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If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - - - -Title: Chronique du crime et de l'innocence, t. 4/8 - Recueil des événements les plus tragiques;.. - -Author: Jean-Baptiste Joseph Champagnac - -Release Date: June 30, 2016 [EBook #52443] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUE DU CRIME *** - - - - -Produced by Clarity, Isabelle Kozsuch and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/American Libraries.) - - - - - - - -Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le -typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été -conservée et n'a pas été harmonisée. Les numéros des pages blanches -n'ont pas été repris. - -Les mots et phrases imprimés en gras dans le texte d'origine -sont marqués =ainsi=. - -Cette version intègre les corrections de l'errata. - -Pour quelques notations, suivies d'une ou de plusieurs lettres en -exposant dans l'original, l'abrévation n'est pas évidente ou non -courante: vo (verso), ro (recto), Fo (Folio) , fo (folio), Fos -(Folios). - - - - - CHRONIQUES - - DE - - J. FROISSART - - - - - IMPRIMERIE GÉNÉRALE.--LAHURE - Rue de Fleurus, 9, à Paris - - - - - CHRONIQUES - - DE - - J. FROISSART - - PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE FRANCE - - PAR SIMÉON LUCE - - TOME DEUXIÈME - - 1340-1342 - - (DEPUIS LES PRÉLIMINAIRES DU SIÉGE DE TOURNAY JUSQU'AU VOYAGE - DE LA COMTESSE DE MONTFORT EN ANGLETERRE) - - LOGO - - A PARIS - CHEZ MME VE JULES RENOUARD - LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE FRANCE - RUE DE TOURNON, No 6 - - M DCCC LXX - - - - -EXTRAIT DU RÈGLEMENT. - -ART. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les -personnes les plus capables d'en préparer et d'en suivre la -publication. - -Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable -chargé d'en surveiller l'exécution. - -Le nom de l'Éditeur sera placé en tête de chaque volume. - -Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans -l'autorisation du Conseil, et s'il n'est accompagné d'une déclaration -du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter -d'être publié. - - -_Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome II de -l'Édition des_ CHRONIQUES DE J. FROISSART, _préparée par_ M. SIMÉON -LUCE, _lui a paru digne d'être publié par la_ SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE -FRANCE. - - _Fait à Paris, le_ 1er _mai_ 1870. - - _Signé_ L. DELISLE. - - _Certifié_, - - Le Secrétaire de la Société de l'Histoire de France, - - J. DESNOYERS. - - - - -SOMMAIRE. - - - - -SOMMAIRE. - - - - -CHAPITRE XXXIV. - - 1340. OUVERTURE DES HOSTILITÉS ENTRE LES ROIS DE FRANCE ET - D'ANGLETERRE (§§ 99 à 101). - - -Irrité de la destruction d'Aubenton et du ravage de la Thiérache, -Philippe de Valois charge Jean son fils, duc de Normandie, d'envahir le -Hainaut à la tête d'une puissante armée. P. 1, 185, 187. - -En Gascogne, le comte de l'Isle reçoit l'ordre d'envahir le Bordelais -et en général toutes les terres et seigneuries des Anglais et de leurs -adhérents.--Noms des principaux seigneurs qui prennent part à cette -campagne.--Les Français ravagent les terres d'Albret[1] et de -Pommiers[2], et en général les possessions des seigneurs de Lesparre, -de _Cars_[3] et de Mussidan[4]. P. 1, 2, 187 et 188. - - [1] Labrit, Landes, arr. Mont-de-Marsan. La forme la plus - ordinaire de ce nom dans les mss. des Chroniques de Froissart est - _Labreth_. Albret est devenu le nom historique de l'illustre - famille à qui appartenait cette seigneurie. - - [2] Pommiers, Gironde, comm. Saint-Félix de Foncaude, arr. la - Réole, c. Sauveterre. - - [3] On peut lire dans le ms. d'Amiens _Tarse_ ou _Carse_. Après - avoir adopté la leçon Tarse, nous donnons la préférence à Carse, - parce qu'il s'agit peut-être de Cars, Gironde, arr. et c. Blaye. - - [4] Dordogne, arr. Ribérac. - -En même temps, le roi de France renforce la grosse flotte des écumeurs, -commandée par Hue Quieret et Barbavara qui se tient en face des côtes -de Flandre pour empêcher Édouard III de repasser sur le continent. P. 2 -et 188. - -Louis de Nevers, comte de Flandre, et la comtesse Marguerite sa femme, -vivent à Paris à la charge du roi de France, car ils ne reçoivent rien -des rentes et revenus de leur comté. Les collecteurs de ces revenus -n'en rendent compte qu'à Jacques d'Arteveld et à certains bourgeois de -Gand, de Bruges, d'Ypres et de Courtrai, à ce députés; on les met en -réserve afin que le pays y puisse recourir en cas de besoin et aussi en -prévision d'une réconciliation avec le comte de Flandre. Les dépenses -de Jacques d'Arteveld sont imputées sur des tailles spéciales levées -toutes les semaines. Louis de Flandre engage le roi de France à -contraindre les Flamands à l'obéissance en les menaçant de les faire -excommunier par le pape. P. 185. - -Philippe de Valois, qui voit les Flamands disposés à entrer dans la -ligue formée contre lui par les Allemands, les Brabançons, les -Hainuyers et les Anglais, essaye de les gagner par la persuasion avant -d'en venir aux mesures de rigueur. Le comte Raoul d'Eu et de Guines, -connétable de France, les seigneurs de Montmorency et de Saint-Venant, -les évêques de Paris et de Chartres, sont envoyés à Tournay et -reçoivent mission de s'aboucher et de traiter avec les députés des -villes de Flandre. Ceux-ci déclarent qu'ils n'entendront à rien tant -que le roi de France n'aura pas rendu Lille, Douai, Béthune et les -dépendances de ces villes. Les commissaires de Philippe de Valois -jugent qu'une entente est impossible dans ces conditions, et l'on se -sépare sans avoir rien fait. P. 185 et 186. - -A l'instigation du roi de France, le pape (Benoit XII) lance une bulle -d'excommunication contre les Flamands et l'envoie aux évêques de -Cambrai, de Tournay et de Thérouanne. Il est défendu aux prêtres de -chanter la messe sous peine d'encourir l'excommunication et de perdre -leurs bénéfices. Informé de cette situation, Édouard III promet aux -Flamands de leur amener, à son prochain retour sur le continent, des -prêtres de son pays pour chanter la messe, que le pape le veuille on -non, car comme roi d'Angleterre il a parfaitement le droit de le faire. -Grand mécontentement des prêtres de Flandre privés de leur casuel par -la défense du pape. P. 2, 3, 186 et 187. - -Philippe de Valois donne l'ordre aux gens d'armes de ses garnisons de -Tournay, de Lille, de Douai et des châteaux voisins de faire la guerre -aux Flamands et de porter le ravage dans leur pays. Chevauchée des -Français jusqu'aux portes de Courtrai, incendie des faubourgs de cette -ville et de tout le pays environnant, notamment de Dottignies[5]; -retour par la rivière du Lis et par Warnêton[6]; capture de plus de dix -mille blanches bêtes, de trois mille porcs, de deux mille grosses -bêtes, sans compter cinq cents personnes, hommes, femmes et enfants, -emmenés pour être mis à rançon. P. 3 et 4, 188 et 189. - - [5] Belgique, Fl. occ., arr. et c. Courtrai. - - [6] Belgique, Fl. occ., arr. Ypres, c. Messines. - -Expédition de Jacques d'Arteveld contre Tournay à la tête d'une -puissante armée de Flamands. Arrivé au Pont de Fer[7], entre Audenarde -et Tournay, le chef des Flamands attend que les comtes de Salisbury et -de Suffolk, qui se tiennent en garnison à Ypres, et le contingent du -Franc de Bruges, viennent le rejoindre. P. 4, 5, 189. - - [7] Pont de Fer paraît être une forme francisée du flamand - _Verbruk_. Verbruk est aujourd'hui un hameau d'Amougies, sur le - Rhosne, Belgique, Fl. or., arr. Audenarde, c. Renaix. Cette - localité est située à peu près à égale distance d'Audenarde et de - Tournay (note communiquée par mon jeune et savant collègue M. A. - Longnon). - -Les Flamands occupent Poperinghe, Messines[8], Bergues[9], Cassel[10], -Bourbourg[11], Furnes, Nieuport[12], Dunkerque, Gravelines[13]. Les -Français ont mis garnison à Saint-Omer, à Thérouanne, à Aire[14] et à -Saint-Venant[15]. Le roi de France envoie deux cents lances de Savoie -et de Bourgogne à Lille sous les ordres d'Amé de Genève[16], de [Hue] -de Châlon[17], des seigneurs de Villars[18] et de Groslée[19]. P. 5 et -191. - - [8] Poperinghe et Messines sont situés en Belgique, Fl. occ. arr. - Ypres. - - [9] Nord, arr. Dunkerque. - - [10] Nord, arr. Hazebrouck. - - [11] Nord, arr. Dunkerque. - - [12] Belgique, Fl. occ., arr. Furnes, à 38 kil. de Bruges. - - [13] Nord, arr. Dunkerque. - - [14] Thérouanne et Aire sont situés dans le Pas-de-Calais, arr. - Saint-Omer. - - [15] Pas-de-Calais, arr. Béthune, c. Lillers. - - [16] Amé, comte de Genève, figure sur les montres de l'host de - Bouvines, dans la bataille du comte de Savoie: «Amé, comte de - Genève, 6 chev. bann., 3 bach., 3 esc. bann. comptez comme bach., - 252 esc.» Bibl. imp., De Camps, portef. 83, fo 344 vo. - - [17] «Hue, vidame de Chalon, 4(bach.), 20 esc.» De Camps, portef. - 83, fo 225. - - [18] «Humbert, seigneur de Villars, bann., 3 bann., 6 bach., 82 - esc.; venu de Montroyal en Montagne.» De Camps, portef. 83, fo - 334 vo. - - [19] «Agot des Baus et Guy de Groullée, chev. bann., venus en la - guerre du roy pour M. le dauphin de Vienne avec 7 autres bann., 4 - bach., 3 esc. bann., 179 esc.» De Camps, 83, fo 345. - -Pendant le trajet d'Ypres au Pont de Fer, les comtes de Salisbury et de -Suffolk tombent, malgré les avis de Waflard de la Croix, dans une -embuscade dressée contre eux près de Lille et sont faits prisonniers -par les habitants de cette ville qui les livrent à Philippe de Valois. -Jacques d'Arteveld, découragé, congédie ses gens d'armes et retourne à -Gand. P. 5 à 8, 189 à 193. - - - - -CHAPITRE XXXV. - - 1340. INCURSIONS DES FRANÇAIS EN HAINAUT, NOTAMMENT AUX ENVIRONS - DE VALENCIENNES (§§ 102 à 107). - - -Jean, duc de Normandie, réunit à Saint-Quentin une puissante armée pour -envahir le Hainaut.--Noms des principaux seigneurs qui font partie de -l'expédition.--De Saint-Quentin, l'armée du duc de Normandie se dirige -en passant par Bohain[20] vers le Cateau-Cambrésis[21] et vient loger -près de cette ville en un lieu appelé Montay[22], à l'entrée du -Hainaut, sur la Selle[23]. P. 8 et 9, 193 à 195. - - [20] Aujourd'hui Bohain-en-Vermandois, Aisne, arr. Saint-Quentin. - - [21] Le Cateau, Nord, arr. Cambrai. - - [22] Nord, arr. Cambrai, c. le Cateau. - - [23] La Selle, affluent de la rive droite de l'Escaut, prend sa - source au sud du Cateau dans une vallée appelée Fons-Selle, et se - jette dans l'Escaut à Denain. - -Gérard de Verchin, sénéchal de Hainaut, se met à la tête de soixante -lances, passe à Forest[24] sur la frontière du Hainaut, et va réveiller -au milieu de la nuit les Français qui se tiennent à Montay, à une -petite lieue de Forest. Deux puissants chevaliers de Normandie, les -seigneurs de Bailleul et de Bréauté[25], sont assaillis les premiers: -le seigneur de Bailleul est tué et les seigneurs de Bréauté et de -Brimeux sont emmenés prisonniers à Valenciennes. P. 9 à 11, 195 à 197. - - [24] Nord, arr. Avesnes, c. Landrecies. - - [25] Les noms de ces deux chevaliers figurent précisément à la - suite l'un de l'autre sur les montres de la bataille de Raoul, - comte d'Eu, lieutenant ès frontières de Flandre, du 9 mars au 1er - octobre 1340: «Pierre, seign. de Bailleul en Caux, bann., 2 - bach., 4 esc.--Guillaume de Briauté bach. et 3 esc.» De Camps, - portef. 83, fo 317. - -Le lendemain matin, le duc de Normandie, furieux de cette attaque -nocturne, donne l'ordre d'entrer en Hainaut et d'y porter partout -l'incendie et le ravage. Les Français, divisés en plusieurs corps -d'armée et courant dans toutes les directions, dévastent et -brûlent Forest, Vertain[26], Vertigneul[27], Escarmain[28], -Vendegies-au-Bois[29], Vendegies-sur-Écaillon[30], Bermerain[31], -_Calaumes_[32], Salesches[33], Orsinval[34], Villers-en-Cauchie[35], -Gommegnies[36], Maresches[37], Villers-Pol[38], Poix[39], -Préseau[40], Amfroipret[41], Preux[42], Frasnoy[43], Obies[44], -Wargnies-le-Grand[45], Wargnies-le-Petit[46], Saint-Vaast[47] en -Bavaisis, Louvignies[48], Mecquignies[49]; ils brûlent les moulins et -rompent les écluses du vivier de Quélipont[50]. Tous les villages -compris entre les rivières de Selle et de Honneau[51] deviennent la -proie des flammes[52]. Les habitants du pays se sont réfugiés, -emportant ce qu'ils ont de plus précieux, à Bouchain[53], à -Valenciennes, à Bavai, au Quesnoy, à Landrecies[54], à Maubeuge[55] et -dans les autres forteresses des environs qui sont tenables. Les -Français mettent le feu aux faubourgs du Quesnoy et de Bavai. Le -sénéchal de Hainaut, craignant pour son château de Verchin[56], est -allé s'y enfermer avec trente lances, laissant Valenciennes sous la -garde du seigneur d'Antoing. La nuit d'après cette première journée -d'invasion, le duc de Normandie vient camper dans les belles prairies -de Haussy[57] et de Saulzoir[58], sur les bords de la rivière de Selle, -depuis Haspres[59] jusqu'à Solesmes[60]. P. 11 et 12, 197 à 199. - - [26] Nord, arr. Cambrai, c. Solesmes. - - [27] Aujourd'hui hameau de la comm. de Romeries, Nord, arr. - Cambrai, c. Solesmes. - - [28] Nord, arr. Cambrai, c. Solesmes. - - [29] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy. - - [30] Nord, arr. Cambrai, c. Solesmes. - - [31] Ibid. - - [32] Calaumes désigne sans doute la Chapelle Callome, dépendance - de Bermerain, qui figure encore sur la carte de Cassini. - - [33] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy. - - [34] Ibid. - - [35] Nord, arr. Cambrai, c. Carnières. - - [36] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy. - - [37] Ibid. - - [38] Ibid. - - [39] Ibid. - - [40] Nord, arr. et c. Valenciennes. - - [41] Nord, arr. Avesnes, c. Bavai. - - [42] Aujourd'hui Preux-au-Sart, Nord, arr. Avesnes, c. le - Quesnoy. - - [43] Ibid. - - [44] Nord, arr. Avesnes, c. Bavai. - - [45] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy. - - [46] Ibid. - - [47] Aujourd'hui Saint-Vaast-la-Valleé, Nord, arr. Avesnes, c. - Bavai. - - [48] Aujourd'hui Louvignies-lès-Bavai, sur un affluent du Honneau - ou Hongneau. - - [49] Nord, arr. Avesnes, c. Bavai. - - [50] Aujourd'hui lieu-dit de la comm. du Preux-au-Sart. - - [51] Le Honneau ou Hongneau est un petit cours d'eau sorti de la - forêt de Mormal, qui se jette dans la Haine, affluent de la rive - droite de l'Escaut. - - [52] Froissart dit que cette incursion poussée jusque dans le - Bavaisis fut faite par l'avant-garde de l'armée du duc de - Normandie, et que l'un des chefs de cette avant-garde était - Thibaud de Moreuil. Les montres conservées par De Camps - confirment sur ce point le témoignage du chroniqueur; mais tandis - que Froissart semble mettre la chevauchée dont il s'agit avant - l'attaque contre Valenciennes, c'est-à-dire en juin 1340, les - montres la placent après cette attaque, puisqu'elles la reportent - au mois de juillet. «Gens d'armes qui servirent Thibaut de - Moreuil en la chevauchée de Bavai en Hainaut _ou mois de juillet_ - 1340: Enguerran, sire de Coucy, bann., 1 bann., 11 bach., 59 - esc.; Raoul Flamenc, seigneur de Canny, chev. bann., 2 bach., 19 - esc.; Mathieu d'Espineuses bach. 3 esc.» De Camps, portef. 83, fo - 346. - - [53] Nord, arr. Valenciennes, sur l'Escaut. - - [54] Nord, arr. Avesnes, sur la Sambre. - - [55] Ibid. - - [56] Nord, arr. et c. Valenciennes, sur l'Écaillon. - - [57] Nord, arr. Cambrai, c. Solesmes, sur la Selle. - - [58] Ibid. - - [59] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain, dans une île formée - par la Selle. - - [60] Nord, arr. Cambrai, sur la Selle. - -Valerand, seigneur de Fauquemont (Valkenburg), capitaine de Maubeuge, -laisse cette ville sous la garde des seigneurs de Beaurieu et de -Montegny, et après avoir chevauché tout un jour en longeant la forêt de -Mormal[61], passe à gué la Selle et vient vers minuit réveiller le duc -de Normandie et son armée. Du côté des Français, le seigneur de -Picquigny[62] est tué, le vicomte des Quesnes[63] et le Borgne de -Rivery[64] sont faits prisonniers dans cette alerte. Puis le seigneur -de Fauquemont court se réfugier sous Thierry de Valcourt, maréchal de -Hainaut, au Quesnoy[65], qui n'était point alors aussi bien fortifié -qu'il fut soixante ans plus tard. P. 12, 13, 199, 200, 204. - - [61] Au quatorzième siècle, la forêt de Mormal, située sur la - rive gauche de la Sambre, s'étendait depuis Landrecies au sud - jusque près de Bavai au nord; elle avait pour limite à l'ouest la - voie romaine, dite Chaussée Brunehaut, du Cateau à Bavai. - - [62] A l'host des frontières de Flandre, du 9 mars 1339 au 1er - octobre 1340, dans la bataille des maréchaux de France figurent: - «Robert de Pinquigny, chev. bann., 2 chev. bach. et 12 esc.; venu - de Fluy lès Pinquigny (Fluy, Somme, arr. Amiens, c. - Molliens-Vidame); Regnaut et Jean de Pinquigny et 8 esc.» De - Camps, portef. 83. fo 320 vo. - - [63] Le personnage désigné ici par le titre de vicomte des - Quesnes est Guillaume des Quesnes, vicomte de Poix, qui figure - aussi avec son fils Renaud des Quesnes à l'host de Flandre de - 1339 à 1340: «Guillaume des Quesnes, vicomte de Pois, chev. - bann., 2 bach., 11 esc.; venu de Quesnes (auj. le Quesne, Somme, - arr. Amiens, c. Hornoy). De Camps, 83, fo 337 vo.--«Regnaut des - Quesnes, bach., 27 esc.» fo 323. - - [64] A l'host des frontières de Flandre de 1339 à 1340, parmi les - écuyers de la bataille des maréchaux de France, figure: «le - Borgne de Rivery, 1 esc.; venu de Rivery près d'Amiens.» De - Camps, 83, fo 327. - - [65] «Pons Cornillon de la Balme fut fait chevalier _devant le - Quesnoy le 7 juin_.» Ibid., fo 334. - -Les Français brûlent Felaines,[66] Famars[67], Sepmeries[68], -Baudignies[69], Artres[70], _Artriel_[71], Saultain[72], Curgies[73], -Estreux[74], Aulnoy[75], Jenlain[76], Beauvoir[77], Rombies[78] et -viennent camper sur la rivière d'Uintiel[79] (la Rhonelle), aux -alentours de Querenaing[80]. Quarante hommes d'armes hainuyers des -garnisons de Condé[81], de Montroeul-sur-Haine[82], de Quiévrain[83] et -de Quiévrechain[84] se mettent en embuscade dans les bois de -Roisin[85], mais ils n'osent attaquer les coureurs français qui -chevauchent au nombre de plus de quatre cents lances. P. 13, 14 et 201. - - [66] Aujourd'hui Pont-à-Felaines, lieu-dit de la commune de - Famars. - - [67] Nord, arr. et c. Valenciennes. - - [68] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy. - - [69] Ibid. - - [70] Nord, arr. et c. Valenciennes. - - [71] _Artriel_ était sans doute une dépendance d'Artre, comme - Angriel est une dépendance d'Angre et Sebourquiel une dépendance - de Sebourg; mais ce hameau a disparu. Un terrain vague, situé - près d'Artre, s'appelle encore aujourd'hui _le Triez_; peut-être - conserve-t-il le souvenir de l'Artriel de Froissart (note - communiquée par M. Caffiaux). - - [72] Nord, arr. et c. Valenciennes. - - [73] Ibid. - - [74] Ibid. - - [75] Ibid. - - [76] Nord, arr. Avesnes, c. le Quesnoy. - - [77] Aujourd'hui hameau de la commune de Havay, Belgique, prov. - Hainaut, arr. Mons, c. Pâturages. - - [78] Rombies-et-Marchipont, Nord, arr. et c. Valenciennes. - - [79] Uintiel, Untiel, Ontiel, Ointiel est l'ancien nom de la - rivière qui s'appelle maintenant la Rhonelle, affluent de la rive - droite de l'Escaut, qui se jette dans ce fleuve à Valenciennes. - - [80] Nord. arr. et c. Valenciennes, entre la Rhonelle et - l'Écaillon. - - [81] Nord, arr. Valenciennes, au confluent de l'Escaut et de la - Hayne. - - [82] Belgique, prov. Hainaut, arr. Mons, c. Boussu. - - [83] Belgique, prov. Hainaut, arr. Mons, c. Dour. - - [84] Nord, arr. et c. Valenciennes, sur la petite Honnelle. - - [85] Belgique, prov. Hainaut, arr. Mons, c. Dour. - -Le lendemain, par une belle matinée du mois de mai[86], le duc de -Normandie vient camper à Famars sur une colline appelée le Mont de -Castres[87]. Quelques-uns de ses gens d'armes descendent du Mont de -Castres, mettent le feu à Marly[88] et aux faubourgs de la porte de -Cambrai. Grand émoi à Valenciennes; on sonne les cloches et le beffroi -à toute volée. La rue de Cambrai se remplit de bourgeois en armes qui -veulent marcher contre l'ennemi. Henri d'Antoing, qui garde les clefs -de la porte de Cambrai, et Jean de Baissi, prévôt de la ville, -s'efforcent de contenir les impatients. P. 202. - - [86] Les Français se mirent en marche pour attaquer Valenciennes - dans les premiers jours de mai 1340. Par acte daté du 2 mai 1340, - Raoul, comte d'Eu, connétable de France, mande aux bourgeois de - Valenciennes qu'ils n'aient point à soutenir les Anglais ni leurs - alliés contre le roi de France (Orig. parch., Archives du Nord). - La principale attaque dirigée contre cette ville dut avoir lieu - le 22 mai, jour où il y eut du côté des Français une promotion de - chevaliers: «Loys de Tournon fait chevalier nouvel _devant - Valenciennes_, le 22 mai.» De Camps, portef. 83, fo 334. - - [87] Le Mont de Castres (_mons castrorum_) est le nom de la - colline sur laquelle est bâti Famars. Au quatrième siècle, après - la ruine de Bavai, les Romains y avaient construit une enceinte - fortifiée dont quelques débris subsistent encore. - - [88] Nord, arr. et c. Valenciennes. - -Une troupe de coureurs français livre un assaut infructueux à la tour -carrée de Maing[89], qui était alors à Jean Bernier de Valenciennes et -qui fut depuis à Jean de Neuville. Ces coureurs, n'ayant pu traverser -l'Escaut à Trith[90] parce que le pont a été coupé par les habitants, -passent le fleuve aux Planches à Prouvy[91], mettent le feu aux maisons -et aux moulins de Prouvy et de Rouvignies[92], et, après avoir refait -le pont[93] de Trith, brûlent _Wercinniel_, Bourlain[94] et Infier[95], -d'où les flammèches volent jusqu'à Valenciennes. P. 15, 204 et 205. - - [89] Ibid. - - [90] Aujourd'hui Trith-Saint-Léger, Nord, arr. et c. - Valenciennes. - - [91] Ibid. - - [92] Ibid. - - [93] Le pont jeté en cet endroit sur l'Escaut, pour relier Famars - à la rive gauche du fleuve, avait donné son nom à un village - aujourd'hui détruit; la tradition faisait remonter aux Romains la - construction de ce pont. - - [94] On appelle encore _marais de Bourlain_ un lieu-dit de la - banlieue de Valenciennes, près de l'Escaut, du côté de la porte - de Cambrai. - - [95] Le _marais d'Infier_ figure aussi comme lieu-dit sur les - relevés du cadastre; mais il est plus rapproché de Trith que - Bourlain (Note de M. Caffiaux). - -D'autres coureurs, ayant à leur tête trois chevaliers poitevins, -Boucicaut[96], Guillaume Blondel[97] et le seigneur de Surgères[98], -passent l'Escaut assez près de Valenciennes, au pont qu'on dit à la -Tourelle à Goguel, brûlent Heurtebise[99], et s'avancent vers -Bellaing[100] et Hérin[101]. Un certain nombre de gens d'armes de -Valenciennes[102] sortent de la ville par les deux portes d'Anzin[103], -la grande et la petite, et marchent à la rencontre de ces pillards. Un -combat s'engage au-dessus d'une église qu'on dit de Saint-Vaast[104]. -Déroute des Français. [Gui] de Surgères se sauve du côté du village de -Hérin et court se jeter dans les bois d'Aubry[105], d'où, le soir venu, -par le pont de Heurtebise et le pont de Trith, il regagne le camp du -Mont de Castres. Boucicaut veut résister; il est fait prisonnier et -amené à Valenciennes. P. 15, 16, 202 et 203, 205 et 206. - - [96] Boucicaut figure sur les montres de l'host de Bouvines dans - la bataille du roi parmi les bacheliers: «Pour M. Boucicaut et 3 - escuiers; venu de Poitou.» De Camps, 83, fo 404 vo. - - [97] Au lieu de Guillaume Blondel, le ms. de Rome mentionne Gui - Poteron. - - [98] Gui (et non Jacques) de Surgères figure à l'host de Bouvines - dans la bataille du roi de Navarre: «Guy de Surgières, bann., 6 - bach., 37 esc.» De Camps, 83, fo 335 vo. - - [99] Heurtebise est indiqué sur la carte de Cassini comme un - écart de Trith-Saint-Léger, près de la chaussée de Bouchain à - Valenciennes. - - [100] Nord, arr. et c. Valenciennes. - - [101] Ibid. - - [102] D'après la première et la troisième rédaction, les - Valenciennois vainqueurs à Saint-Vaast étaient commandés par - Gérard de Verchin, sénéchal de Hainaut. - - [103] Anzin est à 2 kil. N. O. de Valenciennes, sur la route de - cette ville à Lille. - - [104] Aujourd'hui Saint-Vaast-là-Haut, lieu-dit de la banlieue de - Valenciennes. Saint-Vaast, Beaurepaire et la Tasnerie étaient - trois seigneuries dépendantes de cette ville. - - [105] A la place du bois d'Aubry s'élève aujourd'hui le village - appelé Petite-Forêt-de-Raismes, érigé en commune en 1801. - -Le duc de Normandie, voyant que les habitants de Valenciennes ne sont -pas disposés à accepter la bataille et n'espérant pas prendre leur -ville d'assaut, se décide à revenir vers Cambrai. Au retour, ses gens -d'armes incendient Maing, l'abbaye de Fontenelle[106], Trith, Prouvy, -Rouvignies, Douchy[107], Thiant[108], Monchaux[109], et en général tout -le pays qui s'étend entre Valenciennes et Cambrai. P. 17, 18, 208 et -209. - - [106] Abbaye de femmes de l'ordre de Cîteaux située sur le - territoire de la paroisse de Maing, près de l'ancienne route de - Valenciennes à Cambrai. - - [107] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain sur la Selle. - - [108] Nord, arr. et c. Valenciennes. - - [109] Ibid., sur l'Écaillon. - -Après le départ des Français, les Valenciennois viennent mettre le feu -au camp du Mont de Castres; ils y trouvent quelques brigands et Génois -qui, plongés dans un sommeil alourdi par l'ivresse, ne sont pas partis -avec le gros de l'armée; ils les brûlent tout vivants. P. 19. - -Le duc de Normandie met le siége devant le château d'Escaudœuvres[110]. -Gérard de Sassegnies, capitaine de ce château pour le comte de Hainaut, -le livre par trahison aux assiégeants. Les habitants de Cambrai -abattent les remparts d'Escaudœuvres; ils emploient les matériaux -provenant de cette démolition à fortifier la porte Robert qui regarde -le Hainaut. Gérard de Sassegnies devait expier bientôt sa trahison en -subissant à Mons la peine capitale[111]. P. 19, 20, 209 à 211. - - [110] Nord, arr. et c. Cambrai, sur l'Escaut, à 3 kil. N. E. de - Cambrai. - - [111] Le château d'Escaudœuvres fut pris avant le 3 juin 1340. - Par une charte datée du 3 juin 1340, le duc de Normandie mande, - du château d'Escaudoeuvres, aux bourgeois de Valenciennes, de ne - point servir le comte de Hainaut ni son oncle le seigneur de - Beaumont, qui s'étaient joints aux Anglais pour nuire au royaume - de France (Orig. parch., aux Archives du Nord). - -Les garnisons françaises de Douai et de Lille ravagent l'Ostrevant; -elles pillent et brûlent Aniche[112], la moitié d'Abscon[113], -Escaudain[114], Erre[115], Fenain[116], Denain[117], Montigny[118], -Warlaing[119], Masny[120], Auberchicourt[121], Lourches[122], -Saulx[123], Roeulx[124], Neuville[125], Lieu-Saint-Amand[126], -Bugnicourt[127], Monchecourt[128]. En revanche, les gens d'armes -hainuyers en garnison à Bouchain mettent le feu à la moitié d'Abscon -qui se tient française et dévastent tous les villages et hameaux -jusqu'aux portes de Douai, notamment les villages d'Esquerchin[129] et -de Lambres[130]. - - [112] Nord, arr. et c. Douai. - - [113] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain. Une moitié de ce - village tenait, comme on le verra plus bas, pour les Hainuyers, - l'autre moitié pour les Français. - - [114] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain. - - [115] Nord, arr. Douai, c. Marchiennes. - - [116] Ibid. - - [117] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain. - - [118] Nord, arr. et c. Douai. - - [119] Hameau de la commune d'Alnes, Nord, arr. Douai, c. - Marchiennes. - - [120] Nord, arr. et c. Douai. Le nom de cette seigneurie - s'écrivait autrefois Mauny; elle appartenait à l'illustre famille - de ce nom. - - [121] Nord, arr. et c. Douai. - - [122] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain. - - [123] Hameau de la commune de Lourches. - - [124] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain. - - [125] Aujourd'hui Neuville-sur-l'Escaut, Nord, arr. Valenciennes, - c. Bouchain. - - [126] Nord, arr. Valenciennes, c. Bouchain. - - [127] Nord, arr. Douai, c. Arleux. - - [128] Ibid. - - [129] Nord, arr. et c. Douai. - - [130] Ibid. - -Escarmouche entre la garnison française de la Malmaison, composée -d'Allemands dont Albrecht de Cologne est le chef pour l'évêque de -Cambrai[131] et la garnison de Landrecies dont le seigneur de Potelles -est capitaine pour le comte de Hainaut. Le seigneur de Potelles est tué -par Albrecht de Cologne, mais les compagnons de celui-ci sont mis en -déroute, tués ou faits prisonniers par les Hainuyers. P. 21 à 23, 211 -et 212. - - [131] La forteresse de la Malmaison située dans la commune d'Ors - (Nord, arr. Cambrai, c. le Cateau), sur la rive gauche de la - Sambre, appartenait en effet aux évêques de Cambrai; mais en 1340 - Sohier de Gand en était capitaine et il avait sous ses ordres 20 - écuyers pour le roi de France. (De Camps, 83, fo 458 vo.) - -Le seigneur de Floyon succède au seigneur de Potelles comme gardien de -Landrecies et chevauche souvent contre les garnisons françaises de -Bohain, de la Malmaison, du Cateau-Cambrésis[132], de Beauvois[133] et -de Serain[134]. Pendant ce temps, le comte de Hainaut, de retour -d'Angleterre, s'est rendu en Allemagne auprès de l'empereur Louis de -Bavière; et Jean de Hainaut est allé en Brabant et en Flandre implorer -le secours du duc de Brabant, de Jacques d'Arteveld et des Flamands. P. -23, 24, 212, 213. - - [132] Au Cateau, Jean de Honnecourt était châtelain pour le roi - de France. De Camps, 83, fo 458. - - [133] Nord, arr. Cambrai, c. Carnières. - - [134] Aisne, arr. Saint-Quentin, c. Bohain. - - - - -CHAPITRE XXXVI. - - 1340. SIÉGE ET PRISE DE THUN-L'ÉVÊQUE PAR LES FRANÇAIS.--OFFRES - DE COMBAT FAITES PAR LE COMTE DE HAINAUT; REFUS DU DUC DE - NORMANDIE[135] (§§ 108 à 112). - - [135] Cf. Jean le Bel, chap. xxxv, t. I, p. 171 à 173. - - -Le duc de Normandie vient, sur les instances des Cambrésiens, mettre le -siége devant la forteresse de Thun-l'Évêque[136] dont les Hainuyers se -sont emparés et d'où ils portent le ravage aux environs de la cité de -Cambrai. La garnison a pour chefs un chevalier du parti anglais nommé -Richard de Limozin et deux écuyers du Hainaut, frères de Gautier de -Mauny, Jean et Thierry de Mauny. Craignant d'être empestés par les -bêtes mortes et puantes que jettent les engins des assiégeants, les -assiégés demandent et obtiennent une trêve de quinze jours; ils -promettent de se rendre au duc de Normandie s'ils ne sont pas secourus -par Jean de Hainaut dans cet intervalle. Catherine de Wargnies, -chanoinesse de l'abbaye de Denain, qui s'est enfermée dans Thun par -amour pour Jean de Mauny dont elle est la maîtresse, et que le fracas -du siége incommode beaucoup à cause de son état de grossesse avancée, -profite de la trêve pour se retirer à Bouchain. P. 24 à 26, 212 à 214. - - [136] La prise de Thun-l'Evêque eut lieu dans le courant du mois - de juin 1340. Des lettres d'amortissement de 20 livres de rente - sans justice et forteresse, délivrées pour la fondation d'une - chapelle à «Gieffroy de Gienville», clerc et conseiller du roi, - sont datées de _noz tentes, après la prise du chastel de Thun, - l'an 1340 au mois de juing_. Arch. de l'Empire, sect. hist., - JJ73, fo 117, p. 137. - -Sur ces entrefaites, le comte de Hainaut revient dans son pays. Il -réunit en toute hâte une puissante armée pour marcher au secours de la -garnison de Thun-l'Évêque et vient camper à Naves et à Iwuy sur la rive -droite de l'Escaut; il est bientôt rejoint par le comte de Namur, le -duc de Brabant et les grands seigneurs des marches d'Allemagne alliés -du roi d'Angleterre. P. 27 et 28, 215 et 216. - -L'armée du duc de Normandie est campée de l'autre côté de la rivière, -sur la rive gauche de l'Escaut. A la nouvelle de l'arrivée du comte de -Hainaut, Philippe de Valois, qui se tenait depuis six semaines à -Péronne, accourt rejoindre Jean son fils à la tête de douze cents -lances; mais comme le roi de France a fait serment de ne pas pénétrer à -main armée sur le territoire de l'Empire, le duc de Normandie conserve -le commandement nominal, tout en n'agissant que d'après le conseil de -son père. P. 28, 216. - -Quatre jours après son arrivée devant Thun-l'Évêque, l'armée du comte -de Hainaut se renforce d'une troupe de Valenciennois que commande Jean -de Baissi, prévôt de la ville. Richard de Limozin et les autres gens -d'armes de la garnison de Thun-l'Évêque profitent d'une escarmouche -entre Français et Valenciennois pour se sauver dans une barque et aller -rejoindre le comte de Hainaut qui les remercie et les félicite de leur -belle défense. P. 29, 216 et 217. - -Les Français ravagent l'Ostrevant et les Hainuyers le Cambrésis. Le -comte de Hainaut reçoit un renfort de soixante mille Flamands amenés -par Jacques d'Arteveld; il offre la bataille au duc de Normandie qui la -refuse. Le comte de Hainaut réunit alors les plus grands barons de -l'armée pour leur communiquer la réponse du duc de Normandie et leur -demander conseil; il veut faire un pont sur l'Escaut afin d'aller -livrer bataille aux Français. Le duc de Brabant combat ce projet; il -est d'avis qu'on se sépare sans avoir rien fait et qu'on attende -l'arrivée prochaine du roi d'Angleterre qui doit se joindre à ses -alliés pour mettre le siége devant Tournay. Malgré l'opposition du duc -de Brabant dont les gens d'armes, surtout ceux de Bruxelles et de -Louvain, sont impatients de retourner dans leurs foyers, le comte de -Hainaut n'en persiste pas moins dans son projet de livrer bataille aux -Français. P. 29 à 31, 217, 218. - -Le comte de Hainaut charge Jean de Hainaut, seigneur de Beaumont, son -oncle, de demander trois jours de répit aux Français, le temps de -construire un pont sur l'Escaut afin que les deux armées puissent se -joindre et en venir aux mains. Au moment où Jean de Hainaut chevauche -sur la rive droite de l'Escaut et se dispose à accomplir son message, -il aperçoit sur la rive opposée un chevalier de Normandie de sa -connaissance, le seigneur de Maubuisson[137]; il prie ce chevalier de -transmettre au roi de France ou au duc de Normandie la proposition du -comte de Hainaut. Le conseil du roi de France répond au seigneur de -Maubuisson que l'on est résolu à ne pas changer de tactique vis-à-vis -du comte de Hainaut, qu'on veut d'abord le ruiner en traînant la guerre -en longueur, que cela fait, on envahira son pays pour y porter le -ravage. Jean de Hainaut, à qui le seigneur de Maubuisson vient -rapporter cette réponse, la transmet au comte de Hainaut, son neveu, -qui la reçoit avec un profond déplaisir. P. 32 à 34, 218. - - [137] Jean de Maubuisson figure à l'host de Bouvines, parmi les - _bacheliers sous les maréchaux_: «Jean de Maubuisson et 1 escuier - venu de Montigny lez Gisors.» De Camps, portef. 83, fo 366. - - - - -CHAPITRE XXXVII. - - 1340. DÉFAITE DE LA FLOTTE FRANÇAISE PAR LA FLOTTE ANGLAISE - DEVANT L'ÉCLUSE; ARRIVÉE D'ÉDOUARD III ET DE SON ARMÉE EN - FLANDRE[138] (§§ 113 à 117). - - [138] Cf. Jean le Bel, chap. XXXVI, t. I, p. 171 à 173. - - -La veille de la fête de saint Jean-Baptiste (23 juin), Édouard III -s'embarque sur la Tamise et cingle vers l'Écluse[139] (Sluis), en -Flandre. La flotte anglaise, composée de plus de cent vaisseaux, porte -quatre mille hommes d'armes et douze mille archers. La flotte française -est encore supérieure en nombre à la flotte anglaise. Montée par des -marins normands, picards et génois, sous les ordres du Normand -[Nicolas] Behuchet, du Picard Hue Quieret et du Génois Barbavara, cette -flotte stationne près de Blankenberghe[140], entre Kadzand[141] et -l'Écluse, pour arrêter au passage le roi d'Angleterre. La bataille -s'engage devant l'Écluse le 24 juin[142] entre les deux flottes -ennemies et dure tout un jour. Les Anglais ont soin de prendre des -dispositions plus habiles que leurs adversaires. Le grand vaisseau _le -Christophe_, conquis peu de temps auparavant par les Normands et monté -par les Génois, est repris dès le commencement de l'action, grâce aux -archers à main d'Angleterre, auxquels un tir plus rapide assure -l'avantage sur les arbalétriers génois. P. 34 à 37, 218 à 221. - - [139] L'Écluse, en flamand Sluis, ville et port de mer des - Pays-Bas, dans la Flandre hollandaise, prov. Zeeland, arr. - Middelburg. - - [140] Belgique, prov. Flandre occidentale, arr. et c. Bruges. - - [141] L'île de Kadzand fait aujourd'hui partie des Pays-Bas, - prov. Zeeland, arr. Middelburg, c. l'Écluse (Sluis). - - [142] Édouard III s'embarqua à Orwell le 23 juin, veille de la - fête de la Nativité de Saint-Jean-Baptiste; et la bataille navale - de l'Écluse se livra le jour même de la fête, le 24 juin: - «....sub spe cœlestis auxilii, écrit Édouard III à l'archevêque - de Canterbury, et justitiæ nostræ fiducia, dictum portum navigio - venientes, invenimus dictam classem, et hostes nostros ibidem - paratissimos ad prælium, in multitudine copiosa quibus _in festo - Nativitatis Sancti Johannis Baptistæ proxime præterito_, ipse, - spes nostra, Christus Deus, per conflictum fortem et validum, nos - prævalere concessit, facta strage non modica dictorum hostium, - capta etiam quodammodo tota classe, cum læsione gentis nostræ non - modica respective.» Rymer, _Fœdera_, vol. II, p. 1129. - -Édouard III monte un grand vaisseau construit à Sandwich[143], sur -lequel flotte une bannière mi-partie aux armes de France et -d'Angleterre. Le roi anglais, alors en la fleur de sa jeunesse, fait -des prodiges de valeur; les marins normands et picards déploient, de -leur côté, un grand courage. Dans l'après-midi, un gros renfort de -navires montés par des hommes frais et nouveaux, amené par les Flamands -de l'Écluse, de Blankenberghe, d'Aardenburg[144], d'Oostburg[145], de -Bruges, du Damme[146], de Nieuport[147] et des villes voisines, décide -la victoire en faveur des Anglais. Cette affaire coûte la vie à Hue -Quieret et à (Nicolas) Behuchet; Pietro Barbavara se sauve à grand -peine[148]. P. 37 et 38, 221 à 225. - - [143] Sandwich, dans le comté de Kent, un des cinq ports. - - [144] Pays-Bas, prov. Zeeland, arr. Middelburg, c. l'Écluse - (Sluis). - - [145] Pays-Bas, prov. Zeeland, arr. Middelburg, chef-lieu de - canton. - - [146] Belgique, prov. Flandre occidentale, arr. et c. Bruges. - - [147] Belgique, prov. Flandre occidentale, arr. Furnes, chef-lieu - de canton. - - [148] Hue Quieret, seigneur de Tours en Vimeu, mourut des - blessures reçues dans le combat. Nicolas Behuchet fut, dit-on, - pendu au mât de son vaisseau par l'ordre d'Édouard III. Philippe - de Valois amortit en avril 1344 quinze livres tournois de rente à - Gonfreville-l'Orcher, à la requête de frère Pierre le Marchant, - du tiers ordre de Saint-François, «clerc de nostre amé et feal - conseiller _Nicolas Beuchet_ JADIS _chevalier_, en recompense des - bons et agreables services que nous fist le dit Pierre en noz - guerres de la mer en la compaignie du dit chevalier.» Arch. de - l'Empire, sect. hist., JJ74, p. 154, fo 93. - - La marine normande fut longtemps à se relever de ce désastre. En - février 1342, Philippe de Valois amortit cent livres de terre pour - la fondation d'un hôpital: «comme les bourgois et les habitanz de - la ville de Leure en Normandie (Seine-Inférieure, comm. le Havre), - _pour compassion de plusieurs du dit pais, qui onc de nostre armée - de la mer avoient esté navrez et mehaigniez_ si griement qu'il ne - povoient ne ne pourront jamais gaigner leurs vivres....» JJ74, p. - 694, fo 418. - -Après la victoire de l'Écluse, le roi d'Angleterre fait un pèlerinage à -Notre-Dame[149] d'Aardenburg, puis il se rend à Gand. A la nouvelle de -l'arrivée et de la victoire d'Édouard III, les allies campés devant -Thun-l'Évêque lèvent le siége de cette forteresse et viennent à Gand -auprès du roi anglais; là ils prennent l'engagement de se réunir un -certain jour en parlement à Vilvorde. P. 38 à 40, 225 à 229. - - [149] La belle église d'Aardenburg, dédiée sous l'invocation de - Notre-Dame, était célèbre dans toute la Flandre au moyen âge - comme but de pèlerinage. - -Le roi de France retourne à Arras et le duc de Normandie à Cambrai. -Les Français prennent aisément leur parti de la déconfiture des -Normands à l'Écluse et disent: «On n'a rien perdu en perdant ces -écumeurs de mer. Ils étaient tous des brigands; ils ne laissaient point -venir de poisson sur le continent, et ils étaient cause qu'on n'en -pouvait avoir. Le roi de France d'ailleurs a gagné deux cent mille -florins à leur mort, car on leur devait leurs gages de quatre mois.» -Toutefois, Philippe de Valois et son fils donnent l'ordre de renforcer -les garnisons de Tournay, de Lille[150], de Douai[151], de Mortagne, de -Saint-Amand, de Saint-Omer, d'Aire[152] et de Saint-Venant[153]. -Informé qu'Édouard III et ses alliés doivent venir assiéger Tournay, le -duc de Normandie envoie dans cette place Godemar du Fay[154]. Le -seigneur de Beaujeu est mis dans Mortagne[155], et Pierre de -Carcassonne est chargé de défendre Saint-Amand[156] en Puelle. P. 40 et -41, 227. - - [150] Louis d'Espagne, comte de Talmont, fut capitaine souverain - à Lille du 16 avril au 27 septembre 1340. De Camps, portef. 83, - fo 310 vo. - - [151] Hue Quieret, chevalier et conseiller du roi, son amiral en - la mer, fut capitaine de Douai du 28 octobre au 6 décembre 1339. - De Camps, 83, fo 311. Nicole de Wasiers paraît avoir succédé à - Hue Quieret comme capitaine de Douai sous le gouvernement de - Godemar du Fay, du 28 octobre 1339 au 27 septembre 1340. De - Camps, 83, fo 312. - - [152] Jean de Traynel, _chevalier le roi_, fut établi du 2 - février au 12 juillet 1340, capitaine à Aire et ès frontières - d'Artois avec 2 bacheliers et 28 écuyers sous sa bannière, et - sous ses ordres 25 chevaliers bacheliers. De Camps, 83, fos 315 - et 316. - - [153] Robert de Wavrin, sire de Saint-Venant, fut établi, du 30 - octobre 1339 au 27 septembre 1340, capitaine de Saint-Venant, - avec 5 chevaliers et 40 écuyers sous sa bannière, et sous ses - ordres 7 chevaliers bacheliers. De Camps, 83, fos 314 et 315. - - [154] Godemar du Fay, sire de Bouchon (Somme, arr. Amiens, c. - Picquigny), gouverneur de Tournésis, fut capitaine général ès - villes de Lille et de Tournay et sur les frontières de Flandre et - de Hainaut, du 18 octobre 1339 au 1er octobre 1340. De Camps, 83, - fo 308 vo. - - [155] Jean de Vienne, chevalier banneret, fut commis à la garde - de Mortagne, du 29 octobre 1339 au 1er octobre 1340, avec 6 - chevaliers bacheliers et 44 écuyers. De Camps, 83, fo 313. - - [156] Jean, sire de Wastines, chevalier bachelier, fut préposé à - la défense de Saint-Amand en 1339 et 1340 avec Jean de - Verdebourc, Baudouin de Loc, Baudouin de Hasebrouck et 23 - écuyers. Ibid. - -Robert, roi de Sicile, très-versé dans l'astrologie, prédit les succès -d'Édouard III: «Le sanglier de Windsor viendra, dit-il, enfoncer ses -défenses jusque dans les portes de Paris.» Inspiré par son dévouement à -la couronne de France, le roi Robert vient à Avignon prier le pape -(Benoît XII)[157] d'user de son intervention pour faire la paix entre -les rois de France et d'Angleterre. P. 41, 226. - - [157] Froissart se trompe en rapportant ce fait au pontificat de - Clément VI qui ne succéda à Benoît XII qu'en 1342. - - - - -CHAPITRE XXXVIII. - - 1340. ASSEMBLÉE DE VILVORDE SUIVIE DU SIÉGE DE TOURNAY PAR - ÉDOUARD III ET SES ALLIÉS[158] (§§ 118 à 122). - - [158] Cf. Jean le Bel, chap. XXXVII, t. I, p. 175 à 177. - - -Assemblée de Vilvorde. Les principaux personnages qui assistent à cette -assemblée, sont Édouard III roi d'Angleterre, Jean III duc de Brabant, -Guillaume II comte de Hainaut, Jean de Hainaut, oncle du comte, Renaud -II duc de Gueldre, Guillaume V marquis de Juliers, Louis Ier de -Bavière, marquis de Brandebourg, Frédéric II, marquis de Meissen et -d'Osterland, Adolphe VIII, comte de Berg, Robert d'Artois, Thierry III, -seigneur de Fauquemont (Valkenburg), Guillaume de Duvenvoorde, -Guillaume Ier, marquis de Namur. A ces princes sont venus se joindre -Jacques d'Arteveld et les députés de Flandre, de Brabant et de Hainaut, -au nombre de trois ou quatre pour chaque bonne ville. Une alliance -offensive et défensive est conclue entre Flandre, Hainaut et Brabant; -en cas de différend, c'est le roi d'Angleterre qui jouera le rôle -d'arbitre entre ces trois pays. En signe de cette alliance, il sera -frappé une monnaie dont les pièces s'appelleront _compagnons_ ou -_alliés_. Les alliés conviennent d'aller mettre le siége devant Tournay -aux environs de la Madeleine (22 juillet), puis ils se séparent et -chacun retourne chez soi pour faire ses préparatifs. P. 41 à 43, 229 et -230. - -Philippe de Valois envoie tenir garnison à Tournay l'élite de sa -chevalerie, notamment Raoul, comte d'Eu, connétable de France[159], le -jeune comte de Guines son fils[160], le comte de Foix[161] et ses -frères, Aymeri VIII (vicomte) de Narbonne, Amé de Poitiers[162], -Geoffroy de Charny[163], Girard de Montfaucon[164], Robert Bertran et -Mathieu de Trie, maréchaux de France[165], Jean de Landas[166], le -sénéchal de Poitou[167], les seigneurs de Cayeux[168], de -Châtillon[169], de Renneval, de Mello[170], d'Offémont[171], de -Saint-Venant[172] et de Creseques[173]. Les fortifications de la cité -sont réparées, les engins, canons et espingalles sont mis en état, et -l'on se pourvoit d'approvisionnements de toute sorte. P. 43, 44, 230. - - [159] «Gens d'armes qui furent _à Tournay sous le gouvernement de - Raoul, comte d'Eu_, connestable de France, estably lieutenant du - roy sur toutes les frontières de Flandres et de Hainaut, du 23 - octobre 1339 jusques au 2 décembre qu'il donna congé à ses dites - gens d'armes.» De Camps, 83, fo 396 vo. - - [160] «Raoul, comte de Guines, chev. bann. et 14 esc.» De Camps, - 83, fo 307. - - [161] Gaston de Foix n'est pas mentionné dans les montres comme - ayant tenu garnison à Tournay, mais il commandait une des - batailles de l'host de Bouvines: «La bataille Gaston, comte de - Foix. Le dit comte de Foix, 32 chev. bann., 31 bach., 23 esc. - bann., 671 esc., 7 sergens d'armes, 12 menestrels et 4 mareschaux - pour chascun menestrel.» De Camps, 83, fos 343 vo et 344. - - [162] Host de Bouvines en 1340. Bataille du roi: «Amé de - Poitiers, banneret, 3 bach., 62 esc.» De Camps, 83, fo 346. - - [163] A l'host des frontières de Flandre, du 9 mars 1339 au 1er - octobre 1340, dans la bataille de Raoul, comte d'Eu, figure: - «Gieffroy de Charny, bach. et 6 esc.; venu de Pierrepont sous - Vezelay.» De Camps, 83, fo 317. - - [164] Parmi les gens d'armes qui ont servi à Douai sous Godemar - du Fay, du 18 octobre 1339 au 1er octobre 1340, figure: «Girart - de Montfaucon, chev. bach., avec 9 esc.» De Camps, 83, fo 309 vo. - - [165] Mathieu de Trie et Robert Bertran avaient à l'host de - Flandre du 2 mars 1339 le commandement d'une bataille dite - _bataille des maréchaux de France_: «Mathieu de Trie, mareschal - de France, bann., 17 chev. bach. et 180 esc.; Robert Bertran, - sire de Briquebec, mareschal de France, bann. et 16 esc.» De - Camps, 83, fo 320 vo. - - [166] Du 27 octobre 1339 au 27 septembre 1340 «jusques au - departement de l'ost de Bovines, Jean de Mortaigne, seigneur de - Landas, chev. bach., fut establi capitaine de Marchaines - (Marchiennes) avec 12 esc.» De Camps, 83, fo 346. - - [167] A l'host de Bouvines, dans la bataille du comte d'Alençon, - figure «Jourdain de Loubert, seneschal de Poitou, chev. bann., 14 - bach., 65 esc.» De Camps, 83, fo 337 vo. - - [168] Jean de Cayeu, chev. bann., 12 esc.; venu de Senarpont - (Somme, arr. Amiens, c. Oisemont). Ibid., fos 307 et 317. - - [169] A l'host de Bouvines, dans la bataille du duc de Normandie, - figure «Jean, sire de Chastillon, chev. bann., 9 bach. et 56 - esc.; venu de Marigny lès Chasteau Thierry.» Ibid., fo 396. - - [170] Parmi les gens d'armes qui servirent à Tournay sous Raoul, - comte d'Eu, du 28 octobre au 2 décembre 1339, figure «Guillaume - de Mello et 8 esc.» Ibid., fo 306 vo. - - [171] A l'host de Bouvines, dans la bataille du comte d'Alençon, - figure «Jean de Neelle, seigneur d'Auffemont, chev. bann., 5 - bach., 32 esc.» Ibid., fo 338. - - [172] Robert de Wavrin, sire de Saint-Venant. - - [173] On lit _Breseques_ dans le ms. B 6; mais il s'agit sans - doute ici d'Eustache, seigneur de Creseques, chevalier banneret - d'Artois, qui servit à l'host de Bouvines, dans la bataille - d'Eude, duc de Bourgogne et comte d'Artois. De Camps, 83, fo 330 vo. - -Siége de Tournay par Édouard III et ses alliés. Le roi d'Angleterre -prend position à la porte dite de Saint-Martin[174] sur le chemin de -Lille et de Douai, le duc entre le Pont-à-Rieux[175], le long de -l'Escaut, le Pire[176] et la porte de Valenciennes[177], le comte de -Hainaut entre le roi d'Angleterre et le duc de Brabant[178]. Jacques -d'Arteveld, à la tête de soixante mille Flamands, vient se loger à la -porte de Sainte-Fontaine[179], sur les deux rives de l'Escaut. Les -princes allemands, campés près des Marvis[180] du côté du Hainaut, ont -fait un pont sur l'Escaut en amont de Tournay pour aller et venir d'une -rive à l'autre. La cité de Tournay est ainsi investie de tous les côtés -à la fois, et les habitants, pour mieux assurer la défense, ont enterré -sept de leurs portes. P. 44 et 45, 230 à 232. - - [174] La porte de Saint-Martin était au midi de Tournay, non loin - du chemin de Lille et de Douai, situé un peu plus à l'ouest. - - [175] Le Pont-à-Rieux est aujourd'hui un hameau de la commune de - Saint-Maur, Belgique, prov. Hainaut, arr. Tournay, c. Antoing, à - 5 kil. de Tournay. - - [176] Le Pire est aujourd'hui un hameau de Montroeul-au-Bois, - Belgique, prov. Hainaut, arr. Tournay, c. Leuze, à 12 kil. de - Tournay. - - [177] La porte de Valenciennes était située à l'est de Tournay, - sur la rive gauche de l'Escaut, à l'endroit où ce fleuve entre - dans la ville. - - [178] Entre Édouard III au midi et le duc de Brabant à l'est, le - comte de Hainaut était campé par conséquent au sud-est. - - [179] La porte de Sainte-Fontaine était à l'ouest de Tournay, du - côté de Courtrai, sur la rive gauche de l'Escaut. - - [180] La porte des Marvis était située au nord-est de Tournay, - sur la rive droite de l'Escaut. - -Le siége durant devant Tournay, le comte de Hainaut ravage et brûle -Orchies[181] et plus de quarante villages ou hameaux des environs, -Landas[182], Lecelles[183], Haubourdin[184], Seclin[185], Ronchin[186], -la ville et l'abbaye de Cysoing[187], Bachy[188], Marchiennes[189], -les bords de la rivière de Scarp jusqu'au château de Rieulay[190], en -Hainaut; il pousse ses incursions jusqu'au Pont-à-Raches[191] à une -lieue de Douai et jusqu'aux faubourgs de Lens[192] en Artois. P. 46, -232 et 233. - - [181] Nord, arr. Douai. - - [182] Nord, arr. Douai, c. Orchies. - - [183] Nord, arr. Valenciennes, c. Saint-Amand-les-Eaux. - - [184] Nord, arr. Lille. - - [185] Nord, arr. Lille. Par acte daté du Moncel lez - Pont-Sainte-Maxence en octobre 1340, Philippe de Valois donne aux - religieux, frères et sœurs de l'hôpital de Notre-Dame _emprès - Seclin «tant pour leurs maisons qui ont esté arses et leurs biens - gastez par noz anemis_, comme pour certaines autres causes, trois - muis de blé, deux muis d'aveine et douze solz parisis ou environ - de rente annuelle, en quoy le dit hospital estoit tenuz à nous - par an.» Arch. de l'Empire, sect. hist., JJ73, p. 39, fo 32 vo. - - [186] Nord, arr. et c. Lille. - - [187] Nord, arr. de Lille, sur la Marcq. Abbaye d'hommes de - l'ordre de Saint-Augustin, au diocèse de Tournay. - - [188] Nord, arr. Lille, c. Cysoing. - - [189] Nord, arr. Douai. - - [190] Nord, arr. Douai, c. Marchiennes. - - [191] Raches ou Pont-à-Raches, Nord, arr. et c. Douai. - - [192] Pas-de-Calais, arr. Béthune. - -Combat sur l'Escaut entre les Flamands et les Français montés les uns -et les autres sur des barques; les Flamands sont repoussés par les -assiégés. P. 46, 47, 233, 234. - -Durant ce même siége de Tournay, les Français de la garnison de -Saint-Amand pillent et brûlent le village et l'abbaye d'Hasnon[193]; -ils traversent les bois de Raismes, mettent le feu à l'hôtel du -Pourcelet et attaquent l'abbaye de Vicoigne[194], dont l'abbé nommé -Godefroi[195] parvient à repousser les agresseurs. Pour remercier les -arbalétriers de Valenciennes qui sont accourus à son secours sous les -ordres de Jean de Baissi, prévôt de la ville, l'abbé de Vicoigne leur -fait boire un tonneau de vin; et dans la crainte d'une nouvelle -surprise, il fait couper les bois qui entourent son abbaye et creuser -de profonds et larges fossés. P. 47, 48, 234, 235. - - [193] Nord, arr. Valenciennes, c. Saint-Amand. Abbaye de - Bénédictins au diocèse d'Arras. - - [194] Vicoigne, aujourd'hui hameau de la commune de Raismes, - Nord, arr. Valenciennes. Abbaye de l'ordre de Prémontré au - diocèse d'Arras. - - [195] L'abbé Godefroi, dont il est ici question, est Godefroi II - de Bavai, né à Cambrai, promu abbé en 1312, mort en 1344. Une - épitaphe rapportée dans le _Gallia christiana_ célèbre le courage - de l'abbé Godefroi. - -«Pendant le siége de Tournay, dit Froissart, il survint plusieurs -grands faits d'armes, non-seulement en France, mais encore en Gascogne -et en Écosse, qui ne doivent pas être mis en oubli, car selon la -promesse que j'ai faite à mon seigneur et maître en commençant cet -ouvrage, je consignerai toutes les belles actions qui viendront à ma -connaissance, quoique Jean le Bel ne les ait pas mentionnées dans ses -Chroniques. Mais un homme ne peut tout savoir, et ces guerres étaient -si grandes, si dures et si enracinées de tous côtés, qu'il est facile -d'en oublier quelque chose si l'on n'y prend bien garde.» P. 235, 236. - -Le comte de l'Isle[196] est en Gascogne comme un petit roi de France et -fait une guerre acharnée aux Gascons du parti anglais. Les principaux -chevaliers du parti français sont avec le comte de l'Isle, les comtes -de Comminges[197] et de Périgord[198], les vicomtes de Villemur[199], -de Tallard[200], de Bruniquel, de Caraman[201] et de _Murendon_[202]; -l'effectif de leurs forces s'élève à six mille chevaux et dix -mille fantassins. Les Français prennent Bergerac, Condom, -Sainte-Bazeille[203], Penne[204], Langon[205], _Prudaire_, Civrac[206]; -ils assiégent la Réole. Après une belle défense, Jean le Bouteiller, -capitaine de la ville pour le roi d'Angleterre, rend la Réole[207] au -comte de l'Isle qui confie la garde de cette place à un chevalier -gascon nommé _Raymond Segui_. Une fois maîtres de la Réole, les -Français mettent le siége devant Auberoche[208], dont la garnison a -pour chef Hélie de Pommiers. P. 48, 236 et 237. - - [196] Bernard Jourdain, sire de Lille (auj. - l'Isle-en-Jourdain-Gers, Gers, arr. Lombez.) - - [197] Pierre Raymond Ier, comte de Comminges. - - [198] Roger Bernard, comte de Périgord. - - [199] Arnaud de la Vie, sire de Villemur. - - [200] Jean de la Baume, vicomte de Tallard. - - [201] Arnaud d'Euze, vicomte de Caraman. - - [202] Peut-être Amauri, vicomte de Lautrec, seigneur de - Montredon. - - [203] Lot-et-Garonne, arr. et c. Marmande. - - [204] Lot-et-Garonne, arr. Villeneuve-sur-Lot. - - [205] Gironde, arr. Bazas. - - [206] Civrac-de-Dordogne, Gironde, arr. Libourne, c. Pujols. - - [207] La Réole était au pouvoir du roi de France dès 1339. Le 6 - janvier de cette année, Jean, roi de Bohême, lieutenant du roi en - langue d'oc, accorde aux consuls et habitants de la Réole, - contrairement à la coutume de Bazas, en récompense de leur - fidélité, le privilége de pouvoir disposer par testament de leurs - biens immeubles. Arch. de l'Empire, sect. hist., JJ73, p. 227, fo - 179.--En 1341, Thibaud de Barbazan, écuyer banneret, était - capitaine, et Guillaume de la Baume, chevalier banneret, - châtelain de la Réole avec 10 écuyers. De Camps, 83, fo 288 vo. - - [208] Aujourd'hui hameau de la commune du Change, Dordogne, arr. - Périgueux, c. Savignac-les-Églises. - - - - -CHAPITRE XXXIX. - -1340. GUERRE EN ÉCOSSE (§ 123). - - -Les Écossais prennent les armes sous les ordres de Guillaume de -Douglas, des comtes de Murray, Patrick et de Sutherland, de Robert de -Vescy, de Simon Fraser et d'Alexandre de Ramsay.--Pendant que le roi -d'Angleterre assiége Tournay, et à l'instigation du roi de France, les -Écossais portent le ravage dans le Northumberland et l'évêché de -Durham; ils reconquièrent toutes les forteresses occupées par les -Anglais, à l'exception de Bervick, de Stirling, de Roxburgh et -d'Édimbourg. P. 49, 50, 237 à 239. - -Guillaume de Douglas s'empare du château d'Edimbourg par surprise. P. -51 à 54. - -Reddition aux Écossais de Dalkeith, de Dumbar, de Dundee, de -Dumfermline; siége de Stirling. P. 54, 239 à 241. - - - - -CHAPITRE XL. - -1340. ARRIVÉE DU ROI DE FRANCE ET DE SON ARMÉE AU PONT DE BOUVINES -CONTRE ÉDOUARD III ET SES ALLIÉS[209] (§§ 124 à 126). - - [209] Cf. Jean le Bel, chap. XXXVIII, t. I, p. 181 à 186. - - -Le roi d'Angleterre assiége toujours Tournay avec une armée de plus de -cent mille hommes, y compris les Flamands. Les assiégés, menacés de -famine, font sortir les plus pauvres habitants de la ville, hommes et -femmes. P. 54 et 241. - -Philippe de Valois convoque à Arras une grande armée pour marcher au -secours des habitants de Tournay.--Noms des principaux princes et -seigneurs, tant français qu'étrangers[210], qui se rendent à l'appel du -roi de France. P. 55, 241 et 242. - - [210] Voici, d'après les montres, la liste des batailles dont se - composa l'host de Bouvines du 9 mars au 1er octobre 1340: - bataille de Raoul, comte d'Eu, connétable de France;--bataille de - Robert Bertran et de Mathieu de Trie, maréchaux de - France;--bataille de Louis, comte de Flandre, de Nevers et de - Réthel;--bataille d'Eude, duc de Bourgogne, comte d'Artois et - comte palatin de Bourgogne, sire de Salins;--bataille du duc de - Normandie, lieutenant du roi de France;--bataille du roi de - Navarre;--bataille du comte d'Alençon;--bataille de Jean, comte - d'Armagnac;--bataille de Gaston, comte de Foix;--bataille d'Amé, - comte de Savoie;--bataille d'Adolphe, évêque de Liége;--bataille - du roi de France. De Camps, portef. 83, fos 316 à 406. - -Arrivée du roi de France[211] et de son armée sur les bords d'une -petite rivière (la Marcq)[212], située à peu de distance de Tournay, -entre les ponts de Bouvines[213] et de Tressin[214]. P. 56 et 242. - - [211] Philippe de Valois convoqua ses gens d'armes à Arras en - juillet 1340 (De Camps, 83, fo 296), et les congédia le 27 - septembre de la même année (Ibid., fo 346); il était près du - prieuré de Saint-André (auj. Saint-André, Nord, arr. et c. Lille) - le 30 juillet, date de sa réponse à une provocation qui lui avait - été adressée le 26 juillet par Édouard III de Chin-lez-Tournay - (auj. hameau de Romegnies-Chin, Belgique, à 6 kil. de Tournay). - Voyez Rymer, _Fœdera_, t. II, pars ii, p. 1131 et 1132. Le roi de - France paraît avoir passé partie du mois d'août à Douai (Actum et - datum _in exercitu nostro prope Duacum_ anno Domini 1340, mense - _augusti_. JJ73, p. 48, fo 40). Plusieurs chartes datées du Pont - de Bouvines sont du mois de septembre (Actum et datum _in - tentoriis nostris prope pontem de Bovinis_, anno Domini 1340, - mense _septembris_. JJ73, p. 247, fo 193 vo.) - - [212] La Marcq, issue des bois de Phalempin à 15 kil. de Lille, - traverse des marais auxquels elle sert de décharge, et, après un - cours d'environ 5 myriamètres, se jette dans la Deule à - Marquette. - - [213] Nord, arr. Lille, c. Cysoing. - - [214] Nord, arr. Lille, c. Lannoy. - -Rencontre près de Notre-Dame-aux-Bois[215] entre des gens d'armes de la -garnison de Bouchain, commandés par trois chevaliers allemands au -service du comte de Hainaut et un détachement de la garnison française -de Mortagne, qui a pour chef un chevalier bourguignon de la suite du -seigneur de Beaujeu, nommé Jean de Frolois[216]. Les Français sont mis -en déroute, et Jean de Frolois est fait prisonnier. P. 56 à 58, 242 à -244. - - [215] Nord, arr. Valenciennes, c. Bruille-Saint-Amand. _Le - Crousage_ du texte est peut-être la Croisette, hameau de - Saint-Amand-les-Eaux. - - [216] A l'host de Bouvines, dans la bataille d'Eude, duc de - Bourgogne figure: «Jean de Froulois, bann., 2 bach., 11 esc.» De - Camps, portef. 83, fo 330. - -Un jour, un détachement de Hainuyers, dont Guillaume de Baileu est le -chef, passe le Pont-à-Tressin[217], et va, sous la conduite de Waflard -de la Croix, réveiller les Français. Ce même jour, une troupe de -Liégeois venus avec leur évêque servir le roi de France, sous les -ordres de Robert de Baileu[218], frère de Guillaume, passe aussi en -sens inverse le Pont-à-Tressin, pour aller fourrager dans les belles -plaines qui s'étendent entre Tressin et Baisieux[219]. Les Hainuyers de -Guillaume de Baileu sont repoussés et mis en fuite. Au moment où ils -repassent le pont, ils vont se jeter dans les rangs des Liégeois de -Robert de Baileu, qui reviennent de leur excursion, et dont ils -prennent la bannière, portée par Jacques de Forvie[220], pour la leur -propre, à cause de la ressemblance extrême des armes de Robert et de -Guillaume de Baileu. La plupart des Hainuyers sont tués ou faits -prisonniers. Guillaume de Baileu se sauve à grand peine. Waflard de la -Croix, pris dans cette rencontre et livré au roi de France, fut donné -bientôt après, en échange du comte de Salisbury, aux habitants de -Lille, qui le firent mettre à mort. P. 58 à 62, 244 à 246. - - [217] Pont-à-Tressin est encore aujourd'hui le nom d'un hameau de - la commune de Tressin. - - [218] «Host de Bouvines en 1340. La bataille Adolf evesque du - Liége: le dit evesque, 7 chev. bann., 73 bach., 420 esc.» De - Camps, portef. 83, fo 344 vo. Il faut prendre garde de confondre - les seigneurs de Baileu (les mss. de Froissart écrivent Bailleul) - avec les seigneurs de Baillœul en Hainaut ou de Bailleul en - Normandie. La seigneurie de Baileu est aujourd'hui un hameau de - la commune de Walcourt, Belgique, prov. Namur, arr. - Philippeville. Morialmé, dont Robert de Baileu était seigneur, - fait aussi partie du canton de Walcourt. - - [219] Nord, arr. Lille, c. Lannoy. - - [220] Jacques de Forvie, écuyer, était le second fils de Stockar - de Forvie le Vieux; il se maria à Isabeau, fille de Pierre de - Surice, bourgeois de Namur. Hemricourt, _Miroir des Nobles_, éd. - de Jalheau, p. 143. - - - - -CHAPITRE XLI. - - 1340. SIÉGE DE MORTAGNE ET PRISE DE SAINT-AMAND ET DE MARCHIENNES - PAR LE COMTE DE HAINAUT.--DÉFAITE D'UNE TROUPE DE FRANÇAIS ET DU - SEIGNEUR DE MONTMORENCY AU PONT-A-TRESSIN (§§ 127 à 132). - - -Le comte de Hainaut, pour se venger de la mésaventure de Guillaume de -Baileu et de ses gens d'armes, quitte le siége de Tournay et vient avec -six ou sept cents lances assiéger Mortagne par la rive droite de -l'Escaut. En même temps, les habitants de Valenciennes ayant reçu -l'ordre d'assaillir cette place en s'avançant entre la Scarpe et -l'Escaut, douze cents hommes, commandés par Jean de Baissi, prévôt de -la ville, et Gille le Ramonnier, passent les deux rivières de Haine et -d'Escaut à Condé, et arrivent sous les murs de Mortagne. P. 62, 246 et -247. - -Édouard de Beaujeu, capitaine de Mortagne[221], en prévision d'un -siége, a fait enfoncer dans le lit de l'Escaut une quantité innombrable -de pieux pour rendre la navigation impossible. Ce que voyant les -arbalétriers de Valenciennes, qui ne peuvent approcher assez près des -barrières à cause de la largeur des fossés, prennent le parti de passer -la Scarpe au-dessous de Château-l'Abbaye[222] afin d'attaquer Mortagne -du côté de Saint-Amand[223] et de donner l'assaut à la porte devers -Maulde[224]. Cette porte, qui donne sur la Scarpe, est défendue par -Édouard de Beaujeu en personne, tandis que le seigneur de -Saint-Georges[225], son cousin, se tient à la porte d'Escaut par où -l'on va à Antoing[226], faisant face au comte de Hainaut, campé le long -de l'Escaut du côté de Briffœuil[227]. Le seigneur de Beaujeu est armé -d'une longue lance, et, au moyen d'un croc de fer attaché à l'extrémité -de cette lance qui s'enfonce dans les plates et le hauberjon, il -parvient à harponner une douzaine d'assaillants, les attirant à lui ou -les précipitant au fond des fossés pleins d'eau. P. 63 et 247. - - [221] D'après les montres conservées par De Camps, Jean de - Vienne, et non Édouard de Beaujeu, fut capitaine de Mortagne, du - 29 octobre 1339 au 1er octobre 1340, avec 6 chevaliers bacheliers - et 44 écuyers. De Camps, portef. 83, fo 313. - - Le château de Mortagne, bâti au confluent de l'Escaut et de la - Scarpe, résidence habituelle des châtelains de Tournay, fut cédé - en 1313 avec la châtellenie de Tournay à Philippe le Bel. - - [222] Nord, arr. Valenciennes, c. Saint-Amand-les-Eaux. - - [223] Aujourd'hui Saint-Amand-les-Eaux, sur la rive gauche de la - Scarpe, affluent de la rive gauche de l'Escaut. - - [224] Nord, arr. Valenciennes, c. Saint-Amand-les-Eaux, sur la - rive gauche de la Scarpe. - - [225] Il s'agit ici sans doute du seigneur de - Saint-Georges-de-Reneins, Rhône, arr. Villefranche-sur-Saône, c. - Belleville-sur-Saône. - - [226] Belgique, prov. Hainaut, arr. Tournay, à 7 kil. de Tournay. - - [227] Aujourd'hui hameau de Wasmes-Audemez, Belgique, prov. - Hainaut, arr. Tournay, c. Péruwelz. - -Les assiégeants donnent l'ordre d'installer sur un bateau un appareil -destiné à arracher les pieux qui barrent le passage de l'Escaut. Quant -on vient à essayer cet appareil, il fonctionne si mal qu'on doit -renoncer à s'en servir. Les Valenciennois ont pendant ce temps dressé -une très-belle machine qui lance des pierres énormes contre le château -et la ville de Mortagne; mais un maître ingénieur de la garnison -construit une machine plus petite et l'ajuste si bien qu'à la troisième -pierre qu'elle lance, elle brise par le milieu le pierrier des -assiégeants. Après deux nuits et trois jours d'assaut, le comte de -Hainaut et Jean de Hainaut, son oncle, se décident à retourner au siége -de Tournay, et les Valenciennois reprennent le chemin de leur ville -après avoir ravagé l'abbaye du Château. P. 64, 65, 248. - -Informé que la garnison française de Saint-Amand a brûlé l'abbaye -d'Hasnon et essayé de brûler celle de Vicoigne, le comte de Hainaut -part de Tournay et vient avec trois mille combattants assiéger -Saint-Amand, qui n'était alors entouré que d'une enceinte de -palissades. Le capitaine de la garnison[228] est un bon chevalier de la -langue d'oc, nommé le sénéchal de Carcassonne[229]; prévoyant l'attaque -du comte de Hainaut et sachant que la place n'est pas tenable, il a -fait transporter les plus riches joyaux de l'abbaye à Mortagne, P. 65, -66, 248. - - [228] Comme nous l'avons dit plus haut, Jean, sire de Wastines, - fut établi gardien de Saint-Amand, du 23 octobre 1339 au 1er - octobre 1340. - - [229] Le sénéchal de Carcassonne, dont il est ici question, - s'appelait Jean de la Roche; il figure sur les montres de l'host - de Bouvines en 1340 avec cette mention: «Jean de la Roche, - chevalier, seneschal de Carcassonne, banneret, 2 chevaliers - bacheliers, 102 escuiers.» De Camps, portef. 83, fo 352. Jean de - la Roche, seigneur de Castanet (Haute-Garonne), était marié à - Guillemine de Roussillon. - -Douze mille Valenciennois attaquent Saint-Amand par le pont jeté sur la -Scarpe. Les bidauds et les Génois de la garnison, pour se moquer des -arbalétriers de Valenciennes, essuient avec leurs chaperons sur les -murs la place des traits et crient aux assiégeants: «Allez boire votre -goudale, allez!» Découragés et ne recevant aucunes nouvelles du comte -leur seigneur, les Valenciennois regagnent leur ville le soir même. P. -66, 67, 248, 249. - -Le lendemain, le comte de Hainaut arrive devant Saint-Amand et donne -l'assaut à la porte du côté de Mortagne. Une brèche est ouverte dans le -mur de l'abbaye que l'on enfonce au moyen d'énormes pieux en chêne; le -comte s'élance par cette brèche et pénètre sur la place du marché -devant l'église. Il y trouve le sénéchal de Carcassonne qui l'attend de -pied ferme avec une poignée de compagnons de son pays serrés autour de -sa bannière. Un moine nommé Froissart défend l'entrée de l'abbaye et -tue plus de dix-huit assaillants. Le comte fait passer la garnison au -fil de l'épée et mettre le feu à la ville, à l'église et aux bâtiments -de l'abbaye. Le sénéchal de Carcassonne est tué sous sa bannière. P. 67 -à 69, 249. - -Après la destruction de Saint-Amand, le comte de Hainaut incendie -Orchies, Landas, Lecelles, passe la Scarpe au-dessous d'Hasnon et, -entrant en France, s'empare de la grosse et riche abbaye de -Marchiennes[230] défendue par Amé de Warnant[231]. Incendie et pillage -de la ville et de l'abbaye. P. 69, 70, 249, 250. - - [230] Nord, arr. Douai, sur la rive gauche de la Scarpe et de la - Rache et sur la route de Bouchain à Orchies. Abbaye de - Bénédictins au diocèse d'Arras. Depuis la dispersion de l'host de - Buironfosse, le 28 octobre 1339 jusqu'à la dispersion de l'host - de Bouvines, le 27 septembre 1340, «Jean de Mortagne, seigneur de - Landas, chevalier bachelier, fut establi capitaine de Marchiennes - avec 12 escuiers.» De Camps, 83, fo 346 vo. - - [231] A l'host de Bouvines en 1340, parmi les bacheliers sous les - maréchaux de France, figure: «Amé de Warnans, chev. bach. et 25 - esc.; venu de Warnans entre Aix et le Liége.» Aujourd'hui - Warnant-Dreye, Belgique, prov. Liége. - -Le roi d'Angleterre se tient toujours devant Tournay qu'il espère -réduire bientôt par la famine; mais le duc de Brabant laisse plus d'une -fois passer à travers son armée des vivres destinés aux assiégés, et -les gens d'armes de ses bonnes villes de Bruxelles, de Louvain, de -Malines, d'Anvers, de Nivelles, de Jodoigne[232], de Lierre[233], -commencent à s'impatienter de la longueur du siége. P. 70, 71, 250, -251. - - [232] Belgique, prov. Brabant, arr. Nivelles. - - [233] Belgique, prov. Anvers, arr. Malines. - -Un certain nombre de gens d'armes allemands des duchés de Gueldre et de -Juliers s'entendent avec plusieurs chevaliers du Hainaut pour prendre -une revanche de la victoire remportée à Pont-à-Tressin par Robert de -Baileu et les Liégeois sur les Hainuyers: ils se divisent en deux -détachements, dont l'un reste à Pont-à-Tressin pour garder le passage, -tandis que l'autre court réveiller les Français. Deux grands barons de -France, les seigneurs de Montmorency[234] et de Saint-Sauflieu[235], -qui font le guet la nuit où se passe cette escarmouche, repoussent ces -agresseurs et se mettent à leur poursuite jusqu'à Pont-à-Tressin. -Voyant que les ennemis sont là en force pour défendre le passage, le -seigneur de Saint-Sauflieu prend le parti de se retirer avec les siens. -Le seigneur de Montmorency, qui veut continuer la lutte, est fait -prisonnier ainsi que toute son escorte par Renaud de Sconnevort; et les -Allemands ou Hainuyers restent maîtres du pont. P. 71 à 76, 251 à 253. - - [234] A l'host de Bouvines en 1340, dans la bataille de Raoul, - comte d'Eu, figure «Charles, seigneur de Montmorency, banneret, 1 - bachelier, 11 escuiers.» De Camps, 83, fo 335. - - [235] Somme, arr. Amiens, c. Sains. Aucun chevalier banneret, - seigneur de Saint-Sauflieu, n'est mentionné sur les montres de - l'host de Bouvines en 1340; on n'y voit figurer que Gaucher de - Saint-Sauflieu, écuyer, et Raoul, dit Herpin, de Saint-Sauflieu, - aussi écuyer, fait chevalier le 23 mai. Comme Gaucher et Raoul - dit Herpin de Saint-Sauflieu servaient sous la bannière de Rogue, - sire de Hangest, ce dernier est sans doute «le grand baron» dont - parle Froissart; et il n'est pas étonnant qu'on le trouve à côté - de Charles, seigneur de Montmorency, dont il était l'oncle par - son mariage avec Isabeau de Montmorency, fille de Mathieu IV. - «Rogue, sire de Hangest, chev. bann., 4 bach. et 29 esc.; venu de - Maigneville en la comté de Bar. De sa compagnie.... Gaucher de - Saint-Sauflieu.... Harpin de Saint-Sauflieu et Martel du Hamel - faits chevaliers nouvels le 23 jour de may.» De Camps, 83, fo 396 - vo. - - - - -CHAPITRE XLII. - - 1340. DÉFAITE PRÈS DE SAINT-OMER, PANIQUE ET RETRAITE DES - FLAMANDS DANS LEUR PAYS.--LEVÉE DU SIÉGE DE TOURNAY; TRÊVE ENTRE - LA FRANCE ET L'ANGLETERRE[236] (§§ 133 à 137). - - [236] Cf. Jean le Bel, chap. xxxix, t. I, p. 187 à 194. - - -Après l'arrivée du roi de France et de son armée à Bouvines, le bruit -se répand que les garnisons françaises de Saint-Omer, d'Aire et de -Thérouanne doivent pénétrer dans la vallée de Cassel et ravager le -pays, notamment les villes de Bergues[237], Bourbourg[238], -Messines[239], Wervicq[240], Poperinghe[241]. Pour conjurer ce danger, -Robert d'Artois et Henri de Flandre vont se poster avec vingt mille -Flamands à l'entrée de la vallée de Cassel. P. 76, 77, 253. - - [237] Nord, arr. Dunkerque. - - [238] Ibid. - - [239] Belgique, prov. Flandre occidentale, arr. Ypres. - - [240] Ibid. - - [241] Ibid. - -Environ trois mille de ces Flamands quittent un jour leur campement -pour aller ravager et piller, à l'insu de leurs chefs, le pays situé -entre Aire, Thérouanne et Saint-Omer, ils mettent le feu aux faubourgs -et abattent les moulins de Saint-Omer; à une demi-lieue de cette ville, -ils pillent et brûlent aussi le gros village d'Arques[242] où ils font -un riche butin; mais au moment où ils se reposent dans un village -appelé _la Cauchie_[243], un certain nombre de gens d'armes français -des garnisons de Saint-Omer et de Thérouanne viennent, sous les ordres -de (Jean), comte dauphin d'Auvergne[244], fondre à l'improviste sur ces -pillards, en tuent dix-huit cents et en font quatre cents -prisonniers[245]. P. 76 à 78, 253 à 255. - - [242] Pas-de-Calais, arr. et c. Saint-Omer. - - [243] Aujourd'hui Cauchy, hameau de la commune d'Ecques, - Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c. Aire-sur-la-Lys. - - [244] C'est par erreur que Froissart appelle _Béraud_ le comte - dauphin d'Auvergne, qui prit part à l'expédition de Bouvines; - Béraud Ier ne succéda à Jean, dit Dauphinet, son père, qu'en - 1351. «Jean, comte de Clermont, dalphin d'Auvergne, pour li - escuier banneret, 7 bach., 1 esc. bann., 56 esc.--Pour - l'accroissement des gages du dit comte qui le 11 jour de juillet - fut fait chevalier, de Beraut de Marqueil (Mercœur), esc. bann. - fait chevalier le 27 d'aoust.» De Camps, 83, fo 351. - - [245] 6 écuyers bannerets de langue d'oc furent faits chevaliers, - 32 écuyers aussi de langue d'oc furent faits chevaliers nouveaux - «devant Saint-Omer _le 25 juillet_.» De Camps, 83, fo 343. Nous - aurions ainsi une date précise si nous étions certains que - l'engagement devant Saint-Omer qui donna lieu à cette promotion - de chevaliers est le même que celui dont parle Froissart. - - Au milieu de la nuit qui suit ce désastre, tous les Flamands - campés dans la vallée de Cassel se réveillent comme pris de - panique, se lèvent en toute hâte et après avoir plié bagages, - reprennent le chemin de leur pays, malgré les représentations de - Henri de Flandre et de Robert d'Artois, qui vont rejoindre Édouard - III et l'armée anglo-allemande devant Tournay. P. 78, 79, 255, - 256. - - Dans une dépêche d'Édouard III datée de Bruges le 9 juillet et - adressée au prochain Parlement qui doit se réunir à Westminster, - le roi d'Angleterre annonce qu'il se dispose à aller bientôt (aux - environs de la Madeleine, le 22 juillet) assiéger Tournay avec la - plus grande partie de ses forces «où il y auera cent mill homes de - Flaundres armez; _et mounseur Robert d'Artoys vers Seint Omer od - cynquante mill_, outre touz nos alliez et lour poair.» Dès le 26 - juillet, Édouard III était campé «à Chyn (auj. hameau de - Ramegnies-Chin, Belgique, à 6 kil. de Tournay), sur les champs de - lez Tournay.» Rymer, _Fœdera_, vol. II, p. 1130 et 1131. Les - Flamands de Robert d'Artois durent arriver à peu près en même - temps devant Saint-Omer; la date de leur défaite le 25 juillet est - donc très-probable. - -Une trêve d'un an est conclue à Esplechin[246] entre les rois de France -et d'Angleterre par l'entremise de Jeanne de Valois, soœur de Philippe -de Valois, mère du comte Guillaume de Hainaut, aidée de Louis -d'Agimont[247]. P. 79 à 82, 256 à 262. - - [246] Belgique, prov. Hainaut, arr. et c. Tournay, à 7 kil. de - cette ville. - - [247] Parmi les chevaliers bacheliers qui servirent ès parties de - Thiérache sous Gautier duc d'Athènes en vertu de lettres du 6 - septembre 1339 figure: «Loys d'Aigimont, 1 bachelier, 8 - escuiers.» De Camps, 83, fo 305 vo. - - La trêve fut en effet signée dans l'église d'Esplechin le lundi 25 - septembre 1340. Les négociateurs furent de la part du roi de - France: Jean roi de Bohême et comte de Luxembourg, Adolphe évêque - de Liége, Raoul duc de Lorraine, Amé comte de Savoie, Jean comte - d'Armagnac;--de la part du roi d'Angleterre: le duc de Brabant, le - duc de Gueldre, le marquis de Juliers, le comte de Hainaut et Jean - de Hainaut sire de Beaumont. Rymer, _Fœdera_, vol. II, p. 1135. - -Édouard III lève le siége de Tournay, qui dure depuis onze semaines -trois jours moins, et retourne en Angleterre; Philippe de Valois, de -son côté, licencie son armée campée à Bouvines[248].--Les conférences -tenues à Arras entre les envoyés des deux rois en vue de la conclusion -d'un traité de paix, restent sans résultat. P. 82 à 86, 262 à 265. - - [248] Le 27 septembre 1340, congé général fut donné aux gens - d'armes de l'host de Bouvines «excepté à aucuns qui en garnison - demeurèrent à Tournay, le siége des ennemis estant devant la - ville, lesquels ont pris gages jusques au 1er octobre 1340 par - grace du roi.» De Camps, 83, fo 350. - - Le 13 octobre 1340, Philippe de Valois était à l'abbaye de Moncel - (auj. hameau de Pont-Point, Oise, arr. Senlis, c. - Pont-Sainte-Maxence), ainsi que l'atteste une charte où il accorde - aux religieuses, abbesse et couvent du dit lieu «le droit de - prendre annuellement vint milliers de fagos en la vente ou ès - ventes d'aucun ou d'aucuns marcheans de la forest de Halate.» - Arch. de l'Empire, Sect. hist., JJ73, p. 157, fo 129 vo. - - - - -CHAPITRE XLIII. - - 1341. GUERRE DE LA SUCCESSION DE BRETAGNE: SUCCÈS DU COMTE DE - MONTFORT[249] (§§ 138 à 143). - - [249] Cf. Jean le Bel, chap. XLVI, t. I, p. 225 à 236. - - -«Plusieurs jongleurs et chanteurs sur les places, dit Froissart, en -prenant les guerres de Bretagne pour sujet de chansons de geste -fabuleuses et de poëmes mensongers, ont altéré la vérité historique au -grand déplaisir de Jean le Bel, qui a raconté le premier ces guerres -dans ses Chroniques et à mon grand déplaisir aussi à moi Froissart qui -ai loyalement, impartialement continué et complété l'œuvre de mon -prédécesseur. Ces poëmes et ces chansons ne donnent nullement les faits -réels: ces faits, on ne les trouvera qu'ici, grâce au soin extrême que -nous y avons mis, car on n'a rien sans frais et sans peine. Moi, Jean -Froissart, venu le dernier depuis Jean le Bel pour traiter ce sujet, -j'ai visité et parcouru la plus grande partie de la Bretagne, j'ai fait -une enquête auprès des seigneurs et des hérauts sur les guerres, les -prises, les assauts, les incursions, les batailles, les rescousses et -tous les beaux faits d'armes arrivés depuis 1340 jusqu'à la fin de ce -livre; je me suis imposé cette tâche tant à la requête de mon seigneur -et maître et à ses frais que pour me satisfaire moi-même, pour donner -de l'authenticité et des bases solides à mon travail: en quoi mes -efforts ont été grandement récompensés.» P. 265 et 266. - -Mort de Jean III, dit le Bon, duc de Bretagne (30 avril 1341). Jean, -comte de Montfort, frère de père de Jean III, est reçu comme duc à -Nantes au mépris des prétentions de Jeanne, nièce du roi de France par -son mariage avec Charles de Blois et dont le père Gui, comte de -Penthièvre, était frère de Jean III de père et de mère. P. 86 à 88, 265 -à 269. - -Jean de Montfort, après s'être emparé de Limoges et des trésors de Jean -III, revient à Nantes où il convoque à une grande fête les nobles et -prélats de Bretagne. Les bourgeois et conseillers des bonnes villes se -rendent à cet appel, mais non les grands barons qui, sauf Hervé de -Léon[250], sont à peu près tous partisans de Charles de Blois. Jean de -Montfort distribue à ses fidèles le trésor trouvé à Limoges. P. 89 et -90, 269 à 271. - - [250] Les chefs du parti de Montfort étaient, outre Hervé de - Léon, le seigneur de Pont-l'Abbé (Finistère, arr. Quimper), - Geffroi de Malestroit (Morbihan, arr. Ploërmel), Tanneguy du - Châtel (la terre et seigneurie du Châtel était située dans - l'ancien diocèse de Saint-Pol-de-Léon), Henri de Kaër (fief situé - sur le territoire de Vannes), Yvon de Trésiguidy (Finistère, arr. - Châteaulin, hameau de la commune de Pleuben), Hervé seigneur de - Névez (Finistère, arr. Quimperlé, c. Pont-Aven), Alain de - Kerlévénan (Morbihan, arr. Vannes, hameau de la commune de - Sarzeau); on voit que les principaux partisans de Montfort - appartenaient à la Bretagne bretonnante. - -Prise du fort château de Brest par Jean de Montfort après une héroïque -défense de (Gautier[251]) de Clisson. P. 90 à 93, 271 à 275. - - [251] Jean le Bel et Froissart donnent à ce chevalier le prénom - de _Garnier_; les historiens de Bretagne l'appellent Gautier. - -Siége de Rennes par Jean de Montfort. Henri de Spinefort[252], -capitaine de la ville, est fait prisonnier dans une sortie. Le comte de -Montfort menace de faire pendre ce chevalier si Rennes ne lui ouvre ses -portes. Lutte entre les grands bourgeois qui sont d'avis de résister et -les gens du commun qui veulent faire leur soumission. La ville finit -par se rendre, et Henri de Spinefort se range parmi les partisans de -Jean de Montfort. P. 93 à 96, 275 à 280. - - [252] La maison de Spinefort était une «noble et ancienne maison - de Bretagne, au diocèse de Vannes, en la paroisse de Languidic - (Morbihan, arr. Lorient, c. Hennebont), à peu de distance de - Hennebont.» Voy. _Les vies des saints de la Bretagne_, par Albert - le Grand, éd. de M. Miorcec de Kerdannet, p. 38 et 39. - -Prise d'Hennebont[253], fort château et bon port de mer, due à une -surprise faite à Olivier de Spinefort, capitaine de cette place, par -son frère Henri de Spinefort.--Reddition de Vannes.--Levée du siége mis -pendant dix jours devant la Roche-Piriou[254].--Reddition de -Suscinio[255].--Reddition du château d'Auray[256] par Geffroi de -Malestroit et Yvon de Trésiguidy qui prêtent serment de fidélité au -comte de Montfort.--Reddition de la Forest[257] dont le capitaine est -un ancien compagnon d'armes d'Hervé de Léon en Grenade et en -Prusse.--Reddition de Carhaix[258] où s'était enfermé un évêque qui en -était seigneur[259]. Cet évêque, oncle d'Hervé de Léon, se décide, sur -les instances de son neveu, à faire sa soumission au comte de Montfort. -P. 97 à 100, 280 à 285. - - [253] Morbihan, arr. Lorient. - - [254] Aujourd'hui hameau de la commune de Priziac, Morbihan, arr. - Napoléonville, c. le Faouët. - - [255] Aujourd'hui hameau de la commune de Sarzeau, Morbihan, arr. - Vannes. - - [256] Morbihan, arr. Lorient. - - [257] Jean le Bel, dont Froissart reproduit ici le texte à peu - près mot à mot, appelle cette localité _la Forest_ (t. I, p. - 236). Ogée et Albert le Grand identifient le _la Forest_ de Jean - le Bel et le _Goy-la-Forêt_ de Froissart avec la Forest, - Finistère, arr. Brest, c. Landerneau. «Le château de la Forêt, - dit Ogée, fut assiégé en 1341 par le comte de Montfort. C'était - une place forte qui appartenait au vicomte de Rohan, partisan de - Charles de Blois.» _Dictionnaire historique et géographique de la - Bretagne_, t. II, p. 305, au mot _La Forêt_. Le nom breton est - _Gouëlet-Forest_; il figure dans le passage suivant d'une vie de - saint Ténenan: - - Poulzet ouënt gant eun avel gré, - Ractal, é rivier Landerné, - Quen e errusont, gant o lestr, - Dindan Castel-_Gouëlet-Forest_. - - V. Albert le Grand, éd. de M. Miorcec de Kerdannet, p. 403, en - note. Du breton _Gouëlet-Forest_ Froissart a fait Goy-la-Forêt. - - [258] Finistère, arr. Châteaulin. - - [259] Gui de Léon. - -Siége de Jugon[260] par le comte de Montfort. Amauri de Clisson, -capitaine de la garnison, et plus de cent vingt bourgeois de la ville, -sont faits prisonniers dans une sortie par Olivier et Henri de -Spinefort accourus au secours d'Yvon de Trésiguidy. La ville de -Jugon, contre laquelle le comte de Montfort a fait dresser quatre -engins amenés de Rennes, est obligée de se rendre; Amauri de Clisson -prête serment de fidélité au comte de Montfort, qui assigne à ce -chevalier cinq cents livres de terre et le retient de son conseil. -Le vainqueur laisse comme châtelain à Jugon Garnier de Trésiguidy, -cousin d'Yvon.--Reddition de Dinan.--Siége infructueux de -Josselin[261].--Reddition du château de Ploërmel.--Reddition sous -condition de Mauron[262] après douze jours de siége. P. 285 à 291. - - [260] Côtes-du-Nord, arr. Dinan. - - [261] Morbihan, arr. Ploërmel. - - [262] Morbihan, arr. Ploërmel. - - - - -CHAPITRE XLIV. - - 1341. VOYAGES DU COMTE DE MONTFORT EN ANGLETERRE, PUIS A - PARIS[263] (§§ 144 à 146). - - [263] Cf. Jean le Bel, chap. XLVI et XLVII, t. I, p. 236 à 242. - - -Le comte de Montfort se fait partout reconnaître comme duc de Bretagne. -Cependant les seigneurs de Clisson[264], de Tournemine, de -Quintin[265], de Beaumanoir[266], de Laval, de _Gargoule_, de -Lohéac[267], d'Ancenis, de Retz, de Rieux[268], d'Avaugour[269], -refusent d'obéir au nouveau duc; quelques-uns de ces seigneurs -quittent la Bretagne, soit pour guerroyer à Grenade et en Prusse, soit -pour entreprendre le pèlerinage d'outre-mer. P. 291. - - [264] Loire-Inférieure, arr. Nantes. - - [265] Côtes-du-Nord, arr. Saint-Brieuc. - - [266] Aujourd'hui hameau de la commune d'Evran, Côtes-du-Nord, - arr. Dinan. - - [267] Ille-et-Vilaine, arr. Redon, c. Pipriac. - - [268] Morbihan, arr. Vannes, c. Allaire. - - [269] Jeanne, femme de Charles de Blois, avait pour mère Jeanne - d'Avaugour, mariée à Gui, comte de Penthièvre, fille et héritière - de Henri seigneur d'Avaugour. Un petit hameau de la commune de - Saint-Péver, Côtes-du-Nord, arr. Guingamp, c. Plouagat, porte - encore aujourd'hui le nom illustré par cette famille qui - descendait d'Eude comte de Bretagne. - -Jean de Montfort comprend la nécessité de se faire un allié puissant -qu'il puisse opposer au roi de France, oncle et allié naturel de -Charles de Blois. C'est pourquoi il s'embarque à _Gredo_[270] (Redon) -en basse Bretagne pour l'Angleterre, arrive en Cornouaille et débarque -au port de _Cepsée_; de là, il se rend à Windsor auprès d'Édouard III. -Le comte de Montfort fait hommage lige pour le duché de Bretagne au roi -d'Angleterre qui promet en retour d'aider et de défendre son vassal -contre tous, spécialement contre le roi de France; puis il retourne à -Nantes, comblé des présents et des faveurs d'Édouard III[271]. P. 100 à -102, 291 à 298. - - [270] Dom Morice conjecture (_Hist. de Bretagne_, t. I, p. 248) - que Froissart a voulu désigner ici Roscoff; mais, comme l'a fait - remarquer Dacier, il y a bien peu d'analogie entre _Gredo_ et - _Roscoff_. Dacier propose de lire _Coredou_, village sur le bord - d'une petite anse à l'ouest de Saint-Pol-de-Léon, et - l'identification de _Gredo_ avec _Coredou_ a été adoptée par - Buchon (t. I, éd. du Panthéon, p. LIV). Il nous a été impossible - de retrouver exactement, soit dans les dictionnaires, soit sur - les cartes, le _Coredou_ de Dacier. Le nom de ce port est écrit - _Grendo_ dans Jean le Bel (v. t. I, p. 236). D'après la deuxième - rédaction ou ms. d'Amiens (v. p. 291) Jean de Montfort se serait - embarqué à Guérande, et d'après la troisième rédaction ou ms. de - Rome (v. p. 295) à Vannes. En proposant d'identifier _Gredo_ avec - _Redon_, nous nous fondons principalement sur le passage suivant - de la troisième rédaction ou ms. de Rome: «....et vinrent ariver - à _Grède, au plus proçain port de Vennes et de Rennes_.» P. 391. - D'ailleurs, même en ce qui concerne la première rédaction, 10 - mss. sur 33, les mss. 23 à 33 donnent la variante _Redon_ pour - _Gredo_ (voy. p. 397). L'addition d'un g parasite dans _Gredo_ - s'est faite comme dans _grenouille_, de _ranuncula_. Redon a un - port sur la Vilaine accessible aux navires de médiocre grandeur. - - [271] Par acte daté de Westminster le 24 septembre 1341, Édouard - III donne le comté de Richmond avec toutes ses dépendances à son - très-cher cousin Jean duc de Bretagne et comte de Montfort, en - témoignage de l'alliance conclue entre lui et le dit Jean et - aussi en dédommagement du comté de Montfort confisqué par - Philippe de Valois (Rymer, _Foedera_, vol. II, p. 1176). On ne - trouve du reste aucune trace dans les pièces publiées par Rymer - de l'hommage du duché de Bretagne qui aurait été fait dans cette - circonstance par Jean de Montfort à Édouard III. - -Le vicomte de Rohan, les seigneurs de Clisson, d'Avaugour et de -Beaumanoir se rendent en France et informent Charles de Blois des -succès de Jean de Montfort. Charles de Blois implore contre son -compétiteur l'appui du roi de France son oncle. Philippe de Valois, de -l'avis des pairs et grands barons de son royaume, prend le parti de -mander à Paris l'adversaire de son neveu; les seigneurs de Mathefelon, -de Gaussan et Grimouton de Chambly[272], vont à Nantes notifier au -comte de Montfort la volonté du roi de France. Jeanne de Montfort -conseille à son mari de ne pas répondre à l'appel de Philippe de -Valois. Cependant, le comte de Montfort, après avoir hésité quelque -temps, vient à Paris où il fait son entrée en somptueux équipage et -avec une suite de plus de trois cents chevaux. P. 102, 103, 298 à 300, -302, 303. - - [272] D'après le ms. de Rome (v. p. 302), les messagers furent - les seigneurs de Montmorency et de Saint-Venant. - -L'entrevue du comte avec le roi de France a lieu dans une grande -chambre du palais décorée de magnifiques tapisseries. Aux côtés du roi -siégent le comte d'Alençon son frère, le duc de Normandie son fils, -Eude, duc de Bourgogne et Philippe de Bourgogne, fils du duc, le duc de -Bourbon, Jacques de Bourbon alors comte de Ponthieu, les comtes de -Blois, de Forez, de Vendôme et de Guines, les seigneurs de Coucy, de -Sully, de Craon, de Roye, de Saint-Venant, de Renneval et de Fiennes. -Philippe de Valois reproche à Jean de Montfort d'avoir fait hommage du -duché de Bretagne à Édouard III. Le comte répond que ce reproche n'est -nullement fondé, mais en même temps il maintient la légitimité de ses -prétentions à l'héritage de Bretagne. Le roi enjoint à Jean de Montfort -de ne pas quitter Paris avant quinze jours et d'attendre que les pairs, -chargés d'examiner la question pendante entre lui et Charles de Blois, -aient décidé de quel côté est le bon droit. Découragé par un accueil -aussi défavorable, le comte de Montfort estime prudent de ne pas -attendre le jugement des pairs. Un soir, il prend l'habit d'un de ses -ménestrels, monte à cheval sans autre suite qu'un valet de ménestrel, -et à la faveur de ce déguisement, s'échappe à la dérobée de Paris dont -on ne fermait point alors les portes; pendant que ses chambellants font -courir le bruit que leur maître est couché malade dans son lit, il -regagne en toute hâte la Bretagne et va rejoindre à Nantes la comtesse -sa femme. P. 103 à 105, 300 à 302, 303 à 306. - -Le roi de France et Charles de Blois sont furieux quand ils apprennent -que le comte de Montfort vient de s'échapper de leurs mains. Les pairs -et grands barons, réunis en conseil pour statuer sur les prétentions -respectives de Charles de Blois et de Jean de Montfort à l'héritage de -Bretagne, se prononcent tout d'une voix en faveur de Charles de Blois; -ils fondent leur jugement sur deux considérants principaux. 1º Jeanne, -femme de Charles de Blois, à titre de fille unique de Gui, comte de -Penthièvre, frère de père et de mère de Jean III, duc de Bretagne, -dernièrement mort, a plus de parenté avec le dit duc que Jean de -Montfort, qui est seulement frère de père de Jean III[273]; 2º -d'ailleurs le comte de Montfort, même en supposant qu'il y ait quelque -chose de fondé dans ses prétentions, est atteint de forfaiture, d'abord -pour avoir relevé le duché d'un seigneur autre que le roi de France de -qui on le doit tenir en fief, ensuite pour avoir transgressé les ordres -et cassé l'arrêt de son suzerain en quittant Paris sans congé[274]. P. -105 et 106. - - [273] Nous avons corrigé ici Froissart qui dit, sans doute par - inadvertance, que Jean de Montfort n'était pas issu du même père - que le feu duc de Bretagne et son frère le comte de Penthièvre. - La vérité est, comme l'indique notre chroniqueur dans un des - chapitres précédents, que Jean III, duc de Bretagne, et Gui comte - de Penthièvre étaient sortis d'un premier mariage d'Arthur II duc - de Bretagne avec Marie vicomtesse de Limoges, tandis que Jean de - Montfort devait le jour à un second mariage d'Arthur II avec - Iolande de Dreux. - - [274] L'arrêt rendu en faveur de Charles de Blois «in curia - nostra, in magno consilio nostro Parium Franciæ, prælatorum, - baronum aliorumque...» est daté de Conflans le 7 septembre 1341. - V. _Mémoires pour servir de preuves à l'histoire de Bretagne_, - par dom Morice, t. I, col. 1421 à 1424. Froissart se trompe sur - les considérants de cet arrêt. Il n'y est fait mention que des - raisons et des exemples allégués par Charles de Blois, d'une - part, pour prouver qu'en Bretagne les représentants du frère - aîné, lorsqu'il s'agissait d'une succession noble, la - recueillaient au préjudice du frère cadet; et par le comte de - Montfort, d'autre part, pour établir le contraire. - -Charles de Blois, confiant en son droit après le jugement prononcé en -sa faveur, assuré en outre de l'appui du roi de France, entreprend de -reconquérir à main armée son duché de Bretagne. Le duc de Normandie est -adjoint à son cousin comme chef de l'expédition projetée. Les -principaux barons qui s'engagent à faire partie de cette expédition, -sont le comte d'Alençon, oncle de Charles de Blois, le duc de -Bourgogne, le comte de Blois, frère de Charles, le duc de Bourbon, -Louis d'Espagne, Jacques de Bourbon, le comte d'Eu, connétable de -France et le comte de Guines, son fils, le vicomte de Rohan, les comtes -de Forez, de Vendôme et de Dammartin, les seigneurs de Coucy, de Craon, -de Beaujeu, de Sully et de Châtillon. On fixe à Angers le rassemblement -général. P. 106 et 107, 306 et 307. - - - - -CHAPITRE XLV. - - 1341. EXPÉDITION DU DUC DE NORMANDIE ET DE CHARLES DE BLOIS EN - BRETAGNE[275] (§§ 147 à 150). - - [275] Cf. Jean le Bel, chap. XLVII, t. I, p. 243 à 249. - - -Le duc de Normandie, le comte d'Alençon, les ducs de Bourgogne, de -Bourbon et les autres barons et chevaliers dont Charles de Blois s'est -assuré le concours, se rendent à Angers, où rendez-vous général a été -donné à tous les gens d'armes qui doivent faire partie de l'expédition -de Bretagne. Toutes ces forces réunies s'élèvent à cinq mille armures -de fer, sans compter trois mille Génois sous les ordres d'Ayton Doria -et de Charles Grimaldi. Le Galois de la Baume commande aussi une -nombreuse troupe de bidaus et d'arbalétriers. Cette armée chevauche en -trois batailles. La première, composée de cinq cents lances, marche -sous les bannières de Louis d'Espagne, du vicomte de Rohan, des -seigneurs d'Avaugour, de Clisson et de Beaumanoir. La plus forte -bataille est celle du duc de Normandie[276], où se trouvent les plus -puissants seigneurs de l'armée, notamment les comtes d'Alençon et de -Blois, Charles de Blois lui-même qui prend le titre et les armes de duc -de Bretagne, et a fait hommage et féauté pour ce duché au roi de -France. Raoul, comte d'Eu, connétable de France, est à la tête de la -troisième bataille ou arrière-garde avec le comte de Guines[277], son -fils, les seigneurs de Coucy, de Montmorency, de Quintin et de -Tournemine. P. 107, 108, 307, 308. - - [276] «Le voyage de Bretagne et l'ost devant Nantes fait par le - duc de Normandie et les establies après ensuivant le dit voyage, - commençant 26 septembre 1341, finant 6 mai 1342: Eude duc de - Bourgoigne, Gaucher duc d'Athènes, le comte de Joigny, Jean de - Chalon, André de Chauvigny, Gile sire de Soocourt, Bernart sire - de Morueil, Rogue sire de Hangest, Jean de Chastillon, Charles - sire de Montmorency.... Arnaut de la Vie sire de Villemur, Hue de - Bouville, G. de Craon, Hue sire de Faignoles, Robert Bertran - mareschal de France, Payen de Mailly, Jean de Vienne, Regnaut - sire de Honcourt, Godefroy de Nast, etc....» V. De Camps, portef. - 83, fos 452 à 453 vo. - - [277] «La retenue des gens d'armes de l'hostel de nous Raoul, - comte de Eu, connestable de France, qui avecques nous ont esté en - Bretaingne en la compaignie mgr le duc de Normandie _ès mois - d'octobre et de novembre_ 1341. Nous connestable, 1 bann., 4 chv. - bach. et 53 esc.; venus du comté d'Eu _à Angers_.. Pour nostre - bannière, Tassart de Basinguehan--Raoul comte de Guisnes nostre - fil, chev. bann.; pour sa bannière, Bertaut d'Outreleaue.» De - Camps, 83, fo 416. - - Les principaux chevaliers de la bataille du comte d'Eu sont: Jean, - seigneur de Walencourt, chev. bann., 2 chev. bach. et 15 esc., - venus de Wallaincourt en Cambraisis;--Drieu de Mello, chev., 3 - esc., venus de Saint Brice en Aucerrois;--Guillaume de Merlo, - chev., 3 esc., venus de Poisse en Aussay;--Gieffroy de Charny, - chev., 3 esc., venus de Pierrepertuis sous Vezelay;--Ferry de - Chardoingne, chev., 6 esc., venus d'Oupie en l'évesché de - Verdun;--Loys de Corbon, chev., 8 esc., venus de Guion en - Barrois;--Jean Mauvoisin, chev., 2 esc., venus d'auprès Vernon en - Normandie;--Philippe de Pont, chev., 3 esc., venus d'Aencourt prez - d'Arche en Normandie;--Guillaume de Villers, 2 esc., venus de - Villers en Vimeu;--Philippe de Buissy, chev., 2 esc., venus de - Savoye;--Jean de Landas, Baudoin de Bavelinguen, Jean de Dargny, - Jean Maquerel, Gieffroy du Forestel;--Robert le Thyoys, chev., 3 - esc., venus de Gisors.» De Camps, 83, fos 416 à 419. - -Les Français passent par Ancenis et viennent mettre le siége devant -Champtoceaux, qui est de ce côté la clef et l'entrée de Bretagne. Cette -forteresse, assise sur un monticule au pied duquel coule une grosse -rivière (la Loire), a pour capitaines et gardiens deux chevaliers de -Lorraine, nommés Mile et Valerand[278]. Le duc de Normandie fait -combler les fossés par les paysans des environs, tandis qu'on construit -un château de bois monté sur douze roues qui peut bien contenir deux -cents hommes d'armes et cent arbalétriers. Ce château de bois, tout -pourvu d'assaillants, est amené à force de bras jusque contre les -remparts de Champtoceaux. L'énorme machine se compose de trois étages: -à l'étage le plus élevé se tiennent les gens d'armes, au second les -arbalétriers, et tout en bas les sapeurs qui démolissent les murs par -la base. Les assiégeants livrent, avec l'aide de cet engin, un assaut -terrible qui coûte beaucoup de monde aux assiégés et leur fait dépenser -toute leur artillerie. Les gens d'armes de la garnison, découragés, -rendent Champtoceaux, sauve leur vie et leurs biens[279]. P. 108, 100, -309 à 310. - - [278] Champtoceaux, Maine-et-Loire, arr. Cholet, sur la rive - gauche de la Loire. Les ruines du château de Champtoceaux - couvrent encore aujourd'hui les flancs d'un monticule situé à - moins de cent mètres du lit de la Loire. - - [279] Le siége de Champtoceaux dura au moins depuis le 10 octobre - jusqu'au 26 du même mois: «Robert de Marigny esc. fait chev. - nouviaus _à Chantociaus le 10 octobre_, 5 esc., venus de - Triestrieux lez Beauvais.» De Camps, 83, fo 419--«Jean de - Honnecourt escuier fait chevalier nouveau _à Cantociaus le 26 - octobre_.» _Ibid._, fo 417. - -Le duc de Normandie, chef suprême de l'expédition, livre Champtoceaux à -Charles de Blois, son cousin, qui laisse dans cette forteresse comme -châtelain un chevalier nommé Rasse de Guingamp. Puis les Français -prennent le chemin de Nantes, où le comte de Montfort s'est enfermé. -Sur la route, ils s'emparent de Carquefou[280], place située près de -Nantes, entourée de fossés et de palissades, mais dont la garnison, qui -ne se compose que de vilains, ne peut tenir tête aux arbalétriers -génois; la ville est prise et pillée; beaucoup des gens qu'on y trouve -sont passés au fil de l'épée; on met le feu aux maisons, dont la moitié -est la proie des flammes. P. 110, 310, 311, 313. - - [280] Loire-Inférieure, arr. Nantes. Carquefou n'est qu'à 10 - kilomètres de Nantes. - -L'armée du duc de Normandie vient camper devant Nantes et investit -cette grande cité que traverse la Loire, très large en cet endroit. -Jean de Montfort a laissé à Rennes la comtesse sa femme et s'est -enfermé dans Nantes avec Hervé de Léon, Henri et Olivier de Spinefort, -Yvon de Trésiguidy et plusieurs autres chevaliers et écuyers qui l'ont -reconnu comme duc de Bretagne. La cité est forte, bien fermée, -abondamment pourvue de vivres et d'artillerie; en outre, le comte est -très-aimé des bourgeois de Nantes. Pleinement rassuré sur l'issue d'un -siége soutenu dans ces conditions, Jean de Montfort invite les -habitants à se tenir sur la défensive: la saison est trop avancée pour -que le siége puisse durer longtemps. Malgré cette injonction, Hervé de -Léon, à la tête d'une troupe de deux cents armures de fer, la plupart -jeunes bourgeois de Nantes, fait un jour, de grand matin, une sortie -par la poterne de Richebourg[281], pour surprendre un convoi de vivres -destiné aux assiégeants; il s'empare d'environ trente sommiers, mulets -et roncins, et de quinze charrettes remplies de vin et de farine. Une -troupe de cinq cents gens d'armes français commandés par Louis -d'Espagne accourt pour reprendre ce butin; et Hervé de Léon ne parvient -à garder sa proie qu'en fermant précipitamment les portes en dehors -desquelles il laisse deux cents de ses compagnons qui sont tués ou -faits prisonniers. Les parents de ces malheureux sont transportés de -fureur, et Hervé de Léon encourt pour ce fait la disgrâce du comte de -Montfort. P. 110 à 112, 311 à 315. - - [281] La poterne de Richebourg, qui donnait accès dans le - faubourg de ce nom, était située au nord-est de Nantes, sur la - rive droite de la Loire, entre l'Erdre et ce fleuve. - -Un certain nombre de bourgeois de Nantes, parents et amis des gens -d'armes faits prisonniers par Louis d'Espagne, entrent en pourparlers -avec les assiégeants à l'insu de Jean de Montfort, et conviennent de -laisser la poterne de Sauve[282] ouverte aux Français qui pénètrent -ainsi dans la ville un matin sans coup férir. Ils vont droit au château -de Nantes où ils trouvent le comte de Montfort encore endormi et le -font prisonnier. Henri et Olivier de Spinefort, Yvon de Trésiguidy -parviennent à s'échapper. La rumeur publique voit dans la trahison dont -le comte de Montfort est victime en cette circonstance la main de Hervé -de Léon qui se serait vengé ainsi du blâme sévère que le comte lui -avait infligé quelques jours auparavant. Ce qui est certain, c'est que -Hervé est épargné lui et les siens par Charles de Blois, auquel il fait -féauté et hommage comme à son seigneur, et qu'il reconnut depuis lors -comme duc de Bretagne. P. 112, 113, 315 à 319. - - [282] La poterne de Sauve, anciennement appelée de Sauve Tour, - qui donnait accès dans le Bourgneuf, était située sur la rive - droite de la Loire comme la poterne de Richebourg, un peu à - l'ouest de cette dernière, près de la rivière d'Erdre. Une - indication de détail sur la topographie de Nantes aussi précise - que celle des deux poternes de Richebourg et de Sauve semble due - à des souvenirs personnels. Quoi qu'il en soit, il est à - remarquer que cette indication ne se trouve que dans la troisième - et dernière rédaction du premier livre des _Chroniques_ - représentée par le ms. de Rome. - -Les Français se rendent ainsi maîtres de Nantes aux environs de la -Toussaint[283] l'an 1341. A l'occasion de cette solennité, le duc de -Normandie et Charles de Blois tiennent cour plénière au château de -Nantes, où ils donnent des fêtes qui durent quatre jours. Là, le -vicomte de Rohan, les seigneurs de Clisson, d'Ancenis, de Beaumanoir, -de Malestroit, d'Avaugour, de _Gargoule_, de Quintin, de Léon, de -Dinan, de Retz, de Rieux et bien quarante chevaliers bretons des -environs de Nantes font féauté et hommage au mari de Jeanne de -Penthièvre et le reconnaissent comme leur duc. Charles de Blois reste à -Nantes pour y passer l'hiver avec plusieurs vaillants chevaliers de son -lignage. Le reste de l'armée se disperse après avoir promis au nouveau -duc de revenir en Bretagne l'été prochain, si besoin est. Le duc de -Normandie retourne à Paris, emmenant avec lui[284] le comte de Montfort -qu'il remet entre les mains du roi de France. Philippe de Valois fait -enfermer son prisonnier au château du Louvre; on dit même qu'il -l'aurait fait mourir, si Louis de Nevers, comte de Flandre, n'avait -intercédé pour son beau-frère. P. 114, 318, 320 à 322. - - [283] Froissart a varié dans ses diverses rédactions sur la date - de la reddition de Nantes: dans la première rédaction (v. p. - 113), cette date est fixée aux environs de la Toussaint, dans la - troisième (v. p. 319) à la nuit de la Toussaint, dans la deuxième - (v. p. 318) au 20 octobre. Ce qui est certain, c'est que les - Français occupaient Nantes dès le 21 novembre. En vertu d'une - charte datée du 21 novembre 1341, une imposition de 4 deniers - pour livre sur l'achat et la vente des denrées fut établie à - Nantes par Robert Bertran, sire de Bricquebec, maréchal de - France, capitaine pour le roi ès parties de Bretagne, et par - Olivier, évêque de Nantes. _Mémoires pour servir de preuves à - l'histoire de Bretagne_, par Morice, t. I, col. 1429. - - [284] D'après la deuxième rédaction (v. p. 317), l'arrivée du - comte de Montfort à Paris aurait précédé le retour du duc de - Normandie. D'après les première (v. p. 114) et troisième (v. p. - 321) rédactions, au contraire, c'est le duc de Normandie lui-même - qui, au retour de son expédition en Bretagne, aurait amené à - Paris le compétiteur de Charles de Blois et l'aurait livré au roi - de France. Cette dernière version est d'autant plus vraisemblable - que, selon Froissart, le duc de Normandie et les seigneurs - français quittèrent Nantes pour retourner dans leurs foyers _peu - après la Toussaint_; or il est certain que le comte de Montfort - était encore à Nantes le 18 décembre, date d'une lettre qu'il - écrivit à «ses petits bacheliers» Tanneguy du Châtel, Geffroi de - Malestroit et Henri de Kaër. _Preuves de l'hist. de Bretagne_, - par Morice, t. I, col. 1428. - -Charles de Blois écrit aux habitants de Rennes, de Vannes, de -Quimperlé, de Quimper-Corentin, d'Hennebont, de Lamballe[285], de -Guingamp, de Dinan, de Dol[286], de Saint-Mathieu[287], de Saint-Malo, -de venir à Nantes lui prêter serment de fidélité comme à leur duc; mais -la plupart de ces villes prennent parti pour la comtesse de Montfort -qui apprend à Rennes[288] que son mari est tombé aux mains de ses -ennemis. A cette nouvelle, la comtesse, femme au cœur d'homme et de -lion, rassemble ses partisans, leur présente son jeune fils Jean âgé -de sept ans, et se met à chevaucher de forteresse en forteresse à la -tête de cinq cents lances, renforçant partout les garnisons, payant -très-largement les gages de ses gens d'armes et réchauffant par tous -les moyens le zèle des Bretons restés fidèles à sa cause. Elle renforce -surtout la garnison de Rennes, car elle prévoit que ce sera la première -ville que viendra assiéger Charles de Blois; et elle met dans cette -place comme capitaine un vaillant chevalier et de bon conseil, -très-attaché à elle et à son mari, nommé Guillaume de Cadoudal, Breton -bretonnant. Puis elle va, en compagnie de son fidèle Amauri de Clisson, -qui ne la quitte pas, s'enfermer dans Hennebont, fort château et bon -port de mer, afin d'assurer en cas de besoin ses communications avec -l'Angleterre. P. 114, 115, 320 à 324. - - [285] Côtes-du-Nord, arr. Saint-Brieuc. - - [286] Ille-et-Vilaine, arr. Saint-Malo. - - [287] Aujourd'hui hameau de la commune de Plougonvelin, - Finistère, arr. Brest, c. Saint-Renan. - - [288] D'après le ms. de Rome (v. p. 320), c'est à Vannes, au - château de La Motte, non à Rennes, que la comtesse de Montfort - aurait appris que son mari était tombé aux mains des Français. - - - - -CHAPITRE XLVI. - -1341 et 1342. GUERRE EN ÉCOSSE[289] (§§ 151 à 161). - - [289] Cf. Jean le Bel, chap. XLVIII à LI, t. I, p. 251 à 275. - -1341. Continuation des hostilités entre l'Angleterre et l'Écosse: prise -de Stirling par les Écossais.--Trêve entre l'Angleterre et -l'Écosse.--Retour de David Bruce dans son royaume[290]. P. 116 à 120, -324 à 329. - - [290] David II, accompagné de Jeanne d'Angleterre sa femme, - débarqua à Inverbervic dans le comté de Kincardine, le 4 mai - 1341. - -Incursions de David Bruce et des Écossais dans le Northumberland et -l'évêché de Durham: siége de Newcastle.--Prise de Durham. P. 120 à 124, -329 à 335. - -Édouard III fait ses préparatifs[291] pour marcher contre les Écossais -qui, tout en effectuant leur retraite le long de la Tyne dans la -direction de Carlisle, mettent le siége devant un château où la -comtesse de Salisbury se tient enfermée[292].--Les Écossais livrent un -assaut infructueux, mais la garnison du château est bientôt réduite à -la dernière extrémité.--Le capitaine de cette garnison, Guillaume de -Montagu, réussit à traverser pendant la nuit les lignes ennemies pour -aller à York demander du secours à Édouard III.--Aussitôt qu'ils -apprennent que le roi d'Angleterre marche contre eux à la tête d'une -puissante armée, les Écossais lèvent le siége du château de la comtesse -de Salisbury et se retirent dans les forêts de Jedburgh. P. 124 à 131, -335 à 338. - - [291] Le mandement du roi d'Angleterre pour faire assembler à - Newcastle-upon-Tyne le 24 janvier 1342 les troupes qui doivent - marcher contre les Ecossais, est daté de Newcastle-upon-Tyne le 4 - décembre 1341. V. Rymer, _Fœdera_, vol II, p. 1183 et 1184. - - [292] Froissart veut sans doute désigner ici le château de Wark, - situé entre Newcastle et Carlisle, sur la rive gauche de la Tyne, - qui appartenait au comte de Salisbury. - -1342. Édouard III au château de la comtesse de Salisbury.--Passion du -roi d'Angleterre pour la belle comtesse. P. 131 à 135, 339 à 340. - -Récit d'une partie d'échecs entre le roi et la comtesse. P. 340 à 342. - -Édouard III poursuit les Écossais jusque au delà de Berwick.--Nouvelle -trêve entre les Anglais et les Écossais[293].--Le roi d'Angleterre -renvoie le comte de Murray son prisonnier au roi d'Écosse en échange du -comte de Salisbury mis en liberté par le roi de France[294]. P. 135 à -137, 342 à 347. - - [293] Les pouvoirs donnés par Édouard III pour traiter avec les - ambassadeurs de David Bruce, soit de la paix, soit seulement - d'une trêve, sont datés des 20 mars et 3 avril 1342. V. Rymer, - _Fœdera_, vol. II, p. 1189, 1190 et 1191. Édouard III était de - retour à Londres le 20 février 1342 (Rymer, _ibid._, p. 1187), - après avoir demeuré sur les frontières de l'Ecosse depuis le - commencement de novembre 1341. - - [294] Philippe de Valois ne consentit à remettre en liberté le - comte de Salisbury qu'à la condition qu'il jurerait de ne porter - jamais les armes contre la France. Le comte sollicita la - permission de faire ce serment, et Édouard la lui accorda par - lettres datées du 20 mai 1342. Par conséquent, le comte de - Salisbury ne put être de retour en Angleterre que vers le - commencement du mois de juin au plus tôt. V. Rymer, _Fœdera_, - vol. II, p. 1195. - - - - -CHAPITRE XLVII. - - 1342. SIÉGE ET PRISE DE RENNES PAR CHARLES DE BLOIS.--SIÉGE - D'HENNEBONT: DÉFENSE HÉROÏQUE DE JEANNE DE MONTFORT; LEVÉE DU - SIÉGE PAR LES FRANÇAIS A LA SUITE DE L'ARRIVÉE DE GAUTIER DE - MAUNY ET DES ANGLAIS[295] (§§ 162 à 169). - - [295] Cf. Jean le Bel, chap. LII à LVII, t. I, p. 277 à 295. - - -Au printemps de 1342, les seigneurs français qui ont fait partie de -l'expédition de Bretagne l'année précédente, reviennent à Nantes où -Charles de Blois a passé l'hiver. La lutte est plus vive que jamais -entre les deux partis qui se disputent la Bretagne. La comtesse de -Montfort tient, comme on l'a dit plus haut, garnison dans Hennebont, -mais elle a eu soin d'établir Guillaume de Cadoudal comme capitaine à -Rennes et de pourvoir cette place d'artillerie et d'approvisionnements -de toute sorte. L'armée de Charles de Blois, forte de six mille hommes -d'armes et de douze mille soudoyers à lances et à pavois, met le siége -devant Rennes. Ayton Doria et Charles Grimaldi commandent les -arbalétriers génois. Rennes avait alors de grands faubourgs auxquels le -capitaine de la ville est obligé de faire mettre le feu pour pourvoir -aux nécessités de la défense. Les efforts des assiégeants, surtout des -Génois et des Espagnols, très-nombreux dans l'armée de Charles de -Blois, réduisent bientôt la garnison de Rennes à la situation la plus -critique. P. 137 à 139, 347 à 349, 351, 352. - -La comtesse de Montfort, qui se tient enfermée dans Hennebont, envoie -son fidèle Amauri de Clisson[296] demander du secours à Édouard III. Le -roi anglais fait bon accueil au messager de Jeanne de Montfort et -charge Gautier de Mauny de se rendre en Bretagne à la tête de trois -cents lances et de deux mille archers d'élite pour porter secours à la -comtesse. Amauri de Clisson, Gautier de Mauny et le corps d'auxiliaires -anglais se mettent en mer et cinglent vers Hennebont; mais la flotte -qui les porte, assaillie par les vents contraires, erre au gré des -vents pendant plus de soixante jours avant de pouvoir aborder en -Bretagne, et ce retard plonge Jeanne de Montfort dans une angoisse -mortelle. P. 139 à 141, 350 à 354. - - [296] Le voyage d'Amauri de Clisson en Angleterre doit être peu - antérieur au 10 mars 1342. Le 10 mars 1342, Édouard III ordonne - une levée de cent hommes d'armes et de neuf cents _hobbiliers_ - (hommes d'armes de cavalerie légère, de _hobby_) en Irlande et - charge Gautier de Mauny de prendre possession en son nom de - toutes les forteresses de Bretagne qu'Amauri de Clisson, tuteur - de l'héritier du duché, s'est engagé à lui remettre. Le roi - d'Angleterre reconnaît par deux autres actes, datés aussi du 10 - mars 1342, que Gautier de Mauny a reçu d'Amauri de Clisson un - subside de mille livres sterling et envoie en Bretagne, comme il - a été convenu avec les messagers bretons, _de assensu nunciorum - Britaniæ, ad nos in Angliam destinatorum_, des monnayeurs chargés - de convertir la monnaie anglaise en monnaie bretonne. V. Rymer, - _Fœdera_, vol. II, p. 1188 et 1189. - -Les bourgeois de Rennes, réduits au dernier degré de dénûment, -manifestent l'intention de traiter avec les assiégeants; et comme -Guillaume de Cadoudal, capitaine de la garnison, ne veut entendre -parler d'aucun arrangement, ils le font mettre en prison. Ils traitent -ensuite avec Charles de Blois et conviennent de lui rendre la ville à -la condition que les partisans de Montfort auront la vie sauve et -pourront aller où ils voudront. Cette reddition de Rennes a lieu au -commencement de mai 1342. Guillaume de Cadoudal, à peine mis en -liberté, accourt à Hennebont auprès de la comtesse de Montfort. P. 141, -142, 355, 356. - -Une fois maître de Rennes, Charles de Blois assiége Hennebont[297] où -Jeanne de Montfort s'est enfermée avec ses principaux partisans, Gui, -évêque de Léon, oncle de Hervé de Léon, Yvon de Trésiguidy, le seigneur -de Landerneau, le châtelain de Guingamp, Henri et Olivier de Spinefort. -Jeanne de Montfort, armée de pied en cap, chevauche de rue en rue et -exhorte ses gens à se bien défendre; à la voix de la comtesse, les -dames de la ville elles-mêmes travaillent à défaire les chaussées et du -haut des créneaux font pleuvoir des pierres ou versent des pots pleins -de chaux vive sur les assiégeants. P. 142 à 144, 356 à 359. - - [297] Morbihan, arr. Lorient, sur le Blavet navigable en aval - d'Hennebont pour les navires de moyenne grandeur. _Le 13 juin - 1342_, «en noz tentes devant la ville de _Hambont_» Charles de - Blois donne à Ayton Doire (Doria), damoiseau, en récompense de - ses services dans la guerre de Bretagne, les châteaux de - Châteaulin et de Brélidy et toute la terre confisquée sur Yvon de - Trésiguidy pour crime de forfaiture. Arch. de l'Empire, JJ. 74, - p. 685. - -Pendant un assaut, Jeanne de Montfort, qui observe l'action du haut -d'une tour, s'aperçoit que l'ennemi est sorti en masse de ses -campements et que presque tous les Français sont occupés à attaquer la -ville. Aussitôt elle monte à cheval, se met à la tête de trois cents -cavaliers, sort d'Hennebont par une fausse poterne et court mettre le -feu aux tentes et logis des Français. Ceux-ci, à la vue de leur camp en -flammes, quittent précipitamment l'assaut et tombent sur Jeanne de -Montfort après avoir eu soin de lui couper la retraite. Se voyant -poursuivie par Louis d'Espagne et ne pouvant rentrer dans Hennebont, la -comtesse va se jeter à trois ou quatre lieues de là dans le château de -Brech[298], mais les plus mal montés de ses hommes sont faits -prisonniers par les Français. Cinq jours après cette affaire, Jeanne -de Montfort part vers minuit de Brech avec cinq cents compagnons et -rentre au lever du soleil dans sa bonne ville d'Hennebont, dont les -habitants l'accueillent à son de trompe et avec des transports de joie. -Les assiégeants livrent alors un nouvel assaut qui n'est pas plus -heureux que les précédents. Ce que voyant, les Français prennent le -parti de se diviser en deux corps d'armée. Charles de Blois, le comte -Louis de Blois, son frère, le duc de Bourbon, Jacques de Bourbon, -Robert Bertran, maréchal de France, les comtes d'Eu, de Guines et -d'Auxerre, Charles de Montmorency, Gui de Chantemerle, Hervé de Léon, -le seigneur d'Avaugour et partie des Génois et des Espagnols vont -assiéger le château d'Auray, tandis que Louis d'Espagne, Ayton Doria, -Charles Grimaldi et le restant des Espagnols et des Génois, le vicomte -de Rohan, le comte de Joigny, les seigneurs d'Ancenis, de Tournemine, -de Retz, de Rieux, de _Gargoule_ et le Galois de la Baume maintiennent -le siége devant Hennebont avec l'aide de douze grands engins que l'on -fait venir de Rennes. P. 144 à 147, 359 à 365. - - [298] Jean le Bel, dont Froissart reproduit ici le texte, appelle - ce château _Brayt_ qu'on peut lire _Brayc_ à cause de la - ressemblance du t et du c dans l'écriture du XIVe siècle: «elle - s'en rala par une aultre voye droit au chastel de _Brayc qui - estoit_ A QUATRE LIEUES _de là_.» (_Chronique de Jean le Bel_, - éd. Polain, t. I, p. 284). Jean le Bel ajoute quelques lignes - plus bas et Froissart répète que Jeanne de Montfort, partie à - minuit de Brayc, rentra au point du jour à Hennebont. Aucune de - ces circonstances ne convient à Brest qu'une distance de plus de - trente lieues sépare d'Hennebont. Les anciens compagnons d'armes - de Charles de Blois, de Jeanne de Montfort, de qui Jean le Bel et - Froissart tenaient le récit de cette affaire, ont sans doute - voulu désigner BRECH (Morbihan, arr. Lorient, c. Pluvigner), - situé en effet à environ quatre lieues anciennes d'Hennebont, sur - la voie romaine d'Hennebont à Vannes. Il appartient aux érudits - qui ont fait une étude spéciale de la géographie féodale de la - Bretagne, de nous dire, pour confirmer notre conjecture, s'il y - avait à Brech un château fort au XIVe siècle. - -La garnison du château d'Auray[299] compte deux cents hommes en état de -porter les armes sous les ordres de Henri et d'Olivier de Spinefort. A -quatre lieues d'Auray, Vannes, qui tient aussi pour la comtesse de -Montfort, a pour capitaine Geffroi de Malestroit. Dinan, situé d'un -autre côté et fermé seulement de fossés et de palissades, en l'absence -du châtelain de Guingamp, enfermé dans Hennebont avec Jeanne de -Montfort, est confié à la garde de son fils Renaud de Guingamp. Le -château de la Roche-Piriou[300] entre Vannes et Dinan est au comte de -Blois, et la garnison qui se compose de Bourguignons a pour chefs -Gérard de Mâlain[301] et Pierre Portebœuf. Cette garnison ravage et -pille tout le pays des environs et fait des incursions tantôt du côté -de Vannes, tantôt du côté de Dinan. Un jour que Gérard de Mâlain et -vingt-cinq de ses compagnons ont fait main basse sur quatorze ou quinze -marchands et se sont emparés de leurs marchandises, ils tombent à leur -tour entre les mains de Renaud de Guingamp qui les fait prisonniers et -les amène à Dinan. Cependant Louis d'Espagne redouble ses efforts pour -emporter d'assaut Hennebont, et la détresse des assiégés, qui attendent -en vain le retour d'Amauri de Clisson et l'arrivée des Anglais, est à -son comble. A l'instigation de Gui, évêque de Léon, les défenseurs -d'Hennebont consentent à traiter de la reddition de cette place -moyennant certaines conditions stipulées entre l'évêque Gui[302] de -Léon et son neveu Hervé de Léon rallié à Charles de Blois. Au moment -où Hervé de Léon s'approche de la ville pour entrer en pourparlers avec -les assiégés, la comtesse de Montfort regarde du côté de la mer par une -petite lucarne du château; tout à coup elle voit flamboyer des voiles à -l'horizon. Elle s'écrie alors à deux reprises avec des transports de -joie: «Voici venir, Beau Dieu! le secours que j'ai tant désiré!» A ce -cri, chacun se précipite aux fenêtres et aux créneaux; toute une flotte -apparaît qui cingle à pleines voiles vers Hennebont: c'est Amauri de -Clisson qui arrive enfin avec Gautier de Mauny et les Anglais au -secours de la ville assiégée. P. 147 à 150, 365 à 372. - - [299] Morbihan, arr. Lorient. - - [300] Aujourd'hui hameau de la commune de Priziac, Morbihan, arr. - Napoléonville, c. le Faouët. On lit dans le _Dictionnaire - topographique du Morbihan_, par M. Rosenzweig, p. 236: - «ROCHE-PIRIOU, vill. et moulin à eau sur le Pont-Rouge, comm. de - Priziac; pont sur l'Ellée, reliant Priziac et - Meslan.--Seigneurie.» L'identification du Rocheperiot de - Froissart avec Roche-Piriou peut être faite avec certitude - puisque le chroniqueur dit lui-même un peu plus loin (v. p. 164) - que Rocheperiot ou Roceperiot est situé à moins d'une lieue du - Faouët. Roche-Piriou était le chef-lieu d'une châtellenie qui - dépendait de la grande seigneurie de Guémené, érigée en - principauté en 1570. Le dernier jour de mai 1377, le vicomte de - Rohan acquit de Jean de Longueval «les châteaux, châtellainies et - terroers de Guemenetguinguant et de _la Rocheperriou_.» D. - Morice, _Preuves de l'histoire de Bretagne_, t. II, p. 178. Un - acte d'hommage de 1575 rendu par Louis de Rohan mentionne encore - «l'aplacement de l'ancienne forteresse de son chasteau de la - Roche-Periou.» (_Archives de Nantes_; note communiquée à M. - Kervyn par M. Arthur de La Borderie.) - - [301] Mâlain, Côte-d'Or, arr. Dijon, c. Sombernon. - - [302] Entre Guillaume III, évêque en 1335 et Guillaume IV, évêque - en 1349, l'éditeur du XIVe volume du _Gallia Christiana_ place - Yvon III de Trésiguidy auquel il consacre l'article suivant: «Yvo - sæculari militiæ primo nomen dederat et sub Joannis - Montifortensis vexillis contra Carolum Blesensem pugnaverat. - Dein, deposito gladio, sacris initiatus est creatusque Leonensis - episcopus. Carolo Blesensi, susceptis infulis, amicus fuit anno - 1342 apud Suaresium.» _Gallia Christiana_, t. XIV, ed. Hauréau, - col. 978. Admis par M. Hauréau d'après Suarez, Yvon III de - Trésiguidy est rejeté par Ogée qui ne propose d'ailleurs personne - à sa place: «Quelques-uns donnent pour successeur à Pierre - Bernard un Yves de Trésiguidy qui ne paraît pas admissible.» - _Dict. hist. de Bretagne_, par Ogée, t. IV, p. 371. Enfin, - d'après M. Kervyn (t. IV de son édition des Chroniques de - Froissart, p. 436, en note), Gui de Léon aurait succédé comme - évêque de Léon à Pierre de Guémené. - -Rassurés par ce renfort, les défenseurs d'Hennebont s'empressent de -désavouer les démarches faites par Gui de Léon. Cet évêque, qui se sent -compromis vis-à-vis de la comtesse, quitte la ville pour se rendre au -camp de Louis d'Espagne et se rallier comme son neveu Hervé au parti de -Charles de Blois. Le jour même de son arrivée à Hennebont, Gautier de -Mauny fait une sortie contre les Français et parvient à détruire une -machine qui faisait beaucoup de mal aux assiégés. Louis d'Espagne, -voyant la ville d'Hennebont ainsi secourue et ravitaillée par les -Anglais, désespère de prendre cette place et va rejoindre Charles de -Blois devant Auray. P. 150 à 154, 372 à 378. - - - - -CHAPITRE XLVIII. - - 1342. SIÉGE ET PRISE DE CONQUEST, DE DINAN, DE GUÉRANDE PAR LOUIS - D'ESPAGNE, D'AURAY ET DE VANNES PAR CHARLES DE BLOIS[303] (§§ 170 - et 171). - - [303] Cf. Jean le Bel, chap. LVII, t. I, p. 295 à 299. - - -Après la levée du siége d'Hennebont, Charles de Blois envoie Louis -d'Espagne et ses gens assiéger la bonne ville de Dinan[304] qui -n'avait alors pour enceinte que de l'eau et des palissades. Sur la -route, Louis d'Espagne met le siége devant un petit et vieux château -nommé _Conquest_[305] qui tient pour la comtesse de Montfort. Le -capitaine est un chevalier de Lombardie[306] et la garnison se compose -de Lombards et de Génois. Le château est emporté d'assaut et la -garnison est massacrée excepté le capitaine qui est pris à rançon. -Louis d'Espagne laisse _Conquest_ sous la garde d'un châtelain et de -soixante hommes d'armes et continue sa route vers Dinan. P. 154, 155, -378 à 381. - - [304] Cette mention d'un Dinan, voisin du Conquet, entouré - seulement d'eau et de palissades, rapprochée d'un passage - précédent où Froissart dit que la Roche-Piriou est à moitié - chemin de Vannes et de Dinan, cette mention, dis-je, nous avait - fait penser au premier abord que le Dinan dont il s'agit ici - pouvait être identifié avec le petit port de Dinan situé sur - l'anse du même nom au sud de la grande rade de Brest (aujourd'hui - hameau de la commune de Crozon, Finistère, arr. Châteaulin). Mais - à moins qu'on ne prouve que le Dinan du Finistère avait une - certaine importance au XIVe siècle, il est plus naturel de - supposer que Jean le Bel et Froissart ignoraient la véritable - position du Dinan des Côtes-du-Nord. - - [305] Les circonstances du récit de Froissart ne permettent guère - d'identifier _Conquest_ avec _le Conquet_, Finistère, arr. Brest, - c. Saint-Renan. D'un autre côté, tous les historiens de la - Bretagne racontent que le Conquet fut pris par les Français en - 1341 et repris au commencement de 1342 par Gautier de Mauny. V. - notamment le _Dictionnaire historique de Bretagne_, par Ogée, au - mot _Conquet_. «Il n'est guère possible, dit Dacier à propos de - ce passage, que Louis d'Espagne ait rencontré sur sa route, en - allant d'Auray à Dinan qui est à l'orient, à une assez grande - distance, le château du Conquet situé à la pointe occidentale de - la Bretagne. Il n'est guère plus possible que Gautier de Mauny se - soit transporté avec une troupe nombreuse en une matinée de - Hennebont au Conquet près de Brest, c'est-à-dire, à plus de - trente lieues, comme Froissart va le raconter. L'historien - ignorait donc la position des lieux dont il a parlé, à moins - qu'on ne suppose, ce qui n'est pas très-vraisemblable, qu'il - existe un autre château du Conquet que celui que nous - connaissons.» _Chroniques de Froissart_, éd. Dacier, p. 198. M. - Kervyn de Lettenhove (t. IV, p. 438 de son édition) identifie - _Conquest_ avec _Concoret_, Morbihan, arr. Ploërmel, c. Mauron. - «Froissart, dit l'éditeur belge, a pu faire de Conquest - Concoret.» Au point de vue phonétique, cette identification nous - semble inadmissible. - - [306] Jean le Bel, d'après la lecture de M. Polain, appelle ce - chevalier _Martin_ (v. t. I, p. 296); Froissart, dans ses - rédactions 1re (v. p. 155) et 3e (v. p. 381) le nomme _Mansion_, - et dans la 2e (v. p. 379) _Garsion_. - -Informée que Louis d'Espagne s'est arrêté devant _Conquest_, la -comtesse de Montfort charge Gautier de Mauny de délivrer ce château et -d'en faire lever le siége aux Français. Partis d'Hennebont le matin, -Gautier de Mauny et les siens arrivent vers le soir[307] devant -_Conquest_; ils reprennent le château pris la veille par les Français, -le laissent vide et sans garde, car il n'est pas tenable, et retournent -à Hennebont. P. 155, 156, 379 à 383. - - [307] Jean le Bel auquel Froissart a emprunté ce récit dit que - Gautier de Mauny et ses compagnons arrivèrent au château de - _Conquest_ «entre midi et nonne» _Chronique de Jean le Bel_, éd. - Polain, t. I, p. 296. - -Louis d'Espagne investit Dinan et fait faire bateaux et nacelles pour -assaillir cette place de toutes parts, par terre et par eau. Les -bourgeois de Dinan prennent peur, car la place n'est pas forte et n'est -fermée que de palissades; leur capitaine, Renaud de Guingamp, fils du -châtelain de Guingamp, s'efforce en vain de les rassurer. Après quatre -jours de siége, les assiégés se rendent aux Français et mettent à mort -sur la place du marché Renaud de Guingamp qui s'oppose à cette -reddition; Louis d'Espagne leur donne pour capitaines Gérard de Mâlain -et Pierre Portebœuf trouvés prisonniers à Dinan. P. 156 et 157, 383 et -384, 386 et 387. - -Louis d'Espagne, une fois maître de Dinan, se dirige vers une -très-grosse ville située sur le flux de la mer qu'on appelle -Guérande[308] et l'assiége par terre. Il trouve assez près de là, dans -un havre[309] qui est un des plus fréquentés de Bretagne, un certain -nombre de navires chargés de vins que des marchands de Poitou, de -Saintonge et de la Rochelle, ont amenés pour les vendre. Louis -d'Espagne fait main basse sur les cargaisons; il embarque sur les -navires ses gens d'armes et partie des Espagnols et des Génois. -Assaillie par terre et par mer, la ville de Guérande est emportée -d'assaut, les habitants sont passés au fil de l'épée; cinq églises sont -brûlées, mais Louis d'Espagne fait pendre vingt-quatre de ceux qui y -ont mis le feu. Tout est livré au pillage, et l'on recueille un butin -considérable, car Guérande est une ville grande, riche et marchande. P. -156 et 157, 384, 387 et 388. - - [308] Guérande est à 5 kilomètres de l'Océan, mais cette ville - n'étant séparée de la mer que par d'immenses marais salants, Jean - le Bel et Froissart ont pu dire qu'elle est «sur mer» ou «sur le - flun de le mer.» - - [309] Froissart veut sans doute désigner le golfe ou havre au sud - duquel se trouve l'excellent port du Croisic. - -Tandis que Louis d'Espagne et Ayton Doria s'embarquent avec les -Espagnols et les Génois sur les navires pris à Guérande, le vicomte de -Rohan, l'évêque de Léon, Hervé de Léon son neveu vont rejoindre Charles -de Blois devant Auray. A la nouvelle de l'arrivée de Gautier de Mauny -et des Anglais, le roi de France a envoyé une foule de seigneurs -grossir les rangs de l'armée de Bretagne, notamment Louis de Poitiers, -comte de Valentinois, les comtes d'Auxerre, de Joigny, de Porcien, de -Boulogne, les seigneurs de Beaujeu, de Châteauvillain, de Noyers, -d'Anglure, de Catillon, d'Offémont, de Roye, d'Aubigny et Moreau de -Fiennes. Malgré ce renfort, le château d'Auray n'est pas encore pris, -mais ceux de dedans souffrent tellement de la famine, qu'à défaut -d'autre nourriture, ils mangent en huit jours tous leurs chevaux. La -plupart des gens d'armes de la garnison sont tués une nuit qu'ils -tentent de se sauver à la dérobée en traversant les lignes des -assiégeants. Toutefois, Henri et Olivier de Spinefort parviennent à -s'échapper et vont droit à Hennebont. C'est ainsi que le château -d'Auray est pris après dix semaines de siége. P. 158, 385, 388. - -Charles de Blois va assiéger la cité de Vannes dont Geffroi de -Malestroit est capitaine pour la comtesse de Montfort. Le second jour -du siége, des Bretons et autres soudoyers du parti de Montfort qui -tiennent garnison au fort de Ploërmel viennent réveiller les Français. -Deux chevaliers de Picardie qui font le guet cette nuit là, les -seigneurs de Catillon et d'Aubigny, donnent l'éveil; les agresseurs -sont enveloppés et tués ou mis en fuite. Ce même jour, les assiégeants -s'emparent du bourg[310] situé au pied de la cité et du fort jusqu'aux -barrières. Les bourgeois de Vannes prennent le parti de se rendre -malgré les efforts de Geffroi de Malestroit qui s'enfuit Hennebont sous -un déguisement. Charles de Blois passe cinq jours à Vannes, y laisse -comme capitaines Hervé de Léon, Olivier de Clisson, et va assiéger -Carhaix. P. 159, 160, 385 et 386. - - [310] Ce bourg situé au pied de la cité est ce qu'on appelle à - Vannes la _ville basse_; la cité est la _ville haute_. Les - lecteurs de Froissart remarqueront que dans la langue de ce - chroniqueur le terme de _cité_ ne s'applique guère qu'aux villes - _épiscopales_. - - - - -CHAPITRE XLIX. - - 1342. DÉFAITE DE LOUIS D'ESPAGNE PRÈS DE QUIMPERLÉ; SIÉGE DE LA - ROCHE-PIRIOU, DU FAOUËT, ET PRISE DE LA FOREST PAR GAUTIER DE - MAUNY[311] (§§ 172 à 174). - - [311] Cf. Jean le Bel, chap. LVIII, t. I, p. 301 à 307. - -Louis d'Espagne et Ayton Doria s'embarquent avec un certain nombre de -gens d'armes sur les navires pris à Guérande et vont ravager la -Bretagne bretonnante, notamment les environs de Quimperlé, de -Quimper-Corentin et de Saint-Mathieu[312]; ils font des descentes sur -les côtes et courent tout ce pays dont ils entassent les dépouilles sur -leurs navires. A cette nouvelle, Gautier de Mauny, qui se tient à -Hennebont auprès de la comtesse de Montfort, prend la mer avec une -flotte montée par cinq cents hommes d'armes et deux mille archers. -Cette flotte parvient à joindre celle de Louis d'Espagne et d'Ayton -Doria dans le havre de Quimperlé. Gautier de Mauny saisit l'instant où -les Français sont descendus à terre pour piller le littoral, il fond à -l'improviste sur leurs navires sans défense et les capture; puis il -laisse sa flotte sous la garde de cent hommes d'armes et de trois cents -archers, met pied à terre et marche à la rencontre de Louis d'Espagne. -P. 160, 161, 392, 393, 388, 389. - - [312] Aujourd'hui hameau de la commune de Plougonvelin, - Finistère, arr. Brest, c. Saint-Renan. La pointe de Saint-Mathieu - où l'on voit les ruines de l'abbaye du même nom est l'un des - trois promontoires les plus occidentaux de France: d'où le - département où se trouvent ces promontoires a reçu le nom de - Finistère. Saint-Mathieu-de-_Fine-Poterne_ est sans doute une - corruption bizarre de l'ancien nom du hameau dont il s'agit: - Saint-Mathieu-_Fin-de-Terre_. - -Gautier de Mauny et Louis d'Espagne se livrant un combat acharné aux -environs de Quimperlé[313]. Gautier de Mauny a réparti ses gens en -trois batailles. Louis d'Espagne met en déroute la première bataille -dans un engagement où il fait chevalier son neveu Alphonse d'Espagne, -mais il ne peut tenir tête malgré son courage aux deux autres batailles -accourues au secours de la première et auxquelles les paysans des -environs viennent prêter main forte; il est forcé de prendre la fuite -après avoir perdu presque tous les siens, entre autres Alphonse son -cher neveu: il se jette dans une grosse barque et se sauve à force de -voiles avec quelques-uns de ses compagnons. Gautier de Mauny fait -appareiller sa flotte en toute hâte et se met à la poursuite des -fugitifs. Louis d'Espagne aborde à Redon au moment où ses ennemis sont -sur le point de le ratteindre; il réussit à leur échapper en montant -sur de petits chevaux qu'il emprunte et à l'aide desquels il gagne -précipitamment la cité de Rennes voisine de Redon. Gautier de Mauny et -les siens font voile de Redon pour revenir par mer à Hennebont, mais -les vents contraires les forcent à prendre terre à trois lieues de -Dinan[314] d'où ils vont assiéger la Roche-Piriou. Gérard de Mâlain, -autrefois capitaine de ce château, est revenu depuis six jours y tenir -garnison par l'ordre de Charles de Blois. Gautier de Mauny commande -l'assaut, mais ceux de dedans repoussent les assaillants par le jet de -pierres et de poutres, par le tir de leurs canons et de leurs arcs à -tour. Deux chevaliers, Jean le Bouteiller et Hubert de Frenay, sont -blessés en montant à l'assaut; on les porte dans un pré situé au pied -du château et où sont déjà gisants un certain nombre d'autres blessés. -P. 161 à 164, 393 à 396, 389 à 391. - - [313] La 2e rédaction dit: «en l'_ille de Camperli_.» Il n'y a - pas, que nous sachions, d'île de Quimperlé. Froissart désigne - peut-être ainsi la presqu'île formée par le confluent de l'Ellé - et de l'Isole. - - [314] Ce passage emprunté par le chroniqueur de Valenciennes dans - ses deux premières rédactions à Jean le Bel, fournit une nouvelle - preuve que le chanoine de Liége ignorait complétement la - véritable position de Dinan. Froissart a pris soin de faire - disparaître cette erreur grossière dans sa troisième rédaction. - D'après cette rédaction, Gautier de Mauny ne se mit point à la - poursuite de Louis d'Espagne et revint tout droit à Hennebont - d'où il alla assiéger la Roche-Piriou (v. p. 391 et 396), tandis - que Louis d'Espagne, après une nuit de navigation, venait aborder - «à _Grède_, au plus proçain port de Vennes et de Rennes.» Nous - avons eu l'occasion de faire ressortir plus haut (p. XXXVI, note - 1) l'importance de ces dernières lignes qui semblent indiquer que - Froissart identifie _Grède_ ou _Gredo_ avec _Redon_. - -Renier de Mâlain, frère de Gérard, châtelain d'un autre petit fort -appelé le Faouët[315] situé à moins d'une lieue de la Roche-Piriou, -accourt avec quarante de ses compagnons pour porter secours à son -frère; il trouve au pied du château assiégé Jean le Bouteiller, Hubert -de Frenay et les autres hommes d'armes blessés du côté des assaillants -étendus au milieu d'un pré; il n'a pas de peine à les faire prisonniers -et revient les mettre sous bonne garde dans sa forteresse du Faouët. -Indignés d'une si lâche surprise, Gautier de Mauny et Amauri de Clisson -abandonnent la Roche-Piriou et viennent assiéger le Faouët pour -délivrer leurs compagnons. Gérard de Mâlain veut alors rendre à son -frère Renier service pour service; il monte à cheval, part une nuit de -la Roche-Piriou et arrive un peu devant le jour à Dinan[316] où il -implore le secours de Pierre Portebœuf, son bon compagnon, en faveur -de son frère Renier. Il réussit à faire accueillir favorablement sa -demande et ne tarde pas à revenir vers le Faouët avec un corps de six -mille auxiliaires fournis par les bourgeois de Dinan. Gautier de Mauny, -craignant de se trouver pris entre les gens d'armes amenés par Gérard -de Mâlain, d'une part, et l'armée de Charles de Blois, de l'autre, lève -le siége du Faouët. P. 164 à 166, 397 à 399, 401. - - [315] Morbihan, arr. Napoléonville, sur l'Ellé. - - [316] La distance entre la Roche-Piriou, à l'est du Morbihan, et - Dinan, à l'ouest des Côtes-du-Nord, est beaucoup trop - considérable pour que, même à cheval, on puisse faire le trajet - en une nuit; mais, nous le répétons, Jean le Bel auquel ces - détails sont empruntés, ne se faisait pas la moindre idée de la - position exacte de Dinan. - -Avant de rentrer dans Hennebont, Gautier de Mauny met le siége devant -le château de _Ghoy le Forest_[317]. Charles de Blois, à qui ce château -s'est rendu quinze jours auparavant, y a maintenu comme capitaine Gui -de _Ghoy_, auquel il a adjoint Hervé de Léon; mais ces deux chevaliers -sont absents au moment où Gautier de Mauny se présente devant la -forteresse confiée à leur garde: ils sont allés se joindre au gros de -l'armée française qui assiége Carhaix. Gautier de Mauny profite de leur -absence pour emporter d'assaut _Ghoy le Forest_, qui est un château -merveilleusement fort; il passe la garnison au fil de l'épée, et -revient après ce beau fait d'armes à Hennebont. P. 167, 168, 400 à 402. - - [317] On lit _Glay la Forest_ dans Jean le Bel (v. t. I, p. 306, - éd. Polain). Ici encore Froissart a corrigé dans sa troisième - rédaction une erreur géographique commise d'après Jean le Bel - dans les deux rédactions précédentes. Dans celles-ci, en effet, - notre chroniqueur disait que Gautier de Mauny avait trouvé Ghoy - le Forest sur son chemin en revenant du Faouët à Hennebont, comme - si Ghoy le Forest était placé entre ces deux localités (v. p. - 166, 167 et 400). Froissart mieux informé a soin de faire - remarquer dans la troisième rédaction que Gautier de Mauny se - détourna du chemin d'Hennebont pour mettre le siége devant Ghoy - le Forest: «Quant mesires Gautiers de Mauni et sa route se furent - departi de Fauet, _il n'alèrent pas le droit cemin pour retourner - à Hainbon, mais s'adrechièrent vers Goi le Forest_.» P. 401. Il - est vrai que le chroniqueur retombe dans une autre erreur - lorsqu'il ajoute que Gautier de Mauny, après avoir pris Goy la - Forest, rentra ce jour même à Hennebont, à moins que _Goy_ ne - soit une corruption du breton _Coët_ qu'on aura joint, par une - sorte de tautologie assez fréquente dans les noms de lieu, à sa - traduction française _la Forest_. Dans cette hypothèse, - Goy-la-Forest pourrait désigner le château de Coët situé à 10 - kilomètres nord-est d'Hennebont dans la commune de Languidic, - qui, d'après M. de La Borderie, si versé dans la géographie - féodale de la Bretagne, était au moyen âge le chef-lieu d'une - seigneurie investie du droit de haute justice. - - - - -CHAPITRE L. - - 1342. SIÉGE ET OCCUPATION DE CARHAIX PAR CHARLES DE - BLOIS.--SECOND SIÉGE D'HENNEBONT PAR LES FRANÇAIS, SIGNALÉ PAR UN - MERVEILLEUX EXPLOIT DE GAUTIER DE MAUNY ET LEVÉE DE CE - SIÉGE.--REDDITION DE JUGON A CHARLES DE BLOIS.--TRÊVE ENTRE LES - BELLIGÉRANTS SUIVIE DU DÉPART DE JEANNE DE MONTFORT POUR - L'ANGLETERRE[318] (§§ 175 à 180). - - [318] Cf. Jean le Bel, chap. LVIII à LX, t. I, p. 307 à 317. - -La comtesse de Montfort donne un grand dîner pour fêter le retour de -Gautier de Mauny et de ses compagnons; elle prend plaisir à leur faire -conter leurs exploits et leurs aventures.--Gérard de Mâlain, informé -que les Anglais ont pris _Ghoy le Forest_ et l'ont laissé sans garde, -fait réparer ce château par les paysans des environs, a soin de le -pourvoir de vivres ainsi que d'artillerie et y met bonne garnison. P. -168, 169, 402. - -Pendant ce temps, Charles de Blois maintient toujours le siége devant -Carhaix[319]. Les assiégés appellent en vain à deux ou trois reprises -Jeanne de Montfort à leur aide. Désespérée de son impuissance, la -comtesse envoie des messagers en Angleterre et les charge d'informer -Édouard III, son allié, de la détresse où elle se trouve réduite après -la prise de Rennes, de Vannes et de plusieurs autres places par Charles -de Blois; elle conjure le roi d'Angleterre d'expédier en Bretagne de -nouveaux secours, sans quoi elle ne répond pas de l'avenir.--Sur ces -entrefaites, les habitants de Carhaix, pressés par la famine et se -voyant abandonnés à leurs seules forces par la comtesse de Montfort, -prennent le parti de se rendre et font leur soumission à Charles de -Blois. P. 169, 170, 402, 403. - - [319] Finistère, arr. Châteaulin. - -Après la reddition de Carhaix, Charles de Blois va mettre une seconde -fois le siége devant Hennebont, il investit la ville et le château -défendu par l'élite de la chevalerie bretonne et anglaise. Le quatrième -jour du siége, Louis d'Espagne vient se joindre aux assiégeants après -être resté six semaines à Rennes pour la guérison de ses blessures. Du -reste, ce n'est pas le seul renfort que reçoit Charles de Blois. Tous -les jours il voit arriver à son camp des chevaliers de France qui, -revenant de guerroyer avec le roi Alphonse d'Espagne contre les -Sarrasins de Grenade et apprenant à leur passage en Poitou qu'il y a -guerre en Bretagne, accourent y prendre part. Charles de Blois fait -dresser seize grandes machines qui lancent d'énormes pierres contre les -murailles d'Hennebont et dans l'intérieur de la ville. Les assiégés -n'en ont cure; du haut des remparts ils essuient par bravade la face -extérieure des créneaux avec leurs chaperons. «Allez donc, crient-ils -aux assiégeants, allez donc chercher vos compagnons qui se reposent au -camp de Quimperlé!» P. 170, 171, 403, 404. - -Louis d'Espagne, qui veut tirer vengeance de la mort de son neveu -Alphonse tué à Quimperlé, se fait délivrer par Charles de Blois, Jean -le Bouteiller et Hubert de Frenay, deux des compagnons de Gautier de -Mauny, qui au retour de l'expédition de Quimperlé ont été faits -prisonniers devant la Roche-Piriou par Renier de Mâlain et enfermés au -Faouët; puis, malgré les instances de Charles et des autres seigneurs -français, il déclare, une fois que les deux prisonniers sont entre ses -mains, qu'il les va mettre à mort. Gautier de Mauny, informé par ses -espions du sort cruel réservé à ses deux compagnons d'armes, entreprend -de les arracher au péril qui les menace. Tandis qu'Amauri de Clisson, -en s'avançant vers l'heure du dîner jusque sur le bord des fossés avec -trois cents armures de fer et mille archers, fait sortir les -assiégeants en masse de leurs campements et les occupe à des -escarmouches, Gautier de Mauny sort d'Hennebont par une poterne avec -cent ou deux cents compagnons d'élite et cinq cents archers à cheval, -gagne par un chemin détourné le camp français où il n'est resté que des -valets, se fait conduire par ses espions droit à la tente où l'on garde -les deux prisonniers, les délivre et rentre avec eux dans Hennebont. En -revanche, deux chevaliers de la garnison, le seigneur de Landerneau et -le châtelain de Guingamp sont pris dans une sortie par les assiégeants -et se soumettent le soir même à Charles de Blois. P. 171 à 177, 404 à -409, 411. - -Cependant le siége d'Hennebont ne fait aucun progrès. Le château est -très-fort, et la garnison, aussi nombreuse qu'aguerrie, peut se -ravitailler tous les jours par mer. D'un autre côté, l'hiver approche: -on est entre la Saint-Remy (1er octobre) et la Toussaint (1er -novembre); et le pays des environs a été tellement ravagé que les -assiégeants ne savent plus où trouver vivres ni fourrages. Toutes ces -raisons déterminent Charles de Blois à donner congé au gros de son -armée, et le siége d'Hennebont est levé vers la Saint-Luc (18 octobre). -La plupart des seigneurs de France retournent chez eux, et Charles de -Blois avec les gens d'armes qui lui restent prend ses quartiers[320] -d'hiver à Carhaix. P. 176 à 178, 409 à 412. - - [320] Froissart, en supposant ici l'année 1342 près de finir, - semble placer en 1343 les faits dont le récit va suivre, par - exemple, l'arrivée de Robert d'Artois, puis celle d'Édouard III - en Bretagne, tandis qu'en réalité ces événements appartiennent à - l'année 1342. - -Sur ces entrefaites, un riche bourgeois et un grand marchand de -Jugon[321], qui fait tous les approvisionnements de la comtesse de -Montfort, tombe entre les mains de Robert de Beaumanoir, maréchal de -l'armée de Charles de Blois. Ce bourgeois, pour sauver sa vie et -recouvrer sa liberté, s'engage à livrer Jugon aux Français. Charles de -Blois laisse une partie de ses gens à Carhaix sous les ordres de Louis -d'Espagne, et vient en personne avec cinq cents lances à Jugon, dont le -bourgeois qui est de sa connivence lui ouvre à minuit les portes. La -ville une fois prise, le château lui-même finit, après quelque -résistance, par se rendre au vainqueur. Gérard de Rochefort est -maintenu comme capitaine de la garnison par Charles de Blois qui -retourne à Carhaix. Bientôt, par les soins d'Yvon de Trésiguidy, au nom -de la comtesse de Montfort, et de Robert de Beaumanoir, au nom de -Charles de Blois, une trêve est conclue entre les belligérants qui doit -durer jusqu'à la mi-mai[322] 1343. Aussitôt après la conclusion de -cette trêve, la comtesse de Montfort s'embarque à Hennebont et se rend -en Angleterre auprès d'Édouard III, tandis que Charles de Blois vient à -Paris faire visite au roi Philippe de Valois, son oncle. P. 178 à 181, -412 à 417. - - [321] Côtes-du-Nord, arr. Dinan. Il ne reste rien aujourd'hui de - la redoutable forteresse qui avait donné lieu au proverbe: - - Qui a Bretagne sans Jugon - A chape sans chaperon. - - [322] On ne trouve ni dans le recueil de Rymer ni ailleurs aucune - mention d'une trêve qui aurait été conclue à cette date entre - Charles de Blois et la comtesse de Montfort. Froissart veut - peut-être parler, ainsi que Dacier l'a supposé, de l'armistice - arrêté entre les deux parties au commencement de cette année 1342 - pour durer jusqu'au retour de la belle saison. V. _Hist. de - Bretagne_, par dom Morice, t. I, p. 254. - - - - -CHRONIQUES - -DE J. FROISSART. - - - - -LIVRE PREMIER - - § 99. Quant li rois de France eut oy recorder comment - li Haynuier avoient ars ens ou pays de Tierasse, - pris et occis ses chevaliers, et destruit le bonne ville - de Aubenton, saciés que il ne prist mies ceste cose - en gré, mais commanda à son fil le duch de Normendie 5 - que il mesist une grosse chevaucie sus, et - s'en venist en Haynau, et sans deport atournast tel - le pays que jamais ne fust recouvret. Et li dus respondi - qu'il le feroit volentiers. Encores ordonna li - rois de France le conte de [Lille[323]], gascon qui se tenoit 10 - adonc à Paris dalés lui et que moult amoit, que il - mesist sus une grosse chevaucie de gens d'armes, et - s'en alast en Gascongne et y chevauçast, comme lieutenans - dou roy de France, et guerriast durement et - radement Bourdiaus et Bourdelois et toutes les forterèces - qui là se tenoient pour le roi d'Engleterre. Li - contes dessus dis obey au commandement dou roy - et se parti de Paris, et fist son mandement à Thoulouse - à estre à closes Paskes, li quelz mandemens fu 5 - tenus, ensi que vous orés chà en apriès, quant tamps - et lieus sera. Encores renforça grandement li rois de - France l'armée qu'il tenoit sus mer et le grosse armée - des escumeurs. Et manda à monsigneur Hue - Kieret et à Barbevaires, et as aultres chapitainnes, 10 - qu'il fuissent songneus de yaus tenir sus les mètes - de Flandres, et que nullement il ne laiassent le roy - d'Engleterre rapasser ne prendre port en Flandres; - et se par leur coupe en demoroit, il les feroit morir - de male mort. 15 - - [323] Ms. A8, fo 49.--Mss. B1, 3, 4, fo 71 vo: «Laille». - - Avoech tout ce, vous avés bien oy recorder comment - de nouviel li Flamench s'estoient alloiiet, par - saiellet, avoecques le roi d'Engleterre, et li avoient - juret à lui aidier à poursievir sa guerre, et li avoient - fait encargier les armes de France, et li avoient fait 20 - hommage de tout ce dont tenu estoient au roy de - France, et li fisent encores prendre title et nom de - roy de France; et cils rois les avoit absols et quittés - de une grande somme de florins dont obligiet il estoient - de jadis et loiiet au roy de France. Dont il 25 - avint que, quant li rois Phelippes oy ces nouvelles, - se ne li pleurent mies bien, tant pour ce qu'il avoient - fait hommage à son adversaire, que pour ce que li - rois englès, comme rois de France, les avoit quittés - de le somme et de l'obligation, ce que nullement il 30 - ne pooit faire. De quoi encores, pour yaus retraire, - il leur manda par un prelat, sus l'ombre dou pape, - qu'il tenissent ferme et estable leur sierement; autrement, - il jetteroit une sentense entre yaus; non obstant - ce et le petite et foible information qu'il avoient - eu, se il se voloient recognoistre et retourner à lui et à - le couronne de France, et relenquir le roi d'Engleterre 5 - qui enchanté les avoit, il leur pardonroit son - mautalent et leur quitteroit la ditte somme, et leur - donroit et saieleroit pluiseurs belles francises en son - royaume. Li Flamench n'eurent mies adonc conseil - ne acord de ce faire, et respondirent qu'il se tenoient 10 - bien pour absols et pour quittes de tout ce où obligiet - estoient, tant c'au roi de France. Et quant li rois - de France vei qu'il n'en aroit aultre cose, si s'en - complaindi au pape Clement VIe qui regnoit pour le - temps, li quelz papes jetta une sentense et un escumeniement 15 - en Flandres si horrible et si grant que il - n'estoit nulz prestres qui y volsist celebrer ne faire - le divin offisce. De quoi li Flamench furent moult - courouchiet; et en envoiièrent complaintes grandes - et grosses au roi englès, li quelz, pour yaus apaisier, 20 - leur manda que de ce il ne fuissent noient effraet. - Car, la première fois qu'il rapasseroit, il lor menroit - des prestres de son pays qui chanteroient messe en - Flandres, volsist li papes ou non, car il est bien privilegiiés - de ce faire. Parmi tant s'apaisièrent li Flamench. 25 - - - § 100. Quant li rois de France vei que, par nulle - voie ne pourkas qu'il [sceust[324]] faire ne moustrer, il - ne poroit ratraire les Flamens ne oster de leur oppinion, - si commanda à chiaus qu'il tenoit en garnison, - de Tournay, de Lille, de Douay et des chastiaus voisins, - que il fesissent guerre as Flamens, et courussent - en leur pays et sans deport. Dont il avint que - messires Mahieus de Roie, qui pour le temps se tenoit 5 - dedens Tournay, et messires Mahieus de Trie, - mareschaus de France, avoech monsigneur Godemar - dou Fay et pluiseur aultre, misent une chevaucie sus - de mille armeures de fier, tous bien montés, et trois - cens arbalestriers, tant de Tournay, de Lille que de 10 - Douay, et se partirent de le cité de Tournay un soir - apriès souper, et chevaucièrent tant que sus le point - dou jour il vinrent devant Courtrai, et accueillièrent, - devant soleil levant, toute le proie de là environ. - Et coururent li coureur jusques as portes, et occirent 15 - et mehagnièrent aucuns hommes qu'il trouvèrent - ens ès fourbours, et puis s'en retournèrent arrière - sans damage. Et prisent ces gens d'armes leur tour - deviers le rivière dou Lis et devers le Warneston, en - accueillant et en menant devant yaus toute le proie 20 - qu'il trouvèrent et encontrèrent; et ramenèrent ce - jour en le cité de Tournay plus de dix mille blanches - bestes, et bien otant que pors, que bues, que - vaches, dont il eurent grant pourfit et grant butin. - Et en fu la ditte cités bien pourveue et rafreschie un 25 - grant temps et largement avitaillie. - - [324] Mss. B3, 4, fo 47.--Ms. B1, fo 72 vo: «sceuissent.» - - Ces nouvelles, qui ne furent mies trop plaisans - pour les Flamens, s'espandirent parmi Flandres. Si - en fu durement li pays esmeus et tourblés. Et en 30 - vinrent les complaintes à Jakemon d'Artevelle qui se - tenoit à Gand. Pour quoi li dis d'Artevelles fu durement - courouciés, et dist et jura que ceste fourfaiture - seroit amendée ou pays de Tournesis. Si fist son - mandement par tout, et commanda parmi les bonnes - villes de Flandres que tout vuidassent et fuissent, - à un certain jour qu'il y assigna, avoecques lui, devant - le cité de Tournay; et escrisi au conte de Sallebrin 5 - et au conte de Sufforch, qui se tenoient en - garnison en le ville de Ippre, qu'il se traissent de - celle part. Et encores pour mieus moustrer que la - besongne estoit sienne et qu'elle li touchoit, il se - parti de Gand moult estoffeement, et s'en vint entre 10 - le ville d'Audenarde et de Tournay, sus un certain - pas que on dist au Pont de Fier; et se loga là, attendans - les dessus dis contes d'Engleterre et ossi - chiaus dou Franch de Bruges. - - - § 101. Quant li doi conte d'Engleterre dessus 15 - nommet entendirent ces nouvelles, si ne veurent - mies pour leur honneur delaiier; ains renvoiièrent - tantost devers d'Artevelle, en disant que il seroient - là au jour qui assignés y estoit. Sur ce il se partirent - assés briefment de le ville d'Ippre, environ cinquante 20 - lances et quarante arbalestriers, et se misent au chemin - pour venir là où d'Artevelles les attendoit. Ensi - qu'il chevauçoient et qu'il leur couvenoit passer au - dehors de le ville de Lille, leur venue fu seue en la - ditte ville. Dont s'armèrent secretement cil de le ville 25 - de Lille, et se partirent de lor ville bien quinze cens, - à piet, à cheval, et se misent et establirent en trois - agais, afin que cil ne les peuissent mies escaper. Et - vinrent li pluiseur et li plus certain sus un pas, entre - haies et buissons, et là s'embuschièrent. 30 - - Or chevauçoient adonc cil doi conte englès et - leur route, sus le guiement monsigneur Wafflart de - le Crois, qui un grant temps avoit guerriiet chiaus - de Lille, et encores guerrioit, quant il pooit; et s'estoit - tenus celle saison à Ippre, pour yaulz mieus - guerriier, et se faisoit fors que d'yaus mener sans peril, 5 - car il savoit toutes les adrèces et les torses voies. - Et encores en fust il bien venus à chief, se cil de - Lille n'euissent fait au dehors de leur ville un grant - trencheis nouvellement, qui n'estoit mies acoustumés - d'estre. Et quant cilz messires Wafflars les eut 10 - amenés jusques à là, et il vei que on leur avoit - copet le voie, si fu tous esbahis et dist as contes - d'Engleterre: «Mi signeur, nous ne poons nullement - passer le chemin que nous alons, sans nous - mettre en grant dangier et ou peril de chiaus de Lille. 15 - Pour quoi, je conseille que nous retournons et prendons - ailleurs nostre chemin.» Adonc respondirent - li baron d'Engleterre: «Messire Wafflart, jà n'avenra - que nous issons de nostre chemin pour chiaus - de Lille. Chevauciés toutdis avant, car nous avons 20 - acertefiiet d'Artevelle que nous serons ce jour, à - quèle heure que soit, là où il est.» Lors chevaucièrent - li Englès sans nul esmay. Et quant messires Wafflars - vei que c'estoit acertes, et que il ne pooit estre creus - ne oys, si fist son marchiet tout avant et dist: «Biau 25 - signeur, voirs est que pour gide et conduiseur en ce - voiage vous m'avés pris, et que tout cel yvier je me - sui tenus avoecques vous en Ippre, et me loe de - vostre compagnie et de vous grandement. Mais toutes - fois, se il avient que cil de Lille sallent ne issent 30 - hors contre nous ne sur nous, n'aiiés nulle fiance - que je les doie attendre, mès me sauverai au plus - tost que je porai. Car se j'estoie pris ne arrestés par - aucun kas de fortune, ce seroit sus ma tieste que j'ai - plus chier que vostre compagnie.» - - Adonc commenchièrent li chevalier à rire, et disent - à monsigneur Wafflart qu'il le tenoient bien 5 - pour escuset. Tout ensi qu'il l'imagina en avint, car - il ne se donnèrent de garde; si se boutèrent en l'embusce, - qui estoit grande et forte, et bien pourveue - de gens d'armes et d'arbalestriers, qui les escriièrent - tantost: «Avant, avant, par chi ne poés vous passer 10 - sans no congiet.» Lors commencièrent il à traire - et à lancier sus les Englès et leur route. Et si tretost - que messires Waufflars en vei la manière, il n'eut - cure de chevaucier plus avant, mès retourna au plus - tost qu'il peut, et se bouta hors de le presse et se 15 - sauva, et ne fu mies pris à celle fois. Et li doi signeur - d'Engleterre, messires Guillaumes de Montagut, - contes de Sallebrin, et li contes de Sufforch escheirent - en le main de leurs ennemis, et furent - mieulz pris c'à le roit, car il furent embuschiet en 20 - un chemin estroit, entre haies et espines et fossés à - tous lés, si fort et par tel manière qu'il ne se pooient - ravoir ne retourner, ne monter, ne prendre les camps. - Toutes fois, quant il veirent le mesaventure, il descendirent - tout à piet et se deffendirent ce qu'il peurent, 25 - et en navrèrent et mehagnièrent assés de chiaus - de le ville. Mais finablement leur deffense ne vali - noient, car gens d'armes frès et nouviaus croissoient - toutdis sus yaus. Là furent il pris et rançonné de - force, et uns escuiers jones, de Limozin, neveus dou 30 - pape Clement, qui s'appelloit Raymons; mais depuis - qu'il fu creantés prisons, fu il occis pour le couvoitise - de ses belles armeures, dont moult de bonnes - gens en furent courouciet. - - Ensi furent pris et retenu li doi conte d'Engleterre - et mis en la halle de Lille en prison, et depuis - envoiiet en France par devers le roy Phelippe, qui 5 - en eut grant joie et en seut grant gret à chiaus de - Lille. Et dist adonc li dis rois et prommist à chiaus - de le ville de Lille qu'il leur seroit guerredonné - grandement, car il li avoient fait un biau service. Et - quant Jakemars d'Artevelle, qui se tenoit au Pont de 10 - Fier, en seut nouvelles, si en fu durement courouciés, - et brisa pour ceste avenue son pourpos et sen - emprise, et donna ses Flamens congiet, et s'en retourna - en le ville de Gand. - - - § 102. Nous retourrons, car la matère le requiert, 15 - as guerres de Haynau et à le contrevengance que li - rois de France y fist prendre par le duch Jehan - de Normendie, son ainsnet fil. Li dus, au commandement - et ordenance dou roy son père, fist son especial - mandement à estre à Saint Quentin et là environ, 20 - et se parti de Paris environ Paskes, l'an mil - trois cens et quarante, et vint à Saint Quentin. Là - estoient avoech lui li dus d'Athènes, li contes de - Flandres, li contes d'Auçoirre, li contes de Sansoirre, - li contes Raoulz d'Eu connestables de France, 25 - li contes de Porsiien, li contes de Roussi, li contes - de Brainne, li contes de Grantpret, li sires de Couci - et grant fuison de noble chevalerie de Normendie et - des basses marces. Quant il furent tout assamblé à - Saint Quentin ou là environ, si fu regardé par le 30 - connestable, le conte de Ghines et les mareschaus - de France, monsigneur Robert Bertran et monsigneur - Mahieu de Trie, quel nombre de gens d'armes - il pooient estre; si trouvèrent qu'i(l) estoient bien - six mille armeures de fier, chevaliers et escuiers, et - bien huit mille, que brigans, que bidaus, que aultres 5 - gens poursievant l'ost. C'estoit assés, si com il - disoient entre yaus, pour combatre le conte de Haynau - et toute se poissance. Si se misent as camps par - l'ordenance des mareschaus, et se partirent tout de - Saint Quentin, et s'arroutèrent devers le Chastiel en 10 - Chambresis, et passèrent dehors Bohain, et chevaucièrent - tant qu'il passèrent le Chastiel en Chambresis. - Et s'en vinrent logier li dus de Normendie et - toute son host en le ville de Montais sus le rivière - de Selles. Or vous dirai une grant apertise d'armes 15 - que messires Gerars de Werchin, seneschaus de Haynau - pour le temps, fist et entreprist, laquèle doit - bien estre recordée et tenue à grant proèce. - - - § 103. Li seneschaus de Haynau dessus nommés - sceut bien par ses espies que li dus de Normendie 20 - estoit logiés à Saint Quentin, et que ses gens manechoient - durement le pays de Haynau. Avoech tout - ce, il sceut l'eure et le venue dou dit duch, qui estoit - arrestés à Montais, dehors le forterèce dou Chastiel - en Chambresis. Si s'avisa en soi meismes, comme 25 - preus chevaliers et entreprendans, qu'il iroit le duch - escarmuchier et resvillier. Si pria aucuns chevaliers - et escuiers, ce qu'il en peut trouver dalés lui, que il - volsissent aler où il les menroit, et il li eurent en - couvent. Si se parti de son chastiel de Wercin, environ 30 - soixante lances en se compagnie tant seulement. - Et chevaucièrent depuis soleil esconsant, et fisent - tant que il vinrent à Forès, à l'issue de Haynau, - et à une petite liewe de Montais; et pooit estre environ - jour falli. Si tretost qu'il eurent chevauciet - oultre le ville de Forès, il fist toutes ses gens arrester 5 - en mi uns camps, et leur fist restraindre leurs armeures - et recengler leurs chevaus, et puis leur dist - se pensée et che qu'il voloit faire. Et il en furent - tout joiant, et li disent qu'il s'enventuroient volentiers - avoecques lui, et ne le faurroient jusques au 10 - morir, et il leur dist grant mercis. Avoecques lui estoient: - des chevaliers, messires Jakemes dou Sart, - messires Henris de Husphalize, messires Oliphars de - Ghistelles, messires Jehan dou Chastelet, li sires de - Vertain, li sires de Fontenoit et li sires de Wargni; 15 - et des escuiers, Gilles et Thieris de Sommaing, Bauduins - de Biaufort, Colebiers de Braille, Moriaus de - Lestines, Sandrars d'Esquarmain, Jehans de Robersart, - Bridoulz de Thians et pluiseur aultre. Puis chevaucièrent - tout quoiement, et vinrent à Montais et 20 - se boutèrent en le ville. Et ne faisoient li François - point de gait. - - Et descendirent premierement li seneschaus et tout - li compagnon devant un grant hostel où il cuidoient - certainnement que li dus de Normendie fust, mais il 25 - estoit un aultre hostel avant. Et laiens estoient logiet - doi grant signeur de Normendie, li sires de Bailluel - et li sires de [Briauté[325]]. Si furent assalli vistement, - et li porte de leur hostel boutée oultre. Quant li doi - chevalier se veirent ensi souspris et oïrent crier: 30 - «Haynau au senescal!», si furent moult esbahi. - Nompourquant il se misent à deffense, ce qu'il peurent; - mès li sires de Bailluel fu là occis, dont ce fu - damages, et li sires de [Briauté] fianciés prisons dou - dit seneschal, et eut couvent sus se loyauté de venir 5 - dedens trois jours tenir prison en Valenchiènes. Dont - se commenchièrent François à estourmir et à widier - leurs hostels, et à alumer grans feus et tortis, et à - resvillier l'un l'autre. Meismement on resvilla le dit - duch de Normendie, et le fist on armer en grant 10 - haste, et aporter sa banière devant son hostel et desveloper. - Là se traioient toutes gens d'armes de leur - costé. Quant li Haynuier perchurent les François ensi - estourmis, si ne veurent plus demorer, mais se retrairent - bellement et sagement devers leurs chevaus; 15 - et montèrent sus et se partirent, quant il se furent - remis ensamble; et en menèrent jusques à dix ou - douze bons prisonniers; et retournèrent sans damage, - car point ne furent poursievi, pour tant qu'il faisoit - brun et tart; et vinrent, environ l'aube crevant, 20 - au Kesnoi. Là se reposèrent il et rafreschirent, et - puis vinrent à Valenchiennes. - - [325] Ms. B4, fo 50.--Ms. B1, fo 74 vo: «Brianté.» - - Or parlerons dou duch de Normendie, qui moult - courouchiés estoit dou despit que li Haynuier li - avoient fait. Si commanda au matin à deslogier et à 25 - entrer en Haynau, pour tout ardoir sans deport. - Dont s'arroutèrent li charoi, et chevaucièrent li signeur, - li coureur premiers qui estoient bien deux - cens lances. Et en estoient chapitainne messires Thiebaus - de Moruel, li Gallois de le Baume, li sires de - Mirepois, li sires de Rainneval, li sires de Saint Pi, - messires Jehans de Landas, li sires d'Astices, li sires 30 - de Hangès et li sires de Cramelles. Apriès chevauçoient - li doi mareschal de France en grant route, - messires Robers Bertrans et messires Mahieus de - Trie; et estoient bien cinq cens lances; et puis li - dus de Normendie avoech grant fuison de contes, de 5 - barons et de tous aultres chevaliers. Si entrèrent li - dit coureur en Haynau et ardirent Forest, Vertain, - Vertigneul, Esquarmain, Vendegies ou Bos, Vendegies - sus Escallon, Bermerain, Calaumes, Senlèces et - les fourbours dou Kesnoi, et se logièrent sus le rivière 10 - d'Uintiel. A l'endemain, il passèrent oultre et - ardirent Oursineval, Villers en le Cauchie, Gommegnies, - Marech, Pois, Presiel, Anfroipret, Preus, Le - Frasnoit, Obies et le bonne ville de Bavai et tout le - pays jusques à le rivière de Honniel. Et eut ce second 15 - jour grant assaut et escarmuce au chastiel de - Werchin de le bataille des mareschaus, mès noient n'i - fisent, car il fu bien gardés et bien deffendus. Et s'en - vint li dus de Normendie logier sus le rivière de - Selles entre Haussi et Sausoir. Or vous parlerons dou 20 - signeur de Faukemont, qui fu uns moult rades chevaliers, - d'une grant apertise d'armes qu'il fist. - - - § 104. Messires Walerans, sires de Fauquemont, - estoit chapitainne et gardiiens de le ville de Maubuege, - et bien cent lances d'Alemans et de Haynuiers 25 - avoecques lui. Quant il sceut que li François chevauçoient, - qui ardoient le pays, et ooit les povres - gens criier et plorer et plaindre le leur, si en eut - grant pité, si s'arma et fist ses gens armer, et recommanda - le ville de Maubuege au signeur de Biaurieu 30 - et au signeur de Montegni, et dist à ses gens qu'il - avoit très grant desir de trouver les François. Si chevauça - ce jour, toutdis costiant les bois et le forest de - Mourmail. Quant ce vint sus le soir, il aprist et entendi - que li dus de Normendie et toute sen host estoient - logiet sus le rivière de Selles, assés priès de 5 - Haussi. De che fu il tous joians et dist briefment qu'il - les iroit resvillier. Si chevauça ceste vesprée tout sagement, - et environ mienuit il passa le ditte rivière à - gués, et toute se route. Quant il furent oultre, ilz rechenglèrent - leurs chevaus et se remisent à point, et 10 - puis chevaucièrent tout souef jusques adonc qu'il - vinrent au logeis dou duch. Quant il deurent approcier, - ilz ferirent chevaus des esporons tout d'un randon, - et se plantèrent en l'ost le duch en escriant: - «Faukemont! Faukemont!», et commencièrent à 15 - coper cordes, et à ruer jus et à abatre tentes et pavillons - par terre, et à occire et à decoper gens, et - d'yaus mettre en grant meschief. Li hos se commença - à estourmir, et toutes gens à armer et à traire - celle part là où la noise et li hustins estoit. Quant li 20 - sires de Faukemont vei que poins fu, il se retray arrière. - Et en retraiant ses gens tout sagement fu mors, - de(s) François, li sires de Pikegni pikart, et fianciés - prisons li viscontes de Kesnes et li Borgnes de Rouvroi, - et durement blechiés messires Antones de 25 - Kodun. Quant li sires de Faukemont eut fait sen emprise, - et il vei que temps fu, et que li hos s'estourmissoit, - il se parti et toutes ses gens; et rapassèrent - le rivière de Selles sans damage, car point ne furent - poursievi. Et chevaucièrent depuis tout bellement, 30 - et vinrent d'environ soleil levant au Kesnoi où li - mareschaus de Haynau se tenoit, messires Thieris de - Walecourt, qui leur ouvri le porte et les rechut liement. - - Et li dus de Normendie fu moult courouciés de - ses gens que on avoit occis et blechiés et fianchiés - prisons et dist: «Agar comment cil Haynuier nous 5 - resveillent!» A l'endemain, au point dou jour, fist - on sonner les trompètes en l'ost le duc de Normendie. - Si se armèrent et ordonnèrent toutes manières - de gens, et misent à cheval, et arroutèrent le charoi, - et passèrent le ditte rivière de Selles, et entrèrent de 10 - rechief en Haynau, car li dus voloit venir vers Valenchiènes - et aviser comment il le poroit assegier. - Chil qui chevauçoient devant, li mareschaus de Mirepois, - li sires de Noiiers, li Gallois de le Baume et - messires Thiebaus de Moruel, à bien quatre cens lances 15 - sans les bidaus, s'en vinrent devant le Kesnoy - et approchièrent le ville jusques as barrières, et fisent - samblant qu'il le vorroient assallir; mès elle estoit - si bien pourveue de bonnes gens d'armes et de - grant artillerie qu'il y euissent perdu leur painne. 20 - Nompourquant il escarmucièrent un petit devant les - bailles, mais on les fist tantost retraire, car cil dou - Kesnoi descliquièrent canons et bombardes qui jettoient - grans quariaus. Si se doubtoient li François de - leurs chevaus, et se retraisent par devers Wargni et 25 - ardirent Wargni le Grant et Wargni le Petit, Fielainnes, - Faumars, Semeries, Artre, Artriel, Sautain, Curgies, - Estruen, Ausnoy et Villers monsigneur Polle. - Et en voloient les flamesces et li fascon en le ville - de Valenchiènes. Et vinrent cil coureur courir par 30 - devant Valenchiènes. Et entrues ordonnoient li François - leurs batailles sus le mont de Chastres priès de - Valenchiènes, et se tenoient là en grant estoffe et - moult richement. Dont il avint que environ deux - cens lances des leurs, dont li sires de Craon et li sires - de Maulevrier et li sires de Matefelon et li sires - d'Avoir estoient conduiseur, s'avalèrent devers Maing, 5 - et vinrent assallir une forte tour quarée, qui pour le - temps estoit Jehan Bernir de Valenchiènes. Depuis - fu elle à Jehan de Nuefville. Là eut grant assaut, dur - et fort, et dura priès que tout le jour, ne on n'en - pooit les François partir; si en y eut il mors ne sai 10 - cinq ou six. Et si bien se tinrent et deffendirent cil - qui le gardoient qu'il n'i prisent point de damage. - Si s'en vinrent li plus de ces François à Trit, et cuidièrent - de premières venues là passer l'Escaut; mais - cil de le ville avoient deffait le pont et deffendoient 15 - le passage roidement et fierement. Et jamais à cel - endroit ne l'euissent li François conquis, mais il en - y eut entre yaus de chiaus qui cognissoient le passage - et le rivière et le pays; si en menèrent bien - deux cens de piet passer as plankes à Prouvi. Quant 20 - cil furent oultre, il vinrent tantos baudement sus - chiaus de Trit qui n'estoient c'un petit ens ou regard - d'yaus, et ne peurent durer; si tournèrent en fuite. - Si en y eut des mors et des navrés et des noiiés pluiseur. - 25 - Ce meismes jour, estoit partis de Valenchiènes li - seneschaus de Haynau à cent armeures de fier, et issus - de le ville par le porte d'Anzaing; et pensoit bien - que cil de Trit aroient à faire; si les voloit secourir. - Dont il avint que, deseure Saint Vaast, il trouva de 30 - rencontre environ vint cinq coureurs françois que - troi chevalier de Poito menoient, messires Bouchicaus - li uns, li sires de Surgières li aultres, et messires - Guillaumes Blondiaus li tiers; et avoient passet - l'Escaut assés priès de Valenchiènes, au pont c'on - dist à le Tourielle; et avoient courut par droite bachelerie - deseure Saint Vaast. Si tretost que li senescaus 5 - de Haynau les perchut, si fu moult liés, car - bien perchut et vit que c'estoient si ennemit, et feri - apriès yaus et toute se route ossi. Là eut bonne - jouste des uns as aultres. Et me samble que li seneschaus - de Haynau porta jus de cop de lance monsigneur 10 - Bouchicau, qui estoit adonc moult apers chevaliers, - et fu plus encores depuis et marescaus de - France, si com vous orés avant en l'ystore; et le fist - fiancier prison et l'envoia en Valenchiènes; mais je - ne sçai comment ce poet estre, car li sires de Surgières 15 - escapa et se sauva, et ne fu point pris. Mès il fu - pris messires Guillaumes Blondiel et fiança prison à - monsigneur Henri de Husphalise, et furent priès tout - li aultre mort et pris. Cilz rencontres detria grandement - le senescal de Haynau qu'il ne peut venir à 20 - temps au pont à Trit; mais l'avoient jà conquis li - François, quant il y vint; et mettoient grant painne - à abatre les moulins et un petit chastelet qui là estoit. - Mès si tretost que li senescaus vint en le ville, - il n'eurent point de loisir, car il furent reboutet et 25 - reculet villainnement, occis, decopé et mis en cache. - Et les fist on sallir en le rivière d'Escaut, dont il en - y eut aucuns noiiés, et en fu li ville de Trit adonc - toute delivrée. Et vint li senescaus de Haynau passer - l'Escaut à Denaing, et puis chevauça et toute se route 30 - vers son chastiel de Werchin, et se bouta dedens - pour le garder et deffendre, se mestier faisoit. Et encores - se tenoit li dus de Normendie et ses batailles - sus le mont de Castres, et se tint en bonne ordenance - le plus grant partie dou jour, car il cuidoit - que cil de Valenciènes deuissent widier et lui venir - combatre. Ossi fuissent il très volentiers. Mès messires 5 - Henris d'Antoing, qui avoit la ville en garde, leur - deveoit et deffendoit, et estoit à le porte [cambresienne] - moult ensonniiés et en grant painne de yaus - destourner de non vuidier, et li prevos de le ville - pour le temps, (avoecques lui,) Jehans de Baissi, qui 10 - les affrenoit ce qu'il pooit, et leur moustra adonc - tant de belles raisons qu'il s'en souffrirent. - - - § 105. Quant li dus de Normendie et ses batailles, - qui très belles estoient à regarder, ensi que ci dessus - est deviset, se furent tenu un grant temps sus le 15 - mont de Castres, et il veirent que nulz ne venroit - ne isteroit hors de Valenchiènes pour yaus combatre, - adonc furent envoiiet li dus d'Athènes et li sires de - Chastellon, et bien trois cens lances de fortes gens - et bien montés, pour courir jusques à Valenciènes. 20 - Chil chevaucièrent en très bonne ordenance, et vinrent - au lés devers le Tourielle à Goguel, et chevaucièrent - moult arreement jusques as bailles de le ville; - mais il n'i demorèrent point plenté, car il ressongnièrent - le tret pour leurs chevaus. Et toutes fois li 25 - sires de Chastillon chevauça si avant que ses coursiers - fu trais et chei desous lui, et le couvint monter - sus un aultre. Ceste chevaucie prist son tour devers - les Marlis et les ardirent, et abatirent tous les moulins - qui là estoient sus le rivière de Wintiel, et puis 30 - prisent leur tour par derrière les Chartrois et revinrent - à leur bataille. Or vous di qu'il estoient demoret - aucun compagnon françois derrière en le ville - des Marlis, pour mieus fourer à leur aise. Dont il - avint que cil qui gardoient une tour, qui là est as - hoirs de Haynau, et fu jadis à monsigneur Robert de 5 - Namur de par ma dame Yzabiel de Haynau sa femme, - perchurent ces François qui là estoient, et si veirent - bien que li grosse chevaucie estoit retraite: si issirent - baudement hors, et les assallirent de grant corage: - et les menèrent telz qu'il en tuèrent bien la 10 - moitiet, et leur tollirent tout leur pillage, et puis retournèrent - en leur tour. - - Encores se tenoient les batailles sus le mont de - Castres, et tinrent tout le jour jusques apriès nonne, - que li coureur revinrent de tous costés. Dont eurent 15 - conseil là entre yaus moult grant et disoient li signeur - que, tout consideret, il n'estoient mies gens - assés pour assegier une si grande ville que Valenchiènes - est. Si eurent finablement conseil de departir - d'illuech, et de yaus retraire deviers Cambray. Si 20 - s'en vinrent ce soir logier à Maing et à Fontenielles, - et furent là toute la nuit, et fisent bon gait et grant. - A l'endemain, il s'en partirent, mais il ardirent Maing - et Fontenielles et toute l'abbeye, qui estoit à ma - dame Jehane de Valois, ante dou dit duch et soer 25 - germainne au roy son père. De quoi li dus fu moult - courouciés, et fist pendre chiaus qui le feu y avoient - mis et bouté. A ce departement, fu pararse li ville de - Trit, et li chastiaus et li moulin abatu, et Prouvi, - Rouvegni, Thians, Monciaus, et tous li plas pays 30 - entre Cambrai et Valenciènes. - - Ce jour, au matin, issirent de Valenchiènes aucun - compagnon legier, quant il seurent le departement - des François, et s'en vinrent sus les camps, entour - le mont de Castres, ù li François avoient esté logiet, - et y trouvèrent encores des vivres et des pourveances - que li François y avoient laissies, et pluiseur logeis 5 - où il avoit encores aucuns brigans et Geneuois - qui tant avoient beu dou soir qu'il s'estoient enivré - et dormoient encores. Si boutèrent cil dit compagnon - de Valenciènes le feu en ces logis, et ardirent - là dedens le(s) dis brigans. Car quant il sentoient le 10 - feu, il s'esvilloient et cuidoient sallir hors; mais il estoient - decaciet ens de leurs ennemis à plançons et à - goudendars. Toutes fois, il en y eut un qui salli hors, - mais il fu pris par piés et par gambes et par bras, - et jettés en un grant feu qui estoit fais devant le dit 15 - logis, et là fu tous ars. Si est grans meschiés de ce - que chrestiien destruisent ensi li uns l'autre sans - pité. - - Che jour chevauça tant li dus de Normendie qu'il - vint devant Escauduevre, un bon chastiel et fort dou 20 - conte de Haynau, seant sus le rivière d'Escaut, et - qui moult grevoit chiaus de Cambrai, avoecques - chiaus de le garnison de Thun l'Evesque. Dou chastiel - d'Escauduevre estoit chapitainne et souverains - messires Gerars de Sassegnies, qui devant ce n'avoit 25 - eu nulle reproce de diffame. Or ne sçai je que ce fu - ne qui l'enchanta, mès li dus n'ot pas sis devant le - forterèce six jours quant elle li fu rendue sainne et - entière, dont tous li pays fu esmerveilliés. Et en furent - souspeçonnet de trahison messires Gerars de 30 - Sassegnies, et uns siens escuiers, qui s'appelloit Robers - Mariniaus. Chil doi en furent pris et encoupet, - et en morurent villainnement à Mons en Haynau. Et - chil de Cambrai abatirent le chastiel d'Escauduevre, - et en portèrent le pière à Cambray, et en fisent remparer - et refortefiier leur ville. - - - § 106. Apriès le prise et le destruction d'Escauduevre, 5 - se retray li dus Jehans de Normendie en le - cité de Cambray, et donna une grant partie de ses - gens d'armes congiet, et les aultres envoia ens ès - garnisons de Lille et de Douay et des forterèces voisines. - Et avint en celle meismes sepmainne que Escauduevre 10 - fu pris, que li François qui en Douay estoient - issirent hors, et chil de Lille avoech yaus, et - pooient estre environ trois cens lances. Et les conduisoient - messires Loeis de Savoie et messires Aymars - de Poitiers, li contes de Genève, li sires de Villars, 15 - et li Gallois de le Bausme avoecques le signeur de - Wavrain et le signeur de Wasiers, et vinrent en celle - chevaucie ardoir en Haynau ce biau plain pays d'Ostrevan. - Et ne demora riens dehors (les fortrèches[326]), - dont cil de Bouçain furent moult courouciet, car il 20 - veoient les feus et les fumières au tour d'yaus, et se - n'i pooient mettre remède. Si envoiièrent il en Valenchiènes - en disant que, (se) de nuit il (vouloient[327]) issir - hors environ cinq cens ou six cens armeures de fier, il - porteroient grant damage as François qui estoient 25 - encores tout quoi et logiet ou plain pays; mais cil de - Valenciènes n'en eurent point conseil de partir, ne de - vuidier leur ville. Par ensi n'eurent li François point - d'encontre; si ardirent il Anich et le moitiet d'Ascons, - Escaudain, Here, Fenain, Denain, Montegni, Warlain, - Mauni, Aubrecicourt, l'Ourch, Sauch, Ruet, (Nuefville[328]), - le Lieu Saint Amant et tous les villages qui en ce - pays estoient, et en remenèrent grant pillage et grant 5 - proie en leurs garnisons. Et quant cil de Douay furent - retrait, li saudoiier de Bouçain issirent hors et - chevaucièrent et ardirent l'autre partie de le ville 10 - d'Ascons, qui se tenoit françoise, et tous les villiaus - françois jusques ens ès portes de Douay, et le ville - d'Eskierchin. - - [326] Mss. B4, 3, fo 52.--Ms. B1, fo 78 (lacune). - - [327] Mss. B3, 4.--Ms. B1: «voloit.» - - [328] Mss. B4, 3, fo 52.--Ms. B1, fo 78 (lacune). - - Ensi que je vous ay dit, les garnisons sus les frontières - estoient pourveues et garnies de gens d'armes, - et souvent y avoit des chevaucies et des rencontres - et des fais d'armes des uns as aultres, ensi que en 15 - telz besongnes appertient. Si avint, en celle meisme - saison, que saudoiier alemant se tenoient[329] de par - l'evesque de Cambray en le Malemaison, à deux - liewes dou Chastiel Cambrisien, et marchissant d'autre - part plus priès de Landrecies, dont li sires de Potelles, 20 - uns appers chevaliers haynuiers, estoit chapitainne - et gardiiens, car li contes Loeis de Blois, quoi - qu'il en fust sires, avoit rendu son hommage au - conte de Haynau, pour tant qu'il estoit françois, et - li contes le tenoit en se main et le faisoit garder pour 25 - les François. Si avoient souvent le hustin cil de le - Malemaison et cil de Landrecies ensamble. Dont un - jour sallirent hors de le Malemaison li dessus dit - Alemant bien armé et bien monté, et vinrent courir - devant le ville de Landrechies, et acueillièrent le - proie, et l'en menoient devant yaus, quant la nouvelle - et li haros en vint en Landrechies entre les Haynuiers - qui là se tenoient. Donc s'arma li sires de - Potielles et fist armer les compagnons, et montèrent 5 - à cheval et se partirent pour rescourre as Alemans - le proie qu'il en menoient. Si estoit adonc li sires de - Potielles tout devant, et le sievoient ses gens, cescuns - qui mieus mieus. Ils, qui estoit de grant volenté - et plains de hardement, abaissa son glave et escria as 10 - François qu'il retournaissent, car c'estoit hontes de - fuir. - - [329] Dans le ms. B1, fo 78, comme dans tous les mss. de - Froissart, _se tenoient_ est précédé de _qui_, que nous avons - supprimé. - - Là avoit un escuier alemant que on appelloit Albrest - de Coulongne, apert homme d'armes durement, - qui fu tous honteus quant il vey que on le cachoit 15 - ensi; si retourna franchement et abaissa son glave, - et feri cheval des esporons, et s'adreça sus le signeur - de Potielles, et li chevaliers sur lui, telement qu'il le - feri sus sa targe un si grant horion que la glave vola - en tronchons. Et li Alemans le consievi par tel manière, 20 - de son glave roide et enfumée, que onques ne - brisa ne ne ploia, mès percha la targe, les plates et - l'auqueton, et li entra dedens le corps, et le poindi - droit au coer, et l'abati jus dou cheval navré à mort. - Donc vinrent li compagnon haynuier, li sires de 25 - Bousies, Gerars de Mastain et Jehans de Mastain et - li aultre qui de priès le sievoient, qui s'arrestèrent - sur lui, quant en ce parti le veirent, et le regretèrent - durement; et puis requisent les François fierement - et asprement, en contrevengant le signeur de Potielles 30 - qui là gisoit navrés à mort. Et combatirent et - assalirent si dur Albrest et se route qu'il furent desconfi, - mort et pris. Peu en escapèrent, et la proie - (fu) rescousse et ramenée, et li prisonnier ossi en - Landrecies, et li sires de Potièles mors, dont tout - li compagnon furent cou(rou)ciet[330]. - - [330] Mss. B3, 4, fo 52.--Ms. B1, fos 78 vo et 79: «couciet.» - - - § 107. Apriès le signeur de Potielles, li sires de 5 - Floion fu un grant temps gardiiens de le ville et dou - chastiel de Landrechies, et couroit souvent sus chiaus - de Bohain, de le Malemaison et dou Chastiel en Cambresis - et des forterèces voisines, qui ennemies leur - estoient. Ensi couroient un jour li Haynuier et l'autre 10 - li François. Si y avoit souvent des rencontres et - des escarmuces et des rués jus des uns et des aultres, - car au voir dire telz besongnes le requièrent. Si estoit - li pays de Haynau en grant tribulacion et en grant - esmay, car une partie de leur pays estoit ars et essilliés; 15 - et si sentoient encores le duch de Normendie - sus les frontières, et ne savoient qu'il avoit empenset, - et si n'ooient nulles (nouvelles[331]) de leur signeur - le conte. Bien est voirs qu'il avoit estet en Engleterre - où li rois et li baron dou pays l'avoient grandement 20 - honnouré et festiiet; et avoit fait et juret - grans alliances au roy englès, et s'en estoit partis et - alés en Alemaigne devers l'empereour Loeis de Baivière: - c'estoit la cause pour quoi il sejournoit tant. - D'autre part, messires Jehans de Haynau, ses oncles, 25 - estoit alés en Braibant et en Flandres, et avoit remoustré - au dit duch de Braibant et à Jakemon d'Arteveille - le desolation dou pays de Haynau, et comment - li Haynuier leur prioient qu'il y volsissent entendre - et pourveir de conseil. Li dessus dit l'en - avoient respondut que li contes ne pooit longement - demorer; et, lui revenu, il estoient tout appareilliet - d'aler à tout leur pooir là où il les vorroit mener. 