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If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - -Title: Eureka - -Author: Edgar Allan Poe - -Translator: Charles Baudelaire - -Release Date: July 23, 2017 [EBook #55175] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK EUREKA *** - - - - -Produced by Marc D'Hooghe at Free Literature (online soon -in an extended version, also linking to free sources for -education worldwide ... MOOC's, educational materials,...) -Images generously made available by Gallica, Bibliothèque -nationale de France.) - - - - - -EUREKA - -PAR - -EDGAR POE - -Traduit par - -CHARLES BAUDELAIRE - - -PARIS - -MICHEL LÉVY, FRÈRES, LIBRAIRES ÉDITEUR - -RUE VIVIENNE, 2 BIS, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15 - -A LA LIBRAIRIE NOUVELLE - -1864 - - - - -EXTRAIT DE LA BIOGRAPHIE - -D'EDGAR POE - -PAR RUFUS GRISWOLD. - - -Pendant près d'un an, M. Poe ne se manifesta que rarement au public; -mais il était peut-être plus actif qu'il n'avait été en aucun temps; -et, au commencement de 1848, il fit annoncer son intention de donner -quelques _lectures,_ dans le but de gagner une somme d'argent -suffisante pour fonder ce fameux _magazine_ mensuel qu'il rêvait depuis -si longtemps. Sa première _lecture,_ qui fut aussi la seule qu'il -donna à cette époque, eut lieu à la _Society Library,_ à New-York, le -9 février, et avait pour sujet la Cosmogonie Universelle; elle fut -écoutée par un auditoire éminemment intellectuel, et occupa environ -deux heures et demie. C'était ce qu'il publia plus tard sous ce titre: -_Eureka, poëme en prose._ - -Il avait employé dans la composition de cet ouvrage ses plus subtiles -et ses plus hautes facultés, dans leur plus parfait développement. -Commençant par nier que les arcanes de l'univers puissent être explorés -par la pure induction, mais armant son imagination des divers résultats -de la science, il entra avec une hardiesse imperturbée,--quoique sans -aucun autre guide que l'instinct divin, que ce sens de beauté où notre -grand Edwards prétend retrouver l'épanouissement de toute vérité,--dans -l'océan de la spéculation, et il y bâtit, avec les lois concordantes et -leurs phénomènes, sa théorie de la Nature, comme sous l'influence d'une -inspiration scientifique. Je n'entreprendrai pas la tâche difficile -de condenser ici ses propositions. «La Loi,--dit-il,--que nous nommons -_Gravitation,_ existe en raison de ce que la Matière a été, à son -origine, irradiée atomiquement, dans une sphère _limitée_ d'espace, -d'une Particule Propre, unique, individuelle, inconditionnelle, -indépendante et absolue, selon le seul mode qui pouvait satisfaire à la -fois aux deux conditions d'irradiation et de distribution généralement -égales à travers la sphère,--c'est-à-dire par une force variant en -proportion directe des carrés des distances comprises entre chacun des -atomes irradiés et le centre spécial d'Irradiation.» - -Poe était entièrement persuadé qu'il avait découvert le grand secret; -que les propositions _d'Eureka_ étaient vraies; il avait coutume -de parler de ce sujet avec un enthousiasme sublime et électrisant, -que n'ont pu oublier ceux qui étaient liés avec lui à l'époque de -sa publication. Il sentait qu'un auteur, connu seulement par ses -aventures dans la littérature légère, jetant le gant aux docteurs de -la science, ne pouvait s'attendre à une complète équité, et [qu'il] -n'avait d'espoir que dans des discussions présidées par la sagesse -et la bonne foi. Comme il me rencontrait, il me dit: «Avez-vous lu -_Eureka_?» Je lui répondis: «Pas encore; tout à l'heure je jetais -un coup d'œil sur le compte rendu qu'en a fait Willis, qui pense -que l'ouvrage ne contient pas plus de réalité que d'imagination, -et je vois avec peine,--si la chose est vraie,--qu'il insinue -qu'_Eureka_ ressemble par le ton à ce ramas de prétendues et surannées -hypothèses, à l'adresse des rêveurs novices, qui s'appelle _les -Vestiges de la Création;_ et notre excellent et sage ami Bush, que -vous reconnaîtrez sans doute, parmi tous les professeurs, pour -l'esprit le plus habituellement équitable, pense que, bien que vous -ayez en effet conjecturé avec beaucoup de sagacité, il ne serait -cependant pas malaisé d'entraver par maintes difficultés la marche -de votre doctrine.»--«Il n'est pas du tout généreux,--me répliqua -Poe,--d'insinuer qu'il y a des difficultés et de ne pas expliquer de -quelles difficultés il s'agit. Je réclame moi-même une vérification de -toutes les propositions du livre. Je nie qu'il y ait une difficulté -quelconque au-devant de laquelle je ne sois pas allé et que je n'aie -surmontée. - -On me fait outrage par l'application du mot _conjecturer. Rien_ n'a été -gratuitement supposé par moi, et _tout_ a été prouvé.» - -Dans sa préface, il disait: «A ceux-là, si rares, qui m'aiment et que -j'aime; à ceux qui sentent plutôt qu'à ceux qui pensent; aux rêveurs -et à ceux qui ont mis leur foi dans les rêves comme dans les seules -réalités, j'offre ce livre de Vérités, non pas seulement pour son -caractère Véridique, mais à cause de la Beauté qui abonde dans sa -Vérité, et qui confirme son caractère véridique. A ceux-là je présente -cette composition simplement comme un objet d'art;--disons: comme un -Roman; ou, si ma prétention n'est pas jugée trop haute, comme un Poëme. -Ce que j'avance ici est vrai; donc, cela ne peut pas mourir; ou si, par -quelque accident, cela se trouve, aujourd'hui, écrasé au point d'en -mourir, cela ressuscitera dans la vie éternelle.» - -Quand je lis _Eureka,_ je ne puis m'empêcher de considérer cet -ouvrage comme immensément supérieur aux _Vestiges de la Création_ et -comme révélant un bien autre génie; et de même que j'admire le poëme -(en exceptant toutefois cette malheureuse tentative de gouaillerie -humouristique incluse dans ce que l'auteur nous donne comme une lettre -trouvée dans une bouteille flottant sur le _Mare tenebrarum_), de même -aussi j'y vois avec chagrin le panthéisme dominant, lequel, d'ailleurs, -n'était pas nécessaire à son dessein principal. A quelques-unes des -critiques faites sur le livre, il répondit en ces termes, dans une -lettre adressée à M. C. F. Hoffman, alors éditeur du _Literary World._ - -«Cher monsieur, dans votre numéro du 29 juillet, je trouve quelques -commentaires sur _Eureka,_ un livre récent de moi; et je vous connais -trop bien pour vous supposer un seul instant capable de me dénier -le privilège d'une brève réponse. Je sens même que je pourrais à -coup sûr réclamer de M. Hoffman le droit que possède tout auteur de -répliquer à son critique _ton pour ton,_--c'est-à-dire de renvoyer à -votre correspondant plaisanterie pour plaisanterie et raillerie pour -raillerie; mais, en premier lieu, je ne désire pas faire honte au -_Literary World,_ et, ensuite, je sens que si, dans le cas présent, -je commençais à railler, je n'en finirais jamais. Lamartine blâme -Voltaire pour l'usage que celui-ci fit souvent do la supercherie -et de la calomnie dans ses attaques contre les prêtres; mais nos -jeunes étudiants en théologie ne semblent pas se douter que, quand -ils entreprennent la défense ou ce qu'ils croient être la défense -du christianisme, il y ait une sorte de péché dans certaines -légèretés mondaines, comme celle, par exemple, qui consiste à altérer -délibérément le texte d'un auteur,--pour ne rien dire ici de -l'inconvenance moindre de rendre compte d'un livre sans l'avoir lu et -sans avoir le plus léger soupçon des questions qui y sont agitées. - -«Vous comprenez que c'est simplement aux _falsifications_ de la -critique en question que j'ai la prétention de répondre, les opinions -de l'auteur ne pouvant avoir, en elles-mêmes, aucune importance -pour moi, et n'en pouvant avoir, j'imagine, qu'une très-petite pour -lui-même,--si toutefois il se connaît personnellement aussi bien -que j'ai, moi, l'honneur de le connaître. La première altération -est contenue dans cette phrase: «Cette lettre est une sanglante -bouffonnerie contre les méthodes préconisées par Aristote et -Bacon pour reconnaître la Vérité; l'auteur les ridiculise et les -méprise également, et il se lance, en proie à une sorte d'extase -divagante, dans la glorification d'un troisième mode, le noble art de -_conjecturer.»_ Voici, en réalité, ce que j'ai dit: «Il n'existe pas de -certitude absolue, pas plus dans la méthode d'Aristote que dans celle -de Bacon; donc, aucune des deux philosophies n'est si profonde qu'elle -se l'imagine, et aucune n'a le droit de se moquer de ce procédé _en -apparence_ imaginatif qu'on appelle Intuition (par lequel procédé le -grand Kepler a trouvé ses fameuses lois), puisque l'Intuition n'est, en -somme, que la conviction naissant d'inductions ou de déductions dont -la marche a été assez mystérieuse pour échapper à notre conscience, se -soustraire à notre raison, ou défier notre puissance d'expression.» - -«La seconde altération est formulée en ces termes: «Le développement -de l'électricité et la formation des étoiles et des soleils, lumineux -et non lumineux, lunes et planètes, avec leurs anneaux, etc., _est_ -déduit, en presque complète accordance avec la théorie cosmogonique -de Laplace, du principe proposé précédemment.» Or, l'étudiant en -théologie veut évidemment ici frapper l'esprit du lecteur de cette -idée, que ma théorie, si parfaite en soi qu'elle puisse être, ne -contient rien de plus que celle de Laplace, sauf quelques modifications -que lui, l'étudiant en théologie, considère comme insignifiantes. -Je dirai simplement qu'aucun homme d'honneur ne peut m'accuser de -la mauvaise foi dont on me suppose ici capable; d'autant que, ayant -d'abord marché, appuyé sur ma seule théorie, jusqu'au point où elle -se rencontre avec celle de Laplace, _je reproduis alors complètement -la théorie de Laplace,_ en exprimant ma ferme conviction qu'elle est -absolument vraie _en tous points._ L'espace embrassé par le grand -astronome français est à celui embrassé par ma théorie, comme une -bulle est à l'océan sur lequel elle flotte, et il ne fait pas, lui, -Laplace, la plus légère allusion au _principe proposé précédemment,_ -c'est-à-dire au principe de l'Unité pris comme source de tous les -êtres,--le principe de la Gravitation n'étant que la Réaction de l'Acte -Divin par lequel tous les êtres ont été irradiés de l'Unité. En somme, -Laplace n'a pas même fait allusion à un seul des points de ma théorie. - -«Je ne crois pas nécessaire de parler ici du savoir astronomique -manifesté par l'étudiant en théologie dans ces seuls mots: «des étoiles -et des soleils,» ni d'insinuer qu'il eût été plus grammatical de -dire: «le développement et la formation _sont ..._» au lieu de: «de -développement et fa formation _est_...» - -«La troisième falsification se trouve dans une note au bas d'une page, -où le critique dit: «Bien mieux encore, M. Poe prétend qu'il peut -rendre compte de l'existence de tous les êtres organisés, y compris -l'homme, simplement par les mêmes principes qui servent à expliquer -l'origine et l'apparence actuelle des soleils et des mondes; mais cette -prétention doit être rejetée comme une pure et plate assertion, sans -une parcelle d'évidence. C'est, en d'autres termes, ce que nous pouvons -appeler _une franche blague._» Ici la falsification gît dans une -fausse application volontaire du mot _principe._ Je dis: volontaire, -parce que, à la page 67, j'ai pris un soin particulier d'établir -une distinction entre les principes proprement dits, Attraction et -Répulsion, et ces sous-principes, purs résultats des premiers, qui -régissent l'univers dans le détail. C'est à ces sous-principes, -agissant sous l'influence spirituelle immédiate de la Divinité, que -j'attribue, sans examen, _tout ce_ dont, selon la très-leste assertion -de l'étudiant en théologie, j'expliquerais l'existence par les -principes qui expliquent la constitution des soleils, etc. - -«Dans la troisième colonne de son article, le critique dit: «Il -affirme que chaque âme est son propre Dieu, son propre Créateur.» Ce -que j'affirme, c'est que chaque âme est, _partiellement,_ son propre -Dieu, son propre Créateur.» Un peu plus loin le critique dit: «Après -toutes ces propositions contradictoires relatives à Dieu, nous lui -rappellerions volontiers ce qu'il a établi lui-même à la page 33: -«Relativement à cette Divinité, considérée en elle-même, celui-là seul -n'est pas un imbécile, celui-là seul n'est pas un impie, qui n'affirme -absolument _rien._» Un homme qui se déclare lui-même, d'une manière si -décisive, coupable d'imbécillité et d'impiété, n'a pas droit à une plus -longue réfutation.» - -«Or, la phrase, comme je l'ai écrite, et comme je la trouve imprimée -à cette même page invoquée par le critique, et _qu'il devait avoir_ -sous les yeux, pendant qu'il citait mes paroles, se présente ainsi: -«Relativement à cette Divinité, considérée _en elle-même,_ celui-là -seul n'est pas un imbécile, etc., qui n'affirme absolument rien.» -Par l'emploi des italiques, comme le critique le sait parfaitement, -j'ai l'intention de distinguer les deux possibilités,--celle d'une -connaissance de Dieu par ses ouvrages et celle d'une connaissance -de Dieu dans _sa nature essentielle._ La Divinité, _en elle-même,_ -est distinguée de la Divinité observée _dans ses effets._ Mais notre -critique est possédé de zèle. De plus, comme il est théologien, il -est honnête, candide. Il est de son devoir de pervertir le sens de -ma phrase, en omettant mes italiques,--juste comme dans la phrase -citée plus haut il considérait comme étant son devoir de chrétien de -falsifier mon argument en supprimant le mot: _partiellement,_ dont -dépend toute la force et même toute l'intelligibilité de ma proposition. - -«Si ces _altérations_(est-ce bien le mot dont il faut les nommer?) -étaient faites dans un but moins sérieux que de flétrir mon livre -comme _impie,_ et de me flétrir moi-même comme _panthéiste, -polythéiste, païen,_ ou Dieu sait quoi encore (et, en vérité, je ne -m'en inquiète guère, pourvu que ce ne soit pas comme _étudiant en -théologie),_ j'aurais laissé passer cette déloyauté sans réclamations, -par pur mépris pour la puérilité et la janoterie qui la caractérisent; -mais, dans le cas actuel, vous me pardonnerez, M. l'éditeur, d'avoir, -contraint comme je l'étais, fait justice d'un critique qui, retranché -dans sa courageuse _anonymosité,_ profite de mon absence de cette ville -pour me calomnier et me vilipender _nominativement._ - -«Edgar A. POE. - -«Fordham, _20_ septembre 1848.» - - -_A ceux-là, si rares, qui m'aiment et que j'aime;_--_à ceux qui sentent -plutôt qu'à ceux qui pensent;--aux rêveurs et à ceux qui ont mis leur -foi dans les rêves comme dans les seules réalités,--j'offre ce Livre -de Vérités, non pas spécialement pour son caractère Véridique, mais -à cause de la Beauté qui abonde dans sa Vérité, et qui confirme_ -son _caractère véridique. A ceux-là je présente cette composition -simplement comme un objet d'Art,--disons comme un Roman, ou, si ma -prétention n'est pas jugée trop haute, comme un Poëme._ - -Ce que j'avance ici est vrai;--_donc cela ne peut pas mourir;--ou, si -par quelque accident cela se trouve, aujourd'hui, écrasé au point d'en -mourir, cela_ ressuscitera dans la Vie Éternelle. - -_Néanmoins c'est simplement comme Poëme que je désire que cet ouvrage -soit jugé, alors que je ne serai plus._ - -_E. P._ - - - - -EUREKA - -ou - -ESSAI SUR L'UNIVERS - -MATÉRIEL ET SPIRITUEL - - - -I - - -C'est avec une humilité non affectée,--c'est même avec un sentiment -d'effroi,--que j'écris la phrase d'ouverture de cet ouvrage; car de -tous les sujets imaginables, celui que j'offre au lecteur est le plus -solennel, le plus vaste, le plus difficile, le plus auguste. - -Quels termes saurai-je trouver, suffisamment simples dans leur -sublimité,--suffisamment sublimes dans leur simplicité,--pour la simple -énonciation de mon thème? - -Je me suis imposé la tâche de parler de _l'Univers Physique, -Métaphysique et Mathématique,--Matériel et Spirituel:--de son -Essence, de son Origine, de sa Création, de sa Condition présente et -de sa Destinée._ Je serai, de plus, assez hardi pour contredire les -conclusions et conséquemment pour mettre en doute la sagacité des -hommes les plus grands et les plus justement respectés. - -Qu'il me soit permis, en commençant, d'annoncer, non pas le théorème -que j'espère démontrer (car, quoi que puissent affirmer les -mathématiciens, la _chose_ qu'on appelle _démonstration_ n'existe pas, -en ce monde du moins), mais l'idée dominante que, dans le cours de cet -ouvrage, je m'efforcerai sans cesse de suggérer. - -Donc, ma proposition générale est celle-ci: _Dans l'Unité Originelle -de l'Être Premier est contenue la Cause Secondaire de Tous les Êtres, -ainsi que le Game de leur inévitable Destruction._ - -Pour élucider cette idée, je me propose d'embrasser l'Univers dans un -seul coup d'œil, de telle sorte que l'esprit puisse en recevoir et en -percevoir une impression condensée, comme d'un simple individu. - -Celui qui du sommet de l'Etna promène à loisir ses yeux autour de lui, -est principalement affecté par _l'étendue_ et par la _diversité_ du -tableau. Ce ne serait qu'en pirouettant rapidement sur son talon qu'il -pourrait se flatter de saisir le panorama dans sa sublime _unité._ -Mais comme, sur le sommet de l'Etna, aucun homme ne s'est avisé de -pirouetter sur son talon, aucun homme non plus n'a jamais absorbé dans -son cerveau la parfaite unité de cette perspective, et conséquemment -toutes les considérations qui peuvent être impliquées dans cette unité -n'ont pas d'existence positive pour l'humanité. - -Je ne connais pas un seul traité qui nous donne cette levée du plan de -l'_Univers_ (je me sers de ce terme dans son acception la plus large -et la seule légitime); et c'est ici l'occasion de remarquer que par -le mot _Univers,_ toutes les fois qu'il sera employé dans cet essai -sans qualificatif, j'entends désigner _la quantité d'espace la plus -vaste que l'esprit puisse concevoir, avec tous les êtres, spirituels et -matériels, qu'il peut imagina existant dans les limites de cet espace._ -Pour désigner ce qui est _ordinairement_ impliqué dans l'expression -_univers,_ je me servirai d'une phrase qui en limite le sens: -l'_Univers astral._ On verra par la suite pourquoi je considère cette -distinction comme nécessaire. - -Mais, même parmi les traités qui ont pour objet l'Univers des étoiles, -réellement limité, bien qu'il soit toujours considéré comme illimité, -je n'en connais pas un seul dans lequel un aperçu s'offre de telle -façon que les déductions en soient garanties par l'_individualité_ -même de cet Univers limité. La tentative qui se rapproche le plus d'un -pareil ouvrage a été faite dans le _Cosmos_ d'Alexander von Humboldt. -Il présente le sujet, toutefois, non dans son individualité, mais -dans sa généralité. Son thème, en résultat final, c'est la loi de -_chaque_ partie de l'Univers purement physique, selon que cette loi -est apparentée avec les lois de _toute autre_ partie de cet Univers -purement physique. Son dessein est simplement synérétique. En un mot, -il analyse l'universalité des rapports matériels, et dévoile aux yeux -de la Philosophie toutes les conséquences qui étaient restées, jusqu'à -présent, cachées derrière cette universalité. Mais quelque admirable -que soit la brièveté avec laquelle il a traité chaque point particulier -de son sujet, la multiplicité de ces points suffit pour créer une masse -de détails et, nécessairement, une complication d'idées qui exclut -toute impression d'_individualité._ - -Il me semble que, pour obtenir l'effet en question, ainsi que les -conséquences, les conclusions, les suggestions, les spéculations, -ou, pour mettre les choses au pire, les simples conjectures qui en -peuvent résulter, nous aurions besoin d'opérer une espèce de pirouette -mentale sur le talon. Il faut que tous les êtres exécutent autour du -point de vue central une révolution assez rapide pour que les détails -s'évanouissent absolument et que les objets même plus importants se -fondent en un seul. Parmi les détails annihilés dans une contemplation -de cette nature doivent se trouver toutes les matières exclusivement -terrestres. La Terre ne pourrait être considérée que dans ses rapports -planétaires. De ce point de vue, un homme devient l'humanité; et -l'humanité, un membre de la famille cosmique des Intelligences. - - - -II - - -Et maintenant, avant d'entrer positivement dans notre sujet, qu'il me -soit permis d'appeler l'attention du lecteur sur un ou deux extraits -d'une lettre passablement curieuse, qu'on dit avoir été trouvée -dans une bouteille bouchée, pendant qu'elle flottait sur le _Mare -Tenebrarum,--_océan fort bien décrit par Ptolémée Héphestion, le -géographe nubien, mais bien peu fréquenté dans les temps modernes, -si ce n'est par les transcendantalistes et autres chercheurs d'idées -creuses. - -La date de cette lettre me cause, je l'avoue, encore plus de surprise -que son contenu; car elle semble avoir été écrite en l'an _deux_ mil -huit cent quarante-huit. Quant aux passages que je vais transcrire, je -présume qu'ils parleront suffisamment par eux-mêmes: - -«Savez-vous, mon cher ami,» dit l'écrivain, s'adressant évidemment à -un de ses contemporains, «savez-vous qu'il n'y a guère plus de huit ou -neuf cents ans que les métaphysiciens ont consenti pour la première -fois à délivrer le peuple de cette étrange idée: _qu'il n'existait que -deux routes praticables conduisant à la Vérité?_ Croyez cela, si vous -le pouvez! Il paraît cependant que dans un temps ancien, très-ancien, -au fond de la nuit du temps, vivait un philosophe turc nommé Aries -et surnommé Tottle.» (Peut-être bien l'auteur de la lettre veut-il -dire Aristote, les meilleurs noms, au bout de deux ou trois mille -ans, sont déplorablement altérés.) «La réputation de ce grand homme -reposait principalement sur l'autorité avec laquelle il démontrait que -l'éternument était une prévoyance de la nature, au moyen de laquelle -les penseurs trop profonds pouvaient chasser par le nez le superflu -de leurs idées; mais il obtint une célébrité presque aussi grande -comme fondateur, ou tout au moins comme principal vulgarisateur de -ce qu'on nommait philosophie déductive ou à _priori._ Il partait -de ce qu'il affirmait être des axiomes, ou vérités évidentes par -elles-mêmes;--et ce fait, maintenant bien constaté qu'il n'y a pas -de vérités évidentes _par elles-mêmes_ n'infirme en aucune façon ses -spéculations; il suffisait pour son dessein que les vérités en question -fussent, en quelque façon, évidentes. De ces axiomes il descendait, -logiquement, aux conséquences. Ses plus célèbres disciples furent un -certain Tuclide, géomètre» (il veut dire Euclide), «et un nommé Kant, -un Allemand, inventeur de cette espèce de transcendantalisme qui -aujourd'hui porte encore son nom, sauf la substitution du C au K[1]. - -«Or, Aries Tottle prospéra sans rival jusqu'à l'apparition d'un -certain Hog[2], surnommé _le berger d'Ettrich,_ qui prêcha un -système entièrement différent, qu'il appelait méthode inductive ou -_à posteriori._ Son plan se rapportait entièrement à la sensation. -Il procédait par l'observation, analysant et classant des faits -(_instantiæ Naturæ,_ comme on les désignait assez pédantesquement), -et les transformant en lois générales. En un mot, pendant que la -méthode d'Aries reposait sur les _noumena,_ celle de Hog dépendait -des _phainomena;_ et l'admiration excitée par ce dernier système -fut si grande que, dès sa première apparition, Aries tomba dans un -discrédit général. A la fin cependant, il reconquit du terrain, et -il lui fut permis de partager l'empire de la philosophie avec son -moderne rival;--les savants se contentant de proscrire tous autres -compétiteurs, passés, présents et à venir, et mettant fin à toute -controverse sur ce sujet par la promulgation d'une loi médique, en -vertu de laquelle les routes Aristotélienne et Baconienne étaient, et -de plein droit devaient être les seules voies possibles pour atteindre -la connaissance.--Baconnienne, il faut que vous sachiez cela, mon cher -ami,--ajoute ici l'auteur de la lettre,--était un adjectif inventé -comme équivalent à Hoguienne, et considéré en même temps comme plus -noble et plus euphonique. - -«Maintenant, je vous affirme très-positivement,--continue -l'épître,--que je vous expose les choses d'une manière véridique; -et vous pouvez comprendre sans peine combien des restrictions aussi -impudemment absurdes ont dû nuire, dans ces époques, au progrès de -la véritable Science, laquelle ne fait ses plus importantes étapes -que par bonds, et ne procède, comme nous le montre toute l'Histoire, -que par une apparente intuition. Les idées anciennes condamnaient -l'investigateur à se traîner; et je n'ai pas besoin de vous faire -observer que ce genre de marche, parmi les modes variés de locomotion, -est certainement en lui-même très-estimable; mais parce que la tortue -a le pied sûr, est-ce une raison pour couper les ailes de l'aigle? -Pendant plusieurs siècles, l'engouement fut si grand, particulièrement -pour Hog, qu'un empêchement invincible s'opposa à tout ce qui peut -proprement s'appeler la pensée. Aucun homme n'osait proférer une -vérité, s'il sentait qu'il ne la devait qu'à la seule puissance de -son âme. Il importait fort peu que la vérité fût philosophiquement -vraie; car les philosophes dogmatiseurs de cette époque s'inquiétaient -seulement de _la route_ avouée qui avait été suivie pour y atteindre. -Le résultat, pour eux, était un point sans aucun intérêt. «Les -moyens!--vociféraient-ils,--voyons les moyens!»--et si, par l'examen -desdits moyens, on découvrait qu'ils ne rentraient ni dans la -catégorie Hog, ni dans la catégorie Aries (qui veut dire bélier), oh! -alors les savants ne voulaient pas aller plus loin, mais, traitant le -penseur de fou et le stigmatisant du nom de théoricien, refusaient à -tout jamais d'avoir affaire avec lui ou avec sa vérité. - -«Or, mon cher ami,--continue l'auteur de la lettre,--il est -inadmissible que par la méthode rampante, exclusivement pratiquée, -les hommes eussent pu atteindre au maximum de vérité, même après une -série indéfinie de temps; car la répression de l'imagination était un -vice que n'aurait même pas compensé l'_absolue_ certitude de cette -marche de colimaçon. Mais cette certitude était bien loin d'être -absolue. L'erreur de nos ancêtres était tout à fait analogue à celle du -faux sage qui croit qu'il verra un objet d'autant plus distinctement -qu'il le tiendra plus près de ses yeux. Ainsi ils s'aveuglaient -eux-mêmes avec l'impalpable et titillante poudre du _détail,_ comme -avec du tabac à priser; et conséquemment les _faits_ si vantés de ces -braves Hoguiens n'étaient pas toujours des faits; point qui ne tire -son importance que de cette supposition, qui les faisait _toujours_ -accepter comme tels. Quoi qu'il en soit, l'infection principale du -Baconianisme, sa plus déplorable source d'erreurs, consistait dans -cette tendance à jeter le pouvoir et la considération entre les mains -des hommes de pure perception,--animalcules de la science, savants -microscopiques,--fouilleurs et colporteurs de petits _faits,_ tirés -pour la plupart des sciences physiques, faits qu'ils vendaient tous en -détail et au même prix sur la voie publique; leur valeur dépendant, -à ce qu'il paraît, _de ce simple fait que c'étaient des faits,_ et -nullement de leur parenté ou de leur non-parenté avec le développement -de ces faits primitifs, les seuls légitimes, qui s'appellent la Loi. -«Il n'exista jamais sur la face de la terre,--continue l'audacieuse -lettre,--une plus intolérante, une plus intolérable classe de -fanatiques et de tyrans que ces individus, élevés soudainement -par la philosophie de Hog à un rang pour lequel ils n'étaient pas -faits, transportés ainsi de la cuisine dans le salon de la Science, -et de l'office dans la chaire. Leur credo, leur texte, leur sermon -consistaient en un seul mot: _les faits!_ Mais la plupart d'entre eux, -de ce mot unique ne connaissaient même pas le sens. Quant à ceux qui -s'avisaient de _déranger_ leurs faits dans le but de les mettre en -ordre et d'en tirer utilité, les disciples de Hog les traitaient sans -merci. Tous les essais de généralisation étaient accueillis par les -mots: «Théorique! Théorie! Théoricien!» Toute pensée, en un mot, était -ressentie par eux comme un outrage personnel. Cultivant les sciences -naturelles, à l'exclusion de la métaphysique, des mathématiques et de -la logique, beaucoup de ces philosophes, d'engeance baconienne, avec -leur idée unique, leur parti pris unique et leur marche de boiteux, -étaient plus misérablement impuissants, plus tristement ignorants, en -face de tous les objets compréhensibles de connaissance, que le plus -illettré des rustres qui, en avouant qu'il ne sait absolument rien, -prouve qu'il sait au moins quelque chose. - -«Nos ancêtres n'avaient pas plus qualité pour parler de _certitude,_ -quand ils suivaient, avec une confiance aveugle, la route _à priori_ -des axiomes, celle du Bélier. En des points innombrables, cette route -n'était guère plus droite qu'une corne de bélier. La vérité pure est -que les Aristotéliens élevaient leurs châteaux sur une base aussi peu -solide que l'air; _car ces choses qu'on appelle axiomes n'ont jamais -existé et ne peuvent pas exister._ Il faut qu'ils aient été bien -aveugles pour ne pas voir cela, ou du moins pour ne pas le soupçonner; -car, même de leur temps, plusieurs de leurs axiomes de vieille date -avaient été abandonnés: _Ex nihilo nihil fit,_ par exemple, et: _Un -être ne peut pas agir là où il n'est pas,_ et: _Il ne peut pas exister -d'antipodes,_ et: _Les ténèbres ne peuvent pas venir de la lumière._ -Ces propositions et autres semblables, primitivement acceptées comme -axiomes, ou vérités incontestables, étaient, même à l'époque dont je -parle, considérées comme absolument insoutenables; combien ces gens -étaient donc absurdes de vouloir toujours s'appuyer sur une base, dite -immuable, dont l'instabilité s'était si fréquemment manifestée! - -«Mais, même par le témoignage qu'ils apportent contre eux-mêmes, il est -aisé de convaincre ces raisonneurs _à priori_ de l'énorme déraison,--il -est aisé de leur montrer la futilité, l'impalpabilité générale de leurs -axiomes. J'ai maintenant sous les yeux», observez que c'est toujours la -lettre qui parle, «j'ai maintenant sous les yeux un livre imprimé il y -a environ mille ans. Pundit m'assure que c'est positivement le meilleur -des ouvrages anciens traitant de la matière, qui est la Logique. -L'auteur, qui fut très-estimé dans son temps, était un certain Miller -ou Mill; et l'histoire nous apprend, comme chose digne de mémoire, -qu'il montait habituellement un cheval de manège auquel il donnait le -nom de Jérémie Bentham;--mais jetons un coup d'œil sur le livre. - -«Ah! voilà: _La faculté de comprendre ou l'impossibilité de -comprendre,_ dit fort judicieusement M. Mill, _ne peut, dans aucun cas, -être considérée comme un critérium de Vérité axiomatique._ Or, que -ceci soit une vérité banale, aucun homme, jouissant de son bon sens, -ne sera tenté de le nier. Ne pas admettre la proposition équivaudrait -à porter une accusation d'inconstance contre la Vérité elle-même, dont -le nom seul est synonyme d'immutabilité. Si l'aptitude à comprendre -était prise pour critérium de la Vérité, ce qui est vérité pour -_David_ Hume serait très-rarement vérité pour _Joe;_ et sur la terre -il serait facile de démontrer la fausseté des quatre-vingt-dix-neuf -centièmes de ce qui est certitude dans le ciel. La proposition de M. -Mill est donc appuyée. Je n'accorde pas que ce soit un axiome, et -cela simplement parce que je suis en train de montrer qu'il n'existe -pas d'axiomes; mais, usant d'une distinction subtile qui ne pourrait -pas être contestée par M. Mill lui-même, je suis prêt à reconnaître -que, si jamais axiome exista, la proposition que je cite a tous les -droits d'être considérée comme telle,--qu'il n'y a pas d'axiome _plus -absolu,_--et, conséquemment, que toute proposition ultérieure qui -entrera en conflit avec celle-là, primitivement émise, doit être -une fausseté, c'est-à-dire le contraire d'un axiome, ou, s'il faut -l'admettre comme axiomatique, devra du même coup s'annihiler elle-même -et détruire sa devancière. - -«Et maintenant, par la logique même de l'auteur de la proposition, -cherchons à vérifier n'importe quel axiome proposé. Faisons beau jeu à -M. Mill. Nous dédaignons un résultat trop facile et trop vulgaire. Nous -ne choisirons pas pour notre vérification un axiome banal, un axiome de -cette classe qu'il définit, avec une autorité et un sans-gêne absurdes, -classe secondaire d'axiomes, comme si une vérité définie positive -pouvait être diminuée et devenir, à volonté, plus ou moins positive; -nous ne choisirons pas, dis-je, un axiome d'une certitude passablement -contestable, comme on en peut trouver dans Euclide. Nous ne parlerons -pas, par exemple, de propositions comme celle-ci: Deux lignes droites -ne peuvent pas limiter un espace,--ou celle-ci: Le tout est plus grand -qu'une de ses parties quelconques. Nous donnerons à notre logicien tous -les avantages. Nous irons tout droit à une proposition qu'il regarde -comme l'apogée de la certitude, comme la quintessence de l'irrécusable -axiomatique. La voici: «Deux contradictoires ne peuvent être vraies à -la fois, c'est-à-dire ne peuvent coexister dans la nature.»--M. Mill -veut dire ici, pour prendre un exemple,--et je choisis l'exemple le -plus vigoureux et le plus intelligible,--qu'un arbre doit être un arbre -ou ne pas l'être; qu'il ne peut pas, en même temps, être un arbre et -ne pas l'être;--cela est parfaitement raisonnable en soi et remplit -fort bien les conditions d'un axiome, tant que nous ne le confronterons -pas avec l'axiome proclamé antérieurement; en d'autres termes, termes -dont nous nous sommes déjà servis, tant que nous ne le vérifierons -pas par la logique même de l'auteur de la proposition. Il faut qu'un -arbre, affirme M. Mill, soit ou ne soit pas un arbre. Fort bien; et -maintenant qu'il me soit permis de lui demander _pourquoi._ A cette -petite question il n'a qu'une réponse à faire; je défie tout homme -vivant d'en inventer une autre. Cette seule réponse possible, c'est: -Parce que nous sentons qu'il est _impossible de comprendre_ qu'un arbre -puisse être autre chose qu'un arbre ou un non-arbre. Voilà donc, je le -répète, la seule réponse de M. Mill; il ne prétendra pas en inventer -une autre; et cependant, d'après sa propre démonstration, sa réponse -évidemment n'est pas une réponse; car ne nous a-t-il pas déjà sommés -d'admettre, comme un axiome, que _la possibilité ou l'impossibilité -de comprendre ne doit, en aucun cas, être considérée comme critérium -de vérité axiomatique?_ Ainsi son argumentation tout entière fait -naufrage. Qu'on ne prétende pas qu'une exception à la règle générale -puisse avoir lieu dans des cas où _l'impossibilité de comprendre_ est -aussi manifeste qu'en celui-ci, où nous sommes invités à concevoir un -arbre qui soit et ne soit pas un arbre. Qu'on n'essaye pas, dis-je, -d'avancer une pareille stupidité; car, d'abord, il n'y a pas de degrés -dans l'impossibilité, et une conception impossible ne peut pas être -plus particulièrement impossible que toute autre conception impossible; -ensuite, M. Mill lui-même, sans doute après mûre délibération, a, -très-distinctement et très-rationnellement, exclu toute opportunité -d'exception par l'énergie de sa proposition, à savoir que, _dans aucun -cas,_ la possibilité ou l'impossibilité de comprendre ne doit être -prise comme critérium de vérité axiomatique; troisièmement, même en -supposant quelques exceptions admissibles, il resterait à montrer -comment ce peut être _ici_ le cas d'en admettre une. Qu'un arbre puisse -être et n'être pas un arbre, c'est là une idée que les anges ou les -démons pourraient peut-être concevoir; mais sur la terre il n'y a que -les habitants de Bedlam ou les transcendantalistes qui réussissent à la -comprendre. - -«Or, si je cherche querelle à ces anciens,--continue l'auteur de -la lettre,--ce n'est pas tant à cause de l'inconsistance et de la -frivolité de leur logique, qui, pour parler net, était sans fondement, -sans valeur et absolument fantastique, qu'à cause de cette tyrannique -et orgueilleuse interdiction de toutes les routes qui peuvent conduire -à la Vérité, toutes, excepté les deux étroites et tortues, celle où -il faut se traîner et celle où il faut ramper, dans lesquelles leur -ignorante perversité avait osé confiner l'Ame,--l'Ame qui n'aime rien -tant que planer dans ces régions de l'illimitable intuition où ce qu'on -appelle une _route_ est chose absolument, inconnue. - -«Par parenthèse, mon cher ami, ne voyez-vous pas une preuve de la -servitude spirituelle imposée à ces pauvres fanatiques par leurs Hogs -et leurs Rams[3], dans ce fait qu'aucun d'eux n'a jamais,--en dépit de -l'éternel radotage de leurs savants sur les routes qui conduisent à la -Vérité,--découvert, même par accident, ce qui nous apparaît maintenant -comme la plus large, la plus droite et la plus commode de toutes -les _routes,_ la grande avenue, la majestueuse route royale de la -_Consistance?_ N'est-il pas surprenant qu'ils n'aient pas su tirer des -ouvrages de Dieu cette considération d'une importance vitale, qu'une -_parfaite consistance ne peut être qu'une vérité absolue?_ Combien, -depuis l'avènement de cette proposition, notre progrès fut facile, -combien il fut rapide! Grâce à elle, la fonction de la recherche a été -arrachée à ces taupes, et confiée, comme un devoir plutôt que comme une -tâche, aux vrais, aux seuls vrais penseurs, aux hommes d'une éducation -générale et d'une imagination ardente. Ces derniers, nos Kepler et -nos Laplace, s'adonnent à la spéculation et à fa théorie; c'est le -mot; vous imaginez-vous avec quelle risée ce mot serait accueilli -par nos ancêtres s'ils pouvaient, par-dessus mon épaule, regarder ce -que j'écris? Les Kepler, je le répète, pensent spéculativement et -théoriquement; et leurs théories sont simplement corrigées, tamisées, -clarifiées, débarrassées peu à peu de toutes les pailles et matières -étrangères qui nuisent à leur cohésion, jusqu'à ce qu'enfin apparaisse, -dans sa solidité et sa pureté, la parfaite _consistance,_ consistance -que les plus stupides sont forcés d'admettre, parce qu'elle est la -consistance, c'est-à-dire une absolue et incontestable _vérité._ - -«J'ai souvent pensé, mon ami, que c'eût été chose bien embarrassante -pour ces dogmatiseurs des siècles passés de déterminer par laquelle -de leurs deux fameuses routes le cryptographe arrive à la solution -des chiffres les plus compliqués, ou par laquelle Champollion a -conduit l'humanité vers ces importantes et innombrables vérités qui -sont restées enfouies pendant tant de siècles dans les hiéroglyphes -phonétiques de l'Égypte. Ces fanatiques n'auraient-ils pas eu surtout -quelque peine à déterminer par laquelle de leurs deux routes avait -été atteinte la plus importante et la plus sublime de toutes leurs -vérités, c'est-à-dire le fait de la gravitation? Cette vérité, Newton -l'avait tirée des lois de Kepler. Ces lois dont l'étude découvrit au -plus grand des astronomes anglais ce principe qui est la base de tout -principe physique actuellement existant, et au delà duquel nous entrons -tout de suite dans le royaume ténébreux de la métaphysique, Kepler -reconnaissait qu'il les avait _devinées._ Oui! ces lois vitales, Kepler -les a _devinées;_ disons même qu'il les a _imaginées._ S'il avait été -prié d'indiquer par quelle voie, d'induction ou de déduction, il était -parvenu à cette découverte, il aurait pu répondre: «Je ne sais rien de -vos routes, mais je connais la machine de l'Univers. Telle elle est. Je -m'en suis emparé avec _mon âme;_ je l'ai obtenue par la simple force -de _l'intuition._ Hélas! pauvre vieil ignorant! Quelque métaphysicien -lui aurait peut-être répondu que ce qu'il appelait intuition n'était -que la certitude résultant de déductions ou d'inductions dont le -développement avait été assez obscur pour échapper à sa conscience, -pour se soustraire aux yeux de sa raison ou pour défier sa puissance -d'expression. Quel malheur que quelque professeur de philosophie ne -l'ait pas éclairé sur toutes ces choses! Comme cela l'eût réconforté -sur son lit de mort, d'apprendre que, loin d'avoir marché intuitivement -et scandaleusement, il avait, en réalité, cheminé suivant la méthode -honnête et légitime, c'est-à-dire à la manière du Hog, ou au moins -à la manière du Ram, vers le mystérieux palais où gisent, confinés, -étincelants dans l'ombre, non gardés, purs encore de tout regard -mortel, vierges de tout attouchement humain, les impérissables et -inappréciables secrets de l'Univers! - -«Oui, Kepler était essentiellement théoricien; mais ce titre, -qui comporte aujourd'hui quelque chose de sacré, était dans ces -temps anciens une épithète d'un suprême mépris. C'est aujourd'hui -seulement que les hommes commencent à apprécier le vieux homme divin, -à sympathiser avec l'inspiration poétique et prophétique de ses -indestructibles paroles. Pour ma part,--continue le correspondant -inconnu,--il me suffit d'y penser pour que je brûle d'un feu sacré, -et je sens que je ne serai jamais fatigué de les entendre répéter; -en terminant cette lettre, permettez-moi de jouir du plaisir de les -transcrire une fois encore: - -«_Il m'importe peu que mon ouvrage soit lu maintenant ou par la -postérité. Je puis bien attendre un siècle pour trouver quelques -lecteurs, puisque Dieu lui-même a attendu un observateur six mille -ans. Je triomphe! J'ai volé le secret d'or des Égyptiens! Je veux -m'abandonner à mon ivresse sacrée!_» - -Je termine ici mes citations de cette épître si étrange et même -passablement impertinente; peut-être y aurait-il folie à commenter -d'une façon quelconque les imaginations chimériques, pour ne pas dire -révolutionnaires, de son auteur, quel qu'il puisse être,--imaginations -qui contredisent si radicalement les opinions les plus considérées -et les mieux établies de ce siècle. Retournons donc à notre thèse -légitime: l'_Univers._ - - -[Footnote 1: Cant.] - -[Footnote 2: Pourceau.] - -[Footnote 3: Aries, Ram, bélier.] - - - -III - - -Cette thèse admet deux modes de discussion entre lesquels nous avons -à choisir. Nous pouvons monter ou descendre. Prenant pour point de -départ notre point de vue, c'est-à-dire la Terre où nous sommes, -nous pouvons de là nous diriger vers les autres planètes de notre -système, de là vers le Soleil, de là vers notre système considéré -collectivement; de là enfin nous pouvons nous élancer vers d'autres -systèmes, indéfiniment et de plus en plus au large. Ou bien, commençant -par un point distant, aussi défini que nous le pouvons concevoir, -nous descendrons graduellement vers l'habitation de l'Homme. Dans les -essais ordinaires sur l'Astronomie, la première de ces méthodes est, -sauf quelques réserves, généralement adoptée, et cela pour cette raison -évidente que les faits et les causes astronomiques étant l'unique but -de ces recherches, ce but est infiniment plus facile à atteindre en -s'avançant graduellement du connu, qui est auprès de nous, vers le -point où toute certitude se perd dans l'éloignement. Toutefois, pour -mon dessein actuel, qui est de donnera l'esprit le moyen de saisir, -comme de loin et d'un seul coup d'œil, une conception de l'Univers -considéré comme _individu,_ il est clair que descendre du grand vers -le petit, du centre, si nous pouvons établir un centre, vers les -extrémités, du commencement, si nous pouvons concevoir un commencement, -vers la fin, serait la marche préférable, si ce n'était la difficulté, -pour ne pas dire l'impossibilité, de présenter ainsi aux personnes qui -ne sont pas astronomes un tableau intelligible relativement à tout ce -qui est impliqué dans l'idée _quantité,_ c'est-à-dire relativement au -nombre, à la grandeur et à la distance. - -Or, la clarté, l'intelligibilité est, à tous égards, un des caractères -essentiels de mon plan général. Il est des points importants sur -lesquels il vaut mieux se montrer trop prolixe que même légèrement -obscur. Mais la qualité abstruse n'est pas une qualité qui, par -elle-même, appartienne à aucun sujet. Toutes choses sont également -faciles à comprendre pour celui qui s'en approche à pas convenablement -gradués. Si le calcul différentiel n'est pas une chose absolument aussi -simple qu'un sonnet de M. Solomon Seesaw, c'est uniquement parce que -dans cette route ardue quelque marchepied ou quelque échelon a été, çà -et là, étourdiment oublié. - -Donc, pour détruire toute chance de malentendu, je juge convenable -de procéder comme si les faits les plus évidents de l'Astronomie -étaient inconnus au lecteur. En combinant les deux modes de discussion -que j'ai indiqué; je pourrai profiter des avantages particuliers de -chacun d'eux, spécialement de la _réitération en détail_ qui sera -la conséquence inévitable du plan. Je commence par descendre, et je -réserve pour mon retour ascensionnel ces considérations indispensables -de _quantité_ dont j'ai déjà fait mention. - -Commençons donc tout de suite par le mot le plus simple, l'_Infini._ -Le mot _infini,_ comme les mots _Dieu, esprit_ et quelques autres -expressions, dont les équivalents existent dans toutes les langues, -est, non pas l'expression d'une idée, mais l'expression d'un effort -vers une idée. Il représente une tentative possible vers une conception -impossible. L'homme avait besoin d'un terme pour marquer la _direction_ -de cet effort, le nuage derrière lequel est situé, à jamais invisible, -_l'objet de cet effort._ Un mot enfin était nécessaire, au moyen duquel -un être humain pût se mettre tout d'abord en rapport avec un autre être -humain et avec une certaine _tendance_ de l'intelligence humaine. De -cette nécessité est résulté le mot _Infini,_ qui ne représente ainsi -que _la pensée d'une pensée._ - -Relativement à cet infini dont nous nous occupons actuellement, -l'infini de l'espace, nous avons entendu dire souvent que «si -l'esprit admettait cette idée, acquiesçait à cette idée, la voulait -concevoir, c'était surtout à cause de la difficulté encore plus grande -qui s'oppose à la conception d'une limite quelconque.» Mais ceci est -simplement une de ces _phrases_ par lesquelles les penseurs, même -profonds, prennent plaisir, depuis un temps immémorial, à se tromper -eux-mêmes. C'est dans le mot _difficulté_ que se cache l'argutie. -L'esprit, nous dit-on, accepte l'idée d'un espace _illimité_ à cause de -la difficulté plus grande qu'il trouve à concevoir celle d'un espace -limité. Or, si la proposition était posée loyalement, l'absurdité en -deviendrait immédiatement évidente. Pour parler net, dans le cas en -question, il n'y a pas simplement _difficulté._ L'assertion proposée, -si elle était présentée sous des termes conformes à l'intention, et -sans sophistiquerie, serait exprimée ainsi: «L'esprit admet l'idée d'un -espace illimité à cause de _l'impossibilité plus grande_ de concevoir -celle d'un espace limité.» - -On voit au premier coup d'œil qu'il n'est pas ici question d'établir -un parallèle entre deux crédibilités, entre deux arguments, sur la -validité respective desquels la raison est appelée à décider; il -s'agit de deux conceptions, directement contradictoires, toutes deux -d'une impossibilité avouée, dont l'une, nous dit-on, peut cependant -être acceptée par l'intelligence, en raison de la plus grande -_impossibilité_ qui empêche d'accepter la seconde. L'alternative n'est -pas entre deux difficultés; on suppose simplement que nous choisissons -entre deux impossibilités. Or, la première admet des degrés; mais la -seconde n'en admet aucun; c'est justement le cas suggéré par l'auteur -de l'impertinente épître que nous avons citée. Une tâche est plus ou -moins difficile; mais elle ne peut être que possible ou impossible; il -n'y a pas de milieu. Il serait peut-être plus _difficile_ de renverser -la chaîne des Andes qu'une fourmilière; mais il est tout aussi -_impossible_ d'anéantir la matière de l'une que la matière de l'autre. -Un homme peut sauter dix pieds moins difficilement que vingt; mais il -tombe sous le sens que pour lui l'impossibilité de sauter jusqu'à la -Lune n'est pas moindre que de sauter jusqu'à l'étoile du Chien. - -Puisque tout ceci est irréfutable, puisque le choix permis à l'esprit -ne peut avoir lieu qu'entre deux conceptions impossibles, puisqu'une -impossibilité ne peut pas être plus grande qu'une autre, et ne peut -conséquemment lui être préférée, les philosophes qui non-seulement -affirment, en se basant sur le raisonnement précité, l'idée humaine -de l'infini, mais aussi, en se basant sur cette idée hypothétique, -l'Infini lui-même, s'engagent évidemment à prouver qu'une chose -impossible devient possible quand on peut montrer qu'une autre chose, -elle aussi, est impossible. Ceci, dira-t-on, est un non-sens; peut-être -bien; je crois vraiment que c'est un parfait non-sens, mais je n'ai -nullement la prétention de le réclamer comme étant de mon fait. - -Toutefois, la méthode la plus prompte pour montrer la fausseté de -l'argument philosophique en question est simplement de considérer -un fait qui jusqu'à présent a été négligé, à savoir que l'argument -énoncé contient à la fois sa preuve et sa négation. «L'esprit, disent -les théologiens et autres, est induit à admettre une _cause première_ -par la difficulté plus grande qu'il éprouve à concevoir une série -infinie de causes.» L'argutie gît, comme précédemment, dans le mot -_difficulté;_ mais ici à quelle fin est employé ce mot? A soutenir -l'idée de Cause Première. Et qu'est-ce qu'une Cause Première? C'est -une limite extrême de toutes les causes. Et qu'est-ce qu'une limite -extrême de toutes les causes? C'est le Fini. Ainsi, la même argutie, -dans les deux cas, est employée,--par combien de philosophes, Dieu -le sait!--pour soutenir tantôt le Fini et tantôt l'Infini; ne -pourrait-elle pas être utilisée pour soutenir encore quelque autre -chose? Quant aux arguties, elles sont généralement, de leur nature, -insoutenables; mais, en les jetant de côté, constatons que ce qu'elles -prouvent dans un cas est identique à ce qu'elles démontrent dans un -autre, c'est-à-dire à rien. - -Personne, évidemment, ne supposera que je lutte ici pour établir -l'absolue impossibilité de ce que nous essayons de faire entendre par -le mot _Infini._ Mon but est seulement de montrer quelle folie c'est de -vouloir prouver l'Infini, ou même notre conception de l'Infini, par un -raisonnement aussi maladroit que celui qui est généralement employé. - -Néanmoins il m'est permis, en tant qu'individu, de dire que je ne puis -pas concevoir l'Infini, et que je suis convaincu qu'aucun être humain -ne le peut davantage. Un esprit, qui n'a pas une entière conscience -de lui-même, qui n'est pas habitué à faire une analyse intérieure de -ses propres opérations, pourra, il est vrai, devenir souvent sa propre -dupe et croire qu'il a conçu l'idée dont je parle. Dans nos efforts -pour la concevoir, nous procédons pas à pas; nous imaginons toujours -un degré derrière un degré; et aussi longtemps que nous continuons -l'effort, on peut dire avec raison que nous tendons vers la conception -de l'idée en vue; mais la force de l'impression que nous parvenons, ou -que nous sommes parvenus à créer, est en raison de la période de temps -durant lequel nous maintenons cet effort intellectuel. Or, c'est par -le fait de l'interruption de l'effort,--c'est en parachevant (nous le -croyons du moins) l'idée postulée,--c'est en donnant, comme nous nous -le figurons, la touche finale à la conception,--que nous anéantissons -d'un seul coup toute cette fabrique de notre imagination;--bref, il -faut que nous nous reposions sur quelque point suprême et conséquemment -défini. Toutefois, si nous n'apercevons pas ce fait, c'est en raison -de l'absolue coïncidence entre cette pause définitive et la cessation -de notre pensée. En essayant, d'autre part, de former en nous l'idée -d'un espace limité, nous inversons simplement le procédé, impliquant -toujours la même impossibilité. - -Nous _croyons_ à un Dieu. Nous pouvons ou nous ne pouvons pas _croire_ -à un espace fini ou infini; mais notre croyance, en de pareils cas, -est plus proprement appelée _foi,_ et elle est une chose tout à -fait distincte de cette croyance particulière, de cette croyance -_intellectuelle,_ qui présuppose une conception mentale. - -Le fait est que, sur la simple énonciation d'un de ces termes à la -classe desquels appartient le mot _Infini,_ classe qui représente des -_pensées de pensées,_ celui qui a le droit de se dire un peu penseur se -sent appelé, non pas à former une conception, mais simplement à diriger -sa vision mentale vers un point donné du firmament intellectuel, -vers une nébuleuse qui ne sera jamais résolue. Il ne fait, pour la -résoudre, aucun effort; car avec un instinct rapide il comprend, non -pas seulement l'impossibilité, mais, en ce qui concerne l'intérêt -humain, le caractère essentiellement étranger de cette solution. Il -comprend que la Divinité n'a pas marqué ce mystère pour être résolu. -Il voit tout de suite que cette solution est située _hors_ du cerveau -de l'homme, et même _comment,_ si ce n'est exactement _pourquoi,_ -elle gît hors de lui. Il y a des gens, je le sais, qui, s'employant -en vains efforts pour atteindre l'impossible, acquièrent aisément, -grâce à leur seul jargon, une sorte de réputation de profondeur parmi -leurs complices les pseudo-penseurs, pour qui obscurité et profondeur -sont synonymes. Mais la plus belle qualité de la pensée est d'avoir -conscience d'elle-même, et l'on peut dire, sans faire une métaphore -paradoxale, qu'il n'y a pas de brouillard d'esprit plus épais que celui -qui, s'étendant jusqu'aux limites du domaine intellectuel, dérobe ces -frontières elles-mêmes à la vue de l'intelligence. - -Maintenant on comprendra que, quand je me sers de ce terme, l'_Infini -de l'Espace,_ je ne veux pas contraindre le lecteur à former la -conception impossible d'un infini _absolu._ Je prétends simplement -faire entendre _la plus grande étendue concevable_ d'espace,--domaine -ténébreux et élastique, tantôt se rétrécissant, tantôt s'agrandissant, -selon la force irrégulière de l'imagination. - -Jusqu'à présent, l'Univers sidéral a été considéré comme coïncidant -avec l'Univers proprement dit, tel que je l'ai défini au commencement -de ce discours. On a toujours, directement ou indirectement, admis,--au -moins depuis la première aube de l'Astronomie intelligible,--que, -s'il nous était possible d'atteindre un point donné quelconque de -l'espace, nous trouverions toujours, de tous côtés, autour de nous, -une interminable succession d'étoiles. C'était l'idée insoutenable -de Pascal, quand il faisait l'effort, le plus heureux peut-être qui -ait jamais été fait, pour périphraser la conception que nous essayons -d'exprimer par le mot _Univers._ «C'est une sphère, dit-il, dont le -centre est partout, et la circonférence nulle part.» Mais, bien que -cette intention de définition ne définisse pas du tout, en fait, -l'Univers sidéral, nous pouvons l'accepter, avec quelque réserve -mentale, comme une définition (suffisamment rigoureuse pour l'utilité -pratique) de l'Univers proprement dit, c'est-à-dire de l'Univers -considéré comme espace. Ce dernier, prenons-le donc pour _une sphère -dont le centre est partout, et la circonférence nulle part._ Dans le -fait, s'il nous est impossible de nous figurer une fin de l'espace, -nous n'éprouvons aucune difficulté à imaginer un commencement -quelconque parmi une série infinie de commencements. - - - -IV - - -Comme point de départ, adoptons donc la _Divinité._ Relativement à -cette Divinité, considérée en _elle-même,_ celui-là seul n'est pas un -imbécile, celui-là seul n'est pas un impie, qui n'affirme absolument -rien. «Nous ne connaissons rien, dit le baron de Bielfeld, nous ne -connaissons rien de la nature ou de l'essence de Dieu;--pour savoir ce -qu'il est, il faut être Dieu même.» - -_Il faut être Dieu même!_ Malgré cette phrase effrayante, vibrant -encore dans mon oreille, j'ose toutefois demander si notre ignorance -actuelle de la Divinité est une ignorance à laquelle l'âme est -_éternellement_ condamnée. - -Enfin, contentons-nous aujourd'hui de supposer que c'est Lui,--Lui, -l'Incompréhensible (pour le présent du moins),--Lui, que nous -considérerons comme _Esprit,_ c'est-à-dire comme _non-Matière_ -(distinction qui, pour tout ce que nous voulons atteindre, suppléera -parfaitement à une définition),--Lui, existant comme Esprit, qui -nous a _créés,_ ou faits de Rien, par la force de sa Volonté,--dans -un certain point de l'Espace que nous prendrons comme centre, à une -certaine époque dont nous n'avons pas la prétention de nous enquérir, -mais en tout cas immensément éloignée;--supposons, dis-je,'que c'est -lui qui nous a faits,--mais faits ... _quoi?_ Ceci est, dans nos -considérations, un point d'une importance vitale. _Qu_'étions-nous, -_que_ pouvons-nous supposer légitimement avoir été, quand nous fûmes -_créés,_ nous, univers, primitivement et individuellement? - -Nous sommes arrivés à un point où l'Intuition seule peut venir à -notre aide. Mais qu'il me soit permis de rappeler l'idée que j'ai -déjà suggérée comme la seule qui puisse convenablement définir -l'intuition. Elle n'est que _la conviction naissant de certaines -inductions ou déductions dont la marche a été assez secrète pour -échapper à notre conscience, éluder notre raison, ou défier notre -puissance d'expression._ Ceci étant entendu, j'affirme qu'une intuition -absolument irrésistible, quoique indéfinissable, me pousse à conclure -que [ce que] Dieu a originairement créé,--que cette Matière qu'il a, -par la force de sa Volonté, tirée de son Esprit, ou de Rien, ne peut -avoir été autre chose que la Matière dans son état le plus pur, le plus -parfait, de ... de quoi?--de _Simplicité._ - -Ce sera là la seule _supposition_ absolue dans mon discours. Je me sers -du mot supposition dans son sens ordinaire; cependant je maintiens que -ma proposition primordiale, ainsi formulée, est loin, bien loin d'être -une pure supposition. Rien n'a été, en effet, plus régulièrement, plus -rigoureusement _déduit_;--aucune conclusion humaine n'a été, en effet, -plus régulièrement, plus rigoureusement _déduite_;--mais, hélas! le -procédé de cette déduction échappe à l'analyse humaine;--en tout cas, -il se dérobe à la puissance expressive de toute langue humaine. - -Efforçons-nous maintenant de concevoir ce qu'a pu et ce qu'a dû être -la Matière dans sa condition absolue de _simplicité._ Ici, la Raison -vole d'un seul coup vers l'Imparticularité,--vers une particule,--une -particule _unique,_--une particule _une_ dans son espèce,--_une_ -dans son caractère,--_une_ dans sa nature,--_une_ par son volume,-- -_une_ par sa forme,--une particule qui soit particule à tous égards, -donc, une particule amorphe et idéale,--particule absolument -unique, individuelle, non divisée, mais _non pas indivisible,_ -simplement parce que Celui qui la créa par la force de sa Volonté -peut très-naturellement la diviser par un exercice infiniment moins -énergique de la même Volonté. - -Donc, l'_Unité_ est tout ce que j'affirme de la Matière originairement -créée; mais je me propose de démontrer que _cette Unité est un principe -largement suffisant pour expliquer la constitution, les phénomènes -actuels et l'anéantissement absolument inévitable au moins de l'Univers -matériel._ - -Le Vouloir spontané, ayant pris corps dans la particule primordiale, a -complété l'acte, ou, plus proprement, la _conception_ de la Création. -Nous nous dirigerons maintenant vers le but final pour lequel nous -supposons que cette particule a été créée;--quand je dis but final, -je veux dire tout ce que nos considérations jusqu'ici nous permettent -d'en saisir,--à savoir, la constitution de l'Univers tirée de cette -Particule unique. - -Cette constitution s'est effectuée par la transformation _forcée de_ -l'Unité, originelle et normale, en Pluralité, condition anormale. Une -action de cette nature implique réaction. Une diffusion de l'Unité n'a -lieu que conditionnellement, c'est-à-dire qu'elle implique une tendance -au retour vers l'Unité,--tendance indestructible jusqu'à parfaite -satisfaction. Mais je m'étendrai par la suite plus amplement sur ce -sujet. - -La supposition de l'Unité absolue dans la Particule primordiale -renferme celle de la divisibilité infinie. Concevons donc simplement -la Particule comme non absolument épuisée par sa diffusion à travers -l'Espace. De cette Particule considérée comme centre, supposons, -irradié sphériquement, dans toutes les directions, à des distances non -mesurables, mais cependant définies, dans l'espace vide jusqu'alors, un -certain nombre innombrable, quoique limité, d'atomes inconcevablement -mais non infiniment petits. - -Or, de ces atomes, ainsi éparpillés ou à l'état de diffusion, que nous -est-il permis, non pas de supposer, mais de conclure, en considérant la -source d'où ils émanent et le but apparent de leur diffusion? L'Unité -étant leur source, et _la différence d'avec l'Unité_ le caractère du -but manifesté par leur diffusion, nous avons tout droit de supposer -que ce caractère persiste _généralement_ dans toute l'étendue du -plan et forme une partie du plan lui-même;--c'est-à-dire que nous -avons tout droit de concevoir des différences continues, sur tous -les points, d'avec l'unité et la simplicité du point originel. Mais, -pour ces raisons, sommes-nous autorisés à imaginer les atomes comme -hétérogènes, dissemblables, inégaux et inégalement distants? Pour -parler plus explicitement, devons-nous croire qu'il n'y a pas eu, au -moment de leur diffusion, deux atomes de même nature, de même forme -ou de même grosseur? et que, leur diffusion étant opérée à travers -l'Espace, ils doivent être tous, sans exception, inégalement distants -l'un de l'autre? Un pareil arrangement, dans de telles conditions, -nous permet de concevoir aisément, immédiatement, le procédé -d'opération le plus exécutable pour un dessein tel que celui dont j'ai -parlé,--le dessein de tirer la variété de l'unité,--la diversité de -la similarité,--l'hétérogénéité de l'homogénéité,--la complexité de -la simplicité,--en un mot, la plus grande multiplicité possible de -_rapports_ de _l'Unité_ expressément absolue. Incontestablement nous -aurions le droit de supposer tout ce que j'ai dit, si nous n'étions pas -arrêtés par deux réflexions:--la première, c'est que la superfluité -et la surérogation ne sont jamais admissibles dans l'Action Divine; -et la seconde, c'est que le but poursuivi apparaît comme tout aussi -facile à atteindre quand quelques-unes des conditions requises sont -obtenues dans le principe, que quand toutes existent visiblement et -immédiatement. Je veux dire que celles-ci sont contenues dans les -autres, ou qu'elles en sont une conséquence si instantanée, que la -distinction devient inappréciable. La différence de grosseur, par -exemple, sera tout de suite créée par la tendance d'un atome vers un -second atome, de préférence à un troisième, en raison d'une inégalité -particulière de distance; _inégalité particulière de distance entre des -centres de quantité, dans des atomes voisins de différente forme,--_ -phénomène qui ne contredit en rien la distribution généralement -égale des atomes. La différence _d'espèce,_ nous la concevons aussi -très-aisément comme résultant de différences dans la grosseur et dans -la forme, supposées plus ou moins conjointes;--en effet, puisque -l'_Unité_ de la Particule proprement dite implique homogénéité -absolue, nous ne pouvons pas supposer que les atomes, au moment de -leur diffusion, diffèrent en espèce, sans imaginer en même temps une -opération spéciale de la Volonté Divine, agissant à l'émission de -chaque atome, dans le but d'effectuer en chacun une transformation de -sa nature essentielle;--et nous devons d'autant plus repousser une -idée aussi fantastique, que l'objet en vue peut parfaitement bien -être atteint sans une aussi minutieuse et laborieuse intervention. -Nous comprenons donc, avant tout, qu'il eût été surérogatoire, et -conséquemment anti-philosophique, d'attribuer aux atomes, en vue de -leurs destinations respectives, autre chose qu'une _différence de -forme_ au moment de leur dispersion, et postérieurement une inégalité -particulière de distance,--toutes les autres différences naissant -ensemble des premières, dès les premiers pas que la masse a faits vers -sa constitution. Nous établissons donc l'Univers sur une base purement -_géométrique._ Il va sans dire qu'il n'est pas du tout nécessaire de -supposer une absolue différence, même de forme, entre _tous_ les atomes -irradiés;--nous nous contentons de supposer une inégalité générale de -distance de l'un à l'autre. Nous sommes tenus simplement d'admettre -qu'il n'y a pas d'atomes _voisins_ de forme similaire,--qu'il n'y a -pas d'atomes qui puissent jamais se rapprocher, excepté lors de leur -inévitable réunion finale. - -Quoique la _tendance,_ immédiate et perpétuelle, des atomes dispersés -à retourner vers leur Unité normale soit impliquée, comme je l'ai dit, -dans leur diffusion anormale, toutefois il est clair que cette tendance -doit être sans résultat,--qu'elle doit rester une tendance et rien de -plus,--jusqu'à ce que la force d'expansion, cessant d'opérer, donne -à cette tendance toute liberté de se satisfaire. L'Action Divine, -toutefois, étant considérée comme déterminée, et interrompue après -l'opération primitive de la diffusion, nous concevons tout de suite -une _réaction,_--en d'autres termes une tendance, _qui pourra être -satisfaite,_ de tous les atomes désunis à retourner vers l'_Unité._ - -Mais la force de diffusion étant retirée, et la réaction ayant commencé -pour favoriser le dessein final,--_celui de créer la plus grande somme -de rapports possible,_--ce dessein est maintenant en danger d'être -frustré dans le détail, par suite de cette tendance rétroactive qui -a pour but son accomplissement total. La _multiplicité_ est l'objet; -mais rien n'empêche les atomes voisins de se précipiter _tout de suite_ -l'un vers l'autre,--grâce à leur tendance maintenant libre, avant -l'accomplissement de tous les buts multiples,--et de se fondre tous en -une unité compacte; rien ne fait obstacle à l'aggrégation de diverses -masses, isolées jusque-là, sur différents points de l'espace;--en -d'autres termes, rien ne s'oppose à l'accumulation de diverses masses, -chacune faisant une Unité absolue. - - - -V - - -Pour l'accomplissement efficace et complet du plan général, nous -devinons maintenant la nécessité d'une force répulsive limitée,--de -_quelque chose_ qui serve à séparer, et qui, lors de la cessation de -la Volition diffusive, puisse en même temps permettre le rapprochement -et empêcher la jonction des atomes; qui leur permette de se rapprocher -infiniment, et leur défende de se mettre en contact positif; quelque -chose, en un mot, qui ait puissance, _jusqu'à une certaine époque,_ de -prévenir leur fusion, mais non de contredire à aucun égard ni à aucun -degré leur tendance à se réunir. La force répulsive, déjà considérée -comme si particulièrement limitée à d'autres égards, peut, je le -répète, être prise comme une puissance destinée à empêcher l'absolue -cohésion, _seulement jusqu'à une certaine époque._ A moins que nous -ne concevions l'appétition des atomes pour l'Unité comme condamnée -à n'être _jamais_ satisfaite,--à moins que nous n'admettions que ce -qui a eu un commencement ne doive pas avoir de fin,--idée qui est -réellement inadmissible, quelque nombreux que soient ceux d'entre -nous qui rêvent et bavardent sur ce thème,--nous sommes forcés de -conclure que l'influence répulsive supposée devra finalement,--sous la -pression de l'_Unitendance_ agissant _collectivement,_ mais agissant -seulement alors que, pour l'accomplissement des plans de la Divinité, -cette action collective devra se faire naturellement,--céder à une -force qui, à cette époque finale, sera la force supérieure, poussée -juste au degré nécessaire, et permettre ainsi le tassement universel -des choses en _Unité,_ unité inévitable parce qu'elle est originelle -et conséquemment normale. Il est en vérité fort difficile de concilier -toutes ces conditions;--nous ne pouvons même pas comprendre la -possibilité de cette conciliation;--néanmoins cette impossibilité -apparente est féconde en suggestions brillantes. - -Que cette répulsion existe positivement, _nous le voyons._ L'homme -n'emploie et ne connaît aucune force suffisante pour fondre deux atomes -en un. Je n'avance ici que la thèse bien reconnue de l'impénétrabilité -de la matière. Toute l'Expérience la prouve,--toute la Philosophie -l'admet. J'ai essayé de démontrer le _but_ de la répulsion et la -nécessité de son existence; mais je me suis religieusement abstenu de -toute tentative pour en pénétrer la nature; et cela, à cause d'une -conviction intuitive qui me dit que le principe en question est -strictement spirituel,--gît dans une profondeur impénétrable à notre -intelligence présente,--est impliqué dans une considération relative à -ce qui maintenant, dans notre condition humaine, ne peut être l'objet -d'aucun examen,--dans une considération de l'_Esprit en lui-même._ Je -sens, en un mot, qu'ici, et ici seulement, Dieu s'est interposé, parce -qu'ici, et seulement ici, le nœud demandait l'interposition de Dieu. - -Dans le fait, pendant que dans cette tendance des atomes vers l'Unité -on reconnaîtra tout d'abord le principe de la Gravitation Newtonienne, -ce que j'ai dit d'une force répulsive, servant à mettre des limites à -la satisfaction immédiate, peut être entendu de _ce que_ nous avons -jusqu'à présent désigné tantôt comme chaleur, tantôt comme magnétisme, -tantôt comme _électricité;_ montrant ainsi, dans les vacillations de -la phraséologie par laquelle nous essayons de _le_ définir, l'ignorance -où nous sommes de son caractère mystérieux et terrible. - -Le nommant donc, pour le présent seulement, électricité, nous savons -que toute analyse expérimentale de l'électricité a donné, pour résultat -final, le principe, réel ou apparent, de _l'hétérogénéité. Seulement -là_ où les choses diffèrent, l'électricité se manifeste; et il est -présumable qu'elles ne diffèrent jamais là où l'électricité n'est pas -développée, sinon apparente. Or, ce résultat est dans le plus parfait -accord avec celui où je suis parvenu par une autre voie que par -l'expérience. J'ai affirmé que l'utilité de la force répulsive était -d'empêcher les atomes disséminés de retourner à l'Unité immédiate; -et ces atomes sont représentés comme différant les uns des autres. -La _différence_ est leur caractère,--leur essentialité,--juste comme -la _non-différence_ était le caractère essentiel de leur mouvement. -Donc, quand nous disons qu'une tentative pour mettre en contact deux -de ces atomes doit amener un effort de l'influence répulsive pour -empêcher cette union, nous pouvons aussi bien nous servir d'une -phrase absolument équivalente, à savoir, qu'une tentative pour mettre -en contact deux différences amènera comme résultat un développement -d'électricité. Tous les corps existants sont composés de ces atomes -en contact immédiat, et peuvent conséquemment être considérés comme -de simples assemblages de différences plus ou moins nombreuses; et la -résistance faite par l'esprit de répulsion, si nous mettions en contact -deux de ces assemblages quelconques, serait en raison des deux sommes -de différences contenues dans chacun;--expression qui peut être réduite -à celle-ci, équivalente: - -_La somme d'électricité développée par le contact de deux corps est -proportionnée à la différence entre les sommes respectives d'atomes -dont les corps sont composés._ - -Qu'il n'existe pas deux corps absolument semblables, c'est un -simple corollaire qui résulte de tout ce que nous avons dit. Donc -l'électricité, toujours existante, se _développe_ par le contact de -corps quelconques, mais ne se _manifeste_ que par le contact de corps -d'une différence appréciable. - -A l'électricité,--pour nous servir encore de cette désignation,--nous -pouvons à bon droit rapporter les divers phénomènes physiques de -lumière, de chaleur et de magnétisme; mais nous sommes bien mieux -autorisés encore à attribuer à ce principe strictement spirituel les -phénomènes plus importants de vitalité, de conscience et de _Pensée._ -A ce sujet, toutefois, qu'il me soit permis de faire une pause et de -noter que ces phénomènes, observés dans leur généralité ou dans leurs -détails, semblent procéder _au moins en raison de l'hétérogénéité._ - -Écartons maintenant les deux termes équivoques, _gravitation_ et -_électricité,_ et adoptons les expressions plus définies _d'attraction_ -et de _répulsion._ La première, c'est le corps; la seconde, c'est -l'âme; l'une est le principe matériel, l'autre le principe spirituel -de l'Univers. _Il n'existe pas d'autres principes. Tous_ les -phénomènes doivent être attribués à l'un ou à l'autre, ou à tous les -deux combinés. Il est si rigoureusement vrai, il est si parfaitement -rationnel que l'attraction et la répulsion sont les _seules_ propriétés -par lesquelles nous percevons l'Univers,--en d'autres termes, par -lesquelles la Matière se manifeste à l'Esprit,--que nous avons -pleinement le droit de supposer que la matière _n'existe_ que comme -attraction et répulsion,--que l'attraction et la répulsion _sont_ -matière,--nous servant de cette hypothèse comme d'un moyen de faciliter -l'argumentation;--car il est impossible de concevoir un cas où -nous ne puissions employer à notre gré le mot matière et les termes -attraction et répulsion, pris ensemble, comme expressions de logique -équivalentes et convertibles. - - - -VI - - -Je disais tout à l'heure que ce que j'ai nommé la tendance des atomes -disséminés à retourner à leur unité originelle devait être pris pour -le principe de la foi newtonienne de la gravitation; et en effet on -n'aura pas grande peine à entendre la chose ainsi, si l'on considère -la _gravitation newtonienne_ sous un aspect purement général, comme -une force qui pousse la matière à chercher la matière; c'est-à-dire -si nous voulons ne pas attacher notre attention au _modus operandi_ -connu de la force newtonienne. La coïncidence générale nous satisfait; -mais, en regardant de plus près, nous voyons dans le détail beaucoup -de choses qui paraissent non-coïncidentes, et beaucoup d'autres où la -coïncidence ne paraît pas du moins suffisamment établie. Un exemple: -la gravitation newtonienne, si nous la considérons dans certains -modes, ne nous apparaît pas du tout comme une tendance vers _Y -Unité;_ elle nous semble plutôt une tendance de tous les corps dans -toutes les directions, phrase qui semble exprimer la tendance à la -diffusion. Ici donc il y a non-coïncidence. Un autre exemple: quand -nous réfléchissons sur la loi mathématique qui gouverne la tendance -newtonienne, nous voyons clairement que nous ne pouvons pas obtenir la -coïncidence,--relativement, du moins, au _modus operandi,_--entre la -gravitation, telle que nous la connaissons, et cette tendance, simple -et directe en apparence, que j'ai supposée. - -En effet, je suis arrivé à un point où il serait bon de renforcer ma -position en inversant mon procédé. Jusqu'à présent, nous avons procédé -_à priori,_ d'une considération abstraite de la _Simplicité,_ prise -comme la qualité qui a dû le plus vraisemblablement caractériser -l'action originelle de Dieu. Voyons maintenant si les faits établis -de la Gravitation newtonienne peuvent nous fournir, à _posteriori,_ -quelques inductions légitimes. - -Que déclare la loi newtonienne? que tous les corps s'attirent l'un -l'autre avec des forces proportionnées [à leurs quantités de matière -et inversement proportionnées] aux carrés de leurs distances. -C'est à dessein que je donne d'abord la version vulgaire de la -loi; et je confesse que dans celle-ci, comme dans la plupart des -traductions vulgaires de grandes vérités, je ne trouve pas une qualité -très-suggestive. Adoptons donc une phraséologie plus philosophique ---_Chaque atome de chaque corps attire chaque autre atome, soit -appartenant au même corps, soit appartenant à chaque autre corps, avec -une force variant en raison inverse des carrés des distarices entre -l'atome attirant et l'atome attiré._ Ici, pour le coup, un flot de -suggestions jaillit aux yeux de l'esprit. - -Mais voyons distinctement la chose que Newton a _prouvée,--_selon la -définition grossièrement irrationnelle de _h preuve_ prescrite par les -écoles de métaphysique. Il fut obligé de se contenter de montrer que -les mouvements d'un Univers imaginaire, composé d'atomes attirants et -attirés obéissant à la loi qu'il annonçait, coïncidaient parfaitement -avec les mouvements de l'Univers existant réellement, autant du -moins qu'il tombe sous notre observation. Telle fut la somme de sa -_démonstration,_ selon le jargon conventionnel des philosophies. Les -succès qui la confirmèrent ajoutèrent preuve sur preuve,--des preuves -telles que les admet toute intelligence saine,--mais la _démonstration_ -de la loi-elle-même, selon les métaphysiciens, n'avait été confirmée -en aucune façon. Cependant la preuve _oculaire, physique,_ de -l'attraction, ici même, sur cette Terre, fut enfin trouvée, en parfait -accord avec la théorie newtonienne, et à la grande satisfaction de -quelques-uns de ces reptiles intellectuels. Cette preuve jaillit, -indirectement et incidemment (comme jaillirent presque toutes les -vérités importantes), d'une tentative faite pour mesurer la densité -moyenne de la Terre. Dans les fameuses expériences que Maskelyne, -Cavendish et Bailly firent dans ce but, il fut découvert, vérifié et -mathématiquement démontré que l'attraction de la masse d'une montagne -était en accord exact avec l'immortelle théorie de l'astronome anglais. - -Mais, en dépit de cette confirmation d'une vérité qui n'en avait aucun -besoin,--en dépit de la prétendue corroboration de la _théorie_ par la -prétendue _preuve oculaire et physique,--_en dépit du caractère de -cette corroboration,--les idées que les vrais philosophes eux-mêmes -ne peuvent s'empêcher d'accepter relativement à la gravitation, et -particulièrement les idées acceptées et complaisamment maintenues -par les hommes vulgaires, ont été évidemment tirées, pour la plus -grande partie, d'une considération du principe, tel qu'ils le trouvent -simplement développé _sur la planète à laquelle ils sont attachés._ - -Or, où tend une considération aussi amoindrie? A quelle espèce d'erreur -donne-t-elle naissance? Sur la Terre nous voyons, nous sentons -simplement que la gravitation chasse tous les corps vers le centre de -la Terre. Aucun homme, dans le domaine ordinaire de la vie, ne peut -voir ni sentir autrement,--ne peut s'empêcher de percevoir que toute -chose, partout, a une tendance gravitante, perpétuelle vers le centre -de la Terre, et pas ailleurs; cependant (sauf une exception qui sera -spécifiée postérieurement) il est certain que chaque chose terrestre -(pour ne pas parler maintenant de toutes les choses célestes) a une -tendance non-seulement vers le centre de la Terre, mais en outre vers -toute espèce de direction possible. - -Or, quoique les hommes de philosophie ne puissent pas être accusés -de se tromper avec le vulgaire dans cette matière, ils se laissent -toutefois influencer, à leur insu, par l'idée vulgaire agissant -comme sentiment.