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-The Project Gutenberg EBook of Mémoires touchant la vie et les écrits de
-Marie de Rabutin-Chantal, Volume 5 of 6, by Charles Athanase Walckenaer
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-
-
-Title: Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 5 of 6
-
-Author: Charles Athanase Walckenaer
-
-Release Date: June 28, 2016 [EBook #52428]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: UTF-8
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MARIE DE RABUTIN-CHANTAL ***
-
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-
-
-Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
-http://gallica.bnf.fr)
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-Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le
-typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et
-n'a pas été harmonisée.
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-
- MÉMOIRES
-
- SUR MADAME
-
- DE SÉVIGNÉ.
-
-
- CINQUIÈME PARTIE.
-
-
-
-
-TYPOGRAPHIE DE H. FIRMIN DIDOT.--MESNIL (EURE).
-
-
-
-
- MÉMOIRES
-
- TOUCHANT
-
- LA VIE ET LES ÉCRITS
-
- DE MARIE DE RABUTIN-CHANTAL
-
- DAME DE BOURBILLY
-
- MARQUISE DE SÉVIGNÉ,
-
- DURANT LA SECONDE CONQUÊTE DE LA FRANCHE-COMTÉ PAR LOUIS XIV
- ET LA PREMIÈRE COALITION DES PUISSANCES CONTRE LA FRANCE,
-
- SUIVIS
-
- De Notes et d'Éclaircissements,
-
- PAR
-
- M. LE BARON WALCKENAER.
-
- QUATRIÈME ÉDITION,
-
- REVUE ET CORRIGÉE.
-
-
- PARIS,
-
- LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie,
-
- IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE,
-
- RUE JACOB, 56.
-
-
- 1875
-
-
-
-
- MÉMOIRES
- TOUCHANT LA VIE ET LES ÉCRITS
- DE
- MARIE DE RABUTIN-CHANTAL,
- DAME DE BOURBILLY
- MARQUISE DE SÉVIGNÉ.
-
-
-
-
-CHAPITRE PREMIER.
-
-1673
-
- Madame de Sévigné quitte la Provence et retourne à Paris.--Mauvais
- état des routes.--Craintes de madame de Sévigné pour sa
- fille.--Avantage qu'elle retire de son voyage en Provence pour son
- commerce épistolaire.--Elle écrit de Montélimar.--Elle voit à
- Valence l'évêque, M. de Cosnac, et Montreuil.--Détails sur
- ceux-ci.--Marie-Adhémar.--Les filles de Sainte-Marie.--Madame de
- Sévigné arrive à Lyon.--Loge chez Châteauneuf.--Voit
- l'archevêque.--Elle part avec M. et madame de Rochebonne.--Madame
- de Sévigné écrit de Châlon-sur-Saône.--Recommande à sa fille deux
- ouvrages de Marigny.--Arrive à Bourbilly.--Ses souvenirs dans ce
- lieu.--Du voyage qu'elle fit en 1664.--Conduite de Bussy.--Il est à
- Paris.--Le comte et la comtesse de Guitaud sont à Époisses.--Madame
- de Sévigné ne peut réconcilier Guitaud avec Bussy.--Elle est venue
- à Bourbilly pour le règlement de ses affaires.--Le comte et la
- comtesse de Guitaud et la comtesse de Fiesque viennent voir madame
- de Sévigné.--Détails sur la comtesse de Fiesque--Deux petites cours
- auprès de celle du roi.--Cour de Monsieur; cour de
- Condé.--Nouvelles sur ces deux cours données à madame de
- Sévigné.--L'Espagne déclare la guerre à la France.--Détails sur la
- comtesse de Marci et mademoiselle de Grancey.--Leur
- influence.--Madame de Sévigné va passer un jour à Époisses.--Elle
- écrit de Moret.--Arrive à Paris.
-
-
-Le séjour de madame de Sévigné en Provence avait duré quatorze mois. Ce
-temps fut pour elle marqué par des jouissances de tous les jours et de
-tous les moments. Objet des constantes sollicitudes de madame de
-Grignan, elle avait promptement contracté l'habitude de la voir, de lui
-parler, de l'écouter, d'être sans cesse occupée d'elle. Ce n'était donc
-pas sans des déchirements de cœur qu'elle s'arrachait forcément aux
-douceurs de ce genre de vie. Diverses causes contribuaient à rendre
-cette nécessité plus cruelle. En même temps que, parcourant la route de
-Montélimar, elle s'éloignait de sa fille, sa fille s'éloignait d'elle,
-et prenait le chemin de Salons pour se rendre chez l'archevêque d'Arles.
-Quoique ce court trajet accrût imperceptiblement la distance qui devait
-toutes deux les séparer, néanmoins il ajoutait encore au trouble violent
-que cette séparation avait produit dans l'âme de madame de Sévigné. Elle
-avait espéré ramener sa fille avec elle; mais de puissants motifs s'y
-opposaient. L'assemblée des communautés de Provence devait avoir lieu en
-décembre, et ne pouvait se terminer qu'au milieu de janvier. Madame de
-Grignan se trouvait par là forcée de différer de trois mois le voyage
-qu'elle avait promis de faire à Paris[1]. Obligée de se rendre à de si
-bonnes raisons, madame de Sévigné trouvait dans la promesse même que sa
-fille lui avait faite un sujet de peine et d'inquiétude. La route de
-Montélimar à Lyon, qu'elle parcourait, était horriblement abîmée et
-dans plusieurs endroits entièrement défoncée. Ce n'était pas sans effroi
-qu'elle songeait que dans trois mois sa fille, au milieu de l'hiver,
-aurait, pour venir la rejoindre, à parcourir cette même route, devenue
-plus dangereuse encore par des dégradations successives. Ses lettres
-nous montrent avec quelle scrupuleuse attention elle observait l'état
-des chemins et quel soin elle mettait à indiquer à madame de Grignan les
-parties détériorées où, selon elle, on devait descendre de voiture et se
-faire porter en litière, «sous peine de la vie[2].»
-
- [1] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 octobre 1673), t. III, p. 176, édit. de
- Gault de Saint-Germain; t. III, p. 101, édition de Monmerqué.
-
- [2] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 et 10 octobre 1673), t. III, p. 181,
- édit. G.;--_Ibid._, t. III, p. 103 et 105, édit. M.
-
-Entre deux personnes qui s'aiment il y a dans les entretiens familiers
-et confidentiels un échange sympathique de sentiments et d'idées qui ne
-peut être suppléé par la correspondance la plus assidue. La voix, le
-geste, les yeux, les traits du visage manifestent nos sensations, nos
-désirs, nos inclinations, notre trouble, nos espérances, les subites
-inspirations de notre esprit, les éclairs capricieux de notre
-imagination mieux que ne peuvent le faire les mots les mieux arrangés,
-les plus expressifs, tracés sur un froid papier. C'est ce que madame de
-Sévigné ressentait amèrement lorsque de Montélimar elle écrivait:
-«Hélas! nous revoilà dans les lettres.» Et cependant le temps qu'elle
-avait passé en Provence, au milieu de la famille des Grignan, lui
-donnait, pour sa correspondance, plus de moyens de remédier aux
-inconvénients de l'absence. Elle pouvait désormais apprécier les
-changements que le temps, une nouvelle situation avaient opérés dans
-l'esprit, les opinions, les goûts et les habitudes de madame de
-Grignan. Elle connaissait le monde avec lequel vivait sa fille, ses
-occupations de chaque jour, la distribution de ses heures, les qualités
-et les défauts de ceux qui étaient placés sous sa dépendance, les causes
-de ses tracas domestiques, toutes les misères, toutes les nuances si
-variables de l'existence, tous ces riens qu'on méprise et que pourtant
-on ressent si vivement, qu'on redoute ou qu'on dédaigne d'écrire, mais
-qu'à tout moment on voudrait confier à ceux qui s'intéressent à notre
-bonheur. Madame de Sévigné savait et prévoyait toutes les tribulations
-auxquelles sa fille était exposée; elle pouvait donc se faire comprendre
-d'elle à demi-mot, deviner ses désirs et pénétrer plus avant dans les
-replis de son cœur. Il lui devenait plus facile de lui être agréable
-par ses lettres, écrites avec plus de confiance, de facilité et
-d'abandon. Aussi lui dit-elle peu de jours après l'avoir quittée: «Je
-suis toute pétrie des Grignan, je tiens partout... Hélas! ma fille, j'ai
-apporté toute la Provence et toutes vos affaires avec moi[3]. Je vous
-vois, je vous suis pas à pas; je vois entrer, je vois sortir; je vois
-quelques-unes de vos pensées[4].» Et le temps ne faisait qu'ajouter
-encore à l'effet des souvenirs de son séjour à Grignan; mais après elle
-y revient. «Il est vrai, dit-elle, que le voyage de Provence m'a plus
-attachée à vous que je n'étais encore. Je ne vous avais jamais tant vue,
-et je n'avais jamais tant joui de votre esprit et de votre cœur[5].»
-
- [3] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 octobre 1673), t. III, p. 178, édit.
- G.; t. III, p. 101, édit. M.
-
- [4] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 octobre et 10 novembre 1673), t. III,
- p. 186, 213, édit. G.; t. III, p. 109, 131, édit. M.
-
- [5] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 décembre 1673), t. III, p. 268, édit.
- G.; t. III, p. 177, édit. M.
-
-
-La mélancolie qui dominait madame de Sévigné en s'éloignant de sa fille
-ne fut pas allégée par les livres qu'elle avait emportés pour se
-distraire en voyage. C'étaient le _Socrate chrétien_ de Balzac et les
-_Déclamations_ de Quintilien. On est étonné de voir au nombre de ses
-lectures ce dernier ouvrage, d'une authenticité douteuse et d'un mérite
-très-secondaire; il est probable que c'était par suite des études
-d'auteurs anciens qu'elle avait faites avec Corbinelli pendant son
-séjour à Grignan qu'elle s'était imposé la tâche de lire ces
-_Déclamations_. Elle écrit à sa fille après les avoir lues: «Il y en a
-qui m'ont amusée et d'autres qui m'ont ennuyée[6].»
-
- [6] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 octobre 1673), t. III, p. 188, édit.
- G.; t. III, p. 111, édit. M.
-
-Partie de Montélimar, elle arriva le même jour à Valence. L'évêque de
-Valence, M. de Cosnac, était une de ses plus anciennes connaissances; il
-avait envoyé au-devant d'elle son carrosse avec Montreuil[7] et son
-secrétaire pour l'accompagner. Nos lecteurs se rappellent ce joyeux abbé
-qui, dans la jeunesse de madame de Sévigné, lui écrivait des lettres
-folles et composait pour elle des madrigaux qu'il fit imprimer et même
-réimprimer[8]. Ce fut chez lui qu'elle soupa et logea. L'évêque et ses
-deux nièces vinrent lui rendre visite; mais, en entrant dans la ville,
-elle s'était dirigée directement chez ce prélat. «Il a bien de l'esprit,
-dit-elle à madame de Grignan. Ses malheurs et votre mérite ont été les
-deux principaux points de sa conversation[9].»
-
- [7] _Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie_ DE
- RABUTIN-CHANTAL _pendant la Régence et la Fronde_, 2e édit., p.
- 49 et 50, chap. V.
-
- [8] MONTREUIL, _Å’uvres_, 1666, p. 5, 107, 472, 500; 1671, p. 4,
- 72, 321, 339.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 octobre 1673), t. III, p.
- 179.
-
- [9] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 octobre 1679), t. III, p. 178, édit.
- G.; t. III, p. 103, édit. M.
-
-Les malheurs de Daniel de Cosnac se réduisaient à ce qu'il était forcé
-de résider dans son diocèse, sous le plus beau climat et dans le plus
-riant pays de France. Mais, homme de cour plutôt qu'évêque, il
-considérait comme un exil l'obligation où il se trouvait de ne pouvoir
-être à Versailles ou à Saint-Germain. Par son esprit et son adresse il
-s'était introduit fort jeune chez le prince de Conti, et contribua à son
-mariage avec la nièce de Mazarin[10]. Cosnac n'avait que vingt-deux ans
-lorsqu'il négocia avec une rare habilité ce qu'on appelait la paix de
-Bordeaux. Mazarin, pour ses signalés services, le fit nommer évêque de
-Valence; mais, au lieu de remplir les devoirs de son épiscopat, Cosnac
-s'attacha à MONSIEUR, qui le nomma son premier aumônier. Les conseils
-qu'il donna à ce prince et que celui-ci ne suivit pas occasionnèrent son
-exil[11]. Dévoué de cœur à MADAME (l'aimable Henriette), il vint
-_incognito_ à Paris; et, pour cet acte de désobéissance aux ordres du
-roi, il fut mis en prison, puis envoyé à l'Ile-en-Jourdain. Après
-quatorze ans d'exil, il avait enfin obtenu la permission de retourner à
-Valence, où madame de Sévigné fut charmée de le trouver en compagnie
-avec Montreuil[12]. Elle vit encore à Valence la sœur de M. de Grignan,
-Marie-Adhémar de Monteil, religieuse à Aubenas, et les sœurs du
-couvent de Sainte-Marie. C'était pour elle, en quelque sorte, un devoir
-de famille, même dans les lieux où elle ne faisait que passer, de rendre
-visite aux religieuses de cet ordre, fondé par sa grand'mère[13]. Elle
-resta un jour entier avec celles de Valence, et se dirigea sur Lyon, où
-elle arriva le 10 octobre. Elle fut reçue dans cette ville, comme
-précédemment, par le beau-frère de M. de Grignan, l'aimable M. de
-Châteauneuf. Elle eut la visite et reçut des civilités gracieuses de
-l'archevêque de Lyon, Henri de Villars, qui lui fit voir d'admirables
-tableaux.
-
- [10] GOURVILLE, _Mémoires_, vol. LII, p. 286.
-
- [11] CHOISY, _Mémoires_, vol. LXIII, p. 369 à 387.--MONTPENSIER,
- _Mémoires_, vol. XLIII, p. 135 (année 1663).
-
- [12] CHOISY, _Mémoires_, vol. LXIII, p. 391, 397, 408, 410, 417,
- 418.--SAINT-SIMON, _Mémoires authentiques_, t. III, p. 141, ch.
- XI.
-
- [13] _Abrégé de la vie de la bienheureuse mère Jeanne-Françoise
- Fremyot de Chantal_, 1752, p. 39.
-
-Le jour suivant elle partit accompagnée de M. et de madame de
-Rochebonne[14], qui allaient à leur terre. Rochebonne voulait mettre
-ordre à ses affaires et se préparer à rejoindre l'armée, prévoyant une
-guerre avec l'Espagne, qui en effet était imminente. Madame de Sévigné
-fut obligée de s'arrêter à six lieues de Lyon. Elle date sa lettre «d'un
-petit _chien de village_» qu'elle ne nomme pas. Ce village, d'après la
-distance qu'elle indique, doit être la petite ville d'Anse, fort
-ancienne et assez célèbre par les conciles qui s'y sont tenus[15].
-
- [14] Voyez la 4e partie de ces _Mémoires_, p. 199.
-
- [15] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6, 10 et 11 octobre 1673), t. III, p.
- 184-187, édit. G.; t. III, p. 103, 108, 110, édit. M.
-
-Deux jours après, à vingt-cinq lieues plus loin, elle écrit à madame de
-Grignan, et date sa lettre de Châlon-sur-Saône. Elle annonce qu'elle a
-rencontré en chemin un M. de Sainte-Marthe, qui lui fera parvenir deux
-petits poëmes de Marigny, l'un intitulé _l'Enterrement_; l'autre, _le
-Pain bénit_. Ce dernier était une satire virulente contre les
-marguilliers de la paroisse de Saint-Paul et contre les exactions et les
-abus qui avaient lieu de la part des fabriques pour les frais de
-mariage, d'enterrement et pour rendre le pain bénit. Ces abus existent
-encore; la forme seulement en est changée. On se rappelle que dans sa
-jeunesse madame de Sévigné était liée avec Marigny, ce grand chansonnier
-de la Fronde[16]. Elle remarque avec raison que le jugement qu'on porte
-de ces futiles opuscules dépend de la disposition d'esprit où l'on se
-trouve en les lisant[17]. Madame de Grignan n'avait pas le même motif
-que madame de Sévigné pour se complaire à l'odieux et au ridicule versé
-sur les obscurs administrateurs de la paroisse Saint-Paul, dont sa mère,
-comme paroissienne, était légèrement victime.
-
- [16] Conférez la 1re partie de ces _Mémoires_, t. I, p. 479,
- chap. XXXV.
-
- [17] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 octobre 1673), t. III, p. 187, 189,
- édit. G.; t. III, p. 111, édit. M. Ces deux pièces de vers ne se
- trouvent pas dans les _Å’uvres_ de Marigny, 1674, in-12.
- Auparavant avait paru _le Pain bénit_, par M. l'abbé de Marigny,
- 1673, in-12 (23 pages); on a réimprimé cet opuscule en 1795, avec
- une sotte préface.
-
-Après un trajet de trente lieues fait en trois jours, madame de Sévigné
-arriva enfin, le 21 octobre, dans son château de Bourbilly, qu'elle
-n'avait pas vu depuis neuf ans.
-
-«Enfin, ma chère fille, dit-elle, j'arrive présentement dans le vieux
-château de mes pères. Voici où ils ont triomphé, suivant la mode de ce
-temps-là. Je trouve mes belles prairies, ma petite rivière, mes
-magnifiques bois et mon beau moulin à la même place où je les avais
-laissés. Il y a eu ici de plus honnêtes gens que moi; et cependant au
-sortir de Grignan, après vous avoir quittée, je m'y meurs de tristesse.
-Je pleurerais présentement de tout mon cœur si je m'en voulais croire;
-mais je m'en détourne, suivant vos conseils. Je vous ai vue ici; Bussy y
-était, qui nous empêchait fort de nous ennuyer. Voilà où vous
-m'appelâtes _marâtre_ d'un si bon ton[18].»
-
- [18] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (16 octobre 1673), t. III, p. 190, édit.
- G.; t. III, p. 112, édit. M.--_Lettres de madame_ DE
- RABUTIN-CHANTAL, _marquise_ DE SÉVIGNÉ; la Haye, 1726, t. I, p.
- 317.
-
-On conçoit le douloureux plaisir qu'éprouvait cette mère passionnée à se
-rappeler, en arrivant dans son vieux château, le dernier voyage qu'elle
-y avait fait avec sa fille. Nous l'avons seulement mentionné à sa
-date[19]; rappelons-le ici, et ajoutons quelques mots de plus,
-nécessaires pour compléter le récit de celui dont nous nous occupons. Le
-présent se compose-t-il d'autre chose que des souvenirs du passé et des
-rêves sur l'avenir?
-
- [19] Deuxième partie de ces _Mémoires_, p. 331, chap. XXII (2e
- édit.).
-
-Ce fut le 15 août 1664 que madame de Sévigné alla à Tancourt (commune de
-Vaurezis, près de Soissons), où l'attendait Ménage[20]. De là elle se
-rendit à Commercy, chez le cardinal de Retz, puis ensuite à Bourbilly.
-Bussy, qui était alors à sa terre de Forléans, vint la voir: il n'avait
-que quarante-cinq ans. Madame de Sévigné en avait trente-huit; sa fille
-était dans sa seizième année. Comme la fleur qui vient de s'épanouir,
-elle brillait de tout l'éclat de sa fraîcheur et de sa beauté; elle
-était la joie, les délices, l'orgueil de sa mère; elle n'appartenait
-qu'à elle seule: aucun lien, aucun devoir ne la forçait de s'en séparer.
-Ces deux charmantes femmes, dans leur gothique domaine, firent à cette
-époque sur Bussy une impression si vive et si durable que, plus de deux
-ans après (le 11 novembre 1666), appelé par des affaires à se
-transporter avec toute sa famille à Forléans, il en profita pour revoir
-encore Bourbilly. Il écrivit alors à sa cousine pour lui exprimer
-combien lui et ses enfants avaient été flattés de contempler les
-portraits des Christophe et des Gui, leurs ancêtres, tapissant les murs
-des Rabutin. «Ces Rabutin vivants, dit-il, voyant tant d'écussons,
-s'estimèrent encore davantage, connaissant par là le cas que les Rabutin
-morts faisaient de leur maison[21].»
-
- [20] _Lettres de_ MÉNAGE, dans les _Lettres et pièces rares et
- inédites_ publiées par M. Matter, 1846, in-8º, p. 235.--BUSSY,
- _Lettres_, 173, in-12, t. I, p. 1.
-
- [21] BUSSY, _Lettres_ (11 novembre 1666), Paris, Delaulne, 1637,
- in-12, t. II, p. 2.--Dans SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 154, édit.
- G.; t. I, p. 109, édit. M., et p. 1, 3, chap. I de la 1re partie
- de ces _Mémoires_.
-
-Madame de Sévigné avait, plus anciennement encore, fait un voyage à
-Bourbilly, accompagnée de son mari; et Bussy, qui à cette époque se
-trouvait à sa terre de Forléans, fit une visite aux nouveaux mariés.
-Longtemps après, il rappelle avec orgueil à sa cousine combien, à la vue
-de tous ces portraits, le marquis de Sévigné fut frappé de la grandeur
-de la maison des Rabutin[22].
-
- [22] BUSSY, _Lettres_ (29 octobre 1675), t. I, p. 170, édit.
- 1737.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 octobre 1675), t. IV, p. 31, édit.
- M.; t. IV, p. 146, édit. G.
-
-A ce dernier voyage que madame de Sévigné fit à Bourbilly (en 1673),
-Bussy ne se trouva point au rendez-vous qu'elle lui avait assigné dans
-sa lettre écrite de Grignan[23]. La manière railleuse avec laquelle elle
-mande à sa fille que son cousin avait pris soin de se faire habiller à
-Semur, lui et toute sa famille[24], pour se rendre à Paris, prouve
-qu'elle aimait mieux le voir là qu'à Bourbilly. Bussy s'était brouillé
-avec le comte de Guitaud, qui alors habitait Époisses. Lui et sa femme
-comptaient au nombre des meilleurs amis de madame de Sévigné:
-possesseurs de la terre seigneuriale du fief de ses ancêtres[25], ils
-lui étaient très-utiles pour la gestion de ses intérêts en Bourgogne et
-jouissaient dans toute la province d'une grande considération. Madame de
-Sévigné aurait voulu faire cesser l'ancienne inimitié de Bussy et de
-Guitaud; mais Bussy, dévoré d'ambition et d'envie, s'y refusa
-toujours[26]. Il reprochait à Guitaud de l'avoir autrefois desservi dans
-l'esprit de Condé et de n'avoir pas voulu exécuter l'accord
-qu'ils avaient conclu ensemble pour la vente de la charge de
-capitaine-lieutenant des chevau-légers du prince, lorsque celui-ci fut
-arrêté[27].
-
- [23] _Suite des Mémoires du comte_ DE BUSSY, ms., p. 37, vo (15
- juillet 1673).--BUSSY (lettre du 29 octobre 1675), dans SÉVIGNÉ,
- t. IV, p. 146, édit. G., et t. IV, p. 34, édit. M.--Voyez la 4e
- partie de ces _Mémoires_, p. 313.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 juillet
- 1673), t. III, p. 164, édit. G.
-
- [24] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 octobre et 6 novembre 1673), t. III,
- p. 195 et 210, édit. G.; t. III, p. 117 et 130, édit. M.
-
- [25] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 février et 23 août 1678), t. V, p.
- 481; t. VI, p. 24, édit. G.; t. V, p. 308 et 354, édit. M.
-
- [26] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (juillet 1679), t. VI, p. 101 à 104.
-
- [27] Voyez la 1re partie de ces _Mémoires_, t. I, p.
- 203.--BUSSY-RABUTIN, _Mémoires_, édit. 1721, t. I, p. 151, 152,
- 165, 172 et suiv., 185, 191, 192, 202, 337.
-
-Orgueilleux de l'antiquité de sa race, Bussy voyait avec déplaisir que
-Guitaud, qui avait servi sous lui comme cornette et ne s'était jamais
-distingué dans aucun combat, fût devenu, par son premier mariage avec
-Françoise de la Grange, possesseur du marquisat d'Epoisses et qu'en
-cette qualité madame de Sévigné, le dernier rejeton de la branche aînée
-des Rabutin, l'appelât, même en plaisantant, son seigneur[28].
-
- [28] EXPILLY, _Dictionnaire des Gaules et de la France_, 1764,
- in-fol., t. II, p. 753, au mot _Époisses.--Voyage pittoresque de
- Bourgogne_, Dijon, 1833, t. I, feuille 9, no 3.
-
-Ce n'était point, au reste, un voyage sentimental que madame de Sévigné
-avait voulu faire à Bourbilly. Elle ne s'était pas dérangée de sa route
-seulement pour le plaisir de revoir ce séjour, encore moins pour s'y
-rencontrer avec Bussy, ni même pour jouir de la société du comte et de
-la comtesse de Guitaud; le soin de ses intérêts l'avait forcée d'y
-venir. Elle avait du blé à vendre, des baux à renouveler, des mesures à
-prendre pour être payée plus exactement de ses revenus. Elle s'occupa si
-activement de ces affaires qu'elle trouva pour les terminer des
-expédients auxquels le _bon abbé_, si expert en ces matières, n'avait
-pas pensé[29].
-
- [29] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (25 octobre 1673), t. III, p. 196, édit.
- G.; t. III, p. 118, édit. M.--_Ibid._ (juillet 1679), t. VI, p.
- 101, 104, édit. G.
-
-Dès le lendemain de son arrivée, le comte de Guitaud, dans l'espoir de
-l'attirer à Époisses, était accouru à cheval de grand matin à Bourbilly
-par une pluie battante. Madame de Sévigné le retint à dîner. Guitaud lui
-apprit les nouvelles qu'il venait de recevoir. Le comte de Monterès
-avait publié à Bruxelles, le 15 octobre, la rupture de la paix entre la
-France et l'Espagne; la guerre paraissait imminente[30], et on présumait
-que M. de Grignan serait obligé de venir pour expliquer sa conduite.
-Quant à Guitaud, il n'espérait pas être employé; il raconta à madame de
-Sévigné les intrigues qui l'avaient fait déchoir dans les bonnes grâces
-du prince de Condé, et comment il s'en consolait en faisant de grands
-embellissements à son magnifique château, où il se proposait de passer
-l'hiver[31]. Après le dîner, madame de Sévigné, que le comte de Guitaud
-n'avait pas prévenue, vit arriver dans un carrosse à six chevaux la
-comtesse de Guitaud, accompagnée de cette comtesse de Fiesque qui, selon
-madame de Sévigné[32], donnait de la joie à tout un pays et le paraît.
-Cette femme, insouciante et frivole, conservait sa beauté, que les
-années semblaient épargner: «c'est disait madame de Cornuel, parce
-qu'elle est salée dans sa folie[33].» Madame de Sévigné eut par elle des
-nouvelles de cour qui étaient de nature à amuser sa fille dans les
-prochaines lettres qu'elle devait lui écrire.
-
- [30] LOUIS XIV, _Å’uvres_, t. III, p. 403.--MIGNET,
- _Négociations_, t. IV, p. 215.
-
- [31] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 octobre 1673), t. III, p. 191, édit.
- G., t. III, p. 114, 118, édit. M.
-
- [32] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 octobre 1673), t. III, p. 196, édit.
- G.; t. III, p. 118, édit. M.
-
- [33] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 avril 1676), t. IV, p. 202, édit. M.;
- t. IV, p. 262, édit G.--SAINT-SIMON, _Mémoires_, t. II, p. 354.
-
-Comme deux satellites qui se meuvent autour d'un astre principal, la
-cour de France entraînait à sa suite deux petites cours, où s'agitaient
-dans leurs orbites particulières les ambitions et les intrigues des
-courtisans. Ces cours étaient celle de MONSIEUR, frère du roi, et celle
-de Condé, premier prince du sang. Toutes deux donnaient l'exemple d'une
-licence de mœurs trop autorisée par celle du monarque, mais d'une
-nature plus désastreuse pour la morale publique. Deux femmes, deux
-sœurs, qu'à cause de leur beauté et par une allusion dérisoire à leur
-conduite impudente on nommait _les anges_, se partageaient dans ces
-cours la principale influence. Elles étaient les filles du maréchal de
-Grancey, mais de deux lits différents[34]. L'aînée ne se maria pas, et
-passait (afin de masquer de plus honteux penchants) pour être la
-maîtresse de MONSIEUR. Elle était réellement celle de son favori, le
-chevalier de Lorraine. Par lui, elle dominait MONSIEUR. Charlotte de
-Bavière, la _nouvelle Madame_, celle qui fut la mère du régent, n'eut
-jamais aucune influence sur son mari ou sur le roi. D'une laideur
-repoussante, qui n'était contre-balancée par aucune qualité de l'esprit,
-elle déplaisait à tout le monde par sa hauteur et sa fierté maussade;
-étrangère à tous les personnages de cette cour brillante où elle était
-forcée de vivre, elle fut toujours Allemande en France. Pour son mari,
-qu'elle méprisait, elle était complaisante et douce, afin d'en être bien
-traitée et de rester en repos. Elle soulageait son ennui en écrivant
-sans cesse à ses nobles parents d'Allemagne tout ce que la médisance et
-la calomnie inspiraient de plus odieux sur sa nouvelle famille, sur
-cette cour où pourtant elle occupait le premier rang après la reine.
-
- [34] SAINT-SIMON, _Mémoires complets et authentiques_, 1829, in
- 8º, t. X, p. 111, chap. II.--MADAME, duchesse d'Orléans,
- _Mémoires, fragments historiques et correspondances_, 1832,
- in-8º, p. 99, 103 et 242.
-
-La sœur cadette de la belle Grancey, la comtesse de Marci, était aimée
-de Henri-Jules de Bourbon, duc d'Enghien, qu'on appelait alors monsieur
-le Duc. Ce fils du grand Condé ne manquait pas de valeur; mais il
-n'avait ni goût ni talent pour la guerre. Dur et égoïste dans son
-intérieur, il était dans le monde aimable et spirituel. Petit et maigre,
-par le feu de ses yeux et l'audace de son regard, il faisait, malgré sa
-mine chétive, une forte et vive impression sur les femmes. Il les aimait
-et savait s'en faire aimer. Il recherchait leur société, même quand
-elles ne pouvaient lui offrir d'autre plaisir que celui de la
-conversation[35]. Lorsqu'il était véritablement amoureux, nul ne le
-surpassait dans les moyens de séduction; nul n'égalait son activité pour
-vaincre les obstacles, l'habileté et la fécondité de ses inventions pour
-les travestissements et les ruses. La grâce, la noblesse des manières,
-les flatteries les plus délicates, l'éloquence de la passion, les
-galanteries les plus ingénieuses, la magnificence des fêtes, les dons
-les plus dispendieux, rien n'était omis, rien n'était épargné pour
-assurer son triomphe. Homme de goût et de jugement, il avait un savoir
-très-varié. C'est lui qui ordonnait tous les embellissements de
-Chantilly et les grandes fêtes que l'on y donnait au roi ou aux
-princes[36].
-
- [35] Voyez la 4e partie de ces _Mémoires_, p. 274 et 275.
-
- [36] SAINT-SIMON, _Mémoires_, t. VII, p. 117, 139, et notre note
- sur les _Caractères_ de la Bruyère, p. 658, 660, 662. Conférez la
- 4e partie de ces _Mémoires_, p. 271.
-
-Louis XIV avait permis qu'en l'absence de son père M. le Duc exerçât les
-fonctions de gouverneur en Bourgogne; il lui avait donné la survivance
-de cette charge ainsi que celle de grand maître de la maison du roi. Le
-grand Condé n'était un homme supérieur qu'à la guerre; il se déchargeait
-sur son fils de l'ennui des affaires à Paris comme à Chantilly, comme à
-Dijon. M. le Duc savait s'appliquer à l'administration des vastes
-domaines de Condé; et il est probable que Guitaud ne fut écarté de cette
-petite cour que parce que la société habituelle des princes dont il
-dépendait ne convenait pas à sa femme, jeune, belle et pieuse[37].
-Madame de Sévigné, dans sa lettre à sa fille, rapportant tout ce que lui
-a raconté sur les _anges_ la comtesse de Fiesque, dit: «Madame de Marci
-quitta Paris par pure sagesse, quand on commença toutes ces collations
-de cet été[38], et s'en vint en Bourgogne; on la reçut à Dijon au bruit
-du canon. Vous pouvez penser comment cela faisait dire de belles choses
-et comme ce voyage paraissait en public. La vérité, c'est qu'elle avait
-un procès qu'elle voulait faire juger; mais cette rencontre est toujours
-plaisante[39].»
-
- [37] Voyez 4e partie de ces _Mémoires_, p. 133, chap. V.
-
- [38] Sur ces soupers donnés à Saint-Maur, par le duc d'Enghien,
- _aux anges_, voyez SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 avril 1672), t. II, p.
- 449, édit. G.; t. II, p. 377, édit. M.--_La France devenue
- italienne dans la France galante_, Cologne, 1695, in-12, p. 359
- et 360.
-
- [39] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 octobre 1673), t. III, p. 193, édit.
- G.; t. III, p. 115, édit. M.
-
-Sur l'autre sœur madame de Sévigné dit: «MONSIEUR veut faire
-mademoiselle[40] de Grancey dame d'atour de MADAME, à la place de la
-Gordon, à qui il faut donner cinquante mille écus: voilà qui est un peu
-difficile. Madame de Monaco mène cette affaire.» Cette affaire ne put
-réussir, probablement à cause de l'opposition qu'y mit MADAME; mais
-MONSIEUR fit mademoiselle de Grancey dame d'atour de la fille de sa
-première femme, qui devint reine d'Espagne[41].
-
- [40] On donnait aussi à mademoiselle de Grancey le titre de
- madame, comme étant chanoinesse.
-
- [41] Marie-Louise, fille d'Henriette d'Angleterre, née à Paris le
- 27 mars 1662, mariée à Charles II, roi d'Espagne, le 30 août
- 1679. Sur madame de Grancey, conférez SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit.
- de la Haye, 1726, t. I, p. 165 (dans cette édition le nom de
- Grancey est en toutes lettres); _ibid._ (21 octobre 1673, 2
- octobre 1676, 6 décembre 1679), t. II, p. 189; t. III, p. 193; t.
- VI, p. 147; t. V, p. 237, édit. G.--_Ibid._ (15 juillet 1672), t.
- II, p. 223, édit. M.--_Ibid._ (23 décembre 1671), t. II, p. 269;
- t. III, p. 115; t. VI, p. 53.--_Ibid._ (29 janvier 1685), t. VII,
- p. 229, édit. M.
-
-
-Madame de Sévigné céda enfin aux instances du comte et de la comtesse de
-Guitaud. Elle alla passer un jour à Époisses. Elle y trouva, outre la
-comtesse de Fiesque, la comtesse de Toulongeon, son aimable cousine,
-puis madame de Chatelus et le marquis de Bonneval. Elle fut charmée de
-toutes les personnes qu'elle vit dans ce château, dont elle admira la
-magnificence. Longtemps après, elle déclara à Bussy[42] qu'elle
-conservait un souvenir tendre et précieux de la réception qui lui avait
-été faite alors par le comte et la comtesse de Guitaud.
-
- [42] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 avril 1678), t. V, p. 501.
-
-Le lendemain (27 octobre), madame de Sévigné arriva à Auxerre, trajet de
-soixante-dix kilomètres ou dix-sept lieues et demie. Elle paraît s'être
-arrêtée ensuite à Sens (distance de cinquante kilomètres ou quatorze
-lieues et demie). Elle regretta de n'y pas trouver l'archevêque,
-Louis-Henri de Gondrin[43], oncle de madame de Montespan, janséniste
-renforcé, qui avait beaucoup d'amitié pour madame de Grignan.
-
- [43] Sur Gondrin, conférez GOURVILLE, _Mémoires_, t. LII, p. 309.
-
-De la petite ville de Moret, où elle coucha, madame de Sévigné écrivit à
-sa fille le 30 octobre, et le surlendemain, jour de la Toussaint, elle
-entra dans Paris après quatre semaines de voyages[44].
-
- [44] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27, 30 octobre et 2 novembre 1673), t.
- III, p. 198-203, édit. G.; t. III, p. 120-124, édit. M.
-
-
-
-
-CHAPITRE II.
-
-1673-1674.
-
- Madame de Sévigné arrive à Paris, et descend chez son voisin de
- Coulanges.--Visites qu'elle y reçoit.--Empressement de tous ses
- amis, de Pomponne, du cardinal de Retz, de la Rochefoucauld, de
- madame Scarron.--Sévigné quitte l'armée deux fois pour venir voir
- sa mère.--Mort du marquis de Maillane.--Nouvelle lutte qu'elle
- occasionne entre l'évêque de Marseille et madame de
- Grignan.--Madame de Sévigné invite madame de Grignan à venir avec
- son mari solliciter à la cour.--Madame de Grignan s'y
- refuse.--Madame de Sévigné se trouve chargée de combattre seule
- l'influence de l'évêque de Marseille auprès des ministres et du
- roi.--Louis XIV, alors en guerre avec presque toute l'Europe, se
- prépare à conquérir la Franche-Comté.--Il suffisait à
- tout.--S'interposait dans les affaires de sa famille et dans celles
- des grands de sa cour.--Il charge l'évêque de Marseille d'une
- négociation secrète pour la duchesse de Toscane.--Il s'inquiète de
- la rivalité de ce prélat avec le comte de Grignan.--Louis XIV
- allait nommer le candidat qui lui était présenté par ce prélat.--La
- nouvelle de la prise de la citadelle d'Orange le fait changer de
- résolution.
-
-
-En attendant que ses appartements fussent disposés pour la recevoir,
-madame de Sévigné descendit chez son cousin de Coulanges, rue du
-Parc-Royal[45]. Cette rue était voisine de celle de Saint-Anastase, où
-elle et le comte de Guitaud demeuraient. Elle espérait ainsi pouvoir
-être seule dans les premiers moments de son arrivée et cacher la
-faiblesse qu'elle avait de pleurer sans cesse en lisant les lettres
-qu'elle recevait de sa fille. Ces lettres lui ôtaient l'espoir de la
-revoir prochainement. Cette combinaison, heureusement pour elle, ne
-réussit point; il fallut, pour ne pas paraître ingrate, qu'elle se
-détournât de ses tristes pensées ou qu'elle dît que le vent lui avait
-rougi les yeux[46]. Depuis plusieurs jours on épiait son arrivée, et
-jamais flot plus nombreux de visiteurs et de visiteuses n'assaillit le
-logis de l'aimable chansonnier. Il dut à cette faveur que lui fit sa
-cousine le plaisir de voir sa femme, qui vint une des premières; puis
-ensuite, ensemble ou successivement, l'excellente sœur du marquis de la
-Trousse, mademoiselle de Meri[47], madame de Rarai[48], la comtesse de
-Sanzei[49], madame de Bagnols, l'archevêque de Reims (le Tellier),
-madame de la Fayette, M. de la Rochefoucauld, madame Scarron,
-d'Hacqueville, la Garde[50], l'abbé de Grignan, l'abbé Têtu, Pierre
-Camus, le gros abbé de Pontcarré[51], ami de d'Hacqueville, Brancas, de
-Bezons, la marquise d'Uxelles, madame de Villars et enfin M. de
-Pomponne, qui revint encore les jours suivants. L'amitié si vive et si
-constante que ce ministre avait témoignée pour M. et madame de Sévigné
-devenait d'autant plus précieuse à celle-ci qu'elle pouvait l'aider à
-soutenir la lutte où sa fille allait l'engager; aussi mettait-elle tous
-ses soins à lui plaire[52]. Pomponne trouvait dans son commerce avec
-cette femme spirituelle un délassement aux peines et aux soucis des
-affaires; il aimait à se rappeler surtout les heures de gaieté folâtre
-qu'il avait autrefois passées dans sa société[53].
-
- [45] DE COULANGES, _Chansons_, ms. autographe, p. 68. Le
- manuscrit des chansons de Coulanges, qui est à la Bibliothèque
- impériale, a 133 feuillets ou 266 pages.
-
- [46] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 novembre 1673), t. III, p. 204, édit.
- G.; t. III, p. 125, édit. M.
-
- [47] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 avril 1671 et 12 juillet 1673), t.
- III, p. 204, 214, 452; t. IV, p. 465, édit. G.--_Ibid._ (15, 18
- septembre et 10 novembre, 13 décembre 1679, 1er et 26 mai, 10
- juin 1680, 7 juillet 1682), t. IV, p. 94; t. V, p. 465; t. VII,
- p. 94, édit. G.; et t. II, p. 359; t. III, p. 149, 328; t. IV, p.
- 82, 251; t. V, p. 425 et 431; t. VI, p. 6, 21, 30, 66, 209, 238,
- 242, 249, 364, 368; t. VII, p. 38, édit. M.
-
- [48] Sur la famille Rarai ou Raray, voyez la 3e partie de ces
- _Mémoires_, p. 134.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p.
- 150.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 juillet 1639), t. VII, p. 142, édit.
- G.; t. VI, p. 401, édit. M.
-
- [49] Marie de Coulanges; voyez la 4e partie de ces _Mémoires_, p.
- 349.
-
- [50] Voyez la 3e partie de ces _Mémoires_, p. 129.
-
- [51] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 juin et 20 juillet 1671), t. II, p.
- 102-161, édit. G.--_Ibid._ (15 décembre et 25 octobre 1675), t.
- IV, p. 181 et 249.--_Ibid._ (19 juillet 1675), t. III, édit. G.,
- et t. IX, édit. M.
-
- [52] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 et 13 novembre 1673), t. III, p. 209,
- 220.
-
- [53] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 janvier 1674), t. III, p. 307, édit.
- G.; t. III, p. 210, édit. M.--Voyez la 2e partie de ces
- _Mémoires_, chap. VIII, p. 101, 2e édit.
-
-Peu de temps après son arrivée à Paris, madame de Sévigné vit aussi un
-grand nombre de personnages, les uns ses amis, les autres qu'elle était
-habituée à rencontrer dans le monde où elle était répandue. Plusieurs
-venaient des armées et devaient y retourner promptement; ils étaient
-attirés, par le retour du roi, à Paris et à Saint-Germain en Laye.
-C'étaient le prince de Condé, M. le Duc, son fils, la duchesse de
-Bouillon, le cardinal de Bouillon, la duchesse de Chaulnes, madame de
-Richelieu, Vivonne, madame de Crussol, la comtesse de Guiche[54], madame
-de Thianges, madame de Monaco, les Noailles, les d'Effiat, les
-Beuvron-Louvigny, le marquis de Villeroi, Charost et le chevalier de
-Buous, ce brave marin, cousin germain de M. de Grignan[55]; puis son
-excellent ami Corbinelli, et Barillon, et Caumartin, et Guilleragues,
-dont l'esprit était en possession d'électriser le sien; enfin madame de
-Marans, dont la sincère conversion et «l'_absorbée_ retraite» lui
-avaient été annoncées par une lettre de la marquise de Villars, qu'elle
-reçut à Grignan[56].
-
- [54] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 novembre 1673), t. III, p. 225, édit.
- G.--(22 janvier 1674), t. III, p. 323 et 324, édit. G.--(5
- février 1674), t. III, p. 335.
-
- [55] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27 novembre 1672), t. III, p.
- 243.--_Ibid._ (20 septembre 1671), t. II, p. 232, édit. G.--(4
- mai 1676), t. IV, p. 430, édit. G.
-
- [56] _Lettres inédites de madame de Sévigné, de sa famille et de
- ses amis, avec son portrait, vue et fac-simile_; Paris, Blaise,
- 1827, in-8º, p. 66, 67.--_Lettres de la marquise_ DE VILLARS,
- Paris, 25 août 1673; et _Lettres_ DE SÉVIGNÉ (15 janvier 1674),
- t. III, p. 289, édit. G.
-
-Cependant la guerre continuait et devait durer encore; mais les rigueurs
-de l'hiver mettaient quelque relâchement dans les opérations militaires
-et permettaient qu'on vînt prendre part, pendant de cours intervalles,
-aux plaisirs de la capitale et à ceux de la cour. Le baron de Sévigné
-lui-même quitta deux fois l'armée, et vint voir sa mère; mais il fut
-obligé de s'en séparer au bout de quelques jours et de repartir pour
-rejoindre son régiment. Madame de Sévigné se montra peu alarmée sur les
-périls auxquels son fils allait être exposé; elle disait plaisamment:
-«M. de Turenne est dans l'armée de mon fils, et les Allemands la
-redoutent.» Elle paraît aussi peu inquiète d'apprendre qu'une amourette
-arrête le jeune guidon des gendarmes à Sézanne et retarde son arrivée,
-«attendu, dit-elle, qu'elle sait qu'il ne peut être question de
-mariage[57].»
-
- [57] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 janvier 1674), t. III, p. 327, édit.
- G.--_Ibid._, t. III, p. 227, édit. M.
-
-
-Aux anciennes et nombreuses connaissances de madame de Sévigné s'en
-réunirent d'autres d'une date plus récente, qu'elle était obligée
-d'accueillir avec empressement par intérêt pour sa fille: telle était
-madame d'Herbigny, sœur de Rouillé, comte de Melai, intendant de
-Provence[58]; et Marin, qui venait d'être nommé premier président du
-parlement d'Aix, homme d'une physionomie agréable, aimable dans le
-monde, mais despote dans son intérieur, dur envers sa femme et auquel
-madame de Sévigné nous apprend qu'on avait donné le surnom de _cheval
-Marin_[59].
-
- [58] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 décembre 1673), t. III, p. 281, éd.
- G.
-
- [59] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (10 novembre 1673, 16 octobre 1675, 25
- septembre 1687), t. III, p. 217; t. IV, p. 159; t. X, p. 8, éd.
- G.
-
-De tous les amis que madame de Sévigné eut alors le plus de bonheur à
-revoir, ce fut le cardinal de Retz; car il aimait et admirait
-sincèrement dans madame de Grignan, qu'il avait vue naître et grandir,
-l'union des qualités essentielles que l'on apprécie dans les deux sexes:
-la beauté, le jugement et le savoir, l'énergie du caractère, l'orgueil
-du rang, une noble ambition, un esprit capable d'application dans les
-affaires et un penchant prononcé pour l'étude des plus hautes questions
-de la philosophie cartésienne, que Retz se plaisait à débattre.
-Non-seulement il conservait les lettres que madame de Grignan lui
-écrivait, mais il gardait des copies de celles qu'elle avait écrites à
-d'autres[60]. Aussi n'était-ce qu'à lui que madame de Sévigné osait
-révéler les secrets de toutes ses faiblesses pour sa fille, parce que
-lui seul savait la plaindre et compatir à ses maternelles douleurs.
-
- [60] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (10 juillet et 26 août 1675), t. III, p.
- 381 et 429, édit. M.--_Ibid._, t. III, p. 456, et t. IV, p. 56,
- édit. G.--Sur Pontcarré, auquel madame de Grignan écrivait,
- conférez encore SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 juin 1671), t. II, p. 204,
- édit. G.--_Ibid._ (15 décembre 1675), t. IV, p. 249, édit.
- G.--_Ibid._ (25 octobre 1675), t. IV, p. 181, édit. G.--(31 août
- 1689), t. IX, p. 94, édit. M.
-
-Bussy et Forbin-Janson se trouvaient aussi présents à Paris lors du
-retour de madame de Sévigné; mais ni l'un ni l'autre ne vint la voir. Le
-premier s'en abstint forcément par des motifs de prudence que nous
-ferons connaître[61]; le second ne pouvait, malgré le désir qu'il en
-avait, se livrer au plaisir qu'il aurait eu d'entretenir un commerce
-amical avec l'aimable belle-mère du comte de Grignan, puisqu'il était en
-hostilité ouverte avec ce dernier[62]. Ceci nous conduit à exposer les
-faits qui, cette année, marquèrent la lutte que Forbin-Janson eut à
-soutenir contre le lieutenant général gouverneur de Provence.
-
- [61] Conférez BUSSY-RABUTIN, _Suite de ses Mémoires_ (ms. de
- l'Institut), p. 42 à 57. (Lettres DE BUSSY, datées de Paris 16,
- 20, 22, 25 octobre, et 2, 26 décembre 1673.--Le 23 janvier 1674,
- Bussy écrit de Chaseu.)
-
- [62] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 novembre 1673), t. III, p. 206, édit.
- G.; t. III, p. 26, édit. M.
-
-Cette lutte, qui se renouvelait tous les ans, fut cette fois plus vive
-et plus animée[63], parce qu'un nouveau sujet de litige avait surgi
-entre le prélat et M. de Grignan, d'où dépendait l'influence de l'un ou
-de l'autre sur la Provence. Le marquis de Maillane de la Rousselle,
-procureur-joint de la noblesse, était mort[64]; il s'agissait de lui
-nommer un successeur. L'assemblée des communautés avait de droit la
-nomination à cette place; mais dans le fait l'assemblée choisissait
-toujours celui que désignait le gouverneur parmi les hauts dignitaires
-qui dirigeaient le mieux les délibérations et qu'on supposait le plus
-accrédité auprès du roi et de ses ministres. M. de Grignan voulait faire
-nommer son cousin, le marquis Pontever de Buous, frère de cette marquise
-de Montfuron dont madame de Sévigné était ravie, parce qu'elle était
-aimable, «et qu'on l'aimait sans balancer[65].» L'évêque de Marseille
-demandait qu'on lui préférât M. de la Barben, qui, l'année précédente,
-avait, comme courrier et à ses frais, porté au roi les délibérations des
-états et qui, d'ailleurs, avait été principal consul d'Aix et procureur
-du pays[66].
-
- [63] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 novembre 1673), t. III, p. 136, édit.
- M.; t. III, p. 218, 221, édit. G.
-
- [64] _Abrégé des délibérations prises en l'assemblée générale du
- pays de Provence_ tenue à Lambesc les mois de décembre 1673 et
- janvier 1674; Aix, in-4º (1680), p. 20 et 21.--EXPILLY, _Dict._,
- t. IV, p. 486.
-
- [65] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 déc. 1672), t. III, p. 124, édit. G.;
- t. III, p. 54, édit. M.
-
- [66] _Abrégé des délibérations_, etc., p. 21.
-
-Cette affaire, qui paraissait si peu importante au milieu des grands
-événements de la guerre et de la politique, embarrassait cependant Louis
-XIV et ses ministres. C'est qu'alors on était non-seulement
-très-préoccupé des dangers qui à l'extérieur menaçaient la France, mais
-encore attentif aux périls qui surgissaient à l'intérieur par l'effet du
-mécontentement des populations, accablées d'impôts, et d'une noblesse
-fière et brave, toujours prête à s'agiter sous le frein qui l'avait
-domptée. Les provinces maritimes, la Normandie, la Bretagne, la
-Gascogne[67], la Provence, plus exposées aux insultes des flottes
-ennemies, plus en proie aux intrigues et aux corruptions de l'étranger,
-étaient surtout assujetties à une active surveillance. C'est pour
-protéger les côtes de la Provence contre l'Espagne que Louis XIV, dès
-qu'il eut déclaré la guerre à cette puissance, nomma gouverneur des îles
-Sainte-Marguerite le comte de Guitaud. Le court séjour que madame de
-Sévigné fit à Bourbilly et à Époisses avait eu pour résultat un
-redoublement d'amitié et de confiance entre elle et le comte et la
-comtesse de Guitaud, dont on s'aperçoit facilement par les lettres qui
-nous restent de leur correspondance à partir de cette époque. Louis XIV
-suivait avec attention tout ce qui se passait en Provence, et ne
-dédaignait pas de chercher à concilier les prétentions rivales de
-Forbin-Janson et de Grignan. Lorsque Marin, récemment nommé premier
-président du parlement d'Aix, vint, avant de partir pour prendre
-possession de sa nouvelle charge, saluer le roi, Louis XIV lui dit:
-«Vous aurez d'étranges esprits à gouverner en Provence[68]!» Mais le
-choix de Marin n'était pas bon pour manier habilement l'esprit turbulent
-des Provençaux; il se fit détester de sa compagnie par sa servilité
-maladroite et par ses susceptibilités en fait de préséances[69].
-
- [67] Lettres de Sève à Colbert (22 août 1075).--DEPPING,
- _Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV_, 1851,
- t. II, in-4º, p. 201.
-
- [68] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (10 novembre 1673), t. III, p. 215, édit.
- G.; t. III, p. 133, édit. M.
-
- [69] Lettres du chancelier le Tellier à Marin, premier président
- (7 juillet 1682). Dans DEPPING, _Correspondance administrative
- sous Louis XIV_, t. II, p. 240.
-
-L'empereur, l'Espagne, le Danemark, la Hollande, toute l'Allemagne, hors
-les ducs de Bavière et de Hanovre, étaient alors ligués contre Louis
-XIV. Malgré le traité secret conclu avec Charles II en 1670[70],
-celui-ci avait été forcé par son parlement de se réunir aux Hollandais
-et de diriger toutes les forces navales de l'Angleterre contre la
-France[71]. A l'insuffisance de ses ressources en hommes et en argent
-contre une aussi formidable coalition Louis XIV opposa le génie de ses
-généraux et de ses ministres et son infatigable activité. Il aurait
-désiré faire consentir l'Espagne à déclarer la neutralité de la
-Franche-Comté demandée par les Suisses; mais l'Espagne ne le voulut pas.
-A l'exception de Maestricht et de Grave, Louis XIV avait sagement
-abandonné ses conquêtes en Hollande; et, en concentrant ses forces, il
-était parvenu, avec des armées inférieures en nombre, à repousser
-partout ses ennemis; au nord comme au midi, il avait accru la gloire de
-ses armes[72]. Ce qui lui restait de troupes devait être employé à la
-conquête de la Franche-Comté, à laquelle il voulait marcher en
-personne[73].
-
- [70] LINGARD, _History of England_, 4e édit., t. XII, p. 369.--Ce
- traité fut conclu le 22 mars 1670.
-
- [71] TEMPLE, _Mémoires_, vol. LXIV, p. 37, 40, 46.
-
- [72] LOUIS XIV, _Œuvres_ (_Mém. militaires_, 1673, 1674, 1675),
- t. III, p. 303, 532.--RAMSAY, _Histoire du vicomte de Turenne_,
- édit. 1773, in-12.--_Mémoires du vicomte de Turenne_, t. III, p.
- 309 à 443.--_Histoire_, t. II, liv. VI, p. 241 à 360.--L'abbé
- RAGUENET, _Histoire du vicomte de Turenne_ (1738, in-12, liv. V
- et VI), t. II, p. 49, 220.--DESORMEAUX, _Histoire de Louis II,
- prince de Condé_, 1769, in-12, t. IV, liv. IX, p. 337 à 427.
-
- [73] LOUIS XIV, _Å’uvres_ (fragment sur la campagne de 1674;
- Siége de Besançon; Précis de la conquête de Franche-Comté), t.
- III, p. 453, 459, 473.
-
-Les provinces maritimes, que ne pouvaient protéger suffisamment des
-escadres trop faibles, étaient livrées aux dangers des incursions
-désastreuses. Les gouverneurs qui y commandaient, par leur bravoure,
-leurs talents militaires et leur influence personnelle, pouvaient seuls
-les défendre contre l'invasion, en faisant un appel au zèle et au
-patriotisme des nobles pour la défense du pays. Louis XIV le savait, et
-il mit à profit ce moyen en Guyenne[74], en Bretagne et en Normandie.
-Alors il se vit forcé par la nécessité de donner plus de puissance aux
-gouverneurs des provinces menacées; mais ce ne pouvait être au point de
-nuire à sa propre autorité et de détruire l'œuvre de Richelieu, qui
-avait institué les intendants pour amoindrir le pouvoir des gouverneurs,
-devenu redoutable pour la couronne. Rouillé, intendant de la Provence,
-dont madame de Grignan disait «que la justice était sa passion
-dominante[75],» s'accordait assez bien avec le gouverneur et ménageait
-cette puissante maison de Grignan. Néanmoins, quand le comte de Grignan
-réclamait des gardes et des accroissements d'attribution ou
-d'appointements, Rouillé devenait tout naturellement son antagoniste,
-et, dans l'intérêt de sa charge et de ses propres prérogatives, il
-s'opposait aux prétentions du lieutenant général gouverneur. C'est
-pourquoi madame de Sévigné n'avait pu faire consentir cet intendant à
-favoriser les demandes de son gendre pour ce qui concernait le payement
-des gardes et des courriers: Rouillé s'était rangé, pour ces questions,
-du côté de l'évêque de Marseille. Mais il ne se trouvait pas dans les
-mêmes conditions pour le remplacement du procureur du pays-joint pour la
-noblesse dans l'assemblée des communautés. Rouillé, homme de robe,
-quoique ayant le titre de comte de Melay, était de cette caste
-intermédiaire entre la roture et la haute noblesse, et il avait intérêt
-à ménager celle-ci dans tout ce qui ne pouvait pas entraver les devoirs
-dont sa charge l'obligeait de s'acquitter. Lorsqu'il s'agissait de faire
-donner la préférence à un roturier sur un noble pour une place
-auparavant occupée par un noble, on espérait que Rouillé se mettrait du
-parti de M. de Grignan, et non de celui de l'évêque de Marseille. C'est
-par ce motif que madame de Sévigné s'était empressée de cultiver la
-société de madame d'Herbigny[76], sœur de la femme de l'intendant,
-alors à Paris. Elle l'avait charmée par son esprit, et était parvenue à
-la mettre dans le parti de M. de Grignan. Caumartin, ami de madame de
-Sévigné et de sa fille, avait été gagné sans peine. Il en fut de même du
-premier président nouvellement nommé, de Marin, «cet homme qui met le
-bon sens et la raison partout,» dit madame de Sévigné, toujours disposée
-à louer ceux qui agissent selon ses désirs. Quoique circonvenu et
-entouré par tant d'influences, Louis XIV n'aurait pas hésité à préférer
-au protégé de M. de Grignan celui de l'évêque de Marseille.
-Forbin-Janson avait donné au roi des preuves de son habileté, de sa
-prudence, de sa discrétion dans des affaires secrètes et intimes qu'il
-avait l'habitude de traiter avec lui, par lui-même et sans
-intermédiaire.
-
- [74] GRAMMONT, _Mémoires_, vol. LVII, p. 96, 99 (1674).--SÉVIGNÉ,
- _Lettres_ (avril 1674, au comte de Guitaud), t. III, p. 339,
- édit. G.
-
- [75] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 décembre 1673), t. III, p. 280, édit.
- G.; t. III, p. 188, édit. M.
-
- [76] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 décembre 1673), t. III, p. 281, édit.
- G.; t. II, p. 188, édit. M.
-
-Ce roi qu'on a si souvent représenté comme uniquement occupé de sa seule
-personne et subissant l'influence de ses ministres, de ses maîtresses et
-de ses serviteurs se mêlait de tout, intervenait dans tout, réglait
-tout, entrait dans les détails des susceptibilités d'amour-propre et de
-rang de ses maréchaux et de ses généraux, se livrait à toutes les
-enquêtes nécessaires pour distribuer de la manière la plus avantageuse
-les commandements de ses armées et les plus hautes fonctions de
-l'État[77]. Dans ses palais, dans sa famille rien ne se faisait sans son
-ordre direct. Le fier Montausier, voulant transporter le jeune Dauphin
-confié à ses soins dans une habitation plus salubre et lui donner un
-confesseur, ne l'osa pas sans avoir été approuvé par le jeune roi, qui
-lui désigna un prêtre de son choix[78]. La belle duchesse de Mazarin
-espérait que, pour la protéger contre son mari, Louis XIV suspendrait
-l'autorité des lois, et afin de l'y engager elle fit intervenir en vain
-le roi d'Angleterre, la reine de Portugal et toutes les femmes qui
-pouvaient exercer quelque influence sur le tout-puissant monarque[79].
-
- [77] Le duc DE NAVAILLES et DE LA VALETTE, _Mémoires_, Paris,
- 1701, in-12, p. 278 (année 1673).
-
- [78] LOUIS XIV, _Œuvres_ (lettres au duc de Montausier, 13 août,
- 2 octobre 1673, 23 mai 1675, 11 mars 1677, 2 et 23 mai 1698), t.
- V, p. 310, 515, 532, 559, 575.
-
- [79] LOUIS XIV, _Œuvres_ (lettre au roi d'Angleterre, 17 février
- 1668), t. V, p. 547.
-
-C'est encore à Louis XIV que sa cousine la duchesse de Toscane
-s'adressait pour que le grand-duc, qu'elle n'aimait pas et qu'elle
-voulait quitter, eût plus d'indulgence pour elle et de meilleurs
-procédés[80]. Louis XIV avait envoyé à Florence l'évêque de Marseille
-pour cette négociation confidentielle, et l'évêque n'en rendit compte
-qu'à lui seul. Louis XIV ne voulait pas mécontenter le prélat
-relativement aux affaires de Marseille ni être injuste. Avant de se
-prononcer, il témoigna le désir que l'évêque et M. de Grignan se missent
-d'accord sur le choix à faire du procureur-joint de la noblesse.
-Forbin-Janson, plutôt pour complaire au monarque et à ses ministres que
-par inclination, fit quelques concessions; il promit d'être favorable
-dans l'assemblée des états à la demande ordinaire de Grignan pour la
-somme de cinq mille livres de la solde des gardes, et de celle de trois
-mille livres pour frais de courrier. Madame de Sévigné et bon nombre de
-ses amis, et même, parmi les Grignan, l'imposant suffrage de
-l'archevêque d'Arles, étaient pour la conclusion de la paix à ce prix.
-M. de Grignan se serait volontiers rangé aussi à cette opinion; mais
-madame de Grignan s'y opposa. Elle abhorrait l'évêque de Marseille, et
-elle comprenait très-bien que la considération de son mari et
-l'ascendant du gouverneur sur les nobles de province dépendaient du
-succès de la lutte engagée contre le prélat. En cela elle voyait juste.
-Si Forbin-Janson parvenait à faire nommer un homme de son choix, un
-roturier, c'en était fait de l'autorité dont jouissait le gouverneur, de
-l'affection que la noblesse avait pour lui et du respect qu'elle lui
-portait. Madame de Grignan ameuta donc tous ses amis de Provence et tous
-ceux de Paris et de la cour contre l'évêque de Marseille. Elle le
-représenta sous les plus noires couleurs; selon elle, c'était un prélat
-ambitieux, brouillon, hypocrite, ennemi de la noblesse et cherchant à
-nuire sous les apparences de l'aménité, de la charité et de la justice.
-
- [80] Conférez _Histoire de la vie et des ouvrages de Jean de la
- Fontaine_, 3e édit., 1824, in-8º, p. 151 à 154.--LOUIS XIV,
- _Œuvres_ (lettres à la princesse de Toscane, 3 octobre 1662, 28
- mars 1664, 23 novembre 1665, 29 octobre 1669), t. V, p. 98, 172,
- 333, 458. (22 août et 6 décembre 1673), t. V, p. 511 et
- 518.--MONTPENSIER, _Mémoires_, 1674, t. XLIII, p. 373.
-
-Elle écrivit à ce sujet à sa mère, à d'Hacqueville, à Caumartin, aux
-Grignan présents à la cour. Elle les persuada tous d'autant plus
-facilement que l'évêque de Marseille, soit parce que c'était sa
-conviction, soit parce qu'il était révolté qu'on prêtât à ses actions et
-à ses paroles des motifs indignes de lui, cherchait à faire croire que
-Grignan, par paresse et par incapacité, ne s'acquittait qu'avec
-négligence des fonctions de sa charge. Madame de Grignan poussait le
-désir d'assurer son triomphe dans l'assemblée des communautés jusqu'à
-vouloir que le comte de Grignan ne demandât aucune allocation d'argent
-pour les gardes et le courrier, afin d'ôter à l'évêque de Marseille
-l'occasion de se populariser en s'y opposant. C'était aussi l'avis de
-Guitaud, qui s'était rangé du parti de madame de Grignan; et en effet
-cette manière de procéder se présentait sous une apparence noble et
-digne. Mais ce n'était pas là le compte de M. de Grignan, qui avec
-raison pensait que, par l'effet de cette renonciation, il reconnaîtrait
-en même temps qu'en qualité de lieutenant général gouverneur il n'avait
-pas le droit d'avoir des gardes. Fier et généreux jusqu'à la
-prodigalité, il songeait à se laisser allouer encore la somme de cinq
-mille francs et à en faire ensuite la remise à l'assemblée, comme étant
-insuffisante pour la dépense des gardes qu'il demandait[81]. Ces
-résolutions de son gendre et de sa fille effrayaient madame de Sévigné,
-qui ne pouvait penser[82] sans une mortelle inquiétude au grand train de
-maison du gouverneur de Provence, à ses fêtes, à ses festins, à son jeu,
-dépenses jugées indispensables pour soutenir la splendeur du rang qu'il
-occupait. Madame de Grignan se montrait à cet égard sourde aux
-remontrances d'une mère sage et prévoyante.
-
- [81] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (14 octobre 1674), t. III, p. 357, édit.
- G. (Lettre du comte de Grignan au comte de Guitaud. A la page
- 359, au lieu de: les cent mille francs, lisez: les cinq mille
- francs.)
-
- [82] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 août 1673), t. IX, p. 93 et 94, édit.
- M.
-
-Madame de Sévigné désirait surtout que sa fille vînt elle-même à la cour
-plaider sa cause. Sans doute le désir de la posséder entrait pour
-beaucoup dans l'insistance qu'elle mettait à la persuader; mais elle
-croyait sincèrement que la vue d'une femme si belle, si considérée, qui
-parlait admirablement le langage des affaires était de nature, dans
-cette cour galante, à affaiblir l'influence de l'évêque de Marseille et
-à dissiper tous les nuages qu'il avait répandus sur la réputation du
-lieutenant général gouverneur. Elle voulait d'ailleurs que M. de Grignan
-accompagnât sa femme pour mieux contre-balancer par sa présence à la
-cour celle de Forbin-Janson. Elle pensait que le lieutenant général
-gouverneur pourrait retourner ensuite en Provence pour la tenue des
-états, en lui laissant sa fille comme soutien de ses intérêts pendant
-cet intervalle de temps. Afin de forcer madame de Grignan à suivre ses
-conseils, madame de Sévigné disait que l'abbé avait décidé qu'il était
-pressant pour elle de rendre son compte de tutelle à ses enfants, et
-que, par cette raison, la réunion de son fils et de sa fille à Paris
-était d'une indispensable nécessité. A ce plan madame de Grignan
-opposait, avec juste raison, l'énorme accroissement de dépenses
-qu'occasionnerait au gouverneur de la Provence un voyage à Paris, pour
-paraître convenablement à la cour. Elle disait que, dans les
-circonstances critiques où se trouvait le royaume et durant une guerre
-aussi acharnée, M. de Grignan pourrait difficilement obtenir un
-congé[83]; et que, s'il l'obtenait, il serait blâmé d'abandonner les
-intérêts du roi et du pays pour jouer le rôle de solliciteur à Paris et
-celui de courtisan à Versailles et à Saint-Germain. En outre, à mesure
-que l'on approchait le plus de l'époque où devait se réunir l'assemblée
-des communautés, il était essentiel pour madame de Grignan qu'elle
-restât en Provence, afin de concilier par elle-même et par ses
-adhérents, en faveur du parti des Grignan, les suffrages des membres de
-cette assemblée. Ces raisons étaient excellentes; et madame de Sévigné
-devait d'autant plus se rendre à leur évidence, que sa fille lui
-promettait d'aller la rejoindre après la tenue de l'assemblée et lorsque
-seraient terminées des affaires qui en étaient la suite. Madame de
-Sévigné aurait ressenti moins de répugnance et de douloureux regrets à
-reconnaître la vérité des motifs allégués par sa fille, si celle-ci
-avait montré plus de sympathie pour ses maternelles faiblesses, et si
-elle n'avait pas blessé son cœur par le pédantisme de ses remontrances
-et par les bouffées de sa philosophie raisonneuse[84].
-
- [83] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (10 novembre 1673), t. III, p. 214-15,
- édit. G.; t. III, p. 132, édit. M.
-
- [84] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 décembre 1673), t. III, p. 279, édit.
- G.; t. III, p. 131, édit M.
-
-
-Par ses lettres madame de Grignan était parvenue à faire partager à sa
-mère une partie de son aversion[85] contre l'évêque de Marseille; et,
-pour le combattre, madame de Sévigné se mit à l'œuvre avec toute
-l'activité dont elle était redevable à sa nature vive et passionnée. Sa
-fille, dont elle admirait, tout en la blâmant, la fierté et la fermeté,
-la portait à ne négliger aucun moyen pour la réussite d'une affaire où
-la dignité de son gendre était si fortement engagée; et, plus que
-jamais, elle mérita le titre que lui donnait le comte de Grignan, qui
-l'appelait _son petit ministre_[86]. Elle agit sur l'esprit du monarque
-par madame de Montespan[87], par Marsillac, la Rochefoucauld[88]; et sur
-Colbert par Marin, premier président d'Aix, dont la famille était alliée
-à celle de ce ministre. Par madame de Coulanges elle aurait pu s'assurer
-de Louvois; mais madame de Coulanges n'était pas bien alors avec son
-cousin. Madame de Sévigné dut employer l'archevêque de Reims et le père
-de Marin[89], ainsi que d'autres personnages qui entouraient ce
-ministre; mais Louvois poussait toujours Louis XIV aux mesures
-despotiques, et il ne cessait de l'occuper des moyens propres à anéantir
-ce qui restait encore de franchises aux villes et aux pays d'états.
-D'ailleurs il suffisait que Pomponne se fût fortement déclaré en faveur
-de M. de Grignan contre l'évêque de Marseille[90] pour que Louvois ne
-lui fût pas favorable: ce fut beaucoup que d'obtenir qu'il ne lui serait
-pas contraire[91]. Malgré le grand nombre de personnes qui
-s'intéressaient à madame de Sévigné et à sa fille, tant à la cour qu'en
-Provence, il paraît certain que Louis XIV aurait refusé de s'opposer à
-ce que l'évêque de Marseille eût la liberté d'user comme il le voulait
-de sa légitime influence sur l'assemblée des communautés si un événement
-militaire n'avait pas donné occasion au comte de Grignan de prouver
-combien la noblesse de Provence lui était attachée, et n'avait pas
-engagé le roi à adopter l'avis de ses ministres en favorisant la
-nomination du parent du comte de Grignan. Comme cet événement, trop
-négligé par nos historiens et honorable pour M. de Grignan, a un intérêt
-historique, nous allons le faire connaître à nos lecteurs.
-
- [85] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 janvier 1674), t. III, p. 323, édit.
- G.--_Ibid._ t. III, p. 224, édit. M.--_Ibid._ (4 déc. 1673), t.
- III, p. 249, édit. G.
-
- [86] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 février 1672), t. II, p. 392, édit.
- G.; t. II, p. 333, édit. M.
-
- [87] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1673), t. III, p. 258-262,
- édit. G.
-
- [88] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 novembre 1673), t. III, p. 222, édit.
- G.
-
- [89] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (10, 12 et 27 novembre 1673), t. III, p.
- 217, 220 et 243, édit. G.--_Ibid._ (4 décembre 1673), t. III, p.
- 246 et 247, édit. G.--PELLISSON, _Lettres historiques_, in-12, t.
- II, p. 73.
-
- [90] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 décembre 1673), t. III, p. 247, édit.
- G.
-
- [91] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 et 20 novembre 1673), t. III, p. 227,
- 228, édit. G.--_Ibid._ (24 décembre 1673), t. III, p. 277.
-
-
-
-
-CHAPITRE III.
-
-1673-1674.
-
- Détails sur la principauté d'Orange.--De ceux qui la
- possédèrent.--Le comte d'Hona, dernier gouverneur.--Mazarin la fait
- saisir.--Il fait démolir les fortifications de la ville
- d'Orange.--Cette principauté est donnée à la comtesse d'Auvergne
- par Louis XIV, qui ordonne au comte de Grignan de s'en emparer et
- d'assiéger la citadelle d'Orange.--Bercoffer, gouverneur de cette
- citadelle, veut se défendre.--Diverses allégations faites à madame
- de Sévigné, qui craint les résultats de ce siége.--Grignan est
- suivi de toute la noblesse.--Il attaque la citadelle d'Orange, qui
- se rend le 12 novembre.--Grignan la fait démolir.--Joie de madame
- de Sévigné en apprenant la prise de cette citadelle.--Ouverture de
- l'assemblée des communautés de Provence.--Discours de
- l'intendant.--Réponse de l'évêque de Marseille.--Don gratuit
- accordé.--Lutte entre le comte de Grignan et l'évêque de
- Marseille.--Une lettre de Colbert à l'évêque de Marseille l'oblige
- de céder.--Le marquis de Buous est nommé procureur du
- pays-joint.--Les 5,000 livres sont accordées par l'assemblée au
- comte de Grignan.--Opposition de l'évêque de Marseille et de
- l'évêque de Toulon à ce vote.--Colbert écrit encore à l'évêque de
- Marseille, et l'opposition est levée.--Félicitations et réflexions
- de madame de Sévigné sur ce double triomphe.--Ouverture des états
- de Bretagne.--Deux membres arrêtés pour avoir fait de l'opposition;
- ils sont rendus.--On abolit les édits oppresseurs, mais on double
- les impositions.--Le marquis de Coëtquen reproche à d'Harouis ses
- richesses et la ruine de la Provence.--La duchesse de Rohan, aïeule
- de Coëtquen, le rappelle à Paris, et l'entrée des états lui est
- interdite.--Madame de Sévigné approuve cet acte.--Le duc de
- Chaulnes repousse les ennemis des côtes de Bretagne.
-
-
-A quinze lieues de la mer et des côtes de Provence, dans le département
-qui a reçu le nom poétique de Vaucluse, s'étend, borné par le Rhône à
-l'ouest, le petit pays dont Orange est la capitale. Il n'a que cinq
-lieues de long sur quatre de large. Le nombre de ses habitants, au temps
-de Louis XIV, n'a jamais dû excéder douze mille[92], et la ville
-d'Orange, célèbre par plusieurs conciles, en renfermait plus de la
-moitié. Placé entre le Languedoc et le comtat Venaissin, la Provence et
-le Dauphiné, par le grand nombre de monuments et de constructions
-antiques que le temps a respectés, ce riant canton de la France est
-comme un fragment de la classique Italie transporté dans la Gaule. Riche
-par l'industrie de ses habitants, par ses vignes, sa garance, son
-safran, qui revêt ses plaines d'une teinte violette, il a, depuis les
-temps les plus reculés, formé un État indépendant. Néanmoins les rois de
-France le considéraient[93] comme un fief de la Provence ou du Dauphiné,
-et, à titre de dauphins ou de comtes de Provence, ils prétendaient en
-être les premiers souverains; mais les princes d'Orange ne
-reconnaissaient pas cette prétention[94], et leurs droits étaient depuis
-longtemps établis par des traités.
-
- [92] EXPILLY, _Dictionnaire des Gaules et de la France_, t. V, p.
- 304 à 314.--J. CONVENENT, ci-devant pasteur de la maison de Sa
- Majesté Britannique Guillaume III, _Histoire abrégée des
- dernières révolutions arrivées dans la principauté d'Orange_;
- Londres, chez Robert Roger, 1704, in-12, chap. I, p. 5, 6.
-
- [93] Conférez l'abbé D'EXPILLY, _Dictionnaire des Gaules et de la
- France_, t. V, p. 315. Il cite du Tillet en son Recueil des
- barons et pairs de France, Bodin, de la République, livre I, ch.
- 9, et Nostradamus, Histoire de Provence, partie 4, sur l'année
- 1330.
-
- [94] P. DUVAL, géographe de Sa Majesté, _la France depuis son
- agrandissement par conquêtes du roy_; 1680, in-12, p. 258.--J.
- CONVENENT, _Histoire des diverses révolutions arrivées dans la
- principauté d'Orange_; Londres, 1704, in-8º.--Madame DUNOYER,
- _Mémoires_, dans les _Lettres histor. et galantes_, t. VIII, p. 9
- et 10.--_L'Art de vérifier les dates_, 3e édit., 1784, in-folio,
- p. 453.
-
-
-On comptait, depuis sept siècles, quatre dynasties des princes d'Orange.
-La dernière était celle des princes de Nassau, qui possédait cette
-principauté depuis cent cinquante ans. A ce titre elle fut, en 1650,
-transmise par héritage à Guillaume III[95], qui, à l'époque dont nous
-traitons, était le grand ennemi de Louis XIV, et commandait les troupes
-de la majeure partie des puissances coalisées contre lui. Peu après
-l'époque de la naissance de Guillaume, sa mère, la princesse royale,
-fille de Charles Ier, qui espérait l'appui de la cour de France, où ses
-deux frères Charles et Jacques II (le duc d'York) s'étaient réfugiés,
-conclut un traité qui permettait à Louis XIV de se mettre en possession
-de la principauté d'Orange et qui stipulait que, dans le cas où le roi
-pour cette prise de possession serait obligé d'employer la force, et
-qu'il consentît ensuite à la rendre, il pourrait préalablement faire
-raser les fortifications de la capitale. Mazarin, en vertu de ce traité,
-fit résoudre dans le conseil que l'on se saisirait de la ville d'Orange
-et de la citadelle. Le maréchal Duplessis-Praslin fut chargé de cette
-expédition. Il préleva sur les plus riches protestants de Nîmes un impôt
-qui fut destiné à payer le comte d'Hona, gouverneur d'Orange[96].
-
- [95] Guillaume-Henri de Nassau.
-
- [96] J. CONVENENT, _Abrégé des diverses révolutions_, p.
- 8.--_Relation de ce qui se passa dans le rasement du château
- d'Orange et de ses fortifications, par ordre du roi de France
- surnommé le Grand_ (manuscrit du cabinet de M. Aubenas), p. 24 à
- 240.
-
-D'Hona, après une faible résistance, rendit la ville et la citadelle au
-maréchal Duplessis-Praslin, qui, après avoir fait transporter tous les
-canons et les munitions de guerre dans la citadelle, y mit une garnison
-de cinq cents hommes. Duplessis alla ensuite rejoindre le cardinal
-Mazarin à Saint-Jean-de-Luz. Un ingénieur fut envoyé à Orange pour
-diriger le travail de la démolition des fortifications. Cette
-destruction de leurs remparts et ce changement de domination désolèrent
-les habitants et en firent fuir un grand nombre[97]. «Ce fut là, dit le
-pasteur de la maison de Guillaume III, le premier échec que reçut la
-ville d'Orange; il fit perdre à cette ville tout le lustre qu'elle avait
-sous le gouvernement du comte d'Hona, seigneur libéral, civil et
-magnifique, qui, tenant une cour aussi leste que celle des princes
-d'Orange eux-mêmes, y attirait une foule d'étrangers de toutes les
-nations, et la rendait un des plus agréables séjours de la France[98].»
-
- [97] _Lettre écrite d'Orange, le 25 juillet 1712, à M. le baron
- de Roays_, par l'abbé ***, chanoine de la cathédrale (manuscrit
- de M. Aubenas).
-
- [98] J. CONVENENT, _Histoire abrégée des dernières révolutions
- d'Orange_; 1704, in-8º, chap. II, p. 8. La démolition eut lieu en
- janvier et en février.
-
-Après le décès de la princesse royale, la princesse douairière, veuve de
-Frédéric-Henri de Nassau et grand'mère de Guillaume III, eut la libre
-jouissance de l'administration des biens de son petit-fils. La
-principauté d'Orange rentra ainsi, en 1665, sous la domination
-hollandaise[99]. On fit alors de grandes réjouissances dans toute la
-principauté; les festins, les fêtes durèrent huit jours. Les temples
-protestants furent rouverts, et la foule vint entendre les prédications
-des ministres. Dans la ville d'Orange les fenêtres furent toutes
-illuminées, et des lampions de couleur y figuraient partout le chiffre
-du prince.
-
- [99] J. CONVENENT, _Hist. abrégée des dernières révolutions
- d'Orange_; 1704, in-8º.--_Relation_, etc. (manuscrit d'Aubenas),
- p. 261.
-
-Dans le mois de janvier 1673, Guillaume ayant fait confisquer le
-marquisat de Berg-op-Zoom et d'autres lieux qui appartenaient au comte
-d'Auvergne du chef de sa femme, Louis XIV fit don de la principauté
-d'Orange au comte d'Auvergne, et ordonna au comte de Grignan de s'en
-emparer de vive force si celui qui y commandait voulait résister[100].
-
- [100] _Manuscrit d'Aubenas_, p. 269.--J. CONVENENT, _Hist.
- abrégée des dernières révolutions_, chap. II, p. 10.--_Recueil
- des Gazettes de l'année 1673_, in-4º, janvier et décembre 1673,
- p. 48.
-
-Dire au comte de Grignan de se rendre maître de ce pays d'Orange,
-c'était l'envoyer à la conquête du berceau de son illustre maison et le
-ramener dans la patrie de ses ancêtres; car il était historiquement
-prouvé que le premier comte propriétaire d'Orange fut Giraud-Adhémar IV,
-auquel l'empereur Frédéric Ier, comme suzerain de l'ancien royaume
-d'Arles, accorda l'investiture des seigneuries de Monteil et de Grignan.
-C'est du nom de Monteil-Adhémar que, par corruption, est venu celui de
-la ville de Montélimar[101].
-
- [101] Dom CLÉMENT, _Art de vérifier les dates_; 1784, édit.
- in-folio, t. II, p. 448.--AUBENAS, _Notice historique sur la
- maison de Grignan_, dans l'_Histoire de madame de Sévigné_; 1842,
- in-8º, p. 523.
-
-Le comte de Grignan se porta avec un grand zèle à l'exécution de l'ordre
-qu'il avait reçu.
-
-Un Hollandais, nommé Berkoffer, était depuis sept ans, pour Guillaume,
-gouverneur de la principauté d'Orange; il refusa de se soumettre aux
-injonctions du comte de Grignan, et, avec le petit nombre de soldats
-qu'il avait à sa disposition, il se retira dans la citadelle, et parut
-déterminé à se défendre à outrance. Le bruit courait que Berkoffer
-avait deux cents hommes avec lui, et l'on savait qu'il ne manquait ni de
-canons ni de munitions[102]. Grignan se vit donc dans la nécessité
-d'entreprendre un siége; et cependant Louvois s'était refusé à lui
-envoyer les troupes et l'artillerie nécessaires pour une telle
-entreprise. Ce fut pour madame de Sévigné une cause d'inquiétude et
-d'angoisses. Elle redoutait les dangers, et s'affligeait de la dépense;
-et si son gendre ne réussissait pas, elle voyait le triomphe de l'évêque
-de Marseille assuré: toutes les négociations conduites avec tant de
-labeur et d'adresse pour faire nommer le marquis de Buous devaient
-échouer alors infailliblement. Les uns épouvantaient madame de Sévigné
-en exagérant les difficultés du siége; les autres la rassuraient et même
-la raillaient sur le peu de fondement de ses craintes. De Guilleragues,
-
- Esprit né pour la cour et maître en l'art de plaire[103],
-
-ne tarissait pas sur ce sujet. Selon lui[104], il ne fallait que des
-pommes cuites pour venir à bout de ce siége. C'était un duel entre
-Berkoffer et Grignan; donc il fallait couper le cou à Grignan, parce
-qu'il enfreignait les ordonnances contre les duels; et lui,
-Guilleragues, déjà demandait sa charge. Mais le marquis de Gorze, grand
-sénéchal de Provence, et de Vivonne prétendaient au contraire que le
-siége d'Orange serait long; qu'il était plus difficile qu'on ne
-croyait; que la citadelle était entourée de bons fossés, bien pourvue de
-canons, et avait des forces suffisantes pour faire une vive défense;
-qu'enfin M. de Grignan, avec sa petite troupe, avait tort d'entreprendre
-de forcer le gouverneur. Le duc d'Enghien et la Rochefoucauld assuraient
-qu'il ne réussirait pas[105]; que l'attaque d'une place de guerre
-exigeait des connaissances militaires spéciales, dont Grignan était
-dépourvu.
-
- [102] J. CONVENENT, _Histoire abrégée_, p. 10, chap.
- II.--_Manuscrit d'Aubenas_, p. 261 et 267.
-
- [103] Boileau, épître V, t. I, p. 320 à 321, édit. de Saint-Marc,
- 1747.
-
- [104] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 et 24 novembre 1673), t. III, p. 233
- et 234, 236 et 237, édit. G.; t. III, p. 148 et 149, édit. M.
-
- [105] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 novembre 1673), t. III, p. 237,
- édit. G.; t. III, p. 148 et 149, édit. M.--Conférez encore,
- _ibid._ (2, 6, 17, 19, 27 novembre et 1er décembre 1673), t. III,
- p. 207, 211, 224, 227, 241, édit. G., et t. III, p. 126, 127,
- 131, 140, 143, 145, 151, 155, édit. M.
-
-Tandis qu'on tenait ces discours, le comte de Grignan, quoiqu'il fût
-saisi de la fièvre[106], ne se laissa pas décourager. Le ministre ne lui
-donnait ni argent ni soldats. Il fit prier cinq cents gentilshommes de
-la province de venir le joindre. Pas un ne refusa de répondre à son
-appel. Plusieurs nobles du comtat d'Avignon vinrent à sa rencontre sans
-avoir été convoqués: marque de sympathie qui le toucha vivement. Ainsi,
-à la tête d'environ sept cents cavaliers et de deux mille soldats des
-galères, qu'il avait commandés, Grignan se mit en marche le 31 octobre,
-et arriva le 2 novembre devant Orange avec sa petite armée, munie de
-quelques canons.
-
- [106] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 novembre 1673), t. III, p. 205, édit.
- G.; t. III, p. 126, édit. M.
-
-Il commença aussitôt le siége de la citadelle. On remplit les fossés
-avec des fagots et des mannequins fournis par la ville d'Orange, d'après
-les réquisitions faites aux magistrats[107]. Berkoffer voulut en vain
-s'opposer aux travaux des assiégeants par quelques volées de canon. Deux
-gentilshommes, le marquis de Briancour et M. de Roays, se distinguèrent
-par leur bravoure.
-
- [107] _Relation de tout ce qui se passa dans le rasement du
- château d'Orange_, ms. d'Aubenas, p. 272-276.
-
-Le 12 novembre la tranchée fut ouverte, et le comte de Grignan ordonna
-l'assaut. Le marquis de Barbantane[108], d'une valeur romanesque, selon
-madame de Sévigné, et M. de Ramatuelle commandaient l'escadron des
-nobles destinés à soutenir les soldats qui étaient sur la tranchée.
-Après que le comte de Grignan eut fait tirer deux décharges de canon,
-Berkoffer fit battre la chamade[109], et M. de Beaufin fut admis dans la
-place. Le gouverneur promit de se rendre le 17, et l'on donna des otages
-de part et d'autre. Berkoffer avait assez d'artillerie pour faire
-acheter cher le triomphe aux assiégeants; mais il eût fallu abîmer la
-ville, ruiner ses amis: il aima mieux se rendre.
-
- [108] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 janvier 1674), t. III, p. 300, édit.
- G.
-
- [109] _Relation_, etc., ms. d'Aubenas, p. 277.--_Mémoires
- historiques et galants de madame_ DUNOYER, t. VIII, p. 12 à 17.
-
-Le 18 novembre (1673), la garnison sortit de la citadelle sans aucune
-marque d'honneur; elle se composait de trente et un hommes; tous eurent
-la liberté d'emporter ce qui leur appartenait. Berkoffer se retira en
-Hollande avec sa famille[110].
-
- [110] _Relation_, etc., p. 279.
-
-Le comte de Grignan fit démanteler la citadelle deux jours après son
-entrée; il y trouva douze canons de trente-six de balles de bronze,
-quarante petites pièces de campagne, deux coulevrines et onze autres
-pièces de moyen calibre, sept cents mousquets, deux cents fusils, des
-piques, des mousquetons, des obus, douze mille livres de poudre: il y
-avait de quoi armer une garnison de quatre mille hommes.
-
-Huit jours après la reddition de la citadelle d'Orange, le comte de
-Grignan, conformément aux ordres qu'il avait reçus du roi, fit
-travailler à la démolition entière de la citadelle; mais ce travail ne
-put être terminé que dans le mois de mai suivant (1674). Le puits, qui
-avait 83 toises de profondeur et 30 de circonférence, fut comblé.
-
-Le comte de Grignan s'était retiré aussitôt après avoir vu commencer la
-démolition de la place, et avait laissé la direction des travaux à
-Lausier[111], son capitaine des gardes, qui commandait aux quatre
-compagnies des soldats de galères. Le comte de Grignan fut escorté à son
-retour par toute la noblesse de Provence et du comtat d'Avignon, qui
-l'avait volontairement suivi dans cette petite campagne[112]. La joie de
-madame de Sévigné fut grande quand elle en connut le glorieux
-résultat[113]. «J'embrasse le vainqueur d'Orange» (dit-elle dans sa
-lettre à sa fille)... «L'affaire d'Orange fait ici un bruit
-très-agréable pour M. de Grignan. Cette grande quantité de noblesse qui
-l'a suivi par le seul attachement pour lui, cette grande dépense, cet
-heureux succès, car voilà tout; tout cela fait honneur et donne de la
-joie à ses amis, qui ne sont pas ici en petit nombre. Le roi dit à
-souper: «Orange est pris; Grignan avait sept cents gentilshommes avec
-lui. On a tiraillé du dedans, et enfin on s'est rendu le troisième jour.
-Je suis fort content de Grignan[114].»
-
- [111] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er janvier 1690), t. X, p. 162, édit.
- G.; t. IX, p. 275, édit. M.
-
- [112] _Relation de ce qui passa dans le rasement du château
- d'Orange_, ms. d'Aubenas, p. 283 et 284.
-
- [113] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 décembre 1673), t. III, p. 246 et
- 247, édit. G.; t. III, p. 157, 158, édit. M.
-
- [114] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 et 11 décembre 1673), t. III, p.
- 254-259, édit. G.; t. III, p. 154 et 169, édit. M.
-
-Mais, comme l'observe madame de Sévigné, après avoir gagné cette
-bataille d'Orange il fallait en commencer une autre contre l'évêque de
-Marseille[115]; et, le lendemain du jour où elle écrivait ces lignes (le
-5 décembre 1673), l'assemblée des communautés de Provence, siégeant à
-Lambesc, s'ouvrait «par authorité et permission de monseigneur le comte
-de Grignan, lieutenant général, commandant pour le roy au païs, et par
-mandement de messieurs les procureurs dudit pays, et par M. de Gerard,
-comte palatin, conseiller du roy en ses conseils, commissaire député,
-par mondit seigneur le comte de Grignan, pendant la maladie ou absence
-du seigneur de Rouillé, comte de Melay[116].»
-
- [115] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 décembre 1673), t. III, p. 247, édit.
- G.; t. III, p. 164, édit. M.
-
- [116] _Abrégé des délibérations prises en l'assemblée générale
- des communautés du pays de Provence_; Aix, Charles David,
- imprimeur du roi, du clergé et de la ville, 1674, in-4º, p. 3.
-
-Mais de Rouillé, qui n'était ni malade ni absent, ouvrit le lendemain
-les délibérations par un assez long discours. Il demanda au nom du roi à
-l'assemblée de voter le don gratuit de 500,000 francs, la même somme qui
-avait été accordée l'année précédente. De Rouillé prétendait seulement
-exciter des sujets fidèles à remplir leur devoir envers leur souverain.
-«Si vous faites comparaison, disait-il[117], de ce temps-ci avec celui
-des troubles et des désordres passés de cette province, vous
-reconnaîtrez encore mieux que votre bonheur est un pur effet de sa
-bonté et de sa clémence, que votre obéissance et vos soumissions vous
-ont acquis et vous peuvent conserver.»
-
- [117] _Abrégé des délibérations_, etc.; Aix, 1674, in-4º, p. 4.
-
-Cependant de Rouillé, quittant le ton d'un servile courtisan, fait
-valoir, pour déterminer le vote de l'assemblée, des considérations plus
-justes et des motifs plus réels. La déclaration de guerre de l'Espagne a
-forcé le roi d'augmenter le nombre de ses armées de terre et de mer, et
-il est nécessaire pour le bien du royaume «qu'il fasse trembler toute la
-maison d'Autriche, et qu'il abaisse à ses pieds l'orgueil de cette
-république, autant ingrate qu'elle est insolente et ambitieuse, qui doit
-à la couronne de France toute son élévation et sa grandeur.»
-
-«Vous n'ignorez pas, ajouta-t-il[118], messieurs, que Sa Majesté emploie
-tous les ans dans cette province des sommes de deniers beaucoup plus
-grandes qu'elle n'en retire; et que les dépenses qu'elle fait à Toulon
-et à Marseille pour la construction, l'armement et l'entretien des
-vaisseaux et des galères, ou pour réparer ou fortifier ces places et les
-autres ports et lieux maritimes de ce pays, y apportent l'abondance par
-l'augmentation du commerce, par le débit et la consommation de vos
-denrées et par l'emploi de toutes sortes d'artisans et d'ouvriers, qui y
-trouvent leur subsistance et le soutien de leurs familles.»
-
- [118] _Abrégé des délibérations_, etc.; Aix, 1674, in-4º, p. 5 et
- 6.
-
-L'évêque de Marseille répondit à l'intendant avec plus de dignité et de
-convenance. «Comme vous connaissez, monsieur, lui dit-il, notre zèle,
-vous connaissez aussi notre faiblesse; et il faut, s'il vous plaît, que,
-comme vous êtes l'homme du roi par votre caractère, vous soyez l'homme
-du peuple par votre générosité. Le roi aura sujet dans cette occasion
-d'être satisfait de la province, parce qu'elle ira pour son service
-aussi loin que ses forces le lui permettront; et il le sera en effet si
-vous employez, pour lui représenter les misères et les besoins du
-peuple, cette vivacité et cette lumière d'esprit que vous venez de
-montrer pour représenter à l'assemblée les besoins et les intentions de
-Sa Majesté.»
-
-L'assesseur Decorio réitéra les condoléances sur la misère générale:
-«Les riches même n'ont point d'argent pour secourir les pauvres et les
-faire travailler. Les sources du commerce se trouvent taries par les
-nouveaux édits créant de nouveaux impôts, soit pour les contrôles des
-exploits, pour l'enregistrement des oppositions, pour conserver les
-hypothèques, les greffes des arbitrages, et le papier timbré.» Cependant
-il conclut à l'adoption de la proposition sur le don gratuit. Les
-500,000 francs furent accordés, et l'assemblée décida en outre qu'il
-serait, comme précédemment, envoyé un courrier à la cour[119], dont la
-dépense fut réglée, selon le taux habituel, à la somme de mille livres.
-
- [119] _Abrégé des délibérations_, p. 11, 12 et 18.
-
-Après ce vote, qui, quoique le plus important, préoccupait peu, vu qu'il
-était considéré comme un vote obligatoire et de pure forme, vint
-l'affaire qui tenait tous les esprits suspendus, parce que tous les
-membres de l'assemblée avaient pris parti soit pour l'évêque de
-Marseille, soit pour le comte de Grignan, dont les intérêts étaient en
-présence. Il était impossible que le vote qui allait intervenir pût
-donner satisfaction à l'un des deux rivaux sans offenser l'autre.
-
-L'assesseur déclara à l'assemblée que M. le marquis de Maillanne de la
-Rousselle, procureur du pays-joint pour la noblesse, étant décédé, il
-fallait pourvoir à son remplacement[120]; et l'intendant dit que M. de
-Pomponne lui avait écrit que le roi trouvait bon que l'assemblée fît
-cette nomination avec une pleine et entière liberté.
-
- [120] _Abrégé des délibérations_, etc., p. 30.
-
-Nonobstant cette déclaration, le plus grand nombre des membres de
-l'assemblée ne doutaient pas que le roi n'eût fait un choix, et ils
-désiraient le connaître pour s'y conformer. Le succès du siége d'Orange
-avait déterminé le roi à donner toute satisfaction au comte de Grignan;
-et ce fut l'évêque de Marseille, dont l'influence sur l'assemblée était
-connue, qu'il chargea d'empêcher toute division et de réunir tous les
-votes sur le marquis de Buous. On ignorait cela, et l'attention fut
-grande lorsque l'évêque de Marseille, procureur-joint du clergé, prit la
-parole.
-
-Il exposa que, se trouvant à la cour pour d'autres affaires lorsque
-cette place de procureur-joint pour la noblesse était venue à vaquer, il
-avait représenté que l'assemblée des communautés était de droit en
-possession de faire cette élection, au défaut des états; et que, pour ne
-pas perdre une occasion de servir la province, il avait prié instamment
-Sa Majesté de la maintenir dans ce droit et dans cet usage: ce qu'il a
-plu à Sa Majesté de lui accorder. Mais le roi avait appris depuis qu'il
-se présentait plusieurs concurrents et qu'il y avait contestation à cet
-égard. L'évêque déclara qu'il avait reçu à ce sujet une lettre de
-monseigneur Colbert, datée de Saint-Germain le 1er janvier, et il
-demanda qu'il en fût donné lecture. Cette lettre contenait ce qui suit:
-
- «Monsieur,
-
-«Le roi vous écrit, et à M. le comte de Grignan, sur le sujet de la
-mésintelligence qui est à présent entre vos maisons; et comme
-l'intention de Sa Majesté est que M. de Rouillé vous accommode ensemble,
-je crois vous devoir dire que vous ne pouvez rien faire qui soit plus
-conforme à son inclination pour son service que d'y apporter toutes les
-facilités qui dépendent de vous, étant bien difficile qu'il puisse avoir
-le succès qu'il est nécessaire pour sa satisfaction quand deux maisons
-aussi considérables que la vôtre et celle dudit sieur comte de Grignan
-seront dans une si grande division que celle où elles sont de présent;
-et je puis vous assurer que ceux qui apporteront plus de facilité à cet
-accommodement s'attireront plus de considération et de mérite dans
-l'esprit de Sa Majesté[121].»
-
- [121] _Abrégé des délibérations_, etc., p. 21.
-
-L'évêque de Marseille, après la lecture de cette lettre, déclara que M.
-de la Barben, qu'il avait proposé pour occuper cette charge de
-procureur-joint, avait le plus de droits pour l'obtenir; mais de la
-Barben avait un emploi qui l'appelait près de S. M., et il suppliait
-l'assemblée de ne pas penser à lui. «Et comme, par la lettre de
-monseigneur Colbert, dont on vient de donner lecture, il lui est donné
-avis, à lui évêque de Marseille, que le roi désire qu'il vive en bonne
-intelligence avec M. le comte de Grignan, et que ceux qui feront le plus
-d'avances en cette affaire seront ceux qui s'attireront plus de mérite
-dans l'esprit de S. M., n'ayant point de plus forte passion que celle de
-lui obéir et de donner à la province une marque de sa soumission aux
-ordres du roi, quoiqu'il y ait dans les pays beaucoup de sujets capables
-de remplir cet emploi, néanmoins il nomme M. le marquis de Buous[122] en
-ladite charge de procureur du pays-joint pour la noblesse, et prie tous
-ses amis (c'est-à-dire qu'il prie tous les assistants sans en excepter
-aucun, car il les croit tous ses amis) de donner leur suffrage à M. le
-marquis de Buous, d'autant plus que c'est une personne de beaucoup de
-qualité et de mérite.
-
- [122] _Abrégé des délibérations_; Aix, etc., 1674, in-4º, p. 22.
-
-«Et tout de suite, continuant d'appeler les voix, l'assemblée a
-unanimement élu et nommé, _sous le bon plaisir des prochains états et
-jusqu'à la tenue d'iceux_, le sieur marquis de Buous (Pontevès) en
-ladite charge de procureur du pays-joint pour la noblesse, au lieu et
-place dudit sieur le marquis de Maillanne et de la Rousselle.»
-
-Ainsi se termina cette grande affaire, grande seulement pour M. de
-Grignan et pour madame de Sévigné. L'on voit que l'évêque de Marseille,
-en cédant à M. de Grignan le champ de bataille, eut encore l'habileté de
-paraître en triomphateur; car tout se fit par lui, tout parut combiné
-pour lui procurer l'occasion de donner une nouvelle preuve de son
-dévouement au roi et de son influence singulière sur le pays de
-Provence.
-
-Dans le cours des autres délibérations qui suivirent, l'évêque de
-Marseille eut bien soin de montrer qu'il avait voulu par ce vote aider
-aux désirs du roi, mais non complaire au gouverneur. Il s'empressa de
-combattre la proposition qui fut faite d'accorder au comte de Grignan
-les cinq mille francs de gratification pour l'entretènement de ses
-gardes qui lui avait été concédée dans les années précédentes. L'évêque
-de Marseille, en son nom et en celui de l'évêque de Toulon, dit que
-c'était par la pensée qu'ils avaient eue jusqu'ici que cette proposition
-n'aurait pas de suite pour l'avenir que, dans les dernières assemblées,
-ils ne s'étaient point opposés tous deux à ce qui avait été arrêté et
-délibéré sur ce sujet; mais comme ils s'apercevaient que cette
-gratification devenait insensiblement une charge et un tribut ordinaire
-de la province, il ne leur était pas permis de balancer entre des
-considérations particulières et l'intérêt public; et non-seulement ils
-s'opposaient à l'adoption de la proposition, mais ils espéraient que le
-seigneur intendant userait de son autorité pour qu'elle ne fût pas même
-mise en délibération[123].
-
- [123] _Abrégé des délibérations_, etc., p. 31-32.
-
-L'évêque de Marseille motiva cette opinion sur des raisons déjà
-alléguées dans les années précédentes. Il savait bien qu'elle ne
-pourrait prévaloir, et il n'était pas même dans ses intentions de faire
-changer l'avis de l'assemblée sur ce point. On ne l'ignorait pas; mais
-néanmoins, après que les cinq mille francs eurent été accordés par une
-délibération spéciale, l'évêque de Marseille et celui de Toulon
-protestèrent, et déclarèrent qu'ils étaient dans l'intention de se
-pourvoir vers S. M., «requérant messieurs les procureurs du pays de ne
-faire aucun mandement avant que ladite opposition soit décidée.»