5 - Or revenrons nous au duch de Normendie, et recorderons - comment il assega chiaus de Thun l'Evesque. - - [331] Mss. B3, 4, fo 52.--Ms. B1, fo 79 (lacune). - - - § 108. Entrues que li dus de Normendie se tenoit - en le cité de Cambray, li dis evesques et li bourgois - dou lieu li remoustroient comment li Haynuier 10 - avoient pris et emblet le fort chastiel de Thun, et - que, par amours et pour se honneur et le pourfit del - commun pays, il vosist mettre conseil et entente au - ravoir, car chil de le garnison constraindoient durement - le pays de là environ. Li dis dus y entendi 15 - volentiers, et fist de recief semonre ses hos, et mist - ensamble grant fuison de signeurs et de gens d'armes, - qui se tenoient en Artois et en Vermendois, les - quelz il avoit eus en se première chevaucie; et se - parti de Cambray et s'en vint à toutes ses gens logier 20 - devant Thun, sus le rivière d'Escaut, en ces biaus - plains au lés deviers Ostrevant. Et fist li dus là amener - et achariier six grans engiens de Cambray et de - Douay, et les fist drecier et asseoir fortement devant - le forterèce. Chil engien y gettoient nuit et jour pières 25 - et mangonniaus à grant fuison, qui effondroient - et abatoient les combles et les tois des tours, des - cambres et des salles, et constraindirent par ce dit - assaut durement chiaus dou chastiel. Et n'osoient li - compagnon qui le gardoient demorer en cambre ne 30 - en salle qu'il euissent, fors en caves et en celiers. - Onques gens d'armes ne souffrirent, pour lor honneur, - en forterèce, tant de painne ne de meschief - que cil fisent. Des quelz estoit souverains et chapitains - uns chevaliers englès qui s'appelloit messires - Richars de Limozin, et ossi doi escuier de Haynau, 5 - frères au signeur de Mauni, Jehans et Thieris. Chil - troi dessus tous les aultres en avoient toute le carge, - le painne et le fais, et tenoient les aultres compagnons - en vertu et en force, et leur disoient: «Biau - signeur, nos sires li gentilz contes de Haynau venra 10 - un de ces jours à si grant ost contre les François, - qu'il nous delivera à toute honneur de ce peril, et - nous sara grant gré de ce que si francement nous - serons tenu.» - - Ensi reconfortoient li troi dessus dit les compagnons 15 - qui n'estoient mies à leur aise, car pour yaus - plus grever et plus tost amener à merci, cil de l'host - leur jettoient et envoioient par leurs engiens chevaus - mors et bestes mortes et puans, pour yaulz empunaisier, - dont il estoient là dedens en grant destrèce. 20 - Car li airs estoit fors et chaus ensi qu'en plain esté, - et furent plus adit et constraint par cel estat que par - aultre cose. Finablement, il regardèrent et considerèrent - entre yaus que celle mesaise il ne pooient longement - souffrir ne porter, tant leur estoit la punaisie 25 - abhominable. Si eurent conseil et avis de trettier - unes triewes à durer quinze jours, et là en dedens - segnefiier leur povreté à monsigneur Jehan de Haynau, - qui est regars et gardiiens de tout le pays, à fin - qu'il en fuissent conforté; et se il ne l'estoient, il 30 - renderoient le forterèce au dit duch de Normendie. - Chilz trettiés fu entamés et mis avant. Li dus leur - acorda et mist en souffrance tous assaus et leur donna - triewes quinze jours, qui fisent moult de biens as - compagnons dou dit fort, car aultrement il euissent - esté tout mort et empunaisiet sans merci, tant leur - envoioit (on[332]) de charongnes pouries et d'aultres ordures 5 - par les engiens. Si fisent tantost partir Ostelart - de Sommaing par le trettiet devisant, qui s'en vint - à Mons en Haynau, et trouva là le signeur de Byaumont - qui avoit oy nouvelles de son neveu le conte - de Haynau qui revenoit en son pays, et avoit estet 10 - devers l'Empereur et fait grans alliances à lui et as - signeurs de l'Empire, le duch de Gerles, le conte de - Jullers, le markis de Blankebourch et tous les aultres. - Si en enfourma li sires de Byaumont le dit escuier - Ostelart de Sommaing, et li dist bien que chil 15 - de Thun l'Evesque seroient temprement conforté, - mès que ses cousins fust revenus ou pays. - - [332] Mss. B3, 4, fo 53.--Ms. B1, fo 80 (lacune). - - - § 109. Le triewe durant, qui fu prise entre le duch - de Normendie et les saudoiiers de Thun, si com vous - avés oy, revint li contes de Haynau en son pays, 20 - dont toutes manières de gens furent resjoy, car moult - l'avoient desiret. Se li recorda li sires de Byaumont, - ses oncles, comment les coses avoient alet depuis - son departement, et à quel poissance li dus de Normendie - avoit entré ne sejourné en son pays, et ars 25 - et destruit tout par delà Valenciènes, excepté les forterèces. - S'en respondi li contes qu'il seroit bien amendet, - et que li royaumes de France estoit grans assés - pour avoir ent satisfation de toutes ces fourfaitures; - mès briefment il voloit aler devant Thun l'Evesque - et conforter ses bonnes gens qui gisoient là si honnourablement, - et qui si loyaument s'i estoient tenu - et deffendu. Si fist li contes ses mandemens et ses - priières en Braibant, en Guerles, en Jullers et en Alemaigne 5 - et ossi en Flandres devers son bon ami d'Artevelle. - Et s'en vint li dis contes à Valenciènes, à - grant fuison de gens d'armes, chevaliers et escuiers - de son pays et des pays dessus nommés, et toutdis - li croissoient gens. Et se parti de Valenciènes en 10 - grant arroy de gens d'armes, de charoi, de tentes, - de trés, de pavillons et de toutes aultres pourveances, - et s'en vint logier à Nave sur ces biaus plains et - ces grans prés, tout contreval le rivière d'Eschaut. - - Là estoient des signeurs de Haynau avoec le dit 15 - conte et en bon arroy: premierement messires Jehans - de Haynau, ses oncles, li sires d'Enghien, li sires - de Wercin, seneschaus de Haynau, li sires d'Antoing, - li sires de Ligne, li sires de Barbençon, li - sires de Lens, messires Guillaumes de Bailluel, li sires 20 - de Haverech, chastellains de Mons, li sires de Montegni, - li sires de Marbais, messires Thieris de Wallecourt, - mareschaus de Haynau, li sires de le Hamède, - li sires de Gommegnies, li sires de Roisin, li sires de - Trasegnies, li sires de Briffuel, li sires de Lalain, li 25 - sires de Mastain, li sires de Sars, li sires de Wargni, - li sires de Biauriu et pluiseur aultre chevalier et escuier, - qui tout se logoient dalés leur signeur. Assés - tost apriès, y revint li jones contes Guillaumes de - Namur moult estoffeement à deux cens lances, et se 30 - loga ossi sus le rivière d'Escaut en l'ost le conte. - Apriès revinrent li dus de Braibant à bien sis cens - lances, li dus de Guerles, li contes de Jullers, li markis - de Misse et d'Eurient, li markis de Blankebourch, - li contes des Mons, li sires de Faukemont, messires - Ernoulz de Bakehen, et grant fuison d'autres signeurs - et gens d'armes d'Alemagne et de Witephale. Si se 5 - logièrent tout li un apriès l'autre, sus le rivière d'Escaut, - à l'encontre de l'ost françoise; et estoient plentiveusement - (pourveu[333]) de tous vivres, qui leur venoient - tous les jours de Valenchiènes et dou pays de - Haynau voisin à yaus. 10 - - [333] Mss. B3, 4, fo 53 vo.--Ms. B1, fo 80 vo: «et pourveuement.» - - - § 110. Quant cil signeur se furent logiet, ensi que - vous avés entendu, sus le rivière d'Escaut, et mis - entre Nave et Yvuis, li dus Jehans de Normendie, - qui estoit d'autre part le rivière avoecques lui moult - belle gent, vey que li hos son cousin le conte de 15 - Haynau croissoit durement; si segnefia tout l'estat au - roy de France, son père, qui se tenoit à Peronne en - Vermendois, et estoit tenus plus de six sepmainnes - à grant gent. Lors fist li rois de recief une semonse - très especial, et envoia jusques à douze cens lances de 20 - bonnes gens d'armes en l'ost son fil. Et assés tos - apriès, il y vint comme saudoiiers au duch son fil, - car il ne pooit nullement venir à main armée sus - l'Empire, se il voloit tenir son sierement, ensi qu'il - fist. Et fu tout dis li dis dus chiés et souverains de 25 - ceste armée, mais il s'ordonnoit par le conseil dou - roy son père. - - Quant cil de Thun l'Evesque veirent lor signeur - le conte de Haynau venu si poissamment, si en furent - moult joiant, che fu bien raisons, car moult - l'avoient desiret, et bien en pensoient à estre delivret. - Le quatrime jour apriès qu'il furent là venu et - (hostilliet[334]) à host, vinrent cil de Valenciènes en grant - arroy, des quelz Jehans de Baissi, qui prevos estoit 5 - pour le temps, se faisoit mestres et gouvrenères. Si - tretost que cil de Valenciènes furent venu, on les - envoia escarmucier as François sus le rivage de l'Escaut, - pour ensonniier chiaus de l'host, et pour faire - chiaus de le garnison de Thun l'Evesque voie. Là 10 - eut grant escarmuce des uns as aultres, et pluiseur - quariel tret et lanciet, et tamaint homme navret et - bleciet. Entrues qu'il entendoient au paleter, li compagnon - de Thun l'Evesque, messires Richars de Limozin - et li aultre se partirent dou chastiel et se misent 15 - en l'Escaut. On leur ot appareilliet batiaus et - nacelles, en quoi on les ala querir d'autre part le - rivage; si furent amenet en l'ost et devers le conte - de Haynau, qui liement et doucement les rechut et - les honnoura moult dou bon service qu'il li avoient 20 - fait, quant si longement et à tel meschief il s'estoient - tenu en Thun l'Evesque. - - [334] Ms. B4, fo 54.--Ms. B1: «exilliet.» Mauvaise leçon. - - - § 111. En dementrues que ces deux hos estoient - ensi assamblées pour le fait de Thun l'Evesque et logies - sus le rivière d'Escaut, li François devers France 25 - et li Haynuier sus leur pays, couroient li fourier fourer - là où par tout trouver il le pooient de l'un lés et - de l'autre, mès point ne se trouvoient ne encontroient, - car la rivière d'Escaut estoit entre deus. Mais - li François parardirent et coururent tout le pays - d'Ostrevant, che qui demoret y estoit, et li Haynuier - tout le pays de Cambresis. Et là vint en l'ayde dou - conte de Haynau et à se priière, Jakemes d'Artevelle - à plus de soixante mille Flamens tous bien armés, et 5 - se logièrent poissamment à l'encontre des François. - Quant il furent venu, moult en fu li contes de Haynau - liés, car son host en fu grandement renforcie; si - manda par ses hiraus au duch de Normendie, son - cousin, que bataille se peust faire entre yaus, et que 10 - ce seroit blasmes pour toutes les parties, se si grant - gent d'armes qui là estoient se departoient sans bataille. - Li dus de Normendie respondi, à ceste fois, - qu'il en aroit avis. Chil avis et consaulz fu si lons - que li hiraut s'en partirent adonc sans avoir certainnes 15 - responses. Dont il avint que, le tierch jour - apriès, li contes de rechief y renvoia, pour mieus - savoir l'intension dou dit duch et des François. Li - dus en respondi qu'il n'estoit mies encores bien consilliés - de combatre ne de mettre y journée, et dist encores 20 - ensi que li contes de Haynau estoit trop hastieus. - - Quant li contes oy ces parolles, se li sambla uns - detriemens; si manda tous les plus grans barons de - l'host et premierement le duch de Braibant, son - grant signeur, et tous les aultres ensiewant, et puis 25 - leur remoustra sen intention et le response dou duc - de Normendie; si en demanda à avoir conseil. Adonc - regardèrent il cescuns l'un l'autre, et ne veult nulz - respondre premiers. Toutes fois li dus de Braibant - parla, pour tant que c'estoit li plus grans de toute 30 - l'ost et tenus li plus sages; si dist que de faire un - pont ne de combatre as François il n'estoit mies d'acort, - car il savoient de certain que li rois englès devoit - proçainnement passer le mer et venir assegier le - cité de Tournay: «Se li avons, ce dist li dus, prommis - et juret foy, amour et ayde de nous et des nostres; - dont se nous nos combatons maintenant, et li 5 - fortune fust contre nous, il perderoit son voiage, ne - nul confort il n'aroit de nous. Et se li journée estoit - pour nous, il ne nous en saroit gré, car c'est se intention - que jà sans lui, qui chiés est de ceste guerre, - nous ne nos combatons au pooir de France. Mais 10 - quant nous serons devant Tournay, il avoecques - nous et nous avoecques lui, et li rois de France sera - d'autre part, à envis se departiroient si grans gens - sans bataille. Si vous conseille, biaus filz, que vous - vos partés de chi, car vous y sejournés à grant frait, 15 - et donnés congiet toutes manières de gens d'armes; - si s'en revoist cescuns en son lieu, car dedens dix - jours vous orés nouvelles dou roy d'Engleterre.» A - ce conseil se tinrent li plus grant partie des signeurs - qui là estoient; mais il ne pleut mies encores trop 20 - bien au conte de Haynau, et pria as signeurs et as - barons tous en general qui là estoient qu'il ne se - volsissent mies encores partir, car ce seroit trop grandement, - ce li sambloit, contre se honneur, se li - François n'estoient combatu; et il li eurent tout en 25 - couvent. A ces parolles issirent il hors de parlement, - et se retrest cescuns à son logeis. Trop volentiers se - fuissent departi chil de Brousselles et de Louvaing, - car il estoient si tané que plus ne pooient. Et en parlèrent - pluiseurs fois au duch, leur signeur, et li remoustrèrent 30 - qu'il gisoient là à grant frait, et riens - n'i faisoient. - - - § 112. Quant li contes de Haynau vey son conseil - variier, et qu'il n'estoient mies bien d'acort de passer - le rivière d'Escaut, et de combatre les François, - si en fu durement courouciés. Si appella un jour son - oncle, monsigneur Jehan de Haynau, et li dist: 5 - «Biaus oncles, montés à cheval, et chevaucherés selonch - ceste rivière, et appellerés qui que soit homme - d'onneur en l'ost françoise, et dirés de par moy que - je leur liverai pont pour passer, mès que nous aions - trois jours de respit ensamble tant seulement pour le 10 - faire, et que je les voel combatre, comment que soit.» - Li sires de Byaumont, qui veoit son neveut en grant - desir de combatre ses ennemis, li acorda volentiers, - et dist qu'il iroit et feroit le message. Si vint à son - logeis et s'apparilla bien et frichement, lui troisime 15 - de chevaliers tant seulement, li sires de Fagnuelles - et messires Florens de Biaurieu, et son pennon devant - lui, montés sus bons coursiers, et chevaucièrent - ensi sus le rivage d'Escaut. - - Et avint que, de l'autre part, li sires de Byaumont 20 - aperçut un chevalier de Normendie, le quel il recogneut - par ses parures; si l'appella et dist: «Sire de - Maubuisson, sire de Maubuisson, parlés à moy!» Li - chevaliers qui se oy nommer, et qui ossi recogneut - monsigneur Jehan de Haynau, par le pennon de ses 25 - armes qui estoit devant lui, s'arresta et dist: «Sire, - que plaist vous?»--«Je vous pri, dist li sires de - Byaumont, que vous voelliés aler devers le roy de - France et son conseil, et leur dittes que li contes de - Haynau m'envoie chi pour prendre une triewe tant 30 - seulement qu'uns pons soit fais sus ceste rivière, par - quoi vos gens ou li nostre le puissent passer. Et ce - que li rois ou li dus de Normendie en responderont, - si le me venés dire, car je vous attenderai tant que - vous serés revenus.»--«Par ma foy, dist li chevaliers, - monsigneur, volentiers.» - - Atant se depa(r)ti li sires de Maubuisson, et feri 5 - cheval des esporons, et vint jusques en la tente dou - roy de France, où li dus de Normendie estoit adonc - personelment, et grant fuison d'autres signeurs. Li - sires de Maubuisson salua le roy, le duch et tous les - signeurs, et relata son message bien et deuement, 10 - ensi qu'il apertenoit, et que cargiés en estoit. Quant - il fu oys et entendus, on l'en respondi moult briefment - et li dist on: «Sire de Maubuisson, vous dirés - de par nous à celui qui chi vous envoie, que en - tel estat où nous avons tenu le conte de Haynau 15 - jusques à ores, nous le tenrons en avant, et li ferons - despendre et engagier sa terre: ensi sera il guerriiés - de deux costés. Et quant bon nous samblera, nous - enterons en sa terre si à point que nous li pararderons - tout son pays.» 20 - - Ces parolles ne plus ne mains raporta li sires de - Maubuisson à monsigneur Jehan de Haynau, qui là - l'attendoit sus le rivage. Et quant la relation l'en fu - faite, si dist au chevalier: «Grant mercis!» Lors s'en - parti et s'en revint arrière à leur logeis, et trouva le 25 - conte de Haynau, son (neveu), qui jeuoit as eschés - au conte de Namur. Li contes se leva si tost qu'il - vey son oncle, et li demanda nouvelles. «Sire, dist - messires Jehans de Haynau, à ce que je puis veoir et - considerer, li rois de France et ses consaulz prendent 30 - grant plaisance en ce que vous sejournés chi à grant - frait, et dient ensi qu'il vous feront despendre et engagier - toute vo terre. Et quant bon leur samblera, il - vous combateront, non à vostre volenté ne aise, - mais à le leur.» De ces responses fu li contes de Haynau - tous grigneus, et dist qu'il n'iroit mies ensi. - - - § 113. Nous nos tairons un petit à parler dou 5 - duch de Normendie et dou conte de Haynau, et parlerons - dou roy Edouwart d'Engleterre, qui estoit - mis sus mer pour venir et arriver, selonch se intention, - en Flandres, et puis venir en Haynau aidier à - guerriier le conte, son serourge, contre les François. 10 - Ce fu le jour devant le vegille Saint Jehan Baptiste, - l'an mil trois cens et quarante, qu'il nagoit par mer - à belle carge de naves et de vaissiaus. Et estoit toute - sa navie partie dou havene de Tamise, et s'en venoit - droitement pour arriver à l'Escluse. 15 - - Et adonc se tenoient entre Blankeberghe et l'Escluse - et sus le mer messires Hues Kierés, messires - Pières Bahucés et Barbevaire, à plus de sept vint - gros vaissiaus sans les hokebos. Et estoient bien Normans, - Bidaus, Geneuois et Pikars quarante mille. Et 20 - estoient là ancré et arresté, au commandement dou - roy de France, pour attendre le revenue dou roy - d'Engleterre, car bien savoient qu'il devoit rapasser; - se li voloient veer et deffendre le passage, ensi qu'il - fisent bien et hardiement, tant qu'il peurent, si com 25 - vous orés recorder. Li rois d'Engleterre et li sien, - qui s'en venoient tout singlant, regardent et voient - devers l'Escluse si grant quantité de vaissiaus que des - mas ce sambloient droitement uns bos; si en fu forment - esmervilliés, et demanda au patron de se navie 30 - quelz gens ce pooient estre. Il respondi qu'il cuidoit - bien que ce fust li armée des Normans que li rois de - France tenoit sus mer, et qui pluiseurs fois li avoient - fait grant damage, et tant que ars et robet le bonne - ville de Hantonne, et conquis _Christofle_, son grant - vaissiel, et occis chiaus qui le gardoient et conduisoient. 5 - Dont respondi li rois englès: «J'ay de lonch - temps desiré que je les peuisse combatre; si les combaterons, - s'il plaist à Dieu et à saint Jorge, car voirement - m'ont il fais tant de contraires que j'en voel - prendre le vengance, se g'i puis avenir.» 10 - - Lors fist li rois ordonner tous ses vaissiaus et mettre - les plus fors devant, et fist frontière à tous costés - de ses archiers; et entre deux nefs d'arciers, en y - avoit une de gens d'armes. Et encores fist il une bataille - sus costière, toute purainne d'arciers, pour reconforter, 15 - se mestier faisoit, les plus lassés. Là y - avoit grant fuison de dames d'Engleterre, contesses, - baronnesses, chevalereuses et bourgoises de Londres, - qui venoient veoir le royne d'Engleterre à Gand, que - veue n'avoient un grant temps. Et ces dames fist li 20 - rois englès bien garder et songneusement de trois cens - armeures de fier et de cinq cens arciers. Et puis pria - li rois à tous que il volsissent penser dou bien faire - et garder sen honneur; et cescuns li eut en couvent. - - - § 114. Quant li rois d'Engleterre et si mareschal 25 - eurent ordené leurs batailles et leurs navies bellement - et sagement, il fisent tendre et traire les voiles - contremont, et vinrent au vent, de quartier, sus destre, - pour avoir l'avantage dou soleil, qui en venant - lor estoit ou visage. Si s'avisèrent et regardèrent que 30 - ce les pooit trop nuire, et detriièrent un petit, et - tourniièrent tant qu'i(l) l'eurent à leur volenté. Li - Normant, qui les veoient tourniier, s'esmervilloient - trop pour quoi il le faisoient et disoient: «Il ressongnent - et reculent, car il ne sont pas gens pour - combatre à nous.» Bien veoient entre yaus li Normant, 5 - par les banières, que li rois d'Engleterre y estoit - personelment; si en estoient moult joiant, car - trop le desiroient à combatre. Si misent leurs vaissiaus - en bon estat, car il estoient sage de mer et bon - combatant. Et ordonnèrent _Christofle_, le grant vaissiel 10 - que conquis avoient sus les Englès en celle meisme - anée, tout devant, et grant fuison d'arbalestriers - geneuois dedens, pour le garder et traire et escarmucier - as Englès. Et puis s'arroutèrent, à grant fuison - de trompes et de trompètes et de pluiseurs aultres 15 - instrumens, et s'en vinrent requerre leurs ennemis. - - Là se commença bataille dure et forte, de tous - costés. Et arcier et arbalestrier commencièrent à - traire l'un contre l'autre diversement et roidement, - et gens d'armes à approcier et à combatre main à 20 - main asprement et hardiement. Et par quoi il peuissent - mieus avenir li un à l'autre, il avoient grans cros - et havés de fier tenans à chainnes; si les jettoient - ens ès nefs li un de l'autre, et les atachoient ensamble, - à fin qu'il se peuissent mieulz aherdre et plus 25 - fierement combatre. Là eut une très dure et forte - bataille, et mainte apertise d'armes faite, mainte - luite, mainte prise et mainte rescousse. Là fu _Christofles_, - cilz grans vaissiaus, auques de commencement - reconquis des Englès, et tout chil mort et peri 30 - qui le gardoient et deffendoient. Et adonc y eut grant - huée et grant noise; et approcièrent durement li Englès - et pourveirent incontinent _Christofle_, ce biel et - grant vaissiel, de purs arciers qu'il fisent passer tout - devant et combatre as Geneuois. - - - § 115. Ceste bataille dont je vous parolle fu moult - felenesse et très horrible, car batailles et assaus sus 5 - mer sont plus dur et plus fort que sus terre; car là - ne poet on reculer ne fuir, mais se fault vendre et - combatre, et attendre l'aventure, et cescun endroit - de lui moustrer son hardement et se proèce. Bien - est verités que messires Hues Kierés estoit bons chevaliers 10 - et hardis, et ossi messires Pières Bahucés et - Barbevaires, qui dou temps passet avoient fait maint - meschief sus mer, et mis à fin tamaint Englès. Si - dura la bataille et la pestilense, de l'eure de prime - jusques à haute nonne. Si poés bien croire que, ce 15 - terme durant, il y eut mainte apertise d'armes faite. - Et couvint là les Englès souffrir et endurer grant - painne, car leur ennemit estoient quatre contre un, - et toute gent de fait et de mer. De quoi li Englès, - pour tant qu'il besongnoit, se prendoient moult 20 - priès de bien faire. - - Là fu li rois d'Engleterre, de sa main très bons - chevaliers, car il estoit adonc en le fleur de se jonèce. - Et ossi furent li contes Derbi, li contes de Pennebruch, - li contes de Herfort, li contes de Hostidonne, 25 - (ly contes de Kent, ly contes de Norhantonne[335]) - et de Clocestre, messires Renaulz de Gobehen, messires - Richars de Stanfort, li sires de Persi, messires - Gautiers de Mauni, messires Henris de Flandres, - messires Jehans de Biaucamp, li sires de Felleton, li - sires de Brasseton, messires Jehans Chandos, li sires - de le Ware, li sires de Muleton et messires Robers - d'Artois, qui s'appelloit contes de Ricemont, et estoit - dalés le roy en grant arroi et en bonne estoffe, et 5 - pluiseur aultre baron et chevalier, plain d'onneur et - de proèce, des quelz je ne puis mie de tous parler, - ne leurs bien fais ramentevoir. Mais il s'i esprouvèrent - si bien et si vassaument, par mi un secours de - Bruges et dou pays voisin qui leur vint, qu'il obtinrent 10 - le place et l'yawe. Et furent li Normant et tout - cil qui là estoient encontre yaus mort et desconfi, peri - et noiiet, ne onques piés n'en escapa que tout ne - fuissent mis à (mort[336]). Ceste avenue fu moult tost - sceue par mi Flandres et puis en Haynau. Et en vinrent 15 - les certainnes nouvelles ens ès deux hos, à - heure de mienuit, devant Thun l'Evesque. Si en furent - Haynuier, Flamench, Alemant et Braibençon - moult resjoy, et li François très courouciet. Or vous - conterons dou roy englès comment il persevera 20 - apriès la bataille faite. - - [335] Mss. B4, 3, fo 56.--Ms. B1, fo 84 (lacune). - - [336] Ms. B3, fo 56.--Mss. B1, 4, fo 84: «bort.» Mauvaise leçon. - - - § 116. Quant ceste victore, ensi que dessus est - dit, fu avenue au roy englès, il demora toute celle - nuit, qui fu la vigile Saint Jehan Baptiste, sus mer - en ses naves devant l'Escluse, en grant bruit et en 25 - grant noise de trompes et de nakaires et de toutes - manières de menestraudies. Et là le vinrent veoir - chil de Flandres, qui estoient enfourmé de se venue. - Si demanda li dis rois nouvelles as bourgois de Bruges, - de Jakemon d'Artevelle; et cil respondirent qu'il - estoit à une semonse dou conte de Haynau contre le - duch de Normendie, à plus de soixante mille Flamens. - Ces parolles furent assés plaisans au roy englès. - Quant ce vint à l'endemain, le jour Saint Jehan, 5 - li rois et toutes ses gens prisent port et terre. Et se - mist li rois tout à piet, et grant fuison de se chevalerie; - et s'en vinrent en cel estat en pelerinage à - Nostre Dame d'Ardenbourch. Là oy messe li rois et - disna, et puis monta; et vint celi jour, sus le soir, à 10 - Gand, où ma dame la royne sa femme estoit, qui le - rechut à grant joie. Et toutes les gens le roy et tous - leurs harnois vinrent celle part depuis petit à petit. - - Li rois d'Engleterre avoit escript et segnefiiet sa - venue as signeurs qui encores estoient à Thun l'Evesque, 15 - devant les François: si ques, si tretost qu'il - sceurent qu'il estoit arrivés, et qu'il avoit desconfis - les Normans, il se deslogièrent. Et donna li dis contes - de Haynau, à quel priière et mandement il estoient - là venu, toutes manières de gens congiet, exceptet 20 - les corps des grans signeurs. Mais chiaus là - amena il en Valenchiènes, et les festia et honnoura - grandement, par especial le duch de Braibant et Jakemon - d'Artevelle. Et là preeça li dis d'Artevelle, en - mi le marchiet, present tous les signeurs et chiaus 25 - qui le peurent oïr. Et remoustra quelz drois li rois - d'Engleterre avoit à le calenge de France, et ossi quel - poissance li troi pays avoient, Flandres, Haynau et - Braibant, quant il estoient d'un accord et d'une alliance - ensamble. Et fist tant adonc, par ses paroles 30 - et par son grant sens, que toutes manières de gens - qui l'oïrent et entendirent, disent qu'il avoit durement - bien parlet et par grant experiense, et en fu de - tous moult loés et prisiés; et disent qu'il estoit bien - dignes de gouvrener et excerser le conté de Flandres. - - Apriès ces coses faites et devisées, li signeur se - partirent li un de l'autre, et prisent un brief jour de 5 - estre ensamble à Gand dalés le roy d'Engleterre. Si - y furent le sizime jour apriès, et vinrent veoir le roy, - qui les rechut à grant chière, et les conjoy et festia - moult liement. Et ossi fist la royne d'Engleterre, - Phelippe de Haynau, qui assés nouvellement estoit 10 - relevée d'un fil qui s'appelloit Jehans, et fu depuis - dus de Lancastre de par ma dame, sa femme, fille - au duch Henri de Lancastre, si com vous orés recorder - avant en l'ystore. Adonc fu pris et assignés - uns certains jours de parlement, à estre à Villevort 15 - tous les signeurs et leurs consaulz, et li consaulz des - bonnes villes de leurs pays. Si se partirent dou roy - d'Engleterre, et s'en rala cescuns en son lieu, attendans - que li termes devoit venir pour estre à Vilvort, - si com dessus est dit. Or vous compterons un petit 20 - dou roy de France, et de aucunes de ses ordenances, - (qu'il fist depuis[337]) qu'il sceut que li rois englès fu - arivés en Flandres. - - [337] Mss. B3, 4, fo 56 vo.--Ms. B1, fo 84 vo (lacune). - - - § 117. Quant li rois Phelippes de France sceut le - verité de sen armée sus mer, comment il avoient 25 - esté desconfi, et que li rois englès, ses adversaires, - estoit arrivés paisievlement en Flandres, si en fu durement - courouciés, mès amender ne le peut; si se - desloga et se retray viers Arras, et donna une partie - de ses gens d'armes congiet, jusques à tant qu'il oroit 30 - aultres nouvelles. Mais il envoia monsigneur Godemar - dou Fay en Tournay, pour là aviser des besongnes, - et penser que la cité fust bien pourveue, car il - se doubtoit plus des Flamens que d'autrui. Et mist - le signeur de Biaugeu en Mortagne, pour faire frontière 5 - contre les Haynuiers; et envoia grant fuison de - gens d'armes à Saint Omer, à Aire et à Saint Venant; - et pourvei souffissamment tout le pays, sus les frontières - de Flandres. - - En ce temps, regnoit uns rois en Sesille, qui s'appelloit 10 - Robers, qui avoit le fame et le renommée de - estre très grans astro(no)miens, et deffendoit, ce qu'il - pooit, au roy de France et à son conseil que point - ne se combatesist au roy englès, car li dis rois englès - devoit estre trop fortunés en toutes ses besongnes. 15 - Et euist volentiers veu li dis rois Robers que on euist - les dessus dis rois mis à acord et à fin de leur guerre, - car il amoit tant la couronne de France que à envis - veist se desolation. Si estoit li dessus dis rois en ce - temps venus en Avignon devers le pape Clement et 20 - le Collège, et leur avoit remoustré les perilz qui - pooient estre en France, par le fait des guerres des - deux rois, et encores avoech ce priiet et requis qu'il - se volsissent ensonniier d'yaus apaisenter, pour tant - qu'il les veoit si esmeus en grant guerre où nulz 25 - n'aloit au devant. De quoi li papes Clemens VIe et - li cardinal l'en avoient respondu tout à point et dit - qu'il y entenderoient volentiers, mès que li doi roy - en volsissent oïr. - - - § 118[338]. Or retourrons nous au parlement qui fu à 30 - Vilvort, si com dessus est dit. A ce parlement qui - fu à Vilvort, furent tout cil signeur après denommet: - premierement li rois d'Engleterre, li dus Jehans de - Braibant, li contes de Haynau, messires Jehans de - Haynau, ses oncles, li dus de Guerles, li contes de 5 - Jullers, li markis de Blankebourch, li markis de Misse - et d'Eurient, li contes des Mons, messires Robers - d'Artois, li sires de Faukemont, messires Guillaumes - de Duvort, li contes de Namur, Jakemes d'Artevelle, - et grant fuison d'aultres signeurs; et de toutes les 10 - bonnes villes de Flandres, de Braibant et de Haynau, - deux ou quatre hommes, par manière de conseil. Là - furent parlementé et consilliet pluiseur avis et estatut - entre les signeurs et leurs pays. Et acordèrent et - seelèrent li troy pays, loist assavoir Flandres, Haynau 15 - et Braibant, qu'il seroient, de ce jour en avant, - aidant et confortant l'un l'autre, en tous cas et en - tous afaires. Et se alloiièrent par certainnes couvenences - que, se li uns des trois pays avoit à faire contre - qui que ce fust, li doi autre le devoient aidier. Et 20 - se il avenoit qu'il fuissent en discort dou temps à venir - li doi ensamble, li tiers y devoit mettre bon acord. - Et se il n'estoit fors pour ce faire, il s'en devoit traire - au roy d'Engleterre, en qui main ces couvenences et - alliances estoient dittes et jurées à tenir fermes et 25 - estables, qui comme ressors les devoit apaisenter. - - [338] Dans le ms. B1, fo 85, il n'y a aucune coupure après ces - mots: «volsissent oïr»; nous avons suivi quelques bons mss., - notamment celui de Besançon, fo 61, qui commencent ici un - paragraphe distinct. - - Et furent pluiseur estatut là juret, escript et seelet, - qui depuis se tinrent trop mal. Mais toutes fois, - par confirmation d'amour et d'unité, il ordonnèrent - à faire forgier une monnoie coursable ens ès trois 30 - pays, que on appelleroit _compagnons_ ou _alloiiés_. Sus - le fin des parlemens, il fu dit et arresté et regardé - pour le milleur que, environ le Magdelainne, li rois - englès s'esmouveroit et venroit efforciement mettre - le siège devant le bonne cité de Tournay. Et là y 5 - devoient estre avoecques lui tout li signeur dessus - nommet, avoech leur mandement de chevaliers et - d'escuiers, et li pooirs des bonnes villes. Si se partirent - sus tel estat que pour yaus retraire en leurs - pays, et appareillier souffisanment, cescun selonch 10 - che qu'il apertenoit, pour estre mieus pourveu, quant - li jours et li termes venroit qu'il devoi(en)t estre devant - le cité de Tournay, et cescuns selonch son estat. - - - § 119. Or sceut li rois Phelippes, assés tost apriès - le departement de ces signeurs qui à Vilvort avoient 15 - esté, le plus grant partie de l'ordenance de ce parlement - et tout l'estat, et comment li rois englès devoit - venir assegier le cité de Tournay; si s'avisa qu'il le - conforteroit telement et y envoieroit si bonne chevalerie, - que la cité seroit toute seure et bien consillie. 20 - Si y envoia droitement fleur de chevalerie, le conte - Raoul d'Eu, connestable de France, et le jone conte - de Ghines, son fil, le conte de Fois et ses frères, le - conte Aimeri de Nerbonne, monsigneur Aymart de - Poitiers, monsigneur Joffroi de Chargni, monsigneur 25 - Gerart de Montfaucon, ses deux mareschaus monsigneur - Robert Bertran et monsigneur Mahieu de Trie, - le signeur de Kaieus, le senescal de Poito, le signeur - de Chastillon et monsigneur Jehan de Landas. Chil - avoient avoech yaus chevaliers et escuiers, preus as 30 - armes, et très bonnes gens. Si leur pria li dis rois - chierement qu'il vosissent si bien penser et songnier - de Tournay que nulz damages ne s'en presist; et il - li eurent en couvent. Adonc se partirent il d'Arras, - et chevaucièrent tant par leurs journées qu'il vinrent - à Tournay. Si y trouvèrent monsigneur Godemar 5 - dou Fay, qui en devant y avoit esté envoiiés, qui - les rechut liement; et ossi fisent tout li homme de le - ville. Assés tost apriès che qu'il furent venu, il regardèrent - et fisent regarder as pourveances de le - cité, tant en vivres comme en artillerie, et ordonnèrent 10 - bien et à point, selonch che qu'il besongnoit; - et y fisent amener et achariier, dou pays voisin, - grant fuison de blés et d'avainnes et de toutes aultres - pourveances, tant que la chité fu en bon point, - pour lui tenir un grant temps. 15 - - - § 120[339]. Or retourrons au roy d'Engleterre, qui se - tenoit à Gand, dalés la royne sa femme, et entendoit - à ordener ses besongnes. Quant li termes deubt - approcier que li signeur dessus nommet se devoient - trouver devant Tournay, et que li bled commençoient 20 - à meurir, li rois englès se parti de Gand à - moult belle gent d'armes de son pays, sept contes, - deux prelas, vingt huit banerès et bien deux cens - chevaliers. Et estoient Englès quatre mille hommes - d'armes et neuf mille archiers, sans le pietaille. Si 30 - s'en vint et passa et toute sen host parmi le ville de - Audenarde; et puis passa le rivière d'Escaut, et s'en - vint logier devant Tournay, à le porte c'on dist - Saint Martin, ou chemin de Lille et de Douay. Assés - tost après, vint ses cousins li dus de Braibant, à plus - de vingt mille hommes, chevaliers et escuiers, et les - communautés de ses bonnes villes. Et se loga li dis - dus devant Tournay; et comprendoit sen host grant - quantité de terre. Et estoient Braibençon logiet au 5 - Pont à Riès, contreval l'Escaut, mouvant de l'abbeye - Saint Nicolay, revenans vers le Pire et le porte Vale(n)cenoise. - Apriès estoit li contes Guillaumes de - Haynau avoech belle bachelerie de son pays; et avoit - grant fuison de Hollandois et de Zellandois, qui le 10 - gardoient de priès, et le servoient ensi que leur signeur. - Et estoit li contes de Haynau logiés entre le - duch de Braibant et le roi d'Engleterre. Apriès estoit - Jakemes d'Artevelle à plus (de) soixante mil Flamens - sans chiaus de Ippre, de Popringhe et de Cassiel et 15 - de le chastelerie de Berghes, qui estoient envoiiet - d'autre part, ensi que vous orés chi après. Et estoit - Jakemes d'Artevelle logiés à le porte Sainte Fontainne, - d'une part de l'Escaut et d'aultre. Et avoient - li Flamench fait un pont de nefs sus l'Escaut, pour 20 - aler et venir à lor aise. Li dus de Guerles, li contes - de Jullers, li markis de Blankebourch, li markis de - Misse et d'Eurient, li contes des Mons, li contes de - Saumes, li sires de Faukemont, li sires de Bakehen - et tout li Alemant estoient logiet d'autre part devers 25 - Haynau, et avoient fait ossi un pont sus l'Escaut, au - dessus de Tournay, et pooient aler et chevaucier de - l'une host en l'autre. Ensi estoit la cité de Tournay - assise et environnée de tous lés et de tous costés, ne - nulz n'en pooit partir, entrer ne aler, que ce ne fust - par congiet, et qu'il ne fust veus et aperceus de 30 - chiaus de l'ost, sus le quel costet que che fust. - - [339] Ms. A8, fo 59, et ms. A1, fo 61 vo. Il n'y a pas ici de - coupure dans les mss. B1, 3 et 4. - - - § 121. Chilz sièges fais et arrestés devant le cité de - Tournay, si com vous avés oy, dura longement. Et - estoit li hos de chiaus de dehors bien pourveue et - avitaillie de tous vivres, et à bon marchiet, car il - lor venoit de tous lés, par terre et par yawe. Si 5 - y eut, le siège durant, là environ pluiseurs belles - apertises d'armes faites et pluiseurs chevaucies, des - quèles nous ferons en sievant mention. Car li - jones contes de Haynau, qui estoit hardis et entreprendans, - avoit si pris en coer ceste guerre, comment 10 - que de premiers il en fu moult frois, que c'estoit - cilz par qui toutes se mettoient sus les envaies - et les chevaucies. Et se parti de l'host à une matinée, - à bien cinq cens lances, et s'en vint passer desous - Lille, et ardi le bonne ville de Seclin et grant fuison 15 - de villiaus là environ. Et coururent si coureur jusques - ens ès fourbours de Lens en Artois. Tout ce fu - recordé au roy Phelippe, son oncle, qui se tenoit en - Arras; si en fu moult courouciés, mès amender ne - le peut tant c'à ceste fois. Encores apriès ceste chevaucie, 20 - en remist li contes une sus, et chevauça - adonc devers le bonne ville d'Orcies; si fu prise et - arse, car elle n'estoit point fremée, et Landas et li - Celle, et pluiseur bon village qui sont là en ce contour. - Et coururent tout le pays où il eurent très grant 25 - pillage, et puis s'en revinrent au siège de Tournay. - - D'autre part, li Flamench assalloient souvent chiaus - de Tournay, et avoient fait en nefs sus l'Escaut bierfrois - et atournemens d'assaus; et venoient hurter et - escarmucier, priés que tous les jours, à chiaus de 30 - Tournay. S'en y avoit souvent des navrés, des uns - et des aultres. Et se mettoient en grant painne li - Flamench de conquerre et de damagier Tournay, - tant avoient pris le guerre en coer. Et on dist et - voirs est qu'il n'est si felle guerre que de voisins et - d'amis. Et entre les assaus que li Flamench fisent, il en - y eut un qui dura un jour tout entier. Là eut tamainte 5 - grant apertise d'armes faite, car tout li signeur et li - chevalier qui en Tournay estoient furent à cel assaut. - Et estoit li dis assaus fais en nefs et en vaissiaus, à - ce appareilliés de lonch temps, pour ouvrir et pour - rompre les barrières à le posterne de l'arce; mais 10 - elles furent si bien deffendues que li Flamench n'i - conquisent riens; ançois perdirent une nef toute cargie - de gens, dont il en y eut plus de six vingt noiiés; - et retournèrent au soir tout lasset et tout travilliet. - - - § 122. Le siège durant et tenant devant Tournay, 15 - issirent hors une matinée li saudoiier de Saint Amand, - dont il en y avoit grant fuison, et vinrent à Hanon - qui se tient de Haynau, et ardirent le ville et violèrent - l'abbeye et destruisirent le moustier; et en menèrent - et en portèrent devant yaus tout che que mener 20 - et emporter en peurent, et puis retournèrent en - Saint Amand. Assés tost après, se partirent li saudoiier - dessus dit, et passèrent le bos de Saint Amand, - et vinrent jusques à l'abbeye de Vicogne, pour le - ardoir et essillier; et en fuissent venu à leur entente, 25 - car il avoient fait un grant feu contre le porte, pour - le ardoir et abatre à force; mais uns gentilz abbes, - qui laiens estoit pour le temps, y pourvei de grant - remède. Car, quant il eut consideré le peril, il monta - à cheval et parti par derrière, et chevauça tous les 30 - bos, à le couverte, et fist tant que moult quoiteusement - il vint à Valenchiènes. Si requist au prevost de - le ville et as jurés que on li volsist prester les arbalestriers - de le ville, pour aidier à deffendre sa maison; - et cil li acordèrent volentiers. Si les en mena - dans abbes avoech lui; et passèrent derrière Raimes, 5 - et les mist en ce bois, qui regarde vers le Pourcelet, - et sus le caucie. Là commencièrent il à traire et à - berser sur ces bidaus et Geneuois, qui estoient devant - le porte de Vicongne. Si tretost qu'il sentirent - ces saiettes qui leur venoient de dedens le bos, si furent 10 - tout effraé, et se misent au retour, cescuns qui - mieulz mieulz. Ensi fu li abbeye de Vicongne sauvée. - - En ce temps, estoit li contes de (Lille), en Gascongne, - de par le roy de France, qui y faisoit la guerre, - et avoit priès repris et conquis tout le pays d'Acquitainne; 15 - et y tenoit les champs, à plus de six mille - chevaus; et avoit assis Bourdiaus, par terre et par - aigue. Si estoient avoecques le dit conte toute li fleur - de chevalerie des marches de Gascongne, li contes - de Pieregorth, li contes de Commignes, (ly vicontes 20 - de Carmaing[340]), li viscontes de Villemur, li viscontes - de Brunikiel, li sires de la Barde et pluiseur aultre - baron et chevalier. Et n'estoit nulz, de par le roy - englès, qui leur veast leurs chevaucies, fors tant que - les forterèces englesces se tenoient et gardoient à leur 25 - pooir. Et là en ce pays avinrent moult de biaus fais - d'armes, des quelz nous vous parlerons chà en apriès, - quant temps et lieus sera. Mès nous retourrons encores - un petit as besongnes qui avinrent en Escoce, - le siège durant et tenant devant le cité de Tournay. 30 - - [340] Mss. B4, 3, fo 58.--Ms. B1 (lacune). - - - § 123. Vous devés savoir que messires Guillaumes - de Douglas, filz dou frère à monsigneur Guillaume - de Douglas qui demora en Espagne, si com chi dessus - est contenu, li jones contes de Mouret, li contes - Patris, li contes de Surlant, messires Robers de Versi, 5 - messires Symons Fresel, Alixandres de Ramesay estoient - demoret chapitainne del remanant d'Escoce, - et se tenoient et tinrent longement en celle forest de - Gedours, par yvier temps et par esté, par l'espasse - de sept ans et plus, comme très vaillans gens; et guerrioient 10 - toutdis les villes et les forterèces, là où li rois - Edowars avoit mis ses gens et ses garnisons; et souvent - leur avenoit des belles aventures et perilleuses, - des quèles il se partoient à grant honneur, par quoi - on les doit conter entre les preus, ossi fait on. 15 - - Si avint ens ou temps que li rois englès estoit par - deçà, et guerrioit le royaume de France, et seoit - devant Tournay, que li rois Phelippes envoia en Escoce - gens, qui arrivèrent en le ville de Saint Jehan. - Et prioit adonc li rois de France à ces dessus nommés 20 - signeurs d'Escoce qu'il volsissent esmouvoir et - faire si grant guerre sus le royaume d'Engleterre, - qu'il couvenist que li rois englès s'en ralast oultre, - et deffesist son siège de devant Tournay, et leur promist - à aidier et conforter de poissance, de gens et 25 - d'avoir: si ques, en ce temps que li sièges fu devant - Tournay, cil signeur d'Escoce se pourveirent, à - le requeste dou roy de France, pour faire une grande - chevaucie sus les Englès. Quant ilz furent bien pourveu - de grans gens, ensi qu'il leur besongnoit, il se 30 - partirent de le forest de Gedours, et alèrent par toute - Escoce reconquerre des forterèces celles qu'il peurent - ravoir; et passèrent oultre le bonne cité de Bervich - et le rivière de Thin, et entrèrent ens ou pays de - Northombreland, qui jadis fu royaumes. Là trouvèrent - ilz bestes grasses à grant fuison. Si gastèrent - tout le pays et ardirent jusques à le cité de Duremme 5 - et assés oultre; puis s'en retournèrent arrière par - un aultre chemin, gastant et ardant le pays, si qu'il - destruisirent bien en celle chevaucie trois journées - long del pays le roy englès; et puis rentrèrent ens - ou pays d'Escoce, et reconquisent toutes les forterèces 10 - que li Englès tenoient, hors mis le bonne cité de - Bervich, et trois aultres fors chastiaus qui leur faisoient - trop grant anoy et souvent, pour le(s) vaillans - gens qui les gardoient, et le pays d'entours ossi. Et - estoient et sont encores chil troi chastiel si fort que 15 - à painnes poroit on trouver si fors en nul pays. Si - appell' on l'un Struvelin, l'autre Rosebourch, et le - tierch et le souverain de tout le royaume d'Escoce - Haindebourch. Li chastians de Haindebourch siet - sus une haute roce, par quoi on voit tout le pays 20 - d'environ. Et est la montagne si roste et si malaisie - que à grant painne y poet uns homs monter, sans - reposer deux fois ou trois, et ensi uns chevaus à demie - charge. Et estoit cilz adonc qui faisoit plus de - contraires à ces signeurs d'Escoce et à leurs gens. Et 25 - en estoit chastellains et gardiiens, pour le temps de - lors, uns vaillans chevaliers englès, qui s'appelloit - messires Gautiers de Limoges, frères germains à monsigneur - Richart de Limosin, qui si vaillamment se - tint et deffendi à Thun l'Evesque contre les François. 30 - - Or avint, en ce temps que li sièges se tenoit devant - Tournay, et que cil signeur d'Escoce, si com - dessus est dit, chevauçoient parmi le pays d'Escoce, - reconquerant les forterèces à leur loyal pooir, messires - Guillaumes Douglas s'avisa d'un grant fait et - perilleus et d'une grant subtileté, et le descouvri à - aucuns de ses compagnons, au conte Patris, à monsigneur 5 - Symon Fresiel, qui avoit estet mestres et - gardiiens dou roy David d'Escoce, et à Alixandre de - Ramesai, qui tout s'i accordèrent et se misent en - celle perilleuse aventure avoecques le bon chevalier - dessus dit; et prisent bien jusques à deux cens compagnons 10 - de ces (Escos[341]) sauvages, pour faire une - embusche, ensi com vous orés. Chil quatre signeur - et gouvreneur de tous les Escos, qui savoient le pensée - li uns de l'autre, entrèrent en mer à toute leur - compagnie, et fisent pourveance d'avainne, de blanche 15 - farine, et de carbon de fèvres; puis arrivèrent - paisievlement à un port qui estoit à trois liewes - priès de ce fort chastiel de Haindebourch, qui lor - destraindoit plus que tout li aultre. Quant il furent - arrivet, il issirent hors par nuit, et prisent dix ou 20 - douze des compagnons ens ès quelz ilz se confioient - le plus, et se vestirent de povres cotes deschirées et - de povres capiaus, à guise de povres marcheans, et - chargièrent douze petis chevalés de douze sas, les uns - emplis d'avainne, les aultres de farine, et le(s) aultres 25 - de charbon de fèvres. Et envoiièrent les aultres compagnons - embuschier en une deschirée abbeye et gastée - là où nulz ne demoroit; et estoit assés priès dou - piet de le montagne sour quoi li chastiaus seoit. - Quant jours fu, cil marchant, qui estoient couvertement 30 - armet, s'esmurent et se misent au chemin viers - le chastiel à tout les chevaus chargiés, ensi que vous - avés oy. Quant il vinrent au piet de le montagne, - qui estoit si roste et si malaisie à monter, il menèrent - les chevalés chargiés amont, ensi qu'il peurent. - Quant il vinrent en le moiiené de le montagne, li 5 - dis messires Guillaumes Douglas et messires Symons - Fresiel alèrent devant (et firent les autres venir[342] - tout bellement), et fisent tant qu'il vinrent au - portier, et li disent qu'il avoient amenet, en grant - paour, bled, farine et avainne; s'il leur besongnoit, 10 - il leur venderoient volentiers, et à bon marchié. Li - portiers respondi que voirement besongneroient il bien - en le forterèce, mais il estoit si matin qu'il n'oseroit - esvillier le signeur de le forterèce ne le mestre d'ostel; - mais il fesissent venir avant le pourveance, et il 15 - leur ouveroit le première porte des bailles. Cil le - oïrent volentiers, et fisent passer avant tout bellement - les aultres avoech leur charge, et entrèrent tout - en le porte des bailles, qui leur fu ouverte. Messires - Guillaumes Douglas avoit bien veu que li portiers 20 - avoit toutes les clés de le grant porte dou chastiel, - et avoit couvertement demandet au portier le quèle - deffremoit le porte, et la quèle le guicet. Quant la - porte des bailles fu ouverte, si com vous avés oy, il - misent ens les chevalés, et en deschargièrent deux, 25 - qui portoient les sas plains de charbon, droitement - sus le suel de le porte, à fin que on ne le peuist reclore; - puis prisent le portier et le tuèrent si paisievlement - que onques ne dist mot; et prisent les clés, - et deffremèrent le porte dou chastiel. Puis corna li 30 - dis messires Guillaumes Douglas un cor, et jettèrent - il et si treize compagnon les cotes deschirées tantost - jus, et reversèrent les aultres sas plains de charbon - au travers de le porte, par quoi on ne le peuist clore. - - [341] Mss. B3, fo 59.--Ms. B1, fo 88 (lacune). - - [342] Mss. B4, 3, fo 59.--Ms B1, fo 88 (lacune). - - Quant li aultre compagnon, qui estoient embuschiet - assés priès dou chastiel, ensi que vous avés oy, 5 - oïrent le cor sonner, il sallirent hors de l'embuschement - et coururent contremont le voie del chastiel, - tant qu'il peurent. Li gaitte, qui dormoit adonc, se - esvilla au son del cor, et vey gens monter hasteement - contremont le chastiel, tous armés. Si commença 10 - à corner et à criier tant qu'il peut: «Trahi! - Trahi!» Adonc se esvilla li chastelains, et tout chil - de laiens ossi s'armèrent, si tost qu'il peurent, et - vinrent tout acourant à le porte, qui plus tost peurent, - pour le refremer, mais on leur devea, car messires 15 - Guillaumes et si douze compagnon leur deffendirent. - Adonc monteplia grans hustins entre yaus, - car chil dou chastiel ewissent volentiers le porte refremée - pour leurs vies sauver, car il perchevoient - bien qu'il estoient trahi. Et cil qui bien avoient 20 - acompli leur emprise et leur desirier se penoient - tant qu'il pooient del detenir; et tant fisent par leur - proèce qu'il detinrent l'entrée, tant que cil de l'embuschement - furent parvenu à yaus. Lors se commencièrent - à esbahir cil dou chastiel, car il veirent 25 - bien qu'il estoient souspris. Si s'efforcièrent de deffendre - le chastiel, et de leurs ennemis remettre hors, - se ilz peuissent, et fisent tant d'armes que merveilles - estoit à regarder, et par especial messires Gautiers - de Limozin, car il besongnoit. Mais darrain lor deffense 30 - ne les peut sauver, comment qu'il en tuèrent - et navrèrent aucuns de chiaus dehors, que li dis - messires Guillaumes Douglas et si compagnon ne gaegnassent - le fort chastiel par force, et occirent le plus - grant partie de chiaus qui le gardoient, excepté le - chastellain et six escuiers qu'il prisent à merci. Si - demorèrent laiens tout le jour; puis y establirent 5 - chastellain (ung[343]) gentilhomme dou pays, un escuier - qui s'appelloit Symons de Weseby, et avoech lui grant - fuison de bons compagnons et hommes de fief d'Escoce. - Ensi fu repris li fors chastiaus de Haindebourch - en Escoce. Et en vinrent les certainnes nouvelles au 10 - roy englès, entrues qu'il seoit devant Tournay, au - quel siège nous retourrons à parler, car il est heure. - - [343] Ms. B3, fo 59 vo.--Mss. B1, 4, fo 89:«d'un.» - - - § 124. Vous avés bien chi dessus oy recorder comment - li rois englès avoit assegiet le bonne cité de - Tournay, et moult le constraindoit, car il avoit en 15 - son host plus de six vingt mille hommes as armes, - parmi les Flamens, li quel s'acquittoient bien de l'assallir. - Et l'avoient li assegeur telement environné de - tous costés, que riens ne leur pooit venir, entrer - ne issir, qu'il ne fust tantost hapés et perceus. Et 20 - pour tant que les pourveances de le cité commencièrent - à amenrir, li signeur de France, qui là estoient, - fisent widier toutes manières de povres gens, qui - pourveu n'estoient pour attendre l'aventure, et les - misent hors à plain jour, hommes et femmes; et 25 - passèrent parmi l'ost dou duch de Braibant qui leur - fist grasce, car il les fist conduire sauvement tout - oultre l'ost. Li rois englès entendi bien par chiaus et - par aultres que la cité estoit durement astrainte; si en - fu plus joieus, et pensa que bien il le conquerroit, - com longement ne quel fret que il y mesist. - - D'autre part, li rois de France, qui se tenoit à Arras, - et estoit tenus toute le saison, entendi que cil de - Tournay estoient moult constraint, et qu'il avoient 5 - grant mestier d'estre conforté. Si s'ordena à ce qu'il - les conforteroit, à quel mescief que ce fust, car il - ne voloit mies perdre une tèle cité que Tournay estoit. - Si fist un très grant mandement par tout son - royaume, et ossi une grant priière en l'Empire, tant 10 - qu'il eut le roy Charlon de Behagne, le duch de - Loeraingne, le conte de Bar, (l'evesque de Liège, l'evesque - de Miés[344]), l'evesque de Vredun, le conte de - Montbliar, messire Jehan de Chalon, le conte de Genève, - et ossi le conte de Savoie et monsigneur Loeis 15 - de Savoie son frère. Tout cil signeur vinrent servir - le roy de France, à ce qu'il peurent avoir de gens. - D'autre part, revinrent li dus de Bretagne, li dus de - Bourgongne, li dus de Bourbon, li contes d'Alençon, - li contes de Forès, li contes d'Ermignach, li contes 20 - de Flandres, li contes de Blois, messires Charles de - Blois, li contes de Harcourt, li contes de Dammartin, - li sires de Couci, et si grant fuison de barons et - de signeurs, que le nommer par nom et par sournom - seroit uns grans detriemens. Après revint li rois de 25 - Navare, à tout grant fuison de gens d'armes de Navare - et de le terre qu'il tenoit en France, dont il - estoit homs au roy. Et si y estoit li rois David d'Escoce, - à le delivrance dou roy de France, à belle - route de gens d'armes. 30 - - [344] Mss. B4, 3, fo 59 vo.--Ms. B1, fo 89 (lacune). - - - § 125. Quant tout cil signeur dessus nommet et - plus encores furent venus à Arras devers le roy, il - eut conseil de chevaucier et de traire par devers ses - ennemis; si s'esmeut, et cescuns le sievi, ensi que - ordonné estoit. Et fisent tant par leurs petites journées 5 - qu'il vinrent jusques à une petite rivière, qui - est à trois liewes priès de Tournay, la quèle est moult - parfonde et environnée de si grans c(r)olières et marès, - que nulz ne le pooit passer fors parmi un petit - pont si estroit que uns seulz homs à cheval seroit 10 - assés ensonniiés dou passer oultre; doi homme ne s'i - poroient combiner. Et loga trestous li hos sus les - camps sans passer le rivière, car il ne peuissent. - L'endemain, li hos demora tous quois. Li signeur, - qui estoient dalés le roy, eurent conseil comment il 15 - peuissent faire pons, pour passer le rivière dessus - ditte et les crolières plus aise et plus seurement. Si - furent envoiiet aucun chevalier et ouvrier, pour regarder - le passage; mais quant il eurent tout consideré - et avisé, il regardèrent qu'il perdoient le temps; 20 - si raportèrent au roy qu'il n'i avoit point de passage, - fors par le pont à Tressin tant seulement. Si demora - la cose en cel estat, et se logièrent li signeur, cescuns - sires par lui et entre ses gens. Les nouvelles - s'espardirent par tout que li rois de France estoit 25 - logiés au pont à Tressin, et entre le pont de Bouvines, - en entente de combatre ses ennemis: si ques - toutes manières de gens d'onneur, qui desiroient à - acquerre grasce par fait d'armes, se traioient celle - part, tant d'un lés comme de l'autre. 30 - - Or avint que troi chevalier alemant, qui se tenoient - en le garnison de Bouchain, furent informet que li - doi roy s'approçoient durement, et que on supposoit - bien qu'il se combateroient. De quoi, li doi - priièrent tant à leur compagnon qu'il s'acorda à ce - qu'il demorroit, et li aultre iroient devant Tournay - querre les aventures; et garderoit le forterèce bien et 5 - songneusement jusques à leur retour. Si se partirent - li doi chevalier, dont on clamoit l'un monsigneur - Conrart de Leusennich, et l'autre monsigneur Conrart - d'Asko; et chevaucièrent tant qu'il vinrent vers - Escaupons, deseure Valenciènes, car il voloient passer 10 - l'Escaut à Condet. Si oïrent, entre Frasne et Escaupons, - grant effroi de gens, et en veirent pluiseurs - fuians. Dont brocièrent il celle part et leur route, et - pooient estre environ vingt cinq lances; si encontrèrent - les premiers qui fuioient, et leur demandèrent 15 - qu'il leur falloit ne estoit avenu. «En non Dieu, signeur, - ce respondirent li fuiant, li saudoiier de Mortagne - sont issu et ont accueilliet grant proie chi entours, - et l'enmainnent et cacent devers leur forterèce, - et avoech çou pluiseurs prisonniers de che pays.» 20 - Donc respondirent li chevalier alemant: «Et nous - sariés vous mener celle part où il vont?»--«En - nom Dieu, signeur, oil.» Adonc se sont li Alemant - mis en cace apriès les François de Mortagne, et ont - sievis les bonhommes dou pays qui les avoiièrent 25 - parmi le bois; et adevancièrent les dessus dis assés - priès de Nostre Dame ou Bois et dou Crousage. - Et estoient bien li François six vingt saudoiiers; - et enmenoient devant yaus bien deux cens grosses - bestes et aucuns prisonniers paysans dou pays. Et 30 - estoit adonc leur chapitainne, de par le signeur de - Biaugeu, uns chevaliers de Bourgongne qui s'appelloit - messires Jehans de Frelais. Sitost que li Alemant - les veirent, il les escriièrent fierement et se boutèrent - de grant randon en yaus. Et là eut bon hustin et - dur, car li chevaliers bourghignons se mist à deffense - bien et hardiement, et li aucun de se route, et 5 - non pas tout, car il y eut pluiseurs bidaus qui fuirent; - mais il furent de si priès encauciet des Alemans - et des villains dou pays, qui les sievoient, as plançons - et as bourlés, que petit en escapèrent qu'il ne - fuissent mort et atieret. Et y fu messires Jehans de 10 - Frelais pris, et toute la proie (rescousse[345]) et rendue - as hommes dou pays, qui grant gret en sceurent as - Alemans. Depuis ceste avenue, s'en vinrent li chevalier - devant Tournay, où il furent li bien venu. - - [345] Mss. B3, 4, fo 60 vo.--Ms. B1, fo 90 (lacune). - - - § 126. Assés tost apriès chou que li rois de France 15 - s'en fu venus logier à host au pont à Tressin, se mist - une compagnie de Haynuiers sus, par l'enhort monsigneur - Wauflart de le Crois, qui leur dist qu'il cognissoit - tout le pays, et qu'il les menroit bien en tel - lieu sus l'ost de France où il gaegneroient. Si se partirent 20 - à son enhort, et pour faire aucun biau fait - d'armes, une ajournée, environ six vingt compagnons, - chevaliers et escuiers, tout pour l'amour li - uns de l'autre, et chevaucièrent devers le pont à - Tressin, et fisent de monsigneur Guillaume de Bailluel 25 - leur chief, et à se banière se devoient tout ralloiier. - Ceste meisme matinée, chevauçoient li Liegois, - dont messires Robers de Bailluel, frères germains au - dessus dit monsigneur Guillaume, estoit chiés, de - par les Liegois; car adonc il estoit, et faire le devoit, - avoecques l'evesque de Liège. Si avoient li Liegois - passet le pont à Tressin, et estoient espars en ces - biaus plains, entre Tressin et Baisieu, et estoient en - fourage pour leurs chevaus, et ossi pour veoir se il 5 - trouveroient nulle aventure où il peuissent pourfiter. - Li Haynuier chevaucièrent celle matinée, qui d'encontre - nul n'en trouvèrent, car il faisoit si grant - bruine que on ne pooit veoir un demi bonnier de - terre loing; et passèrent le pont baudement et sans 10 - encontre, et messires Wauflars de le Crois (devant[346]) - qui les menoit. Quant il furent tout oultre, il ordonnèrent - que messires Guillaumes de Bailluel et se - banière demorroient au pont, et messires Wauflars - de le Crois, et messires Rasses de Monciaus, et messires 15 - Jehans de Sorres, et messires Jehans de Wargni - courroient devant. - - [346] Ms. B4, fo 60 vo.--Ms. B1, fo 90 (lacune). - - Si se departirent li coureur et chevaucièrent si - avant que il s'embatirent en l'ost le roy de Behagne - et de l'evesque de Liège, qui assés priès dou pont 20 - estoient logiet. Et avoit la nuit fait le gait en l'ost le - roy de Behagne li sires de Rodemach; et jà estoit - sus son departement, quant li coureur haynuier vinrent; - si leur sallirent au devant hardiement, quant il - les veirent venir. Et ossi Liegois s'estourmirent; si 25 - reboutèrent ces coureurs moult asprement. Et y eut - là adonc moult bon puigneis, car Haynuier vassaument - s'i esprouvèrent. Toutes fois, pour revenir à - leur banière, il se misent devers le pont. E vous Liegois - et Lussemboursins apriès venus au pont à leur 30 - banière. Là y eut grant bataille. Et fu consilliet à monsigneur - Guillaume de Bailluel qu'il rapassast le pont, - et se banière, car il avoient encores de leurs compagnons - oultre. Si rapassèrent Haynuier au mieus qu'il - peurent. Et y eut au passer mainte belle apertise d'armes 5 - faite, mainte prise et mainte rescousse. Et avint - que messires Waufflars de le Crois fu si quoitiés que - il ne peut rapasser le pont; si doubta le peril et qu'il - ne fust pris; si s'avisa qu'il se sauveroit. Si issi hors - de le presse, au mieulz qu'il peut, et prist un chemin 10 - qu'il cognissoit assés, et se vint bouter en uns marès, - entre rosiaus et crolières, et se tint là un grant temps. - Et li aultre toutdis se combatoient. Les quelz Liegois - et Lussemboursins avoient jà rués jus et abatu le - banière monsigneur Guillaume de Bailluel. 15 - - A ces cops vinrent cil de le route monsigneur Robert - de Bailluel, qui venoient de courir, et entendirent - le hustin; si chevaucièrent celle part. Et fist passer - messires Robers de Bailluel sa banière devant, - que uns siens escuiers portoit, qui s'appelloit Jakemes 20 - de Forsvie, en escriant: «Moriaumés!» Li Haynuier, - qui jà estoient tout escauffé, perchurent le - banière de Moriaumés qui estoit toute droite; si cuidièrent - que ce fust li leurs où il se devoient radrecier; - car moult petit de differense y avoit de l'un à 25 - l'autre, car les armes de Moriaumés sont vairiet contre - vairiet, à deux kievirons de geules; et sus le kieviron - messires Robers portoit une petite croisète d'or: - si ne l'avisèrent mies bien, pour tant en furent il - deceu; et se vinrent de fait bouter desous le banière 30 - monsigneur Robert. Là y eut dur hustin. Et furent - li Haynuier fierement rebouté et tout desconfi. Et y - furent mort troy bon chevalier de leur costé, messires - Jehans de Wargni, messires Gontiers de Pontelarce, - messires Guillaumes de Pipempois, et pluiseur - aultre bon escuier et homme d'armes, dont ce fu - damages, et pris messires Jehans de Sorre, messires 5 - Daniaus Bleze, messires Rasses de Monchiaus, messires - Loeis de Jupeleu et pluiseur aultre. Et retourna - au mieus qu'il peut messires Guillaumes de Bailluel, - qui se sauva, quoi qu'il y perdesist assés des siens. - - D'autre part, messires Wauflars de le Crois, qui 10 - s'estoit boutés et repus entre marès et rosiaus, et se - cuidoit là tenir jusques à le nuit, fu perceus d'aucuns - compagnons qui chevauçoient sus ces marès et - voloient de leurs oisiaus, et estoient au signeur de - Saint Venant; si fisent si grant noise et si grant bruit 15 - que messires Wauflars issi hors, tous desconfis, et se - vint rendre à yaus. Il le prisent et le ramenèrent en - l'ost, et le delivrèrent à leur mestre, qui le tint un - jour tout entier en son logeis, et l'euist volentiers - sauvé, se il peuist, par cause de pité, car bien sçavoit 20 - qu'il estoit pris sus le teste. Mès il fu accusés, - car les nouvelles vinrent au roy de France de le besongne, - comment elle avoit alé, et de monsigneur - Robert de Bailluel, qui avoit ruet jus son frère et les - Haynuiers, et ossi de monsigneur Waufflart de le 25 - Crois, qui avoit esté pris, où et comment. Pour quoi - li rois en volt avoir le cognissance. Se li fu rendus - li dis messires Wauflars, qui eut moult mal finet; - car li dis rois, (pour complaire à ceulx de Lille[347]), - pour tant qu'il li avoient delivret le conte de Sallebrin 30 - et le conte de Sufforch, leur rendi monsigneur - Waufflart, qui grant temps les avoit guerriiés. Dont - cil de Lille furent moult joiant, pour tant qu'il leur - avoit esté grans ennemis; et le fisent depuis morir en - leur ville; onques n'en veurent prendre nulle raençon. 5 - - [347] Mss. B4, 3, fo 61.--Ms. B1, fo 90 (lacune). - - - § 127. De l'avenue monsigneur Robert de Bailluel - et des Liegois qui avoient ruet jus les Haynuiers, - fu li rois Phelippes tous joians, et en loa grandement - tous chiaus qui y avoient estet. D'autre part, li contes - de Haynau et chil qui leurs amis avoient perdus, 10 - en furent tout courouciet, et ce fu bien raisons. Or - avint, assés tost apriès que ceste chevaucie dessus - ditte fu avenue, li contes de Haynau, messires Jehans - de Haynau, ses oncles, messires Gerars de Wercin, - seneschaus de Haynau, et bien six cens lances de 15 - Haynuiers et d'Alemans se departirent dou siège de - Tournay, et s'en vinrent devant Mortagne. Et manda - li dis contes à chiaus de Valenchiènes qu'il venissent - d'aultre part, et se mesissent entre le Scarp et l'Escaut, - pour assallir le ville; li quel y vinrent en grant 20 - estoffe, et fisent achariier et amener grans engiens, - pour jetter à le ville. - - Or vous di que li sires de Biauge(u), qui estoit dedens - et chapitainne de Mortagne, et uns moult sages - guerroiières, s'estoit bien doubtés de ces assaus, pour 25 - tant que Mortagne siet si priès de l'Escaut et de Haynau, - et de tous costés. Et avoit fait piloter le ditte - rivière d'Escaut, à fin que on n'i peuist naviier; et y - pooit avoir, par droit compte, plus de douze cens - pilos. Pour ce ne demora mies que li contes de Haynau 30 - et li Haynuier n'i venissent de l'un des costés, - et cil de Valenciènes de l'autre. Si se ordonnèrent - et appareillièrent et sans delay pour assallir. Et fisent - li Valenciennois tous leurs arbalestriers traire avant - et approcier les barrières; mais il y avoit si grant - trenceis de fossés qu'il n'i pooient avenir. Lors s'avisèrent 5 - li aucun qu'il passeroient oultre le Scarp, - comment qu'il fust, au desous de Chastiaus l'Abbeye, - et venroient au lés devers Saint Amand, et feroient - assaut à le porte qui oevre devers Maude. Si - passèrent aucun compagnon volentrieu et armerés, et 10 - fisent tant qu'il furent oultre le rivière, ensi que proposet - avoient; et furent bien quatre cens tout able - et legier et en grant volenté de bien faire le besongne. - - Ensi fu Mortagne environnée, à trois portes, des - Haynuiers, et tous prês de l'assallir. Mais au plus 15 - foible des costés, c'estoit devers Maude, si y faisoit - il fort assés. Toutes fois, li sires de Biaugeu vint celle - part, trop bien pourveus dou deffendre, car bien savoit - que d'autre part il n'avoit que faire; et tenoit - un glave roit et fort à un lonch fer bien aceret, et 20 - desous ce fier avoit un havet agut et prendant: si - ques, quant il avoit lanciet et il pooit sachier, en fichant - le havet en plates ou en haubregon dont on - estoit armet, il couvenoit c'on en venist ou c'on fust - reversé en l'aigue. Par ceste manière, en atrapa il et 25 - noia ce jour plus de une dousainne. Et fu à celle - porte li assaus plus grans que nulle part. Et riens - n'en savoit li contes de Haynau, qui estoit au lés devers - Brifuel, tout rengiet sus le rivage de l'Escaut. - - Et avisèrent là li signeur entre yaus voie et engien 30 - comment on poroit tous les pilos, dont on avoit piloté - l'Escaut, oster et traire hors par force ou par - soubtilité, par quoi on peuist nagier jusques as murs. - Si avisèrent et ordonnèrent à faire en une grosse nef - un engien, qui tous les attrairoit hors l'un apriès - l'autre. Dont furent carpentier mandet et mis en oeuvre, - et li dis engiens fais en une nef. Ossi ce meisme 5 - jour, levèrent cil de Valenciènes à leur costet un - très biel engien et bien gettant, qui portoit grosses - pières jusques dedens le ville et au chastiel, et travilloit - durement chiaus de Mortagne. Ensi passèrent - ce premier jour et le nuit ensiewant, en assallant, 10 - avisant et devisant comment il poroient grever Mortagne; - et l'endemain se traisent à l'assaut de tous - costés. Encores n'estoit point le second jour fais li - engiens qui devoit traire les pillos hors. Mais li engiens - de chiaus de Valenciènes jettoit (uniement[348]) à 15 - chiaus de Mortagne. - - [348] Ms. B3, fo 62.--Ms. B1, fo 92 vo: «onniement.» - - - § 128. Le tierch jour apriès, fu la nef toute ordonnée - et abillie, et li engiens dedens assis et apparilliés, - pour traire hors les pillos. Lors commencièrent - à aler cil qui s'en ensonnioient au dessus dou 20 - pilotis, et emprisent à ouvrer, si com commandé leur - fu. Si s'afficièrent à oster et à traire hors les pilos, - dont il y avoit semés en l'Escaut grant fuison; mais - tant de painne et de labeur eurent, anchois qu'il en - peuissent avoir un, que merveilles fu à penser. Si 25 - regardèrent et considerèrent li signeur que jamais il - n'aroient fait; si commandèrent à cesser cest ouvrage. - - D'autre part, il y avoit dedens Mortagne un mestre - engigneour qui avisa et considera l'engien de chiaus - de Valenchiennes, et comment il grevoit leur forterèce. 30 - Si en leva un ou chastiel, qui n'estoit mies trop - grans, et l'attempra bien et à point, et ne le fist jetter - que trois fois, dont la première (pierre[349]) chei à - douze apas priès de l'engien de Valenciennes, la seconde - au piet de le huge, et la tierce pière fu si bien 5 - apointie que elle feri l'engien parmi le flèche et le - rompi en deux moitiés. Adonc fu grande li huée des - saudoiiers de Mortagne. Et chil de Valenchiènes furent - tout esbahi de leur engien qui estoit rompus - ou moilon, et le alèrent regarder à grant merveilles. 10 - - [349] Mss. B4, 3, fo 62.--Ms. B1, fo 89 (lacune). - - - § 129. Ensi furent li Haynuier devant Mortagne - deux nuis et trois jours que riens n'i conquisent. Si - eut li dis contes de Haynau et messires Jehans ses - oncles avis et volenté de retraire au siège de Tournay; - et donnèrent congiet à chiaus de Valenchiennes 15 - de retourner en leur ville. Ensi se departi ceste - assamblée. Li Valencienois se retraisent arrière en - Valenciènes, et li contes et li chevalier s'en revinrent - en l'ost devant Tournay, et se tinrent là environ - trois jours. Et puis fist li contes une priière as compagnons 20 - pour amener devant Saint Amand, car les - plaintes estoient venues à lui que li saudoiier de - Saint Amand avoient arse l'abbeye de Hanon, et s'estoient - mis en painne d'ardoir Vicongne, et avoient - fait pluiseurs despis as frontières de Haynau, pour 25 - quoi li dis contes voloit contrevengier ces fourfaitures. - Si se parti dou dit siège de Tournay à bien trois - mille combatans, et s'en vint à Saint Amand, qui - adonc n'estoit fremée que de palis. Bien avoient li - saudoiier, qui estoient dedens, entendu que li contes 30 - de Haynau les venroit veoir, mès il s'estoient si - glorefiiet en leur orguel qu'il n'en faisoient nul - conte. A ce donc estoit gardiiens et chapitainne de - Saint Amand uns bons chevaliers de le langue d'och, - nommés li seneschaus de Carcassonne, li quelz avoit 5 - bien imaginet et consideret le force de le ville. Si en - avoit dit son avis as monnes, et à chiaus qui estoient - demoret pour garder l'abbeye et le ville. Et disoit - bien que ce n'estoit pas une forterèce tenable contre - une host, non qu'il s'en volsist partir, mès demorer 10 - et garder à son loyal pooir; mais il le disoit par manière - de conseil. Li parole dou chevalier ne fu mies - oye ne creue bien à point, dont il leur mesvint, si - com vous orés chi après. Toutes fois, par son enhort, - il avoit fait de lonch temps les plus riches jeuiaus de 15 - l'abbeye et de le ville widier et porter à Mortagne à - sauveté, et là aler l'abbet et tous les monnes, qui - n'estoient tailliet de yaus deffendre. - - Cil de Valenchiènes, qui avoient estet mandé dou - conte leur signeur qu'il fuissent à un certain jour 20 - devant le ville de Saint Amand, et il seroit à l'autre - lés, vinrent, ensi que commandé leur fu, en très bon - couvenant, et estoient bien douze mille combatans. - Sitost qu'il furent venu devant Saint Amant, il s'i - logièrent et misent en bonne ordenance, et puis eurent 25 - conseil d'aler assallir. Si fisent armer tous leurs - arbalestriers, et puis traire vers le pont de Scarp. Là - commença li assaus durs et fiers et perilleus durement, - et en y eut pluiseurs bleciés et navrés, d'un - lés et d'aultre. Et dura cilz assaulz tout le jour, que 30 - onques cil de Valenciennes n'i peurent riens fourfaire; - mais en y eut des mors et des navrés grant - fuison des leurs. Et leur disoient li saudoiier et li - bidau qui laiens estoient, par manière de reproce: - «Alés boire vostre goudale, alés!» Quant ce vint au - soir, cil de Valenciènes se retraisent tout lasset, et - furent moult esmervilliet de ce qu'il n'avoient oy 5 - nulle nouvelle dou conte leur signeur; si eurent avis - qu'i(l) se deslogeroient et retourroient viers Valenciennes; - si fisent tout tourser, et se retraiirent, che - meisme soir, en leur ville. - - A l'endemain au matin que cil de Valenciènes se 10 - furent retret, li contes de Haynau se parti dou siège - de Tournay, si com dessus est dit, à grant compagnie - de gens d'armes, de banières et de pennons, et - s'en vint devant Saint Amand, au lés par devers Mortagne. - Si tost qu'il furent venu, il se traisent à l'assaut, 15 - et là eut moult fort assaut et moult dur. Et gaegnièrent - li Haynuier, de venue, les premières bailles, - et vinrent jusques à le porte qui oevre devers Mortagne. - Là estoient tout premier et devant à l'assaut - li contes de Haynau et li sires de Byaumont ses oncles, 20 - et assalloient de grant corage et sans yaus espargnier; - de quoi il leur en fu priès mesavenu, car - il furent tout doi si dur rencontré de deux pières - jettées d'amont qu'il en eurent leurs bachinés effondrés - et les tiestes toutes estonnées. 25 - - Adonc fu là qui dist: «Sire, sire, à cel endroit chi - ne les arions nous jamès, car la porte est forte et la - voie estroite; si cousteroit trop des vostres au conquerre. - Mais faites aporter des grans mairiens, ouvrés - à manière de pillos, et hurter as murs de 30 - l'abbeye; nous vous certefions que de force on le - pertuisera en pluiseurs lieus. Et se nous sommes en - l'abbeye, la ville est nostre, car il n'i a nul entredeus - entre (la ville[350]) et l'abbeye.» Dont commanda li dis - contes que on fesist ensi que pour le mieulz on li - consilloit, et pour le plus tost prendre. Si quist on - grans baus de chesnes, et puis furent tantost ouvré 5 - et aguisié devant; et si s'acompagnoient à un pillot - yaus vint ou yaus trente, et s'escueilloient et puis - boutoient de grant randon contre le mur; et tant boutèrent - et si vertueusement qu'il pertuisièrent le mur - de l'abbeye et rompirent en pluiseurs lieus, et entrèrent 10 - ens abandonneement, et passèrent une petite - rivière qui là est, et s'en vinrent sans contredit jusques - à une place, qui est devant le moustier, où li - marchiés est de pluiseurs coses. - - [350] Mss. B3, 4, fo 63.--Ms. B1, fo 93 vo (lacune). - - Et là estoit li dis seneschaus de Carcassonne en 15 - bon couvenant, sa banière devant lui, qui estoit de - geules à un chief d'argent, à deux demi kievirons ou - chief, et estoit à une bordure d'asur endentée. Là - dalés lui s'estoient recueilliet pluiseur compagnon de - son pays, qui assés hardiement rechurent les Haynuiers, 20 - et se combatirent vaillamment, tant qu'il peurent. - Mès leur deffense ne leur valli noient, car Haynuier - y sourvinrent à trop grant fuison. Et vous di - encores, pour tout ramentevoir, à entrer de premiers - dedens l'abbeye, il y avoit un monne que on appelloit 25 - dan Froissart. Chilz y fist merveilles, et en occist - que mehagna, au devant d'un pertuis où il se tenoit, - plus de dix huit; et n'osoit nulz entrer par le lieu qu'il - gardoit. Mais finablement il le couvint partir, que - Haynuier entroient en l'abbeye, et avoient pertuisiet 30 - le mur en pluiseurs lieus. Si se sauva li dis monnes, - au mieus qu'il peut, et fist tant qu'il vint à Mortagne. - - - § 130. Quant li contes de Haynau et messires Jehans - de Haynau, ses oncles, et li chevalerie de Haynau - furent entré en l'abbeye, ensi que vous avés oy, si 5 - commanda li dis contes que on mesist tout à l'espée, - sans nullui prendre à merci, tant estoit il courouciés - sus chiaus de Saint Amand, pour les despis qu'il - avoient fais à son pays. Si fu la ditte ville moult tost - emplie de gens d'armes; et bidau(s) et Geneuois, qui 10 - là estoient, encauciet et quis de rue en rue, et d'ostel - en hostel. Peu en escapèrent qu'il ne fuissent - mort et occis, car nuls n'estoit pris à merci. Meismes, - li senescaus de Carcassonne y fu occis desous - sa banière, et plus de deux cens hommes, environ 15 - lui que assés priès. Ensi fu Saint Amand destruite. - Et retourna li contes, ce propre soir, devant Tournay. - Et l'endemain, les gens d'armes de Valenciènes - et la communautés vinrent à Saint Amand, et parardirent - le ville et toute l'abbeye et le grant moustier, 20 - et brisièrent toutes les cloches, dont ce fu damages, - car il en y avoit moult de bonnes et de melodieuses, - et si ne lor vint à nul profit qui à compter face. - - Apriès le destruction de Saint Amand, li contes de - Haynau, qui trop durement avoit pris ceste guerre 25 - à coer, et qui estoit plus aigres que nulz des aultres, - se departi dou siège de Tournay, en se route environ - six cens armeures de fier, et s'en vint ardoir Orchies - et Landas et le Celle, et grant fuison de villages là - environ; et puis passa et toute se route la rivière de 30 - Scarp au desous de Hanon, et entrèrent en France, et - vinrent à Marchiennes, une grosse et riche abbeye, - dont messires Amés de Warnans estoit chapitainne, - et avoit avoecques lui une partie des arbalestriers - de Douay. Là eut grant assaut, car li dis chevaliers - avoit durement fortefiiet le (première[351]) porte de l'abbeye, 5 - qui estoit toute enclose et environnée de fossés - grans et parfons. Et se deffendirent li François et li - monne qui dedens estoient moult vassaument; mais - finablement il ne peurent durer contre tant de gent - d'armes, car il quisent et fissent tant qu'il eurent des 10 - batiaus et les misent en l'aigue, et entrèrent par celle - manière en l'abbeye. Mais il y eut mort et noiiet un - chevalier alemant, compagnon au signeur de Faukemont, - qui s'appelloit messires Bacho de le Wière, - dont li sires de Faukemont fu moult courouciés, 15 - mais amender ne le peut. A l'assaut de le porte où - messires Amés de Warnans se tenoit, furent moult - bon chevalier li contes de Haynau et messires de - Byaumont, ses oncles, et li seneschaus de Haynau; - et fisent tant finable(ment) que la porte fu conquise, 20 - et li chevaliers qui le gardoit pris, et mort et occis - li plus grant partie des aultres. Et furent pris ossi - pluiseur des monnes, qui laiens furent trouvet, et - toute la ditte abbeye robée et pillie, et puis arse et - destruite, et la ville ossi. Et quant il eurent fait leur 25 - emprise, li contes et toutes ces gens d'armes, qui furent - à le destruction de Marciènes et en ceste chevaucie, - s'en retournèrent au siège devant Tournay. - - [351] Mss. B4, 3, fo 63.--Ms. B1, fo 94 (lacune). - - - § 131. Li sièges qui fu devant Tournay fu grans et - lons et bien tenus; et moult y eut li rois englès grant 30 - fuison de bonnes gens d'armes. Et se s'i tenoit li dis - rois volentiers, car bien le pensoit à conquerre, pour - tant qu'il savoit bien qu'il y avoit dedens grant fuison - de gens d'armes et assés escarcement de vivres; - si les supposoit bien à afamer et avoir par force de 5 - famine. Mais li aucun dient et maintiènent qu'il - trouvèrent moult de courtoisies en chiaus de Braibant, - et qu'il souffrirent par pluiseurs fois à laissier - passer parmi leur host vivre assés largement pour - mener dedens Tournay, dont il furent bien conforté. 10 - Avoech tout ce, cil de Brousselles et cil de Louvaing, - qui estoient tout tanet de là tant seoir et demorer, - fisent une requeste au mareschal de l'host que il se - peuissent partir et retraire en Braibant, car trop - avoient là demoret à peu de fait. Li mareschaus qui 15 - vey bien que la requeste n'estoit point honnourable - ne raisonnable, leur respondi que c'estoit bien ses - grés, mais il leur couvenoit mettre jus leurs armeures. - Li dessus dit furent tout honteus; si se souffrirent - atant et n'en parlèrent onques depuis. 20 - - Or vous recorderons d'une chevaucie des Alemans, - qui fu faite devant Tournay, à ce meisme pont de - Tressin où messires Robers de Bailluel et li Liegois - avoient desconfit les Haynuiers. Li sires de Randerodène - et messires Ernoulz de Randerodène, ses filz, 25 - adonc escuiers, et messires Jehans de Hodebourch - ossi adonc escuiers et mestres dou fil au signeur de - Randerodène, messires Ernoulz de Bakehen, messires - Renauls de Sconnevort, messires Conrars de Leusennich, - messires Conrars d'Asko, messires Bastiiens de 30 - Barsies et Caudreliers ses frères et messires Stramen - de Venoue et pluiseur aultre de le ducé de Jullers et - de Guerles avoient pris en grant virgongne che que - li Haynuier avoient esté ensi rencontret; si parlementèrent - dou soir et s'acordèrent à chevaucier le - matin au pont à Tressin. Si se armèrent et ordonnèrent - de le nuit bien et faiticement, et se partirent 5 - sus l'ajournée. Et ossi se misent avoech yaus en leur - chevaucie aucun baceler de Haynau, qui point n'avoient - esté à l'autre dessus ditte, telz que messires - Florens de Biaurieu, messires Baras de le Haie, marescal - de l'host, monsigneur Jehan de Haynau, messires 10 - Oulphars de Gistelles, messires Robers de Glennes - de le conté de Los, adonc escuier et au corps - monsigneur Jehan de Haynau, et pluiseur aultre. Si - chevaucièrent chil chevalier et chil compagnon dessus - nommé bellement et sagement; et estoient bien 15 - trois cens ou plus, toutes bonnes armeures de fier; - et vinrent droit au pont à Tressin, droit au point - dou jour, et le passèrent oultre sans damage. Et - quant il furent par de delà, ilz se avisèrent et consillièrent - ensamble comment il s'ordonneroient, pour 20 - le mieulz, et à leur honneur, resvillier et escarmucier - l'ost de France. Là furent ordonné li sires de Randerodène - et Ernouls ses filz et messires Henris de Keukeren, - uns chevaliers miesenaires, et messires Thielemans - de Sansi, messires Oulphars de Ghistelles, et 25 - messires li Alemans, bastars de Haynau, et messires - Robers de Glennes, adonc escuier, et Jakelos de - Thians, à estre coureur et chevauceur jusques as tentes - et logeis des François. Et tout li aultre chevalier - et escuier, qui bien estoient trois cens, devoient demorer 30 - au pont et garder le passage, pour le deffendre - as aventures des sourvenans. Ensi et sus cel estat, - se partirent li coureur, qui pooient estre quarante - lances, très bien monté sus fleurs de roncins et de - gros coursiers, et chevaucièrent de premiers tout bellement - tant qu'il vinrent en l'ost le roy de France. - Dont se boutèrent il ens de plains eslais, et commenchièrent 5 - à decoper cordes et paissons, et à abatre - et reverser tentes et trés, et à faire un très grant - desroy, et François à yaus estourmir. - - Celle nuit avoient fait le gait doi grant baron de - France, li sires de Montmorensi et li sires de Saint 10 - Saufliu; et estoient, à ceste heure que li Alemant - vinrent, encores à leur garde. Quant il oïrent le noise - et entendirent l'effroi, si tournèrent celle part leurs - banières et leurs gens, et chevaucièrent fort et roit - sus les coureurs qui leur host avoient estourmi. Et 15 - quant li sires de Randerodène les vei venir, il tourna - sus frain tout sagement, et fist chevaucier son pennon - et ses compagnons, pour revenir au pont à leur - grosse route, et li François apriès. En celle cace là - eut bon coureis, car li Alemant se hastoient pour revenir 20 - au dit pont, et li François ossi pour yaus retenir. - En celle cace fu pris et retenus des François - messires Oulphars de Ghistelles, qui ne se sceut ne - peut garder à point, car li chevaliers avoit court vue; - si fu enclos de ses ennemis, par trop demorer derrière, 25 - et fianciés prisons; et ossi doi escuier, dont on - nommoit l'un Jehan de Mondorp, et l'autre Jakelot - de Thians. Li François et leur route chevauçoient - d'un lés, et li coureur alemant d'autre; et estoient - environ demi bonnier priès li un de l'autre, et tant 30 - qu'il se pooient bien recognoistre et entendre de - leurs langages. Et disoient li François as Alemans: - «Ha! ha! signeur, vous n'en irés pas ensi!» Si se - hastoient pour prendre le pont, et pas ne savoient - de le grosse embusce qui estoit au pont, de monsigneur - Renault de Sconnevort et des aultres: si ques - il fu dit au signeur de Randerodène: «Sire, sire, 5 - avisés vous, car il nous samble que chil François - nous torront le pont.» Donc respondi li sires de - Randerodène et dist: «Se il scèvent un chemin, j'en - sçai un aultre.» Adonc se retourna sus destre et se - route, et prisent un chemin assés froiiet qui les mena 10 - droit à celle petite rivière dessus ditte, qui est si - noire et si parfonde et si environnée de grans marès. - Et quant il furent là venu, se ne peurent il passer, - mès les couvint retourner devers le pont. Et - toutdis chevauçoient li François le(s) grans galos devers 15 - le pont, qui cuidoient ces coureurs alemans enclore - et prendre, ensi qu'il avoient jà pris de leurs - compagnons. Et par especial moult y metoit li sires - de Montmorensi grant entente. - - - § 132. Quant li François eurent tant chevauciet 20 - qu'il furent priès au pont, et il veirent le grosse embusche, - qui là estoit au devant dou pont, toute armée - et ordonnée, et qui les attendoit en très bon - couvenant, si furent tout esmervilliet. Et disent entre - yaus li aucun qui regardèrent le manière: «Nous 25 - caçons trop folement; de legier porons plus perdre - que gaegnier.» Dont retournèrent li pluiseur et par - especial li banière le signeur de Saint Saufliu et li - sires ossi. Et messires Charles de Montmorensi et se - banière chevauça toutdis avant et ne volt onques reculer, 30 - mès s'en vint de grant corage assambler as Alemans, - et li Alemant à lui et à ses gens. Là y eut, de - premières venues, durs encontres et fortes joustes, - et tamaint homme reversé d'un lés et d'autre. Ensi - qu'il assambloient, li coureur dessus nommet, qui - costiiet les avoient, s'en vinrent ferir sus èle, et se 5 - boutèrent ens de plains eslais et de grant volenté. Et - ossi li François les rechurent moult bien. - - Or vous dirai de une grant apertise d'armes et - d'un grant avis, dont messires Renaulz de Sconnevort - usa à l'assambler, et c'on doit bien tenir et recommender 10 - à sage fait d'armes. Ilz qui estoit adonc - en le fleur de se jonèce, fors chevaliers et rades durement, - bien armés et bien montés pour le journée, - s'en vint assambler à le banière le signeur de Montmorensi - qu'il recogneut assés bien; et s'avisa qu'il 15 - s'en venroit esprouver à celui qui estoit li plus proçains - de le banière, car il pensoit bien que c'estoit - li sires. Ensi qu'il jetta son avis il le fist, et feri son - coursier des esporons, et passa par force le route, et - s'en vint au signeur de Montmorensi, qui estoit desous 20 - sa banière, bien montés sus bon coursier; et le - trouva en bon couvenant, l'espée ou poing, et combatant - à tous lés, car il estoit ossi fors chevaliers et - grans durement. Et li vint li sires de Sconnevort sus - destre, et bouta son brach senestre ou fraîn de son 25 - coursier, et puis feri le sien des esporons, en lui tirant - hors de le bataille, comme vistes et fors chevaliers. - Li sires de Montmorensi, qui bien se donna à - garde de ce tour, se prist à deffendre vassaument, comme - fors et hardis chevaliers, pour lui delivrer de ce 30 - peril et des mains le signeur de Sconnevort; et feroit - à main tas de sen espée sus le bacinet et sus le dos - le signeur de Sconnevort. Mais li sires de Sconnevort, - qui bien estoit (armés[352]) et montés, brisoit à le - fois les cops, à le fois et le(s) recevoit moult vassaument; - et tant fist par son effort, vosist ou non li sires - de Montmorensi, que il le creanta à prisonnier, 5 - et demora ses prisons. - - [352] Mss. B3, 4, fo 64 vo.--Ms. B1, fo 96 vo (lacune). - - Et li aultre se combatoient de toutes pars. Et là - furent bon chevalier messires Ernoulz de Randerodène, - messires de Keukeren, messires Thielemans - de Sansi, messires Bastiiens de Barsies et Caudreliers 10 - ses frères, messires Robers de Glennes, et prist un - homme d'armes en bon couvenant, qui s'armoit de - geules à trois fauls d'or. Et fisent adonc tant li Alemant - et leur route que il obtinrent le place, et prisent - bien quatre vingt prisonniers, tous gentilz 15 - hommes, desous le banière monsigneur Charle de - Montmorensi; et rapassèrent le pont sans damage, et - vinrent en l'ost devant Tournay; et rala cescuns devers - se partie; et se desarmèrent et puis alèrent veoir - les signeurs, dont il furent bien conjoy, le conte de 20 - Haynau et monsigneur son oncle. - - - § 133. De le prise monsigneur Charle de Montmorensi - furent li François moult courouciet, mès amender - ne le peurent. Tant comme adonc, ceste cose - passa, li sièges se tint; li prisonnier se ranchonnèrent 25 - et se delivrèrent au plus tost qu'il peurent. Or - vous conterons de une aventure qu'il avint as Flamens - que messires Robers d'Artois et messires Henris - de Flandres gouvrenoient, dont il en y avoit plus - de soixante mille de le ville d'Ippre, de Popringhe, 30 - de Messines, de Cassiel et de le chastelerie de Berghes. - Et se tenoient tout cil Flamench, dont li dessus - dit estoient chief, ou val de Cassiel, logiés as tentes - et as trés, et à grant arroi, pour contrester contre les - garnisons françoises que li rois Phelippes avoit envoiies 5 - à Saint Omer, à Aire, à Saint Venant, et ens - ès villes et forterèces voisines. Et se tenoient dedens - Saint Omer, de par le roy de France, li contes, daufins - d'Auvergne, li sires de Merquel, li sires de Calençon, - li sires de Montagut, li sires de Rocefort, li 10 - viscontes de Touwars, et pluiseur aultre chevalier - d'Auvergne et de Limozin. Et dedens Aire et dedens - Saint Venant en y avoit ossi grant fuison. Et issoient - souvent hors et venoient escarmucier as Flamens; si - gaegnoient à le fois, et à le fois y perdoient. 15 - - Or avint un jour à ces Flamens que il s'en vinrent - environ troi mille, tout legier et able compagnon, et - s'avalèrent et issirent hors de leurs logeis pour venir - hustiner devant Saint Omer, et se boutèrent ens ès - fourbours et brisièrent pluiseurs maisons, et entendirent 20 - telement au pillage qu'il desrobèrent tout ce - qu'il trouvèrent. La noise et li effrois monta en le - ville de Saint Omer. Dont s'armèrent moult vistement - li signeur qui laiens estoient. Et ossi fisent - toutes leurs gens, et se partirent par une aultre porte 25 - que par celle devant qui li Flamench estoient. Et - pooient estre entours six banières et deux cens bacinès, - et environ cinq cens bidaus tout à piet. Et chevaucièrent - tout au tour de le ville de Saint Omer, - ensi qu'il avoient guides qui bien les savoient mener. 30 - Et vinrent tout à temps à ces Flamens qui s'ensonnioient - de pillier et de rober tout ce qu'il trouvèrent - en le ville de Arkes, qui est assés priès de le ville de - Saint Omer; et estoient laiens espars sans chapitainne - et sans arroi. E vous les François soudainnement - venus sus yaus, lances abaissies, banières desploiies, - et en bon couvenant de bataille, et en criant: 5 - «Clermont au dauffin d'Auvergne!» Lors entrèrent - en ces Flamens qui furent tout esbahi, quant si priès - d'yaus il les veirent, et ne tinrent ordenance ne conroy - nul; mais fuirent cescuns qui mieus mieus, et - jettèrent tout jus ce que pilliet et cargiet avoient, et 10 - prisent les camps; et François apriès yaus, tuant et - abatant par monciaus et par tropiaus. Et dura ceste - cace bien deux liewes. Et en y eut bien mors des - trois mille dix huit cens, et retenu quatre cens qui - furent amenet en Saint Omer en prison. 15 - - - § 134. Quant li demorant qui escaper peurent, - furent revenu devers leurs compagnons, si contèrent - leur aventure as uns et as aultres. Et vinrent les nouvelles - à leurs chapitainnes monsigneur Robert d'Artois - et monsigneur Henri de Flandres, qui petit les 20 - en plaindirent, mais disent que c'estoit bien emploiiet, - car sans conseil et sans commandement il - y estoient alet. - - Or avint celle meisme nuit à toute leur host generalment - une mervilleuse aventure; on n'oy onques, 25 - je croy, à parler ne recorder de si sauvage. Car, environ - heure de mienuit que cil Flamench gisoient en - leurs tentes et dormoient, uns si grans effrois et telz - paours et hideurs les prist generalment en dormant, - que tout se levèrent en si grant haste et en tel 30 - painne qu'il ne cuidièrent jamais à temps estre deslogiet; - et abatirent tantost tentes, trés et pavillons, - et toursèrent tout sus leurs chars, en si grant haste - que li uns n'attendoit point l'autre, et s'en fuioient - tout, sans voie tenir et sans conroy. Et fu ensi dit à - monsigneur Robert d'Artois et à monsigneur Henri 5 - de Flandres, qui dormoient en leurs logeis: «Chier - signeur, levés vous sus bien tos et vous appareilliés, car - vos gens s'en fuient et nulz ne les cace; et ne scèvent - à dire quel cose leur fault, ne qui les muet à fuir.» - - Adonc se levèrent li doi signeur en grant haste, et 10 - fisent alumer feus et grant plenté de tortis, et montèrent - sus leurs chevaus, et s'en vinrent au devant - d'yaus, et leur disent: «Biau signeur, dittes nous - quel cose il vous fault, qui ensi fuiiés? N'estes vous - mies bien asseguret? Retournés, retournés, ou nom 15 - de Dieu! Vous avés grant tort, quant ensi fuiiés, et - nulz ne vous cace.» Mès quoi que ensi fuissent - priiet ne requis d'arrester et de retourner, il n'en fisent - compte, mais toutdis fuirent; et prist çascuns le - chemin vers sa maison, au plus droit qu'il peut. Et 20 - quant messires Robers d'Artois et messires Henris de - Flandres veirent qu'il n'en aroient aultre cose, si - fisent tourser tout leur harnois et mettre à voiture, et - s'en vinrent au siège devant Tournay, et recordèrent - as signeurs l'aventure des Flamens, dont on fu durement 25 - esmervilliet. Et disent li pluiseur qu'il avoient - estet enfantosmet. - - - § 135. Chilz sièges devant le cité de Tournay dura - assés longement, onze sepmainnes trois jours mains. - Si poés bien croire et savoir qu'il y eut fais pluiseurs 30 - escarmuces et paletis, tant à assallir le cité, comme - des chevaucies des compagnons bacelereus l'un sus - l'autre. Mais dedens le cité de Tournay avoit très - bonne et sage chevalerie (envoiée en[353]) garnison de - par le roy de France, si com dessus est dit, qui telement - en songnièrent et en pensèrent que nulz damages 5 - ne s'i prist. - - [353] Ms. B3, fo 65 vo.--Ms. B1, fo 98 ro: «envoiiet». - - Or n'est riens, si com on dist, qui ne prende fin. - On doit savoir que, ce siège pendant, ma dame - Jehane de Valois, serour au roy de France et mère - au conte Guillaume de Haynau, travilloit durement 10 - de l'une host en l'autre, à fin que pais ou respis fust - entre ces parties, par quoi on se departesist sans bataille, - car la bonne dame veoit là de deux costés - toute le fleur et l'onneur de le chevalerie dou monde; - se veist trop à envis, pour les grans perilz qui en 15 - pooient avenir, que nulle bataille fust adrecie entre - yaus. Et par pluiseurs fois la bonne dame en estoit - cheue as piés le roy de France son frère, et li priiet - que respis ou trettiés d'acort fust pris entre lui et - le roy englès. Et quant la ditte dame avoit travilliet 20 - entre les signeurs de France, elle s'en revenoit - à chiaus de l'Empire, especialment au duch de Braibant, - au duc de Jullers, son fil, qui avoit sa fille, à - monsigneur Jehan de Haynau; et leur prioit que, - pour Dieu et par pité, il volsissent entendre à aucun 25 - trettiet d'acort, et avoiier le roy d'Engleterre à çou - qu'il y volsist descendre. - - Tant ala et tant procura la bonne dame entre ces - signeurs, avoech l'ayde et le conseil d'un gentil et sage - chevalier, qui estoit moult bien de toutes les parties, 30 - messires Loeis d'Augimont, que une journée de traittement - fu acordée à l'endemain, là où çascune des - parties devoit envoiier quatre personnes souffissans, - pour trettier toutes bonnes voies pour acorder les dittes - parties, se il plaisoit à Dieu, et souffrance de trois 5 - jours que li uns ne pooit ne devoit fourfaire sour - l'autre. Et si se devoient assambler cil trettieur à une - capelle, et la dessus ditte bonne dame avoecques. - De le partie dou roy de France, y fu envoiiés Charles - li roys de Behagne, Charles li contes d'Alençon, frères 10 - au dit roy, li evesques de Liège, li contes de - Flandres et li contes d'Ermignach. De le partie le roy - d'Engleterre, y furent envoiiet li dus de Braibant, li - evesques de Lincolle, li dus de Guerles, li dus de - Julers et messires Jehans de Haynau. 15 - - Quant il furent tout venu à la ditte capelle, il se - saluèrent moult amiablement et festiièrent grandement, - et apriès il entrèrent en leur trettiement. Toute - celle première journée, cil trettieur trettièrent sour - pluiseurs voies d'acort. Et toutdis estoit la bonne 20 - dame ma dame Jehane de Valois en mi yaus, qui - moult humlement et de grant coer leur prioit que - çascune partie se volsist priès prendre de l'acorder. - Toutes voies celle journée passa sans nul certain - acord; cescuns en rala en son lieu, sour couvent de 25 - revenir. L'endemain, il revinrent tout à le capelle - en tel point, et commencièrent à trettier com en devant, - et cheirent sus aucunes voies assés acordables; - mès ce fu si tart que on ne les peut escrire de jour. - Si se parti li parlemens adonc, et creanta cescuns de 30 - revenir là endroit à l'endemain, pour parfaire et - acorder le remanant. Au tierch jour, cil signeur revinrent - à plus grant conseil. Là fu acordée une - triewe à durer une anée entierement, et devoit entrer - tantost entre ces signeurs et ces gens qui là estoient - d'une part et d'autre; et entre chiaus qui guerrioient - en Escoce, en Gascogne, en Poito et en Saintonge, 5 - elle ne devoit entrer jusques à quarante jours. - Dedens lesquelz quarante jours, cescune des parties - le devoit faire savoir as siens, sans mal engien: s'il - les voloient tenir, se les tenissent; et se tenir ne les - voloient, si guerriaissent li uns l'autre. Mais France, 10 - Pikardie, Bourgongne, Bretagne et Normendie le - tenoient sans nulle exception. Et devoient li doi - roy dessus dit, cescuns pour lui et en bon couvenant, - envoiier quatre ou cinq nobles personnes, - et li papes deux cardinaulz en legation en le cité 15 - d'Arras. Et ce que ces parties ordonneroient, li doi - roi le tenroient et confremeroient sans nul moiien. - Et fu encores celle triewe presente acordée sus tèle - condition que cescuns devoit tenir paisieuvlement ce - dont il estoit saisis. 20 - - Quant celle triewe fu acordée et saielée d'une part - et d'aultre, cescuns s'en retourna en son host. Si le - fisent tantost criier par tout l'ost d'une part et d'autre, - dont li Braibençon eurent grant joie, car il eurent - là logiet et esté un grant temps moult à envis. 25 - Qui l'endemain, si tost que jours fu, peuist veoir - tentes abatre, chars chargier, gens fourhaster, emblaver - et toueillier, bien peuist dire: «Je voi un - nouvel siècle.» - - - § 136. Ensi com vous avés oy, se departirent ces 30 - deux grans hos, par le traveil et le pourcach de celle - bonne dame, qui Diex face pardon, qui y rendi grant - painne. Et demora la bonne cité de Tournay francement - et entière, qui avoit esté en très grant peril, - car toutes leurs pourveances falloient, et n'en avoient - mies pour trois jours ou pour quatre à vivre. Li 5 - Braibençon se prisent au raler hasteement, car grant - desir en avoient. Li rois englès s'en departi moult à - envis, s'il peuist et à se volenté en fust; mais il li - couvenoit sievir partie de le volenté les aultres signeurs - et croire leur conseil. Li jones contes de Haynau 10 - et messires Jehans de Haynau, ses oncles, se - fuissent ossi bien à envis acordés à celle departie, - s'il seuissent ossi bien le couvenant de chiaus qui - estoient dedens Tournay que li rois de France faisoit, - et se ne fust ce que li dus de Braibant leur 15 - avoit dit en secret qu'il detenoit à grant mesaise ses - Braibençons, et comment que fust, il ne les pooit - tenir qu'il ne se deuissent partir le jour ou l'endemain, - se acors ne se faisoit. - - Li rois de France et tous ses hos se departirent 20 - assés liement, car il ne pooient bonnement plus demorer - là endroit, pour le puasine des biestes que on - tuoit si priès de leurs logeis, et pour le chaut qu'il - faisoit; et si pensoient en leur part à avoir l'onneur - de celle partie, si com il disoient, pour le raison de 25 - ce que il avoient rescousse et gardée d'estre perdue le - bonne cité de Tournay, et avoient fait departir celle - grande assamblée qui assegiet l'avoit, et nient n'i - avoient fait, comment qu'il y euissent grans frais mis - et despendus. Li aultre signeur et cil de leur partie 30 - pensoient ossi bien à avoir l'onneur de celle partie, - pour le raison de ce qu'il avoient si longement demoret - ens ou royaume et assegié une des bonnes cités - que li rois ewist, et ars et gasté son pays cescun - jour, lui saçant et voiant; et point ne l'avoit secouru - de temps ne d'eure, ensi qu'il deuist; et au daarrain - il avoit acordé une triewe, ses ennemis seans devant 5 - se cité et ardant et gastant son pays. - - Ensi en voloit cescune des parties avoir à soy et - attribuer l'onneur. Si en poés determiner entre vous, - qui oy les fais avés et qui les sentés, ce qu'il vous - en samble, car de moy je n'en pense à nullui donner 10 - l'onneur plus l'un que l'autre, ne faire ent partie, - car je ne me cognois mie en si grans afaires - qu'en fais et en maniemens d'armes. - - - § 137. Or se departirent cil signeur dou siège de - Tournay, et en rala cescuns en son lieu. Li rois englès 15 - s'en revint à Gand dalés ma dame sa femme, et - assés tost apriès il rapassa le mer et toutes ses gens, - excepté chiaus qu'il laissa pour estre au parlement à - Arras. Li contes de Haynau s'en revint en son pays; - et eut adonc une moult noble feste à Mons en Haynau 20 - et jouste de chevaliers, à la quèle messires Gerars - de Wercin, seneschaus de Haynau, fu et jousta; - et y fu telement bleciés qu'il en morut, dont ce fu - damages. Se demora de li uns biaus filz, qui fu appellés - Jehans, et puissedi bons chevaliers et hardis; 25 - mais petit dura et regna en santé, dont ce fu damages. - Li rois de France donna à toutes ses gens congiet, - et puis s'en vint jewer et rafreschir en le ville - de Lille. Et là le vinrent veoir cil de Tournay, les - quelz li rois reçut liement et vei très volentiers, et 30 - leur fist grasce, pour tant que si bellement et si vallamment - il s'estoient tenu et deffendu contre leurs - ennemis, et que riens on n'avoit pris ne conquesté - sus yaus. Le grasce qu'il leur fist elle fu tèle qu'il - leur rendi leur loy que perdu avoient de grant temps, - dont il furent moult joiant, car messires Godemars 5 - don Fay et aultre pluiseur chevalier estragne, devant - lui, en avoient esté gouvreneur; si refisent entre - yaus prevos et jurés, selonch leurs usages anciiens. - Quant li rois eut ordonné à son plaisir une partie - de ses besongnes, il se departi de Lille et se mist au 10 - chemin devers France, pour revenir à Paris. - - Or vint li saisons que li parlement ordonnet et - insinuet en le cité d'Arras approcièrent. Si y envoia - li papes Clemens VIe en legation deux cardinaulz, - cesti de Naples et cesti de Clermont, qui de premiers 15 - vinrent à Paris, où il furent moult honnouré dou - roy et des François; et puis s'avalèrent devers Artois - et jusques en le cité d'Arras. A ce parlement, de par - le roy de France, furent li contes d'Alençon, li dus - de Bourbon, li contes de Flandres et li contes de 20 - Blois, et des prelas li archevesques de Sens, li evesques - de Biauvais et li evesques d'Auçoirre; de par le - roy d'Engleterre, li evesques de Lincolle, li evesques - de Duremmes, li contes de Warvich, messires Robers - d'Artois, messires Jehans de Haynau et messires 25 - Henris de Flandres. Au quel parlement, il y eut pluiseurs - trettiés et langages mis avant, et parlementèrent - plus de quinze jours. Mais riens n'i fu acordé - ne afiné, car li Englès demandoient et li François - ne voloient riens donner, fors tant seulement rendre 30 - le conté de Pontieu, qui fu donnée à le royne Ysabiel - en mariage avoech le roy d'Engleterre. Ceste - cose ne veurent point li Englès accepter. Si se departirent - cil signeur et cil parlement sans riens faire, - fors tant seulement que la triewe fu ralongie deux - ans; che fu tout ce que li cardinal y peurent impetrer. - Apriès ce, cescuns s'en rala en son lieu. Et revinrent 5 - adonc li doi cardinal parmi Haynau, à le - priière dou conte, qui grandement le(s) festia en le - ville de Valenciènes. - - Or nous deporterons nous à parler des deux rois, - tant que les triewes durront, qui furent assés bien 10 - tenues, excepté les marces lontainnes; et enterons - en le grant matère et hystore de Bretagne, qui grandement - renlumine ce livre, pour les biaus fais d'armes - et grandes aventures qui y sont avenues, si com - vous porés ensiewant oïr. Et pour ce que vous saciés 15 - veritablement le commencement et le racine de ceste - guerre et dont elle se meut, je le vous declarrai de - point en point. Si en dirés vostre entente, et quel - cause et droit messires Charles de Blois eut au grant - hiretage de Bretagne, et d'autre part li contes de 20 - Montfort qui en fist fait et partie contre lui, dont - tant de rencontres, de batailles et d'autres grans fais - d'armes sont avenu en la ditte ducé de Bretagne et - ens ès marces voisines. - - - § 138. A savoir est que, quant les triewes furent 25 - acordées et seellées devant le cité de Tournay, tout - li signeur et toutes manières de gens se deslogièrent - de une part et d'autre. Si s'en rala cescuns en sa - contrée. Li dus de Bretagne, qui avoit esté à host - droit là devant Tournay avoec le roy de France plus 30 - grossement et plus estoffeement que nulz des autres - princes, s'en retourna vers son pays en l'entente - d'y revenir, mais il ne peut, car une maladie le prist - sus le chemin, dont il le couvint aliter et morir. - Dont ce fu damages, car grans guerres et grans - destructions de villes et de chastiaus en avinrent 5 - entre les gens nobles et non nobles de son pays. - Et pour cescun mieulz infourmer pour quoi tout - cil grant mal avinrent, jou en conterai aucune partie - ensi que je le sçai et que jou en ay enquis ou - pays meismement, où j'ay esté et conversé, pour 10 - mieulz savoir ent le verité, et à chiaus ossi qui ont - là esté où je n'ai mies (este[354]) et qui en ont veu et - sceu ce que je n'ai mies tout pout veoir et concevoir. - - [354] Mss. B 4, 3, fo 66, vo.--Ms. B 1, fo 100 (lacune). - - Cilz dus de Bretagne, quant il trespassa de ce siècle, - n'avoit nul enfant ne n'eut onques de la duçoise sa 15 - femme ne n'avoit eu nulle esperance de l'avoir. Si - avoit un frère, de par se mère qui avoit estet remariée, - que on appelloit le conte de Montfort, qui vivoit - adonc, et avoit chilz à femme le sereur le conte Loeis - de Flandres. Cilz dus de Bretagne avoit eut un aultre 20 - frère germain de père et de mère, qui trespassés estoit; - s'en estoit demorée une jone fillète, la quèle li - dis dus ses oncles avoit mariée à monsigneur Charle - de Blois (mains net fil au conte Guy de Blois[355]) de le - sereur le roy Phelippe de France qui adonc regnoit; 25 - et li avoit prommis en mariage la ducé de Bretagne - apriès son dechiès, pour tant qu'il se doubtoit que - li contes de Montfort n'i vosist clamer droit par - proismeté apriès son dechiès, comment qu'il ne fust - mies ses frères germains. Et il sambloit au dit duch 30 - que li fille de sen frère germain devoit estre par raison - plus proçaine de avoir le ducée apriès son deciès, - que li contes de Montfort, ses frères, qui n'estoit point - estrais de l'estok de Bretagne. Et par tant qu'il avoit - toutdis doubtet que ses frères li coens de Montfort 5 - n'enforçast, apriès son deciès, le droit de sa jone nièce, - par se poissance, le maria il au dit monsigneur Carle - de Blois, à celle entente que li rois Phelippes, qui - estoit ses oncles, li aidast mieus et plus volentiers à - garder son droit encontre le dit conte de Montfort, 10 - s'il le vosist entreprendre. - - [355] Mss. B 4, 3, fo 66, vo.--Ms. B 1, fo 100 vo (lacune). - - Si avint tout ce que li dis dus avoit toutdis doubtet. - Car, sitost que li contes de Montfort peut savoir - que li dis dus ses frères fu trespassés sus le - chemin de Bretagne, il se traist tantost à Nantes, 15 - qui est li chiés et li souverainne cités de Bretagne; - et fist tant as bourgois et à chiaus dou pays entour, - qu'il fu receus à signeur comme li plus proisme del - duch son frère qui trespassés estoit; et li fisent tout - feaulté et hommage comme au duch de Bretagne et 20 - au signeur. Quant il eut pris le feauté des bourgois - de Nantes et dou pays d'entour Nantes, ils et la - contesse sa femme, qui bien avoit coer d'omme - et de lyon, eurent conseil ensamble qu'il tenroient - une grant court et feste solennèle à Nantes, et manderoient 25 - tous les barons et les nobles del pays de - Bretagne et les consaulz des bonnes villes et de - toutes les cités, qu'il volsissent estre et venir à celle - court, pour faire feaulté à lui comme à leur droit - signeur. Quant cilz consaulz fu acordés, il envoiièrent - grans messages par tous les signeurs, les cités et 30 - les bonnes villes del pays. - - - § 139. Chou pendant et le feste attendant, il se - parti de Nantes à grant fuison de gens d'armes et s'en - ala vers la bonne cité de Limoges, car il sçavoit et - estoit infourmés que li grans tresors, que li dus ses - frères avoit amasset de lonch temps, estoit là enfremés. 5 - Quant il vint là, il entra en le cité à grant beubant - et fu noblement recheus des bourgois et de - tout le clergié et le communauté de le cité; (si ly - firent tous feaulté, comme à leur droit seigneur. Et - ly fu tous cils grans tresors delivrés, par le grant acord 10 - qu'il acquist as bourgois de le cité[356]), par grans dons - et prommesses qu'il leur fist. Et quant il eut là tant - festiiet et sejourné qu'il li pleut, il s'en parti à tout - le grant tresor et s'en revint droit à Nantes, là où - madame sa femme estoit, qui eut grant joie del grant 15 - tresor que ses sires avoit trouvet. Si demorèrent à - Nantes tout quoi, grant feste demenant, jusques au - jour que la feste devoit estre, et li grans cours tenue; - et faisoient très grans pourveances pour celle grant - feste parfurnir. 20 - - [356] Mss. B 4, 3, fo 67.--Ms. B 1, fo 101 (lacune). - - Quant li jours de celle feste fu venus, et nulz - n'i venoit pour mandement qui fais leur fust, fors - uns seulz chevaliers que on clamoit monsigneur - Hervi de Lyon, noble homme et poissant, li dis - contes de Montfort et la contesse sa femme en furent 25 - durement courouciet et abaubit. Il fisent leur - feste par trois jours des bourgois de Nantes et des - bonnes gens de là au tour, au mieus qu'il peurent; - si eurent grant despit des aultres qui n'avoient dagniet - venir à leur mandement. Et eurent conseil 30 - entre yaus de retenir saudoiiers à cheval et à piet, - tous ceulz qui venir vorroient, et de departir ce grant - tresor que trouvet avoient, pour mieus venir le dit - conte à son pourpos de la ditte ducé de Bretagne, et - pour constraindre tous rebelles de venir à merchi. 5 - A ce conseil se tinrent tout cil qui là furent, chevalier, - clerch et bourgois. Et furent retenu saudoiier - venans de tous costés, et larghement paiiés, tant qu'il - en eurent grant plenté, à cheval et à piet, nobles et - non nobles, de pluiseurs pays. 10 - - - § 140. Quant li contes de Montfort perchut qu'il - avoit gens à plentet, il eut conseil de aler conquerre, - par force ou par amours, tout le pays, et de destruire - tous rebelles à son pooir. Puis, issi hors de le cité - de Nantes à grant host; si se trest par devers un 15 - moult fort chastiel qui siet d'un costet sus mer, que - on appelle (Brait. Et en estoit gardiiens et chastellains - uns gentilz chevaliers qu'on appelloit[357]) monsigneur - Garnier de Cliçon, cousins au duch qui - mors estoit, et cousins à monsigneur Olivier de 20 - Cliçon, un noble chevalier et un des plus haus barons - de Bretagne. Ançois que li dis coens de Montfort - parvenist à Brait, il avoit si constraint tous - chiaus del commun pays, fors de forterèces, que cescuns - le sievoit à cheval ou à piet, car nulz ne l'osoit 25 - laissier, si qu'il avoit si grant host que merveilles - estoit. Quant il fu parvenus devant le chastiel de - Brait à tout son host, il fist appeller le chevalier deseure - dit monsigneur Garnier (de Clichon par monsigneur - Hervy de Lyon qui là estoit venus avoech lui, - et requist au dit monsigneur Garnier[358]) qu'il vosist - obeir à lui et rendre le ville et le chastiel comme au - duch de Bretagne et à signeur. Li chevaliers respondi - qu'il n'estoit point consilliés de çou faire, ne riens 5 - n'en feroit, ne ne le tenroit à signeur, s'il n'en avoit - mandement et ensengnes dou signeur à qui il devoit - estre par droit. Adonc retray li dis coens arrière et - deffia le chevalier et chiaus dou chastiel et de le - ville. A l'endemain, quant il eut oy messe, il commanda 10 - que tout fuissent armet et fist le chastiel assallir, - qui moult fors estoit et bien pourveus et appareilliés - pour le deffendre. Et li chevaliers messires - Garniers de Cliçon, qui preus estoit, sages et hardis, - fist ossi toutes ses gens armer, qui bien estoient trois 15 - cens arme(u)res et combatans, et fist çascun aler à - se deffense là où il les avoit ordonnés et establis, et - en prist environ quarante des plus hardis: si s'en - vint hors dou chastiel jusques as bailles pour deffendre, - se il peuist, quant il vei les assallans venir tous 20 - batilliés. - - [357] Mss. B 4, 3, fo 67, vo.--Ms. B 1, fo 101 vo (lacune). - - [358] Mss. B4, 3 fo 67 vo.--Ms. B1 (lacune). - - A ce premierain assaut, eut grant hustin et très - durement trait et lanciet, et fuison de mors et de - navrés de chiaus de dehors. Et y fist li dis chevaliers - tant de biaus fais d'armes et souffri tant de cops 25 - durs et perilleus que on le devoit bien tenir pour - preu. Mès au daarrain il y sourvint si grant fuisson - des assallans, et se les semonnoit li contes si asprement, - que cescuns s'esprouvoit, efforçoit et penoit - de l'assallir et se mettoit en aventure: si ques, au 30 - daarrain, les bailles furent gaegnies, et convint les - daarrains retraire vers le forterèce à grant meschief, - car li assallant se ferirent entre yaus et en tuèrent - aucuns. Et li chevaliers, qui y faisoit merveilles d'armes, - les rescouoit et les metoit ce qu'il pooit à sauveté 5 - dedens la mestre porte. Quant cil qui estoient - sus le port(e) veirent le grant meschief, il eurent paour - de perdre le chastiel; si laissièrent avaler le grant - restiel et encloirent le chevalier dehors et aucuns de - leurs compagnons qui se combatoient fortement à 10 - chiaus de dehors. Là fu li bons chevaliers à grant - meschief et durement navrés en pluiseurs lius, et si - compagnon, qui hors estoient fourclos, priès que tout - mort; ne onques ne se volt rendre prisons pour requeste - que on li fesist. Quant cil del chastiel veirent 15 - le grant meschief là où li chevaliers estoit et comment - il se deffendoit, il s'efforcièrent de traire et de - getter grosses pières à fais, tant qu'il fisent les assallans - traire arrière, et ressachièrent sus un petit les - restiaus; par quoi li chevaliers entra en le porte durement 20 - bleciés et navrés en pluiseurs heus, et aucuns - de ses compagnons, qui demoret li estoient, tout navret - ossi. Et li assallant retraiirent arrière à leurs logeis, - durement travilliés, et li aucun blechiés et navrés, - et li coens de Montfort durement courouciés de çou 25 - que li chevaliers li estoit escapés. A l'endemain, il fist - faire et apparillier instrumens et engiens pour plus - fortement assallir le chastiel, et bien dist qu'il ne s'en - partiroit, pour bien ne pour mal, si l'aroit à se volenté. - - Au tierc jour apriès, il entendi par une espie 30 - que li bons chevaliers messires Garniers de Cliçon - estoit trespassés des plaies et des bleceures qu'il - avoit receutes en lui deffendant, si comme voirs - estoit, dont ce fu pités et damages. Si commanda - tantost que cescuns se alast armer pour recommencier - l'assaut moult vighereusement. Et adonc fist li - coens traire avant aucuns estrumens qui fais estoient, 5 - et grans mairiens pour getter oultre les fossés pour - venir as murs dou chastiel. Chil de dedens se deffendirent - longement, de traire et de getter pières et feu - et pos plains de cauch, jusques environ le heure de - miedi. Adonc les fist requerre li contes qu'il se volsissent 10 - rendre et lui tenir à signeur, et il lor pardonroit - son mautalent. Il eurent conseil entre yaus longement, - tant que li contes fist cesser l'assaut. Au - daarrains, quant il se furent longuement consilliet, - il se rendirent de plain acord au dit conte, salve 15 - leurs corps, leurs membres et leur avoir. Si entra - adonc li dis contes ens ou chastiel de Brait à peu de - gens, et rechut le feauté de tous les hommes de le - chastelerie, et y establi un chevalier pour chastelain en - qui moult se fioit, puis revint à ses tentes tous joians. 20 - - - § 141. Quant li contes de Montfort fu revenus - entre ses gens, et il eut establi ses gardes ens ou chastiel - de Brait, il eut conseil qu'il se trairoit par devers - le cité de Rennes qui estoit assés priès de là. Si fist - deslogier ses gens et traire le chemin devers Rennes. 25 - Et par tout là où il venoit, il faisoit toutes manières - de gens rendre et faire feaulté à lui comme à leur - droit signeur. Et enmenoit tous chiaus qui se pooient - aidier, avoecques lui, pour efforcier son host; et il ne - l'osoient refuser ne laiier, pour doubtance de leurs 30 - corps. Et en ala tant ensi qu'il vint devant le cité de - Rennes; si fist tendre ses tentes et ses gens logier entours - (le ville et entours[359]) les fourbours. Quant cil - de le cité de Rennes veirent ceste host logie entours - leur ville et entours les fourbours, il fisent grant - samblant d'yaus deffendre. Et avoient avoecques yaus 5 - un gentil homme, chevalier preu et hardi durement, - qui manoit assés priès de là, et l'amoient entre yaus - trop durement pour le loyauté de lui. Si l'avoient - esleu et pris pour leur gouvrenement et chapitainne, - et avoit nom messires Henris de Pennefort. 10 - - [359] Mss. B4, 3, fo 68.--Ms. B1, fo 102 (lacune). - - Si avint un jour que cilz eut volenté qu'il destourberoit - les gens de l'host, s'il avoit compagnie. - Si pourcaça tant qu'il eut compagnie de deus cens - hommes de bonne volenté, et issi hors de le cité - paisievlement à l'aube dou jour, et se feri à l'un 15 - des costés de l'host à toute se compagnie. Si abati - tentes et logeis et en tua aucuns, par quoi li cris - et li hahais mon(ta) tantost en l'ost, et cria cescuns - as armes, et se commencièrent à deffendre. Droit - à ce point se repairoit uns chevaliers, qui avoit fait 20 - le gait celle nuit, par devers l'ost, à toute se compagnie. - Si oy le cri et le hahay et se trest celle part, - au ferir des esporons, et encontra le chevalier et toute - se compagnie qui s'en repairoit vers le cité. Si lor - coururent sus vighereusement, et eurent bon puigneis 25 - et fort. Apriès yaus venoient courant cil de - l'host qui estoient armet. Quant cil de le cité veirent - le fais qui leur croissoit, il se desconfirent et s'en - fuirent vers le cité ce qu'il peurent, mais il en domora - grant fuison de mors et de pris. Et si y fu pris li chevaliers 30 - que tant amoient, messires Henris de Pennefort - (et amenés devant le conte[360]) qui volentiers le vey. - - [360] Mss. B 4, 3, fo 68.--Ms. B 1, fo 102 vo (lacune). - - Quant tout furent repairiet à leur host, li contes - eut conseil qu'il envoieroit le chevalier prison par - devant le cité, et feroit requerre les bourgois qu'il 5 - li volsissent rendre le cité et faire feaulté à lui comme - à leur signeur, ou il feroit pendre le chevalier devant - le porte, par tant qu'il avoit entendu que li - chevaliers estoit très durement amés de toute le communauté - de Rennes. Ensi fu fait que consilliet fu. 10 - Quant cil de le cité oïrent celle requeste et veirent - le chevalier qu'il amoient tant à tel meschief, il en - eurent grant pité. Si se traisent en le cité pour yaus - consillier sour celle requeste que on leur avoit faite. - Si se consillièrent moult longuement, car grans dissentions 15 - estoit entre yaus, car li communs avoit - grant pitié dou chevalier qu'il amoient durement, - et si avoient petit de pourveances pour le siège longement - soustenir. Si se acordèrent finablement tuit - à le pais. Et li grant bourgois, qui estoient bien 20 - pourveu, ne s'i voloient acorder. - - Si monteplia li dissentions si durement que li - grant bourgois, qui estoient tout d'un linage, se traisent - d'une part et disent tout hault que tout cil qui - estoient de leur accord se traisissent d'une part et devers 25 - yaus. Il s'en traii tant de chiaus qui estoient de - leur linage, qu'il furent bien doi mille, tout d'un - acord. Quant li aultre commun veirent che, il se - commencièrent à esmouvoir et à criier durement sus - les grans bourgois, disant sur yaus laides parolles et 30 - villainnes. Et au daarrain il les coururent sus, et en - tuèrent grant fuison. Quant li bourgois se veirent à - tel dangier, (il) priièrent merci, et disent qu'il s'acorderoient - à le volenté dou commun et dou pays. - Adonc cessa li hustins, et coururent tous li communs - ouvrir les portes, et rendirent le ditte cité au conte 5 - de Montfort; et li fisent feaulté et hommage, grans - et petis, et le cogneurent à signeur. Ossi fist li chevaliers, - messires Henris de Pennefort, et fu retenus - de son conseil. 10 - - - § 142. Adonc entra li contes de Montfort en le - cité de Rennes à grant feste, et fist son host tout quoi - logier as camps. Et fist le pais et l'acord entre les - grans bourgois et les communs; puis establi baillieu, - prevost, eskievins, sergans et tous aultres officiiers. 15 - Et sejourna en le cité trois jours, pour li reposer et - son host ossi, et pour avoir avis comment il feroit de - donc en avant. Au quart jour, il fist son hoost deslogier, - et eut conseil de traire devers uns des plus fors - chastiaus et forte ville sans comparison de toute Bretagne, 20 - que on claime Haimbon, et siet droitement sus - un bon port de mer, et en va li fluns tout au tour - par grans fossés. Quant messires Henris de Pennefort, - qui estoit rendus (au conte[361]) et avoit juret son conseil, - vei que li contes se trairoit par devers Haimbon, 25 - dont Oliviers de Pennefort ses frères avoit estet - gouvrenères un grant temps et encores estoit, il eut - paour qu'il ne mescheist à son frère par aucune - aventure; si traist le conte d'une part à conseil et li - dist: «Sire, je sui de vostre conseil, si vous doi - feauté. Je voi que vous volés traire par devers Haimbon. - Sachiés que li chastiaus et la ville sont si fort - qu'il ne font mies à gaegnier, ensi que vous poriiés - penser. Vous y poriés seoir et perdre le temps d'un 5 - an, ançois que vous le peuissiés avoir par force. Mais - je vous dirai, se croire me volés, comment vous le - porés avoir. Il fait boin ouvrer par engien, quant on - ne poet avant aler par force. Vous me deliverés, se - il vous plaist, jusques à six cens hommes à faire me 10 - volenté, et je les menrai devant vostre host par l'espasse - de quatre liewes de terre, et porterai le banière - de Bretagne devant mi. Jou ay dedens Haimbon un - frère qui est gouvrenères dou chastiel et de le ville. - Tantost qu'il vera le banière de Bretagne et il me cognistera, 15 - il me fera ouvrir le porte, et je enterai dedens - à toutes gens, et me saisirai de le ville et des - portes, et prenderai mon frère, et le vous renderai - pris et à vostre volenté, se tantost il n'obeist à moy, - mès que vous me prommetés que dou corps nul mal 20 - ne li ferés.»--«Par mon chief, dist li contes, nennil. - Et vous estes bien avisés, et vous amerai mieus - que devant à tous jours mès, se par ensi faites que je - soie sires de Haimbon, de le ville et dou chastiel.» - - [361] Mss. B 3, 4, fo 70.--Ms. B 1, fo 103 vo (lacune). - - - § 143. Adonc se parti messires Henris de Pennefort 25 - de le route dou conte, en se compagnie bien six - cens armeures de fier, et chevauça le jour tout entier, - et sus le soir il vint en Haimbon. Quant Oliviers de - Pennefort ses frères sceut que messires Henris venoit - là, si en eut grant joie et cuida tout certainnement 30 - que ce fust pour lui aidier à garder le ville; si le - laissa ens et ses gens d'armes, et vint contre lui sus - le rue. Si tost que messires Henris le vei, il s'approça - de lui et le prist et li dist: «Olivier, vous estes mon - prisonnier.»--«Comment ce, respondi Oliviers! - Je me sui confiiés en vous et cuidoie que vous venissiés 5 - chi pour moy aidier à garder et à deffendre - ceste ville et ce chastiel.»--«Biaus frères, dist - messires Henris, il ne va point ensi. Je m'en mach - en possession et saisine de par le conte de Montfort, - qui presentement est dus de Bretagne, et à qui j'ay 10 - fait feauté et hommage, et tous li plus grant partie - dou pays ossi. Si y obeirés ossi. Et encores vault - mieulz que ce soit par amours que par force, et vous - en sara messires grignour gré.» Tant fu Oliviers de - Pennefort preeciés et amonnestés de monsigneur 15 - Henri son frère, qu'il s'acorda à lui et au conte de - Montfort ossi, qui entra dedens Haimbon à grant joie; - et fu plus liés de le prise et saisine de Haimbon que - de telz quarante castiaus (qui[362]) sont en Bretagne, car - il y a bonne ville et grosse et bon port de mer. Si se 20 - saisi tantost dou fort chastiel et de le ville, et y mist - dedens ses gens et ses garnisons. - - [362] Ms. B 3, fo 70.--Mss. B 1, 4, fo 104 (lacune.) - - Et puis si se traist à toute son host par devant le - cité de Vennes; et fist tant parler et trettier as bourgois - et à chiaus de Vennes, qu'il se rendirent à lui 25 - et li fisent feaulté et hommage comme à leur signeur. - Il establi en le cité toutes manières d'officiiers et y - sejourna deus jours. - - Au tierc jour, il s'en parti et ala assegier un trop - fort chastiel, seant sus un hault tertre qui s'estent 30 - droit sus le mer, que on claime le Roceperiot. Si en - estoit chastellains uns vaillans chevaliers et moult - gentils homs que on clamoit monsigneur Olivier de - Cliçon, cousins germains au signeur de Cliçon. Et - sejourna par devant, à siège fait, plus de dix jours que 5 - onques ne peut trouver voie par quoi il peuist le - chastiel gaagnier, si fors estoit il. Et si ne pooit - trouver accord au gentil chevalier, par quoi il peuist - obeir à lui, par promesses ne par manaces qu'il li - peuist faire. 10 - - Si s'en parti atant et laissa le siège jusques à tant - que plus grans pooirs li venroit, et ala assegier un - aultre chastiel, à dix liewes priès de là, que on clamoit - chastiel d'Auroy. Et en estoit chastellains uns - gentilz chevaliers que on clamoit monsigneur Joffroi 15 - de Malatrait, et avoit à compagnon monsigneur Yvon - de Tigri. Li dis coens fist assallir deus fois à celui - castiel, mais il vey bien qu'il y poroit plus perdre - que gaegnier. Si s'acorda à une triewe et à jour de - parlement, par le pourcach monsigneur Hervi de 20 - Lyon, qui adonc estoit avoech lui. Li parlemens se - porta si bien que au pardaarrain il furent bon ami. - Et fisent li doi chevalier feaulté au dit conte, et demorèrent - gardiien dou dit chastiel et de celui pays, - de par le dit conte. 25 - - Atant se parti li contes de là et mena son host par - devant un aultre fort chastiel, assés priès de là, que - on claime Goy le Foriest. Chils qui chastelains en - estoit veoit que li contes avoit grant host et que - tous li pays se rendoit à lui: si ques, par l'enhort et 30 - le conseil monsigneur Hervi de Lyon, avoech qui il - avoit estet grans compains en Grenate, en Prusce et - en aultres estragnes contrées, il s'acorda au dit conte - et li fist feaulté, et demora gardiiens del dit chastiel - de par le conte. - - Tantost apriès, li contes se parti de là et s'en ala - par devers Craais, bonne ville et fort chastiel, et 5 - avoit dedens un evesque qui sires en estoit. Chilz - evesques estoit oncles au dit monsigneur Hervi de - Lyon: si ques, par le conseil et l'amour del dit - monsigneur Hervi de Lyon, il s'acorda au dit conte - et le recogneut à signeur jusques adonc que venroit 10 - avant, qui plus grant droit mousteroit pour avoir la - ducée de Bretagne. - - - § 144. Pourquoi vous feroi je lonc compte? En - tel manière conquist li dis contes de Montfort tout - cel pays que vous avés oy, et fist par tout obeir à lui 15 - et appeller duc de Bretagne. Puis s'en ala à un port - de mer que on claime Gredo, et departi toutes ses - gens. Si les envoia par ses cités et forterèces, pour - elles aidier à garder, puis se mist en mer à tout - vingt chevaliers et naga tant qu'il vint en Cornuaille 20 - et arriva à un port c'on dist Cepsée. Si enquist dou - roy englès où il le trouveroit. Il li fu dit que le plus - dou tamps il se tenoit à Windesore. Dont chevauça - celle part et toute se route; et fist tant par ses journées - qu'il vint à Windesore, où il fu receus à grant 25 - joie dou roy, de ma dame le royne et de tous les - barons qui là estoient. Et fu grandement festiiés et - honnourés, quant on sceut pour coi il estoit là venus. - Premierement (il[363]) remoustra ses besongnes au roy - englès, à monsigneur Robert d'Artois et à tout le conseil - le roy, et dist comment il s'estoit mis en saisine - et en possession de la ducée de Bretagne, qui escheue - li estoit par le succession dou duc son frère daarrainnement - trespassé de ce siècle. Or faisoit il 5 - doubte que messires Charles de Blois ne li empeeçast, - et li rois de France ses oncles ne li volsist oster par - poissance; pour quoi il s'estoit là trais pour relever - la ditte ducée et tenir en foy et en hommage dou - roy d'Engleterre à tous jours, mès qu'il l'en fesist 10 - seur contre le roy de France et contre tous aultres - qui empeecier li vorroient. - - [363] Ms. B 4, 3, fo 69 vo.--Ms. B1, fo 104 vo (lacune). - - Quant li rois englès eut oy ces parolles, il y entendi - volentiers, car il regarda et ymagina que se - guerre au roy de France en seroit grandement embellie, 15 - et qu'il ne pooit avoir plus belle entrée ou - royaume ne plus pourfitable que par Bretagne, et - que, de tant qu'il avoit guerriiet par les Alemans et - les Braibençons, il n'avoit riens fait, fors que frettiiet - et despendut grandement et grossement. Et 20 - l'avoient mené et demené li signeur de l'Empire, - qui avoient pris son or et son argent, ensi qu'il - avoient volu, et riens fait. Si descendi à le requeste - dou conte de Montfort liement et legierement, et - prist le hommage de la ditte ducé de Bretagne, par 25 - la main dou conte de Montfort, qui se tenoit et appelloit - dus de Bretagne. Et là li eut li rois englès en - couvent, present les barons et les chevaliers qui - d'Engleterre estoient et qu'il avoit là amenés de Bretagne, - qu'il l'aideroit et deffenderoit et garderoit 30 - comme son homme contre tous hommes, fust rois de - France ou aultres, selonch son loyal pooir. De ces parolles - et de ces hommages furent escriptes et (leues[364]) - lettres et seelées, dont cescune des parties eut les - copies. Avoec tout ce, li rois et ma dame la royne - donnèrent au conte de Montfort et à ses gens grans - dons et biaus jeuiaus, car bien le savoient faire; et 5 - tant qu'il en furent tout content et qu'il disent que - c'estoit uns nobles rois et vaillans et une noble - royne, et qu'il estoient bien tailliet de regner encores - en grant prosperité. - - [364] Ms B4, fo 70.--Ms. B1, fo 105: «levées.» - - Apriès toutes ces coses faites et acomplies, li contes 10 - de Montfort prist congiet et se parti d'yaus, et - passa Engleterre. Et rentra en mer à ce meisme port - où il estoit arivés, et naga tant qu'il arriva à Gredo - en le Basse Bretagne. Et puis s'en vint en le cité de - Nantes, où il trouva la contesse sa femme, à qui il 15 - recorda comment il avoit esploitiet. De ce fu elle - toute joians, et li dist qu'il avoit très bien ouvré et - par bon conseil. Si me tairai un petit d'yaus et - parlerai de monsigneur Charlon de Blois, qui devoit - avoir la ducée de Bretagne de par sa femme, ensi 20 - que vous avés oy determiner par devant. - - - § 145. Quant messires Charles de Blois, qui tenoit - à avoir à femme le droit hoir de Bretagne, entendi - que li contes de Montfort conqueroit ensi par force - le pays et les forterèces, qui estre devoient siennes 25 - par droit, il s'en vint à Paris complaindre au roy - Phelippe son oncle. Li rois Phelippes ot conseil à - ses douze pers quel cose il en feroit. Si douze per li - consillièrent qu'il apertenoit bien que li dis coens - de Montfort fust mandés et ajournés par souffissans - messages à estre à un certain jour à Paris, pour oïr - ce qu'il en vorroit respondre. Ensi fu fait. Li dis - contes fu mandés et ajournés souffissamment; et fu - trouvés en le cité de Nantes, grant feste demenant. Il 5 - fist grant chière et grant feste as messages, mais il - eut pluiseurs diverses pensées ançois qu'il otriast le - voie de l'aler au mandement dou roy à Paris. Toutes - voies au darrain, il leur respondi qu'il voloit estre - obeyssans au roy et qu'il iroit volentiers à son mandement. 10 - Si s'ordonna et apparilla moult richement - et grandement, et se departi de Nantes en grant arroi - et bien acompagniés de chevaliers et d'escuiers, et - fist tant par ses journées qu'il entra en Paris à plus - de trois cens chevaus, et se trest as hostelz moult ordeneement,15 - et fu là tout le jour et le nuit ossi. - - A l'endemain, à heure de tierce, il monta à cheval, - et chevalier et escuier grant fuison avoecques lui, et - chevauça vers le palais et fist tant qu'il y vint. Là - l'attendoit li rois Phelippes, et tout li douze per et 20 - grant plenté des barons de France avoecques monsigneur - Charlon de Blois. Quant li contes de Montfort - sceut quel part il trouveroit le roy et les barons, - il s'est trais viers yaus en une cambre où il estoient - tout assamblé. Si fu moult durement regardés et salués 25 - de tous les barons, puis s'en vint encliner le - roy moult humlement et li dist: «Sire, je sui chi - venus à vostre mandement et à vostre plaisir.» Li - rois li respondi et li dist: «Contes de Montfort, de - ce vous sai je bon gré. Mais je m'esmerveille durement 30 - pour quoi ne comment vous avés osé entreprendre, - de vostre volenté, le duchée de Bretagne où - vous n'avés nul droit, car il y a plus proisme de - vous, cui vous volés deshireter. Et pour vous mieus - efforcier, vous estes alés à mon adversaire le roy - d'Engleterre, et le avés de lui relevet et à lui fait - feaulté et hommage, ensi que on le m'a compté.» Li 5 - contes respondi et dist: «Ha! sire, ne le creés pas, - car vraiement vous estes de chou mal infourmés, je - le feroie moult à envis. Mais de la proismeté dont - vous me parlés m'est avis, sire, sauve vostre grasce, - que vous en mesprendés, car je ne sçai nul si proçain 10 - del duch de Bretagne, mon frère daarrainnement - mort, que moy. Et se jugiet et declaret estoit - par droit que aultres y fust plus proismes de moy, - je ne seroie point honteus ne rebelles del deporter.» - Quant li roys entendi chou, il respondi et dist: 15 - «Sire coens, vous en dites assés, mès je vous commande, - sur quanques vous tenés de moy et que - tenir en devés, que vous ne vous partés de le cité - de Paris jusques à quinze jours que li baron et li per - jugeront de celle proismeté. Si sarés adonc quel 20 - droit vous y avés; et se vous le faites autrement, saciés - que vous me couroucerés.» Li coens respondi - et dist: «Sire, à vostre volenté.» - - Si se parti atant dou roy et vint à son hostel: - venus, il entra en sa cambre et se commença à aviser 25 - et penser que, s'il attendoit le jugement des barons - et des pers de France, que li jugemens poroit - bien tourner contre lui, car bien li sambloit que - li rois feroit plus volentiers partie pour monsigneur - Charlon de Blois son neveu que pour lui. 30 - Et veoit bien que, se il avoit jugement contre - lui, que li rois le feroit arrester jusques à tant - qu'il aroit tout rendu, cités, villes et chastiaus - dont il tenoit ores le saisine et le possession, et - avoech chou tout le grant tresor qu'il avoit trouvet - et despendut. Se li fu avis pour le mains - mauvais qu'il li valoit mieulz qu'il courouchast le 5 - roy et s'en ralast paisievlement par devers Bretagne, - que il demorast en Paris en ce dangier et en si perilleuse - aventure. Ensi qu'il pensa, ensi fut fait. Si - monta si paisievlement et si couvertement, et se parti - à si peu de compagnie qu'il fu ançois en Bretagne 10 - revenus que li rois ne aultres, fors cil de son conseil, - sceuissent riens de son departement; ains pensoit - cescuns qu'il fust dehetiés à son hostel. Quant il fu - revenus dalés le contesse sa femme qui estoit à - Nantes, il li compta toute sen aventure, puis ala par 15 - le conseil de sa femme, qui avoit bien coer d'omme - et de lyon, par toutes les cités, les chastiaus et les - bonnes villes qui estoient à lui rendues, et establi - par tout bons capitainnes et si grant plenté de saudoiiers - à piet et à cheval qu'il y couvenoit, et grans 20 - pourveances de vivres à l'avenant. Et paia si bien - tous saudoiiers à piet et à cheval que cescuns le servoit - volentiers. Quant il eut (tout) ordonné ensi qu'il - appertenoit, il s'en revint à Nantes dalés ma dame sa - femme et dalés les bourgois de le cité, qui durement 25 - l'amoient par samblant, pour les grans courtoisies - qu'il leur faisoit. Or me tairai un petit de lui et retourneray - au roy de France et à son neveu monsigneur - Charlon de Blois. - - - § 146. Cescuns doit sçavoir que li rois de France 30 - fu durement courouciés, ossi fu messires Charles de - Blois, quant il sceurent que li contes de Montfort - leur fu ensi escapés et en estoit alés, ensi que vous - avés oy. Toutes voies, il attendirent jusques à le quinsainne - que li per et li dit baron de France devoient - rendre leur jugement de la ducé de Bretagne. Si le 5 - jugièrent del tout à monsigneur Charlon de Blois et - en ostèrent le conte de Montfort, par deus raisons: - l'une, par tant que la dame, la femme monsigneur - Charlon de Blois, qui estoit fille dou frère germain le - duch qui mors estoit, de par le père dont la ducée 10 - lor venoit, estoit plus proçaine que li contes de - Montfort, qui estoit d'un aultre père qui onques n'avoit - estet dus de Bretagne. L'autre raisons si estoit - que, s'il fust ensi que li contes de Montfort y ewist - aucun droit, si l'avoit il fourfait par deus raisons: 15 - l'une, par tant qu'il l'avoit relevet d'aultre signeur - que dou roy de France, de cui on le devoit tenir en - fief; l'autre raison, pour tant qu'il avoit fourpasset - le commandement son signeur le roy et brisiet son - arrest et se prison, et s'en estoit partis sans congiet. 20 - - Quant cilz jugemens fu rendus par plainne sieute de - tous les barons, li rois en appella monsigneur Charlon - de Blois et li dist: «Biaus niés, vous avés jugement - pour vous de bel hiretage et grant. Or vous - hastés et vous penés del reconquerre sour celi qui le 25 - tient à tort, et priiés tous vos amis qu'il vous voellent - aidier à cest besoing, et je ne vous y faurrai mies; ains - vous presterai or et argent assés. Et dirai à mon fil - le duch de Normendie qu'il (se[365]) face chief avoecques - vous. Et vous pri et commande que vous vos hastés. 30 - - [365] Ms. B3, fo 72, vo.--Mss. B1, 4, fo 105 vo (lacune). - - Car, se li rois englès nos adversaires, de cui li contes - de Montfort a relevet le ducée, venoit en Bretagne, il - nous poroit trop durement porter grant damage, et - ne poroit avoir plus belle entrée pour venir par deçà, - meismement quant il aroit le pays et les forterèces 5 - de Bretagne de son acord.» Adonc messires Charles - de Blois enclina son oncle, en merciant durement - de ce qu'il li disoit et prommetoit. Si pria tantost là - endroit le duch de Normendie son cousin, le conte - d'Alençon son oncle, le duch de Bourgongne, le 10 - conte de Blois son frère, le duch de Bourbon, messire - Loeis d'Espagne, monsigneur Jakeme de Bourbon, - le conte d'Eu connestable de France et le conte - de Ghines son fil, le visconte de Roem, et en apriès - tous les contes, les princes et les barons qui là estoient, 15 - qui tout li eurent en couvent que il iroient - volentiers avoech lui et avoecques leur signeur le - duch de Normendie, cescuns à tout tant de gens et - de compagnie qu'il poroit avoir. Puis se departirent - tout li prince et li baron deçà et delà. Si envoiièrent 20 - leurs messages par tout pour yaus appareillier et pour - faire pourveances, ensi qu'il leur besongnoit pour - aler en si lontain voiage et si diverses marces et - pays. Et bien pensoient qu'il ne poroient avenir à - lor entente sans avoir grant contraire. 25 - - - § 147. Quant tout cil signeur, li dus de Normendie, - li contes d'Alençon, li dus de Bourgongne, li - dus de Bourbon et li aultre signeur, baron et chevalier - qui devoient aler avoech monsigneur Charlon - de Blois, pour lui aidier à reconquerre la ducée de 30 - Bretagne, ensi que vous avés oy, furent prest et leurs - gens apparilliet, il se partirent de Paris li aucun, et - li aultre de leur lieu. Si en alèrent li uns après les - aultres, et se assamblèrent en le cité de Angiers; - puis s'en alèrent jusques à Ancheni, qui est li fins del - royaume à cestui costé delà, et sejournèrent là endroit 5 - trois jours, pour mieus ordonner leur conroy et - leur charoi. Quant il eurent chou fait, il issirent hors - pour entrer ens ou pays de Bretagne. Quant il furent - as camps, il considerèrent leur pooir et estimèrent - leur host à cinq mille armeures de fer, sans les Geneuois 10 - qui estoient là trois mille, si com jou ay oy - depuis recorder. Et les conduisoient doi chevalier - de (Gennes[366]): si avoit nom li uns messires Othes - Doriie, et li aultres messires Charles Grimaus. Et si - y avoit grant plenté (de bidaus[367] et) d'arbalestriers 15 - que conduisoit messires li Galois de le Baume. - - [366] Mss. B 1, 3, 4, fo 107: «Genueves.» - - [367] Mss. B 4, 3, fo 71.--Ms. B 1 (lacune). - - Quant toutes ces gens furent issu de Ancheni, il se - traisent par devant un très fort chastiel seant hault - sus une montagne par dessus une rivière: si l'appelle - on Chastouseal, et est li clés et li entrée de Bretagne. 20 - Et estoit bien garnis et bien furnis de gens d'armes où - que il y avoit deus moult vaillans chevaliers, qui en estoient - chapitain, dont li uns avoit nom messire Milles - et li aultres messire Walerans, et estoient de Loeraingne. - Quant li dus de Normendie et li aultre signeur 25 - que vous avés oy nommer veirent le chastiel si fort, - il eurent conseil qu'il les assegeroient. Car, s'il passoient - avant et laissoient une tèle garnison derrière - yaus, ce leur poroit tourner à grant damage et à anoy. - Si le assegièrent tout au tour et y fisent pluiseurs - assaus, meismement li Geneuois qui s'abandonnoient - durement et follement, pour yaus mieus moustrer à - cest commencement, si qu'il y perdirent de leurs - compagnons par pluiseurs fois, car cil dou chastiel 5 - se deffendirent durement et sagement: si ques li signeur - demorèrent grant pièce devant, ançois qu'il le - peuissent (avoir[368]). Mais au daarrain il fisent si grant - attrait de mairiens et de velourdes, et les fisent mener - par force de gens jusques as fossés dou chastiel, 10 - et puis fisent assallir très fortement: si ques, tout en - assallant, il fisent emplir ces fossés de ces mairiens - et velourdes, tant que qui estoit couvers il pooit bien - aler jusques as murs, combien que cil dou chastiel - se deffendesissent si bien et si vassaument que on ne 15 - poroit mieus deviser, tant que de traire, de getter - pières, cauch et feu ardant à grant fuison. Et cil de - dehors avoient fait chas et instrumens, par quoi on - pikoit les murs, tous couvers. Que vous feroi je lonch - compte? Cil del chastiel veirent bien qu'il ne se poroient 20 - longuement tenir, puis que on pertruisoit les - murs. Et si savoient bien qu'il n'aroient point de secours - ne point de merci, se il estoient pris par force. - Si eurent conseil entre yaus qu'il se renderoient, - sauves leurs vies et leurs membres, si qu'il fisent. Et 25 - les prisent li signeur à merci. Ensi fu gaagniés par - ces signeurs de France cilz premiers chastiaus que on - claime Chastouseaulz, dont il orent moult grant joie, - car il lor sambla que ce fust bons commencemens - de leur emprise. 30 - - [368] Mss. B 4, 3, fo 71.--Ms. B 1, fo 107 vo (lacune). - - - § 148. Quant li dus de Normendie et li aultre signeur - eurent conquis Chastouseaulz, si com vous - avés oy, li dus de Normendie, qui estoit souverains - de tous, le livra tantost à monsigneur Charlon de - Blois comme sien, et il mist dedens bon chastelain 5 - et grant fuison de gens d'armes, pour garder l'entrée - dou pays, et pour conduire chiaus qui venroient - apriès yaus. Puis se deslogièrent li signeur et se traisent - par devers Nantes, là où il tenoient que li contes - de Montfort leurs ennemis estoit. Si lor avint que li 10 - mareschal de l'host et li coureur trouvèrent entre - voies une bonne ville et grosse, bien fremée de fossés - et de palis; si l'assallirent fortement. Ichil dedens - estoient peu de gens et petitement armé; si ne se - peurent deffendre contre les assallans, meismement 15 - contre les arbalestriers des Geneuois. Si fu la ville - tantost gaagnie, toute robée, et bien li moitiés arse, - et toutes gens mis à l'espée, dont ce fu pités. Et appelle - on le ville Quarquefoure, et siet à quatre liewes - ou à cinq priès de Nantes. Li signeur logièrent celle 20 - nuit là entour. - - L'endemain, il se deslogièrent et se traisent par - devers le cité de Nantes; si le assegièrent tout au tour. - Et fisent tendre tentes et pavillons si bellement et si - ordonneement que vous savés que François scèvent 25 - bien faire. Et cil qui estoient dedens le cité pour le - garder, dont il y avoit grant fuison de gens d'armes - avoecques les bourgois, se alèrent tout armer et se - maintinrent celui jour moult bellement, cescuns à sa - deffense, ensi qu'il estoit ordonnés. Celui jour entendirent 30 - cil de l'host à yaus logier et aler fourer. Et aucun - bidau et Geneuois alèrent priès des bailles pour - escarmucier et paleter. Et aucun des saudoiers et des - jones bourgois issirent hors encontre yaus: si qu'il - y ot trait et lanciet, et des mors et des navrés d'un - costet et d'autre, si com il a souvent en si faites besongnes. - Ensi y eut là des escarmuces par deus ou 5 - par trois fois, tant que li hos demora là. - - Au pardarrain, il y avint une aventure assés sauvage, - ensi que jou oy recorder ceulz qui y furent. - Car aucun des saudoiiers de le cité et des bourgois - issirent hors une matinée à l'aventure, et trouvèrent 10 - jusques à quinze chars chargiés de vivres et de - pourveances qui en aloient vers l'ost, et gens qui - les conduisoient jusques à soissante, et cil de le - cité estoient bien deus cens. Si les coururent sus et - les desconfirent, et en tuèrent les aucuns, et fisent les 15 - chars chariier par devers le cité. Li cris et li hus en - vint jusques en l'ost. Si s'ala cescuns armer au plus - tost qu'il peut, et courut cescuns apriès les chars - pour rescourre le proie; et les raconsievirent assés - priès des bailles de le cité. Là monteplia très durement 20 - li hustins, car cil de l'host y vinrent à si grant - fuison que li saudoiier en orent trop grant fais. Toutes - voies, il fisent desteler les chevaus et les cachièrent - dedens le porte, à fin que, s'il avenoit que cil - de l'host obtenissent le place, que il ne peuissent 25 - remener les chars ne les pourveances si legierement. - Quant li aultre saudoiier de le cité veirent le hustin, - et que leur compagnon avoient trop grant fais, aucun - issirent hors pour yaus aidier. Ossi fisent des aultres - bourgois, pour aidier leurs parens. Ensi monteplia 30 - très durement li hustins, et y eut tout plain de mors - et de navrés d'un costet et d'aultre, et grant fuison - de bien deffendans et d'assallans. Et dura cils hustins - moult longement, car toutdis croissoit li force de - chiaus de l'host. Et sourvenoient toutdis nouvelles - gens reposés. - - Tant avint que, au pardarrain, messires Hervis de 5 - Lyon, qui estoit li uns des mestres consillières le - conte de Montfort et ossi de toute le cité, et qui - moult bien s'estoit maintenus et moult vassaument - à ce hustin, et moult avoit reconforté ses gens, quant - il vei qu'il estoit poins de retraire et qu'il pooient 10 - plus perdre au demorer que gaegnier, il fist ses gens - retraire au mieulz qu'il peut, et les deffendoit en retraiant - et garandissoit au mieulz qu'il pooit. Si leur - avint qu'il furent si priès sievi au retraire qu'il y eut - grant fuison de mors, et pris bien deus cens et plus 15 - des bourgois de le cité, dont leur père, leur frère et - leur ami furent durement dolent et courouciet. Ossi - fu li contes de Montfort qui en blasma durement - monsigneur Hervi de Lyon, par courouch de chou - qu'il les avoit si tost fait retraire. Et li sambloit que 20 - par le retraite ses gens estoient perdu. De quoi messires - Hervis fu durement merancolieus. Et ne volt - onques, puissedi, venir au conseil le conte, se petit - non. Si s'en esmervilloient durement les gens pour - quoi il le faisoit. 25 - - - § 149. Or avint, ensi que jou ay oy recorder, que - aucun des bourgois de le cité, qui veoient leurs biens - destruire dedens le cité et dehors, et avoient leurs - amis et leurs hoirs et enfans en prison et doubtoient - encores pis à venir, se avisèrent et parlèrent ensamble 30 - tant qu'il eurent entre yaus acord de trettier à - ces signeurs de France couvertement, par quoi il - peuissent venir à pais et ravoir leurs enfans et amis - quittes qui estoient en prison. Si trettièrent tant paisievlement - et couvertement que acordé fu que il raroient - les prisons tous quittes; et il devoient livrer 5 - l'une des portes ouvertes pour les signeurs entrer en - le cité et pour aler prendre le conte de Montfort - dedens le chastiel, sans riens fourfaire ailleurs en le - cité, ne à corps, ne à biens. Ensi que acordé (et - traictié[369] fu) fu fait. Et entrèrent li signeur et ceulz 10 - qu'il veurent avoir avoech yaus, en une matinée, en - le cité de Nantes, par l'acord des bourgois, et alèrent - droit au chastiel ou au palais. Si brisièrent les huis - et prisent le conte de Montfort et l'en menèrent hors - de le cité, à leurs tentes, si paisievlement qu'il ne 15 - fourfisent riens ne as corps ne as biens de le cité. Et - vorrent bien aucunes gens dire que ce fu fait assés de - l'accord et pourcach ou consentement monsigneur - Hervi de Lyon, pour tant que li coens l'avoit rampronnet, - si com vous avés oy. Or ne sçai je pas, quoi 20 - qu'il en fust d'aucunes gens soupeçonnés, se ce fu - voirs ou non, car bien ap(pa)rut en ce que, apriès - che fait, il fu toutdis de l'accord et conseil del dit - monsigneur Charle. Ensi que vous avés oy, et que - jou ay oy recorder, fu pris li contes de Montfort en 25 - le cité de Nantes, l'an de grasce mil trois cens et quarante - un, entour le feste de le Toussains. - - [369] Mss. B 4, 3, fo 72.--Ms. B 1, fo 109 (lacune). - - Tantost apriès chou que li contes de Montfort fu - pris et menés as tentes, li signeur de France entrèrent - en le cité, tout desarmet, à moult grant feste. 30 - Et fisent li bourgois et tout cil del pays au tour - feaulté et hommage à monsigneur Charle de Blois, - comme à leur droit signeur. Si demorèrent li signeur - en le cité par l'espasse de trois jours, à grant feste, - pour yaus aaisier et pour avoir conseil entre yaus 5 - qu'il poroient faire de donc en avant. Si se acordèrent - à çou, pour le milleur, qu'il s'en retourneroient - par devers France et par devers le roy et li liveroient - le conte de Montfort pour prison, car il avoient - moult grandement bien esploitiet, ce lor sambloit, 10 - et par tant ossi qu'il ne pooient bonnement plus - avant hostoiier ne guerriier, pour l'ivier temps qui - entrés estoit, fors par garnisons et forterèces, ce leur - sambloit. Si consillièrent à monsigneur Charle de - Blois qu'il se tenist en le cité de Nantes et là entour 15 - jusques au nouviel temps d'esté, et fesist ce qu'il - peuist par ses saudoiiers et par ses forterèces qu'il - avoit reconquises. Puis se partirent tout li signeur - sour ce pourpos, et fisent tant par leurs journées - qu'il revinrent à Paris là où li rois estoit; se li livrèrent 20 - le conte de Montfort pour son prison. Li rois le - rechut à grant joie, et le fist emprisonner en le tour - dou Louvre dalés Paris, là où il demora longement. - Au pardarrain, y morut il, ensi que jou ay oy recorder, - et qu'il fu verités. 25 - - - § 150. Or voel jou retourner à le contesse de - Montfort, qui bien avoit corage d'omme et coer de - lyon. Elle estoit en le cité de Rennes, quant elle entendi - que ses sires estoit pris, en le manière que vous - avés oy. Se elle en fu dolente et couroucie, ce puet 30 - cescuns et doit penser et savoir, car elle pensa mieus - que on deuist mettre son signeur à mort qu'en prison. - Et comment que elle ewist grant doel au coer, - si ne fist elle mies comme femme desconfortée, - mès comme (homs[370]) fiers et hardis, en reconfortant - vaillamment tous ses amis et ses saudoiiers. Et leur 5 - moustroit un petit fil que elle avoit, que on appelloit - Jehan ensi que le père, et disoit: «Ha! signeur, - ne vous desconfortés mies ne esbahissiés pour monsigneur - que nous avons perdu: ce n'estoit que uns - seulz homs. Veés ci mon petit enfant qui sera, s'il 10 - plaist à Dieu, ses restoriers, et qui vous fera des - biens assés. Et vous pourcacerai tèle chapitainne et - tel mainbour par cui vous serés tous reconfortés.» - - [370] Mss. B 4, 3, fo 72 vo.--Ms. B 1, fo 109 vo (lacune). - - Quant la dessus ditte dame et contesse eut ensi - reconforté ses amis et ses saudoiiers qui estoient à 15 - Rennes, elle ala par toutes ses bonnes villes et ses - forterèces, et menoit son jone fil avoecques lui; et les - sermonnoit et reconfortoit en tèle manière que elle - avoit fait chiaus de Rennes, et renforçoit les garnisons - de gens et de quanques fallir leur pooit. Et 20 - paia largement par tout, et donna assés d'abondance - là où elle pensoit que bien emploiiet estoit. Puis - s'en vint en Hembon sus la mer, qui est forte ville - et grosse et fors chastiaus. Là se tint elle et son fil - avoecques lui, tout cel ivier. Souvent envoioit viseter 25 - ses garnisons et reconfortoit ses gens, et paioit moult - largement leurs gages. Si me tairai atant de ceste - matère et retournerai au roy Edouwart d'Engleterre, - et conterai quelz coses li avinrent apriès le departement - dou siège de Tournay. 30 - - - § 151. Vous avés bien chi dessus oy recorder - comment, le siège durant devant Tournay, li signeur - d'Escoce avoient repris pluiseurs villes et forterèces - sus les Englès qu'il tenoient ou royaume d'Escoce, - et par especial Haindebourch, qui plus les avoit 5 - heriiés et cuvriiés que nulz des aultres, par l'avis et - le soutilleté de monsigneur Guillaume de Douglas. - Et encores estoient Struvelin, qui sciet à vint liewes - d'Aindebourch, la cités de Bervich et Rosebourc, - englès; et plus n'en y avoit demoret que tout ne 10 - fuissent reconquis. Et seoient li dit Escot à siège fait, - et aucun signeur de France avoech yaus, que li rois - Phelippes y avoit envoiiet pour parfaire leur guerre, - devant le chastiel de Struvelin. Et l'avoient telement - astraint et constraint et travilliet que li Englès, qui 15 - dedens (estoient[371]) et qui le gardoient, ne le pooient - longuement tenir. - - [371] Mss. B 4, 3, fo 73.--Ms. B 1, fo 110 (lacune). - - Dont il avint que, quant li Englès se furent parti - de Tournay et retourné en leur pays, li rois Edowars - leur sires fu enfourmés des Escos comment il avoient 20 - chevauciet et reconquis les villes et les chastiaus - d'Escoce, qui de jadis li avoient tant cousté au prendre, - et seoient encores li dit Escot devant Struvelin. Si - eut li rois englès conseil et (volenté[372] de) chevaucier vers - Escoce, si com il fist, et se mist au chemin entre le 25 - Saint Mikiel et le Toussains; et fist un très grant mandement - et très fort que toutes gens d'armes et arciers - le sievissent et venissent à lui vers Evruich, car là - s'en aloit il et y faisoit sen assemblée. Dont s'esmurent - toutes manières de gens parmi Engleterre, et s'en vinrent - celle part là où il estoient semons et mandé. Et - meismement li rois tout devant s'en vint à Evruich et - là s'arresta, en sourattendant ses gens qui venoient à - grant effort li uns apriès l'autre. Li signeur d'Escoce, 5 - qui furent enfourmé de le venue dou roy englès qui - venoit sus yaus, et qui le dit chastiel de Struvelin - avoient assegiet, se hastèrent telement et si constraindirent - chiaus de le ditte garnison, par assaus - d'engiens et de kanons, que par force il les couvint 10 - rendre as Escos. Et leur delivrèrent le forterèce par - tel manière qu'il s'en partoient, salve leurs corps et - leurs membres, mais riens dou leur n'en portoient. - Ensi recouvrèrent li dit Escot le chastiel de Struvelin. - 15 - [372] Mss. B4, 3, fo 73.--Ms. B1 (lacune). - - Ces nouvelles vinrent au roy englès qui encores - se tenoit en Evruich: se ne li furent mies trop plaisans. - Et se parti de le ditte cité et se trest par devers - Duremme et passa oultre, et puis vint au Noef - Chastiel sur Thin. Et se logièrent ses gens en le ditte 20 - ville ou ens ès villages d'environ. Et là sejournèrent - plus d'un mois, en attendant leurs pourveances - que on avoit mis sus mer et qui leur devoient venir, - mais petit leur en vinrent. Car leurs vassiaus eurent - si grant fortune sus mer, entre le Toussains et le 25 - Saint Andrieu, que pluiseurs de leurs nefs furent peries; - et s'en alèrent arriver par vent contraire, volsissent - ou non, en Hollandes et en Frise. Dont li Englès, - qui se tenoient au Noef Chastiel et là entour, - eurent moult de disètes et de chier temps. Et ne 30 - pooient aler avant, car se il fuissent passet, il ne - sceuissent où fourer ne recouvrer de vivres, car li - yviers estoit entrés, et si avoient li Escoçois tous - leurs biens, bleds et avainnes, mis et bouté en leurs - forterèces. Et si avoit li rois englès grant gent avoecques - lui, bien six mille hommes à chevaus et quarante - mille hommes de piet; si leur falloit fuison 5 - de pourveances. - - Li signeur d'Escoce, qui s'estoient retrait devers - le forest de Gedours apriès le prise de Struvelin, - entendirent bien que li rois d'Engleterre sejournoit - au Noef Chastiel sur Thin à grant gent, encoragiés 10 - durement d'ardoir et exillier leur pays, - ensi qu'il avoit fait aultre fois. Si eurent conseil - entre yaus et avis, par grant deliberation, quel cose - il poroient faire et comment il s'en maintenroient, - car il estoient peu de gens, et avoient longement 15 - guerriiet par l'espasse de sept ans et plus sans signeur, - et jut as camps et ès foriès à grant mesaise. - Et encores n'avoient il point (le[373]) roy leur - signeur; si en estoient tout anoieus et naisis. Si - se acordèrent à ce que il envoieroient devers le 20 - roy englès un evesque et un abbé, pour requerre - aucune triewe. Li quel message se partirent des - Escos, et chevaucièrent tant qu'il vinrent en le ville - dou Noef Chastiel sur Thin, et trouvèrent là le roy - englès et grant fuison de baronnie dalés lui. Cil 25 - doi prelat d'Escoce, qui là avoient esté envoiiet sus - saufconduit, se traisent devers le roy englès et son - conseil et remoustrèrent leur besongne si bellement - et si sagement que une triewe fu acordée à durer - quatre mois tant seulement, par tèle condition que 30 - cil d'Escoce devoient envoiier en France après le roy - David messages souffissans; et li segnefieroient que, - s'il ne venoit dedens le jour de may ensiewant si - poissamment que pour resister as Englès et deffendre - son pays, il se renderoient au roy englès, ne jamais 5 - ne le tenroient à signeur. Ensi furent les triewes - acordées et affremées, et retournèrent li message deviers - leurs gens en Escoce, et recordèrent comment - il avoient exploitié. Che pleut moult bien as Escos; et - ordonnèrent tantost gens pour envoiier en France, 10 - monsigneur Robert de Versi et monsigneur Symon - Fresiel et deus aultres chevaliers, qui s'en devoient - aler en France par devers le roy leur signeur et - conter ces nouvelles. Et li dis rois englès, qui au - Noef Chastiel sejournoit à grant mesaise et ossi toutes 15 - ses gens par deffaute de pourveances et de vivres, - et pour ce s'estoit il plus priès pris d'acorder à le - triewe, se parti de là et s'en revint arrière en Engleterre - et donna toutes ses gens congiet; si s'en rala - cescuns en son lieu. 20 - - [373] Mss. B4, 3, fo 73 vo.--Ms. B1, fo 110 vo: «dou.» - - Or avint ensi que, quant ces triewes furent acordées - et li message d'Escoce qui furent envoiiet en - France apriès le roy David, il passèrent à Douvres - le mer. Et li rois David, qui par le terme de sept - ans et plus avoit demoret en France et savoit que 25 - ses pays estoit si foulés et si gastés que vous avés - oy et savoit ses gens en grant meschief pour les - Englès, eut conseil qu'il prenderoit congiet au roy - Phelippe de France et s'en revenroit en son royaume, - pour ses gens viseter et reconforter. Si le fist et se 30 - mist à voie entre lui et ma dame sa femme, anchois - que li message d'Escoce, qui à lui avoient estet envoiiet, - parvenissent à lui. Et s'estoit mis en mer à - un aultre port, en le gouvrenance d'un maronnier - que on clamoit monsigneur Richart le Flamench, si - qu'il ariva au port de Morois en Escoce, ançois que - cil signeur d'Escoce qui remandé l'avoient le sceuissent. 5 - Et quant il le sceurent, il en eurent grant joie. - Si s'esmurent tuit et vinrent à grant solennité et à - grant feste là où il estoit. Et le amenèrent très noblement - et solennelment à un(e) cité que on claime - Saint Jehan (en[374]) Escoce, où on prent le bon saumon 10 - et grant fuison. - - [374] Mss. B4, 3, fo 73 vo.--Ms. B1, fo 111 (lacune). - - § 152. Quant li jones rois David d'Escoce et ma - dame la royne Ysabiel sa femme furent venu en - le cité dessus ditte, on le sceut tantost parmi le pays. - Si vinrent là gens de toutes pars pour lui veoir et 15 - festiier, car on ne l'avoit veu, grant temps avoit; - cescuns doit savoir que on li fist grant feste. Quant - toutes ces festes et ces bien venues furent passées, - cescuns li ala remoustrer et complaindre ses damages - et ses mescheances, au mieulz qu'il peut, et toute 20 - le destruction que li rois Edowars et li Englès avoient - fais en son pays. Li jones rois David eut grant doel - et grant pitié quant il vei ensi son pays destruit et - ses gens ossi complaindre, ossi ma dame la royne sa - femme qui en plora assés. Quant li rois eut oy toutes 25 - les complaintes des uns et des aultres, il les reconforta - au mieuls qu'il peut, et dist qu'il s'en vengeroit, ou il - perderoit le remanant, ou il morroit en le painne. - Puis eut conseil tel qu'il envoia grans messages par - tout ses amis lonc et priès, en priant et requerant - humlement que cescuns fust appareilliés pour lui aidier - à cest besoing. A celui mandement vint li contes - d'Orkenay, uns grans princes et poissans, et avoit à - femme (la seur[375]) le signeur le roy. Chilz y vint à grant 5 - poissance de gens d'armes, et pluiseur aultre grant - baron et chevalier de Souède, de Norvèghe et de - Danemarce, li un par amour et li autre par saudées. - Tant en y vint d'un costé et d'aultre qu'il furent bien, - quant tout furent venu entour le cité de Saint Jehan 10 - en Escoce, au jour que li dis rois les avoit mandés, - soixante mille hommes à piet et sour hagenées, et - bien trois mille armeures de fier, chevaliers et escuiers, - parmi les signeurs et chiaus dou pays d'Escoce. - 15 - [375] Mss. B4, 3, fo 74.--Ms. B 1, fo 111 vo (lacune). - - Quant tout furent assamblet et appareilliet, il s'esmurent - pour aler exillier chou qu'il poroient dou - royaume, car la triewe estoit (espirée[376]) et li quatre - mois acompli et plus où il disoient ensi qu'il se combateroient - au roy, qui tant d'anois leur avoit fais et 20 - de damages. Si se partirent de le ville de Saint Jehan - en Scoce moult ordeneement et vinrent ce premier - jour jesir à Donfremelin, et puis passèrent à l'endemain - un brac de mer entre Donfremelin et Struvelin. - Quant il furent tout oultre, il cheminèrent à 25 - grant esploit et passèrent desous Haindebourch, et - puis toute l'Escoce, et par dalés le fort chastiel de Rosebourch - qui se tenoit englès, mais point n'i assallirent, - car il ne voloient mies faire blecier leurs gens et - aleuer leur artillerie, car il ne savoient quel besoing - il en aroient, pour tant qu'il esperoient à faire un - grant fait ains leur retour. Apriès passèrent il assés - priès de le cité de Bervich dont messires Edouwars - de Bailluel estoit chapitainne et souverains, et puis 5 - cheminèrent oultre sans point assallir, et entrèrent - ou royaume de Northombrelant et vinrent sus le rivière - de Thin, ardant et destruisant tout le pays; et - fisent tant par leurs journées qu'il vinrent par devant - le Noef Chastiel qui siet sus le rivière de Thin. Là se 10 - loga li rois David et toutes ses hos celle nuit, pour savoir - et veoir se il y poroit de riens esploitier. Quant - ce vint à le matinée ensi que droit au point dou jour, - aucun compagnon gentil homme de là environ, qui - estoient dedens le ville, se partirent par une porte 15 - paisievlement pour esmouvoir l'ost. Et estoient bien - deus cens et plus, hardis et entreprendans. Puis se - ferirent à l'un des costés de l'host droitement as logeis - le conte de Moret, qui s'armoit d'argent à trois - orilliers de geules. Si le trouvèrent en son lit; si le 20 - prisent, et tuèrent grant (plenté[377]) de ses gens, ançois - que li host fust esvilliés ne estourmis, et gaegnièrent - grant plenté d'avoir. Puis s'en retournèrent en le - ville baudement et à grant joie, et livrèrent le conte - de Mouret au chastelain monsigneur Jehan de Noefville 25 - qui en fist grant feste. Quant cil de l'host furent - estourmi et armé et il sceurent l'aventure, il coururent - comme tout foursené jusques as bailles de le - ville, et fisent un grant assaut qui dura moult longement; - mais petit lor valu, ains perdirent assés de 30 - leurs gens. Car en le ville avoit grant fuison de - bonnes gens d'armes qui bien et sagement le deffendirent; - par quoi il couvint les assallans retraire à - leur grant perte. - - [376] Mss. B4, 3, fo 74.--Ms. B 1, fo 111 vo: «inspirée.» - - [377] Mss. B4, 3, fo 74.--Ms. B 1, fo 112 (lacune). - - - § 153. Quant li rois David et si consilleur veirent 5 - bien que li demorers là endroit ne leur pooit porter - pourfit ne honneur, il se partirent de là et entrèrent - ens ou pays de l'evesquiet de Durem. Si l'ardirent et - gastèrent tout, puis se traisent par devant le cité de - Duremmes. Et le assegièrent et y fisent pluiseurs grans 10 - assaus comme gens foursenés, pour tant qu'il avoient - perdu le conte de Mouret. Et il savoient bien qu'il - avoit en le cité très grant avoir assamblet, car tous - li pays d'entours y estoit afuiois; si se penoient d'assallir - cescun jour plus aigrement. Et faisoit li dis 15 - rois d'Escoce faire estrumens et engiens, pour venir - à segur jusques as murs. Quant il se furent departi - de devant le Noef Chastiel, messires Jehans de Nuefville, - chastelains pour le temps et souverains dou Noef - Chastiel, se parti de nuit, montés sus fleur de coursier, 20 - et eslonga les Escos, car il savoit toutes les - adrèces et les refuites dou pays, pour tant que il en - estoit; et fist tant que, dedens cinq jours, il vint à - Chartesée où li rois englès estoit adonc. Et li conta - et remoustra comment li rois d'Escoce, à grant poissance, 25 - estoit entrés en son pays et ardoit et exilloit - tout devant lui, et l'avoit laissiet devant le cité de - Durem. - - De ces nouvelles fu li rois englès moult irés et - courouciés. Si mist tantost messagiers en oevre et 30 - les envoia par tout et manda à toutes manières de - gens, chevaliers et escuiers, et autres gens dont on - se pooit aidier, deseure l'eage de quinze ans et desous - soixante ans, que nulz ne s'escusast, mès venissent, - ses lettres veues et ses mandemens oys, tantost - devers lui sus les marces dou north, pour aidier à 5 - deffendre son royaume que li Escot destruisoient. - Adonc s'avancièrent conte, baron, chevalier et escuier - et communautés des bonnes villes, et se hastèrent - durement pour obeir au mandement dou roy - leur signeur, et se misent tout à voie et de grant volenté 10 - par devers Evruich. Et meismement li rois se - parti tout premierement et n'attendi nullui, tant - avoit grant haste; mais tout dis li croissoient et venoient - gens de tous costés. - - Endementrues que cilz rois se traioit par devers le 15 - cité d'Evruich, et que cescuns le sievoit qui mieus - pooit, li roys d'Escoce fist si fortement assallir à le - cité de Duremme par estrumens et engiens qu'il avoit - fais, que cil de le cité ne le peurent garandir ne deffendre - que elle ne fust prise par force et toute robée 20 - et arse, et toutes gens mis à mort sans merci. Femmes - et hommes, prestres, monnes, chanonnes et petis - enfans, qui estoient fuis à le grande eglise, furent tout - ars et peri dedens l'eglise, car li feus y fu boutés, de - quoi ce fu horrible pités. Car en le cité de Durem ne 25 - demora adonc homs ne femme, ne petis enfans, ne - maison ne eglise, que tout ne fuissent mis à destruction. - Dont ce fu grans pités et cruèle foursenerie et - est, quant on destruit ensi sainte chrestieneté et les - eglises où Diex est servis et honnerés. 30 - - - § 154. Quant chou fu avenu, li rois David eut - conseil qu'il se retrairoit arrière selonch le rivière - de Thin, et se trairoit par devers le ville de Cardueil, - qui est à l'entrée de Galles. Ensi qu'il aloit celle part, - il se loga une nuit et toute sen host assés priès dou - fort chastiel de Salebrin, qui estoit au conte de Salebrin, 5 - qui fu pris avoec le conte de Sufforch en le - marce de Pikardie par devant Lille en Flandres et estoit - encores en prison par dedens Chastelet à Paris. - En ce fort chastiel sejournoit adonc la noble dame la - contesse de Sallebrin, qui on tenoit pour la plus belle 10 - dame et le plus noble d'Engleterre. Et estoit cilz fors - chastiaus bien garnis de gens d'armes. Si en estoit - gardiiens et souverains uns gentilz bachelers preus et - hardis, filz de le sereur le conte de Sallebrin. Et avoit - cilz nom messires Guillaumes de Montagut apriès son 15 - oncle qui ensi eut nom, car li rois le maria et li donna - le conté de Sallebrin pour se proèce et pour le bon - service qu'il avoit toutdis en lui trouvet. Quant celle - nuit fu passée, li hos le roy d'Escoce se desloga pour - traire avant par devers Carduel, ensi que proposé 20 - estoit. Et passèrent li Escot par routes assés priès de - ce fort chastiel, durement chargiet d'avoir qu'il avoient - gaegniet à Duremmes et ou pays environ Durem. - - Quant li bacelers messires Guillaumes de Montagut - vey del chastiel qu'il estoient tout passet, et qu'il ne 25 - arresteroient point pour assallir au chastiel, il issi hors, - tous armés, à tout quarante compagnons d'armes, et - sievi apertement après le daarrain trahin qui avoient - chevaus si chargiés d'avoir que à grant mesaise pooient - il aler avant. Si les raconsievirent à l'entrée d'un bois 30 - et leur coururent seure. Et en tuèrent et en blechièrent - il et si compagnon plus de deus cens; et prisent - bien sis vingt chevaus chargiés de jeuiaulz et d'avoir, - et les amenèrent par devers le chastiel. Li cris et li - hus et li fuiant s'en vinrent jusques à monsigneur - Guillaume de Douglas qui faisoit l'arrieregarde et - avoit jà passet le bois; et apriès en vinrent les nouvelles 5 - en l'ost. Qui donc (veist[378]) les Eskos retourner à - cours de chevaus parmi les camps, par montagnes et - par vallées, et monsigneur Guillaume Douglas tout devant, - il en peuist avoir grant hide. Tant coururent - qui mieus mieus, qu'il vinrent au piet dou chastiel 10 - et montèrent le montagne en grant haste. Mès ançois - qu'il parvenissent as bailles, chil de dedens les avoient - refremées, et le proie et l'avoir mis laiens à sauveté: - de quoi li Escot eurent grant doel. Si commencièrent - à assallir moult fortement, et cil de dedens à deffendre 15 - de lanchier et d'estechier, de traire et de jetter tant - que on pooit, d'une part et d'aultre. Là s'efforçoient - durement li doy Guillaume de grever li uns l'autre. - - [378] Mss. B4, 3, fo 75.--Ms. B 1, fo 113 (lacune). - - Et tant dura cilz assaulz que tous li hos des Escos y - fu venus et li rois meismes. Quant li rois et ses consaulz 20 - eurent veu les gens mors gisans sus les camps, - et veirent les assallans blecier et navrer à cel assaut - sans riens conquester, il en furent durement courouciet. - Si commanda li rois que on laissast l'assallir et - que cescuns se alast logier, car il ne trairoit plus avant, 25 - et ne se partiroit de là si aroit veu comment il poroit - ses gens vengier. Qui adonc veist gens fremir et appeller - li uns l'autre et querre pièce de terre pour - mieulz logier les assallans, retraire les navrés, raporter - ou rapoiier, les mors ratrainer et rassambler, veoir y 30 - peuist grant triboulement. Celle nuit fu li hos des dis - Escos logie par desous le chastel. Et la frice dame, - contesse de Sallebrin, festia très durement et conforta - tous les compagnons de laiens, tant que elle pot aler, - à lie cière. 5 - - - § 155. A l'endemain, li rois d'Escoce, qui durement - courouciés estoit, commanda que cescuns se - apparillast pour assallir, car il feroit ses engiens - et estrumens traire à mont, pour savoir se il poroient - de riens entamer le fort chastiel. Cescuns 10 - s'apparilla; et montèrent contremont pour assallir, - et cil de dedens pour yaus deffendre. Là eut un fort - assaut et perilleus, et moult de bien faisans d'un lés - et d'aultre. Là estoit la contesse de Sallebrin qui - très durement les reconfortoit; et par le regard de 15 - une tèle dame et son douch amonnestement, uns - homs doit bien valoir deus au besoing. Cilz assaus - dura moult longement. Et y perdirent li Escot grant - fuison de leurs gens, car ilz s'abandonnoient durement - et portoient arbres et mairiens à grant fuison 20 - pour emplir les fossés et pour amener les estrumens - jusques as murs, se il peuissent. Mais cil del chastiel - se deffendoient si vassaument que li assallant y perdirent - grant fuison de leurs gens; si les couvint retraire - arrière. Li rois commanda que li estrument 25 - fuissent bien gardé pour renforcier l'assaut à l'endemain. - Ensi se departi li assaus, et s'en rala cescuns - en se loge, horsmis chiaus qui devoient ces estrumens - garder. Li un plorèrent les mors, et li aultre - confortèrent les navrés. 30 - - Chil del chastiel qui durement estoient travilliet, - et si y avoit grant fuison de bleciés, veirent bien que - li fais leur estoit grans; et se li rois David maintenoit - son pourpos, il aroient fort temps. Si eurent - entre yaus conseil qu'il envoieroient certain message - par devers le roy Edouwart qui estoit à Evruich 5 - là venus, ce savoient il de verité par les prisonniers - d'Escoce qu'il avoient pris. Si regardèrent entre - yaus qui feroit ceste besongne, mais il ne (peurent[379]) - trouver qui volsist laissier le chastiel à deffendre, ne - la belle dame ossi pour porter cel message. Si en 10 - ot entre yaus grant estrit. Quant li gentilz bacelers - messires Guillaumes de Montagut vei le bonne volenté - de ses compagnons et vei d'autre part le meschief - qui leur poroit avenir, se il n'estoient secouru, - si lor dist: «Signeur, je voy bien vostre loyauté et 15 - vostre bonne volenté: si ques, pour l'amour de ma - dame et de vous, je metterai mon corps en aventure - pour faire cesti message, car jou ay tel fiance en - vous, selonch chou que j'ai veu, que vous detenrés - bien le chastiel jusques à me revenue. Et ay d'autre 20 - part si grant esperance el noble roy nostre signeur, - que je vous amenrai temprement si grant secours - que vous en arés joie, et vous seront bien meri li - bien fait que fait arés.» De ceste parolle furent ma - dame li contesse et li compagnon tout joiant. 25 - - [379] Mss. B4, 3, fo 75 vo.--Ms. B1: «poroit.» Mauvaise leçon. - - Quant la nuis fu venue, li dis messires Guillaumes - se apparilla dou mieulz qu'il peut, pour plus paisivlement - issir de laiens qu'il ne fust perceus de chiaus - de l'host. Se li avint si bien qu'il pleut toute la nuit - si fort que nulz des Escos n'osoit issir de se loge. 30 - Si passa à mienuit tout parmi l'ost, que onques ne fu - perceus. Quant il fu passés, il fu grans jours; si - chevauça avant tant qu'il encontra deus hommes - d'Escoce, à demi liewe priès de l'host, qui amenoient - deus bues et une vache par devers l'ost. Messires 5 - Guillaumes cogneut qu'il estoient Escot; si les navra - tous deus durement et tua leurs bestes, par quoi li - Escot ne cil de l'host n'en euissent aise, puis dist as - deus navrés: «Alés, dittes à vostre roy que Guillaumes - de Montagut vous a mis en tel point en son 10 - despit. Et li dittes que je vois querre le gentil roy - Edowart qui li fera temprement vuidier ceste place - maugré lui.» Cil li prommisent qu'il feroient volentiers - ce message, mais qu'il les laissast atant à - pais. Lors se parti li dis messires Guillaumes d'yaus, 15 - et s'en ala tant qu'il peut par devers le roy son signeur - qui estoit à Evruich à tout grant fuison de gens - d'armes, et en attendoit encores plus. Si fist li dis - messires Guillaumes son salu au roy de par ma dame - sen ante, contesse de Salebrin, et li conta le meschief 20 - où elle et ses gens estoient. Li rois respondi - apertement et liement qu'il ne laisseroit nullement - qu'il ne secourust la dame et ses gens; et se plus - tost euist sceu là où li Escot estoient, et le meschief - del chastiel et de la dame, plus tost fust alés celle 25 - part. Si commanda tantost li dis rois que cescuns - fust appareilliés à mouvoir l'endemain, et que on - fesist toutdis les venans traire avant apriès son host - qu'il avoit grant. - - - § 156. Li rois englès se parti à l'endemain de le 30 - cité de Evruich moult liement, pour les nouvelles - que messires Guillaumes li avoit aportées. Et avoit - avoech lui sis mille armeures de fier, dis mille arciers - et bien quatre vingt mille hommes de piet, qui tout - le sievoient, et toutdis li venoient gens. Quant li - baron d'Escoce et li mestre del conseil le roy sceurent 5 - que li dis messires Guillaumes de Montagut - avoit ensi passet parmi leur host, et qu'il s'en aloit - querre secours au roy englès, et savoient bien que li - rois Edouwars estoit à Evruich à grant gent, et le tenoient - de si grant corage et si gentil, que il ne lairoit 10 - nullement que il ne venist tantost sus yaus pour secourre - la dame et chiaus del chastiel, il parlèrent - ensamble, endementrues que li rois faisoit souvent et - ardamment assallir. Et veirent bien que li rois faisoit - ses gens navrer et martiriier sans raison. Et veoient 15 - bien que li rois englès venroit bien ançois combatre - à yaus que leurs rois peuist avoir conquis che chastiel, - ensi qu'il cuidoit. Si parlèrent tout ensamble au - roy David d'un accord, et li disent que li demorers - là n'estoit point ses pourfis ne sen honneur, car il 20 - leur estoit moult honnourablement avenu de leur - emprise. Et avoient fait grant despit as Englès, quant - il avoient jeut en leur pays par douze jours, et ars et - exilliet tout au tour. Après il avoient pris par force - le cité de Duremmes et mis toute à grant destruction: 25 - si ques, tout consideret, c'estoit bon qu'il se - partesist et se retraisist vers son royaume; et y menassent - à sauveté ce que conquis avoient, et que - une aultre fois il retourroit en Engleterre quant il li - plairoit. Li rois, qui ne volt mies issir dou conseil de 30 - ses hommes, s'i acorda, quoi que il le fesist moult à - envis, car volentiers ewist attendu à bataille le roy - d'Engleterre, se on ne li ewist desconsillié. Toutes - fois il se desloga au matin et toute se host ossi. Et - s'en alèrent li dit Escot droit par devers le grant - forest de Gedours, où li sauvage Escot se tiennent - tout bellement et à leur aise, car il voloient savoir 5 - que li rois englès feroit en avant, ou se il retrairoit - arrière ou se il iroit avant et trairoit en leur pays. - - - § 157. Ce jour meismes que li rois David et li - Escot se departirent au matin de devant le chastiel - de Salebrin, vint li rois Edouwars à toute son host, 10 - à heure de miedi, en le place là où li rois des Escos - avoit logiet. Si fu moult courouciés quant il ne le - trouva, car volentiers se fust combatus à lui. Il - estoit venus en si grant haste que ses gens et ses - chevaus estoient durement travilliet. Si commanda 15 - que cescuns se logast là endroit, car il voloit aler - veoir le chastiel et la gentilz dame qui laiens estoit, - car il ne l'avoit veu puis les noces dont elle fu mariée. - Ensi fu fait que commandé fu. Cescuns s'ala - logier, ensi qu'il peut, et reposer qui volt. Sitos que 20 - li rois Edowars fu desarmés, il prist jusques à dix - ou douze chevaliers, et s'en ala vers le chastiel pour - saluer la contesse de Salebrin, et pour veoir le manière - des assaus que li Escot avoient fais, et des deffenses - que cil dou chastiel avoient faites à l'encontre. 25 - - Sitos que la dame de Salebrin sceut le roy venant, - elle fist ouvrir toutes les portes, et vint hors si richement - vestie et atournée que cescuns s'en esmervilloit. - Et ne se pooit on cesser de li regarder et de remirer - le grant noblèce de le dame, avoech le grant biauté 30 - et le gracieus maintien que elle avoit. Quant elle fu - venue jusques au roy, elle s'enclina jusques à terre - encontre lui, en regratiant de le grace et del secours - que fait li avoit, et l'en mena ens ou chastiel pour - lui festiier et honnourer, comme celle qui très bien - le savoit faire. Cescuns le regardoit à merveilles, et 5 - li rois meismes ne se pooit tenir de lui regarder. Et - bien lui estoit avis que onques n'avoit veu si noble, - si friche, ne nulle si belle de li. Se li feri tantost une - estincelle de fine amour ens el coer qui li dura par - lonch temps, car bien li sambloit que ou monde n'i 10 - avoit dame qui tant fesist à amer comme celle. Si - entrèrent ens ou chastiel main à main. Et le mena - la dame premiers en le sale, et puis en sa cambre, qui - estoit si noblement parée qu'il affreoit à tel dame. - Et toutdis regardoit li rois le gentilz dame si ardamment 15 - que elle en devenoit toute honteuse et abaubie. - Quant il l'ot grant pièce assés regardé(e), il ala à une - fenestre pour apoiier, et commença fortement à penser. - La dame, qui à ce point ne pensoit, ala les aultres - signeurs et chevaliers festiier et saluer moult grandement 20 - et à point, ensi que elle savoit bien faire, - cescun selonch son estat. Et puis commanda à appareillier - le disner, et quant temps seroit, à mettre les - tables et le sale parer. - - - § 158. Quant la dame eut tout deviset et commandet 25 - à ses gens chou que bon li sambloit, elle - s'en revint à chière lie par devers le roy, qui encores - pensoit et musoit fortement, et li dist: «Chiers sires, - pour quoi pensés vous si fort? Tant pensers n'affiert - pas à vous, ce m'est avis, sauve vostre grace. Ains 30 - deuissiés faire feste et joie à bonne cière, quant vous - avés encaciet vos ennemis qui ne vous ont osé attendre; - et deuissiés les aultres laissier penser del remanant.» - Li rois respondi et dist: «Ha! ma chière - dame, sachiés que puis que jou entrai ceens, m'est - une songne sourvenue, de quoi je ne me prendoie 5 - garde: se m'i couvient penser. Et se ne sçai que - avenir en pora, mais je n'en puis mon coer oster.»--«Ha! - chiers sires, dist la dame, vous deuissiés - tous jours faire bonne cière, pour vos gens mieulz - conforter, et laissier (le)[380] penser et le muser. Diex vous 10 - a si bien aidiet jusques à ores en toutes vos besongnes - et donnet si grant grasce, que vous estes li plus - doubtés et honnourés princes des Chrestiens. Et se - li rois d'Escoce vous a fait despit et damage, vous - le porés bien amender, quant vous vorrés, ensi que 15 - aultre fois avés fait. Si laissiés le muser et venés en - le sale, se il vous plaist, dalés vos chevaliers: tantost - sera appareilliet pour disner.»