--_Quoique personne n'ait foi dans les fables du -Paganisme,--_dit Bryant dans sa très-savante _Mythologie,--cependant -nous nous oublions sans cesse au point d'en tirer des inductions comme -de réalités existantes.--_Je veux dire que la perception purement -_sensitive_ de la gravitation, telle que nous la connaissons sur -la Terre, induit l'humanité en fantaisie et la fait croire à une -_concentralisation,_ à une sorte de spécialité terrestre;--qu'elle a -toujours incliné vers cette fantaisie les intelligences même les plus -puissantes,--les détournant perpétuellement, quoique imperceptiblement, -de la caractéristique réelle du principe; les ayant empêchées jusqu'à -l'époque présente de saisir même un aperçu de cette vérité vitale -qui se trouve dans une direction diamétralement opposée,--derrière -les caractéristiques _essentielles_ du principe, qui sont, non pas -la concentralisation ou la spécialité, mais l'_universalité_ et la -_diffusion._ Cette vérité vitale est l'Unité, prise comme source du -phénomène. - -Permettez-moi de répéter la définition de la gravitation: _Chaque -atome, dans chaque corps, attire chaque autre atome, appartenant au -même corps ou appartenant à tout autre corps,_ avec une force qui varie -en raison inverse des carrés des distances de l'atome attirant et de -l'atome attiré. - -Que le lecteur s'arrête ici un moment avec moi pour contempler la -miraculeuse, ineffable et absolument inimaginable complexité de -rapports impliquée dans ce fait, que _chaque atome attire chaque autre -atome,--_impliquée seulement dans ce fait de l'attraction, étant -écartée la question de la loi ou du mode suivant lesquels l'attraction -se manifeste,--impliquée dans ce fait unique que chaque atome attire -plus ou moins chaque autre atome, dans une immensité d'atomes telle, -que toutes les étoiles qui entrent dans la constitution de l'Univers -peuvent être à peu près comparées pour le nombre aux atomes qui entrent -dans la composition d'un boulet de canon. - -Eussions-nous simplement découvert que chaque atome tendait vers un -point favori, vers quelque atome particulièrement attractif, nous -serions encore tombés sur une découverte qui, en elle-même, aurait -suffi pour accabler notre esprit;--mais quelle est cette vérité que -nous sommes actuellement appelés à comprendre? C'est que chaque -atome attire chaque autre atome, sympathise avec ses plus délicats -mouvements, avec chaque atome et avec tous, toujours, incessamment, -suivant une loi déterminée dont la complexité, même considérée -seulement en elle-même, dépasse absolument les forces de l'imagination -humaine. Si je me propose de mesurer l'influence d'un seul atome sur -l'atome son voisin dans un rayon solaire, je ne puis pas accomplir mon -dessein sans d'abord compter et peser tous les atomes de l'Univers et -définir la position précise de chacun à un moment particulier de la -durée. Si je m'avise de déplacer, ne fût-ce que de la trillionième -partie d'un pouce, le grain microscopique de poussière posé maintenant -sur le bout de mon doigt, quel est le caractère de l'action que j'ai eu -la hardiesse de commettre? J'ai accompli un acte qui ébranle la Lune -dans sa marche, qui contraint le Soleil à n'être plus le soleil, et qui -altère pour toujours la destinée des innombrables myriades d'étoiles -qui roulent et flamboient devant la majesté de leur Créateur. - -De telles idées, de telles conceptions,--pensées monstrueuses qui ne -sont plus des pensées, rêveries de l'âme plutôt que raisonnements ou -même considérations de l'intellect,--de telles idées, je le répète, -sont les seules que nous puissions réussir à créer en nous dans tous -nos efforts pour saisir le grand principe de _l'Attraction._ - -Mais maintenant, avec de telles idées, avec une telle vision, -franchement acceptée, de la merveilleuse complexité de l'Attraction, -que toute personne, capable de réfléchir sur de pareilles matières, -s'applique à imaginer un principe adaptable aux phénomènes -observés,--ou la condition qui leur a donné naissance. - -Une si évidente fraternité des atomes n'indique-t-elle pas une -extraction commune? Une sympathie si victorieuse, si indestructible, -si absolument indépendante, ne suggère-t-elle pas l'idée d'une source, -d'une paternité commune? Un extrême ne pousse-t-il pas la raison vers -l'extrême son contraire? L'infini dans la division ne se rapporte-t-il -pas à l'absolu dans l'individualité? Le superlatif de la complexité ne -fait-il pas deviner la perfection dans la simplicité? Je veux dire, -non pas seulement que les atomes, comme nous les voyons, sont divisés -ou qu'ils sont complexes dans leurs rapports, mais surtout qu'ils -sont inconcevablement divisés et inexprimablement complexes; c'est de -l'extrême des conditions que je veux parler maintenant, plutôt que des -conditions elles-mêmes. En un mot, n'est-ce pas parce que les atomes -étaient, à une certaine époque très-ancienne, _quelque chose de plus -même qu'un assemblage,--_n'est-ce pas parce que, originellement, donc -normalement, ils étaient _Un,_ que maintenant en toutes circonstances, -sur tous les points, dans toutes les directions, par tous les modes -de rapprochement, dans tous les rapports et à travers toutes les -conditions, ils s'efforcent de _retourner_ vers cette _unité_ absolue, -indépendante et inconditionnelle? - -Ici, quelqu'un demandera peut-être: «Pourquoi, puisque c'est vers -l'Unité que ces atomes s'efforcent de retourner, ne jugeons-nous pas -et ne définissons-nous pas l'Attraction _une simple tendance générale -vers un centre?_--Pourquoi, particulièrement, _vos_ atomes, les -atomes que vous nous donnez comme ayant été irradiés d'un centre, ne -retournent-ils pas tous à la fois, en ligne droite, vers le point -central de leur origine?» - -Je réponds qu'ils le font, ainsi que je le montrerai clairement; -mais que la cause qui les y pousse est tout à fait indépendante du -centre considéré _comme tel._ Ils tendent tous en ligne droite vers -un centre, à cause de la sphéricité selon laquelle ils ont été lancés -dans l'espace. Chaque atome, formant une partie d'un globe généralement -uniforme d'atomes, trouve naturellement plus d'atomes dans la direction -du centre que dans toute autre direction; c'est donc dans ce sens -qu'il est poussé, mais il n'y est pas poussé parce que le centre est -_le point de son origine._ Il n'est pas de _point_ auquel les atomes -se rallient. Il n'est pas de _lieu,_ soit dans le concret, soit dans -l'abstrait, auquel je les suppose attachés. Rien de ce qui peut -s'appeler _localité_ ne doit être conçu comme étant leur origine. Leur -source est dans le principe Unité. C'est là le père qu'ils ont perdu. -C'est là ce _qu'ils cherchent_ toujours, immédiatement, dans toutes -les directions, partout où ils peuvent le trouver, même partiellement; -apaisant ainsi, dans une certaine mesure, leur indestructible tendance, -tout en faisant route vers leur absolue satisfaction finale. - -Il suit de tout ceci que tout principe qui sera suffisant -pour expliquer en général la _loi,_ ou _modus operandi,_ de -la force attractive, devra aussi expliquer cette loi dans le -particulier;--c'est-à-dire que tout principe qui montrera pourquoi les -atomes doivent tendre vers leur _centre général d'irradiation,_ avec -des forces variant en proportion inverse des carrés des distances, -expliquera d'une manière satisfaisante la tendance, conforme à la même -loi, qui pousse l'atome vers l'atome;--_car_ la tendance vers le centre -_est_ simplement la tendance de chacun vers chacun, et non pas une -tendance vers un centre considéré _comme tel._ - -On voit en même temps que l'établissement de mes propositions -n'implique aucune nécessité de modifier les termes de la définition -newtonienne de la Gravitation, laquelle déclare que chaque atome -attire chaque autre atome, dans une infinie réciprocité, et ne déclare -que cela; mais (en supposant toutefois que ce que je propose sera -finalement admis) il me semble évident que, dans les futures opérations -de la Science, on pourrait éviter quelque erreur occasionnelle, si -l'on adoptait une phraséologie plus ample, telle que celle-ci:--Chaque -atome tend vers chaque autre atome, etc., avec une force, etc.; _le -résultat général étant une tendance de tous les atomes, avec une force -semblable, vers un centre général._ - -En reprenant notre route à l'inverse, nous sommes arrivés à un -résultat identique; mais, dans l'un des cas, _Y Intuition_ était le -point de départ, dans l'autre, elle était le but. En commençant mon -premier voyage, je pouvais dire seulement que je _sentais,_ par une -irrésistible intuition, que la Simplicité avait été la caractéristique -de l'action originelle de Dieu;--en finissant mon second voyage, je -puis seulement déclarer que je perçois, par une irrésistible intuition, -que l'Unité a été la source des phénomènes de la Gravitation -newtonienne observés jusqu'à présent. Ainsi, selon les écoles, je ne -_prouve_ rien. Soit. Je n'ai pas d'autre ambition que de suggérer,--et -de _convaincre_ par la suggestion. J'ai l'orgueilleuse conviction -qu'il existe des intelligences humaines profondes, douées d'un prudent -discernement, qui ne pourront pas _s'empêcher_ d'être largement -satisfaites de mes simples suggestions. Pour ces intelligences,--comme -pour la mienne,--il n'est pas de démonstration mathématique qui puisse -apporter la moindre _vraie preuve_ additionnelle à la grande _Vérité_ -que j'ai avancée, à savoir que l'_Unité Originelle est la source, le -principe des Phénomènes Universels._ Pour ma part, je ne suis pas aussi -sûr que je parle et que je vois;--je ne suis pas aussi sûr que mon -cœur bat et que mon âme vit;--que le soleil se lèvera demain matin, -probabilité qui gît encore dans le Futur,--je ne prétends pas du tout -en être aussi sûr que je le suis de ce _Fait_ irréparablement passé, -que tous les Êtres et Toutes les Pensées des Êtres, avec toute leur -ineffable Multiplicité de Rapports, ont jailli à la fois à l'existence -de la primordiale et indépendante _Unité._ - -Relativement à la Gravitation newtonienne, le Docteur Nichol, -l'éloquent auteur de l'_Architecture des deux,_ dit: «En vérité, nous -n'avons aucune raison de supposer que cette grande Loi, telle qu'elle -nous est aujourd'hui connue, soit la formule suprême ou la plus -simple, conséquemment universelle et omnicompréhensible, d'une grande -Ordonnance. Le mode suivant lequel son intensité diminue avec l'élément -de la distance n'a pas l'aspect d'un _principe_ suprême, lequel -principe comporte toujours la simplicité de ces axiomes, évidents par -eux-mêmes, qui constituent la base de la Géométrie.» - -Il est absolument vrai que les _principes suprêmes,_ selon le sens -usuel des termes, comportent toujours la simplicité des axiomes -géométriques (quant aux choses _évidentes par elles-mêmes,_ il n'en -existe pas);--mais ces principes ne sont pas clairement _suprêmes;_ -en d'autres termes, les choses que nous avons l'habitude de qualifier -_principes_ ne sont pas, à proprement parler, des principes,--puisqu'il -ne peut exister qu'un principe, qui est la Volition Divine. Nous -n'avons donc aucun droit de supposer, d'après ce que nous observons -dans les règles qu'il nous plaît follement d'appeler _principes,_ quoi -que ce soit qui ressemble aux caractéristiques d'un principe proprement -dit. Les principes _suprêmes,_ dont le Docteur Nichol parle comme -comportant la simplicité géométrique, peuvent avoir et ont en effet -cet aspect géométrique, puisqu'ils sont une partie intégrante d'un -vaste système géométrique, c'est-à-dire d'un système de simplicité, -dans lequel toutefois le principe vraiment suprême est, _comme nous le -savons,_ le maximum du complexe, autrement dit, de l'inintelligible; ---car n'est-ce pas la Capacité Spirituelle de Dieu? - -Cependant j'ai cité la remarque du Docteur Nichol, non pas tant pour -infirmer sa philosophie que pour attirer l'attention sur ce fait, que, -malgré que tous les hommes aient admis un _certain_ principe comme -existant au delà de la loi de la Gravitation, aucune tentative n'a été -faite pour définir ce qu'est particulièrement ce principe;--si nous -exceptons peut-être quelques visées fantastiques qui le transportent -dans le Magnétisme, dans le Mesmérisme, dans le Swedenborgianisme, -ou dans le Transcendantalisme, ou dans tout autre délicieux isme de -la même espèce, invariablement favorisé par une seule et même espèce -de gens. Le grand esprit de Newton, tout en saisissant hardiment la -Loi elle-même, a reculé devant le principe de la Loi. Plus active, -plus compréhensible au moins, sinon plus patiente et plus profonde, -la sagacité de Laplace n'eut pas le courage de s'y attaquer. Mais -l'hésitation de la part de ces astronomes n'est pas si difficile -à comprendre. Eux aussi, comme d'ailleurs tous les mathématiciens -de la première classe, ils étaient _purement_ mathématiciens; leur -intelligence du moins était marquée d'un caractère mathématico-physique -vigoureusement prononcé. Tout ce qui n'était pas distinctement situé -dans le domaine de la Physique ou des Mathématiques leur apparaissait -comme des Non-Entités ou des Ombres. Néanmoins, nous pouvons bien -nous étonner que Leibnitz, qui fut une exception remarquable à cette -règle générale, et dont le tempérament spirituel était un singulier -mélange du mathématique avec le physico-métaphysique, n'ait pas d'abord -recherché et défini le point en litige. Newton et Laplace, cherchant -un principe, et n'en découvrant aucun _physique,_ devaient humblement -et tranquillement s'arrêter à cette conclusion, qu'il n'en existait -absolument aucun; mais il est presque impossible de concevoir que -Leibnitz, ayant épuisé dans ses recherches les domaines de la physique, -n'ait pas marché droit, plein de hardiesse et de confiance, à travers -ce vieux labyrinthe du royaume de la Métaphysique qui lui était si -familier. Il est évident qu'il a dû s'aventurer à la recherche du -trésor;--s'il ne l'a pas trouvé, c'est peut-être, après tout, parce que -sa merveilleuse conductrice, son Imagination, n'était pas suffisamment -adulte ou assez bien éduquée pour le diriger dans la bonne route. - -J'observais tout à l'heure qu'il avait été fait de vagues tentatives -pour attribuer la Gravitation à de certaines forces très-douteuses, -dont le nom affecte la désinence _isme._ Mais ces tentatives, quoique -considérées très-justement comme hardies, n'ont pas visé plus loin qu'à -la généralité, à la pure généralité de la Loi newtonienne. - -Aucun effort d'explication, aucun effort heureux, à ma connaissance, -n'a été fait relativement à son _modus operandi._ C'est donc avec -une crainte bien légitime d'être pris pour un fou, dès le début, et -avant d'avoir pu porter mes propositions sous l'œil de ceux-là qui -seuls sont compétents pour décider sur leur valeur, que je déclare -ici que le _modus operandi_ de la Loi de la Gravitation est une chose -excessivement simple et parfaitement appréciable, à la condition que -nous nous approchions du problème selon une juste gradation et dans -la bonne route,--c'est-à-dire si nous le considérons du point de vue -convenable. - - - -VII - - -Soit que nous arrivions à l'idée d'absolue _Unité,_ source présumée de -Tous les Êtres, par une considération de la Simplicité prise pour la -caractéristique la plus probable de l'action originelle de Dieu;--soit -que nous y parvenions par l'examen de l'universalité de rapports dans -les phénomènes de la gravitation;--ou soit enfin que nous aboutissions -à cette idée comme au résultat de la corroboration réciproque des -deux procédés,--toujours est-il que l'idée, une fois acceptée, est -inséparablement connexe d'une autre idée, celle de la condition de -l'Univers sidéral, tel que nous le voyons maintenant, c'est-à-dire -d'une incommensurable _diffusion_ à travers l'espace. Or, une connexion -entre ces idées,--unité et diffusion,--ne peut pas être admissible sans -une troisième idée, celle de _l'irradiation._ L'Unité Absolue étant -prise comme centre, l'Univers sidéral existant est le résultat d'une -_irradiation_ partant de ce centre. - -Or, les lois de l'irradiation sont _connues._ Elles sont partie -intégrante de la _sphère._ Elles appartiennent à la classe des -_propriétés géométriques incontestables._ Nous disons d'elles: elles -sont vraies, elles sont évidentes. Demander _pourquoi_ elles sont -vraies, ce serait demander pourquoi sont vrais les axiomes sur lesquels -s'appuie la démonstration de ces lois. Il n'y a _rien_ de démontrable, -pour parler strictement; mais s'il y a quelque chose de démontrable, -les propriétés et les lois en question sont démontrées. - -Mais ces lois, que déclarent-elles? Comment, par quels degrés -l'irradiation procède-t-elle du centre vers l'espace? - -D'un centre lumineux la Lumière émane par irradiation, et les quantités -de lumière reçues par un plan quelconque, que nous supposerons -changeant de position, de manière à se trouver tantôt plus près, -tantôt plus loin du centre, diminueront dans la même proportion que -s'accroîtront les carrés des distances entre le plan et le corps -lumineux, et s'accroîtront dans la même proportion que diminueront les -carrés. - -L'expression de la loi peut être ainsi généralisée:--Le nombre -de molécules lumineuses, ou, si l'on préfère d'autres termes, le -nombre d'impressions lumineuses, reçues par le plan mobile, sera en -proportion _inverse_ des carrés des distances où sera situé le plan. -Et pour généraliser encore, nous pouvons dire que la diffusion, -l'éparpillement, l'irradiation, en un mot, est en proportion _directe_ -des carrés des distances. - -Par exemple: à la distance B, du centre lumineux A, un certain nombre -de particules est éparpillé, de manière à occuper la surface B. Donc -à la distance double, c'est-à-dire à C, ces particules se trouveront -d'autant plus éparpillées qu'elles occuperont quatre surfaces -semblables; à la distance triple, ou à D, elles seront d'autant plus -séparées les unes des autres qu'elles occuperont neuf surfaces -semblables; à une distance quadruple, ou à E, elles seront tellement -diffuses qu'elles s'étendront sur seize surfaces semblables;--et ainsi -de suite à l'infini. - -[Illustration] - -Généralement, en disant que l'irradiation procède en raison -proportionnelle directe des carrés des distances, nous nous servons du -terme irradiation pour exprimer _le degré de diffusion_ à mesure que -nous nous éloignons du centre. Inversant la proposition, et employant -le mot _concentralisation_ pour exprimer _le degré d'attraction -générale_ à mesure que nous nous rapprochons du centre, nous pouvons -dire que la concentralisation procède en raison inverse des carrés -des distances. En d'autres termes, nous sommes arrivés à cette -conclusion, que, dans l'hypothèse que la matière ait été originellement -irradiée d'un centre, et soit maintenant en train d'y retourner, la -concentralisation, ou action de retour, procède _exactement comme nous -savons que procède la force de gravitation._ - -Or, s'il nous était permis de supposer que la concentralisation -représente exactement la _force de la tendance vers le centre,--_ que -l'une est en exacte proportion avec l'autre, et que les deux procèdent -simultanément, nous aurions démontré tout ce qui était à démontrer. La -seule difficulté ici consiste donc à établir une proportion directe -entre la concentralisation et la _force_ de concentralisation; et -nous pouvons considérer la chose comme faite si nous établissons une -proportion semblable entre l'irradiation et la _force_ d'irradiation. - -Une rapide inspection des Cieux suffit pour nous montrer que les -étoiles sont distribuées avec une certaine uniformité générale et à une -certaine égalité de distance à travers la région de l'espace où elles -sont groupées, affectant dans leur ensemble une forme approximativement -sphérique;--cette espèce d'égalité, générale plutôt qu'absolue, ne -contredisant en rien ma déduction sur l'inégalité de distances, dans -de certaines limites, entre les atomes originellement irradiés, et -représentant un corollaire du système évident d'infinie complexité de -rapports tirée de l'unité absolue. Je suis parti, on se le rappelle, de -l'idée d'une distribution généralement uniforme, mais particulièrement -inégale, des atomes;--idée confirmée, je le répète, par une inspection -des étoiles, telles qu'elles existent actuellement. - -Mais même dans l'égalité générale de distribution, en ce qui regarde -les atomes, apparaît une difficulté qui, sans aucun doute, s'est -déjà présentée à ceux de mes lecteurs qui croient que je suppose -cette égalité de distribution effectuée par l'_irradiation partant -d'un centre._ Au premier coup d'œil, l'idée de l'_irradiation_ nous -force à accepter cette autre idée, jusqu'à présent non séparée et en -apparence inséparable, d'une agglomération autour d'un centre, et d'une -dispersion à mesure qu'on s'en éloigne,--l'idée, en un mot, d'inégalité -de distribution relativement à la matière irradiée. - -Or, j'ai fait observer ailleurs[1] que si la Raison, à la recherche du -Vrai, peut jamais trouver sa route, c'est par des difficultés telles -que celle actuellement en question, par une telle inégalité, par de -telles particularités, par de telles saillies sur le plan ordinaire des -choses. Grâce à la difficulté, à la _particularité_ qui se présente -ici, je bondis d'un seul coup vers le secret,--secret que je n'aurais -jamais pu atteindre sans la particularité et les inductions qu'elle me -fournit _par son pur caractère de particularité._ - -La marche de ma pensée, arrivée à ce point, peut être grossièrement -dessinée de la manière suivante:--Je me dis: «L'Unité, comme je l'ai -expliquée, est une vérité;--je le sens. La Diffusion est une vérité; -je le vois. L'Irradiation, par laquelle seule ces deux vérités sont -conciliées, est conséquemment une vérité; je le perçois. _L'égalité_ -de diffusion, d'abord déduite à _priori_ et ensuite confirmée par -l'inspection des phénomènes, est aussi une vérité;--je l'admets -pleinement. Jusqu'ici tout est clair autour de moi;--il n'y a pas de -nuages derrière lesquels puisse se cacher le secret, le grand secret -du _modus operandi_ de la gravitation;--mais ce secret est quelque -part aux environs, très-certainement, et n'y eût-il qu'un seul nuage -en vue, je serais tenu de soupçonner ce nuage.» Et justement, comme je -me dis cela, voilà qu'un nuage apparaît. Ce nuage est l'impossibilité -apparente de concilier ma vérité, _irradiation_ avec mon autre vérité, -_égalité de diffusion._ Je me dis alors: «Derrière cette impossibilité -_apparente_ doit se trouver ce que je cherche.» Je ne dis pas: -impossibilité _réelle;_ car une invincible foi dans mes vérités me -confirme qu'il n'y a là, après tout, qu'une simple difficulté; mais -je vais jusqu'à dire, avec une confiance opiniâtre, que, quand cette -difficulté sera résolue, nous trouverons, _enveloppée dans le procédé -de solution,_ la clef du secret que nous cherchons. De plus, je -_sens_ que nous ne découvrirons _qu'une seule_ solution possible de -la difficulté, et cela, pour cette raison que, s'il y en avait deux, -l'une des deux serait superflue, sans utilité, vide, ne contenant -aucune clef, puisqu'il n'est pas besoin d'une double clef pour ouvrir -un secret quelconque de la nature. - -Et maintenant examinons:--les notions ordinaires, les notions -distinctes que nous pouvons avoir de l'irradiation, sont tirées du -mode tel que nous le voyons appliqué dans le cas de la Lumière. Là -nous trouvons une effusion _continue de courants lumineux, avec une -force que nous n'avons aucun droit de supposer variable._ Or, dans -n'importe quelle irradiation de cette nature, continue et d'une force -invariable, les régions voisines du centre doivent être inévitablement -plus remplies que les régions éloignées. Mais je n'ai supposé aucune -irradiation telle que celle-là. Je n'ai pas supposé une irradiation -_continue;_ par la simple raison qu'une telle supposition impliquerait -d'abord la nécessité d'adopter une conception que l'homme, ainsi que -je l'ai montré, ne peut pas adopter, et que l'examen du firmament -réfute, ainsi que je le démontrerai plus amplement,--la conception -d'un Univers sidéral absolument infini,--et impliquerait, en second -lieu, l'impossibilité de comprendre une réaction, c'est-à-dire la -gravitation, telle qu'elle existe maintenant, puisque, tant qu'une -action se continue, aucune réaction, naturellement, ne peut avoir -lieu. Donc, ma supposition, ou plutôt l'inévitable déduction tirée des -justes prémisses, était celle d'une irradiation _déterminée,_ d'une -irradiation finalement discontinuée. - -Qu'il me soit permis maintenant de décrire le seul mode possible -selon lequel nous pouvons comprendre que la matière ait été répandue -à travers l'espace, de manière à remplir à la fois les conditions -d'irradiation et de distribution généralement égale. - -Par commodité d'illustration, imaginons d'abord une sphère creuse, de -verre ou d'autre matière, occupant l'espace à travers lequel la matière -universelle a été également éparpillée, par le moyen de l'irradiation, -de la particule absolue, indépendante, inconditionnelle, placée au -centre de la sphère. - -Un certain effort de la puissance expansive (que nous présumons -être la Volonté Divine),--en d'autres termes, une certaine _force,_ -dont la mesure est la quantité de matière, c'est-à-dire le nombre -des atomes,--a émis, émet, par irradiation, ce nombre d'atomes, les -chassant hors du centre dans toutes les directions, leur proximité -réciproque diminuant à mesure qu'ils s'éloignent de ce centre, jusqu'à -ce que finalement ils se trouvent éparpillés sur la surface intérieure -de la sphère. - -Quand les atomes ont atteint cette position, ou pendant qu'ils -tendaient à l'atteindre, un second exercice inférieur de la même -force,--une seconde force inférieure de la même nature,--émet de la -même manière, par irradiation, une seconde couche d'atomes qui va se -déposer sur la première; le nombre d'atomes, dans ce cas comme dans -le premier, étant la mesure de la force qui les a émis,--en d'autres -termes, la force étant précisément appropriée au dessein qu'elle -accomplit,--la force et le nombre d'atomes envoyés par cette force -étant directement proportionnels. - -Quand cette seconde couche a atteint sa destination ou pendant qu'elle -s'en approche, un troisième exercice inférieur de la même force, ou une -troisième force inférieure de même nature,--le nombre des atomes émis -étant dans tous les cas la mesure de la force,--dépose une troisième -couche sur la seconde,--et ainsi de suite, jusqu'à ce que ces couches -concentriques, devenant de moins en moins vastes, atteignent finalement -le point central; et alors la matière diffusible, en même temps que la -force diffusive, se trouve épuisée. - -Notre sphère est maintenant remplie, par le moyen de l'irradiation, -d'atomes également répartis. Les deux conditions nécessaires, -celles de l'irradiation et d'une diffusion égale, sont accomplies -par le _seul_ mode qui permette de concevoir la possibilité de leur -accomplissement simultané. C'est pour cette raison que j'ai l'espérance -de trouver maintenant, caché dans la condition présente des atomes -ainsi distribués à travers la sphère, le secret dont je suis en quête, -le principe si important du _modus operandi_ de la loi newtonienne. -Examinons donc la condition actuelle des atomes. - -Ils sont placés dans une série de couches concentriques. Ils sont -également distribués à travers la sphère. Ils ont été irradiés vers ces -positions. - -Les atomes étant également distribués, plus est grande la superficie -d'une de ces couches concentriques quelconques, plus grand sera le -nombre d'atomes distribués dans cette couche. En d'autres termes, -le nombre d'atomes situés sur la surface d'une de ces couches -concentriques quelconque est en proportion directe de l'étendue de -cette surface. - -_Mais, dans toute série de sphères concentriques, les surfaces sont en -proportion directe des carrés des distances à partir du centre,_ ou, -plus brièvement, les surfaces des sphères sont entre elles comme les -carrés de leurs rayons. - -Conséquemment, le nombre d'atomes, dans une couche quelconque, est en -proportion directe du carré de la distance qui sépare cette couche du -centre. - -Mais le nombre des atomes dans une couche quelconque est la mesure -de la force qui a émis cette couche, c'est-à-dire qu'elle est en -proportion directe de la force. - -Donc la force qui a irradié chaque couche est en proportion directe -du carré de la distance entre cette couche et le centre, ou, pour -généraliser, _la force de l'irradiation a eu lieu en proportion directe -des carrés des distances._ - -Or, la Réaction, autant que nous en pouvons connaître, c'est l'Action -inversée. Le principe général de la Gravitation étant, en premier lieu, -entendu comme la réaction d'un acte, comme l'expression d'un désir de -la part de la Matière, existant à l'état de diffusion, de retourner à -l'Unité d'où elle est issue, et en second lieu, l'esprit étant obligé -de déterminer le _caractère_ de ce désir, la manière selon laquelle il -doit naturellement se manifester,--étant, en d'autres termes, obligé -de concevoir une loi probable, ou _modus operandi,_ pour l'action -de retour, ne peut pas ne pas arriver à cette conclusion que la loi -de retour doit être précisément la réciproque de la loi d'émission. -Chacun du moins aura parfaitement le droit de considérer la chose -comme démontrée, jusqu'à ce que quelqu'un donne une raison plausible -qui affirme le contraire, jusqu'à ce qu'une autre loi de retour soit -imaginée que l'intelligence puisse adopter comme préférable. - -Donc, la matière irradiée dans l'espace, avec une force qui varie -comme les carrés des distances, pourrait à _priori_ être supposée -retourner vers son centre d'irradiation avec une force variant _en -raison inverse_ des carrés des distances; et j'ai déjà montré que -tout principe qui expliquera pourquoi les atomes tendent, en raison -d'une loi quelconque, vers le centre général, doit être admis comme -expliquant en même temps, d'une manière suffisante, pourquoi, en -raison de la même loi, ils tendent l'un vers l'autre. Car, en fait, la -tendance vers le centre général n'est pas une tendance vers un centre -positif; elle a lieu vers ce point, seulement parce que chaque atome, -en se dirigeant vers un tel point, s'achemine directement vers son -centre réel et essentiel, qui est l'Unité,--l'Union absolue et finale -de toutes choses. - -Cette considération ne présente à mon esprit aucune difficulté; mais -cela ne m'aveugle pas sur son obscurité possible pour les esprits moins -habitués à manier des abstractions, et en somme il serait peut-être bon -de considérer la proposition d'un ou deux autres points de vue. - -La molécule absolue, indépendante, originellement créée par la Volition -Divine, doit avoir été dans une condition de _normalité_ positive ou -de perfection;--car toute imperfection implique rapport. Le bien est -positif; le mal est négatif; il n'est que la négation du bien, comme le -froid est la négation de la chaleur, l'obscurité, de la lumière. Pour -qu'une chose soit mauvaise, il faut qu'il y ait quelque autre chose -qui soit _comparable_ à ce qui est mauvais;--une condition à laquelle -cette chose mauvaise ne satisfait pas; une loi qu'elle viole; un être -qu'elle offense. Si cet être, cette loi, cette condition, relativement -auxquels la chose est mauvaise, n'existent pas, ou si, pour parler -plus strictement, il n'existe ni êtres, ni lois, ni conditions, alors -la chose ne peut pas être mauvaise et devra conséquemment être bonne. -Toute déviation de la normalité implique une tendance au retour. Une -différence d'avec ce qui est normal, droit, juste, ne peut avoir été -créée que parla nécessité de vaincre une difficulté. Et si la force -qui surmonte cette difficulté n'est pas infiniment continuée, la -tendance indestructible à ce retour pourra à la longue agir dans le -sens de sa satisfaction. La force retirée, la tendance agit. C'est -le principe de réaction, comme conséquence inévitable d'une action -finie. Pour employer une phraséologie dont on pardonnera l'affectation -apparente à cause de son énergie, nous pouvons dire que la Réaction est -le retour de _ce qui est et ne devrait pas être_ vers _ce qui était -originellement, et conséquemment devrait être;--_et j'ajoute que l'on -trouverait toujours la force _absolue_ de la Réaction en proportion -directe avec la réalité, la vérité, l'absolu du principe _originel,_ -s'il était possible de mesurer celui-ci;--et conséquemment la plus -grande de toutes les réactions concevables doit être celle produite par -la tendance dont il est question ici,--la tendance à retourner vers -_l'absolu originel,_ vers le _suprême primitif._ La gravitation _doit -donc être la plus énergique de toutes les forces,--_idée obtenue _à -priori_ et largement confirmée par l'induction. Quel usage je ferai de -cette idée, on le verra par la suite. - -Les atomes, ayant été répandus hors de leur condition normale d'Unité, -cherchent à retourner--vers quoi? Non pas, certainement, vers aucun -_point_ particulier; car il est clair que si, au moment de la -diffusion, tout l'Univers matériel avait été projeté collectivement à -une certaine distance du point d'irradiation, la tendance atomique vers -le centre de la sphère n'aurait pas été troublée le moins du monde; -les atomes n'auraient pas cherché le point de _l'espace absolu_ dont -ils étaient originairement issus. C'est simplement la _condition,_ et -non le point ou le lieu où cette condition a pris naissance, que les -atonies cherchent à rétablir;--ce qu'ils désirent, c'est simplement -_cette condition qui est leur normalité._ «Mais ils cherchent un -centre,--dira-t-on,--et un centre est un point.» C'est vrai; mais ils -cherchent ce point, non dans son caractère de point (car si toute la -sphère changeait de position, ils chercheraient également le centre, et -le centre serait alors un autre point), mais parce que, en raison de la -forme dans laquelle ils existent collectivement (qui est celle de la -sphère), c'est seulement par le point en question, qui est le centre -de la sphère, qu'ils peuvent atteindre leur véritable but, l'Unité. -Dans la direction du centre, chaque atome perçoit plus d'atomes que -dans toute autre direction. Chaque atome est poussé vers le centre, -parce que sur la ligne droite, qui s'étend de lui au centre et qui -continue au delà jusqu'à la circonférence, se trouve un plus grand -nombre d'atomes que sur toute autre ligne droite,--un plus grand nombre -d'objets qui le cherchent, lui, atome individuel,--un plus grand nombre -de satisfactions pour sa propre tendance à l'Unité,--en un mot, parce -que dans la direction du centre se trouve la plus grande possibilité -de satisfaction générale pour son appétit individuel. Pour parler -brièvement, la condition de l'Unité est en réalité ce que cherchent les -atomes, et s'ils _semblent_ chercher le centre de la sphère, ce n'est -qu'implicitement, parce que le centre implique, contient, enveloppe le -seul centre essentiel, l'Unité. Mais, en raison de ce caractère double -et implicite, il est impossible de séparer pratiquement la tendance -vers l'Unité abstraite de la tendance vers le centre concret. Ainsi la -tendance des atomes vers le centre général est, à tous égards, pratique -et logique, la tendance de chacun vers chacun, et cette tendance -réciproque universelle est la tendance vers le centre; l'une peut être -prise pour l'autre; tout ce qui s'applique à l'une doit s'appliquer à -l'autre, et enfin tout principe qui expliquera suffisamment l'une est -une explication indubitable de l'autre. - -Je regarde soigneusement autour de moi pour trouver une objection -rationnelle contre ce que j'ai avancé, et je n'en puis découvrir -aucune; mais parmi cette classe d'objections généralement présentées -par les douteurs de profession, les amoureux du Doute, j'en aperçois -très-aisément trois, et je vais les examiner successivement. - -On dira peut-être d'abord: «La preuve que la force d'irradiation (dans -le cas en question) est en proportion directe des carrés des distances -repose sur cette supposition gratuite que le nombre des atomes dans -chaque couche est la mesure de la force par laquelle ils ont été émis.» - -Je réponds que non-seulement j'ai parfaitement le droit de faire -une telle supposition, mais que je n'aurais aucun droit d'en faire -une autre. Ce que je suppose est simplement qu'un effet sert de -mesure à la cause qui le produit,--que tout exercice de la Volonté -Divine sera proportionnel au but qui réclame cet exercice,--et que -les moyens de l'Omnipotence, ou de l'Omniscience, seront exactement -appropriés à ses desseins. Le déficit ou l'excès dans la cause ne -peuvent engendrer aucun effet. Si la force qui a irradié chaque couche -dans la position qu'elle occupe avait été moins ou plus grande qu'il -n'était nécessaire, c'est-à-dire, si elle n'avait pas été en proportion -directe avec le but, alors cette couche n'aurait pas pu être irradiée -à sa juste position. Si la force qui, en vue d'une égalité générale -de distribution, a émis le nombre juste d'atomes pour chaque couche, -n'avait pas été en proportion directe avec le nombre, alors ce nombre -n'aurait pas été le nombre demandé pour une égale distribution. - -La seconde objection supposable a de meilleurs droits à une réponse. - -C'est un principe admis en dynamique que tout corps, recevant une -impulsion, une disposition à se mouvoir, se meut en ligne droite -dans la direction donnée par la force impulsive, jusqu'à ce qu'il -soit détourné ou arrêté par quelque autre force. Comment donc, -demandera-t-on peut-être, ma première couche, la couche extérieure -d'atomes peut-elle arrêter son mouvement à la surface de la sphère -de verre imaginaire, quand une seconde force, d'un caractère non -imaginaire, ne se manifeste pas, pour expliquer cette interruption dans -le mouvement? - -Je réponds que l'objection prend naissance ici dans une supposition -tout à fait gratuite de la part du critique,--la supposition d'un -principe dynamique à une époque où il n'existait pas de principes, en -quoi que ce soit;--je me sers naturellement du mot _principe_ dans le -sens même que le critique attribue à ce mot. - -_Au commencement des choses,_ nous ne pouvons admettre, nous ne pouvons -comprendre qu'une Première Cause, le Principe vraiment suprême, la -Volonté de Dieu. _L'action_ primitive, c'est-à-dire l'Irradiation de -l'Unité, doit avoir été indépendante de tout ce que le monde appelle -_principe,_ parce que ce que nous désignons sous ce terme n'est qu'une -conséquence de la réaction de cette action primitive;--je dis action -_primitive;_ car la création de la molécule matérielle absolue doit -être considérée comme une _conception_ plutôt que comme une _action_ -dans le sens ordinaire du mot. Ainsi nous regarderons l'action -primitive comme une action tendant à l'établissement de ce que nous -appelons maintenant _principes._ Mais cette action primitive elle-même -doit être entendue comme une _Volition continue._ La Pensée de Dieu -doit être comprise comme donnant naissance à la Diffusion, comme -l'accompagnant, comme la régularisant, et finalement comme se retirant -d'elle après son accomplissement. Alors commence la Réaction, et par -la Réaction, le _principe,_ dans le sens où nous employons le mot. Il -serait prudent, toutefois, de limiter l'application de ce mot aux deux -résultats immédiats de la cessation de la Volition Divine, c'est-à-dire -aux deux agents, _Attraction_ et _Répulsion._ Chaque autre agent -naturel dérive, plus ou moins immédiatement, de ces deux-là et serait -en conséquence plus convenablement désigné sous le nom de sous-principe. - -On peut objecter en troisième lieu que le mode particulier de -distribution des atomes que j'ai exposé est _une hypothèse et rien de -plus._ - -Or, je sais que le mot hypothèse est une lourde massue, empoignée -immédiatement, sinon soulevée, par tous les petits penseurs, à la -première apparence d'une proposition portant, plus ou moins, le costume -d'une _théorie._ Mais il n'y a ici aucune bonne raison pour jouer de ce -terrible marteau de l'hypothèse, même pour ceux qui sont capables de le -soulever, géants ou mirmidons. - -Je maintiens d'abord que le mode tel que je l'ai décrit est _le seul_ -par lequel nous puissions concevoir que la Matière ait été répandue de -manière à satisfaire à la fois aux deux conditions d'irradiation et de -distribution généralement égale. J'affirme ensuite que ces conditions -elles-mêmes se sont imposées à ma pensée comme résultats inévitables -d'un raisonnement _aussi logique que celui sur lequel repose n'importe -quelle démonstration d'Euclide;_ et j'affirme, en troisième lieu, que, -quand même l'accusation d'hypothèse serait aussi bien appuyée qu'elle -est, en fait, vaine et insoutenable, la validité et l'infaillibilité -de mon résultat n'en serait cependant pas infirmée, même dans le plus -petit détail. - -Je m'explique:--la Gravitation newtonienne, loi de la Nature, loi dont -l'existence ne peut être mise en question qu'à Bedlam, loi qui, une -fois admise, nous donne le moyen d'expliquer les neuf dixièmes des -phénomènes de l'Univers,--loi que nous sommes, à cause de cela même, -et sans en référer à aucune autre considération, disposés à admettre -et que nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître comme loi,--mais -loi dont ni le principe ni le _modus operandi_ du principe n'ont été -jusqu'à présent décalqués par l'analyse humaine,--loi enfin qui n'a -été trouvée susceptible d'aucune explication, ni dans son détail, ni -dans sa généralité,--se montre décidément explicable et expliquée sur -tous les points, pourvu seulement que nous donnions notre assentiment -à ... à quoi? A une hypothèse? Mais si une hypothèse,--si la plus pure -hypothèse, une hypothèse à l'appui de laquelle, comme dans le cas de la -Loi newtonienne, pure hypothèse elle-même, ne se présente pas l'ombre -d'une raison _à priori,--_si une hypothèse, même aussi absolue que -tout ce que celle-ci comporte, nous permet d'assigner un principe à -la Loi newtonienne,--nous permet de considérer comme remplies des -conditions si miraculeusement, si ineffablement complexes et en -apparence inconciliables, comme celles impliquées dans les rapports -que nous révèle la Gravitation,--quel être rationnel poussera la -sottise jusqu'à appeler plus longtemps «hypothèse», même cette absolue -hypothèse,--à moins qu'il ne persiste ainsi en sous-entendant que c'est -simplement par pur amour pour l'irrévocabilité _des mots_? - -Mais quel est actuellement le véritable état de la question? Quel est -_le fait?_ Non-seulement ce n'est pas une hypothèse que nous sommes -priés d'adopter, pour expliquer le principe en question, mais c'est une -conclusion logique que nous sommes invités, non pas à adopter si nous -pouvons nous en dispenser, mais simplement à _nier si cela nous est -possible;--_une conclusion d'une logique si exacte que la discuter, -douter de sa validité, serait un effort au-dessus de nos forces;--une -conclusion à laquelle nous ne voyons pas le moyen d'échapper, de -quelque côté que nous nous tournions; un résultat que nous trouvons -toujours en face de nous, soit que l'_induction_ nous ait promenés -à travers les phénomènes de ladite Loi, soit que nous redescendions, -avec la _déduction,_ de la plus rigoureusement simple de toutes les -suppositions,--en un mot de _la supposition de la Simplicité elle-même._ - -Et si maintenant, par pur amour de la chicane, on objecte que, bien -que mon point de départ soit, comme je l'affirme, la supposition de -l'absolue Simplicité, cependant la Simplicité, considérée en elle-même, -n'est point un axiome, et que les déductions tirées des axiomes sont -les seules incontestables, alors je répondrai: - -Toute autre science que la Logique est une science de certains rapports -concrets. L'Arithmétique, par exemple, est la science des rapports -de nombre,--la Géométrie, des rapports de forme,--les Mathématiques -en général, des rapports de quantité en général, de tout ce qui peut -être augmenté ou diminué. Mais la Logique est la science du Rapport -dans l'abstrait, du Rapport absolu, du Rapport considéré en lui-même. -Ainsi, dans toute science autre que la Logique, un axiome est une -proposition proclamant certains rapports concrets qui semblent trop -évidents pour être discutés, comme quand nous disons, par exemple, -que le tout est plus grand que sa partie;--et le principe de l'axiome -Logique à son tour, ou dans d'autres termes, le principe d'un axiome -dans l'abstrait, est simplement _l'évidence de rapport._ Or, il est -clair, d'abord, que ce qui est évident pour un esprit peut n'être pas -évident pour un autre; ensuite, que ce qui est évident pour un esprit à -une époque peut n'être pas du tout évident à une autre époque pour le -même esprit. Il est clair, de plus, que ce qui est évident aujourd'hui -pour la majorité de l'humanité ou pour la majorité des meilleurs -esprits humains, peut demain, pour ces mêmes majorités, être plus ou -moins évident, ou même n'être plus évident du tout. On voit donc que -le _principe axiomatique_ lui-même est susceptible de variation, et que -naturellement les axiomes sont susceptibles d'un semblable changement. -Puisqu'ils sont variables, les _vérités,_ auxquelles ils donnent -naissance, sont aussi nécessairement variables, ou, en d'autres termes, -sont telles, qu'il ne faut jamais s'y fier absolument,--puisque la -Vérité et l'Immutabilité ne font qu'un. - -Or, il est facile de comprendre qu'aucune idée axiomatique, aucune -idée fondée sur le principe flottant de l'évidence de rapport, ne -peut fournir, pour une construction quelconque de la Raison, une base -aussi sûre, aussi solide, que _cette_ idée (quelle qu'elle soit, -n'importe où nous la puissions trouver, et si toutefois il est possible -de la trouver quelque part), qui sera absolument indépendante, qui -non-seulement ne présentera à l'esprit aucune _évidence de rapport,_ -grande ou petite, mais encore lui imposera la nécessité de n'en voir -aucune. Si une telle idée n'est pas ce que nous appelons étourdiment -un axiome, elle est au moins préférable, comme base logique, à tout -axiome qui ait jamais été avancé, ou à tous les axiomes imaginables -réunis;--et telle est précisément l'idée par laquelle commence mon -procédé de déduction, que l'induction corrobore si parfaitement. Ma -_particule propre_ n'est que l'_absolue Indépendance._ Pour résumer -ce que j'ai avancé, je suis parti de ce point que j'ai considéré -comme-évident, à savoir que le Commencement n'avait rien derrière lui -ni devant lui,--qu'il y avait eu en fait un Commencement,--que c'était -un commencement et rien autre chose qu'un commencement,--bref que ce -Commencement était ... _ce qu'il était._ Si l'on veut que ce soit là -une _pure supposition,_ j'y consens. - -Pour finir cette partie de mon sujet, je suis pleinement autorisé à -déclarer que _la Loi, que nous nommons habituellement Gravitation, -existe en raison de ce que la Matière a été, à son origine, irradiée -atomiquement, dans une sphère limitée_[2] _d'Espace, d'une Particule -Propre, unique, individuelle, inconditionnelle, indépendante et -absolue, selon le seul mode qui pouvait satisfaire à la fois aux deux -conditions d'irradiation et de distribution généralement égale à -travers la sphère,--c'est-à-dire par une force variant en proportion -directe des carrés des distances comprises entre chacun des atomes -irradiés et le centre spécial d'Irradiation._ - -J'ai déjà dit pour quelles raisons je présumais que la Matière avait -été éparpillée par une force déterminée, plutôt que par une force -continue ou infiniment continuée. D'abord, en supposant une force -continue, nous ne pourrions comprendre aucune espèce de réaction; et -ensuite nous serions obligés d'accepter l'idée inadmissible d'une -extension infinie de Matière. Sans nous appesantir sur l'impossibilité -de cette conception, remarquons que l'extension infinie de la Matière -est une idée qui, si elle n'est pas positivement contredite, du moins -n'est pas du tout confirmée par les observations télescopiques;--c'est -un point à éclaircir plus tard; et cette raison empirique qui nous fait -croire que la Matière est originellement finie se trouve confirmée -d'une manière non empirique. Ainsi, par exemple, en admettant, pour le -moment, la possibilité de comprendre l'Espace _rempli_ par les atomes -irradiés, c'est-à-dire en admettant, autant que nous le pouvons, que la -succession des atomes irradiés n'ait absolument pas _de fin,_ il est -suffisamment clair que, même après que la Volonté Divine s'est retirée -d'eux et que la tendance à retourner vers l'Unité a eu, d'une manière -abstraite, permission de se satisfaire, cette permission aurait été -futile et inefficace, sans valeur pratique et sans effet quelconque. -Aucune Réaction n'aurait pu avoir lieu; aucun mouvement vers l'Unité -n'aurait pu se faire; aucune loi de gravitation n'aurait pu s'établir. - -Expliquons mieux la chose. Accordez que la tendance abstraite d'un -atome quelconque vers un autre atome quelconque est le résultat -inévitable de la diffusion de l'Unité normale, ou ce qui est la même -chose, admettez qu'un atome donné quelconque _se propose_ de se mouvoir -dans une direction donnée quelconque, il est clair que, s'il y a une -_infinité_ d'atomes de tous les côtés de l'atome qui se propose de se -mouvoir, il ne pourra jamais se mouvoir, dans la direction donnée, vers -la satisfaction de sa tendance, en raison d'une tendance précisément -égale et contre-balançante dans la direction diamétralement opposée. -En d'autres termes, il y a exactement autant de tendances derrière que -devant l'atome hésitant; car c'est une pure sottise de dire qu'une -ligne infinie est plus longue ou plus courte qu'une autre ligne -infinie, ou qu'un nombre infini est plus gros ou plus petit qu'un autre -nombre infini. Ainsi l'atome en question doit rester stationnaire à -jamais. Dans les conditions impossibles que nous nous sommes efforcés -de concevoir, simplement pour l'amour de la discussion, il n'y aurait -eu aucune aggrégation de Matière,--ni étoiles, ni mondes,--rien qu'un -Univers éternellement atomique et illogique. En effet, de quelque façon -que vous considériez la chose, l'idée d'une Matière illimitée est -non-seulement insoutenable, mais impossible et perturbatrice de tout -ordre. - -En nous figurant les atomes compris dans une _sphère,_ nous concevons -tout de suite une satisfaction possible pour la tendance à la réunion. -Le résultat général de la tendance de chacun vers chacun étant une -tendance de tous vers le centre, la marche générale de la condensation, -ou le rapprochement, commence immédiatement, par un mouvement -commun et simultané, avec la retraite de la Volition Divine; les -rapprochements individuels ou coalescences--non pas fusions--d'atome -à atome étant sujets à des variations presque infinies dans le temps, -le degré et la condition, en raison de l'excessive multiplicité de -rapports produite par les différences de forme qui caractérisaient les -atomes au moment où ils se séparaient de la Particule Propre; produite -également par l'inégalité particulière et subséquente de distance de -chacun à chacun. - -Ce que je désire faire entrer dans l'esprit du lecteur, c'est la -certitude que, tout d'abord (la force diffusive ou Volition Divine -s'étant retirée), de la condition des atomes telle que je l'ai -décrite, ont dû, sur d'innombrables points à travers la sphère -Universelle, naître d'innombrables agglomérations, caractérisées par -d'innombrables différences spécifiques de forme, de grosseur, de -nature essentielle, et de distance réciproque. Le développement de la -Répulsion (Electricité) doit naturellement avoir commencé avec les -premiers efforts particuliers vers l'Unité, et avoir marché constamment -en raison de la Coalescence,--c'est-à-dire de la Condensation, ou, -conséquemment, de l'Hétérogénéité. - -Ainsi les deux Principes proprement dits, l'Attraction et la Répulsion, -le Matériel et le Spirituel, s'accompagnent l'un l'autre dans la plus -étroite confraternité. Ainsi _le Corps et l'Ame marchent de concert._ - - - -[Footnote 1: _Double Assassinat dans la rue Morgue._--HISTOIRES -EXTRAORDINAIRES.] - -[Footnote 2: Une sphère est _nécessairement_ limitée; mais je préfère -la tautologie au danger de n'être pas compris E. P.] - - - - -VIII - - -Si maintenant, en imagination, nous choisissons, à travers la sphère -Universelle, _une quelconque_ de ces agglomérations considérées dans -leurs phases primaires, et si nous supposons que cette agglomération -commençante a eu lieu sur ce point où existe le centre de notre -Soleil, ou plutôt où il existait originellement (car le Soleil change -perpétuellement de position), nous nous rencontrerons infailliblement -avec la plus magnifique des théories, et, pendant un certain temps au -moins, nous avancerons avec elle,--je veux dire avec la Cosmogonie -de Laplace;--quoique _Cosmogonie_ soit un terme trop compréhensif -pour l'objet dont l'auteur traite en réalité, qui est seulement la -constitution de notre système solaire, c'est-à-dire d'un système parmi -la myriade de systèmes analogues qui composent l'Univers proprement -dit,--cette sphère Universelle, cet omni-compréhensif et absolu -_Kosmos_ qui forme le sujet de mon présent discours. - -Laplace, se confinant dans une région _évidemment limitée,_ celle de -notre système solaire, avec son entourage comparativement immédiat, -et supposant _purement,_ c'est-à-dire sans établir aucune base -quelconque, par induction ou par déduction, une grande partie de ce que -j'essayais tout à l'heure de fixer sur une base plus solide qu'une pure -hypothèse;--supposant, par exemple, la matière répandue (sans prétendre -expliquer cette diffusion) à travers l'espace occupé par notre système, -et même un peu au delà; répandue à l'état de nébulosité hétérogène -et obéissant à la loi toute-puissante de la Gravitation, dont il ne -s'avise pas de conjecturer le principe;--supposant toutes ces choses -(qui sont parfaitement vraies, bien qu'il n'eût pas logiquement le -droit de les supposer), Laplace, dis-je, a montré, dynamiquement et -mathématiquement, que les résultats naissant forcément de telles -circonstances sont ceux, et ceux-là seuls, que nous voyons manifestés -dans la condition actuelle du système solaire. - -Je m'explique.