-
-Cette opposition elle-même était de pure forme, car l'évêque de
-Marseille ne doutait pas que cette délibération de l'assemblée serait
-approuvée par le roi comme elle l'avait été dans les années précédentes,
-et que l'assemblée allait en anéantir l'effet à l'instant même. On
-arrêta donc que, nonobstant ladite opposition, lesdits procureurs
-généraux du pays expédieraient leurs mandements[124]. L'intention des
-évêques était de conserver le droit et de maintenir le principe.
-
- [124] _Abrégé des délibérations prises en l'assemblée générale
- des communautés de Provence_; Aix, 1674, in-4º, p. 35 et 36.
-
-Cependant l'évêque de Marseille ne voulut pas que son opposition fût une
-vaine menace, ni rester entièrement étranger à la concession faite au
-comte de Grignan; il écrivit en cour, et dans la dernière séance de
-l'assemblée (le 12 janvier 1674) il dit «qu'il venait de recevoir une
-lettre du _petit cachet_ du roi, datée du 1er de ce mois, par laquelle
-S. M., pour cette fois seulement et sans conséquence pour l'avenir,
-désire que l'assemblée accorde à monseigneur le comte de Grignan la
-somme de cinq mille livres pour la compagnie des gardes, en
-considération des dépenses qu'il vient de faire à Orange; et S. M.
-invite l'évêque de Marseille à concourir à cette décision avec ses
-amis.»--«Et par ainsi l'évêque de Marseille et le seigneur évêque de
-Toulon ont dit que, pour obéir à la volonté du roi, ils se départent de
-l'opposition qu'ils ont formée sur la délibération prise pour lesdits
-cinq mille livres aux termes de ladite lettre de Sa Majesté, pour cette
-fois seulement et sans conséquence pour l'avenir[125].»
-
- [125] _Abrégé des délibérations_, etc.; Aix, 1674, in-4º, p. 63
- et 64.
-
-Telle fut la fin de cette lutte, et le dernier acte d'autorité de
-Forbin-Janson en Provence. Il ne tarda pas à être appelé à de plus
-hautes destinées[126]. Trois mois après la fin des délibérations de
-cette assemblée, Louis XIV écrivait à Sobieski, grand maréchal de
-Pologne, qu'il envoyait pour ambassadeur à la diète polonaise l'évêque
-de Marseille, dont la capacité lui était connue et dans lequel il
-désirait qu'il eût autant de confiance qu'en lui-même[127].
-
- [126] Conférez la 4e partie de ces _Mémoires_, p. 237, 239, 259.
-
- [127] LOUIS XIV, _Œuvres_, t. V, p. 122 (Lettre de Louis XIV à
- Sobieski, en date du 31 mars 1674).--MONTPENSIER, _Mémoires_, t.
- XLIII, p. 372.
-
-Forbin-Janson fut encore pendant cinq ou six ans évêque de Marseille;
-mais, engagé dans des négociations diplomatiques, il n'eut pas plus de
-part à l'administration de son diocèse qu'à celle de la Provence. Aucun
-des évêques qui furent successivement nommés procureurs-joints par
-l'assemblée[128] des communautés de la Provence n'eut ses talents,
-l'énergie de son caractère, son crédit à la cour et sa popularité. Le
-comte de Grignan fut donc pour toujours débarrassé d'un rival
-dangereux[129]. Janson plaisait beaucoup à madame de Sévigné; elle
-s'était flattée, par l'amitié qu'il lui témoignait, de le réconcilier
-avec sa fille. Elle écrivait à celle-ci que, si elle venait à Paris, on
-la verrait avec l'évêque dans le même carrosse[130], sollicitant
-ensemble pour le comte de Grignan. Mais cet espoir ne se réalisa
-jamais, et madame de Grignan ne put pardonner à Janson sa longue
-opposition, quoique depuis il eût cessé de se montrer hostile envers
-elle ou aucun des siens[131].
-
- [128] _Abrégé des délibérations de l'assemblée générale des
- communautés de Provence, tenue à Lambesc les mois d'octobre et de
- novembre 1674_; Aix, 1675, in-4º, p. 12.--_Idem_, pour octobre et
- novembre 1675; Aix, 1675, in-4º, p. 16.
-
- [129] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 décembre 1674), t. III, p 274, édit.
- G.; t. III, p. 182, édit. M.
-
- [130] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 novembre 1673), t. III, p. 232,
- édit. G.; t. III, p. 147, édit. M.
-
- [131] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 janvier 1674), t. III, p. 323, édit.
- G.; t. III, p. 224, édit. M.--(18 juin 1676), t. II, p. 373.
-
-Madame de Sévigné avait eu lieu de craindre qu'il ne parvînt à faire
-échouer toutes ses démarches en faveur de la nomination du marquis de
-Buous, et elle avait cherché à persuader à sa fille que la réussite
-était de peu d'importance pour le lieutenant général gouverneur de
-Provence; mais quand elle se vit assurée du succès, elle changea de ton.
-En répondant à madame de Grignan, elle dit[132]: «Présentement que par
-votre lettre, qui me donne la vie, nous voyons votre triomphe quasi
-assuré, je vous avoue franchement que par tout pays c'est la plus jolie
-chose du monde que d'avoir emporté cette affaire malgré toutes les
-précautions, les prévenances, les prières, les menaces, les
-sollicitations, les vanteries de vos ennemis: en vérité cela est
-délicieux, et fait voir, autant que le siége d'Orange, la considération
-de M. de Grignan dans toute la Provence.»
-
- [132] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 décembre 1673), t. III, p. 261,
- édit. G.; t. III, p. 170, édit. M.
-
-On apprend par les lettres de l'archevêque d'Arles à madame de Sévigné
-que madame de Grignan avait tous les honneurs de la réussite, parce que,
-contre les conseils de sa mère, contre ceux de l'archevêque, elle avait
-toujours insisté pour qu'on ne fît aucune concession à l'évêque de
-Marseille. «L'archevêque, dit madame de Sévigné, est contraint d'avouer
-que, par l'événement, votre vigueur a mieux valu que sa prudence, et
-qu'enfin, à votre exemple, il s'est tout à fait jeté dans la bravoure.
-Cela m'a réjouie[133].»
-
- [133] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 décembre 1673), t. III, p. 271,
- édit. G.; t. III, p. 179, édit. M.
-
-Tout cela s'écrivait avant la nomination du marquis de Buous et
-lorsqu'on la considérait comme très-probable; mais lorsque madame de
-Sévigné apprend que cette nomination est faite et a été l'objet d'un
-vote unanime, sa joie éclate dans toute sa force; et nous sommes
-instruits depuis combien de temps elle était, ainsi que les Grignan,
-préoccupée de cette affaire. «Ah! quel succès! quel succès!
-L'eussions-nous cru à Grignan? Hélas! nous faisions nos délices d'une
-suspension. Le moyen de croire qu'on renverse en un mois des mesures
-prises depuis un an? Et quelles mesures, puisqu'on offrait de l'argent!»
-Et très-judicieusement elle ajoute cette réflexion, faite par elle et
-par ses nombreux amis, qui, dès huit heures du matin, étaient venus la
-complimenter sur cette nouvelle: «Nous trouvons l'évêque toujours habile
-et toujours prenant les bons partis; il voit que vous êtes les plus
-forts et que vous nommez M. de Buous, et il nomme M. de Buous. Nous
-voulons tous que présentement vous changiez de style et que vous soyez
-aussi modestes dans la victoire que fiers dans le combat[134].» Ce
-conseil dut être suivi forcément, car des ordres du roi parvinrent à M.
-de Grignan de s'abstenir de tout sentiment hostile envers l'évêque.
-«Voilà donc votre paix toute faite, dit madame de Sévigné. Je vous
-conseille de vous comporter selon le temps; et puisque le roi veut que
-vous soyez bien avec l'évêque, il faut lui obéir[135].»
-
- [134] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 décembre 1673), t. III, p. 273 et
- 274, édit. G.; t. III, p. 181, édit. M.
-
- [135] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (12 janvier 1674), t. III, p. 302, édit.
- G.; t. III, p. 205, édit. M.--De Buous, qui fut l'objet de cette
- lutte, était le frère ou le proche parent du capitaine de
- vaisseau, sur lequel on peut consulter, ainsi que sur le marquis
- de Martel, la note du savant archiviste de la marine, M. Jal,
- dans les _Mémoires de Villette_, 1841, in-8º, p. 14.
-
-Les états de Bretagne se tinrent cette année à Vitré et en même temps
-que l'assemblée de Provence. Madame de Sévigné n'y alla point; mais elle
-fut parfaitement instruite de ce qui s'y passa. Ils s'ouvrirent le 24
-novembre 1673, sous la présidence de la Trémouille, prince de Tarente,
-baron de Vitré, et ils ne furent terminés que le 10 janvier 1674. Ils ne
-présentèrent pas un spectacle aussi animé ni aussi brillant que ceux où,
-deux ans avant, madame de Sévigné s'était trouvée; mais ils ont un
-intérêt historique plus puissant. On y vit les derniers efforts des
-Bretons pour conserver contre les envahisseurs du despotisme les restes
-de leurs libertés, en vain garanties par les traités du double mariage
-d'Anne de Bretagne. Les demandes de subsides ayant donné lieu à des
-objections de la part de deux députés, Saint-Aubin Treslon et Des Clos
-de Sauvage (les noms de ces hommes courageux méritent d'être rappelés),
-le duc de Chaulnes, gouverneur, les fit arrêter. Six députés de chaque
-ordre furent envoyés au gouverneur pour réclamer contre cette mesure. Le
-duc de Chaulnes répondit qu'il n'avait fait qu'exécuter les ordres du
-roi. Mais la princesse de Tarente intervint auprès de M. de Chaulnes, et
-les deux députés furent relâchés. Douze députés furent délégués par les
-états pour aller rendre grâces à la princesse[136]. C'est cette affaire
-qui fait dire à madame de Sévigné: «il y a eu bien du bruit à nos états
-de Bretagne; vous êtes plus sages que nous[137].» Ce qui se passa à ces
-états de plus important fut la révocation de plusieurs édits
-oppresseurs, depuis longtemps demandée, et en même temps le vote obligé
-d'une somme égale au don gratuit, pour suppléer au déficit que
-l'abolition des impôts perçus en vertu des édits occasionnait dans le
-trésor de l'État. Ainsi plaisir et chagrin en même temps; c'était une
-grâce vendue, et non accordée. La chose est très-exactement racontée
-dans une lettre de madame de Sévigné à sa fille.
-
- [136] _Recueil de la tenue des états de Bretagne dans diverses
- villes de cette province, de 1619 à 1703_, ms. de la Bibl.
- nation. (Bl.-Mant.), no 75, p. 357 et 363.
-
- [137] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (18 décembre 1673), t. III, p. 265,
- édit. G.; t. III, p. 173, édit. M.
-
-«A propos, on a révoqué tous les édits qui nous étranglaient dans notre
-province. Le jour que M. de Chaulnes l'annonça, ce fut un cri de _vive
-le roi!_ qui fit pleurer tous les états; chacun s'embrassait, on était
-hors de soi; on ordonna un _Te Deum_, des feux de joie et des
-remercîments publics à M. de Chaulnes. Mais savez-vous ce que nous
-donnons au roi? 2,600,000 livres, et autant de don gratuit. C'est
-justement 5,200,000 livres. Que dites-vous de cette petite somme? Vous
-pouvez juger par là la grâce qu'on nous a faite de nous ôter les
-édits[138].» Madame de Sévigné ne fait pas mention des gratifications,
-parce qu'elles étaient les mêmes tous les ans: 100,000 fr. au duc de
-Chaulnes, 20,000 fr. pour ses gardes, 20,000 fr. au marquis de Lavardin,
-et ainsi de suite aux ministres de Pomponne, à Louvois, à Colbert, à
-Seignelay, son fils, et à leurs commis. Le marquis de Lavardin, comme
-lieutenant général, eut 50,000 livres; mais il refusa de toucher la
-somme de 10,000 fr. qui lui était accordée pour l'ouverture des états,
-donnant en cela l'exemple d'un noble désintéressement qui ne fut pas
-imité par le prince de Tarente, lequel reçut 32,000 fr. pour sa
-présidence, et 15,000 fr. pour sa femme. Cette province était accablée;
-un jeune membre de l'assemblée des états, qui sans doute n'était que
-l'organe de beaucoup d'autres, le marquis de Coëtquen, en fit aigrement
-la remarque à d'Haroüis, le trésorier de la province. Pour ce fait,
-Coëtquen fut rappelé à Paris par sa grand'mère la duchesse de Rohan, et
-le duc de Chaulnes lui défendit de paraître aux états. Madame de Sévigné
-applaudit à cette mesure despotique, parce que d'Haroüis était son ami
-et son allié[139]. Cependant il est facile de s'apercevoir, par
-plusieurs passages de ses lettres pleines d'une ironie amère, qu'on a
-prise pour de l'indifférence et de l'insensibilité, qu'elle ressentait
-vivement la dureté du gouverneur son ami, envers la Bretagne. Le duc de
-Chaulnes pouvait tout se permettre; il s'était concilié la faveur du
-monarque par sa capacité, sa fermeté, sa vigilance. Peu après la tenue
-des états, il repoussa, avec les seules forces de la province, les
-ennemis qui avaient voulu faire une descente sur les côtes, et les
-força à s'éloigner de Belle-Isle, qu'ils voulaient assiéger[140].
-
- [138] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er janvier 1674), t. III, p. 287 et
- 295, éd. G.; t. III, p. 193 et 200, édit. M.--_Recueil de la
- tenue des états de Bretagne_, ms. de la Bibl. nation.
- (Bl.-Mant.), no 75, p. 365.
-
- [139] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 décembre 1673), t. III, p. 255, 256,
- édit. G.; t. III, p. 165, 356, édit. M.--Voyez la 3e partie de
- ces _Mémoires_, p. 29; 4e partie, p. 29, 33.
-
- [140] _Recueil des lettres pour servir d'éclaircissement à
- l'histoire militaire du règne de Louis XIV_; Paris, 1760, in-12,
- t. II, p. 329, 335. Lettre du duc de Chaulnes à Louvois, datée
- d'Auray le 30 mai 1674.
-
-
-
-
-CHAPITRE IV.
-
-1673-1674.
-
- Madame de Sévigné retrouve son cousin Bussy à Paris.--Lettre de
- Bussy à madame de Sévigné.--Leur amitié s'était refroidie.--Bussy
- veut se réconcilier avec madame de la Baume.--Il avait un procès au
- conseil, qu'il gagna.--Il va voir madame de la Morésan.--Exemple de
- Martel, mis à la Bastille pour défaut de soumission.--Détails sur
- l'origine de la liaison de madame de Sévigné avec la marquise de
- Martel.--Effrayé par l'exemple de Martel, Bussy demande une
- nouvelle prolongation de séjour.--Il écrit au duc de Montausier, à
- madame de Thianges, pour qu'elle le réconcilie avec la
- Rochefoucauld.--Elle échoue dans cette négociation.--La duchesse de
- Longueville intercède pour Bussy auprès de Condé.--La colère de
- Condé contre Bussy subsiste.--Bussy écrit à madame de Sévigné une
- lettre pour être montrée à madame Scarron.--Madame de Sévigné va à
- Saint-Germain en Laye, et couche chez M. de la
- Rochefoucauld.--Billet de madame de Sévigné à Bussy, qui lui
- transmet la réponse faite par madame Scarron.--Bussy fait demander
- au roi une nouvelle prolongation de séjour.--Le refus en était
- connu de madame de Sévigné avant d'avoir été notifié à
- Bussy.--Bussy fait ses adieux à tout le monde, et reste à Paris
- caché.--Il va voir secrètement madame de Sévigné et madame de
- Grignan.--Il est visité par le duc de Saint-Aignan.--Deux
- entretiens du roi et du duc de Saint-Aignan.--Le roi permet à Bussy
- de rester encore trois semaines.--Il part, et retourne en
- Bourgogne.--Le roi en Franche-Comté fait venir la reine à
- Dijon.--Bussy écrit à MADEMOISELLE pour offrir son château à la
- reine et à elle.--A chaque victoire, Bussy adresse une lettre au
- roi.--La guerre de Franche-Comté s'achève, et Bussy n'obtient rien.
-
-
-Lorsque, à la fin du mois d'août 1673, madame de Sévigné, alors au
-château de Grignan, écrivait à Bussy: «Je me console de ne point vous
-voir à Bourbilly, puisque je vous verrai à Paris[141],» elle croyait
-déjà son cousin dans la capitale. Il n'y arriva que le 16 septembre, et
-ce ne fut que lorsqu'il se trouvait menacé de ne pouvoir plus y rester
-qu'il répondit à cette lettre.
-
- [141] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (23 août 1673), t. III, p. 171 et 172,
- édit. G.; t. III, p. 97, édit. M.--_Suite des Mémoires du comte_
- DE BUSSY-RABUTIN, p. 41, ms. de l'Institut. (Dans ce ms., la
- lettre est datée du 27 août.)
-
-Voici cette réponse, un peu énigmatique:
-
- «Paris, ce 10 octobre 1673.
-
-«Je viens de demander au roi plus de temps qu'il ne m'avait accordé pour
-faire ici mes affaires. Je crois qu'il m'en accordera. Je suis d'accord
-avec vous, madame, que la fortune est bien folle; et j'ai pris mon parti
-sur ce que sa persécution durera toute ma vie. Les grands chagrins même
-ne sont pas sus; et, comme je vous ai déjà mandé, ma raison m'a rendu
-fort tranquille. Faites comme moi, madame. Il vous est bien plus aisé,
-car le secret de vos peines est fort au-dessous du mien[142].»
-
- [142] _Suite des Mémoires du comte_ DE BUSSY-RABUTIN, ms. de
- l'Institut, p. 42 verso.
-
-On s'aperçoit facilement, d'après le ton et le ralentissement de leur
-correspondance, que l'amitié qui existait autrefois entre Bussy et sa
-cousine n'était plus la même. La susceptibilité orgueilleuse, le
-caractère vindicatif et l'immoralité de Bussy avaient considérablement
-refroidi cette chaleur de cœur que madame de Sévigné avait éprouvée
-pour son cousin. Les années seules l'auraient guérie d'une inclination
-qui, dans son jeune âge, n'avait pas été sans péril. Intimement liée
-avec tous ceux auxquels Bussy avait déplu et qui, ainsi qu'elle,
-brillaient à la cour et dans les hautes sphères de la société, madame de
-Sévigné devait souvent entendre des railleries sur ce courtisan émérite
-et disgracié, vivant solitairement en province, et qui dans ses
-manières, ses discours, ses écrits voulait toujours paraître le type
-parfait du gentilhomme, du guerrier, du bel esprit et de l'honnête
-homme, c'est-à-dire de l'homme à bonnes fortunes. Madame de Sévigné
-avait trop d'usage et de discernement pour ne pas s'apercevoir des
-ridicules de Bussy; et dans plusieurs passages des lettres à sa fille
-elle y fait allusion, mais avec finesse et avec ménagement. Elle n'avait
-plus autant d'admiration pour le talent épistolaire si vanté de Bussy;
-il en montrait moins qu'autrefois dans les lettres qu'elle recevait de
-lui, et par cette raison peut-être, sans le vouloir, elle en mettait
-moins aussi dans les réponses qu'elle lui adressait. Elle lui avait dit
-jadis: «Vous êtes le fagot de mon esprit.» Le fagot manquait, et le feu
-qu'il devait allumer ne pouvait se produire. Cependant l'étroite parenté
-qui les unissait, les souvenirs de jeunesse qui leur étaient communs,
-l'habitude d'une longue liaison, surtout l'intérêt du nom que tous deux
-portaient, dont tous deux étaient fiers et dont ni l'un ni l'autre
-certainement ne ternissait l'éclat, formaient entre eux un attachement
-indissoluble et entretenaient une intimité d'autant plus égale qu'ils ne
-s'aimaient plus assez pour se quereller.
-
-La seule lettre que madame de Sévigné reçut de Bussy pendant son voyage
-fut celle que nous venons de transcrire; mais elle eut de ses nouvelles
-par d'autres personnes, car de Bourbilly elle écrit à sa fille: «Bussy
-est toujours à Paris, faisant tous les jours des réconciliations; il a
-commencé par madame de la Baume. Ce brouillon de temps, qui change tout,
-changera peut-être sa fortune[143].»
-
- [143] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 octobre 1673), t. III, p. 195; t.
- III, p. 117.
-
-Madame de Sévigné était mal informée; cette réconciliation qu'elle
-redoutait n'eut pas lieu. On en avait parlé dans le monde. Bussy voulait
-se faire la réputation d'un homme à qui on devait pardonner toutes ses
-fautes, parce que lui, disait-il, n'éprouvait aucun ressentiment contre
-ceux qui avaient eu des torts envers lui; et il entrait dans ses
-desseins de ne point accréditer ni démentir le bruit de sa
-réconciliation avec madame de la Baume. Dès son arrivée à Paris, il
-s'empressa d'aller rendre visite à madame de Thianges, «sa parente et sa
-bonne amie.»--«Elle me demanda, dit-il, s'il était vrai que je fusse
-raccommodé avec madame de la Baume. Je lui dis qu'elle m'avait fait
-faire des honnêtetés, auxquelles j'avais répondu de même, et que j'étais
-résolu non-seulement de recevoir les amitiés que me pourraient faire
-ceux qui m'avaient fait du mal, mais encore de leur faire des
-avances[144].»
-
- [144] _Suite des Mémoires du comte_ DE BUSSY-RABUTIN, ms. de
- l'Inst., p. 44 verso.
-
-Le principal motif du séjour de Bussy à Paris était une contestation
-qu'il avait au conseil pour une somme de 60,000 fr. qu'on lui disputait.
-Il gagna son procès[145].
-
- [145] Lettre de Bussy-Rabutin à Louis XIV (26 avril 1674) et à
- Châteauneuf, secrétaire d'État, dans la _Suite des Mémoires du
- comte_ DE BUSSY-RABUTIN, ms. de l'Inst., p. 65 et 66.
-
-Il est bien vrai qu'il fit des tentatives de réconciliation; mais il ne
-réussit dans aucune, comme le sut bientôt madame de Sévigné, dont les
-secours ne lui faillirent point en cette circonstance. Quand Bussy
-écrivait à sa cousine, l'époque de la permission qu'il avait obtenue
-pour rester dans la capitale était expirée depuis deux jours, et il
-avait demandé à M. de Pomponne une prolongation de séjour, qui lui fut
-accordée[146].
-
- [146] Lettre de Bussy-Rabutin à M. de Pomponne, datée de Paris le
- 8 octobre 1673, et de M. de Pomponne à Bussy, datée de Nancy le
- 15 oct., dans la _Suite des Mém. de_ BUSSY-RABUTIN, ms. de
- l'Inst., in-4º, p. 42 et 44.--ROGER DE RABUTIN, comte DE BUSSY,
- édit. 1737, t. V, p. 85. Mais la lettre est à tort datée du 15
- septembre; c'est le 15 octobre qu'il faut lire. (Voy. la 4e
- partie de ces _Mémoires_, p. 156 et 344.)
-
-Depuis un mois qu'il était à Paris, il avait employé son temps aux
-projets de son ambition plus encore qu'au profit de ses affaires. Il
-n'ignorait pas que le roi, bien disposé pour lui par le duc de
-Saint-Aignan, consentirait volontiers à faire cesser son exil s'il
-pouvait se réconcilier avec Condé et empêcher Louvois de lui être
-contraire. Ce fut de ce côté qu'il dirigea d'abord ses efforts. Lorsque
-la marquise de la Baume eut la perfidie de laisser publier le manuscrit
-des _Amours des Gaules_ qu'il lui avait confié, il rompit entièrement
-avec elle, et il ne parlait de ses attraits et de sa personne qu'avec ce
-dédain et ce dénigrement qu'aucune femme ne peut pardonner[147]. Depuis
-il ne chercha point à renouer une liaison avec une femme qu'il n'aimait
-pas et qu'il ne pouvait estimer; mais, comme toujours, il s'efforça de
-profiter de ses amitiés de femmes pour se réconcilier avec ceux qui lui
-étaient contraires. Il raconte dans ses Mémoires qu'il était depuis
-trois ans assez bien vu de madame de la Morésan, qui, par ses attraits,
-son esprit caustique et son caractère décidé et tranchant, par son
-alliance avec son beau-frère Dufresnoy, le principal commis de Louvois,
-était recherchée et redoutée[148]. Le jour où Bussy l'alla voir[149], il
-y trouva Dufresnoy. «La conversation, dit-il, avec madame de la Morésan
-et moi se passa à nous renouveler des assurances d'amitié. Comme j'y fus
-jusqu'à l'entrée de la nuit, il y vint beaucoup de gens, et entre autres
-mesdames de la Baume et Louvois; j'en sortis bientôt après, ne pouvant
-soutenir la présence de gens que j'aimais si peu[150].» Lorsque Bussy
-écrivait à Paris ce fragment de ses _Mémoires_, madame de Sévigné s'y
-trouvait aussi; elle dut donc être dissuadée par lui de l'opinion
-qu'elle avait eue de sa réconciliation avec madame de la Baume.
-
- [147] Voyez la lettre du comte de Bussy insérée dans les
- _Mémoires de_ COLIGNY-SALIGNY, 1841, p. 127, en date du 18 mai
- 1667.
-
- [148] MONTPENSIER, _Mémoires_, t. XLIII, p. 379.--_Supplément aux
- Mémoires de_ BUSSY, 2e partie, p. 14 et 17.--BUSSY-RABUTIN,
- _Lettres_ (20 juin et 28 novembre 1671), t. V, p. 190 et 315.
-
- [149] BUSSY-RABUTIN, _Lettres_ (28 novembre 1673, de madame de la
- Morésan au comte de Bussy), t. V, p. 319.
-
- [150] _Supplément aux Mémoires de M. le comte_ DE BUSSY, t. II,
- p. 17.--Au lieu de madame Damorisan, il faut lire la Morésan,
- comme le prouvent le _Recueil des lettres de_ BUSSY, t. V, p. 319
- et 190, et les _Mémoires de_ MONTPENSIER, t. XLIII, p. 379 (année
- 1674).
-
-Bussy s'était empressé de demander une nouvelle permission pour
-continuer son séjour à Paris. Il avait alors un exemple récent du danger
-que l'on courait, sous un roi tel que Louis XIV, de ne pas se soumettre
-aux ordres de ses supérieurs. Le marquis de Martel, vieil officier de
-marine, avait passé par tous les grades avant de devenir lieutenant
-général à la mer; il trouva dur d'être obligé d'obéir au comte
-d'Estrées, vice-amiral d'une plus grande noblesse, mais moins ancien
-que lui comme officier, et qui avait gagné son grade de lieutenant
-général dans le service de terre. D'Estrées transmit à Martel, par
-écrit, un ordre sous une forme qui ne convenait pas à ce dernier[151];
-il ne refusait pas d'obéir à l'ordre, mais il voulait que la rédaction
-en fût changée. Pour ce léger tort, il fut arrêté par ordre du roi le 31
-octobre, et mis à la Bastille. Cette rigueur dut faire de la peine à
-madame de Sévigné, qui était liée avec la femme du marquis de Martel
-depuis que celui-ci avait donné, sur le beau et célèbre _Royal-Louis_,
-vaisseau qu'il commandait[152], une fête à madame de Grignan lorsqu'elle
-alla voir le fort de Toulon vers le milieu du mois de mai 1672. La femme
-du lieutenant général gouverneur de Provence parut si belle alors, dansa
-si bien, que tous les jeunes officiers invités à cette fête en
-conservèrent un long souvenir, et que, plusieurs années après, un d'eux
-citait madame de Grignan comme le modèle le plus parfait de grâce et de
-légèreté dans la danse, en présence de madame de Sévigné, qu'il ne
-connaissait pas et dont la satisfaction et l'émotion furent
-grandes[153]. La prolongation de séjour accordée à Bussy, par
-l'entremise de M. de Pomponne[154], était de deux mois; elle lui fit
-concevoir l'espérance de pouvoir obtenir durant ce temps, par ses
-démarches, la fin de son exil et la permission de paraître à la cour;
-puis enfin d'avoir un commandement, et de prendre sa part de succès et
-de gloire dans les guerres qui agrandissaient la France. C'était un
-noble orgueil, un rêve chéri auquel Bussy ne put jamais renoncer et qui,
-ne s'étant point réalisé, fit le malheur de sa vie.
-
- [151] LOUIS XIV, _Å’uvres_ (Lettre du roi au duc de Beaufort, en
- date du 8 décembre 1665), t. V, p. 338 et 342.
-
- [152] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 mai 1672), t. III, p. 31, éd. G.; t.
- II, p. 442, édit. M.--_Mémoires du marquis_ DE VILLETTE, 1844,
- in-8º, p. 14. Martel, capitaine en 1635, lieutenant général en
- 1656-1679, n'est plus porté sur les états de la marine en 1682.
-
- [153] _Suite des Mémoires du comte_ DE BUSSY-RABUTIN, ms. de
- l'Institut, p. 46 et 47.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13, 16 et 20 mai
- 1672; 23 août 1675, 6 août 1680), t. III, p. 15, 27, 31; t. IV,
- p. 48 et 49; t. VII, p. 156 et 157, édit. G.; t. II, p. 428, 439,
- 442; t. III, p. 422 et 423; t. VI, p. 413, édit. M.
-
- [154] _Suite des Mémoires du comte_ DE BUSSY-RABUTIN, ms. de
- l'Institut, in-4º, p. 42 et 44.--Lettre de Bussy à M. de
- Pomponne, des 8 et 10 octobre 1673, et de M. de Pomponne à Bussy,
- datée de Nancy le 15 octobre 1673.
-
-Il écrivit d'abord au duc de Montausier pour demander d'être présenté au
-Dauphin et de le voir: «curiosité, dit-il, que j'aurais, quand je serais
-du Japon.» Il reçut une réponse polie et presque affectueuse[155].
-Pendant le temps de son séjour à Paris, Bussy vit encore madame de
-Thianges; elle lui apprit qu'on avait rapporté de lui de mauvais propos
-qui entachaient la valeur du prince de Marsillac lors du fameux passage
-du Rhin à Tholus. Il protesta à madame de Thianges que c'était sans
-doute une fausseté et une perfidie de mademoiselle de Montalais, «parce
-que, disait-il, il n'y a qu'elle au monde assez méchante et assez folle
-pour inventer une chose dont la fausseté est aussi facile à découvrir
-que celle-là.» Bussy avait été très-bien avec cette spirituelle et
-intrigante sœur de madame de Marans; mais depuis peu (Montalais
-n'était plus jeune) il s'était brouillé avec elle[156]. Après cet
-entretien, Bussy écrivit une longue lettre à madame de Thianges pour se
-disculper des torts qu'on lui imputait envers la Rochefoucauld et son
-fils Marsillac. Il n'y a personne en France, selon Bussy, qui puisse
-rendre de plus assurés témoignages que lui «de la valeur du père et de
-celle du fils. Ils ont été blessés eu deux occasions où j'avais
-l'honneur de commander; l'une à Mardick et l'autre à Valenciennes[157].»
-Il paraît que le duc de la Rochefoucauld fut peu touché de lire un
-certificat de service militaire, pour lui et pour son fils, tracé de la
-main du comte de Bussy-Rabutin; car après que madame de Thianges lui eut
-communiqué cette lettre, il ne répondit à cette avance de Bussy par
-aucune parole polie[158].
-
- [155] Lettre de Bussy au duc de Montpensier (Paris, le 11 octobre
- 1673).--Réponse du duc de Montpensier à Bussy (Versailles, 20
- octobre 1673). Dans la _Suite des Mém. de_ BUSSY-RABUTIN, ms. de
- l'Inst., in-4º, p. 43 et 44.
-
- [156] _Suite des Mém. de_ BUSSY-RABUTIN, ms. de l'Inst, p.
- 45.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 juillet 1672 et 5 juin 1675), t. III,
- p. 97 et 108, édit. G.; t. III, p. 31, 237, édit. M.--CHOISY,
- _Mém._, t. III, p. 264.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XLIII, p.
- 22.--LOUIS XIV, _Å’uvres_, t. V, p. 90, 103, 340. (Voy. 4e partie
- de ces _Mémoires_, p. 212.)
-
- [157] _Suite des Mém._, ms., p. 45. (Lettre de Bussy à madame de
- Thianges, Paris, 25 octobre 1673.)
-
- [158] _Suite des Mém._, etc., ms. de l'Inst., p. 50.
-
-Bussy, qui connaissait l'influence que la Rochefoucauld et Marsillac
-avaient auprès du roi, de Condé et du duc d'Enghien, fit taire son
-orgueil, et s'adressa à madame de Sévigné; il la pria de faire en sorte,
-par madame de la Fayette, que le duc de la Rochefoucauld consentît à le
-voir, afin qu'ils pussent être ensemble sur de meilleurs termes.
-
-«Madame de Sévigné, dit Bussy dans ses _Mémoires_, s'en chargea; et,
-quatre ou cinq jours après, elle me dit que le duc de la Rochefoucauld
-avait répondu à son amie que, puisque avant que nous fussions brouillés
-nous ne nous voyions pas les uns les autres et que nous nous contentions
-de vivre honnêtement ensemble quand nous nous rencontrions, une plus
-grande liaison n'était pas nécessaire; que, pour lui, il serait
-très-aise de me rencontrer souvent, et qu'il se _clouerait où je
-serais_: ce furent ses propres termes.»--«Cette réponse, ajoute Bussy,
-me fit juger que j'aurais toujours à craindre de ce côté-là, et que je
-ne devais espérer de soutien que de la bonté du roi[159].»
-
- [159] _Suite des Mémoires_, etc., ms. de l'Inst., p. 50.
-
-Si Bussy faisait cette réflexion, c'est qu'en même temps qu'il avait
-fait des démarches pour se réconcilier avec la Rochefoucauld il en avait
-tenté auprès du prince de Condé qui avaient encore moins réussi. Comme
-c'était la princesse de Longueville qu'il avait blessée par ses écrits
-et ses discours, et qu'il connaissait les sentiments chrétiens qui
-l'avaient déjà portée à le protéger contre la colère du prince lorsque
-l'outrage était récent[160], il jugea avec raison qu'elle interviendrait
-en sa faveur avec toute la chaleur qu'inspire la céleste charité aux
-âmes pénétrées de repentir. Il ne se trompait pas: la duchesse de
-Longueville fit de grands efforts pour calmer le ressentiment de Condé;
-elle ne put y parvenir. Elle fut obligée de lui annoncer par
-mademoiselle Desportes[161], dont Bussy, pour cette négociation, avait
-réclamé le secours, que monsieur son frère ne voulait point pardonner,
-et que même il lui avait dit «qu'il ne souffrirait pas que Bussy fût sur
-le pavé de Paris.»--«Ce discours, dit Bussy, me surprit; et je répondis
-à mademoiselle Desportes qu'il n'appartenait qu'au roi de parler ainsi:
-elle en convint.»
-
- [160] VILLEFORT, _Vie de madame de Longueville_, Amsterdam, 1739,
- in-12, t. II, p. 161, ou Paris, 1738, in-8º, p. 169; et 4e partie
- de ces _Mémoires_, p. 351 et 352.
-
- [161] Bussy dit: «Mademoiselle Desportes, ma bonne amie, fille
- d'une rare vertu et d'un mérite extraordinaire.»
-
-Bussy n'en fut que plus ardent à chercher des appuis contre une si
-puissante inimitié. Il savait que madame Scarron, dont l'influence
-auprès de madame de Montespan était connue, avait contre lui des
-préventions qui n'étaient que trop motivées; il écrivit à sa cousine
-pour la faire consentir à être son intermédiaire entre lui et cette
-gouvernante des enfants naturels du roi, avec laquelle il n'avait jamais
-eu de liaison ni de correspondance[162].
-
- [162] Voyez ci-après, chap. VIII.
-
-Madame de Sévigné reçut la lettre que Bussy lui écrivit à ce sujet au
-retour d'un voyage à Saint-Germain. Elle y était allée pour voir ces
-mêmes personnes si contraires à Bussy et pour elle si amicales. Voici ce
-qu'elle dit de ce voyage en écrivant à sa fille: «Je viens de
-Saint-Germain, où j'ai été deux jours avec madame de Coulanges et M. de
-la Rochefoucauld; nous logions chez lui. Nous fîmes, le soir, notre cour
-à la reine, qui me dit bien des choses obligeantes pour vous... Mais
-s'il fallait vous dire tous les bonjours, tous les compliments d'hommes
-et de femmes, vieux et jeunes, qui me parlèrent de vous, ce serait
-nommer quasi toute la cour. J'ai dîné avec madame de Louvois; il y avait
-presse à qui nous en donnerait. Je voulais revenir hier; on nous arrêta
-d'autorité pour souper chez M. de Marsillac, dans un appartement
-enchanté, avec madame de Thianges et madame Scarron, M. le Duc et M. de
-la Rochefoucauld, M. de Vivonne, et une musique céleste. Ce matin, nous
-sommes revenues[163].»
-
- [163] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1673), t. III, p. 257, 258,
- édit. G.; t. III, p. 167, édit. M.--Sur les anciens plans gravés
- de Saint-Germain en Laye comme sur ceux de Fontainebleau, on
- trouve l'emplacement de tous ces hôtels des grands de la cour, et
- entre autres de ceux de Condé, de la Rochefoucauld et de
- Vivonne.--Conférez 1re partie, p. 365, 483; IVe, p. 273.
-
-Ce fut deux jours après qu'elle reçut de Bussy la lettre suivante[164]:
-
-LETTRE DE BUSSY A MADAME DE SÉVIGNÉ.
-
- «Paris, le 13 décembre 1673.
-
-«Vous pouvez vous souvenir, madame, de la conversation que nous eûmes
-l'autre jour. Elle fut presque toute sur les gens qui pouvaient
-traverser mon retour; et quoique je pense que nous les ayons tous
-nommés, je ne crois pas que nous ayons parlé des voies dont ils se
-servent pour me nuire. Cependant j'en ai découvert quelques-unes depuis
-que je vous ai vue; et l'on m'a assuré, entre autres, que madame Scarron
-en était une. Je ne l'ai pas cru au point de n'en pas douter un peu;
-car, bien que je sache qu'elle est aimée des personnes qui ne m'aiment
-pas, je sais qu'elle est encore plus amie de la raison, et il n'en
-paraît pas à persécuter, par complaisance seulement, un homme de
-qualité, qui n'est pas sans mérite, accablé de disgrâces. Je sais bien
-que les gens d'honneur entrent et doivent entrer dans les ressentiments
-de leurs amis; mais quand ces ressentiments sont ou trop aigres ou
-poussés trop loin, il est (ce me semble) de la prudence de ceux qui
-agissent de sang-froid de modérer les passions de leurs amis et de leur
-faire entendre raison. La politique conseille ce que je vous dis,
-madame, et l'expérience apprend à ne pas croire que les choses sont
-toujours en même état. On l'a vu en moi; car enfin, quand je sortis de
-la Bastille, ma liberté surprit tout le monde. Le roi a commencé de me
-faire de petites grâces sur mon retour, dans un temps où personne ne les
-attendait; et sa bonté et ma patience me feront tôt ou tard recevoir de
-plus grandes faveurs. Il n'en faut pas douter, madame: les disgrâces ont
-leurs bornes comme les prospérités. Ne trouvez-vous donc pas qu'il est
-de la politique de ne pas outrer les haines et de ne pas désespérer les
-gens? Mais quand on se flatterait assez pour croire que le roi ne
-radoucira jamais pour moi, où est l'humanité? où est le christianisme?
-Je connais assez les courtisans, madame, pour savoir que ces
-sentiments-là sont très-faibles en eux; et moi-même, avant mes malheurs,
-je ne les avais guère. Mais je sais la générosité de madame Scarron, son
-honnêteté et sa vertu; et je suis persuadé que la corruption de la cour
-ne les gâtera jamais. Si je ne croyais ceci, je ne vous le dirais pas,
-car je ne suis point flatteur; et même je ne vous supplierais pas comme
-je fais, madame, de lui parler sur ce sujet; c'est l'estime que j'ai
-pour elle qui me fait souhaiter de lui être obligé, et croire qu'elle
-n'y aura pas de répugnance. Si elle craint l'amitié des malheureux, elle
-ne fera rien pour avoir la mienne; mais si l'amitié de l'homme du monde
-le plus reconnaissant (et à qui il ne manquait que la mauvaise fortune
-pour avoir assez de vertu) lui est considérable, elle voudra bien me
-faire plaisir.»
-
- [164] _Suite des Mémoires de_ BUSSY-RABUTIN, ms. de l'Inst.,
- in-4º, p. 51.
-
-A cette lettre verbeuse, mais assez adroite, madame Scarron fit une
-prudente et courte réponse, contenue dans le billet suivant de madame de
-Sévigné à Bussy[165].
-
- [165] _Suite des Mémoires de_ BUSSY-RABUTIN (ms. de l'Inst.), p.
- 52 verso. Ce billet de madame de Sévigné est inédit et a échappé
- à ses soigneux éditeurs.
-
-
-BILLET DE MADAME DE SÉVIGNÉ A BUSSY.
-
- «A Paris, ce 15 décembre 1673.
-
-«Je fis voir hier soir à madame Scarron la lettre que vous m'avez
-écrite. Elle m'a dit n'avoir jamais entendu nommer votre nom en mauvaise
-part. Du reste, elle a très-bien reçu votre civilité. Elle ne trouvera
-jamais occasion de vous servir qu'elle ne le fasse. Elle connaît votre
-mérite et plaint vos malheurs.»
-
-Dans une longue lettre à sa fille[166], écrite le même jour
-que le billet qu'on vient de lire, madame de Sévigné annonce
-très-laconiquement, en ces termes, que Bussy va quitter Paris: «Bussy a
-ordre de retourner en Bourgogne. Il n'a pas fait la paix avec ses
-principaux ennemis.»
-
- [166] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 décembre 1673), t. III, p. 265,
- édit. G.; t. III, p. 173, édit. M.
-
-La permission accordée à Bussy de prolonger son séjour à Paris finissait
-le jour même où madame de Sévigné écrivait le billet que nous avons
-transcrit[167]. Mais Bussy avait, dès le 2 décembre, écrit au roi et à
-M. de Pomponne pour obtenir une nouvelle prolongation de séjour, et ces
-lettres furent envoyées à Saint-Germain en Laye, où était la cour. Ce ne
-fut que par une lettre de M. de Pomponne, datée de Saint-Germain le 17
-décembre, que Bussy fut informé du refus du roi[168]. Madame de Sévigné,
-par son intimité avec de Pomponne, savait donc avant Bussy que la
-permission ne lui serait pas accordée; et on voit, d'après la suite des
-_Mémoires_ de celui-ci, qu'elle ne lui en a rien dit. On n'est jamais
-pressé d'annoncer une mauvaise nouvelle à un ami. Ce refus affligea
-beaucoup Bussy, et le mit dans une grande perplexité. Ses affaires
-n'étaient point terminées, ses espérances de rentrer en grâce
-s'évanouissaient, et il craignait de déplaire au roi et de s'attirer sa
-colère s'il prolongeait son séjour à Paris. Il prit cependant ce dernier
-parti, et fit ses adieux aux secrétaires d'État, à tous ses amis et à
-toutes les femmes de sa connaissance; de sorte qu'on le crut en
-Bourgogne, tandis qu'il était caché dans Paris. Il confia son secret au
-seul duc de Saint-Aignan; et, de la retraite où il se tenait renfermé,
-il faisait parvenir des lettres qu'il datait de son château de Bussy. Il
-écrivit au roi, au secrétaire d'État Châteauneuf, au comte de Vivonne, à
-madame de Thianges et à divers puissants personnages[169].
-
- [167] _Suite des Mémoires_ (ms. de l'Inst.), p. 48, 49, 50 et 52
- verso.
-
- [168] _Suite des Mémoires du comte_ DE BUSSY-RABUTIN, p. 48 et
- 50.--Lettres de Bussy au roi et à M. de Pomponne, Paris, ce 2
- décembre 1673, p. 54 et 55.--Lettre de Pomponne à Bussy,
- Saint-Germain en Laye, le 17 décembre 1673.
-
- [169] _Suite des Mémoires_, p. 58 (ms. de l'Inst.).--Lettre de
- Bussy au roi, datée de Bussy, le 31 décembre 1673--Bussy-Rabutin,
- _lettres_, t. V, p. 322, 323, 327, à la marquise de Villeroy, le
- 15 décembre, au duc de Montpensier, à madame de Thianges; 2e
- édit., p. 58, 59.--Lettre de Bussy au comte de Vivonne à Bussy,
- Paris, 13 janvier 1674; à madame de Pisieux, le 19 décembre; à
- mademoiselle Armantières, le 28 décembre 1673.
-
-
-Néanmoins, malgré toutes ces précautions, le secret transpira; Bussy
-n'avait pu se résoudre à le cacher à sa cousine[170]. Madame de Sévigné
-avait depuis un mois le bonheur de posséder sa fille avec elle
-lorsqu'elle apprit que Bussy était resté à Paris, et elle s'empressa
-d'aller rendre visite au captif volontaire; le billet qu'il lui adressa
-le lendemain de cette visite, en lui envoyant du vieux vin de Cotignac
-qui lui avait été donné autrefois par madame de Monglas, prouve
-évidemment que Bussy avait reçu des reproches de la mère et de la fille.
-Il s'ensuivit des explications et des épanchements réciproques, dont le
-cœur de Bussy dut être satisfait; il écrit alors à sa cousine: «Je ne
-vous aime pas plus que je ne vous aimais hier matin; mais la
-conversation d'hier soir me fait plus sentir ma tendresse; elle était
-cachée au fond de mon cœur, et le commerce l'a ranimée. Je vois bien
-par là que les longues absences nuisent à la chaleur de l'amitié aussi
-bien qu'à celle de l'amour[171].»
-
- [170] BUSSY-RABUTIN, _Mémoires_. Manuscrit cité par M. Monmerqué,
- _Lettres de_ SÉVIGNÉ, t. III, p. 236, no 1, édit. M.
-
- [171] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (Paris, 20 mars 1674), t. III, p. 338,
- édit. G.; t. III, p. 236, édit. M.
-
-Le duc de Saint-Aignan, ce fidèle ami de Bussy, vint souvent le visiter
-secrètement. Il se chargea de remettre ses lettres au roi et de plaider
-sa cause. Bussy demandait qu'il lui fût permis d'aller combattre en
-Flandre comme volontaire, sous les ordres de Condé; et Saint-Aignan
-suppliait le roi de lui accorder au moins cette faveur[172]. Les
-entretiens qui eurent lieu à ce sujet entre Louis XIV et son complaisant
-courtisan sont des scènes d'intérieur des plus curieuses, qui confirment
-tout ce que nous avons dit sur les sentiments du monarque à l'égard de
-Bussy.
-
- [172] _Suite des Mémoires de_ BUSSY-RABUTIN, p. 61 verso.--Le duc
- de Saint-Aignan rapporte sa conversation avec le roi au 7 avril
- 1674.
-
-Le roi dit: «Saint-Aignan, on accuse Bussy d'être l'auteur des chansons
-qui courent contre les ministres et contre quelques personnes de ma
-cour. Je ne crois pas cela, mais on le dit.»
-
-Saint-Aignan répond: «Bussy trouve bien étrange, sire, d'être toujours
-accusé et jamais convaincu; et, pour déconcerter la malice de ses
-ennemis, il demande à Votre Majesté de trouver bon qu'il se remette à la
-Bastille et que les accusations soient de nouveau jugées.»
-
-«Bussy perd l'esprit,» dit le roi.
-
-«Nullement, sire; et pour être convaincu que Bussy n'est pas fou, il
-prie Votre Majesté de lire la lettre qu'il a écrite au roi, et de
-prendre un recueil de pièces qu'il m'a chargé de lui remettre, et qui,
-j'en suis certain, divertiront le roi, s'il veut se donner la peine d'y
-jeter les yeux.»
-
-Louis XIV répondit qu'il recevrait tout cela quand il serait habillé; et
-en effet il fit appeler Saint-Aignan au sortir de son prie-Dieu, reçut
-les manuscrits et les lettres, et rentra dans son cabinet[173].
-
- [173] _Suite des Mémoires_ (ms. de l'Inst.), p. 62
- verso.--_Supplément aux Mémoires et Lettres de M. le comte_ DE
- BUSSY-RABUTIN, 2e partie, p. 23.--Conférez LOUIS XIV, _Œuvres_,
- t. V, p. 445 (mémoires militaires).
-
-
-Ainsi se termina ce premier entretien. Le duc de Saint-Aignan promit de
-faire plus, et il tint parole.
-
-Le jeudi 19 avril (le jour même où Louis XIV partit de Versailles pour
-aller conquérir la Franche-Comté), Bussy reçut une longue lettre du duc
-de Saint-Aignan, dans laquelle celui-ci lui rendait compte de deux
-autres entretiens qu'il avait eus avec le roi à son sujet. «Je
-m'approchai, dit le duc, du lit du roi, mardi 17, à neuf heures du
-matin, et, m'étant mis à genoux, je pris la liberté de lui dire:
-Oserai-je, sire, demander à Votre Majesté si elle a lu le livre que je
-lui ai donné de la part du comte de Bussy; et, au cas qu'elle ne l'ait
-pas encore lu, si elle l'emportera avec elle?»
-
-«Le roi me répondit:
-
-«A propos, Saint-Aignan, j'ai un reproche à vous faire! Bussy est à
-Paris, et vous ne m'en avez rien dit.»
-
-«Je lui répondis:
-
-«Mon Dieu! sire, y va-t-il du service de Votre Majesté de lui donner ces
-sortes d'avis? Un pauvre homme de qualité, malheureux, est accablé
-d'affaires; pour y mettre quelque ordre, il se cache le plus qu'il peut,
-et cependant il se trouve des gens assez lâches pour lui rendre en cet
-état de méchants offices.»
-
-«Mais enfin (me répliqua le roi), après que le temps que je lui avais
-donné est expiré, il faut qu'il s'en aille. Cela a trop paru, et si vous
-ne voulez vous charger de lui dire de ma part (à cause que vous êtes son
-ami), je serai contraint de le lui faire dire par quelque autre moins
-doucement.»
-
-Saint-Aignan osa répliquer, et le roi s'adoucit et dit: «Je n'ai pas
-encore lu son recueil; il est dans ce petit cabinet, sur ma table.»
-
-Saint-Aignan répondit:
-
-«Sire, il faut l'emporter; et je voudrais que Votre Majesté y voulût
-joindre le premier tome de ses _Mémoires_. Outre qu'il est bien écrit,
-le roi y verrait de petites histoires galantes qui le divertiraient.»
-
-Le roi termina en disant:
-
-«Songez seulement à lui dire ce que je vous ai dit, et à mon retour
-toutes choses nouvelles.»
-
-Saint-Aignan ne se rebuta pas; fidèle ami et habile courtisan, il
-connaissait tout le pouvoir de l'importunité sur une volonté flottante.
-Il retourna à Versailles le surlendemain, jour fixé pour le départ du
-roi, et pénétra de très-grand matin et lorsque le roi était encore
-couché. Après avoir pris congé de lui et baisé un bout de ses draps, il
-lui déclara, les yeux humides, qu'il n'avait pu encore se résoudre à
-parler au pauvre comte de Bussy de ce qu'il lui avait commandé de lui
-dire, parce que Bussy serait parti à l'instant même, au préjudice d'une
-affaire importante toute prête à être jugée; et que, d'ailleurs, lui
-Saint-Aignan espérait encore de la bouche du roi un ordre moins
-rigoureux.
-
-«Eh bien! dit le roi, qu'il demeure encore quinze jours ou trois
-semaines, et qu'il s'en aille chez lui après. Entendez-vous,
-Saint-Aignan? Dites-lui cela au moins, n'y manquez pas.»
-
-«Je le ferai, sire,» répliqua Saint-Aignan.
-
-En effet, quatre jours après ce dernier entretien, Bussy gagna son
-procès. Il écrivit au roi, qui alors était au camp devant Besançon, pour
-lui témoigner la reconnaissance de cette nouvelle permission. Il adressa
-sa lettre au secrétaire d'État Châteauneuf, dont la réponse, quoique
-très-polie et même affectueuse, ne lui parut pas, par la souscription,
-assez respectueuse pour être adressée par un ministre à un ancien
-lieutenant général mestre de camp de la cavalerie légère, tel que lui.
-Le 12 mai, les trois semaines qui lui avaient été accordées par le roi
-étant expirées, Bussy partit avec sa fille Françoise, et retourna en
-Bourgogne[174].
-
- [174] _Suite des Mémoires du comte_ DE BUSSY-RABUTIN (ms. de
- l'Inst.), no 221, p. 67 verso.
-
-Dans les circonstances qui avaient accompagné le refus fait à
-Saint-Aignan, Bussy trouvait des motifs d'espérance. La guerre faite en
-Franche-Comté avait déterminé le roi à faire venir la reine à Dijon, et
-l'on croyait généralement que Louis XIV en prendrait occasion de
-rappeler près de lui un personnage aussi utile en Bourgogne que l'était
-Bussy. C'est ce que nous apprend MADEMOISELLE dans une réponse qu'elle
-fit à une lettre que Bussy lui avait écrite. Elle-même souffrait
-cruellement du refus du roi de consentir à son mariage avec Lauzun, et
-plaignait Bussy; elle lui écrivait en parlant du roi: «Il est comme
-Dieu; il faut attendre sa volonté avec soumission et tout espérer de sa
-justice et de sa bonté sans impatience, afin d'en avoir plus de mérite.»
-Bussy écrivit aussi à MADEMOISELLE pour la prier d'offrir à la reine de
-venir s'installer dans son château. «Le bruit est en ce pays-ci, dit-il
-dans sa lettre, que la reine viendra faire ses dévotions à Sainte-Reine.
-Si Sa Majesté prend cette pensée, je voudrais lui pouvoir offrir ma
-maison; et j'en sortirais, pour ne pas me présenter devant elle en
-l'état où je suis à la cour. Elle serait mieux logée que dans le village
-de Sainte-Reine, et n'en serait qu'à une demi-lieue. En tout cas,
-MADEMOISELLE, si la reine ne me faisait pas cet honneur, je l'espérerais
-de V. A. R.; je l'en supplie très-humblement[175].»
-
- [175] _Suite des Mémoires de_ BUSSY-RABUTIN, p. 67-68. Lettre de
- Bussy à MADEMOISELLE, en date de Bussy, du 28 mai 1674, p.
- 74.--Lettre de MADEMOISELLE à Bussy, Dijon, le 2 juin 1674. La
- lettre est signée ANNE-MARIE-LOUISE D'ORLÉANS.--Conférez sur
- cette signature l'_État de la France_, 1677, p. 468 et
- 469.--BUSSY, _Lettres_, t. V, p. 334.
-
-La reine ne vint pas à Sainte-Reine. Bussy, à chaque nouvelle victoire,
-écrivait une lettre au roi; mais la conquête de la Franche-Comté
-s'acheva, et Louis XIV était de retour à Versailles sans que Bussy eût
-rien obtenu de lui[176].
-
- [176] LOUIS XIV, _Œuvres_, t. III, p. 512 (lettre datée de
- Versailles, le 1er juillet 1674, au maréchal de Turenne).--_Suite
- des Mémoires de_ BUSSY-RABUTIN, p. 75 et 75 _bis_. (Lettre de
- madame Scudéry à Bussy, à Paris, 23 juin 1674.--Réponse de Bussy,
- datée de Bussy, le 26 juin 1674.)
-
-
-
-
-CHAPITRE V.
-
-1674.
-
- Madame de Sévigné sollicite un congé pour M. de Grignan, afin qu'il
- puisse venir en cour avec sa femme.--Gloire et puissance de Louis
- XIV.--Par son influence le grand Sobieski est roi de Pologne.--Le
- duc d'York épouse la princesse de Modène.--Portrait de Louis
- XIV.--Son ascendant sur sa cour.--Les filles d'honneur sont
- remplacées près de la reine par les dames du palais.--Louis XIV
- avait tous les goûts, toutes les passions.--Les femmes étaient
- nécessaires à son existence.--Détails sur la reine; comment Louis
- XIV se conduisait envers elle.--Madame de Montespan cherche à
- inspirer au roi les affections de la paternité.--Elle donne des
- bals d'enfants.--Description de ces bals par madame de
- Sévigné.--Amours de Louis XIV avec la Vallière.--Lettres patentes
- qui lui confèrent le titre de duchesse.--Sa fille, madame de Blois
- (princesse de Conti), brille à la cour dès son plus jeune
- âge.--Montespan triomphe de la Vallière, et celle-ci se décide à se
- retirer de la cour.--Elle y reste encore par esprit de
- religion.--Le maréchal de Bellefonds, Bossuet, Bourdaloue la
- soutiennent dans le projet qu'elle a formé de se retirer aux
- Carmélites.--Méprise de madame de Sévigné à son sujet.--La Vallière
- entre aux Carmélites.--Sa prise d'habit.--Ses vœux.--Jugement de
- madame de Sévigné sur le discours de Bossuet.--Ce que dit la
- Vallière à la duchesse d'Orléans après la cérémonie.--Visite que
- lui fait madame de Sévigné, cinq ans après, aux Carmélites.--Grâce
- que le roi accorde à la Vallière.--Visite que lui fait madame de
- Montespan, et questions indiscrètes qu'elle lui adresse.--Influence
- qu'eut la retraite de la Vallière sur Louis XIV.--Pourquoi il
- s'abstint de l'aller voir.--La conduite du roi en cette occasion a
- été mal interprétée.--Réflexion à ce sujet, confirmée par un mot de
- Louis XIV à la veuve de Scarron.
-
-
-Pendant les quatre mois d'hiver que madame de Sévigné passa avant
-l'arrivée de sa fille à Paris, elle fut sans cesse occupée à faire
-valoir à la cour les services de son gendre en Provence, à demander
-qu'il fût appelé à Paris et qu'il vînt avec sa femme saluer le roi et se
-concerter avec ses ministres sur les affaires de son gouvernement. La
-bonne gestion et l'affermissement de l'autorité du comte de Grignan
-dépendaient, selon elle, de cette faveur et de l'accueil qui lui serait
-fait par Sa Majesté.
-
-Comme ce voyage était arrêté ou prévu, madame de Sévigné, dans les
-lettres qu'elle écrivait à sa fille, n'oubliait rien de ce qui pouvait
-la tenir au courant des intrigues de la cour. Objet d'imitation et
-d'envie, la splendeur de cette cour rayonnait sur l'Europe entière. Son
-monarque était à la fois servi par son génie, par sa fortune et par le
-hasard. L'habileté de ses ennemis ne servait qu'à faire éclater la
-supériorité de ses généraux et de ses hommes d'État. Son nom était
-respecté et sa puissance redoutée jusqu'aux extrémités du monde. La
-gloire des héros de l'étranger semblait n'être qu'un apanage de la
-sienne. Autour de lui la poésie, l'éloquence, les sublimes conceptions
-de la science, les prodiges de l'industrie agrandissaient,
-ennoblissaient les destinées de l'humanité.
-
-Le mari d'une des filles d'honneur de la reine, le grand Sobiesky,
-simple mousquetaire de Louis XIV, fut, par l'influence de ce monarque,
-élu roi de Pologne, et sauva deux fois l'Europe chrétienne en la
-préservant, par sa double victoire, de l'invasion des Turcs, alors si
-redoutables[177].
-
- [177] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 décembre 1673, 1er janvier 1674, 4
- juin et 11 août, 18 décembre 1676, 23 octobre 1683), t. III, p.
- 270, 288; t. IV, p. 470, et t. V, p. 41 et 71; t. VII, p. 396,
- édit. G.--LOUIS XIV, _Lettres_, t. V, p. 426.--CHOISY, _Mém._, t.
- LXIII, p. 429, 423, 491, 514.--BARRIÈRE, _la Cour et la Ville_,
- p. 39.--SALVANDY, _Histoire de Pologne_, liv. VII, t. II, p. 346
- et 349.
-
-
-Marié pour la seconde fois par les soins de Louis XIV[178], le duc
-d'York, qui eût paru digne du trône s'il n'y fût jamais monté, vint
-cette année (1673) présenter au roi de France la princesse de Modène, sa
-nouvelle épouse[179], et par la suite la ramena en France, comme son
-dernier asile, quand, dépouillé de sa couronne, il eut accompli sa
-destinée[180].
-
- [178] MONTPENSIER, _Mémoires_, t. XLIII, p. 368 et 369.
-
- [179] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 et 6 novembre 1673), t. III, p. 208
- et 210, édit. G.; t. III, p. 128 et 130, édit. M.
-
- [180] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 décembre 1688, 17 janvier et 2 mars
- 1689), t. IX, p. 102, 103, 109, 119, édit. G.
-
-Rien d'important n'avait lieu en Europe sans que Louis XIV n'apparût
-comme un moteur puissant ou comme un obstacle invincible; mais c'est
-surtout sur sa propre cour que son ascendant était le plus fortement
-senti. Là était son existence propre et individuelle, tous ses moyens de
-bonheur, tous les appuis de son trône, tous les exécuteurs de ses
-volontés. La nature lui avait donné la vigueur de tempérament et
-l'activité d'esprit nécessaires pour acquérir toutes les gloires et
-s'approprier toutes les jouissances du pouvoir suprême. L'orgueil de son
-rang et de ses succès lui faisait tout rapporter à sa personne. L'État,
-c'était lui; et, par une conséquence nécessaire de ce sentiment égoïste,
-le gouvernement de sa cour, de sa famille, de son gynécée était pour lui
-des affaires d'État. Pour celles-là il n'avait point d'autre ministre
-que lui-même, il ne se fiait qu'à lui seul. A une foi sincère, à un vif
-désir du salut il unissait tous les goûts, toutes les passions qui
-s'opposent à l'accomplissement des devoirs et des sacrifices qu'il
-exige. Il aimait le beau, le magnifique en toutes choses. Les arts, la
-musique, la danse le charmaient. Il se complaisait dans l'admiration des
-grandes batailles, des actes d'héroïsme et de courage, dans les
-appareils guerriers, dans les opérations de siéges savamment combinées,
-dans les terribles mêlées des batailles et, au milieu des forêts, dans
-le bruyant tumulte des grandes chasses. Il se délectait, il s'admirait
-lui-même dans le faste et le bruit des fêtes pompeuses qu'il avait
-ordonnées. Il avait encore des penchants plus impérieux, plus
-personnels, plus dangereux: il aimait le jeu; il aimait les femmes, mais
-non avec cet amour qui les avilit. Il mettait autant de prix à s'en
-faire aimer qu'à les posséder. Pour lui, nul commerce avec elles ne
-pouvait avoir de durée sans celui de l'âme et de la pensée. Chez lui le
-cœur désirait toujours avoir quelque part dans les caprices passagers
-des sens. D'un tempérament robuste, l'habitude ne lui permettait pas de
-se contraindre dans les intervalles de repos que les grossesses ou les
-infirmités imposaient à la maîtresse dont il était épris; mais alors il
-fallait encore que celles qui le rendaient infidèle, en affrontant les
-lois de la pudeur, parussent entraînées par la passion qu'il leur
-inspirait; et comme il était un des plus beaux hommes de son royaume, il
-suffisait aux beautés dont il était assiégé d'assortir leurs regards aux
-illusions de son amour-propre. De là cette politesse attentive envers
-les femmes de tous rangs, dont il fut le plus parfait modèle; cette
-élégance des manières, si fort en honneur à la cour d'Anne d'Autriche et
-à l'hôtel de Rambouillet, qui, par l'empire que Louis XIV avait acquis
-sur sa cour, a régi la société française pendant tout le cours de son
-règne et qui, malgré les mœurs crapuleuses du règne suivant, malgré nos
-hideuses révolutions, n'ont pu, après un siècle et demi, disparaître
-entièrement du caractère national.
-
-Cependant tant d'entraînements opposés et d'inclinations contraires
-créaient à Louis XIV des obstacles pour le gouvernement de sa cour. Sa
-renommée remplissait le monde, et le monde s'occupait de lui. On
-cherchait à pénétrer dans les secrets de l'existence intérieure de celui
-dont l'influence était si forte sur la fortune des États et des
-individus. Voilà pourquoi ce qui concerne ses maîtresses et les
-anecdotes de sa vie privée sont des faits qui ont une grande importance
-historique; mais ils ont besoin qu'on leur applique ce même esprit
-critique sans lequel l'histoire ne peut nous retracer qu'une image
-incomplète et fantastique du passé.
-
-Le 1er janvier 1674, Louis XIV opéra un changement considérable dans la
-maison de la reine. Il supprima les filles d'honneur, qui, pour la
-plupart, avaient une réputation équivoque, à laquelle le roi avait
-beaucoup contribué[181]. Elles furent remplacées par des femmes mariées
-à de hauts personnages et portant de grands noms. Ce furent d'abord cinq
-dames d'honneur ou dames du palais, ajoutées aux sept qui existaient
-déjà. Elles furent toutes assujetties auprès de la reine au même service
-que les filles d'honneur, sans qu'aucune d'elles pût s'en exempter, même
-lorsqu'elles étaient enceintes[182]. Madame de Sévigné nous apprend que
-les uns attribuaient cette mesure à l'inquiète jalousie de Montespan,
-et d'autres à ce que, pour écarter une seule de ces filles d'honneur, on
-les renvoya toutes. Ces conjectures sont démenties, selon nous, par les
-faits que madame de Sévigné elle-même nous apprend. «Le roi, dit-elle,
-veut de la soumission. Il est très-sûr qu'en certain lieu on ne veut
-séparer aucune femme de son mari ou de ses devoirs; on n'aime pas le
-bruit, à moins qu'on ne le fasse[183].»
-
- [181] _Requeste des filles d'honneur persécutées à madame D. L.
- V._ (de la Vallière). _Recueil des histoires galantes_; à
- Cologne, chez Jean le Blanc, p. 346.--_Amours des dames illustres
- de notre siècle_; à Cologne, chez Jean le Blanc, p. 381.
-
- [182] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27 novembre 1673), t. III, p. 242,
- édit. G.; t. III, p. 153, édit. M.--_Ibid._ (1er et 5 janvier
- 1674), t. III, p. 288, 292, 297.--_État de la France_, 1669, p.
- 361.--_Ibid._, 1677, p. 346, et 1678, p. 376.
-
- [183] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er décembre 1673), t. III, p. 245,
- édit. G.; t. III, p. 156, édit. M.--_Ibid._ (8 janvier 1674), t.
- III, p. 299, édit. G.; t. III, p. 205, édit. M.--Madame la
- duchesse D'ORLÉANS, _Mémoires et fragments historiques_, p. 47,
- édit. 1832.--_Ibid._, éd. 1833, p. 46.
-
-Louis XIV se dégageait peu à peu, par les années, de la tyrannie de sa
-constitution chaleureuse, et il cédait de plus en plus au sentiment de
-dignité morale qui ne l'abandonna jamais entièrement. Il voulait
-racheter par son respect pour la religion et par les services qu'il
-croyait lui rendre les graves infractions faites à ses saintes lois. Il
-ne lui suffisait pas que les dames du palais eussent un bon renom de
-fidélité conjugale, il aurait désiré auprès de sa pieuse épouse des
-femmes qui lui ressemblassent. Alors prévalut, parmi celles qui
-voulaient parvenir aux dignités et aux honneurs (le nombre en était
-grand), une pruderie et une affectation de piété dont madame de Sévigné,
-dans l'intime secret de sa correspondance avec sa fille, se moque en
-toute occasion. «La princesse d'Harcourt, dit-elle, danse au bal, et
-même toutes les petites danses; vous pouvez penser combien on trouve
-qu'elle a jeté le froc aux orties et qu'elle a fait la dévote pour être
-dame du palais! Elle disait il y a deux jours: Je suis une païenne
-auprès de _ma sœur_ d'Aumont. On trouve qu'elle dit bien présentement:
-_La sœur_ d'Aumont n'a pris goût à rien; elle est toujours de méchante
-humeur, et ne cherche qu'à ensevelir les morts. La princesse d'Harcourt
-n'a point encore mis de rouge; elle dit à tout moment: J'en mettrai si
-la reine ou M. le prince d'Harcourt me le commandent. La reine ne lui
-commande pas, ni le prince d'Harcourt; de sorte qu'elle se pince les
-joues, et l'on croit que M. de Sainte-Beuve (savant casuiste et
-théologien de la Sorbonne) entre dans ce tempérament[184].»
-
- [184] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 janvier 1674), t. III, p. 316, édit.
- G.; t. III, p. 218, édit. M.--Conférez la 4e partie de ces
- _Mémoires_, p. 277, et t. III, p. 374.
-
-Lorsque Mazarin, d'après les considérations de la politique, décida que
-le roi de France s'unirait à l'infante d'Espagne, le jeune monarque,
-alors dans toute la fougue de l'âge, était épris de Marie Mancini.
-L'infante espagnole, timide, froide et gauche, avec ses grands yeux d'un
-bleu pâle, sa figure d'un blond argenté, son teint d'un blanc blafard,
-le vermillon de ses lèvres épaisses qui faisait ressortir le peu de
-blancheur de ses dents, contrastait désagréablement avec les attraits de
-cette belle et gracieuse Italienne au teint coloré, à la taille élancée,
-à la parole chaleureuse, aux regards enflammés[185]. Le jeune roi fut
-obligé de résister à ses plus ardents désirs et de refouler dans son
-cœur ses plus tendres sentiments en recevant dans ses bras
-Marie-Thérèse. Celle-ci ne put jamais inspirer de l'amour à son époux;
-mais elle était bonne, douce, pieuse; et de toutes les femmes qui se
-passionnèrent pour Louis jusqu'à l'idolâtrie aucune ne l'aima plus
-fortement, plus constamment. Il le savait, et, malgré toutes les
-séductions qui l'entraînaient, il eut toujours pour elle les procédés
-d'un honnête homme qui connaît tout le prix d'une épouse fidèle et d'un
-roi qui n'ignore pas qu'un des plus grands intérêts de sa politique est
-celui de perpétuer sa race. Il en eut six enfants; tous moururent
-jeunes, excepté le premier, qui fut dauphin; et comme cet aîné fut un
-homme d'un esprit médiocre et d'un caractère peu aimable, malgré les
-soins de Montausier et de Bossuet, ou peut-être en partie à cause de ces
-soins, Louis XIV préférait à tous ses enfants ceux qu'il eut de ses
-maîtresses. Mais il environna toujours de respect et d'hommages sa
-compagne couronnée, la mère du Dauphin et de toute la progéniture
-légitime et royale. Soumise à toutes ses volontés, elle les devinait
-dans ses yeux; elle ne pensait, elle n'agissait que par lui; la peur de
-lui déplaire la glaçait d'effroi, et son amour augmentait sa crainte.
-Pour qu'aucune femme n'aigrît en elle les sentiments de jalousie qui la
-tourmentaient, Louis XIV ne se contenta pas de remplacer les filles
-d'honneur par des dames du palais, il renvoya dans leur pays toutes les
-femmes de chambre espagnoles que la reine[186] avait amenées avec elle,
-et mit à leur place des femmes de chambre françaises. Ce changement
-parut dur à Marie-Thérèse; mais elle n'osa pas s'en plaindre, et ce fut
-par madame de Montespan qu'elle obtint de pouvoir garder la plus jeune
-et la plus chérie de ses femmes espagnoles[187].
-
- [185] Voyez la 2e partie de ces _Mémoires_, 2e édit, p.
- 151-155.--Madame la duchesse D'ORLÉANS, princesse palatine,
- _Mémoires_, édit. de Busoni, 1832, p. 90.--MOTTEVILLE,
- _Mémoires_, t. XL, p. 52, 53.
-
- [186] Madame la duchesse D'ORLÉANS, _Mémoires_, 1833, in-8º, p.
- 90, 91. _Lettres originales de madame_ CHARLOTTE-ÉLISABETH DE
- BAVIÈRE, _veuve de_ MONSIEUR; 1788, in-12, t. I, p. 84 et 85.
-
- [187] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er et 5 janvier 1674), t. III, p. 286
- et 292, édit. G.; t. III, p. 288 et 292, édit. M.
-
-Marie-Thérèse, élevée pour un trône, avait cependant de la grandeur et
-de la dignité; ce fut elle qui répondit naïvement qu'elle n'avait pu
-devenir amoureuse d'aucun homme à la cour de son père, parce qu'il n'y
-avait d'autre roi que lui. Elle savait tenir une cour; mais, élevée dans
-l'ignorance et sans goût pour la lecture, elle aimait les jeux de
-cartes; ce qui plaisait d'autant plus aux dames d'honneur et aux femmes
-admises à l'honneur de faire habituellement sa partie qu'elle ne savait
-pas bien jouer, et qu'elle perdait presque toujours. Celles qui, par
-leurs charges, étaient obligées de l'accompagner partout ne
-sympathisaient pas avec sa dévotion, et trouvaient pénible d'aller tous
-les jours à vêpres, au sermon, au salut: «Ainsi, disait à ce propos
-madame de Sévigné, rien n'est pur en ce monde[188].»
-
- [188] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (10 novembre 1673), t. III, p. 216,
- édit. G.; t. III, p. 133 et 134, édit. M.--L'_État de la France_,
- édit. 1669, p. 361, 362, 363.--Édit. 1677, p. 341, 347.--Édit.
- 1678, p. 377.
-
-Lorsqu'il allait faire la guerre en personne, Louis XIV transportait la
-reine et sa cour dans les lieux les moins éloignés des opérations
-militaires. Quand ses plans de campagne devaient se porter hors du
-royaume et auraient exposé la reine à quelques dangers, il la laissait
-à Versailles et la décorait du titre de régente. Si donc Marie-Thérèse
-ne suffisait pas au bonheur de Louis XIV, elle y contribuait, et ne le
-troublait en rien. Il n'en était pas de même des maîtresses: leur
-rivalité, celle de leurs enfants, qui tous issus du même père se
-croyaient les mêmes droits aux bienfaits et à la faveur, y fomentaient
-des divisions et des haines[189]. Le passage suivant d'une des lettres
-de madame de Sévigné nous dessine trop exactement l'état de la cour sous
-ce rapport, à l'époque dont nous nous occupons, pour que nous ne le
-transcrivions pas:
-
-«...Parlons de Saint-Germain: j'y fus il y a trois jours... J'allai
-d'abord chez M. de Pomponne... Nous allâmes chez la reine avec madame de
-Chaulnes. Il n'y eut que pour moi à parler. La reine dit sans hésiter
-qu'il y avait trois ans que vous étiez partie et qu'il fallait revenir.
-Nous fûmes ensuite chez madame Colbert, qui est extrêmement civile et
-sait très-bien vivre. Mademoiselle de Blois dansait; c'est un prodige
-d'agrément et de bonne grâce. Desairs dit qu'il n'y a qu'elle qui le
-fasse souvenir de vous; il me prenait pour juge de sa danse, et c'était
-proprement mon admiration que l'on voulait: elle l'eut, en vérité, tout
-entière. La duchesse de la Vallière y était; elle appelle sa fille
-_mademoiselle_, et la princesse l'appelle _belle maman_. M. de
-Vermandois y était aussi. On ne voit point encore d'autres enfants. Nous
-allâmes voir MONSIEUR et MADAME; vous n'êtes point oubliée de MONSIEUR,
-et je lui fais toujours mes très-humbles remercîments. Je trouvai
-Vivonne, qui me dit: _Maman mignonne_, embrassez, je vous prie, le
-gouverneur de Champagne.--Et qui est-ce? lui dis-je.--C'est moi,
-reprit-il.--Et qui vous l'a dit?--C'est le roi, qui vient de me
-l'apprendre tout à l'heure. Je lui en fis mes compliments tout chauds.
-Madame la comtesse (de Soissons) l'espérait pour son fils[190].»
-
- [189] MONTPENSIER, _Mémoires_ (1681 et 1668), t. XLIII, p. 20 et
- 121.--MOTTEVILLE, _Mémoires_ (1661), t. XL, p. 154.--CAYLUS,
- _Souvenirs_, t. LXVI, p. 434-35, édit. de Voltaire; Ferney, 1770,
- p. 93.
-
- [190] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (12 janvier 1674), t. III, p. 303, édit.
- G.; t. III, p. 206-207, édit. M.
-
-Presque tous les grands intérêts de cour, au moment où ces lignes furent
-écrites, y sont touchés.
-
-Le gouvernement de Champagne était devenu vacant par la mort
-d'Eugène-Maurice de Savoie, comte de Soissons, arrivée le 7 juin 1673.
-Il était naturel que ce gouvernement fût donné à son fils aîné,
-Louis-Thomas. Sa mère était Olympe Mancini, surintendante et chef du
-conseil de la maison de la reine[191], qui avait conservé un grand
-crédit à la cour; mais madame de Montespan l'emporta sur elle, et fit
-donner ce gouvernement à son frère, le duc de Vivonne. Alors dans toute
-la force et l'éclat de sa puissance, madame de Montespan triomphait par
-la certitude d'être aimée sans redouter sa rivale. Lorsque, par un
-retour de tendresse, Louis XIV avait impérieusement redemandé la
-Vallière aux saintes filles du couvent de Chaillot[192], celle-ci,
-pressentant son malheur, dit: «Hélas! mes sœurs, vous me reverrez
-bientôt.» Bientôt, en effet, l'abandon et la froideur toujours
-croissants de celui qui l'avait accoutumée à tant d'adoration et
-d'hommages rouvrirent plus saignantes et plus déchirantes les blessures
-faites à son cœur. Elle vit enfin arriver ces jours de douleur et de
-larmes, où la mélancolique expression de ses beaux yeux, qui tant de
-fois avaient fait repentir Louis XIV de ses infidélités et rallumé
-l'ardeur d'une flamme languissante, ne trouvait plus en lui aucune
-sympathie. Une nouvelle séparation était devenue indispensable; elle dut
-enfin s'y résigner; mais, incertaine, timide et tremblante au moindre
-signe de la volonté d'un maître qui avait cessé d'être amant, elle
-n'osait pas lui résister; elle ne savait ni comment rester avec lui ni
-comment le quitter. Il fuyait la présence, il évitait les regards de
-celle qui aurait voulu lui sacrifier sa vie. Sa vie! elle ne lui
-appartenait plus; elle était au père de ses enfants, enfants du sang
-royal, reconnus légitimes. Dans les commencements, le jeune monarque
-avait consenti à ce que la Vallière couvrît ses faiblesses des ombres du
-mystère. Deux enfants nés de ce commerce amoureux furent mis au monde et
-baptisés comme nés de père et de mère supposés; ces enfants moururent
-peu après leur naissance[193], et le secret de ces passagères existences
-ne fut pas alors révélé. Louis XIV se lassa de ces feintes, qui le
-gênaient et qui lui paraissaient peu d'accord avec la dignité royale; il
-voulut se montrer généreux jusque dans le désordre de ses mœurs, il
-voulut imposer à l'opinion et se mettre au-dessus d'elle. Il rendit ses
-sujets confidents de ses plaisirs, et les admit à contempler la beauté
-de celle qui l'avait subjugué. Toute sa cour devait participer à
-l'enivrement de sa joie et de son bonheur. Il donna des fêtes splendides
-dont la Vallière fut l'objet. Au lieu de désavouer les enfants qu'il en
-obtint, il les reconnut et les légitima. La sincérité de ses sentiments
-et de son admiration pour sa belle maîtresse éclate dans les lettres
-patentes données après la naissance de mademoiselle de Blois, lorsqu'il
-érigea, pour elle et pour sa mère, la terre de Vaujour et la baronnie de
-Saint-Christophe en duché-pairie, sous le nom de _la Vallière_.
-
- [191] _État de la France_, 1678, in-12, p. 375.
-
- [192] Voyez la 3e partie de ces _Mémoires_, ch. XII et XIII, p.
- 212 et 240.
-
- [193] TASCHEREAU, _Revue rétrospective_, numéro XI, août 1834, p.
- 251 à 255.
-
-«Nous avons cru, dit-il, par cet acte[194], ne pouvoir mieux exprimer
-dans le public l'estime toute particulière que nous faisons de notre
-très-chère, bien-aimée et très-féale Louise-Françoise de la Vallière
-qu'en lui conférant les plus hauts titres d'honneur... Quoique sa
-modestie se soit souvent opposée au désir que nous avions de l'élever
-plus tôt dans un rang proportionné à notre estime et à ses bonnes
-qualités, néanmoins l'affection que nous avons pour elle et la justice,
-ne nous permettant plus de différer les témoignages de notre
-reconnaissance pour un mérite qui nous est connu, ni de refuser plus
-longtemps à la nature les effets de notre tendresse pour Marie-Anne,
-notre fille naturelle, en la personne de sa mère...»
-
- [194] _Lettres patentes_ données à Saint-Germain en Laye au mois
- de mai 1667, et registrées au parlement le 13.--Ces lettres
- patentes sont rapportées dans l'ouvrage de Dreux du Radier
- intitulé _Mémoires et anecdotes des reines et régentes de
- France_, t. VI, p. 415 du même ouvrage, édit. 1782.
-
-C'est le 2 octobre 1666 que la Vallière accoucha de cette fille, dite
-_mademoiselle de Blois_; et son frère, le comte de Vermandois, qui fut
-aussi légitimé, naquit, jour pour jour, un an après elle. Les trois
-enfants de Louis XIV et de madame de Montespan, le duc du Maine[195],
-le comte de Vexin[196] et mademoiselle de Nantes[197], furent aussi
-légitimés. Ils s'élevaient sous l'admirable tutelle de Françoise
-d'Aubigné, veuve de Scarron. Les enfants de madame de la Vallière furent
-confiés aux soins de la femme du ministre Colbert. Les enfants de
-Montespan étaient trop jeunes à l'époque dont nous traitons pour être
-montrés à la cour. Il n'en était pas de même de ceux de la Vallière; ils
-étaient charmants, et Louis XIV se plaisait à les voir développer leurs
-grâces enfantines.
-
- [195] Né le 31 mars 1670, mort à Sceaux le 14 mai 1736.
-
- [196] Né le 20 juin 1672, mort le 10 janvier 1683.
-
- [197] Née en juin 1673 à Tournay (MONTPENSIER, _Mémoires_, t.
- XLIII, p. 381), morte le 16 juin 1743.
-
-Montespan avait intérêt à nourrir dans le cœur de Louis XIV cette
-prédilection pour son illégitime postérité; et à peine relevée de sa
-dernière couche, ne pouvant danser, elle imagina de faire danser des
-enfants dans les bals de la cour. Ainsi on vit MONSIEUR, frère du roi,
-danser avec mademoiselle de Blois, ayant à peine huit ans, et le Dauphin
-avec MADEMOISELLE, sa cousine, âgée de douze à treize ans[198]. Ces bals
-ressemblaient peu à ceux qui se donnaient dans la jeunesse de Louis XIV,
-au temps du règne de la Vallière; mais le roi s'y amusait et y dansait.
-Plusieurs des belles femmes de la cour, craignant l'ennui, sous divers
-prétextes s'abstenaient d'y paraître; ce qui ne déplaisait nullement à
-madame de Montespan, qui n'avait aucun désir de les faire briller.
-
- [198] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (lundi, 8 janvier 1674), t. III, p. 299,
- édit. G; t. III, p. 203, édit. M.
-
-Dans les lettres de madame de Sévigné à sa fille pendant le mois de
-janvier 1674 et avant le départ du roi pour le siége de Besançon, nous
-lisons: «Il y a des comédies à la cour et un bal toutes les semaines. On
-manque de danseuses...»
-
-Et huit jours après:
-
-«Le bal fut fort triste, et finit à onze heures et demie. Le roi menait
-la reine; le Dauphin, MADAME; le comte de la Roche-sur-Yon, mademoiselle
-de Blois, habillée de velours noir avec des diamants, et un tablier et
-une bavette de point de France[199].»
-
- [199] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (12 janvier 1674), t. III, p. 306, édit.
- G.; t. III, p. 209, édit. M.--Sur mademoiselle de Rouvroi, voyez
- SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 juin 1675), t. III, p. 414; et Lettre de LE
- CAMUS, évêque de Grenoble (5 juin 1675), dans les _Œuvres_ de
- Louis XIV, t. V, p. 534.
-
-Huit jours après elle écrit encore:
-
-«Ces bals sont pleins de petits enfants; madame de Montespan y est
-négligée, mais placée en perfection; elle dit que mademoiselle de
-Rouvroi est déjà trop vieille pour danser au bal: MADEMOISELLE,
-mademoiselle de Blois, les petites de Piennes, mademoiselle de
-Roquelaure (un peu trop vieille, elle a quinze ans); mademoiselle de
-Blois est un chef-d'œuvre: le roi et tout le monde en est ravi; elle
-vint dire au milieu du bal à madame de Richelieu: Madame, ne
-sauriez-vous me dire si le roi est content de moi? Elle passe près de
-madame de Montespan, et lui dit: Madame, vous ne regardez pas
-aujourd'hui vos amies. Enfin, avec de certaines _chosettes_ sorties de
-sa belle bouche, elle enchante par son esprit, sans qu'on croie qu'on
-puisse en avoir davantage[200].»
-
- [200] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 janvier 1674), t. III, p. 317-318,
- édit. G.; t. III, p. 218-219.
-
-On sait que cette délicieuse enfant fut depuis cette princesse de Conti
-célèbre par la majesté de son port et la beauté de ses traits, celle-là
-même qui, par la grâce et la légèreté de sa danse, troublait le sommeil
-du poëte:
-
- L'herbe l'aurait portée, une fleur n'aurait pas
- Reçu l'empreinte de ses pas[201].
-
- [201] LA FONTAINE, _le Songe_, dans ses _Å’uvres_, 1827, t. VI,
- p. 189.
-
-Ainsi les enfants de la Vallière servaient de divertissement à sa
-rivale; et Louis, sans en être ému, trouvait bon qu'une autre que celle
-qui les avait mis au monde s'en emparât pour lui procurer de la
-distraction et le rendre sensible aux sentiments de la paternité.
-Montespan, par ses couches fréquentes, fut conduite à ce calcul; mais
-elle eut la douleur de voir qu'une autre en recueillît les fruits. Le
-duc du Maine, prince si faible et si médiocre, mais enfant précoce, fut
-le préféré de Louis: loin que sa mère en profitât, il prépara le règne
-de l'habile institutrice que Montespan avait appelée près d'elle pour
-élever sa royale famille.
-
-Quant à la Vallière, son cœur était encore trop opprimé par sa passion
-pour trouver des consolations dans les joies maternelles. La vue de ses
-enfants lui rappelait au contraire tout ce qu'avaient de cruel
-l'indifférence et l'abandon de celui qui les honorait de ses paternelles
-tendresses. Elle eut la pensée de se retirer près de son amie,
-mademoiselle de la Mothe d'Argencourt[202], dans le couvent de Chaillot,
-qui eût ainsi réuni deux victimes d'un même amour. Sa mère l'engageait à
-prendre ce parti. Celle-ci calculait que sa fille avait à peine trente
-ans, et que sa beauté, ses grandes richesses, son titre de duchesse
-qu'elle tenait du roi détermineraient quelque grand et puissant
-personnage à demander sa main. Le bruit courait que le duc de
-Longueville et Lauzun en étaient amoureux et désiraient l'épouser. Elle
-pourrait donc reparaître dans le monde avec un double avantage, briller
-encore à la cour, et éclipser Montespan, qui, quoique supérieure à elle
-par la naissance, lui était inférieure par le rang. Nul doute qu'un
-mariage honorable n'eût été pour la Vallière le meilleur parti et le
-seul qui pût lui assurer une existence calme et heureuse; mais pour que
-ce mariage pût avoir lieu il fallait qu'elle le voulût et que le roi y
-donnât son adhésion. La Vallière fut toujours incapable d'aucun calcul
-d'intérêt personnel. Sa passion avait triomphé de sa pudeur; mais son
-âme était restée chaste et pure, toujours ouverte aux aspirations de la
-piété et du repentir, et elle eût considéré comme une honte de s'unir à
-un autre homme que l'unique auquel son honneur avait été sacrifié. Louis
-XIV était incapable de faire souffrir à celle qu'il avait tant aimée le
-moindre des outrages dont on l'a accusé; mais, sans désirer que la
-Vallière restât à sa cour, il craignait, en la laissant s'éloigner, de
-lui accorder trop de liberté. Il l'empêchait de voir sa mère, qu'il
-n'estimait pas et dont il se défiait; et il favorisait indirectement ses
-longs entretiens avec le maréchal de Bellefonds, bien connu pour sa
-pieuse ferveur et par son étroite liaison avec Bossuet. Bellefonds
-soutint la Vallière dans la résolution qu'elle voulait prendre de
-s'éloigner de Louis XIV, de ne plus le revoir, de diriger vers Dieu
-toutes ses pensées, toutes ses affections. Il fallait, pour exécuter
-cette courageuse résolution, le consentement de Louis XIV, auquel elle
-n'était pas libre de désobéir, auquel elle n'aurait pas voulu refuser de
-se soumettre lors même qu'elle en eût eu le pouvoir. Elle pensa d'abord
-à se retirer au couvent des Capucines. Mais le maréchal de Bellefonds
-avait une sœur qui était prieure des Carmélites de Paris. La Vallière
-la rendit confidente de ses peines, et celle-ci parvint à lui persuader
-que plus grande serait son expiation, plus grandes seraient la grâce de
-Dieu et ses espérances de salut. Fortement préoccupée de cette pensée,
-la Vallière eut l'idée de se faire carmélite. C'était là une rude et
-difficile détermination à prendre. L'austérité des règles prescrites par
-sainte Thérèse faisait pâlir d'effroi la piété la plus fervente; et pour
-celle dont la vie s'était écoulée dans les délices du luxe et de la
-mollesse, au milieu des pompes et des orgueilleuses jouissances de la
-grandeur, se faire carmélite, c'était s'immoler vivante dans un tombeau,
-comme une vestale criminelle des temps antiques, sans espérance de
-trouver comme elle, par la mort, une prompte fin à son supplice.
-
- [202] Sur mademoiselle la Mothe d'Argencourt, voyez les
- _Mémoires_ sur SÉVIGNÉ, 2e partie, chap. IX, p. 109, 114.
-
-Aussi la Vallière hésitait-elle beaucoup. A mesure que la religion
-s'emparait de sa pensée, le repentir même de ses fautes ravivait dans
-son cœur ses souvenirs d'amour, et sa tendresse pour ses enfants
-renaissait avec plus de force. Elle regrettait surtout de se séparer de
-sa charmante fille, mademoiselle de Blois[203]. Cependant de nombreuses
-conférences avec Bossuet, avec le P. Bourdaloue, le P. Cazan et avec de
-Rancé, abbé de la Trappe[204], achevèrent de l'affermir dans sa
-résolution. Mais elle voulait que cette résolution fût inébranlable, et
-la peur qu'elle avait d'en être détournée par le roi lui faisait
-craindre de lui en parler.
-
- [203] Lettre de madame DE LA VALLIÈRE au maréchal de Bellefonds
- (3 février 1674), citée dans BAUSSET, _Hist. de Bossuet_, livre
- V, t. II, p. 35, édit. in-12.--MONTPENSIER, _Mémoires_, t. XLIII,
- p. 382.--_Madame_ DE LA VALLIÈRE, _Lettres_, 1747, in-12, p. 27.
-
- [204] L'abbé LEQUEUX, _Histoire de madame de la Vallière_, p. 27,
- dans les Lettres de madame la duchesse de la Vallière, 1767,
- in-12.--Madame la duchesse D'ORLÉANS, _Fragments de lettres_,
- 1788, in-12, t. I, p. 112.--Idem, _Mémoires_, Paris, 1832, in-8º,
- p. 58.
-
-Elle pria Bossuet de traiter d'abord de cette affaire avec madame de
-Montespan; celle-ci, effrayée d'un si étrange projet, le combattit, et
-tâcha même de le rendre impossible en le tournant en ridicule. Montespan
-voyait sa rivale, par cette immolation, devenir un objet d'admiration et
-de pitié; et, ce qui la touchait plus fortement, elle pressentait que le
-blâme d'avoir permis un si cruel sacrifice rejaillirait sur elle, et
-ferait ressortir plus fortement le scandale qu'elle donnait au monde.
-L'austère prélat insista; et tel était alors l'empire de la religion,
-même sur les rois les plus absolus, que Louis XIV, quoiqu'il en eût le
-désir, n'osa pas s'opposer à Bossuet et l'empêcher de continuer son
-œuvre[205]. Madame de la Vallière, pour transporter à Dieu cette
-sensibilité qui débordait, évita tout ce qui pouvait rappeler en elle le
-désir de plaire au roi; elle eut soin de se vêtir avec plus de
-simplicité et de modestie; elle rechercha les occasions d'humiliation
-que faisait naître le triomphe de sa rivale. Celle-ci, aigrie par la
-jalousie, les saisissait avec un empressement qu'elle croyait cruel;
-mais elle se trompait, la Vallière lui savait gré de ses rigueurs. Elle
-s'exerçait à souffrir. Elle répondait à Montespan avec douceur; elle la
-parait de ses propres mains. Quand la Vallière reconnut que Montespan ne
-lui inspirait plus aucun mouvement de jalousie, quand elle sentit
-qu'elle lui faisait éprouver un sentiment de bienveillance et de
-compassion, elle cessa de désespérer de sa force. Elle se sentit
-suffisamment transformée pour exécuter son effrayante résolution. Elle
-aimait encore Louis plus qu'elle-même; mais cet amour était bien faible
-en comparaison de celui dont elle se sentait embrasée pour Jésus-Christ.
-Ce fut alors que, pour effacer les vains fantômes de sa vie passée et
-pour s'affermir dans cet état de volupté divine dont elle était
-redevable à la grâce, elle écrivit ces _Réflexions sur la miséricorde de
-Dieu_ dont on lui a dérobé longtemps après le manuscrit pour le
-publier[206]. Cet ouvrage n'est qu'une continuelle prière pour demander
-à Dieu le don de la prière. Elle trouva dans ses aspirations religieuses
-un calme si grand, un tel désir d'une autre existence qu'il devint
-évident pour ceux qui la voyaient que Louis XIV lui-même n'aurait pu,
-par les plus tendres protestations, la ramener à lui. Sa tranquille joie
-augmentait à mesure que le temps approchait où elle devait se renfermer.
-Bossuet, accoutumé à ces retours de l'âme, dont il était un si grand et
-si heureux artisan, en fut cependant étonné; et il écrivit au maréchal
-de Bellefonds: «C'est la force et l'humilité qui accompagnent toutes ses
-pensées. Elle ne respire plus que la pénitence; et, sans être effrayée
-de l'austérité de la vie qu'elle est prête à embrasser, elle en regarde
-la fin avec une consolation qui ne lui permet pas d'en craindre la
-peine. Cela me ravit et me confond: je parle, et elle fait; j'ai les
-discours, elle a les œuvres. Quand je considère ces choses, j'entre
-dans le désir de me taire et de me cacher; et je ne prononce pas un seul
-mot où je ne croie prononcer ma condamnation[207].» Dans la chambre même
-de la duchesse de la Vallière, Bossuet écrit encore: «C'est s'abîmer
-dans la mort que de se chercher soi-même. Sortir de soi-même pour aller
-à Dieu, c'est la vie.» Cette seule phrase peut nous faire juger avec
-quelle énergique éloquence le prélat encourageait la Vallière à
-persister dans sa pieuse résolution.
-
- [205] BOSSUET, _Œuvres_, édit. 1818, in-8º, t. XXXVII, p. 55-66
- (lettres au maréchal de Bellefonds, datées de Saint-Germain, le
- 25 décembre 1673, 27 janvier 1674; de Versailles, le 8 février et
- 6 avril 1674).
-
- [206] LA VALLIÈRE, _Réflexions sur la miséricorde de Dieu, par
- une dame pénitente_; Paris, Antoine Dezallier, 1680, in-12. C'est
- la première édition; elle fut achevée d'imprimer le 20 juin 1680.
- Une nouvelle édition parut, augmentée de prières tirées de
- l'Écriture sainte et du récit abrégé de la vie pénitente et de la
- sainte mort de madame la duchesse de la Vallière; Paris,
- Christophe David, 1726, in-12.--Conférez l'abbé LEQUEUX,
- _Histoire de la Vallière_, dans les _Lettres_, 1768, in-12, p.
- 25.--Une nouvelle édition des _Réflexions_ et des _Lettres_ a été
- donnée par Maradan en 1807; elle est précédée d'une _Vie
- pénitente de madame de la Vallière_, par madame DE GENLIS.
-
- [207] BOSSUET, _Œuvres_, édit. 1818, in-8º, t. XXXVII, p. 66
- (lettre au maréchal de Bellefonds, Versailles, ce 6 avril
- 1674).--_Ibid._ (lettres du 27 janvier 1674), t. XXXVII, p. 58.
-
-«J'étais curieuse de savoir (écrivait madame la duchesse d'Orléans)
-pourquoi elle était restée si longtemps comme une suivante chez la
-Montespan. Elle me dit que Dieu avait touché son cœur; qu'il lui avait
-fait connaître son péché, et qu'elle avait pensé qu'il fallait en faire
-pénitence et souffrir, par conséquent, ce qui lui serait le plus
-douloureux... Et puisque son péché avait été public, il fallait que sa
-pénitence le fût aussi... Elle avait offert à Dieu toutes ses douleurs,
-et Dieu lui avait inspiré la résolution de ne servir que lui; mais
-qu'elle se regardait comme indigne de vivre auprès d'âmes aussi pures
-que l'étaient les autres carmélites. On voyait que cela partait du
-cœur[208].»
-
- [208] Madame la duchesse D'ORLÉANS, princesse palatine,
- _Mémoires_, édit. 1832, in-8º, p. 58.--Id., _Fragments_, 1788,
- in-12 (lettres du 1er mars 1719), t. I, p. 113.--Id., _Mémoires
- de la cour de Louis XIV et de la Régence_, Paris, 1805, in-8º, p.
- 56.
-
-On ne la jugea pas d'abord ainsi à la cour et dans le monde; ce monde
-croit difficilement aux sublimes efforts de la vertu religieuse.
-Mademoiselle de la Vallière était moins aimée que madame de Montespan,
-parce que, nulle pour tout autre que pour son amant, préoccupée de la
-pensée qu'elle avait perdu ses droits à la considération, elle était mal
-à l'aise avec les autres femmes. Étrangère aux intrigues, à l'ambition,
-elle n'avait et ne voulait exercer aucun empire sur Louis XIV[209]; elle
-ne se rendait utile à personne; bonne, modeste, douce et tendre, sans
-aucun défaut, mais sans éminentes qualités. Aimer et être aimée, c'était
-sa vie. Une influence assez grande sur son amant pour verser des
-bienfaits, pour conférer la puissance ou les richesses pouvait seule
-relever cette femme de l'abaissement où elle s'était placée par ses
-faiblesses, même avec un roi.
-
- [209] MONTPENSIER, _Mémoires_ (1674), t. XLIII, p. 382.
-
-La religion, en précipitant la Vallière au pied des autels, la releva de
-cet abaissement. Mais on ajouta d'abord peu de foi, sinon à la
-sincérité, du moins à la durée de son repentir. Son prompt retour après
-sa retraite de Chaillot devait faire croire que cette retraite avait été
-un stratagème de l'amour; et on eut la même opinion quand le bruit se
-répandit qu'elle songeait à se retirer de la cour. Ce bruit fut ensuite
-démenti, et la duchesse de la Vallière fut l'objet des railleries de
-toutes les femmes, même de madame de Sévigné, qui (le 15 décembre 1673)
-écrivait à madame de Grignan: «Madame de la Vallière ne parle plus
-d'aucune retraite; c'est assez de l'avoir dit. Sa femme de chambre s'est
-jetée à ses pieds pour l'en empêcher. Peut-on résister à cela[210]?»
-
- [210] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 décembre 1673), t. III, p. 263 et
- 264, édit. G.; t. III, p. 172, édit. M.
-
-Madame de Sévigné jugeait en femme vulgaire une femme qui ne l'était
-plus. La religion l'avait régénérée; elle lui avait donné une élévation,
-une énergie de caractère, une prévoyance pour l'avenir, une vigueur de
-pensée étrangère jusqu'alors à cette âme indolente et faible. La
-Vallière ne restait à la cour que pour régler, par l'entremise de
-Colbert, ce qui concernait la fortune de ses enfants. Par le canal de
-madame de Montespan, elle obtint encore du roi, auquel elle ne voulait
-rien demander, que la marquise de la Vallière, sa belle-sœur[211], fût
-mise dans le nombre des nouvelles dames d'honneur de la reine qu'on
-avait ajoutées aux anciennes[212].
-
- [211] Sur le frère de la Vallière, conférez SÉVIGNÉ, _Lettres_
- (16 octobre 1676), t. V, p. 176, édit. G.; t. V, p. 10, édit.
- M.--_État de la France_, 1678, in-12, p. 376.
-
- [212] LOUIS XIV, _Œuvres_, t. V, p. 524 (lettre à la reine de
- Portugal, en date du 23 mai 1674).--_État de la France_, 1677, p.
- 376. La marquise de la Vallière est dans cet _État_ la dernière
- inscrite de celles de la création du 1er janvier 1674.
-
-La veille de son départ de la cour, la Vallière soupa chez madame de
-Montespan, où mademoiselle de Montpensier alla lui faire ses adieux; et
-le lendemain, vendredi 20 avril (1674), elle entendit la messe du roi.