--«Ha! ma - chière dame, dist li rois, aultre cose me touche et - gist en mon coer que vous ne pensés. Car certainnement 20 - li doulz maintiens, li parfais sens, la grant - noblèce et la fine biauté que jou ay veu et trouvet - en vous m'ont si souspris et entrepris qu'il covient - que je soie vos amans. Si vous pri que ce soit vos - grés, et que je soie de vous amés, car nulz escondis 25 - ne m'en poroit oster.» La gentilz dame fu adonc - durement esbahie et dist: «Très chiers sires, ne me - voelliés mokier, ne assaiier, ne tempter. Je ne poroie - cuidier ne penser que ce fust acertes que vous dittes, - ne que si nobles ne si gentils princes que vous estes 30 - deuist querre tour ne penser pour deshonnerer moy - et mon marit, qui est si vaillans chevaliers, et qui - tant vous a servi que vous savés, et encores gist pour - vous emprisonnés. Certes, vous seriés del cas petit - prisiés et amendés. Certes, onques tel pensée ne me 5 - vint en coer ne jà ne venra, se Dieu plaist, pour - homme qui soit nés; (et se je le faisoie, vous m'en - devriez[381]), non pas blasmer seulement, mais mon corps - justicier et desmembrer.» - - [380] Mss. B 4, 3, fo 76 vo.--Ms. B1, fo 115 vo: «et.» - - [381] Mss. B 4, 3, fo 76 vo.--Ms. B1, fo 116 (lacune). - - - § 159. Atant se parti la vaillans dame, et laissa le 10 - roy durement esbahi; et s'en revint en le sale pour - faire haster le disner. Et puis s'en retourna au roy - et en mena de ses chevaliers, et li dist: «Sire, - venés en la sale. Li chevalier vous attendent pour - laver, car il ont trop junet, ossi avés vous.» Li 15 - rois se parti de la cambre et s'en ala en la sale, à ce - mot, et lava, et puis s'assist entre ses chevaliers au - disner, et la dame ossi. Mais li roys y disna petit, - car aultre cose li touçoit que boire et mengier; et - ne fist onques à ce disner fors que penser. Et à le 20 - fois, quant il osoit la dame et son maintien regarder, - il gettoit ses yex celle part. De quoi toutes ses - gens avoient grant merveille, car il n'en estoient - point acoustumés, ne onques en tel point ne l'avoient - veu. Ains cuidoient li aucun que ce fust pour les Escos 25 - qui li estoient escapés. Mais aultre cose li touchoit, - et li estoit si fermement entrée ou coer, que - onques n'en peut issir en grant temps, pour escondire - (que la dame[382]) en seuist ne peuist faire. Mais - il en fu toutdis depuis plus liés, plus gais et plus - jolis; et en fist pluiseurs belles festes et joustes, et - grans assamblées de signeurs, de dames et de damoiselles, - tout pour l'amour de la ditte contesse de - Salbrin, si com vous orés chi après. 5 - - [382] Mss. B 4, 3, fo 77.--Ms. B1, fo 116 (lacune). - - - § 160. Toutes voies, li rois englès demora tout celi - jour ens ou chastiel, en grans pensées et à grant mesaise - de coer, car il ne savoit que faire. Aucune fois - il se ravisoit, car honneurs et loyautés le reprendoit - de mettre son coer en tèle fausseté, pour deshonnerer 10 - si vaillant dame, et si loyal chevalier comme ses - maris estoit, qui si loyaument l'avoit toutdis servi. - D'autre part, amours le constraindoit si fort que elle - vaincoit et sourmontoit honneur et loyauté. Ensi se - debatoit li rois en lui, tout le jour et toute le nuit. 15 - Au matin, il se leva et fist toute son host deslogier - et traire apriès les Eskos, et pour yaus sievir et cachier - hors de son royaume; puis prist congiet à la - dame, en disant: «Ma chière dame, à Dieu vous - commant jusques au revenir. Si vous pri que vous 20 - vos voelliés aviser, et aultrement estre consillie que - vous ne m'aiiés dit.»--«Chiers sires, respondi la - dame, li Pères glorieus vous voelle conduire et oster - de villainne pensée et de deshonnourable, car je sui - et serai toutdis consillie et apparillie de vous servir 25 - à vostre honneur et à le miène.» - - Atant se parti li rois trestous confus et abaubis. Si - s'en ala à tout son host apriès les Escos, et les sievi - jusques oultre le bonne cité de Bervich, et se loga - à quatre liewes priès de le forest de Gedours, là où 30 - li rois David et toutes ses gens estoient entrés, pour - les grans forterèces qu'il y a. Là endroit demora li - dis rois englès par l'espasse de trois jours, pour - savoir se li Escot vorroient hors issir pour combatre - à lui. Et saciés que tous les trois jours y avoit tant - d'escarmuces et de paletis entre les deus hos, que 5 - cescuns estoit anoieus del regarder; et y avoit souvent - des mors et des pris, d'une part et d'aultre. Et - sur tous les aultres y estoit souvent veus en bon - couvenant messires Guillaumes Douglas, qui s'arme - d'azur à comble (d'argent[383]), et dedens le comble 10 - trois estoilles de geules. Et estoit cilz qui y faisoit - plus de biaus fais, de belles rescousses et de hautes - emprises; et fist en l'ost des Englès moult de destourbiers. - - [383] Mss. B 4, 3, fo 77.--Ms. B1 (lacune). - - - § 161. Tous ces trois jours, parlementèrent aucun 15 - preudomme de triewes et d'acort entre ces deus - rois. Et tant trettièrent que une triewe fu acordée à - durer deus ans, voires se li rois Phelippes de France - s'i assentoit, car li rois d'Escoce estoit si fort alloiiés - à lui qu'il ne pooit donner triewes ne faire pais sans 20 - lui. Et se li rois Phelippes ne s'i voloit acorder, si - devoient les triewes durer entre Engleterre et Escoce - jusques au premier jour d'aoust. Et devoit estre - quittes li contes de Mouret de se prison, se li rois - d'Escoce pooit tant pourcacier au roy de France que 25 - li contes de Salebrin fust quittes ossi de se prison. - La quèle cose devoit estre pourcacie au roy de - France dedens le Saint Jehan Baptiste. Li rois d'Engleterre - se acorda plus legierement à celle triewe, - pour tant que cilz fait grant sens, qui a trois guerres - ou quatre, s'il en poet atriewer ou apaisier les deus - ou les trois qu'il le face. Et cilz rois avoit bien à - penser sur telz coses, car il avoit guerre en France, - en Gascongne, en Poito, en Saintonge et en Bretagne, 5 - et par tout ses gens et ses saudoiiers. - - Celle triewe as Escos fu ensi affremée et acordée - que vous avés oy. Si departi li rois d'Escoce ses gens, - et s'en rala cescuns en se contrée; puis envoia grans - messages au roy Phelippe de France, pour acorder 10 - chou que trettiet estoit, se il li plaisoit. Il pleut assés - bien au roy de France pour mieus complaire au roy - d'Escoce; (et) ne desdist de riens au trettiet, mais - renvoia le conte de Salbrin en Engleterre. Dont, si - tost qu'il y fu revenus, li rois englès renvoia arrière 15 - le conte de Mouret d'Escoce, ossi devers le roy David - qui en eut grant joie. Ensi fu fais cilz escanges de - ces deus signeurs, si com vous avés oy. Et se departirent - ces deus grosses chevaucies, sans plus riens - faire, et se retrest cescuns en son lieu. Or retournerons 20 - nous à parler des aventures et des guerres de - Bretagne. - - - § 162. Vous devés savoir que, quant li dus de - Normendie, li dus de Bourgongne, li contes d'Alençon, - li dus de Bourbon, li contes de Blois, li connestables 25 - de France, li contes de Ghines ses filz, messires - Jakemes de Bourbon, messires Loeis d'Espagne - et li conte et li baron de France se furent parti de - Bretagne, qu'il eurent conquis le fort chastiel de - Chastouseaus, et puis apriès le cité de Nantes, et pris 30 - le conte de Montfort, et livret au roy Phelippe, et il - l'eut fait mettre en prison ou Louvre dalés Paris, - si com vous avés oy; et comment messires Charles - de Blois estoit demorés tous quois en le cité de - Nantes et ou pays d'entour qui obeissoit à lui, pour - attendre le saison d'esté en la quèle il fait milleur 5 - hostoiier qu'il ne fait en le saison d'ivier, et celle - douce saison fu revenue, tout cil signeur de France - dessus nommet et grant fuison d'aultres gens avoech - yaus s'en ralèrent devers Bretagne à grant poissance, - pour aidier monsigneur Charle à reconquerre le remanant 10 - de le ducé de Bretagne, dont il avinrent des - grans et mervilleus fais d'armes, ensi com vous porés - oïr. Quant il furent venu à Nantes, là où il trouvèrent - monsigneur Charle de Blois, il eurent conseil - qu'il assegeroient le cité de Rennes. Si issirent de 15 - Nantes et alèrent assegier Rennes tout au tour. La - contesse de Monfort en devant l'avoit si bien garni(e) - et pourveue de gens d'armes et de tout ce qu'il affreoit, - que riens n'i falloit. Et y avoit establi un - vaillant chevalier et hardi pour chapitainne, que on 20 - clamoit monsigneur Guillaume de Quadudal, gentil - homme durement dou pays de Bretagne. - - Aussi avoit la ditte contesse mis grans garnisons - par toutes les aultres cités, chastiaus et bonnes villes - qui à lui obeissoient; et par tout bonnes chapitainnes, 25 - des gentilz hommes dou pays qui à lui obeissoient - et se tenoient, les quels elle avoit acquis par - biau parler, par prommettre et par donner, car elle - n'i voloit point espargnier: des quelz li evesques de - Lyon, messires Amauris de Cliçon, messires Yewains 30 - de Tigri, li sires de Landreniaus, li chastelains de - Ghingant, messires Henris et messires Oliviers de - Pennefort, messires Joffrois de Malatrait, messires - Guillaumes de Quadudal, li doi frère de Quirich y - estoient, et pluiseur aultre noble chevalier et escuier - que je ne sai mies nommer. Ossi en y avoit de l'accord - monsigneur Charle de Blois grant fuison, qui à 5 - lui se tenoient, avoecques monsigneur Hervi de Lyon, - qui fu de premiers de l'accord le conte de Montfort - et mestres de son conseil, jusques à tant que la cités - de Nantes fu rendue, et li contes de Montfort fu rendus - pris, ensi que vous avés oy. De quoi li dis messires 10 - (Hervis[384]) fu durement blasmés, car on voloit dire - que il l'avoit pourcaciet et les bourgois enhortés. - Chou apparoit en ce que, puis ce fait, ce fu cilz qui - plus se penoit de grever la contesse de Montfort et - ses aidans. 15 - - [384] Ms. A7, fo 84.--Mss. B 1, 3, 4, fo 117, vo; «Henris.» - Mauvaise leçon. - - - § 163. Messires Charles de Blois et li signeur dessus - nommet sisent assés longement devant le cité de - Rennes, et y fisent grans damages et pluiseurs grans - assaus et fors par les Espagnolz et par les Geneuois; - et cil de dedens se deffendirent ossi fortement et vassaument, 20 - par le conseil le signeur de Quadudal, et - si sagement que cil de dehors y perdirent plus souvent - qu'il n'i gaegnièrent. - - En celui temps, si tost que la dessus ditte contesse - sceut que cil signeur de France estoient venu en Bretagne, 25 - à si grant poissance, elle envoia monsigneur - Amauri de Cliçon en Engleterre parler au roy Edowart, - et pour priier et requerre secours et ayde, par tèle - condition que li jones enfes, filz au conte de Montfort - et de la ditte contesse, prenderoit à femme l'une - des jones filles au roy d'Engleterre, et s'appelleroit - duçoise de Bretagne. Li rois Edowars estoit adonc à - Londres, et festioit tant qu'il pooit le conte de Salbrin, 5 - qui tantost estoit revenus de se prison. Si fist - moult grant feste et honneur à monsigneur Amauri - de Cliçon, quant il fu à lui venus, car il estoit moult - gentilz homs; et li ottria toute sa requeste assés briefment, - car il y veoit son avantage en deus manières. 10 - Car il li fu avis que c'estoit grant cose et noble de - la ducé de Bretagne, se il le pooit conquerre; et si - estoit la plus belle entrée qu'il pooit avoir pour conquerre - le royaume de France, à quoi il tendoit. Si - commanda à monsigneur Gautier de Mauni qu'il 15 - amoit moult, car moult l'avoit bien servi et loyaument - en pluiseurs besongnes perilleuses, qu'il presist - tant de gens d'armes que li dis messires Amauris li - deviseroit et qu'il li souffiroit, et se apparillast au - plus tost qu'il poroit pour aler aidier la contesse de 20 - Montfort, et presist avoecques lui jusques à deus - mille ou trois mille arciers des milleurs d'Engleterre. - - Li dis messires Gautiers fist moult volentiers le - commandement son signeur; si se apparilla au plus - tost qu'il peut, et se mist en mer avoecques le dit 25 - monsigneur Amauri, à tèle compagnie de gens d'armes - et d'arciers qu'il souffi au dit monsigneur Amauri. - Avoec lui en alèrent li doy frère de Neynendale, messires - Loeis et messires Jehans, li Haze de Braibant, - messires Hubiers de Frenay, messires Alains de Sirehonde, 30 - et pluiseur aultre que je ne puis ne sai tous - nommer, et avoech yaus sis mille arciers. Mais uns - grans tourmens les prist sour mer et vens contraires, - par quoi il les couvint demorer sour le mer par le - terme de soissante jours, ançois qu'il peuissent parvenir - à Hembon, là où li contesse de Montfort les - attendoit de jour en jour, à grant mesaise de coer, 5 - pour le grant meschief que elle sentoit que ses gens - soustenoient, qui estoient dedens le cité de Rennes. - - - § 164. Or est à savoir que messires Charles de - Blois et cil signeur de France sisent longuement devant - le cité de Rennes, et tant qu'il y fisent très grant 10 - damage, par quoi li bourgois en furent durement - anoiiés; et volentiers se fuissent souvent acordé à - rendre le cité, se il osassent, mais messires Guillaumes - de Quadudal ne s'i voloit acorder nullement. - Quant li bourgois et li commun de le cité eurent assés 15 - souffert, et qu'il ne veoient nul secours de nulle part - venir, il se vorrent rendre; mais li dis messires Guillaumes - ne s'i volt accorder. Au daarrain, il prisent le - dit monsigneur Guillaume et le misent en prison; et - eurent en couvent à monsigneur Charlon de Blois 20 - qu'il se renderoient à l'endemain par tèle condition - que tout cil de le partie le contesse de Monfort s'en - pooient aler sauvement, quel part qu'il voloient. Li - dis messires Charles de Blois leur acorda. Ensi fu li - cités de Rennes rendue à monsigneur Charle de Blois, 25 - l'an de grasce mil trois cens quarante et deus, à l'entrée - de may. Et messires Guillaumes de Quadudal - ne volt point demorer de l'acord monsigneur Charle - de Blois, ains s'en ala tantost par devers Hembon, là - où la contesse de Monfort estoit, qui fu moult dolente 30 - quant elle seut que la cité de Rennes estoit rendue; - et si n'ooit nulles nouvelles de monsigneur Amauri de - Cliçon ne de se compagnie. - - - § 165. Quant la cité de Rennes se fu rendue, ensi - que vous avés oy, et li bourgois eurent fait feauté - à monsigneur Charles de Blois, messires Charle eut 5 - conseil quèle part il se poroit traire à toute son host, - pour mieulz avant esploitier de reconquerre le remanant. - Li consaulz se tourna à çou que il se traisist - par devers Hembon, là où la contesse de Montfort - estoit; car, puis que li sires estoit en prison, s'il pooit 10 - prendre le ville, le chastiel et le contesse, il aroit tost - sa guerre afinée. Ensi fu fait. Si se traisent tuit vers - Hembon et assegièrent le ville et le chastiel tout au - tour, tant qu'il peurent, par terre. La contesse estoit - si bien pourveue de bons chevaliers et d'autres souffissans 15 - gens d'armes qu'il couvenait pour deffendre le - ville et le chastiel, et tout dis estoit en grant soupeçon - del secours d'Engleterre que elle attendoit, et se n'en - ooit nulles nouvelles. Ains avoit doubtance que grans - meschiés ne leur fust avenus, ou par fortune de le mer, 20 - ou par rencontre d'ennemis. Avoecques li estoit en - Hembon li evesques de Lyon en Bretagne, dont messires - Hervis de Lyon estoit (neveus[385]), qui estoit de le - partie monsigneur Charles. Et si y estoient messires - Yves de Tigri, li sires de Landreniaus, li chastelains 25 - de Ginghant, li doi frère de Quirich, messires Henris - et messires Oliviers de Pennefort et pluiseur aultre. - Quant la contesse et cil chevalier entendirent que cil - signeur de France venoient pour yaus assegier, et qu'il - estoient assés priès de là, il fisent commander que on - sonnast le ban cloche, et que çascuns s'alast armer et - alast à sa deffense, ensi qu'il estoit ordonnés. Ensi - fu fait sans contredit. - - [385] Mss. B1, 3, 4: «oncles.» Mauvaise leçon. - - Quant messires Charles de Blois et li signeur françois 5 - furent approciet de le ville de Hembon et il - le veirent forte, il fisent leurs gens logier, ensi que - pour faire siège. Aucun jone compagnon geneuois, - espagnol et françois alèrent jusques as bailles pour - paleter et escarmucier; et aucun de chiaus de dedens 10 - issirent encontre yaus, ensi que on fait souvent - en telz besongnes. Là eut pluiseurs hustins. - Et perdirent plus li Geneuois qu'il n'i gaegnassent, - ensi qu'il avient souvent par trop folement abandonner. - Quant li vespres approça, cescuns se retraii 15 - à se loge. L'endemain, li signeur eurent conseil - qu'il feroient à l'endemain assallir les bailles - fortement, pour veoir le contenance de chiaus - de dedens, et pour veoir se il y poroient riens - conquester, ensi qu'il fisent. Car au tierc jour il 20 - assallirent au matin, entours heure de prime, as - bailles très fortement. Et chil de dedens issirent hors - li aucun des plus souffissans, et se deffendirent si vassaument - qu'il fisent l'assaut durer jusques à heure de - nonne que li assallant se retraisent un petit arrière. 25 - Et y laissièrent fuison de mors, et en remenèrent - plenté de bleciés. Quant li signeur veirent leurs gens - retraire, il en furent durement courouciés. Si fisent - recommencier l'assaut plus fort que devant. Et cil de - Hembon s'efforcièrent ossi d'yaus très bien deffendre. 30 - Et la contesse, qui estoit armée de corps et estoit - montée sus un bon coursier, chevauçoit de rue en - rue par le ville, et semonnoit ses gens de bien deffendre. - Et faisoit les femmes de le ville, dames et - aultres, deffaire les caucies et porter les pières as - crestiaus pour getter as ennemis. Et faisoit aporter - bombardes et pos plains de cauch vive, pour getter 5 - sus les assallans. - - - § 166. Encores fist ceste ditte contesse de Montfort - une très hardie emprise qui ne fait mies (à[386]) oubliier, - et c'on doit bien recorder à hardit et outrageus fait - d'armes. La contesse montoit en une tour, pour 10 - mieulz veoir comment ses gens se maintenoient. Si - regarda et vei que tout cil de l'host, signeur et aultre, - avoient laissiet leurs logeis, et estoient priès que tout - alé veoir l'assaut. Elle s'avisa d'un grant fait et remonta - sus son coursier, ensi armée comme elle estoit. 15 - Et fist monter environ trois cens hommes à cheval - avoecques lui, qui gardoient une aultre porte là où on - n'assalloit point. Si issi de celle porte o toute se compagnie, - et se feri très vassaument en ces tentes et en ces - logeis des signeurs de France, qui tantos furent toutes 20 - arses, tentes et toutes loges, qui n'estoient gardées fors - de garçons et de varlès qui s'en fuirent, si tos comme - il y veirent le feu bouter et la contesse et ses gens entrer. - Quant li signeur de France veirent leurs logeis - ardoir et oïrent le hu et le cri qui en venoit, il furent 25 - tout esbahi et coururent tout vers lor logeis, - criant: «Trahi! Trahi!», et ne demora adonc nulz - à l'assaut. - - [386] Mss. B 4, 3, fo 79.--Ms. B 1, fo 119 (lacune). - - Quant la contesse vei l'ost estourmir et de toutes - pars acourir, elle rassambla ses gens et vei bien que - elle ne poroit rentrer en le ville sans trop grant perte; - si s'en ala le droit chemin par devers le chastiel de - Brait qui siet à trois liewes priès de là. Quant messires - Loeis d'Espagne, qui estoit mareschaus de toute 5 - l'ost, fu venus as logeis qui ardoient, et vei la contesse - et ses gens qui s'en aloient tant qu'il pooient, il se - mist à aler après pour raconsievir se il peuist, et grant - fuison de gens d'armes avoecques lui. Si les encauça - et caça tant qu'il en tua et mehagna aucuns qui estoient 10 - mal montet, et qui ne pooient sievir les bien - montés. Toutes fois, la ditte contesse chevauça tant - et si bien que elle et li plus grant partie de ses gens - vinrent assés à point au bon chastiel de Brait, là où - elle fu receute et festiie à grant joie de chiaus de le 15 - ville et dou chastiel. Quant messires Loeis d'Espagne - sceut, par les prisons que pris avoit, que c'estoit la - contesse qui tel fait avoit fait et qui escapée li estoit, - il s'en retourna en l'ost et conta sen aventure as signeurs - et as aultres qui grant merveille en eurent. 20 - Ossi eurent cil qui estoient dedens Haimbon, et ne - pooient apenser ne trop imaginer comment leur dame - avoit che aviset ne oset entreprendre. Mais il furent - toute le nuit en grant quisençon de çou que la - dame ne nulz de ses compagnons ne revenoit; si n'en 25 - savoient que penser ne que aviser, et ce n'estoit point - trop grant merveille. - - - § 167. A l'endemain, li signeur de France, qui - avoient perdu leurs tentes et leurs pourveances, - orent conseil qu'il se logeroient d'arbres et de foellies 30 - plus priès de le ville, et qu'il se maintenroient plus - sagement. Si se alèrent logier à grant painne plus - priès de le ville, et disoient souvent ensi à chiaus de - le ville: «Alés, signeur, alés requerre vostre contesse. - Certes elle est perdue, vous ne le trouverés en - pièce.» Quant cil de le ville, gens d'armes et aultres, 5 - oïrent telz parolles, il furent esbahi et eurent grant - paour que grans meschiés ne fust avenus à leur dame. - Si n'en savoient que croire, par tant que elle point - ne revenoit, ne n'en ooient nulles nouvelles. Si demorèrent - en tel paour par l'espasse de cinq jours. 10 - Et la contesse, qui bien pensoit que ses gens estoient - à grant mesaise pour lui et en grant doubtance, se - pourcaça tant que elle eut bien cinq cens compagnons - (armés[387]) et bien montés. Puis se parti de Brait - entour le mienuit et se vint, droit au point que li solaus 15 - se liève, à chevauçant à l'un des costés de l'host, et - fist ouvrir le porte et entra ens à grant joie et à grant - son de trompes et de nakaires: de quoi li hos des - François fu durement estourmie. Si se fissent tout - armer et coururent par devers le ville pour assallir, 20 - et cil de dedens as fenestres pour le deffendre. Là - commença grans assaus et fors, qui dura jusques à - haute nonne. Et plus y perdirent li assallant que li - deffendant. - - [387] Mss. B4, 3, fo 79 vo.--Ms. B1, fo 119 vo (lacune). - - Environ heure de nonne, fisent li signeur cesser 25 - d'assallir, car leurs gens se faisoient tuer et navrer - sans raison, et retraisent à leurs logeis. Si eurent - conseil et acord que messires Charles de Blois iroit - assegier (le) chastiel d'Auroy que li rois Artus fist - faire et fremer. Et iroient avoecques lui li dus de 30 - Bourbon, li contes de Blois ses frères, et li mareschaus - de France messires Robers Bertrans, et messires - Hervis de Lyon et partie des Geneuois. Et messires - Loeis d'Espagne, li viscontes de Rohen et tous - li remanans des Geneuois et Espagnolz demorroient 5 - devant Hembon. Et mandèrent douze grans engiens - qu'il avoient laissiés à Rennes, pour getter à le ville - et au chastiel de Hembon, car il veoient bien qu'il - ne le pooient gaegnier ne riens pourfiter à l'assallir; - si qu'il fisent deus hos: s'en demora li uns devant 10 - Hembon, et li aultres en ala assegier chastiel d'Auroy - qui estoit assés priès de là; des quels nous parlerons - et nous soufferons un petit des aultres. - - - § 168. Messires Charles de Blois se trest par devant - le chastiel d'Auroy, qui estoit assés priès de là, à tout 15 - se compagnie, et se loga et toute son host environ. - Et y fist assallir et escarmucier, car chil del chastiel - estoient bien pourveu et bien garni de bonnes gens - d'armes, pour tel siège soustenir. Si ne se vorrent rendre, - ne laissier le service de la contesse, qui grans 20 - biens leur avoit fais, pour obeir au dit monsigneur - Charle, pour ses prommesses. Dedens le forterèce avoit - deus cens compagnons aidables, uns et aultres, des - quelz estoient mestres et chapitainnes doi chevalier - dou pays, vaillant homme et hardi durement, messires 25 - Henris de Pennefort et Oliviers de Pennefort - ses frères. A quatre liewes priès de ce chastiel siet la - bonne cité de Vennes, qui fermement se tenoit à le - contesse. Et en estoit messires Joffrois de Malatrait - chapitainne, gentilz homs et vaillans durement. D'autre 30 - part sciet la bonne ville de Dignant en Bretagne, - qui adonc n'estoit fremée, fors de fossés et de palis. - Si en estoit chapitains de par le contesse uns durement - vaillans homs que on clamoit le chastellain de - Gingant, mais il estoit adonc assis dedens Hembon - avoech la contesse. Mais il avoit laissiet à Dignant 5 - son hostel, ma dame sa femme et ses filles, et avoit - laissiet à chapitainne, en lieu de li, monsigneur Renault - son fil, vaillant baceler et hardi durement. - - Entre ces deus bonnes villes siet uns très fors chastiaus - qui se tenoit adonc à monsigneur Charle de 10 - Blois, et l'avoit fait garnir de gens d'armes et de saudoiiers, - qui tout estoient Bourgignon. Si en estoit - souverains et mestres uns bons escuiers assés jones - que on clamoit Gerart de Malain; et avoit avoecques - lui un hardi chevalier que on clamoit monsigneur 15 - Pière Portebuef. Cil doi avoecques leurs compagnons - honnissoient et gastoient tout le pays de là entour, - et destraindoient si ouniement le cité de Vennes et - le bonne ville de Dinant, que nulles pourveances ne - marchandises ne pooient entrer ne venir, fors en 20 - grant peril et sous grant aventure, car il chevauçoient - l'un jour par devers Vennes, et l'autre jour - par devers Dinant. Tant chevaucièrent ensi li dessus - dit Bourgegnon et leurs routes, que li jones bacelers - messires Renaulz de Gingant prist, par un embuscement 25 - qu'il avoit establi, le dit Gerart de Malain à - toute se compagnie, qui estoient yaus vingt et cinq - compagnon, et rescoui jusques à quinze marcheans à - tout leur avoir qu'il avoient pris, et les emmenoient - par devers leur garnison que on claime Rocheperiot. - Mais li jones bacelers messires Renaulz de Gingant les 30 - conquist tous, par son sens et par sa proèce, et les - en mena tous (en Dynant[388]) en prison, dont tous li - pays d'entour eut grant joie. Et en fu durement li - dis messires Renaulz loés et prisiés. - - [388] Mss. B4, 3, fo 80.--Ms. B1, fo 120 vo (lacune). - - Si me tairai un petit à parler de ces gens de Vennes, - de Dinant et de Roceperiot, et revenrai à la 5 - contesse de Montfort, qui estoit assise dedens Haimbon, - et à monsigneur Loeis d'Espagne qui tenoit - le siège par devant et avoit si debrisié et defroissié - le ville et le fremeté, par les engiens, que cil de - dedens se commencièrent à esmaiier et avoir volenté 10 - de faire acord, car il ne veoient nul secours venir, - ne n'en entendoient nouvelles. Dont il avint que - li evesques messires Guis de Lyon, qui estoit (oncles[389]) - monsigneur Hervi de Lyon, par qui pourcach et conseil - li contes de Montfort avoit estet pris, si com 15 - on disoit, dedens le cité de Nantes, parla un jour au - dit monsigneur Hervi son (neveu,) sus assegurance, et - par lonch temps ensamble, d'unes coses et d'aultres; - et tant que li dis evesques devoit pourcacier acord à - ses compagnons, par quoi li ville de Hembon seroit 20 - rendue à monsigneur Charle de Blois. Et li dis messires - Hervis, d'autre part, devoit pourcacier que cil - de dedens seroient apaisiés envers monsigneur Charle, - quittes et lieges, et ne perderoient riens dou - leur. Ensi se departi cilz parlemens. Li dis evesques 25 - rentra en le ville pour parler as aultres signeurs. La - contesse se doubta tantost de mauvais pourcach; si - pria à ces signeurs de Bretagne, pour l'amour de - Dieu, qu'il ne fesissent nulle defaute, car elle avoit - esperance en Nostre Signeur que elle aroit grant secours - dedens trois jours. Mais li dis evesques parla - tant et moustra tant de raisons à ces signeurs de - Bretagne qu'i(l) les mist en grant effroi celle nuit. A - l'endemain, il recommença et dist tant de raisons, 5 - d'unes et d'autres, qu'il estoient tout de son acord - ou assés priès. Et jà estoit li dis messires Hervis venus - assés priès de le ville pour (la) prendre et par - leur acord, quant la contesse qui regardoit aval le mer, - par une fenestre del chastiel, commença à criier et à 10 - faire grant joie; et disoit tant comme elle pooit: «Je - voi venir le secours que j'ai tant desiré!» deus fois - le dist. Cescuns de le ville courut tantost, qui mieulz - pot, as fenestres et as crestiaus des murs pour veoir - que c'estoit. Et veirent clerement grant fuison de 15 - naves, petites et grandes, bien batillies, venir par - devers Hembon. Dont cescuns fu durement reconfortés, - car bien tenoient que c'estoit messires Amauris - de Cliçon qui amenoit ce secours d'Engleterre, - dont vous avés par chà devant oy parler, qui par 20 - soixante jours avoient eu vent contraire sur le - mer. - - [389] Mss. B4, 3, fo 80.--Ms. B1: «niés.» Mauvaise leçon. - - - § 169. Quant li chastellains de Gingant messires - Yves de Tigueri, messires Gallerans de Landreniaulz - et li aultre chevalier veirent ce secours venir, 25 - il disent à l'evesque qu'il pooit bien contremender - son parlement, car point consilliet n'estoient de - faire ce qu'il leur exhortoit. Li dis evesques messires - Guis de Lyon en fu durement courouciés et - dist: «Signeur, dont se departira nostre compagnie, 30 - car vous demorrés deça par devers ma dame, et je - m'en irai par delà par devers celui qui plus grant - droit y a, ce me samble.» Lors se parti li dis evesques - de Hembon, et deffia la dame et tous ses aidans, - et s'en ala renoncier au dit monsigneur Hervi et dist - la besongne ensi comme elle se portoit. Li dis messires 5 - Hervis fu durement courouciés. Si fist tantost - drecier les plus grans engiens qu'il avoient, au plus - priès del chastiel que on peut, et commanda que - on ne cessast de getter par jours ne par nuis; - puis se parti de là. Si en mena son (oncle[390]) le dit 10 - evesque à monsigneur Loeis d'Espagne qui le rechut - à bon gré et liement. Ossi fist messires Charles de - Blois, quant il fu à lui venus. La comtesse fist à lie - chière apparillier salles, cambres et hostelz, pour herbergier - aisiement ces signeurs d'Engleterre qui là venoient, 15 - et envoia encontre yaus moult noblement. - Quant il furent venus et descendus, elle meismes - vint contre yaus à grant reverense. Et se elle les - festia et regratia grandement, che ne fait point à - esmervillier, car elle avoit bien mestier de leur 20 - venue, si com vous avés oy. Si en fist adonc et de - puis ossi tout quanque elle en peut faire. Et les en - mena tous, chevaliers et escuiers, ens ou chastiel - herbergier, jusques adonc qu'il seroient herbegiet en - le ville à leur aise; et leur donna l'endemain à disner 25 - moult grandement. Toute la nuit ne cessèrent li - engien de getter, ne l'endemain ossi. - - [390] Mss. B4, 3, fo 80 vo.--Ms. B1: «neveu.» - - Quant ce vint après disner que la dame eut festiiet - ces signeurs, messires Gautiers de Mauni, qui estoit - mestres et souverains des Englès venus avoec lui, appella 30 - d'une part monsigneur Yvon de Tigueri et li - demanda de l'estat de chiaus de le ville et de leurs - couvenans et de chiaus de l'host ossi. Puis regarda - et dist qu'il avoit grant volenté d'aler abatre ce grant - engien, qui si priès leur estoit assis et qui si grant anoi 5 - leur faisoit, mès que on le volsist sievir. Messires Yves - de Tigueri dist que il ne l'en faurroit mies à ce(ste) - première envaye. Ensi dist li sires de Landreniaus. - Adonc s'ala tantost armer li gentilz sires de Mauni. - Ossi fisent tout si compagnon quant il le sceurent, et 10 - ossi tout li chevalier breton et li escuier qui laiens - estoient. Puis issirent hors paisievlement par le porte, - et fisent aler avoech yaus trois cens archiers. Tant - alèrent traiant li arcier qu'il fisent fuir en voies ceulz - qui gardoient ce grant engien. Et les gens d'armes qui 15 - venoient après ces arciers en occisent aucuns, et abatirent - ce grant engien, et le detaillièrent tout par - pièces. Puis coururent de randon jusques as tentes - et as logeis, et boutèrent le feu dedens. Si tuèrent et - navrèrent pluiseurs de leurs ennemis, ançois que li 20 - host fust estourmis; et puis se retraisent bellement - arrière. Quant li hos fu estourmis et armés, il vinrent - acourant apriès yaus, comme gens tous foursenés. - Et quant messires Gautiers de Mauni vey ces - gens acourir et estourmir en demenant grans hus et 25 - grant cris, il dist tout haut: «Jamais ne soie jou - salués de ma chière amie, se je rentre en chastiel ne - en forterèce, jusques adonc que jou arai l'un de ces - venans versé à terre, ou jou y serai versés!» Lors se - retourna il, le glave ou poing, par devers les ennemis. 30 - Ossi fisent li doi frère de Leindehale, li Haze de - Braibant, messires Yves de Tigueri, messires Galerans - de Landreniaus et pluiseur aultre compagnon, - et brocièrent à premiers venans. Si en fisent pluiseurs - verser, les gambes contremont. Ossi en y eut - des leurs versés. - - Là commença uns très fors hustins, car tout dis 5 - venoient avant cil de l'host. Si monteplioit leurs - effors, par quoi il convenoit les Englès et les Bretons - retraire tout bellement par devers leur forterèce. - Là peuist on veoir d'une part et d'autre belles - envayes, belles rescousses, biaus fais d'armes et des 10 - belles proèces grant fuison. Sour tous les aultres - le faisoit bien et en avoit le los et le huée li gentilz - chevaliers, messires Gautiers de Mauni. Et ossi - moult vassaument s'i maintinrent tout si compagnon, - et s'i combatirent très bien. Quant il veirent 15 - que tamps fu de retraire, si se retraisent bellement et - sagement jusques à leurs fossés, et là rendirent il estal - jusques à tant que leurs gens furent entret à sauveté. - Mais saciés que li aultre arcier, qui point n'avoient - esté à abatre les engiens, estoient issu de le ville et 20 - rengiés sus les fossés, et traioient si fortement qu'il - fisent tous chiaus de l'host reculer, qui eurent grant - fuison d'ommes et de chevaus mors et navrés. Quant - cil de l'host veirent que leurs gens estoient au bersail - et qu'il perdoient sans riens conquester, il fisent 25 - leur gens retraire à leurs logeis. Et quant il furent tout - retrait, cil de le ville se retraisent ossi, cescuns à son - hostel. Qui adonc veist la contesse descendre dou - chastiel à grant chière, et baisier monsigneur Gautier - de Mauni et ses compagnons, les uns apriès les aultres, 30 - deus fois ou trois, bien peuist dire que c'estoit - une vaillans dame. - - - § 170. A l'endemain, messires Loeis d'Espagne appella - le visconte de Rohem, l'evesque de Lyon, monsigneur - Hervi de Lyon et le mestre des Geneuois, pour - avoir avis et conseil qu'il feroient et comment il se - maintenroient, car il veoient le ville de Hembon si 5 - forte et le secours qui venus y estoit, meismement - les arciés qui tous les desconfisoient. Par quoi, il - perdoient le tamps pour noient, et aleuoient à - demorer là, et ne veoient tour ne voie par quoi il - y peuissent riens conquester. Si se accordèrent tout à 10 - çou que il se deslogeroient à l'endemain et se trairoient - par devers le chastiel d'Auroy, là où messires - Charles de Blois estoit à siège fait, et li aultre signeur - de France. L'endemain, bien matin, il deffisent leurs - logeis et se traisent celle part, si com ordonné l'avoient. 15 - Chil de le ville fisent grans hus apriès yaus, - quant il les veirent deslogiet. Et aucun issirent après - yaus pour aventurer, mais il furent racaciet arrière, - et perdirent de leurs compagnons, ançois qu'il peuissent - estre retrait à le ville. 20 - - Quant messires Loeis d'Espagne et toute sa carge - de gens d'armes furent venu en l'ost monsigneur - Charles de Blois, il li conta le raison pour quoi il - avoit laissiet le siège de devant Hembon. Adonc ordonnèrent - il entre yaus, par grant deliberation, que 25 - li dis messires Loeis et cil qui estoient venu avoech - li iroient assegier le bonne ville de Dinant qui n'estoit - fremée fors que d'yawe et de palis. Ensi demora - la ville de Hembon en pais une grant pièce, - et fu reforcie et rafrescie moult durement. Li dis 30 - messires Loeis s'en ala adonc à tout son host assegier - Dinant. Ensi qu'il s'en aloit, il passa assés - priès d'un viés chastiel que on clamoit Conquest. Et - en estoit chastellains, de par le contesse, uns chevaliers - de Lombardie, bons guerriières et hardis, qui - s'appeloit messires Mansion, et avoit pluiseurs saudoiiers - avoech li. Quant li dis messires Loeis entendi 5 - que li chastiaus estoit de l'accord le contesse, il fist - traire son host celle part et assallir le chastiel fortement. - Chil dedens se deffendirent si bien que li assaus - dura jusques à le nuit, et se loga li hos là endroit. - L'endemain, il fist l'assaut recommencier. Li assallant 10 - approcièrent si priès des murs qu'il y fissent un - grant trau, car li fosset n'estoient mies moult parfont. - Si entrèrent ens par force et misent à mort tous - chiaus dou chastiel, exceptet le chevalier qu'il prisent - à prisonnier; et y establirent un aultre chastelain 15 - bon et seur et soixante compagnons avoec li, pour - garder le chastiel. Puis s'en parti li dis messires Loeis - et s'en ala assegier le bonne ville de Dinant. - - La contesse de Monfort et messires Gautiers de - Mauni entendirent ces nouvelles que messires Loeis 20 - d'Espagne et toute son host estoit arrestés par devant - le chastiel de Conquest. Si appella messires - Gautiers tous les compagnons saudoiiers, et leur dist - que ce seroit trop noble aventure pour yaus tous, - se il pooient deslogier le dit chastiel et desconfire le 25 - dit monsigneur Loeis et toute son host, et que onques - si grant honneur n'avint à gens d'armes qu'il - leur avenroient. Tout li compagnon s'i acordèrent et - se partirent l'endemain au matin de Haimbon, et s'en - alèrent celle part de si grant volenté que petit en demora 30 - en le ville. Tant chevaucièrent qu'il vinrent environ - nonne au chastiel de Conquest, et trouvèrent - qu'il avoit esté conquis par force le jour devant, et - cil de dedens tout occis, excepté le chevalier monsigneur - Mansion qui le gardoit. Et l'avoient li François - repourveu et rafresci de nouvelle gent. Quant messires - Gautiers entendi çou, et que messires Loeis estoit 5 - alés assegier le ville de Dinant, il en eut grant - doel, pour tant qu'il ne se pooit combatre à lui. Si - dist à ses compagnons qu'il ne se partiroit de là, si - saroit quelz gens il avoit ou chastiel, et comment il - avoit estet perdus. Si se apparillièrent il et si compagnon, 10 - pour assallir le chastiel, et montèrent tout - targiet contremont. Quant li Espagnol qui dedens estoient - les veirent en tel manière venir, il se deffendirent - tant qu'il peurent. Et cil de dehors les assallirent - si fortement et les tinrent si priès de traire qu'il 15 - approcièrent les murs, maugré chiaus dou chastiel, - et trouvèrent le trau del mur, par quoi il avoient le - jour devant gaegniet le chastiel. Si entrèrent ens par - ce trau meismes, et tuèrent tous les Espagnolz, excepté - dix que aucun chevalier prisent à merci. Puis 20 - se retraisent li Englès et li Breton par devers Hembon, - car il ne l'osoient durement eslongier; et laissièrent le - chastiel de Conquest tout seul et sans garde, car il - veirent bien que il ne faisoit mies à tenir. - - - § 171. Or revenrai à monsigneur Loeis d'Espagne 25 - qui fist logier son host tout au tour de la ville de - Dinant en Bretagne, et fist tantost faire petits batiaus - et nacelles, pour assallir le ville de toutes pars, par - terre et par yawe. Quant li bourgois de le ville veirent - chou, et bien savoient que lor ville n'estoit fremée 30 - fors que de palis, il eurent paour, grans et petis, - de perdre corps et avoir. Si se accordèrent communement - qu'il se renderoient, salves leurs corps et leur - avoir, si qu'il fisent au quart jour que li hos fu venus - là, maugré leur chapitainne monsigneur Renault de - Ginghant et le tuèrent (tout en my le marchiet[391]), pour 5 - tant qu'il ne s'i voloit acorder. Quant messires Loeis - d'Espagne eut esté en le ville de Dignant par deux - jours, et ot pris le feaulté des bourgois, il leur donna - pour chapitainne celui Gerard de Malain, escuier, que - il trouva laiens prisonnier, et monsigneur Pière Portebuef 10 - avoech lui. Puis s'en ala à tout son host par devers - une grosse ville seans sus le flun de le mer, que - on claime Garlande, et le assega par terre. Et trouva - assés priès grant fuison de naves et de vaissiaus plainnes - de vins que marcheant avoient là amenet de 15 - Poito et de Le Rocelle pour vendre. Si euren tantost - vendut li marchant leurs vins, et furent mal paiiet. - Et puis fist li dis messires Loeis prendre toutes ces - naves, et ens monter gens d'armes et partie des Espagnols - et des Geneuois. Puis fist l'endemain assallir le 20 - ville par terre et par mer, qui ne se pot longement - deffendre; ains fu assés tost gaegnie par force, et - tantost toute robée, et tout mis à l'espée, femmes et - hommes et enfans, et cinq eglises arses et violées: - dont messires Loeis fu durement courouciés. Si fist 25 - tantost pour chou pendre vingt et quatre de chiaus - qui chou avoient fait. Là eut gaegniet très grant tresor, - si ques cescuns en eut tant qu'il en peut porter, car - la ville estoit durement grande et rice et marceande. - - [391] Mss. B4, 3, fo 82.--Ms. B 1, fo 123 vo (lacune). - - Quant celle grosse ville, qui Garlande estoit appellée, 30 - fu ensi gaegnie et robée et essillie, il ne sceurent - où aler plus avant pour gaegnier. Si se mist li dis - messires Loeis en ces vaissiaus qu'il avait trouvés, sus - mer, en le compagnie de monsigneur Othon Doriie - et de Toudou et de aucuns Geneuois et Espagnolz, 5 - pour aler aucune part, pour aventurer sus le marine. - Et li viscontes de Roem, li evesques de Lyon, messires - Hervis, ses niés, et tout li aultre s'en revinrent - en l'ost monsigneur Charle de Blois, qui encores seoit - devant le chastiel d'Auroy. Et trouvèrent grant fuison 10 - de signeurs et de chevaliers de France, qui nouvellement - estoient là venus, telz que monsigneur Loeis - de Poitiers conte de Valence, le conte d'Auçoirre, - le conte de Portiien, le conte de Joni, le conte de - Boulongne et pluiseurs aultres, dont li rois Phelippes 15 - les y avoit envoiiés pour reconforter son neveu; et - aucun y estoient venu de leur volenté, pour venir - veoir et servir monsigneur Charle de Blois. Et encores - n'estoit li fors chastiaus d'Auroy gaegniés. Mais - chil de dedens estoient si près menet et apresset de 20 - famine qu'il avoient mengiet par huit jours tous - leurs chevaus; et ne les voloit on prendre à merci, - s'il ne se rendoient simplement. Quant il veirent - que morir les couvenoit, il issirent hors couvertement - par nuit, et se misent en le volenté de Dieu, 25 - et passèrent tout parmi l'ost, à l'un des costés. Aucun - en furent perceu et tuet. Mais messires Henris de - Pennefort et messires Oliviers ses frères et pluiseur - aultre se sauvèrent par un bosket qui là estoit, et en - alèrent droit à Hembon devers le contesse et les 30 - compagnons, chevaliers englès et bretons, qui les - rechurent liement. - - Ensi reconquist messires Charles de Blois le fort - chastiel d'Auroi, et par affamer ceulx qui le gardoient, - là où il avoit sis par l'espasse de dix sepmainnes - et plus. Si le fist reffaire et rappareillier - et bien garnir de gens d'armes et de toutes pourveances; 5 - et puis s'en ala à tout son ost assegier - le cité de Vennes, dont messires Joffrois de Malatrait - estoit chapitains, et se loga tout au tour. A - l'endemain, aucun compagnon breton et saudoiier, - qui gisoient en une ville que on claime Plaremiel, 10 - issirent hors et se misent en aventure de gaegnier. - Si vinrent estourmir l'ost monsigneur Charle, et se - ferirent à l'un des corons secretement; mais il furent - enclos quant li hos fu estourmis, et perdirent de - leurs gens grossement. Li aultre s'en fuirent et furent 15 - sievi jusques assés priès de Plaremiel, qui estoit - assés priès de Vennes. Quant cil de l'host qui estoient - armet furent revenu de le cace, il alèrent de ce - retour meismes assallir le ville de Vennes fortement - et radement, et gaegnièrent par force les bailles jusques 20 - à le porte de le cité. Là eut très fort assaut, et - pluiseurs mors et navrés d'une part et d'autre, et - dura jusques à le nuit. Adonc fu acordé uns respis - qui devoit durer l'endemain tout le jour, pour les - bourgois consillier, s'il se vorroient rendre ou non. 25 - A lendemain, il furent si consilliet qu'il se rendirent, - maugret monsigneur Joffroi de Malatret leur chapitainne. - Et quant il vei chou, il se mist hors de le - cité desconnuement, endementrues que on parlementoit, - et s'en ala par devers Hembon. Et li parlemens 30 - se fist ensi, que messires Charles de Blois et - tout li signeur entrèrent en le cité, et prisent le - feaulté des bourgois, et se reposèrent en le cité par - cinq jours. Puis s'en partirent et alèrent assegier une - aultre forterèce et bonne cité que on claime Craais. - Or lairai à parler un petit d'yaus, et retourrai à - monsigneur Loeis d'Espagne qui s'estoit mis en mer, 5 - ensi que vous avés oy ci dessus. - - - § 172. Saciés que, quant messires Loeis d'Espagne - fu montés, au port de Garlande, sus mer, il et se - compagnie alèrent tant nagant par mer qu'il arrivèrent - en le Bretagne bretonnant, au port de Camperli 10 - et assés priès de Camper Corentin et de Saint Mahieu - de Fine Poterne; et issirent des naves, et alèrent ardoir - et rober tout le pays. Et trouvèrent si grant - avoir que merveilles seroit dou raconter; si le raportoient - tout en leurs naves, et puis aloient d'autre 15 - part rober, et ne trouvoient qui leur deffendesist. - - Quant messires Gautiers de Mauni et messires Amauris - de Cliçon sceurent les nouvelles de monsigneur - Loeis d'Espagne et de ses compagnons, il eurent conseil - qu'il iroient celle part. Puis le descouvrirent à 20 - monsigneur Yvon de Trigri, au chastelain de Gingant, - au signeur de Landreniaus, à monsigneur Guillaume - de Quadudal, as deus frères de Pennefort, et à tous - les chevaliers qui là estoient dedens Hembon, qui - tout s'i acordèrent de bonne volenté. Lors se misent 25 - tout en leurs vaissiaus, et prisent trois mille arciers - avoecques yaus, et ne cessèrent de nagier jusques à - tant qu'il vinrent droit au port, là où les naves monsigneur - Loeis estoient ancrées. Si entrèrent dedans, - et tuèrent tous chiaus qui les naves gardoient. Et 30 - trouvèrent ens si grant avoir qu'il s'en esmervillièrent - durement, que li Geneuois et li Espagnol avoient - là dedens aportet. Puis se misent à terre, et veirent - en pluiseurs lieus villes et maisons ardoir. Si se partirent - en trois batailles, par grant sens, pour plus tost - trouver leurs ennemis, et laissièrent trois cens arciers 5 - pour garder leur navie et l'avoir qu'il avoient gaegniet; - puis se misent à le voie par devers les fumières - par pluiseurs chemins. - - Ces nouvelles vinrent à monsigneur Loeis d'Espagne - que li Englès estoient arrivet efforciement et le queroient. 10 - Si rassambla toutes ses gens, et se mist au retour - par devers ses naves, pour entrer dedens. Ensi - qu'il s'en revenoit, tout cil dou pays le poursievoient, - hommes et femmes qui avoient perdu lor avoir; et il - se hastoit tant qu'il pooit. Si encontra l'une des trois 15 - batailles, et vey bien que combatre le couvenoit. Se - se mist tantost en bon couvenant, car il estoit hardis - chevaliers et confortés durement. Et fist là aucuns - chevaliers nouviaus, et especialment un sien neveut - que on appelloit Aufons. Si se ferirent li dis messires 20 - Loeis d'Espagne et ses gens en ceste première bataille - si radement qu'il en ruèrent tamaint par terre; - et euist esté tantost toute nettement desconfite et - sans remède, se n'euissent esté les aultres deus batailles - qui y sourvinrent, par le cri et le hu qu'il 25 - avoient oy des gens dou pays. Lors commença li - hustins à renforcer, et li arcier si fort à traire que - Geneuois et Espagnol furent desconfit et priès que - tout mort et tuet à grant meschief, car cil dou - pays qui les sievoient à bourlès et à pikes y sourvinrent, 30 - qui les partuèrent tous, et rescouoient ce qu'il - pooient de leur perte: si ques à grant meschief li - dis messires Loeis se parti de le bataille, durement - navrés en pluiseurs lius, et s'en afui par devers ses - naves, tous desconfis. Et ne ramena de bien sis mille - hommes qu'il avoit avoech lui plus hault de trois - cens; et y laissa mort son neveu que moult amoit, 5 - monsigneur Aufons d'Espagne, dont il estoit en coer - et fu puissedi moult destrois, mais amender ne le peut. - - Quant il fu venus à ses naves, il cuida ens entrer, - mais il les trouva si bien gardées qu'il ne - peut ens entrer. Si se mist en un vaissiel que on 10 - claime lique, à grant meschief et à grant haste, à tout - ce de gens qu'il avoit d'escapés, et se mist à nagier - fortement en voies. Quant cil chevalier d'Engleterre - et de Bretagne dessus nommet eurent desconfis leurs - ennemis, et il perçurent que li dis messires Loeis 15 - s'en estoit partis et alés par devers les vaissiaus, il se - misent tout à aler après lui tant qu'il purent, et - laissièrent les gens del pays couvenir del remanant - et yaus vengier, et reprendre partie de chou que on - leur avoit robet. Quant il furent venu à leurs vaissiaus, 20 - il trouvèrent que li dis messires Loeis estoit - entrés en une lique qu'il avoit trouvet, et s'en aloit - fuiant tant qu'il pooit. Il entrèrent tantost ens ès - plus appareilliés vaissiaus qu'il trouvèrent là, et nagièrent - tant qu'il purent apriès le dit monsigneur 25 - Loeis, car il leur estoit avis qu'il n'avoient riens fait, - se li dis messires Loeis leur escapoit. Il eurent bon - vent si com à souhet, et le veoient toutdis nagier - devant yaus si fortement qu'il ne le pooient raconsievir. - Tant nagièrent à force de bras li maronnier 30 - monsigneur Loys qu'il parvinrent à un port que on - claime le port de Gredo. Là descendi li dis messires - Loeis et cil qui escapet estoient avoecques lui, et entrèrent - en le ville de Gredo. Il ne furent mies gramment - arresté en le ditte ville, quant il oïrent dire que li - Englès estoient arrivé, et qu'il descendoient pour yaus - combatre. Adonc se hasta li dis messires Loeis, qui 5 - ne se vei meis à pareçon contre yaus; et monta sour - petis chevaus qu'il emprunta en le ville, et s'en ala - droit par devers le cité de Rennes qui estoit assés - priès de là. Et montèrent ossi ses gens, qui peurent - recouvrer de chevaus; et qui ne peurent, il se partirent 10 - tout à pied, sievans leurs mestres. Si en y eut - pluiseurs des lassés et des mal montés ratains et raconsievis, - qui eurent mal finet quant il cheirent ens - ès mains de leurs ennemis. Toutes fois, li dis messires - Loeis d'Espagne se sauva, et ne le peurent li 15 - Englès raconsievir, et s'en vint à petite compagnie - en le cité de Rennes. - - Et li Englès et li Breton s'en retournèrent et vinrent - à Gredo, et là se reposèrent celle nuit. L'endemain, - il se remisent en chemin par mer, pour revenir 20 - à Hembon par devers le contesse leur dame, - mais il eurent vent contraire. Si leur couvint prendre - terre à trois liewes priès de le ville de Dinant; - puis se misent au chemin par terre, ensi qu'il peurent, - et gastèrent le pays entours Dinant. Et prendoient 25 - chevaus telz que cescuns pooit trouver, li - uns à selle, li aultres sans selle, et alèrent tant - qu'il vinrent une nuit assés priès de Roceperiot. - Quant il furent là venu, messires Gautiers de Mauni - dist certainement à ses compagnons: «Signeur, jou 30 - iroie volentiers assallir à ce fort chastiel, se jou - avoie compagnie, com travilliés que je soie, pour - assaiier se nous y porions riens conquester.» Li - aultre chevalier respondirent tuit: «Sire, alés y - hardiement, nous vous sievrons jusques à le mort.» - Adonc se misent tout à monter contremont le montagne, - tous apparilliés d'assallir. A ce point estoit laiens 5 - ycilz escuiers que on clamoit Gerard de Malain, com - chastelains, qui avoit esté prisonniers à Dignant, si - com vous avés oy, li quelz fist armer apertement toutes - ses gens et traire as garites et as deffenses; et ne se - mist point derrière, mais vint o toutes ses gens pour 10 - deffendre le chastiel. Là ot un fort assaut, dur et perilleus, - et y eut pluiseurs chevaliers et escuiers navrés, - entre les quelz messires Jehans li Boutilliers et - messires Mahieus de Frenai furent durement bleciet; - et tant qu'il les couvint raporter aval et mettre 15 - gesir en un pré avoecques les autres navrés. - - - § 173. Cilz Gerars de Malain avoit un frère, hardi - escuier et conforté durement, que on clamoit Renier - de Malain, et estoit chastelains d'un aultre petit fort - que on appelloit Fauet, qui siet à mains d'une liewe 20 - priès de Roceperiot. Quant cilz Reniers entendi que - Breton et Englès assalloient son frère, il fist armer - de ses compagnons jusques à quarante. Si issi hors - et chevauça devers Roceperiot, pour aventurer et - pour veoir se il poroit en aucune manière son frère 25 - valoir ne aidier. Se li avint si bien qu'il sourvint - sour ces chevaliers et escuiers navrés et sour leur - mesnie, qui gisoient desous le chastiel en un pré. Si - leur courut seure et prist les deux chevaliers et les - escuiers navrés, et les en fist porter et emmener par 30 - devers Fauet sa garnison en prison, ensi bleciet qu'il - estoient. Aucun de leur mesnie s'en afuirent à monsigneur - Gautier de Mauni, à monsigneur Amauri de - Cliçon et as autres chevaliers qui estoient durement - ententieu d'assallir, et leur disent l'aventure comment - on emmenoit ces chevaliers et escuiers par devers 5 - Fauet en prison, et comment il avoient estet pris. - - Quant li chevalier entendirent ces nouvelles, il furent - trop durement courouciet, et fisent cesser l'assaut, - et se misent à l'aler, tant qu'il peurent, qui - mieulz mieulz, par devers Fauet, pour raconsievir, se 10 - ilz peuissent, chiaus qui emmenoient ces prisons. Mais - il ne se peurent tant haster que li dis Reniers de Malain - ne fust ançois rentrés en son chastiel à tout ses - prisons, qu'il peuissent venir là. Quant il furent là - venu, li uns devant, li aultres après, il commencièrent 15 - à assallir, si travilliet qu'il estoient; mais petit y fisent - adonc, car li dis Reniers et si compagnon se deffendoient - vassaument. Et jà estoit tart, et tuit estoient - travilliet durement. Si eurent conseil qu'il se logeroient - et se reposeroient celle nuit, pour mieus assallir 20 - à l'endemain. - - - § 174. Gerars de Malain sceut, tantost que cil signeur - se furent parti de là, le biau fet d'armes que - ses frères Reniers avoit fait pour lui secourre; si en - eut grant joie. Et sceut que cil signeur estoient pour 25 - çou trais par devant Fauet et le conquerroient, s'il - pooient. Si se apensa que il feroit ossi biel service à - son frère, se il pooit, que ses frères li avoit fait. Si - monta tout par nuit sour son cheval et vint, un petit - devant le jour, à Dinant, et fist tant qu'il parla tantost 30 - à monsigneur Pière Portebuef, son bon compagnon, - qui estoit chapitainne et souverains de Dinant avoech - lui, si com vous avés oy, et li conta l'aventure et - pour quoi il estoit là venus. Si eurent conseil que, - sitos que jours seroit, il assambleroit tous les bourgois - de le ville, et leur demoustreroit le besongne, et 5 - les feroit armer, s'il pooit, pour aler dessegier le - chastiel de Fauet. Quant grans jours fu, et tout li - bourgois furent assamblé en le halle de le ville, Gerars - de Malain leur remoustra le besongne si bellement - que li bourgois et li saudoiier furent d'acord 10 - d'yaus armer, et de partir tantost, et d'aler là où on - les vorroit mener; et fisent sonner la bancloke, et - s'armèrent toutes gens. Puis issirent hors et se misent - à le voie, tant qu'il peurent, par devers Fauet, - et estoient bien sis mille hommes, uns et autres. 15 - Messires Gautiers de Mauni et li aultre signeur le - sceurent tantos par une espie. Si eurent conseil ensamble - pour regarder et aviser quel cose leur seroit - bon à faire: si ques, tout consideret le bien et le - mal, il se acordèrent à che que il se partiroient de 20 - là et s'en retrairoient, ensi qu'il poroient, par devers - Hembon, car grans meschiés leur poroit avenir, s'il - demoroient longement là. Car, se cil de Dinant leur - venoient d'une part, et li hos monsigneur Charle et - des signeurs de France d'autre, il seroient enclos. Si 25 - seroient tout pris ou mors, à le volenté de leurs ennemis. - Si se acordèrent à che que leurs milleurs poins - estoit de laissier leurs compagnons en prison, que - tout perdre, jusques adonc qu'il le poroient amender. - Lors se partirent de là, et se misent à le voie pour 30 - revenir à Hembon. - - Ensi qu'il revenoient vers Hembon, il vinrent passant - par devant un chastiel que on claime Ghoy le - Forest, qui quinze jours devant estoit rendus à monsigneur - Charle de Blois. Et l'avoit li dis monsigneur - Charle livret pour garder à monsigneur Hervi - de Lyon et à monsigneur Gui de Ghoy, qui en devant 5 - le tenoit. Li quel doy chevalier n'estoient point - laiens, quant cil signeur englès et breton vinrent - là passant; ains estoient en l'ost monsigneur Charle, - avoecques les signeurs de France, par devant le - ville de Craais qu'il avoient assegiet. Quant messires 10 - Gautiers de Mauni vei le chastiel de Ghoy le - Forest qui estoit merveilleusement fors, il dist à ces - signeurs et chevaliers de Bretagne, qui estoient avoecques - lui, qu'il n'iroit plus avant ne se partiroit de là, - com travilliés qu'il fust, se aroit assallit à ce fort 15 - chastiel, et aroit veu le couvenant de chiaus qui estoient - dedens. Si commanda tantost as arciers que - cescuns le sievist, et à ses compagnons ossi. Puis - prist se targe à son col et monta contremont jusques - as bailles et as fossés dou chastiel, et tout li aultre 20 - Breton et Englès le sievirent. Lors commencièrent - fortement à assallir, et cil de dedens fortement à - yaus deffendre, comment qu'il n'euissent point leur - chapitainne. Là eut très fort assaut et grant fuison - de bien faisans dedens et dehors, et dura longement 25 - jusques à basses vespres. Et cilz bons chevaliers messires - Gautiers de Mauni semonnoit fortement les assallans, - et se mettoit toutdis au devant des aultres - ou plus grant peril. Et li arcier traioient si (ouniement[392]) - que cil dou chastiel ne s'osoient moustrer se 30 - petit non. Si fisent li dis messires Gautiers et si compagnon, - que li fosset furent rempli, à l'un des costés, - d'estrain et de bois, par quoi il parvinrent jusques - as murs, et pikièrent tant de grans maulz de fer, de - pik et de martiaus, que li murs fu trawés une toise 5 - de large. Si entrèrent li dit Englès et Breton dedens - che chastiel par force, et tuèrent tous chiaus qu'il y - trouvèrent, et se logièrent là endroit. L'endemain, il - se misent au chemin, et alèrent tant en tel manière - qu'il vinrent à Hembon. Et d'autre part Gerars de 10 - Malain, qui estoit à Dinant venus querre le secours, - et qui l'en menoit par devers Fauet, esploita tant - avoecques chiaus qu'il en menoit, qu'il parvinrent à - Fauet, et trouvèrent que li Englès et li Breton s'en - estoient parti. Si issi Reniers de Malain contre yaus 15 - et les rechut liement; et se logièrent là ens ès prés - tant qu'il eurent disnet, et puis s'en retournèrent à - Dinant. - - [392] Mss. B4, 3, fo 84.--Ms. B1, fo 127: «onniement.» - - § 175. Quant la contesse de Montfort sceut nouvelles - de le revenue des dessus dis Englès et Bretons, 20 - si en fu grandement resjoie. Si ala contre yaus et les - festia liement, et baisa et acola cescun de grant coer. - Et avoit fait apparillier ens ou chastiel pour yaus - mieulz festiier, et donna à disner moult noblement à - tous les chevaliers et escuiers de renom; et leur demanda 25 - moult ententievement de leurs aventures, - comment que elle en seuist jà grant partie. Cescuns - compta che qu'il en savoit, et des bienfaisans che - que cescuns en avoit veu. Là endroit furent ramenteues - maintes proèces, pluiseurs travaus, maint grant - fait d'armes et perilleus, et maintes hardies emprises 30 - faites par chiaus qui là furent; (ce pèvent et doivent - savoir ceulx qui ont[393]) esté souvent en armes, et les - doit on tenir et reputer pour preus. Mais sus tous - en portoit le huée et le chapelet messires Gautiers - de Mauni. 5 - - [393] Ms. B3, fo 86 vo.--Mss. B1, 4, fo 127 vo: «poent et - doient.» - - A ce point que cil signeur englès et breton furent - revenu à Hembon y messires Charles de Blois avoit - reconquis le bonne cité de Vennes, et avoit assegiet - le bonne (ville[394]) que on claime Craais. Et - l'avoit durement astrainte, par quoi elle ne se pooit 10 - longement tenir sans avoir secours. Par coi la contesse - de Montfort et messires Gautiers de Mauni envoiièrent - tantost au roy Edowart pour segnefiier à - lui comment messires Charles de Blois et li aultre - signeur de France et leurs aidans avoient reconquis 15 - les cités, Rennes, Vennes et les aultres bonnes villes - et chastiaus de Bretagne, et qu'il conquerroient tout - le remanant, s'il ne les venoit secourir temprement. - Chil message se departirent de Hembon, et s'en alèrent - en Engleterre, tant qu'il peurent. Et arivèrent en 20 - Cornuaille, et enquisent et demandèrent là dou roy - où il le trouveroient. Il leur fu dit qu'il estoit à Windesore. - Si chevaucièrent celle part à grant esploit. - - [394] Mss. B4, 3, fo 84 vo.--Ms. B1 (lacune). - - Or nous soufferons nous un petit à parler de ces - messagiers, et retournerons à monsigneur Charle de 25 - Blois et à chiaus de son costé qui avoient assegiet le - ville de Craais; et tant le constraindirent, par assaus - et par engiens, qu'il ne se peurent plus tenir et se - rendirent à monsigneur Charle, salve leurs biens et - leur avoir, li quelz dis messires Charles les prist à - merci. Et cil de Craais li jurèrent feaulté et hommage, - et le recogneurent à signeur. Si y mist li dis - messires Charles nouviaus officiers qui li jurèrent - loyaulté à tenir, et leur delivra un bon chevalier à 5 - chapitainne en qui moult il se confioit. Et sejournèrent - là li dit signeur pour yaus et leurs gens rafreschir, - bien quinze jours. Là en dedens eurent il - conseil et avis qu'il se trairoient par devant le ville - de Hembon. 10 - - - § 176. Adonc se departirent li dessus dit signeur, - baron et chevalier de France, de Craais, et se traisent - moult arreement devant le forte ville de Hembon, - qui durement estoit renforcie et bien ravitaillie et - pourveue de toute artillerie. Et si le assegièrent tout 15 - au tour, si avant comme assegier le peurent. - - Le quatrime jour apriès que cil signeur s'i furent - mis et trait à siège, y vint messires Loeis d'Espagne qui - s'estoit tenus en le cité de Rennes bien six sepmainnes, - et là fait curer et medeciner de ses plaies. Si le 20 - veirent tout li signeur moult volentiers et le reçurent - à grant joie, car il estoit moult honnerés et amés - entre yaus, et tenus pour très bon homme d'armes - et vaillant chevalier. Et telz estoit il vraiement. Et - ossi il y avoit bien cause qu'il le festiaissent, car il 25 - ne l'avoient veu puis la bataille dessus ditte. La - compagnie des signeurs de France estoit grandement - montepliie, et acroissoit tous les jours. Car grant - fuison de signeurs de France et de chevaliers revenoient - de jour en jour dou roy d'Espagne, qui guerrioit 30 - adonc au roy de Grenate et as Sarrasins: si - ques, quant il passoient par Poito et il ooient nouvelles - des guerres qui estoient en Bretagne, il s'en - aloient celle part. - - Li dis messires Charles avoit fait drecier quinze - ou seize grans engiens qui gettoient grandes pières 5 - as murs de Hembon et à le ville. Mais cil de dedens - n'i acontoient nient gramment, car il estoient fort - paveschiet et garitet à l'encontre. Et venoient à chiés - de fois as murs et as crestiaus, et les frotoient et - passoient de leurs caperons par despit. Et puis 10 - crioient, quanqu'il pooient, en disant: «Alés, alés - requerre et raporter vos compagnons qui se reposent - au camp de Camperli!» De quoi, pour ces - parolles, messires Loeis d'Espagne et li Geneuois - avoient grant ireur et grant despit. 15 - - - § 177. Un jour vint li dis messires Loeis d'Espagne - en l'entente monsigneur Charle de Blois et li - demanda un don, present fuison de grans signeurs - de France qui là estoient, en guerredon de tous les - services que fais li avoit. Li dis messires Charles ne 20 - savoit mies quel don il voloit demander, car, se il - le seuist, jamais ne li euist acordé; se li ottria legierement, - pour tant que il se sentoit moult tenus à - lui. Quant li dons fu ottriiés, messires Loeis dist: - «Monsigneur, grant mercis. Je vous pri donc et requier 25 - que vous faites ci venir tantost les deus chevaliers - qui sont en vostre prison en Fauet, monsigneur - Jehan le Boutillier et monsigneur Mahieu de Frenai, - et le(s) me donnés pour faire me volentet: c'est li - dons que je vous demande. Il m'ont cachiet, desconfit 30 - et navret et ont tuet monsigneur Aufons, mon - neveut, que je tant amoie. Si ne m'en sçai aultrement - vengier que je leur ferai les testes coper, par devant - leurs compagnons qui laiens sont enfremet.» Li dis - messires Charles fu tous esbahis, quant il oy monsigneur - Loeis ensi parler. Si li dist courtoisement: 5 - «Certes, sire, les prisons vous deliverai je moult volentiers, - puisque demandés les avés. Mais ce seroit - cruautés et peu d'onneur pour vous et grans blasmes - pour nous tous, se vous faisiés de deus si vaillans - hommes que cil sont, che que dit avés, et nous seroit 10 - à tous jours reprouvet. Et aroient nostre ennemi - bien cause des nostres faire ensi, quant tenir les poront, - et nous ne savons que à venir nous est de jour - en jour. Pour quoi, chiers sires et biaus cousins, si - vous voelliés mieulz aviser.» Messires Loeis d'Espagne 15 - respondi et dist briefment qu'il n'en feroit - aultrement, se tout li signeur del monde en prioient: - «Et se vous ne me tenés couvent, saciés que je me - partirai de ci, et ne vous servirai ne amerai tant que - je vive.» 20 - - Messires Charles vei bien et perçut que c'estoit - acertes: si n'osa couroucier plus avant le dit monsigneur - Loeis; ains envoia tantos certains messages - au chastellain de Fauet, pour les dessus dis - chevaliers amener en son host. Ensi que commandé 25 - fu, ensi fu fait. Li doi chevalier furent amenet un - jour assés matin en le tente monsigneur Charle de - Blois. Quant messires Loeis d'Espagne les sceut - venus, il les ala tantost ve(o)ir. Ossi fisent pluiseur des - signeurs et des chevaliers qui les seurent venus. 30 - Quant li dis messires Loeis les vit, il leur dist: - «Ha! signeur chevalier, vous m'avés bleciet del - corps et ostet de vie mon chier neveu que je tant - amoie. Si convient que vostre vie vous soit ossi - (ostée[395]). De chou ne vous poet nuls garandir. Si - vous poés confesser, s'il vous plest, et priier merci à - Nostre Signeur, car vos daarrains jours est venus.» Li 5 - doi chevalier furent durement abaubit de ces parolles, - ce fu bien raisons, et disent qu'il ne pooient - croire que vaillans hommes ne gens d'armes deuissent - faire ne consentir tèle cruaulté que de mettre à - mort chevaliers (pris[396]) en fais d'armes, pour guerres 10 - de signeurs; et se fait estoit par oultrage, aultre gent - pluiseur, chevalier et escuier, le poront bien comparer - en semblable cas. Li aultre signeur, qui là estoient - et ooient ces parolles, en avoient grant pité. - Mais, pour priière ne pour pluiseurs bonnes raisons 15 - que il peuissent faire ne moustrer au dit monsigneur - Loeis, il ne le peurent oster de son pourpos qu'il ne - convenist que li doi dessus dit chevalier ne fuissent - decolet apriès disner, tant estoit li dis messires Loeis - courouciés et aïrés sur yaus. 20 - - [395] Mss. B4, 3, fo 85 vo.--Ms. B1, fo 129 (lacune). - - [396] Mss. B4, 3, fo 85, vo.--Ms. B1 (lacune). - - - § 178. Toutes les parolles, demandes et responses, - qui premiers furent dittes entre monsigneur Charle - et le dit monsigneur Loeis à l'ocquison de ces deus - chevaliers, furent tantost sceues à monsigneur Gautier - de Mauni et à monsigneur Amauri de Cliçon, par 25 - espies qui toutdis aloient couvertement de l'une - host en l'autre. Ossi furent toutes ces parolles daarrainnement - dittes, quant li doi chevalier furent amenet - en le tente monsigneur Charle. Et quant messires - Gautiers de Mauni et messires Amauris de - Cliçon oïrent ces nouvelles et entendirent que c'estoit - acertes, il en eurent grant pité. Si appellèrent - aucuns de leurs compagnons et leur remoustrèrent 5 - le meschief des deux chevaliers leurs compagnons, - pour avoir conseil qu'il en poroient faire. Puis commencièrent - à penser, li uns (chà[397]) et li aultres là, et n'en - savoient qu'aviser. Au daarrain, commença à parler li - preus chevaliers messires Gautiers de Mauni et dist: 10 - «Signeur compagnon, ce seroit grans honneurs pour - nous, se nous poyons ces deus chevaliers sauver. - Et, se nous nos metons en aventure dou faire, et se - falissiens, si nous en saroit li rois Edowars, nos sires, - grant gré. Ossi feroient tout preudomme qui en 15 - oroient parler, quant nous en arions fait nostre - pooir. Si vous en dirai mon avis, se vous avés talent - de l'entreprendre. Car il me samble que on doit - bien le corps aventurer, pour les vies de deus vaillans - chevaliers sauver. Jou ay visé, se il vous plaist, 20 - que nous nos irons armer, et nous partirons en deus - pars, dont li une des pars istera maintenant, ensi - que on disnera, par ceste porte; et si en iront li - compagnon rengier et moustrer sus ces fossés, pour - estourmir l'ost et pour escarmucier. Bien croi que 25 - tout cil de l'host acourront tantost celle part. Vous, - messires Amauris, en serés chapitainne, s'il vous - plest, et arés avoecques vous mille bons arciers, - pour les sourvenans detriier et faire reculer. Et je - prenderai cent de nos campagnons et cinq cens arciers, 30 - et isterons par celle posterne d'autre part couvertement, - et venrons par derrière ferir en lors logeis - que nous trouverons vuides. Jou ay moult bien - avoecques mi tèle gent, qui scèvent bien le voie as - tentes monsigneur Charle, là où li doi chevalier sont. 5 - Si me trairai celle part, et je vous creanch que jou - et mi compagnon ferons nostre pooir dou delivrer, - et les ramenrons à sauveté, s'il plest à Dieu.» - - [397] Mss. B4, 3 fo 85 vo.--Ms. B1 (lacune). - -Cilz consaulz et avis plaisi à tous; et se alèrent armer et apparillier -incontinent. Et se parti droit sus 10 l'eure dou disner messires -Amauris de Cliçon à trois cens armeures de fier et mille arciers, (et -fist ouvrir[398]) le souverainne porte de le ville de Hembon, dont li -chemins aloit droit en l'ost. Si coururent li Englès et li Breton, qui -à cheval estoient, jusques en l'ost, 15 en demenant grans cris et grans -hus. Et commencièrent à reverser et à abatre tentes et trés, et à tuer -et decoper gens où il les trouvoient. Li hos qui fu toute effraée se -commença à estourmir. Et se armèrent toutes manières de gens au plus -tost qu'il peurent, 20 et se traisent devers les Englès et Bretons qui -les recueilloient vistement. Là eut dure escarmuce et forte, et maint -homme reversé d'un lés et d'autre. Quant messires Amauris de Cliçon vei -que li hos s'estourmissoit, et que priès estoient tout armé et 25 trait -sus les camps, il retraist ses gens tout bellement, et tout en -combatant, jusques devant les bailles de le ville. Adonc s'arrestèrent -il là tout quoi. Et li arcier estoient tout rengié sus le chemin, d'un -lés et d'autre, qui traioient saiettes à pooir; et Geneuois retraioient -30 ossi efforciement contre yaus. Là commença li hustins grans et -fors; et y acoururent cil de l'host que onques nulz n'i demora, fors li -varlet. - - [398] Mss. B4, 3, fo 86.--Ms. B1, fo 129 vo (lacune). - - Endementrues, messires Gautiers de Mauni et se - route issirent par une posterne couvertement, et vinrent 5 - par derrière l'ost ens ès tentez et ens ès logeis des - signeurs de France. Onques ne trouvèrent homme qui - leur veast, car tout estoient à l'escarmuce devant les - fossés. Et s'en vint li dis messires Gautiers de Mauni - tout droit, car bien avoit qui le menoit en le tente 10 - monsigneur Charle de Blois. Et trouva les deus chevaliers, - monsigneur Hubert de Frenai et monsigneur - Jehan le Boutillier, qui n'estoient mies à leur aise; - mais il le furent si tost qu'il veirent monsigneur - Gautier et se route, ce fu bien raisons. Si furent 15 - tantost montés sus bons coursiers que on leur avoit - amenés. Si se partirent et furent ensi rescous, et - rentrèrent dedens Hembon par le posterne meismes - par où il estoient issu. Et vint la contesse de Montfort - contre yaus, qui les rechut à grant joie. 20 - - - § 179. Encores se combatoient li Englès et li Breton - qui estoient devant les barrières et ensonnioient, - de fait avisé, chiaus de l'host tant que li doy chevalier - fuissent rescous, qui jà l'estoient. Et en vinrent - les nouvelles as signeurs de France qui se tenoient à 25 - l'escarmuce. Et leur fu dit: «Signeur, signeur, vous - gardés mal vos prisonniers; jà les ont rescous cil de - Hembon et remis dedens leur forterèce.» Quant - messires Loeis d'Espagne, qui là estoit à l'assaut, entendi - chou, si fu durement courouciés, et se tint 30 - ensi que pour tous deceus. Et demanda quel part li - Englès et li Breton estoient, qui rescous les avoient. - On li respondi qu'il estoient jà ou priès retrait en - leur garnison. Dont se retrest messires Loeis d'Espagne - vers les logeis tous mautalentis, et laissa la - bataille, si com par anoy. Ossi se commencièrent 5 - à retraire toutes aultres manières de gens. En che - retret furent pris doi chevalier breton de le partie le - contesse, qui trop s'avancièrent: che furent li sires - de Landreniaus et li chastellains de Ginghant, dont - messires Charles de Blois eut grant joie. Depuis que 10 - cil de Hembon furent retrait, et cil de l'host ossi, - menèrent li Englès grant joie et grant reviel de leurs - deux chevaliers qu'il ravoient, et en loèrent grandement - monseigneur Gautier de Mauni; et disent bien - que par son sens et se hardie entrepresure il avoient 20 - été rescous. Ensi se portèrent il d'une part et d'autre. - Celle meisme nuit, furent en le tente monsigneur - Charle de Blois tant preeciet et si bien li chevalier - breton dessus nommet, qu'il se tournèrent de le partie - monsigneur Charle, et li fisent feaulté et hommage, - et relenquirent la contesse qui maint bien lor - avoit fait et pluiseurs dons donnés. De quoi on parla - moult et murmura sus leur afaire dedens le ville de - Hembon. - - Trois jours apriès ceste avenue, tout cil signeur de 25 - France, qui là estoient au siège par devant Hembon, - se assemblèrent en le tente monsigneur Charle de - Blois, pour avoir conseil qu'il feroient, et comment il - se maintenroient de ce jour en avant. Et bien lor - besongnoit d'avoir bon conseil, car il veoient bien que 30 - li ville et li chastiaus de Hembon estoient si fort - qu'il n'estoient mies pour gaegnier, tant avoit dedens - de bonnes gens d'armes qui moult petit les doubtoient, - ensi qu'il estoit apparut; et leur venoient tous - les jours pourveances et vitailles par le mer. D'autre - part, li pays d'entour estoient si gastet qu'il ne savoient - mies où aler fourer. Et si leur estoit li yvier 5 - proçains, par quoi il ne pooient là longement demorer: - si ques, tous ces poins considerés, il s'acordèrent - tout communalment qu'il se partiroient de là. - Et consillièrent en bonne foy à monseigneur Charle - de Blois qu'il mesist par toutes les cités, les bonnes 10 - villes et les forterèces qu'il avoit conquises, bonnes - garnisons et fortes, et si vaillans chapitains qu'il se - peuist affiier en leur garde; par quoi li ennemi ne les - peuissent reconquerre; et se ossi aucuns vaillans homs - se voloit entremettre de prendre et de donner une 15 - triewe jusques à la Pentecouste, il s'i acordast legierement. - - - § 180. A ce conseil se tinrent tout cil qui là estoient, - car c'estoit entre le Saint Remi et le Toussains, - l'an de grasce mil trois cens quarante deux, que li 20 - yviers approçoit. Si se partirent tout cil de l'host, - signeur et aultre; si s'en rala cescuns en se contrée. - Et li dis messires Charle de Blois s'en ala droit par - devers le ville de Craais à tout ces barons et nobles - signeurs de Bretagne, qu'il avoit là endroit de se 25 - partie; si retint avoech li pluiseurs signeurs et chevaliers - de France pour lui aidier à consillier. Quant - il fu venus à Craais, entrues qu'il entendoit à ordener - de ses besongnes et de ses garnisons, il avint que - uns riches bourgois et grans marcheans, qui estoit 30 - de le ville que on claime Jugon, fu encontrés de son - mareschal monseigneur Robert de Biaumanoir, et fu - pris et amenés à Craais par devant monsigneur - Charle de Blois. Chilz bourgois faisoit toutes les - pourveances madame la contesse de Montfort à Jugon - et aultre part, et estoit moult amés et creus en le 5 - ville de Jugon qui est moult fortement fremée et sciet - très noblement. Ossi fait li chastiaus, qui est biaus et - fors, et de le partie le contesse dessus ditte. Et en - estoit chastelains adonc, de par la dame, uns chevaliers - moult gentilz homs que on clamoit monseigneur 10 - Gerard de Rocefort. - - Chilz bourgois, qui ensi fut pris, eult moult grant - paour de morir; si pria que on le laissast passer par - raençon. Messires Charles, briefment à parler, le fist - tant examiner et enquerre de unes causes et d'autres, 15 - qu'il encouvenença de rendre et trahir le forte ville - de Jugon. Et se fist fors de livrer l'une des portes par - nuit à certainne heure, car il estoit tant creus en le - ville qu'il en gardoit les clés; et pour chou mieulz - assegurer, il en mist son fil en hostage. Et li dis messires 20 - Charles l'en devoit et avoit prommis à donner - cinq cens livrées de terre hiretablement. Cilz jours - vint; les portes furent ouvertes à mienuit. Messires - Charles et ses gens entrèrent en le ville de Jugon à - celle heure, à grant poissance. Li gette dou chastiel 25 - s'en perchut; si commença à criier: «As armes, (as) - armes! Trahi! Trahi!» Li bourgois, qui de ce ne se - donnoient garde, se commencièrent à estourmir. Et - quant il veirent leur ville perdue, il se mirent au - fuir par devers le chastiel par tropiaus. Et li bourgois, 30 - qui trahis les avoit, se mist à fui(r), par couvreture, - avoecques yaus. Quant li jours fu venus, messires - Charles et ses gens entrèrent ens ès maisons des - bourgois pour herbergier, et prisent ce qu'il trouvèrent. - Et quant messires Charles de Blois vei le chastiel - si fort et si emplit de bourgois, il dist qu'il ne s'en - partiroit de là jusques adonc qu'il aroit le chastiel à 5 - se volenté. Li chastelains et li bourgois de le ville - perçurent bien tantost que cilz bourgois les avoit - trahis; si le prisent et le pendirent tantost as crestiaus - et as murs dou chastiel. - - Et pour ce ne s'en partirent mies messires Charles 10 - et ses gens, mais s'ordonnèrent et appareillièrent pour - assallir fortement et durement. Quant cil qui dedens - le chastiel se tenoient, veirent que messires Charles - ne se partiroit point ensi jusques adonc qu'il aroit le - chastiel, ensi qu'il avoit dit, et sentoient qu'il n'avoient 15 - mies pourveances assés pour yaus tenir plus - hault de dix jours, il s'acordèrent à ce qu'il se renderoient. - Si en commencièrent à trettier; et se porta - trettiés entre yaus et monsigneur Charle qu'il se rendirent - quittement et purement, salve leurs corps et 20 - leurs biens qui demoret leur estoient. Et fisent feauté - et hommage à monsigneur Charle de Blois, et le recogneurent - à signeur, et devinrent tout si homme. - Ensi eut messires Charles le bonne ville et le fort - chastiel de Jugon, et en fist une bonne garnison, et 25 - y laissa monsigneur Gerard de Rocefort à chapitainne, - et le rafreschi d'autres gens d'armes et de - pourveances. De ces nouvelles furent la contesse de - Montfort et cil de sa partie tout courouciet, mais - amender ne le porent; se leur couvint porter leur 30 - anoi. - - Endementrues que ces coses avinrent, s'ensonniièrent - aucun preudomme de Bretagne de parlementer - une triewe entre le dit monsigneur Charle et - la contesse, la quèle s'i acorda legierement. Et ossi - fisent tout si aidant, car li rois d'Engleterre leur - avoit ensi mandet par les messages que la ditte contesse 5 - et messires Gautiers de Mauni y avoient envoiiés. - Et tantost que ces triewes furent affremées, la - contesse se mist en mer en instance de ce que pour - arriver en Engleterre, ensi que elle fist, et pour parler - au roy englès et li remoustrer toutes ses besongnes. 10 - Or me tairai atant de le contesse de Montfort, - si parleray dou roy Edowart. - - -FIN DU SECOND VOLUME. - - - - -VARIANTES. - - - - -VARIANTES. - - -=§ 99.= P. 1, l. 1: Quant li rois.--_Ms. de Rome_: Vous devés sçavoir -que li rois Phelippes de France fu enfourmés moult dur et très -fellement et estragnement de son cousin le conte de Hainnau et des -Hainnuiers de la cavauchie que il fissent à Aubenton et en la Tierasse. -Et l'en fu repris assés plus que il n'en avoit esté, et tant que li -rois dist que il i pourveroit, et s'enfellonnia trez grandement et bien -à certes sus son cousin le conte de Hainnau. - -Li contes Loeis de Flandres et la contesse Margerite sa fenme se -tenoient pour lors à Paris dalés le roi; et couvenoit de pure necessité -que li rois les aidast à soustenir lor estat, car des rentes et -revenues de Flandres il n'avoient nulles. Toutes estoient tournées à la -volenté Jaquemon d'Artevelle, poursievoites et recheues par recheveurs -qui en rendoient compte au dit d'Artevelle et as aultres honmes deputés -à ce oïr et ordonner, bourgois de Gant, de Bruges, d'Ippre et de -Courtrai. Et toutes ces revenues recheutes estoient misses et tournées -en seqestre, afin, se li pais avoit à faire, que on trouvast cel argent -apparilliet, ou que li contes lors sires vosist retourner avoecques -euls, et estre bons et loiaus Flamens sans nulle dissimulation, car ce -que Jaques d'Artevelle aleuoit et despendoit et tenoit son estat, -estoit pris par asignation sus certainnes tailles, les quelles estoient -faites et ordonnées à paiier toutes les sepmainnes. Li contes de -Flandres poursievoit le roi de France et son consel trop fort que il -vosist rendre painne à ce que li Flamenc fuissent obeisant à lui; et là -où il ne le vodroient estre, que la painne où il s'estoient obligiet -par sentense de pape, fust donnée sus euls. - -Li rois de France, qui consideroit toutes ces coses, et qui veoit que -li Flamenc estoient trop fort rebelle à lui, et qui queroient aliances -estragnes as Alemans, as Braibençons, as Hainnuiers et as Englois, et -tout estoit en euls fortefiant et à l'encontre de li, les euist -volentiers ratrais par douces et amiables paroles, se ils peuist, non -par rigeur ne par manaces. Si envoia son connestable le conte Raoul -d'Eu et de Ghines, le signeur de Montmorensi et le signeur de Saint -Venant, et de prelas l'evesque de Paris et l'evesque de Chartres, en la -chité de Tournai pour tretiier as Flamens. Et fissent tant chil -signeur, conmissaire de par le roi de France, que les consauls des -bonnes villes de Flandres vinrent parler à euls à Tournai. Là ot grans -tretiés et lons et pluisseurs paroles proposées et remoustrées; mais li -Flamenc, qui à Tournai estoient, avoient lor carge tèle que d'Artevelle -lor avoit bailliet, et metoient en termes que, qant li rois Phelippes -lor renderoit Lille, Douai et Bietune et les apendances, et li pais de -Flandres en seroit remis en posession, il entenderoient à ses tretiés -et non aultrement. Chil conmissaire n'avoient pas lor carge si avant -que de respondre au ferme de ceste matère. Et pour ce fallirent li -tretié, et retournèrent li signeur en France. - -Qant li rois vei que il n'en aueroit aultre cose, il envoia deviers le -pape Clement VIme, qui pour ce temps resgnoit, unes lettres moult -fortes ens ès quelles tous li pais de Flandres estoit loiiés et -obligiés et sus sentens de pape; et prioit li rois que il vosist -proceder sus. Li papes Clemens vei que li rois de France le requeroit -de raison. Si jeta sentense generale et publ(iqu)e sus les Flamens et -sus toute Flandres, et envoia ses bulles d'esqumenication as -diocesains, tels que l'evesque de Cambrai, l'evesque de Tournai et -l'evesque de Tieruane. Et n'osa uns lonch temps nuls prestres par tout -le pais de Flandres chanter messe, sus privation de benefice et estre -encourus en sentense de esqumenication. Qant Jaquemes d'Artevelle et li -pais de Flandres veirent ce, il escrisirent deviers le roi d'Engleterre -le dangier où tous li pais de Flandres estoit; et li priièrent que, -qant il retourneroit deçà la mer, que il vosist amener en sa compagnie -des prestres d'Engleterre, par quoi Diex fust servis en Flandres, -maugré le pape d'Avignon et le roi Phelippe. Li rois d'Engleterre -entendi à ceste priière trop volentiers, pour complaire as Flamens; et -ne vosist point que les coses se portaissent aultrement en Flandres; et -lor remanda, par ceuls meismes qui ces lettres avoient aporté, que il -ne fuissent en nul soussi, il lor en menroit assés. Ensi s'apaisièrent -li Flamenc; et se passèrent au mieuls que il porent d'aler au moustier, -tant que li rois d'Engleterre fu retournés en Flandres. Et estoient li -prestre moult courouchiet en Flandres de ce que point ne chantoient, -car il perdoient les offrandes. Fo 55. - -P. 1, l. 5 et 6: Normendie.--_Ms. B 6_: «Jehan beau filz, prendés de -mes gens tant que vous vorés avoir, et cheminés devers Haynau et -contrevengiés sur mon nepveu les despis que il nous a fait. Et ne -deportés ville ne hamel; mettés tout en feu et en flame. Et se nulle -assamblée se fait contre vous de gens d'armes, sy m'en escripsiés: je y -envoyeray tantost tant de gens que pour combatre tous venans.» A ches -parolles obey le duc de Normendie moult vollentiers, car ossy il -desiroit grandement à venir en Haynau et visseter le pais, car point -n'amoit son cousin le conte de Haynau. Fos 135 et 136. - -P. 1, l. 10: le conte.--_Ms. d'Amiens_: Or vous parlerons dou comte de -Laille qui estoit partis de Paris comme liutenant dou roy de Franche -ens ès marches de Gascoingne, et fist tant par ses journées qu'il vint -à Thoulouse où il avoit fait son mandement. Quant li gentil homme dou -pays seurent se venue, si en furent tout joyant, car au voir dire il -estoit moult vaillans chevaliers et preudoms et améz de touttes gens -d'armes. Si se hastèrent encorres plus que devant et s'en vinrent tout -deviers lui, car c'estoit sen entente que de faire une forte gherre en -Bourdelois et en le terre qui se tenoit dou roy englès. Et se parti de -Toulouse et vint à Montalban[399] à plus de trois mille lances et dix -mille[400] bidaus et Thoulousains à gavrelos et à pavais. Et avoit li -comtes de Laille adonc de se delivranche et de se carge mout de bonne -gens, telz que le comte de Villemur, le comte de Commignes, le comte de -Pierregort, le visconte de Bruniqiel, le visconte de Talar, le visconte -de Murendon, le visconte de Quarmaing et le visconte de Lautrec et -pluisseurs bons chevaliers et hardis. Et se partirent de Montalben et -entrèrent en le ducé d'Aquitainne et coummenchièrent à gueriier le pays -et à assegier fortrèches et à prendre prisonniers et à faire mout de -desrois en le terre de Labreth et de Pummier et sus le terre le -seigneur de Lespar et le seigneur de Tarse et le seigneur de Muchident, -liquel n'estoient mies adonc fort pour resister contre yaus. -Nonpourquant il fisent ossi tamainte chevauchie sur yaus. Une heure -perdoient, l'autre gaegnoient, ensi que fait de guerre se poursuioit; -mès touttes fois li comtes de Laille et ses routtes tenoient les camps. -Fo 40. - - [399] _Ms. de Valenciennes_: au mont Saint Albain, Fo 91 vo. - - [400] _Ms. de Valenciennes_: trois mille sergans à lances et à - pavais. Fo 91 vo. - -P. 1, l. 10: de (Lille).--_Mss. A 8 à 10, 15 à 17_: de Lille. Fo -49.--_Mss. A 7, 23 à 33_: de Laille. Fo 49.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 -à 22, 34 à 36_: de Laigle. Fo 53 vo[401]. - - [401] A partir du présent volume, toutes les fois qu'une variante - est fournie par les mss. _A 1 à 6_, le fo indiqué à la fin de la - variante sera toujours le fo du ms. _A 2_ (2649 de notre - Bibliothèque impériale). - -P. 2, l. 10: Kieret.--_Ms. d'Amiens_: A monsigneur Pière Bahucet. Fo -39. - -P. 2, l. 10: Barbevaires.--_Mss. A 1 à 6, 8 à 17, 20 à 22_: Barbenoire. -Fo 54.--_Mss. A 7, 18, 19, 34 à 37_: Barbenaire. Fo 49. - -P. 3, l. 14: Clement VI.--_Ms. d'Amiens_: qui nouvellement estoit -creés. Fo 39 vo. - -P. 3, l. 16: en Flandres.--_Ms. d'Amiens_: car il estoit pappes en son -pays et en touttes les terres qui de lui se tiennent, et de ce est il -bien previlegiiés. Fo 39 vo. - - -=§ 100.= P. 4, l. 2: de Douay.--_Les mss. A 11 à 14 ajoutent_: de -Bethume. Fo 52 vo. - -P. 4, l. 8: dou Fay.--_Le ms. de Rome ajoute_: li sires de Chastellon, -mesires Lois de Chalon. Fo 55. - -P. 4, l. 9 et 10: trois cens.--_Ms. d'Amiens_: deux cens. Fo 39 -vo.--_Mss. A 1 à 6_: quatre cens. Fo 54.--_Ms. de Rome_: et furent bien -cinq cens lances, parmi le signeur de Wauvrin, capitaine de Douai, et -le chapitainne de Lille, et quatre cens arbalestriers et bien siis -mille honmes de piet. Fo 55 vo. - -P. 4, l. 14: devant soleil levant.--_Ms. d'Amiens_: environ heure de -prime. Fo 39 vo.--_Ms. de Rome_: et se quatirent tant que les bonnes -gens de la ville orent mis hors lor bestail, vaces, pors, buefs et -brebis. Fo 55 vo. - -P. 4, l. 15: as portes.--_Ms. d'Amiens_: Mès jà avoient il estet de -venue jusquez as portes de Courtrai et ochis hommes et femmes, et ars -tous les fourbours au lez deviers Tournay, et pluisseurs maisons et -cours environ Courtray. Fo 39 vo.--_Ms. de Rome_: et fuissent bien -entré dedens la porte qui sciet ou cemin de Tournai, se il vosissent. -Fo 55 vo. - -P. 4, l. 19: le Warneston.--_Ms. d'Amiens_: aqueillans et menans tout -devant yaux jusquez au Warneston. Fo 39 vo.--_Ms. de Rome_: et prissent -honmes, fenmes et enfans, et cachièrent tout devant euls, et fissent -par lors varlès bouter le feu ens ès fourbours; et furent tout ars et -la proie aquellie. Et se missent li François tout souef au retour, et -tout caçoient devant euls, et vinrent à Dotegnies, et fu la ville toute -arse. Fo 55 vo. - -P. 4, l. 21 et 22: ce jour.--_Ms. de Rome_: au soir. Fo 55 vo. - -P. 4, l. 22: dix mille.--_Mss. A 11 à 14_: douze mille. Fo 52 vo. - -P. 4, l. 23: que pors.--_Ms. d'Amiens_: trois mille pors et deus mille -grosses bestes. Fo 39 vo.--_Ms. de Rome_: et bien cinq cens honmes, que -fenmes, que enfans, qui depuis furent rançonné; et auquns on laissa -aler pour l'amour de Dieu. Fo 55 vo. - -P. 4, l. 27: Ces nouvelles.--_Ms. d'Amiens_: ces nouvelles et les -complaintes de chiaux de Tournay et dou pays environ. Fo 39 vo. - -P. 4, l. 30: d'Artevelle.--_Ms. B 6_: En che temps s'en vint Jaques de -Hartevelle et se party de Gand à tout grant foyson de Flamens, et avoit -intension de venir mettre le siège devant Tournay. Sy senefia son -emprise au conte de Sallebrin, qui pour le tamps se tenoit en garnison -en la ville d'Ypre, et que il i vaulsist estre. Fos 142 et 143. - -P. 4, l. 31: à Gand.--_Ms. d'Amiens_: et li fu remonstré quel dammaige -et quel despit chil de Tournay et (li) chevalier franchois avoient fet -ou pays de Flandres. Fo 39 vo. - -P. 5, l. 1: de Tournesis.--_Ms. d'Amiens_: et que briefment il venroit -asiegier Tournay et tout le communalté de Flandres, et que jà n'y -atenderoit ne roy d'Engleterre ne autre, et fist se semonsce et son -mandement très grant et très especial, et mist adonc enssamble plus de -soissante[402] mille Flamens. Fo 39 vo. - - [402] _Ms. de Valenciennes_: cinquante mille. Fo 91. - - -=§ 101.= P. 5, l. 15: Quant li doi conte--_Ms. B 6_: Le conte de -Sallebrin ne volt mie desobeyr, mais s'apresta du plus tost que il -peult; et cueilla tout ses compaignons où il povoit avoir soixante -lanches et se mist au chemin et en mena les arbalestriés de la ville -d'Ypre avec luy; et chevauchèrent devers Warneston. Or les convenoit il -passer asés près de la ville de Lille qui estoit françoise. Se(u) fu -leur aller par espies en la ville de Lille. Adonc se mirent en esbuque -cheux de Lille et firent trois agais; et en cescune (route) avoit cinq -cens compaignons. De che ne se doubtoient les Flamens et chevauchoient -sur la conduite de monsseigneur Vafflart de le Crois, qui moult -longement avoit guerriiet ceulx de Lille et porté pluiseurs domaiges. -Et sy savoit toutes les torses et les chemins de antour de Lille: sy -avoit empris de mener les Englès et Flamens sauvement et sans peril au -dehors de Lille; mais il faly à son pourpost. Car quant il vint à che -pas où il cuidoit passer, il retourna, car il y trouva tel empechement -et tel tranquis que c'estoit chose impousible de y passer. Sy fu tous -esbahis et dist ensy au conte de Sallebrin: «Monseigneur, on nous a -deffendu le voie par chy depuis que je n'y passay, et se n'y a pas -quinze jours. Je vous consaille, puisque par chy passer ne povons, que -nous retournons arière et prendons ung autre chemin où je vous menray: -(il) sera plus loing de chestuy environ trois lieues, mais nous y -serons sauvement et sans dangier de cheulx de Lille.» Adonc s'avisa et -aresta le conte de Salbrin et dist: «Il nous fault au vespre estre au -Pont de Fier, où Jacques de Hartevelle nous atent, car ensy je luy ay -mandé. Allons au bout de che fos(s)et, nous trouverons voie: cheus de -Lille ne nous quer(r)oient jamais chy.» - -Quelle chose que messire Wafflars desist ne quelle cose que il leur -remonstrast, oncques le conte de Sallebrin ne le volt croire que il ne -alast au debout du fosset; et puis les entra en ung vert chemin qui -tout droit les mena là où cheulx de Lille avoient fait leur embusque. -Et ne s'en donnèrent garde; sy furent droit sur eulx et ne peurent -reculler. Messire Wafflart de le Croix, qui toudis se doutoit, alla -derière: sy que osy trestost que il perchut cheux de Lille, il retourna -son coursier et se fery parmi ung grans marès et se bouta en ung vivier -et entre rossiauls et glaivons; là fu tout le jour jusques au vespre -qu'il ysy hors à la nuit au mieulx qu'il pot et se sauva bien. Et le -virent cheux de Lille partir, mais point ne le poursieuwirent, car il -ne savoient pas que che fust messires Wafflars. Et entendirent à envayr -et assalir le conte de Sallebrin et sa route, qui furent tantost -avyronnet de plus de mille; lors virent bien que deffense ne leur -valloit riens: sy se rendirent sauves leur vies. - -Ensy les perirent cheux de Lille et les menèrent dedens la ville à -grant joie. Et là avoit ung jone escuiier, nepveu au pape Benedit qui -lors regnoit pour le temps, qui s'apelloit Raimmons, qui là estoit -venus pour son corps avanchier. Sy estoit chis très richement armés. Sy -s'esmeut entre les commun(s) qui pris l'avoient dissencion pour sa -prise: sy que, par envie et mauvaiseté il fut ochis, coyque le conte de -Sallebrin et les riches hommez de la ville en furent durement -courouchiés, mais amender ne le peurent. - -Ensy de cheulx de Lille fu pris messires Gillame de Montagut conte de -Sallebrin, et depuis fu menés en prison à Paris devers le roy Phelippe, -qui le veult avoir et veoir, et qui de surprise sceult trop grant gret -à cheulx de Lille. Ches nouvelles seut Jaques de Hartevelle, quy se -tenoit au Pont de Fier entre Audenarde et Tournay; sy en fu sy -courouchiés, quant il le sceut, qu'il en rompy son voiage et son -emprise et se retrait à Gand et donna congiet à tous les Flammens pour -celle fois. Fos 143 à 146. - -P. 5, l. 20: cinquante.--_Mss. A 1 à 6, 15 à 17, 20 à 22_: quarante. Fo -54 vo. - -P. 5, l. 21: arbalestriers.--_Ms. d'Amiens_: et s'en venoient deviers -le Pont de Fier qui siet en Tournesis, où Jaqueme d'Artevelle estoit jà -venus à plus de soissante mille Flammens, et atendoit les deux comtes -dessus dis pour venir devant Tournay. Fo 39 vo--_Ms. de Rome_: car il -avoient envoiiet de lors gens à Popringhe, à Miessines, à Berghes, à -Cassiel, à Bourbourc, à Vorne, au Noef Port, à Dunqerque et à -Gravelines, pour faire frontière contre les François qui se tenoient à -Saint Omer, à Tieruane, à Aire, à Saint Venant. Et tout faisoient -frontière et euissent fait des grands damages et contraires au dit pais -de Flandres, se il ne sentesissent les Englois ens ès garnisons desus -nonmées. Fo 56. - -P. 5, l. 22: pour venir.--_Ms. de Rome_: viers Audenarde. Fo 56. - -P. 5, l. 24: de Lille.--_Ms. de Rome_: en laquelle il i avoit de par le -roi de France bien deus cens lances, Savoiiens et Bourgignons. Et là -estoient mesire Amé de Genève, mesire Huge de Chalon, li Galois de la -Baume, li sires de Villars et li sires de Groulé. Fo 56. - -P. 5, l. 25: s'armèrent.--_Ms. de Rome_: et montèrent à chevaus et -fissent armer tous les arbalestriers de Lille et bien mille honmes -avoecques euls. Et qant il furent tout issu, chil chevalier françois -demandèrent se li Englois pooient faire plus d'un cemin. Chil qui -congnissoient le pais, respondirent: «Oil, il i a deus voies: li une -trait à la bonne main, et li autre à la senestre.» Qant il oïrent ces -paroles, il partirent lors gens en deus, et fissent deus enbusques. Fo -56. - -P. 5, l. 26: quinze cens.--_Mss. A 8, 9, 15 à 17_: cinq cens.--Fo -50.--_Mss. A 11 à 14_: quatorze cens. Fo 53.--_Mss. A 20 à 22_: seize -cens. Fo 83 vo. - -P. 6, l. 2: de le Crois.--_Ms. de Rome_: uns chevaliers françois et -hainnuiers. Fo 56. - -P. 6, l. 11: jusques à là.--_Ms. d'Amiens_: et nous convient passer si -aupriès de leur ville que à le tretie de deux ars. Fo 39 vo.--_Ms. de -Rome_: si priès de euls (de Lille) que à une lieue ou là environ. Fo -56. - -P. 6, l. 20: avant.--_Ms. de Rome_: Retournés à Ippre, se vous vos -doubtés. Fo 56. - -P. 7, l. 1: se j'estoie pris.--_Ms. d'Amiens_: tous li avoirs de Bruges -ne me respiteroit point que je ne fuisse mors à honte. Et je le vous -remonstre, pour tant que hui que demain on ne me puist reprochier de -men honneur. Fo 40.--_Ms. de Rome_: ma raençon est paiie: c'est sus la -vie que je chevauce; mais vous, vous seriés mis à courtoise finance, -vous n'aueriés nul mal de vostre corps. Fo 56. - -P. 7, l. 3: compagnie.--_Les mss. A 11 à 14 ajoutent_: car qui n'a -point de teste, il ne lui fault point de bacinet ne de chaperon. Fo 53. - -P. 7, l. 4 et 5: et disent.--_Ms. d'Amiens_: Alons, alons, Waflart; -nous n'avons garde, che ne sont que villain en Lille. Il n'oseront -jammès yssir hors de leurs portes. Fo 40. - -P. 7, l. 7: se boutèrent.--_Ms. de Rome_: au tournant de une longe -haie. Fo 56. - -P. 7, l. 7 et 8: l'embusce.--_Ms. d'Amiens_: de cinq cens compaignons -qui se tenoient entre hayes et buissons au traviers dou chemin, et -arbalestriers avoecq yaux qui leurs ars avoient tout tendus. Si -coummenchièrent à escriier d'une vois: «Tous morés entre vous, Englès!» -Fo 40. - -P. 7, l. 11: commencièrent il.--_Ms. de Rome_: li Savoiien et li -Bourgignon. Fo 56. - -P. 7, l. 14: plus avant.--_Ms. de Rome_: et fist son cheval sallir -oultre un fossé de douze piés de large. Fo 56. - -P. 7, l. 30: neveus.--_Ms. d'Amiens_: cousins. Fo 40. - -P. 7, l. 32: pour.--_Ms. de Rome_: envie ou pour ses belles armeures. -Fo 56. - -P. 8, l. 2: courouciet.--_Ms. de Rome_: et euist paiiet quarante mille -florins de raençon, se on le peuist avoir tenu en vie. Fo 56. - -P. 8, l. 3: pris et retenu.--_Ms. d'Amiens_: car on en volloit faire -ung present au roy de Franche, enssi qu'il fissent dedens troix jours -apriès. Et lez amenèrent à Paris douze bourgois de Lille et cent -armures de fier à grant joie. Quant li rois de Franche seut ces -nouvelles et comment li bourgois de Lille avoient esploité, si en fu -mout joyans et les conjoi de grant coer et dist que c'estoient bonne -gent et de hardie emprise, et que ce qu'il avoient fait leur seroit -remuneret. Enssi se porta ceste besoingne. Li doi comte furent -emprisonnet en Castelet, où il furent depuis ung grant temps, ensi que -vous orez. Fo 40. - -_Ms. de Rome_: Si furent li contes de Sasleberi et li contes de Sufforc -pris et amenés en la ville de Lille et bien gardé, tant que la -connissance en vint au roi Phelippe. Qant il le sceut, il fu grandement -resjois de lor prise, et les desira à veoir et les manda. On li envoia. -Si furent amené à Paris et recreu sus lors fois: il n'orent nulle -vilainne prison. Fo 56 vo. - -P. 8, l. 10 et 11: Pont de Fier.--_Ms. d'Amiens_: à bien soixante mille -Flammens, pour venir assegier le chité de Tournay et ardoir tout le -Tournesis. Fo 40.--_Ms. de Rome_: sus la rivière dou Lis. Fo 56 vo. - - -=§ 102.= P. 8, l. 16: contrevengance.--_Ms. de Rome_: Li François ne -pooient oubliier la cevauchie que li contes de Hainnau et mesires -Jehans de Hainnau son oncle avoient fait en la Tierasse, pris et ars la -ville d'Aubenton, Maubert Fontainnes, Vimi et bien quarante villes là -ens ou pais. Et disoient li François que ce ne faisoit point à souffrir -ne à consentir que il ne fust amendé. Tant fu parlé et remoustré au roi -et à son consel que ordonné fu que li dus de Normendie, li ainnés fils -dou roi Phelippe, à une qantité de gens d'armes, s'avaleroit et venroit -en la conté de Hainnau, pour ardoir et bruir tout le pais et -contrevengier les arsins que li contes de Hainnau et ses oncles et li -Hainnuier avoient fait en la Tierasse et en Cambresis. Si tretos que li -dus de Normendie fu esleus à estre chiés de ceste cevaucie, tout -chevalier et esquier de Vermendois, d'Artois et de Piqardie en furent -resjoi, car euls se desiroient à armer, et à porter contraire et damage -les Hainnuiers. Fo 56 vo. - -P. 8, l. 21: environ Paskes.--_Ms. d'Amiens_: à le close Pasques. Fo -40. - -P. 8, l. 22 et 23: Là estoient.--_Le ms. d'Amiens ajoute_: Si doi -cousin de Blois, Loeys et Carles, car li comtes de Blois avoit renvoiet -son hoummage au comte de Haynnau de tout ce qu'il tenoit de par lui,... -li ducs de Bourbon,... messires Loeis de Savoie, messires Loeys de -Chalon,... li sires de Grantsi, li sires de Montmorensi, li sires de -Saint Venant, li sires de Saint Digier, li sires de Roye, messires -Ustasses de Ribeumont, messires Jehans de Landas, li sires de Cran, li -sires de Montsault, li sires de Cramelles, li sires de Fiennes, li -sires d'Estourmelles, li sires de Bleville, messires Bouchiguaus. Fo 40 -vo. - -_Le ms. de Rome ajoute_: le duch Pière de Bourbon, mesire Jaqueme de -Bourbon, son frère,... le conte de Videmont et de Genville,... le conte -de Dreus,... le signeur de Castellon, le signeur de Conflans, marescal -de Campagne, le conte de Harcourt, le conte d'Aumale, le signeur -d'Estouteville, le signeur de Graville. Fo 56 vo. - -P. 8, l. 26: de Porsiien.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19, 20 à 22, 34 -à 36_: de Pontieu. Fo 55 vo. - -P. 8, l. 27: de Couci.--_Les mss. A et B 3, 4 ajoutent_: le sire de -Craon. Fo 53 vo. - -P. 9, l. 4: six mille.--_Mss. A 11 à 14_: dix mille. Fo 53 vo.--_Mss. A -15 à 17_: huit mille. Fo 55 vo.--_Ms. d'Amiens_: Et estoient bien six -mille hommes d'armes et six mille bidaus et Geneuois sans l'autre -ribaudaille. Et avoit empris li dis ducs de Normendie que de venir -assegier Vallenchiennes. Fo 40 vo.--_Ms. de Rome_: et tant que il -estoient bien quatre mille esporons dorés et douse mille armeures de -fier, sans les Geneuois arbalestriers. Et ne fissent pas celle asamblée -si grande pour la cause des Hainnuiers que pour ce qu'il savoient bien -que li Alemant, li Braibençon et li Hollandois, Zellandois et li -Flamenc estoient tout aloiiet avoecques les Hainnuiers, et de rechief -que li contes de Hainnau estoit alés en Engleterre au secours. Se -voloient li François moustrer poissance à l'encontre de tous ceuls qui -poroient venir. Fo 56 vo. - -P. 9, l. 9: se partirent.--_Ms. B 6_: Il partirent de Saint Quentin; il -s'en vièrent devers Boucain pour venir vers le Chastel en Cambresy, -car par ce costé voloient il entrer en Haynau. Et estoient bien dix -mille combatans; sy vinrent si avant qu'il passèrent le Chastel en -Cambresis et se logèrent à Montais, à l'entrée de Haynau. Fo 136. - -P. 9, l. 10: Saint Quentin.--_Ms. de Rome_: Et cevauchièrent devant li -connestables et li marescal de France, et puis li dus de Normendie et -sa route, et derrière li avant garde; et s'en vinrent logier sus la -rivière de Selles autour dou Chastiel en Cambresis. Fo 56 vo. - -P. 9, l. 14: toute son host.--_Ms. de Rome_: et son hostel. Fo 56 vo. - -P. 9, l. 14: Montais.--_Ms. d'Amiens_: dallez le Castiel en Cambresis, -à l'entrée de Haynnau. Fo 40 vo.--_Ms. de Rome_: dehors le chastiel. Fo -56 vo. - -P. 9, l. 15: d'armes.--_Ms. d'Amiens_: de quoy il (li François) furent -resvilliet celle première nuit. Fo 40 vo. - - -=§ 103.= P. 9, l. 24: Montais.--_Mss. A 11 à 14_: Mortais. Fo 54. - -P. 9, l. 30: se parti.--_Ms. de Rome_: et s'en vint au Kesnoi et quella -sus heure ce que il pot avoir de chevaliers et esquiers.... Sus le -tart, il se departi dou Kesnoi.... Dou Kesnoi à Montais a quatre -petites lieues; si furent tantos là. Fos 56 et 57 vo. - -P. 9, l. 30: de Wercin.--_Ms. B 6_: du Quennoy, à tout cent hommes -d'armes. Fo 137. - -P. 9, l. 31: soixante.--_Ms. d'Amiens_: cinquante. Fo 40 vo.--_Ms. de -Rome_: siis vins. Fo 57. - -P. 10, l. 4: jour falli.--_Ms. B 6_: Et pour che que en ce temps il -faisoit brun et qu'il peuissent mieulx congnoistre l'un l'autre, -vestirent chacun sur leur harnast ung blanc vestement. Fo 137. - -P. 10, l. 7: leurs chevaus.--_Ms. d'Amiens_: et eurent ordonnance, pour -ce qu'il faisoit mout brun, que chacun ewist une chemise dessus ses -armures; et qui n'avoit chemises, si y mesist quoy que fuist de blancq -pour recongnoistre l'un l'autre. Fo 40 vo. - -P. 10, l. 7: leur dist.--_Ms. de Rome_: Li dus de Normendie est logiés -en celle ville des Montais, et je vous ai amené jusques à chi pour -faire auqune emprise d'armes. Si soiies tous avisés. Et quant nous -enterons en la ville, criiés: Hainnau au senescal et Werchin à la -retraite! Et ne vous faindés pas de euls porter contraire et damage, se -vous poés, car qant il enteront en nostre pais, il ne nous espargneront -point. Fo 57. - -P. 10, l. 12: des chevaliers.--_Le ms. d'Amiens ajoute_: le signeur de -Gommegnies,... le seigneur de Boussi, le seigneur d'Espinoit, Jehan de -Gommegnies, Ostelart de Soumaing. Fo 40 vo.--_Le ms. de Rome ajoute_: -Gerars de Vendegies, li sires de Montchiaus. Fo 57. - -P. 10, l. 13: messires Henris.--_Ms. de Rome_: mestres Henris. Fo 57. - -P. 10, l. 14: dou Chastelet.--_Mss. A 8 à 10_: de Chasteler. Fo -51.--_Mss. A 15 à 17_: du Chastelier. Fo 55 vo. - -P. 10, l. 14 et 15: li sires de Vertain.--_Ms. d'Amiens_: messires -Ustasse de Vertaing. Fo 40 vo.--_Mss. A 23 à 29_: de Werchain. Fo 64. - -P. 10, l. 15: de Fontenoit.--_Ce chevalier n'est mentionné que dans le -ms. B 1._ - -P. 10, l. 16: des escuiers.--_Ms. de Rome_: Là fu li pennons au -senescal desvolepés, et le porta uns esquiers qui se nonmoit Robers de -Wargni. Fo 57. - -P. 10, l. 21: se boutèrent.--_Ms. d'Amiens_: et estoit environ mie -nuit. Fo 40 vo. - -P. 10, l. 26: avant.--_Ms. de Rome_: dont bien l'en chei. En cel ostel -estoit logiés li sires de Brimeu, et des compagnons françois biau cop -avoecques lui. Fo 57. - -P. 10, l. 28: (Briauté).--_Mss. A 1 à 7, 9 à 17, 20 à 22_: Briauté. Fo -56.--_Mss. A 30 à 36_: Breauté, Breaulté. Fo 129.--_Mss. A 18, 19, 23 à -29_: Brience, Briance. Fo 56 vo.--_Ms. A 8_: Briancon. Fo 51. - -P. 10, l. 29 et 30: Quant li doi chevalier.--_Ms. de Rome_: Celle nuit -faisoit le gait uns chevaliers de Normendie qui se nonmoit Guillaumes, -sires de Gauville, et avoecques li mesires Pières de Praiaus. Et -estoient establi en lor ordenance environ cent armeures de fier. Et -trop bien chei à point au duch de Normendie et as signeurs qui là -estoient logiés; car, se li gais ne fust tantos trait avant, li -Hainnuier euissent porté grant damage as François. Mais li chevalier -dou gait se traissent tantos avant, et vinrent devant l'ostel le duch -de Normendie, et se missent en bonne ordenance. Fo 57. - -P. 11, l. 8: tortis--_Ms. B 6_: torses. Fo 137. - -P. 11, l. 14: estourmis.--_Ms. de Rome_: voires chil qui estoient -logiés à Montais, car partout tant que avoecques le duch n'avoit que -huit banerès et lors gens, vint et siis chevaliers en tout. Donc se -requellièrent li Hainnuier moult sagement et criièrent: «Werchin à le -retraite!» Chil qui entrèrent dedens l'ostel le signeur de Brimeu, en -furent mestre et l'esforchièrent; et fu pris et fianciés prisons li -sires de Brimeu et auquns de ses honmes. Fo 57. - -P. 11, l. 17 et 18: dix ou douze.--_Ms. B 6_: jusques à huit. Fo 138. - -P. 11, l. 21: au Kesnoi.--_Ms. d'Amiens_: Et li senescaux de Haynnau -s'en vint au point du jour au Kesnoy. Si trouva monseigneur Thiery, -seigneur de Fauquemont, à qui il recorda sen aventure, liquelx fu trop -fort courouchiés de ce qu'il n'y avoit estet. De là en droit vint li -senescaux à Vallenchiennes et enfourma chiaux de le ville de le venue -des Franchoix; et leur dist que il avoit entendu, par prisonniers -franchoix qu'il avoit pris, que c'estoit li entente dou duch que de -assegier Vallenchiennes. Adonc chil de Vallenchiennes fissent -songneusement prendre garde à toutte leur artillerie, as enghiens, as -espringalles, as ars à tour et à touttes autres coses appertenans as -deffensces. Et fissent le rivière d'Escault floer entour le ville, et -renforchièrent leurs gais as portes, as tours et as garittes, tant de -jour comme de nuit. Fo 40 vo. - -P. 11, l. 24: courouchiés.--_Ms. de Rome_: Li dus de Normendie ne sceut -riens de ceste avenue jusques au matin. Si fu moult courouchiés qant on -li ot dit, et que li sires de Brimeu et li sires de Bailluel en -Normendie et li sires de Briauté estoient pris. Donc dist li dus: «On -ne le puet amender. Li Hainnuier ont volé et pris, et puis se sont -retrait quant il ont fait lor emprise. Aussi nous fault il voler et -prendre: si sera prise contre prise.» Fo 57. - -P. 11, l. 28 et 29: deux cens.--_Ms. d'Amiens_: trois cens. Fo 40 -vo.--_Mss. A 15 à 17_: trois cens. Fo 56. - -P. 11, l. 30 et 31: li sires de Mirepois.--_Ms. d'Amiens_: li marescaus -de Mirepois. Fo 41.--_Les mss. A 11 à 14 ne nomment que les trois -premiers chevaliers et ajoutent_: le sire de Hambuye. Fo 54 vo.--_Le -ms. de Rome ajoute_: li sires de Noiiers,... messires Anthones de -Qodun, li sires de Loques, messires Tristrans de Magnelers. Fo 57 vo. - -P. 11, l. 32: li sires d'Astices.--_Ce chevalier n'est mentionné que -dans le ms. B 1._ - -P. 12, l. 1: li sires de Cramelles.--_Mss. A 15 à 17_: Raoul de -Cramelles. Fo 56. - -P. 12, l, 1 et 2: chevauçoient.--_Ms. de Rome_: Et cevauchoient chil -tout devant, et avoient lors honmes qui les sievoient et qui boutoient -le feu. Fo 57 vo. - -P. 12, l. 2: mareschal.--_Ms. de Rome_: Apriès cevauçoit li avant -garde, où li connestables de France et li marescal estoient. Fo 57 vo. - -P. 12, l. 4: cinq cens lances.--_Ms. de Rome_: deus mille armeures de -fier. Fo 57 vo. - -P. 12, l. 5: de Normendie.--_Ms. de Rome_: li dus d'Athènes et la grose -route des gens d'armes. Apriès venoit li arrière garde, que li sires de -Couchi, li sires de Castellon, li sires de Montmorensi, li sires -d'Estouteville et pluisseur aultre menoient, où bien avoit deus mille -armeures de fier. Au voir dire, il estoient gens assés pour combatre -tous cheuls de Hainnau, grans et petis. Et ensi que chil coureur -chevauçoient devant, il ardoient le pais, sans ce que les batailles dou -duch s'en ensonniassent ne desroiassent en riens. Fo 57 vo. - -P. 12, l. 11: d'Uintiel.--_Ms. B 6_: Che fu environ l'Ascension l'an -mil trois cens quarante. Fo 140. - -P. 12, l. 11: oultre.--_Ms. d'Amiens_: Et ardirent che premier jour li -Franchois Bavay, une bonne ville qui adonc estoit sans fremure; puis se -retrairent et ne veurent adonc chevauchier plus avant pour lez bos et -l'aventure des encontres. Si ardirent à leur retour Louvegni, -Anfroipret, Saint Vast en Bavesis, Goummegnies, Preus, Fresnoit, Wargni -le Grant et Wargni le Petit, Obies, Orsinneval; et abatirent les -moullins de Quellinpont, et rompirent lez escluzes dou vivier, et -donnèrent le pisson congiet d'aller jeuuer où il peult; et passèrent à -Orsinneval et desoubz le Kesnoy, et ardirent Villers monsigneur Polle -et Calames. Fo 41. - -_Ms. de Rome_: Et vinrent ardoir Bavai, Mieqegnies, Obies, Goumegries, -Frasnoit, Wargni, Villers, et vinrent courir devant le Quesnoi, mais -point n'i arestèrent. Et fust volentiers li seneschaus de Hainnau issus -hors, se il euist eu gens assés. Et s'en vinrent ces coureurs à -Bermerain et l'ardirent, et Vertain et Vertegnuel et tous les villages -de là environ. Et en avoloient les flamesches jusques dedens la ville -de Valenchiennes. Fo 57 vo. - -P. 12, l. 12: Oursineval.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22_: Esmenal. -Fo 56 vo. - -P. 12, l. 19: de Normendie.--_Ms. d'Amiens_: ceste première nuit et -toutte sen host sus le rivierre de Selles, entre Sollemmes et Haussi. -Tout li plas pays fuioit devant yaux à sauveté; et se boutoient ens ès -forterèches et amenoient, aportoient et acharioient le leur au Kesnoy, -à Landrechies, à Bouchain et à Valenchiennes et as autres fors environ -qui estoient tenable. Li senescaux de Haynau se doubta de son castel de -Werchin. Si se parti de Valenchiennes tout de nuit, avoecq lui environ -trente lanches, et fist tant que sans peril il s'i bouta. Et dist au -seigneur d'Anthoing, qui estoit en Vallenchiennes, qu'il fuist songneus -de le ville et dez hommes, affin que il n'y ewissent dammaige, ne il -point de blasme. Fo 41. - -_Ms. de Rome_: ce second jour logier à Haussi, à Sausoit, à Solèmes et -tout au lonc de la rivière de Selles jusques à Haspre; et menoient -moult grant charoi. Honmes et fenmes et enfans avoient esté de lonc -temps avisé de la venue des François; si ques il s'estoient tout -pourveu à l'encontre de ce; et avoient amenet et achariiet lors -millours meubles à Valenchiennes, à Maubuege, au Quesnoi et à Bouchain. -Li François trouvoient fourages assés pour lors cevaus et nulles -aultres pourveances. Fo 57 vo. - - -=§ 104.= P. 12, l. 23: Fauquemont.--_Ms. d'Amiens_: qui estoit en -garnison au Kesnoy. Fo 41. - -P. 12, l. 29 et 30: et recommanda.--_Ms. d'Amiens_: Adonc fist il -commander estroitement que nuls ne wuidaist hors des portes du Kesnoy, -homs ne femme, et sus le teste. Fo 41. - -P. 12, l. 30: Maubuege.--_Ms. de Rome_: et issi de Maubuege et vint à -Pons sus Sambre. Et trouva les hommes moult esfraés, car li François -avoient esté à Miequegnies et là priès, et avoient ars tout le pais de -là environ. Encores en veoit on les fumières. Fo 57 vo. - -P. 12, l. 30: Biaurieu.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22, 34 à 36_: -Beaugeu. Fo 56 vo. - -P. 12, l. 31: de Montegni.--_Ms. d'Amiens_: et establi à demourer, pour -garder le ville, le seigneur de Roysin, le seigneur de Wargny. Fo 41. - -P. 13, l. 1 et 2: chevauça.--_Ms. de Rome_: et passa à Robertsart, et -n'atendoit aultre cose que le logeis des François dou vespre. Fo 57 vo. - -P. 13, l. 3: Mourmail.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22, 34 à 36_: -Moruel, Morueil. Fo 56 vo. _Mauvaise leçon._ - -P. 13, l. 5 et 6: de Haussi.--_Ms. d'Amiens_: à Sollemmes, vers Haussi -et Sausoit, en ces biaux prés. Fo 41.--_Ms. de Rome_: à Haussi et à -Sausoit, et tout jusqu'à Haspre. Fo 57 vo. - -P. 13, l. 18: meschief.--_Ms. B 6_: Che soir faisoit le gait le sire de -Craon à cinq cens hommes. Fo 138. - -P. 13, l. 23: Pikegni.--_Ms. d'Amiens_: et doi de ses escuiers, et -navrez li sires de Cramelles mout durement et li sires de Sains. Fo -41.--_Ms. de Rome_: Celle nuit faisoient le gait li contes d'Auçoirre, -li sires de Noiiers et li sires d'Auchi, artissiens, et avoient bien -trois cens combatans sus lor gait. Li Hainnuier et li Alemant -n'entrèrent point de ce lés où li gais estoit, mais bien en sus, et -cheirent sus le logeis le signeur de Piquegni, liquels salli tantos sus -que il oy la friente, et s'arma et se mist à desfense moult -vaillanment; mais il ot si grante qoite de li armer que point il -n'estoit armés de plate fors de une cote de fier, laquelle fu perchie -tout oultre de une roide espée et li corps dou chevalier, et morut de -celle plaie.... Li sires de Piquegni, liquels estoit navrés tout parmi -le corps, fu mis en une litière et portés à Cambrai pour saner et -mediciner; mès onques de la navreure ils ne pot avoir garison et morut. -Si retourna la terre de Piquegni à un sien fil, jone enfant, que on -nonmoit Jehan, et qui depuis fist moult de mauls en France, voires à -Amiens et là environ, ensi que vous orés recorder avant en l'istore. -Fos 57 vo et 58. - -P. 13, l. 30: poursievi.--_Ms. de Rome_: Et là fist li sires de -Fauquemont bonne compagnie as deus chevaliers françois, lesquels il -enmenoit prisonniers, le visconte de Qesnes et le Borgne de Rouveroi, -car il les recrut sus lors fois à venir à Mons en Hainnau tenir lors -corps prisons, qant il en seroient requis, quinse jours apriès la -semonse. Si retournèrent li chevalier en l'ost et comptèrent lor -aventure. Fo 58. - -P. 13, l. 31: au Kesnoi.--_Ms. de Rome_: Si entrèrent dedens la ville -et s'i rafresqirent, euls et lors cevaus, et puis retournèrent sus le -soir à Maubuege. Fo 58. - -P. 14, l. 3: Et li dus.--_Ms. de Rome_: Ensi fu, la seconde nuit que li -dus de Normendie se loga en Hainnau, li hoos des François resvillie -des Hainnuiers, liquel avoient tout ce fait, sans porter point de -damage à euls et à lor compagnie. De quoi li dus de Normendie en dist -au matin, qant il en fu enfourmés: «Ces Hainnuiers sont de grant corage -et de bonne emprise. Nous n'avons que deux nuis dormi en Hainnau; mès -tout dis nous ont il resvillié: chi apriès, il seront resvilliet -aussi.» Fo 58. - -P. 14, l. 15: quatre cens.--_Mss. A 15 à 17_: trois cens. Fo 57. - -P. 14, l. 16: bidaus.--_Mss. A 15 à 17_: sanz les bidaus, tuffes et -petaux. Fo 57. - -P. 14, l. 16: s'en vinrent.--_Ms. d'Amiens_: à Verchin, où li senescaux -estoit dedens le castel. Et regardèrent li Franchois le mannière dou -fort et de le deffensce. Si moustrèrent de premiers que de trop grant -couraige il le assaudroient, et fissent traire et lanchier leurs bidaus -et Geneuois; mès riens n'y fisent, car li castiaux estoit bien pourveu -d'artillerie, de kanons et d'ars à tour et de tous instrumens pour le -deffendre. Si y pooient plus perdre que gaegnier, et il ne volloient -pas trop travillier leurs gens, car il ne savoient quel besoing il en -aroient. Si se partirent d'illuecques, mès il ardirent toutte le ville -et abatirent une partie des murs dou gart de Werchin. Et passa toute li -os là et environ. Et montèrent au lés deviers Fanmars, pour mieux veoir -et adviser Vallenchiennes dou tierne. Et toudis aloient li coureur -devant à destre et à senestre, ardans et exillans che biau plain pays -de Haynnau. Si ardirent Presel, Marech, Biauvoir, Curgies, Sautain, -Rombies et tout le plain pays jusquez à le rivierre de Honniel. Et se -loga li dus ce jour sus le rivière d'Uintiel au lés deviers Kierenaing, -et toute sen ost ossi, et se fist le nuit gettier bien et grossement à -plus de cinq cens lanches et de deux mille bidaus et Geneuois, car il -ne volloit mies que li Haynuier le resvillaissent ainssi qu'il avoient -fait. Bien est voir que de Condet et dou castiel de Moustroel sus -Haynne et dou castiel de Kievraing et de Kievrechin estoient assamblet -et acompaigniet environ quarante lanches, et s'estoient boutet ès bois -de Roisin; et volentiers ewissent fait quelque fait d'armes, se il -ewissent veu leur plus bel. Li sires de Gommignies et li sires de -Wargni ossi lez costiièrent tout le jour, mès point ne virent de jeu -parti pour yaux aventurer, car li coureur franchois se tenoient tout -enssamble, et estoient bien monté et plus de quatre cens lanches: se -n'y faisoit nul pour les Haynuiers. - -Ce jour au matin qu'il fist moult bel et moult joli, car c'estoit ou -mois de may, se deslogièrent li Franchois et se misent en arroy, et -ordonnèrent le charoy et le fissent passer tout devant. Et puis -chevauchièrent bannierres et seigneurs et vinrent, environ heure de -primme, deseure Fanmars, sus ung terne que on appelle le mont de -Castres; et là s'ordonnèrent il bien et faitichement en troix bonnes -batailles. Le première avoit li dus de Bourbon, la seconde li comtes de -Flandres, et la tierce li dus de Normendie. Là veoit on bannierres et -pignons et armoirie en très grant parement. Là estoient muses, -calemelles, naquaires, trompes et trompettes, qui menoient grant bruit -et grant tintin. Et bien les veoient et ooient chil de Valenchiennes -des tours et des clochiers, car il estoient à demy lieuwe d'iaux. Là -sonnoit on les cloches ou biefroy de Vallenchiennes à volée, et -estoient armet touttes mannierres de gens, et li rue Cambrisienne -toutte plainne. Et volloient à force yssir et yaux aventurer; mès -messires Henris d'Antoing, qui gardoit les clefs de celle porte, leur -deveoit et leur disoit qu'il se voloient aller tout perdre. Nientmains -il volloient yssir, coumment qu'il fuist, et y eut là pluiseurs grosses -parolles entre le chevalier et yaux. Finablement il leur dist que -messires de Biaumont, qui baux estoit dou pays et à qui on avoit juret -et proummis de obeir, li avoit deffendu et coummandet sus sen onneur -que nullement il ne les lessast wuidier. Et coummanda au prouvost qui -là estoit, Jehan de Baisi, de par monseigneur Jehan de Haynnau, que il -lez fesist retourner et aler à leur gès, as tours et as garittes, pour -deffendre et garder le ville, s'il besongnoit. Et li prouvos vot obeir; -si leur commanda à retraire, et il le fissent. - -A che donc estoient dedens Vallenchiennes aucun chevalier d'Engleterre, -et par especial li comtes de Warvich, que li roys d'Engleterre avoit -laissiet en Flandres. Et avoit estet chilz en le chevauchie de -Aubenton, et demorés en Vallenchiennes, à le priière dou comte. Et -estoient avoecques lui messires Hues de Hastinges, messires Rogiers de -Biaucamp, messires Jehans Cambdos, messires Jehans de Graail, messires -Oliviers de Baucestre, messires Rogiers de Cliffort. Si requisent chil -chevalier à monseigneur Henry d'Antoing que on lez lessaist wuidier le -ville sus leur peril et chevaucier deviers le rivierre d'Escault, pour -veoir se il poroient nient trouver à faire aucune bacelerie, ne biau -fait d'armes sus lez Franchois. Tant priièrent et parlèrent que il en -eurent congiet, et estoient environ trente lanches et quarante -archiers, et tout à ceval. Si wuidièrent par le porte d'Anzain, et -cevaucièrent deseure Saint Vast. A ce donc couroit environ le Tourielle -sus l'Escault ungs bons chevaliers franchois poitevins, messires -Bouchichaus, et estoit avallés des batailles qui se tenoient au mont de -Castres. Et estoient environ douze lanches; si avoient passet l'Escaut -au pont de le Tourielle et estoient montet hault deviers Saint Vast -pour descouvrir à cesti lés; mès il furent trouvet et rencontret des -Englès dessus noummés. Et ne daigna oncques messires Bouchichaus fuir, -et jousta franchement à messire Hue de Hastinges, et le porta par -terre. Depuis fu il jus portéz par terre par deux chevaliers et tenus -si cours qu'il le couvint rendre. Et fu fianchiés prisons et amenés à -Vallenchiennes, et doy escuier de son pays avoecq lui. Et li autre se -sauvèrent au mieux qu'il porent et retournèrent à leurs batailles, et -recordèrent le prise de monseigneur Bouchicaus, dont li dus de -Normendie fu mout courouchiéz. Fo 41 vo. - -_Ms. de Rome_: Qant ce vint au matin, on se desloga, et sonnèrent les -tronpètes parmi l'oost. Tout s'armèrent et montèrent à chevaus, et se -traissent sus les camps. Ce jour fist il moult biel, moult cler et -moult joli, ensi que il fait ou mois de mai, et fu la nuit de une -Asention. Li dus de Normendie ordonna à traire viers Valenchiennes. -Donc cevauchièrent les batailles moult ordonneement, et n'aloient que -le pas et costiièrent Werchin, mais point n'asallirent au chastiel, -mais la vile fu arse. Et s'en vinrent tout li François arester et faire -lor moustre sus le mont de Castres; et veoient Valenchiennes tout au -plain devant euls, et là ordonnèrent trois batailles, tout armé au -cler. Ce estoit une grande biauté que de euls veoir, les armes, hiaumes -de quoi on s'armoit adonc, banières et pennons resplendir au solel. Et -se tenoient li signeur tout quoi, atendans que on les venist combatre. - -Li jone chevalier de France et li esqier, qui desiroient les armes, ne -se pooient tenir que il ne cevauçassent. Et s'en vinrent li marescaus -de Mirepois, li sires de Noiiers, li Galois de la Baume, messires -Tiebaus de Moruel, li viscontes d'Aunai, li sires d'Englure, li sires -de Trainiel, messires Tristrans de Magnelers, li sires d'Aubegni, li -sires de Fransures, li chastelains de Biauvais et pluisseur aultre, -tout de grant volenté. Et estoient quatre cens d'emprise et de fait et -bien montés, et vinrent courir devant le Kesnoi; et s'arestèrent sus -les camps, et moustroient que on les venist combatre. Li marescaus de -Hainnau et bien cinquante lances de bons Hainnuiers estoient là dedens. -Pour ces jours li Qesnois n'estoit point si bien fremée conme elle -estoit soisante ans apriès, et tous les jours elle amendoit en fremeté. - -Li compagnon consideroient trop bien l'ordenance des François conment -il freteloient sus lors cevaus et faisoient courner lors menestrels, et -moustroient que on les alast veoir et escarmuchier, mais il n'estoient -pas gens assés. Si se tinrent tout quoi et pourveu de euls deffendre, -se on les euist assallis. Qant il veirent ce que nuls ne saudroit, il -s'en departirent et cevauchièrent viers Villers. Et menoient ces gens -d'armes, boutefeus, avoecques euls, qui couroient de ville en ville, et -boutoient le feu dedens et ne s'en departoient; si estoit la ville -toute embrasée. Si ardirent de celle empainte Genlain, Curgies, -Sautain, Presiel, Marec, Aunoit, Biauvoir, Fielainnes, Escaillon et -Faumars. Et voloient les flamesques et les fascons en la ville de -Valenchiennes, et li rai dou soleil en estoient tout encombré. Et -s'avalèrent auqun François dou mont de Castres et vinrent ardoir les -Marlis, et boutèrent le feu ens ès fourbours de la porte Cambrisienne. - -Pour ces jours estoit chapitainne et gardiiens de la ville de -Valenchiennes institués et ordonnés de par mesire Jehan de Hainnau, -mesires Henris d'Antoing, quoi que li senescaus de Hainnau et aultres -chevaliers fuissent en la ville; mais il en avoit la souverainne -aministration et se tenoit à la porte Cambrisienne, et là estoit trop -fort heriiés et pressés d'auquns fos, outrageus et outrequidiés, qui -voloient issir et euls aler perdre. Et bien leur disoit et remoustroit -li chevaliers que point n'estoit heure de issir: «Souffrés vous, bonnes -gens: la poissance des François est trop grande maintenant. Atendés que -vous aiiés vostre signeur dalés vous; si en serés plus fort et mieuls -consilliés. Il m'est deffendu que nuls ne isse, car se vous receviés -blame ne damage, je n'en poroie estre escusés.» Ensi à grant mescief -les amoderoit et refroidoit de lors folies li sires d'Antoing. - -Encores, en ce meisme jour, par le consentement dou connestable de -France et des marescaus, se departirent dou mont de Castres auqun jone -chevalier et esquier françois et cevauchièrent as aventures. Et tout -estoit fait pour atraire les Valenchiennois hors de lor ville, et -furent de une sorte environ deux cens lances. Et les menoient li sires -de Craan, li sires de Maulevrier, li sires de Partenai, li sires de -Tors et li sires de Matefelon, et s'avalèrent dou mont de Castres à -Fontenelles, et vinrent à Main. Et là avoit une tour belle et bonne et -encores a, laquelle pour ce temps estoit à un bourgois de Valenchiennes -qui s'apelloit Jehan Bernier, et puis fu elle transmuée à autres hoirs. -Chil chevalier de France et lor route vinrent là et l'environnèrent et -le fissent asallir. La tour estoit forte assés, environnée de fossés et -pourveue d'artellerie; car on i avoit envoiiet des arbalestriers de -Valenchiennes, pour le deffendre et garder. Là ot grant asaut, mais li -François n'i peurent riens faire. Avant en i ot des blechiés dou tret. -Si passèrent oultre et vinrent à Trit. Li honme de la ville avoient le -pont deffait. Si ne peurent (passer) oultre par ce pas là, mais il -trouvèrent (un) des hommes dou pais meismes qui les mena autour as -plances à Povri. Si passèrent là l'Eschaut et retournèrent à Trit. Et -fu la ville toute arse et li moulin abatu, et ensi à Povri et à -Rouvegni. Et refissent li François le pont à Trit, et ardirent -Wercinniel, Bourlain et Infier, et tant que les fascons en avoloient à -grant volées à Valenchiennes. Et retournèrent chil François et s'en -ralèrent en lor hoost, c'est à entendre sus le mont de Castres, -avoecques les aultres. - -Ce jour s'estoient aussi parti de lors arrois, troi jone chevalier de -Poito: li uns fu nonmés messires Bouchicaus, li autres messires Jaques -de Surgières, et li tiers messires Guis Poteron; et avoient passet -l'Escaut au pont à Trit, car il estoit refais des plances meismes que -chil de Trit en avoient osté. Et les avoient les François rasisses, -pour passer et rapaser à lor volenté. Chil troi chevalier et lor route -pooient estre jusques à vint cinq lances, et passèrent le pont à Trit, -et vinrent courir viers Hurtebisse; et fissent bouter le feu dedens, -tant que on le veoit tout clerement de Valenchiennes, car il n'i a que -une petite lieue. Li seneschaus de Hainnau, qui se tenoit adonc à -Valenchiennes, entendi que auquns François estoient avalé et passé -oultre l'Eschaut au pont à Trit, et couroient sus ces biaus plains -desus un moustier que on nonme Saint Vast, et ne lor aloit nuls au -devant. Si parla au signeur de Berlainmont, à messire Henri d'Uffalise, -à messire Oulefart de Ghistelle, au signeur de Biellain et à auquns -chevaliers qui en Valenchiennes estoient enclos avoecques lui: «Je vous -pri que nous montons sus nos chevaus et alons veoir viers Saint Vast -quel sont chil qui i chevaucent. Espoir, poront estre tel que il -paieront nostre escot.» Tout s'acordèrent à la volenté dou senescal, et -montèrent environ cent compagnons tout bien armés, et prist casquns son -glave; et fissent ouvrir les deus portes d'Anzain, la grande et la -petite. Et se missent sur les camps et si à point que, droit au desus -d'un moustier que on dist de Saint Vast, il vont trouver ces chevaliers -poitevins qui avoient pris lor tour viers Bellain et Ierin et avoient -fait bouter le feu dedens, et s'en retournoient pour passer à Trit, et -avoient gides propement dou pais qui les menoient. Qant li seneschaus -de Hainnau les vei et sa route aussi, qui estoient monté sus bons -coursiers et bien alans, si lor vinrent au devant et escriièrent: -«Hainnau!» et abaissièrent les glaves. Li seneschaus de Hainnau fu li -premiers qui asambla à messire Bouchicau, qui estoit pour lor jones -chevaliers, et fu depuis un moult vaillans homs. Il le feri à plainne -targe un si grant cop, avoecques ce que il estoit fors chevaliers et -bien montés, que il le bouta jus et passa oultre. Li sires de -Berlainmont consievi parellement mesire Gui Poteron et le reversa jus à -terre. Chil Hainnuier se frapèrent en ces François et en abatirent -jusques à sept. Entrues que il entendirent à euls fianchier et faire -rendre, mesires Jaquemes de Surgières et bien douse des leurs -retournèrent sus frain, et prissent le cemin viers un village que on -appelle Ierin; mais avant que il i parvenissent, pour euls sauver, il -se boutèrent ens ès bois d'Aubri, et ne savoient où il aloient, car -point ne connisoient le pais. Qant li seneschaus de Hainnau vei que -chil François prendoient le cemin dou bois, si fist doubte que li -François n'euissent là jetté une enbusqe, et que chil qui pris estoient -et qui fuioient, n'euissent esté là envoiiet tout de fait pour -descouvrir et pour faire sallir hors de Valenchiennes auquns gentils -honmes qui s'i tenoient. Si fist cesser ses gens de non aler plus avant -et non cachier. Et se retraissent tout le pas viers Valenchiennes, et -enmenèrent les deus chevaliers prisonniers, messire Bouchicau et mesire -Gui Poteron, poitevins, et jusques à diis de lors compagnons. Dont li -senescaus acquist grant grasce des Valenchiennois. Et messires Jaquemes -de Surgières et li autre, qui se boutèrent ens ès bos d'Aubri, se -tinrent là et quatirent tout bellement jusques à tant que li viespres -fu venus, et puis issirent hors et vinrent tout droit à Hurtebise, et -de là au pont à Trit, et rapassèrent l'Escaut. Et qant ilz furent venu -en l'oost, il comptèrent lor aventure, et conment messire Bouchicau et -mesire Gui Poteron estoient demoré et pris dou senescal de Hainnau. Fos -58 et 59. - -P. 14, l. 28: Villers.--_Les mss. A et B 3, 4, omettent_: Villers _et -mentionnent deux fois_: Fanmars. - -P. 14, l. 32 et p. 15, l. 1: pries de Valenchiènes.--_Ms. B 6_: à demy -lieue de Valenchiènes. Fo 140. - -P. 15, l. 28: d'Anzaing.--_Mss. A 1 à 6, 20 à 22_: du Rain. Fo 57. -_Mauvaise leçon._ - -P. 15, l. 32: Poito.--_Mss. A 1 à 6, 20 à 22_: Pontieu. _Mauvaise -leçon._ - -P. 17, l. 3: dou jour.--_Ms. B 6_: car on luy dit que cheulx de -Vallenchiènes le venroient combatre, car tant orguilleus et -presumptueux estoient. Fo 140. - - -=§ 105.= P. 17, l. 15: un grant temps.--_Ms. de Rome_: tout ce jour de -l'Asention. Fo 59.--_Ms. B 6_: l'espace de cinq heures. Fo 141. - -P. 17, l. 16: de Castres.--_Ms. de Rome_: à demi lieue de -Valenchiennes. F. 59. - -P. 17, l. 18: li dus d'Athènes.--_Ms. d'Amiens_: et li doy marescal de -France, li contes d'Auchoire. Fo 41 vo. - -P. 17, l. 19: trois cens.--_Mss. A 11 à 17_: quatre cens. Fo 56.--_Ms. -B 6_: cinq cens. Fo 141. - -P. 17, l. 22: le tourielle à Goguel.--_Ms. d'Amiens_: le Tourielle et -Goirel. Fo 41 vo. - -P. 17, l. 23: de le ville.--_Ms. B 6_: A che jour estoient en la ville -de Vallenchiène le conte de Warvich et le conte de Kenfort que le roy -d'Engleterre avoit laissiet à Gand delés madamme sa femme. Si estoient -venu à Vallenchiènes pour la cause de ce que on avoit entendu que le -duc de Normendie se venoit tenir celle part. Ches deux chevaliers -avecque la communaleté de la ville euyssent trop vollentiers veu que -(on) fust vidiet contre eulx et que on euist recueilliet cheux qui -estoient venut jusques a(s) bailles. Mais messire Henri d'Anthoing, qui -pour le temps estoit gardiens de Valenchiène de par monseigneur Jehan -de Haynau, ne le veult oncques consentir, et dist et jura que jà -personne n'en ysceroit; et fist faire le ban, de par le prouvost de la -ville, que sur la teste nulz ne vidast hors de la ville sans -commandement. Sy gardèrent le porte Cambrisiène, où celle estourmye -estoit, le sire de Mastaing et le sire de Floyon. Fo 141. - -P. 17, l. 29: les ardirent.--_Ms. B 6_: et puis la ville d'Asnoy. Fo -142. - -P. 17, l. 30: de Wintiel.--_Ms. d'Amiens_: et puis chevauchièrent -toutte le rivierre contre mont vers Aunoit pour revenir à leur grosse -bataille; mès en leur chemin il ardirent Aunoit, Felainne, Artre, -Astriel, Kierenaing, Biaudegnies, et Pois et pluisseurs autres villes. -Fo 41 vo. - -P. 17, l. 31: par derrière les Chartrois.--_Mss. A 1 à 6_: par devers -les charroys. Fo 58.--_Mss. A 20 à 22_: par derrière les chariots. Fo -88.--_Mss. A 11 à 14, 18, 19_: par devers les chartois. Fo 56. - -P. 18, l. 10 et 11: bien la moitiet.--_Ms. d'Amiens_: que il en tuèrent -dix et fissent saillir en le rivière, et en y eut ossi des noiiéz, et -furent chil euwireux qui escapper peurent. Fo 42. - -P. 18, l. 21: ce soir.--_Ms. de Rome_: Qant ce vint sus la remontière, -et que li signeur estoient tout hodé et lassé de tant estre sus lors -cevaus, car ce jour il avoient bien petit beu et mengié fors sus lors -cevaus. Fo 59. - -P. 18, l. 21: à Maing et à Fontenielles.--_Le ms. d'Amiens ajoute_: et -à Trit. Fo 42.--_Ms. de Rome_: à Fontenelles et à Main, en ces biaus -prés. Fo 59. - -P. 18, l. 23: Maing.--_Ms. B 6_: A son departement de la ville de Maing -où il estoit logiés, ardirent les Franchois Denaing et l'abeie de -Fontenelles où madamme sa tante estoit logie, mais elle se tenoit à -Valenchiènes. Fo 142. - -P. 18, l. 25: de Valois.--_Ms. d'Amiens_: où medamme Jehanne de -Vallois, ante dou dit duc, se tenoit par devotion; mès elle n'y estoit -mies adonc, ainchois se tenoit en Vallenchiennes. Fo 42.--_Ms. de -Rome_: Madame de Valois, ante dou duch de Normendie, n'estoit point -pour ces jours à Fontenelles, mais se tenoit à l'ostel de Hollandes à -Valenchiennes, et toutes les dames dou dit monastère; et là avoient -amené toutes lors coses, car en gerre et en hainne n'a nulle segurté. -Fo 59. - -P. 18, l. 28: A ce departement.--_Ms. d'Amiens_: Le jour que li dus de -Normendie se parti de Fontenelles et de Maing, i eut une grant -escarmuche au pont à Trith sus l'Escaut; car là estoient requeilliet li -Haynuyer, hommes des villages de là entours, et deffendirent le pont -mout vassaument contre lez Franchois che qu'il peurent; et l'ewissent -bien tenu et deffendu, mès li aucun Franchois allèrent autour passer -l'Escault as planches à Prouvi, et vinrent à Trit, et trouvèrent chiaux -qui se combatoient as Franchois. Lors y eut grant fouleis, et couvint -les Haynuier partir et leissier le pont et le deffensce. Et passèrent -touttes mannières de gens qui passer veurent, et abatirent ung petit -castelet qui là estoit et les moullins, et ardirent toutte le ville et -Wercinnel ossi; mès depuis furent il reboutet et reculet dou comte de -Warwich et de se routte, et en y eut bien mors que noiiés soissante. Fo -42. - ---_Ms. de Rome_: A lor departement, la ville de Maing fu toute arse, et -la mention de l'abeie de Fontenielles aussi. Chil qui cevauçoient -devant et sus les costés, ardoient villes et hamiaus, et ardirent en -lor venant Monchiaus, Thians, Douci. Et partout il abatirent les -moulins, car ces villes sont seans sus rivière. Et cevauchièrent tant -ce jour li François que il aprochièrent Nave et Iwis. Et vint li dus de -Normendie mettre son siège devant le chastiel d'Escauduevre, seant sus -la rivière d'Escaut. Fo 59. - -P. 18, l. 30: Thians.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22, 34 à 36_: -Thiois. Fo 58. - -P. 18, l. 32 et p. 19, l. 1 à 18: Ce jour .... sans pité.--_Cet alinéa -manque dans tous les mss. A sans exception._ - -P. 19, l. 20: Escauduevre.--_Ms. de Rome_: Chil de la garnison -d'Escauduevre avoient, tout l'ivier et le temps, cuvriiet et herriiet -ceuls de Cambrai. Fo 59. - -P. 19, l. 20: et fort.--_Ms. d'Amiens_: à une lieuwe de Cambray. Fo 42. - -P. 19, l. 25: de Sassegnies.--_Ms. de Rome_: uns chevaliers de Hainnau. -Fo 59. - ---_Ms. B 6_: En che temps estoit cappitaine du chastel d'Escauduevre -sur l'Escault, à une bonne lieue de Cambray, messire Gerart de -Saingnies par l'ordonnance de monseigneur Jehan de Haynau qui avoit le -gouvernement de la conté de Haynau, entreulx que sen nepvreu le conte -estoit en Engleterre, sy comme chy dessus est dit. Je ne say comment il -avint ne par quelle procuration che fu fait, mais il vendy le dit -chastel et le livra as Franchois. Et fu pris le dit chevalier de ceux -de Thun, à l'issir hors de Cambray, où il avoit l'argent avoecq luy. Se -fu amenés à Mons en Haynau et là fut justichiés, et ung sien escuier -avoecq luy, qui avoit consenti le mal à faire. De le prise du chastel -d'Escauduevre furent les Haynuierz moult courouchiés, car cheulx de -Cambray l'abatirent rés à rés de terre, et en menèrent le pière à leur -ville, et en firent faire deux de leur portes, le porte Robert et une -aultre. Fos 146 et 147. - -P. 19, l. 27: mès li dus.--_Ms. d'Amiens_: en traita et parla à yaux -tant et si bellement messires Godemars (dou[403] Fay), qui jadis les -connissoit, que.... Fo 42. - - [403] Le nom est laissé en blanc dans le ms. d'Amiens. - -P. 19, l. 28: six jours.--_Ms. de Rome_: sept jours, Fo 59 vo. - -P. 19, l. 32: Mariniaus.--_Ms. de Rome_: Et qant il furent venu en -Hainnau, li saudoiier meismes, qui en Escauduevre s'estoient tenu -avoecques euls, les prisent au conmandement messire Jehan de Hainnau -qui se tenoit en la ville de Mons, et furent amené devant lui et acusé -de traison. Onques il ne s'en porent escuser de la mise ne delivrer. Fo -59 vo. - -P. 19, l. 32: pris.--_Ms. d'Amiens_: Vous avés bien chy dessus oy -recorder le prise d'Escaudoeuvre et coumment messires Gerars de -Sassegnies et Robers Mariniaux le rendirent. Si n'en furent il mies -mescreus de premiers, fors tant que li saudoiier de dedens furent trop -esmervilliet de ceste aventure. Et vinrent au jour qu'il fu rendus ou -castiel de Thun l'Evesque, qui siet assés priès, et recordèrent as deux -frères de Mauni, Jehan et Thieri, ceste mesavenue, et coumment Gerars -de Sassegnies lez avoit preechiéz que il ne se pooient tenir longement -contre si grant ost que li dus de Normendie. Nient moins et sus cez -parolles li Franchois y estoient l'endemain entret. Lors demandèrent li -enfant de Mauni qu'il pooit y estre devenus, et il disent qu'il ne -savoient, mès bien cuidoient qu'il fuist en Cambray. Sus ceste parolle -chil doy frère de Mauny envoièrent espies à Cambray, qui raportèrent -que messires Gerars et chilz Robiers y estoient. Si furent si bien -poursieuwi des deux enfans de Mauny qui misent enbuces et agaix sus -yaux, que ung jour qu'il estoient parti de Cambray, il furent pris de -Jehan et de Thieri de Mauni et amenet à Bouchain et là mis en prison. -Tantost apriès, Jehan de Ma(u)ni s'en vint à Mons en Haynnau parler à -monseigneur de Biaumont, et li recorda tout le fait et coumment il lez -avoit pris. Si lez renvoya querre messires Jehans de Haynnau et ramener -en Mons en Haynnau. Depuis n'en fist il nient trop longe garde, car il -lez fist morir honteusement et trayner comme trayteurs contre leur -seigneur. Che paiement eurent il de leur fourfaiture. Et encorres -estoit li comtes Guillaummes de Haynnau hors de ses pays, dont trop -desplaisoit à monseigneur de Biaumont son oncle. Fo 42 vo. - -P. 20, l. 2: de Cambrai.--_Ms. d'Amiens_: machon et carpentier. Fo 42. - -P. 20, l. 4: leur ville.--_Ms. d'Amiens_: et en fu faite li porte -Robert, qui siet sus Haynnau. Fo 42. - - -=§ 106.= P. 20, l. 9 et 10: voisines.--_Ms. d'Amiens_: .... de -Mortaigne et de Tournay. Fo 42. - -P. 20, l. 13: trois cens.--_Mss. A 11 à 14_: quatre cens. Fo 56 vo. - -P. 20, l. 15: Villars.--_Mss. A 1 à 7, 23 à 33_: Villars. Fo 58 -vo.--_Mss. A 8 à 10, 18, 19_: Villers. Fo 53 vo.--_Mss. A 11 à 17, 20 à -22, 34 à 36_: Villiers. Fo 56 vo. - -P. 20, l. 16: avoecques.--_Ms. d'Amiens_: messires Gerars de Monfaucon, -messire Thiebaux de Maruel. Fo 42. - -P. 20, l. 17: Wavrain.--_Mss. A 11 à 14_: Wertain. Fo 56 vo. - -P. 20, l. 19: riens dehors.--_Ms. de Rome_: reservé le chastiel de -Bouchain, qui ne fust tout ars et mis à seqution, ne nuls ne lor ala au -devant. Les bonnes gens du pais d'Ostrevant estoient retrait en -Valenchiennes, et là avoient amené une partie de lors biens, et les -bestes cachies ens ès bois, ou fait venir ens ès praieries de -Valenchiennes et de Condet, et là les tenoient pour eslongier lors -ennemis. Fo 59 vo. - -P. 20, l. 20: Bouçain.--_Mss. A 8 à 17, 34 à 36_: Bouhaing. Fo 53 vo. - -P. 20, l. 24: cinq cens ou six cens.--_Ms. d'Amiens_: trois cens ou -quatre cens. Fo 42. - -P. 21, l. 2: Here.--_Mss. A 8 à 10, 15 à 17_: Hette. Fo 58 vo. - -P. 21, l. 2: Fenain.--_Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18 à 36_: Sonnain, -Sonnent, Senaing, Senain. Fo 58 vo.--_Mss. A 8 à 10, 15 à 17_: Fenain, -Fenaing. Fo 53 vo. - -P. 21, l. 3: Mauni.--_Mss. A_: Wargni. - -P. 21, l. 3: Aubrecicourt.--_Ms. d'Amiens_: .... Buignicourt, -Maucicourt,... Rouvegny,... Noefville. Fo 42. - -P. 21, l. 7: Bouçain.--_Mss. A 8 à 17, 34 à 36_: Bouhaing. Fo 53 vo. - -P. 21, l. 20: plus priès.--_Ms. de Rome_: une lieue en sus de là. Fo 59 -vo. - -P. 21, l. 23: sires.--_Ms. de Rome_: quoique la ville (de Landrecies) -et Avesnes fuissent au conte de Blois. Fo 59 vo. - -P. 22, l. 14: Coulongne.--_Ms. de Rome_: et en estoit capitainne uns -esquiers qui se nonmoit Albrest Qose, de Coulongne. Fo 59 vo. - -P. 22, l. 25 et 26: li sires de Bousies, Gerars de Mastain et Jehans de -Mastain.--_Ces Chevaliers ne sont dénommés que dans les mss. B et A 7 à -10, 15 à 17._ - -P. 22, l. 32: si dur.--_Ms. de Rome_: que la proie fu rescouse, et -Albrest pris et auquns des aultres, et chil qui se sauvèrent furent -cachiet jusques ens ès portes de la Malemaison. Si raportèrent li -compagnon le signeur de Potelles tout mort à Landrechies. Depuis fu il -envoiiés à Valenchiennes sus un char et en un linsiel, et ensepvelis en -l'eglise des Cordeliers de Valenchiennes. Ensi se portent les aventures -d'armes. Tels se lieuve au matin, qui ne scet qu'i(l) li avenra. Fo 59 -vo. - - -=§ 107.= P. 23, l. 8: Bohain.--_Mss. A 23 à 29_: Bouchain. Fo 68. - -P. 23, l. 8 et 9: Chastiel en Cambresis.--_Ms. d'Amiens_: de Biauvoir -et de Sierain, et tint bien et francement le fortrèche contre lez -Franchois. Or parlerons dou duc de Normendie coument il vint asegier -Thun l'Evesque seant sus Escaut. Fo 42 vo. - -P. 23, l. 10: li Haynuier.--_Ms. de Rome_: Et cevauçoient moult souvent -li Hainnuier sus ceuls de Bohain et de la Malemaison; une fois -gaegnoient et l'aultre perdoient: ensi estoit tous li pais entouelliés. -Fo 59 vo. - - -=§ 108.= P. 24, l. 10: remoustroient.--_Ms. B 6_: que le conte de -Haynau et ses gens avoient fait plus de damaige au pais de Cambresis et -à le cité de Cambray que ne fist le roy d'Engleterre. Fo 147 et 148. - -P. 24, l. 13 et 14: au ravoir.--_Ms. d'Amiens_: et il aroit fait ung -biau voiaige, car il avoit villainnement ars et escaudet le contet de -Haynnau. Fo 42 vo. - -P. 24, l. 18: Vermendois.--_Ms. de Rome_: en Amiennois, en Bar et en -Lorrainne. Fo 60. - -P. 25, l. 3: des quelz.--_Ms. d'Amiens_: Jehans de Mastaing, Bridouls -de Thians, Thieris et Hostelars de Soumaing, Gilles Moriaux de -Lestinnes, Hues d'Aunoit, Sandrais d'Esquarmaing. Fo 43. - -P. 25, l. 6: et Thieris.--_Ms. de Rome_: Jehans de Mauni et Tieris son -frère, qui chapitainne en estoient, se reconfortoient en ce que il -estoient bien pourveu, et aussi que lors sires li contes de Hainnau -queroit aide et aliances partout, et que de poissance li sièges seroit -levés. Si ne se esbahirent point li Hainnuiers, quoi que li enghien -jetaissent continuelment, qui lor rompirent tous les tois dou dit -manage. - -Ce siège estant devant Thun l'Evesque, chil de la garnison de Bouchain -issirent une fois hors, et vinrent au matin cevauchier jusques à -Esqerchin, et trouvèrent les honmes en lors lis, et prissent desquels -que il vodrent. Et puis se missent au retour et boutèrent le feu en -Esqerchin et ardirent Lambres et les fourbours de Douai et tout ce qui -de France se tenoit, et rentrèrent dedens la garnison de Bouchain, sans -prendre nul damage. Ensi couroient les garnisons, l'un sus l'autre, et -faisoient les armes. - -Chil de la conté de Hainnau s'esmervilloient trop fort que lors sires -estoit devenus, car il n'en ooient nulles nouvelles. Et en parloient li -chevalier et li esquier et li consaus des bonnes villes à messire Jehan -de Hainnau, et li disoient: «Sire, c'est trop mal fait que vous -n'envoiiés plus especiaulment deviers nostre signeur le conte, par quoi -il soit bien acertes segnefiiés de l'estat de son pais. Il i a jà plus -de siis sepmainnes qu'il se parti, et si n'en ot on nulles nouvelles. -Se vous les avés, si n'en avons nous nulle congnissance.» Mesires -Jehans de Hainnau respondoit à ces paroles et disoit: «Il n'a pas tenu -en ma negligense que je ne m'en soie bien acquités. Monsigneur de -Hainnau a esté en Engleterre, et li a li rois d'Engleterre fait très -bonne chière et li a proumis, selonch che que il m'a escript et -segnefiiet par ses lettres, que il sera dedens le jour Saint Jehan, à -poissance de gens d'armes et d'archiers, en la ville de l'Escluse. Et -sur ce monsigneur mon cousin est departis d'Engleterre, et monta en mer -à Orvelle là où il ariva qant il vint ou pais, et a pris terre à -Dourdresc en Hollandes. Et tous enfourmés de l'estat de son pais, et -pour resister à l'encontre de la poissance dou duch de Normendie et des -François, il est alés deviers le roi d'Alemagne au seqours, et semonre -tous les aloiiés. Et temprement vous le verés revenu en ce pais, et -gens d'armes à pooir avoecques li.» Fo 60. - -P. 25, l. 30: ne l'estoient.--_Ms. d'Amiens_: il devoient rendre le -fortrèche et yaux partir simplement sans riens porter dou leur. Et de -ce livrèrent il deus escuiers gentil hommes hostages, pour mieux le -duch acouvenenchier. Fo 43. - -P. 26, l. 1: acorda.--_Ms. de Rome_: Li auqun, qui consideroient le -dangier où li Hainnuier estoient, opposoient au tretié et disoient: -«Pourquoi lor donroit on jour? Il ne se pueent plus tenir. Le chastiel -est nostre, se monsigneur le voelt avoir et nous aussi.» Nequedent -toutes ces paroles remoustrées, li dus de Normendie s'inclina à -douçour, non à rigeur, et entendi à lor trettié. Et i furent recheu, et -livrèrent plèges Gillion de Soumain et Tieri de Soumain son frère, -Robert de Villers et Hueon d'Aunoit. Et cessèrent li enghien, et se -rafresqirent li compagnon, pour lors deniers, de vivres et de vins, et -vinrent en l'oost veoir le duch qui les vei volentiers, et lor fist -donner de son vin bien et largement. Et là avoit dedens la forterèce -une damoiselle gentil fenme, qui enclose s'i estoit pour l'amour de son -ami Jehan de Mauni, et se nonmoit Kateline de Wargni, et estoit des -damoiselles de l'abeie de Denain. Et estoit si enchainte que sus ses -jours, et moult avoit esté destourbée et travillie dou ject des pières -des enghiens, tant que tout li compagnon en avoient eu grant pité. Si -fu menée à sauveté à Bouchain, et en fu grant nouvelle en l'oost des -François, car par lor dangier et congiet, le couvint passer et aler en -la garnison de Bouçain. Fo 60. - -P. 26, l. 7: par le trettiet devisant.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à -22_: pour le traittiet devisier. Fo 59 vo. - -P. 26, l. 9: son neveu.--_Ms. d'Amiens_: qui moult s'esmervilla dou -conte son nepveult qui tant demouroit. Et l'avoit jà remandet par -pluiseurs messaiges, et li avoit escript et contenut veritablement -l'arsin et le doummaige que ses pays avoit recheus, dont li comtes -n'estoit mies plus liéz, et metoit paynne à son retour à revenir -hasteement, et aqueroit amis de tous costéz. Fo 43. - - -=§ 109.= P. 26, l. 22: de Byaumont.--_Ms. de Rome_: et de Chimai. Fo 60 -vo. - -P. 26, l. 27 et 28: amendet.--_Ms. de Rome_: et avoit esploitié et -avanchié ses besongnes que toutes gens d'armes d'Alemagne, liqel -estoient aloiiet et ahers en la gerre avoecques le roi d'Engleterre, le -sievoient et par l'ordenance et conmandement de Lois le Baivier, roi -d'Alemagne et empereour de Ronme. Fo 60 vo. - -P. 27, l. 11: arroy.--_Ms. d'Amiens_: à touttes ses os de Haynnau, de -Hollande, de Zellande. Fo 43.--_Ms. B 6_: Sy avoit en l'ost du dit -conte plus de cent milles testes armées. Fo 149. - -P. 27, l. 13: à Nave.--_Ms. de Rome_: et s'en vint passer à Haspre, et -vint à Nave et à Iwis. Fo 60 vo. - -P. 27, l. 19: Ligne.--_Mss. A 15 à 17_: Ligny. Fo 60. - -P. 27, l. 19: Barbençon.--_Mss. A 15 à 17_: Barbentoing. Fo 60. - -P. 27, l. 20: Lens.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22_: Leul, Lueul, -Lueil. Fo 60. - -P. 27, l. 20: Bailleul.--_Ms. et Amiens_: li sires de Moriaumés. Fo 43. - -P. 27, l. 21: de Mons.--_Ms. d'Amiens_: li sires de Faignuelles,... li -sires de Jeumont, li sires de Solre, li sires de Boussut,... li sires -de Vendegies,... li sires d'Aubrecicourt, li sires de Berlaimont,... li -sires de Pottes,... li sires de Ranpemont, li sires de Buillemont, li -sires de Ville. Fo 43. - -P. 27, l. 21 et 22: li sires de Montegni.--_Ms. d'Amiens_: li sires de -Montegni en Ostrevant,... li sires de Montegny Saint Chrestofle. Fo 43. - -P. 27, l. 22: Marbais.--_Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18 à 33_: Barbais. Fo -60. - -P. 27, l. 27: Biauriu.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14_: Beaugeu. Fo 60. - -P. 27, l. 29 et 30: Guillaumes de Namur.--_Ms. de Rome_: Jehans de -Namur. Fo 60 vo. - -P. 27, l. 32: de Braibant.--_Ms. de Rome_: Li dus de Braibant fu li -darrain venans et amena bien siis cens lances. Fo 60 vo. - -P. 27, l. 32: six cens.--_Mss. A 11 à 14_: sept cens. Fo 58. - -P. 28, l. 1: Guerles.--_Ms. d'Amiens_: à quatre cens lanches. Fo -43.--_Ms. de Rome_: à bien trois cens lances de Guerlois. Fo 60 vo. - -P. 28, l. 1: de Jullers.--_Ms. d'Amiens_: à trois cens lanches. Fo -43.--_Ms. de Rome_: et li contes des Mons à bien cinq cens lances. Fo -60 vo.--_Les marquis de Julliers, de Meissen et de Brandebourg ne sont -dénommés que dans les mss. B._ - -P. 28, l. 2: et d'Eurient.--_Ms. de Rome_: à deus cens lances. Fo 60 -vo. - -P. 28, l. 2: de Blankebourch.--_Ms. d'Amiens_: à deus cens lanches. Fo -43. - -P. 28, l. 3: des Mons.--_Ms. d'Amiens_: li comtes des Mons et li comtes -de Clèves à cent lanches. Fo 43.--_Ms. de Rome_: li contes de Jullers -et li contes des Mons à bien cinq cens lances. Fo 60 vo. - -P. 28, l. 3: de Faukemont.--_Ms. d'Amiens_: à cinquante lanches. Fo -43.--_Ms. de Rome_: à bien cent lances. Fo 60 vo. - -P. 28, l. 4: de Bakehen.--_Ms. de Rome_: à bien cent lances. Fo 60 vo. - -P. 28, l. 6 et 7: d'Escaut.--_Ms. de Rome_: entre Cambrai et Nave. Fo -60 vo. - - -=§ 110.= P. 28, l. 13: Nave et Yvuis.--_Ms. de Rome_: deus villages les -plus proçains de Thun l'Evesque. Fo 61. - -P. 28, l. 20: douze.--_Ms. d'Amiens_: trois mille. Fo 43. - -P. 28, l. 29: si poissamment.--_Ms. de Rome_: En l'oost le conte de -Hainnau avoit vingt chinq cens hiaumes. Et vinrent les communautés de -Brousselles, de Louvain et de Malignes. Et vint Jaquemes d'Artevelle et -amena de Flandres bien soissante mille honmes, et passèrent par -Audenarde et par Renais et par Leuse et par Condet et par -Valenchiennes. Et tout se logièrent devant l'oost le duc de Normendie. -Et estoient en l'oost le conte de Hainnau plus de cent mille honmes. Fo -61. - -P. 29, l. 2 et 3: delivret.--_Ms. d'Amiens_: Et encorres duroient lez -trieuwes entre yaux et chiaux de l'ost de Franche. Si envoiièrent un -hirault deviers le duc de Normendie, en lui priant que leurs hostaiges -il pewissent ravoir, Jehan de Nordvich, un englès et Gillion de -Biaurieu. Li dus, qui fu bien consilliéz, les renvoya, car il n'avoit -nul cause dou tenir. Fo 43. - ---_Ms. de Rome_: Or i ot manière à ravoir les quatre esquiers ostagiers -que chil de Thun l'Evesque avoient delivré au duch de Normendie. Li -contes de Hainnau, qui chiés estoit de toute cel hoost, qant il fu bien -consilliés, envoia un hiraut deviers le duc de Normendie, qui li -remoustra conment chil dou chastiel de Thun avoient bien tenu leur -couvenance, et que dedens les quinse jours que mis i avoient, secours -lor estoit venus, pour quoi ils voloient ravoir lors ostages. Et en -oultre mandoit li contes de Hainnau, se li dus de Normendie et li -François voloient avoir la bataille, il estoient tout apparilliet que -pour le livrer et le faire. Li consauls dou duch de Normendie respondi -à ce et dist que, des ostages renvoiier, il estoient consilliet que il -les renvoieroient volentiers, car voirement il n'avoient nulle cause -dou retenir; mais tant que d'acorder la bataille, il n'avoit pas mis -encore son consel ensamble, et que il en aueroit avis de respondre. Li -hiraus retourna sus ce et fist sa response. Li ostage furent renvoiiet, -et demora li chastiaus de Thun l'Evesque ensi tous deschirés. Li -Hainnuier n'en fissent compte, mais il tinrent à grant vaillance ce que -Richars de Limosin et li enfant de Mauni l'avoient si bien tenu contre -les François. Fo 61. - -P. 29, l. 3: le quatrime jour.--_Mss. A 11 à 14_: le sixième jour. Fo -58 vo. - -P. 29, l. 15: dou chastiel.--_Ms. d'Amiens_: et au partir il boutèrent -le feu en le tour dou castiel de Thun où si longhement il s'estoient -tenut. Si vinrent messires Richiers de Limozin et li enfant de Mauny et -li autre compaignon en le tente dou comte de Haynnau. Fo 43. - - -=§ 111.= P. 30, l. 20: combatre.--_Ms. de Rome_: Et le faisoient li -François tout volentiers pour faire le conte de Hainnau aleuer son -argent, et li bouter en une grande debte encontre les Alemans qui ne -sont pas trop legier à rapaisier. Fo 61. - -P. 30, l. 21: hastieux.--_Ms. d'Amiens_: mès s'il passoit l'Escault, il -fust tous seurs qu'il seroit combatus. Fo 43 vo. - -P. 30, l. 31: sages.--_Ms. d'Amiens_: et si avoit li comtes sa fille. -Fo 43 vo. - -P. 31, l. 32: faisoient.--_Ms. d'Amiens_: Et tout enssi comme en l'ost -haynuier, on se demenoit par conssaux sus l'entente de combattre ou de -non, ossi en l'ost de France on se consilloit et avisoit coumment et -par honneur on se maintenroit. Bien disoient li pluiseur grant signeur -de Franche que li dus gisoit là à se honneur, car il avoit chevauchiet -en Haynnau, ars et essilliet le pays et courut devant lez fortrèches, -et demouret ung jour tout entier devant le milleur ville de Haynnau et -courut et ars jusquez as bailles, et puis assegiéz deux castiaux -propisses à Haynnau et trop ennemis au royaume et à Cambresis, et ces -deux castiaux pris et abatus. «Et encorres sont il devant leurs -ennemis, qui pas ne leur veeroient à faire ung pont, se faire le -volloient, fors tant que li Haynuier et li aloiiet sont maintenant trop -plus fort et plus grant nombre de gens que li Franchoix. Si lez fet bon -tenir en cel estat, car li comtes de Haynnau gist là à grant fret, et -tellement s'endebtera deviers ces Allemans que jammès ne s'en vera -quittes ne delivrés, à quoy qu'il mande ne qu'il se demainne. Se ne li -acordéz nulle journée.» Enssi ou auques priès estoient li parlement de -France, si comme j'oy recorder depuis deux grans barons de Franche qui -y furent, monseigneur de Montmorensi et monseigneur de Saint Venant. Fo -43 vo. - - -=§ 112.= P. 32, l. 1: Haynau.--_Ms. d'Amiens_: liquelx li looit bien à -combattre et venir passer l'Escault à Bouchain et une autre petitte -rivierre qui descent d'amont, que on ne poet passer à gué, qui vient de -Oizi en Cambresis et de Alues en Pailluel. Là falloit leur pourpos, car -se il avoient passet l'Escaut à Bouchain, se leur couvenroit faire un -pont sus ceste autre rivière. Fo 43 vo. - -P. 32, l. 10: trois jours.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14_: jour de respit. Fo -61. - -P. 32, l. 15: troisime.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 17_: quatrième. Fo 61 vo. - -P. 32, l. 16: chevaliers.--_Ms. d'Amiens_: et fist armer deux -chevaliers avoecq lui et trois escuiers. Et montèrent li chevalier sus -courssiers, et li escuier sus bons ronchins. Fo 44. - -P. 32, l. 17 et 18: devant.--_Mss. A 11 à 14_: et un aultre chevalier -qui portoit son pennon devant lui, montez sur bons coursiers. Fo 59. - -P. 32, l. 25: Haynau.--_Ms. d'Amiens_: par son tourniquiel et ung -pignon qu'il faisoit porter de ses armes devant lui. Fo 44. - - -=§ 113.= P. 34, l. 7: Edouwart.--_Ms. de Rome_: Li rois Edouwars -d'Engleterre avoit, tout l'ivier et le temps, entendu à ses besongnes -et priiet chevaliers et esquiers en son pais et quelliet, par priière -et par ordenance de don que son peuple li avoit fait bon une aide moult -grose, grant argent, car il esperoit que sus l'esté il feroit un grant -fait; et sus cel estat, il estoit departis des Alemans. Et avoit li dis -rois d'Engleterre fait ses pourveances moult grandes et moult groses -sus la rivière de la Tamise en la chité de Londres; et là avoit fait -son mandement et assamblé grant fuisson de nobles, chevaliers et -esquiers et archiers. - -Qant tout fu prest, et la navie cargie, li rois d'Engleterre entra en -son vassiel. Toutes ses gens entrèrent et montèrent, ensi que ordonné -estoit, et se desancrèrent dou qai de Londres, et singlèrent aval la -Tamise et vinrent de celle marée devant Gravesaindes; de la seconde -marée, devant Mergate, et puis entrèrent en mer; et pooient estre -environ siis vingt vassiaus, nefs, balengiers et passagiers, quatre -mille honmes d'armes, chevaliers et esquiers et douse mille archiers. -Et avoient li rois et ses gens la mer et le vent pour euls, et -nagièrent à pooir viers la ville de l'Escluse en Flandres. Et ne -savoient riens les Englois des Normans qui se tenoient devant l'Escluse -bien quarante mille, et atendoient le retour et venue dou roi -d'Engleterre. Bien sçavoient les Englois que les Normans esqumeurs -estoient sus la mer, mès il ne les quidoient pas trouver à l'Escluse. -Et tout che lor faisoit faire li rois de France qui lor voloit brisier -lor voiage. - -Et estoient li Normant, parmi les Geneuois et Piqars, bien quarante -mille honmes, desquels mesires Hues Qierès d'Amiennois, Barbevaire et -Bahucès estoient chiés. Et avoient bien deux cens vassiaus parmi ceuls -des pourveances, et avoient ensi que assis la ville de l'Escluse; et -n'i pooit nuls entrer ne issir, fors par lor congiet. Or avint que, la -vegille de la Saint Jehan Baptiste que on compta pour lors en l'an de -grasce Nostre Signeur mille trois cens et quarante, li rois -d'Engleterre et sa navie vinrent devant l'Escluse, c'est à entendre -pour prendre port et terre priès de Blanqueberghe, à deus lieues de -l'Escluse, et trouvèrent la navie des Normans. Des mas qui drecoient -contre mont, ce sambloit uns grans bois. Qant li rois d'Engleterre et -les Englois orent congnissance que li Normant estoient devant -l'Escluse, et ne pooient prendre terre fors par lor dangier, si -jettèrent lors ancres, et se tinrent tout quoi pour entendre à lors -besongnes et ordonner lors batailles. Lors fist li rois d'Engleterre -pluisseurs chevaliers nouviaus, car bien veirent generaument que -combatre les couvenoit. Qant la mer fu revenue, il desancrèrent et -ordonnèrent tous lors vassiaus; et missent les plus fors devant, et les -armèrent et pourveirent d'archiers. Entre deus nefs d'archiers avoit -une nef de gens d'armes. Fo 61. - -P. 34, l. 12: par mer.--_Ms. d'Amiens_: à bien quatre mille hommes -d'armes et douze mille archiers. Fo 44. - -P. 34, l. 13: vaissiaus.--_Ms. B 6_: à tout quatre mille hommes d'armes -et huit mille archiés. Fo 151. - -P. 34, l. 16: se tenoient.--_Ms. B 6_: devant l'Escluse, entre -Blancqueberge et Quaisant. Fo 151. - -P. 34, l. 18: sept vingt.--_Ms. d'Amiens_: cent. Fo 44.--_Mss. A 1 à -6_: six vingt. Fo 59. - -P. 34, l. 20: quarante mille.--_Ms. B 6_: Et estoient plus de quarante -mille hommes, Gheneuois, Normans et Picars, tout escumeurs de mer. Fo -151. - -P. 35, l. 5: vassiel.--_Ms. d'Amiens_: qui tant li avoit coustet au -faire. Fo 44. - -P. 35, l. 20: temps.--_Ms. d'Amiens_: jà par le tierme de deus ans et -plus. Fo 44. - -P. 35, l. 21: trois cens.--_Mss. A 11 à 14_: à quatre cens hommes -d'armes et à huit cens archiers. Fo 60. - - -=§ 114.= P. 35, l. 25: Quant.--_Ms. de Rome_: Qant tout furent ordonné, -li vassiel le roi d'Engleterre aprochièrent. Che estoit biautés et -grant plaisance au veoir ces banières et ces estramières armoiies des -armes des signeurs. Et à ce que li Normant moustrèrent, il desiroient -avoir la bataille as Englois. Car, si tretos que il les veirent -aprochier, il avoient croisiet tous lors vassiaus, il traisent les -ancres à mont, et laissièrent les voilles aler, et s'en vinrent tout de -grant volenté sus la navie des Englois. Et ordonnèrent à aler tout -devant _Cristofle_, le grant vassiel, lequel en celle meisme anée il -avoient conquis sus les Englois. Qant Englois et Normans -s'encontrèrent, il i ot grant hustin; et à l'entrer l'un dedens -l'autre, il abaisièrent tous lors voilles. - -Ou grant vassiel de _Cristofle_ qui se remoustroit desus tous les -aultres, avoit bien quatre cens geneuois arbalestriers, liquel -conmenchièrent à traire moult roit et moult dur à l'aprocier. Li -Englois recongneurent bien que c'estoit _Cristofle_, le vassiel qui -avoit esté conquis sus euls. Si furent plus desirant dou reconquerre, -et l'environnèrent de tous lés. Et conmenchièrent archier à traire de -grant randon, et à aprochier ce vassiel _Cristofle_ et les Geneuois qui -dedens estoient. Vous savés que archier de l'arc à main sont trop plus -isniel que ne soient arbalestrier. Chil archier d'Engleterre, par -ouniement traire fort et roit, ensonniièrent tellement ces Geneuois que -il furent mestre et signeur de euls, et entrèrent dedens _Cristofle_ et -le conquissent, et missent à mort et à bort tous les Geneuois que il i -trouvèrent. En ce vassiel pooient bien mille honmes. Tantos il fu -pourveus d'archiers et de gens d'armes, liquel portèrent grant -contraire as aultres. - -Li rois d'Engleterre, li contes de Pennebruq, li contes de Houstidonne -et leur bataille bien ordonnée et acompagnie de gens d'armes et -d'archiers, avoient asamblé là où mesires Hues Quierès et Bahucès -estoient, bien acompagniés aussi de Normans et de Geneuois. Et là fu la -bataille très grande et très perilleuse; car chil Normant et chil -Geneuois estoient tout esqumeur et coustumier de la mer, et trop bien -en pooient la painne, car en tout lor vivant il n'avoient fait aultre -cose que poursievir les aventures d'armes sus la mer. Aussi au voir -dire, Englois sont bonnes gens de mer, car il en sont fait et nourri, -et trop bien en pueent la painne. C'est trop dure bataille sus mer, et -trop perilleuse, car il fault atendre l'aventure, ne on ne poet fuir. - -Ceste bataille dont je vous parole, fu durement bien combatue et -longement dura; et conmença la nuit de la Saint Jehan Baptiste au -matin, ensi que à huit heures; mais elle dura jusques à cinq heures -apriès nonne, et que la mer fu ralée et revenue. Considerés se là, en -ce terme et espasce, il n'i peurent pas avenir des grans fais d'armes: -oil, car il estoient tout resvillié et ordonné à ce faire, tant li -Englois conme li Normant. Fo 61 vo. - -P. 36, l. 12: devant.--_Ms. d'Amiens_: bien pourveu d'artillerie et -d'arbalestriers. Fo 44 vo. - -P. 36, l. 13: dedens.--_Ms. d'Amiens_: ou plus parfont pour mieux -combattre. Fo 44 vo. - -P. 36, l. 16: ennemis.--_Ms. d'Amiens_: mout fierement et moult -asprement là traioient li arbalestrier normant et jeneuois très roit et -très vigereusement, et li archier d'Engleterre ossi mout songneusement. -Fo 44 vo. - -P. 36, l. 21: hardiement.--_Ms. d'Amiens_: et bien le couvenoit, car li -Normant avoecques leurs ayewes estoient bien cinq contre ung, et tout -dur et gent de mer. Fo 44 vo. - -P. 36, l. 26: combatre.--_Ms. d'Amiens_: Et entroient d'un vaissiel en -aultre li plus legier et vigereux, et li plus batillèrent là. Se -combatoient li aucun, main à main, as espies et as haches, as espois et -as daghes, et luttoient et fesoient merveilles de belles appertises -d'armes. Là crioient li Englès: «Saint Jorge! Giane!» et trop bien -assalloient et deffendoient. Et li Normant crioient: «Franche!» et ossi -trop bien se combatoient. Fo 44 vo. - - -=§ 115.= P. 37, l. 5: horrible.--_Ms. de Rome_: Et ce qui donna très -grant avantage as Englois, ce fu que ens ou conmencement de la -bataille, il conquisent _Cristofle_ le grant vassiel; et qant il -l'orent conquis, il le pourveirent d'archiers, et i en i entra plus de -mille. Et chil archier avoient très grant avantage de traire au lonc -et de ensonniier Normans, liquel n'estoient pas de si grant valleur as -armes, ne de deffense conme estoient les gens d'armes d'Engleterre. - -Pour lors li rois d'Engleterre estoit en la flour de sa jonèce, et -point ne s'espargnoit, mais s'aventuroit en la bataile aussi -aventureusement conme nuls de ses chevaliers, et moustroit bien en -faisant armes que la besongne estoit sienne. Li rois estoit en un -vassiel moult fort et moult biel qui avoit esté fais, ouvrés et -carpentés à Zandvich, et estoit armés et parés de banières et -d'estramières très rices, ouvrées et armoiies des armes de France et -d'Engleterre esquartelées; et sus le mast amont avoit une grande -couronne d'argent dorée d'or, qui resplendisoit et flambioit contre le -solel. D'encoste le roi estoient li contes Henri Derbi, son cousin -germain, li contes de Norhantonne et li contes de Herfort, et avoit -quatre chevaliers ses cambrelens, mesires Jehans Candos, mesire Richars -La Vace, messire Richars de Pennebruge et mesire Richars Sturi, tout -quatre honmes de grant vaillance. Les nefs estoient acroqies et -atachies les unes as aultres, et ne se pooient departir. Et là avoit -dure bataille, et dedens les nefs fait tamainte apertise d'armes. -Finablement li Englois obtinrent la mer et la place. Et furent chil -esqumeur normant, piqart, geneuois, bidau et prouvenciel desconfi; et -trop petit s'en sauvèrent, car à la desconfiture il ne porent. Cause -pourquoi, je le vous dirai. - -Les Englois en venant les avoient enclos entre euls et l'Escluse. Se ne -pooient requler, fors sus lors ennemis, ne aler avant, ne rompre la -navie d'Engleterre qui avoient propris tout le pasage de la mer. Chil -et auqun, qui se quidièrent sauver pour venir à l'Escluse, furent mort -davantage; car li Flamenc, qui avoient grant haine à euls, pour tant -que toute la saison il avoient cuvriiet et heriiet le pasage à -l'Escluse, et robé et pilliet sus la mer, et n'avoient eu cure à qui, -les tuoient otant bien sus la terre que en la mer, et n'en avoient -nulle pité. Et vinrent là, que de Bruges, que de Ardenbourc, que de -Otebourch, de Blanqueberghe et dou Dam, à l'Escluse, plus de huit mille -honmes qui rafresqirent grandement les Englois et parfissent la -desconfiture des Normans. Barbevaire fu mors et jetés de son vassiel en -la mer. Aussi mesires Hues Qirès ot la teste copée sus le bort de une -nef et (fu) reversés en la mer. Bahucès fu pris en vie; et pour tant -que il avoit esté tous jours fors lerres et robères sus la mer, li -amirauls de la mer d'Engleterre le fist sachier amont à une polie et -pendre à un mas et estrangler. - -P. 37, l. 15: nonne.--_Ms. d'Amiens_: Et dura la bataille de l'heure de -primme jusquez à relevée. Et adonc vinrent grant gent de Flandres, car -très le matin li bailliux de l'Escluze l'avoit fet segnefiier à Bruges -et ès villes voisinnes. Si estoient les villes touttes esmutes et -acourutes à piet et à cheval et par le Roe, cheminans qui mieux mieux -pour aidier les Englès. Et s'asamblèrent à l'Escluse grant cantité de -Flammens, et entrèrent en nefs et en barges et en grans vaissiaux -espagnols, et s'en vinrent jusquez à le bataille tout fresk et tout -nouviel, et grandement reconfortèrent les Englès. Fo 44 vo. - -P. 37, l. 24: Derbi.--_Ms. d'Amiens_: .... li evesques de Lincolle,... -li comtes de Norhantonne,... li sires de le Ware, messires Loeys de -Biaucamp, messires Guillaume Filz Warine, li sires de Basset,... li -sires de Luzi, messires Guillaume de Windesore, messires Thummas de -Hollandes, messires Richars de Pennebruge,... li sires de Ponchardon, -messires Niel Lornich, messires Olivier de Clifort, messires Henris de -Biaumont, messires Francques de le Halle, li sires de Ferières, li -sires Despenssier.... Fo 44 vo. - -P. 38, l. 2: Brasseton.--_Mss. A 8 à 10_: Buisseton. Fo 58.--_Mss. A 23 -à 29_: Barsseton. Fo 72 vo. - -P. 38, l. 9: vassaument.--_Ms. d'Amiens_: avoecq l'ayde de leurs -archiers. Fo 44 vo. - -P. 38, l. 9: secours.--_Ms. B 6_: A ceste desconfiture parfaire vinrent -les Flamens du Francq de Bruges, de Noefport et du pays environ, qui -grandement aydèrent le roy d'Engleterre et le rafresqirent en sa -bataille: laquelle bataille fu l'an de grace Nostre Seigneur mil trois -cens et quarante, le nuit Saint Jehan Baptiste. Fo 149. - -P. 38, l. 11: Et furent.--_Ms. B 6_: Et furent tout ces Normans et leur -sexte desconfis, mors ou noiiés, et messires Hues Kierès et Bahucès -leur patron mors et mis à bort. Sy se sauva Barbenaire, Marans et -Mestriel; et entrèrent en une barge quant il virent le desconfiture. -Che fu une moult belle journée pour le roy d'Engleterre, car il mist là -à fin plus de quarante mille hommes qui tant avoient fait de mal sur la -mer que sans nombre; ne il n'estoit nul marchans qui devant ceste -bataille osast aler sur mer. Fo 149. - -P. 38, l. 13: noiiet.--_Ms. d'Amiens_: excepté Barbevaire et Maraut qui -se sauvèrent. Car, quant il virent le desconfiture, il entrèrent en une -barge et fissent tant par rivier qu'il yssirent de le bataille et -eslongièrent les perilx qui moult grant y estoient entre leurs gens, -car on n'en prendoit nul à merchit, mès les mettoit on tous à bort. Là -furent mort messires Hues Kierès et messires Pierres Bahucès et bien -quarante mille saudoiiers, normans, pikars, geneuois, bretons, bidaus -et gens de touttes queilloites. Ceste bataille fu en l'an de grace -Nostre Seigneur mil trois cens quarante, le jour devant le vegille -Saint Jehan Baptiste. Fo 44 vo. - -P. 38, l. 14: mis à (mort).--_Mss. A 7 à 10, 15 à 17, 23 à 33_: mis à -bort. Fo 58.--_Mss. A 1 à 6, 18 à 22_: perilz et noyés. Fo 63.--_Mss. A -11 à 14_: mors et noyez et mis au bort. Fo 60 vo. - -P. 38, l. 19: resjoy.--_Ms. d'Amiens_: Adonc dist li dus de Braibant -que ses pourpos estoit averis et que une autre foix il fuist mieux -creux et que ses cousins li rois englès, puisqu'il estoit dechà le mer, -lez ensonnieroit temprement, et que bon seroit de l'aller vers lui, -ensi que on li avoit juret et proummis. Là eurent li seigneur qui -avoecq le comte de Haynnau estoient, conseil et advis que d'iaux -deslogier le matin et de donner touttes mannierres de gens congiet -jusques adonc qu'il seroient semons et mandet de par yaux ou nom dou -roy englès, et que tout li cief des grans seigneurs qui là estoient, se -retraissent deviers le roy d'Engleterre qui s'en venoit à Gand. Donc fu -criiet et nonchiet en l'ost que chacuns devant soleil levant se -deslogast. Ossi fu il enssi en l'ost le roy de France, car environ -mienuit li roys oy lez nouvelles que sen armée sour mer estoit toutte -perdue et desconfite, et que nuls de vaille n'en estoit escappés, et -estoit li roys englès à grant effort venus par dechà le mer. De ces -nouvelles fu li roys de Franche moult courouchiés, car il avoit eu -grant fianche en ces Geneuois et Normans que par yaus fuist li rois -englès desconfis sus mer et ses voiaiges rompus. De quoy pour le -mautalent il ordonna le matin à deslogier et à retraire vers Arras et -illoecq environ. Enssi furent departies ces deux os que vous m'oés -recorder, de devant Thun, et requeillèrent tentes et pavillons et -misent à charoy. Et revint li comtes de Haynnau à Vallenchiennes et là -amena le duc de Braibant, le duc de Gerlles, le comte de Jullers, son -serourge, le comte de Namur, le marquis de Blancquebourch, monseigneur -Jehan de Haynnau son oncle, le marquis de Misse, le seigneur de -Fauquemont, Jaquemon d'Artevelle, et lez festia et honnoura au mieux -qu'il peult. Et cil dessus dit fissent leurs gens tout bellement -retraire et raller en leurs lieux. Et ossi li roys de Franche se -desloga ceste meysme matinée et s'en vint à Arras, et ducs et comtes -avoecq lui, et ne donna nullui congiet, car il penssoit bien qu'il en -aroit temprement affaire. Or revenrons au roy d'Engleterre et coumment -il se ordonna apriès le bataille qu'il eult entre Blancqueberghe et -l'Escluze. Fos 44 vo et 45. - - -=§ 116.= P. 38, l. 26: nakaires.--_Mss. A 11 à 14_: tabours, cornez et -de toutes manières d'instrumens, telement que on n'i ouist pas Dieu -tonnant. Fo 61. - -P. 38, l. 27: menestrandies.--_Ms. de Rome_: Et amenoit li rois -d'Engleterre en sa compagnie bien trois cens prestres, les quels il -avoit mis hors d'Engleterre, pour celebrer et faire l'office de Dieu en -Flandres. Car papes Clemens V[I], resgnans pour ce temps, à la requeste -et ordenance dou roi de France, avoit jetté une sentense -d'esqumenication par toutes les parties de Flandres. Et n'estoit nuls -prestres flamens, sus estre encourus en sentense esqumenicative, qui -osast canter ne faire le divin office, ou estre privés de son -benefisce, se il le tenoit. Et pour che, à la requeste et priière dou -pais, avoit li rois d'Engleterre amené tant de prestres, et pour faire -canter en Flandres. Fo 62. - -P. 39, l. 5: à l'endemain.--_Ms. B 6_: Au tierch jour. Fo 150. - -P. 39, l. 10: sus le soir.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22_: la nuit. -Fo 63. - -P. 39, l. 13: part.--_Ms. d'Amiens_: et lez dammes ossi qui estoient -venues veoir et apassées le mer pour l'amour de le roynne d'Engleterre -qui estoit moult enchainte, et assés tost apriès ajut d'un biau fil, -qui eut à nom Jehans contre le duc Jehan de Braibant qui le tint as -fons. Et fu puis duc de Lancastre de par sa femme ma damme Blanche, -fille au duch Henri de Lancastre. Fo 45. - -P. 40, l. 4: li signeur.--_Ms. d'Amiens_: li dus de Braibant, li comtes -de Haynnau, li dus de Guerlles, li comtes de Jullers, Jaquemes -d'Artevelle, qui estoit tous sires et souverains des Flammens. Fo 45. - -P. 40, l. 7: le sizime jour.--_Mss. A 1 à 7_: le huitième jour. Fo 63. - -P. 40, l. 18: lieu.--_Ms. d'Amiens_: Et li comtes de Haynnau et -messires de Biaumont, ses oncles, demeurèrent dalés le roy et le roynne -à Gand. Fo 45. - - -=§ 117.= P. 40, l. 24: Quant.--_Ms. de Rome_: Le jour Saint Jehan au -matin, furent ces nouvelles sceues et publiies devant Thun l'Evesque, -tant en l'oost dou conte de Hainnau conme dou duch de Normendie. Par -aparant li François ne fissent point trop grant compte de ces Normans, -et dissent li auqun: «On n'a riens perdu, se chil esqumeur de mer sont -mort et peri. Il n'estoient que larron: il ne laisoient point de -poisson venir par de deçà, nous n'en poions point avoir pour euls. Li -rois de France a à lor mort gaegniet deux cens mille florins. On lor -devoit lors gages de quatre mois, et si en est la mer delivrée.» Ensi, -ne aultrement ne les plaindoient moult d'onmes en l'oost le roi de -France et le duch de Normendie. Et li auqun disoient: «Puisque li rois -d'Engleterre a eu celle première aventure de desconfire les Normans et -les Geneuois, et que les victores le conmencent à agratiier, il en -auera encores des aultres.» Et bien le dist li rois Robers de Cecille, -de Naples et de Jherusalem, que li senglers de Windesore ficeroit -encores ses dens moult parfont ens ès portes de Paris; et chils -Edouwars est li senglers de Windesore, ensi que dient les prophesies de -Merlin selonch le livre de Bructus. - -Le jour Saint Jehan Baptiste, en l'an de grasce desus dit, et sus le -point de neuf heures, issi li rois d'Engleterre de la navie qui estoit -à l'ancre devant l'Escluse, et li signeur d'Engleterre aussi; et -vinrent en la ville de l'Escluse, et là furent recheu à grant joie. Et -but et manga li rois un petit, et puis tout de piet il vint à -Ardenbourc veoir le ymage de Nostre Dame, en cause de devotion, et là -fu tout le jour. Et là le vinrent veoir li bourgois de Bruges qui lui -recordèrent des besongnes de Flandres, et conment Jaquemes d'Artevelle, -ses grans amis, estoit avoecques le conte de Hainnau et le duch de -Braibant et les Alemans, à bien soisante mille Flamens, à l'encontre -dou duch de Normendie logiés, et couroit renonmée que il i aueroit -bataille. Ces paroles entendi li rois d'Engleterre volentiers, pour -tant que d'Artevelle estoit si bien en la grasce des Flamens que il les -menoit où il voloit. Si mist tantos li dis rois clers en oeuvre et -messagiers, et escripsi au conte de Hainnau et à ces signeurs le duch -de Braibant, le duch de Guerles, le conte de Jullers et tous les -aultres, son estat et la manière de l'estat et victore que il avoit eu -sus mer à l'encontre des Normans. Et qant il ot fait ce pour quoi il -estoit venus à Nostre Dame d'Ardenbourch, ils et auquns signeurs -montèrent sus chevaus que on lor amena de Bruges, et cevauchièrent et -vinrent à Gant, et trouvèrent madame la roine Phelippe, qui -nouvellement estoit relevée d'un biau fil, liquels avait à non Jehans, -contre le duch Jehan de Braibant, et puis fu dus de Lancastre. - -Li rois et la roine qui estoit logie l'abeie de Saint Pière se -conjoirent, ce fu raisons, ensi que gens qui s'entramoient grandement. -Si se tint là li rois et s'i rafresqi. Et aussi fissent li signeur -d'Engleterre et lors gens, et s'espardirent petit à petit parmi le pais -de Flandres, ens ès bonnes villes et aillours, et estoient par tout -conjoi et requelliet liement, car il paioient bien tout ce que il -prendoient. - -Qant li signeur d'Alemagne, qui gisoient devant Thun l'Evesque, furent -segnefiiet dou roi d'Engleterre que il estoit à Gant, et que là les -atendoit, si en furent grandement resjoy, et orent là consel l'un par -l'autre que il se deslogeroient et iroient veoir le roi à Gant. Si se -deslogièrent et se departirent premierement tantos les communautés de -Flandres, de Hainnau et de Braibant, et retournèrent en lors villes. -Ensi se desrompi ceste grande assamblée. Et li dus de Normendie se -retraist en Cambrai, et donna grant fuisson de ses gens d'armes -congiet, et les envoia par garnisons, et par especial en Lille, en -Douai et en Tournai, sus les frontières de Flandres. Et pour ce que -renonmée couroit que li rois d'Engleterre et li aloiiet venroient -mettre le siège devant la chité de Tournai, on i envoia le conte de -Fois et le conte de Conminges, le visconte de Bruninqiel, le visconte -de Talar, le visconte de Villemur et le visconte de Nerbonne, à bien -cinq cens armeures de fier, de Bidaus et de Foisois. Et encores furent -envoiiet en Mortagne, seans sus l'Escaut, li sires de Biaujeu à tout -grant fuisson de Bourgignons et de Biaujolois. En la ville de Saint -Amant en Peule furent envoiiet biaucop de Bidaus à dardes et à pavais, -des quels mesires Pières de Carchasonne, uns moult jentils cevaliers, -estoit capitaine. Toutes les garnisons françoises de là environ furent -pourveues de ce que il lor besongnoit, pour atendre l'aventure et -passer la saison. Et se tint li dus de Normandie à Cambrai un lonch -temps, et li rois de France se tenoit à Pieronne en Vermendois, et -donnoient saudées à tous geneuois et prouvenchiaus arbalestriers; et -qant il estoient paiiet pour trois mois, on les envoioit oultre sus les -pas(s)ages et frontières, là où on supposoit que il besongnoient. - -Qant li contes de Hainnau et li baron d'Alemagne et li dus de Braibant -se departirent de l'oost de devant Thun l'Evesque, il se traissent à ce -retour à Valenchiennes, et tout dis Jaquemart d'Artevelle en lor -compagnie, ne on ne faisoit riens sans lui, pour tant que toute -Flandres estoit en son obeissance, et tenoit un estat aussi estofé -conme li dus de Gerles, et plus grant. Et par especial li contes de -Hainnau et li dus de Braibant le tenoient grandement à amour, pour tant -que lor pais marcissent à Flandres: si en pooient estre aidié dou jour -à l'endemain. Li contes de Hainnau et la contesse sa fenme requelli ces -signeurs en Valenchiennes moult grandement, et lor fist des biaus -disners et soupers, cinq jours que il i furent. Et là preeca li dis -d'Artevelle enmi le marchiet, et estoit montés en la hale des signeurs, -là où ou anonce les bans, et fu volentiers oïs, car il avoit grant sens -et bielle parleure. Et remoustra quel droit li rois d'Engleterre avoit -au calenge de la couronne de France, et ausi quèle poissance li troi -pais avoient, Flandres, Hainnaus et Braibant, qant il estoient conjoint -ensamble et d'un acord et aliance. Chils Jaquemes d'Artevelle parla si -proprement à la plaisance dou peuple, qui là estoit asamblés pour oïr -ce que il voloit dire, que, qant il conclut son sermon, une vois -generaus et murmurations se eslevèrent en disant: «d'Artevelle a bien -parlé et par grande experiense, et est dignes de gouvrener et excerser -le pais de Flandres.» - -Apriès toutes ces coses faites et dittes, li signeur, liquel estoient à -Valenchiennes, prissent congiet l'un à l'aultre, et eurent ordenance de -estre dedens siis jours apriès à Gant deviers le roi d'Engleterre, et i -furent. Et les rechut li rois d'Engleterre et la roine liement et -doucement, et là parlementèrent ensamble. Et fu là acordé que li rois -d'Engleterre venroit à Villevort, où autrefois avoit esté, et là -seroient li signeur tout chil qui presentement estoient à Gant, et -pluisseur aultre qui point n'estoient là. Donc se departirent dou roi -d'Engleterre et s'en retournèrent li dus de Braibant en son pais, et li -contes de Hainnau à Valenchiennes où la contesse sa fenme se tenoit. -Mais li signeur d'Alemagne demorèrent à Brouselles et à Malignes et à -Louvaing, pour estre plus apparilliet au jour de ce parlement; et li -dis Renauls de Gerles, serouges au roi d'Engleterre, demora à Gant, et -vint à Villevort avoecques le dit roi. Fos 62 vo et 63. - -P. 41, l. 3: car.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 20 à 22_: il s'en doubtoit -plus que d'autres (_Mss. A 11 à 14_: d'autre ville qu'il eust) pour -cause des Flamens. Fo 63 vo. - -P. 41, l. 5: Biaugeu.--_Mss. A 11 à 14_: le sires de la Baume. Fo 61 -vo.--_Mss. A 2 à 6_: le sire de Wauvrins. Fo 63 vo.--_Mss. A 1, 18 à -23_: Beaurieu. - -P. 41, l. 17: guerre.--_Mss. A 11 à 14_: pour obvier à l'effusion de -sang et à la grant destruction du peuple et de l'Eglise qui s'en -povoient ensuir. Fo 61 vo. - - -=§ 118.= P. 42, l. 5: oncles.--_Ms. d'Amiens_: et leurs conssaux, li -ducs.... Fo 45. - -P. 42, l. 7: des Mons.--_Mss. A 11 à 14_: de Vaudemont. Fo 62. - -P. 42, l. 8: Faukemont.--_Ms. d Amiens_: .... li comtes de Los. Fo 45. - -P. 42, l. 9: d'Artevelle.--_Ms. de Rome_: conme souverains de Flandres. -Fo 63 vo. - -P. 42, l. 12: deus ou quatre.--_Mss. A 8 à 10_: trois ou quatre. Fo 58 -vo.--_Mss. A 11 à 14_: deus ou trois vaillans bourgois. Fo 62. - -P. 42, l. 27: seelet.--_Ms. de Rome_: sus painne de encourir en -contredit de Ronme et sentense d'Empereur. Fo 63 vo. - -P. 42, l. 30: monnoie.--_Ms. d'Amiens_: une monnoie sannable d'un -quind, d'un poix et d'une forge. Fo 45. - -P. 43, l. 5: Tournay.