--Supposons que cette agglomération particulière dont -nous avons parlé, celle qui a eu lieu au point marqué par le centre -de notre Soleil, ait continué jusqu'à ce qu'une vaste quantité de -matière nébuleuse y ait pris une forme à peu près sphérique; son -centre coïncidant évidemment avec le centre actuel ou plutôt le centre -originel de notre Soleil, et sa périphérie s'étendant au delà de -l'orbite de Neptune, la plus éloignée de nos planètes;--en d'autres -termes, supposons que le diamètre de cette sphère grossière ait été -d'environ six mille millions de milles. Pendant des siècles, cette -masse de matière a été se condensant, tant qu'à la longue elle a été -réduite au volume que nous imaginons, ayant procédé graduellement -depuis son état atomique et imperceptible jusqu'à ce que nous entendons -par une _nébulosité_ visible, palpable, ou appréciable d'une manière -quelconque. - -Or, la condition de cette masse implique une rotation autour d'un axe -imaginaire,--rotation, qui, commençant avec les premiers symptômes -d'aggrégation, a depuis lors toujours acquis de la vélocité. Les -deux premiers atomes qui se sont rencontrés, partant de points non -diamétralement opposés, ont dû, se précipitant un peu au delà l'un -de l'autre, former un noyau pour le mouvement rotatoire en question. -Comment ce mouvement a augmenté en vélocité, on le voit aisément. Les -deux atomes sont rejoints par d'autres;--une aggrégation est formée. -La masse continue à tourner tout en se condensant. Mais tout atome -situé à la circonférence subit naturellement un mouvement plus rapide -qu'un atome placé plus près du centre. Néanmoins l'atome éloigné, -avec sa vélocité supérieure, se rapproche du centre, portant avec lui -cette vélocité supérieure à mesure qu'il avance. Ainsi chaque atome -marchant vers le centre, et s'attachant finalement au centre de la -condensation, ajoute quelque chose à la vélocité originelle de ce -centre, c'est-à-dire accroît le mouvement rotatoire de la masse. - -Supposons maintenant cette masse condensée à ce point qu'elle occupe -précisément l'espace circonscrit par l'orbite de Neptune, et que la -vélocité avec laquelle se meut, dans la rotation générale, la surface -de la masse, soit précisément celle avec laquelle Neptune accomplit -maintenant sa révolution autour du Soleil. A cette époque déterminée, -nous comprenons que la force centrifuge constamment croissante, -l'emportant sur la force centripète non croissante, a dû faire se -dégager et se séparer les couches extérieures les moins condensées, à -l'équateur de la sphère, là où prédominait la vélocité tangentielle; -de sorte que ces couches ont formé autour du corps principal un anneau -indépendant circonvenant les régions équatoriales;--juste comme la -partie extérieure d'une meule, chassée par une excessive vélocité de -rotation, formerait un anneau autour de la meule, si la solidité de -la superficie n'y faisait obstacle; mais si cette matière était du -caoutchouc, ou toute autre d'une consistance à peu près semblable, le -phénomène en question se manifesterait infailliblement. - -L'anneau, chassé ainsi par la masse nébuleuse, a dû naturellement -accomplir sa révolution, comme anneau _individuel,_ juste avec la même -vélocité qui le faisait tourner comme _surface de la masse._ En même -temps, la condensation continuant toujours, l'intervalle entre l'anneau -projeté et le corps principal a dû s'accroître sans cesse, tant qu'à la -fin le premier s'est trouvé à une vaste distance du dernier. - -Or, en admettant que l'anneau ait possédé, par quelque arrangement en -apparence accidentel de ses éléments hétérogènes, une constitution -presque uniforme, cet anneau, dans ces conditions, n'aurait jamais -cessé de tourner autour du corps principal; mais, comme on pouvait s'y -attendre, if paraît qu'il y a eu dans la disposition de ses éléments -assez d'irrégularité pour les faire se grouper autour de centres d'une -solidité supérieure; et ainsi la forme annulaire a été détruite[1]. -Sans aucun doute, la bande a été bientôt rompue en plusieurs morceaux, -et l'un de ces morceaux, d'un volume plus considérable, a absorbé les -autres en lui; le tout s'est tassé, sphériquement, en une planète. -Que ce dernier corps ait continue, comme planète, le mouvement de -révolution qui le caractérisait quand il était anneau, cela est -suffisamment évident; et l'on voit aussi facilement qu'il a dû, de sa -nouvelle condition de sphère, tirer un mouvement additionnel. Si nous -considérons l'anneau comme n'étant pas encore rompu, nous voyons que -sa partie extérieure, pendant que la totalité tourne autour du corps -générateur, se meut avec plus de rapidité que sa partie intérieure. -Donc, quand la rupture s'est faite, une partie dans chaque fragment -a dû se mouvoir avec plus de vélocité que les autres. Le mouvement -supérieur prédominant a dû faire tourner chaque fragment sur lui-même, -c'est-à-dire lui imprimer une rotation; et le sens de cette rotation -a été naturellement le sens de la révolution d'où elle avait pris -naissance. Tous les fragments ayant subi ladite rotation l'ont, en -se réunissant, forcément communiquée à la planète formée par leur -cohésion. Cette planète fut Neptune. Ses éléments continuant à se -condenser, et la force centrifuge produite dans sa rotation l'emportant -à la longue sur la force centripète, comme nous l'avons vu dans le -cas du globe générateur, un anneau a été également projeté de la -surface équatoriale de cette planète; cet anneau, [non] uniforme dans -sa constitution, a été rompu, et ses divers fragments, absorbés par le -plus massif de tous, ont été collectivement sphérifiés en une lune. Le -phénomène répété une seconde fois a donné pour résultat une seconde -lune. Ainsi nous trouvons expliquée la planète Neptune avec les deux -satellites qui l'accompagnent. - -En projetant de son équateur un anneau, le Soleil avait rétabli -entre ses deux forces, centripète et centrifuge, l'équilibre -rompu par le progrès de la condensation; mais cette condensation -continuant toujours, l'équilibre fut de nouveau troublé par suite de -l'accroissement de la rotation. Pendant que la masse s'était rétrécie -au point de n'occuper que juste l'espace sphérique circonscrit par -l'orbite d'Uranus, la force centrifuge, cela se comprend, avait pris -une influence assez grande pour nécessiter un nouveau soulagement. -Conséquemment, une seconde bande équatoriale fut lancée, qui, n'étant -pas d'une constitution uniforme, a été brisée, comme dans le cas -précédent de Neptune; les fragments tassés sont devenus la planète -Uranus; et la vélocité de sa révolution actuelle autour du Soleil -nous donne évidemment la mesure de la vitesse rotatoire de la surface -équatoriale du Soleil au moment de la séparation. Uranus, tirant sa -rotation des rotations combinées des fragments auxquels il devait sa -naissance, comme nous l'avons expliqué pour le cas précédent, projeta -alors successivement des anneaux, dont chacun, se brisant, se modela en -lune. Trois lunes, à différentes époques, furent formées de cette façon -par la rupture et la sphérification d'autant d'anneaux distincts non -uniformes dans leur constitution. - -Pendant que le Soleil se réduisait à n'occuper que juste l'espace -circonscrit par l'orbite de Saturne, nous devons supposer que la -balance entre ses deux forces, centripète et centrifuge, avait été -dérangée par l'accroissement de la vitesse rotatoire, résultat de -la condensation, au point de nécessiter un troisième effort vers -l'équilibre, et qu'une bande annulaire, comme dans les deux cas -précédents, fut conséquemment lancée, qui, bientôt rompue par la -non-uniformité de ses parties, se consolida pour devenir la planète -Saturne. Cette dernière projeta d'abord sept bandes, qui, après s'être -rompues, se sphérifièrent en autant de lunes; mais elle paraît s'être -subséquemment déchargée, à trois époques distinctes et peu éloignées -l'une de l'autre, de trois anneaux dont la constitution se trouva, par -un accident apparent, assez uniforme et assez solide pour ne fournir -aucune occasion de rupture; aussi ils continuent à tourner sous la -forme d'anneaux. Je dis _accident apparent;_ car pour un accident -dans le sens ordinaire, il n'y en eut évidemment aucun; le terme ici -s'applique simplement au résultat d'une _loi_ indiscernable ou que nous -ne pouvons pas immédiatement étudier. - -Se réduisant toujours de plus en plus, jusqu'à n'occuper que l'espace -circonscrit par l'orbite de Jupiter, le Soleil éprouva bientôt le -besoin d'un nouvel effort pour restaurer l'équilibre de ses deux -forces, perpétuellement dérangé par l'accroissement continu de la -vitesse de rotation. En conséquence Jupiter fut lancé hors du Soleil, -passant de la condition annulaire à l'état planétaire, et, arrivé à ce -second état, projeta à son tour, à quatre époques différentes, quatre -anneaux, qui finalement se transformèrent en autant de lunes. - -Se rétrécissant toujours, jusqu'à ce que sa sphère n'occupât que juste -l'espace défini par l'orbite des Astéroïdes, le Soleil se déchargea -d'un anneau qui paraît avoir eu _huit_ centres de solidité supérieure, -et en se brisant, avoir produit huit fragments, dont pas un ne -possédait une masse assez considérable pour absorber les autres. Tous -conséquemment, comme planètes distinctes, mais comparativement petites, -se mirent à tourner dans des orbites dont les distances respectives -peuvent être, jusqu'à un certain point, considérées comme la mesure de -la force qui les a séparés;--toutes les orbites néanmoins se trouvant -assez rapprochées pour nous permettre de les considérer comme _une,_ en -comparaison des autres orbites planétaires. - -Le Soleil, se réduisant toujours et ne remplissant plus que juste -l'orbite de Mars, se déchargea alors de cette planète par le mode -déjà si souvent décrit. Toutefois, puisqu'il n'a pas de lune, Mars -n'a pas pu engendrer d'anneau. En fait, une phase se produisait -dans la carrière du corps générateur, centre de tout le système. La -décroissance de sa nébulosité, qui était en même temps l'accroissement -de sa [densité et encore la décroissance de sa] condensation dont -résultait la constante rupture de l'équilibre, a dû, à partir de cette -époque, atteindre un point où les efforts pour le rétablissement de cet -équilibre ont été de plus en plus inefficaces, juste à mesure qu'ils -étaient moins fréquemment nécessaires. Ainsi les phénomènes dont nous -avons parlé ont dû donner partout des signes d'épuisement,--dans les -planètes d'abord, et ensuite dans la masse génératrice. Ne tombons pas -dans cette erreur qui suppose que le décroissement d'intervalle observé -entre les planètes, à mesure qu'elles se rapprochent du Soleil, est -en quelque sorte un indice de fréquence croissante dans les crises -qui leur ont donné naissance. C'est justement l'inverse qui doit être -supposé. Le plus long intervalle de temps a dû séparer les émissions -des deux planètes intérieures, et le plus court la naissance des deux -extérieures. Mais la diminution d'espace est la mesure de la densité -du Soleil, et en même temps elle est en raison inverse de son aptitude -à la condensation dans tout le cours des phénomènes dont nous avons -fait l'histoire. - -Cependant, s'étant réduit jusqu'à ne plus remplir que l'orbite de -notre Terre, la sphère-mère a chassé hors d'elle-même encore un autre -corps,--la Terre,--dans une condition de nébulosité qui a permis à ce -corps de se décharger à son tour d'un autre corps qui est notre Lune. -Mais là se sont arrêtées les formations lunaires. - -Finalement, se confinant aux orbites, d'abord de Vénus et ensuite de -Mercure, le Soleil a lancé ces deux planètes intérieures; ni l'une ni -l'autre n'a engendré de lune. - -Ainsi, de son volume originel, ou, pour parler plus exactement, de la -condition sous laquelle nous l'avons d'abord considéré, c'est-à-dire -d'une masse nébuleuse à peu près sphérique possédant _certainement_ un -diamètre de plus de cinq mille six cents millions de milles, le grand -astre central, origine de notre système solaire-planétaire-lunaire, -s'est graduellement réduit, obéissant à la loi de la Gravitation, à -un globe d'un diamètre de huit cent quatre-vingt-deux mille milles -seulement; mais il ne s'ensuit pas du tout que sa condensation soit -absolument complète, ou qu'il ne possède plus la puissance de projeter -encore une planète. - - -[Footnote 1: Laplace a supposé sa nébulosité hétérogène, simplement -parce que cela lui permettait d'expliquer le morcellement des anneaux; -car si la nébulosité avait été homogène, ils ne se seraient pas brisés. -J'arrive au même résultat (hétérogénéité des masses secondaires -résultant immédiatement des atomes) simplement par une considération à -_priori_ de leur but général, qui est _le Relatif._ E. P.] - - - -IX - - -Je viens de donner, avec son contour général seulement, mais aussi -avec tout le détail nécessaire pour l'intelligence, un tableau de la -Théorie cosmogonique de Laplace telle que son auteur lui-même l'a -conçue. De quelque point de vue que nous la considérions, nous la -trouvons _magnifiquement vraie._ Elle est immensément trop belle pour -ne pas contenir la Vérité comme caractère essentiel;--et en disant -cela je suis profondément sérieux. Dans la révolution des satellites -d'Uranus apparaît quelque chose qui semble contredire les hypothèses -de Laplace; mais que cette _unique_ inconsistance puisse infirmer une -théorie construite avec un million de consistances intimement reliées -entre elles, c'est là une idée qui n'est bonne que pour les esprits -fantasques. En prophétisant audacieusement que l'anomalie apparente -dont je parle deviendra, tôt ou tard, une des confirmations les plus -fortes possibles de l'hypothèse générale, je ne prétends à aucun don -spécial de divination; car, au contraire, ce qui serait vraiment -difficile, ce serait de ne pas pressentir cette découverte.[1] - -Les corps projetés par le mode en question ont dû, comme on l'a vu, -transformer la _rotation_ superficielle des globes, d'où ils tiraient -leur origine, en une _révolution_ d'une vélocité égale autour de ces -globes devenus centres distants; et la révolution ainsi engendrée -continuera tant que la force centripète, qui est celle par laquelle le -corps projeté gravite vers son générateur, ne sera ni plus ni moins -grande que la force par laquelle il a été projeté, c'est-à-dire la -vélocité centrifuge, ou, plus proprement, tangentielle. Cependant, par -l'unité d'origine de ces deux forces, nous pouvions deviner ce qu'elles -sont en effet,--l'une contre-balançant exactement l'autre. En réalité, -n'avons-nous pas démontré que le fait de la projection du corps n'avait -eu lieu que pour la conservation de l'équilibre? - -Toutefois, après avoir rapporté la force centripète à la loi -toute-puissante de la Gravitation, il a été d'usage, dans les traités -astronomiques, de chercher au delà des limites de la pure Nature, -c'est-à-dire au delà d'une cause _Secondaire,_ l'explication du -phénomène de la vélocité tangentielle. On attribue directement cette -dernière à une Cause _Première,_ à Dieu lui-même. La force qui emporte -un corps stellaire autour de la planète principale tire, nous dit-on, -son origine d'une impulsion donnée immédiatement par le doigt de la -Divinité elle-même; car telle est la phraséologie enfantine usitée -dans ce cas. A ce point de vue, les planètes, parfaitement formées, -ont été lancées par la main de Dieu, vers une position voisine des -soleils, avec une force mathématiquement proportionnée à la masse ou -puissance attractive des soleils eux-mêmes. Une idée si grossière, -si anti-philosophique, et pourtant si tranquillement adoptée, n'a pu -naître que de la difficulté de rendre autrement compte de la proportion -exacte qui existe entre deux forces en apparence indépendantes l'une de -l'autre, la force centripète et la force centrifuge. Mais on devrait se -rappeler que pendant un long temps la coïncidence de la rotation de la -Lune avec sa révolution sidérale, deux choses en apparence bien plus -indépendantes l'une de l'autre que celles maintenant en question, a été -considérée comme un un fait positivement miraculeux; et qu'il y avait, -même parmi les astronomes, une singulière disposition à attribuer -cette merveille à l'agence directe et continue de Dieu, qui dans ce -cas, disait-on, avait jugé nécessaire d'intercaler, à travers ses lois -générales, une série de règles subsidiaires, dans le but de cacher à -tout jamais aux yeux des mortels la splendeur, ou peut-être l'horreur -de l'autre côté de la Lune,--de ce mystérieux hémisphère qui a toujours -évité et doit toujours éviter la curiosité télescopique de l'homme. Les -progrès de la Science, toutefois, ont bientôt démontré,--ce qui pour -l'instinct philosophique n'avait pas besoin de démonstration,--que -l'un des deux mouvements n'est qu'une partie de l'autre,--ce qui est -mieux encore qu'une conséquence. - -Pour ma part, je me sens irrité par des conceptions à la fois aussi -timides, aussi vaines et aussi fantasques. Elles viennent d'une absolue -couardise de pensée. Que la Nature et que le Dieu de la Nature soient -distincts, aucun être pensant n'en peut longtemps douter. Par la Nature -nous entendons simplement les lois de Dieu. Mais dans l'idée de Dieu, -avec son omnipotence et son omniscience, nous faisons entrer aussi -l'idée de _l'infaillibilité_ de ses lois. Pour Lui, il n'y a ni Passé -ni futur; pour Lui, tout est _Présent;_ donc, ne l'insultons-nous pas -en supposant que ses lois puissent n'être pas faites en prévision de -toutes les contingences possibles? Ou plutôt, quelle idée pouvons-nous -avoir d'une contingence possible _quelconque,_ qui ne soit à la fois le -résultat et la manifestation de ses lois? Celui qui, se dépouillant de -tout préjugé, aura le rare courage de penser absolument par lui-même ne -pourra pas ne pas arriver à la finale condensation des _lois_ en une -_Loi,--_ne pourra pas ne pas aboutir à cette conclusion: que _chaque -loi de la Nature dépend en tous points de toutes les autres lois,_ et -que toutes ne sont que les conséquences d'un exercice primitif de la -Volonté Divine. Tel est le principe de la Cosmogonie que j'essaye, avec -toute la déférence nécessaire, de suggérer et de soutenir ici. - -D'après ce point de vue, chassant, comme frivole et même comme impie, -cette idée, que la force tangentielle a pu être communiquée directement -aux planètes par _le doigt de Dieu,_ je considère cette force comme -naissant de la rotation des astres;--cette rotation comme amenée par -l'impétuosité des atomes primitifs se précipitant vers leurs centres -respectifs d'aggrégation;--cette impétuosité comme la conséquence de -la loi de la Gravitation;--cette loi comme le mode par lequel devait -nécessairement se manifester la tendance des atomes à retourner à -la non-particularité;--cette tendance au retour comme la réaction -inévitable de l'Acte premier, le plus sublime de tous, celui par lequel -un Dieu, existant par lui-même et existant seul, est devenu, par la -force de sa volonté, tous les êtres à la fois, pendant que tous les -êtres devenaient ainsi une partie de Dieu. - -Les hypothèses fondamentales de ce traité impliquent nécessairement -certaines modifications importantes de la Théorie telle qu'elle nous -est présentée par Laplace. J'ai considéré la force répulsive comme -ayant pour but de prévenir le contact entre les atomes, et comme se -produisant en raison du rapprochement, c'est-à-dire en raison de la -condensation. En d'autres termes, _Y Electricité,_ avec ses phénomènes -compliqués, chaleur, lumière et magnétisme, doit procéder comme procède -la condensation, et, naturellement, en raison inverse de la [densité], -c'est-à-dire la _cessation de la condensation._ Ainsi le Soleil, dans -le cours de son aggrégation, a dû, la répulsion se développant, devenir -excessivement chaud,--incandescent peut-être; et nous comprenons -comment l'émission de ses anneaux a dû être matériellement facilitée -par la légère incrustation de sa surface, résultat du refroidissement. -Mainte expérience vulgaire nous montre comme une croûte analogue -se détache facilement, par suite de l'hétérogénéité, de la masse -intérieure. Mais, à chaque émission successive de surface durcie, -la nouvelle surface apparaîtrait incandescente comme auparavant; -et l'époque où elle se serait de nouveau suffisamment durcie pour -se détacher et s'éloigner facilement, peut être considérée comme -coïncidant exactement avec celle où la masse entière aurait besoin d'un -nouvel effort pour rétablir l'équilibre de ses deux forces, dérangé -par la condensation. En d'autres termes, quand l'influence électrique -(la Répulsion) a définitivement préparé la surface à se détacher, -l'influence de la Gravitation (l'Attraction) s'est trouvée prête à -la rejeter. Ici donc, comme toujours, comme partout, nous voyons que -_le Corps et l'Ame marchent de concert,_ Ces idées sont confirmées en -tous points par l'expérience. Puisque la condensation ne peut jamais, -dans aucun corps, être considérée comme absolument finie, nous pouvons -prévoir que toutes les fois qu'il nous sera permis de vérifier le -cas, nous trouverons des indices de luminosité dans tous les corps -stellaires, dans les lunes et les planètes aussi bien que dans les -soleils. Que notre Lune soit fortement lumineuse par elle-même, nous -le voyons à chaque éclipse totale, alors qu'elle devrait disparaître -s'il n'en était pas ainsi. Sur la partie sombre du satellite nous -observons aussi, pendant ses phases, des traînées de lumière comme -nos propres Aurores; et il est évident que celles-ci, avec tous nos -phénomènes divers proprement dits électriques, sans parler d'aucune -clarté plus constante, doivent donner à notre Terre, pour un habitant -de la Lune, une certaine apparence de luminosité. En réalité, nous -devons considérer tous les phénomènes en question comme de simples -manifestations, différentes en modes et en degrés, d'une condensation -de la Terre faiblement continuée. - -Si mes vues sont justes, attendons-nous à trouver les planètes plus -récentes,--c'est-à-dire celles qui sont plus près du Soleil,--plus -lumineuses que celles qui sont plus éloignées et d'une origine plus -ancienne. L'éclat excessif de Vénus (qui, durant ses phases, laisse -voir sur ses parties sombres de fréquentes Aurores) ne semble pas -suffisamment expliqué par sa proximité de l'astre central. Cette -planète est, sans doute, vivement lumineuse par elle-même, bien qu'elle -le soit moins que Mercure, pendant que la luminosité de Neptune se -trouve comparativement réduite à rien. - -Mes idées étant admises, il est clair que du moment où le Soleil -s'est déchargé d'un anneau, il a dû subir une diminution continue -de lumière et de chaleur en raison de l'incrustation continue de sa -surface; et qu'une époque a dû venir, époque précédant immédiatement -une nouvelle décharge, où la diminution de la lumière et de la chaleur -a été matériellement très-sensible. Or nous savons qu'il est resté -de ces changements des traces faciles à reconnaître. Sur les îles -Melville, pour ne prendre qu'un exemple entre cent, nous trouvons -des témoignages d'une végétation plus que tropicale, des traces de -plantes qui n'auraient jamais pu fleurir sans une chaleur et une -lumière immensément plus grandes que celles que notre Soleil peut -actuellement donner à aucune partie de la Terre. Devons-nous rapporter -cette végétation à l'époque qui a suivi immédiatement l'émission de la -planète Vénus? A cette époque a dû se produire pour nous la plus grande -somme d'influence solaire, et cette influence a dû, dans le fait, -atteindre alors son maximum; naturellement nous négligeons la période -de l'émission de la Terre, qui fut sa période de simple organisation. - -D'autre part, nous savons qu'il existe des _soleils non lumineux,_ -c'est-à-dire des soleils dont nous déterminons l'existence par les -mouvements des autres, mais dont la luminosité n'est pas suffisante -pour agir sur nous. Ces soleils sont-ils invisibles simplement à cause -de la longueur de temps écoulé depuis qu'ils ont produit une planète? -Et en revanche, ne pouvons-nous pas, au moins dans de certains cas, -expliquer les apparitions soudaines de soleils sur des points où nous -n'en avions pas jusqu'à présent soupçonné l'existence, en supposant -qu'ayant tourné avec des surfaces durcies pendant les quelques -milliers d'années qui composent notre histoire astronomique, ils ont -pu enfin, après avoir produit un nouvel astre secondaire, déployer les -splendeurs de leur partie intérieure toujours incandescente? Quant -au fait bien certain de l'accroissement proportionnel de chaleur à -mesure que nous pénétrons dans l'intérieur de la Terre, il suffit de -le rappeler en passant, et il sert à corroborer aussi fortement que -possible tout ce que j'ai dit sur le sujet actuellement en question. - -En parlant de l'influence répulsive ou électrique, je faisais observer -tout à l'heure que les phénomènes importants de vitalité, de conscience -et de pensée, étudiés soit dans leur généralité, soit dans leur détail, -semblaient procéder en raison de l'hétérogénéité. Je disais aussi que -je reviendrais sur cette idée; et c'est ici, je crois, le moment de le -faire. Si nous regardons d'abord la chose dans le détail, nous voyons -que ce n'est pas seulement la manifestation de la vitalité, mais aussi -son importance, ses conséquences et l'élévation de son caractère, -qui sont en parfait accord avec l'hétérogénéité, ou complexité, de -la structure animale. Si nous examinons maintenant la question dans -sa généralité, et si nous en référons aux premiers mouvements des -atomes vers une constitution massive, nous voyons que l'hétérogénéité -est toujours en proportion de la condensation, par qui elle a été -directement amenée. Nous arrivons ainsi à cette proposition, que -_l'importance du développement de la vitalité terrestre procède en -raison égale de la condensation terrestre._ - -Or, ceci est en accord précis avec ce que nous savons de la succession -des animaux sur la Terre. A mesure que celle-ci s'est condensée, des -races de plus en plus perfectionnées ont apparu. Est-il impossible que -les révolutions géologiques successives qui ont accompagné, si elles -ne les ont pas immédiatement causées, ces élévations successives -du caractère de vitalité,--est-il improbable que ces révolutions -elles-mêmes aient été produites par les décharges planétaires -successives du Soleil,--en d'autres termes, par les variations -successives de l'influence du Soleil sur la Terre? Si cette idée paraît -juste, if n'est pas déraisonnable de supposer que la décharge d'une -nouvelle planète, plus proche du centre que Mercure, puisse amener -une nouvelle modification de la surface terrestre,--modification d'où -tirerait sa naissance une race matériellement et spirituellement -supérieure à l'Homme. Ces pensées me frappent avec toute la force de la -vérité, mais je ne les émets ici qu'en tant que pures suggestions. - -La Théorie de Laplace a reçu récemment, par les mains du philosophe -Comte, une confirmation plus forte encore qu'if n'était nécessaire. -Ainsi ces deux savants ensemble ont montré,--non pas, certainement, que -la Matière ait positivement existé, à une époque quelconque, à l'état -de diffusion nébuleuse, tel que nous l'avons décrit,--mais que, si l'on -veut bien admettre qu'elle ait ainsi existé dans tout l'espace et bien -au delà de l'espace occupé maintenant par notre système solaire, _et -qu'elle ait commencé un mouvement vers un centre,--_ils ont démontré, -dis-je, que dans ce cas elle a dû adopter les formes variées et les -mouvements que nous voyons maintenant se développer dans ce système. -Une démonstration telle que celle-ci, dynamique et mathématique, -aussi complète qu'une démonstration peut l'être, incontestable et -incontestée, excepté peut-être par la secte impuissante et pitoyable -des douteurs de profession, simples fous qui nient la loi newtonienne -de la Gravitation, sur laquelle sont basés les résultats des -mathématiciens français,--une démonstration telle que celle-là doit, -pour beaucoup d'intelligences (et pour la mienne il en est ainsi), -confirmer l'hypothèse cosmique sur laquelle elle s'appuie. - -Que la démonstration ne prouve pas l'hypothèse, selon le sens ordinaire -attribué au mot _preuve,_ naturellement je l'admets. Montrer que -certains résultats existants, que certains faits reconnus peuvent être, -même mathématiquement, expliqués par une certaine hypothèse, ce n'est -pas établir l'hypothèse elle-même. En d'autres termes, montrer que -certaines données ont _pu_ et même ont _dû_ engendrer certain résultat -existant, n'est pas suffisant pour prouver que ce résultat _est_ la -conséquence des données en question; il faut encore démontrer qu'il -n'existe pas et qu'il ne _peut pas exister_ d'autres données capables -de donner naissance au même résultat. Mais dans le cas actuellement en -discussion, bien que tout le monde doive reconnaître l'absence de ce -que nous avons l'habitude d'appeler _preuve,_ il y a cependant beaucoup -d'esprits, et ceux-là de l'ordre le plus élevé, pour qui aucune preuve -n'ajouterait un iota de certitude. Sans entrer dans des détails qui -touchent au domaine nuageux de la métaphysique, je puis faire observer -que dans des cas semblables la force de conviction sera toujours, pour -les véritables penseurs, proportionnée à la somme de _complexité_ -comprise entre l'hypothèse et le résultat. Soyons moins abstrait:--la -quantité de complexité reconnue dans les conditions cosmiques, en -augmentant proportionnellement la difficulté d'expliquer toutes ces -conditions, fortifie en même temps, et dans la même proportion, notre -confiance dans l'hypothèse qui nous sert à nous en rendre compte -d'une manière satisfaisante;--et comme on ne peut pas concevoir une -complexité plus grande que celle des conditions astronomiques, de même -il ne peut pas exister de conviction plus forte, pour mon esprit du -moins, que celle fournie par une hypothèse qui, non-seulement concilie -ces conditions avec une exactitude mathématique et les réduit en un -tout consistant et intelligible, mais encore se trouve être la _seule_ -hypothèse au moyen de laquelle l'esprit humain ait jamais pu s'en -rendre compte. - -Une opinion très-mal fondée a récemment pris cours dans le monde et -même dans les cercles scientifiques, à savoir que ladite Théorie -Cosmogonique avait été renversée. Cette imagination est née du compte -rendu de certaines observations récentes faites, à l'aide du grand -télescope de Cincinnati et du célèbre instrument de lord Rosse, dans -ces parties du ciel qui ont été jusqu'à ce jour appelées _nébuleuses._ -Certaines taches du firmament, qui présentaient, même dans les plus -puissants de nos vieux télescopes, une apparence de nébulosité ou de -brume, avaient été regardées pendant longtemps comme une confirmation -de la théorie de Laplace. On les prenait pour des étoiles subissant -cette condensation dont j'ai essayé de décrire les modes. Ainsi on -supposait que nous possédions la _preuve oculaire_ de la vérité de -l'hypothèse,--preuve qui, pour le dire en passant, s'est toujours -trouvée sujette à controverse; et quoique, de temps à autre, certains -perfectionnements télescopiques nous permissent de voir qu'une tache, -çà et là, que nous avions classée parmi les nébuleuses, n'était -en réalité qu'un groupe d'étoiles tirant simplement son caractère -nébuleux de l'immensité de la distance, toutefois on ne pensait pas -qu'un doute pût exister relativement à la nébulosité positive d'autres -masses nombreuses, véritables places-fortes des nébulistes, qui -semblaient défier tout effort de ségrégation. De ces dernières, la plus -intéressante était la grande nébuleuse dans la constellation d'Orion; -mais celle-ci, examinée à travers les magnifiques télescopes modernes, -se trouva résolue en une simple collection d'étoiles. Or, ce fait fut -généralement accepté comme concluant contre l'Hypothèse Cosmique de -Laplace; et à l'annonce des découvertes en question, le défenseur le -plus enthousiaste, le vulgarisateur le plus éloquent de la théorie, le -docteur Nichol, alla jusqu'à _admettre la nécessité d'abandonner_ une -idée qui avait fait la matière de son plus honorable livre.[2] - -Plusieurs de mes lecteurs seront sans doute portés à dire que le -résultat de ces nouvelles investigations a au moins une forte -_tendance_ à renverser l'hypothèse, tandis que d'autres, plus -réfléchis, insinueront seulement que, bien que la théorie ne soit -nullement détruite par la ségrégation desdites nébuleuses, cependant -l'impossibilité d'opérer cette ségrégation, même avec de si puissants -instruments, aurait servi à corroborer triomphalement la théorie; -et ces derniers seront peut-être surpris de m'entendre dire que je -n'adopte même pas leur opinion. Si les propositions de ce discours ont -été bien comprises, on verra qu'à mon point de vue l'impossibilité -d'opérer la ségrégation aurait servi à réfuter plutôt qu'à confirmer -l'Hypothèse Cosmique. - -Je m'explique:--Nous pouvons considérer comme démontrée la Loi -newtonienne de la Gravitation. Cette loi, on s'en souvient, je l'ai -attribuée à la réaction du premier Acte Divin,--à une réaction dans -l'exercice de la Volition Divine, ayant à surmonter temporairement -une difficulté. Cette difficulté, c'était de transformer forcément -le normal en anormal,--de contraindre ce qui, dans sa condition -originelle et légitime, était _Un,_ à se soumettre à la condition -vicieuse de _Pluralité._ C'est seulement en supposant la difficulté -_temporairement_ vaincue que nous pouvons comprendre une réaction. Il -n'y aurait eu aucune réaction, si l'acte avait été infiniment continué. -Tant que l'acte a duré, aucune réaction, évidemment, n'a pu commencer; -en d'autres termes, aucune gravitation n'a pu avoir lieu;--car nous -avons admis que l'une n'était que la manifestation de l'autre. Mais -la gravitation a eu lieu; donc l'acte de la Création avait cessé; et, -la gravitation s'étant manifestée depuis un long temps, il faut en -conclure que l'acte de la Création a cessé aussi depuis un long temps. -Nous ne pouvons donc pas espérer l'occasion d'observer les procédés -primitifs de la Création; et la condition de nébulosité, comme nous -l'avons expliqué, fait partie de ces procédés primitifs. - -De ce que nous savons de la marche de la lumière nous tirons la -preuve directe que les étoiles les plus éloignées existent, sous leur -forme actuellement visible, depuis un nombre inconcevable d'années. -Il faut donc remonter dans le passé an _moins_ jusqu'à la période -où ces étoiles subirent la condensation, pour marquer l'époque où -commença l'opération qui a constitué les masses. Si, d'un côté, nous -concevons cette opération comme continuant encore dans le cas de -certaines nébuleuses, de l'autre, nous voyons qu'en beaucoup d'autres -cas elle est complètement finie, et c'est ce qui nous jette forcément -dans des hypothèses pour lesquelles aucune base réelle ne nous est -offerte;--nous sommes obligés d'imposer à la Raison révoltée l'idée -blasphématoire d'une interposition spéciale;--de supposer que, -dans les cas particuliers de ces nébuleuses, un Dieu infaillible a -jugé nécessaire d'introduire certains règlements supplémentaires, -certains perfectionnements de la loi générale, certaines retouches et -corrections, en un mot, qui ont eu pour effet de reculer l'achèvement -de ces étoiles particulières, pendant des siècles innombrables, au delà -de l'ère qui avait suffi non-seulement pour parfaire la constitution -des autres corps stellaires, mais même pour les doter d'une vieillesse -chenue et déjà inexprimable. - -Sans doute on peut objecter immédiatement que, puisque la lumière -grâce à laquelle nous percevons ces nébuleuses est simplement celle -qui s'est détachée de leur surface depuis un nombre immense d'années, -les progrès de création observés actuellement, ou que nous supposons -observés actuellement, ne sont pas en réalité des progrès actuels, mais -les fantômes des progrès accomplis dans un passé déjà lointain;--ce -qui est un raisonnement absolument semblable à celui que j'ai affirmé -relativement à tous les progrès tendant à la constitution des autres -masses. - -A ceci je réponds-que la condition actuellement observée des corps -condensés n'est pas non plus leur condition actuelle, mais une déjà -obtenue dans le passé; de sorte que mon argument tiré de la condition -_relative_ des étoiles et des nébuleuses n'est en aucune manière -infirmé. En outre, ceux qui affirment l'existence des nébuleuses ne -placent pas la nébulosité à une extrême distance; ils déclarent que -c'est une nébulosité réelle et non pas perspective. Si nous concevons -qu'une masse nébuleuse puisse être, en quelque façon, visible, nous -devons la concevoir comme placée _très-près de nous,_ en comparaison -des étoiles solidifiées que les télescopes modernes présentent à -notre vue. Affirmer que les apparences en question sont de réelles -nébuleuses, c'est affirmer, pour notre point de vue, leur proximité -relative. Donc leur condition, telle qu'elle se montre maintenant -à nous, doit être rapportée à une époque _bien moins éloignée_ que -celle à laquelle nous rapportons la condition actuellement observée -de la majorité au moins des étoiles.--Pour finir en un mot, si -l'Astronomie pouvait démontrer l'existence d'une _nébuleuse,_ dans le -sens qu'on donne présentement à ce terme, je considérerais la Théorie -Cosmogonique, non pas comme fortifiée par cette démonstration, mais -comme irréparablement renversée. - -Cependant, pour ne rendre à César que _juste_ ce qui appartient à -César, qu'il me soit permis de faire observer que l'hypothèse qui -a conduit Laplace à un si glorieux résultat semble lui avoir été, -en grande partie, suggérée par une fausse conception,--par cette -même fausse conception dont nous venons de parler,--par la méprise -générale relative au caractère des prétendues nébuleuses. Lui aussi, il -supposait qu'elles étaient en réalité ce qu'implique leur désignation. -Le fait est que ce grand homme avait, très-justement, une foi médiocre -dans ses propres facultés de perception. Ainsi, relativement à -l'existence positive des nébuleuses, existence si présomptueusement -affirmée par les astronomes ses contemporains, il s'appuyait bien moins -sur ce qu'il voyait que sur ce qu'il entendait dire. - -On verra que les seules objections valables qu'on puisse opposer à -sa théorie sont celles faites à l'hypothèse prise en elle-même, à ce -qui l'a suggérée et non à ce qu'elle suggère, aux propositions qui -l'accompagnent plutôt qu'à ses résultats. La supposition la moins -justifiée de Laplace consiste à donner aux atomes un mouvement vers un -centre, malgré qu'il comprenne évidemment les atomes comme s'étendant, -dans une succession illimitée, à travers l'espace universel. J'ai déjà -montré qu'avec de telles données aucun mouvement n'aurait pu avoir -lieu; ainsi Laplace pour supposer un mouvement, se place sur une base -aussi peu philosophique qu'elle est inutile pour établir ce qu'il -voulait établir. - -Son idée originale semble avoir été un composé des vrais atomes -d'Épicure et des pseudo-nébuleuses de ses contemporains; et ainsi sa -théorie se présente à nous avec la singulière anomalie d'une vérité -absolue, déduite, comme résultat mathématique, d'une création hybride -de l'imagination antique mariée au sens obtus moderne. La force réelle -de Laplace consistait, en somme, dans un instinct mathématique presque -miraculeux; c'était là-dessus qu'il s'appuyait; jamais cet instinct ne -lui a manqué; jamais il ne l'a trompé. Dans le cas de la Cosmogonie, il -l'a conduit, les yeux bandés, à travers un labyrinthe d'Erreur, vers un -des plus lumineux et des plus prodigieux temples de Vérité. - - -[Footnote 1: Je suis prêt à démontrer que la révolution anormale des -satellites d'Uranus est simplement une anomalie perspective provenant -de l'inclinaison de l'axe de la planète. E. P.] - -[Footnote 2: _Tableau de l'Architecture des deux.--_Une lettre -attribuée au Docteur Nichol, écrivant à un ami d'Amérique, a fait -le tour de nos journaux, il y a environ deux ans, qui admettait -la _nécessité_ à laquelle je fais allusion. Dans une _lecture_ -postérieure, M. Nichol semble toutefois avoir triomphé en quelque -sorte de la _nécessité,_ et ne renonce pas absolument à la théorie, -bien qu'il ait l'air de s'en moquer un peu comme d'une _pure -hypothèse._ Avant les expériences de Maskelyne, qu'était donc la Loi de -Gravitation? Une hypothèse. Et qui mettait en question cette loi, même -alors?] - - - -X - - -Imaginons, pour le moment, que l'anneau projeté le premier par le -Soleil, c'est-à-dire l'anneau qui, en se brisant, a constitué Neptune, -ne se soit brisé que lors de la projection de l'anneau qui a donné -naissance à Uranus; que ce dernier anneau, de son côté, soit resté -intact jusqu'à l'émission de celui dont est né Saturne; que ce dernier, -à son tour, ait gardé sa forme entière jusqu'à l'émission de celui qui -a été l'origine de Jupiter, et ainsi de suite. Imaginons, en un mot, -qu'aucune rupture n'ait eu lieu parmi les anneaux jusqu'à la projection -finale de celui qui a donné naissance à Mercure. Nous créons ainsi -pour l'œil de l'esprit une série de cercles concentriques coexistants, -et les considérant en eux-mêmes aussi bien que dans le mode suivant -lequel, selon l'hypothèse de Laplace, ils ont été engendrés, nous -apercevons tout d'abord une très singulière analogie entre les couches -atomiques et le mode d'irradiation originelle tel que je l'ai décrit. -Est-il impossible, en mesurant les forces respectives qui ont projeté -successivement chaque cercle planétaire, c'est-à-dire en mesurant -la force excédante successive de rotation par rapport à la force de -gravitation, laquelle a occasionné les éruptions successives, de -trouver l'analogie en question plus décidément confirmée? _Est-il -improbable que nous découvrions que ces forces ont varié,--comme dans -l'irradiation originelle,--proportionnellement avec les carrés des -distances?_ - -Notre système solaire, consistant principalement en un Soleil, avec -seize planètes à coup sûr, et peut-être un peu plus, qui roulent autour -de lui à des distances variées, et qui sont accompagnées certainement -de dix-sept lunes, mais très-probablement de quelques autres, doit -être maintenant considéré comme un des types de ces agglomérations -innombrables qui ont commencé à se produire à travers la Sphère -Universelle, lorsque s'est retirée la Volonté Divine. Je veux dire -que nous avons à considérer notre système solaire comme fournissant -un cas générique de ces agglomérations, ou, plus correctement, des -conditions ultérieures auxquelles elles sont parvenues. Si nous fixons -notre attention sur l'idée qui a présidé au dessein du Tout-Puissant, -à savoir _la plus grande somme possible de rapports_ et la précaution -prise pour atteindre le but avec la différence de formes dans les -atomes originels et l'inégalité particulière de distance, nous verrons -qu'il est impossible de supposer même une minute que deux seulement de -ces agglomérations commençantes soient arrivées à la fin précisément -au même résultat. Nous serons plutôt inclinés à penser qu'il n'y a -pas dans tout l'Univers deux corps stellaires, soleils, planètes ou -lunes, qui soient semblables dans le particulier, malgré que tous le -soient dans le général. Encore moins pouvons-nous imaginer que deux -assemblages de tels corps, deux systèmes quelconques, puissent avoir -une ressemblance plus que générale[1] M. Nos télescopes, sur ce point, -confirment parfaitement nos déductions. Prenant donc notre système -solaire comme type approchant ou général de tous les autres, nous -sommes arrivés assez avant dans notre thème pour considérer l'Univers -sous l'aspect d'un espace sphérique à travers lequel, disséminée avec -une égalité purement générale, existe une certaine quantité de systèmes -ayant entre eux une ressemblance purement générale. - -Élargissant maintenant nos conceptions, regardons chacun de ces -systèmes comme étant en lui-même un atome, ce qu'il est en réalité, -quand nous ne le considérons que comme une des innombrables myriades -de systèmes qui constituent l'Univers. Les prenant donc tous pour des -atomes colossaux, chacun étant doué de la même indestructible tendance -à l'Unité qui caractérise les atomes réels dont il est composé, nous -entrons tout de suite dans un ordre nouveau d'aggrégations. Les plus -petits systèmes, placés dans le voisinage d'un plus grand, devront -inévitablement s'en rapprocher de plus en plus. Ici il s'en rassemblera -un millier, là un million; ici peut-être un trillion,--laissant -ainsi autour d'eux d'incommensurables vides dans l'espace. Et si -maintenant on demande pourquoi, dans le cas de ces systèmes, de ces -véritables atomes titaniques (je parle simplement d'un assemblage, -et non, comme dans le cas des atomes positifs, d'une agglomération -plus ou moins consolidée), si on demande pourquoi je ne pousse pas ma -suggestion jusqu'à sa conclusion légitime, pourquoi je ne décris pas -ces assemblages de systèmes-atomes se précipitant et se consolidant -en sphères, se condensant chacun en un magnifique soleil, je réponds -que ce sont là de simples _mellonta,_ et que je ne fais que m'arrêter -un instant sur le seuil terrifiant du Futur. Pour le présent, nous -appelons ces assemblages des _groupes,_ et nous les voyons dans leur -état commençant de consolidation. Leur consolidation absolue est encore -à venir. - -Nous voici arrivés à un point d'où nous contemplons l'Univers comme -un espace sphérique, parsemé inégalement de _groupes._ Observez -que je préfère ici l'adverbe _inégalement_ à cette phrase déjà -employée: «avec une égalité purement générale.» Il est évident en -fait que l'égalité de distribution diminuera en raison du progrès de -l'agglomération, c'est-à-dire à mesure que les choses diminueront en -nombre. Ainsi l'accroissement de l'inégalité, accroissement qui devra -continuer jusqu'à une époque plus ou moins lointaine, où la plus grosse -agglomération absorbera toutes les autres, ne peut être considéré que -comme un symptôme confirmatif de la _tendance à l'Unité._ - -Enfin ici il peut paraître bon de s'enquérir si les faits acquis de -l'Astronomie confirment l'arrangement général que j'ai, par déduction, -imposé aux mondes célestes. Or, cela est confirmé, et entièrement. -L'observation télescopique, guidée par les lois de la perspective, nous -permet de voir que l'Univers perceptible existe comme _un groupe de -groupes irrégulièrement disposés._ - - -[Footnote 1: Il n'est pas impossible que quelque perfectionnement -imprévu d'optique nous révèle, parmi les innombrables variétés de -systèmes, un soleil lumineux, entouré d'anneaux lumineux et non -lumineux, en dedans, en dehors desquels, et entre lesquels roulent des -planètes lumineuses et non lumineuses, accompagnées de lunes ayant -leurs lunes, et même ces dernières possédant également leurs lunes -particulières.] - - - -XI - - -Les groupes dont est composé cet universel _groupe de groupes_ sont -simplement ce que nous avons coutume de nommer _nébuleuses,_ et parmi -ces nébuleuses il en est une qui est pour l'humanité d'un intérêt -suprême. Je veux parler de la Galaxie ou Voie Lactée. Elle nous -intéresse, d'abord et évidemment, en raison de sa grande supériorité, -par son volume apparent, non-seulement sur tout autre groupe du -firmament, mais même sur tous les autres groupes pris ensemble. Le -plus grand de ces derniers n'occupe comparativement qu'un point dans -l'espace et ne se laisse voir distinctement qu'à l'aide du télescope. -La Galaxie traverse tout le ciel et se montre brillante à l'œil -nu. Mais elle intéresse l'homme particulièrement, quoique moins -immédiatement, en ce qu'elle fait partie de fa région où il est situé, -de la région de fa Terre sur laquelle il vit, de la région du Soleil -autour duquel tourne cette Terre, de la région de tout le système -d'astres dont le « Soleil est le centre et l'astre principal, fa Terre, -un des seize secondaires ou une des planètes, la Lune, un des dix-sept -tertiaires ou satellites. La Galaxie, je le répète, n'est qu'un des -groupes dont j'ai parlé, une de ces prétendues nébuleuses, qui ne se -révèlent à nous quelquefois qu'à l'aide du télescope, et comme de -faibles taches brumeuses dans différentes parties du ciel. Nous n'avons -aucune raison de supposer que la Voie Lactée soit en réalité plus vaste -que la moindre de ces nébuleuses. Sa grande supériorité de volume n'est -qu'apparente, et vient de sa position relativement à nous, c'est-à-dire -de notre position à nous qui en occupons le milieu. Quelque étrange que -cette assertion puisse paraître tout d'abord à ceux qui ne sont pas -versés dans l'Astronomie, l'astronome, lui, n'hésite pas à affirmer -que nous sommes placés au milieu de cette inconcevable multitude -d'étoiles, de soleils, de systèmes qui constituent la Galaxie. En -outre, non-seulement nous avons, non-seulement notre Soleil a le droit -de revendiquer la Galaxie comme étant son groupe spécial; mais on peut -dire, avec une légère réserve, que toutes les étoiles distinctement -visibles du firmament, toutes les étoiles visibles à l'œil nu, ont le -droit de s'en réclamer également. - -Une idée bien fausse a été conçue relativement à la forme de la -Galaxie, de laquelle il est dit, dans presque tous nos traités -astronomiques, qu'elle ressemble à celle d'un Y capital. En réalité, le -groupe en question a une certaine ressemblance générale, très-générale, -avec la planète Saturne, enfermée dans son triple anneau. Au lieu du -globe solide de cette planète, nous devons toutefois nous figurer une -île stellaire ou collection lenticulaire d'étoiles; notre Soleil étant -placé excentriquement, près du bord de l'île, du côté qui est le plus -rapproché de la constellation de la Croix et le plus éloigné de celle -de Cassiopée. L'anneau qui l'entoure, dans la partie qui avoisine notre -position, est marqué d'une entaille longitudinale qui, en effet, lui -donne, aperçu de notre région, l'apparence vague d'un Y capital. - -Cependant il ne faut pas que nous tombions dans cette erreur, de -concevoir cette ceinture, peu définie d'ailleurs, comme tout à fait -séparée, comparativement parlant, du groupe lenticulaire également -indéfini qu'elle entoure; et ainsi, pour rendre notre explication -plus claire, nous pouvons dire de notre Soleil qu'il est positivement -situé sur le point de l'Y où se rencontrent les trois lignes qui le -composent, et, nous figurant cette lettre comme douée d'une certaine -solidité, d'une certaine épaisseur, très-minime en comparaison de sa -longueur, nous pouvons dire que notre position est dans le milieu de -cette épaisseur. En nous figurant que nous sommes placés ainsi, nous -n'éprouverons plus aucune peine à nous rendre compte des phénomènes -en question, qui sont uniquement des phénomènes de perspective. Quand -nous regardons en haut ou en bas, c'est-à-dire quand nous jetons -les yeux dans le sens de _Y épaisseur_ de la lettre, notre regard -rencontre un moins grand nombre d'étoiles que lorsque nous jetons les -yeux dans le sens de sa _longueur,_ ou le long d'une des trois lignes -qui la composent. Naturellement, les étoiles, dans le premier cas, -apparaissent comme éparpillées, et, dans le second, comme accumulées. -Renversons, s'il vous plaît, l'explication: un habitant de la Terre -qui regarde la Galaxie, comme nous disons ordinairement, la considère -alors dans un des sens de sa longueur;--il regarde le long des lignes -de l'Y; mais quand, regardant dans le Ciel général, il détourne ses -yeux de la Galaxie, il la voit alors dans le sens de l'épaisseur de la -lettre; et c'est pour cela que les étoiles lui semblent clair-semées, -quoique, en réalité, elles soient aussi rapprochées, en moyenne, que -dans la partie massive du groupe. Il n'y a pas de considération qui -soit mieux faite pour donner une idée de l'effrayante étendue de ce -groupe. - -Si, avec un télescope d'une profonde puissance, nous examinons -soigneusement le firmament, nous découvrirons _une ceinture de -groupes,_ faite de ce que nous avons jusqu'à présent nommé des -nébuleuses,--une _bande,_ d'une largeur variable, s'étendant d'un -horizon à l'autre, et coupant à angle droit la direction générale de -la Voie Lactée. Cette bande est le dernier _groupe de groupes._ Cette -ceinture est l'_Univers._ Notre Galaxie n'est qu'un des groupes, un des -moindres peut-être, qui entrent dans la composition de cette suprême -_bande_ ou _ceinture_ universelle. L'aspect de bande ou de ceinture, -que prend à nos yeux ce groupe de groupes, n'est qu'un phénomène de -perspective, analogue à celui qui nous fait aussi voir notre propre -groupe grossièrement sphérique, la Galaxie, sous la forme d'une -ceinture traversant les Cieux et coupant le groupe universel à angles -droits. Naturellement la forme du groupe qui enferme tous les autres -est, en général, celle de chaque groupe individuel qui y est contenu. -De même que les étoiles clair-semées que nous voyons dans le Ciel -général, quand nous détournons nos regards de la Galaxie, ne sont, -en réalité, qu'une partie de la Galaxie elle-même, aussi intimement -mêlées à elle qu'en aucun autre point où le télescope nous les montre -à l'état le plus dense,--de même les nébuleuses éparpillées, que nous -apercevons sur tous les points du firmament quand nous détournons -nos yeux de la ceinture Universelle, doivent être considérées comme -éparpillées seulement par la perspective et comme faisant partie -intégrante de l'unique _Sphère_ suprême et Universelle. - -Il n'y a pas d'erreur astronomique plus insoutenable, et il n'y -en a pas qui ait obtenu une plus opiniâtre adhésion que celle qui -consiste à se figurer l'Univers sidéral comme absolument illimité. -Il me semble que les raisons qui nous le font croire limité, telles -que je les ai énoncées à _priori,_ sont irréfutables; mais, pour -n'en plus parler, l'observation seule nous montre qu'il y a, dans de -nombreuses directions autour de nous, si ce n'est dans toutes, une -limite positive; ou, tout au moins, elle ne nous fournit aucun motif -pour penser autrement. Si la succession des étoiles était illimitée, -l'arrière-plan du ciel nous offrirait une luminosité uniforme, comme -celle déployée par la Galaxie, _puisqu'il n'y aurait absolument aucun -point, dans tout cet arrière-plan, où n'existât une étoile._ Donc, dans -de telles conditions, la seule manière de rendre compte des _vides_ que -trouvent nos télescopes dans d'innombrables directions est de supposer -cet arrière-plan invisible placé à une distance si prodigieuse qu'aucun -rayon n'ait jamais pu parvenir jusqu'à nous. Qu'il en _puisse_ être -ainsi, qui oserait s'aviser de le nier? Je maintiens simplement que -nous n'avons pas même l'ombre d'une raison pour croire qu'il en _est_ -ainsi. - -En parlant de la propension vulgaire à considérer tous les corps -de la Terre comme tendant seulement vers le centre de la Terre, je -faisais observer que «sauf certaines exceptions dont il serait fait -mention plus tard, chaque corps de la Terre tendait, non-seulement -vers le centre de la Terre, mais encore vers toute autre direction -concevable.» Le mot _exceptions_ avait trait à ces vides fréquents -dans le Ciel, où l'examen le plus minutieux non-seulement ne découvre -pas de corps stellaires, mais ne trouve même pas d'indices quelconques -de leur existence. Là, des gouffres béants, plus noirs que l'Erèbe, -nous apparaissent comme des échappées ouvertes, à travers les murs -limitrophes de l'Univers Sidéral, sur l'Univers illimité du Vide. Or, -tout corps existant sur la Terre est exposé, soit par son mouvement -propre, soit par celui de la Terre, à traverser ou à longer un de ces -vides ou abîmes cosmiques, et il est évident qu'en ce moment il cesse -d'être attiré dans la _direction du Vide_ et qu'il est conséquemment -_plus lourd_ qu'à aucune autre époque, soit avant, soit après. -Indépendamment, toutefois, de la considération de ces vides, et ne nous -occupant que de la distribution généralement inégale des étoiles, nous -voyons, que la tendance absolue des corps de la Terre vers le centre de -la Terre est dans un état de variation perpétuelle. - -Nous comprenons donc l'_insulation_ de notre Univers. Nous percevons -l'isolement de l'Univers, c'est-à-dire de _tout_ ce que nos sens -peuvent saisir. Nous savons qu'il existe un _groupe de groupes,_ -une agglomération autour de laquelle, de tous côtés, s'étend un -incommensurable Espace désert fermé à toute perception humaine. -Mais, parce que nous sommes obligés de nous arrêter sur les confins -de cet Univers Sidéral, nos sens ne pouvant plus nous fournir de -témoignage, est-il juste de conclure qu'en réalité il n'existe pas de -point matériel au delà de celui qu'il nous a été permis d'atteindre? -Avons-nous, ou n'avons-nous pas le droit analogique d'inférer que cet -Univers sensible, que ce groupe de groupes, n'est qu'un morceau d'une -_série_ de groupes de groupes, dont les autres nous restent invisibles -à cause de la distance,--soit parce que la diffusion de leur lumière, -avant qu'elle parvienne jusqu'à nous, est si excessive qu'elle ne peut -produire sur notre rétine aucune impression lumineuse, soit parce -qu'il n'existe aucune espèce d'émanation lumineuse dans ces mondes -inexprimablement distants, ou enfin parce que l'intervalle qui nous en -sépare est si vaste que, depuis des myriades d'années écoulées, leurs -effluves électriques n'ont pas encore pu le franchir? - -Avons-nous quelques droits à faire de telles suppositions, avons-nous -quelque motif pour accepter de telles visions? Si nous avons ce droit -à un degré quelconque, nous avons aussi le droit de leur donner une -extension infinie. - -Le cerveau humain a évidemment un penchant vers l'_Infini_ et caresse -volontiers ce fantôme d'idée. Il semble aspirer vers cette conception -impossible avec une ferveur passionnée, avec l'espérance d'y croire -intellectuellement aussitôt qu'il l'a conçue. Ce qui est général -parmi toute la race humaine, aucun individu n'a sans doute le droit -de le considérer comme anormal; néanmoins, il peut exister une classe -d'intelligences supérieures pour qui ce tour d'esprit populaire porte -tout le caractère d'une monomanie. - -Ma question, cependant, n'a pas encore trouvé sa réponse--Avons-nous -le droit de supposer, ou plutôt d'imaginer une succession interminable -de _groupes de groupes_ ou _d'Univers_ plus ou moins semblables? - -Je réponds que le _droit,_ dans un cas tel que celui-ci, dépend -absolument de la hardiesse de l'imagination qui s'avise d'y prétendre. -Qu'il me soit permis seulement de déclarer que je me sens, pour -mon compte personnel, porté à _imaginer_ (je n'ose pas me servir -d'un terme plus affirmatif) qu'il existe réellement une succession -illimitée d'Univers, plus ou moins semblables à celui dont nous -avons connaissance, à celui-là _seul_ dont nous aurons jamais -connaissance,--du moins jusqu'au moment où notre Univers particulier -rentrera dans l'Unité. Cependant, si de tels groupes de groupes -existent,--et ils existent,--il est suffisamment clair que, n'ayant -pas de participation dans notre origine, ils ne participent pas à -nos lois. Ils ne nous attirent pas et nous ne les attirons pas. Leur -matière, leur esprit ne sont pas les nôtres, ne sont pas ce qui -agit, influe dans une partie quelconque de notre Univers. Ils ne -pourraient impressionner ni nos sens ni nos âmes. Entre eux et nous, -les considérant tous pour un moment collectivement, il n'y a pas -d'influences communes. Chacun existe, à part et indépendant, _dans le -sein de son Dieu propre et particulier._ - - - -XII - - -Dans la conduite de ce Discours, je vise moins à l'ordre physique qu'au -métaphysique. La clarté avec laquelle les phénomènes, même matériels, -sont présentés à l'intelligence dépend très-peu, il y a longtemps que -j'en ai acquis l'expérience, d'un arrangement purement naturel, et -naît presque entièrement de l'arrangement moral. Si donc j'ai l'air -de m'abandonner à des digressions et de sauter trop vite d'un point -à un autre de mon sujet, qu'il me soit permis de dire qu'en faisant -ainsi j'ai l'espoir de mieux conserver, sans la rompre, cette chaîne -d'impressions graduées, par laquelle seule l'intelligence de l'Homme -peut embrasser les grandeurs dont je parle et les comprendre dans leur -majestueuse totalité. - -Jusqu'à présent, notre attention s'est dirigée presque exclusivement -vers un groupement général et relatif des corps stellaires dans -l'espace. De spécification, nous n'en avons fait que très-peu; et les -quelques idées relatives à la _quantité,_ c'est-à-dire au nombre, à -la grandeur et à la distance, que nous avons émises, ont été amenées -accessoirement et en manière de préparation pour des conceptions plus -définitives. Essayons maintenant d'atteindre à ces dernières. - -Notre système solaire, comme nous l'avons déjà dit, consiste -principalement en un soleil et seize planètes au moins, auxquelles, -très-probablement, s'ajoutent quelques autres, qui tournent autour de -lui comme centre, accompagnées de dix-sept lunes connues et peut-être -de quelques autres que nous ne connaissons pas encore. Ces divers corps -ne sont pas de véritables sphères, mais des sphéroïdes aplatis, des -sphères comprimées dans la région des pôles de l'axe imaginaire autour -duquel elles tournent, l'aplatissement étant une conséquence de la -rotation. Le Soleil n'est pas absolument le centre du système; carie -Soleil lui-même, avec toutes les planètes, roule autour d'un point -de l'espace perpétuellement variable, qui est le centre général de -gravité du système. Nous ne devons pas non plus considérer les lignes -sur lesquelles se meuvent ces différents sphéroïdes,--les lunes autour -des planâtes, les planètes autour du Soleil, ou le Soleil autour du -centre commun,--comme des cercles dans le sens exact du mot. Ce sont, -en réalité, des _ellipses, l'un des foyers étant le point autour -duquel se fait la révolution._ Une ellipse est une courbe retournant -sur elle-même, qui a un de ses diamètres plus long que l'autre. Sur le -diamètre le plus long sont deux points, également distants du milieu -de la ligne, et, d'ailleurs, situés de telle façon que si, à partir -de chacun d'eux, on tire une ligne droite vers un point quelconque de -la courbe, la somme des deux lignes réunies sera égale au plus grand -des diamètres. Concevons donc une ellipse de cette nature. A l'un des -points en question, qui sont les _foyers,_ fixons une orange. Par un -fil élastique unissons cette orange à un pois, et plaçons ce dernier -sur la circonférence de l'ellipse. Le fil élastique, naturellement, -varie en longueur à mesure que nous faisons mouvoir le pois, et forme -ce que nous appelons en géométrie un _radius vector._ Or, si l'orange -est prise pour le Soleil et le pois pour une planète tournant autour -de lui, la révolution devra se faire avec une vitesse variable plus -ou moins grande, mais telle que le _radius vector_ franchira des -aires _égales en temps égaux._ La marche du pois _sera_ donc ou, en -d'autres termes, la marche de la planète _est_ lente à proportion -de son éloignement du Soleil, rapide à proportion de sa proximité. -Ces planètes, en outre, se meuvent d'autant plus lentement qu'elles -sont situées plus loin du Soleil, _les carrés de leurs périodes de -révolution étant entre eux dans la même proportion que les cubes de -leurs distances moyennes du Soleil._ - -On comprend que les lois terriblement complexes de révolution que -nous décrivons ici ne règnent pas seulement dans notre système. -Elles dominent partout où domine l'Attraction. Elles régissent -l'Univers. Chaque point brillant du firmament est sans doute un Soleil -lumineux, ressemblant au nôtre, au moins dans son caractère général, -et accompagné d'une plus ou moins grande quantité de planètes plus -ou moins grosses, dont la luminosité encore attardée ne peut pas se -manifester à nous à une si grande distance, mais qui, néanmoins, -roulent, escortées de leurs lunes, autour de leurs centres sidéraux, -obéissant aux principes que nous avons constatés, obéissant aux trois -lois absolues de révolution, aux trois immortelles lois devinées par -l'esprit imaginatif de Kepler et subséquemment expliquées et démontrées -par l'esprit patient et mathématique de Newton. Dans une certaine -tribu de philosophes, qui font vanité de ne s'appuyer que sur les -faits positifs, il est beaucoup trop à la mode de se moquer de toute -spéculation et de la flétrir de la vague et élastique appellation -_d'œuvre conjecturale._ La valeur de celui qui conjecture, tel est -le point à examiner. En conjecturant de temps à autre avec Platon, -nous dépenserons notre temps avec plus d'utilité qu'en écoutant une -démonstration d'Alcmæon. - -Dans maint ouvrage d'astronomie, je vois qu'il est nettement établi que -les lois de Kepler sont la _base_ du grand principe de la Gravitation. -Cette idée a dû naître de ce fait, que la divination de ces lois par -Kepler et sa démonstration postérieure de leur existence positive ont -poussé Newton à les expliquer par l'hypothèse de la Gravitation et, -finalement, à les démontrer à _priori,_ comme conséquences nécessaires -du principe hypothétique. Ainsi, bien loin d'être la base de la -Gravitation, les lois de Kepler ont la Gravitation pour base, et il en -est de même, d'ailleurs, de toutes les lois de l'Univers matériel qui -ne se rapportent pas uniquement à la Répulsion. - -La distance moyenne de la Terre à la Lune, c'est-à-dire la distance qui -nous sépare du corps céleste le plus voisin de nous, est de 237,000 -milles. Mercure, la planète la plus proche du Soleil, est éloignée de -lui de 37 millions de milles. Vénus, qui vient après, tourne à une -distance de 68 millions de milles; la Terre, à son tour, à une distance -de 95 millions; Mars, à la distance de 144 millions. Puis viennent -les huit astéroïdes (Cérès, Junon, Vesta, Pallas, Astrée, Flore, -Iris et Hébé), à une distance moyenne d'environ 250 millions. Puis -nous trouvons Jupiter, distant de 490 millions; puis Saturne, de 900 -millions; puis Uranus, de I,900 millions; finalement Neptune, récemment -découvert et tournant à une distance de 2,800 millions. Laissant -Neptune de côté, sur qui nous n'avons pas jusqu'à présent des documents -très-exacts, et qui est peut-être une planète appartenant à un système -d'Astéroïdes, on peut voir que, dans de certaines limites, il existe -entre les planètes un ordre d'intervalles. Pour parler d'une manière -approximative, nous pouvons dire que chaque planète est, relativement -au Soleil, située à une distance double de celle qui la précède. -_L'ordre_ en question, que nous exposons ici,--_la loi de Bode_,--ne -pourrait-il pas être déduit de l'examen de l'analogie existant, ainsi -que je l'ai suggéré, entre la décharge solaire des anneaux et le mode -de l'irradiation atomique? - -Quant aux nombres cités à la hâte dans cette table sommaire des -distances, il y aurait folie à essayer de les comprendre, excepté -au-point de vue des faits arithmétiques abstraits. Ces nombres ne -sont pas pratiquement appréciables, lis ne comportent pas d'idées -précises. J'ai dit que Neptune, la planète la plus éloignée, tournait -autour du Soleil ù une distance de 2,800 millions de milles. Jusqu'ici -rien de mieux; j'ai établi un fait mathématique; et, sans comprendre -ce fait le moins du monde, nous pouvons le poser pour nous en servir -mathématiquement. Mais même en indiquant que la Lune tourne autour de -la Terre à la distance comparativement mesquine de 237,000 milles, je -n'ai nullement l'espérance de faire comprendre à qui que ce soit,--de -lui faire apprécier,--de lui faire sentir à quelle distance U Lune se -trouve positivement de la Terre. 237,000 milles! Parmi mes lecteurs, il -y en a peut-être bien peu qui n'aient pas traversé l'Océan Atlantique; -et, cependant, combien d'entre eux ont une idée distincte même des -3,000 milles qui séparent les deux rivages? Je doute, en vérité, qu'il -existe un homme qui puisse faire entrer dans son cerveau la plus vague -conception de l'intervalle compris entre une borne milliaire et sa -plus proche voisine. Cependant, nous trouvons quelque facilité pour -apprécier la distance en combinant l'idée de l'espace avec l'idée de -vélocité qui la suit naturellement. Le son parcourt un espace de I,100 -pieds en une seconde. Or, s'il était possible à un habitant de la Terre -de voir l'éclair d'un coup de canon tiré dans la Lune et d'en entendre -la détonation, il lui faudrait attendre treize jours entiers, à partir -du moment où il aurait aperçu le premier, pour recevoir un indice de la -seconde. - -Quelque faible que soit l'appréciation obtenue par ce moyen de la -réelle distance de la Lune à la Terre, elle aura néanmoins cette -utilité de nous faire mieux comprendre la folie de vouloir saisir par -la pensée des distances telles que les 2,800 millions de milles qui -séparent Neptune de notre Soleil; ou même les 95 millions de milles -compris entre le Soleil et la Terre que nous habitons. Un boulet de -canon, se mouvant avec la rapidité la plus grande qui ait jamais -été communiquée à un boulet, ne pourrait pas traverser ce dernier -intervalle en moins de 20 ans; pour le premier espace, il faudrait 590 -ans. - -Le diamètre réel de notre Lune est de 2,160 milles; cependant, elle -est un objet comparativement si petit qu'il faudrait environ cinquante -globes semblables pour en composer un aussi gros que la Terre. - -Le diamètre de notre propre globe est de 7,912 milles;--mais de -renonciation de ces nombres quelle idée positive prétendons-nous tirer? - -Si nous montons au sommet d'une montagne ordinaire et si nous regardons -autour de nous, nous apercevons un paysage qui s'étend à 40 milles dans -toutes les directions, formant un cercle de 250 milles de circonférence -et enfermant un espace de 5,000 milles carrés. Mais comme les portions -d'une semblable perspective ne se présentent nécessairement à notre -vue que l'une après l'autre, nous n'en pouvons apprécier l'étendue -que faiblement et partiellement; cependant le panorama tout entier -ne représente que la quarante millième partie de la surface de notre -globe. Si à ce panorama succédait, au bout d'une heure, un autre -panorama d'égale étendue; à ce second, au bout d'une heure, un -troisième; à ce troisième, au bout d'une heure, un quatrième, et ainsi -de suite, jusqu'à ce que tous les décors de la Terre fussent épuisés, -et si nous étions invités à examiner ces divers panoramas pendant -douze heures par jour, il ne nous faudrait pas moins de neuf ans et -quarante-huit jours pour achever l'examen de la collection. - -Mais si la simple surface de la Terre se refuse à l'étreinte de notre -imagination, que penserons-nous de sa contenance évaluée par cubes? -Elle embrasse une masse de matière équivalente au moins à un poids de -deux undécillions et deux cents nonillions de tonnes. Supposons cette -masse à l'état de repos, et essayons de concevoir une force mécanique -suffisante pour la mettre en mouvement! La force de toutes les myriades -d'êtres dont notre imagination peut peupler les mondes planétaires -de notre système, la force physique combinée de tous ces êtres, même -en les supposant plus puissants que l'homme, ne pourrait réussir à -déplacer d'un seul pouce cette masse prodigieuse. - -Que devons-nous donc penser de la force nécessaire, dans de semblables -conditions, pour remuer la plus grosse de nos planètes, Jupiter? -Elle a un diamètre de 86,000 milles, et pourrait contenir dans sa -périphérie plus de mille globes de la grandeur du nôtre. Cependant ce -corps monstrueux vole positivement autour du Soleil avec une vitesse -de 29,000 milles par heure, c'est-à-dire avec une rapidité quarante -fois plus grande que celle d'un boulet de canon! On ne peut même pas -dire que l'idée d'un tel phénomène fait tressaillir l'esprit, elle -l'épouvante, elle le paralyse. Nous avons plus d'une fois occupé notre -imagination à nous peindre les facultés d'un ange. Figurons-nous, -à une distance d'environ 100 milles de Jupiter, un pareil être, -assistant ainsi, témoin oculaire très rapproché, à la révolution -annuelle de cette planète. Or, pouvons-nous, je le demande, nous faire -une idée assez haute, assez immense de la puissance spirituelle de -cet être idéal pour concevoir qu'à la vue de cette incommensurable -masse, pirouettant juste sous ses yeux avec une vélocité tellement -inexprimable, l'ange lui-même, si angélique qu'il soit, puisse ne pas -être écrasé, anéanti? - -Ici, toutefois, il me paraît bon de faire observer qu'en réalité nous -n'avons encore parlé que d'objets comparativement insignifiants. Notre -Soleil, l'astre central et dirigeant du système auquel appartient -Jupiter, est non-seulement plus gros que Jupiter, mais aussi beaucoup -plus gros que toutes les planètes du système prises ensemble. Ce fait -est vraiment une condition essentielle de la stabilité du système -lui-même. Le diamètre de Jupiter est, avons-nous dit, de 86,000 milles! -Celui du Soleil est de 882,000 milles. Un habitant de ce dernier, -parcourant 90 milles par jour, mettrait plus de 80 ans à faire le -tour de sa plus grande circonférence. Il occupe un espace cubique de -681 septillions et 472 quintillions de milles. La Lune, ainsi qu'il -a été établi, tourne autour de la Terre, à une distance de 237,000 -milles, sur une orbite qui est conséquemment de près d'un million et -demi de milles. Or, si le Soleil était placé sur la Terre, les deux -centres coïncidant, le volume du Soleil s'étendrait, en tout sens, -non-seulement jusqu'à l'orbite de la Lune, mais encore à une distance -de 200,000 milles au delà. - -Et ici, une fois encore, observons que nous n'avons, jusqu'à présent, -parlé que de bagatelles. On a évalué la distance qui sépare Neptune -du Soleil; elle est de 2,800 millions de milles; la circonférence -de son orbite est donc de 17 trillions environ. Gardons d'oublier -cela quand nous portons nos regards sur quelqu'une des étoiles les -plus brillantes. Entre cette étoile et l'astre central de notre -système, le Soleil, il y a un gouffre d'espace tel que, pour en donner -l'idée, il faudrait la langue d'un archange. Donc, l'étoile que nous -regardons est un être aussi séparé que possible de _notre_ système, -de _notre_ Soleil, ou, si l'on veut, de _notre_ étoile; cependant, -supposons-la un moment placée sur notre Soleil, le centre de l'une -coïncidant avec celui de l'autre, de même que nous avons supposé le -Soleil lui-même placé sur la Terre. Figurons-nous maintenant l'étoile -particulière que nous avons choisie s'étendant, dans tous les sens, -au delà de l'orbite de Mercure,--de Vénus,--de la Terre,--et puis -au delà de l'orbite de Mars,--de Jupiter,--d'Uranus, jusqu'à ce que, -finalement, notre imagination ait rempli le cercle de 17 trillions -de milles de circonférence, que décrit dans sa révolution la planète -de Leverrier. En admettant que nous soyons parvenus à concevoir tant -d'énormité, nous n'aurions pas créé une idée extravagante. Nous avons -les meilleures raisons pour croire qu'il y a bien des étoiles beaucoup -plus grosses que celle que nous avons supposée. Je veux dire que pour -une telle croyance nous possédons la meilleure base expérimentale; et -qu'en reportant notre regard vers la disposition atomique originelle, -ayant pour but la _diversité,_ que nous avons considérée comme étant -une partie du plan divin dans la constitution de l'Univers, il nous -deviendra facile de comprendre et d'admettre des disproportions, dans -la grosseur des corps célestes, infiniment plus vastes qu'aucune de -celles dont j'ai parlé jusqu'à présent. Naturellement nous devons nous -attendre à trouver les corps les plus gros roulant à travers les vides -les plus grands de l'Espace. - -Je disais tout à l'heure que, pour nous donner une idée juste de -l'intervalle qui sépare notre Soleil d'une quelconque des autres -étoiles, il faudrait l'éloquence d'un archange. En parlant ainsi, je ne -puis pas être accusé d'exagération; car c'est la vérité pure qu'en de -certains sujets il n'est pas possible d'exagérer. Mais tâchons de poser -la matière plus distinctement sous les yeux de l'esprit. - -D'abord nous pouvons atteindre une conception générale, _relative,_ -de l'intervalle en question, en le comparant avec les espaces -interplanétaires connus. Supposons, par exemple, que la Terre qui est, -en réalité, à 95 millions de milles du Soleil, ne soit distante de ce -flambeau que _d'un pied_ seulement; Neptune se trouverait alors à une -distance de _quarante_ pieds; et l'étoile Alpha Lyrse à une distance de -_cent cinquante-neuf_ au moins. - -Or, je présume que peu de mes lecteurs ont remarqué, dans la conclusion -de ma dernière phrase, quelque chose de spécialement inadmissible, de -particulièrement faux. J'ai dit que la distance de la Terre au Soleil -étant supposée d'un _pied,_ la distance de Neptune serait de quarante -pieds, et celle d'Alpha Lyrse de cent cinquante-neuf. La proportion -entre un pied et cent cinquante-neuf a peut-être semblé suffisante -pour donner une impression distincte de la proportion entre les deux -distances, celle de la Terre au Soleil et celle d'Alpha Lyrse au même -astre. Mais mon calcul, en réalité, aurait dû se formuler ainsi: En -supposant que la distance de la Terre au Soleil soit d'un pied, la -distance de Neptune serait de quarante pieds, et celle d'Alpha Lyrse -de cent cinquante-neuf... _milles;_ c'est-à-dire que, dans mon premier -calcul, je n'ai assigné à Alpha Lyrse que la cinq mille deux cent -quatre-vingtième partie de la distance qui est la plus petite possible -où cette étoile puisse être réellement située. - -Poursuivons.