuée pour retourner à la maison. - -_Cornu, le modele des gourmands_, page 99. - -_Quiproquo d'une femme_, p. 100. - -_La fille qui veut mourir_, p. 101. - -XXII. Secret infaillible pour savoir si une fille est pucelle, pourvu -qu'on ne soit ni manchot ni courte-haleine. Maniere fort sensée -d'annoncer la fête de la Madelaine. - -_Sermon de la Madelaine_, p. 104. - -XXIII. Les évêques ni les chapitres n'ont beau jeu dans cette section; -les uns sont traités comme pharisiens, qui disent de bonnes choses & en -font de mauvaises; les autres, comme assemblées de corps sans ame, de -matiere sans esprit. Histoire de la fille reconnoissante qui prend le -meilleur, & veut qu'on donne à sa mere le pire: vit-on un meilleur -coeur! - -_Sermon sur la charité_, p. 106. - -_L'achat d'un meilleur outil_, p. 108. - -XXIV. Histoire du notaire & du beau petit diabolique faucheur: elle est -coupée par deux ou trois parentheses fort plaisantes. Dans l'une on y -développe bien réguliérement les différentes sortes de bénéfices; & ce -développement ne peut manquer d'être bon & raisonnable, il est fait par -Cicéron. Dans une autre, il y a quelques railleries sur des termes -qu'entre gens de religion on se reproche qu'il ne faut jamais prononcer, -à moins qu'on ne veuille se voir lapider avec pierres d'églises ou de -prêches. Dans la derniere est une plaisanterie sur un faucheur qui se -coupa la tête voulant attraper un poisson avec le bout de la lame de sa -faux. - -_Le pré fauché & le petit faucheur_, p. 113, continuée, 117. - -_Maladresse d'un faucheur_, p. 116. - -XXV. Histoire de monsieur Jacques de la Tour, autrefois prédicateur, & -finalement marchand de lanternes, qui mourrant de faim à en débiter, fit -une petite fortune à en vendre. Sortie vigoureuse sur les ubiquitaires. -Histoire du petit saint homme, qui devint méchant comme un diable dès -qu'il fut moine. - -_Le ministre marchand de lanternes_, page 119. - -_Le novice méchant comme un diable_, p. 123. - -XXVI. De naïves & simples réponses font le sujet de cette section, qui -est terminée par l'illustre & fameux conte de Robin mon oncle. Sarcasme -contre la vénalité des bénéfices & la simonie. - -_Stupidité d'un écolier_, p. 126. - -_Le pere de Melchisedech_, p. 130; continuée, 133; fin. 134. - -_Evêque généreux comme de raison_, p. 131. - -_Conte de Robin mon oncle_, p. 132. - -XXVII. Pour autoriser son propos sur la simonie, il raconte plaisamment -la finesse d'un jeune bachelier qui vouloit avoir un bénéfice de messire -Imbert. Généalogie très-suivie de Melchisedech, quoi qu'en dise le texte -sacré, qu'on ne connoît ni son pere ni sa mere. - -XXVIII. Singuliere explication du premier vers des distiques de Caton, -sur les carmes. Soeur Jeanne explique fort énergiquement la valeur du -mot _coquebin_. Plaisant remede d'une paysanne pour guérir son pataud de -mari. - -_Chapelain chatré d'une Angloise_, page 137. - -_Valet qui n'est pas coquebin_, p. 138. - -XXIX. Messire Gilles, après avoir passé par l'étamine hypercritique de -Scaliger sur son nom, & l'origine de son nom, raconte l'histoire du -diable châtré. Sentimens de religion bien placés, sur le chagrin qu'on -doit avoir que S. Michel n'aie pas tué le diable, quand il avoit si -beau, puisqu'il étoit armé comme quatre mille, & que le diable étoit -tout nud. - -_Le diable châtré_, p. 141. - -_Nom de sculpteur tronqué plaisamment_, p. 143. - -XXX. Naïveté d'une fille-de-chambre, qui ne cede en rien à la simplicité -d'un prédicateur. Messire Guillaume le Vermeil veut parler à son tour; -mais il est représenté comme un homme ivre & qui bégaie. Diogenes, dans -ce repas, est aussi cinique contre nos porte-chasubles, qu'il l'étoit -dans les rues d'Athenes, tapissé des douves de son tonneau. - -_Naïveté d'une fille de chambre_, p. 147; continuée, p. 148. - -_Sermon expressif fait à des jacobins_, p. 148. - -_Conte de la reine des pois pilés_, p. 149. - -XXXI. C'est ici la scene des souhaits; chacun en fait à double entente, -plus plaisans les uns que les autres. Conte de Martine & de sa flûte, -pour faire opposition à Robin & ses flûtes. Satyre contre les moines à -besace. Plaisant testament d'un Toulousain, en faveur de sa femme, qu'il -laissa fort bien pourvue, en ne lui ajoutant rien à ce qu'elle avoit -auparavant. Sortie contre ces Agnès d'apparence, qui donnent leurs -faveurs à des rustres. Conte des pelotons & de l'honneur cousu & -recousu. - -_Martine qui promet une flûte à son mignon_, p. 154. - -_Amphibologie dans le sermon d'un curé_, p. 156. - -_Le testament en faveur d'une femme_, page 156. - -_Conte des pelotons & de l'honneur cousu_, p. 159. - -_Madeleine la bien fêtée_, p. 161. - -XXXII. Ici le banquet reprend vigueur; on boit & on mange en toute -sûreté. Histoire du farfadet de Poissi. Explication des termes de petit -exercice, de dispense, & de purgatoire. Sergent tombé plaisamment moqué. -Question, dont le premier vers de Despautere est la réponse. -Dissertation sur le vin, les buveurs & sur l'ivresse. Jaquette du Mas -trouve bien heureusement le nom de son fils. Amiot accusé de vérole. -Satire contre l'inquisition d'Espagne. - -_Conte du farfadet de Poissi_, p. 162. - -_Chûte d'un sergent_, p. 165. - -_Naïvetés d'un paysan d'Orléans_, p. 165. - -_Sermon d'un ministre de Strasbourg_, p. 167. - -_Prudence d'une servante_, p. 168. - -_Nom donné à un enfant par un sermon_, page 171. - -_Conte sur Amiot & sa vérole_, p. 171. - -_Bon avis d'un fils à sa mere_, p. 172. - -XXXIII. Erasme raconte aux convives l'histoire de Dom Rodigue das -Yervas. La soupe de Glougourde la fait canoniser à Rennes. C'est une -parenthese au conte de Dom Rodigue. Mot à double sens sur l'indifférence -d'Erasme pour l'épître & l'évangile. Sentimens sur les poésies d'Æneas -Silvius & de Beze. Munster moqué d'avoir voulu être l'apologiste de -Thevet. Bonne raison de l'amour des femmes pour les moines. Cette -section est terminée par quelques propos de niaiserie paysanne. - -_Conte de la soupe de S. Glougourde_, p. 174. - -_Mere d'Erasme, qui oublia son pater_, p. 175. - -_Naïveté d'un berger_, p. 178. - -_Histoire de Dom Rodigue das Yervas_, p. 178. - -_Balourdise d'une paysanne_, p. 182. - -XXXIV. Invective contre les moeurs & la fourberie des gens du siecle. -Scot & Uldric se disent des pouilles; madame veut les racommoder; -plaisante façon de faire une déclaration d'amour: si elle n'est pas bien -éloquente, du moins est-elle bien sensible. - -_Chanoine qui veut le bien d'autrui_, p. 185. - -XXXV. Les convives se plaignent qu'on ne vient pas au but qu'ils -s'étoient proposé. Tout d'un coup Paracelse commence une belle -dissertation sur la premiere matiere. Dissertation claire comme un étang -bourbeux, ou comme la bouteille à l'encre. - - -_TOME SECOND._ - -I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des -parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de -dissolution. - -_Plaisant parti d'un domestique_, p. 6. - -II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses -instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de -par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de -Busançois, divisé en trois points. - -_Le conte de Quenault & de Thibault_, page 7. - -_Sermon en trois points, du curé de Busançois_, p. 10. - -III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie: -_castigat ridendo mores_. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni -raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni -raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes -ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un -prêtre, &c. - -_Conte du ministre qui avoit rime & raison_, p. 14. - -_Conte de la malvoisie_, p. 16. - -_Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie_, p. 19. - -IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre -d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du -linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un -besacier, l'autre pour l'avoir rebuté. - -_Ruisseau à faire la forte bierre_, page 20. - -_Conte de la Le Page & de la Gousson_, p. 23; contin. p. 24. - -_Interrogatoire de maître Pierre_, p. 23. - -_Propos de pisseurs_, p. 28. - -V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué. -Pourquoi le _cela_ de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que -celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule. -Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la -sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le _Moyen de Parvenir_, -que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style -des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y -avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à -faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il -demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du -chose. La section finit par une question, dont le titre de la section -suivante fait la réponse. - -_Aventure de Platon & de Prédicac_, page 30. - -_Bonne logique d'une chambriere_, p. 32. - -_Plaisante origine des minimes_, p. 34. - -_Description élégante de la sphere_, p. 35. - -_Conte des trois filles_, p. 36; contin. p. 37. - -_Propos d'un curé & d'un charpentier_, p. 37. - -_Question d'une chambriere_, p. 38. - -VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou -de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par -les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape, -qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les -femmes Allemandes de ce temps-là, & qui pourroit très-bien convenir aux -femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent -leurs noms par des _du_, _de_, _le_, &c. Origine du proverbe: _s'il a -bon coeur, qu'il mange de la merde_. - -_Conte du cul de la femme d'Esculape_, p. 42. - -_Changemens de noms_, p. 44. - -_Conte de Stace avec la femme peteuse_, p. 45. - -VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie -noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves -semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois -tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme -dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quilleboeuf -ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre. - -_Trois féves qui font le mariage d'une fille_, p. 47. - -_Conte de la femme à moitié épilée_, p. 48. - -_Obstination d'un marinier_, p. 49. - -_Disputes de deux maquerelles_, p. 50. - -VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les -distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du -désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit -le _comment a nom_ de sa femme un gardon. Origine de la solution de -continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou -trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des -véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison. -Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos -facétieux. - -_Lamentation de putain_, p. 51. - -_Femme qui montre son cela, sans y prendre garde_, p. 52. - -_Conte de jeune femme & vieux mari_, page 53. - -_La couture des mâles & femelles_, p. 54. - -_Le beurre net de la Soldée_, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin. -p. 63. - -_Propreté des femmes_, p. 57. - -_Caractere des moines_, p. 58. - -IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section, -toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer -que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI, -tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le -bon âge, & avance que le _cela_ des hommes est plus fort dans la -vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le -conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire -contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du -livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete. - -_Emploi d'un contrat de mariage_, p. 60. - -_Expérience de Sculpture_, p. 63. - -_Conte du médecin_, p. 65. - -_Mot à double entente_, p. 67. - -X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa -liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine -du proverbe, _afin que le bon homme ait son sac_. Quelques-uns des -convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin, -rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté -sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se -fendre la bouche. - -_Le revenant_, p. 71. - -_Conte du sac du bon homme_, p. 72. - -_Réponse humble d'un valet_, p. 73. - -_Propos naïf d'une fille_, p. 75. - -XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre. -Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous oeuvre, de -l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée. -Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots. - -XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation -sur le _Pheros_ ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames. -Interprétation du mot _apprendre_. Conte fort plaisant à ce sujet. -Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur -les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure, -& de la naïveté du procureur avec son écritoire. - -_Conte du bonnet tombé_, p. 83. - -_Bonne leçon d'une vieille servante_, p. 85. - -_Conte du moulin à barbe_, p. 87. - -_Chanoine pris par son propos_, p. 88. - -_Conte de l'écritoire du procureur_, p. 89. - -XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des -prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient -accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont -il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de -papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un _moine_. - -_Plaisante réponse d'un homme gras_, p. 93. - -_Le jeune homme en couche_, p. 93. - -_Quiproquo d'un domestique_, p. 94. - -_Nom tronqué_, p. 95. - -_Conte de la dispute d'Erasme_, p. 95. - -_Plaisant jugement_, p. 96. - -_Description du pays de papimanie_, p. 99. - -XIV. Moeurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan & -Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre -contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos -passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité, -& l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux, -les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse -attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre -supérieure du mari par l'autre. - -_Eloge de la vis des tuileries_, p. 100. - -_Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle_, p. 103, contin. p. 104. - -_Les beaux sont les gros_, p. 105. - -XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui -mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant -être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere. - -_Conte d'un moine pris en partie, comme une souris_, p. 108. - -XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un -sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un -moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose -qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise. -Véritable explication du mot _quasimodo_, & de quelques autres -intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens -qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé -un cocu. Maniere d'être poussé. - -_Sermon dont le texte est plaisant_, page 110. - -_Conte du moine & des voleurs_, p. 110. - -_Conte du fagot_, p. 112. - -_Le mot _quasimodo_ expliqué_, p. 113. - -_Secret pour être poussé_, p. 116. - -XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue; -cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas -putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du -paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon -subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur -du terme de chausse-pied de mariage. - -_Conte canonique d'un homme & d'une femme_, p. 117. - -_Conte de l'âne volé sous son maître_, p. 120. - -_Confession d'une femme_, p. 121. - -_Bon avis d'un galant homme_, p. 124. - -XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les -cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le -cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il -s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait. - -_Conte des hommes vissés_, p. 124. - -_Conte de la courtisanne Conscience_, page 130. - -XIX. Le bon prédicateur fait bonnes moeurs; exemple d'un qui détournoit -ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend & -continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame -l'amiralle, vient égayer. (_Nota._ Dame de compagnie, auprès des dames -de haut-parage, est même chose qu'_esprit_, auprès de leurs maris. On -dit: monsieur D. est l'_esprit_ du duc D.) - -_Conte des prédicateurs ennemis des paillardises_, p. 134. - -_Naïveté de la belle Dubois_, p. 137. - -XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de -ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si -libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre -remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours -_vérité_ & _honneur_, (serment sans conséquence.) - -_Vérité dans la bouche d'une Normande_, p. 145. - -_Conte du Prieur de Marmoutier_, p. 146. - -XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers & -conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'_in -illo tempore_ à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit, -pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes. - -_La ville de Lubec_, p. 148. - -XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin -prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris -dont les enfans ont cheveux de deux couleurs. - -_Conte de l'origine du putanisme_, p. 155. - -XXIII. Explication du terme de _putain_, faite par plusieurs, & terminée -de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont -injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c. -&c. &c. Trois choses sont à éviter; trois voeux à faire. Satyre contre -la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de _fesse tondue_. -Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une -réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés _béats peres_. - -_Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain_, page 163. - -_Conte de la fesse tondue_, p. 162. - -_L'éguillette nouée et dénouée_, p. 168. - -_Le Chanoine dupe_, p. 170. - -XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent -sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut -toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux -miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre -ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet; -dissertation sur l'origine des mitres. - -XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double -linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de -Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en -sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison. -Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot _tu -autem_. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il -faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou, -deux moines. - -_Conte d'un page attrapé_, page 177. - -_Jean Dissolez, voleur de poires_, p 180. - -_Aventure de Ferrand & Margeou_, p. 183, continuée, p. 192. - -XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met -dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux -moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis -à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se -reprend & se termine. - -_Musique d'un moine_, page 188. - -_Les deux moines en fonction_, p. 188, continuée, p. 191. - -_Origine du proverbe de la_ chape à l'évêque, p. 189. - -XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de -gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a -crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie -naturelle d'une présidente. - -_Histoire d'une femme de sergent_, p. 194. - -_Conte de Jacques Adriot_, p. 197, contin. p. 198. - -_Plaisant mot d'une présidente_, p. 198. - -XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église, -diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier. -Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des -religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est -que femmes pour bien juger des choses. - -_Conte de la femme d'un huissier_, p. 200. - -_Conte des religieuses de Poissi_, p. 203. - -_Conte sur le mot groseille_, p. 204. - -_Résolution académique de trois nonnains_, p. 205. - -XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa -stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon. -Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé & -inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de -femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la -preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures -vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces. -Façon d'un curé d'imposer silence. - -_Le conte de Nabuchodonosor_, p. 207, contin. p. 209. - -_La confession sincere_, page 214. - -_Conte d'une femme avare de beurre_, p. 218. - -XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son -prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des -charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle. -Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque -chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale -furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle. - -_Femme soumise aux volontés du roi_, p. 220. - -_Conte du chaudron_, p. 223. - -_Le fromage mou & l'aveugle_, p. 228. - -XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de -l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un -appareil mis sur une blessure. - -_Le cheval de Rabelais_, p. 229. - -_Conte du mulet_, p. 231. - -XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie. -Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence -de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques -chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de -la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne -& Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines. - -_Le ministre en cave_, p. 238. - -_Franchise d'un hôtelier_, p. 242. - -_La huguenote en colere_, p. 244. - -XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une -femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans -ses souhaits. - -_Conte de l'époussetée de deux façons_, p. 251. - -_Prudence d'une servante dans ses souhaits_, p. 255. - -XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées. -Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des -prunes. - -_Bans publiés_, p. 256. - -_Curé égrillard puni_, p. 257, continuée, page 259. - -_Le jardinier & les prunes_, p. 258. - -Propos dissolus de moines prêchans. Conte du _thuribulum_. Quelques -explications de phrases latines. - -_Le conte de_ thuribulum, p. 266. - - -_TOME TROISIEME._ - -I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du -meûnier complaisant. - -_Le meûnier complaisant_, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10. - -II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée; -& de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à -ordonner. Explication du mot _sot_; subtilité d'une femme, dont, je -crois, elle fut dupe. - -_La file violée_, p. 8. - -_L'amant trop complaisant_, p. 9. - -_La femme chere à vivre_, p. 10. - -III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé. - -_Conte du ministre et de la servante_, p. 13. - -IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier. - -_Conte de l'âne bâté_, p. 15. - -_Conte du nom du paysan_, p. 17. - -V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux -mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans -une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée. -Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son -rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes -délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement. - -_La famille bien élevée_, p. 23. - -_Le paysan et le rapporteur_, p. 25. - -VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la -conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus -impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la -femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par -l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la -main. - -_Conte du barbier_, p. 32. - -VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier -qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties -singulieres. - -_Le barbier ladre & le médecin_, p. 35. - -_L'homme saigné par quiproquo_, p. 39. - -_Pari d'un paysan_, p. 40. - -VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de -séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques -& du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité. -Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque. -Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau -froide. - -_Conte de Pâques & du jambon_, p. 44. - -_L'abbé de Grammont & madame l'amiralle_, p. 47. - -_L'ambassade grotesque_, p. 48, cont. p. 50. - -IX. Augurelle fait des voeux, & est la preuve que tôt ou tard les -prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés, -présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de -prédicateurs. - -X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur; -explication des mots _premiere messe & premieres nôces_. Ici les -convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui -déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne -se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un -François. - -_Le curé curieux_, p. 55. - -_Conte de l'amant en preuve de son amour_, p. 60. - -XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien. -Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une -épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de -circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central. -Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on -presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens -très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui -fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église. -Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés. - -_Conte du cheval chrétien_, p. 64. - -_La fille & l'oeuf_, p. 66. - -_Conte du crucifix du curé_, p. 67. - -XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des -prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats & -rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils -s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris -pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste -que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le -transport au cerveau. - -_Soldat pris en maraude_, p. 73. - -_Le ramonneur pris pour le diable_, p. 77. - -XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre -nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une -connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage. -Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le -lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la -fourchette de St. Carpion. - -_Le serrurier de Bourgueil_, p. 82. - -_La fourchette de S. Carpion_, p. 86. - -XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui -peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des -femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce -qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent -encore. Conversation de Frostibus & de Luther. - -XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une -abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour -rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On -recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, _le faire pour -épargner le pain_. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi & -privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si -reconnoissantes. - -_Histoire de Michelle & de ses amans_, p. 105. - -XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne -cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la -maison. Métier de huguenot à vendre. - -XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans -son genre. - -XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont -les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable -au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas -obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le -latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai. - -_Histoire de l'abbé de Turpenai_, p. 125. - -XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes. -Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce -qui est _malfait_ sans crime, & _bienfait_ sans mérite. Réception d'un -maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être -ministre, c'est à peu-près de même. - -XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison. -Ridiculité des moines de parler toujours par _nous_. - -_Confession du Chien_, p. 135. - -XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande -dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la -Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un -bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine, -qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont -faits pour tout savoir. Origine du proverbe, _avoir le boudin par le -nez_. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il -y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames. -Pourquoi on appelle une femme _vesse_. Pourquoi les femmes ne prient pas -les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le -sotier de Genêve. - -_Conte du cordonnier & de la chambriere_, p. 153. - -XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire -des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou -l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit _audaces_. -Obstination d'une femme. Invention du célibat. - -_Conte des génitoires noires_, p. 156. - -XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux -prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que -cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand -on passe devant la porte d'une putain. - -XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots -plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal. - -_Le Pendu de Douai_, p. 166. - -_La bonne fortune de Colette_, p. 170. - -XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces. - -XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au _memento_. - -XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le -fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche -la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets -singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante. - -XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu -de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris -pour le diable. - -_Conte de Jean Tenon_, p. 181. - -_Le chaudronnier pris pour le diable_, p. 184. - -XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui -croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités -d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve -clairement que Rabelais a été évêque. - -XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter -des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni. -Question lequel des deux boeufs est le plus gras. Plaisantes réparties. -Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue -par un savant & un menuisier. - -_Femme qui rend le pain béni_, p. 195. - -XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots. -Rêverie de Cardan. - -XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante -demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide -de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la -femme battue. - -XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de -l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible. - -XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de -l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois. -Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de -conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere -de connoître les hommes & les femmes fideles. - -_La femme battue_, p. 208. - -_Le jeu de la courte-paille_, p. 216. - -XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de -part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse -favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte -de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on -en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce -livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses -affaires par trop de zele de son valet. - -_Conte de la femme bercée_, p. 220. - -XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la -bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées. -Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de -souliers en une heure. - -XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort -demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique. - -XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les -Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux -dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation -s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une -marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon -de se torcher le cul avec du papier blanc. - -_Le jardinier & sa femme_, p. 239. - -_Le faiseur d'enfans_, p. 242. - -XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où -une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir -de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de -femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il -faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui -n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le -condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un -libraire à l'article de la mort. - -XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de -contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître. -Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, & -quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le -prunier, devinez ce que c'est. - -XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur -l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du _MOYEN DE PARVENIR_. - -.cgap Fin du Sommaire des Chapitres. - - - - -LE - -MOYEN - -DE - -PARVENIR. - - -I. Car est-il, que ce fut au tems, au siecle, en l'indiction, en l'ére, -en l'hégire, en l'hebdomade, au lustre, en l'olympiade, en l'an, au -terme, au mois, en la semaine, au jour, à l'heure, à la minute, & -justement à l'instant, que, par l'avis & progrès du démon des spheres, -les étoeufs déchurent de crédit, & qu'au lieu d'eux, furent avancées les -molles balles, au préjudice de la noble antiquité qui se jouoit si -joliment. Confus soient ces inventeurs de nouveautés, qui gâtent la -jeunesse, & contre les bonnes coutumes, troublent nos jeux. N'est-ce -point au jeu, où l'ame se dilate, pour faire voir ses conceptions? Si un -diable jouoit avec vous, il ne se pourroit feindre; il vous feroit voir -ses cornes. Mais qu'est-ce que jouer? c'est se délecter sans penser en -mal. Beaucoup de maux sont avenus à cause de ce changement, qui -troublera l'intelligence des histoires, & gauchira toute la mappe-monde. -Voyez combien déja en sont venus de troubles, guerres, maux, véroles, & -telles petites mignardises qui chatouillent malheureusement les -personnes pour les faire rire. Tant de sages, qui étudient aux -aventures, attribuent tels effets à d'autres causes; comme au -retranchement des dix jours, depuis quoi on n'a fait vendanges que par -rencontre de saison; aux pullulations d'hérésies, depuis lesquelles les -bosses n'ont pu être plattes; aux révoltes des grands, qui sont occasion -que fillettes ont hanté les cloîtres, & les ménagers les tavernes; aux -haussemens des tailles, durant quoi les vieilles gens ne font que -rechigner; & infinies autres sottises, dont je ne suis point contrôleur, -d'autant qu'il ne m'appartient pas d'entreprendre sur vous. Et bien, en -cet excellent période, il avint ce que vous savez; & je vous jure, sans -jurer, que tout est vrai. Si vous me pressez, je vous défoncerai trois -ou quatre ruades toutes brodées de cramoisi, & jurerai comme un homme; -ou bien je prierai mon voisin de jurer pour moi, ainsi que fit le sire -Guillaume, qui pressé du juge de jurer, lui dit ainsi: Monsieur, je ne -sais point jurer, parce que je n'ai pas étudié, ni été à la guerre, & ne -suis docteur, ni gendarme, ni gentilhomme; mais j'ai un frere qui jurera -pour moi. Il fut donc, en cette saison, sonné, trompé, trompeté corné, -(comme vous voudrez; prenez au goût de votre rate) & crié, huché, dit & -proclamé avec la trompe philosophique, que toutes ames, qui avoient -serment à la sophie, se trouvassent au lieu susdit, ainsi qu'il avoit -été ordonné & promis avec serment solemnel, comme il est ordinaire ès -affaires sérieuses de la benoîte coutume des sages; pour assurance de -quoi les enfans de la science avoient mis la main au symbole de la -conscience. Par quoi nous fûmes tous résolus de nous trouver chez le bon -homme notre pere spirituel, parce qu'il avoit été ordonné & jugé en -dernier ressort de serrure, d'horloge, de cranequin, de rouet, de -rôtissoir, d'arbaleste, &c. que les défaillans seroient mis à la noix, à -la noisette, au noyau & à l'amende. A cet éclat de mandement, je ne -faillîmes à nous trouver; aussi avions-nous promis de nous bien chercher -pour cet effet; & puis je l'avois juré: & sachez que c'est un grand -péché de faillir parmi nous, parce que suivons uniquement la regle de -perfection en promesse. Et bien que ce soit une ordinaire glissée de -pere en fils pour gens de bien, coulée de mere en filles pour femmes -d'honneur, d'oncle à neveu pour gens d'église; (ordinaire, dis-je, comme -ces docteurs qui enflent leurs discours) que promettre & tenir est tout -ce qu'une personne de bien peut faire, & qu'il n'appartient qu'à ceux -qui sont issus de damoisellerie & de gentilhommeté; si en a-t-on menti -un petit. Et je vous le dirai aussi honnêtement, que fit Coguerean à -Monsieur le Président son maître. Il étoit sommelier; & nous boivions -frais & bon: je disois que le vin étoit bas, Monsieur disoit qu'il étoit -à la barre; Madame dit: eh bien, sommelier, qu'en est-il? Ha, ha, -dit-il, Monsieur n'a menti de gueres. Promettre est facile; mais -effectuer, difficile. De tenir, il est aisé. Tenir ce que l'on promet, -est faire comme le Seigneur de notre Paroisse, qui ne vous refuse rien, -& baille encore moins. - - - - -POINT. - - -II. Chut! je vous prie, si vous allez à l'école, enseignez ce mot de -Grammaire à Lipsius & à Scaliger, afin que l'on die ci-après, _promettre -& effectuer_: & que gens latineux & de telle farine qui remâchent ce que -les doctes antiques ont jetté & chié, & vont grattant tant dans les -balieures & bourbiers du latin, & ès éviers d'éloquence, pour en tirer -quelque haillon, se rendent parfaits en leur art. J'ai ouï dire, à ce -propos, que les docteurs de ce tems ont défoncé les pipes de leurs -sciences, pour trouver une glu, qui pût congeler les paroles & les faire -tenir. Je pense qu'ils y parviendront, moyennant qu'ils sachent ce -volume; & que, par cette doctrine qui leur sera infuse comme une poignée -de bon vin, ils aient connoissance de la glaire concentrique de -l'émolument naturel, qui peut produire ce dont ils ont affaire. Mais, je -vous prie, ne vous amusez pas à ces Messieurs les Gens de Lettres, qui -sont si très-savans, qu'ils en sont tous sots. Vous les verrez -hallebardant avec de grands lambeaux de latin, effarouchant les -fauvettes. Fi, ôtez cela; ce n'est pas là le trou par où on enfourne -notre pâte. Passons outre: si quelque sot s'en fâche, qu'il se mutine; -que le plus sot en prenne la querelle. Allons vîtement: la soupe se -mange. Je pindarise; je voulois dire: _on mange la soupe_. Aussi -Monsieur dit au matin: ça mes habits, je me vais lever. Eh! où est-ce -qu'il va, avant que se lever? J'aimerois autant notre Assesseur, qui -durant ces guerres, étant Maire, ouit du bruit dans la rue; il étoit -couché; il se leva vîtement, &, ouvrant sa fenêtre, il regarda les -passans qu'il appella; & comme ils lui dirent quel bruit il y avoit, il -leur demanda: Messieurs, me leverai-je? - - - - -PARAPHRASE. - - -III. Mes gens sont là qui m'attendent. Sont Messieurs da; ils sont à -moi; est-il pas vrai? Ne sommes-nous pas les uns aux autres? Dites-vous -pas: bon jour, Monsieur? Il est donc votre sieur; & partant, vous, le -maître du chantier où l'on scie. Ainsi nous disons: bon jour, ou adieu, -Madame, ma commere; & on nous dit: mon ami, mon hôte; & de même nous -sommes aux autres, & nous à eux; pour ce ils sont à moi. Ils sont donc -mes gens, qui avec moi, & moi avec eux, nous trouvâmes tous & toutes, -chez notre pere _se puisse tuer_, que Madame avoit choisi pour y -célébrer cet admirable banquet. Chacun y entrant avisa à son devoir; par -ce moyen, nous exerçâmes un notable conflict de révérences, dont les -pétarades sentoient, je ne sais quoi, de la musique ancienne; & -pratiquant mille vétilles d'humilités, avec une friponne escopeterie de -langage courtisanifié, fîmes plusieurs belles entrées & rencontres, à la -façon que l'on porte les barbes, excepté l'institution de la petite -Hongrie (Saint Martin en étoit, voilà pourquoi, parmi ses nourriçons, il -y a toujours quelque châtré) & trouvant tant de gens de bien assemblés, -nous nous sentîmes saisis de quelques menues tranchées de sagesse. Nous -fûmes introduits en une belle grande salle parée, comme dit l'autre, -autant à l'antique qu'à la moderne; tout y étoit avec grace fort bien -rataconné, & avec symmétrie parfaite; & ce, pour donner autorité & -lustre à l'aventure & aux discours; & pour enfler notre dessein de plus -de majesté, Platon y apporta une siringue impériale, pleine de vent de -cour, qu'il avoit autrefois épargnée à la suite de Denys. - - - - -AXIOME. - - -IV. Or entendez, belles petites mignonnes ames, qui venez ici succer les -rainceaux du rameau d'or, pour savourer la science, que nous sommes, -nous qui parlons de ce tems. Nous y sommes, en tenons & y vivons, si ne -sommes trompés; & la plupart de ceux du tems passé ont vécu leur siecle, -comme nous au nôtre, & vous au vôtre; & parce que nous sommes gens -qualifiés, notre assemblée a été réparée de menus suffrages de la -magnifique mélodie de l'antiquaille & nouveauté, congreageant ainsi le -plus célebre, scientifique & vénérable Sénat qui fut jamais, & jamais -sera: & de fait la gloire de l'antiquité, remembrance des gestes & -parure de l'enfance, & autres âges du tems, n'a fait que feuille à notre -congrégation, y apportant une gelée de sagesse, qui, resplendissant -par-tout, nous a fait triomphamment agir. Madame, qui est l'unique entre -les sages, la perle des entendues, & le parangon de perfection, -(reconnoissez-là par ces épithetes, & ne vous enquêtez plus qui elle -est) nous fêtoyoit, & prenoit grand plaisir de nous avoir pour son -contentement, sans quoi les dames jamais n'en feroient rien, tant -soient-elles ferues du desir de science. - - - - -SONGE. - - -V. Quand nous fûmes assemblés, qu'on fut prêt, le vin dans les vaisseaux -plongés en l'eau fraîche pour se rafraichir, (aussi le pratiquer -autrement, seroit boire à cloche-pied) la soif étant appétit de froid & -d'humide. O qu'il est dangereux pour le corps & pour l'ame, (pour le -corps, à cause de la fievre, pour l'ame, à l'occasion de la colere) de -fréquenter ces malheureux, qui boivent tiede. Ils sont pires que -Pharisiens, vu qu'ils trompent manifestement. Ceci vous fera souvenir de -deux sortes de sots. Foin, il m'est échappé; je cuidois prononcer -_honteux_; je n'en veux pourtant point quereller: je dirai comme notre -vieux Curé, qui disoit en son prône: il y en a qui ont des pantoufles -qui vont faisant flique flaque, & chantent: revange-moi, prens ma -querelle. Et qui veux-tu qui te revange? Va, prens une échelle, & t'en -va à tous les diables. Ces doncques troublés des documens de honte -paysanne, ils n'osoient demander à boire frais, ni en demander -davantage, si on leur en verse trop peu, ou si on leur baille un reste; -mais le reçoivent comme corbeaux qui béent. Ils n'osent demander du -meilleur, ou de celui de Monsieur; mais se contentent de ce qu'un -malotru valet leur apportera. Hé! grosse pécore, grande pécude, animal -irraisonnable, est-ce là le peu d'état que tu fais de ta conscience que -tu ne crains point de la laver indiscrétement? Les autres sont des -messieurs sages & entendus, c'est-à-dire, sots d'honneur, ou honorables, -qui étant venus voir quelque Seigneur ou homme d'affaire, après avoir -discouru & mis en avant la disposition du tems, qu'un chacun sait aussi -bien qu'eux, soit chaud, ou froid, & puis ayant conté au-delà de ce -qu'ils savent, demeurent là fichés & esto, & muets vont traversant après -les caprioles de leurs fantaisies; & se tenant ès piéges d'ennui où ils -se sont fourrés, n'ont pas l'assurance de dire adieu pour s'en aller, & -cesser d'être importuns; mais, pour user la bienséance, demeurent là, -tant que quelque changement les vienne relever de sotise, où ils sont en -sentinelle. Jan il nous faisoit beau voir & bon ouir; &, si étoit chose -meilleure, de regarder les flacons en état. Que vous apprendrez ici de -bonnes doctrines! Les sots, qui viennent se mettre en état, se laissent -envelopper; & puis on les gâte. O la belle distinction! La bouteille en -état n'est point prisonniere; ains retient en soi, & enveloppe le vin: -mais hélas! pauvre vin, où es-tu? Je vous prie, ôtez-moi ces bouteilles, -d'autant qu'elles sont sujettes à être cassées: ayez de bons flaccons, -pour y trouver, par leur moyen, la vérité, comme fit Démocrite, qui la -trouva au fond du puits. Le roi avoit fait faire un puits, qui répondoit -à une vieille carriere, où Démocrite alloit souvent se rafraîchir. En ce -puits, on rafraîchissoit le vin du roi. Démocrite s'en apperçut, & alla, -avant que d'être aveugle, joliment prendre le bon vin gisant en flaccons -dans l'eau du puits, & trouva que c'étoit la vérité; que le vin valoit -mieux que l'eau. C'étoit une vie mystique que de notre fait. Nos -flaccons étoient d'argent vivans, & pleins de leur vraie ame, joint que -sans vin ils sont corps inanimés, les vaisseaux étoient dignement -arrangés, selon leur mérite, ne plus ne moins que les vers des Sibylles, -couvrant sous leur sainte cabale les plus savoureuses intelligences du -bien futur. Mais encore notre maître, vous qui savez que le pain est -plus ancien que le vin, d'où vient qu'étant le pain en la bouche, il est -long-tems à se démener çà & là, avant que de trouver le chemin de la -vallée; & le vin tout incontinent le trouve. Ce mystere n'est pas de -votre religion. C'est parce qu'il y a plus d'esprit en une pinte de vin, -qu'il n'y en a en un boisseau de bled. Voire, direz-vous, l'eau en fait -bien autant. O lourdaut, mon doux & bel ami, c'est une folle que l'eau; -elle se laisse tomber du haut en bas, elle court les rues, & fait -devenir fols ceux qui l'aiment: & là-dessus, mon mignon, résolvez un peu -à quoi il y a plus de réputation à se faire déclarer ivrogne, ou fou. -Guette au paneau, & dis que tu en as. Je vous avertis, doctes buveurs, -que vous ayez des flaccons; ils sont bons vaisseaux fermans à vis, vous -serez en sûreté. Qui a, pensez-vous, été cause de la guerre de Troye, du -siége de Babylone, de la ruine de Thebes, de la venue de l'antechrist, & -de tant d'autres malheurs, dont les vraies & fausses histoires nous -amusent? Bouteilles cassées, & vin répandu. A dire vrai, vin répandu ne -vaut pas plein le cul d'eau nette, pour vous débarbouiller dans une -écuelle percée. Et pour ce que l'on n'osoit pas, en paroles vulgaires, -prophaner ce digne & excellent sujet; on le taisoit, & faisoit-on -accroire aux bonnes gens qui ne savent pas les mysteres mystérieux du -vin, comme nous autres philosophes, que les lanternes étoient vessies, & -attribuoit-on ces malheurs à d'autres jolies causes, pour vous -emmailloter l'esprit. - - - - -PROPOSITION. - - -VI. Oui-dà, je vous ai ôté de peine, si vous en êtes capable; & vous -ferai remarquer ceux qui assisterent en ce notable simpose. Au moins je -vous en nommerai quelques-uns; si je ne me souviens de tous, je vous -envoierai à la cuisine où ils sont, ou bien autre part, à jouer, comme -les sages de la Grece, au franc du carreau, avec les pages & les -laquais. Je vous dirai que Socrate étoit présent à ce banquet, où il fit -fort bien son devoir des mâchoires; (à propos de notre archidiacre, qui -s'en sait très-bien escrimer. Et vraiment, s'il se tenoit aussi bien à -cheval qu'à table, il seroit le meilleur écuyer de France. Et bien plus -s'il officioit, ou pouvoit officier autant parfaitement à un grand autel -qu'à une table, il mériteroit d'être pape.) Quant à Socrate, il ne -pensoit qu'à ce qui s'offroit; & je vous assure que, sur toutes choses, -il avoit la meilleure mine à faire de l'honneur, & à en recevoir sans -quittance. Ce fut lui qui inventa, puis l'enseigna à Messire Guillaume -le Vermeil, à conclure sans résoudre, & à résoudre sans conclure, ainsi -qu'il m'a assuré. Et pourtant Madame lui donna la charge d'expédier la -bienséance, dont il s'acquitta galament, d'autant qu'il étoit expert aux -proportions du manege révérencieux de la cour, & avoit fort bien étudié -les circonstances & similitudes, cérémonies, fadaises & miracles, qui se -pratiquent entre ceux qui s'aident des spécialités d'honneur, que l'on -se fait, en entrant ou sortant, s'asséant ou se levant, se rencontrant -ou passant. Je me repens d'avoir dit une parole, parce qu'il y a de nos -maîtres, qui disent qu'en tous discours, il se faut garder de régimber -des mâchoires, & qu'il ne faut pas user des mots réservés à certaines -personnes & actions; témoin un pauvre moine, que l'on pendoit, pour -avoir été trouvé faisant la guerre. Hélas! dit-il, messieurs, je suis -bien marri, de n'avoir pas cru que nous avions congé de vivre à -discrétion de conscience. Il n'osa dire _liberté_, de peur d'être estimé -huguenot. Si tout le monde avisoit aussi bien à ses paroles, il n'y -auroit pas tant de procès perdus, ni au croc. Alexandre y vint tout -ralu; mais il nous fit tant de ravoire, que les dames d'Orléans en -furent émues. Vraiment, j'en fus tout aise, & ma cervelle s'en épanouit -philosophiquement; de sorte qu'il m'étoit avis que l'on m'enclissoit les -réparations, pource que l'on nous avoit rapporté qu'il avoit été tué, ce -que nous lui dîmes; & il se prit à rire & s'excuser, nous disant qu'il -étoit vrai, qu'il s'étoit battu avec son ennemi, mais qu'il n'avoit pas -été tué, & qu'il le prouveroit par ceux qui l'avoient vu faire. Il s'en -rapportoit à Aphthonius son secrétaire, qui nous raconta la cause de son -absence, qui étoit, qu'il avoit voyagé pour voir toutes sortes de -sagesses; & que s'étant trouvé avec les gymnosophistes, il avoit -séjourné avec eux; & y avoit tant profité, qu'il en étoit revenu savant, -d'autant que, suivant leurs maximes, il avoit inventé les -haut-de-chausses sans braguettes, en dépit des Turcs, pour favoriser les -Vénitiens & les Suisses. En témoignage de quoi, il nous montra une belle -piece qu'il en avoit apportée; c'est le rêts à prendre les ânes de haute -futaie. Nous n'entendions point cela, quand il tira de sa manche, & nous -montra le beau saint & gracieux abrifou, qui catholiquement s'interprete -le rêts à prendre les cocus. Je n'ai garde d'oublier notre grand Bodin, -qui, premier des mortels, & contre tout ordre naturel, par artifice -délectable & grand revers d'entendement, en plein jour, en la présence -de ceux qui s'y trouverent, prit la mesure au diable, & lui fit un -habillement, dont depuis il s'est vêtu comme on le voit aujourd'hui -habillé: chose, & ne leur déplaise, qu'ainsi que beaucoup d'autres, les -anciens ne surent oncques, & jamais ne sauront; &, si vous ne me croyez, -allez en enfer m'en quérir un vêtu à la nouvelle mode, & me le montrez -tout vif & habillé; & puis me démentez. Il y a bien plus; c'est qu'ayant -compassion d'une infinité de pauvres diables qui fournissent -d'émouloires aux chambrieres, pour caqueter à la premiere messe, il leur -donna une belle industrie, recueillie des antiques archives, & leur fit -des genouillieres de conserve, si qu'ores les diables se mettent à -genoux, ce qu'au tems passé ils n'eussent osé, de peur de se pocher les -yeux qu'ils y ont. Voilà que c'est des gens de grand engin, de l'esprit -des grandes natures, comme parle du Haillan en Charlemagne. O diables -heureux de si belle commodité! Pythagoras étoit ici en fort bonne mine: -il ressembloit à ces vieux sergens du Châtelet, qui ont fait faire leur -barbe de pipeux; (je cuidois dire _depuis peu_) aussi savoit-il de -vilaines fessées de prudence, témoin les morbolisantes estafilades de -discrétion, que l'on reconnoissoit aux cicatrices de sa félenie. C'est -lui qui, au livre des inventions, sans crainte, a librement prononcé -hérétiques excommuniables, comme écus au soleil, ceux qui mangent des -choux avec une cuilliere. Pline s'avança, selon la rente d'honneur qui -lui étoit dûe; ainsi qu'il paroissoit par un contrat passé par-dessus -les ponts de Rome. C'est un homme notable & de prix: il est le premier -inventeur de pisser honorablement contre les murailles des autres. -Tandis que l'on murmuroit, le recevant, voici arriver le bon Démosthene. -J'y suimes, dimes-nous; j'en fûmes bien-aises; d'autant qu'il est -certain que j'apprendrois beaucoup de bonnes choses; comme déja il y -parut. En entrant, il se mit à discourir; & nous enseigna ce que c'est -qu'honnête homme, le définissant ainsi qu'il se trouve au Talmud; -honnête personne est celle qui, ayant santé, se torche le cul avec un -torchoir, le tenant de la main gauche. Aristote, dépité de n'avoir -trouvé cette belle définition, se noya, & lui déroba celle de bonne -ménagere, qui est insérée en ses économiques, comme l'a remarqué -Ciriaque Strosse. Bonne ménagere est celle personne qui, s'étant torché -le cul, resserre le papier dans sa pochette, le gardant pour une autre -fois, ou pour empaqueter des confitures pour donner aux mignardes. Il -n'y a plus de danger; nous sommes tous ici, puis que le pere Rabelais -est dedans; ceux qui viendront ci-après, passeront par l'huis de -derriere; la galle arrive au dernier. Et bien, couillaut que dis-tu de -ceci? Je dis que ceux qui s'amusent à nos folies, font comme les -médecins, qui regardent & épluchent les éjections des autres, qui sont -aussi fous que nous, si mieux n'aiment être dits fous d'Inde, ou fous de -Ludonois. Dieu sauve les beaux coqs, poules & poulets, amen. Et comptez -diligemment les jours: parce que, d'ici à deux cents trois ans, dix -mois, sept jours, dix-neuf heures, quarante minutes & trois secondes -justement, le grand stéganografique fera une nouvelle translation de ce -livre, à cause du changement de religion. Chaques uns, qui s'assirent -selon les paraphrases de leurs dignités, avoient fait ronfler la -réputation, pour maintenir leur rang, qui fut égal à tous jusques à la -semelle des souliers. Et ains, chicanant avec les plumes de modestie, -ils colloquerent leurs personnes, selon la remembrance de leur qualité. -Il n'y eut que le cardinal de Cusa, qui, se trouvant assis près de Jean -Hus, s'en prit si fort à rire, qu'il cuidât, éternuant, avancer toute sa -réputation. Il en devint un peu fou, sans que pour cela les autres -cardinaux encourussent note d'infamie, non plus que pour la dégradation -d'un ministre. Et, pour ce que l'intention juge de tout entre toutes, on -choisit la bonne intention, qui fut assise au haut bout avec une robe de -président. Nous étions-là devant elle, pour faire preuve de nos esprits. -Cela fut cause que je m'y trouvai, & m'assis aussi bien qu'un autre, -d'autant que j'ai un cul; joint que, sans cul, nul ne pourroit avoir -séance entre gens d'honneur. - - - - -COUPLET. - - -VII. Nous nous mîmes à étoffer des mâchoires. Cependant il y avoit gens -apostés, à ce qu'ils eussent égard que personne ne chommât; sur-tout -qu'il n'y eût point de parole perdue, & qu'aucune ne tombât, ou fût -égarée, ou échappée: pour à quoi parvenir on fit des barrieres -spirituelles, & des gardefous intellectuels. Avec cela furent haut & bas -tendus des tapis de considération, & des linceuls de conservation. On -m'a dit, (& je le tiens d'un bon théologien, consumé en l'une & l'autre -religion, comme chanoine en l'une & l'autre église d'Orléans) -qu'autrefois, & à faute de tels remedes, il chut des paroles à terre, -dont il leva des herbes de plusieurs façons: & y si a-t-il bien pis; -c'est que, quand la terre est en chaleur & forte rage d'engendrer, il se -faut bien garder de laisser tomber des pets; témoin Dioscoride écrit en -veau au livre des herbes nouvelles, lequel dit que les plantes ont des -odeurs différentes, selon tels accidens; & même les beautés & douceurs -des fleurs en sont dérivées, comme l'a bien remarqué Paracelse en ses -mineures. Et afin que je vous embouche, je vous mets devant le nez cette -belle fleur, la couronne impériale, qui nâquit d'une vesse que fit une -grande dame; étant fille & belle, après avoir mangé des confitures -musquées, elle fit une cabriole, qui causa ce bel accident. L'original -en est sorti du cabinet de notre Ambroise Paré. Je vous le prouverai par -le sieur de Lierne, gentilhomme François, lequel, étant couché avec une -courtisane à Rome, y fut pris. Elle, comme les chastes courtisanes le -savent pratiquer, avoit amassé des petites pellicules légeres, comme -celle des poules dougées & délicates; les avoit remplies de vent musqué, -selon l'artifice des parfumeurs. La belle Impéria, ayant quantité de -telles balottes, tenant le gentilhomme entre ses bras, se laissoit -aimer. Ainsi que ces deux amans temporels pigeonnoient la mignotise -d'amour, affilant le bandage, la dame, détournant la main, mit une -petite vessie en état, & d'un petit coup de fesse, la fit éclater, de -sorte que la petite balotte se résolut en la figure auditive d'un pet. -Le gentilhomme l'ayant oui, voulut retirer son nez du lit pour lui -donner air. Ce n'est pas ce que vous pensez, dit-elle; il faut savoir, -avant que craindre. A cette persuasion, il reçut une odeur agréable, & -contraire à celle qu'il présumoit. Ainsi il reçut ce parfum avec -délectation. Ce qu'ayant encore reçu d'abondant plusieurs fois, il -s'enquit de la dame, si tels vents procédoient d'elle qui sentoient si -bon, vu que celui qui glissoit des parties inférieures des dames -Françoises, étoit assez puant & abominable: à quoi elle répondit, avec -un frétillement philosophique, que le naturel du pays & de la nourriture -aromatique, faisoit que les dames Italiennes, qui usent de délices -odoriferantes, en rendoient la quintessence par le cul, ainsi que par le -bec d'une cornue. Vraiment, répondit-il, nos dames ont bien un autre -naturel de pets. Il advint qu'après quelques musquetades, par -circonstance de vent trop enfermé, Impéria fit un pet, non-seulement au -naturel, mais vrai & substantiel. Le François, accoutumé par le nez à la -chasse des pets, (de-là vient le proverbe, _mené par le nez_) oyant ce -corps sensuel & momentaire, jetta en diligence le nez sous le linceuil, -afin d'appréhender la benoîte odeur, pour laquelle envahir il eût voulu -être tout de nez; mais il fut trompé; il en recueillit avec le nez, plus -que vous n'en feriez avec quatorze pelles de bois, telles qu'on mesure -le bled à Orléans. Et quoi? Une odeur plus infecte, venu du plus fin -endroit de l'établissement de la merde, que vesse ne fut jamais si -puante. O dame, dit-il, qu'avez-vous fait? Encore, en ouvrant le -bagonisier, il y en entra une allenée humide, qui lui parfuma -breneusement tout le palais. Elle répondit: seigneur, c'est une -galantise, pour vous remettre en goût de votre pays. Avisez bien -doncques à tout ce qui peut avenir. Les orties sont crues des paroles -que disoit, en menaçant, un président, dont on ne faisoit gueres de cas. -Faites étendre de beaux draps blancs, comme fit monsieur de la Roche, -l'été passé. - - - - -CÉRÉMONIE. - - -VIII. Son meûnier plus proche de son château, ayant recueilli le premier -de fort belles cerises bien avancées, les lui envoya le même jour. Là, -il y avoit avec monsieur, plusieurs gentilhommes de ses voisins; -c'étoient gentilhommes de la petite passe, comme vous diriez des -chanoines de saint Mambeuf à Angers, au prix de ceux de saint Maurice; -ou bien ceux de saint Venant, à l'égard de ceux de saint Martin de -Tours. J'y suis, j'ai rencontré. Le meûnier mit ses cerises en un beau -petit panier; & le bailla à sa fille, pour le porter à monsieur. La -belle, qui étoit de l'âge d'un vieil boeuf, désirable & fraîche, vint à -la salle faire la révérence à monsieur qui dînoit, & lui présenta ce -fruit de par son pere. Ha! dit la Roche, voilà qui est très-beau. Sus, -dit-il à ses valets; apportez ici les quatre plus beaux linceuls qui -soient céans, & les étendez par la place. Notez, en passant, qu'il -falloit obéir à tout ce qu'il disoit, d'autant qu'il étoit le prototype -de l'antechrist. C'est lui, dont les prêcheurs disoient ce carême, que, -comme hérétique, il pointoit sur sa tour ses fauconneaux, & étoit si bon -canonier, comme le sire de Sautal, que gaiement il tiroit le cheval, -entre les jambes de son ami qui venoit de dîner avec lui, & le prenoit -au passage au détour du carrefour; & pour montrer son adresse, quand le -laboureur tournoit sa charrue, il donnoit droit à l'appui de -l'aiguillon, sans faire mal au laboureur: & le tout pour rire. Les draps -étendus, il commanda à la belle de se dépouiller. La pauvre Marciole se -prit à pleurer. Ha, que vous êtes sage! Vous vous gardez bien de rire; -Fille à qui la bouche pleure, le con lui rit. Allons, çà, dépêchez; ou -je ferai venir ici tous les diables. Holà, sans me fâcher, faites ce que -je vous dis. La pauvrette se déshabille, se déchausse, se décoeffe, & -puis, ô le danger! elle tira sa chemise; &, toute nue comme une fée -sortant de l'eau, va semer les cerises de côté & d'autre, de long en -large, sur les beaux linceuls, au commandement de monsieur. Ses beaux -cheveux épars, mignons lacets d'amour, alloient vétillant sur ce beau -chef-d'oeuvre de nature, poli, plein, & en bon poinct, montrant, en -diversités de gestes, un million d'admirables mignardises. Ses deux -tétons, jolies balottes de plaisir, jointes à l'ivoire du sein, firent -des apparences montueuses, différentes en trop de sortes, selon qu'elles -parurent en distincts aspects. Les yeux paillards, qui se glissoient -vers ses bonnes cuisses pleines & relevées de tout ce que la beauté -communique à tels remparts & commodités du cachot d'amour, ravissoient -de regards goulus toutes les plus parfaites idées qu'ils en pouvoient -remarquer: &, combien qu'il y eût tant de beautés mignonnement étalées -en doux spectacle, il n'y avoit pourtant qu'un petit endroit, qui fût -curieusement recherché avec la vue; tant les regards tiroient