--_Ms. d'Amiens_: car s'il avoient Tournai à leur -volloir, il iroient par toutte Franche jusquez à Compiègne et jusques à -Coisi à leur vollenté. Et li Flammencq assiegeroient legierement Lille -et Douay et prenderoient toudis leurs pourveanches à Tournay, que nulz -ne leur poroit destourner. Fo 45. - -P. 43, l. 13: estat.--_Ms. de Rome_: Et li rois d'Engleterre et -Jaquemes d'Artevelle retournèrent à Gant. Trois jours apriès la revenue -dou roi d'Engleterre à Gant, s'acouça la fenme de ce d'Artevelle d'un -fil, et ot nom Phelippes contre la (roine) d'Engleterre, et le tinrent -à fons li rois d'Engleterre et la roine. Chils enfes, nonmés -Phelippes, fu depuis moult sages et bacelereus, et obtint tout le pais -de Flandres à l'encontre dou conte et des signeurs et dou roi de -France, ensi que vous orés recorder avant en l'istore. Fo 63 vo. - - -=§ 119.= P. 43, l. 14: Phelippes.--_Ms. de Rome_: qui se tenoit à -Pieronne en Vermendois et estoit tenus ou là environ, depuis que son -fil le duc de Normendie avoit fait sa cevauchie ens ou pais de Hainnau. -Fo 63 vo. - -P. 43, l. 25: de Poitiers.--_Mss. A 11 à 14_: Aimemon de Pommiers. Fo -62 vo. - -P. 43, l. 28: de Kaieus.--_Ms. d'Amiens_: .... monseigneur Godemar dou -Fay, le seigneur de Rainneval,... le seigneur de Merlo, monseigneur -d'Aufemont, monseigneur de Saint Venant, tout grant baron. Fo 45 -vo.--_Le ms. B 6 ajoute_: le seigneur de Bresekes. Fo 154. - -P. 43, l. 28: senescal.--_Mss. A 11 à 14_: mareschal. Fo 62 vo. - -P. 43, l. 28: Poito.--_Ms. A 1_: Pontieu. Fo 61 vo. - -P. 44, l. 9: regardèrent.--_Ms. B 6_: .... as portes, as murs, as -barbakennes, as bailles et à tout che que necessité leur estoit en la -ville. Fo 154. - -P. 44, l. 10: artillerie.--_Ms. d'Amiens_: et as enghiens, as kanons et -as espringalles, et les missent bien à point. Et regardèrent as -pourveanches de le ville, comment elle estoit avitaillie. Si fissent -wuidier grant fuisson de menues gens qui n'estoient mies bien pourveu, -et y fissent venir vins, bléz, avoines et grant fuisson de char, tant -que la chité fu en point et en estat pour li tenir ung grant temps. Fo -45 vo. - -P. 44, l. 11: besongnoit.--_Ms. B 6_: Et cheux qui bien n'estoient -pourveu pour atendre le siège, il les firent partir. Fo 155. - - -=§ 120.= P. 44, l. 18: li termes.--_Ms. B 6_: Quant le jour de la -Madelaine fut venus et que les blés estoient par les camps assés bons -pour les chevaulx et les avainnes. Fo 155. - -P. 44, l. 21: meurir.--_Ms. de Rome_: Li bleds et les avainnes as camps -commençoient à meurer, et li fain estoient fené et les auquns à fener, -et c'est li temps que les gens d'armes demandent pour euls et pour lors -cevaus. Fo 63 vo. - -P. 44, l. 21: englès.--_Ms. de Rome_: volt moustrer meute pour -esmouvoir tous les aultres, et avoit requelliet tous les Englois qui -espars estoient en Flandres, en Hainnau et en Braibant, et se departi -de Gant. Fo 63 vo. - -P. 44, l. 22: sept.--_Ms. de Rome_: huit. Fo 63 vo. - -P. 44, l. 23: deus.--_Édit. de Verard et de D. Sauvage_: huit. _Edit. -de Lyon_, 1559, p. 69. - -P. 44, l. 23: deus cens.--_Ms. de Rome_: quatre cens. Fo 63 vo. - -P. 44, l. 24: chevaliers.--_Ms. de Rome_: En ces quatre cens chevaliers -estoient vint et wit banerès, tous grans signeurs, et les contes -doubles banerès, et menoient casquns de ces signeurs grant arroi. Et -estoit mesires Robers d'Artois ou nombre de ces contes, car on le -nonmoit le conte de Ricemont; et pooit celle terre de Ricemont valoir -en revenue par an environ siis mille florins. Et li avoit li rois -donnée pour tenir son estat, car conment que messires Robers d'Artois -fust banis et escachiés de France, ensi que ichi desus est dit, il -estoit li uns des plus nobles de sanc et des gentils honmes des -Crestiiens, et issus de la droite generation dou roi saint Lois. Fo 63 -vo. - -P. 44, l. 24: quatre mille.--_Ms. B 6_: six mille. Fo 155. - -P. 44, l. 25: neuf mille.--_Ms. de Rome_: douse mille. Fo 63 vo.--_Ms. -B 6_: dix mille archiés et otant de Galois. Fo 155. - -P. 44, l. 25: pietaille.--_Mss. A 11 à 14_: sanz les petaulx, tuffes et -guieliers. Fo 62 vo. - -P. 45, l. 2: vingt mille.--_Ms. A 3_: dix mille.--_Ms. de Rome_: sans -chevaliers et esquiers, dont il ot plus de quatre cens. Fo 63 vo--_Ms. -B 6_: à tout quatre mille hommes, que chevaliers, que escuiiers, et -trente mille communiers. Fo 156. - -P. 45, l. 5: terre.--_Ms. d'Amiens_: car là estoient de son pays tout -li gentils hommes et chil dez bonnes villes de Brouxelles, de Louvaing, -de Malines, d'Anwiers et de touttes les aultres. Fo 45 vo. - -P. 45, l. 6: pont à Ries.--_Mss. A 11 à 14_: pont de mer. Fo 62 vo. - -P. 45, l. 7: le Pire.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14_: les prés de la porte -Valenciennoise. Fos 64 vo et 65.--_Mss. A 7, 18 à 33_: les prés et la -porte Valenciennoise. Fo 59 vo.--_Mss. A 8 à 10, 15 à 17, B 3_: -l'Empire et la porte Valenciennoise. Fo 59. - -P. 45, l. 9: Haynau.--_Ms. B 6_: En après vint le conte de Haynau, le -conte de Namur en sa compaignie, monseigneur Jehan de Haynau son -oncle, le seigneur d'Engien, le seigneur de Havrech, le seigneur de -Lingne, de Lens, le seigneur de Brabenchon, le senescal de Haynau, le -seigneur d'Antoing. Et avoit bien le dit conte deux mil lanches, tant -de Haynau comme de Hollande, et vingt mil Hollandois. Sy se loga le dit -conte au lés devers Explechin. Fo 155. - -P. 45, l. 11 et 12: signeur.--_Ms. d'Amiens_: Et li roys d'Engleterre -et toutte sa gent estoient deviers le porte Saint Martin, sus le chemin -de Lille. Fo 45 vo. - -P. 45, l. 14: soissante mille.--_Edit. de D. Sauvage_: quarante mille. -Lyon, 1559, p. 69. - -P. 45, l. 21: aise.--_Ms. de Rome_: et chariier sans peril; et aussi li -Braibençon, liquel estoient logiet sus le Piré, ensi que li Escaus -entre en la chité de Tournai, avoient parellement fait un tel pont. Fo -64. - -P. 45, l. 23: des Mons.--_Mss. A 11 à 14_: de Vaudemont. Fo 63. - -P. 45, l. 24: Bakehen.--_Mss. d'Amiens et de Rome_: ... messires -Guillaumes de Duvort. Fo 45 vo. - -P. 45, l. 25: devers.--_Ms. de Rome_: les Marvis, au lés deviers -Hainnau; et comprendoient lors logeis jusques à la porte de Sainte -Fontainne. Fo 64. - -P. 45, l. 28: Tournay.--_Ms. de Rome_: qui est de grant cirquité. Fo -64. - -P. 45, l. 30: fust.--_Ms. de Rome_: Li contes de Namur s'estoit esqusés -deviers le conte de Hainnau, de qui il relieuve sa terre et l'en doit -service, pour tant que il n'estoit pas chiés de la besongne, mais li -rois d'Engleterre; et ne se voloit pas armer li dis contes contre le -roiaulme de France. Fo 64. - -P. 45, l. 32: fust.--_Ms. B 6_: Et les nombra on, et estoient bien deux -cens milles hommes. Et estoient logiet par telle manière que nul n'en -povoit entrer ne yssir en la ville qu'il ne fust veus. Et avoient ceulx -de Tournay, pour eulx mieulx forteffier, enterret sept de leur portes. -Fo 156. - - -=§ 121.= P. 46, l. 5: yawe.--_Ms. d'Amiens_: par le rivierre d'Escault. -Fo 45 vo.--_Ms. de Rome_: car il lor venoient de Flandres, de Hainnau -et de Braibant. Fo 64. - -P. 46, l. 8: mention.--_Ms. de Rome_: Et plus en fissent li Hainnuiier -que nuls des aultres. Fo 64. - -P. 46, l. 9: Haynau.--_Ms. B 6_: Le conte de Haynau.... ardy en poudre -la ville d'Orchies et plus de quarante villaiges ens ou pais. Et assaly -Saint Amant et de forche le prist; et furent tous mors cheulx qui -dedens estoient, et le senescal de Carcasone ossy qui cappitaine en -estoit, et ly abeie ars(e) et destruite. Et depuis revint le dit conte -devant le castiel de Mortaigne et le fist assaillir de deux costés par -trois jours. Mais le sire de Beaugeu, qui dedens estoit avoecques -foison de bonne gens d'armes, le garda et deffendy sy bien que point de -damaige il n'y eult ne cheulx de le fortrèche. Fo 157. - -P. 46, l. 9 et 10: entreprendans.--_Ms. de Rome_: et messires Jehans de -Hainnau, son oncle, avoient si fort encargiet ceste guerre, et pris en -si grant desplaisance et despit la cevauchie que li dus de Normendie -avoit fait en Hainnau, que il ne le pooient ne voloient oubliier. Fo -64. - -P. 46, l. 13: se parti.--_Ms. de Rome_: li dis contes et ses oncles. Fo -64. - -P. 46, l. 15: Lille.--_Ms. de Rome_: et vinrent ardoir Habourdins et -Seclin, Ronchins et tous les villages de là environ, et la ville et -abbeie de Chisoing et Baissi et tous le pais jusques au pont à Raisse à -une lieue de Douai, et puis s'en retournèrent viers Landas et viers -Orchies et les ardirent. Fo 64. - -P. 46, l. 24 et 25: contour.--_Ms. d'Amiens_: en le Peule, et le ville -de Marchiennes ossi et tout le pays costiant le rivière de Scarp -jusquez au castiau de Rieulay qui se tient de Haynnau. Et coururent si -coureur bien priès de Douay. Fo 45 vo. - -P. 46, l. 27: Flamench.--_Ms. de Rome_: qui estoient logiet à la porte -Sainte Fontainne. Fo 64. - -P. 47, l. 7: chevalier.--_Ms. d'Amiens_: Et vous di que li bon -chevalier que li roys de Franche y avoit envoiiéz, leur fisent grant -confort, et tint Tournay en honneur. Et fissent li Flammencq, entre les -autres assaux, un assaut très fort et très mervilleus et par especial -sour le rivierre d'Escault, et avoient nefs armées et grant fuisson de -bonnes gens dedens. Et aprochièrent ces nefs jusques à le barbakanne de -le porte couleiche de l'arche sus l'Escault, et volloient par là entrer -en le ville et hantoient Flamencq de haces, de pils et d'autres -instrummens ordonnés et aprestés pour rompre. Là estoient as gharittes -d'amont li comtes de Foix et si frère, messires Robiers Bertrans, -marescaux de France, messires Joffroys de Carni, li sires de Kaieus, et -servoient chiaux d'aval tellement qu'il n'y avoit si hardit qui ne -resongnaist. Encorres estoient dez barons de Franche en nefs sur -l'Eskault par dedens le ville, li senescaux de Poitau, messires Gerars -de Montfaucon, messires Mahieux de Trie, messires Godemars dou Fay, et -estoient à l'encontre des assallans et se deffendoient vaillamment. Fo -46. - -P. 47, l. 9: appareilliés.--_Ms. de Rome_: et avoient en ces nefs -arbalestriers qui traioient à ceuls de dedens, les quels il convenoit -estre bien pavesciés, ou il euissent trop grandement perdu. Fo 64. - -P. 47, l. 13: six vingt.--_Mss. A 11 à 14_: huit vingt. Fo 63 vo. - - -=§ 122.= P. 47, l. 15: Le siège.--_Ms. de Rome_: Le siège estant devant -Tournai, issirent hors de Saint Amant li saudoiier qui là estoient, et -vinrent à Hanon à une petite lieue de là, et passèrent les bos. Si -ardirent la ville et violèrent l'abeie, et le destruisirent et le -moustier aussi, et enportèrent et menèrent tout ce que de bon il i -trouvèrent; mais en devant ce, li abbes de Hanon et li monne avoient -amené lor fiètre et lors jeuiauls et les reliques à sauveté en la ville -de Valenchiennes. - -Qant li saudoiier de Saint Amant orent ce fait, il s'avalèrent parmi -les bois que on dist de Rainmes, et vinrent à l'abeie de Vicongue, et -ardirent l'ostel dou Pourcelet, et abatirent le conduit de une -fontainne qui là estoit, et vinrent à la porte de l'abeie de Vicongne, -et le conmenchièrent à asallir. Pour ces jours, il i avoit un abbet, -mout vaillant honme, qui se nonmoit Godefroi. Qant il considera le -peril de ces bidaus, il fist monter un varlet à ceval, et se parti de -l'abeie par derrière, et vint au ferir des esporons à Valenchiennes et -au sequours. - -Pour ces jours, estoit prevos de Valenchiennes uns moult vaillans homs -qui se nonmoit Jehans de Baisci, qui entendi as requestes que dans -abbes de Vicongne faisoit, car moult l'amoit et l'abeie aussi. Si -ordonna tantos arbalestriers et honmes bien cinq cens à partir et à -aler à Vicongne, pour aidier à l'abeie. Chil qui furent esleu se -departirent tantos, et prissent le cemin de Rainmes. Et bien lor -besongna que il se delivrassent dou venir au seqours pour l'abeie, car -li saudoiier de Saint Amant avoient fait un gran feu devant la porte de -l'abeie, pour le ardoir et entrer dedens; mais li abbes desus nonmés, -qui bien se doubtoit de tout ce, avoit fait armer et vestir la porte -de quirs de vaces à tout le poil, par quoi li feus ne se peuist -legierement prendre, ne atachier à la porte. - -De ces bidaus qui là estoient venu, en i avoit auquns qui en estoient -alé et parti de lor compagnons pour pillier à Rainmes. Chil de la ville -de Rainmes avoient relevé les fossés à deus costés deviers le bois, et -fait à deffense unes grandes bailles; et là ot grande escarmuce, et -tant que li arbalestrier de Valenchiennes aprocièrent. Chil bidau les -veirent venir sus la caucie et lor banière tout devant; et avoec ce il -oïrent dire ces gens de Rainmes qui là se deffendoient et -escarmuçoient: «Veci seqours qui nous vient; vechi les Valenciennois.» -Ces paroles oïes et les arbalestriers veus, chil bidau se missent -tantos au retour, et entrèrent ens ès bos de Saint Amant, et se -sauvèrent, et retournèrent en la ville. - -Et li Valenchiennois vinrent jusques à Vicongne, et estindirent le feu -qui estoit devant la porte. Li abbes Godefrois les remercia grandement -de ce seqours, et fist tourner un tonniel de vin sus le fons et lor -fist boire, et puis retournèrent à Vallenchiennes. Et li abbes de -Vicongne fist tantos coper les bos tout autour de son abbeie et devant -aussi, par quoi on ne peuist chevauchier ne venir aisiement jusques à -là. Fo 64. - -P. 48, l. 5: lui.--_Ms. d'Amiens_: environ quarante arbalestriers et -otant d'archiers à main. Fo 46. - -P. 48, l. 5: Raimes.--_Ms. d'Amiens_: en ce petit bos qui regarde sus -le voie de le cauchie dou Pourcelet, liquelle chauchée estoit adonc -toutte semée de Franchois qui Vicongne volloient destruire. Fo 46. - -P. 48, l. 10: bos.--_Ms. d'Amiens_: et à chiaux qui les traioient ne -pooient avenir, car il y avoit grandes rouillies et fort bos entr'iaux. -Fo 46. - -P. 48, l. 11: retour.--_Ms. d'Amiens_: car il se doubtèrent qu'il n'y -ewist plus de gens qu'il n'y avoit. Fo 46. - -P. 48, l. 12: mieulz.--_Ms. d'Amiens_: Et li arbalestriers de -Vallenchiennes, tout costiant lez bos, les reboutèrent si avant qu'il -en delivrèrent le chauchie. Et fu li abbeie deffendue, et li feulx -estains, qui devant le porte estoit. Et fist chils abbes copper grant -fuisson de bos par derierre, affin que on ne les pewist approchier; et -par devant, où point de bos n'avoit, il fist faire grans fossés et -parfons et larges. Fo 46. - -P. 48, l. 13 et 14: Gascongne.--_Ms. d'Amiens_: Si comme je vous -recorde, che siège durant devant Tournay, avinrent pluisseurs avenues -et grans fès d'armes, tant en France comme en Gascoingne et en Escoche, -qui ne font mies à oubliier, car ainssi l'ai je proummis à messires et -mestres ou coummenchement de mon livre, que tous les biaux fès d'armes -dont j'ay le memore et le juste infourmation, je les remeteray avant, -jà soit ce que messires Jehans li Biaux en ses cronikes n'en fait mies -de tous mention. Mès ungs homs ne puet mies tout savoir, car ces -guerres estoient si grandes et si dures et si enrachinées de tous -costés que on y a tantost oubliiet quelque cose, qui n'y prent -songneusement garde. - -Et pour ce voeil revenir ung petit au comte de Laille qui, comme roys -de Franche, se tenoit en Gascoingne, et faisoit de celle saison grant -guerre contre les Gascons qui pour le roy d'Engleterre se tenoient. Et -estoit avoecq lui li comtes de Comminges, li comtes de Pieregorth, li -viscomtes de Villemur, le viscontes de Talar, li comtes de Bruniqiel, -li viscontes de Carmaing, li viscontes de Murendon, et pluisseur autre -baron et chevalier. Et estoient bien six mille à cheval et dix mil à -piet, et avoient jà reconcquis pluisseurs bonnes villes et castiaux, -tant que Bregerach, Condon, Sainte Basille, Penne, Lango, Prudaire, -Zebillach. Et avoient partout mis gens et garnisons pour deffendre et -tenir ces castiaux, et seoient devant le Riole, une bonne ville et fort -castiel. Si en estoit adonc capitaine ungs chevaliers englès qui -s'appielloit messires Jehans li Boutilliers, qui longement et -vassaument le tint contre les François. Mès finablement il fu si menés -et si appressés par assaulx d'enghiens et d'autres besoingnes, et si -veoit ossi que nuls comfors ne li appairoit, car il n'avoit homme en -Gascoingne adonc, seigneur de Labreth ne autre, qui se meuist ne -resistast as Franchois de riens, mès gardoient chacuns leurs fortrèches -au mieux qu'il pooient. Si traita li cappittainne de le Riole, par le -consseil et acord de chiaux de le ville, à le rendre au comte de Laille -parmy tant qu'il s'en devoit partir, et chil qui partir s'en volloient, -sans dammaige; mès il, ne chil qui avoecq lui se partiroient, ne se -pooient armer toutte l'année contre yaus ens ès marches et frontierres -de Gascoingne. Chilz marchiés fu tenus, et li ville et li castiaux de -le Riolle rendus. Et y entrèrent li Franchois baudement, et prisent le -feaulté et le serment de chiaux de le ville, et y misent ung chevalier -gascon que on appelloit messire Raimmon Segni. - -Apriès le prise de le Riole et le chevalier dessus noummet ens -laissiet, et le ville pourvue et rafreschie de touttes coses qui -appertenans y estoient, li comtes de Laille eut consseil qu'il yroit -devant Auberoche et l'asegeroit et ne s'en partiroit jusques à tant -qu'il l'aroit. Si se parti appertement de le Riolle et fist arouter -tout son charoy et ses pourveances, et esploita tant qu'il vint devant -le bonne ville de Auberoche et le assiega de tous poins environneement, -et y fist faire et livrer pluisseurs assaux grans et mervilleux, mès -chil de dedens se deffendoient bien et vaillamment. Et en estoit adonc -souverains et gardiiens de par le roy d'Engleterre messires Helies de -Pummiers, frères au seigneur de Pummiers, liquelx avoit avoecq lui -bonne bachelerie et apperte, qui moult songneux estoient de garder le -ville et de enhorter les bourgois de le ville qu'il fuissent loyal et -preudomme enviers leur seigneur le roy Edouwart d'Engleterre. Enssi se -portoit li affaire; on gerrioit de tous lés. Li roys englès seoit -devant Tournai et ardoit et exilloit le pays d'environ. Et li comtes de -Laille et li autre comte et baron li ardoient et assegoient son pays en -Gascoingne. Ossi li Escot li faisoient une très forte gerre par de delà -au costet deviers Escoche, si comme vous orés chy apriès. Fo 46 vo. - -P. 48, l. 16: six mille.--_Mss. A 11 à 14_: huit mille. Fo 63 vo. - -P. 48, l. 22: la Barde.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22_: la Bourde, -la Borde. Fo 65 vo. - - -=§ 123.= P. 49, l. 1: Vous devés.--_Ms. d'Amiens_: Endementroes que li -sièges estoit devant Tournay, qui y fu grans et lons, et bien dura par -l'espasse de onze sepmainnes, li ennemic au roy d'Engleterre se -pourveoient de tous lés à lui porter contraire et damage au -coummandement et à l'ordonnanche dou roy de Franche, et par especial li -baron et chevalier du royaumme d'Escoce. Vous avés bien oy chy devant -recorder coumment li rois englès chevaucha en Escoche et conquist -Bervic, Rossebourch, Haindebourch, Struvelin, Dalquest et pluisseurs -fortrèces, et ardi et essilla toutte le plainne Escoche jusques en -Abredane et jusquez à le ville Saint Jehan. Et tout ce fist ainschoix -qu'il entrepresist le gherre au roy Phelippe de Franche, par tant que -li roys David d'Escoce ne volloit point relever le royaume d'Escoce dou -roy englès, car ses gens ne li souffroient. Et dient et maintiennent -que li Englèz n'ont nul droit à ce demander, et li Englèz moustrent le -contraire. Par enssi y est la gherre et a estet longement et sera -encorres ainchois que la cose soit declairie, car li Escot aimment -otant le gherre que le pès as Englès, especialement li bachelerie -d'Escoce; ne de feus, ne de arssins que li Englès fachent en leur pays, -il ne font nul compte, car il ne edefient pas maisson de grant -coustaige: il en ont une faite et parfaite, pour demourer à leur usaige -assés aisiement, en mains de cinq jours. Et quant il sentent que li -Englès doient venir en leur pays, il requeillent leurs bestes et le -leur, dont il ne sont gaires ensonniiet, car il ne font compte de grant -meuble, et se mètent ens ès foriès, boutent le feu en leurs maisons, -affin que li Englès n'en aient point d'aise. Et quant li Englès sont -retret en leurs pays, il se requeillent et cevauchent hardiement sour -yaux, et entrent en le contrée de Northonbrelant, qui fu jadis -royaummes dou tamps le roy Artus, et en l'evesquet de Durem, et se -contrevengent bien de leur dammaige. Ensi courent une fois li Escot sus -lez Englès et puis li Englès sus les Escos, et maintiennent toudis le -gherre que leur predicesseur ont maintenu. - -Or seurent li seigneur d'Escoce, qui le pays adonc gouvernoient de par -le roy David leur seigneur, qui estoit en Franche, ensi com vous avés -oy, que li roys englès seoit devant Tournay et en avoit menet toutte le -fleur de se chevalerie, et que li royaummes d'Engleterre estoit ensi -que tous wis, et que li comtes de Sallebrin, messires Guillaumes de -Montagut, qui tant de dammaiges leur avoit fès et portés, estoit pris -dez Franchoix et emprisonnés en Castelet en Paris, et li comtes de -Sufforch avoecq lui, ossi messires Gautier de Mauni estoit avoecq le -roy devant Tournay. Si s'avisèrent li ung par l'autre, c'est assavoir -messires Guillaumes de Douglas, neveus à monseigneur Guillaumme de -Douglas qui demoura en Espaigne, ensi comme vous avés oy, li comtes de -Moret, filz au comte de Moret qui demoura avoecq le dessus dit, -messires Robers de Versi, messires Simons Fresiel, Alixandres de -Ramesay, qui en Dubretan se tenoient, que il metteroient une chevauchie -sus et enteroient en Engleterre, ardant et exillant le pays et par -especial le comté de Sallebrin, pour ce que li comtes leur avoit fès -pluisseurs dammaiges. Si se queillièrent secretement et rassamblèrent -de plusieurs lieux, et misent et ordonnèrent ung certain jour qu'il -seroient en le forest de Gedours au jour qu'il noummèrent et -devisèrent. Chil qui mandet y furent, vinrent sans defallir. - -Quant chil seigneur d'Escoce se virent tout enssamble, si eurent -consseil et consideration là où il se trairoient premierement pour -porter plus grant dammaige as Englès: si i eut là pluiseurs parolles -retournées et devisées entre yaux. Li aucun volloient que leur -chevaucie fuist emploiiée en Engleterre, et li autre disoient qu'il -vauroit trop mieux, et plus honnerable et pourfitable leur seroit que -il mesissent painne et dilligence à raquerre les castiaux et les -fortrèces que pardus avoient, que de cevauchier plus avant; car espoir -chil qui les castiaux tenoient en Escoce, leur poroient parardoir et -destruire tout le remannant de leur pays, quant parti s'en seroient. -Chilz conssaux et advis fu tenus. Et s'avisa messires Guillaummes de -Douglas d'une grande et haulte emprise et le dist au comte de Moret, -sen cousin, à messire Simon Fresel et à Alixandre de Ramesai, tant -seullement, liquel s'accordèrent moult bien à lui et disent qu'il li -aideroient à parfurnir, à quel coron que venir en deuissent. Or vous -diray de l'emprise dou dessus dist chevalier, quelle elle fu, car elle -ne fet mies à oubliier, tant fu perilleuse et hautainne. Fos 46 vo et -47. - -P. 51, l. 10: deus cens.--_Ms. d'Amiens_: trois cens. Fo 47. - -P. 51, l. 20 et 21: dis ou douze.--_Ms. d'Amiens_: jusques à douze. Fo -47. - -P. 51, l. 23: capiaus.--_Ms. d'Amiens_: de rude fautre. Fo 47. - -P. 52, l. 10: paour.--_Ms. d'Amiens_: de le cité de Bervic. Fo 47. - -P. 53, l. 1: si treize.--_Ms. d'Amiens_: si douze. Fo 47. - -P. 54, l. 5: jour.--_Ms. d'Amiens_: et segnefiièrent leur aventure à -chiaux de leur pays qui à Dubretan les atendoient, qui de cez nouvelles -furent moult joyant. Fo 47 vo. - -P. 54, l. 8 et 9: d'Escoce.--_Mss. A 11 à 14_: tous hommes de fief du -roy d'Escoce. Fo 65. - -P. 54, l. 9: Ensi.--_Ms. d'Amiens_: Quant messires Robers de Versi et -li autre chevalier d'Escoce sceurent que Haindebourch estoit repris par -le subtilité et hardement de monseigneur Guillaumme de Douglas, si se -partirent de Dubretan: à ce de gens estoient bien deux mille hommes -d'armes et quatre mille à piet; et esploitièrent tant qu'il vinrent à -Haindebourch. Et là s'asamblèrent et dissent entr'iaux, puis qu'il -avoient ung si bon commencement que repris le plus fort castiel que li -Englès leur avoient tollut, il se metteroient en paine de reconcquerre -tous lez autres, et puis après chevaucheroient sus Engleterre. Si se -partirent de Haindebourch, quant il l'eurent bien pourveu de tout ce -qui y besongnoit et mis dedens cappittainne et compaignons pour le -garder, et s'en vinrent devant Dalquest à cinq lieuwes de Haindebourch, -ung très bel fort de l'hiretaige le comte de Douglas, et l'avoient li -Englès concquis. Quant messires Guillaummes de Douglas et tout sen ost -fu là venus, il fist environner le castiel et drechier enghiens par -devant le mestre tour qui est grosse et quarrie, et le fist assaillir -mout fierement. Chil dedens se deffendirent comme bonne gent, et -estoient assés bien pourveus d'artillerie. Si traioient à chiaux dehors -et se fuissent bien tenut ung grant temps, se il esperaissent confort -ne secours de nul costet; mès il sentoient le roy englès oultre le mer, -le comte de Sallebrin en prison, le castiel de Haindebourch repris. Si -en estoient en plus grant esmay, car messires Guillaumme de Douglas -leur avoit bien baptisiet que, se par forche il estoient pris, de leurs -vies ne seroit riens; et se partir bellement s'en volloient, il les -lairoit aller sans peril jusques à Bervich. Dont finablement, tout -consideret, li Englèz qui en Dalquest estoient, rendirent le chastiel, -sauve leur vies et leurs armures, et s'en partirent sans dammaige. Par -enssi reut messires Guillaume de Douglas son castiel, dont il eut grant -joie, et lequel oncques depuis il ne perdi. - -Apriès le reconcquès dou castiel de Dalquest, et que li Escot l'eurent -bien pourveu et messire Guillaume de Douglas mis ens cappitainne et -compaignons à son plaisir, il chevauchièrent et vinrent à Dombare seant -sur le mer, et là avoit une grosse tour et saudoiiers englès qui -durement herioient le pays. Li Escot l'environnèrent et le fissent -assaillir d'enghiens et le prissent de forche le cinquième jour qu'il y -furent venut, et ochirent tous chiaux qui dedens estoient, et -abandonnèrent le tour à abattre as villains dou pays, laquelle fu -tantost abatue rés à réz de terre. Et quant il eurent ce fait, il -eurent avis qu'il s'en yroient devant Dondieu. Donc se deslogièrent il -de Dombare et esploitièrent tant qu'il vinrent à Dondieu et -l'asegièrent de tous costés. Dedens estoit ungs chevaliers englès, -cousins au comte de Sallebrin, et l'apielloit on messires Thummas -Brike, bon bacheler et sceur as armes, et dist que le castiel il ne -renderoit pour morir. Chil de le ville tinrent un grant temps sen -opinion, maugret yaulx, car il estoient Escos: si se fuissent -vollentiers retourné plus tempre qu'il ne fesissent. Touttes fois -messires Guillaumme de Douglas et li Escot sirent tant devant que cil -de le ville se rendirent, et prissent de force messire Thumas et le -livrèrent as barons d'Escoce qui le retinrent pour prisonnier et -l'envoiièrent en Haindebourch prisonnier, puis se partirent de Dondieu -et s'en vinrent à Donfremelin, une bonne ville et bien fremée: si -l'asegièrent et n'y furent que trois jours quant il se rendirent. - -Que vous feroie je loncq compte? En ceste meysme saison, entroes que li -roys englès estoit par dechà le mer, messires Guillaume de Douglas, li -comtes de Mouret, li contes Patris, messires Robers de Versi, messires -Simons Fresel, Alixandres de Ramesay et pluiseurs autres chevaliers -d'Escoce avoecq les bachelers et les escuyers reconquisent moult dou -pays d'Escoce perdu, et s'en vinrent finalment devant Struvelin, ung -très fort castel et très bel, seant sus ung bras de mer à l'un dez léz -et d'autre part sus une roche, et l'asegièrent communaument de grant -vollenté. Et leur sanbloit que, se il ravoient ce castiel, il seroient -ensi que tout au dessus de leur pays où li Englèz avoient jà demouret -plus de troix ans; pour ce y mettoient il grant painne et grant cure à -le ravoir. Or lairons à parler des Escos. Quant tamps et lieux sera, -nous y retourons. Si parlerons dou siège de Tournay et coumment il fu -perseverés. Fo 47 vo. - - -=§ 124=, P. 54, l. 16: six vingt mille.--_Ms. d'Amiens_: plus de cent -mille. Fo 48. - -P. 55, l. 10: royaume.--_Ms. d'Amiens_: que tout fuissent assamblet à -Arras, à Lille et à Douay, au jour qui ordonnés y estoit. Fo 48. - -P. 55, l. 12: Bar.--_Ms. d'Amiens_: ... l'evesque de Liège, l'evesque -de Miès.... Fo 48. - -P. 55, l. 17: gens.--_Ms. d'Amiens_: qui le vinrent servir à bien -quinze cens lanches. Fo 48. - -P. 55, l. 18: revinrent.--_Ms. d'Amiens_: li dus de Normendie, aisnés -fils au roy de Franche. Fo 48. - -P. 55, l. 18: Bretagne.--_Ms. d'Amiens_: à plus de mil lanches, -chevaliers et escuiers, de son pays. Fo 48. - -P. 55, l. 19: Bourgongne.--_Ms. d'Amiens_: ses filz. Fo 48. - -P. 55, l. 19: d'Alençon.--_Ms. d'Amiens_: frères au roy de Franche. Fo -48. - -P. 55, 21: Blois.--_Ms. d'Amiens_: messires Charles de Blois,... li -comtes d'Auçoire, li comtes de Ventadour, li comtes de Bouloingne, li -comtes de Sansoire, li comtes de Tancarville, li comtes de Saint Pol, -li comtes d'Aumale,... li sires de Sulli, li sires de Pons, messires -Goffrois de Harcourt, li viscomtes de Rohan, li sires de Partenay, li -sires de Montmorensi. Fo 48. - -P. 55, l. 25: detriemens.--_Ms. d'Amiens_: Et s'asamblèrent à Arras et -là environ, à Lille, à Douay, à Bietunne, à Lens et là environ. Fo 48. - - -=§ 125.= P. 56, l. 2: venus.--_Ms. d'Amiens_: li aucun par priière, li -aultre par feaulté et par hommage. Fo 48. - -P. 56, l. 7: Tournay.--_Ms. d'Amiens_: et s'en vinrent logier au Pont à -Bouvines et jusques au Pont à Tresin, et point ne passèrent non par -mannierre de logeis. Fo 48. - -P. 56, l. 10: estroit.--_Ms. d'Amiens_: car trois hommes de front à -grant mesaise le pewissent cevauchier. Fo 48. - -P. 56, l. 12: combiner.--_Ms. d'Amiens_: Et se logièrent li roys de -Behaingne et li evesques Aoulz de Liège et touttes leurs gens assés -priès de ce pont. Quant toutte li os fu amanagie et logie, il fu -ordonnet de par le roy de Franche que li comtes de Flandre, li dus -d'Athènes, li viscoens de Touars, li comtes de Sallesebruges, li sires -de Cram regardaissent et advisaissent sus celle rivière. Fo 48. - -P. 56, l. 26: au pont à Tressin.--_Mss. A 1 à 6_: au pont à Crecy et -entre le pont et Bovines. Fo 68.--_Mss. A 7 à 10, 15 à 17_: au pont à -Tressin et entre le pont de Bouvines. Fo 62.--_Mss. A 11 à 14_: à -Crecy, entre le pont et Bovines. Fo 66.--_Mss. A 18, 19, 30 à 33_: au -pont de Tressin et entre le pont de Bouvines. Fo 68.--_Mss. A 20 à 22_: -entre le pont à Tressin et le pont à Bouvines. Fo 102.--_Mss. A 23 à -29_: au pont de Tressin et emprès le pont de Bouvines. Fo 78. - -P. 56, l. 27: ennemis.--_Ms. d'Amiens_: pour comforter chiaux de -Tournay qui vaillamment et bellement se tiennent contre les Englès, -car, pour escarmuche ne pour assaut que on y face, en riens ne -s'effréent ne se desroient ossi. Il y a dedens bonne chevalerie, sage -et avisée, qui sèvent de guerre assés pour yaux tenir et deffendre. Fo -48. - -P. 56, l. 31: alemant.--_Ms. d'Amiens_: preux et hardis et qui tout -troi avoient à nom Conrart, par lesquelx ens ou pays de Ostrevant -avoient estet fait pluiseurs biaux fès d'armes sus les frontières de -Douay, de Marchiennes, de Alues en Pailloel, de Cambresis et d'Artois. -Fo 48 vo. - -P. 56, l. 32: Bouchain.--_Mss. A 1 à 7, 18 à 33_: Bouchain.--_Mss. A 8 -à 17_: Bohaing, Bouhaing. - -P. 57, l. 8: Leusennich.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 23 à 33_: Lansemich, -Lensemiich.--_Mss. A 18, 19_: Lansennich. - -P. 57, l. 11: l'Escaut.--_Ms. d'Amiens_: et le Haynne. Fo 48 vo. - -P. 57, l. 11: Condet.--_Ms. de Rome_: Ensi que il cevauçoient, euls -vintime tant seulement, et estoient entre Frane et Escaupons, deus -villages qui sont entre Valenchiennes et Condet, il regardèrent sur les -camps et veirent gens fuians, et moustroient que il estoient en grant -effroi. Si cevauchièrent au devant et leur demandèrent pourquoi il -fuioient. Il respondirent: «Nous fuions à sauveté, car chi en ce -village sont entré auqun compagnon françois, et creons bien que il sont -issu de Mortagne, et requellent la proie et l'asamblent, et avoecques -tout ce il ont jà pris honmes et fenmes que il en voellent mener.» Qant -chil chevalier entendirent ces paroles: «Retournés, bonnes gens, nous -irons veoir que c'est. Et sont il grant fuisson?»--«En non Dieu, -signeur, respondirent il, i(l) sont plus de cent.» Donc demandèrent li -chevalier: «Et conment appelle on celle ville à ce grant clochier?» Il -respondirent: «Frane.»--«Or alés celle part, dissent li chevalier, et -esmouvés les honmes de Frane, et faites recoper les cloces, par quoi -tout s'esmuevent fenmes et honmes de la ville, et les faites tous issir -hors, car nous les poursieverons et meterons en enbusque au lonc de -celle haie, et verons quels gens ils sont, et lors calengerons lor -proie.» Il le fissent tout ensi et vinrent à Frane, et trouvèrent les -honmes de la ville qui gardoient lor moustier. Se lor dissent ces -nouvelles. - -En celle prope heure vint là li sires de Frane qui venoit de -Valenchiennes, et estoit là establis pour aidier à garder la ville, et -jà savoit que il i avoit pillars venus à Bruel et à Escaupons, et -avoient aquelliet la proie des praieries. Si voloit, selonc sa -poissance, deffendre et garder ses gens et sa ville, et estoient diis -lances et vint arbalestriers. Qant il oï ces nouvelles de ceuls de la -garnison de Bouçain, si en fu tous resjois, car il les sentoit moult -vaillans honmes, et requella tous les honmes aidables de sa ville, et -fist ensi que li premier li avoient dit. Ces saudoiiers de Mortagne, -qant il orent fait lor quelloite, il missent ensamble bien deus cens -bestes, et prissent lor retour, et les fissent cachier devant euls. Et -tout ce veirent chil qui estoient en enbusque, et les laisièrent passer -et aler tout oultre, et jà estoient ou bois, qant chil de Frane -vinrent. Qant il furent tout ensamble, il se missent au cemin le bon -pas, et poursievirent ceuls qui enmenoient la proie et biaucop de -prisonniers, et ne pooient tos aler pour la cause dou bestail. - -Ensi que assés priès de Nostre Dame ou Bos il raconsievirent ces -pillars, voires li honme de ceval premierement, et conmenchièrent à -escriier «Hainnau!» et abaisièrent les glaves, et se boutèrent entre -euls, et en ruèrent jus de lors cevaus de premières venues sept. Li -aultre se missent à deffense, car il i avoit des gentilshonmes qui là -estoient venu pour gaegnier, ensi que auqun baceler s'avancent. Là ot -bon hustin et dur, et moustrèrent li François deffense; mais chil -Alemant estoient droite gens d'armes, et bien usé et coustumé de tels -besongnes. Et avint que avoecques le confort des gens de piet, -arbalestriers et aultres qui les sievoient, la proie fu rescouse, et -tout chil et celles qui pris estoient, delivret; et en i ot des -François mors jusques à quinze et pris plus de vint cinq, et li autre -se boutèrent en bos et se sauvèrent. - -Ce service fissent li doi chevalier alemant qui issu estoient de -Bouçain, à ceuls de Bruel et d'Escaupons; et furent li prisonnier menet -à Valenchiennes, à Condet et à Mons en Hainnau. Si furent li varlet -pendu et noiiet, et li gentilhonme rançonnet. Et li doi chevalier -alemant et li sires de Frane en lor compagnie vinrent au siège devant -Tournai, et trouvèrent le conte de Hainnau qui lor fist bonne chière. -Fos 65 vo et 66. - - -=§ 126.= P. 58, l. 24 et 25: au pont à Tressin.--_Ms. d'Amiens_: au -pont à Bouvines. Fo 48 vo.--_Ms. de Rome_: viers le pont à Tresin, ou -cemin de Lille et de Tournai, et moult i a biaus pais et plain. Et -passèrent Froiane et Basieu, et cevauçoient as aventures, ensi que -compagnon font qui se desirent à avanchier et avoir bonne renonmée. Fo -66. - -P. 59, l. 2: l'evesque.--_Ms. de Rome_: Aoul de Liège, qui là estoit -avoecques le roi de France. Fo 66. - -P. 59, l. 2: de Liège.--_Ms. B 6_: qui estoit ses sires. Fo 159. - -P. 59, l. 2: Liegois.--_Ms. de Rome_: et li Hasbegnon, qui s'estoient -levet bien matin. Fo 66. - -P. 59, l. 4: plains.--_Ms. de Rome_: en ce plain pais de Tournesis. Fo -66. - -P. 59, l. 10: pont.--_Ms. de Rome_: pour aler viers Lille. Fo 66. - -P. 59, l. 12 et 13: ordonnèrent.--_Ms. de Rome_: messire Wauflars de le -Crois ordonna. Fo 66. - -P. 59, l. 16: Sorres.--_Mss. A 8 à 10_: Sorce. Fo 62 vo.--_Mss. A 15 à -17_: Sorée. Fo 68 vo.--_Le nom de ce chevalier manque dans les autres -mss. A._ - -P. 59, l. 19: avant.--_Ms. de Rome_: car il estoient bien monté et -furent decheu par la bruine, car il ne veoient point lonch ne autour de -euls, et ne se donnèrent de garde. Fo 66. - -P. 59, l. 22: li sires.--_Ms. B 6_: de Montmorensy. Fo 160. - -P. 59, l. 22: Rodemach.--_Ms. d'Amiens_: de le ducé de Luxembourcq. Fo -48 vo. - -P. 59, l. 28: esprouvèrent.--_Ms. de Rome_: mais la force des -Lucembrins et des Liegois les sourmonta. Fo 66 vo. - -P. 60, l. 11: bouter.--_Ms. B 6_: en ung vert chemin entre sauchois et -marès, et se bouta entre rosiauls et fontaines et autres petis -buissons, et dist que là il se tenroit jusques à la nuit. Fo 160. - -P. 60, l. 12: temps.--_Ms. d'Amiens_: Et s'avisa qu'il s'i tenroit bien -jusques à le nuit que il cevauceroit plus avant, ou il rapasseroit le -pont. Mès il n'en vint pas à sen entente, car il y fu ce meysme jour -trouvés et pris et rendus au roy de Franche, dont il eult grant joie, -car il li avoit fait pluisseurs contraires. Fos 48 vo et 49.--_Ms. de -Rome_: et jà avoit il laissiet aler son ceval. Il ne voloit sauver que -son corps, car trop resongnoit à estre pris pour les haines que chil de -Lille avoient sur lui. Fo 66 vo. - -P. 60, l. 15: banière.--_Ms. de Rome_: Et fu la banière à mesire -Guillaume de Bailluel conquise. Donc fu consilliés li dis messires -Guillaumes que il rapas(s)ast le pont: si ques, tout en combatant et -faisant armes, il le rapas(s)a et ses gens aussi, et avoient biau cop -de painne. Qant il fu oultre le pont, il fu qui li dist: «Sire, sauvés -vous, car la journée est contre nous.» Il tint ce consel et se ala et -pas(s)a tant de l'un à l'autre que il s'embla et feri ceval des -esporons, et deus de ses honmes tant seullement: chil se sauvèrent. Fo -66 vo. - -P. 60, l. 16: A ces cops.--_Ms. de Rome_: tantos apriès ce que messires -Guillaumes de Bailluel fu departis. Fo 66 vo. - -P. 60, l. 17: Bailluel.--_Ms. d'Amiens_: frères mainnéz à monseigneur -Guillaumme de Bailloel. Fo 49. - -P. 60, l. 26: armes.--_Ms. de Rome_: car la brisure des deus frères -estoit moult petite, et crioient tout doi: «Moriaumés!» Fo 66 vo. - -P. 60, l. 26 et 27: vairiet contre vairiet.--_Mss. A 8 à 10, 20 à 22_: -barrées contre barrées, à deux chevrons de gueules. Fo 63. - -P. 61, l. 2: Gontiers.--_Mss. A 11 à 14, 20 à 33_: Gaultier, Gautier. -Fo 69. - -P. 61, l. 2 et 3: Pontelarce.--_Mss. A 15 à 33_: Pont de l'Arche. Fo 68 -vo.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14_: Poncharche, Pontarche, Poucharche. Fo 69. - -P. 61, l. 6: Daniaus.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14_: Damas. Fo 69. - -P. 61, l. 7: aultre.--_Ms. de Rome_: Des siis vint qui parti au matin -estoient de l'oost le conte de Hainnau, il n'en retournèrent que douse, -que tout ne fuissent mort ou pris. Fo 66 vo. - -P. 61, l. 8: Bailluel.--_Ms. d'Amiens_: Et messires Robers ses frères -obtint le place, et eurent li Liegois le journée pour yaux, de quoy li -roys de Franche leur sceut grant gret. Fo 49. - -P. 61, l. 12: nuit.--_Ms. de Rome_: mais il ne peut, car li sires de -Saint Venant et ses gens le trouvèrent en la rosière où il reclamoient -un faucon que il avoient perdu. Fo 66 vo. - -P. 61, l. 15: Saint Venant.--_Mss. A 11 à 14_: Montmorency. Fo 67. - -P. 62, l. 4: ennemis.--_Ms. de Rome_: il l'enmenèrent en lor ville, et -le tinrent en prison tant que il vesqi. Fo 67. - -P. 62, l. 4: morir.--_Ms. B 6_: de moult cruelle mort et à grant -martire. Fo 162. - -P. 62, l. 5: raençon.--_Mss. A 15 à 17_: Ainsi fina honteusement -monseigneur Wafflart de la Croix. Fo 69. - - -=§ 127.= P. 62, l. 10: Haynau.--_Ms. de Rome_: Nouvelles vinrent en -l'oost devant Tournai au conte de Hainnau, que li saudoiier de Saint -Amant estoient issu et avoient ars la ville de Hanon et l'abeie. Et -encores avoecques tout ce il estoient retourné par Vicongne et avoient -ars la maison dou Pourcelet et abatu le moulin et la fontainne, et -s'estoient mis en grant painne de destruire et ardoir la belle abbeie -de Vicongne; mais li Valenchiennois l'en avoient sauvé et respité par -le secours de cinq cens compagnons que il i avoient envoiet. Donc crola -li contes de Hainnau la teste et dist: «Chil de Saint Amant sont trop -reveleus: il les nous fault aler veoir, et ceuls de Mortagne aussi, -mais ce sera plus proçainnement que il ne quident.» Fo 64 vo. - -P. 62, l. 15: sis cens.--_Ms. de Rome_: sept cens. Fo 64 vo. - -P. 62, l. 23: Biaugeu.--_Ms. de Rome_: liquels se nonmoit Edouwars,... -et avoit avoecques lui des Bourgignons et des Savoiiens biaucop et -toute flour de gens d'armes. Fo 64 vo. - -P. 62, l. 29: douse cens.--_Mss. A 11 à 14_: quatorze cens. Fo 67. - -P. 62, l. 30: pilos.--_Ms. d'Amiens_: Et duroit chilz pilotis tout au -loncq de le rivierre. Fo 49. - -P. 62, l. 31: costés.--_Ms. de Rome_: avoecques ses Hainnuiers et -Hollandois. Fo 65. - -P. 63, l. 1: l'autre.--_Ms. de Rome_: Et se departirent de -Valenchiennes bien douse mille honmes. Et les conduisoient li doi -prevost de la ville, Jehans de Baisi et mesire Gilles li Ramonniers. Et -vinrent passer à Condet les deus rivières de Hainne et l'Eschaut, et -ceminèrent à piet et à ceval tant que il furent devant Mortagne. Fo 64 -vo. - -P. 63, l. 6: le Scarp.--_Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 23 à 29_: l'Escaut. Fo -69 vo. - -P. 63, l. 9: Mande.--_Mss. A 1 à 6, 18 à 33_: Mante. Fo 69 vo.--_Mss. A -7 à 10_: Mande. Fo 64 vo.--_Mss. A 11 à 14_: Manre. Fo 67 vo.--_Mss. A -15 à 17_: Saint Mande. Fo 69 vo.--_Ms. d'Amiens_: et Saint Amand. Fo -49. - -P. 63, l. 12: quatre cens.--_Ms. d'Amiens_: trois cens. Fo 49. - -P. 63, l. 18: part.--_Ms. de Rome_: au lés deviers Mande, à la porte -qui oeuvre sus le Scarp; et ses cousins li sires de Saint Gorge estoit -à la porte d'Escaut, par où on va à Antoing et en Hainnau. Fo 65. - -P. 63, l. 25: en l'aigue.--_Ms. d'Amiens_: à terre et en le rivière de -Scarpe qui noiiet fuissent, se il n'ewissent evut bon secours. Fo 49. - -P. 64, l. 3: engien.--_Ms. de Rome_: et deus espringalles: li enghiens -jettoit pières de fais dedens la ville; et les espringalles, groses -plonmées. Là estoient li arbalestrier de Valenchiennes arouté, et -traioient à pooir sus les deffendans, dou quel trait il en blechièrent -pluisseurs. Fo 65. - - -=§ 128.= P. 64, l. 23: l'Escaut.--_Ms. d'Amiens_: plus de douze cens. -Fo 49. - -P. 64, l. 27: fait.--_Ms. d'Amiens_: que tout au mieux venir, on n'en -aroit meut hors de l'aighe une douzaine le jour. Fo 49. - -P. 65, l. 9: esbahi.--_Ms. d'Amiens_: dou sens de l'enghigneour de -Mortaigne, et dissent bien que uns telx mestres estoit dignes de vivre. -Fo 49 vo. - - -=§ 129.= P. 65, l. 12: deus nuis et trois jours.--_Mss. A 11 à 14 et A -1_: deux jours et trois nuiz. Fo 67 vo. - -P. 65, l. 12: conquisent.--_Ms. de Rome_: Avant i ot plus de lors gens -navrés et bleciés que des François, car, à parler par raison et à -considerer toutes coses, Mortagne dalés Tournai est trop forte place; -et pour ces jours elle estoit pourveue de bonnes gens d'armes, sage et -conforté, et ne fust à garder plus perilleuse forterèce assés de -deffense que ceste ne soit. Fo 65. - -P. 65, l. 16: ville.--_Ms. d'Amiens_: et dedens trois jours apriès -fuissent devant Saint Amand, car il y seroit ossi. Ces nouvelles oïes -en l'ost de Vallenchiennes, il se partirent et deslogièrent et -tourssèrent tout et missent à voie; mès au partir il violèrent et -desrompirent trop diviersement l'abbeie de Castiaux, dont ce fu pitéz. -Fo 49 vo. - -P. 65, l. 27 et 28: trois mille.--_Mss. A 15 à 17_: quatre mille. Fo -70. - -P. 66, l. 1: veoir.--_Ms. d'Amiens_: car moult les hayoit pour le cause -de l'abbeie de Hanon qu'il avoient ars. Fo 49 vo. - -P. 66, l. 4: d'och.--_Ms. d'Amiens_: cousins à l'evesque de Cambrai, -Guillaumme d'Ausoire. Et estoit chils de chiaux de Mirepois et -senescaus de Carkasonne, et là envoiiéz en garnison de par le roy de -France. Fo 49 vo.--_Ms. de Rome_: mesire Pière de Charcasonne. Fo 65. - -P. 66, l. 16: l'abbeye.--_Ms. d'Amiens_: reliques et aournemens de -moustier, Fo 49 vo. - -P. 67, l. 2: bidau.--_Ms. d'Amiens_: bidau et Geneuois ne s'en -faisoient que truffer, et torquoient de leurs capperons lez murs de le -ville, quant li arbalestrier avoient trait. Fo 49 vo.--_Ms. de Rome_: -et ne faisoient compte des Hainnuiers et par especial des -Valenchiennois. Fo 65. - -P. 67, l. 13: d'armes.--_Ms. d'Amiens_: à plus de douze cens lances. Fo -50. - -P. 67, l. 14: au lés.--_Ms. d'Amiens_: derière l'abbeie. Fo 50. - -P. 68, l. 23: fuison.--_Ms. de Rome_: car chil qui entré estoient, -entrues que li premier se conbatoient, alèrent ouvrir les portes de la -ville. Si entrèrent ens li Valenchiennois, et tout chil qui entrer i -vodrent, par le pont de Scarp, et li aultre par la porte de Tournai. Fo -95 vo. - - -=§ 130.= P. 69, l. 13: occis.--_Ms. de Rome_: dont il en desplaisi -grandement au conte de Hainnau, et euist volentiers veu que on l'euist -pris sus et retenu en vie. Fo 65 vo. - -P. 69, l. 16: destruite.--_Ms. de Rome_: et se s'en sauvèrent -pluisseurs qui se boutèrent par derrière en le Scarp en nefs et en -batiaus, et lors fenmes et lors enfans, et s'en vinrent à sauveté à -Mortagne. Fo 65 vo. - -P. 69, l. 19 et 20: parardirent.--_Ms. de Rome_: fustèrent toute la -ville et le parardirent, et abatirent et destruisirent biaucop des -offecines et mancions de l'abeie, et descouvrirent le moustier qui tout -estoit couvers de plonc, et rompirent le clochier et abatirent et -brisièrent les cloces qui estoient excellentement bonnes, et tout -cargièrent sus chars et sus charètes. Fo 65 vo. - -P. 69, l. 28: sis cens.--_Ms. de Rome_: cinq cens. Fo 67. - -P. 69, l. 31: Scarp au dessous de Hanon.--_Mss. A 7 à 10, 23 à 33_: -Scarp au dessus de Hannon. Fo 66.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22_: -l'Escaut au dessus de Hanon. Fo 71 vo. - -P. 70, l. 7: parfons.--_Ms. de Rome_: liquel estoient impossible à -passer sans batiaus. Fo 67. - -P. 70, l. 11: l'aigue.--_Ms. de Rome_: Si entrèrent dedens et avoient -amené des arbalestriers et des hollandois piquenaires, liquel sont et -vaillent moult à un assaut. Chil qui estoient ens ès batiaus sus l'aige -qui venoit de la rivière de Scarp, qui vient de Douai et qui là qourt, -se missent sus la cauchie qui va de la porte à l'abeie; et petit à -petit tant passèrent que il furent plus de cent parmi les -arbalestriers. Fo 67. - -P. 70, l. 14: Bacho de le Wière.--_Mss. A 11 à 14_: Bachon de la -Bruière. Fo 69. - -P. 70, l. 21: pris.--_Ms. de Rome_: Et se rendi messires Amés de -Warwaus prisonniers au dit conte, et auqun gentilhomme qui là estoient, -et li monne aussi; mais le demorant il furent ochis ou jetté en la -rivière. Fo 67. - -P. 70, l. 22: ossi.--_Ms. de Rome_: Dont ce fu damages; mais en gerre -il n'i a nulle pité ne merchi; et li varlet qui poursievent les gens -d'armes, font plus à la fois, qant il se voient au desus de lor -emprise, que on ne lor conmande. Fo 67. - - -=§ 131.= P. 71, l. 6: famine.--_Mss. A 11 à 14_: pour quoy il les -pensoit plus tost avoir par affamer que par assaulx. Fo 69. - -P. 71, l. 11: Avoech.--_Ms. d Amiens_: .... il y avoit un grant -parlement entre le duc de Braibant, le duc de Guerlles, le comte de -Jullers, le marquis de Blancquebourch et aucuns seigneurs d'Engleterre, -sus l'estat que je vous diray. Li communauté des bonnes villes de -Braibant, especialement Brouxelles, Louvain, Malinnes, Anwers, Nivelle, -Jourdongne et Liere, se volloient partir comment qu'il fust, et -estoient enssi que tout tannet. Et s'estoient complaint au duc leur -seigneur en disant que ce n'estoit mies vie d'estre si longement à ost -devant une ville sans autre cose faire, et que là il sejournoient à -trop grant fret, et que briefment il s'en partiroient par congiet ou -sans congiet. De quoy li dus, qui fu moult sages homs, leur avoit -respondu que vollentiers il en parleroit as autres seigneurs et au -consseil le roy d'Engleterre, pour qui il estoient là assamblet. Si -leur avoit remoustré, ensi que dessus est dit, li dus, quant li comtes -de Haynnau entra ou parlement. Si sambla as seigneurs, especialement au -consseil le roy englèz, que li Braibenchon ne se volloient mies -acquitter trop souffissamment, qui jà parloient dou retour. Et fu chilx -conssaux jettéz sus le comte de Haynnau et priiés que il en volsist -dire sen entente. Et il en respondi tout pourveeuement «que on leur -donne ce congiet de partir, se partir voellent, mès on leur face -commandement que nuls n'enporte ses armures, mès les mettent jus et les -raportent deviers lez marescaus.» Chils parlers fu tenus, et leur fist -li dus de Braibant ceste responsce de par le roy d'Engleterre et tous -les plus grans seigneurs de l'ost. Et quant il oïrent che, si se turent -et furent tous virgongneus, et leur sambla que on se truffoit d'iaux. -Si n'en parlèrent oncques puisedi si descouvertement. Fo 49 vo. - -P. 71, l. 26: Hodebourch.--_Mss. A 1 à 7, 18 à 29_: Rodebourch, -Radebourch, Rodebourg. Fo 72.--_Mss. A 8 à 10_: Rendebourch. Fo 65 -vo.--_Mss. A 11 à 14_: Rodembourch. Fo 69 vo.--_Mss. A 15 à 17, 30 à -33_: Randebourch. Fo 71 vo. - -P. 71, l. 28: Ernoul.--_Mss. A 23 à 29_: Noel. Fo 83. - -P. 71, l. 28: Bakehen.--_Mss. A 11 à 17_: Kakehan. Fo 69 vo.--_Ms. de -Rome_: et Jehans ses frères. Fo 67. - -P. 71, l. 29: Renauls.--_Ms. B 3_: Arnault. Fo 63 vo. - -P. 71, l. 29: Conrars.--_Ms. B 3_: Colas. - -P. 71, l. 30: d'Asko.--_Ms. de Rome_: Ce furent li doi chevalier qui -estoient parti de Bouçain, ensi que chi desus est dit, et qui ruèrent -jus entre Frane et Nostre Dame ou Bos, les saudoiiers de Mortagne. Fo -67. - -P. 71, l. 30: Bastiens.--_Mss. A 11 à 14_: Jahan. Fo 69 vo. - -P. 71, l. 31: Barsies.--_Mss. A 1 à 6, 18 à 22_: Warsie. Fo 72.--_Mss. -A 11 à 14_: Warwasie.--_Mss. A 23 à 33_: Bastres. Fo 83. - -P. 71, l. 31 et 32: Stramen de Venoue.--_Ms. B 3_: Stranjen de -Veemone.--_Mss. A 23 à 29_: Stranjen de Beurne. Fo 83. - -P. 72, l. 7: de Haynau.--_Ms. de Rome_: Et là furent li sires de -Goumegnies, li sires de Mastain, li sires de Vertain, messires Henris -de Huffalise, et Gilles et Tieris et Ostelars de Soumain. Fo 67.--_Ms. -B 6_: Des Haynuiers y estoient messires Florens de Biaurieu, messires -Olyfars de Ghistelle, le sire de Gommegnies, le sire de Semeries, le -sire de Floyon, le sire de Sars et pluisseurs aultres. Fo 160. - -P. 72, l. 9: Biaurieu.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22_: Beaugeu. Fo -72. - -P. 72, l. 9: Baras.--_Mss. A 11 à 14_: Bertran. Fo 69 vo. - -P. 72, l. 16: trois cens.--_Mss. A 11 à 14_: Si estoient environ quatre -cens hommes d'armes, tous bien montez et armez. Fo 69 vo. - -P. 72, l. 24 et 25: Keukeren.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14_: Kakeren, -Kakeranth.--_Mss. A 20 à 22_: Baquehem. Fo 108.--_Ms. B 3_: Kerqueren. -Fo 64. - -P. 72, l. 24 et 25: Thielemans.--_Ms. de Rome_:... messire Henri -d'Uffalise. Fo 67. - -P. 72, l. 25: Sansi.--_Mss. A 1 à 10, 15 à 33_: Saussi. Saussy, Sausy, -Saucy.--_Mss. A 11 à 14_: Thiebault du Saussoy. - -P. 73, l. 1: se partirent.--_Ms. B 6_: sans che que le conte de Haynau -ne messire Jehan de Haynau ses oncles en sceust riens. Fo 160. - -P. 73, l. 10: Montmorensi.--_Ms. de Rome_: mesires Carles. Fo 67 -vo.--_Mss. A 11 à 14_: monseigneur Mahieu de Montmorancy et monseigneur -Jehan de Saint Saulieu; mais en ces entrefaittes qu'ilz se departoient -de leur guait, un pou devant soleil levant, vindrent ces Allemans en -leurs gardes. Fo 69 vo. - -P. 73, l. 24: car.--_Ms. de Rome_: ses chevaus li falli. Fo 67 vo. - -P. 73, l. 27 et 28: Jakelot de Thians.--_Mss. A 1 à 6_: Jaquelés de -Chans. Fo 72 vo.--_Mss. A 11 à 14_: Jaquemes des Champs. Fo 70.--_Mss. -A 20 à 22_: Jacques de Thibaux. Fo 108 vo. - - -=§ 132.= P. 74, l. 29: ossi.--_Ms. de Rome_: dont il fu depuis moult -blamés, quant il laissa son compagnon, messire Carle de Montmorensi. Fo -67 vo. - -P. 75, l. 4: coureur.--_Ms. d'Amiens_: li sires de Randerodene et -messires Ernoulz ses filz et messires Henris de Kenkeren ung -missenairez et messires Thielemant de Sanssi, messires Oliffars de -Gistelles et messires li Allemans, bastars de Haynnau et messires -Robers Glummes adonc escuier. Fo 50. - -P. 76, l. 6: prisons.--_Ms. de Rome_: De celle aventure furent li -François si esbahi que il perdirent lor arroi, et n'avoient pas gens -parellement as Alemans et Hainnuiers, car la grignour partie sievirent -la banière le signeur de Saint Sauflieu. Et furent les gens le signeur -de Montmorensi tout espars; petit en i ot de mors. Fo 67 vo. - -P. 76, l. 9: Kenkeren.--_Ms. d'Amiens_: Henris de Kenkeren. Fo 50. - -P. 76, l. 10: Sausi.--_Ms. d'Amiens_: ... messires Ernaux de -Bakehen,... messires Florens de Biaurieu, messires Baras de le Haye. Fo -50. - -P. 76, l. 12: homme d'armes.--_Ms. d'Amiens_: escuier. Fo 50 vo. - -P. 76, l. 15: prisonniers.--_Ms. de Rome_: Et furent rescous messires -Oulfars de Ghistelle et li doi esquier qui pris estoient; et -retournèrent en l'oost devant la chité de Tournai. Fo 67 vo. - - -=§ 133.= P. 76, l. 26 et 27: Or vous.--_Ms. de Rome_: Ensi se portoient -les cevauchies et les enbusqes et rencontres entre ces deus hoos, le -siège estant devant Tournai. Et pour ce que Jaques d'Artevelle, à -poissance de Flamens, se tenoit devant Tournai avoecques les aultres -signeurs, nouvelles vinrent en l'ost, qant li rois de Franche fu venus -à Bouvines, que les gens d'armes qui estoient establi ens ès garnisons -de Saint Orner, d'Aire, de Tieruane et des forterèces françoises -marcissans sus les frontières de Flandres, enteroient en la vallée de -Cassiel, et destruiroient le pais, Berghes, Bourbourc, Miessines, -Werevi, Popringhe et tout le plat pais de là environ, se il n'estoit -que on lor fust au devant. Pour ce furent ordonné messires Robers -d'Artois et mesires Henris de Flandres à partir de l'oost, et à prendre -vint mille Flamens, et aler ou val de Cassiel, et requellier encores -tous honmes portans armes dou tieroit dou Franc et de Flandres, car -tout n'estoient pas au siège de Tournai. Si en seroit li pais plus fors -et plus doubtés. - -Sus cel estat, li dis mesires Robers d'Artois et mesires Henris de -Flandres s'en vinrent en la valée de Cassiel, et là se logièrent; et -fissent un arrière mandement qui s'estendi par tout le pais de -Flandres, et pour garder les entrées de Flandres. Si vinrent de tous -lés là Flamens et se logièrent, et se trouvèrent bien quarante mille et -plus. Avint ensi que compagnon, en une hoost qui sejourne, sont de -grant volenté; il se quellièrent et missent ensamble bien trois mille -Flamens, et sus l'entente que pour gaegnier et aler fuster le pais -environ Aire, Tieruane et Saint Omer; et se departirent de l'oost et -des aultres une vesprée, sans point parler à lors chapitainnes, et -vinrent sus un ajournement ens ès fourbours de Saint Omer et les -ardirent, et abatirent les moulins qui estoient au dehors. Chil qui -estoient dedens Saint Omer s'estourmirent, et là se tenoient bonne -chevalerie d'Auvergne et de Limosin, premierement li conte Beraut -daufin d'Auvergne, et (li) conte de Clermont son frère, le signeur de -Merquel, le signeur de la Tour, le signeur de Montgascon, le signeur -d'Achier, le signeur d'Açon, le signeur d'Alaigre, le signeur de Saint -Aupisse, le signeur de Pière Bufière, et se trouvoient bien trois cens -lances, chevaliers et esquiers. Si s'avisèrent que il se meteroient sus -les camps et poursieveroient ces Flamens, et manderoient ceuls qui -estoient en garnison en Tieruane que il leur venissent au devant, entre -Aire et Arques, et ausi à ceuls de la garnison d'Aire et de Saint -Venant que il isissent et se mesissent sus le camps, et qant il -seroient tout ensamble, il courroient sus à lor avantage ces Flamens. - -Tout ensi conme il le proposèrent, il le fissent, et s'asanblèrent -dedens Saint Omer, et s'armèrent et montèrent as cevaus, et enmenèrent -les arbalestriers et bien mille aultres honmes avoecques euls, et -issirent hors de Saint Omer, et prissent à la couverte le cemin dou -mont de Herfaut. Qant li chevalier et li esquier qui en Tieruane se -tenoient furent segnefiiet de ceuls de Saint Omer, li sires de Brimeu, -li sires de Boubert, li sires de Saint Pi, li sires de Reli, li sires -de Sanci et pluisseur aultre qui là se tenoient, il s'armèrent et -montèrent as chevaus, et issirent de Tieruane, et se missent sus les -camps. Li Flamenc, qui ne voloient aultre cose que pillier le pais, et -puis retourner et estre au soir en l'oost de lors gens, vinrent à -Arques, une grose ville à demi lieue de Saint Omer, et le pillièrent et -robèrent toute, et se cargièrent de ce que il i trouvèrent de dras et -de jeuiaus; et puis à lor departement, il boutèrent le feu dedens, et -en ardirent plus de la moitié, et abatirent les moulins. Et tout ce -veoient li François qui estoient sus les camps, et avoient jà trouvé -l'un l'autre chil de Saint Omer et chil de Tieruane, et se trouvoient -quatre cens lances et douse cens honmes de piet. Chil Flamenc, qui -avoient ceminet toute la nuit et à l'endemain jusques à haute tierce, -estoient tout lasset, et vinrent sus un village que on appelle la -Cauchie et là s'arestèrent; et dissent que il mengeroient et se -reposeroient, et puis il se retrairoient viers Cassiel, car il ne se -sentoient de nului poursievi. Qant il furent là venu ou dit village, li -pluisseur se desarmèrent et se traissent par ostels, et se boutèrent en -gragnes, en maisons et en jardins, et n'estoient en doubte de nului. -Evous venus ces François en deus batailles, et avoient vint banières, -et ordonnèrent lors arbalestriers tout devant, et s'en vinrent en cel -vilage que on dist la Cauchie à frapant à l'esporon, et trouvèrent ces -Flamens, les auquns sus la rue, les aultres tous desarmés, et les -pluisseurs qui buvoient et mengoient. - -Qant chil chevalier et esquier furent là venu, et casquns escria son -cri, chil Flamenc furent si esbahi que onques il ne tinrent conroi ne -ordenance, mais tournèrent tous les dos, et se sauvèrent qui sauver se -peurent; et en i ot bien ocis ou village que en cace sus les camps dix -huit cens, et li demorans retournèrent à grant mescief tout desbareté. -Fo 68. - -P. 77, l. 3: Cassiel.--_Ms. d'Amiens_: de le castelerie de Cassiel. Fo -51. - -P. 77, l. 6: à Saint Omer.--_Ms. d'Amiens_: de Saint Omer. Fo 51. - -P. 77, l. 10: Montagut.--_Ms. d'Amiens_: d'Auviergne. Fo 51. - -P. 77, l. 10: Rocefort.--_Ms. d'Amiens_: .... li sires d'Achier et tout -grant baron d'Auvergne. Fo 51. - -P. 77, l. 12: Aire.--_Ms. d'Amiens_: se tenoient Artisien, li sires -d'Aubegny, li sires de Sanci, li sires d'Avelui, li sires de Creki, li -sires de Kikenpoi, li sires d'Avesquierke, li sires d'Ennekins, li -sires de Reli et li sires de Bassentin. Fo 51. - -P. 77, l. 14: Flamens.--_Ms. d'Amiens_: et li Flammencq ossi sus yaux. -Fo 51. - -P. 77, l. 17: trois mille.--_Mss. A 1 à 10, 18 à 33_: quatre mille. Fo -73 vo. - -P. 77, l. 27: six.--_Mss. A 11 à 14_: sept. Fo 71. - -P. 77, l. 27: deus cens.--_Mss. A 11 à 14_: trois cens. Fo 71. - -P. 77, l. 27 et 28: bacinés.--_Ms. d'Amiens_: lanches. Fo 51. - -P. 77, l. 28: cinq cens.--_Ms. d'Amiens_: sis cens. Fo 51.--_Mss. A 11 -à 14_: et environ huit cens bidaux, taffes et petaulx. Fo 71. - -P. 78, l. 1: Arkes.--_Mss. A 1 à 6, 20 à 22_: Ardres. Fo 73 vo. - -P. 78, l. 14: dis huit cens.--_Ms. d'Amiens_: de trois mille à dis huit -cens. Fo 51. - - -=§ 134.= P. 79, l. 19: compte.--_Ms. d'Amiens_: Et ne furent à nul -seur, ne pour parolle ne pour priière que messires Robers d'Artois ne -messires Henry de Flandres leur pewissent dire ne faire, jusquez à tant -qu'il se trouvèrent à Ippre, à Popringe et ens leur pays bien avant. Fo -51.--_Ms. de Rome_: Nient mains, tous jours il tenoient leur rieule sus -la fourme que dit vous ai; et n'i demora, avant que il fust jours, -ville ne hamiel à deslogier. Et se trouvèrent li doi chevalier, un -petit apriès solel levant, ensi que tout seuls, sus les camps. Fo 68 -vo. - -P. 79, l. 24: recordèrent.--_Ms. de Rome_: au roi d'Engleterre, au duch -de Braibant, au duch de Gerlles, au conte de Hainnau et as signeurs. Fo -68 vo. - -P. 79, l. 26: esmervilliet.--_Ms. d'Amiens_: Et quant chil de Saint -Omer, d'Aire et de Saint Venant entendirent le deslogement des -Flammens, et coumment en grant haste il s'en aloient, si se partirent -des villes voisinnes et vinrent en ceste meisme plache, et trouvèrent -encorres grans remannans de tentes, de très, de pavillons, de harnois -et de carois. Si prisent et toursèrent tout et en menèrent en leurs -villes, et y eurent grant prouffit. Fo 51 vo. - - -=§ 135.= P. 79, l. 28: Chils sièges.--_Ms. de Rome_: Li sièges devant -la chité de Tournai dura assés longement onse sepmainnes, trois jours -mains, et tous les jours i avoit fais d'armes ou escarmuce, auquel lés -que ce fust. Par dedens avoit avoecques messire Godemar dou Fai, qui un -lonch temps en avoit eu le gouvrenement, bonne chevalerie et sage, tels -que le conte de Fois, le conte de Conmingnes, le conte d'Ermignach, le -seigneur de Labret, le conte de Qarmain, le signeur de Copane, le -signeur de Qorasse, le signeur de Qoo, le signeur de Barrage, le -signeur de Taride, le signeur de Pincornet et maint aultre, Gascons, -Foisois, Bernès et Labrisiens. Et chil signeur avoient la souverainne -ordenance de la chité; et n'en songnoient les prevos et les jurés et -les honmes de la ville ensi que noient, car la amministration de toutes -coses estoit reservée à ceuls desus dis. - -Li rois d'Engleterre, à grant poissance et grant coustage, tenoit là -son siège, car li Alemant n'en faisoient riens, fors que pour l'argent, -et voloient estre paiiet de quinzainne en quinzainne; et estoient là -contournées et enbutes toutes les rentes et revenues d'Engleterre, tant -en l'estat dou roi tenir, que en paiant les Alemans. Li contes de -Hainnau, li dus de Braibant et li dus de Gerles servoient le roi -d'Engleterre à leurs coustages, et messires Jehans de Hainnau aussi; -mais tout li aultre, reservé les Flamens, voloient bien sçavoir -pourquoi et conment il estoient là venu. Et couvint le roi -d'Engleterre, ensi que je fui enfourmés, enprunter à Jaquemon -d'Artevelle, son compère, et à tout le pais de Flandres chienqante -mille mars, monnoie d'Engleterre, avaluée au paiement de Flandres et -d'Engleterre: ce furent deus cens mille florins; et tout fu contourné -en son estat et au paiier ses saudoyers. Et de l'enprunt que li rois -d'Engleterre fist et dou prest aussi, il bailla lettres autentiques, -seelées dou seel le roi et de pluisseurs barons d'Engleterre qui là -estoient, en tesmongnant et en aprouvant les lettres à veritables; mais -Jaquemes d'Artevelle, qui avoit toute la poissance de Flandres en sa -main, i estoit tous pour le roi d'Engleterre; et ne li prioit en secré -et en especialité d'aultre cose que il se vosist tenir tous quois, sans -partir, en Flandres, et vivre des rentes et revenues dou pais et des -aides que on li feroit, et espargnier les revenues d'Engleterre pour -poursievir sa gerre. Et qant li rois d'Engleterre remoustroit ces -proumesses à son consel que Jaques d'Artevelle et li pais de Flandres -de bonne volenté li offroient, li plus de son consel s'enclinoient à ce -que il le presist, et que sa gerre en seroit plus forte et plus belle. -Et qant, sus cel estat, li rois d'Engleterre en parloit au duch de -Gerlles, son serourge, au duch de Braibant, son cousin germain, et au -conte de Hainnau, son frère, il li consilloient tout le contraire et li -remoustroient par pluisseurs raisons que il se meteroit en grant -aventure et peril; car qant il quideroit estre le mieuls d'euls, uns -rumours et uns debas s'esmouveroit à Bruges ou à Gant ou à Ippre de ses -gens as Flamens, selonc ce que Flamenc sont chaut et merancolieus: «il -ociroient tout soudainnement et vous aussi, et puis remanderoient lor -signeur. Il vous soufisse à avoir ce que vous en avés. Tenés les à -amour et ce Jaque d'Artevelle, entrues que il est en sa poissance. Vous -les auerés millours à estre en sus de vous que si proçains, et si serés -hors dou peril, car nuls sires ne se doit trop comfiier en commun -estragne. De trop petit on piert lor grasce et lor amour. Encores vit -lors sires et a un fil. Par ce fil, mais que li rois de France lor -voelle renvoiier, se poront il un de ces jours retourner et ocire ce -d'Artevelle, et trop de soutilleté il a en France. Mais qui poroit -faire une cose, vous avés une fille, Isabiel: se li Flamenc pooient -tant faire par sens et par pratique que il reuissent lor fil; et puis -uns mariages se fist de vostre fille à ce fil, les aliances dou mariage -poroient estre bonnes et moult vous deveroient valoir ou temps à -venir.» Li rois d'Engleterre s'inclina à ce consel et ne prist nul -autre. - -Or vous voel je nonmer les contes et les barons qui furent au siège de -Tournai avoecques le roi d'Engleterre, et liquel passèrent la mer -avoecques li: premierement les prelas, l'evesque de Lincole et -l'evesque de Durem; le conte Derbi, le conte d'Arondiel, le conte de -Norhantonne, le conte de Herfort, le conte de Warvich, le conte de -Douvesière, le conte d'Ormont et le conte de Wincestre; barons: le -signeur de Persi, le signeur de Lusi, le signeur de Noefville, le -signeur de Helinton, le signeur de Felleton, le signeur de Braseton, le -signeur Espensier, mesire Renault de Gobehen, mesire Richart de -Stanfort, mesire Thomas de Hollandes, le signeur de Basset, le signeur -de Bercler, le signeur Fil Warin, le signeur Fil Watier, le signeur de -Biaucamp, mesire Jehan de Biaucamp, mesire Rogier de Biaucamp, le -signeur de Hastinges, le signeur de Ferrières, le signeur de Moutbrai, -le signeur de Multon, le signeur de Ware, le signeur de Lanton, le -signeur de Graa, messire Richart la Vace, le signeur de Courtenai, le -signeur de Illecombe, cornillois, le signeur de Talebot, et tant que il -estoient vint et huit barons et diis contes. Je n'ai pas nonmé le conte -de Pennebruq et le conte de Heustidonne qui ausi i estoient. Encores -avoecques tout ce, se la bataille euist esté devant Tournai des deus -rois et de lors aliiés, ensi que on esperoit que elle deuist estre, il -estoient issu hors d'Engleterre avoecques le roi pluissours chevaliers -et signours qui euissent bouté lors banières hors, et avoient lor estat -tout pourveu grant et estofé, et ne desiroient aultre cose. Aussi tout -li signeur, qui là au dit roi d'Engleterre compagnie faisoient, au plus -estofeement conme il pooient, il i estoient, tant de banières, de -pennons, de monteures, de trefs, de tentes, de carroi et de toutes -coses qui à une hoost apertient et est necessaire as gens d'armes. - -Encores sans comparison estoit trop plus grans li estas dou roi -Phelippe de France, car là estoient quatre rois qui tout li faisoient -compagnie et service: li rois de Boesme, li rois de Navare, li rois -d'Escoce et li rois de Maiogres; et comprendoient les logeis des -François trois lieues tout à l'environ. Et fu raporté par les -hiraus(que) avoecques le duc de Normendie, le duch de Bretagne, le duc -de Bourgogne et le duch de Lorrainne, il i avoit en son hoost dix sept -contes, deus cens et soisante neuf banerès, et estoient bien tout honme -de deffense cent et chienqante mille. Considerés le peuple qui là -estoit assamblés, tant pour l'un roi que pour l'autre, car li rois -d'Engleterre, parmi les Flamens, avoit plus de cent mille honmes. Grant -ocision et grande mortalité de peuple i euist esté, se par bataille il -fuissent venu ensamble. On en fu sus le point, mais li dus de Braibant, -qui cousins germains estoit dou roi d'Engleterre, et qui là estoit -moult poissanment venus, acompagniés de barons et de chevaliers de son -pais et des conmunautés, des honmes de Brousselles, de Malignes et de -Louvaing, brisoit et brisa tout dis couvertement la bataille, avoecques -un grant moiien qui là estoit pour tretiier paix, trieuwes ou respit, -madame Jehane de Valois qui contesse avoit esté de Hainnau, et qui -serour germainne estoit dou roi Phelippe et dou conte Carle d'Alençon, -et qui avoit là son fil le conte de Hainnau. Avoecques la bonne dame -s'ensonnioit de traitiier et d'aler de l'un à l'autre uns moult sages -chevaliers qui se nonmoit mesires Lois d'Augimont; et avoit si belle -parleure et si aournée et de si grande prudense que il estoit très -volentiers oïs entre toutes les parties, tant de France conme de -l'Empire. Et quoi que pour le roi d'Engleterre tout chil signeur de son -lés fuissent là asamblé, il n'en estoit pas en li dou dire et dou -faire, mais couvenoit que le plus il s'ordonnast et gouvrenast par -ceuls de l'Empire et especiaulment par le duc Jehan de Braibant, son -cousin germain, car desus tous il avoit la grignour vois et audiense. -Et moustra par couvreture que à la priière madame Jehane de Valois il -s'inclinoit à ce que bon seroit que on entendesist à auquns trettiés de -paix et de trieuves, car on devoit là moult faire pour faire pour la -bonne dame qui là avoit ses frères et ses enfans. Et fu donné à -entendre au roi d'Engleterre que li iviers aproçoit, et les longes nuis -et froides, que toutes gens resongnent de jesir as camps, et que pour -celle saison on en avoit assés fait. - -Li rois d'Engleterre, pour ce temps, estoit jones, et pas ne -congnissoit encores le malisce et pratique dou monde et des grans -signeurs de l'Empire qui despendoient son argent et vosissent que la -gerre durast tout dis, car il estoient bien paiiet. Li contes de -Hainnau et messires Jehans de Hainnau, ses oncles, avoient cler enghien -assés pour considerer toutes ces coses, et veoient bien les -dissimulations qui estoient entre ces signeurs de l'Empire et le plus -deviers le duch de Braibant, mais il n'en osoient parler et se -souffroient, et ne se vodrent onques ensonniier de nul trettié, mais en -laissièrent couvenir le duch de Braibant, le duch de Gerles et le conte -de Jullers, de la partie le roi d'Engleterre. Madame Jehane de Valois -et messires Lois d'Augimont procurèrent tant deviers le roi de France -que li rois de Boesme, li contes d'Alençon et li contes de Flandres -furent esleu pour estre à ces parlemens et tretiés à l'encontre de ces -signeurs desus nonmés. Et fu ordonné que chil signeur, qant on ot pris -asegurances que il pooient aler et venir et lors gens sans nul peril -et retourner casqun en son hoost, tenroient lors parlemens et lors -trettiés en une chapelle que on dist à Esplecin, et est asisse enmi les -camps, ensi que en un chemin. Et venoient là chil signeur tantos apriès -messe et boire, et se metoient dedens la chapelle, et la desus ditte -dame, madame Jehane de Valois, avoecques euls; et i furent trois ou -quatre fois que riens n'i faisoient. Donc i revinrent dou costé le roi -d'Engleterre li evesques de Lincolle et messires Jehans de Hainnau; et -de la partie le roi de France, li evesques de Liège et li contes -d'Ermignach. Par le moiien de ceuls qui adrechièrent as besongnes, -avoecques les paroles et priières de celle bonne dame, madame Jehane de -Valois, se ouvrirent et avancièrent li trettié. Et regardèrent li -signeur, qui moult honnouroient l'un l'autre, qant il entroient dedens -la capelle, que unes trieuwes seroient bonnes prises à durer tant -seullement un an entre toutes les parties par mer et par terre, et -dedens cel an li rois d'Engleterre envoieroit nobles honmes et prelas -de par lui en la chité d'Arras en Piqardie, qui aueroient plainne -poissance de faire paix et acord à l'entente des deus rois; et aussi li -rois de France parellement renvoieroit de par li nobles honmes et -prelas qui aueroient plainne poissance d'acorder tout ce que dit et -parlementé seroit pour le millour. Avoecques tout che, li doi roi -supplieroient benignement à nostre Saint Père le pape que il i vosist -envoiier deus cardinauls en legation, pour aidier à adrecier à ces -besongnes. Sus cel estat et ordenance se conclut li parlemens, et donna -on à entendre au roi d'Engleterre que par ce parlement qui seroit -asignés à Arras, il aueroit en pareçon grant part dou roiaulme de -France; dou mains toute la ducée de Normendie, qui jadis avoit esté as -rois d'Engleterre, li seroit rendue, et la conté de Pontieu et celle de -Monstruel, et tous coustages et frès que fais avoit, li et ses gens, -depuis que il passa la mer en la cause dou calenge. Ces proumesses ou -là environ et encores plus grandes que li dus de Braibant remoustroit à -son cousin le roi d'Engleterre, l'apaisoient grandement et li brisoient -ses abusions, et aussi à ceuls d'Engleterre, et s'acorda assés -doucement à la trieuve. Si furent lettres escriptes, seelées et -données, et en prist cascuns des rois ou de lors honmes à ce conmis dou -recevoir, les copies. Et estoient données les trieuwes, et ensi furent -elles causées et conditionnées et publiies ens ès deus hoos et dedens -la chité de Tournai, pour resjoïr la conmunauté de la ville, à durer -jusques au premier jour dou mois de marc, lequel on atendoit, que on -compteroit l'an mil trois cens quarante et un, jusques au marc -ensievant l'an mil trois cens quarante et deux. Et avoient li pluisseur -là en dedens esperance de paix. A toutes ces coses rendi especiaulment -grant painne madame de Valois. Fos 68 vo à 70. - -P. 79, l. 29: trois jours mains.--_Mss. A 11 à 14_: et quatre jours. Fo -71 vo. - -P. 80, l. 4: France.--_Ms. d'Amiens_: premierement le comte de Foix et -sen frère le comte Raoul d'Eu, connestable de Franche, le comte de -Ghines son fil, le conte Aimery de Nerbonne, messire Aymars de -Poitiers, messire Joffroy de Cargny, messire Gerart de Montfaucon, -messire Godemar dou Fay et le seigneur de Kayeux, et ossi le marescal -de Franche, monseigneur Robert Bertran. Chil seigneur estoient vaillant -homme, et de grant affaire et de bon sens. Si penssèrent si bellement -et si sagement de le ditte ville que leur honneur y fu bien et -grandement gardée et la chité ossi. Car oncques pour assault ne pour -hustin, ne pour escarmuce qui y fuist, chil seigneur ne s'en partirent; -mès songneusement de nuit et de jour le pourveirent de deffense et de -consseil. Fo 51 vo. - -P. 80, l. 24: Haynau.--_Ms. d'Amiens_: car son fil le comte Haynnau -trouvoit elle si dur et si rebelle à sen entention, que elle ne l'en -volloit plus parler. Fo 51 vo. - -P. 81, l. 8: capelle.--_Ms. B. 6_: vers Esplechin. Fo 165. - -P. 81, l. 9: De le partie.--_Ms. B 6_: De la partie de Franche fu pris -pour faire le traitiet le roy de Behaigne, l'evesque de Liège, le duc -de Bourbon et le comte d'Alenchon; et de la partie du roy d'Engleterre, -le duc de Brabant, le conte Derbi, le conte de Norhantonne et -l'evesques de Londres. Fo 165. - -P. 81, l. 12: d'Ermignach.--_Ms. d'Amiens_: et li comtes de Blois. Fo -51 vo. - -P. 81, l. 14 et 15: li dus de Julers.--_Ms. d'Amiens_: li comtes de -Jullers. Fo 51 vo. - -P. 81, l. 15: Haynau.--_Ms. d'Amiens_: et li comtes de Warvich. Fo 51 -vo. - -P. 81, l. 16: capelle.--_Ms. d'Amiens_: Ceste journée au matin que li -seigneur durent venir enssamble, il oïrent au point dou jour messe. Et -assés tost apriès le messe, il burent ung cop, et puis cevauchièrent -chacuns li ungs deviers l'autre, li Franchois enssamble et li Englèz -enssi, et entrèrent environ à l'eure de tierche en le ditte capèle. Fo -51 vo. - -P. 82, l. 2: entrer.--_Ms. d'Amiens_: avoecques le somme de l'année. Fo -51 vo. - -P. 82, l. 8: engien.--_Ms. d'Amiens_: Et avoient cilz des lontainnes -marches, les quarante jours, advis de tenir le trieuwe, s'il volloient, -ou de renonchier et guerriier, s'il leur plaisoit. Fo 52. - -P. 82, l. 25: à envis.--_Ms. d'Amiens_: especialment chil de -Brouxelles. Fo 52. - - -=§ 136.= P. 82, l. 30: Ensi.--_Ms. d'Amiens_: Enssi se departirent ces -deus grans os, et donna ly rois d'Engleterre congiet à touttes -mannierres de gens et de seigneurs, et les remerchia grandement et -chacun par lui, dou service que fait li avoient. Si s'en revint li roys -à Gand, dallés le roynne se femme, et ne demoura mies puis loingtans -qu'il s'en partirent et retournèrent en Engleterre. Fo 52. - -P. 83, l. 9 et 10: signeurs.--_Ms. de Rome_: De rechief, il se -offrirent à lui et se representèrent pour aler partout où il les -manderoit, car il les avoit bien paiiés. Fo 70. - - -=§ 137.= P. 84, l. 14: Or se.--_Ms. de Rome_: Ensi se departirent tout -chil signeur d'Allemagne et tournèrent casquns en lors lieus. Li dus de -Braibant retourna dedens son pais, li contes de Hainnau et messires -Jehans de Hainnau fissent compagnie au roi d'Engleterre jusques en la -ville de Gant, et là prissent il congiet à lui et à la roine, et puis -retournèrent en Hainnau par Brousselles, car là ot une grande feste de -joustes que li dus de Braibant et li chevalier de Braibant fissent à -lor retour. Et là joustèrent li contes de Hainnau et ses oncles, et en -ot le pris de ceuls de dehors li contes de Hainnau, et de ceuls de -dedens li sires de Destre; et des esquiers de dehors, Willaumes de -Mastain, et de ceuls de dedens Pières de Pietresen. Et là furent à ces -joustes de Brousselles noncies et criies unes joustes de trente -chevaliers et de trente esquiers à estre à Mons en Hainnau. Et se tint -la feste grande et belle, et enporta le pris des chevaliers de dehors -li contes de Namur, et de ceuls de dedens mesires Gerars de Werchin, -senescal de Hainnau, mais il i fu si travilliés que depuis il ne vesqi -point longement, et morut jones, dont ce fu damages, et des esquiers -de dehors, Thieris de Brederode, et de ceuls de dedens Ansiaus de Sars. -Et se continuèrent ces festes en bien, en joie et en reviel. - -Et les povres gens dou pais de Hainnau, liquel avoient perdu le lor à -ce conmencement par la gerre et ars lors hostels et lors maisons, -s'aherdirent au labourer et au gaegnier dou nouviel. Aussi fissent chil -de France des marces et frontières de Tournesis, de Lille et de Douai. - -Et li rois d'Engleterre et la roine sa fenme ordonnèrent lors -besongnes, et prissent congiet à lor compère Jaquemon d'Artevelle, mais -il les amena et aconvoia jusques à Bruges et de là à Dunquerque. Et là -estoient lor vassiel tout prest, et entrèrent dedens, et traversèrent -la mer et vinrent à Zandvich; et jà estoient departi grant fuisson de -lors gens par l'Escluse et par Anwiers et retourné en Engleterre. - -Et li rois Phelippes aussi avoit donné congiet à toutes gens d'armes et -remerciiet les lontains, et estoit venus jeuer et esbatre en la ville -de Lille, et là le vinrent veoir les bonnes gens de Tournai; il les vei -volentiers. Et les representèrent mesires Godemars dou Fai et li -signeur qui dedens avoient esté le siège durant, et se loèrent -grandement de euls. Li rois oy volentiers ces loenges, et rendi à ceuls -de Tournai lor loi, laquelle il avoient perdu un grant temps; et -estoient menet, jugiet et ordonné par un gouvreneur. - -Apriès toutes ces coses faites et acomplies, li rois s'en retourna en -France, et ot une très grande feste à Compiengne; et fu uns tournois, -liquels fu criiés et publiiés en moult de pais, et en fu chiés li bons -rois de Boesme, et ot à ce tournoi plus de sept cens hiaumes. Fo 70. - -P. 84, l. 21: jouste.--_Ms. B 6_: de quarante chevaliers et escuiers -contre tous venans. Et y eut moult belle jouste. Et y fu le roy -d'Engleterre, le duc de Brabant, Jaques de Hartevelle et grant foison -d'autres seigneurs. Et furent les joustes moult belles; et après la -feste faite, chacun se party et alla là où il leur plaisoit. Fo 166. - -P. 84, l. 29: Lille.--_Ms. d'Amiens_: et s'i tint environ quinze jours. -Fo 52. - -P. 84, l. 29: cil de Tournay.--_Ms. d'Amiens_: li plus grant bourgois -de Tournay. Fo 52. - -P. 85, l. 8: anciiens.--_Ms. d'Amiens_: Ossi li bourgeois de Lille -requisent au roy que il leur volsist donner messire Wafflart de le -Croix, qu'il tenoit en prison, liquelx les avoit gueriiés ung moult -loing tamps et fès plusieurs despis. Li rois leur donna, car bien y -estoit tenus pour le cause d'un biau service que cil de Lille li -avoient fet, que pris le comte de Sallebrin et le comte de Sufforch et -rendus à lui pour ses prisonniers. Et quant chil de Lille eurent le dit -monseigneur Wafflart en leur vollenté, il ne le gardèrent pas trop -longement, mès le fisent morir à honte. Apriès touttes ces coses, li -roys de Franche se parti de Lille et s'en revint à petites journées en -grans esbas à Paris, et là ou au bos de Vincènes se tint ung grant -temps. Fo 52. - -P. 85, l. 18: A ce parlement.--_Ms. B 6_: Et s'en revint le roy -d'Engleterre à Gand où madame sa femme estoit. Sy ordonna toutes ses -besoignes et s'en rala en son pais, et laissa par dechà le conte Derbi -son cousin et le conte de Norhantonne et l'evesque de Linchelle pour -estre à che parlement et traitiet qui se devoit faire en la ville de -Aras, mais riens de pais ne s'y pot trouver ne esploitier. Sy y furent -deus cardinaulx, le cardinal de Naples et le cardinal de Panestres, -envoiiet en legation de par le pappe Benedick. Et osy de par le roy de -France y fut le conte de Flandres, le conte de Bar, le sire de Saint -Venant, l'evesque de Ausoire. Ches traitteurs et ces cardinaulx se -tinrent là emsamble plus de trois mois, maiz il n'y peurent trouver -nulle fin de pais. Fos 166 et 167. - -P. 85, l. 20: Bourbon.--_Ms. d'Amiens_: .... li comtes de Salebruges, -li comtes de Saint Pol et li sires de Couchy. Fo 52. - -P. 85, l. 25: d'Artois.--_Ms. de Rome_: contes de Ricemont. Fo 70 vo. - -P. 85, l. 26: Flandres.--_Ms. de Rome_: Et en furent priiet li contes -de Hainnau et messires Jehans de Hainnau et messires Henris de -Flandres. Li contes de Hainnau s'escusa, mais son oncle et messire -Henris i furent. Fo 70 vo. - -P. 86, l. 3 et 4: deux ans.--_Ms. de Rome_: par mer et par terre. Fo 70 -vo. - -P. 86, l. 5 et 6: revinrent.--_Ms. d'Amiens_: li cardinal en Avignon, -li Franchois en Franche et li Englès en Engleterre. Et se pourveirent -li doy roy sus ceste entente pour gueriier, le trieuwe acomplie, plus -fort et plus radement qu'en devant n'avoient fait. Fo 52.--_Ms. de -Rome_: Mais li contes de Hainnau avoit fait priier par son oncle le -cardinal de Naples, son cousin, que il vosist venir et descendre en son -pais en Hainnau. Li cardinauls, à la priière dou conte et de son oncle, -obei et descendi et vint en Hainnau, et entra en Valenchiennes par la -porte d'Anzain. Et ala li contes sus les camps à l'encontre de li à -plus de cinq cens chevaus, et l'amena moult honnourablement en -Valenchiennes, et de là en son hostel que on nonme la Salle, et fu -trois jours à Valenchiennes et deus jours au Kesnoi. Et puis retourna -li dis cardinaus à Cambrai, et de là à Amiens, où il trouva le cardinal -de Clermont qui là l'atendoit; et puis s'en alèrent tout doi ensamble à -Paris deviers le roi et les signeurs. Fo 70 vo. - -P. 86, l. 11: lontainnes.--_Ms. d'Amiens_: de Saintongle, de Gascoingne -et de Thoulousain, car toudis gueriièrent il et heriièrent l'un l'autre -les garnisons englesses et franchoises. Et tenoient li Gascon franchois -à ce donc les camps en le lange d'ok, et concquisent pluiseurs villes -et fortrèches sus les Englèz. Ossi li Escot dis(o)ient bien que jà, -tant que il pewissent gueriier, il ne tenroient trieuwes ne respit as -Englès, car pas n'y estoient tenu, mès de porter tous les dammaiges -qu'il poroient, ensi qu'il fissent et si comme vous orés chy -enssiewant. Fo 52. - -P. 86, l. 14: avenues.--_Ms. d'Amiens_: plus qu'en nul autre pays. Fo -52. - - -=§ 138.= P. 86, l. 25: A savoir.--_Ms. d'Amiens_: Pluiseur gongleour et -enchanteour en place ont chanté et rimet lez guerres de Bretagne et -corromput, par leurs chançons et rimes controuvées, le juste et vraie -histoire, dont trop en desplaist à monseigneur Jehan le Biel, qui le -coummencha à mettre en prose et en cronique, et à moy, sire Jehan -Froissart, qui loyaument et justement l'ay poursuiwi à mon pooir; car -leurs rimmez et leurs canchons controuvées n'ataindent en riens le -vraie matère, mès velle ci si comme nous l'avons faite et achievée par -le grande dilligensce que nous y avons rendut, car on n'a riens sans -fret et sans penne. Jou, sire Jehans Froissars, darrains venus depuis -monseigneur Jehan le Bel en cel ouvraige, ai ge allé et cherchiet le -plus grant partie de Bretaigne, et enquis et demandé as seigneurs et as -hiraux les gerrez, les prises, les assaux, les envaïes, les bataillez, -les rescousses et tous les biaux fès d'armes qui y sont avenut mouvant -sus l'an de grasce mil trois cens quarante, poursieuwans jusquez à le -darrainne datte de ce livre, tant à le requeste de mes diz seigneurs et -à ses fraix que pour me plaisance acomplir et moy fonder sus title de -verité, et dont j'ay estet grandement recompenssé. Et pour chou que -vous sachiés le coumencement et le rachinne de ceste guerre et dont -elle se moet, je le vous declarray de point en point. Si en diréz -vostre entente, et quel cause et droit messires Carles de Blois eut à -l'hiretaige de Bretaingne, et d'autre part, li comtez de Monfort, qui -en fist fet et partie contre lui. Pluisseurs gens en ont parlet ou -parolent, qui ne sèvent mies ou n'ont sceu par quel affaire li -oppinions de le challenge des seigneurs dessus diz est venus, ne -premierement esmeus; mès chy s'enssuilt. Si l'oréz, s'il vous plest, et -je le vous declarray. - -Apriès le departement dou siège dou Tournai, si comme vous avés chy -dessus oy, et que li roys de Franche donna congiet à tous sez os et -remerchia lez ducs, lez comtez et lez barons de ce que si bien et si -honnerablement cescun seloncq son pooir l'avoient servi, ly seigneur -prisent congiet dou roy li ung après l'autre, et se retrairent chacun -vers sen lieu. En ce departement, li dus de Bretaingne, qui servi avoit -le roy à bien dix mil lanches devant Tournai, tous de chevaliers et -d'escuiers de son pays, donna à toutez ses gens congiet de raller -chacun sus son lieu, et ne retint fors chiaux de son hostel, et chemina -à petittez journées et à grans frais. Bien le pooit faire, car il -tenoit grant estat et noble, car il estoit sires d'un grant pays et -rendable. En son chemin, chilx dus s'acouça au lit d'une maladie, de -laquelle il morut. Chils dus n'avoit eu nul enfant de la ducoise sa -femme. Si avoit il une sienne nièce, fille de son frère germain de père -et de mère, laquelle jone fille il avoit mariée à monseigneur Charle de -Blois, frère maisnet à monseigneur Loeys, comte de Blois. Chils dus de -Bretagne si avoit ung frère de par se mère qui avoit estet remariée, et -appelloit on cesti le comte de Montfort. Et estoit chilx comtez de -Monfort mariés à le sereur le comte Loeys de Flandrez, et avoit de -ceste damme fil et fille. Chils dus de Bretaigne, qui de son vivant -avoit mariée se nièche, fille de son frère germain, mort devant lui, se -doubtoit bien que li comtes de Montfort, ses frères de remariaige, ne -volsist de forche, apriès sa mort, entrer en la possession de -Bretaingne et deshireter sa nièche, qui drois hoirs en estoit. Et pour -mieux tenir et garder ses drois et deffendre sen hiretaige, il l'avoit -dounnet, enssi que j'ay jà dit, à monseigneur Charlon de Blois, -nepveut au roy de Franche, et qui le mieux et le plus grandement estoit -enlinagiéz en Franche, et qui le plus y avoit de prochains de tous -costéz et de bons amis. Et à celle entente avoit li dus fet le mariaige -de sa nièche et de monseigneur Charlon de Blois, que li roys Phelipez, -qui estoit ses oncles, li aidast mieux et plus volentiers à garder son -droit encontre le dit comte de Monfort, s'il le volsist entreprendre, -liquelx ne venoit mies dou droit estock de Bretaingne. Fo 52 vo. - -_Ms. de Rome_: Vous sçavés, si com ichi desus est dit, que li rois -Phelippes de France, qant il vint au Pont à Bouvines à l'encontre dou -roi d'Engleterre, liquels avoit assis et environné la chité de Tournai, -et i fist son mandement parmi le roiaulme de France, il n'oublia pas à -mander le duch de Bretagne, liquels le vint servir plus poissanment que -nuls des aultres prinches de France; car il ot en sa compagnie et -delivrance trente trois banerès dou pais de Bretagne, et bien sept cens -chevaliers et esquiers, tous gentilshonmes. - -Qant tout li signeur se departirent dou roi et l'un de l'aultre, et que -casquns s'en retourna viers son pais, et il orent donné tous lors -honmes congiet, car en grant temps ils n'en pensoient à avoir à faire -pour tel cas, chils dus de Bretagne, qui pooit estre de l'eage de -soissante ans ou environ, s'en retournoit viers son pais à tout son -estat tant seullement. Maladie le prist et aherdi sus son cemin, de -laquelle il s'acouça au lit en la chité de Chartres, et en morut. Ce -duch mort, de li ne demora fils ne fille, car nul enfant il n'ot onques -eu de sa fenme. Chils dus avoit eu un frère germain de père et de mère, -lequel on avoit nonmé mesire Jehan de Bretagne. De ce frère au duc -estoit demorée une belle jone fille, nonmée Jehane, et contesse de -Pentèvre de par sa dame de mère. Chil doi duc, c'est à entendre le duc -qui fu devant Tournai, et mesires Jehans de Bretagne, son frère et -conte de Pentèvre, avoient un frère de par lor dame de mère, non de par -lor père, car lor mère estoit remariée au conte de Montfort. Chils -contes avoit eu ce fil, qui se nonmoit contes de Montfort, de la dame -qui duçoise avoit esté de Bretagne, vivant le duch de Bretagne son mari -tant seullement. Li dus de Bretagne qui fu devant Tournai et ses frères -avoient tenu ce conte de Montfort à frère, pour tant que il estoit fils -de lor mère et non de lor père, ensi que vous le devés entendre. Chils -contes de Montfort avoit à fenme la soer au conte Lois de Flandres. Li -dus de Bretagne qui fu devant Tournai, avoit la fille de son frère -germain mariet à messire Carle de Blois, fil au conte Gui de Blois et -frère au conte Lois de Blois et neveut dou roi Phelippe de France, fil -de sa serour; car vous savés, ensi que il est dit et escript ichi -desus, que li contes de Hainnau, li contes Guis de Blois et mesires -Robers d'Artois eurent les trois serours dou roi Phelippe. Chils dus de -Bretagne qui fu devant Tournai, avoit tous jours fait doubte que li -contes de Montfort, son frère de remariage, ne vosist, apriès son -dechiès, efforchier sa cousine la droite hiretière de Bretagne, et -bouter hors de son hiretage; et pour ce l'avoit il mariet et donnet à -mesire Carle de Blois, (affin) que li rois Phelippes de France et li -contes d'Alençon, si oncle, et li dus de Normendie, ses cousins -germains, li aidaissent à soustenir et deffendre son hiretage de -Bretagne, se li contes de Montfort, qui riens n'estoit issus de -Bretagne, le voloit efforchier et oster son droit, par queconques -cautelle(s) que ce fust. - -Et ce en avint que li dus de Bretagne pensa et imagina en son temps. -Car sitos que li contes de Montfort peut sçavoir que li dus de -Bretagne, ses frères, fu mors, il s'en vint à Nantes, qui est la -souverainne chité de Bretagne. Et fist tant as bourgois et à ceuls dou -pais entours que il le rechurent à signeur et li fissent feaulté et -honmage, et toutes les solempnités autèles conme elles apertiennent à -faire as dus de Bretagne, sans nulles excepsions ne reservations; et -tantos ala à Rennes, qui est la grignour chité apriès. Chil de Rennes -le rechurent parellement. Aussi fissent chil de Vennes, de Camperlé, de -Camper Correntin, de Dol, de Saint Bru de Vaus, de Hainbon, de Lanbale -et de toutes les chités et villes de Bretagne, reservé Braist et auquns -fors chastiaus et les signeurs qui ne vodrent pas sitos obeir; car il -sentoient que mesires Carles de Blois avoit à fenme la droite hiretière -de Bretagne, et s'enmervilloient conment les bonnes villes et les -chités de Bretagne estoient sitos rendues à lui; mais mesires Hervis de -Lion, un grant baron de Bretagne, i avoit fort aidié. Et là par tout où -li contes de Montfort aloit et cevauçoit, et à toutes ces receptions il -menoit la contesse sa fenme, laquelle avoit coer d'onme et le lion. Et -s'avisèrent li contes et sa fenme, qant il orent chevauciet par toutes -les chités et bonnes villes de Bretagne, que il ordonneroient une feste -à tenir très grande en la chité de Nantes. Si fu la feste prononchie -et publiie par tout, et li jours asignés que la feste se tenroit. Si -furent les pourveances faites très grandes et groses de toutes coses -que à la feste pooit ou devoit apartenir. Fo 71. - -P. 86, l. 29: à host.--_Ms. B 6_: à plus de quinze cens lanches. Fo -167. - -P. 87, l. 3: morir.--_Ms. B 6_: à Roen. Fo 167. - -P. 87, l. 17: se mère.--_Mss. A 1 à 7, 11 à 22, 30 à 33_: son -père.--_Mss. A 8, 9, 23 à 29_: sa mère. Fo 69 vo. - -P. 88, l. 23: sa femme.--_Ms. B 6_: que seur germaine estoit du conte -Loys de Flandres. Fo 169. - - -=§ 139.= P. 89, l. 1: Chou pendant.--_Ms. de Rome_: Li contes de -Montfort, qui soubtieus et imaginatis estoit, se departi de Nantes et -laissa là la contesse sa fenme, pour ordonner de celle feste, et -cevauça à poissance de gens d'armes viers la chité de Limoges, dont li -dus, son frère, avoit esté sires et contes; et bien savoit que son -grant tresor estoit là, et de lonch temps l'avoit assamblé. Qant il fu -venus jusques à Limoges, on ne mist nul contredit à lui recevoir, car -renonmée couroit jà, et bien le remoustroit, que chil de Nantes, de -Rennes et de Vennes et des chités et bonnes villes de Bretagne -l'avoient receu à duch et à signeur, et ce coulouroit grandement son -fait. Et li fissent toutes les solempnités les eglises et les bourgois -de Limoges que on doit faire à son signeur; et prist et saisi le grant -tresor: en or et argent avoit grans sonme que li dus son frère avoit -assamblé, car ce fu uns sires de bon gouvrenement et de grant espargne. -Chils contes de Montfort prist tout ce tresor et le carga et toursa et -en ordonna ensi conme sien, et s'apensa que il li venroit bien à point -pour renforcier son estat, acquerre des bons amis et destruire ses -ennemis. - -Qant il ot pris la possession de Limoges et de Limosin de ce que à son -hiretage apertenoit, il ordonna partout gens et officiiers de par lui -et se mist au retour, et vint à Nantes. Et trouva que les pourveances -pour la feste que il voloit tenir, estoient toutes prestes, dont il fu -moult resjois, car il atendoit les nobles et les prelas de son pais, -c'est à entendre selonch le droit que il se disoit à avoir. A cele -feste qui fu tenue à Nantes, vinrent des chités et des bonnes villes de -Bretagne les consauls et les honmes que il avoit creés et pourveus en -office; mais des barons nuls n'i vinrent, fors mesires Hervis de Lion, -dont il fu moult pensieus et esmervilliés. Bien est verité que auquns -chevaliers et esquiers, le plus Bretons bretonnans, i vinrent, liquel -n'estoient pas encores bien enfourmé de la matère. Et à tous ceuls qui -furent à sa feste, il donna et departi de ses biens si largement que -tout s'en contentèrent, et acquist la grasce et l'amour d'euls, car il -n'est riens que dons ne qassent. - -Qant li contes de Montfort vei que pluisseur baron et chevalier de -Bretagne refusoient à ses mandemens, et que point n'estoient venu à sa -feste, si en fu tous merancolieus. Et pour ce ne laissa il pas à fester -et à faire bonne chière à tous ceuls qui venu estoient. Et avant que la -feste fust esparse, il demanda comment il se ceviroit de ceuls qui le -voloient adoser. Il fu consilliés que il semonsist tous ses hommes, et -priast ses amis et presist saudoiiers de toutes pars, car il avoit bien -de quoi faire, et cevauçast à poissance de gens d'armes en Bretagne, et -conquesist de fait les rebelles et fesist venir à obeissance, et tout -premierement il alast devant Brait et fesist tant que il en fust sires, -car pas n'est dus de Bretagne qui n'est sires de Brait. Li contes de -Montfort crei ce consel et semonst tous ceuls qui feaulté li avoient -fait, et desquels il pensoit à estre aidiés, et retint saudoiiers à -tous lés, et les paia bien et largement, tant que casquns le vint -volentiers servir. Fo 71 vo. - -P. 89, l. 9: seigneur.--_Ms. d'Amiens_: car il n'avoient encorrez oy -parler de nului qui li debatesist ne mesist callenge. Fo 52 vo. - -P. 89, l. 20: parfurnir.--_Ms. d'Amiens_: Si avoit li dus escript -especialement et envoiiés certains messaiges deviers le visconte de -Rohem, monseigneur Charle de Dignant, monseigneur Hervy de Lion, -monseigneur l'evesque, son frère, ossi à l'evesque de Rennes et à -l'evesque de Vanes, au seigneur de Cliçon, au seigneur de Biaumanoir, -au seigneur de Kintin, au seigneur de d'Avaugore, au seigneur de -Lohiach, au castelain de Ghinghant, au seigneur de Rais, au seigneur de -Rieus, au seigneur de Malatrait, au seigneur de Garghoule, au seigneur -de Tournemine, au seigneur d'Ansenis, et generaulement à tous lez -barons, chevaliers et prelas de Bretaingne, et engoint en especialité -que tout venissent à se feste en le cité de Nantez. Fo 53. - -P. 89, l. 24: Hervi.--_Mss. A 8, 9, 11 à 17, 20 à 22_: Henri. Fo 70. -_Mauvaise leçon._ - -P. 90, l. 1: entre yaus.--_Ms. d'Amiens_: par le enort de monseigneur -Hervy de Lion et de aucuns bourgois de Nantez. Fo 53. - - -=§ 140.= P. 90, l. 17: Brait.--_Mss. A 8, 9, B 3_: Braist. Fo -70.--_Mss. A 1 à 7, 11 à 33_: Brest. Fo 76 vo. - -P. 90, l. 20: et cousins.--_Ms. B 6_: à le femme monseigneur Charle de -Blois. Fo 170. - -P. 91, l. 4: à signeur.--_Ms. d'Amiens_: .... car il y avoit plus -prochain à l'hiretaige qu'il ne fust. De ceste responsce eult li comtes -de Monfort grant matalant et se retrai arrierre; et deffia le chevalier -et dist qu'il li remousteroit, ainschois que de là se departesist, -quèle proimeté il avoit à le duché de Bretaingne. Si coumanda à logier -touttez mannierrez de gens et à environner le ville de Brait, au costet -deviers le terre. Fo 53. - -P. 91, l. 6: à signeur.--_Ms. B 6_: .... mais garderoit la ville et le -chastel pour l'iretière, le femme de monseigneur Charle de Blois. Fo -170. - -P. 91, l. 7: à qui.--_Mss. A 11 à 14_: auquel la duchié appartenoit par -droit. Fo 74. - -P. 91, l. 9: deffia.--_Ms. B 6_: Sy furent là ly barons et les -sauldoiers du conte huit jours que riens n'i firent. Fos 170 et 171. - -P. 91, l. 11 et 12: assallir.--_Ms. B 6_: à toute son host où bien -avoit douze mille hommes, que uns que aultres. Fo 170. - -P. 91, l. 21: assaut.--_Ms. d Amiens_: A cel assault eult grant hustin -et très durement fort combatut, car messires Garniers de Clichon estoit -très bon chevalier et plains de grant emprise, si se combatoit de grant -couraige, car il li sambloit que il le faissoit sus son droit: s'en -estoit de tant plus vigereux et tenoit ung glaive en ses mains à ung -fer bien aceret, et en faisoit merveillez d'armez. Et ne pooit nulx -venir jusqu'à lui, que il ne ruast par terre. Ossi li sien le faisoient -bien et bel, si comme bonnes gens d'armes le doient faire. Si dura -chilx assaulx du matin jusques à nonne ou environ, toudis assallant et -deffendant, et tant que chil de d'ens furent durement lasset. Ce -n'estoit mies de merveillez, car d'estre armés et de combattre ung tel -terme, je ne say coumment on le poelt souffrir ne endurer; mais il le -faisoient tout de grant vollenté et pour ce que il veoient si bien -combattre leur cappittainne. Et ossi il le besongnoit, car leurs -ennemis croissoient toudis, et venoient là à grant force, fresk et -nouviel, et se contourna tous li plus durs et grans assaux à cel -endroit. Finablement messires Garniers de Clichon et li sien furent si -efforciet et si apresset, que les gens le comte de Monfort gaignièrent, -par fort continuer leur assault, les bailles, et se boutèrent en le -ville entre les gens monseigneur Garnier et le fortrèce. Là en y eut -pluiseurs des mors et des navrés, et fète tamaintez bellez appertisez -d'armez et mainte belle rescousse. Et tout combatant et deffendant, -chil de dedens se retrayrent vers le fort, mès il n'y peurent tout -parvenir, que il n'en y ewist grant plentet de mors et de pris. Et là -estoit li dis messires Garniers, l'espée ou poing, derière ses gens, -devant sez ennemis, qui merveillez y faisoit d'armez, et qui tamaint -compaignon dez siens rescouvi de mort et de prison, et fist voie pour -entrer en le fortrèce. Fo 53 vo. - -P. 92, l. 8 et 9: le grant restiel.--_Ms. B 6_: le traille. Fo 171. - -P. 92, l. 21: navrés.--_Ms. B 6_: et eult plus de quatorze plaies. - -P. 92, l. 30: au tierc jour.--_Ms. B 6_: au septième jour. Fo 172. - -P. 93, l. 20: joians.--_Ms. de Rome_: Qant li contes de Montfort vei -que il avoit gens assés pour cevauchier avant en Bretagne, et pour -aprendre à congnoistre liquel et lesquels vodroient faire partie à -l'encontre de li, et dire que il ne fust de son droit dus et hiretiers -de Bretagne, li intension de li et de son consel estoit telle que il -les radreceroit, vosissent ou non, à raison. Si se departi de Nantes en -grant arroi, et se mist au chemin pour venir et aler devant Brest. Vous -devés sçavoir, avant que il venist à Brest, il avoit jà le plat pais de -Bretagne et moult de grosses villes si constrains à lui et mis en son -obeisance que toutes gens le sievoient à cheval et à piet, les uns par -renonmée que on disoit: «Vechi nostre signeur le duch,» les aultres par -cremeur, que il n'en osoient faire le contraire. Et tant esploitièrent -li contes de Montfort et toutes ses routes, que il vinrent devant -Brest. Dou chastiel de Brest, pour ces jours, estoit gardiiens et -chapitainne uns vaillans et sages chevaliers, qui se nonmoit messires -Garniers de Cliçon, cousins germains au signeur de Cliçon. Li contes de -Montfort le manda que il venist parler à lui sus asegurances; il vint. -Qant il fu venus, il li demanda pourquoi il clooit les forterèces de -Bretagne à l'encontre de li, qant bien il savoit que il en estoit dus -et sires, et que les chités et bonnes villes de Bretagne l'avoient -recheu à signeur. Il respondi à ce et dist: «Sire, je tieng clos et -tenrai le chastiel de Brest, tant que il me sera aparant que il i auera -un duch en Bretagne, qui recheus i sera de tous les barons et les -fievés, ensi conme il apertient à estre recheus, et que chils dus auera -fait son devoir deviers son naturel et souverain signeur, le roi de -France, et que li rois l'auera recheu à honme liege, de foi et de -bouce. Et qant ce me sera apparant clerement, je obeirai: ce sera -raisons.» Donc dist li contes de Montfort: «Garnier, vous veés mesire -Hervi de Lion qui est uns des grans barons de Bretagne, qui est venus à -obeisance à moi, et aussi sont pluisseur noble prelat et gentilhonme, -et toutes les chités et bonnes villes de Bretagne. Si ne me devés pas -estre rebelles, ne aleghier dou contraire, que je ne soie dus de -Bretagne, car la succesion m'en vient de par monsigneur mon frère, le -daarain mort.»--«Sire, respondi li chevaliers, je ai esté moult de -jours et de nuis dalés monsigneur vostre frère, de qui vous parlés, et -se li ai oy dire et affremer que à la ducée de Bretagne vous n'avés nul -droit, mais l'a mesires Carles de Blois en l'oqison de madame sa fenme -qui fille fu à mesire Jehan de Bretagne, conte de Pentèvre, et frère -germain au bon duc darrainnement mort. Et qant les raisons seront -esclarcies et determinées, là ou lieu où elles le doient estre, c'est à -Paris devant le roi de France et les douse pers, puis que vous en volés -faire question, je ouverai le chastiel de Brest, et jusques adonc, -non.»--«Garnier, Garnier, respondi li contes de Montfort, nous ne -volons pas tant atendre. Or vous en retournés, vous avés assés parlé, -et sachiés que nous i enterons qant nous porons.» Atant rentra mesires -Garniers de Cliçon ens ou chastiel, et li contes de Montfort fist -ordonner et apparillier enghiens et bricoles pour assallir, et dist: -«Brest est la clef de Bretagne, mais par celle clef je voel entrer en -Bretagne.» - -Li contes de Montfort prist en grant desplaisance ce que messires -Garniers de Cliçon li avoit dit et respondu, et dist que jamès il -n'entenderoit à aultre cose, si aueroit pris le chastiel de Brest. Le -second jour apriès, il fu consilliés de faire ce que je vous dirai, de -mettre une enbusqe sus au plus priès dou chastiel conme il poroit par -raison et puis deslogier de là mal ordonneement, ensi que gens font qui -ne sèvent que c'est de gerre, pour traire hors dou chastiel messire -Garnier et les siens; et qant il seroient hors, li enbusqe saudroit -avant et les encloroit entre le chastiel et l'oost. Aultrement ne les -pooit on avoir. Ensi conme il fu consilliet, il fu fait, et li enbusqe -asisse et mise couvertement desous le chastiel. Qant ce vint au matin, -chil de l'oost se conmencièrent à deslogier, et à euls departir par -fouqiaus, et à tourser tentes et trefs et à metre sus chars et à -voiture. Messires Garniers de Cliçon et li compagnon qui ens ou -chastiel de Brest estoient, perchurent ce convenant; si dissent: -«Sallons hors et nous frapons en la qeue de ces alans. Nous lor -porterons damage et ramenrons des prisonniers.» Il le fissent, et -issirent hors et n'eslongièrent point de trop lonch le castiel, car les -gens de Montfort estoient logiet moult priès ens ès courtils, devant -les fossés. Qant il furent issu, les lances ens ès poins, et tous -apparilliés pour faire armes et ferir en la qeue des Montfortois, et jà -il escarmuçoient, evous l'enbusque venant tout le pas autour dou -chastiel, et trouvèrent ceuls qui gardoient la porte. Qant il -perchurent lors ennemis, il furent tout esbahi, et toutes fois il se -missent à la deffense moult vaillanment. Mesires Garniers et li sien -oïrent le hustin. Si laissièrent lor emprise et retournèrent viers le -chastiel, et envaïrent moult vaillanment lors ennemis. A grant mescief -porent il rompre la presse des assalans, car li pons estoit avalés, et -la porte ouverte; si se efforçoient de entrer dedens. Là ot fort hustin -et dur, et moult d'armes et d'apertises i fissent chil dou chastiel, et -par especial messires Garniers de Cliçon, car il se tenoit derrière -tous les siens et les remetoit par apertisses d'armes dedens la porte. -Chil qui estoient amont traoient et jettoient as assallans et les -faisoient requler. Et toutes fois li pons et la porte euissent esté -efforchié, con grande vaillance que il i euist ou chevalier et en ses -gens, se chil qui estoient amont ne se fuissent delivré de lever le -pont et d'abatre la porte couleice. - -Qant il orent ce fait, il laissièrent une petite plance aler, sus -laquelle lors gens montoient un à un et rentroient ens ou chastiel. Là -estoit mesires Garniers de Cliçon tout devant, et faisoit voie à ses -gens et les remetoit dedens à son pooir, et fist ce jour d'armes ce que -uns vaillans homs doit faire; mais il fu navrés moult durement, et à -grant painne fu il remis dedens la garnison. Et là ot ce jour à celle -escarmuce grant fuisson de bleciés des uns et des aultres. Li contes de -Montfort et ses gens se retournèrent tous en lors logeis conme en -devant. Et qant chil dou chastiel de Brest veirent ceste ordenance, il -perchurent bien que il estoient decheu, et encores furent il plus -courouchié, car mesires Garniers de Cliçon ne pot avoir dedens la -forterèce ce que il li besongnoit, pour entendre as plaies que il avoit -ou chief et ou corps, et morut dedens trois jours, dont furent tout li -compagnon desbareté et esbahi, qant il veirent mort lor chapitainne. De -la mort mesire Garnier fu enfourmés li contes de Montfort. Si en fu -tous resjois, car bien veoit que point n'aueroit la forterèce, tant que -messires Garniers fust en vie. Il fist trettiier par mesire Hervi de -Lion as compagnons de Brest, et leur fist dire que il lor pardonroit -tous mautalens, se il li voloient rendre la forterèce. Chil qui dedens -estoient, qui veoient mort lor chapitainne, et ne lor apparoit seqours -de nul costé, se doubtèrent de lors corps et de lors biens à perdre; si -rendirent Brest au conte de Montfort, salve lors corps et lors biens. -Ensi eut li contes de Montfort le chastiel de Brest, et le rafresci de -nouvelles gens et de pourveances, et le bailla en garde et sus son -honnour à un gentilhonme des siens, auquel il avoit bonne fiance. Fos -72 et 73. - - -=§ 141.= P. 93, l. 24: Rennes.--_Mss. A 1 à 6, 20 à 22_: Vennes. Fo 77 -vo. - -P. 93, l. 30: doubtance.--_Ms. d'Amiens_: Si y aloient li pluiseur plus -par force que par amours, car qui en fuist rebellez, li comtez le -fesist decoller sans merchy. Fo 53 vo. - -P. 94, l. 2: fourbours.--_Ms. d'Amiens_: qui adonc estoient moult -grans. Fo 53 vo. - -P. 94, l. 3: Et avoient.--_Ms. d'Amiens_: Et avoient avoecq yaux à -cappittaine de par le duc dairain mort, ung gentil homme, chevalier -preu et hardi à merveillez, et avoit son mannoir et son hiretaige assés -priès de là; et le amoient communement trèz durement. Et avoit chilx à -nom messires Henris de Penefort, et disoit bien que jà ne relenquiroit -sa droite damme la femme à monseigneur Charlon de Blois, et le tenoit -et avoit tenu toudis à hiretierre de Bretaingne. Ossi tout chil de la -chité de Rennez estoient de son accord. - -Enssi fu assigie la chité et la ville de Rennes dou comte de Monfort et -de tous ses comfortans. Peu y fist traire ne lanchier, car il ne -volloit mies grever ne blechier ses gens. Or avint que il prist -vollenté à monseigneur Henry de Pennefort de faire une yssue sour ses -ennemis et de resvillier ciaux de l'ost. Si s'en descouvri à aucuns -jouennes bourgois et compaignons de le ville de Rennes, liquel s'i -accordèrent et priièrent tout l'un l'autre. Et se queillirent et -armèrent une ajournée, et yssirent de le chité; et pooient y estre -environ cinq cens, tous arméz et bien montéz. Et s'en vinrent -couvertement par voies non sceuez, et se boutèrent en l'ost le comte de -Monfort à l'un des corons; et abatirent tentez et tréz et pauvillons, -et coummenchièrent à gens navrer et ocire et mehaignier, et à faire un -mout grant desroy. Li hos s'estourmy, et coururent vistement as armez; -et messires Henris de Pennefort, quant il vit que point fu, il se -retraist tout bellement vers le cité de Rennes. - -En celle propre nuit avoit fet le get li sirez de Gadugal et bien sept -cens armurez de fer, sans les brigans à targes et à pavais. Si -entendirent coumment chil de le chité estoient yssus hors et avoient -porté moult grant dammaige à leur ost. Adonc s'en vint li sirez de -Gadugal, à qoite d'esperons, entre le chité et messire Henry de -Pennefort, et lez encloi avoecq se routte, parmy tant que chil de -l'ost, qui estourmit estoient, leur revinrent par derière. La eut grant -bataile et fort combatue d'une part et d'autre. Et y fissent chil de -Rennes grant plentet d'armez, et fortement se combatirent; mès gens -croissoient toudis à chiaux de l'ost. Se ne les peurent à le longhe -souffrir ne porter, et fu(i)rent comme desconfit chil de Rennez deviers -leur ville. Et en i demoura grant fuisson des leurs, car li enchauce et -li poursuioite dura jusquez as barrières. Et remest messires Henris de -Pennefort en bon convenant sus le place, et trop bien se combati -desoubz son pignon, mès finablement il ne peut durer. Rendre le -couvint, et fu prisonnier à ung escuier de l'hostel le comte de -Montfort, que on apelle Joffroy dou Bruel, liquelx le rendi au dit -comte qui en eut grant joie, pour tant qu'il li estoit contraire et -avoit estet moult grans ennemis. - -Quant chil de Rennez se virent ensi desconfit et pris leur bonne -cappittainne, si furent tout ce jour durement esbahy; et durement leur -anoya, et ce fu bien raisons. Nonpourquant il se recomfortèrent entre -yaus; et disent li plus saige que, se il avoient perdu celle fois, un -autre fois il se recouvreroient. Si passèrent ensi leur anoy et -entendirent as deffenscez de leurs chitéz. Or vous diray de quoy li -comtez de Montfort s'avisa affin que pour mieux constraindre et atraire -lez bourgois de Rennes à sa volenté, car bien savoit que toute la -coumunalté de le ville amoient durement monseigneur Henry de -Pennefort, et que jammais il ne li lairoient prendre quel meschief dou -cors, là où bonnement il le pewissent amender. Pour ce, fist il amener -le chevalier et li dist: «Messires Henris, messires Henris, vous m'avés -estet grandement contraires et rebelles en touttes mes besoingnes, et -advés enhortet et amenés les bourgois et le communauté de Rennes à che -qu'il se sont clos contre moy, qui sui leurs drois sirez naturelz; et -estez venus avoecq eulx à main armée sour my, et m'avés porté grant -dammaige de mes hommes: pour quoy il faut que vous morés, car briefment -je vous feray pendre, voiant tous chiaux de le chité, par quoy il y -prenderont exemple.» Et quant li chevaliers entendi le comte de -Montfort ensi parler, s'il fu esbahis, ce ne fu pas merveillez. -Nonpourquant il respondi et dist: «Chiers sirez, vous povés faire de -moy vostre bon plaisir, car vous me tenés en votre prison. Mès, s'il -plest à Dieu, vous arés bon advis, car ce seroit grant cruaulté, se -moy, qui sui pris en fès d'armes, moroie villainnement et sans deserte, -et à trop grant blamme vous seroit reprochiet. Et se j'ay tenu ceste -opinion contre vous, je ne sui pas seus, car il y a encorres mil -chevaliers et escuiers en le ducé de Bretaingne, ou si grans ou plus -grans que je ne sui, qui le tiennent et tenront, che dient. Car ensi -l'avons nous juret fealment à monseigneur le duc vostre frère, dairain -trespasset; et proummis à tenir sa nièce, femme à monsigneur Charlon de -Blois, à damme et hiretière. Si me poés tenir en prison, s'il vous -plest, et quant la declaration sera faitte de vous et d'elle, faittes -de moy vostre bonne vollenté et che que vos conssaux et bonne -conscienche aporteront qu'il en appertenra adonc à faire.» - -Quoyque messires Henris de Pennefort parlast assés raisonnablement au -comte de Monfort, seloncq l'avis de pluiseurs, li comtez ne se refroida -mies de tenir sen oppinion, et dist: «Messire Henri, vostre arguement -ne vallent noient, ne de vostre dame, femme à messire Charle de Blois, -car il est tout cler que je sui dus de Bretaingne, et demoray dus à -tousjours; et, comme dus, je vous juge et condamne à mort par le cause -de vostre rebellion. Si vous povés confesser, se vous voulléz, car -jammais ne buveray ne mengeray, si vous aray fet pendre, ou vous me -feréz rendre le chité de Rennes en foy et en hoummaige, et vous ossi me -juréz feaulté, ensi qu'à vo droit seigneur.» Et quant li chevaliers -entendi le comte ensi parler et si acertez, si fu touz esbahis; car de -relenquir sa droite damme, che li estoit moult dur. Si dist tous -confortéz: «Sire, vous povés faire de moy vostre bon plaisir, mès pour -morir, je ne le relenquiray jà mon droit seigneur, ne le serment que -j'ay fet, et Dieux ait l'ame de moy! S'il li plest que je muire, je le -receveray en gré, car il n'est nulle mort honteuse, puis que on le -prent pour bien faire et sus title de loyaulté maintenir.» - -Adonc fu coummandé de par le comte de Monfort que li chevaliers fust -amenés vers Rennes, et que on levast unes fourques mout tost près de le -cité. Tout chou fu fait qu'il coummanda, les fourques levées, et -messires Henris de Penefort par le marescal de l'ost amenés jusques à -Rennes, et bien gardés de plus de deux mille bachinès, affin que chil -de le ville ne le rescouvissent. Et quant li coummunaulté de le chité -de Rennes entendi que li gibet que on carpentoit et levoit si priès -d'iaux, estoit ordonnés pour faire morir monseigneur Henry, leur bonne -cappitainne, si eut en le ville grant cririe et grant plorie. Et en -avoient touttez mannierres de gens grant pitet, et fissent assavoir au -comte de Montfort se pour raenchon on le poroit ravoir; et il leur -respondi que nenil, fors pour avoir le chité de Rennes en se -obbeyssance. Dont respondirent il qu'il aroient consseil et advis de -chela faire, et que on le volsist detriier tant que on fust -conssilliet; et li comtes leur acorda vollentiers. - -Endementires que chil de le chité de Rennes se conssilloient entre yaux -dou rendre ou dou laiier, il y avoit là aucuns chevaliers de l'amisté -monseigneur Henry de Pennefort, qui li enhortoient et conssilloient que -il se volsissent retraire au comte de Monfort, et que il faisoit trop -grant follie de tenir l'oppinion que il tenoit: «car pour quoy? -disoient il. Monseigneur Henry, otant bien avions nous nostre loyauté -et honneur que vous faittez la vostre; mès nous ne veonz nul apparant -de monseigneur Charlon de Blois, ne de sa femme, qu'il se retraient -avant à l'hiretaige. Et prendés enssi que messires Carlez reviegne à le -ducé de Bretaingne et que ce soit ses drois, se couvenra il que li -comtez de Montfort en ait aucune parchon. Dont espoir vous escherés en -ceste, ou autrement vous avés orez belle escusation, car par -constrainte vous serés devenus homs au comte de Monfort. Jà pour ce, -messires Carlez de Blois ne vous en vaura pis.» - -Ensi et de pluiseurs parollez fu tant menés et enforméz li chevaliers -que il se laissa à dire, car au destroit chacuns fuit le mort -vollentiers; mès encorres disoit il que, se il quidast estre venus à -tel coron, il ne se fust jà rendus prisonniers, mès fès occire sus lez -camps, et que messire Garniers de Clichon avoit estet loyaux et -vaillans chevaliers, quant en se loyaulté il estoit mors. Ensi se -debatoient de parollez li chevalier et li escuier de Bretaingne, qui -adonc avoec le comte de Montfort estoient, à monseigneur Henry de -Pennefort; car trop envis le ewissent veut pendre, ne recepvoir nul -dammaige dou corps. Et chil de Rennes parlementoient, li petis contre -les grans, et estoient en grant estri ens le place où il estoient tout -assamblet. Car la coumunauté volloit que la cité fust rendue et -messires Henris de Pennefort delivréz; et li rice homme et grant -bourgois y estoient tout contraire, et disoient que jà n'avenroit que -il fesissent fraude, ne se desloyautaissent enviers leur droite damme -naturelle, pour ung chevalier, et que à trop grant meschief leur poroit -retourner. Nient mains touttez raisons remoustréez des grans as petis, -il n'y vorent point entendre, mès sonnèrent la cloche et se coururent -armer. Et s'esleva grans tumultes et dissentions entre les coummuns et -lez plus gros de le ville qui contraire estoient à leur vollenté; et -les coururent sus, et il se deffendirent. Là en y eult pluiseurs mors -et blechiéz, mès finablement li communauté obtinrent le place et furent -mestre et souverain à ce donc des grans. Et envoiièrent deviers le -comte de Montfort, en disant que il venist sceurement en le cité de -Rennes, on li recepveroit à signeur, mès que il reuissent monseigneur -Henry de Pennefort. Li comtez dist: «oil,» et fu de ces nouvelles mout -joiant, et vint en le cité de Rennes, et y entra en grant reverense de -trompez et de trompettez et de touttez mannierres de menestrandie. Et -vinrent li clergiet à grant pourcession contre lui et le amenèrent à -cel solempnité à le cathredal eglise; et là li jurèrent tout feaulté et -li fisent hoummaige comme à leur droit seigneur. Et ossi fist messires -Henris de Pennefort, qui devint ses homs et ses chevaliers: dont li -comtez eut grant joie, car il le sentoit preudomme et vaillant; et -puisqu'il en avoit le foy, il ne le frauderoit à nul jour. Se le retint -li comtez de son consseil, et li donna tantost cinq cens livrez de -revenue, et li assigna bien où il lez devoit prendre. - -Ensi comme je vous recorde eut li comtez de Montfort la bonne cité de -Rennes, le foy et le feaulté des bourgois de la ville; et s'i tint par -cinq jours, pour lui rafreschir et reposer, et pour mieux entendre à -le fortrèce de le ville et atraire touttez mannierrez de gens à sen -amour. Et de tant comme il y fu, il y tint toudis court ouverte et -donna grans dons as bourgois et à touttez mannierres de gens dont il -entendoit le mieux à valloir; et tant fist qu'il y acquist grant grace. -Quant il s'en dubt partir, il y laissa ung chevalier de par lui à -cappitainne, breton bretonnant, en qui il avoit grant fianche; et -appielloit on cesti monseigneur Guillaumme de Quadudal, gentil homme et -preudomme durement. Au sixime jour, il s'en parti et coummanda à -deslogier touttez mannierres de gens et prendre le chemin deviers le -castiel et le forte ville de Hainbon; et emmena avoec lui monseigneur -Henry de Pennefort, car il en penssoit bien à avoir mestier en son -voiaige. Fo 54 vo. - -P. 94, l. 13: deus cens.--_Ms. B 6_: trois cens. Fo 172. - -P. 94, l. 21: le gait.--_Ms. B 6_: Sy fu au retour entre l'ost et le -chité enclos de mesire Hervi de Lion qui avoit fait le gait. Fo 172. - -P. 95, l. 8: le porte.--_Ms. B 6_: et fist lever unes fourques droit -devant les fossés. Fo 173. - - -=§ 142.= P. 96, l. 11: Adonc.--_Ms. d'Amiens_: Li comtez Jehans de -Montfort se departi de Rennez et fist arouter ses os et son charoy pour -venir à Hainbon, ung très fort chastiel seans sus mer. Bien avoit oy -recorder que messires Oliviers de Pennefort, frèrez au dit monsseigneur -Henry, l'avoit en garde et en estoit castellains, et ossi que li -castiaux avoecq la ville estoient si fort que il ne faisoit mie à -prendre ne à gaagnier, sans trop loing siège. Et pour ce, en cheminant -celle part, il moustroit tous les signes d'amours qu'il pooit, à -monseigneur Henry de Pennefort, et li disoit: «Henri, Henri, vous estez -devenus mes homs et mes chevaliers. Si me devés toutte obeissanche et -tout service, et m'avés juret feaulté et à aidier à concquerre mon -hiretaige de Bretaingne et à destruire tous rebellez.»--«Sire, che li -dist messires Henris, il est verités. Et pourquoy le dittes vous? S'il -plest à Dieu, vous n'y veurés jà le contraire, puisque à ce me sui -adounnés et assentis.»--«Je le vous diray, ce dist li contes, nous -chevauchons deviers Hainbon, dont Oliviers, vos frères, est gardiiens -et cappittainne. Si ne voroie pas, pour l'amour de vous, qu'il ewist -nul dammaige dou corps; et se vous volliéz bien, adcertez nous -l'arions à nostre acord, et plus l'a(r)oie à avoir bellement que -fellement.»--«Sire, che respont messires Henris, or me monstréz voie, -s'il vous plest, comment ce se pourroit faire.»--«En nom Dieu, dist li -comtez, je le vous diray. Quant nous deverons demain aprocier le ville -de Hainbon à quatre ou à cinq lieuwes, vous prenderés quatre cens ou -cinq cens armures de fer des nostrez, et chevaucerés devant à tout les -bannières de Bretaingne, et li feréz assavoir que vous venés vers lui. -Je croy assés bien que il vous ouvera les portes, et quant vous seréz -ens et enssi que saisis de la ville, vous li mousterés sus quel estat -vous serés là entrés, et que c'est bon qu'il me reçoive comme son droit -seigneur.»--«Sire, che respont messires Henris, puisque à ce vous -m'esmouvés, et que de vostre ordonnanche vient, je le feray, mès je -deceveray mon frère.»--«Henri, Henri, ce dist li comtez, en fès d'armes -convient ung seigneur qui voet venir à ses ententes, soutillier -pluiseurs voies d'avantaige pour lui. Autrement il n'a que faire de -gueriier, et ceste est la plus proçainne que g'y puis ymaginer pour mon -prouffit, car Hainbon n'est mies ungs castiaux à concquerre par siège -ne par assault, sans grant coustage.» Fo 55. - -P. 96, l. 11: li contes.--_Mss. A 11 à 14_: et la contesse. Fo 75. - -P. 97, l. 10: six cens.--_Mss. A 11 à 14_: cinq cens. Fo 75 vo. - - -=§ 143.= P. 97, l. 25: Adonc.--_Ms. d'Amiens_: Sus les parolles dou -comte de Montfort s'ordonna messires Henris de Pennefort. L'endemain, -chevaucha li hos deviers Hanbon. Et si comme il pooient y estre à cinq -lieuwez priès, li dis messires Henris se parti dou comte et enmena -avoecq lui jusquez à cinq cens armures de fer, et chemina tous les -grans ghalos deviers le ditte fortrèche. Et quant il fu ensi que à une -petitte lieuwe priès, il envoya ung hiraut devant mander à son frère -qu'il venoit, et que il li vosist ouvrir les portes. Li hiraux fist -tout ce dont il fu chargiés. De la veuue monseigneur Henry de Pennefort -eut messires Oliviers, sez frèrez, si grant joie, qu'il ne demanda -oncquez s'il estoit amis ou ennemis, mès dist au hiraut: «Aléz contre -lui, et li dittez qu'il est li bien venus.» Ensi le raporta li hiraux à -monseigneur Henry, liquelz entra en le ville à touttes ses gens, et se -saisi de son frère et dou castiel. Et recorda à son frère comment li -affairez alloit en Bretaingne, et que li comtes de Monfort avoit jà à -lui et en son accord le plus grant partie dou pays, et bien estoit -tailliéz d'avoir le remanant, car nuls ne li alloit au devant. Et li -avoient grant plentet des seigneurs fet feaulté, et especialment cil de -Nantez et de Rennes, qui sont les souveraines chitéz dou pays et sour -qui tous li demorans se doit aviser. - -Quant messires Oliviers de Pennefort eut oy son frère, et il se vit -pris et au desoubz de sa fortrèce, si fu durement courouchiéz, mès -amender ne le pot. Et dist bien que se il ewist senti ne seu que ses -frèrez dewist là venir en tel mannière, il n'y fuist mies entréz, car -vilainement l'avoit dechupt: «Certes, biau frère, ce respont messires -Henris, il est veritéz. Mès li comtez de Montfort, qui s'apelle et -escript dus de Bretaingne, en est cause, et li ai fet feaulté et -hoummaige, et vous li feréz ossi et devenrés ses homs: je le vous -consseille.» Respont messires Oliviers: «Voeille ou non, il convient -que je le soie, mès jou ewisse plus cher autrement, s'il pewist y -estre.» Que vous feroie je loing compte? Tant parla et precha messires -Henris de Pennefort que amiablement il le fist monter à privée mesnie -et sans armure, et chevauchier contre le comte de Montfort, qui le -rechupt liement et à grant joie, et li dist que de ce jour en avant il -seroit de son hostel et de son plus privet consseil; et li donna -tantost cinq cens livrez de revenues et li assigna bien où il les -prenderoit. Si entra li dis comtes en le forte ville de Hainbon, qui -est ungs grans et bons pors sus mer, et prist le foiauté et hoummaige -de tous lez hommez de le ville et dou chevalier ossi monseigneur -Olivier de Penefort, et y demoura trois jours et toutte se ost ossi; se -s'i rafreschirent. Et y ordonna li comtez castelain et gouvreneur pour -le garder et deffendre contre tous venans, s'il besongnoit, ung très -bon chevalier et de grant affaire, que on clamoit monseigneur Yvon de -Tigri, en qui li dis comtez se confioit moult, et trois cens -saudoiiers, touttes bonnes armurez de fer, et paiiés de leurs gaiges -pour ung an. - -Quant li comtez de Montfort se fu mis en saisinne et en possession de -le forte ville et dou biau castiel de Hainbon, et ordonné garnison -telle qu'il li pleut, il eult consseil et advis qu'il se trairoit -deviers le cité de Vennes. Si fist arouter son ost, cargier son caroy -et cheminer celle part. Ainchois qu'il y parvenist, il fist traitier à -chiaux de Vennes que il le volsissent recepvoir à signeur, et il leur -seroit très bons sirez; et lez tenroit as us et as coustummes que li -dus de Bretaigne, ses frèrez, dairains trespasséz, les avoit tenus, ou -à milleurs. Quant cez nouvellez vinrent en le chité de Vennes, il -sonnèrent leur cloche et s'asamblèrent. Et quant il furent tout -assamblet, les offres, les ordonnanchez, les proummesses et lez -requestez, que li comtes de Montfort leur faisoit, furent là -remoustrées et recordées. Li aucun s'acordoient à lui recepvoir à -seigneur, et li aucun, non. Toutteffois, une souffranche fu prise à -durer troix jours, et là en dedens estre devoient tout conssilliet dou -faire ou dou laiier. Ceste souffranche durant, li comtez ne laissa miez -pour ce que il ne se logast bien et puissamment devant Vennes et ne le -asegast de tous poins, mès nul contraire ne fist à le chité; ainsçois -leur offroit toutte amour et grans bienfès, là où il le volroient -recepvoir à seigneur. Cil de Vennes se consseillièrent li ung par -l'autre, et regardèrent que il estoient sus l'un des corons de -Bretaingne, et que Nantes, Rennes, Hainbon et pluiseur autre castiel -estoient tournet à l'acord le comte de Montfort, et que nulz ne li -contrestoit. Si se doubtèrent que grans maux ne leur en venist, car -leur cité n'estoit mies forte pour yaux tenir contre ung host, ne le -pais; et si n'ooient nullez nouvellez de monseigneur Charlon de Blois: -si ques, tout consideret, le bien contre le mal, et le fort contre le -foible, il s'acordèrent au comte de Montfort et le rechuprent à -seigneur, et li fissent hoummaige et li jurèrent feaulté et l'amenèrent -à grant procession au castiel. Et là tint il sa feste, par deux jours, -dez chevaliers qui avoecq lui estoient et des bourgois de le ville; et -deffist tous offisciers et remist nouviaux offisciiers en le ville et -en le baillie de Vennes. - -Au tierch jour, il (li contes) s'en parti (de Vennes) et alla assegier -ung très fort castiel seant sus ung hault terne sus la mer, que on -claimme Rocheperiot. Si en estoit castelains uns vaillans chevaliers et -mout gentils homs, que on clammoit monseigneur Olivier de Clichon, -cousins germains à celui monseigneur Olivier de Clichon qui fu depuis -decolléz à Paris, ensi comme vous orés recorder chy apriès. Et sejourna -li dis comtez devant Rocheperiot bien, à siège fet, huit jours entirs. -Oncquez ne peult trouver voie par quoy il pewist le castiel gaegnier, -si fors estoit il et en lieu si inhabitable; et si ne peut trouver -accord au gentil cevallier, par quoy il volsist obeir à lui par -proumesses, ne par manachez, qu'il li pewist faire. Si s'en parti atant -et laissa le siège et le castiel ester jusques à tant que plus grant -prouffit li venroit d'aucuns aultrez tretiéz, et puissance li -croisseroit. Si s'en vint devant ung autre castiel que on appelle au -Suseniot, où par usaige li duc de Bretaigne se tiennent pour le cause -des biaux esbas qui sont là environ, tant des bois comme dez rivièrez. -Li castelains le rendi à lui; et li laissa li contes, quant il en eut -pris le possession. Depuis chevauça et s'en vint devant castiel -d'Auroy, qui est une belle fortrèche et de grant nom; et le fist li -roys Artus jadis faire et fonder, quant il concquist Bretaigne. Si en -estoit castelains ungs moult gentilz chevaliers, que on clammoit -monseigneur Joffroy de Malatrait, qui moustra bonne chière et grant -couraige de lui deffendre. Adonc fist li comtez de Monfort logier ses -gens environ le castiel, et dist qu'il ne s'en partiroit si l'aroit à -sa vollenté. - -Quant messires Joffroy de Malatrait se vit assegiet dou comte de -Montfort et oy lez manachez qu'il li faisoit, si demanda une trieuwe de -deus jours tant seullement, et là en dedens il se conssillieroit. Li -comtez li accorda liement et envoya parler à lui monseigneur Yvon de -Tigri, grandement compaignon et amic au dit monseigneur Joffroy, -liquelz esploita si bien deviers lui, et tant li dist d'une cose et -d'autre, que messires Joffroy de Malatrait rechupt le comte de Monfort -à seigneur, et le mist en le possession dou castiel et de le castelerie -d'Auroy, qui est moult belle et moult grande. Et li comtez li rendi et -li laissa par le consseil qu'il eult, et avoecq lui monseigneur Ivon de -Tigri; et les fist gardiiens de tous le pays là environ, et prist de -tous les gentils hommes le foy et hoummaige. - -Puis s'en parti li dis comtez et mena son ost par devant ung autre fort -castiel asséz priès de là, que on claime Gou le Forest. Chils qui -castelains en estoit, veoit que li coens de Monfort avoit grant ost, et -que tous li pays se rendoit à lui, si que par le enort et consseil -monseigneur Hervy de Lion, que mout amoit et congnissoit, car il -avoient estet grant amy et compaignon enssemble en Grenate et ailleurs -en estraingez contrées, il s'acorda au dit comte et li fist feauté, et -demoura gardien dou dit castiel de par le comte. - -Tantost apriès, li dis coens de Montfort se parti de là, et s'en alla -deviers Craais, bonne ville et bon castiel et fort durement. Dedens -Craais avoit ung evesque qui sirez en estoit, onclez à monseigneur -Hervi de Lion, si ques, par le consseil et tretiet monseigneur Hervi, -chilx evesquez s'acorda au dit comte et le recongnut à seigneur jusques -adonc que venroit avant qui plus grant droit mousteroit pour avoir la -duché de Bretaingne. Et sus cel estat en prist li comtes de Montfort le -feaulté. - -Apriès ce que la ville et li castiaux de Craais se furent rendut au -comte de Monfort par le pourcach de monseigneur Hervi de Lion, cui -oncles estoit (li[404] dis) evesque, li comtez fist ses gens deslogier -et arouter vers Ju(g)on, qui est très bonne ville et forte, et y apent -ungs biaux castiaux. Dedens le ville de Ju(g)on se tenoit messires -Amauris de Clichon, frèrez mainnéz au droit seigneur de Clichon. Et -l'avoient cil de le ville pris à cappittainne pour yaux conssillier et -conforter en tous cas; et ainssi leur avoit il juret, car grandement il -estoit amés et creus, et tenoit son hiretaige assés priès de là. Se se -cloy li dis messires Ama(u)ris au devant dou comte, et dist que, se il -plaisoit à Dieu, il n'aroit jà le ville de Ju(g)on si legierement qu'il -cuidoit. Li comtez de Monfort vint par devant, et fist toutte son ost -là traire et logier; et avoit bien à ce donc parmy le communauté dou -pays quarante mille hommes, tous aidablez. Si fist ses arbalestriers -aller traire et escamucier à le ville, et d'autre part Espagnos et -Bidaus, dont il avoit grant fuison à saudées, traire, paleter et -assaillir as murés; mès peu y gaegnièrent, ainchois en y eult des -blechiéz grant foison. Quant li comtez de Monfort vit que par assault -il ne poroit avoir le ville de Jugon, il envoya querir en le chité de -Rennes quatre moult biaux enghiens qui là estoient, pour faire drechier -devant le fortrèche et chiaux de d'ens assaillir par cel estat. Che -pendant que on les estoit alés querre, messires Amauris de Clichon -parla as jones compaignons de le ville et as aucuns escuiers dou pays -de là environ, qui s'i estoient retret, tant pour l'amour de -monseigneur Amauri que pour yaux garder; et les amena à ce que, une -ajournée, il wuidièrent et se ferirent en l'ost, et y fisent mout grant -damage. Et esceirent sus le logeis monseigneur Ivon de Tigri, qui ce -meysme soir estoit là venus dou castiel d'Auroi, où li comtez de -Montfort l'avoit laissiet, et avoit amenet en l'ost bien cent lanches -de bonne gent. Si estoit logiés à l'un dez corons assés priès de le -ville de Jugon, et fu durement resvilliés, car il fu pris et navrés, et -moult en y eut des siens mehaigniés. Celle nuit avoient fet le get li -doy frère de Pennefort, messires Henris et messires Oliviers, et -entendirent le huée et le cri, et que chil de le ville estoient yssus. -Adonc ferirent il chevaux des esperons et ne prisent mies le voie pour -venir droit sur yaux, mès le chemin de le ville, et se boutèrent entre -le ville de Jugon et l'ost. Dont, ensi que messires Amauris de Clichon -et li sien s'en retournèrent vers leur ville et en menoient monseigneur -Yvon de Tigri et pluiseurs autrez prisonniers, et moult se hastoient, -car li os estoit jà durement estourmie, li doy frère de Pennefort, -messires Henris et monseigneur Olivier, bien montés et bien ordonnés et -adonc acompaigniés bien à deus cens lanches frèz et nouviaus, leur -vinrent d'encontre; et là eut grant pugneis, et de chiaux de Jugon -moult rués par terre. Quant il se virent enssi enclos entre le ville et -l'ost, et que nulle remède n'y avoit pour yaux sauver, si furent mout -esbahy et ne tinrent point de conroy, mès entendirent chacun à yaux -sauver; et laissa chacun aller son prisonnier, qui prisonnier avoit, ou -il se rendoit prison à lui pour sauver sa vie. Par celle mannière fu -delivrés messires Ives, et pris messires Amauris de Clichon, et tout -chil qui avoecq lui estoient, mort ou pris, que oncques homs ne rentra -en le ville de Jugon, dont li bourgois de le ville furent moult -desconforté. - - [404] On lit dans le ms. d'Amiens: «au dit,» qui doit être une - mauvaise leçon. - -Quant li comtez de Montfort seut comment messires Amauris de Clichon -estoit pris et plus de six vingt jones bourgois de la ville avoecq lui, -et messires Yves de Tigri rescous et tout li aultre, si en fu durement -liéz, et ce ne fu pas merveille. Et en loa et recoummanda grandement -les deux frèrez de Pennefort; et dist que il avoient fet une belle -bachelerie et à lui ung grant service, et que encor lor seroit il -remuneret. Si fist li dis comtez tous lez prisonniers mettre d'un léz, -et lez navrés appareillier et songneusement garder, et puis monta sus -ung cheval, acompaigniés d'aucuns des siens, et s'en vint devant Jugon, -et fist signe que il volloit parler à chiaux de dedens. Li bourgois -vinrent à lui à le barrière et l'enclinèrent, car il leur fu dit que -c'estoit li comtez de Montfort, et li fissent reverence, tant qu'en -contenanche, comme chil qui doubtoient perdre leurs amis, leurs frèrez -et leurs enffans. Là parla li comtez de Montfort et leur dist: «Entre -vous, homme de le ville, vous estez grandement fourfait enviers moy, -quant vous savés que je sui vos drois sirez naturelz par le sucession -de monseigneur le duc, mon frère, dairain trespasset. Et jà m'ont -rechut à seigneur et fet hoummaige chil de Nantez, de Rennes, de -Vennes, de Hainbon, de Craais, d'Auroi, de Gou la Forest, dou Suseniot -et des autrez forterèchez; et vous, vous estez clos contre mi et mis en -paynne de moy porter dammaige. Or est enssi avenu que chilz dammaigez -est retournéz sus vous et sus vos proismez, car je tieng vostre -cappitainne en prison et bien sis vingt dez vostrez et de le nation de -ceste ville. Si devéz savoir que je lez feray tous pendre, voyant vos -yeux, sans nul prendre à merchy, se vous ne me rendéz le ville et le -castiel de Jugon et ne me jurés feauté et hommaige. Si me respondéz -moult tost lequel vous voulléz faire des deux, ou veoir vos proismez -morir honteusement, ou moy recevoir à seigneur.» Et quant li bourgois -et li communalté de Jugon entendirent cez nouvelles, si furent tout -esbahit, ce ne fu pas merveillez. Si requisent à avoir souffrance et -consseil tout ce jour, et l'endemain, à heure de prime, il venist ou il -envoiast vers yaux, et il en responderoient ce qu'il en volroient fère. -Li comtez leur acorda, par samblant aszéz à envis, et retourna en ses -tentez. Jà estoient venut li enghiens que on avoit akariiet de Rennez, -dont li comtez eut grant joie, car il lez fist mener devant le ville et -drechier tous quatre, affin que chil de le ville de Jugon les veissent -et que il en fuissent plus effraet. - -Sitost comme li comtez de Montfort se fu partis des bourgois de la -ville de Jugon, ensi que vous avés oy, il sonnèrent leur cloce et -s'asamblèrent en le place, et là parlementèrent enssamble ung grant -temps. Et remoustrèrent li plus sages et li mieux enlangagiés et chil à -qui il en touchoit le plus, le peril et l'aventure où il estoient. Ad -ce donc il ne furent nient bien d'accord; si s'ajournèrent à relevée et -alèrent chacuns disner en leurs maisons. Dedens nonne furent li quatre -enghien levet environ la ville, si que touttez mannierrez de gens -dedens et dehors les pooient veoir, qui veoir les volloient, et che -esmaya durement chiaux de la ville. Quant ce vint à relevée, il -sonnèrent de requief leur cloche et se assamblèrent, enssi que il -devoient faire. Là y eult pluiseurs parollez retournées, mès -finablement il s'acordèrent à che que, se messires Amauris de Clichons, -qui prisonniers estoit, volloit faire feauté au comte de Montfort, il -li feroient, ne jà sans lui riens n'en ordonneroient, car ensi li -avoient il juret solempnement et sus quarante mille escus de painne; si -n'en pooient riens fère sans son accord, se il ne se volloient -desloiauter et escheir en le mise. Ensi, sus cel estat, de leur -consseil il se partirent. L'endemain à l'eure qui ordonnée y estoit, li -comtez de Montfort y envoya deviers yaux le signeur de L(an)dreniaus, -son marescal de l'host. Si parlementa à yaux et il à lui, et li -cargièrent tout che que vous avés oy. Chil retourna arrière deviers le -dit comte, et li recorda le responsce et l'entention de chiaux de -Jugon. Li comtez assés s'en contenta et fist venir devant lui -monseigneur Amaury de Clichon et li dist: «Amauri, Amauri, vous avés -tort, quant contre vostre seigneur que je sui, et de ce n'est il nulle -question, volléz estriver: très grans maux vous en poroit bien prendre, -et jà estes pris, car je vous tieng en ma prison, et puis faire de vous -ma vollenté.»--«Sire, che respont li chevaliers, il est verités. Si -arés, se il vous plest, si bon avis que vous ferés de moy tout et à -point.» Che li dist li dis contes: «J'en sui tous avisés, et vous le -soiiés ossi. Ou vous me renderéz le ville de Jugon, car à vous en -tient, si comme j'en sui enformés, ou je vous feray morir à honte -avoecq tous lez autres prisonniers.» Dont se trairent avant aucun -chevalier, qui là estoient et de son linage, et li disent: «Monseigneur -Amauri, otant bien nous vorions acquitter de nostre loyaulté que vous -feriés, mès nous veons tout le pays qui se retrait deviers monseigneur -qui chy est; et sus celle entente li avons nous fait hommage, car nous -ne veons ne n'avons veut dou contraire jusqu'à orez, ne que messires -Carle de Blois y ait mis point de contredit. Si vous prions que vous -voeilliés estre des nostrez et obeir à monseigneur qui chy est; et là -où vous le ferés enssi, messires vous en sera gret, et vous pardonra -tous sez mautalens et à tous les prisonniers ossi qu'il tient, pour -l'amour de vous.» Adonc eult messires Amauris de Clichons pluiseurs -ymaginations, car il se tournoit à envis, et se li couvenoit faire ou -pis finer, ensi que li comtez li proummetoit. Tant fu enhortéz et -priiéz que il devint homs au comte de Montfort, et li fist hoummaige et -feauté. Depuis monta il à cheval, et en mena le marescal de l'host à le -ville de Jugon, et parla as bourgois, et les fist rendre et delivrer le -ville et le castiel au dit marescal, qui en prist le possession et le -saisinne ou nom dou comte. Et parmy tant, tout li prisonnier furent -quitte et delivre. - -Ensi eut li comtes de Montfort le bonne ville de Jugon et le feauté de -monsigneur Amaurit de Clichon, qui depuis le servi toudis loyaument. Et -le retint li comtes de son conseil et li donna cinq cens livres de -terre bien assignées. - -Apriès ce que li comtes de Monfort eult estet en le ville de Jugon -trois jours et y eult mis ung castelain en qui il avoit grant fianche, -ung bon escuier que on apelloit Garnier de Tigri, cousins au seigneur -de Tigri, il se parti et toute se host, et chevaucièrent viers le bonne -ville de Dinant, liquel se rendirent à mout petit parlement, car leur -vile n'estoit adonc fremée que de palis. Se ne s'osèrent clore ne tenir -contre le dit comte, que plus grans meschief ne leur en venist. Quant -li comtes en eut pris le possession et le feaulté des hommes de le -ville et dou seigneur de Dinant meysmez, ung très grant baron, il s'en -parti et chevaucha deviers Castiau Josselin, mès il estoit si fors -qu'il ne le peult prendre, et s'en passa oultre et vint à Plaremiel. Si -se rendi li castiaux, et le renouvella li comtez de garnison. Apriès il -vint devant Mauron et y sist douze jours. Au tresime il y entra par -tretiet que, se ungs autrez appairoit en Bretaingne qui y moustrast -plus grant droit de lui, il estoient quite de leur hoummaige. Fos 55 et -56. - -_Ms. de Rome_: Et puis (le comte de Montfort) se desloga de là (de -Brest) et s'en ala devant Auroi, lequel chastiel Julles Cesars fist -fonder. Li contes esploita si bien que li chastiaus li fu rendus, car -c'est dou demainne des dus de Bretagne. Et puis cemina oultre et vint -devant Goy le Forest; il i fu requelliés, et puis au Suseniot, à trois -lieues de Vennes, qui est uns biaus chastiaus et cambre des dus de -Bretagne. On le rechut dedens tout debonnairement, et fu là ne sçai -qans jours, et puis ala à Vennes et là se tint, et tousjours mesires -Hervis de Lion dalés lui et grant fuisson d'aultres chevaliers et -esquiers de Bretagne. Et les tenoit, par les dons que il lor donnoit, -en amour, et les bonnes villes aussi, et tenoit grant estat et estofet. -Et faisoit partout paiier bien et largement sans riens acroire, tant -que toutes gens se contentoient de li et des siens et disoient: «Nous -avons bon signeur à ce que il moustre: il ne voelt que tout bien, mais -que Dieus consente que il nous demeure pasieuvlement.» Fo 73. - -P. 97, l. 26 et 27: six cens.--_Ms. B 6_: à trois cens lanches. Fo 174. - -P. 98, l. 3: le prist.--_Ms. B 6_: par le main, tout en riant. Fo 174. - -P. 98, l. 12: ossi.--_Ms. B 6_: car c'est ung gentil chevalier; et, sy -se rent tout le pais à lui, nous ne povons mie seul faire partie pour -monseigneur Charle qui point n'apert en che pais. Fo 175. - -P. 99, l. 1: le Roceperiot.--_Mss. A 8 à 10, 15 à 17_: la Roche Periot. -Fo 72.--_Mss. A 1 à 6, 20 à 22_: la Roche Perion, la Roche Pierron. Fo -78 vo.--_Mss. A 7, 18, 19, 23 à 33_: la Roche Periou. Fo 74. - -P. 99, l. 5: dix.--_Mss. A 15 à 17, 23 à 29_ et _B 6_: quinze. Fo 79. - -P. 99, l. 14: d'Auroy.--_Ms. B 6_: que le roy Artus fist jadis fonder -et faire. Fo 175. - -P. 99, l. 16: Malatrait.--_Mss. A 11 à 17, 23 à 29_: Maletroit, -Malestroit. Fo 76.--_Mss. A 1 à 10, 18 à 22, 30 à 33_: Malastrait, -Malatrait, Malestret. Fo 78 vo. - -P. 99, l. 17: Tigri.--_Ms. B 3_: Trangrilidis. Fo 70 vo.--_Mss. A 1 à -10, 23 à 33_: Triviguidi, Treviguidi. Fo 78 vo.--_Mss. A 11 à 14, 18, -19_: Treseguidi, Trezeguindi. Fo 76.--_Mss. A 20 à 22_: Tornigidy. Fo -118 vo.--_Mss. A 15 à 17_: Tigri. Fo 79. - -P. 99, l. 17: deus fois.--_Ms. B 6_: de cinq ou six assaulx. Fo 176. - -P. 99, l. 20: Hervi.--_Mss. A 8 à 29_: Henry. Fo 72. - -P. 100, l. 5: Craais.--_Mss. A 8, 9_: Craais. Fo 72.--_Mss. A 11 à 17_: -Carahais. Fo 76.--_Mss. A 1 à 7, 18, 19, 23 à 33_: Carahès. Fo -79.--_Mss. A 20 à 22_: Charlès. Fo 119. - -P. 100, l. 12: Bretagne.--_Mss. A 11 à 14_: car tousjours le dit -evesque faisoit protestacion que toute la manière du traittié et de -l'accort fait entre lui et monseigneur Henrri de Lion son nepveu -seroient nulz ou cas qu'il venrroit aulcun hoir plus prouchain du conte -de Montfort et qui pourroit monstrer avoir meilleur droit en la duchié -de Bretaingne, et que à cestui ci il feroit feaulté et hommaige et se -rendroit à lui avecques toutes ses forteresces et tout son pais. Et -toutes ces choses fist il envix; ne jamais ne s'i feust acordé -bonnement, se n'eust esté par l'admonnestement et sermon du dit -monseigneur Henrri de Lion son nepveu, qui sur ce lui monstra tant de -belles raisons que au derrenier il s'accorda au dit monseigneur le -conte de Montfort et lui fist feaulté et hommaige, ainsi que vous avez -ci devant oui recorder. - -Après ces choses ainsi acordées et faictes, le dit evesque de Carahais -fist tantost ouvrir les portes de la bonne ville et du chastel de -Carahais avecques qui siet sur la mer. Et puis entra dedens le conte de -Montfort, monseigneur Henrri de Leon, monseigneur Henrri de Pennefort -et plusieurs aultres bons chevaliers et escuiers. Et tout l'ost demoura -entour la ville, et se logea chascun au mieulx qu'il pot. Et -fourragièrent sur le plat pais; ne riens ne demouroit devant eulx, se -il n'estoit trop chault ou trop pesant. Le conte et ses plus privez, -monseigneur Henrri de Leon et les aultres seigneurs estoient en la -ville où ilz furent moult grandement festoiez du dit evesque, car bien -y avoit de quoi. Et l'endemain s'en partit le dit conte et tout son -host. Fo 76. - - -=§ 144.= P. 100, l. 13: Pourquoi.--_Ms. d'Amiens_: Que vous feroi je -plus loing compte? En telle mannière concquist et acquist li comtez de -Montfort tout ce pays que vous avés oy, et se fist partout obeir et -appieller dus de Bretaingne, et encarga les p(l)ainnez armes de -Bretaingne. Si y avoit il aucuns barons qui pas ne voloient obeir à -lui, et se faindoient de son hommage, telz que le droit seigneur de -Clichon, le seigneur de Tournemine, le seigneur de Kintin, le signeur -de Biaumanoir, le seigneur de Laval, le seigneur de Gargoule, le -seigneur de Loriach, le seigneur d'Ansenis, le seigneur de Rais, le -seigneur de Rieus, le seigneur d'Avaugor et pluiseurs autres. Et se -partirent li plus de ces seigneurs adonc de Bretaingne, et fissent bien -garnir leurs castiaux. Et s'en allèrent li aucun en Grenate, li autre -oultre mer ou en Prusse, et prisent excusance de partir de Bretaingne, -tant que les coses seroient en autre estat. - -Quant li comtes de Montfort se vit ensi que au dessus de la ducé de -Bretaingne, et par especial touttes les bonnes villez li avoient fait -feaulté et hoummaige, il demanda consseil à ses plus especials amis -coumment il poroit perseverer et tenir le pays contre tous; car bien -penssoit que messires Carles de Blois, qui avoit sa nièche, y volroit -contredire, et que li roys de Franche, oncles au dit monseigneur -Carlon, l'en aideroit. Se li fu dit et conssilliet que il s'en allast -en Engleterre deviers le roy englès, et relevast la duchié de -Bretaingne de lui et l'en fesist hommaige, parmy tant que li rois -englès li jurast et proummesist à tousjours mès resort et comfort de -lui et des siens contre tous hommes qui gueriier ou empeschier li -vorroient. Li comtes de Montfort crut ce consseil, et s'appareilla -moult tost et s'en vint à Garlande. Et monta là en mer, et enmena -avoecq lui jusqu'à vingt chevaliers, tous de Bretaigne; et naga tant -par mer qu'il ariva en Cornuaille, et enquist dou roy englès où il -estoit, et on li dist qu'il se tenoit à Windesore. Lors envoya li -comtes de Montfort ses messaiges devant comme dus de Bretaingne, car -ensi s'apelloit il, segnefiier au dit roy qu'il venoit. - -Li roys englès de le venue au dit conte fu mout resjoys, et envoiia -tantost contre lui de ses chevaliers jusqu'à siis, dont messires -Gautiers de Mauni fu li uns, messires Guillaume Filz Warine, li sirez -de Biaucamp, li sires de Ferièrez, messires Francq de Halle et li sirez -de Baudresen, de Braibant, qui adonc estoit dalléz lui. Chil chevalier -amenèrent le comte de Montfort deviers le roy d'Engleterre ou castiel -de Windesore, qui le rechupt liement comme duc de Bretaigne. Et ossi -fisent tout li seigneur qui adonc estoient dallés le roy, messires -Robiers d'Artois et li autre. Et seurent, assés tost apriès, -l'intention du dit comte de Montfort, et sus quel estat il estoit venus -en Engleterre. Si furent tout joiant, et li roys especialment, quant il -congnurent qu'il volloit relever et tenir le duchet de Bretaingne en -foy et hoummaige dou dit roy englèz. - -Environ quinze jours fu li comtez de Montfort en Engleterre avoecq le -roy Edouwart, qui li fist toutte le feste, l'amour et compaignie que -faire li pot, et ossi à ses chevaliers qui avoecq lui estoient allet en -ce voiaige. Car li rois englès regardoit et consideroit que ceste -aliance et la terre de Bretaingne en son accord li pooit plus valloir -de comfort, de resort et de toutte pourveance pour gheriier le royaumme -de Franche que nulle aultre terre; car sus trois jours ou quatre il -pooit y estre en Bretaingne ou envoiier de par lui gens d'armes pour -gheriier ses ennemis. Pour ce rechupt il liement le ducé de Bretaigne -en foy et en hoummaige dou comte de Monfort. Et eut là adonc entre lui -et le dit comte pluiseurs devises, ordonnanches et aliances escriptes, -grossées et saiellées, dont chascuns eult les parties deviers soy. Et -ne devoit li comtes de Montfort, qui s'apelloit dus de Bretaingne, -relever, tenir, ne recongnoistre jamais la ducé de Bretaingne d'autre -seigneur que dou roy englès, sans son congiet ou consseil. Ossi li dis -roys englès le devoit garder, aydier, deffendre et maintenir contre -tous hommes qui contredire ou gueriier le voroient. Et ensi le -proumissent et jurèrent solempnelment enssemble. - -Apriès touttes ces coses faittez et acomplies, li comtes de Montfort et -si chevalier se partirent dou roy, qui leur donna grans dons et biaux -jeuuiaux à grant plentet, et ossi fist la roine. Si revint li comtes de -Montfort en Bretaigne demourer le plus à Nantes, et sa femme avoecq -lui, par quel consseil il usoit le plus, car elle estoit damme de grant -emprise et de grant coraige, et avoit droit coer d'omme et de lion, -enssi comme vous orés recorder avant en l'istoire. Si se faisoit li -comtes escripre et appeller dus de Bretaingne, et elle duçoise, et -guerioient toudis les rebellez à yaux; et estoient à che coummenchement -si fort ou pais, que qui ne volloit y estre de leur accord, il n'y -avoit que faire de demorer. Et estoient pluiseur grant seigneur parti -et venut en France, ou pris autres voiaiges de Prusse, de Jherusalem ou -de Grenate, tant qu'il ewissent veut comment ceste besoingne -s'achieveroit; car bien savoient li pluiseur que li roys Phelippes ne -lairoit point son nepveult, monseigneur Carlon de Blois, enssi que -planer, ne bouter hors de son hiretaige; mès moult s'esmervilloient li -aucun pourquoy il ne se traioit, ne estoit trais plus tost avant. Fo -57. - -_Ms. de Rome_: On se puet esmervillier, selonch le intitulure et le -introduction de ceste matère qui represente les fais de Bretagne, à -quoi mesires Carles de Blois pensoit, qui tenoit à avoir à fenme et à -espouse la droite hiretière de Bretagne, et qui estoit si grans de -linage en France que neveus au roi Phelippe et au conte d'Alençon et -frères au conte de Blois, que il ne se traioit avant, mais laisoit -couvenir le conte de Montfort et prendre les chités et bonnes villes et -les chastiaus de Bretagne, et point ils n'aloit au devant, ne n'i -envoioit. Et (li contes de Montfort) prendoit partout la sasine et -posession, et i ordonnoit et establissoit honmes favourables et -agreables à lui, et acqueroit l'amour des cevaliers et esquiers de -Bretagne, car bien avoit de quoi faire grans largèces, car il avoit -saisi deviers li le grant tresor qui avoit esté à son frère et lequel -il avoit trouvé en le chité de Limoges, ensi que chi desus est dit. -Aussi s'en esmervelloient moult pluisseurs chevaliers et esquiers de -Bretagne qui savoient bien que c'estoit son droit à estre dus de -Bretagne en l'oqison de sa fenme; mais puis que il le souffroit et -voloit, ensi que il disoient l'un à l'aultre qant il s'en devisoient, -il ne pooient pas, de lor poissance singulère, faire fait ne partie -pour lui. Et tant demora à venir en Bretagne et à demander son droit -que trop, car li contes de Montfort se fortefia tant en toutes manières -et acquist tant d'amis que trop forte cose euist esté à bouter hors de -sa posession, car trop vault la condition dou premier posessant. - -Il ne puet estre que messires Carles de Blois, qui se tenoit à Paris, -ne fust enfourmés de toutes ces accedenses, et que ils n'en parlast à -ses oncles le roi de France et le conte d'Alençon et à son cousin -germain le duch de Normendie qui moult l'amoit; mais il estoit servis -et respondus de douces paroles et de belles, en disant: «Biaus cousins, -ne vous sousiiés de riens: laissiés ce conte de Montfort aler et venir -et espardre cel argent que il a trouvé dou duch son frère. Il couvient, -quoi qu'il face ne ait fait jusques à chi, que il viengne deviers nous -pour relever la ducée de Bretagne; et les barons et chevaliers et -fievés de Bretagne ne sont pas si fol ne si ignorant que il le doient -recevoir à signeur, sans nostre sceu. Il seroient très mal consilliet -et le compareroient chierement; pour quoi, biaus cousins, ne vous -sousiiés de riens. Il fault que tout retourne par deviers nous. Vous -estes dus de Bretagne, et jà l'avés vous relevé de nous, et vous en -tenons à duch et à hirestier, et qui vodra dire dou contraire, nous le -verons, et le vous aiderons à deffendre et à garder contre tout honme; -car nous i sonmes tenu, et le mousterons de fait.» - -Ensi estoit mesires Carles de Blois rapaisiés de paroles, et se -confioit sur ce que on li disoit et proumetoit; et entendoit à -augmenter son estat, et avoit mis jus l'armoierie de Chastellon et pris -et encargié celle de Bretagne. Et estoient ouvrier trop grandement -ensonniiet parmi Paris de faire banières, pennons, cambres, courdines -et toutes coses qui apertiennent d'armoierie, en l'ordenance d'un -signeur et de une dame, et jà se escripsoit: «Carles de Chastellon, dus -de Bretagne et sires de Guise.» Et li contes de Montfort entendoit -d'aultre part à acquerre amis de toutes pars, tant que en Bretagne et -ens ès marces voisines, dont il pensoit le mieuls à valoir, et avoit -encargiet plainnement le nom et les armes de Bretagne et s'escripsoit: -«Jehans, dus de Bretagne, contes de Montfort et de Limoges.» Ensi et -par tèle incidense se conmencièrent à entouellier li different en -Bretagne, qui i furent si grant et si orible que les gerres et les -malefisces qui s'en eslevèrent et engendrèrent, i furent si grant que à -painnes i peut on onques trouver moiien ne conclusion pour les -apaisier. - -Li contes de Montfort, qui se veoit en posession dou tout ou en partie -de la ducée de Bretagne et n'i sentoit nuls rebelles ne contraires dont -il fesist trop grant compte, car petit à petit tout venoient à -obeisance, entendi et senti de costé, par ses amis les quels il avoit -en France, et par especial le conte de Flandres, son serouge, que -mesires Carles de Blois se nonmoit et escripsoit dus de Bretagne, et -en avoit avoecques le title encargiet l'armoierie, et l'avoit relevé en -foi et en honmage dou roi de France auquel li reliés en doit apertenir, -et s'ordonnoit li dis mesires Carles pour venir en Bretagne et -calengier l'iretage conme sien et de son droit, et li rois de France -conme son signeur naturel souverain l'en devoit aidier, et que sus ce -il euist bon avis et bon consel, (il) pensa et imagina sus, et vei et -congneut bien que point n'en joiroit pasieuvlement; si se consilla à -ceuls où il avoit la grigneur fiance. Consilliet et dit li fu: «Sire, -de vostre singulère poissance, vous ne poés contrester contre la -poissance dou roi de France, car elle est trop grande. Et si auera -vostres adversaires Carles de Blois trop d'amis et de confort, car li -rois de France et li contes d'Alençon sont si oncle. Mais vous ferés -une cose: vous vos ordonnerés à l'encontre de ce et conforterés -grandement, se vous alés en Engleterre et relevés la ducée de Bretagne -en foi et en honmage dou roi d'Engleterre et en devenés son honme, par -condition telle que contre tout honme, soit roi de France ou aultre, il -le vous aidera à deffendre et à tenir. Et ce marchiet il fera trop -volentiers, car d'Engleterre, il auera trop belle entrée de venir en -Bretagne et de Bretagne en France, et pora laisier ses honmes en -garnison en Bretagne et rafresqir; et tous jours, conment que la -querelle se porte, i auerés vous des bons amis. Et se vostre cousine la -fenme à Carle de Blois moroit, ensi que les aventures aviennent, vous -demorriés pasieuvlement dus de Bretagne, ne nuls ne nulle ne le vous -debateroit jamais.» - -Li contes de Montfort ouvri ses orelles à ce consel et s'en resjoi -grandement, car il li sambla bons et pourfitables. Et ordonna ses -besongnes à ce que pour aler en Engleterre, et monta en mer à Vennes, -assés bien acompagniés de chevaliers et d'esquiers. Et enporta -avoecques lui grant fuisson de biaus jeuiauls qui tous venoient dou -tresor de Limoges (de) son frère le duc de Bretagne, pour donner et -departir là où il les veroit bien à emploiier et pour acquerre amis; et -prist terre en Engleterre à Plumude, et avoient cargiet des chevaus. -Qant il furent trait hors des nefs, il montèrent sus li contes et ses -gens et chevauchièrent viers Londres, et tant fissent que il parvinrent -et demandèrent dou roi. On lor dist que il estoit à Windesore, et que -là conmunement il s'i tenoit plus que ailleurs, et la roine ausi. Qant -li contes de Montfort, qui se nonmoit dus de Bretagne, se fu rafresqis -un jour à Londres, ils et ses gens montèrent et chevauchièrent viers -Windesore, et vinrent disner à Bramforde, et puis vinrent à Windesore -et trouvèrent le roi et la roine qui jà estoient enfourmé de lor venue. -Si furent requelliet des chevaliers dou roi moult grandement, et puis -mené deviers le roi. Tant que des aquintances dou roi et dou conte, je -n'ai que faire de plenté parler, fors que de venir au fait pour quoi li -contes de Montfort estoit là venus. Il remoustra ses besongnes bien et -sagement, et li rois les oy et i entendi volentiers, et li respondi par -le consel que il ot de monsigneur Robert d'Artois, qui tous jours se -tenoit avoecques le roi, et li dist: «Biaus cousins, vous vos retrairés -deviers Londres; et dedens quatre jours, je serai là et auerai de mon -consel, tant que vous serés respondus de tout ce que de vostres -requestes je vodrai faire.» Li contes de Montfort se contenta de ceste -response. Et qant il ot là esté le jour et la nuit à Windesore, et -soupé avoecques le roi et la roine, à l'endemain il s'en departi et -vint à Londres; et se tint là avoecques ses gens tant que il fu mandés, -de par le roi et son consel, ens ou palais de Wesmoutier et là dedens -la cambre dou consel. Qant li prelat et li baron qui là estoient, -l'orent honnouré et fait seoir jus, il fu moult sagement examinés pour -quoi il estoit là venus, et requis que il le vosist dire, quoi que tout -en savoient jà assés, car li rois et messires Robers d'Artois qui -enfourmé estoient de la matère, avoient prononciet le fait. Il parla et -dist que, conme drois hoirs et dus de Bretagne par la mort et -succession de la mort dou duch de Bretagne darrainnement mort, il -s'estoit trais à l'iretaige de Bretagne et mis en posession, et nuls ne -li avoit encores debatu; mais il faisoit doubte que on ne li deuist -debatre, car Carles de Blois avoit à fenme et à espouse une sienne -nièce, fille dou conte de Pentèvre, qui disoit à avoir droit de par sa -fenme à l'iretage de Bretagne, et jà l'avoit il relevé de Phelippe de -Valois qui se disoit rois de France: «Et pour ce que le roi mon -signeur, qui chi est, calenge la couronne de France et s'en escript et -nonme rois, et pour ce aussi que j'en soie soustenus, portés et -deffendus en toutes actions, je m'adrèce à lui et voel devenir son -honme de foi et de bouce, et relever et tenir la ducée de Bretagne de -li; et qant ce je auerois fait et il m'auera recheu à honme, je -parlerai encores avant.» - -Sus ceste parole, li signeur, prelas et barons qui là estoient, -regardèrent tout l'un l'autre, sans riens respondre. Adonc parla -mesires Robers d'Artois et dist: «Biaus cousins, vous iscerés un petit -hors de la cambre, et tantos serés rapellés.» Il le fist. Li contes de -Montfort issi hors, et li signeur demorèrent avoecques le roi qui lor -requist que, sus ces paroles dites et offertes, il le vosissent -consillier. Li consauls ne fu pas lons, la matère estoit toute clère à -savoir que li rois en feroit; ce n'estoit pas cose ne requeste à -refuser. Car ensi que jà il avoient imaginé et consideré l'estat et -l'afaire dou roi et l'ordenance de sa guerre, et conment li dus de -Braibant, ses cousins germains, li dus de Gerlles, son serourge, et les -Alemans l'avoient mené et pourmené jà par deus saisons, et fait -despendre son argent si grandement que encores il s'en trouvoit -derrière et veroit un lonch temps; et si n'avoit riens fait fors que -travilliet son corps et ses gens, et courut une petite estrée dou -roiaume de France, et tenu sièges devant Cambrai et Tournai; et que par -ensi faire et croire les Alemans, qui sont convoiteus, il ne venroit à -son entente, mais par le pais de Bretagne qui li estoit une belle -entrée et requelloite pour cevauchier en France, i pooit il bien venir, -et si en seroit gerre plus forte et plus belle avoecques aultres -accedens qui legierement poroient avenir. - -Adonc fu li contes de Montfort appellés; il vint. Li venu en la cambre, -il li fu dit que li rois estoit consilliés à ce que il le receveroit -conme son honme liege as mains et à la bouce, et il li jurroit à estre -son honme liege à tous jours mais, et à tenir la ducée de Bretagne dou -roi presens et des rois d'Engleterre qui apriès li descenderoient. Li -contes de Montfort mist ses mains entre les mains le roi d'Engleterre, -et puis fu introduis de l'evesque de Londres à parler, et parla mot à -mot tout ce que li evesques li faisoit dire, et fist honmage de foi, de -mains et de bouce. Et furent toutes les paroles, que il dist là et -rechita, mis (es) en l'entente des prelas et signours d'Engleterre, qui -là estoient; et en furent lettres levées et instrumens publiques -escrips et grossés. Et aussi li contes de Montfort, qui se nonmoit dus -de Bretagne, qant il ot fait honmage au roi, et il fu recheus à toutes -les solempnités qui i apertenoient à estre et à faire, et il se fu en -ce loiiés et obligiés, il requist au roi conme à son signeur liege que, -se li rois Phelippes qui se disoit rois de France ou aultres voloient -entrer à poissance en Bretagne et calengier l'iretage ou nom de mesire -Carle de Blois et sa fenme, qui s'en disoit hiretière, et que il i -venissent si fort que de poissance singulère il ne peuist resister à -l'encontre, que il fust aidiés et secourus en la fourme et manière que -uns sires doit aidier son honme. Li rois li ot en couvenant; et de tout -ce fissent les lettres et instrument mention. Et furent les lettres -apertenans au conte de Montfort, les quelles il enporta avoecques li, -seelées dou seel dou roi d'Engleterre et des seauls des barons -d'Engleterre qui à toutes ces paroles, devises et ordenances furent -presens. - -Tout ce fait et accompli et dou plus hasteement c'om pot, car li contes -voloit sus brief terme retourner en Bretagne dont il se nonmoit dus, il -prist congiet au roi et as signeurs et fist partout compter et paiier. -Et se departi de Londres et chevauça viers Plumude où sa navie estoit -qui l'atendoit, et le trouva toute preste et vent bon assés pour -retourner en Bretagne. Si entrèrent li contes et ses gens en lors -vassiaus, et singlèrent tant que il retournèrent à Vennes dont il -estoient parti et là ancrèrent; et si se rafresqirent en la chité, car -elle et tous li plas pais estoit pour li. Et puis au second jour -montèrent as chevaus et vinrent à Nantes, et là trouvèrent la contesse -qui se nonmoit duçoise, qui requelli son mari et toute la compagnie -moult liement, et li demanda des nouvelles. Et li contes l'en dist -assés et toute l'ordenance des trettiés conment il se portoient, et se -looit dou roi d'Engleterre et des prelas et barons d'Engleterre, les -quels il avoit veus. Fos 73 à 75. - -P. 100, l. 20: vingt chevaliers.--_Les mss. A 11 à 14 ajoutent_: et -soixante escuiers. Fo 76 vo. - -P. 100, l. 21: Cepsée.--_Mss. A 18, 19_: Capsée. Fo 79. - - -=§ 145.= P. 102, l. 22: Quant.--_Ms. d'Amiens_: Or avint que li -viscomtez de Rohem, li sirez de Clichon, li sirez d'Avaugor et li sirez -de Biaumanoir s'en vinrent en France deviers monseigneur Carlon de -Blois, qui adonc se tenoit dallés le roy, son oncle; et bien avoit oy -recorder et ooit encorres tous les jours comment li comtez de Montfort -s'estoit mis et enclos en le saisinne et possession de Bretaingne; mès -chil seigneur l'en enfourmèrent plus plainnement et li disent: -«Monseigneur, vous avés bien mestier d'avoir grant ayeuwe à venir en -Bretaigne, car il n'y a bonne ville en toutte la duché, qui n'obeisse à -lui, et ossi grant fuison dez signeurs, chevaliers et escuiers, et -tient grant plentet de gens d'armes as saus et as gaiges. Car il a eult -deviers lui tout le grant tresor qui estoit à Limoges, que nos sires -li ducs, dairains trespassés, et messirez ses frères, pèrez à madamme -vostre femme, avoient là assamblet de loing tamps, dont il fait tous -les jours et a fait ses dons et sez larguèces si grandes, que il samble -que ors ne argens ne li couste riens; et retient touttes mannières de -saudoiiers qui viennent deviers lui. Avoecq tout chou, il a estet en -Engleterre et a relevet la duché de Bretaingne en foy et en hoummaige -dou roy englèz et ont certainnez convenenchez enssamble, lesquelles -nous ne savons mies tout clerement, car nous n'y avons mies estet, fors -tant que on dist, et bien fait à croire pour le cause de ceste -hoummaige, que li roys englès le doit aidier contre tous hommes qui de -forche le voroient bouter hors de Bretaingne.» - -Quant messires Carles de Blois eut oy les dessus dis seigneurs enssi -parler et recorder l'affaire et l'estat dou comte de Montfort et de la -duché de Bretaingne, dont il se tenoit hoirs de par sa femme, si fu -tous penssieux; et quant il eut une espasse pensset, si regarda les -chevaliers et dist: «Biau seigneur, grant mercis de ce que vous estes -venus devers moy et m'avés comptet de ceste besoingne, dont je desiroie -à savoir le verité. Nous yrons deviers le roy mon seigneur; si l'en -enfourmerons plainnement, et sour ce il en aura bon avis.» Lors les -mena messires Charles de Blois tous quatre deviers le roy sen oncle, et -parlèrent à lui à grant loisir. Et quant li roys seut comment la -besoingne se portoit, si dist que il y meroit remède telle et si bonne, -que ses biaus niés, que il tenoit hiretier de Bretaingne, s'en -parceveroit. Adonc eut li roys advis de mander les douze pers de -Franche, pour avoir consseil de plus grant deliberation. Si vinrent à -Paris dedens le jour qui mis y fu. Là fu proposé et parlementé li -affairez de Bretaigne, et aviset comment pour le mieux on s'en poroit -chevir. Se disent li douze pers de France qu'il appertenoit bien que li -comtez de Montfort fust mandés par souffissans mesages, afin que il -venist à Paris, par quoy on veist et sewist comment il voroit aleghier -contre cez oppinions. Chilz conssaux fu tenus, et message priiet et -regardet qui yroient. Che furent li sirez de Matefelon, li sirez de -Gousant et messires Grimoutons de Cambli. Et se partirent chil messaige -et chevaucièrent tant par leurs petittez journées qu'il vinrent en le -cité de Nantez. Là trouvèrent le comte de Montfort et la comtesse, sa -femme, grant joie demenant. Si fissent li seigneur dessus dit leur -messaige, ensi que chargiet leur estoit; et quant li contes les eut -oys, quoiqu'il leur feist bonne chière et lie, il eut pluisseurs -ymaginations de l'acorder che voiaige. Touttesfois finablement il -respondi as dis messaiges que il volloit y estre obeissans au roy et -yroit vollentiers à son mandement. Ceste responsce pleut bien as -messaiges, et le raportèrent ainssi au roy Phelippe, que li comtez de -Montfort seroit à Paris au jour qui mis y estoit. Dont fist li roys -demourer daléz lui tous les douze pers, et manda encorrez pluiseurs -grans barons et saiges de son royaumme, pour avoir milleur consseil -quant li dis comtes de Montfort seroit venus. - -Li comtez de Montfort se parti de Nantez en grant arroy, et estoient -bien de se compaignie trente chevaliers, tous noblez et gentilz hommez, -et estoient bien de se routte et à se delivranche en ce voiaige trois -cens chevaux sans lez sommiers, et chevaucièrent tant par leurs -journées qu'il vinrent en le chité de Paris. Adonc se tenoit li rois au -palais. Quant li per, li comte et li baron de Franche sceurent la venue -au dit comte de Montfort, si se trayrent au palais deviers le roy, car -bien savoient que li comtez de Montfort y venroit, enssi qu'il fist. -L'endemain dou jour qu'il fu venus et descendus à sen hostel, il vint à -heure de tierche mout noblement et bien acompaigniés de sez chevaliers -au palais. Si fu moult durement regardés de tous lez barons, et des -aucuns salués, et puis amenés deviers le roy. Le roy, qui estoit tous -pourveus et adviséz de savoir coumment il le devoit recepvoir, se -tenoit en sez cambres de parement. Et estoient adonc dalléz lui li -comtez d'Alençon, ses frèrez, li dus de Normendie, ses filz, li dus -Oedes de Bourgoingne et messires Phelippez de Bourgoingne, ses filz, li -dus de Bourbon, messires Jaquemes de Bourbon, adonc comtez de Pontieu, -li comtez Loeis de Blois, li comtez de Foriès, li comtes de Vendomme et -li comtez de Ghinez, et pluiseurs aultrez barons telx que le seigneur -de Couchi, le seigneur de Sulli, le seigneur de Craon, le seigneur de -Roie, le seigneur de Saint Venant, le seigneur de Rainneval et le -seigneur de Fiènes. Quant li comtez de Montfort fu parvenus jusqu'au -roy, si l'enclina mout humblement et li dist: «Monseigneur, je sui chy -venus à vostre mandement et à vostre plaisir.» Li dis rois respondi: -«Comtez de Montfort, de ce vous sai jou bon gret, mès je me esmerveille -durement pourquoi ne comment vous avés oset emprendre de vostre -vollenté la duché de Bretaingne, où vous n'avés nul droit; car il y a -plus prochain de vous, cui vous voulléz deshireter. Et pour vous mieux -efforchier, vous estez alléz à mon adversaire le roy d'Engleterre, et -advés la duché de Bretaingne de lui relevet et à lui fet feauté et -hoummaige, ensi que on le m'a comptet.» Li comtez respondi et dist: -«Ha! sire, ne le creés pas, car vraiement vous estes de chou mal -enfourmés. Je le feroie moult à envis. Mès de le proimetet dont vous me -parlastez, m'est advis, sire, sauve vostre grace, que vous en -mesprendés, car je ne say nul si prochain del duc de Bretaigne, qui -dairainement morut, que moy, qui sui ses frèrez. Et se jugiet et -declaret estoit par droit que aultre en fuist plus proisme de moy, je -ne seroie point hontous ne rebellez del deporter.» - -Quant li roys entendi le comte ensi parler, si respondi et dist: -«Comtez, comtez de Montfort, vous (en dittez[405]) ores asséz. Mès je -vous coummande, sur tout quanque vous tenés de moy et que tenir en -devés, que vous ne vous partéz de le chité de Paris jusques à quinze -jours, que li baron et li per jugeront et ordonneront de celle -proismetet, et si sarés adonc quel droit vous y aréz ou avés. Et se -vous le faittez autrement, sachiéz que vous me couroucherés.» Li comtes -respondi et dist: «Monseigneur, à vostre vollenté.» Adonc se departi li -dis comtes dou roy, et s'en revint à son hostel pour disner. Quant il -fu à son hostel venus, il entra en sa canbre et le fist clore et -refremmer apriès lui, et coummanda à ses cambriés que, se nuls le -demandoit, que on desist qu'il fuist dehetiés. Lors se coummença à -aviser et pensser que, se il atendoit le jugement dez barons et dez -pers de Franche, que li jugement poroit bien tourner contre lui; car -bien li sambloit que li roys feroit plus vollentiers partie pour -monseigneur Carlon de Blois sen nepveut que pour lui; et veoit bien que -se il avoit jugement contre lui, que li roys le feroit arester jusques -à tant qu'il aroit tout rendut, cités, villez et castiaus, dont à -present il tenoit le saisinne et le possession, que il avoit concquis, -et avoecq ce, tout le grant tresor qu'il avoit trouvet à Limogez et -ossi ailleurs, et tout aleuet et despendut. Se li fu advis que le -mieudre pour lui et le mains mauvais estoit qu'il se partesist sans -congiet, que il atendesist l'aventure et s'en ralast secretement et -paisivlement en Bretaingne, et se renforchast encorrez contre tous -venans, qui contraire li volroient porter. - - [405] On lit dans le ms. d'Amiens: «entendittez.» - -Si tint li dis comtez ceste ymagination, et fist apeler deux de ses -chevaliers où le plus se confioit, et leur descouvri sen entente, et -chil furent bien de son acord. Quant ce vint sus le soir, lui troisime, -tous desconneus, il parti de son hostel et wuida Paris, qui adonc -n'estoit point fremmée. Et chevaucha tant de jour et de nuit qu'il fu -en Bretaingne revenus, ainschois que li roys en sewist riens; mès -penssoit chacuns qu'il fuist dehetiéz à son hostel. Et tous lez jours -le sieuwoient ses gens petit à petit. Quant il fu revenus daléz le -comtesse sa femme, qui estoit à Nantez, il li compta toute sen -aventure, puis alla, par le consseil de la comtesse qui bien avoit coer -d'omme et de lion, par touttez les cités, les castiaux et les fortrèces -qui estoient à lui rendues, et establi partout bonnes cappittainnez et -si grant plentet de saudoiiers à piet et à cheval qu'il y couvenoit, -grans pourveances de vivres à l'avenant, et paiia si bien tous -saudoiiers, que chacuns le servoit vollentiers. Quant il ot tout -ordonné ensi qu'il appertenoit, il s'en revint à Nantez dallés la -comtesse sa femme, et dalléz lez bourgois de le chité, qui durement -l'amoient par samblant pour les grans courtoisies qu'il leur faisoit. -Or me teray ung petit de lui, et me retrairay au roy de Franche et à -monseigneur Carlon de Blois et as barons et douze pers dou royaumme -dessus dit. Fos 57 vo et 58. - -_Ms. de Rome_: A painnes est riens fait qui ne soit sceu: nouvelles -vinrent à Paris deviers messire Carle de Blois et les signeurs que li -conte de Montfort avoit priès conquis, tant par force que par tretiés, -toute la ducée de Bretagne, et avoit esté en Engleterre et relevé la -ducée de Bretagne dou roi d'Engleterre, et en estoit devenus son honme. -Tantos ces nouvelles vinrent au roi. Qant li rois les oï, se ne li -furent pas plaisans, et manda les douse pers de France, ceuls que pour -lors il pot avoir. Qant il les vei en sa presence, si lor demanda quel -cose estoit bonne à faire de tel cose. On li dist et consilla que chils -contes de Montfort fust mandés, et que trop on avoit atendu. Si furent -ordonné pour le aler querre li sires de Montmorensi et li sires de -Saint Venant. Chil doi baron se departirent de Paris à plus de -soissante chevaus, et chevaucièrent tant que il vinrent à Nantes, et -trouvèrent le conte de Montfort et la contesse qui faisoient une grande -feste des chevaliers et esquiers, des dames et damoiselles dou pais de -Bretagne. Il requella grandement et liement ces signeurs, car il se -tenoit de lor linage. Chil doi baron, qui sage et pourveu estoient, se -couvrirent moult bien deviers li de dire. Pluisseurs paroles disoit on -de li en France et à Paris, mais s'en dissimulèrent, et li priièrent -que il vosist descendre celle première fois à la plaisance dou roi, et -venir à Paris. Il dist que il s'en conselleroit. Il s'en consella à -auquns de son consel et à la contesse, sa fenme, laquelle li -desconsilloit que point n'i vosist aler, et que il n'i avoit que faire; -et li aultre li consilloient et disoient que si avoit, et que nullement -il ne se pooit esquser, ne passer que il n'alast en Franche, et que il -ne relevast la ducée de Bretagne dou roi. Lors respondi il à ces -paroles et dist: «Je l'ai relevé dou roi d'Engleterre: il doit -souffire. Je ne doi ne puis faire que un seul honmage.» Lors li fu dit: -«Et se vous trouvés le roi de France si amiable que il reçoive vostre -honmage, vous venrés legierement jus deviers le roi d'Engleterre. Il a -assés à faire à entendre aillours. Il ne vous boutera pas hors de -Bretagne, et espoir es(t) çou pour aultre cose que li rois vous mande.» -Finablement li contes de Montfort fu à ce consilliés et enortés que il -ordonna ses besongnes, et se departi de Nantes en la compagnie des deus -barons desus nonmés, et ossi des chevaliers de Bretagne; et fist tant -que il vint à Paris et se loga, et toutes ses gens ossi. Qant on sceut -que il fu venus et mis à hostel, on fu tous resjois de sa venue. Li -contes de Flandres, son serourge, le vint veoir, et li fist bonne -chière, et li contes de Montfort li, liquels se tint le jour que il -vint et la nuit ensievant tous quois à son hostel. Et à l'endemain, à -heure de tierce, il se departi de son hostel à plus de cent chevaus en -sa compagnie, et chevaucièrent viers le palais et descendirent là, car -li rois de France i estoit, et à painnes tout li noble prelas et barons -du roiaulme de France. Li contes de Montfort monta les degrés dou -palais et ala tant devant li que il trouva le roi et les signeurs en -une grande cambre, toute parée et couverte de tapiserie moult belle et -moult rice, et là estoit atendus li contes de Montfort. - -Qant il entra en la cambre, il fu moult fort regardés de ceuls qui -onques ne l'avoient veu, et par especial li rois de France jetta trop -fort ses ieuls sur li. Li contes de Montfort se mist en genouls devant -le roi et dist moult humlement: «Monsigneur, vous m'avés mandé, et je -suis venus à vostre mandement.» Li rois respondi et dist: «Contes de -Montfort, de che vous sai je bon gré, mais je m'esmervelle grandement -pourquoi ne conment vous avés osé entreprendre de vostre volenté la -ducée de Bretagne, où vous n'avés nul droit, car il i a plus proisme de -vous que vous volés deshireter; et pour vous mieuls efforchier, vous -estes alés à nostre adversaire le roi d'Engleterre et l'avés de lui -relevet, et fait feaulté et honmage, ensi que on nous a dit.» Li contes -respondi à che et dist: «Ha! monsigneur, ne le creés pas, car vraiement -vous estes de ce mal enfourmés, je le feroie moult à envis; mais de la -proismeté dont vous me parlés, m'est avis, monsigneur, salve soit -vostre grace, que vous mesprendés, car je ne sçai nul si prochain dou -duch de Bretagne, mon frère darrainnement mort, que moi; et se jugiet -et declaret estoit par droit que aultres i fust plus proismes de moi, -je ne seroie pas honteus ne virgongneus de moi en deporter.» A ceste -parole respondi li rois et dist: «Contes, vous en dittes assés, mais je -vous conmande sur qanq que vous tenés de nous, ne que tenir en poés ne -devés, que vous ne vos departés de la chité de Paris jusques à quinse -jours, que li baron et li per jugeront de celle proismeté. Si sauerés -adonc quel droit vous i avés; et se vous le faites aultrement, vous -nous couroucerés.» Li contes respondi et dist: «Monsigneur, à vostre -volenté.» Donc se leva il et prist congiet au roi et as prelas et hauls -barons qui là estoient, et les enclina tous autour, et euls li. Et issi -hors de la cambre, et conmença moult fort à busiier et merancoliier, et -à imaginer son afaire et son estat. A painnes pot il disner, tant fu -pensieus, et ne volt que nuls entrast en sa cambre, fors si varlet. - -A ce que li contes de Montfort pensoit, je le vous dirai: il se -repentoit trop fort de ce que il estoit venus à Paris et mis ens ès -dangiers dou roi et de ses contraires, et disoit ensi en soi meismes: -«Se je atens le jugement des douse pers, il n'est riens si certain, on -me retenra, et serai mis en prison. Et tout au mieuls venir, se je voel -avoir ma delivrance, il faudra que je remette arrière tout ce dont je -sui en saisine, et que je rende compte dou tresor le duch mon frère que -je pris et levai à Limoges, douquel je me sui aidiés. Avoecques tout -ce, on trouvera en verité que j'ai esté en Engleterre, et que je ai -relevé la ducée de Bretagne dou roi d'Engleterre, dont je me sui trop -forfais, et ne sai que li douse per de France de la correction en -vodront dire. Briefment, tout consideré, je ne puis veoir que li -demorer chi et atendre la quinsainne me soit pourfitable.» Tout -consideré et bien examiné ses besongnes, il dist que il se departiroit -de Paris et retourneroit en Bretagne; et se on le voloit là venir -querre, on le venist, car on le trouveroit pourveu, et le pais tout -clos à l'encontre des venans; et se manderoit le roi d'Engleterre, qui -li avoit juré toute loiauté, et li aidier fust contre le roi de France -ou autrui. - -Ce pourpos et ceste imagination conclut li contes de Montfort en soi -meismes, et se ordonna à partir. Je vous dirai conment: il prist l'abit -à l'un de ses menestrels, et dou soir il monta à ceval, et le varlet -dou menestrel avoecques lui, et isi de Paris. Et quidoient ses gens -voires, fors chil qui le devoient sçavoir, que il fust encores en ses -cambres, car si cambrelent disoient que il estoit malades et gissans au -lit, qant il estoit en Bretagne. Et vint à Nantes de nuit et ala -deviers sa fenme la contesse qui point de premiers ne le recongnissoit -en cel estat; et qant elle l'ot ravisé, si pensa tantos que la besongne -aloit mal. Li contes li compta tout l'estat et l'ordenance de son -voiage, et pourquoi il estoit ensi revenus. «Monsigneur, dist la -contesse, je n'en pensoie point mains, vous n'i aviés que faire. Selonc -ce que vous avés conmenchié et entrepris, vous auerés la gerre: il -n'est riens si vray. Si vous pourvées et ordonnés selonc che, et tenés -en amour les bonnes villes de Bretagne et les signeurs qui sont de -vostre partie.» Li contes respondi et dist que aussi feroit il. Fos 74 -vo et 75. - -P. 102, l. 22: qui tenoit.--_Mss. A 1 à 6, 18 à 33_: qui se tenoit à -cause de sa femme estre droit hoir de Bretaigne. Fo 79 vo. - -P. 102, l. 28: feroit.--_Ms. B 6_: Or advint autres nouvelles au roy et -à monseigneur Charle de Blois qui plus luy donnèrent à penser, car il -leur fut dit que le conte de Monfort avoit esté en Engleterre devers le -roy et relever la ducé de Bretaigne et les appertenances du roy -d'Engleterre: que faire ne povoit ne devoit, dont trop grandement -s'estoit meffais. Fo 178. - -P. 103, l. 12: de Nantes.--_Ms. B 6_: mais sachiés que che fut tout -outre le consail de madamme sa femme. Fo 179. - -P. 103, l. 15: as hostelz.--_Mss. A 1 à 6, 18 à 22_: en son hostel. Fo -79 vo. - -P. 103, l. 20: li douze per.--_Ms. B 6_: le duc de Bourgogne, le duc de -Normendie et grant plenté de seigneurs. Fo 179. - -P. 104, l. 24: à son hostel.--_Ms. B 6_: durement pensis. Fo 180. - -P. 104, l. 25 et 26: à aviser.--_Ms. B 6_: à buchier. Fo 180. - -P. 105, l. 8 et 9: Si monta.--_Ms. B 6_: Sy fist le malade toute celle -journée; et quant che vint à la nuit, il monta à cheval et se party de -Paris lui troisième, que point les portes n'estoient adonc frumées. Fo -181. - - -=§ 146.= P. 106, l. 2: alés.--_Ms. de Rome_: Et en fu li contes de -Flandres soupeçonnés que il ne li euist consilliet à faire, pour tant -que il avoit sa serour à fenme; mais li contes se osta de la soupeçon -et s'en escusa grandement et tant que on le tint bien pour escusé. Fo -75 vo. - -P. 106, l. 7: deus.--_Mss. A 1 à 7, 18 à 22_: trois. Fo 80 vo. - -P. 106, l. 22: barons.--_Ms. d'Amiens_: et douze pers. Fo 58. - -P. 107, l. 10: d'Alençon.