--A quelque distance que soit une simple _planète,_ -cependant, quand nous l'examinons à travers un télescope, nous la -voyons sous une certaine forme, nous la trouvons d'une certaine -grosseur appréciable. Or, j'ai déjà dit quelques mots de la grosseur -probable de plusieurs étoiles; néanmoins, quand nous en examinons une -quelconque, même à travers le télescope le plus puissant, elle se -présente à nous sans aucune forme, et, conséquemment, sans aucune -dimension. Nous la voyons comme un point, et rien de plus. - -Maintenant, supposons que nous voyagions la nuit, sur une grande route. -Dans un champ, d'un des côtés de la route, se trouve une file de vastes -objets de toute dimension, d'arbres, par exemple, dont la figure se -détache distinctement sur le fond du ciel. Cette ligne s'étend à angle -droit de la route jusqu'à l'horizon. Or, à mesure que nous avançons -le long de la route, nous voyons ces arbres changer leurs positions -respectives relativement à un certain point fixe dans cette partie -du firmament qui forme le fond du tableau. Supposons que ce point -fixe,--suffisamment fixe pour notre démonstration,--soit la lune -qui se lève. Nous voyons tout d'abord que, pendant que l'arbre le -plus proche de nous change de position relativement à la lune, et si -fortement qu'il a l'air de fuir derrière nous, l'arbre qui est à la -distance extrême n'a pour ainsi dire pas bougé de la place qu'il occupe -relativement au satellite. Nous continuons à observer que plus les -objets sont éloignés de nous, moins ils s'éloignent de leur position, -et réciproquement. Nous commençons alors, à notre insu, à apprécier la -distance de chaque arbre par la plus ou moins grande altération de sa -position relative. Finalement nous arrivons à comprendre comment on -pourrait vérifier la distance positive d'un arbre quelconque de cette -rangée en se servant de la quantité d'altération relative comme d'une -base dans un simple problème géométrique. Or, cette altération relative -est ce que nous appelons parallaxe; et c'est par la parallaxe que nous -calculons les distances des corps célestes. Appliquant le principe aux -arbres en question, nous serions naturellement fort embarrassés pour -calculer la distance _d'un_ arbre, qui, si loin que nous nous avancions -sur la route ne nous donnerait aucune parallaxe. Ceci, dans l'exemple -que nous avons supposé, est une chose impossible; impossible simplement -parce que toutes les distances sur notre Terre sont véritablement -insignifiantes; si nous les comparons avec les vastes quantités -cosmiques, nous pouvons dire qu'elles se réduisent absolument à néant. - -Or, supposons que l'étoile Alpha Lyræ soit juste au-dessus de nos -têtes et imaginons qu'au lieu d'être sur la Terre, nous soyons placés à -l'un des bouts d'une ligne droite s'étendant à travers l'espace jusqu'à -une distance égale au diamètre de l'orbite de la Terre, c'est-à-dire -une distance de cent quatre-vingt-dix millions de milles. Ayant -observé, au moyen des instruments micrométriques les plus délicats, la -position exacte de l'étoile, marchons le long de cette inconcevable -route, jusqu'à ce que nous ayons atteint l'autre extrémité. Ici, -examinons une seconde fois l'étoile. Elle est précisément où nous -l'avons laissée. Nos instruments, si délicats qu'ils soient, nous -affirment que sa position relative est absolument, identiquement la -même qu'au commencement de notre incommensurable voyage. Nous n'avons -trouvé aucune parallaxe, absolument aucune. - -Le fait est que, relativement à la distance des étoiles fixes, d'un -quelconque de ces innombrables soleils qui scintillent de l'autre -côté de ce terrible abîme par lequel notre système est séparé des -systèmes ses frères, dans le groupe auquel il appartient, la science -astronomique jusqu'à ces derniers temps n'a pu parler qu'avec une -certitude négative. Considérant les plus brillantes comme les plus -rapprochées, nous pouvions seulement dire, même de celles-là, que la -limite en dedans de laquelle elles ne peuvent pas être situées, est à -une certaine distance incommensurable;--à quelle distance au delà de -cette limite sont-elles situées, nous n'avions jamais pu le calculer. -Nous comprenions, par exemple, qu'Alpha Lyræ ne peut pas être à une -distance moindre de dix-neuf quintillions et deux cents trillions de -milles; mais, de tout ce que nous savions et de tout ce que nous savons -maintenant, nous pouvons induire qu'il est peut-être à la distance -représentée par le carré, le cube, ou toute autre puissance du nombre -précité. Cependant, au moyen d'observations singulièrement sagaces -et minutieuses, continuées avec des instruments nouveaux pendant -plusieurs laborieuses années, Bessel, qui est mort récemment, avait -dans les derniers temps réussi à déterminer la distance de six ou -sept étoiles; entre autres celle qui est désignée par le chiffre 61 -dans la constellation du Cygne. La distance calculée dans ce dernier -cas est six cent soixante-dix mille fois plus grande que celle du -Soleil; laquelle, il est bon de le rappeler, est de quatre-vingt-quinze -millions de milles. L'étoile 61 du Cygne est donc éloignée de nous de -presque soixante-quatre quintillions de milles, ou de plus de trois -fois la distance la plus petite possible attribuée à Alpha Lyræ. - -Si nous essayons d'apprécier cette distance à l'aide de considérations -tirées de la vitesse, comme nous avons fait pour apprécier la distance -de la Lune, il nous faut perdre absolument de vue des vitesses aussi -insignifiantes que celles du boulet de canon ou du son. La lumière, -toutefois, suivant les derniers calculs de Struve, marche avec une -vitesse de cent soixante-sept mille milles par seconde. La pensée -elle-même ne pourrait pas franchir cet intervalle plus rapidement, en -supposant que la pensée puisse même le parcourir. Or, malgré cette -inconcevable vélocité, la lumière, pour venir de l'étoile 61 du Cygne -jusqu'à nous, a besoin de plus de _dix ans;_ et conséquemment, si cette -étoile était en ce moment effacée de l'Univers, elle continuerait -encore pendant dix ans à briller pour nous et à verser à nos yeux sa -gloire paradoxale. - -Tout en gardant présente à l'esprit la conception, si faible qu'elle -soit, que nous avons pu nous faire de l'intervalle qui sépare -notre Soleil de l'étoile 61 du Cygne, souvenons-nous aussi que cet -intervalle, quoique inexprimablement vaste, peut être considéré -comme la simple distance _moyenne_ entre les innombrables multitudes -d'étoiles composant le groupe, ou nébuleuse, auquel appartient notre -système, ainsi que l'étoile 61 du Cygne. En vérité, j'établis le -calcul avec une grande modération; nous avons d'excellentes raisons -pour croire que l'étoile 61 du Cygne est l'une des étoiles les plus -rapprochées, et pour en conclure que sa distance, relativement à -nous, est moindre que la distance moyenne d'étoile à étoile dans le -magnifique groupe de la Voie Lactée. - -Et ici, une fois encore et définitivement, il me semble bon d'observer -que jusqu'à présent nous n'avons parlé que de quantités insignifiantes. -Cessons de nous émerveiller de l'espace qui sépare les étoiles dans -notre propre groupe ou dans tout autre groupe particulier; tournons -plutôt nos pensées vers les espaces qui séparent les groupes eux-mêmes -dans le groupe omnicompréhensif de l'Univers. - -J'ai déjà dit que la lumière marche avec une vitesse de cent -soixante-sept mille milles par seconde, c'est-à-dire de dix millions -de milles par minute, ou d'environ six cent millions de milles -par heure;--et cependant il est des nébuleuses qui sont tellement -éloignées de nous que la lumière de ces mystérieuses régions, quoique -marchant avec une telle vélocité, ne peut pas arriver jusqu'ici en -moins de _trois millions d'années._ Ce calcul, d'ailleurs, a été fait -par Herschell l'aîné, et n'a trait qu'à ces groupes comparativement -rapprochés qui se trouvaient à la portée de son propre télescope. Mais -il y a des nébuleuses, qui, par le tube magique de lord Rosse, nous -communiquent en cet instant même l'écho des secrets qui datent _d'un -million de siècles._ En un mot les phénomènes que nous contemplons en -ce moment, dans ces mondes lointains, sont les mêmes phénomènes qui -intéressaient leurs habitants il y a _dix fois cent mille siècles._ -Dans des intervalles, dans des distances, tels que cette suggestion -en impose à notre _âme,--_plutôt qu'à notre esprit,--nous trouvons -enfin une échelle convenable où toutes nos mesquines considérations -antérieures de _quantité_ peuvent figurer comme de simples degrés. - - - -XIII - - -L'imagination ainsi pleine de distances cosmiques, profitons de -l'occasion pour parler de la difficulté que nous avons si souvent -éprouvée, quand nous poursuivions le _chemin battu_ de la pensée -astronomique, à rendre compte de ces vides incommensurables,--à -expliquer pourquoi des gouffres, si totalement inoccupés et si -inutiles en apparence, se sont produits entre les étoiles,--entre -les groupes,--bref, à trouver une raison suffisante de l'échelle -titanique, sur laquelle, quant à l'espace seulement, l'Univers paraît -avoir été construit. J'affirme que l'Astronomie a fait visiblement -défaut dans cette question et n'a pas su attribuer à ce phénomène -une cause rationnelle;--mais les considérations qui, dans cet Essai, -nous ont conduit pas à pas, nous permettent de comprendre clairement -et immédiatement que _l'Espace et la Durée ne sont qu'un._ Pour que -l'Univers pût durer pendant une ère proportionnée à la grandeur -de ses parties matérielles constitutives et à la haute majesté de -ses destinées spirituelles, il était nécessaire que la diffusion -atomique originelle se fît dans une étendue aussi prodigieusement -vaste qu'elle pouvait l'être sans être infinie. Il fallait, en un -mot, que les étoiles passassent de l'état de nébulosité invisible à -l'état de solidité visible, et vieillissent en donnant successivement -la naissance et la mort à des variétés inexprimablement nombreuses et -complexes du développement de la vitalité;--il fallait que les étoiles -accomplissent tout cela, trouvassent le temps suffisant pour accomplir -toutes ces intentions divines, _durant la période_ dans laquelle toutes -choses vont effectuant leur retour vers l'Unité avec une vélocité -qui progresse en raison inverse des carrés des distances, au bout -desquelles est placé l'inévitable But. - -Grâce à toutes ces considérations, nous n'avons aucune peine à -comprendre l'absolue exactitude de _l'appropriation_ divine. La densité -respective des étoiles augmente, naturellement, à mesure que leur -condensation diminue: la condensation et l'hétérogénéité marchent -de pair; et par cette dernière, qui est l'indice de la première, -nous pouvons estimer le développement vital et spirituel. Ainsi, par -la densité des globes, nous obtenons la mesure dans laquelle leurs -destinées sont remplies. A mesure qu'augmente la densité et que -s'accomplissent les intentions divines, à mesure que diminue ce qui -reste à accomplir, nous voyons augmenter, dans la même proportion, -la vitesse qui précipite les choses vers la Fin. Et ainsi l'esprit -philosophique comprendra sans peine que les intentions divines, -dans la constitution des étoiles, avancent mathématiquement vers -leur accomplissement;--il comprendra plus encore; il donnera à ce -progrès une expression mathématique; il affirmera que ce progrès est -en proportion inverse des carrés des distances où toutes les choses -créées se trouvent relativement à ce qui est à la fois le point de -départ et le but de leur création. - -Non-seulement cette appropriation de Dieu est mathématiquement exacte, -mais il y a en elle une estampille divine, qui la distingue de tous -les ouvrages de construction purement humaine. Je veux parler de la -complète _réciprocité_ d'appropriation. Ainsi dans les constructions -humaines une cause particulière engendre un effet particulier; une -intention particulière amène un résultat particulier; mais c'est -tout; nous ne voyons pas de réciprocité. L'effet ne réagit pas sur la -cause; l'intention ne change pas son rapport avec l'objet. Dans les -combinaisons de Dieu, l'objet est tour à tour dessein ou objet, selon -la façon dont il nous plaît de le regarder, et nous pouvons prendre -en tout temps une cause pour un effet, et réciproquement, de sorte -que nous ne pouvons jamais, d'une manière absolue, distinguer l'un de -l'autre. - -Prenons un exemple. Dans les climats polaires, la machine humaine, pour -maintenir sa chaleur animale, et pour la combustion dans le système -capillaire, réclame une abondante provision de nourriture fortement -azotée, telle que l'huile de poisson. D'autre part, nous voyons que -dans les climats polaires l'huile des nombreux phoques et baleines -est presque la seule nourriture que la nature fournisse à l'homme. Et -maintenant dirons-nous que l'huile est mise à la portée de l'homme -parce qu'elle est impérieusement réclamée, ou dirons-nous qu'elle -est la seule chose réclamée parce qu'elle est la seule qu'il puisse -obtenir? Il est impossible de décider la question. Il y a là une -absolue _réciprocité d'appropriation._ - -Le plaisir que nous tirons de toute manifestation du génie humain -est en raison du plus ou moins de _ressemblance_ avec cette espèce -de réciprocité. Ainsi, dans la construction du plan d'une fiction -littéraire, nous devrions nous efforcer d'arranger les incidents de -telle façon qu'il fût impossible de déterminer si un quelconque d'entre -eux dépend d'un autre quelconque ou lui sert d'appui. Prise dans ce -sens, _la perfection du plan_ est, dans la réalité, dans la pratique, -impossible à atteindre, simplement parce que la construction dont il -s'agit est l'œuvre d'une intelligence finie. Les plans de Dieu sont -parfaits. L'Univers est un plan de Dieu. - -Nous sommes maintenant arrivés à un point où l'intelligence est forcée -de lutter contre sa propension à la déduction analogique, contre cette -monomanie qui la pousse à vouloir saisir l'infini. Nous avons vu les -lunes tourner autour des planètes; les planètes autour des étoiles; -et l'instinct poétique de l'humanité,--son instinct de la symétrie, -en tant que la symétrie ne soit qu'une symétrie de surface,--cet -instinct, que l'Ame non-seulement de l'Homme mais de tous les êtres -créés, a tiré au commencement de la base géométrique de l'irradiation -universelle,--nous pousse à imaginer une extension sans fin de ce -système de cycles. Fermant également nos yeux à la déduction et à -l'induction, nous nous obstinons à concevoir une révolution de tous -les corps qui composent lu Galaxie autour de quelque globe gigantesque -que nous intitulons pivot central du tout. On se figure chaque groupe, -dans le grand groupe de groupes, pourvu et construit d'une manière -similaire; et en même temps, pour que l'analogie soit complète et -ne fasse défaut en aucun point, on va jusqu'à concevoir tous ces -groupes eux-mêmes comme tournant autour de quelque sphère encore -plus auguste;--cette dernière à son tour, avec tous les groupes qui -lui forment une ceinture, on croit qu'elle n'est qu'un des membres -d'une série encore plus magnifique d'agglomérations, évoluant autour -d'un autre globe qui lui sert de centre,--quelque globe encore plus -ineffablement sublime, quelque globe, disons mieux, d'une infinie -sublimité, incessamment multipliée par l'infiniment sublime. Telles -sont les conditions, continuées à perpétuité, que la tyrannie d'une -fausse analogie impose à l'Imagination et que la Raison est invitée -à contempler, sans se montrer, s'il est possible, trop mécontente du -tableau. Tel est, en général, le système d'interminables révolutions -s'engendrant les unes les autres, que la Philosophie nous a habitués à -comprendre et à expliquer, en s'y prenant du moins aussi adroitement -qu'elle a pu. De temps à autre cependant, un véritable philosophe, dont -la frénésie prend un tour très-déterminé, dont le génie, pour parler -plus honnêtement, a, comme les blanchisseuses, l'habitude fortement -prononcée de ne couler les choses qu'à la douzaine, nous fait voir -le point précis, qui avait été perdu de vue, où s'arrête et où doit -nécessairement s'arrêter cette série de révolutions. - -Les rêveries de Fourier ne valent peut-être pas la peine que nous nous -en moquions;--mais on a beaucoup parlé, dans ces derniers temps, de -l'hypothèse de Madler,--à savoir qu'il existe, au centre de la Galaxie, -un globe prodigieux, autour duquel tournent tous les systèmes du -groupe. La période de révolution pour notre propre système a même été -évaluée à 117 millions d'années. - -On a longtemps soupçonné que notre Soleil opérait un mouvement dans -l'espace, indépendamment de sa rotation, et une révolution autour du -centre de gravité du système. Ce mouvement, en admettant qu'il existe, -devrait se manifester par la perspective. Les étoiles, dans cette -partie du firmament que nous sommes censés avoir laissée derrière -nous, devraient, pendant une longue série d'années, s'accumuler en -foule; celles comprises dans le côté opposé devraient avoir l'air de -s'éparpiller. Or, par l'histoire de l'Astronomie, nous apprenons d'une -manière vague que quelques-uns de ces phénomènes se sont manifestés. -A ce sujet on a déclaré que notre système se mouvait vers un point -du ciel diamétralement opposé à l'étoile Zêta Herculis;--mais c'est -là peut-être le maximum de ce que nous avons logiquement le droit de -conclure en cette matière. Madler, néanmoins, est allé jusqu'à désigner -une étoile particulière,--Alcyone, l'une des Pléiades,--comme marquant -juste, ou à peu de chose près, le point autour duquel s'accomplirait -une révolution générale. - -Or, puisque c'est _l'analogie_ qui nous a tout d'abord entraînés vers -ces rêves, il est naturel et convenable de nous servir de la même -analogie pour en poursuivre le développement; et cette analogie qui -nous a suggéré l'idée de révolution nous suggère en même temps l'idée -d'un vaste globe central autour duquel elle devrait s'accomplir; ---jusque-là le raisonnement de l'astronome est logique. Dynamiquement, -il faudrait toutefois que cet astre central fût plus gros que tous -les astres réunis qui l'entourent. Or, ils sont au nombre de 100 -millions environ. «Pourquoi donc», a-t-on demandé très-naturellement, -«ne voyons-nous pas ce vaste soleil central, au moins égal par sa -masse à 100 millions de soleils semblables au notre? Pourquoi ne le -voyons-nous pas, _nous_ particulièrement, qui occupons la région -moyenne du groupe,--le lieu même près duquel, en tout cas, doit être -situé cet astre incomparable?» On répondit prestement: «Il faut qu'il -soit non lumineux comme sont nos planètes.» Ici, pour s'accommoder -au but, l'analogie se laissait torturer. On pouvait dire: «Nous -savons qu'il existe positivement des soleils non lumineux, mais non -pas dans de telles conditions.» Il est vrai que nous avons quelque -raison d'en supposer de tels, mais nous n'avons certainement aucune -raison pour supposer qu'il y a des soleils non lumineux entourés -de soleils lumineux, ces derniers étant à leur tour environnés de -planètes non lumineuses; tout cela est précisément ce dont Madler est -sommé de trouver l'analogue dans les cieux; car il imagine tout cela -justement à propos de la Galaxie. En admettant que la chose soit telle -qu'il le dit, nous ne pouvons nous empêcher de penser combien cette -question: «Pourquoi les choses sont-elles ainsi?» serait cruellement -embarrassante pour les philosophes _à priori._ - -Mais si, en dépit de l'analogie et de toute autre raison, nous -reconnaissons la non-luminosité de ce grand astre central, nous -pouvons toujours demander comment ce globe si énorme n'est pas rendu -visible, grâce à cette effusion de lumière versée sur lui par les -100 millions de splendides soleils qui brillent dans tous les sens -autour de lui. Devant cette embarrassante question, l'idée d'un soleil -central positivement solide semble avoir été jusqu'à un certain point -abandonnée; et l'esprit spéculatif s'est contenté d'affirmer que les -systèmes du groupe accomplissaient leurs révolutions autour d'un -centre immatériel de gravité qui leur était commun à tous. Ici encore, -l'analogie a fait fausse route, pour se prêter à une théorie. Les -planètes de notre système tournent, il est vrai, autour d'un centre -commun de gravité; mais elles agissent ainsi conjointement avec un -soleil matériel qui les entraîne, et dont la masse fait plus que -contre-balancer le reste du système. - -La circonférence mathématique est une courbe composée d'une infinité de -lignes droites. Mais cette idée de la circonférence, idée qui, au point -de vue de toute la géométrie ordinaire, n'en est que l'idée purement -mathématique, mise en opposition de l'idée pratique, est aussi, en -stricte réalité, la seule conception pratique que nous puissions -façonner à notre usage pour l'intelligence de cette circonférence -majestueuse à laquelle nous avons affaire, au moins en imagination, -quand nous supposons notre système tournant autour d'un point situé -au centre de la Galaxie. Que l'imagination la plus vigoureuse essaye -seulement de faire un pas, un seul, vers la compréhension d'une courbe -aussi inexprimable! Sans commettre un paradoxe, on pourrait dire -qu'un éclair même, qui suivrait éternellement la circonférence de cet -inexprimable cercle, ne ferait que parcourir éternellement une ligne -droite. Qu'en décrivant une telle orbite, notre Soleil pût selon une -appréciation humaine, dévier de la ligne droite à un degré quelconque, -si petit qu'on le suppose, c'est là une idée inadmissible; cependant -nous sommes priés de croire qu'une courbure est devenue apparente -pendant la très-courte période de notre histoire astronomique, durant -ce simple point, durant ce parfait néant de deux ou trois mille ans. - -On pourrait dire que Madler a réellement vérifié une courbure dans -le sens de la marche, maintenant bien tracée, de notre système à -travers l'Espace. Admettant, s'il le faut, que ce fait soit réel, je -maintiens qu'il n'y a dans ce cas, qu'un seul fait démontré, c'est -la réalité d'une courbure. Pour l'_entière_ vérification du fait, -il faudrait des siècles, et quand même elle serait faite, elle ne -servirait qu'à indiquer un rapport binaire ou tout autre rapport -multiple quelconque entre notre Soleil et une ou plusieurs des étoiles -les plus rapprochées. Quoi qu'il en soit, je ne hasarde rien en -prédisant qu'après une période de plusieurs siècles, tous les efforts -pour déterminer la marche de notre Soleil à travers l'Espace seront -abandonnés comme vains et inutiles. Cela est facile à concevoir quand -nous considérons l'infinité de perturbations que cette marche doit -subir, par suite du changement perpétuel des rapports du Soleil avec -les autres astres, pendant ce rapprochement simultané de tous vers le -noyau de la Galaxie. - -Mais, en examinant d'autres nébuleuses que la Voie Lactée, en -considérant dans leur généralité les groupes dont est parsemé le -firmament, trouvons-nous, oui ou non, une confirmation de l'hypothèse -de Madler? _Nous ne la trouvons pas._ Les formes des groupes sont -excessivement variées quand on les regarde accidentellement; mais par -un examen plus minutieux, à travers de puissants télescopes, nous -reconnaissons très-distinctement que la sphère est la forme dont ils se -rapprochent le plus,--leur constitution étant en général en désaccord -avec l'idée d'une révolution autour d'un centre commun. - -«Il est difficile, dit sir John Herschell,--de former une conception -quelconque de l'état dynamique de tels systèmes. D'un côté, sans un -mouvement rotatoire et une force centrifuge, il est presque impossible -de ne pas les considérer comme soumis à une condition de _rapprochement -progressif;_ d'un autre côté, en admettant un tel mouvement et une -telle force, nous ne trouvons pas moins difficile de concilier leurs -formes avec la rotation de tout le système (il veut dire groupe) autour -d'un seul axe, sans lequel une collision intérieure nous apparaît comme -chose inévitable.» - -Quelques observations sur les _nébuleuses,_ récemment faites par le -Docteur Nichol, quoique faites à un point de vue cosmique absolument -différent de tous ceux adoptés dans le présent Discours, s'appliquent -d'une manière très-particulière au point qui est actuellement en -question. Il dit: - -«Quand nous dirigeons sur les nébuleuses nos plus grands télescopes, -nous voyons que celles que nous avions d'abord considérées comme -irrégulières ne le sont réellement pas; elles se rapprochent plutôt -de la forme d'un globe. Il y en a une qui semblait ovale; mais le -télescope de lord Rosse l'a transformée pour nous en un cercle... -Or, il se présente une très-remarquable circonstance relativement à -ces masses circulaires de nébuleuses qui semblent, par comparaison, -douées de mouvement. Nous découvrons qu'elles ne sont pas absolument -circulaires, mais que, bien au contraire, tout autour d'elles et de -tous côtés, il y a des colonnes d'étoiles, _qui semblent s'étendre au -loin comme si elles se précipitaient vers une grande masse centrale en -vertu de quelque énorme puissance_[1].» - -Si j'avais à décrire, à ma guise, la condition actuelle nécessaire -des nébuleuses, dans l'hypothèse, suggérée par moi, que toute matière -s'achemine vers l'Unité originelle, je copierais simplement, et presque -mot à mot, le langage qu'a employé le Docteur Nichol sans soupçonner le -moins du monde cette prodigieuse vérité, qui est la clef de tous les -phénomènes relatifs aux nébuleuses. - -Et qu'il me soit permis ici de fortifier ma position par le témoignage -de quelqu'un qui est plus grand que Madler,--de quelqu'un pour -qui toutes les données de Madler étaient depuis longtemps choses -familières, soigneusement et entièrement examinées. Relativement aux -calculs minutieux d'Argelander, lesquels forment la base de l'idée de -Madler, Humboldt, dont la faculté généralisatrice n'a peut-être jamais -été égalée, fait l'observation suivante: - -«Quand nous considérons le mouvement propre, réel et non perspectif -des étoiles, _nous voyons plusieurs groupes marchant dans des -directions opposées;_ et les données que nous avons acquises jusqu'à -présent ne nous forcent pas à imaginer que les systèmes composant -la Voie Lactée, ou les groupes composant généralement l'Univers, -tournent autour de quelque centre inconnu, lumineux ou non lumineux. -Ce n'est que le désir propre à l'Homme de posséder une Cause Première -fondamentale, qui persuade à son intelligence et à son imagination -d'adopter une telle hypothèse.» - -Le phénomène dont il est ici question, c'est-à-dire de _plusieurs -groupes se dirigeant dans des sens opposés,_ est tout à fait -inexplicable dans l'hypothèse de Madler, mais surgit comme conséquence -nécessaire de l'idée qui forme la base de ce Discours. En même temps -que la direction purement générale de chaque atome, de chaque lune, -planète, étoile ou groupe, serait, dans mon hypothèse, absolument -rectiligne; en même temps que la route générale suivie par tous -les corps serait une ligne droite conduisant au centre de tout, il -est clair que cette direction rectiligne serait composée de ce que -nous pouvons appeler, sans exagération, une infinité de courbes -particulières, résultat des différences continuelles de position -relative parmi ces masses innombrables, à mesure que chacune progresse -dans son pèlerinage vers l'Unité finale. - -Je citais tout à l'heure le passage suivant de sir John Herschell, -appliqué aux groupes: «D'un côté, sans un mouvement rotatoire et une -force centrifuge, il est presque impossible de ne pas les considérer -comme soumis à une condition de _rapprochement progressif.»_ Le fait -est qu'en examinant les nébuleuses avec un télescope très-puissant, -il est absolument impossible, quand une fois on a conçu cette idée de -rapprochement, de ne pas ramasser de tous les côtés des témoignages -qui la confirment. Il y a toujours un noyau apparent dans la direction -duquel les étoiles semblent se précipiter, et ces noyaux ne peuvent pas -être pris pour de purs phénomènes de perspective;--les groupes sont -réellement plus denses vers le centre, plus clairs vers les régions -extrêmes. En un mot, nous voyons toutes choses comme nous les verrions -si un rapprochement universel avait lieu; mais, en général, je crois -que s'il est naturel, quand nous examinons ces groupes, d'accueillir -_l'idée d'un mouvement orbitaire autour d'un centre,_ ce n'est qu'à -la condition d'admettre l'existence _possible,_ dans les domaines -lointains de l'espace, de lois dynamiques qui nous seraient totalement -inconnues. - -De la part d'Herschell, il y a évidemment répugnance à supposer que les -nébuleuses soient dans un état de rapprochement progressif. Mais si les -faits, si même les apparences justifient cette supposition, pourquoi, -demandera-t-on peut-être, répugne-t-il à l'admettre? Simplement à cause -d'un préjugé; simplement parce que cette supposition contredit une idée -préconçue et absolument sans base,--celle de l'étendue infinie et de -l'éternelle stabilité de l'Univers. - - -[Footnote 1: On doit comprendre que ce que je nie spécialement dans -l'Hypothèse de Madler, c'est la partie qui concerne le mouvement -circulaire. S'il n'existe pas _maintenant_ dans notre groupe un grand -globe central, naturellement il en existera un plus tard. Dans quelque -temps qu'il existe, il sera simplement le _noyau_ de la consolidation.] - - - -XIV - - -Si les propositions de ce Discours sont logiquement déduites, cette -_condition de rapprochement progressif_ est précisément la seule dans -laquelle nous puissions légitimement considérer toutes les choses de -la création; et je confesse ici, avec une parfaite humilité, que, -pour ma part, il m'est impossible de comprendre comment toute autre -interprétation de la condition actuelle des choses a jamais pu se -glisser dans un cerveau humain. _La tendance au rapprochement_ et -_l'attraction de la gravitation_ sont deux termes réciproquement -convertibles. En nous servant de l'un ou de l'autre, nous voulons -parler de la réaction de l'Acte primordial. 11 ne fut jamais rien -de si inutile que de supposer la Matière pénétrée d'une qualité -indestructible faisant partie de son essence,--qualité ou instinct à -jamais inséparable d'elle, principe inaliénable en vertu duquel chaque -atome est perpétuellement poussé à rechercher l'atome son semblable. -Jamais il n'y eut rien de moins nécessaire que d'adopter cette idée -anti-philosophique. Allant au delà de la pensée vulgaire, il faut que -nous comprenions, métaphysiquement, que le principe de la gravitation -n'appartient à la matière que _temporairement,_ pendant qu'elle est -éparpillée;--pendant qu'elle existe sous la forme de la Pluralité au -lieu d'exister sous celle de l'Unité;--lui appartient seulement en -vertu de son état d'irradiation;--appartient, en un mot, non pas à la -Matière elle-même le moins du monde, mais uniquement à la _condition_ -actuelle où elle se trouve. D'après cette idée, quand l'irradiation -sera retournée vers sa source,--quand la réaction sera devenue -complète,--le principe de la gravitation aura cessé d'exister. Et, en -fait, bien que les astronomes ne soient jamais arrivés à l'idée que -nous émettons ici, il semble toutefois qu'ils s'en soient rapprochés -en affirmant que _s'il n'y avait qu'un seul corps dans l'Univers, il -serait impossible de comprendre comment le principe de la gravitation -pourrait s'établir;_ c'est-à-dire qu'en considérant la matière telle -qu'elle se présente à leurs yeux, ils en tirent la conclusion à -laquelle je suis arrivé par voie de déduction. Qu'une suggestion aussi -féconde soit restée si longtemps sans porter ses fruits, c'est là un -mystère que je ne saurais approfondir. - -C'est peut-être, en grande partie, notre tendance naturelle vers -l'idée de perpétuité, vers l'analogie; et plus particulièrement, dans -le cas présent, vers la symétrie, qui nous a entraînés dans une fausse -route. En réalité, le sentiment de la symétrie est un instinct qui -repose sur une confiance presque aveugle. C'est l'essence poétique de -l'Univers, de cet Univers qui, dans la perfection de sa symétrie, est -simplement le plus sublime des poëmes. Or, symétrie et consistance sont -des termes réciproquement convertibles; ainsi la Poésie et la Vérité ne -font qu'un. Une chose est consistante en raison de sa vérité,--vraie -en raison de sa consistance. _Une parfaite consistance, je le répète, -ne peut être qu'une absolue vérité._ Nous admettrons donc que l'Homme -ne peut pas rester longtemps dans l'erreur, ni se tromper de beaucoup, -s'il se laisse guider par son instinct poétique, instinct de symétrie, -et conséquemment véridique, comme je l'ai affirmé. Cependant il doit -prendre garde qu'en poursuivant à l'étourdie une symétrie superficielle -de formes et de mouvements, il ne perde de vue la réelle et essentielle -symétrie des principes qui les déterminent et les gouvernent. - -Que tous les corps stellaires doivent finalement se fondre en un -seul, que toutes choses doivent enfin grossir la substance _d'un -prodigieux globe central déjà existant,--_c'est là une idée qui, -depuis quelque temps déjà, semble d'une manière vague, indéterminée, -avoir pris possession de l'imagination humaine. De fait, cette idée -appartient à la classe des choses _excessivement évidentes._ Elle naît -instantanément de l'observation, même superficielle, des mouvements -circulaires et en apparence _giratoires_ ou _tourbillonnants_ de -ces portions de l'Univers qui, très-rapprochées de nous, s'offrent -immédiatement à notre attention. Il n'existe peut-être pas un seul -homme, d'une éducation ordinaire et d'une faculté de méditation -moyenne, à qui, dans une certaine mesure, l'idée en question ne -se soit présentée, comme spontanée, instinctive, et portant tout -le caractère d'une conception profonde et originale. Toutefois, -cette conception, si généralement répandue, n'est jamais née, à ma -connaissance, du moins, d'une série de considérations abstraites. Au -contraire, elle a toujours été suggérée, comme je l'ai dit, par les -mouvements tourbillonnant autour des centres, et c'est dans le même -ordre de faits, c'est-à-dire dans ces mêmes mouvements circulaires, que -naturellement on a cherché une raison qui expliquât cette idée, une -_cause_ qui pût amener cette agglomération de tous les globes en un -seul, _lequel était déjà supposé existant._ - -Ainsi quand on proclama la diminution, progressive et régulière, -observée dans l'orbite de la comète d'Encke, à chacune de ses -révolutions autour de notre Soleil, les astronomes furent presque -unanimes pour dire que la cause en question était trouvée,--qu'un -principe était découvert, suffisant pour expliquer, physiquement, -cette finale et universelle agglomération, à laquelle, déterminé par -son instinct analogique, symétrique ou poétique, l'homme avait donné -créance plus qu'à une simple hypothèse. - -On affirma que cette cause, cette raison suffisante de l'agglomération -finale, existait dans un agent intermédiaire, excessivement rare, -mais cependant matériel, qui pénétrait tout l'espace; lequel, en -retardant la marche de la comète, affaiblissait perpétuellement sa -force tangentielle et augmentait en même temps la force centripète, qui -naturellement rapprochait davantage la comète à chaque révolution et -devait finalement la précipiter sur le Soleil. - -Tout cela était strictement logique, une fois qu'on avait admis ce -médium ou cet éther; mais il n'y avait aucune raison d'admettre -l'éther, si ce n'est qu'on n'avait pu découvrir aucun autre moyen -d'expliquer la diminution observée dans l'orbite de la comète;--comme -si de l'impossibilité de trouver un autre mode d'explication il -s'ensuivait qu'il n'en existât réellement pas d'autre. Il est clair -que d'innombrables causes combinées pouvaient amener la diminution -de l'orbite, sans que nous pussions même en découvrir une seule. -D'ailleurs, on n'avait jamais bien démontré pourquoi le retard -occasionné par les bords extrêmes de l'atmosphère du Soleil, à travers -lesquels la comète passe à son périhélie, ne suffît pas pour expliquer -le phénomène. Que la comète d'Encke sera absorbée par le Soleil, c'est -probable; que toutes les comètes du système seront absorbées, c'est -plus que possible; mais, dans un tel cas, le principe de l'absorption -doit être cherché dans l'excentricité de l'orbite des comètes et dans -leur rapprochement extrême du Soleil à leur périhélie; et ce n'est pas -un principe qui puisse affecter les lourdes et solides _sphères_ qui -doivent être considérées comme les vrais matériaux constituants de -l'Univers. Relativement aux comètes en général, permettez-moi de dire -en passant que nous avons le droit de les considérer comme les _éclairs -du Ciel cosmique._ - -L'idée d'un éther ralentissant et servant à amener l'agglomération -finale de toutes choses nous a semblé une seule fois confirmée par -une diminution positive observée dans l'orbite de la lune. Si nous en -référons aux éclipses enregistrées il y a 2,500 ans, nous voyons que -la vélocité de la révolution du satellite était alors bien moindre -qu'elle n'est aujourd'hui et que, en supposant que son mouvement dans -son orbite soit en accord constant avec la loi de Kepler, et ait été -alors, il y a 2,500 ans, soigneusement déterminé, elle est aujourd'hui, -relativement à la position qu'elle devrait occuper, en avance de 9,000 -milles environ. L'accroissement de vélocité prouvait, naturellement, -une diminution de l'orbite, et les astronomes inclinaient fortement à -croire à l'existence d'un éther, quand Lagrange vint à la rescousse. -Il démontra que, grâce à la configuration des sphéroïdes, le petit axe -de leur ellipse est sujet à varier de longueur, tandis que le grand -axe reste le même, et que cette variation est continue et vibratoire, -de sorte que chaque orbite est dans un état de transition, soit du -cercle à l'ellipse, soit de l'ellipse au cercle. Le petit axe de la -lune étant dans sa période de décroissance, l'orbite passe du cercle -à l'ellipse et, conséquemment, décroît aussi; mais, après une longue -série de siècles, l'excentricité extrême sera atteinte; alors le petit -axe commencera à augmenter jusqu'à ce que l'orbite se transforme en un -cercle; puis la période de raccourcissement aura lieu de nouveau,--et -ainsi de suite à tour de rôle. Dans le cas de la Terre, l'orbite va -se transformant d'ellipse en cercle. Les faits ainsi démontrés ont -naturellement détruit la prétendue nécessité de supposer un éther et -toute appréhension relative à l'instabilité du système, laquelle était -attribuée à l'éther. - -On se souvient que j'ai moi-même supposé quelque chose d'analogue et -que nous pouvons appeler un éther. J'ai parlé d'une _influence_ subtile -accompagnant partout la matière, bien qu'elle ne se manifeste que par -l'hétérogénéité de la matière. A cette _influence,_ dont je ne veux -ni ne puis en aucune façon définir la mystérieuse et terrible nature, -j'ai attribué les phénomènes variés d'électricité, de chaleur, de -magnétisme, et même de vitalité, de conscience et de pensée,--en un -mot, de spiritualité. On voit tout de suite que l'éther, compris de -cette façon, est radicalement distinct de l'éther des astronomes; le -leur est _matière_ et le mien ne l'est pas. - -L'abolition de l'éther matériel semble impliquer aussi la disparition -absolue de cette idée d'agglomération universelle, si longtemps -préconçue par l'imagination poétique de l'humanité;--agglomération à -laquelle une sage Philosophie aurait pu légitimement prêter créance, -au moins jusqu'à un certain point, si elle avait été préconçue -uniquement par cette imagination poétique, sans aucune autre raison -déterminante. Mais, jusqu'à présent, l'Astronomie et la Physique n'ont -rien su trouver qui permette d'assigner une fin à l'Univers. Quand même -on eût pu, par une cause aussi accessoire et indirecte que l'éther, -démontrer cette fin, l'instinct qui révèle à l'Homme la Puissance -Divine d'adaptation se serait révolté contre cette démonstration. -Nous eussions été forcés de regarder l'Univers avec ce sentiment -d'insatisfaction que nous éprouvons en contemplant un ouvrage d'art -humain inutilement compliqué. La création nous aurait affectés comme -un plan imparfait dans un roman, où le dénouement est gauchement -amené par l'interposition d'incidents externes et étrangers au sujet -principal, au lieu de jaillir du fond même du thème,--du cœur de -l'idée dominante;--au lieu de naître comme résultat de la proposition -première, comme partie intégrante, inséparable et inévitable, de la -conception fondamentale du livre. - -On comprendra maintenant plus clairement ce que j'entends par symétrie -purement superficielle. C'est simplement la séduction de cette symétrie -qui nous a induits à accepter cette idée générale dont l'hypothèse de -Madler n'est qu'une partie,--l'idée de l'attraction tourbillonnante -des globes. Si nous écartons cette conception trop crûment physique, -la véritable symétrie de principe nous fait voir la fin de toutes -choses métaphysiquement impliquée dans l'idée d'un commencement, -nous fait chercher et trouver dans cette origine de toutes choses -les _rudiments_ de cette fin, et enfin concevoir l'impiété qu'il y -aurait à supposer que cette fin pût être amenée moins simplement, -moins directement, moins clairement, moins artistiquement que par _la -réaction de l'Acte originel et créateur._ - - - -XV - - -Remontons donc vers une de nos suggestions antécédentes et concevons -les systèmes, concevons chaque soleil, avec ses planètes-satellites, -comme un simple atome titanique existant dans l'espace avec la -même inclination vers l'Unité, qui caractérisait, au commencement, -les véritables atomes après leur irradiation à travers la Sphère -universelle. De même que ces atomes originels se précipitaient -l'un vers l'autre selon des lignes généralement droites, de même -nous pouvons concevoir comme généralement rectilignes les chemins -qui conduisent les systèmes-atomes vers leurs centres respectifs -d'aggrégation;--et dans cette attraction directe, qui rassemble les -systèmes en groupes, et dans celle, analogue et simultanée, qui -rassemble les groupes eux-mêmes, à mesure que s'opère la consolidation, -nous trouvons enfin le grand Maintenant,--le terrible Présent,--la -condition actuellement existante de l'Univers. - -Une analogie rationnelle peut nous aider à former une hypothèse -relativement à l'Avenir, encore plus effrayant. L'équilibre entre -les forces, centripète et centrifuge, de chaque système, étant -nécessairement détruit quand il arrive à se rapprocher, jusqu'à un -certain point, du noyau du groupe auquel il appartient, il en doit -résulter, un jour, une précipitation chaotique, ou telle en apparence, -des lunes sur les planètes, des planètes sur les soleils, et des -soleils sur les noyaux; et le résultat général de cette précipitation -doit être l'agglomération des myriades d'étoiles, existant actuellement -dans le firmament, en un nombre presque infiniment moindre de sphères -presque infiniment plus vastes. En devenant immensément moins nombreux, -les mondes de cette époque seront devenus immensément plus gros que -ceux de la notre. Alors, parmi d'incommensurables abîmes, brilleront -des soleils inimaginables. Mais tout cela ne sera qu'une magnificence -climatérique présageant la grande Fin. La nouvelle genèse indiquée ne -peut être qu'une des étapes vers cette Fin, un des ajournements encore -nombreux. Par ce travail d'agglomération, les groupes eux-mêmes, avec -une vitesse effroyablement croissante, se sont précipités vers leur -centre général,--et bientôt, avec une vélocité mille fois plus grande, -une vélocité électrique, proportionnée à leur grosseur matérielle et à -la véhémence spirituelle de leur appétit pour l'Unité, les majestueux -survivants de la race des Étoiles s'élancent enfin dans un commun -embrassement. Nous touchons enfin à la catastrophe inévitable. - -Mais cette catastrophe, quelle peut-elle être? Nous avons vu -s'accomplir la conglomération, la moisson des mondes. Désormais, -devrons-nous considérer ce _globe des globes,_ ce _globe matériel -unique,_ comme constituant et remplissant l'Univers? Une telle idée -serait en contradiction complète avec toutes les propositions émises -dans ce Discours. - -J'ai déjà parlé de cette absolue _réciprocité d'adaptation_ qui est -la grande caractéristique de l'Art divin,--qui est la signature -divine. Arrivé à ce point de nos réflexions, nous avons regardé -l'influence électrique comme une force répulsive qui seule rendait -la Matière capable d'exister dans cet état de diffusion nécessaire -à l'accomplissement de ses destinées;--là, en un mot, nous avons -considéré l'influence en question comme instituée pour le salut -de la Matière, pour sauvegarder les buts de toute matérialité. -Réciproquement, il nous est permis de considérer la Matière comme -créée seulement _pour le salut de cette influence,_ uniquement pour -sauvegarder le but et l'objet de cet Éther spirituel. Par le moyen, -par l'intermédiaire, par l'agence de la Matière et par la force de -son hétérogénéité, cet Éther a pu se manifester,--l'Esprit a été -_individualisé._ C'est uniquement dans le développement de cet Éther, -par l'hétérogénéité, que des masses particulières de Matière sont -devenues animées, sensibles, et en proportion de leur hétérogénéité; -quelques-unes atteignant un degré de sensibilité qui implique ce -que nous appelons _Pensée,_ et montant ainsi jusqu'à l'Intelligence -Consciente. - -A ce point de vue, nous pouvons regarder la Matière comme un Moyen, -et non comme une Fin. Son utilité et son but étaient compris dans sa -diffusion, et, avec le retour vers l'Unité, sa destinée est accomplie. -Ce globe des globes absolument consolidé serait sans but et sans objet; -conséquemment il ne pourrait continuer à exister un seul instant. La -Matière, créée dans un but, ne peut incontestablement, ce but étant -rempli, être plus longtemps Matière. Efforçons-nous de comprendre -qu'elle aspire à disparaître, et que Dieu seul doit rester tout entier, -unique et complet. - -Chaque œuvre née de la conception Divine doit coexister et coexpirer -avec le but qui lui est assigné; cela me semble évident, et je ne -doute pas que la plupart de mes lecteurs, en voyant l'_inutilité_ de -ce dernier globe de globes, acceptent ma conclusion: «Donc, il ne peut -pas continuer d'exister.» Cependant, comme l'idée saisissante de sa -disparition instantanée est de nature à ne pas être agréée facilement, -présentée d'une manière aussi radicalement abstraite, par l'esprit -même le plus vigoureux, appliquons-nous à la considérer d'un autre -point de vue un peu plus ordinaire;--examinons comment elle peut être -entièrement et magnifiquement corroborée par une considération _à -posteriori_ de la Matière, telle que nous la voyons actuellement. - -J'ai déjà dit que, «l'Attraction et la Répulsion étant -incontestablement les seules propriétés par lesquelles la Matière se -manifeste à l'Esprit, nous avons le droit de supposer que la Matière -n'existe que comme Attraction et Répulsion;--en d'autres termes, que -l'Attraction et la Répulsion sont Matière; puisqu'il n'existe pas de -cas où nous ne puissions employer, ou le terme Matière, ou, ensemble, -les termes Attraction et Répulsion, comme expressions de logique -équivalentes et conséquemment convertibles.» - -Or, la définition même de l'Attraction implique la particularité, ---l'existence de parties, de particules, d'atomes; car nous la -définissons ainsi: tendance de chaque atome vers chaque autre atome, -selon une certaine loi. Évidemment, là où il n'y a pas de parties, là -est l'absolue Unité; là où la tendance vers l'Unité est satisfaite, il -ne peut plus exister d'Attraction;--ceci a été parfaitement démontré, -et toute la Philosophie l'admet. Donc, quand, son but accompli, la -Matière sera revenue à sa condition première d'Unité,--condition -qui présuppose l'expulsion de l'Éther séparatif, dont la fonction -consiste simplement à maintenir les atomes à part les uns des autres -jusqu'au grand jour où, cet éther n'étant plus nécessaire, la pression -victorieuse de la collective et finale Attraction viendra prédominer -dans la mesure voulue pour l'expulser;--quand, dis-je, la Matière, -excluant l'Éther, sera retournée à l'Unité absolue, la Matière (pour -parler d'une manière paradoxale) existera alors sans Attraction et sans -Répulsion; en d'autres termes, la Matière sans la Matière, ou l'absence -de Matière. En plongeant dans l'Unité, elle plongera en même temps dans -ce _Non-Être_ qui, pour toute Perception Finie, doit être identique à -l'Unité,--dans ce Néant Matériel du fond duquel nous savons qu'elle a -été évoquée,--avec lequel seul elle a été _créée_ par la Volition de -Dieu. - -Je répète donc: Efforçons-nous de comprendre que ce dernier globe, -fait de tous les globes, disparaîtra instantanément, et que Dieu seul -restera, tout entier, suprême résidu des choses. - - - -XVI - - -Mais devons-nous nous arrêter ici? Non pas. De cette universelle -agglomération et de cette dissolution peut résulter, nous le -concevons aisément, une nouvelle série, toute différente peut-être, -de conditions,--une autre création,--une autre irradiation retournant -aussi sur elle-même,--une autre action, avec réaction, de la Volonté -Divine. Soumettons notre imagination à la loi suprême, à la loi des -lois, la loi de périodicité; et nous sommes plus qu'autorisés à -accepter cette croyance, disons plus, à nous complaire dans cette -espérance, que les phénomènes progressifs que nous avons osé contempler -seront renouvelés encore, encore, et éternellement; qu'un nouvel -Univers fera explosion dans l'existence, et s'abîmera à son tour dans -le non-être, à chaque soupir du Cœur de la Divinité. - -Et maintenant, ce Cœur Divin,--quel est-il? _C'est notre propre cœur._ - -Que l'irrévérence apparente de cette idée n'effarouche pas nos âmes -et ne les détourne pas du froid exercice de la conscience,--de cette -profonde tranquillité dans l'analyse de soi-même,--par lesquels -seulement nous pouvons espérer d'arriver jusqu'à la plus sublime des -vérités, et la contempler à loisir, face à face. - -Les phénomènes dont dépendent, à partir de ce point, nos conclusions, -sont des ombres purement spirituelles, mais qui n'en sont pas moins -entièrement substantielles. - -Nous marchons, à travers les destinées de notre existence mondaine, -environnés de Souvenirs, obscurcis mais toujours présents, d'une -Destinée plus vaste,--qui remonte loin, bien loin dans le passé, et qui -est infiniment imposante. - -La Jeunesse que nous vivons est particulièrement hantée par de tels -rêves,--que cependant nous ne prenons jamais pour des rêves. Nous les -_reconnaissons_ comme Souvenirs. Pendant notre jeunesse, nous faisons -trop clairement la distinction pour nous méprendre un seul instant. - -Tant que dure cette Jeunesse, _ce sentiment de notre existence -personnelle_ est le plus naturel de tous les sentiments. Nous le -sentons très-pleinement, entièrement. Qu'il y ait eu une époque _où -nous n'existions pas,--_ou qu'il puisse se faire que nous n'ayons -jamais existé, ce sont là des considérations que, _pendant cette -jeunesse,_ nous ne comprenons que très-difficilement. Pourquoi -nous pouvions ne pas exister, c'est là, _jusqu'à l'époque de notre -Virilité,_ de toutes les questions, celle à laquelle il nous serait -le plus impossible de répondre. L'existence, l'existence personnelle, -l'existence de tout Temps et pour toute l'Éternité, nous semble, -jusqu'à l'époque de notre Virilité, une condition normale et -incontestable;--_cela nous semble, parce que cela est._ - -Mais vient une période pendant laquelle la Raison conventionnelle du -monde nous éveille pour l'erreur et nous arrache à la vérité de nos -rêves. Le Doute, la Surprise et l'Incompréhensibilité arrivent au même -moment. Ils disent: «Vous vivez, et il fut un temps où vous ne viviez -pas. Vous avez été créé. Il existe une Intelligence plus grande que la -vôtre, et c'est seulement grâce à cette Intelligence que vous vivez -tant soit peu.» Nous nous efforçons de comprendre ces choses et nous -ne le pouvons pas;'--nous _ne le pouvons pas,_ parce que ces choses, -n'étant pas vraies, sont nécessairement incompréhensibles. - -Il n'existe pas un être pensant, qui, à un certain point lumineux de -sa vie intellectuelle, ne se soit senti perdu dans un chaos de vains -efforts pour comprendre ou pour croire qu'il existe quelque chose _de -plus grand que son âme personnelle._ L'absolue impossibilité pour une -âme de se sentir inférieure à une autre; l'intense, l'insupportable -malaise et la rébellion qui sont le résultat d'une pareille idée, et -puis les irrépressibles aspirations vers la perfection, ne sont que -les efforts spirituels, coïncidant avec les matériels, pour retourner -à l'Unité primitive,--et constituent, pour mon esprit du moins, une -espèce de preuve, dépassant de beaucoup ce que l'Homme appelle une -démonstration, qu'il n'y a pas d'âme inférieure à une autre,--que rien -n'est et ne peut être supérieur à une âme quelconque,--que chaque -âme est, partiellement, son propre Dieu, son propre Créateur;--en un -mot, que Dieu, le Dieu matériel et spirituel, n'existe maintenant -que dans la Matière diffuse et l'Esprit diffus de l'Univers; et que -la concentration de cette Matière et de cet Esprit pourra seule -reconstituer le Dieu _purement_ Spirituel et Individuel. - -De ce point de vue, et de celui-là seulement, il nous est donné de -comprendre les énigmes de l'Injustice Divine,--de l'Inexorable Destin. -De ce point de vue seul, l'existence du Mal devient intelligible, -mais de ce point de vue, il devient mieux qu'intelligible, il devient -tolerable. Nos âmes ne peuvent plus se révolter contre une _Douleur_ -que nous nous sommes imposée nous-mêmes, pour l'accomplissement de -nos propres desseins,--dans le but, quelquefois futile, d'agrandir le -cercle de notre propre _Joie_. - -J'ai parlé de _Souvenirs_ qui nous hantaient pendant notre jeunesse. -Ils nous poursuivent quelquefois même dans notre Virilité;--ils -prennent graduellement des formes de moins en moins vagues;--de temps à -autre, ils nous parlent à voix basse, et disent: - -«Il fut une époque dans la Nuit du Temps où existait un Être -éternel,--composé d'un nombre absolument infini d'Êtres semblables -qui peuplent l'infini domaine de l'espace infini. Il n'était pas et -il n'est pas au pouvoir de cet Être,--pas plus qu'en ton pouvoir -propre,-d'étendre et d'accroître, d'une quantité positive, la joie -de son Existence; mais, de même qu'il est en ta puissance d'étendre -ou de concentrer tes plaisirs (la somme absolue de bonheur restant -toujours la même), ainsi une faculté analogue a appartenu et appartient -à cet Être Divin, qui ainsi passe son Éternité dans une perpétuelle -alternation du Moi concentré à une Diffusion presque infinie de -Soi-même. Ce que tu appelles l'Univers n'est que l'expansion présente -de son existence. Il sent maintenant sa propre vie par une infinité -de plaisirs imparfaits,--les plaisirs partiels et entremêlés de peine -de ces êtres prodigieusement nombreux que tu nommes ses créatures, -mais qui ne sont réellement que d'innombrables individualisations -de Lui-même. Toutes ces créatures, _toutes,_ celles que tu déclares -sensibles, aussi bien que celles dont tu nies la vie pour la simple -raison que tu ne surprends pas cette vie dans ses opérations,--_toutes_ -ces créatures ont, à un degré plus ou moins vif, la faculté d'éprouver -le plaisir ou la peine;--mais _la somme générale de leurs sensations -est juste le total du Bonheur qui appartient de droit à l'Être Divin -quand il est concentré en Lui-même._ Toutes ces créatures sont aussi -des Intelligences plus ou moins conscientes; conscientes, d'abord, -de leur propre identité; conscientes ensuite, par faibles éclairs, -de leur identité avec l'Être Divin dont nous parlons,--de leur -identité avec Dieu. De ces deux espèces de consciences, suppose que la -première s'affaiblisse graduellement, et que la seconde se fortifie, -pendant la longue succession des siècles qui doivent s'écouler avant -que ces myriades d'Intelligences individuelles s'effacent et se -confondent,--en même temps que les brillantes étoiles,--en Une seule -suprême. Imagine que le sens de l'identité individuelle se noie peu à -peu dans la conscience générale,--que l'Homme, par exemple, cessant, -par gradations imperceptibles, de se sentir Homme, atteigne à la longue -cette triomphante et imposante époque où il reconnaîtra dans sa propre -existence celle de Jéhovah. En même temps, souviens-toi que tout est -Vie,--que tout est la Vie,--la Vie dans la Vie,--la moindre dans la -plus grande, et toutes dans l'Esprit de Dieu.» - - - -NOTE DU TRADUCTEUR - - -_Les dernières pages du livre indiquent au lecteur le sens qu'il doit -attribuer au mot_ Vie Éternelle, _qui est employé dans les dernières -lignes de la préface._ - -_Le mot est pris dans un sens panthéistique, et non pas dans le sens -religieux qu'il comporte généralement. La_ Vie éternelle _signife donc -ici:_ la série indéterminée des existences de Dieu, soit à l'état de -concentration, soit à l'état de dissémination. - - - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Eureka, by Edgar Allan Poe - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK EUREKA *** - -***** This file should be named 55175-0.txt or 55175-0.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/5/1/7/55175/ - -Produced by Marc D'Hooghe at Free Literature (online soon -in an extended version, also linking to free sources for -education worldwide ... MOOC's, educational materials,...) -Images generously made available by Gallica, Bibliothèque -nationale de France.) - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, -and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive -specific permission. If you do not charge anything for copies of this -eBook, complying with the rules is very easy. 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By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all -the terms of this agreement, you must cease using and return or -destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your -possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a -Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound -by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the -person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph -1.E.8. - -1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be -used on or associated in any way with an electronic work by people who -agree to be bound by the terms of this agreement. 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms of -the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - -Title: Eureka - -Author: Edgar Allan Poe - -Translator: Charles Baudelaire - -Release Date: July 23, 2017 [EBook #55175] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK EUREKA *** - - - - -Produced by Marc D'Hooghe at Free Literature (online soon -in an extended version, also linking to free sources for -education worldwide ... MOOC's, educational materials,...) -Images generously made available by Gallica, Bibliothèque -nationale de France.) - - - - - - -</pre> - -<div class="figcenter" style="width: 500px;"> -<img src="images/cover.jpg" width="500" alt="" /> -</div> - -<h1>EUREKA</h1> - -<h3>PAR</h3> - -<h2>EDGAR POE</h2> - -<h4>Traduit par</h4> - -<h4>CHARLES BAUDELAIRE</h4> - -<h5>PARIS</h5> - -<h5>MICHEL LÉVY, FRÈRES, LIBRAIRES ÉDITEUR</h5> - -<h5>RUE VIVIENNE, 2 BIS, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15</h5> - -<h5>A LA LIBRAIRIE NOUVELLE</h5> - -<h5>1864</h5> - -<hr class="full" /> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_1" id="Page_1">[p. 1]</a></span></p> - -<p><a href="#TABLE">Table</a></p> - - -<h5><a name="EXTRAIT_DE_LA_BIOGRAPHIE" id="EXTRAIT_DE_LA_BIOGRAPHIE">EXTRAIT DE LA BIOGRAPHIE</a></h5> - -<h4>D'EDGAR POE</h4> - -<h5>PAR RUFUS GRISWOLD.</h5> - -<p>......................................</p> - -<p>Pendant près d'un an, M. Poe ne se manifesta que rarement au public; -mais il était peut-être plus actif qu'il n'avait été en aucun temps; -et, au commencement de 1848, il fit annoncer son intention de donner -quelques <i>lectures,</i> dans le but de gagner une somme d'argent -suffisante pour fonder ce fameux <i>magazine</i> mensuel qu'il rêvait depuis -si longtemps. Sa première <i>lecture,</i> qui fut aussi la seule qu'il -donna à cette époque, eut lieu à la <i>Society Library,</i> à New-York, le -9 février, et avait pour sujet la Cosmogonie Universelle; elle fut -écoutée par un auditoire éminemment intellectuel, et occupa environ -deux heures et demie. C'était ce qu'il publia plus tard sous ce titre: -<i>Eureka, poëme en prose.</i></p> - -<p>Il avait employé dans la composition de cet ouvrage ses plus subtiles -et ses plus hautes facultés, dans leur plus parfait développement. -Commençant par nier que les arcanes de l'univers puissent être explorés -par la pure induction, mais armant son imagination des divers résultats -de la science, il entra avec une hardiesse imperturbée,—quoique sans -aucun autre guide que l'instinct divin, que ce sens de beauté où notre -grand Edwards prétend retrouver l'épanouissement de toute vérité,—dans -l'océan de la spéculation, et il y bâtit, avec les lois concordantes et -leurs phénomènes, sa théorie de la Nature, comme sous l'influence d'une -inspiration scientifique. Je n'entreprendrai pas la<span class="pagenum"><a name="Page_2" id="Page_2">[p. 2]</a></span> tâche difficile -de condenser ici ses propositions. «La Loi,—dit-il,—que nous nommons -<i>Gravitation,</i> existe en raison de ce que la Matière a été, à son -origine, irradiée atomiquement, dans une sphère <i>limitée</i> d'espace, -d'une Particule Propre, unique, individuelle, inconditionnelle, -indépendante et absolue, selon le seul mode qui pouvait satisfaire à la -fois aux deux conditions d'irradiation et de distribution généralement -égales à travers la sphère,—c'est-à-dire par une force variant en -proportion directe des carrés des distances comprises entre chacun des -atomes irradiés et le centre spécial d'Irradiation.»</p> - -<p>Poe était entièrement persuadé qu'il avait découvert le grand secret; -que les propositions <i>d'Eureka</i> étaient vraies; il avait coutume -de parler de ce sujet avec un enthousiasme sublime et électrisant, -que n'ont pu oublier ceux qui étaient liés avec lui à l'époque de -sa publication. Il sentait qu'un auteur, connu seulement par ses -aventures dans la littérature légère, jetant le gant aux docteurs de -la science, ne pouvait s'attendre à une complète équité, et [qu'il] -n'avait d'espoir que dans des discussions présidées par la sagesse -et la bonne foi. Comme il me rencontrait, il me dit: «Avez-vous lu -<i>Eureka</i>?» Je lui répondis: «Pas encore; tout à l'heure je jetais -un coup d'œil sur le compte rendu qu'en a fait Willis, qui pense -que l'ouvrage ne contient pas plus de réalité que d'imagination, -et je vois avec peine,—si la chose est vraie,—qu'il insinue -qu'<i>Eureka</i> ressemble par le ton à ce ramas de prétendues et surannées -hypothèses, à l'adresse des rêveurs novices, qui s'appelle <i>les -Vestiges de la Création;</i> et notre excellent et sage ami Bush, que -vous reconnaîtrez sans doute, parmi tous les professeurs, pour -l'esprit le plus habituellement équitable, pense que, bien que vous -ayez en effet conjecturé avec beaucoup de sagacité, il ne serait -cependant pas malaisé d'entraver par maintes difficultés la marche -de votre doctrine.»—«Il n'est pas du tout généreux,—me répliqua -Poe,—d'insinuer qu'il y a des difficultés et de ne pas expliquer de -quelles difficultés il s'agit. Je réclame moi-même une vérification de -toutes les propositions du livre. Je nie qu'il y ait une difficulté -quelconque au-devant de laquelle je ne sois pas allé et que je n'aie -surmontée.</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_3" id="Page_3">[p. 3]</a></span></p> - -<p>On me fait outrage par l'application du mot <i>conjecturer. Rien</i> n'a été -gratuitement supposé par moi, et <i>tout</i> a été prouvé.»</p> - -<p>Dans sa préface, il disait: «A ceux-là, si rares, qui m'aiment et que -j'aime; à ceux qui sentent plutôt qu'à ceux qui pensent; aux rêveurs -et à ceux qui ont mis leur foi dans les rêves comme dans les seules -réalités, j'offre ce livre de Vérités, non pas seulement pour son -caractère Véridique, mais à cause de la Beauté qui abonde dans sa -Vérité, et qui confirme son caractère véridique. A ceux-là je présente -cette composition simplement comme un objet d'art;—disons: comme un -Roman; ou, si ma prétention n'est pas jugée trop haute, comme un Poëme. -Ce que j'avance ici est vrai; donc, cela ne peut pas mourir; ou si, par -quelque accident, cela se trouve, aujourd'hui, écrasé au point d'en -mourir, cela ressuscitera dans la vie éternelle.»</p> - -<p>Quand je lis <i>Eureka,</i> je ne puis m'empêcher de considérer cet -ouvrage comme immensément supérieur aux <i>Vestiges de la Création</i> et -comme révélant un bien autre génie; et de même que j'admire le poëme -(en exceptant toutefois cette malheureuse tentative de gouaillerie -humouristique incluse dans ce que l'auteur nous donne comme une lettre -trouvée dans une bouteille flottant sur le <i>Mare tenebrarum</i>), de même -aussi j'y vois avec chagrin le panthéisme dominant, lequel, d'ailleurs, -n'était pas nécessaire à son dessein principal. A quelques-unes des -critiques faites sur le livre, il répondit en ces termes, dans une -lettre adressée à M. C. F. Hoffman, alors éditeur du <i>Literary World.</i></p> - -<p>«Cher monsieur, dans votre numéro du 29 juillet, je trouve quelques -commentaires sur <i>Eureka,</i> un livre récent de moi; et je vous connais -trop bien pour vous supposer un seul instant capable de me dénier -le privilège d'une brève réponse. Je sens même que je pourrais à -coup sûr réclamer de M. Hoffman le droit que possède tout auteur de -répliquer à son critique <i>ton pour ton,</i>—c'est-à-dire de renvoyer à -votre correspondant plaisanterie pour plaisanterie et raillerie pour -raillerie; mais, en premier lieu, je ne désire pas faire honte au -<i>Literary World,</i> et, ensuite, je sens que si, dans le cas présent, -je commençais à railler, je n'en finirais jamais. Lamartine blâme -Voltaire pour l'usage que celui-ci fit souvent do<span class="pagenum"><a name="Page_4" id="Page_4">[p. 4]</a></span> la supercherie -et de la calomnie dans ses attaques contre les prêtres; mais nos -jeunes étudiants en théologie ne semblent pas se douter que, quand -ils entreprennent la défense ou ce qu'ils croient être la défense -du christianisme, il y ait une sorte de péché dans certaines -légèretés mondaines, comme celle, par exemple, qui consiste à altérer -délibérément le texte d'un auteur,—pour ne rien dire ici de -l'inconvenance moindre de rendre compte d'un livre sans l'avoir lu et -sans avoir le plus léger soupçon des questions qui y sont agitées.</p> - -<p>«Vous comprenez que c'est simplement aux <i>falsifications</i> de la -critique en question que j'ai la prétention de répondre, les opinions -de l'auteur ne pouvant avoir, en elles-mêmes, aucune importance -pour moi, et n'en pouvant avoir, j'imagine, qu'une très-petite pour -lui-même,—si toutefois il se connaît personnellement aussi bien -que j'ai, moi, l'honneur de le connaître. La première altération -est contenue dans cette phrase: «Cette lettre est une sanglante -bouffonnerie contre les méthodes préconisées par Aristote et -Bacon pour reconnaître la Vérité; l'auteur les ridiculise et les -méprise également, et il se lance, en proie à une sorte d'extase -divagante, dans la glorification d'un troisième mode, le noble art de -<i>conjecturer.»