au but, où -chacun eût voulu donner, tous n'ayant intention qu'au précieux coin, où -se tient le registre des mysteres amoureux. Après que les cerises furent -semées, il les fallut recueillir, & ce fut lors qu'auparavant de -merveilleuses dispositions essayantes de cacher sur-tout le précieux -labyrinthe de concupiscence, le pauvre petit centre de délices eut bien -de la peine à chercher des gestes, pour se faire disparoître. Ce beau -parfait, cette belle étoffe à faire la pauvreté, ce corps tant accompli -fut vu à tant de plans si délicieux, que difficilement y eut-il jamais -yeux plus satisfaits que ceux des assistans. L'un le regardant, disoit: -il n'y a rien au monde de si beau; je ne voudrois pas pour cent écus -n'avoir eu le contentement que je reçois. Un autre, racontant sa -fantaisie occupée de délectation, prisoit sa bonne aventure, en ce -spectacle, plus de deux cents écus. Un vieux pécheur mettoit cette -liesse à trois cents écus. Un valet, trémoussant comme les autres, en -mettoit sa part de plaisir à dix écus. Et n'y eut celui des maîtres, qui -ne parlât de cent ou cent-cinquante écus; qui plus, qui moins, selon que -la langue alloit après les yeux, spirituellement léchant le marbre de ce -spectacle, sur lequel la parole fourchoit après l'esprit, lequel -attachoit à cette beauté son imagination, avec cent mille spécieuses -images. Chacun des regardans avança sa goulée, & proféra la somme du -prix des délices qu'il avoit imaginées. Les cerises remises au panier, -la belle revint vers les fenêtres reprendre sa chemise. Encore les yeux -des voyans s'alloient allongeant par les replis, afin d'avoir encore -quelque reste d'objet; &, ainsi peu à peu qu'elle levoit une jambe, puis -l'autre, ils épioient tant qu'elle se fût remise en l'état de sa venue, -toute coeffée & habillée. Ses beaux yeux, petits cupidonneaux, étoient -tout allans des vagues de feu qu'ils avoient octroyé à la honte de -présenter en liqueur pour excuse de cette aventure. Monsieur de la Roche -cependant avoit les yeux en la tête, & le regard au bel objet, riant en -quarré plus d'un pied & demi dans le coeur, ayant toutefois dessein à -écouter ce que ces tiercelets jasoient, tandis que trop bavards, ils se -délavoient les badigoinces de ce qu'ils avoient à dire. Il les -observoit, & retenoit fort bien le tout, & sur-tout la taxe que chacun -avoit faite au rapport de son aise; même il remarqua jusques à un -laquais, qui avoit allégué un écu. Laisse-toi cheoir, t'y voilà; il ne -faut que se baisser & en prendre. Marciole, toute habillée, fut, par le -commandement de mondit sieur, assise au bout de la table, où il la -réconforta & reforça le mieux qu'il put, lui donnant ce qu'il y avoit de -plus délicat. Elle étoit fâchée & pleureuse, indignée d'avoir montré -tout ce que dieu lui avoit donné d'apparent; & avoit regret que tant de -gens l'eussent vu à la fois, hors de l'église. Quand la Roche se fut -avisé, il frémit sur la compagnie; &, tournant les yeux en la tête, -comme les lions de notre horloge de saint Jean de Lyon, se mit à jurer -son grand juron évangélique, d'autant que pour lors il étoit huguenot de -bienséance, & dit: par la certe dieu, (ainsi que jurent les voleurs qui -sont de la religion) messieurs, pensez-vous que je sois votre plaisant, -votre valet, votre provisionneur de chair vive? Par la double digne -grande corne triple du plus ferme cocu qui soit ici, vous paierez chacun -ce que vous avez dit; ou il n'y aura jambe, tête, membre, trippe, corps, -poil, jarret, qui demeure sauve. Ventre de putain, vous le compterez -tout présentement, si mieux vous n'aimez avoir les yeux pochés, & les -vits coupés. Si on les eût tous coupés, cela eût servi à l'abbesse de -Montfleury, à laquelle son procureur vint dire, ces vendanges passées, -que la vis de son pressoir étoit rompue; sur quoi ayant long-tems pensé, -elle dit: foi de femme, si je vis, je ferai provision des vis. Les -paroles de ce monsieur firent peur à messieurs les aubareaux, qui -payerent ce qu'ils avoient dit, ou l'envoyerent quérir, ou -l'emprunterent de mondit sieur, sur bons gages, ou bonnes cédules. Ainsi -cette noblesse effarée, cracha au panier environ douze cents beaux -mignons écus de mise & prise. J'aimerois bien mieux faire ma provision à -Paris; j'aurois pleine chemise de chair pour cinq sols, & une pannerée -de cerises pour quatre. Les écus mis au panier, la Roche les bailla à -Marciole, qui se mordoit la langue de grande rage d'aise, sachant que -c'étoit pour elle; & monsieur lui dit: tenez, ma mie, portez cela à -votre pere, & lui dites que vous l'avez gagné, à montrer votre cul. Il y -en a bien qui l'ont montré, le montrent, qui ne gagnent pas tant, & si -courent plus grande fortune. - - - - -COQ-À-L'ASNE. - - -IX. Voilà comment, en dînant & banquetant, ils avoient de notables -effets: aussi est-ce le tems des grands mysteres. C'est un grand heur de -bien dîner & voir une belle fille, & sans la payer; avoir une tant -délectable vision que l'aspect de Marciole toute nue, qui n'étoit fâchée -d'autre chose, sinon que l'on avoit vu son cela. J'ai pensé le nommer -par son droit nom. Bien le pouvois-je, d'autant que je sais plusieurs -langues; mais il me faut ici parler françois; & en françois, un con est -nommé _cela_. Qu'ainsi ne soit, si vous mettez la main au devant d'une -fillette, elle la repoussera vîte, & dira, laissez cela. Quand je dis le -devant, je l'entends comme faisoit monsieur le feu premier médecin, qui -ayant tâtonné l'estomac d'une belle demoiselle couchée & un peu malade, -coule sa main plus bas, &, venant à l'imperfection du corps, s'y -avançoit, quand elle lui dit: hé, monsieur, que pensez-vous faire? -Mademoiselle, je croyois que vous fussiez comme les vaches de notre -pays; que vous eussiez les tétins entre les jambes. Pourquoi est-ce que -les femelles repoussent la main, quand on la met vis-à-vis de leur cela? -C'est parce que ce n'est pas ce qu'il y faut mettre. - - - - -CIRCONCISION. - - -X. Dames, qui avez les oreilles chatouilleuses, de peur de rire, lisez -ceci tout bas ou de nuit, durant laquelle la honte dort; & ne vous -formalisez, scandalisez, ni estomirez de chose quelconque que trouverez -en ces textes & mémoires mêlés de toute sapience, moyens, élémens & -enseignemens à bien vivre. Les mélanges que vous trouverez sont -survenus, à cause de l'antiquité de ce volume, & des annotations, -apostilles & interprétations qui y étoient mises; & le gentilhomme qui -le transcrivit, pour votre avancement en toute sagesse, a tout écrit -d'une suite, mêlant, sans distinction, glose & texte, ainsi que, quand -vous êtes à table, vous qui ne jeûnez pas, vous mangez des viandes -prises deçà & delà, selon l'occurrence. Quant aux jeûneurs de carême, -ils mangent par couches, comme les bonnes femmes qui mettent des herbes -à distiller. Ils mangent le potage, puis des échaudés au beurre frais, -des entrées, des pois, des feves, des harengs, des pruneaux, puis le -poisson, puis le dessert, & tout à cause du jeûne. Je vous assure que ce -livre étoit simple & net, beau comme le jour, ainsi qu'il est encore, -bien qu'il soit pêlemêlé de notes & considérations, à la façon du bon -homme Guyon qui, à l'âge de cent ans, se mit à vivre capuchinement. Il -avoit été page de chez le roi; puis il etudia, fut à la guerre, se fit -cordelier, s'en retira pour être huguenot, se fit savant, devint -ministre, mangea tout, puis se mit à demander sa vie. On lui donnoit de -tout ce qu'il lui falloit, qu'il mettoit en son écuelle, pain, chair, -soupe, potage, vin, sert, dessert ensemble. Et on lui disoit: pourquoi -ne mangez-vous & beuvez d'ordre & à part? Ha, ha, disoit-il, lourdaut, -mon ami, puisqu'ils se doivent mêler au ventre, il n'y a point de danger -de lui envoyer tout déja mêlé. De même ceci doit être mêlé en votre -cervelle: il le vous faut bailler tout mêlé. Le personnage, qui vous -produit en tout honneur ces saints mémoires de perfection a pensé que le -texte ne valoit pas mieux que le commentaire; par quoi il les a fait -aller ensemble. Doncques, soit que vous les lisiez ou non, ou que vous -commenciez ici ou là, n'importe; ce livre est, partout, plein de fideles -instructions & sens parfait, tellement que c'est tout un, par où vous le -lisiez. Il est un globe d'infinie doctrine; & il y a autant à apprendre -dans un lieu qu'en l'autre; en cette sorte-ci qu'en celle-là: il n'y a -ligne, endroit, ou passage (afin de parler niaisement aussi-bien que les -doctes) qui ne soit tout farci de science mystigorique & concluante. -Qu'ainsi ne soit: le prieur du Vau-de-vire, lequel vivoit du tems des -Anglois: (il en vit encore de ce tems, ainsi que m'a assuré le gardien -des cordeliers qui m'a dit, qu'il y avoit encore des Anglois) ce bon -prieur avoit fait une grande annonciation sur ce mot _cela_, sur-tout à -cause de la considération de la soudure des membres d'amour, ou des -membres de la soudure d'amour, ajoutant, comme il se trouve ès vieux -exemplaires grecs & hébrieux, qui sont au Vatican & à Londres, ce qui -s'ensuit. C'est une chose étrange de la différence des hommes & des -femmes: si une femme l'a petit, elle ne fera point de difficulté de le -montrer, & ne se souciera guere qu'on le voie, parce qu'il sera le petit -mignon d'amourettes. Mais celle qui l'aura se dilatant en grandeur, -jamais n'en permettra la vue, de crainte qu'on voie son ignominie. Voyez -les hommes qui se baignent, & qui n'ont guere de différence masculine; -c'est-à-dire, qui sont mal envitaillés. Ils ont infiniment de la peine à -le cacher; ils mettent devant mains, chemise, chapeau, chausses; encore, -s'ils pouvoient prendre la lune, ils la mettroient devant leurs harnois, -tant ils craignent qu'on sache le peu qu'ils ont d'outil à faire la -belle joie, honteux de leur peu de bien. Au contraire, ceux qui en ont -une belle venue, ils la recommandent & commettent à nature, pour la -faire voir ou la cacher; ils en sont si libéraux. Aussi de fait, la -libéralité convient mieux à un homme riche qu'à un pauvre; joint que -l'âge, comme ils le croient, doit donner de la discrétion à leur chose, -pour se cacher, s'il en est besoin, comme le pensoit & faisoit bien la -belle Hipolite, qui, un jour d'hiver que nous étions auprès du feu, -madame sa mere y étoit en sa chaise, tournée vers la table, écrivant ou -faisant autre semblable exercice; nous vetillons près le feu; & la -belle, pour se chauffer, haussa un peu la cuisse & sa chemise, pour -faire convoitison, parce qu'elle y avoit froid: dont je m'étonne, parce -qu'il fait bien chaud là où il ne fit jamais froid, & où il y a toujours -du feu. Je lui dis: belle, cachez votre cela. Elle me dit: qu'est-ce que -mon cela? C'est votre minon. Qu'est-ce que mon minon? C'est votre petiot -de lectation. Qu'est ce que mon petiot de lectation? C'est celui qui a -perdu de l'argent. Qu'est-ce qui a perdu de l'argent? C'est celui qui -regarde contre bas. Qui est celui qui regarde contre bas? C'est votre -petit crot à faire bon, bon. Qu'est-ce que mon petit crot à faire bon, -bon? C'est votre chose. Qu'est-ce que mon chose? c'est votre con. Qu'est -ce, qu'est-ce? je le dirai à madame. Madame se revirant, dit: je -l'entends bien; vous êtes une sotte; que ne le cachez-vous? Hipolite -répond, qu'il se cache, s'il a honte; il est aussi vieil que moi. -Plutarque étoit au bout de la table, qui écrivoit ses morales, qui nous -tença en riant; (aussi je crois que c'étoit à petit semblant) & nous -dit: il n'est pas séant de nommer à nud les parties honteuses; & pour -cause. C'étoit pour voir ce que je lui répondrois; ce que je fis aussi -bien: _Signor mio, sur ma fe_, je deviendrai sage; je prends en gré & -fort honnêtement votre admonition; vous la faites & dites de bonne -grace; vous n'en usez pas comme ces docteurs qui, ne sachant que -répondre, viennent aux injures, & puis veulent s'immiscer à faire des -remontrances flasques comme une caillette froide. Je prendrai garde à -nommer ceci & cela. J'imiterai Platon, quand je parlerai de -l'endéléchie, (j'ai pensé dire de l'_endroit où l'on chie_) & grand -jointure du corps & de ses environs; je nommerai le cul _derriere_ ou -_fondement_; ou l'un, d'autant qu'il est un, & qu'il ne peut y avoir en -un corps deux culs, non plus que deux papes à Rome, & que le cul est -tellement uni de ses deux fesses, que miraculeusement il n'est qu'un, -non plus qu'une mitre n'est qu'une mitre, encore qu'elle ait deux -cornes. Je dirai doncques l'un; & celui d'auprès, je le nommerai -l'autre, d'autant que l'un sans l'autre n'agissent point en nature ès -productions génératives. Ainsi je disposerai les secrets, afin qu'ils ne -soient entendus que de ceux qui ont bon nez, lesquels, par ce moyen, -sous cette plaisante escorte, chercheront le noyau qui est caché en l'un -& en l'autre. Cependant je vous avertis, (& ne vous en déplaise; un sage -conseille bien un fou) il ne faut pas toujours dire ces parties là -_honteuses_, d'autant qu'elles ne le sont que par accident: &, faisant -autrement, vous feriez tort à nature, qui n'a rien fait de honteux. Ces -parties là sont secrettes, nobles, desirables, mignonnes & exquises, -comme l'or que l'on cache. Il est vrai qu'elles peuvent devenir -honteuses, & le sont, quand il leur survient une belle petite écrevisse -de mer; (c'est-à-dire un chancre) ou qu'auprès d'elles sont logés de -jeunes chevaux; (ce sont poulains) ou qu'une joyeuse chaude-pisse les -tient en humeur. C'est alors que tels membres sont honteux: &, ce qui -est encore pis au ceci d'un homme, & qui le rend du tout honteux & -mélancolique à bon escient, est quand il a perdu les cimbales de -concupiscence, les caisses d'amour, les boulettes de Vénus; le défaut -desquelles fait appeller les hommes châtrés. Ceux qui voyoient tantôt la -belle Marciole toute nue eussent bien voulu la châtrer, c'est-à-dire lui -ôter les trébillons d'entre les jambes; il eût fallu premiérement les y -mettre. Que le chat fût bien bridé des vôtres, qui riez encore de cette -belle fille qui fut mariée; & le contract de son mariage fut passé par -devant les deux plus savans notaires de Rouen. Le maître de la -rose-rouge en diroit bien ce qu'il en sait; & pource, il envoya quérir -ces deux fameux notaires; lesquels laisserent le bon paysan, pour venir -à ce riche marchand. Les notaires venus, on leur donna des siéges, & -Monsieur de la Rose commanda à sa servante d'apporter ce qu'il lui avoit -commandé; _notate verba_. Servantes, sont celles qui servent chez les -gens de bien, d'autant qu'à ce qu'elles disent, chambrieres sont celles -qui demeurent avec les prêtres, ou chanoines, pour subvenir à toutes -leurs nécessités. Là dessus, Monsieur de la Rose dit à ces Messieurs les -notaires, qu'il avoit grand desir de manger des pois passés par devant -notaires; partant il les prioit de les voir passer. Sa servante se mit, -là devant eux, à les passer. Ces notaires se mutinerent, & se fâcherent, -& l'injuriant l'appellerent moqueur, & dirent qu'ils s'en -ressentiroient. Ils se prirent aux paroles, jusques à dire qu'ils -alloient quérir leurs épées, pour s'aller battre hors la porte. Allez, -dit-il, je le veux bien: passez par ici, & m'appellez. Il prend son -épée, & se mit à la fenêtre. Incontinent les autres passerent & -l'appellerent. Ho, méchant, qui abuses les officiers du roi, viens -hardiment. Non ferai, dit-il, je ne suis plus courroucé; je ne vous veux -mie tuer. - - - - -PAUSE DERNIERE. - - -XI. Or commençons de conclure; & soyez avertis, vous qui verrez ces -précieuses reliques des richesses du monde, que vous devez porter -honneur à cet ouvrage; que, si vous n'êtes pas assez fort pour lui en -porter assez, traînez-le, ou lui envoyez, ou le roulez, ou lui faites -tenir en révérence; & prenez garde à ce que cet honneur soit distribué -honnêtement aux scientifiques personnes & discretes qui sont en ce -banquet, comme poulets en mue. Ne pensez pas que ce soit moquerie, que -de ce simpose & souper philosophique, le plus authentique qui fut -jamais, & auquel toutes questions, propositions, théorêmes, problêmes, & -plusieurs autres ont été solues, résolues, trouvées, démontrées & -fidélement reconnues en toute perfection; pource que tout y fut débattu, -égratigné, écorché, tourné & entendu; & ce, selon les graces dont -étoient barrés Messieurs les assistans, qui pourtant furent, & ont été, -& seront approuvés doctes & savans; ayant au reste tous si bon esprit, -qu'ils ne mirent guere à devenir fous. Ainsi soit-il de vous, amen. Ils -avoient les yeux ouverts, comme chiens qui chassent aux puces. Or ils -s'étoient réparés l'entendement à trois sous pour livre, y ayant fait -des arcs-boutans de mémoire, au rabais. Nos amis & toute la belle & sage -compagnie furent rangés en la salle au beau milieu, en même ordre & -façon que la Reine de Saba fêtoya ses Princes en Meroé, quand elle -voulut faire preuve de sa sagesse. A voir tous ces gens de bien en bel -ordre, vous eussiez dit & pensé avoir devant vos yeux une belle, joyeuse -& sainte congrégation, comme une bande de Prélats. Et que faisoient tant -de bonnes gens de loisir? Voire, mais que fit-on là? On parla, on -mangea, on beut, on fist st, on se teut, on fit du bruit, on protesta, -on rencontra, on rit, on bailla, on entendit, on disputa, on cracha, on -moucha, on s'étonna, on s'ébahit, on admira, on gaussa, on rapporta, on -entendit, on brouilla, on s'éclaircit, on débattit, on s'accorda, on -trinqua l'un à l'autre, on fit carroux, on remarqua, on trémoussa, on -s'accorda, on cria tout bas, on se teut tout haut, on se moqua, murmura, -on s'avisa, on se reprit, on se contenta, on passa le tems, on douta, on -redouta, on s'assagit, on devint, on parvint. Qu'en avint-il? Il en -avint ce docte monument, ce précieux mémorial, ce joyeux répertoire de -perfection, cet antidote contre tout malheur, cette affiloire de bonnes -graces, _Ce Moyen de Parvenir_, unique bréviaire de résolutions -universelles & particulieres: à quoi on ne peut contredire, ni opposer -d'hyperboles, ni le rédarguer de fausseté. Et dites que vous en avez, -captieuses tignes, qui voulez tout réformer & refondre. Mais vous, -sectateurs de vraies vertus cardinales, gens haïs de l'oisiveté, qui -aimez mieux vous amuser à boire, que penser à mal, ou perdre le tems -inutilement; considérez ceci, empoignez ce volume; _volume_ dit, à cause -de la vérité qu'il contient, comme un bon verre plein de bon vin. Verre -& volume sont équivoques; le verre est un volume: il est vrai que c'est -le petit, c'est l'épitome; d'autant que le gros volume est le poinçon -bienheureux. Qui ont belles & amples bibliotheques remplies de tels -volumes, ils sont capables, de rendre _victus_ tout le monde, tant docte -soit-il. - - - - -VIDIMUS. - - -XII. De tous bons volumes cettui-ci est le bréviaire, ainsi dit & nommé -pour plusieurs raisons. C'est qu'il est bref; & qu'en peu de paroles il -enseigne toutes sciences. Item, bréviaire est un livre ordinairement -gras; &, par application, on s'engraisse au moyen de l'usage de -cettui-ci. Le bréviaire donne de l'appétit & l'aiguise; cettui-ci -l'entretient & le fortifie. Le bréviaire fait gagner la vie à ceux qui -s'en aident; cettui-ci la fait trouver toute gagnée. Je m'en rapporte à -notre curé, auquel, après le service, mademoiselle dit: monsieur le -Curé, venez dîner avec nous, je vous prie. Je vous remercie, -mademoiselle; j'y serai aussi-tôt que vous. Mademoiselle, ennuyée qu'il -ne venoit, regarda par sa fenêtre, & vit à côté le Curé, qui, ayant -pissé, serroit sa piece. Elle se retiroit de peur de le voir, parce que -ceci l'eût fait rire. Quand il fut entré, elle dit: là, monsieur le -Curé, lavez-vous la main, & venez. Eh da, dit-il, mademoiselle, je n'ai -rien touché que mon bréviaire. Quel bréviaire, dit-elle! Il est fait -comme une andouille. Là, là, lavez vos mains. Comme nous contions ceci à -Paris, en la boutique d'un libraire, la dame écoutoit attentivement, & -prêtoit aussi l'oreille au discours de son mari, qui contoit qu'en le -payant d'un inventaire qu'il avoit fait, on lui avoit baillé un vieil -bréviaire, qu'il avoit vendu six écus. La dame répondit (je ne sais à -qui, d'autant que les deux contes furent achevés en un instant): je -voudrois que tous nos livres ressemblassent à ce bréviaire. Ce que je -vous dis est vrai; & savez-vous comment je prouverai cette vérité? Ce -sera en la sorte que vous comprendrez ces heureux discours, auxquels si -vous ne voulez croire, les prenant pour unique raison, faites ce que -vous voudrez: comme charitable, je trouve tout bon ce qui plaît aux -autres. O ames, à bon droit pleines de félicité, réservez au parfait -contentement, puisque votre bonheur a eu la patience de vous faire -naître en ce temps, pour avoir la grace, le bien, la prérogative, -l'honneur & le profit que vous tirerez de ces mémoriaux & commentaires -de raison étonnante, unique en son accomplissement, il ne faut point -faire d'estime des belles inventions, & avoir regret de ne les avoir -point vues, ou sues, ou penser ne les pouvoir rencontrer, puisque vous -avez ce livre, qui vous fournit de tout. Ce bel objet est tel, qu'en lui -vous avez les élémens qui vous guideront au bien accompli: & par ces -élémens, non de particulieres sciences, mais de toutes exclusive & -inclusive, vous pourrez trouver & inventer tout secret, tant caché, -séparé & admirable soit-il, (si vous avez de l'esprit, cela s'entend) à -crocheter, voir & chercher ce qui est sous cette écorce de velours & -d'or entortillé de paroles, quelquefois de soie, & quelquefois d'or, & -quelquefois de fil, & étoffées de petite qualité, & puis d'azur, & de -gueules, & de ce qu'il ne faut alléguer. Il nous suffit de vous -raconter, & à vous de croire que tout est fort bien caché sous ces -énigmes, ainsi que le trouveront les enfans de la science, les fils des -sages & heureux prédestinés à trouver la lanterne de discrétion, & la -lampe de béatitude. Et afin d'avoir le crédit de se chauffer au beau feu -d'intelligence, vous qui avez envie de parvenir, que nous vous faisons -part de ce fin recueil de mysteres authentiques, vous proposant devant -les yeux les symboles de chacun, comme ils ont été proférés. Sitôt que -quelqu'un ouvroit la bouche pour prononcer sa goulée, aussi-tôt les -secrétaires les mettoient par état, & colligeoient les paroles & propos, -comme belles & bonnes perles ès rives de l'Asie, dont ce volume a été -compilé & lequel de tout temps a été & sera, à cause de son excellence, -pour son mérite, & à jamais, par ceux qui ont de l'entendement, en -grosse lettre dit, nommé le _Livre_. Ne dites pas sans queue, d'autant -qu'il aviendra, ainsi qu'il est avenu plusieurs fois, & que les grands, -au détriment des plus foibles, les trouvant, & craignant qu'il ne soit -vu du petit & bon monde, le scelleront, comme chanceliers à simple -queue, ou à double, telle que le temps admettra. Je vous prie, bonnes -personnes, de ne rien dire de ceci, & n'alléguer ce mot que nous n'avons -pas mis au titre, d'autant que, s'il y étoit, on le reconnoîtroit tout -aussi-tôt, & il en aviendroit trop de malheur. Le plaisir des gens de -bien seroit perdu. Ces méchans excommuniés, qui font tant mettre de -daces & impôts sur le peuple au desçu du Roi, (le pauvre homme ne -l'entend pas) ces malheureux-là viendroient & prendroient ce livre, & le -vous vendroient un écu pour lettre, au meilleur marché; joint qu'à tel -on vendroit la lettre cinquante écus; & ainsi le feroient tout d'or, -comme Simon Magus & son chien, & les ministres quand ils seront -affriandés aux lettres d'envoi comme en Angleterre. Jouissez, amis, de -cet oeuvre, sans le prophaner; & sachez que, par le rapport des savans, -il est tel, que les plus gens de bien racontent & affirment par-tout -qu'il contient tout ce que chacun sait, a su & saura, ou doit savoir & -entendre. Il embrasse les mysteres approuvés de toutes sciences, pour -autant qu'il est la juste, solide & naïve interprétation de la pure -cabale de valeur non imaginaire. Ne parlez plus de clavicules ou -clavifesses, ni d'arts apéritifs, canons & artillerie, qui sont engins -grandement ouvrans, puisque vous avez ces cahiers de vérité; ce bon -volume qui est la grosse clef d'ordonnance, à laquelle pend le trousseau -de toutes clefs. Pour le prouver, j'ai le pere Rabelais le docte, qui -fut Médecin de Monsieur le Cardinal du Bellay; & je le mets ici en -avant, parce que les substances de ce présent ouvrage & enseignemens de -ce livre furent trouvées entre les menues besognes de la fille de -l'Auteur. Ce Cardinal étant au lit malade d'une humeur hyphocondriaque, -fit assembler les médicins, pour consulter un remede à son mal. Il fut -avisé par la docte conférence des docteurs, qu'il falloit faire à -Monsieur une décoction apéritive, qui, réduite en sirop, seroit -accommodée à son usage ordinaire. Rabelais, ayant recueilli cette -résolution, sort, & laisse Messieurs achever de caqueter pour mieux -employer l'argent; & fait ledit sieur mettre au milieu de la cour un -trépied sur un grand feu, un chaudron dessus plein d'eau, où il mit le -plus de clefs qu'il put trouver; &, en pourpoint, comme ménager, remuoit -ces clefs avec un bâton, pour les faire prendre cuisson. Les docteurs -descendus, voyant cet appareil, & s'en enquêtant, il leur dit: -Messieurs, j'accomplis votre ordonnance, d'autant qu'il n'y a rien tant -apéritif que des clefs; &, si vous n'en êtes contens, j'enverrai à -l'arcenal quérir quelques pieces de canon: ce sera pour faire la -derniere ouverture, après l'exhibition de ces apozemes. Je pense que -cette preuve est de mérite. Avisez doncques bien, & diligemment -épluchez, & voyez avec curieuse conférence. Tous les autres prétendus -livres, cahiers, volumes, tomes, oeuvres, livrets, opuscules, libelles, -fragmens, épitomes, registres, inventaires, copies, brouillards, -originaux, exemplaires, manuscrits, imprimés, égratignés, bref les -pancartes des bibliotheques, soit de ce qui a été, ou est, ou qui jamais -encore ne fut ou ne sera, sont ici en lumiere prophétisés ou restitués; -de perdus, sont retrouvés & recouvrés. Et s'il y a bien davantage: si -quelqu'un a dérobé un oeuvre, il sera découvert, comme il se présume en -vérité, par une bonne révisitation de textes, paraphrases, commentaires, -métaphrases, homélies, annotations, récensions, notes, adversaires, -lectures, leçons, & autres telles négoces & inventions de gloses & -interlignes pédantines. Et les calculez: vous les trouverez ici, sans -qu'il soit plus besoin de tant de livres, romans, poésies, prônes & -bavarderies, qui occupent les esprits mal-à-propos, & lesquels, après -que l'on les sait, ne laissent pas l'industrie d'avoir un paillard écu. -A dire vrai, cette vérité a touché de compassion le coeur de beaucoup de -gens de bien, qui, pleins de charité, comme j'en ai vu de doctes & sages -avancés près les papes, rois, empereurs & républiques, gens sans fard, -lesquels oyant les affamés de bonne lecture, s'amuser à faire joliment -relier, parer, dorer & mignarder proprement des livres communs, tant -vieux que nouveaux; ces bonnes personnes, ayant déplaisir & regret au -tems qui se perd en la lecture de tant de livres de fadaises, de -surcroît emplis de douleur & obscurité, avoient l'ame touchée de -fâcherie & impatience, considérant que ce bon livre n'étoit pas connu -des vrais amateurs de sciences; déploroient la misere de tels pauvres -acheteurs abusés, & disoient: voilà dommage & pitié. Hé! qui ne -s'étonneroit du malheur qui abonde en ce tems. Voilà, ces misérables -dévoyés ont assez de ces livres de vétilles: ils n'auroient pas sitôt en -main un _Moyen de Parvenir_. Sur quoi je vous dirai un grand secret, & -puis l'autre; c'est que vous ne trouverez point en ceci de truandage de -pédantisme, comme ès autres, pleins du ravaudage de folle doctrine qui -n'apporte point à dîner. Et davantage, je vous dirai le secret des -secrets: mais je vous prie, afin qu'il soit secret, de vous embéguiner -le museau du cadenac de taciturnité; & écoutez. CE LIVRE EST LE CENTRE -DE TOUS LES LIVRES. Voilà la parole secrette, qui doit être découverte -du temps d'Hélie, artiste, ainsi que disent les alquemistes. Tenez-le -fort caché, & vous gardez des pattes pelues de ces enfarinés, qui -gourmandent la science & l'emplissent d'abus: étrangez-vous de ces -pifres présomtueux, qui, voyant les bonnes personnes désireuses de se -calfeutrer le cerveau d'un peu de bonne lecture & profitable, s'en -scandalisent: chassez ces écorcheurs de latin, ces écarteleux de -sentences, maquereaux de passages poétiques, qu'ils produisent & -prostituent à tout venant: gardez-vous de ces entre-lardeurs de -théologie allégorique, de ces effondreux d'argument, & de tous ceux qui -aiguisent les remontrances sur la meule d'hypocrisie. Fuyez telles -bêtes; & ne leur communiquez point ce rare trésor; ains le commettez à -gens de bien, comme gens de bien ont pris la peine de le vous donner; -non pour en abuser, d'autant que ce seroit un péché plus que contre -nature, parce qu'il n'est ni mâle, ni femelle. Je m'en rapporte à ces -sages & prudens prêtres, qui nomment leur bréviaire leur femme. O quelle -impiété rouge comme sang! Ceux qui parlent d'abuser de ce qui peut -servir, ne l'entendent pas. Je les renvoie au Principal du Collége de -Geneve. J'en atteste la pantoufle du Pape, que je dis vrai. - - - - -CONCLUSION. - - -XIII. Le second Ministre étoit malade. Je fus appellé pour le voir; je -lui fis au moins mal que je pus. Se trouvant un peu bien, il me parla de -ce Monsieur le Principal, & me dit qu'il étoit fallot. A ce mot, il -arriva; & moi bien aise, & aussi, parce qu'il y avoit occasion de rire, -_inter privatos parietes_, je me mis à faire des contes, & lui aussi; -mais les miens alloient plus vîte: de sorte que, soit ou pour -m'éprouver, ou pour se venger, comme il me l'a confessé depuis, il lui -prit fantaisie de changer de propos, & dit: O nous misérables réformés, -de proférer tant de paroles oiseuses, dont nous rendrons compte; & vous -le premier. Il est bien vrai, dis-je; mais, monsieur, il faut ici -_distingo_ Genevoisien; venons à l'écriture. Le sage dit qu'il y a tems -de rire & de pleurer. Et bien j'avons ri; ce que nous avons dit -n'offense personne. Les paroles oiseuses, sont celles qui offensent, & -qui sont dites pour ôter l'office, ou le bénéfice, ou la renommée à un -homme; comme si je disois, monsieur le principal abuse des graces de -Dieu; & que, pour le prouver, je misse en avant cette démonstration: -c'est que, tous les matins, il fait de son vit un chausse-pied. Ce bon -ministre se prit si fort à rire, qu'il fut tout guéri: & puis dites -qu'il ne se fait point de miracle à Genève. Dis que tu en as, papiste. -Recevez donc ce présent, ce passé, ce futur, beaux & fidèles esprits. -Vous y trouverez un insigne profit, attendu que tous les livres qui -furent jamais faits, ou seront faits par hommes ou femmes, filles ou -garçons, ou neutres, sont signes, ou marques, ou paraphrases, ou -prédictions de cettui-ci tant naïf, clair & évident, lequel est la fin -finale & intelligible de tous: & ainsi que tous ne sont & ne seront -qu'interprétation des secrets ici exposés, & qui ne se trouvent que par -dessein en ce beau & petit abondant moule de perfection exemplaire. -Quiconque le saura, sera capable de toutes sciences, & n'ignorera que ce -qu'il ne saura pas; d'autant que tout est ici au petit-pied en parfaite -idée, clarifiant tout autant qu'il est possible. Que si quelque mauvais -opiniâtre, incrédule, hérétique, stupide, conscientieux, faussonnier, ou -autre ribaudaille ne me veut croire; je parle à vous qui êtes de telle -qualité, & vous dis que, si vous ne croyez, je veux & désire qu'en guise -de personne demi-sainte, chacun pour soi, vous puissiez recevoir une -bonne secouade d'estrapade, qui vous dure une semaine, redoublant -toujours pour mignarder votre constance, ou une gêne de rage de -fondement, ou une cuisson de carnosités intolérable, ou un -chatouillement de fines goutes, ou passion colique, voire tout ensemble -avec toutes autres sortes d'incommodités à la sauce d'Allemagne, tant -qu'à votre requête je vous donne remede. Et ne vous scandalisez, si, en -l'excès de mes charités, je vous souhaite, avec si bonne & sainte -affection, tel & si grand bien. Assurez-vous que ce n'est sans cause, -d'autant que je sais qu'il vous en aviendra un merveilleux émolument; à -cause que, chatouillés de telles friandises de maux & trouble, de l'aise -cruel que vous en sentirez, aurez connoissance de votre faute, & ne -serez plus juges ingrats d'autrui, qui peut-être vaut mieux que vous. -Ainsi ce mal vous réussira en bien, afin que, vous souvenant de ce livre -en vos rigueurs, vous y aurez recours; & vous vous en trouverez ou de -même, ou mieux, ou pis, au grand avantage du salut de votre ame, si vous -en savez bien user, & comme nos bons peres de familles, qui traitent -bien leurs hôtes, & entretiennent les toîts de leurs maisons, de peur -d'être incommodés. - - - - -COROLLAIRE. - - -XIV. Par manda, j'en jure la bonne fête de madame la Saint-Jean, que je -ne daignerois vous tromper loyalement; & y eût-il à gagner autant que le -monde vaut, & fiez-vous en moi, comme le pauvre la Motte, qui étoit sur -l'échaffaud prêt à être rompu, ce qui le fâchoit fort, parce qu'il ne -l'avoit pas accoutumé, & il dit au greffier: hélas! monsieur le -greffier, à la pareille; souvenez-vous de la grace que messieurs m'ont -promise; je m'en fie en vous. Là, monsieur de la Motte, mon ami, -fiez-vous à moi; on ne vous fera nul mal. Mais tandis que je vous -sermone, il m'est avis que je vois un glorieux caparaçonneur -d'intelligence bigarrée, qui, donnant dans les hypocondres de la -conscience, pour éclorre quelque oeuf d'hypocrisie feint, qu'il a couvé -sous le voile bigot de sapience folle, lequel grignotant de dépit, & -pour faire l'habile homme, jettera dédaigneusement l'oeil sur ce -monarque des livres d'humanité; blasphémera, & pour en conter se fera -peter les mâchoires, comme un vendeur d'époussettes, disant que nos -paroles sont erronées; & nous pensera faire des escapades d'admirations; -alléguant des sentences du livre saint, auquel tels que lui n'entendent -rien. O toi donc cettui là à qui je parlois tantôt, relevé d'orgueil, -bouquin qui as été mille fois gourmandé par ta chambriere, ainsi qu'il -se fait volontiers en nos cloîtres. - -BEZE. Savez-vous comment? Je fais cette parantese à votre discours; -beuvez; puis vous acheverez. Mais devant, sachez que, quand une femelle -s'addonne à un écclésiastique, elle est, le premier mois, sa chambriere; -le second, elle est sa compagne; & le troisieme sa maîtresse; & ainsi -conséquemment. Et de fait, votre chambriere vient-elle demeurer avec -nous (pour nous servir, cela s'entend); le premier mois, elle est tant -sage, que tout ce que j'ai est à moi. Si, en sortant de l'église, je la -vois venir de chez un des confreres chanoines, je lui demanderai: d'où -venez-vous, Jeanne? Je viens de chez votre compere, quérir votre -vaisselle, que vous laissâtes hier que vous y fûtes souper. Ho dà! tout -est encore à moi. Le mois d'après, je ferai la même question en même -posture. Elle dira, je viens de quérir notre vaisselle, que nous -laissâmes hier, chez notre compere où nous soupâmes. Ha, ha! nous y -avons encore part. Mais après, si je l'interroge; elle me dira bien -autrement. Que vous avez d'affaire, & n'avez point de chemise au cul! -Vous voulez tout savoir comme les grands. Je viens de quérir ma -vaisselle, que je laissai, hier au soir, chez mon compere où j'ai soupé. -Voilà, tout est à elle. Mais je ne t'ai pas laissé, ô maître sophiste, -perdu de la vanité de tes imaginations; ame déloyale qui ne peux -comprendre le légitime _Moyen de parvenir_, auquel tu prétends d'arriver -par sottise ou fraude ordinaire. Entens, vestaudier, que nous ne parlons -ici que des livres d'humanité; & t'en vas faire panser à mon barbier; il -te donnera, pour te faire docteur, une éponine ou épauliere, d'un coup -de barre de fer, sur le collet, en guise de chausse d'hypocras, ou de -hallebarde de drap. Que je dirois de belles choses, si je les savois; & -en bons termes & beaux, si j'osois éventer ma doctrine. Je ne suis pas -de ces petits docteraux, dont il est écrit: j'ai une tête de docteur à -dîner. Un avocat du Mans ayant plaidé pour un boucher, & ayant gagné sa -cause, il trouva sa partie. Hé bien, lui dit-il, n'ai-je pas bien plaidé -pour vous? Je le sais bien, dit-il, monsieur; aussi en récompense, vous -avez la plus belle tête de veau qui soit en la ville: ce sera pour votre -dîner. Ce jour-là, nous devisions, en dînant, de choses diverses. On -parloit d'une tête de veau, & aussi d'une serviette. A ces dernieres -paroles, un jeune chantre dit à un monsieur: véritablement, monsieur, -vous en avez une belle sur les épaules. Oh! devinez s'il parloit de -tête, ou de serviette par intelligence. Je ne suis pas aussi docteur à -la vinaigrette, ainsi qu'un tas de sages & beaux docteurs qui sont -_doctores à docendo_, comme _montes a movendo_. C'est lancer du latin -cela, comme pois en vessies. Allez donc au grat, correcteurs ingrats, & -vous gratez le cul au soleil; puis succez vos ongles. Ça ici, bons amis -du coeur, gens dociles, qui savourez le bien que dieu donne, voyez cette -analogie d'harmonie parfaite. Si quelqu'un ne prend plaisir à ce banquet -& aux beautés qu'il a produites, qu'il se fasse fouetter, comme fit -celui qui s'adressa à madame la principale. Je vous prie d'écouter ce -qu'en dit Ramus, qui fut son proche voisin. Paix là, paix; écoutez cet -homme de bien. - -RAMUS. Près le collége du cardinal le Moine, de mon tems, & non si près, -que ce ne fût aux fauxbourgs, une sage dame que tout le monde nommoit -madame la principale, un mercredi matin qu'elle étoit à la porte assise, -sans penser en mal, non plus qu'un autre: voici venir à elle un beau -jeune homme habillé à la jésuite, ainsi qu'un écolier envoyé pour -étudier. Il avoit une soutane. Soutane est un vétement; vétement est un -accoutrement; accoutrement est dont on s'habille. Il étoit donc habillé -d'une soutane. C'est comme nous eussions dit, de notre tems, _un saye_ -tout d'une venue. Je dis ceci, afin que vous trouviez ici la raison de -tout; & notez qu'il est vrai que, de ce que vous desirez avoir la -raison, sans faute vous la rencontrerez en ces mémoires. (Remarquez ce -grand & admirable secret.) Si vous ne la rencontrez à votre intention, -voici le remede; écrivez-la en un papier tant de fois, la corrigeant & -racoûtrant, qu'elle vous plaise; & au soir, à soleil couchant, -transcrivez-la, ou la faites transcrire en ce livre; & je vous assure -que vous l'y trouverez au matin, si vous vivez: & que vous y regardiez, -& que le livre soit encore en votre puissance, & que n'ayez perdu la -vue, ou la mémoire. Et s'il y a encore quelque chose à dire, je le tiens -pour dit, & c'est en quoi git l'admirable perfection de cette notre -science universelle, mondaine & céleste. - - - - -DESSEIN. - - -XV. Mais à propos je m'ébahis comment, ô bon Gilandius, & me fâche qu'en -Europe les chrétiens, même les bons catholiques, usent tant du vétement -des Turcs, vu que nous ne voudrions pas être Turcs. Et ce qui me met en -plus grand souci pour ces soutanes, est que tel habillement est devenu -commun au grand préjudice des cocus, depuis que les braguettes ont été -déclarées insupportables. Je me souviens qu'aux seconds troubles nous -étions en garnison à la Charité. Etant en garde, s'il passoit un homme -avec une braguette, nous l'appellions papiste, & la lui coupions: -c'étoit mal fait, d'autant que sous tel signe, il y a de grands mysteres -quelquefois cachés, vu que papiste peut signifier _pere de la foi_, ou -_suivant la foi paternelle_. Je m'en repentis, & m'en allai à Cosne, où -nous nous fîmes soldats derechef, & nous mîmes ès bandes catholiques. Il -nous avint une autre cause de remords de conscience: c'est que, voyant -ces ébraguettés, les disions huguenots. Notre bon ami Budée m'avisa de -ce péché, m'instruisant que ce mot étoit grec, signifiant _heureusement -reconnoissant_. En cette agitation, je m'en allai à Basle, dont je -revins avec les jésuites, qui en apportoient cette invention. Je les -laisse disputer avec Calvin, pour voir qui sait mieux entr'eux la -religion du Turc, c'est-à dire, turcisme. O Suisses heureux! ne changez -jamais de braguettes. Voyez, il ne faut que ce texte pour faire brûler -beaucoup de pauvres gens. Ne changez point vos coutumes avec celles du -Turc qui ne boit que de l'eau. Boire du vin, c'est être bon catholique. -Y mettre trop d'eau, est se sentir de l'hérésie. Ne boire que de l'eau & -avoir le vin en haine, est pure hérésie noyable, approchant de -l'athéisme. N'en parlons plus. Mais vous, messieurs, qui avez femmes -belles & friandes ou belles amies, defiez-vous de ces buveurs d'eau, & -de ces gens qui ont la queue si longue, sous laquelle en liberté pend -l'outil à faire la pauvreté. - -CESAR. Qu'est-ce que _faire la pauvreté_? - -RAMUS. Puisque je vous vois ententif, aussi éveillé qu'un chat qu'on -fesse, vous le saurez. Toutefois je m'étonne, que vous, qui êtes Latin, -ne le savez; & sur-tout vous, qui, entre les galans, savez mieux votre -cour. J'ai pensé dire comme nos docteurs, votre _entregent_: mais il me -sembleroit dire _entre-jambes_; tant cela est fat. Mais oyez: _Bipes -facit damnum_, l'animal à deux pieds fait dommage. Onan en mourut -célestement puni. _Quadrupes facit pauperium._ Venez un peu ici, hé! -couilliacier de Papinian. L'animal à quatre pieds fait la pauvreté; -c'est que, faisant la pauvreté, on a quatre pieds; on pratique le doux -androgine, on fait la bête à deux dos; on fait le destin d'homme à -femme; c'est faire la cause pourquoi, c'est exercer les bons membres; -c'est être bonne personne, parce que nul n'est bon, & n'y a bonne -personne, que celle qui, se faisant du bien, en fait à un autre. Il y a, -_Fac benè, & benè tibi erit_. Et bien, voilà alléguer la loi, comme un -beau petit licencié de l'antechrist. Si, nous autres doctes, n'avons que -faire de noter le titre, ni le paragrafe, c'est à ces petits écoliers, -qui ne font que venir, & tous nouveaux commencent à briller. - -SEVOLA. Cet écolier ensoutané vouloit-il faire la pauvreté avec la -principale? - -CARPENTIER. C'est bien au rebours. Quand il l'eut profondément saluée, -(ainsi on salue les dames; & les hommes, on les salue longuement & -directement, &, _à contrario, quia_) elle, lui rendant son salut, lui -dit: treves de chapeau, Monsieur; mettez dessus. Il repart: treves de -fesses, Madame, tenez-vous ferme. Ainsi les hommes saluent du chapeau; & -les dames saluent du cul. - -RAMUS. Poursuis, garçon. - -CARPENTIER. Ayant mutuellement achevé la salutation, il lui dit qu'il -desiroit parler à elle, s'il lui plaisoit. Elle le mene en sa chambre, -où ils s'asséent, & il dit: Madame, étant trébuché en extrémité de -creuse dévotion, j'ai bonne envie d'être fouetté, réellement & de fait, -par quinze matinées consécutives. S'il vous plaît me faire ce bien d'en -prendre la peine, je vous donnerai douze beaux écus, & un écu pour les -verges. Elle répond: Monsieur, excusez-moi, s'il vous plaît; je ne me -connois point en fouetterie. A donc ce jeune ensénovillé gracieusement -se retire. Oh! combien il y a d'écoliers, qui voudroient que fesserie -fût éteinte, & que l'on n'en parlât non plus que de nôces en paradis. La -dame, revenue à sa porte, fut enquise, par une voisine curieuse, de -l'intention de ce beau fils, à laquelle la principale le déclara. O, ma -voisine! dit l'autre, que ne me l'avez-vous adressé! Il le faut -appeller. Huguette, (c'étoit sa servante) allez après, lui dit la -principale. On cria après lui, à la mode des marchands de Paris: -Monsieur, Monsieur! Il revint, & demanda à la dame si elle s'étoit -ravisée. Non, dit-elle, mais voici ma commere Laurence, qui vous rendra -content. Elle les mit ensemble; & ils allerent chez elle, à l'enseigne -de la coquille, faire leur marché; & depuis il vint, tous les jours, -être fouetté demi-heure; & ce, à sept heures du matin, qui est une heure -fort commode à se faire fouetter; je vous en avise. Laurence, le -trouvant gras & frais, eût bien voulu qu'il l'eût fouettée de verges de -Saint-Benoît, dont il ne faut qu'un brin pour faire une poignée. Le tems -& la fesserie accomplie, le fessé paya fort bien la fesseuse, & s'en -alla. La bonne dame, à ce qu'elle disoit, en s'en délayant les -badigoinces, eût bien voulu avoir souvent de telles pratiques: aussi -étoit-elle de nos soeurs, faisant souvent plaisir aux amis; & faisoit -exercer, comme dit Plaute, le proverbe de tantôt: _fac benè, & benè tibi -erit_. Fais le bien, & il te fera grand bien. Ce sont de belles choses. -Belles, si vous le savez, taisez-vous: si vous ne le savez, laissez-nous -faire; nous vous l'apprendrons. Or Laurence ne faisoit pas l'amour; (il -est tout fait; apprenez, jeunesse) mais elle pratiquoit les jeux d'amour -avec un moine de Saint-Denis, qu'elle aimoit de bon foie, de bon coeur, -(laissons le nom) de bonne cuisse, & de bon ventre. La coutume en étoit -pour lors, parce que c'étoit durant les guerres, devant ou après; (il ne -faut pas être si exact en tems, si ce n'est aux contracts, & sur-tout -entre faussaires) & puis à Saint-Denis ils étoient tous gentilshommes; -parquoi toutes bonnes conditions leur étoient permises; même ils les -autorisoient: ce qui ne peut être, depuis, à ce qu'on m'a conté, qu'il y -en est entré qui sentent l'aune, le marc, le mortier, & autres telles -ustensiles roturieres, qui est cause qu'ils sont sujets à la loi -commune, puis qu'ils sont enfans de personnes communes, _in utroque -genere_. Or bien son ami frere Ambroise (dont on chante: _vous avez bû -la cervoise, frere Ambroise, dont vous êtes enivré_) lui envoya sa -haquenée. J'ai quasi dit _son haquené_, d'autant que son fils représente -sa personne. La bonne Laurence monta dessus, en bonne intention de lui -aller apprêter un bouillon. Aussi falloit-il restaurer le pauvre -religieux qui étoit infirme, ayant une forte colique dans le ventre, ou -dans la tête. Elle s'achemine. Et ainsi qu'elle est dans cette forêt de -moulins à vent, voici sur la brune son fessé avec sa soutane, qui lui -vint à la rencontre: & sur cela belle chose & grande pitié. Pleurez, -vieille, pleurez: mais non faites; d'autant qu'il n'y a point de rime -sur vieille; & j'en dépite tous les poëtes, fussent-ils autant savans -que _chose_. Pleurez donc, & chiez bien des yeux; vous en pisserez -moins. Cet homme, qui avoit eu la fessée au prix de son argent, vint à -elle, & lui dit: mettez pied à terre; &, lui faisant la révérence de -basse taille, avec un visage déchiqueté de mines remontrantes, -passementé de rides de répréhensions, la prit & l'empoigne, & s'assit -sur une pierre du chemin, la met sur son genouil le cul à mont, la -trousse comme une petite fille qui va à l'école chez un montreux, & la -fesse à nud avec de bonnes & sanglantes verges sur son cul de derriere. -Elle n'en vit rien; & cette action lui repoussa fort & ferme le -fondement. La haquenée, toute ébahie, regardoit si on lui en feroit -autant, pour la passer maîtresse, comme le cheval de Rabelais fut passé -docteur à Orange, sous le nom de _Joannes Cavallus_. Après la fessade -accomplie, le jeune homme remit madame Laurence sur sa bête, à laquelle -tournant la tête vers la ville, il la renvoya & tout le paquet à la -ville, recommandant l'ame de Laurence à sa bonne grace. La pauvrette -revint avec grande frayeur, & se mit au lit, où elle ne fut que cinq -jours, finis lesquels elle mourut comme une vache qui trépasse. - -CESAR. Hé quelle fessée! Quel appliqueur de stigmates sensuels! O diable -si cela me plairoit; j'aimerois mieux que tels -fouetteurs-fouettés-fouettant, attendissent à naître après le jugement. - -CARPENTIER. Or le fouetté-fouettard conduisit sa fouettée de belles -bénédictions, en lui disant: adieu, ma douce amie; ci-après soyez sage. -Bienheureuses sont les personnes bien fouettantes, & bien fouettées. -Voilà comme la pauvre Laurence a changé d'air; & avint, à sa mort, une -merveille notable, une chose émerveilleuse. C'est que son ame sortit de -son corps par l'endroit proportionnel & semblable à celui par lequel -toutes les autres ames s'en vont. - -ESOPE. Que faisoit la haquenée, tandis qu'on fessoit la dame? - -RAMUS. L'as-tu pas ouï? Elle chioit de male rage de peur; & fiantoit si -sec, que ses étrons devinrent étuis de lunettes, pour ceux qui ont -courte haleine: mais un petit bout de patience. Messieurs les -théologiens, dites-moi, si vous savez tous, qui étoit ce -fouetté-fouettant. Vous en savez autant les uns que les autres. Vous -hésitez, parce qu'il rendoit la pareille pour néant contre vos maximes: -rien pour rien, tout pour argent. A dire vrai, (& je l'ai appris du -grand vicaire du pape Jacques sixieme) que c'étoit un bon & magnanime -pénitent, l'un de ceux qui (par dispense spéciale, comme dit le docte -St. Antonin, lequel sortit de purgatoire, pour faire bien à quelques -ames extravagantes. Si vous n'admettez cela, je dirai que c'étoit un -vrai diable) s'en vint trouver proie, la goule enfarinée de bresil, se -connoissant en parchemin; & parce que cettui-ci n'étoit pas vierge, il -le courroya, ainsi que sera le vôtre, s'il y échet. Amen. - - - - -HOMÉLIE. - - -XVI. CUJAS. Le parchemin peut bien mais de ceci; je m'en rapporte à la -Nonnain, & ne le voudrois avancer, sans que ces méchans hérétiques en -font le contenu au désavantage de la Religion: parquoi je le dirai au -vrai pour leur fermer la bouche, & qu'ils soient punis s'ils disent -autrement qu'il n'en est. Cette dame, par avis de connoissance, & pour -savoir le plaisir qu'il y a, sans toutefois tendre à aucune volupté ou -déshonnêteté, avoit voulu faire la pauvreté, & la fit moyennant un ami, -à quoi il n'y a point de coulpe, ainsi qu'elle m'a dit, d'autant qu'elle -ne s'y étoit obligée, ni par serment, ni par notaire, ni prêtre, ni -ministre. Aussi c'est un grand fait, que depuis qu'un fou de prêtre, ou -un étourdi de ministre, ont donné congé à deux personnes, ils le font à -gogo; mais le diable y est, pour autant que les pauvres mariés le font -par contract; ils y sont obligés: & les autres le font par plaisir, sans -être sujets à la loi, en quoi gît tout contentement. L'abbesse, un jour, -s'appercevant que cette nonnain venoit à quatre pieds au choeur, la prit -à part, & lui remontra, la censurant améro-doucement, comme font les -capucins, qui en cela imitent les ministres de Genève, qui épluchent à -leur mercuriale qu'ils font le jeudi prochain des quatre-temps, & puis -vont banqueter ensemble. Soeur Dronice, qui ne voulut point être tancée -pour avoir bien fait, lui dit humblement: madame, pardonnez-moi; je ne -pense pas avoir failli. J'ai lu au grand livre de parchemin: _bonum est -omnia scire_, il est bon de tout savoir. O, ma fille, il falloit tourner -le feuillet, vous eussiez trouvé: _& non uti_, & n'en faut pas user. -S'il eût été usé je n'en eusse pu travailler. Madame ma chere mere, -excusez-moi, s'il vous plaît; quand je serai de votre âge, je tournerai -le feuillet. - -SOLON. Puisqu'elle n'avoit point gâté son fruit, il la falloit louer. Si -jamais je fais des loix, je me joindrai avec notre ami Lycurgus, & -promulguerai cette-ci: _Toute fille qui aura fait un enfant à crédit, -sera dotée aux dépens de la ville_. - -PLUTARQUE. Si cela est reçu, on aura de beaux enfans, que les meres -feront à la dérobée; & les meres seront conservées; au contraire que, -selon qu'il avient souvent par sotte & maudite cruauté, les meres tuent -leurs enfans, puis sont justement punies, faute de bonnes loix. - -DENIS. Le diantre emporte qui en ment, disoit Janot à sa mere. - -PLUTARQUE. Je vous assure que j'ai ainsi ouï parler, & l'ai mis en mes -apophtegmes françois, & bien d'autres de ces menues réponses. Sa mere, -disputant, un jour, avec lui, & par dépit de quelque mauvais ménage, lui -reprocha sa femme, lui disant qu'elle étoit putain. Hau, ma mere, -dit-il, laissez-là ma femme, je vous prie; parlez de vous. Il est vrai -que, comme on lui dit que sa mere très-malade, se mouroit, il courut -l'assister plutôt que sa femme; &, comme on lui en disoit quelque chose: -otto o, dit-il, si je perds ma mere, je n'en pourrai retrouver une -autre; & si ma femme meurt, j'en trouverai assez d'autres. Sa mere étant -relevée, & devisant, avec sa voisine, du secours que lui avoit apporté -son fils, le vit venir, elle va dire: le voilà qui vient, ce grand -maladroit; mais avisez un peu comme il marche, ce grand fils de putain. - -POLIPHILE. Un jour, il m'en avint autant. Ma mere étoit fâchée contre -moi, & me voulut fesser; je résistai; elle me dit: tu en auras une autre -fois, petit fils de putain. Mon pere me trouva tout pleurant; & je lui -en dis la cause. Va lui dire, ce me dit-il, qu'elle est une sotte. Elle -me répondit, aussi-tôt que je le lui eus dit: va dire à ton pere qu'il -est un cocu. En même tems, un petit garçon de Paris appella un autre, -fils de putain, qui s'en prit à pleurer, & le vint dire à sa mere, qui -lui dit: que ne lui as-tu dit qu'il avoit menti? Et que savois-je, -dit-il? Ainsi parloit le curé de Saint-Denis, un dimanche, à son prône; -il exhortoit tout le monde, & dit aux dames: quant à vous autres, mes -bonnes paroissiennes, je vous reconnois pour femmes de bien; mais vos -enfans sont de mauvais fils de putains. - - - - -JOURNAL. - - -XVII. COMINES. A ce propos; une après-dînée, la reine d'Egypte étoit à -deviser, en sa chambre, avec quelques dames, sans autres personnes -(c'est qu'il n'y avoit ni homme, ni prêtre, ni moine, ni ministre). Le -seigneur de Danois se présenta pour entrer. Comme il eut vu qu'il n'y -avoit point d'homme, il se retira. La reine, qui l'avoit apperçu, -l'appella: ho, monsieur le grand prieur, entrez; vous y pouvez bien. Au -commandement, il s'approche. Elle lui dit: nous étions sur le sujet des -dames. Vraiment, madame, le sujet est unique en perfection. Mais qu'en -dites-vous? Tout bien, madame. Et encore? Dites-nous-en, à bon escient, -votre opinion. Puis qu'il vous plaît, madame, par la mordong, toutes les -femmes sont putains. O, ho, dit la reine, & moi? A, ha, madame, vous -êtes la reine. Et votre mere? Madame, ne parlons point des trépassés. - -BRUTUS. Comment vous parlez au désavantage des dames? - -COMINES. Point, d'autant que cela ne les touche aucunement. Mais à -savoir, s'il y a honte, ou non? Je pense que non. Si quelqu'un nommoit -une dame boiteau de foin, lui feroit-on autant ou même tort, que de -l'appeller putain? - -BRUTUS. Il n'y a point d'apparence. - -COMINES. Et si c'est une même chose, que direz-vous? - -BRUTUS. Je ne sais. - -COMINES. La nuit passée, il y eut un moine dru, gai & gaillard, qui fut -surpris avec une garce. J'ai quasi dit avec une _grace_; il n'y a que -transposition de lettres. Il s'étoit ébattu avec elle, _cum commento_, & -la sauce. Ses supérieurs lui remontrent qu'il avoit offensé. En -s'excusant, il démontra que non, disant qu'il étoit, selon la pauvreté -de l'ordre, couché sur un boiteau de foin: _quia omnis caro foenum_, -parce que toute chair est foin. Concluez. - -GUIDO. Je pensois que vous voulussiez donner jusques à St. Denis, & -parler de frere Jérôme, qui cherchoit la pierre à casser les oeufs. - -ALAIN. Qu'est-ce à dire! - -VIVES. Vous le saurez tantôt. Ce moine, pour le dire plus gaiement, -cherchoit la pierre philosophale, & étoit Parisien. Et de fait, j'ai été -en beaucoup de lieux & places du monde habitable philosophique, & je ne -vis jamais en aucun endroit tant de Parisiens qu'à Paris. Et bien que, -durant le grand jubilé, je visse beaucoup de Bretons à Rome, si n'en -ai-je tant vu oncque en un monceau qu'en Bretagne. Ne fou déplaise, ô -gros Thevet, bête de bon esprit, que tu étois sot, quand tu me dis qu'il -n'y avoit point de contrée, où il y eût plus de vingt-quatre heures de -jour, & que tu estimois que payennerie fut nationneté, comme tu dis en -ton livre des portraits des Grecs, Latins & Payens! Ta révérende -cervelle symbolise avec celle de messire Guillaume le Vermeil, quand tu -dis en ton histoire qu'Anacréon s'étrangla d'un pepin, (comme il -témoigne par ses écrits. Tu es un faiseur de parenthèse)! dont il mourut -parenthésaquement au monde. - -THEVET. Je vous attraperai tantôt, maître rufian, qui faisiez semblant -de me visiter; mais c'étoit pour, en mon absence, travailler ma jeune -chambriere. - -BRUTUS. Que tu dis de sottises! Ne saurois-tu lui dire autrement? Il -t'est avis que tu dis bien, d'avoir parlé de travailler, comme la -derniere fois que nous étions avec le feu roi notre maître. Tu voyois un -grand viédase d'évêque sur un beau cheval, & l'ayant considéré, le nous -vins dire: voilà un homme qui besongne mal, pour dire _il chevauche -mal_. - -VIVES. Laissons cela; nous le dirons au roi. Or frere Jérôme, cherchant -la pierre philosophale, que sans doute on trouvera ici. (Et ce que je -vous dis est vrai; & s'il n'est vrai, je puisse mourir devant toute la -compagnie, demeurant aussi sain & sauf que je fus jamais, ainsi que -Georget notre métayer, à qui son compere dit: je sui mau de toi. Et que -te faut-il? On dit que tu couches o ma femme. Pardai, Jean mon ami, -mordienne, ils sont menteurs. Que je passe monter sur iquent hesne, & -que j'en tombe de branque en branque, que je me rompe le cou sans m'y -faire mau, si je toque en pus que tai. A de pardi, alin bere, compere, -alin bere). - - - - -MAPPE-MONDE. - - -XVIII. Or frere Jérôme avoit consumé plus de trente ans à sa recherche, -& n'en avoit rien rapporté. J'en crois le Vigénere, qui n'en a pas fait -moins. C'est lui qui m'a fait ce conte; à quoi il ne songe pas à cette -heure, tant il est jaloux. Le voilà avec Postel, à fripper quelque vieil -haillon d'histoire, pour accommoder sa pierre. Les parens du frere -Jérôme, voyant qu'il se consumoit mal à propos, délibérerent ensemble de -lui en faire quelque gracieuse remontrance (non pas si grasse, que la -faveur de la vieille, à laquelle on avoit dit qu'il falloit graisser les -mains de son avocat; & elle, le prenant par derriere, lui ondoyoit les -mains avec une piece de lard, ainsi qu'il avoit les mains sur les reins. -Le bon homme, se revirant, lui dit: que me faites-vous, ma mie? On m'a -dit, monsieur, que je devois vous graisser les mains. Ha, pauvre bonne -femme, ce n'est pas dit quelle graisse). La conclusion prise, pour -tâcher à le détourner de telles follies, un des plus notables parens eut -charge de l'aller inviter, lequel le moine lui promit, moyennant la -commodité de monsieur son fourneau, qu'ils nomment _athanor_, dont les -fous alquemistes font un grand Achilles, ayant trouvé en Néhémie ce mot -_Athanorum_, i. des fourneaux. Voilà une des gloses des chymistes, dont -la secte est la plus jolie du monde, parce qu'à leur dire, & entr'eux, -il n'y en a pas qui sache; ils se tiennent tous pour bêtes au spécial, & -n'en estiment aucun, qui, au jugement des autres, ne soit un ignorant: -mais s'il y en a quelqu'un qui se laisse mourir, le voilà, par leur -jugement, aussi-tôt canonisé. O, diront-ils, grande perte! S'il eût -encore vécu quinze jours, trois heures & dix-sept minutes, il eût achevé -l'oeuvre, que j'acheverai, d'autant que j'ai son secret. Mais le -principal est de dîner; à quoi faire, vint à Paris le frere, qui s'y -transporta sans oublier son bon appétit. Il trouva bonne compagnie, qui -fit bonne chere. Après dîner, selon l'avis pris, vint à lui une dame -choisie entre celles qui ont été dépucelées sur le tard de leur âge. -Telles sont plus sages & meures, parce qu'elles n'ont tant été, ni sitôt -hochées; elles en sont plus fermes. Adonc la sage vieille, prenant la -main charbonneuse de frere Jérôme, lui dit: monsieur mon cousin, la -pitié que nous avons de vous voir décheoir, non-seulement de commodités, -mais aussi d'honneur, vu le mépris auquel vous gisez par vos -déportemens, est cause que nous nous sommes assemblés; & nous vous avons -appellé ici, pour vous dire notre ennui, vous priant de vous reconnoître -& penser à vous, & au lieu dont vous êtes sorti. Vous êtes en âge d'être -sage; faites paroître que vous l'êtes, prétendant à choses dignes de -vous. Que cuidez-vous, pour devenir si riche? Quand bien cela -aviendroit, que vinssiez à bout de votre philosopherie, vous devez être -content, vous avez le viton & le vetiton, sans en rechercher davantage -par cette arquemine. Il ne lui laissa pas achever, qu'il lui dit: madame -ma bonne cousine, je vous prie ne passer outre; je ne m'y amuserai plus -gueres; j'ai presque fait: mais il faut achever; je suis sur le point. -Ne pensez pas pourtant que je cherche ce grand bien, pour être riche; je -suis assez content d'avoir le _victum_ & le _vestitum_: mais sachez, ô -bienheureuse cousine, si vous le voyez, que, quand j'aurai fait cette -divine oeuvre, j'aurai une belle poudre, de laquelle je prendrai, au -soir, ou au matin, un seul petit grain, avec de la conserve de roses; & -je le ferai sept coups. - - - - -MÉTAPHRASE. - - -XIX. Dis que tu en as, grand chemise: & moine de rire, & de conter que -l'hiver passé, que la Seine chariote, un fauconnier venoit de la chasse, -avec son valet, qui l'avoit fâché; & il le vouloit battre: quand ils -eurent mis pied à terre, il y parut. Le maître prit une fourche, pour -plauder son serviteur, qui, n'en étant pas d'accord, s'enfuit & se jetta -en la riviere, qu'il passa à la nage; puis étant delà l'eau, le poulce -contre la joue, la main en aîle, fit la quine-mine à son maître, lui -criant tout haut: j'en savois bien d'autres. Et, là, là, _mundus, caro, -dæmonia_, le monde n'a cure de moines. - -CUJAS. Cette belle haquenée de bran nous a fait perdre la pierre à -casser les oeufs. - -VIVES. Non, ha non, j'y suis. Il y avoit, près Saint-Yves, un jeune -gentilhomme logé en chambre garnie, seul en sa chambre. Et ceci avint, -durant qu'il y avoit grand débat entre les moines & les ministres, pour -décider, qui étoit le mieux dit: _c'est demi-vie que d'être saoul_: ou, -_c'est demi-vie que de rire_; sur quoi ils se confondoient comme -hérétiques. Ce jeune homme, qui ne se soucioit pas beaucoup de ces -débats de théologie, jetta l'oeil sur la servante, qui étoit une assez -belle connaude, mais un peu nice. Il parloit souvent à elle assez -froidement & discrétement. Entr'autres, un jour, il lui dit: vous êtes -des champs, ma mie? Voire, monsieur. Je m'en doutois bien: je ne laisse -pas de vous aimer, autant que si vous étiez de la ville, vous voyant si -bonne fille & si bonne ménagere. En dà, monsieur, je vous en rends -graces. Or, ma mie, parce que je vous aime, & que vous nous servez bien, -je vous veux avertir, pour votre grand profit, qu'il y a un certain mal -qui prend aux filles des champs, quand elles viennent demeurer en la -ville: c'est qu'il leur croît dans le ventre de petits oeufs, qui y -grossissent & se durcissent; & puis il faut que les pauvres filles -montrent leur derriere au barbier. Je serois marri que cela vous avînt. -Il