-Louis XIV partit aussitôt après pour se rendre en Franche-Comté assiéger
-Besançon, et madame de la Vallière monta en carrosse, et alla,
-vis-à-vis le Val-de-Grâce, se renfermer au couvent des grandes
-Carmélites du faubourg Saint-Jacques[213].
-
- [213] MONTPENSIER, _Mémoires_, t. XLIII, p. 383 (année 1674).
-
-De quelle admiration durent être saisies toutes ces austères
-religieuses, tout habituées qu'elles étaient aux prodiges de la grâce
-divine et aux miracles du repentir, lorsqu'elles virent entrer dans leur
-cloître cette belle femme, disant à la mère Claire du Saint-Sacrement,
-leur prieure: «Ma mère, j'ai fait toute ma vie un si mauvais usage de ma
-volonté que je viens la remettre entre vos mains, pour ne la plus
-reprendre!» Jusqu'à sa mort et pendant trente-six ans elle n'eut pas un
-seul instant la pensée de cesser d'être fidèle à cet engagement[214].
-
- [214] L'abbé LEQUEUX, _Lettres de madame de la Vallière, morte
- religieuse carmélite, avec un abrégé de sa vie pénitente_, p. 47.
-
-Cet acte solennel ne persuada pas encore madame de Sévigné; elle eut de
-la peine à croire à l'entière conversion de celle qui cependant, au
-milieu de sa plus grande fortune et de sa plus haute élévation, avait
-voulu que Mignard la peignît au milieu de ses deux enfants, tenant un
-chalumeau à la main, où pendait une bulle de savon autour de laquelle on
-lisait écrit: _Sic transit gloria mundi_: «Ainsi passe la gloire du
-monde[215].»
-
- [215] _La Vie de Pierre Mignard_, Paris, 1730, in-12, p. 100; et
- dans l'édition d'Amsterdam, 1731, in-12, p. 84.
-
-Madame de Sévigné, huit jours après l'entrée de madame de la Vallière
-aux Carmélites, écrit au comte de Guitaud, alors gouverneur des îles
-Sainte-Marguerite:
-
-«Je veux parler de madame la duchesse de la Vallière. La pauvre personne
-a tiré la lie de tout; elle n'a pas voulu perdre un adieu ni une larme.
-Elle est aux Carmélites, où, huit jours durant, elle a vu ses enfants et
-toute la cour (c'est-à-dire ce qui en reste[216]). Elle a fait couper
-ses cheveux, mais elle a gardé deux belles boucles sur le front. Elle
-caquète et dit merveilles. Elle assure qu'elle est ravie d'être dans une
-solitude; elle croit être dans un désert, pendue à cette grille. Elle
-nous fait souvenir de ce que nous disait, il y a bien longtemps madame
-de la Fayette après avoir été deux jours à Ruel, que, pour elle, elle
-s'accommoderait bien de la campagne[217].»
-
- [216] Le roi était devant Besançon et la reine à Dijon.
-
- [217] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 avril 1674), t. III, p. 340, édit.
- G.--_Lettres inédites de madame_ DE SÉVIGNÉ, Paris, Klostermann,
- 1814, in-8º, p. 6.--_Id._, édit. Bossange, 1819, in-12, p. 5.
-
-Six semaines après, le troisième dimanche de la Pentecôte (le 3 juin),
-la Vallière revêtit l'habit des carmélites, et quitta, ayant à peine
-trente ans, son nom et ses titres pour prendre celui de _sœur Louise de
-la Miséricorde_. Cette cérémonie de la vêture attira un auditoire
-nombreux au discours que prononça dans cette occasion l'évêque
-d'Aire[218]. Nous ignorons si madame de Sévigné revint de Livry, où elle
-était au commencement de juin, pour assister à cette cérémonie; mais
-nous savons qu'elle n'assista pas à la cérémonie plus auguste qui eut
-lieu l'année suivante, le mardi (4 juin 1675) de la Pentecôte, lorsque
-la Vallière, ayant terminé son noviciat, prononça ses vœux, reçut le
-voile noir des mains de la reine, et dit au monde un éternel adieu.
-Madame de Sévigné exprima ainsi à sa fille les regrets qu'elle éprouvait
-de ne s'être point trouvée ce jour-là aux Carmélites avec la reine,
-MADEMOISELLE, mademoiselle d'Orléans, la duchesse de Longueville, la
-duchesse de Guise et beaucoup d'autres princesses et dames, dit _la
-Gazette_[219]:
-
-«La duchesse de la Vallière fit hier profession. Madame de Villars
-m'avait promis de m'y mener, et, par un malentendu, nous crûmes n'avoir
-point de places. Il n'y avait qu'à se présenter, quoique la reine eût
-dit qu'elle ne voulait pas que la permission fût étendue. Tant y a que
-Dieu ne le voulut pas. Madame de Villars en a été affligée. Elle fit
-donc cette action, cette belle et courageuse personne, comme toutes les
-autres de sa vie, d'une manière noble et charmante. Elle était d'une
-beauté qui surprit tout le monde; mais ce qui vous étonnera, c'est que
-le sermon de M. de Condom (Bossuet) ne fut pas aussi divin qu'on
-l'espérait[220].»
-
- [218] BOSSUET, _Lettres au maréchal de Bellefonds_ (6 avril
- 1674), t. XXXVII, p. 65, édit. 1818, in-8º.--_Sermon sur la
- vêture de madame la duchesse de la Vallière_, par M. l'abbé DE
- FROMENTIÈRES, dans les _Lettres de madame la duchesse_ DE LA
- VALLIÈRE, 1767, in-12, p. 39, 145, 191. L'abbé Jean-Louis de
- Fromentières fut évêque d'Aire le 14 janvier 1673, et mourut en
- décembre 1684.
-
- [219] _Recueil des Gazettes nouvelles pour_ 1675, Paris, 1676,
- in-4º, no 57, p. 409.--L'abbé LEQUEUX, _Histoire de madame de la
- Vallière_, p. 59, et dans le _Recueil des Oraisons funèbres_ de
- BOSSUET, 1762, in-12, p. CLI.
-
- [220] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 juin 1675), t. III, p. 403, édit. G.;
- t. III, p. 283, édit. M.
-
-Le jugement que porte madame de Sévigné de ce discours paraîtra exact à
-ceux qui ne le liront pas avec les favorables préventions de l'historien
-du grand prélat[221], qui en a jugé différemment. Cette action de la
-Vallière était plus sublime que la plus sublime éloquence. «Au moment
-où on la mit sous le drap mortuaire (dit la duchesse d'Orléans), je
-versai tant de larmes que je ne pus me laisser voir davantage. Après la
-cérémonie elle vint me trouver pour me consoler, et elle me dit qu'il
-fallait plutôt la féliciter que la plaindre, puisque son bonheur
-commençait dès ce moment[222].»
-
- [221] DE BAUSSET, _Hist. de Bossuet_, 4e édit., 1824, in-12, t.
- II, p. 40 à 42. Il est dit, dans le recueil des _Oraisons
- funèbres_ de Bossuet, 1762, in-12, p. 424, que Bossuet n'a jamais
- publié lui-même ce sermon sur la Vallière ni communiqué son
- manuscrit. Et cependant on ajoute: «Il fut imprimé plusieurs fois
- depuis 1691, année où il fut inséré dans un recueil de pièces
- d'éloquence.»
-
- [222] Madame la duchesse D'ORLÉANS, _Mémoires et Fragments_,
- in-8º, 1832, p. 58.--Id., _Mémoires de la cour de Louis XIV_,
- 1827, in-8º, p. 56.
-
-Cinq ans après, madame de Sévigné revit encore madame de la Vallière; et
-sa correspondance nous prouve que toujours elle conserva pour elle les
-généreux sentiments qu'elle a manifestés dans les dernières lettres que
-nous avons citées.
-
-Le 5 janvier 1680 elle écrit à sa fille[223]:
-
-«Je fus hier aux grandes Carmélites avec MADEMOISELLE (mademoiselle de
-Montpensier), qui eut la bonne pensée de mander à madame de Lesdiguières
-de me mener. Nous entrâmes dans ce saint lieu. Je fus ravie de l'esprit
-de la mère Agnès (Gigault de Bellefonds, sœur du maréchal); elle me
-parla de vous comme vous connaissant par sa sœur (la marquise de
-Villars). Je vis madame Stuart, belle et contente. Je vis mademoiselle
-d'Épernon (elle s'était faite carmélite par la douleur que lui causa la
-mort du chevalier de Fiesque en 1648), qui ne me trouva pas défigurée;
-il y avait plus de trente ans que nous ne nous étions vues..... Mais
-quel ange m'apparut à la fin! car M. le prince de Conti (le gendre de
-la Vallière) la tenait au parloir. Ce fut, à mes yeux, tous les charmes
-que nous avons vus autrefois; je ne la trouvai ni bouffie ni jaune; elle
-est moins maigre et plus contente; elle a ses mêmes yeux et ses mêmes
-regards; l'austérité, la mauvaise nourriture et le peu de sommeil ne les
-lui ont ni creusés ni battus; cet habit si étrange n'ôte rien à la bonne
-grâce ni au bon air. Pour sa modestie, elle n'est pas plus grande que
-quand elle donnait au monde une princesse de Conti; mais c'est assez
-pour une carmélite. Elle me dit mille honnêtetés, me parla de vous si
-bien, si à propos; tout ce qu'elle dit était si assorti à sa personne
-que je ne crois pas qu'il y ait rien de mieux. M. de Conti l'aime et
-l'honore tendrement; elle est son directeur; ce prince est dévot et le
-sera comme son père. En vérité, cet habit et cette retraite sont une
-grande dignité pour elle.»
-
- [223] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 janvier 1680), t. VI, p. 286, édit.
- G.; t. VI, p. 92, édit. M.
-
-Et plus tard madame de Sévigné oppose à l'orgueil des autres maîtresses
-de Louis XIV le souvenir de cette «petite violette qui se cachait sous
-l'herbe, honteuse d'être maîtresse, d'être mère, d'être duchesse[224].»
-C'est encore madame de Sévigné qui, en annonçant à sa fille la mort du
-frère de madame de la Vallière (gouverneur et grand sénéchal de la
-province du Bourbonnais), nous fait connaître l'admiration et les
-regrets peut-être (les passions sont si capricieuses et produisent sur
-les volontés humaines des effets si bizarres!) que fit éprouver à Louis
-XIV ce grand triomphe, dans la Vallière, de la religion sur l'amour.
-
- [224] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er septembre 1680), t. VII, p. 190,
- édit. G.; t. VI, p. 443, édit. M.--Conférez les vers de la
- _Couronne de Julie_ (la duchesse de Montausier).
-
-
-«M. de la Vallière est mort... Sœur Louise de la Miséricorde fit
-supplier le roi de conserver le gouvernement pour acquitter les dettes,
-sans faire mention de ses neveux. Le roi lui a donc donné ce
-gouvernement, et lui a mandé que, s'il était assez homme de bien pour
-voir une carmélite aussi sainte qu'elle, il irait lui dire lui-même la
-part qu'il prend de la perte qu'elle a faite[225].»
-
- [225] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (16 octobre 1676), t. V, p. 170, édit.
- G.; t. V, p. 30, édit. M.
-
-Louis XIV était sincère: la pensée du salut, qui devait bientôt le
-préoccuper assez fortement pour mettre un terme à la licence de ses
-mœurs, lui faisait mieux comprendre qu'à tous ceux qui l'entouraient ce
-que pouvait sur le cœur de la Vallière la passion pour Dieu. Il savait,
-lui, le grand coupable, que, pour avoir la plus forte part aux prières
-de cette vraie religieuse, il devait respecter l'enceinte où elle
-s'était retirée. Madame de Montespan était aussi tourmentée; mais alors,
-dans l'enivrement de la faveur, elle ne pouvait avoir cette même
-délicatesse de sentiment, et elle crut se montrer généreuse en
-accompagnant plusieurs fois la reine, dont elle était une dame
-d'honneur, dans ses visites aux grandes Carmélites. Madame de Montespan,
-par des questions indiscrètes et par l'offre plus indiscrète encore de
-ses services, s'attira une réponse courte, froide et digne de madame de
-la Vallière; réponse faite, dit madame de Sévigné, d'un air tout aimable
-et avec toute la grâce, l'esprit et la modestie imaginables[226].
-
- [226] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 avril 1676), t. IV, p. 412, édit.
- G.; t. IV, p. 272, édit. M.--Conférez MAGDELEINE DU SAINT-ESPRIT,
- _Lettres_, 1710.
-
-
-Peu d'années après, Montespan, retirée de la cour, mais non du monde,
-et, dans le monde, tourmentée du désir de faire son salut, apprécia
-mieux Louise de la Miséricorde; elle en fit son amie, sa consolatrice et
-enfin le directeur de sa conscience[227].
-
- [227] Conférez MAGDELEINE DU SAINT-ESPRIT, par une dame
- pénitente, 1710, et l'Annuaire de l'Aube pour 1849, 2e partie, p.
- 25.--_Réflexions sur la miséricorde de Dieu, par une dame
- pénitente_, 1685 et 1686, in-12, p. 170.
-
-La Vallière occupe plus de place dans la vie de Louis XIV par son
-repentir que par son amour. Cette belle victime, offerte à Dieu en
-expiation des désordres de ce roi, fit sur lui une impression profonde,
-que ni les autres maîtresses ni les distractions de la guerre ou de la
-politique ne purent effacer. La Vallière ne fut jamais plus présente à
-la pensée de Louis XIV que depuis qu'elle eut abandonné sa cour; jamais
-elle ne lui apparut sous des traits plus divins que lorsqu'il se fut
-interdit sa vue. Il saisissait avec joie les occasions de lui continuer
-ses bienfaits dans ses parents, dans ses enfants. Aux occasions
-solennelles de mort ou de mariage il était satisfait d'apprendre que la
-reine et toute la cour donnaient à la Vallière des témoignages d'intérêt
-et de vénération[228]. C'est dans son cloître, au pied des autels, que
-la Vallière a préparé, à son insu, la chute de Montespan et le long
-règne de Maintenon.
-
- [228] CAYLUS, _Souvenirs_, édit. de Renouard, 1806, in-12, p.
- 89.--_Ibid._, t. LXVI, p. 384 de la Collect. de Petitot, 1828,
- in-8º.
-
-Si Louis XIV, par sa conduite réservée envers Louise de la Miséricorde,
-a été taxé d'ingratitude et d'oubli, c'est que le monde ne connaît
-d'autre passion que celle qu'inspirent les enchantements de la volupté,
-de l'esprit ou des talents, et qu'il ignore la force d'un attachement
-où l'âme et le cœur ont la principale part. Louis XIV y était sensible.
-On sait qu'en voyant la veuve de Scarron amaigrie par la douleur d'avoir
-perdu l'aîné des enfants de Montespan, confié à ses soins et âgé de
-trois ans, il avait dit: «Elle sait bien aimer; il y aurait du plaisir à
-être aimé d'elle[229].» Et cependant, à cette époque, cette femme lui
-déplaisait souverainement, parce qu'elle plaisait trop à sa maîtresse.
-
- [229] _Les souvenirs de madame_ DE CAYLUS _sur les intrigues
- amoureuses de la cour, avec des notes de_ M. DE VOLTAIRE;
- _seconde édition, augmentée de la défense de Louis XIV, pour
- servir de suite à son Siècle_; au château de Ferney, 1770, in-12
- (186 pages), p. 31. C'est la meilleure édition; elle a été faite
- sur le manuscrit donné à Voltaire par M. de Caylus (_Souvenirs_,
- 1806, in-12, p. 89, édit. de Renouard).--_Idem._, Collection
- Petitot, t. LXVI, p. 384, in-8º, 1828, édit. M. Voyez ces
- _Mémoires sur la Vallière, sur Sévigné_, t. II, p. 191, 247, 297,
- 505, 506; III, 45, 237, 240, 319, 325; IV, 89.
-
-
-
-
-CHAPITRE VI.
-
-1674-1675.
-
- Le parti religieux et le parti mondain se disputent l'influence sur
- Louis XIV.--Réforme dans la maison de la reine.--Les filles
- d'honneur sont remplacées par les dames du palais.--Effets de cette
- mesure.--Scrupules religieux de madame de Sévigné.--Sa visite à
- Port-Royal des Champs.--Son admiration pour le P. Bourdaloue.--Mort
- du grand Condé.--Bourdaloue console le duc de Gramont après la mort
- du comte de Guiche.--Madame de Sévigné détrompe sa fille, qui croit
- que l'on peut être à la cour longtemps triste.--Changement dans les
- spectacles de la cour.--Pour quelle raison _le Malade imaginaire_
- ne fut pas joué à la cour.--Molière et Lulli étaient rivaux.--Après
- la mort de Molière, Louis XIV charge Colbert de réorganiser les
- spectacles de Paris.--L'Opéra devient le spectacle
- dominant.--Alliance de Quinault et de Lulli.--On répète chez madame
- de Montespan l'opéra d'_Alceste_.--La Rochefoucauld est appelé à
- ces représentations.--Éloge que fait de cet ouvrage madame de
- Sévigné.--Le chœur des suivants de Pluton cité.--L'impulsion
- donnée à l'Opéra ne profite qu'à la musique
- instrumentale.--L'Italie reste supérieure à la France pour tout le
- reste.--Madame de Sévigné va à un opéra.--Des musiciens.--Molière
- chez Pelissari.--Des sociétés de Paris à cette époque.--Madame
- Pelissari réunit chez elle les littérateurs médiocres.--Composition
- de l'Académie française.--Madame de Sévigné annonce à sa fille la
- mort prochaine de Chapelain.--Cause de son peu de sympathie pour
- cet ancien maître de son enfance.--Elle devient l'admiratrice de
- Boileau.--Elle entend la lecture de son _Art poétique_ chez
- Gourville et chez M. de Pomponne.--Ce poëme est livré à
- l'impression.--L'auteur y intercale, au moment de la publication,
- quatre vers pour célébrer la seconde conquête de la
- Franche-Comté.--Ces quatre vers nuisent à ceux qui les suivent,
- auparavant composés.
-
-
-Il y avait à la cour deux partis qui se disputaient l'influence sur le
-roi. L'un, composé de tous les courtisans dévoués qui avaient part à
-ses largesses, de ceux qui désiraient obtenir à tout prix des grades,
-des commandements militaires, des gouvernements, de grandes charges, des
-intendances, des ambassades, des emplois lucratifs, des distinctions
-honorifiques: ceux-là pensaient que Louis XIV devait continuer le cours
-de ses conquêtes; que ses maîtresses, le faste de ses palais, de ses
-fêtes, de sa maison étaient des démonstrations obligées de sa grandeur
-et des manifestations nécessaires de sa puissance. Louvois et Montespan
-étaient les appuis naturels de ce parti. Le parti contraire aurait voulu
-que Louis XIV renonçât à ses maîtresses; qu'il épargnât à ses sujets le
-scandale de ses amours avec une femme mariée; qu'il restreignît ses
-dépenses et mît un terme à son ambition et qu'il n'excitât pas la haine
-des souverains et de toute l'Europe contre lui et contre la France. Dans
-ce parti étaient tous ceux qui voyaient le bien public dans le règne de
-la religion et des mœurs. Colbert, homme réglé dans sa conduite,
-pensait ainsi; mais il ne pouvait avoir sur son parti la même influence
-que Louvois sur le sien[230]. Chargé de l'administration des finances,
-il était obligé de mettre sans cesse de nouveaux impôts pour suffire à
-des dépenses qui s'accroissaient sans cesse; il ne le pouvait qu'en
-appesantissant de plus en plus le joug du despotisme sur les parlements,
-les assemblées des états, les magistrats municipaux, les membres de
-toutes les corporations qui jouissaient de quelque liberté, tous
-partisans de la paix et d'une sage réforme. La confiance que Louis XIV
-avait en Colbert comme habile administrateur était encore un obstacle
-qui lui faisait perdre tout crédit sur les hommes les plus honorables.
-Louis XIV ne lui imposait pas seulement le devoir de régler les finances
-de l'État, d'organiser la marine, le commerce; il ne se fiait qu'à lui
-pour ses dépenses privées, et il le chargeait du détail de celles qui
-concernaient ses maîtresses. Il n'oublia jamais que Colbert avait été
-sous Mazarin un excellent intendant; il s'en servait toujours comme tel,
-et rendait ce grand ministre complice des désordres que celui-ci aurait
-voulu empêcher. Plus que Louvois, et avec juste raison, Colbert excitait
-l'envie. Il est vrai qu'en travaillant sans cesse au bien de l'État il
-travaillait aussi à l'accroissement de sa fortune et à l'élévation de sa
-famille. Dans le clergé, dans la diplomatie et dans la marine les
-Colbert occupaient les principaux emplois, étaient revêtus des plus
-hautes dignités. Ne pouvant restreindre le roi dans son penchant à la
-profusion, Colbert en profitait pour son compte. Il laissa à sa mort
-douze millions, qui font vingt-quatre millions de notre monnaie
-actuelle. Cette fortune n'était pas, comme celle de Fouquet, le fruit de
-coupables manœuvres; mais, en définitive, c'était le trésor et les
-impôts sur les peuples, ruinés par la guerre, qui subvenaient aux
-générosités du monarque et à celles des provinces et des villes en
-faveur des ministres, de leurs parents et de leurs amis. Cependant ce
-parti, qui était véritablement celui des bonnes mœurs et le plus
-favorable aux intérêts du roi et du pays, ne manquait pas de soutiens à
-la cour: la religion lui en créait, pleins d'activité et de zèle. Parmi
-eux on comptait le duc de Beauvilliers et le maréchal de Bellefonds,
-Pomponne et beaucoup d'autres; enfin, il avait dans Bossuet et dans
-Bourdaloue deux apôtres sublimes.
-
- [230] DEPPING, _Correspondance administrative de Louis XIV_.
- Lettres du roi à Colbert (18 mai et 19 juin 1674), dans les
- _Documents historiques tirés des collections manuscrites de la
- Bibliothèque royale_, 1843, in-4º, t. II, p. 524, 525 et 526.
-
-Tous fondaient leur espoir sur l'auguste empire de la religion, qui
-parvient toujours à faire entendre sa voix puissante quand les passions
-sont apaisées. La foi était vivante dans l'âme de madame de Montespan
-comme dans celle de Louis XIV, et elle se manifestait dans tous les deux
-par leur exactitude à s'assujettir aux pratiques religieuses que
-l'Église prescrit.
-
-Ce parti considéra avec raison comme un premier succès la religieuse
-retraite de la Vallière, et comme un second le renvoi des filles
-d'honneur. Quel qu'ait été le motif qui fit agir Montespan, il est
-certain que ce fut elle qui eut la principale part à cette réforme,
-qu'elle la désira et la voulut avec toutes ses conséquences. Madame de
-Sévigné, en donnant à madame de Grignan des détails sur l'intérieur de
-_Quantova_ (c'est le nom chiffré par lequel elle désigne madame de
-Montespan), dit: «Il est très-sûr qu'en certain lieu on ne veut séparer
-aucune femme de son mari ni de ses devoirs; on n'aime pas le bruit, à
-moins qu'on ne le fasse[231].»
-
- [231] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 janvier 1674), t. III, p. 299, édit.
- G.; t. III, p. 203, édit. M.
-
-On avait pensé à madame de Grignan pour être dame du palais; mais sans
-doute que madame de Montespan la trouva trop jeune et trop belle[232].
-
- [232] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (18 décembre 1673), édit. G., t. III, p.
- 268.
-
-Madame de Grignan dut peu regretter de n'avoir pas été nommée. Avec les
-filles d'honneur disparurent les joies et la gaieté de cette cour
-brillante: toute liberté en fut bannie; le service pénible et
-l'étiquette sévère auxquels les dames du palais furent assujetties
-firent souffrir celles qui avaient brigué avec ardeur ces charges
-lucratives et honorifiques. La contrainte et l'ennui s'appesantirent
-jusque sur les bals et les divertissements que le roi donnait
-fréquemment[233].
-
- [233] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 et 29 janvier 1674), t. III, p. 324
- et 331, édit. G.; t. III, p. 225 et 231, éd. M.--_Lettres des_
- FEUQUIÈRES (25 janvier 1674), t. II, p. 248.
-
-Cependant cette réforme eut un très-heureux effet sur les mœurs; madame
-de Sévigné elle-même, qui plaisante sur les femmes devenues subitement
-dévotes, fut alors plus fortement tourmentée par les scrupules que lui
-causait souvent son amour excessif pour sa fille; elle trouva très-bien
-que l'animosité que celle-ci lui avait inspirée contre l'évêque de
-Marseille lui eût attiré un refus d'absolution. Elle dit à madame de
-Grignan: «Ce confesseur est un fort habile homme; et si les vôtres ne
-vous traitent pas de même, ce sont des ignorants, qui ne savent pas leur
-métier[234].»
-
- [234] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 décembre 1673), t. III, p. 249, édit.
- G.; t. III, p. 160, édit. M. Voyez ci-après chap. X, p. 198.
-
-On voit par là que madame de Sévigné avait lu le traité du grand Arnauld
-sur la _fréquente communion_. Dans la lettre où elle dit à sa fille que
-d'Hacqueville ne voudrait pas des douceurs d'un attachement tel que
-celui qu'elle a pour elle, parce qu'il est mêlé de trop d'inquiétude et
-de tourments, elle ajoute: «D'Hacqueville a raison de ne vouloir rien de
-pareil; pour moi, je m'en trouve fort bien, pourvu que Dieu me fasse la
-grâce de l'aimer encore plus que vous: voilà ce dont il est question.
-Cette petite circonstance d'un cœur que l'on ôte au Créateur pour le
-donner à la créature me donne quelquefois de grandes agitations. La
-_Pluie_ (M. de Pomponne) et moi nous en parlions l'autre jour
-très-sérieusement. Mon Dieu, qu'elle est à mon goût cette _pluie_! Je
-crois que je suis au sien; nous retrouvons avec plaisir nos anciennes
-liaisons[235].» On ne peut douter que madame de Sévigné, lorsqu'elle
-écrivait cette lettre, n'eût alors la mémoire toute fraîche de
-l'admirable petit traité de saint Eucher sur le _mépris du monde_, dont
-son ami Arnauld d'Andilly venait de publier une traduction[236],
-puisqu'elle reproduit une pensée d'Eucher en se servant des mêmes
-expressions.
-
- [235] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (18 décembre 1673), t. III, p. 268; t.
- III, p. 177, édit. M. (1820).
-
- [236] SAINT-EUCHER, _Du mépris du monde_, traduit par ARNAULD
- D'ANDILLY dans Pierre le Petit, 1687, in-12 (81 pages), p. 54.
- Après le privilége il est dit: «Achevé d'imprimer pour la
- première fois le 3 décembre 1671.» Ainsi il y a eu une édition
- antérieure, et nous apprenons par l'avertissement que cette
- édition contenait aussi le latin. Il manque dans la nôtre.
-
-Quand ses scrupules la préoccupent, elle se rapproche de ses anciens
-amis les jansénistes, surtout d'Arnauld d'Andilly; et alors les rigueurs
-de l'hiver ne peuvent l'arrêter. Ce fut un 23 janvier (1674) qu'elle
-alla voir pour la première fois Port-Royal des Champs; et elle écrit à
-sa fille: «Je revins hier du Mesnil (de chez madame Habert de Montmor),
-où j'étais allée pour voir le lendemain M. d'Andilly. Je fus six heures
-avec lui; j'eus toute la joie que peut donner la conversation d'un homme
-admirable; je vis aussi mon oncle Sévigné, mais un moment. Ce Port-Royal
-est une Thébaïde; c'est un paradis; c'est un désert où toute la dévotion
-du christianisme s'est rangée; c'est une sainteté répandue dans tout le
-pays, à une lieue à la ronde. Il y a cinq ou six solitaires qu'on ne
-connaît point, qui vivent comme les pénitents de saint Jean-Climaque.
-Les religieuses sont des anges sur terre. Mademoiselle de Vertus y
-achève sa vie. Je vous avoue que j'ai été ravie de voir cette divine
-solitude, dont j'ai tant ouï parler: c'est un vallon affreux, tout
-propre à inspirer le goût de faire son salut. Je revins coucher au
-Mesnil, et hier ici (Paris), après avoir embrassé M. d'Andilly en
-passant. Je crois que je dînerai demain chez M. de Pomponne; ce ne sera
-pas sans parler de son père (Arnauld d'Andilly) et de ma fille. Voilà
-deux chapitres qui nous tiennent au cœur[237].»
-
- [237] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 janvier 1674), t. III, p. 326 et
- 327, édit. G.; t. III, p. 227, édit. M.
-
-Le penchant de madame de Sévigné pour ses amis les jansénistes ne
-diminuait en rien son admiration pour le jésuite Bourdaloue. Elle dit:
-«Le P. Bourdaloue fit un sermon le jour de Notre-Dame[238] qui
-transporta tout le monde; il était d'une force à faire trembler les
-courtisans, et jamais prédicateur évangélique n'a prêché si hautement ni
-si généreusement les vérités chrétiennes[239].»
-
- [238] Le jour de la Purification, le 2 février, ou peut-être le
- dimanche 28 janvier; car cette fête commençait le dimanche qui
- précédait ce jour et se continuait jusqu'au jour même. Voyez
- BOSSUET, _Catéchisme des festes_, 1687, p. 86.
-
- [239] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 février 1674), t. III, p. 336, édit.
- G.; t. III, p. 234, édit. M.
-
-On connaît ce mot du grand Condé, qui, à l'église, lorsque le P.
-Bourdaloue montait en chaire, appuyant une main sur l'épaule de la
-duchesse de Longueville assoupie et de l'autre lui montrant la chaire,
-lui disait: «Ma sœur, réveillez-vous; voilà l'ennemi!»
-
-Mais c'est lorsque madame de Sévigné peint le père Bourdaloue consolant
-le vieux maréchal de Gramont de la perte de son fils aîné, l'espoir de
-sa race, qu'elle nous montre toute l'influence de ce prédicateur sur les
-grands de cette époque. Elle trace de cette scène un admirable tableau.
-Guiche, qui fut exilé pour ses amours avec l'aimable Henriette et pour
-son intrigue avec Vardes contre la Vallière, n'était point généralement
-aimé. Madame de Sévigné, qui lui plaisait beaucoup par son esprit,
-trouvait le sien guindé, ceinturé comme sa personne. Cependant sa mort
-fit une sensation profonde. On comprit qu'en lui disparaissait l'homme
-de la cour le plus beau, le plus brillant, le plus chevaleresque, le
-plus instruit; le comte de Guiche aurait eu toutes les qualités qui font
-le héros s'il n'avait eu les défauts qui empêchent de le devenir: la
-vanité et la présomption. Ce fut lui qui, en s'élançant le premier dans
-le courant rapide du Rhin, assura le passage de ce fleuve. Louis XIV,
-témoin de son courage impétueux, lui eût accordé toute sa faveur s'il
-avait pu abattre en lui cet orgueil hautain qui le mettait mal à l'aise
-avec toute supériorité. Un léger revers à la guerre lui fut si sensible
-qu'il en mourut de chagrin[240].
-
- [240] Voyez PROSPER MARCHAND, _Dictionnaire historique_, 1758,
- in-folio, p. 296-300.--_Mémoires du comte_ DE GUICHE, Utrecht,
- 1744, in-12, deux volumes.--Conférez ces _Mémoires_ sur madame de
- Sévigné, I, 302; II, 139, 191, 312; IV, 134, 212.--HAMILTON,
- _Å’uvres_, t. I, p. 25.
-
-«Il faut commencer, ma chère enfant, par la mort du comte de Guiche. Le
-P. Bourdaloue l'a annoncée au maréchal de Gramont, qui s'en douta,
-sachant l'extrémité de son fils. Il fit sortir tout le monde de sa
-chambre. Il était dans un petit appartement qu'il a au dehors des
-Capucines. Quand il fut seul avec ce père, il se jeta à son cou, disant
-qu'il devinait bien ce qu'il avait à lui dire; que c'était le coup de sa
-mort; qu'il la recevait de la main de Dieu; qu'il perdait le seul et
-véritable objet de toute sa tendresse et de toute son inclination
-naturelle; que jamais il n'avait eu de sensible joie et de violente
-douleur que par ce fils, qui avait des choses admirables. Il se jeta sur
-un lit, n'en pouvant plus, mais sans pleurer, car on ne pleure plus dans
-cet état. Le père pleurait, et n'avait encore rien dit. Enfin il lui
-parla de Dieu comme vous savez qu'il en parle. Ils furent six heures
-ensemble; et puis le père, pour lui faire faire son sacrifice entier, le
-mena à l'église de ces bonnes Capucines, où l'on disait vigiles pour ce
-cher fils. Le maréchal y entra en tremblant, plutôt traîné et poussé que
-sur ses jambes; son visage n'était plus connaissable. Monsieur le Duc le
-vit en cet état, et, en nous le contant chez madame de la Fayette, il
-pleurait. Le maréchal revint enfin dans sa petite chambre; il est comme
-un homme condamné. Le roi lui a écrit; personne ne le voit[241].»
-
- [241] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 décembre 1673), t. III, p. 251, édit.
- G.; t. III, p. 161, édit. M.--Le comte de Guiche mourut le 29
- novembre 1674 à Creutznach dans le palatinat du Rhin, entre les
- bras de son frère le comte de Louvigny.--Conférez SÉVIGNÉ,
- _Lettres_ (27 septembre et 4 octobre 1671), t. II, p. 243, 254,
- 350, édit. G.; et _Mémoires et fragments historiques de_ MADAME,
- _duchesse_ D'ORLÉANS, _princesse Palatine_, édit. 1832, p.
- 207.--_Lettres des_ FEUQUIÈRES, t. VI, p. 321.
-
-Ce touchant récit fit croire à madame de Grignan que sa mère, ses amis
-étaient inconsolables de la mort du comte de Guiche. Mais dans cette
-cour, tout occupée de plaisirs et d'ambition, et de gloire et d'amour,
-personne ne pouvait paraître triste, surtout lorsque le roi avait
-daigné vous consoler. Aussi madame de Sévigné écrit à sa fille: «Hors
-le maréchal de Gramont, on ne songe déjà plus au comte de Guiche: voilà
-qui est fait[242].» Mais elle fut obligée de s'y reprendre à plusieurs
-fois pour ramener madame de Grignan à son unisson. «Ha! fort bien; nous
-voici dans les lamentations du comte de Guiche. Hélas! ma pauvre enfant,
-nous n'y pensons plus ici, pas même le maréchal, qui a repris le soin de
-faire sa cour.» Quelques jours après, nouvelle réprimande: «Vous vous
-moquez avec vos longues douleurs! Nous n'aurions jamais fait ici si nous
-voulions appuyer autant sur chaque nouvelle: il faut expédier; expédiez,
-à notre exemple[243].»
-
- [242] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (18 décembre 1673), t. III, p. 266,
- édit. G.; t. III, p. 175, édit. M.
-
- [243] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (25 décembre 1673), t. III, p. 276,
- édit. G.; t. III, p. 183, édit. M.--_Ibid._ (28 décembre 1673),
- t. III, p. 283, éd. G.; t. III, p. 189, édit. M.
-
-Elle expédie en effet; et il est impossible de trouver dans aucune
-correspondance autant de faits intéressants sur les événements publics,
-les personnages du temps, les spectacles, la littérature et la vie de
-toute une époque, touchés avec tant de concision, d'esprit, de finesse
-et de gaieté.
-
-Un grand changement eut lieu dans les spectacles à la cour et à la
-ville, car alors Paris se conformait à la cour; c'était le roi qui
-réglait l'un et l'autre.
-
-Louis XIV a dit, dans ses Instructions au Dauphin, qu'il est du devoir
-d'un monarque de donner des amusements à sa cour, à son peuple, à
-lui-même[244]. Les spectacles publics furent donc par lui mis au nombre
-des affaires d'État. La mort de Molière les avait désorganisés.
-Cependant la comédie n'était pas le genre de spectacle que préférait
-Louis XIV: il aimait par-dessus tout la danse, la musique, les belles
-décorations; il n'oubliait pas qu'il avait autrefois brillé dans les
-ballets composés pour lui. Il avait été, dans sa jeunesse, un très-bon
-joueur de guitare[245]; ce qui n'étonne pas quand on sait qu'on lui
-donna un maître de cet instrument lorsqu'il était à peine âgé de huit
-ans[246]. C'est cette préférence du roi pour la musique qui avait fait
-le succès de l'opéra, introduit en France par Mazarin. Mais Molière,
-aussi habile directeur de spectacles qu'auteur illustre et bon acteur,
-pour donner au roi le goût de la comédie, imagina de joindre à ses
-pièces des danses, des chants, des ballets-mascarades, bien ou mal
-motivés[247]. Il chargeait Lulli d'en faire la musique; et même, dans la
-composition de la tragi-comédie-ballet de _Psyché_, il fit concorder
-heureusement, pour aller plus vite, Lulli, Quinault et Corneille. Le
-grand tragique fut lui-même étonné qu'en remplissant le cadre qui lui
-était donné sa muse, affaiblie par l'âge, eût retrouvé, pour une
-déclaration d'amour, tout le feu de la jeunesse. C'est ainsi que
-Molière soutint son théâtre florissant contre les dangereuses rivalités
-du théâtre de la rue Guénégaud, où se jouait l'opéra; du théâtre de
-l'hôtel de Bourgogne et de celui du Marais, où l'on représentait les
-pièces de Racine et celles de Corneille[248].
-
- [244] DUC DE NOAILLES, notes sur les _Mémoires de Louis XIV_;
- appendice à la Vie de Maintenon, 1848, in-8º, t. I, p. 558.
-
- [245] _Mémoires de Noailles_, dans Petitot, t. LXIV, p. 104.
- Lettre de la princesse des Ursins (11 juillet 1698).
-
- [246] _État général des officiers, domestiques et commensaux du
- Roi_, mis en ordre par le sieur DE LA MARTINIÈRE, p. 116. Ce
- maître de guitare se nommait Bernard Jourdan, sieur de la Salle,
- et c'est le 29 avril 1651 que de la Salle fut placé près du jeune
- roi, afin de lui enseigner à jouer de la guitare. Le maître de
- luth n'avait que le quart des appointements du maître de guitare.
-
- [247] Conférez _Mémoires sur Sévigné_, t. I, p. 513, 525; t. II,
- ch. XXIII, p. 332, 340; t. III, ch. V, p. 98.
-
- [248] Vie de PHILIPPE QUINAULT, dans l'édition de ses _Œuvres_,
- 1715, in-12, t. I, p. 33-35.--CHAPUZEAU, _le Théâtre français_,
- divisé en trois livres, 1674, in-12, p. 198-211.
-
-La musique est un art qui ne parle au cœur et à l'imagination que par
-les sons. Par cela même elle convient mieux que les compositions
-dramatiques à ceux que l'âge ou la multiplicité des affaires ont rendus,
-dans leurs moments de distraction, peu capables d'une attention
-soutenue. Tel commençait à être Louis XIV. Lulli s'aperçut du déclin de
-son goût pour la comédie. Il s'associa avec Quinault, dont il espérait
-avec raison obtenir des opéras meilleurs que ceux de l'abbé Perrin[249];
-et, pour empêcher que Molière ne pût réunir dans ses compositions la
-comédie et l'opéra, il obtint une ordonnance (22 avril 1672) qui portait
-défense aux comédiens d'avoir, pour leurs représentations, plus de deux
-voix et plus de six violons. Dès lors Molière, brouillé avec Lulli ne
-put se servir de lui pour les ballets du _Malade imaginaire_, et il en
-fit composer la musique par Charpentier, musicien aussi habile, mais non
-aussi goûté que Lulli, qui le persécuta par jalousie[250]. _Le Malade
-imaginaire_ fut cependant représenté sur le théâtre du Palais-Royal, le
-10 février 1673, avec toute sa musique, et imprimé la même année[251];
-mais il ne fut joué à la cour que l'année suivante[252]. Débarrassé d'un
-redoutable rival par la mort de Molière, Lulli resta le directeur
-favorisé des divertissements du roi. Quatre des principaux acteurs de la
-troupe de Molière s'en étant séparés pour entrer dans la troupe de
-l'hôtel de Bourgogne, Colbert fut chargé par Louis XIV de former, des
-débris de la troupe du grand comique et de celle du Marais, une nouvelle
-troupe qui fut transportée rue Mazarine; et le théâtre du Palais-Royal
-fut donné à Lulli pour y établir l'Opéra, décoré du nom d'_Académie
-royale de musique_. L'ancien Opéra du marquis de Sourdac disparut, et le
-nouvel Opéra fut fondé par l'association de Lulli, de Quinault, de
-Vigaroni; le musicien, le poëte et le décorateur formèrent un spectacle
-tout nouveau, d'une grandeur et d'une magnificence fort au-dessus de
-tout ce qu'on avait vu jusqu'alors. Il devint célèbre dans toute
-l'Europe, et n'a cessé de contribuer aux progrès de la chorégraphie, de
-la musique vocale et instrumentale. Quoique toujours onéreux pour
-l'État, il a survécu à tous les désastres de nos révolutions. Malgré la
-réunion des talents qui contribuaient à sa réussite, il causa, dans la
-nouveauté, plus d'admiration que de plaisir[253], et il ne se soutint
-que par la volonté et la munificence de Louis XIV, qui le mit à la mode.
-Jamais, depuis, l'empressement du public ne suffit pour entretenir ce
-spectacle dans la splendeur et le luxe qui est de son essence; pour
-qu'il pût subsister il a fallu que tous les gouvernements qui se sont
-succédé en France fussent pour lui plus prodigues encore que n'avait été
-Louis XIV.
-
- [249] Les frères PARFAICT, _Histoire du Théâtre français_, t. XI,
- p. 293.
-
- [250] TITON DU TILLET, _Parnasse françois_, Paris, 1732,
- in-folio, p. 490.--ROQUEFORT, dans la _Biographie universelle_,
- t. VIII, p. 244, article _Charpentier_ (Marc-Antoine). Ce savant
- maître de musique de la Sainte-Chapelle naquit à Paris en 1634,
- et y mourut en 1702, âgé de soixante-huit ans.
-
- [251] Avec le Prologue, 36 pages in-4º, Paris, 1663, chez
- Christophe Ballard.
-
- [252] FÉLIBIEN, _les Divertissements de Versailles_, p. 28.
-
- [253] Conférez LA FONTAINE, _Épître à M. Nyert sur l'Opéra_, et
- nos notes dans les _Œuvres_, édit. 1827, t. VI, p. 108 à
- 119.--RAGUENET, _Parallèle des Italiens et des Français en ce qui
- regarde la musique et l'Opéra_, in-12, Paris, 1702, p. 124.--LA
- BRUYÈRE, _Caractères_, ch. XLVII, t. I, p. 164, édit. W., 1835,
- in-8º et in-12.
-
-Ce fut madame de Montespan qui eut la principale part à cette rénovation
-de l'Opéra. Pour faire cette révolution théâtrale, elle s'appuya sur
-l'opinion de la Rochefoucauld, alors, à la cour, le grand arbitre du
-goût. «M. de la Rochefoucauld, dit madame de Sévigné à sa fille, ne
-bouge de Versailles; le roi le fait entrer chez madame de Montespan pour
-entendre les répétitions d'un opéra qui passera tous les autres: il faut
-que vous le voyiez[254].» Cet opéra était celui d'_Alceste ou le
-Triomphe d'Alcide_, qui fut le premier que composa Quinault depuis qu'il
-avait fait alliance avec Lulli et que la salle du Palais-Royal avait été
-accordée à ce dernier pour son spectacle[255]. Le succès de ce nouvel
-ouvrage fut grand, et fit oublier à ce public ému et flatté que Molière,
-dans cette même salle, en le bafouant le faisait rire. Madame de Sévigné
-écrit le 8 janvier 1674: «On joue jeudi l'opéra qui est un prodige de
-beauté; il y a des endroits de la musique qui m'ont fait pleurer; je ne
-suis pas seule à ne le pouvoir soutenir; l'âme de madame de la Fayette
-en est tout alarmée[256].» Je le crois sans peine: celle qui n'avait
-jusqu'alors entendu que les opéras de François Perrin, les maigres
-instruments de Gabriel Gilbert et les accompagnements monotones de
-Cambert[257] devait être agréablement surprise de cette variété
-d'instruments, de ces timbales, de ces trompettes qui produisaient, par
-leur éclatante harmonie, des effets inconnus à la musique française. Les
-récitatifs du musicien florentin, admirés encore de nos artistes
-modernes par la vérité de la déclamation et la justesse de la prosodie,
-ne devaient pas médiocrement toucher des femmes d'un goût aussi exercé
-que madame de la Fayette et madame de Sévigné. Le beau chœur des
-suivants de Pluton, qui se réjouissent de la venue d'Alceste dans les
-enfers, rehaussé par la musique de Lulli, était surtout propre à alarmer
-la constitution maladive et vaporeuse de madame de la Fayette:
-
- Tout mortel doit ici paraître:
- On ne peut naître
- Que pour mourir.
- De cent maux le trépas délivre:
- Qui cherche à vivre
- Cherche à souffrir.
- Chacun vient ici-bas prendre place;
- Sans cesse on y passe,
- Jamais on n'en sort.
- Est-on sage
- De fuir ce passage?
- C'est un orage
- Qui mène au port.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Plaintes, cris, larmes,
- Tout est sans armes
- Contre la mort.
- Chacun vient ici-bas prendre place;
- Sans cesse on y passe,
- Jamais on n'en sort[258].
-
- [254] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 novembre 1673), t. III, p. 231,
- édit. G.; t. III, p. 146, édit. M.--Vie de QUINAULT, dans les
- _Œuvres de_ QUINAULT, édit. 1715, p. 34.
-
- [255] Le premier opéra de ces deux auteurs, joué dans cette
- salle, fut _Cadmus et Hermione_, représenté le 17 avril 1673;
- mais cette pièce avait déjà été jouée au jeu de paume du Bel-Air.
- Conférez _Vie de Quinault_, dans les _Œuvres de_ QUINAULT, édit.
- 1715, in-12.
-
- [256] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 janvier 1674), t. III, p. 299, édit.
- G.; t. III, p. 283, édit. M (Corrigez la note dans les deux
- édit.).
-
- [257] DE BEAUCHAMPS, _Recherches sur les théâtres de France_, t.
- III, p. 202-207.
-
- [258] QUINAULT, _Alceste_, tragédie, acte III, scène 3, t. IV, p.
- 182 du _Théâtre de_ M. QUINAULT, 1715, in-12.
-
-Cependant l'impulsion donnée par la faveur de Louis XIV au théâtre de
-l'Opéra, décoré du nom d'Académie, ne profita bien qu'à la musique et à
-la danse. La France resta toujours inférieure à l'Italie sous le rapport
-des machines et des décorations comme sous celui du chant et de la
-poésie. Les plus belles pièces de Quinault ne sont pas comparables aux
-plus médiocres de Métastase; et néanmoins aucun de nos poëtes, depuis
-Louis XIV, n'a réussi mieux que Quinault dans ce genre de composition.
-Mais l'Opéra français devint, dès son début au Palais-Royal, supérieur
-dans la musique instrumentale. Le poëme, les danses, les ballets
-n'excitaient qu'un plaisir secondaire en comparaison des belles
-symphonies que Lulli composait; ses opéras ressemblaient à des concerts.
-C'est ce dont se plaint amèrement la Bruyère, ce grand peintre de la
-société française dans le grand siècle[259]. Les imitateurs du Florentin
-profitèrent du goût régnant pour composer des opéras courts, presque
-sans récitatifs, tout en symphonies et qui pouvaient se passer des
-prestiges du théâtre. Un musicien nommé Molière (qui n'avait rien de
-commun que le nom avec le grand comique) paraît avoir particulièrement
-réussi dans ces opéras-concerts, dont l'abbé Tallemant composait les
-paroles et qu'il faisait chanter chez lui et dans des fêtes
-particulières[260]. Le 5 février (jour anniversaire de sa naissance),
-madame de Sévigné écrit à sa fille: «Je m'en vais à un petit opéra de
-Molière, beau-père d'Itier[261], qui se chante chez Pelissari; c'est une
-musique très-parfaite. M. le Prince, M. le Duc et madame la Duchesse y
-seront.»
-
- [259] LA BRUYÈRE, _Caractères_, ch. I, no XLVII, p. 165.
-
- [260] B. DE BEAUCHAMPS, _Recherches sur les théâtres de France_,
- t. III, p. 178.--PAVILLON (lettre à mademoiselle Itier),
- _Œuvres_, édit. 1750, in-12, p. 96.
-
- [261] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 février 1674), t. III, p. 335, édit.
- M.; t. III, p. 233, édit. M.
-
-Pelissari était un riche financier, ami de Gourville et de
-d'Hervart[262]. Madame de Sévigné l'avait connu chez Fouquet au temps de
-la Fronde, et avec lui, comme avec Jeannin de Castille, elle était
-restée liée. Déjà les plus grands personnages de ce temps aimaient à se
-réunir chez ces riches roturiers, qui acquirent dans le siècle suivant
-une influence toujours croissante. Le jeu, la bonne chère faisaient
-éprouver à tous ces hommes de la cour des plaisirs plus vifs que ceux
-qu'ils devaient à la magnificence du monarque, parce que les plus élevés
-parvenaient, par la familiarité même de leur excessive politesse, à
-faire régner dans ces cercles, honorés par leur présence, tout le charme
-d'une parfaite égalité sans rien perdre des avantages que leur donnait
-la supériorité de leur rang et de leur naissance; et depuis lors ce fut
-là le triomphe du savoir-vivre et du suprême bon ton. Ainsi nous voyons
-madame de Sévigné, vivement pressée de se rendre à une invitation de la
-duchesse de Chaulnes avec les cardinaux de Retz et de Bouillon, préférer
-un souper chez Gourville[263], où elle devait se réunir avec toute sa
-société, M. de la Rochefoucauld, madame de la Fayette, M. le Duc, le
-comte de Briord[264], son aide de camp, madame de Thianges, madame de
-Coulanges, Corbinelli. Madame de Sévigné ne pouvait être attirée chez
-Pelissari que les jours de concerts et de grandes réunions. La société
-de madame Pelissari était toute différente de la sienne. Celle-ci
-recevait beaucoup d'hommes de lettres, mais c'étaient précisément ceux
-qui régnaient alors à l'Académie et qui n'avaient aucun succès à l'hôtel
-de la Rochefoucauld. Pavillon était le Voiture de ce _pastiche_ de
-l'hôtel de Rambouillet[265]. Le jour que madame de Sévigné se rendit
-chez madame Pelissari pour entendre l'opéra de Molière, elle dut y
-trouver Cotin, qui récita peu après, en séance publique, des vers à la
-louange du roi; Gilles Boileau[266], l'ami de Cotin et l'ennemi de
-Despréaux, son frère; puis Furetière, Charpentier, l'abbé Tallemant,
-Perrault, le vieux Bois-Robert, Quinault, Regnier, Desmarais, Benserade
-et d'autres moins connus. C'étaient alors les coryphées de l'Académie
-française, peuplée en majeure partie de grands seigneurs, loués par
-leurs confrères en vers et en prose. Ceux-ci formaient une ligue en
-faveur des médiocrités intrigantes; ils exaltaient le siècle présent, et
-dépréciaient tous les siècles qui l'avaient précédé. Leur règne allait
-cesser. A la vérité Despréaux et la Fontaine devaient attendre dix ans
-encore leur admission à l'Académie; mais déjà depuis deux ou trois ans
-l'ennemi avait commencé à pénétrer dans la place. Bossuet avait été reçu
-de l'Académie en 1671, Racine et Fléchier en 1673, le savant Huet, qui
-écrivait des poëmes charmants dans la langue de Virgile, en 1674.
-Benserade, sans beaucoup d'avantages pour l'illustre compagnie, allait y
-remplacer Chapelain. Madame de Sévigné ne manque pas de donner à madame
-de Grignan des nouvelles de ce dernier, si connu d'elle et de toute sa
-famille: «M. Chapelain se meurt; il a une manière d'apoplexie qui
-l'empêche de parler; il se confesse en serrant la main; il est dans sa
-chaise comme une statue: ainsi Dieu confond l'orgueil des philosophes.
-Adieu, ma bonne[267].»
-
- [262] DE GOURVILLE, _Mémoires_ (1657), collect. de Petitot, t.
- LII, p. 317-341.
-
- [263] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 février 1674), t. III, p. 335, édit.
- G.; t. III, p. 233, édit. M.--PAVILLON, _Œuvres_, édit. 1750, t.
- I, p. LXXVIII, Remarques sur Briord.
-
- [264] Voyez _Lettres de_ LOUIS XIV au comte de Briord, la Haye,
- 1726, pet. in-12, 209 pag.; pièces justificatives, 50 pag.
-
- [265] PAVILLON, _Œuvres_, édit. 1750, t. I, p. 154. Conférez t.
- I, p. 146, 148, 152, 157, 165, et t. II, p. 202, 205, 284.
-
- [266] D'OLIVET, _Histoire de l'Académie françoise_, édit. in-4º,
- 1729, t. II, p. 158.
-
-On est étonné du peu d'affection que manifeste en cette circonstance
-madame de Sévigné pour l'ancien précepteur des MM. de la Trousse, ses
-parents; pour celui qui, avec Ménage, lui avait donné à elle-même des
-leçons dont elle avait si bien profité. Mais Chapelain, qui avait été
-une des grandes notabilités littéraires chez la marquise de Sablé[268],
-dans les réunions hebdomadaires de mademoiselle de Scudéry et à l'hôtel
-de Rambouillet, où Arnauld d'Andilly l'avait introduit[269], où ses
-liaisons avec les solitaires de Port-Royal lui donnaient de
-l'importance; cet auteur tant prôné, si magnifiquement récompensé par
-les ducs de Longueville et de Montausier; ce juge souverain en matière
-de goût, selon Balzac[270], était devenu ridicule par la publication de
-son grand poëme et par son avarice[271]. On convenait que Boileau
-Despréaux, pour répondre aux reproches que lui adressait le spirituel de
-Coupeauville[272] d'avoir si maltraité le chantre malencontreux de la
-célèbre Pucelle, avait eu raison de dire: «Mais je n'ai été que le
-secrétaire du public; je ne suis coupable que d'avoir dit en vers ce que
-tout le monde dit en prose[273].» Madame de Sévigné fut tout étonnée de
-voir le satirique «s'attendrir pour le pauvre Chapelain,» et elle lui
-pardonnait de s'être montré si cruel en vers, puisqu'il était si tendre
-en prose[274]. Elle admirait plus que personne le talent de Despréaux,
-et recherchait les réunions ou il faisait des lectures de son _Art
-poétique_, qui devait bientôt paraître et faire époque dans la
-littérature française.
-
- [267] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 novembre 1673), t. III, p. 223,
- édit. G.; t. III, p. 139, édit. M.--Chapelain ne mourut que
- plusieurs mois après cette lettre, le 22 février 1674.
-
- [268] TALLEMANT DES RÉAUX, _Historiettes_, t. II, p. 399, 416,
- édit. in-8º; t. IV, p. 152, 170, édit. in-12.--D'OLIVET,
- _Histoire de l'Académie françoise_, édit. 1729, in-4º, t. II, p.
- 124.
-
- [269] SAINTE-BEUVE, _Port-Royal_, t. III, p. 470.
-
- [270] _Vie de Costar_, t. VI, p. 263 des _Historiettes_ de TALLEMANT
- DES RÉAUX, et _ibid._, p. 264 et 265. Lettres autographes d'Arnauld
- d'Andilly et de Chapelain.
-
- [271] D'OLIVET, _Histoire de l'Académie françoise_, édit. in-4º,
- t. II, p. 128.
-
- [272] CLAUDE DUVAL DE COUPEAUVILLE, abbé de la Victoire, mort en
- 1676. Conférez sur ce personnage SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27 février
- 1671), éd. G.; t. I, p. 265, édit. M. (M. M. a corrigé sa note
- ailleurs.)--TALLEMANT DES RÉAUX, _Historiettes_, t. II, p. 303-332
- (et la note 726 à la page 330), édit. in-8º; t. IV, p. 87, 88, et la
- note 1.--_Ménagiana_, t. II, p. 1; t. III, p. 79.
-
- [273] _Œuvres de_ BOILEAU DESPRÉAUX, édit. de Saint-Marc, 1747,
- t. I, p. 154. Note sur le vers 203 de la satire IX.
-
- [274] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 décembre 1673), t. III, p. 264,
- édit. G.; t. III, p. 173, édit. M.
-
-Le 15 décembre (1673), elle écrit: «Je dînai hier avec M. le Duc, M. de
-la Rochefoucauld, madame de Thianges, madame de la Fayette, madame de
-Coulanges, l'abbé Têtu, M. de Marsillac et Guilleragues, chez Gourville.
-Vous y fûtes célébrée et souhaitée; et puis on écouta la _Poétique_ de
-Despréaux, qui est un chef-d'œuvre[275].»
-
- [275] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 décembre 1673), t. III, p. 262,
- édit. G.; t. III, p. 171, édit. M.
-
-Elle n'entendit cette fois qu'une portion du poëme; car, un mois après,
-elle écrit encore: «De Pomponne m'a priée de dîner demain avec lui et
-Despréaux, qui doit lire sa _Poétique_.» Le surlendemain, elle commence
-ainsi une autre lettre: «J'allai donc dîner samedi chez M. de Pomponne,
-comme je vous avais dit; et puis (on dînait alors à midi), jusqu'à cinq
-heures, il fut enchanté, enlevé, transporté de la perfection des vers de
-la _Poétique_ de Despréaux. D'Hacqueville y était. Nous parlâmes deux ou
-trois fois du plaisir que j'aurais de vous la voir entendre[276].»
-
- [276] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 et 15 janvier 1674), t. III, p. 307,
- édit. G.; t. III, p. 209, édit. M.
-
-J'ai dit que madame de Sévigné entendit la lecture de l'_Art poétique_
-en entier. En effet, ce poëme était achevé, puisque Boileau l'inséra
-dans la première édition de ses œuvres, dont il devait bientôt faire
-commencer l'impression et qui parut six mois après la date de la lettre
-de madame de Sévigné. Il y a cependant des vers, dans ce poëme, que
-l'auteur ne composa qu'après la lecture qu'il en avait faite chez M. de
-Pomponne: ce sont ceux où la conquête de la Franche-Comté est célébrée.
-Cette conquête ne fut commencée que six semaines après cette lecture et
-terminée seulement cinq jours après l'impression des _Œuvres diverses
-du sieur D***_. [Despréaux].
-
-Condé, qui, lorsqu'il s'était révolté, avait servi et commandé chez les
-Espagnols, connaissait leurs hommes d'État et leurs guerriers; il lui
-fut donc facile de préparer la seconde conquête de la _comté de
-Bourgogne_[277]. Rentrée, par le traité d'Aix-la-Chapelle, sous la
-domination espagnole, cette province était mécontente des dons gratuits
-et des subsides que l'Espagne avait exigés d'elle pour le rétablissement
-des fortifications détruites par la France et pour l'entretien des
-garnisons que la guerre forçait d'y placer. Mais cette fois aussi, mieux
-fortifiée, plus garnie de troupes et préparée depuis longtemps pour
-l'état de guerre, on ne pouvait plus la surprendre; et la conquérir
-était devenu plus difficile. Louis XIV empêcha très-habilement les
-Suisses, qui craignaient de devenir les voisins de la France, de se
-joindre aux Espagnols, en offrant au roi d'Espagne de déclarer la
-neutralité de la Franche-Comté. Il s'y refusa, quoique sollicité par les
-Suisses, qui s'étaient joints à Louis pour cette négociation. Dès lors
-l'état de guerre qui existait entre l'Espagne et la France légitima
-l'attaque de la Franche-Comté, et les Suisses n'eurent aucune raison
-valable pour s'y opposer. Gourville, l'homme de Condé, Bouchu,
-l'intendant de la Bourgogne, le marquis de Vaubrun préparèrent les
-succès de cette attaque par leurs secrètes négociations avec le prince
-d'Aremberg, le marquis de Listenay et don Guignones[278]. Le maréchal
-de Navailles commença l'invasion; il prit Gray en trois jours, le 1er
-mars; Vesoul, le 10[279]. Le siége de Besançon, fait par le roi en
-personne, fut pénible: cette place ne se rendit qu'après huit jours de
-tranchée, le 15 mai; et la citadelle, le 22. Dôle ouvrit ses portes le 6
-juin, après sept jours de tranchée; et la Feuillade entra dans Salins le
-22 juin, après un siége de sept jours. Mais la conquête de la
-Franche-Comté ne fut complétée que le 5 juillet, lorsque le marquis de
-Renel (ami et allié de Bussy) eut pris Lure et Fauconier[280].
-
- [277] Voyez la 3e partie de ces _Mémoires_, p. 82, ch. V.
-
- [278] GRIFFET, _Recueil de lettres pour servir d'éclaircissements
- à l'histoire militaire de Louis XIV_, 1760, in-12, t. II, p. 262
- et 270. Depuis le 7 janvier 1674 jusqu'au 11 mars, toutes ces
- lettres sont à tort datées de 1673; c'est 1674 qu'il faut lire.
- Ces fautes ne sont pas corrigées dans la table.
-
- [279] _Mémoires du duc_ DE NAVAILLES _et_ DE LA VALETTE, 1702,
- in-12, p. 285.--DU LONDEL, _Fastes des rois_, 1697, in-8º, p.
- 213, 214.
-
- [280] GRIFFET, _Recueil de lettres pour servir à
- l'éclaircissement de l'histoire militaire de Louis XIV_, t. II,
- p. 320.
-
-Comme le volume des œuvres diverses de Despréaux ne fut achevé
-d'imprimer que le 10 juillet, et qu'après les vers où il célèbre la
-conquête de la Franche-Comté près des deux tiers de son volume étaient à
-imprimer, et que le privilége du roi est daté du 12 juin, il en résulte
-que ce fut après avoir livré son manuscrit à l'imprimeur, c'est-à-dire
-après le 22 juin, et sur les épreuves mêmes de son ouvrage, que Boileau,
-sans craindre qu'on lui révoquât son privilége, ajouta les vers
-suivants, adressés, comme ceux qui les précèdent, aux auteurs qui
-voudront célébrer les victoires de Louis XIV:
-
- Mais tandis que je parle une gloire nouvelle
- Vers ce vainqueur rapide aux Alpes vous appelle.
- Déjà Dôle et Salins sous le joug ont ployé;
- Besançon fume encor sur son roc foudroyé.
-
-Remarquons que ce fut au détriment du poëme que ces quatre vers furent
-intercalés. Les vers qui les suivent étaient, avant cette intercalation,
-à la suite de ceux sur le passage du Rhin et de la conquête de la
-Hollande, et s'appliquaient mieux à ce passage et à cette conquête qu'au
-siége de Besançon et de Salins. Quel auteur, dit le poëte,
-
- Chantera le Batave, éperdu dans l'orage,
- Soi-même se noyant pour sortir du naufrage;
- Dira les bataillons sous Mastricht enterrés,
- Dans ces affreux assauts du soleil éclairés?
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Où sont ces grands guerriers dont les fatales ligues
- Devaient à ce torrent apporter tant de digues?
- Est-ce encore en fuyant qu'ils pensent l'arrêter
- Fiers du honteux honneur d'avoir su l'éviter[281].
-
- [281] _Œuvres diverses_ du sieur D***, avec le _Traité du
- sublime_ de Longin; Paris, chez Denis Thierry, 1674, in-4º, p.
- 140 et 141. (Au dernier feuillet: «Achevé d'imprimer pour la
- première fois le 10 juillet 1674).»
-
-Quand Despréaux écrivit ces vers, on était à la fin de l'année 1673. Le
-Rhin avait été passé le 12 juin 1672, et Maestricht s'était rendu au roi
-le 29 juin 1673. Ces exploits, quoique récents, étaient déjà anciens;
-ils avaient fatigué les muses adulatrices, et ces vers, au moment de
-leur publication, formaient un anachronisme. Louis XIV, dès la fin
-d'octobre de l'année précédente, pour mieux attaquer l'Espagne, avait
-commencé à retirer ses troupes de la Hollande: le _Batave éperdu_, au
-lieu de fuir, rentrait dans ses foyers. Les forces qui avaient envahi la
-république étaient postées sur le haut Rhin; et Bonne, mal fortifiée,
-avait capitulé le 12 novembre 1673, après huit jours de siége. La
-conquête de la Franche-Comté, célébrée par le poëte avant même d'être
-achevée, avait pour les lecteurs le mérite si grand de la nouveauté;
-mais les vers qui suivaient, depuis l'évacuation des places conquises
-sur la Hollande, n'étaient plus d'accord avec l'histoire. Le _Batave_,
-ligué avec toute l'Europe, après avoir fait rebrousser le torrent
-dévastateur, espérait l'anéantir ou lui imposer des digues qu'il ne
-pourrait franchir: il ne parvint alors qu'à en détourner le cours.
-Condé, à la tête d'une poignée de troupes, soutint, dans les plaines des
-Pays-Bas, le choc des puissances armées; Luxembourg, son disciple, leur
-ferma les passages de la Suisse; Turenne, ceux de l'Alsace, et il les
-rejeta au delà du Rhin[282]. Louis XIV, couvert par l'habileté de ses
-grands capitaines, put, en achevant la conquête de la Franche-Comté,
-compléter ainsi le sol de la France, depuis maintenu par la Providence
-dans son intégrité, malgré soixante ans de délire révolutionnaire et
-d'usurpations insensées[283].
-
- [282] DESORMEAUX, _Histoire de Louis, prince de Condé_, 1769,
- in-12, p. 380.--RAMSAY, _Histoire du vicomte de Turenne_, 1773,
- in-12, t. II, p. 240 à 304.--DESCHAMPS, _Dernières campagnes de
- M. de Turenne_, dans l'_Histoire du vicomte de Turenne_, t. III,
- p. 306-406--PELLISSON, _Histoire de Louis XIV_, Paris, 1749,
- in-12, t. III, p. 227-228.
-
- [283] LOUIS XIV, _Œuvres_, _fragment sur la conquête de la
- Franche-Comté_.--Et le général GRIMOARD, _Précis sur la conquête
- de la Franche-Comté_, dans les _Œuvres de_ LOUIS XIV, t. III, p.
- 453 et 473.--_Recueil de lettres pour servir d'éclaircissement à
- l'histoire militaire de Louis XIV_, 1760, in-12, t. II, p. 273,
- 286.
-
-
-
-
-CHAPITRE VII.
-
-1674-1675.
-
- M. et madame de Grignan viennent à Paris.--M. de Grignan retourne
- en Provence.--Madame de Grignan reste avec madame de Sévigné
- pendant quinze mois.--Correspondance de madame de Sévigné avec
- Guitaud et avec Bussy.--Bussy obtient la permission de venir à
- Paris, et vit pendant six mois dans la société de madame de Sévigné
- et de madame de Grignan.--Ouverture de l'assemblée des communautés
- de la Provence le 3 novembre.--L'évêque de Toulouse forme
- opposition à M. de Grignan.--Grignan est soutenu par Guitaud,
- gouverneur des îles Sainte-Marguerite.--Correspondance de Bussy et
- de madame de Sévigné.--Détails sur la femme et les enfants de
- Bussy.--Sur l'aîné de ses fils, Nicolas, marquis de Bussy.--Sur
- Marie-Thérèse de Bussy, marquise de Montalaire.--Sur
- Michel-Celse-Roger de Bussy, évêque de Luçon.--Sur Louise de
- Rouville de Clinchamps, seconde femme du comte de
- Bussy-Rabutin.--Sur Diane de Rabutin, chanoinesse.--Sur
- Louise-Françoise de Bussy.--Sur le mariage de celle-ci avec Gilbert
- de Langheac, marquis de Coligny.--Coligny est tué.--Sa veuve se
- remarie.--Elle ne prend pas le nom de son nouveau mari, et se fait
- nommer comtesse de Dalet.--Son fils, le comte de Langheac, meurt
- sans postérité mâle.
-
-
-Ce fut dans cette belliqueuse année, et lorsque la France était assiégée
-par cette multitude d'ennemis que lui avaient faits l'ambition et la
-despotique arrogance de son monarque, que madame de Sévigné put goûter,
-plus complétement qu'elle ne l'avait fait depuis longtemps, les douceurs
-de l'amour maternel et celles de l'amitié. Elle en éprouvait le besoin
-pour se consoler de l'ennui et de la fatigue qu'entraînent avec eux les
-plaisirs du monde, les liaisons passagères de la société et les
-intrigues de la cour.
-
-Elle était enfin parvenue à obtenir un congé pour M. de Grignan[284]; il
-arriva à Lyon avec sa femme au commencement de février[285] et à Paris
-vers le 15 du même mois (1674).
-
- [284] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 janvier 1674), t. III, p. 315, édit.
- G.; t. III, p. 217, édit. M.
-
- [285] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 février 1674), t. III, p. 336, édit.
- G.; t. III, p. 235, édit. M.
-
-Le comte de Grignan retourna au mois de mai suivant en Provence[286],
-mais madame de Grignan ne se sépara de sa mère qu'un an après: leur
-commerce de lettres fut donc interrompu pendant quinze mois entiers.
-Dans cet intervalle de temps, madame de Sévigné entretint une
-correspondance active avec son cousin Bussy, le comte de Guitaud et M.
-de Grignan. Elle n'eut pas non plus, durant toute cette année et les six
-premiers mois de l'année suivante, besoin d'écrire à celui qu'elle
-nommait son _bon cardinal_. Retz résida pendant tout ce temps à Paris,
-passant de longues heures avec madame de Sévigné et avec sa fille[287],
-dont il préférait la société à toutes les autres. De son côté, madame de
-Sévigné trouvait qu'il était l'homme de France dont la conversation
-était la plus agréable, l'homme le plus charmant qu'on pût voir; et ce
-qui contribuait surtout à le lui faire trouver tel, c'est qu'il semblait
-partager son admiration pour madame de Grignan et sympathiser à ses
-faiblesses maternelles[288]. Sévigné était à l'armée, mais il venait par
-intervalle se réunir à sa mère et à sa sœur et jouir avec elles des
-plaisirs de la cour[289]. Le petit-cousin de Coulanges et Corbinelli _le
-fidèle Achate_, l'officieux d'Hacqueville étaient aussi alors à Paris;
-et Gourville et Guilleragues, et les hommes de lettres qui fréquentaient
-les hôtels des la Rochefoucauld et des Condé, et toute la brillante
-jeunesse de ces sociétés montraient d'autant plus d'empressement encore
-à se rapprocher de madame de Sévigné qu'ils étaient certains de
-rencontrer toujours près d'elle la belle comtesse de Grignan, la reine
-de la Provence, si longtemps regrettée, si ardemment attendue.
-
- [286] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 mai 1674), t. III, p. 341, édit. G.;
- t. III, p. 237, édit. M.; t. III, p. 19 et 20 de l'édit. de 1754.
-
- [287] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27 mai et 15 juin 1674.), t. III, p.
- 393-409, édit. G.; t. III, p. 237, édit. M.--_Ibid._ (25 mai et
- 19 juin 1675), t. III, p. 386, 391 et 422, édit. G.; t. III, p.
- 267, 272, 299, édit. M.--_Suite des Mémoires de_ BUSSY, ms.
- (lettre à madame de Grignan, datée du 12 mai). C'est la même que
- celle qui est datée du 10 mai dans les édit., t. III, p. 386.
-
- [288] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 octobre 1674), t. III, p. 361, édit.
- G.; t. III, p. 248 (27 mai 1675), p. 304, édit. M.
-
- [289] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 février 1674), t. III, p. 333, édit.
- G.; t. III, p. 212, édit. M.--_Ibid._ (22 mai 1674), t. III, p.
- 238, édit. M.; t. III, p. 343, édit. G.; t. III, p. 275, édit.
- M.--_Ibid._ (5 février 1674), t. III, p. 337, édit. G.; t. III,
- p. 235, édit. M.
-
-Il semble que rien ne manquait au bonheur de madame de Sévigné; mais
-elle était arrivée à un âge ou les joies les plus vives sont amorties
-par tout ce que l'existence humaine a de triste et de sérieux. Elle
-n'avait que quarante-huit ans; et aux souhaits que, selon l'usage, sa
-fille lui exprimait au premier jour de l'an (1674) elle répondit[290]:
-
-«Vous me dites mille douceurs sur le commencement de l'année: rien ne
-peut me flatter davantage; vous m'êtes toutes choses, et je ne suis
-appliquée qu'à faire que tout le monde ne voie pas toujours à quel point
-cela est vrai. J'ai passé le commencement de l'année assez brutalement;
-je ne vous ai dit qu'un pauvre petit mot; mais comptez, mon enfant, que
-cette année et toutes celles de ma vie sont à vous: c'est un tissu,
-c'est une vie tout entière qui vous est dévouée jusqu'au dernier soupir.
-Vos moralités sont admirables; il est vrai que le temps passe partout,
-et passe vite. Vous criez après lui, parce qu'il vous emporte quelque
-chose de votre belle jeunesse; mais il vous en reste beaucoup. Pour moi,
-je le vois courir avec horreur, et m'apporter en passant l'affreuse
-vieillesse, les incommodités et enfin la mort. Voilà de quelle couleur
-sont les réflexions d'une personne de mon âge; priez Dieu, ma fille,
-qu'il m'en fasse tirer la conclusion que le christianisme nous
-enseigne.»
-
- [290] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 janvier 1674), t. III, p. 297, édit.
- G.; t. III, p. 201, édit. M.
-
-Quoique madame de Grignan, pour sa propre tranquillité, blessât souvent
-le cœur de madame de Sévigné en tâchant de renfermer dans de justes
-bornes les soins et les inquiétudes maternelles, pour elle gênantes et
-importunes, cependant il est probable qu'elle ne fît jamais de bien
-ferventes prières pour la guérir entièrement de cette tendance
-passionnée et pour la lui faire reporter vers Dieu, comme le
-christianisme le lui ordonnait; ou si elle fit de telles prières, elles
-eurent bien peu d'efficacité: nous en avons la preuve dans la seule
-lettre qui soit restée de madame de Sévigné à sa fille pendant le séjour
-que celle-ci fit auprès d'elle[291]. Voici quelle fut l'occasion de
-cette lettre:
-
-Madame de Grignan, aussitôt son arrivée à Paris, devint grosse, fit une
-fausse couche, et mit au monde au bout de sept mois un enfant qui ne
-naquit pas viable[292]. Dans les deux derniers mois qui précédèrent cet
-accouchement, madame de Grignan fut souvent souffrante et langoureuse,
-et madame de Sévigné, moins que jamais, ne pouvait être disposée à la
-quitter d'un seul instant. Cependant le _Bien bon_, qui suivait partout
-madame de Sévigné, s'en était séparé pour se transporter à Livry, où il
-se trouvait à la fin de mai avec sa société, composée de plusieurs de
-ses parents et de ses amis. Madame de Grignan, que le monde et les
-affaires retenaient à Paris, sachant bien que sa mère ne restait en
-ville qu'à cause d'elle, la pressait toujours d'aller à Livry, comme
-elle avait coutume de faire dans la belle saison. Madame de Sévigné s'y
-détermina, et c'est alors qu'elle écrivit à sa fille[293]:
-
- «De Livry, le 1er juin 1674.»
-
-«Il faut, ma bonne, que je sois persuadée de votre fonds pour moi,
-puisque je vis encore. C'est une chose bien étrange que la tendresse que
-j'ai pour vous! Je ne sais si, contre mon dessein, j'en témoigne
-beaucoup; mais je sais bien que j'en cache encore davantage. Je ne veux
-pas vous dire l'émotion et la joie que m'ont données votre laquais et
-votre lettre. J'ai eu même le plaisir de ne point croire que vous
-fussiez malade; j'ai été assez heureuse pour croire ce que c'était. Il y
-a longtemps que je l'ai dit: quand vous voulez, vous êtes adorable; rien
-ne manque à ce que vous faites. J'écris dans le milieu du jardin, comme
-vous l'avez imaginé; et les rossignols et les petits oiseaux ont reçu
-avec un grand plaisir, mais sans beaucoup de respect, ce que je leur ai
-dit de votre part; ils sont situés d'une manière qui leur ôte toute
-sorte d'humilité. Je fus hier deux heures toute seule avec les
-hamadryades; je leur parlai de vous; elles me contentèrent beaucoup par
-leur réponse. Je ne sais si ce pays tout entier est bien content de moi,
-car enfin, après avoir joui de toutes ses beautés, je n'ai pu m'empêcher
-de dire:
-
- Mais, quoi que vous ayez, vous n'avez point Caliste;
- Et moi je ne vois rien quand je ne la vois pas.
-
-Cela est si vrai que je repars après dîner avec joie. La bienséance n'a
-nulle part à tout ce que je fais; c'est ce qui est cause que les excès
-de liberté que vous me donnez me blessent le cœur. Il y a deux
-ressources dans le mien que vous ne sauriez comprendre. Je vous loue
-d'avoir gagné vingt pistoles; cette perte a paru légère, étant suivie
-d'un grand honneur et d'une bonne collation. J'ai fait vos compliments à
-nos oncles et cousins. Ils vous adorent, et sont ravis de la
-relation...»
-
- [291] Conférez la 3e partie de ces _Mémoires_, ch. XVIII, p. 348
- et 349.
-
- [292] Conférez _Suite des Mémoires du comte_ DE BUSSY-RABUTIN, ms.
- autographe de l'Institut, p. 79 verso (lettre du 16 août 1674 à
- madame de Sévigné).--BUSSY-RABUTIN, _Lettres_ (16 août 1674), t. I,
- p. 127, édit. de 1737, in-12.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (16 août 1673), t.
- III, p. 242, édit. M.; t. III, p. 351, édit. G. Dans ces deux
- dernières éditions cette lettre est tronquée.--_Lettres inédites de
- madame_ DE SÉVIGNÉ, Paris, Klostermann, 1814, in-8º, t. III et IV,
- p. 8 et 10.--_Ibid._, Paris, in-12, édit. Bossange et Masson (Paris,
- juin et juillet 1674), fausse date, p. 8 et 9.--SÉVIGNÉ, _Lettres_
- (18 juin et 10 juillet, vraie date), t. III, p. 347 et 348, édit. G.
-
- [293] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er juin 1674), t. III, p. 343, édit
- G.; t. III, p. 239, édit M.--_Lettres de madame_ DE
- RABUTIN-CHANTAL (samedi, juin 1674), la Haye, Gosse, 1726, in-12,
- t. II, p. 7.--_Ibid._ (à Livry, ce 1er juin 1674), édit. 1726,
- sans nom de lieu, dite de Rouen, t. II, p. 23. La date du samedi
- de l'édition de la Haye, si on la complétait par l'édition de
- Rouen, reporterait cette lettre à l'année 1675, ce qui n'est pas;
- il faut mettre: Vendredi 1er juin 1674.
-
-Il est probable que les oncles et les cousins dont parle ici madame de
-Sévigné sont l'abbé de Coulanges, son frère de Chezière, de Coulanges,
-sa femme, le comte et la comtesse de Sanzei et madame d'Harouis.
-
-Le principal motif du voyage de M. et de madame de Grignan à Paris avait
-été d'obtenir, du roi et des ministres, des gardes comme lieutenant
-général gouverneur et une allocation de fonds pour cette dépense. Mais
-tout le crédit de madame de Sévigné, de tous les Grignan et du comte de
-Guitaud échoua contre l'opposition de Forbin d'Oppède, évêque de Toulon,
-opposition qui fut aussi forte et aussi efficace qu'avait été celle de
-Forbin-Janson, évêque de Marseille, alors absent[294].
-
- [294] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. III, p. 357, 359, 361 et 362.
-
-Le comte de Guitaud était plus fortement dévoué aux intérêts de madame
-de Sévigné depuis le voyage qu'elle avait fait à Bourbilly[295]. Il est
-dans la vie des époques où l'amitié fait plus de progrès en quelques
-heures que durant le grand nombre d'années d'une liaison que la
-communauté des intérêts, les liens de parenté ou les convenances ont
-prolongée sans la renforcer, sans l'affaiblir et sans la rompre. C'est
-lorsqu'après des joies inespérées ou des malheurs accablants, une
-circonstance fortuite ou les loisirs de la solitude forcent des
-personnes ainsi unies selon le monde à se rapprocher, et déterminent
-entre elles des explications franches, des confidences intimes, de
-longs et sympathiques entretiens où le cœur se dénude, où l'âme
-s'exhale, où rien de nos craintes, de nos projets, de nos espérances, de
-nos aversions, de nos préférences, de nos qualités, de nos défauts n'y
-est dissimulé. Alors l'estime se fonde sur le respect qu'inspire la
-loyauté du caractère; la confiance s'établit, et l'amitié se fortifie
-par une tendresse mutuelle que l'on sait être capable de dévouement. Tel
-était l'effet qu'avait produit sur le comte et la comtesse de Guitaud le
-court séjour de madame de Sévigné. Leur correspondance le prouve[296].
-
- [295] Voyez ci-dessus, ch. I, p. 8-17, et dans les précédentes
- parties, t. I, p. 195, 198, 203, 365, 429; t. II, p. 35, 295; t.
- III, p. 94, 410; t. IV, p. 68, 127, 132.
-
- [296] SÉVIGNÉ, _Lettres inédites_, 1814, in-8º (lettres de M. le
- comte de Guitaud, p. 1 à 110, à la comtesse de Guitaud), p. 111,
- 196; éd. 1819, p. 1-110, et p. 111 à 194.
-
-Le comte de Guitaud avait été nommé gouverneur des îles
-Sainte-Marguerite; il avait donc, comme tel, de l'influence en Provence,
-et il s'en servait pour soutenir le parti du lieutenant général
-gouverneur. Non-seulement son amitié pour madame de Sévigné et pour M.
-de Grignan l'y portaient, mais il y était encore excité par un intérêt
-personnel. Il était en procès avec un Forbin: il n'en fallait pas tant
-pour réveiller dans le cœur de madame de Sévigné son antipathie contre
-les Forbin. Elle les appela toujours _les Fourbins_[297], et le procès
-que Forbin avait avec Guitaud et les oppositions de l'évêque de Toulon
-étaient pour elle de la _Fourbinerie_[298].
-
- [297] _Lettres inédites de madame_ DE SÉVIGNÉ, édit. 1819, in-12,
- p. 7.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 avril 1674), t. III, p. 341.
-
- [298] _Lettres inédites_, édit. 1819, p. 11.--SÉVIGNÉ, _Lettres_
- (30 juin? 1675), t. III, p. 349, édit. G. Cette lettre est à tort
- datée de 1674 dans l'édition des lettres inédites et dans
- l'édition de G. de S.-G.
-
-Le comte de Guitaud avait vu les choses plus froidement: il pensait que
-M. de Grignan devait se borner à demander aux états les cinq mille
-francs de gratification, et qu'il avait tort d'insister sur l'allocation
-des gardes d'honneur. Guitaud croyait, par l'abandon de cette somme,
-prévenir l'opposition de l'évêque de Toulon[299]. Cet évêque avait
-besoin du comte de Grignan pour une affaire où les Forbin étaient
-intéressés et qui ressortissait de l'autorité du lieutenant général
-gouverneur. Mais celui-ci résista; et, dans une lettre du 14 octobre
-1674, datée de Grignan, il dit à Guitaud: «L'affaire de mes gardes est
-une affaire d'honneur; si je la perds, ces messieurs doivent compter que
-je ne saurai jamais revenir pour eux. Ce n'est pas les cinq mille
-francs[300] qui me tiennent au cœur, comme vous pouvez croire; car je
-les rendrai à la province dans le moment, pourvu qu'il paraisse que j'en
-ai été absolument le maître. Je serai encore ici jusqu'à la Toussaint.»
-
- [299] Confér. la 3e partie de ces _Mémoires_, ch. XVI, p. 307, et
- la 4e partie, ch. IX, p. 245.
-
- [300] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (14 octobre 1674), t. III, p. 357, édit.
- de Gault de Saint-Germain. On lit _cent mille francs_, mais c'est
- une faute de copiste ou d'imprimeur: il faut lire _cinq mille_.
-
-L'assemblée des communautés de Provence s'ouvrit le 23 novembre (1674)
-par un discours de l'intendant de Rouillé, comte de Meslay, contenant
-les éloges ordinaires du roi et de ses victoires. Garidel, l'assesseur,
-parla ensuite au nom de M. de Grignan; il demanda le don de cinq cent
-mille francs pour le roi, et qu'il fût pourvu au payement des gardes
-d'honneur et à une somme de cinq mille francs comme supplément au
-traitement de dix-huit mille francs fixé, par les délibérations des
-années précédentes, pour le payement des gardes d'honneur[301].
-
- [301] _Abrégé des délibérations prises en l'assemblée générale
- des communautés_, tenue à Lambesc dans les mois de novembre et
- décembre 1674; Aix, Charles David, 1675, in-4º, p. 4 et 13.
-
-L'évêque de Toulon (Louis Forbin d'Oppède), procureur-joint pour le
-clergé, s'opposa au payement des gardes d'honneur et au supplément de
-cinq mille francs. Il déclara qu'il protestait d'avance contre toute
-délibération qui interviendrait pour accorder une de ces deux sommes.
-L'assemblée refusa les gardes d'honneur; elle accorda la somme de cinq
-mille francs, non comme supplément de traitement, mais à titre de
-gratification et sans tirer à conséquence pour l'avenir[302].
-
- [302] _Abrégé des délibérations_, etc., p. 4.--Conférez la 4e
- partie de ces _Mémoires_, ch. IX, p. 230.
-
-Quoique le résultat des délibérations de cette assemblée fût loin de
-satisfaire les prétentions que le comte de Grignan avait manifestées
-dans sa lettre au comte de Guitaud, cependant il paraît que celui-ci
-contribua à faciliter la décision de l'autorité en faveur de M. de
-Grignan, dont l'intendant fit l'éloge dans son discours. Nous apprenons
-cela par une lettre de madame de Sévigné, écrite pendant la tenue de
-l'assemblée des communautés et adressée au comte de Guitaud, alors dans
-le château des îles Sainte-Marguerite: «Parlons des merveilles que vous
-avez faites en Provence; vous n'avez pensé qu'aux véritables intérêts de
-M. et de madame de Grignan. J'ai trouvé fort dure et fort opiniâtre la
-vision de M. de Toulon pour les cinq mille francs à l'assemblée. Je
-crois que la permission que donne le roi d'opiner sur cette
-gratification ôtera l'envie de s'y opposer. M. de Pomponne a fait
-régler aussi le _monseigneur_ qu'on doit dire à M. de Grignan[303] en
-présence de l'intendant, quand on vient lui rendre compte de
-l'assemblée; et comme ce règlement donnera sans doute quelque chagrin à
-M. de Rouillé[304], je crois que M. de Pomponne ne l'enverra qu'à la
-fin.»
-
- [303] Conférez la 4e partie de ces _Mémoires_, ch. X, p. 278-280.
-
- [304] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (novembre 1674), t. III, p. 362, édit.
- G. de S.-G. Il y a dans l'édition _M. de Bouilli_. Gault de
- Saint-Germ., qui a donné le premier cette lettre d'après
- l'autographe, n'a pas bien su la lire.
-
-Pendant tout le temps du séjour de madame de Grignan à Paris, la
-correspondance de Bussy avec madame de Sévigné devint plus active. Bussy
-reprit ce ton de galanterie aimable et familière qu'avec elle, dans sa
-jeunesse, il ne quittait jamais, et qu'autorisaient l'étroite parenté
-qui les unissait et le goût qu'ils avaient l'un pour l'autre. Le séjour
-que Bussy faisait à Paris lui avait permis de jouir, pendant l'espace de
-six semaines, de la société de madame de Sévigné et de madame de
-Grignan. Le souvenir du plaisir que lui avait causé la conversation de
-la mère et de la fille se manifeste dans ses lettres, malgré les
-retranchements faits, par les éditeurs, de tous les passages inspirés
-par une jovialité un peu crue. Scrupule étrange, puisqu'ils ont imprimé
-sans aucun changement la réponse de madame de Sévigné, qui, bien loin de
-se fâcher de ces gravelures, répond sur le même ton. Bussy avait entendu
-dire que sa cousine était tourmentée de vapeurs: il lui écrit que,
-d'après un habile médecin qu'il a consulté, son mal ne vient que d'un
-excès de sagesse et de vertu; et il lui conseille, afin de vivre
-longtemps, de prendre un amant: «Cela vaudra mieux, dit-il, que du vin
-émétique.» Il ajoute: «Mon conseil, ma chère cousine, ne saurait vous
-paraître intéressé; car si vous aviez besoin de vous mettre dans les
-remèdes, étant, comme je suis, à cent lieues de vous, ce ne serait pas
-moi qui vous en servirait.» Elle lui répond: «Le conseil que vous me
-donnez n'est pas si estimable qu'il l'aurait été du temps de notre belle
-jeunesse; peut-être qu'en ce temps-là auriez-vous eu plus de
-mérite[305].»
-
- [305] _Lettres de messire_ ROGER DE RABUTIN, Paris, Delaulne,
- 1726, in-12, t. I, p. 117 (Chaseu, ce 16 août 1674), date
- conforme dans cette édition au ms. (no 231, in-4º) de la _Suite
- des Mémoires_, p. 78 verso. BUSSY prétend, dans ses _Mémoires_,
- qu'il avait entendu dire que madame de Sévigné avait failli
- mourir d'apoplexie. Celle-ci dément cette nouvelle.--SÉVIGNÉ,
- _Lettres_ (16 août et 5 septembre 1674), t. III, p. 350 et 352,
- édit G.; t. III, p. 241 et 242, édit. M.
-
-L'intérêt se joignait au plaisir que Bussy avait à correspondre avec
-madame de Sévigné; presque toute sa famille, à Paris, était en quelque
-sorte sous la direction ou la protection de sa cousine. Bussy jugeait le
-moment favorable pour la faire agir. De tout temps madame de Sévigné
-avait été bien avec le prince de Condé: il était au pouvoir de ce prince
-de faire cesser l'exil de Bussy, et madame de Sévigné avait, pour la
-seconder dans ses sollicitations, le cardinal de Retz et la belle
-comtesse de Grignan.
-
-Le 15 octobre 1674, madame de Sévigné avait écrit à Bussy: «J'ai donné à
-dîner à mon cousin votre fils et à la petite chanoinesse de Rabutin, sa
-sœur, que j'aime fort. Leur nom touche mon cœur, et leur jeune mérite
-me réjouit. Je voudrais que le garçon eût une bonne éducation: c'est
-trop présumer que d'espérer tout du bon naturel[306]. Ce fils
-(Amé-Nicolas de Bussy-Rabutin) était l'aîné des fils de Bussy, mais du
-second lit. C'est lui que madame de Sévigné allait voir quand il était
-écolier au collége de Clermont[307]. Il eut, à son entrée dans le monde,
-le titre de marquis de Bussy. Le roi lui donna la compagnie de cavalerie
-dans le régiment de Cibours[308]; ce fut en considération du père que
-cette faveur fut accordée au fils. Le comte de Bussy avait raison de
-dire que les offres réitérées de service qu'il faisait au roi à l'entrée
-de chaque campagne et les lettres qu'il lui écrivait, tant admirées de
-madame de Sévigné, ne déplaisaient point et lui seraient un jour
-comptées. Il parut à la cour lorsque les causes qui forçaient le roi à
-le tenir éloigné eurent disparu. Louis XIV accorda au comte de Bussy une
-pension de quatre mille francs, une de deux mille francs pour son fils
-aîné[309], et des bénéfices au cadet. Madame de Sévigné n'avait pas en
-vain pressenti les défauts d'éducation du jeune Bussy. Quelques années
-après elle avertit son père que le jeune homme passait dans le monde
-«pour être trop violent et trop avantageux en paroles.» C'étaient
-précisément les défauts de son père, qui prit assez mal cet
-avertissement. Quoique Bussy désirât qu'avec la raison et l'esprit qui
-le distinguaient son fils améliorât son caractère, il ne lui en voulut
-pas trop d'avoir mis, comme il le dit, «sur la chaleur des Rabutin une
-dose de la férocité des Rouville[310].» Malgré ses défauts, le marquis
-de Bussy fut un brave militaire, qui se concilia la faveur du Dauphin
-et de ses supérieurs et parcourut sa carrière d'une manière plus
-brillante que son cousin le baron de Sévigné. Malgré l'excellente
-éducation que celui-ci avait reçue, malgré son esprit, son savoir, sa
-bravoure et les puissants amis de sa mère, il fut obligé d'acheter son
-grade; du vivant de madame de Sévigné, il renonça à l'état militaire
-sans avoir obtenu aucun avancement; puis, marié et veuf, il termina ses
-jours dans l'obscurité d'une pieuse solitude[311]. Quand madame de
-Sévigné, le comte et la comtesse de Bussy eurent disparu du monde,
-Amable de Bussy, s'abandonnant à tous les défauts de son caractère,
-força le roi à lui faire subir la même peine qui avait été infligée à
-son père: il fut exilé dans ses terres, où il mourut[312].
-
- [306] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 octobre 1674), t. III, p. 359, édit
- G.; t. III, p. 247, édit. M.
-
- [307] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 avril 1672), t. II, p. 475, édit.
- G.; t. II, p. 400, édit. M.
-
- [308] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 décembre 1677), t. V, p. 464, édit.
- G.; t. V, p. 288, édit. M.
-
- [309] BUSSY, _Lettres_, édit. 1737, in-12 (3 mars 1680), t. IV,
- p. 425.--(13 novembre 1688), t. VI, p. 317.--SÉVIGNÉ, _Lettres_
- (25 février et 3 novembre 1688), t. VIII, p. 156 et 414, édit. G.
-
- [310] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 octobre 1680), t. VII, p. 231, édit.
- G.--_Ibid._ (25 février 1686), t. VIII, p. 231, édit. G.; t. VII,
- p. 365, édit. M.
-
- [311] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 février 1690), t. X, p. 232, et tome
- I, p. CIX, édit. G.--(5 novembre 1691), t. IX, p. 486, édit. M.;
- t. X, p. 423, édit. G.--(10 mai et 7 juillet 1703), t. XI, p. 345
- et 394, édit. M.
-
- [312] LA BEAUHELLE, _Mélanges_, mss. cités par Monmerqué dans
- SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. VII, p. 366.
-
-Sa sœur, Marie-Thérèse de Bussy-Rabutin, était filleule de madame de
-Sévigné; Bussy l'avait fait recevoir chanoinesse au chapitre de
-Remiremont; elle était pour lui un correspondant très-habile. Six
-semaines avant le dîner dont parle madame de Sévigné dans sa lettre du
-14 octobre, Marie-Thérèse avait écrit de Paris à son père pour lui
-rendre compte de la sanglante victoire remportée par le prince de Condé
-à Senef; elle le fit avec une exactitude de détails qu'auraient enviée
-le plus soigneux gazetier et l'écrivain le plus exercé aux narrations
-des batailles. Ce fut elle qui annonça à Bussy que Sévigné avait été,
-dans ce combat, blessé à la tête, et qu'à cause du grand nombre
-d'officiers et de soldats tués on devait convoquer l'arrière-ban[313].
-Marie-Thérèse, en 1677, fut mariée à Louis de Madaillan de Lesparre,
-seigneur de Montataire, marquis de Lassay. Bussy eut à se louer de son
-gendre, quoique son caractère parût s'accorder peu avec le sien[314].
-Par sa capacité pour les affaires madame de Montataire fut, avant et
-depuis son mariage, très-utile à sa mère, particulièrement dans
-l'important procès que celle-ci eut à soutenir contre Gabrielle
-d'Estrées de Longueval, veuve du maréchal d'Estrées, et Françoise de
-Longueval, chanoinesse de Remiremont, pour partager des biens de son
-aïeul maternel[315].
-
- [313] BUSSY, _Lettres_ (14 août 1674), t. IV, p. 136--_Suite des
- Mémoires de_ BUSSY, ms., p. 80. Avant de transcrire dans ses
- _Mémoires_ cette lettre tout à fait historique et
- très-instructive, Bussy dit: «Deux jours après que j'eus écrit
- cette lettre (la lettre à madame de Sévigné du 16 août 1674,
- qu'on a mutilée), je reçus celle-ci de ma fille de Rabutin, dame
- de Remiremont.»
-
- [314] BUSSY, _Discours à ses enfants_; 1694, in-12, p.
- 441.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 juillet 1690), t. IX, p. 389, édit.
- M.
-
- [315] Voyez MONMERQUÉ dans les notes sur Sévigné, t. VI, p. 355;
- t. VII, p. 108; et t. VIII, p. 71 et 417, édit. G.; p. 138, édit.
- M. (26 juin et 14 novembre 1688).--SAINT-SIMON, _Å’uvres
- complètes_, t. X, p. 77.--SAINT-SIMON, _Mém. authentiques_, 1829,
- in-8º, t. V, p. 305.--SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. G., t. V, p. 5;
- VI, 335; VII, 84; X, 291. L'arrêt du 30 mai et du 31 janvier 1689
- donna gain de cause à la comtesse de Bussy.
-
-Le jeune frère de madame de Montataire et du marquis de Bussy (Michel
-Celse-Roger de Rabutin), qui n'était au temps dont nous parlons âgé que
-de six à sept ans, appartient plutôt au dix-huitième siècle qu'au siècle
-de Louis XIV. C'est cet homme aimable et spirituel, ami de Voltaire et
-de Gresset, renommé comme le _Dieu de la bonne compagnie_ (de cette
-époque!), qui fut académicien sans œuvre et évêque sans piété. Élevé au
-séminaire, il fut peu connu de madame de Sévigné. Bussy apprend à sa
-cousine que le roi a donné à ce fils un prieuré de deux mille livres;
-qu'il a soutenu sa thèse en Sorbonne avec l'approbation générale et
-qu'il a surtout obtenu le suffrage du P. la Chaise[316]. Ce fut ce fils
-de Bussy qui, devenu évêque de Luçon, contribua le plus à la publicité
-des lettres de madame de Sévigné à sa fille[317]: il devait trouver
-place dans ces Mémoires.
-
- [316] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 mars 1690), t. X, p. 237, édit. G.;
- t. IX, p. 339, édit. M.
-
- [317] MONMERQUÉ, _Notice bibliographique des différentes éditions
- des Lettres de madame de Sévigné_, dans l'édition de Sévigné,
- 1820, in 8º, t. I, p. 23.
-
-Ces trois enfants de Bussy étaient nés de Louise de Rouville de
-Clinchamp, sa seconde femme, qu'il avait épousée en 1650. Louise de
-Rouville était peu goûtée de madame de Sévigné, probablement parce
-qu'elle montrait peu d'esprit et qu'elle s'occupait uniquement de ses
-enfants et des intérêts de sa famille[318]. Madame de Sévigné négligeait
-même de répondre aux lettres qu'elle en recevait, ou n'y répondait
-qu'indirectement dans les lettres qu'elle adressait à Bussy. Quand une
-seule fois elle en agit autrement, c'est pour lui témoigner sa surprise
-d'avoir reçu d'elle, en si bons termes, une invitation de s'arrêter
-dans son château lorsqu'elle traversait la Bourgogne pour aller en
-Provence, et c'est avec ce ton d'assurance et de supériorité d'une femme
-de la cour s'adressant à une provinciale: «Est-ce ainsi que vous
-écrivez, madame la comtesse? Il y a du Rouville et du Rabutin dans votre
-style.» La comtesse de Rabutin ménageait beaucoup madame de Sévigné, à
-cause des bontés qu'elle avait pour son fils aîné et du bien qu'elle en
-disait alors[319]. Madame de Sévigné a eu le tort de méconnaître le
-mérite de la comtesse de Bussy: c'était une épouse dévouée, une
-excellente mère et une femme d'une rare capacité pour les affaires;
-sollicitant sans cesse pour désarmer les ennemis de son mari, et
-attentive à exécuter toutes ses volontés[320]; suivant avec persévérance
-de longs et difficiles procès, et sachant les gagner. Bussy lui rendait
-justice, et il sait la lui faire rendre par sa cousine. Celle-ci lui
-avait écrit qu'elle craignait que la comtesse de Bussy ne se tirât mal
-d'une vente considérable de biens qu'elle avait à faire. Bussy répond:
-
-«La peine que vous avez, ma chère cousine, à croire que madame de Bussy
-puisse faire vendre le bien de la maréchale d'Estrées, vient de ce que
-vous croyez que celle-ci a plus d'esprit que l'autre; et, en effet, il
-en pourrait être quelque chose: elle sait mieux vivre et parler; mais
-cela ne paye pas les dettes d'une maison, et madame de Bussy sait mieux
-les affaires, parce qu'elle s'y est plus appliquée[321].»
-
- [318] BUSSY, _Discours à ses enfants_, 1694, Paris, in-12, p.
- 240.--Conférez _Mémoires sur Sévigné_, 2e édit., I, 204-205; II,
- 351.
-
- [319] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 juillet 1672), t. III, p. 93 et 94,
- édit. G.; t. III, p. 27 et 28, édit. M.
-
- [320] _Suite des Mémoires de_ BUSSY (ms. de l'Institut), p. 110.
- Lettre de Bussy à Pellisson (25 mai 1675).
-
- [321] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 octobre 1680), t. VII, p. 231, édit.
- G.; t. VI, p. 478, édit. M.