--_Ms. d'Amiens_: monseigneur Carle comte -d'Alenchon son oncle, le ducq de Bourgoingne son cousin, le comte de -Blois son frère, le duc de Bourbon, monseigneur Jakemon de Bourbon -comte de Pontieu, monseigneur le connestable de Franche, le comte de -Ghines son fil, le comte de Foriès, le seigneur de Couchy, le seigneur -de Craan, le seigneur de Biaugeu, le seigneur de Suilli, et en apriès -tous les barons et chevaliers à qui il avoit amour et linage qui là -estoient. Et chacuns li acorda liement que il yroit avoecques lui en -Bretaingne pour aidier à reconcquerre, à tant de gent et de compaignons -qu'il poroient avoir. Si fissent leurs mandemens chacuns endroit de -lui, li uns en Biausse, li autre en Berri, puis en Ango et ou Mainne. -Et tous se devoient rassambler en le cité d'Angiers et là environ. Fo -58 vo. - -_Ms. de Rome_: Mesires Carles de Blois et li contes de Blois son frère, -liquel estoient en genouls devant le roi, le remerciièrent humlement de -toutes ces paroles. Lors se levèrent ils en piés et alèrent autour -priier lors amis, premierement lor oncle le conte d'Alençon, et puis -lor cousin germain le duch de Normendie, le duch Oede de Bourgongne et -mesire Phelippe de Bourgongne son fil, le duch Pière de Bourbon et -messire Jaqueme de Bourbon conte de Pontieu son frère, le conte d'Eu et -de Ghines connestable de France, le conte de Vendome, le conte de -Danmartin, le signeur de Chastellon et grant fuisson de barons de lor -linage. Et tout de bonne volenté se offrirent à faire service et -plaisance à mesire Carle de Blois, et aler à lors coustages avoecques -li en Bretagne. Si se ordonnèrent et apparillièrent dou plus briefment -que il peurent; et fissent lor mandement à estre à Chartres, et -atendre l'un l'autre en la chité del Mans ou d'Angiers. Fos 75 vo et -76. - -P. 107, l. 14: le visconte de Roem.--_Mss. A 11 à 14_: le viconte de -Rohan breton. Fo 78. - - -=§ 147.= P. 107, l. 26: Quant tout.--_Ms. d'Amiens_: Quant tout chil -seigneur qui priiet estoient, eurent ordonnet leur besoingnes et -chacuns fait son mandement au plus especialment qu'il peult, il se -partirent, de Paris li aucun, et li aucuns de leurs lieux. Si s'en -allèrent li uns apriès les autres et se assamblèrent en le cité -d'Angiers, puis ordonnèrent leur charoy et leurs pourveanches. Et se -misent au chemin et passèrent Ango, et vinrent logier ung soir à une -très belle fortrèce que on appelle Chantosé, qui se tient dou seigneur -de Craan. Et mist li dus de Normendie gens pour aidier à conduire leurs -pourveanchez et chiaux ossi qui lez sieuwoient. Puis cheminèrent -deviers Ansenis, qui est li fins dou royaumme et li entrée de -Bretaingne à che lés là. Li sirez est ungs grans banerès bretons, et se -tenoit de le partie monseigneur Charlon de Blois, et li fist là -hoummaige et feaulté comme au duc de Bretaingne, presens tous lez -signeurs, et li mist se fortrèche en son coummandement. Si sejournèrent -li seigneur là endroit trois jours, pour mieux ordonner leur conroy et -leur charoy. Quant il eurent ce fait, il yssirent hors pour entrer ou -pays de Bretaingne. - -Quant il furent as camps, il considerèrent leur pooir et estimèrent -leur host à cinq mille armurez de fier, sans les Geneuois qui estoient -bien troi mille, si comme jou ay oy recorder. Et lez conduisoient doi -chevalier de Genneues; si avoient nom, li uns messires Othes Doriie, et -li autres messires Carles Grimaus. Et si i avoit grant plantet de -bidaus et d'arbalestriers que conduisoit messires Galois de le Baume. -Quant touttes ces gens se furent aroutet, moult y avoit bel host; et -chevauçoient en troix bataillez: de quoy messires Loeys d'Espaingne, -ungs très bons chevaliers, et li viscontez de Rohem, li sires -d'Avaugor, li sirez de Clichon et li sirez de Biaumanoir, banièrez -desploiies, menoient les premiers; et estoient bien cinq cens lanches. -Puis chevauchoient en le grosse routte li dus de Normendie, li comtez -d'Allenchon, ses onclez, li comtez de Blois, messires Charles de Blois, -qui s'appelloit et escripsoit dus de Bretaingne et en avoit fait -feaulté et hoummage au roy de Franche, et en portoit lez plainnes -armez sans differensce. En celle routte estoient tout li plus grant -seigneur de l'ost. En le tierche bataile estoit li connestablez de -Franche, li comtes Raous d'Eu et li comtez de Ghines, ses fils, li -sires de Couci, li sires de Montmorensi, li sires de Quitin, breton, et -li sirez de Tournemine; et faisoient l'arrieregarde bien à cinq cens -lanchez, sans les Geneuois et les arbalestriers, dont li Gallois de le -Baume estoit conduisièrez. - -Environ heure de primme, li premier cevauceour vinrent devant ung très -fort castiel, seans à l'entrée de Bretaingne sus une montaigne et ou -piet desous une grosse rivière. Si appelle on le dit castiel -Chastonseal, et est li clef et li entrée de Bretaingne. Si l'avoit -garny et pourveu très bien li contes de Montfort de bonnes gens -d'armes, de pourveanches et de artillerie. Et en estoient cappittainne -de par le dit comte doi bon chevalier de Bretaingne, dont li ungs avoit -à nom messires Milles, et li autrez messires Waleranz. Fo 58 vo. - -_Ms. de Rome_: Qant tout chil signeur, liquel s'en devoient aler -avocques monsigneur Carle de Blois ens ou pais de Bretagne pour li -aidier à recouvrer son hiretage, furent prest et lors gens venus, il se -departirent de Paris li auqun, et li aultres de lors lieus. Et en -alèrent les uns apriès les aultres, et si se asamblèrent la grignour -partie en la chité du Mans et là environ; puis s'avalèrent jusques en -Anghiers, et là trouvèrent le duch de Normendie qui chiés se faisoit de -ceste cevauchie. Et vinrent toutes ces gens d'armes en Ancheni sus la -frontière et entrée de Bretagne, et là sejournèrent trois jours, en -attendant encores l'un l'autre, et pour ordonner lor charoi et lors -conrois. Qant il orent ensi fait, il se missent par ordenanche au cemin -et chevaucièrent pour entrer en Bretagne, et considerèrent lor pooir et -estimèrent lor hoost à cinq mille armeures de fier, sans les Geneuois -qui estoient environ troi mille. Et les conduisoient doi chevalier de -Genneues; si avoit nom li uns mesire Othe Doriie, et li aultres mesires -Carles Grimauls. Et se i avoit grant fuisson de bidaus et -d'arbalestriers que li Galois de la Baume conduisoit, uns chevaliers -savoiiens. - -Qant toutes ces gens d'armes et aultres arbalestriers et bidaus as -lances et à pavais se trouvèrent sus les camps, ils se departirent -d'Ancheni, et prissent le cemin par deviers un très fort chastiel, -seant sus une montagne, et desous court une rivière. Et le chastiel on -l'apelle Chastonseal, et est la clef et li entrée de Bretagne à ce lés -là, et estoit pourveus et garnis de bonnes gens d'armes. Et en -estoient chapitainne et gardiien doi chevalier de Lorrainne, dont li -uns avoit nom mesires Milles et li aultres messires Wallerans. Qant li -dus de Normendie, qui estoit chiés de ceste cevauchie, et li aultre -signeur de France veirent le chastiel si fort, il orent consel que il -le assegeroient, car se il passoient oultre et il le laisoient -derrière, il le poroit porter damage à euls ou à lors gens et as lors -pourveances. Si le assegièrent dou plus priès que il porent, et i -fissent pluisseurs assaus. Meismement li Geneuois, qui sont bons -arbalestriers, s'i abandonoient à le fois assés follement et tant que i -perdirent de lors compagnons à lors assaus, car chil dou chastiel se -deffendoient vaillanment. Adonc imaginèrent chil signeur de France que -il couvenoit emplir les fossés pour aprochier de plus priès. Si furent -envoiiet querre et amené tout li honme paisant dou plat pais, et lor -fist on coper baus et mairiens, à porter, à trainer et à chariier et -jeter en ces fossés. Et tant fissent, par la grant diligense que il i -rendirent, que il furent raempli là en cel endroit où il avoient mieuls -l'avantage de l'asallir. Et entrues que on entendi à raemplir ces -fossés, li signeur de France fissent faire et carpenter un chastiel de -bois sus douse roes et tout couvert et garité, ouquel pooient bien deus -cens hommes d'armes et cent arbalestriers. Si fu à force d'onmes chils -chastiaus, pourveus de gens d'armes et d'arbalestriers, amenés assés -priès dou mur; et avoit ou dit chastiel trois estages: ou premier hault -estoient les gens d'armes, ou second les arbalestriers, et ou tierc -estage tout bas, piqetour pour piqueter au mur et tout destruire et -abatre. - -Le jour que li enghiens et li chastiaus fu boutés avant, ot à -Chasto(n)seal trop orible asaut, et moult de honmes mors et bleciés de -ceuls dedens et de ceuls de dehors. Et aleuèrent chil dedens toute lor -artelerie au traire; et par trois fois furent rafresqi chil qui ou -chastiel estoient. Qant messires Milles et messires Walerans veirent -que si continuelment on les assalloit, et que moult de lors honmes -estoient blechiet, et se ne lor apparoit confors de nul costé, il se -doubtèrent que de force il ne fuissent pris; si entrèrent en trettiés -deviers le duch de Normendie à qui on parloit de toutes coses. Trettiés -se porta que il rendirent le chastiel, salve lors vies et lors biens. -Ensi orent li François le chastiel de Chastonseals; si le remparèrent -et rafresquirent de toutes coses. Et fu rendus li dis chastiaus dou -duch de Normendie à mesire Carle de Blois conme hiretiers et dus de -Bretagne. Et puis passèrent oultre et ceminèrent viers Nantes, où li -contes de Montfort se tenoit, qui bien estoit enfourmés de la venue de -ces signeurs de France. Si se pourveoit selonch ce, et avoit envoiiet -sa fenme et un sien jone fil à Vennes, et moustroit bonne ordenance de -li deffendre et garder. Fo 76. - -P. 108, l. 3: Angiers.--_Ms. B 6_: Et depuis ne demoura gaires de temps -que mesire Charles se party de Paris et prist le chemin d'Angiers. Et -vint là après le conte d'Allenchon, le duc de Normendie, le duc de -Bourgogne, le duc de Bourbon, le conte de Tancarville, le connestable -de France, le sire de Coucy, le sire de Carhain, le sire de Suilly et -grant foison de barons de France. Et estoient bien, quant tous furent -venus et asamblé, six mille hommes d'armes et vingt mille d'autres gens -parmy les Geneuois qui estoient desoubz messire Charle Grimaulx et -messire Oste Deoire. Et fut marescaulx de tout l'ost ung très bon et -hardy chevalier qui s'appelloit messire Loys d'Espaigne. Fo 183. - -P. 108, l. 6: trois.--_Mss. A 11 à 14_: quatre. Fo 78. - -P. 108, l. 10: cinq mille.--_Mss. A 15 à 17_: six mille. Fo 81 vo. - -P. 108, l. 11: trois mille.--_Mss. A 1 à 6_: quatre mille. Fo 81. - -P. 108, l. 20: Chastouseal.--_Mss. B 3_: Castouseul. Fo 71 vo.--_Mss. A -1 à 10, 20 à 33_: Chastonseaulx, Chastonseal, Chastonseaul, -Chastonseau. Fo 81.--_Mss. A 11 à 17_: Chantouceaulx, Chantoceaux. Fo -78 vo.--_Mss. A 18, 19_: Chastouseaulx. Fo 81. - - -=§ 148.= P. 110, l. 1: Quant li dus.--_Ms. d'Amiens_: Quant li dus de -Normendie, messires Carlez de Blois et li autre seigneur eurent conquis -le castiel de Castonseaux, si comme vous avés oy, li dus de Normendie, -qui estoit li souverains droit là de tous, le livra tantost à -monseigneur Carlon de Blois, son cousin, comme sien et son hiretaige. -Et y mist li dis messire Carles dedens bon castellain, en qui mout -s'afioit, ung chevalier que on appelloit monseigneur Rasse de -Quinnecamp, et avoecq lui grant fuison de bons compaignons; et là -rafresci de tous poins, de touttez necessités pour mieux garder -l'entrée dou pays, et pour conduire chiaux qui venroient apriès yaux. -Puis se deslogièrent li seigneur et se traissent par deviers Nantes, là -où il tenoient que li comtes de Montfort, lors ennemis, estoit. Si leur -avint que li marescaus de l'ost et leur coureur trouvèrent enmy voie -une bonne ville et grosse, bien fremée de fossés et de palis; et -appell' on ceste ville Quarquafoure, et siet à quatre lieuwes priès de -Nantes. Li marescaux et se routte l'asalirent fierement et durement de -tous costés; et chil de le ville se deffendirent, mès il n'y avoit que -villains. Si furent assés tost desconfi, la ville prise et robée, et -moult de gens dedens mors et ochis, dont che fu pités; et boutèrent le -feu ens, et en fu bien la moitiet arse. Et se logièrent li signeur -ceste nuit là environ, et l'endemain il se deslogièrent et aprochièrent -Nantez; et envoiièrent leurs coureurs devant pour aqueillir le proie, -mès point n'en trouvèrent. Dont vinrent li seigneur li uns apriès -l'autre, par ordonnanches et par connestabliez, devant le chité de -Nantes; et le assiegièrent tout autour, et y tendirent tentez, très et -pavillons et touttes autres mannières de logeis qui en telz oeuvres -appertiennent. - -Or sont logiet à ost, par devant la bonne chité de Nantez, li seigneur -de Franche. Et dedens se tient li comtez de Montfort, messires Hervieus -de Lion, messires Henris de Pennefort, messires Oliviers de Pennefort -et pluiseur chevalier et escuier de Bretaingne qui ont fait feauté ou -dit comte; et la contesse sa femme est à Rennes. Quant li comtes de -Montfort se vit assegiés, il n'en fist mies trop grant compte, car il -se sentoit en bonne chité, forte, bien fremmée et bien pourveuwe de -touttez pourveanches et d'artillerie, et bien amés des bourgois de le -ville. Si ordounna et pria à tous que chacuns se volsist bellement -deduire et acquitter enviers lui, garder le chité et leur honneur, -aller à leur deffenscez as garrittez, enssi que ordonnet estoient, et -point yssir sur chiaux de l'host, car il pooient bien perdre et point -gaegnier. Et disoit ensi li comtes, pour chiaux de Nantes reconforter, -que cilx sièges ne se pooit longement tenir, car il estoit coummenchiéz -trop sus l'ivier. - -Or avint que chils de le ville ne tinrent mies trop bien ses -coummandemens, si comme vous oréz; car il prist vollenté à aucuns -bourgois de Nantez, jones compaignons et armerèz, que de yssir et faire -aucune envaie sur chiaux de l'ost. Et en parlèrent enssamble et se -queillièrent, et furent bien quatre cens d'eslite, et priièrent à -monseigneur Hervi de Lion que il volsist y estre leur cappittainne et -yaux mener; et se Dieux plaisoit, il feroient emprise où il aroient -toutte honneur et prouffit. Messires Hervis, comme bons chevaliers et -qui amoit et queroit lez armes, s'i accorda assés legierement. Et -prissent ariest à issir une ajournée, enssi qu'il fissent, et s'en -vinrent par voies couvertes, car bien connissoient le pays autour de -l'ost. Dont d'aventure il trouvèrent environ trente sommiers, mulés et -ronchins, cargiés de pourveances, qui s'en venoient en l'ost. Si se -ferirent en chiaux qui les menoient, et en tuèrent et navrèrent les -aucuns, et li demorans s'enfui. Si misent ces sommiers à voie pour -amener à sauveté dedens le ville, et leur sambla que trop bien avoient -esploitiet. Li noise et li cris s'esleva en l'ost, et criièrent: «As -armes!» Les trompettez sonnèrent, touttes mannières de gens s'armèrent -et montèrent as cevaux. - -Ceste meysme nuit, avoit fet le gait messires Loeys d'Espaingne à plus -de cinq cens compaignons, et n'estoit point encorres retrait ne partis -de se garde. Quant il entendi le huée, il s'en vint celle part à quoite -d'esperons, bannière desploiiée; et tout li sien le suirent, et -raconssuirent chiaux de Nantez assés priès de le ville. Là y eut bon -puigneis. Quant messires Hervis de Lions et chilz de Nantes veirent -qu'il estoient si poursui, il se misent entre les sommiers et leurs -ennemis, et les fissent de forche cachier ens ès portes pour sauver, et -aucuns cars ossi, qu'il en menoient cargiés de vins et de farinez, -desteller; et les cevaux cachier en le ville, et tout adiès se -combatoient. Là ot ung dur rencontre et très forte meslée, car chil de -l'ost mouteplioient toudis, qui estoient fresch et nouviel. Là couvint -monseigneur Hervi de Lion faire maintez appertises d'armez, car -vollentiers il ewist sauvés tous les siens, s'il pewist; mès si grant -force leur sourvint que à grant meschief rentra il en le ville et se -sauva; et pour le doubte que cil de l'ost ne efforçaissent le porte et -entraissent en le cité, il fist le restiel avaller. Si en y eut bien le -moitiet et plus de leurs gens enclos par dehors, qui y souffrirent -grant meschief, car il furent tout pris ou tout mort, et menés as -logeis comme prisonniers devers le duch de Normendie et monsigneur -Carlon de Blois, qui en eurent grant joie. Et chil dedens se retrairent -au mieux qu'il peurent, qui trop plus avoient perdut que gaegniet, et -regretoient leurs frèrez et leurs amis mors et pris. - -Li comtez de Montfort, qui estoit ens ou castiel de Nantes, s'arma et -fist armer sez gens seloncq ce que on li avoit recordé que dehors le -porte il y avoit grant hustin. Si y venoit en ceste entente que pour -yaulx aidier, s'il pewist; mès quant il parvint là, la besoingne -estoit jà toutte passée. Et encontra monseigneur Hervi de Lion, si ques -tous courouciés et voiant le peuple, il l'aqueilli au tenchier et li -dist: «Messire Hervy, messire Hervy, vous estes trop bons chevaliers de -le moitiet. Je me fuisse bien maintenant passés à mains de vo proèce; -et encorrez sus vo folle emprisse, se vous ne vous fuissiés si tost -retrès, chil qui sont demouret là hors, ewissent estet bien venus à -sauveté.» De ces parolles fu messires Hervis tous honteux et -virgongneus, et passa oultre et parla mout peu, et ce qu'il respondi, -il dist: «Sire, plus sages et plus preux chevalierz que je ne soie, a -bien mespris en plus grant affaire. Dieux nous gard de plus grant -dammaige!» Ensi se retrai chacun en son hostel, car li comtez vit bien -que li issir ne li pooit porter nul prouffit, mès damage. Depuis ceste -avenue, priès que tous les jours, chil de l'ost, Geneuois et -saudoiiers, venoient escarmuchier as portez et as barrièrez, et -faisoient sur chiaux de d'ens mainte appertise d'armes. Et lanchoient -et traioient li ung à l'autre; et en y avoit souvent des navrés de -chiaux de d'ens et de chiaux de hors. Fo 59. - -_Ms. de Rome_: Sus le cemin de Nantes trouvèrent li François une bonne -ville et grose fremée de fossés et de palis tant seullement, et est -nonmée Quarquefoure. Li marescal de l'oost et chil de l'avant garde, -qant il furent venu devant, l'asallirent fortement. Ichil de dedens -estoient gens de petite deffense et foiblement armés; si ne porent -durer contre ces arbalestriers geneuois et ces gens d'armes. Si fu la -ville conquise et toute robée, et plus de la moitié arse, et toutes -gens que on pot ataindre, mis à l'espée, dont ce fu pités. - -Li signeur logièrent celle nuit là environ; et à l'endemain il -s'ordonnèrent pour venir devant la chité de Nantes, car il n'i a de -Quarquefoure que quatre lieues. Et envoiièrent premierement l'avant -garde courir devant Nantes et ordonner où li signeur se logeroient. Si -se logièrent chil de l'avant garde. Et puis vinrent li dus de Normendie -et tout li signeur et le charoi. Et se logièrent tout en bonne -ordenance, et fissent tendre tentes, trefs et pavillons. - -La chité de Nantes est grande, et la rivière de Loire qui court parmi, -moult large. Se ne le porent pas li signeur de France toute environner, -car trop i faudroit de peuple qui vodroit ce faire. Et se chil de -dedens se fuissent tenu tous jours enclos en lor ville sans point -issir, et entendu as escarmuces tant seullement, et à deffendre lors -barrières, il ne lor couvenoit aultre cose; et euissent là tenu les -signeurs de France tout le temps. Car il avoient la rivière pour euls, -laquelle on ne lor pooit oster, et si estoient bien pourveu de toutes -coses que il lor besongnoit; mais orgoels et outrequidance les dechut, -ensi que je vous dirai. - -Messires Hervis de Lion, qui fu assés chevalereus et estoit tous li -consauls dou conte, chevauça une matinée et issi hors de Nantes à tout -deus cens armeures de fier, car dou soir il avoient en lor ville -requelliet une espie qui lor avoit dit que quinse sonmiers cargiés de -pourveances venoient en l'oost, et lor avoit ensengniet le cemin que il -tenoient, et n'estoient conduit que de euls soissante lances. Pour quoi -messires Hervis de Lion, pour porter à ceuls de l'oost contraire et -damage, esmeut les compagnons saudoiiers et auquns jones honmes -bourgois de Nantes. Et sallirent hors à une ajournée par la posterne de -Ricebourc et se missent sus les camps, et cevauchièrent à la couverte, -ensi que li varlès les avoit ensengniet. Et trouvèrent sus un viés -chemin et encontrèrent ce charoi et ces sonmiers et ceuls qui les -conduisoient, qui estoient tout pesant et sonmilleus, car il avoient la -nuit moult petit dormit. Chil deus cens de la route et compagnie -messire Hervi de Lion furent tantos au desus de ce charoi et de ces -sonmiers et de ceuls qui les conduisoient. Et en i ot que mors que -bleciés plus de la moitié; et li demorrans fui en voies deviers l'ost -en faisant grant noise. Encores estoient chil dou gait de la nuit sur -les camps; si s'adrechièrent celle part où la noise estoit et li debas, -et aussi li hoos se conmença fort à estourmir. - -Qant mesires Hervis de Lion et ses gens veirent venir l'effort, si se -retraissent fort viers la chité et deviers la porte, et cachièrent lor -proie dedens. Et fuissent bien rentré dedens et à petit de damage, se -il vosissent; mais orgoels et outrequidance les amonesta de demorer et -faire armes. Et tant se moutepliièrent li hustin que chil de l'oost les -sourmontèrent, et en abatirent et mehagnièrent biaucop et prissent au -voloir rentrer en la ville. Et fu la porte sus le point de estre -gaegnie des François, et couvint priès estre armé tous ceuls de la -ville pour euls bouter hors. Et là fu très bons chevaliers messire -Hervi de Lion, et moult i fist de grandes et de belles apertises -d'armes. Toutes fois, par bien combatre et par l'effort qui i sourvint -de la chité, li François furent requlé, et la porte reclose, et li pons -levés, et la grignour partie de la proie conquise. Mès trop lor cousta -et par especial des bourgois de la ville, car il en i ot grant fuisson -de mors et de pris et de bleciés: dont li père et li frère et li -linages de ceuls en furent durement courouchiet. Et disoient li auqun -en derrière que ce avoit esté une issue sans raison et hors de -ordenance, car il n'avoient en Nantes aultre cose à faire que de garder -lor vile. - -Li contes de Montfort, qui estoit en son hostel, ne sçavoit au matin, -qant il fu levés, encores riens de ceste avenue. Et qant il en fu -enfourmés, et il oy les complaintes de ses honmes et des bourgois de la -ville, conment il avoient perdu lors fils, lors frères et lors amis et -par celle escarmuce, laquelle à la vois de ceuls de Nantes avoit esté -faite sans raison, si en fu durement courouchiés. Et qant messires -Hervis de Lion vint en sa presence, il l'en blama et reprist aigrement -de crueuses paroles, et tant que messires Hervis s'en merancolia et -prist les paroles en grant virgongne et desplaisance. Et pour ce que li -contes li dist si generaulement devant tous ceuls qui le porent oïr, se -retraist li dis mesire Hervi de Lion en son hostel en la ville, et -laissa le conte en son chastiel, sans plus aler viers lui. Fos 76 vo et -77. - -P. 110, l. 19: Quarquefoure.--_Mss. B 3, A 7 à 10, 15 à 17, 23 à 29_: -Quarquefore, Quarquefoure, Carquefoure. Fo 72.--_Mss. A 1 à 6, 18 à -22_: Quanquefore, Quaquefore. Fo 81 vo.--_Mss. A 11 à 14_: Carrefours. -Fo 79.--_Mss. A 23 à 29_: Carquefo. Fo 147. - -P. 111, l. 9: aucun des saudoiiers.--_Ms. B 6_: Or advint que mesire -(Hervy[406] de Lion), qui moult desiroit les armes, yssy hors une -matinée à tout deux cens compaignons des plus soufisans. Fo 184. - - [406] On lit dans le ms. B 6 «Henry.» Mauvaise leçon. - -P. 111, l. 11: quinze.--_Mss. A 11 à 14_: dix huit. Fo 79. - -P. 112, l. 15: deux cens.--_Ms. B 6_: six vingt par une autre embusque -que messire Loys d'Espaingne leur fist. Fo 185. - -P. 112, l. 18: blasma.--_Ms. B 6_: et luy dist que il s'en peuist bien -estre passés d'avoir fait celle yssue, et qu'il estoit trop bon -chevalier de par le diable. Fo 185. - - -=§ 149.= P. 112, l. 26: Or avint.--_Ms. d'Amiens_: Che siège durant -devant Nantez, qui grans et plentiveus estoit pour ciaux de hors et -cremeteus pour ciaux de d'ens, car il n'estoient tout mies bien -d'acord, mès à grant soussi et anoy, aucuns bourgois de le cité veoient -leurs biens destruire et amenrir dedens et dehors, et avoient lors -enfans et lors amis emprisonnés et doubtoient encorrez que pis ne leur -avenist: si s'avisèrent et parlèrent enssamble tout quoiement et -secretement. Et eurent d'accord entr'iaux ly plus sainne partie de -traitier à ces signeurs de Franche couvertement, par quoy il peuissent -avoir pès et ravoir leur enfans et amis quittes, qui estoient -emprisonnés. Touttes fois il achievèrent leurs tretiés et acordèrent et -proummisent que, sus ung jour qui ordonnéz estoit, il lairoient une -porte ouverte qui nommée y fu; et poroient chil de l'ost paisivlement -entrer en le cité et aller au castiel et prendre le comte de Montfort, -affin que nulx ne nulle de le dite cité n'y devoient mettre corps, ne -vie, ne membre, ne riens dou leur, et devoient sains et sauf et tous -quittez ravoir leurs amis. - -Enssi fu il acordé et confremmé de chiaux de l'host, et à le droite -heure ordonnée, li porte ouverte. Et entrèrent li signeur et chil qui -veurent avoec yaux, dedens Nantes, et allèrent droit au castiel là où -li comtez de Montfort se tenoit et dormoit encorrez, car il estoit bien -matin; et brisièrent lez huis, et le prissent et aucuns de ses -chevaliers. Et fu messires Hervis de Lion pris ossi; mès messires -Henris de Pennefort et messires Oliviers, ses frèrez, et messires Ives -de Tigri se sauvèrent, car il dormoient dedens le chité: si leur fu -nonchiet, et montèrent tantost à cheval et se sauvèrent. Et li comtez -de Montfort fu pris, si comme vous avés oy; et l'amenèrent li signeur -hors de la chité en leur tentez, et en eurent grant joie. De se prisse -fu adonc durement retés messires Hervis de Lion, et dou tretiet des -bourgois de le ville, car il prist les parollez que li comtez li avoit -dittes, en si grant despit que oncquez puis il ne veult y estre à nul -consseil que li contes ewist affaire. Si ne sai je pas se ce fu à cause -ou sans raison. Je n'en voroie mies parler trop avant, mès touttesvoies -li famme fu adonc telx entre pluisseurs gens, si comme je vous ay -recordet chy devant. Et che y parfist le souppechon, car toudis depuis -il fu de l'accord monseigneur Carlon de Blois, et li fist feaulté et -hoummaige si comme à son signeur, et le recongnut à ducq et à droit -hiretier de Bretaingne de par madamme sa femme. - -Quant li dus de Normendie vit le comte de Montfort devant lui, si en ot -grant joie; et ossi eut messires Carlez de Bloix, car vis leur fu que -la guerre en estoit pour yaux plus belle. Si se conseillièrent -entr'iaux comment il s'en maintenroient, et eurent advis que il -l'envoieroient à Paris deviers le roy de France, qui vollentiers le -verroit. Si en cargièrent monseigneur Loeis d'Espaingne et monseigneur -de Montmorensi, le seigneur d'Estouteville, messire Grimouton de -Camb(l)i. Et le prisent chil seigneur en leur conduit à bien deux cens -lanches pour amener plus sceurement, et cevaucièrent tant par leurs -journées qu'il vinrent à Paris. Si trouvèrent le roy Phelippe qui jà -estoit enfourméz de toutte ceste aventure et de la prise dou dit comte. -Si l'amenèrent li dessus dit chevalier au roy et li representèrent de -par le duc de Normendie, son fil, et monseigneur Carlon de Blois, son -nepveult. Li rois rechupt che present à joie, et dist en regardant sus -le comte qui mout estoit honteux et abaubis: «Comtez, comtez de -Montfort, viéz pechiéz fait nouvelle virgoingne. Et pour ce que à tort -et à pechié vous estez entréz en le saisinne de Bretaingne, où point de -droit vous n'avés, estez vous de droit encombréz; car, se nul droit -vous y euissiéz, vous ewissiéz atendu le jugement des pers de Franche. -Vous vos emblastez de my et sans congiet, et sus me deffensce vous -partesistes, et par orgoeil contre my vous vos estez tenus et portés. -Si en vauront vos besongnes le mains, car jammais de mes mains ne -partirés, se pis ne recevés. Si ne vous ferai je nul tort, mès vous -deduirai par le jugement et avis de mes hommes.» Adonc coummanda li -roys que on le mesist au castiel du Louvre. Là fu li comtez de Montfort -menés et emprisonnés, et très fort et songneusement gardés. Et sachiés -que ly roys eut depuis sur lui mainte penssée pour lui faire morir; et -l'ewist fait, si comme on dist, se n'ewist estet li comtez Loeys de -Flandrez ses serourges, qui pluiseurs fois en pria le roy mout -humblement, à laquelle priière li roys s'en souffri, et le tint -emprisonné tant qu'il vesqui. - -Or revenrons as seigneurs de Franche qui ont bien coummenchiet à -esploitier leur voiaige, car il ont pris le chief de leurs ennemis et -le souverainne chité de Bretaingne, dont il se sont mis en possession. -Et ont tout li bourgois de Nantes juret et fait feaulté et hoummaige à -monseigneur Carlon de Blois, et l'ont recongnut à duc et à signeur; et -entra de premiers dedens Nantez à grant pourcession, adestrés et -acostéz de monseigneur d'Alençon, son oncle, et dou duc de Normendie, -son cousin. - -Apriès ce que li dus de Normendie et li seigneur de Franche eurent -pris le saisinne et la possession de Nantes et reconquis sus le comte -de Montfort, en l'an de grace Nostre Seigneur mil trois cens quarante -et un, le vingtième jour de octembre, il se tinrent en le ditte cité -depuis une espace; et eurent avis et consseil comment il se -parmaintenroient. Finablement il se consseillièrent li ung par l'autre, -pour che que li yviers aprochoit et que il faisoit dur et crut et froit -hostoiier, il se partiroient et donroient leurs gens congiet; et se -retrairoient en France jusques à l'estet qu'il revenroient aidier à -monseigneur Charlon de Blois à reconcquerre le remanant; et le -lairoient cest yvier guerriier par ses fortrèches. Dont tantost apriès -le feste de le Toussaint, il se partirent de le cité de Nantes et de -monseigneur Carlon de Blois, sus l'estat que je vous ai dit; et s'en -retournèrent en Franche et en leurs nations, et chacuns en son lieu. Et -messires Carlez de Blois se tint en Nantes en grant reviel, o lui -madamme sa femme. Si fist pourveir ses garnisons et appareillier -enghiens et espringallez et touttes mannièrez d'estrumens, pour -assaillir à l'estet villes et fortrèces rebellez à lui. Or me tairay de -monseigneur Carlon de Blois et parleray de le comtesse de Montfort et -de ses ordonnances, qui fu damme de grant emprise, et bien eut coer -d'omme et de lion. Fos 59 vo et 60. - -_Ms. de Rome_: Or avint que, trois jours apriès ce que ceste avenue de -la porte des bourgois et des saudoiiers de Nantes fust avenue, uns -grans meschiés sourvint au conte de Montfort; et orent les honmes de la -ville trettiés secrès et couvers au duch de Normendie et as signeurs de -France, tels que je vous dirai. Il laissièrent une matinée la posterne -que on dist de Sauve tout ouverte, et par là entrèrent grant fuisson de -gens d'armes dedens la chité sans contredit; et ne fissent onques mal à -honme ne à fenme de la ville, ne à mesire Hervi de Lion ne à sa -famille. Et alèrent ces gens d'armes au chastiel dou conte, et -rompirent les portes et entrèrent dedens; et trouvèrent le conte de -Montfort en sa cambre qui se armoit. Il le prissent en cel estat. Et -l'enmenèrent quatre chevalier de France en la tente dou duch de -Normendie, liquels fu moult resjois (de) celle prise et li dist: -«Contes de Montfort, vous nous avés fait painne. Il vous faudra, -voelliés ou non, retourner à Paris, et oïr la sentense qui a esté -rendue et donnée sur vous.»--«Monsigneur, respondi li contes, ce poise -moi. Je me confioie en ma gent, et il m'ont trahi.» Là fu li contes -pris et menés d'autre part, et livrés en bonnes gardes de vaillans -honmes, chevaliers et esquiers, et moult proçains de linage à mesire -Carle de Blois. - -Tout ce fait, li dus de Normendie et tout li signeur de France -entrèrent dedens Nantes à grant solempnité et à grant fuisson de -tronpes, de tronpètes et de claronchiaus et descendirent ensi au -palais, et là tinrent li signeur lor estat. Et fu messires Hervis de -Lion delivrés de prison et devint homs à mesire Carle de Blois, et li -jura foi et loiauté à tenir de ce jour en avant; et on n'i vei onques -depuis le contraire. Et furent delivré tout chil qui prisonnier -estoient. Et par ces apparans doit on bien supposer que la chité de -Nantes et li di(s) messires Hervi furent en trettié deviers le duch de -Normendie et les signeurs de France. Ce fu la nuit de une Tousains que -on compta l'an de grasce mille trois cens quarante et un. Et le jour de -la Tousains tint li dus de Normendie court plenière de tous les -signeurs ens ou chastiel de Nantes, et là rendi li dis dus à mesire -Carle de Blois la chité de Nantes. Et le rechurent à duch et à signeur -tout li bourgois de la ville et li fissent feaulté et honmage, et tout -li baron et chevalier de là environ, mesires de Cliçon, li sires -d'Ansenis, li sires de Biaumanoir, li sires de Malatrait et bien -quarante cevaliers de Bretagne, qui tout furent à la feste ce jour de -la Toussains. Et durèrent les festes en Nantes quatre jours. Et encores -venoient tout dis chevaliers et esquiers fievés, dames et damoiselles -fievées, qui relevoient lors hiretages à mesire Carle de Blois, et le -tenoient à signeur et le nonmoient duch. Mais encores demoroient grant -fuisson de chités, de villes et de chastiaus et de signouries qui -tenoient le fait contraire, et le tinrent tout dis à l'encontre de -messire Carle de Blois; car li dus de Normendie et la poissance de -France se departirent trop tos de Nantes et dou pais. Car se il se -fuissent là ivernet, et euissent laissiet lors gens couvenir, et -cevauchiet sur le pais, il euissent petit à petit raquis le pais, et -osté le coers et les opinions de ceuls et de celles qui tenoient à -bonne la querelle au comte de Montfort. Et pour ce que riens n'en fu -fait, s'eslevèrent les gerres en Bretagne par le confort et aide que li -rois d'Engleterre fist à ceuls et à celles qui tenoient la partie dou -conte de Montfort, et qui s'estoient aloiiet et acouvenenchiet à li, et -se tenoient pour tout enfourmé et certefiiet que sa querelle estoit -bonne, pour tant que li dis contes avoit esté frères dou duch de -Bretagne. - -Qant li dus de Normendie et li signeur se furent tenu à Nantes jusques -as octaves de la Saint Martin que li iviers venoit, si eurent consel -que il retourneroient en France, car il n'estoit nul apparant que chil -de Bretagne se vosissent mettre ensamble, ne faire gerre, mais se -tenoient en lors garnisons. En ce sejour que li signeur fissent en -Nantes, escripsi mesires Carles de Blois, conme dus de Bretagne, à -ceuls de la chité de Rennes, de Vennes, de Camperlé, de Camper -Correntin, de Hainbon, de Lambale, de Ghinghant, de Dignant, de Dol, de -Saint Mahieu, de Saint Malo et de toutes les marces et limitations de -Bretagne, que il se vosissent traire viers Nantes et venir à obeisance -et faire ce que tenu estoient. Li auqun i venoient, et li aultre non, -et disoient et rescripsoient à mesire Carle de Blois que point -n'estoient consilliet de ce faire, car la comtesse de Montfort, qui -bien avoit coer d'onme et de lion, aloit trop fort au devant et avoit -un petit fil de l'eage de sept ans, que on nonmoit Jehan, moult biel -enfant; et au jour que son mari fu pris par la condicion et manière que -dit vous ai, elle estoit à Vennes et ou chastiel que on dist la Mote. -Ceste contesse prist le frain à dens et ne fu noient esbahie, et manda -tantos chevaliers et esquiers et ceuls dont elle pensoit à estre amée, -aidie et servie. Et quant il furent venu, elle lor remoustra en plorant -la fraude, la traison et mauvesté, ensi conme elle disoit, que on avoit -fait à son mari, et puis reprendoit ses paroles sus tel fourme en -disant: «Biau signeur et bonnes gens, je compte monsigneur pour mort, -mais vechi son fil, son hiretier et vostre signeur, qui vous est -demorés et qui vous fera encores biaucop de biens. Se li voelliés estre -bon et loial, ensi que toutes bonnes gens doient estre à lor signeur, -et je vous serai bonne dame et courtoise, et querrai à mon fil, vostre -signeur, bon manbourc, pour aidier à soustenir, à deffendre et à garder -nostre droit et son hiretage. Si vous pri cierement, conme une dame -vève et orfène de mari, que vous aiiés pité de moi et de l'enfant, et -li tenés foi et loiauté et à moi aussi, ensi que vous avés fait jusques -à chi à son père et mon mari.» - -Là avoient toutes gens, barons, chevaliers et esquiers qui tenoient sa -partie, grant pité de la dame et de l'enfant, et le reconfortoient et -disoient: «Dame, ne vous esbahissiés en riens: nous demorrons dalés -vous, puis que obligiet et acouvenenchiet i sonmes, tant que nous -auerons les vies ou corps.» Et elle leur disoit: «Grans merchis.» Et -ensi la contesse de Montfort, à plus de cinq cens lanches, chevauça de -forterèce (en forterèce) sitos que les nouvelles li vinrent de la -prise à son mari, et rafresqui chités, villes et chastiaus, et fist -toutes ses besongnes bonnes. - -Qant chil signeur de France se deubrent departir de mesire Carle de -Blois, il li consillièrent que il se tenist en la chité de Nantes, et -fesist l'ivier tout bellement ses provisions, et laisast couvenir ses -gens et guerriier des garnisons; et qant le temps d'esté retourneroit, -se il li besongnoit, il retourneroient aussi. Et disoient que il estoit -au desus de ses besongnes, puis que il estoit sires de Nantes et de la -plus sainne partie de Bretagne, et que li contes de Montfort ne li -porteroit jamès contraire. Messires Carles de Blois s'enclinoit assés à -tout ce que il li disoient. Et demorèrent dalés lui auquns vaillans -honmes de son linage pour li aidier à consillier. Et puis retournèrent -li dus de Normendie et tout li signeur en France, et s'en ala casquns -en son lieu. Mais qant li rois Phelippes vei le present que li dus de -Normendie li fist dou conte de Montfort, il en fu trop grandement -resjois. Et fu li contes moult fort ranprouvés de ce que il estoit -partis de Paris sans congiet. Li contes qui se veoit pris, ne savoit -que dire, mais s'umelioit dou plus que il pooit, et n'esperoit pas à -jamais estre delivrés de ce dangier. Et son esperance fu veritable, car -on l'envoia en prison ens ou chastiel dou Louvre. Et furent misses sus -li bonnes gardes, liquel avoient gages et pension toutes les -sepmainnes, pour lui garder de jour et de nuit, et en estoient bien -paiiet. Ensi demora li contes de Montfort en ce dangier et en la prison -dou Louvre, et tant i fu que il i morut. Fos 77 et 78. - -P. 113, l. 14: prisent.--_Ms. B 6_: en l'ostel où le conte de Montfort -dormoit. Fo 185. - -P. 114, l. 20 et 21: livrèrent,--_Ms. B 6_: l'envoièrent (le comte de -Montfort) à Paris à deux cens lances. Fo 186. - -P. 114, l. 22: emprisonner.--_Ms. B 6_: et n'en volsist pas avoir cent -mille florins. Fo 186. - - -=§ 150.= P. 114, l. 26: Or voel.--_Ms. B 6_: Quant messires Charles de -Blois et les signeurs qui là estoient virent que le conte de Montfort -estoit prins et qu'il estoit seigneur de Nantes, sy eurent consail de -retourner en France, car il estoient là à grant frait. Sy dirent ensy -le conte d'Alenchon et le duc de Normendie à mesire Charles de Blois: -«Bieau cousin, vous demor(r)és en che pais, et vous lairons mesire -Louis d'Espaigne et une autre partie de ches gens d'armes. Et nous -retournerons en France, car nous creons assés, puisque nous tenons le -conte de Montfort, que vostre guerre est finée. Il n'est nulz de par -luy que il doient gherrier; et se guerre vous sourvient, fust -d'Angleterre ou d'ailleurs, nous vous ve(n)rons secourir, car nous ne -sommes pas loing.» - -De ches parolles se tint grandement content le dit mesire Charles et -les en remerchia. Adonc prirent congié à lui et à madamme sa femme, qui -s'apelloit ducesse de Bretaigne, et retournèrent tous en France en son -pais. Ensy demoura le conte de Monfort en dangier. Et mesire Charles de -Blois et sa femme se tinrent toute celle saison en la cité de Nantes. -Sy vinrent pluiseurs chevaliers et barons de Bretaigne faire hommage au -dit mesire Charles et le tingrent à seigneur de par madame sa femme, -telz que le visconte de Rohem, le sire de Clichon, le sire de -Biaumanoir, le sire d'Ansenis, le sire d'Avaugor, le sire de Malatrait, -le sire de Gargolle, le sire de Cintin, le sire de Lion, mesire Charle -(de) Dignant, le sire de Crais, le sire de Rieus et pluiseurs autres -barons et chevaliers. - -Et aussi en demoura aulcuns du costé de la contesse de Monfort qui se -tenoient à Hainbon: de laquelle damme je vous voel ung petit parler -pour le grant confort dont elle fut plainne, car elle avoit cuer d'omme -et de lion. Quant elle vey que ses sires estoit prins et en mains de -ses ennemis, dont elle pensoit mieulx que on le feroit morir que autre -chose, elle prinst ung jone valleton que elle avoit à fil, que on -appelloit Jehan ensy que son père. Et chevauça de forteresse en -forteresse en toutes celles qui se tenoient pour luy, en remoustrant as -chevaliers et escuiers et as bourgois des chités et bonnes villes son -jone fil. Et leur dist par très bieau langaige: «Mes amis, mes bonnes -gens, veschy vostre droit hiretier et seigneur qui vous fera les grans -dons. Se je ay perdu monseigneur par traison, veschy son restor, mon -fil et le sien. Ne vous desconfortés ne esbahyssiés point pour ce, car -encores ferons nous bonne gherre, car j'ay or et argent assés pour vous -en tant donner que bien vous devera souffir. Et sy cueuray à mon fil -ung tel mainbour pour vous aydier à garder contre tous vos anemis.» -Ensy ala la dite contesse de plache en plache, et en renouvelant -hommaige et priant à ses gens que ilz se volsissent bien acquiter en -tous estas et tenir le serment que juret avoient, et elle leur seroit -bonne damme. Et tous ly eurent en convent. - -Quant elle ot ensy fait, elle se party de Hainbon et monta en mer à -privée maisnie et laissa son fil en la garde de monseigneur Henry de -Pennefort et de Olivier son frère. Et fist tant que elle vint en -Engleterre devers le roy, qui le rechut liement et qui le reconforta de -toutes ses besoignes et qui luy dist et promist seurement que elle -aroit temprement tel confort que pour resister à ses ennemis. Sur che -retourna la contesse et vint en Hainbon et en fist sa souveraine -garnison, car c'est une des forte(s) villes de Bretaigne. - -En che temps courut aultres nouvelles au roy d'Engleterre dont il ne se -donnoit garde. Et pour quoy le confort de la dame fu grandement -arrierés, et ne l'eut mie sy tost qu'elle cuida avoir: le cause pour -coy, je le vous diray. Fos 186 vo à 189. - -P. 115, l. 1 et 2: prison.--_Ms. d'Amiens_: tant sentoit le roy de -France hastieu. Fo 60. - -P. 115, l. 12: assés.--_Ms. d'Amiens_: Et jou ay, Dieu merchy, de -l'avoir en partie: si vous en donray fuison et vollentiers, car, pour -vous donner et departir l'avons nous, monseigneur et moy, dou tamps -passet, mis arière. Fo 60. - -P. 115, l. 27: atant.--_Ms. d'Amiens_: Or me tairai atant de lui et des -guerres de Bretaingne. Quant tamps et lieus venra, je m'y retrairai. -Non pourquant il besongneroit bien que j'en parlaisse toudis, car les -guerres y furent si fortes et si caudes que point de sejour ne -prissent, enssi comme vous orés avant en l'istoire. Mès ossi il -appertient bien que je fache mention dou roy englès et des Escos, dont -je me sui ung grant temps teus, et comment il gueriièrent l'un l'autre -en ceste meysme saison, dont j'ay chy dessus parlet et que li comtes de -Montfort chevauça à main armée parmy Bretaingne et prist villes, -chitéz, castiaux et autres fortrèches, si comme vous avés oy. Fo 60 vo. - -P. 115, l. 30: Tournay.--_Ms. de Rome_: Or vous voel je parler et -recorder de la contesse de Montfort conment elle se ordonna et -persevera. Elle qui ot tousjours corage de honme et de lion, ne -s'esbahi noient, mais ordonna et entendi à ses besongnes mettre en bon -point. Et pour ce que elle sentoit bien que le premier siège que ses -adversaires messires Carles de Blois et li François feroient, il seroit -devant Rennes, si fist entendre à pourveir la ditte chité de tous poins -et à rafresqir, et i establi à chapitainne un vaillant chevalier et de -bon consel et segur honme, et qui moult avoit amé son mari et li, que -on nommoit messire Guillaume de Quadudal, breton bretonnant; et ensi -pourvei toutes les aultres forterèces de gens d'armes et -d'arbalestriers, et se consilla à mesire Amauri de Cliçon, que elle -tenoit tousjours dalés lui, se elle envoieroit en Engleterre au -seqours. Li chevaliers respondi à celle parole et dist que il n'estoit -encores nulle besongne, et que elle n'avoit que faire de travillier le -roi d'Engleterre ne les Englois, jusques à tant que elle seroit plus -constrainte que elle n'estoit, et que tous les jours sus heure, on -pooit aler de Bretagne en Engleterre, car encores avoit elle cel -avantage que li pors et les havenes de Bretagne estoient pour lui. Si -demora la cose en cel estat; et n'avinrent tout cel ivier nuls fais -d'armes en Bretagne, qui à recorder facent. Fo 78. - - -=§ 151.= P. 116, l. 1: Vous avés.--_Ms. d'Amiens_: Il vous est bien -recordé chy devant comment li Escot, qui gardiien estoient dou roiame -d'Escoche de par le roy David, leur seigneur, qui se tenoit en Franche -dalléz le roy Phelipe, telz que messires Guillaumme de Douglas, neveuz -au bon monseigneur Guillaumme de Douglas qui mourut en Espaigne, li -jones comtez de Moret, messires Robers de Versi, messires Simons -Fresel, Alixandres de Ramesay, le siège durant devant Tournay, fissent -une queilloite de gens d'armes et reprissent le fort castiel de -Haindebourch, le ville de Saint Jehan que li Englès tenoient, -Donfremelin, Dalquest, Dondieu, le ville de Saint Andrieu, Dombare, -Scotewest et touttes les fortrèches que li Englès avoient concquis en -Escoce, excepté le bonne et forte chité de Bervich, le bon castel de -Rosebourch et le fort castiel de Strumelin. Et encorrez avoient il -chevauchiet bien avant en Norhombrelande et ars en Engleterre bien deux -journées de pays; et à leur retour, il avoient assiegiet le fort -castiel de Rosebourch et mout entendoient au concquester. Or avint que -li roys englèz, apriès le siège de Tournay et les trieuwes acordées, si -comme vous avés oy, rapassa le mer. Se li fu recordet comment li Escot -avoient revelet en Escoche et reconcquis auques priès tout le pays sour -yaux conquis, et se tenoient à siège devant Rosebourch et moult le -constraindoient, et avoient ars en Norhombrelande bien deux journées de -pays. Quant li roys englès oy ces nouvelles, se ne li pleurent mies -trop, et eult consseil que sans tourner aultre chemin il se trairoit -sus Escoche et yroit lever le siège de devant Rosebourch, et -combateroit les Escos s'il l'atendoient, si ques, si trestos comme il -fu arivés à Douvrez, il fist coummandement que touttes mannièrez de -gens se trayssent deviers Yorch c'on dist Ewruich. Là fu ses especials -mandemens: dont s'aroutèrent et ordonnèrent li Englès, et prisent le -chemin qui commandé leur fu. - -Tant esploitièrent li Englès, comtez, barons et chevaliers et touttez -mannierres d'autres gens, et li roys englès avoecq yaux, qu'il vinrent -en le cité de Ewruich, et là se reposèrent et rafrescirent par trois -jours. Au quatrime jour, li roys se parti, et tout le sieuwirent. Si -ceminèrent deviers le Noef Castiel sour Tin et esploitièrent tant qu'il -y parvinrent. Li roys englès se loga en le ville, et touttes ses gens -environ, car il ne se pewissent tout dedens logier. Si ne fist li roys -là point loing sejour, mès parti et prist le chemin deviers Escoche et -le voie droit vers Urcol. Si est bonne ville et biaus castiaux de -l'hiretiage le signeur de Perssi, seans à une journée priès de -Rosebourch. Quant li seigneur d'Escoce, qui devant le castel de -Rosebourch seoient, entendirent de verité que li roys englès venoit -celle part et bien si fort que pour yaux lever dou siège, et que -nullement il ne poroient resister contre li, si se conssillièrent et -advisèrent li ung par l'autre que le milleur et le plus honnerable pour -yaux estoit que de point attendre, tant qu'à ceste fois, la venue dou -roy englès, et que il se retrairoient tout bellement deviers le forest -de Gedours: se il estoient parvenut jusques à là, il seroient assés -fortefiiet contre les Englès. Dont se deslogièrent il une matinée et -toursèrent tout ce que mener en peurent; et puis boutèrent le feu en -leurs logeis, afin que li Englès n'en ewissent aise. Si prisent le -chemin deviers les forests, ensi que de jadis acoustummet avoient. - -Les nouvellez vinrent moult tost au roy englèz que li Escot estoient -parti et avoient laissiet Rosebourch. Dont coummanda li roys as -marescaux que on fesist chevauchier et haster les mieux montés, car il -volloit sieuwir et rataindre ses ennemis. Si chevaucièrent tout devant -en grant qoite, de gens d'eslite environ cinq cens lanches, et deux -mille archiers, ables et appers compaignons. Toutte li grans os lez -sieuwoit dou plus priès qu'il pooient. Tant cevaucièrent cil coureur, -et si s'esploitièrent par esclos et par froyais qu'ilx vinrent sus une -montagne en Escoche, que on appelle les mons de Getteles. Et li Escot -estoient desoubs ou plain et logiet sus une belle rivierre qui nest des -forests de Gedours et passe au piet de ceste montagne; et appelle on la -ditte rivierre Orbe, et va ferir desoubz Dondieu en le mer. Quant li -Englès virent les Escochois logiés ens ou plain, si n'eurent mies -vollenté de partir de leur fort, mès se logièrent là sus le montaingne, -et envoiièrent nonchier au roy englès toutte leur aventure. Et de ce -eut li roys grant joie et manda à ses marescaux qu'il se tenissent là -tant qu'il y seroit venus, ou qu'il aroient certainnes nouvelles de -lui. Bien veirent li Escot les Englès là sus en le montaingne, mès il -n'en fissent mies trop grant compte. Si escargaitièrent il celle nuit -leur host, et l'endemain il montèrent tout à cheval et se partirent. -Bien virent li Englès leur departement, mès il ne s'osoient bougier -pour deux raisons: li une estoit pour ce que li rois leur avoit mandet -que il l'atendesissent, et li autre estoit que il se doubtoient que li -Escot ne se fuissent parti de leur place pour yaux jus atraire. - -Enssi demourèrent li Englès sus le ditte montaingne jusques à heure de -tierce, que li roys vint et toutte li os; et montèrent au miex qu'il -peurent, car il ne pooient bonnement passer par ailleurs, non se il se -volloient trop fourvoiier. Et quant li roys fu tantost montés, il fist -ses marescaux descendre et chiaux qui avoient pris en cache les Escos; -et il disna là et toutte sen ost, horsmis lez premiers, et puis -descendi apriès nonne et sieuwi ses gens, qui ce propre soir se -logièrent assés priés des Escos. L'endemain li Escot chevaucièrent, et -environ heure de nonne il vinrent sus les foriès de Gedours. Là -s'arestèrent il seurement, car bien savoient que li Englèz ne se -bouteroient jammais dedens pour les perilleuses aventures et encontrez -qu'il y poroient recepvoir. Si chachièrent li Escot leurs chevaux et -misent tout leur harnais dedens le forest; et puis s'aroutèrent et -ordonnèrent bien et faiticement le bois au dos, et moustrèrent visaige -à leurs ennemis. En cel estat les trouva li roys englès; si coummanda à -logier touttez mannières de gens au devant d'iaux. - -Or devés savoir que entre le forest de Gedours, que li Escot avoient -mis au dos et dont il s'estoient fortefiiet, et l'ost le roy -d'Engleterre, n'y avoit pas deux lieuwes englèces, et estoient tout -belle lande. Si furent li ung devant l'autre par l'espasce de cinq -jours. Endementrues i eut mainte jouste et mainte apertise d'armes -fait, mainte prise, mainte rescousse des uns as autres. Mès de le -partie as Englès, sur tous emportoit le huée messires Gautiers de -Mauni, messires Jehans Camdos, messires Guillaumme Filz Warine et -messires Renaus de Gobehen; et de le partie as Escos, messires -Guillaumme de Douglas, li comtez de Moret, messires Robers de Verssi, -messires Simons Fresiel. - -Or avint que entre ces deux hos s'ensonniièrent aucunes bonnes -personnes pour prendre unez trieuwes. Et les traitoient et -pourparloient doy evesque: de par les Escos, li evesques de Albredane, -et de par les Englès, li evesques de Licestre, quoyque li roy englès y -descendesist envis, car c'estoit sen entention que toutte parardoir -Escoce. Mais on li dist que pour cèle voie il en avoit assés fait que -levet le siège de Rossebourch et rebouté ses ennemis jusquez enmy leur -pays; et ossi il estoit sus l'entrée de l'ivier, que il faisoit mauvais -hostoiier. Tant fu dit et pourparlet que unes trieuwez furent acordées, -à tenir dou jour de le Toussains qui venoit, dont on estoit à neuf -jours priès, jusquez à l'autre Toussains enssuivant, qui seroit l'an -mil trois cens quarante et un. Et le devoient li Escot segnefiier au -roy d'Escoce, leur seigneur, à savoir se il le tenroit ou non; et se il -ne le volloit tenir, si estoit li trieuwe tenue entre les deux pays -jusquez au premier jour de may, que on comteroit l'an mil trois cens -quarante et un. Et si demoroit tousjours li castiaux de Strumelin hors -de le trieuwe. Par enssi se departirent ces deux hos, et s'en rala -chacun en son lieu. Li roys englès retourna en Engleterre et dounna -touttes mannières de gens congiet; et li Escot se tinrent à pès tout -cel ivier. - -Quant ce vint à l'entrée dou mois de march, que li estéz coummenchoit à -aprochier, et que li Escot devoient souffissaument sommer les Englès de -l'entente dou roy David, leur seigneur, assavoir se il volroit tenir le -trieuwe ou non, si eurent consseil que il envoieroient deviers lui -especialx messagez pour lui remoustrer l'ordennanche ensi que elle -alloit. Si en priièrent monseigneur Robert de Verssi que il volsist -venir en Franche, car mieux li compteroit il la besoingne que nulz -autres. Si emprist li dis messires Robiers le voiaige; et pour ce -qu'adonc il estoit maladieus et fievreus et qu'il resongnoit le mer, il -se mist au chemin parmy Engleterre sus le respit qu'il avoient. Bien le -pooit faire, car il ne trouva oncques homme qui mal li fesist ne -desist; et chevaucha tant parmy Engleterre jusquez à Douvres, et là -monta il en mer et vint ariver à Wisant. Depuis qu'il fu yssus hors dou -vassiel, si homme, leur chevaux et tout leur harnas, il se partirent à -l'endemain et vinrent à Bouloingne. - -Or avint enssi que, en ce meysme tamps que messires Robiers de Versi -estoit sur son voiaige, li roys David d'Escoce, qui par le tierme de -cinq ans et plus avoit demouret en Franche avoecq le roy Phelippe, eut -vollenté que de retourner en son pays et de veoir son royaumme et ses -gens, que en grant temps n'avoit veut. Li roys de France s'i acorda -très bien et li dounna, au partir, grans dons et biaux jeuuiaux, et à -la roynne d'Escoce, sa femme, jà fust elle serour au roy englèz, son -ennemie; et li renouvella les couvenenches qu'il avoient entr'iaux -deux. Ellez estoient tellez que li roys d'Escoce ne pooit faire nul(le) -pès, ne nul acord au roy englès, sans le consentement dou roy de -France; et li roys d'Escoce li respondi que il tenroit ceste aloyance -et ordonnance à vraie et à bonne, et que ossi ne feroit il. Sur cel -estat se parti li roys d'Escoce dou roy de Franche, qui li delivra gens -d'armes et fist partout sez delivranches. Et chevauchièrent il et le -roynne, sa femme, et leur routtez parmy France, et s'en vinrent à -l'Escluse; et ordonnèrent vaissiaux pour yaux, et puis entrèrent ens, -quant touttez leurs pourveances y furent mises; et nagièrent par mer au -lés deviers Escoce en l'ordounnance de Dieu et dou vent et d'un -chevalier maronnier mestre de sa navie, que on appelloit monseigneur -Robert le Flammenc. Endementroes, vint messires Robiers de Verssi à -Paris, qui y estoit envoiiés de par les seigneurs d'Escoce; et quant il -ne trouva point le roy, si fu tous courouciéz: ce ne fu point de -merveille. Nonpourquant il parla au roy de Franche, qui le rechupt -assés liement; et puis assés tost apriès il se parti pour revenir -arrière en Escoce. Et li roys David et se navie esploitièrent tant -qu'il arrivèrent au port de Morois en Escoce. Fos 60 vo et 61. - -_Ms. de Rome_: En ce temps dont je parole que les trieuves duroient -entre les deux rois, remandèrent li baron d'Escoce, le roi David lor -signeur, qui un lonch termine s'estoit tenus en France; et li -segnefiièrent ensi, par lettres et par deus chevaliers que il -envoiièrent à Paris, que les besongnes d'Escoce estoient assés en bon -point, et que tous li pais le desiroit à ravoir, et que la ville de -Haindebourc et li chastiaus et aussi li chastiaus de Struvelin et -pluisseur aultre estoient repris, et les Englois, qui les tenoient, -bouté hors. Li rois d'Escoce entendi à ces nouvelles volentiers et -prist congiet au roi de France, auquel il remoustra ses besongnes; et -le regracia de ce que si doucement et si courtoisement il l'avoit -recheu. Si ordonna li dis rois d'Escoce ses besongnes et vint à -Boulongne, et la roine sa fenme en sa compagnie, et là trouva sa navie -toute preste qui l'atendoit; si entrèrent dedens. Et avoecques le roi -d'Escoce en alèrent en sa compagnie dou roiaulme de France li sires de -Rambures, messire Guis Qierès, li viscontes des Qesnes, li sires de -Chipoi, li sires de Saint Pi, li sires de Briauté et pluisseur aultre, -plus de soissante chevaliers et esquiers. Si orent vent à volenté, et -ne furent que trois jours sus mer, que il arivèrent ens ou havene de -Haindebourc. Puis issirent hors, et vinrent en la ville, et de là ou -chastiel à grant joie; et trouvèrent messire Guillaume Douglas, mesire -Robert de Versi, messire Simon Fresiel, messire Alixandre de Ramesai et -les barons et les chevaliers d'Escoce, qui tout les requellièrent à -grant joie. Si viseta li rois d'Escoce son pais, et mena ces chevaliers -et ces esquiers de France partout avoecques lui, pour euls moustrer le -roiaulme d'Escoce. Si veoient un povre pais raempli de bois et de -bruières; si s'en truffoient et rioient li un à l'autre, et disoient: -«Il ne puet estre riches homs, qui est sires d'un tel pais.» Fo 88 vo. - -P. 116, 1. 9: Bervich.--_Mss. A 11 à 14_: Warvich. Fo 80. _Mauvaise -leçon._ - -P. 116, l. 26: le Saint Mikiel.--_Mss. A 1 à 6, 20 à 22_: la Saint -Remy. Fo 83. - -P. 119, l. 24 et 23: sept ans.--_Ms. B 6_: plus de six ans. Fo 190. - -P. 120, l. 1: mis en mer.--_Ms. B 6_: Et monta en mer à Harfleur en -Normendie; et nagèrent tant qu'ilz arivèrent à Saint Jehan en Escoche -sur le rivière de Taye. Fo 191. - - -=§ 152.= P. 120, l. 12: Quant li.--_Ms. d'Amiens_: Quant li baron et li -seigneur d'Escoce seurent que li roys, leurs sirez, estoit venus et -arivés de nouviel en leur pays, si en furent touttez mannierrez de gens -mout joiant. Et allèrent contre lui, et le rechurent à grant -pourcession, et la roynne leur damme ossi; et lez amenèrent en le ville -de Saint Jehan, qui siet sour une belle rivière qui porte bons saumons -et grosse navie. Là le vinrent veoir et viseter prelat, baron, -chevalier et touttez mannières de gens, (qui li remonstrèrent ce) qu'il -avoient perdut, et qui desolé estoient par le guerre as Englèz. - -Mout ot li roys d'Escoche grant compation de le desolation de ses gens -et de le destruction de son pays, et leur dist bien que, se il plaisoit -à Dieu, il i pourveroit temprement de remède. Assés tost apriès sa -revenue, ungs grans parlemens se fist des prelas, evesques et abbés -d'Escoce, de comtez, de barons et de chevaliers et des conssaux de sez -bonnes villes, et dura par cinq jours. Si se porta ensi li parlemens -que li roys d'Escoce renoncheroit à le trieuwe que ses gens avoient -pris as Englèz, et que, depuis le jour de may venut, il n'en tenroit -nulle. Si fu là ordonné qui yroit en Engleterre pour renunchier. Avoecq -tout ce, li roys pria et coummanda à touttes gens à lui obeissans que -chacuns se pourveist bien et souffisamment à ceval et à piet et de -touttes armurez, et fuissent le huitime jour de may là en le ville de -Saint Jehan et illoecq environ; car c'estoit sen intension que d'entrer -en Engleterre et que de faire y une très grande chevauchie, et on ly -eut enssi en couvent. Enssi se departi li parlemens sus cel estat, et -en ralla chacun en son lieu, et se pourveirent seloncq leur puissance -pour venir servir le roy, leur seigneur, au jour qui mis y estoit. Et -li messaigez s'en vint en Engleterre deviers le roy englès et renoncha -souffissamment as trieuwez qui devoient y estre prises des Escos et des -Englès, et tant que li roys Edouwars s'en tint à bien contens, et se -pourvey et advisa ossi seloncq che. - -Chependant que li saisons de may aprochoit, li roys d'Escoche viseta -son pays, ses villes, ses citéz et ses fortrècez. Si eut grant doeil et -grant pité quant il vit ensi son pays destruit et ses gens oyt -complaindre. Ossi eut la roynne, sa femme, qui en ploura assés. Quant -li roys eut partout estet et oyes les complaintez des ungs et des -autrez il lez recomforta au mieux qu'il pot, et dist qu'il s'en -vengeroit, ou il perderoit le remannant, ou il moroit en le painne. -Quant ce vint sus l'entrée de may, seloncq l'ordonnance qui mise y -estoit, li Escot s'avalèrent et assamblèrent de tous costéz à Saint -Jehans Tonne et là environ. Encorrez envoya li roys grans messaigez en -Norvège, en Sude et en Danemarche, pour priier ses amis et avoir grant -fuisson de saudoiiers. A celui mandement vint li comtez d'Orkenay, ungs -grans princes et puissans, et avoit à femme le sereur le roy. Chilx y -vint à grant puissanche de gens d'armes, et pluiseur autre grant baron -et chevalier de Sude, de Danemarche et de Norvège et des autrez pays -marchissans, li ungs par amour et par priière, et li autre par saudées. -Tant en vint d'un costet et d'autre qu'il furent bien, quant tout -furent venut entours le chité de Saint Jehan en Escoce, au jour que li -dis roys les avoit mandés, soixante mille hommes à piet et sus -haghenées, et bien troi mille armures de fer, chevalier et escuier, -parmy les seigneurs et chiaux de son pays d'Escoche. Quant tout furent -assamblet et appareilliet, il s'esmurent pour aller destruire et -essillier chou qu'il poroient dou royaumme d'Engleterre, ou il se -combateroient au roy Edouwart, qui tant de maux et d'anoy leur avoit -fais. Si passèrent premiers par devant le fort castiel de Rossebourcq, -que li Englès avoient concquis, et le tenoient encorres et leur -faissoient souvent grans assaux et grans destourbiers. Si fissent là li -Escot ung grant assault; mès point n'y gaegnièrent, car li castels est -trop fors. Et n'eut point li roys adonc consseil de l'assegier, mès de -chevauchier avant et d'entrer ou droit royaumme d'Engleterre. Si fist -son host passer oultre. Apriès il passèrent devant le cité de Bervich, -mès point n'y arrestèrent et entrèrent ou royaumme de Norhombrelande. -Si ardirent toutte le ville de Persi et livrèrent ung grant assault à -le fortrèce, mès il ne le peurent avoir. Si passèrent oultre et vinrent -à Urcol, et ardirent et pillièrent toutte le ville et le pays de là -environ, et entrèrent si avant ens ou royaumme de Norhombrelande, qu'il -vinrent sour le rivière de Tin, ardant et destruisant tout le pays, et -fissent tant qu'il parvinrent devant le bonne ville de Noef Castiel sur -Tin, et là se logièrent et l'environnèrent pour l'assaillir. - -Dedens la ville dou Noef Castiel sur Tin estoient doy grant baron de -Norhombrelande, li sires de Luzi et li sires de Ros, et grant fuison de -gens d'armes et d'archiers qui trop bellement et trop sagement le -gardèrent et deffendirent à l'assaut qui fès y fu et qui dura ung jour -tout jour sans cès, et y perdirent li Escochois de leur gens. Si se -retrairent à leurs logeis qui grant estoient et estendut, car il y -avoit bien soixante et dix mille hommes sans le ribaudaille. Si -s'alèrent li Escot coucher et reposer, car moult estoient travilliet -pour l'assault. Quant ce vint environ le mienuit, li sires de Luzi, -ungs très bons chevaliers et qui cappitainne pour le temps estoit de le -ville, et qui à ce donc mies ne dormoit, mès songneuzement entendoit as -deffenscez et as gharittez de le ville, si entendi à celle heure par -ses espiez que li Escot estoient tout endormy et ne faisoient de get: -si quella tantost environ deux cens compaignons ablez et legiers, bien -armés et bien montéz, et se parti sus l'ajournée dou Noef Castiel par -une posterne, et s'en vint autour secretement et couvertement ferir en -l'ost des Escos, et d'aventure eschei ens ès logeis le comte de Moret, -ung grant seigneur d'Escoce. Si escriièrent li Englèz leur cri, et se -boutèrent ens de plains eslais, et navrèrent et tuèrent pluiseurs -Escos. Et fu li dis comtes de Mouret trouvés en son lit, et pris et -montés sour ung ceval et amenés comme prisonniers dedens le ville, et -encorrez se combatoient li autre, li sirez de Luzi et ses gens. Li hus -et li cris monta; Escochois s'esvillièrent et s'armèrent et alumèrent -grans feux, et vinrent ceste part, chacuns qui mieux mieux, où la noise -estoit. Quant li Englès virent que poins fu, si se retrairent sagement -et bellement deviers leur ville, et y rentrèrent sans dammaige. - -Moult fu li roys David d'Escoce courouciéz, et ossi furent tout li -Escot, quant il seurent le comte de Mouret pris. Si se armèrent tout -communaument au matin et sonnèrent leurs trompettez, et s'en vinrent -comme gens forsenés devant le Noef Castiel et l'assaillirent très -durement. Et dura chilz assaux tout le jour, et en y eut pluiseur -navrés dedens et dehors. Touttes voiez, li assallant ne peurent riens -concquerre sus les deffendans, mès des lors y eut pluiseurs blechiéz. -Fos 61 vo et 62. - -P. 121, l. 2: que cescuns.--_Ms. B 6_: que tous fievés et arrières -fievés fus(s)ent à ung certain jour en la ville de Hainbourcq. Fo 192. - -P. 121, l. 4: d'Orkenay.--_Mss. A 8, 9_: d'Okenay. Fo 77. _Mss. A 11 à -14_: de Kesnay. Fo 81. - -P. 421, l. 4: uns grans princes.--_Ms. B 6_: ung sien serouge du -royaume de Suède qui s'apelloit Robert, conte d'Orkenay. Là vint le -conte de Mouret, le conte de Surllant, le conte de Mare, le conte de -Bosquem, le conte de Saint Andrieu, l'evesque d'Abredane, le sire de -Brasy et tous les barons et fievés d'Escoche. Et furent bien tous -ensamble six mille hommes d'armes et quarante mille d'autres gens parmy -ceulx de le Sauvaige Escoche que Jehan des Adtulles amena. Fo 192. - -P. 121, l. 16: appareilliet.--_Ms. B 6_: Et estoient toutes gens à -cheval, et portoient par derière eulx de la ferinne tant seullement -pour faire du pain, pour vivre à necessité pour dix huit ou vingt -jours. Fo 192. - -P. 122, l. 10: le Noef Chastiel.--_Ms. B 6_: Et quant il eurent ainsy -fait, il toursèrent tout l'avoir et se misrent au chemin et prirent -leur retour devers Noef Chastel: et estoient sy fort chergiés que à -paine povoient aller avant. Sy se logèrent devant le Noef Chastiel, et -dirent que i(l) l'assairoient, se par assault il le pourroient -conquerre. Sy l'asallirent ung jour tout entir par trois ou quatre -fois, mais riens n'y firent, car il y avoit dedens bien trois cens -armés de fer qui le ville aydèrent à garder, et ossy elle estoit forte. - -Quant che vint par nuit que les Escochois tous lassés et travilliet -furent retrais à leur logis, le cappitaine de Noef Chastiel s'avisa que -il resvilleroit les Escochois. Sy fist armer tous les compaignons de là -dedens et monter à cheval; et estoient environ deus cens et otant quy -gardèrent le porte. Sy chevauchèrent ces Englès coiement jusques à tant -que il vinrent en l'ost, et trouvèrent les Escochois tous endormis sans -faire gait. Sy se ferirent en l'ost et en criant leur cry, en abatant -et ochiant les Escochois à forche. Et allèrent adonc sy avant que il -vinrent au logis du conte de Mouret: là ot grant hustin. Et fut le dit -conte prins, en sa tente, et pluseurs de ses gens mors. Et s'en -retournèrent devers le Noef Chastel et rent(r)èrent dedens sans nulz -dangiers, anchois que les Escochois furent estourmis. - -Quant les Escochois seurent le prise du conte de Mouret, sy furent -comme tous foursenez, et passèrent celle nuit à grant malaise. Et quant -che vint au matin, il s'armèrent et se mirent en ordonnanche pour -assaillir, et assallirent le Noef Chastiel par pluiseurs assaulx. Et -dura le dit assault par quatre jour(s), mais riens n'y firent. Fos 194 -et 195. - -P. 122, l. 17: deus cens.--_Mss. A 11 à 14_: quatre cens. Fo 81 vo. - - -=§ 153.= P. 123, l. 5: Quant li rois David.--_Ms. d'Amiens_: Quant li -roys d'Escosse et ses conssaulx virent que il se lassoient et -travilloient en vain, il s'ordonnèrent au deslogier et se missent au -chemin contremont ceste belle rivière de Thin, et passèrent à Bransepès -ung très fort castiel au seigneur de Noefville. Si l'assaillirent et -ardirent toutte le ville, mès le fortrèce ne peurent il avoir, et assés -priès de là il passèrent le rivière de Thin et entrèrent en l'evesquiet -de Durem. Si le ardirent moult et gastèrent de tous costéz, puis se -traisent devant le chité de Durem et le assegièrent, et disent -entr'iaux que elle estoit bien prendable et que de là ne se -partiroient, si l'aroient. Or vous diray dou seigneur de Ros et dou -seigneur de Luzi, qui se tenoient au Noef Castiel. Quant il eurent -consideret le puissanche as Escos, ossi leur emprise et comment il -ardoient et essilloient le pays et chevauchoient toudis avant, il -eurent consseil qu'il le segnefieroient au roy englèz, leur seigneur, -enssi qu'il fissent. Et se parti uns escuiers d'iaux, et cevauça tant -par nuit et par jour que dedens quatre jours il vint à Windesore, où li -roys englèz se tenoit. Adonc li bailla il lez lettrez de creanche des -chevaliers dessus dis. Quant li roys les tint, si les fist lire et -entendi par celles son dammaige et le confusion de ses gens et de son -pays, dont il fu mout courouciéz; mès la prise dou conte de Mouret ung -petit le resjoi. Si fist tantost li roys englès escripre lettres, et -mist messagiers en oevre et envoya par tout son royaumme, que chacuns -sour toutte amistéz et feaultéz se traissent deviers le chité de -Ewruic, sans nul delay, à tout ce que de gens pooit avoir, et que -chacuns s'efforçast, car li Escot estoient grant cantitet. Si rescripsi -par le dit escuier qui les nouvelles avoit apportées, as deux banerèz -dessus diz, qu'il fuissent songneus seloncq leur pooir de garder lez -frontières, car il seroit temprement ou royaumme de Norhombrelande. Li -escuiers parti et retourna arrière. Li roys se hasta pour plus tost -mettre ses gens à voie, et prist le chemin pour venir à Iorch, où ses -mandemens estoient assis et ordonnés. - -En che pendant que li roys venoit vers Ewruich et que il mandoit gens -efforceement de touttes pars pour resister as Escos, li roys David -d'Escoce, qui trop durement estoit courouchiés de la prise son cousin -le comte de Moret, seoit à siège devant le chité de Durem, et durement -le constraindoit d'assaut et d'escarmuches, et mout se pennoit de le -prendre, car bien savoit que la cité estoit garnie et pourveuwe de -grant avoir pour le pays d'environ, qui tous afuis y estoit. -Finablement tant y furent li Escot et si continuellement l'asaillirent -que de force il le prissent par force d'enghiens et d'estrumens qu'il -eurent fès, dont il brisièrent et destruisirent tous les murs, et -entrèrent ens à effort. Là eult grant ocision et grant pité, car il -misent tout à l'espée et sans merchi, hommez et femmez, enffans, clers -et prebtrez, et robèrent et pillièrent lez maisons où il trouvèrent -avoir sans nombre. Depuis le chité prise, il s'en vinrent deviers -l'eglise catedral qui siet haut sus ung terne; et l'avoient li chanonne -fortefiiet, et estoient dedens retret à garant; mès li Escos, dont che -fu grant pité et grant cruauté, boutèrent le feu ens et le ardirent et -tous chiaux qui dedens estoient, sans nullui prendre à merchy. Ensi fu -menée la bonne chité de Durem, des Escos, dont che fu dammaigez. Fo 62. - -P. 123, l. 10: Duremmes.--_Ms. B 6_: Sy entrèrent les Escochois en le -conté de Northombrelant, et ardirent moult villainement la terre au -signeur de Persy et du seigneur de Noefville. Fo 193. - -P. 123, l. 24: Chartesée.--_Mss. A 1 à 6, 20 à 29_: Carthesée, -Cartezée. Fo 85.--_Mss. A 18, 19_: Tarcheste. Fo 85. - -P. 124, l. 5: dou north.--_Mss. A 1 à 6_: de Northonbrelande. Fo -85.--_Mss. A 7 à 33_: du north. Fo 78. - -P. 124, l. 30: honnerés.--_Mss. A 1, 3 à 6, 18 à 22_: nuit et -jour.--_Ms. A 2_: chacun jour. Fo 85. - - -=§ 154.= P. 124, l. 31 et p. 125, l. 1 à 3: Quant... Galles.--_Mss. A -11 à 14_: Le roy anglois s'en partit le lendemain de la bonne cité de -Ewruich moult liement pour les nouvelles que monseigneur Guillaume du -Bailleul lui avoit apportées. Et avoit aveques lui environ sept mille -armeures de fer, quatorze mille archiers et bien quatre vingt mille -hommes de pié. Mais quand les Escos sceurent sa venue, ilz -conseillièrent au roy David leur seigneur qu'il se retrairoit arrière -selon la rivière de Thin et se trairoit par devers la bonne cité de -Cardueil qui est à l'entrée de Galles. Fo 82. - -P. 125, l. 3: Galles.--_Ms. d'Amiens_: à cel lés là. Fo 62 vo. - -P. 125, l. 10: Sallebrin.--_Ms. d'Amiens_: en ce tamps li plus belle et -li plus frisce damme d'Engleterre. Fo 62 vo. - -P. 125, l. 27: quarante.--_Ms. d'Amiens_: soixante. Fo 62 vo. - - -=§ 155.= P. 127, l. 15: reconfortoit.--_Ms. d'Amiens_:... pour qui on -se devoit enssi travillier, tant estoit belle et douche. Et dura chilx -assaulx tout le jour. Et au soir il se retrayrent à leurs logeis; et à -l'endemain recommenchièrent l'assault fort et fier, tant estoient -courouchiet sour chiaux du castiel de Sallebrin. Ensi continuoient li -Escochois de jour en jour, et appareilloient leurs enghiens pour -drechier et pour plus adammagier chiaux dou fort; car bien veoient que -autrement il ne les pooient avoir. En ces meysmes jours vint li roys -d'Engleterre en le cité d'Ewruich, et y souratendoit ses gens qui -venoient de tous costéz à grant effort. Car bien estoit li renoummée en -Engleterre que li roys d'Escoce ne fu oncques de trop si fort sus les -camps qu'il estoit adonc; et pour ce venoient deviers le roy au plus -efforchiement qu'il pooient, et pour combattre les Escos, se il les -trouvoient ou attendoient. - -Entroex que li roys englèz estoit à Ewruich, eurent chil dou castiel de -Sallebrin pluisseurs assaux et furent moult apressé de leurs ennemis; -et se li roys englès le sewist, il se fuist plus hastéz qu'il ne fist -pour secourre le gentil contesse de Sallebrin. Or n'est qui l'en die -lez nouvellez, mès il les sara temprement, si comme vous poréz oïr -recorder, se il vous plaist. - -Chil dou castiel de Sallebrin estoient durement travilliet et appresset -des Escochois. Et si en y avoit entr'iaux grant fuison de blechiés, et -veirent bien que li fais leur estoit grans; et se li rois David -maintenoit son pourpos, il aroient fort tamps. Si eurent consseil que -il envoieroient certain message deviers le roy englèz, que il -esperoient à Ewruich, car bien avoient oy parler dou mandement si -especial qu'il avoit fait et dou jour qu'il y devoit estre, liquelx -termes estoit venus et cinq jours oultre. Si regardèrent et ymaginèrent -entr'iaux qui seroit tailliéz de faire ce messaige. Pluiseurz en y -avoient, mès tout s'escusoient l'un par l'autre que jà pour leur -honneur ne lairoient la damme ne le castiel, et en y eult entre yaux -grant estrif. Quant messires Guillaume de Montagut vit le bonne -vollenté de ses compaignons, et v(e)oit d'autre part le meschief et le -peril où il pooient escheir se il n'estoient secourut, si leur dist: -«Seigneur, je vois bien vostre loyaulté et vostre bonne vollenté: si -ques, pour l'amour de madamme et de vous, je metteray mon corps en -aventure pour faire cesti messaige, car jou ay tel fianche en vous, -seloncq chou que j'ay veu, que vous detenrés bien le castiel jusquez à -ma revenue. Et ay d'autre part si grant esperance el roy nostre -seigneur, que je vous amenray temprement si grant secours, que vous en -arés joie; et vous seront bien meri li bienfait que fait arés.» - -Quant la nuis fu venue, li dis messire Guillaumme se appareilla dou -mieux qu'il pot, pour plus paisivlement yssir de layens qu'il ne fust -percheus de chiaux de l'ost. Se li avint si bien qu'il pleut toute le -nuit si fort que nulx des Escos n'osoit yssir hors de sa loge. Si passa -environ mienuit tout parmy l'ost, que oncques ne fu apercheus. Quant il -fu passés et eslongiés environ deux lieuwes l'ost, il fu grans jours: -si chevaucha avant et encontra, ung peu après soleil levant, deux -hommes d'Escoce entours à trois lieuwes priès de l'ost, qui amenoient -deus buefs et une vache par deviers l'ost. Messires Guillaummes congnut -qu'il estoient Escos: si les navra tous deux durement et tua leur -bestez, pour tant qu'il ne volloit mies que chil de l'ost en ewissent -nulle aise. Puis dist as deux navrés: «Alléz, si dittes à vostre roy -que Guillaummes de Montagut vous a mis en ce point en son despit; et li -dittes que je voi querre le gentil roy d'Engleterre, qui li fera -temprement wuidier ceste place maugré lui.» Chil li proummisent qu'il -feroient vollentiers cest messaige, mès qu'il lez laissast atant à pès. -Lors se parti li dis messires Guillaummes des Escos, et chevaucha sus -fleur de coursier et fist tant que il vint à Ewruich, où il trouva le -roy englès et grant fuison de comtez, de barons et chevaliers dallés -lui. Si li compta son messaige de par le damme de Sallebrin, au mieux -et au plus biau qu'il peult. Li roys y entendi vollentiers et respondi -que il ne laisseroit nullement que il ne souscourist la damme et ses -gens; et se plus tost ewist sceut là où li Escot estoient et le mescief -et peril dou castiel et de la damme, plus tost fust allés celle part. -Si ordonna et coummanda tantost li roys par son connestable et ses -marescaux, que chacuns fust apareilliés à mouvoir l'endemain, et que on -fesist toudis les venant traire avant, et chevauchier apriès son host -qu'il avait moult grant. Fos 62 vo et 63. - -P. 128, l. 11: bacelers.--_Mss. A 1 à 6, 20 à 22_: chevalier. Fo 86. - -P. 129, l. 4: à demi liewe.--_Mss. A 11 à 14_: à deux lieues. Fo 83. - -P. 129, l. 17: Evruich.--_Mss. A 8 à 10_: Bervich. Fo 77.--_Mss. A 1 à -7, 11 à 19, 30 à 33_: Evruich. Fo 86.--_Mss. B 3 et A 20 à 22_: -Vervich, Warvich. Fo 77.--_Mss. A 23 à 29_: Enervich, Everuich. Fo 100. - -P. 129, l. 19: au roy.--_Ms. B 6_: et trouva le roy d'Engleterre et -plus de quarante mille hommes qui estoient tout esmervilliés que les -Escochois estoient devenus. Fo 197. - -P. 129, l. 20: sen ante.--_Mss. A 1 à 7, 18 à 22_: sa tante. Fo 86. - - -=§ 156.= P. 129, l. 30: Li rois.--_Ms. d'Amiens_: Li roys Edouwars se -parti l'endemain de le cité d'Ewruich mout liement pour lez nouvelles -que li dis messires Guillaummes de Montagut li avoit aportées. Et avoit -bien avoecq lui cinq mille armurez de fier, dix mille archiers et -soixante mille hommes de piet, qui tout le sieuwoient. Et toudis li -venoient gens. - -Quant li baron d'Escoce et li maistre consillière le roy David seurent -que li dis messires Guillaummes de Montagut avoit ensi passet parmy -leur ost et que il s'en alloit querre secours au roy englès, et -savoient bien que li roys Edouwars estoit à Ewruich à grant gent, et le -tenoient de si grant couraige et si gentil qu'il ne lairoit nullement -qu'il ne venist tantost sour yaux pour souscourre la damme et chiaux -dou castiel, il parlèrent enssamble, endementroes que li roys David -faisoit souvent et ardamment assaillir. Et veoient bien que li roys -David faisoit ses gens navrer et martiriier sans raison. Et veoient -bien que li rois englès venroit bien ainchois combattre à yaux que leur -roys pewist avoir concquis ce castiel, ensi qu'il cuidoit. Si parlèrent -ensamble au roy David d'un accord, et li dissent qui li demorer là -n'estoit point ses pourfis, ne sen honneur; car il leur estoit moult -honnerablement advenu de leur emprise. Et avoient fait grant despit as -Englès, qui avoient jeut en leur pays vingt deux jours et ars et -essilliet tout autour, et pris par force la cité de Durem et mise toute -à grant destruction. Et li conssillièrent que il s'en volsist raller -deviers son royaumme, par deviers le forest de Gedours; car il savoient -de certain que li roys englès venoit viers yaus à si grant puissanche, -qu'il n'aroient pooir de combattre à lui, ne de contrestrer à se -puissance. Si leur en poroit grant meschief avenir. Li roys David fuist -vollentiers demourés pour atendre lez Englès et le bataille et le -aventure de Dieu, se par son consseil en allast. Mais ses gens li -moustrèrent tant de raisons que trop loingues seroient à recorder, que -tous li os des Escos se desloga au matin, et en rallèrent droit par -deviers le grant forest de Gedours, le chemin que autres fois il -avoient tenut pour estre au dessus de leur affaire, et pour veoir et -attendre que li roys englès volroit faire de donc en avant, ou se il se -retrairoit arrière, ou se il yroit avant et trairoit en leur pays. Fo -63. - -P. 129, l. 31: Evruich.--_Mss. A 1 à 7, 11 à 19, 30 à 33_: Evruich. Fo -86 vo.--_Mss. A 8 à 10_: Bervich. Fo 79.--_Mss. B 3 et A 20 à 22_: -Vervich, Warvich. Fo 77.--_Mss. 23 à 29_: Enervich. Fo 100. - -P. 130, l. 10: quatre vingt mille.--_Mss. A 1 à 6, 8 à 10, 20 à 22_: -quatre mille. Fo 86 vo. - - -=§ 157.= P. 131, l. 21 et 22: dix ou douze.--_Ms. d'Amiens_: vingt ou -vingt deux. Fo 63 vo. - -P. 131, l. 30: le grant noblèce.--_Ms. d'Amiens_: le frisce et gentil -arroi. Fo 63 vo. - -P. 132, l. 7: n'avoit veu.--_Ms. d'Amiens_: si bien adrechie en touttes -mannierres de biautés, de frisce et gai maintien, de noble arroy et de -parfaitte et atrempée contenanche. Fo 63 vo. - -P. 132, l. 9: fine amour.--_Les mss. A 11 à 14 ajoutent_: que ma dame -Venus lui envoya par Cupido, le Dieu d'amours. Fo 83 vo. - -P. 132, l. 10: lonch temps.--_Ms. d'Amiens_: car c'est uns feus qui -fuissonne, qui est legiers à esprendre et malaisivlez à estaindre, et -plus en ung coer qu'en l'autre. Et sembloit au roy, par l'estincelle -qui jà s'esprendoit et alumoit, que ens ou monde n'avoit damme qui -fesist à amer fors celle. Fo 63 vo. - -P. 132, l. 15 et 16: si ardamment.--_Ms. d'Amiens_: et ne s'en pooient -li oeil soller, et de si ardent regart. Fo 63 vo. - -P. 132, l. 19: ne pensoit.--_Ms. d'Amiens_: qui au penssement dou roy -ne penssoit noient. Fo 63 vo. - -P. 132, l. 23: quant temps seroit.--_Mss. A 1 à 6_: quant temps fut à -mettre les tables, elle fist la salle parer et ordonner. Fo 87.--_Mss. -A 11 à 14_: mettre les tables en la salle moult bien parée et ordonnée -comme pour le roy. Fo 83 vo.--_Mss. A 15 à 17_: mettre les tables en la -sale qui jà estoit moult noblement parée aussi comme pour un roy -recepvoir. Fo 88.--_Mss. A 20 à 22_: quant temps fu de drescier les -tables, elle fist la salle parer et ordonner bien richement. Fo 131. - -P. 132, l. 24: parer.--_Ms. d'Amiens_: Ensi comme il appertenoit pour -le roy d'Engleterre. Fo 63 vo. - - -=§ 158.= P. 133, l. 12: vous estes.--_Ms. d'Amiens_: li ungs dez -princes del monde li plus doubtéz. Fo 63 vo. - -P. 133, l. 24: vos amans.--_Ms. d'Amiens_: vos vraiz amans. - -P. 134, l. 4: emprisonnés.--_Mss. A 11 à 14_: à Paris. Fo 84. - -P. 134, l. 9: desmembrer.--_Ms. d'Amiens_: qui mes drois, souverains, -naturelz sirez estez. Fo 64.--_Mss. A 11 à 14_: pour donner exemple aux -aultres d'estre loiales à leurs maris. Fo 84. - - -=§ 159.= P. 134, l. 15: avés vous.--_Ms. d'Amiens_: A ces mos et à la -parolle de la damme, li rois se parti de la fenestre où ung grant tens -il s'estoit apoiiés, et s'en vint en la salle et lava. Et puis se asist -entre ses chevaliers et la damme au disner; mès petit i sist, car autre -cose li touchoit que boire ne que mengier. Et trop durement seant à -table penssoit, dont li chevalier meismement s'esmervilloient, car il -avoit eult en devant usaige de rire et jeuuer, et de vollentiers oïr -aucunnez trufferiez pour le temps oubliier, mais là il n'en avoit cure -ne talent. Ainchois, quant il pooit ung seul regart embler et envoiier -sus la damme, il li faissoit trop grant bien. Et furent adonc regart et -pensser le plus grant partie dou disner le roy. Fo 64. - - -=§ 160.= P. 135, l. 6: Toutes voies.--_Ms. d'Amiens_: Apriès disner on -leva lez tablez. Si envoya li roys monseigneur Renaut de Gobehen et -monseigneur Richart de Stanfort à l'ost et as compaignons qui desoubz -le castiel estoient logiet, savoir comment il le faisoient, et qu'il -fuissent appareilliet, car il volloit cevaucier encorrez oultre et -sieuwir les Escos, et que on fesist tout le charoy et tout le harnas -esploitier devant, et que dou soir il seroit avoecq yaus. Et ordonna le -comte de Pennebruch à faire l'arrierre garde à tout cinq cens lanches, -et que chil l'atendesissent sus les camps tant qu'il venroit, et tout -li demourant chevauçaissent avant. Li doy baron fissent tout ce qu'il -coummanda. - -Et il demoura encorres ens ou castiel de Sallebrin dalléz la damme, et -esperoit bien ainschois son departement que il aroit de la damme -responsce plus agreable qu'il n'avoit eue. Si demanda les eschès, et la -damme li fist aporter. Adonc pria li roys à la damme que elle volsist -jeuer à lui; et la damme li acorda liement, qui li faisoit toutte le -bonne chière que elle pooit. Et bien estoit tenue dou faire, car li -roys li avoit fait ung biau serviche de lever le siège des Escos de -devant son castel, dont elle estoit en grant peril; et se li devoit le -damme faire, pour tant que li roys estoit ses drois naturés sires de -foi et hoummaige. A l'entrée dou jeu des escès, li roys, qui volloit -que aucunne cose demourast dou sien à la damme, l'asailli en riant: -«Damme, que vous plaist il à mettre au jeu?» Et la damme li respondi: -«Sire, et vous ossi?» Adonc mist li roys avant ung très bel aniel qu'il -portoit en son doi, à ung gros rubi sus le tablier. Lors dist la damme: -«Sire, sire, je n'ay nul aniel si riche comme li vostre est.»--«Damme, -dist li rois, telz que vous l'avés, metés le avant. Je n'y preng pas de -si priès garde.» - -Adonc la comtesse, pour acomplir la vollenté du roy, traist hors d'un -doy ung anelet d'or, qui n'estoit pas de grant vaille. Si jewèrent as -escèz enssamble, la damme à son avis au mieux que elle pooit, affin que -li roys ne le tenist pour trop simple et ygnorans; et li roys se -faindoit, car pas ne jewoit dou mieux qu'il savoit. Et à painnes y -avoit nulle espasse dez très, que il ne regardast si fort la damme que -elle en estoit toutte honteuse, et s'en fourfaisoit bien en traiant. Et -quant li roys veoit que elle s'estoit fourfaite d'un rock, d'un -chevalier ou de quoy que fuist, il se fourfaisoit ossi pour remettre la -damme en son jeu. - -Tant jeuèrent que li roys le perdi, et fu mas d'un aufin. Adonc se leva -la damme et demanda le vin et lez espisses, car li roys par samblant -volloit partir. Et prist la damme son aniel et le mist en son doy, et -volsist trop bien que li roys ewist repris le sien, et li ossi offri et -dist: «Sire, il n'appertient pas qu'en mon hostel jou aie riens del -vostre, ainchois en deveriés porter dou mien.»--«Dame, dist li roys, si -fait, car li jeus l'a porté ensi; et se je l'ewisse gaegniet, tenés -veritablement que j'en ewisse porté le vostre.» La damme ne vot adonc -plus presser le roy; mès s'en vint à une sienne dammoiselle, et li -bailla l'aniel, et li dist: «Quant vous verrez jà que li roys sera -partis de ceens et qu'il ara pris congiet de moy et qu'il devera monter -à cheval, si vous avanchiés et li rendéz tout bellement son aniel, et -li dittes que nullement je ne le voeil detenir, car point n'apertient.» -Et la dammoiselle li respondi que elle le feroit vollentiers. A ces mos -vinrent espisses et vins. Et n'en vot oncques prendre li roys devant la -damme, ne la damme ossi devant lui; et y eut là grant estrit tout en -reviel. Finablement, il fu acordé que il prisent tout doy enssamble, -ossi tost li ungs comme l'autre, par cause de briefté. Apriès ce fait -et que li chevalier le roy eurent tout beu, li roys prist congiet à la -damme et li dist tout haut, affin que nulx n'y penssast: «Damme, vous -demourés en vostre hostel, et je m'en irai sieuwir mes ennemis.» La -damme, à cez mos, s'enclina bien bas devant le roy. Et li roys mout -apertement le prist par le main droite, et li estraindi ung petit, et -ce li fist trop grant bien, en signe d'amour. Et regarda li roys que -chevaliers et dammoiselles s'ensonnioient de prendre congiet l'un à -l'autre; si s'avança encorrez de dire deux mos tant seullement: «Ma -cière damme, que Dieu vous coummand jusques au revenir! Si vous pri que -vous vos voeilliéz aviser et autrement y estre consseillie que vous ne -me aiiés dit.»--«Chiers sires, respondi la damme, li Pèrez glorieux -vous voeille conduire et oster de villainne penssée et deshonnerable, -car je sui et seray toudis conssillie et appareillie de vous servir à -vostre honneur et à le mienne.» - -Atant se parti li roys de le cambre, et la damme ossi, qui l'aconvoya -jusqu'en la salle où sen pallefroi estoit. Se dist li roys que il ne -monteroit point à cheval tant que la damme fust là: si que pour cause -de briefté la comtesse prist congiet de tous poins pour ceste fois au -roy et à ses chevaliers, et rentra en ses cambrez avoecq ses -dammoiselles. Ensi que li roys devoit monter, la dammoiselle qui estoit -enfourmée de sa damme, s'en vint au roy et s'engenouilla; et quant li -roys le vit, il le leva moult tost et quida que elle volsist parler -d'autre matère que elle ne fist. Se li dist: «Monseigneur, vechy vostre -aniel que madamme vous renvoie et vous prie humblement que vous ne le -voeilliés tenir à villonnie, que point ne voet qu'il demeurèce par -deviers elle. Vous li avés fait tant en autres mannierrez que elle est -tenue, ce dist, à tousjours d'estre vostre serve.» Li roys qui oy la -dammoiselle et v(e)oit son aniel qu'elle tenoit, et ooit la vollenté et -l'escuzanche de la comtesse, fu tous estonnés. Nonpourquant, comme tost -conssilliet à son gré, et affin que li aniaux demorast laiens, ossi que -en soy meysmes ordonné avoit, respondi briefment, car pas n'y affreoit -longe parolle, et dist: «Dammoiselle, puisqu'il ne plaist à vostre -damme li gaains petis que elle a fait à moy, il vous demeure.» Apriès -che parlet, il monta tantost et se parti et yssi hors dou castiel, et -se mist sour les camps avoecq ses chevaliers, et trouva le comte de -Pennebrucq qui l'atendoit à bien cinq cens lanches. Adonc se partirent -il tout enssamble et sieuwirent l'ost. Et la damoiselle dont vous avés -oy, revint à sa damme et ly recorda la responsce dou roy, et li vot -rendre l'anniel d'or que li roys avoit perdu as escèz. Mais la damme ne -le volt prendre; ains dist que elle n'y clammoit riens et que li roys -li avoit donnet: si en fesist son pourffit. Enssi demoura li aniaux dou -roy à a damoiselle. - -Or lairons nous à parler de madamme Aelis la comtesse de Sallebrin; si -revenrons au roy englès et as Escos. Depuis que il se fu partis dou -castiel dessus dit, il chevaucha ceste remontière jusquez au soir, que -il trouva son grant ost logiet sour ungs plains dou loncq d'une -rivière. Si se remist entre les contes et les barons et fist asséz -bonne chierre, et se couvri au mieux qu'il peult de moustrer comment il -li estoit dedentrainnement; ne à nullui, tant fust ses especials amis, -ne s'en fust descouvers. Pour ce ne sentoit il mies mains les maulx -d'ainmer, car si fort en estoit espris, que en son requoy il n'y -faisoit que pensser. Et li avint sour ce voiaige pluisseurs fois que, -quant il estoit assis à table, il mengoit mout petit et n'y faisoit que -pensser: de quoy ses gens s'esmervilloient dont tel penssement li -pooient venir. Et quidoient que ce fuist pour les Escos qui jà, en -ceste année, par deux fois l'avoient travilliet de chevauchier apriès -yaux; et point n'en avoit eue se raison, car toudis s'en refuioient il -vers le forest de Gedours, et encorres tenoient il che chemin; si l'en -ostoient li baron dou plus qu'il pooient. Et bien souffroit li roys, -pour lui couvrir, que de son pensser li Escot fuissent encouppé, et il -escuzéz en aultre mannierre. - -Tant chevaucha li roys poursieuwans les Escos, que il les trouva logiés -et retrès oultre le chité de Bervich, bien trois journées à l'entrée -des bois de Gedours que il avoient mis au dos. Et estoient li dit Escot -là arestet sour les camps moult faiticement, mès tous les soirs il -rentroient dedens les bois où li Englès ne se fuissent jamès enbatu: de -ce estoient il tout aseur. Li rois coummanda à logier touttes -mannierres de gens devant les Escos, et missent tout leur charoy entre -les Escos et eux; et furent là cinq jours, li uns devant l'autre, que -tout les jours li Escot yssoient hors des bois et moustroient par -samblanche que il se volsissent combattre. Et ordonnoient li Englès -touttes leurs batailles et esperoient à avoir de jour en jour -besoingne; mès point ne partoient de leur arroy, fors aucuns baceler -aventureux qui, pour aquerre pris d'armes, chevauçoient avant et -requeroient jouste as Escos. Si sachiés qu'il estoient recheu, ne -oncques nulx ne se parti escondi, et li Escot enssi sour yaux. Ossi de -archers et de compaignons de piet de l'un lés et de l'autre il i eut -pluiseurs escarmurches et paletis, des mors et des navrés de l'un lés -et de l'autre; mès point ne se desroutoient les batailles pour jouste, -ne pour escarmuche qui y fuist. Et emportoient dou tout le huée, des -Escos messires Guillaume Douglas et messires Simons Fresel, et ungs -chevaliers de France qui autrefoix avoit estet en Escoce et qui -presentement avoit rappasset le mer avoecq le roy d'Escoche pour querre -les armes, que on clammoit messire Ernoul d'Audrehen. Chils y fist -maintes belles appertises d'armes. Des Englès y avoit pluiseurs bons -chevaliers, plus que il n'y ewist des Escos, car il estoient plus grant -fuison. Et par especial messires Gautiers de Mauni, messires Loeys de -Biaucamp, messires Jehans Cambdos et messires Guillaummes Filz Warine y -fissent ossi tamainte belle proèche. Fo 64. - -P. 135, l. 28: apriès les Escos.--_Ms. B 6_: Et (li Escochois) se -partirent de Sallebrin, et fut environ heure de tierche, et le roy -d'Engleterre vint là à nonne. Sy fut durement courouchiés quant il -sceut que les Escochois estoient partis. Nienmains il les sievy à route -et se loga ce soir à trois lieues près d'eulx. Et l'endemain il fut -nonne ains que ly ung vinrent. Mais les Escochois estoient à l'entrée -de leur pais et avoient les grandes forests au dos où au besoing il se -povoient retraire, ne jamais les Englès ne les euissent là cachiés. -Ensy furent les Englès et les Escochois trois jours devant l'un l'autre -en une marche entre Gallez et Escoche que on dist Cambray et les bos de -Saint Amant. Fo 199. - -P. 135, l. 29: Bervich.--_Mss. A 7 à 10, 18 à 22, 30 à 33_: Bervich. Fo -81.--_Mss. B 3, A 1 à 6, 23 à 29_: Vervich. Fo 78 vo.--_Mss. A 11 à -17_: Wruich.--Fo 84 vo. - -P. 135, l. 30: forest de Gedours.--_Mss. A 11 à 14_: grant fourest de -Gedours. Fo 84 vo.--_Mss. A 15 à 17_: grant et haulte fourest de -Gedours. Fo 89.--_Mss. A 18, 19_: cité de Gedours. Fo 88. - - -=§ 161.= P. 136, l. 15: Tous ces trois jours.--_Ms. d'Amiens_: Che -terme durant, preudomme et saige chevalier de l'un ost et de l'autre, -avoecquez deuz evesques, cesti de Wincestre, englès, et cesti de Saint -Andrieu, escot, traitièrent ung respit entre ces deux roys à une -delivranche dou comte de Moret, qui estoit pris deviers les Englès, et -ossi dou comte de Sallebrin et dou comte de Sufforc, qui estoient -prisonnier à Paris deviers le roy de Franche. Et enclinoient chil troy -prison les coers de ces deux roys et des plus grans de leur ost à -tretier un respit et yaux ravoir chacun le sien, car il avoient là des -grans amis et dou linage qui vollentiers les veissent delivréz. Ossi il -estoient pris en armes en servant loyaumment leur seigneur, pour quoy -chil roy et chil qui dou tretiet s'ensonnioient, y entendirent plus -volentiers. Finablement tant fu tretiet et parlementet, que unes -trieuwes furent acordées à durer deux ans, se li roys Phelippes de -Franche s'y assentoit, car li roys d'Escoce estoit si fort aloiiés à -lui, que il ne pooit donner trieuwe ne respit, ne faire pais sans lui. -Et se li roys Phelippes ne s'i volloit acorder, si devoient les -trieuwes durer jusquez à le Saint Christophle, par telle condition que -li rois englès ne devoit faire nul comfort ne aydde à ces Englès qui -avoient pris et saisi ces deux fors castiaux, Rossebourch et Strumelin. -Et devoit y estre quittez li comtes de Moret de se prison, se li roys -d'Escoce pooit tant pourcachier au roy de Franche que li comtes de -Sallebrin fust quittez ossi de se prison, et li comtes de Sufforc -receut et mis à finnanche raisonnable, enssi que on doit mettre ung -gentil homme sans lui trop presser. Et devoit tout ce y estre -pourcachiet dedens le feste Saint Jaque et Saint Christofle, que -proçainement on atendoit. Celle trieuwe fu enssi acordée et affremmée -que vous avés oy. Si departi li roys d'Escoce ses gens et dounna à -chacun congiet de raller en son lieu jusques à tant qu'il les -manderoit; et envoya tantost souffissans messaigez en Franche deviers -le roy Phelippe, telz que l'evesque de Saint Andrieu et Alixandre de -Ramesay. Et li roys englès retourna arière à Bervich et donna touttes -ses gens congiet; et s'en ralla chacun en son lieu. - -Environ huit jours se tint li roys englès en le chité de Bervich et -departi touttez ses gens, si comme vous avés oy. Et demoura là à privée -maisnée, chiaux de son hostel tant seullement, et regarda au castiel et -à le forterèce de le ville. Et pria et enjoindi à monseigneur Edouwart -de Bailloeil, qui gardiiens de par lui en estoit, que il en volsist y -estre si songneus que nuls blammes ne dammaigez ne l'en presist; car il -seroit trop courouchiéz se li Escot li embloient ne tolloient par -ygnoranche ne deffaulte de bonne garde. Et li dis messires Edouwars li -respondi: «Monseigneur, nenil, se Dieux plaist. J'en songnerai dou -tamps à venir, si comme j'ay fait jusqu'à orez.» Et li rois li dist -qu'il s'en atendoit bien à lui. - -Endementroes que li roys englès sejourna à Bervich, eult il tamainte -imagination sus le comtesse de Sallebrin, car tant fort en estoit -enamourés, que nullement il n'en pooit partir, ne li oster. Une heure -disoit en soy meysmes que il s'en riroit par là en Engleterre, et puis -tantost le contredisoit, et puis afremoit que si feroit, et que au -congiet prendre, il ne trouva pas la damme si humble enviers lui qu'il -volsist. Pour quoy il li couvenoit remettre ses parolles en milleur -estat, et espoir à son retour elle seroit advisée: si le trouveroit -plus debonnaire qu'il n'avoit fait. Ensi se debatoit li roys à par -lui. Une heure estoit merancolieux, et l'autre joieux. Une heure, -honneurs et loiauté le reprendoient de mettre et d'arester son coer en -tel fausseté que volloir deshonnerer si bon chevalier que le comte de -Sallebrin, qui si loyaumment l'avoit tousjours servi. Et puis amour le -raherdoient et li enortoient, par grant ardeur dont il estoit plains, -que d'estre enamouré de l'amour d'une si noble, si frice, si douce et -si belle damme, pour ung roy et encorrez en son royaumme, il n'y avoit -point de fraude ne de desloyauté; car telz que li chevaliers estoit, il -l'avoit fait: si s'en pooit mieux fiier que d'un autre hors de son -royaumme. Et ossi se il estoit amoureux, c'estoit tout bon pour lui, -pour son pays et pour tous chevaliers et escuiers, car il en seroit -plus liés, plus gais et plus armerès; et en ordonneroit plus de -joustez, plus de behours, de festez et de reviaux qu'il n'avoit fait en -devant; et s'en seroit plus ablez et plus vighereux en ses guerrez, -plus amis et plus privés à ses gens et plus durs à ses ennemis. Ensi li -rois se devise et avise. Une heure, dist qu'il fait follie, quant il y -pense, et que la damme pour qui il a ces assaux, est moult lonch de se -penssée, et que elle se lairoit ainçois ocire que elle fesist cose dont -elle recevist blamme ne deshonneur. Puis dist li rois: «Or, soit que -elle ne me voeille ne daingne amer, si i voeil je pensser et li -parfaitement amer, car li penssée me fait grant bien.» Ensi est li roys -entrés en celle luite qui pas ne le laira ung grant tems, enssi comme -vous orés recorder en avant en l'istoire. Touttesvoiez, adonc avis le -mestria, si que, pour doubte de meffaire et de parperdre che où il -n'avoit encorres riens, il n'osa revenir par la damme de Sallebrin; mès -se recoummanda à lui par monseigneur Guillaumme de Montagut, sen -nepveut. Et li dist li roys: «Guillaumme, dittes à la contesse, vostre -ante, que elle se resjoysse, car temprement rara son marit par deviers -li.» Et li chevalier ly respondy: «Sire, vollentiers.» - -Or lairons à parler dou roy englèz, qui par le Noef Castiel sour Tin, -par Ardenton et par Dancastre, non mies par le comté de Sallebrin, -retourna arrière vers Londres. Si parlerons des messaigiers le roy -David d'Escoce, qui s'en vont en France, et fissent tant par leurs -journées qu'il vinrent à Paris, où il trouvèrent le roy Phelippe et -pluiseurs de ses barons dalléz lui; si le saluèrent bellement. Et li -roys les rechupt en cel mannierre pour le raison de chou qu'il estoient -estraingnier et au roy David, son bon amie. Li dit message -remoustrèrent au roy pourquoy il estoient là venus, et des armées et -chevauchies que li Escos et li Englèz avoient fait, li uns sour -l'autre, et comment li Escot avoient bien ars trois journées de pays en -Engleterre, et par especial la cité de Durem qui estoit rice et grande, -et comment li Englèz avoient à grant effort chevauchiet contre yaux et -nient porté de dammaige, et comment il furent cinq jours tous entiers -logiéz li ung devant l'autre, et tous les jours y avoit joustez, -paletis et escarmuches: «Finablement, chiers sires, unes trieuwez sont -prises à durer deux ans, se vous l'acordéz. Endementroes croistra nos -rois en force et en puissanche, et se repeuplera nos pays, et aquerons -amis de tous costéz, et puis ferons une bonne gherre, forte et desperte -as Englès, car jammais n'y aura ferme pais qui s'i tiengne: trop les -hayons à che costé.» Li roys entendi vollentiers à leurs parolles, et -s'acorda, pour l'amour dou roy d'Escoce et dez barons d'Escoce, à tout -chou que ordonné avoient, ne de riens il n'y contredist. Et delivra -quitte et delivre le comte de Sallebrin, que tenut avoit en prison plus -de deux ans; et mist à raençon convignable le comte de Sufforch et le -recrut sur se foy à avoir paiiet dedens l'année vingt mille escus ou -revenir en prison. Il lez paya, si fu quittez, et li comtez de Moret -delivréz parmy le comte de Sallebrin. Ainssi se fissent chil doy -escange, et se tinrent lez trieuwez entre Escoce et Engleterre. Je n'ai -nient oy parler dou contraire que elle fust de riens enfrainte. Et -toudis guerièrent li Escot le garnison de Strumelin, qui trop leur -cousta ainschois que il le pewissent ravoir. Si siet Strumelin droit ou -coer de leur pays. Fo 65. - -P. 136, l. 18: deus ans.--_Ms. B 6_: trois ans. Fo 199. - - -=§ 162.= P. 137, l. 23: Vous devés.--_Ms. d'Amiens_: Or voeil je -retourner à l'istore de Bretaingne et parler de monseigneur Carlon de -Blois et de la comtesse de Montfort. Vous savés bien en quel point je -laissai le matère, le comte de Montfort pris et emprisonnet ou castiel -de Louvre à Paris, monseigneur Carle de Blois à Nantes, et les -seigneurs de Franche qui aidiet à coummenchier sa guerre li avoient, -repairiet pour le cause de l'yvier, et devoient tout retourner à -l'estet, enssi qu'il fissent. Si me seroit il bien mestier à parler des -gherrez de Gascoingne qui trop fortez y estoient, car li comtes de -Laille, de par le roy de France, y tenoit les camps et avoit enssi que -tout reconcquis la grant duchié d'Acquitaine et constraindoit mout -chiaux de Bourdiaux; car il avoit assis la forte ville de Blaves par -terre et par aige, et n'aloit nus au devant, tant fust de grant affaire -en Gascoingne, ne amis au roy d'Engleterre. Et n'y avoit nulle ville en -Gascoingne, qui se tenissent pour englècez, excepté Bourdiaux, Blaves, -Aux en Gascoingne et la forte et bonne ville de Baione. Mais telle -estoit li intention dou comte de Laille et des seigneurs qui avoecq lui -estoient, que l'une apriès l'autre il les concquerroit. Or revenrons à -le gerre de Bretaingne et lairons à parler de ceste de Gascoingne: -quant temps et lieux sera, bien y retourons. - -Si parlerons coumment messires Carlez de Blois estoit tous quois -demourés en le cité de Nantes, et ens ou pays d'entours qui obeissoit à -lui, demoura tout l'ivier, si comme vous avés oy par devant, sus -l'estat que li dus de Normendie, ses cousins et li comtes d'Alenchon, -ses onclez, li avoient ordonnet, et atendoit le saison d'esté, en -laquelle fait milleur hostoiier qu'il ne face en le saison de yvier. Et -quant celle douce saison (d'esté) fu revenue, tout chil signeur de -France deseure noummet et grant fuison de autres gens avoecq yaux, s'en -rallèrent par deviers Bretaingne à grant puissance, pour aidier -monseigneur Charlon de Blois à reconquère le remannant de le duchet de -Bretaingne: dont il advinrent moult de grant merveilles et de biaus -fais d'armes, ensi comme vous porés oïr. - -Quant tout li seigneur furent venu à Nantes, là où il trouvèrent -monseigneur Charlon de Blois, il orent consseil qu'il assiegeroient le -cité de Rennes. Si yssirent de Nantes en grant arroy, et s'en allèrent -par deviers Rennes et le assegièrent tout environ. La contesse de -Montfort, qui se tenoit à Hainbon, l'avoit, au partir et tout l'ivier, -si bien pourveue et garnie de bonne artillerie, de touttez pourveanchez -et de bonne gent d'armes, que elle en estoit plus forte à concquerre; -et y avoit mis et establi ung vaillant chevalier et hardi pour -cappittainne, que on clammoit monsigneur Guillaumme de Quadudal, gentil -homme durement del pays de Bretaingne. - -Encorres avoit la dite comtesse de Montfort mis grans garnisons par -tout lez autres cités, castiauls et bonnes villes qui à lui -obeissoient, et partout bonnez cappitainnez des gentilz hommes dou pays -qui à lui se tenoient, desquelx le plus elle avoit acquis par biau -parler, par proumettre et par donner; car elle n'y volloit point -espargnier or ne argent, dons ne promesses: desquelx estoient li -evesquez de Lion, messires Amauris de Clichon, messires Yeuwains de -Thigueri, li sires de Landreniaus, le castelain de Ghingant, messires -Henris et messires Oliviers de Pennefort, messire Joffroi de Malatrait, -messires Guillaummes de Quadudal, li doy frère de Quarich et pluiseurs -aultrez bons chevaliers et escuier, tout de Bretaingne. - -Ossi messires Carles de Blois (en avoit) grant fuison qui à lui se -tenoient, et plus que n'ewist li comtesse, desquelx estoient li drois -sires de Clichon, messires Hervis de Lion qui estoit retournés, li -viscontez de Rohem, li sires d'Avaugor, li sires de Quitin, li sires de -Tournemine, li sires d'Ansenis, li sires de Biaumanoir, li sires de -Rais, li sires de Rieus, li sires de Laval, li sires de Gargoule, li -sires de Loriach et tout banerech, et pluisseur aultre chevalier et bon -escuier, qui nullement ne volloient estre de le partie de Montfort. Et -li autre tenoient le opinion si bonne et si juste, que, pour amorir, il -ne fuissent tournés Bloisois. Ensi estoit la grande terre de Bretaingne -entoueillie en guerre, li oncles contre le nepveult, li frèrez au -frère, li pèrez au fil tels fois fu, li germains au cousin germain, li -voisin à sen voisin. Et dura ceste guerre trop grant tamps, ensi comme -vous orés recorder avant en l'istoire. Or parlerons nous dou siège de -Rennez. Fos 65 vo et 66. - -P. 137, l. 25: de Bourbon.--_Le ms. B 6 ajoute_: le conte de Forès, le -conte de Boulongne. Fo 199. - -P. 139, l. 2: doi frère.--_Mss. A 11 à 14_: les deux frères de Quintin, -monseigneur Geffroy de Maallechat, monseigneur Robert de Guiche, -monseigneur Jehan de Quoyquem et pluseurs aultres. Fo 85 vo. - -P. 139, l. 2: Quirich.--_Mss. A 1 à 6_: Chirich. Fo 88 vo.--_Mss. A 20 -à 22_: Tirich. Fo 133 vo. - -P. 139, l. 11: dire.--_Mss. A 11 à 14_: qu'il avoit adonc pourchacié sa -prinse et fait trahir par les bourgois. Fo 85 vo. - - -=§ 163.= P. 139, l. 16: Messires Charles.--_Ms. d'Amiens_: Messires -Carles de Blois et li seigneur de Franche tinrent le siège assés -longement devant le cité de Rennes, et y fissent grans dammaigez et -mains fors assaux par les Espagnos et par les Geneuois, dont il avoient -grant fuison en leur ost. Et chil de d'ens se deffendirent bien et -vassaument, par le consseil dou bon chevalier monseigneur de Quadudal, -si sagement que cil de dehors y perdirent plus souvent qu'il n'y -gaegnoient. Si avoient fait li signeur de France drechier grans -enghiens devant la cité, qui y gettoient grosses pierres et qui trop -durement le travilloient. - -Endementrues que chils sièges estoit si grans et si fors devant Rennes, -la comtesse de Montfort, qui se tenoit en Hainbon o grant fuison de -chiaux de son acord, eult consseil que elle envoieroit au secours -deviers le roy d'Engleterre, de qui ses sires li comtez de Montfort -avoit relevet la duché de Bretaingne: si l'en devoit aidier à deffendre -et à gharandir contre tous hommez. La damme de Montfort eut ce consseil -et le vollenté de là envoiier; mès à trop grant dur trouva elle qui y -volsist aller, car nulz ne le volloit laissier ou parti où elle estoit, -pour sen onneur. Toutesvoies, tant pria elle les ungs et les autres et -leur remoustra tant de bellez et doucez parolles, que messires Amauris -de Clichon s'acorda ad ce que il feroit le messaige. Si entra en ung -vaissiel et prist bon maronnier, et se mist en mer en le vollenté de -Dieu et dou vent, en singlant devers Engleterre, et arriva dedens cinq -jours ou havene de Hantonne. Si demanda où li roys estoit; on li dist: -à Londres. Adonc monta il à ceval et toutte se routte; et -chevauchièrent tant qu'il vinrent à Londres. - -Quant li roys seut la venue monsigneur Amauri de Clichon, si en eut -grant joie, car il penssoit bien avoir nouvellez de Bretaingne. Se le -fist tantost venir avant et le rechupt liement, et li demanda que sa -cousinne la contesse de Montfort faisoit: «En nom Dieu, monseigneur, si -se recoummande à vous comme celle qui a grant mestier de vostre -comffort, car messires Carlez de Blois et grant fuison de bonne -chevalerie de Franche li font très forte guerre; et seoient devant le -cité de Rennes, quant je me parti. Si vous prie madamme que vous le -voeilliés secourir et envoiier par delà ung de vos petis marescaux qui -li aye son hiretaige et de son fil à deffendre.»--«Par me foy, dist li -roys, je le feray vollentiers.» Adonc regarda li rois sus monseigneur -Gautier de Mauni et li dist: «Gautier, vous m'avés servi en pluiseurs -bellez besongnes. Encorres vous prie jou que vous me servés en ceste, -et je vous deliveray gens, or et argent assés pour furnir vostre -voiaige.»--«Sire, respondi messires Ghautiers, Dieu me gart que jà je -refusse cose que vous coummandés à faire. Or ordonnés dou sourplus, car -je sui tous prês dou mouvoir quant il vous plaira.» Che dist li rois: -«Grant merchy, messire Gautier.» - -Assés tost apriès, messires Gautiers de Mauny s'appareilla et ordonna; -et fu ses mendemens fais et assis, et se carge, en le ville de -Hantonne. Si se parti dou roy qui le fist souverain et cappittainne de -ceste armée, et vint à Hantonne, et messires Amauris de Clichon o lui; -et là sejournèrent il douze jours, en attendant leurs gens et en -faisant leurs pourveanches, et ossi le vent qui leur estoit contraire. -Au tresimme jour entrèrent il en mer. Si estoient trois cens hommez -d'armes et douze cens archiers d'eslite. Avoecq monseigneur Gautier de -Mauny estoient des chevaliers messires Frankes de Halle, messires -Gerars de Baudresen, li doy frère de Loynendale, messires Loeys et -messires Jehans, li Haze de Braibant, messires Hubers de Frenay, -messires Alains de Sirehonde, li sires Despenssiers, li sires de -Ferièrez, messires Thomas Kok, messires Hues de Hastinges, messires -Alixandres Anssel, messires Jehans li Boutilliers et pluiseur aultre. -Si nagièrent par mer et tournèrent leurs singlez par deviers -Bretaingne. Che premier jour eurent il assés bon vent, le second les -prist une fortune si grande que il quidièrent y estre tout peri; et les -rebouta li vens bien parfont en Cornuaille. Si furent sur mer plus de -soixante jours par les vens contrairez et par les fortunnez qui leur -avinrent. Et toudis les atendoit de jour en jour la contesse de -Montfort en grant mescief de coer; car bien savoit que chil de Rennes -avoient moult à souffrir, et moult vollentiers les ewist conforté, -s'elle pewist. Fo 66. - -_Ms. de Rome_: Qant ce vint sus le printemps, et que la douce saison fu -retournée, messires Carles de Blois envoia ses messages en France, et -par especial le seigneur de Biaumanoir deviers le roi son oncle, pour -priier que il li vosist envoiier gens qui li aidassent à reconquerir le -demorant dou pais de Bretagne. Li rois s'enclina à celle priière et -manda au conte Raoul d'Eu, son connestable, et au conte de Ghines, son -fil, que il fesist son mandement de gens d'armes et d'arbalestriers, et -s'en alast en Bretagne. Li dus de Bourbon, messires Jaquemes de -Bourbon, li contes de Blois, li contes de Vendome, mesires Loeis -d'Espagne, li sires de Chastellon, li sires de Couchi, li sires de -Montmorensi, li sires de Saint Venant et grant fuisson de la baronie et -chevalerie de France se ordonnèrent et se missent au cemin. Et -esploitièrent tant que il vinrent en la chité de Nantes, et se -trouvèrent, sus quinse jours, bien six mille honmes d'armes et douse -mille honmes à lances et as pavais, parmi les arbalestriers geneuois, -des quels mesire Oste Dorie estoit chapitainne, et avoecques li -messires Carles Grimaus. Et se departirent un jour de Nantes en grant -arroi et poissance, et prissent le cemin de Rennes, et fissent tant que -il i parvinrent, et bastirent là lor siège tout à l'environ. Pour ces -jours avoit grans fourbours à Rennes, mais li chapitainne de Rennes et -li saudoiier qui dedens estoient, qant il sentirent que on les venoit -assegier, les ardirent, et avoient fortefiiet grandement lor ville de -toutes pars. Par devant Rennes ot grant siège et lonch, et qui moult -avant dura en l'esté, et fait tamainte escarmuce et maint assaut. Et -moult bien s'i portèrent chil de dedens, voires li gentilhonme, -messires Guillaume de Quadudal et li aultre; et avoient tous jours -regart sus les bourgois de Rennes que il ne fesissent auqun vilain -tretié à ceuls de l'oost. - -La contesse de Montfort, qui se tenoit à Vennes, n'estoit pas forte -assés pour lever le siège, et dist à son consel: «Il me fault envoiier -au secours en Engleterre. Je poroie bien trop atendre.» Son consel fu -d'acort à tout ce faire, et priiés de par li messires Amauris de Cliçon -que il i vosist aler. Li chevaliers ne l'euist jamais escondit et -s'ordonna à partir. Et qant il ot ses lettres adreçans au roi -d'Engleterre et à mesire Robert d'Artois et à auquns barons et -chevaliers d'Engleterre, il entra en un vassiel ou havene de Vennes -meismes, et se departi et singla tant par mer, à l'aide de Dieu et dou -vent, que il vint à Pleumude. Et là s'arestèrent et ancrèrent li -maronnier, puis issi li dis messires Amauris de son vassiel et sa -famille; et se rafresqirent dedens la ville et pourveirent des chevaus. -Et qant il furent tout apparilliet, il montèrent et chevaucèrent viers -Londres, et tant fissent que il i parvinrent. Pour ces jours, li rois -et la roine et mesires Robers d'Artois estoient en la marce de Bristo: -si lor fu painne. Toutes fois il ceminèrent celle part, et trouvèrent -le roi et la roine qui festioient le conte de Saslebrin et le conte de -Sufforch, qui nouvellement estoient issu hors de la prison de France, -et s'estoient rançonné li doi conte à vint mille nobles. - -Qant mesires Amauris de Cliçon fu venus deviers le roi, on li fist -voie. Il se mist en genouls; il bailla ses lettres. Li rois les prist -et les lissi; et portoient creance. Adonc fu trais à part dou roi -mesires Amauris de Cliçon, et encores en ce consel li rois apella -mesire Robert d'Artois. Et là parla li dis chevaliers et compta tout -l'estat de Bretagne, et conment on s'i portoit, et de la chité de -Rennes conment elle estoit assegie. Et prioit li chevaliers au roi, de -par la contesse, que il i vosist entendre, pour aidier à deffendre et -garder le pais, car sans son aide la poissance de la dame estoit moult -petite, car si ennemi tenoient les camps. Li rois respondi et dist: -«Mesire Amauri, vous nous estes li bien venus; et dedens quinse jours, -nous serons en la marce de Londres, et auerons une partie de nostre -consel, et là serés vous expediiés de toutes coses; mais nous sonmes -pour le present sus nostres deduis. Si ne poons pas entendre à tels -coses, ne faire response telle que li chas demande; car nous avons -trieuves, ensi que vous savés, à nostre adversaire Phelippe de Valois. -Si nous couvient bien avoir consel conment nous nos ordenerons de la -gerre de Bretagne.» Messires Amauris de Cliçon se contenta assés de -ceste response, et se departi (du roi) et de mesire Robert d'Artois, et -s'en retourna à Londres. - -Qant ce vint au jour que li rois deubt estre à Londres, il i fu et jà -avoit il escript et mandé son consel, celi que il voloit avoir. Et tout -furent à Wesmoutier, et là vint messires Amauris de Cliçon. Si fu -appellés en la cambre dou consel, et là, en la presence dou roi et dou -consel, il remoustra ce pour quoi il estoit venus, et prioit que il -fust briefment respondus, et la contesse de Montfort, sa dame, -secourue. On fist issir le chevalier de la cambre, tant que li consauls -dou roi euist parlé ensamble. - -Là ot en ce consel pluisseurs coses et paroles retournées, car li rois -d'Engleterre ne voloit nullement enfraindre ne brisier les trieuves qui -données estoient, jurées et seelées à tenir deus ans entre li et -Phelippe de Valois. Et ossi il couvenoit que la contesse de Montfort -fust aidie et confortée dou roi et des Englois, puis que on avoit la -ducée de Bretagne relevé de li, et que on le tenoit et voloit tenir en -foi et en honmage de la couronne d'Engleterre. Or fu avisé que on -feroit une cose raisonnable, sans ce que li rois s'en ensonniast en -riens. Puis que la contesse de Montfort mandoit secours, on l'en -envoieroit pour ses deniers, tant conme elle en vodroit avoir et poroit -paiier, ce point ne li pooit on oster; et qant les trieuves seroient -fallies entre France et Engleterre, li rois aueroit aultre consel. Donc -fu apellés messires Amauris de Cliçon, et li fu dit conment pour celle -fois il couvenoit que il ouvrast. Qant il vei ce, il considera raison -et se delivra dou plus tos que il pot, et quist gens d'armes et -archiers; et li signeur d'Engleterre li aministrèrent lesquels il -prenderoit pour bien faire sa besongne. - -Tout nouvellement estoit retournés dou roiaulme d'Escoce messire -Gautiers de Mauni, un jones chevaliers de Hainnau, qui trop -vaillanment s'i estoit portés en tous les fais d'armes où on l'avoit -veu et trouvé, et tant que il en avoit souverainnement la grace et la -renonmée. Si fu retenus de mesire Amauri de Cliçon, et pour estre -saudoiiers à la contesse de Montfort et chapitainne de tous les -aultres, et ot de sa carge trois cens lances et deus mille archiers. Et -fu tout de fait aviset si grande la carge d'archiers pour raemplir les -garnisons. Si ordonnèrent lors pourveances et lors navies à Pleumude, -et qant tout fu prest, et chil venu qui devoient passer oultre en -Bretagne, il entrèrent en lor vassiaus. Si se desancrèrent dou port de -Plemude et entrèrent en mer. Avoecques messire Gautier de Mauni, qui -souverains fu de ceste armée, estoient doi chevalier frère, Lois et -Jehans de Leinendale, mesires Hubiers de Frenai, le Hazle de Braibant, -mesire Gerart de Baudresen, mesires Alains de Sirehomde, mesires Lois -Clambo, mesires Edouwars de Lanton, messire Guillaumes Touchet, mesires -Hues de Ferrières, Guillaume Penniel, Thomas Paule, Jehan et Guillaume -Clinqueton et pluisseur aultre; et singlèrent par mer et tournèrent -viers Bretagne. Mais qant il furent en mi cemin de la mer, il orent -fortune moult grande et vent si contraire que il furent sus le point de -estre tout perdu; et les boutèrent chil vens et celle fortune en la mer -d'Irlande. Et furent plus de quinse jours avant que il peuissent -retourner sus lor cemin, et vinrent prendre terre à lor retour de la -mer d'Irlande en l'ille de Breha, c'est des tenures de Bretagne; et là -se rafresqirent quatre jours. Et puis rentrèrent en lors vassiaus, et -prissent la mer pour venir à Hainbon là où la contesse de Montfort les -atendoit, à laquelle nous retournerons un petit, et parlerons dou siège -de Rennes. Fos 78 et 79. - -P. 140, l. 21 et 22: deus mille ou trois mille.--_Mss. B 3, A 11 à 14, -18, 19, 23 à 33_: deux ou trois mille. Fo 79 vo.--_Mss. A 1 à 10, 15 à -17, 20 à 22_: trois ou quatre mille. Fo 89. - -P. 140, l. 28: Neynendale.--_Mss. B 3, A 7 à 10, 15 à 17, 23 à 33_: -Leynendale, Leynondale, Lynnodale, Leynoudale. Fo 79 vo.--_Mss. A 1 à -6, 18 à 22_: Leynodelle. Fo 89.--_Mss. A 11 à 14_: Leindechalle. Fo 86. - -P. 141, l. 7: Rennes.--_Mss. A 15 à 17_: où vaillaument ilz se -tenoient. Fo 90 vo. - - -=§ 164.= P. 141, l. 8: Or est.--_Ms. d'Amiens_: En che terme que la -damme de Montfort avoit envoiiet au secours en Engleterre, et les lons -jours qu'il missent au venir, eut devant la chité de Rennes tamaint -grant assault et mainte forte escarmuche. Et tant y sirent li Franchois -que cil de dedens en estoient tout anoieus. Et vollentiers se fuissent -rendut à monseigneur Carlon de Blois, se messires Guillaummes de -Quadudal l'ewist conssenti; mès nullement il ne s'i volloit accorder. -Et leur brisoit et tolloit toudis leur proupos; et leur disoit que, se -il plaisoit à Dieu, il ne feroient jà lasqueté à leur bonne damme. - -Li bourgois de Rennes, qui durement estoient apresset de ce siège, et -qui veoient leurs biens gaster de tous costéz, et sentoient le comte de -Montfort pris, et ne perchevoient nul secours de nul costet, eurent -entr'iaux advis et accord qu'il se renderoient; et se messires -Guillaummes de Quadudal ne s'i volloit assentir, il le prenderoient et -le meteroient en prison. Ensi qu'il proposèrent, il le fissent; et -remoustrèrent leur entente et le povreté où il estoient et pooient -encorrez esceir plus grande, et de legier: pour quoy il se volloient -rendre et yssir de ce peril. Li chevaliers, pour amorir, ne s'i fust -jammais acordé. Et quant li bourgois virent che, il le prissent de -force et l'emprisonnèrent. Et puis envoiièrent tretier deviers -monseigneur Carlon de Blois que il li renderoient la cité de Rennes, -par condition que il li volsissent pardonner son mautalent et sauver -les biens de le ville, et quitter le chevalier qu'il tenoient en -prison, et laissier aller, quel part qu'il volsist, Monfortois ou -autre, et tous chiaux ossi qui ceste oppinion volloient tenir. - -Messires Carles de Blois, par le consseil qu'il eut des seigneurs de -France qui là estoient, s'i accorda et leur pardonna son mautalent; et -entra en le chité de Rennes à grant pourcession et à grant joie, et -prist l'ommaige et le feauté des bourgois de le cité et leur tint tout -leur convens. Si fu mis messires Guillaummes de Quadudal hors de -prison. Et li fu demandet de quel costet il se volloit traire: il -respondi que il avoit son sierment à sa damme et que celle part iroit -il, se on le laissoit aller; et on li dist: «oil.» Enssi s'en vint li -chevaliers à Hainbon deviers la comtesse de Montfort, qui le rechupt à -joie, mais elle fu mout couroucie quant elle seut que la cité de Rennes -estoit rendue; et si n'ooit nulle nouvelle de monseigneur Amauri de -Clichon, ne de sa compaignie. Fo 66. - -_Ms. de Rome_: Messires Carles de Blois et li signeur de France desus -nonmet tinrent le siège assés longement devant la chité de Rennes, et i -livrèrent pluisseurs assaus, tant que li bourgois de Rennes se tenoient -à moult cargiet dou dit siège, et euissent volentiers entendu à auquns -trettiés deviers messire Carle, se il euissent osé; mais il doubtoient -lor chapitainne et les saudoiiers, et disoient entre euls: «Nous sonmes -plus que fol, qui nous faisons guerriier et destruire pour la contesse -de Montfort, et tenons son opinion à bonne. Si en perdons nos biens as -camps et nos hiretages, et en sonmes tous les jours en aventure d'estre -mort par les assaus et escarmuces que chil de l'ost nous font. Et ne -nous est apparans nuls confors de nul costé, car celle contesse à la -longe ne puet durer contre la poissance de France.» - -Tant parlèrent et murmurèrent secretement entre euls chil de Rennes que -de un conmun acord une nuit il prissent lor chapitainne messire -Guillaume de Quadudal et l'emprisonnèrent en une tour, et des -saudoiiers auquns, liquel estoient à lor avis li plus poissant, par -quoi il fuissent mieuls au desus de lor emprise. Et puis il tretiièrent -deviers mesire Carle de Blois et les François. Et se rendirent par -condition telle que ceuls que il avoient pris, il les deliveroient -quites et delivrés, et les lairoient aler euls et le leur deviers la -contesse de Montfort, se aler i voloient; et euls aussi et le lour -demoroient en segur estat, et il devenoient bons François, et -recongnissoient messire Carle de Blois à lor signeur et à duc de -Bretagne. - -On entendi volentiers à lors trettiés, et lor furent acordé, juré et -tenu, tout ensi conme il le vodrent avoir. Et se partirent mesires -Guillaumes de Qadudal et tout li compagnon que la contesse i avoit -envoiiet, car jamais ne se fuissent tourné François, de la chité de -Rennes, et cargièrent toutes lors coses, sans riens laissier derrière, -et s'en alèrent à Hainbon deviers la contesse, qui moult fu courouchie -de ces nouvelles et ot pluisseurs imaginations, pour tant que elle -n'ooit nulles nouvelles de mesire Amauri de Cliçon, et faisoit doubte -que il ne pooit esploitier, pour tant que son mari estoit tenus des -François, et ne savoit se il estoit mors ou vifs. Fo 79 vo. - - -=§ 165.= P. 142, l. 3: Quant la.--_Ms. d'Amiens_: Quant la cité de -Rennes se fu rendue, ensi comme vous avés oy, et li bourgois eurent -fait le feaulté à monseigneur Carlon de Blois, et il eut pris le -saisinne et le possession de tout et regardé as ordounnanches de le -cité, et fait reparer che qui desparet estoit par son assault, si ot -consseil à ses amis de Franche quelle part il poroit traire à tout son -host, pour mieux avant esploitier de reconquère le remannant. Li -conssaux se tourna à çou qu'il se traisist par devant le fort castiel -de Hainbon, là où li comtesse et ses filz estoient; car puisque leurs -sirez li comte de Montfort estoit emprissonnés, se il pooit prendre le -ville, le castiel et le comtesse et son fil ossi, il aroit tost sa -guerre affinnée. Enssi fu fait. Si se traisent tuit vers Hainbon, et -assegièrent le ville et le chastiel tout autour tant qu'il porent par -terre. La comtesse estoit si bien pourveue de bons chevaliers et -d'autres souffissans gens d'armes qu'il couvenoit pour deffendre le -ville et le castiel; mès toudis estoit en grant souppechon dou secours -d'Engleterre que elle atendoit, et si n'en ooit nullez nouvelles. Ains -avoit doubtance que grans meschiés ne leur fust avenus, ou par fortune -de mer, ou par encontre d'ennemis. Avoecques lui estoit en Hainbon li -evesques de Lion en Bretaingne, dont messires Hervis de Lion estoit -onclez, qui estoit de l'autre partie. Et si y estoit messires Yewez de -Tiegueri, li sires de Landreniaus, li doy frère de Pennefort, li -castelains de Guigant et pluiseur autre bon chevalier et escuier de -Bretaingne. Quant la comtesse et cil chevalier qui en Hainbon se -tenoient, entendirent que chil seigneur de Franche venoient pour yaux -assegier et que il estoient assés priès de là, il fissent coummander -que il sonnaissent le blancloque, et que chacuns s'allast armer et -allast à sa deffensce, enssi que il estoit ordonnet. Et chacuns obei -sans contredit. - -Quant messires Carlez de Blois et li seigneur franchois furent -aprochiet de le ville de Hainbon et il le virent forte et bien -breteskie, il fissent leur gens logier et amanagier, enssi qu'il -appartient, quant on voelt faire siège. Aucun jouene et legiers -compaignons geneuois, espaignol et franchois allèrent jusques as -baillez pour paleter et escarmuchier; et aucuns de chiaux de dedens -yssirent contre yaux, enssi que on fait souvent en telx besoingnes. Là -eult pluiseurs hustins, et pardirent plus li Geneuois et Espagnol qu'il -n'y gaignièrent, enssi qu'il avient souvent par lui follement -abandounner. Quant li soirs aprocha, chacun se retrai à se loge. -L'endemain, li seigneur eurent consseil qu'il feroient au matin -assaillir lez baillez fortement, pour veoir le contenanche de chiaux de -dedens, et pour veoir se il y poroient riens concquester. Au tierc jour -dou siège durant, il s'armèrent en l'ost et vinrent devant les murs, -environ heure de prime. Si coummenchièrent ung assault très fort et -très fier de traire et de lanchier et de faire touttes appertises -d'armes, et chil de d'ens à yaux deffendre de grant couraige. Et dura -chilz assaux continuelment jusques à heure de nonne, que Geneuois et -Espagnols, qui moult s'abandonnoient, furent durement lasset et -travilliet, et pluiseur mort et navret. Si se retraissent pour le -foule, et pour remettre à point lez blechiés. Quant li seigneur de -Franche virent leurs gens retraire et enssi que refroidiéz, si en -furent durement coreciet. Si fissent touttez mannierrez de gens retrère -avant et yaux encoragier et enhardir, et plus fort assaillir que -devant; et chil de dedens si s'efforchièrent ossi dou bien deffendre. -Là estoit la comtesse de Montfort toutte armée, montée sus un -courssier, et chevauchoit de rue en rue par le ville et semonnoit ses -gens de bien deffendre. Et faisoit les femmes de le ville, dammes et -autrez, deffaire les chauchies et porter les pières as cretiaux pour -jetter as ennemis; et faisoit aporter bombardes et pos plains de vive -cauch, pour plus ensonniier chiaux de l'ost. Fos 66 vo et 67. - -_Ms. de Rome_: Ensi eurent messires Carles de Blois et li François la -chité de Rennes, et entrèrent dedens à grant joie. Et rechurent li -bourgois le dit mesire Carle à duch et à signeur et le menèrent à -l'eglise, et là jura solempnelment sus Saintes Ewangilles que il les -tenroit as us et as coustumes brettes; et tout devinrent si honme. Si -se rafresqirent quatre jours en la chité des biens qui lor vinrent de -sus le pais, et que il i trouvèrent. Et orent là li signeur consel -ensamble où il se trairoient, ou devant Vennes, ou devant Hainbon là où -la contesse de Montfort estoit. Consilliet fu que il iroient devant -Hainbon, et encloroient la contesse là dedens; et, se il le pooient -conquerir, lor guerre seroit finée. Si se departirent un jour de Rennes -en grant conroi, et s'en vinrent à Hainbon; et l'asegièrent par terre -et environnèrent si avant que il porent, car au lés deviers la mer il -ne pooient bastir nul siège. - -La contesse estoit bien pourveue de ses amis, de chevaliers et -d'esquiers et de bonnes gens d'armes, les quels elle tenoit à ses gages -à Hainbon, à ville et chastiel. La contesse se tenoit ou chastiel, et -ses gens en la ville. Avoecques la contesse de Montfort, qant li -François vinrent là, estoient mesires Ives de Tigeri, li sires de -Landreniaus, li chastellains de Ghingant, li doi frère de Quirich, -messires Henris de Pennefort et messires Oliviers, son frère, et li -evesques de Lion en Bretagne, dou quel messires Hervis de Lion, qui se -tenoit avoecques messire Carle de Blois, estoit oncles. Entrues que li -François se logoient, li Geneuois et li Espagnols, des quels mesires -Loys d'Espagne, marescal de l'oost mesire Carle, estoit chapitainne, -voires avoecques lui mesires Othes Dorie, alèrent escarmuchier as -barrières. Et là vinrent chil de la garnison, qui vaillanment s'i -portèrent; et dura li escarmuce jusques au soir que tout se retraissent -as lors logeis. A l'endemain, de rechief on vint as bailles lancier et -escarmuchier; et en i ot biaucop de bleciés de une part et d'aultre. Et -entrues que li escarmuce estoit, on assalloit as murs priès que de -toutes pars, et chil de la ville se deffendoient vaillanment. La -contesse de Montfort, qui avoit coer d'onme et de lion, estoit armée et -montée sus un coursier, et amonestoit ses honmes de bien faire. Et -cevauçoit de rue en rue, et faisoit par les fenmes et les enfans -deffaire les cauchies, et porter la pière et les calliaus sus les murs, -et servir ceuls qui se deffendoient. Fo 79 vo. - -P. 142, l. 22: li evesques de Lyon.--_Mss. A 20 à 22_: oncle à messire -(Hervi) de Lyon. Fo 135.--_Tous les autres mss. A et tous les mss. B -donnent la mauvaise leçon_: dont messires Hervis de Lyon estoit neveus. - -P. 142, l. 26: Quirich.--_Mss. A 11 à 14_: Quintin. Fo 86 vo. - - -=§ 166.= P. 144, l. 7: Encores.--_Ms. d'Amiens_: Or pourés oïr une très -grant emprise et ung mervilleux et outrageux fait d'armes que ceste -comtesse fist. Elle qui oncques ne cessoit d'aller de l'un à l'autre -pour rencoragier sez gens, et ossi à le fois elle montoit en une haute -tour dou castiel pour mieux aviser le contenance de chiaux de l'ost, si -regarda une fois que elle estoit là montée, que tout li seigneur de -France et touttez mannierrez d'autrez gens estoient à l'assault et -entendoient si fort et si ententivement à l'assaillir, que tout li -logeis estoient ensi que wuit et sans garde. Que fist elle pour -adamager chiaux de l'ost? Elle requeilli environ trois cens compaignons -et les fist monter à cheval, et se parti de Hainbon par une fausse -postierne qui ouvroit sus le mer, auquel endroit il n'y avoit adonc -point d'assault; et prist son tour tout autour de le ville par voies -couvertez. Bien avoit qui mener le savoit, et s'en vint ens ès tentez -et ens ès logeis de France, et se feri dedens vassaument, et fist ses -gens espardre en pluisseurs lieux; car nulz n'y estoit, qui leur pewist -contredire, fors aucuns garchons et vallès chetilz. Là tuèrent il, et -boutèrent le feu à mout vent ens ès tentes et ens ès logeis lez -seigneurs de Franche. Tantost li feux s'esprist grans et villains, car -li une tente ardoit l'autre, tant que li punaisie et li fumière en -descendoit sour chiaux qui à l'assaut estoient. Quant li seigneur de -France virent leurs loges ardoir, et oïrent le hu et le cri qui de -celle part venoit, il furent tout esbahy et coururent vers leurs -logeis, en criant: «Trahi! Trahi!» Et ne demoura nuls à l'assault. - -Quant la dessus dite comtesse vit l'ost estourmir et de touttes pars -gens acourir, elle requeilla et rassambla ses gens bellement et -sagement, et perchut bien que elle ne poroit rentrer en le ville sans -trop grant perte. Si s'en alla ung autre chemin droit par deviers le -castiel de Braait, qui siet à quatre lieuwes priès de là. Quant -messires Loeys d'Espaingne, qui estoit connestablez adonc de toutte -l'ost et qui ceste aventure avoit pris en grant despit, quant il parfu -venus as loges et il lez vit ardoir et flammer, et la comtesse et sa -gent qui s'en alloient quanqu'il pooient, il se mist en cace apriès -yaux pour yaux raconssuiwir en criant son cor, et chacuns sieuwi sa -bannierre. Si furent durement enchauchiés la comtesse et li sien; et en -tuèrent aucuns qui estoient mal montés. Et dura li cace jusquez à -Braait, où la comtesse et li sien se sauvèrent et boutèrent; et lez -requeillirent chil de laiens à grant feste. - -Quant messires Loeys d'Espaingne seult par les prisonniers que pris en -cette cache avoit, que c'estoit la comtesse qui che destourbier li -avoit portet et à toutte l'ost, si fu durement courouchiéz de ce que -elle li estoit escappée ensi. Si s'en retourna deviers leur ost et -compta as seigneurs que ce avoit estet la comtesse de Montfort qui -ceste envayée leur avoit fait: si en furent durement esmervilliet li -ung par l'autre coumment elle avoit oset entreprendre tel fait, et li -mettre en si grant aventure et en tel parti d'armes. Se li tinrent li -aucun à outraige et à folie, et li autre à proèce et à vaillanche. Se -chil de dehors en estoient esmervilliet, chil de dedens, ses gens -meymmez, l'estoient plus; et ne pooient apenser coumment la comtesse -avoit tout ce adviset, ne oset entreprendre. Mais il furent, le parfait -dou jour et toutte la nuit enssuiwant, en grant frichon et esmay de ce -que la damme ne nulx de ses compaignons ne retournoit: si n'en savoient -que pensser, ne quoy adviser; et se doubtoient que elle ne fuist prise, -et toutte la compaignie qui avoecq lui yssi, ossi morte ou prise au -mieux venir. Fo 67. - -_Ms. de Rome_: Encores s'avisa celle contesse de une très grande -emprise que on li doit bien tourner à vaillance, car elle fist environ -deus cens honmes des siens monter as cevaus, et puis fist ouvrir une -porte où nuls n'asalloit. Et se partirent, elle et ses gens, et s'en -vinrent par derrière bouter et fraper ens ès logeis des François, qui -n'estoient pour l'eure gardé que de varlès et garçons, car tout honme -d'armes entendoient à l'asaut ou il le regardoient. Qant la contesse fu -là venue, elle fist bouter le feu en plus de trente lieus. Li feus et -la fumière s'eslevèrent; la noise et li cris conmenchièrent à lever. -Chil qui asalloient, laissièrent tout quoi ester les assaus, et -s'esmervilloient que ce pooit estre. Et perdirent li signeur, par celle -emprise et ce feu, grant fuisson de lors chevaus et de lors -pourveances. - -Messires Lois d'Espagne, marescaus de l'oost, fu auques li uns des -premiers qui retournèrent sus les logeis, et entendi que la contesse de -Montfort avoit fait celle emprise. Il ne fu pas si courouciés dou -damage que il fu resjois de ce que la contesse estoit hors de la -garnison, et cria en hault: «Or, tos as chevaus! Celle fenme et sa -route soient poursievoit! Jamais ne renteront en Hainbon, ne en -forterèce qui soit en Bretagne: il sont nostre. Aultrement ne poons -nous avoir fin de gerre.» Lors veissiés toutes gens haster et monter -sus chevaus, et euls asambler dalés le marescal qui faisoit sonner ses -tronpètes à grant effort pour requellier ses gens; et prendoient le pas -de la ville pour enclore la contesse au dehors, ensi que il fissent. La -contesse perchut bien que point ne poroient rentrer en Hainbon. Si -prist les camps et dist à ces gens: «Chevauçons viers Brest. La -garnison est pour nous. Là serons nous receu.» Il fissent ensi que elle -ordonna, et prisent le cemin de Brest, et estoient jà moult eslongiet -avant que on s'en perçuist en l'oost; car messires Lois d'Espagne et li -François avoient clos les pas et les rentrées en Hainbon, à la fin que -il fuissent au desus de la contesse et de ses gens. On vint dire et -nonchier à mesire Lois: «Sire, vous arestés ichi pour noient; la -contesse et ses gens s'en vont viers Brest.» - -Qant messires Lois d'Espagne oï ces nouvelles, si dist: «Apriès! -apriès!» Lors veissiés toutes gens desrouter et ferir à l'esporon -apriès la contesse. Ce jour furent li François bien ensonniiet, car li -auqun entendoient au cachier, et li aultre à estaindre le feu qui se -mouteplioit ens ès logeis, qui lor fist grant damage de lors chevaus, -de lors harnas et de lors pourveances. Meismement li auqun François -disoient l'un à l'autre: «Veés la vaillant contesse, et qui bien scet -guerriier et a fait aujourd'ui une grande emprise, issu de la ville de -Hainbon, ars nostres logeis, fait cesser l'asaut de devant Hainbon; et -encores s'en va elle à Brest, et tout acomplira ces emprises sans son -damage.» Il disoient verité, car onques mesires Lois d'Espagne ne sa -route ne le peurent rataindre; mais s'en vint bouter ou chastiel de -Brest. Il i eut bien auquns de ses honmes mal montés qui furent -raconsievi sus le cemin, et chil là demorèrent prisonnier et en la -volenté de lors ennemis. - -Trop fu mesires Lois d'Espagne courouchiés qant il vei que la contesse -de Montfort li estoit escapée et entrée ou chastiel de Brest. Si s'en -retourna tout le pas. Tant estoient lor ceval essouflé que jusques à la -grose alainne. Et vinrent li François as logeis et trouvèrent que on -estoit moult ensonniiet de remetre à point tentes et trefs, et de faire -nouviaus logeis de fuellies, et de envoiier as pourveances à Rennes et -sur le plat pais, car les lors estoient moult adamagies. Messires Lois -d'Espagne, qant il fu descendus et desarmés, il se traist devant la -tente de mesire Carle de Blois. Et là estoient li contes de Blois, li -dus de Bourbon, li contes de Pontieu, li contes d'Eu, connestables de -France, et li sires de Chastellon; et ne se pooient taire à parler de -ceste contesse de Montfort, de la hardie et outrageuse emprise que elle -avoit fait. Et qant messires Lois d'Espagne fu venus, encores li -demandèrent il de la cace et conment elle li estoit escapée. Il -respondi bien: «Elle s'est sauvée, et ses gens aussi, et bouté dedens -le chastiel de Brest.»--«Or bien, respondirent il, puisque elle est là, -elle s'i tenra; et de tant est la garnison de Hainbon afoiblie de force -et de consel, car elle en a mené avoecques li biaucop de bonnes gens.» -Ensi se apaisièrent il en l'oost et passèrent la nuit. Et avoient esté -le jour lassé et travilliet, tant pour le assaut qui fu grans, que de -la cace que il avoient fait apriès la contesse, que de ce que il -avoient esté trop destourbé des logeis auquns que on lor avoit ars; et -ne se doubtoient de nului, car il sentoient la contesse à Brest, si -ques sus la fiance de ce il dormirent la nuit et la matinée plus -longement. Fo 80. - -P. 144, l. 12: tout cil de l'ost.--_Ms. B 6_: excepté les garçons qui -gardoient les chevaus. Fo 201. - -P. 144, l. 16: trois cens.--_Ms. B 6_: cent. Fo 144. - -P. 144, l. 21: arses.--_Ms. B 6_: car bien le tiers de leur trés et -pavillons fust tout ars. Fo 201. - -P. 145, l. 4: à trois liewes priès de là.--_Mss. A 11 à 14_: à quatre -lieues près de là. Fo 87.--_Mss. A 1 à 7, 18 à 33_: qui siet assez près -de là. Fo 90. - -P. 145, l. 24: quisençon.--_Mss. A 1 à 6, 15 à 19_: cuisanson, -cuisançon. Fo 90 vo.--_Mss. A 11 à 14, 20 à 33_: mesaise, malaise. Fo -87. - - -=§ 167.= P. 145, l. 28: A l'endemain.--_Ms. d'Amiens_: Quant ce vint à -l'endemain, li seigneur de France, qui avoient perdut lors tentez et -lors pourveanchez, eurent consseil que il se logeroient de arbres et de -foeillies plus priès de le ville, et qu'il se maintenroient plus -sagement. Si se allèrent logier à grant painne plus priès de le ville, -et disoient en gabois à chiaux de le fortrèche: «Alés, seigneurs, allés -requerre vostre comtesse. Certez, elle est perdue, vous ne le trouverés -en pièche.» Quant chil de Hainbon, gens d'armes et autrez, oïrent tels -parollez, il furent esbahit et eurent grant paour que grans encombriers -ne fust avenus à la damme. Si ne savoient que croire, pour tant que -elle point ne revenoit, ne n'en ooient nulles nouvelles. Si demourèrent -en tel paour et en tel esmay de leur damme par l'espasse de cinq jours. - -Or vous diray de la comtesse de Montfort quelle cose elle fist. Se elle -avoit fait une felle emprise, encorres, ce me samble, fist elle ossi -perilleuse. Et sachiéz que là où elle estoit ens ou castiel de Braait, -elle n'estoit point à se aise, pour tant que elle penssoit bien que ses -gens de Hainbon ne savoient point que elle estoit devenue. Si s'avisa -que elle metteroit tout pour tout et que, se elle estoit yssue d'un -peril, encorres ysteroit elle dou second. Si se pourcacha tant que elle -ot bien cinq cens compaignons armés et bien montés; puis se parti de -Braait entour le mienuit, et s'en vint droit au point que li sollaux se -liève, à chevauchant, à l'un de(s) costé(s) de l'ost. Et envoya devant -à Hainbon et fist ouvrir le porte, et entra ens à grant joie et à grant -son de trompes et de naquairez et de cornemuses: de quoy li hos des -Franchois fu durement estourmis. Si se fissent tout armer et coururent -par deviers le ville pour assaillir, et chil de dedens as fenestres -pour le deffendre. Là commencha grans assaux et fors, qui dura jusques -à haulte nonne; mès toudis y mettoient plus chil de dehors que cil de -dedens. - -Environ l'eure de nonne, li seigneur fissent cesser d'assaillir, car -leurs gens se faisoient tuer et navrer sans raison; si se retraisent à -lors logez. Et eurent, quant tout furent retret, li seigneur consseil -que messires Carlez de Blois, li dus de Bourbon, messires Jaquemes de -Bourbon, li comtez Loeis de Blois, li comtez d'Auçoire, li comtes -Raoulz d'Eu, li comtes de Ghines, sez filz, li marescaus de France, -messires Robers Bertrans, messires Carlez de Montmorensi, messires -Ghuis de Cantemarle, li sires d'Avaugor et grant fuison d'autres -seigneurs et leurs gens yroient devant (le) chastiel d'Auroy, que li -roys Artus fist fonder. Et messires Loeis d'Espaingne, li viscomtez de -Rohem, li sires d'Ansenis, li sires de Tournemine, li comtes de Joni, -li sires de Rais, li sires de Rieus, li sires de Gargoule, messires li -Ghalois de le Baume, messires Othes Doriie, messires Carlez Grimaus et -tous li remannans dez Geneuois et d'Espagnols demorroient devant -Hainbon; et manderoient douze grans enghiens qu'il avoient laissiet à -Rennez, pour jetter à le ville et au castiel de Hainbon; car il veoient -bien qu'il ne le poroient gaegnier, ne pourfiter à l'assaillir. Si ques -il fissent deux hos: s'en en demora li une devant Hainbon, et li autre -en alla assegier le castiel d'Auroy qui est moult fors; et bien -pourveus estoit adonc de gens d'armes et de touttez pourveanchez. Et -l'avoit la sepmainne (devant) la comtesse de Montfort rafreschi de gens -d'armez et envoiiet deux vaillans chevaliers, en qui mout se fioit, -pour gardiien et cappittainne dou dit fort: c'estoit messires Henris de -Pennefort et messires Oliviers, ses frèrez. Fo 67. - -_Ms. de Rome_: Se la contesse de Montfort avoit fait, ce jour que elle -issi hors de Hainbon, une hardie emprise, et que elle vint en Brest, -encores fist elle parellement une aultre moult aventureuse. Et li -signeur de France ne furent pas bien consellié qant il sentoient que -elle estoit hors, et il ne missent enbusques sur li, dont depuis il -s'en repentirent. Je vous dirai cause pourquoi. Qant la contesse fu -venue en Brest, elle et ses gens mengièrent et burent moult -legierement, et dormirent environ trois heures. Et qant il se furent -rafresqi euls et lors chevaus, la contesse les fist resvillier et -apparillier et armer, et prist encores jusques à cent compagnons de -ceuls de Brest, et fist là laissier tous les foibles cevaus et -renouveller d'aultres. Et partirent de Brest, la contesse tout devant, -sus le point de mienuit; et chevauchièrent les bons galos le cemin de -Hainbon. Et disoit ensi la contesse en cevauchant: «Ma bonne gent de -Hainbon sont, je le sçai bien, à grant malaise de moi. Il fault que je -les reconforte et que nous rentrons en la ville, et je vous aprenderai -conment. Quant nous deverons aprochier la ville et l'oost, li une part -des nostres iront estourmir et resvillier l'oost, et li aultre -s'adrecera droit à Hainbon et fera ouvrir les bailles, avaler le pont -et ouvrir la porte. Et sitos que li hoos se conmencera à estourmir, il -se retrairont tout bellement, et nous les atenderons devant les -barrières; et ensi petit à petit il renteront, et nous aussi, dedens -Hainbon.» - -Ensi que la contesse de Montfort ordonna, il fu fait. Qant il orent -cevauchiet depuis que il se furent departi de Brest, il vinrent droit -sus le point dou jour assés priès de l'oost et de Hainbon. Il -ordonnèrent messire Guillaume de Qadudal et mesire Ivon de Tigri, à -deus cens honmes, aler escarmuchier et resvillier l'oost; et la -contesse et le demorant venroient, entrues que on ensonnieroit les -François, as bailles, et les feroient ouvrir. Lors s'en vinrent li doi -chevalier et lor route sus l'oost; et entrues la contesse et li aultre -prissent un viés chemin herbu, qui s'adreçoit droit sus les fossés. Ces -deus coses furent faites tout à une fois. Li hoos resvillie à l'un des -corons, et entrues que li estourmie se conmença à eslever, chil de -d'ens orent congnisance que lor dame estoit à la porte, car celle nuit -tout chil de Hainbon velloient et estoient trop esbahi et desconforté -de lor dame la contesse. Qant il entendirent que elle estoit si priès -de euls, si furent resjoi grandement, et avalèrent le pont et ouvrirent -la porte et puis les barrières. Tout descendirent et missent lors -chevaus dedens la ville, et puis s'ordonnèrent en atendant lors gens -qui revenoient et qui avoient estourmi l'oost; et ne furent adonc de -nului poursievi, et rentrèrent tout dedens la ville et le chastiel de -Hainbon. Qant ce vint au matin, li François orent bien congnissance que -la contesse de Montfort estoit retournée; si tinrent son fait et son -emprise à très grant vaillance. Et dissent li signeur entre euls que li -diables portoient celle contesse. Fo 80 vo. - -P. 146, l. 14: se parti.--_Ms. B 6_: au tierch jour. Fo 202. - -P. 146, l. 17: entra.--_Ms. B 6_: à plainne nonne. Fo 202. - -P. 147, l. 11: ala.--_Ms. B 6_: Sy se departirent à tout deux mille -homes à cheval et quatre mille à piet, geneuois et autres; et s'en -vinrent devant le chastiel d'Auroy et le assegèrent. Fo 202. - - -=§ 168.= P. 147, l. 15: le chastiel d'Auroy.--_Ms. d'Amiens_: Quant -messires Carlez de Blois parfu venus à toutte se host, il le assiega -(le chastiel d'Auroy) tout environ, et fist envoiier dire à chiaux de -dedens que il se voisissent rendre, et il leur pardonroit son -mautalent; et feroit à chiaux de Pennefort otel pourfit, tous les ans, -qu'il avoient de par la comtesse, ou plus grant, et lez retenroit de -son consseil. Il n'eurent mies accord ne volenté dou faire; et -respondirent qu'il estoient trop fort loiiet et acouvenenchiet à leur -seigneur que on tenoit en prison, ossi à leur damme, et que il se -travilloient en vain, qui de nul traitiet leur parloi(en)t. Dont dist -messires Carlez de Blois que jammais de là ne partiroit si lez aroit à -sa vollenté, et fist le castiel fortement assaillir par pluiseurs fois. -Mès peu y gaegnièrent li assallant, car cil dou castiel estoient bien -trois cens compaignons tous armés, et si avoient bonne cappittainne -dont il valloient le mieux; et quoyque cil d'Auroy se deffendesissent -si bien, si estoient il souvent assaillit et escarmuchiet. - -A quattre lieuwes priès d'Auroy, siet la bonne cité de Vennez qui se -tenoit fortement à le comtesse; et en estoit messires Joffroy de -Malatrait cappittainne, gentil homme et vaillant durement. D'autre part -siet la bonne ville de Dinant en Bretaingne, qui n'estoit fremée fors -de fossés et de palis. Si en estoit cappitainne de par le comtesse de -Montfort uns durement vaillant homs, que on clammoit le castelain de -Ghinghant; mès il estoit assis adonc dedens Hainbon avoecq la dessus -ditte comtesse. Si avoit laissiet à Dinant, son hostel, medamme sa -femme et ses fillez, et avoit laissiet cappittainne en lieu de lui -monseigneur Renault, son fil, vaillant baceler et hardi homme durement. - -Entre ces deux bonnes villez de Vennes et (de) Dinant, seoit uns très -fors castiaux qui se tenoit à monseigneur Carle de Blois. Et nomme hom -le dit castiau le Rocheperiot, très fort lieu durement; ne oncques li -comtez de Montfort ne le peut prendre par assault, ne par traitiet. Et -l'avoit li dis messires Carlez (de Blois) fait bien garnir de gens -d'armes et de saudoiiers, qui tout estoient bourghignon. Si en estoit -souverains d'iaux ungs vaillans escuiers et assés jonez, que on -clammoit Gerart de Malain; et avoit avoecq lui ung hardi et bon -chevalier, que on clammoit messire Pière Portebuef. Chil doi -cappittainne de Rocheperiot avoecq leurs compaignons honnissoient et -gastoient tout le pays de là entours; et destraindoient si ouniement la -chité de Vennes et la bonne ville de Dynant, que nulle pourveance ne -marchandise ne pooit entrer ne venir, fors que en grant peril sus grant -aventure. Car il chevauchoient ung jour par deviers Vennes, l'autre -jour par deviers Dinant; et estoient si cremut et si redoubtet ou pays, -que là environ on ne parloit d'autre garnison fors que de Rocheperiot. -Tant allèrent et tant chevaucièrent de l'un à l'autre, que li jones -bachelers messire Renaux de Ghinghant fist ung soir embusche sur yaux. -Et par une matinée, enssi que il avoient chevauchiet deviers Dinant, et -avoient rués jus bien vingt quatre marcheans et les enmenoient -prisonniers en leur fortrèce, messires Renaulz leur vint sus elle à -toutte sen enbusche et se feri en yaux vassaument; et se porta si bien -et chil qui avoecq lui estoient à ce donc, que il desconfissent messire -Pière Portebuef et Gerart de Malain et tous les Bourghignons qui avoecq -lui estoient, et rescouissent lez marcheans et enmenèrent les deus -cappittainnes prisonniers et bien vingt cinq des leurs en le ville de -Dinant en Bretaingne, où il furent recheu à grant feste. Ceste nouvelle -resjoy moult chiaux de Vennez et dou pais environ, et en fu li -dammoisiaux messires Renaus durement prisiéz. Or lairay à parler de -ciaus de Dinant, de Vennez et de Rocheperiot. Si parleray dou siège de -Hainbon et de monseigneur Loeis d'Espaingne, ossi de la comtesse de -Montfort. - -Vous devés savoir que messires Loeys d'Espaingne, qui souverains estoit -de l'host qui se tenoit devant le ville et le castiel de Hainbon, -mettoit grant advis et parfaite entente à conquère la garnison dessus -ditte; et de soy meysmes il estoit bons chevaliers, hardis, seurs et -entreprendans; et pour ce l'avoit monseigneur Carle de Blois fait -connestable de toutte sen host, et y ajoustoit grant foy, et y tenoit -bon linage. Si avoit li dis messires Loeys d'Espaigne fait amener et -acariier douze grans enghiens de le cité de Rennez et fais drechier -devant Hainbon, liquel jettoient si ouniement as murs de le ville que -tous lez debrisoient et deffroissoient et moult empiroient la fremmeté: -si que cil de dedens s'en coummenchoient à esbahir et à doubter le -peril où il sejournoient. Si avoient vollenté de faire acord, car il ne -veoient nul secours venir, ne de monseigneur Amauri de Clichon -n'entendoient nullez nouvellez. Dont il avint que li evesquez messires -Guis de Lion, qui estoit onclez à monseigneur Hervi de Lion, parla ung -jour au dit monseigneur Hervy, son nepveult, par asseuration; et moult -longement parlementèrent enssamble d'une raison et d'autrez. Et se -porta leurs parlemens que li dis evesquez devoit pourcachier à ses -compaignons que le ville de Hainbon seroit rendue par accord à -monseigneur Loeis d'Espaingne el nom de monseigneur Carlon de Blois; et -li dis messires Hervis devoit pourcachier, d'autre part, que tout chil -de dedens seroient appaisiés quittez et lieges au dit monseigneur -Carlon, et ne perderoient riens de leur avoir. Enssi se parti chilz -parlemens. Depuis, li evesques Guis de Lion rentra en le ville de -Hainbon pour parler as autres chevaliers et compaignons. - -La comtesse se doubta tantost de mauvais pourcach; si pria à ces -seigneurs de Bretaingne que pour Dieu il ne fesissent nulle deffaulte, -car elle avoit esperance en Nostre Seigneur que elle aroit grans -secours dedens troix jours. Li chevalier, qui là estoient, avoient pité -de la damme. A envis le falloient, et dur ossi leur estoit de perdre -cors et avoir. Nonpourquant il disent adonc ensi à la comtesse pour -elle reconforter, que elle ne se doubtast de riens, car jà ne feroient -nul tretiet que elle ne sewist bien; et se au fort il se rendoient, se -le metteroient il hors et son fil, en quelle fortrèche de Bretaigne que -elle vorroit, qui pour lui se tenoit, ou il l'acorderoient de tous -poins à monseigneur Carlon de Blois. Enssi se rappaisa ung peu la -comtesse. Mès depuis li evesques, en le absence de lui, parla as -compaignons et as seigneurs, et leur moustra tant de raisons que il lez -mist en grant effroy celle nuit. A l'endemain encorrez recoummencha il -son sermon as chevaliers de Bretaingne; et les avoit jà telz menés que -il estoient auques prièz de son accord. Et regardoient coumment entre -yaux et par honneur il se pooient acquitter de la comtesse, à qui il -avoient juret feaulté; car se elle n'ewist là estet adonc avoecq yaus, -sans faulte il ewissent rendut le ville. - -Entroex, comme il estoient en ce traitiet et en ce pourcach, et jà -estoit messires Hervis de Lion, sus asseuranche que il avoient li ung à -l'autre, venus assés priès de le ville pour parlementer à yaux, la -comtesse, qui estoit en grant soussi de coer, estoit montée ou plus -hault d'une tour dou castiel et regardoit en le mer par une petite -fenestre. Si commença à criier et à faire grant joie, et disoit tant -qu'elle pooit: «Je voy venir secours, biaux Dieux! que j'ay tant -desiret.» Par deus fois le dist elle enssi. La vois de la damme fu -entendue: si courut chacuns dou castiel as fenestres, qui mieux pot, -savoir que c'estoit, et chil de le ville as creniaux des murs, pour -veoir de quel part ces nouvellez venoient; et virent tout clerement -grant fuison de naves, petitez et grandez, bien batilliez, venir par -deviers Hainbon, dont chacuns fu durement reconfortéz. Car bien -tenoient que c'estoit messires Amauris de Clichon qui amenoit che -secours d'Engleterre, dont vous avés chy dessus oy parler, qui par -soixante jours avoit eu vent contraire et fortune très perilleuse. Fos -67 vo et 68. - -_Ms. de Rome_: Qant messires Carles de Blois vei que riens il ne -conqueroient à asallir Hainbon, si en fu tous merancolieus. Et furent -li signeur ensamble en consel conment il se maintenroient. Consilliet -fu que il departiroient lor hoost en deus parties: li une des pars -demor(r)oit devant Hainbon; et li aultre, en la compagnie de mesire -Carle, iroient metre le siège devant Auroi. Si se departirent en la -route et compagnie de mesire Carle tout chil qui nonmet i furent, et -vinrent devant Auroi et l'asegièrent. Mais li chastiaus est fors, et ne -fait pas à prendre par assaut; et pour lors il estoit bien pourveus de -chapitainne et de bons compagnons que la contesse i avoit envoiiés, -liquel n'avoient nulle volenté de rendre par trettié ne aultrement. - -A quatre lieues de là sciet la chité de Vennes, qui est forte assés, et -toute en l'obeissance de la contesse. Et en estoit pour lors -chapitainne, messires Jeffrois de Malatrait; et li sires de Malatrait, -ses cousins, estoit en la route de mesire Carle de Blois. - -D'autre part sciet la vile de Dignant en Bretagne, qui pour lors -n'estoit fremée que de fossés et de palis; et en estoit chapitainne li -chastelains de Ghinghant, mais pour lors il n'i estoit point. Avant se -tenoit en la garnison de Hainbon avoecques la contesse de Montfort, -mais il avoit sa fenme et ses filles en son hostel laissiet en la ville -de Dignant; et avoit un fil à chevalier que on nonmoit mesire Renault, -et estoit de sa jonèce moult vaillans homs. Entre ces deus villes de -Vennes et de Dignant a un fort chastiel, lequel on nonme Roceperiot; et -se tenoit pour lors à mesire Carles de Blois, liquels l'avoit pourveu -de bons compagnons bourgignons. Et en estoit chapitains uns esquiers de -Bourgongne que on clamoit Gerart de Malain, et avoit avoecques lui un -chevalier que on nonmoit messire Pière Portebuef. Chils Gerars de -Malain et li chevaliers avoecques lors compagnons honnisoient tous le -pais, et chevauçoient priesque tous les jours une heure à destre, -l'autre à senestre. Et ne pooient pour euls pourveances nulles entrer -ne venir à Vennes ne à Dignant, que chil qui les menoient ne fuissent -rués jus, et les pourveances conquises. Dont moult en anoioit au jone -chevalier mesire Renault de Ghingant; et li tournoit, ce li estoit vis, -à grant blame, pour tant que il avoit la carge de la garde de la ville -de Dignant. Et tant pensa sus que il i pourvei et prist un jour, par -une enbusque que il pourjeta sus les camps, le dit Gerart de Malain et -vingt cincq Bourghignons, et les enmena prisonniers en la ville de -Dignant, et rescoui quinze marceans que li Bourgignon enmenoient -prisonniers en la Roceperiot. Et de ce fait fu li dis messire Renauls -moult loés et moult prisiés. - -Je me tairai un petit de ces Bourgignons et de mesire Carle de Blois -qui avoit assegiet le chastiel d'Auroi, et parlerai de mesire Lois -d'Espagne et de ses gens, liquel avoient assis, ensi que vous savés, la -contesse de Montfort dedens Hainbon. Et avoient li François fait -carpenter et ouvrer grans enghiens, et fait venir aultres enghiens de -Rennes et de Nantes et drechiet devant la ville de Hainbon, liquel -continuelment jettoient contre les murs, les tours et les portes, -pières de faix, et travilloient durement ceuls de Hainbon. De quoi chil -qui dedens estoient, li auqun se conmenchièrent à esmaiier, car seqours -ne lor aparoit de nul costé. Dont la contesse de Montfort estoit en -grande angousse de coer, et menoit ses gens de douces paroles, et lor -prioit pour Dieu que il ne fesissent nul trettié senestre, car disoit -la contesse: «Bonnes gens et mi bon ami, li corages me dist que nous -auerons proçainnement bonnes nouvelles d'Engleterre; et retourne -messires Amauris de Cliçon, qui amainne le secours que nous desirons -tant à avoir et à veoir.» - -Nonobstant toutes ces douces paroles et amiables que la contesse lor -disoit et remoustroit, li evesques de Lion en Bretagne, qui se nonmoit -messires Guis, et qui estoit oncles à mesire Hervi de Lion liquels -estoit au siège là devant Hainbon, parla un jour sus asegurances à son -neveu. Et se portèrent lors tretiés que ils et auquns chevaliers et -esquiers qui là dedens estoient enclos, se departiroient de la -contesse, et se venroient rendre à mesire Lois d'Espagne qui -representoit pour lors le corps à mesire Carle de Blois. - -La contesse, qui vivoit en grant angousse de coer et double anoi, qant -elle senti que ses gens qui loiaument l'avoient servi jusques à chi, -voloient faire auquns mauvais trettiés à ses ennemis[407].... et issi -hors de son chastiel, et vint en la ville parler à euls, et lor pria en -plorant que il ne vosissent avoir nul pactis as François. Li auqun en -orent pité et dissent: «Dame, ce que nous l'avons, c'est pour ce que -nous faisons doubte que vous n'aiiés nul seqours d'Engleterre, ou que -il ne soit mesceu à mesire Amauri de Cliçon, par quoi il n'a point fait -vostre mesage, car il sourviennent sus la mer trop de perils et de -fortunes. Et quel traittié que nous faisons ne ferons, nous vous jurons -que vous serés gardée de vostre corps, et demorrés chi en ce chastiel -ou ailleurs en plus forte place, là où il vous plaira, et au sourplus -nous vous donnons pourveance chienq jours. Là en dedens pueent avenir -moult de coses.»--«Vous dites verité, respondi la contesse, et grant -merchis.» Donc retourna elle amont ens ou chastiel, moult angousouse de -coer, et bien i avoit raison. - - [407] Lacune. - -Avint que, au tierch jour apriès que ces paroles orent esté, la -contesse estoit levée moult matin. Si regarda en la mer un petit apriès -solel levant, et vei flamboiier grant fuisson de voilles en nefs, et -c'estoit la navie d'Engleterre qui venoit. Et plus atendoit la contese, -et plus aproçoient ces nefs et ces balenghiers; et qant elle vei ce et -ces banières et ces estramières flamboiier et venteler, de joie elle se -laissa ceoir. Ses gens qui estoient dalés li, le relevèrent. Et qant -elle parla, elle dist: «Or tos descendés en la ville; nonchiés ces -nouvelles à ces chevaliers. Vechi le secours d'Engleterre qui nous -vient.» Tantos on fist le conmandement de la contesse. Fos 79 vo à 81. - -P. 147, l. 30 et 31: D'autre part.--_Mss. A 30 à 33_: D'autre part siet -la bonne ville de Guignant en Bretaigne, dont le chastelain de Dignant -estoit gardien. Fo 153 vo.--_Mss. A 23 à 29_: D'aultre part siet la -bonne ville de Dignant en Bretaigne, dont le sire de Dignant estoit -chastelain et gardien. Fo 106. - -P. 148, l. 9 et 10: chastiaus.--_Ms. B 6_: que on apelle la -Rochepierot. Fo 203. - -P. 148, l. 14: de Malain.--_Ms. B 6_: et avoit en sa compaignie -soixante compaignons. Fo 203. - -P. 148, l. 15: chevalier.--_Ms. B. 6_: de Prouvenche. Fo 203. - -P. 148, l. 18: Vennes.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 20 à 22_: Rennes. Fo -91. - -P. 148, l. 25: Renaulz de Gingant.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22_: -les prist à un embuschement et les conquist tous par son sens et par sa -prouesse, lui vingt cinquième de coureurs compaignons, et rescouy -quinze marchans à tout leur avoir qu'ilz avoient pris et les emmenoient -tous à Dignant et par devers leurs garnisons qui se tenoient à -Rocheperion. Fo 91. - -P. 149, l. 2: grant joie.--_Ms. B. 6_: Sy demoura messire Pierre -Portebuef castelain de Rocheperoit. Fo 204. - -P. 150, l. 12: secours.--_Ms. B 6_: Le roy (d'Engleterre) qui ne veult -pas oublier la contesse (de Montfort), y envoia mesire Gautier à tout -trois cens lanches et six cens archiés. Mais il eurent sur mer trop -grant fortune, par quoy il y furent plus de quarante jours. Cils -secours vint trop grandement à point à la contesse, car ses gens -estoient en vollenté de eulx rendre aux Franchois, et en avoit porté le -traitiet messire Hervy de Lion, et se fussent rendus dedens trois -jours. Ensy estoit yl acordés quant mesire Gautie(r) de Maury vint et -en sa compaignie mille combatans, entrer à plaine voille ou havre de -Hainbon. Fo 204. - - -=§ 169.= P. 150, l. 23: Quant li chastellains.--_Ms. d'Amiens_: Quant -li castelains de Ghinghant, messire Yves de Tigueri, messires Gallerans -de Landreniaux, li doy frère de Quirich et li autre chevalier et -compaignon perchurent che secours venir, il disent à l'evesque qu'il -pooit bien contremander son parlement; car point n'estoient conssilliet -de faire chou qu'il leur enhortoit. Li evesques de ceste responsce fu -durement courouchiés et dist: «Seigneur, dont se partira nostre -compaignie, car vous demourés dechà par deviers madamme; et je m'en -yrai par delà deviers celui qui plus grant droit i a, ce me samble, -qu'elle n'ait.» Adonc se parti li evesques Guis, de Hainbon, et deffia -le damme et tous ses aidans; et s'en alla renonchier au dit monseigneur -Hervi et dist la besoingne, enssi comme elle alloit. Li dis messires -Hervis fu durement courouchiéz de ce qu'il avoit fallit à son propos. -Si fist tantost drechier le plus grant enghien qu'il avoit, au plus -priès dou castiel qu'il pot; et coummanda que on ne cessast de getter -par jour, ne par nuit, puis se parti de là. Si enmena son oncle le dit -evesque de Lion par deviers monseigneur Loeis d'Espaigne, qui le -rechupt à bon gret et liement. Ossi fist messires Carlez de Blois, -quant il fu là venus. - -La comtesse de Montfort fist à lie chière appareillier salles, cambres -et hostelz pour herbregier aisiement ces seigneurs d'Engleterre qui là -venoient, et envoya contre yaux moult noblement. Quant il furent venut -et descendut, elle meysmez vint contre yaux à grant reverence. Et se -elle lez festia et requeilla liement et grandement, ce ne fait point à -demander, car leur venue li estoit moult belle, pour tant que li -chevalier de Bretaingne, qui avoecq lui se tenoient, se fuissent -tournet d'autre part. Et ossi ewist fait la ville: il estoit jà tout -ordonnet, si ques je di que ce fu pour elle une belle aventure, et qui -li vint bien à point. La comtesse de Montfort, pour mieux festiier et -plus aisiement les chevaliers d'Engleterre qui là estoient venut, -monseigneur Ghautier de Mauni et les aultrez, les enmena ou castiel et -leur delivra cambres et officines, tant que leur hostel en le ville -furent tout bien ordounnet, et leur donna à disner grandement et -bellement. - -Or avint que moult tost apriès disner, messires Gautier de Mauny dist -que il avoit grant vollenté d'aller veoir ce grant enghien, qui si -priès estoit assis dou castiel; et demanda as chevaliers bretons qui là -estoient aucuns couvenans de chiaux de l'ost, et il en respondirent ce -qu'il en savoient. Adonc leur demanda messires Gautiers de Mauni se il -le sieuroient, car il le volloit aller abattre; et il li dissent: «Oil, -vollentiers,» et que on ne le devoit mies fallir à ceste premierre -envaie. Si s'armèrent li chevalier et li escuier sans point d'arrest, -messires Gautiers de Mauni, messire Franck de Halle, messires Gerars de -Baudresen, li doy frère de Lindehalle, li Haze de Braibant, li sires -Despensiers, messires Jehans li Boutilliers, messires Hues de -Hastinghes, messires Jehans de Lille, li sirez de Ferrièrez, messires -Olivier de Cliffort, messire Thummas Kok, messires Pièrez de Baucestre, -messires Alains de Sirehonde et li chevalier et li escuier -d'Engleterre. Et ossi fissent li chevalier de Bretaingne, messires -Amauris de Clichon, messires Yeves de Tigueri, li castellains de -Ginghant, li sirez de Landreniaus et tout li autre. Nuls ne demoura -derière, fors que pour le ville garder et yaux attendre. Et fissent -tant seullement aller avoecq yaux trois cens archers, puis yssirent -hors ordonneement par le porte, et fissent passer devant les archers -tout en trayant. Tant trayèrent li archer qu'i(l) missent en voiez -chiaux qui l'enghien gardoient. Et les gens d'armes qui venoient apriès -ces archers en ocissent aucuns, et vinrent jusquez à che grant enghien, -et coppèrent la flèce et l'abatirent par terre, et puis le -detaillièrent tout par pièches; puis coururent de randon jusquez as -tentes et loges, et boutèrent le feu dedens. Si y fissent ung grant -escart, et tuèrent pluiseurs de leurs ennemis, ainschois que li hos -fuist estourmis; et puis se retraissent bellement arrière. Et leur -sambla qu'il en avoient assés fait pour ce jour: si s'en revinrent -deviers le ville. - -Quant li hos fu estourmis et chacuns arméz et montéz à cheval, messires -Loeys d'Espaigne, li viscomtez de Rohem, messires Hervis de Lion, li -sirez de Biaumanoir, li sirez de Tournemine, li sirez d'Ansenis, li -sirez de Rays, li sires de Rieus, li Gallois de le Baume (vinrent -accourant) et chacuns qui mieux mieux apprès et en criant: «Enssi n'en -irés vous mie.» Quant messires Gautiers de Mauni se vit si fort -poursuiwis et encachiés de ses ennemis, si en ot grant virgoingne et -dist tout en hault: «Jammais ne soie jou salluéz de ma chière amie, se -jammais rentre en forterèche jusqu'à donc que j'aray l'un de ces venans -versset à terre, ou j'y seray versséz.» Adonc se retourna li -chevaliers, le glaive ou poing, par deviers les ennemis. Ossi fissent -li doy frère de Linedale, messires Francq de Halle, li Haze de -Braibant, messires Yves de Tigueri, li sires de Landreniaus et -pluiseurs autres, qui ne vorent mies fallir leur cappitainne. Là eult -ung très dur encontre, car chacun de ces chevaliers franchois et englèz -de leurs glaivez assisent li ungs sur l'autre. Si en y eut des -pluisseurs reverset par terre, de l'un costet et de l'autre. Apriès les -glaives falliez, il sachièrent les espées et se combatirent vaillamment -et radement, et en y eut pluisseurs mors et navréz. Touttez foix, chil -de l'host estoient plus grant fuisson que chil de d'ens ne fuissent. Si -retournèrent li Englèz sagement deviers le fortrèche. Devant lez -baillez y eut bonne escarmuche, mainte belle appertise d'armes faite, -mainte prise et mainte rescousse. Si rentrèrent chil de d'ens en leur -fort à petit de dammaige. Et li Franchois retournèrent à leurs logeis, -tout courouchiet de leur enghien qui estoit abatus, et si ne le pooient -amender. Ensi se porta ceste premierre besoingne. Fo 68. - -_Ms. de Rome_: Qant li chevalier furent enfourmé de ces nouvelles, il -montèrent amont et veirent tout clerement que c'estoit verité, et que -bien avoit siis vint voilles en la compagnie. La gette dou chastiel -d'amont conmença de la trompète à mener noise et grant solas, et tant -que chil de l'oost s'en perchurent. Li chevalier et li esquier, qui en -tretié estoient deviers les François, dissent à l'evesque Gui de Lion: -«Sire, vous avés mené les trettiés et les paroles à ceuls qui nous ont -asegiés. Confors nous vient d'Engleterre, et nous avons nos fois et nos -sieremens enviers madame; se li tenrons. Regardés quel cose vous volés -faire, car il est heure que vous i renonchiés, ou que vous i faites -renoncier.» Li evesques s'estoit si fort loiiés par les paroles de son -cousin, mesire Hervi de Lion, enviers les François que il ne pooit -requler, ne ne voloit aussi; si dist: «Signeur, je ne irai point parler -à euls sans vous, car ce que j'en ai fait, vous estes tous participant; -et de vous viennent otant bien li trettié que il font de moi.»--«Mesire -Gui, respondirent li chevalier, vous dites verité. Mais quoi que fait -en a esté, encores i poons nous bien renonchier. Et de chi endroit nous -i renonçons, et nous volons tenir dalés madame qui tant de biens nous a -fais et fera encores. Et sa querelle est grandement embellie, puis que -li seqours d'Engleterre li sera venus.» - -Qant li evesques de Lion les vei en celle volenté, il ne dist pas tout -ce que il pensoit, quoi que ce fust li plus grans de euls tous et li -mieuls enlinagiés; car il se doubtoit, puis que li secours d'Engleterre -venoit à la dame, que de fait elle ne le fesist detenir et metre en -prison. Si parla au plus courtoisement conme il pot, tant que il fu -hors de la ville. Et qant il fu venus as logeis des François et il ot -parlé à mesire Lois d'Espagne et à son cousin, et il se fu rendus, et -il ot dit que il voloit estre de lor opinion, et que trop longement -avoit esté rebelles et maconsilliés, et que plus ne le voloit estre, il -prist un hiraut et l'endica et enfourma; et l'envoia dedens Hainbon -parler à la contesse de Montfort, et li renvoia son honmage, et le -deffia de ce jour en avant. A l'eure que li hiraus vint, la contesse -estoit avallée jus dou chastiel en la ville, pour ordonner les logeis -de ces signeurs chevaliers d'Engleterre, qui jà estoient entré ou -havene de Hainbon. Si estoit si resjoie que elle ne fist compte des -deffiances messire Gui, et dist que elle avoit gens assés sans li. Or -retourna li hiraus en l'oost, qant il ot fait son mesage. Et la -contesse et si chevalier demorèrent, et furent tant sus le havene que -les nefs prisent terre. Et issi hors tout premierement messires Amauris -de Cliçon. La dame qui le connisoit, le ala enbrachier et baisier moult -doucement, et li dist: «Ha! Amauri, que vous avés tout demoret, et que -je vous ai tout desiré!»--«Madame, respondi li chevaliers, je ne l'ai -peut amender. Ç'a esté en partie par les fortunes de la mer, car nous -deuissions chi avoir esté, passet sont trois sepmainnes. Li rois -d'Engleterre vous salue et vous envoie à ce premier trois cens honmes -d'armes et deus mille archiers.»--«Donc, dist la dame, il soient li -bien venu, et nous en avons grant joie.» Donc issirent li chevalier, -messires Gautiers de Mauni tous premiers, qui pooit estre en l'eage de -trente sis ans, biaus chevaliers et vremauls et douls et plaisans à -regarder, de tous menbres bien façonnés. Messire Amauris de Cliçon li -dist: «Dame, vechi le capitainne, et est nonmés ensi, et uns chevaliers -où li rois d'Engleterre et li signeur de son consel ont grant fiance.» -Adonc se traist la dame à mesire Gautier et l'enbraça moult doucement -et le baisa, et puis apriès tous les aultres. Et qant elle ot alé tout -autour et fait celle requelloite, elle les enmena amont ou chastiel, -pour euls aisier et rafresqir, tant que lors gens fuissent tout issu et -apparilliet lors besongnes; et fist casqun chevalier logier assés -aisiement et restraindre ses honmes. Et dignèrent tout li chevalier -avoecques la dame. - -Messires Lois d'Espagne et li viscontes de Rohem et messires Hervis de -Lion sceurent tantos que secours d'Engleterre estoit venus à la -contesse, car li evesques de Lion lor dist; et aussi fissent aultres -honmes bretons, qui estoient alé sus le havene et veu la navie entrer. -Si en furent tout pensieu; nequedent il ne vorent pas brisier lor siège -pour cela, mais fissent les enghiens cargier qui avoient sejourné trois -jours, et jetter pières de faix en la ville, tant que li Englois, qui -point n'avoient encores apris tels coses, en furent ensi que tout -effreé. Messires Gautiers de Mauni, qant ce vint apriès disner, et ils -et si compagnon furent rafresqi, il traist à part mesire Ivon de Tigri -et mesire Guillaume de Qadudal et le chastellain de Ghinghant; et lor -demanda de l'estat de la ville et de la poissance de ceuls de l'oost, -et se mesires Carles de Blois estoit en personne au siège. A toutes ces -coses respondirent li chevalier, et dissent que messires Carles de -Blois n'estoit point presens, mais tenoit son siège devant Auroi. Tant -que de l'estat de la ville, estans là le siège qui moult les avoit -constrains, elle estoit bien pourveue, car li vivre qui lor venoient -par mer les confortoi(en)t grandement; et estoient là dedens bien cinq -cens combatans. «Donc, dist messires Gautiers de Mauni, je voel, jà sus -l'eure dou souper, aler veoir ce grant enghien. Faites apparillier vos -gens, et je auerai tous prês les nostres, et nous meterons en painne de -l'abatre et dou decoper, car il ne nous laisseroit dormir. Il demainne -trop grant hustin, et se nous est trop proçains.» Li chevalier breton -respondirent et dissent: «Sire, à vostre ordenance il sera fait.» Sus -cel estat, il s'ordonnèrent et reposèrent; et se rafresqirent les -Englois un petit, car il avoient esté travilliet de la mer. - -Qant ce vint sus l'eure de vespres, Breton et Englois s'armèrent et -furent environ cinq cens, et otant ou plus d'archiers. Et fissent -ouvrir la porte qui estoit la plus proçainne de cel grant enghien et -avaler le pont; et puis issirent tout souef desous le pennon à messire -Gautier de Mauni, et fissent passer tous lors archiers devant. Et s'en -vinrent tous le pas jusques à l'enghien; et là avoit environ cent -armeures de fier et cent arbalestriers geneuois qui le gardoient. - -Qant il veirent ces gens d'armes et ces archiers venir, tous ordonnés -et apparilliés pour combatre, il furent tout esbahi, et tournèrent en -fuies deviers l'oost. Droit à la flèce de ce grant enghien s'arestèrent -les Englois et les Bretons; et avoient amené ouvriers et carpentiers, -qui tantos entendirent à decoper cel enghien, et le missent tout par -pièces à terre. Les nouvelles vinrent en l'oost par les fuians qui -n'avoient osé demorer dalés lor enghien, car il n'estoient pas fort -assés pour resister as gens la contesse, que li grans enghiens estoit -conquis, abatus et deffaçonnés. Donc fissent li signeur sonner les -tronpètes, et armer toutes gens et traire sus les camps, et casqun -desous la banière de son signeur. Se ne fu pas sitos fait, mais fu -tantos tart. Et entrues que il s'ordonnoient en l'oost et mettoient -ensamble, messires Gautiers de Mauni et ses gens passèrent encores plus -avant autour de la ville, et abatirent deus enghiens, et missent tous -en pièces li carpentier qui là estoient. La contesse de Montfort estoit -en son chastiel et veoit tout cel esbatement; si en avoit grant joie. -Adonc se missent au retour les Englois et les Bretons et les archiers -sus costière. Et les François, qui estoient ordonné en une belle -bataille où plus avoit de deus mille honmes sans les Geneuois, les -poursievirent jusques as barrières; mais point n'i eut d'escarmuce, car -la vesprée vint. Si rentrèrent en Hainbon li Englois et li Breton, sans -nul damage. La contesse de Montfort lor vint au devant et les remerchia -grandement de lor emprise, et de ce que il l'avoient apaisie de ces -enghiens. Fos 81 vo et 82. - -P. 151, l. 24: herbergier.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 33_: et en la ville à -leur aise. Fo 92. - -P. 152, l. 10: compagnon.--_Ms. B 6_: et estoient bien cinq cens à -cheval. Fo 206. - -P. 152, l. 13: trois cens.--_Ms. B 6_: cinq cens. Fo 206. - -P. 152, l. 14 et 15: ceulz qui gardoient.--_Ms. B 6_: soixante -compaignons qui le gardoient. Fo 206. - -P. 153, l. 17: estal.--_Mss. A 20 à 22_: Et là rendirent estal les -chevaliers à tous venans jusques à tant, etc. Fo 138 vo. - - -=§ 170.= P. 154, l. 1: A l'endemain.--_Ms. d'Amiens_: A l'endemain, -messires Loeys d'Espaigne apella le viscomte de Rohem, l'evesque de -Lion, monseigneur Hervi de Lion, le seigneur de Tournemine, le seigneur -de Biaumanoir, le seigneur de Loriach, le seigneur de Rais, monseigneur -le Gallois de le Baume, le mestre dez Geneuois et tous lez seigneurs de -son host pour avoir consseil qu'il feroient, car il veoient la ville de -Hainbon si forte et maintenant pourveue et rafrescie de bon secours qui -venus leur estoit, et que il perdoient là leur tamps; car il ne veoient -tour, mannierre, ne enghien par quoy il y pewissent pourfiter, ne le -ville prendre. Si orent consseil et accord tout li ung par l'autre -qu'il se deslogeroient à l'endemain, et se retrairoient par deviers lez -autrez qui seoient devant castiel d'Auroy. Tout enssi qu'il -ordonnèrent, il fissent et se deslogièrent à l'endemain au point dou -jour, et tourssèrent tentez et trèz et touttez mannièrez de harnois; et -s'en revinrent deviers castiel d'Auroy, là où messires Charlez de -Blois, li dus de Bourbon et moult grant fuison des seigneurs de Franche -se tenoient. Si leur compta messires Loeis pourquoy il estoit partis et -quelz confors estoit creus à la comtesse, et coumment Hainbon n'estoit -mies une forterèche à prendre si de legier encorres, quant elle estoit -pourveue et garnie de telx gens d'armes. Li seigneur de Franche li -dissent bien qu'il disoit voir: «Mès pour le temps emploiier, messires -Loeys, nous vous disons que vous voeilliéz aller devant Dinant, qui -n'est pas si forte que Hainbon, et y menés toutte vostre host, et nous -nos tenronz droit chy à nostre siège.» Che respondi messire Loeys: -«Vollentiers.» Enssi demoura li fors de Hainbon en pais une grant -pièce, et messires Loeys d'Espaigne fist aroutter son host au lés -deviers le ville de Dinant en Bretaingne. - -Entre castiel d'Auroy et le ville de Dinant, siet ungs petits castiaux -que on appelle Concquest; et se tenoit adonc de par la comtesse de -Montfort. Et en estoit cappittainne uns très bons chevaliers de -Lombardie, que on clammoit messire Garsion; et avoit avoecq lui grant -fuison de Lombars et de Geneuois. Quant messires Loeys eut veu et -conssideret le forterèce, si dist que il se volloit assaiier au -prendre. Si fist touttez ses gens arouter par devant et approchier et -fortement assaillir, et chil de dedens à yaux deffendre. Et dura chilz -assaux jusques à le nuit. Si se loga li os là endroit; et dist bien -messires Loeis qu'il ne s'en partiroit mies ensi. Quant ce vint à -l'endemain, il le fist de rechief assaillir durement et asprement, et -avoecq lui Geneuois et Espagnolx qui trop bien s'i esprouvoient. Si -approchièrent li assallant si priès dou mur, que, par force d'assault -et par ouniement traire et lanchier à chiaux d'amont, il y fissent ung -grant trau, car li fossés n'estoient mies moult parfont. Si entrèrent -ens par force et ocirent tous chiaux dou castiel, excepté monsigneur -Garsion qu'i(l) prist à merchis, et cinq ou six gentils hommez. Apriès -che, messires Loeys fist restouper le trau dou mur, et y mist ung bon -castelain et soixante hommes d'armes pour garder le castiel, et le fist -remparer de tous poins, puis s'en parti, et toutte sen host, et -s'arouta vers Dinant. - -Les nouvellez estoient jà venues en Hainbon à le comtesse de Montfort -et à monseigneur Ghautier de Mauny, que messires Loeys d'Espaigne -estoit arestéz devant Concquest et l'avoit assegiet. Si dist la -comtesse as chevaliers et as compaignons que ce seroit grans honneurs -de lever che siège et de là combattre lez Franchois, et leur seroit -recordé à grant proèce. Messires Gautiers de Mauny, qui moult envis -sejournoit tant que il se sewist où emploiier, fist armer tous -chevaliers et escuiers et archers ossi, et se parti de Hainbon et se -mist au chemin deviers Concquest; et vinrent là environ heure de nonne, -et trouvèrent qu'il avoit estet concquis par force le jour devant, et -chiaux de dedens tous mis à mort. Si furent durement courouchiet de -ceste aventure, pour tant qu'il n'avoient trouvet monsigneur Loeys et -se routte. Se dist messires Gautiers qu'il ne se partiroit de là, si -aroit le castiel reconcquis. Si se appareillièrent li compaignon pour -assaillir le castiel; et entrèrent ens ès fossés où il n'avoit point -d'aighe, et montèrent tout targiet contremont. Quant li Espagnol qui -dedens estoient, lez virent venir en tel mannierre, il se misent de -grant volenté au deffendre; mès li archer englès traioient si -ouniement, que nus n'osoit aprochier as murs pour jetter pières. Et -trouvèrent chil de dehors le trau par où li dis castiaux avoit estet -pris, qui assés foiblement avoit estet remparés. Si boutèrent oultre -pières et terre qui là estoit, et entrèrent en le fortrèche par ce lieu -meysmes. Et furent tout li saudoiier qui dedens estoient, ochis, -horsmis le cappitainne, et ne say dix ou douze, que li chevalier -prissent à merchy; puis s'en partirent et laissièrent le castiel tout -vuit, car il n'estoit mies tenables, et retournèrent arrière en Hainbon -et n'eurent mies consseil adonc de chevauchier plus avant. Fos 68 vo et -69. - -_Ms. de Rome_: Qant ce vint à l'endemain, messires Lois d'Espagne -appella le visconte de Rohan, l'evesque de Lion, mesire Hervi de Lion -et le mestre des Geneuois, pour avoir consel et avis conment il se -deduiroient, car il veoient la ville de Hainbon très forte et -rafresquie de bonnes gens d'armes et d'archiers, par lesquels de nuit -il pooient estre fort travilliet, et recevoir plus de blame et de -damage que de pourfit. Tout consideret, consilliet fu que il se -deslogeroient et se retrairoient deviers mesire Carle de Blois et les -aultres barons de France, et metteroient les deux hoos en une. Si se -deslogièrent et requellièrent tentes et trefs, et misent tout à -voiture, et boutèrent le feu en lors fuellies. - -Qant chil de la garnison de Hainbon veirent ce couvenant, si dissent -entre euls: «Nostre ennemi s'en vont; il se deslogent.» Là i ot auquns -compagnons aventureus qui sallirent dehors pour gaegnier, mais il -furent rebouté et remis en la forterèce à lor damage. Et en i ot des -mors et des pris, car au deslogement il s'ordonnèrent tout et missent -en une belle bataille, et onques ne se desroutèrent; et atendirent tout -l'un l'autre et lor charroi et lors pourveances, et vinrent ensi, -bannières desploiies, devant Auroi. - -Qant messires Carles de Blois et les signeurs les veirent venus, si -s'esmervillièrent pourquoi il avoient brisié lor siège. Messire Lois -d'Espagne lor recorda conment grans secours estoit venus à la contesse -d'Engleterre: «et ont à chapitainne un chevalier de Hainnau moult -vaillant honme, à ce que il moustre, et a jà conmenchié, car le jour -meismes que il ariva à Hainbon, ils et une partie des siens issirent -hors de la forterèce, entrues que nous estions au souper, et vinrent -abatre et decoper nos enghiens. Je tieng ce fait à grant apertise -d'armes, et est li chevalier nonmés messires Gautiers de Mauni.»