n'aviendra pas pourtant, si vous me voulez croire. Je ferai quelque -chose pour vous; & il est tems d'y commencer: je vois, à votre teint, -qu'il y en a déjà. Ardé, monsieur, je vous suis bien attenue; il est -bien vrai que je ne me porte pas bien; je ne suis pas en mon naturel. Je -vous donnerai demain quelque chose. Le matin venu, qu'elle vint en sa -chambre, il lui donna une cueillerée d'hypocras blanc, qu'elle savoura, -& lui dit qu'elle allât & vînt par le ménage, puis qu'elle déjeûnât d'un -peu de pain sec. Cela fut continué, deux ou trois jours. Un matin que -madame n'y étoit pas, il prit cette fille; & riant doucement, il la posa -contre le lit, comme pour lui regarder en la bouche. Hélas! monsieur que -voulez-vous faire? Je ne vous ferai point de mal; je veux vous casser un -oeuf, qui est prêt de se durcir. Elle se laissa faire & lui fit -céleques; il lui mit chair vive en chair vive. - -CUJAS. Mais encore, ô bon Lycurgus, est-ce péché de mettre chair vive en -chair vive? - -LYCURGUS. Non, quand ce n'est point contre les loix écrites. Si vous -mettez votre nez en mon cul, ce sera chair vive en chair vive; c'est -auprès de la merde. - -VIVES. Le gentilhomme acheva ce qui n'étoit point commencé: aussi ne -sauroit-on besongner une pucelle, parce que l'on ne sauroit mettre si -peu avant, que ce ne soit achevé. Elle s'en trouva fort bien, sinon -qu'il lui cuisoit un petit; & non tant, qu'elle ne fût contente d'y -retourner, tellement qu'en dépit qu'elle vouloit bien, il lui cassoit -souvent des oeufs au corps, au grand plaisir de la fille, qui eût voulu -en avoir autant en une ventrée, que l'on eût pu en casser en cent ans, -sans faire autre chose. Un jour que déja elle y étoit affriandée, & -qu'elle avoit trop musé, sa maîtresse la tança, quand elle fut -descendue, lui disant: vous êtes une affetée; vous faites quelque -méchanceterie avec cet homme de là-haut. Ha, ha, becasse, babouine, -qu'avez-vous tant fait là-haut? Rien autre chose, madame. Vous avez -menti, vilaine. Ne vous déplaise, madame; c'est ce que je vous dis. Vous -faites là-haut quelque rien qui vaille, avec cet homme. Hélas, madame, -ma bonne maîtresse, vous avez grand tort; c'est le plus honnête homme du -monde: il m'étoit venu des oeufs au ventre; & il me les a cassés. Quels -oeufs sont-ce, vilaine, quels oeufs? O regardez, madame, s'il n'est pas -vrai; tenez, je hausse ma chemise; voyez-en le devant, qui est tout -mouillé de la glaire qui en est sortie, quand il les cassoit. - -TERENCE. Sa maîtresse ne lui fit rien? - -GUIDO. Et que lui eût-elle fait? Elle la devoit tuer, voire donc sans -qu'il y parût. - -TERENCE. Comment ce feroit cela? - -GUIDO. Mon ami, si tu veux faire mourir une personne, sans qu'il y -paroisse, souffle lui si fort par le cul, que l'ame s'en aille par la -bouche. - -TITE-LIVE. Par Ædepol, voilà de belles nouveautés. - - - - -PARAGRAPHE. - - -XX. Davantage, il y a je ne sais quelle sorte de bouts d'hommes, ayant -les ames mal préparées à ces enseignemens, lesquels ont de petites -putains de fantaisies, qui les empêchent de voir & entendre. Tels -diront, comme faisoit hier un maquereau de l'antechrist: je ne sais que -trouver ici de nouveau. Je savois bien cela; je l'ai vu autre part; je -l'avois ouï dire. Pauvre défoncé d'entendement, avalé de la brague de -raison, déchaussé de cervelle jusques aux talons, fou métropolitain, -penses-tu pouvoir proférer quelque indiscrétion contre ce code de toute -vérité? Ne sais-tu point que ceci est proportionnellement établi plus de -cinq cents ans avant la création du monde? Te voilà au rouet: tu -n'entens pas ce problême. Aussi ne font plus sages que toi. Et encore tu -oses gronder, hérétique que tu es! Es-tu plus que le roi, qui sait bien -que, quand ce volume ne seroit point conféré au public, il ne lairroit -d'être écrit dans les ames des doctes, gravés dans les coeurs des -savans, imprimés dans les consciences des gens de bien, insculpé ès -esprits curieux, & mis au net dans les entendemens des bonnes personnes, -selon la minute qui en fut brochée par les premiers peres. De là avient -que, quand qui que ce soit s'est immiscé, mettroit, ou se mettra en -avant à faire quelque chose de bon, il se trouvera tiré & extrait, ou -puisé de cette source abondante en bénédictions de fontaine doctorale. -Croyez-le, si vous voulez: ou ne le croyez pas; si est-ce qu'il est bien -aisé de le croire, d'autant que vous croyez des choses de plus difficile -croyance. Vous croyez fort aisément que vous êtes habile personne; & -possible votre voisin croit le contraire, & que vous êtes une bête de -haute graisse en dépit du carême. Mais avisez à un conseil que je vous -donne, pour paroître en perfection de finesse. N'allez jamais dîner chez -ces seigneurs, où madame dîne à part, d'autant qu'il y a là des maîtres -d'hôtel du Levant. Ce sont Turcs; ils veulent faire mourir de faim les -Chrétiens; ils vont vîte en besogne. Otez-vous de-là; vous n'auriez pas -le loisir de refaire votre nez. Quand je m'y trouve, afin d'empêcher -cette levée de plats, je demande à boire à quatre ou cinq tout à la -fois. Ceux-là ne peuvent aider à lever, ainsi j'en attrape; puis je me -venge sur le vin. Je ne parle pas de ceux qui ne soupent point. Il fait -bon avec eux à dîner: attachez là votre âne; faites-y bonne chere; puis, -après dîner, faites bonne mine: tenez-vous roide sur le devant, comme -une chevre qui pisse. Or, mes chers amis que j'aime de toute ma -fressure, si vous avez affaire de quelque sujet, cherchez-le ici; & ne -vous chaille des autres. Vivons & buvons, selon nos mérites. Il ne nous -faudra point de bésicles sur les oreilles, pour nous détourner le rhume; -ni de cotton dans le nez, pour l'empêcher. - - - - -OCCASION. - - -XXI. Un jour, Denost dînoit avec son prélat. On commença à proposer. Il -y avoit une belle langue de carpe, que monsieur donna à Denost & à son -prochain assis; & dit: je vous la donne à tous deux. Denost dit à -l'autre: Cornu, jouons à croix ou à pile, qui l'aura. C'est bien dit, -dit Cornu; il ne faut pas la diviser. Denost tire un douzain, & dit: que -prens-tu, Cornu? Cornu dit: je prens la croix. Et l'autre dit: & moi la -langue; & la mangea. Un médecin, qui étoit de ceux qui savent tout, -considéroit cet homme qui avoit le nez fort rouge; & comme il eut divisé -avantageusement de sa science, Denost va dire à ce médecin: monsieur, -vous qui êtes si expert, me feriez-vous bien partir ces rougeurs que -j'ai au visage & au nez? Oui dà, monsieur: j'en ai bien effacé de plus -maculées. Et combien me demanderiez-vous, pour ce faire? Deux cents -écus. Par le saint sabre du castud, vous êtes un affronteur, monsieur le -docteur. Vous ne sauriez pour si peu, d'autant qu'il m'en a coûté plus -de mille, à le rendre ainsi de haute couleur. Ecrivez ceci, vous autres -petits écoliers, en parchemin vierge. - -GALIEN. C'est une pitié que d'être tant de monde; on se ravit le propos -de la bouche les uns des autres? Tantôt on en parloit, & on me le fait -oublier: mais encore, sur le renouement de propos, qu'est-ce que vierge? - -CORDUS. _Virgo est puella intacta_, vierge est une fille à qui on n'a -rien fait; mot à mot, une fille non touchée. - -GALIEN. Ha, ha, hé, appelez-vous cela _intacta_? Une dame de Blois ne -l'entendoit pas ainsi. On parloit d'un sien cousin qui étoit décédé, & -sa femme étoit demeurée _intacta_. Cette femme l'ouit, & dit que ceux -qui le disoient avoient menti; que son cousin n'étoit point ladre; qu'il -ne tenoit point du tactac. - -HYPOCRATE. Venez çà, beaux conteux. S'il avoit neigé un demi-pied -d'épais, & qu'à l'autre côté de la cour, sous ce relais, il y eût une -pucelle qu'il vous fallût amener ici, & la conduire huze à huze, comme -monsieur de la Hunaudaye, & le roi, comment feriez-vous, afin que les -pas de la pucelle ne parussent point? - -CORDUS. Je ferois comme fit l'autre. - -HYPOCRATE. Et quel autre? - -CORDUS. Fils baise cul. - -PINDARE. Cela vous est aussi bien employé, que fievre en corps de moine: -c'est tout un. Je ne lairrai de vous dire ce que je ferois. - -VIVES. Et quoi? - -PINDARE. Je la dépucelerois toute vive, ainsi que fit notre valet à la -fille de notre métayer. Revenue au soir avec ses moutons, fut tancée de -ce qu'elle en avoit égaré un; & sa mere la voulant battre, lui dit! va, -méchante, va chercher ton ouaille. La pauvre fille, qui ne savoit où la -prendre, s'en alla pleurant, & se mit sous un arbre. Ainsi qu'elle -musoit trop, sa mere dit au valet: Jean, va-t'en quérir cette fille; va. -Il y alla, & la trouva; il lui dit: Michelle, reviens à la maison, ta -mere le dit. Non ferai. Viens, viens. Aga, non ferai: je n'irai pas -quand tu me devrois tuer. Si tu ne viens, je te tuerai. Je ne m'en -soucie pas. Adonc il la prend, la renverse sur l'échine, lui écarquille -les jambes, se jette sur elle, & lui fiche au bas du ventre son couteau -naturel, & la tue de la douce mort. Or çà, dit-il, je disois bien: oh -viens à cette heure. Non ferai. Et viens, Michelle, viens. Tue-moi donc -encore un coup. - -VIVES. C'est donc ainsi que tu ferois? Si tu as bons reins, je le -quitte. - -PINDARE. Ne sais-je pas faire de la poudre à grimper? - -HYPOCRATE. S'il est ainsi, tu serois propre à juger en hiver, qui sont -les chênes mâles & femelles. - -PINDARE. Dis-moi comment cela, je te prie. - -HYPOCRATE. Quand il gélera le plus fort, mettez-vous tout nud contre un -arbre; & si vous arsez contre, ce sera une femelle. - -PERION. Va, la gorge te coupe le col. - - - - -PLUMITIF. - - -XXII. A notre propos, ça vous qui parlez des pucelles, comment est-ce -que vous connoîtriez si une fille est pucelle? - -PLINE. Puis que ces doctes se taisent, je parlerai aussi. Je le sais -pour l'avoir appris en Chaldée, au voyage que je fis, du tems du pape -Sixte, qui pria le roi de France de lui envoyer cinq ou six cents de ses -quarante-cinq, avec une douzaine de druïdes, lesquels me reçurent avec -eux, & allâmes en ambassade en la Chine, où nous vîmes ces hommes plus -doctes. Il y en avoit un, qui étoit moult versé ès secrets. Il m'en -conta, dont je n'avois onc ouï parler. Il m'enseigna le moyen de -connoître les pucelles, de la même sorte que je l'ai démontré au premier -médecin de la reine. Si vous le voulez savoir, prenez une fille bien -faite, de quinze ans ou environ; mettez-la toute nue, & la faites tenir -debout; &, vous mettant derriere elle, passez votre main gauche par -entre ses jambes, & empoignez son cela, son con: (je m'ébahis puis qu'il -est à une fille, qu'on ne dit, comme le Breton, qui prêchant disoit: -sera cette semaine grand-fête de Mari-Marjolaine; qui, quand fut petite -garcette, prêta son con; mais sera tant prié & ploré, que de dieu lui -fut pardonné: faites ainsi, mes dames; & vous ferez très-bien pour votre -salut.) Tenant ce con bien justement ferme & clos, vous avancerez votre -main droite; & des deux premiers doigts vous ouvrirez le trou fignon, en -éloignant les fesses, puis l'ouverture capable: soufflez de toute votre -force; si d'aventure le vent passe outre, & que vous le sentiez à la -main gauche, elle ne sera pas pucelle; autrement elle le sera. O gens de -qualité, si vous ne mordez à ces intelligences, faites-vous bien -aiguiser les dents. J'en sais le moyen, dit mondit seigneur l'évêque de -Luçon, le bon prélat; il ne faut qu'envoyer quérir le faucheur du -notaire de mon chapitre. - - - - -PROBLÊME. - - -XXIII. A ce mot de chapitre, chacun prêta l'oreille; sur quoi Simplicius -dit tout haut: holà, messieurs, avant que passer outre, sachons que -c'est que chapitre: oiseau, poisson ou bête. - -MADAME. Par mon ame, c'est bien dit. On en parle en diverses sortes. Je -vous prie, cousin Zabarel, de nous l'enseigner. Adonc il empoigna la -parole, & dit: chapitre est un corps, non corps; un certain composé -dissoluble en ses élémens, sans détraction d'aucun; chose merveilleuse, -à cause de tant d'habitudes différentes & semblables, dont uniquement & -multipliquement il subsiste, étant homogene distingué en ce qu'il -contient, & en ce qui l'établit; une vraie arche de Noé, auquel elle -symbolise incessamment; & ce qui le fait être cela dont il est composé, -sont plusieurs têtes, oreilles, yeux & culs, sans quoi on n'auroit -aucune séance. On m'a dit qu'il étoit avenu une grande aventure: c'est -que, depuis quelque temps, il étoit échappé, comme le lievre de l'arche, -un certain petit consistoire qui sortit du chapitre imperceptiblement, -ainsi qu'un atome, & est devenu grand, ayant déja fait plusieurs enfans. -Je parle d'un petit corpuscule nommé _consistoire_. Je n'entends pas -proférer ce que je dis, de ce grand & unique consistoire pere des -chapitres. Paix, ce dit monsieur de Luçon; vous vous jouez à un -dangereux monstre. Ecoutez mon histoire: mais je suis bien sot; il faut -que je boive. Voilà Multon, qui a été mon clerc, mes successeurs usent -de secrétaires, d'autant qu'ils sont du monde; & nous n'en sommes plus: -ce compere contera ce que je disois là. Multon dit: j'aime mieux me -conserver, pour prêcher demain, s'il y échet. Or là, mon pelaud, dit; tu -sais ce qui avint, _in illo tempore_. Voire, monsieur. Il y eut un -pauvre qui ouit votre sermon, quand vous prêchâtes que qui auroit deux -robes, qu'il en donnât une au pauvre. Le pauvre, tout consolé, vous -oyoit avec une grande attention, étant merveilleusement aise. Après que -vous fûtes retourné au logis, le pauvre vous vint voir, vous fit une -ample & grande révérence, vous racontant qu'il avoit fort profité à -votre exhortation, dont il se consoloit du tout. Je suis bien aise, -dites-vous, mon fils, que vous soyez si bon chrétien. Mais, Monsieur, -dit-il, vous avez dit que qui auroit deux robes, en donne une au pauvre; -je vous supplie me donner la plus méchante que vous ayez. O, ho, -dites-vous, as-tu été au commencement du sermon. Non, dit-il, Monsieur. -Ha, ha, répliquâtes-vous, si vous eussiez été au commencement du sermon, -vous eussiez oui, _in illo tempore_, c'est-à-dire, en ce temps-là. Je -prêchois que cela se faisoit jadis, & non pour le présent. Vere, voilà -bien débuté, c'est bien ce que je vous ai dit; c'est bien à propos -d'aiguiser les dents, que male meule te puisse moudre. Ho, Monsieur, j'y -suis: ne vous couroucez pas; il ne se faut fâcher qu'à bon escient. -Acheve donc; va; je te le pardonne, pour tout ce que tu as dit. Le mulet -de monsieur le président ne laissera de porter la buée à la riviere, -tandis que monsieur sera au palais. Vous m'interrompez bien vraiment; je -dirai, comme le bon homme Hauterove disoit, travaillant sa premiere -femme: que j'enhane, ma mie! Je ne m'en ébahis pas, ce dit-elle; vous -travaillez d'un méchant outil. J'en aurois bien un autre, si j'avois de -l'argent. Oui? Et combien faudroit-il? Environ cent écus. Qu'il ne -tienne pas à cela: je vous les baillerai demain. Quand il en eut ces -écus, il va chez ses amis faire du feu & bonne chere, se rafraîchissant -gaillard; puis s'en revint, & coucha avec sa femme qu'il traita bien. -Ho, ho, dit-elle, mon ami; cettui-ci est aussi bon que celui que vous -aviez, quand nous fûmes mariés. Mais, mon ami, qu'avez-vous fait de -l'autre? Je l'ai jetté là, ma mie. En dà, vous avez eu grand tort; il -eût été bon pour no'mere. - -MADAME. Je ne vis jamais tant sauter du coq à l'âne. Que ne -poursuivez-vous le propos? Je vous jure, par la semelle du meilleur -escarpin que je goûtai jamais, que ne vous commanderai jamais rien. -Faut-il ainsi tergiverser à dire ce qu'un évêque vous commande de -réciter? - -CICERON. Si j'eusse parlé, j'eusse été bien marri, si on m'eût -interrompu. - -PERION. Il est nécessaire d'interrompre les prélats; par quoi on vous -fait grand plaisir. Mais écoutez tout bas; & je vous dirai une notable -raison, qui est dans le livre imprimé chez Eustache Vignon, intitulé: -_des prélats_. Il est besoin & utile d'interrompre un prélat prêchant; -parce qu'il lui faut beaucoup de temps à se préparer, pour se paillarder -à bien dire. Taisez-vous tous, dit l'évêque: ce petit bon homme ne sait -où il en est. Il faut que je déduise l'histoire de mon aiguiseur. - -CARDAN. Laissons-le un peu dire; nous oirons quelque chose d'excellent; -d'autant qu'il est plein de belles & bonnes paroles, comme sa mule a le -ventre farci de noix de muscades. Il ne l'entendit pas: autrement il lui -eût sans doute passé le pied par l'épaule: mais étoit attentif à ce -récit. - - - - -ENSEIGNEMENT. - - -XXIV. L'EVEQUE. Mon chapitre devoit, au jour de la solemnité S. Louis, à -Rome. (Si ce n'est ainsi: c'est tout un, puis que le reste est vrai. -Voilà le moyen de faire la barbe aux hérétiques, que d'accorder les -textes. Dis que tu en as, huguenot: tu n'es qu'une bête, comme dit -l'interprete d'Aristote, qui traduit, disant; _Aristoteles, au livre des -bêtes_, parlant de l'homme & de la femme, dit, &c. Ce docteur étoit -sursemé de doctrine comme une écrevisse de morsures de puces.) Mais que -devoit mon chapitre, ma petite église représentative, mon épouse, qui -toutefois est, comme je crois, adultere, d'autant qu'elle ne me -reconnoît point, & que je n'ai que voir sur mes chanoines, encore que je -les fasse tels? C'est un pur abus. Voilà, un jeune désirant me flattera -pour être chanoine; il sera mon petit chien couchant. Est-il reçu -chanoine, il ne me connoît plus; je n'ai que voir sur lui. Or bien, je -leur pardonne ces priviléges. Mon chapitre donc devoit un certain -service de conséquence, abondant & parfait; & le falloit expressément -effectuer; (_perdonate mi_; je n'ose parler en termes épiscopaux, à -cause de la compagnie, qu'il ne faut pas ennuyer) & le terme de ce -service échéoit dans six ou sept jours, ainsi que la bulle le portoit. -(Il y a quelque docte qui a lu, _traînoit long comme la gaîne d'une -faux, ou l'étui d'une lance_. Foin, que l'on ne m'interrompe point: j'y -vais assez: je souhaite, pour vous faire sages, que la premiere mouche -qui vous piquera, soit un petit diablotin tout éclos de frais.) Et si, -par fortune, selon les pactes & conditions, il fût manqué aucun de ce -service, on eût emporté, comme par droit de régale, tout le revenu -annuel de mes chanoines, le mien excepté, à cause des priviléges & -saints abus, qui nous séparent de corps & de biens. O, ho, quoi -taisez-vous; attendez; je n'entends pas du corps mystique. Comment? -quoi, dà, quelque fripon mouleroit un benoît dévolu sur mon bénéfice, & -me voilà constipé. - -CICERON. Quelle phrase de parler est ceci? O pauvre homme, si tu savois -combien il y a de sortes de bénéfices, tu ne serois pas sitôt offensé. -Sachez qu'il y a bénéfice papal ou ecclésiastique; bénéfice de prince; -bénéfice d'inventaire; bénéfice d'âge, & bénéfice de ventre. - -L'EVÊQUE. Je ne veux pas être dépourvu. Je me veux tenir au gros du -chêne, ainsi que fit le notaire du chapitre, qui, sachant cette affaire, -la proposa en tems qu'il n'y avoit plus de remede. Les chanoines avisés -de ce faire, on vit chapitre monologiquement troublé, & tellement -étonné, que godronnant sa mine de toutes sortes d'opinions, ne sut que -résoudre, sinon se proposer un jeûne d'un an. Quelques lirepons furent -d'avis par dépit, pour obvier à tel mal ci-après, qu'on élût un -contrôleur de chapitre, & que les chanoines y avisent. Comme le -président conclut, voilà le notaire qui, avec une sainte & pieuse -exclamation, va dire: voilà, certes, une belle conclusion de mes fesses! -(Il leur fut avis qu'il avoit dit de _messieurs_.) Vous ne remédiez pas -mal; c'est où il faut travailler, ou faire de repos pitances. (Je sus ce -discours par mes commençaux, qui me rapportent tout, ainsi qu'on fait -autre part.) Mais, messieurs, j'ai pensé un moyen pour vous sortir de -peine. Vous savez que, dieu merci à dieu & à vous, j'ai là-bas une -petite cassine, au bout de votre grande prée qui est sur la riviere, -vis-à-vis des fenêtres du palais épiscopal. S'il vous plaît me donner le -fonds de ce que pourra faucher en un jour un ouvrier que je vous -présenterai, je vous rendrai quittes de ce que vous devez à Rome. Et si -vous pensez que ce soit à petit semblant (ce que je ne voudrois -commettre, en lieu tant saint, & membre spécifique du concile qui ne -peut errer) je vous baillerai caution & plége de dix mille écus, sans le -bien de notre femme, & c'est à cette heure qu'il se faut résoudre, ou -tout quitter, vu que le temps presse. Ayant dit, il sortit; & messieurs -les capitulans ayant symbolisé sur cette affaire, conclurent de le -prendre au mot du guet, considérant que c'étoit le profit de la -compagnie. Il y avoit une de mesdames les dignités, qui vouloit mettre -empêchement. Même un jeune chanoine de sa faction dit tout haut: -messieurs, il y a six ans que je suis chanoine, moi indigne comme les -autres; mais je ne trouve pas de goût en cela. A la fin, après beaucoup -de telles foutimasseries capitulaires, il fut résolu que l'on -contracteroit avec le notaire, & que commissaires, pour cet effet, -iroient faire l'accord: & afin (ô sainteté ample) que la postérité n'y -trouve de l'inconvénient, il fut dit que la conclusion en seroit mise -entre celles du chapitre tenu un mois devant, de peur de scandale & de -honte; selon quoi, & non autrement, il est permis de faire des faussetés -aux statuts & registres. Le tout accordé, fut passée prévarication, (je -cuidois dire _procuration_; voilà comment les belles paroles nous -croissent en la goule) & fut donné tout pouvoir audit notaire, pour bien -& dûement faire le pénitent. Aussi-tôt ce notaire ne fut plus notaire au -pays; il n'avoit que trois jours pour faire ce qu'il avoit promis; & -délogea aussi vîte que la natte d'un passementier frais marié, allant -train magnifique, comme la mule du pape. A quinze ou vingt jours de-là, -revint le notaire aussi gai, petou résolu, comme une brebis tondue, & se -vint présenter à chapitre avec bon & entier certificat de sa -négociation. Et comme il avoit légitimement, profitablement & -catholiquement accompli le tout, selon l'intention de la bulle, au -profit des chanoines & davantage, pour éviter aux frais futurs, il avoit -fait marché avec les _fratti ignoranti_, (je n'entends pas bien le grec) -lesquels s'obligerent à toujours d'acquitter ce qui étoit équitable. Ce -qui étant reconnu vrai (comme on le peut aviser, si on n'est autant -aveuglé de visage que du cul) le mutuel contrat du chapitre & du notaire -étant vérifié & calfeutré de toutes les façons nécessaires, il fut dit -au notaire que, fénaisons étant venues, il auroit ce qu'il avoit acquis, -le temps échu. Mes chanoines, (je ne sais s'ils sont à moi ou au diable; -mais je les nomme tels, _honoris gratiâ_, pour conserver notre -institution en dépit des hérétiques) me supplierent de leur prêter ma -salle, pour, des fenêtres, avoir avec moi le plaisir du faucheur -notorial en fénaison. Un lundi matin, qui étoit le jour abuté, nous -étions tous à regarder, ayant déjeûné joyeusement de bonne buglose, le -soleil étant assez haut, que le notaire vint sur le pré avec un petit -homme ramassé, qui portoit sa faux en-dehors. (Il ne l'avoit pas comme -mon métayer, qui, ayant sa main sur son col, & passant sur une planche, -avisa un gros poisson, qu'il cuida frapper du bout de la lame de sa -faux; pourquoi faire, il s'efforça de si grande roideur, que la faux lui -trancha le cou, & la tête alla en bas, dont il se trouva -merveilleusement étonné; aussi étoit-il temps, témoin le proverbe qui en -fut fait, _il ne se faut point étonner, que l'on ne voie sa tête à bas -ses pieds_. A, a, si ces docteurs fussent venus ici apprendre, ils -eussent été bien plus savans: cette recherche vient de mon entendement; -regardez mon doigt à mon front, considérez mon entendoire, & notez les -signacles.) Le petit faucheur quarré étant arrivé, se mit à travailler. -Il ne donnoit trait de faux qu'il n'abbatît un quart de chartée de foin -ou plus, tant il s'étendoit: & qui plus est, il ne s'amusoit pas à -battre sa faux; mais quand elle ne tranchoit point, il la passoit sur le -long de ses dents, & cela faisoit frooooococ. Ainsi il gagnoit temps, si -qu'en moins de dix heures, qu'il fut sans boire & sans manger, il faucha -plus de la moitié de la prée. Le notaire voyant qu'il avoit plus de -soixante arpens de fonds, le fit arrêter, lui présenta un flaccon plein -de vin d'Orléans tenant quinze pintes, qu'il avala tout d'un trait, & le -vaisseau après. Adonc le notaire lui mit un doublon d'Espagne & deux -angelots d'Angleterre, & trois vieux écus François, avec un daler d'or, -& trois moutons à la grande laine, six sicles d'or, & douze médailles -antiques de fin argent tenant d'or & le renvoya. De-là en avant, le -notaire a joui de la part de la prée, & ses héritiers après lui, le -reste appartenant aux chanoines jusques à cejourd'hui, s'il n'y a faute -au bréviaire. Le joli faucheur n'avoit pas tant d'outils que les autres, -qui ont une grosse gaîne de bois, où ils mettent rafraîchir leur coux, -comme un prépuce en une grille de couvent féminin. Voilà comment ce -faucheur s'en alla gai & droit, sans tourner çà ne là, comme vous irez -en paradis. Que si vous desirez savoir où il alla & qui il étoit, allez -après, tandis qu'il fait beau. - -DEMOSTHENE. Voilà un brave notaire! Il entendoit les écritures. - -EUCLIDE. On parle tant de cette intelligence d'écritures: qu'est-ce que -c'est? - - - - -RÉSULTAT. - - -XXV. En bonne dà, je ne sais si on ne le nous apprend. Voilà Toustat, -qui en diroit bien quelque chose s'il vouloit; il a longuement travaillé -à recouvrer la lumiere de vérité: il en a une pleine lanterne. - -BUDÉE. Je ne saurois ouir parler de lanterne, que je n'aie le coeur tout -gai, à cause d'une que j'achetai l'année passée à la foire de Fontenai. -Je ne fis pas un petit acquêt, d'autant que je crois qu'elle est demi -sainte, vu le marchand qui me la vendit. - -CICERON. Dites-nous donc un peu cette aventure lanterniere. - -BUDÉE. Je le veux, à la charge que vous le tiendrez secret, parce que je -suis un peu soupçonné de la huguenotteté; & que pour ceci, il pourroit -avenir de la dispute entre nous & nos bons comperes les Suisses, qui -veulent que cette affaire soit de leur pays, avenue en la paroisse du -sieur Tarould de Vautravers, en la comté de Neuf-châtel. Le colonel -Galati le racontant au roi, en juroit & affermoit la vérité, la -protestant sur sa braguette: & moi je ne veux point de disputes; j'en -parle au vrai. Il y avoit un certain M. de la Tour, ministre en ce -Poitou, lequel, par hazard, comme le diable est subtil à séduire les -enfans de dieu, ayant avisé une belle femme qui ne lui appartenoit pas, -& qui avoit pere & mere, il la convoita, suivant l'intention du canon 17 -du 1174 concile, qui démontre que la fille d'autrui n'est point -défendue: parquoi il la besogna toute vive. J'eusse pu dire: oublia son -devoir & sa charge, si que induement, il l'accoutra naturellement, -charnellement, & comme vous pourriez dire, individuement, pour l'instant -de la conjonction réciproque & mutuelle; mais je hais ces paraphrases: -il faut donner dedans; il commit adultere. Ce qu'étant connu du -consistoire, il fut corrigé & averti fraternellement, dont il ne tint -compte, parce qu'il continua tellement, que le scandale fut grand, & fut -passé par les consistoires, puis par le synode, & enfin déposé, comme un -pot en tas; & lors fut inventé le jeu _au ministre dépouillé_. La triste -condition de M. Jacques de la Tour le mit presque au désespoir: -toutefois il eut meilleur coeur. Il ne voulut pas se donner au diable -après son âne, ni jetter le manche après les écourgées, comme font les -petits garçons qui fouettent le sabot; mais s'avisa de trafiquer & faire -profiter si peu d'argent qu'il avoit de ses commodités passées. Il se -mit donc à faire la marchandise, & profitant un peu, il fut affriandé de -venir aux foires. Ainsi il se trouva à celle de Fontenai, avec beaucoup -de marchandises; & entr'autres grande quantité de lanternes. Nous y -fûmes avec bonne & joyeuse troupe de gentilshommes du pays. Me -promenant, j'apperçus ce marchand, & le considérai fort, parce qu'il -m'étoit avis que je l'avois vu autre part. Je le dis aux autres, qui de -même en pensoient comme moi. Ainsi que nous doutions, & le trouvions de -bonne façon pour un lanternier, & que déja nous nous étions entredit -qu'il ressembloit au ministre déposé, il s'apperçut que nous le -regardions. Alors approchant, le Fouilloux lui demanda: mon maître, mon -ami, n'êtes-vous point parent de ce ministre, qui fut déposé à l'autre -synode à Adonques, sans s'émouvoir, il dit: c'est moi qui suis celui que -vous dites. Et pourquoi? Et comment est-il avenu qu'aujourd'hui vous -êtes marchand de lanternes? O, ho, dit il, & pourquoi non? Je vous les -ai autrefois prêchées; maintenant je vous les vends. Cela fut cause que -j'en achetai une, parce qu'elle venoit de telle main. Il ne se peut -qu'elle ne soit ou ne devienne lanterne cabalistique ou archimistique. - -BADIUS. Tout beau! vous blasphémez en deux intentions. Ce grec vous -trouble. _Cabalistique_ ou _cavalistique_ ne vient pas de cavalerie. Il -ne faut donc pas parler d'ânerie qu'à propos. Davantage, il convient -dire sobrement, discourant des lanternes, pource que lanterne se prend -souvent pour lumiere ecclésiastique, comme grue pour évêque: témoin -Cassander, en son recueil qu'il a fait des comparaisons, au titre _du -moyen d'accorder les religions_, nommant le premier ministre de -Strasbourg, _le grand lanternier d'ubiquité_. - -BUDÉE. Or vous parlez selon votre intelligence; & m'accusez bientôt: -c'est ce froc qui vous échauffe. Si vous étiez mon ami, je dirois: qui -vous rend impudent & intolérable. Et de fait, prenez le plus simple -homme du monde, qui soit honteux, comme une fille de chambre qui a chié -dans sa chemise; jettez-lui un froc sur les épaules? vous le verrez -incontinent devenir hagard, hardi & effronté. Mais, ô l'ami, je vous -épargne; la doctrine vous a civilisé. - -BADIUS. Puisqu'il est question de tout dire, à cause que nous sommes ici -en vérité, comme ceux du monde sont en faux, il est nécessaire de -confesser que vous avez raison; votre chevau baille. - -BUDÉE. Ha, ha, _chevau_; vous ai-je acheté pour me mordre? Or bien il y -avoit, de mon tems, (vous savez que j'ai été nourri page au couvent de -Cormeri) un personnage de Tours, qui nourrissoit un sien fils tant sage, -humble, doux & retiré que merveilles. Il étoit sons cesse à genoux, & -n'y avoit moyen de le distraire de sa dévotion. Son pere, qui l'aimoit, -ne le vouloit aucunement contraindre; mais le gratifioit en tout. -Parquoi, le voyant de ce naturel, à sa requête, (je dis de ce fils) il -le mit moine chez nous. Il n'y fut pas deux mois & demi, trois jours & -sept heures, qu'il ne devint pire qu'un diable. Il fut tout -métamorphosé. Il frappoit l'un; il poussoit l'autre; chioit en notre -chemin, pour nous faire tomber; vomissoit, pour nous décourager; petoit, -pour nous faire rire; faisoit la grimace durant le service, pour nous -faire rougir; se levoit tard, pour nous faire enrager; faisoit le rabas -toute la nuit, pour faire miracle: bref il devint si insolent, que, -contraints, & n'en pouvant venir à bout, en avertîmes le pere, qui le -vint voir, & lui remontra sur ce qu'il avoit changé de vie, qui -autrefois étoit tant douce & humble. Attendez, dit-il, mon pere; je -reviens à vous. Il va prendre un mouton mignon, qui étoit au préau, & -l'enveloppa de son froc: puis vint à son pere, & le lui montra. Ce -mouton bondissoit, sautoit, faisoit l'enragé. Et bien, mon pere, que -dites-vous de cela? J'étois jadis un