-
-Nos lecteurs se rappellent qu'outre les trois enfants de Louise de
-Rouville Bussy avait eu trois filles de sa cousine Gabrielle de
-Toulongeon[322], qu'il avait épousée le 8 avril 1643 et qu'il perdit
-quatre ans après[323]. Cette femme jolie, aimable et spirituelle,
-enlevée au monde à la fleur de l'âge, fut vivement regrettée de son mari
-et de madame de Sévigné, qui, par cette raison, eut pour ces aînées des
-enfants de Bussy une préférence que justifièrent leurs aimables
-qualités. Une de ces trois filles, Charlotte, était morte probablement
-en bas âge. Il en restait deux, qui, sous tous les rapports, faisaient
-honneur à la famille des Rabutin. Nous ne dirons rien de la plus âgée,
-Diane de Rabutin: celle-là, de tous les siens, avait «certes choisi la
-meilleure part.» Faite pour plaire par son esprit, par l'élégance et la
-gentillesse de ses manières, elle s'était consacrée à Dieu; elle était
-cette pieuse religieuse de Sainte-Marie de la Visitation[324] dont
-madame de Sévigné disait: «Je me hâte de l'aimer beaucoup, afin de
-n'être pas obligée de trop la respecter[325].» La plus jeune des filles
-de Bussy issues de Gabrielle de Toulongeon était Louise-Françoise, que
-nous avons fait connaître à nos lecteurs dans la quatrième partie de ces
-Mémoires[326]. Par les qualités de son esprit, par l'amabilité de son
-caractère, c'était, de toutes les filles de Bussy, la plus brillante,
-celle qui, par les charmes de sa conversation et de son style
-épistolaire, ressemblait le plus à madame de Sévigné. Elle a une large
-part dans la correspondance de Bussy avec sa cousine; et c'est afin que
-tout ce que nous dirons d'elle par la suite soit bien compris des
-lecteurs que nous nous sommes livré à ces détails sur tous les
-personnages qui composaient la famille de Bussy. On se rappelle comment
-Louise-Françoise (qu'on nommait exclusivement mademoiselle de Bussy
-parce qu'elle était l'aînée de toutes les filles de Bussy, pouvant être
-mariée) faisait tout l'agrément de la maison paternelle. Une passion
-funeste, dont nous aurons à considérer les phases sous leur véritable
-point de vue, lui acquit, à une certaine époque, une courte, mais
-malheureuse célébrité. Le séducteur qui en fit sa victime, dans un
-libelle écrit avec l'intention avouée de la diffamer[327] et de la
-rendre odieuse, a cependant tracé de Louise-Françoise, alors veuve du
-marquis de Coligny, le portrait suivant: «Madame de Coligny est de la
-plus belle taille du monde; son air est modeste, doux et majestueux.
-Rien ne déplaît de ce qu'elle montre, et tout ce qu'elle cache coûte à
-sa beauté. On la respecte quand on la voit, on l'aime dès qu'on la
-connaît; et les gens qui ne lui ont pas trouvé l'art de plaire n'avaient
-pas de quoi sentir qu'elle plaît sans art.»
-
- [322] 1re partie des _Mémoires sur madame de Sévigné_, p. 101,
- ch. VII; 2e partie, p. 407, et 4e partie, p. 195 et 452.
-
- [323] BUSSY, _Discours à ses enfants_, p 207.--_Ibid._,
- _Mémoires_, édit. d'Amsterdam, 1721, t. I, p. 93 et 125.
-
- [324] _Nouvelles Lettres du comte_ DE BUSSY, t. V, p. 163.
-
- [325] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 mai 1671), t. II, p. 73, édit. G.
- (24 mai 1672), t. II, p. 75, édit. G., et t. II, p. 61 et 62,
- édit. M.--_Ibid._ (24 et 28 janvier 1672), t. II, p. 351 et 359;
- t. II, p. 303 et 304.--_Ibid._ (6 août 1675), t. III, p. 488,
- édit. G.; t. II. p 352, édit. M.
-
- [326] Conférez la 4e partie des _Mémoires sur madame_ DE SÉVIGNÉ,
- p. 309, ch. IX. Nous avons dit dans cet endroit _la fille aînée
- de Bussy_, en parlant de Louise-Françoise, parce qu'elle était
- l'aînée de ses autres filles à marier; mais Diane de Rabutin, la
- religieuse, était de dix-huit mois plus âgée qu'elle.
-
- [327] DE LA RIVIÈRE, réponse à Bussy, dans le _Recueil de pièces
- fugitives sur des sujets intéressants_, Rotterdam, Bradshaw,
- 1743, in-12, page 21. Nous aurons à réformer l'opinion commune
- sur la Rivière.
-
-Nos lecteurs n'ont pas oublié comment le marquis de Coligny, qui s'était
-présenté pour épouser Louise-Françoise, fut écarté pour faire place aux
-prétentions du comte de Limoges, qui plut encore moins que Coligny à
-mademoiselle de Rabutin[328]. Après la mort du jeune comte de Limoges,
-Coligny, malgré le refus qu'il avait éprouvé, se remit sur les rangs; et
-Bussy, jugeant qu'il ne fallait pas laisser passer le temps opportun
-pour marier sa fille (elle avait vingt-huit ans et demi), agréa les
-propositions du jeune marquis. Madame de Sévigné eut indirectement
-connaissance de cette intention de Bussy, et elle interrogea son cousin
-pour savoir ce qui en était; il lui répondit[329]: «L'époux donc, ma
-cousine, est presque aussi grand que moi; il a plus de trente ans, l'air
-bon, le visage long, le nez aquilin et le plus grand du monde; le teint
-un peu plombé, assez de la couleur de celui de Saucourt (chose
-considérable[330] en un futur). Il a dix mille livres de rentes sur la
-frontière du comté de la Bresse, dans les terres de Cressia, de Coligny,
-d'Andelot, de Valfin et de Loysia, desquelles il jouit présentement par
-la succession de Joachim de Coligny, frère de sa mère. Le comte de
-Dalet, son père, remarié, comme vous savez, avec mademoiselle d'Estaing,
-jouit de la terre de Dalet et de celle de Malintras, et après sa mort
-elles viennent au futur par une donation que son père et sa mère firent,
-dans leur contrat de mariage, de ces deux terres à leur fils aîné: elles
-valent encore dix mille livres de rente et plus. Une de ses tantes vient
-de lui faire donation d'une terre de trois mille livres de rente après
-sa mort. Son intention est de prendre emploi aussitôt qu'il sera marié.
-Sa maison de Cressia, qui sera sa demeure, est à deux journées de Chaseu
-et à trois de Bussy. J'ai donné à ma fille tout le bien de sa mère dès à
-présent, et je ne la fais pas renoncer à ses droits paternels.»
-
- [328] Conférez la 4e partie de ces _Mémoires_, p. 310.--SÉVIGNÉ,
- _Lettres_ (3 avril 1675), t. III, p. 377, édit. G.; t. III, p.
- 260, édit. M.--BUSSY-RABUTIN, _Suite de ses Mémoires_, ms. de
- l'Institut, p. 114. Cette lettre est datée du 8 avril 1675, et
- dans ces Mémoires tout le commencement est supprimé.
-
- [329] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (lettre de Bussy, 7 avril 1675), t. III, p.
- 381, édit. G.; t. III, p. 262, édit. M.--_Suite des Mémoires du
- comte_ BUSSY DE RABUTIN, ms. de l'Institut, p. 114. Mais la lettre
- est datée de Chaseu, du 12 avril 1675; le commencement manque dans
- le ms. comme pour la lettre précédente. Les éditeurs ont peut-être
- réuni deux lettres en une seule; cela expliquerait la différence des
- dates.
-
- [330] Le vrai nom est Soyecourt; pour le sens de cette phrase de
- Bussy, voyez ces _Mémoires_, I, 244 et 288; II, p. 416.
-
-Ainsi Bussy avait tout arrangé et tout prévu pour le bonheur de sa fille
-chérie: aussi madame de Sévigné, à qui on demanda, par préférence, son
-consentement à ce mariage, le donna-t-elle de grand cœur[331]; et à
-Chaseu, le 5 novembre 1675, fut célébré le mariage du marquis de Coligny
-de Gilbert de Langheac, comte de Dalet, avec Louise-Françoise de
-Rabutin, qui devint ainsi la marquise de Coligny[332].
-
- [331] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (9 octobre 1675), t. V, p. 136.--_Ibid._
- (9 octobre 1675), p. 142, édit. G.; t. IV, p. 29, édit.
- M.--_Ibid._ (3 août 1679), t. VI, p. 105, édit. G.
-
- [332] _Lettres choisies de_ M. DE LA RIVIÈRE, 1751; in-12, t. I,
- p. 25, note 14.
-
-
-Elle eut un fils dès la première année de son mariage, et les vaniteuses
-espérances de Bussy, partagées par madame de Sévigné, parurent ainsi se
-réaliser. Ils étaient tous deux flattés de voir le beau nom des Coligny
-greffé sur celui des Rabutin. Le petit-fils de Bussy (Marie-Roger) fut
-d'abord nommé d'Andelot[333]. Joli de figure, aimable et spirituel, il
-fut un objet de tendresse et d'orgueil pour son grand-père, qui,
-toujours frivole jusque dans sa vieillesse, dit des vers pour favoriser
-les premières amours de cet adolescent avec une jeune et jolie fille de
-la maison de Damas[334]. Avant même que Françoise de Rabutin fût
-accouchée de d'Andelot[335], Coligny était mort, peu regretté de sa
-femme, qu'il avait quittée aussitôt après son mariage, pour se rendre à
-l'armée du maréchal de Schomberg, où il fut tué[336]. Sa veuve hérita de
-l'usufruit de tous ses biens. Elle aliéna bientôt le beau nom de
-Coligny, sans vouloir porter celui que lui imposait un second mariage,
-dont nous aurons à raconter les romanesques circonstances. Elle prit par
-la suite le nom de son beau-père, avec lequel elle eut un procès,
-qu'elle gagna, et se fit appeler comtesse de Dalet[337]. Ce fut sous ce
-nom qu'elle publia les Mémoires de son père, décédé. Son fils, qui avait
-pris le nom de Coligny-Saligny, le changea pour celui de Langheac, qui
-était le nom de famille de son grand-père[338]; et comme il n'eut que
-des filles par son mariage avec Jeanne-Palatine de Dio de Montpeyroux,
-le nom même de Langheac, qui, quoique moins illustre que celui de
-Coligny, rappelait une très-ancienne noblesse, disparut de la postérité
-mâle des Bussy. Ainsi le temps se joue de la présomption de ceux qui
-s'efforcent d'échapper à son pouvoir[339]!
-
- [333] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 février 1687), t. VIII, p. 320,
- édit. G.; t. VIII, p. 425, édit. M.
-
- [334] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 janvier 1692), t. X, p 429, édit.
- G.--_Ibid._, (2 juillet 1690), t. X, p. 311, édit. G.
-
- [335] Madame de Grignan à Bussy, dans SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 mars
- 1676), t. IV, p. 368, et dans la _Suite des Mémoires de_ BUSSY,
- p. 164 verso, ms. de l'Institut.
-
- [336] Il fut tué devant Condé et enterré dans le chœur de la
- grande église de cette ville. Voyez la lettre de Bussy fils à son
- père, en date du 7 juillet 1676, p. 177 verso de la _Suite des
- Mém. de_ BUSSY, ms. de l'Institut.--BUSSY, _Lettres_ (8 juillet
- 1676, lettre de Schomberg), t. IV, p. 268.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6
- juillet 1676), t. V, p. 4, édit. G.; t. IV, p. 367, édit. M.
-
- [337] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 août 1679), t. VI, p. 105, édit. G.;
- t. V, p. 417, édit. M.--(31 mai 1690), t. IX, p. 379, édit. M.;
- t. X, p. 291, édit. G.--(31 janvier 1692), t. IX, p. 491, édit.
- M.; t. X, p. 429, édit. G.
-
- [338] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 mars et 2 juillet 1690), t. X, p. 236
- et 311, édit. G.--MONMERQUÉ, _Notice sur le comte de
- Coligny-Saligny_, dans les Mémoires du comte DE COLIGNY-SALIGNY,
- 1841, in-8º, p. XI.
-
- [339] Marie-Roger, comte de Langheac, petit-fils de Bussy de
- Rabutin par madame de Coligny, sa fille, mourut à Avignon en
- 1746. Voyez MONMERQUÉ, dans SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 août 1676), t.
- IV, p. 414, édit. M., note _b_.
-
-
-
-
-CHAPITRE VIII.
-
-1675.
-
- Tristesse de madame de Sévigné.--Mort de son oncle
- Chésières.--Départ de madame de Grignan pour la Provence, et de
- Retz pour la Lorraine.--Retz fait faire son portrait pour madame de
- Grignan.--Il donne sa démission du cardinalat.--Elle n'est pas
- acceptée.--Portrait de Retz par la Rochefoucauld.--Amitié de madame
- de Sévigné pour Retz.--Elle se rend chez M. de Caumartin pour
- recevoir ses adieux.--Retz veut donner une cassolette d'argent à
- madame de Grignan.--Madame de Grignan la refuse.--Douleur
- qu'éprouve madame de Sévigné de se séparer de Retz.--Différence du
- caractère de madame de Grignan et de celui de madame de
- Sévigné.--Madame de Sévigné se décide à quitter Paris pour se
- rendre en Bretagne.
-
-
-A la gaieté qu'avaient introduite dans la correspondance de madame de
-Sévigné les lettres de Bussy et de Guitaud et au plaisir qu'elle
-éprouvait de se trouver réunie avec ceux qui lui étaient chers succéda
-l'expression de la tristesse la plus accablante.
-
-Madame de Sévigné perdit son oncle Chésières[340]; sa fille retourna en
-Provence; Retz, son bon cardinal, la quitta pour aller en Lorraine, et
-son fils alla rejoindre son régiment. «Je n'ai pas vécu depuis six
-semaines, écrivait-elle au comte de Guitaud. L'adieu de ma fille m'a
-désolée et celui du cardinal de Retz m'a achevée. Il y a des
-circonstances, dans ces deux séparations, qui m'ont assommée[341].»
-
- [340] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (30 avril et 10 mai 1675), t. III, p.
- 383 et 385, édit. G.--_Ibid._ (28 mai 1675), t. III, p. 391 et
- 422, édit. G.
-
- [341] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. III, p. 346, no 370, édit. G. Cette
- lettre est déplacée, elle est à tort datée _juin_ 1674; elle doit
- être transposée à la page 393, après la lettre no 388, et datée
- du 18 juin 1675.--Conférez _Lettres inédites de madame_ DE
- SÉVIGNÉ, 1814, p. 8 et 9, où cette lettre ne porte aucune date.
- La date fausse commence avec l'édition stéréotype, 1819, in-12,
- p. 7.
-
-
-Louis de la Tour-Coulanges, seigneur de Chésières, troisième fils de
-l'aïeul maternel[342] de madame de Sévigné, son premier tuteur, mourut
-en avril, après une courte maladie de dix jours, lorsqu'il était encore
-plein de vie[343]: il fut regretté de Bussy, de madame de Sévigné et des
-nombreux amis qu'il s'était faits.
-
- [342] Ceci rectifie une erreur que nous avons commise, t. I, p. 9
- de ces _Mémoires_.
-
- [343] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (12 mai 1675), ms. de l'Institut, p.
- 118.--(10 mai 1675), t. III, p. 385, édit. G.--(30 avril 1675),
- t. III, p. 383, édit. G.; t. III, p. 264 et 266, édit. M.
-
-Peu après, madame de Grignan partit de Paris; sa mère la conduisit
-jusqu'à Fontainebleau. En cette ville, à l'auberge du _Lion d'or_,
-qu'elle prit en aversion[344], madame de Sévigné s'en sépara le 24
-mai[345], jour à jamais néfaste pour elle et qu'elle rappelle bien
-souvent avec douleur[346]. Elle écrivit alors à Bussy: «Les sentiments
-que j'ai pour la _Provençale_, il faut les cacher à la plupart du monde,
-parce qu'ils ne sont pas vraisemblables[347];» puis, après sa
-séparation, elle se réfugie seule à Livry, et sa correspondance avec
-madame de Grignan recommence par ces mots: «Quel jour, ma fille, que
-celui qui ouvre l'absence[348]!» et elle soulage, comme de coutume, sa
-peine par l'expression de sa vive tendresse. Elle entretient madame de
-Grignan du cardinal de Retz, qui alors faisait faire son portrait par un
-religieux de Saint-Victor, dans le dessein d'en faire cadeau à la
-_Provençale_.
-
- [344] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 juin 1676), t. IV, p. 504, édit. G.;
- t. IV, p. 355, édit. M.
-
- [345] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (16 mai 1675), _suite des Mémoires de_
- BUSSY, ms. de l'Institut, p. 120, t. III, p. 389, édit. G., mal
- datée du 14 mai.
-
- [346] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 mai 1676), ms. de l'Institut; t. IV,
- p. 462, édit. G.--(26 août 1675), t. I, p. 5, édit. G.--(7 août
- 1675), t. III, p. 506, édit. G.
-
- [347] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (12 mars 1675), _Suite des Mémoires de_
- BUSSY, ms. de l'Institut, p. 104, t. III, p. 369, édit. G.; t.
- III, p. 254, édit. M., datée, dans les deux éditions, du 24
- janvier 1675. Cette date est fausse.--_Ibid._, _Lettres_ (25 mai
- 1675), t. III, p. 273, édit. M.; t. III, p. 391, édit. G.
-
- [348] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27 mai 1675), t. III, p. 27, édit. M.;
- t. III, p. 393, édit. G. (7 août 1675), t. III, p. 506, édit. G.;
- t. III, p. 366-7, édit. M.
-
-Madame de Sévigné, ainsi que je l'ai déjà dit[349], ignorait qu'alors
-Retz se préparât à donner un grand exemple au monde. Quand elle connut
-sa résolution, son attachement pour lui s'accrut en même raison que son
-admiration et ses regrets. Par nature et par habitude, Retz ne pouvait
-se passer d'exercer l'activité de son esprit. Les loisirs forcés de sa
-retraite de Commercy avaient pesé lourdement sur son existence. Il avait
-cherché une distraction à son ennui en écrivant le récit des événements
-de la Fronde. C'était retracer l'histoire de sa jeunesse si brillante et
-si scandaleuse, alors que le bouillonnement des passions et
-l'effervescence de l'imagination marquaient tous ses jours par une
-variété de plaisirs, d'agitation et d'intrigues. Le souvenir s'en était
-gravé dans sa mémoire en traces ineffaçables; les déposer sur le papier
-et les laisser après sa mort était pour lui un besoin; il y trouvait du
-charme[350]. Mais il semble que cette tâche fut la dernière
-satisfaction qu'il voulut accorder à son orgueil; car lorsqu'il l'eut
-terminée il parut comme subitement touché de la grâce et décidé à mener
-une vie de religieux et de pénitent. C'est au même temps qu'il
-s'apprêtait à quitter Paris pour aller se renfermer dans le monastère de
-Saint-Mihiel qu'on apprit qu'il avait écrit au roi pour se démettre de
-son cardinalat[351]. Quoi qu'il en puisse être (car à Dieu seul
-appartient de sonder jusque dans les plus profonds replis de la
-conscience humaine), madame de Sévigné crut à la conversion de Retz;
-elle s'alarma des suites qu'elle pourrait avoir. Le 7 juin, elle écrit à
-sa fille: «Je vis hier les Villars, dont vous êtes révérée. Nous étions
-en solitude aux Tuileries; j'avais dîné chez M. le cardinal, où je
-trouvai bien mauvais de ne vous voir pas. J'y causai avec l'abbé de
-Saint-Mihiel (dom Hennezon), à qui nous donnons, ce me semble, comme en
-dépôt, la personne de Son Éminence. Il me parut un fort honnête homme,
-un esprit droit et tout plein de raison, qui a de la passion pour lui,
-qui le gouverne même sur sa santé, et l'empêchera de prendre le feu trop
-chaud sur la pénitence. Ils partiront mardi, et ce sera encore un jour
-douloureux pour moi, quoiqu'il ne puisse être comparé à celui de
-Fontainebleau[352].» Personne, parmi les amis des Sévigné, ne craignit
-comme elle que Retz ne prit «le feu trop chaud sur la pénitence;» on ne
-voulut pas croire à la sincérité de conversion de celui qui, cependant,
-avait été élevé par le pieux Vincent de Paul. La Rochefoucauld fit, à
-cette occasion, un portrait de Retz qui est un des morceaux les plus
-ingénieux, les mieux peints et les mieux écrits qui soient sortis de sa
-plume. Sévigné en transmit une copie à madame de Grignan; ce portrait se
-termine ainsi: «La retraite que Retz vient de faire est la plus fausse
-action de sa vie: c'est un sacrifice qu'il fait à son orgueil sous
-prétexte de dévotion; il quitte la cour, où il ne peut s'attacher, et il
-s'éloigne du monde, qui s'éloigne de lui[353].»
-
- [349] _Mémoires touchant la vie et les écrits de madame_ DE
- SÉVIGNÉ durant les premières conquêtes de Louis XIV, 3e partie,
- p. 112 et 114.
-
- [350] DUMONT, _Histoire de la ville et des seigneurs de
- Commercy_, t. II, p. 166 et 168.
-
- [351] Lettres de Louis XIV au duc de Pomponne et au cardinal
- d'Estrées en date des 3, 19 et 27 juin, 12 juillet, 20 et 23
- septembre et 11 octobre 1675, au duc et au cardinal d'Estrées, à
- l'abbé Servien, _Mémoires du cardinal_ DE RETZ, Paris. 1836,
- in-8º, p. 612 à 614, tome 1er de la _Collection des Mémoires sur
- l'histoire de France_, édit. Michaud et Poujoulat.
-
- [352] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 juin 1675), t. III, p 410, édit. G.;
- t. IV, p. 299, éd. M.
-
- [353] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 juin 1675), t. III, p. 428, édit.
- G.; t. III, p. 304, édit. M.
-
-Mais s'éloigner du monde quand le monde s'éloigne de nous est déjà un
-acte de sagesse auquel bien des sages ne peuvent se résoudre. Et ce qui
-montre dans Retz un esprit supérieur, dompté par la religion et élevé
-par elle au-dessus des rivalités et des rancunes de parti qui l'avaient
-dominé si longtemps, c'est que madame de Sévigné, qui le connaissait et
-savait l'apprécier, ne craignit pas de lui communiquer le portrait que
-la Rochefoucauld avait tracé de lui, et qu'il en fut satisfait. Dans
-cette peinture, qu'il ne devait pas être censé connaître, il ne fit
-attention qu'aux traits conformes à la vérité qui lui étaient
-favorables, et bien saisis, bien touchés par son satirique
-adversaire[354].
-
- [354] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 juillet 1675), t. III, p. 316, édit.
- M.; t. III, p. 443, édit. G.
-
-Madame de Sévigné ne doutait donc pas que son ami, son parent Retz ne
-fût mû par les motifs les plus respectables. Elle écrivait à Bussy, en
-lui parlant de ce cher cardinal: «Le monde, par rage de ne pouvoir
-mordre sur un aussi beau dessein, dit qu'il en sortira. Hé bien,
-envieux, attendez donc qu'il en sorte! et, en attendant, taisez-vous.
-Car, de quelque côté qu'on puisse regarder cette action, elle est belle;
-et si l'on savait comme moi qu'elle vient purement du désir de faire son
-salut et de l'horreur de sa vie passée, on ne cesserait de
-l'admirer[355].»
-
- [355] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (9 octobre 1675), t. IV, p. 142, édit.
- G.; t. IV, p. 31, édit. M.
-
-Lorsque madame de Sévigné écrivait des Rochers ces lignes, Pomponne
-avait mandé au cardinal d'Estrées que «le roi ne voulait pas que cet
-ambassadeur fît aucune instance auprès du pape pour l'engager à
-rétracter le refus qu'il avait fait d'accepter la démission de Retz; et
-il lui donnait ordre, au contraire, d'assurer à Sa Sainteté que Sa
-Majesté ne pourrait voir qu'avec satisfaction qu'un sujet de ce mérite
-fût conservé dans le sacré collége[356].»
-
- [356] _Lettres de_ POMPONNE au cardinal _d'Estrées_ (en date des
- 23 septembre et 11 octobre 1675). Dans les _Mémoires_ DE RAIS,
- _Nouvelle Collection des Mémoires pour servir à l'histoire de
- France_, 1836, in-8º, p. 614.
-
-Ainsi Retz resta cardinal, et même le pape lui donna l'ordre de sortir
-de sa retraite de Saint-Mihiel. Il alla de nouveau résider à Commercy;
-il reprit ses insignes et le train de vie d'un prince de l'Église, mais
-non avec le même luxe[357]. Madame de Sévigné en avertit sa fille, et
-lui mande qu'elle peut lui écrire avec la liberté permise à un grand
-dignitaire ecclésiastique; et même de ne pas s'interdire avec lui
-quelques _chamarrures_ qu'elle eût été forcée de supprimer s'il avait
-continué à vivre en cénobite[358].
-
- [357] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (23 octobre 1675), t. IV, p. 54, édit.
- M.; t. IV, p. 165, édit. G.
-
- [358] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 et 23 octobre; 6 et 13 novembre
- 1675), t. IV, p. 35, 54, 74, 75, 86, édit. M.--_Ibid._, t. IV, p.
- 146, 169, 192, 205, édit. M.
-
-Cependant Retz ne donna aucun lieu de croire que la résolution qu'il
-avait prise ne fût pas sincère. Il édifia par sa piété, se fit aimer des
-pauvres par sa bienfaisance et des riches par sa bonté; sa modération,
-sa douceur, l'égalité de son humeur et les charmes de sa conversation
-lui firent des amis de tous ceux qui l'approchaient. A Saint-Mihiel et à
-Commercy il avait inspiré une telle vénération au peuple que tout le
-monde, hommes, femmes et enfants, se mettait à genoux sur son
-passage[359].
-
- [359] DUMONT, _Histoire de la ville et des seigneurs de
- Commercy_, t. II, p. 172.
-
-Madame de Sévigné se rendit à la maison de campagne de M. de Caumartin
-pour faire ses adieux à Retz le 18 juin[360]; et alors elle écrit à sa
-fille:
-
-«Je vous assure, ma très-chère, qu'après l'adieu que je vous fis à
-Fontainebleau, et qui ne peut être comparé à nul autre, je n'en pouvais
-faire un plus douloureux que celui que je fis hier au cardinal de Retz
-chez M. de Caumartin, à quatre lieues d'ici... Madame de Caumartin
-(c'est à elle que Retz avait adressé ses Mémoires) arriva de Paris, et,
-avec tous les hommes qui étaient restés au logis, elle vint nous trouver
-dans le bois. Je voulus m'en retourner à Paris; ils m'arrêtèrent à
-coucher sans beaucoup de peine. J'ai mal dormi; le matin, j'ai embrassé
-notre cher cardinal avec beaucoup de larmes et sans pouvoir dire un mot
-aux autres. Je suis revenue ici, où je ne puis me remettre encore de
-cette séparation: elle a trouvé la fontaine assez en train; mais, en
-vérité, elle l'aurait rouverte quand elle aurait été fermée.»
-
- [360] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (mercredi 19 juin 1675), t. III, p. 422,
- édit. G.; t. III, p. 299, édit. M.--_Ibid._ (10 juillet 1675), t.
- III, p. 325, édit. M.
-
-Retz voulait faire présent d'une cassolette d'argent à madame de
-Grignan, qui, malgré les instances de sa mère, la refusa obstinément, et
-mécontenta ainsi par sa hauteur le cardinal et madame de Sévigné[361].
-Et cependant, sans sa fin prématurée, Retz, qui comme cardinal devait
-encore être utile à Louis XIV, aurait été le protecteur du jeune marquis
-de Grignan, ainsi que, dans le temps de sa grande puissance de factieux,
-il l'avait été du jeune marquis de Sévigné, son parent, quand il épousa
-Marie de Rabutin-Chantal[362]. Aussi madame de Sévigné écrit-elle à sa
-fille précisément à ce sujet: «Vous ne trouverez personne de votre
-sentiment, et vous devez vous défier de vous quand vous êtes seule de
-votre avis.»
-
- [361] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 juin, 22 août 1675), t. III, p. 431;
- t. IV, p. 47, édit. G.; t. III, p. 307 et 421, édit. M.--_Ibid._
- (9 septembre 1675), t. IV, p. 90, édit. G.; t. III, p. 460, édit.
- M.
-
- [362] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 et 13 mai 1680), t. VI, p. 269,
- édit. M., et la note.--_Ibid._ (25 août 1680), t. VI, p. 433,
- édit. M.; t. VI, p. 489, édit. G., et t. VII, p. 179, édit. G.
-
-Retz avait bien annoncé à madame de Sévigné son projet de retraite à
-Saint-Mihiel et sa démission du cardinalat; mais il lui avait caché les
-efforts que le cardinal d'Estrées, ambassadeur de France à Rome, faisait
-pour que le pape et le sacré collége ne refusassent point cette
-démission. Elle apprit tout cela par d'Hacqueville, et ses inquiétudes
-furent d'autant plus vives qu'on lui dit aussi que le roi avait le
-dessein de donner ce chapeau si délaissé par Retz à Forbin-Janson[363],
-l'évêque de Marseille, qu'elle considérait comme l'ennemi de M. de
-Grignan. Aussi sa joie fut grande lorsqu'elle apprit que Retz était,
-comme elle dit, _recardinalisé_[364].
-
- [363] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 juin 1675), t. III, p. 402, édit. G.;
- t. IV, p. 26.
-
- [364] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (23 octobre 1675), t. IV, p. 54, édit.
- M.; t. IV, p. 169, édit. G.
-
-«D'Hacqueville (écrit-elle à sa fille) m'a fait grand plaisir, cette
-dernière fois, de m'ôter la colère que j'avais contre le cardinal
-d'Estrées. Il m'apprend que le nôtre (le cardinal de Retz) a été refusé
-en plein consistoire, sur sa propre lettre, et qu'après cette dernière
-cérémonie il n'a plus rien à craindre; de sorte que le voilà trois fois
-cardinal malgré lui, du moins les deux dernières; car pour la première,
-s'il m'en souvient, il ne fut pas trop fâché[365]. Écrivez-lui pour vous
-moquer de son chagrin. D'Hacqueville en est ravi: je l'en aime. Je
-reçois souvent de petits billets de ce cher cardinal; je lui en écris
-aussi. Je tiens ce léger commerce mystérieux et très-secret: il m'en est
-plus cher.»
-
- [365] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 octobre 1675), t. IV, p. 150, édit.
- G.; t. IV, p. 37 et 38, édit. M.
-
-Ce qui attache le plus à madame de Sévigné quand on lit ses lettres, ce
-qui devait la rendre adorable, c'est moins le brillant de son esprit que
-les qualités de son cœur. On lui pardonne volontiers son amour
-extravagant pour sa fille en faveur de sa vivacité, de sa franchise, de
-sa constance en amitié. Elle était aussi expansive, aussi affectueuse
-que sa fille était froide et réservée. Dans une lettre où madame de
-Sévigné se montre toujours plus charmée de sa correspondance avec
-madame de Grignan, elle manifeste bien clairement la différence qui
-existait entre elles deux et comment l'excès de sa tendresse mettait
-obstacle aux jouissances de leur réunion, comment elles ne pouvaient
-s'accorder sur la nature des sentiments que l'une et l'autre
-ressentaient pour Dieu et pour leurs amis.
-
-«Vous ne sentez pas, dit-elle, l'agrément de vos lettres; il n'y a rien
-qui n'ait un tour surprenant. Nous avons bien compris votre réponse au
-capucin: _Mon père, qu'il fait chaud!_ et nous ne trouvons pas que, de
-l'humeur dont vous êtes, vous puissiez jamais aller à confesse: comment
-parler à cœur ouvert à des gens inconnus? C'est bien tout ce que vous
-pouvez faire à vos meilleurs amis... Je vous remercie, ma fille, de la
-peine que vous prenez de vous défendre si bien d'avoir jamais été
-oppressée de mon amitié; il n'était pas besoin d'une explication si
-obligeante; je crois de votre tendresse pour moi tout ce que vous pouvez
-souhaiter que j'en pense: cette persuasion fait le bonheur de ma vie.
-Vous expliquez très-bien aussi cette volonté que je ne pouvais deviner,
-parce que vous ne vouliez rien; je devais vous connaître; et sur cet
-article je ferai encore mieux que je n'ai fait, parce qu'il n'y a qu'à
-s'entendre. Quand mon bonheur vous redonnera à moi, croyez, ma bonne,
-que vous serez encore plus contente de moi mille fois que vous ne
-l'êtes. Plût à Dieu que nous fussions déjà à portée de voir le jour où
-nous pourrons nous embrasser[366]!»
-
- [366] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 juin 1675), t. III, p. 433, édit.
- G.; t. III, p. 309, édit. M.
-
-Madame de Grignan, qui n'avait pas, comme sa mère la conscience timorée
-d'une janséniste, ne comprenait pas comment madame de Sévigné, à cause
-de la tendresse qu'elle lui portait, n'osait s'approcher de la sainte
-table, et elle l'avait raillée sur ses scrupules. Madame de Sévigné lui
-répond:
-
-«Vous riez, mon enfant, de la pauvre amitié; vous trouverez qu'on lui
-fait trop d'honneur de la prendre pour un empêchement de la dévotion; il
-ne lui appartient pas d'être un obstacle au salut. On ne la considère
-jamais que par comparaison; mais je crois qu'il suffit qu'elle remplisse
-tout le cœur pour être condamnable; et quoi que ce puisse être qui nous
-occupe de cette sorte, c'est plus qu'il n'en faut pour n'être pas en
-état de communier. Vous voyez que l'affaire du syndic (la nomination du
-marquis de Maillane[367]) m'avait mise hors de combat; enfin, c'est une
-pitié que d'être si vive: il faut tâcher de calmer et de posséder un peu
-son âme; je n'en serai pas moins à vous, et j'en serai un peu plus à
-moi-même. Corbinelli me priait fort d'entrer dans ce sentiment; il est
-vrai que son absence me donne une augmentation de chagrin: il m'aime
-fort, je l'aime aussi; il m'est bon à tout ce que je veux. Mais il faut
-que je sois dénuée de tout pendant mon voyage en Bretagne; j'ai tant de
-raisons pour y aller que je ne puis pas y mettre la moindre
-incertitude[368].»
-
- [367] Voyez ci-dessus, ch. II et III de cette 5e partie de ces
- _Mémoires_, p. 18 et 36; et DEPPING, _Correspondance
- administrative sous le règne de Louis XIV_, in-4º, 1850, p.
- 407.--_Lettre_ de l'évêque de Marseille à Colbert, en date du 17
- décembre 1672.
-
- [368] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 juin 1675), t. III, p. 436.
-
-Pauvre mère! combien ce voyage de Bretagne, qui l'éloignera de sa fille,
-lui pèse! Ni ses judicieuses réflexions ni les conseils de Corbinelli
-ne lui servent de rien; et elle est encore obligée de demander pardon à
-la _philosophie_ de sa fille de lui faire voir tant de faiblesse. «Mais
-(ajoute-t-elle), une fois entre mille, ne soyez point fâchée que je me
-donne le soulagement de vous dire ce que je souffre si souvent sans en
-rien dire à personne. Il est vrai que la Bretagne nous va encore
-éloigner; c'est une rage: il semble que nous voulions nous aller jeter
-chacune dans la mer, et laisser toute la France entre nous deux. Dieu
-nous bénisse[369]!»
-
- [369] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 juillet 1675), t. III, p. 440, édit.
- G.; t. III, p. 315, édit. M.
-
-Elle ne put se résoudre à partir pour la Bretagne sans avoir terminé les
-affaires de sa fille[370]. Elle fut aussi fort occupée de son fils.
-Sévigné s'ennuyait de ne point obtenir d'avancement; il voulait résigner
-son grade de guidon des gendarmes et devenir colonel d'un régiment; il
-espérait avoir celui du comte de Sanzei, son parent, tué à l'affaire de
-Consabrick[371]. Madame de Sévigné sollicitait cette place pour son
-fils. La veuve du comte de Sanzei était Anne-Marie de Coulanges, sœur
-d'Emmanuel de Coulanges et par conséquent la cousine de madame de
-Sévigné: il semble donc que ce régiment appartenait à la famille des
-Coulanges et des Sévigné. Malgré les sollicitations du vicomte de
-Marsilly, que madame de Sévigné nommait son résident auprès de Louvois,
-on ne donna point ce régiment à Sévigné, qui fut très-mécontent de ce
-refus[372]. Sa mère désirait le marier et l'arracher à ses intrigues
-d'amour, qui nuisaient à sa santé et l'empêchaient de s'occuper de son
-avancement[373].
-
- [370] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 juin 1675), t. III, p. 436, édit.
- G.; t. III, p. 311, édit. M.
-
- [371] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19, 28 et 30 août 1675), t. IV, p. 32,
- 34, 69, 75, édit. G.--_Ibid._ (4 septembre), p. 77 et 78, édit.
- G.--_Ibid._, t. III, p. 396, 402, 408, 426, 447, 449, édit. M.
-
- [372] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7, 21, 26 août 1675), t. III, p. 494 et
- 499; t. IV, p. 24, édit. G.; t. III, p. 360, 419, 426, édit. M.
-
- [373] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 août 1675), t. III, p. 504, édit. G.;
- t. III, p. 125, édit. M.
-
-Tandis que la cour abandonnait Fontainebleau, où elle avait passé tout
-l'été, madame de Sévigné se décidait à quitter la capitale pour se
-rendre en Bretagne[374]. Elle n'ignorait pas que cette province était en
-révolte ouverte; mais elle était entraînée par la nécessité de ses
-affaires[375].
-
- [374] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 juillet 1675), t. III, p. 442, édit.
- G.; t. III, p. 317, édit. M.
-
- [375] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 juillet et 2, 6, 7, 9, 16, 19, 27 et
- 28 août), t. III, p. 475, 480, 487, 492; t. IV, p. 9, 25, 27, 57,
- 64 à 73, édit. G.
-
-
-
-
-CHAPITRE IX.
-
-1674-1675.
-
- Madame de Grignan s'alarme du projet de madame de Sévigné d'aller
- en Bretagne.--Succès de Louis XIV; conquête de la Franche-Comté, du
- Roussillon.--Bataille de Senef.--Accroissement des impôts.--Misère
- du peuple, qui se révolte en Bretagne et en Guienne.--Le duc de
- Chaulnes quitte Cologne et se rend en Bretagne.--On annonce qu'on
- va y envoyer des troupes.--Le duc de Chaulnes s'y oppose.--Une
- émeute à Rennes.--Madame de Sévigné diffère son voyage.--Elle se
- décide à aller à Nantes.--Forbin conduit six mille hommes en
- Bretagne.--Le duc de Chaulnes, détesté des Bretons, sévit contre
- eux.--Madame de Sévigné veut qu'on agisse avec énergie contre les
- révoltés, mais désapprouve le despotisme de Louis XIV.--Refus fait
- à madame de Froulay.--Tragique histoire d'un passementier à
- Paris.--Les états de Bretagne s'assemblent à Dinan.--Sommes
- accordées.--Madame de Sévigné s'indigne du servilisme des
- députés.--Elle blâme l'évêque de Saint-Malo.--Libertés de la
- province violées par l'envoi des troupes.--Remontrances au roi à ce
- sujet.--Madame de Sévigné manifeste ses sentiments
- désapprobateurs.--Elle approuve son fils, qui les
- partage.--D'Harouis, trésorier des états.--Mauvaise situation de
- ses affaires.--Inquiétudes de madame de Sévigné à ce sujet.--Elles
- se réalisent par la suite.--Les comptes de d'Harouis sont
- examinés.--Vers de la Fontaine à ce sujet.--D'Harouis est condamné
- à une prison perpétuelle.--Il est plaint et secouru.
-
-
-Aussitôt que madame de Grignan eut appris que sa mère se disposait à se
-rendre en Bretagne, elle s'alarma, et lui écrivit pour la détourner de
-faire ce voyage. Madame de Sévigné lui répondit:
-
-«Vous êtes bonne sur vos lamentations de Bretagne; je voudrais avoir
-Corbinelli; vous l'aurez à Grignan. Je vous le recommande; et moi j'irai
-voir ces coquins qui jettent des pierres dans le jardin du patron (du
-duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne). On dit qu'il y a cinq ou six
-cents bonnets bleus en Bretagne qui auraient bon besoin d'être pendus,
-pour leur apprendre à parler. La haute Bretagne est sage, et c'est mon
-pays[376].»
-
- [376] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (30 août 1675), t. IV, p. 73.
-
-Elle se trompait. Il est bien vrai que partout Louis XIV triomphait. La
-conquête de la Franche-Comté était achevée. Le comte de Schomberg avait
-défait les Espagnols et les avait chassés du Roussillon[377]. La flotte
-des Hollandais, commandée par Ruyter, avait été repoussée de
-Belle-Ile[378] et de la Martinique[379]. Le prince d'Orange, après le
-sanglant combat de Senef[380], avait été forcé de lever le siége
-d'Oudenarde. Turenne avait battu les Allemands à Ensisheim[381], à
-Mulhausen[382], à Turkheim[383]. Vaubrun avait pris Dachstein[384].
-Vivonne, après avoir dispersé l'armée navale d'Espagne, était entré dans
-Messine[385] et d'Estrades avait mis une garnison dans la citadelle de
-Liége[386]. Dinan s'était rendu au maréchal de Créquy[387], Huy au
-marquis de Rochefort[388], Limbourg au duc d'Enghien[389]. La Suède fait
-une diversion en faveur de la France[390]. Les colonies nouvellement
-fondées prospèrent, et le roi nomme le premier évêque de Québec[391].
-Sobieski s'assied sur le trône de Pologne par l'influence de Louis XIV,
-et la femme de la cour du grand monarque qu'il avait épousée devient
-reine de la Pologne[392]. Enfin madame de Sévigné écrivait: «Rien
-n'égale le bonheur des Français.» Et cependant c'est alors qu'il y eut
-des révoltes alarmantes en Guienne et en Bretagne, et qu'on craignit
-pour la Normandie, où les ennemis de la France entretenaient des
-intelligences. L'accroissement des impôts et la nécessité d'appesantir
-le joug du despotisme, qui en était la conséquence, furent la cause de
-ces troubles. Les dépenses de la guerre, les constructions de
-Versailles, le luxe de la cour, les largesses faites aux courtisans, aux
-maîtresses, aux ministres forcèrent Colbert, qui avait aussi part à ces
-largesses, de recourir à des taxes inaccoutumées, nuisibles à
-l'agriculture et au commerce. On afferma ces nouveaux impôts à des
-traitants, qui les rendaient, par leurs exactions, plus odieux au
-peuple. Les taxes sur le papier timbré et sur la vaisselle d'étain
-offensèrent surtout la Guienne; celles sur le tabac parurent
-intolérables aux paysans bretons[393]. Ces mécontentements étaient
-sourdement excités par les parlements, que Louis XIV avait contraints
-(février 1673) à enregistrer sans délibération ses édits avant de
-s'occuper d'aucune autre affaire; ce qui les réduisait à n'être plus que
-des cours de justice, et leur ôtait toute importance politique. Le feu
-de la rébellion était aussi attisé par les membres du tiers état, qui
-étaient punis par l'exil ou par la prison s'ils se permettaient de
-parler avec liberté dans les assemblées provinciales ou lorsqu'ils se
-montraient opposés aux demandes du gouvernement. Le duc de Chaulnes,
-qu'on avait tiré du congrès de Cologne pour l'envoyer dans son
-gouvernement de Bretagne, avait averti Colbert du danger que courait
-l'ordre public si on ne renonçait pas à l'exécution stricte et
-rigoureuse des impôts, si on ne remédiait pas aux vexations des
-traitants. Mais Colbert, qui voulait partout une comptabilité uniforme,
-répondit que les édits étaient exécutés en Languedoc et en Bourgogne; et
-il enjoignit au duc de Chaulnes de faire en sorte qu'il en fût de même
-en Bretagne[394]. Comme il y avait eu une légère émeute à Rennes, on
-donna ordre aux archers de Normandie de se rendre dans cette ville. De
-Chaulnes écrivit que l'exécution d'une telle mesure était le moyen de
-faire soulever Rennes et toute la province. Il espérait, si on révoquait
-cet ordre, pouvoir assurer la tranquillité. Il était parvenu à la
-rétablir sans rigueur et sans violence. «Il n'y a, écrivait-il, qu'en
-l'évêché de Quimper où les paysans s'attroupent tous les jours; et toute
-leur rage est présentement contre les gentilshommes, dont ils ont reçu
-de mauvais traitements[395]. Il est certain que la noblesse a traité
-fort rudement les paysans; ils s'en vengent présentement, et ont exercé
-déjà, vers cinq ou six, de très-grandes barbaries, les ayant blessés et
-pillé leurs maisons, et même brûlé quelques-unes[396].» Le duc de
-Chaulnes ne se maintint pas longtemps dans ces dispositions
-bienveillantes; il y eut, le 18 juillet[397], une nouvelle émeute à
-Rennes, et madame de Sévigné la raconte ainsi à sa fille:
-
- [377] _Relation de ce qui s'est passé en Catalogne_, 1678, in-12,
- Paris, Quinet, 194 pages. Il prit Bellegarde le 27 juillet 1675.
-
- [378] Le 28 juin 1674.
-
- [379] Le 21 juillet 1674. Ruyter avait quarante-six vaisseaux.
-
- [380] Le 11 août 1674.
-
- [381] Le 4 octobre 1674.
-
- [382] Le 29 décembre 1674.
-
- [383] Le 5 janvier 1675.
-
- [384] Le 29 janvier 1675.
-
- [385] Le 11 février 1675.
-
- [386] Le 27 mars 1675.
-
- [387] Le 29 mai 1675.
-
- [388] Le 6 juin 1675.
-
- [389] Le 21 juin 1675.
-
- [390] Vers le milieu de janvier 1675.
-
- [391] Le 23 avril 1675.
-
- [392] Le 21 mai 1674.
-
- [393] _Nouvelles ou Mémoires historiques_, in-12 (par mad.
- Daulnois), t. I, p. 185 et 186.
-
- [394] FORBONNAIS, _Recherches sur les finances de la France_,
- édit. de 1758, in-12, t. II, p. 105, 123, 131.--CLÉMENT, _Hist.
- de Colbert_, p. 344, 348, 365.
-
- [395] Le duc DE CHAULNES, _Lettres à Colbert_ (30 juin 1675),
- dans DEPPING, _Correspondance administr. sous le règne de Louis
- XIV_, in-4º, 1850, p. 54, 348, 545, 546, 561.--CLÉMENT, _Histoire
- de la vie et de l'administration de Colbert_, in-8º, p. 370.
-
- [396] Le duc DE CHAULNES, dans DEPPING, _Correspondance
- administrative de Louis XIV_, 1850, in-4º, t. I, p. 547.
-
- [397] CLÉMENT, _Vie de Colbert_, p. 371.
-
-«On a recommencé, dit-elle, à piller un bureau à Rennes; madame de
-Chaulnes est à demi morte des menaces qu'on lui fait tous les jours. On
-me dit hier qu'elle était arrêtée, et que même les plus sages l'ont
-retenue, et ont mandé à M. de Chaulnes, qui est au Fort-Louis, que, si
-les troupes qu'il a demandées font un pas dans la province, madame de
-Chaulnes court risque d'être mise en pièces. Il n'est cependant que trop
-vrai qu'on doit envoyer des troupes; et on a raison de le faire, car,
-dans l'état où sont les choses, il ne faut pas de remèdes anodins[398].»
-
- [398] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 juillet 1675), t. III, p. 459, édit.
- G.; t. III, p. 334, édit. M.--FEUQUIÈRES, _Lettres inédites_,
- 1845, in-8º, t. II, p. 169.
-
-La légèreté avec laquelle madame de Sévigné parle des souffrances du
-peuple blesse avec raison les sentiments des lecteurs modernes et lui a
-été souvent reprochée. Il est bien vrai que, redoutant pour ses amis et
-pour elle-même les suites de la révolte, elle désirait qu'elle fût
-réprimée avec énergie; mais elle blâmait, elle détestait la tyrannie qui
-rendait cette répression nécessaire et les cruelles rancunes du
-gouverneur, son ami. Cette insensibilité qui nous surprend n'est
-qu'apparente, et le ton léger avec lequel elle s'exprime est une amère
-ironie. Nombre de fois, dans sa correspondance, elle manifeste toute
-l'indépendance d'une janséniste, d'une ancienne frondeuse, du parti sous
-les drapeaux duquel avaient lutté, avaient combattu les Condé, les la
-Rochefoucauld, les Retz, qui étaient restés ses amis. Elle se moque et
-elle bafoue la servilité des courtisans, l'immoralité des gens d'Église,
-l'avidité des ministres et des gens en place, la facilité des états de
-Bretagne à prodiguer l'argent des contribuables; et, malgré son
-admiration sincère pour Louis XIV, elle déteste en lui son arrogante
-domination et sa dureté despotique.
-
-«La royauté (écrit-elle à madame de Grignan) est établie au delà de ce
-que vous pouvez vous imaginer; on ne se lève plus, on ne regarde plus
-personne. L'autre jour, une pauvre mère tout en pleurs, qui a perdu le
-plus joli garçon du monde, demandait cette charge à Sa Majesté, elle
-passa. Ensuite, et tout à genoux, cette pauvre madame de Froulay (elle
-réclamait le prix de la charge de maréchal des logis qu'elle avait
-achetée pour son fils, tué à la guerre) se traîna à ses pieds, lui
-demandant avec des cris et des sanglots qu'elle eût pitié d'elle: Sa
-Majesté passa sans s'arrêter[399].»
-
- [399] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 août 1675), t. IV, p. 46, édit. G.;
- t. III, p. 21, édit. M.; t. II, p. 58, édit. de la Haye, 1726,
- in-4º.
-
-Madame de Sévigné annonce ainsi le prochain départ du roi: «Je vous ai
-mandé, ma très-chère, comme nos folies de Bretagne m'arrêtaient pour
-quelques jours. M. de Forbin (le bailli de Forbin, capitaine-lieutenant
-de la première compagnie des mousquetaires et lieutenant général) doit
-partir avec six mille hommes pour punir notre Bretagne, c'est-a-dire la
-ruiner. Ils s'en vont par Nantes; c'est ce qui fait que je prendrai la
-route du Mans avec madame de Lavardin.» Cependant elle se décida à
-passer par Nantes, et put se convaincre qu'on faisait plus que ruiner la
-province[400].
-
- [400] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 juillet 1675), t. III, p. 472, édit.
- G.; t. III, p. 345, édit. M.
-
-«Nos pauvres Bas-Bretons (mande-t-elle à sa fille quand elle fut arrivée
-au terme de son voyage) s'attroupent quarante, cinquante par les champs;
-et dès qu'ils voient les soldats ils se jettent à genoux, et disent _Mea
-culpa_; c'est le seul mot de _français_ qu'ils sachent, comme nos
-Français disaient qu'en Allemagne le seul mot de _latin_ qu'on disait à
-la messe, c'était _Kyrie, eleison_. On ne laisse pas de pendre ces
-pauvres Bas-Bretons; ils demandent à boire et du tabac, et qu'on les
-dépêche[401].»
-
- [401] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 septembre 1675), t. IV, p. 113, édit.
- G; t. IV, p. 6, édit. M.
-
-C'est alors même que madame de Sévigné annonce qu'on a fait filer les
-troupes en Bretagne et que M. de Pomponne a donné à M. de Forbin les
-noms des terres de son fils pour qu'elles fussent ménagées qu'elle fait
-connaître à sa fille les affreuses conséquences de l'énormité des taxes
-dans les provinces, dans la capitale, dans les villes, aussi bien que
-dans les campagnes. «Voici, dit-elle, une petite histoire qui se passa
-il y a trois jours. Un pauvre passementier, dans le faubourg
-Saint-Marceau, était taxé à dix écus pour un impôt sur les maîtrises; il
-ne les avait pas. On le presse et represse; il demande du temps, on le
-lui refuse; on prend son pauvre lit et sa pauvre écuelle. Quand il se
-vit en cet état, la rage s'empara de son cœur; il coupa la gorge à
-trois de ses enfants qui étaient dans sa chambre; sa femme sauva le
-quatrième et s'enfuit. Le pauvre homme est au Châtelet; il sera pendu
-dans un jour ou deux. Il dit que tout son déplaisir c'est de n'avoir pas
-tué sa femme et l'enfant qu'elle a sauvé. Songez, ma fille, que cela est
-vrai comme si vous l'aviez vu, et que depuis le siége de Jérusalem il ne
-s'est pas vu une telle fureur[402].»
-
- [402] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 juillet 1675), t. III, p. 472-73,
- édit. G.; t. III, p. 345, édit. M.
-
-L'assise des états de Bretagne s'ouvrit, cette année, le 9 novembre
-(1675), dans la salle des Jacobins de Dinan; elle fut close le 12
-décembre. Les trois millions demandés au nom du roi et les
-gratifications au duc de Chaulnes, au marquis de Lavardin et à l'évêque
-de Saint-Malo (président de l'Église), etc., furent accordés sans
-difficulté. Cependant, malgré la terreur qui pesait sur les états, ils
-osèrent envoyer des commissaires au roi, pour s'opposer à ce qu'on mît
-en Bretagne des troupes en quartier d'hiver: ils représentèrent que
-c'était une mesure illégale et contraire aux droits et aux franchises de
-la province. Je transcrirai ici ce qui est dit à ce sujet dans le
-procès-verbal de l'assise sur la réponse faite au nom du roi:
-
-«_Du 10 décembre 1675._ Monseigneur le duc de Chaulnes est entré en
-l'assemblée, et a dit qu'ayant écrit à Sa Majesté que la province était
-alarmée de ce que Sa Majesté, au préjudice des contrats faits entre Sa
-Majesté et elle, y avait envoyé des troupes en quartier d'hiver, il
-avait reçu une lettre de Sa Majesté par laquelle elle l'assurait que ce
-qu'elle en avait fait était par nécessité, se trouvant chargée d'une
-infinité de troupes qu'elle avait été obligée de distribuer dans les
-provinces; que cela ne tirerait à conséquence, et que Sa Majesté
-conserverait toujours les priviléges de la province[403].»
-
- [403] _Recueil ms. de la Bibl. nat. de la tenue des états de
- Bretagne_, p. 379.
-
-Madame de Sévigné cette fois, animée d'un vrai patriotisme breton, fait
-bien ressortir tout ce que cette réponse à la protestation avait de
-dérisoire, et montre en même temps combien elle ressentait vivement le
-malheur des populations; mais quoiqu'elle blâme ses amis, ce n'est pas
-sur eux qu'elle dirige les traits les plus acérés de sa critique.
-Ceux-ci, le duc de Chaulnes et le marquis de Lavardin étaient cependant
-les premiers exécuteurs des ordres du roi et de ses ministres; mais,
-dans les intervalles de ces orages passagers de la politique, les deux
-premiers couvraient madame de Sévigné de leur protection et la
-garantissaient de toutes vexations: dans les temps calmes, ils la
-comblaient de soins, de louanges, de politesse, et ils ajoutaient
-infiniment aux agréments de son séjour aux Rochers. Elle n'accusait pas
-non plus d'Harouis, qui, en qualité de trésorier des états, était le
-surintendant des finances, le Fouquet de la Bretagne; de même que
-Fouquet, fastueux, grand, généreux, prodigue des richesses, peu
-scrupuleux sur les moyens d'en acquérir, et, comme lui, se précipitant
-aussi par la ruine dans la prison. Madame de Sévigné ne voyait en
-d'Harouis qu'un parent qui lui était dévoué, qu'un ami désintéressé,
-toujours prêt à venir à son secours dans tous ses embarras d'affaires;
-et elle avait autant d'amitié pour lui qu'elle en avait eu pour
-Fouquet, avec plus d'admiration encore[404].
-
- [404] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 septembre 1675), t. IV, p. 112,
- édit. G.; t. IV, p. 7, édit. M.--Sur d'Harouis, voy. 4e partie,
- 29, 33.
-
-C'est sur un autre parent des Sévigné, sur Sébastien de Guémadeuc,
-évêque de Saint-Malo, qu'elle se plaît à épancher tout le fiel de sa
-censure. Cependant il n'avait eu que la plus petite part aux maux dont
-elle se plaignait; il avait été envoyé en qualité de commissaire près du
-roi pour faire des représentations contre la mise des troupes en
-quartier d'hiver, et avait eu le malheur de rapporter cette réponse dont
-elle se plaint avec juste raison. Quoique cette fois les états se
-tinssent loin d'elle, elle était parfaitement bien informée de tout ce
-qui s'y passait, et elle en instruit madame de Grignan.
-
-«Voici, dit-elle, des nouvelles de notre province; j'en ai reçu un fagot
-de lettres: les Lavardin, les Boucherat et les d'Harouis me rendent
-compte de tout. M. de Harlay demanda trois millions[405], chose qui ne
-s'est jamais donnée que quand le roi vint à Nantes; pour moi, j'aurais
-cru que c'eût été pour rire. Ils promirent d'abord, comme des insensés,
-de les donner; et en même temps M. de Chaulnes proposa de faire une
-députation au roi pour l'assurer de la fidélité de la province et de
-l'obligation qu'elle lui a d'avoir bien voulu envoyer des troupes pour
-la remettre en paix, et que sa noblesse n'a eu aucune part aux désordres
-qui sont arrivés. M. de Saint-Malo se botte aussitôt pour le clergé;
-Tonquedec voulait aller pour la noblesse; mais M. de Rohan (président
-des états) a voulu aller, et un autre pour le tiers[406]. Ils passèrent
-tous trois avant-hier à Vitré; il est inouï qu'un président de la
-noblesse ait jamais fait une pareille course... On ne voit point l'effet
-de cette députation; pour moi, je crois que tout est réglé et joué, et
-qu'ils nous rapporteront quelque grâce. Je vous le manderai; mais
-jusqu'ici nous n'en voyons pas davantage[407].»
-
- [405] Dans le procès-verbal de l'assise de ces états, il est dit
- simplement, sous la date du 11 novembre 1675: «MM. les
- commissaires sont rentrés... M. de Harlay a demandé trois millions
- pour le roy, et les états les ont accordés.» _Recueil_, etc., ms.
- de la Bibl. nat., p. 377.
-
- [406] Cet autre, que madame de Sévigné ne daigne pas nommer,
- était M. de la Gascherie-Charette, maire de Nantes. (_Rec. ms._,
- p. 377.)
-
- [407] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 novembre 1675), t. IV, p. 210, édit.
- G.; t. IV, p. 90, édit. M.
-
-Puis elle continue trois semaines après, et dit:
-
-«M. de Lavardin est mon résident aux états; il m'instruit de tout; et
-comme nous mêlons quelquefois de l'italien dans nos lettres, je lui
-avais mandé, pour lui expliquer mon repos et ma paresse ici:
-
- .... D'ogni oltraggio e scorno
- La mia famiglia e la mia greggia illese
- Sempre qui fur, ne strepito di Marte
- Ancor turbò questa remota parte[408].
-
- [408] TASSO, _Ger. liber._, canto VII, st. 8. Mad. de Sévigné
- venait alors de relire le Tasse avec Charles de Sévigné, comte de
- Montmoron, doyen du parlement de Bretagne, parent des Sévigné,
- homme d'esprit, grand amateur de devises et qui faisait des vers.
- Voyez les lettres du 17 novembre 1675, du 20 octobre 1675 et du
- 15 septembre 1680. Le comte de Montmoron mourut le 30 septembre
- 1684 (voyez la lettre du 4 octobre 1684).
-
-«A peine ma lettre a-t-elle été partie qu'il est arrivé à Vitré huit
-cents cavaliers, dont la princesse (de Tarente) est bien mal contente:
-il est vrai qu'ils ne font que passer; mais ils vivent, ma foi, comme
-dans un pays de conquête, nonobstant notre bon mariage avec Charles
-VIII et Louis XII. Les députés sont revenus de Paris; M. de Saint-Malo,
-qui est Guémadeuc, votre parent, et sur le tout une _linote mitrée_,
-comme disait madame de Choisy, a paru aux états, transporté et plein des
-bontés du roi et surtout des honnêtetés particulières qu'il a eues pour
-lui, sans faire attention à la ruine de la province, qu'il a apportée
-agréablement avec lui; ce style est d'un bon goût à des gens pleins, de
-leur côté, du mauvais état de leurs affaires. Il dit que Sa Majesté est
-contente de la Bretagne et de son présent; qu'elle a oublié le passé, et
-que c'est par confiance qu'on envoie ici huit mille hommes, comme on
-envoie un équipage chez soi quand on n'en a que faire[409].»
-
- [409] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 décembre 1675), t. IV, p. 236, édit.
- G.; t. IV, p. 113, édit. M.
-
-Et précédemment elle avait dit:
-
-«Nos députés, qui étaient courus si extravagamment porter la nouvelle du
-don, ont eu la satisfaction que notre présent a été reçu sans chagrin;
-et, contre l'espérance de toute la province, ils reviennent sans
-rapporter aucune grâce. Je suis accablée des lettres des états; chacun
-se presse de m'instruire: ce commerce de traverse me fatigue un peu. On
-tâche d'y réformer les libéralités et les pensions, et l'on reprend de
-vieux règlements qui couperaient tout par la moitié; mais je parie qu'il
-n'en sera rien; et comme cela tombe sur nos amis les gouverneurs,
-lieutenants généraux, commissaires du roi, premiers présidents et
-autres, on n'aura ni la hardiesse ni la générosité de rien
-retrancher[410].»
-
- [410] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27 novembre 1675), t. IV, p. 222, édit.
- G.; t. IV, p. 101, édit. M.
-
-
-Elle se trompait encore, et elle se trouva bientôt dans l'heureuse
-nécessité d'annoncer à sa fille qu'elle a trop mal jugé ses
-compatriotes.
-
-«Nos états sont finis[411]; il nous manque neuf cent mille francs de
-fonds; cela me trouble à cause de M. d'Harouis. On a retranché toutes
-les pensions et qualifications à moitié. M. de Rohan n'osait, dans la
-tristesse où est cette province, donner le moindre plaisir; mais M. de
-Saint-Malo, _linote mitrée_, âgé de soixante ans, a commencé, vous
-croyez que c'est les prières de quarante heures; c'est le bal à toutes
-les dames et un grand souper: ç'a été un scandale public. M. de Rohan,
-honteux, a continué. C'est ainsi que nous chantons en mourant,
-semblables au cygne; car mon fils le dit, et il cite l'endroit où il l'a
-lu: c'est sur la fin de Lucrèce[412].»
-
- [411] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 décembre 1675), p. 252, édit. G.; t.
- IV, p. 128.
-
- [412] Il y a dans toutes les éditions de Sévigné Quinte-Curce;
- mais il est certain qu'il faut lire Lucrèce (Lucretius Carus),
- qui en effet, au vers 547 du IVe chant de son poëme, parle du
- chant du cygne. Quinte-Curce n'en fait pas mention, et les autres
- auteurs qui en ont parlé sont Callimaque, Eschyle, Théocrite,
- Euripide, Ovide, Properce.
-
-Ce n'était pas seulement à sa fille qu'elle manifestait ces sentiments,
-c'était encore dans les visites qu'elle faisait à Vitré et dans les
-cercles de hauts personnages des états, dans ses entretiens avec la
-femme du gouverneur, la duchesse de Chaulnes; et elle applaudissait aux
-discours de son fils, qui soutenait les mêmes opinions[413]. Pour ce
-dernier, ce n'était pas le moyen d'avancer ni d'être bien en cour; mais,
-indépendamment des motifs de bien public et d'intérêt particulier qui
-faisaient désapprouver à madame de Sévigné la facilité des députés de
-Bretagne à voter d'aussi fortes contributions sur le pays où elle avait
-sa plus grande propriété, une autre cause agissait fortement sur elle:
-c'était l'amitié qu'elle avait pour d'Harouis, son cousin germain, qui
-avait contracté mariage avec Madeleine de Coulanges, morte en 1662. La
-mauvaise situation pécuniaire de ce financier était un secret qui
-commençait à se divulguer, et l'on doutait qu'il pût réaliser la somme
-de trois millions qui avait été votée.
-
- [413] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (25 décembre 1675), t. IV, p 114, édit.
- M.; t. IV, p. 271, édit. G.--_Ibid._ (22 décembre 1675), t. IV,
- p. 270, édit. G.; t. IV, p. 143, édit. M.
-
-Le 11 décembre, madame de Sévigné avait écrit à sa fille:
-
-«Je crois que nous ne laisserons pas de trouver ou du moins de promettre
-toujours les trois millions, sans que notre ami (M. d'Harouis) soit
-abîmé; car il s'est coulé une affection pour lui dans les états qui fait
-qu'on ne songe qu'à l'empêcher de périr[414].» Cela était impossible.
-D'Harouis était un homme sans ordre, qui se faisait beaucoup de
-partisans en donnant l'argent sans compter avec lui-même ni avec l'État.
-De l'aveu même de madame de Sévigné (qui changea d'opinion sur son
-compte), «cette passion d'obliger tout le monde sans mesure et sans
-raison, offusquant toutes les autres, le rendait injuste[415].»
-L'affection qu'on avait pour lui, dont parle madame de Sévigné, était
-grande, et l'empêcha de faire faillite à cette époque où sa perte
-paraissait certaine[416]. Mais en fermant les yeux sur son désordre on
-rendit son malheur plus infaillible, et on fit perdre beaucoup d'argent
-à la province. Il put cependant vivre ainsi durant douze ans encore, et
-était devenu le créancier de madame de Sévigné[417]; mais en 1687 il fut
-fait un nouveau règlement général par les états de Bretagne réunis à
-Saint-Brieuc, afin de remédier aux abus qui s'étaient introduits pendant
-les années de négligence; et le chapitre XIV de ce règlement, concernant
-uniquement le trésorier général et ses commis, soumit ces comptables à
-un contrôle rigoureux[418]. D'Harouis se trouva dans l'impossibilité de
-rendre ses comptes. C'est alors que l'on nomma la Briffe, conseiller
-d'État[419], pour examiner la gestion du trésorier des états de
-Bretagne, qui fut arrêté et interrogé; et c'est peu de temps après que
-la Fontaine, écrivant au prince de Conti, lui disait[420]:
-
- La Briffe est chargé des affaires
- Du public et du souverain.
- Au gré de tous il sut enfin
- Débrouiller ce chaos de dettes
- Qu'un maudit compteur avait faites.
-
- [414] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1675), t. IV, p. 242, édit.
- G.; t. IV, p. 119, édit. M.
-
- [415] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 février 1690), t. X, p. 267, édit.
- G. Conférez cette lettre avec celle du 24 septembre 1675, t. IV,
- p. 7, édit. M.; t. IV, p. 114, édit. M.--_Ibid._ (29 janvier
- 1692), t. IX, p. 326, édit. M.--_Ibid._ (19 février 1690), t. IX,
- p. 364, édit. M.
-
- [416] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 novembre 1675), t. IV, p. 90, édit.
- M.
-
- [417] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er mars 1684), t. IV, p. 139, édit. M.
-
- [418] _Registre ms. de la tenue des états de Bretagne de_ 1629 à
- 1703. (Bl.-Mant., 75, p. 472, ch. XIV du règlement intitulé _du
- Trésorier des états et de ses commis_, ms. de l'Institut.)
-
- [419] _Lettres inédites de madame de_ GRIGNAN _à son mari_;
- Paris, décembre 1830, p. 11 (12 p. publiées par M. Monmerqué).
-
- [420] LA FONTAINE, _Œuvres_, Paris, Lefèvre, 1827, t. VI, p.
- 180. (Lettre au prince de Conti, novembre 1689.)
-
-D'Harouis, _ce maudit compteur_, fut complétement ruiné et mis à la
-Bastille, où il mourut le 10 novembre 1699[421]. Il justifia, dans sa
-disgrâce, la tendresse que madame de Sévigné avait pour lui. D'Harouis a
-joui du bonheur bien rare de conserver dans l'infortune les amis qu'il
-s'était acquis dans sa prospérité; et Saint-Simon, dans ses
-Mémoires[422], fait à ce sujet cette remarque: «C'est, je crois,
-l'unique exemple d'un comptable de deniers publics avec qui ses maîtres
-et tout le public perdent sans que sa probité en ait reçu le plus léger
-soupçon. Les perdants même le plaignirent; tout le monde s'affligea de
-son malheur; ce qui fit que le roi se contenta d'une prison perpétuelle.
-Il la souffrit sans se plaindre, et la passa dans une grande piété, fort
-visité de beaucoup d'amis et secouru de plusieurs.» Presque toujours la
-religion recevait dans ses bras les hommes de ce siècle, les consolait
-dans leur infortune et, par l'attente du bonheur éternel, les rattachait
-à la vie!
-
- [421] Voyez extrait du _Journal de France_ dans la note de M.
- Monmerqué sur SÉVIGNÉ, t. X, p. 227, édit. 1820, in-8º.
-
- [422] SAINT-SIMON, _Mémoires authentiques_, t. II, p. 372.
-
-
-
-
-CHAPITRE X.
-
-1675-1676.
-
- L'opinion du peuple se tourne contre Louis XIV, et attribue les
- malheurs publics à ses amours avec madame de Montespan.--Le parti
- religieux cherche à se séparer d'elle.--Un prêtre refuse
- l'absolution à madame de Montespan.--Le curé et Bossuet sont
- consultés, et déclarent tous deux que le prêtre a fait son
- devoir.--Bossuet et Bourdaloue profitent de cette circonstance pour
- persuader au roi et à madame de Montespan de se séparer.--Ils le
- promettent.--Le roi et madame de Montespan communient tous deux le
- jour de la Pentecôte.--Le roi écrit à Colbert pour qu'il pourvoie
- aux dépenses de madame de Montespan, et fasse en sorte de la
- distraire.--Elle construit Clagny.--Le roi revient de l'armée, et
- ordonne que madame de Montespan soit réintégrée à Versailles, mais
- avec l'intention de ne pas renouer son commerce avec elle.--Madame
- de Montespan cherche à le faire changer de résolution.--Elle y
- parvient.--Son triomphe est complet.--La cour reprend sa splendeur
- et ses plaisirs.--Racine fait jouer _Iphigénie_.--Boileau compose
- l'épître à Seignelay contre les flatteurs.--On rejoue l'opéra de
- _Thésée_.--Le ministre de Pomponne mène madame de Sévigné à ce
- spectacle.--Vers du Prologue: ils sont tout entiers à la louange du
- roi.
-
-
-Madame de Sévigné, en donnant à sa fille de désastreuses nouvelles,
-ajoute: «Le peuple dit que c'est à cause de _Quantova_ (madame de
-Montespan[423].»
-
- [423] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 juillet 1675), t. III, p. 473, édit.
- G.; t. III, p. 338, édit. M.
-
-Ce peu de mots nous apprend que l'opinion publique, qui s'était montrée
-si favorable à la jeunesse de Louis XIV, se tournait contre lui. Ses
-amours avec la Vallière, sur lesquelles se reflétaient les premiers
-rayons de sa gloire, avaient trouvé plus de sympathie que de blâme. La
-mémoire de Henri IV, plus récente et plus populaire que celle de saint
-Louis, avait habitué la nation à considérer le libre commerce avec la
-beauté comme un des priviléges et presque une des qualités d'un roi
-français. Mais la prolongation des guerres engagea de plus en plus le
-gouvernement dans la voie du despotisme. Par les impôts excessifs les
-fortunes privées furent anéanties, et les populations appauvries par le
-sang versé sur les champs de bataille. Les provinces étaient
-mécontentes, et ne pouvaient pardonner à Louis XIV son luxe, ses
-prodigalités et le scandale de sa liaison avec une femme mariée. Il se
-forma à la cour un parti composé d'hommes sincèrement attachés au
-monarque et à la monarchie, dans l'espoir d'opérer une réforme
-salutaire. Ce parti, qu'on pouvait appeler le parti pieux, parce que ses
-principaux chefs se faisaient remarquer par leur zèle pour la religion,
-était peu considérable; mais il était puissamment soutenu par les
-dignitaires ecclésiastiques et par le contraste que présentaient alors
-les mœurs sévères des magistrats, des bourgeois industrieux, économes
-et rangés et la classe licencieuse, besoigneuse, des nobles grands
-seigneurs, des courtisans et des militaires. Dès que ce parti s'aperçut
-que la pensée du salut acquérait tous les jours plus de force dans
-l'esprit du roi, il espéra le rendre tout entier à sa _bonne petite
-Espagnole_, à la reine, que, par intérêt pour sa dynastie, par
-attachement, par conscience d'honnête homme, le roi n'avait jamais
-entièrement négligée[424]. Bourdaloue et Bossuet, qui donnaient les
-appuis de la raison à la foi, et à la piété la chaleur du sentiment,
-considéraient tous deux comme l'acte le plus méritoire envers Dieu et le
-plus utile à l'humanité, de soumettre aux préceptes de la religion et
-aux lois de l'Église le plus puissant souverain du monde. Ils
-employaient pour y parvenir tous les moyens qui n'étaient pas
-incompatibles avec leurs scrupules religieux. La victoire qu'ils avaient
-remportée sur la Vallière leur permettait d'en espérer une plus décisive
-encore; mais ce second triomphe était plus difficile à obtenir. Ils
-n'avaient pas, il est vrai, à combattre dans Montespan ce sentiment
-profond, inaltérable, sincère, désintéressé qui faisait de la Vallière
-une victime disposée à quitter la vie plutôt qu'à renoncer à son amour;
-mais cet amour de la Vallière était sans joie, sans consolation, sans
-espérance, et torturait le cœur de celle qu'il subjuguait, par le
-supplice incessant de la jalousie. On put donc persuader à cette
-infortunée qu'elle échapperait au désespoir en se jetant au pied de la
-croix, et que là le calme de ses sens, les extases de l'amour divin lui
-feraient anticiper, dès cette vie même, les pures délices que Dieu, dans
-la vie éternelle, réserve à ses élus.
-
- [424] MADAME, duchesse d'Orléans, _Fragments de lettres_, 1788,
- in-12, t. I, p. 175, 176.--_Mémoires_, édit. 1732, in-8º, p. 45
- et 90--_Mémoires sur Sévigné_, 3e partie, ch. V, p. 166.
-
-Bien différente était Montespan, qui, en devenant la maîtresse de Louis
-XIV, avait moins cédé à l'amour qu'à la séduction. Si, en public, elle
-se conformait à tout ce qu'exigeaient d'elle l'étiquette de la cour et
-son titre de dame d'honneur; quand Louis était chez elle, le roi
-disparaissait, elle ne voyait plus que l'amant. Voluptueuse et tendre,
-capricieuse et fière, par sa conversation pleine d'à-propos, de verve et
-de gaieté, par ses saillies, qu'on n'oublie pas et qu'on répète, elle ne
-permettait pas à l'ennui de se glisser dans ces longs tête-à-tête. Elle
-satisfaisait son amour-propre et la haute opinion que Louis XIV avait de
-lui-même en faisant ressortir par des mots piquants les ridicules et les
-faiblesses de ceux qui l'approchaient. Elle avait avec lui des rapports
-de ressemblance dans ses qualités et dans ses défauts, qui devaient
-contribuer à la force et à la durée de leur mutuel attachement. Comme
-lui elle aimait le faste, le luxe et la grandeur; plus que lui elle
-avait le goût et le sentiment des arts et de la poésie; elle prenait
-intérêt à tout ce qui pouvait augmenter la gloire de la France, et ses
-idées sur la politique et les affaires d'État étaient justes et élevées.
-De toutes les femmes que Louis XIV a aimées, elle fut certainement la
-seule qui obtint sur lui un véritable empire, la seule qui força les
-ministres à compter avec elle, la seule qui ait osé combattre les
-préventions justes ou injustes du monarque tout-puissant et qui, en
-toute circonstance, ait lutté courageusement en faveur de ses amis ou de
-ceux qu'elle avait pris sous sa protection. Aussi fut-elle, de toutes
-les maîtresses de Louis XIV, la seule que les courtisans aient
-regrettée.
-
-Montespan était encore trop enivrée de l'orgueilleux plaisir de l'avoir
-emporté sur sa rivale pour qu'on pût espérer que ses scrupules lui
-donnassent la force de rompre ses liens. Ceux qui entreprenaient de
-faire d'elle une maîtresse répudiée et de lui ôter le seul dédommagement
-du sacrifice de son honneur, sacrifice que la noble fierté de sa
-naissance et les vertueux penchants de sa jeunesse lui avaient rendu
-pénible[425], ceux-là devenaient nécessairement ses ennemis déclarés. En
-travaillant à la conversion de la Vallière lorsque Louis XIV était épris
-de Montespan, on n'avait pas la crainte de déplaire et de s'attirer une
-disgrâce à laquelle personne alors n'était insensible; mais la pieuse
-ligue qui entreprenait d'enlever au roi celle qui le charmait par son
-esprit autant que par ses grâces et sa beauté pouvait craindre les
-terribles effets de son ressentiment.
-
- [425] SAINT-SIMON, _Mémoires authentiques_, 1829, in-8º, t. V, p.
- 403.
-
-Les hommes religieux qui formaient cette ligue ne pouvaient être retenus
-par de telles considérations; ils savaient que Louis et Montespan, en
-cédant à la force de leur passion, ne renonçaient pas pour cela à
-l'héritage de Jésus-Christ, mais qu'ils considéraient comme un privilége
-de leur rang de pouvoir s'écarter de quelques-uns de ses divins
-commandements, pourvu qu'ils se soumissent à ceux plus impérieusement
-exigés par l'Église. Cette aberration, qui leur était commune avec un
-grand nombre de catholiques peu fervents, moins élevés qu'eux en
-dignités, ne les aveuglait pas au point qu'à l'approche des grandes
-fêtes leur conscience ne fût troublée et leur repos intérieur détruit
-par de puissants scrupules.
-
-Le jeudi saint 11 avril (1675), madame de Montespan se présenta au
-tribunal de la pénitence devant un prêtre de sa paroisse, se croyant
-assurée d'obtenir l'approbation nécessaire pour communier le jour de
-Pâques (14 avril). Le prêtre[426] lui refusa l'absolution. L'orgueil de
-Montespan fut révolté d'une telle audace. Elle s'en plaignit au roi,
-qui fit venir le curé[427]. Celui-ci déclara que le prêtre avait fait
-son devoir. Le roi appela près de lui Bossuet; et Bossuet non-seulement
-approuva la conduite du prêtre, mais il dit au roi que l'Église avait
-toujours décidé[428] «que, dans des circonstances semblables, une
-séparation entière et absolue était une disposition indispensable pour
-être admis à la participation des sacrements.» Le roi fut singulièrement
-troublé en apprenant, de la bouche du prélat qui avait toute sa
-confiance, qu'alors qu'il se disposait à affronter à la guerre de
-nouveaux périls il ne pouvait faire ses pâques, à moins de se soumettre
-aux décisions de L'Église. Bossuet saisit cette occasion pour agir
-fortement sur l'esprit du monarque: Louis XIV consentit à tout. Le
-prélat fut chargé d'aller annoncer à madame de Montespan la résolution
-du roi, de faire ses efforts pour la persuader à en prendre
-volontairement une semblable et à s'éloigner de la cour. «Mes paroles,
-écrivait Bossuet au roi, ont fait verser à madame de Montespan beaucoup
-de larmes; et certainement, sire, il n'y a point de plus juste sujet de
-pleurer que de sentir qu'on a engagé à la créature un cœur que Dieu
-veut avoir. Qu'il est malaisé de se retirer d'un funeste engagement!
-Mais cependant, sire, il le faut; ou il n'y a point de salut à
-espérer[429].»
-
- [426] Il se nommait Lecuyer.
-
- [427] Thibault.
-
- [428] BOSSUET, _Lettres_, t. XXXVII, p. 86, 92, 98.--DE BAUSSET,
- _Histoire de Bossuet_, 4e édit. in-12, t. II, p. 45 et 55.
-
- [429] BOSSUET, _Å’uvres_, t. XXXVII, p. 82 et suiv.
-
-Madame de Montespan parut décidée à se conformer aux intentions du roi
-et comme lui se soumettre aux injonctions de Bossuet. Elle se retira à
-Clagny, et Louis XIV s'empressa de donner des ordres à Colbert[430] pour
-qu'il pourvût à toutes les dépenses qu'elle voudrait y faire. Le roi
-enjoignit au ministre de prévenir les désirs de celle qu'il lui était si
-pénible d'affliger et de lui procurer toutes sortes de distractions.
-Madame de Montespan usa largement des dons du roi. A l'aide de Mansart
-et de Le Nôtre et des habiles artistes qu'ils appelèrent à leur aide,
-elle fit de Clagny un magnifique séjour, une miniature de Versailles; et
-les sommes auxquelles Colbert dut pourvoir pour cette résidence
-excédèrent de beaucoup celles que le roi avait, l'année précédente, paru
-honteux d'exiger du sage administrateur de ses finances. Par une lettre
-écrite de son camp près de Dôle[431], Louis XIV donnait ordre à Colbert
-de commander pour madame de Montespan un collier de belles perles, des
-boucles d'oreilles, des bracelets, des boutons et des boîtes ornées en
-diamants, d'autres en pierres de toutes couleurs. Avant de faire cette
-commande, qui est minutieusement détaillée dans sa lettre, Louis XIV
-commence par dire au ministre: «Madame de Montespan ne veut pas
-absolument que je lui donne des pierreries; cela paraît extraordinaire,
-mais elle ne veut pas entendre raison sur les présents. Je veux avoir de
-quoi lui prêter à point nommé ce qu'elle désirera.»
-
- [430] LOUIS XIV, _Lettres_ (28 mai et 8 juin 1675), t. V, p. 533,
- 536, 537 des _Œuvres_, 1806, in-8º.--CHAMPOLLION-FIGEAC,
- _Documents hist. sur l'hist. de France_, 1843, in-4º.
-
- [431] Lettre de LOUIS XIV à Colbert (9 juin 1674), dans les
- _Documents historiques inédits_ publiés par Champollion-Figeac,
- 1843, in-4º, p. 526 et 527.
-
-Dans sa nouvelle et élégante retraite, madame de Montespan reçut de
-fréquentes visites de la reine; toute la cour s'empressa autour d'elle,
-et jamais elle ne fut comblée de plus d'honneurs, ne parut jouir de plus
-de crédit et de puissance[432] que depuis qu'elle sembla vouloir
-renoncer à toutes les grandeurs du monde et à tout attachement
-illégitime.
-
- [432] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (12 et 14 juin 1675), t. III, p. 416,
- 418 et 419, édit. G.; t. III, p. 295, 296 et 297, édit. M.
-
-Le roi était parti de Saint-Germain le samedi 11 mai, pour rejoindre son
-armée de Flandre. Il n'avait pas manqué à la promesse faite à Bossuet,
-et il autorisa le prélat à lui écrire pour l'entretenir dans les pieuses
-dispositions qu'il lui avait inspirées. Ce fut alors que l'illustre
-précepteur de l'héritier du trône transmit au roi lui-même, pour son
-usage personnel, des instructions qui sont d'admirables monuments de son
-zèle apostolique[433]. Pénétré de l'importance de sa mission, Bossuet
-écrivait en même temps au maréchal de Bellefonds: «Priez Dieu pour moi,
-je vous en conjure; et priez-le pour qu'il me délivre du plus grand
-poids dont un homme puisse être chargé, et qu'il fasse mourir tout
-l'homme en moi, pour n'agir que pour lui seul[434].»
-
- [433] DE BAUSSET, _Histoire de Bossuet_, 4e édit. in-12, t. II,
- p. 52, 54 et 55, liv. V, VIII, IX et X.--BOSSUET, _Å’uvres_, t.
- XXXVII, p. 52.
-
- [434] DE BAUSSET, _Histoire de Bossuet_, 4e édit. in-12, p. 49
- (lettre du 20 juin 1675).
-
-Bossuet, qui comprenait que le succès de cette grande œuvre dépendait
-principalement de madame de Montespan, ne la négligeait pas. Il écrivait
-au roi, à son sujet: «Je vois autant que je puis madame de Montespan,
-comme Votre Majesté me l'a commandé. Je la trouve assez tranquille; elle
-s'occupe beaucoup de bonnes œuvres, et je la vois fort touchée des
-vérités que je lui propose, qui sont les mêmes que je dis à Votre
-Majesté. Dieu veuille les mettre à tous deux dans le fond du cœur et
-achever son ouvrage, afin que tant de larmes, tant de violence, tant
-d'efforts que vous avez faits sur vous-même ne soient pas
-inutiles[435]!»
-
- [435] BOSSUET, _Å’uvres_, t. XXXVII, p. 92 et 98 (lettre au roi,
- 1675).
-
-Par sa docilité à suivre les conseils de Bossuet, madame de Montespan
-put communier le 2 juin, jour de la Pentecôte[436], deux jours avant la
-profession de foi de madame de la Vallière[437]. Le roi communia le même
-jour, dans son camp de Latines[438], «avec beaucoup de marques de
-piété,» dit Pellisson. Il avait près de lui son nouveau confesseur.
-C'était le P. la Chaise, jésuite. La Chaise était un gentilhomme, âgé de
-cinquante-un ans, auteur d'un excellent abrégé de philosophie. On le
-disait sévère, et Bossuet avait fondé de grandes espérances sur son
-concours: il se trompait. Il eût été mieux servi par le confesseur
-janséniste de madame de Sévigné, qui lui refusa de la laisser communier,
-comme firent le roi et madame de Montespan, le jour de la Pentecôte,
-parce que la préoccupation de sa fille l'empêchait d'être suffisamment à
-Dieu; rigueur que madame de Sévigné approuva, en bonne janséniste. «Je
-me suis trouvée si uniquement occupée et remplie de vous, dit-elle,
-que, mon cœur n'étant capable de nulle autre pensée, on m'a
-défendu de faire mes dévotions à la Pentecôte; et c'est savoir le
-christianisme[439].»
-
- [436] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 juin 1675), t. III, p. 411, édit. G.;
- t. III, p. 290, édit. M.
-
- [437] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 juin 1675), t. III, p. 403, édit. G.;
- t. III, p. 283, édit. M.
-
- [438] PELLISSON, _Lettres historiques_, 1729, in-12 (3 juin
- 1675), t. II, p. 276.--SÉVIGNÉ, loc. cit.
-
- [439] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 juin 1675), t. III, p. 405, édit. G.;
- t. III, p. 285, édit. M.
-
-Le roi revint, non pas tel qu'il était à son départ: les pieuses
-exhortations de Bossuet ne s'étaient pas entièrement effacées de son
-esprit. Le prélat avait fait promettre une séparation absolue comme
-condition essentielle du salut, et par conséquent demandé, exigé[440]
-que madame de Montespan fût expulsée de la cour. A cet égard l'auteur du
-_Traité de Philosophie_, le P. la Chaise, se montra moins rigoureux que
-Bossuet. Les courtisans amis de madame de Montespan qui étaient à
-l'armée avec le roi tournèrent en ridicule l'exigence de l'évêque.
-Était-il possible de bannir entièrement de la cour une dame d'honneur de
-la reine, que l'exercice de sa charge y attachait nécessairement? Et qui
-ne voyait qu'en croyant éviter un scandale le prélat en causait un plus
-grand, dont tout le monde se préoccuperait? Le roi, persuadé par ces
-discours, se décida à ne pas tenir sa promesse. Bossuet, informé de son
-changement de résolution, voulut encore tenter un dernier effort. Il
-alla résolument de lui-même au-devant de Sa Majesté, et la joignit à
-huit lieues de Versailles. Sans être appelé, Bossuet parut inopinément
-devant Louis XIV. Son visage était triste et sévère: «Ne me dites rien!
-lui cria le roi dès qu'il l'aperçut de loin. J'ai donné des ordres pour
-qu'on préparât au château le logement de madame de Montespan.»
-
- [440] DE BAUSSET, _Histoire de Bossuet_, 1824, in-12, t. II, p.
- 60.
-
-«Le roi (écrit à sa fille madame de Sévigné, qui ignorait tout ce qui
-s'était passé entre Bossuet et Louis XIV) arriva dimanche matin à
-Versailles (21 juillet 1675); la reine, madame de Montespan et toutes
-les dames étaient allées, dès le samedi, reprendre tous leurs
-appartements ordinaires. Un moment après être arrivé, le roi alla faire
-ses visites. La seule différence, c'est qu'on joue dans les grands
-appartements que vous connaissez[441].» Cette différence était grande:
-elle indiquait que, bien que la séparation absolue exigée par Bossuet au
-nom de l'Église n'eût pas eu lieu, cependant Louis XIV hésitait encore,
-et qu'il se contentait de jouir de la présence et de la société d'une
-femme dont les grâces, l'enjouement, l'esprit, l'élévation des
-sentiments, les sympathies pour sa gloire étaient devenus pour lui un
-dédommagement indispensable aux peines et aux soucis de la royauté. Tout
-n'était donc pas perdu pour madame de Montespan; et ce qui le prouve
-c'est ce qu'écrit madame de Sévigné à sa fille quatre jours après: «La
-cour s'en va à Fontainebleau; c'est MADAME qui le veut. Il est certain
-que l'_ami de Quantova_ (Louis XIV) a dit à sa femme et à son curé par
-deux fois: «Soyez persuadés que je n'ai pas changé les résolutions que
-j'avais en partant; fiez-vous à ma parole, et instruisez les curieux de
-mes sentiments[442].»
-
- [441] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (mercredi 24 juillet 1675), t. III, p.
- 456, édit. G.; t. III, p. 331, édit. M.--BUSSY, _Suite des
- Mémoires_, ms. de l'Institut, p. 129 et 130 (lettre à madame de
- Scudéry, du 20 juillet 1675).--_Supplément aux Mémoires et
- Lettres de M. le comte_ DE BUSSY-RABUTIN, t. I, p. 189.
-
- [442] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. III, p. 470, édit. G.; t. III, p.
- 343, édit. M.
-
-Dominé par l'influence des habitudes de sa jeunesse, Louis XIV, on le
-savait, ne pouvait se contraindre: il s'abandonnait sans résistance et
-sans scrupule aux séductions des belles femmes de sa cour, par
-lesquelles il était sans cesse assiégé; mais aucune de celles qui
-avaient profité des intervalles laissés à ses désirs par les grossesses
-ou les courtes absences de madame de Montespan n'avait pu parvenir à
-toucher son cœur, à intéresser son esprit. Toutes n'avaient obtenu que
-le facile et honteux triomphe d'être pendant quelques mois, ou même
-quelques heures, l'objet préféré du caprice des sens; toutes n'avaient
-fait que fortifier, par la comparaison, le vif attachement qu'il avait
-pour sa maîtresse. Si, par tous les moyens qu'elle possédait d'agir sur
-son esprit, elle était restée à la cour dans l'unique but de seconder le
-parti religieux et de rendre à la reine son époux, madame de Montespan,
-majestueuse et belle, serait devenue l'objet de l'admiration générale;
-elle eût exercé sur les affaires d'État une salutaire influence, que, du
-vivant de Louis XIV, aucune femme à la cour n'a su obtenir; elle eût
-paru incorporée à la gloire du grand siècle comme une divinité
-bienfaisante: elle eût régné!
-
-Telle avait été, après les communions de la Pentecôte, l'espérance du
-parti moral et religieux, de Montausier, du maréchal de Bellefonds, des
-Colbert, des duchesses d'Albret, de Richelieu. On apprend, par les
-lettres de madame de Sévigné, quelle brillante et honorable existence
-pour madame de Montespan cet espoir seul avait fait naître. Madame de
-Sévigné écrit à sa fille, tandis que le roi était encore à l'armée au
-camp de Nerhespen[443]: «Vous jugez très-bien de _Quantova_. Si elle ne
-peut point reprendre ses vieilles brisées, elle poussera son autorité et
-sa grandeur au-dessus des nues; mais il faudrait qu'elle se mît en état
-d'être aimée toute l'année sans scrupule. En attendant, sa maison est
-pleine de toute la cour; les visites se font alternativement, et sa
-considération est sans bornes.»
-
- [443] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 juin 1675), t. III, p. 439, édit.
- G.; t. III, p. 314, édit. M.--PELLISSON, _Lettres historiques_
- (28 juin 1675), t. II, p. 334.
-
-Cependant dès lors même on doutait de la constance du roi et de madame
-de Montespan à garder la résolution qu'ils avaient prise. A propos de la
-grande-duchesse de Toscane (Marguerite-Louise d'Orléans), qui, après
-quinze ans de séjour, avait quitté son mari et venait en France[444]
-dans l'espoir de plaire à Louis XIV, le même jour où la vue du saint
-sacrement qu'on portait à deux soldats suisses qui allaient être
-fusillés comme déserteurs donna au roi l'idée de leur faire grâce[445],
-madame de Sévigné écrit à sa fille: «Je suis persuadée qu'elle aimerait
-fort cette _maison_ (c'est-à-dire le cœur du roi), qui n'est point à
-louer. Ah! qu'elle n'est point à louer! et que l'autorité et la
-considération seront poussés loin si la conduite du retour est habile!
-Cela est plaisant, que tous les intérêts de _Quanto_ et toute sa
-politique s'accordent avec le christianisme, et que le conseil de ses
-amis ne soit que la même chose avec celui de M. de Condom. Vous ne
-sauriez vous représenter le triomphe où elle est au milieu de ses
-ouvriers (à Clagny), qui sont au nombre de douze cents; le palais
-d'Appollidon[446] et les jardins d'Armide en sont une légère
-description. La femme de son ami solide (_la reine_) lui fait des
-visites, et toute la famille tour à tour; elle passe nettement devant
-toutes les duchesses; et celle qu'elle a placée (_madame de Richelieu_)
-témoigne tous les jours sa reconnaissance par les pas qu'elle fait
-faire[447].» Et, dans une lettre du mois précédent, elle avait écrit:
-«La reine alla hier faire collation à Trianon; elle descendit à
-l'église, puis à Clagny, où elle prit madame de Montespan dans son
-carrosse, et la mena avec elle à Trianon[448].»
-
- [444] SAINT-SIMON, _Mémoires complets et authentiques_, 1829, in
- 8º, t. XVIII, chap. XXVI, p. 400.
-
- [445] Conférez PELLISSON, _Lettres historiques_ (3 juillet 1675),
- t. II, p. 344.
-
- [446] Conférez MICHEL-HARDOUIN MANSART, _Livre de tous les plans,
- coupes, profils et élévations du château de Clagny_, 1680,
- in-folio.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 août 1675), t. III, p. 499 et
- 500.
-
- [447] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 juillet 1675), t. III, p. 316, édit.
- M.; t. III, p. 442, édit. G.
-
- [448] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (12 juin 1675), t. III, p. 418, édit.
- G.; t. III, p. 296.
-
-La séparation du roi et de madame de Montespan ne pouvait être connue à
-la cour sans l'être aussi à Paris et dans la province. Madame de Scudéry
-en écrivit en ces termes à Bussy-Rabutin: «Le roi et madame de Montespan
-se sont quittés, dit-on, s'aimant plus que leur vie, purement par
-principe de religion; on dit qu'elle retournera à la cour sans être
-logée au château et sans voir jamais le roi que chez la reine... La
-douce et tranquille amitié suffit pour bien remplir un cœur. Pour moi,
-je trouve que madame de Montespan aura deux paradis au lieu d'un: elle
-sera toujours aimée, et elle saura qu'il n'y aura que Dieu au-dessus
-d'elle dans son cœur[449].»
-
- [449] _Supplément aux Mémoires et Lettres de M. le comte_ DE
- BUSSY-RABUTIN, t. I, p. 184-187.
-
-Mais on apprend, par la réponse de Bussy, que lui ne se laissait point
-abuser par ces belles apparences; il en était de même de madame de
-Sévigné: elle prévit quel serait le dénoûment de cette amoureuse
-épopée. Deux jours après, écrivant encore à sa fille, elle revient sur
-cette remarquable visite de la reine à madame de Montespan, et dit: «La
-reine fut voir madame de Montespan à Clagny le jour que je vous avais
-dit qu'elle l'avait prise en passant; elle monta dans sa chambre, où
-elle fut une demi-heure; elle alla dans celle de M. du Vexin[450], qui
-était un peu malade, et puis emmena madame de Montespan à Trianon, comme
-je vous l'avais mandé. Il y a des dames qui ont été à Clagny: elles
-trouvèrent la belle si occupée des ouvrages et des enchantements que
-l'on fait pour elle que, pour moi, je me représente Didon qui fait bâtir
-Carthage. La suite de cette histoire ne se ressemblera pas[451].»
-
- [450] Louis-César de Bourbon, comte du Vexin, second fils de
- Louis XIV et de madame de Montespan, né le 20 juin 1672; il
- n'avait alors que trois ans. Il avait été légitimé en novembre
- 1673, et mourut en 1683.
-
- [451] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (14 juin 1675), t. III, p. 419, édit.
- G.; t. III, p. 297, édit. M.
-
-Madame de Montespan parut quelque temps vouloir participer à la bonne
-résolution du roi et se montrer satisfaite «d'être aimée toute l'année
-sans scrupule.» Bossuet lui-même crut à cet effort de sa raison, et
-c'est peut-être ce qui le fit relâcher de la décision rigoureuse qu'il
-avait donnée, au nom de l'Église, de la nécessité d'une séparation
-absolue. Il prononça, dit-on, que rien n'empêchait madame de Montespan
-de rester à la cour, d'y remplir sa charge de dame d'honneur de la reine
-et d'y vivre aussi chrétiennement qu'ailleurs[452].
-
- [452] CAYLUS, _Souvenirs_, collect. des Mémoires relatifs à
- l'histoire de France, édit. de Petitot et Monmerqué, 1828, in-8º,
- t. LXVI, p. 89.--Et la note de Monmerqué, t. III, p. 269 des
- _Lettres de_ SÉVIGNÉ (14 mai 1675).
-
-
-On peut suivre dans les lettres de madame de Sévigné, qui mit toujours
-beaucoup d'empressement à se faire initier, autant qu'elle le pouvait,
-dans le secret des petits appartements du roi et à en instruire sa
-fille, cette phase curieuse de la liaison des amours de Louis XIV et de
-madame de Montespan.
-
-«Toutes les dames de la reine sont précisément celles qui font compagnie
-à madame de Montespan: on y joue tour à tour, on y mange; il y a des
-concerts tous les soirs; rien n'est caché, rien n'est secret; les
-promenades en triomphe. Cet air déplairait encore plus à une femme qui
-serait un peu jalouse (allusion à la reine); tout le monde est content.
-Nous fûmes à Clagny: que vous dirai-je? c'est le palais d'Armide; le
-bâtiment s'élève à vue d'œil; les jardins sont faits. Vous connaissez
-la manière de Le Nôtre: il a laissé un petit bois sombre qui fait fort
-bien; il y a un bois d'orangers dans de grandes caisses; on s'y promène;
-ce sont des allées où l'on est à l'ombre; et, pour cacher les caisses,
-il y a des deux cotés de petites palissades à hauteur d'appui, toutes
-fleuries de tubéreuses, de roses, de jasmins et d'œillets. C'est
-assurément la plus belle, la plus surprenante, la plus enchantée
-nouveauté qui se puisse imaginer: on aime fort ce bois[453].»
-
- [453] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 août 1675), t. III, p. 490 et 500,
- édit. G.; t. III, p. 361. Conférez MICHEL-HARDOUIN MANSART, _Les
- plans, profits et élévations du château de Clagny_, 1680. Voyez
- le plan général, qui est le meilleur commentaire de cette lettre.
-
-Madame de Sévigné avait déjà dit, en parlant de _Quantova_:
-«L'attachement est toujours extrême; on en fait assez pour fâcher le
-curé et tout le monde, et peut-être pas assez pour elle; car dans son
-triomphe extérieur il y a un fonds de tristesse[454].»
-
- [454] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 juillet 1675), t. III, p. 473, édit.
- G.; t. III, p. 346.
-
-C'est que ce triomphe n'était pas complet. Il ne suffisait pas à madame
-de Montespan d'avoir été, contre le vœu de Bossuet et du parti pieux,
-réintégrée au château, d'y faire sa charge, d'être estimée et considérée
-de la reine et de toute la cour: tous ces honneurs, toute cette pompe ne
-pouvaient la distraire de ses désirs. Louis XIV avait trente-sept ans,
-madame de Montespan n'en avait que trente, et, comme lui, elle était
-encore dans toute la force, dans tout l'éclat de la beauté. La vive
-impression du passé pesait trop fortement sur elle et sur le roi pour
-que le présent ne leur devînt pas insupportable. Bussy, qui était
-instruit de tout par madame de Scudéry, prédisait avec certitude que
-madame de Montespan ne pourrait demeurer à la cour que comme maîtresse.
-«On ne remporte, disait-il, la victoire sur l'amour qu'en fuyant. Si,
-ayant quitté le roi, elle avait encore du plaisir à s'en croire aimée,
-elle ne serait pas selon le cœur de Dieu.»--«Il est vrai (ajoutait-il
-avec ce solide jugement que donne l'expérience) que le bon sens voudrait
-qu'on ne se chargeât point d'une grande passion, puisqu'on sait bien
-qu'elle finira avant la mort; mais chacun se flatte; on ne veut pas
-trouver des raisons qui empêchent de faire une chose agréable. Il est
-certain que l'amitié est bien plus solide; mais il n'y a que des gens
-qui ne sont plus propres à l'amour qui en soient capables[455].»
-
- [455] _Supplément aux Mémoires et Lettres du comte_ DE
- BUSSY-RABUTIN, t. I, p. 185.
-
-
-Habitués depuis longtemps à se comprendre sans proférer une seule
-parole, Louis et Montespan connurent par leurs regards, dès les premiers
-moments de leur entrevue, que leur amour mutuel s'était accru par
-l'absence et par la contrainte. Alors Montespan, par son attitude, ses
-paroles, ses manières, annonça qu'elle avait renoncé au rôle froid qu'on
-avait voulu lui imposer, et montra la ferme volonté d'être rétablie dans
-tous ses droits et dans la double puissance d'amante et de favorite.