</i> Voici, en réalité, ce que j'ai dit: «Il n'existe pas de -certitude absolue, pas plus dans la méthode d'Aristote que dans celle -de Bacon; donc, aucune des deux philosophies n'est si profonde qu'elle -se l'imagine, et aucune n'a le droit de se moquer de ce procédé <i>en -apparence</i> imaginatif qu'on appelle Intuition (par lequel procédé le -grand Kepler a trouvé ses fameuses lois), puisque l'Intuition n'est, en -somme, que la conviction naissant d'inductions ou de déductions dont -la marche a été assez mystérieuse pour échapper à notre conscience, se -soustraire à notre raison, ou défier notre puissance d'expression.»</p> - -<p>«La seconde altération est formulée en ces termes: «Le développement -de l'électricité et la formation des étoiles et des soleils, lumineux -et non lumineux, lunes et planètes, avec leurs anneaux, etc., <i>est</i> -déduit, en presque complète accordance avec la théorie cosmogonique -de Laplace, du principe proposé précédemment.»<span class="pagenum"><a name="Page_5" id="Page_5">[p. 5]</a></span> Or, l'étudiant en -théologie veut évidemment ici frapper l'esprit du lecteur de cette -idée, que ma théorie, si parfaite en soi qu'elle puisse être, ne -contient rien de plus que celle de Laplace, sauf quelques modifications -que lui, l'étudiant en théologie, considère comme insignifiantes. -Je dirai simplement qu'aucun homme d'honneur ne peut m'accuser de -la mauvaise foi dont on me suppose ici capable; d'autant que, ayant -d'abord marché, appuyé sur ma seule théorie, jusqu'au point où elle -se rencontre avec celle de Laplace, <i>je reproduis alors complètement -la théorie de Laplace,</i> en exprimant ma ferme conviction qu'elle est -absolument vraie <i>en tous points.</i> L'espace embrassé par le grand -astronome français est à celui embrassé par ma théorie, comme une -bulle est à l'océan sur lequel elle flotte, et il ne fait pas, lui, -Laplace, la plus légère allusion au <i>principe proposé précédemment,</i> -c'est-à-dire au principe de l'Unité pris comme source de tous les -êtres,—le principe de la Gravitation n'étant que la Réaction de l'Acte -Divin par lequel tous les êtres ont été irradiés de l'Unité. En somme, -Laplace n'a pas même fait allusion à un seul des points de ma théorie.</p> - -<p>«Je ne crois pas nécessaire de parler ici du savoir astronomique -manifesté par l'étudiant en théologie dans ces seuls mots: «des étoiles -et des soleils,» ni d'insinuer qu'il eût été plus grammatical de -dire: «le développement et la formation <i>sont ...</i>» au lieu de: «de -développement et fa formation <i>est</i>...»</p> - -<p>«La troisième falsification se trouve dans une note au bas d'une page, -où le critique dit: «Bien mieux encore, M. Poe prétend qu'il peut -rendre compte de l'existence de tous les êtres organisés, y compris -l'homme, simplement par les mêmes principes qui servent à expliquer -l'origine et l'apparence actuelle des soleils et des mondes; mais cette -prétention doit être rejetée comme une pure et plate assertion, sans -une parcelle d'évidence. C'est, en d'autres termes, ce que nous pouvons -appeler <i>une franche blague.</i>» Ici la falsification gît dans une -fausse application volontaire du mot <i>principe.</i> Je dis: volontaire, -parce que, à la page 67, j'ai pris un soin particulier d'établir -une distinction entre les principes proprement dits, Attraction et -Répulsion, et<span class="pagenum"><a name="Page_6" id="Page_6">[p. 6]</a></span> ces sous-principes, purs résultats des premiers, qui -régissent l'univers dans le détail. C'est à ces sous-principes, -agissant sous l'influence spirituelle immédiate de la Divinité, que -j'attribue, sans examen, <i>tout ce</i> dont, selon la très-leste assertion -de l'étudiant en théologie, j'expliquerais l'existence par les -principes qui expliquent la constitution des soleils, etc.</p> - -<p>«Dans la troisième colonne de son article, le critique dit: «Il -affirme que chaque âme est son propre Dieu, son propre Créateur.» Ce -que j'affirme, c'est que chaque âme est, <i>partiellement,</i> son propre -Dieu, son propre Créateur.» Un peu plus loin le critique dit: «Après -toutes ces propositions contradictoires relatives à Dieu, nous lui -rappellerions volontiers ce qu'il a établi lui-même à la page 33: -«Relativement à cette Divinité, considérée en elle-même, celui-là seul -n'est pas un imbécile, celui-là seul n'est pas un impie, qui n'affirme -absolument <i>rien.</i>» Un homme qui se déclare lui-même, d'une manière si -décisive, coupable d'imbécillité et d'impiété, n'a pas droit à une plus -longue réfutation.»</p> - -<p>«Or, la phrase, comme je l'ai écrite, et comme je la trouve imprimée -à cette même page invoquée par le critique, et <i>qu'il devait avoir</i> -sous les yeux, pendant qu'il citait mes paroles, se présente ainsi: -«Relativement à cette Divinité, considérée <i>en elle-même,</i> celui-là -seul n'est pas un imbécile, etc., qui n'affirme absolument rien.» -Par l'emploi des italiques, comme le critique le sait parfaitement, -j'ai l'intention de distinguer les deux possibilités,—celle d'une -connaissance de Dieu par ses ouvrages et celle d'une connaissance -de Dieu dans <i>sa nature essentielle.</i> La Divinité, <i>en elle-même,</i> -est distinguée de la Divinité observée <i>dans ses effets.</i> Mais notre -critique est possédé de zèle. De plus, comme il est théologien, il -est honnête, candide. Il est de son devoir de pervertir le sens de -ma phrase, en omettant mes italiques,—juste comme dans la phrase -citée plus haut il considérait comme étant son devoir de chrétien de -falsifier mon argument en supprimant le mot: <i>partiellement,</i> dont -dépend toute la force et même toute l'intelligibilité de ma proposition.</p> - -<p>«Si ces <i>altérations</i>(est-ce bien le mot dont il faut les nommer?) -étaient faites dans un but moins sérieux que de flétrir mon livre<span class="pagenum"><a name="Page_7" id="Page_7">[p. 7]</a></span> -comme <i>impie,</i> et de me flétrir moi-même comme <i>panthéiste, -polythéiste, païen,</i> ou Dieu sait quoi encore (et, en vérité, je ne -m'en inquiète guère, pourvu que ce ne soit pas comme <i>étudiant en -théologie),</i> j'aurais laissé passer cette déloyauté sans réclamations, -par pur mépris pour la puérilité et la janoterie qui la caractérisent; -mais, dans le cas actuel, vous me pardonnerez, M. l'éditeur, d'avoir, -contraint comme je l'étais, fait justice d'un critique qui, retranché -dans sa courageuse <i>anonymosité,</i> profite de mon absence de cette ville -pour me calomnier et me vilipender <i>nominativement.</i></p> - -<p style="text-align: right;">«<span class="smcap">Edgar A. Poe</span>.</p> - -<p style="text-align: right;">«Fordham, 20 septembre 1848.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_9" id="Page_9">[p. 9]</a></span></p> - -<hr /> -<p><i>A ceux-là, si rares, qui m'aiment et que j'aime;</i>—<i>à ceux qui sentent -plutôt qu'à ceux qui pensent;—aux rêveurs et à ceux qui ont mis leur -foi dans les rêves comme dans les seules réalités,—j'offre ce Livre -de Vérités, non pas spécialement pour son caractère Véridique, mais -à cause de la Beauté qui abonde dans sa Vérité, et qui confirme</i> -son <i>caractère véridique. A ceux-là je présente cette composition -simplement comme un objet d'Art,—disons comme un Roman, ou, si ma -prétention n'est pas jugée trop haute, comme un Poëme.</i></p> - -<p>Ce que j'avance ici est vrai;—<i>donc cela ne peut pas mourir;—ou, si -par quelque accident cela se trouve, aujourd'hui, écrasé au point d'en -mourir, cela</i> ressuscitera dans la Vie Éternelle.</p> - -<p><i>Néanmoins c'est simplement comme Poëme que je désire que cet ouvrage -soit jugé, alors que je ne serai plus.</i></p> - -<p style="font-size: 0.9em; text-align: right;"><i>E. P.</i></p> - -<hr class="chap" /> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_11" id="Page_11">[p. 11]</a></span></p> - - - - -<h3><a id="EUREKA"></a>EUREKA</h3> - -<h5>ou</h5> - -<h4>ESSAI SUR L'UNIVERS</h4> - -<h5>MATÉRIEL ET SPIRITUEL</h5> - - - -<h4>I</h4> - - -<p>C'est avec une humilité non affectée,—c'est même avec un sentiment -d'effroi,—que j'écris la phrase d'ouverture de cet ouvrage; car de -tous les sujets imaginables, celui que j'offre au lecteur est le plus -solennel, le plus vaste, le plus difficile, le plus auguste.</p> - -<p>Quels termes saurai-je trouver, suffisamment simples dans leur -sublimité,—suffisamment sublimes dans leur simplicité,—pour la simple -énonciation de mon thème?</p> - -<p>Je me suis imposé la tâche de parler de <i>l'Univers Physique, -Métaphysique et Mathématique,—Matériel et Spirituel:—de son -Essence, de son Origine, de sa Création, de sa Condition présente et -de sa Destinée.</i> Je serai, de plus, assez hardi pour contredire les -conclusions et conséquemment pour mettre en doute la sagacité des -hommes les plus grands et les plus justement respectés.</p> - -<p>Qu'il me soit permis, en commençant, d'annoncer, non pas le théorème -que j'espère démontrer (car, quoi que puissent affirmer les -mathématiciens, la <i>chose</i> qu'on appelle <i>démonstration</i> n'existe pas, -en ce monde du moins), mais l'idée dominante que, dans le cours de cet -ouvrage, je m'efforcerai sans cesse de suggérer.</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_12" id="Page_12">[p. 12]</a></span></p> - -<p>Donc, ma proposition générale est celle-ci: <i>Dans l'Unité Originelle -de l'Être Premier est contenue la Cause Secondaire de Tous les Êtres, -ainsi que le Game de leur inévitable Destruction.</i></p> - -<p>Pour élucider cette idée, je me propose d'embrasser l'Univers dans un -seul coup d'œil, de telle sorte que l'esprit puisse en recevoir et en -percevoir une impression condensée, comme d'un simple individu.</p> - -<p>Celui qui du sommet de l'Etna promène à loisir ses yeux autour de lui, -est principalement affecté par <i>l'étendue</i> et par la <i>diversité</i> du -tableau. Ce ne serait qu'en pirouettant rapidement sur son talon qu'il -pourrait se flatter de saisir le panorama dans sa sublime <i>unité.</i> -Mais comme, sur le sommet de l'Etna, aucun homme ne s'est avisé de -pirouetter sur son talon, aucun homme non plus n'a jamais absorbé dans -son cerveau la parfaite unité de cette perspective, et conséquemment -toutes les considérations qui peuvent être impliquées dans cette unité -n'ont pas d'existence positive pour l'humanité.</p> - -<p>Je ne connais pas un seul traité qui nous donne cette levée du plan de -l'<i>Univers</i> (je me sers de ce terme dans son acception la plus large -et la seule légitime); et c'est ici l'occasion de remarquer que par -le mot <i>Univers,</i> toutes les fois qu'il sera employé dans cet essai -sans qualificatif, j'entends désigner <i>la quantité d'espace la plus -vaste que l'esprit puisse concevoir, avec tous les êtres, spirituels et -matériels, qu'il peut imagina existant dans les limites de cet espace.</i> -Pour désigner ce qui est <i>ordinairement</i> impliqué dans l'expression -<i>univers,</i> je me servirai d'une phrase qui en limite le sens: -l'<i>Univers astral.</i> On verra par la suite pourquoi je considère cette -distinction comme nécessaire.</p> - -<p>Mais, même parmi les traités qui ont pour objet l'Univers des étoiles, -réellement limité, bien qu'il soit toujours considéré comme illimité, -je n'en connais pas un seul dans<span class="pagenum"><a name="Page_13" id="Page_13">[p. 13]</a></span> lequel un aperçu s'offre de telle -façon que les déductions en soient garanties par l'<i>individualité</i> -même de cet Univers limité. La tentative qui se rapproche le plus d'un -pareil ouvrage a été faite dans le <i>Cosmos</i> d'Alexander von Humboldt. -Il présente le sujet, toutefois, non dans son individualité, mais -dans sa généralité. Son thème, en résultat final, c'est la loi de -<i>chaque</i> partie de l'Univers purement physique, selon que cette loi -est apparentée avec les lois de <i>toute autre</i> partie de cet Univers -purement physique. Son dessein est simplement synérétique. En un mot, -il analyse l'universalité des rapports matériels, et dévoile aux yeux -de la Philosophie toutes les conséquences qui étaient restées, jusqu'à -présent, cachées derrière cette universalité. Mais quelque admirable -que soit la brièveté avec laquelle il a traité chaque point particulier -de son sujet, la multiplicité de ces points suffit pour créer une masse -de détails et, nécessairement, une complication d'idées qui exclut -toute impression d'<i>individualité.</i></p> - -<p>Il me semble que, pour obtenir l'effet en question, ainsi que les -conséquences, les conclusions, les suggestions, les spéculations, -ou, pour mettre les choses au pire, les simples conjectures qui en -peuvent résulter, nous aurions besoin d'opérer une espèce de pirouette -mentale sur le talon. Il faut que tous les êtres exécutent autour du -point de vue central une révolution assez rapide pour que les détails -s'évanouissent absolument et que les objets même plus importants se -fondent en un seul. Parmi les détails annihilés dans une contemplation -de cette nature doivent se trouver toutes les matières exclusivement -terrestres. La Terre ne pourrait être considérée que dans ses rapports -planétaires. De ce point de vue, un homme devient l'humanité; et -l'humanité, un membre de la famille cosmique des Intelligences.</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_14" id="Page_14">[p. 14]</a></span></p> - -<hr /> - -<h4>II</h4> - - -<p>Et maintenant, avant d'entrer positivement dans notre sujet, qu'il me -soit permis d'appeler l'attention du lecteur sur un ou deux extraits -d'une lettre passablement curieuse, qu'on dit avoir été trouvée -dans une bouteille bouchée, pendant qu'elle flottait sur le <i>Mare -Tenebrarum,—</i>océan fort bien décrit par Ptolémée Héphestion, le -géographe nubien, mais bien peu fréquenté dans les temps modernes, -si ce n'est par les transcendantalistes et autres chercheurs d'idées -creuses.</p> - -<p>La date de cette lettre me cause, je l'avoue, encore plus de surprise -que son contenu; car elle semble avoir été écrite en l'an <i>deux</i> mil -huit cent quarante-huit. Quant aux passages que je vais transcrire, je -présume qu'ils parleront suffisamment par eux-mêmes:</p> - -<p>«Savez-vous, mon cher ami,» dit l'écrivain, s'adressant évidemment à -un de ses contemporains, «savez-vous qu'il n'y a guère plus de huit ou -neuf cents ans que les métaphysiciens ont consenti pour la première -fois à délivrer le peuple de cette étrange idée: <i>qu'il n'existait que -deux routes praticables conduisant à la Vérité?</i> Croyez cela, si vous -le pouvez! Il paraît cependant que dans un temps ancien, très-ancien, -au fond de la nuit du temps, vivait un philosophe turc nommé Aries -et surnommé Tottle.» (Peut-être bien l'auteur de la lettre veut-il -dire Aristote, les meilleurs noms, au bout de deux ou trois mille -ans, sont déplorablement altérés.) «La réputation de ce grand homme -reposait principalement sur l'autorité avec laquelle il démontrait que -l'éternument était une prévoyance de la nature, au moyen de laquelle -les penseurs trop profonds pouvaient<span class="pagenum"><a name="Page_15" id="Page_15">[p. 15]</a></span> chasser par le nez le superflu -de leurs idées; mais il obtint une célébrité presque aussi grande -comme fondateur, ou tout au moins comme principal vulgarisateur de -ce qu'on nommait philosophie déductive ou à <i>priori.</i> Il partait -de ce qu'il affirmait être des axiomes, ou vérités évidentes par -elles-mêmes;—et ce fait, maintenant bien constaté qu'il n'y a pas -de vérités évidentes <i>par elles-mêmes</i> n'infirme en aucune façon ses -spéculations; il suffisait pour son dessein que les vérités en question -fussent, en quelque façon, évidentes. De ces axiomes il descendait, -logiquement, aux conséquences. Ses plus célèbres disciples furent un -certain Tuclide, géomètre» (il veut dire Euclide), «et un nommé Kant, -un Allemand, inventeur de cette espèce de transcendantalisme qui -aujourd'hui porte encore son nom, sauf la substitution du C au K<a name="NoteRef_1_1" id="NoteRef_1_1"></a><a href="#Note_1_1" class="fnanchor">[1]</a>.</p> - -<p>«Or, Aries Tottle prospéra sans rival jusqu'à l'apparition d'un -certain Hog<a name="NoteRef_2_2" id="NoteRef_2_2"></a><a href="#Note_2_2" class="fnanchor">[2]</a>, surnommé <i>le berger d'Ettrich,</i> qui prêcha un -système entièrement différent, qu'il appelait méthode inductive ou -<i>à posteriori.</i> Son plan se rapportait entièrement à la sensation. -Il procédait par l'observation, analysant et classant des faits -(<i>instantiæ Naturæ,</i> comme on les désignait assez pédantesquement), -et les transformant en lois générales. En un mot, pendant que la -méthode d'Aries reposait sur les <i>noumena,</i> celle de Hog dépendait -des <i>phainomena;</i> et l'admiration excitée par ce dernier système -fut si grande que, dès sa première apparition, Aries tomba dans un -discrédit général. A la fin cependant, il reconquit du terrain, et -il lui fut permis de partager l'empire de la philosophie avec son -moderne rival;—les savants se contentant de proscrire tous autres -compétiteurs, passés, présents et à venir, et mettant fin à toute -controverse sur ce sujet par<span class="pagenum"><a name="Page_16" id="Page_16">[p. 16]</a></span> la promulgation d'une loi médique, en -vertu de laquelle les routes Aristotélienne et Baconienne étaient, et -de plein droit devaient être les seules voies possibles pour atteindre -la connaissance.—Baconnienne, il faut que vous sachiez cela, mon cher -ami,—ajoute ici l'auteur de la lettre,—était un adjectif inventé -comme équivalent à Hoguienne, et considéré en même temps comme plus -noble et plus euphonique.</p> - -<p>«Maintenant, je vous affirme très-positivement,—continue -l'épître,—que je vous expose les choses d'une manière véridique; -et vous pouvez comprendre sans peine combien des restrictions aussi -impudemment absurdes ont dû nuire, dans ces époques, au progrès de -la véritable Science, laquelle ne fait ses plus importantes étapes -que par bonds, et ne procède, comme nous le montre toute l'Histoire, -que par une apparente intuition. Les idées anciennes condamnaient -l'investigateur à se traîner; et je n'ai pas besoin de vous faire -observer que ce genre de marche, parmi les modes variés de locomotion, -est certainement en lui-même très-estimable; mais parce que la tortue -a le pied sûr, est-ce une raison pour couper les ailes de l'aigle? -Pendant plusieurs siècles, l'engouement fut si grand, particulièrement -pour Hog, qu'un empêchement invincible s'opposa à tout ce qui peut -proprement s'appeler la pensée. Aucun homme n'osait proférer une -vérité, s'il sentait qu'il ne la devait qu'à la seule puissance de -son âme. Il importait fort peu que la vérité fût philosophiquement -vraie; car les philosophes dogmatiseurs de cette époque s'inquiétaient -seulement de <i>la route</i> avouée qui avait été suivie pour y atteindre. -Le résultat, pour eux, était un point sans aucun intérêt. «Les -moyens!—vociféraient-ils,—voyons les moyens!»—et si, par l'examen -desdits moyens, on découvrait qu'ils ne rentraient ni<span class="pagenum"><a name="Page_17" id="Page_17">[p. 17]</a></span> dans la -catégorie Hog, ni dans la catégorie Aries (qui veut dire bélier), oh! -alors les savants ne voulaient pas aller plus loin, mais, traitant le -penseur de fou et le stigmatisant du nom de théoricien, refusaient à -tout jamais d'avoir affaire avec lui ou avec sa vérité.</p> - -<p>«Or, mon cher ami,—continue l'auteur de la lettre,—il est -inadmissible que par la méthode rampante, exclusivement pratiquée, -les hommes eussent pu atteindre au maximum de vérité, même après une -série indéfinie de temps; car la répression de l'imagination était un -vice que n'aurait même pas compensé l'<i>absolue</i> certitude de cette -marche de colimaçon. Mais cette certitude était bien loin d'être -absolue. L'erreur de nos ancêtres était tout à fait analogue à celle du -faux sage qui croit qu'il verra un objet d'autant plus distinctement -qu'il le tiendra plus près de ses yeux. Ainsi ils s'aveuglaient -eux-mêmes avec l'impalpable et titillante poudre du <i>détail,</i> comme -avec du tabac à priser; et conséquemment les <i>faits</i> si vantés de ces -braves Hoguiens n'étaient pas toujours des faits; point qui ne tire -son importance que de cette supposition, qui les faisait <i>toujours</i> -accepter comme tels. Quoi qu'il en soit, l'infection principale du -Baconianisme, sa plus déplorable source d'erreurs, consistait dans -cette tendance à jeter le pouvoir et la considération entre les mains -des hommes de pure perception,—animalcules de la science, savants -microscopiques,—fouilleurs et colporteurs de petits <i>faits,</i> tirés -pour la plupart des sciences physiques, faits qu'ils vendaient tous en -détail et au même prix sur la voie publique; leur valeur dépendant, -à ce qu'il paraît, <i>de ce simple fait que c'étaient des faits,</i> et -nullement de leur parenté ou de leur non-parenté avec le développement -de ces faits primitifs, les seuls légitimes, qui s'appellent la Loi. -«Il n'exista jamais sur la face de la terre,—continue<span class="pagenum"><a name="Page_18" id="Page_18">[p. 18]</a></span> l'audacieuse -lettre,—une plus intolérante, une plus intolérable classe de -fanatiques et de tyrans que ces individus, élevés soudainement -par la philosophie de Hog à un rang pour lequel ils n'étaient pas -faits, transportés ainsi de la cuisine dans le salon de la Science, -et de l'office dans la chaire. Leur credo, leur texte, leur sermon -consistaient en un seul mot: <i>les faits!</i> Mais la plupart d'entre eux, -de ce mot unique ne connaissaient même pas le sens. Quant à ceux qui -s'avisaient de <i>déranger</i> leurs faits dans le but de les mettre en -ordre et d'en tirer utilité, les disciples de Hog les traitaient sans -merci. Tous les essais de généralisation étaient accueillis par les -mots: «Théorique! Théorie! Théoricien!» Toute pensée, en un mot, était -ressentie par eux comme un outrage personnel. Cultivant les sciences -naturelles, à l'exclusion de la métaphysique, des mathématiques et de -la logique, beaucoup de ces philosophes, d'engeance baconienne, avec -leur idée unique, leur parti pris unique et leur marche de boiteux, -étaient plus misérablement impuissants, plus tristement ignorants, en -face de tous les objets compréhensibles de connaissance, que le plus -illettré des rustres qui, en avouant qu'il ne sait absolument rien, -prouve qu'il sait au moins quelque chose.</p> - -<p>«Nos ancêtres n'avaient pas plus qualité pour parler de <i>certitude,</i> -quand ils suivaient, avec une confiance aveugle, la route <i>à priori</i> -des axiomes, celle du Bélier. En des points innombrables, cette route -n'était guère plus droite qu'une corne de bélier. La vérité pure est -que les Aristotéliens élevaient leurs châteaux sur une base aussi peu -solide que l'air; <i>car ces choses qu'on appelle axiomes n'ont jamais -existé et ne peuvent pas exister.</i> Il faut qu'ils aient été bien -aveugles pour ne pas voir cela, ou du moins pour ne pas le soupçonner; -car, même de leur temps, plusieurs de leurs axiomes de<span class="pagenum"><a name="Page_19" id="Page_19">[p. 19]</a></span> vieille date -avaient été abandonnés: <i>Ex nihilo nihil fit,</i> par exemple, et: <i>Un -être ne peut pas agir là où il n'est pas,</i> et: <i>Il ne peut pas exister -d'antipodes,</i> et: <i>Les ténèbres ne peuvent pas venir de la lumière.</i> -Ces propositions et autres semblables, primitivement acceptées comme -axiomes, ou vérités incontestables, étaient, même à l'époque dont je -parle, considérées comme absolument insoutenables; combien ces gens -étaient donc absurdes de vouloir toujours s'appuyer sur une base, dite -immuable, dont l'instabilité s'était si fréquemment manifestée!</p> - -<p>«Mais, même par le témoignage qu'ils apportent contre eux-mêmes, il est -aisé de convaincre ces raisonneurs <i>à priori</i> de l'énorme déraison,—il -est aisé de leur montrer la futilité, l'impalpabilité générale de leurs -axiomes. J'ai maintenant sous les yeux», observez que c'est toujours la -lettre qui parle, «j'ai maintenant sous les yeux un livre imprimé il y -a environ mille ans. Pundit m'assure que c'est positivement le meilleur -des ouvrages anciens traitant de la matière, qui est la Logique. -L'auteur, qui fut très-estimé dans son temps, était un certain Miller -ou Mill; et l'histoire nous apprend, comme chose digne de mémoire, -qu'il montait habituellement un cheval de manège auquel il donnait le -nom de Jérémie Bentham;—mais jetons un coup d'œil sur le livre.</p> - -<p>«Ah! voilà: <i>La faculté de comprendre ou l'impossibilité de -comprendre,</i> dit fort judicieusement M. Mill, <i>ne peut, dans aucun cas, -être considérée comme un critérium de Vérité axiomatique.</i> Or, que -ceci soit une vérité banale, aucun homme, jouissant de son bon sens, -ne sera tenté de le nier. Ne pas admettre la proposition équivaudrait -à porter une accusation d'inconstance contre la Vérité elle-même, dont -le nom seul est synonyme d'immutabilité. Si l'aptitude à comprendre -était prise pour critérium de la Vérité, ce qui<span class="pagenum"><a name="Page_20" id="Page_20">[p. 20]</a></span> est vérité pour -<i>David</i> Hume serait très-rarement vérité pour <i>Joe;</i> et sur la terre -il serait facile de démontrer la fausseté des quatre-vingt-dix-neuf -centièmes de ce qui est certitude dans le ciel. La proposition de M. -Mill est donc appuyée. Je n'accorde pas que ce soit un axiome, et -cela simplement parce que je suis en train de montrer qu'il n'existe -pas d'axiomes; mais, usant d'une distinction subtile qui ne pourrait -pas être contestée par M. Mill lui-même, je suis prêt à reconnaître -que, si jamais axiome exista, la proposition que je cite a tous les -droits d'être considérée comme telle,—qu'il n'y a pas d'axiome <i>plus -absolu,</i>—et, conséquemment, que toute proposition ultérieure qui -entrera en conflit avec celle-là, primitivement émise, doit être -une fausseté, c'est-à-dire le contraire d'un axiome, ou, s'il faut -l'admettre comme axiomatique, devra du même coup s'annihiler elle-même -et détruire sa devancière.</p> - -<p>«Et maintenant, par la logique même de l'auteur de la proposition, -cherchons à vérifier n'importe quel axiome proposé. Faisons beau jeu à -M. Mill. Nous dédaignons un résultat trop facile et trop vulgaire. Nous -ne choisirons pas pour notre vérification un axiome banal, un axiome de -cette classe qu'il définit, avec une autorité et un sans-gêne absurdes, -classe secondaire d'axiomes, comme si une vérité définie positive -pouvait être diminuée et devenir, à volonté, plus ou moins positive; -nous ne choisirons pas, dis-je, un axiome d'une certitude passablement -contestable, comme on en peut trouver dans Euclide. Nous ne parlerons -pas, par exemple, de propositions comme celle-ci: Deux lignes droites -ne peuvent pas limiter un espace,—ou celle-ci: Le tout est plus grand -qu'une de ses parties quelconques. Nous donnerons à notre logicien tous -les avantages. Nous irons tout droit à une proposition qu'il<span class="pagenum"><a name="Page_21" id="Page_21">[p. 21]</a></span> regarde -comme l'apogée de la certitude, comme la quintessence de l'irrécusable -axiomatique. La voici: «Deux contradictoires ne peuvent être vraies à -la fois, c'est-à-dire ne peuvent coexister dans la nature.»—M. Mill -veut dire ici, pour prendre un exemple,—et je choisis l'exemple le -plus vigoureux et le plus intelligible,—qu'un arbre doit être un arbre -ou ne pas l'être; qu'il ne peut pas, en même temps, être un arbre et -ne pas l'être;—cela est parfaitement raisonnable en soi et remplit -fort bien les conditions d'un axiome, tant que nous ne le confronterons -pas avec l'axiome proclamé antérieurement; en d'autres termes, termes -dont nous nous sommes déjà servis, tant que nous ne le vérifierons -pas par la logique même de l'auteur de la proposition. Il faut qu'un -arbre, affirme M. Mill, soit ou ne soit pas un arbre. Fort bien; et -maintenant qu'il me soit permis de lui demander <i>pourquoi.</i> A cette -petite question il n'a qu'une réponse à faire; je défie tout homme -vivant d'en inventer une autre. Cette seule réponse possible, c'est: -Parce que nous sentons qu'il est <i>impossible de comprendre</i> qu'un arbre -puisse être autre chose qu'un arbre ou un non-arbre. Voilà donc, je le -répète, la seule réponse de M. Mill; il ne prétendra pas en inventer -une autre; et cependant, d'après sa propre démonstration, sa réponse -évidemment n'est pas une réponse; car ne nous a-t-il pas déjà sommés -d'admettre, comme un axiome, que <i>la possibilité ou l'impossibilité -de comprendre ne doit, en aucun cas, être considérée comme critérium -de vérité axiomatique?</i> Ainsi son argumentation tout entière fait -naufrage. Qu'on ne prétende pas qu'une exception à la règle générale -puisse avoir lieu dans des cas où <i>l'impossibilité de comprendre</i> est -aussi manifeste qu'en celui-ci, où nous sommes invités à concevoir un -arbre qui soit et ne soit pas un arbre. Qu'on n'essaye pas, dis-je, -d'avancer une pareille stupidité; car,<span class="pagenum"><a name="Page_22" id="Page_22">[p. 22]</a></span> d'abord, il n'y a pas de degrés -dans l'impossibilité, et une conception impossible ne peut pas être -plus particulièrement impossible que toute autre conception impossible; -ensuite, M. Mill lui-même, sans doute après mûre délibération, a, -très-distinctement et très-rationnellement, exclu toute opportunité -d'exception par l'énergie de sa proposition, à savoir que, <i>dans aucun -cas,</i> la possibilité ou l'impossibilité de comprendre ne doit être -prise comme critérium de vérité axiomatique; troisièmement, même en -supposant quelques exceptions admissibles, il resterait à montrer -comment ce peut être <i>ici</i> le cas d'en admettre une. Qu'un arbre puisse -être et n'être pas un arbre, c'est là une idée que les anges ou les -démons pourraient peut-être concevoir; mais sur la terre il n'y a que -les habitants de Bedlam ou les transcendantalistes qui réussissent à la -comprendre.</p> - -<p>«Or, si je cherche querelle à ces anciens,—continue l'auteur de -la lettre,—ce n'est pas tant à cause de l'inconsistance et de la -frivolité de leur logique, qui, pour parler net, était sans fondement, -sans valeur et absolument fantastique, qu'à cause de cette tyrannique -et orgueilleuse interdiction de toutes les routes qui peuvent conduire -à la Vérité, toutes, excepté les deux étroites et tortues, celle où -il faut se traîner et celle où il faut ramper, dans lesquelles leur -ignorante perversité avait osé confiner l'Ame,—l'Ame qui n'aime rien -tant que planer dans ces régions de l'illimitable intuition où ce qu'on -appelle une <i>route</i> est chose absolument, inconnue.</p> - -<p>«Par parenthèse, mon cher ami, ne voyez-vous pas une preuve de la -servitude spirituelle imposée à ces pauvres fanatiques par leurs Hogs -et leurs Rams<a name="NoteRef_3_3" id="NoteRef_3_3"></a><a href="#Note_3_3" class="fnanchor">[3]</a>, dans ce fait<span class="pagenum"><a name="Page_23" id="Page_23">[p. 23]</a></span> qu'aucun d'eux n'a jamais,—en dépit de -l'éternel radotage de leurs savants sur les routes qui conduisent à la -Vérité,—découvert, même par accident, ce qui nous apparaît maintenant -comme la plus large, la plus droite et la plus commode de toutes -les <i>routes,</i> la grande avenue, la majestueuse route royale de la -<i>Consistance?</i> N'est-il pas surprenant qu'ils n'aient pas su tirer des -ouvrages de Dieu cette considération d'une importance vitale, qu'une -<i>parfaite consistance ne peut être qu'une vérité absolue?</i> Combien, -depuis l'avènement de cette proposition, notre progrès fut facile, -combien il fut rapide! Grâce à elle, la fonction de la recherche a été -arrachée à ces taupes, et confiée, comme un devoir plutôt que comme une -tâche, aux vrais, aux seuls vrais penseurs, aux hommes d'une éducation -générale et d'une imagination ardente. Ces derniers, nos Kepler et -nos Laplace, s'adonnent à la spéculation et à fa théorie; c'est le -mot; vous imaginez-vous avec quelle risée ce mot serait accueilli -par nos ancêtres s'ils pouvaient, par-dessus mon épaule, regarder ce -que j'écris? Les Kepler, je le répète, pensent spéculativement et -théoriquement; et leurs théories sont simplement corrigées, tamisées, -clarifiées, débarrassées peu à peu de toutes les pailles et matières -étrangères qui nuisent à leur cohésion, jusqu'à ce qu'enfin apparaisse, -dans sa solidité et sa pureté, la parfaite <i>consistance,</i> consistance -que les plus stupides sont forcés d'admettre, parce qu'elle est la -consistance, c'est-à-dire une absolue et incontestable <i>vérité.</i></p> - -<p>«J'ai souvent pensé, mon ami, que c'eût été chose bien embarrassante -pour ces dogmatiseurs des siècles passés de déterminer par laquelle -de leurs deux fameuses routes le cryptographe arrive à la solution -des chiffres les plus compliqués, ou par laquelle Champollion a -conduit l'humanité vers ces importantes et innombrables vérités qui<span class="pagenum"><a name="Page_24" id="Page_24">[p. 24]</a></span> -sont restées enfouies pendant tant de siècles dans les hiéroglyphes -phonétiques de l'Égypte. Ces fanatiques n'auraient-ils pas eu surtout -quelque peine à déterminer par laquelle de leurs deux routes avait -été atteinte la plus importante et la plus sublime de toutes leurs -vérités, c'est-à-dire le fait de la gravitation? Cette vérité, Newton -l'avait tirée des lois de Kepler. Ces lois dont l'étude découvrit au -plus grand des astronomes anglais ce principe qui est la base de tout -principe physique actuellement existant, et au delà duquel nous entrons -tout de suite dans le royaume ténébreux de la métaphysique, Kepler -reconnaissait qu'il les avait <i>devinées.</i> Oui! ces lois vitales, Kepler -les a <i>devinées;</i> disons même qu'il les a <i>imaginées.</i> S'il avait été -prié d'indiquer par quelle voie, d'induction ou de déduction, il était -parvenu à cette découverte, il aurait pu répondre: «Je ne sais rien de -vos routes, mais je connais la machine de l'Univers. Telle elle est. Je -m'en suis emparé avec <i>mon âme;</i> je l'ai obtenue par la simple force -de <i>l'intuition.</i> Hélas! pauvre vieil ignorant! Quelque métaphysicien -lui aurait peut-être répondu que ce qu'il appelait intuition n'était -que la certitude résultant de déductions ou d'inductions dont le -développement avait été assez obscur pour échapper à sa conscience, -pour se soustraire aux yeux de sa raison ou pour défier sa puissance -d'expression. Quel malheur que quelque professeur de philosophie ne -l'ait pas éclairé sur toutes ces choses! Comme cela l'eût réconforté -sur son lit de mort, d'apprendre que, loin d'avoir marché intuitivement -et scandaleusement, il avait, en réalité, cheminé suivant la méthode -honnête et légitime, c'est-à-dire à la manière du Hog, ou au moins -à la manière du Ram, vers le mystérieux palais où gisent, confinés, -étincelants dans l'ombre, non gardés, purs encore de tout regard -mortel, vierges de tout attouchement<span class="pagenum"><a name="Page_25" id="Page_25">[p. 25]</a></span> humain, les impérissables et -inappréciables secrets de l'Univers!</p> - -<p>«Oui, Kepler était essentiellement théoricien; mais ce titre, -qui comporte aujourd'hui quelque chose de sacré, était dans ces -temps anciens une épithète d'un suprême mépris. C'est aujourd'hui -seulement que les hommes commencent à apprécier le vieux homme divin, -à sympathiser avec l'inspiration poétique et prophétique de ses -indestructibles paroles. Pour ma part,—continue le correspondant -inconnu,—il me suffit d'y penser pour que je brûle d'un feu sacré, -et je sens que je ne serai jamais fatigué de les entendre répéter; -en terminant cette lettre, permettez-moi de jouir du plaisir de les -transcrire une fois encore:</p> - -<p>«<i>Il m'importe peu que mon ouvrage soit lu maintenant ou par la -postérité. Je puis bien attendre un siècle pour trouver quelques -lecteurs, puisque Dieu lui-même a attendu un observateur six mille -ans. Je triomphe! J'ai volé le secret d'or des Égyptiens! Je veux -m'abandonner à mon ivresse sacrée!</i>»</p> - -<p>Je termine ici mes citations de cette épître si étrange et même -passablement impertinente; peut-être y aurait-il folie à commenter -d'une façon quelconque les imaginations chimériques, pour ne pas dire -révolutionnaires, de son auteur, quel qu'il puisse être,—imaginations -qui contredisent si radicalement les opinions les plus considérées -et les mieux établies de ce siècle. Retournons donc à notre thèse -légitime: l'<i>Univers.</i></p> -<hr class="r5" /> - -<div class="footnote"> - -<p><a name="Note_1_1" id="Note_1_1"></a><a href="#NoteRef_1_1"><span class="label">[1]</span></a> Cant.</p></div> - -<div class="footnote"> - -<p><a name="Note_2_2" id="Note_2_2"></a><a href="#NoteRef_2_2"><span class="label">[2]</span></a> Pourceau.</p></div> - -<div class="footnote"> - -<p><a name="Note_3_3" id="Note_3_3"></a><a href="#NoteRef_3_3"><span class="label">[3]</span></a> Aries, Ram, bélier.</p></div> - - -<hr /> -<h4>III</h4> - - -<p>Cette thèse admet deux modes de discussion entre lesquels nous avons -à choisir. Nous pouvons monter ou<span class="pagenum"><a name="Page_26" id="Page_26">[p. 26]</a></span> descendre. Prenant pour point de -départ notre point de vue, c'est-à-dire la Terre où nous sommes, -nous pouvons de là nous diriger vers les autres planètes de notre -système, de là vers le Soleil, de là vers notre système considéré -collectivement; de là enfin nous pouvons nous élancer vers d'autres -systèmes, indéfiniment et de plus en plus au large. Ou bien, commençant -par un point distant, aussi défini que nous le pouvons concevoir, -nous descendrons graduellement vers l'habitation de l'Homme. Dans les -essais ordinaires sur l'Astronomie, la première de ces méthodes est, -sauf quelques réserves, généralement adoptée, et cela pour cette raison -évidente que les faits et les causes astronomiques étant l'unique but -de ces recherches, ce but est infiniment plus facile à atteindre en -s'avançant graduellement du connu, qui est auprès de nous, vers le -point où toute certitude se perd dans l'éloignement. Toutefois, pour -mon dessein actuel, qui est de donnera l'esprit le moyen de saisir, -comme de loin et d'un seul coup d'œil, une conception de l'Univers -considéré comme <i>individu,</i> il est clair que descendre du grand vers -le petit, du centre, si nous pouvons établir un centre, vers les -extrémités, du commencement, si nous pouvons concevoir un commencement, -vers la fin, serait la marche préférable, si ce n'était la difficulté, -pour ne pas dire l'impossibilité, de présenter ainsi aux personnes qui -ne sont pas astronomes un tableau intelligible relativement à tout ce -qui est impliqué dans l'idée <i>quantité,</i> c'est-à-dire relativement au -nombre, à la grandeur et à la distance.</p> - -<p>Or, la clarté, l'intelligibilité est, à tous égards, un des caractères -essentiels de mon plan général. Il est des points importants sur -lesquels il vaut mieux se montrer trop prolixe que même légèrement -obscur. Mais la qualité abstruse n'est pas une qualité qui, par -elle-même, appartienne<span class="pagenum"><a name="Page_27" id="Page_27">[p. 27]</a></span> à aucun sujet. Toutes choses sont également -faciles à comprendre pour celui qui s'en approche à pas convenablement -gradués. Si le calcul différentiel n'est pas une chose absolument aussi -simple qu'un sonnet de M. Solomon Seesaw, c'est uniquement parce que -dans cette route ardue quelque marchepied ou quelque échelon a été, çà -et là, étourdiment oublié.</p> - -<p>Donc, pour détruire toute chance de malentendu, je juge convenable -de procéder comme si les faits les plus évidents de l'Astronomie -étaient inconnus au lecteur. En combinant les deux modes de discussion -que j'ai indiqué; je pourrai profiter des avantages particuliers de -chacun d'eux, spécialement de la <i>réitération en détail</i> qui sera -la conséquence inévitable du plan. Je commence par descendre, et je -réserve pour mon retour ascensionnel ces considérations indispensables -de <i>quantité</i> dont j'ai déjà fait mention.</p> - -<p>Commençons donc tout de suite par le mot le plus simple, l'<i>Infini.</i> -Le mot <i>infini,</i> comme les mots <i>Dieu, esprit</i> et quelques autres -expressions, dont les équivalents existent dans toutes les langues, -est, non pas l'expression d'une idée, mais l'expression d'un effort -vers une idée. Il représente une tentative possible vers une conception -impossible. L'homme avait besoin d'un terme pour marquer la <i>direction</i> -de cet effort, le nuage derrière lequel est situé, à jamais invisible, -<i>l'objet de cet effort.</i> Un mot enfin était nécessaire, au moyen duquel -un être humain pût se mettre tout d'abord en rapport avec un autre être -humain et avec une certaine <i>tendance</i> de l'intelligence humaine. De -cette nécessité est résulté le mot <i>Infini,</i> qui ne représente ainsi -que <i>la pensée d'une pensée.</i></p> - -<p>Relativement à cet infini dont nous nous occupons actuellement, -l'infini de l'espace, nous avons entendu dire<span class="pagenum"><a name="Page_28" id="Page_28">[p. 28]</a></span> souvent que «si -l'esprit admettait cette idée, acquiesçait à cette idée, la voulait -concevoir, c'était surtout à cause de la difficulté encore plus grande -qui s'oppose à la conception d'une limite quelconque.» Mais ceci est -simplement une de ces <i>phrases</i> par lesquelles les penseurs, même -profonds, prennent plaisir, depuis un temps immémorial, à se tromper -eux-mêmes. C'est dans le mot <i>difficulté</i> que se cache l'argutie. -L'esprit, nous dit-on, accepte l'idée d'un espace <i>illimité</i> à cause de -la difficulté plus grande qu'il trouve à concevoir celle d'un espace -limité. Or, si la proposition était posée loyalement, l'absurdité en -deviendrait immédiatement évidente. Pour parler net, dans le cas en -question, il n'y a pas simplement <i>difficulté.</i> L'assertion proposée, -si elle était présentée sous des termes conformes à l'intention, et -sans sophistiquerie, serait exprimée ainsi: «L'esprit admet l'idée d'un -espace illimité à cause de <i>l'impossibilité plus grande</i> de concevoir -celle d'un espace limité.»</p> - -<p>On voit au premier coup d'œil qu'il n'est pas ici question d'établir -un parallèle entre deux crédibilités, entre deux arguments, sur la -validité respective desquels la raison est appelée à décider; il -s'agit de deux conceptions, directement contradictoires, toutes deux -d'une impossibilité avouée, dont l'une, nous dit-on, peut cependant -être acceptée par l'intelligence, en raison de la plus grande -<i>impossibilité</i> qui empêche d'accepter la seconde. L'alternative n'est -pas entre deux difficultés; on suppose simplement que nous choisissons -entre deux impossibilités. Or, la première admet des degrés; mais la -seconde n'en admet aucun; c'est justement le cas suggéré par l'auteur -de l'impertinente épître que nous avons citée. Une tâche est plus ou -moins difficile; mais elle ne peut être que possible ou impossible; il -n'y a pas de milieu. Il serait peut-être plus<span class="pagenum"><a name="Page_29" id="Page_29">[p. 29]</a></span> <i>difficile</i> de renverser -la chaîne des Andes qu'une fourmilière; mais il est tout aussi -<i>impossible</i> d'anéantir la matière de l'une que la matière de l'autre. -Un homme peut sauter dix pieds moins difficilement que vingt; mais il -tombe sous le sens que pour lui l'impossibilité de sauter jusqu'à la -Lune n'est pas moindre que de sauter jusqu'à l'étoile du Chien.</p> - -<p>Puisque tout ceci est irréfutable, puisque le choix permis à l'esprit -ne peut avoir lieu qu'entre deux conceptions impossibles, puisqu'une -impossibilité ne peut pas être plus grande qu'une autre, et ne peut -conséquemment lui être préférée, les philosophes qui non-seulement -affirment, en se basant sur le raisonnement précité, l'idée humaine -de l'infini, mais aussi, en se basant sur cette idée hypothétique, -l'Infini lui-même, s'engagent évidemment à prouver qu'une chose -impossible devient possible quand on peut montrer qu'une autre chose, -elle aussi, est impossible. Ceci, dira-t-on, est un non-sens; peut-être -bien; je crois vraiment que c'est un parfait non-sens, mais je n'ai -nullement la prétention de le réclamer comme étant de mon fait.</p> - -<p>Toutefois, la méthode la plus prompte pour montrer la fausseté de -l'argument philosophique en question est simplement de considérer -un fait qui jusqu'à présent a été négligé, à savoir que l'argument -énoncé contient à la fois sa preuve et sa négation. «L'esprit, disent -les théologiens et autres, est induit à admettre une <i>cause première</i> -par la difficulté plus grande qu'il éprouve à concevoir une série -infinie de causes.» L'argutie gît, comme précédemment, dans le mot -<i>difficulté;</i> mais ici à quelle fin est employé ce mot? A soutenir -l'idée de Cause Première. Et qu'est-ce qu'une Cause Première? C'est -une limite extrême de toutes les causes. Et qu'est-ce qu'une limite -extrême<span class="pagenum"><a name="Page_30" id="Page_30">[p. 30]</a></span> de toutes les causes? C'est le Fini. Ainsi, la même argutie, -dans les deux cas, est employée,—par combien de philosophes, Dieu -le sait!—pour soutenir tantôt le Fini et tantôt l'Infini; ne -pourrait-elle pas être utilisée pour soutenir encore quelque autre -chose? Quant aux arguties, elles sont généralement, de leur nature, -insoutenables; mais, en les jetant de côté, constatons que ce qu'elles -prouvent dans un cas est identique à ce qu'elles démontrent dans un -autre, c'est-à-dire à rien.</p> - -<p>Personne, évidemment, ne supposera que je lutte ici pour établir -l'absolue impossibilité de ce que nous essayons de faire entendre par -le mot <i>Infini.</i> Mon but est seulement de montrer quelle folie c'est de -vouloir prouver l'Infini, ou même notre conception de l'Infini, par un -raisonnement aussi maladroit que celui qui est généralement employé.</p> - -<p>Néanmoins il m'est permis, en tant qu'individu, de dire que je ne puis -pas concevoir l'Infini, et que je suis convaincu qu'aucun être humain -ne le peut davantage. Un esprit, qui n'a pas une entière conscience -de lui-même, qui n'est pas habitué à faire une analyse intérieure de -ses propres opérations, pourra, il est vrai, devenir souvent sa propre -dupe et croire qu'il a conçu l'idée dont je parle. Dans nos efforts -pour la concevoir, nous procédons pas à pas; nous imaginons toujours -un degré derrière un degré; et aussi longtemps que nous continuons -l'effort, on peut dire avec raison que nous tendons vers la conception -de l'idée en vue; mais la force de l'impression que nous parvenons, ou -que nous sommes parvenus à créer, est en raison de la période de temps -durant lequel nous maintenons cet effort intellectuel. Or, c'est par -le fait de l'interruption de l'effort,—c'est en parachevant (nous le -croyons du moins) l'idée postulée,—c'est en donnant, comme nous nous -le figurons, la touche finale à la<span class="pagenum"><a name="Page_31" id="Page_31">[p. 31]</a></span> conception,—que nous anéantissons -d'un seul coup toute cette fabrique de notre imagination;—bref, il -faut que nous nous reposions sur quelque point suprême et conséquemment -défini. Toutefois, si nous n'apercevons pas ce fait, c'est en raison -de l'absolue coïncidence entre cette pause définitive et la cessation -de notre pensée. En essayant, d'autre part, de former en nous l'idée -d'un espace limité, nous inversons simplement le procédé, impliquant -toujours la même impossibilité.</p> - -<p>Nous <i>croyons</i> à un Dieu. Nous pouvons ou nous ne pouvons pas <i>croire</i> -à un espace fini ou infini; mais notre croyance, en de pareils cas, -est plus proprement appelée <i>foi,</i> et elle est une chose tout à -fait distincte de cette croyance particulière, de cette croyance -<i>intellectuelle,</i> qui présuppose une conception mentale.</p> - -<p>Le fait est que, sur la simple énonciation d'un de ces termes à la -classe desquels appartient le mot <i>Infini,</i> classe qui représente des -<i>pensées de pensées,</i> celui qui a le droit de se dire un peu penseur se -sent appelé, non pas à former une conception, mais simplement à diriger -sa vision mentale vers un point donné du firmament intellectuel, -vers une nébuleuse qui ne sera jamais résolue. Il ne fait, pour la -résoudre, aucun effort; car avec un instinct rapide il comprend, non -pas seulement l'impossibilité, mais, en ce qui concerne l'intérêt -humain, le caractère essentiellement étranger de cette solution. Il -comprend que la Divinité n'a pas marqué ce mystère pour être résolu. -Il voit tout de suite que cette solution est située <i>hors</i> du cerveau -de l'homme, et même <i>comment,</i> si ce n'est exactement <i>pourquoi,</i> -elle gît hors de lui. Il y a des gens, je le sais, qui, s'employant -en vains efforts pour atteindre l'impossible, acquièrent aisément, -grâce à leur seul jargon, une sorte de réputation de profondeur parmi -leurs complices les<span class="pagenum"><a name="Page_32" id="Page_32">[p. 32]</a></span> pseudo-penseurs, pour qui obscurité et profondeur -sont synonymes. Mais la plus belle qualité de la pensée est d'avoir -conscience d'elle-même, et l'on peut dire, sans faire une métaphore -paradoxale, qu'il n'y a pas de brouillard d'esprit plus épais que celui -qui, s'étendant jusqu'aux limites du domaine intellectuel, dérobe ces -frontières elles-mêmes à la vue de l'intelligence.</p> - -<p>Maintenant on comprendra que, quand je me sers de ce terme, l'<i>Infini -de l'Espace,</i> je ne veux pas contraindre le lecteur à former la -conception impossible d'un infini <i>absolu.</i> Je prétends simplement -faire entendre <i>la plus grande étendue concevable</i> d'espace,—domaine -ténébreux et élastique, tantôt se rétrécissant, tantôt s'agrandissant, -selon la force irrégulière de l'imagination.</p> - -<p>Jusqu'à présent, l'Univers sidéral a été considéré comme coïncidant -avec l'Univers proprement dit, tel que je l'ai défini au commencement -de ce discours. On a toujours, directement ou indirectement, admis,—au -moins depuis la première aube de l'Astronomie intelligible,—que, -s'il nous était possible d'atteindre un point donné quelconque de -l'espace, nous trouverions toujours, de tous côtés, autour de nous, -une interminable succession d'étoiles. C'était l'idée insoutenable -de Pascal, quand il faisait l'effort, le plus heureux peut-être qui -ait jamais été fait, pour périphraser la conception que nous essayons -d'exprimer par le mot <i>Univers.</i> «C'est une sphère, dit-il, dont le -centre est partout, et la circonférence nulle part.» Mais, bien que -cette intention de définition ne définisse pas du tout, en fait, -l'Univers sidéral, nous pouvons l'accepter, avec quelque réserve -mentale, comme une définition (suffisamment rigoureuse pour l'utilité -pratique) de l'Univers proprement dit, c'est-à-dire de l'Univers -considéré comme espace. Ce dernier, prenons-le donc pour<span class="pagenum"><a name="Page_33" id="Page_33">[p. 33]</a></span> <i>une sphère -dont le centre est partout, et la circonférence nulle part.</i> Dans le -fait, s'il nous est impossible de nous figurer une fin de l'espace, -nous n'éprouvons aucune difficulté à imaginer un commencement -quelconque parmi une série infinie de commencements.</p> - - -<hr /> -<h4>IV</h4> - - -<p>Comme point de départ, adoptons donc la <i>Divinité.</i> Relativement à -cette Divinité, considérée en <i>elle-même,</i> celui-là seul n'est pas un -imbécile, celui-là seul n'est pas un impie, qui n'affirme absolument -rien. «Nous ne connaissons rien, dit le baron de Bielfeld, nous ne -connaissons rien de la nature ou de l'essence de Dieu;—pour savoir ce -qu'il est, il faut être Dieu même.»</p> - -<p><i>Il faut être Dieu même!</i> Malgré cette phrase effrayante, vibrant -encore dans mon oreille, j'ose toutefois demander si notre ignorance -actuelle de la Divinité est une ignorance à laquelle l'âme est -<i>éternellement</i> condamnée.</p> - -<p>Enfin, contentons-nous aujourd'hui de supposer que c'est Lui,—Lui, -l'Incompréhensible (pour le présent du moins),—Lui, que nous -considérerons comme <i>Esprit,</i> c'est-à-dire comme <i>non-Matière</i> -(distinction qui, pour tout ce que nous voulons atteindre, suppléera -parfaitement à une définition),—Lui, existant comme Esprit, qui -nous a <i>créés,</i> ou faits de Rien, par la force de sa Volonté,—dans -un certain point de l'Espace que nous prendrons comme centre, à une -certaine époque dont nous n'avons pas la prétention de nous enquérir, -mais en tout cas immensément éloignée;—supposons, dis-je,'que c'est -lui qui nous a faits,—mais faits ... <i>quoi?</i> Ceci est, dans nos -considérations, un point d'une importance vitale.<span class="pagenum"><a name="Page_34" id="Page_34">[p. 34]</a></span> <i>Qu</i>'étions-nous, -<i>que</i> pouvons-nous supposer légitimement avoir été, quand nous fûmes -<i>créés,</i> nous, univers, primitivement et individuellement?</p> - -<p>Nous sommes arrivés à un point où l'Intuition seule peut venir à -notre aide. Mais qu'il me soit permis de rappeler l'idée que j'ai -déjà suggérée comme la seule qui puisse convenablement définir -l'intuition. Elle n'est que <i>la conviction naissant de certaines -inductions ou déductions dont la marche a été assez secrète pour -échapper à notre conscience, éluder notre raison, ou défier notre -puissance d'expression.</i> Ceci étant entendu, j'affirme qu'une intuition -absolument irrésistible, quoique indéfinissable, me pousse à conclure -que [ce que] Dieu a originairement créé,—que cette Matière qu'il a, -par la force de sa Volonté, tirée de son Esprit, ou de Rien, ne peut -avoir été autre chose que la Matière dans son état le plus pur, le plus -parfait, de ... de quoi?—de <i>Simplicité.</i></p> - -<p>Ce sera là la seule <i>supposition</i> absolue dans mon discours. Je me sers -du mot supposition dans son sens ordinaire; cependant je maintiens que -ma proposition primordiale, ainsi formulée, est loin, bien loin d'être -une pure supposition. Rien n'a été, en effet, plus régulièrement, plus -rigoureusement <i>déduit</i>;—aucune conclusion humaine n'a été, en effet, -plus régulièrement, plus rigoureusement <i>déduite</i>;—mais, hélas! le -procédé de cette déduction échappe à l'analyse humaine;—en tout cas, -il se dérobe à la puissance expressive de toute langue humaine.</p> - -<p>Efforçons-nous maintenant de concevoir ce qu'a pu et ce qu'a dû être -la Matière dans sa condition absolue de <i>simplicité.</i> Ici, la Raison -vole d'un seul coup vers l'Imparticularité,—vers une particule,—une -particule <i>unique,</i>—une particule <i>une</i> dans son espèce,—<i>une</i> -dans son caractère,—<i>une</i> dans sa nature,—<i>une</i> par son volume,—<span class="pagenum"><a name="Page_35" id="Page_35">[p. 35]</a></span> -<i>une</i> par sa forme,—une particule qui soit particule à tous égards, -donc, une particule amorphe et idéale,—particule absolument -unique, individuelle, non divisée, mais <i>non pas indivisible,</i> -simplement parce que Celui qui la créa par la force de sa Volonté -peut très-naturellement la diviser par un exercice infiniment moins -énergique de la même Volonté.</p> - -<p>Donc, l'<i>Unité</i> est tout ce que j'affirme de la Matière originairement -créée; mais je me propose de démontrer que <i>cette Unité est un principe -largement suffisant pour expliquer la constitution, les phénomènes -actuels et l'anéantissement absolument inévitable au moins de l'Univers -matériel.</i></p> - -<p>Le Vouloir spontané, ayant pris corps dans la particule primordiale, a -complété l'acte, ou, plus proprement, la <i>conception</i> de la Création. -Nous nous dirigerons maintenant vers le but final pour lequel nous -supposons que cette particule a été créée;—quand je dis but final, -je veux dire tout ce que nos considérations jusqu'ici nous permettent -d'en saisir,—à savoir, la constitution de l'Univers tirée de cette -Particule unique.</p> - -<p>Cette constitution s'est effectuée par la transformation <i>forcée de</i> -l'Unité, originelle et normale, en Pluralité, condition anormale. Une -action de cette nature implique réaction. Une diffusion de l'Unité n'a -lieu que conditionnellement, c'est-à-dire qu'elle implique une tendance -au retour vers l'Unité,—tendance indestructible jusqu'à parfaite -satisfaction. Mais je m'étendrai par la suite plus amplement sur ce -sujet.</p> - -<p>La supposition de l'Unité absolue dans la Particule primordiale -renferme celle de la divisibilité infinie. Concevons donc simplement -la Particule comme non absolument épuisée par sa diffusion à travers -l'Espace. De cette Particule considérée comme centre, supposons, -irradié sphériquement,<span class="pagenum"><a name="Page_36" id="Page_36">[p. 36]</a></span> dans toutes les directions, à des distances non -mesurables, mais cependant définies, dans l'espace vide jusqu'alors, un -certain nombre innombrable, quoique limité, d'atomes inconcevablement -mais non infiniment petits.</p> - -<p>Or, de ces atomes, ainsi éparpillés ou à l'état de diffusion, que nous -est-il permis, non pas de supposer, mais de conclure, en considérant la -source d'où ils émanent et le but apparent de leur diffusion? L'Unité -étant leur source, et <i>la différence d'avec l'Unité</i> le caractère du -but manifesté par leur diffusion, nous avons tout droit de supposer -que ce caractère persiste <i>généralement</i> dans toute l'étendue du -plan et forme une partie du plan lui-même;—c'est-à-dire que nous -avons tout droit de concevoir des différences continues, sur tous -les points, d'avec l'unité et la simplicité du point originel. Mais, -pour ces raisons, sommes-nous autorisés à imaginer les atomes comme -hétérogènes, dissemblables, inégaux et inégalement distants? Pour -parler plus explicitement, devons-nous croire qu'il n'y a pas eu, au -moment de leur diffusion, deux atomes de même nature, de même forme -ou de même grosseur? et que, leur diffusion étant opérée à travers -l'Espace, ils doivent être tous, sans exception, inégalement distants -l'un de l'autre? Un pareil arrangement, dans de telles conditions, -nous permet de concevoir aisément, immédiatement, le procédé -d'opération le plus exécutable pour un dessein tel que celui dont j'ai -parlé,—le dessein de tirer la variété de l'unité,—la diversité de -la similarité,—l'hétérogénéité de l'homogénéité,—la complexité de -la simplicité,—en un mot, la plus grande multiplicité possible de -<i>rapports</i> de <i>l'Unité</i> expressément absolue. Incontestablement nous -aurions le droit de supposer tout ce que j'ai dit, si nous n'étions pas -arrêtés par deux<span class="pagenum"><a name="Page_37" id="Page_37">[p. 37]</a></span> réflexions:—la première, c'est que la superfluité -et la surérogation ne sont jamais admissibles dans l'Action Divine; -et la seconde, c'est que le but poursuivi apparaît comme tout aussi -facile à atteindre quand quelques-unes des conditions requises sont -obtenues dans le principe, que quand toutes existent visiblement et -immédiatement. Je veux dire que celles-ci sont contenues dans les -autres, ou qu'elles en sont une conséquence si instantanée, que la -distinction devient inappréciable. La différence de grosseur, par -exemple, sera tout de suite créée par la tendance d'un atome vers un -second atome, de préférence à un troisième, en raison d'une inégalité -particulière de distance; <i>inégalité particulière de distance entre des -centres de quantité, dans des atomes voisins de différente forme,—</i> -phénomène qui ne contredit en rien la distribution généralement -égale des atomes. La différence <i>d'espèce,</i> nous la concevons aussi -très-aisément comme résultant de différences dans la grosseur et dans -la forme, supposées plus ou moins conjointes;—en effet, puisque -l'<i>Unité</i> de la Particule proprement dite implique homogénéité -absolue, nous ne pouvons pas supposer que les atomes, au moment de -leur diffusion, diffèrent en espèce, sans imaginer en même temps une -opération spéciale de la Volonté Divine, agissant à l'émission de -chaque atome, dans le but d'effectuer en chacun une transformation de -sa nature essentielle;—et nous devons d'autant plus repousser une -idée aussi fantastique, que l'objet en vue peut parfaitement bien -être atteint sans une aussi minutieuse et laborieuse intervention. -Nous comprenons donc, avant tout, qu'il eût été surérogatoire, et -conséquemment anti-philosophique, d'attribuer aux atomes, en vue de -leurs destinations respectives, autre chose qu'une <i>différence de -forme</i> au moment de leur dispersion, et postérieurement une inégalité -particulière de<span class="pagenum"><a name="Page_38" id="Page_38">[p. 38]</a></span> distance,—toutes les autres différences naissant -ensemble des premières, dès les premiers pas que la masse a faits vers -sa constitution. Nous établissons donc l'Univers sur une base purement -<i>géométrique.</i> Il va sans dire qu'il n'est pas du tout nécessaire de -supposer une absolue différence, même de forme, entre <i>tous</i> les atomes -irradiés;—nous nous contentons de supposer une inégalité générale de -distance de l'un à l'autre. Nous sommes tenus simplement d'admettre -qu'il n'y a pas d'atomes <i>voisins</i> de forme similaire,—qu'il n'y a -pas d'atomes qui puissent jamais se rapprocher, excepté lors de leur -inévitable réunion finale.</p> - -<p>Quoique la <i>tendance,</i> immédiate et perpétuelle, des atomes dispersés -à retourner vers leur Unité normale soit impliquée, comme je l'ai dit, -dans leur diffusion anormale, toutefois il est clair que cette tendance -doit être sans résultat,—qu'elle doit rester une tendance et rien de -plus,—jusqu'à ce que la force d'expansion, cessant d'opérer, donne -à cette tendance toute liberté de se satisfaire. L'Action Divine, -toutefois, étant considérée comme déterminée, et interrompue après -l'opération primitive de la diffusion, nous concevons tout de suite -une <i>réaction,</i>—en d'autres termes une tendance, <i>qui pourra être -satisfaite,</i> de tous les atomes désunis à retourner vers l'<i>Unité.</i></p> - -<p>Mais la force de diffusion étant retirée, et la réaction ayant commencé -pour favoriser le dessein final,—<i>celui de créer la plus grande somme -de rapports possible,</i>—ce dessein est maintenant en danger d'être -frustré dans le détail, par suite de cette tendance rétroactive qui -a pour but son accomplissement total. La <i>multiplicité</i> est l'objet; -mais rien n'empêche les atomes voisins de se précipiter <i>tout de suite</i> -l'un vers l'autre,—grâce à leur tendance maintenant libre, avant -l'accomplissement de tous les buts multiples,—et de se fondre tous en -une unité compacte; rien ne<span class="pagenum"><a name="Page_39" id="Page_39">[p. 39]</a></span> fait obstacle à l'aggrégation de diverses -masses, isolées jusque-là, sur différents points de l'espace;—en -d'autres termes, rien ne s'oppose à l'accumulation de diverses masses, -chacune faisant une Unité absolue.</p> - - -<hr /> -<h4>V</h4> - - -<p>Pour l'accomplissement efficace et complet du plan général, nous -devinons maintenant la nécessité d'une force répulsive limitée,—de -<i>quelque chose</i> qui serve à séparer, et qui, lors de la cessation de -la Volition diffusive, puisse en même temps permettre le rapprochement -et empêcher la jonction des atomes; qui leur permette de se rapprocher -infiniment, et leur défende de se mettre en contact positif; quelque -chose, en un mot, qui ait puissance, <i>jusqu'à une certaine époque,</i> de -prévenir leur fusion, mais non de contredire à aucun égard ni à aucun -degré leur tendance à se réunir. La force répulsive, déjà considérée -comme si particulièrement limitée à d'autres égards, peut, je le -répète, être prise comme une puissance destinée à empêcher l'absolue -cohésion, <i>seulement jusqu'à une certaine époque.</i> A moins que nous -ne concevions l'appétition des atomes pour l'Unité comme condamnée -à n'être <i>jamais</i> satisfaite,—à moins que nous n'admettions que ce -qui a eu un commencement ne doive pas avoir de fin,—idée qui est -réellement inadmissible, quelque nombreux que soient ceux d'entre -nous qui rêvent et bavardent sur ce thème,—nous sommes forcés de -conclure que l'influence répulsive supposée devra finalement,—sous la -pression de l'<i>Unitendance</i> agissant <i>collectivement,</i> mais agissant -seulement alors que, pour l'accomplissement des plans de la Divinité, -cette action collective devra se faire naturellement,<span class="pagenum"><a name="Page_40" id="Page_40">[p. 40]</a></span>—céder à une -force qui, à cette époque finale, sera la force supérieure, poussée -juste au degré nécessaire, et permettre ainsi le tassement universel -des choses en <i>Unité,</i> unité inévitable parce qu'elle est originelle -et conséquemment normale. Il est en vérité fort difficile de concilier -toutes ces conditions;—nous ne pouvons même pas comprendre la -possibilité de cette conciliation;—néanmoins cette impossibilité -apparente est féconde en suggestions brillantes.</p> - -<p>Que cette répulsion existe positivement, <i>nous le voyons.</i> L'homme -n'emploie et ne connaît aucune force suffisante pour fondre deux atomes -en un. Je n'avance ici que la thèse bien reconnue de l'impénétrabilité -de la matière. Toute l'Expérience la prouve,—toute la Philosophie -l'admet. J'ai essayé de démontrer le <i>but</i> de la répulsion et la -nécessité de son existence; mais je me suis religieusement abstenu de -toute tentative pour en pénétrer la nature; et cela, à cause d'une -conviction intuitive qui me dit que le principe en question est -strictement spirituel,—gît dans une profondeur impénétrable à notre -intelligence présente,—est impliqué dans une considération relative à -ce qui maintenant, dans notre condition humaine, ne peut être l'objet -d'aucun examen,—dans une considération de l'<i>Esprit en lui-même.</i> Je -sens, en un mot, qu'ici, et ici seulement, Dieu s'est interposé, parce -qu'ici, et seulement ici, le nœud demandait l'interposition de Dieu.</p> - -<p>Dans le fait, pendant que dans cette tendance des atomes vers l'Unité -on reconnaîtra tout d'abord le principe de la Gravitation Newtonienne, -ce que j'ai dit d'une force répulsive, servant à mettre des limites à -la satisfaction immédiate, peut être entendu de <i>ce que</i> nous avons -jusqu'à présent désigné tantôt comme chaleur, tantôt comme magnétisme, -tantôt comme <i>électricité;</i> montrant ainsi,<span class="pagenum"><a name="Page_41" id="Page_41">[p. 41]</a></span> dans les vacillations de -la phraséologie par laquelle nous essayons de <i>le</i> définir, l'ignorance -où nous sommes de son caractère mystérieux et terrible.</p> - -<p>Le nommant donc, pour le présent seulement, électricité, nous savons -que toute analyse expérimentale de l'électricité a donné, pour résultat -final, le principe, réel ou apparent, de <i>l'hétérogénéité. Seulement -là</i> où les choses diffèrent, l'électricité se manifeste; et il est -présumable qu'elles ne diffèrent jamais là où l'électricité n'est pas -développée, sinon apparente. Or, ce résultat est dans le plus parfait -accord avec celui où je suis parvenu par une autre voie que par -l'expérience. J'ai affirmé que l'utilité de la force répulsive était -d'empêcher les atomes disséminés de retourner à l'Unité immédiate; -et ces atomes sont représentés comme différant les uns des autres. -La <i>différence</i> est leur caractère,—leur essentialité,—juste comme -la <i>non-différence</i> était le caractère essentiel de leur mouvement. -Donc, quand nous disons qu'une tentative pour mettre en contact deux -de ces atomes doit amener un effort de l'influence répulsive pour -empêcher cette union, nous pouvons aussi bien nous servir d'une -phrase absolument équivalente, à savoir, qu'une tentative pour mettre -en contact deux différences amènera comme résultat un développement -d'électricité. Tous les corps existants sont composés de ces atomes -en contact immédiat, et peuvent conséquemment être considérés comme -de simples assemblages de différences plus ou moins nombreuses; et la -résistance faite par l'esprit de répulsion, si nous mettions en contact -deux de ces assemblages quelconques, serait en raison des deux sommes -de différences contenues dans chacun;—expression qui peut être réduite -à celle-ci, équivalente:</p> - -<p><i>La somme d'électricité développée par le contact de deux corps est<span class="pagenum"><a name="Page_42" id="Page_42">[p. 42]</a></span> -proportionnée à la différence entre les sommes respectives d'atomes -dont les corps sont composés.</i></p> - -<p>Qu'il n'existe pas deux corps absolument semblables, c'est un -simple corollaire qui résulte de tout ce que nous avons dit. Donc -l'électricité, toujours existante, se <i>développe</i> par le contact de -corps quelconques, mais ne se <i>manifeste</i> que par le contact de corps -d'une différence appréciable.</p> - -<p>A l'électricité,—pour nous servir encore de cette désignation,—nous -pouvons à bon droit rapporter les divers phénomènes physiques de -lumière, de chaleur et de magnétisme; mais nous sommes bien mieux -autorisés encore à attribuer à ce principe strictement spirituel les -phénomènes plus importants de vitalité, de conscience et de <i>Pensée.</i> -A ce sujet, toutefois, qu'il me soit permis de faire une pause et de -noter que ces phénomènes, observés dans leur généralité ou dans leurs -détails, semblent procéder <i>au moins en raison de l'hétérogénéité.</i></p> - -<p>Écartons maintenant les deux termes équivoques, <i>gravitation</i> et -<i>électricité,</i> et adoptons les expressions plus définies <i>d'attraction</i> -et de <i>répulsion.