mouton, comme celui-là; aujourd'hui -j'ai le froc, qui me fait ainsi petiller. Et bon jour; pourvoyez-y. - -GORREUS. Vraiment, frere, ce discours m'a autant fait rire, que me fit -ma lanterne intellectuelle, à propos de celle de notre ami; & croyez-moi -que j'en ris de bon foie. - -FERNEL. Pourquoi d'aussi bon foie! - -GORREUS. Parce que, selon votre doctrine, au livre _de abditis rerum -causis_, où vous deviez mettre _effectis_, d'autant que vous ne parlez -aucunement des causes, mais des effets, il faut considérer cette belle -vente de foie qui palpille imperceptiblement, & excite les mélodies de -la joie, d'autant qu'il fait désirer le dîner, & le rire, étant les -orgues de liesse. Partant, ayant le foie doucement relevé, je ris encore -de ma lanterne, dont l'occasion fut. Je fais ce conte pour les pédans, -afin que chacun trouve ici de quoi pour soi, & que tout le monde -connoisse, & sache qu'il n'y a rien d'oublié, s'il n'est trop ceci ou -cela. - - - - -LIVRE DE RAISON. - - -XXVI. J'enseignois, en ma maison, des jeunes gens, lesquels je faisois -dégrossir par Glareau. Un jour, que ce précepteur n'y étoit pas, il -avint que, sans y penser, je surpris ces enfans jouant. A l'instant -qu'ils me virent, chacun d'eux s'en fut à son livre. Il y en eut un que -je choisis, d'autant qu'il étoit Breton, & avoit jetté la vue sur son -livre. Je lui dis: _quid agis? Studeo, domine. Quid? Lectionem._ Or çà, -où est cette belle leçon? _In oratione pro Murenâ._ Voilà qui va bien: -or sus, qu'est-ce à dire _Murena_? Il se leva, & tournant son bonnet sur -les doigts, le rouloit, en songeant creux, comme une pinte bridée; il -avoit les yeux jusques dedans l'intention. Je lui commandai de se tenir -coi, & de répondre hardiment à cela. Il se tint joint comme une -pantoufle neuve, écoutant si quelqu'un lui souffleroit au cul; comme de -fait, il y en avoit un, qui, lui bourdonnant de loin, l'avertissoit, & -lui disoit un mot qu'il ne pouvoit tout comprendre, il n'en oyoit qu'une -syllabe, encore qu'il y apportât une ferme attention, pour l'unir au -reste. Ce souffleur lui crioit tout bas: _une lamproie_. Là, dis-je, -hardiment. Toujours prêtant l'oreille, il me dit, en coulant sa parole à -corde avalée: _une lan_. Achevez, courage, dites assurément. Lors le -pauvre petit, qui n'avoit pas l'intelligence plus aiguisée qu'un fallot, -va dire tout haut: _une lanterne_, _domine_. - -DE CUSA. Est-ce là cette belle lanterne, qui nous doit éclairer? Sera-ce -elle, qui nous apprendra l'intelligence & solution de ce qui est proposé -de l'excellence des écritures? - -LINACRE. M. le cardinal, les Bohémiens s'en recommandent à vos bonnes -garces, (j'ai la langue fourchante & andistrofante; je dis _graces_) -pour l'amour d'eux avec votre congelé, (j'ai cuidé dire _congé_; comme -Busbeckius Allemand, qui, disant adieu à la reine d'Angleterre, voulant -le dire en françois, proféra: mon dame, je prendre congelé). Je vous -dirai que tout sera su; faisons un peu renfiler le discours, & -réveillons ce bon homme, qui n'y pense plus. - -TOSTATUS. Vraiment, je vous écoutois. Mais, puisque j'y suis remis, -sachez, s'il vous plaît, qu'après, ou aussi-tôt, ou environ le tems, (ce -fut, quand ce fut) que le concile de Trente fut publié; je ne dis pas -celui de monsieur le Grangier, qui est intitulé _le concile de xxx_. - -BUCANAN. Je vous prie, ne parlons ni en bien ni en mal des -ecclésiastiques; laissons-les là sans les draper, comme les hérétiques -qui ne savent faire un bon conte, s'il n'y a quelque moine, prêtre, ou -ministre sur le métier. Si, bien; je voulois dire _les rangs_. Vous -voilà bien ahuris, pour une parole. - -RUFIN. Laissez à part ces remontrances. Nous sommes ici en liberté. Nul -ne parle céans pour scandaliser, mais pour édifier & corriger, s'il est -besoin. Et de fait, ces préceptes tant beaux, & ces enseignemens si -justes feront plus de gens de bien, que tous ces sermons ensemble de ces -fagoteux d'éloquence, qui, sous ombre d'être humbles, avalent la gloire, -comme un Allemand, qui, par humilité, fait carroux contre deux Suisses. - -MACROBE. Or là avant, n'épargnons personne; aussi bien tous ont failli. -Les prêtres ont accusé Jésus-Christ; les gens de justice l'ont condamné; -les ministres l'ont fouetté; le peuple l'a injurié; les passans se sont -moqués de lui; les gens-d'armes l'ont crucifié. Il n'y a que les pauvres -femmes qui l'ont pleuré, & ainsi ont trouvé le moyen de parvenir, sans -quoi elles seroient trop dévergondées. Pour mieux faire, laissons tels -sophistes au diable: aussi bien, il y a de nouveaux imposteurs qui -disent que ministre signifie _boureau_. Ainsi il n'y aura que le pape -qui ne soit boureau, à cause que, comme il est en nos heures, celui qui -répond à la messe est dit ministre: par-là, il n'y auroit évêque, -prêtre, ni clerc, qui ne fût de ce beau métier. - -RUFIN. Acheve, mon petit compere, acheve; tu eusses été pape, sans que -tu avois été marié à deux veuves. - -TOSTATUS. Taisez-vous donques, & me laissez dire. Es pays du roi -d'Espagne, où l'on parle françois, demeuroit messire Imbert Chapotel, -prêtre, qui avoit de beaux & grands bénéfices: entr'autres, il tenoit le -prieuré de St. Commode, dont il falloit qu'il se défît, parce qu'il -n'étoit pas animal susceptible de tous bénéfices compatibles & -incompatibles. - -PROCLUS. Quel animal est-ce? - -PANORME. C'est un cardinal: dieu sauve la chrétienté. - -PROCLUS. Et qu'est-ce que vous dites? - -PANORME. Poursuivez. - -TOSTATUS. Il sentoit une future grande incommodité, de la désaisie de ce -prieuré tant bon, & qui lui aidoit & aux siens à faire commodément la -soulée, pour donner le reste, dont il n'avoit cure, aux pauvres. Et de -fait, il étoit aussi libéral que notre évêque, qui donnera plutôt un écu -à une garce, qu'un denier à un pauvre. Or ce qui est bon à prendre, -n'est point bon à rendre. Les hérétiques disent au contraire: hé, -pauvres bêtes, qu'y a-t-il au monde de plus fâcheux, que de rendre? Donc -il étoit fâché de se séparer de ce bénéfice, bien qu'il fût la moindre -de ses pieces: & de fait, il eût été un grand sot, voire un archisot, -s'il se fût défait du meilleur, & encore plus sot par nature, voire par -toutes les quatre clefs de musique. - -ORLANDE. Vous errez, monsieur le théologien de beurre; vous fondrez sur -le moine i. le réchaux. Il n'y a que trois clefs en la musique. - -MACROBE. Qui m'a amené ce chantre dans la seconde chambre d'enfer? Va, -bestiau mon govial; sais-tu point que l'église ne peut faillir? Se -peut-il faire que vous, qui avez tant bu en Allemagne, depuis que j'en -suis parti, ne sachiez pas les clefs de votre métier. Allez à l'école; & -sachez, apprenez, entendez & notez, comme monsieur de Beze me l'apprit, -que la quatrieme clef fondamentale des trois clefs communes, de la -divine douce, humaine & sainte harmonie, est la bonne clef de la cave; -c'est la sainte & harmonieuse clef, c'est la fidele & parfaite. Mais -c'est assez, il faut tenir secret le reste, que ces enfans de choeur -n'aillent tout boire. Or un jour, une nuit, un soir, un matin, (c'est le -commencement d'un conte. Ainsi disoit ma cousine à ma tante, dites-nous -un conte. Et bien, dit-elle, je le vous dirai. Un jour il avint que ma -mere grande nous fit un conte de Robin mon oncle, qui chia à l'âtre; sa -femme y tâte, pensant que ce fût pâte, trouva que c'étoit merde, mâche. - - - - -PARABOLE. - - -XXVII. Eh bien!) un jeune écolier pourvu assez honnêtement ès ordres & -lettres, prévoyant sa fortune, sut la future défaite du prieuré; par -quoi il va s'adresser à messire Imbert, devant lequel, ouvrant la -bouche, il décliqueta de la langue un beau petit paillard discours, -regraté sur le droit de bienséance & de devoir, & lui manifesta son -intention, qui étoit d'avoir & obtenir le bénéfice, s'il lui étoit -agréable. Hé bien, mon ami, dites-moi premiérement, êtes-vous prêtre? -Oui, monsieur. Or donc, messire _alterutrum_, il vous faut ouïr parler. - -PLOTIN. Pourquoi l'appelloit-il _alterutrum_? - -DURANDUS. Parce qu'il est écrit: _confitemini alterutrum_, c'est-à-dire, -confessez-vous au prêtre. - -MAROT. Si j'avois dit cela, je serois gâté, ainsi tout est permis aux -docteurs. - -GENEBRARD. Foutin, laissez dire ce docteur, ou vous en allez faire -brûler en Espagne. Vraiment vous avez tort, vous ennuyez ce pauvre homme -par vos interruptions; il en est si dépit, qu'il en retort les -mâchoires, comme un official fâché. - -TOSTATUS. Je pense que vous ne me tenez pour quelque dictateur de -moutardier. Or, écoutez-moi, ou prenez le chemin d'aller à tous les -diables. Messire Imbert oit la requête du prétendant, duquel ayant -savouré les propos avec les oreilles, lui dit: je ne puis mettre ce -bénéfice entre les mains d'aucun, s'il n'entend les écritures, afin -qu'il en soit trouvé capable. Pour donc savoir si vous entendez les -écritures, dites-moi qui étoit le pere de Melchisedech? le clerc répond: -monsieur! Saint Paul montre qu'il étoit sans pere, sans génération. Ha, -ha, ha, dit messire Imbert, lourdaut mon ami, je sais cela avant vous; -répondez à ce que je vous demande. Je ne le sais pas. Aussi n'aurez-vous -pas le bénéfice. Cettui-ci s'en alla; & en vint un autre qui en avoit -ouï parler. Ce nouveau venu étoit désalé, comme le commis d'un banquier. -Il vint devant messire Imbert, lui faisant la discrete demande, pour -obtenir le prieuré de S. Commode. Messire Imbert lui fit la question: -entendez-vous les écritures! Oui, monsieur. Qui étoit le pere de -Melchisedech? Alors le clerc dit, Gratian le démontre aisément comme -cela, disputant contre les simoniaques. Ce que disant, il tira de sa -pochette droite une belle bourse, où il y avoit cinq cents écus en or, & -ce en bons termes. Donques, monsieur; voyez ce symbole -philosopho-prophétique: voici le pere de Melchisedech. Et faisant de -même de l'autre main; tire de sa pochette encore une autre bourse pleine -de beaux écus au soleil, & dit: voilà la mere. Et afin que vous sachiez -qu'il est vrai, mettant main droite en son sein, tira quelques soixante -écus, & proférant, en les coulant vers la chambriere qui étoit au bout -de la table, comme celles des chanoines ont accoutumé: ce sont ici les -enfans. Ha, ha, ha, dit messire Imbert, c'est pratiquer la quatrieme -figure de dialectique, en dépit de Galien. Et bien, dit le clerc, -monsieur mon bienfaiteur, mon bon Mécénas, n'est-ce pas faire un diadême -de racines de chaussepied, que de parler ainsi à ces sots? C'est -_docere_; c'est expliquer le latin du chapitre _recitas docendo_. i. -qu'il soit reçu en payant. Et bien, mon bon ami, dit messire Imbert, il -faut que tu aies le bénéfice. Vraiement vous êtes docte; vous êtes en -danger d'être un jour, pape. Vous aurez le bénéfice; votre doctrine vous -l'adjuge. Il ne faudroit, à la vérité, que vous seul, pour faire tomber -toute théologie en démonstration, en dépit de Raimond-Lulle. Que nous -serions heureux, si on résolvoit ainsi tous argumens! Nous serions -incontinent d'accord; toutes hérésies seroient englouties. - - - - -FEN. - - -XXVIII. Quand tout est dit, vêpres sont dites. Nous étions en grande -pensée pour une telle affaire, & ne savions qu'en juger, sans l'Escot, -qui nous ôta de peine, nous prouvant que c'est un bienfait méritoire, -bailler de l'argent pour avoir un bénéfice: _primo_, d'autant qu'on n'en -donne plus; _secundo_, on baille de l'argent à un maître, pour le -servir; _item_, on s'incommode pour se châtrer, & c'est le poinct du -mérite parfait. - -BACON. Le chapelain d'une Angloise se fit Châtrer, parce que l'on avoit -opinion qu'il la travailloit. En après, on tire sa pénitence, d'autant -que l'on jeûne pour en ramasser d'autres; & c'est ici le poinct -d'honneur que messire Imbert entendoit fort bien; comme étant des plus -grands théologiens; & de fait il étoit carme dispensé. - -DE CUSA. Et pour être carme, qu'en est-il? - -BACON. O, ho, & ne savez-vous pas qui sont les plus excellens -théologiens? Ne sont-ce pas les carmes, comme dit le sage Caton? _Si -deus est animus, nobis ut carmina dicunt_. _Carmina_, sont les carmes -qui parlent de dieu: ergo, il est vrai. Il y eut un docteur en notre -compagnie, qui voulut se formaliser; & jurant, il écumoit comme un -verrat. Nous, qui voulions la paix, le fîmes bravement sortir. Soeur -Jeanne en fut si aise, qu'elle en rit encore, & nous dit: que je suis -aise que ce gros coquebin là est hors de céans! - -VARRO. Quoi, belle dame, & qu'est-ce que _coquebin_? - -SOEUR JEANNE. Ce que les Tourangeaux appellent _coquebin_; les Angevins -le nomment _jagois_, & à Paris les femmes le huchent _bringuenel_. - -VARRO. Quelle sorte de personne est-ce? - -HERMÈS. On nomme ainsi ceux qui n'ont point vu le con de leur femme, ou -de leur garce. Le pauvre valet de chez nous n'étoit donc pas coquebin; -il eut beau le voir. - -VARRO. Quand? - -HERMÈS. Attendez. Etant en fiançailles, il vouloit prendre le cas de sa -fiancée: elle ne le vouloit pas; il faisoit le malade, & elle lui -demandoit: qu'y a-t-il, mon ami? Hélas! ma mie, je suis si malade, que -je n'en puis plus; je mourrai, si je ne vois ton cas. Vraiment voire, -dit-elle. Hélas! oui, si je l'avois vu, je guérirois. Elle ne le lui -voulut point montrer. A la fin, ils furent mariés. Il avint, trois ou -quatre mois après, qu'il fut fort malade; & il envoya sa femme au -médecin, pour porter de son eau. En allant, elle s'avisa de ce qu'il lui -avoit dit en fiançailles. Elle retourna vîtement, & se vint mettre sur -le lit; puis levant cote & chemise, lui présenta son _cela_ en belle -vue, & lui disoit: Jean, regarde le con, & te guéris. Mais que devint ce -docteur! Nous le chassâmes & envoyâmes à tous les diables, où il trouva -des soldats qui lui firent comme nous fîmes faire au diable de S. Martin -de Tours. - -LE TREVISAN. Que lui fit-on à ce pauvre diable? - -HERMÈS. Je m'en rapporte au vieil chantre de leur église, qui eut la -commission de le faire châtrer. - -VARRO. Dites-nous ce que c'est, de grace. - -HERMÈS. Voilà messire Gilles, qui est dignité de là dedans; qu'il vous -en fasse le conte. - - - - -CHAPITRE GÉNÉRAL. - - -XXIX. Tous l'en prierent. Adonques il dit: ô belles pensées, gracieuses -cervelles, nous sommes ici comme chez le roi Assuerus. La liberté nous -sert de guide, comme la senteur pour aller au retrait; chacun dit & fait -ici ce qu'il veut & peut. Mais avant que passer outre, dit le bon homme -Scaliger, pourquoi est-ce que, quand quelqu'un s'en est fui, on dit, _il -a fait gille_. - -PROTAGORAS. C'est parce que Saint Gilles s'enfuit de son pays, & se -cacha de peur d'être fait roi. - -EPAMINONDAS. Oh, de par plus de cinq cents mille cornes de cocu, -j'aimerois mieux être roi qu'hermite. Et quoi, il y a tant de gens qui -se donnent au diable, poil & tout, pour devenir grands, & il y en a -d'autres qui, sous le voile de religion, faisant un affront à la -fortune, contristent le bonheur! Foin, je ne passerai point outre; je ne -me rendrai jamais en communauté que de princes & grands seigneurs, -d'autant que je n'ai point le coeur à la caimanderie. J'en sais bon gré -à ce bon cordelier frere Hugonis, qui au commencement de l'établissement -des capucins, se fâchoit de leur future pauvreté, & tout en colere, nous -dit: si nous, qui avons le diable au corps, ne pouvons vivre, que feront -enfin ces pauvres gens? - -MESSIRE GILLES. Or sus: c'est assez, paix, vous en diriez trop; vous ne -vaudrez jamais rien. - -EPAMINONDAS. Pour le moins, je suis aussi bon qu'une femme. - -MESSIRE GILLES. Oui, qu'une mauvaise, c'est tout un. Elles sont toutes -bonnes: si elles ne sont bonnes à dieu, elles sont bonnes au diable. Or -paix, encore un coup, écoutez. Des personnes de bien avoient fait faire -une image de saint Michel en notre église; en quoi le sculpteur avoit -suivi la commune opinion des autres, ayant fait l'ange en vrai ange, & -le diable comme un vrai diable d'enfer; mais parce qu'il n'étoit pas -bien informé des résolutions de nos docteurs, il commit hérésie; à quoi -sont sujets les pauvres sculpteurs, peintres, libraires, orfévres, & -tels gens qui savent tout. J'excepte ceux qui ne s'accoûtrent guere de -religion, lesquels sont pour l'enfer. Cet ouvrier fit saint Michel -couvert en endroits douillets, ayant une cotte-d'armes, & ses bonnes -aîles des fêtes, & un gros bâton de la croix, aussi gros que celui de -Cîteaux: & sous ses pieds étoit couché le diable tout nud, qui n'avoit -que le cul les dents & les griffes: c'étoit bien pour faire miracle. Il -falloit plutôt armer le diable de toutes pieces, à l'avantage, à -l'épreuve du canon, ayant la porte-piece, le haut appareil, bref tout le -fait, ainsi que les preux armés à la payenne; & faire l'ange tout nud, -avec une robe de _Quasimodo_. Je ne suis fâché que d'une chose; c'est -que l'ange ne tuât le diable tout tué. Quoi! de laisser aller tel ennemi -sur sa foi? Je n'aurois garde si je le tenois. Or, l'ouvrier, pour -n'avoir étudié qu'au ciseau & au maillet, alloit suivant le grand -chemin, comme un beau jeune pélerin qui revient. Le diable, comme vous -savez, étoit couché sur les reims, & levoit les jambes en haut, si qu'il -montra son composé de deux grosses fesses de provision. - -SILVIUS. Etoit-ce plate peinture, ou bosse? - -MESSIRE GILLES. Que vous avez la tête dure! Ne vous ai-je pas parlé d'un -sculpteur? (Si j'eusse dit comme la reine des pois pilés, vous eussiez -eu occasion. Un jour cet ouvrier étoit chez elle, & m'en parlant, elle -me dit: j'ai céans le meilleur _culteur_ du monde). Je vous dis que -cette figure étoit en bosse, & non si grande que ne l'eussiez bien -portée; à savoir l'ange entre vos bras, & le diable à votre cou. Ce -diable, se défendant, paroissoit à cul vu, & montroit deux gros -dintiers, comme pommes de caspendu, en la forme de beaux gros couillons -pourtraits de naturel. Un jour que le vieux chantre de l'église dînoit -chez moi, le baron notre ami lui fit la guerre de ce diable endidime, -qui étoit chose moult honteuse à voir aux yeux délicats de ces pudiques -filles. Le bon homme rioit, & remarquoit ce qu'il lui disoit; & si bien, -qu'après être sorti, il alla à l'église voir s'il étoit vrai. Ayant vu -cette vérité, il fit assembler la compagnie, remontrant que les -hérétiques auroient occasion de contaminer le prétoire, si on ne prenoit -garde à ce dont il faisoit plainte, sur le sujet des trébillons de ce -diable. Le tout fut remis au prochain chapitre, auquel, le fait vérifié, -commissaires, dont il fut l'un, furent nommés, pour monocordialement, -selon la conclusion, châtrer le diable. Le bon homme fut avoué des -autres; ainsi il se transporta, dès l'après-dînée, sur le lieu, & mit à -exécution la charge, menant le sculpteur sur le lieu, faisant entendre -l'intention de messieurs, en lui interprétant la clause de la -conclusion, laquelle étoit en latin de chapitre, en ces mots: _coupibus -couillibus rasibus du culibus à diabolus_. Et cela entendu, lui dit: -frere mon ami, faites votre état. L'ouvrier sarcla ces horribles verues, -qui exhorbitamment faisoient démanger le cul au diable; lequel par la -réale, non huguenotique, mais catholique apposition du ferrement, fut -visiblement, non imaginairement, châtré, sené & écouillé, au grand -préjudice de toute la race diabolique. Je vous assure que les cicatrices -y sont encore, & y paroissent oculiquement. Et de cette aventure-là, est -avenu qu'on appelle à cette heure ces esprits-là _pauvres diables_; & de -fait, est bien pauvre celui qui n'a plus que ces tristes témoins, & on -les lui ôte. Mais de ceci, comme dit Hermès Trimégiste, est avenu un -grand malheur. C'est que tels diables ne peuvent plus engendrer par le -bas; partant ils engendrent, à cette heure, par le haut toutes les -méchantes opinions & hérésies qu'ils vous font concevoir en vos têtes. -La chambre de l'édit ayant été importunée de ce désastre, avisa, du tems -des apôtres, à remédier à ce malheur, afin de contenter les diables en -forme de représailles; tellement que par accord vérifié ès chambres -impériales, avec le consentement des Vénitiens & du pape, on bailleroit -aux diables de manufacture les couillons d'infinis gros couillaux, qui -vivent de l'ombre du crucifix, aussi bien ici qu'en Angleterre. C'est -une belle vie, d'autant que leur viande est visible, & non palpable, -viande qui grossit ou amenuise, à ce qu'on dit. Mais je n'en crois que -le vrai, qui est que, sous cette ombre, il y a de gros coqs d'inde & -telles viandes, que l'ombre cachant, on ne nomme que l'apparence. Ainsi -les pauvres gens vivent d'ombrages; cela leur passe _rasibus_ du -goulier; voire, mais le bon profit ne se dit pas. O belle cabale! -Mignons, multipliez les ombres à la venue des lumieres; cela est de -droit: _à mas ventos, mas vellas_; & gai, que je sais de langues! Je -vous assure, à ce qu'en dit Carondas, le diable soit le sot; il se fâche -que je le nomme. Par dépit de lui, j'en mettrai sous silence plus de -trois vingts & dix-sept. Qu'ils s'aillent faire lanterner. Le droit -françois déclare que c'est un grand bien que les diables soient châtrés, -parce que tels, qui sont doctes, s'amuseront à chercher des caillettes -qui leur soient propres, pour les mettre où il y en a faute, afin de -récompenser l'intéressé; & ainsi laisseront en paix le monde, restant en -quête de trébillons: que les vôtres fussent à vendre! - - - - -RENCONTRE. - - -XXX. Je te prie, page, laquais, novice, enfant de choeur, lévron de -l'antechrist, qui que tu sois, donne-moi à boire, tant j'ai eu de peine -à trouver un nom significatif pour dire, devant les filles, les -pendloches humaines. Mais dà, quand j'y pense, vous êtes de grosses -bêtes, que vous ne m'en avez avisé. L'autre jour, la fille de chambre de -ma cousine du Val nous enseigna de les nommer. Notre laquais, venant de -Saumur, entra en la cuisine, où la fille de chambre étoit descendue -quérir du feu. Le gars contoit qu'il avoit vu grande & pitoyable misere; -c'est que ce pauvre marchand, qui, la semaine devant, avoit vendu des -hardes à mademoiselle, étoit tombé entre les mains des voleurs, qui lui -avoient ôté toute sa marchandise; &, davantage, lui avoient arraché les -(il se teut, & n'osa dire tout outre, à cause de cette fille. Il ne fit -pas comme Regnard, qui prêchant aux jacobins, & tançant les mangeurs de -chair en carême & jours défendus, dit: je voudrois, par fin souhait, que -tous ces gourmans fussent sur la montagne de Tarare, avec un quartier de -lard pendu aux couilles); après un peu de hésitation, il proféra: ils -lui ont arraché les génitoires. Cette fille court en hâte, pour en faire -le conte à sa maîtresse; & encore toute hors d'haleine, dit: -mademoiselle, le grand malheur! Ces méchans lui ont arraché les -histoires. Depuis on a mis en proverbe parmi nos soeurs, que ce qu'on -dit _faire la pauvreté_, ou _besogner_, est maintenant nommé _histoire_, -en bon françois. Messieurs les peintres, & vous qui entendez le métier, -prêtez l'oreille à tout ceci. A ces paroles, voilà messire Guillaume le -Vermeil, qui, tout comme en colere, va dire: vous m'avez empêché de -faire le conte de madame des Manigances, que vous avez nommée _reine des -pois pilés_, parce qu'à la cour elle étoit bien plus chichement habillée -que les autres. Je vous assure véritablement, ainsi que de dire, quand -tout est dit; rien, rien, pour néant; ainsi véritablement, comme dit -l'autre: ha, ha, laissez-moi dire, _basta, basta_. Passez, révérend; -ainsi je ne mens point; a, a, ces petits diablotins: véritablement vous -m'interrompez, r r r a a a, je crie; je le dis ainsi que de dire. Son -ouvrier avoit nom _maître Nicolas_; ce fut lui véritablement, ainsi -qu'il fut, oui certes, ou cent mille petits diablotins, sec & au delà, -qui fut cause véritablement qu'elle dit ce mot; & Ferchaudiere y étoit. - -EGEZZIPPUS. Tais-toi, je te prie, pauvre cheval, & bois; tu as la langue -si aride, que tu nous lamponneras d'ici à demain. J'y étois. Il est -certain que le maître d'hôtel & l'aumônier, qui se nommoit messire René -Goulenoire, étoient présens. Et je demandai à ce maître, qui me montroit -la cire qu'il avoit ébauchée: maître Nicolas, que ne dépêchez-vous de -parfaire le portrait de madame? Il me répond: par ma foi, Monsieur, je -la besogne tous les jours; & ne la puis achever. - -DIOGENES. Voilà parler, cela! Qu'en dites-vous? Que pensez-vous de ces -gentillesses? Sont-elles pas de grande édification? Qu'en pensez-vous, -Messieurs, qui faites des consciences à prendre mouches, & vieux affamés -de vaine réputation? goulus de folle gloire qui vous démange, -l'impudence à l'ombre de l'eau, le manique ou tibérine, tandis que vous -vous tuez le coeur & le corps à charrier les ames vers la mélancolie, -tâchant aussi de nous faire payer la voiture, quand le diable vous -emportera; qui séchez de paillarde envie, dont vous regorgez, comme le -savon des levres des gueux qui vivent sur le grand trimard? Vous, -lourdauts, mes amis du foie, cousins de la rate, & mignons de petites -tripes foireuses, ignorez-vous, d'ici à quelques siecles, que ce simpose -ne soit, selon son mérite, tenu pour authentique, autant ou plus que -toutes les calenderies grecques qui vous font bon ventre, & lesquelles -vous croyez sans difficulté, suant jour & nuit après, pour dégaîner une -pauvre parole, vous y harassant comme taureaux baniers qui vétellent -toutes les vaches d'une paroisse à la rangette? Petits poupeaux de lait, -je vous avertis que vieilles folies deviennent sagesses; & les anciens -mensonges se transforment en de belles petites vérités, dont vous savez -extraire à propos l'essence vivifiante, qui établit vos affaires. A quoi -faire, si cela n'est, vous donner tant de peine à griffonner le papier, -pour le barbouiller de commentaires sur tant de folies de Poëtes, & -Orateurs, & _fouilleaucoffres_ qui les ont écrites en buvant & se riant; -& les estimez tant sérieuses, & telles les persuadez aux pifres -symbolisans, qui, suivant mêmes friponneries de doctrine que vous, -dégénerant; si que, d'hommes qu'ils étoient ou pouvoient être, ils -deviennent animaux fantastiques & rêveurs, comme la plupart de nos -savans qui sont tant veaux, que les diables, aux heures de récréation, -en font des contes pour rire? La plupart, comme tu disois tantôt, de ces -gens de lettres, sont de vrais racleurs de savates, ratissant de -vieilles antiquailles pour en avoir le verdet; & enfin ils ressemblent à -mon chevau. - - - - -CAUSE. - - -XXXI. CATAN. Jean vere, compere, votre chevau bâille. - -DIOGENE. C'est cela, mon ami, jamais ne fut que vieilles gens qui -groignissent, & jeunes gens qui s'éjouissent. Belle bouche, beaux yeux, -qu'en dites-vous? Esprits de bien, je vous désire santé, & de l'argent. -C'est tout; je voudrois que le plus gros & grand de ces censeurs fût -tout d'or en ma cave. - -CATAN. Et bien mon fils, mon ami, voudrois-tu bien avoir ta peau pleine -d'écus? - -DIOGENE. Non dà, si ce n'étoit celle de mon chien; ou la tienne, quand -je t'aurois acheté. - -CATAN. Mais encore, ô roi des gueux, lequel aimerois-tu mieux avoir dix -mille écus en ta couille, ou mourir de faim, ou être sujet à demander la -triste aumône? - -DIOGENE. Va, vieil sorcier; eusses-tu la tienne pleine d'avoine, & une -couvée de rats dedans! - -CATAN. Hé! gros lourdaut, tu ne sais ce que c'est. Je voudrois que le -Duc mon bon maître fût en la gueule du loup, & que j'en eusse la peau -pleine d'écus; gros soupier, j'entends la peau du loup. - -ARISTOTE. N'aurez-vous meshui fait-là? Après, achevez ces histoires. Tu -y songes de bien loin. Il souvient toujours à Robin de ses flûtes. - -CICERON. C'est mal parlé, il faut dire _à Martine de sa flûte_. La cause -est qu'un jour elle pissoit roide comme une bougie de cire blanche, & -lui fut avis que son cas siffloit. Ha! mon mignon, lui dit-elle, vous -sifflez; vous aurez vraiment une flûte. - -THÉMISTOCLES. Que vous parlez court! Vous faites le Lacédémonien; dites -tout. - -ARISTOTE. Il ne faut pas dire les secrets, de peur qu'étant publiés, on -n'en reconnoisse la vanité. Cependant que l'on ne les entend pas, on est -en admiration. Si nous allions tout déclarer clairement ce qui est rare, -nous profanerions tout: si nous ne faisons valoir le métier, que -sera-ce! Ainsi faut-il, de ces menus propos, faire si bien qu'ils -deviennent, selon qu'il est destiné: à savoir, les meilleurs & plus -certains axiomes de la vie, contenant & comprenant toute la mouelle de -doctrine universelle, sans tant d'arts. - -ARATUS. C'est là où je vous attendois. Pour un homme sage, vous ne -parlez gueres bien. - -PORPHIRE. Taisez-vous; j'entends cela mieux que vous, d'autant que vous -autres mettez sept arts _libéraux_; & ils ne le sont pas. Qu'est-ce -qu'ils vous donnent par leur libéralité! Il faut dire _nobles_ & -_libres_; apprenez à parler. Il n'y a qu'un art _libéral_ au monde, qui -est la vraie octave ou parfait accord entre les bonnes disciplines. -Quand vous me parlez d'arts libéraux, il me souvient de ces grosses -bêtes de prêcheurs, qui fendent le ventre au diable avec leur libéral -arbitre. Que ne disent-ils _libre_ & _franc_ arbitre. Mais, pour vous -ôter de peine, je vous déclarerai le vrai art libéral, lequel est -unique: c'est l'art de gueuserie. Il est libéral, cettui-là; il -s'apprend sans argent; il donne à dîner sans qu'on le paie; c'est le -bienheureux art qui nous fait vivre sans soin & sollicitude: c'est lui -qui est le centre des arts, ainsi que le sens commun est le centre des -six sens naturels. Bienheureux ceux qui le savent & le pratiquent avec -honneur. - -APPOLONIUS. Tu rêves; il n'y a que cinq sens, & tu dis six. - -PORPHIRE. Oui, j'ai dit six. - -APPOLONIUS. Et qui est le sixieme? - -PORPHIRE. C'est le sens du cul. - -APPOLONIUS. Ta male'bosse, vilain gueux. - -PORPHIRE. Ne te fâche point; le Curé de ta Paroisse t'en bailla bien -davantage. Pour un de ses amis, il fit une recommandation telle en son -prône: il y a un honnête homme, qui avoit mis sa cavale enfargée en ses -fossés. Messieurs mes Paroissiens, on lui a pris les enfarges avec une -serrure à bosse. Il vous prie, Messieurs, de lui rendre lesdits -enfarges; &, pour votre peine, de par Dieu, que la bosse vous demeure. - -BALDUIN. Entendoit-il qu'ils l'eussent déja, & qu'ainsi il la leur -laissoit, comme un de nos docteurs de Toulouse, qui fit un legs de même -à sa femme. - -DONAT. Comment? - -BALDUIN. En ces pays de droit écrit, un riche docteur, bien malade, -avoit fait son testament, & avoit oublié sa femme tout exprès, & sans y -penser. Elle s'en plaignit dolentement à ses parens, qui, pour l'amour -d'elle, parlerent au testateur, le priant de laisser & donner quelque -chose à sa femme. Hé bien, dit-il, faites venir le Notaire. Il étoit -pressé: écrivez; je laisse. Hélas! il se meurt, disoit sa femme: -hâtez-vous d'écrire, Monsieur le Notaire. Je laisse a a a... Hélas! -dites donc, mon ami. Je laisse à ma femme a a a. Là, là, Monsieur, là, -courage, pour cette pauvre femme. Je laisse à ma femme bien aimée la -plus grosse motte de con qui soit en cette ville. - -DONAT. Que dit à cela cette pauvre femme? - -BALDUIN. Elle se mit à gronder, comme fait la fille de notre logis, qui -est assez belle; mais elle rechigne toujours. - -ARTÉMIDORE. Quoi! cette petite friande-là, est-elle ainsi grondeuse? Il -y a du cas-tu en son fait. - -PHILOSTRATE. Je vous dirai ce mot en passant de la langue, d'autant que -je ne bougerai d'ici. Vous reprendrez bien vos propos; & j'ai peur de -songer à autre chose, tant j'ai de fantaisies en la tête: prenez garde à -ce que je