-
-Le roi subissait l'influence de tout le parti pieux. Retenu par la
-promesse faite à Bossuet, il résistait encore; mais les charmes
-séducteurs de celle dont le son de voix seul suffisait pour l'émouvoir,
-les amusants sarcasmes de son brillant esprit, sa folle gaieté, sa
-tristesse et ses larmes domptèrent un courage qu'avaient seuls pu
-soutenir les dangers et les distractions de la guerre. Le triomphe de
-Montespan fut complet; et sa faveur, sa puissance parurent plus grandes
-et plus affermies que jamais. Tout prit alors à la cour un aspect plus
-gai et plus conforme aux mœurs et aux habitudes qui y régnaient.
-L'année put se terminer comme elle avait commencé, lorsque, pendant le
-carnaval, au retour de la seconde conquête de la Franche-Comté, on
-représenta le dernier ballet où Louis XIV avait dansé et l'opéra de
-_Thésée_, par Quinault et Lulli. Malgré les traits satiriques dirigés
-contre Lulli et Quinault par Despréaux[456], dans son épître à
-Seignelay, récemment publiée (et cette épître avait pour but de
-stigmatiser les flatteurs), on reprit les représentations de cet opéra;
-et pour cette reprise on négligea _Iphigénie_[457], nouveau et admirable
-chef-d'œuvre de Racine. A ce brillant spectacle Pomponne conduisit
-l'abbé Arnauld, son frère, revenu de Rome, madame de Sévigné, madame de
-Vins, M. de la Troche et d'Hacqueville[458]. Le prologue tout entier
-était consacré aux louanges du roi, et la décoration représentait les
-jardins et la façade du palais de Versailles. Louis XIV entendit encore
-chanter les vers suivants:
-
- VÉNUS.
-
- Vénus répand sur lui tout ce qui peut charmer.
-
- MARS.
-
- Malheur, malheur à qui voudra contraindre
- Un si grand héros à s'armer!
-
- VÉNUS.
-
- Tout doit l'aimer.
-
- MARS.
-
- Tout doit le craindre.
-
- VÉNUS ET MARS.
-
- Tout doit le craindre,
- Tout doit l'aimer.
-
- MARS ET VÉNUS.
-
- Qu'il passe, au gré de ses désirs
- De la gloire aux plaisirs,
- Des plaisirs à la gloire!
- Venez, aimables dieux, venez tous dans sa cour.
- Mêlez aux chants de la victoire
- Les douces chansons de l'amour.
-
- LE CHÅ’UR.
-
- Mêlons aux chants de la victoire
- Les douces chansons de l'amour[459].
-
- [456] BOILEAU, épître à Seignelay, vers 1, 91, 93, 134, 140, 146,
- 170, 174.--_Œuvres_ DE BOILEAU DESPRÉAUX, épître IX, 1747,
- in-8º, édit. de Saint-Marc, p. 330-393; édit. 1830, in-8º, de
- Berriat Saint-Prix, t. II, p. 105 à 119.
-
- [457] RACINE, _Iphigénie_, Paris, Barbin, 1675, in-12 (72 pages).
-
- [458] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 juillet 1675), t. III, p. 468, édit.
- G.; t. III, p. 341, édit. M.--L'abbé ARNAULD, _Mémoires_, coll.
- Petitot, t. XXXIV, p. 358.
-
- [459] FÉLIBIEN, _Relation des divertissements de Versailles_
- donnés par le roi à toute la cour, au retour de la conquête de la
- Franche-Comté, l'année 1674, in-4º (5 pages).--Cinquième journée
- du samedi 18 août, p. 426 à 428.--Les frères PARFAICT, _Histoire
- du Théâtre françois_, t. XI, p. 318.--DE BEAUCHAMP, _Recherches
- sur les théâtres_, t. III, p. 172 et 207.--QUINAULT, _Théâtre_,
- édit. 1715, Paris, in-12, t. IV, p. 200 et 201.--Opéra de
- _Thésée_, représenté devant Sa Majesté à Saint-Germain en Laye
- (le dixième jour de janvier 1675; Paris, Ballard, in-4º, p. 5).
-
-Ce n'étaient pas là les exhortations de Bossuet, ce n'était pas avec de
-tels vers,
-
- De morale lubrique,
- Que Lulli réchauffait des sons de sa musique,
-
-que Despréaux, accusé à tort d'être un flatteur, louait le grand
-monarque. C'est depuis même que l'auteur de _Thésée_ était le plus
-comblé des dons de la faveur royale que le courageux législateur du
-Parnasse français n'a cessé de flétrir ses fades adulations[460] et de
-condamner l'opéra comme un spectacle immoral[461].
-
- [460] BOILEAU, satire II, 20; III, 195; IX, 98; IX, 288.--Lutrin,
- II, 92-8.
-
- [461] BOILEAU, satire X, 131, 141-2.
-
-
-
-
-CHAPITRE XI.
-
-1675-1676.
-
- Le parti pieux espère dans l'influence de madame de
- Maintenon.--Explication des causes qui font qu'à partir de cette
- époque madame de Sévigné ne parle plus de madame de Maintenon
- qu'avec un esprit de dénigrement.--Nécessité de jeter une vue
- rétrograde sur la vie de madame de Maintenon.--Pourquoi les
- historiens se sont égarés à son sujet.--Sa pauvreté, son mariage,
- sa figure.--Ce qui la défendait contre la séduction.--Sa
- naissance.--Son éducation.--Son désir de s'attirer la considération
- et des éloges.--Son impuissance à s'en corriger.--Éducation des
- filles pauvres.--Fondation des couvents d'Ursulines.--Françoise
- d'Aubigné d'abord mise aux Ursulines à Niort, à Paris, ensuite aux
- Ursulines de la rue Saint-Jacques.--Elle abjure la religion
- protestante.--Elle se forme dans cette maison aux vertus et aux
- talents qu'elle a déployés par la suite.--Sa tante Neuillant
- obtient la permission de la faire mener dans le monde.--Elle va
- chez Scarron.--Elle devient sa femme.--Bonheur dont elle a joui
- pendant les huit années de son union.--A la mort de Scarron, la
- reine donne et augmente pour sa veuve la pension qu'elle faisait à
- celui-ci.--Madame Scarron se retire au couvent des
- Hospitalières.--On veut la marier à un vieux duc.--Elle
- refuse.--Elle est désapprouvée.--Ninon et madame de
- Villarceaux.--Étroite liaison de madame Scarron avec ces deux
- femmes.--Villarceaux veut la séduire, et n'y peut parvenir.--Elle
- perd sa pension par la mort de la reine.--Refuse de nouveau de se
- marier.--S'apprête à suivre la reine de Portugal.--Madame de
- Montespan s'y oppose.--Sa pension est rétablie par le crédit de
- Montespan.--Le roi confie à madame Scarron l'éducation de ses
- enfants issus de madame de Montespan.--Influence de madame Scarron
- sur Montespan.--Madame Scarron achète un marquisat, et le roi la
- nomme marquise de Maintenon.--Contrariée par Montespan, elle est
- prête à se retirer.--Se brouille avec Montespan.--Obtient de
- correspondre directement avec le roi.--Revient de Baréges, et est
- rétablie à la cour sur le même pied qu'autrefois.--Durée du règne
- de madame de Montespan.--Les sentiments que madame de Maintenon
- inspirait au roi différaient de ceux qu'il avait pour les autres
- femmes.
-
-
-Par le triomphe de madame de Montespan, le parti pieux ne fut découragé
-ni vaincu; il ne pouvait pas l'être. Sans doute le petit nombre de
-personnes qui le composaient n'étaient point indifférentes à la fortune
-et aux honneurs; mais il n'était pas non plus formé d'ambitieux sans
-principes et de courtisans sans conscience, se faisant de la religion un
-honorable moyen d'acquérir du crédit, du pouvoir et des richesses. Les
-chefs de ce parti étaient parfaitement convaincus des vérités de la foi;
-ils savaient que le roi et sa maîtresse, malgré l'indulgence qu'ils
-accordaient à leurs passions, avaient, ainsi qu'eux, de sincères
-convictions; et la piété bien connue de la gouvernante des enfants de
-madame de Montespan, l'amitié que celle-ci avait pour elle avaient fait
-concevoir des espérances par l'ascendant qu'on lui connaissait sur
-l'esprit de la favorite: ces espérances avaient été détruites par la
-faiblesse du monarque et la mollesse du P. la Chaise; mais d'autres plus
-fortes avaient succédé. Les enfants du roi que madame de Montespan avait
-confiés à madame de Maintenon étaient ceux que Louis XIV chérissait de
-préférence. Par les soins que leur prodiguait cette gouvernante, par
-l'éducation qu'elle leur donnait, ils n'avaient pour celle qui les avait
-mis au jour qu'une soumission et une tendresse de commande; leurs
-sentiments les plus affectueux, les plus tendres se reportaient sur
-celle qui leur avait servi de mère. Les dons du roi furent la juste
-récompense d'une sollicitude si paternelle et si éclairée. Alors la
-gouvernante, devenue plus indépendante, contrariée dans son système
-d'éducation, se prévalut de la condition qu'elle avait faite de n'être
-obligée de se soumettre qu'aux ordres et aux volontés du roi dans ce qui
-concernait les enfants qui lui étaient confiés. L'orgueil de Montespan
-fut blessé; la défiance et la jalousie firent disparaître l'attachement
-que des sympathies communes avaient formé entre elles. Il n'y eut pas
-rivalité, mais désunion. Ce désaccord procura à madame de Maintenon
-toute la confiance du parti pieux. Elle en avait été jusqu'alors le
-principal appui; elle en devint l'âme, elle en fut le chef.
-
-J'ai souvent eu occasion de parler dans ces Mémoires[462] de Françoise
-d'Aubigné, qui, dès qu'elle fut unie à Scarron, fut aimée et recherchée
-par madame de Sévigné. Mais dans les lettres de celle-ci, à partir de
-l'époque où nous sommes parvenus, on voit succéder aux louanges qu'elle
-lui accordait un esprit de dénigrement qui étonne. En cela madame de
-Sévigné n'exprimait pas ses sentiments personnels, elle n'était que
-l'écho de madame de Coulanges, des anciennes amies et protectrices de
-madame de Maintenon et de toute la cour, à l'exception de ce petit
-nombre de personnes unies entre elles pour arracher le roi au scandale
-donné à ses sujets par ses adultères amours. Il est nécessaire, pour
-l'intelligence des lettres de madame de Sévigné et encore plus pour la
-parfaite connaissance de l'histoire du siècle de Louis le Grand,
-d'éclaircir les causes d'un tel changement envers une femme justement
-célèbre, que la considération et la faveur générales entourèrent, dès
-son entrée dans le monde et pendant toute sa jeunesse, d'une auréole
-lumineuse qui disparut aussitôt qu'elle eut obtenu toute la confiance de
-Louis le Grand. Les nuages qui, depuis cette époque, la voilèrent aux
-regards des contemporains ne se sont pas encore dissipés et ont causé
-cette divergence dans l'opinion, ces jugements contradictoires qui ont
-égaré les historiens quand ils ont voulu scruter les causes des
-événements qu'ils avaient à raconter. Les personnes qu'on croit être
-parvenues à un rang élevé par l'exercice d'un pouvoir occulte sont
-rarement jugées avec impartialité; on les apprécie moins par ce qu'elles
-ont dû et pu être que par ce qu'on eût désiré qu'elles fussent. Leurs
-vertus et leurs qualités tournent contre elles dans notre esprit, parce
-qu'elles sont autres que celles dont nous eussions voulu les décorer ou
-incompatibles avec elles. Les historiens, pour de telles personnes,
-aiment mieux s'efforcer de les imaginer que les peindre, de les deviner
-que les définir; ils en tracent des portraits fantastiques, sans
-ressemblance comme sans vérité.
-
- [462] _Mémoires sur Sévigné_, I, 74, 463, 466, 467, 469; II, 127,
- 172, 448, 450, 451, 452; III, 62, 95, 96, 212, 219, 279; IV, 88,
- 89, 91, 93, 94, 96, 144, 270, 314.
-
-Cependant nulle complication dans la vie de Françoise d'Aubigné; nulle
-contradiction entre ses discours, ses actions et ses écrits; nulle
-aberration dans sa conduite. Rien de plus uniforme, de plus certain que
-les motifs qui la firent agir. Son caractère ne se démentit jamais; le
-monde changea souvent autour d'elle et pour elle, mais elle, ne changea
-point; dans la pauvreté et dans la richesse, dans l'abaissement et dans
-les grandeurs, durant les années glorieuses du règne de Louis XIV et
-durant ses désastres, elle fut toujours la même. Madame de Maintenon
-est le personnage historique sur lequel on possède le plus de documents
-émanés de sa bouche ou tracés par sa plume: il est donc à regretter que
-les historiens, même les plus judicieux, aient préféré des satires
-contemporaines, quelques _pastiches_ maladroits des lettres de Coulanges
-et de Sévigné, des mémoires rédigés d'après des bruits de cour et des
-traditions mensongères aux témoignages certains et authentiques fournis
-par elle-même, et qu'ils aient converti une simple et intéressante
-histoire en un vulgaire et incompréhensible roman.
-
-Je n'ai pas sans doute le projet de recommencer l'histoire si souvent
-écrite de madame de Maintenon; elle n'appartient qu'en partie au sujet
-qui m'occupe; mais je dois éclaircir les particularités qui la
-concernent, intéressantes à connaître pour les lecteurs de ces Mémoires.
-
-Quoique la vie de madame de Sévigné se soit en partie écoulée dans les
-mêmes lieux et au milieu des mêmes sociétés que celle de madame de
-Maintenon, ces deux vies, si on les écrivait avec les mêmes intentions
-que j'ai eues en composant ces Mémoires, sont des sujets qui n'ont
-presque aucune connexité. La vie de madame de Sévigné se termine avec la
-gloire du grand siècle; celle de madame de Maintenon s'est prolongée au
-delà même des jours de Louis XIV, qui a malheureusement survécu à son
-siècle. C'est durant les vingt années qui s'écoulèrent entre la mort de
-madame de Sévigné et celle du roi que madame de Maintenon apparaît comme
-une des figures principales que l'historien doit retracer entières au
-milieu d'événements que madame de Sévigné n'a point connus, de personnes
-qu'elles n'a pas vues ou qui de son temps ne figuraient point encore sur
-la grande scène du monde. Il me suffira donc de jeter un regard
-rétrospectif sur les premières années de la vie de madame de Maintenon
-et de bien apprécier la nature de son intimité avec Louis XIV et de ses
-rapports avec madame de Montespan lorsque celle-ci était plus que jamais
-heureuse et fière de l'amour qu'elle inspirait au roi.
-
-Cette belle _pauvresse_[463], qu'à l'âge de seize ans l'avarice d'une
-parente livrait à la merci d'une jeunesse ardente, de grands seigneurs,
-d'hommes de lettres et d'éminents artistes qui se rassemblaient chez
-Scarron, avait les cheveux châtain clair; ses beaux yeux noirs
-brillaient d'un doux éclat, mais s'assombrissaient soudainement lorsque
-quelque émotion pénible traversait son âme[464]. La grâce, l'esprit, la
-raison s'unissaient en elle dans une juste mesure pour plaire à
-l'enfance, à l'âge viril, à la vieillesse. Naturellement impatiente,
-vive, enjouée[465], formée à la rude école de l'adversité, elle devint
-calme, réfléchie et d'une grande égalité d'humeur. Fière et
-orgueilleuse, le besoin de se faire des protecteurs la rendit insinuante
-et complaisante. La religion, à laquelle (selon les expressions mêmes
-d'un de ses plus grands détracteurs[466]) elle savait faire parler un
-langage doux, juste, éloquent et court, inspirait à son cœur de
-généreuses résolutions. L'infortune lui ravit l'âge des illusions, et la
-fit avancer toute jeune dans celui de la réflexion et de l'expérience
-que donne le monde. Ce qu'on appelle le monde, le beau monde, est un
-_diorama_. Vu de loin, vous y contemplez un ciel brillant, des paysages
-délicieux, des palais enchantés et dorés: approchez, voyez et touchez;
-tout cela n'est plus qu'une toile salie par des couleurs. Françoise
-d'Aubigné put se convaincre de cette triste vérité presque au sortir de
-l'enfance. C'était l'époque du règne des précieuses, de l'amour
-platonique et d'une licencieuse galanterie; le culte de la beauté
-occupait encore plus les esprits que la politique; on se déclarait sans
-ridicule amant d'une femme; elle vous accueillait comme tel sans se
-compromettre. Les poëtes surtout, amoureux par état et auxquels toute
-liberté en vers était permise, célébrèrent donc sans façon la belle
-gorge[467] de la jeune _Indienne_, ses belles mains, sa taille élancée,
-le parfait ovale de sa figure, sa physionomie fine et spirituelle, son
-beau teint[468]; et comme on savait que l'infirme vieillard dont elle
-était devenue la compagne avait bien pu l'épouser, mais non en faire
-réellement sa femme, les plus brillants, les plus renommés, les plus
-dangereux séducteurs d'alors s'empressèrent autour d'elle, et la
-regardèrent[469] comme une proie facile à saisir. Une triple force la
-défendait contre leurs attaques: la religion, l'orgueil de son nom et
-de ses vertus et le besoin de s'attirer des éloges. Pour lutter avec
-succès contre l'adversité, la nature lui avait donné tous les moyens de
-séduire, et pour résister à la séduction ce que je ne puis exprimer
-autrement que par l'aptitude négative de son tempérament[470]. Elle
-était du nombre de celles qui, très-sensibles aux caresses que les
-femmes aiment à se prodiguer entre elles en témoignage de leur mutuelle
-tendresse et qu'avec plus de réserve elles échangent avec l'autre sexe,
-ont une répugnance instinctive à se soumettre à ce qu'exige d'elles
-l'amour conjugal pour devenir mères, moins par la persistance d'une
-primitive pudeur que par l'effet d'une nature qui leur a refusé ce
-qu'elle a accordé à tant d'autres avec trop de libéralité[471].
-Françoise d'Aubigné eut souvent besoin d'être rassurée par son
-confesseur sur les scrupules que lui firent naître ses complaisances aux
-contrariantes importunités de son royal époux à un âge où elle ne
-pouvait plus espérer d'engendrer de postérité[472]. L'ancienneté non
-contestée de sa noblesse et l'illustration qu'elle avait reçue de son
-grand-père lui valurent d'être tenue sur les fonts de baptême par la
-femme du gouverneur de la ville où elle naquit et par le gouverneur de
-la province. Sa mère, femme instruite, de courage et de vertu, devenue
-veuve et réduite à la misère, fut obligée de gagner sa subsistance par
-le travail de ses doigts, et commença pour sa fille cette éducation qui
-devait développer splendidement tous les germes d'une heureuse nature.
-Aussitôt qu'elle put tenir une aiguille, Françoise d'Aubigné apprit à
-travailler, et acquit, pour tous les ouvrages de femme, une adresse de
-fée et une application infatigable. Enfant, elle charmait les yeux
-maternels par sa prévoyante et courageuse activité à remplir les tâches
-les plus difficiles, comme les plus humbles, d'un ménage pauvre. Par la
-suite, lorsqu'elle eut équipage et gens à ses ordres, pour qu'un secret
-important fût bien gardé, elle arrangea de ses propres mains, comme
-aurait pu le faire un tapissier exercé, la chambre où elle élevait la
-royale postérité qui lui était confiée. Elle devint, très-jeune, savante
-dans les détails les plus minutieux de l'économie domestique, et put
-parfaitement, lorsqu'elle fut grande dame, former des servantes et bien
-choisir les intendants et les serviteurs de la grande maison de
-Saint-Cyr. Dès qu'elle sut lire, elle apprit dans les Vies de
-Plutarque, dans les écrits de Théodore-Agrippa d'Aubigné, son
-grand-père, le rang qu'elle aurait pu tenir dans le monde sans les
-honteux désordres de son père, et elle pressentit ce qu'elle pourrait
-devenir un jour. De là cette soif orgueilleuse de considération et de
-bonne renommée, qui fut le mobile de toute sa vie[473] et la principale
-cause de son élévation. Ce sentiment, auquel se joignit ensuite le désir
-ardent du salut, ne l'abandonna jamais. Ces deux penchants se
-fortifièrent en elle avec l'âge et devinrent ses uniques passions;
-passions inconciliables, et qui ne tendaient pas au même but: elle le
-savait, et ses résolutions furent livrées à deux impulsions contraires.
-Jamais elle ne put assurer le triomphe complet de celle qui l'élevait
-vers le ciel sur celle qui l'entraînait vers l'abîme. L'humilité de ses
-aveux, si souvent répétés, de ne pouvoir parvenir «à l'_écrasement de
-l'amour-propre_» constate l'impuissance de ses efforts. C'est que la
-religion, qui lui commandait ce sacrifice, était elle-même la cause qui
-l'empêchait de l'accomplir[474]. En lui assignant une place éminente
-dans l'estime de ceux qui alors formaient l'opinion du monde, la
-religion entretenait en elle une ambition de s'élever sans cesse, et
-madame de Maintenon ne pouvait se repentir des succès dus aux vertus
-qu'elle pratiquait avec amour. Lorsqu'elle fut assise près du trône,
-quand elle fut devenue la compagne du grand monarque, Fénelon, dans un
-avis sur ses défauts, qu'elle avait transcrit de sa main, lui reprochait
-«d'être trop sensible au plaisir de soutenir sa prospérité avec
-modération et à celui de paraître par le cœur au-dessus de la place
-qu'elle occupait[475].» Mais n'est-ce pas rendre le christianisme
-impossible que d'exiger ce genre de perfection de l'humanité? Doit-on
-expulser du monde la vertu, en lui refusant d'être sensible à la seule
-récompense que le monde peut lui accorder?
-
- [463] MAINTENON, _Lettres à la princesse des Ursins_ (29 avril
- 1713), t. II, p. 380, édit de 1765.--LA BEAUMELLE, t. VIII, p.
- 289-293.
-
- [464] _Mémoires sur Sévigné_, 1re partie, 2e édit., p. 464.
-
- [465] SAINT-SIMON, _Mémoires authentiques_, t. XIII, p. 109, ch.
- VIII.
-
- [466] MADAME DU PÉROU, _Mémoires sur madame_ de Maintenon,
- recueillis par les dames de Saint-Cyr; Paris, Olivier Fulgence,
- éditeur, 1846, in-12, p. 1-12.--Le P. LAGUILLE, _Fragments de
- Mémoires sur la vie de madame_ DE MAINTENON, dans les _Archives
- littéraires de_ VANDERBOURG, vol. XII, trimestre d'octobre 1806,
- p. 363 à 370. Lisez _Navailles_ au lieu de Noailles, et
- _Neuillant_ au lieu de Neuillans.--_Mémoires sur Sévigné_, 1re
- partie, p. 404.
-
- [467] Poésies de LA MESNARDIÈRE, in-folio, pièce intitulée
- _Galanterie_, et dans LA BEAUMELLE, _Mémoires_, t. VI, p. 54 et
- 55.
-
- [468] Conférez la 1re partie de ces _Mémoires sur Sévigné_, p.
- 464-69, et la 2e partie, p. 448, 449, 450, 451 à 453.
-
- [469] DU PÉROU, _Mémoires sur madame de Maintenon_, 1846, in-12,
- p. 273.
-
- [470] _Lettres de messire_ GODETZ DES MARAIS _à madame de
- Maintenon_, Bruxelles, 1755, in-8º, p. 108 et _passim_. C'est le
- t. IX de la collection des lettres données par la Beaumelle, et
- t. XV de toute sa collection sur Maintenon; conférez encore t.
- VI, p. 79 des _Mémoires_.
-
- [471] MAINTENON, _Lettres_ (8 janvier 1680, lettre de l'abbé
- Gobelin), t. II, p. 69 de l'édit. gr. in-12; Amsterdam, 1656,
- Dresde, 1753, petit in-12, p. 142; Nancy, 1752, t. I, p. 158;
- Paris, 1806, p. 81.--DU PÉROU, _Mémoires sur madame de Maintenon_,
- 1846, in-12, p. 273.
-
- [472] MAINTENON, _Conversations_, 3e édit., 1828, in-18, p.
- 239.--Mademoiselle D'AUMALE, _Mémoires_, ms. cité par la
- Beaumelle, t. I; p. 150 et 151 des _Mém. p. s. à l'hist. de M. et
- dus. de Louis XIV_.--Conférez ci-après les notes et
- éclaircissements.
-
- [473] Mesdames DU PÉROU et GLAPION, _Mémoires sur madame de
- Maintenon_, 1846, in-12, p. 5.
-
- [474] MAINTENON, _Entretien III_, dans LA BEAUMELLE, _Mémoires_,
- etc., édit. 1756, t. VI, p. 174-176.
-
- [475] Avis de M. DE FÉNELON à madame de Maintenon, dans les
- _Lettres de madame_ DE MAINTENON, t. III, p. 212, édit. de LA
- BEAUMELLE, Amsterdam, 1756.
-
-Tout concourut dans Françoise d'Aubigné à soumettre sa raison aux
-vérités de la religion et à imprégner son âme de la foi de ses
-promesses. Les misères de son enfance, l'adversité si longtemps
-combattue reportaient sans cesse ses pensées et ses espérances de
-bonheur vers le ciel. Elle avait une mère catholique; mais une tante
-riche la prit avec elle, et profita de son esprit précoce pour lui
-donner une forte instruction religieuse. Née dans la religion
-protestante, cette tante (madame de Villette) voulut lui donner une
-éducation protestante, et elle s'attacha surtout à lui faire connaître
-les vérités fondamentales du christianisme; elle grava dans sa jeune
-âme, elle insinua dans son esprit naturellement réfléchi tout ce qui
-pouvait raffermir la croyance de la révélation contre les attaques des
-incrédules. Mais le zèle du catholicisme de sa mère et d'une parente
-dure et avare l'arracha à la tendresse et aux soins de cette tante,
-qu'elle chérissait: on la mit au couvent pour la forcer à abjurer la
-religion qu'on lui avait enseignée.
-
-Dans les premières années du dix-septième siècle, deux femmes
-instruites[476] et pieuses, dont les noms mériteraient d'être plus
-connus, avaient, dans l'intention de s'opposer aux invasions du
-protestantisme, fondé à Paris, dans la rue Saint-Jacques, une maison
-d'instruction qui devint bientôt célèbre par l'excellence de l'éducation
-que les jeunes filles pauvres y recevaient. Des religieuses ursulines
-séculières et ensuite des ursulines cloîtrées dirigèrent cette maison,
-qui fut la pépinière et le modèle des nombreux couvents du même ordre
-répandus dans toute la France. Les ursulines de Niort, où Françoise
-d'Aubigné fut mise, émanaient de celles de Paris; mais elles n'étaient
-ni aussi éclairées ni aussi habiles. Françoise d'Aubigné s'attacha la
-maîtresse des pensionnaires; et, quoique âgée seulement de onze ans,
-elle la suppléait dans ses fonctions, faisait lire, écrire, travailler
-ses compagnes et avait soin de les tenir propres. Cette instruction et
-ces soins ennuyaient sa maîtresse, qui aimait à se livrer à des
-occupations moins fastidieuses[477]. La vanité de la jeune d'Aubigné fut
-singulièrement enflée par la confiance qui lui était accordée; et quand
-les religieuses voulurent lui faire abjurer les dogmes de sa croyance,
-elle résista. Alors on voulut l'intimider; on lui fit un crime de ses
-raisonnements et de ses pratiques protestantes, ou la soumit aux plus
-serviles fonctions, et, ne pouvant vaincre sa résistance, on la rendit à
-sa mère, qui était dans l'impossibilité de payer pour elle une pension.
-Un sentiment profond de sympathie pour ses condisciples pauvres comme
-elle, et l'orgueil blessé d'avoir été méconnue, laissa dans l'âme de la
-jeune d'Aubigné une empreinte ineffaçable. Sa mère la plaça à Paris dans
-la maison principale des ursulines de la rue Saint-Jacques. Ce fut là
-que Françoise d'Aubigné trouva des supérieures qui surent apprécier
-toutes les ressources que présentait, pour une facile conversion, la
-précoce intelligence de cette jeune fille. Sans se scandaliser, comme
-les religieuses de Niort, de ses manières d'adorer Dieu, sans gêner sa
-liberté, les ursulines de Paris firent comprendre à leur jeune élève,
-par le bel ordre qui régnait dans leur maison, celui qui était
-nécessaire au maintien de la bonne harmonie de la société chrétienne. On
-lui enseigna comment Jésus-Christ avait lui-même institué l'ordre de son
-Église en donnant à ses apôtres la mission de répandre et d'interpréter
-sa doctrine et d'instituer leurs successeurs; que par conséquent le
-premier devoir de tout croyant qui voulait être un parfait chrétien
-était de se soumettre, en matière de foi et d'actes religieux, à ses
-supérieurs ecclésiastiques, à ceux auxquels avait été déléguée, par
-transmission successive, la puissance apostolique. Françoise d'Aubigné,
-convaincue, abjura, et fit avec toute la ferveur d'une néophyte sa
-première communion. Elle fut reconnaissante envers celles qui lui
-avaient enseigné cette belle et féconde doctrine de l'Église catholique.
-En elle était déjà le germe de la femme qui traça, d'après le modèle de
-cette maison des Ursulines, les _Constitutions_ de Saint-Cyr[478]; qui
-écrivit l'_Avis à madame la duchesse de Bourgogne_, tant admiré de Louis
-XIV[479], les admirables lettres à l'_abbesse de Gomer-Fontaine et aux
-dames de Saint-Louis_[480], l'_Esprit de l'institut des Filles de
-Saint-Louis_[481], les _Conversations_, les _Proverbes_ composés pour
-ses élèves chéries[482].
-
- [476] Demoiselle Avrillot, femme d'Acaric, maître des requêtes,
- et dame Madeleine L'Huillier, veuve de M. le Roux de
- Sainte-Beuve.--Voyez JAILLOT, _Recherches sur Paris, quartier
- Saint-Benoît_, p. 141 et 157, t. V. On a un portrait, gravé en
- 1673, de Madeleine L'Huillier, décédée le 29 août 1640.
-
- [477] DU PÉROU et GLAPION, _Mémoires sur madame de Maintenon_,
- recueillis par les dames de Saint-Cyr, 1846, in-12, p. 7 et 8.
-
- [478] _Les Souvenirs de madame_ DE CAYLUS _sur les intrigues
- amoureuses de la cour_, avec les notes de M. DE VOLTAIRE, au
- château de Ferney, 1770, in-12, p. 112.--_Ibid._, Paris, 1806,
- Renouard, in-12, p. 193.--_Ibid._, collection des _Mémoires_ de
- Petitot et Monmerqué, t. LXVI, p. 448. Dans ces trois éditions il
- y a une faute grave: c'est d'avoir mis Noisy-le-Sec an lieu de
- Noisy (le berceau de Saint-Cyr). Cette faute est copiée de la
- Beaumelle.
-
- [479] _Avis de madame_ DE MAINTENON _à madame la duchesse de
- Bourgogne_. LA BEAUMELLE, _Lettres de madame de Maintenon_,
- Amsterdam, 1756, t. III, p. 201-10.--LÉOPOLD COLLIN, _Lettres de
- madame de Maintenon_, t. VI, p. 114, édit. 1806.
-
- [480] _Ibid._, t. III, p. 1-10.
-
- [481] MAINTENON, _l'Esprit_, etc., 1699, in-12; 1711, 1808, in-12
- et in-18.
-
- [482] _Conversations de madame la marquise_ DE MAINTENON,
- publiées par M. de Monmerqué, 1 vol. in-18, 1818, 3e
- édit.--_Conversations inédites de madame_ DE MAINTENON, précédées
- d'une notice par M. de Monmerqué, 1828, in-18.--_Mémoires de
- madame_ DE MAINTENON; Paris, édit. Fulgence, 1846, in-12, p. 402,
- ch. XXII.
-
-C'est en recueillant les bienfaits d'une instruction supérieure à celle
-qu'elle avait reçue et en mangeant le pain de la charité que, jeune
-fille pauvre, Françoise d'Aubigné éprouva par la suite le besoin de
-partager son nécessaire avec de jeunes filles pauvres, de leur procurer
-le bonheur par l'instruction morale et religieuse. Ainsi la grande dame
-qui fonda et dirigea à Saint-Cyr un si haut et si complet enseignement
-se plaisait encore, lors des voyages de Fontainebleau, à faire le
-catéchisme aux _pauvresses_ dans l'église d'Avon. Ce goût pour les
-fonctions d'institutrice de la jeunesse, Françoise d'Aubigné le conserva
-toute sa vie. Agée de plus de soixante ans, elle écrivait à l'évêque
-d'Autun avec le style de Montaigne: «Quand vous auriez envie de me
-plaire, vous ne me parleriez pas mieux sur mes inclinations, qui sont
-toutes portées à l'instruction et au potage[483].»
-
- [483] _Lettres de madame_ DE MAINTENON à M. de Caylus, évêque
- d'Autun (26 juin 1709).--Dans les _Mélanges_ publiés par la
- Société des bibliophiles français, 1827, in-8º, p. 3.--MAINTENON,
- _Lettres à madame de Glapion_, t. III, p. 181.
-
-Les religieuses de la rue Saint-Jacques, en élevant avec tant de soin la
-jeune orpheline, espéraient faire pour leur ordre une acquisition
-précieuse. Sa pauvreté ne lui laissait (elles le croyaient) d'autre
-ressource que le cloître. Son avare parente, qui ne voulait pas l'avoir
-à sa charge, lui déclara qu'elle ne devait pas hésiter à prendre ce
-parti. Mais l'influence qu'elle avait acquise sur ses compagnes, qui
-toutes la prenaient pour amie et pour conseil, lui avait donné le
-sentiment de sa supériorité. Elle aurait bien consenti à rester dans un
-couvent, pourvu qu'elle en fût l'abbesse. Active d'esprit et de corps,
-persévérante et réfléchie, d'un caractère énergique, plus la fortune
-faisait peser sur elle sa main de plomb, plus elle se refusait à ployer
-sous le joug de la dure nécessité, plus elle répugnait à aliéner son
-indépendance. Si l'éducation et le malheur lui avaient donné de
-l'aptitude pour se renfermer dans les asiles de la prière, elles
-l'avaient encore mieux préparée aux agitations et aux intrigues du
-monde. C'est dans le château de Mursay qu'élevée avec sa cousine de
-Villette elle avait commencé son instruction profane. A Niort, et
-peut-être aussi à Paris, un gentilhomme de sa province, vaniteux, mais
-spirituel, écrivain disert et châtié[484], ami des plus célèbres
-précieuses[485], des littérateurs et des savants, savant lui-même[486],
-se plut de bonne heure à lui donner des leçons; et lorsqu'elle fut
-sortie de l'adolescence, il les lui continua avec ce zèle intéressé que
-donne l'amour dont ne peut se défendre un homme qui, dans la force de
-l'âge, reçoit fréquemment des témoignages de reconnaissance d'une
-innocente et gracieuse beauté à laquelle il prodigue ses soins.
-
- [484] Conférez MÉRÉ, _Œuvres_, 1692, in-12, t. I, p. 107, 126,
- 135, 162, 326, 333, 370. Lettres à Mitton, le plus grand puriste,
- en fait de langage, de cette époque.--Conférez ces _Mémoires sur
- Sévigné_, t. II, p. 255, 419.
-
- [485] Conférez MÉRÉ, _Œuvres_, t. I, p. 96, 97, 115, 116, 149,
- 150, etc. Lettres à mesdames de Sablé, de Lesdiguières, à Mlle de
- Scudéry, etc.
-
- [486] Conférez MÉRÉ, _Œuvres_, t. I, p. 6, 84, 145, 150, 159,
- 215. Lettres à Balzac, Ménage, Simon, Saint-Pavin, etc.--_Ibid._,
- t. I, p. 60, 159. Lettres à Pascal et à Bourdelot.
-
-Pendant que Françoise d'Aubigné était aux Ursulines de la rue
-Saint-Jacques, sa tante Neuillant, glorieuse d'avoir contribué à la
-conversion de sa nièce, avait obtenu la permission de la mener avec elle
-dans la société, et elle la conduisait fréquemment chez Scarron. On sait
-le reste[487]. Le plus hideux, le plus célèbre, le plus populaire des
-auteurs de ce temps fut charmé de son esprit en lisant une de ses
-lettres, ravi de sa figure en la voyant; et Françoise d'Aubigné, pour
-échapper au cloître, épousa ce poëte, ce philosophe cynique, mais
-pourtant vraiment philosophe, et même philosophe stoïcien, par cet
-indomptable courage avec lequel il luttait gaiement contre les
-souffrances et la mort. Il se faisait de sa plume un moyen d'existence,
-écrivant, selon l'occasion et le besoin, facilement, agréablement, des
-pièces de théâtre, des contes, des romans, des épîtres, des satires, des
-stances, des rondeaux, des lettres en vers et en prose, de grands poëmes
-en style burlesque; style qu'il mit à la mode, style détestable, mais
-original, que lui seul a su bien manier, en se jouant toujours
-heureusement de sa muse, des lecteurs et de lui-même; encore plus
-empressé de plaire au public en général qu'aux grands et aux délicats de
-la haute société, qu'il amusait néanmoins par son enjouement et les jeux
-de son esprit[488].
-
- [487] Voyez ci-dessus, _Mémoires sur Sévigné_, t. I, p. 228-31,
- ch. XVI, et p. 466-469, ch. XXXIV.
-
- [488] SCARRON, _les dernières Œuvres_, 1700, in-12, t. I, p.
- 229. Héro et Léandre, ode burlesque.--_Ibid._, _Œuvres de_ M.
- SCARRON, Amsterdam, 1737, in-12, t. VIII, p. 339.--Conférez la
- _Prison_ de M. D'ASSOUCY, Paris, 1674, p. 10.
-
-
-Dans tout le cours d'une vie qui pour Françoise d'Aubigné se prolongea
-jusqu'à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, la période la plus heureuse
-fut celle des neuf années que cette gracieuse beauté passa dans son
-union avec Scarron, qui, en l'épousant, fut obligé de renoncer à un
-canonicat, portion notable de son modique revenu; mais elle jeta un
-rayon doré sur les dernières et douloureuses années de cet infirme et
-généreux vieillard. Il l'avait adoptée moins comme son épouse que comme
-sa secourable fille. C'est dans ces neuf années que se développèrent les
-éminentes qualités qu'on admire en elle. Madame de Maintenon se retrouve
-tout entière dans madame Scarron; c'est la même femme qui se continue
-bienfaisante et chérie jusqu'au dernier souffle de sa longue existence.
-Elle savait être à la fois à Dieu et au monde. Toutes les personnes que
-Scarron aimait ou qui avaient de l'affection pour lui, tous ceux qui se
-plaisaient dans sa société et s'étaient déclarés ses amis ou ses
-protecteurs restèrent en tout temps les amis de Françoise d'Aubigné.
-Ceux qu'elle fréquenta dans sa jeunesse furent ceux qu'elle protégea
-dans son âge mûr[489]. Elle avait bien raison de se comparer à la cane
-qui regrette sa bourbe quand lui revenait en souvenance l'appartement
-qu'elle occupait chez Scarron. Cette salutaire contrainte qu'elle
-recommande tant aux élèves de Saint-Cyr[490] ne l'empêchait pas de
-s'abandonner à la gaieté de son âge et aux joyeux entretiens de
-l'aimable et spirituelle société qu'elle recevait chez elle. Elle
-jouissait alors de l'amitié de tous, sans rien perdre de l'estime, de la
-considération et du respect qui lui étaient dus. Quand elle quittait son
-modeste logis et qu'elle cédait aux invitations, elle se retrouvait à
-l'aise dans le salon de Ninon, dans les jardins de Vaux, «où l'on pense,
-disait-elle, avec tant de raison, où l'on badine avec tant de
-grâce[491].» Elle se dédommageait ainsi de l'ennui qu'elle s'imposait
-pour plaire à ses puissantes protectrices dans les hôtels d'Albret et de
-Richelieu.
-
- [489] Conférez SCARRON, _Œuvres_, Amsterdam, 1637, in-18, t. I,
- p. 32, 35, 43, 45, 47, 62, 64, 78, 90-9, 101-29, 124, 163, 167.
- Lettres de Scarron à la comtesse de Fiesque, à mademoiselle de
- Neuillant, à la marquise de Sévigné, à madame Renaud de Sévigné,
- au marquis et à la marquise de Villarceaux, au comte de Vivonne,
- au maréchal d'Albret.
-
- [490] MAINTENON, _Conversations_, 3e édit., 1828, in-18, p. 184 à
- 192.
-
- [491] MAINTENON, _Lettres_ (25 mai 1648, à madame Fouquet), t. I,
- p. 25, édit. L. B. 1756. Conférez 1re partie de ces _Mémoires sur
- Sévigné_, ch. XXXIV, p. 464.
-
-Lorsque Scarron mourut, Françoise d'Aubigné se trouva de nouveau dénuée
-de toute fortune; mais la reine mère lui continua la pension qu'elle
-faisait à son mari, et même l'augmenta d'un quart. Elle donna ce quart
-aux pauvres[492]. Elle n'avait plus d'époux à soutenir, plus d'autres
-besoins que les siens. A toutes les époques de sa vie, l'économie fit sa
-richesse. Elle s'isola des grandes dames ses protectrices. En ayant
-auprès d'elles la même assiduité qu'avant son veuvage, elle se serait
-exposée à refuser leurs largesses; nulle ne sut mieux qu'elle conserver
-avec dignité son indépendance en vivant de peu. Elle se retira chez les
-ursulines de la rue Saint-Jacques, et ensuite elle alla demeurer chez
-les religieuses de la Charité-Notre-Dame. Ce couvent, fondé par Anne
-d'Autriche[493] pour soigner les pauvres femmes malades, était près de
-la Place-Royale et de la rue des Tournelles, où elle avait demeuré[494].
-Elle se trouvait ainsi dans le voisinage de ses plus intimes
-connaissances. Dans cet asile, âgée alors de vingt-cinq ans et dans tout
-l'éclat de sa beauté, elle parut oublier le monde; le monde vint la
-chercher[495]. Lorsqu'elle était la femme de Scarron, elle payait par
-d'utiles services les bienfaits qu'elle recevait; elle avait su, en se
-rendant agréable à tous, devenir nécessaire à plusieurs. Quand les
-libéralités ne purent plus profiter qu'à elle seule, elle les refusa,
-alléguant que son modique revenu lui suffisait avec luxe[496], et elle
-parut vouloir se consacrer uniquement à la piété et aux œuvres de
-charité. Cela ne pouvait convenir aux sociétés qui perdaient de leur
-agrément par son absence. On voulut la reprendre et l'arracher à sa
-retraite. On s'ingéra pour lui donner un rang et une existence. A
-l'instigation de ses protectrices et de ses amies, un vieux duc se
-proposa pour l'épouser[497]. Il était riche, mais débauché, sans esprit:
-elle le refusa. On se choqua; on ne put comprendre que la femme qui
-s'était déterminée à épouser Scarron pût dédaigner un tel parti; il fut
-décidé qu'elle était orgueilleuse et ingrate, et le monde se retira
-d'elle. Mais Ninon l'approuva. Ninon avait été la meilleure amie de
-Scarron[498], qui demeurait dans son voisinage et se faisait souvent
-transporter chez elle pour y dîner[499]. La marquise de Villarceaux, qui
-s'était montrée «toute bonne, toute généreuse» pour le pauvre Scarron,
-sut gré à sa veuve d'avoir refusé le vieux duc, et la vit plus
-souvent[500]. Le marquis de Villarceaux, l'admirateur, l'ami et le
-bienfaiteur de Scarron, était l'amant de Ninon, et fut le seul qu'elle
-ait aimé de cœur. La veuve de Scarron ne demandait rien à personne,
-mais elle était jalouse de la considération qu'on lui avait toujours et
-partout témoignée; et elle ne se vit pas sans peine désapprouvée et
-délaissée de tous ceux qui avaient été ses protecteurs et ses amis. Les
-témoignages d'affection qu'elle reçut alors de Ninon et de madame de
-Villarceaux la touchèrent vivement. Elle répondit par un redoublement
-d'attentions et de complaisances. Elle accepta les invitations de Ninon
-comme celles de madame de Villarceaux. Ninon et madame Scarron
-partagèrent occasionnellement le même lit[501]. Comme les Soyecourt, les
-Vardes, les Bussy, les du Lude, les Villeroi, le mari de madame de
-Villarceaux passait pour un des hommes de la cour qui réussissait le
-plus facilement à se faire aimer des dames; il désira vivement pouvoir
-mettre dans la galerie de celles dont il avait triomphé la belle
-Françoise d'Aubigné. Chez sa femme, chez Ninon, chez Scarron,
-Villarceaux eut tout le loisir de mettre à profit ses moyens de
-séduction, et Françoise d'Aubigné, dans une intimité journalière, devint
-constamment l'objet des soins empressés, des discours flatteurs et
-passionnés de l'amant de Ninon[502]. Ainsi que Ninon, et selon les
-mœurs et les habitudes de ce temps, Françoise d'Aubigné acceptait comme
-amis ceux qui se déclaraient ses amants. Parmi eux Villarceaux était un
-des plus aimables, un de ceux qui lui plaisaient le plus. Personne
-alors, même parmi ceux qui s'adonnaient le plus à répandre de
-scandaleuses médisances, ne fut tenté d'entacher l'honneur de la femme
-de Scarron. La réputation de sa vertu, la constante amitié de Ninon et
-de madame de Villarceaux[503] eussent ôté toute vraisemblance à de
-telles imputations. Ce ne fut qu'après que l'étonnante élévation de
-Françoise d'Aubigné l'eut exposée aux traits acérés de l'envie et de la
-haine[504] que la calomnie put jeter des doutes injurieux sur cette
-femme[505] si aimée et si respectée de tous durant tout le temps de son
-humble fortune.
-
- [492] MAINTENON, _Lettres_ (1660), t. I, p. 34, édit.
- 1756.--_Ibid._, t. I, p. 32, Nancy, 1752, in-12.--_Ibid._,
- Dresde, 1753, p. 28, in-12.
-
- [493] JAILLOT, _Recherches sur Paris_, quartier Saint-Antoine, p.
- 88, et HURTAUT, _Dictionnaire de la ville de Paris_, t. III, p.
- 230.
-
- [494] DU PÉROU, _Mémoires de madame de Maintenon_, p. 49 et 50.
-
- [495] TALLEMANT DES RÉAUX, _les Historiettes_, t. V, p. 263,
- édit. in-8º, et t. IX, p. 129, édit. in-12. Historiette du petit
- Scarron.
-
- [496] MADAME DU PÉROU, _Mémoires sur madame de Maintenon_, p.
- 19.--,LA BEAUMELLE, _Mémoires pour servir à l'hist. de madame de
- Maintenon_, t. II, p. 110.
-
- [497] _Mémoires sur Sévigné_, 1re partie, p. 230, ch. XVI.
-
- [498] MAINTENON, _Lettres_, t. I, p. 37 et 38, édit. 1756;
- _ibid._, t. I, p. 37, édit. 1752; _ibid._, p. 30 et 31, édit.
- 1753.
-
- [499] SCARRON, _Œuvres_, 1737, t. I, p. 48.--_Les dernières
- Å’uvres de Monsieur_ SCARRON (_sic_), t. I, p. 34, Paris, 1669,
- in-12 (lettre au marquis de Villarceaux).
-
- [500] SCARRON, _Œuvres_, t. I, p. 46 (lettre à la marquise de
- Villarceaux, p. 48, lettre au marquis de Villarceaux).--_Ibid._,
- _les dernières Œuvres de M._ SCARRON, 1669, in-12, p. 25 et 31.
-
- [501] MAINTENON, _Lettres_ (8 mars 1666), _ibid._, édit.
- d'Amsterdam, chez Sweares, t. I, p. 32; édit. 1756, t. I, p. 37
- et 38, Amsterdam, aux dépens de l'éditeur.--_Ibid._, édit. de
- Nancy, 1752, in-12, p. 37; édit. de Dresde, in-12, p. 31; édit.
- de Léopold Collin, Paris, 1806, t. I, p. 33.--DRET, _Mémoires de
- madame de Lenclos_, 1751, in-18, p. 74, à tort contredit par LA
- BEAUMELLE, _Mémoires sur Maintenon_, t. I, p. 217.--DOUXMESNIL,
- _Mémoires et Lettres de Lenclos_, 1751, p. 22.--TALLEMANT, t. I,
- p. 130.
-
- [502] Conférez _Mémoires sur Sévigné_, 2e partie, p. 468-9, ch.
- XXXIV.--TALLEMANT DES RÉAUX, _Historiettes_, t. V, p. 262, édit.
- 1834; t. IX, p. 128, édit. in-12.--VOLTAIRE, _Œuvres_, t. XXXIX, p.
- 404.
-
- [503] MAINTENON, _Lettres_, t. I, p. 28, édit. 1756 (27 août
- 1607, à madame de Villarceaux).
-
- [504] TALLEMANT DES RÉAUX, _Historiettes_, édit. in-12.
- Historiette de Scarron, t. IV, p. 128; t. V, p. 262 de l'édition
- in-8º.
-
- [505] CAYLUS, _Mém._, collect. Petitot, t. LXVI, p.
- 420.--_Ibid._, édit. de Voltaire, au château de Ferney, 1770, p.
- 76 et 77, et la note de Voltaire.--_Ibid._, édit. Renouard, 1806,
- in-12, p. 148.
-
-Singulier mélange de contrastes et de ressemblances que les destinées de
-Françoise d'Aubigné et de Ninon de Lenclos! Toutes deux parvinrent à un
-grand âge, toutes deux restèrent longtemps unies, et durent cesser de se
-voir sans cesser de ressentir l'amitié qui les avait rapprochées. Leurs
-attraits, leur art de plaire, leur rare esprit de conduite, la sûreté de
-leur commerce, firent le charme des sociétés de leur temps. Toutes deux
-devinrent célèbres et se concilièrent, à des degrés divers et par des
-moyens différents, la considération du monde. L'une ne s'est jamais
-départie de la philosophie épicurienne, qui permettait tout aux
-passions; l'autre fut constamment fidèle à la religion, qui ne leur
-permettait rien. L'une fut le modèle de son sexe; malheur à toute femme
-qui, séduite par le succès de l'autre, oserait la prendre pour
-modèle[506]!
-
- [506] Conférez ces _Mémoires sur Sévigné_, 4e partie, p. 111;
- _ibid._, 1re partie, p. 236-243, 254-263.
-
-La mort de la reine mère, au mois de janvier 1666, enleva à madame
-Scarron la pension qu'elle recevait, et la misère retomba sur elle de
-tout son poids. Elle se vit forcée d'avoir recours à ses anciennes
-protectrices. Toutes s'employèrent pour obtenir le rétablissement de sa
-pension. Louis XIV fut fatigué des sollicitations des femmes de sa cour
-en faveur de la veuve de Scarron. Colbert était là, et le jeune roi
-ferme encore dans la résolution que le ministre lui avait inspirée de ne
-pas charger le trésor de dépenses inutiles et improfitables. Le nom de
-l'auteur de la _Mazarinade_[507] faisait d'ailleurs sur le monarque une
-désagréable impression: il refusa. Le grand personnage qui avait voulu
-épouser Françoise d'Aubigné crut l'occasion favorable pour s'offrir de
-nouveau[508], et elle se trouva encore, comme avant son mariage avec
-Scarron, forcée de choisir entre le couvent ou un époux. Elle rejeta
-l'un et l'autre. Pour ne recevoir de dons de personne, elle se détermina
-à prendre un parti violent qui lui coûtait beaucoup, puisqu'il lui
-enlevait son indépendance, rompait toutes ses habitudes et des liens
-d'amitié qui lui étaient chers: elle résolut de s'exiler. La princesse
-de Nemours allait épouser Alphonse VI, roi de Portugal: Françoise
-d'Aubigné consentit à la suivre à Lisbonne, en se plaçant sous les
-ordres de sa _donna cameira_[509] ou dame d'honneur. La nouvelle de ce
-départ émut ses nombreux amis «de la Place-Royale et de Saint-Germain,»
-c'est-à-dire de la ville et de la cour.
-
- [507] SCARRON, _Œuvres_, édit. 1737, t. IX, p. VI, VII.
-
- [508] LA BEAUMELLE, _Mémoires pour servir à l'hist. de madame de
- Maintenon_, liv. VI, c. IV, t. II, p. 109.
-
- [509] MAINTENON, _Lettres_, t. I, p. 41, édit. 1656; _ibid._, p.
- 38, édit. 1758; _ibid._, t. I, p. 35, Nancy, 1752; _ibid._, p.
- 41, Dresde, 1753; _ibid._, t. I, p. 39, édit. de 1806. Dans les
- éditions seules de 1752 et 1753 la lettre est complétement datée
- (30 juin 1666), et il y a _dona almera_.
-
-Madame de Montespan, que sa sœur madame de Thianges, le maréchal
-d'Albret et Villeroi avaient informée de ce départ, s'y opposa. Elle
-obtint pour madame Scarron le rétablissement de sa pension et un
-gracieux accueil du roi[510], qui doublait le prix de cette faveur. La
-reconnaissance de Françoise d'Aubigné pour madame de Montespan fut
-proportionnée au service qu'elle lui avait rendu. Madame Scarron n'avait
-pas sans terreur prévu les privations qu'elle s'imposait en quittant la
-France, en s'éloignant de tout ce qui lui faisait aimer la vie. Quoique
-sa piété se fût accrue par la douleur d'avoir perdu sa protectrice et
-avec elle ses moyens d'existence, elle ne pouvait, même avec le secours
-du sévère confesseur[511] qu'elle s'était choisi, dompter cette
-coquetterie naturelle aux femmes que leur beauté ou les charmes de leur
-esprit ont habituées aux douceurs d'une société aimable et polie, dont
-elles accroissent la joie par leur seule présence. Françoise d'Aubigné
-pratiquait très-bien, par des moyens dont la pureté d'intention lui
-déguisait le danger, cet art que l'exemple de Ninon, plus âgée et plus
-avancée qu'elle dans la science du monde, lui avait enseigné, de
-désintéresser ceux qu'elle désirait s'attacher, en les forçant de
-préférer à l'enivrement produit par ses grâces et ses attraits la douce
-séduction de l'estime et de la confiance que leur inspiraient son
-esprit, son abandon aimable et sa solide raison.
-
- [510] _Mémoires sur Sévigné_, 3e partie, p. 95 à 97.
-
- [511] MAINTENON, _Lettres_, édit. 1756, t. II, p. 1 à 96 (à
- l'abbé Gobelin).--Madame DU PÉROU, _Mém. de madame de Maintenon_,
- p. 54 à 58.
-
-Madame de Montespan avait travaillé pour elle-même en obligeant madame
-Scarron; celle-ci lui plut par ses entretiens enjoués, par sa
-discrétion, son tact délicat des convenances, son aversion pour les
-grandes affaires de la politique, son éloignement pour les intrigues de
-cour, qui étaient pour madame de Montespan une occupation
-principale[512]. Ce qui surtout, dans Françoise d'Aubigné, charmait
-madame de Montespan, c'était cette morale toute chrétienne, stricte,
-mais non austère, qu'elle se plaisait à considérer comme un refuge
-assuré dans un avenir lointain. Françoise d'Aubigné avait moins de
-brillant, moins de soudaineté et d'originalité dans l'esprit que
-Montespan, mais plus de justesse, de discernement et de finesse. Dégagée
-qu'elle était du joug des passions, elle avait dans les idées et dans
-les sentiments une netteté, une sûreté de jugement, une constance et une
-rectitude d'action que ne possédait pas madame de Montespan, sans cesse
-en proie aux agitations et aux inquiétudes de l'amour, de la jalousie,
-de l'ambition. Montespan d'ailleurs était moins instruite que Françoise
-d'Aubigné, qui écrivait avec cette facilité et cette grâce particulières
-à plusieurs femmes de ce temps et avec l'exactitude grammaticale d'un
-académicien. Par ce talent, par ses connaissances pratiques de la
-science domestique, par ses qualités essentielles comme par celles qui
-sont frivoles, madame Scarron se rendit indispensable à madame de
-Montespan, qui ne s'en séparait qu'avec peine. Tant que dura l'éducation
-du duc du Maine et avant qu'à l'âge de dix ans il fût remis entre les
-mains des hommes, madame Scarron demeura à la cour, dans les
-appartements de madame de Montespan[513], et fut initiée à tous les
-secrets de sa vie intérieure, à toutes les particularités de sa liaison
-avec le roi, et souvent consultée avec fruit. Elle sut profiter de la
-confiance qu'elle avait obtenue pour favoriser l'élévation des grands
-personnages qui l'avaient aidée au temps de sa détresse. Les d'Albret,
-les Richelieu, les Montchevreuil et autres[514] usèrent avantageusement
-de la facilité qu'elle avait de se faire écouter. On peut même affirmer
-que jamais son influence sur Louis XIV ne fut plus grande que
-lorsqu'elle s'exerçait par le crédit d'une autre. On ne l'ignorait pas;
-et jamais on ne fut plus empressé auprès d'elle, jamais elle ne se fit
-plus d'amis et ne rendit plus de services que lorsqu'elle ne pouvait
-rien par elle-même et ne voulait rien pour elle-même. Le roi,
-qu'importunait sa présence lorsqu'il aurait désiré être seul avec sa
-maîtresse, ne s'habitua que difficilement, et non sans une sorte de
-jalousie, à voir madame de Montespan prendre tant de plaisir dans le
-commerce intime d'une femme si bien connue pour la sévérité de ses
-principes[515]. Les premiers dons de Louis XIV à Françoise d'Aubigné,
-après le rétablissement de sa pension, ne furent dus qu'à l'importunité
-de Montespan; ce fut elle qui insista fortement, et sans y être excitée
-par personne, pour que son amie, sa protégée reçût, par l'achat et la
-possession d'une terre, un titre et un nom plus convenable que celui de
-veuve Scarron[516].
-
- [512] CAYLUS, _Souvenirs_, p. 66, édit. Raynouard, 1806; collect.
- Petitot, t. LXVI, p. 270; _ibid._, p. 13 de l'édition de
- Voltaire, du château de Ferney, 1770, in-12.--Madame DU PÉROU,
- _Mémoires de madame de Maintenon_, 1846, p. 44, 47 et
- 48.--MAINTENON, _Lettres à la princesse des Ursins_, 30 septembre
- 1713, t. II, p. 440.
-
- [513] DU PÉROU, _Mém. sur madame de Maintenon_, p. 44-8,
- 235.--MAINTENON, _Lettres à la princesse des Ursins_, Paris,
- 1806, in-8º (10-11 septembre 1805), t. III, p. 218.
-
- [514] Madame DU PÉROU, _Mémoires de madame de Maintenon_, 1846,
- in-12, p. 21 et 22.
-
- [515] Conférez _Mémoires sur Sévigné_, 3e partie, p.
- 62-95-97-279.
-
- [516] SAINT-SIMON, _Mémoires complets et authentiques_, édit.
- 1829, t. XIII, p. 102 et 103.
-
-Mais alors tout était changé pour Françoise d'Aubigné; elle s'était
-chargée d'élever les enfants du roi et de Montespan. Sa destinée fut
-fixée[517] selon ses désirs, selon ses goûts, selon sa vocation. Elle
-était par là appelée à faire le meilleur emploi de ses éminentes
-facultés, à donner tous les soins d'une tendre mère aux enfants de son
-roi[518], à leur inculquer les vérités de la foi, à diriger leurs
-premiers penchants, à guider leurs premiers pas dans ce monde splendide
-et corrompu où ils devaient apparaître, à recueillir enfin pour
-récompense, pour prix des soins qu'elle leur donnait l'affection et le
-respect de leur âge mûr. Elle se promettait, par leur moyen, d'obtenir
-un salutaire ascendant sur l'esprit de leur mère, de cette belle
-Mortemart, qu'elle avait connue autrefois si jeune, si vertueuse, si
-fortement imbue des principes de religion qu'elle conservait encore.
-Françoise d'Aubigné espérait payer ainsi les bienfaits qu'elle pourrait
-recevoir de Louis XIV par des bienfaits plus grands, et devenir un des
-humbles instruments que Dieu avait choisis pour ramener dans la voie du
-salut le plus grand des souverains.
-
- [517] Conférez _Mémoires sur Sévigné_, 3e partie, p. 213-215.
-
- [518] Conférez _Mémoires sur Sévigné_, 4e partie, p. 144.
-
-Tels étaient les projets de la veuve Scarron; on sait le courage et
-l'habileté qu'elle mit à les exécuter. Les commencements répondirent à
-ses ambitieuses espérances: l'éducation du jeune duc du Maine fut, de la
-part du roi, récompensée par des dons qui mirent pour toujours Françoise
-d'Aubigné à l'abri du besoin dont elle avait si longtemps souffert. Elle
-put acheter (le 27 décembre 1674) la terre de Maintenon[519], qui était
-un marquisat; le roi lui donna lui-même le titre de marquise de
-Maintenon. Sous l'éclat de ce dernier nom disparut alors celui de
-Scarron: il ne servit plus qu'à marquer dans l'histoire la distance
-prodigieuse qu'a franchie Françoise d'Aubigné pour parvenir à la
-miraculeuse élévation où elle s'est trouvée portée.
-
- [519] MAINTENON, _Lettres_ (Saint-Germain, le 10 novembre 1674),
- t. I, p. 106, édit. 1756.--_Ibid._ (16 juillet 1674), t. II, p.
- 6. Lettre à l'abbé Gobelin.--Duc DE NOAILLES, _Histoire de madame
- de Maintenon_, 1848, in-8º, t. I, p. 485.
-
-Elle avait réussi du côté du roi dans le plan qu'elle s'était tracé;
-mais c'est à l'époque même de ses premiers succès qu'elle fut sur le
-point d'échouer et qu'elle parut résolue à quitter la cour, à se
-renfermer dans son château ou dans une maison religieuse, à faire une
-retraite qui ne lui fit rien perdre des éloges et de la considération du
-monde, dont elle était de plus en plus jalouse[520].
-
- [520] MAINTENON, _Lettres_ (Saint-Germain, 31 octobre 1674), t.
- II, p. 21 et 22 de l'édit. 1806; _ibid._, t. II, p. 11 et 12,
- édit. 1756.
-
-Madame de Montespan, comme toutes les femmes que leurs passions, leurs
-plaisirs ou leur ambition entraînent dans le mouvement rapide du monde,
-prenait peu de souci de ses enfants, et trouvait très-bon qu'ils
-préférassent à leur mère celle qui s'occupait d'eux sans cesse et qui
-les élevait avec un zèle éclairé. Françoise d'Aubigné, d'ailleurs, avait
-soin d'assujettir ses élèves aux démonstrations d'une tendresse
-respectueuse envers leurs augustes parents; mais l'accomplissement de ce
-devoir ressemblait peu à l'amoureuse soumission qu'ils témoignaient pour
-leur gouvernante. Elle se montra très-habile à inspirer à l'aîné de ces
-enfants les saillies charmantes d'un esprit enfantin; et on peut juger
-avec quelle mesure, quelle délicatesse elle savait se servir de
-l'intelligence précoce de cet enfant pour flatter sa mère quand on a lu
-les quelques pages intitulées: _Œuvres diverses d'un auteur de sept
-ans_, qu'elle fit imprimer à un petit nombre d'exemplaires, et dont elle
-composa l'épître dédicatoire adressée à madame de Montespan[521].
-
- [521] _Å’uvres diverses d'un auteur de sept ans, ou recueil des
- ouvrages de M. le duc_ DU MAINE, _qu'il a faits pendant l'année
- 1677 et dans le commencement de l'année 1678_, Paris,
- in-4º.--Conférez _Nouvelles de la république des lettres_,
- février 1685, t. IV, 2e édit., 1686, p. 203 à 209. L'épître
- dédicatoire se trouve dans les _Lettres_ DE MAINTENON, édit.
- 1806, t. I, p. 54.
-
-
-L'accord de madame de Montespan et de Françoise d'Aubigné fut parfait
-tant que les enfants restèrent en bas âge et lorsqu'ils ne réclamaient
-que des soins matériels; mais il n'en fut pas de même lorsque le secret
-de leur naissance eut été dévoilé et quand le duc du Maine, ayant paru à
-la cour, eut attiré l'attention du roi; quand la gouvernante lui eut
-donné le Ragois, neveu de son confesseur, pour précepteur, et eut
-annoncé l'intention de diriger entièrement son éducation. Madame de
-Montespan voulut s'en mêler; elle éprouva de la résistance. Françoise
-d'Aubigné soutenait qu'elle ne devait compte qu'au roi de ses enfants,
-parce qu'elle n'avait consenti à se charger de leur éducation qu'à cette
-condition. Madame de Montespan, qui jusqu'ici avait traité en amie la
-gouvernante, voulut avec hauteur exercer son autorité. Françoise
-d'Aubigné faisait en quelque sorte partie du ménage du roi et de madame
-de Montespan. Le roi, qui avait l'habitude de les voir ensemble toujours
-unies, fut surpris et ennuyé de leurs fréquentes altercations[522]; et
-quoiqu'il eût plus qu'aucun homme au monde un tact sûr pour discerner
-promptement tous les genres de mérite et qu'il eût conçu de celui de la
-gouvernante une idée supérieure encore aux éloges qu'on lui en avait
-faits, cependant, comme il était dans le paroxysme de son amour pour
-Montespan, il préféra donner à celle-ci la permission de la renvoyer.
-Mais il n'était pas facile à madame de Montespan d'user de cette
-faculté: désormais elle avait plus besoin de madame de Maintenon que
-madame de Maintenon n'avait besoin d'elle.
-
- [522] MAINTENON, _Lettres_, édit. de Dresde, 1753, in-12, p. 48
- et 50 (à l'abbé Gobelin, 6 mai et 16 juin 1671, lisez 1673);
- _ibid._, édit. de Nancy, 1752, petit in-12, t. I, p. 54 et 57;
- _ibid._, édit. in-12, 1756, grand vol., p. 9-12-14 (31 octobre et
- novembre 1674); édit. 1806, t. I, p. 18-23. Les dates de l'année
- sont inexactes.
-
-Madame de Montespan comprenait très-bien qu'elle causerait un chagrin
-profond à ses enfants si elle les privait d'une gouvernante aussi
-tendrement aimée et qu'il eût été impossible de remplacer. Mais c'était
-surtout pour elle-même qu'elle désirait garder celle qu'elle avait été
-habituée à considérer comme son amie, celle qui l'aidait toujours à
-détruire dans l'esprit du roi le mauvais effet de ses caprices et de ses
-humeurs, à rompre la monotonie des tête-à-tête et à dissiper les ennuis
-et les tristesses de son intérieur.
-
-D'ailleurs, quoique le parti religieux fût contraire à madame de
-Montespan, il la ménageait précisément à cause de l'étroite liaison qui
-existait entre elle et madame de Maintenon; et celle-ci, par cette
-intimité même, avait acquis à la cour une importance au-dessus du rang
-qu'elle y occupait: en la disgraciant, madame de Montespan eût
-mécontenté le parti qu'elle désirait ménager dans l'intérêt de sa
-conscience et de celle du roi. Ainsi madame de Montespan renonça à
-l'idée de renvoyer la gouvernante; mais elle résolut de l'éloigner de la
-cour en lui procurant un établissement. Elle détermina le vieux duc de
-Villars-Brancas à demander sa main[523]. Françoise d'Aubigné refusa ce
-parti. Madame de Montespan dissimula, et continua, en présence du roi, à
-traiter madame de Maintenon en amie; elle chercha à la réduire à plus
-d'obéissance et de soumission par le moyen du roi lui-même. Elle avait
-observé que, malgré son humilité chrétienne, Françoise d'Aubigné
-ambitionnait surtout l'approbation et l'estime du roi, et que les éloges
-qu'il lui donnait ou qu'il faisait de son élève le duc du Maine
-«chatouillaient de son cœur l'orgueilleuse faiblesse.»
-
- [523] SAINT-SIMON, _Œuvres complètes_, t. XIII, p. 104.
-
-Ce ne fut plus qu'en l'absence du roi que Montespan se permit envers
-elle ces hauteurs insultantes et ces exigences humiliantes qui la
-blessaient au cœur; de sorte qu'il fut facile à la favorite, quand elle
-était mécontente de la gouvernante, de lui donner tous les torts dans
-l'esprit du monarque. C'est ainsi que, selon que Montespan était
-satisfaite ou mécontente, la gouvernante recevait de Louis XIV un
-accueil plus ou moins gracieux, plus ou moins froid, ou tout à fait
-glacial. Ainsi agitée par des alternatives de crainte et d'espérance, et
-dans l'incertitude de savoir si elle plaisait ou si elle
-déplaisait[524], Françoise d'Aubigné, dont la fierté se révoltait de
-voir ses services méconnus, résolut de saisir la première occasion pour
-avoir une explication franche et hardie avec Louis XIV[525], de demander
-à se retirer de la cour et à cesser de diriger l'éducation des princes
-si elle restait sous la dépendance de madame de Montespan, ou à
-continuer de faire sa charge si elle avait permission de n'obéir qu'au
-roi et de correspondre directement avec lui. Cette occasion se trouva,
-cette explication eut lieu[526] à la grande satisfaction du roi:
-Françoise d'Aubigné, devenue madame de Maintenon, redoubla d'égards
-envers madame de Montespan, et leur amitié ne parut en rien altérée. La
-passion du roi pour cette dernière continuait toujours aussi vive, et la
-division qui existait entre elle et madame de Maintenon se déroba
-longtemps aux regards jaloux et envieux des courtisans.
-
- [524] MADAME DU PÉROU, _Mém. de madame de Maintenon_, p. 19.--$1,
- _Mém. p. s. à l'hist. de madame de Maintenon_, t. II, p.
- 110.--Monmerqué, SÉVIGNÉ, t. VI, p. 240 et 379, note sur la
- lettre du 19 avril 1680.--TALLEMANT DES RÉAUX, _Historiettes_,
- II, 139, édit. in-8º; _ibid._, III, édit. in-12, p. 135.--MADAME
- DU PÉROU, _Mém. sur madame de Maintenon_, p. 19.--LA BEAUMELLE,
- _Mémoires pour servir à l'histoire de madame de Maintenon_, t.
- II, p. 110.
-
- [525] MAINTENON, _Lettres_ (14 juillet, 31 octobre 1674), t. II,
- p. 21 et 22 de l'édit. 1806; _ibid._, t. II, p. 11 et 12 de
- l'édit. d'Amsterd., 1756.
-
- [526] Mesdames DU PÉROU et GLAPION, _Mémoires sur madame_ DE
- MAINTENON, recueillis par les dames de Saint-Cyr, 1846, in-12, p. 22.
-
-Ce secret ne commença à percer que lors du voyage de madame de Maintenon
-et du duc du Maine à Baréges.
-
-Le duc du Maine avait eu pendant sa dentition des convulsions qui lui
-avaient raccourci une jambe. Il fut décidé qu'on conduirait le jeune
-prince à Anvers pour consulter un médecin renommé de cette ville.
-Françoise d'Aubigné prit le nom de marquise de Surgères, et partit
-incognito avec son élève. Elle arriva à Anvers au milieu d'avril 1674.
-De là elle écrivit à madame de Montespan et au roi, et revint
-s'installer à Versailles[527]. Le jeune prince revint d'Anvers plus
-boiteux qu'il n'était avant de partir, ce qui nécessita deux voyages à
-Baréges qui eurent le plus heureux succès. Dans ces deux voyages,
-madame de Maintenon rendait compte de la santé du prince au roi et à sa
-mère. C'est par cette correspondance que Louis XIV put apprécier tout
-l'esprit et le talent d'écrire de madame de Maintenon. Ce roi, si habile
-à discerner dans ceux qui l'approchaient tous les genres de mérite,
-reconnut que cette gouvernante était capable de développer dans celui de
-ses fils qu'il chérissait le plus, non-seulement les grâces de l'enfant,
-mais aussi les qualités de l'homme, et de le rendre par là digne du rang
-qu'il devait occuper. Louis XIV sut comprendre que la nécessité, cette
-mère des grands succès, et la religion, cette consolatrice de l'âme, ne
-formèrent jamais de femme plus judicieuse, plus instruite, plus
-énergique, plus involontairement gracieuse, plus naturellement vertueuse
-que celle qu'avait choisie Montespan pour élever les enfants qu'il avait
-eus d'elle.
-
- [527] MAINTENON, _Lettres_ (18 avril 1674), édit. 1756, t. I, p.
- 52 et 53.--_Mémoires de madame_ DE MAINTENON, recueillis par les
- dames de Saint-Cyr, 1846, in-12, p. 17.--MONTPENSIER, _Mémoires_,
- collection Petitot, t. XLIII, p. 403.--CAYLUS, _Souvenirs_, t.
- LXVI, p. 391.--Les Mémoires manuscrits de mademoiselle D'AUMALE,
- cités à cet endroit par M. Monmerqué, _ibid._, p. 40 de l'édit.
- de Voltaire, au château de Ferney, 1770, édit. in-12.
-
-En l'année 1675, le mercredi des Cendres, ou l'ouverture du carême,
-était le 27 février, et Pâques le 14 avril; c'est dans cet intervalle
-qu'a eu lieu le refus d'absolution dont nous avons raconté les
-circonstances.
-
-Madame de Maintenon était aux eaux de Baréges lorsqu'elle apprit ce qui
-se passait à la cour et dans le camp du roi, le projet de séparation des
-deux amants et leurs pieuses résolutions; il n'est pas douteux qu'elle
-dut alors en féliciter madame de Montespan et le roi lui-même, auquel
-elle rendait compte, dans des lettres qui quelquefois avaient huit ou
-dix pages, de tout ce qui concernait les voyages entrepris pour la santé
-du duc du Maine[528]. Elle écrivit à plusieurs personnes, on n'en peut
-douter, sur ce sujet important pour elle-même et pour l'intérêt de ses
-élèves, qu'elle chérissait comme une mère[529]; on la désabusa, et on
-lui apprit que Montespan cherchait de nouveau à passionner le roi. Ce
-fut alors que commença à percer un secret jusqu'ici caché soigneusement
-à toute la cour: ce secret était le désaccord de madame de Montespan et
-de madame de Maintenon et la révélation de la cause qui avait produit
-cette mésintelligence. Madame de Sévigné se hâta, aussitôt qu'elle le
-connut, d'en instruire sa fille.
-
- [528] PELLISSON, _Lettres historiques_ (3 juin 1675, du camp de
- Latines), t. II, p. 277.
-
- [529] MAINTENON, _Lettres à l'abbé Gobelin_ (8 mai 1675), in-12,
- t. II, p. 32.
-
-«Je veux vous faire voir un petit dessous de cartes qui vous surprendra:
-c'est que cette belle amitié de _Quantova_ (madame de Montespan) et de
-son amie (madame de Maintenon) qui voyage est une véritable aversion
-depuis près de deux ans; c'est une aigreur, une antipathie; c'est du
-blanc, c'est du noir. Vous demandez d'où vient cela? C'est que l'amie
-est d'un orgueil qui la rend révoltée contre les ordres de _Quanto_;
-elle n'aime pas à obéir; elle veut bien être au père, mais non pas à la
-mère; elle fait le voyage à cause de lui, et point du tout pour l'amour
-d'elle; elle rend compte à l'un, et point à l'autre: on gronde l'ami (le
-roi) d'avoir trop d'amitié pour cette glorieuse; mais on ne croit pas
-que cela dure, à moins que l'aversion ne se change ou que le bon succès
-d'un voyage ne fît changer ces cœurs. Ce secret roule sous terre
-depuis plus de six mois; il se répand un peu, et je crois que vous en
-serez surprise. Les amis de l'amie en sont assez affligés[530].»
-
- [530] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 août 1675), t. III, p. 501, édit. G.;
- t. III, p. 362, édit. M.
-
-Les amis de madame de Montespan, comme ceux de madame de Maintenon,
-étaient également intéressés à déguiser cette désunion et à la nier. Le
-crédit des uns et des autres s'affaiblissait par celui que madame de
-Maintenon cessait d'avoir auprès de madame de Montespan, et par
-l'atteinte que portait au pouvoir de celle-ci, sur l'esprit du roi, la
-désapprobation de madame de Maintenon, estimée de toute la cour.
-
-Quinze jours après cette lettre, madame de Sévigné apprend à sa fille
-que les amis de madame de Maintenon nient qu'il y ait aucune altercation
-sérieuse entre elle et Montespan; et ceci indique les progrès que
-faisait cette dernière pour enflammer de nouveau le roi lorsqu'il allait
-lui rendre visite.
-
-«Les amis de la _voyageuse_, voyant que le dessous des cartes se répand,
-affectent fort d'en rire et de tourner cela en ridicule, ou bien
-conviennent qu'il y a eu quelque chose, mais que tout est accommodé. Je
-ne réponds ni du présent ni de l'avenir dans un tel pays; mais du passé,
-je vous en assure... Pour la souveraineté, elle est établie comme depuis
-Pharamond. Madame de Montespan joue en robe de chambre avec les dames du
-château (les dames du palais, dont elle faisait partie), qui se trouvent
-trop heureuses d'être reçues et qui souvent sont chassées par un clin
-d'œil qu'on fait à la femme de chambre[531].»
-
- [531] _Lettres de madame_ DE RABUTIN-CHANTAL, _marquise_ DE
- SÉVIGNÉ, _à madame la comtesse de Grignan, sa fille_; la Haye,
- 1726, in-12, t. II, p. 55, mercredi 19 août (_corrigez_ 21 août)
- 1675. Dans toutes les autres éditions, sans exception, le texte
- de cet important passage. est faux ou défiguré. Les notes de ces
- éditions doivent disparaître.
-
-Les dernières nouvelles que madame de Sévigné transmet à sa fille
-prouvent qu'au commencement de septembre madame de Montespan n'était pas
-encore parvenue à faire changer le roi de résolution et qu'elle
-craignait, en pressant trop vivement la conclusion de son rappel à la
-cour, de perdre la confiance et l'estime du monarque.
-
-«Il est certain, dit madame de Sévigné, que l'ami et _Quanto_ sont
-véritablement séparés; mais la douleur de la demoiselle est fréquente,
-et même jusqu'aux larmes, de voir à quel point l'ami s'en passe bien; il
-ne pleurait que sa liberté, et ce lieu de sûreté contre la dame du
-château (la reine): le reste, pour quelque raison que ce puisse être, ne
-lui tenait plus au cœur. Il a retrouvé cette société qui lui plaît; il
-est gai et content de n'être plus dans le trouble, et l'on tremble que
-cela ne veuille dire une diminution, et l'on pleure; et si le contraire
-était, on pleurerait et on tremblerait encore: ainsi le repos est banni
-de cette place. Voilà sur quoi vous pouvez faire vos réflexions, comme
-sur une vérité; je crois que vous m'entendez[532].»
-
- [532] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 septembre 1675), t. IV, p, 94, édit.
- G.; t. III, p. 464, édit. M.
-
-Cette situation ne pouvait durer. Les charmes séducteurs de Montespan,
-le son de sa voix, le feu de ses regards, les amusants sarcasmes de son
-brillant esprit, sa folle gaieté, sa tristesse et ses larmes domptèrent
-bientôt le courage de Louis XIV. Les divertissements du théâtre, auquel
-il ne voulut jamais renoncer; la musique de Lulli, les vers de Quinault,
-les danses voluptueuses de leurs drames magiques, l'indulgence
-intéressée du P. la Chaise facilitèrent le triomphe de Montespan, qui
-fut enfin complet. La date et la durée de ce triomphe furent révélées au
-monde le 9 mai 1677 par la naissance de la seconde mademoiselle de
-Blois, depuis femme du régent, qui fut si laide, et, le 6 juin 1678, par
-celle du comte de Toulouse, qui fut si beau. La naissance de
-mademoiselle de Tours, morte jeune, venue à terme au mois de janvier
-1676, prouva aussi que l'intimité de madame de Montespan avec Louis XIV
-était aussi forte après son retour de l'armée qu'avant le départ.
-
-Tout était donc ramené sur l'ancien pied lorsque la _voyageuse_ revint
-avec son élève le duc du Maine. Comme elle n'avait jamais varié dans sa
-conduite et dans son langage, elle se retrouva aussi bien établie à la
-cour que lorsqu'elle l'avait quittée, et même mieux. Son absence lui
-avait profité en nécessitant une correspondance directe avec le roi.
-L'espoir que le parti religieux avait fondé sur son influence s'accrut
-encore par la part qu'elle avait eue dans le succès momentané de ce
-parti. On connaissait Louis XIV, dont rien n'ébranlait l'opinion pour
-ceux qui avaient su mériter son estime. On savait que la nature de
-sentiments exempts de toute faiblesse que lui inspirait madame de
-Maintenon était entièrement étrangère à celle qui, par une force
-irrésistible, l'entraînait vers madame de Montespan ou vers toute autre
-femme.
-
-
-
-
-CHAPITRE XII.
-
-1675-1676.
-
- Turenne est tué.--Effet que produit cette nouvelle.--Lettres
- écrites par madame de Sévigné à ce sujet.--La guerre se
- rallume.--On crée de nouveaux maréchaux.--Le marquis de Rochefort
- est nommé, par l'influence de sa femme, maréchal de France, avec
- sept autres lieutenants généraux.--Il meurt.--Détails sur la
- maréchale de Rochefort.--Elle devient la maîtresse de Louvois.--Son
- crédit à la cour.--La révolte continue à Rennes.--Madame de Sévigné
- se décide à partir.--Motifs des regrets qu'elle a de quitter
- Paris.--Dérangement de sa santé.--Elle consulte Bourdelot.--Elle va
- revoir Livry.--Elle recommence ses lamentations sur la mort de
- Turenne.--Elle se rend à Orléans.--S'embarque sur la
- Loire.--Entrevue au château de l'abbé d'Effiat.--Elle arrive à
- Nantes.--Souvenirs que ce voyage lui rappelle.--Elle avait mis sa
- fille au couvent à Nantes.--Souvenirs devant Blois.--Elle arrive à
- la Seilleraye.--Récit rétrospectif.--Faits importants relatifs à la
- jeunesse de madame de Sévigné rectifiés à propos de ces
- souvenirs.--Date de la naissance et de la mort de Sévigné le
- fils.--Date de la naissance de madame de Grignan.--Celle-ci est née
- avant son frère.--Date du premier voyage de madame de Sévigné à
- Nantes.--Age qu'avait mademoiselle de Sévigné quand elle parut dans
- le ballet des Arts et quand elle épousa le comte de Grignan.--Duel
- de Sévigné avec du Chastellet.--Célébration du mariage de Sévigné
- avec Marie de Rabutin-Chantal.--Liaison de la famille d'Ormesson et
- de celle de madame de Sévigné.--Madame de Sévigné va aux Rochers et
- revient à Paris.--S'occupe d'un procès,--de ses plaisirs,--de
- l'Opéra,--et est lancée dans les intrigues de la Fronde.--Détails
- fournis par les Mémoires d'Ormesson sur cette époque de la vie de
- madame de Sévigné et sur les événements.--Récit sur un des
- domestiques de madame de Sévigné qui devint fou furieux, et sur
- lequel on opéra la transfusion du sang.
-
-
-Le vif intérêt qu'excitait dans le grand monde la nouvelle de la
-dissension des deux femmes qui approchaient le plus souvent le roi fut
-tout à coup absorbé par une autre nouvelle, désastreuse, terrible, qui
-frappa de stupeur la France entière et retentit aussitôt dans toute
-l'Europe[533]. Ce fut celle de ce boulet qui, tiré au hasard près du
-village de Sasbach, dans l'État de Bade, le 27 juillet 1675, frappa
-Turenne et le tua[534].
-
- [533] L'annonce dans la _Gazette_ est du 9 août 1675, no 78, p.
- 582. Il est dit que le roi en avait reçu la nouvelle le 29
- juillet, à Versailles.
-
- [534] S.-H*** (SAINT-HILAIRE), _Mémoires_, 1756, in-12, t. I, p.
- 104.--_Recueil de lettres pour servir d'éclaircissements à
- l'histoire militaire du règne de Louis XIV_, 1761, in-12, t. III,
- p. 216.--RAMSAY, _Histoire du vicomte de Turenne_, 1773, in-12,
- liv. VI, t. II, p. 342; _id._, 1735, in-4º, t. I, p.
- 581.--RAGUENET, _Histoire de Turenne_, 1732, in-12, t. II, p.
- 105.
-
-Ce ne fut pas à sa fille, ce ne fut pas à une femme, mais à des hommes,
-à des militaires, à Bussy, au comte de Grignan que madame de Sévigné
-adressa ces admirables lettres où elle peint sa douleur, celle du roi,
-les larmes de toute la cour, la tristesse de Bossuet, l'abasourdissement
-des habitants de Paris, s'attroupant à l'entour de l'hôtel du
-héros[535]; la consternation et la fureur de sa brave armée; la terreur
-des campagnes des bords du Rhin, tranquilles et rassurées par Turenne
-contre les invasions de l'ennemi, désormais exposées à ses féroces
-représailles; l'effroi de la France entière, et cette vive, cette
-universelle émotion causée par la perte d'un seul homme. «Mais cet
-homme, disait madame de Sévigné, était le plus grand capitaine et le
-plus honnête homme du monde[536].»
-
- [535] Cet hôtel, construit sur le plan de Gomboust et indiqué
- comme appartenant en 1652 à un M. de Levassier, était rue
- Saint-Louis, au Marais, au coin de la rue Saint-Claude. (Voy.
- Jaillot, _Recherches sur Paris_, quartier du Temple, p. 18.)
-
- [536] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 juillet 1675), t. III, p. 477 et
- 478, édit. G.; _idem_, t. III, p. 348 et 349, édit. M.--LOUIS
- XIV, _Å’uvres_, t. V, p. 451.
-
-«Dès le lendemain de cette nouvelle, dit encore madame de Sévigné, M. de
-Louvois proposa au roi de réparer cette perte en faisant huit généraux
-au lieu d'un: c'est y gagner. En même temps on fit huit maréchaux de
-France, savoir: M. de Rochefort, _à qui les autres doivent un
-remercîment_; MM. de Luxembourg, Duras, la Feuillade, d'Estrades,
-Navailles, Schomberg et Vivonne: en voilà huit bien comptés. Je vous
-laisse à méditer sur cet endroit[537].» Ainsi madame de Sévigné insinue
-à sa fille que ces huit maréchaux, que madame de Cornuel appelait
-spirituellement la monnaie de M. de Turenne, n'avaient été nommés que
-parce que la marquise de Rochefort (Madeleine de Laval, devenue de
-Bois-Dauphin), qui était aimée de Louvois, exigea que son mari fût fait
-maréchal de France, ce qui ne se pouvait qu'en proposant sept autres
-lieutenants généraux plus anciens que lui. Irrité de cette promotion, le
-comte de Gramont, son ennemi, lui envoya ce laconique et insolent billet
-que madame de Sévigné a rapporté. Rochefort ne jouit pas longtemps du
-grade éminent qu'il avait obtenu. Quoique homme d'esprit et de courage,
-il s'en montra peu digne en ne secourant[538] pas à temps le brave du
-Fay, assiégé dans Philisbourg. Rochefort mourut moins d'un an après sa
-nomination, le 22 mai 1676[539], âgé seulement de quarante ans: sa haute
-dignité ne profita qu'à sa veuve, qui acquit ainsi à la cour un rang
-favorable à l'influence qu'elle ambitionnait d'exercer. C'était une
-beauté piquante, née pour le grand monde, l'intrigue et la galanterie.
-Elle était liée avec madame de Grignan, dont l'âge se rapprochait du
-sien et qui avait alors trente ans. Elle se donna à Louvois, et remplaça
-dans l'existence de ce ministre, jusqu'à sa mort, madame Dufrénoy. La
-Fare s'en était cru amoureux avant de se persuader qu'il l'était de
-madame de la Sablière[540]; mais l'adroite coquette ne parut vouloir
-écouter la Fare que pour mieux captiver Louvois, ce qui empêcha la Fare
-d'obtenir aucun avancement, et l'obligea de quitter le service[541].
-
- [537] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 juillet 1675), t. III, p. 350, édit.
- M.; t. III, p. 478, édit. G.
-
- [538] PELLISSON, _Lettres historiques_ (24 septembre 1676), t.
- III, p. 154.--LA FARE, _Mémoires_, collect. Petitot, t. LXV, p.
- 223-225.--_Å’uvres diverses du marquis_ DE LA FARE, 1750, p. 145.
-
- [539] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er juin 1676), t. IV, p. 466, 467,
- édit. G.; t. III, p. 321, édit. M.
-
- [540] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 février 1672), t. II, p.
- 396.--Conférez la 4e partie de ces _Mémoires_, chap. X, p. 287,
- et la note p. 366.
-
- [541] _Å’uvres diverses du marquis_ DE LA FARE; Amsterdam, 1650,
- in-12.--LA FARE, _Mémoires_ (1675), collect. Petitot, t. LXV, p.
- 223.
-
-La maréchale de Rochefort, par l'art facile à certaines natures de se
-rendre utiles aux grands et aux puissants, sut, sans beaucoup d'esprit
-ni d'efforts, se maintenir toujours bien en cour. Elle fut l'amie, la
-confidente de toutes les femmes que Louis XIV s'attacha, de mademoiselle
-de la Vallière comme de madame de Montespan; et ce fut elle qui,
-d'accord avec Bontemps, servit admirablement les mystérieuses amours de
-Louis XIV et de la duchesse de Soubise, et en déroba longtemps la
-connaissance au duc son époux, et même, ce qui était plus difficile, à
-madame de Montespan. La maréchale de Rochefort se maintint dans une
-convenable intimité avec madame de Maintenon; elle fut goûtée de son
-élève, la duchesse de Bourgogne, comme elle l'avait été de la seconde
-Dauphine[542]. Par une conduite habile, elle contribua pendant longtemps
-à donner de la force au parti de Louvois, qui, dans les conseils et à la
-cour, disputait au parti de Colbert l'influence sur l'esprit et les
-résolutions du monarque; et elle parvint à conserver tout son crédit
-lorsque la mort lui eut enlevé l'appui du grand ministre.
-
- [542] SAINT-SIMON, _Mémoires complets et authentiques_, t. I, 29
- et 389; II, 171.--LA FARE, _Mémoires_, collect. Petitot, p. 223
- (année 1676).--_Ibid._, _Œuvres diverses_, Amsterdam, 1750, p.
- 141 et 142.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 mai 1673), t. II, p. 196; t.
- III, p. 153, édit. G.--_Ibid._ (1er janvier 1674), t. III, p.
- 188, édit. G.--_Ibid._ (11 septembre 1674), t. IV, p. 467; t. V,
- p. 117, édit. G.--_Ibid._ (25 décembre 1679), t. VI, p. 265,
- édit. G.; t. III, p. 81, 194, édit. M.; t. IV, 341, 449 et 460,
- édit. G.; t. IV, 73, édit. M.
-
-Quand, le lundi, la nouvelle de la mort de Turenne arriva à Versailles,
-«on allait, dit madame de Sévigné, à Fontainebleau s'abîmer dans la
-joie[543];» mais cet événement changea les dispositions de tout le
-monde, et fit hésiter madame de Sévigné elle-même sur son voyage de
-Bretagne, qui devenait plus dangereux. Ainsi la mort d'un seul homme
-ébranlait l'État, et dérangeait tous les projets de plaisirs ou
-d'occupations sérieuses. La guerre, qu'on croyait devoir être bientôt
-terminée, se ralluma avec une nouvelle ardeur; il n'y avait plus
-d'espoir pour madame de Sévigné d'avoir de longtemps son fils avec elle,
-et sa fille l'invitait fortement à profiter de l'intervalle de la
-suspension forcée de toutes choses pour faire le voyage de Provence.
-Elle en fut très-tentée; mais ses propres affaires l'appelaient en
-Bretagne[544] et elles étaient d'une telle gravité qu'elle se vit forcée
-de céder aux conseils de son tuteur, l'abbé de Coulanges. Après deux
-mois d'hésitation, elle partit. Ce n'est qu'alors qu'elle cessa de
-s'entretenir, dans ses lettres, de M. de Turenne, de revenir sans cesse
-sur ses admirables qualités, de varier l'expression de ses regrets, de
-prévoir les tristes conséquences de sa mort. Le dîner qu'elle fit chez
-le cardinal de Bouillon avec madame d'Elbeuf[545] et madame de la
-Fayette, pour pleurer ensemble le héros, fut pour elle cependant une
-nouvelle occasion de recommencer ses lamentations sur ce triste sujet;
-et elle ne cessa d'en parler que quand elle eut fait connaître la
-douleur de tous les amis du héros, la profonde affliction de Pertuis,
-son capitaine des gardes, qui voulut se démettre de sa place de
-gouverneur de Courtray; et enfin quand elle eut décrit la cérémonie des
-funérailles à Saint-Denis, où elle assista[546].
-
- [543] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (30 et 31 juillet, 2, 6, 7, 9, 11, 12,
- 16, 19, 21, 22, 26, 27 et 28 août, 1er et 9 septembre), t. III,
- p. 471, 475, 480, 483, 489, 499, 504; t. IV, p. 3, 5, 7, 10, 13,
- 16, 19, 20, 21, 27, 41, 47, 54, 59, 65, 73, 76, 79, 87, 92, 135,
- 186, du ms. de l'Institut.--Dans la _Suite des Mémoires_ DE
- BUSSY, et dans l'édit. Monmerqué, 1820, in-8º, t. III, p. 346,
- 347, 353, 369, 372, 375, 377, 387, 388, 390, 397, 404, 416, 427,
- 430, 437 (1er septembre), 438, 448, 453, 457.
-
- [544] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 et 25 août 1675), t. III, p. 504; t.
- IV, p. 55; édit. G.--_Ibid._ (26 janvier 1689), t. IX, p.
- 122.--Conférez la 4e partie de ces _Mémoires_, p. 333.
-
- [545] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 août et 4 septembre 1675), t. IV, p.
- 65, 76 et 92, édit. G.
-
- [546] Lettres de Louis XIV aux abbés et religieux de Saint-Denis,
- RAMSAY, _Vie de Turenne_, t. IV, p. 372, in-12.
-
-Effrayée par les nouvelles qu'elle recevait, madame de Sévigné différa
-donc son départ; elle aurait bien voulu le différer plus longtemps, et
-profiter de cet empêchement pour faire le voyage de Provence; mais
-quand on sut qu'on s'était décidé à envoyer des troupes contre les
-révoltés et que la lettre de Louis XIV pour la tenue des états de
-Bretagne allait être transmise au duc de Chaulnes[547], on crut la
-tranquillité publique assurée. L'abbé de Coulanges, qui ne s'épouvantait
-de rien lorsque la nécessité des affaires réclamait sa présence,
-détermina enfin madame de Sévigné à partir: cependant elle n'y consentit
-que quand le _bon abbé_ lui eut promis de ne pas vouloir passer l'hiver
-aux Rochers. «Au reste, ma fille, l'abbé croit mon voyage si nécessaire
-que je ne puis m'y opposer. Je ne l'aurai pas toujours ainsi; je dois
-profiter de sa bonne volonté. C'est une course de deux mois; car le bon
-abbé ne se porte pas assez bien pour aimer à passer là l'hiver. Il m'en
-parle d'un air sincère, dont je fais vœu d'être toujours la dupe: tant
-pis pour ceux qui me trompent[548]!»
-
- [547] _Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV_,
- 1850, in-4º, _Lettres_, t. I, p. 551. Lettre de l'évêque de
- Saint-Malo à Colbert, en date du 28 août 1575.
-
- [548] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 août 1675), t. IV, p. 70, édit. G.
-
-Elle-même avoue qu'elle avait tant de raisons pour aller en Bretagne
-qu'elle ne pouvait y mettre la moindre incertitude, «et qu'elle y avait
-mille affaires[549].» Cependant, cette fois, ce voyage ressemblait peu à
-ceux qu'elle faisait depuis longtemps, presque chaque année, pour aller
-se délasser des fatigues du grand monde dans sa terre des Rochers, y
-faire des embellissements, et jouir de ses livres et d'elle-même, en la
-société de son fils, de sa fille et du petit nombre d'amis qui venaient
-la voir. Elle ne pouvait non plus se promettre aucun plaisir de la
-réunion des états, qui, lorsqu'elle avait lieu à Vitré, lui attirait les
-hommages de toutes les personnes les plus aimables et les plus
-considérables de la Bretagne, que lui conciliait la réputation qu'elle
-s'était acquise à la cour par son esprit, ses attraits personnels, les
-agréments de son commerce, et surtout par les égards, l'amitié, les
-déférences que lui témoignaient les la Trémouille, les Rohan, les
-Chaulnes, les Lavardin. Les chefs de ces deux dernières familles étaient
-investis de toute l'autorité du gouvernement; les la Trémouille et les
-Rohan étaient en possession de présider presque alternativement les
-assises des états de Bretagne, Rohan à titre de baron de Léon, la
-Trémouille comme baron de Vitré. Cette fois les états ne tenaient pas
-leurs assises à Vitré, mais à Dinan, ce qui éloignait de madame de
-Sévigné tous les membres de cette assemblée, et donnait de l'importance
-à l'évêque de Saint-Malo, qu'elle n'aimait pas. Accoutumée dès sa
-jeunesse à scruter les actes du pouvoir, elle n'avait jamais vu qu'avec
-déplaisir et avec les sentiments d'une ancienne frondeuse l'obséquiosité
-des états en Bourgogne et en Bretagne et leur déplorable facilité à
-voter l'argent des contribuables. Ce secret penchant au blâme et à la
-résistance s'était encore accru par les derniers événements. La manière
-dont madame de Sévigné mande à sa fille qu'à Rennes on a jeté des
-pierres au duc de Chaulnes, lorsqu'il voulut haranguer le peuple pour
-apaiser l'émeute, prouve qu'elle n'était nullement contristée de
-l'avanie qu'avait éprouvée le gouverneur: «Il y a eu même à Rennes une
-_colique pierreuse_. M. de Chaulnes voulut, par sa présence, dissiper le
-peuple; il fut repoussé chez lui à coups de pierres. Il faut avouer que
-cela est bien insolent[550].»
-
- [549] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 et 26 août 1675), t. III, p. 504; t.
- IV, p. 55.--_Ibid._ (26 janvier 1689), t. IX, p. 122.--Conférez
- la 4e partie de ces _Mémoires_, p. 333. Les lettres de
- convocation pour la tenue des états de Bretagne sont datées du 16
- septembre 1675. (_Recueil ms._, etc., de la Bibl. nat., p. 371.)
- Madame de Sévigné partit le 9 du même mois.--SÉVIGNÉ, _Lettres_
- (26 juin 1675), t. III, p. 434, édit. G; t. III, p. 309, édit.
- M.--_Ibid._ (6 août 1675), t. III, p. 487, édit. G.
-
- [550] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 juin 1675), t. III, p. 424, édit.
- G.; t. III, p. 300, édit. M.
-
-Cette fois ce n'était pas même sur la route facile de Rennes, de Vitré
-et des Rochers qu'elle devait voyager; c'était vers Nantes et au delà de
-la Loire que l'urgence de ses affaires l'appelait. Enfin sa vigueur
-commençait à s'altérer par l'annonce des infirmités qui assiégent
-souvent les femmes de son âge; elle avait quarante-neuf ans[551]. Elle
-déguise autant qu'elle peut à sa fille ces perturbations de son
-tempérament; mais à Bussy elle dit: «J'ai bien eu des vapeurs, et cette
-belle santé, que vous avez vue si triomphante, a reçu quelques attaques,
-dont j'ai été humiliée comme si j'avais reçu un affront[552].» Elle fut
-obligée d'avoir recours à la science du docteur Bourdelot (Pierre
-Michon), ce célèbre médecin des Condé et de la reine Christine. Madame
-de Sévigné aimait les soins qu'il prenait d'elle; mais il l'ennuyait par
-les vers détestables qu'il composait à sa louange et à celle de madame
-de Grignan[553].
-
- [551] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 juillet 1675?), t. III, p. 448, 467,
- édit G.; t. III, p. 339, édit. M.--_Ibid._ (10 juillet 1675), t.
- III, p. 448, édit. G.; t. III, p. 323 et 324, édit. M.--_Ibid._
- (19 août 1675), t. IV, p. 35, édit. G.; t. III, p. 411, édit. M.
-
- [552] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 août 1675), t. III, p. 487, édit. G.;
- t. III, p. 371, édit. M.--_Ibid._ (5, 10 et 24 juillet 1675), t.
- III, p. 435, 448 et 467, édit. G.; t. III, p. 439, édit. M.
-
- [553] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 et 22 décembre 1675), t. IV, p. 233
- et 267, édit. G.; t. IV, p. 111 et 141, édit. M.
-
-Depuis la mort de Turenne, madame de Sévigné avait des craintes qu'elle
-tâchait sagement de réprimer, mais qui lui faisaient redouter
-l'isolement et la solitude des Rochers: «J'emporte, dit-elle à madame de
-Grignan, du chagrin de mon fils; on ne quitte qu'avec peine, les
-nouvelles de l'armée. Je lui mandais comme à vous, l'autre jour, qu'il
-me semblait que j'allais mettre ma tête dans un sac, où je ne verrais ni
-n'entendrais rien de tout ce qui va se passer sur la terre[554].»
-
- [554] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 et 14 septembre 1675), t. IV, p. 93
- et 101, édit. G.; t. III, p. 463 et 469, édit. M.