</i> La première, c'est le corps; la seconde, c'est -l'âme; l'une est le principe matériel, l'autre le principe spirituel -de l'Univers. <i>Il n'existe pas d'autres principes. Tous</i> les -phénomènes doivent être attribués à l'un ou à l'autre, ou à tous les -deux combinés. Il est si rigoureusement vrai, il est si parfaitement -rationnel que l'attraction et la répulsion sont les <i>seules</i> propriétés -par lesquelles nous percevons l'Univers,—en d'autres termes, par -lesquelles la Matière se manifeste à l'Esprit,—que nous avons -pleinement le droit de supposer que la matière <i>n'existe</i> que comme -attraction et répulsion,—que l'attraction et la répulsion <i>sont</i> -matière,—nous servant de cette hypothèse comme d'un moyen de faciliter -l'argumentation;<span class="pagenum"><a name="Page_43" id="Page_43">[p. 43]</a></span>—car il est impossible de concevoir un cas où -nous ne puissions employer à notre gré le mot matière et les termes -attraction et répulsion, pris ensemble, comme expressions de logique -équivalentes et convertibles.</p> - - -<hr /> -<h4>VI</h4> - - -<p>Je disais tout à l'heure que ce que j'ai nommé la tendance des atomes -disséminés à retourner à leur unité originelle devait être pris pour -le principe de la foi newtonienne de la gravitation; et en effet on -n'aura pas grande peine à entendre la chose ainsi, si l'on considère -la <i>gravitation newtonienne</i> sous un aspect purement général, comme -une force qui pousse la matière à chercher la matière; c'est-à-dire -si nous voulons ne pas attacher notre attention au <i>modus operandi</i> -connu de la force newtonienne. La coïncidence générale nous satisfait; -mais, en regardant de plus près, nous voyons dans le détail beaucoup -de choses qui paraissent non-coïncidentes, et beaucoup d'autres où la -coïncidence ne paraît pas du moins suffisamment établie. Un exemple: -la gravitation newtonienne, si nous la considérons dans certains -modes, ne nous apparaît pas du tout comme une tendance vers <i>Y -Unité;</i> elle nous semble plutôt une tendance de tous les corps dans -toutes les directions, phrase qui semble exprimer la tendance à la -diffusion. Ici donc il y a non-coïncidence. Un autre exemple: quand -nous réfléchissons sur la loi mathématique qui gouverne la tendance -newtonienne, nous voyons clairement que nous ne pouvons pas obtenir la -coïncidence,—relativement, du moins, au <i>modus operandi,</i>—entre la -gravitation, telle que nous la connaissons, et cette tendance, simple -et directe en apparence, que j'ai supposée.</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_44" id="Page_44">[p. 44]</a></span></p> - -<p>En effet, je suis arrivé à un point où il serait bon de renforcer ma -position en inversant mon procédé. Jusqu'à présent, nous avons procédé -<i>à priori,</i> d'une considération abstraite de la <i>Simplicité,</i> prise -comme la qualité qui a dû le plus vraisemblablement caractériser -l'action originelle de Dieu. Voyons maintenant si les faits établis -de la Gravitation newtonienne peuvent nous fournir, à <i>posteriori,</i> -quelques inductions légitimes.</p> - -<p>Que déclare la loi newtonienne? que tous les corps s'attirent l'un -l'autre avec des forces proportionnées [à leurs quantités de matière -et inversement proportionnées] aux carrés de leurs distances. -C'est à dessein que je donne d'abord la version vulgaire de la -loi; et je confesse que dans celle-ci, comme dans la plupart des -traductions vulgaires de grandes vérités, je ne trouve pas une qualité -très-suggestive. Adoptons donc une phraséologie plus philosophique -—<i>Chaque atome de chaque corps attire chaque autre atome, soit -appartenant au même corps, soit appartenant à chaque autre corps, avec -une force variant en raison inverse des carrés des distarices entre -l'atome attirant et l'atome attiré.</i> Ici, pour le coup, un flot de -suggestions jaillit aux yeux de l'esprit.</p> - -<p>Mais voyons distinctement la chose que Newton a <i>prouvée,—</i>selon la -définition grossièrement irrationnelle de <i>h preuve</i> prescrite par les -écoles de métaphysique. Il fut obligé de se contenter de montrer que -les mouvements d'un Univers imaginaire, composé d'atomes attirants et -attirés obéissant à la loi qu'il annonçait, coïncidaient parfaitement -avec les mouvements de l'Univers existant réellement, autant du -moins qu'il tombe sous notre observation. Telle fut la somme de sa -<i>démonstration,</i> selon le jargon conventionnel des philosophies. Les -succès qui la confirmèrent ajoutèrent preuve sur preuve,—des preuves<span class="pagenum"><a name="Page_45" id="Page_45">[p. 45]</a></span> -telles que les admet toute intelligence saine,—mais la <i>démonstration</i> -de la loi-elle-même, selon les métaphysiciens, n'avait été confirmée -en aucune façon. Cependant la preuve <i>oculaire, physique,</i> de -l'attraction, ici même, sur cette Terre, fut enfin trouvée, en parfait -accord avec la théorie newtonienne, et à la grande satisfaction de -quelques-uns de ces reptiles intellectuels. Cette preuve jaillit, -indirectement et incidemment (comme jaillirent presque toutes les -vérités importantes), d'une tentative faite pour mesurer la densité -moyenne de la Terre. Dans les fameuses expériences que Maskelyne, -Cavendish et Bailly firent dans ce but, il fut découvert, vérifié et -mathématiquement démontré que l'attraction de la masse d'une montagne -était en accord exact avec l'immortelle théorie de l'astronome anglais.</p> - -<p>Mais, en dépit de cette confirmation d'une vérité qui n'en avait aucun -besoin,—en dépit de la prétendue corroboration de la <i>théorie</i> par la -prétendue <i>preuve oculaire et physique,—</i>en dépit du caractère de -cette corroboration,—les idées que les vrais philosophes eux-mêmes -ne peuvent s'empêcher d'accepter relativement à la gravitation, et -particulièrement les idées acceptées et complaisamment maintenues -par les hommes vulgaires, ont été évidemment tirées, pour la plus -grande partie, d'une considération du principe, tel qu'ils le trouvent -simplement développé <i>sur la planète à laquelle ils sont attachés.</i></p> - -<p>Or, où tend une considération aussi amoindrie? A quelle espèce d'erreur -donne-t-elle naissance? Sur la Terre nous voyons, nous sentons -simplement que la gravitation chasse tous les corps vers le centre de -la Terre. Aucun homme, dans le domaine ordinaire de la vie, ne peut -voir ni sentir autrement,—ne peut s'empêcher de percevoir que toute -chose, partout, a une tendance gravitante, perpétuelle<span class="pagenum"><a name="Page_46" id="Page_46">[p. 46]</a></span> vers le centre -de la Terre, et pas ailleurs; cependant (sauf une exception qui sera -spécifiée postérieurement) il est certain que chaque chose terrestre -(pour ne pas parler maintenant de toutes les choses célestes) a une -tendance non-seulement vers le centre de la Terre, mais en outre vers -toute espèce de direction possible.</p> - -<p>Or, quoique les hommes de philosophie ne puissent pas être accusés -de se tromper avec le vulgaire dans cette matière, ils se laissent -toutefois influencer, à leur insu, par l'idée vulgaire agissant -comme sentiment.—<i>Quoique personne n'ait foi dans les fables du -Paganisme,—</i>dit Bryant dans sa très-savante <i>Mythologie,—cependant -nous nous oublions sans cesse au point d'en tirer des inductions comme -de réalités existantes.—</i>Je veux dire que la perception purement -<i>sensitive</i> de la gravitation, telle que nous la connaissons sur -la Terre, induit l'humanité en fantaisie et la fait croire à une -<i>concentralisation,</i> à une sorte de spécialité terrestre;—qu'elle a -toujours incliné vers cette fantaisie les intelligences même les plus -puissantes,—les détournant perpétuellement, quoique imperceptiblement, -de la caractéristique réelle du principe; les ayant empêchées jusqu'à -l'époque présente de saisir même un aperçu de cette vérité vitale -qui se trouve dans une direction diamétralement opposée,—derrière -les caractéristiques <i>essentielles</i> du principe, qui sont, non pas -la concentralisation ou la spécialité, mais l'<i>universalité</i> et la -<i>diffusion.</i> Cette vérité vitale est l'Unité, prise comme source du -phénomène.</p> - -<p>Permettez-moi de répéter la définition de la gravitation: <i>Chaque -atome, dans chaque corps, attire chaque autre atome, appartenant au -même corps ou appartenant à tout autre corps,</i> avec une force qui varie -en raison inverse des carrés des distances de l'atome attirant et de -l'atome attiré.</p> - -<p>Que le lecteur s'arrête ici un moment avec moi pour<span class="pagenum"><a name="Page_47" id="Page_47">[p. 47]</a></span> contempler la -miraculeuse, ineffable et absolument inimaginable complexité de -rapports impliquée dans ce fait, que <i>chaque atome attire chaque autre -atome,—</i>impliquée seulement dans ce fait de l'attraction, étant -écartée la question de la loi ou du mode suivant lesquels l'attraction -se manifeste,—impliquée dans ce fait unique que chaque atome attire -plus ou moins chaque autre atome, dans une immensité d'atomes telle, -que toutes les étoiles qui entrent dans la constitution de l'Univers -peuvent être à peu près comparées pour le nombre aux atomes qui entrent -dans la composition d'un boulet de canon.</p> - -<p>Eussions-nous simplement découvert que chaque atome tendait vers un -point favori, vers quelque atome particulièrement attractif, nous -serions encore tombés sur une découverte qui, en elle-même, aurait -suffi pour accabler notre esprit;—mais quelle est cette vérité que -nous sommes actuellement appelés à comprendre? C'est que chaque -atome attire chaque autre atome, sympathise avec ses plus délicats -mouvements, avec chaque atome et avec tous, toujours, incessamment, -suivant une loi déterminée dont la complexité, même considérée -seulement en elle-même, dépasse absolument les forces de l'imagination -humaine. Si je me propose de mesurer l'influence d'un seul atome sur -l'atome son voisin dans un rayon solaire, je ne puis pas accomplir mon -dessein sans d'abord compter et peser tous les atomes de l'Univers et -définir la position précise de chacun à un moment particulier de la -durée. Si je m'avise de déplacer, ne fût-ce que de la trillionième -partie d'un pouce, le grain microscopique de poussière posé maintenant -sur le bout de mon doigt, quel est le caractère de l'action que j'ai eu -la hardiesse de commettre? J'ai accompli un acte qui ébranle la Lune -dans sa marche, qui contraint le Soleil à n'être plus le soleil, et qui -altère<span class="pagenum"><a name="Page_48" id="Page_48">[p. 48]</a></span> pour toujours la destinée des innombrables myriades d'étoiles -qui roulent et flamboient devant la majesté de leur Créateur.</p> - -<p>De telles idées, de telles conceptions,—pensées monstrueuses qui ne -sont plus des pensées, rêveries de l'âme plutôt que raisonnements ou -même considérations de l'intellect,—de telles idées, je le répète, -sont les seules que nous puissions réussir à créer en nous dans tous -nos efforts pour saisir le grand principe de <i>l'Attraction.</i></p> - -<p>Mais maintenant, avec de telles idées, avec une telle vision, -franchement acceptée, de la merveilleuse complexité de l'Attraction, -que toute personne, capable de réfléchir sur de pareilles matières, -s'applique à imaginer un principe adaptable aux phénomènes -observés,—ou la condition qui leur a donné naissance.</p> - -<p>Une si évidente fraternité des atomes n'indique-t-elle pas une -extraction commune? Une sympathie si victorieuse, si indestructible, -si absolument indépendante, ne suggère-t-elle pas l'idée d'une source, -d'une paternité commune? Un extrême ne pousse-t-il pas la raison vers -l'extrême son contraire? L'infini dans la division ne se rapporte-t-il -pas à l'absolu dans l'individualité? Le superlatif de la complexité ne -fait-il pas deviner la perfection dans la simplicité? Je veux dire, -non pas seulement que les atomes, comme nous les voyons, sont divisés -ou qu'ils sont complexes dans leurs rapports, mais surtout qu'ils -sont inconcevablement divisés et inexprimablement complexes; c'est de -l'extrême des conditions que je veux parler maintenant, plutôt que des -conditions elles-mêmes. En un mot, n'est-ce pas parce que les atomes -étaient, à une certaine époque très-ancienne, <i>quelque chose de plus -même qu'un assemblage,—</i>n'est-ce pas parce que, originellement, donc -normalement, ils étaient <i>Un,</i> que maintenant en<span class="pagenum"><a name="Page_49" id="Page_49">[p. 49]</a></span> toutes circonstances, -sur tous les points, dans toutes les directions, par tous les modes -de rapprochement, dans tous les rapports et à travers toutes les -conditions, ils s'efforcent de <i>retourner</i> vers cette <i>unité</i> absolue, -indépendante et inconditionnelle?</p> - -<p>Ici, quelqu'un demandera peut-être: «Pourquoi, puisque c'est vers -l'Unité que ces atomes s'efforcent de retourner, ne jugeons-nous pas -et ne définissons-nous pas l'Attraction <i>une simple tendance générale -vers un centre?</i>—Pourquoi, particulièrement, <i>vos</i> atomes, les -atomes que vous nous donnez comme ayant été irradiés d'un centre, ne -retournent-ils pas tous à la fois, en ligne droite, vers le point -central de leur origine?»</p> - -<p>Je réponds qu'ils le font, ainsi que je le montrerai clairement; -mais que la cause qui les y pousse est tout à fait indépendante du -centre considéré <i>comme tel.</i> Ils tendent tous en ligne droite vers -un centre, à cause de la sphéricité selon laquelle ils ont été lancés -dans l'espace. Chaque atome, formant une partie d'un globe généralement -uniforme d'atomes, trouve naturellement plus d'atomes dans la direction -du centre que dans toute autre direction; c'est donc dans ce sens -qu'il est poussé, mais il n'y est pas poussé parce que le centre est -<i>le point de son origine.</i> Il n'est pas de <i>point</i> auquel les atomes -se rallient. Il n'est pas de <i>lieu,</i> soit dans le concret, soit dans -l'abstrait, auquel je les suppose attachés. Rien de ce qui peut -s'appeler <i>localité</i> ne doit être conçu comme étant leur origine. Leur -source est dans le principe Unité. C'est là le père qu'ils ont perdu. -C'est là ce <i>qu'ils cherchent</i> toujours, immédiatement, dans toutes -les directions, partout où ils peuvent le trouver, même partiellement; -apaisant ainsi, dans une certaine mesure, leur indestructible tendance, -tout en faisant route vers leur absolue satisfaction finale.</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_50" id="Page_50">[p. 50]</a></span></p> - -<p>Il suit de tout ceci que tout principe qui sera suffisant -pour expliquer en général la <i>loi,</i> ou <i>modus operandi,</i> de -la force attractive, devra aussi expliquer cette loi dans le -particulier;—c'est-à-dire que tout principe qui montrera pourquoi les -atomes doivent tendre vers leur <i>centre général d'irradiation,</i> avec -des forces variant en proportion inverse des carrés des distances, -expliquera d'une manière satisfaisante la tendance, conforme à la même -loi, qui pousse l'atome vers l'atome;—<i>car</i> la tendance vers le centre -<i>est</i> simplement la tendance de chacun vers chacun, et non pas une -tendance vers un centre considéré <i>comme tel.</i></p> - -<p>On voit en même temps que l'établissement de mes propositions -n'implique aucune nécessité de modifier les termes de la définition -newtonienne de la Gravitation, laquelle déclare que chaque atome -attire chaque autre atome, dans une infinie réciprocité, et ne déclare -que cela; mais (en supposant toutefois que ce que je propose sera -finalement admis) il me semble évident que, dans les futures opérations -de la Science, on pourrait éviter quelque erreur occasionnelle, si -l'on adoptait une phraséologie plus ample, telle que celle-ci:—Chaque -atome tend vers chaque autre atome, etc., avec une force, etc.; <i>le -résultat général étant une tendance de tous les atomes, avec une force -semblable, vers un centre général.</i></p> - -<p>En reprenant notre route à l'inverse, nous sommes arrivés à un -résultat identique; mais, dans l'un des cas, <i>Y Intuition</i> était le -point de départ, dans l'autre, elle était le but. En commençant mon -premier voyage, je pouvais dire seulement que je <i>sentais,</i> par une -irrésistible intuition, que la Simplicité avait été la caractéristique -de l'action originelle de Dieu;—en finissant mon second voyage, je -puis seulement déclarer que je perçois, par une irrésistible intuition, -que l'Unité a été la source des phénomènes de<span class="pagenum"><a name="Page_51" id="Page_51">[p. 51]</a></span> la Gravitation -newtonienne observés jusqu'à présent. Ainsi, selon les écoles, je ne -<i>prouve</i> rien. Soit. Je n'ai pas d'autre ambition que de suggérer,—et -de <i>convaincre</i> par la suggestion. J'ai l'orgueilleuse conviction -qu'il existe des intelligences humaines profondes, douées d'un prudent -discernement, qui ne pourront pas <i>s'empêcher</i> d'être largement -satisfaites de mes simples suggestions. Pour ces intelligences,—comme -pour la mienne,—il n'est pas de démonstration mathématique qui puisse -apporter la moindre <i>vraie preuve</i> additionnelle à la grande <i>Vérité</i> -que j'ai avancée, à savoir que l'<i>Unité Originelle est la source, le -principe des Phénomènes Universels.</i> Pour ma part, je ne suis pas aussi -sûr que je parle et que je vois;—je ne suis pas aussi sûr que mon -cœur bat et que mon âme vit;—que le soleil se lèvera demain matin, -probabilité qui gît encore dans le Futur,—je ne prétends pas du tout -en être aussi sûr que je le suis de ce <i>Fait</i> irréparablement passé, -que tous les Êtres et Toutes les Pensées des Êtres, avec toute leur -ineffable Multiplicité de Rapports, ont jailli à la fois à l'existence -de la primordiale et indépendante <i>Unité.</i></p> - -<p>Relativement à la Gravitation newtonienne, le Docteur Nichol, -l'éloquent auteur de l'<i>Architecture des deux,</i> dit: «En vérité, nous -n'avons aucune raison de supposer que cette grande Loi, telle qu'elle -nous est aujourd'hui connue, soit la formule suprême ou la plus -simple, conséquemment universelle et omnicompréhensible, d'une grande -Ordonnance. Le mode suivant lequel son intensité diminue avec l'élément -de la distance n'a pas l'aspect d'un <i>principe</i> suprême, lequel -principe comporte toujours la simplicité de ces axiomes, évidents par -eux-mêmes, qui constituent la base de la Géométrie.»</p> - -<p>Il est absolument vrai que les <i>principes suprêmes,</i> selon le sens -usuel des termes, comportent toujours la simplicité<span class="pagenum"><a name="Page_52" id="Page_52">[p. 52]</a></span> des axiomes -géométriques (quant aux choses <i>évidentes par elles-mêmes,</i> il n'en -existe pas);—mais ces principes ne sont pas clairement <i>suprêmes;</i> -en d'autres termes, les choses que nous avons l'habitude de qualifier -<i>principes</i> ne sont pas, à proprement parler, des principes,—puisqu'il -ne peut exister qu'un principe, qui est la Volition Divine. Nous -n'avons donc aucun droit de supposer, d'après ce que nous observons -dans les règles qu'il nous plaît follement d'appeler <i>principes,</i> quoi -que ce soit qui ressemble aux caractéristiques d'un principe proprement -dit. Les principes <i>suprêmes,</i> dont le Docteur Nichol parle comme -comportant la simplicité géométrique, peuvent avoir et ont en effet -cet aspect géométrique, puisqu'ils sont une partie intégrante d'un -vaste système géométrique, c'est-à-dire d'un système de simplicité, -dans lequel toutefois le principe vraiment suprême est, <i>comme nous le -savons,</i> le maximum du complexe, autrement dit, de l'inintelligible; -—car n'est-ce pas la Capacité Spirituelle de Dieu?</p> - -<p>Cependant j'ai cité la remarque du Docteur Nichol, non pas tant pour -infirmer sa philosophie que pour attirer l'attention sur ce fait, que, -malgré que tous les hommes aient admis un <i>certain</i> principe comme -existant au delà de la loi de la Gravitation, aucune tentative n'a été -faite pour définir ce qu'est particulièrement ce principe;—si nous -exceptons peut-être quelques visées fantastiques qui le transportent -dans le Magnétisme, dans le Mesmérisme, dans le Swedenborgianisme, -ou dans le Transcendantalisme, ou dans tout autre délicieux isme de -la même espèce, invariablement favorisé par une seule et même espèce -de gens. Le grand esprit de Newton, tout en saisissant hardiment la -Loi elle-même, a reculé devant le principe de la Loi. Plus active, -plus compréhensible au moins, sinon plus patiente et plus profonde, -la sagacité<span class="pagenum"><a name="Page_53" id="Page_53">[p. 53]</a></span> de Laplace n'eut pas le courage de s'y attaquer. Mais -l'hésitation de la part de ces astronomes n'est pas si difficile -à comprendre. Eux aussi, comme d'ailleurs tous les mathématiciens -de la première classe, ils étaient <i>purement</i> mathématiciens; leur -intelligence du moins était marquée d'un caractère mathématico-physique -vigoureusement prononcé. Tout ce qui n'était pas distinctement situé -dans le domaine de la Physique ou des Mathématiques leur apparaissait -comme des Non-Entités ou des Ombres. Néanmoins, nous pouvons bien -nous étonner que Leibnitz, qui fut une exception remarquable à cette -règle générale, et dont le tempérament spirituel était un singulier -mélange du mathématique avec le physico-métaphysique, n'ait pas d'abord -recherché et défini le point en litige. Newton et Laplace, cherchant -un principe, et n'en découvrant aucun <i>physique,</i> devaient humblement -et tranquillement s'arrêter à cette conclusion, qu'il n'en existait -absolument aucun; mais il est presque impossible de concevoir que -Leibnitz, ayant épuisé dans ses recherches les domaines de la physique, -n'ait pas marché droit, plein de hardiesse et de confiance, à travers -ce vieux labyrinthe du royaume de la Métaphysique qui lui était si -familier. Il est évident qu'il a dû s'aventurer à la recherche du -trésor;—s'il ne l'a pas trouvé, c'est peut-être, après tout, parce que -sa merveilleuse conductrice, son Imagination, n'était pas suffisamment -adulte ou assez bien éduquée pour le diriger dans la bonne route.</p> - -<p>J'observais tout à l'heure qu'il avait été fait de vagues tentatives -pour attribuer la Gravitation à de certaines forces très-douteuses, -dont le nom affecte la désinence <i>isme.</i> Mais ces tentatives, quoique -considérées très-justement comme hardies, n'ont pas visé plus loin qu'à -la généralité, à la pure généralité de la Loi newtonienne.</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_54" id="Page_54">[p. 54]</a></span></p> - -<p>Aucun effort d'explication, aucun effort heureux, à ma connaissance, -n'a été fait relativement à son <i>modus operandi.</i> C'est donc avec -une crainte bien légitime d'être pris pour un fou, dès le début, et -avant d'avoir pu porter mes propositions sous l'œil de ceux-là qui -seuls sont compétents pour décider sur leur valeur, que je déclare -ici que le <i>modus operandi</i> de la Loi de la Gravitation est une chose -excessivement simple et parfaitement appréciable, à la condition que -nous nous approchions du problème selon une juste gradation et dans -la bonne route,—c'est-à-dire si nous le considérons du point de vue -convenable.</p> - - -<hr /> -<h4>VII</h4> - - -<p>Soit que nous arrivions à l'idée d'absolue <i>Unité,</i> source présumée de -Tous les Êtres, par une considération de la Simplicité prise pour la -caractéristique la plus probable de l'action originelle de Dieu;—soit -que nous y parvenions par l'examen de l'universalité de rapports dans -les phénomènes de la gravitation;—ou soit enfin que nous aboutissions -à cette idée comme au résultat de la corroboration réciproque des -deux procédés,—toujours est-il que l'idée, une fois acceptée, est -inséparablement connexe d'une autre idée, celle de la condition de -l'Univers sidéral, tel que nous le voyons maintenant, c'est-à-dire -d'une incommensurable <i>diffusion</i> à travers l'espace. Or, une connexion -entre ces idées,—unité et diffusion,—ne peut pas être admissible sans -une troisième idée, celle de <i>l'irradiation.</i> L'Unité Absolue étant -prise comme centre, l'Univers sidéral existant est le résultat d'une -<i>irradiation</i> partant de ce centre.</p> - -<p>Or, les lois de l'irradiation sont <i>connues.</i> Elles sont partie<span class="pagenum"><a name="Page_55" id="Page_55">[p. 55]</a></span> -intégrante de la <i>sphère.</i> Elles appartiennent à la classe des -<i>propriétés géométriques incontestables.</i> Nous disons d'elles: elles -sont vraies, elles sont évidentes. Demander <i>pourquoi</i> elles sont -vraies, ce serait demander pourquoi sont vrais les axiomes sur lesquels -s'appuie la démonstration de ces lois. Il n'y a <i>rien</i> de démontrable, -pour parler strictement; mais s'il y a quelque chose de démontrable, -les propriétés et les lois en question sont démontrées.</p> - -<p>Mais ces lois, que déclarent-elles? Comment, par quels degrés -l'irradiation procède-t-elle du centre vers l'espace?</p> - -<p>D'un centre lumineux la Lumière émane par irradiation, et les quantités -de lumière reçues par un plan quelconque, que nous supposerons -changeant de position, de manière à se trouver tantôt plus près, -tantôt plus loin du centre, diminueront dans la même proportion que -s'accroîtront les carrés des distances entre le plan et le corps -lumineux, et s'accroîtront dans la même proportion que diminueront les -carrés.</p> - -<p>L'expression de la loi peut être ainsi généralisée:—Le nombre -de molécules lumineuses, ou, si l'on préfère d'autres termes, le -nombre d'impressions lumineuses, reçues par le plan mobile, sera en -proportion <i>inverse</i> des carrés des distances où sera situé le plan. -Et pour généraliser encore, nous pouvons dire que la diffusion, -l'éparpillement, l'irradiation, en un mot, est en proportion <i>directe</i> -des carrés des distances.</p> - -<p>Par exemple: à la distance B, du centre lumineux A, un certain nombre -de particules est éparpillé, de manière à occuper la surface B. Donc -à la distance double, c'est-à-dire à C, ces particules se trouveront -d'autant plus éparpillées qu'elles occuperont quatre surfaces -semblables; à la distance triple, ou à D, elles seront d'autant plus -séparées les unes des autres qu'elles occuperont neuf surfaces<span class="pagenum"><a name="Page_56" id="Page_56">[p. 56]</a></span> -semblables; à une distance quadruple, ou à E, elles seront tellement -diffuses qu'elles s'étendront sur seize surfaces semblables;—et ainsi -de suite à l'infini.</p> - -<div class="figcenter" style="width: 350px;"> -<img src="images/fig056.jpg" width="350" alt="" /> -</div> - -<p>Généralement, en disant que l'irradiation procède en raison -proportionnelle directe des carrés des distances, nous nous servons du -terme irradiation pour exprimer <i>le degré de diffusion</i> à mesure que -nous nous éloignons du centre. Inversant la proposition, et employant -le mot <i>concentralisation</i> pour exprimer <i>le degré d'attraction -générale</i> à mesure que nous nous rapprochons du centre, nous pouvons -dire que la concentralisation procède en raison inverse des carrés -des distances. En d'autres termes, nous sommes arrivés à cette -conclusion, que, dans l'hypothèse que la matière ait été originellement -irradiée d'un centre, et soit maintenant en train d'y retourner, la -concentralisation, ou action de retour, procède <i>exactement comme nous -savons que procède la force de gravitation.</i></p> - -<p>Or, s'il nous était permis de supposer que la concentralisation -représente exactement la <i>force de la tendance vers le centre,—</i> que -l'une est en exacte proportion avec l'autre, et que les deux procèdent -simultanément, nous aurions démontré tout ce qui était à démontrer. La -seule difficulté ici consiste donc à établir une proportion directe -entre la concentralisation et la <i>force</i> de concentralisation; et -nous<span class="pagenum"><a name="Page_57" id="Page_57">[p. 57]</a></span> pouvons considérer la chose comme faite si nous établissons une -proportion semblable entre l'irradiation et la <i>force</i> d'irradiation.</p> - -<p>Une rapide inspection des Cieux suffit pour nous montrer que les -étoiles sont distribuées avec une certaine uniformité générale et à une -certaine égalité de distance à travers la région de l'espace où elles -sont groupées, affectant dans leur ensemble une forme approximativement -sphérique;—cette espèce d'égalité, générale plutôt qu'absolue, ne -contredisant en rien ma déduction sur l'inégalité de distances, dans -de certaines limites, entre les atomes originellement irradiés, et -représentant un corollaire du système évident d'infinie complexité de -rapports tirée de l'unité absolue. Je suis parti, on se le rappelle, de -l'idée d'une distribution généralement uniforme, mais particulièrement -inégale, des atomes;—idée confirmée, je le répète, par une inspection -des étoiles, telles qu'elles existent actuellement.</p> - -<p>Mais même dans l'égalité générale de distribution, en ce qui regarde -les atomes, apparaît une difficulté qui, sans aucun doute, s'est -déjà présentée à ceux de mes lecteurs qui croient que je suppose -cette égalité de distribution effectuée par l'<i>irradiation partant -d'un centre.</i> Au premier coup d'œil, l'idée de l'<i>irradiation</i> nous -force à accepter cette autre idée, jusqu'à présent non séparée et en -apparence inséparable, d'une agglomération autour d'un centre, et d'une -dispersion à mesure qu'on s'en éloigne,—l'idée, en un mot, d'inégalité -de distribution relativement à la matière irradiée.</p> - -<p>Or, j'ai fait observer ailleurs<a name="NoteRef_1_4" id="NoteRef_1_4"></a><a href="#Note_1_4" class="fnanchor">[1]</a> que si la Raison, à la recherche du -Vrai, peut jamais trouver sa route, c'est par<span class="pagenum"><a name="Page_58" id="Page_58">[p. 58]</a></span> des difficultés telles -que celle actuellement en question, par une telle inégalité, par de -telles particularités, par de telles saillies sur le plan ordinaire des -choses. Grâce à la difficulté, à la <i>particularité</i> qui se présente -ici, je bondis d'un seul coup vers le secret,—secret que je n'aurais -jamais pu atteindre sans la particularité et les inductions qu'elle me -fournit <i>par son pur caractère de particularité.</i></p> - -<p>La marche de ma pensée, arrivée à ce point, peut être grossièrement -dessinée de la manière suivante:—Je me dis: «L'Unité, comme je l'ai -expliquée, est une vérité;—je le sens. La Diffusion est une vérité; -je le vois. L'Irradiation, par laquelle seule ces deux vérités sont -conciliées, est conséquemment une vérité; je le perçois. <i>L'égalité</i> -de diffusion, d'abord déduite à <i>priori</i> et ensuite confirmée par -l'inspection des phénomènes, est aussi une vérité;—je l'admets -pleinement. Jusqu'ici tout est clair autour de moi;—il n'y a pas de -nuages derrière lesquels puisse se cacher le secret, le grand secret -du <i>modus operandi</i> de la gravitation;—mais ce secret est quelque -part aux environs, très-certainement, et n'y eût-il qu'un seul nuage -en vue, je serais tenu de soupçonner ce nuage.» Et justement, comme je -me dis cela, voilà qu'un nuage apparaît. Ce nuage est l'impossibilité -apparente de concilier ma vérité, <i>irradiation</i> avec mon autre vérité, -<i>égalité de diffusion.</i> Je me dis alors: «Derrière cette impossibilité -<i>apparente</i> doit se trouver ce que je cherche.» Je ne dis pas: -impossibilité <i>réelle;</i> car une invincible foi dans mes vérités me -confirme qu'il n'y a là, après tout, qu'une simple difficulté; mais -je vais jusqu'à dire, avec une confiance opiniâtre, que, quand cette -difficulté sera résolue, nous trouverons, <i>enveloppée dans le procédé -de solution,</i> la clef du secret que nous cherchons. De plus, je -<i>sens</i> que nous ne découvrirons <i>qu'une seule</i> solution possible de -la difficulté, et<span class="pagenum"><a name="Page_59" id="Page_59">[p. 59]</a></span> cela, pour cette raison que, s'il y en avait deux, -l'une des deux serait superflue, sans utilité, vide, ne contenant -aucune clef, puisqu'il n'est pas besoin d'une double clef pour ouvrir -un secret quelconque de la nature.</p> - -<p>Et maintenant examinons:—les notions ordinaires, les notions -distinctes que nous pouvons avoir de l'irradiation, sont tirées du -mode tel que nous le voyons appliqué dans le cas de la Lumière. Là -nous trouvons une effusion <i>continue de courants lumineux, avec une -force que nous n'avons aucun droit de supposer variable.</i> Or, dans -n'importe quelle irradiation de cette nature, continue et d'une force -invariable, les régions voisines du centre doivent être inévitablement -plus remplies que les régions éloignées. Mais je n'ai supposé aucune -irradiation telle que celle-là. Je n'ai pas supposé une irradiation -<i>continue;</i> par la simple raison qu'une telle supposition impliquerait -d'abord la nécessité d'adopter une conception que l'homme, ainsi que -je l'ai montré, ne peut pas adopter, et que l'examen du firmament -réfute, ainsi que je le démontrerai plus amplement,—la conception -d'un Univers sidéral absolument infini,—et impliquerait, en second -lieu, l'impossibilité de comprendre une réaction, c'est-à-dire la -gravitation, telle qu'elle existe maintenant, puisque, tant qu'une -action se continue, aucune réaction, naturellement, ne peut avoir -lieu. Donc, ma supposition, ou plutôt l'inévitable déduction tirée des -justes prémisses, était celle d'une irradiation <i>déterminée,</i> d'une -irradiation finalement discontinuée.</p> - -<p>Qu'il me soit permis maintenant de décrire le seul mode possible -selon lequel nous pouvons comprendre que la matière ait été répandue -à travers l'espace, de manière à remplir à la fois les conditions -d'irradiation et de distribution généralement égale.</p> - -<p>Par commodité d'illustration, imaginons d'abord une<span class="pagenum"><a name="Page_60" id="Page_60">[p. 60]</a></span> sphère creuse, de -verre ou d'autre matière, occupant l'espace à travers lequel la matière -universelle a été également éparpillée, par le moyen de l'irradiation, -de la particule absolue, indépendante, inconditionnelle, placée au -centre de la sphère.</p> - -<p>Un certain effort de la puissance expansive (que nous présumons -être la Volonté Divine),—en d'autres termes, une certaine <i>force,</i> -dont la mesure est la quantité de matière, c'est-à-dire le nombre -des atomes,—a émis, émet, par irradiation, ce nombre d'atomes, les -chassant hors du centre dans toutes les directions, leur proximité -réciproque diminuant à mesure qu'ils s'éloignent de ce centre, jusqu'à -ce que finalement ils se trouvent éparpillés sur la surface intérieure -de la sphère.</p> - -<p>Quand les atomes ont atteint cette position, ou pendant qu'ils -tendaient à l'atteindre, un second exercice inférieur de la même -force,—une seconde force inférieure de la même nature,—émet de la -même manière, par irradiation, une seconde couche d'atomes qui va se -déposer sur la première; le nombre d'atomes, dans ce cas comme dans -le premier, étant la mesure de la force qui les a émis,—en d'autres -termes, la force étant précisément appropriée au dessein qu'elle -accomplit,—la force et le nombre d'atomes envoyés par cette force -étant directement proportionnels.</p> - -<p>Quand cette seconde couche a atteint sa destination ou pendant qu'elle -s'en approche, un troisième exercice inférieur de la même force, ou une -troisième force inférieure de même nature,—le nombre des atomes émis -étant dans tous les cas la mesure de la force,—dépose une troisième -couche sur la seconde,—et ainsi de suite, jusqu'à ce que ces couches -concentriques, devenant de moins en moins vastes, atteignent finalement -le point central; et alors la<span class="pagenum"><a name="Page_61" id="Page_61">[p. 61]</a></span> matière diffusible, en même temps que la -force diffusive, se trouve épuisée.</p> - -<p>Notre sphère est maintenant remplie, par le moyen de l'irradiation, -d'atomes également répartis. Les deux conditions nécessaires, -celles de l'irradiation et d'une diffusion égale, sont accomplies -par le <i>seul</i> mode qui permette de concevoir la possibilité de leur -accomplissement simultané. C'est pour cette raison que j'ai l'espérance -de trouver maintenant, caché dans la condition présente des atomes -ainsi distribués à travers la sphère, le secret dont je suis en quête, -le principe si important du <i>modus operandi</i> de la loi newtonienne. -Examinons donc la condition actuelle des atomes.</p> - -<p>Ils sont placés dans une série de couches concentriques. Ils sont -également distribués à travers la sphère. Ils ont été irradiés vers ces -positions.</p> - -<p>Les atomes étant également distribués, plus est grande la superficie -d'une de ces couches concentriques quelconques, plus grand sera le -nombre d'atomes distribués dans cette couche. En d'autres termes, -le nombre d'atomes situés sur la surface d'une de ces couches -concentriques quelconque est en proportion directe de l'étendue de -cette surface.</p> - -<p><i>Mais, dans toute série de sphères concentriques, les surfaces sont en -proportion directe des carrés des distances à partir du centre,</i> ou, -plus brièvement, les surfaces des sphères sont entre elles comme les -carrés de leurs rayons.</p> - -<p>Conséquemment, le nombre d'atomes, dans une couche quelconque, est en -proportion directe du carré de la distance qui sépare cette couche du -centre.</p> - -<p>Mais le nombre des atomes dans une couche quelconque est la mesure -de la force qui a émis cette couche, c'est-à-dire qu'elle est en -proportion directe de la force.</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_62" id="Page_62">[p. 62]</a></span></p> - -<p>Donc la force qui a irradié chaque couche est en proportion directe -du carré de la distance entre cette couche et le centre, ou, pour -généraliser, <i>la force de l'irradiation a eu lieu en proportion directe -des carrés des distances.</i></p> - -<p>Or, la Réaction, autant que nous en pouvons connaître, c'est l'Action -inversée. Le principe général de la Gravitation étant, en premier lieu, -entendu comme la réaction d'un acte, comme l'expression d'un désir de -la part de la Matière, existant à l'état de diffusion, de retourner à -l'Unité d'où elle est issue, et en second lieu, l'esprit étant obligé -de déterminer le <i>caractère</i> de ce désir, la manière selon laquelle il -doit naturellement se manifester,—étant, en d'autres termes, obligé -de concevoir une loi probable, ou <i>modus operandi,</i> pour l'action -de retour, ne peut pas ne pas arriver à cette conclusion que la loi -de retour doit être précisément la réciproque de la loi d'émission. -Chacun du moins aura parfaitement le droit de considérer la chose -comme démontrée, jusqu'à ce que quelqu'un donne une raison plausible -qui affirme le contraire, jusqu'à ce qu'une autre loi de retour soit -imaginée que l'intelligence puisse adopter comme préférable.</p> - -<p>Donc, la matière irradiée dans l'espace, avec une force qui varie -comme les carrés des distances, pourrait à <i>priori</i> être supposée -retourner vers son centre d'irradiation avec une force variant <i>en -raison inverse</i> des carrés des distances; et j'ai déjà montré que -tout principe qui expliquera pourquoi les atomes tendent, en raison -d'une loi quelconque, vers le centre général, doit être admis comme -expliquant en même temps, d'une manière suffisante, pourquoi, en -raison de la même loi, ils tendent l'un vers l'autre. Car, en fait, la -tendance vers le centre général n'est pas une tendance vers un centre -positif; elle a lieu vers ce point, seulement parce que chaque atome, -en se dirigeant vers<span class="pagenum"><a name="Page_63" id="Page_63">[p. 63]</a></span> un tel point, s'achemine directement vers son -centre réel et essentiel, qui est l'Unité,—l'Union absolue et finale -de toutes choses.</p> - -<p>Cette considération ne présente à mon esprit aucune difficulté; mais -cela ne m'aveugle pas sur son obscurité possible pour les esprits moins -habitués à manier des abstractions, et en somme il serait peut-être bon -de considérer la proposition d'un ou deux autres points de vue.</p> - -<p>La molécule absolue, indépendante, originellement créée par la Volition -Divine, doit avoir été dans une condition de <i>normalité</i> positive ou -de perfection;—car toute imperfection implique rapport. Le bien est -positif; le mal est négatif; il n'est que la négation du bien, comme le -froid est la négation de la chaleur, l'obscurité, de la lumière. Pour -qu'une chose soit mauvaise, il faut qu'il y ait quelque autre chose -qui soit <i>comparable</i> à ce qui est mauvais;—une condition à laquelle -cette chose mauvaise ne satisfait pas; une loi qu'elle viole; un être -qu'elle offense. Si cet être, cette loi, cette condition, relativement -auxquels la chose est mauvaise, n'existent pas, ou si, pour parler -plus strictement, il n'existe ni êtres, ni lois, ni conditions, alors -la chose ne peut pas être mauvaise et devra conséquemment être bonne. -Toute déviation de la normalité implique une tendance au retour. Une -différence d'avec ce qui est normal, droit, juste, ne peut avoir été -créée que parla nécessité de vaincre une difficulté. Et si la force -qui surmonte cette difficulté n'est pas infiniment continuée, la -tendance indestructible à ce retour pourra à la longue agir dans le -sens de sa satisfaction. La force retirée, la tendance agit. C'est -le principe de réaction, comme conséquence inévitable d'une action -finie. Pour employer une phraséologie dont on pardonnera l'affectation<span class="pagenum"><a name="Page_64" id="Page_64">[p. 64]</a></span> -apparente à cause de son énergie, nous pouvons dire que la Réaction est -le retour de <i>ce qui est et ne devrait pas être</i> vers <i>ce qui était -originellement, et conséquemment devrait être;—</i>et j'ajoute que l'on -trouverait toujours la force <i>absolue</i> de la Réaction en proportion -directe avec la réalité, la vérité, l'absolu du principe <i>originel,</i> -s'il était possible de mesurer celui-ci;—et conséquemment la plus -grande de toutes les réactions concevables doit être celle produite par -la tendance dont il est question ici,—la tendance à retourner vers -<i>l'absolu originel,</i> vers le <i>suprême primitif.</i> La gravitation <i>doit -donc être la plus énergique de toutes les forces,—</i>idée obtenue <i>à -priori</i> et largement confirmée par l'induction. Quel usage je ferai de -cette idée, on le verra par la suite.</p> - -<p>Les atomes, ayant été répandus hors de leur condition normale d'Unité, -cherchent à retourner—vers quoi? Non pas, certainement, vers aucun -<i>point</i> particulier; car il est clair que si, au moment de la -diffusion, tout l'Univers matériel avait été projeté collectivement à -une certaine distance du point d'irradiation, la tendance atomique vers -le centre de la sphère n'aurait pas été troublée le moins du monde; -les atomes n'auraient pas cherché le point de <i>l'espace absolu</i> dont -ils étaient originairement issus. C'est simplement la <i>condition,</i> et -non le point ou le lieu où cette condition a pris naissance, que les -atonies cherchent à rétablir;—ce qu'ils désirent, c'est simplement -<i>cette condition qui est leur normalité.</i> «Mais ils cherchent un -centre,—dira-t-on,—et un centre est un point.» C'est vrai; mais ils -cherchent ce point, non dans son caractère de point (car si toute la -sphère changeait de position, ils chercheraient également le centre, et -le centre serait alors un autre point), mais parce que, en raison de la -forme dans laquelle ils existent collectivement (qui est celle de la -sphère), c'est seulement par le point en question, qui est<span class="pagenum"><a name="Page_65" id="Page_65">[p. 65]</a></span> le centre -de la sphère, qu'ils peuvent atteindre leur véritable but, l'Unité. -Dans la direction du centre, chaque atome perçoit plus d'atomes que -dans toute autre direction. Chaque atome est poussé vers le centre, -parce que sur la ligne droite, qui s'étend de lui au centre et qui -continue au delà jusqu'à la circonférence, se trouve un plus grand -nombre d'atomes que sur toute autre ligne droite,—un plus grand nombre -d'objets qui le cherchent, lui, atome individuel,—un plus grand nombre -de satisfactions pour sa propre tendance à l'Unité,—en un mot, parce -que dans la direction du centre se trouve la plus grande possibilité -de satisfaction générale pour son appétit individuel. Pour parler -brièvement, la condition de l'Unité est en réalité ce que cherchent les -atomes, et s'ils <i>semblent</i> chercher le centre de la sphère, ce n'est -qu'implicitement, parce que le centre implique, contient, enveloppe le -seul centre essentiel, l'Unité. Mais, en raison de ce caractère double -et implicite, il est impossible de séparer pratiquement la tendance -vers l'Unité abstraite de la tendance vers le centre concret. Ainsi la -tendance des atomes vers le centre général est, à tous égards, pratique -et logique, la tendance de chacun vers chacun, et cette tendance -réciproque universelle est la tendance vers le centre; l'une peut être -prise pour l'autre; tout ce qui s'applique à l'une doit s'appliquer à -l'autre, et enfin tout principe qui expliquera suffisamment l'une est -une explication indubitable de l'autre.</p> - -<p>Je regarde soigneusement autour de moi pour trouver une objection -rationnelle contre ce que j'ai avancé, et je n'en puis découvrir -aucune; mais parmi cette classe d'objections généralement présentées -par les douteurs de profession, les amoureux du Doute, j'en aperçois -très-aisément trois, et je vais les examiner successivement.</p> - -<hr /> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_66" id="Page_66">[p. 66]</a></span></p> - -<p>On dira peut-être d'abord: «La preuve que la force d'irradiation (dans -le cas en question) est en proportion directe des carrés des distances -repose sur cette supposition gratuite que le nombre des atomes dans -chaque couche est la mesure de la force par laquelle ils ont été émis.»</p> - -<p>Je réponds que non-seulement j'ai parfaitement le droit de faire -une telle supposition, mais que je n'aurais aucun droit d'en faire -une autre. Ce que je suppose est simplement qu'un effet sert de -mesure à la cause qui le produit,—que tout exercice de la Volonté -Divine sera proportionnel au but qui réclame cet exercice,—et que -les moyens de l'Omnipotence, ou de l'Omniscience, seront exactement -appropriés à ses desseins. Le déficit ou l'excès dans la cause ne -peuvent engendrer aucun effet. Si la force qui a irradié chaque couche -dans la position qu'elle occupe avait été moins ou plus grande qu'il -n'était nécessaire, c'est-à-dire, si elle n'avait pas été en proportion -directe avec le but, alors cette couche n'aurait pas pu être irradiée -à sa juste position. Si la force qui, en vue d'une égalité générale -de distribution, a émis le nombre juste d'atomes pour chaque couche, -n'avait pas été en proportion directe avec le nombre, alors ce nombre -n'aurait pas été le nombre demandé pour une égale distribution.</p> - -<p>La seconde objection supposable a de meilleurs droits à une réponse.</p> - -<p>C'est un principe admis en dynamique que tout corps, recevant une -impulsion, une disposition à se mouvoir, se meut en ligne droite -dans la direction donnée par la force impulsive, jusqu'à ce qu'il -soit détourné ou arrêté par quelque autre force. Comment donc, -demandera-t-on peut-être, ma première couche, la couche extérieure -d'atomes peut-elle arrêter son mouvement à la surface de<span class="pagenum"><a name="Page_67" id="Page_67">[p. 67]</a></span> la sphère -de verre imaginaire, quand une seconde force, d'un caractère non -imaginaire, ne se manifeste pas, pour expliquer cette interruption dans -le mouvement?</p> - -<p>Je réponds que l'objection prend naissance ici dans une supposition -tout à fait gratuite de la part du critique,—la supposition d'un -principe dynamique à une époque où il n'existait pas de principes, en -quoi que ce soit;—je me sers naturellement du mot <i>principe</i> dans le -sens même que le critique attribue à ce mot.</p> - -<p><i>Au commencement des choses,</i> nous ne pouvons admettre, nous ne pouvons -comprendre qu'une Première Cause, le Principe vraiment suprême, la -Volonté de Dieu. <i>L'action</i> primitive, c'est-à-dire l'Irradiation de -l'Unité, doit avoir été indépendante de tout ce que le monde appelle -<i>principe,</i> parce que ce que nous désignons sous ce terme n'est qu'une -conséquence de la réaction de cette action primitive;—je dis action -<i>primitive;</i> car la création de la molécule matérielle absolue doit -être considérée comme une <i>conception</i> plutôt que comme une <i>action</i> -dans le sens ordinaire du mot. Ainsi nous regarderons l'action -primitive comme une action tendant à l'établissement de ce que nous -appelons maintenant <i>principes.</i> Mais cette action primitive elle-même -doit être entendue comme une <i>Volition continue.</i> La Pensée de Dieu -doit être comprise comme donnant naissance à la Diffusion, comme -l'accompagnant, comme la régularisant, et finalement comme se retirant -d'elle après son accomplissement. Alors commence la Réaction, et par -la Réaction, le <i>principe,</i> dans le sens où nous employons le mot. Il -serait prudent, toutefois, de limiter l'application de ce mot aux deux -résultats immédiats de la cessation de la Volition Divine, c'est-à-dire -aux deux agents, <i>Attraction</i> et <i>Répulsion.</i> Chaque autre agent -naturel dérive, plus ou moins immédiatement, de ces deux-là et<span class="pagenum"><a name="Page_68" id="Page_68">[p. 68]</a></span> serait -en conséquence plus convenablement désigné sous le nom de sous-principe.</p> - -<p>On peut objecter en troisième lieu que le mode particulier de -distribution des atomes que j'ai exposé est <i>une hypothèse et rien de -plus.</i></p> - -<p>Or, je sais que le mot hypothèse est une lourde massue, empoignée -immédiatement, sinon soulevée, par tous les petits penseurs, à la -première apparence d'une proposition portant, plus ou moins, le costume -d'une <i>théorie.</i> Mais il n'y a ici aucune bonne raison pour jouer de ce -terrible marteau de l'hypothèse, même pour ceux qui sont capables de le -soulever, géants ou mirmidons.</p> - -<p>Je maintiens d'abord que le mode tel que je l'ai décrit est <i>le seul</i> -par lequel nous puissions concevoir que la Matière ait été répandue de -manière à satisfaire à la fois aux deux conditions d'irradiation et de -distribution généralement égale. J'affirme ensuite que ces conditions -elles-mêmes se sont imposées à ma pensée comme résultats inévitables -d'un raisonnement <i>aussi logique que celui sur lequel repose n'importe -quelle démonstration d'Euclide;</i> et j'affirme, en troisième lieu, que, -quand même l'accusation d'hypothèse serait aussi bien appuyée qu'elle -est, en fait, vaine et insoutenable, la validité et l'infaillibilité -de mon résultat n'en serait cependant pas infirmée, même dans le plus -petit détail.</p> - -<p>Je m'explique:—la Gravitation newtonienne, loi de la Nature, loi dont -l'existence ne peut être mise en question qu'à Bedlam, loi qui, une -fois admise, nous donne le moyen d'expliquer les neuf dixièmes des -phénomènes de l'Univers,—loi que nous sommes, à cause de cela même, -et sans en référer à aucune autre considération, disposés à admettre -et que nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître comme loi,—mais -loi dont ni le<span class="pagenum"><a name="Page_69" id="Page_69">[p. 69]</a></span> principe ni le <i>modus operandi</i> du principe n'ont été -jusqu'à présent décalqués par l'analyse humaine,—loi enfin qui n'a -été trouvée susceptible d'aucune explication, ni dans son détail, ni -dans sa généralité,—se montre décidément explicable et expliquée sur -tous les points, pourvu seulement que nous donnions notre assentiment -à ... à quoi? A une hypothèse? Mais si une hypothèse,—si la plus pure -hypothèse, une hypothèse à l'appui de laquelle, comme dans le cas de la -Loi newtonienne, pure hypothèse elle-même, ne se présente pas l'ombre -d'une raison <i>à priori,—</i>si une hypothèse, même aussi absolue que -tout ce que celle-ci comporte, nous permet d'assigner un principe à -la Loi newtonienne,—nous permet de considérer comme remplies des -conditions si miraculeusement, si ineffablement complexes et en -apparence inconciliables, comme celles impliquées dans les rapports -que nous révèle la Gravitation,—quel être rationnel poussera la -sottise jusqu'à appeler plus longtemps «hypothèse», même cette absolue -hypothèse,—à moins qu'il ne persiste ainsi en sous-entendant que c'est -simplement par pur amour pour l'irrévocabilité <i>des mots</i>?</p> - -<p>Mais quel est actuellement le véritable état de la question? Quel est -<i>le fait?</i> Non-seulement ce n'est pas une hypothèse que nous sommes -priés d'adopter, pour expliquer le principe en question, mais c'est une -conclusion logique que nous sommes invités, non pas à adopter si nous -pouvons nous en dispenser, mais simplement à <i>nier si cela nous est -possible;—</i>une conclusion d'une logique si exacte que la discuter, -douter de sa validité, serait un effort au-dessus de nos forces;—une -conclusion à laquelle nous ne voyons pas le moyen d'échapper, de -quelque côté que nous nous tournions; un résultat que nous trouvons -toujours en face de nous, soit que l'<i>induction</i> nous ait<span class="pagenum"><a name="Page_70" id="Page_70">[p. 70]</a></span> promenés -à travers les phénomènes de ladite Loi, soit que nous redescendions, -avec la <i>déduction,</i> de la plus rigoureusement simple de toutes les -suppositions,—en un mot de <i>la supposition de la Simplicité elle-même.</i></p> - -<p>Et si maintenant, par pur amour de la chicane, on objecte que, bien -que mon point de départ soit, comme je l'affirme, la supposition de -l'absolue Simplicité, cependant la Simplicité, considérée en elle-même, -n'est point un axiome, et que les déductions tirées des axiomes sont -les seules incontestables, alors je répondrai:</p> - -<p>Toute autre science que la Logique est une science de certains rapports -concrets. L'Arithmétique, par exemple, est la science des rapports -de nombre,—la Géométrie, des rapports de forme,—les Mathématiques -en général, des rapports de quantité en général, de tout ce qui peut -être augmenté ou diminué. Mais la Logique est la science du Rapport -dans l'abstrait, du Rapport absolu, du Rapport considéré en lui-même. -Ainsi, dans toute science autre que la Logique, un axiome est une -proposition proclamant certains rapports concrets qui semblent trop -évidents pour être discutés, comme quand nous disons, par exemple, -que le tout est plus grand que sa partie;—et le principe de l'axiome -Logique à son tour, ou dans d'autres termes, le principe d'un axiome -dans l'abstrait, est simplement <i>l'évidence de rapport.</i> Or, il est -clair, d'abord, que ce qui est évident pour un esprit peut n'être pas -évident pour un autre; ensuite, que ce qui est évident pour un esprit à -une époque peut n'être pas du tout évident à une autre époque pour le -même esprit. Il est clair, de plus, que ce qui est évident aujourd'hui -pour la majorité de l'humanité ou pour la majorité des meilleurs -esprits humains, peut demain, pour ces mêmes majorités, être plus ou -moins évident, ou même n'être plus évident du tout. On<span class="pagenum"><a name="Page_71" id="Page_71">[p. 71]</a></span> voit donc que -le <i>principe axiomatique</i> lui-même est susceptible de variation, et que -naturellement les axiomes sont susceptibles d'un semblable changement. -Puisqu'ils sont variables, les <i>vérités,</i> auxquelles ils donnent -naissance, sont aussi nécessairement variables, ou, en d'autres termes, -sont telles, qu'il ne faut jamais s'y fier absolument,—puisque la -Vérité et l'Immutabilité ne font qu'un.</p> - -<p>Or, il est facile de comprendre qu'aucune idée axiomatique, aucune -idée fondée sur le principe flottant de l'évidence de rapport, ne -peut fournir, pour une construction quelconque de la Raison, une base -aussi sûre, aussi solide, que <i>cette</i> idée (quelle qu'elle soit, -n'importe où nous la puissions trouver, et si toutefois il est possible -de la trouver quelque part), qui sera absolument indépendante, qui -non-seulement ne présentera à l'esprit aucune <i>évidence de rapport,</i> -grande ou petite, mais encore lui imposera la nécessité de n'en voir -aucune. Si une telle idée n'est pas ce que nous appelons étourdiment -un axiome, elle est au moins préférable, comme base logique, à tout -axiome qui ait jamais été avancé, ou à tous les axiomes imaginables -réunis;—et telle est précisément l'idée par laquelle commence mon -procédé de déduction, que l'induction corrobore si parfaitement. Ma -<i>particule propre</i> n'est que l'<i>absolue Indépendance.</i> Pour résumer -ce que j'ai avancé, je suis parti de ce point que j'ai considéré -comme-évident, à savoir que le Commencement n'avait rien derrière lui -ni devant lui,—qu'il y avait eu en fait un Commencement,—que c'était -un commencement et rien autre chose qu'un commencement,—bref que ce -Commencement était ... <i>ce qu'il était.</i> Si l'on veut que ce soit là -une <i>pure supposition,</i> j'y consens.</p> - -<p>Pour finir cette partie de mon sujet, je suis pleinement autorisé à -déclarer que <i>la Loi, que nous nommons habituellement<span class="pagenum"><a name="Page_72" id="Page_72">[p. 72]</a></span> Gravitation, -existe en raison de ce que la Matière a été, à son origine, irradiée -atomiquement, dans une sphère limitée</i><a name="NoteRef_2_5" id="NoteRef_2_5"></a><a href="#Note_2_5" class="fnanchor">[2]</a> <i>d'Espace, d'une Particule -Propre, unique, individuelle, inconditionnelle, indépendante et -absolue, selon le seul mode qui pouvait satisfaire à la fois aux deux -conditions d'irradiation et de distribution généralement égale à -travers la sphère,—c'est-à-dire par une force variant en proportion -directe des carrés des distances comprises entre chacun des atomes -irradiés et le centre spécial d'Irradiation.</i></p> - -<p>J'ai déjà dit pour quelles raisons je présumais que la Matière avait -été éparpillée par une force déterminée, plutôt que par une force -continue ou infiniment continuée. D'abord, en supposant une force -continue, nous ne pourrions comprendre aucune espèce de réaction; et -ensuite nous serions obligés d'accepter l'idée inadmissible d'une -extension infinie de Matière. Sans nous appesantir sur l'impossibilité -de cette conception, remarquons que l'extension infinie de la Matière -est une idée qui, si elle n'est pas positivement contredite, du moins -n'est pas du tout confirmée par les observations télescopiques;—c'est -un point à éclaircir plus tard; et cette raison empirique qui nous fait -croire que la Matière est originellement finie se trouve confirmée -d'une manière non empirique. Ainsi, par exemple, en admettant, pour le -moment, la possibilité de comprendre l'Espace <i>rempli</i> par les atomes -irradiés, c'est-à-dire en admettant, autant que nous le pouvons, que la -succession des atomes irradiés n'ait absolument pas <i>de fin,</i> il est -suffisamment clair que, même après que la Volonté Divine s'est retirée -d'eux et que la tendance à retourner vers l'Unité a eu, d'une manière -abstraite, permission de se satisfaire, cette permission aurait été -futile et inefficace, sans valeur pratique et sans effet quelconque.<span class="pagenum"><a name="Page_73" id="Page_73">[p. 73]</a></span> -Aucune Réaction n'aurait pu avoir lieu; aucun mouvement vers l'Unité -n'aurait pu se faire; aucune loi de gravitation n'aurait pu s'établir.</p> - -<p>Expliquons mieux la chose. Accordez que la tendance abstraite d'un -atome quelconque vers un autre atome quelconque est le résultat -inévitable de la diffusion de l'Unité normale, ou ce qui est la même -chose, admettez qu'un atome donné quelconque <i>se propose</i> de se mouvoir -dans une direction donnée quelconque, il est clair que, s'il y a une -<i>infinité</i> d'atomes de tous les côtés de l'atome qui se propose de se -mouvoir, il ne pourra jamais se mouvoir, dans la direction donnée, vers -la satisfaction de sa tendance, en raison d'une tendance précisément -égale et contre-balançante dans la direction diamétralement opposée. -En d'autres termes, il y a exactement autant de tendances derrière que -devant l'atome hésitant; car c'est une pure sottise de dire qu'une -ligne infinie est plus longue ou plus courte qu'une autre ligne -infinie, ou qu'un nombre infini est plus gros ou plus petit qu'un autre -nombre infini. Ainsi l'atome en question doit rester stationnaire à -jamais. Dans les conditions impossibles que nous nous sommes efforcés -de concevoir, simplement pour l'amour de la discussion, il n'y aurait -eu aucune aggrégation de Matière,—ni étoiles, ni mondes,—rien qu'un -Univers éternellement atomique et illogique. En effet, de quelque façon -que vous considériez la chose, l'idée d'une Matière illimitée est -non-seulement insoutenable, mais impossible et perturbatrice de tout -ordre.</p> - -<p>En nous figurant les atomes compris dans une <i>sphère,</i> nous concevons -tout de suite une satisfaction possible pour la tendance à la réunion. -Le résultat général de la tendance de chacun vers chacun étant une -tendance de tous vers le centre, la marche générale de la condensation, -ou<span class="pagenum"><a name="Page_74" id="Page_74">[p. 74]</a></span> le rapprochement, commence immédiatement, par un mouvement -commun et simultané, avec la retraite de la Volition Divine; les -rapprochements individuels ou coalescences—non pas fusions—d'atome -à atome étant sujets à des variations presque infinies dans le temps, -le degré et la condition, en raison de l'excessive multiplicité de -rapports produite par les différences de forme qui caractérisaient les -atomes au moment où ils se séparaient de la Particule Propre; produite -également par l'inégalité particulière et subséquente de distance de -chacun à chacun.</p> - -<p>Ce que je désire faire entrer dans l'esprit du lecteur, c'est la -certitude que, tout d'abord (la force diffusive ou Volition Divine -s'étant retirée), de la condition des atomes telle que je l'ai -décrite, ont dû, sur d'innombrables points à travers la sphère -Universelle, naître d'innombrables agglomérations, caractérisées par -d'innombrables différences spécifiques de forme, de grosseur, de -nature essentielle, et de distance réciproque. Le développement de la -Répulsion (Electricité) doit naturellement avoir commencé avec les -premiers efforts particuliers vers l'Unité, et avoir marché constamment -en raison de la Coalescence,—c'est-à-dire de la Condensation, ou, -conséquemment, de l'Hétérogénéité.</p> - -<p>Ainsi les deux Principes proprement dits, l'Attraction et la Répulsion, -le Matériel et le Spirituel, s'accompagnent l'un l'autre dans la plus -étroite confraternité. Ainsi <i>le Corps et l'Ame marchent de concert.</i></p> - -<hr class="r5" /> - -<div class="footnote"> - -<p><a name="Note_1_4" id="Note_1_4"></a><a href="#NoteRef_1_4"><span class="label">[1]</span></a> <i>Double Assassinat dans la rue Morgue.</i>—<span style="font-size: 0.8em;">HISTOIRES -EXTRAORDINAIRES</span>.</p></div> - -<div class="footnote"> - -<p><a name="Note_2_5" id="Note_2_5"></a><a href="#NoteRef_2_5"><span class="label">[2]</span></a> Une sphère est <i>nécessairement</i> limitée; mais je préfère -la tautologie au danger de n'être pas compris E. P.</p></div> - - -<hr /> - -<h4>VIII</h4> - - -<p>Si maintenant, en imagination, nous choisissons, à travers la sphère -Universelle, <i>une quelconque</i> de ces agglomérations considérées dans -leurs phases primaires, et si nous<span class="pagenum"><a name="Page_75" id="Page_75">[p. 75]</a></span> supposons que cette agglomération -commençante a eu lieu sur ce point où existe le centre de notre -Soleil, ou plutôt où il existait originellement (car le Soleil change -perpétuellement de position), nous nous rencontrerons infailliblement -avec la plus magnifique des théories, et, pendant un certain temps au -moins, nous avancerons avec elle,—je veux dire avec la Cosmogonie -de Laplace;—quoique <i>Cosmogonie</i> soit un terme trop compréhensif -pour l'objet dont l'auteur traite en réalité, qui est seulement la -constitution de notre système solaire, c'est-à-dire d'un système parmi -la myriade de systèmes analogues qui composent l'Univers proprement -dit,—cette sphère Universelle, cet omni-compréhensif et absolu -<i>Kosmos</i> qui forme le sujet de mon présent discours.</p> - -<p>Laplace, se confinant dans une région <i>évidemment limitée,</i> celle de -notre système solaire, avec son entourage comparativement immédiat, -et supposant <i>purement,</i> c'est-à-dire sans établir aucune base -quelconque, par induction ou par déduction, une grande partie de ce que -j'essayais tout à l'heure de fixer sur une base plus solide qu'une pure -hypothèse;—supposant, par exemple, la matière répandue (sans prétendre -expliquer cette diffusion) à travers l'espace occupé par notre système, -et même un peu au delà; répandue à l'état de nébulosité hétérogène -et obéissant à la loi toute-puissante de la Gravitation, dont il ne -s'avise pas de conjecturer le principe;—supposant toutes ces choses -(qui sont parfaitement vraies, bien qu'il n'eût pas logiquement le -droit de les supposer), Laplace, dis-je, a montré, dynamiquement et -mathématiquement, que les résultats naissant forcément de telles -circonstances sont ceux, et ceux-là seuls, que nous voyons manifestés -dans la condition actuelle du système solaire.</p> - -<p>Je m'explique.—Supposons que cette agglomération<span class="pagenum"><a name="Page_76" id="Page_76">[p. 76]</a></span> particulière dont -nous avons parlé, celle qui a eu lieu au point marqué par le centre -de notre Soleil, ait continué jusqu'à ce qu'une vaste quantité de -matière nébuleuse y ait pris une forme à peu près sphérique; son -centre coïncidant évidemment avec le centre actuel ou plutôt le centre -originel de notre Soleil, et sa périphérie s'étendant au delà de -l'orbite de Neptune, la plus éloignée de nos planètes;—en d'autres -termes, supposons que le diamètre de cette sphère grossière ait été -d'environ six mille millions de milles. Pendant des siècles, cette -masse de matière a été se condensant, tant qu'à la longue elle a été -réduite au volume que nous imaginons, ayant procédé graduellement -depuis son état atomique et imperceptible jusqu'à ce que nous entendons -par une <i>nébulosité</i> visible, palpable, ou appréciable d'une manière -quelconque.</p> - -<p>Or, la condition de cette masse implique une rotation autour d'un axe -imaginaire,—rotation, qui, commençant avec les premiers symptômes -d'aggrégation, a depuis lors toujours acquis de la vélocité. Les -deux premiers atomes qui se sont rencontrés, partant de points non -diamétralement opposés, ont dû, se précipitant un peu au delà l'un -de l'autre, former un noyau pour le mouvement rotatoire en question. -Comment ce mouvement a augmenté en vélocité, on le voit aisément. Les -deux atomes sont rejoints par d'autres;—une aggrégation est formée. -La masse continue à tourner tout en se condensant. Mais tout atome -situé à la circonférence subit naturellement un mouvement plus rapide -qu'un atome placé plus près du centre. Néanmoins l'atome éloigné, -avec sa vélocité supérieure, se rapproche du centre, portant avec lui -cette vélocité supérieure à mesure qu'il avance. Ainsi chaque atome -marchant vers le centre, et s'attachant finalement au centre de la -condensation, ajoute quelque chose à la<span class="pagenum"><a name="Page_77" id="Page_77">[p. 77]</a></span> vélocité originelle de ce -centre, c'est-à-dire accroît le mouvement rotatoire de la masse.</p> - -<p>Supposons maintenant cette masse condensée à ce point qu'elle occupe -précisément l'espace circonscrit par l'orbite de Neptune, et que la -vélocité avec laquelle se meut, dans la rotation générale, la surface -de la masse, soit précisément celle avec laquelle Neptune accomplit -maintenant sa révolution autour du Soleil. A cette époque déterminée, -nous comprenons que la force centrifuge constamment croissante, -l'emportant sur la force centripète non croissante, a dû faire se -dégager et se séparer les couches extérieures les moins condensées, à -l'équateur de la sphère, là où prédominait la vélocité tangentielle; -de sorte que ces couches ont formé autour du corps principal un anneau -indépendant circonvenant les régions équatoriales;—juste comme la -partie extérieure d'une meule, chassée par une excessive vélocité de -rotation, formerait un anneau autour de la meule, si la solidité de -la superficie n'y faisait obstacle; mais si cette matière était du -caoutchouc, ou toute autre d'une consistance à peu près semblable, le -phénomène en question se manifesterait infailliblement.</p> - -<p>L'anneau, chassé ainsi par la masse nébuleuse, a dû naturellement -accomplir sa révolution, comme anneau <i>individuel,</i> juste avec la même -vélocité qui le faisait tourner comme <i>surface de la masse.</i> En même -temps, la condensation continuant toujours, l'intervalle entre l'anneau -projeté et le corps principal a dû s'accroître sans cesse, tant qu'à la -fin le premier s'est trouvé à une vaste distance du dernier.