--«En -non Dieu, respondi messires Carles de Blois, c'est uns vaillans homs; -j'en ai bien oï parler. Ensi se renforce nostre gerre.» Adonc -laissièrent ils à parler de ce et parlèrent de l'evesque Gui de Lion, -liquels avoit laissiet la contesse de Montfort, et estoit venus servir -mesire Carle et soi rendre à lui. Messires Carles de Blois fu tous -resjois de sa venue et rechut l'evesque à honme, et demora depuis tous -jours dalés messire Carle de Blois. - -Or fu ordonné, en ce jour meismes que mesires Lois d'Espagne fu là -venus, que ils et tous ceuls que amené il avoit, en iroient met(t)re le -siège devant la ville de Dignant, et se meteroient en painne de le -prendre. Si ne reposèrent en l'oost que une nuit. A l'endemain, il se -missent tout sus les camps, reservé l'evesque Gui de Lion, qui demora -avoecques messire Carle de Blois. Et estoient bien deus mill cinq cens -armeures de fier et trois cens arbalestriers geneuois. Ensi que li dis -messire Lois d'Espagne et ses gens ceminoient deviers Dignant, il -trouvèrent sus lor cemin un chastiel qui se tenoit de la contesse, que -on nonmoit Conquest. Et en estoit gardiiens et chastellains uns -chevaliers de Lombardie que on nonmoit messire Mansion, et avoit -pluisseurs saudoiiers avoecques lui. Si se traissent messires Lois et -toutes ces gens devant ledit chastiel, et le assallirent fortement, et -i livrèrent li arbalestrier geneuois très grant assaut. Li compagnon -qui dedens estoient se deffendirent moult bien, et tant que ce premier -jour li François i conquestèrent moult petit, et se logièrent là pour -celle nuit. - -A l'endemain, il retournèrent tout à l'asaut et quissent voie et -enghien par quoi il l'adamagièrent; car à l'endroit où li arbalestrier -traioient et ensonnioient ceuls dou fort, il rompirent le mur et i -fissent un grant petruis, et entrèrent dedens à force, car il estoient -grant gent. Qant li compagnon se veirent en ce parti, il se vodrent -rendre, salve lors vies, mais nuls n'i volt entendre. Avant furent il -pris par force et tout mort sans merchi, reservé le chevalier. A cesti -on sauva la vie, et demora prisonniers. Qant il orent ensi conquis le -chastiel de Conquest, il s'avisèrent que il le tenroient, et i -establirent un autre chastellain bon et segur, et soissante compagnons -avoecques lui, liquel prissent le chastiel en garde sus lor peril et le -remparèrent, pour ce que il avoit esté desemparés à l'asallir. Et puis -passèrent oultre, et s'en vinrent mettre le siège devant la ville de -Dignant, de laquelle messires Renauls, fils au chastellain de -Ghinghant, estoit chapitainne. Nouvelles vinrent ens ou chastiel de -Hainbon que messires Lois d'Espagne estoit arestés devant le chastiel -de Conquest. Si ot (messire Gautiers de Mauni) très grant desir de -traire celle part, et le dist à messire Ivon de Tigri et as aultres: -«Il nous fault cevauchier deviers Conquest, et conforter ceuls qui sont -dedens. Se nous poions ruer jus messire Lois d'Espagne, nous ferions un -bon esploit.» A ceste parole s'acordèrent tout li compagnon, et furent -tantos apparilliet, et lors chevaus refierés à ceuls as quels il -besongnoit. Chils jours passa. Qant ce vint à l'endemain, les tronpètes -des chevaliers sonnèrent. Lors s'armèrent li compagnon et montèrent as -chevaus. Et se departirent de Hainbon environ cinq cens armeures de -fier et cinq cens archiers, et chevauchièrent viers le chastiel de -Conquest, et ne savoient pas que il fust ens ou parti où il estoit; -mais furent moult courouchié qant il trouvèrent que li François -l'avoient conquis et rafresqi de nouvelles gens. Toutes fois, il -l'avisèrent et dissent entre euls que il estoit bien prendables. Si -s'arestèrent là tout autour et envoiièrent à Hainbon apriès lors -pourveances. Si furent misses à voiture pour amener devant Conquest. -Trois jours furent li Englès et li Breton devant le castiel de -Conquest, et tous les jours i livrèrent il assaut grant et fier et -mervilleus. Il i avoit dedens Espagnols qui trop vassaument se -deffendoient et faisoient grans apertisses d'armes, et tant que il en -blechièrent pluisseurs des assallans. Au daarain assaut qui fais i fu, -il se pourveirent de cloies renforchies que li archier faisoient porter -devant euls pour get des pières qui venoient d'amont. Et qant il furent -cargiet, il aprochièrent dou plus priès les murs qu'il peurent, et puis -s'efforchièrent au traire de celle ordenance contre mont que nuls ne -s'osoit à moustrer as deffenses, se il ne voloit estre enfillés de une -flèce tout parmi la teste ou le brac ou le corps. Et entrues que les -archiers ensonniièrent ensi ceuls d'amont, il i avoit Bretons qui -entendoient à petruissier le mur, et trouvèrent le petruis refait par -où les François avoient entré dedens. Si le repetruissièrent et le -desemparèrent à force de pils et de hauiauls, et par là meismes -entrèrent il ou chastiel. Et fu ensi pris et conquis, et tout li -Espagnols qui dedens estoient, mort, reservet le chapitainne, liquels -se nonmoit Pières Ferrans de Tudesque, et auquns gentils honmes de son -pais et de sa delivrance, pour lesquels il demora, se raençon les -couvenoit paiier. Et desemparèrent les Englès le chastiel de Conquest, -et dissent que point il ne faisoit à tenir ne à garder, et s'en -retournèrent arrière à Hainbon, et enmenèrent lors prisonniers. Fos 82 -vo et 83. - -P. 154, l. 26: messires Loeis.--_Ms. B 6_: messire Gui de Lion, messire -Hervy de Lion, le viés conte de Rohem, le sire de Clichon, le sire de -Malatrait et pluiseurs barons de l'ost. Fo 208. - -P. 155, l. 3: Lombardie.--_Mss. A 22 à 33_: Normandie. Fo 108 vo. - - -=§ 171.= P. 156, l. 25: Or revenrai.--_Ms. d'Amiens_: Or vous parlerons -de monseigneur Loeys d'Espaigne qui fist logier son host tout autour de -le ville de Dinant, et fist tantost faire petis batiaux et nacellez -pour assaillir le ville de touttes pars, par yauwe et par terre. Si -estoit dedens comme souverains et cappitainne messires Renaux de -Ghinghant, filz au castellain de Ginghant, très bon chevalier de son -eage, qui reconfortoit et consilloit chiaux de dedens le ville, qui -durement estoient effraet de chou qu'il veoient faire à chiaux de l'ost -si grant appareil; car leur ville n'estoit mies forte, ne fremmée fors -que de palis. Et eurent consseil entr'iaux que il se renderoient -ainschois que plus grant meschief leur avenist; mès, à ceste fois, -messires Renaulx brisa leur vollenté, et ne se rendirent mies si très -tost. Messires Loeis d'Espaigne ymagina bien le fortrèce de le ville, -et vit bien que elle estoit prendable. Si se loga environ bien et -souffisamment, et dist qu'il ne s'en partiroit si l'aroit à sa -vollenté; et fist appertement appareillier instrummens pour assaillir, -et fu assaillie durement et fierement. Et chil de dedens se -deffendirent vassaumment, car messire Renaux de Gingant y rendoit grant -painne. En tel estat se tinrent quatre jours à point de dammaige. Au -quatrime jour, messires Loeys et li sien assaillirent le ville si -vighereusement par nacelles et par batiaux qu'il avoient fait armer et -breteskier, qu'il aprochoient les palis; et jà en avoient romput ung -grant pan, dont chil de le ville estoient moult effraet, et se -doutèrent de tout perdre, corps et chevanche. Si traitièrent à -monseigneur Loeis ung respit tant seullement que il pewissent avoir -parlet enssamble. A che respit donner, s'acorda li dessus dis moult à -envis; car il veoit chiaux de Dinant en ung dur et perilleus parti. -Touttesfois il leur acorda parmy tant que, le parlement estant, il ne -se devoient noient fortefiier, et il li eurent en couvent. Dont se -retraissent touttes mannières de gens sus le marchiet, et sonnèrent -leur cloce et parlementèrent là longement enssamble. Et estoit li -communs acors que de yaux rendre à messire Loeis d'Espaigne, salve lors -corps et lors biens, ou nom de monseigneur Charlon de Blois; mès à -cest accord ne s'asentoit nullement messires Renaux, leur cappittainne, -et disoit que il garderoit et deffenderoit bien ce pas perilleus contre -tous venans jusques au soir, et de nuit il le fortefieroit tellement -que depuis il ne feroit point à prendre. Ses parolles ne peurent y -estre oyes ne creuwes, et ne voloient nullement atendre ce peril et sa -deffensce. Et tant parlèrent enssamble que aïrs sourmonta chiaux de le -ville, et dissent que il valloit miés que li chevaliers fust ocis, qui -contraires estoit à yaux, que tant de bonnes gens fuissent mort ne -peri. Si fu là en le place, par le fait de le communauté, ocis li bons -chevaliers messires Renaus de Ghinghant, filz au castellain de -Ghingant; et fu rendue la ville de Dinant par le tretiet dessus -noummet, sauve lors corps et lors biens. Ensi y entra messires Loeys -d'Espaigne, et prist la feaulté des bourgois et le sierement, et s'i -tint par deux jours pour remparer le ville de tout ce qu'il besongnoit. -Et quant il s'en parti, il y laissa à chappitainne monseigneur Pière -Portebuef et Gerart de Malain, escuier, lesque(l)s il avoit trouvés -layens prisonnierz, car il avoient estet pris dou dit messire Renaut de -Ghinghant par embusce faite, enssi comme vous avés oy chi dessus. - -Quant messires Loeis d'Espaingne se fu partis de le ville de Dinant, il -se traist avoecq se routte par deviers une mout grosse ville seans sour -le flun de le mer, que on claimme Garlande; et l'assega par terre et -trouva assés priès grant fuison de vaissiaus et naves plainnes de vins, -que marchans avoient là amenés de Poitau pour vendre. Si eurent tant li -marchans vendu lors vins, et furent mal paiiet, che puet on bien -croire. Et fist li dis messires Loeis prendre toutes ces naves et ces -vaissiaux, et fist ens monter gens d'armes et partie des Espaignols et -des Geneuois. Puis fist l'endemain assaillir le ville par terre et par -mer, qui ne se pot longement deffendre; ains fu assés tost gaegnie par -force et tantost toutte robée, et tout mis à l'espée sans point de -merchy, hommez et femmes et enfans, et cinq eglises arsez et viollées, -dont messires Loeys fu durement courouchiés. Si fist tantost pendre -vingt quatre de chiaux qui ce avoient fait. Là eut gaegniet très grant -tresor, si que chacuns en eult tant qu'il en vot ou pot porter, car la -ville estoit durement grande, riche et marchande. - -Quant ceste grosse ville qui Garlande estoit appellée, fu enssi -gaegnie, robée et essillie, il ne seurent où aller plus avant pour -gaegnier. Si se mist li dis messires Loeys en ces vaissiaux qu'il -avoit trouvés en mer, en le compaignie de monseigneur Othon Doriie et -de Toudous, et de aucuns des Geneuois et Espagnolz, pour aller aucune -part et pour aventurer seloncq le marine. Et li viscoens de Rohem, li -evesques de Lion, messires Hervis, ses niés, et pluiseurs autres -chevaliers et escuiers retournèrent en l'ost monseigneur Carlon de -Blois, qui encorres seoit devant castiel d'Auroy. Et trouvèrent grant -fuison de signeurs et de chevaliers de Franche qui nouvellement -estoient là venus, telz que messires Loeys de Poitiers, comtez de -Vallenche, li comtez d'Auchoire, li comtez de Joni, li comtez de -Porsiien, li sires de Biaugeu, li sirez de Castelvillain, li sirez de -Noiiers, li sirez d'Englure, li sirez de Castellon, li sirez -d'Aufemont, messires Moriaux de Fiennes, li sirez de Roye, li sirez -d'Aubegni, et pluisseurs autres que li roys de Franche y avoit envoiiéz -pour remforchier l'ost et l'armée de monsigneur Charlon de Blois, sen -nepveult, car bien avoit oy dire que messires Gautiers de Mauni à tout -grant carge de gens d'armes estoit arivet en Bretaingne. Et encorrez -n'estoit point li dis castiaux gaegniés, mès chil de dedens estoient si -priès menet et si constraint, qu'il avoient mengiet par huit jours tous -leurs cevaus; et ne lez voloit on prendre à merchy, s'il ne se -rendoient simplement. Quant il veirent que morir lez couvenoit, il -yssirent hors couvertement par nuit; et se missent en le vollenté de -Dieu, et passèrent tout parmy l'ost à l'un des costéz. Aucun en furent -perchus et tués. Et messires Henris de Pennefort et Oliviers, ses -frèrez, et aucun autre se sauvèrent et escappèrent par un bosket qui là -estoit, et s'en allèrent droit à Hainbon où il furent bien recheuv. - -Enssi reconquist messires Carlez de Blois le fort castiel que on -claimme chastiel d'Auroy, où il avoit sis le tierme de dix sepmainnes. -Si le fist refaire et rapareillier et bien garnir de gens d'armes et de -touttez pourveances; et puis se parti et s'en alla à tout son host -asigier la chité de Vennes, dont messire Joffroy de Malatrait estoit -cappittainne, et se loga tout autour en bon aroy et grant couvenant. Le -second jour apriès che que messires Carles de Blois eult assegiet le -ville et le cité de Vennes, partirent aucun Braiton et aultre -compaignon saudoiier qui gisoient ou fort de Plaremiel de par le -comtesse de Montfort, et vinrent sus ung ajournement resvillier l'ost. -Ceste nuit avoient fait le gait doi chevalier de Pikardie, li sirez de -Castellon et li sirez d'Aubegny, et estoient encorrez à leur garde; si -saillirent moult tost avant, qu'il sentirent l'ost estourmir. Et furent -chil de Plaremiel enclos et villainnement reboutet et mis à cache. Et -s'estourmy tellement li hos que tout s'armèrent communaument; et apriès -ce qu'il eurent cachié les compaignons de Plaremiel et lez pluisseurs -ochis et remis en leur fort, il revinrent de grant couraige, pour -paremploiier le jour et leurs armeurez, assaillir Vennes; et là eut -assaut grant et fier et mervilleux. Et y souffrirent chil de Montfort -grant paine et grant traveil, car chil de le partie monseigneur Carle -de Blois estoient grant fuisson et toutte bonne gent. Si se portèrent -si bien que il conquisent le bourcq desous le cité et le fort jusques -as baillez; et y eut pluisseurs bourjois et riches hommes de le ville -pris, mors et navrés au rentrer dedens. Et là fu messire Joffrois de -Malatrait très bons chevaliers et y fist maintes belles appertises -d'armes; mès finaublement li Franchois assailloient de si grant -vollenté et de si bon couvenant, que chil de Vennes se doubtèrent dou -tout perdre. Si requissent à monseigneur Carlon de Blois un respit ce -jour seullement, là en dedens (aroient) avis et consseil pour yaux -rendre. Messires Carlez leur accorda assés à envis, mès li aucun baron -de France li fissent faire par ensi que il valloit mieux que il ewist -la cité sienne par amours que par haynne. Ensi parlementèrent tout le -jour chil de Vennes li ung à l'autre et puis à chiaux de hors pour yaux -rendre, salve leurs corps et leurs biens. Et quant messire Joffroi de -Malatrait vit que il ne leur porroit brisier ne oster le oppinion, il -se parti desconneus de Vennes, et s'embla et demucha, et s'en revint -vers Hainbon. Et recorda à la contesse et à chiaux qui là estoient, -coumment la besoingne alloit, liquel furent moult liet de la venue au -chevalier et moult courouchiet de la prise de Vennez; mès amender ne le -peurent tant c'à present. Or lairons ung petit à parler de cheux et de -monseigneur Carlon de Blois qui estoit jà partis de Vennez, car la cité -s'estoit rendue à lui, et l'en avoient fait li bourgois feaulté et -sierement. Et y avoit laiiet à cappittainnez monsigneur Hervi de Lion -et monsigneur Olivier de Clichon, et s'estoit trais à toutte sen host -devant la cité de Craais, et l'avoit assigie de tous costéz. Si -parlerons de monseigneur Loeis d'Espaigne et de se compagnie. Fos 69 vo -et 70. - -_Ms. de Rome_: Or voel je parler de messire Lois d'Espagne, qui fist -logier son hoost tout autour de la ville de Dignant en Bretagne, et -fist tantos pourveir petis batiaus et nacelles, pour assallir la ville -de toutes pars par terre et par iaue. Qant li bourgois de la ville -veirent ce, si se doubtèrent; et jà amoient il plus assés les François -et la partie mesire Carle de Blois que la contesse de Montfort. Si -tretiièrent deviers messire Lois d'Espagne à euls rendre, salve lors -biens et lors corps. Messires Lois entendi volentiers à ces tretiés. -Messires Renauls de Ghinghant, lor chapitainne, entendi que il -tretioient pour euls rendre. Si en fu durement courouchiés et maneça -les plus grans mestres de la ville à faire coper les testes, et les -appella fauls, mauvais et traittes, dont il furent moult courouchiet, -et se doubtèrent de lui que de fait il ne vosist essequter, ensi que il -le disoit. Paroles se moutepliièrent entre messire Renault et euls, et -tant que de fait et en meslée il l'ocirent; et puis mandèrent à mesire -Lois d'Espagne que il venist, on li ouveroit les portes. Messires Lois -fu moult resjois de ces nouvelles, et entra dedens Dignant à grant -compagnie. Et à ce jour i estoient la fenme et les enfans, deus filles -et deus jones fils, au chastellain de Ghinghant. Auqun Breton et -François li disoient que il les retenist à prisonniers, mais il n'en -volt riens faire. Avant lor fist grasce, et les delivra euls et le -leur, et les fist mettre hors de la ville et convoiier jusques à -Hainbon, dont on tint che fait à grant courtoisie. Messires Lois -d'Espagne prist la posession de Dignant de par mesire Carle de Blois, -et i ordonna chapitainne et gens d'armes pour le deffendre et garder, -et s'i tint quatre jours. Et fu delivrés Gerars de Malain et tout li -compagnon, les quels messires Renauls de Ghinghant avoit pris, ensi -comme il est ichi desus dit; et fist meismes chapitainne de Dignant -Gerart de Malain et mesire Pière Portebuef avoecques lui. - -Puis s'en ala li dis messires Lois d'Espagne à toute son hoost deviers -une grose ville seant sus la mer, que on clainme Garlande, et le assega -par terre; et n'estoit pas adonc trop fort fremée, et est uns havenes -de mer, uns des bien hantés de toute Bretagne, et ville durement. Si -trouvèrent li François ou havene de Garlande auquns vassiaus, ens ès -quels il i avoit des vins de Poito et de Saintongle et de la Rocelle, -et gisoient là à l'ancre pour estre vendu; mais il furent pris et levé, -et en traist on hors des vassiaus biaucop. Et furent cargiet sus chars -et envoiiet en l'oost devant Auroi, et en retinrent une partie pour -euls pour lors pourveances. - -La ville de la Garlande fu assallie et conquise par force, car il n'i -avoit que les honmes de la ville, et si est une ville de grant garde; -si fu violée et courue et toute robée, et i trouvèrent grant avoir. Et -i ot cinq eglises arses, dont Lois d'Espagne, qui estoit conduisières -de l'oost, fu durement courouchiés, et fist pendre ceuls qui le feu i -avoient bouté. Là orent li François grant conquest, car la ville estoit -durement riches, et pris des bons marceans pour euls rançonner. - -Là ordonna mesires Lois d'Espagne à retourner en l'oost le visconte de -Rohem et grant fuisson des aultres, et ne retint non plus que de deus -cens compagnons geneuois et espagnols; et dist que il se meteroit sus -la marine, ensi que ses corages li aporta: dont il fist une grant -folie, et l'en deubt estre priès malvenu, ensi que je vous racorderai -assés briefment. - -Qant li viscontes de Rohem et li autre chevalier de France et de -Bretagne furent retourné devant Auroi, il recordèrent à messire Carle -de Blois tout le voiage que il avoient fait, la prise de Dignant et de -la ville de Garlande où il avoient bien trouvet à pillier, et conment -messires Lois d'Espagne en estoit allés sus la marine en la compagnie -de Othon Doriie et de Toudal, grans esqumeurs de mer, et n'enmenoient -fors que Geneuois et Espagnols. De toutes ces coses se contenta -grandement messires Carles de Blois. A l'eure que li viscontes de Rohen -fu là venus devant Auroi, vinrent aussi grans gens de France que li -rois Phelippes i envoioit, car il estoit enfourmés que grans confors de -gens d'armes et d'archiers estoit venus à la contesse desus dite et -issu hors d'Engleterre. Se ne voloit pas que ses cousins fust si -despourveus que il ne peuist tenir les camps à l'encontre de ses -ennemis, puis que il li avoit couvenancé de aidier. - -Qant messires Lois d'Espagne fu montés en la navie à Garlande, en la -compagnie de Toudou et de mesire Othe Doriie, mestre des Geneuois, et -pooient estre quatre cens hommes en tout, il sievirent la bende de la -mer, et prissent terre assés priès de Camperlé. Si fissent par lors -sievans ardoir tout le plat pais; et tout ce que il trouvoient de bon, -il estoit porté en la navie. Si conquissent moult grant avoir sus ce -voiage, voires se il lor fu demoré, mais nennil. Car nouvelles vinrent -à mesire Gautier de Mauni et as chevaliers, qui dedens Hainbon se -tenoient, que messires Lois d'Espagne estoit alés en Garlande, et -l'avoit ars et tout le pais de là environ, et avoit renvoiiet une -partie de ses gens, et ne pooient estre en sa compagnie non plus de -quatre cens honmes. Evous ces chevaliers et gens d'armes de Hainbon -resvilliés; si s'armèrent et apparillièrent tantos, et entrèrent -dedens nefs et barges et balengiers environ quatre cens honmes d'armes -et mille archiers. Et se departirent dou havene et singlèrent en mer, -costians les terres pour venir à Garlande, et avoient le vent et la -marée pour euls, et vinrent à Garlande. Si trouvèrent encores que les -maisons et les eglises fumoient dou feu que li François i avoient fait, -et les povres gens dou pais qui lor vinrent au devant en criant et en -braiant et en disant: «Ha! chier signeur, li larron nous ont ars et -pris et desrobé le nostre, et s'en vont selonch la marine.» - -Qant messires Gautiers de Mauni et ses gens entendirent ces nouvelles, -sans point issir de lors vassiaus, il se missent au chemin et en la -route pour euls trouver; et veoient, de lors nefs et balengiers où il -ceminoient sus la marine, les fumières que il faisoient sus le plat -pais. Et tant alèrent que il arivèrent assés priès de Camperlé, ou -havene meismes où la navie estoit toute cargie de ce que li François -avoient trouvé sus le pais, et par especial en Garlande où il orent -trop grant avoir. Sitos que il furent venu ou havene de Camperlé, ces -nefs furent conquises, et tout mort ou jeté à bort cheuls qui les -gardoient; et entendirent par les gens dou pais qui estoient tout -effraé, que li François couroient, et avoient li pluisseur trouvé des -chevaus et roboient le pais. - -Adonc messires Gautiers de Mauni et tout chil qui en sa route estoient, -gens d'armes et archiers, se missent tout à terre et se ordonnèrent en -trois batailles, et fissent les deus reponre et muchier en un bosqet -qui là estoit, afin que mesires Lois d'Espagne et ses gens, à leur -retour, ne se tenissent à trop cargiet, car bien savoient que par là il -les couvenoit retourner. Tout ce fait et ordonné, casquns burent et -mengièrent un petit, et puis s'asissent sus l'erbe et sus le sabelon, -attendans le retour des François qui faisoient bien lor besongnes sus -le pais, car nuls ne lor aloit au devant. Qant les gens à mesire Lois -d'Espagne orent cargiet chars et charètes de tous meubles et pourfis -que il ramenoient à lor navie, et tenoient à avoir fait lor voiage, -pour euls mettre au retour viers lor navie, ainsi que il venoient et -aproçoient la mer, il voient une bataille d'archiers sus une elle, et -un petit en sus gens d'armes et les pennonchiaus venteler. - -Donc s'arestèrent li François tout quoi, et s'esmervillièrent, quels -gens ce pooient estre, qui là se tenoient; et quidièrent de -conmencement que ce fuissent chil de Camperlé qui les venissent -combatre, et qui se fuissent là requelliet. Si fissent monter deus -honmes d'armes, tout doi de Piqardie. Li uns avoit nom Tassart de -Ghines, et li aultres Hues de Villers, et tout doi estoient esquier -d'onnour à mesire Carle de Blois; mais pour lor avancement il estoient -accompagniet avoecques mesire Lois d'Espagne. Et chil doi esquier -avoient tant fait que il estoient assés bien monté. Si lor dist: -«Mesires Lois Tassart et vous, Hues, chevauchiés avant et aprochiés ces -gens de plus priès, par quoi nous aions la connissance, assavoir quels -gens ce sont.» Il respondirent: «Volentiers.» Il cevauchièrent devant, -car il avoient deus bons ronchins, et vinrent si priès des Englois et -des Bretons que li archier euissent bien tret jusques à euls, se il -vosissent. - -Chil doi esquier desus nonmé congneurent plainnement que c'estoient lor -ennemi. Si retournèrent et dissent: «Sire, ce sont Englois et Breton, -car nous avons veu et congneu le pennon à mesire Gautier de Mauni: il -est de gueulles à trois noirs qievirons, et ce sont archier d'Englerre -que vous veés là. Regardés que vous volés dire et faire.» Respondi -messires Lois: «Il nous fault combatre. Nous ne poons fuir: il sont -signeur de nostre navie. Nous avons trop demoré sus terre. Alons avant -ou nom de Dieu et de saint Gorge: il nous fault prendre l'aventure.» -Adonc fit il sa banière passer avant, et le portoit uns esquiers qui se -nonmoit Robers de Santi. Là fist li dis mesire Lois un sien neveu -chevalier, qui se nonmoit Aufons d'Espagne. Il ordonnèrent les Geneuois -et les Espagnols, et les missent tout devant, et conmenchièrent la -bataille dou tret, et puis aprochièrent les gens d'armes et se -boutèrent l'un dedens l'autre. Et se portèrent li François à ce -conmencement si bien que, se il n'euissent eu aultre faix, il se -fuissent bien delivré de ces premiers, et les requlèrent sus la marine. - -Adonc vinrent les aultres deus batailles, qui estoient en enbusqe, et -encloirent les François. Là ot dur hustin, et vaillanment s'i portèrent -les gens à mesire Lois, mais les Englois et les Bretons estoient trop -grant fuisson. Et (fu) abatue la banière à mesire Lois, et chils mors, -qui le portoit, et mesire Aufons d'Espagne, mort. A grant painne, se -sauvèrent mesire Lois d'Espagne et Toudou et mesire Othon Doriie. Mais -qant il veirent que li faix estoit trop pesans pour euls, il -entendirent à recouvrer lors cevaus que lors varlès tenoient sus les -èles de la bataille; car se ils n'euissent eu lors cevaus tous près, -jamès ne s'en fuissent parti, sans estre mort ou pris. Il prissent, sus -la desconfiture, le cemin de la mer, et pooient estre environ -soissante. Nuls ne les poursievi, car Englois et Breton n'avoient nuls -cevaus, et aussi il entendirent au garder ce que il avoient conquis. - -Messires Lois d'Espagne et chil qui escapèrent de le bataille -trouvèrent en un regot de mer une grose barge de Camperlé, que li -maronnier avoient là bouté et repus, et n'estoient osé aler avant pour -la doubtance des François. Qant il le veirent là arester à l'ancre, il -se traissent de celle part et trouvèrent trois Bretons qui le -gardoient. Il furent mestre de euls et de la barge et entrèrent dedens -non tous, car il ne peuissent, pour tant que il enmenoient en la barge -lors cevaus avoecques euls, Tassars de Ghines et Hues de Villers et -auquns Bretons qui connissoient le pais, cevauchièrent tant de jour et -de nuit que il vinrent à Rennes; et là s'arestèrent pour oïr nouvelles -de mesire Lois d'Espagne et de lors compagnons qui nagièrent toute la -nuit et vinrent ariver à Grède, au plus proçain port de Vennes et de -Rennes. - -Et li Englois et li Breton cargièrent lors vassiaus des meubles et -pourfis que li François amenoient, et puis rentrèrent en lor navie à -tout ce conquest; et retournèrent à Hainbon, et recordèrent à la -contesse et à lors compagnons conment il avoient esploitié. Si en -furent tout resjoi, ce fu raison, car il en estoient departi à lor -honnour et pourfit. Ensi vont les aventures d'armes et les fortunes: à -le fois on quide avoir tout gaegnié, et on a tout perdu. Fos 83 et 84. - -P. 157, l. 12: sus le flun de le mer.--_Mss. B 3 et A 7 à 10_: sur la -mer. Fo 83 vo.--_Mss. A 1 à 6, 15 à 33_: sur le fleuve de la mer. Fo 93 -vo.--_Mss. A 11 à 14_: sur la rive de la mer. Fo 90. - -P. 157, l. 13: Garlande.--_Mss. A 15 à 17_: Gairande. Fo 95.--_Mss. A -23 à 33_: Guerrande, Gerrande. Fo 109.--_Mss. B 3 et A 1 à 14, 18 à -22_: Garlande. Fo 83 vo. - -P. 158, l. 5: Toudou.--_Ms. B 3_: Toudouz. Fo 84.--_Mss. A 23 à 29_: -Tondons. Fo 109 vo.--_Mss. A 1 à 22_: Condons. F. 93 vo. - -P. 158, l. 14: Joni.--_Mss. B 3, A 1 à 6, 11 à 33_: Joingny, Joigny. Fo -84.--_Mss. A 7 à 10_: Jony. Fo 86. - -P. 159, l. 10: Plaremiel.--_Ms. B 3_: Plerenmiel. Fo 84.--_Mss. A 1 à -6, 11 à 14, 18 à 22_: Plearmel. Fo 94.--_Mss. A 15 à 17, 23 à 29_: -Pleremel, Plermel. Fo 95 vo.--_Mss. A 30 à 33_: Ployeremel. Fo 156. - -P. 159, l. 30: Hembon.--_Ms. B 6_: devers la contesse et monseigneur -Gautier de Mauny à qui on conta ces nouvelles. Messire Gautier s'arma -et fist armer tous les compaignons de Hambon, englès et bretons, et -estoient bien six cens lanches et neuf cens archiés. Et se partirent en -istance que pour venir à Vennes brisier ces trièves et traitiés et -rafreschir la chité. Mais quant il furent à une lieue près, il -entendirent que la cité estoit rendue, et messire Charles de Blois -estoit dedens. Sy en furent moult courouchiés. Nonpourquant messire -Gautier dist que, puisqu'il estoient sur les camps, que point ne -retourneroient se aroient trouvé aventure. Et entendy que mesire Lois -d'Espaigne chevauchoit et avoit prins la ville de Garlande et estoit -sur mer pour aller en l'isle de Camparlé envers la cité de Grède, et -prist tantost le chemin. Et mesire Charles de Blois prist le serment et -homaige de ceulx de Vennes et y laissa dedens capitaines mesire Hervy -de Lion et le sire de Clichon. Fos 210 et 211. - - -=§ 172.= P. 160, l. 7: Saciés que.--_Ms. d'Amiens_: Sachiés que, quant -messires Loeys d'Espaigne fu montés, au port de Garlande, sour mer, il -et se compaignie allèrent tant nagant par mer, qu'il arivèrent en le -Bretaingne bretonnant par mer au port de Camperli et assés priès de -Camper Correntin et de Saint Mahieu de Fine Posterne; et yssirent des -naves, et allèrent ardoir et rober tout le pays. Et trouvèrent si grant -avoir que grant merveillez seroit de le raconter; si le raportèrent -tout en leur naves, et puis allèrent autre part rober et courir tout le -pays sus le marine, qui se tenoit ne rendoit de le comtesse de -Montfort. Et y conquissent si grant avoir, que il en estoient si -cargiet que il n'en savoient que faire. - -Ces nouvelles parvinrent à Hainbon à le comtesse de Monfort et as -chevaliers qui là estoient, tant d'Engleterre que de Bretaingne, -coumment messires Loeys d'Espaigne couroit tout le pais. Si s'avisa -messires Gautiers de Mauny d'une grant proèce, et en parla as -compaignons et leur dist que il perdoient leurs tamps à là sejourner, -ou kas que il sentoient leurs ennemis si priès d'iaux. Dont -respondirent tuit communaument que il estoient appareilliet à faire -tout ce que il vorroit. Et li sirez de Mauni leur dist: «Grant -merchis.» Lors appareillièrent il tout leur harnas et cargièrent les -vaissiaux sus le havene, et y missent leurs cevaux et puis entrèrent -ens. Bien estoient cinq cens hommes d'armez et deus mille archers, et -telz chevaliers que messires Amauris de Clichon, messires Yves de -Tigueri, li castellains de Ghingant, li sires de Landreniaux, messires -Guillaummes de Quadudal, messires Joffroy de Malatrait, messires Henris -de Penefort, li doy frère de Leynendale, messires Guis de Nulli, li -sirez Despenssiers, messires Jehans le Boutillier, messires Hubert de -Frenay, messires Alains de Sirehonde, mestre des archiers, et -pluisseurs autrez chevaliers et escuyers. Si eurent bons maronniers et -saiges, et ne cessèrent de nagier si furent venut droit au port de -Camperli, là où les naves et les vaissiaux monseigneur Loeys -d'Espaingne estoient et gisoient, et tous li granz avoirs que il -avoient concquis ou pays d'environ. Si entrèrent ens Englès et Breton, -et ochissent tous ceux qui les gardoient, et y trouvèrent tant de -ricoisse que tout en furent esmervilliet. Et entendirent par les -prisonniers que messires Loeis chevauçoit. Lors eurent consseil et -advis que il se partiroient en trois bataillez et sieuroient lez -fummierrez, et ne cesseroient si aroient trouvet le dit monseigneur -Loeys et se routte, et yaux combatu. Si se missent as camps ainssi -comme ordonné fu, et pourveirent et garnirent leur navie et le navie -que trouvet avoient sus le port de Camperli, de trois cens archers et -de cent hommez d'armes; et puis chevauchièrent à l'endroit des -fummierrez et dez chemins là où il esperoient monseigneur Loeys -d'Espaigne à trouver le plus tost et toutte se routte pour le -combattre. - -Ces nouvellez vinrent au dessus dit monseigneur Loeys que li Englès -chevauchoient et le queroient, et estoient sans comparison plus fors -qu'il ne fust. Si se doubta de leur encontre, et requella tout -bellement ses gens et remist enssamble; puis chevaucha vers l'ille de -Camperli pour revenir à sa navie. Mais enssi qu'il cevauchoit sus le -marine, il encontra messire Guillaume de Quadudal, messire Henry de -Pennefort et monseigneur Joffroy de Malatrait et leur routte; et quant -il lez perchupt, si congnut assés que combattre lez couvenoit. Si mist -sez gens enssamble et lez recomforta et escria son cri, et fist -chevauchier se bannierre et appella ung sien nepveult que on claimmoit -Aufour; et le fist là chevalier et pour l'amour de lui six autrez, et -leur pria que il penssaissent dou bien faire, et chacuns li eut en -couvent. Adonc s'asamblèrent il li Franchois et li Breton, et y eult, -de premières venues, fortez joustez et radez, et pluisseurs -compaignons porté à terre de l'un léz et de l'autre; et apriès les -lanches fallies, il sachièrent lez espées et les espois et lez hachez -qui as archons des siellez leur pendoient, et s'en donnèrent grans -horions et durs, et là en y eult moult de navrés et de blechiés. Et -vous ay en couvent que messire Loeys d'Espaigne et messires li -Auffours, sez niéz, y fissent tamainte belle appertise d'armes. Et s'i -portèrent si bien des premiers chil de son costet, que finaublement il -ewissent desconfit lez Bretons et mis en cache, quant messire Gautiers -de Mauni et une grant routte d'Englèz, gens d'armes et archiers, y -sourvinrent frèz et nouviaux. Adonc se recoummencha la bataille dure et -felenesse; et couvint là souffrir et endurer monseigneur Loeys -d'Espaigne et monseigneur l'Aufour son nepveult et le chevalerie de -leur costet, grant painne. - -Vous devés savoir que ceste bataille, qui fu en l'ille de Camperli -assés prièz de Camper Correntin, fu moult fellenesse et bien combatue. -Et trop bien s'i porta messires Loeis d'Espaigne, et ossi fissent tout -chil de son costet; mès trop leur fu li fais durs et pesans, quant -messires Gautiers de Mauni y sourvint, car il amena toutte fresce gent -et bien combatant qui trouvèrent lez Franchois jà lassés davantaige. -Nonpourquant encorrez se deffendirent il et combattirent vassaument, -mès enfin il ne peurent tenir place. Et furent desconfit et mors et -messires li Aufors d'Espaigne, et li bannière de monseigneur Loeis, son -oncle, portée par terre, et uns bons escuier qui le portoit, mors et -abatus, que on claimmoit Huez de Lontin. Et se retraissent messires -Loeys et ses gens deviers leur navie, et Englès et Bretons apriès yaulx -en cache, et touttez mannières de gens paisans dou pays qui poursieuwi -les avoient as bastons, as bourlés et as pikez, pour rescour ce que dou -leur avoient perdu. Enssi à grant meschief li dis messires Loeis se -parti de le bataille, durement navrés en pluiseurs lieux, et ne ramena -de bien trois mille hommez qu'il avoit avoecq lui, non plus trois cens -et y laissa son nepveult mort, dont trop durement fu courouchiéz. - -Avoecq tout ce, quant li dis messires Loeys fu venus à sa navie, il le -trouva prise et garnie de sez ennemis. Si fu durement esbahis, et tant -couri sus le sabelon que il vint jusquez à ung ligne, ung vaissiel qui -siens estoit. Si entra dedens en grant qoite et aucuns des siens -especiaulx qui mettre s'i peurent. Puis sachièrent li maronnier le -single amont et eurent bon vent, et furent tantost esloingiet, car -chils lings si est uns vaissiaux plus appers que nulx autrez, et va de -tous vens et contre touttes marées. Quant chil chevalier d'Engleterre -et de Bretaingne eurent desconfis leurs ennemis et il perchurent que li -dis messires Loeys s'en estoit partis et alléz par deviers les -vaissiaux, il se missent tout à aller apriès lui tant qu'il peurent, et -lessièrent les gens dou pays couvenir del remannant et yaux vengier et -reprendre partie de ce que on leur avoit robet. Quant il furent venus -as vaissiaux, il trouvèrent que li dis messires (Loeys[408]) estoit -entrés en ung ligne et s'en alloit nagant quanqu'il pooit. Si entrèrent -tantost ens ès plus appareilliéz vaissiaux qu'il trouvèrent là sus le -marinne, et drechièrent lors voillez et nagièrent tant qu'il peurent -apriès le dit monsigneur Loeis (d'Espaigne); car il leur estoit avis -que il n'avoient riens fait, se il leur escappoit. Il eurent bon vent -si comme à souhet, et le veoient toudis nagier devant yaux si fortement -qu'il ne le peurent raconssuiwir. Et tant naga li dis messires Loeys -(d'Espaigne) à l'esploit dou vent et des maronniers, qu'il ariva à ung -port que on claimme le port de Gredo. Là descendi li dis messires Loeys -d'Espaigne, et chil qui escappet estoient avoecq lui, et entrèrent en -le ville de Gredo. Il n'eurent miez plenté sejourné en le ditte ville, -quant il oïrent dire que li Englès estoient arivet et qu'il -descendoient pour yaux combattre. Et quant messires Loeys et se routte -oyrent ces nouvellez, si n'eurent pas vollenté de là plus sejourner, -mais quisent, prissent et empruntèrent cevaus en le ville et montèrent -sus à esploit. Là en y eut de mal montéz, et se missent as camps -deviers le chité de Rennes, messires Loeys tout devant, enssi comme -homs desconfis, et ses gens apriès, cescuns qui mieux mieux; et qui -cheval ne pot avoir, si se repust et mucha au mieux qu'il peult. - - [408] On lit dans le ms.: «Robers.» Mauvaise leçon. - -Quant li Englès et li Breton furent arivet à Gredo, et il sceurent que -messires Loeis et li sien estoient parti et s'en aloient deviers -Rennez, si fissent tantost traire lors cevaux hors de leurs vaissiaux, -chilz qui ceval avoient, et se missent en cache encorrez apriès yaulx; -mès il estoient jà si eslongiet que nulx n'en trouvèrent. Si -retournèrent à Gredo, et s'i logièrent et reposèrent le nuit. - -L'endemain, il rentrèrent en leurs vaissiaux et singlèrent pour revenir -vers Hainbon, mès il eurent vent contraire et waucrèrent par deus -jours; et les couvint de force ariver à trois liewez de le ville de -Dinant. Puis se missent au cemin par terre enssi qu'il peurent, et -gastèrent le pays entour Dinant et prendoient cevaux telx que chacuns -pooit trouver, li uns à selle, et li autre sans selle; et allèrent tant -qu'il vinrent ung soir assés priès de le Roceperiot. Quant il furent là -venu, messires Gautiers de Mauni dist: «Certainnement jou iroie -vollentiers au matin assaillir che fort castiel de le Roceperiot, se -jou avoie compaignie, com travilliéz que je soie.» Et tout li chevalier -et li compaignon liement li accordèrent. Ceste nuit se reposèrent et -aisièrent de ce qu'il eurent. A l'endemain au matin, il vinrent devant -le dessus dit castiel; si le advisèrent et ymaginèrent coumment il -estoit hault assis et sus une roche. Et dist messires Gautiers de -Mauni, quant il y parfurent venu: «Il le nous couvient assaillir et -savoir se nous y porions riens concquerre.» Or devés savoir que dedens -le castel estoit venus, environ six jours devant, chilz bons escuiers -Gerars de Malain, par l'ordounnanche de monseigneur Charlon de Blois, -car autrefois en avoit il estet cappittainne. Dont, quant il vit Englès -et Bretons devant lui et yaux appareillier pour assaillir, il se mist -ossi en arroy pour bien deffendre. Lors commença ungs assaulx grans, -fiers et mervilleux, car Englès et Breton montoient le roche et le -montaigne amont, et trayoient et assalloient de grant vollenté. Et chil -dou fort leur envoiioient d'amont pièrez et baux et autres coses pour -yaux grever, et avoient kanons et ars à tour, dont trop bien se -deffendoient. Chil qui assalloient montoient perilleusement; et bien -apparut, car il y eut dez leurs pluisseurs blechiés et navrés: entre -lesquelx messires Jehans li Boutilliers et messires Hubert de Frenay -furent si durement blechiés, qu'il les couvint raporter aval de la Roce -et mettre jesir en ung pret avoecquez les autrez navrés. Fos 70 et 71. - -_Ms. de Rome_: Assés tos apriès avint que messires Gautiers de Mauni et -auqun Englois qui desiroient les armes se departirent de Hainbon et -cevauchièrent as aventures viers Roceperiot. Qant il furent venu -jusques à là, messires Gautiers de Mauni dist: «Avant que nous -chevauçons plus avant, je voel que nous alons assallir ce chastiel, et -veoir se nous i porions riens conquester.» Tout respondirent: «A la -bonne heure!» Il missent tantos piet à terre et aprochièrent le -chastiel, et conmenchièrent à monter la roce et à livrer grant asaut. -Pour ces jours i estoit Gerars de Malain, li esquiers de Bourgongne, -qui avoit esté pris et rescous à Dignant, et avoit avoecques lui des -bons compagnons qui tout se missent à deffense. Li dis Gerars de Malain -n'espargnoit point, mais se deffendoit de grant volenté et par bonne -ordenance. Englois sont chaut et boullant, et est vis as auquns que -tantos il doient avoir conquesté, soit bataille ou asaut, qant il i -sont venu, et là ot des lours qui s'avancièrent follement. Auquns -(furent) bleciés, et par especial deus bons chevaliers, dont li uns fu -nonmés messires Jehans li Boutelliers et li aultres messires Hubiers de -Frenai. Et furent tellement tapés sus lors bachinés dou jet de deus -pierres que il rendoient sanch par la bouce et par les orelles; et les -couvint porter hors et en sus de l'asaut en une prée et desarmer, et -furent si estonnet que on quidoit bien que il deuissent morir. Fo 84 -vo. - -P. 160, l. 18: de Cliçon.--_Le ms. B 6 ajoute_: messire Joffroy de -Malatrait. Fo 211. - -P. 161, l. 16: batailles.--_Ms. B 6_: et estoit mesire Gautier de -Mauny. Fo 212. - -P. 161, l. 20: Aufons.--_Mss. B 3, et A 1 à 22_: Aufour, Auffour. Fo -84 vo.--_Mss. A 23 à 33_: Alphons. Fo 110 vo. - -P. 162, l. 3: sis mille.--_Mss. A 1 à 22_: sept mille. Fo 95.--_Mss. A -23 à 33_: six mille. Fo 105 vo. - -P. 162, l. 23: qu'il pooit.--_Ms. B 6_: et fist tant qu'il vint en -Garlande et monta là à cheval et se sauva au mieulx qu'il pot, mais de -toute(s) ses (gens) il n'en demoura que douze. Et vinrent en l'ost -devant Crais, où messire Charles de Blois estoit. Fo 213. - -P. 162, l. 33: Gredo.--_Mss. A 1 à 22_: Gredo. Fo 95.--_Mss. A 23 à -33_: Redon. Fo 106. - -P. 163, l. 8: Rennes.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22_: Vennes. Fo -95.--_Mss. A 7 à 10, 15 à 17, 23 à 33_: Rennes. Fo 87 vo. - -P. 164, l. 14: Mahieus de Frenai.--_Ms. B 6_: Jehan de Frenay. Fo 214. - - -=§ 173.=--P. 164, l. 17: Cilz Gerars.--_Ms. de Rome_: Chils Gerars de -Malain avoit un frère, hardit honme et conforté durement, que on -nommoit Renier de Malain; et estoit chapitainne et chastellains de un -aultre petit fort, seans assés priès de la Roceperiot, et le fort on -clainme Fauet. Qant cils Reniers entendi que Englois et Breton -livroient assaut à la Roceperiot, de laquelle garnison ses frères -Gerars estoit chastellains et gardiiens, il fist armer de ses -compagnons jusques à quarante, et issi hors de Fauet, et cevauça viers -la Roceperiot, en instance de ce que pour conforter son frère, en -auqune manière se il pooit; et sourvint à l'aventure sus ces deus -chevaliers englois bleciés, liquel estoient en une prée en sus dou -hustin, car la noise lor faisoit mal, et ne trouvèrent dalés euls que -varlès qui les gardoient. Il veirent tantos que il estoient de lors -ennemis, et que on les avoit là amenés pour euls rafresqir. Il -environnèrent ces varlès et ces prisonniers et les prissent tous, et -fissent les chevaliers monter sus lors chevaus et les varlès venir et -sievir à piet, tant que il furent eslongiet une grose demi lieue en sus -de la Roceperiot, et puis lor donnèrent congiet. Chil varlet de piet se -tinrent pour tous resjois qant il se sentirent delivret, et vinrent à -fuiant devant la Roceperiot, et se traissent deviers messire Gautier de -Mauni et les aultres, et lor dissent: «Signeur, rescoués mesire Jehan -le Boutellier et messire Hubert de Frenai, que chil de la garnison de -Fauet enmainnent.» - -Sus ces paroles, tout laissièrent l'assaut, et montèrent as cevaus et -ferirent à l'esporon, çasquns que mieuls mieuls, pour raconsievir ceuls -de la garnison de Fauet; mais il estoient jà entré dedens, et tout mis -à sauveté, prisonniers et euls, et relevet le pont et trait les -barrières avant, et avoient encores eu loisir de boire un cop et de -euls rafresqir. Evous venu messire Gautier de Mauni et les Englois et -les Bretons à l'esporon, et missent tantos piet à terre, et -approchièrent le chastiel et conmencièrent à asallir, con lassé que il -fuissent, et continuèrent l'asaut jusques à la nuit; car tantos fu -tart. Il regardèrent quel cose il feroient; car il n'avoient tentes ne -trefs, ne nulles pourveances, fors bien petit. Mesires Gautiers de -Mauni dist: «Nennil, il nous fault ravoir nos compagnons: aultrement -nous receverions trop grant blame, et se sera tantos jours. Une nuit -est tantos passée; il fait biel et chaut. Nostres chevaus se passeront -bien meshui de ce que nostres varlès trouveront.» Chils consauls fu -creus. Et se logièrent ces Englois et ces Bretons à l'environ de Fauet; -et lor varlet alèrent fouragier, et se passèrent la nuit de ce que il -trouvèrent. Fos 84 vo et 85. - - -=§ 174.=--P. 164, l. 23: quarante.--_Ms. d'Amiens_: jusquez à quarante. -Fo 71.--_Ms. B 6_: quarante lances. Fo 214. - -P. 165, l. 8 et 9: l'assaut.--_Ms. B 6_: Dont cheulx de Rochepierot -furent bien eureus, car on dist que, se l'aventure ne fust venue, les -Englès les eussent conquis. Fo 214. - -P. 165, l. 22: Gerars de Malain.--_Ms. d'Amiens_: Gerars de Malain -sceut, tantost que cil signeur se furent parti de Rocheperiot, le biel -fet d'armez que Reniers ses frèrez avoit fait pour lui secourir, si en -eut grant joie, et sceut que chil seigneur englès et breton estoient -pour chou tret par deviers Fauet et le concquerroient se il pooient. Si -se appenssa que il feroit ossi biel service à son frère qu'il li avoit -fet. Si monta en l'eure et tout de nuit sus son cheval et chevaucha -tant que ung petit devant le jour il vint à Dinant. On li ouvri le -porte, car bien y estoit conneus. Si parla à monseigneur Pière -Portebuef, son compaignon et cappittainne de Dinant, et li remoustra -quel besoing l'amenoit là. Messires Pière (Portebuef) fist tantost -sommer la cloce dou consseil de la ville. Et s'asamblèrent tout li -bourgois ou marchiet; et quant il furent tuit venu, li dessus dit les -priièrent et enortèrent si bellement que tout s'acordèrent ad ce qu'il -s'armeroient et yroient deviers Fauet pour secourir Renier de Malain, -leur bon voisin. Dont s'armèrent ysnielment touttez mannières de gens -en le ville de Dinant, et se rassamblèrent en le plache, et furent bien -six mille, qu'à piet qu'à ceval, et se partirent à grant effort et -prissent le chemin de Fauet, messires Pières Porteboef et Gerars de -Mallain devant, qui les conduisoient. Ces nouvelles vinrent à messire -Ghautier de Mauni et as chevaliers englès et bretons coumment chil de -Dinant et dou pays d'environ venoient pour yaux combattre. Si eurent -consseil entr'iaux que bon leur en seroit affaire, si ques, tout -consideret, le bien et le mal, il s'acordèrent à ce qu'il se -partiroient de là et s'en retourneroient tout bellement par deviers -Hainbon, car grans meschiefz leur poroit avenir, se il demoroient -longement là; car, se cil de Dinant leur venoient d'une part et li hos -messire Carle de Blois et li signeur de Franche d'autre part, il -seroient enclos, si seroient tous (pris[409]) et mors à le vollenté de -leurs ennemis. Si se acordèrent à ce que li milleurs poins estoit de -laissier leurs compaignons en prisson que de tout perdre, jusquez adonc -que il le poroient amender. Lors se partirent de Fauet et s'en -retournèrent vers Hainbon. Or lairons ung petit à parler d'iaux et -parlerons de monseigneur Loeys d'Espaigne.... - - [409] On lit dans le ms.: «perilz.» Mauvaise leçon. - -Quant messires Gautiers de Mauni se fu partis de Fauet et il eurent -pris le chemin de Hainbon, il vinrent passant par devant le fort -castiel que on claimme Gohy le Forest, qui, quinze jours devant, estoit -rendus à monseigneur Carlon de Blois. Et l'avoit li dis messires Carlez -livret pour garder à monseigneur Gui de Ghoy, qui en devant le tenoit, -liquelx n'estoit point adonc là, mès estoit en l'ost avoecq les -seigneurs de France par devant la ville de Craais. Quant messires -Gautiers de Mauni vi le castiel de Ghoy le Foriest, qui durement estoit -fors, il dist à ces chevaliers de Bretaingne qui estoient avoecq lui, -que il n'yroit plus avant, ne de là ne se partiroit, com travilliés -qu'il fuist, si aroit assailli che fort castiel et aroit veu le -couvenant de ciaux qui estoient dedens. Si coummanda tantost as -archiers que chacuns le sieuwist, et à ses compaignons ossi, puis prist -sa targe à son col et monta amont jusques as baillez et as fossés dou -castiel, et tout li autre Breton et Englès le sieuvirent. Lors -coummenchièrent fortement à assaillir, et chil de dedens fortement à -yaux deffendre, coumment qu'il n'ewissent point de leur cappitaine. Là -eult trop fort assault et grant fuison de bien faisans dedens et -dehors, et dura longement jusques à basses viespres. Là estoit messire -Gautier de Mauny tout devant, qui mies ne s'espargnoit, mès se mettoit -ou plus grant peril pour rencoragier les siens. Et li archier traioient -si ouniement que chil de dedens ne s'osoient apparoir as cretiaus, se -petit non. Si fissent tant li assallant que li fossés furent rempli à -l'un des lés d'estrain et de bois et de terre gettée par dessus, par -quoy il pooient bien parvenir jusques as murs. Adonc assaillirent il -plus fort que devant. Et avoient pik dont il petruisièrent le mur, et y -fissent ung si grant trau que par ce il reversèrent ung pan dou mur; et -entrèrent ens de force et ochirent tous ceux qui dedens estoient, -excepté quatre qu'il enmenèrent prisonnier. Et laissièrent le castiel -en cel estat et s'en partirent à l'endemain; et s'en revinrent à -Hainbon, où il furent recheuv à grant joie de le comtesse de Montfort -et de tous lors compaignons. - -Or avons nous entroubliiet à parler dou secours de Dinant qui venoit -devant Fauet. Voirs est qu'il y vinrent; et quant il trouvèrent les -Englèz partis, messire Pière Porteboef ramena chiaux de Dinant. Fo 71. - - -_Ms. de Rome_: Gerars de Malain, qui se tenoit en Roceperiot entendi -que li Englois et li Breton estoient devant Fauet. Si s'apensa que il -conforteroit son frère et li remunerroit le service que fait li avoit; -si se departi de Roceperiot et vint à Dignant. D'aventure estoient là -venu li sires de Chastellon, li viscontes de Rohem, li sires d'Amboise -et autres chevaliers de France, les quels mesires Carles de Blois i -avoit envoiiés pour conforter la ville, pour tant que il avoit entendu -que li Englois cevauçoient; et estoient bien trois cens lances et deus -cens Geneuois. Li esquiers bourgignons lor recorda le fait pour quoi il -estoit là venus, et de son frère qui estoit assegiet ou chastiel de -Fauet, et couvenoit que il fust secourus, ou il seroit pris, et li doi -chevalier que il tenoit prisonniers, rescous. Ces gens d'armes ne -furent onques si resjoi, à ce que il moustrèrent, qu'il furent; et -s'ordonnèrent toute la nuit au partir au point dou jour, et s'armèrent -et fissent armer tous les honmes aidables de Dignant. Et furent ou -gouvrenement de messire Pierre Portebuef; et puis, à l'aube dou jour, -il se departirent de Dignant, et ne pooient tos aler pour la cause de -ceuls de piet qui les sievoient. Messires Gautiers de Mauni et chil qui -estoient devant Fauet, furent segnefiiet que François venoient -efforciement. Si n'orent pas consel de l'atendre, et s'en departirent -et retournèrent viers Hainbon; si ques, qant li François furent jusques -à là venu, il ne trouvèrent à qui parler. Ensi demora pour ces jours -Fauet en paix. Et confortèrent li doi frère l'un l'autre et li doi -chevalier prisonnier: dont moult en anoia à mesire Gautier de Mauni, -mais amender ne le pot pour l'eure. - -Qant mesires Gautiers de Mauni et sa route se furent departi de Fauet, -ensi que vous avés oï, il n'alèrent pas le droit cemin pour retourner à -Hainbon, mais s'adrechièrent viers Goi le Forest, un chastiel assés -fort, qui se tenoit à mesire Carle de Blois. Messires Gautiers de -Mauni, qui estoit encores tous merancolieus des deus chevaliers, -messire Hubert de Frenai et messire Jehan le Boutillier, qui estoient -demoret derrière et prisonnier ou chastiel de Fauet, qant il fu venus -devant le chastiel de Goy la Forest, il dist à ses compagnons: «Il nous -fault assaiier à ce chastiel, se jamais nous le porions prendre.» Tout -furent de son acord et missent tantos piet à terre, et alèrent asallir -de si grant volenté, que li chastiaus fu pris, et tout chil mort, qui -dedens estoient. Et puis passèrent oultre, et vinrent ce jour à Hainbon -où la contesse estoit, qui lor fist bonne chière, mais messires -Gautiers ne pooit oubliier la prise des deus chevaliers et doutoit -messire Lois d'Espagne que il ne les fesist morir, en contrevengant la -mort de son neveu, messire Aufons d'Espagne, liquels avoit esté ocis en -l'ille de Camperlé. Fo 85. - -P. 166, l. 15: sis mille.--_Ms. B 6_: quatre mille. Fo 215. - - -=§ 175.= P. 168, l. 19: Quant.--_Ms. d'Amiens_: Et Gerars de Malain -retourna en le Roceperiot: si entendi que li Englès avoient pris Ghoi -le Forest et ochis ceux de dedens et l'avoient laissiet. Si vint ung -jour celle part et y amena grant fuison de bonhommes dou pays, et le -fist remparer et fortefiier de rechief et pourveir d'artillerie, de -pourveanches et de bons compaignons pour le garder; car mies ne volloit -que li Englès y amasesissent pour gueriier chiaux d'environ. - -Et toudis se tenoit li sièges devant Craais. Tant fist messires Carlez -de Blois o son effort et les seigneurs de France que li roys Phelippes, -ses biaux oncles, li avoit envoiiés, devant la bonne et forte ville de -Craais, et tant le fist assaillir par pluisseurs fois, que chil de -dedens furent durement constraint en pluisseurs mannières. Et se -tinrent et deffendirent comme bonne gent et senefiièrent leur necessité -par deux ou par troix foix à leur damme la comtesse de Montfort, qui -moult estoit couroucie que elle n'estoit forte assés pour lever le -siège; mès messires Carles de Blois avoit adonc grant host et belle -gent, et tous les jours li fuisonnoient. Si ne se trouvoit mies en -point pour yaux combattre. - -Or eut la comtesse consseil par l'avis de monseigneur Ghautier de Mauny -que elle escriproit une grande part de ses besoingnes au roy -d'Engleterre, et li renouvelleroit les couvenenches qu'il avoient -enssamble et li prieroit d'avoir secours: autrement, ce que elle tenoit -de pays en Bretaingne estoit en grant aventure. Si escripsi la comtesse -au roy englès lettrez moult affectueuses, ensi que bien le seult faire, -et messires Gautiers de Mauny ossi pour mieux aprouver et encoulourer -les besoingnes de le damme. Les lettres escriptez et saellées, li -messagiers parti et entra ens une nef ou havene de Hainbon, et singla -vers Engleterre. Endementroes qu'il ala et vint et fist son messaige, -pluiseurs coses avinrent en Bretaingne, desquelles je vous feray des -aucunnes mention, mès premiers je vous compteray dou siège de Craais -coumment il fu perseveréz. - -Ensi comme dessus est dit, tant fist messires Carles de Blois devant la -ville de Craais, que durement l'appressa et constraindi de famine. Et -quant cil de Craais veirent que il ne seroient autrement comforté ne -secourut de par la comtesse, il se doubtèrent de plus à perdre; car il -veoient monseigneur Carlon de Blois fort durement. Si traitiièrent -deviers lui par amiable composition que il leur volsist pardonner son -mautallent, et il le receveroient à signeur et li feroient feaulté et -hoummaige pour tous jours. Mès chilz tretiés fu si sagement demenéz que -li dessus dis messires Carles les rechupt par l'ordounnanche dessus -ditte et entra dedens la ville, et y fu rechus à grant joie et y reposa -et toutte sen host, voirs chil qui reposer y veurent, par six jours, et -leur fist on là dedens moult de courtoisiez. Fos 71 vo et 72. - -_Ms. de Rome_: Si ordonna li dis messires Carles (de Blois) chapitainne -à Vennes et bonnes gens d'armes pour le garder. Et puis se traissent -(li François) devant la ville de Craais, qui aussi sus quatre jours -entra en trettiet et se rendi. Et de là il vinrent devant Hainbon, et -se requellierent toutes les gens d'armes et les capitains françois de -tout le pais, qui pour lors se tenoient à mesire Carle de Blois, et -vinrent tout au siège de Hainbon. Fo 85 vo. - - -=§ 176.= P. 170, l. 11: Adonc.--_Ms. d'Amiens_: Endementroes eurent li -seigneur consseil quel part il se trairoient, ou devant Jugon, ou -devant Hainbon. Finaublement consseil se porta qu'il se retrairoient -devant Hainbon et l'assiegeroient de tous costéz, car leur ennemic se -tenoient par dedens, et n'en partiroient, c'estoit leur entente, si -l'aroient à leur vollenté. Dont se partirent au septime jour et -aroutèrent tout leur charoy et missent les pourveanches à voiture, et -s'en vinrent li seigneur et touttes mannières de gens devant Hainbon et -le assiegièrent. - -Or ont de rechief li Franchois assegiet le ville et le castiel de -Hainbon, et dedens la comtesse de Montfort et le seigneur de Mauni et -moult de bonne chevalerie et escuierie d'Engleterre et de Bretaingne, -qui souffissamment et vassaument s'i portent et deffendent le dessus -ditte fortrèce. La compaignie de ces signeurs de France estoit durement -moutepliiée et acroissoit tous les jours; car grant fuison des -seigneurs de France, chevaliers et bonne gent d'armes, revenoient de -jour en jour del roy Alphons d'Espaingne, qui adonc guerioit au roy de -Grenade et as Sarrasins: si ques quant il passoient par Poitou et il -ooient nouvellez dez ghuerres qui estoient en Bretaigne, il s'en -alloient celle part, et il estoient li bien venu. Li dis messires -Carles avoit fait drechier jusques à seize grans enghiens qui jettoient -grandez pierres ouniement as murs de Hainbon et en le ville. Mès chil -de dedens n'y acomptoient mies gramment; ains venoient tantost as murs -et as cretiaux et lez passoient de leurs capperons par despit. Et puis -crioient quanqu'il pooient, et disoient: «Alléz, allés requerre vos -compaignons et raporter, qui se reposent ou camp de Camperli:» desquelz -parollez et trufferiez messires Loeis d'Espaigne et li Geneuois avoient -grant yreur et grant despit. Fo 72. - -_Ms. de Rome_: Chil de la garnison de Hainbon estoient durement -fortefiiet. Et bien lor besongnoit, car toute la flour de la chevalerie -estoit pardevant là venue et arestée de France; ne on ne savoit adonc -où querre les armes, fors en Bretagne. Fo 85 vo. - -P. 170, l. 26: l'avoient veu.--_Mss. A 20 à 22_: puis qu'il fut envoié -devant Dignant. Fo 145. - -P. 170, l. 28: montepliie.--_Ms. B. 6_: car le roy Phelippe y envoia -mille combatans, pour che qu'il savoit bien que messire Gautier et les -Englès estoient yssus d'Engleterre et retrait dedens la ville de -Hambon. Fo 217. - - -=§ 177.= P. 171, l. 16: Un jour.--_Ms. de Rome_: Un jour vint messires -Lois d'Espagne en la tente mesire Carle de Blois, et li demanda un don, -present fuisson de grans signeur de France qui là estoient; et fu li -dons demandés en remunerant les services que fais li avoit. Messires -Carles ne savoit pas quel don il li voloit demander, car se ils le -seuist, jamais ne li euist acordé, et li otria sa demande legierement, -car il se sentoit moult tenus à lui. - -Qant li dons fu otroiiés, mesires Lois dist: «Monsigneur, grant -merchis! Je vous demande les deux chevaliers englois, qui sont -prisonnier ens ou chastiel de Fauet, et que Reniers de Malain -garde.»--«Volentiers, respondi mesire Carle; je les vous donne.» Et -pensoit que il les vosist avoir pour ses prisonniers, et pour rançonner -à finance, pour tant que il avoit moult perdu en l'ille de Camperlé. Il -furent envoiiet querre, et amené par l'esquier meismes qui pris les -avoit. Qant mesires Carles les vei, il dist à Renier de Malain: -«Renier, chil doi chevalier sont vostre. Je les vous demande, et qant -il venra à point, il vous vaudront bien aussi grant don.»--«Monsigneur, -dist Reniers, je les vous donne.»--«Grant merchis,» dist messires -Carles, «et je les vous donne,» dist il à mesire Lois, «qui demandé me -les avés. Quel cose en volés vous faire?»--«Sire, dist il, vous les -me-s-avés donnés, et ce sont mien. C'est li intension de moi, car je ai -par euls pris et recheu si très grant damage que mes gens mors et ocis, -et par especial Aufons, mon neveu, que je amoie otant que moi meismes, -que il morront aussi.» Donc regarda messires Carles sus messires Lois, -et se repenti trop fort de ce que il li avoit donné et acordé les deus -chevaliers, et li dist: «Cousins, se vous faissiés ce que vous dittes, -vous en seriés trop grandement blamés, et si seroit trop grant -cruaultés. Se li chevalier servent le roi d'Engleterre et il soient -pris par bataille, son service faisant, ils n'ont pas pour ce deservi -mort, mais tenés les et si les rançonnés courtoisement, ensi que -gentilhonme font l'un l'autre, car sus celle entente et pour ensi à -faire, les vous ai je donnés.»--«Sire, respondi li dis messires Lois, -li chevalier sont mien; si en ferai ma volenté; et se vous les -me-s-ostés, jamais jour ne vous servirai.» Li dis mesire Carle de Blois -vei son cousin courechiet et enflamet en aïr et ne le voloit pas -perdre, car de tous ceuls de l'oost il estoit chils qui plus loiaument -se acquitoit en ses armées et cevaucies; se li dist: «Cousins, nous nos -disnerons, et apriès disner vous auerés avis quel cose vous ferés.» Li -intension de messire Carle de Blois estoit telle que il feroit priier -tant de signeurs à messire Lois d'Espagne, pour sauver les deus -chevaliers, que point ne morroient. Et fist couvrir les tables en sa -tente, et manda son frère le conte de Blois et ses cousins de Bourbon, -le signeur de Chastellon et aultres, et lor donna ce jour à disner, et -retint messire Lois d'Espagne dalés li et les deus chevaliers -d'Engleterre qui avoient oy toutes ces paroles et ces manaces. Si -n'estoient pas bien aseguré, mais grandement il se contentoient de -monsigneur Carle de Blois, et veoient bien que en li avoient un bon -moiien. Fos 85 vo et 86. - -P. 171, l. 17: en l'entente.--_Ms. d'Amiens_: ens ès tentez. Fo 72. - -P. 171, l. 28: Mahieu de Frenai.--_Ms. d'Amiens_: Hubert de Frenay. Fo -72. - -P. 171, l. 31: Aufons, mon neveut.--_Ms. d'Amiens_: Aufour, mon chier -nepveut. Fo 72. - -P. 172, l. 1: neveut.--_Ms. B 6_: fil. Fo 217. - -P. 172, l. 3: laiens sont.--_Ms. d'Amiens_: et qui m'en gallent -encorres tous les jours. Fo 72. - -P. 172, l. 23: Loeis.--_Ms. d'Amiens_: car voirement li avoit il fait -pluiseurs biaux servicez et estoit encorres bien tailliéz de li faire -de jour en jour, car il estoit li ungs des bons chevaliers de toutte -sen host. Fo 72. - -P. 172, l. 24: chastellain de Fauet.--_Ms. d'Amiens_: Renier de Malain. -Fo 72. - -P. 172, l. 25: chevaliers.--_Ms. d'Amiens_: englès. Fo 72. - -P. 172, l. 25: host.--_Ms. d'Amiens_: liquelx castelains li envoya -parmi les bonnes enseignes qu'il eult dou dessus dit monsseigneur Carle -de Blois. Fo 72. - -P. 172, l. 29: pluiseur.--_Ms. d'Amiens_: baron et chevalier de France -qui oncques mès ne les avoient veus. Fo 72. - -P. 172, l. 31: dist.--_Ms. d'Amiens_: par grant yrour. Fo 72. - -P. 173, l. 13: semblable cas.--_Ms. d'Amiens_: cas sannable. Fo 72. - -P. 173, l. 13: li aultre signeur.--_Ms. d'Amiens_: li signeur de -Franche. Fo 72. - - -=§ 178.= P. 173, l. 21: Toutes les parolles.--_Ms. d'Amiens_: Touttes -les parolles, demandez et responsses qui premiers furent dittez entre -monseigneur Carle et le dit monseigneur Loeys à l'oquison de ces deux -chevaliers, furent tantost sceuwes à monseigneur Gautier de Mauni et à -monseigneur Amauri de Clichon, par espies qui toudis alloient -couvertement de l'un host en l'autre. Ossi furent touttez ces parolles -darrainnement dittez, quant li doy chevalier furent amenet en le tente -monseigneur Carle. Et quant li doy chevalier messires Ghautiers et -messires Amauris oïrent ces nouvellez et entendirent que c'estoit à -certez, il en eulrent grant pitié. Si appellèrent aucuns de leurs -compaignons et leur remoustrèrent le mescief des deux chevaliers, lors -amis et compaignons, pour avoir consseil qu'il en poroient faire; puis -coummenchièrent à pensser li uns chà et li autrez là, et n'en savoient -c'aviser. Au dairains, coummencha à parler li preux chevaliers messires -Gautiers de Mauny, et dist: «Seigneur compaignon, che seroit grant -honneur pour nous, se nous poions ces deux bons chevaliers sauver; et -se nous nos en mettons en aventure et fallissions, si nous en seroit li -roys d'Engleterre bon gré; et ossi feroient tout preudomme qui en -oroient parler, quant nous en arions fait nostre pooir. Si vous en -diray mon avis, se vous avés talent de l'entreprendre; car il me samble -que on doit bien le corps aventurer pour sauver le vie de deux vaillans -chevaliers. J'ay aviset que nous nos yrons armer et nous partirons en -deux pars. Li une des pars ystera maintenant, ensi que on disnera, par -ceste porte, et se iront ly compaignon rengier sus cez fossés pour -estourmir l'ost et pour escarmuchier. Bien croy que tout chil de l'host -acouront ceste part, et vous, messires Amauris, en serés cappittainne, -et arés avoecq vous mil bons archiers pour lez sourvenans detriier et -faire reculler. Et je prenderay deus cens de mes compaignons bien -montés et cinq cens archiers, et ysterons par ceste posterne d'autre -part couvertement, et venrons ferir par derière en leur loges que nous -trouverons wuidez; et se il plaist à Dieu, nous ferons tant que nous -les hosterons de ce peril.» Chilz conssaux et advis pleut à tous, si -qu'il fu fais et ordounnés tantost en l'eure, et s'armèrent tout chil -de Hainbon secretement. - -Droitement sus l'eure dou disner yssi messires Amauris de Clichon à -cinq cens hommes d'armes et à mil archiers par le porte qui le plus -proçainne estoit de l'ost, et se rengièrent et ordonnèrent sus les -fossés; et quant cil de l'host lez virent, si criièrent partout: «As -armes!» et s'armèrent vistement et partirent de leurs logeis et vinrent -escarmuchier à yaux; et li archier coummenchièrent à traire et à -ensonniier les Franchois. Endementroes messires Gautiers de Mauny, -messires Frankes de Halle, messires Henris de Pennefort, messires -Guillaummes de Cadudal, messires Joffrois de Malatrait et bien deux -cens compaignons et tous d'eslite et cinq cens archiers montés à -cheval, se partirent de Hainbon par une posterne qui oeuvre sus le mer, -et chevaucièrent en sus de le ville et entours l'ost, et s'en vinrent -ferir ens ès logeis par derière et n'y trouvèrent adonc que varlès et -gharçons, car tout li seigneur estoient à l'escarmuche. Et avoient li -Englèz espiez et meneurs qui menèrent tantost et de fet monseigneur -Ghautier et se routte droitement en le tente là où li doy chevalier -prisonnier estoient en grant soussi, liquel furent errant delivret de -chiaux qui lez gardoient, dont li plus furent mort et navret et mis en -cache, et furent tantost montez sour deux coursiers et rammenet en le -ville de Hainbon par force d'armes. Che service leur fist messires -Ghautiers de Mauny, dont il acquist grant grasce. Et moult en fu -messires Loeys d'Espaingne courouchiéz, mès oubliier li couvint: si en -fu il depuis moult merancolieux, par tant qu'il avoit en tel mannière -perdu les deux chevaliers, dont il volloit faire se venganche. Fo 72 -vo. - -_Ms. de Rome_: Toutes ces paroles furent sceues en la garnison de -Hainbon et dittes et comptées à messire Gautier de Mauni, qui tantos -sus heure fu consilliés et dist à ses compagnons: «Biau signeur, il -nous fault rescourre les deus chevaliers.»--«Et conment ferons ce?» -respondirent li aultre. «Je le vous dirai, dist messires Gautiers, nous -ferons armer tous ceuls de ceste garnison, et une partie demorer pour -garder la porte et le pont. Et vous, messire Ive de Tigri, messire -Guillaume de Qadudal, li sires de Landreniaus, li chastellains de -Ghinghant, li doi frère de Pennefort, prenderés deus cens compagnons et -cinq cens archiers, et saudrés hors sus le point dou disner, et irés -escarmuchier et estourmir l'oost. Et je et mes compagnons, lesquels je -ai mis hors d'Engleterre, à cinq cens archiers, saudrons hors par la -posterne et cevaucerons tout droit là où li doi chevalier prisonnier -sont, et ferons nostre pooir dou conquerre et dou ramener. Li coers me -dist que nous les rauerons, et ce seroit grant defaute pour nous, qant -nous les savons en tel parti, (si) nous ne faisions nostre diligense de -euls delivrer.» Tout furent de son acort et s'armèrent et -apparillièrent, et montèrent as cevaus ceuls qui monter i devoient. Et -fu ouverte la porte et li pons avalés, et sallirent hors les deus cens -armeures de fier, tous Bretons, et les cinq cens archiers, et s'en -vinrent escarmuchier et estourmir l'oost. Et fu sus le point dou -disner, dont oissiés tronpètes et claronciaus retentir et bondir et -criier alarme, et toutes gens sallir sus et euls armer. Meismement -messire Carles de Blois et tout li signeur qui en sa tente estoient, -sallirent sus et boutèrent les tables jus et s'armèrent et ordonnèrent, -et ne vodrent pas estre souspris à leur disner, et se departirent et se -traissent casquns viers l'escarmuce. Et mesires Lois d'Espagne -meismement, et ot si grant quoite de li armer et d'aler à l'escarmuce, -que il ne li souvint de ses deus chevaliers englois prisonniers, et les -laissa en la tente à mesire Carle de Blois, en la garde des varlès -d'offisce qui là estoient. - -Qant la cose fu bien estourmie, evous messire Gautier de Mauni venu et -issu hors de Hainbon par une posterne qui regardoit sus la mer, ferant -à l'esporon tout autour des logeis et ses compagnons. Et estoient bien -deus cens armeures de fier et cinq cens archiers, et bien avoient qui -les menoit; et s'adrecièrent droit au logeis à messire Carle de Blois, -et n'entendirent à aultre cose faire que de venir en la tente dou dit -messire Carle. Et ne trouvèrent que varlès qui là estoient, qui tantos -s'enfuirent, li uns chà, et li aultres là, et laissièrent les deus -chevaliers qui furent moult resjoi qant il veirent messire Gautier et -lor route. Tantos il furent monté sus deus chevaus, et se missent au -retour messire Gautiers et ses gens par le cemin meismes où il estoient -venu, et n'eurent encontre ne destourbier nul, et rentrèrent en -Hainbon. Fo 86. - -P. 175, l. 21 et 22: qui les recueilloient vistement.--_Mss. A 1 à 6, -11 à 14, 18 à 22_: qui se reculoient, en desfendant vistement. Fo 98 -vo. - - -=§ 179.= P. 176, l. 21: Encores.--_Ms. d'Amiens_: Trois jours apriès -ceste avenue, tout chil seigneur de Franche qui là estoient devant le -ville de Heinbon, se assamblèrent en le tente monseigneur Carlon de -Blois pour avoir consseil qu'il feroient, car il veoient bien que li -ville et li castiaux de Hainbon estoient si fort qu'il n'estoient mies -pour gaegnier, tant avoit dedens de bonne gens d'armes qui trop bien et -trop sagement et vassaument le gardoient. Et si leur ve(n)oient[410] -tous les jours pourveanches et vitailles par mer, dont il estoient bien -servi, et se ne leur pooit on ce pas oster ne clore. D'autre part, li -plas pays d'environ estoit si gastéz, qu'il ne savoient quel part aller -fourer. Et si leur estoit li yviers prochains, par quoy il ne pooient -par raison là longement demorer; si ques, tous ces poins consideréz, il -s'acordèrent tout communaument que il se partiroient de là, et -conssillièrent en bonne foy à monseigneur Carlon de Blois que il mesist -par touttez lez citéz, les bonnez villez et les fortrèches qu'il avoit -conquises, bonnes garnisons et fortes, et si vaillans cappitaines qu'il -s'i peuist affier, par quoy li annemy ne les pewissent reconcquerre. Et -se aucuns vaillans homz se volloit entremettre de pourcachier une -trieuwe, il s'i accordast vollentiers, mès que elle ne durast fors -jusques à le Pentecouste, que li saisons est revenue pour hostoiier. - - [410] On lit dans le ms.: «veoient.» Mauvaise leçon. - -A che consseil se tinrent tout chil qui là estoient, car c'estoit entre -le Saint Remy et le Toussains l'an de grace mil trois cens et quarante -deux, que li yviers et li froide saison aprochoient. Si se partirent -tout chil de l'host, seigneur et aultre. Si en ralla chacuns en sa -contrée. Et messires Carles de Blois s'en ralla droit par deviers le -ville de Craais à tout les barons et noblez seigneurs de Bretaingne, et -dounna congiet à touttez mannières de gens estragniers, mès encorres -retint il aucuns des barons de Franche pour lui aidier à consseillier. -Fos 72 vo et 73. - -_Ms. de Rome_: Encores se combatoient et escarmuçoient les François et -les Englois et les Bretons sus les fossés, et lançoient et traioient li -un à l'autre, et faisoient des grandes escarmuces d'armes; et -pluisseurs belles apertisses i ot là faites. Nouvelles vinrent as -signeurs de France qui là estoient à l'escarmuce, que les Englois en -ramenoient les deus chevaliers prisonniers. Evous sonner tronpètes et -claronchiaus de retrète, pour retourner en l'oost. Car qant il oïrent -dire: «Les Englois sont venus et entré ens ès tentes,» il quidièrent -rechevoir plus grant damage que il n'eurent, et que les Englois -deuissent bouter le feu ens ès logeis et ardoir, ensi que il avoient -fait aultre fois, mais non fissent: il n'entendirent à aultre cose que -de ravoir lors prisonniers et de euls mettre à sauveté. - -Ensi se cessa li escarmuce, car chil qui estoient sus les fossés ne -sievirent point, mais se retraissent tout bellement en la forterèce. Et -ot en Hainbon grant joie, qant il sentirent les deus chevaliers resqous -et delivré de dangier. Messires Lois d'Espagne fu trop durement -courouchiés de ce que, tantos que li chevalier li furent donné et -delivré, que il ne les avoit fait decoler, et moult de aultres signeurs -de l'oost tout resjois de ce que on les avoit rescous. Et en disoient -li un à l'autre: «Il est bien emploiiet, car messires Lois d'Espagne -estoit très mal avisés et consilliés de euls faire voloir morir.» Et -furent moult loées et reconmendées dedens et dehors les appertisses et -vaillances à messire Gautier de Mauni, car par li et par ses emprises -avoit esté tout fait. - -Trois jours apriès ceste avenue, tout chil signeur de France se -traissent en la tente de messire Carle de Blois. Et qant il furent tout -assamblé, ils parlementèrent ensamble pour sçavoir conment il -s'ordonneroient, car il veoient et sentoient que li iviers aproçoit, et -que dedens Hainbon il estoient pourveu et rafresqui de bonnes gens -d'armes et d'archiers, et estoit la ville et li chastiaus très fort, et -lor pooient venir tous les jours pourveances par mer, lequel pas on ne -lor pooit clore, se force de navie ne le faisoit sus la mer. Avoecques -tout ce, li fourageus françois ne savoient où fouragier, car li plas -pais estoit tous gastés, et n'avoient vivres fors à grant dangier. Si -fu dit et conselliet à messire Carle de Blois que il departesist ses -gens, et pourveist forterèces et garnisons de gens d'armes, et mesist -et establesist partout bons capitainnes, vaillans honmes segurs et -sages, et les laiast couvenir cel ivier et guerriier par garnisons, se -guerriier voloient; ou, se bonnes gens moienant ceste gerre se voloient -ensonniier de tretier unes trieuves jusques à la Saint Jehan Baptiste -que li pais se peuist un petit rencrassier et repourveir, on consilloit -à messire Carle de Blois que ils s'i acordast legierement, par quoi, à -l'esté qui retournoit, li cheval trouvaissent à fouragier sus les -camps. Chils consauls fu creus et tenus: on se desloga. Au deslogement -que li signeur de France fissent, il missent une grose enbusque sus, -par quoi chil dou chastiel et de la ville de Hainbon ne lor peuissent -porter damage. Et avint que, qant les Englois et les Bretons qui en -Hainbon se tenoient, veirent li deslogement, li auqun, par convoitise -de gaegnier, sallirent hors et se boutèrent sus les deslogans, mais il -alèrent trop avant, car li enbusque, laquelle messire Lois d'Espagne -gouvrenoit, salli avant, et là furent rebouté chil de Hainbon moult -durement. A très grant meschief peurent il rentrer à la ville, et -demorèrent dehors deus chevaliers par lor vaillance, qui deffendoient -les rentrans. Ce furent li sires de Landreniaus et li chastellains de -Ghinghant, et furent pris et environ dix honmes d'armes et menet en -voies. Ensi ala de celle escarmuce. Trois jours apriès ceste avenue, -vinrent nouvelles ens ou chastiel de Hainbon à la contesse de Montfort, -et as chevaliers d'Engleterre et de Bretagne, que li doi chevalier -dessus nonmet, mesires Carles de Blois et les signeurs sejournans à -Rennes, estoient tournet François et devenu honme à mesire Carle de -Blois et fait feaulté et honmage: dont on fu moult esmervilliet, car la -contesse lor avoit fait moult de biens, et lor couvint passer, ne avoir -n'en porent aultre cose. - -Ensi se deffist li sièges de Hainbon en celle saison, environ le Saint -Luch, l'an de grasce mil trois cens quarante deux que li iviers et les -longes nuis aproçoient. Et pourvei et rafresqi mesires Carles de Blois -toutes les chités, les villes et les chastiaus que il tenoit en -Bretagne, de nouvelles gens d'armes et de pourveances. Et remercia les -signeurs qui l'estoient venu servir; et leur sambla que moult bien il -avoient esploitiet pour une saison, et se departirent de Bretagne et -retournèrent en lors contrées. Et messires Carles s'en vint à Nantes -dalés sa fenme et là se tint. Fos 86 vo et 87. - - -=§ 180.= P. 178, l. 18: A ce conseil.--_Ms. d'Amiens_: Entroes que il -(messires Carles de Blois) sejournoit à Craais et que il entendoit à -pourveir et à ordounner ses garnisons et à rafrescir de gens, de vivres -et d'artillerie, et chevauchoit ses marescaus de l'un à l'autre, avint -que ungs rices bourgois et grans marcheanz de le bonne ville que on -claimme Jugon, fu une heure encontrés de son marescal, monseigneur -Robert de Biaumanoir, et fu pris et amenés à Craais par devant -monseigneur Charle. Chilz bourgois de Jugon faisoit touttes lez -pourveanchez le comtesse de Montfort, et estoit à Jugon moult creus et -moult amés. A che donc estoit cappittainne et souverains, de par le -comtesse, de la ville de Jugon, ungs gentils chevaliers que on -claimmoit monseigneur Gerart de Rochefort. Chils bourgois de Jugon, qui -enssi fu pris, eu grant paour de morir: si pria que on le lessaist -passer pour raenchon; on ne li volt mies acorder, mais fu mis en -prison, et depuis tant enquis et examinés d'unes coses et d'autres -qu'il eult en couvent de rendre le forte ville de Jugon, et dist que il -estoit bien en se puissanche de livrer l'une dez portez et de mettre -ens gens d'armes pour saisir le ville. - -A ces parolles entendirent li seigneur de France vollentiers, et li -disent que, se il estoit trouvés en verité, messire Charles de Blois li -pardonroit son mautalent et li donroit deux cens livres de revenue bien -asignées sus le castellerie de Jugon, et il respondy: «Oyl.» Et pour ce -mieux asegurer, il en mist son fil en hostaige et fist entendant à -chiaux de Jugon qu'il estoit ranchounnés à mille florins, et que ses -filx (en estoit garans[411]) et plèges. De tout ce qu'il dist, il fu -très bien creus, ne nuls n'y penssa le contraire. Chilx jours fu venus; -les portes de Jugon à heure de mienuit furent ouvertez. Si entra -messires Charles de Blois à celle heure en le ville à grant puissanche. -La ghaite du castiel s'en perchut; si coummencha à criier: «As armez! -Trahi! trahi!» Li bourgois, qui de ce ne se donnoient garde, se -commenchièrent à estourmir; et quant il virent leur ville perdue, il se -missent au fuir par deviers le castiel par troppiaux. Et li bourgois -qui trahi les avoit se mist à fuir avoec yaux par couvreture, et entra -ens ou castiel osi bien que li autre. Quant li jours fu venus, messires -Carles et ses gens entrèrent ens ès maisons dez bourgois pour -herbregier, et prissent ce qu'il trouvèrent. Et quant li dis messires -Carlez vit le castiel si fort et si emplit des bourgois, il dist qu'il -ne se partiroit de là jusques adonc qu'il aroit le castiel à sa -vollenté. Li castelains messires Gerars de Rocefort et li bourgois de -le ville perchurent bien et congnurent tantost que chilx bourgois les -avoit trahis. Si le prissent et pendirent tantost as cretiaux et as -murs du castiel. Ensi eult il son paiement de son pechiet. Lez mallez -oevrez amainnent les gens à povre fin. - - [411] On lit dans le ms.: «en estrans.» Mauvaise leçon. - -Quant messires Gerars de Rochefort, cappitaine et souverain de Jugon, -vit que messires Carlez de Blois ne se partiroit point de là et -s'amanagoit droitement en le ville pour yaux tenir à siège, et sentoit -que li castiaux sans le ville ne se pooit longement tenir (ossi il -estoit durement remplis de gens à petit de pourveanchez, car il y -estoient entré soudainnement et sans advis); si se consseilla à aucuns -bourgois qui là estoient, quel cose en estoit bon affaire. Chil qui -veoient jà le leur perdu davantaige et leurs maissons remplies de leurs -ennemis, et ne veoient nul comfort de leur damme et sentoient que tous -li pays se rendoit et tournoit à monseigneur Carlon de Blois, se -conssillièrent que il se renderoient à lui parmy tant que, se il en y -avoit aucuns qui plus aimassent le comtesse de Montfort que monseigneur -Carle de Blois, il se pooient partir sauvement, mais riens n'en -devoient porter dou leur. Cilz traitiés fu mis avant et acordés de -monsigneur Carlon de Blois. Et se parti messires Gerars de Rocefort et -li sien, mès riens n'enportèrent ne menèrent dou leur, fors que -seullement leurs ronchins qu'il chevauchoient; et s'en vinrent à -Hainbon et recordèrent coumment li affaire avoit allet. Si en fu -durement courouchie la comtesse de Montfort, et ossi furent chil qui -avoecq lui estoient, tant d'Engleterre que de Bretaingne, car il -avoient perdu une ville qui durement leur estoit ammie et leur avoit -fès pluisseurs biaux servicez. Se leur couvint il passer et yaux -recomforter au mieux qu'il peurent. - -Quant messires Carles de Blois se fu saisis de le ville et dou castiel -de Jugon, il y sejourna quinze jours pour entendre et regarder as -besoingnes et as deffensces de le ville. Et le fist bien reparer et -fortefiier, et pourveyr d'artillerie et de touttez autres pourveanches; -et quant il s'en parti, il y laissa monseigneur le Ghalois de le -Baume, ung chevalier savoiien, à cappittainne et à souverain, et avoecq -lui deus cens Geneuois parmy les hommes d'armes. Puis se retraist à -Rennes, où madamme sa femme estoit; et envoya monseigneur Loeys -d'Espaigne sejourner à Craais, pour là garder le frontière. - -Environ le Saint Martin, fu tretiés uns respit entre messire Carle de -Blois et le dessus ditte comtesse de Montfort; et en porta les parollez -sus bon saufconduit messires Yves de Tigueri, dou léz le comtesse, et -messires Robiers de Biaumannoir, dou costet monseigneur Carle. Liquels -respis fu acordés et acouvenenchiés, d'un lés et de l'autre, à durer -jusques an my may l'an mil trois cens quarante trois. Tantost ce respit -juret et saielet, la comtesse de Montfort se party de Hainbon et enmena -avoecquez lui aucuns chevaliers de Bretaingne; et monta en mer en -entention pour ariver en Engleterre, et pour parler au roy et li -remoustrer ses besoingnes. Ossi à ce Noel enssuiwant vint messires -Carlez de Blois à Paris deviers le roy Phelippe de Franche, son oncle, -qui le rechupt à grant joie. Et là estoient dallés lui li comtes Loeis -de Blois, ses frères, et li dus de Bourbon, et pluiseur autre grant -seigneur de leur linage, pour quoy la feste fu mout remforchie; et y -dounna grans dons et grans jeuiaux as seigneurs et as chevaliers -estraingiers, car bien le savoit faire. Or nous tairons nous ung petit -à parler dou roy de France, de monseigneur Carle de Blois et de chiaux -de Bretaingne. Si parlerons dou roy englès, car la matère le requiert. -Fo 73. - -_Ms. de Rome_: En cel ivier se tourna la ville de Craais à la contesse -de Montfort, je ne sçai par quel trettiet. Qant les nouvelles en furent -venues à mesire Carle de Blois qui se tenoit à Nantes, il en fu -durement courouchiés, et dist et jura que jamais n'entenderoit à aultre -cose si aueroit esté devant Craais, et l'asegeroit et point n'en -partiroit, se trop grant poissance contre li ne l'en levoit. Ce fu -entre le Noel et la Candelor, et manda tous ceuls qui de li tenoient en -Bretagne. Et vint asseoir Craais par bastides, car il faisoit trop -froit et trop lait pour tendre tentes, trefs et pavillons; et voloit -ceuls de Craais constraindre à tollir lors pourveances, et puis, tantos -le prin temps venu, aprochier dou plus priès conme on poroit. - -En ce termine avint que uns bourgois et rices marceans de la ville de -Jugon, qui se tenoit pour la contesse de Montfort et faisoit en partie -toutes ses pourveances, fu encontrés et trouvés sus les camps de -messire Robert de Biaumanoir, marescal de l'oost messire Carle. Si fu -pris et amenés devant Craais ou logeis dou dit messire Carle. Chils -bourgois estoit moult amés et creus en la ville de Jugon, qui est moult -fortement fremée et sciet très noblement. Aussi fait li chastiaus, qui -est biaus et fors, et se tenoit de la partie la contesse desus ditte. -Et en estoit chastellains, de par la contesse, uns chevaliers qui se -nonmoit messires Gerars de Rocefort. Chils bourgois de Jugon, qui ensi -fu pris et amenés à mesire Carle de Blois, eut grant paour de morir. -Et, pour tant que il estoit si proçains de la contesse de Montfort, fu -examinés et enquis des uns et des aultres si avant que il s'acorda à ce -et se fist fors de livrer et rendre la ville de Jugon à mesire Carle de -Blois ou à ses conmis dedens un jour qui ne fu pas trop lontains apriès -sa delivrance. Et, pour acomplir celle couvenance, il en bailla un sien -fil en plèges, et sus cel estat on le laissa aler et retourner à Jugon; -et donnoit à entendre que il estoit rançonnés à cinq cens florins, et -bien en estoit creus. On n'avoit nulle soupeçon de lui, et gardoit les -clefs de l'une des portes de Jugon. - -Au jour qui mis et ordonnés i estoit, mesires Carles de Blois en -prop(r)e personne i vint à tout cinq cens lances, et lais(s)a messire -Lois d'Espagne devant Craais à tout le demorant de son hoost. Ensi que -li bourgois de Jugon avoit en couvenant, il fist, et deffrema la porte -de laquelle il gardoit les clefs. Sus un ajournement, messires Carles -et ses gens entrèrent à poissance dedens la ville. La gette dou -chastiel se perchut que gens d'armes entroient en la ville. Si -s'efforça de corner: «Trahi! trahi!» Dont se resvillièrent li -chevaliers et li saudoiier qui dedens le chastiel estoient, et -coururent as armes et as garites d'autour dou chastiel, et -requellierent les bonnes gens qui fuioient dedens le chastiel. Li -bourgois meismes, qui la trahison avoit faite, fui dedens avoecques -euls par couvreture. Messires Carles et ses gens se saisirent de la -ville, et trouvèrent les maisons drues et raemplies, car chil dou plat -pais s'i estoient retrait sus la fiance dou fort lieu, et i avoient -amené lors biens. Mesires Carles et ses gens laissièrent toutes gens -aler pasieuvlement viers le chastiel et raemplir, car bien savoient, -plus en i aueroit, plus se tenroient chil dou chastiel à cargiet, et -plus tos se renderoient. Messires Gerars de Rocefort, qui chastellains -en estoit, fist enqueste par où ne conment la ville estoit prise. On li -dist: «par la porte dont tels homs gardoit les clefs.» Li uns fu pris -tantos, car il s'estoit là dedens enclos avoecques euls. Il fu -questionnés et si bien examinés que il congneut toute la trahison. -Adonc li compagnon de là dedens le prisent par le conmandement dou -chastellain et le pendirent as crestiaus dou chastel, veant tous ceuls -qui veoir le pooient. Ce fu le paiement que il en ot. - -Pour ce ne se departirent pas mesires Carles de Blois et ses gens de la -ville, mais s'i tinrent, et environnèrent le chastiel, et n'i vodrent -onques livrer assaut; car bien savoient que longement il ne se pooit -tenir selonch le peuple qui estoit dedens, et furent en cel estat -quatre jours. - -Li chastelains ot pité des honmes et des fenmes et des enfans de la -ville qui là dedens s'estoient bouté à nulles pourveances, et que ce ne -se pooit longement soustenir, et veoit bien par les apparans des -François que point de là ne se departiroient, si aueroient tout, et il -en estoient assés au desus, puis que il avoient la ville, et ne lor -apparoit confors de nul costé; si eurent consel de trettiier deviers -messire Carle. Et tretiièrent par celle manière que la ville et li -chastiaus se renderoient à lui, parmi tant que les hostels et maisons -qui fustées estoient, seroient restablies au plus priès conme on -poroit, et raueroit casquns et casqunes ses coses. A ce trettié entendi -messires Carles de Blois volentiers, et lor tint si avant conme il pot, -et fist faire un ban et un conmandement, quiconques avoit riens pris ne -levé en la ville de Jugon, tout fust restitué et mis arrière sus une -painne que on i asist. Chils bans ne fu pas bien tenus, et par especial -de ceuls qui avoient l'argent trouvé et levé: jamais ne l'euissent -remis arrière. - -Ensi ot en celle saison mesires Carles de Blois la ville et le chastiel -de Jugon, et en fist une bonne garnison, et n'i mist autre chapitainne -que mesire Gerart de Rocefort, depuis que il se fu rendus à lui, et que -il li ot fait feaulté et honmage, et prist aussi la feauté et honmage -des bourgois, et puis s'en parti et retourna devant Craais. - -De l'avenue de Jugon furent la contesse de Montfort et tout chil de sa -partie courouchié, mais souffrir lor couvint tant que pour celle fois, -car amender ne le porent. Assés tos apriès se ensonniièrent bonnes gens -entre messire Carle de Blois et la contesse de Montfort, pour donner -unes trieuves en Bretagne tant seullement. Si furent données et jurées -entre toutes parties, à durer jusques à la Saint Jehan Baptiste -prochain venant, et tenoit casquns et casqune ce que il devoit tenir -sans mal enghien. Ensi se deffist li sièges de Craais. Et retourna -mesires Carles de Blois à Nantes, et se departirent toutes gens -d'armes, et se retraist casquns en sa garnison. - -En ce terme que les trieuves durèrent, fu la contesse de Montfort -consillie de par les Bretons et les Englois, que elle se presist priès -d'aler en Engleterre veoir le roi et les barons et euls remoustrer ses -necessités: elle ne pooit faire milleur esploit. Si se acorda à ce et -prist son estat au plus courtois que elle pot, et monta en mer en -Hainbon meismes, et enmena avoecques lui messire Amauri de Cliçon, pour -tant que jà il i avoit esté et congnissoit le roi d'Engleterre et les -barons, et aussi il le congnissoient. Encores enmena la contesse de -Montfort en Engleterre deus enfans que elle avoit, fil et fille. - -Nous laisserons un petit à parler de la ditte contesse de Montfort et -de son arroi, et parlerons dou roi d'Engleterre et des besongnes qui -avinrent en ce termine. Fos 87 vo et 88. - - -FIN DES VARIANTES DU TOME DEUXIÈME. - - - - -ERRATA. - - - _Au lieu de_: _Lisez_: - - amonet, page 29, ligne 18, amenet. - - 1342, p. 118 à 136, date courante en haut de la page, 1341. - - envoyes, p. 153, l. 10, envayes. - - alenoient, p. 154, l. 8, aleuoient. - - es, p. 171, l. 26, les. - - veir, p. 172, l. 29, ve(o)ir. - - Mande, p. 247, l. 33, Maude. - - adont, p. 300, l. 24, adonc. - - dist, p. 303, l. 10, dit. - - alevèrent. p. 309, l. 29, aleuèrent. - - st, p. 340, avant-dernière ligne, est. - - e, p. 340, dernière ligne, je. - - li, p. 404, l. 24, et li. - - et pont, p. 408, l. 10 et 11, et le pont. - - - - -TABLE. - - - CHAPITRE XXXIV. - - Ouverture des hostilités entre les rois de France et - d'Angleterre.--_Sommaire_ p. I à VI.--_Texte_, p. 1 à - 8.--_Variantes_, p. 185 à 193. - - CHAPITRE XXXV. - - Incursions des Français en Hainaut, notamment aux environs de - Valenciennes.--_Sommaire_, p. VI à XIII.--_Texte_, p. 8 à - 24.--_Variantes_, p. 193 à 212. - - CHAPITRE XXXVI. - - Siége et prise de Thun-l'Évêque par les Français.--Offres de - combat faites par le comte de Hainaut; refus du duc de - Normandie.--_Sommaire_, p. XIII à XV.--_Texte_, p. 24 à - 34.--_Variantes_, p. 212 à 218. - - CHAPITRE XXXVII. - - Défaite de la flotte française par la flotte anglaise près de - l'Écluse; arrivée d'Édouard III et de son armée en - Flandre.--_Sommaire_, p. XV à XIX.--_Texte_, p. 34 à - 41.--_Variantes_, p. 218 à 229. - - CHAPITRE XXXVIII. - - Assemblée de Vilvorde suivie du siége de Tournay par Édouard III - et ses alliés.--_Sommaire_, p. XIX à XXIV.--_Texte_, p. 41 à - 48.--_Variantes_, p. 229 à 237. - - CHAPITRE XXXIX. - - Guerre en Écosse.--_Sommaire_, p. XXIV.--_Texte_, p. 49 à - 54.--_Variantes_, p. 237 à 241. - - CHAPITRE XL. - - Arrivée du roi de France et de son armée au pont de Bouvines contre - Édouard III et ses alliés.--_Sommaire_, p. XXIV à XXVI.--_Texte_, - p. 54 à 62.--_Variantes_, p. 241 à 246. - - CHAPITRE XLI. - - Siége de Mortagne et prise de Saint-Amand et de Marchiennes par le - comte de Hainaut.--Défaite d'une troupe de Français et du seigneur - de Montmorency au Pont-à-Tressin.--_Sommaire_, p. XXVI à - XXX.--_Texte_, p. 62 à 74.--_Variantes_, p. 246 à 252. - - CHAPITRE XLII. - - Défaite près de Saint-Omer, panique et retraite des Flamands dans - leur pays.--Levée du siége de Tournay; trêve entre la France et - l'Angleterre.--_Sommaire_, p. XXX à XXXII.--_Texte_, p. 74 à - 86.--_Variantes_, p. 252 à 265. - - CHAPITRE XLIII. - - Guerre de la succession de Bretagne: succès du comte de - Montfort.--_Sommaire_, p. XXXII à XXXV.--_Texte_, p. 86 à - 100.--_Variantes_, p. 265 à 291. - - CHAPITRE XLIV. - - Voyages du comte de Montfort en Angleterre, puis à - Paris.--_Sommaire_, p. XXXV à XXXIX.--_Texte_, p. 100 à - 107.--_Variantes_, p. 291 à 307. - - CHAPITRE XLV. - - Expédition du duc de Normandie et de Charles de Blois en - Bretagne.--_Sommaire_, p. XXXIX à XLIV.--_Texte_, p. 107 à - 115.--_Variantes_, p. 307 à 324. - - CHAPITRE XLVI. - - Guerre en Écosse.--Édouard III et la comtesse de - Salisbury.--_Sommaire_, p. XLIV à XLV.--_Texte_, p. 116 à - 137.--_Variantes_, p. 324 à 347. - - CHAPITRE XLVII. - - Siége et prise de Rennes par Charles de Blois.--Siége d'Hennebont: - défense héroïque de Jeanne de Montfort; levée du siége par les - Français, à la suite de l'arrivée de Gautier de Mauny et des - Anglais.--_Sommaire_, p. XLV à L.--_Texte_, p. 137 à - 154.--_Variantes_, p. 347 à 378. - - CHAPITRE XLVIII. - - Siége et prise de Conquest, de Dinan, de Guérande par Louis d'Espagne, - d'Auray et de Vannes par Charles de Blois.--_Sommaire_, - p. L à LIII.--_Texte_, p. 154 à 160.--_Variantes_, p. 378 à 392. - - CHAPITRE XLIX. - - Défaite de Louis d'Espagne près de Quimperlé; siége de la Roche-Piriou, - du Faouët, et prise de la Forest par Gautier de Mauny.--_Sommaire_, - p. LIII à LVI.--_Texte_, p. 160 à 168.--_Variantes_, p. 392 à 402. - - CHAPITRE L. - - Siége et occupation de Carhaix par Charles de Blois.--Second siége - d'Hennebont par les Français, signalé par un merveilleux exploit de - Gautier de Mauny et levée de ce siége.--Reddition de Jugon à - Charles de Blois.--Trêve entre les belligérants, suivie du départ de - Jeanne de Montfort pour l'Angleterre.--_Sommaire_, p. LVII à - LIX.--_Texte_, p. 168 à 181.--_Variantes_, p. 402 à 417. - - -FIN DE LA TABLE DU TOME DEUXIÈME. - - -9924.--Imprimerie générale.--Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris. - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Chronique du crime et de l'innocence, -t. 4/8, by Jean-Baptiste Joseph Champagnac - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUE DU CRIME *** - -***** This file should be named 52443-0.txt or 52443-0.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/2/4/4/52443/ - -Produced by Clarity, Isabelle Kozsuch and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/American Libraries.) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Redistribution is subject to the -trademark license, especially commercial redistribution. - -START: FULL LICENSE - -THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK - -To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase "Project -Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg-tm License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. - -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project -Gutenberg-tm electronic works - -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. 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If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - - - -Title: Chronique du crime et de l'innocence, t. 4/8 - Recueil des vnements les plus tragiques;.. - -Author: Jean-Baptiste Joseph Champagnac - -Release Date: June 30, 2016 [EBook #52443] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUE DU CRIME *** - - - - -Produced by Clarity, Isabelle Kozsuch and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/American Libraries.) - - - - - - -</pre> - - -<div class="tnote"> -<p>Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont t corriges. -L'orthographe d'origine a t conserve et n'a pas t harmonise. -Les numros des pages blanches n'ont pas t repris.</p> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_i">i</a></span></p> - -<h1><span class="large">CHRONIQUE</span><br /> -DU CRIME<br /> -<span class="medium">ET</span><br /> -<span class="large">DE L'INNOCENCE.</span></h1> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_ii">ii</a></span></p> - -<div class="frontmatter"> -<p>IMPRIMERIE DE MARCHAND DU BREUIL,<br /> -rue de la Harpe, n. 90.</p> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_iii">iii</a></span></p> - -<div class="chapter"></div> -<div class="titlepage"> -<p><span class="xlarge">CHRONIQUE</span><br /> -<span class="xxlarge"><b>DU CRIME</b></span><br /> -<span class="small">ET</span><br /> -<span class="large">DE L'INNOCENCE;</span></p> -</div> - -<p class="hanging indent">Recueil des vnemens les plus tragiques; Empoisonnemens, Assassinats, -Massacres, Parricides, et autres forfaits, commis en France, depuis le -commencement de la monarchie jusqu' nos jours, disposs dans l'ordre -chronologique, et extraits des anciennes Chroniques de l'Histoire gnrale -de France, de l'Histoire particulire de chaque province, des diffrentes -Collections des Causes clbres, de la Gazette des Tribunaux, et autres -feuilles judiciaires.</p> - -<p class="center space"><span class="smcap large"><b>Par J.-B. J. CHAMPAGNAC.</b></span></p> - -<p class="quotet">Tout ce qui me fait peur m'amuse au dernier point.</p> -<p class="right"><span class="smcap">C. Delavigne,</span> <i>cole des Vieillards</i>.</p> - -<div class="titlepage"> -<p class="large"><b>Tome Quatrime.</b></p> - -<hr class="deco" /> - -<p><span class="xlarge">Paris.</span><br /> -<span class="large">CHEZ MNARD, LIBRAIRE,</span><br /> -PLACE SORBONNE, N<sup>o</sup> 3.</p> - -<hr class="deco" /> - -<p>1833.</p> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_iv">iv</a></span></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_1">1</a></span></p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="normal"><span class="xlarge">CHRONIQUE</span><br /> -<span class="xxlarge"><b>DU CRIME</b></span><br /> -<span class="small">ET</span><br /> -<span class="large"><b>DE L'INNOCENCE.</b></span></h2> - -<hr /> - -<p class="extra">ENFANT RCLAM PAR DEUX PRES.</p> - -<hr class="deco" /> - -<p>Enlever un enfant ses parens, le porter -dans une famille trangre qui le reoit -comme s'il lui appartenait vritablement, et -qui croit mme le reconnatre; troubler tellement -les ides de cette faible crature, qu'il -finisse par ne pas savoir quels sont ceux -qui il doit le jour: telle est l'entreprise hardie, -immorale et inhumaine, dont nous allons -rendre compte.</p> - -<p>Dj nos lecteurs connaissent l'histoire d'un -enfant rclam par deux mres. Ici ce sont -<span class="pagenum"><a id="Page_2">2</a></span> -deux pres qui se disputent le mme enfant. -Cette diffrence n'est pas la seule qui distingue -ces deux faits bizarres et intressans.</p> - -<p>Michel Richer avait eu sept enfans de Marguerite -Lerouge, qu'il avait pouse en 1762. -De ces sept enfans, il n'en restait plus que -deux au mois d'avril 1773, Pierre-Franois-Alexandre -et tiennette-Marguerite.</p> - -<p>Pierre-Franois-Alexandre, n le 29 septembre -1768, tait infirme depuis sa naissance; -il semblait ne vivre que pour souffrir: -un sang impur circulait dans ses veines; des -humeurs scrofuleuses le minaient insensiblement, -et souvent se manifestaient au dehors -par des plaies dgotantes. Tous les traitemens -imaginables, tous les secours de l'art -taient impuissans; la gurison de cet enfant -avait t juge impossible.</p> - -<p>Comme on craignait que cette affreuse maladie -ne se communiqut, le sieur Richer crut -devoir sparer ses deux enfans; il mit son petit -malade en pension Vaugirard; mais, -tiennette-Marguerite tant morte quelque -temps aprs, Pierre-Franois-Alexandre revint - la maison paternelle.</p> - -<p>Cependant Richer ne dsesprait pas de la -<span class="pagenum"><a id="Page_3">3</a></span> -gurison de son enfant. On lui conseilla de le -mettre l'Htel-Dieu, comme tant le lieu o -il serait, disait-on, porte de recevoir des -secours que l'on ne trouve pas ailleurs. Il y -consentit, et conduisit son fils cet hpital le -5 avril 1774. Comme cet enfant tait dou -d'une physionomie douce et d'une figure -agrable, plusieurs religieuses s'intressrent - lui. L'hpital Saint-Louis servait de succursale - l'Htel-Dieu, pour les maladies susceptibles -de se communiquer. On y transporta le -petit Richer. La sœur Sainte-Luce, de l'Htel-Dieu, -crivit aussitt la sœur Sainte-Claire, -qui tait, Saint-Louis, <i>cheftaine</i> de la salle -Sainte-Marthe, o l'enfant devait tre dpos, -pour le lui recommander avec instance. -Sur cette recommandation, l'enfant fut couch -seul dans une manne.</p> - -<p>Le dimanche suivant, le sieur Richer alla -visiter l'enfant. Il le trouva toujours souffrant, -toujours couvert de plaies. Il demeura prs de -lui jusqu'au soir, et le pressa, en le quittant, -contre son sein paternel, dans lequel il avait -peine retenir ses sanglots.</p> - -<p>Faisons connatre maintenant l'intrigante -<span class="pagenum"><a id="Page_4">4</a></span> -dont les manœuvres odieuses jouent un grand -rle dans cette intressante histoire.</p> - -<p>Au mois de fvrier 1773, le nomm Jacob -Beaumann, batelier Strasbourg, demeurait - Paris, rue des Cinq-Diamans, avec une personne -qu'il disait tre sa femme et un enfant -dont il croyait tre le pre. La nomme Marguerite -d'Oppinchemitz, native de Sarbourg -en Alsace, femme de Guillaume-Roch Lejeune, -officier de maison, tenait une tabagie, -rue et porte Saint-Martin; elle y recevait -principalement des Alsaciens et des Allemands, -et logeait des filles de ces mmes contres. -Le mystre profond dont tait envelopp le -mariage de Beaumann avec une de ces filles -droba des dtails qui auraient pu jeter un -grand jour sur la conduite de la femme Lejeune.</p> - -<p>Beaumann, aprs son mariage, tait all -Strasbourg avec sa femme, qui y accoucha -d'un garon, le 2 novembre 1770; seize mois -aprs, c'est--dire la fin de fvrier 1772, -il revint Paris avec sa femme et son enfant; -puis retourna Strasbourg au mois de fvrier -1773, laissant Paris sa femme, qui le -<span class="pagenum"><a id="Page_5">5</a></span> -suivit quelques jours aprs, aprs qu'elle eut -confi en dpt son enfant la femme Lejeune.</p> - -<p>Cette intrigante faisait publiquement Paris -profession de charlatanerie. En quittant -sa tabagie, elle s'tait mise dbiter un secret -qu'elle disait merveilleux pour la gurison des -hmorrodes et des rhumatismes; et elle s'tait -fait annoncer dans les <i>Petites Affiches</i> comme -possdant seule ce prcieux spcifique.</p> - -<p>La Lejeune se trouva donc dpositaire de -l'enfant Beaumann. Cet enfant tait, dit-on, -attaqu d'humeurs froides: nous ignorons ce -fait; toutefois, en admettant cette supposition, -il est prsumable que la femme Beaumann avait -confi son enfant au charlatanisme de la Lejeune -dans l'espoir d'obtenir sa gurison. Mais -cette misrable, ds que la mre fut partie, -jugea plus commode et moins dispendieux -pour elle de se dbarrasser de cet enfant. Elle -le fit recevoir le 2 mars 1773 aux Enfans-Trouvs; -le lendemain, il fut transport la -Salptrire; de l, conduit malade le 22 dcembre -de la mme anne, l'hpital Saint-Louis, -o il mourut le 25 mars 1774.</p> - -<p>L'enfant Richer ne fut conduit cet hpital -<span class="pagenum"><a id="Page_6">6</a></span> -que le 5 avril suivant, c'est--dire onze jours -aprs la mort de l'enfant Beaumann, et dans -une salle autre que celle o celui-ci avait t -plac.</p> - -<p>Cependant Jacob Beaumann, de retour -Paris, la fin de mars 1774, se proposa de -retirer son enfant de la Salptrire, o on lui -dit qu'il avait t port. Il voulait le remmener - Strasbourg. La Lejeune ne fut pas sans inquitude -lorsqu'elle vit, son arrive, qu'il -lui rclamait son enfant, dont certainement -elle n'ignorait pas la mort. Mais, pour cacher -l'norme abus qu'elle avait fait de la confiance -de ce pre infortun, elle conut un coup -audacieux, dans lequel tout autre que cette -femme aurait peut-tre chou; il est mme -probable que toute autre n'aurait os en concevoir -la pense; en effet, il ne tombera dans -l'esprit de personne d'enlever un enfant son -pre pour le donner un tranger, sans y -avoir un intrt quelconque. On ignore quel -pouvait tre l'intrt de la Lejeune.</p> - -<p>Le 19 avril, cette femme, aprs avoir pris -toutes ses mesures, se rend l'hpital Saint-Louis, -entre dans la salle Sainte-Marthe, voit -l'enfant Richer, et demande un domestique -<span class="pagenum"><a id="Page_7">7</a></span> - qui elle doit s'adresser pour avoir la permission -de l'emporter. On lui indique la sœur -Sainte-Claire; mais, pendant que l'on va avertir -cette religieuse, la Lejeune feint d'ter du -bras de l'enfant le billet qui servait le faire -connatre, et dit, aprs l'avoir lu, <i>qu'elle ne -s'tait pas trompe, que ce billet annonait -l'enfant qu'elle cherchait, sans dire cependant -le nom crit sur le billet</i>, qu'elle serra dans sa -poche.</p> - -<p>On dit qu'elle <i>feignit</i> d'ter ce billet, parce -qu'en effet elle ne l'ta pas: la sœur Sainte-Marie -l'avait t l'enfant son arrive, et le -conservait dans un tiroir de sa chambre, le -petit malade ayant des plaies au bras. Cette -coupable simulation de la Lejeune avait donc -pour objet d'en imposer aux personnes qui -taient auprs de la manne de l'enfant; et elle -russit en effet compltement.</p> - -<p>L'enfant, pour qui cette femme tait une -trangre, manifestait de la rpugnance s'en -aller avec elle; il criait, se dbattait, repoussait -ses caresses. Pour l'apaiser, elle lui donna -un petit pain et des œufs rouges. La sœur -Sainte-Claire, qui survint, lui demanda ce -qu'elle souhaitait.—Je viens, rpondit la Lejeune -<span class="pagenum"><a id="Page_8">8</a></span> -sans se dconcerter, je viens retirer -cet enfant, qui appartient un homme arriv -de cent lieues pour le chercher.—Je ne vous -connais point, lui rpliqua la religieuse, et je -ne remettrai cet enfant qu'au pre.—Je vais -le chercher le pre, dit la Lejeune en sortant.—Quelques -instans aprs, elle revint avec un -homme qui avait l'air d'un paysan tranger, -et qu'elle dit tre le pre de l'enfant qu'elle -rclamait. Ce paysan tranger n'tait autre -que Jacob Beaumann, qu'elle avait amen avec -elle, et qui l'attendait dans la cour de l'hpital.</p> - -<p>Ds que Beaumann aperoit l'enfant, il -l'embrasse, se met pleurer. La sœur Sainte-Claire -veut lui parler, mais la Lejeune lui fait -observer qu'il n'entend pas le franais. Cette -femme tait si impatiente d'emporter l'enfant, -qu'elle ne voulait pas mme attendre qu'on -lui remt ses habillemens. Aussi, ds qu'elle les -eut reus, elle sortit prcipitamment, emportant -le jeune Richer. Il tait environ midi.</p> - -<p>Le 21 du mme mois d'avril, le sieur Richer -se rend l'hpital Saint-Louis pour voir son -fils; il lui portait une robe de chambre, quelques -hardes et des joujoux. Il demande o est -son enfant. Qu'on juge de sa consternation -<span class="pagenum"><a id="Page_9">9</a></span> -lorsqu'on lui dit que, depuis deux jours, il a -t enlev. Pendant quelques instans, il demeure -ptrifi de saisissement. La douleur -profonde o il tait plong, l'agitation et la -stupeur que lui avait causes cette nouvelle -inattendue, frapprent la sœur Sainte-Claire, -qui reconnut qu'elle avait t trompe, qu'on -avait abus du nom de l'abb Deschamps, -prtre de service l'hpital Saint-Louis, pour -enlever l'enfant. Elle crivit au mme instant - cet ecclsiastique pour l'informer de cet enlvement -et de ses circonstances. Le sieur Richer -porta la lettre. L'abb Deschamps ne -connaissait la Lejeune que par les annonces -qu'elle avait fait insrer dans les <i>Petites Affiches</i>. -Il se procura son adresse, se rendit chez -elle et l'amena par degrs avouer que c'tait -elle qui avait fait l'enlvement. Aprs avoir -arrach cet aveu si prcieux, l'abb Deschamps -appela le sieur Richer, qui l'avait accompagn -jusqu' la porte de la maison. Richer monta; -la Lejeune lui rpta tout ce qu'elle venait de -dire l'abb Deschamps; mais, comme elle -craignit que son crime n'et des suites fcheuses, -elle fit, cette fois, tous ses efforts -<span class="pagenum"><a id="Page_10">10</a></span> -pour se justifier d'avoir favoris l'enlvement -de l'enfant et d'y avoir coopr. Elle raconta -ensuite tout ce qu'elle avait fait pour prserver -du froid l'enfant, qui avait t conduit -Strasbourg; qu'elle lui avait donn une robe -de chambre de l'un de ses enfans, en remplacement -de laquelle Beaumann lui avait laiss -la redingote du sien. A la vue de cette redingote: -<i>Voil l'habillement de mon enfant</i>, -s'cria Richer; <i>on a enlev mon enfant; c'est -un Allemand qui l'a vol!</i></p> - -<p>Ce cri de la nature, pouss avec vhmence, -alarma la Lejeune. Richer ne put retenir son -indignation, ni s'empcher de lui reprocher -d'avoir elle-mme tremp dans l'enlvement. -Ces reproches, le ton qui les accompagnait, -chauffrent tellement la bile de cette femme -criminelle, qu'elle se rpandit en injures. -Aprs cet orage, on entra en ngociations: la -Lejeune promit de faire revenir l'enfant; elle -demanda mme de l'argent pour des dmarches -qui ne furent pas faites; et l'enfant n'arrivait -pas. Richer et sa femme taient dsesprs. -La sœur Sainte-Claire informa le lieutenant-gnral -de la police du royaume du -<span class="pagenum"><a id="Page_11">11</a></span> -fait de l'enlvement. Ce magistrat crivit au -prteur de Strasbourg; mais l'affaire restait -sans solution.</p> - -<p>Pendant tous ces retards, la tendresse paternelle -inspira Richer. Il se rappela qu'il avait -connu autrefois Strasbourg, un matre tailleur -nomm Delille. Il lui crivit aussitt -pour le prier d'aller voir son enfant, dont il -lui donnait le signalement le plus complet, -indiquant, avec la plus fidle minutie, le -nombre et la nature de ses plaies, et les endroits -de son corps o elles taient places; -de sorte qu' la lecture de cette lettre, il tait -impossible de se mprendre sur la conformit -parfaite du portrait avec l'original.</p> - -<p>Le sieur Delille, aprs avoir vu l'enfant, -aprs avoir examin ses plaies, convaincu -qu'il appartenait bien Richer, alla trouver -le prteur de Strasbourg, lui lut la lettre de -Richer, et le mena voir l'enfant. Le prteur -crivit aussitt un de ses agens Paris pour -prendre des informations sur le sieur Richer -et sur l'enlvement de son enfant. Les renseignemens -obtenus par cette voie furent entirement -favorables la rclamation de Richer.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_12">12</a></span> -Celui-ci, bien persuad, par suite de tous -les claircissements qu'il s'tait procurs, que -la Lejeune et Beaumann avaient enlev son -fils, alla chez cette femme lui proposer de -le faire revenir Paris, avec offre de payer -mme la moiti des frais du voyage. Mais l'offre -fut rejete; on traita Richer d'imposteur, -et il fut conduit coups de bton.</p> - -<p>Cette rception ignominieuse et cruelle irrita -la douleur de Richer. Il rendit plainte en -vol et en enlvement d'enfant, nommment -contre la Lejeune, le 4 juillet 1774. Sur la -plainte, intervint une ordonnance portant -permission d'informer. Cinq tmoins furent -entendus, et il rsulta de leurs dpositions -que l'enfant contest tait vritablement celui -de Richer. Alors la Lejeune et Beaumann furent -dcrts de prise de corps, et la Lejeune -conduite en prison et interroge. La femme -Lejeune demanda sa libert sous caution; mais, -comme elle ne trouva personne pour la cautionner, -elle se vit force de dposer quinze -cents livres.</p> - -<p>Rendue elle-mme, cette intrigante voulut -charger Beaumann pour se disculper, et -pour recouvrer, s'il tait possible, les quinze -<span class="pagenum"><a id="Page_13">13</a></span> -cents livres qu'elle avait dposes. Mais on -n'eut aucun gard sa demande, et l'on fit -venir, ses frais, Beaumann et l'enfant -Paris.</p> - -<p>On conoit aisment quelle joie dut causer -au pre et la mre l'heureuse nouvelle de -l'arrive de leur enfant. Ils coururent aussitt -chez la Lejeune, o Beaumann tait descendu. -Ils taient accompagns de plusieurs personnes -de leur maison et de leur voisinage, qui -toutes connaissaient leur enfant. Lorsqu'ils -entrrent, l'enfant s'cria avec l'accent de la -joie: <i>Ah! voil maman! voil maman!</i> A ces -mots, la dame Richer tomba vanouie; revenue -de cette crise, elle voulut prendre sur -ses bras l'enfant, qui tait assis; mais il se raidit -pour ne pas se lever. Elle lui demanda -pourquoi il refusait de venir dans ses bras; -l'enfant sourit, en lui disant bas l'oreille: -<i>On ne le veut pas</i>.</p> - -<p>Richer fit sur-le-champ plusieurs questions - l'enfant, qui rpondit toutes avec justesse; -il dit qu'il reconnaissait toutes les personnes -qui taient venues avec son pre, et les appela -sparment, chacune par son nom.—<i>C'est -assez</i>, dit alors Richer, <i>allons-nous-en</i>. Et ils -<span class="pagenum"><a id="Page_14">14</a></span> -s'en allrent. Quand ils sortirent, l'enfant leur -dit adieu tous.</p> - -<p>Le mari de la Lejeune, qui tait prsent -cette scne, n'y fut point insensible; il lui fit -mme une vive rprimande en prsence de -toute l'assemble. C'est mal propos, lui -dit-il avec aigreur, que vous voulez faire -croire que cet enfant est celui de Beaumann. -Vous voyez bien le contraire; l'enfant ne parle -pas allemand, mais bon franais; il reconnat -trs-bien son pre, sa mre et leurs voisins; -ne lui parlez donc pas autrement que franais. -Voil comme vous faites toujours; voyez -dans quel embarras vous vous mettez.</p> - -<p>Beaumann se rendit ensuite en prison avec -l'enfant. Ds que Richer et sa femme surent -que leur enfant avait t conduit au grand -Chtelet, ils y coururent. L'entrevue eut lieu -entre deux guichets, en prsence de Beaumann.</p> - -<p>La femme du concierge s'approcha de l'enfant -pour le rassurer, car il parat que la -Lejeune et Beaumann l'avaient intimid par -des menaces: il se trouva l un autre enfant -un peu plus g, qui savait parler allemand. -On fit parler ces enfans ensemble; celui-ci -<span class="pagenum"><a id="Page_15">15</a></span> -demanda l'autre, en franais, lequel de -Beaumann ou du sieur Richer tait son pre: -<i>Celui-l</i>, dit-il en montrant Richer. Quelque -temps aprs, il lui fit la mme question en -allemand; alors l'enfant rougit, et regarda, -en tremblant, s'il ne serait pas aperu par -Beaumann; puis il tourna les yeux vers Richer, -en indiquant du doigt que c'tait lui -son pre. La femme du concierge, frappe -de ce qu'elle venait de voir et d'entendre, spara -de Beaumann cet enfant qui ne lui appartenait -pas, et le fit conduire l'infirmerie.</p> - -<p>Quelques jours aprs, la requte de Richer, -l'enfant fus mis en squestre l'hpital -Saint-Louis. Mais le croirait-on? peine fut-il -revenu dans ce pieux asile de la souffrance, -que la Lejeune conut le dessein de l'enlever -de nouveau. Cette fois nanmoins elle ne tenta -pas l'entreprise en personne; mais on vit rder, -pendant plusieurs jours, dans les cours et -dans les salles de l'hpital, des gens aposts -par elle pour pier le moment favorable. Heureusement -toutes ses manœuvres furent dcouvertes, -et l'on ne laissa plus approcher de -l'enfant.</p> - -<p>Enfin le parlement fut saisi de l'affaire; elle -<span class="pagenum"><a id="Page_16">16</a></span> -fut porte l'audience de la Tournelle criminelle, -qui renvoya les parties fins civiles; -le Chtelet fut arbitre du procs. On y -produisit l'extrait d'entre de l'enfant de Beaumann - l'hpital Saint-Louis, ainsi que son -acte de dcs, pices victorieuses, qui dissipaient -tous les doutes s'il pouvait en exister -encore. La femme Lejeune fut convaincue d'avoir -vol l'hpital Saint-Louis Pierre-Franois-Alexandre -Richer ses parens, qui l'y -avaient dpos. Les preuves de ce crime taient -compltes dans l'information. La Lejeune -d'ailleurs tait convenue du fait dans son interrogatoire; -elle avait prtendu seulement, -pour toute justification, que cet enfant appartenait - Beaumann. Quant Jacob Beaumann, -il tait devenu coupable sans se douter -qu'il le ft; son erreur tait tout son crime.</p> - -<p>Par sentence du Chtelet du mois de fvrier -1777, l'enfant fut jug tre celui du -sieur Richer; les demandes de dommages-intrts -formes par le sieur Richer et par Beaumann -furent compenses, et la femme Lejeune -fut condamne aux dpens envers toutes -les parties.</p> - -<p>On a lieu, ce semble, de s'tonner de l'indulgence -<span class="pagenum"><a id="Page_17">17</a></span> -des juges l'gard de cette misrable -et vile crature. La justice ne devait-elle pas -faire tous ses efforts pour dcouvrir les vritables -motifs qui avaient pu la pousser l'enlvement -de l'enfant Richer? La justice ne -devait-elle pas galement, pour rassurer la -socit, punir svrement une femme qui n'avait -pas craint de porter le trouble et la dsolation -dans une famille?</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_18">18</a></span></p> - -<h2>SPARATION<br /> -<span class="large">DEMANDE APRS SEPT JOURS DE MARIAGE.</span></h2> - -<p>S'il ne s'agissait ici que d'une de ces sparations -vulgaires dont retentissent si souvent -les tribunaux, et qui n'offrent que des tableaux -odieux des torts rciproques des parties, -nous ferions grce nos lecteurs de ces -dtails, dont la trivialit n'a rien de piquant. -L'histoire que nous allons raconter prsente -un spectacle tout--fait nouveau; celui d'une -jeune personne force, par des malheurs sans -exemples, se sparer de son mari, presque -en quittant l'autel, tmoin de leur union et -dpositaire de leurs mutuels sermens.</p> - -<p>La demoiselle C..... vivait Verneuil chez -sa mre, veuve d'un mdecin, lorsqu'elle fut -recherche en mariage par le sieur Guyot, -alors vrificateur des domaines. Le sieur Guyot -tait estim dans sa profession, et passait -pour irrprochable sous le rapport des mœurs. -<span class="pagenum"><a id="Page_19">19</a></span> -Comme son emploi tait trop mdiocre pour -faire subsister un mnage, les amis de la famille -de la demoiselle C..... employrent leur -crdit pour le faire lever un poste plus -avantageux. L'emploi sollicit ayant t obtenu, -le sieur Guyot diffra le mariage sous -divers prtextes dont il ne rendait pas un -compte satisfaisant; enfin la crmonie nuptiale -fut clbre le 4 novembre 1773.</p> - -<p>Mais qui aurait pu le prvoir? A peine l'irrvocable -<i>oui</i> est-il prononc, que tout--coup -le nouvel poux parat chang, et montre un -caractre dur et froce. Le soir, ds neuf -heures, il arrache sa compagne aux jeux innocens -de cette journe et la mne dans -la chambre conjugale. L, au lieu de ces -soins, de ces attentions tendres et dlicates -qui font ordinairement le charme des premiers -jours de la lune de miel, sa nouvelle -pouse ne trouve que des outrages! Son mari -lui soutient qu'il reconnat, des signes certains, -qu'elle est enceinte de sept mois. Il -ajoute cette accusation des indignits que -l'on pourrait peine imaginer. La jeune -dame passa la nuit dans les larmes, et le lendemain -elle crut devoir cacher sa mre le -<span class="pagenum"><a id="Page_20">20</a></span> -dtail de ce qui s'tait pass. Une de ses tantes -qui l'aimait beaucoup fut seule instruite -des chagrins secrets de cette malheureuse -victime.</p> - -<p>La seconde nuit fut aussi triste que la premire; -le sieur Guyot continua d'clater en -reproches outrageans pour sa jeune pouse, -qui n'y rpondait que par des pleurs et des -protestations d'innocence. Du reste, le jour, -rien ne transpirait de la conduite de son mari - son gard; elle essuyait ses larmes, et s'efforait -de cacher sous un visage tranquille et -riant les soucis qui dvoraient son cœur.</p> - -<p>La troisime nuit fut encore plus pnible -que les prcdentes. Les mauvais traitemens -s'taient joints aux injures. La jeune femme -en portait les marques; il n'tait plus possible -de dissimuler; l'outrage tait son comble; -elle alla dposer sa douleur dans le sein de -sa mre.</p> - -<p>La dame C..... accabla son gendre de tous -les reproches que sa tendresse pour sa fille -put lui inspirer. Le sieur Guyot ne lui rpondit -que par le ton de l'insulte et du mpris.</p> - -<p>Les nouveaux poux firent ensemble les visites -<span class="pagenum"><a id="Page_21">21</a></span> -d'usage. Toutes les occasions taient bonnes -au mari pour faire sa femme de nouveaux -outrages. Dans le cours de ces visites -de biensance, il ne cessait de l'insulter, en -lui demandant, lorsqu'ils rencontraient un -homme de leur connaissance, <i>combien de -fois elle avait couch avec lui</i>. Tantt il lui -disait qu'<i>elle tait trop aimable pour tre sage</i>; -tantt qu'<i>il la conduirait Paris, et qu'il la -vendrait fort cher un Anglais, parce qu'elle -tait jolie</i>. Conoit-on de pareils propos de -la part d'un homme raisonnable? Ne croirait-on -pas qu'ils partent d'un esprit alin? Ce -serait le seul moyen de les excuser.</p> - -<p>Le 9 novembre, le sixime jour depuis leur -mariage, ils partirent avec la dame C...., pour -rendre visite la sœur de madame Guyot, -religieuse la Chaise-Dieu. Guyot tait toujours -en proie ses ides noires. Sa femme -lui ayant fait observer qu'il devait tre enfin -convaincu qu'il avait t tromp par les signes -auxquels il avait cru reconnatre qu'elle tait -criminelle, cette observation le fit entrer en -fureur; et il porta l'audace jusqu' dire sa -belle-mre qu'elle avait, par un breuvage, -fait violence la nature, et qu'il allait raconter -<span class="pagenum"><a id="Page_22">22</a></span> -toute l'histoire la communaut de la -Chaise-Dieu. En effet, lorsqu'il fut arriv au -monastre, sans respect pour la saintet du -lieu, ni pour la tendresse d'une sœur, ni pour -la pudeur d'une jeune vierge consacre Dieu, -il entretint la jeune religieuse, sa belle-sœur, -de tous les propos infmes qu'il avait imagins.</p> - -<p>Une fureur si marque devait, la fin, devenir -un scandale public. Les scnes se suivaient -de prs. Le 10 novembre, le lendemain -du voyage la Chaise-Dieu, le sieur Guyot -alla, avec toute la famille de sa femme et le -sieur D...., cur de Saint-Pierre de Verneuil, -dner chez le cur de C..... Le sieur Guyot, -pendant le dessert, mit en question si on -pouvait faire rompre son mariage quand on -avait pous une fille grosse de sept mois. On -lui rpondit que non, et qu'il tait plus prudent -de se taire, en se rservant de faire enfermer -sa femme le reste de ses jours. Alors -le sieur Guyot, reprenant la parole, dit avec -fureur: <i>Il faut donc, en ce cas, que l'un des -deux prisse!</i> La dame Guyot, qui vit o ce -propos tendait, laissa chapper l'expression -nave de sa douleur: <i>C'est de moi</i>, dit-elle, -<i>que mon mari veut parler</i>. Le sieur Morais, -<span class="pagenum"><a id="Page_23">23</a></span> -son aeul, qui ignorait encore ce qui s'tait -pass, dit au sieur Guyot, avec cette chaleur -qu'inspirent les sentimens de la nature: <i>Est-ce -d'elle, monsieur, que vous entendez parler?</i>—<i>Oui, -monsieur</i>, rpondit-il avec le ton de -l'insolence. Le vieillard lui repartit, dans le -transport d'une juste colre: <i>Vous tes un -monstre, et vous mritez que je vous brle la -cervelle</i>. Guyot lui rpondit, en lui prsentant -l'estomac: <i>Tuez-moi, vous me rendrez service</i>; -et il accompagna ces mots de juremens -et d'imprcations.</p> - -<p>Les deux curs, vnrables ecclsiastiques, -prirent Guyot l'cart, et s'efforcrent de le -calmer par les exhortations les plus pathtiques, -par les conseils les plus sages. Mais, -dans sa situation dlirante, rien ne pouvait -faire impression sur lui.</p> - -<p>Lorsqu'ils taient en route pour retourner - Verneuil, Guyot ne cessa d'adresser encore - sa femme les discours les plus indcens et -les plus atroces.</p> - -<p>Le 11 novembre, la dame C...., avec toute -sa famille et le sieur Guyot, qui semblait ne -l'accompagner que pour lui prparer de nouveaux -outrages, alla la terre de Boisfrancs, -<span class="pagenum"><a id="Page_24">24</a></span> -chez le directeur des domaines de la gnralit -de Tours. Cet ami avait t instruit des -sujets de profond chagrin que le sieur Guyot -donnait sa belle-mre et sa femme. Le -mauvais temps qui survint ne permit pas -la dame C..... de ramener sa famille Verneuil. -Le directeur des domaines les retint - coucher. Avant le souper, on dansa, mais -les sombres ides de Guyot ne lui permettaient -pas de prendre part ces plaisirs; tout prenait - ses yeux la teinte de sa farouche mlancolie. -Avant de se coucher, il tira la dame -V..... l'cart, et lui dit: <i>Ne vous tes-vous -point aperue, madame, que ma femme est -grosse, et que son enfant remuait dans son ventre -pendant qu'elle dansait? J'ai lu</i>, ajouta-t-il, -<i>dans vos yeux et dans ceux de tout le -monde, ma honte et mon dshonneur</i>. Lorsque -cette dame fut revenue de l'tonnement o l'avait -jete un propos aussi trange, elle reprsenta -au sieur Guyot l'injustice de ses soupons -et l'indignit de sa calomnie.</p> - -<p>La dame V..... fit part son mari de la -scne dont elle venait d'tre tmoin. Le sieur -V..... alla trouver son tour Guyot, et lui -adressa des reproches qui lui taient dicts -<span class="pagenum"><a id="Page_25">25</a></span> -par le zle le plus pur et l'amiti la plus dsintresse. -Mais Guyot, l'interrompant avec fureur, -lui dit qu'il paraissait que tout le monde -avait form le complot de le trahir. Puis il -se jeta avec violence sur sa femme, comme -pour l'entraner avec lui. Le sieur V..... s'y -opposa. Guyot tenta de l'arracher des bras -de son dfenseur; mais le sieur V..... continua -de repousser ses efforts, et la dame V....., prenant -la dame Guyot par la main, la conduisit -dans une chambre, o elle passa, avec une de -ses sœurs, une nuit bien cruelle sans -doute, mais du moins exempte des horreurs -qu'elle avait prouves les nuits prcdentes.</p> - -<p>Cependant le sieur V..... entreprit de gurir -l'esprit malade de Guyot par le langage de la -modration. Vous avez eu jusqu'ici, lui dit-il, -monsieur, de la confiance en moi; je ne vous -ai jamais tromp, et j'ai un conseil vous -donner; le voici: puisque vous persistez -croire votre femme enceinte, ayez la patience -de vivre avec elle comme frre et sœur jusqu'au -terme de sa grossesse prtendue. Si elle -se trouve grosse..... je me charge de la conduire -moi-mme au Refuge. Guyot rpondit, -dans un transport de rage: <i>Je ne vous en -<span class="pagenum"><a id="Page_26">26</a></span> -donnerai pas le temps, car je la poignarderai -moi-mme.</i></p> - -<p>A ces mots, le sieur V..... vit que la -modration et les conseils de la prudence -taient inutiles; mais il reprsenta Guyot -qu'il y avait des lois pour punir les crimes, -et que, pour viter d'appeler lui-mme leur -vengeance sur sa tte, il fallait qu'il consentt - se sparer de l'objet de son injuste haine.</p> - -<p>Ces mots, prononcs avec fermet, rappelrent -Guyot des ides plus saines; il entrevit -les suites effrayantes de ses excs, et -consentit signer un acte de sparation tel -qu'on voulut le dicter, et consigner l'aveu -de ses torts dans un crit authentique.</p> - -<p>Cependant on mnagea, avec prudence, les -moyens de dissiper par degrs les soupons -injustes de Guyot. Sa malheureuse femme se -rsigna s'aller renfermer dans le couvent -des Ursulines d'vreux. Cette clture, volontairement -consentie, servit mettre dans tout -leur jour les vertus de la dame Guyot. Elle y -mrita, tant par sa pit que par la rgularit -de ses mœurs, un certificat trs-honorable, -sign des suprieures des Ursulines d'vreux, -et lgalis par l'vque de ce diocse.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_27">27</a></span> -On croirait sans doute que d'aussi respectables -tmoignages auraient d amener rsipiscence -le sieur Guyot, surtout lorsque le -terme qu'il avait assign la prtendue grossesse -de sa femme fut pass. Point du tout; -loin mme de tmoigner le moindre repentir, -il demeura inbranlable dans sa haine, et ne -prit pas la peine de la dissimuler aux parens -et aux amis de sa femme.</p> - -<p>Voici ce que le sieur V..... crivit cette -femme infortune, le 12 mai 1774: Vous -connaissez toute la part que je prends votre -fatale union avec un monstre ou un fou; car -il faut opter entre les deux. Monsieur votre -oncle a d vous dire qu'il l'avait trouv au -mme point o nous l'avions vu aux Boisfrancs.</p> - -<p>La dame Guyot ayant fait sommer son mari -d'insinuer leur acte de sparation, le procs-verbal -de son refus constata qu'il ne donnait - la dame Guyot d'autre titre que celui de -fille mineure, <i>se disant sa femme, en vertu -d'une bndiction nuptiale obreptice</i>. Cet acte -tait du mois de novembre 1774, un an depuis -la clbration du mariage.</p> - -<p>Enfin la dame Guyot, appuye de sa famille -<span class="pagenum"><a id="Page_28">28</a></span> -et de ses amis, fit une demande de sparation -en forme. Sa cause fut plaide par -M. Duvergier; et le parlement de Paris, par arrt -rendu le 13 aot 1776, sur les conclusions -de l'avocat-gnral d'Aguesseau, admit -la femme faire preuve des faits articuls par -elle; et sur l'enqute de la dame Guyot, qui -tait concluante, la mme cour pronona sa -sparation par arrt du 26 mai 1777.</p> - -<p>Il est assez difficile de se rendre compte de -la conduite atrocement bizarre du sieur Guyot. -On serait tent de croire qu'il n'y a qu'un -fou qui soit capable des paroles et des actions -qui lui sont reproches. Ne serait-ce pas, -disait M. Duvergier, qu'ayant voulu contracter -les liens du mariage, il n'tait pas en son -pouvoir d'en remplir le but, et que ses dsirs -impuissans s'tant tourns en rage, il s'est -veng des torts de la nature sur une victime -innocente? Il ne parat pas possible de donner -une autre explication d'une conduite si -trange.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_29">29</a></span></p> - -<h2>LA FILLE LESCOP,<br /> -<span class="large">OU LE TRIOMPHE TARDIF DE L'INNOCENCE.</span></h2> - -<p>Victime d'une fatale et injuste prvention, -la fille Lescop, aprs avoir vu mourir la -potence sa sœur, innocente comme elle, touchait -au moment de subir le mme sort, lorsque -l'excuteur, mu par ses larmes et par ses -protestations ritres, lui suggra l'ide d'annoncer -qu'elle tait enceinte. Grce ce stratagme, -la fille Lescop put produire des preuves -flagrantes de sa non-culpabilit, et fit -anantir la condamnation barbare qui l'avait -conduite au pied de l'chafaud.</p> - -<p>Tel est sommairement le fond de cette histoire -intressante. Les circonstances dont elle -se compose n'ont pas besoin d'tre prsentes -avec art pour produire une vive impression.</p> - -<p>Un vol fut commis, le 16 janvier 1773, -dans le moulin de Castel-Pic en Bretagne. -<span class="pagenum"><a id="Page_30">30</a></span> -Six hommes et une femme furent les auteurs -de ce coup. Des six hommes, cinq s'taient -introduits dans le moulin; le sixime gardait -la porte extrieure, et la femme tait occupe - mettre en paquets les effets vols. Les -dpositions du meunier et de sa femme firent -connatre, d'une manire fixe, le nombre -des coupables. Cependant la justice condamna -dix personnes la peine capitale, et -sept furent excutes. C'est faire bien peu -de cas de la vie des hommes, que de prononcer -ainsi des sentences de mort, avec la -certitude de condamner des innocens. Puisque, -d'aprs les seuls tmoins dignes de foi, les -voleurs n'taient qu'au nombre de sept, -pourquoi ce luxe de victimes? pourquoi en -dsigner dix au bourreau, qui du reste, en -cette fatale circonstance, se montra plus humain, -plus juste que les juges?</p> - -<p>Sur les dpositions de Joseph Hubedas, -meunier du moulin de Castel-Pic, on arrta -plusieurs individus comme coupables de ce -vol, entre autres Yves le Cun, qui fut conduit -dans les prisons de Lesardrieux. Cet Yves -le Cun fut reconnu, par le meunier Joseph -<span class="pagenum"><a id="Page_31">31</a></span> -Hubedas, pour tre celui qui l'avait saisi au -collet, qui avait bris les armoires et emport -l'argent.</p> - -<p>La femme du meunier et ses deux servantes -dposrent aprs lui; et tous ne parlrent -que de cinq hommes et d'une femme. N'tant -pas sortis du moulin pendant le vol, ils -n'avaient pu voir ce qui s'tait pass au dehors, -o tait post le sixime voleur. Les deux -servantes dclarrent en particulier que c'tait -la femme qui avait donn le signal ou le -mot du guet, en adressant l'un de ses complices -ces mots: <i>Dpche-toi, Jolo</i>. Elles dclarrent -aussi, l'une aprs l'autre, qu'aussitt -qu'elles s'taient aperues que ces gens -taient des voleurs, elles taient sorties pour -aller se cacher dans la maison du moulin, d'o -elles avaient entendu donner des coups de -hache et briser les armoires; qu'ayant voulu -rentrer au moulin, elles en avaient t empches -par un homme inconnu qui tait auprs -de la porte, arm d'un fusil ou d'un -bton.</p> - -<p>Parmi les accuss arrts, se trouvait le -nomm Louis Coden, qui prsenta une requte -dans laquelle il protestait de son innocence, -<span class="pagenum"><a id="Page_32">32</a></span> -offrait de la prouver, et demandait -qu'attendu l'extrme modicit de sa fortune, -il en ft inform la diligence du procureur-fiscal. -Mais, par sentence du 28 juin 1773, -Louis Coden fut dbout de sa requte. Yves -le Cun et lui furent condamns tre fltris -d'un fer chaud et conduits la chane, pour -y tre attachs et y servir comme forats, sur -les galres du roi, perptuit. Le 7 juillet, -cette sentence fut rforme; les deux accuss -se virent condamner la potence, et le juge -de Guingamp fut commis pour l'excution.</p> - -<p>Cette svrit de la justice produisit tout - la fois des lumires bien consolantes pour -l'humanit et des obscurits d'un effet funeste; -des lumires bien consolantes, en ce -qu'elles sauvrent la vie Louis Coden, innocent; -des obscurits d'un effet funeste, en -ce qu'il en rsulta des dlations sans nombre, -qu'on n'eut plus le moyen de vrifier suffisamment, -et auxquelles il fut donn beaucoup -trop de croyance et d'autorit. Cependant -Yves le Cun et Louis Coden taient -incertains de leur sort. Ils avaient t conduits, -chargs de fers, l'interrogatoire, sur -la sellette. Pour la seconde fois, Coden subissait -<span class="pagenum"><a id="Page_33">33</a></span> -cette humiliation. Accabls des inquitudes -insparables de leur situation, ils languissaient -dans leurs cachots. Des prisonniers -avertirent le concierge que l'un des deux, -nomm Coden, tait innocent, et qu'ils en -taient assurs. Le concierge fut d'avis que -celui des deux qui tait coupable demandt -son rapporteur. Mais le Cun, ignorant son -jugement, ne pouvait s'y rsoudre, dans la -crainte d'tre condamn, si, en rvlant l'innocence -de Coden, il rvlait son propre -crime. Sans le tirer tout--fait d'incertitude, -le concierge crut pouvoir augmenter ses craintes -pour l'amener confesser la vrit; et -il lui fit dire de la dclarer, comme s'il tait -condamn mort.</p> - -<p>Alors, le 12 juillet, veille du jour fix pour -se rendre au lieu de l'excution, Yves le Cun -demanda son rapporteur. Le prsident, auquel -le concierge s'adressa, en l'absence du -rapporteur, objecta que celui que l'on voulait -dcharger tait aussi coupable que l'autre; -que les condamns ne cherchaient qu' -prolonger leurs jours; que trois tmoins dposaient -contre eux <i>de visu</i>. Cependant, aprs -avoir insist sur la prvention, la loi et l'humanit -<span class="pagenum"><a id="Page_34">34</a></span> -l'emportrent: le contre-ordre fut -donn.</p> - -<p>Le lendemain 13, le Cun fit sa rclamation, -sur laquelle il ne fut point rcol. Elle portait -que, lorsque le vol se fit chez Joseph Hubedas, -au moulin de Castel-Pic, le nomm -Louis Coden n'y tait pas. Le 2 aot, ayant -dj gagn au moins quinze jours par sa premire -dclaration, il en fit une seconde, dans -laquelle il dchargeait de nouveau Louis Coden, -et accusait plusieurs individus non encore -dsigns, entre autres les deux filles le -Scan ou Lescop.</p> - -<p>N'ayant plus d'autre perspective que celle -de son supplice, Yves le Cun voulait en loigner -le moment le plus qu'il lui serait possible. -Familiaris avec l'art des dclarations, -et avec celui d'y rpandre de la confusion, -il esprait embrouiller la procdure son -avantage. Il y eut Guingamp des confrontations -avec ceux des accuss qui purent tre -amens devant le juge; savoir avec Yves le -Cam, avec un Philippe Perrot, et avec Jacques -Maillard. On fit une nouvelle information, - la suite de laquelle il fut prononc -un dcret de prise de corps contre plusieurs -<span class="pagenum"><a id="Page_35">35</a></span> -personnes dsignes dans les prtendues rvlations -de le Cun, entre autres les deux -filles Lescop. L'instruction tant termine, -intervint le 24 novembre une sentence de mort -contre Yves le Cun, contre Jacques Maillard -et Philippe le Piven contradictoirement, et -par contumace contre Pierre le Cam, Philippe -Perrot et les deux sœurs Lescop. Cette -sentence fut confirme le 13 dcembre suivant; -et sur les conclusions du ministre public, -il fut ordonn que le corps d'Yves le -Cun serait expos sur le lieu o le vol avait -t commis; il fut sursis jusqu'aprs l'excution - faire droit sur l'appel des deux autres -accuss prisonniers Jacques Maillard et Philippe -le Piven.</p> - -<p>Cette sursance ne pouvait avoir pour objet -que d'attendre quelque nouvelle dclaration, -quelque testament de mort d'Yves le Cun; -mais il n'en fit aucun. On recourut la torture. -Jacques Maillard y fut appliqu. A peine -enlev aux flammes, il fut subitement confront - Philippe le Piven, auquel il soutint -qu'il tait un de ceux qui taient entrs dans -le moulin pour voler. Maillard, au surplus, -convint, la question, que lui-mme tait -<span class="pagenum"><a id="Page_36">36</a></span> -la porte du moulin, et qu'il y tait seul. -Aprs ce dernier aveu, Maillard fut excut, -et son corps expos sur le lieu du crime. Le -lendemain la condamnation de le Piven fut -prononce.</p> - -<p>Une lettre du prvt gnral, en date du -24 novembre 1773, portait l'ordre d'arrter -plusieurs merciers souponns d'avoir vol -l'glise de Notre-Dame de Guingamp. Sur cet -ordre, un brigadier et deux cavaliers de marchausse -arrtrent, le 19 mars 1774, le -jour d'une grande foire au Faouet, plusieurs -individus souponns d'tre des associs de -ces voleurs. C'taient Philippe Perrot, Jean -le Gonidec, Marie et lisabeth Lescop.</p> - -<p>Le 6 juin 1774, il intervint une sentence -qui dclara ces quatre personnes atteintes et -convaincues d'avoir t complices du vol fait -au moulin de Castel-Pic, le 16 janvier 1773, -et pour rparation les condamna tre pendus. -Cette sentence fut confirme le 30 du -mme mois. Cependant rien ne prouvait, dans -toute cette affaire, que les filles Lescop fussent -complices du vol du moulin de Castel-Pic.</p> - -<p>Le supplice des criminels est, comme on -<span class="pagenum"><a id="Page_37">37</a></span> -sait, un spectacle pour la multitude. Le plus -souvent elle ignore jusqu'au titre de l'accusation, -et ce n'est que sur la foi des juges -qu'elle rprouve le condamn. Une nombreuse -affluence de paysans des environs tait -accourue pour assister au supplice de Jean le -Gonidec, de Philippe Perrot, de Marie et lisabeth -Lescop. Bientt des murmures et -des frmissemens circulent dans la foule -l'occasion du jugement de ces quatre individus -vous la potence; on venait d'apprendre, -et il n'tait gure possible qu'un fait de cette -nature demeurt cach, que les deux hommes -avaient expressment dcharg ou l'une des -deux filles, ou mme toutes les deux; mais -qu'on avait impitoyablement refus de recevoir -ces testamens de mort, et que, sans y -avoir gard, les juges avaient ordonn que la -condamnation ft excute.</p> - -<p>En effet, deux des criminels, Jean le Gonidec -et Philippe Perrot, avaient formellement -requis le commissaire, aprs s'tre confesss, -de recevoir et de faire rapporter -leur testament de mort, la dcharge des -deux sœurs, de ces deux filles non complices -du vol commis Castel-Pic. On savait aussi -<span class="pagenum"><a id="Page_38">38</a></span> -que plusieurs personnes prsentes, galement -touches du ton de vrit qui rgnait dans les -dclarations des deux patiens, et indignes de -la rsistance du commissaire, avaient appuy -ces dclarations des instances les plus pressantes, -sans que rien et pu vaincre ou mme -branler son inflexibilit.</p> - -<p>On conoit aisment quelle impression devait -produire sur les esprits cette effrayante -opinitret. Les assistans avaient encore prsent - leur mmoire l'exemple de Louis Coden, -qui, frapp d'une inique condamnation, -avait tran prs de six mois les liens les plus -douloureux. Une secrte indignation agitait -tous les cœurs; tous les visages taient consterns.</p> - -<p>Cette consternation, qui s'tait rpandue -dans la ville, avec toute la clrit du fluide -lectrique, se faisait remarquer jusque sur les -traits de l'excuteur. Il venait de supplicier -trois des condamns, le Gonidec, Perrot et -Marie Lescop. Rebut de tant d'horreurs, il -recule, il ne se sent pas la force d'en achever -le cours. lisabeth Lescop, dj demi -morte de terreur, attendait le moment fatal. -Le bourreau, attendri la vue de cette victime, -<span class="pagenum"><a id="Page_39">39</a></span> -que tout lui dit tre innocente, s'approche -d'elle, et lui conseille tout bas de dclarer -qu'elle est enceinte. La malheureuse tait hors -d'tat de l'entendre, encore moins de faire valoir -cet expdient. Alors le bourreau, par un -stratagme que lui suggrait sa sensibilit, -s'crie assez haut pour tre entendu de tout -le monde: Mais ce n'est pas moi, c'est -ces messieurs qu'il faut dire que vous tes -grosse. Et en mme temps il montrait les -prtres et les huissiers. Ceux-ci s'approchent: -le bourreau leur explique le fait qui doit faire -surseoir l'excution, et lisabeth Lescop, -aux termes de la loi, est reconduite en prison.</p> - -<p>Cependant cette ressource n'et pu tre -que de courte dure, si des mes sensibles, -touches du sort affreux d'lisabeth Lescop, -n'eussent fait parvenir ses plaintes au pied -du trne. Le conseil d'tat, aprs avoir pris -connaissance du procs, en renvoya la rvision -au parlement de Bretagne. En consquence, -lisabeth Lescop donna sa requte -en rvision, le 17 aot 1776, dans laquelle -elle rclamait l'excution du testament de -<span class="pagenum"><a id="Page_40">40</a></span> -mort de le Gonidec et de Perrot, et protestait -contre la conduite du rapporteur, qui avait -si cruellement refus de le recevoir.</p> - -<p>Sur un nouvel examen de ce fatal procs, -il intervint, le 15 juillet 1777, un arrt solennel -qui dclara lisabeth Lescop innocente, -et anantit la condamnation porte contre -elle.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_41">41</a></span></p> - -<h2>REMY BARONET,<br /> -<span class="large">VICTIME DE LA PRVENTION.</span></h2> - -<p>Remy Baronet, n en 1717, Saint-Hilaire-le-Petit, -diocse de Reims, tait fils d'un -laboureur. En 1742, n'ayant pas d'tat, et -n'tant plus en ge d'en apprendre un, il prit -le parti de se faire domestique, et pendant -vingt-deux ans, il servit successivement plusieurs -matres en diffrentes villes et diffrens -villages.</p> - -<p>Enfin, en 1764, s'tant rapproch de Saint-Hilaire-le-Petit, -il fut instruit que Franoise -Baronet, veuve de Quentin Lamort, sa sœur -germaine, profitant de son absence, avait -obtenu un jugement qui l'avait mise en possession -des biens qui appartenaient son -frre, dans la succession de leur mre commune.</p> - -<p>Un des beaux-frres de Baronet, nomm -Remy Aubert, mari de Nicole Carnot, sa -<span class="pagenum"><a id="Page_42">42</a></span> -sœur utrine, se transporta au village de -Saint-Thibaut, o il avait appris que Baronet -demeurait; ils traitrent ensemble de la portion -de biens qui devait lui revenir, et Baronet -vendit son beau-frre tous ses droits -successifs, moyennant une somme de cinq -cents livres.</p> - -<p>Aubert fit signifier ce contrat la veuve -Lamort, qui, accoutume jouir d'un bien -dont la longue absence de son frre semblait -lui avoir assur la proprit, ne put voir -avec plaisir une apparition soudaine qui lui -enlevait la jouissance dont elle s'tait fait une -douce habitude. Elle refusa d'excuter le contrat -qu'Aubert lui avait fait signifier, et soutint -que ce n'tait pas son frre qui avait -consenti cet acte de vente, mais un imposteur -qui avait usurp son nom.</p> - -<p>Aubert, pour viter les soupons que pouvait -faire natre la fable dbite par sa belle-sœur, -engagea Remy Baronet se rendre sur -les lieux, pour se faire reconnatre par sa famille. -Celui-ci se rendit avec empressement - Saint-Hilaire, le dimanche 17 juin 1764, -et se prsenta dans l'glise paroissiale. Il fut -reconnu par un grand nombre d'habitans, et -<span class="pagenum"><a id="Page_43">43</a></span> -six d'entre eux lui en donnrent une dclaration -qui fut reue par le notaire du lieu.</p> - -<p>Sur la reprsentation de cet acte de notorit, -le juge de Saint-Hilaire, devant lequel -les parties taient en instance, ordonna l'excution -du contrat de vente, et dbouta la -veuve Lamort de ses prtentions.</p> - -<p>Ce jugement ne fait qu'irriter la cupidit -de la veuve Lamort; elle veut se maintenir -dans son usurpation par tous les moyens possibles, -interjette appel au bailliage de Reims, -et s'inscrit en faux contre le contrat de vente. -Elle ne s'en tient pas l; elle mdite un projet -qui doit la dlivrer d'un frre dont la -prsence l'importune; projet funeste dont le -succs a sans doute surpass son esprance, et -dont les suites ont fait le malheur de Baronet.</p> - -<p>Le fils d'un vigneron de la paroisse d'Avaux-le-Chteau -tait absent depuis un grand -nombre d'annes, sans qu'on et eu de ses -nouvelles. Cette circonstance parut favorable - la veuve Lamort; elle imagina de faire passer -son frre pour le fils de ce vigneron, nomm -Franois Babilot. Elle concerta les moyens -d'excuter ce projet avec un sieur Roland, -cur de la paroisse d'Avaux-le-Chteau, alli -<span class="pagenum"><a id="Page_44">44</a></span> -de son mari, et avec lequel elle avait toujours -entretenu des relations. Ce cur n'hsite pas - se prter ses vues criminelles. On engage -Baronet se rendre chez le sieur Roland; il -s'y rendit, sans dfiance, accompagn de Remy -Aubert, son beau-frre.</p> - -<p>A peine tait-il arriv, qu'il vit entrer un -particulier suivi bientt de six ou sept autres -personnes. Cet individu tait Franois Babilot -pre. Il regarde Remy Baronet avec attention, -et s'crie qu'il le reconnat pour son -fils. Baronet ne connaissait pas mme l'homme -qui lui parlait ainsi; il nia hautement qu'il -ft son pre: <i>Ce qui prouve que vous tes -mon fils</i>, repartit Babilot, <i>c'est que vous -devez avoir la cuisse une tache de vinaigre -qui provient d'une dsirance de votre mre</i>.</p> - -<p>Baronet montre aussitt ses cuisses; on les -examine avec soin, et l'on n'y trouve point la -tache de vinaigre. On devait en conclure que -ce n'tait point le fils de Babilot. Mais la vrit -n'tait point l'objet de ces dmarches. Les -tmoins qui avaient t appels se rpandent -dans le village, et vont, de maison en -maison, publier que c'tait le fils de Babilot qui -usurpait le nom de Baronet; ils annoncent -<span class="pagenum"><a id="Page_45">45</a></span> -qu'il a t reconnu par son pre; mais ils -ont soin d'omettre la circonstance qui dmentait -cette assertion.</p> - -<p>Cependant Babilot, press par la force de -la vrit, tourment par les remords de sa -conscience, veut se rtracter; mais sa femme -l'en empche, et la prtendue reconnaissance -de Babilot passant de bouche en bouche, -cette fable s'accrdite de plus en plus, -la satisfaction de la veuve Lamort. Elle persiste -en consquence mconnatre son frre, -et articule que c'est Guillaume Babilot, fils -de Franois, qui, tant de retour aprs une -longue absence, a pris faussement le nom -de Remy Baronet dans l'acte du 6 mai 1764. -La cause est porte l'audience. Baronet, -fort de son innocence, se prsente devant ses -juges qui nanmoins, se refusant l'vidence, -voulurent trouver un coupable, et rendirent, -le 18 mars 1769, une sentence qui annulait -l'acte de vente, faisait dfense Baronet de -prendre ce nom l'avenir, et le dcrtait de -prise de corps.</p> - -<p>Baronet interjette appel de ce jugement; -cependant il est conduit dans les prisons de -Reims, le 16 mars. Dans le mois de novembre -<span class="pagenum"><a id="Page_46">46</a></span> -suivant, il s'vade des prisons de Reims, - la faveur d'un bris commis par d'autres -prisonniers. Quelque temps aprs, il est arrt -chez Aubert, son beau-frre, o il s'tait -rfugi. En 1770, il est attaqu du scorbut dans -la prison; le juge de Reims le fait transporter - la conciergerie. Le 5 mai de la mme -anne, il obtient un arrt qui le reoit appelant -de la procdure extraordinaire du bailliage -de Reims. Il passe plus d'une anne -dans les prisons de la conciergerie. Il est -renvoy ensuite devant les premiers juges -pour l'instruction de son procs; on le conduit -de nouveau dans les prisons de Reims, -et il en sort encore, la faveur d'un second -bris de prison. Il se retire encore chez Aubert, -dont la maison lui avait dj servi d'asile; -il y est arrt de nouveau, et ramen -dans les prisons de Reims.</p> - -<p>On s'occupe alors d'instruire le procs; -mais, au lieu de procder une nouvelle -audition de tmoins, on se contente de les -rcoler et de les confronter. Vainement Baronet -demanda une addition d'information -et l'audition d'un certain nombre de tmoins -qu'il dsignait; on lui refusa tout; et le bailliage -<span class="pagenum"><a id="Page_47">47</a></span> -de Reims rendit, le 29 octobre 1773, -sa sentence dfinitive, qui condamna l'accus, -sous le nom de Guillaume Babilot, -faire amende honorable, nu en chemise, -ayant la corde au cou, et une torche la -main, et tre conduit par l'excuteur de la -haute justice, ayant criteau devant et derrire, -et portant ces mots: <i>Faussaire, spoliateur -de succession sous un nom suppos</i>. -Baronet devait tre ensuite fltri, marqu, et -conduit aux galres pour y servir perptuit.</p> - -<p>Il prsenta une requte d'attnuation, -demandant avec instance une addition d'informations. -Mais on n'eut aucun gard -la requte de l'accus. Un jugement du 14 -janvier 1774 confirma la sentence des premiers -juges. Baronet fut de nouveau charg -de fers, et conduit dans les prisons de Reims.</p> - -<p>Le jour marqu pour l'excution tant arriv, -il est livr entre les mains du bourreau. -Nu, en chemise, la corde au cou, on le trane -au milieu du peuple, que la curiosit rassemble, -devant le tribunal, o il est condamn -faire amende honorable. L on le contraint -de dclarer que, faussement et malicieusement, -<span class="pagenum"><a id="Page_48">48</a></span> -il a quitt son nom de Babilot pour -prendre celui de Baronet, et d'en demander -pardon Dieu, au roi et la justice. Son me -indigne se rvolte contre ces derniers mots; -il se refuse demander pardon la justice. -Alors l'excuteur, soit qu'il et reu des ordres, -soit de son propre mouvement, redouble -de frocit, et lui enfonce la marque brlante -jusque sur l'os.</p> - -<p>On reconduit ce malheureux dans les prisons, -fltri par la main du bourreau, dgrad -du rang de citoyen. Le jour du dpart pour -la chane arrive; le sieur Prevots, capitaine -des chanes, conduit Baronet Paris, et le dpose - la tour Saint-Bernard, o il est crou -sous le nom de Guillaume Babilot.</p> - -<p>Ce Guillaume Babilot, que l'on avait condamn -et fltri dans la personne de Remy -Baronet, avait une sœur nomme Laurence, -domestique Paris, et qui tait son ane. Cette -fille apprend que son frre est la tour Saint-Bernard: -elle s'y rend. Le concierge, sa -femme et plusieurs autres personnes qui dnaient -chez lui, furent prsens l'entrevue -de Laurence et de Baronet. Le concierge lui -demanda si cette femme tait de sa famille ou -<span class="pagenum"><a id="Page_49">49</a></span> -de celle de Babilot; il rpondit qu'il ne la connaissait -pas. Laurence, interroge sur le mme -point par le concierge, rpondit d'un ton -ferme et assur: Je ne connais point cet -homme-ci, il n'a aucune ressemblance avec -mon frre; mon frre n'tait pas bossu, il -tait, au contraire, bien fait. Je ne puis que -plaindre cet homme-ci: <i>on a condamn un -innocent</i>, et la condamnation n'a pas de sens -commun.</p> - -<p>Cependant Baronet est conduit aux galres, -et il est confondu avec les sclrats qu'on y -tient enchans. Il partage pendant plus de -deux ans leurs travaux, leur misre et leur -infamie. Enfin des hommes vertueux et sensibles -s'attendrissent sur son sort. Pntrs -de son innocence, ils portent sa rclamation -au pied du trne. Par suite de cette dmarche, -la rvision du procs fut attribue au -parlement de Paris.</p> - -<p>Baronet est dtach de la chane, et amen - la Conciergerie. Des larmes de joie coulent -de ses yeux; il bnit le ciel, qui lui permet -enfin de faire clater son innocence.</p> - -<p>Par arrt du parlement de Paris, rendu le -26 aot 1778, Remy Baronet fut dcharg -<span class="pagenum"><a id="Page_50">50</a></span> -des plaintes et accusations intentes contre -lui et des condamnations portes par la sentence -du bailliage de Reims, qu'il a subies -sous le nom de Guillaume Babilot. Cet arrt -lui rendit son nom et ses droits de citoyen, -qu'une injuste condamnation lui avait ravis.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_51">51</a></span></p> - -<h2>PIERRE BELLEFAYE,<br /> -<span class="large">FRATRICIDE.</span></h2> - -<p>Aprs le parricide, le fratricide est, sans -doute, le forfait le plus odieux. Qui de nous -n'a frmi en lisant, ds l'enfance, l'histoire -du premier meurtre commis sur la terre, -l'assassinat d'Abel par le farouche Can? Comment -peut-il se rencontrer des monstres assez -barbares pour tremper leurs mains dans -le sang de ceux auxquels ils sont unis par les -plus doux liens de la nature?</p> - -<p>Un jeune laboureur des environs d'Angoulme, -nomm Pierre Bellefaye, dsirait augmenter -son bien en pousant une jeune fille -de son village, nomme Boutelaud. Cette fille -avait un frre qui, peu de temps aprs son -mariage, eut des dmls d'intrt avec son -mari. Ce dernier fit, dit-on, des menaces -son beau-frre. Enfin ils vivaient en trs-mauvaise -intelligence. L'animosit venait surtout -<span class="pagenum"><a id="Page_52">52</a></span> -de la part de Bellefaye; il avait vou -une haine mortelle Boutelaud. Celui-ci savait -bien qu'il n'tait pas aim de son beau-frre; -mais il tait loin d'imaginer que cette -haine pt aller jusqu' vouloir lui arracher -la vie.</p> - -<p>Un jour, sur les trois heures aprs midi, il -entre dans la maison de Bellefaye, qui s'y trouvait -avec sa femme. Ds que celui-ci aperoit -Boutelaud chez lui, il va fermer la porte au -verrou, et dans l'instant mme se saisit d'un -gros bton, dont il porte un coup terrible -son beau-frre. Il parat que la sœur de ce -dernier voulut empcher son mari de porter -de nouveaux coups; mais on dit que cette -jeune femme, effraye par les horribles menaces -de son mari, fut oblige d'tre tmoin -de cette scne pouvantable. Bellefaye, furieux, -terrasse son beau-frre, et redouble ses -coups jusqu' ce qu'il lui ait donn la mort. -A chaque coup l'infortun Boutelaud criait: -<i>Mon frre, laissez-moi la vie! mon ami, ne -me tuez pas! de grce, mon ami, mon frre, -accordez-moi la vie!</i> Ces cris, ces touchantes -prires, n'avaient fait qu'augmenter la rage de -cet homme altr de sang, rage qui ne fut -<span class="pagenum"><a id="Page_53">53</a></span> -assouvie que lorsqu'il vit sa victime, sans -mouvement, ses pieds.</p> - -<p>Le crime consomm, Bellefaye ordonna -sa femme d'aller dans le village, et de dire aux -voisins que son mari avait battu son frre, et -que ce dernier tait all rendre plainte au -procureur fiscal. Ce stratagme grossier servit - faire dcouvrir plus tt le forfait de Bellefaye.</p> - -<p>Pendant que sa femme s'acquittait de la -commission, Bellefaye avait transport le cadavre -de son beau-frre dans une chambre -voisine, dont il ferma la porte. Quand sa -femme fut de retour, il lui dfendit de montrer -aucun chagrin, sous peine de subir le -mme sort que son frre, s'il lui chappait la -moindre indiscrtion.</p> - -<p>Au milieu de la nuit, Bellefaye se saisit -d'une hache, et entra dans la chambre o gisait -le cadavre; sa femme tait couche, il -lui fit dfense de sortir de son lit. Quelques -minutes aprs, elle l'entendit frapper des -coups redoubls: le monstre dpeait son -malheureux beau-frre. Quand il eut fini cette -abominable opration, il revint se mettre -au lit.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_54">54</a></span> -Le lendemain, il vaqua ses travaux ordinaires; -au milieu de la nuit suivante, il se releva, -et, ayant allum un grand feu, il passa -plusieurs heures brler les morceaux du -cadavre; trois nuits furent employes -anantir ainsi les traces du forfait.</p> - -<p>Cependant les voisins de Bellefaye se plaignirent -d'avoir t incommods, pendant ces -trois nuits, par une odeur insupportable. Les -cris qu'ils avaient entendus, la disparition de -Boutelaud, le trouble mal dissimul de sa -sœur, donnrent lieu de vhmens soupons, -et appelrent l'attention et les recherches -de la justice. Des ossemens humains -trouvs dans des pierres et dans du fumier -ne permirent plus de douter que Bellefaye -n'et assassin son beau-frre. Il fut arrt, -ainsi que sa femme. Plusieurs tmoins dposrent -qu'ils avaient reconnu la voix de Boutelaud, -qui criait son beau-frre: <i>Mon ami, -mon frre, laissez-moi la vie!</i></p> - -<p>Ces dpositions runies avec le corps du -dlit, constat par les ossemens qu'on avait -trouvs, taient suffisantes pour convaincre -Bellefaye de l'assassinat de son beau-frre. -Mais ce monstre osa nier sa culpabilit, et -<span class="pagenum"><a id="Page_55">55</a></span> -soutint, avec une audacieuse sclratesse, que -les tmoins taient des imposteurs.</p> - -<p>Tandis qu'il dsavouait ainsi son crime, et -qu'il prtendait n'avoir jamais eu de dml -avec son beau-frre, sa jeune femme rendait -hommage la vrit, dvoilait toutes les circonstances -de l'assassinat, et dtaillait toutes -les prcautions prises par le meurtrier pour -cacher son crime.</p> - -<p>Malgr cette dclaration, qui aurait d le -confondre, Bellefaye persista toujours nier. -Sur la demande qu'on lui fit s'il n'avait pas -de complices, il rpondit qu'o il n'y avait -pas de crime il ne pouvait y avoir de complices.</p> - -<p>Par sentence du 17 avril 1779, que rendirent -les premiers juges, Bellefaye fut condamn -tre rompu vif et expirer sur la roue. Mais -le parlement de Paris, par arrt du 26 juin, -le condamna tre rompu vif et tre jet -dans un bcher ardent; ce qui fut excut.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_56">56</a></span></p> - -<h2>QUENTIN BEAUDOUIN,<br /> -<span class="large">ASSASSIN DE SA FEMME.</span></h2> - -<p>Quentin Beaudouin s'tait fix, l'ge de -quarante ans, dans une paroisse voisine de -Clermont en Beauvoisis. Cet homme avait les -inclinations les plus vicieuses, et surtout un -penchant marqu pour le vol.</p> - -<p>Aprs avoir pass quelque temps dans sa -nouvelle rsidence, Beaudouin s'y maria avec -une fille du mme village, aussi pauvre que -lui, et n'ayant d'autre ressource que le travail -de ses mains. Il parat que cette femme tait -ne avec un de ces caractres faibles qui prennent -toutes les impressions qu'on veut leur -donner. Comme elle tait attache son mari, -il fut facile celui-ci de la faire entrer dans -tous ses gots.</p> - -<p>Cette malheureuse qui, avec un poux -honnte aurait t vertueuse, devint criminelle -<span class="pagenum"><a id="Page_57">57</a></span> -avec Beaudouin. Cet homme tait connu -dans tout le canton pour tre un voleur de -profession, et aussitt que quelqu'un se plaignait -de quelque larcin, on accusait Beaudouin -d'en tre l'auteur, et rarement ce jugement -tait hasard.</p> - -<p>Un jour il fut accus d'avoir vol un mouton; -on fit perquisition: la peau de cet animal -fut trouve chez lui. Sur une telle pice -de conviction, sa femme, interroge par les -cavaliers de marchausse, leur avoua ingnument -qu'elle avait mang la chair du -mouton avec son mari. Cet aveu rendit Beaudouin -furieux. Sa femme, pour l'apaiser, -voulut l'embrasser; mais il la repoussa rudement, -lui annonant, par ses regards foudroyans, -qu'il la ferait repentir de sa navet.</p> - -<p>On se saisit des deux poux, et ils furent -conduits, chargs de chanes, dans les prisons -de la ville voisine. La femme, par bont -d'me, demanda la permission d'habiter le -mme cachot que son mari; elle croyait par -sa prsence lui rendre moins pnibles les ennuis -de sa captivit. L'infortune tait loin de -s'imaginer qu'elle y recevrait la mort des -mains mme de celui qu'elle voulait consoler.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_58">58</a></span> -Beaudouin et sa femme passrent le reste -de la journe sans que le gelier entendt le -moindre bruit dans le cachot o ils taient -enferms. Le soir, l'heure de la visite des -prisonniers, le gelier demanda Beaudouin -s'il avait besoin de quelque chose. Beaudouin -rpondit qu'il n'avait besoin de rien. Il tait -alors dix heures du soir. Ce sclrat, qui avait -conu le projet abominable de punir sa malheureuse -femme, et de l'immoler la haine -que lui avait inspire l'aveu qu'elle avait fait - la marchausse, trouva le moment favorable. -Lorsqu'il eut entendu refermer les portes, -il s'approcha de sa compagne et lui passa autour -du cou le cordon de son tablier, qu'il -serra avec un clat de bois qui lui servait de -tourniquet. Il parvint ainsi trangler cette -malheureuse, et passa le reste de la nuit auprs -de son cadavre.</p> - -<p>A quatre heures du matin, il appela -grands cris le gelier, et lui dit, en feignant -de verser des larmes, <i>que sa pauvre femme -tait morte pendant la nuit</i>.</p> - -<p>Le gelier fit avertir les cavaliers de marchausse; -et, lorsqu'ils furent arrivs, le cachot -fut ouvert. On y trouva la femme de -<span class="pagenum"><a id="Page_59">59</a></span> -Beaudouin tendue dans un coin, ayant encore -au cou le fatal cordon qui avait servi -lui donner la mort. Le juge et les chirurgiens -dressrent aussitt un procs-verbal qui constatait -le genre de mort.</p> - -<p>Le ministre public rendit plainte en assassinat -contre Beaudouin. On reut la dposition -du gelier, et l'on procda l'interrogatoire -de l'accus.</p> - -<p>Quelques-unes de ses rponses doivent tre -relates ici pour qu'on puisse juger de l'atrocit -de cet homme sanguinaire.</p> - -<p>Le juge lui ayant demand s'il n'avait pas -repouss sa femme avec fureur lorsqu'elle -avait voulu l'embrasser avant d'tre conduits -en prison, il rpondit qu'il n'avait pas voulu -l'embrasser, parce qu'il la connaissait <i>trop -tendre</i>, et qu'il craignait qu'elle ne se mt -pleurer. Interrog s'il ne l'avait pas trangle -dans le cachot: C'est elle-mme qui s'est -trangle, rpondit-il. Quand on lui eut -prouv que la chose tait impossible, il dclara -qu'ils avaient form de concert le projet -de s'trangler; que sa femme y avait russi, -mais que lui, aprs une demi-heure de tentatives -inutiles, il s'tait endormi, et que ce -<span class="pagenum"><a id="Page_60">60</a></span> -n'tait qu' la pointe du jour qu'il s'tait -aperu que sa femme tait morte.</p> - -<p>On lui fit observer qu'il en imposait, puisqu'il -avait dit au gelier que sa femme tait -morte subitement. Il rpondit qu'il n'avait -pas voulu alors confesser la vrit. Dans sa -dfense, qui prouvait l'audace la plus rvoltante, -il tombait dans des contradictions -plus choquantes les unes que les autres.</p> - -<p>Tout offrait en lui un monstre digne du -supplice rserv aux plus insignes sclrats. -Aussi, par sentence du bailliage de Clermont, -Beaudouin fut condamn tre rompu vif et - expirer sur la roue. Sur son appel, le parlement, -par arrt du 23 septembre 1779, le -condamna tre rompu vif, et son corps, -aprs avoir t expos sur la roue, tre jet -au feu.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_61">61</a></span></p> - -<h2>CHARLOTTE PLAIX.</h2> - -<p>Le 16 aot 1779, le procureur-fiscal de la -chtellenie de Brassac reprsenta au juge du -lieu que le mme jour le bruit public lui avait -appris qu'tienne Merle, vitrier, avait t assassin, -dans sa maison, pendant la nuit du -13 au 14 du mme mois; que cependant sa -femme, son fils et sa servante, n'avaient pas -quitt sa maison. Il ajouta que le mme jour, -16 aot, le cadavre de Merle avait t trouv -dans une valle situe dans la mme juridiction.</p> - -<p>Aussitt on se transporta dans la maison -du dfunt; toutes les portes en taient ouvertes; -on trouva des traces nombreuses de -sang rpandu dans la chambre coucher, -surtout autour du lit, et dans le lit mme.</p> - -<p>Les voisins, assembls la porte, prvinrent -les officiers de justice que la veuve, le -fils et la servante de Merle, avaient pass -<span class="pagenum"><a id="Page_62">62</a></span> -la journe du 15 dans la maison; que la mre -et l'enfant avaient disparu; mais qu'lisabeth -Phlut, leur servante, tait dans la maison de -son pre. Cette dernire fut arrte, et conduite -dans les prisons de Brassac.</p> - -<p>Les officiers de justice se transportrent -sur-le-champ au lieu o l'on avait trouv le -cadavre. Deux chirurgiens, appels pour l'examen -du corps, dclarrent que le dfunt avait -reu quelques coups de couteau, avait t -frapp d'un instrument contondant, et que -finalement il tait mort trangl.</p> - -<p>Aprs avoir ainsi constat le corps du dlit, -la procdure fut envoye au juge royal de -Riom sur le rquisitoire du procureur du -roi, et l'on continua l'instruction dans ce tribunal.</p> - -<p>Il rsulta de cette instruction et des aveux -de Charlotte Plaix, veuve d'tienne Merle, -que cette femme ayant depuis long-temps des -liaisons adultres avec un voiturier du canton, -elle avait conu l'ide d'ter la vie son mari; -mais qu'elle ne s'tait dtermine cette action -criminelle que par suite des mauvais traitemens -de Merle, qui l'avait mme menace -plusieurs fois de lui donner un coup de couteau. -<span class="pagenum"><a id="Page_63">63</a></span> -Elle rapporta qu'aux dernires ftes de -la Pentecte (1779), paraissant dtermin -l'assassiner, il lui avait fait faire son acte de -contrition; et elle ne savait, disait-elle, ce -qui lui serait arriv, si son fils, g de neuf -ans, n'tait survenu.</p> - -<p>Charlotte Plaix prit en consquence le parti -de prvenir les desseins de son mari; elle communiqua -sa rsolution lisabeth Phlut, sa -servante, gardant nanmoins le silence sur les -mauvais traitemens qu'elle prouvait de la -part de son mari. Cette fille, confidente des -amours de sa matresse, crut sans doute que -celle-ci ne voulait faire prir son mari que -pour se dbarrasser d'un argus incommode -qui la gnait dans ses plaisirs; et il y a apparence -que c'tait la vritable cause de l'assassinat.</p> - -<p>Quoi qu'il en soit, quand la femme Merle -dit cette fille que, si elle pouvait se dfaire -de son mari, elle le hasarderait: Ayez quelqu'un - votre disposition, lui dit la Phlut, je -me fais fort de l'amener hors d'ici, et vous -pourrez le faire tuer.</p> - -<p>La mort de Merle ainsi rsolue entre ces -deux misrables, il ne s'agissait que de trouver -<span class="pagenum"><a id="Page_64">64</a></span> -le moyen le plus sr. Elles s'arrtrent -l'empoisonnement, et n'prouvrent, pour -l'excution du forfait, que l'embarras du -choix du poison.</p> - -<p>Le vert-de-gris fut le premier qui se prsenta - leur pense. Elles en mirent, deux -reprises diffrentes, dans la soupe de Merle, -qui n'en prouva d'autre effet qu'un vomissement. -Voyant l'inefficacit du vert-de-gris, -Charlotte Plaix y substitua de l'mtique. La -matresse en donna deux doses ordinaires -sa servante pour les dlayer ensemble et les -administrer son mari. Mais la Phlut ne dlaya -pas tout, et le coup fut manqu. Sur les -reproches qu'elle reut de sa matresse, elle -offrit de recommencer; mais cette Mde s'y -opposa, et crut devoir prendre d'autres mesures.</p> - -<p>Elle envoya la Phlut Brioude pour y faire -emplette d'eau forte. Celle-ci, se trouvant -la ville, songea l'arsenic; mais ne trouvant -aucun marchand qui voult lui en vendre, - cause de la rigueur des lois sur le dbit -de cette drogue dangereuse, elle fut oblige -de s'en tenir l'eau forte.</p> - -<p>De retour la maison, elle mit un peu -<span class="pagenum"><a id="Page_65">65</a></span> -d'arsenic dans de l'eau tide: la matresse -flaira ce mlange, et craignant que l'odeur, -dont elle fut frappe, ne ft un avertissement -pour Merle, elle jeta le tout. On prpara -un second essai dans lequel entrait moins -d'eau-forte; mais on craignit encore que l'odeur -ne rvlt le crime. On crut que le vin -pourrait la corriger; mais cette odeur dominait -toujours, et la femme n'eut pas l'audace -de prsenter le vase son mari. On laissa seulement -la bouteille la porte de Merle, dans -l'espoir que la couleur du vin le tenterait, et -qu'il s'empoisonnerait lui-mme. Il parat que -cette tentative fut galement sans succs.</p> - -<p>Voyant qu'elles avaient puis vainement -tous les moyens d'empoisonnement, ces deux -monstres prirent le parti de recourir la violence, -et d'trangler l'infortun Merle. Elles -ne purent comploter cet attentat l'insu du -jeune fils de la maison, qui tait g de neuf -ans. D'ailleurs il tait impossible de l'excuter -sans qu'il en ft tmoin. Il pria, il conjura sa -mre de ne pas faire mourir son pre; il fora -mme la Phlut de sortir de la maison; la menaant, -si elle y restait, d'avertir son pre. -Mais ces deux abominables femmes ne voulaient -<span class="pagenum"><a id="Page_66">66</a></span> -pas renoncer leur projet. Je m'en -irai, dit la mre son fils, si tu ne veux pas me -laisser faire, et te laisserai seul avec ton pre, -qui ne prendra aucun soin de toi. L'enfant, -effray par cette menace d'abandon, se rsigna - la criminelle volont de sa mre. Alors -on ne s'occupa plus que de l'excution du -complot.</p> - -<p>La nuit du 13 au 14 aot 1779 fut choisie -pour consommer le forfait sans retour. Les -deux coupables, avec une tarire, firent au -plancher de la chambre un trou qui rpondait - la chambre du rez-de-chausse. Cette -prcaution prise, la femme se coucha auprs -de son mari, et quand elle fut bien assure -qu'il tait endormi, elle lui passa au cou une -corde dont elle s'tait munie, au bout de laquelle -tait attach un fil d'archal, qui fut -introduit par le trou prpar. La femme Merle -devait tousser pour avertir la Phlut du moment -favorable. Au signal convenu, celle-ci -prit le fil d'archal et le bout de la corde, et -les tira de toutes ses forces. Le malheureux -Merle ne donna d'autre signe de vie que de -lever deux fois les mains en disant: <i>Que voulez-vous -me faire?</i></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_67">67</a></span> -Pendant cette abominable scne, la mre -ordonna son fils de descendre, et quand il -fut dans la chambre du rez-de-chausse, la -Phlut, occupe tirer la corde, eut l'atrocit -d'obliger cet enfant de la tirer aussi, de crainte -qu'il ne lui reprocht ce crime un jour.</p> - -<p>Cependant la femme, reste spectatrice du -meurtre de son mari, se sentit, d'aprs ce -qu'elle rpondit dans ses interrogatoires, -presque vaincue par un mouvement d'humanit, -et aurait dsir que sa complice n'et -pas tir la corde avec tant de constance. Mais -rflchissant aussitt qu'elle tait perdue si -son mari en revenait, elle descendit, tira aussi -la corde, puis l'attacha au pilier d'un buffet.</p> - -<p>Quand ces deux furies furent bien assures -que Merle tait mort, elles passrent le reste -de la nuit dans la chambre basse avec l'enfant. -Le cadavre resta deux jours et une nuit -sur le lit, et sous les yeux de celles qui l'avaient -trangl. Il parat que ces misrables -taient embarrasses sur le choix de ceux -qu'elles chargeraient de transporter ce corps -dans un autre lieu. Enfin dans la nuit du 14 -au 15 aot, les nomms Benot Virat et Franois -Perrin, dit Saint-Just, jardinier du chteau, -<span class="pagenum"><a id="Page_68">68</a></span> -prtrent ou plutt vendirent leur ministre. -Ils mirent le mort sur un cheval dans -l'intention de les prcipiter l'un et l'autre dans -un puits de mine charbon. Les chiens, gardiens -des maisons situes sur la route que -suivait cet abominable cortge, excits par -le bruit, se mirent aboyer; le cheval effray -prit le galop; l'enfant qui tenait la bride -fut oblig de la lcher, et le cadavre tomba. -La Phlut prit alors la fuite. La veuve et ses -deux aides firent des efforts inutiles pour remettre -le cadavre sur le cheval; n'ayant pu y -parvenir, ils prirent tous la fuite, laissant le -dfunt dans l'endroit o il fut trouv le lendemain.</p> - -<p>La retraite de Charlotte Plaix fut bientt -dcouverte, et on lui fit son procs ainsi qu' -sa servante. Par sentence rendue en la snchausse -de Riom, le 1<sup>er</sup> septembre 1781, -Charlotte Plaix, veuve Merle, et lisabeth -Phlut, furent condamnes faire amende -honorable devant l'glise paroissiale de Saint-Amable -de Riom; ensuite tre conduites en -une des places publiques pour y tre pendues, -et le corps de la veuve Merle jet au -feu, rduit en cendres, et les cendres jetes -<span class="pagenum"><a id="Page_69">69</a></span> -au vent; le tout aprs avoir subi la question -ordinaire et extraordinaire. Jean Baptiste -Merle, ce jeune enfant de neuf ans, que sa -mre avait forc d'tre son complice, fut -condamn tre renferm dans une maison -de force perptuit. Tous les biens de ces -trois coupables furent dclars confisqus; -quant Virat et Saint-Just, ils s'taient soustraits -aux poursuites de la justice.</p> - -<p>Le procureur-gnral interjeta appel <i>a minima</i> -de cette sentence, et par arrt du 29 -janvier 1782, Charlotte Plaix fut condamne - l'amende honorable, avec un criteau portant: -<i>Femme qui a empoisonn son mari et l'a -trangl pendant son sommeil</i>, avoir le poing -coup par l'excuteur de la haute justice, et - tre ensuite brle vive aprs avoir t applique - la question.</p> - -<p>La Phlut ne fut dfinitivement juge que -le 20 juin suivant; elle fut condamne l'amende -honorable, tre pendue, et son corps -jet au feu.</p> - -<p>Ainsi finit ce drame abominablement atroce, -o l'on voit une femme adultre, non -seulement assassiner son mari, mais encore -<span class="pagenum"><a id="Page_70">70</a></span> -contraindre un jeune enfant, dans l'ge de -la candeur et de l'innocence, devenir un -des instrumens du meurtre de son pre! Nous -avons abrg le plus possible les dtails dgotans -de ce forfait, afin de mnager la sensibilit -de nos lecteurs, et aussi la ntre.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_71">71</a></span></p> - -<h2>LE MAON CAHUZAC,<br /> -<span class="large">PENDU INJUSTEMENT.</span></h2> - -<p>Le magistrat appel prononcer sur la -vie d'un citoyen ne saurait trop se tenir en -garde contre la prvention et les indices -trompeurs qui peuvent lui faire condamner -un innocent. Que de malheurs arrivs par -suite de la trop grande prcipitation des juges! -que de sang innocent vers! que de familles -plonges indment dans la misre, -dans le deuil et dans l'opprobre!</p> - -<p>Pierre Cahuzac exerait le mtier de maon - Toulouse. Il avait pous, le 6 fvrier -1769, Jeanne-Raymonde Bigorre, qui l'avait -rendu pre de deux enfans. Sa bonne conduite, -la douceur de ses mœurs et sa probit, -lui concilirent l'estime de tous les habitans -du faubourg Saint-Cyprien, o il tait domicili -depuis 1764. Une cruelle fatalit devait -<span class="pagenum"><a id="Page_72">72</a></span> -bientt venir l'arracher du sein du bonheur -dont il jouissait, et le traner au gibet.</p> - -<p>Dans la nuit du 24 au 25 janvier 1776, le -sieur Belloc, ancien marchand de Toulouse, -sa femme et sa servante, furent assaillis, dans -leur maison, situe rue Malconsinat, par un -inconnu qui fit d'inutiles efforts pour les -assassiner.</p> - -<p>Au premier cri de la servante, accourut -le sieur Louron, commandant de la patrouille -bourgeoise, qui s'empara de la porte d'entre, -o il plaa quatre fusiliers. Il monta ensuite -dans l'appartement d'o taient partis -les cris, et ayant demand quel tait l'auteur -des excs dont on se plaignait, la femme -Belloc rpondit qu'elle venait d'tre maltraite, -ainsi que son mari et sa servante, par un -homme eux inconnu, qui, aprs avoir forc -la porte de leur appartement, y tait entr, -et les avait maltraits coups de bton. L'assassin -s'tait donc vad aux premiers cris, -et n'avait pu tre reconnu de personne.</p> - -<p>Mais quand la premire frayeur fut dissipe, -les Belloc et leur servante se livrrent -aux conjectures. Ils passrent en revue toutes -les personnes qui frquentaient leur maison, -<span class="pagenum"><a id="Page_73">73</a></span> -et qui pouvaient en connatre les tres. Pierre -Cahuzac avait travaill pour M. Belloc depuis -quelques mois; il y avait mme eu entre eux -quelques discussions au sujet du paiement. -Ds que le nom de ce malheureux homme et -t prononc, la dame Belloc et sa servante -s'y attachrent: nul doute, selon elles, que -Cahuzac ne ft l'assassin; et sa perte fut -rsolue.</p> - -<p>Pierre Cahuzac fut dnonc ds le lendemain -matin, et sur-le-champ, sans information, -sans dcret pralable, il fut enlev de -sa maison, conduit l'Htel-de-ville, et jet -dans les fers. Le procureur du roi prsenta -aux capitouls une requte en plainte dirige -contre Cahuzac, dont il n'aurait pas certainement -devin le nom, sans la dnonciation -des Belloc. Ainsi le pauvre maon fut directement -accus par le procureur du roi, -sur la dposition de ces mmes Belloc qui, -la nuit mme de l'vnement, dans un moment -de vrit, avaient dclar qu'ils avaient -t maltraits par un homme <i> eux inconnu</i>.</p> - -<p>Les capitouls ordonnrent une information -qui fut commence le 26 janvier 1776. -<span class="pagenum"><a id="Page_74">74</a></span> -Ceux qui avaient fait la dnonciation furent -encore les tmoins entendus. Pierre Cahuzac -appela plusieurs tmoins pour faire prouver -son <i>alibi</i>.</p> - -<p>Mais la destine de Cahuzac tait de mourir -sur un chafaud. Il fut condamn au dernier -supplice par les capitouls, le 9 fvrier -1776. Ce jugement fut confirm par arrt -du 15 du mme mois, et excut le mme -jour.</p> - -<p>Ainsi prit Cahuzac, l'ge de vingt-huit -ans, en protestant de son innocence jusqu'au -dernier soupir. En effet, l'excuteur de la -haute-justice ayant demand, suivant l'usage, -des prires pour le patient: <i>Dites donc pour -l'innocent</i>, dit Cahuzac, et ce furent ses dernires -paroles.</p> - -<p>Cette mort infme livra la misre et la -dsolation la famille infortune de Cahuzac, -qui ne subsistait que de son travail. Jean -Cahuzac suivit de prs son fils; la douleur -le dlivra bientt de l'horreur de lui survivre. -Sa mre, sa veuve et ses enfans s'abreuvaient -de larmes, et se croyaient condamns n'oser -plus prononcer le nom du pre et de l'poux -<span class="pagenum"><a id="Page_75">75</a></span> -qu'ils avaient perdu, lorsqu'un vnement -providentiel vint leur donner tout--coup -l'esprance de venger sa mmoire.</p> - -<p>Dans le mois d'aot 1776, parut, dans le -lieu de Bouloc, cinq lieues de Toulouse, un -sclrat, appel Michel Robert, btard, domestique -de M<sup>e</sup> Costes, procureur. Il s'introduisit -en plein jour dans la maison de la dame -d'Aubuisson, et lui cassa la tte coups de -bche. Ce sclrat ne fut pas plus tt arrt -qu'il avoua son crime: il avoua, en mme -temps, quelques vols dont il s'tait rendu -coupable, et dclara, de son propre mouvement, -qu'il tait l'auteur, et le seul auteur -de l'assassinat tent la nuit du 24 au 25 janvier -prcdent, dans la maison du sieur -Belloc. Les consuls de Bouloc, qui faisaient la -procdure, interrogrent Robert sur quelques -autres vols et assassinats commis depuis dans -le pays. Il soutint constamment qu'il n'en -tait pas coupable; tandis que, sans tre interpell -sur l'assassinat du 24 janvier, il raconta, -de lui-mme, qu'il tait entr vers les -quatre heures du soir dans l'hiver, dans la -maison du sieur Belloc, ami du sieur Costes, -son matre, log Toulouse prs la maison professe, -<span class="pagenum"><a id="Page_76">76</a></span> -dans le dessein de le voler; qu'il en fut -empch par sa servante qui se leva, de mme -que le sieur Belloc son matre; et pour se dgager -de la servante, il lui donna un coup de -bton, au bout duquel il y avait un fer; qu'il -fut saisi par le sieur Belloc et sa femme, se -dgagea de leurs mains, prit la fuite sans avoir -rien vol, et abandonna un sac de toile qu'il -portait, appartenant au sieur Costes son matre, - la marque duquel il tait, et dans lequel -sac il y avait encore une paire de gants -de peau; ce qui fit qu'un garon pltrier ou -maon fut mal propos accus d'avoir commis -ce crime, pour rparation duquel il fut -injustement pendu.</p> - -<p>Michel Robert, condamn tre rompu -vif, persista jusqu'au moment de son supplice - se dire l'auteur de cet assassinat tent chez -le sieur Belloc.</p> - -<p>On se souvint long-temps Toulouse de la -mort tonnante de ce Robert. Il ne lui chappa -pas un seul soupir pendant les deux heures -qu'il passa sur la roue. Enfin le moment arriv -de terminer son supplice, le commissaire -monta sur l'chafaud, et lui demanda s'il persistait -<span class="pagenum"><a id="Page_77">77</a></span> -dans tout ce qu'il avait dclar sur la -sellette et dans le procs-verbal de mort; il -rpondit qu'il persistait en ses rponses, et -surtout pour l'assassinat du sieur Belloc.</p> - -<p>La veuve de Cahuzac n'avait pas besoin de -ce tmoignage clatant de l'innocence de son -mari pour en tre pleinement convaincue. -Mais ces preuves relevrent son courage; -elle osa, du fond de sa misre, lever sa voix -vers le trne, et sa voix fut coute.</p> - -<p>Le conseil renvoya au parlement de Toulouse -lui-mme la rvision de ce malheureux -procs. Il intervint, le 9 aot 1779, un arrt -par lequel la mmoire de Cahuzac fut rhabilite, -et sa veuve admise faire valoir son -recours en dommages-intrts contre les -Belloc, auteurs de son infortune.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_78">78</a></span></p> - -<h2>GOMBERT,<br /> -<span class="large">ASSASSIN DU MARI DE SA MAITRESSE.</span></h2> - -<p>En compulsant les recueils d'arrts criminels, -on est tonn du grand nombre de forfaits -dont la dbauche est la source. Ces passions -brutales, que l'on dcore si improprement -du doux nom d'amour, portent habituellement -dans le cœur de l'homme une -effervescence funeste qui le pousse au crime -presque malgr lui, entran qu'il est dj -par la jalousie ou le dsir de la vengeance. -De l tant de meurtres, tant d'empoisonnemens, -tant de morts restes mystrieuses, -qui portent pour jamais la dsolation et le -malheur au sein des familles. Tant il est vrai -que ds qu'une fois on a franchi le premier -degr du vice, on ne sait plus o l'on pourra -s'arrter; heureux encore quand le terme de -la carrire n'est pas l'ignominie ou l'chafaud.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_79">79</a></span> -Jean-Jacques Gombert, tanneur Hasbrouck, -entretenait, depuis deux ans, un -commerce criminel avec Catherine Roucou, -femme de Pierre-Jacques Jongkerick, qui habitait -la mme ville, et qui y vivait de son -bien. Gombert ayant trouv l'occasion de se -marier, on pouvait esprer que cet vnement -serait le terme de cette passion adultre; mais -il n'eut d'autre effet que d'loigner momentanment -les deux amans l'un de l'autre.</p> - -<p>En effet, peu de temps aprs, ils renourent -leurs liaisons coupables. Jongkerick, -avant le mariage de Gombert, n'avait pas remarqu -ses assiduits auprs de sa femme. Le -moindre soupon n'tait pas venu troubler -son repos. Jusque l, Gombert avait eu la dlicatesse -de garder des mnagemens; mais -lorsqu'il fut mari, il foula aux pieds toutes -les biensances, et ne permit plus l'infortun -Jongkerick de croire la fidlit de sa -femme. Ce malheureux poux n'eut mme -que trop de facilit acqurir des preuves irrcusables -de la dbauche de Catherine Roucou.</p> - -<p>Jongkerick, indign, fit des reproches sa -femme, et la menaa de prendre des mesures -<span class="pagenum"><a id="Page_80">80</a></span> -pour arrter ses dsordres, s'ils continuaient. -Mais, au lieu de rentrer en elle-mme, cette -femme, qui hassait mortellement son mari, -se plaignit Gombert des reproches et des -menaces qu'elle essuyait chaque jour. Alors -s'excitant mutuellement, les deux amans conurent -l'horrible projet de donner la mort -Jongkerick.