-
-Ce qui ajouterait encore à toutes les contrariétés qu'éprouvait madame
-de Sévigné en faisant ce voyage de Bretagne, c'est qu'elle l'avait tant
-différé que sa femme de chambre Hélène, qui était enceinte, avait
-atteint son neuvième mois et ne pouvait la suivre; elle prit le parti,
-pour la désennuyer pendant son absence, de lui laisser le soin de
-_Marphise_, sa chienne favorite, et se contenta, pour son service, d'une
-jeune fille nommée Marie, qui jetait sa gourme, et fit cependant aussi
-bien qu'Hélène[555]. Tous ces contre-temps la rendaient si triste
-qu'elle refusa, trois jours avant son départ, une invitation qui lui fut
-faite par les Condé d'aller passer quelques jours à Chantilly: elle
-préféra au palais, aux jardins enchanteurs, à la princière société de
-cette splendide résidence la solitude sauvage de Livry, remplie des
-souvenirs de sa fille et du bonheur dont elle avait joui en la
-possédant. «Je fus avant-hier, toute seule (dit-elle), à Livry, me
-promener délicieusement avec la lune; il n'y avait aucun serein; j'y fus
-depuis six heures du soir jusqu'à minuit, et je me suis fort bien
-trouvée de cette petite équipée. Je devais bien cette honnêteté à la
-belle Diane et à l'aimable abbaye. Il n'a tenu qu'à moi d'aller à
-Chantilly en très-bonne compagnie; mais je ne me suis pas trouvée assez
-libre pour faire un si délicieux voyage: ce sera pour le printemps qui
-vient[556].»
-
- [555] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 et 29 septembre 1675), t. IV, p.
- 97-117, édit. G.; t. IV, p. 10, édit. M.
-
- [556] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 septembre 1675), t. IV, p. 85, édit.
- G.; t. III, p. 455, édit M.
-
-Après avoir vu, dans la matinée, du Lude, grand maître de l'artillerie,
-depuis peu fait duc, et madame de la Fayette; après s'être laissé
-conduire à la messe par la bonne madame de la Troche, madame de Sévigné
-partit le lundi 9 septembre, sans autre compagnie que l'abbé de
-Coulanges et cette fille Marie dont nous venons de parler[557]. La
-Mousse était à Autry, chez madame de Sanzei, et Coulanges s'en alla à
-Lyon. Madame de Sévigné se dirigea d'abord sur Orléans; son carrosse
-était attelé de quatre chevaux. Elle n'oublia pas d'emporter avec elle
-son _petit ami_, c'est-à-dire le portrait de sa fille[558]. Avant de
-monter en voiture, elle écrit à celle-ci une longue lettre pleine de
-nouvelles et de faits intéressants. Elle parodie plaisamment trois vers
-de l'opéra de _Cadmus_:
-
- «Je vais partir, belle Hermione;
- Je vais exécuter ce que l'_abbé_ m'ordonne,
- Malgré le péril qui m'attend.
-
-C'est pour dire une folie, car notre province est plus calme que la
-Saône[559].» Cela n'était pas exact; elle le savait, mais elle voulait
-rassurer sa fille.
-
- [557] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 septembre 1675), t. IV, p. 117,
- édit. G.; t. IV, p. 7, édit. M.
-
- [558] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (9 et 11 septembre 1675), t. IV, p. 87,
- 94, édit. G.; t. III, p. 463, édit. M.--_Ibid._ (20 septembre
- 1675), t. IV, p. 107 et 109, édit. G.; t. IV, p. 475, édit. M.
-
- [559] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (9 septembre 1675), t. IV, p. 92, édit.
- G.; t. III, p. 461, édit. M.--_Cadmus et Hermione_, tragédie,
- acte II, scène IV.--Le _Théâtre de_ M. QUINAULT (1735), t. IV, p.
- 95.--Madame de Sévigné a pu assister à la représentation de cet
- opéra, dont la musique était de Lulli. Il fut joué sur le théâtre
- du Bel-Air en 1672, et le 17 avril 1673 sur le théâtre du
- Palais-Royal, après la mort de Molière. Voyez la _Vie de
- Quinault_, t. I, p. 35 des _Å’uvres_.
-
-Puis elle revient aussitôt aux pensées sérieuses que lui inspire le
-service de Turenne, que l'on exécutait en grande pompe dans le moment où
-elle écrivait: «Le cardinal de Bouillon et madame d'Elbeuf vinrent hier
-me le proposer; mais je me contente de celui de Saint-Denis: je n'en ai
-jamais vu de si bon. N'admirez-vous pas ce que fait la mort de ce héros
-et la face que prennent les affaires depuis que nous ne l'avons plus?
-Ah! ma chère enfant, qu'il y a longtemps que je suis de votre avis! rien
-n'est bon que d'avoir une belle âme: on la voit en toute chose, comme au
-travers d'un cœur de cristal. On ne se cache point: vous n'avez point
-vu de dupes là-dessus. On n'a jamais pris l'ombre pour le corps. Il faut
-être si l'on veut paraître. Le monde n'a point de longues injustices.
-Vous devez être de cet avis pour vos propres intérêts.»
-
-Elle se délassait dans sa voiture, pendant tout le cours de son voyage,
-de la société un peu ennuyeuse du _bon abbé_ en lisant la _Vie du
-cardinal Commendon_, que Fléchier avait récemment traduite du
-latin[560], et aussi les lettres qu'elle recevait de sa fille sur
-l'_Histoire des croisades_, «qui est très-belle pour ceux qui ont lu le
-Tasse,» et la _Vie d'Origène_, par un auteur janséniste (Pierre-Thomas
-des Fossés), et qu'elle trouvait divine[561]. Mais, par des motifs moins
-exempts de blâme, le ridicule que madame de Grignan versait sur madame
-de la Charce et sur Philis, sa fille aînée, la faisait rire aux
-larmes[562].
-
- [560] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 septembre 1675), t. IV, p. 96, édit.
- G.
-
- [561] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 septembre 1675), l. IV, p. 105,
- édit. G.
-
- [562] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (9 et 11 sept. 1675), t. IV, p. 91, 93,
- édit. G.
-
-Madame de Sévigné coucha à Orléans; et le lendemain (10 septembre) elle
-s'embarqua sur la Loire, munie d'une lettre de sa fille, qu'elle reçut
-au moment de se mettre en bateau, et remplie d'admiration en voyant les
-rives de ce fleuve, «si belles, si agréables, si magnifiques.»
-
-Cette navigation était pour elle toute volontaire. «Le temps et les
-chemins, dit-elle, sont admirables: ce sont de ces jours de cristal où
-l'on ne sent ni chaud ni froid. Notre équipage nous amènerait fort bien
-par terre; c'est pour nous divertir que nous allons sur l'eau[563].»
-
- [563] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 et 14 septembre 1675), t. IV, p. 97,
- 98 et 100, éd. G.
-
-Le détail de son embarquement, qu'elle donne à son cousin de Coulanges,
-nous prouve que cette manière de se rendre d'Orléans à Nantes était plus
-commune dans ce siècle qu'elle ne l'a été dans le nôtre, où la voie de
-transport de terre est préférée.
-
-«A peine sommes-nous descendus ici (Orléans) que voilà vingt bateliers
-autour de nous, chacun faisant valoir la qualité des personnes qu'il a
-menées et la bonté de son bateau. Jamais les couteaux de Nogent ni les
-chapelets de Chartres n'ont fait plus de bruit. Nous avons été longtemps
-à choisir: l'un nous paraissait trop jeune, l'autre trop vieux; l'un
-avait trop d'envie de nous avoir, cela nous paraissait d'un gueux dont
-le bateau était pourri; l'autre était glorieux d'avoir mené M. de
-Chaulnes. Enfin la prédestination a paru visible sur un grand garçon
-fort bien fait, dont la moustache et le procédé nous ont décidés[564].»
-
- [564] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 septembre 1675), t. IV, p. 98, 99,
- édit. G.
-
-Elle débarqua à deux lieues de Tours, à Mont-Louis; et de là, traversant
-par terre l'espace de quatre kilomètres qui sépare la Loire et le Cher,
-elle alla coucher (le 13 septembre) à Veretz[565], dans le château
-originairement bâti par Jean de la Barre, comte d'Étampes, et qui
-appartenait alors à l'abbé d'Effiat[566], connu de nos lecteurs par
-l'impôt qu'il préleva sur la marquise de Courcelles[567].
-
- [565] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (14 septembre 1675), t. IV, p. 100,
- édit. G.; t. III, p. 467, édit. M.
-
- [566] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (14 et 17 septembre), t. IV, p. 100-103,
- édit. G.; t. III, p. 469, édit. M.
-
- [567] _Mémoires sur madame de Sévigné_, 4e partie, p. 160.
-
-«J'ai couché cette nuit à Veretz. M. d'Effiat savait ma marche; il me
-vint prendre sur le bord de l'eau, avec l'abbé (de Coulanges). Sa maison
-passe tout ce que vous avez jamais vu de beau, d'agréable, de
-magnifique, et le pays est le plus charmant qu'_aucun autre qui soit sur
-la terre habitable_: je ne finirais pas. M. et madame de Dangeau y sont
-venus dîner avec moi, et s'en vont à Valence. M. d'Effiat vient de nous
-ramener ici (c'est à Tours, d'où la lettre est datée); il n'y a qu'une
-lieue et demie d'un chemin semé de fleurs... Nous reprenons demain
-notre bateau, et nous allons à Saumur[568].... . . . . . . . . . . . . .
-. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
- [568] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (14 septembre 1675), t. IV, p. 100 et
- 101, édit. G.; t. III, p. 469, édit. M.
-
-«Je vous ai mandé comme j'avais vu l'abbé d'Effiat dans sa belle maison;
-je vous écrivis de Tours. Je vins à Saumur, où nous vîmes Vineuil; nous
-repleurâmes M. de Turenne..... Il y a trente lieues de Saumur à
-Nantes[569]. Dans ce dessein, nous allâmes hier deux heures de nuit;
-nous nous engravâmes, et nous demeurâmes à deux cents pas de notre
-hôtellerie, sans pouvoir aborder. Nous revînmes au bruit d'un chien, et
-nous arrivâmes à minuit dans un _tugurio_ (une cabane) plus pauvre, plus
-misérable qu'on ne peut vous le représenter; nous n'y avons trouvé que
-deux ou trois vieilles femmes qui filaient, et de la paille fraîche sur
-quoi nous avons tous couché sans nous déshabiller; j'aurais bien ri sans
-l'abbé, que je meurs de honte d'exposer ainsi à la fatigue d'un voyage.
-Nous nous sommes rembarqués à la pointe du jour, et nous étions si
-parfaitement bien établis dans notre gravier que nous avons été près
-d'une heure avant de prendre le fil de notre discours. Nous voulons,
-contre vent et marée, arriver à Nantes; nous ramons tous.»
-
- [569] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 septembre 1675), t. IV, p. 103 et
- 104, édit. G.; t. III, p. 472, édit. M.
-
-En passant, à la poste d'Ingrande, madame de Sévigné met la lettre
-qu'elle vient d'écrire, et deux jours après elle est à Nantes. Là elle
-se hâte d'annoncer son arrivée à sa fille[570]: «Je vous ai écrit sur la
-route et même du bateau, autant que je l'ai pu. J'arrivai ici à neuf
-heures du soir, au pied de ce grand château que vous connaissez, au
-même endroit où se sauva notre cardinal (de Retz). On entend une petite
-barque; on demande: _Qui va là?_ J'avais ma réponse toute prête; et en
-même temps je vois sortir par la petite porte M. de Lavardin, avec cinq
-ou six flambeaux de poing devant lui, accompagné de plusieurs nobles,
-qui vient me donner la main et me reçoit parfaitement bien. Je suis
-assurée que, du milieu de la rivière, cette scène était admirable; elle
-donna une grande idée de moi à mes bateliers. Je soupai fort bien; je
-n'avais ni dormi ni mangé depuis vingt-quatre heures. J'allai coucher
-chez M. d'Harouis. Ce ne sont que festins au château et ici. M. de
-Lavardin ne me quitte pas; il est ravi de causer avec moi[571].»
-
- [570] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 septembre 1675), t. IV, p. 106,
- édit. G.; t. III, p. 473, édit. M.
-
- [571] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er octobre 1654), t. I, p. 34, édit.
- G.; t. I, p. 27, édit. M.; et 2e partie de ces _Mémoires_, 2e
- édit., p. 9 et 10.
-
-«... Nous allons à la Seilleraye[572], M. de Lavardin m'y vient
-conduire; et de là aux Rochers, où je serai mardi.»
-
-Elle resta sept jours à Nantes, et d'Harouis la conduisit lui-même après
-dîner à son beau château de la Seilleraye, à quatorze kilomètres à l'est
-de Nantes[573], où elle resta deux jours; elle partit le 15 septembre.
-M. de Lavardin la mit en carrosse, et M. d'Harouis l'accabla de
-provisions. Elle arriva le jour suivant aux Rochers[574]. De la
-Seilleraye à Vitré, par la route directe de Châteaubriant et la Guerche,
-on mesure dix myriamètres, ou vingt-cinq lieues de poste; et madame de
-Sévigné, pour franchir cet espace en un jour, a dû d'avance envoyer des
-chevaux de relais sur la route, ce qui lui était facile, puisqu'elle
-avait amené avec elle six chevaux et deux hommes; et au besoin, si ses
-équipages n'eussent pas suffi, elle eût eu recours à ceux du lieutenant
-général et du trésorier de Bretagne.
-
- [572] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 et 24 septembre 1675), t. IV, p. 109
- et 114, édit. G.; t. III, p. 475, édit. M.
-
- [573] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 septembre 1675), t. IV, p. 111 et
- 112, édit. G.; t. IV, p. 1. édit. M.
-
- [574] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 septembre 1675), t. IV, p. 115 et
- 117, édit. G.; t. IV, p. 10, édit. M.
-
-Voilà les seuls détails que nous avons pu recueillir sur ce voyage de
-madame de Sévigné, qui, avec juste raison, inquiéta si fort ses amis.
-«Ils ont fait, écrit-elle, l'honneur à la Loire de croire qu'elle
-m'avait abîmée: hélas! la pauvre créature! je serais la première à qui
-elle eût fait ce mauvais tour. Je n'ai eu d'incommodité que parce qu'il
-n'y avait pas assez d'eau dans cette rivière.» Et, en effet, bien loin
-de s'en trouver plus mal, le violent exercice qu'elle se donna lui
-rendit la santé, que les remèdes des médecins de Lorme et Bourdelot[575]
-avaient peut-être contribué à détruire. «Ma santé, dit-elle, est comme
-il y a six ans; je ne sais d'où me revient cette fontaine de
-Jouvence[576].» Ces paroles prouvent que ce n'était pas par raison de
-santé que madame de Sévigné préféra les tracas, les fatigues, les
-dangers d'une aventureuse navigation aux douceurs d'une pérégrination
-faite en calèche richement attelée, roulant sur une belle route par un
-temps chaud, pur et serein et avec l'escorte de deux serviteurs à
-cheval.
-
- [575] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 août 1675), t. III, p. 503, édit. G.;
- t. III, p. 363, édit. M.
-
- [576] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 septembre 1675), t. IV, p. 117,
- édit. G.; t. IV, p. 10, édit. M.
-
-Ses lettres nous révèlent les véritables motifs de cette équipée et ce
-qui se passait dans son âme. Elle était contrariée de la nécessité
-d'être obligée de quitter Paris, de la pauvreté provinciale[577] où
-allait être réduite sa correspondance avec sa fille, de l'inquiétude que
-lui causaient pour son fils les nouvelles de l'armée[578]. Elle était
-triste, vaporeuse[579]. De tous les maux qui assiégent la vie, l'ennui
-est celui auquel les femmes du grand monde sont le plus exposées,
-qu'elles redoutent le plus et qu'elles savent le moins supporter; pour y
-échapper elles ne reculent devant aucune extravagance. Madame de Sévigné
-craignait surtout l'atteinte de ce mal durant un trajet lent et long,
-seule avec le bon et vieil abbé, sans son fils, sans la Mousse, sans
-Corbinelli, sans même son Hélène, enfin sans aucun des êtres qui avaient
-coutume de causer avec elle, de l'intéresser, de la distraire. Elle
-avait autrefois navigué sur la Loire; elle avait conduit sa fille au
-couvent des Filles-Sainte-Marie, à Nantes. Dès cette époque, elle
-adorait cette enfant belle et gracieuse, âgée de dix ans, et elle
-l'avait mise en pension chez les pieuses filles de l'ordre fondé par son
-aïeule, afin qu'elle y reçût les instructions chrétiennes pour sa
-première communion. C'était le beau temps de la jeunesse de madame de
-Sévigné, et elle eut un désir extrême de contempler de nouveau les rives
-qui devaient lui retracer avec vivacité de si agréables et de si
-touchants souvenirs. Aussi, sans se déguiser ce que sa résolution
-présentait de difficultés et d'inconvénients et ce qu'elle avait de
-téméraire, au moment de quitter le rivage elle fut saisie d'une sorte
-d'ivresse joyeuse, bientôt suivie d'un léger repentir; ce qui ne
-l'empêcha pas d'exécuter son projet avec courage et gaieté.
-
- [577] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 septembre 1675), t. IV, p. 107,
- édit. G.; t. III, p. 470, édit. M.
-
- [578] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 et 14 sept. 1675), t. IV, p. 93, 100
- et 102.
-
- [579] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 août 1675), t. III, p. 487, édit. G.;
- t. III, p. 371, édit. M.
-
-«C'est une folie, dit-elle, de s'embarquer quand on est à Orléans,
-peut-être même à Paris; il est vrai cependant qu'on se croit obligé de
-prendre des bateliers à Orléans, comme à Chartres d'acheter des
-chapelets...»
-
-«_Je suis dans un bateau, dans le courant de l'eau, fort loin de mon
-château_; je pense que je puis achever, _Ah! quelle folie!_ car les eaux
-sont si basses et je suis si souvent engravée que je regrette mon
-équipage, qui ne s'arrête pas et qui va toujours. On s'ennuie sur l'eau
-quand on y est seule; il faut un petit comte des Chapelles et une
-mademoiselle de Sévigné.» Et à son cousin de Coulanges elle dit: «Nous
-allons voguer sur la belle Loire; elle est un peu sujette à déborder,
-mais elle en est plus douce[580].»
-
- [580] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 septembre 1675), t. IV, p. 103 (11
- septembre), t. IV, p. 99, édit. G.
-
-Immédiatement avant d'entrer en bateau elle avait écrit à madame de
-Grignan: «Enfin, ma fille, me voilà prête à m'embarquer sur notre Loire!
-Vous souvient-il du joli voyage que nous y fîmes[581]?»
-
- [581] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 septembre 1675), t. IV, p. 99, édit.
- G.
-
-Pour elle, ce souvenir ne la quitte pas; et toujours il lui faut parler
-de ce voyage quand elle passe devant le lieu qui lui en rappelle
-quelques circonstances:
-
-«Je me ressouvins, dit-elle, l'autre jour, à Blois, d'un endroit si
-beau, où nous nous promenions avec le petit comte des Chapelles, qui
-voulait retourner le sonnet d'Uranie:
-
- Je veux finir mes jours dans l'amour de MARIE.»
-
-Et de Nantes elle écrit à sa fille: «J'ai vu nos sœurs de Sainte-Marie,
-qui vous adorent encore, et se souviennent de toutes les paroles que
-vous prononçâtes chez elles[582].»
-
- [582] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 et 24 septembre 1675), t. IV, p. 107
- et 114, édit G.; t. III, p. 474, et t. IV, p. 7, édit. M.--Les
- sœurs de Sainte-Marie logeaient à Nantes, près de la cour de
- Saint-Pierre.
-
-«Des sept jours que j'ai été à Nantes, j'ai passé trois jours
-après-dîner chez nos sœurs de Sainte-Marie. Elles ont de l'esprit,
-elles vous adorent et sont charmées du _petit ami_[583], que je porte
-toujours avec moi.»
-
- [583] Le portrait de madame de Grignan. Voyez ci-dessus, p. 256.
-
-Et quand elle est à la Seilleraye, elle écrit: «Me voici, ma fille, dans
-ce lieu où vous avez été un jour avec moi; mais il n'est pas
-reconnaissable: il n'y a pas pierre sur pierre de ce qu'il était en ce
-temps-là[584].»
-
- [584] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 septembre 1675), t. IV, p. 111,
- édit. G.; t. IV, p. 1, édit. M.
-
-Les émotions produites par la vue des lieux où madame de Grignan avait
-passé son enfance s'accrurent dans le cœur de sa mère à la vue des
-Rochers. «J'ai trouvé ces bois, dit-elle, d'une beauté et d'une
-tristesse extraordinaires: tous les arbres que vous avez vus petits sont
-devenus grands et droits, et beaux en perfection. Ils sont élagués, et
-font une ombre agréable; ils ont quarante ou cinquante pieds de hauteur.
-Il y a un petit air d'amour maternel dans ce détail: songez que je les
-ai tous plantés, et que je les ai vus, comme disait M. de Montbazon,
-_pas plus grands que cela_. (M. de Montbazon avait l'habitude de dire
-cela de ses propres enfants.) C'est ici une solitude faite exprès pour y
-bien rêver: j'y pense à vous à tout moment; je vous regrette, je vous
-souhaite. Votre santé, vos affaires, votre éloignement, que pensez-vous
-que tout cela fasse entre chien et loup? J'ai ces vers dans la tête:
-
- Sous quel astre cruel l'avez-vous mis au jour
- L'objet infortuné d'une si tendre amour?
-
-«Il faut regarder la volonté de Dieu bien fixement pour envisager sans
-désespoir tout ce que je vois, dont assurément je ne vous entretiendrai
-pas..... Je trouvai l'autre jour une lettre de vous où vous m'appelez
-_ma bonne maman_; vous aviez dix ans, vous étiez à Sainte Marie, et vous
-me contiez la culbute de madame Amelot, qui de la salle se trouva dans
-une cave. Il y a déjà du bon style à cette lettre. J'en ai trouvé mille
-autres, qu'on écrivait autrefois à mademoiselle de Sévigné. Toutes ces
-circonstances sont bien heureuses pour me faire souvenir de vous; car
-sans cela où pourrais-je prendre cette idée[585]?»
-
- [585] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 septembre 1675), t. IV, p. 116-118,
- édit. G.; t. IV, p. 9-10, édit. M.--_Ibid._ (2 octobre 1675), t.
- IV, p. 124, édit. G.; t. IV, p. 14, édit. M.
-
-Ce singulier voyage de madame de Sévigné à Nantes, ses souvenirs, ses
-regrets donnent le désir de connaître à quelle époque elle fit celui qui
-n'a point été raconté dans ces Mémoires, et dans quelles circonstances
-elle mit sa fille au couvent. Puisque des documents nouveaux jettent un
-jour inattendu sur les premières années de cette tendre mère,
-imitons-la, complétons ses souvenirs, et rétrogradons jusqu'au temps où
-elle devint enceinte de cette fille bien-aimée.
-
-Une lettre de madame de Sévigné annonçant à Bussy la naissance de
-Sévigné fils et la réponse de Bussy, mal datées, placées par le P.
-Bouhours et par la comtesse Dalet (ou par Bussy lui-même, car la partie
-inédite de ses Mémoires, écrite de sa main, offre un exemple d'une aussi
-forte distraction et d'une si étrange erreur), ont produit la confusion
-qui a existé pendant longtemps sur les dates de la naissance du frère et
-de la sœur[586].
-
- [586] Voyez la 1re partie de ces _Mémoires_, 2e édit., p. 120 et
- 121, et la note 2.--Les deux lettres doivent être datées du 15
- mars et du 12 avril 1648, et non 1647.
-
-Le fils de madame de Sévigné est mort le 26 mars 1713, et les témoins
-les plus capables d'être bien informés (Simiane de Mauron, d'Harouis,
-l'abbé de la Fayette[587]) attestent qu'il avait alors soixante-cinq
-ans; il était donc né en mars 1648, époque que l'on croyait être celle
-de la naissance de sa sœur. Des fragments des Mémoires autographes
-d'Ormesson, récemment publiés, constatent que madame de Sévigné
-accoucha, à Paris, de sa fille le 10 octobre 1646[588]. Ainsi il est
-certain que madame de Grignan était l'aînée et âgée d'un an et demi de
-plus que son frère. Il résulte de ce fait qu'en l'année 1675, dont nous
-nous occupons, madame de Grignan avait près de vingt-neuf ans, et
-Sévigné au plus vingt-sept; et aussi que lorsque l'abbé Arnauld vit
-madame de Sévigné avec ses deux enfants, et qu'il fut frappé de la
-beauté de la mère, de la fille et du fils, mademoiselle de Sévigné avait
-onze ans et demi, et Sévigné seulement neuf ans[589]. Ces dates ne
-peuvent être regardées comme indifférentes lorsque l'on considère que
-l'esprit et le cœur échappent bien plus vite aux langes de l'enfance
-chez le sexe le plus faible et le plus délicatement organisé; et ainsi
-s'explique comment, dès son plus jeune âge, Sévigné s'habitua à
-reconnaître la supériorité de sa sœur en toutes choses, et eut pour
-elle en toute occasion cette déférence, je dirai presque cette
-vénération, qu'il manifeste admirablement dans la lettre où il lui
-exprime ses dernières volontés[590]. Les premières opinions, les
-premiers jugements formés par la raison ont sur certaines natures une
-influence indélébile.
-
- [587] _Lettre inédite de_ SÉVIGNÉ, publiée par M. Monmerqué, p.
- 23.
-
- [588] _Journal_ D'ORMESSON, dans CHERUEL, p. 215.
-
- [589] Deuxième partie de ces _Mémoires_, 2e édit., p. 101.
-
- [590] _Lettre inédite du marquis_ DE SÉVIGNÉ _à la comtesse de
- Grignan sa sœur_, publiée par M. Monmerqué; Paris, 1847, in-8º.
-
-Nous venons d'apprendre par madame de Sévigné qu'elle avait conservé les
-lettres de sa fille depuis son enfance, et que celle-ci avait dix ans
-quand elle écrivit la lettre où elle racontait à sa mère l'accident
-arrivé à madame Amelot. Ceci nous reporte à l'année 1656. C'est donc
-lorsque, à la fin de septembre de l'année 1654, madame de Sévigné se
-rendit à sa terre des Rochers, qu'elle fit une première fois cette
-navigation d'Orléans à Nantes, où elle mit alors sa fille au couvent des
-sœurs Sainte-Marie, de cette dernière ville. Ce fut dans les années
-1654 à 1657 que madame de Sévigné fut le plus préoccupée de son cousin
-Bussy[591]. Cependant, avant la fin de 1656, elle avait retiré sa fille
-du couvent; et, dans le mois d'octobre de cette même année, elle
-l'emmena avec elle à Bourbilly et à Monjeu, où elle vit Bussy et Jeannin
-de Castille[592]. Après un séjour de quelques semaines, elle retourna à
-Paris; et au commencement de l'année 1657, accompagnée de ses deux
-enfants, elle vit pour la première fois, chez leur oncle, l'abbé
-Arnauld, qui dans ses Mémoires a exprimé l'admiration que lui fit
-éprouver la beauté de la mère, de la fille et du fils[593].
-
- [591] Conférez 1re part. de ces _Mémoires_, 2e édit., chap.
- XXXVIII, XXXIX, p. 513, 520, et la 2e partie, chap. I, II, III,
- IV et V, pag. 1 à 48.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (datée des Rochers, le
- 1er octobre 1654), t. I, p. 34, édit. G.; t. I, p. 27, édit. M.
-
- [592] Conférez 2e partie de ces _Mémoires_, ch. VII et VIII, p.
- 73.--4e partie, ch. VII, p. 194.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 juillet
- 1672), t. III, p. 108, édit. G.--BUSSY, _Mémoires_, édit. Amst.,
- 1721, t. II, p. 84.
-
- [593] Conférez 2e partie de ces _Mémoires_, 2e édit., ch. VIII,
- p. 101.
-
-Les attraits de mademoiselle de Sévigné se développèrent rapidement et
-excitèrent la verve des poëtes. Elle avait à peine treize ans
-lorsqu'elle commença à inspirer heureusement la muse badine de
-Saint-Pavin[594]; elle en avait dix-sept quand Ménage lui adressa un
-madrigal en italien, qui fut imprimé dans la cinquième édition de ses
-poésies[595]; elle était âgée d'environ dix-neuf ans lorsque la Fontaine
-lui dédia en vers gracieux sa fable du _Lyon amoureux_[596], publiée
-deux ans après dans le recueil du fabuliste: cet hommage dut donner à sa
-beauté une renommée populaire. Mais ce qui acquit très-vite à
-mademoiselle de Sévigné une célébrité qui faillit ternir pour toujours
-sa réputation, fut son apparition dans les ballets du roi. On crut alors
-qu'elle était devenue l'objet des préférences de Louis XIV. C'est dans
-sa seizième année qu'elle fut produite, en 1663, aux dangereux regards
-du monarque[597]. On l'admira dans le ballet où le roi était déguisé en
-berger, et toutes les beautés de la cour y figuraient, ainsi qu'elle, en
-bergères. Elle reparut, l'année suivante, en Amour déguisé en nymphe
-maritime; et elle avait dix-huit ans quand elle joua le rôle
-d'_Omphale_, dans le ballet de la _Naissance de Vénus_[598]. La lettre
-qu'elle écrivit à l'abbé le Tellier, que nous avons fait connaître,
-prouve qu'à vingt et un ans elle liait librement des correspondances
-avec les beaux esprits du temps[599].
-
- [594] Voyez _Poésies de_ SAINT-PAVIN _et_ CHARLEVAL, 1759, in-12,
- p. 68 à 110.--_Recueil des plus belles pièces de poésie
- française_, 1692, t. IV, p. 325.
-
- [595] MENAGII, _Poemata_, septima editio, 1680, p. 305.--Octava
- editio, 1687, p. 337.
-
- [596] _Fables choisies mises en vers par M._ DE LA FONTAINE;
- Paris, Claude Barbin, 1668, p. 143, liv. IV, fable 1re; t. I, p.
- 177 de l'édit. in-8º, 1827.
-
- [597] BENSERADE, _Å’uvres_, 1697, in-12, t. II, p. 288.
-
- [598] _Ibid._, t. II, p. 316; et dans la 2e partie de ces
- _Mémoires_, chapitres XXII et XXIII, p. 325 à 333.
-
- [599] Voyez 3e partie de ces _Mémoires_, p. 80, ch. IV.--Sévigné
- n'avait que vingt et un ans lorsqu'il revint de son expédition de
- Candie (6 mars 1669), et vingt-trois lors de sa liaison avec
- Ninon.--_Ibid._, p. 124.
-
-Enfin, lorsque Françoise-Marguerite de Sévigné épousa François-Adhémar,
-comte de Grignan, le 29 janvier 1668, elle avait vingt-deux ans et
-quatre mois, ce qui réduit à moins de quinze années la différence d'âge
-qui existait entre elle et le comte de Grignan. Le mariage se fit à
-l'église de Saint-Nicolas des Champs, paroisse où habitait madame de
-Sévigné; et, le jour même, les deux époux allèrent coucher à Livry[600].
-
- [600] Troisième partie de ces _Mémoires_, 2e édit., p. 127, et
- l'extrait des _Mémoires d_'OLIVIER D'ORMESSON, dans CHERUEL, _De
- l'administration de Louis XIV_, p. 322.
-
-Après ces rectifications essentielles sur la fille, revenons à la mère,
-à Marie de Rabutin-Chantal. A l'âge de dix-huit ans elle quitta les
-ombrages de l'abbaye de Livry, où s'était terminée son éducation; et
-elle entra dans le monde pour se marier, et elle se maria[601]. Le
-séduisant et jovial marquis de Sévigné, gentilhomme breton, présenté par
-le cardinal de Retz, son parent, est préféré par la jeune héritière de
-Bourgogne. Le 27 mai 1644, les articles du contrat furent arrêtés par
-André d'Ormesson et le président Barillon[602], tous deux pères de ceux
-qui, sous ces mêmes noms, furent par la suite les constants amis de
-madame de Sévigné. Deux jours après que le contrat eut été rédigé et
-qu'on parlait de prendre jour pour le signer, Sévigné eut une querelle
-avec du Chastellet, son compatriote. Sévigné l'arrêta sur le Pont-Neuf,
-et lui donna des coups de plat d'épée pour quelques propos que celui-ci
-avait tenus. Un duel s'ensuivit, qui eut lieu au Pré-aux-Clercs[603].
-Sévigné reçut une blessure à la cuisse, qui mit sa vie en danger. Du
-Chastellet était de l'ancienne famille de Hay de Bretagne, qui se
-vantait d'être sortie, il y a six cents ans, des comtes de Castille. Le
-père de du Chastellet avait été avocat au parlement de Rennes, et
-ensuite conseiller d'État[604]: ainsi son fils était de robe, tandis que
-Sévigné était d'épée. Cela explique l'arrogance de ce dernier; il en fut
-sévèrement puni. Le père de du Chastellet s'illustra dans les lettres,
-et son fils, dans toutes les occasions importantes, montra autant de
-talent et d'esprit que de courage; il devint par la suite un publiciste
-distingué[605], et nous retrouvons son nom ou celui de son fils, trente
-et quarante ans après ce duel, sur les listes de ceux qui siégèrent aux
-états de Bretagne, avec le nom du fils de madame de Sévigné[606]. Près
-de deux mois et demi se passèrent avant que Henri de Sévigné fût guéri
-de sa blessure, et son contrat de mariage ne put être signé que le 1er
-juillet. Il le fut sans témoins. Le lundi soir 1er août, les fiançailles
-se firent en présence du P. de Gondy, de l'Oratoire; du coadjuteur
-(Retz), et des évêques d'Alby et de Châlons; de la duchesse de Retz et
-de plusieurs autres dames. Le mariage fut célébré le jeudi 4 août, à
-deux heures du matin. Cette heure tardive explique pourquoi l'acte de
-mariage, qu'on a retrouvé dans le registre de l'ancienne paroisse de
-Saint-Gervais, n'est signé ni du curé ni du vicaire qui le dressèrent.
-Ils remirent au lendemain[607] pour compléter leur ouvrage, et, comme
-il arrive souvent, ce qui avait dû être fait la veille fut oublié le
-jour d'ensuite.
-
- [601] Première partie de ces _Mémoires_, ch. II, p. 9 et 10. Mais
- il y a une erreur à l'égard de Philippe de la Tour de Coulanges,
- le premier tuteur de madame de Sévigné. Il était son aïeul, et
- non pas son oncle maternel, et il était le père et non le frère
- de Christophe de Coulanges, abbé de Livry, le second tuteur de
- madame de Sévigné.
-
- [602] _Mémoires d_'OLIVIER D'ORMESSON, dans CHERUEL, _De
- l'administration de Louis XIV_, p. 213.
-
- [603] _Ibid._, p. 214.
-
- [604] PELLISSON, _Histoire de l'Académie française_, édit. 1729,
- in-4º, p. 193-198, et aussi 28, 80, 86.
-
- [605] _Traité de la politique de France_, par monsieur P. H.
- (Paul HAY), marquis de C. (Chastellet); Cologne (Elzeviers), chez
- Pierre Marteau, 1669 (264 pages); 2e édit., 1670; 3e édit., 1677;
- 4e édit., 1680.--Barbier, dans son _Dictionnaire des Anonymes_,
- donne les titres des autres ouvrages de du Chastellet.
-
- [606] _Recueil manuscrit des états de Bretagne dans diverses
- villes de cette province_, Bl.-Mant., 75, p. 419, 481 verso, 507,
- 523, 535, 549.--A toutes ces pages, dans les états tenus à
- Nantes, à Dinan, à Rennes, à Vannes, à Vitré, depuis 1681
- jusqu'en 1699, on trouve le nom du marquis de Sévigné et celui de
- M. Paul Hay, marquis du Chastellet.
-
- [607] Partie 1re de ces _Mémoires_, ch. II, 2e édit., p.
- 18.--_Mémoires d_'OLIVIER D'ORMESSON, dans CHERUEL, _Administration
- de Louis XIV_, p. 214.--Acte du mariage de Henri de Sévigné et de
- Marie de Rabutin-Chantal, dans MONMERQUÉ, _Billet italien de madame
- de Sévigné_; Paris, 1844, in-8º, p. 8 et 9, _notes_.
-
-Les deux conjoints partirent huit à dix jours après pour la Bretagne, se
-rendirent à leur terre des Rochers, et ne revinrent à Paris qu'en
-décembre de l'année suivante. Ainsi les souvenirs du séjour de madame de
-Sévigné aux Rochers se trouvaient liés à l'acte le plus important de sa
-vie et à cette année qu'elle passa seule avec celui qu'elle aimait,
-corrigé, pendant quelque temps du moins, de sa brutale insolence et de
-ses fougueux emportements par la dure leçon qui lui avait été donnée par
-du Chastellet.
-
-Dès cette époque, on aperçoit dans madame de Sévigné le désir qu'elle
-manifeste, à l'égard de son cousin Bussy, de son fils et de sa fille, de
-voir ceux des deux familles auxquelles elle appartenait parvenir à de
-hautes fonctions et à un rang élevé dans le monde; et comme cette
-ambition ne put réussir que par sa fille, son amour maternel pour le
-premier fruit d'une union enfanté dans les délices d'une passion
-qu'aucune autre ne remplaça fut encore accru par le contentement de
-l'amour-propre satisfait[608]. Avant de partir pour les Rochers, elle
-avait prié son ami Olivier d'Ormesson de s'informer si M. de Rogmont
-voulait vendre sa charge de cornette des chevau-légers; car il ne paraît
-pas, ainsi qu'on l'a dit, qu'au moment de son mariage Sévigné eût encore
-été revêtu du grade de maréchal de camp. Des négociations, qui durèrent
-deux ans, furent entamées pour lui procurer une charge; elles
-échouèrent, parce que madame de Sévigné ne put obtenir de son tuteur
-l'abbé de Coulanges et de ses frères de servir de caution à M. de
-Sévigné. Ces hommes judicieux avaient aperçu les graves défauts de ce
-jeune éventé, et regrettaient que leur nièce lui eût donné la préférence
-sur ses rivaux. L'abbé de Coulanges se plaignait hautement de ce que,
-par tendresse pour la mariée, lui et madame de la Trousse s'étaient
-engagés, contre leur intention, plus qu'ils n'auraient dû le faire[609].
-
- [608] Conférer la 1re partie de ces _Mémoires_, 2e édit., ch.
- III, p. 22.
-
- [609] OLIVIER D'ORMESSON, _Mémoires_, dans CHERUEL,
- _Administration de Louis XIV_, p. 215.
-
-Madame de Sévigné, privée de sa mère et n'ayant jamais eu de sœur,
-n'eut auprès d'elle, pour l'assister dans son premier accouchement, que
-la mère et la femme d'Olivier d'Ormesson, son ami intime, son conseil.
-L'enfant qui devait bientôt remplir d'amour et de tourments toute
-l'existence de madame de Sévigné l'occupa faiblement: ce n'était qu'une
-fille. Mais, seize mois après la naissance de cette fille, une lettre
-qu'elle écrit à Bussy[610] nous montre l'orgueilleuse mère triomphante
-d'avoir donné un fils à son mari. Elle était trop entièrement dominée
-par sa tendresse conjugale pour qu'elle pût encore en reporter une
-grande part sur ses enfants. Le cœur est exclusif, et sent qu'il
-affaiblit ses forces en les partageant. Toujours l'amour d'une femme
-pour son mari faiblit quand le sentiment maternel se développe en elle
-avec énergie. La raison resserre, il est vrai, les nœuds qui l'unissent
-au père de ses enfants; mais quand la raison domine il n'y a plus de
-passion, il n'y a plus d'amour.
-
- [610] Première partie de ces _Mémoires_, 2e édit., t. I, p. 120.
- Mais il faut rectifier la date de la lettre de Bussy, et mettre:
- 15 _mars_ 1648.
-
-D'ailleurs, dans l'intervalle de ses deux accouchements, pendant l'hiver
-de 1646 à 1647 et dans le cours de cette dernière année, madame de
-Sévigné fut occupée d'un procès qui la concernait personnellement, ce
-qui la rapprocha encore plus d'Olivier d'Ormesson et de sa famille. Elle
-résida donc à Paris avec son mari, et le procès ne les empêcha pas de
-goûter les plaisirs de la capitale; ils invitaient fréquemment à dîner
-M. Olivier d'Ormesson, avec leur oncle Renaud de Sévigné, qui arrivait
-d'Italie.
-
-Dans le journal d'Olivier d'Ormesson, du 27 février 1647, on lit[611]:
-«Je fus dîner chez M. de Sévigné. Je fus, avec M. et madame de Sévigné,
-chez M. du Verger pour leur affaire; ils soupèrent ce soir-là au logis,
-et (nous) fûmes voir après souper, chez M. Novion (le président), _le
-Ballet des Rues de Paris_, qui n'est pas grand'chose[612].»
-
- [611] OLIVIER D'ORMESSON, _Mémoires_, dans CHERUEL, p. 216.
-
- [612] Sur le président de Novion, conférez MOTTEVILLE,
- _Mémoires_, t. XXXVIII, p. 129, et RETZ, _Mémoires_, t. XLVI, p.
- 13.
-
-La journée du samedi 2 mars 1647 dut se graver aussi dans la mémoire de
-madame de Sévigné; car, après avoir été avec d'Ormesson chez ses hommes
-d'affaires, elle se rendit ensuite avec lui au Palais-Royal pour voir la
-représentation de la _Grande Comédie_[613]. Cette grande comédie, dont
-parle Olivier d'Ormesson, lui parut ennuyeuse, parce qu'il ne
-connaissait pas l'italien. Elle dut, par une raison contraire,
-intéresser la jeune élève de Ménage et de Chapelain. C'est le premier
-opéra italien qui ait été joué en France. Il fait époque dans
-l'histoire de notre théâtre. Ceux qui le connaissent savent qu'il s'agit
-ici du _Mariage d'Orphée et d'Eurydice_[614], pièce pour laquelle
-Mazarin fit de si grandes dépenses. Transcrivons le récit que fait
-madame de Motteville de la première représentation de cette pièce. Il
-peint si bien la cour et les courtisans et l'époque heureuse de la
-régence d'Anne d'Autriche, il nous initie si parfaitement au temps de la
-jeunesse de madame de Sévigné, que l'on ne peut, sans l'avoir lu, se
-faire une idée des souvenirs dont la dame des Rochers aimait à
-entretenir sa vive imagination durant les journées passées dans sa
-champêtre solitude[615].
-
- [613] Ballet en dix-neuf entrées. Conférez de BEAUCHAMPS,
- _Recherches sur les théâtres de France_, t. III, p. 121.
-
- [614] D'ORMESSON, _Mémoires_, dans CHERUEL, p. 216.--DE
- BEAUCHAMPS, _Recherches sur les théâtres de France_, t. III, p.
- 127 (il cite la _Gazette_ de 1647, no 27, p. 201).
-
- [615] MOTTEVILLE, _Mémoires_, collection Petitot, t. XXXVII, p.
- 216.
-
-«Sur la fin des jours gras (le 2 mars 1747), le cardinal Mazarin donna
-un grand régal à la cour, qui fut beau et fortement loué par les
-adulateurs qui se rencontrent en tout temps. C'était une comédie à
-machines et en musique à la mode d'Italie, qui fut belle et qui nous
-parut extraordinaire et royale. Il avait fait venir les musiciens de
-Rome avec de grands soins, et le machiniste aussi, qui était un homme de
-grande réputation pour ces sortes de spectacles. Les habits en furent
-magnifiques, et l'appareil tout de même sorte. Les mondains s'en
-divertirent, les dévots en murmurèrent; et ceux qui, par un esprit
-déréglé, blâment tout ce qui se fait ne manquèrent pas, à leur
-ordinaire, d'empoisonner ces plaisirs, parce qu'ils ne respirent pas
-l'air sans chagrin et sans rage. Cette comédie ne put être prête que les
-derniers jours de carnaval; ce qui fut cause que le cardinal Mazarin et
-le duc d'Orléans pressèrent la reine pour qu'elle se jouât dans le
-carême; mais elle, qui conservait une volonté pour tout ce qui regardait
-sa conscience, n'y voulut pas consentir. Elle témoigna même quelque
-dépit de ce que la comédie, qui se représenta le samedi pour la première
-fois, ne pût commencer que tard, parce qu'elle voulait faire ses
-dévotions le dimanche gras, et que, la veille des jours qu'elle voulait
-communier, elle s'était accoutumée à se retirer de meilleure heure, pour
-se lever le lendemain plus matin. Elle ne voulut pas perdre ce plaisir,
-pour obliger celui qui le donnait; mais, ne voulant pas aussi manquer à
-ce qu'elle croyait être son devoir, elle quitta la comédie à moitié, et
-se retira pour prier Dieu, pour se coucher et souper à l'heure qu'il
-convenait, pour ne rien troubler à l'ordre de sa vie. Le cardinal
-Mazarin en témoigna quelque déplaisir; et quoique ce ne fût qu'une
-bagatelle qui avait en soi un fondement assez sérieux et assez grand
-pour obliger la reine à faire plus qu'elle ne fit, c'est-à-dire à ne la
-point voir du tout, elle fut néanmoins estimée d'avoir agi contre les
-sentiments de son ministre; et comme il témoigna d'en être fâché, cette
-petite amertume fut une très-grande douceur pour un grand nombre
-d'hommes. Les langues et les oreilles inutiles en furent occupées
-quelques jours, et les plus graves en sentirent des moments de joie qui
-leur furent délectables.»
-
-Nul doute que madame de Sévigné, lorsqu'elle voyait ce spectacle magique
-de l'Opéra tel que Louis XIV et les grands artistes d'alors l'avaient
-créé, ne se ressouvînt souvent de la _Grande Comédie_ et des événements
-qu'elle précéda presque immédiatement.
-
-Madame de Sévigné, après avoir passé tranquillement les premiers mois de
-1648 chez son oncle l'évêque de Châlons, dans sa belle campagne de
-Ferrières, revint à Paris; et le 11 décembre suivant elle était dans la
-lanterne «avec d'Ormesson pour entendre plaider un procès, lorsque les
-députés des enquêtes envahirent la grand'chambre, et demandèrent
-l'assemblée générale[616].» Puis, le lendemain du repas de famille, le 6
-janvier 1649, elle apprit que le roi était parti dans la nuit, que la
-porte Saint-Honoré était gardée, que le peuple avait forcé le bagage du
-roi. La guerre civile commença: tous les Sévigné y prirent part, et
-suivirent le parti de Retz. Le marquis de Sévigné se sépara de sa femme,
-et suivit le duc de Longueville en Normandie. Renaud de Sévigné se fit
-battre à Longjumeau; et madame de Sévigné, malgré cet échec, se
-réjouissait des progrès de la Fronde, en haine du ministre, qui était
-l'ennemi de Gondi. Son naturel, enclin à la gaieté, la portait à se
-laisser distraire des inquiétudes et des tourments que lui causait
-l'absence de son mari par la société et les lettres de Bussy, et surtout
-par le jovial et spirituel chansonnier que d'Ormesson rencontrait
-toujours chez elle lorsqu'il y allait. C'était Marigny, fougueux
-frondeur, qui, non content de rimer des épigrammes et des chansons,
-joignait l'action aux paroles, et souffletait un membre du parlement
-(Boislesve) qui l'avait insulté par ses propos[617]. Ce fut alors aussi
-qu'elle s'occupa le plus de musique, de vers italiens et de
-littérature, et qu'elle mit à profit, pour son instruction,
-l'inclination qu'avait pour elle Ménage, jeune encore, quoique déjà
-célèbre[618]. L'amitié qu'Olivier d'Ormesson avait pour madame de
-Sévigné et l'influence qu'elle exerçait sur ce magistrat étaient si bien
-connues qu'à la cour et dans sa propre famille on le soupçonnait, dans
-le célèbre procès de Fouquet, dont il était rapporteur, de ne se
-conduire que par les conseils de madame de Sévigné[619].
-
- [616] Voyez la première partie de ces _Mémoires_, 2e édit., p.
- 450, chap. XI.
-
- [617] _Mémoires d_'OLIVIER D'ORMESSON, dans CHERUEL, p. 217.--Sur
- Boislesve et sa fille, voy. MOREAU, _Bibliographie des
- Mazarinades_, t. III, p. 199, et t. II, p. 241.
-
- [618] SÉVIGNÉ, _Lettre à Ménage_ (aux Rochers, 12 septembre
- 1656), publiée par M. Cousin dans le _Journal des Savants_, année
- 1852, p. 52.
-
- [619] _Mémoires d_'OLIVIER D'ORMESSON, dans CHERUEL, p. 220.
-
-L'intimité des deux familles de Rabutin, de Coulanges et des d'Ormesson
-fut entretenue par Olivier après la mort de son père. «Le jour de Pâques
-(5 avril 1665), dit celui-ci dans ses Mémoires, nous donnâmes, le soir,
-à souper, suivant l'usage de mon père, à toute la famille; et s'y
-trouvèrent MM. de Colanges, Sanzé et d'Harouis, mesdames de Sévigné mère
-et fille.» Le 12 octobre suivant, nous apprenons de ces mêmes Mémoires
-que «d'Ormesson se rendit à Livry pour voir madame de Sévigné, qui
-s'était blessée à l'œil[620].» D'Ormesson a bien soin de noter sur son
-journal que, le mercredi 3 février 1666, madame de Sévigné lui amena
-Pellisson et mademoiselle de Scudéry, qui lui témoignèrent toute
-l'estime et l'amitié possibles sur l'histoire du procès de Fouquet;
-qu'au mois d'août de la même année madame de Sévigné partit pour la
-Bretagne; et qu'enfin, le 25 août de l'année suivante (1667), «il alla à
-Livry voir l'abbé de Colanges et madame de Sévigné, où arrivèrent M.
-d'Andilly et madame Duplessis-Guénégaud[621].»
-
- [620] D'ORMESSON, _Mémoires_, dans CHERUEL, p. 221.
-
- [621] _Mémoires d_'OLIVIER D'ORMESSON, dans CHERUEL, p. 221.--3e
- part. de ces _Mémoires_, 2e édit., p. 49, chap. III.
-
-A la fin de cette même année (1667), le nom de madame de Sévigné fut
-bien souvent répété dans le monde et dans les journaux scientifiques,
-non pas à cause d'elle ou de sa famille, mais parce qu'un de ses
-domestiques, nommé Saint-Amand, était devenu fou furieux; on pratiqua
-sur lui une opération de thérapeutique alors très-vantée: c'était celle
-de la transfusion du sang. Ce fut M. de Montmort[622], ami de madame de
-Sévigné comme de d'Ormesson, qui apprit à ce dernier que, «le 2 décembre
-(1667), Saint-Amand était retombé dans sa folie pour la troisième fois;
-qu'on avait tiré tout son sang, et introduit dans ses veines le sang
-d'un veau; qu'il avait dormi la nuit, ce qu'il n'avait pas fait depuis
-six semaines, et qu'on espérait un bon succès.» Cette opération de la
-_transfusion du sang_ était nouvelle en France lorsqu'on la pratiqua sur
-le domestique de madame de Sévigné. Suivant Mackensie, on l'avait
-essayée en Angleterre dès l'an 1648[623]. Robert Lower s'en prétendit
-l'inventeur, et en 1665 il en fit l'expérience publique à Oxford[624].
-Ce moyen curatif fut fort préconisé en Allemagne, et enfin pratiqué en
-France, pour la première fois, par Denis et Emmerets, en 1666; mais
-Lamartinière et Perrault attaquèrent Denis et Emmerets pour ces essais
-trop hardis de l'art médical; et une sentence du Châtelet, rendue le 17
-avril 1668, c'est-à-dire moins de quatre mois après l'expérience tentée
-sur le domestique de madame de Sévigné, défendit de pratiquer la
-transfusion du sang tant qu'elle n'aurait pas reçu l'approbation de la
-faculté de médecine de Paris; et cette approbation ne fut jamais
-donnée[625]. On vient de la tenter de nouveau, au moment où j'écris
-ceci, en transfusant du sang humain dans les veines d'une femme
-expirante, et on lui a rendu la vie et la santé[626].
-
- [622] _De l'administration de Louis XIV_, par CHERUEL; Rouen,
- 1849, in-8º, p. 222, dans l'appendice.
-
- [623] MACKENSIE, _Histoire de la santé_, cité par Rochoux dans
- l'article du Dictionnaire de médecine de PANCKOUCKE.
-
- [624] FURETIÈRE, _Le grand Dictionnaire des arts et des sciences
- de l'Académie française_, Paris, 1696, t. IV, p. 300, au mot
- _Transfusion_.
-
- [625] ROCHOUX, dans le Dictionnaire de médecine de PANCKOUCKE,
- article _Transfusion_.
-
- [626] _De la transfusion du sang à propos d'un nouveau cas suivi
- de guérison, par MM._ DESRAY _et_ DESGRANGES, _dans les comptes
- rendus hebbomadaires de l'Académie des sciences_, t. XXXIII, p.
- 657 (séance du 8 décembre 1851).
-
-L'année suivante (1668) devait occuper encore plus de place que toutes
-celles qui l'avaient précédée dans la mémoire de madame de Sévigné.
-C'était le temps de la première conquête de la Franche-Comté, le temps
-où elle parut conduisant sa fille, éclatante de jeunesse et de beauté,
-aux splendides fêtes de Versailles. Madame de Sévigné se rappelait
-encore les jours heureux passés à Livry, pendant l'été et l'automne de
-cette même année, dans la société des Coulanges, de tous ses amis, de
-d'Ormesson et de ses fils. Ce fut à Livry que la vocation de l'un d'eux
-se décida pour la vie religieuse, et que mademoiselle de Sévigné et sa
-mère durent être étonnées de voir ce jeune homme, près d'elles,
-persister dans le désir de se faire génovéfain[627].
-
- [627] _Journal de_ D'ORMESSON, du dimanche 14 octobre 1668, dans
- CHERUEL, p. 222.
-
-
-Il était nécessaire de rappeler tout ce qui, dans les Mémoires de
-d'Ormesson, nous révélait des faits ignorés jusqu'ici sur madame de
-Sévigné et les objets des réminiscences dont elle était principalement
-préoccupée pendant son séjour aux Rochers durant l'année 1675. Le petit
-nombre de lettres qui nous restent de sa correspondance pendant la
-première moitié de sa vie, qui seraient les plus intéressantes à bien
-connaître, laissent dans sa biographie des lacunes qu'il n'est pas
-possible de combler, et des incertitudes qu'on ne peut faire disparaître
-entièrement; mais les Mémoires de d'Ormesson, en nous donnant les moyens
-de retracer les souvenirs dont elle était préoccupée à l'époque où nous
-sommes parvenus, nous ont permis d'en diminuer le nombre. Après l'avoir
-accompagnée dans cette course rétrograde, allons la retrouver en
-Bretagne, où elle jouit de la société de la princesse de Tarente.
-
-
-
-
-CHAPITRE XIII.
-
-1676.
-
- Liaisons de madame de Sévigné avec la princesse de Tarente.--Elles
- aimaient à s'entretenir ensemble de leurs filles et des souvenirs
- de leur jeunesse.--Nouvelles du Danemark et de la cour de France,
- données par cette princesse à madame de Sévigné pendant son séjour
- aux Rochers.--Griffenfeld devient amoureux de la princesse de la
- Trémouille, qui le rejette.--Il se fait des
- ennemis;--conspire;--est condamné à mort;--reçoit sa grâce;--se
- marie et meurt.--Madame de la Trémouille épouse le comte
- d'Oldenbourg.--Colère de la princesse de Tarente sur ce
- mariage.--Madame de Sévigné l'apaise.--Motifs de l'attachement que
- la princesse avait pour elle.--Liaison de la princesse de Tarente
- avec MADAME, femme de MONSIEUR, sa nièce.--Caractère de
- MADAME.--Rang et naissance de la princesse de Tarente et de
- Henri-Charles de la Trémouille, son mari.--Pourquoi celui-ci était
- appelé prince de Tarente.--Caractère du prince de Tarente.--Il fuit
- en Hollande.--Il épouse la fille du landgrave de Hesse-Cassel.--Il
- s'attache à Condé, et lui reste fidèle.--Rentre en
- France.--Influence de la maison de la Trémouille en Poitou et en
- Bretagne.--La baronnie de Vitré la plus ancienne de Bretagne.--Le
- prince de Tarente préside les états de Bretagne, notamment ceux de
- 1669.--Mort du prince de Tarente.--Son fils est élevé dans la
- religion catholique.--La princesse de Tarente devient héritière et
- maîtresse de tous les biens de sa maison.--Pourquoi elle avait tant
- d'amitié pour madame de Sévigné.--Elle lui donne un petit
- chien.--Confidences de la princesse.--Madame de Sévigné se décide à
- passer l'hiver aux Rochers.--Ses distractions.--Ses
- lectures.--L'opéra d'_Atys_ est donné.--L'_Art poétique_ de Boileau
- est publié.--Souvenirs du passé retrouvés dans les papiers de la
- princesse de Tarente.--Portrait de madame de Sévigné.--Vue
- rétrospective du temps de sa jeunesse.--Détails sur la duchesse de
- la Trémouille, belle-mère de la princesse de Tarente.
-
-
-C'est avec la princesse de Tarente que madame de Sévigné aimait à
-s'entretenir du beau temps de sa jeunesse. Cette bonne princesse avait
-des recettes curatives pour tous les souffrants et des consolations pour
-tous les soupirants, badinant elle-même de son _cœur de cire_[628].
-Elle avait pour madame de Sévigné une véritable amitié: elle lui faisait
-aux Rochers de fréquentes visites, et y passait des journées
-entières[629].
-
- [628] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1678), t. IV, p. 243, édit
- G.; t. IV, p. 120, édit. M.
-
- [629] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (16 octobre 1675), t. IV, p. 155, édit.
- G.; t. IV, p. 44, édit. M.
-
-Le pays, la langue, la religion, la naissance, le rang, le caractère,
-les habitudes, les manières, les mœurs, tout était différent entre la
-princesse de Tarente et madame de Sévigné; et cependant une singulière
-analogie dans leur destinée les rapprochait et établissait entre elles
-une grande intimité. Toutes deux étaient veuves et à peu près du même
-âge; toutes deux avaient une fille qu'elles aimaient avec une tendresse
-excessive et qu'elles préféraient à l'héritier de leur nom; leurs filles
-se trouvaient séparées d'elles par de grandes distances, de sorte
-qu'elles seules sympathisaient parfaitement quand elles se confiaient
-leurs inquiétudes, quand elles s'entretenaient de leurs communes
-douleurs[630]. Celles qui tourmentaient alors la princesse de Tarente
-étaient grandes, et les lettres de madame de Sévigné, en nous
-instruisant de leur cause, nous donnent sur l'histoire de Danemark des
-documents précieux et certains. Voici ce qu'elle écrit à sa fille sur ce
-sujet[631]:
-
-«J'ai été voir la bonne princesse; elle me reçut avec transport. Le goût
-qu'elle a pour vous n'est pas d'une Allemande; elle est touchée de votre
-personne et de ce qu'elle croit de votre esprit. Elle n'en manque pas, à
-sa manière; elle aime sa fille et en est occupée; elle me conta ce
-qu'elle souffre de son absence, et m'en parla comme à la seule personne
-qui puisse comprendre sa peine.
-
- [630] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 octobre 1675), t. IV, p. 124 et 128,
- édit. G.; t. IV, p. 14 et 18, édit. M.--(11 décembre 1675), t.
- IV, p. 243, édit. G.; t. IV, p. 120, édit. M.--(25 février 1685),
- t. VIII, p. 20, édit. G.; t. VII, p. 244, édit. M.--Conférez
- _Portrait de la princesse de Tarente_, fait par elle-même à la
- Haye en 1656, dans Petitot, collection des _Mémoires sur
- l'histoire de France_, t. XLIII, p. 507-512, à la suite des
- _Mémoires de_ MONTPENSIER.--Il est parlé de ce portrait dans les
- _Mémoires de_ MONTPENSIER (année 1677), t. XLII, p. 360.--Le
- portrait de mademoiselle de la Trémouille est celui de la
- belle-sœur de la princesse de Tarente, 1657.
-
- [631] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 octobre 1675), t. IV, p. 124 et 125,
- édit. G.; t. IV, p. 14 et 15, édit. M.
-
-«Voici donc, ma chère enfant, des nouvelles de la cour de Danemark: je
-n'en sais plus de la cour de France; mais pour celles de Copenhague,
-elles ne vous manqueront pas. Vous saurez donc que cette princesse de la
-Trémouille est favorite du roi et de la reine, qui est sa cousine
-germaine. Il y a un prince, frère du roi, fort joli, fort galant, que
-nous avons vu en France, qui est passionné de la princesse, et la
-princesse pourrait peut-être sentir quelques dispositions à ne le haïr
-pas; mais il se trouve un rival qui s'appelle M. le comte de
-_Kingstoghmfelt_ (madame de Sévigné s'amusait, ainsi qu'elle le dit
-elle-même, à défigurer ridiculement tous les noms allemands, pour faire
-rire sa fille[632]). Vous entendez bien: ce comte est amoureux de la
-princesse, mais la princesse le hait. Ce n'est pas qu'il ne soit brave,
-bien fait et qu'il n'ait de l'esprit, de la politesse; mais il n'est pas
-gentilhomme, et cette seule pensée fait évanouir. Le roi est son
-confident, et voudrait bien faire ce mariage; la reine soutient sa
-cousine, et voudrait bien le prince; mais le roi s'y oppose, et le
-favori fait sentir à son rival tout le poids de sa jalousie et de sa
-faveur. La princesse pleure, et écrit à sa mère deux lettres de quarante
-pages: elle a demandé son congé; le roi ni la reine n'y veulent point
-consentir, chacun pour différents intérêts. On éloigne le prince sous
-divers prétextes; mais il revient toujours. Présentement ils sont tous à
-la guerre contre les Suédois, se piquant de faire des actions
-romanesques pour plaire à la princesse. Le favori lui dit en partant:
-«Madame, je vois de quelle manière vous me traitez; mais je suis assuré
-que vous ne sauriez me refuser votre estime.» Voilà le premier tome; je
-vous en manderai la suite, et je ne veux pas qu'il y ait dorénavant en
-France une personne mieux instruite que vous des intrigues de Danemark.»
-
- [632] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 et 31 mai et 2 juin 1680), t. VI, p.
- 459, édit. M.; t. VII, p. 13, édit. G.--_Ibid._, t. VI, p. 299,
- édit. M.
-
-Et quatre mois après elle ne donne pas encore le second volume du roman;
-mais elle continue le premier, et ajoute[633]: «Disons deux mots du
-Danemark. La princesse est au siége de Wismar, avec le roi et la reine;
-les deux amants font des choses romanesques. Le favori a traité un
-mariage pour le prince, et a laissé le soin à la renommée d'apprendre
-cette nouvelle à la jolie princesse: il fut même deux jours sans la
-voir. Cela n'est pas le procédé d'un sot. Pour moi, je crois qu'il se
-trouvera à la fin qu'il est le fils de quelque roi des Wisigoths.»
-
- [633] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 décembre 1675), t. IV, p. 268, édit.
- G.; t. IV, p. 141, édit. M.
-
-Non, ce fut toujours _Schuhmacher_ (Cordonnier), Allemand d'origine,
-fils d'un marchand de vin à Copenhague, créé comte de Griffenfeld et
-grand chancelier. La reine elle-même, cédant à son influence, voulut le
-marier avec la fille du duc de Holstein-Augustenbourg, de la branche
-cadette de la maison royale, et la princesse s'était déjà mise en route
-pour Copenhague; mais Griffenfeld mit lui-même obstacle à ce mariage. Ce
-grand homme d'État, ce Richelieu du Nord, ce législateur du Danemark,
-qu'il gouverna longtemps admirablement, se laissa détourner des larges
-voies de sa noble ambition par l'espoir d'épouser cette fille de la
-princesse de Tarente, la charmante Charlotte-Amélie de la Trémouille.
-L'esprit, les grâces, la beauté de cette princesse l'avaient séduit.
-Rebuté par elle, il abusa de son autorité pour écarter le prince son
-rival, et chercha à se ménager l'appui tout-puissant de Louis XIV; il
-lia avec ce monarque une correspondance coupable, en reçut de l'argent,
-négligea les affaires du royaume pour suivre celles qui intéressaient sa
-funeste passion, fut dénoncé, arrêté, mis en jugement et condamné à
-perdre ses biens, ses emplois et à avoir la tête tranchée. Le jour fixé
-pour l'exécution, il monta avec une contenance assurée sur l'échafaud;
-mais au moment où l'exécuteur levait le glaive, un aide de camp du roi
-accourt, et crie: «Grâce, de la part de Sa Majesté, pour Schuhmacher!»
-Et l'aide de camp remet un papier à Schuhmacher, qui le reçut sans
-émotion. Il apprit, en le lisant, que sa peine était commuée en une
-prison perpétuelle. Schuhmacher dit froidement: «Cette grâce est plus
-douloureuse que la mort même.» Il redescendit lentement, et comme à
-regret, les degrés de l'échafaud. Il fit solliciter le roi de lui
-permettre de le servir comme soldat: cette faveur lui fut refusée.
-Détenu étroitement à Copenhague pendant quatre ans, il fut ensuite
-transféré au château fort de Muncholm, près de Drontheim, en Norwége; il
-y resta vingt-trois ans, regretté de son souverain, qui désirait et
-n'osait pas l'employer. En 1698, sa captivité cessa; mais il ne jouit
-pas longtemps de sa liberté, puisqu'il mourut le 11 mai 1699, âgé de
-soixante-quatre ans. Il avait été marié à une Catherine Nansen de
-Copenhague, et en eut une fille[634].
-
- [634] CATTEAU-CALLEVILLE, _Biographie universelle_, t. XVIII, p.
- 477, article GRIFFENFELD.
-
-Tel est le second tome du _roman vrai_ et trop malheureusement
-historique que madame de Sévigné avait promis à sa fille, mais qu'elle
-n'aurait pu lui donner complet; car elle mourut deux ans avant ce
-_favori tout-puissant_, qu'elle appelle _M. le comte de
-Kinghstoghmfelt_[635].
-
- [635] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 octobre 1675), t. IV, p. 125, édit.
- G.
-
-Le troisième et dernier tome doit nécessairement nous apprendre quel fut
-le sort de celle qui inspira une passion si funeste au principal
-personnage, et madame de Sévigné, qui nous a donné le premier, nous
-fournira encore celui-là. Elle nous apprend que, la princesse de la
-Trémouille n'ayant pu épouser le prince de Danemark, sa mère la
-princesse de Tarente ne trouvait personne d'assez noble. Elle était
-parente de la Dauphine et de deux électeurs palatins de Hesse, et elle
-ne voulait point déroger. Plusieurs partis se présentèrent, et furent
-refusés; mais sa fille, qui ne pensait pas comme sa mère, fit un choix
-sans sa participation, qui mit en courroux la princesse de Tarente[636].
-C'est dans sa lettre à madame de Grignan du 3 mai 1680, écrite dans
-l'agitation d'un départ, que madame de Sévigné nous instruit de ce
-mariage: «Encore, si j'avais à vous apprendre des nouvelles de Danemark,
-comme je faisais il y a quatre ou cinq ans, ce serait quelque chose;
-mais je suis dénuée de tout. A propos, la princesse de la Trémouille
-épouse un comte d'_Ochtensilbourg_[637] (lisez comte d'Oldenbourg), qui
-est très-riche et le plus honnête homme du monde: vous connaissez ce
-nom-là. Sa naissance est un peu équivoque: toute l'Allemagne soupire de
-l'outrage fait à l'écusson de la bonne Tarente; mais le roi lui parla
-l'autre jour si agréablement sur cette affaire, et son neveu le roi de
-Danemark et même l'amour lui font de si pressantes sollicitations
-qu'elle s'est rendue. Elle vint me conter cela l'autre jour. Voilà une
-belle occasion de lui écrire, et de réparer vos fautes passées.
-N'êtes-vous pas bien aise de savoir ce détail[638]?»
-
- [636] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (25 mai 1680), t. VI, p. 511, édit. G.
-
- [637] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 mai, 2 juin), t. VI, p. 299, édit.
- M.
-
- [638] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 mai 1680), t. VI, p. 469, édit. G.;
- t. VI, p. 251, édit. M.--_Ibid._ (11 juin 1680), t. VI, p. 333,
- édit. M.
-
-Et dans sa lettre du 16 juillet, écrite des Rochers, madame de Sévigné
-continue de donner à sa fille des nouvelles de ce nouveau mariage: «J'ai
-vu ma voisine (la princesse de Tarente, qui était à Vitré). Elle me fit
-beaucoup d'amitié, et me montra d'abord votre lettre... Elle dit qu'elle
-est venue ici pour faire réponse. Sa fille est transportée de joie;
-elle est en Allemagne, ravie d'avoir quitté le Danemark, charmée de son
-mari et de ses richesses. Elle s'est un peu précipitée de se marier
-avant les signatures de sa famille: la mère en est en colère; mais je me
-moque d'elle[639].»
-
- [639] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 juillet 1680), t. VI, p. 362, édit.
- M.; t. VII, p. 91 et 92, édit. G.
-
-Quinze jours après cette lettre, elle continue dans une autre[640]:
-
-«La bonne princesse me vient voir sans m'en avertir, pour supprimer la
-sottise des fricassées: elle me surprit vendredi; nous nous promenâmes
-fort, et au bout du mail il se trouva une petite collation légère et
-propre, qui réussit fort bien. Elle me conta les torts de sa fille de
-n'avoir pas rempli son écusson d'une souveraineté; je me moquai fort
-d'elle; je la renvoyai en Allemagne pour tenir ce discours; et, dans le
-bois des Rochers, je lui fis avouer que sa fille avait très-bien fait.
-Elle est si étonnée de trouver quelqu'un qui ose lui contester quelque
-chose que cette nouveauté la réjouit. Le roi et la reine de Danemark
-vont voir ce comte d'Oldenbourg dans sa comté: il défraye toute cette
-cour, et sa magnificence surpasse toute principauté. Je vois les lettres
-de cette comtesse, que je trouve toutes pleines de passion pour son
-mari, de raison, de générosité, de dévotion et de justice.--«Eh! madame,
-que pouvez-vous leur souhaiter de plus, puisqu'avec cela elle est riche
-et contente?»--Il semble que j'aie une pension pour soutenir l'intérêt
-de cette fille.»
-
- [640] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 juillet 1680), t. VI, p. 384, édit.
- M.; t. VII, p. 123, édit. G.
-
-Cette fille rentra en grâce, et madame de Sévigné fait honneur à ses
-exhortations et aux lettres écrites par madame de Grignan de cette
-réconciliation: il est bien plus probable qu'elle fut due aux lettres de
-la comtesse d'Oldenbourg, si tendrement aimée de sa mère[641]. Madame de
-Sévigné, habituée à traiter d'égale à égale avec sa fille, à prévenir
-ses désirs, à lui pardonner tout et à ne se rien pardonner de ce qui
-avait pu lui déplaire, mesurait la force du sentiment par l'élégante
-énergie de l'expression, et elle ne trouvait pas que les lettres de la
-comtesse d'Oldenbourg fussent de nature à produire beaucoup d'effet. «Ce
-sont, dit-elle à madame de Grignan, des lettres d'un style qui n'est
-point fait; ce sont des _chères mamans_ et des tendresses d'enfant,
-quoiqu'elle ait vingt ans[642].» L'éducation et les mœurs allemandes,
-l'étiquette sévère, l'obéissance passive des enfants envers leurs
-parents, exigées en Allemagne, donnaient, auprès d'une femme du rang et
-du caractère de la princesse de Tarente, une grande puissance à la naïve
-et sincère expression du sentiment filial. Dans les lettres d'Amélie de
-la Trémouille à sa mère, le ton familier, leste et dégagé de madame de
-Grignan, ses saillies plaisantes et ses spirituelles tendresses
-n'eussent certainement pas produit le même effet. Ce qui plaisait à la
-princesse de Tarente dans madame de Sévigné, dans madame de Grignan, lui
-eût déplu dans sa fille. On change difficilement les mœurs et les
-habitudes, les opinions et les croyances que l'on a reçues du pays qui
-nous a vu naître, où notre intelligence s'est développée, où nos
-premières passions ont rivé nos penchants à notre caractère; mais on
-prend facilement les manières des personnes avec qui l'on vit, et on
-renonce aisément à celles qu'on nous avait données. Toute l'Europe, à
-cette époque, était enivrée de la richesse, de l'élégance, de la
-politesse de la cour de Louis XIV; cette cour était pour toutes les
-autres un objet constant d'émulation, et les Françaises avaient acquis
-une renommée d'amabilité, de savoir-vivre qui les faisait rechercher et
-prendre pour modèle en tous lieux par les femmes des classes élevées.
-Madame de Sévigné était une des plus éminentes sous ce rapport. La
-princesse de Tarente fut séduite par son esprit: elle se livra sans
-réserve au charme d'un commerce intime, elle n'eut plus de secrets pour
-madame de Sévigné; elle lui fit sur elle-même d'étranges confidences,
-moins étonnantes encore que la hardiesse des observations et des
-réprimandes de madame de Sévigné, qui, loin de déplaire, affermissait
-ainsi la confiance qu'avait en elle la bonne princesse[643]. Bien des
-causes mettaient obstacle à ce que madame de Sévigné eût pour elle la
-même chaleur de sentiment, la même franchise, le même abandon. Cependant
-les épanchements réciproques des tendresses maternelles n'étaient pas
-les seuls motifs qui portaient madame de Sévigné à rechercher avec
-empressement la société de cette princesse. Amélie de Hesse, qui avait
-épousé en 1647 le duc de la Trémouille, prince de Tarente, qu'elle
-perdit le 14 septembre 1672[644], était fille de Guillaume V, landgrave
-de Hesse-Cassel, et tante (tante très-chérie) de la seconde MADAME
-(Charlotte-Élisabeth de Bavière), que Louis XIV avait, dans l'intérêt de
-sa politique, imposée à son frère. La nouvelle duchesse d'Orléans se
-distinguait à la cour par son originalité, que personne n'était tenté
-d'imiter; elle y vivait dans un isolement complet, en véritable
-Allemande, conservant ses goûts et sa rude fierté; elle ne plaisait à
-personne, et personne ne lui plaisait. Il faut cependant en excepter le
-roi, qu'elle admirait, qu'elle aimait plus qu'il ne fallait pour son
-repos; elle n'avait de complaisance que pour lui et pour son mari,
-qu'elle parvint à s'attacher par sa soumission et sa résignation. Louis
-XIV lui en savait gré, et respectait dans cette princesse les droits
-éventuels qu'elle avait sur la Bavière et le Palatinat, dont il sut
-tirer bon parti dans ses négociations. Quoique laide, elle ne parut pas
-désagréable au roi le premier jour qu'il la vit. Son gros visage, sa
-taille courte, ses bras massifs, ses mains fortes et mal faites étaient
-relevés par sa jeunesse, son air de vigueur et de santé, l'ampleur de
-ses formes et l'éclatante fraîcheur des femmes de son pays. Louis XIV
-estimait sa vertu, la loyauté de sa brusque franchise; ses goûts virils,
-sa passion pour les chiens, les chevaux avaient son approbation et ses
-sympathies[645]. Il lui savait même gré de son isolement, de sa
-sauvagerie, dont elle ne se départait que pour lui. Elle aimait à le
-voir et à lui tenir compagnie. Tout le temps qu'elle ne passait pas près
-de lui, à la chasse et aux spectacles[646], elle l'employait à écrire à
-ses nobles parents d'Allemagne de longues lettres dont les fragments ont
-servi à former ces singuliers Mémoires où la cour de France, à
-l'exception du roi, est déchirée, injuriée impitoyablement; où les
-anecdotes les plus scandaleuses, souvent même les plus fausses sont
-racontées avec un cynisme révoltant[647]; où elle exhale sa jalouse
-haine contre madame de Montespan, surtout contre madame de Maintenon, à
-laquelle elle prodigue les épithètes de _vieille sorcière_, de _vieille
-truie_ et autres semblables. Trois Allemandes composaient sa société
-habituelle; la princesse de Tarente était de ces petites réunions, où
-l'on ne parlait qu'allemand. MADAME lui écrivait en langue allemande de
-longues lettres, que la princesse, lorsqu'elle était à Vitré,
-s'empressait de communiquer à madame de Sévigné en les traduisant. Par
-ce canal, encore plus que par celui de madame de Coulanges, madame de
-Sévigné parvenait à entretenir dans sa correspondance avec madame de
-Grignan cette variété piquante de faits curieux, d'anecdotes bouffonnes,
-de traits de médisance dont sa plume rapide savait déguiser le venin par
-un tour plaisant ou gracieux, et faire disparaître la crudité par de
-discrètes réticences.
-
- [641] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (18 août 1680), t. VI, p. 424, édit.
- M.--_Ibid._ (2 octobre 1680), t. VII, p. 10 et 11, édit. M.; t.
- VII, p. 168 et 239, édit. G.
-
- [642] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (23 octobre 1675), t. IV, p. 53, édit.
- M.; t. IV, p. 167, édit. G.
-
- [643] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1675), t. IV, p. 243, édit.
- G.; t. IV, p. 120, édit. M.
-
- [644] _Mémoires de Henri-Charles_ DE LA TRÉMOUILLE, _prince_ DE
- TARENTE; Liége, 1767, in-12, p. 56 et 312.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28
- mars 1676), t. IV, p. 241, édit. M.
-
- [645] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 juillet 1680), t. VII, p. 133, 134,
- édit. G.; t. VI, p. 394, édit. M.--ÉLISABETH DE BAVIÈRE,
- _duchesse_ D'ORLÉANS, _Mémoires_, _Fragments_, édit. de 1822, p.
- 32.
-
- [646] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (16 août 1671), t. II, p. 56, édit. M.;
- t. II, p. 189, édit. G.--MONTPENSIER, _Mémoires_ (1671), t. XLIII
- (coll. Petitot), p. 334.--SAINT-SIMON, _Mémoires authentiques_,
- in-8º, t. X, p. 478; XII, 220; XX, 344.
-
- [647] Conférez _Fragments et lettres originales de Madame_
- CHARLOTTE-ÉLISABETH DE BAVIÈRE, 1788, t. I, p. 67, in-12.--_Mémoires
- et Fragments d_'ÉLISABETH DE BAVIÈRE, etc., 1822, in-8º, _passim_.
-
-Si la princesse de Tarente avait voulu consentir à abjurer la religion
-protestante, ainsi qu'avait fait Élisabeth-Charlotte de Bavière
-lorsqu'elle épousa le duc d'Orléans, elle eût infailliblement tenu à la
-cour un rang distingué; elle eût rempli près de la reine la place qu'y
-occupait la princesse de Monaco[648], celle de première dame ou de
-présidente de sa maison[649]. Mais quoique l'attachement de la princesse
-de Tarente pour sa religion l'empêchât d'être de la cour, elle n'en
-était pas moins une très-grande dame par sa naissance, par celle de son
-mari et par les richesses dont elle pouvait disposer. Fille d'un prince
-souverain et parente de la Dauphine, alliée par son mariage à la famille
-royale de France, elle exigea et obtint, depuis son veuvage, que dans
-l'occasion on la traitât d'_Altesse_. L'époux que s'était donné la fille
-du landgrave de Hesse-Cassel justifiait par sa naissance, et plus encore
-par le renom qu'il avait laissé, ces hautes prétentions. Henri-Charles
-de la Trémouille était fils de Henri, duc de la Trémouille, qui avait
-épousé en 1619 Marie de la Tour-d'Auvergne, sa cousine germaine, fille
-du maréchal de Bouillon, prince souverain de Sedan, et d'Élisabeth de
-Nassau, sa seconde femme[650]. Son père, ayant recueilli les biens de la
-maison de Laval, réclama en 1743[651] les droits qu'il prétendait avoir
-sur la couronne de Naples comme représentant Charlotte d'Aragon, sa
-trisaïeule; et il fit prendre, dans la suite, à son fils aîné le nom de
-prince de Tarente, que les fils aînés des ducs de la Trémouille ont
-toujours porté depuis sans conteste: les chefs de cette maison n'ont
-cessé, avec l'agrément du roi, de renouveler, pour la forme, leur
-réclamation[652]. Si l'on excepte Louis II, cinquième aïeul, le
-conquérant de la Lombardie et l'époux de Gabrielle de Montpensier,
-princesse du sang, aucun des la Trémouille, ni avant ni depuis, ne s'est
-acquis une aussi grande illustration que le fils de celui qui porta le
-premier ce nom de prince de Tarente et qui épousa la princesse si fort
-affectionnée à madame de Sévigné. Nul homme de son temps, jeté au milieu
-d'événements où le monde était divisé en partis par la religion et la
-politique, n'a su mieux concilier ce qu'il devait au drapeau sous lequel
-il se plaçait avec ce que l'honneur, l'amitié, la conscience lui
-prescrivaient. Il embrassa la religion protestante, qui était celle de
-sa mère; et dès qu'il eut terminé ses études et ses exercices, il passa
-en Hollande. Il fit ses premières armes sous son grand-oncle le prince
-d'Orange: mis à la tête d'un régiment de cavalerie, il s'acquit chez les
-Hollandais la réputation d'un excellent officier. Ne pouvant épouser la
-princesse d'Orange, qui l'aimait et dont il était amoureux[653], il céda
-aux conseils de sa mère, et reçut à Cassel la main de la fille du
-landgrave Guillaume V, «avec plus de cérémonies, dit-il dans ses
-Mémoires, que je n'aurais voulu[654].»
-
- [648] _État de la France_, 1677, in-12, p. 452.--SÉVIGNÉ,
- _Lettres_ (8 avril 1676), t. IV, p. 308, édit. G.--_Ibid._ (8 mai
- 1676), t. IV, p. 249, édit. M.--_Ibid._, t. IV, p. 388, édit. G.
-
- [649] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 mars 1676), t. IV, p. 379, édit. G.;
- t. IV, p. 241, édit. M.
-
- [650] GRIFFET, _Préface historique_, p. 7 des _Mémoires du
- prince_ DE TARENTE; Liége, 1767, in-12.
-
- [651] _Ibid._, p. XX.
-
- [652] Les réclamations de la famille la Trémouille furent faites
- à tous les congrès: au congrès de Nimègue, en 1678; de Ryswick,
- en 1697; d'Utrecht, en 1713; de Rastadt, en 1714. On sait que le
- vrai nom est la Trémoïlle; mais, par un usage ancien, on prononce
- et on écrit la Trémouille. Cette famille subsiste encore, et
- l'héritier direct, Louis-Charles, né le 26 octobre 1838, réside à
- Paris, et porte, dans l'almanach de Gotha (1848, p. 141, et 1851,
- p. 130), les titres de prince de la Trémoïlle et de Thouars, de
- Tarente et de Talmont.
-
- [653] _Mémoires du prince_ DE TARENTE, 1767, in-12, p. 56 et 306.
-
- [654] _Ibid._, p. 129, 172, 259.--GRIFFET, p. viij de la préface
- des _Mémoires du prince_ DE TARENTE.--LA ROCHEFOUCAULD,
- _Mémoires_.
-
-Après son mariage, Henri-Charles de la Trémouille revint en France,
-comblé de faveurs par les Hollandais, qu'il avait servis pendant cinq
-ans avec zèle. Ils le regrettaient, et auraient voulu le conserver; mais
-il ne pouvait renoncer à sa patrie, et il y rentra pourvu de titres,
-d'honneurs et de forts émoluments. La Fronde survint; son père avait
-fait abjuration du calvinisme entre les mains du cardinal de Richelieu
-et contribué à la prise de la Rochelle en 1628[655]. Le prince de
-Tarente se trouva ainsi engagé dans le parti de la cour; mais, fatigué
-des promesses sans effet que lui faisait Mazarin, il suivit encore les
-conseils de sa mère, et s'attacha au prince de Condé, dont il était
-parent par le mariage de Charlotte de la Trémouille avec un Condé.
-Tarente combattit pour la cause de ce prince dans le Midi et en
-Saintonge, et, comme lui, faillit périr au combat du faubourg
-Saint-Antoine, où il eut un cheval tué sous lui, et reçut, dit-il dans
-ses Mémoires, _deux coups très-favorables_[656]. Il suivit Condé en exil
-au commencement de l'année 1653[657], et retourna en Hollande, où il
-fut accueilli avec empressement: favorisé par les états généraux et le
-prince d'Orange, il en rapporta des sommes considérables, qui suffirent
-au payement des dettes qu'il avait contractées au service des
-princes[658].
-
- [655] _Mémoires du prince_ DE TARENTE, p. 72 et 104.
-
- [656] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 décembre 1675), t. IV, p. 276, édit.
- G; t. IV, p. 152, édit. M.
-
- [657] _Mémoires du prince_ DE TARENTE, 1767, p. 110, 112,
- 113.--_Mémoires du duc_ DE MONTAUSIER, 1731, p. 110.--LA
- ROCHEFOUCAULD, _Mémoires_, p. 56 et 172.
-
- [658] _Mémoires du prince_ DE TARENTE, p. 129, 172, 259.
-
-En décembre 1654, Cromwell voulut profiter des troubles de la France
-pour l'affaiblir en y fomentant la guerre civile: il envoya un nommé
-Stouppe à Henri de la Trémouille, pour lui proposer de se mettre à la
-tête d'une ligue protestante. La Trémouille refusa. Il lui eût été plus
-difficile qu'à tout autre d'accepter une pareille offre sans manquer aux
-devoirs les plus sacrés. Son enfance avait été confiée aux jésuites par
-son père, qui depuis longtemps avait abjuré le protestantisme. Ainsi les
-soins paternels avaient donné à sa primitive éducation une direction
-toute catholique; mais sa mère, qui était protestante, le convertit
-durant son adolescence à la religion qu'elle professait. S'il avait pris
-les armes en faveur de ses coreligionnaires, il aurait nui à sa propre
-fortune, il aurait agi en fils ingrat et troublé le bonheur de sa
-famille[659].
-
- [659] _Ibid._, p. 172.
-
-Tel était à l'étranger le crédit de Henri-Charles de la Trémouille que
-lorsque la princesse sa femme accoucha à la Haye, le 5 mai, du second
-prince de Tarente[660], cet enfant eut pour parrains le roi de Suède,
-les états généraux des Provinces-Unies et les états particuliers de la
-province de Hollande, et reçut de ce roi et des représentants de ces
-états les noms de Charles-Belgique-Hollande[661].
-
- [660] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 décembre 1675), t. IV, p. 279, édit.
- G.
-
- [661] _Mémoires du prince_ DE TARENTE, p. 175.
-
-Le prince de Tarente fut bien accueilli à son retour en France par la
-reine et par Mazarin[662]; l'une et l'autre firent de vains efforts pour
-l'attacher au parti de la cour. Mazarin, irrité de sa résistance, le fit
-arrêter et enfermer dans la citadelle d'Amiens[663]. Toute la province
-du Poitou, le landgrave de Hesse-Cassel, Turenne, son parent,
-sollicitèrent en vain son élargissement. Sa mère négocia avec le
-cardinal, et l'obtint[664]. Il ne retourna pas dans l'armée de Condé,
-mais il demeura attaché au parti de ce prince, alors exilé à
-Bruxelles[665]. Il envoya sa femme pour conférer avec lui[666] et avec
-l'archiduc, et se fit, par cette conduite douteuse, exiler à
-Auxerre[667], d'où il continua de correspondre avec Condé[668]. Il ne
-voulut rentrer en grâce qu'après que le prince eut fait sa paix. Depuis
-cette époque, il se dévoua entièrement aux intérêts du roi, et le servit
-d'une manière utile par ses talents et son influence dans le Poitou et
-dans la Bretagne, deux grandes provinces où il tenait le premier rang.
-Son père, Henri de la Trémouille, pair de France, duc de Thouars, prince
-de Talmont, comte de Montfort, baron de Vitré, etc., tenait à Thouars un
-grand état; et mademoiselle de Montpensier, habituée à une magnificence
-royale, fut, en 1657, émerveillée de la réception que lui fit le duc de
-la Trémouille, de l'imposant aspect de son château, du grand nombre de
-gentilshommes à cheval et de dames parées et de l'air noble et
-grandiose de son escorte[669].
-
- [662] _Ibid._, p. 184.
-
- [663] _Ibid._, p. 188.
-
- [664] _Ibid._, p. 196.
-
- [665] _Ibid._, p. 201.
-
- [666] _Ibid._, p. 202.
-
- [667] _Ibid._, p. 215.
-
- [668] _Ibid._, p. 225.
-
- [669] MONTPENSIER, _Mémoires_ (collection Petitot), t. XLII, p.
- 255 et 256.
-
-Par acte du 9 avril 1661, le duc de la Trémouille avait cédé et
-transporté au prince de Tarente la baronnie de Vitré et le titre de
-premier baron de Bretagne[670]. Ce titre donnait au prince de Tarente le
-droit de disputer la présidence de la noblesse aux états de Bretagne au
-grand Condé lui-même, que Fouquet avait voulu nommer, mais qui ne
-consentait à accepter qu'autant que la gratification des états serait
-accordée au prince de Tarente[671]. «Je fis entendre, dit Tarente dans
-ses Mémoires, à monsieur le Prince que le rang ne se réglait en Bretagne
-que par l'ancienneté des baronnies; que celle de Vitré, qui était dans
-ma maison, précédait incontestablement celle de Châteaubrilliant.» Il
-avait soutenu avec succès les droits de sa maison à la présidence de la
-noblesse dans un procès qu'il avait eu avec le duc de Rohan-Chabot.
-
- [670] _Mémoires du prince_ DE TARENTE, p. 255.
-
- [671] _Ibid._, p. 257.
-
-Alors que se préparait l'arrestation de Fouquet, le 18 août 1661,
-s'ouvrirent à Nantes les assises des états généraux de Bretagne[672],
-qui furent terminées le 21 septembre: le prince de Tarente les présida.
-Il présida également, mais pour la dernière fois, les états de 1669, qui
-s'assemblèrent à Dinan le 26 septembre[673], et se séparèrent le 28
-octobre. En 1670, il obtint du roi la permission d'aller encore faire un
-voyage en Hollande, et il put alors observer le misérable état de la
-Flandre espagnole, qui présentait une conquête facile aux armes de la
-France[674]. Les deux assemblées des états de Bretagne, de 1671 et de
-1673, se tinrent à Vitré: pour celle de 1671, selon ce qui avait été
-réglé par le parlement de Rennes en 1652, entre les maisons de Rohan et
-de la Trémouille, c'était au duc de Rohan-Chabot à présider[675]; mais
-le prince de Tarente mourut à Thouars le 14 septembre 1672, à l'âge de
-cinquante-deux ans, et fut remplacé par son père dans la présidence des
-états qui eurent lieu l'année suivante[676]; le jeune prince de Tarente,
-second héritier de son nom et de ses titres, d'après la volonté de son
-aïeul et de son père, avait été élevé dans la religion catholique. Le
-duc Henri-Charles de la Trémouille, deux ans avant sa mort, était rentré
-dans le sein de l'Église romaine; sa femme et sa fille aînée, plutôt
-affligées que touchées de cet exemple, restèrent invariablement fidèles
-à la religion protestante[677]. Ce père, le duc Henri de la Trémouille,
-mourut deux ans après son fils le prince de Tarente; de sorte que la
-princesse se trouva, comme tutrice, avoir l'administration des biens
-immenses de toute la maison de la Trémouille; et, comme mère, elle
-devint régente d'un prince âgé de dix-huit ans[678]. Elle était ainsi,
-depuis près d'un an, la personnification de la grandeur et de la
-puissance des la Trémouille lorsqu'elle se prit d'une amitié si vive
-pour madame de Sévigné. «Elle m'aime beaucoup, disait à sa fille madame
-de Sévigné. On en médirait à Paris; mais ici c'est une faveur qui me
-fait honorer de mes paysans.»
-
- [672] _Recueil des tenues des états de Bretagne_, mss. Bl.-Mant.,
- no 75, p. 273 verso, et 285.
-
- [673] _Ibid._, p. 323 et 327.
-
- [674] Prince DE TARENTE, _Mémoires_, p. 255.
-
- [675] Prince DE TARENTE, _Mémoires_, p. 280.--_Recueil ms. des
- tenues des états de Bretagne_, p. 339. (Ils s'ouvrirent le 4 août
- et se terminèrent le 22.)
-
- [676] Prince DE TARENTE, _Mémoires_, p. 312, et _Recueil ms._, p.
- 357. (Ces états s'ouvrirent le 10 novembre 1673, et se
- terminèrent le 10 janvier 1674.)
-
- [677] _Mémoires de_ CHARLES-HENRI, _prince_ DE TARENTE; Liége,
- 1767, p. 170, 306, 311.
-
- [678] _Mémoires du_ PRINCE DE TARENTE, p. 312.
-
-Ce n'était pas seulement par ses visites, par ses confidences, par les
-nouvelles qu'elle apportait que la princesse de Tarente se rendait
-agréable à madame de Sévigné; elle avait, pour la distraire et la
-réjouir dans sa solitude, les prévoyances et les attentions les plus
-aimables. Elle s'était aperçue que la dame des Rochers n'avait pas avec
-elle _Marphise_, sa chienne favorite, laissée à Paris avec Hélène, sa
-femme de chambre. Aussitôt la princesse de Tarente conçut l'idée de lui
-donner un petit chien pour la désennuyer[679].
-
- [679] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 novembre 1675), t. IV, p. 201, édit.
- G.; t. IV, p. 83, édit. M. Ce chien fut donné en
- octobre.--_Ibid._ (23 octobre 1675), t. IV, p. 171, édit. G.
-
-«Vous êtes étonnée, dit madame de Sévigné, que j'aie un petit chien;
-voici l'aventure. J'appelais, par contenance, une chienne courante d'une
-madame qui demeure au bout du parc. Madame de Tarente me dit: Quoi! vous
-savez appeler un chien? Je veux vous en envoyer un, le plus joli du
-monde. Je la remerciai, et lui dis la résolution que j'avais prise de ne
-plus m'engager dans cette sottise. Cela se passe, on n'y pense plus.
-Deux jours après, je vois entrer un valet de chambre avec une petite
-maison de chien toute pleine de rubans, et sortir de cette jolie maison
-un petit chien tout parfumé, d'une beauté extraordinaire: des oreilles,
-des soies, une haleine douce, petit comme une sylphide, blondin comme un
-blondin. Jamais je ne fus plus étonnée ni plus embarrassée; je voulus le
-renvoyer, on ne voulut jamais le reporter. La femme de chambre qui
-l'avait élevé en a pensé mourir de douleur. C'est Marie[680] qu'aime le
-petit chien; il couche dans sa maison et dans la chambre de Beaulieu, il
-ne mange que du pain; je ne m'y attache point, mais il commence à
-m'aimer; je crains de succomber. Voilà l'histoire que je vous prie de ne
-pas mander à _Marphise_, car je crains ses reproches. Au reste, une
-propreté extraordinaire; il s'appelle _Fidèle_, c'est un nom que les
-amants de la princesse n'ont jamais mérité de porter; ils ont été
-pourtant d'un assez bel air. Je vous conterai quelques jours ses
-aventures.»
-
- [680] Conférez ci-dessus, p. 255, chap. XII; et SÉVIGNÉ,
- _Lettres_ (6 et 9 septembre, 23 octobre et 16 novembre), t. IV,
- p. 84, 87, 171 et 201, édit. G.; t. IV, p. 84 et 87, édit. M.
-
-D'après ces derniers mots, il y a tout lieu de croire qu'il est heureux
-pour la bonne princesse[681] au _cœur de cire_ que les conversations
-orales de madame de Sévigné avec sa fille n'aient pas reçu la même
-publicité que ses conversations écrites. Le passage de la lettre du 11
-décembre que nous avons transcrit le prouve encore; c'est dans cette
-lettre que l'idée de la princesse ramène madame de Sévigné à celle du
-chien qui lui a été donné, et qu'elle continue ce badinage.
-
- [681] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1675), t. IV, p. 243, édit.
- G.; et ci-dessus, p. 284.
-
-«Ce que vous dites de _Fidèle_, écrit-elle à madame de Grignan[682], est
-fort joli; c'est la vraie conduite d'une coquette que celle que j'ai
-eue. Il est vrai que j'en ai la honte, et que je m'en justifie comme
-vous avez vu; car il est certain que j'aspirerais au chef-d'œuvre de
-n'avoir aimé qu'un chien, malgré les _Maximes_ de la Rochefoucauld, et
-je suis embarrassée de _Marphise_. Je ne comprends pas ce qu'on me fait.
-Quelle raison lui donnerai-je? Cela jette insensiblement dans les
-menteries; tout au moins je lui conterai bien toutes les circonstances
-de mon nouvel engagement. Enfin, c'est un embarras où j'avais résolu de
-ne jamais me trouver, car c'est un grand exemple de la misère humaine:
-ce malheur m'est arrivé par le voisinage de Vitré.»
-
- [682] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1675), t. IV, p. 243-244,
- édit. G.
-
-Plus le séjour de madame de Sévigné aux Rochers se prolongeait, plus
-forte devenait l'amitié qu'avait pour elle la princesse de Tarente, et
-plus les confidences que madame de Sévigné faisait à son sujet à sa
-fille étaient explicites: «La bonne princesse et _son bon cœur_
-m'aiment toujours... Elle dit toujours des merveilles de vous; elle vous
-connaît et vous estime. Pour moi, je crois que, par métempsycose, vous
-vous êtes trouvée autrefois en Allemagne. Votre âme aurait-elle été dans
-le corps d'un Allemand? Non, vous étiez sans doute le roi de Suède, un
-de ses amants; car la plupart _des amants sont des Allemands_[683].» Ces
-derniers mots sont d'une jolie chanson de Sarrazin, fort en vogue dans
-la jeunesse de madame de Sévigné[684].
-
- [683] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 janvier 1676), t. IV, p. 298, édit.
- G.--_Ibid._ (1er mai 1671), t. II, p. 52, édit. G.; t. IV, p.
- 170, et t. II, p. 43, édit. M.
-
- [684] SARRAZIN, _Å’uvres_; Paris, Cramoisy, 1694, in-12, p. 414.
-
-La maxime de la Rochefoucauld à laquelle madame de Sévigné fait allusion
-dans sa plaisanterie sur _Marphise_ est celle-ci: «On peut trouver des
-femmes qui n'ont jamais eu de galanterie; mais il est rare d'en trouver
-qui n'en aient jamais eu qu'une.» Une quatrième édition de ces Maximes
-avait paru au commencement de l'année (1675)[685], revue, corrigée et
-augmentée par l'auteur, qui fit de ce petit livre l'œuvre de toute sa
-vie; et nul doute qu'aussitôt après en avoir reçu un exemplaire madame
-de Sévigné ne se soit empressée de le lire. C'est aux Rochers que madame
-de Sévigné faisait surtout ses grandes lectures. A Paris, elle était
-trop distraite par le plaisir et par les affaires.
-
- [685] _Réflexions ou sentiments et maximes morales_, 4e édition,
- revue, corrigée et augmentée depuis la troisième; Paris, Claude
- Barbin, 1675, in-12 (157 pages), sans l'avis du libraire ni la
- table; achevé d'imprimer le 17 décembre 1674. La maxime est page
- 27, no 73. Dans la 3e édition (1665) elle est p. 41, no 83. Dans
- la 6e comme dans la 4e.
-
-Ramenée par les événements et les malheurs de la Bretagne aux lectures
-sérieuses, surtout à l'histoire, son ardeur pour ce genre de distraction
-s'accrut encore en la trouvant partagée par son fils, revenu de l'armée
-pour passer avec elle l'hiver aux Rochers; elle la communiqua à sa
-fille, de sorte que toutes deux trouvèrent, par leur correspondance, des
-sujets d'entretien bien préférables à ceux que l'éloignement de Paris et
-de la cour leur enlevait. «C'est une belle conversation, dit madame de
-Sévigné, que celle que l'on fait de deux cents lieues. Nous faisons de
-cela ce qu'on en peut faire[686].»
-
- [686] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er janvier 1676), t. IV, p. 286.
-
-Madame de Sévigné se montre surtout ravie que sa fille ait entrepris de
-lire la grande histoire des Juifs de Flavius Josèphe, dont la traduction
-était l'œuvre la plus considérable de son vénérable ami Arnauld
-d'Andilly, qu'elle avait perdu depuis peu de temps (le 7 septembre
-1674). Elle ne tarit pas sur les éloges qu'elle donne au grand historien
-du peuple juif[687]. Elle envoya à sa fille, par Rippert, la troisième
-partie des _Essais de morale de Nicole_, parmi lesquels elle a distingué
-trois traités: _de l'Éducation d'un prince_, _de la Connaissance de
-soi-même_, _de l'Usage qu'on peut faire des mauvais sermons_[688]. La
-mère et la fille étaient du même avis sur ces excellents Essais de
-Nicole; il n'en était pas de même de Sévigné, auquel le premier tome
-déplaisait, qui trouvait ces traités obscurs, et se plaignait que la
-Marans et l'abbé Têtu avaient accoutumé sa sœur aux choses fines et
-distillées[689]; mais, au contraire, il défendait à juste titre le
-nouvel opéra de Quinault contre le dédain de madame de Grignan, et sur
-ce sujet il était de l'avis de sa mère[690]. Heureuses les familles où,
-comme dans celle de madame de Sévigné, il n'y a pas d'autre sujet de
-division!
-
- [687] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 et 13 novembre 1675), t. IV, p. 189,
- 193, édit. G.--_Ibid._ (1er décembre 1675), t. IV, p. 227, édit.
- G.--_Ibid._ (11 décembre 1675), t. IV, p. 245, édit. G.--_Ibid._
- (27 novembre 1675), t. IV, p. 221, édit. G.
-
- [688] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (10 novembre, 11 et 18 décembre 1675, 12
- janvier 1676), t. IV, p. 204, 245, 260, 307-8, édit. G.; t. IV,
- p. 182, édit. M.
-
- [689] _Ibid._ t. IV, p. 204, édit. G.; t. IV, p. 76 et 85, édit.