</p> - -<p>Or, en admettant que l'anneau ait possédé, par quelque arrangement en -apparence accidentel de ses éléments hétérogènes, une constitution -presque uniforme, cet anneau, dans ces conditions, n'aurait jamais -cessé de tourner<span class="pagenum"><a name="Page_78" id="Page_78">[p. 78]</a></span> autour du corps principal; mais, comme on pouvait s'y -attendre, if paraît qu'il y a eu dans la disposition de ses éléments -assez d'irrégularité pour les faire se grouper autour de centres d'une -solidité supérieure; et ainsi la forme annulaire a été détruite<a name="NoteRef_1_6" id="NoteRef_1_6"></a><a href="#Note_1_6" class="fnanchor">[1]</a>. -Sans aucun doute, la bande a été bientôt rompue en plusieurs morceaux, -et l'un de ces morceaux, d'un volume plus considérable, a absorbé les -autres en lui; le tout s'est tassé, sphériquement, en une planète. -Que ce dernier corps ait continue, comme planète, le mouvement de -révolution qui le caractérisait quand il était anneau, cela est -suffisamment évident; et l'on voit aussi facilement qu'il a dû, de sa -nouvelle condition de sphère, tirer un mouvement additionnel. Si nous -considérons l'anneau comme n'étant pas encore rompu, nous voyons que -sa partie extérieure, pendant que la totalité tourne autour du corps -générateur, se meut avec plus de rapidité que sa partie intérieure. -Donc, quand la rupture s'est faite, une partie dans chaque fragment -a dû se mouvoir avec plus de vélocité que les autres. Le mouvement -supérieur prédominant a dû faire tourner chaque fragment sur lui-même, -c'est-à-dire lui imprimer une rotation; et le sens de cette rotation -a été naturellement le sens de la révolution d'où elle avait pris -naissance. Tous les fragments ayant subi ladite rotation l'ont, en -se réunissant, forcément communiquée à la planète formée par leur -cohésion. Cette planète fut Neptune. Ses éléments continuant à se -condenser, et la force centrifuge produite dans sa rotation l'emportant -à la longue sur la force centripète, comme<span class="pagenum"><a name="Page_79" id="Page_79">[p. 79]</a></span> nous l'avons vu dans le -cas du globe générateur, un anneau a été également projeté de la -surface équatoriale de cette planète; cet anneau, [non] uniforme dans -sa constitution, a été rompu, et ses divers fragments, absorbés par le -plus massif de tous, ont été collectivement sphérifiés en une lune. Le -phénomène répété une seconde fois a donné pour résultat une seconde -lune. Ainsi nous trouvons expliquée la planète Neptune avec les deux -satellites qui l'accompagnent.</p> - -<p>En projetant de son équateur un anneau, le Soleil avait rétabli -entre ses deux forces, centripète et centrifuge, l'équilibre -rompu par le progrès de la condensation; mais cette condensation -continuant toujours, l'équilibre fut de nouveau troublé par suite de -l'accroissement de la rotation. Pendant que la masse s'était rétrécie -au point de n'occuper que juste l'espace sphérique circonscrit par -l'orbite d'Uranus, la force centrifuge, cela se comprend, avait pris -une influence assez grande pour nécessiter un nouveau soulagement. -Conséquemment, une seconde bande équatoriale fut lancée, qui, n'étant -pas d'une constitution uniforme, a été brisée, comme dans le cas -précédent de Neptune; les fragments tassés sont devenus la planète -Uranus; et la vélocité de sa révolution actuelle autour du Soleil -nous donne évidemment la mesure de la vitesse rotatoire de la surface -équatoriale du Soleil au moment de la séparation. Uranus, tirant sa -rotation des rotations combinées des fragments auxquels il devait sa -naissance, comme nous l'avons expliqué pour le cas précédent, projeta -alors successivement des anneaux, dont chacun, se brisant, se modela en -lune. Trois lunes, à différentes époques, furent formées de cette façon -par la rupture et la sphérification d'autant d'anneaux distincts non -uniformes dans leur constitution.</p> - -<p>Pendant que le Soleil se réduisait à n'occuper que juste<span class="pagenum"><a name="Page_80" id="Page_80">[p. 80]</a></span> l'espace -circonscrit par l'orbite de Saturne, nous devons supposer que la -balance entre ses deux forces, centripète et centrifuge, avait été -dérangée par l'accroissement de la vitesse rotatoire, résultat de -la condensation, au point de nécessiter un troisième effort vers -l'équilibre, et qu'une bande annulaire, comme dans les deux cas -précédents, fut conséquemment lancée, qui, bientôt rompue par la -non-uniformité de ses parties, se consolida pour devenir la planète -Saturne. Cette dernière projeta d'abord sept bandes, qui, après s'être -rompues, se sphérifièrent en autant de lunes; mais elle paraît s'être -subséquemment déchargée, à trois époques distinctes et peu éloignées -l'une de l'autre, de trois anneaux dont la constitution se trouva, par -un accident apparent, assez uniforme et assez solide pour ne fournir -aucune occasion de rupture; aussi ils continuent à tourner sous la -forme d'anneaux. Je dis <i>accident apparent;</i> car pour un accident -dans le sens ordinaire, il n'y en eut évidemment aucun; le terme ici -s'applique simplement au résultat d'une <i>loi</i> indiscernable ou que nous -ne pouvons pas immédiatement étudier.</p> - -<p>Se réduisant toujours de plus en plus, jusqu'à n'occuper que l'espace -circonscrit par l'orbite de Jupiter, le Soleil éprouva bientôt le -besoin d'un nouvel effort pour restaurer l'équilibre de ses deux -forces, perpétuellement dérangé par l'accroissement continu de la -vitesse de rotation. En conséquence Jupiter fut lancé hors du Soleil, -passant de la condition annulaire à l'état planétaire, et, arrivé à ce -second état, projeta à son tour, à quatre époques différentes, quatre -anneaux, qui finalement se transformèrent en autant de lunes.</p> - -<p>Se rétrécissant toujours, jusqu'à ce que sa sphère n'occupât que juste -l'espace défini par l'orbite des Astéroïdes, le Soleil se déchargea -d'un anneau qui paraît avoir eu <i>huit<span class="pagenum"><a name="Page_81" id="Page_81">[p. 81]</a></span></i> centres de solidité supérieure, -et en se brisant, avoir produit huit fragments, dont pas un ne -possédait une masse assez considérable pour absorber les autres. Tous -conséquemment, comme planètes distinctes, mais comparativement petites, -se mirent à tourner dans des orbites dont les distances respectives -peuvent être, jusqu'à un certain point, considérées comme la mesure de -la force qui les a séparés;—toutes les orbites néanmoins se trouvant -assez rapprochées pour nous permettre de les considérer comme <i>une,</i> en -comparaison des autres orbites planétaires.</p> - -<p>Le Soleil, se réduisant toujours et ne remplissant plus que juste -l'orbite de Mars, se déchargea alors de cette planète par le mode -déjà si souvent décrit. Toutefois, puisqu'il n'a pas de lune, Mars -n'a pas pu engendrer d'anneau. En fait, une phase se produisait -dans la carrière du corps générateur, centre de tout le système. La -décroissance de sa nébulosité, qui était en même temps l'accroissement -de sa [densité et encore la décroissance de sa] condensation dont -résultait la constante rupture de l'équilibre, a dû, à partir de cette -époque, atteindre un point où les efforts pour le rétablissement de cet -équilibre ont été de plus en plus inefficaces, juste à mesure qu'ils -étaient moins fréquemment nécessaires. Ainsi les phénomènes dont nous -avons parlé ont dû donner partout des signes d'épuisement,—dans les -planètes d'abord, et ensuite dans la masse génératrice. Ne tombons pas -dans cette erreur qui suppose que le décroissement d'intervalle observé -entre les planètes, à mesure qu'elles se rapprochent du Soleil, est -en quelque sorte un indice de fréquence croissante dans les crises -qui leur ont donné naissance. C'est justement l'inverse qui doit être -supposé. Le plus long intervalle de temps a dû séparer les émissions -des deux planètes intérieures, et le plus court la naissance des deux -extérieures. Mais la<span class="pagenum"><a name="Page_82" id="Page_82">[p. 82]</a></span> diminution d'espace est la mesure de la densité -du Soleil, et en même temps elle est en raison inverse de son aptitude -à la condensation dans tout le cours des phénomènes dont nous avons -fait l'histoire.</p> - -<p>Cependant, s'étant réduit jusqu'à ne plus remplir que l'orbite de -notre Terre, la sphère-mère a chassé hors d'elle-même encore un autre -corps,—la Terre,—dans une condition de nébulosité qui a permis à ce -corps de se décharger à son tour d'un autre corps qui est notre Lune. -Mais là se sont arrêtées les formations lunaires.</p> - -<p>Finalement, se confinant aux orbites, d'abord de Vénus et ensuite de -Mercure, le Soleil a lancé ces deux planètes intérieures; ni l'une ni -l'autre n'a engendré de lune.</p> - -<p>Ainsi, de son volume originel, ou, pour parler plus exactement, de la -condition sous laquelle nous l'avons d'abord considéré, c'est-à-dire -d'une masse nébuleuse à peu près sphérique possédant <i>certainement</i> un -diamètre de plus de cinq mille six cents millions de milles, le grand -astre central, origine de notre système solaire-planétaire-lunaire, -s'est graduellement réduit, obéissant à la loi de la Gravitation, à -un globe d'un diamètre de huit cent quatre-vingt-deux mille milles -seulement; mais il ne s'ensuit pas du tout que sa condensation soit -absolument complète, ou qu'il ne possède plus la puissance de projeter -encore une planète.</p> - -<hr class="r5" /> -<div class="footnote"> - -<p><a name="Note_1_6" id="Note_1_6"></a><a href="#NoteRef_1_6"><span class="label">[1]</span></a> Laplace a supposé sa nébulosité hétérogène, simplement -parce que cela lui permettait d'expliquer le morcellement des anneaux; -car si la nébulosité avait été homogène, ils ne se seraient pas brisés. -J'arrive au même résultat (hétérogénéité des masses secondaires -résultant immédiatement des atomes) simplement par une considération à -<i>priori</i> de leur but général, qui est <i>le Relatif.</i> E. P.</p></div> - - -<hr /> -<h4>IX</h4> - - -<p>Je viens de donner, avec son contour général seulement, mais aussi -avec tout le détail nécessaire pour l'intelligence, un tableau de la -Théorie cosmogonique de Laplace telle que son auteur lui-même l'a -conçue. De quelque point de vue que nous la considérions, nous la -trouvons <i>magnifiquement<span class="pagenum"><a name="Page_83" id="Page_83">[p. 83]</a></span> vraie.</i> Elle est immensément trop belle pour -ne pas contenir la Vérité comme caractère essentiel;—et en disant -cela je suis profondément sérieux. Dans la révolution des satellites -d'Uranus apparaît quelque chose qui semble contredire les hypothèses -de Laplace; mais que cette <i>unique</i> inconsistance puisse infirmer une -théorie construite avec un million de consistances intimement reliées -entre elles, c'est là une idée qui n'est bonne que pour les esprits -fantasques. En prophétisant audacieusement que l'anomalie apparente -dont je parle deviendra, tôt ou tard, une des confirmations les plus -fortes possibles de l'hypothèse générale, je ne prétends à aucun don -spécial de divination; car, au contraire, ce qui serait vraiment -difficile, ce serait de ne pas pressentir cette découverte.<a name="NoteRef_1_7" id="NoteRef_1_7"></a><a href="#Note_1_7" class="fnanchor">[1]</a></p> - -<p>Les corps projetés par le mode en question ont dû, comme on l'a vu, -transformer la <i>rotation</i> superficielle des globes, d'où ils tiraient -leur origine, en une <i>révolution</i> d'une vélocité égale autour de ces -globes devenus centres distants; et la révolution ainsi engendrée -continuera tant que la force centripète, qui est celle par laquelle le -corps projeté gravite vers son générateur, ne sera ni plus ni moins -grande que la force par laquelle il a été projeté, c'est-à-dire la -vélocité centrifuge, ou, plus proprement, tangentielle. Cependant, par -l'unité d'origine de ces deux forces, nous pouvions deviner ce qu'elles -sont en effet,—l'une contre-balançant exactement l'autre. En réalité, -n'avons-nous pas démontré que le fait de la projection du corps n'avait -eu lieu que pour la conservation de l'équilibre?</p> - -<p>Toutefois, après avoir rapporté la force centripète à la loi -toute-puissante de la Gravitation, il a été d'usage, dans<span class="pagenum"><a name="Page_84" id="Page_84">[p. 84]</a></span> les traités -astronomiques, de chercher au delà des limites de la pure Nature, -c'est-à-dire au delà d'une cause <i>Secondaire,</i> l'explication du -phénomène de la vélocité tangentielle. On attribue directement cette -dernière à une Cause <i>Première,</i> à Dieu lui-même. La force qui emporte -un corps stellaire autour de la planète principale tire, nous dit-on, -son origine d'une impulsion donnée immédiatement par le doigt de la -Divinité elle-même; car telle est la phraséologie enfantine usitée -dans ce cas. A ce point de vue, les planètes, parfaitement formées, -ont été lancées par la main de Dieu, vers une position voisine des -soleils, avec une force mathématiquement proportionnée à la masse ou -puissance attractive des soleils eux-mêmes. Une idée si grossière, -si anti-philosophique, et pourtant si tranquillement adoptée, n'a pu -naître que de la difficulté de rendre autrement compte de la proportion -exacte qui existe entre deux forces en apparence indépendantes l'une de -l'autre, la force centripète et la force centrifuge. Mais on devrait se -rappeler que pendant un long temps la coïncidence de la rotation de la -Lune avec sa révolution sidérale, deux choses en apparence bien plus -indépendantes l'une de l'autre que celles maintenant en question, a été -considérée comme un un fait positivement miraculeux; et qu'il y avait, -même parmi les astronomes, une singulière disposition à attribuer -cette merveille à l'agence directe et continue de Dieu, qui dans ce -cas, disait-on, avait jugé nécessaire d'intercaler, à travers ses lois -générales, une série de règles subsidiaires, dans le but de cacher à -tout jamais aux yeux des mortels la splendeur, ou peut-être l'horreur -de l'autre côté de la Lune,—de ce mystérieux hémisphère qui a toujours -évité et doit toujours éviter la curiosité télescopique de l'homme. Les -progrès de la Science, toutefois, ont bientôt démontré,—ce qui pour -l'instinct philosophique n'avait pas besoin<span class="pagenum"><a name="Page_85" id="Page_85">[p. 85]</a></span> de démonstration,—que -l'un des deux mouvements n'est qu'une partie de l'autre,—ce qui est -mieux encore qu'une conséquence.</p> - -<p>Pour ma part, je me sens irrité par des conceptions à la fois aussi -timides, aussi vaines et aussi fantasques. Elles viennent d'une absolue -couardise de pensée. Que la Nature et que le Dieu de la Nature soient -distincts, aucun être pensant n'en peut longtemps douter. Par la Nature -nous entendons simplement les lois de Dieu. Mais dans l'idée de Dieu, -avec son omnipotence et son omniscience, nous faisons entrer aussi -l'idée de <i>l'infaillibilité</i> de ses lois. Pour Lui, il n'y a ni Passé -ni futur; pour Lui, tout est <i>Présent;</i> donc, ne l'insultons-nous pas -en supposant que ses lois puissent n'être pas faites en prévision de -toutes les contingences possibles? Ou plutôt, quelle idée pouvons-nous -avoir d'une contingence possible <i>quelconque,</i> qui ne soit à la fois le -résultat et la manifestation de ses lois? Celui qui, se dépouillant de -tout préjugé, aura le rare courage de penser absolument par lui-même ne -pourra pas ne pas arriver à la finale condensation des <i>lois</i> en une -<i>Loi,—</i>ne pourra pas ne pas aboutir à cette conclusion: que <i>chaque -loi de la Nature dépend en tous points de toutes les autres lois,</i> et -que toutes ne sont que les conséquences d'un exercice primitif de la -Volonté Divine. Tel est le principe de la Cosmogonie que j'essaye, avec -toute la déférence nécessaire, de suggérer et de soutenir ici.</p> - -<p>D'après ce point de vue, chassant, comme frivole et même comme impie, -cette idée, que la force tangentielle a pu être communiquée directement -aux planètes par <i>le doigt de Dieu,</i> je considère cette force comme -naissant de la rotation des astres;—cette rotation comme amenée par -l'impétuosité des atomes primitifs se précipitant vers leurs centres -respectifs d'aggrégation;—cette impétuosité comme<span class="pagenum"><a name="Page_86" id="Page_86">[p. 86]</a></span> la conséquence de -la loi de la Gravitation;—cette loi comme le mode par lequel devait -nécessairement se manifester la tendance des atomes à retourner à -la non-particularité;—cette tendance au retour comme la réaction -inévitable de l'Acte premier, le plus sublime de tous, celui par lequel -un Dieu, existant par lui-même et existant seul, est devenu, par la -force de sa volonté, tous les êtres à la fois, pendant que tous les -êtres devenaient ainsi une partie de Dieu.</p> - -<p>Les hypothèses fondamentales de ce traité impliquent nécessairement -certaines modifications importantes de la Théorie telle qu'elle nous -est présentée par Laplace. J'ai considéré la force répulsive comme -ayant pour but de prévenir le contact entre les atomes, et comme se -produisant en raison du rapprochement, c'est-à-dire en raison de la -condensation. En d'autres termes, <i>Y Electricité,</i> avec ses phénomènes -compliqués, chaleur, lumière et magnétisme, doit procéder comme procède -la condensation, et, naturellement, en raison inverse de la [densité], -c'est-à-dire la <i>cessation de la condensation.</i> Ainsi le Soleil, dans -le cours de son aggrégation, a dû, la répulsion se développant, devenir -excessivement chaud,—incandescent peut-être; et nous comprenons -comment l'émission de ses anneaux a dû être matériellement facilitée -par la légère incrustation de sa surface, résultat du refroidissement. -Mainte expérience vulgaire nous montre comme une croûte analogue -se détache facilement, par suite de l'hétérogénéité, de la masse -intérieure. Mais, à chaque émission successive de surface durcie, -la nouvelle surface apparaîtrait incandescente comme auparavant; -et l'époque où elle se serait de nouveau suffisamment durcie pour -se détacher et s'éloigner facilement, peut être considérée comme -coïncidant exactement avec celle où la masse entière aurait besoin d'un -nouvel effort pour rétablir l'équilibre de ses deux forces, dérangé -par la<span class="pagenum"><a name="Page_87" id="Page_87">[p. 87]</a></span> condensation. En d'autres termes, quand l'influence électrique -(la Répulsion) a définitivement préparé la surface à se détacher, -l'influence de la Gravitation (l'Attraction) s'est trouvée prête à -la rejeter. Ici donc, comme toujours, comme partout, nous voyons que -<i>le Corps et l'Ame marchent de concert,</i> Ces idées sont confirmées en -tous points par l'expérience. Puisque la condensation ne peut jamais, -dans aucun corps, être considérée comme absolument finie, nous pouvons -prévoir que toutes les fois qu'il nous sera permis de vérifier le -cas, nous trouverons des indices de luminosité dans tous les corps -stellaires, dans les lunes et les planètes aussi bien que dans les -soleils. Que notre Lune soit fortement lumineuse par elle-même, nous -le voyons à chaque éclipse totale, alors qu'elle devrait disparaître -s'il n'en était pas ainsi. Sur la partie sombre du satellite nous -observons aussi, pendant ses phases, des traînées de lumière comme -nos propres Aurores; et il est évident que celles-ci, avec tous nos -phénomènes divers proprement dits électriques, sans parler d'aucune -clarté plus constante, doivent donner à notre Terre, pour un habitant -de la Lune, une certaine apparence de luminosité. En réalité, nous -devons considérer tous les phénomènes en question comme de simples -manifestations, différentes en modes et en degrés, d'une condensation -de la Terre faiblement continuée.</p> - -<p>Si mes vues sont justes, attendons-nous à trouver les planètes plus -récentes,—c'est-à-dire celles qui sont plus près du Soleil,—plus -lumineuses que celles qui sont plus éloignées et d'une origine plus -ancienne. L'éclat excessif de Vénus (qui, durant ses phases, laisse -voir sur ses parties sombres de fréquentes Aurores) ne semble pas -suffisamment expliqué par sa proximité de l'astre central. Cette -planète est, sans doute, vivement lumineuse par elle-même, bien qu'elle -le soit moins que Mercure, pendant que la<span class="pagenum"><a name="Page_88" id="Page_88">[p. 88]</a></span> luminosité de Neptune se -trouve comparativement réduite à rien.</p> - -<p>Mes idées étant admises, il est clair que du moment où le Soleil -s'est déchargé d'un anneau, il a dû subir une diminution continue -de lumière et de chaleur en raison de l'incrustation continue de sa -surface; et qu'une époque a dû venir, époque précédant immédiatement -une nouvelle décharge, où la diminution de la lumière et de la chaleur -a été matériellement très-sensible. Or nous savons qu'il est resté -de ces changements des traces faciles à reconnaître. Sur les îles -Melville, pour ne prendre qu'un exemple entre cent, nous trouvons -des témoignages d'une végétation plus que tropicale, des traces de -plantes qui n'auraient jamais pu fleurir sans une chaleur et une -lumière immensément plus grandes que celles que notre Soleil peut -actuellement donner à aucune partie de la Terre. Devons-nous rapporter -cette végétation à l'époque qui a suivi immédiatement l'émission de la -planète Vénus? A cette époque a dû se produire pour nous la plus grande -somme d'influence solaire, et cette influence a dû, dans le fait, -atteindre alors son maximum; naturellement nous négligeons la période -de l'émission de la Terre, qui fut sa période de simple organisation.</p> - -<p>D'autre part, nous savons qu'il existe des <i>soleils non lumineux,</i> -c'est-à-dire des soleils dont nous déterminons l'existence par les -mouvements des autres, mais dont la luminosité n'est pas suffisante -pour agir sur nous. Ces soleils sont-ils invisibles simplement à cause -de la longueur de temps écoulé depuis qu'ils ont produit une planète? -Et en revanche, ne pouvons-nous pas, au moins dans de certains cas, -expliquer les apparitions soudaines de soleils sur des points où nous -n'en avions pas jusqu'à présent soupçonné l'existence, en supposant -qu'ayant tourné avec des<span class="pagenum"><a name="Page_89" id="Page_89">[p. 89]</a></span> surfaces durcies pendant les quelques -milliers d'années qui composent notre histoire astronomique, ils ont -pu enfin, après avoir produit un nouvel astre secondaire, déployer les -splendeurs de leur partie intérieure toujours incandescente? Quant -au fait bien certain de l'accroissement proportionnel de chaleur à -mesure que nous pénétrons dans l'intérieur de la Terre, il suffit de -le rappeler en passant, et il sert à corroborer aussi fortement que -possible tout ce que j'ai dit sur le sujet actuellement en question.</p> - -<p>En parlant de l'influence répulsive ou électrique, je faisais observer -tout à l'heure que les phénomènes importants de vitalité, de conscience -et de pensée, étudiés soit dans leur généralité, soit dans leur détail, -semblaient procéder en raison de l'hétérogénéité. Je disais aussi que -je reviendrais sur cette idée; et c'est ici, je crois, le moment de le -faire. Si nous regardons d'abord la chose dans le détail, nous voyons -que ce n'est pas seulement la manifestation de la vitalité, mais aussi -son importance, ses conséquences et l'élévation de son caractère, -qui sont en parfait accord avec l'hétérogénéité, ou complexité, de -la structure animale. Si nous examinons maintenant la question dans -sa généralité, et si nous en référons aux premiers mouvements des -atomes vers une constitution massive, nous voyons que l'hétérogénéité -est toujours en proportion de la condensation, par qui elle a été -directement amenée. Nous arrivons ainsi à cette proposition, que -<i>l'importance du développement de la vitalité terrestre procède en -raison égale de la condensation terrestre.</i></p> - -<p>Or, ceci est en accord précis avec ce que nous savons de la succession -des animaux sur la Terre. A mesure que celle-ci s'est condensée, des -races de plus en plus perfectionnées ont apparu. Est-il impossible que -les révolutions géologiques successives qui ont accompagné, si elles -ne les<span class="pagenum"><a name="Page_90" id="Page_90">[p. 90]</a></span> ont pas immédiatement causées, ces élévations successives -du caractère de vitalité,—est-il improbable que ces révolutions -elles-mêmes aient été produites par les décharges planétaires -successives du Soleil,—en d'autres termes, par les variations -successives de l'influence du Soleil sur la Terre? Si cette idée paraît -juste, if n'est pas déraisonnable de supposer que la décharge d'une -nouvelle planète, plus proche du centre que Mercure, puisse amener -une nouvelle modification de la surface terrestre,—modification d'où -tirerait sa naissance une race matériellement et spirituellement -supérieure à l'Homme. Ces pensées me frappent avec toute la force de la -vérité, mais je ne les émets ici qu'en tant que pures suggestions.</p> - -<p>La Théorie de Laplace a reçu récemment, par les mains du philosophe -Comte, une confirmation plus forte encore qu'if n'était nécessaire. -Ainsi ces deux savants ensemble ont montré,—non pas, certainement, que -la Matière ait positivement existé, à une époque quelconque, à l'état -de diffusion nébuleuse, tel que nous l'avons décrit,—mais que, si l'on -veut bien admettre qu'elle ait ainsi existé dans tout l'espace et bien -au delà de l'espace occupé maintenant par notre système solaire, <i>et -qu'elle ait commencé un mouvement vers un centre,—</i>ils ont démontré, -dis-je, que dans ce cas elle a dû adopter les formes variées et les -mouvements que nous voyons maintenant se développer dans ce système. -Une démonstration telle que celle-ci, dynamique et mathématique, -aussi complète qu'une démonstration peut l'être, incontestable et -incontestée, excepté peut-être par la secte impuissante et pitoyable -des douteurs de profession, simples fous qui nient la loi newtonienne -de la Gravitation, sur laquelle sont basés les résultats des -mathématiciens français,—une démonstration telle que celle-là doit, -pour beaucoup d'intelligences (et pour la mienne il<span class="pagenum"><a name="Page_91" id="Page_91">[p. 91]</a></span> en est ainsi), -confirmer l'hypothèse cosmique sur laquelle elle s'appuie.</p> - -<p>Que la démonstration ne prouve pas l'hypothèse, selon le sens ordinaire -attribué au mot <i>preuve,</i> naturellement je l'admets. Montrer que -certains résultats existants, que certains faits reconnus peuvent être, -même mathématiquement, expliqués par une certaine hypothèse, ce n'est -pas établir l'hypothèse elle-même. En d'autres termes, montrer que -certaines données ont <i>pu</i> et même ont <i>dû</i> engendrer certain résultat -existant, n'est pas suffisant pour prouver que ce résultat <i>est</i> la -conséquence des données en question; il faut encore démontrer qu'il -n'existe pas et qu'il ne <i>peut pas exister</i> d'autres données capables -de donner naissance au même résultat. Mais dans le cas actuellement en -discussion, bien que tout le monde doive reconnaître l'absence de ce -que nous avons l'habitude d'appeler <i>preuve,</i> il y a cependant beaucoup -d'esprits, et ceux-là de l'ordre le plus élevé, pour qui aucune preuve -n'ajouterait un iota de certitude. Sans entrer dans des détails qui -touchent au domaine nuageux de la métaphysique, je puis faire observer -que dans des cas semblables la force de conviction sera toujours, pour -les véritables penseurs, proportionnée à la somme de <i>complexité</i> -comprise entre l'hypothèse et le résultat. Soyons moins abstrait:—la -quantité de complexité reconnue dans les conditions cosmiques, en -augmentant proportionnellement la difficulté d'expliquer toutes ces -conditions, fortifie en même temps, et dans la même proportion, notre -confiance dans l'hypothèse qui nous sert à nous en rendre compte -d'une manière satisfaisante;—et comme on ne peut pas concevoir une -complexité plus grande que celle des conditions astronomiques, de même -il ne peut pas exister de conviction plus forte, pour mon esprit du -moins, que celle fournie par une hypothèse qui, non-seulement<span class="pagenum"><a name="Page_92" id="Page_92">[p. 92]</a></span> concilie -ces conditions avec une exactitude mathématique et les réduit en un -tout consistant et intelligible, mais encore se trouve être la <i>seule</i> -hypothèse au moyen de laquelle l'esprit humain ait jamais pu s'en -rendre compte.</p> - -<p>Une opinion très-mal fondée a récemment pris cours dans le monde et -même dans les cercles scientifiques, à savoir que ladite Théorie -Cosmogonique avait été renversée. Cette imagination est née du compte -rendu de certaines observations récentes faites, à l'aide du grand -télescope de Cincinnati et du célèbre instrument de lord Rosse, dans -ces parties du ciel qui ont été jusqu'à ce jour appelées <i>nébuleuses.</i> -Certaines taches du firmament, qui présentaient, même dans les plus -puissants de nos vieux télescopes, une apparence de nébulosité ou de -brume, avaient été regardées pendant longtemps comme une confirmation -de la théorie de Laplace. On les prenait pour des étoiles subissant -cette condensation dont j'ai essayé de décrire les modes. Ainsi on -supposait que nous possédions la <i>preuve oculaire</i> de la vérité de -l'hypothèse,—preuve qui, pour le dire en passant, s'est toujours -trouvée sujette à controverse; et quoique, de temps à autre, certains -perfectionnements télescopiques nous permissent de voir qu'une tache, -çà et là, que nous avions classée parmi les nébuleuses, n'était -en réalité qu'un groupe d'étoiles tirant simplement son caractère -nébuleux de l'immensité de la distance, toutefois on ne pensait pas -qu'un doute pût exister relativement à la nébulosité positive d'autres -masses nombreuses, véritables places-fortes des nébulistes, qui -semblaient défier tout effort de ségrégation. De ces dernières, la plus -intéressante était la grande nébuleuse dans la constellation d'Orion; -mais celle-ci, examinée à travers les magnifiques télescopes modernes, -se trouva résolue en une simple collection d'étoiles. Or, ce fait fut -généralement accepté comme<span class="pagenum"><a name="Page_93" id="Page_93">[p. 93]</a></span> concluant contre l'Hypothèse Cosmique de -Laplace; et à l'annonce des découvertes en question, le défenseur le -plus enthousiaste, le vulgarisateur le plus éloquent de la théorie, le -docteur Nichol, alla jusqu'à <i>admettre la nécessité d'abandonner</i> une -idée qui avait fait la matière de son plus honorable livre.<a name="NoteRef_2_8" id="NoteRef_2_8"></a><a href="#Note_2_8" class="fnanchor">[2]</a></p> - -<p>Plusieurs de mes lecteurs seront sans doute portés à dire que le -résultat de ces nouvelles investigations a au moins une forte -<i>tendance</i> à renverser l'hypothèse, tandis que d'autres, plus -réfléchis, insinueront seulement que, bien que la théorie ne soit -nullement détruite par la ségrégation desdites nébuleuses, cependant -l'impossibilité d'opérer cette ségrégation, même avec de si puissants -instruments, aurait servi à corroborer triomphalement la théorie; -et ces derniers seront peut-être surpris de m'entendre dire que je -n'adopte même pas leur opinion. Si les propositions de ce discours ont -été bien comprises, on verra qu'à mon point de vue l'impossibilité -d'opérer la ségrégation aurait servi à réfuter plutôt qu'à confirmer -l'Hypothèse Cosmique.</p> - -<p>Je m'explique:—Nous pouvons considérer comme démontrée la Loi -newtonienne de la Gravitation. Cette loi, on s'en souvient, je l'ai -attribuée à la réaction du premier Acte Divin,—à une réaction dans -l'exercice de la Volition Divine, ayant à surmonter temporairement -une difficulté. Cette difficulté, c'était de transformer forcément -le normal en anormal,—de contraindre ce qui, dans sa<span class="pagenum"><a name="Page_94" id="Page_94">[p. 94]</a></span> condition -originelle et légitime, était <i>Un,</i> à se soumettre à la condition -vicieuse de <i>Pluralité.</i> C'est seulement en supposant la difficulté -<i>temporairement</i> vaincue que nous pouvons comprendre une réaction. Il -n'y aurait eu aucune réaction, si l'acte avait été infiniment continué. -Tant que l'acte a duré, aucune réaction, évidemment, n'a pu commencer; -en d'autres termes, aucune gravitation n'a pu avoir lieu;—car nous -avons admis que l'une n'était que la manifestation de l'autre. Mais -la gravitation a eu lieu; donc l'acte de la Création avait cessé; et, -la gravitation s'étant manifestée depuis un long temps, il faut en -conclure que l'acte de la Création a cessé aussi depuis un long temps. -Nous ne pouvons donc pas espérer l'occasion d'observer les procédés -primitifs de la Création; et la condition de nébulosité, comme nous -l'avons expliqué, fait partie de ces procédés primitifs.</p> - -<p>De ce que nous savons de la marche de la lumière nous tirons la -preuve directe que les étoiles les plus éloignées existent, sous leur -forme actuellement visible, depuis un nombre inconcevable d'années. -Il faut donc remonter dans le passé an <i>moins</i> jusqu'à la période -où ces étoiles subirent la condensation, pour marquer l'époque où -commença l'opération qui a constitué les masses. Si, d'un côté, nous -concevons cette opération comme continuant encore dans le cas de -certaines nébuleuses, de l'autre, nous voyons qu'en beaucoup d'autres -cas elle est complètement finie, et c'est ce qui nous jette forcément -dans des hypothèses pour lesquelles aucune base réelle ne nous est -offerte;—nous sommes obligés d'imposer à la Raison révoltée l'idée -blasphématoire d'une interposition spéciale;—de supposer que, -dans les cas particuliers de ces nébuleuses, un Dieu infaillible a -jugé nécessaire d'introduire certains règlements supplémentaires, -certains perfectionnements de<span class="pagenum"><a name="Page_95" id="Page_95">[p. 95]</a></span> la loi générale, certaines retouches et -corrections, en un mot, qui ont eu pour effet de reculer l'achèvement -de ces étoiles particulières, pendant des siècles innombrables, au delà -de l'ère qui avait suffi non-seulement pour parfaire la constitution -des autres corps stellaires, mais même pour les doter d'une vieillesse -chenue et déjà inexprimable.</p> - -<p>Sans doute on peut objecter immédiatement que, puisque la lumière -grâce à laquelle nous percevons ces nébuleuses est simplement celle -qui s'est détachée de leur surface depuis un nombre immense d'années, -les progrès de création observés actuellement, ou que nous supposons -observés actuellement, ne sont pas en réalité des progrès actuels, mais -les fantômes des progrès accomplis dans un passé déjà lointain;—ce -qui est un raisonnement absolument semblable à celui que j'ai affirmé -relativement à tous les progrès tendant à la constitution des autres -masses.</p> - -<p>A ceci je réponds-que la condition actuellement observée des corps -condensés n'est pas non plus leur condition actuelle, mais une déjà -obtenue dans le passé; de sorte que mon argument tiré de la condition -<i>relative</i> des étoiles et des nébuleuses n'est en aucune manière -infirmé. En outre, ceux qui affirment l'existence des nébuleuses ne -placent pas la nébulosité à une extrême distance; ils déclarent que -c'est une nébulosité réelle et non pas perspective. Si nous concevons -qu'une masse nébuleuse puisse être, en quelque façon, visible, nous -devons la concevoir comme placée <i>très-près de nous,</i> en comparaison -des étoiles solidifiées que les télescopes modernes présentent à -notre vue. Affirmer que les apparences en question sont de réelles -nébuleuses, c'est affirmer, pour notre point de vue, leur proximité -relative. Donc leur condition, telle qu'elle se montre maintenant -à nous, doit être rapportée à une époque <i>bien moins éloignée</i> que -celle à laquelle nous<span class="pagenum"><a name="Page_96" id="Page_96">[p. 96]</a></span> rapportons la condition actuellement observée -de la majorité au moins des étoiles.—Pour finir en un mot, si -l'Astronomie pouvait démontrer l'existence d'une <i>nébuleuse,</i> dans le -sens qu'on donne présentement à ce terme, je considérerais la Théorie -Cosmogonique, non pas comme fortifiée par cette démonstration, mais -comme irréparablement renversée.</p> - -<p>Cependant, pour ne rendre à César que <i>juste</i> ce qui appartient à -César, qu'il me soit permis de faire observer que l'hypothèse qui -a conduit Laplace à un si glorieux résultat semble lui avoir été, -en grande partie, suggérée par une fausse conception,—par cette -même fausse conception dont nous venons de parler,—par la méprise -générale relative au caractère des prétendues nébuleuses. Lui aussi, il -supposait qu'elles étaient en réalité ce qu'implique leur désignation. -Le fait est que ce grand homme avait, très-justement, une foi médiocre -dans ses propres facultés de perception. Ainsi, relativement à -l'existence positive des nébuleuses, existence si présomptueusement -affirmée par les astronomes ses contemporains, il s'appuyait bien moins -sur ce qu'il voyait que sur ce qu'il entendait dire.</p> - -<p>On verra que les seules objections valables qu'on puisse opposer à -sa théorie sont celles faites à l'hypothèse prise en elle-même, à ce -qui l'a suggérée et non à ce qu'elle suggère, aux propositions qui -l'accompagnent plutôt qu'à ses résultats. La supposition la moins -justifiée de Laplace consiste à donner aux atomes un mouvement vers un -centre, malgré qu'il comprenne évidemment les atomes comme s'étendant, -dans une succession illimitée, à travers l'espace universel. J'ai déjà -montré qu'avec de telles données aucun mouvement n'aurait pu avoir -lieu; ainsi Laplace pour supposer un mouvement, se place sur une<span class="pagenum"><a name="Page_97" id="Page_97">[p. 97]</a></span> base -aussi peu philosophique qu'elle est inutile pour établir ce qu'il -voulait établir.</p> - -<p>Son idée originale semble avoir été un composé des vrais atomes -d'Épicure et des pseudo-nébuleuses de ses contemporains; et ainsi sa -théorie se présente à nous avec la singulière anomalie d'une vérité -absolue, déduite, comme résultat mathématique, d'une création hybride -de l'imagination antique mariée au sens obtus moderne. La force réelle -de Laplace consistait, en somme, dans un instinct mathématique presque -miraculeux; c'était là-dessus qu'il s'appuyait; jamais cet instinct ne -lui a manqué; jamais il ne l'a trompé. Dans le cas de la Cosmogonie, il -l'a conduit, les yeux bandés, à travers un labyrinthe d'Erreur, vers un -des plus lumineux et des plus prodigieux temples de Vérité.</p> - -<hr class="r5" /> -<div class="footnote"> - -<p><a name="Note_1_7" id="Note_1_7"></a><a href="#NoteRef_1_7"><span class="label">[1]</span></a> Je suis prêt à démontrer que la révolution anormale des -satellites d'Uranus est simplement une anomalie perspective provenant -de l'inclinaison de l'axe de la planète. E. P.</p></div> - -<div class="footnote"> - -<p><a name="Note_2_8" id="Note_2_8"></a><a href="#NoteRef_2_8"><span class="label">[2]</span></a> <i>Tableau de l'Architecture des deux.—</i>Une lettre -attribuée au Docteur Nichol, écrivant à un ami d'Amérique, a fait -le tour de nos journaux, il y a environ deux ans, qui admettait -la <i>nécessité</i> à laquelle je fais allusion. Dans une <i>lecture</i> -postérieure, M. Nichol semble toutefois avoir triomphé en quelque -sorte de la <i>nécessité,</i> et ne renonce pas absolument à la théorie, -bien qu'il ait l'air de s'en moquer un peu comme d'une <i>pure -hypothèse.</i> Avant les expériences de Maskelyne, qu'était donc la Loi de -Gravitation? Une hypothèse. Et qui mettait en question cette loi, même -alors?</p></div> - - -<hr /> -<h4>X</h4> - - -<p>Imaginons, pour le moment, que l'anneau projeté le premier par le -Soleil, c'est-à-dire l'anneau qui, en se brisant, a constitué Neptune, -ne se soit brisé que lors de la projection de l'anneau qui a donné -naissance à Uranus; que ce dernier anneau, de son côté, soit resté -intact jusqu'à l'émission de celui dont est né Saturne; que ce dernier, -à son tour, ait gardé sa forme entière jusqu'à l'émission de celui qui -a été l'origine de Jupiter, et ainsi de suite. Imaginons, en un mot, -qu'aucune rupture n'ait eu lieu parmi les anneaux jusqu'à la projection -finale de celui qui a donné naissance à Mercure. Nous créons ainsi -pour l'œil de l'esprit une série de cercles concentriques coexistants, -et les considérant en eux-mêmes aussi bien que dans le mode suivant -lequel, selon l'hypothèse de Laplace, ils ont<span class="pagenum"><a name="Page_98" id="Page_98">[p. 98]</a></span> été engendrés, nous -apercevons tout d'abord une très singulière analogie entre les couches -atomiques et le mode d'irradiation originelle tel que je l'ai décrit. -Est-il impossible, en mesurant les forces respectives qui ont projeté -successivement chaque cercle planétaire, c'est-à-dire en mesurant -la force excédante successive de rotation par rapport à la force de -gravitation, laquelle a occasionné les éruptions successives, de -trouver l'analogie en question plus décidément confirmée? <i>Est-il -improbable que nous découvrions que ces forces ont varié,—comme dans -l'irradiation originelle,—proportionnellement avec les carrés des -distances?</i></p> - -<p>Notre système solaire, consistant principalement en un Soleil, avec -seize planètes à coup sûr, et peut-être un peu plus, qui roulent autour -de lui à des distances variées, et qui sont accompagnées certainement -de dix-sept lunes, mais très-probablement de quelques autres, doit -être maintenant considéré comme un des types de ces agglomérations -innombrables qui ont commencé à se produire à travers la Sphère -Universelle, lorsque s'est retirée la Volonté Divine. Je veux dire -que nous avons à considérer notre système solaire comme fournissant -un cas générique de ces agglomérations, ou, plus correctement, des -conditions ultérieures auxquelles elles sont parvenues. Si nous fixons -notre attention sur l'idée qui a présidé au dessein du Tout-Puissant, -à savoir <i>la plus grande somme possible de rapports</i> et la précaution -prise pour atteindre le but avec la différence de formes dans les -atomes originels et l'inégalité particulière de distance, nous verrons -qu'il est impossible de supposer même une minute que deux seulement de -ces agglomérations commençantes soient arrivées à la fin précisément -au même résultat. Nous serons plutôt inclinés à penser qu'il n'y a -pas dans tout l'Univers deux corps stellaires, soleils, planètes ou -lunes, qui soient<span class="pagenum"><a name="Page_99" id="Page_99">[p. 99]</a></span> semblables dans le particulier, malgré que tous le -soient dans le général. Encore moins pouvons-nous imaginer que deux -assemblages de tels corps, deux systèmes quelconques, puissent avoir -une ressemblance plus que générale<a name="NoteRef_1_9" id="NoteRef_1_9"></a><a href="#Note_1_9" class="fnanchor">[1]</a> M. Nos télescopes, sur ce point, -confirment parfaitement nos déductions. Prenant donc notre système -solaire comme type approchant ou général de tous les autres, nous -sommes arrivés assez avant dans notre thème pour considérer l'Univers -sous l'aspect d'un espace sphérique à travers lequel, disséminée avec -une égalité purement générale, existe une certaine quantité de systèmes -ayant entre eux une ressemblance purement générale.</p> - -<p>Élargissant maintenant nos conceptions, regardons chacun de ces -systèmes comme étant en lui-même un atome, ce qu'il est en réalité, -quand nous ne le considérons que comme une des innombrables myriades -de systèmes qui constituent l'Univers. Les prenant donc tous pour des -atomes colossaux, chacun étant doué de la même indestructible tendance -à l'Unité qui caractérise les atomes réels dont il est composé, nous -entrons tout de suite dans un ordre nouveau d'aggrégations. Les plus -petits systèmes, placés dans le voisinage d'un plus grand, devront -inévitablement s'en rapprocher de plus en plus. Ici il s'en rassemblera -un millier, là un million; ici peut-être un trillion,—laissant -ainsi autour d'eux d'incommensurables vides dans l'espace. Et si -maintenant on demande pourquoi, dans le cas de ces systèmes, de ces -véritables atomes<span class="pagenum"><a name="Page_100" id="Page_100">[p. 100]</a></span> titaniques (je parle simplement d'un assemblage, -et non, comme dans le cas des atomes positifs, d'une agglomération -plus ou moins consolidée), si on demande pourquoi je ne pousse pas ma -suggestion jusqu'à sa conclusion légitime, pourquoi je ne décris pas -ces assemblages de systèmes-atomes se précipitant et se consolidant -en sphères, se condensant chacun en un magnifique soleil, je réponds -que ce sont là de simples <i>mellonta,</i> et que je ne fais que m'arrêter -un instant sur le seuil terrifiant du Futur. Pour le présent, nous -appelons ces assemblages des <i>groupes,</i> et nous les voyons dans leur -état commençant de consolidation. Leur consolidation absolue est encore -à venir.</p> - -<p>Nous voici arrivés à un point d'où nous contemplons l'Univers comme -un espace sphérique, parsemé inégalement de <i>groupes.</i> Observez -que je préfère ici l'adverbe <i>inégalement</i> à cette phrase déjà -employée: «avec une égalité purement générale.» Il est évident en -fait que l'égalité de distribution diminuera en raison du progrès de -l'agglomération, c'est-à-dire à mesure que les choses diminueront en -nombre. Ainsi l'accroissement de l'inégalité, accroissement qui devra -continuer jusqu'à une époque plus ou moins lointaine, où la plus grosse -agglomération absorbera toutes les autres, ne peut être considéré que -comme un symptôme confirmatif de la <i>tendance à l'Unité.</i></p> - -<p>Enfin ici il peut paraître bon de s'enquérir si les faits acquis de -l'Astronomie confirment l'arrangement général que j'ai, par déduction, -imposé aux mondes célestes. Or, cela est confirmé, et entièrement. -L'observation télescopique, guidée par les lois de la perspective, nous -permet de voir que l'Univers perceptible existe comme <i>un groupe de -groupes irrégulièrement disposés.</i></p> -<hr class="r5" /> - -<div class="footnote"> - -<p><a name="Note_1_9" id="Note_1_9"></a><a href="#NoteRef_1_9"><span class="label">[1]</span></a> Il n'est pas impossible que quelque perfectionnement -imprévu d'optique nous révèle, parmi les innombrables variétés de -systèmes, un soleil lumineux, entouré d'anneaux lumineux et non -lumineux, en dedans, en dehors desquels, et entre lesquels roulent des -planètes lumineuses et non lumineuses, accompagnées de lunes ayant -leurs lunes, et même ces dernières possédant également leurs lunes -particulières.</p> - - -<hr /> -<p><span class="pagenum"><a name="Page_101" id="Page_101">[p. 101]</a></span></p></div> - - - -<h4>XI</h4> - - -<p>Les groupes dont est composé cet universel <i>groupe de groupes</i> sont -simplement ce que nous avons coutume de nommer <i>nébuleuses,</i> et parmi -ces nébuleuses il en est une qui est pour l'humanité d'un intérêt -suprême. Je veux parler de la Galaxie ou Voie Lactée. Elle nous -intéresse, d'abord et évidemment, en raison de sa grande supériorité, -par son volume apparent, non-seulement sur tout autre groupe du -firmament, mais même sur tous les autres groupes pris ensemble. Le -plus grand de ces derniers n'occupe comparativement qu'un point dans -l'espace et ne se laisse voir distinctement qu'à l'aide du télescope. -La Galaxie traverse tout le ciel et se montre brillante à l'œil -nu. Mais elle intéresse l'homme particulièrement, quoique moins -immédiatement, en ce qu'elle fait partie de fa région où il est situé, -de la région de fa Terre sur laquelle il vit, de la région du Soleil -autour duquel tourne cette Terre, de la région de tout le système -d'astres dont le « Soleil est le centre et l'astre principal, fa Terre, -un des seize secondaires ou une des planètes, la Lune, un des dix-sept -tertiaires ou satellites. La Galaxie, je le répète, n'est qu'un des -groupes dont j'ai parlé, une de ces prétendues nébuleuses, qui ne se -révèlent à nous quelquefois qu'à l'aide du télescope, et comme de -faibles taches brumeuses dans différentes parties du ciel. Nous n'avons -aucune raison de supposer que la Voie Lactée soit en réalité plus vaste -que la moindre de ces nébuleuses. Sa grande supériorité de volume n'est -qu'apparente, et vient de sa position relativement à nous, c'est-à-dire -de notre position à nous qui en occupons le milieu. Quelque étrange que -cette<span class="pagenum"><a name="Page_102" id="Page_102">[p. 102]</a></span> assertion puisse paraître tout d'abord à ceux qui ne sont pas -versés dans l'Astronomie, l'astronome, lui, n'hésite pas à affirmer -que nous sommes placés au milieu de cette inconcevable multitude -d'étoiles, de soleils, de systèmes qui constituent la Galaxie. En -outre, non-seulement nous avons, non-seulement notre Soleil a le droit -de revendiquer la Galaxie comme étant son groupe spécial; mais on peut -dire, avec une légère réserve, que toutes les étoiles distinctement -visibles du firmament, toutes les étoiles visibles à l'œil nu, ont le -droit de s'en réclamer également.</p> - -<p>Une idée bien fausse a été conçue relativement à la forme de la -Galaxie, de laquelle il est dit, dans presque tous nos traités -astronomiques, qu'elle ressemble à celle d'un Y capital. En réalité, le -groupe en question a une certaine ressemblance générale, très-générale, -avec la planète Saturne, enfermée dans son triple anneau. Au lieu du -globe solide de cette planète, nous devons toutefois nous figurer une -île stellaire ou collection lenticulaire d'étoiles; notre Soleil étant -placé excentriquement, près du bord de l'île, du côté qui est le plus -rapproché de la constellation de la Croix et le plus éloigné de celle -de Cassiopée. L'anneau qui l'entoure, dans la partie qui avoisine notre -position, est marqué d'une entaille longitudinale qui, en effet, lui -donne, aperçu de notre région, l'apparence vague d'un Y capital.</p> - -<p>Cependant il ne faut pas que nous tombions dans cette erreur, de -concevoir cette ceinture, peu définie d'ailleurs, comme tout à fait -séparée, comparativement parlant, du groupe lenticulaire également -indéfini qu'elle entoure; et ainsi, pour rendre notre explication -plus claire, nous pouvons dire de notre Soleil qu'il est positivement -situé sur le point de l'Y où se rencontrent les trois lignes qui le<span class="pagenum"><a name="Page_103" id="Page_103">[p. 103]</a></span> -composent, et, nous figurant cette lettre comme douée d'une certaine -solidité, d'une certaine épaisseur, très-minime en comparaison de sa -longueur, nous pouvons dire que notre position est dans le milieu de -cette épaisseur. En nous figurant que nous sommes placés ainsi, nous -n'éprouverons plus aucune peine à nous rendre compte des phénomènes -en question, qui sont uniquement des phénomènes de perspective. Quand -nous regardons en haut ou en bas, c'est-à-dire quand nous jetons -les yeux dans le sens de <i>Y épaisseur</i> de la lettre, notre regard -rencontre un moins grand nombre d'étoiles que lorsque nous jetons les -yeux dans le sens de sa <i>longueur,</i> ou le long d'une des trois lignes -qui la composent. Naturellement, les étoiles, dans le premier cas, -apparaissent comme éparpillées, et, dans le second, comme accumulées. -Renversons, s'il vous plaît, l'explication: un habitant de la Terre -qui regarde la Galaxie, comme nous disons ordinairement, la considère -alors dans un des sens de sa longueur;—il regarde le long des lignes -de l'Y; mais quand, regardant dans le Ciel général, il détourne ses -yeux de la Galaxie, il la voit alors dans le sens de l'épaisseur de la -lettre; et c'est pour cela que les étoiles lui semblent clair-semées, -quoique, en réalité, elles soient aussi rapprochées, en moyenne, que -dans la partie massive du groupe. Il n'y a pas de considération qui -soit mieux faite pour donner une idée de l'effrayante étendue de ce -groupe.</p> - -<p>Si, avec un télescope d'une profonde puissance, nous examinons -soigneusement le firmament, nous découvrirons <i>une ceinture de -groupes,</i> faite de ce que nous avons jusqu'à présent nommé des -nébuleuses,—une <i>bande,</i> d'une largeur variable, s'étendant d'un -horizon à l'autre, et coupant à angle droit la direction générale de -la Voie Lactée. Cette bande est le dernier <i>groupe de groupes.</i> Cette<span class="pagenum"><a name="Page_104" id="Page_104">[p. 104]</a></span> -ceinture est l'<i>Univers.</i> Notre Galaxie n'est qu'un des groupes, un des -moindres peut-être, qui entrent dans la composition de cette suprême -<i>bande</i> ou <i>ceinture</i> universelle. L'aspect de bande ou de ceinture, -que prend à nos yeux ce groupe de groupes, n'est qu'un phénomène de -perspective, analogue à celui qui nous fait aussi voir notre propre -groupe grossièrement sphérique, la Galaxie, sous la forme d'une -ceinture traversant les Cieux et coupant le groupe universel à angles -droits. Naturellement la forme du groupe qui enferme tous les autres -est, en général, celle de chaque groupe individuel qui y est contenu. -De même que les étoiles clair-semées que nous voyons dans le Ciel -général, quand nous détournons nos regards de la Galaxie, ne sont, -en réalité, qu'une partie de la Galaxie elle-même, aussi intimement -mêlées à elle qu'en aucun autre point où le télescope nous les montre -à l'état le plus dense,—de même les nébuleuses éparpillées, que nous -apercevons sur tous les points du firmament quand nous détournons -nos yeux de la ceinture Universelle, doivent être considérées comme -éparpillées seulement par la perspective et comme faisant partie -intégrante de l'unique <i>Sphère</i> suprême et Universelle.</p> - -<p>Il n'y a pas d'erreur astronomique plus insoutenable, et il n'y -en a pas qui ait obtenu une plus opiniâtre adhésion que celle qui -consiste à se figurer l'Univers sidéral comme absolument illimité. -Il me semble que les raisons qui nous le font croire limité, telles -que je les ai énoncées à <i>priori,</i> sont irréfutables; mais, pour -n'en plus parler, l'observation seule nous montre qu'il y a, dans de -nombreuses directions autour de nous, si ce n'est dans toutes, une -limite positive; ou, tout au moins, elle ne nous fournit aucun motif -pour penser autrement. Si la succession des étoiles était illimitée, -l'arrière-plan du ciel nous offrirait<span class="pagenum"><a name="Page_105" id="Page_105">[p. 105]</a></span> une luminosité uniforme, comme -celle déployée par la Galaxie, <i>puisqu'il n'y aurait absolument aucun -point, dans tout cet arrière-plan, où n'existât une étoile.</i> Donc, dans -de telles conditions, la seule manière de rendre compte des <i>vides</i> que -trouvent nos télescopes dans d'innombrables directions est de supposer -cet arrière-plan invisible placé à une distance si prodigieuse qu'aucun -rayon n'ait jamais pu parvenir jusqu'à nous. Qu'il en <i>puisse</i> être -ainsi, qui oserait s'aviser de le nier? Je maintiens simplement que -nous n'avons pas même l'ombre d'une raison pour croire qu'il en <i>est</i> -ainsi.</p> - -<p>En parlant de la propension vulgaire à considérer tous les corps -de la Terre comme tendant seulement vers le centre de la Terre, je -faisais observer que «sauf certaines exceptions dont il serait fait -mention plus tard, chaque corps de la Terre tendait, non-seulement -vers le centre de la Terre, mais encore vers toute autre direction -concevable.» Le mot <i>exceptions</i> avait trait à ces vides fréquents -dans le Ciel, où l'examen le plus minutieux non-seulement ne découvre -pas de corps stellaires, mais ne trouve même pas d'indices quelconques -de leur existence. Là, des gouffres béants, plus noirs que l'Erèbe, -nous apparaissent comme des échappées ouvertes, à travers les murs -limitrophes de l'Univers Sidéral, sur l'Univers illimité du Vide. Or, -tout corps existant sur la Terre est exposé, soit par son mouvement -propre, soit par celui de la Terre, à traverser ou à longer un de ces -vides ou abîmes cosmiques, et il est évident qu'en ce moment il cesse -d'être attiré dans la <i>direction du Vide</i> et qu'il est conséquemment -<i>plus lourd</i> qu'à aucune autre époque, soit avant, soit après. -Indépendamment, toutefois, de la considération de ces vides, et ne nous -occupant que de la distribution généralement inégale des étoiles, nous -voyons, que la tendance absolue des<span class="pagenum"><a name="Page_106" id="Page_106">[p. 106]</a></span> corps de la Terre vers le centre de -la Terre est dans un état de variation perpétuelle.</p> - -<p>Nous comprenons donc l'<i>insulation</i> de notre Univers. Nous percevons -l'isolement de l'Univers, c'est-à-dire de <i>tout</i> ce que nos sens -peuvent saisir. Nous savons qu'il existe un <i>groupe de groupes,</i> -une agglomération autour de laquelle, de tous côtés, s'étend un -incommensurable Espace désert fermé à toute perception humaine. -Mais, parce que nous sommes obligés de nous arrêter sur les confins -de cet Univers Sidéral, nos sens ne pouvant plus nous fournir de -témoignage, est-il juste de conclure qu'en réalité il n'existe pas de -point matériel au delà de celui qu'il nous a été permis d'atteindre? -Avons-nous, ou n'avons-nous pas le droit analogique d'inférer que cet -Univers sensible, que ce groupe de groupes, n'est qu'un morceau d'une -<i>série</i> de groupes de groupes, dont les autres nous restent invisibles -à cause de la distance,—soit parce que la diffusion de leur lumière, -avant qu'elle parvienne jusqu'à nous, est si excessive qu'elle ne peut -produire sur notre rétine aucune impression lumineuse, soit parce -qu'il n'existe aucune espèce d'émanation lumineuse dans ces mondes -inexprimablement distants, ou enfin parce que l'intervalle qui nous en -sépare est si vaste que, depuis des myriades d'années écoulées, leurs -effluves électriques n'ont pas encore pu le franchir?</p> - -<p>Avons-nous quelques droits à faire de telles suppositions, avons-nous -quelque motif pour accepter de telles visions? Si nous avons ce droit -à un degré quelconque, nous avons aussi le droit de leur donner une -extension infinie.</p> - -<p>Le cerveau humain a évidemment un penchant vers l'<i>Infini</i> et caresse -volontiers ce fantôme d'idée. Il semble aspirer vers cette conception -impossible avec une ferveur<span class="pagenum"><a name="Page_107" id="Page_107">[p. 107]</a></span> passionnée, avec l'espérance d'y croire -intellectuellement aussitôt qu'il l'a conçue. Ce qui est général -parmi toute la race humaine, aucun individu n'a sans doute le droit -de le considérer comme anormal; néanmoins, il peut exister une classe -d'intelligences supérieures pour qui ce tour d'esprit populaire porte -tout le caractère d'une monomanie.</p> - -<p>Ma question, cependant, n'a pas encore trouvé sa réponse—Avons-nous -le droit de supposer, ou plutôt d'imaginer une succession interminable -de <i>groupes de groupes</i> ou <i>d'Univers</i> plus ou moins semblables?</p> - -<p>Je réponds que le <i>droit,</i> dans un cas tel que celui-ci, dépend -absolument de la hardiesse de l'imagination qui s'avise d'y prétendre. -Qu'il me soit permis seulement de déclarer que je me sens, pour -mon compte personnel, porté à <i>imaginer</i> (je n'ose pas me servir -d'un terme plus affirmatif) qu'il existe réellement une succession -illimitée d'Univers, plus ou moins semblables à celui dont nous -avons connaissance, à celui-là <i>seul</i> dont nous aurons jamais -connaissance,—du moins jusqu'au moment où notre Univers particulier -rentrera dans l'Unité. Cependant, si de tels groupes de groupes -existent,—et ils existent,—il est suffisamment clair que, n'ayant -pas de participation dans notre origine, ils ne participent pas à -nos lois. Ils ne nous attirent pas et nous ne les attirons pas. Leur -matière, leur esprit ne sont pas les nôtres, ne sont pas ce qui -agit, influe dans une partie quelconque de notre Univers. Ils ne -pourraient impressionner ni nos sens ni nos âmes. Entre eux et nous, -les considérant tous pour un moment collectivement, il n'y a pas -d'influences communes. Chacun existe, à part et indépendant, <i>dans le -sein de son Dieu propre et particulier.</i></p> - - -<hr /> -<p><span class="pagenum"><a name="Page_108" id="Page_108">[p. 108]</a></span></p> - - - -<h4>XII</h4> - - -<p>Dans la conduite de ce Discours, je vise moins à l'ordre physique qu'au -métaphysique. La clarté avec laquelle les phénomènes, même matériels, -sont présentés à l'intelligence dépend très-peu, il y a longtemps que -j'en ai acquis l'expérience, d'un arrangement purement naturel, et -naît presque entièrement de l'arrangement moral. Si donc j'ai l'air -de m'abandonner à des digressions et de sauter trop vite d'un point -à un autre de mon sujet, qu'il me soit permis de dire qu'en faisant -ainsi j'ai l'espoir de mieux conserver, sans la rompre, cette chaîne -d'impressions graduées, par laquelle seule l'intelligence de l'Homme -peut embrasser les grandeurs dont je parle et les comprendre dans leur -majestueuse totalité.</p> - -<p>Jusqu'à présent, notre attention s'est dirigée presque exclusivement -vers un groupement général et relatif des corps stellaires dans -l'espace. De spécification, nous n'en avons fait que très-peu; et les -quelques idées relatives à la <i>quantité,</i> c'est-à-dire au nombre, à -la grandeur et à la distance, que nous avons émises, ont été amenées -accessoirement et en manière de préparation pour des conceptions plus -définitives. Essayons maintenant d'atteindre à ces dernières.</p> - -<p>Notre système solaire, comme nous l'avons déjà dit, consiste -principalement en un soleil et seize planètes au moins, auxquelles, -très-probablement, s'ajoutent quelques autres, qui tournent autour de -lui comme centre, accompagnées de dix-sept lunes connues et peut-être -de quelques autres que nous ne connaissons pas encore. Ces divers corps -ne sont pas de véritables sphères, mais des<span class="pagenum"><a name="Page_109" id="Page_109">[p. 109]</a></span> sphéroïdes aplatis, des -sphères comprimées dans la région des pôles de l'axe imaginaire autour -duquel elles tournent, l'aplatissement étant une conséquence de la -rotation. Le Soleil n'est pas absolument le centre du système; carie -Soleil lui-même, avec toutes les planètes, roule autour d'un point -de l'espace perpétuellement variable, qui est le centre général de -gravité du système. Nous ne devons pas non plus considérer les lignes -sur lesquelles se meuvent ces différents sphéroïdes,—les lunes autour -des planâtes, les planètes autour du Soleil, ou le Soleil autour du -centre commun,—comme des cercles dans le sens exact du mot. Ce sont, -en réalité, des <i>ellipses, l'un des foyers étant le point autour -duquel se fait la révolution.</i> Une ellipse est une courbe retournant -sur elle-même, qui a un de ses diamètres plus long que l'autre. Sur le -diamètre le plus long sont deux points, également distants du milieu -de la ligne, et, d'ailleurs, situés de telle façon que si, à partir -de chacun d'eux, on tire une ligne droite vers un point quelconque de -la courbe, la somme des deux lignes réunies sera égale au plus grand -des diamètres. Concevons donc une ellipse de cette nature. A l'un des -points en question, qui sont les <i>foyers,</i> fixons une orange. Par un -fil élastique unissons cette orange à un pois, et plaçons ce dernier -sur la circonférence de l'ellipse. Le fil élastique, naturellement, -varie en longueur à mesure que nous faisons mouvoir le pois, et forme -ce que nous appelons en géométrie un <i>radius vector.</i> Or, si l'orange -est prise pour le Soleil et le pois pour une planète tournant autour -de lui, la révolution devra se faire avec une vitesse variable plus -ou moins grande, mais telle que le <i>radius vector</i> franchira des -aires <i>égales en temps égaux.</i> La marche du pois <i>sera</i> donc ou, en -d'autres termes, la marche de la planète <i>est</i> lente à proportion -de son éloignement du Soleil, rapide à proportion de sa<span class="pagenum"><a name="Page_110" id="Page_110">[p. 110]</a></span> proximité. -Ces planètes, en outre, se meuvent d'autant plus lentement qu'elles -sont situées plus loin du Soleil, <i>les carrés de leurs périodes de -révolution étant entre eux dans la même proportion que les cubes de -leurs distances moyennes du Soleil.</i></p> - -<p>On comprend que les lois terriblement complexes de révolution que -nous décrivons ici ne règnent pas seulement dans notre système. -Elles dominent partout où domine l'Attraction. Elles régissent -l'Univers. Chaque point brillant du firmament est sans doute un Soleil -lumineux, ressemblant au nôtre, au moins dans son caractère général, -et accompagné d'une plus ou moins grande quantité de planètes plus -ou moins grosses, dont la luminosité encore attardée ne peut pas se -manifester à nous à une si grande distance, mais qui, néanmoins, -roulent, escortées de leurs lunes, autour de leurs centres sidéraux, -obéissant aux principes que nous avons constatés, obéissant aux trois -lois absolues de révolution, aux trois immortelles lois devinées par -l'esprit imaginatif de Kepler et subséquemment expliquées et démontrées -par l'esprit patient et mathématique de Newton. Dans une certaine -tribu de philosophes, qui font vanité de ne s'appuyer que sur les -faits positifs, il est beaucoup trop à la mode de se moquer de toute -spéculation et de la flétrir de la vague et élastique appellation -<i>d'œuvre conjecturale.</i> La valeur de celui qui conjecture, tel est -le point à examiner. En conjecturant de temps à autre avec Platon, -nous dépenserons notre temps avec plus d'utilité qu'en écoutant une -démonstration d'Alcmæon.</p> - -<p>Dans maint ouvrage d'astronomie, je vois qu'il est nettement établi que -les lois de Kepler sont la <i>base</i> du grand principe de la Gravitation. -Cette idée a dû naître de ce fait, que la divination de ces lois par -Kepler et sa démonstration postérieure de leur existence positive ont<span class="pagenum"><a name="Page_111" id="Page_111">[p. 111]</a></span> -poussé Newton à les expliquer par l'hypothèse de la Gravitation et, -finalement, à les démontrer à <i>priori,</i> comme conséquences nécessaires -du principe hypothétique. Ainsi, bien loin d'être la base de la -Gravitation, les lois de Kepler ont la Gravitation pour base, et il en -est de même, d'ailleurs, de toutes les lois de l'Univers matériel qui -ne se rapportent pas uniquement à la Répulsion.</p> - -<p>La distance moyenne de la Terre à la Lune, c'est-à-dire la distance qui -nous sépare du corps céleste le plus voisin de nous, est de 237,000 -milles. Mercure, la planète la plus proche du Soleil, est éloignée de -lui de 37 millions de milles. Vénus, qui vient après, tourne à une -distance de 68 millions de milles; la Terre, à son tour, à une distance -de 95 millions; Mars, à la distance de 144 millions. Puis viennent -les huit astéroïdes (Cérès, Junon, Vesta, Pallas, Astrée, Flore, -Iris et Hébé), à une distance moyenne d'environ 250 millions. Puis -nous trouvons Jupiter, distant de 490 millions; puis Saturne, de 900 -millions; puis Uranus, de 1,900 millions; finalement Neptune, récemment -découvert et tournant à une distance de 2,800 millions. Laissant -Neptune de côté, sur qui nous n'avons pas jusqu'à présent des documents -très-exacts, et qui est peut-être une planète appartenant à un système -d'Astéroïdes, on peut voir que, dans de certaines limites, il existe -entre les planètes un ordre d'intervalles. Pour parler d'une manière -approximative, nous pouvons dire que chaque planète est, relativement -au Soleil, située à une distance double de celle qui la précède. -<i>L'ordre</i> en question, que nous exposons ici,—<i>la loi de Bode</i>,—ne -pourrait-il pas être déduit de l'examen de l'analogie existant, ainsi -que je l'ai suggéré, entre la décharge solaire des anneaux et le mode -de l'irradiation atomique?</p> - -<p>Quant aux nombres cités à la hâte dans cette table sommaire des -distances, il y aurait folie à essayer de les<span class="pagenum"><a name="Page_112" id="Page_112">[p. 112]</a></span> comprendre, excepté -au-point de vue des faits arithmétiques abstraits. Ces nombres ne -sont pas pratiquement appréciables, lis ne comportent pas d'idées -précises. J'ai dit que Neptune, la planète la plus éloignée, tournait -autour du Soleil ù une distance de 2,800 millions de milles. Jusqu'ici -rien de mieux; j'ai établi un fait mathématique; et, sans comprendre -ce fait le moins du monde, nous pouvons le poser pour nous en servir -mathématiquement. Mais même en indiquant que la Lune tourne autour de -la Terre à la distance comparativement mesquine de 237,000 milles, je -n'ai nullement l'espérance de faire comprendre à qui que ce soit,—de -lui faire apprécier,—de lui faire sentir à quelle distance U Lune se -trouve positivement de la Terre. 237,000 milles! Parmi mes lecteurs, il -y en a peut-être bien peu qui n'aient pas traversé l'Océan Atlantique; -et, cependant, combien d'entre eux ont une idée distincte même des -3,000 milles qui séparent les deux rivages? Je doute, en vérité, qu'il -existe un homme qui puisse faire entrer dans son cerveau la plus vague -conception de l'intervalle compris entre une borne milliaire et sa -plus proche voisine. Cependant, nous trouvons quelque facilité pour -apprécier la distance en combinant l'idée de l'espace avec l'idée de -vélocité qui la suit naturellement. Le son parcourt un espace de I,100 -pieds en une seconde. Or, s'il était possible à un habitant de la Terre -de voir l'éclair d'un coup de canon tiré dans la Lune et d'en entendre -la détonation, il lui faudrait attendre treize jours entiers, à partir -du moment où il aurait aperçu le premier, pour recevoir un indice de la -seconde.</p> - -<p>Quelque faible que soit l'appréciation obtenue par ce moyen de la -réelle distance de la Lune à la Terre, elle aura néanmoins cette -utilité de nous faire mieux comprendre la folie de vouloir saisir par -la pensée des distances telles que<span class="pagenum"><a name="Page_113" id="Page_113">[p. 113]</a></span> les 2,800 millions de milles qui -séparent Neptune de notre Soleil; ou même les 95 millions de milles -compris entre le Soleil et la Terre que nous habitons. Un boulet de -canon, se mouvant avec la rapidité la plus grande qui ait jamais -été communiquée à un boulet, ne pourrait pas traverser ce dernier -intervalle en moins de 20 ans; pour le premier espace, il faudrait 590 -ans.</p> - -<p>Le diamètre réel de notre Lune est de 2,160 milles; cependant, elle -est un objet comparativement si petit qu'il faudrait environ cinquante -globes semblables pour en composer un aussi gros que la Terre.</p> - -<p>Le diamètre de notre propre globe est de 7,912 milles;—mais de -renonciation de ces nombres quelle idée positive prétendons-nous tirer?