dirai. Ces petites dédaigneuses d'apparence, qui montrent un -geste morfondu, qui fait reculer possible pour cheoir. Je ne sais -comment le monde va, ou que c'est qu'il y a de caché qu'on ne sait -point. J'ai beau me gratter, s'il ne me démange, il me cuit. Ainsi en -est-il des filles tant sages. Mais quoi! par leurs actions & gestes, -elles signifient enfin qu'il n'en faut point parler, mais chercher -l'occasion de le faire, & avec telle dextérité, qu'il n'y paroisse -aucunement. Je n'en parle point à celles qui sont sages, & qui ne -l'entendent pas, lesquelles, pour tout ce que je dirai, ne s'émouveront -aucunement, d'autant que qui n'a point mangé d'avoine, n'entend pas le -grand bruit du crible. (J'eusse dit le _son_; mais les Moines ne -m'eussent-ils pas accusé d'hérésie, parce que _son_ appartient aux -cloches? Et quand ils oient les cloches, ils disent: voilà la vache qui -appelle les veaux.) Enfin, ces friandes grondent de si mauvaise grace, -qu'elles semblent n'y présumer aucune douceur, ni espérer délice -quelconque; & encore moins font mine d'y reconnoître de la délicatesse. - -SANDÉ. Il vaudroit mieux qu'elles fussent jolies & joyeuses, & qu'elles -ne le fissent du tout point, parce que la douceur de le faire est -éteinte par leur sottise. Pour conclusion, ces petites bêtes, qui -disent: j'aimerois mieux que les chiens l'eussent déchiré; j'aimerois -mieux que le diable l'eût éfrondré, se laissent faire à quelques chiens -couchans de léchefrite, ou à quelque valet arrogant qui les bat en -diable. Il n'est que le faire gai & paillard, par amitié ou rencontre. - -DONAT. Comme la fille de mon hôtesse. Par sainte Marande, la -reconnoissance n'en est pas mauvaise, & vient bien pour mettre avec vos -histoires. Un jour cette nicette voulut aller ès nôces dont elle étoit -priée. Elle demanda congé à sa mere, qui le lui octroya; moyennant que -paragrafiquement, sagement & à propos, elle gardât bien son honneur; ce -qu'elle promit de faire fort bien. Elle alla donc, & se mit avec un -grand soin de garder son honneur. Toutes les autres dansoient, & elle -point, & ne s'osoit approcher de la colation, pour faire de la merde -avec les dents comme les autres: elle ne bougeoit du coin de la salle à -regarder, & avoit les deux mains sur le bord de son busque, justement au -diametre de son intention. J'ai failli; je devois dire _le centre où -doit passer le diametre qui n'y étoit pas encore_. Coipeau, qui l'avisa -ainsi merde en vos lippes, (je dis, _mélancolique_) vint à elle, & lui -dit: ça, ma cousine, allons danser. Je n'oserois; j'ai peur de perdre -mon honneur; ma mere m'a commandé de le bien tenir. Venez, venez; ne -laissez pas de venir. Je n'oserois, de peur de perdre mon honneur. O, -ho, dit-il, n'y a-t-il que cela? Venez, cousine; allons ici en cette -petite chambre, je vous le coudrai si bien, qu'il ne cherra pas. Il lui -dit tout bas; & elle l'entendoit bien clair, parce qu'elle avoit envie -de danser: par quoi elle le suivit. Il la poussa contre un coffre; & lui -enseigna la danse du loup, la queue entre les jambes; & lui recousit son -honneur, de la sorte qu'on attache la chose aux nouvelles mariées; & -l'assura que jamais son honneur ne tomberoit par cette faute-là. Quand -ce fut fait, elle vint danser; & n'y avoit que pour elle, étant -affriandée. Elle trouva quelque chose à dire à la couture; parquoi elle -en demanda encore, si qu'elle en eut jusqu'à trois fois. (C'étoit assez. -Voire, voire, je le fis bien vingt-cinq coups en vingt-quatre heures à -Madelaine: cinq fois la nuit; & le jour vint.) Il ne le fit pas tant; -toutefois elle en étoit toute rejouie. Un peu après qu'elle eut mangé -des confitures, & qu'elle n'étoit plus honteuse, elle s'avisa de son -honneur, & vint encore à lui, le priant de le recoudre encore un petit. -En dà, dit-il, je ne saurois; je n'ai plus de fil. Hé, hé, ce dit-elle, -& qu'avez-vous dont fait de ces deux petits pelotons, qui vous pendoient -entre les jambes. - - - - -MINUTE. - - -XXXII. Petronius voulut dire sa ratelée; mais il rengaîna son discours -par la bouche, parce que le bon homme notre hôte vint criant tout haut, -comme un belier égaré: ça, enfans, ça, ça, messieurs, c'est assez causé, -il faut se reposer; _à l'Italiano sermo disme_. Beuvons & faisons une -pause aux discours, & prenons quelque beau sujet, pour nous entretenir -d'habits & de toute autre chose. Il ne faut toujours mordre, il faut -tuer. J'ai fait fermer la porte; il n'entrera personne céans, nous -sommes en liberté; la dispense, i. le verrouil & la barre sont mis à la -porte; aucun n'entrera ici, si le diable ne le jette par la cheminée -(comme le farfadet de Poissi). Au soir que les belles se retirerent, -pour conduire une hôtesse en sa chambre; trois ou quatre avec elles, -prêtes de se mettre au lit, devisoient auprès du feu, & par mignardise -s'entremontroient leurs cuisses, pour voir qui l'avoit plus belle & plus -potelée: ces cuisses étoient belles & mignonnes. Alors le farfadet vint -par la cheminée; & après qu'elles eurent comparé leurs cuisses, il -s'avança, & en montra une grosse & grande, velue comme celle d'un -cheval, & leur dit en s'approchant: & la mienne? Or ça, j'ai apposé & -contrôlé la juste dispense & huguenotique, ainsi que nous faisions, à -Paris, le carême passé, quand, en pleine taverne, nous faisions le petit -exercice de la religion. - -CLICHTOVEUS. Qu'est-ce à dire cela? - -LE BON HOMME. Vous qui savez tous les mysteres sacrés, êtes-vous si -bête, que vous ne savez pas ceci, vu qu'il se pratique en de bons -cloîtres? C'est que nous clouons, barrons, bouclons & fermons bien la -porte, quand (comme ceux de la religion) nous voulons manger de la -chair, aux jours défendus. Tel est le _petit exercice_, d'autant que le -grand est d'aller au prêche. - -PETRONIUS. Je vous veux apprendre un autre secret, que m'a enseigné -Hilaret. Mes amis, ne mangez point de chair, le jours défendus; mais -jeûnez: & puis, toute la nuit, faites bonne chere, avec de bonne chair -morte & vive. Les nuits ne sont point des jours; partant, point -défendus. Un consul étoit de même opinion, quand, durant les treves, il -faisoit la guerre de nuit. - -LE BON HOMME. Cette distinction est trop obscure: notre chose vaut -mieux; & puis j'ai mis dehors tous ceux qui n'aiment point raillerie. -Soyez les biens ventrus; la panse fait l'homme: je vous prie, ça, en -liberté. Y a-t-il personne de vous qui ait le ventre tendu, qui veuille -aller en purgatoire? Tout est libre & bon en son tems, lieu & endroit. -Ce fut un moine de St. Denis, disciple de Genebrard, qui m'apprit à -nommer ainsi le _privé_, parce qu'on s'y purge. Soyez, encore un coup, -les bien venus, gens d'honneur, trafiquant sans marchandise, & dont la -conscience est profitablement bonne; non scandaleux, non fistons ni -sépulcreux, (je cuidois dire _scrupuleux_) je vous assure & jure que -j'aime d'amour ceux qui trouvent tout bon sans sauce, qui jamais ne -s'offensent, qui n'enragent point, quand on les corrige, comme fit ce -maraut de sergent l'Espinai, qui, à Saumur, faisant panader son cheval, -alla à bas bête & tout. La Maugis, le voyant ainsi tombé & à terre, lui -dit: en dà, monsieur l'huissier, vous deviez demander ce qu'il vous -faut, sans vous baisser si bas. Il en eut si grand dépit, qu'il en -devint ladre, & sa postérité. - -AMIOT. Pourquoi dites-vous monsieur l'huissier? Il étoit sergent de -bande. - -LE BON HOMME. Voire, un huissier & un sergent, n'est-ce pas tout un? Il -étoit huissier de bande, comme à Orléans le paysan qui, cherchant -l'avocat du roi, demandoit monsieur le baillif du roi, parce que, là, un -avocat se nomme aussi baillif. - -PHILON. Je connois ce ladre: c'est lui même qui se presenta derniérement -à monsieur le grand aumônier, pour avoir place en ladrerie. Je fus -commis pour le visiter, d'autant que vous savez si je m'y dois -connoître. Pour voir ce qu'il diroit, je lui dis: mon ami, vous n'êtes -pas ladre. Ha, ha, dit-il, monsieur, si dieu plaît, je serai bientôt -ladre; à ce renouveau, les boutons me paroîtront assez. - -LE BON HOMME. En dédit de toutes sortes de sots, beuvons, rions: ce sont -des accidens de concomitance, liaisons de compagnies, relations -légitimes, conséquences d'usufruit: c'est notre part, quand nous y -sommes. Et de fait, rire, c'est ce qui contente le plus, & qui coûte le -moins. S'il en étoit ainsi de boire, le bon vin ne coûteroit gueres. - -APULÉE. Hé, couillaud, tu ne t'y entens pas; parce que toujours le vin -coutera, & sera cher, quoiqu'il coûte, d'autant qu'il faut payer pour -deux, le rire pour l'ame, & le vin pour le corps; & tout sur le vin. - -LE BON HOMME. Là, là, disons bien; & si vous avez envie de trébucher en -éloquence, dépêchez vous; coupez broche à toute cette paillardise de -bien dire. Disons en bon françois, sans que rien nous échappe: & que -savons nous qui nous aviendra, la vérole ou de l'argent? Il ne faut -qu'un hazard semblable à celui de la belle fille, qui, le premier coup -qu'elle fit, fut guimplée. Beuvons, lavons-nous le cou par dedans; -c'est-là. Et si d'aventure nous nous enivrons, pour faire honneur à nos -parens, que ce soit selon la remontrance du ministre de Strasbourg, qui, -prêchant & remontrant les vices de ses brebis, leur disoit: quand vous -dansez, il semble que vous vouliez jetter votre tête aux cieux, & vos -jambes aux diables; dansez modestement. Quand vous beuvez, vous -gargouillez comme pourceaux; hé! pauvres gens, enivrez-vous, mais que ce -soit sobrement; jurez pieusement; maudissez flatteusement; battez -mignardement, & paillardez chastement; donnez-vous au diable avec -honneur, & éjouissez-vous de tous sujets, sans en abuser. La vieille -Perrine, notre servante, avoit raison de dire que ce seroit abuser du -vin, de s'en laver la raye d'en bas, avant qu'il eût coulé par celle -d'en haut, comme du chausse-pied de tantôt; (ainsi qu'il est noté en la -pénultieme page du _Talmud_) ajoûtant que ce seroit un abus formel, si -une femme faisoit de son con un godet, un arbalête à grenouilles, bien -qu'il serve à recevoir les queues de grenouilles, lesquelles leur ont -été ôtées, pour en faire les choses des hommes, qui, pour cette cause, -sont bien aises, & veulent toujours être en de tels marais. Mais -pourquoi le con d'une femme est il mâle? - -ARTEMIDORE. _Omne, viro soli quod convenit, esto virile._ Les docteurs -de Paris l'enseignent ainsi aux écoles. Je vous assure, ô vous qui -entendez ceci, qu'il est vrai; & que, comme ce bon pere le dit, il n'y -va point de sa faute. (A cela, il beut; & reprit sa parabole, comme -Balaam à _propos de quoi_, c'est-à-dire, _de boire_). En quel tems le -vin est-il meilleur ou bon? Dites, messieurs. C'est, dit l'un, quand on -a grand soif. L'autre: c'est en été. Voire, dit frere Anselme, c'est en -hiver au soir, quand on s'est bien rôti auprès du feu. - -ALBERT LE GRAND. Vous n'y êtes pas; c'est quand on le boit, que l'on le -jette à poignées dans le corps; & par la sainte ombre du clocher du -temple de Salomon, je vous proteste que je suis étonné, même de quelques -doctes, & sur-tout de Séneque, qui derniérement nous fêtoyant, & me -baillant de ce bon vin de copeaux d'Orléans: frere, me dit-il, voyez si -ce vin est bon. Pargoi, j'eusse pu y regarder, d'ici au jour du -jugement, que je n'y eusse rien connu de bon. Non, non plus que, si vous -étiez barbouillé, ne pourriez le reconnoître vous mirant à mon cul. Et -puis il y en a qui disent: tâtez. Il faut dire: _goûtez_ à ce vin, de ce -vin, ce vin; beuvez-le, savourez-le: & pource, je me moque de toi, grand -viédase Grec, qui desirois avoir le cou long comme une grue, quand tu -boiras. Va te faire pancer par mon barbier; & il ne te coûtera rien, à -te faire déclarer vrai St. Christophe de pâques fleuries. Ne sais-tu -point que, depuis que le vin a joint l'épiglotte, il n'est plus -favorable. Il convient, pour bien souhaiter en cette affaire, desirer -avoir le palais aussi grand que celui de Paris, & le manche de priape -aussi grand qu'une pique tournée comme une trompe de chasseur, afin que, -venant à la liqueur arrousante, la douce rosée de nature, le sucre de -l'aurore, on sentît une vraie rage de bien, tandis qu'elle passeroit par -ces coulis infractueux. Venons au point. Quand est-ce qu'une femme est -sage? - -LE BON HOMME. Remettez-le à tantôt que nous aurons beu; aussi bien -jamais honnête homme ne besogna par procureur. Tenez ceci secret; & ne -le montrez pas à ces maîtres veaux; bran pour eux. - -AZOARE. Davantage, il y a, comme je le conclus, des pifres équivolans, -qui, oyant parler de ce grand simpose, en penseront de biais, comme -Jaquette du Mas, qui fit un enfant, sans savoir le nom ni le surnom du -pere; de quoi elle étoit fort dolente. Son enfant fut nommé Adam. Un -jour qu'elle étoit au sermon, elle ouit le prêcheur qui s'éfiloit -d'alléguer l'écriture, & disoit, _Adam, ubi es?_ Cette fillette sortit -tout incontinent de là, très-aise de savoir le nom de son fils. On lui -avoit dit que les prêcheurs savoient tout; parquoi elle nomma depuis son -fils, Adam de Biais. C'est celle qui disputoit l'autre jour à la porte -de l'église cathédrale. - -AMIOT. Qui est l'autre? - -AZOARE. C'est celle qui vous servoit, quand vous étiez grand aumônier, & -que vous fûtes si malade. Elle m'a conté que vous disiez au barbier qui -vous pançoit, & vous avoit assuré que vous aviez la vérole: hélas! -monsieur Gaspard, mon ami, j'avois toujours prié ce bon dieu qu'il m'en -gardât. Et il vous répondit: aussi a-t-il fait, monsieur; il vous a -gardé de la plus fine. C'est qu'il falloit que cela passât. Pourquoi -est-ce que vous y venez? Les friandes querelloient le fils de Jaquette -qui étoit grandet. Voyant ces rixes, il tira sa mere par la robe, & lui -dit: ma mere, appellez-la vîtement putain, avant qu'elle vous y appelle. -Putain, dit-elle. Tu as menti, fit l'autre; c'est toi qui es une putain; -tu as donné la vérole à messieurs. Elle parloit de chanoines. - -AUGUSTE. Vraiment, bon homme, c'est bien vous qui êtes allé de biais. -Que n'achevez-vous ce que vous avez commencé. - -AZOARE. Pour votre révérence, bon empereur, je le ferai, d'autant que la -barbare opinion de ces veaux d'attache ne pensera pas que nous beuvions -& rions. Ils s'intentionneront à gauche, d'autant qu'ils n'approuvent -que ce qui prend à leur mêche. Mais que l'aze les quille; & fût-ce celui -de Don Rodigue das Yervas. - -SOPHOCLES. Pourquoi nommez-vous cettui là? - -AZOARE. Parce que, quand on le voulut faire inquisiteur, il dit qu'il -eût mieux aimé être vendeur de morts aux rats & aux souris. - - - - -REMONTRANCE. - - -XXXIII. Mais cependant que je prendrai un peu de réfection, dites à -notre ami Erasme qu'il vous conte l'histoire de Rodigue. Ce que je -désire me réfectionner d'un peu de viande & de liqueur, est, que je -crains de perdre le devant & le derriere, comme cette abstinente de -Confolant. Je m'en rapporte aux médecins. Ça, notre ami, donne-moi un -peu de cette vie sans fin; c'est-à-dire de cette langue de boeuf, de ce -jambon. Çà, çà, Rabelais, Copus, Anacréon, beuvons, & gai. A savoir si -la langue branle, quand on boit; si le troufignon barbotte, quand on -pette. Aussi-bien ce causeur nous tiendra longtemps. Que voici un bon -chausse-pied! Savez-vous bien pour quoi je me délecte tant à boire? -C'est pour ce que j'ai une belle joie, quand il me pleut dans le ventre. -Mais ce fou de Flamand se fâchera, si on ne l'écoute. - -CESAR. Il n'est pas Flamand. - -AZOARE. Et que s'en faut-il? N'est-il pas de même crême? - -ERASME. Il y a plus de cinquante ans que je n'avois tant parlé sans être -écouté. Quand il n'y avoit que moi, on me couroit à force; mais, depuis -que les cadenats des sciences furent crochetés, on m'a laissé en croupe; -& bien que j'eusse si chaud, que la queue m'en suoit, encore on se mit à -courir après ces nouveaux venus, qui, ô bon César, laissent votre latin -naïf, pour aller aux cloaques des pédans chercher des mots tous pourris -de cuire, & s'en barbouillent le museau. A propos de cela, quel est -l'outil de ménage que jamais on ne prête ni emprunte, & si il n'y a -guere de maisons où il n'y en ait? Hé gai, dit Saint Glougourde, c'est -le bouchon des écuelles, qui fut cause que je fus canonisé: en voici -l'occasion. Je faisois la cuisine des cordeliers de Rennes; & je mis: -par mégarde, le bouchon des écuelles au pot, où je fis cuire la potée. -Cela fit une soupe miraculeuse, sentant le potage des gueux jusques au -tiers ciel: au reste, il étoit gras & fluant. Les freres le trouverent -si bon, qu'ils en eussent mangé leurs mains jusques aux coudes; les -novices, qui en eurent le plus, & le fond, le savourerent. Et parce que -cela étoit mêlé de beaucoup d'essence, en devinrent si savans, qu'ils -surpasserent leurs maîtres, qui, par envie, en firent mettre trois _in -pace_, que je délivrai, tandis que l'on disoit matines de tripes. - -APULÉE. Et qu'est-ce que cela? - -ALCUIN. C'est le déjeûner. - -ERASME. Beuvez un trait tout plein, & me laissez dire; ou j'oublierai -tout, ou je serai contraint de recommencer comme ma grand'mere, qui tant -plus disoit sa patinostre, & moins la savoit, si qu'enfin elle la dit -tant & tant, qu'elle l'oubliât. Or je vous dirai des vieilles vétilles -françoises & espagnolles, & je draperai sur l'un, aussi-bien que sur -l'autre, d'autant que je ne me soucie non plus de l'évangile que de -l'épître. - -TRITEMIUS. Je ne m'étonne plus, si on a opinion que tu sois hérétique. - -ALCUIN. Vous n'êtes pas recevable à le dire. - -TRITEMIUS. Mieux que vous, qui dites qu'à S. Martin la messe & vêpres ne -valent rien, qu'il n'y a que matines qui sont bonnes: parce que tout le -gain le plus avantageux y est. - -ERASME. Allez; ou vous aurez taloche à la huguenote. Ce n'est ni vous ni -moi qui faillons, parlant ainsi. Il n'y a que les commentateurs, qui -donnent l'intelligence selon leur dessein. Plusieurs interpretent les -écrits & paroles des autres, selon leur sens. Ainsi les moines ivrognes -interpretent les épigrammes d'Ænéas Silvius & de Beze, en ivrognerie, -les sodomistes, en sodomie; les amoureux en amour; les avaricieux, en -richesses; & les doctes, en galantise & bonté, d'autant que tout bon -fait bonne digestion: & pour ce que entendiez que je voulois parler -bref; l'épître, c'est le roi d'Espagne; l'évangile, c'est le roi de -France; d'autant que, devant le pape disant la messe, ils sont diacre & -sous-diacre & je dis que je ne me soucie pas de leurs débats, d'autant -que, demeurant à Bâle, j'étois chanoine de saint Paul. - -MUNSTER. Il n'y a point de chanoine de S. Paul à Bâle. - -ERASME. Je ne m'étonne pas, si Thevet te loue, tu es quasi aussi sot que -lui. Hé! ne sais-tu pas que je vivois, comme dit S. Paul; & que j'étois -chanoine, comme ne l'étant point; & partant, je me délectois à ma -fantaisie: & sur cela je répete que, si vétilles françoises étoient -emmaillottées de commentaire, comme celles du temps passé, elles -auroient plus de graces que toutes les autres, & iroient jusques au ciel -de la lune, comme étant de meilleur goût que les grecques, lesquelles -puent le vomi d'après souper. Pensez que c'est une belle chose que la -généalogie des dieux; & qu'Homere étoit alors bien fin (chut! il est là -avec du Bartas qui en conte; il ne nous oit pas) & bien ingénieux; quand -parlant de ce beau porcher, il dit qu'il étoit semblable aux dieux. -Quels dieux de menue venaison! Il étoit compagnon de ce berger, auquel, -en temps de pluie, la raie du cul servoit de goutiere. En toutes ces -inventions, il n'y en a point une qui soit tant naïve, que la belle -naïveté du berger du Genitoi, qui, se dépitant au temps de pluie, -disoit: si je suis jamais roi, alors je garderai mes moutons à cheval. - -AZOARE. Les méchantes amours me sollicitent tant le fondement, que je -vais errant çà là. Mais, pour l'amour de toi, ô grand prince de Rome, -duquel Homere prophétisoit tantôt, toi qui l'as miraculisifiée de -nouveau, qui as tant baillé à coudre aux Romains, leur ayant tant -désenseveli d'éguilles, pour l'honneur & révérence que je te porte, pour -ne t'avoir jamais vu ni connu, je poursuivrai mon Rodigue, qui fut -gentilhomme signalé, & qui, étant revenu de plusieurs expéditions, où il -avoit bien fait en obéissant, puis commandant, pour le service de son -roi, & du sien propre, d'autant que ce seroit pour néant sans cette -condition, se présenta en cour en cette sorte. Il s'en vint garni de -lucances valables d'honneur & d'assurance, ainsi qu'il desiroit paroître -devant son prince. Arrivé au château, il sut que le roi n'y étoit pas, -ains s'en étoit allé à la chasse. Lui qui a le feu au cul, (bien -d'autres l'y ont; & là-dessus, je vous demande, Lipsius, pourquoi les -femmes qui aiment le déduit, hantent les gens de cloître? - -SUIDAS. C'est parce qu'elles ont le feu d'enfer ou cul; il faut des -couilles bénites pour l'éteindre.) - -AZOARE. Or bien notre Rodigue avoit le feu au cul; partant il se hâta, -d'aller trouver son roi. Il poussa son mulet, pour se diligenter; & de -fortune, il rencontra le roi seul, lequel avoit pris le devant, à cause -de la poudre. Rodigue, qui ne le connoissoit pas, le salua; & lui -demanda où étoit le Roi. Le Roi, qui vit bien qu'il ne le connoissoit -point, bien qu'il ressemblât mieux à un fou qu'à un moulin à vent, le -laissa en cette opinion. Et puis, qui eût pensé que ce fût le roi? Il -n'y a philosophe qui le pût deviner, sinon qu'il sût l'intention de ce -prince, qui alloit ainsi seul, de peur que, par le mouvement de la -troupe, les atomes de Démocrite ne se vinssent unir à la cire de ses -yeux, pour y engendrer quelques roitelets guêpins. Ces deux, comme -chevaliers, s'étant entresalués, le roi répondit à Rodigue, qu'il étoit -fort loin; &, là-dessus, le pria, par la même usance de courtoisie dont -il l'avoit prié, qu'il lui déclarât quel il étoit, & ce qu'il vouloit au -roi. Adonc Rodigue lui déclara ses valeurs, ses prétentions, & comme, -sur l'attestation de ses bons & signalés services, il venoit prier sa -majesté de lui accorder quelque récompense de ses mérites. Et cettui-ci -lui dit: si le roi ne vous veut rien donner, que sera-ce! Rien, sinon -_bien se poede hazer hoder à mi machos_, c'est-à-dire, _qu'il se fasse -saillir à mon mulet_. C'est ainsi qu'il trancha le mot, pour lequel les -chiens se battent. Le roi passa outre; & Rodigue vint à la troupe, où -entendant que le roi étoit passé il y avoit long-tems, il s'achemina -avec les autres. Etant arrivé au château, il mit pied à terre, & attacha -son cheval à une grille. A cela vous connoissez que ce ne fut pas en -France; les pages & les laquais, ou autres affineurs, ne l'eussent pas -laissé là, sans le mener boire, de peur des mouches. Le roi étoit à la -fenêtre qui le considéroit; & l'ayant fait remarquer à deux -gentils-hommes, les envoya lui dire qu'il vînt parler à lui. Ils lui -dirent: segnor cavalier, le roi vous demande. Quoi! le roi sait-il bien -que je suis venu, moi? Or le roi vouloit voir, s'il seroit constant en -son humeur bravache. Rodigue entra, & fit une preude révérence à sa -majesté: puis, ayant reconnu que c'étoit le roi qu'il avoit tantôt cru -un simple chevalier, auquel il avoit fait cette défonçade de braverie, -ne s'étonna point, s'affermit & avança, montrant au roi les attestations -qu'il avoit, lesquelles faisoient preuve de son obéissance, valeur & -fidélité. Sur quoi il supplia très-humblement le roi: sacrée majesté, -vous êtes informé de ma bonté; je vous supplie d'une douce & favorable -récompense. Si je ne veux point vous faire une récompense, dit le roi, -malgré votre loyauté, que sera-ce? Sacrée majesté, mon mulet est là-bas. -Cette parole fut ouie, & non entendue de tous, mais seulement du roi. -Ceux qui ne savoient ce que c'étoit, croyoient qu'il avoit dit, comme -prêt à monter dessus, & s'en retourner. Mais le roi l'eût pu interpréter -ainsi: _mon mulet est là-bas, faites-le monter, il vous en donnera une -venue._ - -GALATINUS. Je pensois que vous dussiez parler autrement, comme la fille -de notre métayer, qui vint un jour trouver ma grand'mere, & lui dit: bon -jour, mademâselle. Mon pere vous prie de lui prêter voute taureau, pour -donner une vertelée à noute vache. Il vous en rendra autant quand il -vous plaira, mademâselle. - -CÉSAR. Que fit le roi à Rodigue? - -AZOARE. Il lui donna une pension de quatre mille malvedis de rente, & le -retint près de sa personne. - -PIMANDER. Voilà; il n'y a que telles gens, qui aient les bonnes graces -des grands. Si c'eût été quelqu'homme qui eût eu de la doctrine, on -l'eût envoyé rôtir le balai. Il ne faut qu'être effronté, pour obtenir -des faveurs: & à dire vrai, c'est pitié absolue, que pour être grand & -gagner, il faut ruiner la vertu & le prochain. O quelle misere! que les -hommes sont diables aux hommes. Quiconque ne croira point qu'il y ait -des diables, qu'il aille au palais & à la cour. - - - - -GÉNÉALOGIE. - - -XXXIV. A la vérité, quand je m'en souviens, n'est-ce pas une grande -misere, pour preuve de cette diableté, qu'il ne se trouvera homme, tant -vanteur de la piété soit-il, qui veuille acheter un état de secret -rechercheur des actions humaines, pour avertir les autres, à ce qu'ils -soient garantis du danger, afin qu'ils se détournent de leurs mauvaises -voies, & que, s'ils sont enclins à mal faire, ils s'en corrigent dès le -commencement, ou s'en abstiennent à l'avenir de peur qu'ils ne tombent -en péril! Plutôt, la plus grand part des hommes sont comme chats guetant -les souris; & le plus homme de bien en apparence, sera en perpétuelle -sentinelle, pour épier si quelqu'un bronche; non pour l'avertir bien & -charitablement, mais pour le ruiner. Et pour faire preuve de plus -d'impiété prévôtable, on contraint iniquement les autres, & incite à -dire, s'ils savent quelque mauvais déportement de leur prochain, afin -que l'on l'accable, pour s'engraisser à ses dépens, s'il a moyen de -payer les ouvriers. Ainsi plusieurs sont riches du malheur des autres, -desquels jamais la faute n'est cachée ou diminuée, ou détournée, ains -multipliée abondamment. Or nous ne sommes plus au temps qu'on étoit -sauvé par sa faute. Je pense que les bonnes gens qui gémissent sous la -tyrannie des gros, seront émus par charité à bien estimer, en nos -discours, comme nous découvrons le tombeau de vérité. - -EPICARME. Savez-vous bien ce que c'est que vérité? - -Q. P. Ne vous en enquêtez point tellement, dit le sage, que vous ne -soyez estimé de la secte de Ponce-Pilate. Davantage, je vous avertis, -par l'exemple de ce docteur, que nous avons chassé, que vous n'ayez à -mettre en avant chose qui puisse être tirée en conséquence contre ce qui -est saint, ou à moquerie de ce qui est vénérable. Usons notre temps avec -la ponce de bienséance, ou le grès de sagesse; & que cependant notre -satyre soit perpétuelle, pour découvrir l'abomination des affaires du -mauvais monde. - -PÉTRARQUE. Mais de quoi sont composées les affaires du monde? - -QUELQU'UN. Du bien d'autrui; témoin ce que me dit le Chanoine qui -plaidoit contre moi, & pour me tromper, comme c'est la coutume de telles -gens, me fit parler d'accord; moi qui allois mon train, comme l'âne des -bons-hommes, je lui disois que je ne desirois que la paix; & lui me -protestoit qu'il ne vouloit que mon bien. J'en étois content; mais notre -servante, qui avoit demeuré chez un Avocat en Cour d'Eglise, me sut bien -retirer, me montrant qu'il disoit vrai, qu'il vouloit mon bien pour le -mêler avec le sien. - -PÉTRARQUE. Voilà qui est bon; mais je demande que c'est qu'affaires du -monde. - -PARACELSE. C'est le moyen de parvenir. - -CELSUS. Vous nous l'obscurcirez tout, comme vous avez fait la Médecine, -en vous vantant, & n'y disant que des ventosités. Je vous prie, -amusez-vous à boire; je vous prie, ne vous fâchez point; je vous dirai -de belles choses douces, & avec facilité. Le moyen de parvenir comprend -tout, & est composé des quatre élémens de piperies, avec leur -quinte-essence. - -ERASTE. C'est une nouvelle philosophie, voire si nouvelle que l'on ne la -connoît pas. C'est à ce coup que vous êtes trompé, d'autant qu'il y en a -qui la savent bien, & qui se moquent de nous, qui nous amusons à voir -des urines, & souffler du charbon; & les autres attrapent les -incommodités. Or je vous dirai comment, & ronflerai en axiomes -merveilleux. Çà que je tranche des sentences toutes pleines d'abondances -mystigoriques; que je vous en donne, non ecclésiastiquement, ni -chichement, ni justinia-niaisement; mais libéralement & -philosophiquement en charité. - -SCOT. Ce n'est pas bien fait; il faut vendre la science; & par-là je -connois bien que vous n'y entendez rien. A ce mot, Uldric, qui se -fâchoit de quoi ce Moine interrompoit Paracelse, lui dit: taisez-vous; -vous n'y entendez rien vous-même. - -SCOT. Si fait; aussi il n'y a science que je ne sache. - -ULDRIC. Vous en avez menti, au respect de Dieu. - -MADAME. Quoi, qu'est-cela? Voire, & faut-il que les gens doctes vivent -ainsi? Buvez, & vous accordez. - -PARACELSE. Hélas! pardonnez-moi, Madame, ce n'est pas moi qui querelle. - -ULDRIC. Il y a plus d'une heure qu'il me picote, même encore tantôt, -m'appellant hérétique pulvérisé; & pour ce si je me fâche, je vous prie, -Madame, de croire que j'en ai juste cause, & aussi me vouloir favoriser -en ma querelle. Je suis homme de bien, & lui aussi: je ne voudrois pas -quereller un méchant, parce que je n'y aurois point d'honneur: mais je -lui en veux, d'autant que tantôt il m'a fait une opprobre vergogneuse; & -m'a dit une injure que je ne veux, ni ne peux lui remettre. - -SCOT. Je ne m'étonne plus de rien, puisqu'il s'en souvient. O! soit ce -qui en pourra être, je me tais & vous en laisse tout faire; je m'en vais -me consoler avec le flacon; je vous fais juge de tout, Madame. - -MADAME. Et bien, il vous a appellé hérétique; il y a bien de quoi? - -ULDRIC. Oh! que ce n'est pas cela pour si peu, je ne daignerois y -penser. Il m'a fait une bien plus grande honte, diffamation & vitupere -plus notable. - -MADAME. Pour vivre en paix & vous accorder, il faut tout dire: là, -déclarez ce tort & injure. - -ULDRIC. Madame, je vous prie, c'est tout un; je vous le dirai; il m'a -appellé viédaze. - -MADAME. Que lui avez-vous répondu? - -ULDRIC. Qui vous fouaille, Madame, en bon françois. - -MADAME. Mais vous, vraiment! - -ULDRIC. Je veux bien, puisqu'il vous plaît; je ne l'eusse su demander -plus honnêtement, ni vous plus joyeusement me l'accorder. Ce sera quand -il vous plaira, Madame. Employez-moi, tandis que je suis jeune; quand je -serai vieil, je n'en pourrai plus. Mais ce démenti que deviendra-t-il. -J'entends que ce soit un démenti de Meûnier; un âne le portera. Voire, -mais plutôt de papier; je m'en torcherai le cul. - - - - -NOTICE. - - -XXXV. LE BON HOMME. Te voilà camus, Monsieur Scot: tu as le nez fait -comme une truie gruesche. Que diable avois-tu affaire à cet hérétique? -Ne sais-tu pas que tels gens sont injurieux comme Papistes & inventifs -comme huguenots? Veux-tu que je te die? Il t'avient à les attaquer, -comme une truie à dévider de la soie. Laisse-le là; il te feroit devenir -aussi cheval, que le mulet du grand Turc. C'est un des malheurs du -siecle, que si on veut apprendre quelque bien, on aura infinie peine à -se mettre en train. Depuis le temps que nous sommes ici, nous n'avons -non plus su entrer en matiere, qu'un coin de beurre en la fente d'un -noyer. Nous ne faisons que perdre le temps; je ne m'en soucirois pas, -s'il n'y avoit que pour nous. Je plains une infinité de pauvres