- M.--_Ibid_, _Ibid._ (8 mars 1676), t. IV, p. 362, édit. G.
-
- [690] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 février 1676), t. IV, p. 331-2, édit.
- G.; t. IV, p. 199, édit. M.--_Ibid._ (19 janvier 1676), t. IV, p.
- 318, édit. G.; t. IV, p. 188, édit. M.--_Ibid._ (12 janvier
- 1676), t. IV, p. 182, éd. M.; t. IV, p. 307 et 309, édit.
- G.--_Ibid._ (5 janvier 1676), t. IV, p. 293.
-
-Ce nouvel opéra de Quinault était _Atys_, que ni madame de Grignan, qui
-était en Provence, ni Sévigné ni sa mère, qui étaient aux Rochers,
-n'avaient pu voir alors représenter à Saint-Germain en Laye le 10
-janvier (1676), jour où, en présence de Louis XIV, il fut joué pour la
-première fois[691]. Mais tous les trois ils l'avaient lu, et un
-exemplaire de l'imprimé parvint aux Rochers neuf jours après la première
-représentation. Cet opéra fit grand bruit, parce qu'il parut à une
-époque de forte cabale contre Quinault. Parmi les gens de lettres et
-certaines personnes du beau monde, il était devenu de mode de déprécier
-les œuvres de ce poëte, trop applaudi par la cour. C'était là le
-premier symptôme d'une altération dans l'opinion publique, jusqu'alors
-si enthousiaste de la gloire de Louis XIV[692]. On était las des succès
-guerriers chèrement achetés par la continuation d'une lutte sanglante
-sur terre et sur mer; et alors que des conférences étaient ouvertes à
-Nimègue et donnaient des espérances de paix, on écoutait avec déplaisir
-les paroles par lesquelles se terminait le prologue d'_Atys_:
-
- Préparons de nouvelles fêtes,
- Profitons des loisirs du plus grand des héros:
- Le temps des jeux et du repos
- Lui sert à méditer de nouvelles conquêtes[693].
-
- [691] _Le Théâtre de M. Quinault_; Paris, 1715, in-12, t. IV, p.
- 265, 328.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (2 février 1676), t. IV, p. 332,
- édit. G.--_Ibid._ (19 janvier 1676), p. 318 et 319, édit. G.
-
- [692] GERMAIN BOFFRAND, _Vie de Quinault_, t. Ier, p. 41 et 42 du
- _Théâtre de M._ QUINAULT.
-
- [693] QUINAULT, _Théâtre_, 1715, in-12, t. IV, p. 270.
-
-Boileau, qui possédait à un degré suprême l'art de cadencer des vers qui
-se gravent dans la mémoire, ne contribuait pas peu à faire méconnaître
-le mérite de Quinault. La renommée du satirique était populaire, et son
-influence croissait à chaque nouvelle publication de ses ouvrages. Il
-avait donné, deux années de suite, de nouvelles éditions de ses poésies.
-Elles contenaient neuf de ses Satires, cinq Épîtres, son _Art poétique_
-et les quatre premiers livres du _Lutrin_. On voit par les citations
-qu'en fait madame de Sévigné qu'elle savait par cœur les beaux passages
-de ce dernier poëme[694]. Boileau n'avait rien retranché, dans cette
-nouvelle édition, des vers qu'il avait faits contre Quinault; mais, afin
-de montrer quelque déférence pour l'approbation que le roi donnait à
-l'opéra d'_Atys_, il crut devoir, dans cette dernière édition, laisser
-en blanc le nom de Quinault dans un vers de sa satire IX, et déguiser ce
-nom sous celui de _Kainaut_ dans les autres satires: dans l'édition
-publiée l'année précédente il n'y avait, pour ce nom, ni déguisement ni
-suppression[695]. Mais de pareils ménagements servaient plutôt qu'ils ne
-contrariaient la malice du poëte.
-
- [694] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 novembre 1675), t. IV, p. 191, édit.
- G.; t. IV, p. 73, édit M.--_Œuvres diverses du sieur_ D***
- (DESPRÉAUX); Paris, Louis Billaine, 1675, p. 211, 213. _Le
- Lutrin_, chant second.
-
- [695] _Å’uvres diverses du sieur_ D***; Paris, Denys Thierry,
- 1674, in-4º, p. 66.--_Ibid._, Paris, Louis Billaine, 1675, in-12,
- p. 26, 38, 92. M. Berriat Saint-Prix prétend qu'il y a un carton
- pour le feuillet où un blanc remplace le nom de Quinault: je n'ai
- pas trouvé de trace de ce carton dans l'exemplaire que je
- possède.
-
-Quoique madame de Sévigné mande à sa fille qu'elle se livrait avec
-avidité à toutes sortes de lectures, histoire, morale, fictions,
-poésies, etc., c'est principalement par des lectures instructives
-qu'elle cherchait un soulagement à l'affliction que lui causaient,
-pendant ce calamiteux hiver, les maux qui fondaient sur sa province, et
-les souffrances dont elle fut affligée. Après ces _Essais de morale_ de
-Nicole, qui la consolaient et dont elle parle sans cesse, aucune lecture
-ne lui plaisait plus que celle sur l'histoire de France du temps des
-croisades. Malgré sa répugnance pour le style du P. Maimbourg, elle y
-lisait avec délices les hauts faits des Castellane et des Adhémar,
-ancêtres de la maison de son gendre; elle ajoutait à cette lecture celle
-de l'histoire de son temps, si remplie du souvenir de sa jeunesse. «Le
-matin, dit-elle à madame de Grignan, je lis l'_Histoire de France_;
-l'après-dînée (c'est-à-dire après midi, on était alors en décembre), un
-petit livre dans les bois, comme ces _Essais_ (de Nicole, dont elle
-vient de parler), la _Vie de saint Thomas de Cantorbéry_, que je trouve
-admirable, ou _les Iconoclastes_; et le soir tout ce qu'il y a de plus
-gros en impression: je n'ai point d'autre règle[696].» Pour ses lectures
-du soir, c'était surtout l'_Histoire de la prison et de la liberté de M.
-le Prince_ qui obtenait la préférence. «On y parle, dit-elle, sans cesse
-de notre cardinal; il me semble que je n'ai que dix-huit ans; je me
-souviens de tout; cela divertit fort. Je suis plus charmée de la
-grosseur des caractères que de la bonté du style.» Cette histoire lui
-retraçait les temps les plus heureux et les plus agités de sa
-jeunesse[697]: elle était l'œuvre d'un frondeur, de Claude Joly; mais
-les faits y sont racontés, sinon avec talent, du moins avec
-impartialité[698].
-
- [696] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27 novembre et 1er décembre 1675), t.
- IV, p. 221, 227, édit G.
-
- [697] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27 novembre 1675), t. IV, p. 224, édit.
- G.
-
- [698] _Histoire de la prison et de la liberté de M. le Prince_;
- Paris, A. Courbé, 227 pages.--MOREAU, _Histoire des Mazarinades_,
- t. II, p. 52, 144, 227; t. III, p. 23, 261.
-
-Ce n'était pas seulement dans les livres imprimés qu'elle cherchait à
-raviver les souvenirs de la Fronde[699], mais encore par des documents
-manuscrits: «La princesse (de Tarente) et moi, dit-elle, nous ravaudions
-l'autre jour dans des paperasses de feu madame de la Trémouille; il y a
-mille vers; nous trouvâmes une infinité de portraits, entre autres celui
-que madame de la Fayette fit de moi sous le nom d'un inconnu. Il vaut
-cent fois mieux que moi; mais ceux qui m'eussent aimée, il y a seize
-ans, l'eussent pu trouver ressemblant.»
-
- [699] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er décembre 1675), t. IV, p. 228.
-
-Ainsi c'est à la fin de l'année 1659 ou dans les premiers mois de 1660
-que madame de la Fayette[700] commença sa réputation de bel esprit et
-d'habile écrivain en traçant le portrait de son amie. C'est alors que
-mademoiselle de Scudéry plaçait sous le nom de _Clarinte_, entre les
-mains des nombreux lecteurs du célèbre roman de _Clélie_[701], un autre
-portrait de madame de Sévigné: elle était depuis longtemps vantée comme
-une des précieuses les plus célèbres dans la Gazette de Loret, dans le
-Dictionnaire de Somaize, et louée dans les madrigaux et les poëmes de
-Ménage, de Montreuil, de Marigny, et enfin inscrite, avec la superlative
-épithète de SUBLIME, comme l'ANGE SUR LA TERRE, la GLOIRE DU MONDE, dans
-le singulier livre du _Mérite des Dames_, de Jean Gabriel[702]. Ainsi
-l'époque où madame de Sévigné se trouvait ramenée par ce portrait trouvé
-dans les papiers de la duchesse de la Trémouille était celle où, âgée de
-trente-trois ans, sans avoir rien perdu de ses attraits et de sa
-fraîcheur, elle avait acquis plus de connaissance du monde, plus
-d'instruction, d'amabilité; où elle possédait, dans toute sa puissance,
-ses moyens de plaire; où elle jouissait de sa célébrité; c'était enfin
-dans un temps où le calme, les plaisirs et les fêtes avaient succédé aux
-troubles de la Fronde, c'était l'époque de la paix des Pyrénées, du
-mariage du roi et des réjouissances qui en furent la suite[703].
-
- [700] _Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de
- Rabutin-Chantal_, 1re partie, ch. VI, p. 60, et 2e partie, p.
- 166.
-
- [701] _Ibid._, 2e partie, p. 162.
-
- [702] _Mémoires sur Sévigné_, 4e partie, p. 381 et 382.
-
- [703] _Mémoires sur la vie et les écrits de Marie de
- Rabutin-Chantal_, 2e partie, p. 176-187, ch. XIV.
-
-La duchesse de la Trémouille, mère du prince de Tarente, qui avait le
-goût des vers et qui avait réuni les portraits et les écrits des beaux
-esprits de son temps, était Marie de la Tour-d'Auvergne, cousine
-germaine du duc son mari et fille cadette du maréchal de Bouillon,
-prince souverain de Sedan, et d'Élisabeth de Nassau, sa seconde
-femme[704]. Marie était une femme forte et de grande capacité, qui
-réussissait, dit son fils, dans tout ce qu'elle entreprenait. Pendant la
-guerre dont nous avons parlé, elle sut déterminer son mari à lui
-abandonner la conduite de toutes les affaires de la maison de la
-Trémouille[705]; elle l'aidait de ses conseils, que cependant il ne
-suivait pas toujours, et elle parvint, dit madame de Motteville[706], à
-faire révolter toutes les provinces. Habile et ambitieuse, elle voulait
-que son mari fût prince, comme étant issu, par les femmes, de Charlotte
-d'Aragon, héritière du royaume de Naples. Marie de la Trémouille crut
-que, pour parvenir à ses desseins, il fallait faire quelque mal ou
-quelque peur aux ministres, et comme les la Trémouille étaient de
-puissants et riches seigneurs, il leur fut facile d'émouvoir des
-troubles dans les provinces où ils résidaient. Ces nouvelles donnèrent
-de l'irritation aux ministres, et M. le Prince en eut du chagrin. Il
-avait répondu de la famille de la Trémouille, qui avait l'honneur de lui
-appartenir; et afin de ne pas passer pour dupe en cette affaire, il
-montra dans le conseil une lettre du prince de Tarente, fils aîné du
-duc, qui le suppliait d'assurer le roi et la reine de sa fidélité[707].
-A la même époque, la duchesse de Montausier, pendant que son mari était
-au lit, malade, repoussait les révoltés de la Saintonge, que la duchesse
-de la Trémouille avait soulevés[708].
-
- [704] GRIFFET, dans les _Mémoires de_ TARENTE, p. VII de la
- Préface.
-
- [705] MOTTEVILLE, _Mémoires_, t. XXXVIII, p. 239.--Prince DE
- TARENTE, _Mémoires_, p. 111.
-
- [706] MOTTEVILLE, _Mémoires_, t. LXVIII, pag. 239.--_Mémoires du
- prince_ DE TARENTE, p. 74 et 104, et ci-dessus, p. 295 de ces
- _Mémoires sur Sévigné_.
-
- [707] _Mémoires du prince_ DE TARENTE, p. 86, 92, 94; et
- _Mémoires sur Sévigné_, 1848, 4e partie, p. 85, chap. III.
-
- [708] SISMONDI, _Histoire des Français_, 1840, in-8º, t. XXIV, p.
- 260, 261, 316, 319, 341, 348; et _Vie du duc de Montausier_.
-
-On s'étonne du nombre de femmes remarquables par le courage, la vigueur
-d'esprit, la force du caractère que ce siècle a produit. Presque toutes
-aimaient la poésie, la littérature, les sciences; et toutes celles qui
-par leur rang ou leurs richesses se trouvaient en mesure de protéger
-les gens de lettres en adoptaient quelques-uns: ainsi la duchesse de
-Bouillon, Montespan, madame de Thianges, la Sablière et plus tard madame
-d'Hervart, prirent en quelque sorte successivement la tutelle du bon et
-indolent la Fontaine. Madame de la Sablière donna aussi asile à
-l'orientaliste d'Herbelot; elle recueillit Bernier, le voyageur
-philosophe, Roberval et Sauveur, mathématiciens. L'abbesse de
-Fontevrault et après elle madame de Maintenon eurent le bonheur de
-ranimer la plume de Racine. Madame de Sévigné avait Ménage, Montreuil,
-Marigny. La duchesse Marie de la Trémouille, dont le mari avait
-combattu, contre Mazarin et le roi, avec Turenne et Condé, appartenait à
-cette noblesse rancuneuse qui se tenait fièrement dans ses vastes
-domaines et n'allait point à la cour. Cependant elle était au courant de
-ce qui s'y passait, et savait quelles étaient les femmes qui y
-brillaient et les vers qu'on y composait.
-
-
-
-
-CHAPITRE XIV.
-
-1675-1676.
-
- Malheurs de la Bretagne.--Le duc de Chaulnes veut s'opposer à un
- envoi de troupes.--Forbin marche sur cette province avec six mille
- hommes.--Madame de Sévigné s'indigne de la lâcheté de l'assemblée
- des états.--Le parlement est exilé.--Journal de ce qui s'est passé
- en Bretagne.--Extrait des lettres de madame de
- Sévigné.--Révolte.--M. de Chaulnes est insulté.--Se venge par des
- cruautés.--Madame de Sévigné le désapprouve.--Belle conduite du
- parlement de Rennes.--Date de son institution.--Tenue des états de
- Provence.--Contraste entre ceux-ci et ceux de Bretagne.--M. de
- Chaulnes est détesté.--M. de Grignan est aimé.--On envoie M. de
- Pommereuil comme intendant en Bretagne.--Suite des affaires de ce
- pays.--M. de Chaulnes vient à Vitré.--Détails sur les affaires de
- Bretagne et sur celles des provinces.--Madame de Sévigné va à Vitré
- pour recevoir le gouverneur.--Inimitiés entre M. de Chaulnes et M.
- de Coëtquen.--Madame de Sévigné conserve son courage et sa
- sérénité.--Sa liaison avec la famille Duplessis.--Ridicules de
- mademoiselle Duplessis.--Correspondance de madame de Sévigné avec
- ses amis de Paris; avec madame de Vins.--Sévigné est dégoûté de sa
- charge de guidon; n'obtient pas d'avancement; a peu de goût pour le
- métier des armes.--Bien différent en cela du jeune Villars et du
- chevalier de Grignan.--Détails sur ceux-ci.--Madame de Grignan
- approuve la sévérité de M. de Chaulnes.--Elle est blâmée par sa
- mère.--Sa correspondance avec madame de Vins.--Madame de Sévigné se
- crée des occupations et des distractions par les travaux qu'elle
- entreprend, par ses liaisons avec ses voisins.--D'Hacqueville est
- l'informateur et l'agent d'affaires de madame de Sévigné et de
- madame de Grignan.--Liaison de madame de Sévigné avec madame de
- Pomponne et madame de Vins, sa sœur.--Liaison de madame de Sévigné
- avec madame de Villars.--Détails sur cette dame et sur le marquis
- de Villars.--Liaison de madame de Sévigné avec madame de
- Saint-Céran.--Détails sur cette dame.
-
-
-Mais toutes les distractions que se donnait madame de Sévigné par ses
-lectures, par ses entretiens avec la princesse de Tarente ne pouvaient
-écarter d'elle les inquiétudes et la tristesse que lui causait la
-Bretagne accablée, ruinée, dévastée par les troupes du roi et devenue un
-objet d'horreur et de compassion par la révolte, la misère et les
-supplices.
-
-Quoique madame de Sévigné vît toujours à regret l'établissement de
-nouveaux impôts en Bretagne, cependant elle trouvait mauvais que les
-Bretons se fussent révoltés pour ne pas payer. Elle sut grand gré à son
-ami le duc de Chaulnes de se refuser d'abord à l'introduction des
-troupes du roi en Bretagne; mais quand elle sut qu'il ne pouvait apaiser
-la sédition par les troupes municipales et par ses harangues, et qu'on
-l'avait grossièrement insulté, elle trouve bon que le comte de Forbin
-eût été envoyé avec six mille hommes à Nantes: elle espérait qu'il
-suffirait de montrer des uniformes pour apaiser la rébellion et assurer
-la tranquillité publique.
-
-Quant à Vitré, madame de Sévigné croyait cette ville garantie de toute
-vexation par la présence de la princesse de Tarente, à laquelle la
-duchesse de Chaulnes devait venir rendre visite[709]. Mais lorsque
-madame de Sévigné vit que l'on s'en prenait aux hautes classes de la
-population, aux membres du parlement irrités par l'oppression, alors
-elle redevint bonne Bretonne, et elle s'expliqua ouvertement sur la
-lâcheté de la noblesse des états, qui votaient si facilement d'énormes
-dons gratuits; elle loua le courage du parlement, qui aima mieux être
-exilé à Vannes que de laisser bâtir une citadelle dans la ville où il
-résidait; elle fut offensée que, malgré les réclamations de la princesse
-de Tarente, appuyée par MADAME, sa nièce, on envoyât des troupes à
-Vitré, où l'on n'avait nulle envie de se révolter; elle s'indigna que le
-gouverneur songeât plus à se venger qu'à faire bonne justice; enfin elle
-considéra la Bretagne comme perdue à jamais, et fit entendre à sa fille
-qu'à l'exemple de quelques personnes qui ont exécuté leurs projets elle
-songe à abandonner cette province et à n'y plus conserver de séjour. La
-puissante ironie qui se révèle dons les récits de madame de Sévigné, par
-le contraste de son ton froidement léger et plaisant avec la gravité des
-faits qu'elle raconte, nous prouve sa profonde indignation à la vue de
-telles cruautés.
-
- [709] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 octobre 1675), t. IV, p. 149, édit.
- G.; t. IV, p. 37, édit. M.
-
-La gazette a gardé le silence sur ces tristes événements, et ceux qui
-ont eu recours aux dépêches administratives ont remarqué qu'il existait
-une lacune à cette époque des affaires de Bretagne[710]; de sorte que le
-journal tenu par madame de Sévigné dans ses lettres à sa fille est le
-seul document qui nous en reste. Donnons ce document, et joignons-y au
-besoin un commentaire qui l'éclaircisse. L'histoire ne perd rien de son
-importance et de son utilité, parce que dans ces _Mémoires_ nous avons
-espéré y répandre quelque lueur en la rattachant aux manchettes d'une
-femme dont la mémoire raconte tout, dont l'esprit apprécie tout, dont
-l'imagination sait tout colorer.
-
- [710] Conférez PIERRE CLÉMENT, _Histoire de la vie et de
- l'administration de Colbert_, 1846, in-8º, p. 371.--DEPPING,
- _Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV_, 1850,
- in-4º. Lettres du duc de Chaulnes à Colbert, 30 juin 1675, p.
- 546; de l'évêque de Saint-Malo à Colbert, 28 août 1675, p. 550.
-
-
- «9 octobre 1675.
-
-«Le duc de Chaulnes amène quatre mille hommes à Rennes, pour en punir
-les habitants; l'émotion est grande dans la ville et la haine incroyable
-dans toute la province contre le gouverneur.»
-
-Et, dans la même lettre, madame de Sévigné montre combien était grand
-son mécontentement contre le roi en mandant à sa fille les nouvelles les
-plus désavantageuses sur le gouvernement, qu'elle avait reçues de Paris
-et d'ailleurs. «On joue des sommes immenses à Versailles; le _hoca_ est
-défendu à Paris, sur peine de la vie, et on le joue chez le roi; cinq
-mille pistoles en un matin, ce n'est rien. C'est un coupe-gorge; chassez
-bien ce jeu de chez vous.» «J'ai mandé à M. de Lavardin l'affaire de M.
-d'Ambres (celle du _monseigneur_, auquel les gouverneurs de province,
-comme le comte de Grignan, les lieutenants généraux étaient astreints,
-par décision du roi, envers les maréchaux de France[711]). Vous voilà un
-peu mortifiés, MM. les grands seigneurs! Vous jugez bien que ceux qui
-décident ont intérêt à soutenir les dignités: il faut suivre les
-siècles, celui-ci n'est pas pour vous[712].» «Nos pauvres exilés de la
-Loire ne savent point encore leur crime; ils s'ennuient fort.» Ces
-exilés étaient Louis de la Trémouille, comte d'Olonne, le marquis de
-Vassé et Vineuil[713]. Le premier est célèbre par les désordres de sa
-femme. Madame de Sévigné, qui l'avait vu en passant à Orléans, écrit à
-sa fille que le comte d'Olonne mariait son frère à mademoiselle de
-Noirmoutiers, et ajoute malignement: «Je n'eusse jamais cru que d'Olonne
-eût été propre à se soucier de son nom et de sa famille.» Et en
-annonçant que mademoiselle de Noirmoutiers s'appellera madame de Royan,
-elle répète, d'après madame de Grignan: «Vous dites vrai, le nom
-d'Olonne est trop difficile à purifier[714].» Vassé et Vineuil, déjà
-plusieurs fois mentionnés dans ces Mémoires, étaient deux hommes
-aimables, depuis longtemps amis de madame de Sévigné, tous deux connus
-dans leur jeunesse par leurs succès auprès des femmes. Le marquis de
-Vassé, compromis par son audace et son impertinence, avait depuis
-quelques mois rompu son ban, et était venu à Paris pour voir madame de
-Sévigné[715]: probablement son exil avait une toute autre cause que la
-politique. La continuation de l'exil de Vineuil, que madame de Sévigné
-avait vu en passant à Saumur[716], l'affligeait plus que l'exil de Vassé
-et de d'Olonne. Confident de Condé, Vineuil avait été l'ami de Turenne
-et écrivait la vie de ce héros; son ardeur pour les plaisirs l'avait
-condamné à une vieillesse précoce, et il était devenu dévot; mais il
-n'en était pas moins resté un homme aimable et spirituel. Sa
-conversation plaisait à madame de Sévigné[717]. Avec lui, plus encore
-qu'avec la princesse de Tarente, elle aimait à remonter vers son passé.
-
- [711] Conférez _Mémoires sur Sévigné_, 4e partie, in-12, p.
- 278-280, chap. X.
-
- [712] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (9 et 20 octobre 1675), p. 137, 138 et
- 165, édit. G.; t. IV, p. 20 et 51, édit. M.--_Ibid._ (5 janvier
- 1676), t. IV, p. 297, édit G.; t. IV, p. 169, édit.
- M.--FEUQUIÈRES, _Lettres_ (17 juillet 1676), t. IV, p.
- 44.--BUSSY, _Histoire amoureuse des Gaules, dans le Recueil des
- histoires galantes_; Cologne, chez Pierre Marteau, p. 82, 86, et
- aux p. 494 à 522.
-
- [713] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 janvier 1676), t. IV, p. 297, édit.
- G.--BUSSY, _Lettres_ (19 octobre), dans SÉVIGNÉ, t. IV, p. 145,
- édit. G.; t. IV, p. 30, édit. M.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 novembre
- 1675), t. IV, p. 206, édit. G.
-
- [714] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 novembre 1675), t. IV, p. 206, édit.
- G.
-
- [715] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (12 juin 1675), t. III, p. 415, édit.
- G.; t. III, p. 293, édit. M.--Sur _Vassé_, conférez ces
- _Mémoires_, 2e édition, t. I, p. 263, 267, 275; et, dans
- TALLEMANT, les _Historiettes de la présidente_ LESCALOPPIER, et
- l'_Historiette de_ VASSÉ, t. IV, p. 19, 25, 28 de l'édit. in-8º;
- t. VI, p. 175, 176, 181-188 de l'édition in-12.
-
- [716] Voyez ci-dessus, p. 260.
-
- [717] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 septembre, 9 octobre 1675), t. III,
- p. 471, édit. M.; t. IV, p. 30, édit. G.--_Ibid._ (30 novembre
- 1670), t. V, p. 68; et dans ces _Mémoires_, 2e édit., t. I, p.
- 337.
-
-Mais continuons le journal des désastres de la Bretagne.
-
- «13 octobre 1675.
-
-«M. de Chaulnes est à Rennes avec beaucoup de troupes; il a mandé que,
-si on en sortait, si l'on faisait le moindre bruit, il ôterait pour dix
-ans le parlement de cette ville. Cette crainte fait tout souffrir[718].»
-
- [718] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 octobre 1675), t. IV, p. 149, édit.
- G.; t. IV, p. 36, édit. M.
-
-L'institution du parlement de Bretagne n'était pas très-ancienne; elle
-fut précédée en 1492 par le tribunal des _grands jours_, espèce de
-juridiction présidiale dont on pouvait appeler au parlement de Paris. Le
-tribunal des grands jours fut transformé en parlement par l'édit de
-Henri II, au mois de mars 1553. Selon cet édit, ce parlement devait être
-composé de quatre présidents et de trente-deux conseillers, tous choisis
-par le roi; mais seize des conseillers devaient être originaires de
-Bretagne; les autres conseillers et présidents pouvaient être choisis
-dans les autres pays de l'obéissance du roi. Le parlement, d'après cette
-institution, devait se tenir en deux sessions de trois mois chacune, la
-première à Rennes, la seconde à Nantes. Cette cour fut fixée à Rennes
-par un édit de Charles IX, en 1560.
-
-La famille des Sévigné avait des parents dans le parlement et dans
-l'administration. Dans la marine on comptait deux Sévigné, qui tous deux
-commandèrent des vaisseaux et dont l'un était le filleul bien-aimé de
-madame de Sévigné: ce fut par elle et par l'appui de M. de Grignan qu'il
-obtint un commandement. Enfin la terre de Sévigné était près de Rennes:
-ainsi les intérêts de madame de Sévigné, ses liaisons de parenté, ses
-affections particulières, tout la portait à prendre parti pour le
-parlement et la ville contre son ami le gouverneur, qui poussait alors
-le ministre à des mesures de rigueur. Dès le 15 juin (1675) et aussitôt
-après la seconde émeute qui eut lieu à Rennes, de Chaulnes avait écrit à
-Colbert. A tort ou à raison, il accusait le parlement d'avoir conduit la
-révolte. Il disait que, malgré le calme apparent, les procureurs, les
-conseillers et jusqu'aux présidents à mortier conseillaient au peuple de
-ne pas quitter les armes, et de venir demander au parlement la
-révocation des édits et particulièrement de celui sur le papier
-timbré[719]. Ce fut ainsi qu'il obtint d'avance la tenue des états et
-de leurs assemblées dans la ville qu'il lui plairait de choisir. Il
-exila le parlement à Vannes, et il traita la malheureuse Bretagne avec
-une barbarie que les lettres de madame de Sévigné et la correspondance
-administrative nous font douloureusement connaître[720].
-
- [719] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 novembre 1675), t. IV, p. 93, édit.
- M.--_Ibid._ (5 août 1675), t. IV, p. 421, édit. M.--_Ibid._ (3
- septembre 1677), t. V, p. 217, édit. M.--Voy. _Mémoires de_
- DANGEAU, _abrégé de madame_ DE GENLIS, t. I, p. 343, état sous la
- date du 6 juillet 1690: Cet état n'est pas dans l'édit. de Paul
- Lacroix de 1830, t. I, p. 318.
-
- [720] DEPPING, _Correspondance administrative sous le règne de
- Louis XIV_, in-4º, 1850, p. 546-551. (Lettre du duc de Chaulnes à
- Colbert, datée de Rennes, le 30 juin 1675, et l'extrait de celle
- du 12 juin; puis la lettre de l'évêque de Saint-Malo à Colbert,
- en date du 28 août 1675).--P. CLÉMENT, _Vie de Colbert_, in-8º,
- 1846, p. 370 (extrait d'une lettre du duc de Chaulnes à Colbert,
- du 12 juin 1675).
-
- «16 octobre 1675.
-
-«M. de Chaulnes est à Rennes avec les Forbin et les Vins et quatre mille
-hommes; on croit qu'il y aura bien de la _penderie_. M. de Chaulnes a
-été reçu comme le roi; mais comme c'est la crainte qui a fait changer
-leur langage, M. de Chaulnes n'oublie pas toutes les injures qu'on lui a
-dites, dont la plus douce et la plus familière était _gros cochon_, sans
-compter les pierres dans sa maison et dans son jardin et des menaces
-dont Dieu seul a empêché l'exécution. C'est cela qu'on va punir[721].»
-
- «20 octobre 1675.
-
-«M. de Chaulnes est à Rennes avec quatre mille hommes; il a transféré le
-parlement à Vannes; c'est une désolation terrible. La ruine de Rennes
-emporte celle de la province[722].»
-
- [721] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (16 octobre 1675), t. IV, p. 158, édit.
- G.; t. IV, p. 44, édit. M.
-
- [722] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 octobre 1675), t. IV, p. 164-166,
- édit. G.; t. IV, p. 48 et 52, édit. M.
-
- «27 octobre 1675.
-
-«Cette province a grand tort, mais elle est rudement punie, et au point
-de ne s'en remettre jamais. Il y a cinq mille hommes à Rennes, dont plus
-de la moitié y passeront l'hiver. On a pris à l'aventure vingt-cinq ou
-trente hommes, que l'on va pendre. On a transféré le parlement: c'est le
-dernier coup, car Rennes sans cela ne vaut pas Vitré[723].»
-
- [723] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27 octobre 1675), t. IV, p. 174, édit.
- G.; t. IV, p. 50, édit. M.
-
- «30 octobre 1675.
-
-«Voulez-vous savoir des nouvelles de Rennes? Il y a présentement cinq
-mille hommes, car il en est venu encore de Nantes. On a fait une taxe de
-cent mille écus sur le bourgeois; et si on ne trouve point cette somme
-dans les vingt-quatre heures, elle sera doublée et exigible par les
-soldats. On a chassé et banni toute une grande rue, et défendu de les
-recueillir sur peine de la vie; de sorte qu'on voyait tous ces
-misérables, femmes accouchées, vieillards, enfants, errer en pleurs au
-sortir de cette ville, sans savoir où aller, sans avoir de nourriture ni
-de quoi se coucher. Avant-hier on roua un violon qui avait commencé la
-danse et la pillerie du papier timbré. Il a été écartelé après sa mort,
-et ses quatre quartiers exposés aux quatre coins de la ville, comme
-ceux de _Josserau_(gentilhomme de Provence, de la maison de Pontiver,
-qui avait assassiné son maître à Aix). Il (le violon) dit en mourant que
-c'étaient les fermiers du papier timbré qui lui avaient donné vingt-cinq
-écus pour commencer la sédition; et jamais on n'a pu en tirer autre
-chose. On a pris soixante bourgeois; on commence demain à pendre. Cette
-province est un bel exemple pour les autres, et surtout de respecter les
-gouverneurs et les gouvernants, de ne leur point dire d'injures et de ne
-point jeter de pierres dans leur jardin.
-
-«Tous les villages contribuent pour nourrir les troupes, et l'on sauve
-son pain en sauvant ses denrées. Autrefois on les vendait, et l'on avait
-de l'argent; mais ce n'est plus la mode, tout cela est changé. M. de
-Molac est retourné à Nantes; M. de Lavardin vient à Rennes[724].»
-
- «3 novembre 1675.
-
-«M. et madame de Chaulnes ne sont plus à Rennes; les rigueurs
-s'adoucissent; à force d'avoir pendu, on ne pendra plus; il ne reste que
-deux mille hommes à Rennes[725]. Je crois que Forbin et Vins s'en vont
-par Nantes; Molac y est retourné. C'est M. de Pomponne qui a protégé le
-malheureux dont je vous ai parlé; si vous m'envoyez le roman de votre
-premier président, je vous enverrai en récompense l'histoire lamentable
-du violon qui fut roué à Rennes.»
-
- [724] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (30 octobre 1675), t. IV, p. 178-180,
- édit. G.; t. IV, p. 63-64, édit. M.
-
- [725] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 novembre 1675), t. IV, p. 184, édit.
- G.; t. IV, p. 67, édit. M.
-
- «13 novembre 1675.
-
-«Ce que vous dites de M. de Chaulnes est admirable. Il s'est hier roué
-vif un homme à Rennes (c'est le dixième), qui confessa d'avoir eu
-dessein de tuer ce gouverneur: pour celui-là, il méritait bien la mort.
-On voulait, en exilant le parlement, le faire consentir, pour se
-racheter, qu'on bâtit une citadelle à Rennes; mais cette noble compagnie
-voulut obéir fièrement, et partit plus vite qu'on ne voulait, car tout
-se tournerait en négociation; mais on aime mieux les maux que les
-remèdes[726].»
-
- [726] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 novembre 1675), t. IV, p. 204, édit.
- G.; t. IV, p. 85, édit. M.
-
-L'opinion que manifeste madame de Sévigné sur le généreux dévouement du
-parlement, qui aime mieux souffrir que de trahir par un lâche compromis
-les intérêts de la province[727], prouve bien que c'est pour faire
-ressortir plus fortement la cruauté de M. de Chaulnes qu'elle vient de
-rapporter si froidement le supplice de ces deux roués, en insinuant
-qu'il y en avait peut-être neuf qui ne méritaient pas la mort; et ce
-qu'elle ajoute après, en écrivant à sa fille avec une amère ironie, nous
-fait pénétrer plus avant dans le secret de ses véritables sentiments.
-
- [727] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 novembre 1675), t. IV, p. 205, édit.
- G.
-
-«Vous me parlez bien plaisamment de nos misères. Nous ne sommes plus si
-roués; un en huit jours seulement, pour entretenir la justice. Il est
-vrai que la _penderie_ me paraît maintenant un rafraîchissement; j'ai
-une tout autre idée de la justice depuis que je suis dans ce pays: vos
-galériens me paraissent une société d'honnêtes gens qui se sont retirés
-du monde pour mener une vie douce. Nous vous en avons bien envoyé par
-centaines. Ceux qui sont demeurés sont plus malheureux que
-ceux-là[728].»
-
- [728] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 novembre 1675), t. IV, p. 219, édit.
- G.; t. IV, p. 99, édit. M.
-
-Quand madame de Sévigné exprimait de tels sentiments, ce n'est pas
-qu'elle fût brouillée avec le duc de Chaulnes; au contraire, la duchesse
-n'avait pas manqué de venir lui rendre visite ainsi qu'à la princesse de
-Tarente. Elle avait cherché à excuser auprès d'elles les cruautés de son
-mari par la nécessité de réprimer l'insurrection par la terreur. Les
-terres des Rochers, de Bodegat et de Sévigné et la ville de Vitré, où
-était la princesse, avaient été exemptes de payer les contributions
-imposées sur toute la province. Nonobstant cette faveur, madame de
-Sévigné ressentait si vivement les blessures faites aux droits et aux
-libertés de la Bretagne, qu'à l'exemple de quelques-uns de ses amis,
-elle semble persister dans le projet qu'elle avait conçu d'abandonner
-pour toujours cette province, et de transporter ailleurs son principal
-domicile[729].
-
- [729] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1675), t. IV, p. 240, édit.
- G.; t. IV, p. 117, édit. M.
-
-L'arbitraire et la cruauté ne faisaient qu'accroître le mal. Les prisons
-s'emplissaient, les supplices se multipliaient; et, sous la mauvaise
-administration financière du trésorier général et du parlement, les
-impôts, qui avaient enfanté la révolte, ne s'établissaient pas
-régulièrement. Plus d'agriculture, plus de commerce; l'argent avait
-disparu, et l'on ne trafiquait plus que par échanges. D'Harouis ne
-pouvait par son crédit trouver les trois millions que les états avaient
-votés pour le roi, avec les gratifications ordinaires au gouverneur, au
-lieutenant général et aux présidents des états, puisqu'il ne pouvait
-même faire face aux engagements contractés pour satisfaire aux besoins
-les plus urgents de la province. Alors Colbert appliqua à la Bretagne la
-mesure que Richelieu avait prise pour les autres provinces de France. On
-sait que, pour restreindre le pouvoir des gouverneurs et l'influence des
-parlements, Richelieu avait créé des intendants chargés de la
-répartition, de la levée des impôts et de statuer sur tout ce qui était
-du ressort de l'administration civile. Nulle institution n'avait plus
-contribué à consolider le pouvoir royal en centralisant le gouvernement
-et en donnant la faculté d'établir une législation uniforme, assujettie
-à des règles constantes.
-
-Mais Richelieu, malgré l'énergie de son despotisme, n'avait pas osé
-appliquer cette mesure à la Bretagne, dont les droits, lors de la
-réunion de ce duché à la couronne de France, avaient été si
-solennellement reconnus au mariage d'Anne, duchesse de Bretagne, en
-décembre 1491, avec Charles VIII, et, en janvier 1499, avec Louis XII.
-Cette puissante considération n'arrêta point Colbert; il se décida à
-donner un intendant à la Bretagne, mais se garda bien de supprimer le
-gouverneur et d'ôter à de Chaulnes cette belle charge: c'eût été
-affaiblir dans la province l'autorité du roi, donner plus d'espoir aux
-mécontents et rendre impossible l'administration de l'intendant. Il
-prescrivit au gouverneur d'abandonner, jusqu'au parfait établissement
-des impôts, l'exercice de tous ses pouvoirs. Afin que l'intendant pût
-exercer les siens avec une sorte de légalité, Colbert ne donna pas à
-cet administrateur le titre d'intendant, mais celui de commissaire du
-roi, et pour cette grande innovation il choisit un homme capable: il
-prit Pommereuil[730]. «Pommereuil, dit Saint-Simon, est le premier
-intendant qu'on ait hasardé d'envoyer en Bretagne et qui trouva moyen
-d'y apprivoiser la province... C'était celui des conseillers d'État qui
-avait le plus d'esprit et de capacité; d'ailleurs grand travailleur, bon
-homme et honnête homme, ferme, transcendant, qui avait et méritait des
-amis[731].» Madame de Sévigné était de ce nombre, et fut très-satisfaite
-du choix qu'on avait fait de lui; elle eut connaissance du grand pouvoir
-qu'on lui avait confié et des instructions qui avaient été données à M.
-de Chaulnes.
-
- [730] Auguste-Robert de Pommereuil fut en 1676 prévôt des
- marchands et en 1689 envoyé intendant en Bretagne. Il mourut en
- 1702.
-
- [731] SAINT-SIMON, _Mémoires complets et authentiques_, 1829,
- in-8º, t. Ier, p. 451, ch. XXXIX; t. II, p. 331, ch. XXI. Le vrai
- nom est Pommereuil, mais on prononçait Pommereu, et c'est ainsi
- que Saint-Simon écrit ce nom.
-
-Elle continue son journal:
-
- «11 décembre 1675.
-
-«Venons aux malheurs de cette province: tout y est plein de gens de
-guerre; il y en aura à Vitré, malgré la princesse. MONSIEUR l'appelle sa
-bonne, sa chère tante; je ne trouve pas qu'elle en soit mieux traitée.
-Il en passe beaucoup par la Guerche, qui est au marquis de Villeroy, et
-il s'en écarte qui vont chez les paysans, les volent et les dépouillent.
-C'est une étrange douleur en Bretagne que d'éprouver cette sorte
-d'affliction, à quoi ils ne sont pas accoutumés. Notre gouverneur a une
-amnistie générale; il la donne d'une main, et de l'autre huit mille
-hommes qu'il commande comme vous: ils ont leurs ordres. M. de Pommereuil
-vient; nous l'attendons tous les jours: il a l'inspection de cette
-petite armée, et il pourra bientôt se vanter d'y joindre un assez beau
-gouvernement. C'est le plus honnête homme et le plus bel esprit de la
-robe; il est fort de mes amis; mais je doute qu'il soit aussi bon à
-l'user que votre intendant (de Rouillé), que vous avez si bien
-apprivoisé[732].»
-
- [732] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1675), t. IV, p. 241, édit.
- G.; t. IV, p. 118, édit. M.
-
-Et onze jours après, madame de Sévigné écrit encore[733]:
-
- «A Vitré, samedi pour dimanche 22 décembre 1675.
-
-«Je suis venue ici, ma fille, pour voir madame de Chaulnes et la petite
-personne, et M. de Rohan, qui s'en vont à Paris. Madame de Chaulnes m'a
-écrit pour me prier de lui venir dire adieu ici. Elle devait venir dès
-hier; et l'excuse qu'elle donne, c'est qu'elle craignait d'être volée
-par les troupes qui sont sur les chemins: c'est aussi que M. de Rohan
-l'avait priée d'attendre à aujourd'hui; et cependant chair et poisson se
-perdent, car dès jeudi on l'attendait. Je trouve cela un peu familier,
-après avoir mandé positivement qu'elle viendrait. Madame la princesse de
-Tarente ne trouve pas ce procédé de bon goût, elle a raison; mais il
-faut excuser les gens qui ont perdu la tramontane: c'est dommage que
-vous n'éprouviez la centième partie de ce qu'ils ont souffert ici depuis
-un mois. Il est arrivé dix mille hommes dans la province, dont ils ont
-été aussi peu avertis, et sur lesquels ils ont autant de pouvoir que
-vous; ils ne sont en état de faire ni bien ni mal à personne. M. de
-Pommereuil est à Rennes avec eux tous; il est regardé comme un dieu: non
-pas que tous les logements ne soient réglés dès Paris, mais il punit et
-empêche le désordre: c'est beaucoup. Madame de Rohan et madame de
-Coëtquen ont été fort soulagées. Madame la princesse de Tarente espère
-que MONSIEUR et MADAME la feront soulager aussi: c'est une grande
-justice, puisqu'elle n'a au monde que cette terre, et qu'il est fâcheux,
-en sa présence, de voir ruiner ses habitants. Nous nous sauverons si la
-princesse se sauve.»
-
- [733] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 décembre 1675) t. IV, p. 263, édit.
- G.; t. IV, p. 127, édit. M.
-
-Le refroidissement qu'éprouvait madame de Sévigné pour madame la
-duchesse de Chaulnes était bien naturel après les actes de tyrannie et
-de cruauté du duc son mari; mais ce sentiment était injuste à l'égard de
-la duchesse, qui n'exerçait aucune influence sur les résolutions du
-gouverneur, et qui était pour madame de Sévigné «une bonne, solide et
-vigilante amie[734].»
-
- [734] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 septembre 1689), t. IX, p. 448, édit.
- G; t. IX, p. 103, édit. M.
-
-Quoique l'assemblée des états eût voté, sous l'influence de la terreur
-exercée par le duc de Chaulnes, toutes les sommes que ce gouverneur
-avait exigées d'eux au nom du roi[735], cependant elle avait osé
-représenter que l'introduction des troupes en Bretagne était contraire
-aux contrats faits entre le roi et la province; et elle réclama aussi le
-rétablissement du parlement à Rennes. Il ne fut fait droit à aucune de
-ces légitimes réclamations. Ce ne fut que douze ans après, en septembre
-1689 et lorsque le duc de Chaulnes quitta la Bretagne pour se rendre à
-Rome comme ambassadeur du roi, que Rennes redevint de fait la capitale
-de la province. Le parlement fut rétabli dans cette ville, et on y tint,
-la même année, l'assemblée des états.
-
- [735] _Registres mss. de la tenue des états de Bretagne_ (Bl.-M.,
- 75), p. 379 recto.
-
-Presque en même temps que se terminait à Dinan la tenue des états de
-Bretagne en 1675, finissait aussi, à Lambesc, celle de l'assemblée
-générale des communautés de Provence. Cette assemblée avait offert un
-spectacle bien différent de l'autre[736]; et, sous la sage
-administration du comte de Grignan et de l'intendant Rouillé, le pays
-prospérait, les populations étaient calmes. Les villes, et surtout celle
-de Marseille, florissaient par les progrès toujours croissants du
-commerce et de l'industrie; les campagnes se plaignaient vivement de
-l'énormité des impôts, du passage et du séjour des gens de guerre; mais
-elles n'avaient nulle envie de se révolter, et manifestaient avec
-soumission leurs sujets de mécontentement. L'assemblée réclamait, comme
-tous les ans, l'exécution franche de l'édit du mois d'août 1661, qui, en
-augmentant la taxe sur le sel, avait promis de décharger la province des
-dons gratuits[737]; et elle n'en votait pas moins sans difficulté la
-totalité de la somme (500,000 livres) qui lui était demandée par le
-gouverneur pour le don gratuit. Toujours arguant la teneur de l'édit de
-1630, elle refusait d'imposer à la province une nouvelle surcharge pour
-l'entretènement des troupes du gouverneur[738]; mais elle accordait la
-gratification de cinq mille livres au comte de Grignan, en considération
-«de tant de bons offices qu'il a rendus et qu'il rend encore à la
-province[739].» Le comte de Grignan n'éprouvait plus d'opposition dans
-l'assemblée ni dans le pays: Forbin-Janson, ambassadeur auprès de
-Sobiesky, n'avait plus à s'occuper des affaires de la Provence; Louis de
-Forbin d'Oppède, évêque de Toulon, était mort le 29 avril 1675; ainsi le
-puissant parti des Forbin ne formait plus d'obstacles aux ambitions de
-la maison de Grignan. Le clergé avait nommé pour procureur-joint aux
-états messire Jean de Gaillard, évêque d'Apt[740], qui n'avait aucune
-influence en cour, aucun intérêt à se déclarer l'antagoniste du
-gouverneur pour se rendre populaire dans son petit et antique évêché,
-auquel on ne disputait rien et qui n'avait tien à disputer à personne.
-D'un autre côté, le comte de Grignan vivait en parfaite intelligence
-avec l'intendant M. de Rouillé, dont la _justice_ selon l'aveu même de
-madame de Grignan, était la passion dominante[741]. De Rouillé, qui
-présida l'assemblée des états, dans le discours d'ouverture qu'il
-prononça, fit l'éloge du comte de Grignan, «qui, dit-il, outre la bonté
-de son naturel, jointe aux grands engagements qu'il a depuis longtemps
-dans cette province, n'épargne ni ses soins ni son crédit pour procurer
-des avantages aux habitants et pour conserver leurs intérêts.» La
-réponse à ce discours, par le vicaire général du cardinal Grimaldi, au
-nom de l'archevêque d'Aix, premier procureur-né du pays, renchérit
-encore sur les louanges que M. de Rouillé avait faites du comte de
-Grignan[742].
-
- [736] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (14 septembre 1689), t. IX, p. 458 et
- 459, édit. G.; t. IX, p. 112, édit. M.--_Mémoires de_ COULANGES,
- 1820, in-8º, p. 2.
-
- [737] _Abrégé des délibérations de l'assemblée générale des
- communautés de Provence_; à Aix, chez Charles David, 1675, in-4º,
- 61 pages.
-
- [738] _Abrégé des délibérations_, etc.; Aix, 1675, in-4º, p. 18
- et 20.
-
- [739] _Ibid._, p. 25.
-
- [740] _Ibid._, p. 16.
-
- [741] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 décembre 1673), t. III, p. 281, 282,
- édit. G.; t. III, p. 188, édit. M.
-
- [742] _Abrégé des délibérations_, etc., p. 10 et 14.
-
-Madame de Sévigné savait que les mêmes rigueurs qu'on exerçait sur la
-Bretagne avaient lieu, par les mêmes motifs, en Gascogne, en Guienne et
-en Languedoc[743], et c'était pour elle un grand sujet de consolation
-qu'il en fût tout autrement pour la Provence. Elle jouissait du
-contraste qui existait entre la réputation de son gendre et celle de M.
-le duc de Chaulnes.
-
- [743] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er et 11 décembre 1675), t. IV, p. 226
- et 241, édit. G.; t. IV, p. 103 et 245, édit. M.
-
-Mais ce que M. et madame de Grignan ignoraient, c'est que la faveur
-accordée au lieutenant général gouverneur de Provence et le rejet des
-propositions et des dénonciations de la faction des Forbin dans le
-conseil du roi étaient dus à l'appui de M. de Pomponne, vivement
-sollicité par sa belle-sœur madame de Vins et par d'Hacqueville, en
-l'absence de madame de Sévigné. De Pomponne et madame de Vins ne
-voulaient pas se faire des ennemis des Colbert et des autres puissants
-amis des Forbin, surtout de l'évêque de Marseille, ambassadeur auprès de
-Sobiesky, également bien accrédité en France et en Pologne. Ils
-désiraient que les services qu'ils avaient rendus aux Grignan fussent
-ignorés d'eux. Mais d'Hacqueville, l'empressé d'Hacqueville ne pouvait
-taire une si bonne nouvelle à madame de Sévigné; et madame de Sévigné
-pouvait-elle avoir un secret sans le confier à sa fille? Elle lui
-envoya donc la lettre de d'Hacqueville: «Voilà, écrit-elle, une lettre
-de d'Hacqueville qui vous apprendra l'agréable succès de nos affaires de
-Provence: il surpasse de beaucoup mes espérances... Voilà donc cette
-grande épine hors du pied; voilà cette caverne de larrons détruite;
-voilà l'ombre de M. de Marseille conjurée; voilà le crédit de la cabale
-évanoui; voilà l'insolence terrassée: j'en dirais jusqu'à demain. Mais,
-au nom de Dieu, soyez modestes dans vos victoires; voyez ce que dit le
-bon d'Hacqueville: la politique et la générosité vous y obligent. Vous
-verrez aussi comme je trahis son secret pour vous par le plaisir de vous
-faire voir le dessous de cartes qu'il a dessein de vous cacher à
-vous-mêmes[744].»
-
- [744] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er janvier 1676), t. IV, p. 283.
-
-«Je comprends avec plaisir, dit-elle à sa fille, la considération de M.
-de Grignan dans la Provence après ce que j'ai vu. C'est un agrément que
-vous ne sentez plus; vous êtes trop accoutumés d'être honorés et aimés
-dans une province où l'on commande. Si vous voyiez l'horreur, la
-détestation, la haine qu'on a ici pour le gouverneur, vous sentiriez
-bien plus que vous ne faites la douceur d'être aimés et honorés partout.
-Quels affronts! quelles injures! quelles menaces! quels reproches! avec
-de bonnes pierres qui volaient autour d'eux. Je ne crois pas que M. de
-Grignan voulût de cette place à de telles conditions; son étoile est
-bien contraire à celle-là[745].»
-
- [745] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 novembre 1675), t. IV, p. 187, éd.
- G.; t. IV, p. 70, édit. M.
-
-Mais madame de Grignan, dont les sympathies n'étaient nullement
-populaires, jugeait différemment de sa mère; et, comme femme d'un
-gouverneur à qui elle aurait voulu voir surmonter les résistances par la
-force, elle approuvait assez la sévérité du duc de Chaulnes. Madame de
-Sévigné réprime ce sentiment avec un ton d'autorité qui ne lui est pas
-ordinaire quand elle écrit à sa fille: «Vous jugez superficiellement,
-lui dit-elle, de celui qui gouverne cette province; non, vous ne feriez
-point comme il a fait, et le service du roi ne le voudrait pas[746].»
-
- [746] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1675), t. IV, p. 245, édit.
- G.; t. IV, p. 121, édit. M.
-
-Cependant _celui qui gouverne cette province_, le duc de Chaulnes, l'ami
-de madame de Sévigné, était loin d'être alors en disgrâce; au contraire,
-sa cruelle énergie envers les Bretons récalcitrants avait encore accru
-la faveur dont il jouissait avant la révolte. C'est ce que prouve le
-récit que fait madame de Sévigné de la suite qu'eut la dénonciation
-faite contre le duc de Chaulnes par le marquis de Coëtquen, gouverneur
-de Saint-Malo. Madame de Sévigné n'aimait ni Coëtquen ni sa femme, parce
-que celle-ci, coquette dépravée, avait trahi l'amour et la confiance de
-Turenne et livré ses secrets au chevalier de Lorraine[747], et que le
-mari avait dénoncé le premier les désordres d'Harouis à l'époque où ce
-financier jouissait encore de l'estime générale et de la confiance des
-états[748].
-
- [747] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 août 1671), t. II, p. 196 et 406,
- édit. G.; t. II, p. 161-393 et 421, édit. M.--_Ibid._ (4
- septembre 1675), t. IV, p. 82, édit. G.; t. III, p. 453, édit. M.
-
- [748] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 décembre 1673), t. III, p. 255, 256,
- édit. G.; t. III, p. 165, édit. M.
-
-«Voici l'histoire de notre province[749]. On vous a mandé comme était
-Coëtquen avec M. de Chaulnes; il était avec lui ouvertement aux épées
-et aux couteaux; il avait présenté au roi des mémoires contre la
-conduite de M. de Chaulnes depuis qu'il est gouverneur de cette
-province. M. de Coëtquen revient de la cour pour se rendre à son
-gouvernement (de Saint-Malo) par ordre du roi. Il arrive à Rennes, va
-voir M. de Pommereuil, et passe depuis huit heures du matin jusqu'à neuf
-heures du soir sans aller chez M. de Chaulnes; il n'avait pas même
-dessein d'y aller, comme il le dit à M. de Coëtlogon, et se faisait un
-honneur de braver M. de Chaulnes dans sa ville capitale. A neuf heures
-du soir, comme il était à son hôtellerie et n'avait qu'à se coucher, il
-entend arriver un carrosse, et voit monter dans sa chambre un homme avec
-un bâton d'exempt: c'était le capitaine des gardes de M. de Chaulnes,
-qui le pria de la part de son maître de venir jusqu'à l'évêché: c'est où
-demeure M. de Chaulnes. M. de Coëtquen descend, et voit vingt-quatre
-gardes autour du carrosse, qui le mènent sans bruit et en fort bon ordre
-à l'évêché. Il entre dans l'antichambre de M. de Chaulnes, et y demeure
-un demi-quart d'heure avec des gens qui avaient l'ordre de l'y arrêter.
-M. de Chaulnes paraît enfin, et lui dit: «Monsieur, je vous ai envoyé
-quérir pour vous ordonner de faire payer les francs fiefs dans votre
-gouvernement. Je sais, ajouta-t-il, ce que vous avez dit au roi; mais il
-le fallait prouver.» Et tout de suite il lui tourna le dos et rentra
-dans son cabinet. Le Coëtquen demeura fort déconcerté, et, tout enragé,
-regagna son hôtellerie.»
-
- [749] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 janvier 1676), t. IV, p. 314, édit.
- G.; t. IV, p. 185, édit. M.
-
-Madame de Sévigné trouva dans l'énergie de son caractère des moyens de
-ne pas se laisser abattre par la tristesse durant les malheurs qui
-affligeaient sa province et qui rejaillissaient sur tous les habitants,
-même sur ceux qui, comme elle, étaient entourés de plus de protections
-et d'appuis: «Il faut regarder, disait-elle à madame de Grignan, la
-volonté de Dieu bien fixement pour envisager sans désespoir tout ce que
-je vois[750].» Elle sut se créer des distractions; mais ses principaux
-soulagements furent dus sans doute à sa fille et à son fils, dont l'une
-par ses lettres et l'autre par ses assiduités, ses soins, sa tendresse,
-ses lectures, ses confidences, ses promesses de réforme étaient pour
-elle un sujet de joie et de bonheur. Madame de Sévigné trouva encore de
-douces consolations dans ses entretiens avec la duchesse de Tarente, si
-bien d'accord avec elle pour critiquer et blâmer tout ce qui se faisait
-alors, et qui, comme elle, cherchait à combattre la pénible impression
-du présent par le souvenir du passé. Les soins donnés par madame de
-Sévigné aux travaux de sa terre des Rochers et sa nombreuse
-correspondance remplissaient sans aucun vide toutes les heures de sa
-journée: assujetties à une distribution uniforme, ses occupations
-étaient réglées de manière à suffire à toutes. Dans le commencement de
-son séjour aux Rochers, sa santé était excellente; mais vers la fin elle
-s'altéra, et c'est alors qu'elle montra le plus de courage et de
-véritable philosophie. Le 27 octobre, elle écrit à madame de Grignan:
-
-«Les malheurs de cette province retardent toutes les affaires et
-achèvent de nous ruiner. Je fus coucher à ma _tour_ (à sa maison de
-Vitré). Dès huit heures du matin, ces deux bonnes princesse et duchesse
-(la princesse de Tarente et la duchesse de Chaulnes) étaient à mon
-lever... Je fus ravie de revenir ici: je fais une allée nouvelle qui
-m'occupe; je paye mes ouvriers en blé, et ne trouve rien de solide que
-de s'amuser et de se détourner de la triste méditation de nos misères.
-Ces soirées dont vous êtes en peine, ma fille, je les passe sans ennui;
-j'ai quasi toujours à écrire, ou bien je lis, et insensiblement je
-trouve minuit. L'abbé (de Coulanges, son tuteur) me quitte à dix, et les
-deux heures que je suis seule ne me font point mourir non plus que les
-autres. Pour le jour, je suis en affaires avec l'abbé, ou je suis avec
-mes chers ouvriers, ou je travaille à mon très-commode ouvrage. Enfin,
-mon enfant, la vie passe si vite, et par conséquent nous approchons
-sitôt de notre fin que je ne sais comme on peut si profondément se
-désespérer des affaires de ce monde. On a le temps ici de faire des
-réflexions; c'est ma faute si mes bois ne m'en inspirent pas l'envie. Je
-me porte toujours très-bien; tous mes gens vous obéissent admirablement;
-ils ont des soins ridicules de moi; ils viennent me trouver le soir,
-armés de toutes pièces, et c'est contre un écureuil qu'ils veulent tirer
-l'épée[751].»
-
- [750] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 septembre 1675), t. IV, p. 117, éd.
- G.; t. IV, p. 9, édit. M.
-
- [751] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27 octobre 1675), t. IV, p. 175, éd.
- G.; t. IV, p. 60, édit. M.
-
-Ce n'était pas seulement la princesse et la duchesse qui faisaient
-diversion à la solitude des Rochers; madame de Sévigné avait encore,
-dans un château voisin du sien, une famille d'une noblesse obscure, mais
-très-ancienne, qu'elle honorait de son amitié et qui se trouvait
-heureuse de lui plaire. Cette liaison datait du commencement du séjour
-de madame de Sévigné aux Rochers[752]; elle était devenue très-intime,
-puisque, malgré sa répugnance à sortir de chez elle, madame de Sévigné
-allait quelquefois dîner au château d'Argentré[753], et que du Plessis,
-le maître de ce château, se rendait quelquefois aux Rochers avec toute
-sa famille, et y était invité dans toutes les occasions solennelles.
-C'est ainsi qu'il s'y trouvait le 15 décembre, le jour où l'on dit la
-première messe à la chapelle construite par madame de Sévigné[754]. Du
-Plessis, qui allait aussi fréquemment aux Rochers pour y faire sa partie
-de reversi[755], paraît avoir été un bon gentilhomme, vivant indépendant
-dans sa province, sans avoir envie d'en sortir. Sa femme, comme lui fort
-modeste, sans ambition, menait une vie très-retirée. Elle lui avait
-donné un fils et une fille. Le fils était marié à une jolie et
-spirituelle Gasconne, qui plaisait beaucoup à madame de Sévigné.
-Malheureusement elle ne la voyait pas souvent, parce que, établie avec
-son mari en Provence, elle n'était que passagèrement chez son
-beau-père[756]. La seule personne de la famille qui se montrât
-empressée[757] auprès de madame de Sévigné était cette demoiselle du
-Plessis, que madame de Grignan, dès son plus jeune âge[758], avait
-appris à molester. On a dit que madame de Sévigné n'avait pas pour
-mademoiselle du Plessis toute l'aversion qu'elle manifeste dans ses
-lettres, et que c'était pour amuser sa fille qu'elle traçait de cette
-personne d'aussi grotesques peintures. Il est certain que, s'il ne nous
-était resté des lettres de madame de Sévigné que celles de l'époque dont
-nous nous occupons, on serait autorisé à penser ainsi; et madame de
-Sévigné mériterait le reproche d'ingratitude en ne sachant pas pardonner
-à une jeune fille, si constante dans son attachement pour elle, les
-imperfections qui déparaient ses bonnes qualités. Il est dans notre
-nature d'être plus indulgents pour les vices que pour les défauts. Les
-vices se dissimulent, et nous les ignorons quand ils nous nuisent; il ne
-se montrent que pour nous plaire ou nous être utiles: les défauts se
-produisent à chaque instant, nous blessent, nous irritent quelquefois et
-nous importunent toujours. Madame de Sévigné, par sa mansuétude et sa
-prédilection envers l'aimable et brillant Pomenars, par son dédain, sa
-sévérité envers mademoiselle du Plessis, peut donc être accusée
-justement de s'être abandonnée sans réserve à ce penchant égoïste auquel
-la raison et l'équité nous ordonnent de résister. Mais en rapprochant
-tout ce que madame de Sévigné nous apprend sur mademoiselle du Plessis
-il paraît qu'elle avait peu de droits à l'indulgence; qu'elle était
-envieuse, intéressée, hypocrite; qu'elle avait dans les sentiments une
-certaine bassesse que madame de Sévigné ne pouvait supporter chez une
-personne de noble naissance. Mademoiselle du Plessis faisait preuve, il
-est vrai, d'une admiration exaltée et d'un dévouement sans bornes pour
-la dame des Rochers; mais il était facile de s'apercevoir que cela avait
-pour cause la faiblesse commune alors à presque tous les nobles de
-province, qui cherchaient à tirer vanité de leurs liaisons avec la
-noblesse de cour.
-
- [752] Conférez ces _Mémoires sur Sévigné_, 4e partie, p. 259, ch.
- IX, et p. 362 et 363.
-
- [753] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 janvier 1676), t. IV, p. 298, édit.
- G.
-
- [754] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 décembre 1675), t. IV, p. 253, édit.
- G.; t. IV, p. 127, édit. M.
-
- [755] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (23 février 1676), t. IV, p. 348, édit.
- G.
-
- [756] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 juin 1671), t. II, p. 95 et 96,
- édit. M.; t. II, p. 115, édit. G.
-
- [757] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 juillet 1671), t. II, p. 157, édit.
- G.; t. II, p. 130, édit. M.
-
- [758] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 mai et 10 juin 1671), t. II, p. 86,
- 91 et 95, édit. G.; t. II, p. 72, 76, 77, 80.--_Ibid._ (29
- septembre 1675), t, IV, p. 116, édit. G.
-
-Mademoiselle du Plessis croyait s'être rendue nécessaire à madame de
-Sévigné par son empressement à exécuter ses volontés ou à prévenir ses
-désirs: elle lui tenait lieu de demoiselle de compagnie, ainsi qu'une
-très-jolie et très-innocente jeune fille qui demeurait au bout du parc
-des Rochers. Toutes deux étaient dociles, complaisantes et prêtes à
-tout; leur présence n'imposait pas plus de gêne à la dame des Rochers
-que celle de _Marphise_ ou de _Fidèle_[759].
-
-Mademoiselle du Plessis, dont les services étaient acceptés sans façon,
-sans remerciements, se croyait chérie de madame de Sévigné, et avait
-assez raison de penser ainsi. Cependant madame de Sévigné n'eut jamais
-pour elle que de l'antipathie. Mademoiselle du Plessis louchait
-horriblement[760], était d'une laideur affreuse, fausse et gauche dans
-toutes ses actions, maladroite dans ses flatteries, choquante par ses
-indiscrètes familiarités, étourdissante par ses ricanements, sotte et
-ridicule par son intarissable babil et ses exagérations[761]; tellement
-dépourvue de sens qu'elle prenait pour contre-vérités dictées par des
-accès de tendresse les dures paroles que lui adressait quelquefois
-madame de Sévigné. Plus les louanges de celle-ci étaient ironiques, plus
-sa raillerie était mordante, plus les épithètes dont elle l'affublait
-étaient injurieuses, plus mademoiselle du Plessis montrait de
-satisfaction et semblait reconnaissante[762]. Madame de Sévigné se
-permettait de renouveler assez souvent ces insultantes mystifications en
-présence de ses amis les moins respectables, tels que Pomenars; et alors
-la Plessis, comme dit madame de Sévigné, ne manquait jamais d'accroître,
-par ses gros rires, les retentissements de la bruyante gaieté qu'elle
-excitait, et complétait ainsi une scène digne du haut comique: celle de
-la sottise satisfaite, qui, se croyant louée, s'outrage et s'injurie
-elle-même.
-
- [759] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 et 25 décembre 1675), t. IV, p. 237,
- 238 et 271, édit. G.--_Ibid._ (1er janvier 1676), p. 287, édit.
- G.
-
- [760] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 juin 1671), t. II, p. 104, édit. G.;
- t. II, p. 86, édit. M.
-
- [761] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 juillet 1671), t. II, p. 142, édit.
- G.--_Ibid._ (19 juillet 1671), t. II, p. 147, édit. G.; t. II, p.
- 122, édit. M.--_Ibid._ (15 décembre 1675) t. IV, p. 256.--_Ibid._
- (12 juillet 1671), t. II, p. 142, édit. G.
-
- [762] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (16 octobre 1680), t. VI, p. 148, édit.
- G.; t. VII, p. 25, édit. M.
-
-Cela n'était ni charitable ni chrétien de la part de madame de Sévigné.
-Aussi est-elle quelquefois touchée de repentir, et elle s'écrie: «La
-Plessis a les meilleurs sentiments du monde; j'admets que cela puisse
-être gâté par l'impertinence de son esprit et la _ridiculité_ de ses
-manières[763].»
-
- [763] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 octobre 1675), t. IV, p. 148, édit.
- G.; t. IV, p. 36, édit. M.--_Ibid._ (8 décembre 1675), t. IV, p.
- 115, édit. M.; t. IV, p. 338, édit. G.
-
-Mais bientôt elle reconnaît que la Plessis est jalouse, envieuse,
-hypocrite, intéressée; elle s'étonne que dans les filles nobles il
-puisse s'en trouver une avec des sentiments aussi bas; et elle dit:
-
-«Mademoiselle du Plessis est à son couvent. Si vous saviez comme elle a
-joué l'affligée[764] et comme elle volait la cassette pendant que sa
-mère expirait, vous ririez de voir comme tous les vices et toutes les
-vertus sont jetés pêle-mêle dans le fond de ces provinces; car je trouve
-des âmes de paysans plus droites que des lignes, aimant la vertu comme
-naturellement les chevaux trottent. La main qui jette tout cela dans son
-univers sait fort bien ce qu'elle fait, et tire sa gloire de tout; et
-tout est bien[765].»
-
- [764] Conférez SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 mai 1680), t. VI, p. 295,
- édit. M.; t. VII, p. 8, édit. G.--_Ibid._ (5 juin 1680), t. VI,
- p. 301, édit. M.; t. VII, p. 20, édit. G.
-
- [765] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 juin 1680), t. VII, p. 66, édit. G.;
- t. VI, p. 340, édit. M.
-
-De tous les correspondants de madame de Sévigné, le plus exact, le plus
-actif, le plus fécond des _informateurs_ était sans contredit
-d'Hacqueville. Il se plaisait à être l'homme d'affaires et le
-nouvelliste de tous ses amis et de toutes ses connaissances; et quand il
-était éloigné d'eux il ne pouvait se dispenser de leur écrire souvent,
-de leur donner des nouvelles de tout le monde et sur toutes choses; et
-comme il exigeait qu'on lui répondît, sa correspondance ressemblait à un
-véritable journal manuscrit. Les nouvelles qu'il transmettait étaient de
-deux sortes: celles qu'il avait recueillies personnellement et qui
-composaient les matières des lettres écrites en entier de sa main, et
-celles qu'il faisait extraire et transcrire de sa nombreuse
-correspondance; celles-ci étaient sur des feuilles volantes, les mêmes
-pour tous les correspondants, et formant une sorte de supplément à ses
-lettres. Madame de Sévigné nous peint d'une manière intéressante
-l'embarras où la mettait, ainsi que beaucoup d'autres, l'intempérance
-épistolaire de d'Hacqueville et en même temps le fruit qu'elle en
-recueillait[766]. Cet embarras n'était pas moins grand que celui de
-concilier les règles de conduite contenues dans les devises qu'elle
-avait inscrites sur les arbres de son parc:
-
-«J'ai écrit, dit-elle, à d'Hacqueville. Au reste, qu'il ne me vienne
-plus parler de ses accablements, c'est lui qui les aime; il vous écrit
-trois fois la semaine; vous vous contenteriez d'une, et le gros abbé (de
-Pontcarré) le soulagerait d'une autre; voilà comme il s'accommoderait.
-Je lui ai proposé la même chose, et je ne lui écris qu'une fois en huit
-jours pour lui donner l'exemple; il n'entend point cette sorte de
-tendresse, et veut écrire comme le juge voulait juger. J'en suis dans
-une véritable peine, car je suis persuadée que cet accablement nous le
-fera mourir. Si vous aviez vu sa table les mercredis, les vendredis, les
-samedis, vous croiriez être au bureau de la grande poste. Pour moi, je
-ne me tue point à écrire; je lis, je travaille, je me promène, je ne
-fais rien: _Bella cosa far niente_, dit un de mes arbres; l'autre lui
-répond: _Amor odit inertes_: on ne sait auquel entendre; mais ce que je
-sens de vrai, c'est que je n'aime point à m'enivrer d'écriture. J'aime à
-vous écrire, je parle à vous, je cause avec vous: il me serait
-impossible de m'en passer; mais je ne multiplie point ce goût; le reste
-va parce qu'il le faut.»
-
- [766] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (9 octobre 1675), t. IV, p. 135, édit.
- G.; t. IV, p. 25, édit. M.
-
-Et quinze jours après, elle écrit encore[767]:
-
-«D'Hacqueville me dit qu'une fois la semaine c'est assez écrire pour des
-affaires; mais que ce n'est pas assez pour son amitié, et qu'il
-augmenterait plutôt d'une lettre que d'en retrancher une. Vous jugez
-bien que, puisque le régime que je lui avais ordonné ne lui plaît pas,
-je lâche la bride à toutes ses bontés, et lui laisse la liberté de son
-écriture; songez qu'il écrit de cette furie à tout ce qui est hors de
-Paris, et voit tous les jours tout ce qui y reste: ce sont _les
-d'Hacqueville_. Adressez-vous à eux, ma fille, en toute confiance: leurs
-bons cœurs suffisent à tout. Je me veux donc ôter de l'esprit de les
-ménager; j'en veux abuser; aussi bien si ce n'est moi qui le tue, ce
-sera un autre. Il n'aime que ceux dont il est accablé; accablons-le donc
-sans ménagement.»
-
- [767] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (16 octobre 1675), t. IV, p. 156, éd.
- G.; t. IV, p. 43, édit. M.
-
-Mais dans un grand nombre de nouvelles diverses que d'Hacqueville
-adressait à tant de personnes différentes[768], il lui arrivait
-quelquefois de se tromper, et de mander par distraction à madame de
-Sévigné, quand elle était aux Rochers, des nouvelles de Rennes: alors
-par malice elle lui adressait, des Rochers à Paris, des nouvelles de
-Paris qu'elle avait reçues d'une autre main et dont bien certainement il
-était plus tôt informé qu'elle. Dans une de ses lettres à madame de
-Grignan, égalant souvent en longueur les dépêches diplomatiques, elle
-dit: «D'Hacqueville, de sa _propre main_, car ce n'est point dans son
-billet de nouvelles, me mande que M. de Chaulnes, suivi de ses troupes,
-est arrivé à Rennes le samedi 12 octobre. Je l'ai remercié de ce soin,
-et je lui apprends que M. de Pomponne se fait peindre par Mignard.»
-Mais elle se trouvait bien heureuse de ce travers de d'Hacqueville
-quand, le courrier de Provence ayant manqué, les lettres qu'il lui
-écrivait contenaient des nouvelles récentes de madame de Grignan[769].
-
- [768] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (16 et 23 octobre), t. IV, p. 158 et
- 169-171, édit. G.; t. IV, p. 43 et 54-57, édit. M.
-
- [769] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er mars 1676), t. IV, p. 353, édit.
- G.; t. IV, p. 219, 220.
-
-Un motif plus puissant encore rendait la correspondance de d'Hacqueville
-importante pour madame de Grignan pendant le séjour de sa mère en
-Bretagne. Quoique le parti des Forbin-Janson n'eût plus de chef dans
-l'assemblée des états, cependant il existait toujours; et les Forbin qui
-se trouvaient en cour avaient continué à être leur organe, et
-dénigraient l'administration du gouverneur. M. de Grignan, qui n'avait
-jamais eu beaucoup d'ordre dans ses affaires, avait des procès à faire
-juger à Paris pour d'anciennes dettes contractées envers la famille de
-Mirepoix[770] en raison de son double mariage, d'abord avec mademoiselle
-de Rambouillet et ensuite avec mademoiselle du Puy du Fou. Ce débat
-aurait enfanté de nouveaux procès si l'on n'avait pas pris des
-arrangements avec les créanciers[771]. Pour toutes ces choses la
-protection de M. de Pomponne était utile et quelquefois décisive; il
-fallait donc la solliciter sans cesse et mettre à profit la bonne
-volonté de ce ministre. Madame de Sévigné, aidée de l'abbé de Coulanges
-et de ses nombreux amis, s'acquittait merveilleusement de cette tâche
-lorsqu'elle était à Paris; et les intérêts du gouverneur de la Provence
-et de madame de Grignan eussent beaucoup souffert si en leur absence
-d'Hacqueville, de concert avec madame de Vins, n'y eût suppléé avec le
-zèle de l'amitié la plus dévouée. Madame de Vins était la belle-sœur de
-M. de Pomponne, jolie et charmante personne dont madame de Sévigné se
-servait pour agir sur l'esprit de ce ministre. Elle avait épousé Jean de
-la Garde d'Agoult, bon gentilhomme de Provence, d'abord chevalier, puis
-marquis de Vins, brigadier et ensuite lieutenant général des armées du
-roi et proche parent des Grignan[772]. Il fut chargé, comme lieutenant
-des mousquetaires, de conduire des troupes en Bretagne[773]. Madame de
-Sévigné eut peu de rapports avec lui, et il s'abstint même d'aller lui
-rendre visite lorsqu'il passa à Laval et à trois lieues des Rochers.
-Comme beaucoup de militaires de son âge, le marquis de Vins menait une
-vie peu régulière, et, dans la bonne société, il avait avec les dames
-cette gaucherie et cette timidité que contractent ceux qui ne se
-plaisent que dans le sans-gêne des femmes qui ont abdiqué toute
-pudeur[774]. Il n'en était pas de même de madame de Vins, qui résidait à
-Paris tandis que son mari était en Bretagne: elle faisait les délices
-des élégantes sommités du monde et de la cour. L'influence qu'elle avait
-auprès de son beau-frère n'avait rien perdu de sa force depuis
-qu'indépendante par sa fortune ses attraits, son esprit, ses grâces lui
-attiraient un plus grand nombre d'hommages et planaient sur un plus
-vaste horizon. Aussi madame de Sévigné, qui savait que d'Hacqueville
-avait souvent recours à elle pour le succès de ses démarches, répondait
-avec empressement aux lettres qu'elle en recevait[775]. Madame de Vins
-était heureuse d'avoir une amie de l'âge et du mérite de madame de
-Sévigné[776] et fière d'entretenir avec elle une correspondance si bien
-assortie à toutes les sympathies de son cœur et de son esprit. De cette
-correspondance il ne nous reste pas le moindre débris, et les lettres de
-madame de Sévigné à sa fille nous prouvent que cette perte est
-très-regrettable. L'étroite liaison qui existait entre la marquise de
-Vins et madame de Sévigné jamais ne se relâcha et ne fut troublée par
-aucun nuage. La correspondance de madame de Vins avec madame de Grignan
-nous eût appris beaucoup de particularités qui auraient éclairé les
-lettres que nous possédons de madame de Sévigné, et elle eût aussi jeté
-du jour sur l'existence intérieure du ministre Pomponne, qui a eu une
-part si grande aux affaires publiques de ce temps. On s'étonne que
-madame de Sévigné, qui a vécu si longtemps dans l'intimité de ce
-ministre et celle de toute sa famille, dans les nombreuses lettres qui
-nous restent d'elle ne parle qu'une seule fois de madame de Pomponne,
-tandis qu'elle s'entretient fort souvent de sa sœur, mademoiselle de
-Ladvocat, qui fut depuis la marquise de Vins. La publication récente que
-l'on a faite des lettres de la famille de Feuquières nous explique cette
-apparente anomalie. Ces lettres nous font connaître que madame de
-Pomponne n'était nullement, comme sa sœur, comme madame de Sévigné, de
-ces femmes favorisées du ciel, toujours inspirées par le désir de
-plaire, qui appellent au secours de leurs attraits naturels les charmes
-de leur esprit et de leur doux langage. Madame de Pomponne était une
-excellente femme, qui donnait tout son temps à ses affaires de ménage;
-comme le bon abbé de Coulanges, elle aimait beaucoup à calculer, à
-équilibrer avec précision ses recettes et ses dépenses; elle prenait
-même aussi volontiers sur elle le soin de bien régler les intérêts de
-ses jeunes parents, qu'elle morigénait lorsqu'ils violaient les
-principes d'une sage économie[777]. Une pareille femme ne pouvait
-suffire à un homme tel que Pomponne, qui s'était habitué à se délasser
-de ses travaux diplomatiques par les agréments d'une société choisie et
-par le commerce des lettres. Voilà pourquoi mademoiselle de Ladvocat
-était devenue pour lui, dans son intérieur, comme le complément de sa
-femme. Dès lors on comprend facilement pourquoi madame de Sévigné, ne
-pouvant entretenir M. de Pomponne aussi promptement et aussi fréquemment
-que le réclamait l'urgence de ses affaires, employait pour suppléer à
-ces entretiens mademoiselle de Ladvocat, qui, avant son mariage,
-demeurait avec sa sœur dans la maison de ce ministre et qui depuis
-conserva toujours près de lui, comme belle-sœur, des privautés que
-nulle autre ne pouvait avoir. C'est ainsi que madame de Vins fut initiée
-aux choses du gouvernement et aux intrigues auxquelles elles donnaient
-lieu, tandis que madame de Pomponne n'avait ni le temps ni la volonté
-de s'en mêler, et y resta constamment étrangère. Ainsi doit
-s'interpréter le silence de madame de Sévigné et de tous ses
-contemporains sur madame de Pomponne, respectable matrone qu'un sage
-chez les Romains eût louée pour les qualités qu'elle avait et encore
-plus pour celles qu'elle n'avait pas et que son mari, bel esprit, aurait
-souhaité de trouver en elle; ce qui n'empêchait pas qu'elle ne possédât
-toute sa confiance et sa plus constante affection. Elle la méritait sous
-tous les rapports. Madame de Pomponne joignait aux vertus solides et aux
-talents d'une habile maîtresse de maison beaucoup d'instruction; madame
-de Sévigné nous apprend que ce fut elle qui dirigea l'éducation de sa
-belle-sœur madame de Vins et aussi celle de sa fille, femme du ministre
-d'Etat Colbert de Torcy[778].
-
- [770] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 août 1675), t. IV, p.
- 42-43.--_Ibid._ (8 mars 1676), t. IV, p. 358, édit. G.
-
- [771] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (25 décembre 1675), t. IV, p. 274, édit.
- G.--_Alliance des arts, Catalogue des archives de la maison de
- Grignan_, 1844, in-8º, p. 33 (1677, mars 3).
-
- [772] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 juillet 1673), t. III, p. 256, édit.
- G.
-
- [773] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (31 juillet 1675), t. III, p. 479, édit.
- G.
-
- [774] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 novembre 1675), t. IV, p. 207 et
- 208, édit. G.
-
- [775] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 décembre et 5 janvier 1676), t. IV,
- p. 287, 296, 297, édit. G.--_Ibid._ (24 juillet 1680), t. VII, p.
- 128, édit. G.
-
- [776] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 novembre et 25 décembre 1675), t.
- II, p. 214 et 273, édit. G.
-
- [777] _Mémoires et lettres de_ FEUQUIÈRES, t. II, p. 429.
-
- [778] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 mai 1689), t. X, p. 298, édit. G.
-
-A cette époque, madame de Sévigné avait à Paris une amie avec laquelle
-elle entretenait un commerce de lettres assez actif pour que madame de
-Vins voulût bien s'en montrer jalouse[779]. Cette amie était madame de
-Villars, sœur du maréchal de Bellefonds: elle avait épousé le marquis
-de Villars, qui suppléait au défaut d'une naissance ancienne et d'un
-riche patrimoine par un air noble et digne, une taille élevée, une belle
-figure; avantages qui lui avaient fait donner le nom romanesque
-d'_Orondate_[780]. «La marquise de Villars, dit Saint-Simon, était une
-bonne petite femme maigre et sèche, active, méchante comme un serpent,
-de l'esprit comme un démon, d'excellente compagnie et qui recommandait à
-son fils de se vanter au roi tant qu'il pourrait, mais de ne jamais
-parler de soi à personne[781]. Les trente-sept lettres qui nous restent
-de madame de Villars à madame de Coulanges et ce que nous apprend madame
-de Coulanges, ne se rapportent pas entièrement à cette peinture du
-caustique Saint-Simon[782]. «Elle est charmante par ses mines (dit
-madame de Coulanges) et par les petits discours qu'elle commence et qui
-ne sont entendus que par les personnes qui la connaissent.» Madame de
-Coulanges atteste encore que, bien loin d'être méchante comme un
-serpent, «madame de Villars était tendre, qu'elle savait bien aimer; ce
-qui donnait de l'amitié pour elle.» Sa mémoire doit être sous la
-protection de tous ceux qui portent un cœur français, puisqu'elle eut
-le bonheur de donner le jour au dernier des grands généraux de Louis
-XIV, au maréchal de Villars, qui sauva la France à Denain. La
-correspondance de madame de Sévigné avec la marquise de Villars nous
-manque entièrement; mais nous savons le motif qui donnait plus de
-chaleur à l'amitié qui les unissait[783] et leur faisait éprouver le
-besoin de se communiquer leurs pensées. Toutes deux avaient un fils à
-l'armée de Condé, et ces fils causaient à leurs mères de mortelles
-inquiétudes: ces deux fils furent blessés au sanglant combat de
-Senef[784]; mais les destinées de l'un et de l'autre furent bien
-différentes. Madame de Sévigné avait acheté malgré elle, pour son fils,
-la charge de guidon des gendarmes, parce qu'on lui avait persuadé que,
-lorsqu'elle mariait sa fille, il était convenable qu'elle fît aussi un
-établissement à son fils. Celui de guidon était trop subordonné à sa
-naissance et à sa fortune; Sévigné n'avait pris cette charge que pour
-pouvoir servir autrement que comme simple volontaire et dans l'espoir
-d'obtenir un prompt avancement. Cet espoir avait été déçu; et, à
-l'époque dont nous traitons, sa mère faisait des démarches pour vendre
-cette charge[785] et en acheter une autre: elle ne put y parvenir. Fils
-et frère de deux femmes des plus lettrées et des plus aimables de son
-temps, comme elles Sévigné aimait les lettres, les arts et les
-jouissances sociales. Un homme de son nom et de sa naissance devait
-n'être rien ou être militaire, et par cette raison il avait embrassé la
-carrière des armes. Il avait la bravoure (aucun gentilhomme n'en
-manquait), mais non le talent d'un guerrier. Sa mère, après qu'il eut
-été blessé au combat de Senef, avait écrit au maréchal de Luxembourg et
-à son parent le marquis de la Trousse pour lui faire avoir un congé,
-afin qu'il pût venir se rétablir aux Rochers, où elle serait aussi
-heureuse de le posséder que lui de s'y trouver[786]. C'était la seconde
-fois que Sévigné quittait l'armée alors que les opérations de la guerre
-étaient en pleine activité[787].
-
- [779] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 novembre 1675), t. IV, p. 207, édit.
- G.
-
- [780] SAINT-SIMON, _Mémoires authentiques_, 1829, in-8º, t. II,
- p. 114.--GOURVILLE, _Mémoires_, t. XLII, p. 294; t. XLI, p. 190,
- 280-288.--_Mémoires sur Sévigné_, part. I, p. 256, ch. XVII, et
- part. IV, p. 132, ch. VII.
-
- [781] _Supplément aux Mémoires de_ DANGEAU, cité par Monmerqué,
- _Biographie universelle_, article _Villars_, t. XLVIII, p. 423.
-
- [782] Madame DE VILLARS, _Lettres_, 1800, in-12, t. I, p. 9-196.
-
- [783] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 juillet 1671; 6, 9 et 13 octobre
- 1675), t. II, p. 140 et 438, et t. IV, p. 132 et 142, édit. G.
-
- [784] Duc DE VILLARS, _Mémoires_, p. 34-36.--SÉVIGNÉ, _Lettres_
- (5 septembre 1674), t. IV, p. 353, édit. G.
-
- [785] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er décembre 1675), t. IV, p. 525 et
- 526.--_Ibid._ (3 juillet 1680), p. 85 et 86.
-
- [786] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (9 octobre et 8 décembre 1675), t. IV,
- p. 137 et 257, édit. G.
-
- [787] _Mémoires sur Sévigné_, part. IV, p. 286, ch. X.
-
-Il n'en était pas ainsi du jeune Villars, qui ne voulait point de congé;
-ni Condé ni Luxembourg n'auraient accordé ce congé aux prières de sa
-mère, si elle avait pensé à le demander. Son père, le brillant
-_Orondate_, s'était distingué comme militaire par de beaux faits
-d'armes; mais Louvois, qui haïssait en lui l'époux de la fille du
-maréchal de Bellefonds, le traversait sans cesse dans tous ses projets
-d'avancement. Alors il quitta l'état militaire et se jeta dans la
-diplomatie, où il réussit comme à la guerre. Après s'être acquitté avec
-succès d'une ambassade en Espagne[788], il fut rappelé, et venait d'être
-nommé ambassadeur à la cour de Savoie[789], ce qui était, comme le
-remarque plaisamment madame de Sévigné, une application du proverbe:
-_Devenir d'évêque meunier_; mais ce n'était point une disgrâce, et il
-devait par la suite retourner ambassadeur en Espagne. D'ailleurs il
-fallait se retirer de la cour et du monde si l'on n'était pas résolu à
-servir le roi dans le poste, quelque médiocre qu'il fût, qu'il plaisait
-à Sa Majesté de vous assigner. Cependant Villars était mécontent, et ne
-se trouvait pas récompensé en raison des services qu'il avait rendus; et
-lui et sa femme se plaignant un jour devant leur jeune fils de leur
-mauvaise fortune: «Pour moi, dit résolûment cet enfant, j'en ferai une
-grande, ou je périrai[790].» Il tint parole.
-
- [788] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (30 mars 1672), t. II, p. 438, édit. G.
-
- [789] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 octobre 1675), t. IV, p. 132, édit.
- G.
-
- [790] DE VILLARS, _Mémoires_, édit. 1734, in-12, p. 7.
-
-Louis XIV venait de créer à cette époque, sous le nom de _Pages de la
-grande écurie_, un établissement pour l'éducation de la haute
-noblesse[791] du royaume. Ces jeunes gens, l'espérance des premières
-familles du royaume, accompagnaient comme volontaires le roi dans ses
-campagnes lorsque leur éducation était terminée. Ces volontaires
-montraient une telle ardeur pour courir au combat quand Louis XIV était
-présent qu'il leur était défendu d'aller au feu sans sa permission. Le
-jeune Villars, dès la première affaire où il se trouva, désobéit à cet
-ordre du roi, qui le gronda sévèrement. Mais sous ses yeux, sous les
-regards de Condé, de Turenne et de Luxembourg il déploya une valeur si
-brillante, montra un tel enthousiasme pour la guerre, une intelligence
-si élevée de la tactique, tant pour l'infanterie que pour la cavalerie;
-il étonna tellement ses chefs par son coup d'œil rapide et sûr, eut un
-bonheur si constant que, de désobéissance en désobéissance et de gronde
-en gronde, il s'éleva rapidement jusqu'au rang de colonel malgré
-l'inflexible Louvois et quoique son oncle le maréchal de Bellefonds,
-dont il était l'élève, fût en pleine disgrâce pour avoir refusé de
-servir sous Turenne. Le jeune Villars en était là[792] alors que son ami
-Sévigné, aux Rochers, assistait sa mère dans sa correspondance avec
-l'ambassadrice de Savoie, ou s'occupait à faire sa cour aux dames de
-Vitré ou de Rennes[793], et tandis que le chevalier de Grignan, à la
-tête de son régiment, se distinguait aussi dans cette guerre. Madame de
-Sévigné convient avec joie que ce chevalier de Grignan, qu'elle avait
-surnommé _le petit Glorieux_, acquérait une gloire solide[794]: Sévigné
-au contraire n'exerçait sa charge qu'avec négligence, et se laissait
-entraîner à la dissipation et à l'oisiveté par l'exemple des jeunes gens
-de son âge. «Le roi, dit madame de Sévigné à sa fille, a parlé encore
-comme étant persuadé que Sévigné a pris le mauvais air des officiers
-subalternes de son régiment[795].»
-
- [791] DUC DE VILLARS, _Mémoires_; la Haye, chez Pierre Gosse,
- 1734, in-12, p. 1, 16, 38 (années 1670-1672), et p. 23, 38, 52
- (années 1673-1675), t. LXVIII de la collection Petitot.
-
- [792] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 janvier 1676), t. IV, p. 303, édit.
- G.
-
- [793] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 juillet 1680), t. VII. p. 85 et 86,
- édit. G.
-
- [794] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 novembre 1675), t. IV, p. 207, édit.
- G.--_Mémoires sur Sévigné_, 4e part., p. 133.
-
- [795] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 juillet 1677), t. V, p. 268, édit. G.
-
-Un autre genre de correspondance qui occupait alors comme malgré elle la
-plume de madame de Sévigné aux Rochers, c'est celle qu'elle entretenait
-avec cette parente et amie de madame de Villars[796] qui avait été
-élevée avant celle-ci chez la maréchale de Bellefonds. Nous avons déjà
-fait connaître à nos lecteurs, dans la quatrième partie de ces Mémoires,
-la comtesse de Saint-Géran[797], cette petite femme si jolie, si
-spirituelle, dame du palais de la reine, toujours en cour, faite pour la
-cour, dont elle suivait tous les mouvements, à laquelle elle
-assortissait sa vie, ses goûts, ses plaisirs, ses croyances, ses
-occupations, successivement et suivant les temps galante, dévote,
-prodigue et rangée; toujours aimable, toujours recherchée, toujours
-ménagée, même durant les rigueurs qu'elle s'attira par ses imprudences.
-Elle ne cessa jamais d'entretenir les liaisons qu'elle avait formées
-avec madame de Sévigné et avec madame de Maintenon, auxquelles elle
-plaisait sans inspirer à l'une et à l'autre ni estime ni confiance[798].
-Il en est de même de madame de Frontenac[799], l'une des _divines_; et
-on a droit de s'étonner que les historiens de Maintenon et de Louis XIV
-se soient laissé égarer à l'égard de ces deux femmes par des fragments
-de lettres apocryphes, dont le plus faible examen aurait dû leur
-démontrer la fausseté[800]. Le gros Saint-Géran était cousin des
-Villars, et se trouvait à l'armée en même temps que Sévigné et Villars;
-ce qui contribuait à donner plus d'intérêt aux lettres adressées aux
-Rochers par la Saint-Géran, comme l'appelle madame de Sévigné[801].
-Aucun obstacle de famille n'avait empêché madame de Saint-Géran de
-prendre sa part aux plaisirs de cette cour si brillante et si agitée, où
-elle consuma son existence sans aucun profit pour sa fortune. Elle n'eut
-qu'une fille, dont elle accoucha après vingt et un ans de mariage[802].
-
- [796] SAINT-SIMON, _Mémoires_ (1694), t. I, p. 350, 440 et 441;
- t. II, p. 287. «Elle était, dit Saint-Simon, fille du cadet de
- Blainville.»
-
- [797] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 octobre 1675), t. IV, p. 132, édit.
- G.--_Mémoires sur madame de Sévigné_, 4e partie, p. 133.
-
- [798] MAINTENON, _Lettres au cardinal de Noailles_ (mars
- 1700).--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 février 1680), t. III, p. 396,
- édit. G.--_Ibid._ (17 juillet 1671), t. II, p. 141, édit.
- G.--_Ibid._ (6 avril 1696, de madame DE COULANGES), t. X, p. 296,
- édit G.--_Ibid._ (16 octobre 1675), t. IV, p. 160, édit.
- G.--_Ibid._ (12 janvier 1676), t. IV, p. 311, édit. G.--_Ibid._
- (26 août 1676), t. V, p. 90, édit. G.--_Ibid._ (24 février 1680),
- t. VI, p. 396, édit G.--_Ibid._ (22 mai 1674), t. III, p. 238,
- édit. G.
-
- [799] Sur Frontenac, conférez ces _Mémoires sur Sévigné_, 1re
- partie, p. 339, 359, 409; 2e, p. 29, 441, 454; 4e, p. 132.
-
- [800] Conférez les _Notes et éclaircissements_, à la fin de ce
- volume.
-
- [801] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 mars 1696), t. XI, p. 290, édit. G.
-
- [802] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 décembre 1688), t. IX, p. 46 et 47,
- édit. G.
-
-
-
-
-CHAPITRE XV.
-
-1675-1680.
-
- Madame de Sévigné se plaint du grand nombre de lettres qu'elle est
- obligée d'écrire.--Les correspondances particulières suppléaient
- autrefois aux gazettes.--Le nombre des correspondants de madame de
- Sévigné s'accroissait chaque jour avec sa célébrité.--Sa liaison
- avec madame de Marbeuf.--Elle espère par elle marier son
- fils.--Soins et attentions de Sévigné pour sa mère.--Contraste de
- sa manière de vivre avec son fils et de celle qu'avait la princesse
- de Tarente avec le sien.--Opinion de madame de Sévigné sur le jeune
- prince de Tarente.--Celui-ci fait mieux son chemin dans le monde
- que Sévigné.--Volages amours de ce dernier.--Son intimité avec
- madame du Gué-Bagnols.--Détails sur cette intrigue.--Madame de
- Sévigné cherche à marier son fils avec la fille du comte de
- Rouillé, intendant de Provence, et ne réussit point.--Craintes de
- madame de Sévigné en apprenant que madame de Grignan est
- enceinte.--Suite des détails sur la liaison amoureuse de Sévigné et
- de madame du Gué-Bagnols.--Autres attachements de Sévigné avec la
- duchesse de V..., avec mademoiselle de la Coste et mademoiselle de
- Tonquedec.--Nouveaux travaux entrepris par madame de Sévigné aux
- Rochers.--Elle est retenue à la campagne par le plaisir qu'elle
- trouve à y séjourner.--Affaire du président Méneuf.--Niaiserie du
- fils de ce président.--Les affaires de madame de Sévigné
- l'obligeaient à retourner à Paris, mais elle tombe malade
- dangereusement.--Guérie de sa fièvre, elle ne peut plus écrire
- qu'en dictant à son fils et ensuite à la jeune fille de sa
- voisine.--Sévigné part pour Paris, afin de traiter de sa charge de
- guidon avec de Viriville.--Madame de la Baume y met un empêchement
- indirect en faisant enlever madame de la Tivolière pour la marier
- avec son fils.--Madame de Sévigné part des Rochers le 24 mars pour
- retourner à Paris.--Désespoir de la jeune fille qui lui servait de
- secrétaire.--Madame de Sévigné s'arrête à Malicorne.--Elle y entend
- l'oraison funèbre de Turenne par Fléchier.--Elle arrive à Paris.
-
-
-Madame de Sévigné se plaint fréquemment à sa fille du nombre de lettres
-qu'elle recevait et auxquelles elle était obligée de répondre. C'est
-qu'à une époque où le commerce épistolaire était mieux apprécié, plus
-recherché qu'il ne peut l'être depuis la publication de ces milliers de
-journaux partout imprimés, partout répandus, les intrigues des cours,
-les mouvements des armées, les promotions aux places, aux honneurs, aux
-titres, aux rangs; les succès et les revers de fortune, les anecdotes du
-jour, les grands accidents, les procès célèbres, le théâtre, la
-littérature et les arts, toutes les nouveautés, tous les faits, tous les
-événements publics ou privés, grands ou petits, étaient alors du domaine
-des correspondances individuelles et particulières. Il était naturel
-alors que madame de Sévigné, qui se montrait la plus diligente à jaser
-spirituellement, agréablement de toutes ces choses; qui, par sa position
-et ses relations multipliées, était la mieux et la plus promptement
-instruite, fût, à chaque nouvelle liaison qu'elle formait, obligée
-d'ajouter un nom de plus à la liste déjà si nombreuse des personnes dont
-elle recevait régulièrement des lettres pleines d'informations, et
-encore plus de questions, auxquelles il fallait répondre. Parmi ces
-nouvelles connaissances était la marquise de Marbeuf, avec laquelle elle
-se lia assez intimement durant le long séjour qu'elle fit cette fois en
-Bretagne. La marquise de Marbeuf était la femme de Claude de Marbeuf,
-président à mortier du parlement de Bretagne. Indignée de la tyrannie du
-duc de Chaulnes, elle résolut, à l'exemple de plusieurs Bretons, d'aller
-se fixer à Paris; projet qu'elle effectua[803] du vivant de son mari,
-peu de temps après le commencement de son intimité avec madame de
-Sévigné. Elle eut du succès dans le monde, elle y acquit de l'influence;
-et madame de Sévigné, à laquelle elle plaisait, espérait qu'elle
-l'aiderait à marier son fils et à vendre sa charge de guidon.
-
- [803] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 novembre et 11 décembre 1675), t.
- IV, p. 200 et 240, édit. G.
-
-Le baron de Sévigné était depuis longtemps l'objet des vives
-sollicitudes de sa mère; il était fréquemment obligé de quitter les
-Rochers pour aller à Vitré ou à Rennes, mais il prolongeait son séjour
-dans ces deux villes plus qu'il n'était besoin, et s'y occupait
-d'intrigues amoureuses. Il continua ce genre de vie lorsqu'il fut de
-retour à Paris, ce qui contrariait la tendresse maternelle de madame de
-Sévigné, qui aurait voulu lui voir former des liens sérieux et
-utiles[804]. Pour parvenir à lui faire changer de conduite, elle ne lui
-montrait jamais un visage sévère, et continuait toujours, afin de capter
-sa confiance, de traiter avec lui ces matières sans nulle aigreur.
-Madame de Grignan approuvait à cet égard la conduite de sa mère, qui ne
-lui cachait rien, mais dissimulait quelquefois avec son fils. Sévigné
-avait plus de sensibilité, mais une tête et un caractère plus faibles
-que sa sœur. Il se repentait souvent de ne pas suivre les conseils de
-sa mère, et revenait toujours à elle avec des résolutions meilleures et
-plus de soumission.
-
- [804] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 août 1675), t. IV, p. 16.--_Ibid._
- (1er janvier 1676), t, IV, p. 184, édit. G.
-
-«Nous suivons vos avis pour mon fils, écrit madame de Sévigné à madame
-de Grignan; nous consentons à quelques fausses mines; et si l'on nous
-refuse, chacun en rendra de son côté. En attendant, il me fait ici fort
-bonne compagnie, et il trouve que j'en suis une aussi: il n'y a nul air
-de maternité à notre affaire[805].»
-
- [805] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 décembre 1675), t. IV, p. 279, édit.
- G.
-
-Dans une autre lettre, elle avait dit: «Comme je venais, je trouvai au
-bout du Mail le _frater_, qui se mit à deux genoux aussitôt qu'il
-m'aperçut, se sentant si coupable d'avoir été trois semaines sous terre
-à _chanter matines_ qu'il ne croyait pas me pouvoir aborder d'une autre
-façon. J'avais bien résolu de le gronder, et je ne sus jamais où trouver
-de la colère. Je fus fort aise de le voir. Vous savez comme il est
-divertissant: il m'embrassa mille fois; il me donna les plus mauvaises
-raisons du monde, que je pris pour bonnes. Nous causons fort, nous
-lisons, nous nous promenons, et nous achèverons ainsi l'année,
-c'est-à-dire le reste[806].»
-
- [806] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 décembre 1675), t. IV, p. 229, édit.
- G.
-
-Mais Sévigné va encore à Rennes, et en revient trois semaines après; et
-sa mère écrit:
-
-«Le _frater_ est revenu de Rennes; il m'a rapporté une chanson qui m'a
-fait rire: elle vous fera voir en vers une partie de ce que je vous ai
-dit l'autre jour en prose[807].»
-
- [807] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er janvier 1676), t. IV, p. 284, édit.
- G.
-
-La princesse de Tarente avait envers son fils, non encore majeur, la
-morgue allemande, et elle le maintenait dans le respect qui lui était
-dû. Elle ne pouvait comprendre la conduite de madame de Sévigné, et
-était toujours de plus en plus choquée des familiarités du fils envers
-sa mère. «Cela n'est pas étonnant, disait madame de Sévigné: elle qui
-n'a qu'un grand benêt de fils, qui n'a point d'âme dans le corps[808]!»