</p> - -<p>Ils firent plusieurs tentatives pour l'excution -de leur infernal dessein. Gombert se -chargea d'abord de gagner prix d'argent -quelqu'un qui voult excuter ce crime; mais -n'ayant pu y russir, il prit la rsolution de -commettre lui-mme cet attentat.</p> - -<p>Aprs avoir pass la soire du 25 au 26 -mai 1777, avec Jongkerick, dans une auberge -o ils avaient soup ensemble, Gombert sortit -le premier, et vint se mettre en embuscade -dans une grange, o il avait prpar un flau, -instrument du crime qu'il mditait. Jongkerick, -dans une parfaite scurit, revenait -tranquillement chez lui. Comme il entrait -dans sa cour, Gombert sort de sa cachette, -s'lance sur lui, l'accable de coups de flau, -et le laisse pour mort sur la place. Cependant -l'homme assassin recueillit assez de force -<span class="pagenum"><a id="Page_81">81</a></span> -pour se relever et rentrer chez lui. Il se coucha, -sans rien dire sa femme de ce qui venait -de lui arriver, et se contenta de se plaindre -d'un violent mal de tte.</p> - -<p>Le lendemain, Gombert se rendit de bonne -heure chez la Roucou, croyant apprendre, -en entrant dans la maison, que Jongkerick -tait mort; mais il fut trangement tonn -quand il vit qu'il n'en tait rien. Il parut constant -que ce monstre rsolut, dans le moment -mme, de concert avec son infme complice, -d'arracher la vie la malheureuse victime -chappe aux coups de la veille; et la rumeur -publique accusa la femme de s'tre charge -de l'excution du forfait, de s'tre approche -du lit de son mari, et de l'avoir touff.</p> - -<p>Quelques heures aprs, sortant de sa maison -avec des cris et des sanglots, elle annona - ses voisins la mort de son mari. On crut d'abord -sa douleur sincre; mais une mort aussi -prcipite fit natre des soupons qui veillrent -l'attention de la justice locale. Le ministre -public rendit plainte et fit informer; mais -n'ayant acquis aucune preuve, la procdure -fut suspendue.</p> - -<p>Sur ces entrefaites, la veuve Jongkerick, -<span class="pagenum"><a id="Page_82">82</a></span> -fatigue d'entendre les reproches indirects -qu'on lui adressait au sujet de la mort de son -mari, vendit tout son bien, sous prtexte -qu'elle voulait se retirer dans un couvent; elle -ne conserva qu'un chariot et un chien noir, -avec lequel elle partit d'Hazebrouck. Gombert -disparut quelques jours aprs, et rejoignit sa -complice Anvers. Puis ils se fixrent dans -un bourg hollandais situ aux environs de -cette ville. Mais leur fuite simultane ouvrit -les yeux aux magistrats de Cassel: le procureur -d'office de ce sige fit des perquisitions, -et s'informa si l'on n'avait point vu un chariot -suivi d'un chien noir, conduit par une -femme. Le chien noir, qui tait trs-grand, -avait t remarqu, et les renseignemens que -l'on obtint parvinrent faire dcouvrir la -retraite des coupables.</p> - -<p>On obtint des juges du lieu la permission -de les arrter et de les conduire dans les prisons -de Cassel, o on leur fit leur procs. Les -informations ne les ayant chargs que faiblement, -les juges de Cassel, par sentence du 3 -octobre 1778, n'ordonnrent qu'un plus ample -inform d'un an, pendant lequel les accuss -resteraient en prison.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_83">83</a></span> -Le procureur d'office du sige ayant interjet -appel <i>a minima</i> de cette sentence, le -parlement de Douai, par arrt du 16 novembre -1778, condamna Gombert la question -ordinaire et extraordinaire, et ordonna qu'il -serait sursis au jugement de la Roucou jusqu'aprs -l'excution de cet arrt. Gombert -ayant avou son crime la torture, un second -arrt condamna la Roucou la question ordinaire -et extraordinaire; mais cette femme, -rsistant aux tourmens de la question, persista - nier sa complicit avec Gombert.</p> - -<p>Par arrt du 19 novembre 1778, Gombert -fut condamn tre rompu vif, et la Roucou, -faute de preuves suffisantes, tre renferme - perptuit dans une maison de force.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_84">84</a></span></p> - -<h2>SEVREUSE<br /> -<span class="large">EMPOISONNEUSE D'ENFANS.</span></h2> - -<p>Ce n'est qu'en frmissant d'horreur que -nous pourrons retracer les forfaits de ce monstre - visage de femme, qui mettait mort la -plupart des enfans qui lui taient confis, et -les enterrait elle-mme dans le repaire qu'elle -habitait. Elle en fit prir ainsi plus de trente -dans une seule anne.</p> - -<p>Rene Richard, ne dans la paroisse de -Chelun, en Bretagne, prs de la petite ville de -la Guerche, diocse de Rennes, avait pous -Julien Suhard, tisserand Laval. Devenue -veuve, elle se chargea d'amener Paris les -enfans dont on voulait cacher la naissance, et -qu'il fallait conduire aux Enfans-Trouvs. Il -parat que pendant quelque temps elle s'acquitta -assez exactement des fonctions qu'on -lui confiait. Lorsqu'elle pouvait runir plusieurs -enfans pour les conduire dans un seul -<span class="pagenum"><a id="Page_85">85</a></span> -voyage, le salaire qu'elle recevait pour chacun -d'eux lui rapportait un profit suffisant pour -subvenir ses besoins.</p> - -<p>A cette ressource elle en ajouta une autre -plus impure encore. Les filles des cantons -voisins, vingt lieues la ronde, allaient chez -la femme Suhard dposer le fruit de leurs -faiblesses; elles y restaient pour se rtablir, et -lui laissaient leurs enfans pour les conduire -Paris, l'hospice des Enfans-Trouvs. Quelquefois -on voyait chez elle plusieurs filles la -fois y passer les derniers mois de leur grossesse, -et n'en sortir qu'aprs leur parfait rtablissement; -ce qui multipliait les bnfices de -la Suhard.</p> - -<p>Cette femme demeurait avec le nomm -Ambroise Portier, tisserand, qui, ayant peu -d'occupation de son tat, travaillait casser -des pierres sur les grands chemins, et remplissait -les fonctions de fifre l'Htel-de-Ville de -Laval. Il remettait la femme Suhard tout ce -qu'il gagnait; tous deux vivaient en commun, -et s'enivraient souvent ensemble. Portier avait -t condamn par contumace au fouet, la marque -et aux galres perptuelles, comme complice -d'un homicide; et ayant t, par ce jugement, -<span class="pagenum"><a id="Page_86">86</a></span> -excut en effigie, le 9 septembre 1768, -cet homme tait mort civilement. Cela ne l'empcha -pas de revenir Laval quelques annes -aprs, et personne ne songea l'inquiter. On -croyait mme gnralement qu'au lieu d'avoir -t complice d'un homicide, il avait fait tous -ses efforts pour l'empcher.</p> - -<p>Le 18 juillet 1778, le procureur fiscal de -Laval reprsenta au juge ordinaire de police -de cette ville que la nomme Suhard s'tait -vade, et avait laiss dans sa maison trois enfans -qui lui avaient t confis pour tre -amens Paris; que ces enfans se trouvant -sans secours, il tait ncessaire de prendre -des claircissemens sur leur sort, et des mesures - l'effet de pourvoir leurs besoins. En -consquence, il requit le transport du juge -chez cette femme pour dresser un procs-verbal -de l'tat des choses; ce qui fut excut -le mme jour.</p> - -<p>Le propritaire de la maison qu'habitait la -Suhard dclara qu'ayant t inform qu'elle -avait vendu ses meubles, pris la fuite et abandonn -trois enfans qui taient chez elle, il avait -cru devoir faire donner des soins ces innocentes -cratures. Le fermier du comt de Laval -<span class="pagenum"><a id="Page_87">87</a></span> -se chargea de ces petites victimes, sauf -son recours contre qui il appartiendrait pour -le remboursement des dpenses que lui occasionerait -cette charge, et le salaire des peines -et soins qu'elle lui imposerait. Un de ces trois -enfans mourut peu de temps aprs, et fut inhum -dans le cimetire.</p> - -<p>La Suhard, en fuyant, n'avait pas ferm la -porte de sa maison. Le juge y entra, et fit -l'inventaire de quelques vieux meubles sans -valeur.</p> - -<p>Le lendemain, le procureur fiscal rendit -plainte contre cette femme, l'occasion du -crime qu'elle avait commis en abandonnant -les enfans qu'on lui avait confis, et obtint -l'autorisation de faire informer contre elle.</p> - -<p>La Suhard, outre le lieu qu'elle habitait, -avait lou un cellier, dans lequel on arrivait -par une petite alle. La nuit de l'vasion de -cette femme, deux voisins furent attirs dans -cette alle par le mouvement qu'ils y entendirent. -Ils y trouvrent deux femmes, dont une -portait un paquet assez gros. On leur demanda -ce qu'elles enlevaient ainsi. Ce ne -sont point, dirent-elles, des effets qui appartiennent -<span class="pagenum"><a id="Page_88">88</a></span> - la Suhard. L'odeur infecte qu'exhalait -ce paquet fit souponner que ce pouvaient -tre des enfans morts depuis long-temps. -Cela ne vous regarde point, dirent -ces deux femmes. M. Le Chauve, vicaire de -la paroisse, nous a charges de l'enlever, et -de le lui porter.—Vous ne l'emporterez pas, -leur rpondit-on, que M. Le Chauve n'en soit -averti.</p> - -<p>Dans le fait, les deux femmes en question -avaient t, la veille, dclarer au sieur Le -Chauve qu'il tait mort deux enfans chez la -Suhard, et lui demandrent s'il voulait les -enterrer. Il avait rpondu qu'on pouvait les -porter chez le fossoyeur, suivant l'usage, et -qu'il les enterrerait, pourvu qu'on lui reprsentt -leurs extraits de baptme. Une heure -aprs, il entendit dire, dans la rue, qu'on -avait trouv chez la Suhard un paquet d'enfans -morts dont les membres tombaient en -lambeaux. Craignant qu'on ne l'induist inhumer -des enfans morts depuis long-temps, -et d'aprs de faux extraits baptistaires, il dclara -qu'il ne les enterrerait qu'aprs en avoir -inform la justice. Mais un particulier alla, la -<span class="pagenum"><a id="Page_89">89</a></span> -mme nuit, dans le cimetire, y fit une fosse -dans laquelle il enfouit le paquet tel qu'il -tait.</p> - -<p>Les noms des deux femmes dont il vient -d'tre parl ayant t connus par les informations, -elles furent toutes deux dcrtes -de prise de corps, et constitues prisonnires. -On les interrogea; elles dclarrent se nommer, -l'une Rene Tellier, veuve d'tienne -Bourdet; et l'autre, qui tait sa fille, Rene -Bourdet, femme de Pierre Beaudouin. Elles -dirent que la veille de la fuite de la Suhard, -les neveux et nices de cette misrable se -rendirent chez la veuve Bourdet, et lui apprirent -qu'il y avait deux enfans morts chez leur -tante, et qu'ils la priaient de les porter chez le -sieur Le Chauve, qui, dirent-elles, en tait -prvenu, et avait promis de les enterrer. Sur -cette invitation, elles allrent trouver la Suhard, -qui n'tait pas encore partie. Cette -femme nia d'abord qu'elle et des enfans chez -elle. Enfin, aprs bien des instances, elle ouvrit -un petit cabinet dans lequel taient deux -cadavres ensevelis qui paraissaient, la taille, -avoir environ un an, et qui furent mis dans -une serpillire. En avez-vous encore d'autres? -<span class="pagenum"><a id="Page_90">90</a></span> -lui dirent ces deux femmes; donnez-les -nous, et nous les remettrons M. Le Chauve, -qui les inhumera en mme temps.—Eh bien! -puisqu'il faut tout vous dire, reprit la Suhard, -venez dans le cellier, je vous donnerai le -reste. Cette malheureuse prit alors, avec un -bton, un paquet couvert de diffrentes enveloppes, -qui exhalait une odeur ftide. Ce -paquet fut mis dans la mme serpillire; elles -emportaient le tout quand elles furent rencontres, -et ce paquet fut mis en terre, comme -on l'a dit plus haut.</p> - -<p>On leva les scells qui avaient t apposs -sur une armoire de la Suhard, et l'on y trouva -neuf extraits baptistaires, tous d'enfans illgitimes, -ns, l'un en 1776, un autre en 1777, -et tout le reste en 1778; mais rien ne put -indiquer ce qu'taient devenus ces enfans. -Enfin on entra dans le fameux cellier. Les -dcouvertes que l'on y fit rvoltent la nature et -l'humanit. En y entrant, on respirait une -odeur infecte et cadavreuse. La terre, fouille - quatre ou cinq pouces de profondeur, laissa -voir des membres d'enfans pars et l; -de sorte qu'il y a lieu de croire que ce monstre -dchirait les malheureuses victimes qu'elle -<span class="pagenum"><a id="Page_91">91</a></span> -faisait mourir, afin de pouvoir cacher plus -aisment les traces de ses crimes. Il y avait -des membres et des os d'enfans nouvellement -ns; il y en avait d'enfans qui paraissaient -avoir vcu jusqu' l'ge de quatre ans. Le -mdecin et le chirurgien firent observer au -juge que, pour prvenir les accidens funestes -qui pourraient rsulter des exhalaisons de -ces cadavres, il tait ncessaire de les transporter, -ainsi que la terre qui les avoisinait, dans -un cimetire; ce qui fut excut sur-le-champ. -Le mdecin et le chirurgien, d'aprs l'examen -des os qu'ils avaient dcouverts, conclurent -que les corps auxquels ces restes avaient appartenu -taient au nombre de six.</p> - -<p>Sur ces indices pouvantables, le juge ordonna -au propritaire de la maison de faire -fouiller le cellier avec plus d'exactitude et -de profondeur. Ces nouvelles recherches firent -encore dcouvrir les restes de six autres -petits cadavres, qui furent pareillement transfrs -dans le cimetire. Tous ces crimes avaient -t commis dans la maison que la Suhard -avait habite avant sa disparition, et pourtant -elle y avait demeur moins d'un an. Les -perquisitions et les informations faites dans -<span class="pagenum"><a id="Page_92">92</a></span> -les lieux habits par elle prcdemment vinrent -encore fournir de nouvelles preuves.</p> - -<p>Le procureur-fiscal, persuad que les crimes -dont la Suhard tait atteinte n'avaient -pu tre commis sans qu'elle et t aide par -quelqu'un, rendit plainte ds le lendemain, -tant contre elle que contre ses complices, de -tous les faits qui venaient d'tre dcouverts. -Portier fut nommment dcrt de prise de -corps, comme vhmentement suspect de -complicit avec l'accuse, chez laquelle il demeurait.</p> - -<p>Ils taient en fuite tous les deux. Mais enfin -la marchausse, aprs bien des recherches, -les atteignit au bourg de Chelun, lieu -de la naissance de la Suhard: ils taient rfugis -chez un particulier qui, sous prtexte -qu'il tait onze heures du soir, refusa d'ouvrir -sa porte. On la fora: la Suhard fut -trouve dans une chambre, couche sur un -peu de paille.</p> - -<p>Portier, averti, par le bruit de ce qui se -passait, et n'ayant os se hasarder sortir -de la maison, dont la porte tait garde par -deux cavaliers, s'tait rfugi dans les latrines -de la maison, et tait descendu dans le tuyau -<span class="pagenum"><a id="Page_93">93</a></span> -assez avant pour n'tre pas aperu. Mais les -cavaliers ayant regard par la lunette, l'aperurent, -et furent obligs, pour le tirer -par force, de frayer un passage par en bas -avec des outils. L'un et l'autre furent conduits -dans les prisons de Laval.</p> - -<p>Suivant le rapport de plusieurs tmoins, -la Suhard avait dans ses dmarches un air -mystrieux et cach, qui donnait tout le -voisinage beaucoup de soupons sur son -compte. Ce qui les augmentait encore, c'est -que, quoi qu'elle et toujours six sept enfans -chez elle, on s'apercevait qu'elle faisait -fort peu de provisions pour les nourrir. De -tous ceux qu'on y voyait entrer on n'en -voyait sortir aucun, soit pour aller Paris, -soit pour tre enterr. Lorsqu'on lui en apportait -ou qu'il en naissait chez elle, on les -entendait d'abord pleurer comme pleurent les -enfans de cet ge; mais au bout de quelques -jours leur voix s'teignait, et peine si on -pouvait la distinguer. Pour faire croire cependant -qu'elle allait Paris, et qu'elle y portait -les enfans qu'on lui avait confis, elle s'enfermait -pendant quinze jours dans son cellier, -o on lui portait manger; et le soir, -<span class="pagenum"><a id="Page_94">94</a></span> -quand elle croyait tout le monde retir, elle -rentrait chez elle, et se couchait dans son lit. -Ces dmarches singulires donnaient sans -doute copieuse matire rflexions; mais on -n'osait pas d'abord les hasarder.</p> - -<p>Cependant la mauvaise odeur qu'exhalait le -cellier aurait pu mettre sur la trace des preuves; -mais on attribuait ces exhalaisons des -tanneries situes dans le voisinage. Jusque l -on n'avait que des prsomptions; voici des faits -plus circonstancis. Deux filles taient chez -la Suhard pour y faire leurs couches. Elles -sortirent un jour ensemble pour quelques -affaires, et furent absentes deux heures environ. -En sortant, elles avaient laiss plusieurs -enfans vivans la maison: leur retour -elles en trouvrent deux de moins; et -quand elles demandrent ce qu'ils taient devenus, -on leur rpondit que ceux qui les -avaient apports taient venus les retirer pendant -leur absence.</p> - -<p>Il fut prouv par d'autres dpositions que, -pour empcher les enfans de pleurer, la Suhard -leur donnait dans leur bouillie une infusion -de pavot. Une autre fille dclara que pendant -trois mois environ qu'elle avait passs -<span class="pagenum"><a id="Page_95">95</a></span> -chez la Suhard pour y faire ses couches, elle -y avait vu entrer plus de trente enfans qui -taient tous morts dans ses mains.</p> - -<p>Elle ne se bornait pas faire prir les enfans; -sa frocit s'tendait sur toutes les personnes -dont la perte pouvait lui procurer -quelque gain. Un cur des environs de sa demeure -lui avait confi une fille ge de dix-neuf -ans, sujette l'pilepsie, pour la conduire - Paris. On lui avait donn une somme suffisante, -tant pour nourrir la malade jusqu'au -moment de son dpart et pendant la route, -que pour la ddommager de ses peines. La -Suhard la maltraita tant qu'elle l'eut chez -elle; elle lui fournissait peine la nourriture -qui lui tait ncessaire. Enfin, lorsqu'elle se -mit en route avec elle pour venir Paris, -elle l'abandonna auprs d'Alenon sans lui -laisser le plus lger secours. Par suite de cet -abandon, cette fille, force de mendier, fut -arrte par la marchausse, et conduite au -dpt de Rennes.</p> - -<p>La Suhard avoua la plupart des faits que -l'on vient de lire. Applique la question, qui -fut porte jusqu' huit coins, elle soutint -toujours fermement, comme dans tous ses -<span class="pagenum"><a id="Page_96">96</a></span> -interrogatoires, qu'elle n'avait eu aucun complice -des crimes dont elle tait coupable. -Cette misrable fut condamne, par arrt du -29 avril 1779, tre brle vive et ses cendres -jetes au vent; ce qui fut excut le 22 -mai suivant.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_97">97</a></span></p> - -<h2>JEANNE-MARIE-THRSE JUDACIER,<br /> -<span class="large">PARRICIDE.</span></h2> - -<p>La dbauche porte souvent les fruits les -plus funestes. Ainsi que nous avons eu lieu -de le faire remarquer plus d'une fois, elle -sert frquemment de premier chelon pour -descendre aux crimes les plus dnaturs, et -l'entranement de la descente n'est que trop -rapide.</p> - -<p>Jeanne-Marie-Thrse Judacier tait brodeuse -de son tat. Elle habitait la ville de -Lyon avec son pre, sa mre et sa sœur ane. -Son got pour les plaisirs drangea sa conduite; -elle devint paresseuse, et se vit rduite -aux expdiens pour satisfaire ses besoins dpravs. -Cette situation lui inspira le dsir de -recueillir promptement et sans partage la succession -de ses pre et mre, et elle conut -l'horrible dessein de les empoisonner ainsi que -sa sœur ane.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_98">98</a></span> -En consquence, elle fait choix du poison -le plus actif, et se prsente chez plusieurs -piciers, demandant de l'arsenic. On refuse -de lui en vendre. Ces refus auraient d la faire -rentrer en elle-mme, s'il ft rest au fond -de son cœur quelque peu de cette sensibilit -qui met l'homme au-dessus de la brute. Mais -rien ne fut capable de l'arrter. Aprs s'tre -adresse vainement plusieurs marchands, -ses recherches la conduisirent chez les sieurs -Buisson et Bellet, qui, dans les premiers jours -d'octobre 1779, lui vendirent pour deux sous -d'arsenic, qu'elle leur avait demand, sous -prtexte de dtruire les rats, qui, disait-elle, -mangeaient le linge que sa mre, blanchisseuse -de son mtier, tait oblige d'avoir chez -elle.</p> - -<p>Sa mre trouva ce paquet et lui demanda -ce que c'tait que cette poudre empaquete -avec tant de soin. Jeanne rpondit que c'tait -de l'alun pour nettoyer ses boucles. La mre -Judacier trouva mauvais que sa fille ft si -recherche dans ses ajustemens, et qu'elle se -mt en dpense pour une pareille frivolit; -et dans sa mauvaise humeur, elle jeta le -poison.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_99">99</a></span> -Ce nouvel obstacle et la remontrance que -Jeanne essuya cette occasion ne firent -qu'irriter cette fille atroce. Le 9 du mme -mois, elle retourna chez les mmes marchands, -qui, pour le mme prix, lui livrrent -une seconde dose d'arsenic. Elle prit ses prcautions -pour qu'on ne lui enlevt pas ce -nouveau paquet.</p> - -<p>L'occasion d'en faire l'usage auquel elle le -destinait se prsenta peu de jours aprs. Sa -mre lui commanda de prparer une soupe -aux choux. Jeanne, piant le moment propice - son infernal dessein, obit avec joie. -Puis, quand la soupe fut prpare, elle engagea -sa sœur ane la servir, voulant par cette -prcaution loigner d'elle les soupons d'empoisonnement -que son crime allait faire natre -avec raison. Elle s'imagina que sa sœur ayant vu -prparer la soupe, et ne s'tant point aperue -qu'on y et rien mis d'tranger aux ingrdiens -qui devaient la composer, pourrait affirmer -que les symptmes qui ne pouvaient manquer -de se manifester avaient une autre cause que le -poison; ou du moins que, s'il y avait du poison, -le hasard seul l'avait sans doute introduit soit -dans les choux, soit dans un des assaisonnemens.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_100">100</a></span> -Jeanne prit encore une autre prcaution; -ce fut de se tenir loigne de la table, sous -prtexte de vaquer divers soins du mnage. -Le pre n'tait pas la maison, et l'on ignorait -l'heure laquelle il devait rentrer. Il tait -sorti pour les affaires de la famille; il tait -juste qu' son retour il trouvt sa soupe prpare. -Jeanne, sa fille, eut l'attention de lui -en conserver dans un pot. Trois personnes -se mirent table, la femme Judacier et sa -fille ane, avec la femme Perichon. A peine -chacune d'elles eut-elle mang sa portion, -que les premiers effets du poison commencrent - se manifester par des symptmes -effrayans. La femme Judacier succomba le -jour mme, malgr les secours qu'on lui -administra. Les soins furent moins infructueux - l'gard des deux autres, qui taient -plus jeunes et plus vigoureuses; mais elles en -furent long-temps et dangereusement malades, -et leur sant en fut altre pour leur vie.</p> - -<p>Les circonstances qui avaient prcd cet -accident ne laissrent pas lieu de douter de -quelle main partait le crime. Jeanne fut arrte -sur-le-champ. Son procs lui fut fait; -et par sentence de la snchausse de Lyon, -<span class="pagenum"><a id="Page_101">101</a></span> -du 30 novembre 1779, elle fut dclare atteinte -et convaincue des faits qui viennent -d'tre exposs, et condamne faire amende -honorable en chemise, nu-tte, la corde au -cou, tenant en ses mains une torche de cire -ardente du poids de deux livres, au-devant de -la principale porte de l'glise primatiale de -Lyon, o elle serait conduite par l'excuteur -de la haute-justice, ayant criteau devant et -derrire portant ces mots: <i>Empoisonneuse -parricide</i>. Elle devait avoir ensuite le poing -coup par le bourreau, et tre mene sur la -place des Terreaux pour y tre brle vive -et ses cendres jetes au vent.</p> - -<p>Par arrt du 12 fvrier 1780, cette sentence -fut confirme, et l'excution en fut renvoye -devant le lieutenant-criminel de Lyon.</p> - -<p>Quant l'infraction commise par les sieurs -Buisson et Bellet aux rglemens et arrts -concernant la vente des poisons, elle fut punie -par une amende, avec injonction d'tre plus -circonspects l'avenir.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_102">102</a></span></p> - -<h2>FEMME INJUSTEMENT ACCUSE<br /> -<span class="large">DE L'ASSASSINAT DE SON MARI.</span></h2> - -<p>Lors des justices seigneuriales, il n'arrivait -que trop souvent que la prvention et l'ignorance -prsidaient l'instruction des affaires -criminelles. La prvention y faisait prendre -aux juges pour moyens de conviction de -lgres apparences, des indices quivoques. -Acharns la recherche du crime qu'ils -croyaient exister, ils multipliaient leurs soins -pour le raliser en quelque sorte, s'il n'existait -pas; ils cumulaient information sur -information, si bien qu' la fin le hasard, la -fermentation des propos indiscrets et des rumeurs -populaires, ou la haine de quelque ennemi, -amenaient des tmoins qui dposaient de -ce qu'ils n'avaient ni vu ni entendu, et amassaient -les soupons sur la tte de l'innocence -attaque.</p> - -<p>Maizires, aubergiste Rosnay en Champagne, -<span class="pagenum"><a id="Page_103">103</a></span> -vivait avec sa femme dans la plus -grande intimit, dans l'union la plus parfaite. -Il tait trs-li avec le nomm Savetier, et -la qualit d'aubergiste leur donnait de frquentes -occasions de se voir. Quand Savetier -n'en profitait pas, il y tait invit par Maizires. -Le public, qui ne s'attache qu'aux apparences, -et mme leur donner des couleurs -fausses et malignes, avait imagin que cette -liaison n'tait qu'un voile pour cacher un -commerce illicite entre Savetier et la femme -de Maizires.</p> - -<p>Le matin 8 fvrier 1777, Maizires partit -pour aller Prcey acheter du vin et ensuite - Chaudrey pour d'autres affaires. Son chemin -tait de passer par la garenne de Rosnay, qui -est trs-dangereuse par la difficult des chemins, -par les mauvaises rencontres que l'on -peut y faire et les assassinats qui y ont t -commis plusieurs poques. Il y avait dans -cette garenne un chemin pour les voitures et -un simple sentier que prenaient quelquefois les -gens de pied, pour abrger le chemin et arriver -plus tt la grande route de Brienne et -au pont de Rosnay. Ce sentier traversait une -montagne fort escarpe, au pied de laquelle -<span class="pagenum"><a id="Page_104">104</a></span> -passe la rivire de Rosnay; dans certains endroits -la pente est aussi raide que le toit d'une -maison, et d'une hauteur considrable.</p> - -<p>Pendant les premiers jours, la femme de -Maizires n'prouva aucune inquitude de -son absence; il faisait quelquefois des voyages -de huit jours; et comme c'tait le temps du -carnaval, elle prsumait qu'il pouvait tre -se divertir chez des parens ou des amis. Mais -au bout de ce temps, ne le voyant pas revenir, -elle fut en proie aux plus vives alarmes, et -fit toutes les dmarches et recherches possibles -pour dcouvrir o il pouvait tre.</p> - -<p>Le 24 mars 1777, elle apprit que le cadavre -de son mari avait t trouv dans la rivire -de Rosnay, dans cet endroit de la garenne -o se trouve le sentier rapide dont on vient -de parler, pratiqu dans la pente droite de -la colline, et o le bord de la rivire est -d'une hauteur considrable; en sorte que Maizires, -marchant dans l'obscurit, avait pu -tre entran par la pente de la colline, et prcipit -dans la rivire sur des pierres et des -troncs d'arbres, qui avaient pu lui faire les -blessures et les contusions trouves sur son -cadavre.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_105">105</a></span> -C'tait le genre de mort que prsentaient -naturellement les circonstances des lieux. Mais -les officiers de justice de Rosnay, la vue des -blessures et contusions, jugrent propos -d'informer d'assassinat. On publia des monitoires; -des femmes dposrent sur des ou-dire. -La dposition d'une fille sourde, imbcile -et mendiante, fut la seule qui semblait -indiquer la veuve Maizires et Savetier comme -les auteurs de l'assassinat. On n'en lana pas -moins contre eux des dcrets de prise de -corps.</p> - -<p>Le juge de Rosnay, sur une seule dposition, -renvoya les accuss, la suite de l'instruction, -devant le juge d'Aulnay. Renvoyer -ainsi l'instruction du procs devant le juge -d'Aulnay, c'tait livrer les accuss toute la -fureur du prjug qui les avait rputs coupables -avant toute espce d'instruction.</p> - -<p>Les ennemis des accuss (qui pourrait se -flatter de n'en pas avoir?) furent informs -que le nomm Drouard, homme errant, qui -se donnait pour magicien, rptait de cabaret -en cabaret que l'on n'avait fait assigner encore -que des tmoins qui n'avaient rien vu -ni entendu concernant le prtendu assassinat -<span class="pagenum"><a id="Page_106">106</a></span> -de Maizires, et que lui avait tout vu et tout -entendu, puisqu'il tait couch dans un cabinet - ct de la chambre o Maizires avait -t assassin.</p> - -<p>D'aprs ces dires, Drouard fut assign. Ne -pouvant soutenir qu'il avait couch chez Maizires, -attendu que l'auberge avait t ce jour-l -occupe par des voyageurs dont le tmoignage -existait, il s'avisa de dire qu'il tait entr -par le jardin, s'tait approch de la croise; -et cependant ce jardin tait entour de -haies fort paisses, et la croise ferme par un -volet. Suivant lui, les jambes lui manqurent -lorsqu'il vit assassiner Maizires. Il dposa -que Savetier avait le premier frapp son ami, -et que la femme de celui-ci prenant de sang-froid -l'instrument des mains de Savetier, en -porta son mari un second coup plus fort -que le premier; que cette femme passa ensuite -dans une autre chambre pour y prendre -du linge, une terrine et un couteau, etc.</p> - -<p>Le plan figur du local de Maizires dmontrait -la fausset de cette dposition. Les -accuss le firent observer; mais ils ne furent -pas couts.</p> - -<p>On avait fait aussi courir le bruit que le -<span class="pagenum"><a id="Page_107">107</a></span> -cadavre de Maizires avait d'abord t transport -de la grange sous un toit pourceaux, -et que c'tait par cette raison qu'il avait la -bouche pleine de fumier et de terreau. Cette -version ne s'accordait pas avec celle d'un cadavre -renferm dans un sac, ou expos, la bouche -ouverte, au courant de l'eau d'une rivire.</p> - -<p>Ce fut sur ces bruits, sur les dpositions -d'une fille imbcile et d'un homme sans aveu, -que le juge d'Aulnay rendit une sentence, le -16 octobre 1777, qui condamnait les accuss - un plus ample inform de trois mois.</p> - -<p>Les accuss appelrent au parlement de -Paris de cette sentence, de toute la procdure -faite contre eux, et aussi de la plainte en adultre, -et se rendirent dans les prisons de la -conciergerie. Drouard et Marie Virly, tmoins, -furent dcrts et amens prisonniers; mais -Drouard mourut avant le jugement, la fin -de 1779. Les accuss demandrent leur dcharge -prsente et entire, leur libert, qui -en tait la consquence, et la rparation de -leur honneur. On procda une nouvelle information, -compose de cinq tmoins. Tout -l'chafaudage d'accusations ramass par la calomnie -tomba bientt faute de preuves, en -<span class="pagenum"><a id="Page_108">108</a></span> -prsence des nouveaux juges. Il fut dmontr -que Maizires tait mort de sa chute dans la -rivire, et non sous les coups de meurtriers. -Il n'y avait pas crime dans la mort de Maizires; -il ne pouvait donc y avoir des criminels.</p> - -<p>Le parlement rendit un arrt, le 8 janvier -1780, qui mettait au nant la sentence de la -prevt d'Aulnay, et dchargeait les accuss -des plaintes et accusations intentes contre -eux.</p> - -<p>Ce rcit est encore un exemple des malheurs -que peuvent causer les prsomptions -en matire criminelle. Le magistrat ne saurait -trop se dfier des caquets et des rapports -presque toujours passionns du vulgaire ignorant, -qui se plat multiplier les crimes et les -criminels.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_109">109</a></span></p> - -<h2>DOCTEUR EN MDECINE<br /> -<span class="large">PENDU POUR VOL.</span></h2> - -<p>Bors, originaire du Rouergue, devait le -jour un pauvre serrurier de village. tant -encore enfant, il inspira de l'affection au -cur de la paroisse, qui se fit un plaisir de -lui enseigner lire, crire, et les premiers -lmens de la langue latine; mais ce pasteur -bienfaisant ayant trouv le tronc de ses pauvres -enfonc et la probit de son lve en -dfaut, le congdia.</p> - -<p>Le jeune Bors avait reu de la nature une -figure agrable, une intelligence peu commune. -Il plut une dame qui, en haine de -ses collatraux, accueillit cet enfant avec la -plus grande bont, se chargea de son ducation, -et l'envoya au collge de Rodez pour -y faire ses tudes. Il y passa quelques annes, -pendant lesquelles sa protectrice subvenait - tous ses besoins. Cependant ses camarades -<span class="pagenum"><a id="Page_110">110</a></span> -se plaignaient souvent de la perte de leur -bourse; chaque jour ils s'apercevaient qu'il -leur manquait quelque chose. Plus d'une fois -Bors fut convaincu d'tre l'auteur de ces larcins; -pourtant on ne le chassa pas du collge, -parce qu'il promettait, chaque fois qu'il -tait dcouvert, de venir rsipiscence, et -que d'ailleurs sa pension tait trs-bien paye.</p> - -<p>Quand il eut achev sa rhtorique, il revint -auprs de sa bienfaitrice, qui le combla d'loges -pour les progrs extraordinaires qu'il -avait faits dans ses tudes. Mais son inclination -pour le vol, qu'une trop coupable indulgence -n'avait fait que fortifier, ne tarda -pas le faire bannir de cette maison, qui aurait -pu devenir son hritage. Il voulut s'adjuger -une somme qu'un fermier venait d'apporter. -Il fut chass, et courut cacher sa honte -et ses remords Carcassonne, o il entra -chez un ngociant en qualit d'instituteur de -ses enfans. Quelque nouvelle escroquerie le -fora de chercher Bordeaux un asile -contre les ministres de la justice. On ignore -quelle fut la conduite de Bors dans cette ville; -on assure cependant que, souvent inscrit sur -les registres de la police pour des escroqueries, -<span class="pagenum"><a id="Page_111">111</a></span> -il avait, au bout de quelque temps, -trouv propos de se drober aux poursuites -du magistrat. Aprs avoir quitt Bordeaux, -la ville de Toulouse fut le nouveau thtre -qu'il choisit. Ayant trouv accs dans la maison -d'un agent de change trs-estim et trs-riche, -il fut charg de l'ducation de ses fils. -Mais il s'occupait plus du soin de s'enrichir -que de celui d'instruire ses lves; il ne laissait -chapper aucune occasion de puiser dans -le coffre-fort de son patron. Ce mange dura -deux ans sans que l'on pt s'en apercevoir, -la multiplicit des affaires de cet agent de -change empchant de dcouvrir les nombreux -emprunts que Bors faisait clandestinement -sa caisse.</p> - -<p>Celui-ci, devenu, de cette manire, possesseur -de sommes assez considrables, et se -trouvant l'abri du besoin, songea quitter -l'habit ecclsiastique, qu'il n'avait pris que -pour mieux voiler sa conduite; et pour se -donner plus de consistance dans le monde, -il se dcida se faire recevoir docteur en mdecine. -En quittant la famille de l'agent de -change qu'il avait si souvent vol, il fut assez -adroit pour ne laisser que des regrets dans -<span class="pagenum"><a id="Page_112">112</a></span> -cette maison, o il aurait d tre en horreur.</p> - -<p>Le hasard l'avait mis en relation avec un -professeur en mdecine, et il avait acquis -tant d'empire sur l'esprit de cet homme, que -celui-ci voulait lui faire pouser une de ses -parentes. Ce mdecin tait un des amis de -l'agent de change. Ce dernier s'tant aperu -du vol qu'on lui avait fait, n'et jamais souponn -le jeune docteur, sans les nouveaux -larcins que Bors commit l'aide de sa nouvelle -profession. A ces indices il s'en joignit -encore d'autres. Bors conclut de nombreuses -acquisitions, fit construire des btimens considrables, -et afficha dans son ameublement -un luxe impudent.</p> - -<p>L'agent de change, vol si souvent, avait -enfin remarqu que l'on avait profit de son -absence pour puiser dans sa caisse, et que le -frre du mdecin, son ami, qui tait dans la -finance, venait d'prouver un pareil sort, -pendant un court sjour qu'il avait fait la -campagne. Il imagina que le voleur reviendrait -s'il partait pour un nouveau voyage. Il fit -part de son projet celui qui avait t vol -comme lui. Ce dernier ayant got son avis, -il annona aux personnes de sa socit habituelle -<span class="pagenum"><a id="Page_113">113</a></span> -qu'il se disposait partir le lendemain -pour ses mtairies, et il partit en effet, -aprs avoir eu le soin de faire cacher dans -son appartement son fils, le frre du mdecin, -et quelques amis et domestiques. Le -jour suivant, le 1<sup>er</sup> novembre 1779, sur les -six heures du soir, pendant un incendie -qui consumait plusieurs maisons dans le -voisinage, Bors, revtu d'une mauvaise redingote, -fut saisi dans l'intrieur de l'appartement -de l'agent de change, o il s'tait -introduit la faveur de doubles clefs qu'on -trouva sur lui. Accus d'tre l'auteur des vols -qui avaient t faits depuis peu, il en fit l'aveu, -demanda la vie, et offrit de faire cette -condition tout ce qu'on exigerait de lui.</p> - -<p>Interrog sur l'argent qu'il pouvait avoir -en sa possession, il indiqua quelques sacs -dans sa maison neuve, rue Saint-Rome, et -vingt-huit mille livres qu'il avait caches dans -sa maison prs les Jacobins. On trouva aux -endroits dsigns les sommes dclares par -Bors; et l'on fit signer celui-ci, devant un -notaire, un contrat par lequel il vendait tous -ses biens meubles et immeubles l'agent de -change, moyennant un prix qu'il dclarait -<span class="pagenum"><a id="Page_114">114</a></span> -avoir reu. Quand l'officier public se fut retir, -le docteur fripon fut dpouill de sa -bourse et de ses bijoux; on ne lui laissa -que quelques louis, un peu de linge et la -libert, avec menace de le livrer au bras vengeur -de la justice, s'il ne changeait de rsidence.</p> - -<p>Docile ces injonctions, Bors se mit en -route pour Bordeaux. Mais, deux lieues de -Toulouse, il s'arrta dans une auberge, ne -voulut pas souper, et demanda une chambre -o il se retira. Comme cette chambre tait -au-dessus de la cuisine de l'hte, des gouttes -de sang, filtrant travers le plancher mal joint, -frapprent les regards de l'aubergiste: -il se hta de monter chez le voyageur, et le -trouva tendu sans sentiment et baign dans -son sang. Un chirurgien fut appel, et Bors, -par les soins qu'il en reut, ne tarda pas -revenir la vie. Ce malheureux, dans un accs -de dsespoir, s'tait ouvert les quatre -veines.</p> - -<p>Lorsqu'il fut tout--fait rtabli, il continua -sa route jusqu' destination. Arriv Bordeaux, -il s'engagea, en qualit de matelot-chirurgien, -sur une frgate qui devait faire -<span class="pagenum"><a id="Page_115">115</a></span> -voile prochainement pour l'Amrique septentrionale; -mais, au moment de s'embarquer, -il fut arrt, la requte du ministre -public, et conduit Toulouse, o son procs -fut instruit. Il nia constamment les vols dont -on l'accusait, soutint avec une impudence -incroyable qu'il tait innocent, et prit des -lettres de rescision contre le contrat qu'il -avait consenti au profit de l'agent de change.</p> - -<p>Bors rpondit avec la mme effronterie -toutes les questions qui lui furent faites dans -ses divers interrogatoires. Mais les preuves qui -s'levaient contre lui taient accablantes. Il -fut condamn tre pendu, par arrt du parlement, -de Toulouse de juillet 1780. La sentence -fut excute le jour mme. Bors tant -sorti midi et demi du palais, fit appeler -deux porteurs pour se faire conduire la -prison de l'Htel-de-ville. En parcourant les -rues places sur son passage, il considrait -d'un œil serein et fier le peuple qui s'y -portait en foule. A son arrive l'Htel-de-ville, -il paya les porteurs, et leur dit: -<i>Je n'ai que trente sous sur moi, les -voil; j'espre sortir tantt, venez me prendre, -je vous rcompenserai mieux.</i> Des jeunes -<span class="pagenum"><a id="Page_116">116</a></span> -gens dtenus en prison par ordonnance -de police pour une lgre dispute, l'invitrent - dner. S'tant mis table, il mangea peu, -se leva avant la fin du repas, et envoya chez -le greffier de la gele. Un instant aprs, il fut -appel et conduit, sans le savoir, la chambre -de la question, o son arrt lui fut prononc. -Il ne profra pas une seule parole: -mais, saisi tout--coup par un violent dsespoir, -il s'lana contre le coin d'une chemine, -la tte la premire, et s'y fit une ouverture -auprs d'une des tempes. Son sang ayant -ruissel aussitt, un chirurgien pansa la plaie. -On se hta d'excuter l'arrt, dans la crainte -de n'en avoir pas le temps. Lorsqu'on le conduisit -au lieu du supplice, son visage tait -altr, ses yeux hagards, son front dfigur, -et couvert du sang qu'il perdait en abondance. -La comparaison du sort affreux que ce malheureux -allait prouver, avec celui dont il -aurait d jouir, s'il et voulu respecter les -lois de la probit, inspirait une vritable -compassion pour lui.</p> - -<p>Descendu de la charrette, il marcha d'un -pas tranquille vers la potence; avant d'y -monter, il rpondit aux commissaires qui lui -<span class="pagenum"><a id="Page_117">117</a></span> -avaient demand s'il n'avait aucune dclaration - faire, qu'il n'en avait point; mont, -il se tourna vers l'excuteur, et le pria de -terminer <i>la tragdie le plus promptement -possible</i>: <i>Faites-moi le plaisir</i>, lui dit-il, -<i>mon ami, de faire vite; il me tarde que ceci -soit achev</i>. Il se prcipita ensuite lui-mme..... -Son cadavre fut accord au collge de chirurgie, -qui l'avait demand; mais les restes du -docteur pendu n'taient plus le lendemain - l'amphithtre de Saint-Cme; la serrure -de la porte avait t force; et le tronc, sans -tte, fut trouv, quelques jours aprs, dans -le canal royal de Languedoc. On attribua cet -enlvement aux tudians en mdecine.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_118">118</a></span></p> - -<h2>MARIE GLIBERT,<br /> -<span class="large">ACCUSE D'AVOIR POIGNARD SON MARI.</span></h2> - -<p>Une femme qui ose lever le poignard de -l'assassin sur son mari est un monstre que -la justice doit immoler la nature et l'humanit -outrags. Mais plus un attentat pareil -inspire d'horreur, plus on doit se montrer difficile -sur les preuves d'un forfait aussi atroce.</p> - -<p>De simples prsomptions, de lgers indices -ne doivent point suffire; il faut des preuves -videntes.</p> - -<p>Marie Glibert, ne dans la classe ouvrire, -eut quatre enfans d'un premier mariage qui -avait t aussi heureux que possible, au sein -du travail et de la mdiocrit. Reste veuve - l'ge d'environ quarante ans, et ses enfans -tant encore fort jeunes, elle chercha un nouvel -appui dans un second mariage, et crut -faire son bonheur et celui de sa famille en -accordant sa main Eustache Allier.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_119">119</a></span> -Cette pauvre femme fut cruellement trompe -dans son esprance. Cet Allier tait d'un -naturel froce et pervers. D'abord soldat, et -puis dserteur, il s'tait rendu bientt redoutable -dans toute la contre. Connu pour tre -capable de tout entreprendre et de tout oser, -on le fuyait comme un homme extrmement -dangereux. Il tait sans cesse en querelle, et -cette conduite lui avait attir un grand nombre -d'ennemis.</p> - -<p>Marie Glibert eut beaucoup souffrir des -emportemens de cet homme violent. Il la maltraitait -continuellement. Mais toujours patiente -et porte la douceur, Marie Glibert -se contentait de reprsenter son mari, avec -autant de mnagement qu'il tait possible, -l'injustice de ses procds et de sa mauvaise -conduite. Mais cette douceur ne pouvait -dsarmer l'humeur violente d'Allier. Il brisa -tout ce qui se trouva sous ses mains, il excda -sa femme et ses enfans; et, aprs -avoir enlev tout ce qu'il pouvait transporter, -il disparut de Montbasin.</p> - -<p>Marie Glibert crut avoir acquis le repos, -la sret de sa vie et celle de ses enfans qu'elle -nourrissait du travail de ses mains. Mais elle -<span class="pagenum"><a id="Page_120">120</a></span> -n'tait point arrive au terme de ses maux. -Allier l'avait quitte en lui jurant, avec les sermens -les plus terribles, de lui arracher la vie -ainsi qu' trois de ses enfans.</p> - -<p>Une nuit, Marie Glibert dormait tranquillement -au milieu de ses enfans, lorsqu'elle -est veill par le bruit de sa fentre, que l'on -s'efforce d'enfoncer; elle crie, les voisins accourent, -Allier s'enfuit.</p> - -<p>Cette premire tentative est bientt suivie -d'une seconde. Le 11 octobre 1777, il se rend - Montbasin, va droit la maison de Marie -Glibert, entre sans tre aperu, s'lance sur -sa femme avec fureur, la saisit au cou, et fait -des efforts pour l'trangler. Aux cris de Marie -Glibert, son fils an, g de quatorze ans, -monte la chambre, voit sa mre succombant -sous les coups de son beau-pre. Il veut la secourir; -Allier renverse sa femme presque mourante, -se jette sur l'enfant, le serre entre ses -bras afin de l'touffer, et tombe avec lui. Les -voisins accourent au bruit, arrachent l'enfant -tendu sous Allier, et emmnent ce dernier.</p> - -<p>Le lendemain, Marie Glibert apprend avec -tonnement que son mari est mort de plusieurs -<span class="pagenum"><a id="Page_121">121</a></span> -blessures; qu'tienne Allier, son frre, -a rendu plainte en fait d'assassinat contre des -personnes qu'il ne voulait pas nommer. Sre de -son innocence, elle ne pense pas que la procdure -puisse tre dirige contre elle. Dans -cette trompeuse scurit, elle est enleve par -des cavaliers de la marchausse, qui la conduisent -dans les prisons de Montpellier.</p> - -<p>Marie Glibert, interroge, rpond toutes -les questions avec cette navet et cette fermet -qui accompagnent presque toujours l'innocence. -On la confronte avec les tmoins. -Tous jurent ne lui avoir pas vu donner des -coups de couteau Allier. Quelques-uns disent -l'avoir vue sortir ensanglante de sa maison, -aprs l'action qui s'y tait passe, mais -ils ne s'accordent pas sur quelques dtails. -D'autres affirment que son mari, avant de -mourir, l'a dsigne comme l'auteur de son -meurtre; mais ces derniers se contredisent -mutuellement, et sont dmentis par un seul -tmoignage digne de foi.</p> - -<p>Nanmoins, aprs la consommation des procdures, -et malgr cette absence totale de -preuves, la malheureuse Glibert fut condamne, -par le premier juge, tre pendue.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_122">122</a></span> -Sur l'appel de cette sentence, l'infortune -fut transfre dans les prisons de Toulouse; -et aprs de nouvelles angoisses, de nouveaux -tourmens, son innocence triompha devant le -parlement de cette ville, qui, par arrt du 4 -septembre 1780, infirma la sentence du premier -juge, et mit l'accuse hors de cour.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_123">123</a></span></p> - -<h2>BOUCHER,<br /> -<span class="large">OU L'ASSASSIN DE SEIZE ANS.</span></h2> - -<p>Un jeune homme g de seize ans, nomm -Boucher, aprs avoir t domestique, voulut -apprendre le mtier de perruquier, et se plaa, - cet effet, comme apprenti, dans une boutique -situe aux environs du Palais-Royal. Il parat -que Boucher avait le malheur d'tre trs-enclin -au libertinage. Il entretenait, par consquent, -de frquentes relations avec les filles -publiques.</p> - -<p>Le 13 novembre 1780, tant mont dans -la chambre d'une de ces cratures qu'il avait -rencontre dans la rue Saint-Denis, cette fille -exigea trois livres pour prix de sa complaisance. -On pense que cette convention faite -au pied de l'escalier fut remplie sans humeur, -et que le jeune libertin se retira sans contestation.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_124">124</a></span> -Le lendemain au soir, Boucher passant encore -dans la rue Saint-Denis, aperut sa sirne -de la veille; il l'aborda et parla quelque -temps avec elle. Dans ce moment, une des -compagnes de cette fille passe auprs d'eux; -Boucher lui propose de monter chez elle; celle-ci -accepte la proposition. Arriv dans sa chambre, -il offre la fille la somme qu'il avait -offerte la veille sa camarade, condition -qu'elle quitterait ses vtemens. Cette condition -est accepte l'instant mme.</p> - -<p>Mais Boucher ayant vu cette fille accrocher -une montre d'or sa chemine, conut, ce -qu'il parat, le projet de la lui drober. Ds -qu'il eut assouvi sa brutale passion, il se saisit -d'un rasoir qu'il portait dans une des poches -de sa culotte, et en porta plusieurs coups - cette fille, faisant tous ses efforts pour l'atteindre -au cou; heureusement que celle-ci -avait une cravate trs-paisse. Ds qu'elle se -sentit blesse, elle se dbattit, et parvint -arracher le rasoir des mains de son assassin; -et, quoique dj mutile, elle eut encore assez -de force pour ouvrir sa fentre et jeter le -rasoir ensanglant dans la rue, en criant <i> -l'assassin</i>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_125">125</a></span> -Alors Boucher, furieux, hors de lui-mme, -prit son couteau et en porta plusieurs coups - la victime de sa barbarie et de sa cupidit. -Mais ne pouvant parvenir lui donner la -mort, et entendant du bruit, il ouvrit la porte, -se disposant fuir, lorsqu'il fut arrt par -deux hommes qui taient monts aux cris de -la fille assassine, et la vue du rasoir tomb -dans la rue. Le sclrat, en fuyant, avait encore - la main son couteau ensanglant. Au -tumulte qu'excita un pareil vnement, la -garde accourut, et trouva la fille baigne dans -son sang et prs d'expirer. On la conduisit -aussitt l'Htel-Dieu, pour lui administrer -les secours qu'exigeaient ses blessures.</p> - -<p>Le corps du dlit tait constant, et les preuves -de l'assassinat taient videntes. Cependant -l'assassin eut l'audace de soutenir qu'il n'tait -pas coupable: il nia que le couteau lui appartnt, -et qu'on l'et rencontr son couteau - la main. Il ajoutait que c'tait la fille qui -avait voulu se tuer elle-mme, et que le rasoir -trouv dans la rue tait sous le chevet de son -lit. On le confronta avec la fille l'Htel-Dieu, -et il persista lui soutenir qu'elle-mme s'tait -mutile.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_126">126</a></span> -Mais le rasoir ayant t reconnu pour appartenir - Boucher, et les deux personnes qui -l'avaient arrt dans l'escalier lui ayant t -confrontes, Boucher fut convaincu de l'assassinat -dont il tait accus.</p> - -<p>Aussi, par sentence rendue le 22 novembre, -c'est--dire huit jours aprs son crime, -Boucher fut condamn au supplice des assassins.</p> - -<p>Sur son appel, le parlement le condamna - tre rompu vif en place de Grve, et expirer -sur la roue, par arrt du premier dcembre -1780, et le mme jour Boucher fut -excut.</p> - -<p>Tous les pres de famille, en apprenant le -supplice de ce jeune sclrat, doivent trembler -en pensant aux suites effrayantes de -la dbauche. tre capable de commettre, -l'ge de seize ans, un crime aussi atroce que -celui dont nous venons de tracer, en frmissant, -l'horrible tableau; quelle preuve plus -forte de la dpravation des mœurs et de la -ncessit de veiller sur le dpt prcieux de -la morale publique!</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_127">127</a></span></p> - -<h2>LA BERGRE AUVERGNATE.</h2> - -<p>En gnral, la frivolit des hommes leur -fait passer lgrement sur des crimes qui introduisent -le dsordre et la dsorganisation -dans le corps social. Cette indulgence funeste -qui porte rire, plaisanter sur des matires -essentiellement srieuses, puisqu'il s'agit du -bonheur ou du malheur d'une foule d'individus, -ne dpose nullement en faveur de la -moralit de ceux qui en font parade en toute -circonstance. Que prouve cette indiffrence, -si gnralement rpandue, en matire d'adultre, -sinon que nous sommes parvenus un -tel tat de corruption, que nous nous en apercevons - peine; ou si nous y pensons quelquefois, -comme par ressouvenir, c'est pour -vertuer notre malignit contre le voisin, qui -souvent se trouve en fonds pour nous rendre -la pareille, avec intrts.</p> - -<p>Parmi les nombreux dlits dont le libertinage -<span class="pagenum"><a id="Page_128">128</a></span> -est la source, le viol est aussi le point -de mire des sarcasmes et des quolibets de ces -messieurs. Le viol est impossible, s'crient-ils; -et ils proclament hautement cette opinion -insultante pour tout le sexe, qu'une femme -n'a jamais t viole que lorsqu'elle l'a bien -voulu. Comme si l'on ne devait pas tenir -compte des circonstances qui souvent prcdent -et accompagnent ce crime!</p> - -<p>Heureusement le moraliste et le lgislateur, -moins frivoles que les masses des nations, -ont vu cette question de haut, ont reconnu -qu'elle tait inhrente aux bases de la socit, -qu'elle intressait singulirement la flicit -des familles, et qu'il importait par consquent -de l'entourer de toute la protection -des lois. Aussi le viol, lorsqu'il est attest par -des preuves irrcusables, conduit l'chafaud -le forcen qui s'en est rendu coupable.</p> - -<p>Une jeune fille, nomme Jeanne Delaste, -habitait avec sa famille un village de la paroisse -d'Auzon, dans le voisinage de la ville -de Riom en Auvergne. Jeanne tait doue -d'une beaut remarquable, et la fracheur de -la jeunesse ajoutait encore l'clat des charmes -de sa figure. Quoique jeune et dans l'ge -<span class="pagenum"><a id="Page_129">129</a></span> -des faiblesses du cœur, elle avait conserv sa -vertu, et tous les villageois des environs la -citaient comme un exemple de sagesse.</p> - -<p>Depuis long-temps un jeune homme, fils -d'un laboureur de la mme paroisse, nomm -Benot Bard, s'attachait ses pas, et l'obsdait -de ses galantes poursuites. N'ayant pu, -malgr tous ses soins, sduire l'objet de ses -dsirs, ce jeune homme, n avec des passions -vives et brutales, rsolut d'employer la violence -pour triompher de Jeanne Delaste. Sachant -que cette jeune fille conduisait le troupeau -confi sa garde dans un pacage loign -de toute habitation, il saisit un moment -o les champs voisins taient absolument -solitaires pour consommer son crime.</p> - -<p>Renonant aux manires caressantes, aux -propos doucereux l'usage des amans, ce -jeune dbauch aborde sa victime avec un -air menaant. Il lui dit, en profrant les juremens -les plus affreux, qu'il va lui donner la -mort si elle ne consent sur l'heure couronner -ses dsirs. La bergre n'est point effraye de -ses menaces; elle dfend sa vertu avec courage; -elle se dclare prte souffrir plutt la -mort que le dshonneur. Irrit de tant de rsistance, -<span class="pagenum"><a id="Page_130">130</a></span> -Benot Bard saisit Jeanne Delaste, -la terrasse, et l'accable de coups. L'infortune -ayant alors perdu l'usage de ses sens, le villageois -brutal assouvit sa froce passion. Aussitt -que Jeanne fut revenue elle-mme, elle -fit retentir l'air de ses cris. Des laboureurs -accoururent, et trouvrent le sclrat qui insultait -encore la victime de sa brutalit. Indigns -d'une conduite aussi odieuse, ils accompagnrent -la malheureuse bergre chez -le magistrat, vengeur naturel de l'innocence -outrage. A l'instant mme plainte fut rendue -contre le coupable. Sur l'information, Benot -Bard fut dcrt de prise de corps, et d'aprs -les preuves qui en rsultrent, les juges de -la snchausse de Riom le condamnrent -tre pendu.</p> - -<p>Par arrt du 19 avril 1780, la sentence -des premiers juges fut confirme, et Benot -Bard fut envoy Riom pour y subir la peine -qu'avait mrite son crime.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_131">131</a></span></p> - -<h2>FAMILLE D'ASSASSINS.</h2> - -<p>En 1779, les environs de Saint-Calais, petite -ville du Maine, furent le thtre d'un -forfait dont les circonstances font frmir.</p> - -<p>Catherine Emonnet, ne de parens qui -vivaient du fruit de leur travail, fut marie -trs-jeune un laboureur de la paroisse de -Conflans, aux environs de Vendme. Cette -union fut trs-malheureuse. La jeune femme -manifesta, dans une foule de circonstances, -une aversion trs-prononce pour son mari, -et la mort subite de ce dernier fit mme natre -des soupons sur la cause qui l'avait produite. -Le malheureux laboureur qui avait -pous Catherine Emonnet mourut dans des -tortures semblables celles d'une personne -empoisonne; mais on ne rechercha pas les -causes de ce trpas inopin, et si le crime -y eut part, ce forfait resta enseveli avec la -victime.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_132">132</a></span> -Avec les dispositions qui viennent d'tre signales, -Catherine Emonnet fut bientt console -de la perte de son mari. Devenue plus -riche par cet vnement, elle fut recherche -par plusieurs partis. Laurent Morgue, ancien -laboureur, jouissant d'une honnte aisance -et d'une bonne rputation, obtint, malheureusement -pour lui, la prfrence sur ses -comptiteurs. Cet homme tait beaucoup -plus g que la jeune veuve. Celle-ci, en consentant - l'pouser, n'tait guide que par -des vues d'intrt.</p> - -<p>Le mariage fut peine consomm, que -Laurent Morgue, par suite des mauvais procds -qu'il prouvait dj de la part de Catherine -Emonnet, eut lieu de se repentir du choix -qu'il venait de faire. Il parat que, ds les premiers -jours de son mariage, ce monstre avait -conu le projet de se dfaire de ce nouvel -poux qui lui inspirait autant d'aversion que -son devancier. Mais elle ne confia son projet - personne.</p> - -<p>Ce qui est certain, c'est que Laurent Morgue, -aprs avoir mang une soupe que sa femme lui -avait apprte, avant qu'il ne partt pour se -rendre quatre lieues de chez lui, fut trouv, -<span class="pagenum"><a id="Page_133">133</a></span> -dans un foss, expirant des douleurs d'une colique -horrible. Heureusement un chirurgien, -passant cheval, s'arrta, et ayant reconnu -tous les symptmes du poison dans la maladie -de cet homme, vola aussitt la ville -voisine et en rapporta du contre-poison qui -sauva la vie ce malheureux.</p> - -<p>En rflchissant sur la cause de cet accident, -Morgue ne put se dissimuler que sa femme -avait voulu attenter ses jours. Il aurait pu -sans doute dnoncer le crime et livrer son -auteur la justice, mais un reste d'affection -pour cette misrable le retint, et le dtermina - garder le silence. Il se contenta de prendre -toutes les prcautions possibles pour se soustraire -au danger qu'il avait couru; et il exigea -que sa femme manget la premire, et en -sa prsence, de tous les alimens qu'elle apprtait. -Quelle position que celle d'un mari -rduit prendre de pareilles prcautions!</p> - -<p>Catherine Emonnet, se voyant prive des -moyens abominables qu'elle avait employs -pour donner la mort son mari, confia son -pre et sa mre le nouveau projet qu'elle -avait conu pour parvenir ses fins. Il fallait -bien qu'elle comptt sur la sclratesse de ses -<span class="pagenum"><a id="Page_134">134</a></span> -parens, pour leur faire une semblable ouverture. -Ceux-ci, au lieu d'user de leur autorit -pour dtourner leur fille de ses excrables -desseins, ourdirent, de concert avec elle, le -complot de faire assassiner leur malheureux -gendre par une main trangre.</p> - -<p>Il ne s'agissait que de trouver un homme -capable d'excuter le plan qu'ils avaient conu. -Un mauvais sujet, nomm Jusseaume, qui -ne travaillait que pendant la moisson, et qui, -le reste de l'anne, mendiait pour subsister, -leur parut propre leur criminelle entreprise. -Ils attirrent ce vagabond dans leur maison, -le prparrent leur horrible confidence par -des caresses et des cajoleries de toute espce. -La misre, surtout lorsqu'elle est le rsultat -de la paresse, est facile sduire. Cependant - la premire proposition qu'on lui fit de tuer -Morgue, Jusseaume recula d'horreur et rejeta -avec indignation les promesses de rcompense -des poux Emonnet.</p> - -<p>Mais Catherine Emonnet, qui tait doue -d'une figure agrable, voyant que l'argent seul -ne suffirait pas pour dterminer Jusseaume, -lui proposa de lui donner sa main s'il voulait -tre l'assassin de son mari. Cette offre sduisit -<span class="pagenum"><a id="Page_135">135</a></span> -Jusseaume, et dtruisit tous ses scrupules.</p> - -<p>Ce pacte infernal tant conclu, on n'attendait -plus que le moment favorable pour -commettre le crime. Emonnet et sa femme -donnrent un fusil Jusseaume, et Catherine -lui fournit de l'argent pour acheter des balles -et de la poudre.</p> - -<p>Le 10 juin 1779, Morgue tant all Saint-Calais -pour ses affaires, sa femme avertit Jusseaume -de l'attendre son retour, et le conjura -de donner la mort un poux qu'elle -avait en horreur. Le trop faible et trop criminel -Jusseaume obit cet ordre barbare. -Il s'aposta sur le chemin de Morgue, l'attendit, -lui tira un coup de fusil ds qu'il l'aperut, -et prit la fuite.</p> - -<p>Morgue fut dangereusement bless au visage; -mais sa blessure n'tait pas mortelle. Il fut -trouv sans connaissance et baign dans son -sang; on le transporta dans l'auberge la plus -voisine, o l'on s'empressa de lui administrer -les secours que rclamait son tat.</p> - -<p>Cependant l'assassin se hta d'aller rendre -compte Catherine Emonnet de ce qu'il venait -de faire; et cette femme atroce fut entendue -lui criant de loin: <i>Est-il mort?</i></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_136">136</a></span> -Le bruit de cet assassinat s'tant rpandu, -le ministre public rendit plainte et fit informer. -Jusseaume, Catherine Emonnet, son -pre et sa mre furent arrts peu de temps -aprs, et, par sentence du 2 juin 1780, furent -condamns, savoir: Jusseaume tre rompu -vif, Catherine Emonnet, son pre et sa mre, - assister au supplice de Jusseaume, et tre -pendus.</p> - -<p>Sur l'appel de cette sentence, le parlement, -par un premier arrt du 3 aot 1780, confirma -la sentence l'gard de Jusseaume, et -sursit jusqu'aprs son excution prononcer -sur l'appel de ses complices. Un second -arrt, du 12 octobre 1780, condamna ces derniers - faire amende honorable, et tre ensuite -conduits sur la place publique de Saint-Calais, -o Catherine Emonnet fut brle vive, -son pre rompu et sa mre pendue; leurs -corps furent jets dans le mme bcher pour -y tre rduits en cendres. Quant Morgue, -il survcut sa blessure; la dot et tous les -droits de communaut qui appartenaient -sa femme lui furent adjugs, et il obtint une -rente viagre de cinquante livres sur les biens -des coupables.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_137">137</a></span></p> - -<h2>ACCUSATION D'ASSASSINAT<br /> -<span class="large">MAL FONDE.</span></h2> - -<p>Quelques prcautions que l'on prenne, -avec quelque circonspection que l'on agisse, -quelqu'innocent que l'on soit de toute espce -de crime, on n'est point assur d'tre -toujours l'abri de toute accusation. Une -circonstance trange se prsente; un crime -est commis; votre innocence est prouve, -avre; il n'en faut pas moins comparatre sur -le banc des accuss, et vous rsigner, du moins -pour un moment, tre souponn d'un -lche assassinat.</p> - -<p>Le jeune chevalier de Mercier, peine g -de dix-huit ans, ne put prendre part aux divertissemens -du carnaval de 1781, tant, cette -poque, trs-souffrant d'un rhume pnible -et opinitre. Tout ce qu'il put se permettre -fut d'aller, le lundi gras, assister aux danses -<span class="pagenum"><a id="Page_138">138</a></span> -d'une troupe de jeunes gens rassembls chez -le sieur Alibert, Aulas. Mais il se retira -neuf heures du soir, rentra chez lui, et se -coucha. Une servante qui tait venue bassiner -son lit, ne sortit que quand elle l'eut vu couch, -emporta la lumire, et ferma la porte de -sa chambre. La servante, tant sur la premire -marche de l'escalier, entendit tirer un -coup de fusil et la voix d'une personne qui -criait au secours. Elle voulait sortir par curiosit, -mais elle en fut empche par la tante -du chevalier, qui craignit que des gens masqus, -qu'elle croyait les auteurs de ce coup, -ne fissent peur cette fille.</p> - -<p>De son lit, le sieur Mercier entendit aussi -le coup de fusil, mais il imagina, comme beaucoup -d'autres personnes, que cette dtonation -isole tait la suite de la dissipation des jours -gras.</p> - -<p>Point du tout: un lche assassinat venait -d'tre commis de guet-apens sur la personne -du sieur Boisson; et ce qu'il y a de plus extraordinaire, -c'est que le chevalier de Mercier -fut accus de ce crime. Il parat que le -sieur Boisson, dans le dlire qui tait rsult -de sa blessure, avait dit qu'il avait reconnu -<span class="pagenum"><a id="Page_139">139</a></span> -le coupable, que c'tait le chevalier de Mercier, -etc., etc. Cette dclaration du bless circula -dans le public. Le procureur-fiscal s'en empara, -et rendit seul plainte le 9 mars 1781. -Le chevalier de Mercier, de son ct, forma -une action criminelle dirige contre le sieur -Boisson, pour cause de diffamation, et sa -plainte fut porte au tribunal le 27 mars. -Alors le sieur Boisson devint directement accusateur, -et continua en son nom la procdure -entame.</p> - -<p>Quel pouvait tre le motif de cette accusation -calomnieuse? On prsuma que la conduite -de Boisson tait le rsultat d'une rixe qui -avait eu lieu entre le chevalier et lui.</p> - -<p>Le chevalier de Mercier et le sieur Boisson -taient assis sur la banquette de la maison -du sieur Huls. Ils se donnent, <i>en badinant</i> -un dfi; il s'agissait d'prouver lequel des -deux serrerait le mieux la main de l'autre; -en consquence, ils joignirent leurs mains -plusieurs reprises, et les serrrent, toujours -en badinant. Je parie, dit Boisson, que je -serai assez fort pour vous <i>fouetter</i>.—Le chevalier -de Mercier prit ce propos en badinant.—<i>Quand -on est si fort</i>, dit-il, <i>on ne se laisse -<span class="pagenum"><a id="Page_140">140</a></span> -pas menacer de coups de fouet</i>. Le sieur Boisson -tait tout mu de colre, et proposait au -chevalier d'entrer chez le sieur Huls, apparemment -pour se laisser fouetter. Si vous en -avez une si grande envie, repartit le chevalier, -faites-le l'endroit o nous sommes, sans -entrer chez le sieur Huls.</p> - -<p>Il y avait neuf mois que cette petite rixe -s'tait passe; et rien n'avait annonc qu'elle -dt avoir des suites fcheuses. Mais pourquoi -Boisson dnonait-il le chevalier comme son -assassin, tandis qu'il savait bien qu'il avait -un assez grand nombre d'ennemis particuliers - Aulas, parce qu'il passait pour rendre -compte au seigneur des personnes qui allaient - la chasse ou la pche?</p> - -<p>Quoiqu'il en soit, le chevalier de Mercier fut -arrt, et le parlement de Toulouse fut saisi -de la cause. Le procs ne fut termin qu'au -mois de fvrier 1782; et hommage fut rendu - l'innocence du chevalier de Mercier; il fut -dcharg de l'accusation, et Boisson condamn -aux dpens, titre de dommages-intrts -et par corps.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_141">141</a></span></p> - -<h2>LE PAUVRE TAILLEUR<br /> -<span class="large">VICTIME DE SA BIENFAISANCE.</span></h2> - -<p>Un pauvre tailleur, occupant une chambre -dans la rue de Clry Paris, eut le malheur -de faire connaissance avec un individu qui -cachait son vritable nom sous ceux de Nicolas -Grard. Touch de la misre de cet -homme, il eut la bont de lui donner l'hospitalit. -Un tel acte d'humanit, de la part -d'un ouvrier qui n'avait pour tout bien que -son aiguille, devait-il tre pay par le plus -horrible forfait?</p> - -<p>Le 6 janvier 1781, sur les six heures du -soir, Grard et deux autres hommes furent -rencontrs dans l'escalier, emportant les meubles -de Herse (c'tait le nom du tailleur). Le -propritaire de la maison ayant t averti, fit -arrter Grard et ses compagnons, et les fora -de remettre les meubles dans la chambre o -ils les avaient pris.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_142">142</a></span> -Des traces de sang qui furent aperues dans -cette chambre donnrent naissance des soupons. -On fit des recherches, et l'on trouva -sous l'tabli du tailleur un cadavre dont la -tte avait t coupe, et qui fut reconnu pour -tre celui de l'infortun Herse. Grard et -ses deux affids furent aussitt conduits en -prison.</p> - -<p>Grard, pour chapper au supplice que -mritait son crime, imagina une fable grossire -avec laquelle il croyait en imposer aux -juges. Il dclara que le propritaire de la -maison ayant donn cong Herse, pour le -terme de janvier, et ce tailleur n'ayant pas -d'argent pour payer son loyer, mais esprant -en recevoir d'un de ses dbiteurs qui demeurait - Versailles, tait parti pour cette ville le -3 janvier, ds le matin, en le chargeant, lui -Grard, de vendre les meubles et effets pour -payer son terme, si toutefois il n'tait pas de -retour avant l'chance.</p> - -<p>Grard avoua que le tailleur lui avait laiss -la clef de sa chambre en partant, et qu'il n'avait -pas cess de coucher dans cette chambre. -Malgr ces aveux, il continua nanmoins -nier qu'il ft l'auteur de l'assassinat. Il persista -<span class="pagenum"><a id="Page_143">143</a></span> -galement soutenir la fable du voyage -de Versailles, affirmant qu'il ignorait le retour -de Herse Paris, quoique celui-ci ne pt -rentrer dans la chambre qu'avec la clef qu'il -lui avait remise lui Grard, attendu qu'il -n'en avait pas d'autre. Il y en avait bien une -double, mais elle tait entre les mains du -propritaire. Ainsi les mensonges de Grard -taient videns.</p> - -<p>L'audace de ce sclrat aurait pu rpandre -des doutes sur la vrit, s'il n'y et pas eu -contre lui une runion de circonstances qui -prouvaient son imposture; mais les faits certains -et avous qu'il avait t seul dtenteur -de la clef de la chambre, qu'il y avait toujours -couch, qu'il avait voulu enlever de -nuit et furtivement les meubles; la disparition -de Herse du 3 au 6; enfin le cadavre et -les traces de sang trouves dans la chambre, -qui n'avait t occupe que par Grard, ne -laissaient rien dsirer pour convaincre cet -assassin de son crime. On dcouvrit aussi qu'il -avait dj figur dans plusieurs procs criminels -sous des noms diffrens. Il portait sur -l'paule l'empreinte des lettres G. A. L., qui -ne permettait pas de douter de son infamie, et -de l'habitude qu'il avait du crime. Il ne se -<span class="pagenum"><a id="Page_144">144</a></span> -bornait pas changer de nom; il cachait encore -sa profession. On assure qu'il tait coiffeur; -cependant, dans son dernier procs, -il dclara qu'il tait manœuvre de maon.</p> - -<p>Le seul dsir de s'emparer des effets de -Herse avait port ce monstre assassiner son -bienfaiteur. On apprit aussi que Grard entretenait -un commerce criminel avec une de -ces viles prostitues, qui ne portent que -trop souvent au crime ceux qui partagent -leur dbauche, et l'on prsuma que c'tait -pour fournir aux besoins de cette malheureuse -que Grard avait fait prir le pauvre -Herse.</p> - -<p>Le parlement, suffisamment clair et convaincu, -par arrt du 3 fvrier 1781, condamna -Grard tre rompu vif.</p> - -<p>Ce sclrat montra une audace et une -constance incroyables pendant la question, -qui ne lui arracha aucun aveu. Il conserva -la mme contenance pendant son supplice. -Mais on assure qu'il dclara extra-judiciairement -qu'il tait coupable du crime pour -lequel on l'avait condamn; que s'il n'en -faisait pas l'aveu la justice, et que s'il persistait - cacher son nom, <i>c'tait pour ne pas -faire tort sa famille</i>.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_145">145</a></span></p> - -<h2>USURIER PUNI.</h2> - -<p>L'usure est une des plaies de la socit. Cette -espce de crime est d'autant plus dangereuse -qu'elle parvient le plus souvent se soustraire - la vigilance des tribunaux; et il n'arrive -que trop frquemment que la cupidit, -dvore par la soif de l'or, se fasse un jeu de -fouler aux pieds les droits les plus sacrs de -l'humanit pour lever une fortune scandaleuse -sur les ruines des malheureuses victimes -de ses extorsions.</p> - -<p>Vainement Molire, notre pote philosophe -par excellence, a flagell de ridicule ces vils -prteurs; vainement les lois civiles et canoniques -les ont menacs des peines les plus -infamantes; vainement l'opinion publique les -montre au doigt, et leur imprime sur le front -le sceau de l'ignominie; rien ne peut mettre -un frein leur rapacit; il semble que l'audace -de leurs mfaits tnbreux prenne -<span class="pagenum"><a id="Page_146">146</a></span> -tche d'augmenter en raison de la svrit -des lois portes contre eux, en raison de l'horreur -universelle qu'ils inspirent.</p> - -<p>Toutes les ruses sont leur usage pour -luder les dispositions des lois qui peuvent -les atteindre. Il est bon de connatre leur manire -d'oprer pour ne pas se laisser prendre - leurs piges, et pour les dvoiler au besoin. -Les usuriers sont de vritables Protes qui -ont l'art de se rendre presque insaisissables, - l'aide des nombreuses mtamorphoses qu'ils -savent prendre volont. Tantt ils ont vendu - crdit des marchandises ou d'autres effets -mobiliers un prix excessif, comme on peut -le voir dans la comdie de <i>l'Avare</i>; ils les ont -ensuite fait racheter vil prix par des proxntes, -par des courtiers ou par des agens -subalternes, qui vont clandestinement la recherche -des gens qui sont dans la gne, ou -des jeunes gens de famille qui manquent d'argent, -et les conduisent ensuite ces bienfaiteurs -prtendus qui renchrissent leurs services -en proportion de la dtresse qu'prouvent -ceux qui les sollicitent. Tantt ils prennent, -sous le nom d'un tiers, des gages d'une -grande valeur, en nantissement de sommes -<span class="pagenum"><a id="Page_147">147</a></span> -modiques qu'ils prtent; et le plus souvent -mme, l'poque convenue pour le remboursement, -il arrive que le tiers a disparu; ils -ont l'effronterie de faire rpondre que les -effets ont t vendus, comme si le dlai du -prt tait dj expir. D'autres fois, ils acquirent -des immeubles vil prix, et font -porter dans le contrat de vente le prix de la -lgitime valeur; ou bien ils extorquent des -obligations sans numration relle. D'autres -fois encore, ils stipulent leur profit, pour -une somme lgre, des rentes en espces, -dont la valeur excde le produit lgitime du -capital.</p> - -<p>On pourrait citer une foule d'autres traits -de leur dpravation. Ceux-ci suffiront pour -donner l'veil. D'ailleurs leur imagination est -si inventive, qu'il serait difficile de faire connatre -tous les hideux ressorts qu'elle peut -faire mouvoir.</p> - -<p>Les plus grandes nations de l'antiquit, les -Grecs, les Romains, avaient en horreur l'usure -et les usuriers. On les regardait comme -des pestes publiques; et de svres lois en faisaient -justice quand ils taient convaincus. -En France, la loi ne les pargne pas davantage. -<span class="pagenum"><a id="Page_148">148</a></span> -Plusieurs de nos rois ont rendu des ordonnances -rpressives de l'usure. Les tribunaux -ont eu plusieurs fois occasion d'appliquer -les peines svres prescrites par ces lois -et ordonnances. Mais ces exemples, on peut -en juger par ce qui se passe tous les jours -sous nos yeux, n'ont jamais eu l'heureux pouvoir -de prvenir un seul de ces crimes si nombreux.</p> - -<p>Le parlement de Toulouse rendit, en 1781, -un arrt infamant contre un de ces hommes -abjects qui n'coutant qu'un dsir effrn -d'acqurir rapidement de grandes richesses, -se mettent peu en peine de l'honntet des -moyens qu'ils emploient, et du nombre des -infortuns qu'ils ruinent.</p> - -<p>Cet homme, nomm Franois-Fournier Rabisson, -marchand de Font-Avines, se faisait -un plaisir de prter de l'argent toutes les personnes -qui avaient recours sa bourse. Il ne -demandait pas plus de soixante pour cent d'intrts. -Seulement il exigeait en outre que l'on -ft un cadeau sa femme, titre d'pingles, -en faveur de la ngociation. De plus, il demandait, -et cela par pure forme de procd -de courtoisie, que l'emprunteur donnt un -<span class="pagenum"><a id="Page_149">149</a></span> -repas, raison de trois livres par tte, dans -la meilleure auberge du lieu de sa rsidence; -en sorte que celui qui avait besoin d'une -somme relle de trois cents livres, tait oblig, -pour satisfaire aux obligations prescrites, de -consentir une lettre de change ou un billet -de quatre cent quatre-vingt-dix-huit livres, -selon le calcul qui suit:</p> - -<table id="repas" summary="comptes"> - <tr> - <td class="tdl">Argent compt</td> - <td class="tdr">300</td> - <td class="tdl">livres.</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdl">Bnfice</td> - <td class="tdr">180</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdl">Cadeau sa femme</td> - <td class="tdr">9</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdl">Repas de trois personnes</td> - <td class="tdr">9</td> - </tr> - <tr> - <td colspan="2" class="tdr">——</td> - </tr> - <tr> - <td class="tdl"><span class="i3 smcap">Total</span></td> - <td class="tdr">498</td> - <td class="tdl">livres.</td> - </tr> -</table> - -<p>Par ce calcul, fait sur une petite chelle, -on peut facilement se faire une ide des bnfices -que l'honnte Rabisson retirait de -prts plus considrables. Il jouissait d'une trs-grande -fortune que ses procds industrieux -lui avaient rendue, comme on le pense bien, -extrmement douce ramasser.</p> - -<p>Ce Rabisson fut condamn, par arrt du -parlement de Toulouse, en date du 21 septembre -1781, tre attach au carcan, avec -un criteau devant et derrire, portant ces -<span class="pagenum"><a id="Page_150">150</a></span> -mots: <i>Usurier public</i>, pendant trois marchs -conscutifs; douze cents livres d'amende -envers les pauvres du lieu de Saint-Agrve; - cinq livres d'amende envers le roi, et au -bannissement du ressort pour dix ans; punition -exemplaire, mais qui semble encore trop -douce quand on songe qu'il s'agit d'un misrable -qui s'tait engraiss de la substance et -des larmes de tant d'infortuns, et qui ne s'tait -enrichi qu'en exploitant la misre de ses -concitoyens.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_151">151</a></span></p> - -<h2>CONDUITE INOUIE D'UNE FEMME<br /> -<span class="large">A L'GARD DE SON MARI.</span></h2> - -<p>Souvent une pouse malheureuse implore -l'appui de la justice contre un mari qui l'abreuve -de chagrins. Alors on s'intresse -l'opprime, et le public se ligue spontanment -contre l'oppresseur. Trop souvent aussi l'adultre, -ce crime qui est le sujet de tant de -stupides rises, ce crime qui ouvre la porte -tant d'autres crimes, conduit une femme passionne - attenter aux jours de son mari, lui -met le poignard ou le poison ma main. -Mais ces forfaits, par leur nature mme, demeurent -rarement impunis; on peut d'ailleurs -s'en rendre compte en rflchissant sur -la violence des passions qui soumettent le -cœur humain leur empire. Ces forfaits causent -plus d'horreur que d'tonnement. Mais -qu'une femme, comble de bienfaits par un -mari qui a cru faire son bonheur en l'pousant, -<span class="pagenum"><a id="Page_152">152</a></span> -mprise assez les lois de l'honntet, -les devoirs les plus sacrs, les saintes obligations -de la reconnaissance, pour dverser sur -son bienfaiteur l'opprobre et l'infamie, pour -mditer froidement de le frapper de la mort -civile, pire cent fois que la mort physique -pour tout homme d'honneur; voil ce qui -tonnera, ce qui rvoltera toujours. Heureusement -les exemples d'une pareille dpravation -sont rares, et les fastes judiciaires n'en -offrent qu'un petit nombre. Les circonstances -de celui que nous allons rapporter sont aussi -bizarres que rvoltantes.</p> - -<p>Un aubergiste de la ville de Niort aimait -une jeune fille pauvre, et qu'il croyait digne -de son amour. Il l'pousa; mais il ne tarda -pas s'apercevoir qu'il s'tait tromp cruellement; -au lieu du bonheur qu'il s'tait promis, -il ne trouva ds l'abord dans cette union -que de trop lgitimes sujets de repentir. Sa -femme ne tarda pas le convaincre qu'elle -avait pour lui la plus grande aversion. Cet -homme crut qu' force d'gards, de soins, de -complaisance, il pourrait la ramener au respect -de ses devoirs. Tous ses efforts furent -inutiles.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_153">153</a></span> -Sa femme, pour s'affranchir d'un tmoin -incommode, pour se rendre indpendante, -conut et excuta, peu de temps aprs, le -projet de dserter la maison conjugale. Elle -partit l'insu de son mari, et vint Paris. -Quelques jours aprs son arrive dans cette -ville, elle lui crivit qu'elle avait gagn une -somme considrable la loterie, et elle le -pria de venir sur-le-champ la rejoindre pour -faire un emploi avantageux de cet argent. -Le mari part aussitt, plus touch du plaisir -de retrouver sa femme, qu'il aimait sincrement, -que de celui de toucher une somme -considrable. Il tait bien loign de souponner -le pige infme tendu sa crdulit. -Il arrive Paris; mais peine est-il descendu -de la diligence que des officiers de police lui -mettent la main au collet, et le constituent prisonnier. -Heureusement pour lui, sa captivit -ne fut pas de longue dure. Les magistrats, -convaincus de son innocence par suite de -son interrogatoire et de l'exhibition de ses papiers, -le firent largir quelques jours aprs -son arrestation.</p> - -<p>Nul autre que sa femme n'avait prpar -ce guet-apens o elle l'avait si artificieusement -<span class="pagenum"><a id="Page_154">154</a></span> -attir. Elle tait alle trouver les magistrats -chargs de la police de Paris, leur avait annonc -qu'un particulier dont elle donnait le -signalement, condamn un bannissement -perptuel, devait arriver Paris sous peu de -jours. Trompe par cette fausse dnonciation, -la police avait donn des ordres pour faire -arrter le malheureux aubergiste.</p> - -<p>La femme voyant son odieux projet avort, -se hta de quitter Paris, et de se rendre dans -la ville o son mari tait tabli. L, elle osa -former contre lui une demande en sparation -de corps et de biens. Sa demande n'tait fonde -que sur un seul fait; elle prtendait que son -mari ayant t condamn des peines afflictives, -elle ne pouvait continuer d'habiter avec -un homme fltri et dshonor.</p> - -<p>Quelle fut la surprise du mari en apprenant -que sa femme poursuivait contre lui sa sparation! -Quelle fut son indignation quand on -lui fit connatre le motif qu'elle invoquait -pour le succs de sa demande! Soudain il va -se prsenter aux juges, et leur dclare qu'il -est de toute fausset qu'il ait jamais subi aucune -condamnation fltrissante, dfiant sa -femme d'en produire aucune preuve. Les premiers -<span class="pagenum"><a id="Page_155">155</a></span> -juges, voulant s'instruire de la vrit, -ordonnent que le mari sera vu et visit par -le chirurgien. Ce malheureux se soumet sans -murmurer cette preuve humiliante, et -l'on ne trouve aucune marque de fltrissure -sur son corps.</p> - -<p>Les juges, indigns, dboutrent la femme -de sa demande en sparation, et la condamnrent -en trois mille livres de dommages-intrts -envers son mari; et faisant droit sur -les conclusions du ministre public, ils ordonnrent -que la femme serait mande l'audience -pour y tre blme.</p> - -<p>La femme osa interjeter appel de cette sentence; -pourtant elle n'eut pas l'audace d'affronter -les regards de ses nouveaux juges. Le -mari demanda, par dfaut, la confirmation -de la premire sentence.</p> - -<p>La cause fut porte l'audience de la -grand'chambre, qui, par arrt du 25 juillet -1781, et sur les conclusions de l'avocat gnral -Sguier, confirma la sentence des premiers -juges, except au chef qui avait prononc la -peine du blme en matire civile. Comme dfenseur -n de l'tat des citoyens et des lois -qui ont prescrit les formes qui doivent tre -<span class="pagenum"><a id="Page_156">156</a></span> -observes dans la punition des dlits, l'avocat -gnral avait fait voir que les premiers -juges n'avaient pu, en matire civile, prononcer -une peine afflictive.</p> - -<p>Aprs une sentence aussi douce pour un -crime tel que celui dont la perverse femme -de l'aubergiste s'tait rendue coupable, on -est forc de dplorer, en cette circonstance, -l'indulgence de la lgislation, qui se montre -quelquefois si gratuitement barbare l'gard -de crimes bien moins graves.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_157">157</a></span></p> - -<h2>LE MEURTRE DE SAINT-BAT.</h2> - -<p>Avant d'arriver la catastrophe qui fait le -sujet de cet article, il est indispensable de -faire connatre les lieux, les diverses personnes, -acteurs dans ce drame, et leurs principales -dmarches avant le moment fatal. Ces -dtails rpandront plus de clart sur le rcit.</p> - -<p>Le sieur Martin, habitant de Saint-Bat, -petite ville du diocse de Comminges, trois -grandes lieues de Bagnres, tait pre d'une -famille nombreuse. Il tenait une manufacture, -et faisait faire du charbon Bagnres, -par Bernard Martin, son second fils. Le sieur -de Fondeville, riche ngociant, habitait le -chteau de Marignac, situ peu de distance -de Saint-Bat. De ce chteau l'on venait, par -la grande route de Saint-Bat, la maison de -Rap, de Rap Saint-Bat, et de Saint-Bat -Fos, tous lieux o l'on va, de l'un l'autre, -se promener pied. Cet espace qui fut le thtre -du crime, le fut aussi des dmarches et -<span class="pagenum"><a id="Page_158">158</a></span> -des mouvemens de l'accus avant et aprs le -meurtre.</p> - -<p>Le sieur de Fondeville avait un procs trs-important -avec la famille Martin; et, malgr -quelques ouvertures d'accommodement entre -les parties, l'affaire tait loin d'tre termine. -De part et d'autre on se donnait des marques -de ressentiment, on laissait chapper des menaces -plus ou moins graves. Bernard Martin -fils avait surtout manifest plusieurs fois une -haine violente pour la famille Fondeville.</p> - -<p>Le lundi 8 janvier 1781, Martin fils tait -Bagnres, faisant voiturer Saint-Bat le -charbon ncessaire la manufacture de son -pre. Le voiturier arrive Saint-Bat, remet -une lettre Martin pre. Celui-ci dit son -fils an d'crire son frre de ne pas quitter -Bagnres que tout le charbon ne ft voitur, -et ritra verbalement le mme ordre au voiturier.</p> - -<p>Le fils an n'crit qu' midi: la lettre parvient -le mme jour au cadet que cet ordre -impatiente, et qui dit qu'il veut partir. Le lendemain, -se trouvant avec les sieurs et demoiselle -Cazat de Bagnres, le frre et la sœur -lui proposrent de partir le lendemain pour -<span class="pagenum"><a id="Page_159">159</a></span> -Saint-Bat. Je le voudrais bien, rpondit -Bernard Martin, mais mon pre m'a donn -l'ordre d'attendre que le charbon ft voitur.—Je -veux que vous partiez avec moi, reprit -la demoiselle Cazat; je me charge d'apaiser -votre pre. Cette raison dtermina le fils -Martin; il tait las, disait-il, de grimper les -montagnes et d'endurer la neige. Il partit donc -le jeudi midi, avec le sieur Cazat, et un -sieur Laffont, qui prit en croupe la demoiselle -Cazat. Pendant la route il fut trs-gai, quoique -un peu inquiet de la rception que lui ferait -son pre dont il enfreignait l'ordre formel.</p> - -<p>Arriv prs de Gaud, paroisse sur le chemin -de Saint-Bat, il se spara de sa socit -pour aller donner quelques ordres dans une -maison qui appartenait son pre. Passons -maintenant aux actions de ce dernier, qui tait -accus d'avoir concert l'assassinat avec son -fils dans cette mme maison.</p> - -<p>Le 10 janvier, le sieur Soul, habitant de -Saint-Bat, avait emprunt le fusil du sieur -Martin pre, connu pour un habile chasseur. -L'aprs-midi du mme jour, Martin pre resta -pendant plusieurs heures, et jusqu' sept heures -<span class="pagenum"><a id="Page_160">160</a></span> -du soir, avec plusieurs personnes notables -de Saint-Bat. Le lendemain au matin, une -de ses filles vint lui dire que la volaille manquait -de grain depuis plusieurs jours, et l'engagea - se rendre sa maison de Gaud pour -en dlivrer sa servante. Elle l'en pressa, lui -disant que cette petite promenade lui ferait -du bien, attendu qu'une incommodit l'avait -empch de prendre de l'exercice depuis quelque -temps. Martin pre se rendit donc l'avis -de sa fille, et envoya devant sa servante avec -une nesse pour rapporter le grain.</p> - -<p>Mais voulant tirer quelque amusement de -sa promenade, et ayant d'ailleurs du monde - souper ce jour-l, il envoya son quatrime -fils redemander son fusil chez le sieur de -Soul. Celui-ci tant absent, le jeune homme -en emprunta un un habitant de la ville, et le -rapporta son pre. Ce fusil emprunt n'tait -qu' un coup. Dans le moment survint chez -Martin pre le sieur Fontan l'an, qui lui dit -qu'il allait dner Marignac chez le sieur de -Fondeville, et lui porter trois mille cent quatre-vingt-une -livres pour le montant d'un excutoire -obtenu par le sieur de Fondeville contre -les sieurs Martin. Fontan demanda au sieur -<span class="pagenum"><a id="Page_161">161</a></span> -Martin pour porter cette somme en argent -blanc, une valise que celui-ci lui prta, et -il sortit ensuite.</p> - -<p>Le sieur Martin partit entre neuf et dix -heures du matin, pied, portant le fusil et la -gibecire; il aborda le sieur Boussac, l'un -des consuls de Saint-Bat, qu'il trouva la -porte de la ville, occup diriger ses ouvriers, -et lui dit qu'il allait Gaud, mais qu'avant -il irait faire un tour vers la Garonne pour -voir s'il trouverait des canards. Il n'arriva, en -effet, Gaud, trois quarts d'heure de chemin -de Saint-Bat, qu'entre midi et une -heure. Il fit faire un peu de feu, et se mit -lire.</p> - -<p>Bernard Martin, son fils, fut fort surpris -de le trouver l. Son pre lui fit des reproches -sur sa dsobissance; Bernard s'excusa -de son mieux.</p> - -<p>Aprs s'tre reposs Gaud, le pre et le -fils se disposrent partir. Ils traversrent -ensemble la cour qui spare la maison de l'curie, -entrrent dans l'curie pour prendre le -cheval, et sortirent. Le jeune homme dbarrassa -son pre du fusil et de la gibecire. Ils -n'taient pas encore sortis du village de Gaud, -<span class="pagenum"><a id="Page_162">162</a></span> -lorsqu'ils rencontrrent le meunier Bernard -Castevan, qui revenait de la chasse. Ils lui demandrent -s'il y avait beaucoup de canards. -Il y en a une douzaine, leur rpondit le -meunier, mais ils ne se laissent pas approcher.—Vas-y, -dit le pre au fils.—Je vais -passer par la prairie, rpondit le jeune -homme. Et ils continurent marcher l'un -ct de l'autre, prenant le chemin qui conduisait - leur pr immdiatement aprs avoir -descendu la cte de Gaud. Alors ils se sparrent. -Le fils se dirigea vers la Garonne; le -pre monta cheval, et poursuivit sa route -vers Saint-Bat, o il rentra vers les trois -heures. Aprs avoir donn ses ordres dans sa -maison, il se rendit au billard, le rendez-vous -ordinaire des bourgeois de la ville. Martin le -pre y trouva le sieur Fontan, qui lui dit qu'il -n'tait point all Marignac, parce qu'il avait -t inform que le sieur de Fondeville n'y -tait pas, tant parti la veille pour aller Fos.</p> - -<p>Quel tait le motif de ce voyage de Fondeville? -quelles en furent les circonstances? -Ces questions ne sont point indiffrentes pour -connatre si l'assassin avait pu prparer son -coup et attendre sa victime au passage. De -<span class="pagenum"><a id="Page_163">163</a></span> -son chteau de Marignac, le sieur de Fondeville -se rendit le 10 janvier, vers les deux -heures de l'aprs-midi, aprs son dner, la -maison de Rap, chez le sieur Bessan, o il -trouva le sieur Soul de Bezins, cur de Tusaguet. -Comme le temps tait beau, le sieur -Fondeville leur proposa tous deux d'aller -en se promenant, Fos, chez le sieur Doniez -son parent, o taient ses deux fils, le -sieur de Labatut et le sieur de Marignac. Sa -proposition est accepte; ils partent tous -trois du chteau de Rap, sur le soir, arrivent - Saint-Bat, passent dans cette -ville sans parler personne, sans rencontrer -personne. De l ils arrivent Fos, ils y soupent, -y couchent, y dnent le lendemain. Ensuite -ils repartent, repassent par Saint-Bat, -o le fils du sieur de Fondeville, le sieur Labatut, -s'arrte pour jouer une partie de billard -avec le cur de Saint-Bat, son cousin. Il -rejoint ensuite son pre, qui tait rest dans -la ville pour quelques affaires, pendant que -ses deux compagnons, le cur de Tusaguet et -le sieur Bessan de Rap, marchaient peu de -distance devant eux pour regagner le chteau -<span class="pagenum"><a id="Page_164">164</a></span> -o le sieur de Fondeville devait s'arrter avec -eux.</p> - -<p>Cependant la demoiselle Gabrielle de Saint-Gry, -demeurant au village de Gry, prs -Saint-Bat, s'tant mise vers les quatre heures -du soir sa fentre, vit un homme vtu -de gris, couvert d'un chapeau. Elle vit en -mme temps passer un mendiant, et aussitt -cet homme vtu de gris, qu'elle avait dj -aperu, se blottit dans la neige; puis cet inconnu -s'avana vers elle, et demanda o tait -la cte de Gry.</p> - -<p>Pendant le mme temps le jeune Martin, -peu heureux dans sa chasse, et voyant la nuit -s'approcher, s'acheminait lentement vers -Saint-Bat. Il rencontra vers quatre heures et -demie la fille de Buhan-Denard prs l'tang de -l'Estagnan; puis, continuant toujours sa route, -il rencontra presque aussitt aprs le nomm -Pierre-la-Gaillarde. Un peu plus loin il passa -prs du sieur Bessan de Rap et du cur de Tusaguet, -entre des fours chaux, deux cent -cinquante pas environ de distance de Saint-Bat. -Le sieur de Rap le voyant un fusil sous -le bras, et allant d'un pas ordinaire vers Saint-Bat, -<span class="pagenum"><a id="Page_165">165</a></span> -lui dit: Y a-t-il beaucoup de canards? -avez-vous fait fortune?—Non, il n'y a rien, -rpondit-il.—Avez-vous fait bonne chasse? -lui dit aussi le cur.—Je n'ai rien pris, rpondit-il; -et comme depuis quelque temps il avait -perdu son chien, le sieur de Rap ajouta:—A -prsent, vous tes comme un plerin sans -bourdon, je vous offre mes chiens. Le jeune -Martin le remercia de son offre, et continua -sa marche vers Saint-Bat. Peu d'instans aprs, -il fit rencontre des sieurs de Fondeville et de -Labatut. Puis, tout prs de la porte de Saint-Bat, -il rencontra la demoiselle Marie Paule -de Rap et la nomme Jeanneton La Molle, -rentra en ville, souhaita le bonsoir la demoiselle -Cazat, et se rendit chez son pre.</p> - -<p>Aprs cinq heures, un coup de fusil, parti -de l'angle du verger du sieur de Sacaze, peu -de distance de la maison de Rap, frappe de -trois balles le sieur de Fondeville, et le renverse. -Le sieur de Labatut, son fils, a le bras -droit froiss du mme coup. Aux cris du fils, -le cur de Tusaguet, le sieur de Rap et plusieurs -autres personnes accourent; le cur -voyant la situation du sieur de Fondeville, -lui prodigue les soins de son ministre, l'exhorte -<span class="pagenum"><a id="Page_166">166</a></span> - pardonner ses ennemis, et lui donne -l'absolution. Le mourant est transport au -chteau de Rap; mais peine y est-il arriv -qu'il rend le dernier soupir, sans avoir nomm -ni dsign personne; mais, ds ce moment -mme, le sieur Labatut prtendit que ce -meurtre avait t commis par le jeune Martin; -il le proclama tout haut. Vainement on -voulait le reprendre de cette imprudence; il -persista et soutint que son pre, perc de part -en part, s'tait cri en tombant: Ah! Martin, -qu'as-tu fait?</p> - -<p>Quelque hasarde que ft cette accusation, -elle tait sans doute excusable de la part d'un -fils qui venait de voir tomber son pre sous les -coups d'un assassin. Quoiqu'il en soit, un -meurtrier tait dsign par le fils de la victime; -c'tait la justice tcher de trouver le -vrai coupable. Cependant la clameur populaire -rptait avec assurance les paroles du -fils de Fondeville, et rpandait comme des -certitudes les simples conjectures auxquelles -avait pu donner lieu l'inimiti qui divisait la -famille de l'accusateur et celle de l'accus.</p> - -<p>Le sieur Martin fils tait loin de se douter -des soupons qui planaient sur lui. Ce ne fut -<span class="pagenum"><a id="Page_167">167</a></span> -que le lendemain qu'il eut connaissance de -l'affreuse rumeur qui circulait. Il voulait d'abord -se remettre lui-mme entre les mains de -la justice. On l'en empcha; on lui fit entendre -que la vraie manire de se dfendre avec -succs pour lui-mme et pour sa famille, tait -d'attendre que cette premire fermentation -et fait place la calme raison. Il cda en -frmissant, et passa en Espagne.</p> - -<p>Le fils de l'homme assassin soutint dans -un mmoire que le meurtre de son pre avait -t concert entre Martin pre et son fils cadet. -L'instruction juridique fut faite avec activit. -Les informations taient termines le 8 -mai, et ds le 23 du mme mois, ce procs -obscur et compliqu fut mis sous les yeux -des juges, qui condamnrent le sieur Martin -fils tre rompu vif, par sentence du 25 juin -1781.</p> - -<p>La prvention et la calomnie taient venues -distiller leur venin sur cette malheureuse -affaire. Il est si facile de parler d'une personne -absente. On accueillit une foule de dpositions -ou absurdes ou contradictoires. Plus -de cent cinquante tmoins furent entendus. -Il ne s'en trouva pas deux pour dposer de -<span class="pagenum"><a id="Page_168">168</a></span> -la mme manire sur un mme fait. Parmi -eux se trouvaient des gens sans considration -et sans aveu. On conoit toute la confusion -des faits, des discours, des ou-dire de -cette nue de tmoins de toute classe, sur un -forfait aussi affreux, qui avait rempli la petite -ville de Saint-Bat de consternation, de soupons, -de prventions, de rcits, de conjectures, -de commentaires, d'opinions partages entre -deux familles du mme canton, divises depuis -long-temps par un procs opinitre et -important.</p> - -<p>Martin pre, accus de complicit avec son -fils, fut oblig de se soustraire aussi aux poursuites -de la justice. On le condamna, par contumace, -en premire instance.</p> - -<p>Son fils an choisit le clbre avocat lie -de Beaumont, comme tant l'homme le plus -capable de sauver un pre et un frre, ou du -supplice ou de la honte aussi affreuse que le -supplice mme. Cet loquent dfenseur battit -en brche toute la premire procdure, releva -les nombreuses irrgularits qu'elle prsentait, -et fit voir que le sieur de Fondeville -avait suscit assez de haine contre lui, soit -dans son pays, soit en Espagne, pour que son -<span class="pagenum"><a id="Page_169">169</a></span> -meurtrier pt tre autre que Bernard Martin. -Sa dfense brillante et solide fut approuve -par les plus clbres avocats de Paris.</p> - -<p>Le parlement de Toulouse, par un arrt -rendu en 1784, mit le sieur Martin fils hors -de cour.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_170">170</a></span></p> - -<h2>ATROCE SANG-FROID D'UN ASSASSIN.</h2> - -<p>Avant de passer aux dtails de ce fait pouvantable, -il faut dire, l'honneur de l'humanit, -que les monstres de l'espce de celui -dont nous allons parler sont heureusement -fort rares. Ce qui le prouve, c'est l'horreur -gnrale qu'inspire leur apparition. Ils produisent -dans l'ordre moral le mme effet -qu'une pidmie dans l'ordre physique. Grce -aux soins de la Providence, il y a dans le cœur -de l'homme une conscience, qui, si elle ne -l'empche pas toujours de se livrer au crime, -se charge du moins d'tre son premier bourreau, -et commence mme le torturer, du -moment o il s'abandonne quelque pense -coupable. Tmoin les sclrats les plus consomms -qui, de leur propre aveu, au moment -de commettre un forfait, hsitent, sentent -trembler leur main mal assure, et sont domins -par un trouble qu'ils ne peuvent dfinir, -<span class="pagenum"><a id="Page_171">171</a></span> -et qui souvent est leur accusateur le plus -terrible.</p> - -<p>Au mois de novembre 1780, un journalier -des environs de la ville de Mortagne, dans le -Perche, se rendit coupable d'un assassinat -dont les circonstances prouvent une atrocit -de cannibale. Ce journalier, appel Pierre Tison, -habitait une petite maison dans le bourg -de Saint-Sulpice. Ses larcins habituels le faisaient -regarder dans le canton comme un voleur -de profession.</p> - -<p>L'habitude du vol le familiarisa par degrs -avec la pense de crimes plus grands encore. -Enhardi par l'impunit dont on l'avait laiss -jouir jusqu'alors, il s'imagina sans doute -que la justice, qui l'avait toujours mnag, lui -continuerait la mme indulgence pour les autres -mfaits qu'il pourrait commettre.</p> - -<p>Le 3 novembre, ayant rencontr, sur la -grande route de Mortagne Alenon, un marchand -mercier, nomm Franois Pan, qui -ne le connaissait pas, il lia conversation avec -lui, entra en pourparlers pour quelques achats, -et lui proposa de venir chez lui, sous prtexte -qu'il pourrait y examiner plus son -aise les marchandises dont il voulait faire l'acquisition. -<span class="pagenum"><a id="Page_172">172</a></span> -Le malheureux marchand accepte la -proposition, et suit le prtendu acheteur, qui -le conduit, par des chemins dtourns, sa -maison.</p> - -<p>Le jour commenait baisser lorsqu'ils y -arrivrent. Aussitt que le marchand fut entr, -Tison ferma soigneusement la porte et -les fentres. Aprs avoir pris les prcautions -ncessaires l'excution du projet criminel -qu'il mditait, il demanda voir les marchandises. -Pan tait dans une parfaite scurit; -il se baisse pour dployer son ballot. Pendant -ce temps, Tison lui assne un coup de serpe -sur la tte. L'infortun tombe sous la violence -du coup; mais il lui reste encore assez de -force; il crie en se dbattant contre son meurtrier.</p> - -<p>Dans la crainte que ces cris ne soient entendus -dans le voisinage, l'assassin, gardant -son sang froid, comme s'il et fait la chose du -monde la plus naturelle, a recours un raffinement -de barbarie, sans exemple peut-tre -dans les annales du crime. Il se met chanter - tue-tte, et saisissant une corde, il parvient - trangler, toujours <i>en chantant</i>, la -malheureuse victime de sa cupidit!</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_173">173</a></span> -Son crime ne tarda pas tre connu. Il fut -arrt, et son procs lui fut fait sur-le-champ. -Il fut convaincu d'avoir chant, non seulement -pendant le temps qu'il arrachait la vie -au malheureux Pan, mais encore long-temps -aprs, ayant toujours sous les yeux le cadavre, -tmoin muet, mais pourtant solennel, -de sa rvoltante atrocit. Si un pareil trait -n'avait pas t attest, on le regarderait comme -invraisemblable. On n'a vu que trop souvent -des sclrats tuer leurs semblables; mais on -n'avait pas encore vu de monstre assez pervers -pour oser chanter, afin d'touffer les -cris de ceux qu'ils gorgeaient.</p> - -<p>Le procs de Pierre Tison ne fut pas long. -Les preuves l'accablaient de toutes parts. Le -lieutenant-criminel de Mortagne le condamna -au supplice des assassins, et par arrt du parlement -du 24 janvier 1781, il subit la question -ordinaire et extraordinaire, et mourut -sur la roue.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_174">174</a></span></p> - -<h2>ACCUSATION<br /> -<span class="large">RCIPROQUE D'ASSASSINAT.</span></h2> - -<p>Qu'un homme naturellement violent soit -accus d'avoir commis un meurtre, nul doute -que la violence de son caractre ne devienne -un vhment indice contre lui. Soudain l'opinion -publique, qui le plus souvent ne se -forme que sur des apparences ou des prsomptions, -le dclare unanimement coupable; -et quoique le doute le plus obscur plane -sur toute l'affaire, quoique les preuves manquent -absolument, les juges, entrans eux-mmes -par les prventions du vulgaire, prononcent -une sentence de condamnation.</p> - -<p>Vers le mois de janvier 1782, Hatot, garon -perruquier, entra chez le sieur Ple, matre -coiffeur Rouen. Le plus grand dsagrment -de son emploi tait de coiffer Nœuville, directeur -de la comdie. Tous les garons qui -<span class="pagenum"><a id="Page_175">175</a></span> -avaient accommod cet homme se plaignaient -de son humeur brutale et despotique.</p> - -<p>Hatot ne fut pas long-temps sans prouver -les mmes dsagrmens, et ne pouvant s'habituer -aux manires de Nœuville, il refusa -de retourner chez lui. Mais son matre craignant -de perdre la pratique du thtre, le -dtermina, au bout de quinze jours, aller -reprendre son poste auprs du directeur.</p> - -<p>Le 15 mars, Hatot se rend l'htel de la -comdie, sur les dix onze heures du matin, -pour accommoder Nœuville. Il le rase d'abord, -le peigne ensuite, prpare la pommade -avec un couteau, qu'il tire de sa poche, et le -frise. Nœuville se lve, consulte son miroir, -prtend tre mal fris, et ordonne Hatot -de le friser une seconde fois. Cela n'est pas -possible, rpond Hatot, mes pratiques m'attendent, -il faut que je les serve.—Que m'importent -tes pratiques? rpond Nœuville en -fureur; il te sied bien de me contredire! tu -es encore un plaisant drle, un plaisant polisson. -J'entends que tu me peignes l'instant; -je te l'ordonne, cela doit suffire.</p> - -<p>Hatot, choqu de cet ordre insolent, se -dispose sortir; Nœuville lui barre le passage, -<span class="pagenum"><a id="Page_176">176</a></span> -et lui dtache un soufflet; Hatot le lui -rend aussitt. Nœuville, tout cumant de -rage, saisit le couteau du coiffeur rest sur -la table, prend Hatot la gorge, le pousse -contre le mur, et lui porte la poitrine quatre -coups de l'arme qu'il tient dans la main. -Hatot, qui ne sent pas d'abord qu'il est bless, -lutte contre Nœuville, saisit le couteau qui -vient de le frapper et parvient dsarmer -son assassin. Il parat qu'en prenant le couteau -par la lame il se coupa les mains, et atteignit, -en se dbattant, son adversaire au -visage.</p> - -<p>Mais, peu d'instans aprs, Hatot se trouve -dans une situation alarmante. Des flots de -sang coulent de ses blessures; il crie vainement; -on ne vient point son secours; il reste -sans connaissance au pouvoir de son assassin. -Nœuville, tout couvert du sang de sa -victime, et pour repousser d'avance l'accusation -de meurtre, sort de sa chambre en -criant <i>au feu! au meurtre! on m'assassine!</i> -se jette dans les bras de la premire personne -qu'il rencontre, et la prie de lui sauver la vie.</p> - -<p>Il descend l'escalier, va sur le thtre, feint -d'tre dangereusement bless. Des chirurgiens -<span class="pagenum"><a id="Page_177">177</a></span> -arrivent; on le porte dans son lit et on le -panse, quoiqu'il n'y et pas ncessit.</p> - -<p>Cependant des grenadiers, accourus aux -cris de Nœuville, taient monts, le sabre -la main, pour arrter Hatot. Ils le trouvent -tendu sur le plancher, baign dans son sang, -priv de connaissance et de mouvement. -Ainsi abandonn, le malheureux allait prir, -sans un grenadier qui le prit et le soutint -dans ses bras. Enfin on le secourt; un chirurgien -arrive, visite ses blessures et le rappelle - la vie. A peine reprend-t-il sa connaissance -que, regardant autour de lui, il s'crie: -<i>O est-il ce coquin, ce malheureux, ce sclrat -de Nœuville, qui m'a assassin?</i></p> - -<p>A trois heures aprs-midi, il est transport - l'hpital, en grand danger de perdre la vie. -Le mme jour, sur les quatre heures, le juge -fait prter interrogatoire Hatot; on lui demande, -entre autres choses, ce qui l'a induit - frapper Nœuville, comme il l'a fait, et s'il -n'a pas observ que ses clefs taient toujours - ses armoires, et qu'il y avait des effets prcieux -sur sa chemine.</p> - -<p>Pour l'intelligence de cette mesure, il est -<span class="pagenum"><a id="Page_178">178</a></span> -bon de dire que Nœuville avait fait des dclarations -tendant faire croire que s'tant -endormi pendant qu'on le coiffait, Hatot, son -perruquier, avait voulu profiter de son sommeil -pour l'assassiner et le voler.</p> - -<p>Mais dj la clameur publique s'levait de -toutes parts contre Nœuville. Celui-ci est saisi -de frayeur; il se rsout prendre la fuite; -six heures, il se travestit et il part. Cette fuite -changea soudain la face de l'affaire. Hatot, qui -avait t d'abord interrog comme accus, le -fut ensuite comme tmoin, et Nœuville fut dcrt -de prise de corps. La procdure complte, -et la contumace instruite, le juge rendit -le 16 juillet, sur le tout, une sentence dfinitive -qui condamnait, par contumace, le -sieur Nœuville tre banni perptuit du -ressort de Rouen, confisquait ses biens au -profit du roi, et lui imposait une amende de -trois mille livres, titre de dommages-intrts -en faveur de Hatot.</p> - -<p>Le parlement de Rouen rendit, le 26 octobre -1782, sa sentence sur cette double accusation; -et sans s'arrter l'appel du substitut -du procureur gnral du roi au bailliage -<span class="pagenum"><a id="Page_179">179</a></span> -de Rouen de la sentence du 16 juillet 1782, -ordonna que ladite sentence serait excute, -et que le sieur de Nœuville serait condamn -en dix mille livres d'intrts envers Hatot, et -tous les dpens.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_180">180</a></span></p> - -<h2>SERVANTE<br /> -<span class="large">QUI TRANGLE SA MAITRESSE.</span></h2> - -<p>Dans le ressort de la chtellenie de Pzenas, -au fond d'un village nomm Alignan, vivait -la dame Dabeillan, dj avance en ge, et -n'ayant d'autre domestique qu'une femme -nomme la veuve Daumas.</p> - -<p>Le 4 avril 1782, dans la soire, la dame -Dabeillan fut trouve morte dans la ruelle de -son lit. La servante courut chercher du secours. -Cette mort fut bientt connue de tout -le village, et la nouvelle se rpandit dans les -environs. Le procureur-fiscal de la chtellenie -de Pzenas, instruit de ce tragique vnement, -requit le juge de se transporter dans -la maison de la dame Dabeillan. Ce magistrat -s'y rendit, le 5, sur les deux heures aprs midi, -reut d'abord la dclaration de la servante -sur le genre de mort subi par sa matresse, fit -visiter le cadavre en sa prsence par un mdecin -<span class="pagenum"><a id="Page_181">181</a></span> -et un chirurgien, ordonna l'emprisonnement -provisoire de la domestique, l'inhumation -du cadavre, et une enqute sur les faits -contenus dans le procs-verbal.</p> - -<p>Le 6, la servante fut interroge; le lendemain, -il fut procd une information, dans -laquelle onze tmoins furent entendus; et sur -cette information, un dcret de prise de corps -fut lanc contre la femme Daumas. Quelques -jours aprs, le sieur Dabeillan fils se prsenta, -et demanda tre reu partie civile, pour -continuer la procdure en son nom. Il annona -qu'il esprait trouver des moyens de -conviction dans une armoire o la veuve Daumas -serrait ses hardes. Le 24, l'ouverture de -cette armoire eut lieu en prsence d'un commissaire; -et parmi d'autres effets, on trouva -un paquet de vieux galons, li avec une corde -en ficelle. On apposa le scell sur ces divers -objets.</p> - -<p>De graves soupons planaient sur la femme -Daumas. Le caractre connu de cette servante, -et quelques propos antrieurs qui lui taient -chapps dans la colre, concouraient les -fortifier. De plus, elle couchait dans la chambre -<span class="pagenum"><a id="Page_182">182</a></span> -de sa matresse et prs d'elle, leurs deux -lits n'tant spars que par une chaise.</p> - -<p>Le 25 avril, le fils Dabeillan fit publier un -monitoire Alignan et dans les autres villages -voisins. Il en rsulta diverses rvlations qui -donnrent lieu une suite d'information. Le -28, on fit l'ouverture du paquet scell, contenant -les effets et hardes de la veuve Daumas, -ainsi que la corde dont ils taient lis. -Aprs un nouvel interrogatoire, le juge rgla -le procs l'extraordinaire. Des cordiers experts -dclarrent que le cordon trouv parmi -les hardes de la servante tait de la mme -espce et qualit que les deux autres paquets -de cordons remis par elle au juge.</p> - -<p>La mort de la dame Dabeillan tait-elle le -rsultat d'un suicide ou d'un assassinat? -Telle tait la question dlicate que la justice -avait rsoudre; question d'autant plus pineuse -que les tmoins oculaires manquaient -absolument.</p> - -<p>La dame Dabeillan tait morte de mort violente; -ce fait tait incontestable. Mais s'tait-elle -dtruite elle-mme, et l'avait-elle pu dans -l'tat o elle avait t trouve? Elle n'aurait -<span class="pagenum"><a id="Page_183">183</a></span> -pu s'trangler elle-mme que par suspension -ou contre un point d'appui. Dans le premier -cas, on aurait trouv le cadavre suspendu, car -certainement la servante, frappe de ce spectacle -imprvu, saisie d'horreur et d'effroi, au -lieu de le dtacher, aurait pris la fuite et appel -du monde. Il paraissait galement impossible -que la dame Dabeillan se ft trangle -elle-mme en imprimant fortement ses -doigts contre son cou, et en faisant effort contre -un point d'appui; car dans ce cas elle aurait -t trouve dans la mme situation o -elle se serait place elle-mme en trouvant ce -point d'appui et en ragissant sur lui. On citait, - cette occasion, l'exemple du nomm Geniez, -du village de Magalas, qui, arrt pour -avoir assassin son beau-frre, et emprisonn -dans le chteau de Puimillon, fut trouv couch -sur le dos, les deux genoux un peu levs, -sur lesquels il avait appuy ses coudes, -et s'tait si fortement imprim les deux pouces -dans le cou, qu'il en fut trangl, sans -qu'un cavalier de marchausse, qui passait la -nuit la porte de son cachot, et entendu le -moindre bruit. Il n'y avait rien de semblable -dans la situation o la dame Dabeillan avait -<span class="pagenum"><a id="Page_184">184</a></span> -t trouve aprs sa mort. Les premires personnes -qui taient entres dans sa chambre -avaient aperu une corde autour de son cou, -mais sans aucun bout ni extrmit excdant, -et cette corde avait t coupe l'instant par -la veuve Daumas. Le rapport du mdecin et -du chirurgien attestait l'empreinte que cette -corde avait laisse autour du cou. D'aprs ce -fait, quand il serait possible de s'trangler soi-mme, -sans suspension ni point d'appui, il -est physiquement impossible que celui qui -se serait trangl de cette manire et pu -lui-mme couper l'excdant de la corde qui -lui aurait servi ce funeste usage. Ni la veuve -Daumas, ni personne, n'avait vu couper l'excdant -de cette corde. Il tait donc certain, -d'aprs toutes ces considrations, que la dame -Dabeillan ne s'tait pas dtruite elle-mme, -et que son assassin avait coup l'excdant de -la corde, croyant par l soustraire la preuve -de son crime. D'ailleurs la dame Dabeillan, -estropie depuis plusieurs mois par suite d'une -chute, ne pouvait que trs-difficilement se -servir de l'un de ses bras.</p> - -<p>D'un autre ct, il tait prouv, par plusieurs -dpositions, que la femme Daumas tait -<span class="pagenum"><a id="Page_185">185</a></span> -convenue d'avoir ferm la porte de la chambre - coucher de sa matresse, et d'avoir plac -une chaise au-devant de cette porte et dans -l'intrieur de sa chambre; et que, lorsqu'elle -se leva une demi-heure aprs pour aller chercher -du secours, elle avait trouv la porte de -sa chambre ferme, et la chaise la mme -place o elle l'avait mise.</p> - -<p>Quelle consquence ne devait-on pas tirer -de ce fait? N'tait-il pas impossible qu'un assassin -se ft introduit dans la chambre sans -dranger la chaise? ne l'tait-il pas galement -qu'il se ft enfui aprs le crime commis, qu'il -et ferm la porte et remis la chaise devant -en dedans?</p> - -<p>L'accuse sentit, mais trop tard, tout le -poids de cet aveu qui allait l'accabler. Elle -voulut varier depuis, et dit qu'elle ne se rappelait -pas bien dans quel tat elle avait trouv -la chaise, en allant chercher du secours, tant -elle tait trouble. Mais sa premire version -si importante, certifie par plusieurs tmoins, -ne permettait pas d'accueillir sa rtractation -tardive.</p> - -<p>Une autre circonstance non moins grave, -c'est que l'accuse, au moment o les voisins -<span class="pagenum"><a id="Page_186">186</a></span> -accoururent ses cris, avait deux gratignures, -l'une la joue, l'autre au-dessus du nez. -Interroge sur ce fait, elle avait rpondu que -sa chandelle s'tant teinte le long de l'escalier, -en allant requrir du secours, elle avait -t au bcher, s'y tait laiss tomber sur un -tas de bois, et s'tait blesse au visage. Plusieurs -tmoins se rendirent au bcher, et n'y -trouvrent pas une seule bche.</p> - -<p>Nul doute que ces gratignures venaient -des efforts que son infortune matresse avait -tents pour se dbarrasser des mains de son -bourreau. Les variations de l'accuse et plusieurs -impossibilits physiques se runissaient -pour prouver que ce forfait n'appartenait qu' -elle seule, et prsentaient des indices plus puissans, -s'il est possible, que des tmoignages -oculaires.</p> - -<p>De l'aveu mme de cette femme, il ne s'tait -coul qu'environ un quart d'heure ou -une petite demi-heure entre l'instant o elle -s'tait couche avec sa matresse, et celui o -ayant entendu la chute d'un pot de chambre, -et qu'ayant appel par trois fois sa matresse, -sans recevoir aucune rponse, elle se leva -pour la secourir, alluma la chandelle, trouva -<span class="pagenum"><a id="Page_187">187</a></span> -la dame Dabeillan tendue dans la ruelle de -son lit. Elle ajoutait qu'elle n'avait point -dormi pendant ce court intervalle: comment -n'aurait-elle donc pas entendu le bruit de l'assassin, -celui des efforts d'une femme qui lutte -contre une mort violente, et qui tait d'une -constitution assez robuste pour rsister encore -long-temps aux fureurs du crime? D'ailleurs, -cet assassin imaginaire n'aurait-il pas ajout -un second crime au premier, surtout lorsque -le second lui assurait davantage l'impunit du -premier? il est probable qu'il aurait immol -la servante aprs la matresse.</p> - -<p>De plus, les menaces et les propos que la -femme Daumas avait laiss chapper quelque -temps avant l'vnement, venaient corroborer -les autres charges. Quelques tmoins dposaient -lui avoir ou dire que sa matresse la -faisait souffrir, et que <i>quelque chose</i> lui disait -de l'trangler. D'autres rapportaient que huit -jours avant la mort de la dame Dabeillan, -comme on lui demandait si sa matresse tait -toujours mchante, la femme Daumas rpondit: -<i>L'ase la confonde!</i> la nuit dernire, j'ai -t tente de l'touffer; mais je me suis recommande - mon bon ange gardien.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_188">188</a></span> -La sœur et la belle-fille de l'accuse avaient -dit qu'elles la croyaient capable d'avoir trangl -sa matresse; ainsi ses parens eux-mmes, -d'aprs la connaissance qu'ils avaient de son -caractre, semblaient se prononcer en faveur -de sa culpabilit.</p> - -<p>Une dernire circonstance, atteste par des -tmoins, tait que les deux lits, tant celui de la -matresse que celui de la servante, n'taient nullement -dfaits. Il paraissait donc que la dame -Dabeillan avait t trangle avant de se mettre -au lit, et dans le temps qu'elle faisait sa -prire au pied de son lit. Quel instant pour -le crime que celui qui devait faire souvenir -l'assassin qu'il est un Dieu vengeur!</p> - -<p>Les premiers juges trouvrent que la runion -de tous ces indices prouvait le crime et -dsignait l'assassin. Sur le rapport du lieutenant-criminel -du lieu, le snchal de Beziers, -par sentence du 28 juin 1782, condamna la -veuve Daumas avoir le poing coup, tre -pendue, brle ensuite, et ses cendres jetes -au vent. Sur l'appel, le parlement de Toulouse -confirma la sentence, l'exception du poing -coup.</p> - -<p>Cette misrable subit le dernier supplice -sans faire l'aveu de son crime.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_189">189</a></span></p> - -<h2>HONOR JOURDAN,<br /> -<span class="large">CONDAMN COMME ASSASSIN, ET ENSUITE<br /> -JUSTIFI.</span></h2> - -<p>La justice peut-elle, sur de simples indices, -dcider de l'honneur et de la vie des hommes? -Le dplorable sort des d'Anglade, des Lebrun, -des Hirtzel Lvi, des Calas, des Cahuzac, et -de tant d'autres innocens condamns sans -preuves, est la plus victorieuse rponse -faire cette question. Qu'un juge, dit Charlemagne -dans ses <i>Capitulaires</i>, ne condamne -jamais qui que ce soit sans tre sr de la justice -de son jugement; qu'il ne dcide jamais -de la vie des hommes par des prsomptions. -Ce n'est pas celui qui est accus qu'il faut considrer -comme coupable, c'est celui qui est -convaincu; il n'y a rien de si dangereux et de -si injuste au monde que de se hasarder juger -sur des conjectures.</p> - -<p>Les tmoignages eux-mmes ne doivent tre -<span class="pagenum"><a id="Page_190">190</a></span> -reus par le magistrat qu'avec une sage circonspection. -Un tmoin isol ne suffit pas -pour constituer des preuves. L'illustre Montesquieu -disait qu'un tmoin qui affirme et -un accus qui nie font un partage, et qu'il -faut un tiers pour le vider. C'est pour cela -que la loi exige deux tmoins.</p> - -<p>C'est beaucoup, dit Servan, de bien connatre -les circonstances du crime et le caractre -de l'accus; d'avoir exactement compar -ces deux choses et dcouvert tous leurs rapports; -mais ce n'est pas tout, et le plus important -reste faire: l'apprciation et le jugement -des tmoignages. Triste fatalit, que -la vie d'un homme libre et qui ne doit dpendre -que des lois, soit la merci des passions -et des erreurs de ses concitoyens, et que -le glaive de la justice soit dirig par des tmoins -souvent imposteurs ou aveugles.</p> - -<p>Les malheurs d'Honor Jourdan, causs par -une erreur juridique semblable celle dont -nous avons parl plus haut, viendront trs-bien - l'appui de ces rflexions.</p> - -<p>Jeanne-Marie Carlon avait pous Jean -Vial, boulanger Vence. Le sieur Honor -Jourdan, procureur-juridictionnel de cette -<span class="pagenum"><a id="Page_191">191</a></span> -ville, tait leur voisin, et se faisait un plaisir -de les obliger quand l'occasion s'en prsentait.</p> - -<p>Dans les premiers jours de fvrier 1753, -Vial disparut tout--coup. Sa femme supposa -d'abord qu'il avait t rencontr quelques -lieues de la ville de Vence, et qu'il avait dit -qu'il ne reviendrait plus. Elle varia ensuite -sur les motifs de son absence.</p> - -<p>Le 9 mars suivant, des enfans que leurs -jeux avaient conduits auprs d'une citerne -peu de distance de la ville, y dcouvrirent un -cadavre. Inform de ce fait, le sieur Honor -Jourdan, en sa qualit de procureur-juridictionnel, -requit sur-le-champ la visite du juge, -et l'accompagna. Le cadavre tait dans un -tat de putrfaction qui ne permit pas d'abord -de le reconnatre; mais aprs un examen plus -attentif, on demeura certain que ce corps -tait bien celui de Jean Vial. Le juge ne fit -point la clture du procs-verbal sur les lieux; -Honor Jourdan lui ayant demand le signer, -il prtexta qu'il n'tait point achev, et -qu'il attendait pour cela le greffier.</p> - -<p>En retournant chez lui, le mme jour, Honor -Jourdan ayant trouv sur son chemin -<span class="pagenum"><a id="Page_192">192</a></span> -le procureur fond d'un des seigneurs de -Vence pour la subrogation des officiers de -justice, fut extrmement tonn d'apprendre -de lui qu'il allait subroger un procureur-juridictionnel. -Ce fonctionnaire ne lui dissimula -pas que ses assiduits dans la maison de Jean -Vial avaient fait natre des soupons sur son -compte; il finit par lui dire que, quoi qu'il -ft bien convaincu de son innocence, il lui -conseillait de prendre prudemment la fuite, et -d'attendre dans sa retraite l'issue de la procdure.</p> - -<p>Jourdan prouva de la rpugnance suivre -cet avis; il craignait, avec raison, qu'on ne tirt -de sa fuite quelque indice contre lui. Dans -sa perplexit, il s'adressa un homme clair, -qui lui dit qu'il n'y avait pas balancer, et -qu'il l'exhortait mettre sa personne en sret; -qu'il tait sans doute humiliant et pnible -pour l'innocence de prendre ce parti, mais -que les formes de notre lgislation criminelle -le rendaient quelquefois ncessaire. Convaincu -par ces raisons, Jourdan se retira, pour quelques -jours, au lieu de Gatires, qui tait alors -sous la dpendance du roi de Sardaigne. Mais -sur l'invitation pressante de plusieurs de ses -<span class="pagenum"><a id="Page_193">193</a></span> -amis, qui vinrent l'y trouver, et qui l'assurrent -que sa fuite dposait contre lui, et que -tout le monde blmait le parti qu'il avait pris; -il revint Vence, rassur qu'il tait d'ailleurs -par le tmoignage de sa conscience.</p> - -<p>Mais ds le lendemain mme, ayant appris -qu'un dcret de prise de corps venait d'tre -lanc contre lui, quoiqu'il n'et encore t -procd aucune information, et qu'il ne se -trouvt dans aucun des cas o l'on peut dcerner -un semblable dcret sans information -pralable, il retourna aussitt Gatires pour -y attendre l'vnement de la procdure qui -s'instruisait alors.</p> - -<p>De tous les tmoins qui furent entendus, il -ne s'en prsenta pas un seul charge contre -Jourdan; on crut pourtant trouver dans leurs -dpositions des indices qui pouvaient lui tre -dfavorables. Cependant les juges de Vence -n'hsitrent point le mettre unanimement -hors de cour par leur sentence du 2 mai 1753. -Par le mme arrt, Jeanne-Marie Carlon, -pouse de Jean Vial, Jacques-Gervais Bazalgeste -et Gaspard Mars, furent dclars atteints -et convaincus de l'assassinat de Vial, et condamns -au dernier supplice. Les deux premiers -<span class="pagenum"><a id="Page_194">194</a></span> -taient entre les mains de la justice, le -troisime avait pris la fuite.</p> - -<p>Les deux prisonniers furent transfrs -Aix, et le parlement, par arrt du 29 du -mme mois, rforma la sentence des premiers -juges l'gard de Jourdan, et le condamna -la mort, quoique les conclusions du ministre -public fussent en sa faveur.</p> - -<p>Il fallait que l'on et aggrav les prtendus -indices que l'on pouvait articuler contre Jourdan. -Quoiqu'il en soit, la vrit qui devait le -justifier pleinement ne tarda pas tre connue. -Le jour mme du jugement, sur les quatre -heures aprs midi, les deux coupables dtenus -dclarrent, en allant au supplice, que -Jourdan n'avait particip, ni directement, ni -indirectement, au meurtre de Jean Vial, et -qu'il n'en avait rien su ni avant, ni aprs son -excution.</p> - -<p>Nanmoins l'arrt fut excut en effigie pour -ce qui concernait Jourdan; et le parlement -ordonna, le 1<sup>er</sup> juin suivant, que les dclarations -de la femme Vial et de Bazalgeste seraient -jointes la procdure.</p> - -<p>Jourdan n'apprit que son arrt de mort. Il -ignorait que les auteurs du crime eussent avou -<span class="pagenum"><a id="Page_195">195</a></span> -et attest son innocence. Il erra, pendant quelques -annes, de contre en contre, gmissant -sur sa fatale destine et sur celle de ses -enfans. Il avait un fils, alors g de quinze -ans, errant et fugitif comme lui. Ce jeune -homme alla se fixer en Espagne, et s'y attacha - une maison de commerce dont il devint, -en quelques annes, par son mrite et son -travail, l'un des principaux intresss.</p> - -<p>Cependant ce fils vertueux ne perdait pas -le souvenir de son pre et de ses infortunes. -Le dsir de secourir sa vieillesse et celui de -revoir sa patrie lui inspirrent le projet de -revenir en France. Mais y vivre sans son pre, -et l'en savoir banni par une condamnation fltrissante, -lui semblait un bonheur si amer qu'il -ne pouvait pas mme en supporter l'ide.</p> - -<p>Cependant un pressentiment secret que l'innocence -de son pre pourrait tre reconnue -laissait quelque esprance au fond de son cœur. -Plein de cette pense, il crivit en France, et -s'adressa une personne qui tait en position -de lui donner des lumires sur l'affaire de son -pre. Il apprend bientt que les vritables auteurs -du crime ont dpos de l'innocence -d'Honor Jourdan. Ds cet instant, affaires, -<span class="pagenum"><a id="Page_196">196</a></span> -commerce, amis, intrts, tout est oubli. Il -part pour aller apprendre cette nouvelle son -pre, et vient le conjurer de se reprsenter -ses juges. Le vieillard se jette dans les bras de -son fils et s'abandonne lui; et c'est lui qui -soutient les pas chancelans de son pre, et qui -l'amne aux pieds de la justice.</p> - -<p>Tandis qu'Honor Jourdan tait renferm -dans le cachot o il venait de se constituer -volontairement, son fils dploya tout le zle -dont est capable la pit filiale, pour hter -et faire proclamer sa justification. Des recherches -qui furent faites en cette circonstance, et -de la nouvelle instruction qui eut lieu, jaillirent -de nouveaux claircissemens sur le meurtre -de Vial.</p> - -<p>La nomme Jeanne-Marie Carlon, d'une -figure agrable et d'un caractre enjou, tait -connue par ses galanteries, et paraissait avoir -un got excessif pour la parure et pour la -dpense. Jean Vial, son mari, adonn toute -sorte de dbauches, et peu occup de ses affaires, -ne pouvait faire face aux prodigalits de sa -femme. Le nomm Gaspard Mars, boulanger -comme lui, s'tait introduit, de compagnie -avec Bazalgeste, homme sans aveu et sans -<span class="pagenum"><a id="Page_197">197</a></span> -profession, dans la maison de son confrre; -et tous deux taient les compagnons des dsordres -du mari et de la femme.</p> - -<p>Quant aux assiduits de Jourdan dans la -maison de Vial, elles n'avaient rien que de -fort naturel. Jourdan prtait souvent de l'argent -au boulanger pour des achats de farine; -de plus, Vial tait son locataire, et lui devait -plusieurs loyers. Au reste, celui-ci ne voyait -en lui qu'un bienfaiteur et un ami.</p> - -<p>Mais il ne voyait pas du mme œil Mars et -Bazalgeste; et plusieurs fois, dans des intervalles -de sagesse et de bonne conduite, il leur -avait manifest le dplaisir et la rpugnance -qu'il prouvait les voir si souvent chez lui. -Les liaisons de sa femme avec ces deux hommes -taient aussi la cause de querelles frquentes -dans le mnage.</p> - -<p>Il tait parfaitement constat par les procdures -que le complot de l'assassinat de -Jean Vial avait t ourdi chez Gaspard Mars, -le 6 fvrier, l'issue d'un souper; que le sieur -Jourdan n'tait point du nombre des convives, -et ne devait point en tre. Il rsultait encore -du procs, que Marie-Jeanne Carlon avait -plusieurs fois sollicit Gaspard Mars et Bazalgeste -<span class="pagenum"><a id="Page_198">198</a></span> -d'assassiner son mari; que depuis quelque -temps elle paraissait avoir abandonn ce -projet; qu'aucun des complices n'en avait -parl Jourdan, dans la crainte qu'il n'en -avertt Jean Vial.</p> - -<p>Il fut prouv que immdiatement aprs le -souper du 6 fvrier, la femme Vial tmoigna -l'envie qu'elle avait de manger des choux du -sieur Rippert; qu'elle engagea son mari, Bazalgeste -et Mars en aller voler; qu'ayant pris -ceux-ci l'cart, elle les pria d'assassiner Vial; -que, sur le refus de Mars, elle le traita de -<i>lche</i> et de <i>poltron</i>; que Bazalgeste prit la -parole et dit: <i>Il faut mettre cette femme tranquille</i>; -qu'ils allrent tous les trois du ct -d'une chapelle de Notre-Dame de Larrat; que -l Bazalgeste donna Vial le premier coup -de couteau dans le bas-ventre qui le fit tomber -raide mort; que Mars lui donna d'autres coups, -et qu'ils portrent le cadavre dans la citerne -situe auprs de la chapelle.</p> - -<p>En outre, l'innocence de Jourdan, qui ressort -videmment de ce rcit, avait t atteste -non seulement par la femme Vial et par Bazalgeste, -mais encore par Gaspard Mars, rfugi -dans les tats du roi de Sardaigne.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_199">199</a></span> -Les magistrats du parlement de Provence, -aprs avoir pris une connaissance parfaite des -faits, ne balancrent pas couronner les efforts -de Jourdan fils en faveur de son pre. -Par arrt du 29 mai 1782, Honor Jourdan -fut dcharg de l'accusation intente contre -lui; et un second arrt du 31 du mme mois -lui permit de faire imprimer et afficher le premier.</p> - -<p>Ainsi, aprs trente annes de fltrissure, -d'exil et de misre, il put revenir respirer encore -l'air natal; et du moins, avant de quitter -la vie, il eut la consolation de rentrer en possession -de l'estime et de la considration de -ses concitoyens, qu'une fatale erreur lui avait -enleves pour si long-temps.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_200">200</a></span></p> - -<h2>HOMICIDE<br /> -<span class="large">D'UNE ESPCE PARTICULIRE.</span></h2> - -<p>Les lois condamnent les violences, disait -le clbre avocat Le Maistre; mais lorsqu'elles -dfendent d'en faire, elles permettent de les -repousser; elles veulent que les hommes -coutent et respectent cette dfense dans le -commerce paisible et tranquille qu'ils ont ensemble; -mais elles les en dispensent lorsque -l'on commet contre eux des actes d'hostilit; -elles se taisent dans le bruit des armes, et elles -ne leur commandent pas alors d'attendre leur -protection et leur secours, et de remettre -tre veng par elles; parce que les innocens -souffriraient une mort injuste avant qu'elles -fussent venues pour en faire souffrir une juste - ceux qui seraient coupables.</p> - -<p>Ces considrations, inspires par un vritable -esprit d'quit, et par une sre connaissance -<span class="pagenum"><a id="Page_201">201</a></span> -des bases de l'ordre social, s'appliquent -parfaitement au fait suivant.</p> - -<p>Un cavalier de marchausse de Lannion, -en Bretagne, nomm Jean Marjo, reut ordre, -au mois de mai 1781, d'aller la foire de -Plestin, avec un de ses camarades, sous les -ordres d'un brigadier. Ils arrivrent ensemble - Plestin, le 21 du mme mois. Aprs avoir -mis leurs chevaux l'curie, ils parcoururent -le bourg, et y ayant trouv des gens qui tenaient -des jeux dfendus, ils les arrtrent, en -vertu de leurs instructions, et les constiturent -prisonniers.</p> - -<p>En sortant de la prison, les cavaliers entrrent -dans la chambre de l'audience de Plestin; -ils y trouvrent plusieurs personnes qui -demandrent au brigadier la libert de l'un -des prisonniers. Le brigadier refusa, et donna -l'ordre ses cavaliers de conduire les dtenus -dans les prisons de Lannion. Ceux-ci obirent -sans balancer; mais peine taient-ils arrivs -au milieu du bourg de Plestin, conduisant -les six prisonniers attachs, que des hommes -embusqus firent tomber sur eux une grle -de pierres. Le brigadier tomba, baign dans -son sang. Un des deux cavaliers, conduisant -<span class="pagenum"><a id="Page_202">202</a></span> -deux hommes, gagna au large; et Marjo, -rest seul pour soutenir le choc, ne vit d'autre -moyen de sauver ses jours qu'en se servant -de son mousqueton. Cette arme tait -charge gros plomb; le coup partit et tua un -des assaillans. Aussitt toutes les portes du -bourg sont fermes; le cavalier Marjo tait -expos tre extermin. Heureusement pour -lui, une femme, guide par le sentiment de -l'humanit, lui ouvrit sa porte, et favorisa -sa retraite ainsi que celle du brigadier bless. -Ils passrent par une porte de derrire, et rejoignirent -l'auberge de l'hpital o taient -leurs chevaux. Ils y trouvrent leur camarade -qui y avait t apport par des marchands, -tout couvert de blessures et de sang.</p> - -<p>Oblig de rester l'auberge de l'hpital -pour y soigner ses camarades, Marjo prit -toutes les prcautions possibles pour n'y pas -laisser pntrer la populace ameute.</p> - -<p>Malgr cette conduite digne d'loges, ce -brave cavalier fut traduit devant les tribunaux, -comme coupable d'homicide. Des -moyens nombreux militaient en sa faveur; -cependant les premiers juges, qui le croirait? -condamnrent Marjo tre pendu; mais sur -<span class="pagenum"><a id="Page_203">203</a></span> -l'appel, le parlement, par arrt du 18 juillet -1782, ordonna que le cavalier se retirerait -par devers le roi, pour obtenir des lettres de -grce. Ces lettres lui furent accordes, et le -parlement les entrina le 5 septembre suivant.</p> - -<p>On conoit qu'il y ait eu enqute et jugement - l'occasion de l'homme tu par Marjo; -mais ce qui est inconcevable, c'est la sentence -des premiers juges. Il nous semble qu'un arrt -d'acquittement devait terminer l'affaire. -Sans doute un soldat qui oserait abuser de -ses armes, et les faire servir d'instrumens -ses vengeances ou ses passions, mriterait la -punition la plus svre; mais si, tant troubl -dans ses fonctions, si des mutins s'opposant - l'excution des ordres qu'il a reus, il -est oblig de repousser la violence par la -force, il n'est pas juste, il est draisonnable -et impolitique de le soumettre aux peines ordinaires -prononces contre ceux qui troublent -la tranquillit publique. Si vous admettez -une semblable jurisprudence, alors -toute police deviendra impossible. Comment -voulez-vous maintenir l'ordre, si vous punissez -comme assassins ceux qui se dfendent -<span class="pagenum"><a id="Page_204">204</a></span> -en exposant leur vie pour le maintenir? Alors -un homme charg de crimes, un chef de brigands, -sera certain de l'impunit, pour peu -que des gens aposts veuillent se donner la -peine de l'arracher des mains de ces gardiens -qui ne pourraient le dfendre; alors des factieux -pourront tous les jours mettre en pril -la chose publique, attendu que les soldats -commands pour les rprimer craindront, -en changeant leurs balles avec celles qui -font tomber leurs camarades ct d'eux, -craindront, dis-je, d'tre accuss d'homicide.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_205">205</a></span></p> - -<h2>BLAISE FERRAGE,<br /> -<span class="large">OU LE BRIGAND ANTHROPOPHAGE.</span></h2> - -<p>On ne peut donner le nom d'homme au -sclrat dont nous allons essayer de retracer -les crimes. Ce monstre s'tait de lui-mme -retranch de l'espce humaine pour en faire -sa proie. Aussi c'est l'histoire d'une bte froce -qu'on va lire.</p> - -<p>Blaise Ferrage, surnomm Sey, tait maon -de profession. Le village de Ceseau, dans -le comt de Comminges, tait son pays natal. -Quoique d'une trs-petite stature, il avait -une force prodigieuse qui le rendait redoutable -dans tout le canton qu'il habitait. Malheureusement - cette vigueur physique se -trouvaient jointes les inclinations les plus perverses. -Libertin par temprament, ds sa -premire jeunesse, il poursuivait les femmes -et les filles avec tout l'acharnement luxurieux -d'un satyre.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_206">206</a></span> -Il avait vingt-deux ans lorsqu'il se bannit -lui-mme de la socit, afin, sans doute, d'en -enfreindre les lois plus son aise. Il alla -tablir son repaire dans le creux d'un rocher, -plac sur le sommet d'une des montagnes -d'Aure, voisine du lieu de sa naissance. S'lanant -de sa caverne, comme un nouveau -Cacus, il allait porter, de jour comme de -nuit, la dsolation dans les campagnes environnantes. -Il enlevait brebis, moutons, -veaux, volailles, en un mot tout ce qui -pouvait servir le repatre. Mais l ne se -bornait pas son brigandage: il n'et t alors -qu'un larron vulgaire. Il entranait dans son -antre les femmes et les filles qu'il pouvait -surprendre; lorsqu'elles croyaient lui chapper -par la fuite, il les poursuivait coups de -fusil, et ds qu'il les avait renverses, il courait -sur elles comme sur une proie, et assouvissait -sa passion froce sur leurs cadavres -encore palpitans.</p> - -<p>Comme chacun se tenait sur ses gardes -dans le voisinage contre les invasions de cet -ennemi commun, il arrivait que souvent il -manquait de vivres; et l'on assurait qu'il tait -devenu anthropophage. Il prfrait, dit-on, -<span class="pagenum"><a id="Page_207">207</a></span> -pour ses horribles repas, les femmes et les -filles aux mles. Il pouvait commettre sur -elles deux crimes la fois, et satisfaire en mme -temps ses apptits brutaux. La plus tendre -enfance n'tait pas l'abri des attentats de -ce forcen; le fer tait son auxiliaire..... Mais -la plume se refuse retracer ces dtails -atroces.</p> - -<p>Accroupi sur la cime des montagnes, il -attendait comme les ours et les loups, ses -dignes compagnons, l'occasion et l'heure du -carnage. Il menait la vie la plus dure, toujours -au milieu des neiges, des forts et des -rochers. Il marchait toujours arm, sa ceinture -garnie de pistolets, un fusil deux coups -sur l'paule, et une dague au ct. Aussi l'effroi -qu'il inspirait tait-il universel; la marchausse -mme n'en tait pas exempte. Sey -avait l'audace de descendre quelquefois aux -marchs de Montrigeau, ville voisine, pour -acheter de la poudre et des balles, et personne -n'osait mettre la main sur lui.</p> - -<p>Il n'avait t arrt qu'une seule fois, et -avait trouv le secret d'chapper ses geliers. -Les paysans prtendaient qu'il portait -dans ses cheveux une herbe qui avait la proprit -<span class="pagenum"><a id="Page_208">208</a></span> -de ronger le fer. Quoiqu'il en soit, -cette opinion tait si bien accrdite dans le -pays, que la seconde fois qu'il fut pris, on -lui sauta aux cheveux, comme un autre -Samson, afin de lui ter la ressource de cette -herbe merveilleuse.</p> - -<p>Il venait de commettre deux crimes avrs. -Souponnant un laboureur d'avoir voulu le -faire arrter, pour se venger de lui, il avait -mis le feu une grange qui renfermait ses -bestiaux; et sa haine avait contempl le spectacle -de l'incendie d'un œil satisfait. Un malheureux -Espagnol, marchand de mules, -passant au pied des montagnes d'Aure, pour -venir en France faire des achats, fit la rencontre -de Sey, qui s'offrit le conduire o -il voulait aller. Sous ce prtexte hospitalier, -il l'attira dans sa caverne, o il l'assassina -loisir. Il portait encore dans sa prison le -manteau de sa victime.</p> - -<p>Cependant la terreur allait toujours croissant; -les paysans n'osaient plus sortir seuls; -on ne parlait que de Sey; on cherchait les -moyens de s'affranchir de son horrible tyrannie. -Les communauts des habitans du canton -promirent des rcompenses celui qui aurait -<span class="pagenum"><a id="Page_209">209</a></span> -l'adresse de l'attirer dans les fers de la -justice. La tche n'tait pas facile, et ne pouvait -tre entreprise avec succs que par la -ruse. La caverne du monstre ne pouvait tre -escalade que par des sentiers trs-troits et -presque pic. Le farouche habitant de cette -forteresse tait toujours arm, toujours sur -ses gardes.</p> - -<p>Enfin un particulier, qui lui-mme n'tait -pas trs-honnte homme, et avait encouru -la svrit des lois, entreprit de mriter sa -grce et la rcompense promise par les communauts. -Il partit, se retira dans les mmes -montagnes que Sey, et feignit d'y choisir, -comme lui, une retraite contre les poursuites -de la justice. Sey donna dans le panneau, et -forma liaison avec le nouveau venu, n'ayant aucun -soupon, aucune dfiance: mais bientt, -par l'adresse de son nouveau compagnon, il -fut dcouvert une nuit qu'il s'tait gar dans -les montagnes, et sa force fut oblige de cder -au nombre de celles qu'on avait runies -contre lui.</p> - -<p>La nouvelle de sa capture rpandit la joie -dans tout le canton; on se regarda comme -dlivr d'un flau destructeur. Le procs de -<span class="pagenum"><a id="Page_210">210</a></span> -Sey ne fut pas long. Le parlement de Languedoc -le condamna, le 12 dcembre 1782, - tre rompu vif, et il fut excut le 13, -l'ge de vingt-cinq ans. On tripla la garde le -jour de son supplice. Un sclrat aussi dnatur -ne pouvait ni trouver de larmes, ni -manifester du repentir. Il marcha au lieu de -l'excution d'un air tranquille et le visage -color. Les paysans dont il avait t la terreur -tremblaient encore mme en le voyant -sur la roue, et ils ne furent parfaitement -rassurs que lorsqu'ils le virent mort.</p> - -<p>La tyrannie que ce brigand avait exerce -sur la montagne ne dura que trois annes -environ: mais que de crimes horribles et -divers pendant ce laps de temps! On comptait -dans le pays plus de quatre-vingts filles et -femmes qui avaient t sa proie et sa pture!</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_211">211</a></span></p> - -<h2>FRANOISE TIERS,<br /> -<span class="large">OU L'HOMICIDE LGITIME.</span></h2> - -<p>Dans le cas de lgitime dfense, la mort de -l'agresseur ne saurait tre assimile l'assassinat. -Il en est de mme aux yeux de l'humanit -et aux yeux de la justice, lorsqu'une femme, -runissant toutes ses forces pour repousser les -outrages faits sa pudeur ou les tentatives de -violence exerces contre elle, donne la mort -au sclrat qui la menaait de sa brutalit effrne. -Une mre, qui avait tu un capitaine -dans le moment o il faisait tous ses efforts -pour dshonorer sa fille, fut dclare innocente -par le parlement de Toulouse, qui lui -adjugea mme une somme sur les biens du -ravisseur.</p> - -<p>Jacques Sauvan de Vachres-en-Diois, tait -d'une force si prodigieuse, que, dans le pays, -on lui avait donn le surnom de <i>Mille-hommes</i>. -<span class="pagenum"><a id="Page_212">212</a></span> -Les excs de son temprament luxurieux, ses -lubriques ardeurs de satyre, le rendaient la -terreur des jeunes filles du canton. Quoique -g de cinquante-cinq annes, on le voyait, -couvert des haillons de la misre, poursuivre -avec acharnement toutes les personnes de l'autre -sexe, employant tour tour leur gard -la ruse et la violence. Aucun principe, aucune -considration ne pouvait rfrner sa brutale -passion. On l'accusait mme de n'avoir -pas respect sa belle-fille.</p> - -<p>Franoise Tiers, jeune paysanne ge de -quinze ans, brillante de fracheur et de beaut, -avait allum les dsirs grossiers de cette espce -de monstre. Il la couvait des yeux; il ne cessait -de la poursuivre partout o il la rencontrait; -et les occasions taient frquentes, puisqu'ils -habitaient le mme village. Il se montra d'abord - cette jeune fille sous les dehors les -plus doucereux, les plus patelins qu'il lui fut -possible de prendre; il cherchait la sduire -par le langage le plus tendre qui ft sa porte. -Mais Franoise, indpendamment de sa -vertu, avait pour soutien le dgot que lui -inspirait ce suborneur en cheveux blancs, et -le malheureux exemple de plusieurs de ses -<span class="pagenum"><a id="Page_213">213</a></span> -victimes. Aussi le fuyait-elle avec une sorte -de terreur.</p> - -<p>Cette rsistance de prcaution ne fit que -rendre la passion de Sauvan plus fougueuse -encore. Il pia les momens o il pourrait la -trouver seule, et tenta plusieurs fois d'en abuser; -mais toujours protge par sa vertu, par -le dgotant aspect de Sauvan, et par d'heureux -hasards, elle triompha pendant quatre -annes des poursuites, des instances et des -tentatives de ce misrable. Mais comment -chapper toujours un ennemi si acharn, -si audacieux, et capable de marcher au vice -par le crime?</p> - -<p>Le 28 avril 1782, Franoise Tiers, alors ge -de dix-neuf ans, et dans la fleur et la force de -la jeunesse, tait alle Boue, village loign -d'une lieue de celui qu'elle habitait. Aprs -avoir assist aux offices de l'glise, elle se disposait - revenir sa maison, lorsque Sauvan -courut aprs elle pour l'engager recevoir -sur son ne un double panier qu'il venait d'acheter. -Le premier mouvement de Franoise -fut de refuser; elle craignait en chemin quelque -nouvelle attaque. Mais la sollicitation du -nomm Bernard, qui avait vendu les paniers, -<span class="pagenum"><a id="Page_214">214</a></span> -elle consentit enfin s'en charger. Sauvan alla -boire avec Bernard, et pendant ce temps Franoise -partit, htant de tout son pouvoir le pas -de sa monture. Mais voyant que les paniers -de Sauvan l'embarrassaient et retardaient sa -marche, et que d'ailleurs la nuit approchait, -elle les dposa aux Combes, hameau situ -peu prs la moiti de son chemin; elle arriva -chez elle au dclin du jour, et se mit -vaquer aux soins domestiques dont elle tait -charge ordinairement.</p> - -<p>Il tait huit heures du soir; elle venait de -faire manger ses bestiaux. Dans l'instant o -elle se disposait fermer la porte de l'table, -parat l'odieux Sauvan, portant ses paniers sur -sa tte, et les yeux tincelans de colre, de -luxure et d'ivresse. Seule et surprise dans les -tnbres, Franoise frmit. Sauvan prend ses -paniers, et les pose terre devant elle, en disant: -Les voil pourtant, quoique tu n'aies -pas voulu les apporter jusqu'ici. Et aussitt -saisissant une hache qu'il trouve sous sa main, -il en dcharge un grand coup sur les paniers, -en disant qu'il lui en ferait autant si elle lui -rsistait davantage. En mme temps, il la saisit -par sa jupe, et lui jetant deux cus de six -<span class="pagenum"><a id="Page_215">215</a></span> -livres dans le sein, il l'assure qu'il lui serait -inutile de vouloir lui rsister, qu'il avait publi -partout qu'il l'avait dj connue, et qu'il -en jouirait ou que le diable l'emporterait; et, - ce mot, il tenta d'accomplir son affreux serment.... -La jeune fille, effraye la fois et indigne -de l'outrage, recueille ses forces, rsiste -et lutte contre son terrible adversaire. Dans le -trouble qui l'agite, dans le danger qui la presse, -dans l'ardeur de sa dfense, elle s'arme d'une -barre de fer qui servait d'arc-boutant la porte. -L'homme froce vient elle, Franoise lui -porte quelques coups de cette barre sur le -derrire de la tte. Un de ces coups fut mortel. -Sauvan bless, chancelle, tombe et expire -au mme instant.</p> - -<p>Saisie d'effroi de voir un homme mort -ses pieds, Franoise Tiers, dans le premier -mouvement de la peur, cherche cacher son -dlit involontaire. Avec l'aide de son jeune -frre, enfant de 11 ans qui, la voyant tarder -plus qu' l'ordinaire dans l'curie, tait venu -en savoir la cause, elle fait rouler le cadavre -par la prairie contigu son table et dont le -penchant est rapide. Le cadavre s'arrte dans -le trou d'un four chaux qui se trouvait au -<span class="pagenum"><a id="Page_216">216</a></span> -bas. Ce lieu lui inspire l'ide de dshabiller le -corps, et de le couvrir de chaux et de terre -pour qu'il ft plus tt consum. Elle excute -ce projet, et va cacher les habits de Sauvan -dans un coin de l'table.</p> - -<p>Cependant la disparition de Sauvan est remarque. -Son absence donne des inquitudes - sa famille. Ses parens et d'autres personnes -du village vont sa recherche. Ils s'arrtent -auprs de la maison de Tiers, parce qu'ils -avaient appris que, la veille, on avait entendu -du bruit et mme des cris du ct de cette maison. -Franois Tiers, pre, leur procure lui-mme -une lumire pour les aider dans leurs recherches. -Bientt on trouve les habits. La jeune -fille, entendant les conjectures que formaient -son pre et les autres personnes prsentes, et -voyant que les soupons semblaient menacer -des innocens, s'avance et leur dit: Vous -cherchez Sauvan; il n'est pas ici. Je l'ai tu -lorsqu'il voulait me violer, et ensuite je l'ai -enterr dans le four chaux. Ainsi ne souponnez -personne: j'tais toute seule, et c'est -moi seule qui lui ai donn la mort, sans le -vouloir, d'un coup de la barre de la porte.</p> - -<p>Sur cet aveu, Franoise Tiers fut arrte; -<span class="pagenum"><a id="Page_217">217</a></span> -son pre et ses jeunes frres furent galement -saisis, et tous furent enferms dans les curies -du seigneur.</p> - -<p>La justice, informe de cet vnement, se -transporta sur les lieux, le 1<sup>er</sup> mai, procda -le lendemain la leve du cadavre que l'on -trouva entier; et comme si la Providence et -voulu, pour justifier l'innocence, laisser sur -le coupable, mort depuis deux jours, une -preuve toujours vivante de son crime, on le -trouva tel encore qu'il avait d tre dans ses -efforts libidineux pour le consommer: tmoignage -impur, mais aussi vident qu'extraordinaire, -que la mort l'avait surpris en flagrant -dlit.</p> - -<p>On entendit le rapport du chirurgien et -les dpositions de seize tmoins qui n'avaient -rien vu. Franois Tiers fut dcrt d'ajournement -personnel, et Franoise Tiers et son -jeune frre de prise de corps. On procda ensuite - leur interrogatoire. Le juge, convaincu -par l'information et la connaissance qu'il avait -des lieux, de l'alibi et de l'innocence du pre, -lui fit rendre la libert; mais il arrta l la -procdure, et se hta d'envoyer la jeune fille -et son frre dans les prisons de Valence, pour -<span class="pagenum"><a id="Page_218">218</a></span> -y tre jugs par les officiers de la snchausse.</p> - -<p>Un tmoin, un seul tmoin avait arrang, -dans sa dposition, une histoire toute diffrente -des autres tmoignages et pleine de graves -inconsquences. Suivant lui, sa femme, revenant -du glandage, sur la fin du jour, avait -entendu des cris du ct de la maison de Tiers: -elle se rendit chez elle et s'vanouit. tant revenue - elle, elle raconta ce qu'elle avait entendu, -et fit part de ses rflexions et de ses -ides son mari. Celui-ci voulut sortir pour -aller apprendre ce qui se passait dans cet endroit, -elle s'y tait oppose. Enfin il tait sorti, -et, arriv sur les lieux du dlit, il avait distingu -et reconnu dans l'ombre les bras de -l'homme qui se dfendait, et le jeune Tiers, -g de onze ans, qui portait des coups Sauvan -et le faisait prir lentement. Quelle apparence -y avait-il que le robuste Sauvan, surnomm -<i>Mille-hommes</i>, et succomb dans une -longue lutte, sous les coups rpts d'une -jeune fille de dix-neuf ans et d'un enfant de -onze ans! Quelle apparence aussi que le singulier -personnage qui disait avoir vu ce spectacle -en et t tranquille spectateur, sans -prter aucun secours la victime?</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_219">219</a></span> -Toute cette procdure fut envoye au garde-des-sceaux, -qui se hta de calmer l'incertitude -cruelle des deux accuss et de leur famille, -en crivant que Franoise Tiers aurait sa grce.</p> - -<p>En effet, le chef de la magistrature consomma -cette œuvre de justice et d'humanit, -et aprs un examen rflchi qui parvint le -convaincre de la vrit des faits, il manda -l'avocat des accuss, par une lettre du 18 septembre -1782, que le roi avait accord ces -infortuns des lettres de rmission.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_220">220</a></span></p> - -<h2>LE CONSEILLER DE VOCANCE,<br /> -<span class="large">FAUSSEMENT ACCUS D'EMPOISONNEMENT.</span></h2> - -<p>Voici ce que disait, au sujet de cette accusation -calomnieuse, le clbre avocat-gnral -Servan, qui contribua par son loquence au -triomphe de l'innocence calomnie: Non, -j'ai beau chercher dans les fastes du cœur humain -dnatur une atrocit comparable; je ne -la trouve ni dans l'histoire, ni mme dans la -fable. Une Mde, dans la fable, assassine ses -deux enfans aux yeux de son poux; mais -l'intrt de la jalousie furieuse la transporte. -Atre, dont le nom fait frmir, Atre, dont -nos thtres mme, dont la scne de l'illusion -n'a pu soutenir la prsence; Atre tait vertueux -auprs de M. de Vocance; il se venge -du plus cruel affront et tue l'enfant d'un -autre. Fayel, auprs de Gabrielle de Vergy, ne -parat qu'un poux modr. La Brinvilliers, -ce nom qui nous prsente l'image du crime -<span class="pagenum"><a id="Page_221">221</a></span> -mme sous les traits d'une jeune femme; la -Brinvilliers fit un sacrifice horrible de la nature - l'amour; elle empoisonna son frre et -son pre, perscuteurs de son amant; mais -son mari indulgent pour sa faiblesse, mais ses -enfans, elle ne les empoisonna point. Desrues, -qui prpara ses poisons le masque de la religion -sur le visage, Desrues avait une grande -avarice contenter; le sclrat songeait sa -famille, et ne l'assassinait pas; mais je dfie -qu'on me cite un homme de trente-cinq ans, -un gentilhomme, un magistrat qui, pour son -premier crime, son coup d'essai, empoisonne - la fois, sous ses yeux et de sa main, son ami, -sa femme et ses enfans, et qu'il les empoisonne -pour rien.</p> - -<p>Tel est le tableau nergique que Servan -traa de cette dplorable affaire. Passons -maintenant aux faits.</p> - -<p>M. de Vocance, conseiller au parlement de -Grenoble, s'tait retir de cette compagnie, - l'poque de sa suppression en 1771. Il se livra -d'abord ses affaires domestiques et -l'ducation de ses enfans. Il avait l'habitude -de passer la belle saison avec sa femme et sa -famille, sa terre de Chatonay, situe dans le -<span class="pagenum"><a id="Page_222">222</a></span> -Bas-Dauphin, quatre lieues de Vienne.</p> - -<p>Dans ce sjour, il se lia de la plus intime -amiti avec l'abb de Bouvard, parent de madame -de Vocance, et chanoine du chapitre de -Saint-Pierre, Vienne. Cet ecclsiastique, -d'une fortune trs-mdiocre et d'un ge dj -avanc, fit bientt sa maison propre de celle -de M. de Vocance. Le voisinage et la parent -avaient donn lieu leur liaison, la convenance -mutuelle, l'habitude et les soins que -l'abb donnait l'ducation des enfans de son -ami, en resserrrent bientt les nœuds, et firent -qu'elle devint ensuite un besoin pour -tous. La moiti de l'anne, le chanoine de -Vienne allait en retraite la maison de campagne -de M. de Vocance. Pendant neuf ans, -rien ne put altrer cette intimit. L'abb de -Bouvard, mcontent de quelques neveux qu'il -avait, se dtermina laisser une partie de son -modique hritage aux enfans de son ami, en -rcompense d'une hospitalit absolument gratuite -et des soins persvrans que l'on avait -eus pour lui. Mais M. de Vocance s'opposa -formellement cette donation, et dsigna au -testateur son hritier naturel dans le plus -jeune de ses neveux. Ces instances produisirent -<span class="pagenum"><a id="Page_223">223</a></span> -leur effet; M. de Vocance ne figura -dans les dispositions de l'abb qu'en qualit -d'excuteur testamentaire.</p> - -<p>Ce procd dlicat que, dans nos mœurs, -on appellerait gnreux, annonce un dsintressement -non quivoque. M. de Vocance -pouvait, sans scrupule comme sans reproche, -accepter un tmoignage d'attachement -qu'il n'avait pas sollicit; il le refusa. Comment -pouvait-il se faire que, peu de temps -aprs, il et cherch s'emparer des dbris -de sa dpouille par trois forfaits simultans?</p> - -<p>Vers la fin de dcembre 1780, l'abb de -Bouvard vint reprendre sa station Chatonay. -M. et madame de Vocance, prts retourner - Vienne aux approches de l'hiver, -prolongrent de deux mois leur sjour la -campagne, pour rpondre aux dsirs de leur -vnrable ami. Ce terme touchait sa fin, -lorsque, le 20 fvrier 1781, l'abb de Bouvard, -parlant du djener du lendemain, demanda - sa parente du caf aux jaunes d'œufs. -En se levant, madame de Vocance ordonne -le caf: la femme de chambre le prpare la -cuisine dans le vase ordinaire: la cuisinire -casse deux œufs, elle en extrait le jaune sur -<span class="pagenum"><a id="Page_224">224</a></span> -une assiette qu'elle remet la femme de -chambre. Celle-ci passe l'office, en rapporte -le sucrier rempli de cassonnade, en saupoudre -les œufs en prsence de tous les domestiques, -et apporte le djener dans la chambre -de sa matresse. M. de Vocance venait d'y -entrer. Il y tait seul pour le moment, avec -ses enfans; il bat les œufs; sa femme rentre, -elle consomme le mlange, le vide en deux -tasses qu'elle achve de remplir avec du caf, -conserve l'une pour son usage, et envoie -l'autre l'abb de Bouvard, encore au lit, -par la jeune de Vocance, ge de dix ans.</p> - -<p>Dans cet intervalle, les domestiques avaient -aussi song leur djener. Sur le marc de -caf ils avaient vers du lait; la cuisinire -avait sucr le tout d'un morceau solide de -cassonnade, de la grosseur d'une noix pris -dans le sucrier. Cinq des domestiques en burent -impunment; il n'en fut pas de mme du -terrible mlange dont les matres venaient de -faire usage.</p> - -<p>Madame de Vocance boit sa tasse; ses enfans, -autour d'elle, participent son djener; -elle leur en donne plusieurs cuilleres. -Son mari qui ne djene jamais, et qui, de -<span class="pagenum"><a id="Page_225">225</a></span> -plus, ne prend jamais de caf, ne quitte -point la chambre; il assiste aux distributions -de la mre, au rgal des enfans, et l'empoisonnement -de tous les trois.</p> - -<p>A peine ce funeste breuvage est-il dans -leurs entrailles, que son activit se dveloppe. -Les enfans sont atteints de vomissemens violens; -le malheureux pre prend son fils dans -ses bras, et tche de le secourir; sa fille, -faisant de cruels efforts pour vomir, est -tendue sur une chaise: bientt madame de -Vocance elle-mme prouve les mmes effets; -on ne doute plus que le caf ne ft empoisonn; -les deux poux se prcipitent, en frmissant, -dans l'appartement de l'abb. Ils -le trouvent assis sur son lit, la tte sur ses -mains, et vomissant avec les efforts les plus -douloureux.</p> - -<p>On court au chirurgien du village, pour -constater l'existence et la nature du poison; -il visite la cafetire, la fourchette, l'assiette, -et n'y trouve rien. On souponne la cassonade; -l'imprudente femme-de-chambre ne -pouvant lui attribuer des effets aussi terribles, -en prend une pince dans le mme sucrier, -et l'avale. Sur-le-champ elle vomit; -<span class="pagenum"><a id="Page_226">226</a></span> -plus de doute sur l'origine de l'accident. Le -chirurgien dissout dans de l'eau tide une -portion de cette cassonade, et dans le sdiment -prcipit au fond du verre, il croit -trouver une particule arsnicale.</p> - -<p>Le poison dcouvert, on cherche remdier - ses ravages. Le plus efficace des spcifiques, -le lait est essay, mais par une -fatale mprise du chirurgien, il abandonne -bientt cet antidote pour recourir au tartre -mtique. Il le distribue grandes doses; -les vomissemens et les efforts redoublent: -l'abb, empoisonn par une tasse entire, -tait le plus souffrant et le plus expos: l'mtique -rpt le fit vomir jusqu'au sang; et -pour consommer le danger du traitement, le -chirurgien lui fit avaler de l'lixir des Chartreux -et du vin d'Alicante; c'tait lui porter -le dernier coup; au bout de douze heures des -plus vives angoisses, M. de Bouvard expira. Ses -derniers momens furent partags entre le salut -de son me et les regrets donns son ami.</p> - -<p>La mort de ce respectable ecclsiastique -n'tait peut-tre pour M. de Vocance que le -prlude de pertes plus douloureuses encore; -sa femme et ses enfans taient menacs du -<span class="pagenum"><a id="Page_227">227</a></span> -mme sort. Mais force de soins, au bout -de quinze jours du pril le plus imminent, on -ne craignit plus pour leur vie.</p> - -<p>Cependant, au milieu de cette dsolation, -la justice vint remplir son devoir. Le chtelain -du lieu informa sur ce dsastre: on -entendit tous les tmoins capables d'en constater -les circonstances; le rsultat du procs-verbal -fut la vrit des dtails que l'on vient -de raconter; en consquence, le juge pronona -qu'il n'y avait lieu aucun dcret.</p> - -<p>Mais bientt la rumeur populaire s'empare -de cet vnement, et s'abandonne avec intemprance, -selon sa coutume, aux conjectures -et aux insinuations les plus perfides. -Ces bruits scandaleux s'enflent, se propagent.</p> - -<p>M. de Vocance voulant cacher sa femme -la mort de l'abb de Bouvard, avait procd -sans bruit aux funrailles de son vieil ami. -On tourna cette prcaution contre lui, comme -un poignard. Pourquoi, se disait-on, cet ensevelissement -secret? Qui empcherait que M. de -Vocance n'et lui-mme assaisonn la cassonade? -Pourquoi, les domestiques en ayant -fait usage, ont-ils t prservs? Leur matre -n'est-il pas joueur, dissip, jaloux de sa femme -<span class="pagenum"><a id="Page_228">228</a></span> -qu'il nglige? Ne s'ensuit-il pas de l qu'il a -pu empoisonner sa famille et son ami?</p> - -<p>Bientt ces prsomptions atroces prirent -crdit dans le public tel point que le procureur-gnral -au parlement de Grenoble -crut devoir ordonner au procureur du roi -du bailliage de Vienne de faire une nouvelle -information. M. de Vocance, sa femme, ses -domestiques furent entendus comme tmoins.</p> - -<p>On interrogea les voisins, les droguistes, -les apothicaires, tous ceux de qui on pouvait -esprer des claircissemens sur l'empoisonnement -et sur le poison. Que produisit cette -enqute? Une dcouverte importante, mais -nullement celle d'un crime. On dcouvrit que, -depuis plusieurs annes, M. de Vocance avait -fait un achat d'arsenic pour les rats.</p> - -<p>Quoiqu'il en soit, le juge de Vienne dcrta -de prise de corps la cuisinire, la femme -de chambre et l'un des domestiques de M. de -Vocance, qui lui-mme fut, deux mois aprs, -l'objet d'un dcret d'ajournement personnel. -M. de Vocance, justement alarm, vit clairement -que la trame ourdie contre lui, ayant -pu russir obtenir l'ordre de lui ravir la -libert, pouvait galement compromettre sa -<span class="pagenum"><a id="Page_229">229</a></span> -vie. Il se droba aux poursuites de la justice. -La procdure fut continue pendant son absence, -et le juge de Vienne, aprs avoir mis -hors de cour les trois domestiques, condamna -M. de Vocance un plus ample inform indfini -et aux dpens.</p> - -<p>Comment l'arsenic s'tait-il trouv ml -avec la cassonade? C'est ce que l'on n'a pu -savoir d'une manire positive. Tout ce qu'on -sait, c'est qu'il y avait dans la maison de M. de -Vocance de l'arsenic pour les rats; que -peut-tre on avait mis ce poison dans l'office, -o les rats se tiennent plus qu'ailleurs; -que la clef restait souvent la porte et que -des enfans peuvent avoir fait imprudemment -cet horrible mlange. Ce qui a t dit de -plus vraisemblable cet gard, rsulte de -la dposition de deux tmoins. Il tait prsumer -que quelques livres de cassonade, -achetes quelque temps avant la catastrophe, -avaient t jetes sans prcaution, par -l'picier, dans un sac au fond duquel tait -probablement un reste d'arsenic; le sac avait -t dpos l'office, tel qu'il tait sorti des -mains du marchand; on y puisait selon le -besoin: tant qu'on ne toucha point au fond, -<span class="pagenum"><a id="Page_230">230</a></span> -la cassonade ne fut point nuisible; ce ne -fut que lorsqu'on en vint prendre le poison -ml que le malheur arriva.</p> - -<p>M. de Vocance interjeta appel du jugement -du tribunal de Vienne devant le parlement -de Grenoble. Cette cour ne ngligea -rien de ce qui pouvait clairer sa religion -dans une cause aussi dlicate, o il s'agissait -de l'honneur et de la vie d'un citoyen distingu. -Des monitoires furent publis et une -nouvelle instruction ordonne. Il en rsulta, -non des charges contre M. de Vocance, mais -des preuves irrcusables de son innocence. -Le clbre Servan prit en main la dfense de -l'accus, et sa chaleureuse loquence pulvrisa -les calomnies entasses contre son -client.</p> - -<p>Enfin, par arrt du 15 juillet 1783, le premier -jugement fut annihil; M. de Vocance -fut dcharg de l'accusation intente contre -lui, aussi bien que les trois domestiques qui -y avaient t impliqus.</p> - -<p>Ainsi, grces aux soins d'un parlement -clair, une innocente victime fut arrache -la mchancet publique qui s'apprtait la -traner l'chafaud.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_231">231</a></span></p> - -<h2>MOINOT,<br /> -<span class="large">EMPOISONNEUR DE SA FAMILLE.</span></h2> - -<p>On ne saurait trop le rpter, la dbauche -est la source d'une infinit de crimes. Dans -beaucoup de cas, on pourrait la considrer -comme le premier chelon de l'chafaud. Tel -qui finit par souiller sa vie de forfaits a souvent -commenc par cder sans rflexion un -penchant criminel. Le fait suivant fournit un -exemple de plus de cette triste vrit.</p> - -<p>Franois Moinot, journalier de la paroisse -de Saint-Romain, snchausse de Civray, vivait -en trs-bonne intelligence avec sa femme. -Son travail et celui de sa femme suffisaient -leur subsistance et celle de leurs enfans. -En un mot, cette famille jouissait de tout le -bonheur que l'on peut trouver dans une condition -honnte et laborieuse. Ce bonheur pouvait -se prolonger jusqu'au terme de la carrire -des deux poux, si Moinot n'et pas -<span class="pagenum"><a id="Page_232">232</a></span> -cd aux aveugles transports d'une passion -criminelle qui devait l'entraner bientt au -forfait le plus pouvantable.</p> - -<p>Ce journalier ayant fait connaissance de la -fille d'un laboureur d'une paroisse voisine, -conut pour elle une passion dsordonne. -Cette jeune fille se nommait Catherine Segaret. -Elle rpondit l'amour de Moinot; et -leur liaison ne tarda pas tre criminelle. Ce -commerce coupable les amena insensiblement - former le projet de s'unir; mais pour en -rendre l'excution possible, Moinot fut inspir -par un gnie infernal. Il conut le dessein -de se dbarrasser du mme coup, et par -le poison, de sa femme et de ses enfans. Ce -n'tait pas assez pour ce monstre d'une seule -victime; il voulait pour ainsi dire ensevelir -dans le mme tombeau tous les fruits de son -premier amour, pour qu'ils ne fussent pas continuellement -devant ses yeux des reproches -vivans de son crime.</p> - -<p>Franois Moinot achte de l'arsenic, et -pie avec impatience une occasion favorable -pour consommer son forfait. Il saisit le moment -o sa femme tait sortie avec ses enfans; -il met le fatal poison dans la soupe destine -<span class="pagenum"><a id="Page_233">233</a></span> -au dner de la famille. L'heure du repas -arrive, il feint de n'avoir pas apptit, et -s'abstient de toucher au plat empoisonn. -Mais sa femme et ses enfans n'eurent pas -plus tt mang de cette soupe qu'ils prouvrent -tous les symptmes de l'empoisonnement. -L'an des enfans de Moinot mourut au -bout de quelques instans dans des convulsions -horribles. Le bruit de cet vnement se rpandit -aussitt dans le village. La mre et les -autres enfans ne furent pas long-temps sans -prouver les mmes accidens; mais des secours -administrs propos les rappelrent - la vie et la sant. Cependant les soupons -se runirent sur Franois Moinot. La justice -ayant fait constater le dlit, le coupable et sa -complice furent conduits en prison. Aprs -une instruction trs ample, Moinot fut dclar -convaincu d'avoir empoisonn sa femme -et ses enfans, et pour rparation condamn -tre rompu vif et jet au feu.</p> - -<p>Sur l'appel de la sentence des premiers -juges, les accuss furent transfrs la conciergerie, -et la fille Segaret y mourut le 21 -septembre 1783. Six jours aprs, Moinot fut -condamn par le parlement faire amende -<span class="pagenum"><a id="Page_234">234</a></span> -honorable, avec criteau portant ces mots: -<i>empoisonneur de sa femme et de ses enfans</i>, -au devant de la principale porte de l'glise -de Saint-Nicolas de Civray, tre ensuite -rompu vif, mis sur la roue, puis jet dans -un bcher ardent pour y tre rduit en cendres, -et ses cendres jetes au vent.</p> - -<p>Jamais condamnation ne fut plus quitable -que celle qui fut prononce contre l'auteur -d'un attentat aussi monstrueux. Le crime -dont il avait t accus tait constat de la -manire la plus authentique, et les preuves -les plus videntes se runissaient contre le -coupable. Les juges, vengeurs de l'innocence -et de la socit, n'avaient pas hsiter sur l'application -de la peine; ils prononcrent en -connaissance de cause.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_235">235</a></span></p> - -<h2>BARBE DIDIOT.</h2> - -<p>Le moindre dsordre dans la socit peut -donner lieu aux plus graves accidens, entraner -la ruine de plusieurs familles, les vouer - la honte et au mpris public, et faire quelquefois -monter des innocens l'chafaud. -C'est ainsi que le plus petit drangement dans -les ressorts d'une machine ne tarde pas y -porter la turbation, et en paralyser toutes -les fonctions. Quand le moraliste remonte -la source des plus grands crimes ou des accusations -les plus capitales, il est presque toujours -sr de trouver qu'ils sont les effets de -causes presque indiffrentes au premier coup -d'œil.</p> - -<p>Ainsi une fille, aprs tre devenue mre, -essuie des reproches de ses parens, et disparat -tout--coup de son village. On ignore -quelle route elle a prise, dans quelle ville -elle s'est retire. A la fontaine, au moulin, -<span class="pagenum"><a id="Page_236">236</a></span> - la veille, partout, les commres du canton -s'interrogent, s'interrompent, et se rpondent -diversement sur le sort de la fugitive. Elle -est, dit l'une, aux Loges auprs de Grand-Pr.—Non, -reprennent les autres, on l'a vue - Paris; on lui a parl prs de telle glise.—Point -du tout, dit une troisime; elle tait -enceinte des œuvres du sieur un tel; il l'a -empoisonne avec un gobelet de vin, et l'a -enterre tout habille dans un trou vers le -soupirail de la cave.—Cela n'est pas vrai, -rplique une commre qui survient, on l'a -trouve dans la maison de son assassin, ayant -des coups de couteau la gorge, et lie avec -quatre liens dans une botte de paille.</p> - -<p>Ces affreux propos passent de bouche en -bouche; le magistrat prend des caquets pour -la clameur publique, et sans autre dnonciation, -sans aucun corps de dlit, sans savoir -si cette fille gorge, empoisonne, enterre -mme, est morte, ou si elle vit, il rend -plainte contre l'homme dsign par tous ces -bavardages, le fait dcrter de prise de corps, -ordonne qu'il soit jet dans les prisons, envoie -dans sa maison des ouvriers qui la fouillent -et refouillent en tous sens pendant douze -<span class="pagenum"><a id="Page_237">237</a></span> -jours; enfin, fait planer sur sa tte innocente -cinq ou six accusations toutes capitales. Que -de calamits causes par le premier garement -d'une jeune fille!</p> - -<p>Nicolas Sillet, g de prs de soixante ans, -exerant avec honneur les fonctions de notaire -royal Montfaucon en Champagne, -est, dans cette histoire, le personnage innocent -aux prises avec la calomnie. Il faisait valoir, -par les mains de Didiot, laboureur, et -de Catherine Melinet, sa femme, quelques -hritages dpendans de son patrimoine. Didiot -tait un excellent cultivateur, mais pauvre; -le sieur Sillet lui fit plusieurs avances, -soit pour acheter des bestiaux, soit pour subvenir - ses besoins personnels. En 1771, Grard -Mazagot vendit Didiot un cheval, -moyennant la somme de deux cent cinquante -livres. Le 1<sup>er</sup> juillet, on fit un billet payable -en trois paiemens. Didiot, sa femme et leur -fille majeure, s'obligrent solidairement envers -le vendeur. Ce march fut peine conclu, -que les acheteurs recoururent au sieur -Sillet, le priant de les acquitter envers Mazagot, -et de se subroger ses droits. Il y consentit, -et paya Mazagot, qui lui donna quittance, -<span class="pagenum"><a id="Page_238">238</a></span> -avec subrogation ses droits. Ainsi le -sieur Sillet devint crancier de Jean Didiot, -de sa femme et de sa fille, d'une somme de -deux cent cinquante livres, sans parler de -plusieurs autres dettes antrieures.</p> - -<p>Barbe Didiot, fille du dbiteur du sieur Sillet, -faisait patre les bestiaux de son pre, et -l'aidait dans les travaux du labourage. Malheureusement -cette fille n'avait point cette -simplicit de gots et de mœurs ncessaire -pour apprcier le bonheur de la vie des champs. -Recherche dans ses ajustemens, elle voulait -aimer et plaire. Elle avait dj port les fruits -de sa coquetterie; le 2 juillet 1766, elle avait -fait sa dclaration qu'elle tait enceinte d'environ -sept mois, des œuvres de Jean Sillet, -frre du notaire; et peu de temps aprs elle -avait donn le jour une fille.</p> - -<p>Depuis cette poque, Barbe tait frquemment -en querelle avec ses parens. Il lui fallait subir, -en outre, les brocards de tous ceux qu'elle -rencontrait, et qui ne l'pargnaient gure sur -l'article de sa maternit prcoce. Ces circonstances -lui rendaient fort dsagrable le sjour -de son pays natal. D'un autre ct, vaine, lgre, -coquette par caractre, Barbe se dplaisait -<span class="pagenum"><a id="Page_239">239</a></span> -dans la mdiocrit de son tat; tous -les jours elle parlait de quitter sa famille, -d'aller Paris, et de n'en revenir que <i>quand -elle serait sur le bon ton</i>.</p> - -<p>Enfin, dtermine excuter son projet -dans le mois de juillet 1774, tant alors ge -de trente-deux ans, elle pria quelques-unes -de ses connaissances de vouloir bien lui garder -plusieurs de ses effets qu'elle ne pouvait emporter; -mais personne ne voulut se charger -de ce dpt. Le sieur Sillet possdait Montfaucon, -loin de son domicile, une masure -compose d'une grange et d'une curie. On -en dposait la clef dans un trou du mur, et -Barbe Didiot ne l'ignorait pas, puisqu'elle la -prenait tous les jours pour aller soigner les -bestiaux. Elle fit donc diffrens ballots de ses -effets, les porta dans cette masure, la nuit du -21 au 22 juillet 1774, et les cacha dans diffrens -endroits d'un tas de foin.</p> - -<p>Le 22, cette fille vint chez le sieur Sillet; -elle lui fit part de sa rsolution, <i>sous l'inviolabilit -du secret</i>. Elle lui dclara qu'elle avait -dpos dans sa masure une partie de ses hardes, -et qu'elle y avait pass la nuit. Le sieur -Sillet lui fit alors toutes les observations possibles -<span class="pagenum"><a id="Page_240">240</a></span> -pour l'engager rester avec ses parens: -ce fut en vain. Au moins, lui dit-il en insistant, -vous auriez d laisser vos effets chez -votre pre.—Non, rpliqua-t-elle; ils seront -plus en sret chez vous que chez mon pre: -<i>je les ai achets de mon argent, ils m'appartiennent</i>. -D'ailleurs je vous dois ainsi que mon -pre et ma mre; ne leur faites point de frais; -mes effets vous serviront de nantissement.</p> - -<p>Barbe Didiot partit donc, et ses effets restrent -o elle les avait placs, sans que le sieur -Sillet s'en occupt le moins du monde. Souvent -ils furent vus par les gens qui prenaient -ou serraient du foin dans la grange. Lorsqu'on -venait en parler au sieur Sillet, fidle au secret -qu'on lui avait demand, il se contentait -de rpondre qu'il fallait les laisser et les ranger -de manire qu'ils ne gnassent point.</p> - -<p>Dans le temps de la disparition de Barbe -Didiot, l'on vit passer Lizy prs Vouziers, -sur la route de Paris, une fille proprement -mise. Quelqu'un l'ayant aborde, lui fit diverses -questions; elle rpondit qu'elle tait -de Montfaucon, et qu'elle allait travailler en -France ou chercher condition Paris. On lui -tmoigna de la surprise de ce qu'une fille si -<span class="pagenum"><a id="Page_241">241</a></span> -bien habille chercht condition; elle rpliqua -qu'elle s'loignait de son pays parce -qu'elle n'avait pas lieu d'tre satisfaite de ses -parens.</p> - -<p>En 1775, la masure dont on vient de parler -tomba presque entirement en ruine: la -vote de la cave se fendit de toutes parts. Le -sieur Sillet ayant achet, prs de cette masure, -une partie de maison, voulut les faire -rparer l'une et l'autre en mme temps. Il -traita donc avec deux ouvriers qui se chargrent -de l'entreprise. Lors de la rception de -l'ouvrage, il les rgala comme c'est assez l'usage -en province; il parat mme que le vin -ne leur fut pas pargn; ils retournrent -grand'peine leur logis.</p> - -<p>Alors la chronique scandaleuse dbita qu'il -les avait fait boire avec excs pour les engager - taire qu'ils avaient trouv, dans la cave, -le cadavre de Barbe Didiot, comme si l'ivresse -avait jamais t la garantie de la discrtion. -Avant qu'on tnt ces propos, on avait parl -de la fille Didiot devant le sieur Sillet; et on -lui avait demand s'il savait ce qu'elle tait -devenue. Tantt il avait rpondu: <i>Je n'en sais -rien</i>; tantt: <i>Elle est peut-tre fort son aise</i>. -<span class="pagenum"><a id="Page_242">242</a></span> -Quelquefois faisant allusion aux brillantes -esprances que Barbe avait conues, il avait -ajout par plaisanterie: <i>Sans doute vous la -verrez revenir tt ou tard, et sur le bon ton</i>.</p> - -<p>On tira des inductions horribles de ces rponses -si naturelles. Chacun mit son opinion, -chacun apporta sa conjecture. Insensiblement -les prsomptions bien ou mal fondes -devinrent des certitudes; et quoiqu'il -n'existt aucun corps de dlit, la populace, -dans ses rumeurs indiscrtes, n'en dsignait -pas moins un coupable.</p> - -<p>Barbe Didiot avait disparu le 22 juillet 1774; -ce ne fut que le 28 novembre 1775 que le -procureur-fiscal de la prvt de Montfaucon -rendit une premire plainte entirement fonde -sur les propos que nous venons de rapporter. -En consquence, Nicolas Sillet, ses -complices, fauteurs et adhrens, devinrent -l'objet d'une information qui fut ordonne -par le prvt. Cette premire information fut -compose de trente-six personnes. En 1776, -on dcerna trois dcrets d'ajournement personnels, -l'un contre Sillet, accus d'avoir favoris -l'vasion de Barbe Didiot, d'tre l'auteur -de sa grossesse lors de son vasion; d'avoir -<span class="pagenum"><a id="Page_243">243</a></span> -en mme temps recl chez lui les effets -qu'elle avait enlevs de chez ses parens; de celer -l'endroit o il l'avait place, et d'empcher -qu'elle ne revnt chez eux, malgr les pressantes -sollicitations qui lui avaient t faites. Les deux -autres dcrets taient lancs contre Claudette -Sillette, femme Mazagot, pour avoir port, -depuis l'vasion de Barbe Didiot, une coiffure -de cette dernire; et contre Grard Mazagot, -marchand, pour avoir souffert que sa -femme et port cette coiffure.</p> - -<p>Le 7 fvrier 1776, ces trois personnes dcrtes -furent interroges. Au mois d'octobre -1780, le sieur Sillet fit encore travailler sa -maison. Les ouvriers y trouvrent, sous le -foin, les effets de Barbe Didiot qu'on n'avait -pas dplacs; aussitt ils accoururent avec -mystre vers Sillet, et lui firent part de leur -dcouverte. Nous sommes, ajoutrent-ils, -obligs d'en avertir les seigneurs et leurs officiers -de justice; mais dites-nous une bonne -parole, il n'en sera jamais question.—La -bonne parole que je puis vous donner, rpliqua -Sillet, c'est de faire mon ouvrage. Quant - ces ballots, mettez-les de ct s'ils vous gnent; -vous avez assez de place.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_244">244</a></span> -Aussitt les ouvriers publirent partout -qu'ils avaient dcouvert les effets de Barbe -Didiot; et sur-le-champ le procureur-fiscal -requit le transport du juge dans la maison du -sieur Sillet, pour s'assurer de l'existence des -effets dont il tait question et en dresser inventaire. -La reconnaissance et l'inventaire -ayant eu lieu, le 30 octobre, jugement fut -rendu l'effet de chercher s'il n'y aurait pas -quelque cadavre dans la maison du sieur Sillet. -Celui-ci consentit volontiers l'excution -de ce jugement. Pendant douze journes, quatre -experts investigateurs firent creuser et -fouiller la maison dans tous les sens, et dclarrent -n'avoir rien trouv.</p> - -<p>Cela n'empcha pas le procureur-fiscal de -rendre une nouvelle plainte le 18 novembre. -Cependant depuis prs d'un mois, Sillet, dcrt -de prise de corps, avait t jet dans les -prisons de Montfaucon. Aprs diverses informations -successives, et l'instruction tant -acheve, l'accus fut transfr dans les prisons -du bailliage de Reims; et sur son appel, -un arrt fut rendu qui ordonnait l'apport des -charges au greffe du parlement de Paris. Recl, -sduction, assassinat, empoisonnement, -<span class="pagenum"><a id="Page_245">245</a></span> -subornation de tmoins: telle tait la runion -des forfaits dont on accusait Sillet.</p> - -<p>Et pourtant, avec cet appareil effrayant d'accusations, -il n'existait pas de corps de dlit. -Comme le disait son avocat: Dj l'on agite -la question de savoir..... s'il faut l'tendre sur -la croix ou le jeter dans le bcher; et cependant -on n'a nulle preuve qu'il y ait eu ni -empoisonnement, ni assassinat. On poursuit -un meurtrier, et l'on ne trouve aucun meurtre; -on s'crie: <i>Voil le coupable!</i> et l'on doute -s'il y a eu un coupable. D'ailleurs Barbe Didiot -n'avait t ni empoisonne, ni assassine -par le sieur Sillet, puisque des tmoins l'avaient -rencontre et vue Paris. Jeanne le Fvre, -femme du nomm Honosse, cordonnier, -appele comme tmoin, avait dclar que -dans le courant d'aot 1775, tant Paris dans -un endroit appel Saint-Denis-de-la-Chtre, -elle avait rencontr Barbe Didiot, et que lui -ayant demand quelles affaires avaient pu l'amener - Paris, Barbe lui avait rpondu qu'elle -n'en avait aucune; qu'elle tait venue Paris -pour y demeurer; que jamais son pays ne la -reverrait, et que chacun avait ses peines. Je -<span class="pagenum"><a id="Page_246">246</a></span> -la quittai sans pouvoir en savoir davantage, -ajoutait le tmoin.</p> - -<p>Frapp des contradictions des tmoins, et -surtout de l'absence de preuves et de corps -de dlit, le parlement de Paris, par arrt du -18 octobre 1783, ordonna la continuation de -la procdure par les juges de Reims, la charge -de le faire dans le dlai de trois mois. Cependant -Sillet fut provisoirement largi, avec injonction -de se reprsenter en tat d'ajournement -personnel. Peu de temps aprs, les juges -de Reims prononcrent son acquittement.</p> - -<p>Outre les motifs qui militaient en sa faveur -et que nous avons indiqus, il y en avait un -bien puissant, c'est que les pre et mre de -Barbe ne figurrent au procs que comme tmoins -seulement et point comme parties; nulle -poursuite, nulle rclamation n'eut lieu de -leur part contre lui; et cependant ils taient -ses dbiteurs, et auraient bien pu profiter de -l'occasion pour tcher de perdre leur crancier.</p> - -<p>Quant Barbe, il est prsumer qu'elle -avait subi la malheureuse destine qui attend -les pauvres filles de province que les suites de -<span class="pagenum"><a id="Page_247">247</a></span> -leur libertinage amnent Paris. Il parat -qu'elle tait venue faire ses couches l'Htel-Dieu -de cette capitale. Du reste il n'est pas -tonnant que les informations prises dans cet -hpital n'eussent produit aucun renseignement. -On sait que les filles telles que Barbe -Didiot changent de nom ds qu'elles sont -Paris; et lorsqu'on ignore leur nom d'emprunt, -ce n'est que par un hasard trs-rare que l'on -peut parvenir les trouver dans cette ville -immense. De plus, plusieurs parens de Barbe -Didiot avaient t repris de justice; de sorte -que l'opprobre dont son nom tait fltri contribuait -peut-tre autant que le libertinage -l'loigner de son pays et lui faire prendre -un autre nom que le sien.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_248">248</a></span></p> - -<h2>LACQUEMANT,<br /> -<span class="large">PARRICIDE.</span></h2> - -<p>Qu'un homme, n avec des inclinations -perverses, et familiaris ds l'enfance avec -toutes les actions criminelles, en vienne jusqu' -tremper ses mains dans le sang mme de -son pre, nous frmirons; mais ce qui agitera -notre me sera plutt de l'effroi que de -l'tonnement; cet homme portait sur le front -le sceau de la rprobation; il n'a fait qu'accomplir -sa destine. Qu'un homme d'un caractre -violent et irascible, aveugl d'ailleurs -par une passion dlirante, ose, dans un accs -de fureur, porter une main sacrilge sur -l'auteur de ses jours; on le condamnera, mais -non sans le plaindre; il sera bien coupable -sans doute, mais plus malheureux encore -peut-tre. Ce forfait qu'il aura commis, jamais -il n'en avait conu l'horrible pense; -chez lui aucune prmditation; son cœur -<span class="pagenum"><a id="Page_249">249</a></span> -n'tait pas complice de son bras meurtrier. -Mais qu'un fils de mœurs douces, renomm -pour ses vertus domestiques, reconnu pour -un honnte citoyen, pur encore de toute espce -de dlits, franchisse en un instant tous -les degrs du crime, et se prpare avec rflexion - dbuter par le parricide: voil un -phnomne moral qui dconcerte toutes les -donnes de la sagesse humaine, et qui runit, - lui seul, tous les genres d'horreur.</p> - -<p>Jean-Baptiste Lacquemant demeurait Beuvry, -dpendance de la ville de Marchiennes. -Au rapport de tous les habitans du canton, -il tait l'exemple de son village. Ennemi de -toute espce de dissipation, et surtout de ces -plaisirs du cabaret auxquels le peuple ne se -livre que trop souvent sans mesure, il ne -s'occupait que de travaux rustiques, de ses -devoirs de religion et du bonheur d'lever sa -petite famille.</p> - -<p>Un sordide intrt vint dtruire sa flicit -et causer en lui la rvolution la plus -trange et la plus odieuse. Son pre tait -veuf; las de son isolement, il conut le projet -de se remarier, et jeta ses vues sur une -veuve du canton. A cette nouvelle, Lacquemant, -<span class="pagenum"><a id="Page_250">250</a></span> -jusques l si doux, si modr, devint -furieux. Le projet de son pre venait traverser -tous ses petits plans d'agrandissement. Il -rsolut, quelque prix que ce ft, de mettre -obstacle au mariage projet. Travesti et arm -d'un bton, il allait, la nuit, chercher et attendre -son pre, dessein de le dtourner, -par des terreurs, du dessein qu'il avait conu. -Soit que ce moyen et russi, soit par tout -autre motif, le pre promit de ne plus aller -voir la veuve.</p> - -<p>La veille de l'piphanie, les gens de la -campagne se runissent ordinairement en famille -pour clbrer la fte des rois. Lacquemant, -qui croyait avoir amen son pre renoncer - tout penchant pour le mariage, -l'invita souper le 5 janvier 1784. Dans la -gat du repas, le bon vieillard laissa chapper -quelques propos qui prouvaient qu'il n'avait -pas oubli la veuve. Ils retentirent l'oreille -de Lacquemant comme un horrible signal. -Dj sa pense couvait un forfait.