</p> - -<p>Si nous montons au sommet d'une montagne ordinaire et si nous regardons -autour de nous, nous apercevons un paysage qui s'étend à 40 milles dans -toutes les directions, formant un cercle de 250 milles de circonférence -et enfermant un espace de 5,000 milles carrés. Mais comme les portions -d'une semblable perspective ne se présentent nécessairement à notre -vue que l'une après l'autre, nous n'en pouvons apprécier l'étendue -que faiblement et partiellement; cependant le panorama tout entier -ne représente que la quarante millième partie de la surface de notre -globe. Si à ce panorama succédait, au bout d'une heure, un autre -panorama d'égale étendue; à ce second, au bout d'une heure, un -troisième; à ce troisième, au bout d'une heure, un quatrième, et ainsi -de suite, jusqu'à ce que tous les décors de la Terre fussent épuisés, -et si nous étions invités à examiner ces divers panoramas pendant -douze heures par jour, il ne nous faudrait pas moins de neuf ans et -quarante-huit jours pour achever l'examen de la collection.</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_114" id="Page_114">[p. 114]</a></span></p> - -<p>Mais si la simple surface de la Terre se refuse à l'étreinte de notre -imagination, que penserons-nous de sa contenance évaluée par cubes? -Elle embrasse une masse de matière équivalente au moins à un poids de -deux undécillions et deux cents nonillions de tonnes. Supposons cette -masse à l'état de repos, et essayons de concevoir une force mécanique -suffisante pour la mettre en mouvement! La force de toutes les myriades -d'êtres dont notre imagination peut peupler les mondes planétaires -de notre système, la force physique combinée de tous ces êtres, même -en les supposant plus puissants que l'homme, ne pourrait réussir à -déplacer d'un seul pouce cette masse prodigieuse.</p> - -<p>Que devons-nous donc penser de la force nécessaire, dans de semblables -conditions, pour remuer la plus grosse de nos planètes, Jupiter? -Elle a un diamètre de 86,000 milles, et pourrait contenir dans sa -périphérie plus de mille globes de la grandeur du nôtre. Cependant ce -corps monstrueux vole positivement autour du Soleil avec une vitesse -de 29,000 milles par heure, c'est-à-dire avec une rapidité quarante -fois plus grande que celle d'un boulet de canon! On ne peut même pas -dire que l'idée d'un tel phénomène fait tressaillir l'esprit, elle -l'épouvante, elle le paralyse. Nous avons plus d'une fois occupé notre -imagination à nous peindre les facultés d'un ange. Figurons-nous, -à une distance d'environ 100 milles de Jupiter, un pareil être, -assistant ainsi, témoin oculaire très rapproché, à la révolution -annuelle de cette planète. Or, pouvons-nous, je le demande, nous faire -une idée assez haute, assez immense de la puissance spirituelle de -cet être idéal pour concevoir qu'à la vue de cette incommensurable -masse, pirouettant juste sous ses yeux avec une vélocité tellement -inexprimable, l'ange lui-même, si angélique qu'il soit, puisse ne pas -être écrasé, anéanti?</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_115" id="Page_115">[p. 115]</a></span></p> - -<p>Ici, toutefois, il me paraît bon de faire observer qu'en réalité nous -n'avons encore parlé que d'objets comparativement insignifiants. Notre -Soleil, l'astre central et dirigeant du système auquel appartient -Jupiter, est non-seulement plus gros que Jupiter, mais aussi beaucoup -plus gros que toutes les planètes du système prises ensemble. Ce fait -est vraiment une condition essentielle de la stabilité du système -lui-même. Le diamètre de Jupiter est, avons-nous dit, de 86,000 milles! -Celui du Soleil est de 882,000 milles. Un habitant de ce dernier, -parcourant 90 milles par jour, mettrait plus de 80 ans à faire le -tour de sa plus grande circonférence. Il occupe un espace cubique de -681 septillions et 472 quintillions de milles. La Lune, ainsi qu'il -a été établi, tourne autour de la Terre, à une distance de 237,000 -milles, sur une orbite qui est conséquemment de près d'un million et -demi de milles. Or, si le Soleil était placé sur la Terre, les deux -centres coïncidant, le volume du Soleil s'étendrait, en tout sens, -non-seulement jusqu'à l'orbite de la Lune, mais encore à une distance -de 200,000 milles au delà.</p> - -<p>Et ici, une fois encore, observons que nous n'avons, jusqu'à présent, -parlé que de bagatelles. On a évalué la distance qui sépare Neptune -du Soleil; elle est de 2,800 millions de milles; la circonférence -de son orbite est donc de 17 trillions environ. Gardons d'oublier -cela quand nous portons nos regards sur quelqu'une des étoiles les -plus brillantes. Entre cette étoile et l'astre central de notre -système, le Soleil, il y a un gouffre d'espace tel que, pour en donner -l'idée, il faudrait la langue d'un archange. Donc, l'étoile que nous -regardons est un être aussi séparé que possible de <i>notre</i> système, -de <i>notre</i> Soleil, ou, si l'on veut, de <i>notre</i> étoile; cependant, -supposons-la un moment placée sur notre Soleil, le centre de l'une -coïncidant avec celui de<span class="pagenum"><a name="Page_116" id="Page_116">[p. 116]</a></span> l'autre, de même que nous avons supposé le -Soleil lui-même placé sur la Terre. Figurons-nous maintenant l'étoile -particulière que nous avons choisie s'étendant, dans tous les sens, -au delà de l'orbite de Mercure,—de Vénus,—de la Terre,—et puis -au delà de l'orbite de Mars,—de Jupiter,—d'Uranus, jusqu'à ce que, -finalement, notre imagination ait rempli le cercle de 17 trillions -de milles de circonférence, que décrit dans sa révolution la planète -de Leverrier. En admettant que nous soyons parvenus à concevoir tant -d'énormité, nous n'aurions pas créé une idée extravagante. Nous avons -les meilleures raisons pour croire qu'il y a bien des étoiles beaucoup -plus grosses que celle que nous avons supposée. Je veux dire que pour -une telle croyance nous possédons la meilleure base expérimentale; et -qu'en reportant notre regard vers la disposition atomique originelle, -ayant pour but la <i>diversité,</i> que nous avons considérée comme étant -une partie du plan divin dans la constitution de l'Univers, il nous -deviendra facile de comprendre et d'admettre des disproportions, dans -la grosseur des corps célestes, infiniment plus vastes qu'aucune de -celles dont j'ai parlé jusqu'à présent. Naturellement nous devons nous -attendre à trouver les corps les plus gros roulant à travers les vides -les plus grands de l'Espace.</p> - -<p>Je disais tout à l'heure que, pour nous donner une idée juste de -l'intervalle qui sépare notre Soleil d'une quelconque des autres -étoiles, il faudrait l'éloquence d'un archange. En parlant ainsi, je ne -puis pas être accusé d'exagération; car c'est la vérité pure qu'en de -certains sujets il n'est pas possible d'exagérer. Mais tâchons de poser -la matière plus distinctement sous les yeux de l'esprit.</p> - -<p>D'abord nous pouvons atteindre une conception générale,<span class="pagenum"><a name="Page_117" id="Page_117">[p. 117]</a></span> <i>relative,</i> -de l'intervalle en question, en le comparant avec les espaces -interplanétaires connus. Supposons, par exemple, que la Terre qui est, -en réalité, à 95 millions de milles du Soleil, ne soit distante de ce -flambeau que <i>d'un pied</i> seulement; Neptune se trouverait alors à une -distance de <i>quarante</i> pieds; et l'étoile Alpha Lyrse à une distance de -<i>cent cinquante-neuf</i> au moins.</p> - -<p>Or, je présume que peu de mes lecteurs ont remarqué, dans la conclusion -de ma dernière phrase, quelque chose de spécialement inadmissible, de -particulièrement faux. J'ai dit que la distance de la Terre au Soleil -étant supposée d'un <i>pied,</i> la distance de Neptune serait de quarante -pieds, et celle d'Alpha Lyrse de cent cinquante-neuf. La proportion -entre un pied et cent cinquante-neuf a peut-être semblé suffisante -pour donner une impression distincte de la proportion entre les deux -distances, celle de la Terre au Soleil et celle d'Alpha Lyrse au même -astre. Mais mon calcul, en réalité, aurait dû se formuler ainsi: En -supposant que la distance de la Terre au Soleil soit d'un pied, la -distance de Neptune serait de quarante pieds, et celle d'Alpha Lyrse -de cent cinquante-neuf... <i>milles;</i> c'est-à-dire que, dans mon premier -calcul, je n'ai assigné à Alpha Lyrse que la cinq mille deux cent -quatre-vingtième partie de la distance qui est la plus petite possible -où cette étoile puisse être réellement située.</p> - -<p>Poursuivons.—A quelque distance que soit une simple <i>planète,</i> -cependant, quand nous l'examinons à travers un télescope, nous la -voyons sous une certaine forme, nous la trouvons d'une certaine -grosseur appréciable. Or, j'ai déjà dit quelques mots de la grosseur -probable de plusieurs étoiles; néanmoins, quand nous en examinons une -quelconque, même à travers le télescope le plus puissant, elle se -présente à nous sans aucune forme, et, conséquem<span class="pagenum"><a name="Page_118" id="Page_118">[p. 118]</a></span>ment, sans aucune -dimension. Nous la voyons comme un point, et rien de plus.</p> - -<p>Maintenant, supposons que nous voyagions la nuit, sur une grande route. -Dans un champ, d'un des côtés de la route, se trouve une file de vastes -objets de toute dimension, d'arbres, par exemple, dont la figure se -détache distinctement sur le fond du ciel. Cette ligne s'étend à angle -droit de la route jusqu'à l'horizon. Or, à mesure que nous avançons -le long de la route, nous voyons ces arbres changer leurs positions -respectives relativement à un certain point fixe dans cette partie -du firmament qui forme le fond du tableau. Supposons que ce point -fixe,—suffisamment fixe pour notre démonstration,—soit la lune -qui se lève. Nous voyons tout d'abord que, pendant que l'arbre le -plus proche de nous change de position relativement à la lune, et si -fortement qu'il a l'air de fuir derrière nous, l'arbre qui est à la -distance extrême n'a pour ainsi dire pas bougé de la place qu'il occupe -relativement au satellite. Nous continuons à observer que plus les -objets sont éloignés de nous, moins ils s'éloignent de leur position, -et réciproquement. Nous commençons alors, à notre insu, à apprécier la -distance de chaque arbre par la plus ou moins grande altération de sa -position relative. Finalement nous arrivons à comprendre comment on -pourrait vérifier la distance positive d'un arbre quelconque de cette -rangée en se servant de la quantité d'altération relative comme d'une -base dans un simple problème géométrique. Or, cette altération relative -est ce que nous appelons parallaxe; et c'est par la parallaxe que nous -calculons les distances des corps célestes. Appliquant le principe aux -arbres en question, nous serions naturellement fort embarrassés pour -calculer la distance <i>d'un</i> arbre, qui, si loin que nous nous avancions -sur la route ne nous donnerait aucune parallaxe.<span class="pagenum"><a name="Page_119" id="Page_119">[p. 119]</a></span> Ceci, dans l'exemple -que nous avons supposé, est une chose impossible; impossible simplement -parce que toutes les distances sur notre Terre sont véritablement -insignifiantes; si nous les comparons avec les vastes quantités -cosmiques, nous pouvons dire qu'elles se réduisent absolument à néant.</p> - -<p>Or, supposons que l'étoile Alpha Lyræ soit juste au-dessus de nos -têtes et imaginons qu'au lieu d'être sur la Terre, nous soyons placés à -l'un des bouts d'une ligne droite s'étendant à travers l'espace jusqu'à -une distance égale au diamètre de l'orbite de la Terre, c'est-à-dire -une distance de cent quatre-vingt-dix millions de milles. Ayant -observé, au moyen des instruments micrométriques les plus délicats, la -position exacte de l'étoile, marchons le long de cette inconcevable -route, jusqu'à ce que nous ayons atteint l'autre extrémité. Ici, -examinons une seconde fois l'étoile. Elle est précisément où nous -l'avons laissée. Nos instruments, si délicats qu'ils soient, nous -affirment que sa position relative est absolument, identiquement la -même qu'au commencement de notre incommensurable voyage. Nous n'avons -trouvé aucune parallaxe, absolument aucune.</p> - -<p>Le fait est que, relativement à la distance des étoiles fixes, d'un -quelconque de ces innombrables soleils qui scintillent de l'autre -côté de ce terrible abîme par lequel notre système est séparé des -systèmes ses frères, dans le groupe auquel il appartient, la science -astronomique jusqu'à ces derniers temps n'a pu parler qu'avec une -certitude négative. Considérant les plus brillantes comme les plus -rapprochées, nous pouvions seulement dire, même de celles-là, que la -limite en dedans de laquelle elles ne peuvent pas être situées, est à -une certaine distance incommensurable;—à quelle distance au delà de -cette limite<span class="pagenum"><a name="Page_120" id="Page_120">[p. 120]</a></span> sont-elles situées, nous n'avions jamais pu le calculer. -Nous comprenions, par exemple, qu'Alpha Lyræ ne peut pas être à une -distance moindre de dix-neuf quintillions et deux cents trillions de -milles; mais, de tout ce que nous savions et de tout ce que nous savons -maintenant, nous pouvons induire qu'il est peut-être à la distance -représentée par le carré, le cube, ou toute autre puissance du nombre -précité. Cependant, au moyen d'observations singulièrement sagaces -et minutieuses, continuées avec des instruments nouveaux pendant -plusieurs laborieuses années, Bessel, qui est mort récemment, avait -dans les derniers temps réussi à déterminer la distance de six ou -sept étoiles; entre autres celle qui est désignée par le chiffre 61 -dans la constellation du Cygne. La distance calculée dans ce dernier -cas est six cent soixante-dix mille fois plus grande que celle du -Soleil; laquelle, il est bon de le rappeler, est de quatre-vingt-quinze -millions de milles. L'étoile 61 du Cygne est donc éloignée de nous de -presque soixante-quatre quintillions de milles, ou de plus de trois -fois la distance la plus petite possible attribuée à Alpha Lyræ.</p> - -<p>Si nous essayons d'apprécier cette distance à l'aide de considérations -tirées de la vitesse, comme nous avons fait pour apprécier la distance -de la Lune, il nous faut perdre absolument de vue des vitesses aussi -insignifiantes que celles du boulet de canon ou du son. La lumière, -toutefois, suivant les derniers calculs de Struve, marche avec une -vitesse de cent soixante-sept mille milles par seconde. La pensée -elle-même ne pourrait pas franchir cet intervalle plus rapidement, en -supposant que la pensée puisse même le parcourir. Or, malgré cette -inconcevable vélocité, la lumière, pour venir de l'étoile 61 du Cygne -jusqu'à nous, a besoin de plus de <i>dix ans;</i> et conséquemment, si cette -étoile était en ce moment effacée de l'Univers, elle continuerait -encore<span class="pagenum"><a name="Page_121" id="Page_121">[p. 121]</a></span> pendant dix ans à briller pour nous et à verser à nos yeux sa -gloire paradoxale.</p> - -<p>Tout en gardant présente à l'esprit la conception, si faible qu'elle -soit, que nous avons pu nous faire de l'intervalle qui sépare -notre Soleil de l'étoile 61 du Cygne, souvenons-nous aussi que cet -intervalle, quoique inexprimablement vaste, peut être considéré -comme la simple distance <i>moyenne</i> entre les innombrables multitudes -d'étoiles composant le groupe, ou nébuleuse, auquel appartient notre -système, ainsi que l'étoile 61 du Cygne. En vérité, j'établis le -calcul avec une grande modération; nous avons d'excellentes raisons -pour croire que l'étoile 61 du Cygne est l'une des étoiles les plus -rapprochées, et pour en conclure que sa distance, relativement à -nous, est moindre que la distance moyenne d'étoile à étoile dans le -magnifique groupe de la Voie Lactée.</p> - -<p>Et ici, une fois encore et définitivement, il me semble bon d'observer -que jusqu'à présent nous n'avons parlé que de quantités insignifiantes. -Cessons de nous émerveiller de l'espace qui sépare les étoiles dans -notre propre groupe ou dans tout autre groupe particulier; tournons -plutôt nos pensées vers les espaces qui séparent les groupes eux-mêmes -dans le groupe omnicompréhensif de l'Univers.</p> - -<p>J'ai déjà dit que la lumière marche avec une vitesse de cent -soixante-sept mille milles par seconde, c'est-à-dire de dix millions -de milles par minute, ou d'environ six cent millions de milles -par heure;—et cependant il est des nébuleuses qui sont tellement -éloignées de nous que la lumière de ces mystérieuses régions, quoique -marchant avec une telle vélocité, ne peut pas arriver jusqu'ici en -moins de <i>trois millions d'années.</i> Ce calcul, d'ailleurs, a été fait -par Herschell l'aîné, et n'a trait qu'à ces groupes comparativement -rapprochés qui se trouvaient à la portée<span class="pagenum"><a name="Page_122" id="Page_122">[p. 122]</a></span> de son propre télescope. Mais -il y a des nébuleuses, qui, par le tube magique de lord Rosse, nous -communiquent en cet instant même l'écho des secrets qui datent <i>d'un -million de siècles.</i> En un mot les phénomènes que nous contemplons en -ce moment, dans ces mondes lointains, sont les mêmes phénomènes qui -intéressaient leurs habitants il y a <i>dix fois cent mille siècles.</i> -Dans des intervalles, dans des distances, tels que cette suggestion -en impose à notre <i>âme,—</i>plutôt qu'à notre esprit,—nous trouvons -enfin une échelle convenable où toutes nos mesquines considérations -antérieures de <i>quantité</i> peuvent figurer comme de simples degrés.</p> - - -<hr /> -<h4>XIII</h4> - - -<p>L'imagination ainsi pleine de distances cosmiques, profitons de -l'occasion pour parler de la difficulté que nous avons si souvent -éprouvée, quand nous poursuivions le <i>chemin battu</i> de la pensée -astronomique, à rendre compte de ces vides incommensurables,—à -expliquer pourquoi des gouffres, si totalement inoccupés et si -inutiles en apparence, se sont produits entre les étoiles,—entre -les groupes,—bref, à trouver une raison suffisante de l'échelle -titanique, sur laquelle, quant à l'espace seulement, l'Univers paraît -avoir été construit. J'affirme que l'Astronomie a fait visiblement -défaut dans cette question et n'a pas su attribuer à ce phénomène -une cause rationnelle;—mais les considérations qui, dans cet Essai, -nous ont conduit pas à pas, nous permettent de comprendre clairement -et immédiatement que <i>l'Espace et la Durée ne sont qu'un.</i> Pour que -l'Univers pût durer pendant une ère proportionnée à la grandeur -de ses parties matérielles constitutives et à la haute majesté de -ses destinées spirituelles,<span class="pagenum"><a name="Page_123" id="Page_123">[p. 123]</a></span> il était nécessaire que la diffusion -atomique originelle se fît dans une étendue aussi prodigieusement -vaste qu'elle pouvait l'être sans être infinie. Il fallait, en un -mot, que les étoiles passassent de l'état de nébulosité invisible à -l'état de solidité visible, et vieillissent en donnant successivement -la naissance et la mort à des variétés inexprimablement nombreuses et -complexes du développement de la vitalité;—il fallait que les étoiles -accomplissent tout cela, trouvassent le temps suffisant pour accomplir -toutes ces intentions divines, <i>durant la période</i> dans laquelle toutes -choses vont effectuant leur retour vers l'Unité avec une vélocité -qui progresse en raison inverse des carrés des distances, au bout -desquelles est placé l'inévitable But.</p> - -<p>Grâce à toutes ces considérations, nous n'avons aucune peine à -comprendre l'absolue exactitude de <i>l'appropriation</i> divine. La densité -respective des étoiles augmente, naturellement, à mesure que leur -condensation diminue: la condensation et l'hétérogénéité marchent -de pair; et par cette dernière, qui est l'indice de la première, -nous pouvons estimer le développement vital et spirituel. Ainsi, par -la densité des globes, nous obtenons la mesure dans laquelle leurs -destinées sont remplies. A mesure qu'augmente la densité et que -s'accomplissent les intentions divines, à mesure que diminue ce qui -reste à accomplir, nous voyons augmenter, dans la même proportion, -la vitesse qui précipite les choses vers la Fin. Et ainsi l'esprit -philosophique comprendra sans peine que les intentions divines, -dans la constitution des étoiles, avancent mathématiquement vers -leur accomplissement;—il comprendra plus encore; il donnera à ce -progrès une expression mathématique; il affirmera que ce progrès est -en proportion inverse des carrés des distances où toutes les choses -créées<span class="pagenum"><a name="Page_124" id="Page_124">[p. 124]</a></span> se trouvent relativement à ce qui est à la fois le point de -départ et le but de leur création.</p> - -<p>Non-seulement cette appropriation de Dieu est mathématiquement exacte, -mais il y a en elle une estampille divine, qui la distingue de tous -les ouvrages de construction purement humaine. Je veux parler de la -complète <i>réciprocité</i> d'appropriation. Ainsi dans les constructions -humaines une cause particulière engendre un effet particulier; une -intention particulière amène un résultat particulier; mais c'est -tout; nous ne voyons pas de réciprocité. L'effet ne réagit pas sur la -cause; l'intention ne change pas son rapport avec l'objet. Dans les -combinaisons de Dieu, l'objet est tour à tour dessein ou objet, selon -la façon dont il nous plaît de le regarder, et nous pouvons prendre -en tout temps une cause pour un effet, et réciproquement, de sorte -que nous ne pouvons jamais, d'une manière absolue, distinguer l'un de -l'autre.</p> - -<p>Prenons un exemple. Dans les climats polaires, la machine humaine, pour -maintenir sa chaleur animale, et pour la combustion dans le système -capillaire, réclame une abondante provision de nourriture fortement -azotée, telle que l'huile de poisson. D'autre part, nous voyons que -dans les climats polaires l'huile des nombreux phoques et baleines -est presque la seule nourriture que la nature fournisse à l'homme. Et -maintenant dirons-nous que l'huile est mise à la portée de l'homme -parce qu'elle est impérieusement réclamée, ou dirons-nous qu'elle -est la seule chose réclamée parce qu'elle est la seule qu'il puisse -obtenir? Il est impossible de décider la question. Il y a là une -absolue <i>réciprocité d'appropriation.</i></p> - -<p>Le plaisir que nous tirons de toute manifestation du génie humain -est en raison du plus ou moins de <i>ressemblance</i> avec cette espèce -de réciprocité. Ainsi, dans la<span class="pagenum"><a name="Page_125" id="Page_125">[p. 125]</a></span> construction du plan d'une fiction -littéraire, nous devrions nous efforcer d'arranger les incidents de -telle façon qu'il fût impossible de déterminer si un quelconque d'entre -eux dépend d'un autre quelconque ou lui sert d'appui. Prise dans ce -sens, <i>la perfection du plan</i> est, dans la réalité, dans la pratique, -impossible à atteindre, simplement parce que la construction dont il -s'agit est l'œuvre d'une intelligence finie. Les plans de Dieu sont -parfaits. L'Univers est un plan de Dieu.</p> - -<p>Nous sommes maintenant arrivés à un point où l'intelligence est forcée -de lutter contre sa propension à la déduction analogique, contre cette -monomanie qui la pousse à vouloir saisir l'infini. Nous avons vu les -lunes tourner autour des planètes; les planètes autour des étoiles; -et l'instinct poétique de l'humanité,—son instinct de la symétrie, -en tant que la symétrie ne soit qu'une symétrie de surface,—cet -instinct, que l'Ame non-seulement de l'Homme mais de tous les êtres -créés, a tiré au commencement de la base géométrique de l'irradiation -universelle,—nous pousse à imaginer une extension sans fin de ce -système de cycles. Fermant également nos yeux à la déduction et à -l'induction, nous nous obstinons à concevoir une révolution de tous -les corps qui composent lu Galaxie autour de quelque globe gigantesque -que nous intitulons pivot central du tout. On se figure chaque groupe, -dans le grand groupe de groupes, pourvu et construit d'une manière -similaire; et en même temps, pour que l'analogie soit complète et -ne fasse défaut en aucun point, on va jusqu'à concevoir tous ces -groupes eux-mêmes comme tournant autour de quelque sphère encore -plus auguste;—cette dernière à son tour, avec tous les groupes qui -lui forment une ceinture, on croit qu'elle n'est qu'un des membres -d'une série encore plus magnifique<span class="pagenum"><a name="Page_126" id="Page_126">[p. 126]</a></span> d'agglomérations, évoluant autour -d'un autre globe qui lui sert de centre,—quelque globe encore plus -ineffablement sublime, quelque globe, disons mieux, d'une infinie -sublimité, incessamment multipliée par l'infiniment sublime. Telles -sont les conditions, continuées à perpétuité, que la tyrannie d'une -fausse analogie impose à l'Imagination et que la Raison est invitée -à contempler, sans se montrer, s'il est possible, trop mécontente du -tableau. Tel est, en général, le système d'interminables révolutions -s'engendrant les unes les autres, que la Philosophie nous a habitués à -comprendre et à expliquer, en s'y prenant du moins aussi adroitement -qu'elle a pu. De temps à autre cependant, un véritable philosophe, dont -la frénésie prend un tour très-déterminé, dont le génie, pour parler -plus honnêtement, a, comme les blanchisseuses, l'habitude fortement -prononcée de ne couler les choses qu'à la douzaine, nous fait voir -le point précis, qui avait été perdu de vue, où s'arrête et où doit -nécessairement s'arrêter cette série de révolutions.</p> - -<p>Les rêveries de Fourier ne valent peut-être pas la peine que nous nous -en moquions;—mais on a beaucoup parlé, dans ces derniers temps, de -l'hypothèse de Madler,—à savoir qu'il existe, au centre de la Galaxie, -un globe prodigieux, autour duquel tournent tous les systèmes du -groupe. La période de révolution pour notre propre système a même été -évaluée à 117 millions d'années.</p> - -<p>On a longtemps soupçonné que notre Soleil opérait un mouvement dans -l'espace, indépendamment de sa rotation, et une révolution autour du -centre de gravité du système. Ce mouvement, en admettant qu'il existe, -devrait se manifester par la perspective. Les étoiles, dans cette -partie du firmament que nous sommes censés avoir laissée derrière -nous, devraient, pendant une longue série d'années, s'accumuler en -foule; celles comprises dans le côté opposé<span class="pagenum"><a name="Page_127" id="Page_127">[p. 127]</a></span> devraient avoir l'air de -s'éparpiller. Or, par l'histoire de l'Astronomie, nous apprenons d'une -manière vague que quelques-uns de ces phénomènes se sont manifestés. -A ce sujet on a déclaré que notre système se mouvait vers un point -du ciel diamétralement opposé à l'étoile Zêta Herculis;—mais c'est -là peut-être le maximum de ce que nous avons logiquement le droit de -conclure en cette matière. Madler, néanmoins, est allé jusqu'à désigner -une étoile particulière,—Alcyone, l'une des Pléiades,—comme marquant -juste, ou à peu de chose près, le point autour duquel s'accomplirait -une révolution générale.</p> - -<p>Or, puisque c'est <i>l'analogie</i> qui nous a tout d'abord entraînés vers -ces rêves, il est naturel et convenable de nous servir de la même -analogie pour en poursuivre le développement; et cette analogie qui -nous a suggéré l'idée de révolution nous suggère en même temps l'idée -d'un vaste globe central autour duquel elle devrait s'accomplir; -—jusque-là le raisonnement de l'astronome est logique. Dynamiquement, -il faudrait toutefois que cet astre central fût plus gros que tous -les astres réunis qui l'entourent. Or, ils sont au nombre de 100 -millions environ. «Pourquoi donc», a-t-on demandé très-naturellement, -«ne voyons-nous pas ce vaste soleil central, au moins égal par sa -masse à 100 millions de soleils semblables au notre? Pourquoi ne le -voyons-nous pas, <i>nous</i> particulièrement, qui occupons la région -moyenne du groupe,—le lieu même près duquel, en tout cas, doit être -situé cet astre incomparable?» On répondit prestement: «Il faut qu'il -soit non lumineux comme sont nos planètes.» Ici, pour s'accommoder -au but, l'analogie se laissait torturer. On pouvait dire: «Nous -savons qu'il existe positivement des soleils non lumineux, mais non -pas dans de telles conditions.» Il est vrai que nous avons quelque -raison d'en supposer de<span class="pagenum"><a name="Page_128" id="Page_128">[p. 128]</a></span> tels, mais nous n'avons certainement aucune -raison pour supposer qu'il y a des soleils non lumineux entourés -de soleils lumineux, ces derniers étant à leur tour environnés de -planètes non lumineuses; tout cela est précisément ce dont Madler est -sommé de trouver l'analogue dans les cieux; car il imagine tout cela -justement à propos de la Galaxie. En admettant que la chose soit telle -qu'il le dit, nous ne pouvons nous empêcher de penser combien cette -question: «Pourquoi les choses sont-elles ainsi?» serait cruellement -embarrassante pour les philosophes <i>à priori.</i></p> - -<p>Mais si, en dépit de l'analogie et de toute autre raison, nous -reconnaissons la non-luminosité de ce grand astre central, nous -pouvons toujours demander comment ce globe si énorme n'est pas rendu -visible, grâce à cette effusion de lumière versée sur lui par les -100 millions de splendides soleils qui brillent dans tous les sens -autour de lui. Devant cette embarrassante question, l'idée d'un soleil -central positivement solide semble avoir été jusqu'à un certain point -abandonnée; et l'esprit spéculatif s'est contenté d'affirmer que les -systèmes du groupe accomplissaient leurs révolutions autour d'un -centre immatériel de gravité qui leur était commun à tous. Ici encore, -l'analogie a fait fausse route, pour se prêter à une théorie. Les -planètes de notre système tournent, il est vrai, autour d'un centre -commun de gravité; mais elles agissent ainsi conjointement avec un -soleil matériel qui les entraîne, et dont la masse fait plus que -contre-balancer le reste du système.</p> - -<p>La circonférence mathématique est une courbe composée d'une infinité de -lignes droites. Mais cette idée de la circonférence, idée qui, au point -de vue de toute la géométrie ordinaire, n'en est que l'idée purement -mathématique, mise en opposition de l'idée pratique, est aussi, en -stricte réalité, la seule conception pratique que nous<span class="pagenum"><a name="Page_129" id="Page_129">[p. 129]</a></span> puissions -façonner à notre usage pour l'intelligence de cette circonférence -majestueuse à laquelle nous avons affaire, au moins en imagination, -quand nous supposons notre système tournant autour d'un point situé -au centre de la Galaxie. Que l'imagination la plus vigoureuse essaye -seulement de faire un pas, un seul, vers la compréhension d'une courbe -aussi inexprimable! Sans commettre un paradoxe, on pourrait dire -qu'un éclair même, qui suivrait éternellement la circonférence de cet -inexprimable cercle, ne ferait que parcourir éternellement une ligne -droite. Qu'en décrivant une telle orbite, notre Soleil pût selon une -appréciation humaine, dévier de la ligne droite à un degré quelconque, -si petit qu'on le suppose, c'est là une idée inadmissible; cependant -nous sommes priés de croire qu'une courbure est devenue apparente -pendant la très-courte période de notre histoire astronomique, durant -ce simple point, durant ce parfait néant de deux ou trois mille ans.</p> - -<p>On pourrait dire que Madler a réellement vérifié une courbure dans -le sens de la marche, maintenant bien tracée, de notre système à -travers l'Espace. Admettant, s'il le faut, que ce fait soit réel, je -maintiens qu'il n'y a dans ce cas, qu'un seul fait démontré, c'est -la réalité d'une courbure. Pour l'<i>entière</i> vérification du fait, -il faudrait des siècles, et quand même elle serait faite, elle ne -servirait qu'à indiquer un rapport binaire ou tout autre rapport -multiple quelconque entre notre Soleil et une ou plusieurs des étoiles -les plus rapprochées. Quoi qu'il en soit, je ne hasarde rien en -prédisant qu'après une période de plusieurs siècles, tous les efforts -pour déterminer la marche de notre Soleil à travers l'Espace seront -abandonnés comme vains et inutiles. Cela est facile à concevoir quand -nous considérons l'infinité de perturbations que cette marche<span class="pagenum"><a name="Page_130" id="Page_130">[p. 130]</a></span> doit -subir, par suite du changement perpétuel des rapports du Soleil avec -les autres astres, pendant ce rapprochement simultané de tous vers le -noyau de la Galaxie.</p> - -<p>Mais, en examinant d'autres nébuleuses que la Voie Lactée, en -considérant dans leur généralité les groupes dont est parsemé le -firmament, trouvons-nous, oui ou non, une confirmation de l'hypothèse -de Madler? <i>Nous ne la trouvons pas.</i> Les formes des groupes sont -excessivement variées quand on les regarde accidentellement; mais par -un examen plus minutieux, à travers de puissants télescopes, nous -reconnaissons très-distinctement que la sphère est la forme dont ils se -rapprochent le plus,—leur constitution étant en général en désaccord -avec l'idée d'une révolution autour d'un centre commun.</p> - -<p>«Il est difficile, dit sir John Herschell,—de former une conception -quelconque de l'état dynamique de tels systèmes. D'un côté, sans un -mouvement rotatoire et une force centrifuge, il est presque impossible -de ne pas les considérer comme soumis à une condition de <i>rapprochement -progressif;</i> d'un autre côté, en admettant un tel mouvement et une -telle force, nous ne trouvons pas moins difficile de concilier leurs -formes avec la rotation de tout le système (il veut dire groupe) autour -d'un seul axe, sans lequel une collision intérieure nous apparaît comme -chose inévitable.»</p> - -<p>Quelques observations sur les <i>nébuleuses,</i> récemment faites par le -Docteur Nichol, quoique faites à un point de vue cosmique absolument -différent de tous ceux adoptés dans le présent Discours, s'appliquent -d'une manière très-particulière au point qui est actuellement en -question. Il dit:</p> - -<p>«Quand nous dirigeons sur les nébuleuses nos plus grands télescopes, -nous voyons que celles que nous avions<span class="pagenum"><a name="Page_131" id="Page_131">[p. 131]</a></span> d'abord considérées comme -irrégulières ne le sont réellement pas; elles se rapprochent plutôt -de la forme d'un globe. Il y en a une qui semblait ovale; mais le -télescope de lord Rosse l'a transformée pour nous en un cercle... -Or, il se présente une très-remarquable circonstance relativement à -ces masses circulaires de nébuleuses qui semblent, par comparaison, -douées de mouvement. Nous découvrons qu'elles ne sont pas absolument -circulaires, mais que, bien au contraire, tout autour d'elles et de -tous côtés, il y a des colonnes d'étoiles, <i>qui semblent s'étendre au -loin comme si elles se précipitaient vers une grande masse centrale en -vertu de quelque énorme puissance</i><a name="NoteRef_1_10" id="NoteRef_1_10"></a><a href="#Note_1_10" class="fnanchor">[1]</a>.»</p> - -<p>Si j'avais à décrire, à ma guise, la condition actuelle nécessaire -des nébuleuses, dans l'hypothèse, suggérée par moi, que toute matière -s'achemine vers l'Unité originelle, je copierais simplement, et presque -mot à mot, le langage qu'a employé le Docteur Nichol sans soupçonner le -moins du monde cette prodigieuse vérité, qui est la clef de tous les -phénomènes relatifs aux nébuleuses.</p> - -<p>Et qu'il me soit permis ici de fortifier ma position par le témoignage -de quelqu'un qui est plus grand que Madler,—de quelqu'un pour -qui toutes les données de Madler étaient depuis longtemps choses -familières, soigneusement et entièrement examinées. Relativement aux -calculs minutieux d'Argelander, lesquels forment la base de l'idée de -Madler, Humboldt, dont la faculté généralisatrice n'a peut-être jamais -été égalée, fait l'observation suivante:</p> - -<p>«Quand nous considérons le mouvement propre, réel<span class="pagenum"><a name="Page_132" id="Page_132">[p. 132]</a></span> et non perspectif -des étoiles, <i>nous voyons plusieurs groupes marchant dans des -directions opposées;</i> et les données que nous avons acquises jusqu'à -présent ne nous forcent pas à imaginer que les systèmes composant -la Voie Lactée, ou les groupes composant généralement l'Univers, -tournent autour de quelque centre inconnu, lumineux ou non lumineux. -Ce n'est que le désir propre à l'Homme de posséder une Cause Première -fondamentale, qui persuade à son intelligence et à son imagination -d'adopter une telle hypothèse.»</p> - -<p>Le phénomène dont il est ici question, c'est-à-dire de <i>plusieurs -groupes se dirigeant dans des sens opposés,</i> est tout à fait -inexplicable dans l'hypothèse de Madler, mais surgit comme conséquence -nécessaire de l'idée qui forme la base de ce Discours. En même temps -que la direction purement générale de chaque atome, de chaque lune, -planète, étoile ou groupe, serait, dans mon hypothèse, absolument -rectiligne; en même temps que la route générale suivie par tous -les corps serait une ligne droite conduisant au centre de tout, il -est clair que cette direction rectiligne serait composée de ce que -nous pouvons appeler, sans exagération, une infinité de courbes -particulières, résultat des différences continuelles de position -relative parmi ces masses innombrables, à mesure que chacune progresse -dans son pèlerinage vers l'Unité finale.</p> - -<p>Je citais tout à l'heure le passage suivant de sir John Herschell, -appliqué aux groupes: «D'un côté, sans un mouvement rotatoire et une -force centrifuge, il est presque impossible de ne pas les considérer -comme soumis à une condition de <i>rapprochement progressif.»</i> Le fait -est qu'en examinant les nébuleuses avec un télescope très-puissant, -il est absolument impossible, quand une fois on a conçu cette idée de -rapprochement, de ne pas ramasser de tous les<span class="pagenum"><a name="Page_133" id="Page_133">[p. 133]</a></span> côtés des témoignages -qui la confirment. Il y a toujours un noyau apparent dans la direction -duquel les étoiles semblent se précipiter, et ces noyaux ne peuvent pas -être pris pour de purs phénomènes de perspective;—les groupes sont -réellement plus denses vers le centre, plus clairs vers les régions -extrêmes. En un mot, nous voyons toutes choses comme nous les verrions -si un rapprochement universel avait lieu; mais, en général, je crois -que s'il est naturel, quand nous examinons ces groupes, d'accueillir -<i>l'idée d'un mouvement orbitaire autour d'un centre,</i> ce n'est qu'à -la condition d'admettre l'existence <i>possible,</i> dans les domaines -lointains de l'espace, de lois dynamiques qui nous seraient totalement -inconnues.</p> - -<p>De la part d'Herschell, il y a évidemment répugnance à supposer que les -nébuleuses soient dans un état de rapprochement progressif. Mais si les -faits, si même les apparences justifient cette supposition, pourquoi, -demandera-t-on peut-être, répugne-t-il à l'admettre? Simplement à cause -d'un préjugé; simplement parce que cette supposition contredit une idée -préconçue et absolument sans base,—celle de l'étendue infinie et de -l'éternelle stabilité de l'Univers.</p> -<hr class="r5" /> - -<div class="footnote"> - -<p><a name="Note_1_10" id="Note_1_10"></a><a href="#NoteRef_1_10"><span class="label">[1]</span></a> On doit comprendre que ce que je nie spécialement dans -l'Hypothèse de Madler, c'est la partie qui concerne le mouvement -circulaire. S'il n'existe pas <i>maintenant</i> dans notre groupe un grand -globe central, naturellement il en existera un plus tard. Dans quelque -temps qu'il existe, il sera simplement le <i>noyau</i> de la consolidation.</p></div> - - -<hr /> -<h4>XIV</h4> - - -<p>Si les propositions de ce Discours sont logiquement déduites, cette -<i>condition de rapprochement progressif</i> est précisément la seule dans -laquelle nous puissions légitimement considérer toutes les choses de -la création; et je confesse ici, avec une parfaite humilité, que, -pour ma part, il m'est impossible de comprendre comment toute autre -interprétation de la condition actuelle des choses a jamais pu se -glisser dans un cerveau humain. <i>La tendance au<span class="pagenum"><a name="Page_134" id="Page_134">[p. 134]</a></span> rapprochement</i> et -<i>l'attraction de la gravitation</i> sont deux termes réciproquement -convertibles. En nous servant de l'un ou de l'autre, nous voulons -parler de la réaction de l'Acte primordial. 11 ne fut jamais rien -de si inutile que de supposer la Matière pénétrée d'une qualité -indestructible faisant partie de son essence,—qualité ou instinct à -jamais inséparable d'elle, principe inaliénable en vertu duquel chaque -atome est perpétuellement poussé à rechercher l'atome son semblable. -Jamais il n'y eut rien de moins nécessaire que d'adopter cette idée -anti-philosophique. Allant au delà de la pensée vulgaire, il faut que -nous comprenions, métaphysiquement, que le principe de la gravitation -n'appartient à la matière que <i>temporairement,</i> pendant qu'elle est -éparpillée;—pendant qu'elle existe sous la forme de la Pluralité au -lieu d'exister sous celle de l'Unité;—lui appartient seulement en -vertu de son état d'irradiation;—appartient, en un mot, non pas à la -Matière elle-même le moins du monde, mais uniquement à la <i>condition</i> -actuelle où elle se trouve. D'après cette idée, quand l'irradiation -sera retournée vers sa source,—quand la réaction sera devenue -complète,—le principe de la gravitation aura cessé d'exister. Et, en -fait, bien que les astronomes ne soient jamais arrivés à l'idée que -nous émettons ici, il semble toutefois qu'ils s'en soient rapprochés -en affirmant que <i>s'il n'y avait qu'un seul corps dans l'Univers, il -serait impossible de comprendre comment le principe de la gravitation -pourrait s'établir;</i> c'est-à-dire qu'en considérant la matière telle -qu'elle se présente à leurs yeux, ils en tirent la conclusion à -laquelle je suis arrivé par voie de déduction. Qu'une suggestion aussi -féconde soit restée si longtemps sans porter ses fruits, c'est là un -mystère que je ne saurais approfondir.</p> - -<p>C'est peut-être, en grande partie, notre tendance<span class="pagenum"><a name="Page_135" id="Page_135">[p. 135]</a></span> naturelle vers -l'idée de perpétuité, vers l'analogie; et plus particulièrement, dans -le cas présent, vers la symétrie, qui nous a entraînés dans une fausse -route. En réalité, le sentiment de la symétrie est un instinct qui -repose sur une confiance presque aveugle. C'est l'essence poétique de -l'Univers, de cet Univers qui, dans la perfection de sa symétrie, est -simplement le plus sublime des poëmes. Or, symétrie et consistance sont -des termes réciproquement convertibles; ainsi la Poésie et la Vérité ne -font qu'un. Une chose est consistante en raison de sa vérité,—vraie -en raison de sa consistance. <i>Une parfaite consistance, je le répète, -ne peut être qu'une absolue vérité.</i> Nous admettrons donc que l'Homme -ne peut pas rester longtemps dans l'erreur, ni se tromper de beaucoup, -s'il se laisse guider par son instinct poétique, instinct de symétrie, -et conséquemment véridique, comme je l'ai affirmé. Cependant il doit -prendre garde qu'en poursuivant à l'étourdie une symétrie superficielle -de formes et de mouvements, il ne perde de vue la réelle et essentielle -symétrie des principes qui les déterminent et les gouvernent.</p> - -<p>Que tous les corps stellaires doivent finalement se fondre en un -seul, que toutes choses doivent enfin grossir la substance <i>d'un -prodigieux globe central déjà existant,—</i>c'est là une idée qui, -depuis quelque temps déjà, semble d'une manière vague, indéterminée, -avoir pris possession de l'imagination humaine. De fait, cette idée -appartient à la classe des choses <i>excessivement évidentes.</i> Elle naît -instantanément de l'observation, même superficielle, des mouvements -circulaires et en apparence <i>giratoires</i> ou <i>tourbillonnants</i> de -ces portions de l'Univers qui, très-rapprochées de nous, s'offrent -immédiatement à notre attention. Il n'existe peut-être pas un seul -homme, d'une éducation ordinaire et d'une faculté de méditation -moyenne, à qui, dans une<span class="pagenum"><a name="Page_136" id="Page_136">[p. 136]</a></span> certaine mesure, l'idée en question ne -se soit présentée, comme spontanée, instinctive, et portant tout -le caractère d'une conception profonde et originale. Toutefois, -cette conception, si généralement répandue, n'est jamais née, à ma -connaissance, du moins, d'une série de considérations abstraites. Au -contraire, elle a toujours été suggérée, comme je l'ai dit, par les -mouvements tourbillonnant autour des centres, et c'est dans le même -ordre de faits, c'est-à-dire dans ces mêmes mouvements circulaires, que -naturellement on a cherché une raison qui expliquât cette idée, une -<i>cause</i> qui pût amener cette agglomération de tous les globes en un -seul, <i>lequel était déjà supposé existant.</i></p> - -<p>Ainsi quand on proclama la diminution, progressive et régulière, -observée dans l'orbite de la comète d'Encke, à chacune de ses -révolutions autour de notre Soleil, les astronomes furent presque -unanimes pour dire que la cause en question était trouvée,—qu'un -principe était découvert, suffisant pour expliquer, physiquement, -cette finale et universelle agglomération, à laquelle, déterminé par -son instinct analogique, symétrique ou poétique, l'homme avait donné -créance plus qu'à une simple hypothèse.</p> - -<p>On affirma que cette cause, cette raison suffisante de l'agglomération -finale, existait dans un agent intermédiaire, excessivement rare, -mais cependant matériel, qui pénétrait tout l'espace; lequel, en -retardant la marche de la comète, affaiblissait perpétuellement sa -force tangentielle et augmentait en même temps la force centripète, qui -naturellement rapprochait davantage la comète à chaque révolution et -devait finalement la précipiter sur le Soleil.</p> - -<p>Tout cela était strictement logique, une fois qu'on avait admis ce -médium ou cet éther; mais il n'y avait aucune raison d'admettre -l'éther, si ce n'est qu'on n'avait pu<span class="pagenum"><a name="Page_137" id="Page_137">[p. 137]</a></span> découvrir aucun autre moyen -d'expliquer la diminution observée dans l'orbite de la comète;—comme -si de l'impossibilité de trouver un autre mode d'explication il -s'ensuivait qu'il n'en existât réellement pas d'autre. Il est clair -que d'innombrables causes combinées pouvaient amener la diminution -de l'orbite, sans que nous pussions même en découvrir une seule. -D'ailleurs, on n'avait jamais bien démontré pourquoi le retard -occasionné par les bords extrêmes de l'atmosphère du Soleil, à travers -lesquels la comète passe à son périhélie, ne suffît pas pour expliquer -le phénomène. Que la comète d'Encke sera absorbée par le Soleil, c'est -probable; que toutes les comètes du système seront absorbées, c'est -plus que possible; mais, dans un tel cas, le principe de l'absorption -doit être cherché dans l'excentricité de l'orbite des comètes et dans -leur rapprochement extrême du Soleil à leur périhélie; et ce n'est pas -un principe qui puisse affecter les lourdes et solides <i>sphères</i> qui -doivent être considérées comme les vrais matériaux constituants de -l'Univers. Relativement aux comètes en général, permettez-moi de dire -en passant que nous avons le droit de les considérer comme les <i>éclairs -du Ciel cosmique.</i></p> - -<p>L'idée d'un éther ralentissant et servant à amener l'agglomération -finale de toutes choses nous a semblé une seule fois confirmée par -une diminution positive observée dans l'orbite de la lune. Si nous en -référons aux éclipses enregistrées il y a 2,500 ans, nous voyons que -la vélocité de la révolution du satellite était alors bien moindre -qu'elle n'est aujourd'hui et que, en supposant que son mouvement dans -son orbite soit en accord constant avec la loi de Kepler, et ait été -alors, il y a 2,500 ans, soigneusement déterminé, elle est aujourd'hui, -relativement à la position qu'elle devrait occuper, en avance de 9,000 -milles<span class="pagenum"><a name="Page_138" id="Page_138">[p. 138]</a></span> environ. L'accroissement de vélocité prouvait, naturellement, -une diminution de l'orbite, et les astronomes inclinaient fortement à -croire à l'existence d'un éther, quand Lagrange vint à la rescousse. -Il démontra que, grâce à la configuration des sphéroïdes, le petit axe -de leur ellipse est sujet à varier de longueur, tandis que le grand -axe reste le même, et que cette variation est continue et vibratoire, -de sorte que chaque orbite est dans un état de transition, soit du -cercle à l'ellipse, soit de l'ellipse au cercle. Le petit axe de la -lune étant dans sa période de décroissance, l'orbite passe du cercle -à l'ellipse et, conséquemment, décroît aussi; mais, après une longue -série de siècles, l'excentricité extrême sera atteinte; alors le petit -axe commencera à augmenter jusqu'à ce que l'orbite se transforme en un -cercle; puis la période de raccourcissement aura lieu de nouveau,—et -ainsi de suite à tour de rôle. Dans le cas de la Terre, l'orbite va -se transformant d'ellipse en cercle. Les faits ainsi démontrés ont -naturellement détruit la prétendue nécessité de supposer un éther et -toute appréhension relative à l'instabilité du système, laquelle était -attribuée à l'éther.</p> - -<p>On se souvient que j'ai moi-même supposé quelque chose d'analogue et -que nous pouvons appeler un éther. J'ai parlé d'une <i>influence</i> subtile -accompagnant partout la matière, bien qu'elle ne se manifeste que par -l'hétérogénéité de la matière. A cette <i>influence,</i> dont je ne veux -ni ne puis en aucune façon définir la mystérieuse et terrible nature, -j'ai attribué les phénomènes variés d'électricité, de chaleur, de -magnétisme, et même de vitalité, de conscience et de pensée,—en un -mot, de spiritualité. On voit tout de suite que l'éther, compris de -cette façon, est radicalement distinct de l'éther des astronomes; le -leur est <i>matière</i> et le mien ne l'est pas.</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_139" id="Page_139">[p. 139]</a></span></p> - -<p>L'abolition de l'éther matériel semble impliquer aussi la disparition -absolue de cette idée d'agglomération universelle, si longtemps -préconçue par l'imagination poétique de l'humanité;—agglomération à -laquelle une sage Philosophie aurait pu légitimement prêter créance, -au moins jusqu'à un certain point, si elle avait été préconçue -uniquement par cette imagination poétique, sans aucune autre raison -déterminante. Mais, jusqu'à présent, l'Astronomie et la Physique n'ont -rien su trouver qui permette d'assigner une fin à l'Univers. Quand même -on eût pu, par une cause aussi accessoire et indirecte que l'éther, -démontrer cette fin, l'instinct qui révèle à l'Homme la Puissance -Divine d'adaptation se serait révolté contre cette démonstration. -Nous eussions été forcés de regarder l'Univers avec ce sentiment -d'insatisfaction que nous éprouvons en contemplant un ouvrage d'art -humain inutilement compliqué. La création nous aurait affectés comme -un plan imparfait dans un roman, où le dénouement est gauchement -amené par l'interposition d'incidents externes et étrangers au sujet -principal, au lieu de jaillir du fond même du thème,—du cœur de -l'idée dominante;—au lieu de naître comme résultat de la proposition -première, comme partie intégrante, inséparable et inévitable, de la -conception fondamentale du livre.</p> - -<p>On comprendra maintenant plus clairement ce que j'entends par symétrie -purement superficielle. C'est simplement la séduction de cette symétrie -qui nous a induits à accepter cette idée générale dont l'hypothèse de -Madler n'est qu'une partie,—l'idée de l'attraction tourbillonnante -des globes. Si nous écartons cette conception trop crûment physique, -la véritable symétrie de principe nous fait voir la fin de toutes -choses métaphysiquement impliquée dans l'idée d'un commencement, -nous fait chercher et trouver<span class="pagenum"><a name="Page_140" id="Page_140">[p. 140]</a></span> dans cette origine de toutes choses -les <i>rudiments</i> de cette fin, et enfin concevoir l'impiété qu'il y -aurait à supposer que cette fin pût être amenée moins simplement, -moins directement, moins clairement, moins artistiquement que par <i>la -réaction de l'Acte originel et créateur.</i></p> - - -<hr /> -<h4>XV</h4> - - -<p>Remontons donc vers une de nos suggestions antécédentes et concevons -les systèmes, concevons chaque soleil, avec ses planètes-satellites, -comme un simple atome titanique existant dans l'espace avec la -même inclination vers l'Unité, qui caractérisait, au commencement, -les véritables atomes après leur irradiation à travers la Sphère -universelle. De même que ces atomes originels se précipitaient -l'un vers l'autre selon des lignes généralement droites, de même -nous pouvons concevoir comme généralement rectilignes les chemins -qui conduisent les systèmes-atomes vers leurs centres respectifs -d'aggrégation;—et dans cette attraction directe, qui rassemble les -systèmes en groupes, et dans celle, analogue et simultanée, qui -rassemble les groupes eux-mêmes, à mesure que s'opère la consolidation, -nous trouvons enfin le grand Maintenant,—le terrible Présent,—la -condition actuellement existante de l'Univers.</p> - -<p>Une analogie rationnelle peut nous aider à former une hypothèse -relativement à l'Avenir, encore plus effrayant. L'équilibre entre -les forces, centripète et centrifuge, de chaque système, étant -nécessairement détruit quand il arrive à se rapprocher, jusqu'à un -certain point, du noyau du groupe auquel il appartient, il en doit -résulter, un jour, une précipitation chaotique, ou telle en apparence, -des<span class="pagenum"><a name="Page_141" id="Page_141">[p. 141]</a></span> lunes sur les planètes, des planètes sur les soleils, et des -soleils sur les noyaux; et le résultat général de cette précipitation -doit être l'agglomération des myriades d'étoiles, existant actuellement -dans le firmament, en un nombre presque infiniment moindre de sphères -presque infiniment plus vastes. En devenant immensément moins nombreux, -les mondes de cette époque seront devenus immensément plus gros que -ceux de la notre. Alors, parmi d'incommensurables abîmes, brilleront -des soleils inimaginables. Mais tout cela ne sera qu'une magnificence -climatérique présageant la grande Fin. La nouvelle genèse indiquée ne -peut être qu'une des étapes vers cette Fin, un des ajournements encore -nombreux. Par ce travail d'agglomération, les groupes eux-mêmes, avec -une vitesse effroyablement croissante, se sont précipités vers leur -centre général,—et bientôt, avec une vélocité mille fois plus grande, -une vélocité électrique, proportionnée à leur grosseur matérielle et à -la véhémence spirituelle de leur appétit pour l'Unité, les majestueux -survivants de la race des Étoiles s'élancent enfin dans un commun -embrassement. Nous touchons enfin à la catastrophe inévitable.</p> - -<p>Mais cette catastrophe, quelle peut-elle être? Nous avons vu -s'accomplir la conglomération, la moisson des mondes. Désormais, -devrons-nous considérer ce <i>globe des globes,</i> ce <i>globe matériel -unique,</i> comme constituant et remplissant l'Univers? Une telle idée -serait en contradiction complète avec toutes les propositions émises -dans ce Discours.</p> - -<p>J'ai déjà parlé de cette absolue <i>réciprocité d'adaptation</i> qui est -la grande caractéristique de l'Art divin,—qui est la signature -divine. Arrivé à ce point de nos réflexions, nous avons regardé -l'influence électrique comme une force répulsive qui seule rendait -la Matière capable d'exister<span class="pagenum"><a name="Page_142" id="Page_142">[p. 142]</a></span> dans cet état de diffusion nécessaire -à l'accomplissement de ses destinées;—là, en un mot, nous avons -considéré l'influence en question comme instituée pour le salut -de la Matière, pour sauvegarder les buts de toute matérialité. -Réciproquement, il nous est permis de considérer la Matière comme -créée seulement <i>pour le salut de cette influence,</i> uniquement pour -sauvegarder le but et l'objet de cet Éther spirituel. Par le moyen, -par l'intermédiaire, par l'agence de la Matière et par la force de -son hétérogénéité, cet Éther a pu se manifester,—l'Esprit a été -<i>individualisé.</i> C'est uniquement dans le développement de cet Éther, -par l'hétérogénéité, que des masses particulières de Matière sont -devenues animées, sensibles, et en proportion de leur hétérogénéité; -quelques-unes atteignant un degré de sensibilité qui implique ce -que nous appelons <i>Pensée,</i> et montant ainsi jusqu'à l'Intelligence -Consciente.</p> - -<p>A ce point de vue, nous pouvons regarder la Matière comme un Moyen, -et non comme une Fin. Son utilité et son but étaient compris dans sa -diffusion, et, avec le retour vers l'Unité, sa destinée est accomplie. -Ce globe des globes absolument consolidé serait sans but et sans objet; -conséquemment il ne pourrait continuer à exister un seul instant. La -Matière, créée dans un but, ne peut incontestablement, ce but étant -rempli, être plus longtemps Matière. Efforçons-nous de comprendre -qu'elle aspire à disparaître, et que Dieu seul doit rester tout entier, -unique et complet.</p> - -<p>Chaque œuvre née de la conception Divine doit coexister et coexpirer -avec le but qui lui est assigné; cela me semble évident, et je ne -doute pas que la plupart de mes lecteurs, en voyant l'<i>inutilité</i> de -ce dernier globe de globes, acceptent ma conclusion: «Donc, il ne peut -pas continuer d'exister.» Cependant, comme l'idée saisissante de sa<span class="pagenum"><a name="Page_143" id="Page_143">[p. 143]</a></span> -disparition instantanée est de nature à ne pas être agréée facilement, -présentée d'une manière aussi radicalement abstraite, par l'esprit -même le plus vigoureux, appliquons-nous à la considérer d'un autre -point de vue un peu plus ordinaire;—examinons comment elle peut être -entièrement et magnifiquement corroborée par une considération <i>à -posteriori</i> de la Matière, telle que nous la voyons actuellement.</p> - -<p>J'ai déjà dit que, «l'Attraction et la Répulsion étant -incontestablement les seules propriétés par lesquelles la Matière se -manifeste à l'Esprit, nous avons le droit de supposer que la Matière -n'existe que comme Attraction et Répulsion;—en d'autres termes, que -l'Attraction et la Répulsion sont Matière; puisqu'il n'existe pas de -cas où nous ne puissions employer, ou le terme Matière, ou, ensemble, -les termes Attraction et Répulsion, comme expressions de logique -équivalentes et conséquemment convertibles.»</p> - -<p>Or, la définition même de l'Attraction implique la particularité, -—l'existence de parties, de particules, d'atomes; car nous la -définissons ainsi: tendance de chaque atome vers chaque autre atome, -selon une certaine loi. Évidemment, là où il n'y a pas de parties, là -est l'absolue Unité; là où la tendance vers l'Unité est satisfaite, il -ne peut plus exister d'Attraction;—ceci a été parfaitement démontré, -et toute la Philosophie l'admet. Donc, quand, son but accompli, la -Matière sera revenue à sa condition première d'Unité,—condition -qui présuppose l'expulsion de l'Éther séparatif, dont la fonction -consiste simplement à maintenir les atomes à part les uns des autres -jusqu'au grand jour où, cet éther n'étant plus nécessaire, la pression -victorieuse de la collective et finale Attraction viendra prédominer -dans la mesure voulue pour l'expulser;<span class="pagenum"><a name="Page_144" id="Page_144">[p. 144]</a></span>—quand, dis-je, la Matière, -excluant l'Éther, sera retournée à l'Unité absolue, la Matière (pour -parler d'une manière paradoxale) existera alors sans Attraction et sans -Répulsion; en d'autres termes, la Matière sans la Matière, ou l'absence -de Matière. En plongeant dans l'Unité, elle plongera en même temps dans -ce <i>Non-Être</i> qui, pour toute Perception Finie, doit être identique à -l'Unité,—dans ce Néant Matériel du fond duquel nous savons qu'elle a -été évoquée,—avec lequel seul elle a été <i>créée</i> par la Volition de -Dieu.</p> - -<p>Je répète donc: Efforçons-nous de comprendre que ce dernier globe, -fait de tous les globes, disparaîtra instantanément, et que Dieu seul -restera, tout entier, suprême résidu des choses.</p> - - -<hr /> -<h4>XVI</h4> - - -<p>Mais devons-nous nous arrêter ici? Non pas. De cette universelle -agglomération et de cette dissolution peut résulter, nous le -concevons aisément, une nouvelle série, toute différente peut-être, -de conditions,—une autre création,—une autre irradiation retournant -aussi sur elle-même,—une autre action, avec réaction, de la Volonté -Divine. Soumettons notre imagination à la loi suprême, à la loi des -lois, la loi de périodicité; et nous sommes plus qu'autorisés à -accepter cette croyance, disons plus, à nous complaire dans cette -espérance, que les phénomènes progressifs que nous avons osé contempler -seront renouvelés encore, encore, et éternellement; qu'un nouvel -Univers fera explosion dans l'existence, et s'abîmera à son tour dans -le non-être, à chaque soupir du Cœur de la Divinité.</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_145" id="Page_145">[p. 145]</a></span></p> - -<p>Et maintenant, ce Cœur Divin,—quel est-il? <i>C'est notre propre cœur.</i></p> - -<p>Que l'irrévérence apparente de cette idée n'effarouche pas nos âmes -et ne les détourne pas du froid exercice de la conscience,—de cette -profonde tranquillité dans l'analyse de soi-même,—par lesquels -seulement nous pouvons espérer d'arriver jusqu'à la plus sublime des -vérités, et la contempler à loisir, face à face.</p> - -<p>Les phénomènes dont dépendent, à partir de ce point, nos conclusions, -sont des ombres purement spirituelles, mais qui n'en sont pas moins -entièrement substantielles.</p> - -<p>Nous marchons, à travers les destinées de notre existence mondaine, -environnés de Souvenirs, obscurcis mais toujours présents, d'une -Destinée plus vaste,—qui remonte loin, bien loin dans le passé, et qui -est infiniment imposante.</p> - -<p>La Jeunesse que nous vivons est particulièrement hantée par de tels -rêves,—que cependant nous ne prenons jamais pour des rêves. Nous les -<i>reconnaissons</i> comme Souvenirs. Pendant notre jeunesse, nous faisons -trop clairement la distinction pour nous méprendre un seul instant.</p> - -<p>Tant que dure cette Jeunesse, <i>ce sentiment de notre existence -personnelle</i> est le plus naturel de tous les sentiments. Nous le -sentons très-pleinement, entièrement. Qu'il y ait eu une époque <i>où -nous n'existions pas,—</i>ou qu'il puisse se faire que nous n'ayons -jamais existé, ce sont là des considérations que, <i>pendant cette -jeunesse,</i> nous ne comprenons que très-difficilement. Pourquoi -nous pouvions ne pas exister, c'est là, <i>jusqu'à l'époque de notre -Virilité,</i> de toutes les questions, celle à laquelle il nous serait -le plus impossible de répondre. L'existence, l'existence personnelle, -l'existence de tout Temps et pour toute l'Éternité, nous semble,<span class="pagenum"><a name="Page_146" id="Page_146">[p. 146]</a></span> -jusqu'à l'époque de notre Virilité, une condition normale et -incontestable;—<i>cela nous semble, parce que cela est.</i></p> - -<p>Mais vient une période pendant laquelle la Raison conventionnelle du -monde nous éveille pour l'erreur et nous arrache à la vérité de nos -rêves. Le Doute, la Surprise et l'Incompréhensibilité arrivent au même -moment. Ils disent: «Vous vivez, et il fut un temps où vous ne viviez -pas. Vous avez été créé. Il existe une Intelligence plus grande que la -vôtre, et c'est seulement grâce à cette Intelligence que vous vivez -tant soit peu.» Nous nous efforçons de comprendre ces choses et nous -ne le pouvons pas;'—nous <i>ne le pouvons pas,</i> parce que ces choses, -n'étant pas vraies, sont nécessairement incompréhensibles.</p> - -<p>Il n'existe pas un être pensant, qui, à un certain point lumineux de -sa vie intellectuelle, ne se soit senti perdu dans un chaos de vains -efforts pour comprendre ou pour croire qu'il existe quelque chose <i>de -plus grand que son âme personnelle.</i> L'absolue impossibilité pour une -âme de se sentir inférieure à une autre; l'intense, l'insupportable -malaise et la rébellion qui sont le résultat d'une pareille idée, et -puis les irrépressibles aspirations vers la perfection, ne sont que -les efforts spirituels, coïncidant avec les matériels, pour retourner -à l'Unité primitive,—et constituent, pour mon esprit du moins, une -espèce de preuve, dépassant de beaucoup ce que l'Homme appelle une -démonstration, qu'il n'y a pas d'âme inférieure à une autre,—que rien -n'est et ne peut être supérieur à une âme quelconque,—que chaque -âme est, partiellement, son propre Dieu, son propre Créateur;—en un -mot, que Dieu, le Dieu matériel et spirituel, n'existe maintenant -que dans la Matière diffuse et l'Esprit diffus de l'Univers; et que -la concentration de cette Matière et de cet<span class="pagenum"><a name="Page_147" id="Page_147">[p. 147]</a></span> Esprit pourra seule -reconstituer le Dieu <i>purement</i> Spirituel et Individuel.</p> - -<p>De ce point de vue, et de celui-là seulement, il nous est donné de -comprendre les énigmes de l'Injustice Divine,—de l'Inexorable Destin. -De ce point de vue seul, l'existence du Mal devient intelligible, -mais de ce point de vue, il devient mieux qu'intelligible, il devient -tolerable. Nos âmes ne peuvent plus se révolter contre une <i>Douleur</i> -que nous nous sommes imposée nous-mêmes, pour l'accomplissement de -nos propres desseins,—dans le but, quelquefois futile, d'agrandir le -cercle de notre propre <i>Joie</i>.</p> - -<p>J'ai parlé de <i>Souvenirs</i> qui nous hantaient pendant notre jeunesse. -Ils nous poursuivent quelquefois même dans notre Virilité;—ils -prennent graduellement des formes de moins en moins vagues;—de temps à -autre, ils nous parlent à voix basse, et disent:</p> - -<p>«Il fut une époque dans la Nuit du Temps où existait un Être -éternel,—composé d'un nombre absolument infini d'Êtres semblables -qui peuplent l'infini domaine de l'espace infini. Il n'était pas et -il n'est pas au pouvoir de cet Être,—pas plus qu'en ton pouvoir -propre,-d'étendre et d'accroître, d'une quantité positive, la joie -de son Existence; mais, de même qu'il est en ta puissance d'étendre -ou de concentrer tes plaisirs (la somme absolue de bonheur restant -toujours la même), ainsi une faculté analogue a appartenu et appartient -à cet Être Divin, qui ainsi passe son Éternité dans une perpétuelle -alternation du Moi concentré à une Diffusion presque infinie de -Soi-même. Ce que tu appelles l'Univers n'est que l'expansion présente -de son existence. Il sent maintenant sa propre vie par une infinité -de plaisirs imparfaits,—les plaisirs partiels et entremêlés de peine -de ces êtres prodigieusement<span class="pagenum"><a name="Page_148" id="Page_148">[p. 148]</a></span> nombreux que tu nommes ses créatures, -mais qui ne sont réellement que d'innombrables individualisations -de Lui-même. Toutes ces créatures, <i>toutes,</i> celles que tu déclares -sensibles, aussi bien que celles dont tu nies la vie pour la simple -raison que tu ne surprends pas cette vie dans ses opérations,—<i>toutes</i> -ces créatures ont, à un degré plus ou moins vif, la faculté d'éprouver -le plaisir ou la peine;—mais <i>la somme générale de leurs sensations -est juste le total du Bonheur qui appartient de droit à l'Être Divin -quand il est concentré en Lui-même.</i> Toutes ces créatures sont aussi -des Intelligences plus ou moins conscientes; conscientes, d'abord, -de leur propre identité; conscientes ensuite, par faibles éclairs, -de leur identité avec l'Être Divin dont nous parlons,—de leur -identité avec Dieu. De ces deux espèces de consciences, suppose que la -première s'affaiblisse graduellement, et que la seconde se fortifie, -pendant la longue succession des siècles qui doivent s'écouler avant -que ces myriades d'Intelligences individuelles s'effacent et se -confondent,—en même temps que les brillantes étoiles,—en Une seule -suprême. Imagine que le sens de l'identité individuelle se noie peu à -peu dans la conscience générale,—que l'Homme, par exemple, cessant, -par gradations imperceptibles, de se sentir Homme, atteigne à la longue -cette triomphante et imposante époque où il reconnaîtra dans sa propre -existence celle de Jéhovah. En même temps, souviens-toi que tout est -Vie,—que tout est la Vie,—la Vie dans la Vie,—la moindre dans la -plus grande, et toutes dans l'Esprit de Dieu.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="Page_149" id="Page_149">[p. 149]</a></span></p> - - - -<h5>NOTE DU TRADUCTEUR</h5> - - -<p><i>Les dernières pages du livre indiquent au lecteur le sens qu'il doit -attribuer au mot</i> Vie Éternelle, <i>qui est employé dans les dernières -lignes de la préface.</i></p> - -<p><i>Le mot est pris dans un sens panthéistique, et non pas dans le sens -religieux qu'il comporte généralement. La</i> Vie éternelle <i>signife donc -ici:</i> la série indéterminée des existences de Dieu, soit à l'état de -concentration, soit à l'état de dissémination.</p> - - -<hr class="full" /> -<p><a id="TABLE"></a>TABLE</p> - -<p style="font-size: 0.8em;">EXTRAIT DE LA BIOGRAPHIE D'EDGAR POE, PAR RUFUS GRISWOLD<br /> -<a href="#Page_9">PRÉFACE</a><br /> -<a href="#EUREKA">EUREKA</a><br /> -<a href="#Page_149">NOTE DU TRADUCTEUR</a> -</p> - - - - - - - - - - - -<pre> - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Eureka, by Edgar Allan Poe - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK EUREKA *** - -***** This file should be named 55175-h.htm or 55175-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/5/1/7/55175/ - -Produced by Marc D'Hooghe at Free Literature (online soon -in an extended version, also linking to free sources for -education worldwide ... 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