ames, -qui béent, attendant après la doctrine languissante du desir de science: -& nous la retenons par nos rencontres, qui seroient aussi bonnes tantôt -qu'à cette heure, d'autant que tout ce qui est ici est si bon, qu'il est -tout égal, ni meilleur, ni pire, tel en un temps qu'en l'autre. Or bien, -puisque vous avez envie de savoir, oyez notre docteur. - -PARACELSE. Vous saurez, en dépit de vous, que les quatre élémens sont -formés d'une même matiere. Regardez comment je commence de belle & bonne -grace, comme un apprentif qui retire sa quittance. - - Quand maître coût, & putain file, - Petite pratique est en ville. - -La premiere matiere est celle dont les ouvriers du monde agissent, -sachant élire ce qu'il en faut pour leurs affaires. J'ai honte de -proférer ce mot de matiere, à cause de ces médecins qui me regardent, & -pensent que je leur veuille proposer le monde malade, pour voir à sa -matiere ce qu'il sera; s'il mourra bientôt, ou s'il guérira. Je vous -dirai mes enfans, (ainsi vous puis-je nommer, d'autant que je vous -adopte par science, & vous engendre par intelligence) que le monde ne -s'est point encore vuidé; il n'a point fait de matiere. Savez-vous pas -que la matiere se fait seulement, après l'opération de plénitude? Tout -ainsi que le monde est beaucoup de fois plus grand que l'homme, qui est -le petit monde, & le monde le grand animal corporel: aussi, en -proportion, quand il sera plein, & après le tems & juste équivalence, -ayant été rempli, rendra sa matiere; attendez ce tems-là, & vous qui -jugez de sa durée & future dissipation, & la verrez au juste -prognostique de l'éjection qu'il en fera. Ce n'est plus de telle chose -que je veux parler: mais en faut avertir le monde, de peur -d'inconvénient. Oyez donques que c'est de certains, purs, vrais, saints -& justes élémens que je veux dire, lesquels les abstracteurs, -falsificateurs, brouillons & hypocrites ont gâtés: & j'en veux à ces -trompeurs, pour autant qu'ils me firent perdre ma manuelle, quand -j'allai quérir les petites ordres. Aussi je n'ai garde d'y retourner, de -peur de tout perdre; encore faut-il vous avertir touchant les -abstracteurs, d'autant qu'il y a une sorte. On m'a dit que les plus -subtils sont à la Rochelle, parce que c'est une ville maritime; & que là -sont abstracteurs de cérémonies, qui se parent bravement de leur sujet, -comme entendus philosophes qui levent les accidens de leur substance, -sans qu'il y reste cicatrice qui ne soit apparente & manifeste. Je ne -sais que j'en dois dire, de peur d'être estimé hérétique; je les laisse -donques: mais je hais abondamment les voleurs, qui ont tiré de certains -élémens d'une doctrine, que l'antechrist a inventée & supposée, sous -lumiere de religion, pour faire une ombre mirlifique. Vous saurez tantôt -que c'est, & jugerez que je ne passe point les limites de raison; mais -que je galope ces gabeleurs de théologie, qui ne trouvent bon que ce qui -quadre à leur paillarde opinion. Il y en a d'autres, qui ont remarqué -comme cette cabale avoit ainsi pressuré & fait issir un élément -génératif, perpétuellement en similitude, muni d'une fécondité future, & -ont fait semblablement en les imitant. Par ainsi, ils ont sublimé, -effressuré, & hipocondrillé la jurisprudence: puis après, les plus -sages, pour n'être suspects à cause de la robe, ont escarmouché les -embuches médecinales; si que, chatouillant le pénil de la médecine, lui -ont fait couler le suc du moelleux endroit, ou la parfaite substance -chytifre: & par ce moyen le relevant quintessentiellement en apparence -magnifique, suivant comme les autres les belles amusoires de -jurisdiction, & possession acquise, ont mêlé avec les médicamens -l'oeuvre parfait de benoîte extraction; si que les méchans ayant passé -par leurs mains, & goûté du brouet d'andouille, ont forcené d'amour -après cette invention; tellement qu'ils ont dignifié leur état comme les -autres, & contrepassant par l'étamine, & suivant les commentateurs des -ruses soporiférantes, le scandale forfantesque avec grands labeurs & -risques, ont trouvé la quintessence nécessaire, dont il est tant fait -d'état entre ceux qui veulent parvenir. Et parce que par quelquefois -boire ensemble, ou deviser, on se joint les uns aux autres, la -fréquentation étant la soudure des volontés, il est avenu que toutes ces -quatre essences sont mêlées ainsi que les opérateurs se sont assemblés; -tellement que, messieurs ayant pris conseil & étant assemblés, ils ont -fait, (je ne saurois dire ce mot des Apôtres; aidez-moi à le trouver; -c'est un... Je l'ai trouvé; qu'au diantre soit le harnois, tant il m'a -coûté à fourbir; c'est un symbole) ainsi chacun apportant son symbole, -ils furent joints ensemble, comme la mie à la croûte. Donques de ces -élémens unis, joints, assemblés, tirés, faits, extraits, proposés, -trouvés, animés, & accomplis, a été construit, bâti, établi, composé, -compli, balancé & accommodé le monde pipeur par ces élémens de piperie; -& ce monde a été rendu complet en toutes ses parties, avec faculté -perpétuelle de se régénérer, sans dissipation d'esprits, & par le -mélange mystigorieux des forces & puissances qui y sont contenues. -L'exercice a causé merveilles au progrès infini de l'univers pipeux. -Mais vous m'aguettez, pour voir si je serai aussi ignorant, que ceux qui -disent que le soleil n'est pas chaud: & je voudrois que tels me pussent -prouver qu'ils n'eussent point le trou de cul puant, sans qu'on y -fleurât. Même ils disent que la neige n'est pas blanche; que les étrons -ne sont vifs ni morts; que la pluie ne chet pas; mais qu'elle monte vers -le centre de la terre. Ils en disputent gaîment, & ne savent pas -pourquoi les boeufs se couchent. A jan, grosse bête, c'est parce qu'ils -ne se peuvent asseoir. Je me garderai bien de vous; & ferai si bien, que -vous jugerez que je suis assez docte. Or ça n'est-il pas vrai? ne me -voulez-vous pas attrapper sur la quintessence? Je vous satisferai, & -vous la montrerai au doigt & à l'oeil. - -NICANDER. Il est vrai, notre ami, c'est-là; & je voulois considérer si -votre analogie seroit parfaite. - -L'AUTRE. Mort aux rats, aux souris & aux guêpes, c'est s'y entendre -cela, comme un rossignol à crier de la moutarde. Or là, laissez-moi -achever; mon analogie sera parfaite; écoutez, j'ai repris mon propos par -le bord de sa robe. - - -_Fin du Tome premier._ - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by -François Béroalde de Verville - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 1/3 *** - -***** This file should be named 57878-8.txt or 57878-8.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/7/8/7/57878/ - -Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net -(This book was produced from scanned images of public -domain material from the Google Books project.) - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted -with the permission of the copyright holder, your use and distribution -must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any -additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms -will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works -posted with the permission of the copyright holder found at the -beginning of this work. - -1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm -License terms from this work, or any files containing a part of this -work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. - -1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this -electronic work, or any part of this electronic work, without -prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with -active links or immediate access to the full terms of the Project -Gutenberg-tm License. - -1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, -compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including -any word processing or hypertext form. However, if you provide access -to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format -other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official -version posted on the official Project Gutenberg-tm web site -(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense -to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means -of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain -Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the -full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1. - -1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, -performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works -unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. - -1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing -access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works -provided that - -* You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from - the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method - you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed - to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has - agreed to donate royalties under this paragraph to the Project - Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid - within 60 days following each date on which you prepare (or are - legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty - payments should be clearly marked as such and sent to the Project - Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in - Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg - Literary Archive Foundation." - -* You provide a full refund of any money paid by a user who notifies - you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he - does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm - License. You must require such a user to return or destroy all - copies of the works possessed in a physical medium and discontinue - all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm - works. - -* You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of - any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the - electronic work is discovered and reported to you within 90 days of - receipt of the work. - -* You comply with all other terms of this agreement for free - distribution of Project Gutenberg-tm works. - -1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project -Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than -are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing -from both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and The -Project Gutenberg Trademark LLC, the owner of the Project Gutenberg-tm -trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below. - -1.F. - -1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable -effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread -works not protected by U.S. copyright law in creating the Project -Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm -electronic works, and the medium on which they may be stored, may -contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate -or corrupt data, transcription errors, a copyright or other -intellectual property infringement, a defective or damaged disk or -other medium, a computer virus, or computer codes that damage or -cannot be read by your equipment. - -1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right -of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project -Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project -Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all -liability to you for damages, costs and expenses, including legal -fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT -LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE -PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE -TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE -LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR -INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH -DAMAGE. - -1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a -defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can -receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a -written explanation to the person you received the work from. If you -received the work on a physical medium, you must return the medium -with your written explanation. The person or entity that provided you -with the defective work may elect to provide a replacement copy in -lieu of a refund. If you received the work electronically, the person -or entity providing it to you may choose to give you a second -opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If -the second copy is also defective, you may demand a refund in writing -without further opportunities to fix the problem. - -1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth -in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO -OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT -LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. - -1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied -warranties or the exclusion or limitation of certain types of -damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement -violates the law of the state applicable to this agreement, the -agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or -limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or -unenforceability of any provision of this agreement shall not void the -remaining provisions. - -1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the -trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone -providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in -accordance with this agreement, and any volunteers associated with the -production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm -electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, -including legal fees, that arise directly or indirectly from any of -the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this -or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or -additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any -Defect you cause. - -Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm - -Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. - -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's -goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg-tm and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at -www.gutenberg.org - - - -Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation - -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state's laws. - -The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the -mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its -volunteers and employees are scattered throughout numerous -locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt -Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to -date contact information can be found at the Foundation's web site and -official page at www.gutenberg.org/contact - -For additional contact information: - - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. We do not solicit donations in locations -where we have not received written confirmation of compliance. To SEND -DONATIONS or determine the status of compliance for any particular -state visit www.gutenberg.org/donate - -While we cannot and do not solicit contributions from states where we -have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition -against accepting unsolicited donations from donors in such states who -approach us with offers to donate. - -International donations are gratefully accepted, but we cannot make -any statements concerning tax treatment of donations received from -outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. - -Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation -methods and addresses. Donations are accepted in a number of other -ways including checks, online payments and credit card donations. To -donate, please visit: www.gutenberg.org/donate - -Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works. - -Professor Michael S. Hart was the originator of the Project -Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of -volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. - -Most people start at our Web site which has the main PG search -facility: www.gutenberg.org - -This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. - diff --git a/57878-h/57878-h.htm b/57878-h/57878-h.htm index b9d13bb..e3afd98 100644 --- a/57878-h/57878-h.htm +++ b/57878-h/57878-h.htm @@ -44,44 +44,7 @@ i em { font-style: normal; } <body> -<pre> - -The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by -François Béroalde de Verville - -This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most -other parts of the world at no cost and with almost no restrictions -whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of -the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - -Title: Le moyen de parvenir, tome 1/3 - -Author: François Béroalde de Verville - -Release Date: September 9, 2018 [EBook #57878] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 1/3 *** - - - - -Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net -(This book was produced from scanned images of public -domain material from the Google Books project.) - - - - - - -</pre> +<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57878 ***</div> <h1><span class="xsmall">LE</span><br/> <b class="large g">MOYEN</b><br/> @@ -5030,382 +4993,7 @@ moutarde. Or là, laissez-moi achever; mon analogie sera parfaite; -<pre> - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by -François Béroalde de Verville - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 1/3 *** - -***** This file should be named 57878-h.htm or 57878-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/7/8/7/57878/ - -Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net -(This book was produced from scanned images of public -domain material from the Google Books project.) - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, -and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive -specific permission. If you do not charge anything for copies of this -eBook, complying with the rules is very easy. You may use this eBook -for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, -performances and research. They may be modified and printed and given -away--you may do practically ANYTHING in the United States with eBooks -not protected by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the -trademark license, especially commercial redistribution. - -START: FULL LICENSE - -THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK - -To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase "Project -Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg-tm License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. - -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project -Gutenberg-tm electronic works - -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all -the terms of this agreement, you must cease using and return or -destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your -possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a -Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound -by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the -person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph -1.E.8. - -1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be -used on or associated in any way with an electronic work by people who -agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few -things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works -even without complying with the full terms of this agreement. See -paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project -Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this -agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm -electronic works. See paragraph 1.E below. - -1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the -Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection -of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual -works in the collection are in the public domain in the United -States. If an individual work is unprotected by copyright law in the -United States and you are located in the United States, we do not -claim a right to prevent you from copying, distributing, performing, -displaying or creating derivative works based on the work as long as -all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope -that you will support the Project Gutenberg-tm mission of promoting -free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg-tm -works in compliance with the terms of this agreement for keeping the -Project Gutenberg-tm name associated with the work. You can easily -comply with the terms of this agreement by keeping this work in the -same format with its attached full Project Gutenberg-tm License when -you share it without charge with others. - -1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern -what you can do with this work. Copyright laws in most countries are -in a constant state of change. If you are outside the United States, -check the laws of your country in addition to the terms of this -agreement before downloading, copying, displaying, performing, -distributing or creating derivative works based on this work or any -other Project Gutenberg-tm work. 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If you are not located in the - United States, you'll have to check the laws of the country where you - are located before using this ebook. - -1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is -derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not -contain a notice indicating that it is posted with permission of the -copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in -the United States without paying any fees or charges. If you are -redistributing or providing access to a work with the phrase "Project -Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply -either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or -obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm -trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9. - -1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted -with the permission of the copyright holder, your use and distribution -must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any -additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms -will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works -posted with the permission of the copyright holder found at the -beginning of this work. - -1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm -License terms from this work, or any files containing a part of this -work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. - -1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this -electronic work, or any part of this electronic work, without -prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with -active links or immediate access to the full terms of the Project -Gutenberg-tm License. - -1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, -compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including -any word processing or hypertext form. However, if you provide access -to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format -other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official -version posted on the official Project Gutenberg-tm web site -(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense -to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means -of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain -Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the -full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1. - -1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, -performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works -unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. - -1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing -access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works -provided that - -* You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from - the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method - you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed - to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has - agreed to donate royalties under this paragraph to the Project - Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid - within 60 days following each date on which you prepare (or are - legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty - payments should be clearly marked as such and sent to the Project - Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in - Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg - Literary Archive Foundation." - -* You provide a full refund of any money paid by a user who notifies - you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he - does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm - License. You must require such a user to return or destroy all - copies of the works possessed in a physical medium and discontinue - all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm - works. - -* You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of - any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the - electronic work is discovered and reported to you within 90 days of - receipt of the work. - -* You comply with all other terms of this agreement for free - distribution of Project Gutenberg-tm works. - -1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project -Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than -are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing -from both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and The -Project Gutenberg Trademark LLC, the owner of the Project Gutenberg-tm -trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below. - -1.F. - -1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable -effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread -works not protected by U.S. copyright law in creating the Project -Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm -electronic works, and the medium on which they may be stored, may -contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate -or corrupt data, transcription errors, a copyright or other -intellectual property infringement, a defective or damaged disk or -other medium, a computer virus, or computer codes that damage or -cannot be read by your equipment. - -1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right -of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project -Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project -Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all -liability to you for damages, costs and expenses, including legal -fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT -LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE -PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE -TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE -LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR -INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH -DAMAGE. - -1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a -defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can -receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a -written explanation to the person you received the work from. If you -received the work on a physical medium, you must return the medium -with your written explanation. The person or entity that provided you -with the defective work may elect to provide a replacement copy in -lieu of a refund. If you received the work electronically, the person -or entity providing it to you may choose to give you a second -opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If -the second copy is also defective, you may demand a refund in writing -without further opportunities to fix the problem. - -1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth -in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO -OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT -LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. - -1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied -warranties or the exclusion or limitation of certain types of -damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement -violates the law of the state applicable to this agreement, the -agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or -limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or -unenforceability of any provision of this agreement shall not void the -remaining provisions. - -1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the -trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone -providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in -accordance with this agreement, and any volunteers associated with the -production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm -electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, -including legal fees, that arise directly or indirectly from any of -the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this -or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or -additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any -Defect you cause. - -Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm - -Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. - -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's -goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg-tm and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at -www.gutenberg.org - - - -Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation - -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state's laws. - -The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the -mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its -volunteers and employees are scattered throughout numerous -locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt -Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to -date contact information can be found at the Foundation's web site and -official page at www.gutenberg.org/contact - -For additional contact information: - - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. We do not solicit donations in locations -where we have not received written confirmation of compliance. To SEND -DONATIONS or determine the status of compliance for any particular -state visit www.gutenberg.org/donate - -While we cannot and do not solicit contributions from states where we -have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition -against accepting unsolicited donations from donors in such states who -approach us with offers to donate. - -International donations are gratefully accepted, but we cannot make -any statements concerning tax treatment of donations received from -outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. - -Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation -methods and addresses. Donations are accepted in a number of other -ways including checks, online payments and credit card donations. To -donate, please visit: www.gutenberg.org/donate - -Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works. - -Professor Michael S. Hart was the originator of the Project -Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of -volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. - -Most people start at our Web site which has the main PG search -facility: www.gutenberg.org - -This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. - - - -</pre> +<div>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 57878 ***</div> </body> </html> |