</p> - -<p>L'heure de la sparation arrive: le vieillard -quitte ses enfans, heureux d'avoir pass -sa soire au milieu d'eux. Lacquemant, inquiet, -ne peut se rsoudre se coucher; il -<span class="pagenum"><a id="Page_251">251</a></span> -veut auparavant s'assurer si son pre est rentr -dans sa maison; il se rend chez lui, et ne -le trouvant pas, il souponne qu'il est all -chez la veuve. Aussitt toutes les furies de -l'enfer s'emparent de son cœur. Il court -sa maison, se dguise, s'arme d'un gros bton -de cerisier, et va s'embusquer sur le passage -de son pre. Ds qu'il l'aperoit, il -s'lance sur lui, lui porte avec violence plusieurs -coups de bton sur les jambes. Le malheureux -vieillard chancelle, tombe; puis -runissant toutes ses forces, il se relve sur -les genoux, reconnat son fils, et frmit d'horreur..... -Il implore la piti de ce monstre dnatur; -mais ses prires sont impuissantes: -ni ses gmissemens, ni la terreur peinte sur -son front, ni ses cheveux blancs hrisss, ni -ses bras tremblans tendus vers le parricide -ne peuvent dsarmer ce fils sans entrailles. Le -monstre lui assne sur la tte le coup de la -mort!.....</p> - -<p>Le lendemain, 6 janvier, le cadavre de cet -infortun vieillard fut trouv dans l'endroit -o il avait t assassin. Jamais les soupons -n'eussent atteint Lacquemant, si lui-mme -n'avait t au devant par ses inquitudes et -<span class="pagenum"><a id="Page_252">252</a></span> -par ses remords. Bientt il fut dcrt de -prise de corps et arrt; les hommes du fief -de la cour fodale de Marchiennes instruisirent -la procdure; Lacquemant fit l'aveu de -son crime, et, par sentence du 23 janvier, -il fut condamn faire amende honorable, - avoir le poing droit coup, tre rompu -vif, brl ensuite et ses cendres jetes au vent.</p> - -<p>Les mmes juges crurent trouver, sinon -une sorte de complicit, du moins des instigations -de la part de la femme Lacquemant, -tendantes exciter son mari effrayer et -mme battre son pre; et pour cette cause, -elle fut condamne tre prsente l'excution -de son mari, tre battue et fustige -de verges par les carrefours et lieux accoutums -de la ville, tre fltrie d'un fer -chaud sur l'paule droite, et bannie pour vingt -ans du territoire de Marchiennes.</p> - -<p>La procdure porte au parlement de Flandre, -la cour, par arrt du 29 janvier, confirma -la sentence de Lacquemant et sursit - celle de sa femme jusqu'aprs l'excution -de l'arrt du mari.</p> - -<p>Le 31 janvier, celui-ci subit son supplice -dans toute sa rigueur, mais avec une rsignation -<span class="pagenum"><a id="Page_253">253</a></span> -que la religion seule peut inspirer. -Ce malheureux, en montant l'chafaud, -dit aux religieux qui l'assistaient, que les -transes qui le bouleversaient n'avaient point -pour cause l'approche du supplice, mais la -crainte que ce supplice ne sufft pas pour -expier son forfait devant Dieu; qu'une autre -alarme, non moins dchirante pour lui, tait -son incertitude sur les dispositions de l'me -de son pre lorsqu'il expira.</p> - -<p>Le procs-verbal d'excution ne contenant -aucunes charges contre la femme, elle fut -seulement bannie pendant cinq ans par un -second arrt du 5 fvrier 1784.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_254">254</a></span></p> - -<h2>LA PROSTITUE D'AY.</h2> - -<p>Les accusations fondes sur de simples -prventions, sur des rumeurs populaires, -sont trop nombreuses, et ne sont que trop -souvent accompagnes de circonstances dplorables, -pour que l'on puisse craindre d'y -revenir. Il faut constamment tenir veille -l'attention de la justice sur un point aussi -dlicat. En voici encore un exemple; mais du -moins cette fois n'avons-nous qu' applaudir - la conduite des magistrats.</p> - -<p>Marie-Jeanne Thillois, domicilie dans la -ville d'Ay, avait t prostitue par sa mre, -avant mme d'avoir atteint l'ge de pubert. -Aprs avoir, pendant quelque temps, vcu du -produit de ses charmes, elle entretint des liaisons -intimes avec deux sclrats qui furent -justicis Reims; elle se maria ensuite. Ayant, -dit-on, ht la mort de son premier mari, -elle en pousa un second, qui, ne pouvant -vivre avec elle, la chassa de chez lui, ainsi -<span class="pagenum"><a id="Page_255">255</a></span> -que l'enfant qu'elle avait eu de son premier -mariage.</p> - -<p>Marie-Jeanne trouva un asyle auprs d'une -femme charitable qui la prit en qualit de -servante; mais ayant continu ses dbauches -et tant devenue enceinte, elle fut chasse. -Aprs avoir err pendant quelque temps, elle -se retira pernay; les officiers de police -de cette ville, instruits de la conduite scandaleuse -qu'elle tenait, lui signifirent qu'elle -et en sortir au plus tt.</p> - -<p>Marie-Jeanne Thillois eut cette poque -un premier accs de dsespoir; le 30 aot 1780, -elle se prcipita dans un puits: deux personnes, -tmoins de cette action, accoururent et -lui sauvrent la vie. Chasse d'pernay, elle -retourna dans la ville d'Ay, o elle se lia -avec un homme g de soixante-dix ans dont -elle devint la concubine; elle ne laissait pas -d'avoir d'autres amans; aussi la vit-on bientt -enceinte de nouveau, et sans scrupule, -elle dfra son septuagnaire les honneurs -de la paternit.</p> - -<p>Mais ce dernier ayant dissip avec elle le -peu de bien qu'il possdait, et se trouvant -sans ressources, se retira chez un de ses -<span class="pagenum"><a id="Page_256">256</a></span> -parens dans la ville d'Avenay. Marie-Jeanne -vint l'y trouver, lui demanda de l'argent; et -sur son refus, se jeta dans la petite rivire -d'Avenay. Le vieillard appela au secours; -ses cris attirrent le maire, qui l'aida tirer -cette femme du ruisseau, et la ramener -des sentimens plus raisonnables.</p> - -<p>Elle se rendit l'Htel-Dieu de Reims pour -y faire ses couches, et revint peu aprs retrouver -le vieillard qu'elle avait subjugu. -Mais les orgies bruyantes et scandaleuses qui -avaient lieu dans cette maison ayant attir -l'attention des magistrats, le maire menaa -Marie-Jeanne Thillois de la chasser de la -ville, si elle ne quittait la maison du vieillard. -Pour viter l'effet de ces menaces, elle -loua un logement ailleurs; mais la conduite -qu'elle y tint dplut aux propritaires, qui -crurent devoir la chasser. Elle eut alors un -troisime accs de dsespoir; elle allait se -prcipiter dans les fosss d'Ay, lorsque des -femmes charitables la consolrent, la dtournrent -de son tragique dessein, et l'une d'elles -se chargea par piti de ses deux enfans.</p> - -<p>Trop connue dans la ville d'Ay, elle retourna - pernay; mais la police ne tarda -<span class="pagenum"><a id="Page_257">257</a></span> -pas l'en expulser pour la seconde fois. Elle -revint Ay, et logea chez un vigneron nomm -Testulat Baudouin. L elle fit connaissance -avec un matre de danse, vagabond comme -elle; et tandis que celui-ci allait donner ses -leons par la ville, Marie-Jeanne, sous prtexte -de blanchissage et de raccommodage, -recevait chez elle tous les hommes qui s'y -prsentaient. Une nouvelle grossesse fut le -rsultat de cette vie dissolue, et le scandale -fut tellement port son comble, que le -procureur-fiscal d'Ay fit assigner le vigneron -Testulat pour le condamner mettre Marie-Jeanne -hors de chez lui.</p> - -<p>Par esprit de vengeance, celle-ci mit l'enfant -qu'elle portait sur le compte du sieur -Genet, beau-frre du procureur-fiscal. Le -sieur Genet, commerant Ay, avait d'ailleurs -le tort personnel d'avoir interdit l'entre -de sa maison cette femme, dont la conduite -dprave pouvait faire du tort son -commerce.</p> - -<p>Cependant Marie-Jeanne, abandonne par -son matre de danse, expose aux insultes de -la populace, manquait du ncessaire pendant -la saison la plus rigoureuse. Une noire -<span class="pagenum"><a id="Page_258">258</a></span> -mlancolie s'empara d'elle; elle rsolut de se -dtruire elle et son enfant. Le 19 dcembre -1783, elle alla passer la veille chez une femme -de sa trempe. Elle en sortit vers minuit en -disant qu'elle avait un rendez-vous, et ne rentra -pas chez elle. Huit jours s'coulent; Marie-Jeanne -ne reparat pas. Bientt sa disparition -subite est la grande nouvelle d'Ay. On recherche -quelles en peuvent tre les causes; -elle avait dsign Genet comme l'auteur de -sa grossesse. On en conclut que c'tait chez -lui et avec lui qu'elle avait eu ce rendez-vous -dont elle avait parl; qu'il serait bien possible -qu'elle et t assassine et enterre chez Genet. -Les conjectures deviennent des soupons, -les soupons des certitudes. On invente mille -contes plus absurdes les uns que les autres. -La justice intervient; on informe; on fulmine -des monitoires. On ne saurait s'imaginer quel -feu l'on apportait venger la mort d'une misrable -prostitue, qui de son vivant pouvait -peine trouver un gte.</p> - -<p>Pendant toutes ces rumeurs, que faisait la -femme que l'on disait assassine? Accoutume - dloger sans bruit, elle tait alle retrouver -son mari quelques lieues d'Ay, pour tenter -<span class="pagenum"><a id="Page_259">259</a></span> -de se rconcilier avec lui. Le mari et la femme -reviennent ensemble dans Ay, le 13 janvier -suivant. Marie-Jeanne rend Testulat Baudouin -la clef de la chambre qu'elle avait occupe -dans sa maison. Son mari fait un inventaire -des meubles qu'elle y avait, et en laisse -une copie au propritaire. Le mme jour, -Marie-Jeanne disparat de nouveau, et le 11 -fvrier, on la trouve noye dans la Marne, -une demi-lieue d'Ay.</p> - -<p>L'apparition momentane de cette malheureuse -femme dans la ville d'Ay n'avait ralenti -en rien les poursuites commences la requte -du procureur du roi au bailliage d'pernay. -Elles prirent une nouvelle activit lorsque son -cadavre eut t trouv dans la Marne. Un -monitoire affich tous les carrefours menaa -des foudres de l'glise quiconque ne -viendrait pas dposer ce qu'il savait, ou ce -qu'il avait ou dire sur le compte de Marie-Jeanne -et de Genet-Dubuisson: soixante-un -tmoins furent entendus, et l'orage clata. Le -10 mai, trois dcrets furent lancs, deux de -prise de corps, contre les sieurs Genet fils -et Feutr, apprenti dans la maison, et un d'ajournement -<span class="pagenum"><a id="Page_260">260</a></span> -personnel contre le sieur Genet -pre. Les trois accuss se rendirent appelans -des diffrens dcrets dcerns contre eux. Genet -pre, dcrt seulement d'ajournement -personnel, resta sur les lieux, et subit son interrogatoire; -les deux autres, vaincus par les -conseils de leurs amis, s'absentrent dans le -premier moment, jusqu' ce qu'on leur et -accord des <i>dfenses</i>, la charge de se reprsenter -en ajournement personnel. Ils retournrent -alors dans le sein de leur famille; et -les juges d'pernay, fchs, sans doute, d'avoir -t si loin, ne crurent pas devoir continuer -l'instruction qui avait t commence -sans corps de dlit, puisque quelques jours -aprs, Marie-Jeanne avait t vue Ay avec -son mari.</p> - -<p>Le tribunal avait claircir si la mort de -Marie-Jeanne Thillois devait tre attribue -un suicide, ou si elle tait l'effet de la vengeance -et de la barbarie des trois complices -de ses dbauches, ainsi que l'avait prtendu -la rumeur populaire. Les antcdens de cette -femme taient un indice suffisant; ses tentatives -rptes de suicide, son expulsion de -<span class="pagenum"><a id="Page_261">261</a></span> -toutes les villes, sa misre, ne devaient laisser -aucun doute au sujet de sa fin misrable. On -ne devait pas chercher de coupables, puisque -personne n'avait intrt le devenir.</p> - -<p>Aussi, par arrt du 11 septembre 1784, les -accuss furent renvoys absous, et il leur fut -permis de faire imprimer et afficher l'arrt.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_262">262</a></span></p> - -<h2>GALIT DES CITOYENS<br /> -<span class="large">DEVANT LA LOI.</span></h2> - -<p>On sait qu'avant notre rvolution de 1789, -la noblesse croyait avoir le droit d'craser -impunment tout individu non titr. Dans -tous les temps, il y a des gens qui, mme -sans avoir de bien anciennes armoiries, croient -pouvoir s'arroger le mme privilge, uniquement -parce qu'ils ont des coffres bien garnis. -Cette maladie tient au cœur de l'homme. Il -appartient la justice, sinon de la gurir radicalement, -mais d'en calmer les accs.</p> - -<p>Nous rapportons le trait suivant, qui eut -lieu en 1784, pour faire voir que le grand -vnement qui surgit plusieurs annes aprs -n'tait point un fait isol, l'œuvre de quelques -factieux, mais bien plutt le rsultat -progressif des lumires rpandues, surtout depuis -un demi-sicle, dans toutes les classes de -la nation.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_263">263</a></span> -Le 9 janvier 1784, dans l'aprs-midi, on -se disposait placer un arostat sur une place -publique. Ce spectacle avait attir une foule -prodigieuse de citoyens. Un marchand orfvre, -homme trs estim dans son commerce, -parvint pntrer dans le grand -cercle form par les spectateurs. Un marquis -arrive, fait grand bruit, fend la presse, carte - droite et gauche ceux qui obstruaient son -passage, arrive avant dans le cercle, l'endroit -mme o s'tait arrt l'orfvre, et se -place immdiatement devant lui: l'orfvre -tait debout et arm d'une canne. Les mouvemens -d'impatience et de curiosit des spectateurs -les plus loigns avaient dj caus -plusieurs flux et reflux. La foule croissant -toujours, ces flux et reflux recommencent; le -mouvement parvient jusqu' l'orfvre, qui, se -trouvant entran par l'affluence, est pouss -lui-mme sur le marquis. Celui-ci, se sentant -pouss, se retourne et s'crie, du ton le plus -imprieux et le plus colre, en tenant sa -canne leve: <i>Qu'est-ce que ces polissons? -Si cela arrive encore, on aura affaire moi! -je donnerai des coups de canne.</i> Un instant -aprs, nouveau mouvement; l'orfvre est encore -<span class="pagenum"><a id="Page_264">264</a></span> -entran et pouss, malgr lui, sur le -marquis; menaces nouvelles de la part du -marquis. Il adresse alors la parole l'orfvre: -Tu es un polisson, lui dit-il, un drle; je -ne te connais pas: qui es-tu?—Est-ce, -monsieur le marquis, rpondit l'orfvre, parce -que vous tes d'une naissance suprieure la -mienne, que vous me parlez ainsi? Vous avez -tort de vous en prendre moi, vous voyez -que je suis pouss moi-mme, et qu'il m'est -impossible de soutenir l'effort de la multitude. -Je vous prie de prendre garde sur qui vous -toucherez, parce que je n'ai aucune part au -flux et reflux.—<i>Tu es un impertinent, un -polisson, un insolent, un drle; je ne te connais -pas; qui es-tu?</i>—Il n'est pas difficile de -me connatre; on me connat dans la ville. -On ne donne pas de coups de canne des -citoyens.—<i>Tu es un polisson et un drle; je -te connatrai; je te ferai punir; tu me le paieras; -je ne t'en tiens pas quitte.</i>—Heureusement, -monsieur le marquis, que jusqu' prsent -je ne vous ai rien d; je ne vous dois -rien; je n'ai rien vous payer.—<i>Tu es un -polisson, un manant; il te convient bien de -m'insulter!</i>—Monsieur, je ne vous insulte -<span class="pagenum"><a id="Page_265">265</a></span> -pas en vous reprsentant qu'il est impossible -de soutenir l'effort de la multitude, et je ne -mrite aucune punition. Je n'ai rien vous -payer; et si je vous avais d, vous ne m'auriez -pas attendu si long-temps.—<i>Je dis que -tu es un drle et un polisson; je te connatrai, -et sous quinzaine tu auras de mes nouvelles.</i>—Monsieur -le marquis, je ne vous manque -pas; je ne vous insulte pas; quand vous voudrez -je vous donnerai mon nom par crit.</p> - -<p>Le marquis continuant ses injures, ses -gestes, ses menaces, malgr l'excessive modration -de l'orfvre, celui-ci quitte sa place, -laisse le champ libre au marquis, et sort du -cercle. <i>Ne t'en vas pas</i>, lui crie le marquis, -en le voyant partir; <i>au reste, je te retrouverai -bien</i>.</p> - -<p>Le 23 du mme mois, le marquis crit au -substitut de M. le procureur gnral, la lettre -suivante: J'ai l'honneur de vous prvenir, -monsieur, que le nomm G....., orfvre, me -menace de m'attaquer et de m'assommer dans -les rues, lorsqu'il en trouvera l'occasion. Ce -n'est pas, monsieur, une plainte que je vous -porte; je vous prviens seulement afin que, -lorsqu'on me trouvera assassin, vous sachiez -<span class="pagenum"><a id="Page_266">266</a></span> - qui vous en prendre. J'ai obligation de l'avis -que j'ai reu un brave et honnte citoyen -que je tairai toute ma vie. Il fait ensuite au -commandant de la province un rapport au sujet -de la scne du 9 janvier. Il surprend la religion -du commandant, et sollicite de lui un -ordre de faire emprisonner l'orfvre. L'ordre -fut donn et excut. Le jour mme, l'orfvre -fut enlev avec autant d'inhumanit que d'ignominie, -aux yeux mme de ses concitoyens; -on le plongea dans une prison.</p> - -<p>Le parlement reut une plainte de l'opprim -qui appelait la vengeance des lois sur -la tte du coupable. Cette cour rendit un arrt, -en date du 4 septembre 1784, qui dfendit -au marquis d'injurier l'orfvre l'avenir, -condamna le marquis trois cents -francs de dommages-intrts envers l'orfvre; -permit ce dernier de faire imprimer et afficher -l'arrt, et laissa tous les frais de la procdure - la charge du marquis.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_267">267</a></span></p> - -<h2>DE FORGES ET DESAIGNES.</h2> - -<p>Tous les vices peuvent entraner au crime, -principalement la dbauche. Ce malheureux -penchant, cause de tant de dsordres dans la -socit, se fortifie souvent dans le cœur d'une -foule de jeunes gens, en raison des funestes -liaisons qu'ils forment dans le monde. L'attrait -du vice, des conseils empoisonns ont -bientt port la corruption dans une me -sans dfiance. Aussi les parens ne sauraient-ils -trop surveiller leurs fils l'ge de leur -entre dans le monde, et les clairer sur les -socits qu'ils frquentent.</p> - -<p>Deux jeunes gens, l'un nomm Desaignes, -l'autre de Forges, ns de parens honntes -qui n'avaient rien nglig pour leur ducation, -donnrent, en 1784, un bien triste -exemple de cette affligeante vrit.</p> - -<p>On assure que tous deux avaient manifest -ds leur plus tendre jeunesse une inclination -<span class="pagenum"><a id="Page_268">268</a></span> -prononce pour le vice. Au lieu de profiter -des soins que l'on prenait pour leur instruction, -ils ne s'occupaient que de plaisirs et -d'amusemens. Avec de semblables dispositions, -ils ne retirrent aucun fruit de l'ducation -que l'on voulait leur donner; et, parvenus - l'ge o l'on choisit une carrire, ils n'eurent -d'autre ressource que d'entrer dans celle des -armes. Mais l, comme partout ailleurs, il -est des devoirs remplir; devoirs mme trs-rigoureux, -et dont la violation expose de -svres chtimens. Desaignes et de Forges, -avec leur got pour la dissipation et leur antipathie -pour toute espce de travail, ne purent -s'astreindre long-temps aux exigences -de la discipline militaire, et bientt leurs drglemens -leur attirrent des punitions humiliantes.</p> - -<p>Ils taient depuis quelque temps prisonniers - l'Abbaye, lorsqu'ils donnrent une premire -preuve de rbellion. Transfrs de cette -prison dans celle de la Conciergerie, ils touchaient -au moment o on allait prononcer -sur leur sort. Mais voulant prvenir leur jugement, -ils formrent le complot de forcer -leur prison et de prendre la fuite. Pour assurer -<span class="pagenum"><a id="Page_269">269</a></span> -l'excution de leur projet, ils se procurrent -des pistolets, de la poudre et des balles. -Mais dans la crainte de n'tre pas assez forts -pour mettre leurs gardiens dans l'impuissance -d'empcher leur vasion, ils gagnrent un -pauvre soldat qui tait prisonnier comme eux, -et l'initirent dans leur complot. Cet homme, -sduit par l'espoir d'une prochaine dlivrance, -entra dans les vues des deux jeunes gens, et -leur promit d'excuter aveuglment tout ce -qu'ils lui prescriraient.</p> - -<p>Le 28 septembre fut le jour fix pour la -tentative projete. A neuf heures du soir, les -trois prisonniers se prsentrent aux guichetiers, -les armes la main, et les sommrent -d'ouvrir les portes de la prison. Mais au lieu -d'obir cette trange injonction, ceux-ci se -mirent en devoir de dsarmer les rebelles, -et s'avanant pour les saisir, un d'eux fut tu -d'un coup de pistolet, et l'autre dangereusement -bless: dans la mle, le soldat essuya -lui-mme un coup de feu de l'un de ses -complices.</p> - -<p>Les rvolts voyant leur entreprise avorte, -rentrrent dans leur chambre, avec la ferme -rsolution de s'y dfendre; mais par le secours -<span class="pagenum"><a id="Page_270">270</a></span> -d'une pompe dont l'eau fut dirige -dans la chambre o ils taient, on les eut -bientt forcs de se rendre. Alors ils furent -chargs de chanes, et on les mit dans l'impossibilit -d'abuser de leurs forces ni contre -les autres ni contre eux-mmes.</p> - -<p>Leur crime n'tant que trop certain, l'instruction -de leur procs ne fut pas longue. -Le bailliage du Palais, par sentence du 1<sup>er</sup> octobre -1784, les dclara atteints et convaincus -d'avoir form le complot de s'vader, main -arme, des prisons de la Conciergerie o ils -taient dtenus; en consquence, ils furent condamns - tre rompus vifs en place de Grve.</p> - -<p>Sur l'appel, la chambre des vacations confirma -cette sentence, par arrt du 4 du mme -mois. Le lendemain, les trois coupables furent -conduits au supplice. En sortant de la -Conciergerie, on remarqua que Desaignes -avait l'air constern, abattu et effray; que -de Forges avait l'air calme, le visage serein -et la contenance la plus assure; le soldat, -qui avait t bless, tait presque mourant. -Une affluence considrable de gens de toutes -les classes stationnait dans les diverses rues -o ils devaient passer. Les trois coupables -<span class="pagenum"><a id="Page_271">271</a></span> -conservrent pendant ce pnible trajet la -mme contenance qu'ils avaient montre en -montant dans la charrette. Tous les spectateurs -furent frapps de l'indiffrence et de -la fermet que de Forges manifestait. Il promenait -un regard tranquille sur la foule qui -l'entourait. Son teint anim faisait ressortir -la beaut de ses traits, et l'on et dit que son -me tait inaccessible la crainte. Cependant, -en arrivant sur la place de Grve, il prouva -un frmissement qu'il ne put matriser en -apercevant les instrumens de son supplice; -il reprit ses sens, et descendit de la charrette -avec ses complices, pour aller l'Htel-de-ville. -Il montra la mme tranquillit et la -mme assurance en montant la chambre -du conseil. Aprs quelques interrogatoires, -on envoya chercher plusieurs personnes, -la requte des condamns. Parmi elles, on -remarqua une jeune demoiselle que de Forges -avait demande. Lorsqu'il l'aperut, il -se tourna vers elle, et lui dit, en la nommant -avec le son de voix le plus touchant: <i>Je vous -demande pardon de la peine que je vous ai -cause; mais il m'et t affreux de perdre -la vie sans vous revoir</i>. Ses yeux se remplirent -de larmes, et l'on devinait les dchiremens -<span class="pagenum"><a id="Page_272">272</a></span> -de son cœur aux mouvemens convulsifs -de sa poitrine.</p> - -<p>Aprs quelques secondes de silence, on le -vit soulever ses mains charges de chanes -pour offrir la demoiselle plore une bague -de diamant qu'il avait au doigt. <i>Acceptez, -je vous prie</i>, dit-il cette jeune personne, -<i>cette dernire marque de mon attachement</i>. -Pendant cette scne dchirante, la demoiselle -tait suffoque par des sanglots. Comme -de Forges insistait pour faire agrer sa bague, -on lui reprsenta que ses biens ayant t -confisqus, il ne pouvait disposer d'aucun -de ses effets. De Forges leva alors la voix, et -fit les reproches les plus vifs Desaignes. -C'est vous, lui dit-il, qui m'avez plong -dans l'abme o je suis....; c'est vous qui m'avez -empch, aprs avoir chou dans notre -complot, de me soustraire l'opprobre et -l'ignominie du supplice que je vais subir..... -Votre lchet est la cause de mon malheur.....</p> - -<p>Il finissait peine ces mots qu'il reprit sa -premire tranquillit, et demanda qu'on le -conduist la mort. En traversant la salle -du conseil, il fallait qu'il passt devant la -demoiselle dont on vient de parler. Prs -d'elle, il s'arrta; et jetant sur elle un long -<span class="pagenum"><a id="Page_273">273</a></span> -regard plein de tendresse, il lui dit avec un -son de voix qui allait au cœur: <i>Mademoiselle, -vous connaissez mon pre, vous connaissez -mes parens..... je les porte l.....</i> (en appuyant -fortement ses deux mains lies sur son cœur)...; -<i>c'est mon plus cruel supplice</i>.</p> - -<p>Il s'inclina ensuite, en regardant toujours -cette demoiselle, jusqu' ce qu'il ft arriv -la porte de la salle. Alors il se retourna avec -fiert, et adressant de nouveau la parole -Desaignes, il lui dit: <i>Vous m'avez appris -mal vivre, je vais vous apprendre mourir; -tchez d'imiter mon exemple</i>. De Forges -descendit d'un pas ferme de l'Htel-de-ville, -et monta seul sur l'chafaud. Il ne voulut pas -souffrir que l'excuteur lui tt ses habits; il -se dshabilla lui-mme, et subit son supplice -avec courage.</p> - -<p>Desaignes, dont le caractre tait aussi -lche que froce, montra la plus grande pusillanimit. -On fut oblig de le traner l'chafaud; -il pleurait chaudes larmes, et faisait -retentir l'air de ses gmissemens. Comme -il tait plus coupable que ses deux complices, -il fut mis vivant sur la roue o il devait -mourir.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_274">274</a></span></p> - -<h2>DANGERS DE LA VIOLENCE.</h2> - -<p>Le chevalier de N...., gentilhomme, ancien -officier, quitta, en 1763, le service militaire, -o il avait donn des preuves de bravoure et -de loyaut, et demanda la main de mademoiselle -de Camprond, qui n'avait qu'une dot -trs-modique. Le pre de cette demoiselle promit, -lors de la conclusion de cette union, de -ne point se remarier si sa femme mourait -avant lui.</p> - -<p>Mais bientt le pre change de rsolution; -il traverse sans motifs l'alliance projete par -le chevalier de N....., et contraint sa fille de -se retirer au couvent. En de pareilles circonstances, -l'amour ne cde pas volontiers -l'autorit paternelle; la demoiselle adressa -son pre des sommations respectueuses; et -le mariage se contracta sous la protection -des lois. La mauvaise humeur du pre se -calma; il ratifia le contrat par sa signature, -<span class="pagenum"><a id="Page_275">275</a></span> -et pour un temps la bonne intelligence ne -fut pas trouble.</p> - -<p>La vente d'une terre de Sagrais, faite par -le beau-pre, devint le sujet d'une nouvelle -disgrce, et irrita les esprits dans la famille. -Le beau-pre perdit sa femme; mais peine -ses larmes taient-elles essuyes, que le dsir -d'un nouvel hymen effaa bientt chez lui -le sentiment de la douleur, et lui fit oublier -sa promesse. Alors la prsence de ses enfans -lui devint importune; il leur supposa des torts, -et les chassa de sa maison pour excuter plus -librement son dessein. Enfin, l'ge de -soixante-quinze ans, cet homme pousa une -jeune fille de vingt-sept ans. Aprs la publication -de ce mariage, le gendre forma opposition, -voulant du moins assurer les droits de sa -femme. La guerre se fit de part et d'autre avec -acharnement; il y eut plusieurs affaires juridiques, -plusieurs dnonciations o le chevalier de -N..... eut toujours l'avantage. Enfin une scne -arrive entre ce gentilhomme et le frre de -son beau-frre vint prparer le plus triste -dnoment.</p> - -<p>Au moment o le sieur de N..... sortait -d'une maison pour se rendre chez un notaire, -<span class="pagenum"><a id="Page_276">276</a></span> -il rencontra au bout de la rue le sieur de L...., -second avocat du roi au bailliage, frre de -son beau-frre. Cet homme l'aborda, et lui -dit: <i>Comment te portes-tu?</i> Ce ton de familiarit -lui parut singulier dans la bouche -d'un homme qui avait sem et entretenu la -msintelligence entre lui et son beau-pre. Le -chevalier de N..... s'aperoit que le vin avait -chauff les esprits du sieur L..... Il se contente -de lui rpondre: <i>A ton service, et toi?</i> -Puis il lui observe qu'il devrait bien dterminer -son beau-pre une conciliation sur -toutes leurs affaires.</p> - -<p>L'avocat du roi lui rpond durement: <i>Je -t'ai assez dclar que les affaires de mon -frre m'taient trangres, ne me mlant que -des miennes. Fais parler M. de C..... par qui -bon te semblera.</i> Ils continuaient de marcher -ensemble. Le sieur de L..... tint au chevalier -les propos les plus durs et les plus offensans. -Arm d'un norme bton de nflier, -avec une massue proportionne, il accompagnait -ces propos de gestes menaans. Le -chevalier lui reprocha doucement l'indcence -de ses apostrophes; cette modration sembla -l'encourager; il recommena en montrant son -<span class="pagenum"><a id="Page_277">277</a></span> -bton. Alors le chevalier, ne prenant plus conseil -que de sa colre, tira son couteau de chasse, -en prenant tmoin le public des affronts que -lui faisait l'avocat du roi. Le sieur L..... porta -un coup violent de son bton sur la lame du -couteau de chasse, et la brisa en trois morceaux, -puis il se mit crier l'assassin. Le chevalier -tait indign; le sieur L..... redoubla ses -cris; la foule se ramassa de toutes parts; et le -procureur du roi, arriv sur les lieux, s'cria: -<i>Arrtez le sieur de N..... et mettez-le en prison.</i> -Un cavalier de marchausse se prsenta, -tira son sabre sur lui, et lui demanda -son arme; le chevalier de N..... la refusa, et se -mit en dfense; mais presque aussitt il fut entour; -une horde de cavaliers et d'huissiers -se prcipita sur lui, le dsarma, le terrassa, et -le trana ignominieusement en prison.</p> - -<p>Le chevalier, conduit dans la prison, se -plaignit hautement des insultes de l'agresseur; -demanda qu'il ft constitu prisonnier comme -lui, et qu'il lui ft confront. Sa rclamation -ne fut pas entendue; il fut conduit dans la -cour des prisonniers.</p> - -<p>Cependant l'agresseur s'occupait faire -constater ses plaintes, et le lendemain le procureur -<span class="pagenum"><a id="Page_278">278</a></span> -du roi donna un rquisitoire, o le -chevalier de N..... fut prsent comme un -lche assassin, et il demanda en outre une -information extraordinaire, l'intrt public -tant, selon lui, compromis.</p> - -<p>Le juge criminel se rendit chez l'adversaire -du prisonnier, reut sa dclaration, dressa -procs-verbal de l'tat de ses habits, et du -rapport du chirurgien qui certifiait lui avoir -vu une plaie longue de demi-pouce, sur trois -lignes de large et d'environ trois lignes de profondeur, -situe la partie moyenne et latrale -du dos.</p> - -<p>On informa; le chevalier fut dcrt de -prise de corps; l'information se continua; les -charges s'augmentrent sur des faits trangers - celui dnonc la justice. Le juge ne -voulut interroger l'accus qu'accompagn de -cavaliers de marchausse et d'huissiers. Le -procs s'instruisit avec un appareil inou. La -prvention monta et chauffa les esprits.</p> - -<p>Le sieur L..... se rendit partie civile, et prit -des conclusions qui portaient l'empreinte de -la haine la plus aveugle. Les interrogatoires -de l'accus, les dpositions des tmoins eurent -lieu. L'instruction se complta; enfin les -<span class="pagenum"><a id="Page_279">279</a></span> -juges prononcrent contre le chevalier la sentence -de mort et la confiscation de tous ses -biens.</p> - -<p>Le chevalier ne tarda pas appeler de cette -procdure imprgne de partialit et pleine -d'irrgularits. Le parlement de Rouen trouva -en effet cette procdure et la sentence irrgulire, -et les annula par son arrt du 21 janvier -1785; mais il jugea le chevalier de N..... -coupable envers l'avocat du roi, et il le condamna, -non pas la mort, mais quinze annes -d'emprisonnement.</p> - -<p>Telle fut la triste issue de cette malheureuse -affaire: quelque partiale que part aux seconds -juges la sentence des premiers, ils ne -purent croire que toute cette affaire tait -l'œuvre de la haine, et se laissrent aller la -prvention. Ils arrachrent ainsi sa famille, - ses intrts, l'honneur, ce malheureux -gentilhomme, qui n'avait autre chose se reprocher -qu'un moment d'une juste mais imprudente -violence.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_280">280</a></span></p> - -<h2>INCENDIAIRE.</h2> - -<p>Un honnte homme peut-il s'improviser -sclrat? La vertu ne dpend-elle que de l'occasion? -Telles sont les questions qui se prsentent -quand un homme dont la socit n'a -jamais eu se plaindre se mtamorphose subitement -en un brigand.</p> - -<p>Le nomm Franois Gaudron, domestique -d'un banquier, jusqu'alors serviteur fidle, -tent par l'argent, brisa le secrtaire de son -matre un jour qu'il tait sorti, enleva une -somme trs-considrable tant en or qu'en argent, -loua une chambre sous un nom suppos -le jour mme du vol, et y dposa le fruit -de son crime. Ce premier attentat, coupable -abus de confiance, vol avec effraction, mritait -dj le chtiment svre de la loi. Mais -voyez comme tout s'enchane dans le mal -comme dans le bien: le misrable, pour se -soustraire la vindicte des tribunaux, imagina -<span class="pagenum"><a id="Page_281">281</a></span> -un forfait qui le porta sur-le-champ -aux premiers degrs de la sclratesse.</p> - -<p>La veille et le jour de son vol, il acheta ou -se procura plusieurs fois jusqu' environ -quinze livres de poudre canon. Il runit ces -diverses quantits de poudre dans le mme -sac, qu'il plaa loisir au pied du secrtaire de -son matre; puis il tablit une trane de poudre -qui communiquait au sac et s'tendait -sur le parquet; il plaa ensuite au bout de -cette trane une fuse d'amadou. Son espoir -tait d'ensevelir sous un dsastre public son -crime particulier.</p> - -<p>On assure que si le feu avait second son -infernal projet, par la manire dont la poudre -avait t dispose, l'explosion aurait dtruit -au moins trois maisons voisines avec un -couvent qui y tait contigu. Alors l'imagination -effraye peut nombrer les victimes dont -ce malheureux aurait t l'assassin, en jugeant -du nombre d'habitans que renfermaient trois -maisons dans la capitale, surtout l'heure du -soir.</p> - -<p>Heureusement le feu ne brla point au gr -des coupables esprances de Gaudron. Son -matre, rentrant chez lui avant son heure ordinaire, -<span class="pagenum"><a id="Page_282">282</a></span> -et se promenant dans sa chambre avant -de se mettre au lit, aperoit sur le parquet -une trane de sable noir; il reconnat que -c'est de la poudre canon. Il suit la trace qui -le conduit son secrtaire, o il trouve le -sac de quinze livres de poudre, et l'autre -bout de la trane le morceau d'amadou. Les -soupons de cet homme sont loin de se porter -sur son domestique, qui l'a toujours servi fidlement. -Il appelle le commissaire, qui, ne -partageant pas la mme prvention, veut qu'on -arrte le domestique. Le matre hsite encore; -mais quand il voit son secrtaire bris, quand -il s'aperoit qu'une somme considrable lui -a t enleve, comme son domestique seul -a eu la clef de son appartement, il ne rsiste -plus des indices aussi violens. On se -saisit de Gaudron, qui, dans son trouble, fait -aussitt l'aveu de son forfait.</p> - -<p>La nouvelle de ce crime d'un nouveau genre -retentit bientt dans la capitale. Cette affaire -fut porte au parlement, qui, par arrt du 2 -aot 1785, condamna cet incendiaire au supplice -du feu.</p> - -<p>Franois Gaudron fut brl vif, son corps -rduit en cendres, et ses cendres furent jetes -au vent.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_283">283</a></span></p> - -<h2>LE CUR DE CHAZELLES.</h2> - -<p>Le 7 janvier 1783, le sieur Morel de la Combe, -juge chtelain de la vicomt de Ladvieu, dans -le Forez, et domicili dans la paroisse de -Saint-Jean-Soleymieux, fut assassin dans son -lit, onze heures du soir, d'un coup de pistolet -charg de deux balles, qui le tua sur-le-champ.</p> - -<p>Le sieur Morel tait alors couch dans une -chambre de sa maison, au premier tage; son -lit tait dans une alcove; sa femme n'en tait -spare que par un espace d'environ deux -pieds; un rideau commun fermait l'alcove. Le -sieur Morel, qui, depuis quelque temps, faisait -faire des rparations dans l'intrieur de sa -maison, n'tait couch dans cette chambre -que depuis la veille.</p> - -<p>Le meurtrier, quel qu'il ft, avait pris une -prcaution singulire. Il avait barricad les -portes des diffrentes chambres o couchaient -les domestiques, avec des cordes ou des morceaux -<span class="pagenum"><a id="Page_284">284</a></span> -de bois, apparemment pour empcher -ces gens de venir au secours de leur -matre, et se donner lui-mme le temps de -s'vader. Il avait ferm de la mme manire -celle de la demoiselle Bouvier, nice du sieur -Morel; il n'y avait que celle du sieur Bouvier, -jeune ecclsiastique, son neveu, log galement -dans la mme maison, pour laquelle il -n'avait pas cru devoir prendre le mme soin. -Cette prcaution suppose bien du sang-froid -et de la scurit. Elle ferait mme souponner -que le meurtrier avait des complices; car, s'il -et t seul, il lui aurait fallu bien du temps -pour attacher toutes ces cordes, et il pouvait -craindre d'tre surpris dans cet intervalle.</p> - -<p>Quoi qu'il en soit, au bruit de l'arme feu, -la dame Morel se rveille, se lve, aperoit le -corps ensanglant de son mari, et appelle du -secours. La chambre est bientt remplie des -gens de la maison, la maison elle-mme des -gens du dehors. On s'agite, on s'inquite, on -cherche partout l'auteur du crime. Mais il -tait dj trop tard; le coupable avait disparu -avant qu'on et eu seulement le temps de se -lever et d'accourir. Toute la nuit se passe dans -l'effroi. Le lendemain, de bonne heure, on -<span class="pagenum"><a id="Page_285">285</a></span> -emmne la dame Morel hors de chez elle; le -neveu et la nice s'en vont aussi; quelques-uns -des domestiques les imitent; il ne reste dans la -maison que deux servantes.</p> - -<p>Le vice-grant de la chtellenie est alors -appel pour dresser son procs-verbal. Il se -rend dans la maison avec le procureur-fiscal -et un chirurgien. Il interroge d'abord les deux -servantes qui taient restes, et qui lui racontent -ce qu'elles savaient des circonstances de -l'assassinat. Il monte ensuite dans la chambre -du sieur Morel: il trouve son cadavre baign -dans son sang; une large blessure paraissait - la tempe gauche; une partie de la main tait -brle; le bonnet du mort et son ruban de -tte taient galement brls; son drap mme -l'tait de la largeur d'une assiette. On fait l'autopsie -du cadavre, et l'on trouve deux balles -d'tain dans la tte.</p> - -<p>Le juge constate ensuite l'tat des portes -de la chambre des domestiques, de celle de -la demoiselle Bouvier, de celle de la dame Morel -elle-mme, que l'assassin avait aussi ferme -en prenant la fuite. On lui montre les -cordes et les morceaux de bois avec lesquels -toutes ces portes avaient t barricades; on -<span class="pagenum"><a id="Page_286">286</a></span> -indique, dans la cuisine, l'endroit o l'assassin -avait d prendre ces cordes; le juge en fait -mention, et termine l son procs-verbal, qui -n'avait donn aucune lumire.</p> - -<p>L'aprs-midi du mme jour, il revient encore -dans la maison du sieur Morel. Son but, -disait-on, tait de rechercher par quel moyen -l'assassin avait pu s'y introduire, ou comment -il avait pu s'y cacher.</p> - -<p>Dans l'intervalle de la matine l'aprs-midi, -on avait donn des soupons au juge -sur un menuisier que le sieur Morel avait -charg de diriger les rparations intrieures -de sa maison, et on lui avait persuad qu'il -tait possible que ce menuisier ft l'auteur -du meurtre. C'tait donc tout exprs pour -faire de nouvelles observations qu'il tait revenu -dans la maison. C'est pourquoi il vrifia -avec soin l'tat des portes de chacune des -chambres, leur diffrence entre elles, la manire -dont elles s'ouvraient, et la facilit plus -ou moins grande que la construction particulire -de la porte du sieur Morel pouvait donner -d'entrer dans sa chambre et de l'assassiner. -Il fallait une victime; le menuisier avait -t dsign; le juge, proccup de l'opinion -<span class="pagenum"><a id="Page_287">287</a></span> -qu'on lui avait suggre, voulait toute force -trouver des preuves de sa culpabilit. Aussi -ne prit-il aucune des prcautions qu'une circonstance -de cette nature lui prescrivait. Son -premier devoir tait d'interroger toutes les -personnes de la famille, et personne de la famille -ne fut interrog. Il n'interrogea mme, -parmi les domestiques, qui taient au nombre -de cinq, que les deux servantes dont nous -avons parl. Cependant dans ces sortes d'vnemens -tout le monde est suspect: il fallait -donc s'assurer de tout le monde; il ne fallait -pas surtout leur donner le temps de se concerter: -la prudence l'exigeait et l'usage aussi. -Il et t dsirer que le juge et t un peu -moins occup du menuisier contre lequel on -lui avait donn des soupons, et qu'il l'et t -un peu plus des vritables prcautions qu'il -avait prendre.</p> - -<p>Ce menuisier se nommait Pierre Barou: -c'tait un excellent ouvrier et un bon pre de -famille. Il n'avait d'ailleurs aucun motif pour -commettre le crime qu'on lui imputait. Il n'avait -qu' se louer du sieur Morel qui le faisait -travailler, qui le traitait mme avec bont, -et le faisait quelquefois manger sa table.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_288">288</a></span> -Pierre Barou ne fut pas le seul innocent -souponn et accus du meurtre du sieur Morel; -la calomnie imagina qu'il avait t pouss - cet attentat par le cur de Chazelles. Or, -quel homme tait-ce que ce cur de Chazelles, -accus d'tre l'instigateur d'un lche assassinat? -Toute sa paroisse attestait qu'il l'avait -difie toute sa vie par ses vertus et par -ses exemples; qu'elle avait toujours reconnu -en lui toutes les qualits d'un bon pasteur; -qu'il avait donn mille preuves de son zle -secourir les malheureux; que, depuis vingt -ans, il nourrissait plusieurs familles malheureuses.</p> - -<p>Voici par quel singulier hasard ce vnrable -ecclsiastique se trouva impliqu dans cette -odieuse accusation, qui contrastait encore plus -avec son caractre qu'avec l'habit qu'il portait.</p> - -<p>Une fille de sa paroisse, nomme Marie -Solle, et connue pour tre une fille mchante -et de mauvaise vie, nourrissait depuis long-temps -une haine violente contre lui, l'occasion -d'un mariage qu'elle croyait que le cur -de Chazelles lui avait fait manquer. Cette haine -avait clat en plusieurs circonstances.</p> - -<p>Marie Solle avait mme port trois plaintes -<span class="pagenum"><a id="Page_289">289</a></span> -diffrentes contre le cur devant les officiers -du bailliage de Montbrison; mais comme elle -n'avait jamais pu trouver de tmoins assez -complaisans pour attester les prtendus faits -qu'elle croyait devoir dnoncer la justice, -ces plaintes n'avaient jamais t dcrtes. -L'une d'elles n'avait pas mme donn lieu -une simple information. Fatigue enfin d'offenser -toujours le cur sans lui nuire, et irrite -encore par cette impuissance faire le -mal, cette fille perverse se promit d'attendre -la premire occasion clatante o il lui serait -possible de le compromettre, et de ne pas la -laisser chapper.</p> - -<p>Alors eut lieu l'assassinat du sieur Morel. -C'tait pour elle cette occasion qu'elle attendait -si impatiemment. Toutefois, elle ne jugea -pas prudent d'accuser cet ecclsiastique d'avoir -commis cet assassinat de ses propres -mains; cette ide et t trop rvoltante; et -d'ailleurs il et t trop facile au cur de prouver -son <i>alibi</i>; mais il tait moins hasardeux -de lui prter seulement des propos qui pussent -le faire souponner de complicit avec -Pierre Barou. Ce fut donc le parti auquel elle -s'arrta. Elle se fit appeler dans la procdure, -<span class="pagenum"><a id="Page_290">290</a></span> -et dposa, tout son aise, d'une prtendue -conversation tenue entre Pierre Barou et le -cur de Chazelles deux jours avant l'assassinat -du sieur Morel. Elle disait avoir entendu -toute cette conversation dont l'objet, disait-elle, -tait prcisment d'insinuer Pierre Barou -le projet de brler la cervelle au sieur -Morel, afin de se dlivrer mutuellement d'un -ennemi qui les fatiguait.</p> - -<p>Il fallait que le vice-grant de Saint-Jean-Soleymieux -qui reut cette dposition ft bien -convaincu lui-mme de sa fausset; car, malgr -toute la gravit des faits qu'elle contenait, -il ne cita mme pas le cur de Chazelles -comparatre devant lui. Une anne presque -entire s'coula depuis cette dposition, sans -qu'aucun dcret ft rendu contre cet ecclsiastique.</p> - -<p>Cette dposition de Marie Solle tait du -23 janvier 1783, et ce ne fut que le 22 dcembre -1784 que le cur de Chazelles fut dcrt -de prise de corps, c'est--dire environ deux -ans aprs l'assassinat. Ce dcret fut dcern par -les officiers du bailliage de Montbrison, qui -avaient t saisis de l'affaire.</p> - -<p>La nouvelle de ce dcret de prise de corps -<span class="pagenum"><a id="Page_291">291</a></span> -lanc contre le cur de Chazelles fit l'effet -d'un coup de foudre dans la ville de Montbrison. -On connaissait depuis long-temps la -prtendue dposition de Marie Solle, et l'opinion -publique en avait fait justice. On ne comprenait -pas pourquoi le cur de Chazelles n'avait -pas t dcrt plus tt, ou comment on -avait pu s'y dterminer aprs un si long -dlai.</p> - -<p>Quand le cur de Chazelles apprit qu'il -tait dcrt de prise de corps, son premier -mouvement fut, non pas de fuir la justice, mais -de recourir son juge naturel, qui tait l'official. -Il partit donc sur-le-champ pour Lyon, - cet effet. Ce fut au milieu de la nuit qu'il se -mit en route. On tait alors dans la saison la -plus rigoureuse; le froid tait trs-rude, la -terre couverte de neige et de glace. Il marcha -ainsi au milieu des tnbres, emportant -avec lui la scurit de l'innocence, mais forc -de prendre dans sa fuite les mmes prcautions -que s'il et t coupable.</p> - -<p>A peine eut-il fait quelques lieues qu'il fut -arrt et conduit Montbrison. Nous n'essaierons -pas de rendre tout ce qu'il eut souffrir -quand il se vit traduire ainsi, pieds et -<span class="pagenum"><a id="Page_292">292</a></span> -poings lis, comme un malfaiteur, qu'il fut -donn en spectacle toute la ville, et enferm -dans les mmes cachots que les sclrats. La -religion seule put lui adoucir un tel excs d'amertume.</p> - -<p>Dans la prison, le lieutenant-criminel de -Montbrison voulut l'interroger; le cur de -Chazelles, usant de son privilge, revendiqua -l'official. Bientt aprs, il interjeta appel du -dcret de prise de corps dcern contre lui, et -obtint un arrt qui le reut appelant et ordonna -l'apport de la procdure au greffe de -la Tournelle. Cet arrt tait du 5 janvier 1785.</p> - -<p>Le cur de Chazelles sollicita son largissement -provisoire, et l'obtint par un second -arrt du 18 mars, sur le vu des charges.</p> - -<p>L'avocat de Sze, qui depuis s'est jamais -illustr dans un procs o il dvoua courageusement -sa tte pour sauver un innocent -auguste, se chargea de la dfense du cur de -Chazelles. Il fit ressortir toute la calomnie -de la dposition de Marie Solle; dmontra -que l'ecclsiastique accus n'avait ni motif -ni intrt pour inspirer qui que ce ft l'ide -d'assassiner le sieur Morel, et que d'ailleurs -toute la procdure tait destitue de preuves. -<span class="pagenum"><a id="Page_293">293</a></span> -En un mot, il prouva, jusqu' l'vidence, l'innocence -de son malheureux client, et confondit -son accusatrice.</p> - -<p>Cette loquente et loyale dfense obtint le -succs qu'elle devait avoir. Par arrt du 28 -septembre 1785, le cur de Chazelles et Pierre -Barou furent dchargs de l'accusation; la -radiation de leurs crous fut ordonne, et il -leur fut permis de faire imprimer et afficher -la sentence de leur acquittement.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_294">294</a></span></p> - -<h2>BRIGIDE BALLET,<br /> -<span class="large">OU LA FILLE DNATURE.</span></h2> - -<p>La pit filiale est un des plus purs sentimens -dont la nature ait dot le cœur de l'homme. -Ce sentiment est un mlange heureux de tendresse, -de reconnaissance, de dvouement et -de respect, que des enfans bien ns se plaisent - manifester en toutes occasions aux auteurs -de leurs jours. Le vertueux Ducis en tait bien -pntr quand il a fait dire l'un de ses personnages -tragiques:</p> - -<p class="quote"> -On remplace un ami, son amante, une pouse,<br /> -Mais un vertueux pre est un don prcieux<br /> -Qu'on ne tient qu'une fois de la bont des Dieux. -</p> - -<p>Par un effet de ce sentiment, presque inn, -nos parens eussent-ils les plus grands torts -notre gard, eussions-nous nous plaindre de -leurs injustices, de leurs mauvais traitemens, -<span class="pagenum"><a id="Page_295">295</a></span> -il est une limite que rien de leur part ne doit -nous faire franchir, c'est le respect. Il se trouve -cependant des monstres, la honte de notre -espce, qui ne craignent pas d'injurier ceux -qui leur ont donn l'tre, et souvent mme -osent lever sur eux une main impie. Mais lorsque -les douces lois de la nature ne sont pas -assez efficaces pour prvenir ces attentats, il -est du devoir des magistrats de s'armer du -glaive des lois humaines pour les punir.</p> - -<p>Brigide Ballet, ne avec un caractre violent, -avait conu pour sa vieille mre une -haine implacable. Elle piait depuis quelque -temps l'occasion d'assouvir sa rage sur cette -pauvre femme. Le 18 avril 1785, elle crut avoir -trouv le moment favorable pour mettre -excution son affreuse pense. Elle habitait -avec son mari une maison spare de celle de -sa mre. Elle se rendit chez cette dernire, -et, l'ayant trouve seule, elle entra, et commena -par l'accabler d'injures. La mre, voyant -cette forcene avancer sur elle pour la frapper, -lui dit, les larmes aux yeux: <i>Malheureuse! -est-ce que tu oserais maltraiter celle -qui t'a donn le jour?... C'est dans mes entrailles, -monstre, que tu as reu la vie..... Ta -<span class="pagenum"><a id="Page_296">296</a></span> -main serait-elle assez tmraire pour frapper -ce sein qui t'a allaite? pour meurtrir ces bras -qui t'ont porte si long-temps dans ton enfance?</i></p> - -<p>Ces paroles touchantes, au lieu de faire -rentrer en elle-mme cette fille dnature, ne -firent qu'irriter sa rage. Elle se jette, toute -cumante, sur sa mre, et lui passe une corde -autour du corps pour la terrasser. La malheureuse -mre, ne pouvant opposer une force -capable de rsister la fureur de sa fille, se -vit renvers par terre, accable de coups et -foule aux pieds.</p> - -<p>Tremblante, perdue, la mre conjurait sa -fille de respecter l'auteur de ses jours; mais -ses pleurs, ses prires, ne pouvaient flchir -cette misrable. Elle fut expose tous les -mouvemens de la cruaut et de la fureur de -sa fille. Celle-ci osa mme la menacer de l'trangler. -L'effet aurait peut-tre suivi la menace. -Heureusement des voisins accoururent -aux cris de la mre, et mirent fin aux excs -criminels de la fille.</p> - -<p>Le bruit de cette scne affreuse s'tant rpandu, -Brigide Ballet devint l'objet de l'excration -publique, et la justice s'empressa de -<span class="pagenum"><a id="Page_297">297</a></span> -venger les droits sacrs de la nature, qu'elle -avait indignement viols. Le ministre public -porta plainte; une information eut lieu, et, -sur les preuves nombreuses qui en rsultrent, -Brigide Ballet fut dcrte de prise de corps -et mise en prison. Par sentence du 12 aot 1785, -le bailliage d'Auxerre l'avait d'abord condamne -au carcan pendant trois jours et dix livres -d'amende; mais le ministre public, trouvant -cet arrt trop indulgent, en appela <i>a -minima</i>, et, le 10 septembre suivant, la chambre -des vacations du parlement de Paris condamna -Brigide Ballet tre attache au carcan, -et tre renferme pendant neuf ans l'hpital -de la Salptrire.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_298">298</a></span></p> - -<h2>L'ACCUSATEUR ACCUS.</h2> - -<p>Le 24 aot 1781, sur les six heures du soir, -la marchausse de Palluau arrta un ngre -vagabond, et le conduisit dans les prisons seigneuriales -du lieu, par emprunt et sans l'crouer. -Le lendemain au matin, ce ngre fut -trouv tendu sur la paille, baign dans son -sang, ayant une grande plaie la gorge. Les -chirurgiens, requis par la marchausse, dclarrent -que l'tat dans lequel se trouvait ce -malheureux annonait une mort prochaine. -Le cur de Palluau, qui visita le ngre plusieurs -fois, attesta, par un certificat dat du -28 aot 1781, que cet homme tait dans une -trs-grande faiblesse, et n'avait pu rpondre -ses demandes que par quelques signes presque -inintelligibles.</p> - -<p>Le noir disparut pendant la nuit du 25 au -26. S'tait-il vad de lui-mme? avait-il t -<span class="pagenum"><a id="Page_299">299</a></span> -enlev? comment et par qui? Tel tait le problme - rsoudre.</p> - -<p>Le sieur Voyneau, procureur-fiscal depuis -deux jours Palluau, crut devoir donner des -preuves de vigilance et d'activit; il partit le -27 au matin de Saint-tienne-du-Bois, son -domicile, situ deux lieues de Palluau, et -requit d'abord le juge de ce lieu de dresser procs-verbal -de l'tat de la prison o le ngre -avait t transfr. On trouva dans la prison -les hardes du ngre; ce qui confirma dans l'ide -que le noir ne s'tait point chapp, mais -qu'il avait t enlev. Le carreau et les murs -de la prison taient teints de sang en plusieurs -endroits. On remarqua sous un tas de paille -plusieurs taches o le sang n'tait pas sec. On -ne trouva rien de bris aux portes ni aux fentres -de la prison et du parquet; seulement -le juge fit observer que la fentre du parquet, -vitre en plomb et garnie de mauvais abats-vent, -n'tait leve que de neuf pieds au-dessus -du sol de la rue, et que la porte d'entre -du parquet, quoique ferme clef, pouvait -facilement tre ouverte en dedans par une -seule personne.</p> - -<p>Le mme jour, 27 aot, le sieur Voyneau -<span class="pagenum"><a id="Page_300">300</a></span> -rendit plainte contre les auteurs directs ou -indirects de l'vasion ou enlvement du ngre -de la prison ou du parquet. L'information eut -lieu le 28; on entendit onze tmoins, tous -demeurant autour de la prison. Il rsulta de -cette information que le bruit public de Palluau -tait que le ngre s'tait coup le cou -lui-mme avec un mauvais couteau. Ce point -de fait tait en outre constat par le certificat -du cur de Palluau et par le procs-verbal de -l'officier de la marchausse.</p> - -<p>Un des tmoins, Pierre Seguin, garon boucher, -dposa que le samedi 25, sur les sept -heures ou environ du matin, il avait entendu -le fils du gelier, qui tait dans le parquet, -s'crier: <i>Le malheureux se tue!</i> qu'alors il -tait mont prcipitamment, et, s'tant approch -de la porte de la prison, il avait vu un -ngre lui inconnu, qui se perait la gorge -avec un couteau, malgr toutes les remontrances -qu'on pouvait lui faire.</p> - -<p>Un autre tmoin, la femme Peaudeau, disait -avoir entendu de son lit le fils du gelier -qui disait son pre: <i>Montez, le ngre est -se tuer!</i></p> - -<p>Quant l'vasion ou l'enlvement, les dpositions -<span class="pagenum"><a id="Page_301">301</a></span> -taient contradictoires, et ne pouvaient -qu'augmenter l'incertitude de la justice.</p> - -<p>Le sieur Voyneau, procureur-fiscal, ne voulut -rien prendre sur lui dans une affaire aussi -dlicate. Il crivit au substitut du procureur-gnral - Poitiers pour lui rendre compte de -tout ce qui s'tait pass, et le prier de l'instruire -de ce qu'il avait faire. Ce magistrat lui rpondit -que, s'il y avait preuve au procs que le -ngre se ft coup le cou, on ne pouvait pas -se dispenser de le faire dcrter de prise de -corps comme suicide. En consquence, le 20 -septembre, le sieur Voyneau requit un dcret -de prise de corps contre le ngre, comme suicide, -pour tre le procs fait et parfait sa -mmoire. Le mme jour ce dcret fut lanc -par le juge de Palluau.</p> - -<p>Cependant, dans l'intervalle de temps coul -entre la lettre au substitut du procureur-gnral - Poitiers et sa rponse, le cadavre du -ngre avait t trouv sur le bord d'une douve -ou mare, dans le ressort de la justice de Palluau. -Le juge fit des perquisitions, invoqua -tous les tmoignages, pour dcouvrir ceux qui -avaient apport le noir en ce lieu, mais il ne -put rien apprendre: l'tat de putrfaction dans -<span class="pagenum"><a id="Page_302">302</a></span> -lequel se trouvait le corps annonait qu'il tait -mort depuis plusieurs jours. Comme il exhalait -des miasmes infects et insalubres, le sieur -Voyneau le fit enlever et transporter au cimetire -d'un bourg voisin, la Chapelle-Palluau.</p> - -<p>Le ngre ayant t trouv mort, le sieur -Voyneau suspendit toutes poursuites; mais, -le 26 mars 1782, le procureur-gnral fit rendre -en la Cour un arrt qui commit le sige -de Fontenay pour continuer le procs criminel -qu'il avait commenc. L'instruction se fit - grands frais; une information, compose -de plus de cent cinquante tmoins, eut lieu, -mais sans procurer beaucoup de lumires, les -tmoins tant mal choisis et leurs dpositions -rdiges avec trop de prcipitation. Dans le -cours de l'instruction faite Fontenay, cinq -personnes furent dcrtes et emprisonnes. -Bientt le procureur-fiscal Voyneau fut confondu -dans le nombre des criminels; un dcret -de prise de corps fut lanc contre lui, -comme prvenu d'avoir conseill et favoris -l'enlvement et assassinat du ngre nomm -Franois.</p> - -<p>L'information de Fontenay, effrayante par -la multitude des tmoins entendus, se rduisait -<span class="pagenum"><a id="Page_303">303</a></span> - peu de chose; on y reconnaissait des gens -acharns contre le sieur Voyneau, les uns par -jalousie, raison des places qu'il occupait, les -autres par la haine, par suite des procs et -querelles qu'ils avaient eus avec lui. Ceux-ci -lui en voulaient cause des droits seigneuriaux -qu'il tait charg d'exiger; ceux-l pour la -rpartition des tailles, qu'il avait mission d'asseoir, -en qualit de commissaire des marches -communes de Poitou et de Bretagne; quelques -autres pour des alignemens de rue, en sa qualit -de commis-voyer. Le sieur Voyneau ayant -eu exercer tant de fonctions diverses, il n'tait -point tonnant qu'il et soulev contre -lui tant de haines et d'animosits particulires. -Au reste, pas la moindre preuve qu'il et favoris -ou conseill l'assassinat du ngre.</p> - -<p>Cette dernire imputation, celle d'avoir conseill -l'assassinat, n'avait d'autre fondement -qu'un fait mal interprt, qu'il convient d'claircir.</p> - -<p>Le ngre avait t arrt par la marchausse -comme vagabond; il tait de la comptence -du prvt. Les cavaliers de Palluau l'avaient -dpos, par emprunt et sans l'crouer, -dans la prison seigneuriale de ce lieu; ils devaient, -<span class="pagenum"><a id="Page_304">304</a></span> -suivant l'ordonnance, le transfrer, sous -vingt-quatre heures, dans les prisons royales de -Montaigu, sige de leur juridiction. Le sieur -Voyneau tait Palluau le 25 aot, vers les -cinq heures du soir; c'tait la nuit prcdente -que le ngre s'tait coup le cou. Le sieur -Voyneau rencontra le sieur de Saint-tienne, -sous-lieutenant de la marchausse Palluau, -tout hors de lui-mme; c'tait devant la porte -du snchal et en prsence de plusieurs personnes; -il lui tmoigna sa surprise de ce qu'il -n'avait pas encore fait transfrer le ngre dans -les prisons de Montaigu, attendu qu'il s'tait -dj coul plus de vingt-quatre heures depuis -son arrestation. Le sieur de Saint-tienne rpondit -que le ngre n'aurait pu tre transfr, -ni pied ni cheval, cause de sa blessure; -le sieur Voyneau rpliqua: <i>Vous auriez pu le -faire transfrer dans une charrette, et-elle d -vous coter un louis!</i></p> - -<p>C'est ce propos qu'un tmoin, la femme Barreteau, -prsentait comme tendant conseiller -l'enlvement du ngre; ce propos avait pass -de bouche en bouche, et ce malentendu -grossier avait servi de base au dcret de -prise de corps lanc contre le sieur Voyneau.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_305">305</a></span> -Que prsentait donc, en dernire analyse, -cette malheureuse affaire? Le tableau affligeant -de l'innocence perscute, opprime -par la calomnie. L'accusation ne roulait que -sur des imputations chimriques et dont il -n'existait aucune preuve. Point de corps de -dlit qu'un prtendu conseil donn par le sieur -Voyneau, tandis que toutes les circonstances -prouvaient qu'il n'avait t ni en sa volont -ni en son pouvoir de le faire. Quant l'information, -quelle confiance pouvait-elle inspirer, -n'tant que le fruit des dpositions de tmoins -passionns, ou suspects par leur indigence.</p> - -<p>Le tribunal sentit toute l'absurdit de -l'accusation intente au sieur Voyneau, et, -en consquence, par arrt du 21 mars 1785, -infirma le dcret de prise de corps lanc -contre le procureur fiscal de Palluau, et le -renvoya dans ses fonctions.</p> - -<p>Ce fait devrait mettre en garde les juges -contre les propos souvent irrflchis et dpourvus -de sens commun que des tmoins -ignorans ou prvenus viennent dposer entre -leurs mains. On ne peut rien voir de plus -singulier que la cause du sieur Voyneau, qui, -<span class="pagenum"><a id="Page_306">306</a></span> -ayant le premier dnonc le crime la justice, -se vit tout--coup d'accusateur devenir -accus, et fut oblig de se justifier lui-mme -du crime dont il poursuivait la punition.</p> - -<p>Nous fortifierons ces faits et ces rflexions -de quelques considrations de Montesquieu -qui s'y rattachent trs-bien: Les discours, -dit-il, sont sujets interprtation. Il y a -tant de diffrence entre l'indiscrtion et la -malice, et il y en a si peu dans les expressions -qu'elles emploient, que la loi ne peut -gure les soumettre une peine capitale, - moins qu'elle ne dclare expressment -celles qu'elle y soumet. Les paroles ne forment -point un corps de dlit, elles ne restent -que dans l'ide; la plupart du temps, -elles ne signifient pas par elles-mmes, -mais par le ton dont on les dit. Souvent, en -redisant les mmes paroles, on ne rend pas -le mme sens: ce sens dpend de la liaison -qu'elles ont avec d'autres choses. Quelquefois -le silence exprime plus que tous les discours, -et il n'y a rien de si quivoque que -tout cela.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_307">307</a></span></p> - -<h2>L'POUSE<br /> -<span class="large">ADULTRE ET EMPOISONNEUSE.</span></h2> - -<p>L'adultre, ce crime dont tant d'hommes -plaisantent avec une si stupide lgret, est -un de ceux qui portent le plus de dsordres -dans la socit. Ds qu'une femme a fait une -fois le sacrifice de la foi conjugale un penchant -criminel, le repentir et le retour la -vertu deviennent de plus en plus difficiles. Il -n'est pas en son pouvoir de dire: Je m'arrterai -l; je n'irai pas plus loin; une sorte -de <i>ncessit fatale</i>, que Saint-Augustin appelle -une <i>ncessit de fer</i>, l'entrane, comme malgr -elle, aux derniers excs. Ainsi souvent la -femme qui ne fut d'abord que faible et vicieuse, -se change en sclrate dtermine et -sanguinaire. L'histoire de la femme Rivereau -confirme ces tristes rflexions.</p> - -<p>Ne et marie dans la ville de Jargeau, situe -dans le ressort du bailliage d'Orlans, -<span class="pagenum"><a id="Page_308">308</a></span> -elle vcut dans son humble fortune, honnte -et innocente, jusqu'au moment o, se laissant -aller aux cajoleries et aux sductions du nomm -Bouin dit Lajoie, elle prostitua sa personne et -sa fidlit conjugale. Mais bientt ce commerce -coupable, au lieu d'assouvir sa passion -ne fit que l'irriter. Elle ne vit plus dans son -mari qu'un tre importun et odieux. Elle -aurait voulu s'affranchir de ce joug qui lui -pesait tant. Trouvant donc que son malheureux -poux vivait trop long-temps au gr de -son impatience, elle en vint par degrs se -familiariser avec l'ide d'abrger elle-mme -son existence. Le fer et le sang laissent des -traces trop apparentes; la femme Rivereau et -son amant devenu son complice, eurent recours -au poison, et crurent assurer l'impunit -de leur crime. Mais la femme ou plutt la -furie, pour tre plus certaine du succs, -chargea tellement la dose, qu'elle perdit elle-mme -le fruit odieux de ses noires prcautions, -et dchira de sa main froce le voile -dont elle cherchait s'envelopper.</p> - -<p>Le soir du 3 janvier 1785, jour fix pour -l'excution du complot, la femme monte la -premire, une demi-heure avant les autres. -<span class="pagenum"><a id="Page_309">309</a></span> -Elle apprte deux soupes, et mle une forte -dose d'arsenic dans celle qu'elle destine son -mari. Bientt Rivereau, sans dfiance, monte -avec un ouvrier de son atelier dans la chambre -haute, o se prparait ce repas homicide; -et las du travail de la journe, il comptait -goter le repos et le plaisir d'un souper frugal.</p> - -<p>Mais peine a-t-il mang quelques cuilleres -de soupe, qu'il est atteint de vomissemens -violens. Il abandonne le reste son compagnon, -qui en avale une ou deux cuilleres, -malgr la femme Rivereau qui lui arrache le -vase des mains, ne voulant pas sans doute -commettre un second crime gratuitement.</p> - -<p>Le compagnon, aprs des vomissemens -trs-pnibles, rsista la dose lgre de poison -qu'il avait prise, mais ds le lendemain -matin le mari succomba, et sa mort remplit -les vœux de sa coupable pouse.</p> - -<p>L'enterrement eut lieu, et la malheureuse, -croyant son forfait enseveli avec son mari, -ne songea plus qu' jouir des fruits de son -crime avec son complice. Ds le lendemain -de l'enterrement, elle rassemble la meilleure -partie des effets de son mnage, s'vade de la -<span class="pagenum"><a id="Page_310">310</a></span> -maison, dont elle laisse les portes ouvertes, -et s'enfuit avec Bouin dit Lajoie.</p> - -<p>Croyant mieux cacher son forfait, et drober -plus srement sa trace aux poursuites de -la justice, cette femme abominable prit le -nom de son complice, et le donna pour son -mari dans les auberges o elle passa. Cependant -sa fuite prcipite avait veill des soupons -sur la mort subite de Rivereau et sur les -accidens qui l'avaient prcde. Bientt les -magistrats de Jargeau en furent instruits par -la rumeur publique. On procda sur-le-champ - l'exhumation du corps de Rivereau, et les -hommes de l'art y reconnurent les horribles -ravages d'un poison violent. Aussitt des -ordres furent donns pour arrter les deux -fugitifs vhmentement souponns de cet -empoisonnement.</p> - -<p>Bouin dit Lajoie, ayant eu connaissance -des poursuites dont il tait aussi l'objet, -chappa la justice, en abandonnant sa complice, -qui fut arrte et conduite dans les prisons. -Trois autres personnes furent dcrtes -et emprisonnes pour le mme fait, mais il -fut sursis au jugement de leur procs jusqu'aprs -<span class="pagenum"><a id="Page_311">311</a></span> -l'excution de la femme Rivereau.</p> - -<p>Celle-ci fut condamne, par sentence du -bailliage d'Orlans, confirme par arrt du -parlement de Paris, du 13 septembre 1785, - la question ordinaire et extraordinaire, et -tre brle vive sur la place publique de -Jargeau, aprs avoir fait amende honorable, -ayant un criteau portant: <i>empoisonneuse de -son mari</i>.</p> - -<p>L'arrt fut excut quelques jours aprs, -et les cendres de la coupable furent jetes au -vent.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_312">312</a></span></p> - -<h2>LES BRIGANDS DE NIMES.</h2> - -<p>Au commencement de l'anne 1784, les -environs de Nmes taient infests par une -troupe de brigands sanguinaires et dtermins, -qui jetaient l'pouvante dans toute la -contre, et allaient audacieusement exercer -leurs ravages jusque dans les villes voisines. -Les chteaux et les maisons riches taient -surtout l'objet de leurs attaques; ils en brisaient -les portes et pillaient, comme des soldats -dans une ville prise d'assaut; en cas de -rsistance, la mort ne leur cotait rien -donner. Ces sclrats taient blass en fait -de crimes.</p> - -<p>Le moindre voyage dans ces cantons tait -accompagn des plus grands dangers. Ces -brigands attaquaient mme les caravanes que -formaient entre eux les voyageurs, afin d'tre -moins exposs sur les routes. On ne parlait -que de vols, que d'assassinats multiplis, -<span class="pagenum"><a id="Page_313">313</a></span> -que de maisons forces, que de chteaux pills.</p> - -<p>La plupart de ces bandits taient forms -au crime depuis long-temps; plusieurs d'entre -eux portaient sur l'paule leur infamant -brevet de malfaiteur. Quatre chapps des -galres avaient mrit par leurs forfaits d'tre -les chefs de ces misrables. Errans et disperss, -mais de manire pouvoir se runir -au premier signal, ils marchaient par brigades -de trois, de six, de huit et mme de -douze, et s'embusquaient sur les chemins de -Sauve, d'Uzs, de Sommires, de Lassalle, etc., -et laissaient presque partout des traces sanglantes -de leur passage.</p> - -<p>Tant d'attentats aussi notoires, aussi rpts, -ne pouvaient manquer d'veiller l'attention -et d'exciter le zle des magistrats. Le procureur -du roi du prsidial de Nmes parvint - dcouvrir que des tuileries cartes, situes -dans le voisinage de Saint-Gilles, servaient -de repaires ces brigands et leurs concubines. -Mais il tait difficile de les forcer -ou de les surprendre dans ces espces de forteresses, -o ils se gardaient avec une vigilance -de tous les instans. Il aurait fallu se dcider -<span class="pagenum"><a id="Page_314">314</a></span> -un combat mort avec ces sclrats dtermins; -c'et t compromettre l'existence -d'une foule de braves soldats pour une entreprise -hrisse de prils, mais sans gloire.</p> - -<p>On jugea plus sr et plus humain de recourir - la ruse et d'endormir ces tigres pour -les enchaner. On fit choix de trois huissiers -intelligens qu'accompagnrent une vingtaine -de jeunes gens pleins de cœur et de bonne -volont. Pour n'tre pas foudroys par ces -brigands, ils feignirent de chasser, et prirent -si bien leurs dimensions qu'ils s'approchrent -des tuileries sans que leur dessein ft pntr, -et les investirent tout--coup, avec imptuosit. -A l'aide de ce stratagme, ils surprirent -et arrtrent dix de ces bandits, tout -confondus et stupfaits de leur grossire -mprise.</p> - -<p>Les autres furent pris isolment en se rendant -au gte; et cette arrestation mit un -terme aux sclratesses dont le pays avait t -le thtre.</p> - -<p>Le procs de ces brigands ne trana pas en -longueur. Plus de deux cents tmoins furent -entendus et compltrent les preuves de leurs -<span class="pagenum"><a id="Page_315">315</a></span> -mfaits, et par jugement souverain du fvrier -1785, ils furent condamns tre rompus -vifs.</p> - -<p>Le lendemain, les femmes, dignes objets -des amours de ces monstres, furent condamnes - tre attaches au carcan, et ensuite -tre renfermes pour le reste de leur vie dans -une maison de force. Un jeune garon de -douze ans, lve de ces brigands, avait dj -si bien profit de son apprentissage, qu'il -les aidait dans leurs vols et dans leurs assassinats. -Il leur servait de furet pour la plupart -de leurs entreprises; il tait l'espion qui -allait la dcouverte sur les grands chemins; -il tait mme quelquefois le premier attaquer -les voyageurs, et ne tardait pas tre -soutenu par ses matres, placs en embuscade. -Il fut ordonn que cet enfant serait -renferm dans un hpital pendant six ans, -pour y tre lev dans la religion catholique, -dans l'esprance que l'ge, la raison et l'ducation -changeraient son cœur, sitt souill -par l'exemple et les leons de ces sclrats.</p> - -<p>L'excution de ces bandits offrit une circonstance -qui prouve qu'il est certaines mes -<span class="pagenum"><a id="Page_316">316</a></span> -sur lesquelles le spectacle des supplices les -plus effrayans est tout--fait impuissant.</p> - -<p>Tandis que l'excuteur attachait aux fourches -patibulaires les cadavres de ces supplicis, -un malheureux volait cent cus un -paysan de Beaucaire qui portait cette somme -au propritaire dont il tait fermier. Mais il -ne jouit pas long-temps de son larcin, il fut -arrt quelques instans aprs. Le voleur tait -un Italien, marchand d'orvitan, qui avait -dj t fouett et marqu Dijon pour d'autres -tours du mme genre dont sont assez -coutumiers la plupart des charlatans en -plein vent.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_317">317</a></span></p> - -<h2>CATHERINE ESTINS.</h2> - -<p>La calomnie, arme terrible l'usage des -pervers, ne reconnat rien de sacr pour -elle; elle brave toutes les considrations, -tranche toutes les difficults, appelle son -aide toutes les inventions les plus absurdes, -les plus monstrueuses, et ne voit autour -d'elle que le mal qu'elle a entrepris de faire, -que l'innocente victime qu'elle veut percer -de ses coups assassins; peu lui importe les -moyens, pourvu qu'elle parvienne son but. -Aussi ne nglige-t-elle rien pour assurer le -succs de ses complots tnbreux.</p> - -<p>Nos auteurs de romans ont tort de perdre -le temps se mettre l'esprit la torture -pour trouver des conceptions tonnantes par -leur hardiesse et nouvelles force de bizarrerie. -Souvent ils feraient mieux et plus vite, -en explorant avec attention les dtails d'une -foule d'accusations calomnieuses dont retentissent -<span class="pagenum"><a id="Page_318">318</a></span> -trop souvent nos tribunaux. Ils y trouveraient -avec surprise un trsor d'inventions -diaboliques, de trames infernales, conues -et ourdies avec cet art merveilleusement satanique -dont le gnie du mal est seul capable. -Que d'inspirations ne pourraient-ils -pas puiser dans ce rpertoire si vaste et si -vari! Au lieu de se lancer dans un monde -imaginaire et fantastique, compos de vapeurs -et de nuages qui se dissipent au moindre -souffle, qui prennent mille formes tranges, -impalpables, insaisissables, et qui ne -ressemblent rien des choses de notre porte, -nos romanciers, en s'adressant la source -que nous venons d'indiquer, trouveraient -toutes faites des intrigues entirement neuves, -habilement tissues, des faits tonnans -mais vrais, quoique voisins quelquefois de -l'invraisemblance, des incidens que l'imagination -seule ne saurait crer, enfin des peintures -de caractres et de mœurs bien plus -intressantes pour nous que des tableaux -peints au hasard, par boutades, et qui n'ont -pas eu la nature pour modle, la nature belle -ou difforme, cultive ou inerte, nue ou pare, -pleine de charmes ou dgotante, bonne -<span class="pagenum"><a id="Page_319">319</a></span> -ou perverse. Il est d'ailleurs si facile d'intresser -par le spectacle de l'innocence poursuivie -sans relche par les horribles reptiles -de la calomnie qui s'efforcent d'introduire -leur dard empoisonn dans les sanglantes -morsures qu'ils ont faites leur victime infortune! -Nous allons raconter une histoire qui, -malgr tout ce que nous avons dj vu en ce -genre, prsentera une variante toute neuve -de la mchancet humaine.</p> - -<p>Barthelemy Estins, habitant de Cazaux, -dans le comt de Comminges, faisait un commerce -assez productif; il en tait mme temps -boucher, marchand de grains et de tabac, -et cabaretier. Son industrie lui avait procur -une aisance qui rendait sa maison la plus considrable -de Cazaux.</p> - -<p>De cinq enfans qu'il avait eus d'un premier -mariage, deux seulement habitaient la -maison paternelle; un garon qui tait muet -de naissance et la plus jeune des filles, Catherine -Estins, dont nous allons retracer les -malheurs. La mre de ces enfans tant morte, -Barthelemy Estins se remaria six mois aprs -avec Dominiqute Fontan, qui tait peine -majeure. Jusqu' cette fatale poque, Catherine -<span class="pagenum"><a id="Page_320">320</a></span> -avait t l'enfant chri de son pre, qu'elle -aimait aussi bien tendrement. Mais peine -Barthelemy Estins eut donn une martre -Catherine que tout changea de face dans la -maison paternelle. Dominiqute Fontan se crut -faite pour dominer despotiquement et sans -partage le cœur de son poux sexagnaire; -elle entreprit de lui inspirer par degrs de -l'loignement, de l'aversion mme pour Catherine, -en la calomniant sans cesse et en la -chargeant des torts les plus graves. Gronde -sans cesse et souvent maltraite, tant par son -pre que par sa martre, Catherine se vit -force de chercher du travail au dehors pour -gagner sa vie; et quoique habitue ds long-temps -aux douceurs d'une honnte aisance, -elle se condamna ne manger la table de -son pre que les jours o elle manquerait -d'ouvrage. Mais ce n'tait point encore assez -au gr de la martre; elle voulait rester seule -matresse dans la maison, et son projet tait -d'obliger Catherine aller retrouver ses frres -qui taient tablis en Espagne. Aussi ne ngligeait-elle -aucune circonstance pour maltraiter -cette malheureuse fille et pour indisposer -contre elle le crdule Estins.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_321">321</a></span> -Le 25 juillet 1784, jour de la fte du lieu, -Dominiqute Fontan, la belle-mre, eut une -indigestion occasione par une espce de bouillie. -Aussitt elle inventa une histoire digne -de sa mchancet. Elle se plaignit son mari -que Catherine avait jet de l'arsenic dans le -chaudron o cette bouillie avait t prpare; -et quoique tous les gens de la maison et mme -quelques convives eussent mang de ce mets, -sans en avoir prouv la plus lgre incommodit, -Barthelemy Estins fut assez faible -pour ajouter foi cette fable atroce. Cependant -cette indigestion n'ayant pas eu de suites srieuses, -on n'osa plus ouvrir la bouche au -sujet de ce prtendu empoisonnement qui, -d'ailleurs, n'avait peut-tre t imagin que -pour prparer les esprits des accusations -plus horribles encore.</p> - -<p>Dominiqute Fontan suivit donc son projet -de dnigrement. Elle ne cessait de publier -que Catherine Estins provoquait sans cesse -la colre de son pre par des propos o la -menace se trouvait presque toujours mle -l'injure. Elle rpandait que cette fille allait -mme jusqu' dire son vieux pre qu'elle -le ferait mourir.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_322">322</a></span> -Un malheureux vnement vint bientt -servir faire clater l'orage qui jusque l -avait grond sourdement sur l'infortune -Catherine.</p> - -<p>Barthelemy Estins tait sujet de violentes -douleurs d'entrailles, occasiones par -l'usage inconsidr du vin et des liqueurs -fortes. Ses affaires l'ayant appel Monrejeau, -il fut surpris dans cette ville par des crises -de la mme nature, et dit qu'il se trouvait -si incommod, qu'il sentait un feu si dvorant -dans ses entrailles, qu'il craignait de -mourir avant d'arriver chez lui. En effet, il -tait dans un tat fort alarmant lorsqu'il -revint Cazaux, et il se mit au lit pour n'en -plus relever. Pendant les cinq six jours que -dura sa maladie, il fut exclusivement servi -par sa femme, qui ne voulut jamais permettre -que Catherine donnt ses soins au malade, -malgr les vives instances de cette malheureuse -fille. Rduite passer la journe hors -de la maison, pour assurer sa subsistance -par son travail, ce n'tait que le soir qu'elle -pouvait, et presque la drobe, approcher -du lit de son pre.</p> - -<p>Barthelemy Estins mourut le 21 janvier -<span class="pagenum"><a id="Page_323">323</a></span> -1785, dix heures du soir, et ce jour-l, sa -fille ne parut dans sa chambre qu'aprs huit -heures, c'est--dire deux heures avant sa -mort. Malgr cette circonstance, et quoique -le malade ft dans une situation dsespre -long-temps avant d'avoir pris son dernier -bouillon, la martre et ses complices, que -nous ferons bientt connatre, rpandirent -sourdement le bruit que ce vieillard avait -t empoisonn, et que sa fille tait l'auteur -de cet attentat; qu'on avait jet de l'arsenic -dans un bouillon qui lui avait t servi trois -ou quatre heures avant sa mort, et que Catherine -seule pouvait avoir fait le coup. Pour -donner plus de vraisemblance cette nouvelle -accusation, on avait tent de persuader -au pauvre agonisant qu'il avait t empoisonn -par ce bouillon, dans l'espoir de lui -arracher quelque plainte ou quelque propos -relatif cet empoisonnement prtendu.</p> - -<p>Au moment mme o Barthelemy Estins -venait de prendre son dernier bouillon, sa -femme avait envoy chercher le barbier d'un -village voisin, avec prire d'apporter du contre-poison. -Ce barbier, nomm Mounic, tait -le plus ignorant et le plus stupide de tous les -<span class="pagenum"><a id="Page_324">324</a></span> -gens de sa profession. A peine fut-il arriv -que la martre s'empara de lui, et lui fit mille -contes absurdes sur le poison qu'elle disait -avoir trouv dans la marmite. Le crdule -Mounic, sans autre examen, et sur la parole -de la Fontan, fit prendre de la thriaque -dans du lait au pauvre moribond, qui expira -l'instant d'aprs. Ses dernires paroles furent -caractristiques: <i>Voulez-vous boire un -uchaud de vin?</i> dit-il au cur qui tait -son chevet. A quoi celui-ci ayant rpondu: -<i>Voulez-vous nous en donner?</i> le malade -fit un signe de tte, et mourut sur-le-champ.</p> - -<p>Cependant les deux sieurs Laguens pre et -fils, substituts du sige royal de Rivire, accompagns -du greffier Pourth, arrivent -Cazaux le 23 janvier, deux jours aprs le dcs -de Barthelemy Estins. On verra par qui -ils avaient t informs en secret du prtendu -empoisonnement de cet homme. Ils trouvent -le cadavre dans le lit, car on avait de fortes -raisons pour ne l'avoir pas encore inhum. -Leur premier soin est de mander le barbier -Mounic, et un de ses confrres, peu prs -de la mme force, appel Soudane, qu'ils -qualifient de chirurgiens, et auxquels ils enjoignent -<span class="pagenum"><a id="Page_325">325</a></span> -de procder l'ouverture du cadavre. -Pour d'aussi habiles gens, cette opration -fut l'affaire d'un instant; puis ils se -rendirent au jardin de la maison du dfunt, -o ils trouvrent le greffier assis sur une -pierre, qui crivit sur ses genoux leur rapport -et leur dposition, ou plutt qui, profitant -de leur ignorance, mit dans son procs-verbal -tout ce qu'il crut propre former un -corps de dlit. En effet, plus tard, Mounic -et Soudane accusrent le greffier Pourth -d'avoir crit ce qu'ils n'avaient pas dict et -d'avoir supprim ou altr ce que rellement -ils lui avaient dit; ils l'accusrent en outre -de leur avoir fait signer le rapport sans leur -en avoir donn lecture.</p> - -<p>Le juge Laguens ne prit pas la peine d'assister - la rdaction de cet trange procs-verbal; -pendant ce temps, il s'occupait faire -main-basse sur tout ce qui tait sa convenance -dans la maison du dfunt. Le greffier -fit venir en qualit de tmoin le nomm -Bertrand Lantrade, qui, entendu d'office, -rpta les propos de la martre, et dit qu'il -tenait de sa propre bouche que Barthelemy -Estins avait t empoisonn par sa fille. Un -<span class="pagenum"><a id="Page_326">326</a></span> -autre tmoin, nomm Michel Verdot, fut -entendu, et signa sa dposition sans aucune -lecture pralable. Ces deux tmoins protestrent -depuis contre l'infidlit du procs-verbal, -et accusrent le greffier Pourth de -leur avoir fait dire autre chose que ce qu'ils -avaient dpos.</p> - -<p>Cependant, sur le rapport de deux barbiers -ignorans, renforc par les dpositions -falsifies de ces deux tmoins ous d'office, -Catherine Estins fut dcrte de prise de -corps, le 28 janvier 1785, par M<sup>e</sup> Barre, -juge titulaire du sige royal de Rivire, sur -les rquisitions de Laguens pre, substitut. Il -ne fut pas difficile de mettre le dcret excution. -Quand les cavaliers de marchausse -vinrent pour l'arrter, Catherine tait tranquillement -assise devant sa porte; elle ne les -eut pas plus tt aperus qu'elle alla droit -eux, leur disant avec la fermet de l'innocence: -<i>Si c'est moi que vous cherchez, me -voici</i>. Il n'avait tenu qu' elle de prendre la -fuite, puisqu'il s'tait coul cinq jours entre -la descente des officiers de justice et le -dcret. Pendant ces cinq jours, on n'avait -rien pargn pour la dterminer prendre -<span class="pagenum"><a id="Page_327">327</a></span> -la fuite; mais elle avait t inbranlable, et -tait demeure dans la maison paternelle, -jusqu'au moment o on vint la saisir pour la -conduire dans les prisons de Saint-Gaudens.</p> - -<p>Depuis le 28 janvier jusqu'au 10 mars -suivant, la justice de Rivire resta dans -une inaction absolue; mais le substitut Laguens -pre sut mettre ce temps profit -pour ses intrts. On a vu que pendant qu'on -travaillait pour lui, dans le jardin, la rdaction -du procs-verbal, il s'occupait visiter -la maison du dfunt, pour se saisir des effets -les plus faciles drober. Il avait t interrompu -pendant cette expdition par Amiel -Paduran, beau-frre de Catherine Estins, qui -exigea l'apposition du scell. Mais cette prcaution -fut inutile contre la rapacit de Laguens, -qui, bientt aprs l'excution du dcret, -enleva, sans qualit et sans formalit -quelconque, le scell qu'il avait mis, comme -juge, sur les effets du dfunt. Il les fit vendre -avec la mme lgret, mettant dans sa poche -toutes les sommes que lui rapportait ce brigandage.</p> - -<p>En mme temps que l'on pillait ainsi la -maison du pre, on s'efforait de recruter des -<span class="pagenum"><a id="Page_328">328</a></span> -tmoins contre la fille. Pour ce dernier point, -on n'pargna ni l'argent, ni les promesses, ni -les menaces. Les dpositions de quelques-uns -d'entre eux l'attestrent videmment; l'information, -quoique compose de vingt tmoins, -fut commence et finie le mme jour -10 mars 1785. Mais ce qui paratra encore plus -incroyable, c'est que le nouveau substitut ne -rougit point de comprendre dans la liste de -ses tmoins, la femme Fontan, la seule accusatrice -de sa belle-fille, et la nomme Jeanne -Minotte, qui, de concert avec la martre, -avait jur la perte de Catherine Estins.</p> - -<p>Mais il est temps de faire connatre quelques-uns -des principaux machinateurs de -cette trame infme. Le cur de Cazaux tait l'instigateur -secret des perscutions exerces sur -la malheureuse Catherine. C'tait un homme -sans principe, sans mœurs, sans conscience.</p> - -<p>Le village de Venerque, situ trois lieues -de Toulouse, avait t le premier thtre de -ses dbordemens. Il s'en tait fait chasser, -ainsi que du reste du diocse, pour un scandale -accompagn de circonstances atroces. -Mais assez adroit pour drober les motifs de -son expulsion ses nouveaux suprieurs du -<span class="pagenum"><a id="Page_329">329</a></span> -diocse de Comminges, il tait parvenu obtenir -le bnfice de Cazaux. Sa conduite, dans -cette nouvelle paroisse, n'avait t ni plus -exemplaire, ni plus difiante qu' Venerque. -On citait plusieurs filles et femmes qui avaient -t victimes de sa lubricit. Catherine Estins -avait aussi fix les regards impudiques de ce -pasteur indigne, qui n'avait rien pargn pour -triompher de la vertu de cette fille. Barthelemy -Estins envoyait quelquefois Catherine -au presbytre, porter au cur sa provision de -viande; et cet impudent satyre ne perdait aucune -de ces occasions de lui exprimer ses vœux -criminels. Il en vint un jour des tentatives -si alarmantes, que Catherine eut besoin de -toute sa force pour lui chapper; et, ds ce -moment, elle prit la rsolution de ne plus remettre -les pieds dans la maison de ce monstre -impur.</p> - -<p>Sur le refus de Catherine de retourner au -presbytre, Dominiqute Fontan remplaa -sa belle-fille dans cette prilleuse commission. -Plus d'une fois son mari avait paru inquiet de -la longueur de ses visites au cur; et il en tait -rsult des orages domestiques qui se renouvelaient -assez souvent. Mais l'adroite Dominiqute -<span class="pagenum"><a id="Page_330">330</a></span> -n'avait pas de peine calmer la jalousie -de son vieux mari. Plus clairvoyante -que son pre, et d'ailleurs claire par son -exprience personnelle, Catherine Estins ne -mnageait peut-tre pas assez sa martre sur -cet article dlicat; mais pousse bout par -cette femme imprieuse, elle n'tait pas toujours -matresse de garder le silence cet gard.</p> - -<p>C'tait alors qu'avaient redoubl pour elle -les perscutions et les outrages. La martre -et le cur firent cause commune pour la perdre; -et ne se trouvant pas encore assez forts, -ils s'adjoignirent une autre femme de Cazaux, -appele Jeanne Minotte, laquelle ils persuadrent -que Joseph Soudane, son mari, tait -l'amant de Catherine Estins. Il n'en fallut pas -davantage pour engager cette femme jalouse - se liguer avec le cur et la Fontan. Celle-ci -profitait habilement des plaintes indiscrtes -de la Minotte pour indisposer de plus en plus -le crdule Estins contre sa malheureuse fille.</p> - -<p>Quelque temps avant la mort de Barthelemy -Estins, le charitable cur n'avait pas -t le moins ardent faire circuler les propos -calomnieux dont on a vu le dtail; il avait -voulu mme y mettre le sceau, par une espce -<span class="pagenum"><a id="Page_331">331</a></span> -d'anathme lanc publiquement contre Catherine; -et, en consquence, il lui avait fait -fermer les portes de l'glise de Cazaux, en -prsence de ses paroissiens et d'un grand nombre -d'habitans des villages des environs qui -taient venus la messe.</p> - -<p>Ce mme homme avait pourtant assist aux -derniers momens de Barthelemy; il l'avait vu -pendant toute sa maladie; il tait mieux instruit -que personne de la cause de sa mort; -et cependant ds que le moribond eut ferm -les yeux, il fut assez lche, assez barbare pour -dpcher dans la nuit, Monrejeau, le consul -de Cazaux avec une lettre pour Laguens le fils, -son ami intime, afin de lui dnoncer que Barthelemy -Estins venait de mourir empoisonn. -C'tait donc d'aprs la dnonciation secrte -du cur que les poursuites avaient t diriges -contre Catherine; et ce fut lui qui excita Dominiqute -Fontan et Jeanne Minotte, et entretint -ces deux furies dans leurs sanguinaires -projets de vengeance.</p> - -<p>On concevra facilement que Catherine ne -fut pas mnage dans les dpositions de ces -deux femmes. Les autres tmoins ne firent que -rpter les propos calomnieux qu'ils avaient -<span class="pagenum"><a id="Page_332">332</a></span> -entendu tenir la martre et Jeanne Minotte; -de sorte que tout ce qu'il y avait de plus -grave dans l'accusation sortait de la bouche -de ces deux femmes.</p> - -<p>Au reste, jamais procdure ne fut ni plus -irrgulire, ni plus frauduleusement vicieuse -que celle dont Catherine Estins fut l'objet. -Toutes les garanties que les lois laissent aux -accuss furent indignement violes; et le 25 -mai 1785, les juges rendirent, dans le plus -grand mystre, leur sentence dfinitive, qui -condamnait Catherine Estins avoir le poing -coup, tre brle vive et ses cendres jetes -au vent.</p> - -<p>Un cri gnral d'indignation s'leva contre -cette effroyable sentence. Les officiers de Rivire, -dconcerts par l'espce de soulvement -qu'elle excita dans le pays, n'osaient plus paratre -en public. Bientt les fauteurs de cette -intrigue abominable, agits tour--tour par -la honte et par la terreur, ne virent d'autre -salut pour eux que dans l'vasion de leur victime. -On entreprit d'effrayer Catherine Estins -pour l'engager prendre la fuite. Les efforts -de la cabale redoublrent alors que l'on -sentit que la justice de Rivire allait tre juge -<span class="pagenum"><a id="Page_333">333</a></span> -par celle d'un tribunal souverain. On mit -tout en œuvre pour dterminer la prisonnire - s'vader; on lui en facilita tous les moyens; -les gens qui sa garde tait confie, loin de -la surveiller, l'invitaient eux-mmes fuir.</p> - -<p>Laguens se plaignit mme avec aigreur -l'un des huissiers de la prison, de ce qu'il ne -l'avait pas fait vader. Mais Catherine, soutenue -par le sentiment de son innocence, repoussa -toutes ces invitations, et s'obstina -demeurer dans les fers. Puisque ma conscience -ne me reproche rien, disait-elle, pourquoi -agirais-je comme si j'tais coupable? Est-ce - moi d'prouver les terreurs du crime, -puisqu'il me reste encore des juges qui peuvent -venger mon innocence de l'erreur ou de -la prvarication du tribunal qui m'a condamne? -La mort la plus cruelle me parat prfrable - la honte de traner avec moi, dans ma -fuite, le soupon d'un affreux parricide. Ah! -si le ciel m'et fait une me assez atroce pour -concevoir le projet d'un empoisonnement, -aurais-je pu balancer sur le choix de ma victime? -Pourquoi aurais-je donn la prfrence - un pre qui m'avait toujours tendrement -<span class="pagenum"><a id="Page_334">334</a></span> -aime, sur une martre qui me faisait souffrir -les plus cruelles perscutions? Telle -tait la noble rponse que faisait Catherine -Estins ceux qui la pressaient de prendre -la fuite.</p> - -<p>Cette inbranlable fermet dconcerta d'abord -les perscuteurs, qui dj tremblaient -pour eux-mmes; mais le gnie du mal, si fcond -en inventions, ne se trouve jamais au -dpourvu. Les Laguens et consorts, pour -chapper l'animadversion du parlement -qu'ils n'avaient que trop mrite, usrent sans -scrupule d'un moyen qui n'tait qu'un crime -de plus, et qui d'ailleurs devait assurer la perte -de leur victime. Ils tromprent les juges souverains -par un extrait infidle de la procdure. -Bertrand Laguens, qui avait dj usurp les -fonctions de juge et de partie publique, ne -craignit pas d'usurper celles de greffier, conjointement -avec son pre et son frre pun. -Ils prirent sur eux de fabriquer un extrait favorable - leurs desseins, et livrrent, aprs -cette opration, la prisonnire la marchausse, -avec ordre de la conduire Toulouse, -o elle arriva dans les premiers jours -<span class="pagenum"><a id="Page_335">335</a></span> -de juin 1785. Pendant la route, il n'avait encore -tenu qu' elle de s'vader, car on lui en -avait fourni toutes les facilits.</p> - -<p>Le courage qu'elle avait montr dans les -prisons de Saint-Gaudens ne l'abandonna pas -dans celles de Toulouse. Le rcit que firent -son sujet les cavaliers qui l'avaient amene, -intressa vivement en sa faveur. Le commissaire -des prisons voulut s'assurer par lui-mme -de la vrit de ce que l'on racontait sur cette -fille extraordinaire. Il fut frapp de l'air simple -et tranquille de Catherine, de la srnit -de son visage, et du ton de vrit qui rgnait -dans ses rponses et dans ses discours. Il s'entretint -de cette infortune avec M. de Cassan-Glattens, -qui venait d'tre charg de l'examen -prliminaire de cette affaire. Ce magistrat fut -vivement mu de ce qu'on lui disait de la courageuse -fermet de Catherine. Le tmoignage -que rendaient de l'innocence de cette infortune -toutes les personnes de son pays qui se -trouvaient alors Toulouse, l'intressa encore -plus puissamment. Il sentit que cette affaire -mritait le plus srieux examen, et qu'elle ne -devait pas tre juge par la cour avec la mme -<span class="pagenum"><a id="Page_336">336</a></span> -lgret et la mme prcipitation qu'elle l'avait -t en premire instance.</p> - -<p>Quelques jours aprs l'arrive de Catherine -Estins Toulouse, il se rpandit un bruit -sourd sur les manœuvres de la famille Laguens -et sur certaines altrations dans l'original de -la procdure. Ce bruit se fortifiant de jour en -jour, Catherine Estins prsenta une requte - l'effet d'obtenir qu'il ft procd, en prsence -d'un magistrat envoy sur les lieux, -l'extrait figuratif de la procdure originale, -instruite contre elle par les officiers de justice -de Rivire. Aprs plusieurs dbats peu favorables - cette requte, un jeune magistrat, -M. de Rigaud, m par un sentiment de gnrosit -bien digne d'tre lou et surtout -imit, offrit de se rendre sur les lieux ses -frais, si la cour lui faisait l'honneur de le choisir. -L'avocat-gnral de Resseguier appuya de -tout son pouvoir l'offre du jeune magistrat, -et requit de la cour, dans l'intrt de la justice, -que M. de Rigaud ft autoris se transporter -sur les lieux pour vrifier les minutes -de la procdure. Le parlement accueillit les -conclusions de ce rquisitoire, et par arrt du -<span class="pagenum"><a id="Page_337">337</a></span> -20 juin, remit M. de Rigaud la commission -qu'il sollicitait avec un zle aussi gnreux.</p> - -<p>Ce jeune magistrat, accompagn d'un greffier, -partit le lendemain 21 juin, et arriva le -22 sept heures du matin, Monrejeau, sige -de la justice de Rivire. Il manda sur-le-champ -le greffier Pourth, et lui ordonna de le conduire -au greffe de la juridiction. Mais le greffier -lui rpondit qu'il n'y avait point de greffe, -que depuis plus de vingt ans qu'il tait greffier, -sa maison tait le dpt de toutes les -procdures. Le commissaire s'y transporta -sur-le-champ, et trouva beaucoup d'autres irrgularits -et ngligences dans les registres -relatifs aux procdures criminelles. Puis, il procda, -avec le greffier de la cour, la vrification -et comparaison de l'extrait et de l'original -de la procdure de Catherine Estins. Cette -opration, qui fut assez longue, dcouvrit des -horreurs qui rvoltrent M. de Rigaud. Il remarqua -un grand nombre de diffrences entre -l'original et l'extrait, et mme beaucoup -d'altrations, d'additions et de faussets sur -l'original; ce qui le dtermina faire arrter -et conduire le greffier dans les prisons de la -cour.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_338">338</a></span> -M. de Rigaud fut de retour Toulouse le -6 juillet, et le lendemain, la cour rendit un -nouvel arrt portant que le greffier Pourth -serait crou dans sa prison; que les deux Laguens -seraient dcrts de prise de corps, et -M<sup>e</sup> Barre, juge titulaire de la justice royale -de Rivire, dcrt d'ajournement personnel. -Cet arrt fit prendre la fuite aux deux Laguens, -coupables des plus horribles prvarications. -La martre ne tarda pas les imiter, dans la -crainte d'tre dmasque par la procdure -qui allait tre faite par autorit de la cour. -Le juge Barre, qui n'tait gure moins coupable, -ne craignit pas de se prsenter. M. le -procureur-gnral porta une plainte de faux -capital contre les auteurs, fauteurs et complices -des faussets qui se trouvaient, tant -dans l'original que dans l'extrait de la procdure; -et sur cette plainte, la cour ordonna -que l'original de la dite procdure serait apport - son greffe.</p> - -<p>Une nouvelle procdure fut entame; la -contumace des deux Laguens fut soigneusement -instruite, et il fut ordonn qu'il serait -procd extraordinairement contre les accuss, -contumaces et autres. M. de Rigaud, -<span class="pagenum"><a id="Page_339">339</a></span> -dont le zle tait infatigable, retourna Monrejeau, -encore ses frais, pour une continuation -d'information, pour le rcolement et la -confrontation des tmoins. Mais le 18 octobre, -le juge Barre ayant disparu, son vasion empchait -de consommer la procdure.</p> - -<p>Le rle de Catherine Estins avait bien -chang. Grce la persvrante gnrosit de -M. de Rigaud, d'accuse qu'elle tait d'abord, -elle tait devenue accusatrice; et demandait -que ses ennemis fussent condamns envers -elle, en cinquante mille livres de dommages-intrts. -Justice complte lui fut rendue; son -innocence fut solennellement proclame. Par -arrt du parlement de Toulouse, les deux -Laguens, pre et fils, contumaces, furent condamns - dix ans de galres; et le juge Barre, -ainsi que le greffier Pourth, dix ans de -bannissement, et quatre mille livres de dommages-intrts -envers l'accuse. Si la justice -eut pu mettre la main sur les condamns -contumaces, il est prsumer que, remontant -alors aux premiers instigateurs de cette -œuvre tnbreuse, elle et atteint et stigmatis -le cur de Cazaux, et sa digne complice -la martre de Catherine Estins.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_340">340</a></span></p> - -<h2>LA FILLE SALMON,<br /> -<span class="large">DCLARE INNOCENTE, APRS AVOIR T CONDAMNE<br /> -DEUX FOIS A TRE BRULE VIVE.</span></h2> - -<p>Ce procs intressant, et qui, par la nature -des faits aussi bien que par son jugement dfinitif, -fait poque dans nos annales judiciaires, -est une nouvelle preuve des erreurs fatales dans -lesquelles peuvent tomber des juges aveugls -par la prvention. Ce ne sera pas sans le plus -grand tonnement que les lecteurs verront la -justice svir avec acharnement contre une fille -innocente, tandis qu'il tait si facile de mettre -la main sur les vrais coupables; ce ne sera pas -non plus sans plaisir qu'ils verront le parlement -de Paris, par un arrt quitable, arracher -la victime aux flammes prtes la dvorer. -Le simple expos des faits suffira pour -mettre dans tout son jour l'innocence de cette -malheureuse fille, et pour indiquer les auteurs -du crime qu'on lui imputait.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_341">341</a></span> -Marie-Franoise-Victoire Salmon, fille d'un -simple journalier de la paroisse de Mautis, -en Basse-Normandie, se mit en service l'ge -de quinze ans dans le voisinage du lieu de sa -naissance. En 1780, tant alors ge de vingt -ans, elle entra comme servante chez les sieur -et dame Dumesnil, paroisse de Formigny. -Ce fut dans cette maison qu'elle eut occasion -de connatre le sieur Revel de Breteville, procureur -du roi au bailliage de Caen. La fille -Salmon avait de la fracheur, une physionomie -intressante; le sieur Revel lui tmoigna de la -bienveillance, et la pressa vivement de quitter -la campagne pour venir Caen chercher un -service plus avantageux. On ignore quels motifs -de plainte la fille Salmon put donner depuis -au sieur Revel. Quoi qu'il en soit, on le -verra bientt devenir le plus ardent perscuteur -de son ancienne protge.</p> - -<p>La fille Salmon, aprs avoir essay sans -succs de se livrer au mtier de couturire -dans la ville de Bayeux, se vit force de redevenir -servante. Elle songea alors se rendre - Caen pour s'y placer avantageusement. Elle -arriva dans cette ville le 1<sup>er</sup> aot 1781. Son -premier soin fut de s'enqurir des maisons o -<span class="pagenum"><a id="Page_342">342</a></span> -elle pouvait se prsenter comme domestique. -Le hasard, hasard bien malheureux sans doute, -l'adressa une dame Huet Duparc, qui, sur -le tmoignage favorable de son extrieur, l'accepta, -pour entrer chez elle, le mme jour -1<sup>er</sup> aot, raison de cinquante livres de gages. -Dans l'aprs-dne, la fille Salmon apporta son -petit paquet la maison, et, ds le soir mme, -elle commena son service.</p> - -<p>Cette maison tait compose de sept matres: -les sieur et dame Duparc; deux fils, l'un -g de vingt-un ans et l'autre de onze; leur -sœur, ge de dix-sept ans; et enfin les sieur -et dame de Beaulieu, pre et mre de la dame -Duparc, tous deux plus qu'octognaires.</p> - -<p>Dans la soire, la dame Duparc mit sa nouvelle -domestique au courant du service de sa -maison. Elle devait tous les matins se pourvoir -de deux liards de lait pour faire une -bouillie au sieur de Beaulieu, et la tenir prte -pour sept heures prcises. Aussitt aprs, il -fallait donner le bras la vieille femme Beaulieu, -et la conduire la messe. Puis c'taient -les achats, commissions et approvisionnemens -de la maison, et tous les dtails du mnage. -Mais la dame Duparc lui fit observer que, -<span class="pagenum"><a id="Page_343">343</a></span> -pour la plupart de ces objets, elle et sa fille -lui prteraient la main.</p> - -<p>Le lendemain, 2 aot, la dame Duparc apprit - la fille Salmon prparer la bouillie de -son pre, <i>dans laquelle il n'tait pas ncessaire -de mettre du sel</i>.</p> - -<p>Les jours suivans, la fille Salmon remplit -son service la satisfaction de sa matresse. -Le dimanche 5, o il est d'usage de faire un -peu de toilette, elle quitta la paire de poches -qu'elle avait porte toute la semaine, fond -bleu, ray blanc et jaune, et en prit une autre -plus frache, raye bleu et blanc. Elle suspendit -la paire qu'elle venait de quitter au -dossier d'une chaise dans le petit cabinet o -elle couchait, au rez-de-chausse, prs de la -salle manger, et qui tait ouvert toutes -les personnes de la maison.</p> - -<p>Le lundi 6, la fille Salmon ayant t chercher -du lait, et n'ayant pas trouv le laitier, -se disposait y retourner, lorsque la dame -Duparc lui dit de ne pas se dranger, parce -qu'on lui en apporterait. Effectivement, le -lait lui fut apport, et pour cette fois, contre -l'usage, ce ne fut pas elle qui fit la provision -de lait.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_344">344</a></span> -Aprs avoir nettoy le polon, elle reut -de la main de sa matresse le pot de terre qui -contenait la farine. Ensuite ayant jet de -l'eau sur la farine, elle la dlaya, en prsence -et sous les yeux de la dame Duparc, de sa -fille et de son jeune fils, qui avaient l'habitude -d'assister cette prparation. Une particularit -assez trange, c'est que la fille Salmon -tenant le polon sur le feu, la dame Duparc -lui demanda tout--coup si elle avait mis -du sel dans la bouillie. Non, madame, rpondit-elle, -vous savez bien que vous m'avez -prvenue de n'en pas mettre. Sur cette rponse, -la dame Duparc lui prend le polon -des mains, va au buffet, porte la main dans -une des quatre salires qui s'y trouvaient, et -remuant les doigts, parpille sur la bouillie -le sel ou toute autre substance qu'elle prenait -pour du sel. Mais ce qu'il y a de certain, -c'est que ce fut la dame Duparc qui saupoudra -la bouillie.</p> - -<p>La bouillie faite, la fille Salmon la versa -sur une assiette que la dame Duparc tenait -toute prte, et qu'elle plaa prs du vieillard -assis devant la table.</p> - -<p>La fille Salmon alla ensuite conduire la -<span class="pagenum"><a id="Page_345">345</a></span> -dame Beaulieu la messe. Puis la dame Duparc -lui donna des commissions qui devaient -l'occuper une partie de la matine, de sorte -qu'elle ne rentra la maison que vers onze -heures et demie. A son retour, on lui apprit -que le sieur Beaulieu avait t attaqu d'une -horrible colique et de vomissemens, sur les -neuf heures du matin. On lui ordonna de -mettre ce vieillard au lit, ce qu'elle fit aussitt. -La dame Duparc la chargea de veiller -tous les besoins du malade.</p> - -<p>Cependant l'tat du sieur Beaulieu empirait -visiblement. On fit venir un garon apothicaire, -qui lui appliqua des vsicatoires, -remde bien impuissant pour le mal qui le -dvorait. Le vieillard expira vers cinq heures -et demie du soir, au milieu de crises affreuses.</p> - -<p>On ne peut s'empcher de remarquer, -comme une circonstance digne d'attention, -l'indiffrence et la tranquillit de la dame -Duparc et de ses enfans, l'aspect d'une catastrophe -aussi effrayante. On ne fit aucune -recherche, aucune perquisition; on sembla -mme craindre d'appeler l'attention sur le cas -d'empoisonnement. En prsence des dchiremens, -des convulsions du vieillard, on n'eut -<span class="pagenum"><a id="Page_346">346</a></span> -pas mme l'ide du contre-poison; on n'appela -d'autre homme de l'art qu'un garon -apothicaire.</p> - -<p>Aussitt que la dame Duparc s'aperut que -son pre touchait sa fin, elle fit monter son -fils an cheval, et le pressa de partir sous -prtexte d'aller avertir de l'vnement son -mari qui tait absent. Ce qu'il y a de surprenant -dans ce dpart subit, au milieu de semblables -circonstances, c'est que ce jeune -homme ne reparut pas, et que, pendant -toute l'instruction du procs, sa destine demeura -un mystre impntrable.</p> - -<p>Aprs le dcs du sieur de Beaulieu, la -dame Duparc fit venir une garde pour ensevelir -et veiller le corps. La fille Salmon se -joignit cette femme pour passer la nuit. -Tout fut tranquille dans la maison, comme -s'il n'y tait rien arriv d'extraordinaire. Le -lendemain, vers les sept heures du matin, -la fille Salmon se disposait vaquer quelques -soins du mnage. La dame Duparc lui reprocha -avec aigreur d'tre une bien mauvaise -mnagre, de garder depuis le dimanche de -bonnes poches, tandis qu'elle en avait d'autres. -Il faut avouer que sa sollicitude pour les -<span class="pagenum"><a id="Page_347">347</a></span> -poches de sa servante tait bien trange -dans un pareil moment. Quoiqu'il en soit, -la malheureuse fille, sur la reprsentation de -sa matresse, alla dans son cabinet, quitta -ses poches neuves, et reprit ses vieilles qui -taient suspendues au dossier de la chaise. -Sans soupons comme sans inquitude, elle -avait dj commenc le service journalier; -mais tourmente par le sommeil, elle paraissait -avoir besoin de repos. La dame Duparc -et sa fille, qui s'en aperurent, se chargrent -des dtails relatifs au dner, mirent le pot-au-feu, -le salrent, y jetrent les lgumes, tremprent -la soupe. Sur ces entrefaites, le matre -de la maison, le sieur Duparc, arriva de la -campagne. Les soins que rclamait son cheval -dtournrent totalement la fille Salmon -des apprts du dner.</p> - -<p>Le couvert fut mis dans le salon pour sept -personnes, et l'on se mit table une heure. -Outre les personnes de la maison, il y avait la -dame Beauguillot, sœur de la dame Duparc, -et son fils. La dame de la maison servit la -soupe tous les convives. Au moment o la -fille Salmon venait pour changer les assiettes - soupe, le jeune Duparc prtendit avoir senti -<span class="pagenum"><a id="Page_348">348</a></span> -quelque chose de dur craquer sous ses dents; -la dame Duparc en dit autant; mais ce propos -n'eut pas de suite. On continua le dner. -La compagnie resta table trs-tranquillement -jusqu' deux heures et demie. La fille Salmon -tait dans sa cuisine; elle venait d'achever -son dner, quand tout--coup elle vit arriver -le jeune Duparc, et successivement les six autres -personnes de la compagnie, dont quelques-unes -se plaignaient de maux d'estomac. -La dame Duparc la premire, en entrant dans -la cuisine, s'cria: Ah! nous sommes tous -empoisonns, on sent ici l'odeur d'arsenic -brl. Cette exclamation tait assez surprenante, -en ce qu'elle supposait chez la -dame Duparc des connaissances trangres -son tat. C'tait une premire tentative pour -appeler les soupons sur la pauvre servante; -c'tait prparer de loin l'explication de l'arsenic -qui devait tre trouv dans le corps du -sieur de Beaulieu, et dans les poches de la -fille Salmon. La dame Duparc voulait faire -penser que la servante avait jet au feu les -restes de la soupe empoisonne. Cette prcaution -tait cependant peu combine, puisque -la soupe des matres avait t compltement -<span class="pagenum"><a id="Page_349">349</a></span> -consomme sur leur table, et que le reste du -bouillon avait t vid sur l'assiette du jeune -Duparc.</p> - -<p>Aussitt que la dame Duparc eut fait natre -le soupon d'empoisonnement, on courut vite -chercher le sieur Thierri, apothicaire, pour -porter des secours aux personnes empoisonnes, -cependant toutes ces personnes avaient -achev de dner, sans que l'action si prompte -de l'arsenic leur et fait sentir la moindre -atteinte, sans que l'on et remarqu aucun -de ces accidens qui suivent immdiatement -l'introduction de ce violent corrosif dans l'estomac. -On interpelle la fille Salmon; elle rpond -qu'elle ne connat rien tout cela.</p> - -<p>Cependant le bruit se rpand bientt dans -toute la ville que sept personnes de la maison -Duparc viennent d'tre empoisonnes par -la domestique qui, dj, avait empoisonn la -veille, le vieillard Beaulieu. Ainsi, comme -on le voit, l'empoisonnement du 7 servait -expliquer celui du 6. La dame Duparc, fidle -au plan qu'elle s'tait trac, ameute tout le -quartier, introduit dans sa maison une foule -de gens de toute espce, va partout criant -l'empoisonnement, l'arsenic. Il se forme en -<span class="pagenum"><a id="Page_350">350</a></span> -un instant un attroupement autour de la maison; -une multitude de personnes attires par -la curiosit, ou prvenues par la dame Duparc, -assigent la fille Salmon de questions -outrageantes.</p> - -<p>La servante, ainsi que nous l'avons dit, -tait accable de sommeil par suite de la fatigue -de la nuit; cette scne pouvantable -acheva d'puiser ses forces. Elle alla se jeter -sur un lit dont les draps n'taient pas encore -mis, et s'y enveloppa dans la couverture. -Pendant qu'elle prenait un peu de repos, la -dame Duparc continuait son mange, montant -toutes les ttes fminines du voisinage, -au sujet de l'vnement dont toute sa famille, -disait-elle, avait failli tre la victime. Aussitt -il se fait une invasion tumultueuse de toutes -ces femmes, dans l'endroit o la fille Salmon, -s'tait rfugie pour reposer. On s'empare -d'elle, on la surcharge de questions, de reproches -et de remontrances. Arrive le sieur -Hbert, chirurgien, ami de la maison, qui -dclare qu'il faut que cette fille laisse visiter -ses poches. Marie Salmon, bien loigne de -craindre que cette visite puisse lui causer -le moindre prjudice, dtache aussitt elle-mme -<span class="pagenum"><a id="Page_351">351</a></span> -les cordons de ses poches, et les livre -pour qu'on en fasse la perquisition. Ce chirurgien, -dans sa dposition, dclara que dans -une des deux poches, il avait ramass avec la -main diffrentes miettes de pain parsemes -d'une matire blanche et luisante de diffrentes -grosseur et grandeur. Le sieur Hbert -emporta cette matire, et la montra diffrentes -personnes; cette matire passa mme -dans plusieurs mains, et n'arriva dans celles -de la justice que sept jours aprs le prtendu -empoisonnement.</p> - -<p>Un sieur Friley, se disant avocat au bailliage -de Caen, se prsente chez la dame Duparc, -qui lui fait un rcit trs minutieux de -l'vnement. Le sieur Friley ne doute pas un -moment que la servante ne soit criminelle. Il -sort pour la dnoncer au procureur du roi -et au lieutenant criminel.</p> - -<p>La justice, prvenue, apporta dans cette -affaire la ngligence la plus condamnable; -il ne s'agissait que d'une pauvre servante: -qu'importait un manque total de formalits? -Le procureur du roi Caen tait le sieur Revel, -dont nous avons dit un mot en commenant -cet article. Par suite d'une srie de mesures -<span class="pagenum"><a id="Page_352">352</a></span> -irrgulires, la fille Salmon fut mise en -prison sans avoir t entendue par ses dnonciateurs, -ni par l'officier qui avait donn -des ordres pour la prcipiter dans un cachot, -aprs l'avoir bassement trompe sur le lieu -o on la conduisait.</p> - -<p>Le 8 aot, on procda l'autopsie du cadavre -du sieur de Beaulieu, la requte du -procureur du roi. La conclusion du rapport -des chirurgiens fut que le sieur de Beaulieu -avait t empoisonn, et que le poison tait -la cause de sa mort.</p> - -<p>On commence incontinent l'instruction; -on reoit complaisamment les dpositions de -tous les membres de la famille Duparc; on -fait jouer un grand rle la matire blanche -et luisante, mle aux miettes de pain trouves -dans les poches de la fille Salmon.</p> - -<p>Ds le dbut de l'instruction, une rclamation -universelle s'tait leve au sujet de l'invraisemblance -de l'accusation dirige contre -la servante. Le dfaut d'intrt commettre -un aussi grand crime frappait tout le monde. -Une fille de vingt-un ans qui, ds son entre -dans une maison, conoit l'affreux projet -d'empoisonner ses huit matres, qui excute -<span class="pagenum"><a id="Page_353">353</a></span> -ce projet, le cinquime jour, sans qu'il en -rsulte pour elle le moindre avantage, et pour -le plaisir seulement de commettre un forfait -abominable, serait un phnomne hors de la -porte de la raison humaine.</p> - -<p>Si, absolument, l'on voulait trouver un -coupable, pourquoi s'attacher la servante, -qui tait de toutes les personnes de la maison -celle que l'on devait souponner le moins; -puisque plusieurs circonstances auraient d -appeler d'un autre ct les regards de la justice?</p> - -<p>Le bruit courait qu'une personne de la famille -Duparc avait, quelques jours auparavant, -achet de l'arsenic. Cette rumeur mritait -bien, ce semble, quelque attention de la -part des magistrats. Et la disparition du fils -an ne signifiait-elle rien dans un moment -o cette absence devait tre l'objet de la curiosit -publique?</p> - -<p>Pour faire tomber tous ces bruits favorables - l'innocence de la fille Salmon, on rsolut -d'avilir cette infortune aux yeux du -public. On l'accusa donc de vol domestique. -Nouvelles manœuvres, nouveaux mensonges, -nouvelles calomnies pour appuyer cette accusation; -<span class="pagenum"><a id="Page_354">354</a></span> -nouvelle complaisance de la part du -ministre public pour la constater. Le procureur -du roi requiert l'autorisation de faire informer -par addition, et parle, dans son rquisitoire, -de l'empoisonnement et du vol comme -de dlits bien tablis contre la fille Salmon. -On interrogea les premiers tmoins, on en -entendit de nouveaux; plusieurs parurent ne -parler que sous l'influence du procureur du -roi. Dans tous les interrogatoires, la fille Salmon -releva vigoureusement les objections captieuses -et frivoles de son juge: quelquefois -elle claircissait d'un seul mot ce qui avait -t obscurci par de misrables quivoques ou -de grossiers sophismes. Dans les confrontations, -elle confondit les tmoins, les mit en -contradiction entre eux et avec eux-mmes; -elle articula des faits positifs qui entranaient -sa justification; et les tmoins, sans oser nier -ces faits, se bornaient persister dans leurs -dpositions. Mais malgr ce triomphe, la fille -Salmon n'en tait pas moins sur le point d'tre -condamne par ses juges.</p> - -<p>Le 18 avril 1782, le tribunal rendit une -sentence dfinitive absolument conforme aux -conclusions du procureur du roi Revel. Cette -<span class="pagenum"><a id="Page_355">355</a></span> -sentence condamnait l'accuse tre brle -vive, comme empoisonneuse et voleuse domestique. -L'infortune interjeta appel de cet -arrt inique, et fut transfre dans les prisons -de Rouen, pour y attendre son second jugement; -et le 17 mai 1782, on lui annona que -la sentence de Caen venait d'tre confirme -par arrt du mme jour.</p> - -<p>Se voyant ainsi victime de la justice humaine, -la malheureuse condamne appela -grands cris la justice divine. Plusieurs ecclsiastiques, -venus dans la prison pour visiter les -prisonniers, furent touchs de ses sanglots et -de ses gmissemens. Ceux-ci ne reconnaissaient -pas, dans les accens de la fille Salmon, -le langage ordinaire des coupables. Ils demeurrent -convaincus de son innocence. Mais dans -l'instant que cette infortune croyait trouver -un appui salutaire dans le crdit de ces personnes -charitables, elle fut arrache de leurs -mains pour tre conduite au lieu de l'excution.</p> - -<p>La fille Salmon arriva Caen, le 26 mai. -Dj le jour de l'excution tait fix; le lieu -destin au supplice avait reu les funestes apprts; -la chambre de la question allait s'ouvrir -<span class="pagenum"><a id="Page_356">356</a></span> -pour retentir des gmissemens et des -cris de la malheureuse Salmon; l'excuteur -attendait la victime..... Tout est arrt par -une dclaration de grossesse. On pense bien -que ce n'tait qu'une ressource extrme suggre - l'infortune par sa dplorable situation.</p> - -<p>Mais ce stratagme n'avait fait que retarder -le moment du supplice. Au 29 juillet devaient -recommencer, sans espoir de remise, -les mmes apprts, les mmes angoisses, les -mmes dchiremens..... Qui pourra retarder -alors l'heure de la mort, d'une mort sans consolation, -de la mort des sclrats?</p> - -<p>La Providence, par le ministre de quelques -personnes amies de l'innocence, fit parvenir -jusqu'au trne la nouvelle qu'une pauvre -servante avait t condamne, cinquante -lieues de la capitale, aux tourmens les plus -affreux, pour un crime invraisemblable. Aussitt -le monarque fit expdier de Versailles -l'ordre de surseoir l'excution.</p> - -<p>Cet ordre n'arriva Rouen que le 26 juillet. -Trois jours plus tard, et la malheureuse -condamne qui tait l'objet de cet ordre souverain, -n'aurait plus t que de vaines cendres -<span class="pagenum"><a id="Page_357">357</a></span> -disperses dans les airs. Pour peu qu'il y et -eu de lenteur dans les formalits, c'en tait -fait de la fille Salmon. La dpche arriva le dimanche -28 Caen, et le procureur du roi en -cette ville, le sieur Revel, ne l'ouvrit que le -29..... L'ordre de l'excution tait dj donn; -dj l'on dressait le bcher fatal; l'ordre du -roi arracha encore une fois la victime aux -flammes de la justice.</p> - -<p>Le roi ordonna l'apport du procs au greffe -de son conseil. La simple inspection des pices -en apprit plus que tout ce qu'on avait pu -croire. Le 18 mai 1784, aprs l'examen le -plus approfondi, le conseil dcida, d'une voix -unanime, qu'il y avait lieu rvision, et par -arrt du 24 du mme mois, la rvision de ce -procs fut renvoye au parlement de Rouen.</p> - -<p>Cette cour n'eut pas plus tt jet de nouveau -les yeux sur cette affaire, qu'elle aperut -le tissu d'infidlits, de mensonges et de prvarications -qui avaient chapp son premier -examen. A la vue d'une procdure aussi monstrueuse, -le procureur-gnral ne put contenir -son indignation: il dnona ce procs -comme un ensemble de ngligences, de contradictions -et d'iniquits. Ce rquisitoire porta -<span class="pagenum"><a id="Page_358">358</a></span> -l'alarme et la consternation au bailliage de -Caen. Les officiers de ce sige qui avaient condamn -la fille Salmon, adressrent une rclamation -au parlement de Rouen, en lui reprsentant -que l'arrt confirmatif de la sentence -renfermait la justification de la procdure, et -que le parlement ne pouvait porter un jugement -diffrent sans se dshonorer aux yeux -de la nation.</p> - -<p>Le parlement n'eut garde d'adopter la doctrine -des rclamans; mais il crut devoir prendre -un parti mitoyen, et rendit, le 12 mars -1785, un arrt qui annulait la sentence de -Caen, et ordonnait contre la fille Salmon un -plus ample inform pendant lequel elle garderait -prison.</p> - -<p>Cet arrt tenait toujours le glaive de la justice -lev sur la tte de l'accuse. Innocente, -elle voulut une rparation complte et la jouissance -de sa libert. Elle recourut de nouveau - la justice du monarque, et ne la sollicita pas -en vain. Le 20 octobre 1785, le conseil attribua -au parlement de Paris la connaissance de -cette malheureuse affaire. L devait tre le -terme de tous les malheurs de la fille Salmon.</p> - -<p>Fournel, l'un des avocats les plus distingus -<span class="pagenum"><a id="Page_359">359</a></span> -du parlement de Paris, se chargea de sa dfense, -et le fit avec autant de zle que de talent. -Il mit en relief toutes les suppositions, -les probabilits, les absurdits qui avaient servi -de base au procs, discuta la question de l'empoisonnement -sous toutes ses faces, en fit ressortir -tout le ridicule et toute l'iniquit; en -un mot, rduisit toute l'accusation au nant.</p> - -<p>Le 23 mai 1786, le parlement de Paris rendit -un arrt par lequel la fille Salmon fut dcharge -de toute accusation et rserve poursuivre -ses dnonciateurs en dommages-intrts. -Mais elle fut mise hors de cour sur la demande -de prise partie; et il y a lieu de croire qu'on -ne lui refusa cette satisfaction que par gard -pour la magistrature, qui, cette poque, -avait dj prouv les attaques les plus funestes.</p> - -<p>Tout Paris reut cet arrt avec la joie la plus -vive; depuis long-temps la fille Salmon tait -absoute dans tous les cœurs. Chacun voulait -la voir, comme pour la fliciter tacitement de -l'heureuse issue de cette affaire tnbreuse. -On se pressait en foule sur ses pas; lorsqu'elle -devait aller dans quelque spectacle, sa prsence -tait annonce par les affiches. Elle reut -<span class="pagenum"><a id="Page_360">360</a></span> -des secours qui lui auraient procur une -honnte aisance, si son premier dfenseur, -nomm Lecauchois, n'avait eu l'affreuse indlicatesse -de lui en extorquer une partie.</p> - -<p>Depuis l'poque de sa rhabilitation, elle -se maria Paris: on lui accorda un bureau -de distribution de papier timbr, et elle remplit -tous ses devoirs de manire justifier l'intrt -que toute la France avait pris son sort.</p> - -<p>Elle avait bien mrit d'tre heureuse le -reste de sa vie. Aprs avoir chapp deux fois -aux flammes d'un bcher infamant, aprs -avoir pass cinq annes entires dans les cachots, -sous le coup d'une condamnation inique, -en proie aux angoisses de l'incertitude, -aux tortures de l'attente, il fallait qu'elle et, -dans cette vie, une sorte de compensation. -C'tait une dette sacre que la juste Providence -se chargea d'acquitter.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_361">361</a></span></p> - -<h2>L'INTRIGANTE,<br /> -<span class="large">OU L'AFFAIRE DU COLLIER.</span></h2> - -<p>La clbrit de ce procs, le rang illustre -des principaux personnages qui y figurrent, -l'audace et l'habilet des manœuvres qui y -donnrent lieu, les nuages que la calomnie -se plut rpandre ce sujet sur la conduite -d'une reine infortune, les injustes prjugs -qui tiennent encore cet gard la place de -la vrit, nous font un devoir de narrer sommairement, -mais avec le plus de sincrit possible, -les dtails les plus remarquables de cet -vnement qui, bien que comique dans quelques -scnes, ne laisse pas d'avoir produit de -tristes consquences, et par le scandale qu'il -causa, et par le voile mystrieux dont l'avait -envelopp le gnie de l'intrigue.</p> - -<p>Au mois de septembre 1781, M. le cardinal -de Rohan vit pour la premire fois Jeanne de -<span class="pagenum"><a id="Page_362">362</a></span> -Valois, de Saint-Remi de Luze, pouse du -sieur de Lamotte. Cette femme fut prsente -au prlat par la dame de Boulainvilliers.</p> - -<p>Madame de Lamotte sut inspirer de l'intrt -au cardinal par le tableau de la misre dans -laquelle elle tait plonge et par la confidence -de son illustre origine. Elle en obtint des secours - diverses poques; et mme il eut la -gnrosit de la cautionner pour des sommes -assez considrables. Les dpenses auxquelles -elle se livrait n'tait point en harmonie -avec les ressources dont elle pouvait disposer. -On ne lui connaissait que les bienfaits -du cardinal et une pension de huit cents livres -qui, vers la fin de 1783, fut porte quinze -cents livres. Mais les besoins furent si pressans -au mois d'avril 1784, que madame de -Lamotte sollicita et obtint, comme une grce, -la permission d'aliner sa pension et celle de -son frre. Elle reut six mille livres pour la -premire qui tait de quinze cents livres, et -trois mille pour la seconde qui tait de huit -cents livres seulement.</p> - -<p>Ces faibles ressources tant puises, elle -conut les plans les plus vastes pour amliorer -son sort. D'abord, elle mit tout en œuvre -<span class="pagenum"><a id="Page_363">363</a></span> -pour faire croire dans le monde qu'elle jouissait -du plus grand crdit la cour, et, par ce -moyen fit une foule de dupes qui lui payaient -ses services futurs, et qu'elle repaissait de chimriques -esprances. Elle ne craignait pas de -compromettre le nom de la reine dans toutes -ses spculations d'intrigue. Elle rpandait partout, -avec une sorte de mystre, que cette -princesse, touche de ses infortunes, lui avait -ouvert accs auprs de sa personne; qu'elle -la recevait en secret, qu'elle l'honorait des -marques de sa bont; qu'elle allait bientt lui -faire restituer des terres du chef de sa famille, -et qu'elle mettait sa disposition toutes les -faveurs, toutes les grces. La consquence -oblige de ces artificieuses vanteries tait -d'aller partout offrant et vendant son crdit; - l'entendre, elle ne dsirait rien tant que se -rendre utile aux malheureux. Pour inspirer -plus de confiance en ses paroles, elle osait -montrer mystrieusement des lettres son -adresse; elle en faisait remarquer, en commentait -les expressions. Ainsi, pour accrditer -ses impostures, elle commettait des faux.</p> - -<p>Le cardinal de Rohan y fut tromp comme -tant d'autres. Madame de Lamotte savait qu'il -<span class="pagenum"><a id="Page_364">364</a></span> -tait en disgrce, et que cette dfaveur lui -pesait beaucoup; elle s'engagea ngocier sa -paix avec la souveraine; et comme le prlat -paraissait douter qu'elle jout d'un crdit aussi -tendu; comme il refusait d'y croire, elle -lui prsenta de fausses lettres, dont l'effet -tait d'autant plus certain qu'elle savait qu'il -ne connaissait pas assez l'criture de la reine -pour en faire la comparaison. A la vue de -ces lettres, le cardinal fut branl; il tait -loin de souponner l'ingratitude et l'imposture -de madame de Lamotte. Mais enfin les -dlais qu'elle mettait l'excution de ses -promesses, ayant fait renatre des doutes dans -l'esprit du cardinal, elle conut une trame -dont les fils se croisaient d'une manire si -complique, qu'il tait impossible de ne pas -s'y laisser prendre.</p> - -<p>La reine se promenait quelquefois, pendant -les belles soires d't, dans les jardins -de Versailles, suivie de plusieurs personnes -de sa maison. <i>Trouvez-vous dans les jardins</i>, -dit la dame de Lamotte au cardinal de Rohan, -<i>quelque jour peut-tre? Vous aurez le -bonheur d'entendre la reine elle-mme confirmer -de sa bouche la consolante rvolution -<span class="pagenum"><a id="Page_365">365</a></span> -que j'entrevois pour vous</i>. Le cardinal, m -plutt par le dsir de rentrer en grce que -par l'espoir de russir, gota l'avis de madame -de Lamotte, et commena ses promenades -nocturnes dans les jardins de la cour. Un -soir, vers le commencement du mois d'aot -1784, onze heures, la dame de Lamotte -vient lui, et lui dit avec mystre: <i>La reine -permet que vous approchiez d'elle</i>. Il l'coute -avec ravissement; il s'avance vers une personne -dont la tte tait enveloppe d'une -coiffe, et que, dans sa fausse persuasion, il -croit tre la reine. La dame mystrieuse se -tourne vers lui, et il est enchant d'entendre -ces paroles: <i>Vous pouvez esprer que le -pass sera oubli</i>. A peine elles sont prononces, -qu'une voix annonce <span class="smcap">Madame</span> et madame -la comtesse d'Artois. Le cardinal se retire en -exprimant sa profonde et respectueuse reconnaissance, -rejoint la dame de Lamotte, et -sort des jardins avec elle, pntr de satisfaction -et aveugl sans retour. Ds ce moment, -il est sduit, fascin, enivr; dornavant -il croira tout, excutera tout, n'hsitera -sur rien; il est persuad que la reine vient -de lui parler, que madame de Lamotte est -<span class="pagenum"><a id="Page_366">366</a></span> -sa confidente; il est prt excuter tous les -ordres qui lui seront transmis de la part de -sa souveraine.</p> - -<p>Madame de Lamotte ne tarda pas exploiter -la situation d'esprit o le cardinal se -trouvait par suite de son mange. Dans le -courant du mme mois, elle imagina de demander -un prompt secours de soixante mille -livres pour des infortuns qui elle savait, -disait-elle, que la reine s'intressait; et le -baron de Planta lui apporta cette somme de -la part du cardinal. En novembre, elle fit -demander cent mille livres pour une mme -destination; et le cardinal de Rohan, qui tait -alors Saverne, envoya de suite des ordres -pour qu'on les lui comptt.</p> - -<p>Tout--coup la dame de Lamotte, qui jusque -l avait t plonge dans la plus profonde -dtresse, achte de l'argenterie, des -bracelets, des brillans. D'un autre ct, son -mari fait l'acquisition d'une voiture, de chevaux, -prend trois nouveaux domestiques, -les emmne Bar-sur-Aube, et y fait btir -une maison de dix-huit vingt mille livres.</p> - -<p>Enhardie par le succs de ses deux premires -demandes, madame de Lamotte entreprit -<span class="pagenum"><a id="Page_367">367</a></span> -une manœuvre plus importante. Elle -tait assure que rien n'entraverait ses projets. -Mais des vnemens imprvus pouvaient -survenir et dessiller les yeux; il fallait donc -profiter des instans. Elle pensa un fameux -collier qui tait depuis quelque temps entre -les mains des joailliers de la couronne, et -conut le projet de le faire passer dans les -siennes.</p> - -<p>Vers la fin du mois de dcembre, le sieur -Hachette se rencontre avec les sieurs Bohmer -et Bassange, joailliers de la couronne; il -leur parle de leur collier. Il se trouve qu'ils -ne l'ont pas encore vendu, et qu'ils ont inutilement -cherch s'en dfaire; ils dsirent -trouver des protecteurs la cour qui puissent -leur procurer la vente de ce bijou prcieux. -Le sieur Hachette leur dit qu'il ne -connat personne; mais son gendre, ajoute-t-il, -M. de Laporte, avocat, a des liaisons avec -une dame <i>honore des bonts de la reine</i>.</p> - -<p>Cette dame n'tait autre que madame de -Lamotte. Les joailliers prient le sieur Hachette -de les recommander une personne -d'un aussi grand crdit. Celui-ci s'y prte -volontiers; il dpute son gendre la dame -<span class="pagenum"><a id="Page_368">368</a></span> -de Lamotte. D'abord celle-ci feint d'hsiter; -elle finit par demander qu'on lui apporte le -collier. Les joailliers lui prsentent ce merveilleux -joyau, le 29 dcembre 1784. Sans -la rpugnance qu'elle prouve, leur dit-elle, - se mler de ces sortes d'affaires, elle leur -rendrait volontiers service. Pourtant, malgr -cette formule de refus, elle leur laissa -entrevoir quelques esprances.</p> - -<p>Un mois ne s'tait pas encore coul qu'elle -fit mander les joailliers. C'tait le 21 janvier -1785. Elle leur fit voir des esprances plus -prochaines, leur annona que la reine dsirait -acheter le collier, et qu'un grand seigneur -serait charg de traiter cette ngociation -<i>pour sa majest</i>. Elle les invita prendre -avec ce grand seigneur toutes les prcautions -possibles. M. de Laporte, qui le sut le lendemain, -souponna qu'il s'agissait du cardinal -de Rohan, et marqua la dame de Lamotte -son tonnement. <i>Par mon crdit</i>, rpondit-elle, -<i>il n'est plus dans la disgrce</i>.</p> - -<p>Le 24 janvier, les joailliers reurent -sept heures du matin la visite des sieur et -dame de Lamotte, qui venaient encore leur -recommander de prendre leurs prcautions, -<span class="pagenum"><a id="Page_369">369</a></span> -et leur annoncer que le collier serait achet -pour la reine, et que le ngociateur ne tarderait -pas paratre.</p> - -<p>Pour dterminer le cardinal cette dmarche, -la dame de Lamotte lui avait dit que -la reine dsirait acheter ce collier et entendait -rgler les conditions; et elle lui avait -mme montr des lettres, de sorte qu'il ne -vit l qu'une occasion prcieuse de manifester - sa souveraine son respect et son -dvouement.</p> - -<p>Le cardinal se rendit donc chez les joailliers. -Ceux-ci, aprs lui avoir montr plusieurs -bijoux, ne manqurent pas de lui prsenter -la riche parure. Il en demanda le prix; ils -rpondirent qu'elle avait t estime un million -six cent mille livres. Il manifesta alors -l'intention de traiter non pour lui-mme, -mais pour une personne qu'il ne nomma pas, -et il se retira. Quelques jours aprs, le cardinal -leur montra des conditions crites de -sa main. D'aprs ces conditions, le collier -devait tre estim; les paiemens devaient tre -effectus en deux ans, de six mois en six -mois; on pourrait consentir des dlgations; -<span class="pagenum"><a id="Page_370">370</a></span> -et il fallait, en cas d'acceptation de la -part de l'acqureur, que le collier ft apport -le 1<sup>er</sup> fvrier au plus tard. Les joailliers -acceptrent et signrent les conditions; -et le cardinal sortit, sans avoir nomm personne. -Il remit la dame de Lamotte cet -crit revtu de l'acceptation des joailliers -pour le faire passer sous les yeux de la reine. -Deux jours aprs, elle le remit au cardinal, -portant en marge l'approbation de chaque -article, et sign <i>Marie-Antoinette de France</i>.</p> - -<p>Muni de ces approbations, il avertit les -joailliers que le trait tait conclu, et ceux-ci -s'empressrent de lui livrer le collier le 1<sup>er</sup> fvrier, -suivant la convention. Il leur dclara -alors que cette acquisition tait faite pour le -compte de la reine, et leur crivit, le mme -jour, que l'intention de sa majest tait que -les intrts de ce qui serait d aprs le premier -paiement, fin d'aot, courussent et leur -fussent pays successivement avec les capitaux -jusqu' parfaite libration.</p> - -<p>Ce collier passa bientt dans les mains de -la dame de Lamotte. Le cardinal le lui porta - Versailles. La reine attend, lui dit-elle, -<span class="pagenum"><a id="Page_371">371</a></span> -cela lui sera remis ce soir. Quelques instans -aprs, parut un homme qui s'tait fait annoncer -de la part de la reine. Le cardinal, par -discrtion, se retira; l'homme remit un billet - la dame de Lamotte. C'tait un ordre de remettre -la bote au porteur. La dame de Lamotte le -montra au cardinal; et l'on remit la bote -l'homme, qui disparut. Le vol tait consomm.</p> - -<p>Le cardinal tait dans le ravissement; il -avait charg un de ses gens d'aller le lendemain - Versailles pour examiner la mise de la -reine; mais dans son rapport le messager -n'eut point lui parler du collier. Cependant -plusieurs mois s'tant passs sans que la -reine et port cette parure, le cardinal commenait - s'en tonner; mais la dame de -Lamotte avait toujours en rserve des ruses -et des prtextes pour expliquer ces dlais. -Enfin un jour de la fin de juin que le cardinal -tait plus pressant sur les motifs que la -reine pouvait avoir de diffrer ainsi de faire -usage de son collier, elle lui dit sans hsiter: -Je vais vous instruire du vritable motif; -le collier doit tre estim si le prix d'un million -six cent mille livres parat trop fort: -telles sont les conventions crites. La reine -<span class="pagenum"><a id="Page_372">372</a></span> -trouve en effet que ce prix est excessif; il faut -donc ou le diminuer ou faire l'estimation. -Jusque l elle ne portera pas le collier.</p> - -<p>Le cardinal alla sur-le-champ en parler aux -joailliers. Ceux-ci consentirent ne recevoir que -un million quatre cent mille livres ou le prix -de l'estimation, au choix de la reine. La dame -de Lamotte, qui ce consentement fut transmis, -montra quelques jours aprs au cardinal -une lettre portant que la reine garderait le -collier, et que, contente de la rduction, elle -ferait payer aux joailliers sept cent mille livres, -au lieu de quatre cent mille livres, -l'poque de la premire chance. Le terme -approchait. Les six mois expiraient le 31 juillet. -Le cardinal se hta d'instruire les joailliers -de la dernire dcision, et se plaignit, -comme il l'avait dj fait plusieurs fois, de -ce qu'ils avaient nglig de prsenter leurs -trs-humbles remercmens la reine. Sur ce -reproche un peu pressant, les joailliers adressrent - la reine une lettre de remercment.</p> - -<p>Cependant, comme on doit bien le penser, -le prcieux collier tait demeur entre les -mains de madame de Lamotte. Elle s'en servit -d'abord pour payer ses nombreux cranciers, -<span class="pagenum"><a id="Page_373">373</a></span> -puis, elle prit un train plus en harmonie avec -sa nouvelle fortune. Mais pour subvenir -toutes ces dpenses, elle se mit vendre le -collier en dtail. Il fut prouv qu'elle vendit -au sieur Regnier, vers cette poque, pour -vingt-sept mille cinq cent quarante livres de -diamans, et qu'elle lui en donna monter, pour -elle, pour la valeur de quarante cinquante -mille livres. En juin, elle lui en porta d'autres -d'une valeur de seize mille livres. En -mars, le sieur Pris, joaillier, lui en avait achet -pour trente-six mille livres. Vers le commencement -d'avril, le sieur de Lamotte sortit de -Paris, passa en Angleterre, arriva Londres, -s'y montra charg de diamans, et tonna tout -le monde par son opulence. Des mensonges -lui servirent expliquer cette richesse. Tantt -c'tait la succession de madame sa mre qui -portait tous ces diamans en pice d'estomac; -tantt c'taient des prsens dont sa femme -tait honore par la reine; tantt c'tait le -prix du crdit dont elle jouissait la cour; et -il n'tait venu vendre ces diamans en Angleterre -que dans la crainte qu'en France la -circulation du commerce n'en reportt quelques-uns -dans la main de ceux qui les lui -<span class="pagenum"><a id="Page_374">374</a></span> -avaient donns. En tous lieux et tous propos -le nom de la reine de France tait dans -la bouche de cet homme. Il vendit pour plus -de deux cent quarante mille livres de diamans, -et en laissa pour soixante mille livres monter -chez le sieur Gray, bijoutier Londres.</p> - -<p>La dame de Lamotte, de son ct, prparait -tout le monde, Paris, au retour de son -mari, en publiant qu'il avait fait des gains -considrables dans les paris pour les courses. -Lamotte revint au commencement de juin. -Le banquier Perregaux lui paya une lettre de -change de cent vingt-deux mille livres, tire -de Londres. Il afficha le plus grand luxe; il -rapporta des perles, des bijoux; il ramena -chevaux, livre, quipage, bronzes, cristaux, -statues; et l'crin de sa femme n'tait pas estim -moins de cent mille livres.</p> - -<p>Nanmoins le dnoment approchait. On -touchait l'poque fatale du premier paiement. -La dame de Lamotte vint annoncer au -cardinal que la reine avait dispos des sept -cent mille livres destines aux joailliers pour -le 31 juillet; que le paiement ne s'en ferait -que le 1<sup>er</sup> octobre, mais que les intrts seraient -acquitts. Ce retard tonne, contrarie -<span class="pagenum"><a id="Page_375">375</a></span> -le cardinal, mais il ne souponne point encore -la fraude. Cependant il a occasion de voir de -l'criture de la reine; elle ne ressemble nullement - celle que lui a montre la dame de -Lamotte. Il fait venir cette femme, lui fait -part de ses craintes. Celle-ci, loin d'tre mue, -jure que le collier est parvenu la reine. -Comment pourriez-vous en douter? lui dit-elle; -je dois vous remettre dans deux jours, -de sa part, trente mille livres pour le paiement -des intrts.</p> - -<p>En effet, elle apporte, au jour dit, la somme -annonce; et le cardinal, qui tait persuad -que cette femme n'avait rien, se trouve compltement -rassur. La somme est remise aussitt -aux joailliers, qui en donnent quittance -sur le principal, au nom de la reine.</p> - -<p>La dame de Lamotte employa toute la souplesse, -toute la duplicit de son esprit prolonger -l'erreur du cardinal. Mais quand elle -vit arriver le moment o l'orage ne pouvait -manquer d'clater, entrevoyant les dangers -qui la menaaient, elle fit une dernire dmarche -qui devait tellement le compromettre, -qu'on ne pt faire autrement que de le regarder -comme le complice de ses fourberies. Elle se -<span class="pagenum"><a id="Page_376">376</a></span> -prsenta chez lui, disant qu'elle avait des ennemis, -qu'elle courait risque d'tre arrte -d'un jour l'autre, qu'elle le priait de lui -donner un asile dans son htel. Le cardinal -hsita quelque temps; il souponnait quelque -affectation de la part de madame de Lamotte; -mais la fin ne voyant qu'une bonne -action faire, il accorda l'asile sollicit. Elle -entra le 4 aot, avec son mari, dans un petit -appartement de l'htel; il ne leur en fallait -pas davantage; ils en sortirent le lendemain, -et partirent le 6 pour Bar-sur-Aube. Ce qu'ils -croyaient avoir le plus redouter, c'tait la -poursuite du cardinal; cette dmarche qu'ils -venaient de faire les en mettait l'abri; il tait -pris dans le pige; lorsqu'il viendrait dcouvrir -le vol, il ne lui resterait plus que deux -ressources, payer et se taire. C'est ainsi que -la fourberie la plus raffine avait combin -son plan: voil comme ce plan fut renvers.</p> - -<p>Les joailliers, alarms des dlais qu'on leur -imposait, prsentrent un mmoire au roi le -12 aot, et un autre au ministre le 23; ils y -racontaient les faits, et dclaraient qu'ayant -vu, le 3, la dame de Lamotte, elle leur avait -annonc que les approbations taient fausses, -<span class="pagenum"><a id="Page_377">377</a></span> -et leur avait dit de s'adresser au cardinal, qui -tait bien en tat de payer. On rapporte le fait -diffremment pour les dtails. Le 15 aot -1785, jour de la fte de la reine, cette princesse -vit arriver prs d'elle les deux joailliers -Bohmer et Bassange, qui lui rclamrent un -million six cent mille livres pour le prix d'un -collier de diamans. Elle dclara aussitt qu'elle -n'avait jamais vu cette parure, ni mme song - faire son acquisition. Les joailliers dirent -qu'ils l'avaient remis au cardinal de Rohan, -charg de traiter pour sa majest. Indigne -de l'abus qu'on avait os faire de son nom, -la reine alla se plaindre au roi et demander -justice. Le monarque consulta le garde des -sceaux et M. de Breteuil, qui furent d'avis qu'on -arrtt le cardinal; mais la reine obtint qu'il -ft entendu auparavant. Ds que le cardinal -se prsenta: Avouez, lui dit la reine, si ce -n'est pas la premire fois, depuis quatre ans, -que je vous parle. Le cardinal en convint, et -avoua qu'il avait t tromp par une intrigante -nomme de Lamotte.</p> - -<p>En sortant du cabinet du roi, le cardinal -fut arrt et conduit la Bastille. On ne tarda -pas arrter aussi la femme de Lamotte. Le -<span class="pagenum"><a id="Page_378">378</a></span> -roi attribua, par des lettres-patentes, au parlement -de Paris, la connaissance de toute cette -affaire. A peine l'instruction tait-elle commence, -qu'on arrta Bruxelles une femme -nomme Leguay d'Oliva, et qu'on la conduisit - la Bastille. Elle comparut devant les magistrats, -toute plore, et rptant: <i>C'est moi; -j'ai servi d'instrument la tromperie, sans en -connatre la noirceur; c'est moi, dis-je, il m'a -t command, il m'a t pay par la dame -de Lamotte.</i> C'tait cette malheureuse qui, -l'instigation des Lamotte, avait jou le personnage -de la reine, en paraissant minuit -dans le parc de Versailles, o, comme nous -l'avons vu, elle avait adress quelques mots -au cardinal.</p> - -<p>La femme de Lamotte qui prenait le nom -de Valois, et qui, en effet, descendait d'un -fils naturel de Henri II, avoua dans ses interrogatoires -qu'elle n'avait jamais t prsente - la reine. Il fut prouv que, depuis la -remise du collier entre ses mains, elle tait -passe subitement de l'indigence un luxe -extrme; que son mari avait vendu Londres -des diamans pour des sommes considrables; -qu'elle-mme avait fait des ventes de ce genre -<span class="pagenum"><a id="Page_379">379</a></span> - Paris; qu'enfin elle et son mari, aids de -quelques agens subalternes, avaient men -toute cette intrigue, et taient les seuls auteurs -des fausses lettres et critures qui avaient -servi tromper le cardinal.</p> - -<p>Le parlement, par arrt du 31 mai 1786, -dchargea le cardinal de Rohan de toute accusation, -mit hors de cour la femme d'Oliva, -condamna la femme de Lamotte la marque, -et une dtention perptuelle la Salptrire. -Le sieur de Lamotte, contumax, fut -condamn aux galres perptuit, et le -nomm Reteaux de Villette, l'un des complices -de cette intrigue, au bannissement perptuel.</p> - -<p>La femme de Lamotte subit sa condamnation; -mais elle parvint s'vader de la Salptrire, -et se rfugia Londres, ou elle prit -quelques annes aprs, en se prcipitant d'une -croise pour chapper aux poursuites de ses -cranciers qui menaaient sa libert; quant -au cardinal de Rohan, au moment mme o -la cour venait de l'absoudre, il reut une -lettre de cachet qui l'exilait Saverne; il fut -aussi priv de la dignit de grand-aumnier de -France.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_380">380</a></span> -Tel est le prcis de ce procs fameux, qu'il -et t plus sage d'touffer, puisqu'il a donn -lieu tant de conjectures calomnieuses et -tellement accrdites, qu'aujourd'hui mme -o cette affaire est claire comme la lumire -du jour le plus pur, on ne saurait parler du -<i>collier</i> devant une foule de personnes prvenues, -ou mal instruites des faits, sans provoquer -d'injustes anathmes contre la mmoire -de la reine Marie-Antoinette. C'est pour contribuer - redresser, autant qu'il est en nous, -cette erreur populaire, et uniquement dans -l'intrt de la vrit et de la justice, que nous -avons donn cet article. L'innocence et le -malheur doivent tre sacrs pour tous les -partis.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_381">381</a></span></p> - -<h2>L'AUBERGISTE<br /> -<span class="large">DES QUATRE FILS AYMON,</span><br /> -<span class="medium">A CHARENTON.</span></h2> - -<p>Le sieur Bosquillon, receveur des impositions - Auxonne, petite ville de Bourgogne, -vint Paris au mois d'octobre 1778, pour y -verser dans la caisse du trsorier-gnral des -tats de Bourgogne le produit des impositions -dont la rgie lui tait confie. Il faisait -en mme temps ce voyage dans la vue d'tablir - Charenton un entrept de vins dont il -voulait livrer le commerce son fils an. Il -partit en consquence d'Auxonne le 14 octobre. -Au moment de son dpart, il fut oblig -d'emballer l'argent dont il se chargeait. Il prit -avec lui un porte-manteau de cuir jauntre, -y enferma plusieurs sacs d'argent de douze -cents livres, y fit entrer aussi un sac d'or -<span class="pagenum"><a id="Page_382">382</a></span> -presqu' moiti plein, et fit placer ensuite le -porte-manteau dans le coffre de sa voiture. -La dame Bosquillon, qui aidait son mari dans -cette opration, crut devoir lui reprsenter -qu'il n'y avait pas de prudence emporter -avec lui une somme d'argent si considrable. -Elle lui fit de vives instances pour qu'il emment -au moins avec lui un nomm Foulin, -homme dans lequel il mettait toute sa confiance. -Bosquillon se dtermina partir seul.</p> - -<p>Il arriva Charenton le 18 octobre, -quatre ou cinq heures de l'aprs-midi; descendit - l'auberge des Quatre fils Aymon, -tenue par le nomm Leblanc, fit remiser sa -voiture, et donna l'ordre que l'on transportt -dans la chambre qu'on lui avait donne le -porte-manteau qui contenait son argent.</p> - -<p>Ce porte-manteau fut confi au fils du -matre de l'auberge, et au postillon qui avait -men la voiture de Bosquillon. Ces jeunes -gens firent la remarque qu'il tait fort lourd. -Bosquillon leur rpondit qu'il y avait dans -ce porte-manteau <i>de quoi marier plusieurs -filles</i>: mot imprudent qui peut-tre lui cota -la vie.</p> - -<p>Le mme jour, le sieur Bosquillon disparut. -<span class="pagenum"><a id="Page_383">383</a></span> -Les gens de l'auberge prtendirent que, -mont dans sa chambre, Bosquillon avait demand - goter; qu'on lui avait port du -pain et du vin; qu'il avait mang une crote -et bu un coup; qu'il avait command ensuite -pour son souper des pigeons et des ctelettes; -et que lorsqu'on entra dans sa chambre pour -y mettre le couvert, on ne l'y trouva plus; -qu'alors on le chercha partout, mais inutilement; -que l'on prit le parti de l'attendre jusqu' -minuit, avec aussi peu de succs.</p> - -<p>Le premier devoir des Leblanc tait de dnoncer - la justice, ds le lendemain, l'arrive -du sieur Bosquillon, son sjour momentan -dans leur auberge, et sa disparition subite; d'en -faire dresser, par le juge, un procs-verbal, -et de faire apposer le scell sur tous ses effets. -Point du tout; ils laissent passer huit jours -sans songer remplir une formalit aussi importante. -Ils n'en avertissent mme pas une -sœur de Bosquillon qui tait religieuse aux -Valdonnes, prieur de filles, situe prs de -Charenton.</p> - -<p>Ce ne fut que le 26 octobre que ces aubergistes -se prsentrent devant le juge, requrant -sa prsence dans leur maison, lui dnonant -<span class="pagenum"><a id="Page_384">384</a></span> -les faits tels qu'ils prtendaient qu'ils -s'taient passs. Sur leur demande, le scell -fut appos sur les effets de Bosquillon qu'ils -avaient chez eux, et procs-verbal fut dress. -Puis les Leblanc firent courir le bruit que -l'<i>inconnu</i> qui tait arriv chez eux le 18 octobre, -y avait laiss chapper des propos qui -intressaient la personne du roi; et donnrent - entendre qu'il tait possible que ce particulier -et quelque projet nuisible aux intrts -du gouvernement. En consquence, ils conseillrent -au juge de Charenton d'crire au -lieutenant-gnral de police, l'engageant aussi - prendre des informations, de poste en poste, -sur la route de Fontainebleau pour dcouvrir -ce qu'tait devenu le sieur Bosquillon.</p> - -<p>Enfin on leva le scell; mais on ne trouva -rien qui pt justifier l'imputation des Leblanc. -Le porte-manteau que Bosquillon avait -fait transporter dans sa chambre, en arrivant, -fut trouv dans le coffre de la voiture, ferm -de son cadenas, et ne contenant qu'une -somme de deux mille deux cent soixante-cinq -livres qui fut remise, par le juge, avec tous -les autres effets, la garde du nomm Masson. -Le procs-verbal de la leve du scell tait du -<span class="pagenum"><a id="Page_385">385</a></span> -7 novembre, et n'avait t suivi, de la part -du juge de Charenton, d'aucune perquisition.</p> - -<p>Le 16 du mme mois, un cadavre fut apport -par le courant de la Seine jusqu'au -Port-au-Bl Paris, dpos sur ce port par -les eaux, retir ensuite par les compagnons -de rivire, et port la basse-gele du Chtelet. -En visitant ce cadavre, on trouva dans -ses poches un cu de six livres, une tabatire -de carton, des lunettes, trois clefs moyennes, et -autres menus effets; mais point de boucles de -souliers, ni montre, ni bourse. Les mdecins et -chirurgiens du Chtelet furent appels, et -firent leur rapport, qui constatait qu'il n'avait -t trouv sur le cadavre aucune plaie ni contusion, -et que la submersion dans la rivire -avait d tre la cause de la mort.</p> - -<p>Le rapport des hommes de l'art se trouva -en contradiction dans la procdure avec les -dpositions du garon guichetier qui avait -dpouill ce cadavre, et des deux guichetiers -qui en avaient eu soin. Ceux-ci dclaraient -qu'ils s'taient aperus que le cadavre avait -une blessure au ct gauche. L'information -d'usage fut faite par le commissaire Foucault. -<span class="pagenum"><a id="Page_386">386</a></span> -Deux jours aprs, le cadavre fut reconnu -pour tre celui du sieur Bosquillon. Il -fut inhum sous son nom dans l'glise de -Saint-Germain-l'Auxerrois. Pendant tout -ce temps, sa malheureuse veuve tait -Auxonne; elle croyait son mari arriv Paris -depuis long-temps, et n'avait se plaindre -que de ce qu'il ne lui donnait pas de ses nouvelles, -lorsqu'elle apprit que son cadavre -avait t trouv noy, qu'il avait t reconnu, -et qu'on l'avait enseveli.</p> - -<p>La dame Bosquillon se transporta sur-le-champ - Paris. Elle y arriva presque mourante; -elle y reut la confirmation de l'affreuse -nouvelle. Elle ne sut que penser de la -mort extraordinaire de son mari; elle ne concevait -pas comment il avait pu se noyer; mais -il ne lui vint pas d'abord dans l'esprit qu'il -avait pu tre assassin et noy ensuite; elle -tait si attre de son malheur, que toutes -ses facults taient ananties.</p> - -<p>Plusieurs mois s'coulent dans cette affreuse -perplexit. Enfin la dame Bosquillon reoit, -dans la Bourgogne, des lettres qui lui prsentent -l'esprance que son mari pouvait -n'tre qu'enferm la Bastille. Elle embrasse -<span class="pagenum"><a id="Page_387">387</a></span> -avidement cette illusion, revient Paris, parcourt -tous les bureaux de la police, obtient -des ordres du ministre pour visiter toutes les -maisons de force, donne partout le signalement -de son mari, interroge tout le monde, -mais ne dcouvre rien sur son sort. Cependant -elle esprait encore; elle se livre de -nouvelles recherches, mais tout aussi infructueuses -que les premires.</p> - -<p>Enfin, force de croire la mort de son -mari, elle s'abandonna tout entire au dsir -de le venger. Elle vint mme s'tablir Charenton, -o le crime avait d se commettre, y -recueillit tous les indices qui pouvaient l'aider - en dcouvrir les auteurs. Ces informations -lui apprirent que, dans la mme soire -o le sieur Bosquillon tait arriv l'auberge -des Quatre fils Aymon, on lui avait entendu -pousser des cris plaintifs; qu' onze -heures, on avait aperu Leblanc fils tout -chevel, ayant sur lui des gouttes de sang; -que, dans la nuit, on avait vu quelques personnes -sortir de l'auberge, charges d'un -gros paquet envelopp, prsentant la forme -et le volume d'un homme; que ces personnes -marchaient du ct de la rivire, et qu'elles -<span class="pagenum"><a id="Page_388">388</a></span> -jetrent leur fardeau par dessus le pont; que -le lendemain, Leblanc pre et sa femme -avaient t surpris comptant ensemble de -l'argent sur leur lit, et avaient chass de la -chambre la nomme Tudon, leur servante, -qui venait, suivant son habitude, faire le lit; -qu' cette poque, on avait vu tout--coup -ces aubergistes jouir d'une fortune dont la -source tait ignore; qu'ils avaient acquis une -maison de dix mille livres, s'taient procur -des meubles prcieux, et avaient mari leur -fils.</p> - -<p>Aprs de semblables donnes, la veuve ne -chercha pas plus loin les assassins de son -mari; cette runion de circonstances les lui -indiquait assez positivement. Elle se hta de -faire sa dnonciation chez un commissaire. -Sur cette dnonciation, date du 4 mai 1781, -le procureur du roi du Chtelet rendit plainte, -et fit ordonner une information. Mais quelques -jours aprs, l'instruction commence en -demeura l pendant deux annes.</p> - -<p>Enfin, le 27 aot 1783, le ministre public en -demanda la continuation, et la permission de -publier un monitoire. Le 11 novembre, l'information -se continua; le 2 dcembre, le monitoire -<span class="pagenum"><a id="Page_389">389</a></span> -fut publi. Les 15 et 22 mai 1784, -l'information, qui avait t encore suspendue, -fut reprise.</p> - -<p>On ignore ce qui pouvait apporter tant de -lenteur dans la poursuite d'un crime si atroce, -et dont la punition importait si fort la sret -publique. Enfin, le 17 aot, on dcerna -contre les Leblanc des dcrets d'ajournement -personnel; et la fille Tudon, leur servante, -dont la dposition les chargeait, fut dcrte -de prise de corps.</p> - -<p>Bientt aprs, la procdure est rgle -l'extraordinaire. Une partie des confrontations -se fait au mois de novembre, et dans -le mois suivant survient une information par -addition.</p> - -<p>Le 17 janvier 1785, la veuve prsenta une -requte dans laquelle elle articulait de nouveaux -faits, et o elle dclarait se rendre -partie civile. Elle interjeta aussi appel au -parlement, de l'indulgence des dcrets dcerns -contre les Leblanc, et de la sentence -du Chtelet qui avait accord la fille Tudon -sa libert provisoire.</p> - -<p>Dans le mme temps, un incident d'une -grande importance parut jeter un instant -<span class="pagenum"><a id="Page_390">390</a></span> -quelque lumire sur la cause. Leblanc fils -mourut tout--coup de la manire la plus imprvue, -dans toute la force de la jeunesse. -Cette mort fit natre de violens soupons. -Des bruits horribles circulrent dans le public; -on accusa le pre et la mre d'avoir fait -mourir leur fils pour se dbarrasser d'un tmoin -terrible pour eux. Cependant la cause se -plaida le 15 juin 1785, contradictoirement -avec le ministre public, et par arrt du -mme jour, Leblanc pre et sa femme, -ainsi que la fille Tudon, furent dcrts de -prise de corps, et l'on renvoya l'instruction -et le jugement de la procdure au bailliage -du Palais.</p> - -<p>Au bailliage du Palais, il y eut nouvelle -plainte de la part de la veuve Bosquillon, -nouvelles informations et confrontations, -nouveaux monitoires; et Leblanc et sa femme -prsentrent une requte pour leur dfense.</p> - -<p>Cette procdure si longue, si souvent interrompue, -si hrisse de difficults pour les -juges, ne produisit aucune solution satisfaisante. -Un grand nombre de faits allgus par -la veuve Bosquillon furent contests par la -partie adverse, qui accusa formellement de -<span class="pagenum"><a id="Page_391">391</a></span> -fausset plusieurs des tmoins qui avaient -dpos contre les Leblanc; de sorte que ni -le crime, ni l'innocence ne parurent suffisamment -dmontrs aux magistrats.</p> - -<p>Le bailliage du Palais, par sentence du -26 octobre 1785, avait ordonn un plus ample -inform d'un an, en gardant prison. Un -arrt du parlement, rendu le 14 mars 1786, -confirma cette sentence.</p> - -<hr class="chap" /> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_392">392</a></span></p> - -<h2>ACCUSATION<br /> -<span class="large">DE VIOL, D'INCESTE ET DE PARRICIDE.</span></h2> - -<p>En bonne et loyale justice, ce n'est pas tout -d'accuser, il faut prouver. Plus l'accusation -est grave, plus on doit se montrer difficile -l'gard des preuves appeles tablir la culpabilit. -Une accusation sans preuves est la -pire de toutes les calomnies. Quand mme -l'accus serait reconnu innocent, son existence, -par suite des prjugs du vulgaire, est -trouble jamais; un soupon injurieux et -fltrissant le poursuivra toujours. Aussi n'est-ce -qu'aprs des instructions attentives et minutieuses -que les magistrats clairs et consciencieux -lancent leurs actes d'accusation.</p> - -<p>Il s'lve aussi parfois des accusations d'une -nature si monstrueuse, si en dsaccord avec -les passions du cœur humain, qu'il n'est personne -qui ne se refuse les croire fondes. -<span class="pagenum"><a id="Page_393">393</a></span> -Le tmoignage mme des yeux suffirait peine -pour y faire ajouter foi. Ainsi, dans des temps -calmes et rguliers, le public absoudrait par -ses applaudissemens toute mre qui, accuse, -comme l'infortune Marie-Antoinette, d'avoir -cherch dpraver les mœurs de son fils, rpondrait -par ces paroles sublimes: J'en appelle - toutes les mres qui sont ici, et je leur demande -si cela est possible. On sait que l'effet -de ces quelques mots de la malheureuse reine -fut tel que Robespierre en parut un moment -dconcert, et qu'il accusa Hbert, l'auteur -de cette infme inculpation, d'avoir voulu, -par ce moyen, rendre l'accuse plus intressante.</p> - -<p>Qu' la place d'une mre prvenue d'un -attentat aussi peu croyable, on se reprsente -un pre accus d'avoir viol sa fille ge de -huit ans, d'avoir entretenu ce commerce incestueux -pendant cinq annes, et d'avoir -couronn ces deux crimes par le meurtre de -l'un de ses autres enfans; quel est le pre -qui voudra croire la possibilit d'une aussi -odieuse srie de forfaits? Tel est pourtant le -fond de la cause que l'on va lire, laquelle fut -<span class="pagenum"><a id="Page_394">394</a></span> -porte devant le parlement de Toulouse -quelque temps avant la rvolution.</p> - -<p>Le sieur Reyneaud de Lafitte, ancien officier -d'infanterie, vivait, l'Isle-Jourdain, loign -de sa femme par suite d'une sparation -qui avait eu lieu d'un commun accord. Ayant -plusieurs enfans encore en bas ge, il mit -la tte de sa maison une fille nomme Naudin, -dans laquelle il avait cru reconnatre les -qualits propres l'administration d'un mnage.</p> - -<p>Parmi les enfans du sieur Lafitte, nous signalerons -la jeune Justine, qui est la triste -hrone de cette histoire. Elle tait dans cet -ge o les facults physiques et morales commencent - peine se dvelopper, et o l'on -est susceptible de toutes sortes d'impressions, -sans pouvoir en distinguer l'objet ni les consquences. -Il parat que la fille Naudin, abusant -d'une manire horrible de la confiance -du sieur Lafitte, insinua dans le cœur de Justine -les impressions les plus fcheuses contre -son pre; qu'elle s'effora d'veiller dans son -me les passions encore endormies; qu'elle -lui peignit de la manire la plus sduisante -<span class="pagenum"><a id="Page_395">395</a></span> -les charmes d'une vie libre, indpendante; -et qu'elle lui fit voir en perspective tous les -plaisirs auxquels le jeune ge peut tre sensible, -soit par got, soit par curiosit.</p> - -<p>Ayant ainsi capt l'esprit de Justine, la -Naudin osa lui faire part des conditions affreuses -qu'elle mettait la ralisation de ses -riantes promesses. Il s'agissait tout simplement -de se prsenter la justice comme une -victime de la lubricit de son pre. Justine, -rvolte, opposa une rsistance que rien ne -put d'abord surmonter. Mais la fille Naudin -ne se rebuta pas; elle revint tous les jours -la charge, employant tour tour les imprcations -et les prires, les caresses et les menaces. -En mme temps, elle prparait l'opinion -publique, par des bruits adroitement sems, -relativement l'accusation qu'elle mditait. -Bientt elle se porta un attentat qu'elle -crut propre les accrditer. On rapporte -qu'une nuit, pendant que le sieur Lafitte reposait -paisiblement dans son lit, elle s'approcha -du lit de Justine, s'empara d'elle, et d'une -main sacrilge, travailla, par un crime rel, -prparer les traces d'un crime imaginaire. La -<span class="pagenum"><a id="Page_396">396</a></span> -jeune fille chappa des mains de ce monstre -en poussant des cris douloureux; elle courut -se rfugier dans une chambre voisine, o couchait -une couturire nomme Anne Verdier, et -lui raconta l'affreux traitement qu'elle venait -d'prouver. La Naudin, furieuse, la poursuivit -dans cet asile, et la menaa de la poignarder -ainsi qu'Anne Verdier, si l'une et l'autre ne -lui gardaient pas le plus profond secret. Puis -s'adressant Justine seule: <i>Si tu ne dclares -pas, lui dit-elle, que c'est ton pre qui t'a -mise dans cet tat, je te passerai le couteau -par le ventre</i>; et tout en profrant ces mots, -elle agitait en effet un couteau dans sa main, -avec les gestes les plus horriblement nergiques. -<i>Je te brlerai</i>, lui dit-elle un autre jour, -<i>si tu ne dclares pas contre ton pre tout ce -que je t'ai enseign</i>; et pour lui prouver -qu'elle tait capable d'excuter sa menace, -elle prit un fer repasser, et le lui appliqua -tout brlant sur la joue. La Naudin ne s'en -tint pas l; elle voulut s'assurer de l'obissance -de Justine par un serment. Elle lui prsenta -un livre, et lui ordonna de jurer qu'elle -<i>soutiendrait toujours tout ce qui lui avait t -<span class="pagenum"><a id="Page_397">397</a></span> -enseign contre son pre.—Oui, mademoiselle, -je dirai tout ce que vous voudrez</i>, rpondit en -tremblant la malheureuse Justine.</p> - -<p>Tout tant ainsi combin, la fille Naudin -n'attendait plus qu'une occasion favorable -pour l'excution de son abominable projet; -cette occasion se prsenta. Le sieur Lafitte -partit pour Toulouse, o ses affaires devaient -le retenir quelque temps. Mais, pour loigner -les soupons relatifs ses manœuvres, -la Naudin renferma Justine dans une -volire, rpandit le bruit qu'elle s'tait enfuie -de la maison paternelle, et affecta une vive -inquitude au sujet de cette prtendue vasion.</p> - -<p>Aprs cette dtention qui dura huit jours, -la Naudin jugea qu'il tait temps de frapper -le dernier coup. Dans la nuit du 21 au 22 -juin 1786, elle donna de nouveau ses instructions - Justine, et lui ordonna d'aller rciter -son rle devant le sieur Riscle, lieutenant de -maire. Ce magistrat tait un des plus implacables -ennemis du sieur Lafitte.</p> - -<p>Justine, endoctrine, pousse par la Naudin, -se prsenta six heures du matin chez -le sieur Riscle. Que me voulez-vous? lui dit-il.—Je -<span class="pagenum"><a id="Page_398">398</a></span> -vous demande justice.—Contre qui?—Contre -papa.—Que vous a-t-il fait?—Il -me dshonore depuis cinq ans, rpondit-elle -en d'autres termes, dont assurment elle ne -connaissait ni l'atrocit ni mme le sens.—Je -ne reois point de dnonciations dans ma maison, -lui dit le sieur Riscle; mais faites-vous -conduire par un valet de ville la chambre -de l'auditoire, et je vous y rendrai justice.</p> - -<p>Conduite l'Htel-de-ville, Justine y fit le -rcit que la Naudin lui avait appris dbiter; -elle dclara qu'elle tait ge de quatorze ans, -quoique rellement elle n'et pas treize ans -accomplis. Elle ajouta que quand elle voulait -rsister aux volonts incestueuses de son -pre, il l'attachait avec des cordes, et lui fermait -la bouche; qu'elle avait quitt la maison -paternelle depuis huit jours; qu'elle avait -pass pendant tout ce temps le jour et la nuit -dans les bls, allant, dans l'obscurit de la -nuit, chercher du pain dans les mtairies. -Toutes ces impostures furent consignes dans -un procs-verbal dress par M. Riscle.</p> - -<p>Pendant ce temps, la Naudin se tourmentait -pour montrer de l'inquitude sur l'absence -de Justine. Je ne sais, disait-elle, ce -<span class="pagenum"><a id="Page_399">399</a></span> -qu'elle est devenue depuis dix jours; je sais -seulement qu'elle faillit se noyer hier au Pont-Perrin.—<i>Allez</i>, -lui dit la nomme Nouguillon, -<i>vous savez o elle est; prenez garde de -ne pas vous faire une mauvaise affaire</i>. Ces -paroles troublrent la Naudin; elle craignit -que ses manœuvres ne fussent dcouvertes, et -aurait bien voulu ds lors dtruire son ouvrage. -<i>Courez</i>, dit-elle Marie Guion, <i>allez -trouver le sieur Riscle: dites-lui que cette enfant -est une imbcile, qu'il ne faut pas ajouter -foi ce quelle a dit, et que je le prie de -me la renvoyer</i>.</p> - -<p>Mais le sieur Riscle, comme ennemi jur -du pre de Justine, tait trop satisfait de l'occasion -qui venait s'offrir sa haine pour s'en -dessaisir aussi facilement. Aprs avoir dress -et sign son procs-verbal de dnonciation, -en qualit de lieutenant de maire, il laissa -procder le maire et le procureur-fiscal. Les -conclusions de ce dernier portaient que Justine -serait visite par des chirurgiens, pour -examiner et vrifier s'il paraissait qu'elle et -t <i>dflore et viole</i>. Aux termes de cette -mme ordonnance, Justine devait demeurer -squestre dans l'Htel-de-ville. La visite ordonne -<span class="pagenum"><a id="Page_400">400</a></span> -eut lieu immdiatement. Le rapport -des chirurgiens fut, dit-on, empreint de prvention -et d'ignorance; le procureur-fiscal -ordonna une enqute sur le contenu du procs-verbal -du sieur Riscle et du rapport des -chirurgiens. Tout cela fut l'ouvrage d'un jour; -tout cela, ainsi que le procs-verbal de dnonciation, -se fit le 22 juin 1786.</p> - -<p>Le sieur Lafitte arriva le lendemain l'Isle-Jourdain. -Quelle fut sa consternation en apprenant -la scne qui venait de se passer -l'Htel-de-ville! La Naudin avait dsert sa maison. -Le premier soin de ce pre dsol fut d'arracher -sa fille des mains des officiers municipaux, -pour la placer dans un lieu o la -subornation ne pt la poursuivre. Il la fit -conduire par un de ses amis au couvent des -Ursulines, Gimont; puis il attendit avec -calme les suites d'une procdure devenue ncessaire -pour sa justification. Mais ce n'tait -pas seulement par des moyens judiciaires que -ses ennemis tramaient sa perte. Bien persuads -qu'ils ne pourraient parvenir lui prter -les couleurs du crime qu'en se jouant des rgles -les plus sacres, et craignant peut-tre -que la vrit ne triompht de leurs manœuvres, -<span class="pagenum"><a id="Page_401">401</a></span> -ils tentrent de tromper la religion du -monarque et de surprendre une lettre de cachet -qui condamnt le sieur Lafitte passer -dans un fort le reste de ses jours. C'tait mme -l le principal objet de leur vengeance. Ils -voulurent y associer les parens mmes du sieur -Lafitte. Quelques-uns rejetrent avec indignation -les offres qu'on leur faisait cet -gard; les autres se laissrent effrayer, et promirent -leurs signatures. Le sieur Latournelle, -maire de la ville, minuta lui-mme un placet -au roi, dans lequel il peignit le sieur Lafitte -comme un dissipateur effrn, comme un -adultre public, comme un pre incestueux -et parricide. On fit tirer une copie de cette -minute; plusieurs des parens de Lafitte la signrent; -on contrefit la signature de plusieurs -autres, et le placet fut envoy au ministre.</p> - -<p>Quant cette accusation de parricide, qui -apparat ici pour la premire fois, et comme -par forme de supplment, voici les faits -sur lesquels elle tait tablie: le fils an du -sieur Lafitte tait mort au mois d'avril 1780. -On avait alors rpandu le bruit que son pre, -voulant se dfaire de lui, l'avait enferm dans -<span class="pagenum"><a id="Page_402">402</a></span> -une chambre obscure et malsaine, avec les -fers aux pieds, aux mains, au cou, et l'avait -laiss mourir, dans cet tat, de faim, de soif, -dnu en un mot de toute espce de secours.</p> - -<p>Il tait vrai que le sieur Lafitte, pour punir -cet enfant de plusieurs fautes graves, l'avait -tenu pendant quelque temps renferm, -les fers aux pieds; mais cette punition, quelque -dure qu'elle ft, n'avait t inflige qu' -une poque antrieure de plusieurs annes -celle de la mort de cet enfant. D'ailleurs un -certificat du chirurgien qui l'avait soign -pendant la maladie laquelle il avait succomb, -attestait qu'il tait <i>mort de mort naturelle</i>.</p> - -<p>On avait allgu encore que le second fils, -que le sieur Lafitte avait eu le malheur de -perdre, tait mort de mort violente. Mais il -n'y avait aucun tmoin qui parlt de cette -mort, et aucun procs-verbal ne l'avait constate.</p> - -<p>Cependant Lafitte, ayant t secrtement -inform des dmarches clandestines de ses -ennemis auprs du gouvernement, et sachant -de plus qu'un dcret de prise de corps -venait d'tre lanc contre lui, partit immdiatement -<span class="pagenum"><a id="Page_403">403</a></span> -pour Paris, tant pour se soustraire -aux perquisitions de sa personne, que -pour rclamer contre la surprise faite au -roi. Pendant son absence, et lors mme -qu'elle tait encore ignore, ses perscuteurs -continurent l'œuvre d'iniquit qu'ils avaient -commence avec tant de succs; c'est--dire -qu'ils se jourent des rgles les plus constantes, -tablies pour les procdures, et allrent -mme jusqu' employer la violence pour -extorquer des signatures qui leur taient indispensables.</p> - -<p>Toutefois ce ne fut pas vainement que les -plaintes du sieur Lafitte s'levrent jusqu'au -trne. La fille Naudin, premier auteur de -toute cette infernale machination, dchire -sans doute par ses remords, se rtracta devant -le Chtelet de Paris, o elle avait t -appele, et cette rtractation solennelle rduisit -au nant les rapports de tous les tmoins -qui ne parlaient que d'aprs elle. Le -sieur Lafitte fit voir alors l'invraisemblance -de tous les crimes qu'on lui imputait, et les -ordres, qui dj avaient t donns pour -l'expdition de la lettre de cachet, furent aussitt -rvoqus.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_404">404</a></span> -Le sieur Lafitte revint l'Isle-Jourdain, et -ne craignit pas de s'y montrer publiquement. -Ses ennemis, attrs, n'osaient plus faire excuter -le dcret de prise de corps. Un autre -vnement vint encore les accabler. Justine, -la malheureuse Justine, dont la raison, quoique -encore dbile, s'tait assez fortifie pour -lui faire apercevoir toute la profondeur du -prcipice qu'on avait creus sous ses pas, rtracta -publiquement ses erreurs, et rendit -l'hommage le plus respectueux l'innocence -de son pre, dans une dclaration faite devant -un notaire, le 10 mai 1787.</p> - -<p>D'un autre ct, le sieur Lafitte avait rendu -sa plainte au snchal, ds le commencement -de cette scandaleuse affaire, pour fait de subornation -envers sa fille et envers les tmoins. -Ds qu'il fut de retour de Paris, le snchal, -qui avait eu tout le temps d'informer, -dcrta de prise de corps les principaux ennemis -de Lafitte, et d'ajournement personnel -plusieurs des tmoins dont ils s'taient -servis. La nouvelle de ces deux dcrets fit -sortir les accusateurs du sieur Lafitte de l'tat -de stupeur o les avait plongs la rvocation -de la lettre de cachet. Alors ils le firent -<span class="pagenum"><a id="Page_405">405</a></span> -arrter et conduire dans les prisons de Toulouse, -afin de ralentir au moins l'activit de -ses poursuites. Ils surprirent un arrt qui -suspendit l'excution des dcrets dcerns -contre eux, ainsi que l'instruction de la procdure -en subornation. De plus, ils sollicitrent -la publication d'un monitoire, dernire -ressource qui leur restt. Aussitt les -portes des diffrentes glises de Toulouse et -de l'Isle-Jourdain furent souilles de placards -d'une obscnit rvoltante, la honte de la -religion et de la morale publique. Outre les -dtails dont nous avons entretenu nos lecteurs, -on y lisait qu'un des enfans du sieur -Lafitte avait pri de trois coups de couteau -qu'il avait reus de la main de son pre.</p> - -<p>Pour expliquer une animosit capable d'inventer -de semblables accusations, il ne sera -pas hors de propos d'en faire connatre les -causes. Le sieur Pascal, principal moteur de -l'accusation, contrleur ambulant, tabli depuis -vingt-cinq ans l'Isle-Jourdain, s'tait acquis -une grande influence et un immense crdit -dans le pays, par ses relations avec le conseil -de Monsieur, frre du roi, qui avait fait -l'acquisition du comt de l'Isle-Jourdain. Il disposait -<span class="pagenum"><a id="Page_406">406</a></span> - son gr des autorits municipales, et -il ne se faisait rien dans l'administration de la -ville sans son assentiment. Pascal et Lafitte -avaient d'abord t en relation d'amiti; mais -ce dernier n'ayant pu se rsoudre la basse -condescendance que Pascal exigeait de lui -comme de tout le monde, la msintelligence -et la haine ne tardrent pas clater entre -eux. Plusieurs procs en furent les consquences, -et le tout fut couronn par la triple -accusation de viol, d'inceste et de parricide. -Pascal trouva d'ardens auxiliaires dans le -sieur Riscle, lieutenant de maire, dans le -maire Latournelle et le procureur-fiscal Cruchent, -qui tous trois taient ses cratures, -et avaient tous trois des motifs personnels -de haine contre le sieur Lafitte. De l, les -encouragemens et la crance accorde aux -calomnies de la Naudin; de l, la complaisance -avec laquelle on avait accueilli la dlation -infme d'un enfant contre son pre; de l, -le violent acharnement des premiers juges -contre leur victime, la violation de toutes -les rgles de la justice l'gard de l'accus, -la subornation de nombreux tmoins, la publication -d'un monitoire scandaleux; de l, -<span class="pagenum"><a id="Page_407">407</a></span> -enfin, une accusation monstrueuse qui outrage -la nature dans ce qu'elle a de plus -sacr!</p> - -<p>Sans doute que le sieur Lafitte avait pu, -par une conduite peu rgulire, par les dsordres -qui avaient amen sa sparation d'avec -la mre de ses enfans, par d'autres dsordres -qui avaient pu suivre cette sparation, -prter le flanc aux attaques de la mdisance -et de la malignit. Il parat que la prsence -des deux filles Naudin et Verdier dans sa maison -n'tait pas pure de tout reproche. Il parat -mme que la conduite de la Naudin, dans -toute cette affaire, avait pu tre dtermine -par la jalousie que lui causaient les prfrences -dont Anne Verdier tait devenue l'objet -de la part du sieur Lafitte. Quoi qu'il en soit, -et quelque blmables que fussent les carts de -cet homme, rien dans tout cela n'annonait -une perversit du genre de celle que dversait -sur lui l'horrible accusation qui l'avait tran -devant les tribunaux. Il nous est doux de penser -qu'il y a bien loin encore de la dbauche - l'inceste et au parricide. On transige quelquefois - l'gard des lois de la socit, parce que -l'gosme troit des passions ne veut y voir -<span class="pagenum"><a id="Page_408">408</a></span> -qu'une tyrannie; mais l'homme n'est pas le -matre d'en agir de mme avec les lois de la -nature, parce qu'elles tiennent intimement -ces mmes passions, et qu'elles ont de profondes -racines dans son propre cœur.</p> - -<p>Cette cause intressante, aprs plusieurs -conflits de juridiction, avait enfin t porte -devant le parlement de Toulouse. Elle fut -plaide au mois de juin 1789, et sur l'loquente -dfense prononce en faveur du sieur -Lafitte par M. Mailhe, avocat distingu, la -premire procdure fut annule, et il fut ordonn -que l'on en entamerait une nouvelle.</p> - -<p>Mais les grands vnemens politiques survenus -peu aprs suspendirent pour long-temps -le cours ordinaire de la justice. Le peuple -ayant ouvert les portes des prisons ceux -qu'elles renfermaient, le sieur Lafitte en sortit, -et depuis il ne s'est pas reprsent la justice -pour solliciter l'examen de l'accusation -leve contre lui; ce qui a lieu d'tonner, -puisque son dfenseur en avait contract l'engagement -en son nom. Peut-tre recula-t-il -devant ce nouveau sacrifice qu'il se devait -sans doute lui-mme; peut-tre craignit-il de -livrer encore une fois son innocence aux -<span class="pagenum"><a id="Page_409">409</a></span> -chances si incertaines de la justice des hommes. -Au reste, cette circonstance aurait pu -donner quelque poids aux manœuvres de ses -accusateurs, si la voix de la nature n'tait pas -plus puissante que toutes les prsomptions.</p> - -<hr class="chap" /> - -<p class="end">FIN DU QUATRIME VOLUME.</p> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_410">410</a></span></p> - -<div class="chapter"></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_411">411</a></span></p> - -<h2>TABLE DES MATIRES<br /> -<span class="large">DU QUATRIME VOLUME.</span></h2> - -<table id="Toc" summary="contents"> - - <tr> - <td class="tdl">Enfant rclam par deux pres.<span class="i15">Page</span></td> - <td class="tdr"><a href="#Page_1">1</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Sparation demande aprs sept jours de mariage.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_18">18</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">La fille Lescop, ou le triomphe tardif de l'innocence.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_29">29</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Remy Baronet, victime de la prvention.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_41">41</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Pierre Bellefaye, fratricide.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_51">51</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Quentin Beaudouin, assassin de sa femme.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_56">56</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Charlotte Plaix.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_61">61</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Le maon Cahuzac pendu injustement.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_71">71</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Gombert, assassin du mari de sa matresse.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_78">78</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Sevreuse, empoisonneuse d'enfans.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_84">84</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Jeanne-Marie-Thrse Judacier, parricide.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_97">97</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Femme injustement accuse de l'assassinat de son mari.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_102">102</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Docteur en mdecine pendu pour vol.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_109">109</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Marie Glibert, accuse d'avoir poignard son mari.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_118">118</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Boucher, ou l'assassin de seize ans.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_123">123</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">La bergre auvergnate.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_127">127</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Famille d'assassins.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_131">131</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Accusation d'assassinat mal fonde.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_137">137</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Le pauvre tailleur victime de sa bienfaisance.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_141">141</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Usurier puni.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_145">145</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Conduite inoue d'une femme l'gard de son mari.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_151">151</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Le meurtre de Saint-Bat.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_157">157</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Atroce sang-froid d'un assassin.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_170">170</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Accusation rciproque d'assassinat.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_174">174</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Servante qui trangle sa matresse.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_180">180</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl"><span class="pagenum"><a id="Page_412">412</a></span> - Honor Jourdan, condamn comme assassin, et - ensuite justifi.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_189">189</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Homicide d'une espce particulire.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_200">200</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Blaise Ferrage, ou le brigand anthropophage.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_205">205</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Franoise Tiers, ou l'homicide lgitime.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_211">211</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Le conseiller de Vocance, faussement accus d'empoisonnement.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_220">220</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Moinot, empoisonneur de sa famille.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_231">231</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Barbe Didiot.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_235">235</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Lacquemant, parricide.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_248">248</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">La prostitue d'Ay.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_254">254</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">galit des citoyens devant la loi.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_262">262</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">De Forges et Desaignes.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_267">267</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Dangers de la violence.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_274">274</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Incendiaire.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_280">280</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Le cur de Chazelles.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_283">283</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Brigide Ballet, ou la fille dnature.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_294">294</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">L'accusateur accus.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_298">298</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">L'pouse adultre et empoisonneuse.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_307">307</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Les brigands de Nmes.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_312">312</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Catherine Estins.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_317">317</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">La fille Salmon, dclare innocente, aprs avoir - t condamne deux fois tre brle vive.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_340">340</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">L'Intrigante, ou l'affaire du collier.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_361">361</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">L'Aubergiste des Quatre fils Aymon, Charenton.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_381">381</a></td> - </tr> - - <tr> - <td class="tdl">Accusation de viol, d'inceste et de parricide.</td> - <td class="tdr"><a href="#Page_392">392</a></td> - </tr> - - <tr> - <th colspan="2" class="tdc"><span class="small">FIN DE LA TABLE DU QUATRIME VOLUME.</span></th> - </tr> - -</table> - - - - - - - - -<pre> - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Chronique du crime et de l'innocence, -t. 4/8, by Jean-Baptiste Joseph Champagnac - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUE DU CRIME *** - -***** This file should be named 52443-h.htm or 52443-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/2/4/4/52443/ - -Produced by Clarity, Isabelle Kozsuch and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/American Libraries.) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Information about the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state's laws. - -The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the -mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its -volunteers and employees are scattered throughout numerous -locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt -Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to -date contact information can be found at the Foundation's web site and -official page at www.gutenberg.org/contact - -For additional contact information: - - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. 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