-Ce jeune prince de Tarente, cet unique héritier des la Trémouille, qui
-déplaisait tant à madame de Sévigné parce qu'il était encore plus laid
-que M. de Grignan[809], élevé en province, n'avait ni les grâces ni les
-manières d'un homme de cour. Sans avoir le génie et les grandes qualités
-de son père, il mena cependant une existence brillante et honorée; il
-s'acquit l'estime et la confiance de la noblesse de Bretagne, qu'il
-présida au moins sept fois dans l'assemblée des états, au détriment du
-duc de Rohan[810]; et il obtint pour prix de ses services, sans
-courtisanerie et sans sollicitations, d'être nommé chevalier des ordres
-du roi. Le marquis de Sévigné au contraire gouverna mal sa fortune, son
-ambition et ses amours; il passa le temps de sa jeunesse dans la société
-des poëtes, des artistes et des jeunes fous de son temps, moitié homme
-du monde, moitié militaire. La jolie figure, les grâces, l'élégance,
-l'esprit de cet officier blondin inspiraient à beaucoup de beautés
-galantes le désir de s'en faire aimer; mais elles le quittaient aussitôt
-qu'elles s'apercevaient que le reste ne répondait pas à ces brillants
-dehors. C'est cette disposition à former des liaisons où le cœur
-n'était pour rien[811], à être dupe des femmes qu'il croyait avoir
-subjuguées; ce sont ces continuels efforts pour vouloir paraître
-toujours succomber aux atteintes d'une passion qu'il ne ressentait pas,
-qui lui avaient attiré les railleries du duc de la Rochefoucauld; et sa
-sœur, qui l'aimait, voulut l'empêcher de s'y exposer; mais, moins bonne
-que sa mère et ne craignant pas de le choquer, elle lui avait fait sur
-ce sujet de vifs reproches, assaisonnés d'une piquante ironie. La
-réponse de Sévigné jette du jour sur ses intrigues amoureuses et sur les
-mœurs de ce temps; elle termine une lettre que sa mère écrit à madame
-de Grignan, et qui s'arrête à ces mots:
-
-«Je laisse la plume à l'honnête garçon qui est à mon côté droit; il dit
-que vous avez trempé la vôtre dans du feu en lui écrivant: il est vrai
-qu'il n'y a rien de si plaisant[812].
-
- [808] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 décembre 1675), t. IV, p. 279, édit.
- G.
-
- [809] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (23 octobre 1689), t. IX, p. 172, édit.
- M.; t. X, p. 48, édit. G.
-
- [810] Après la mort de son père, qui eut lieu en 1672, et de son
- grand-père, en 1674, le prince de Tarente, majeur, présida les
- états de Bretagne à Saint-Brieuc en 1677 (20 août, 9 octobre), à
- Nantes (1681, 19 août, 18 février), à Dinan (1687, 1er août et 23
- août), à Saint-Brieuc (1687, 1er et 30 octobre), à Rennes (1689,
- 20 octobre, 13 novembre), à Vitré (1697, 16 octobre, 16
- novembre), à Nantes (1701, 30 juillet, 23 avril). _Registre ms.
- de la tenue des états de Bretagne, Bibl._ nat., p. 385, 407, 433,
- 437 et 535.
-
- [811] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 mai 1673), t. III, p. 153, édit. G.
-
-«Que dis-je du feu? (continue M. de Sévigné) c'est dans du fiel et du
-vinaigre que vous l'avez trempée cette impertinente plume qui me dit
-tant de sottises, sauf correction. Et où avez-vous donc pris, madame la
-comtesse, que je ne fusse pas capable de choisir une amie? Est-ce parce
-que je m'étais adonné pendant trois ans à une personne qui n'a pu
-s'accommoder de ce que je ne parlais pas au public et que je ne donnais
-pas la bénédiction au peuple? (Serait-il encore question ici de la belle
-_Alsine_, de la duchesse d'Aumont, cette maîtresse de le Tellier,
-l'archevêque de Reims, et du CHARMANT, le marquis de Villeroi[813]?)
-Vous avez eu du moins grande raison d'assurer que ma blessure était
-guérie et que j'étais dégagé de mes fers. Je suis trop bon catholique
-pour vouloir rien disputer à l'Église. C'est depuis longtemps qu'il est
-réglé que le clergé a le pas sur la noblesse... Je suis redevenu
-esclave d'une autre beauté brune, dans mon voyage de Rennes: c'est de
-madame de..., celle qui priait Dieu si joliment aux Capucins. Vous
-souvenez-vous que vous la contrefaisiez? Elle est devenue bel esprit, et
-dit les élégies de la comtesse de la Suze en langage breton.»
-
- [812] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er janvier 1676), t. IV, p. 286, édit.
- G.
-
- [813] Conférez _Mémoires sur Sévigné_, part. IV, p. 211, 277 et
- 356; ch. VIII et X, et les notes.
-
-Cependant Sévigné, engagé dans les liens d'une parente ou d'une alliée
-de sa propre famille, devint plus réservé dans les confidences qu'il
-faisait à sa mère. C'est ainsi qu'il s'efforça, mais en vain, de couvrir
-du voile du mystère ses amours avec madame du Gué-Bagnols. Cette femme,
-qui était loin d'avoir l'amabilité de sa sœur, madame de Coulanges,
-était, ainsi que je l'ai déjà dit, mariée depuis quatre ans, à l'époque
-dont nous nous occupons, à Louis du Gué-Bagnols, son cousin issu de
-germain. Sa liaison avec Sévigné suivit presque celle de la dame brune
-de Rennes, et eut lieu peu après, aussitôt le retour de Sévigné à
-Paris[814].
-
- [814] _Mémoires sur Sévigné_, 4e partie, p. 198.--SÉVIGNÉ,
- _Lettres_ (17 février 1672), t. II, p. 391, édit. G.
-
-Madame de Sévigné mande à sa fille, de la manière suivante, un incident
-fâcheux de cette intrigue: «Ah! c'est un homme bien amoureux que
-monsieur votre frère! j'admire la peine qu'il se donne pour rien, pour
-rien du tout. Il a été surpris dans une conversation fort secrète par un
-mari; ce mari fit une mine très-chagrine, parla très-rudement à sa
-femme: l'alarme était au camp quand je partis (pour Livry, d'où la
-lettre est datée); je manderai la suite à Paris[815].» Et elle mande
-quatre jours après, dans la même lettre datée de Paris: «Le baron a
-tout raccommodé par son adresse; il en sait autant que les maîtres, et
-plus; car, pour imiter l'indifférence, personne ne le peut surpasser;
-elle est jouée si fort au naturel, et le vraisemblable imite si bien le
-vrai, qu'il n'y a point de jalousie ni de soupçons qui puissent tenir
-contre une si bonne conduite. Vous auriez bien ri si vous aviez su tout
-le détail de cette aventure. Il me semble que vous devinez le nom du
-mari. A tout hasard, la femme s'en va dans votre voisinage[816].»
-
- [815] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 et 7 juillet 1677), t. V, p. 269 et
- 270, édit. M.--_Ibid._ (26 juillet 1677), t. V, p. 305, édit. G.
-
- [816] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 et 19 juillet 1677), t. V, p. 270 et
- 294, édit. G.
-
-Parler ainsi, c'était nommer ce mari; car madame de Grignan savait
-très-bien que madame du Gué-Bagnols devait aller à Lyon rejoindre ses
-parents; et Sévigné, dont l'amour s'était attiédi, cherchait déjà,
-suivant l'habitude des officiers en garnison, une autre maîtresse pour
-remplacer celle qu'il allait perdre. Dans une lettre où madame de
-Sévigné se complaît un peu trop, pour amuser sa fille, à railler une
-femme qu'elle n'aimait pas, elle n'hésite point à nommer ce mari: «La
-Bagnols est partie aujourd'hui; je mande à mon fils que, s'il n'est
-point mort de douleur, il vienne demain dîner (à Livry) avec tous les
-Pomponne; il sera plus heureux que M. de Grignan, qui se trouve
-abandonné, parce qu'il n'avait à Aix que trois maîtresses, qui toutes
-lui ont manqué: on ne peut en avoir une trop grande provision; qui n'en
-a que trois n'en a point. J'entends tout ce qu'il dit là-dessus. Mon
-fils est bien persuadé de cette vérité; je suis assurée qu'il lui en
-reste plus de six, et je parierais bien qu'il n'en perdra aucune par la
-fièvre maligne, tant il les choisit bien depuis quelque temps. Oh! vous
-voyez que ma plume veut dire des sottises aussi bien que la
-vôtre[817].»
-
- [817] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 juillet 1677), t. V, p. 294, édit.
- G.
-
-On voit qu'alors la mère et la fille étaient en train de s'entretenir
-d'aventures galantes: non-seulement madame de Bagnols, mais sa sœur
-madame de Coulanges, donnaient matière à exercer la malignité de leurs
-plumes. On se croit transporté en plein dix-huitième siècle. L'exemple
-du monarque et de sa cour avait banni de la haute classe ces chastes
-scrupules, cette susceptibilité qui honoraient la première génération
-des précieuses à l'hôtel de Rambouillet. Déjà des mères respectables,
-qui elles-mêmes se maintenaient dans toute la dignité de leur sexe,
-voyaient sans peine leurs fils chercher à plaire à des femmes mariées,
-habiles à couvrir d'un voile le mystère de leurs amours. C'était un
-moyen nouveau de combiner l'indifférence pour les intérêts d'une vertu
-sévère avec le respect dû aux convenances; de concilier la licence des
-mœurs avec la politesse des manières, et la sensualité des passions
-avec la délicatesse des sentiments: toutes choses qui s'évanouissaient
-dans le commerce ruineux des Laïs indépendantes[818].
-
- [818] Conférez ces _Mémoires sur Sévigné_, I, 3, 86; III, 23; IV,
- 102.
-
-Madame de Sévigné, quoique janséniste, était du nombre de ces mères; et,
-pour tranquilliser sa conscience sur le tort que son fils pouvait faire
-aux maris par ses amours volages, elle se persuadait facilement qu'avec
-les femmes auxquelles il s'adressait il ne faisait que prévenir un plus
-grand mal, et que, dans les mœurs du siècle, la morale du CONTEUR, au
-prologue de la _Coupe enchantée_, était la seule praticable. Mais
-Sévigné n'était pas alors l'objet de la volage préférence de madame de
-Coulanges; aussi madame de Sévigné n'en parle-t-elle que légèrement.
-Admirez pourtant comme elle mêle habilement à ces frivolités les
-nouvelles de la guerre qui alors tenait tout le monde en suspens! On
-avait envoyé au maréchal de Créqui, pour grossir son armée, toutes les
-troupes que commandait le maréchal de Schomberg, et celui-ci était resté
-seul avec son état-major; et, comme madame de Sévigné fut de tout temps
-liée avec la maréchale de Schomberg (Marie de Hautefort)[819], cette
-nouvelle l'intéressait au plus haut degré. «La _Mouche_ (madame de
-Coulanges), dit d'abord madame de Sévigné, ne peut pas quitter la cour
-présentement; quand on y a de certains engagements, on n'est point
-libre.» Puis, deux jours après: «La _Mouche_ est à la cour; c'est une
-fatigue; mais que faire? M. de Schomberg est toujours vers la Meuse,
-c'est-à-dire _tout seul tête à tête_. Madame de Coulanges disait l'autre
-jour qu'il fallait donner à M. de Coulanges l'intendance de cette
-armée[820].» L'aimable chansonnier qui s'était autrefois noyé _dans la
-mare à Grappin_ était encore moins propre à être intendant d'armée que
-juge; mais comme le maréchal n'avait plus d'armée, en lui envoyant
-Coulanges pour intendant militaire, celui-ci aurait réjoui le maréchal
-oisif par ses couplets, et se serait trouvé à la hauteur de ses
-fonctions. Madame de Sévigné, soit qu'elle ait inventé ce propos, soit
-qu'il ait été dit par madame de Coulanges, faisait entendre à madame de
-Grignan que la présence de M. de Coulanges à Paris était, pour sa femme,
-au moins inutile.
-
- [819] Sur Marie de Hautefort, conférez ces _Mémoires sur
- Sévigné_, I, 229, 471; III, 134.
-
- [820] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 et 23 juillet 1677), t. V, p. 293 et
- 303, éd. G.
-
-
-Elle est moins laconique et surtout plus explicite sur le compte de la
-sœur de madame de Coulanges. Les deux sœurs étaient également l'objet
-des railleries de madame de Grignan pour leur vanité[821]; mais il y
-avait entre elles une grande différence sous le rapport de l'esprit, de
-l'usage du monde, de l'amabilité, des grâces et du charme de la
-conversation. Madame du Gué-Bagnols était pleine d'afféterie, de
-prétentions et mortellement ennuyeuse. Madame de Sévigné désirait
-non-seulement en détacher son fils, mais persuader à madame de Grignan
-que Sévigné avait renoncé à cette maîtresse et n'entretenait avec elle
-une correspondance que par un reste d'égard et pour ne pas s'écarter des
-procédés d'un honnête homme. Par l'intermédiaire de madame de Grignan,
-madame de Sévigné négociait alors le mariage de son fils avec
-mademoiselle Rouillé, fille de l'intendant de Provence. A Aix, madame de
-Sévigné avait fait la connaissance de madame de Rouillé, et la trouvait
-aimable[822]. Madame de Rouillé vint à Paris en août 1675, et apprit à
-madame de Sévigné qu'elle avait d'autres vues qu'elle pour le mariage de
-sa fille; ce qui n'altéra point leur amitié. Rouillé, qui fut un de ces
-grands administrateurs formés à l'école de Colbert et devint par la
-suite intendant général des postes, avait une dot considérable à donner
-à sa fille: il ne trouva pas que le marquis de Sévigné fût assez riche
-ni assez avancé dans sa carrière militaire, et il ne se laissa point
-tenter par une alliance plus brillante que solide[823].
-
- [821] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 octobre 1679), t. VI, p. 151, édit.
- G.; et MAINTENON, _Lettres_, 28 février (1678), t. I, p. 154,
- édit. 1756, in-8º.
-
- [822] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 août 1675), t. IV, p. 16, édit. G.
-
- [823] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 juillet 1677), t. V, p. 297, édit.
- G.
-
-Madame de Sévigné commence par annoncer le départ de madame de Bagnols
-en ces termes: «La Bagnols est partie, et la Mousse est allé avec
-elle[824].» Ceux qui ont lu la quatrième partie de ces Mémoires se
-rappellent le petit abbé de la Mousse, dont madame de Sévigné estimait
-le savoir et le caractère, qu'elle hébergea si longtemps et dont elle ne
-se séparait jamais qu'avec peine. On sait qu'il était le fils naturel de
-M. du Gué-Bagnols[825], l'intendant de Lyon, et par conséquent frère de
-madame de Coulanges et de madame du Gué-Bagnols la jeune. Madame de
-Sévigné, continuant sur celle-ci la plaisanterie de sa lettre du 19
-juillet, écrit, sept jours après[826]:
-
-«M. de Sévigné apprendra donc de M. de Grignan la nécessité d'avoir
-plusieurs maîtresses, par les inconvénients qui arrivent de n'en avoir
-que deux ou trois; mais il faut que M. de Grignan apprenne de M. de
-Sévigné les douleurs de la séparation quand il arrive que quelqu'un s'en
-va par la diligence. On reçoit un billet du jour du départ, qui
-embarrasse beaucoup, parce qu'il est fort tendre: cela trouble la gaieté
-et la liberté dont on prétend jouir. On reçoit encore un autre billet de
-la première couchée, dont on est enragé. Comment diable? cela
-continuera-t-il de cette force? On me conte cette douleur; on met sa
-seule espérance au voyage que le mari doit faire, croyant que cette
-grande régularité en sera interrompue; sans cela, on ne pourrait
-souffrir un commerce de trois fois la semaine. On tire les réponses et
-les tendresses à force de rêver; la lettre est _figée_, comme je
-disais, avant que la _feuille qui chante_ soit pleine: la source est
-entièrement sèche. On pâme de rire avec moi du style, de l'orthographe.»
-Puis madame de Sévigné rapporte des fragments de la lettre de madame du
-Gué-Bagnols, qui n'ont rien de ridicule, quoi qu'elle en puisse dire; et
-si l'orthographe les rendait tels, on sait que celle de madame de
-Coulanges n'était pas meilleure[827]: cependant nulle femme de son temps
-n'a été plus célèbre par le talent de bien écrire des lettres. Madame de
-Sévigné ajoute: «Voilà en l'air ce que j'ai attrapé, et voilà à quel
-style votre frère est condamné de répondre trois fois la semaine. Ma
-fille, cela est cruel, je vous assure. Voyez quelle gageure ces pauvres
-gens se sont engagés de soutenir! c'est un martyre, ils me font pitié;
-le pauvre garçon y succomberait sans la consolation qu'il trouve en moi.
-Vous perdez bien, ma chère enfant, de n'être pas à portée de cette
-confidence. J'écris ceci hors d'œuvre pour vous divertir, en vous
-donnant une idée de cet aimable commerce[828].»
-
- [824] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 juillet 1677), t. V, p. 139, édit.
- M.; t. V, p. 295, édit. G.
-
- [825] Conférez _Mémoires sur Sévigné_, t. IV, p. 349, dans les
- notes et éclaircissements du chap. VII, et p. 190 du texte.
-
- [826] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 juillet 1677), t. V, p. 304-306,
- édit. G.
-
- [827] Conférer ces _Mém. sur Sévigné_, t. I, p. 3, 86; t. III, p.
- 23, 250, 395, 473; t. IV, 8, 198, 266, 286.
-
- [828] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 juillet 1677), t. V, p. 306, édit.
- G.
-
-Mais elle revient encore sur le même sujet quelques jours après, et
-cite, de ces lettres de madame de Bagnols à Sévigné, des traits
-d'afféterie qui la mettaient hors d'elle. Il paraît que madame du
-Gué-Bagnols devait aller voir madame de Grignan:
-
-«Le voyage de la Bagnols est assuré, dit madame de Sévigné. Vous serez
-témoin de ses langueurs, de ses rêveries, qui sont des applications à
-rêver; elle se redresse comme en sursaut, et madame de Coulanges lui
-dit: _Ma pauvre sœur, vous ne rêvez point du tout_. Pour son style, il
-m'est insupportable, et me jette dans des grossièretés, de peur d'être
-comme elle. Elle me fait renoncer à la délicatesse, à la finesse, à la
-politesse, de crainte de donner dans les tours de passe-passe, comme
-vous dites: cela est triste de devenir une paysanne[829].»
-
- [829] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (13 août 1677), t. V, p. 346, édit. G.;
- t. V, p. 185, édit. M.--_Ibid._ (6 octobre 1679), t. VI, p.
- 151-152, édit. G.
-
-Après cette liaison, madame de Sévigné nous apprend que son fils en
-forma une autre, qui ne fut pas plus sincère, avec la duchesse de V...
-(peut-être la duchesse de Ventadour, mademoiselle de Houdancourt[830]).
-«Ce qui est vrai, écrit madame de Sévigné à sa fille, c'est que votre
-frère n'aime point du tout la duchesse et que c'est pour rien qu'il
-prend un air si nuisible.» Quinze jours après, madame de Sévigné
-entretient encore sa fille des relations intimes de Sévigné avec une de
-ses parentes (peut-être est-il encore question de madame du
-Gué-Bagnols): «Mon fils me parle de la grosse cousine d'une étrange
-façon; il ne désire qu'une bonne cruelle pour le consoler un peu: une
-ingrate lui paraît une chimère. Voilà le style de madame de Coulanges,
-celui dont il se sert; et, en parlant de quelque argent qu'il a gagné
-avec la cousine, il me dit: _Plût à Dieu que je n'y eusse gagné que
-cela_! Que diantre veut-il dire? Il me promet mille confidences; mais il
-me semble qu'ensuite d'un tel discours il doit dire, comme l'abbé
-d'Effiat: _Je ne sais si je me fais bien entendre_. Tout ceci entre
-nous, s'il vous plaît, et sans retour.»
-
- [830] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 et 24 juillet 1680), t. VII, p.
- 95-129, édit. G. Conférez ces _Mém. sur Sévigné_, t. IV, p. 127.
-
-Sévigné conserva longtemps les inclinations de sa jeunesse, et ne
-termina sa carrière amoureuse que lorsque le mariage en eut fait un tout
-autre homme. Jusqu'alors madame de Sévigné, dans ses lettres à sa fille,
-paraît toujours tourmentée non de ce que son fils a des maîtresses, mais
-de ce qu'il les choisit mal. «J'attendais mon fils, dit-elle. Je croyais
-donc le voir à chaque instant dans ces bois; mais devinez ce qu'il a
-fait? Il a traversé je ne sais par où, et s'est trouvé à Rennes, où il
-me mande qu'il sera jusqu'au départ de madame de Chaulnes. Il me paraît
-qu'il a voulu faire cette équipée pour mademoiselle de Tonquedec: il
-sera bien embarrassé, car mademoiselle de la Coste n'en jette pas moins
-sa part aux chiens. Le voilà donc entre l'orge et l'avoine, mais la plus
-mauvaise orge et la plus mauvaise avoine qu'il pût jamais trouver. Que
-voulez-vous que j'y fasse? C'est en pareil cas que je suis toujours
-résignée[831].»
-
- [831] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (18 août 1680), t. VII, p. 168, édit. G.
-
-La préférence avouée qu'elle donnait à sa fille dans son affection
-l'obligeait envers ce fils si bon, si tendre pour elle à de grands
-ménagements. Aussi elle écrit de Paris à madame de Grignan: «Mon fils
-est aux Rochers, solitairement... Il vous aime tendrement, il en jure sa
-foi; je conserverai entre vous l'amour fraternel, ou j'y périrai[832].»
-
- [832] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (18 octobre 1679), t. VI, p. 160, édit.
- G.
-
-Elle ne courait pas ce danger, et pour réussir il ne lui fallait pas
-faire de grands efforts. Si Sévigné était un amant faible et inconstant,
-incapable d'inspirer comme de ressentir une forte passion, il n'exista
-jamais[833] un fils plus tendre et plus dévoué, un frère plus généreux,
-plus aimant, un époux plus fidèle et plus attaché. Pendant cet hiver que
-madame de Sévigné fut forcée de passer aux Rochers, elle put
-reconnaître, par les soins et les attentions de son fils, combien elle
-en était aimée. Elle fut alors assaillie par bien des peines. Sévigné ne
-pouvait les faire disparaître, mais il parvint à la soulager dans
-toutes: il fut à la fois son confident, son lecteur, son garde-malade et
-un compagnon charmant. «Mon fils, dit-elle, nous amuse et nous est
-très-bon; il prend l'esprit des lieux où il est, et ne transporte de la
-guerre et de la cour, dans cette solitude, que ce qu'il en faut pour la
-conversation[834].»
-
- [833] Voyez la Lettre inédite de SÉVIGNÉ _à madame de Grignan, sa
- sœur, sur les affaires de leur maison_, publiée par M.
- Monmerqué; Paris, Dondey-Dupré, 1847, in-8º (24 pages).
-
- [834] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1675), t. IV, p. 242, édit.
- G.
-
-De tous les tourments qu'éprouvait madame de Sévigné, le plus vif était
-celui qu'elle se faisait à elle-même par son amour pour sa fille. Elle
-la savait enceinte, et le moindre retard de la poste lui causait des
-inquiétudes mortelles. Ce sujet revient souvent sous sa plume, et elle
-sait admirablement en varier l'expression. Madame de Grignan accoucha,
-avant terme, d'un fils qui ne vécut que quelques mois. Sa mère lui
-écrit:
-
-«Si on pouvait avoir un peu de patience, on épargnerait bien du chagrin.
-Le temps en ôte autant qu'il en donne. Vous savez que nous le trouvons
-un vrai brouillon, mettant, remettant, rangeant, dérangeant, imprimant,
-effaçant, approchant, éloignant, et rendant toutes choses bonnes ou
-mauvaises, et quasi toujours méconnaissables. Il n'y a que notre amitié
-que le temps respecte et respectera toujours. Mais où suis-je, ma fille?
-Voilà un étrange égarement; car je veux dire simplement que la poste me
-retient vos lettres un ordinaire, parce qu'elle arrive trop tard à
-Paris, et qu'elle me les rend au double le courrier d'après; c'est donc
-pour cela que je me suis extravaguée comme vous voyez. Qu'importe? en
-vérité, il faut un peu, entre bons amis, laisser trotter les plumes
-comme elles veulent: la mienne a toujours la bride sur le cou[835].»
-
- [835] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 novembre et 11 décembre 1675), t.
- IV, p. 216, 239, 242, édit. G.
-
-Ainsi nul arrêt, nul intervalle entre ces lignes qu'elle écrivait avec
-tant de rapidité; et on s'aperçoit, par la différence des lettres
-qu'elle a dictées et de celles qu'elle a écrites elle-même, qu'elle
-avait besoin de s'aider du travail de ses doigts pour entretenir ses
-pensées, et que son imagination ne se retraçait plus les choses avec
-d'aussi vives couleurs quand elle se trouvait forcée de se servir d'une
-autre main que la sienne. Hélas! cette nécessité devait bientôt surgir,
-quoiqu'elle ne la soupçonnât point encore.
-
-Le mois de décembre était doux et sec, et elle en jouissait encore avec
-délices, au milieu de ses belles allées[836] du Mail, surtout dans ces
-bois «dont l'air admirable nourrit le teint comme à Livry, hormis qu'il
-n'y a point de serein[837].» Mais elle ne se bornait pas aux oisives
-jouissances de ses rêveuses promenades, et elle s'occupait
-très-activement des embellissements de son parc. «Je m'amuse,
-dit-elle[838], à faire abattre de grands arbres. Le tracas que cela fait
-représente, au naturel, ces tapisseries où l'on peint les ouvrages de
-l'hiver: des arbres qu'on abat, des gens qui scient, d'autres qui font
-des bûches, d'autres qui chargent une charrette, et moi au milieu,
-voilà le tableau. Je m'en vais faire planter; _car que faire aux
-Rochers, à moins que l'on ne plante_[839]?
-
- [836] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 décembre 1675), t. IV, p. 278, édit.
- G.
-
- [837] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (11 décembre 1675), t. IV, p. 245, édit.
- G.
-
- [838] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 novembre 1675), t. IV, p. 215, édit.
- G.
-
- [839] Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe? LA
- FONTAINE, _le Lièvre et les Grenouilles_, II, 14.
-
-«Nous avons (écrit-elle encore au beau milieu de janvier)
-un admirable hiver; je me promène tous les jours, et je fais quasi un
-nouveau parc autour de ces grandes places du bout du Mail. J'y fais
-planter quatre rangs d'allées; ce sera une très-belle chose: tout cet
-endroit est uni et défriché[840].»
-
- [840] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (12 janvier 1676), t. IV, p. 308 et 309,
- édit. G.
-
-Sans les affaires, et surtout la hâte d'un procès qui l'appelait à
-Paris, elle n'aurait pu se résoudre à quitter son aimable désert[841];
-mais elle avait un compte à terminer en Bretagne avec M. de Meneuf,
-président au parlement de Rennes, qui lui devait et refusait de payer la
-totalité de sa dette, parce qu'il voulait qu'on lui fit remise de cinq
-ou six mille francs, somme à laquelle il n'avait aucun droit. Le _Bien
-bon_ termina, avec son habileté ordinaire, cette contestation à
-l'avantage de madame de Sévigné. Elle fut payée du président Meneuf. «Ce
-président, écrit-elle à sa fille, m'est venu voir... Il avait avec lui
-un fils de sa femme, qui a vingt ans, et que je trouvai, sans exception,
-la plus agréable et la plus jolie figure que j'aie jamais vue. J'allais
-dire que je l'avais vu à cinq ou six ans, et j'admirais, comme M. de
-Montbazon, qu'on pût croître en si peu de temps. Sur cela il sort une
-voix terrible de ce joli visage, qui vous plante au nez, d'un air
-ridicule, _que_ _mauvaise herbe croît toujours_. Voilà qui fut fait, je
-lui trouvai des cornes. S'il m'eût donné un coup de massue sur la tête,
-il ne m'aurait pas plus affligée; je jurai de ne plus me fier aux
-physionomies:
-
- Non, non, je le promets,
- Non, je ne m'y fierai jamais[842].»
-
- [841] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 décembre 1675), t. IV, p. 250, édit.
- G.
-
- [842] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 novembre 1675), t. IV, p. 299-10,
- édit. G.
-
-Cependant, malgré le plaisir qu'éprouvait madame de Sévigné à diriger
-ses travaux, à respirer le bon air de ses bois, loin des exigences de la
-cour et de la ville, affranchie de l'ennui et de la fatigue des visites,
-de l'importunité de celles qu'on lui faisait et de l'inquiétude de
-celles qu'elle ne faisait pas[843], elle comptait dans le cours du mois
-de février se rendre à Paris, où l'appelaient les affaires de madame de
-Grignan et les siennes, ainsi que celles du bon abbé[844]; mais elle ne
-put exécuter sa résolution, et fut obligée de passer l'hiver entier aux
-Rochers. Sa robuste santé, qui déjà dans l'automne précédent avait reçu
-de fortes atteintes[845], succomba entièrement sous un rhumatisme
-général, accompagné de fièvre. Elle eut, ainsi que disait son fils, une
-maladie rude et douloureuse, la première qui l'ait atteinte en sa
-vie[846]. Il est presque certain que l'habitude qu'elle avait prise de
-demeurer dans les allées de son mail «au delà de l'entre-chien et loup,»
-a contribué à aggraver son mal et à mettre ses jours en danger[847];
-mais cependant on doit remarquer que son cousin Bussy et Louis XIV, tous
-deux doués comme elle d'une forte constitution, eurent aussi la fièvre
-vers le même temps[848].
-
- [843] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (1er décembre 1675), t. IV, p. 225,
- édit. G.
-
- [844] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (12 janvier 1676), t. IV, p. 309, édit.
- G.
-
- [845] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 août 1675), t. III, p. 503, édit. G.
-
- [846] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (21 janvier 1676), t. IV, p. 321, édit.
- G.
-
- [847] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (14 décembre 1675), t. IV, p. 248, édit.
- G.
-
- [848] _Suite des Mémoires du comte_ DE BUSSY-RABUTIN, ms. de
- l'Institut, p. 157.--PELLISSON, _Lettres historiques_ (8 et 10
- octobre 1675), t. II, p. 423, 424.
-
-La maladie de madame de Sévigné dura quarante jours[849]. Sa fièvre
-s'apaisa; et aussitôt qu'elle fut hors de danger, dans son lit de satin
-jaune et dans sa petite alcôve flanquée de deux cabinets, elle dicta à
-son fils, qui ne l'avait pas quittée, une lettre pour madame de Grignan:
-elle voulut la rassurer contre les craintes que Sévigné n'avait pu
-parvenir à calmer durant ces longs jours de luttes et de souffrance.
-
- [849] SÉVIGNÉ, _Lettr._ (21, 27, 29 janv. 1676), t. IV, p. 321,
- 323, 326, éd. G.
-
-«Il est donc vrai que depuis cette sueur, à la suite de quelques autres
-petites, je me trouve sans fièvre et sans douleur! Il ne me reste plus
-que la lassitude du rhumatisme. Vous savez ce que c'est pour moi d'être
-seize jours sur les reins, sans pouvoir changer de situation. Je me suis
-rangée dans ma petite alcôve, où j'ai été très-chaudement et
-parfaitement bien servie. Je voudrais bien que mon fils ne fût pas mon
-secrétaire en cet endroit, pour vous dire ce qu'il a fait en cette
-occasion. Ce mal a été fort commun dans ce pays; et ceux qui ont évité
-la fluxion sur la poitrine y sont tombés; mais pour vous dire vrai, je
-ne croyais pas être sujette à cette loi commune; jamais une femme n'a
-été plus humiliée ni plus traitée contre son tempérament. Si j'avais
-fait un bon usage de ce que j'ai souffert, je n'aurais pas tout perdu;
-il faudrait peut-être m'envier; mais je suis impatiente, ma fille, et je
-ne comprends pas comment on peut vivre sans pieds, sans jambes, sans
-jarrets et sans mains. Il faut que vous pardonniez aujourd'hui cette
-lettre à l'occupation naturelle d'une personne malade; c'est à n'y plus
-revenir: dans peu de jours je serai en état de vous écrire comme les
-autres.»
-
-Madame de Sévigné se trompait: à la fièvre succéda une enflure générale,
-plus forte aux mains que dans le reste du corps, et elle continua
-pendant quelque temps encore à user des secours de son fils, qui
-cependant put la quitter pour aller à Paris traiter de sa charge de
-guidon avec le jeune de Viriville[850]. Mais quoiqu'elle se portât dès
-lors de mieux en mieux, ses mains ne désenflèrent que lentement. Alors
-la jeune fille de la dame voisine des Rochers, dont nous avons parlé
-comme la rivale préférée de la du Plessis, fut pour elle «le petit
-secrétaire aimable et joli qui vint au secours de sa main engourdie et
-tremblante[851].» Ses lettres à madame de Grignan devinrent plus
-longues, plus _jaseuses_ et plus _abandonnées_, soit parce que sa santé
-s'améliorait, soit qu'elle craignît d'ennuyer son fils en le forçant
-d'écrire longuement sur sa maladie, soit qu'elle éprouvât quelque gêne à
-rendre le _frater_ confident de son excessive tendresse pour sa
-sœur[852].
-
- [850] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (20 février, 14 et 15 mars 1675), t. IV,
- p. 351, 367, 370, édit. G. Conférez aussi la _Vie de la
- Fontaine_, et SÉVIGNÉ, _Lettres_ (18 mars 1676), t. IV, p. 371,
- édit. G.
-
- [851] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (27 janvier 1676), t. IV, p. 323, édit.
- G.
-
- [852] SÉVIGNÉ _Lettres_, (8, 11, 14 et 18 mars 1676), t. IV, p.
- 359, 363, 365.
-
-Vers la fin de mars, elle commence à s'intéresser à ce qui se passe à
-Paris et à la cour; et, se ressouvenant de cette maîtresse de Bussy dont
-elle avait tant à se plaindre, elle parle à madame de Grignan d'un
-mariage qui, tel que celui de madame de Courcelles, dont il a été
-question dans ces Mémoires, montre jusqu'où Louis XIV poussait le
-despotisme quand il s'agissait de favoriser par des alliances ceux de
-ses généraux et de ses officiers qui se distinguaient à son service. «Le
-mariage, dit-elle, du duc de Lorges avec Geneviève de Fremont (fille de
-Nicolas de Fremont, seigneur d'Auneuil, garde du trésor royal) me paraît
-admirable; j'aime le bon goût du beau-père. Mais que dites-vous de
-madame de la Baume, qui oblige le roi d'envoyer un exempt prendre
-mademoiselle de la Tivolière d'entre les mains de père et mère, pour la
-mettre à Lyon chez une de ses sœurs? On ne doute point qu'en s'y
-prenant de cette manière elle n'en fasse le mariage avec son fils[853].»
-
- [853] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (18 mars 1676), t. IV, p. 310-11; et
- conférez t. I, p. 184-187; t. III, p. 195, édit. G.--CHOISY,
- _Mémoires_, t. LXIII, p. 418.
-
-A ce sujet, le chevalier Perrin, le premier éditeur des lettres de
-madame de Sévigné, fait observer qu'ainsi que madame de Sévigné l'avait
-prévu Camille de la Baume, comte de Tallard, depuis maréchal de France
-et duc d'Hostun, épousa, par contrat du 28 décembre 1677,
-Marie-Catherine de Groslée de Viriville de la Tivolière. Il semble qu'il
-était dans la destinée de madame de la Baume de toujours nuire à madame
-de Sévigné sans en avoir l'intention, car ce mariage projeté de Tallard
-empêcha de Viriville d'acheter la charge de Sévigné. Et madame de
-Sévigné dit à sa fille: «Voilà nos mesures rompues; ne trouvez-vous pas
-cela plaisant, c'est-à-dire cruel? Madame de la Baume frappe de
-loin[854].»
-
- [854] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 mars 1676), t. IV, p. 379, édit. G.
-
-Enfin madame de Sévigné annonce son départ des Rochers; mais c'est
-encore avec la main de son petit secrétaire; car les siennes, toujours
-enflées, lui refusaient le service. «Je me porte très-bien, dit-elle;
-mais pour mes mains, il n'y a ni rime ni raison. Je me sers donc de la
-petite personne pour la dernière fois; c'est le plus aimable enfant du
-monde. Je ne sais ce que j'aurais fait sans elle: elle me lit très-bien
-ce que je veux; elle écrit comme vous voyez; elle m'aime; elle est
-complaisante; elle sait me parler de madame de Grignan. Enfin, je vous
-prie de l'aimer sur ma parole[855].»
-
- [855] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 mars 1676), t. IV, p. 373, édit. G.
-
-On regrette de ne pas connaître le nom de cette jeune fille, à laquelle
-madame de Sévigné a su nous intéresser en nous faisant connaître l'amour
-qu'elle lui avait inspiré. Dans la lettre datée de Laval le mardi 24
-mars, jour où elle partit des Rochers pour se rendre à Paris, elle dit:
-
-«Et pourquoi, ma fille, ne vous écrirais-je pas aujourd'hui, puisque je
-le puis? Je suis partie ce matin des Rochers par un chaud et charmant
-temps; le printemps est ouvert dans nos bois. La petite fille a été
-enlevée dès le grand matin, pour éviter les grands éclats de sa douleur:
-ce sont des cris d'enfant qui sont si naturels qu'ils en font pitié.
-Peut-être que dans ce moment elle danse; mais depuis deux jours elle
-fondait: elle n'a pas appris de moi à se gouverner. Il n'appartient qu'à
-vous, ma très-chère, d'avoir de la tendresse et du courage[856].»
-
- [856] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (24 mars 1676), t. IV, p. 377, édit. G.
-
-Rien ne nous prouve mieux que ces lignes combien le cœur de madame de
-Sévigné était souvent blessé par la froide raison de sa fille et par le
-défaut de cette faculté sympathique qu'on nomme sensibilité, cause de
-tant de jouissances et encore plus de tant de tourments.
-
-Quoique madame de Sévigné se trouvât bien du changement d'air, que sa
-santé se rétablît assez promptement, sa main, continuant à être gonflée
-et tremblante, la forçait toujours à dicter ses lettres; néanmoins,
-quand elle écrivait à sa fille, elle aimait mieux s'en servir que
-d'employer la main de l'ami le plus intime. Rendue à Paris, elle y
-trouva Corbinelli, qui un jour, pour la soulager, écrivit dans une de
-ses lettres les nouvelles qu'elle voulait mander à madame de Grignan;
-mais en reprenant la plume elle ajoute aussitôt: «Je n'aime point à
-avoir des secrétaires qui aient plus d'esprit que moi; ils font les
-entendus, je n'ose leur faire écrire toutes mes sottises. La petite
-fille m'était bien meilleure[857].»
-
- [857] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 avril 1676), t. IV, p. 383, édit. G.
-
-C'est le 8 avril que nous la retrouvons à Paris écrivant ainsi à madame
-de Grignan. Elle avait passé huit jours au château de Malicorne, où elle
-s'arrêta comme elle avait fait cinq ans auparavant[858]. Là elle fut
-choyée par la marquise de Lavardin comme une amie convalescente qu'on
-avait craint de perdre. Les Lavardin étaient de l'illustre maison de
-Beaumanoir, et Coulanges avait dans ses chansons célébré la beauté de la
-grande salle du château de Malicorne, que décoraient tous les portraits
-des Beaumanoir et des personnages illustres avec lesquels cette famille
-avait formé des alliances[859]. Madame de Sévigné et madame de Lavardin
-vivaient à une époque trop féconde en grands événements, en hommes
-illustres pour avoir envie de s'entretenir des siècles passés. Le
-souvenir de Turenne ne s'effaçait pas, et les regrets de sa mort ne
-pouvaient se calmer; la publication de l'oraison funèbre de ce héros par
-Fléchier les avait encore ranimés. Madame de Sévigné, que sa maladie
-avait empêchée de se mettre au courant des événements qui survenaient et
-des nouveautés littéraires, ne connaissait pas ce discours,
-chef-d'œuvre de ce très-élégant et très-spirituel écrivain. Elle avait
-entendu, elle avait lu l'œuvre de Mascaron sur le même sujet: «C'est
-une action pour l'immortalité, avait-elle dit;» et elle s'était figuré
-que l'éloquence de l'évêque de Tulle ne pouvait être surpassée ni même
-égalée[860].» Mais à Malicorne elle changea d'avis. «En arrivant ici
-(écrit-elle à son gendre)» madame de Lavardin me parla de l'oraison
-funèbre de Fléchier; nous la fîmes lire; et je demande mille et mille
-fois pardon à M. de Tulle; mais il me parut que celle-ci était au-dessus
-de la sienne: je la trouve plus également belle partout. Je l'écoutai
-avec étonnement, ne croyant pas qu'il fût possible de trouver encore de
-nouvelles manières d'exprimer les mêmes choses; en un mot, j'en fus
-charmée[861].»
-
- [858] Conférez _Mém. sur madame_ DE SÉVIGNÉ, IVe part., p. 3, ch.
- I.
-
- [859] DE COULANGES, _Chansons_, ms. aut. de la Bibl. nat., p. 66
- verso. Dans la protestation contre le pape Innocent XI (Paris,
- 1688, in-18, p. 3), Lavardin se nomme lui-même Henri-Charles,
- sire de Beaumanoir, marquis de Lavardin.
-
- [860] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 et 10 novembre 1675), t. IV, p.
- 194-196.--_Ibid._ (1er janvier 1676), t. IV, p. 285, édit. G.
-
- [861] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 mars 1676), t. IV, p. 378 et 380,
- édit. G.
-
-Madame de Sévigné était partie de Paris le 9 septembre[862] (1675); elle
-y était revenue le 7 ou 8 avril de l'année suivante (1676): elle était
-donc restée sept mois absente de la capitale, du centre des affaires et
-des nouvelles; et comme dans cet intervalle madame de Grignan était
-informée de tout aussi rapidement qu'elle-même, madame de Sévigné
-s'abstint dans ses lettres de lui en parler, ou elle ne lui en parla que
-brièvement. Durant ces sept mois néanmoins de grands événements eurent
-lieu; la guerre sur terre et sur mer se continua, glorieuse pour la
-France, entre Louis XIV et les puissances de l'Europe coalisées contre
-lui. Le 14 septembre, le prince de Condé fit lever le siége de Saverne;
-trois jours après mourut à Birkenfeld Charles IV, duc de Lorraine, et la
-France fut délivrée d'un ennemi dangereux, d'un allié plus dangereux
-encore[863]. Le 7 octobre l'armée française envahit le pays de Waës.
-Cependant les négociations se poursuivaient, et l'on convint de prendre
-Nimègue pour le lieu de réunion d'un congrès européen. Nimègue devait
-devenir un lieu célèbre par la conclusion d'une paix que toutes les
-puissances désiraient avec ardeur et qui fut pourtant encore longtemps
-différée. Les prétentions variaient selon les victoires ou les défaites.
-La douceur de l'hiver permettait de continuer les opérations de la
-guerre. Le 9 janvier 1676 Duquesne défit la flotte espagnole près des
-îles de Strombali; le 22 mars on rasa la citadelle de Liége; le 25 du
-même mois le maréchal de Vivonne tailla en pièces sept mille hommes près
-de Messine. C'est par madame de Grignan que madame de Sévigné apprend
-cet exploit de son ami _le gros Crevé_; et l'on voit, par ce qu'elle en
-dit, combien elle détestait ces tueries: «Quelle rage aux Messinois
-d'avoir tant d'aversion pour les Français, qui sont si jolis! Mandez-moi
-toujours toutes vos histoires tragiques, et ne vous mettez point dans la
-tête de craindre le contre-temps de nos raisonnements: c'est un
-mal que l'éloignement cause, et à quoi il faut se résoudre tout
-simplement[864].» Vivonne s'était emparé de Messine; mais la licence des
-troupes françaises occasionna des révoltes et des conspirations; il
-fallut en venir à des rigueurs, à des massacres, enfin abandonner la
-Sicile[865].
-
- [862] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (9 septembre 1675), t. IV, p.
- 87.--_Ibid._ (8 avril 1676), t. IV, p. 383, édit. G.
-
- [863] Sur le duc de Lorraine, conférez les _Mémoires sur
- Sévigné_, 1re part., p. 347, 359, 401, 404, 405, 413, 418, 432,
- 441; 2e part., p. 191, 394, 440, 441; 3e part., p. 200.
-
- [864] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (28 mars 1676), t. IV, p. 380, édit. G.
-
- [865] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 novembre 1675), t. IV, p. 190, édit.
- G.--BOILEAU, _Œuvres_, lettre au maréchal de Vivonne, t. IV, p.
- 17-21.
-
-Le 26 avril la ville de Condé fut forcée par le roi, après huit jours de
-siége[866]; le 12 mai Bouchain fut pris après huit jours de tranchée. Le
-31 juillet Aire est pris en six jours par le maréchal d'Humières, qui,
-le 9 août, s'empara aussi du fort de Linck.
-
- [866] PELLISSON, _Lettres historiques_ (22, 23, 24 et 27 avril
- 1676, au camp devant Condé), t. III, p. 2-28.
-
-La nouvelle de la mort de Charles IV, duc de Lorraine, ne parvint à
-Versailles, où était alors Louis XIV, que le 23 septembre; et madame de
-Sévigné n'en parle dans une de ses lettres que quatre jours après[867].
-Pavillon ne s'est point écarté de l'histoire, quand il dit dans
-l'épitaphe satirique de ce duc:
-
- Ci-gît un pauvre duc sans terres,
- Qui fut jusqu'à ses derniers jours
- Peu fidèle dans ses amours,
- Et moins fidèle dans ses guerres.
-
- Il donna librement sa foi
- Tour à tour à chaque couronne;
- Il se fit une étrange loi
- De ne la garder à personne.
-
- Trompeur même en son testament,
- De sa femme il fit une nonne,
- Et ne donna rien que du vent
- A madame de Lillebonne[868].
-
- [867] PELLISSON, _Lettres historiques_ (23 septembre 1675), p.
- 415.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 septembre 1675), t. IV, p. 118,
- édit. G.
-
- [868] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (15 octobre 1675), t. IV, p. 151, édit.
- G.--PAVILLON, _Å’uvres_, 1715 et 1720, in-12.
-
-Madame de Lillebonne était la fille du duc de Lorraine; lorsqu'elle en
-parlait, elle disait toujours _Son Altesse mon père_[869]. C'est
-pourquoi madame de Sévigné, lorsqu'elle apprend cette grande nouvelle,
-écrit à sa fille: «Mais n'admirez-vous point le bonheur du roi? On me
-mande la mort de _Son Altesse royale mon père_, qui était un bon ennemi;
-et que les Impériaux ont repassé le Rhin pour aller défendre l'empereur
-des Turcs, qui le pressent en Hongrie. Voilà ce qui s'appelle des
-étoiles heureuses; cela nous fait craindre en Bretagne de rudes
-punitions[870].» Ainsi la Bretagne était à ce point désaffectionnée de
-Louis XIV qu'elle désirait qu'il eût des revers pour qu'il fût plus
-facile de s'opposer à son despotisme.
-
- [869] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 septembre 1675), t. IV, p. 77, édit.
- G.
-
- [870] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (29 septembre 1675), t. IV, p. 119,
- édit. G.
-
-Madame de Sévigné écrivit, au sujet de la mort du duc Charles IV, à
-madame de Lillebonne et à sa belle-fille la princesse de Vaudemont.
-Aimable, belle, discrète et dévouée, la princesse de Vaudemont avait été
-fréquemment employée dans les négociations du duc Charles IV[871], et
-elle fut de tout temps l'amie intime de madame de Grignan. Lorsque cette
-princesse, longtemps après l'époque dont nous traitons, résidait à Rome
-avec son mari, pensionnée par l'Espagne, et que toute liaison avec la
-France lui était interdite, elle eut durant le conclave une entrevue
-secrète avec Coulanges, au risque de se rendre suspecte au parti
-espagnol et d'être privée de ses revenus. Elle ne voulait que
-s'entretenir avec lui de madame de Grignan et le charger de lui
-transmettre l'assurance de sa constante amitié[872].
-
- [871] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 février 1672), t. II, p.
- 394.--_Ibid._ (6 avril 1672), t. II, p. 451, édit. G.
-
- [872] DE COULANGES, _Mémoires_ (1820, édit. in-12).--SÉVIGNÉ,
- _Lettres_ (15 mai 1691), t. X, p. 378, 379, édit. G.
-
-Quand madame de Sévigné rentra dans Paris, le roi, qui était resté à
-Versailles depuis la fin de juillet de l'année précédente, allait en
-partant emmener avec lui un grand nombre de ses amis. Néanmoins, à son
-arrivée dans la capitale, elle trouva encore le chevalier de Grignan (le
-chevalier de la Gloire), qui commandait le régiment de Grignan, et
-s'était si fort distingué à Altenheim. «C'est un aimable garçon,
-dit-elle; il cause fort bien avec moi jusqu'à onze heures. J'ai obtenu
-de sa modestie de me parler de sa campagne; nous avons repleuré M. de
-Turenne[873].» Elle apprend que le comte de Lorges, qui le 1er août
-précédent repoussa l'ennemi au delà du Rhin, avait été nommé maréchal de
-France; et elle dit, avec un petit sentiment d'envie pour son fils et
-son cousin Bussy: «Le maréchal de Lorges n'est-il point trop heureux?
-Les dignités, les grands biens et une très-jolie femme!... La fortune
-est jolie, mais je ne puis lui pardonner les rudesses qu'elle a pour
-nous[874].»
-
- [873] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 avril 1676), t. IV, p. 382.--_Ibid._
- (1er novembre 1671), t. II, p. 2-8.--_Ibid._ (7 août 1675), t.
- III, p. 500, édit. G.
-
- [874] Conférez 3e part. de ces _Mémoires_, p. 291, chap. I, 1re
- part.; p. 249, chap. IX.
-
-Elle apprit en même temps et manda à sa fille dans la même lettre, la
-première de Paris depuis son arrivée, une anecdote qui présageait un
-changement de fortune dans la famille de Grignan. Le duc de Vendôme,
-nommé, encore enfant, gouverneur de Provence, et dont le comte de
-Grignan tenait la place comme lieutenant général[875], avait fait sa
-première campagne en Hollande en 1672, âgé seulement de seize ans: il en
-avait vingt-deux en 1676, et devait partir en même temps que le roi pour
-la campagne de Flandre; mais, aimant le plaisir et se trouvant gêné à la
-cour, il manifesta le désir d'aller occuper son gouvernement.
-
- [875] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 avril 1676), t. IV, p. 382, édit. G.
-
-«M. de Vendôme dit au roi, il y a huit jours: Sire, j'espère qu'après
-cette campagne Votre Majesté me permettra d'aller dans le gouvernement
-qu'elle m'a fait l'honneur de me donner.--Monsieur, lui dit le roi,
-quand vous saurez bien gouverner vos affaires, je vous donnerai le soin
-des miennes[876].»
-
- [876] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (8 avril 1676), t. IV, p. 388, édit. G.
-
-Heureusement pour M. de Grignan et madame de Sévigné que le duc de
-Vendôme, au lieu d'être simplement un aimable débauché, prit goût au
-métier de la guerre, devint un grand général, et abandonna longtemps au
-comte de Grignan le soin de gouverner la Provence[877]. Turenne mort,
-Condé accablé par l'âge et les infirmités, Louis XIV fatigué, Vendôme
-s'annonçait dès lors comme devant être le héros de cette jeune noblesse
-brillante, frondeuse et dissolue qui, par sa bravoure et ses talents
-militaires, soutint le trône et l'État. Mais, mécontente, elle sépara sa
-gloire de celle de son roi, elle déserta sa cour, elle discrédita sa
-personne et son gouvernement, et commença le déclin de la monarchie
-fondée par Henri IV, Richelieu et Louis XIV. La France et son roi
-avaient dès cette époque, dans le stathouder de Hollande, un ennemi
-puissant par son génie politique: il était de la race des Cromwell, des
-Ximenès, des Richelieu, des Mazarin; redoutable par son caractère
-énergique, patient et persévérant comme celui du peuple dont il réglait
-les destinées. Après chaque défaite des alliés, après chaque victoire
-des armées françaises, Guillaume redoublait d'efforts pour empêcher
-Louis XIV de conclure une paix glorieuse. Comme Pitt quand il parlait de
-Bonaparte, Guillaume disait aux souverains et aux peuples: «La guerre,
-la guerre! toujours la guerre! c'est le seul moyen de salut.» Ce n'était
-pas seulement par ses armes que le prince d'Orange s'opposait aux
-progrès de la puissance de Louis le Grand; c'était par des écrits qui
-formaient un piquant contraste avec les louanges qu'on lui donnait.
-L'industrieuse habileté des imprimeurs de Hollande avait su exploiter à
-leur profit les productions littéraires de la France: les éditions des
-livres français sorties de leurs presses, souvent plus belles, moins
-coûteuses et non mutilées par la censure, étaient partout préférées aux
-éditions originales; par là elles contribuaient à accroître l'influence
-de la littérature, des modes, des usages de la France. Mais Guillaume
-sut diriger contre Louis XIV cette universalité de la langue française,
-conquête des beaux génies protégés par ce monarque et gloire éternelle
-de son règne. Guillaume savait que la presse, comme la lance d'Achille,
-guérit les blessures qu'elle a faites; à la fois arme et bouclier propre
-également à protéger contre les coups d'un ennemi ou à le frapper à
-mort. Par les soins de ce chef de la coalition et par ses
-encouragements, l'Europe fut inondée d'écrits contre la France et contre
-son roi. Un grand nombre n'étaient que des libelles infâmes, calomnieux
-et orduriers contre Louis XIV et les hauts personnages de sa cour; mais
-plusieurs aussi étaient très-habilement rédigés, et empruntaient le
-langage ferme et éloquent de l'histoire pour retracer les torts de la
-France et de son monarque et les rendre odieux aux souverains et aux
-peuples de l'Europe. Dans ce nombre est un très-court écrit que
-Guillaume, en cette même année 1676, répandit avec profusion dans les
-Pays-Bas, où quelques provinces qui avaient appartenu autrefois à
-l'Espagne inclinaient à se détacher de la Hollande et à se donner à la
-puissance prépondérante, comme seule capable de les protéger contre les
-maux de la guerre. Ce court écrit était intitulé _Mauvaise foy ou
-violences de la France_.
-
- [877] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 juillet 1677), t. V, p. 291.--_Ibid._
- (18 août 1680), t. VII, p. 164, 165, édit G.
-
-L'auteur de cet écrit (anonyme inconnu) commence par rappeler les
-envahissements de Henri IV, de Richelieu, de Louis XIV, et la politique
-tour à tour insidieuse et menaçante de la France, toujours la même sous
-trois règnes différents, toujours tendant au même but, l'extension de sa
-domination sur toute l'Europe. Il retrace en termes énergiques
-l'incendie du Palatinat et toutes les cruautés commises par les Français
-dans les guerres qu'ils ont suscitées. Il inspire ainsi au bas peuple,
-qui souffre le plus de la suite de ces désastres, la crainte de la faim
-et de la mort. Aux nobles flamands il prédit les affronts et les
-humiliations qui les attendent, en renouvelant le souvenir des indignes
-traitements qu'ont éprouvés le prince de Ligne, les comtes de Solre et
-toute la noblesse flamande; aux bourgeois des villes il leur retrace
-tout ce qu'amèneront de désastreux pour leur bonheur domestique les
-mœurs corrompues, les modes, le luxe, les usages et les habitudes
-licencieuses des Français, leur soumission aveugle à un despote, la
-servilité dont ils se glorifient, leur haine et leur mépris pour les
-républicains. Il n'oublie pas de leur tracer le tableau des avanies, des
-humiliations, des affronts que seront forcés d'endurer leurs
-respectables magistrats. Enfin il met toutes les classes en garde contre
-les déceptions du vainqueur, qui promet de respecter leurs franchises et
-qui les violera toutes; et il les exhorte à n'espérer d'autres remèdes à
-tant de maux que dans leur courage et dans une opiniâtre résistance.
-
-«Mais, quand même, dit-il, notre lâcheté serait si grande, la foi si
-légère et l'honneur si faible que de céder à la force ou aux charmes de
-la France, nos chaînes n'en seraient pas plus douces, la liberté plus
-réelle.
-
-«Si la Guyenne, le Languedoc, la Bourgogne, la Bretagne, le Roussillon
-et les autres provinces ne sont plus que l'ombre de ce qu'elles étaient
-sous leurs princes légitimes, doit-on s'attendre à un repos qu'elles ne
-goûtent pas sous la pesanteur des tailles, des gabelles et de la
-violence des édits qui les accablent? Et les nôtres n'étant ni
-héréditaires ni dévolues par un droit fixe à la couronne, mais trahies
-ou volontairement esclaves, seront-elles traitées moins inhumainement et
-avec plus de modération?
-
-«Est-ce que l'on dormira ou que l'on fera un voyage en repos? Les modes
-de France et ses libertés odieuses ne nous seront-elles pas aussi
-offensantes? Leurs visites à sept heures le matin, à minuit et aux
-ruelles d'un lit et d'une misérable chambre que l'on se réserve, ne nous
-feront-elles pas souvenir de notre tranquillité passée, par la tyrannie
-présente? Le faible sexe sera exposé à ces outrages; le nôtre aura les
-siens, et n'en sera plus exempt.
-
-«Outre la honte de voir ces choses, on nous défendra jusqu'au murmure et
-le moindre soupir.
-
-«On voudra encore les sommes entières que l'on demande; et si quelqu'un
-du magistrat en murmure ou en dit son sentiment avec la liberté passée,
-on lui donnera cent coups, ou un pied en l'endroit même que l'on fit à
-un bourgmestre en Hollande, en lui disant piquamment: _Allez, monsieur
-le souverain_!
-
-«La cour de France tient que rien ne lui est défendu pour troubler ses
-voisins et y semer la division; qu'il y a une secrète joie à y faire le
-crime; que la pitié est une vertu lâche, et qu'elle renverse les
-couronnes; que la crainte en est l'appui, l'impiété la base; que les
-armes inspirent le respect; que les troupes sont d'admirables avocats,
-et qu'elles plaident bien une cause; que le droit canon l'emporte sur
-les autres droits; que la justice est un fantôme, la raison une chimère,
-le mariage une bagatelle, la foi des traités une illusion, ses paix une
-amorce, ses congrès pleins de mystères, ses conférences insidieuses, et
-ses serments un piége agréable, le jouet des enfants, l'appât d'un dupe
-et le charme d'un innocent[878].»
-
- [878] _Mauvaise foy ou violences de la France_, avec une
- exhortation sincère au peuple des Pays-Bas sur leur constance;
- Villefranche, Jean Petit, 1677, in-18 (29 pages), pages 35, 37,
- 39, 41, 46, 47.
-
-Ces violentes diatribes ne produisirent leur effet que plus tard. Au
-temps où nous sommes parvenu, il restait devant le grand roi vingt
-années encore de prospérité, de grandeur et de gloire. Nous n'aurons
-donc point à nous occuper, dans la suite de ces Mémoires (si nous leur
-donnons une suite), des désastres et des malheurs qui assombrirent le
-dernier période de ce long règne. Le commencement de ce période
-coïncide, plus ou moins exactement, avec l'époque de la mort de Racine,
-de la Fontaine, de madame de Sévigné et aussi avec la naissance de
-Voltaire, auquel Ninon tendit la main pour l'introduire (l'écolier
-merveilleux!) dans ce nouveau siècle, dont elle ne vit pas finir le
-premier lustre[879].
-
- [879] Conférez la 1re partie de ces _Mémoires sur Sévigné_, 2e
- édit., p. 236, 249.--_Hist. de la vie et des ouvrages (de) la
- Fontaine_, 3e édit., p. 440.
-
-
-
-
-NOTES
-
-ET
-
-ÉCLAIRCISSEMENTS.
-
-
-
-
-NOTES
-
-ET
-
-ÉCLAIRCISSEMENTS.
-
-
-CHAPITRE PREMIER.
-
- Page 5, ligne 20: Et composait pour elle des madrigaux.
-
-Tous paraissent avoir été des impromptus. Gayot de Pitaval, dans sa
-_Bibliothèque des gens du monde_, 1726, in-12, t. I, p. 87, a cité de
-Montreuil un impromptu qui vaut mieux qu'aucun de ceux que renferme son
-recueil. Il est remarquable qu'aucune des femmes auxquelles s'adressent
-les madrigaux de Montreuil n'a été nommée par lui, si ce n'est _madame
-de Sévigny_. Son nom se trouve deux fois dans ce recueil: la première,
-en tête du madrigal sur le jeu de colin-maillard, que j'ai cité; la
-seconde, dans une chanson qu'il composa pour elle et qui se termine
-ainsi:
-
- Sévigny, vos yeux pleins d'attraits
- Éblouissent les nôtres;
- Et quand l'amour n'a plus de traits
- Il emprunte les vôtres.
-
-(_Œuvres de M. de Montreuil_, p. 339, édit. 1671; p. 500 de l'édit. de
-1666.) Un portrait bien gravé de M. de Montreuil accompagne cette
-première édition, la plus belle. Voyez, pour d'autres éclaircissements
-sur Matthieu de Montreuil, la note de la page 398, 2e partie de ces
-_Mémoires_, 2e édit.
-
- Page 6, ligne 19: Il vint _incognito_ à Paris.
-
-Le curieux récit du voyage clandestin que, d'après les instigations de
-MADAME, l'évêque de Valence fit à Paris, où il fut arrêté comme
-faux-monnayeur, se trouve dans les Mémoires de Choisy; mais ce qu'on y
-lit sur le voyage de ce prélat en Hollande, pour la suppression du
-libelle des _Amours de_ MADAME, n'est pas exact, ainsi que le passage
-suivant des _Mémoires_ inédits de Daniel de Cosnac, que Barbier a
-transcrit dans son _Dictionnaire des anonymes et des pseudonymes_, 1823,
-in-8º, p. 61 (art. 7294, _Histoire amoureuse des Gaules_):
-
-«L'assemblée du clergé finie, je pris la résolution d'aller dans mon
-diocèse. Avant mon départ, j'appris par madame de Chaumont qu'un
-manuscrit portant pour titre: _Amours de_ MADAME et _du comte de
-Guiche_, courait par Paris, et s'imprimait en Hollande. MADAME
-appréhendait que ce livre, plein de faussetés et de médisances
-grossières, ne vînt à la connaissance de MONSIEUR par quelque maladroit
-ou malintentionné, qui peut-être envenimerait la chose. Elle m'en
-écrivit pour lui en porter la nouvelle; elle en écrivit à madame de
-Chaumont, qui était à Saint-Cloud, et moi à Paris. J'allai à
-Fontainebleau, d'abord près MADAME, pour m'instruire plus amplement.
-Elle me dit que Boisfranc (trésorier du prince) avait déjà dit la chose
-à MONSIEUR sans sa participation; mais ce qui la touchait davantage,
-c'était l'impression du manuscrit. J'envoyai exprès en Hollande un homme
-intelligent, ce fut M. Patin (Charles Patin, le fils de celui dont on a
-des lettres), pour s'informer de tous les libraires entre les mains de
-qui ce libelle était. Il s'acquitta si bien de sa commission, qu'il fit
-faire par les états généraux défense de l'imprimer, retira les dix-huit
-cents exemplaires déjà tirés, et me les apporta à Paris; et il les
-remit, par ordre de MONSIEUR, entre les mains de Merille. Cette affaire
-me coûta beaucoup de peine et d'argent; mais, bien loin d'y avoir
-regret, je m'en tins trop payé par le gré que MADAME m'en témoigna.»
-
-Je crois que la première édition du libelle dont parle Cosnac, ou de
-celui qu'on a substitué à l'ouvrage original, s'il a été anéanti, est
-dans le recueil intitulé _Histoires galantes_; Cologne, chez Jean le
-Blanc (sans date, p. 424 à 464). Ce morceau est intitulé _Histoire
-galante de M... et du comte de G..._ On trouve la même histoire dans
-quelques exemplaires de l'_Histoire amoureuse des Gaules_; Liége, édit.
-Elzevir, 250 pages. L'ouvrage, dans cette édition, est intitulé tout
-crument _Histoire galante de M. le comte de Guiche et de_ MADAME (58
-pages). Une autre édition de ce libelle est dans le recueil intitulé
-_les Dames illustres de notre siècle_; Cologne, chez Jean le Blanc,
-in-12, 1682, p. 135-176. Ce morceau a pour titre _la Princesse, ou les
-amours de_ MADAME. On le trouve encore, avec le même titre, dans le
-recueil intitulé _Histoire amoureuse des Gaules, de M. de Bussy_, 1754,
-5 vol. in-12, p. 130-186. Tout ces petits faits, curieux à connaître,
-seront probablement éclaircis par la publication des Mémoires de Daniel
-de Cosnac, que la Société de l'Histoire de France a livrés à
-l'impression, et qui s'exécutent d'après deux manuscrits émanés de la
-plume de l'évêque de Valence, mais différents en bien des points, parce
-qu'ils ont été écrits à deux époques distinctes de la vie de
-l'auteur.--Le premier volume des Mémoires de Cosnac est déjà imprimé, et
-le second est annoncé comme très-avancé, dans les derniers bulletins de
-la Société de l'Histoire de France.
-
- Pages 7 et 8, lignes dernière et première: Deux petits poëmes de
- Marigny, l'un intitulé _l'Enterrement_, l'autre _le Pain bénit_.
-
-Ce dernier poëme est une satire contre les marguilliers de la paroisse
-de Saint-Paul, sur laquelle demeurait madame de Sévigné. Il a été
-imprimé avec ce titre: _le Pain bénit_, par l'abbé de Marigny, in-12 (23
-pages); une autre édition a été donnée par Mercier de Compiègne,
-intitulée _le Pain béni_ (_sic_), _avec autres pièces fugitives_, par
-Marigny; nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée d'une notice sur
-la vie et les ouvrages de l'auteur; Paris, Mercier, 1795, in-18 (82
-pages). La notice est inepte; mais ce petit volume est curieux par la
-satire contre Marigny, pages 35 et 42, qui est du temps.
-
- Page 8, avant-dernière ligne: Il y a eu ici de plus honnêtes gens
- que moi.
-
-Ne donnez pas à ces mots le sens qu'ils ont aujourd'hui. Dans la langue
-du siècle de Louis XIV, cela veut dire: Il y a eu de plus hauts
-personnages que moi, des gens plus considérables.
-
- Page 9, ligne 14: Ce fut le 15 août 1664 que madame de Sévigné alla
- à Tancourt.
-
-Les souvenirs de ce voyage que fit madame de Sévigné éclairent beaucoup
-l'histoire de Bussy et de son libelle. C'est dans cette année 1664 que
-Bussy se montra le plus occupé de ses intrigues amoureuses et qu'il
-composa le plus de vers galants. C'est alors qu'il lut, dans les
-sociétés où se trouvaient M. et madame de Montausier, ses _Maximes
-d'amour, questions, sentiments et préceptes_, transcrits en entier dans
-ses _Mémoires_ (t. II, p. 22 à 281); c'est alors qu'il se montre si
-satisfait de sa fortune et de madame de Monglat, sa maîtresse (p. 285),
-et qu'il se plaint d'avoir dans M. de Monglat un mari trop commode. Il
-rime à ce sujet une imitation de l'élégie 19, liv. II, des _Amours
-d'Ovide_, et dit (p. 286):
-
- Si tu n'es pas jaloux pour ton propre intérêt,
- Sois-le du moins, s'il te plaît,
- Pour augmenter dans mon âme
- L'amour que j'ai pour ta femme.
- Je tiens qu'il faut être brutal
- Pour pouvoir aimer sans rival.
- A nous autres amants il faut de l'espérance.
- Mais sans la crainte on n'a pas de plaisir;
- On languit dans trop d'assurance,
- Et les difficultés irritent les désirs.
-
-A la fin d'août 1664, madame de Sévigné nous fait voir Bussy dans sa
-terre de Forléans, lui rendant de fréquentes visites, et évidemment
-tâchant de la séduire et de réveiller les langueurs que lui faisait
-éprouver son amour satisfait. Lui-même parle d'un voyage (p. 292) qu'il
-fit en Bourgogne, pour se consoler d'une affaire qu'on lui avait faite
-auprès du roi. Cette affaire était son _Histoire amoureuse des Gaules_,
-dont le secret commençait à percer, mais qui ne contenait encore ni le
-morceau sur madame de Sévigné ni celui sur madame de Monglat, dont il se
-croyait alors exclusivement aimé. De Forléans, il se rendit à son
-château de Bussy, où une lettre, en date du 10 octobre 1664, au duc de
-Saint-Aignan, nous le montre installé. (_Mémoires_, t. II, p. 293.)
-C'est alors qu'il apprit que madame de Monglat lui était infidèle, et
-que, dépité de cette trahison et d'avoir échoué près de sa cousine, il
-se retourna vers madame de la Baume. Pour lui rendre plus agréable la
-lecture du manuscrit qu'il lui prêtait et lui prouver qu'il lui
-sacrifiait madame de Monglat, il ajouta le portrait de Bélise (de madame
-de Monglat). Madame de la Baume le trahit; et, sur une copie qu'elle
-laissa ou qu'elle fit faire, le libelle fut imprimé en Hollande. Dès
-lors se forma l'orage qui devait pour toujours mettre obstacle à
-l'ambition de Bussy. Ce ne fut cependant qu'après le mois de mars 1665
-qu'il éclata. Bussy fut alors reçu de l'Académie française, et y
-prononça son discours d'admission. Par un billet qu'il adressa au duc de
-Saint-Aignan le 12 avril 1662, on voit que déjà le scandaleux libelle
-était connu de plusieurs personnes.--Le roi fit arrêter Bussy le
-vendredi 17 avril; et on le conduisit aussitôt à la Bastille, afin de le
-dérober aux recherches du prince de Condé, qui voulait se porter contre
-lui aux dernières violences.
-
- Page 9, ligne 17: Bussy, qui était alors à sa terre de Forléans,
- vint la voir.--Page 10, ligne 5: Bourbilly.--Page 11, ligne 5:
- Époisses.
-
-FORLÉANS était une seigneurie indépendante; c'était une annexe de la
-paroisse de Montberteau, du diocèse de Langres, du doyenné de
-Moutier-Saint-Jean, du bailliage et recette de Semur-en-Auxois. Ses
-dépendances étaient Forléans, Plumeron et Villers-Fremoy, et encore la
-justice à Changy (GARNAU, _Description du gouvernement de Bourgogne_, 2e
-édit., p. 486, 487) Du temps d'Expilly, en 1764, on ne comptait à
-Forléans que vingt-huit feux, à peu près cent vingt habitants; en 1837,
-il y avait deux cent dix-huit habitants.
-
-BOURBILLY, village de la paroisse de Vic-de-Chassenay, du bailliage de
-Semur-en-Auxois (GARNAU, _Description_, etc., p. 374). En 1762,
-d'Expilly, dans son _Dictionnaire_, tome I, page 729, donnait vingt-deux
-feux (cent vingt habitants) à Bourbilly.
-
-ÉPOISSES, bourg de l'Auxois, était église collégiale et paroisse du
-diocèse de Langres, du doyenné de Moutier-Saint-Jean, marquisat du
-bailliage de Semur. Ses dépendances étaient Époisses, Coromble,
-Torcy-lez-Époisses, Vic-de-Chassonay, Toutry (paroisse), Époissette,
-Menetoy, Menetreux, Pijailly et Pontigny; et, dans le bailliage
-d'Avallon, Atic-sous-Montréal, Saint-Magnence et presque tout
-Cussy-les-Forges, communauté de la recette de Semur. La vallée
-d'Époisses produit du froment, et passe pour une des plus fertiles de la
-province (GARNAU, _Description de la Bourgogne_, page 478, 2e édition).
-D'Expilly (_Dictionnaire des Gaules et de la France_, tome II, page 753)
-dit que, de son temps (en 1762), Époisses comptait quatre-vingt-quinze
-feux, ce qui suppose quatre cent soixante-quinze habitants. Le
-_Dictionnaire de la poste aux lettres_ (in-folio, tome II, page 264)
-porte ce nombre à mille six, en 1837.
-
- Page 11, avant-dernière ligne: Par son premier mariage avec
- Françoise de la Grange.
-
-D'Expilly, dans son _Dictionnaire des Gaules et de la France_, tome I,
-page 753, a donné la généalogie de Françoise de la Grange, marquise
-d'Époisses. Elle fut mariée à Guillaume de Pechpeirou de Comenge, comte
-de Guitaut, qu'elle fit son héritier, et qui devint ainsi marquis
-d'Époisses. Elle mourut sans postérité le 31 mars 1661. Le comte de
-Guitaud se remaria en 1669 à Élisabeth-Antoinette de Verthamont, d'où
-descendent en ligne directe les Guitaud que nous avons vus de nos jours
-possesseurs d'Époisses. C'est de cette dernière marquise d'Époisses que
-parle madame de Sévigné.
-
- Page 13, ligne 3: En faisant de grands embellissements à son
- magnifique château d'Époisses.
-
-Ce château subsiste toujours en entier et dans toute sa splendeur, avec
-ses belles fortifications, ses vieux tilleuls, ses beaux ombrages, ses
-archives, ses portraits, ses nobles souvenirs; il a été la propriété des
-comtes de Montbard et des princes de Montagu, première race des ducs de
-Bourgogne. Un descendant direct du comte de Guitaud le possède, bonheur
-rare dans les temps où nous vivons. C'est à la plume du comte Athanase
-de Guitaud qu'est due la notice qui accompagne la planche gravée de la
-vue d'Époisses qui se trouve dans le _Voyage pittoresque de Bourgogne_,
-publié à Dijon en 1823 (t. I, feuille 9, no 3). Les fortifications de ce
-château avaient été construites par le prince de Condé (le grand Condé).
-Ce prince en avait eu la jouissance en vertu d'un fidéicommis du comte
-de Guitaud d'Époisses. Condé avait fait de ce château une petite place
-forte, et n'avait consenti à le rendre qu'après le remboursement de
-toutes les dépenses que les fortifications avaient coûtées. (Voyez la
-_Lettre de_ BUSSY _au comte de Coligny_, en date du 18 mai 1667, dans
-les _Mémoires du comte_ DE COLIGNY-SALIGNY, 1841, in-8º, p. 127.)
-
- Page 14, ligne 26: Dur et égoïste dans son intérieur.
-
-Lord Mahon, dans son Histoire du prince de Condé, en parlant du duel
-entre Rabutin, page de la princesse de Condé, et son valet de chambre, a
-soutenu que la princesse était parfaitement pure de toute intrigue
-galante; qu'elle avait été calomniée et horriblement persécutée par son
-époux et par son fils. Nous avons combattu cette opinion et fait
-observer que, quels que soient les vices dont Condé et son fils
-pouvaient être accusés, on ne saurait leur supposer un cœur assez
-corrompu, assez pervers pour calomnier et tenir en captivité une femme
-digne d'estime, une épouse et une mère. Lord Mahon, dans une lettre
-qu'il m'a fait l'honneur de m'écrire, m'a cité Saint-Simon, qui dit que
-M. le Duc était envers la princesse un fils dénaturé. Cette observation
-est exacte, et il est très-vrai que le duc d'Enghien, au lieu de
-protéger sa mère contre la colère de son époux, fut aussi d'avis que
-l'on employât des mesures de rigueur. C'est que, connaissant l'abandon
-où son père laissait la princesse et les moyens qu'elle prenait pour se
-consoler, il avait plus d'intérêt que Condé même à prévenir les suites
-de cet isolement.--Dans ce siècle si corrompu sous le rapport des
-mœurs, les femmes vertueuses inspiraient un grand respect: Louis XIV
-donnait l'exemple de ce respect et de ces égards envers la reine.
-L'opinion publique, à défaut du souverain, eût protégé la femme du grand
-Condé contre un acte aussi odieux d'autorité maritale s'il n'avait été
-motivé par la nécessité de pourvoir à l'honneur et aux intérêts de la
-maison du premier prince du sang. Nous avons trouvé dans la recueil
-manuscrit des vaudevilles et autres pièces de vers (édition de Maurepas)
-qui est à la Bibliothèque nationale (vol. III, p. 397, sous la date de
-1671) une fable allégorique, intitulée _le Lion, le Chat et le Chien_.
-Cette fable, fort longue et assez bien versifiée, est relative à
-l'aventure de Rabutin et du valet de chambre. Les notes disent que le
-prince de Condé avait épousé malgré lui Claire-Clémence de Maillé-Brezé;
-que, quoiqu'elle fût fort belle, il la négligea; qu'elle vivait fort
-retirée, paraissant rarement à la cour. Presque toujours dans ses
-appartements, elle sortait peu; mais on remarque qu'elle vivait trop
-familièrement avec ses gens. Dans l'affaire du page et du valet de
-chambre, il est dit qu'elle fut blessée d'un coup d'épée; que le valet
-de chambre, condamné aux galères, mourut en s'y rendant, et qu'on
-soupçonna qu'il avait été empoisonné.
-
-
-CHAPITRE II.
-
- Page 19, ligne 14: Mademoiselle de Meri.
-
-Il résulte des lettres de madame de Sévigné que cette parente, qui ne se
-maria jamais, était vaporeuse, maladive, ennuyeuse, mais bonne, sensible
-et serviable. Dans le recueil des chansons choisies de Coulanges, 2e
-édit., t. I, p. 280, il s'en trouve une intitulée _Pour mademoiselle de
-Meri, conduisant jusqu'à Fontainebleau madame de Coulanges, qui s'en
-allait en Berry_.
-
- Page 20, ligne 11: Il aimait à se rappeler surtout les heures de
- gaieté folâtre; et note 53, renvoyant à la seconde partie de ces
- _Mémoires_, p. 102 de la 2e édit.--Dans la lettre de madame de
- Sévigné il est dit: «Vous aviez huit ans.»
-
-C'était donc en 1757, l'année même où l'abbé Arnauld vit aussi madame de
-Sévigné chez son oncle Renaud de Sévigné, et où il fut si frappé de la
-beauté de ses enfants. (_Mémoires de l'abbé_ ARNAULD, t. XXXIV, p. 314
-de la collection de Petitot; t. XI, p. 62 et 63 de l'édition de 1736.)
-
- Page 24, ligne 8: Frère de cette marquise de Montfuron.
-
-Le chevalier Perrin, dans ses Notes sur les lettres de madame de
-Sévigné, nous apprend que Marie Pontever de Buous, marquise de
-Montfuron, était femme de Léon de Valbelle et cousine germaine de M. de
-Grignan. Elle était belle-sœur de l'évêque d'Alet. Le _Mercure galant_
-(juin 1679, p. 297), en annonçant la mort de la marquise de Montfuron,
-ajoute qu'elle était d'une beauté surprenante.
-
- Page 26, ligne première: Traité secret conclu avec Charles II en
- 1670.
-
-Ce traité, dont l'original est en la possession de lord Clifford, qui
-l'a communiqué au docteur Lingard, a été signé, de la part de la France,
-par Charles Colbert de Croissy, fils du ministre Colbert; par Arlington,
-Thomas Arundell, T. Clifford et R. Billing; il a été conclu à Douvres le
-22 mai 1670.--Les négociations avaient commencé le 31 octobre 1669.
-Charles II s'y intitule _le Défenseur de la foi_. Il se dit convaincu
-de la vérité de la religion catholique, et promet qu'aussitôt qu'il le
-pourra il se réconciliera avec l'Église romaine.
-
-
-CHAPITRE III.
-
- Page 37, ligne 17: Les princes d'Orange ne reconnaissaient pas
- cette prétention.
-
-Après le décès de Guillaume III, roi d'Angleterre, mort sans enfants le
-19 mars 1702, le prince de Nassau-Dietz et Frédéric 1er, roi de Prusse,
-prétendirent avoir des droits à l'héritage de la principauté d'Orange.
-Louis XIV se posa entre les deux contendants, et prétendit que la
-principauté d'Orange était dévolue à la couronne de France, faute d'hoir
-mâle. A cette occasion, il fit valoir l'hommage qui avait été rendu à
-Louis XI en 1475. Le prince de Conti revendiqua la principauté d'Orange
-en qualité d'héritier de la maison de Longueville, les ducs de cette
-maison se prétendant héritiers du dernier des princes de Châlons ou de
-la dynastie des princes d'Orange, qui avait précédé celle de Nassau. Sur
-ces contestations, il intervint un arrêt du parlement de Paris qui
-adjugea le domaine utile d'Orange au prince de Conti et le haut domaine
-au roi de France, ce qui fut confirmé par l'article 10 du traité
-d'Utrecht. Le 13 décembre 1714 un arrêt du conseil unit la principauté
-d'Orange au Dauphiné.
-
- Page 41, ligne 17: De Guilleragues.
-
-Il est mort ambassadeur à Constantinople en 1679. Il se nommait
-Girardin, et était probablement parent des Girardin d'Ermenonville; car,
-dans un été que nous avons passé en 1810 dans ce beau lieu, nous avons
-vu la copie de la correspondance de cet ambassadeur, reliée en huit ou
-dix gros volumes in-fol., et reléguée dans une mansarde de la petite
-maison qui était devant le château.
-
- Page 44, ligne 13: Lausier, son capitaine des gardes.
-
-Il est probable que c'est le même dont madame de Sévigné raconte la mort
-subite dans le passage cité. Cependant, comme ils étaient plusieurs
-frères, les uns morts et les autres vivants en janvier 1690, cela n'est
-pas certain.
-
- Page 48, ligne 2: Procureur du pays-joint.
-
-Telle est l'expression consacrée et toujours la même pour cette charge.
-Dans les _Extraits de délibérations_ imprimés, souvent on rencontre, par
-abréviation, _procureur-joint_. Madame de Sévigné au contraire se sert
-constamment du terme de syndic, parce que les procureurs, dans les
-assemblées des villes et communautés, remplissaient les mêmes fonctions
-que les syndics dans les assemblées des états, remplacées ensuite par
-les assemblées des communautés.--Dans la 4e partie de ces Mémoires, au
-lieu de procureur-joint, les imprimeurs ont mis _procureur-adjoint_.
-C'est une faute.
-
- Page 55, ligne 21: Que vous nommez M. de Buous.
-
-Marguerite de Grignan, fille de Louis-François, comte de Grignan,
-sénéchal de Valentinois, qui mourut en 1620, épousa Ange de Pontever de
-Buous; et c'est par cette alliance que les de Buous étaient parents des
-Grignan. Le marquis de Buous était probablement frère ou proche parent
-du chevalier de Buous, capitaine de vaisseau en 1656. (Voir à la page 14
-des _Mémoires du marquis de Villette_, publiés en 1841, une note du
-savant archiviste de la marine, M. Jal, sur le chevalier de Buous et le
-marquis de Martel, mentionné si souvent dans les lettres de madame de
-Sévigné.)
-
- Page 56, ligne 17: Deux députés, Saint-Aubin Treslon et Des Clos de
- Sauvage.
-
-A la page 381 du _Recueil de la tenue des états de Bretagne_, mss. Bibl.
-nat. (Bl.-Mant.), no 75, dans la liste des noms des députés envoyés à la
-cour pour porter les remontrances on trouve ces lignes: «A la place de
-SÉVIGNÉ, abbé de Geneston, député à la chambre aux états précédents,
-décédé, a été nommé messire Louis du Metz, abbé de Sainte-Croix de
-Guingamp.»
-
- Page 58, ligne 19: D'Harouïs était son ami et son allié.
-
-D'Harouïs avait épousé Marie Madeleine de Coulanges, cousine germaine de
-la marquise de Sévigné; il la perdit le 22 septembre 1662.
-
-
-CHAPITRE IV.
-
- Page 64, ligne 17: Qu'aucune femme ne peut pardonner.
-
-Voici le passage:
-
-«Je comprends fort bien que le baiser du roi, à ce que vous me mandez,
-n'a été qu'un baiser de pitié; car je tiens le goût de notre maître trop
-délicat pour prendre plaisir à baiser la La Baume.» (_Mém. de
-Coligny-Soligny_, 1841, in-8º, p. 127.)
-
- Page 65, ligne 5 et note 151: La conversation, dit-il, avec madame de
- la Morésan et moi.
-
-Cette madame de la Morésan ou Lamorésan avait la parole rude et son
-franc-parler.--Le duc de Lauzun avait été à toute extrémité, et sa
-sœur, madame de Nogent, pleurait du danger qu'il avait couru. Alors
-madame de la Morésan lui dit en présence de MADEMOISELLE, plus éprise de
-Lauzun depuis la rupture de son mariage: «Hélas! madame, vous
-fâcherez-vous? Vous auriez été bien heureuse que monsieur votre frère
-fût mort d'une mort ordinaire! C'est un homme si emporté qu'un de ces
-jours on le trouvera pendu; il est tout propre à faire quelque folie.»
-
- Page 66, ligne 4: Sous une forme qui ne convenait pas à ce dernier.
-
-On peut voir la remarquable lettre de Louis XIV que nous citons en cet
-endroit. En 1665, Martel était considéré comme un officier d'une grande
-capacité, mais peu soumis au duc de Beaufort, qui avait le commandement
-en chef de la flotte.
-
- Page 66, ligne 13: Un d'eux citait madame de Grignan.
-
-C'était le chevalier de Cissé, frère de madame de Martel. Voici comment
-madame de Sévigné raconte la chose, à propos des éloges qu'elle donne
-toujours à la danse des Bretons.
-
-«Je vis hier danser des hommes et des femmes fort bien: on ne danse pas
-mieux les menuets et les passe-pieds. Justement, comme je pensais à
-vous, j'entends derrière moi un homme qui dit assez haut: «Je n'ai
-jamais vu si bien danser que madame la comtesse de Grignan.» Je me
-tourne, je trouve un visage inconnu; je lui demande où il avait vu cette
-madame de Grignan? C'est un chevalier de Cissé, frère de madame Martel,
-qui vous a vue à Toulon avec madame de Sinturion. M. Martel vous donna
-une fête dans son vaisseau; vous dansâtes, vous étiez belle comme un
-ange. Me voilà ravie de trouver cet homme; mais je voudrais que vous
-pussiez comprendre l'émotion que me donna votre nom, qu'on venait me
-découvrir dans le secret de mon cœur, lorsque je m'y attendais le
-moins.» (Lettre du 6 août 1680, t. VII, p. 157, édit. G.)
-
- Page 67, ligne 4: La foi de son exil.
-
-Cet exil se serait plus promptement terminé, si Bussy avait pu empêcher
-la publicité toujours croissante de son libelle de l'_Histoire amoureuse
-des Gaules_, par les éditions que l'on en faisait à l'étranger. Ces
-éditions se sont multipliées à un point que l'on ne connaissait pas.
-J'ai donné les titres de toutes celles que j'avais pu découvrir. J'en ai
-depuis rencontré une, intitulée _Histoire amoureuse des Gaules_; Liége,
-1665, in-12 de 260 pages, avec un feuillet pour la clef, exactement
-comme l'édition qui porte le même titre, mais avec la date de 1666, et
-les mots _nouvelle édition_, ce qui fait croire que cette dernière est
-celle de 1666 avec un nouveau titre.--Je dois signaler encore une autre
-édition dont j'ai un exemplaire en maroquin rouge, relié par Padeloup,
-avec les armes du Dauphin, non pas sur le plat du livre, mais sur le
-dos. Cette édition a un frontispice gravé avec une Renommée à la
-trompette, et cette Renommée porte un étendard où se trouve le titre:
-_Histoire amoureuse des Gaules_ (ce frontispice a été reproduit
-grossièrement dans l'édition de 1710); point d'autre frontispice que
-cette gravure. L'intitulé en tête du texte diffère du frontispice, et
-porte: _Histoire amoureuse de France_, de même que l'édition avec le
-frontispice gravé du salon de la Bastille; ce sont aussi les mêmes
-caractères elzéviriens, petits. On croirait que c'est la même édition, à
-laquelle on a mis des frontispices gravés, si, après la page 196, on ne
-voyait que les deux éditions cessent de se correspondre. On s'aperçoit à
-cette page que l'édition à la _Renommée_ est antérieure à celle du
-_salon_, parce que le fameux cantique manque, et qu'il est dans celle du
-_salon_. Ainsi l'édition de la _Renommée_ a deux cent quarante-quatre
-pages, et ensuite douze pages, paginées séparément, pour les _Maximes
-d'amour_ et la lettre à Saint-Aignan: l'édition au _salon_ a deux cent
-cinquante-huit pages qui se suivent.
-
- Page 76, ligne 6: On accuse Bussy d'être l'auteur des chansons,
- etc.
-
-Bussy fut prévenu de l'accusation portée contre lui au sujet des
-chansons d'Hauterive, son ami. Le marquis d'Hauterive, grand amateur des
-beaux-arts et pour lequel, dit M. Gault de Saint-Germain, le Poussin a
-exécuté plusieurs tableaux, épousa la fille du duc de Villeroi, veuve de
-trois maris. Cette union fut considérée comme une mésalliance de la part
-de la femme, très-supérieure à son mari en naissance et en fortune, mais
-aussi plus âgée. Bussy ne la désapprouva pas, parce que d'Hauterive
-était son ami. «Le secret, dit-il à ce sujet, est d'être aimable et
-d'être aimé; et quand cela est on est aussi riche que Crésus, et noble
-comme le roi.» D'Hauterive ayant dit à Bussy que devant l'abbesse de
-Merreton on l'avait accusé d'être l'auteur des chansons qui couraient
-contre les ministres, et que celle-ci l'avait défendu, Bussy se hâta
-aussitôt de lui adresser une lettre datée du 15 mai 1674, dans laquelle
-on lit ce passage: «Je ne trouve pas étrange que le misérable qui a fait
-ces chansons-là les ait mises sous mon nom, sous lequel toutes calomnies
-sont crues; mais je suis surpris qu'il y ait des gens désintéressés
-assez sots pour croire qu'un homme de mon âge et du rang que je tiens
-dans le monde soit capable de si grandes extravagances.» Conf.
-_Supplément aux Mémoires et lettres du comte_ DE BUSSY-RABUTIN, 2e
-part., p. 22;--BUSSY, _Lettres_, t. V, p. 44 et 107.--SÉVIGNÉ,
-_Lettres_, t. I, p. 284, édit. G.; t. I, p. 213, édit. M.
-
-
-CHAPITRE V.
-
- Page 83, lignes 2 à 4: Le duc d'York vint, cette année, présenter
- au roi de France la princesse de Modène.
-
-MADEMOISELLE, dans ses Mémoires, dit, t. LXIII, p. 369 (1674): «Lorsque
-toutes ces propositions furent finies, le roi travailla, et fit le
-mariage de la princesse de Modène; elle me parut une grande créature
-mélancolique, ni belle ni laide, fort maigre, assez jaune. J'ai ouï dire
-qu'elle est à présent fort enjouée et engraissée et qu'elle est devenue
-belle.»
-
- Page 86, ligne 4: Ces conjectures sont démenties, selon nous, par
- les faits.
-
-Celle de Voltaire, qui dit que c'était l'aventure de mademoiselle de
-Guerchy et que ce fut pour elle qu'Hénault composa son sonnet de
-l'Avorton, est doublement erronée, puisque ce sonnet a été imprimé trois
-ans avant la mort de cette demoiselle. L'autre conjecture que ce
-pourrait bien être madame de Ludres que madame de Sévigné désigne, parce
-que le chevalier de Vendôme et Vivonne en étaient alors amoureux, noue
-paraît plus vraie; mais non relativement à Louis XIV, qui certes ne
-voulait pas de mal à madame de Ludres, comme il l'a prouvé depuis.
-
- Page 89, ligne 5: La plus jeune et la plus chérie de ses femmes
- espagnoles.
-
-Elle se nommait doña Felippe-Maria-Térésa Abarca. Il est probable,
-d'après ces prénoms, qu'elle fut tenue sur les fonts de baptême par la
-reine elle-même. Elle figure comme la septième et dernière des femmes
-espagnoles dans l'_Etat de la France_ de 1669 et dans celui de 1677.
-Doña Maria Molina, qui avait prêté les mains à l'intrigue de Vardes et
-du comte de Guiche contre la Vallière et qui se trouve encore comme
-première femme de chambre espagnole dans le volume de 1669, fut au
-nombre des femmes renvoyées; et peut-être est-ce à cause d'elle et de sa
-nièce mademoiselle de Ribera que cette mesure fut prise.--Dans l'_État
-de la France_ de 1669 il est dit, p. 377, que Maria-Térésa Abarca est
-présentement madame de Visé. Le mari d'Abarca est probablement le
-musicien dont il est fait mention dans la lettre de Coulanges à madame
-de Sévigné (3 février 1669, t. XI, p. 259, édit. G.), et non pas Donneau
-de Visé, l'auteur du _Mercure galant_.
-
- Page 92, ligne 18: Ces enfants moururent peu après leur naissance.
-
-L'un fut nommé Charles, et naquit le 19 septembre 1663; l'autre, nommé
-Philippe, naquit le 19 janvier 1665.
-
- Page 93, lignes 4 et 5: Érigea pour elle et pour sa mère la terre
- de Vaujour et la baronnie de Saint-Christophe.
-
-C'est au sujet de ce don fait à la Vallière après la naissance du comte
-de Vermandois qu'un de ces écrivains qui transforma en roman les amours
-de Louis XIV et des personnages de sa cour écrivit cette lettre de
-madame de la Vallière à madame de Montausier que M. Matter a publiée,
-d'après une copie du temps, dans ses _Lettres et pièces rares ou
-inédites_, 1836, in-8º, p. 320-326. Cette lettre est datée du 24 mai
-1667, et les lettres patentes pour l'érection de la terre de Vaujour en
-duché-pairie furent enregistrées le 13 mai 1667. Dans une note inscrite
-à la copie de cette même lettre, on suppose maladroitement que la
-réponse de madame de Montausier, à qui la lettre était adressée, fut
-faite le même jour. Le paraphe de la Reynie du 21 novembre 1670, s'il
-est sincère, donnerait lieu de croire que cette lettre faisait partie
-des pièces saisies par la police chez quelque libelliste. La Vallière se
-gardait bien d'écrire à des tiers, et surtout à madame de Montausier,
-sur les suites probables de ses amours avec Louis XIV; encore moins
-aurait-elle pu parler du projet imaginaire de son mariage avec le
-marquis de Vardes, ce qui décèle dans la fabrication de cette lettre un
-écrivain peu instruit des choses de la cour à cette époque.
-
-Quoique M. de Bausset ait souvent cité les lettres de la Vallière
-publiées par l'abbé Lequeux (_Lettres de madame la duchesse de la
-Vallière, avec un abrégé de la vie de cette pénitente_, 1747, in-12), je
-crois peu à leur authenticité. Plusieurs ont été certainement
-fabriquées, et peut-être sont-elles toutes de l'invention de l'abbé
-Lequeux, qui en est, dit-on, l'éditeur anonyme. A quel homme bien
-instruit des choses et des personnes de ce temps persuadera-t-on que la
-Vallière a pu écrire la lettre 14, p. 17, et bien d'autres qu'il serait
-facile de citer?
-
- Page 94, ligne 13: Montespan, à peine relevée de sa dernière
- couche, ne pouvant danser, etc.
-
-Il est probable que mademoiselle de Nantes fut légitimée peu après son
-baptême: nous savons que ce fut en décembre, et madame de Sévigné nous
-apprend (lettre du 8 janvier 1674) que les bals de Saint-Germain
-commencèrent dès les premiers jours de janvier.
-
- Page 97, ligne 18: Louis XIV était incapable de faire souffrir à
- celle qu'il avait tant aimée, etc.
-
-Il ne faut pas croire, par ce que dit madame Élisabeth de Bavière dans
-ses lettres, dont les fragments ont été intitulés _Mémoires_, que Louis
-XIV ait insulté à la douleur de la Vallière (voyez p. 55, édit. 1832,
-in-8º). Il était incapable d'aussi ignobles procédés. Ces Mémoires n'ont
-rien d'authentique. On sait que ce sont des extraits des huit cents
-lettres de cette princesse qui se sont trouvées dans la succession de la
-duchesse de Brunswick, morte en 1767, et écrites par la duchesse
-d'Orléans à la princesse Wilhelmine-Charlotte de Galles et au duc
-Antoine-Ulrich de Brunswick. Élisabeth-Charlotte, princesse Palatine,
-resta toujours Allemande à la cour de France, et accueillit sans
-discernement les bruits les plus vulgaires et les plus désavantageux sur
-les personnes qui s'y trouvaient. Cependant ces extraits de lettres
-contiennent des détails très-curieux; mais il faut les lire avec
-défiance; et, pour les écrivains qui manquent de critique, ils sont une
-mauvaise source pour l'histoire.
-
- Page 103, lignes 15 et 16: Elle obtint... que la marquise de la
- Vallière fût mise dans le nombre des nouvelles dames d'honneur.
-
-Louis XIV, dans la lettre citée (au camp devant Besançon, le 23 mai
-1674), refusa à la reine de Portugal une demande semblable en ces
-termes: «Toutes les places des dames établies auprès de la reine furent
-remplacées par le dernier choix, et c'est un nombre fixe qu'on a résolu
-de ne point passer. Il n'est pas besoin de dire à V. M. que celle qui
-fut depuis accordée à ma cousine la duchesse de la Vallière ne fait pas
-conséquence: elle juge assez qu'une conjoncture comme celle de sa
-retraite ne permettait pas de lui refuser cette consolation.»
-
- Page 105, ligne 12: Le troisième dimanche de la Pentecôte.
-
-Ce troisième dimanche, jour de la parabole du bon pasteur, était, en
-1674, le 3 juin, et non le 2, comme le dit l'abbé Lequeux dans son
-_Histoire de madame de la Vallière_, p. 54. La date du 9 juin, donnée
-par M. de Bausset, _Histoire de Bossuet_, t. II, p. 36, est encore plus
-fautive.
-
- Page 106, ligne 3: Les regrets qu'elle éprouvait de ne s'être point
- trouvée, etc.
-
-La lettre de madame de Sévigné, datée du mercredi 5 juin 1674, a été
-commencée le mardi 4; car elle dit: «La Vallière fit hier sa profession
-de foi.» Cette date est parfaitement d'accord avec celle que donne
-l'abbé Lequeux, _Histoire de la Vallière_, p. 59, où il est dit qu'elle
-fit profession le lundi de la Pentecôte, 3 juin; ce qui est exact pour
-l'année 1675. M. de Bausset se trompe quand il dit que ce fut le 26 juin
-1675. Le 26 juin 1675 était un mercredi, et ne correspond à rien. (Voyez
-_Histoire de Bossuet_, liv. V, édit. in-12, t. II, p. 36 de la 4e
-édition, revue et corrigée.)
-
-Cela d'ailleurs ne peut être douteux d'après ce qu'on lit dans la lettre
-d'une des religieuses compagnes de la Vallière, dont je parlerai dans la
-note suivante: «Elle vit arriver avec joie le temps de sa profession;
-elle la fit au chapitre, selon notre usage, le troisième de juin 1675.
-La reine honora cette cérémonie de sa présence: le concours du monde fut
-encore plus grand que le jour qu'elle avait pris l'habit.»
-
- Page 110, ligne 20: C'est dans son cloître, au pied des autels, que
- la Vallière a préparé, etc.
-
-La vie de la Vallière comme religieuse fut racontée, le jour même de son
-décès (6 juin 1710), dans une lettre de ses compagnes, nommée Magdeleine
-du Saint-Esprit. Cette lettre fut adressée à la supérieure des
-Carmélites, ensuite imprimée et envoyée à toutes les supérieures de
-l'ordre en juillet 1710. Madame de la Vallière avait écrit des
-_Réflexions sur la miséricorde de Dieu, par une dame pénitente_. Elles
-furent publiées sous le voile de l'anonyme, et à son insu (Paris,
-Dezallier, 1685, in-12 de 139 pages). Une nouvelle édition augmentée fut
-donnée en 1726 (Paris, Christophe David, in-12 de 240 pages).
-L'augmentation consiste en quelques prières tirées de l'Écriture sainte
-et un _Récit abrégé de la sainte mort et de la vie pénitente de madame
-la duchesse de la Vallière_. Ce récit est un plagiat: l'auteur a
-transcrit la lettre de la sœur Magdeleine du Saint-Esprit, dont il a
-gâté la touchante et sublime simplicité par des phrases de prédicateur.
-Cette lettre, devenue rare, a été réimprimée dans l'_Annuaire de l'Aube_
-de 1849, avec quatre autres lettres inédites très-courtes de madame de
-la Vallière, dont les autographes appartiennent à la bibliothèque et aux
-archives de Troyes: l'une est adressée à l'abbesse Anne de
-Choiseul-Praslin et datée du 13 mai 1688, et les trois autres à Denis
-Dodart, médecin et membre de l'Académie des sciences, que le caustique
-Gui Patin et le philosophe Fontenelle s'accordent à louer comme un des
-hommes les plus savants, les plus pieux et les plus charitables de leur
-temps. (_Lettres de_ GUI PATIN; Paris, Baillière, 1846, in-8º, t. III,
-p. 231.)
-
-«La Vallière mourut à l'heure de midi, le 6 juin 1710, âgée de
-soixante-cinq ans dix mois, et trente-six ans de religion.» _Récit
-abrégé de la vie pénitente_, p. 234.
-
- Page 111, ligne 6: Elle sait bien aimer.
-
-Madame de Caylus nous apprend, à l'endroit cité, que cette réflexion fut
-faite à l'occasion de l'aîné des enfants du roi et de madame de
-Montespan, qui mourut à l'âge de trois ans.
-
- Page 111, ligne 8: Cette femme lui déplaisait souverainement, parce
- qu'elle plaisait trop à sa maîtresse. (Sur la lettre de madame de
- Coulanges à madame de Sévigné, du 20 mars 1673.)
-
-Il y a dans l'édition des _Lettres_ de madame de Sévigné, de M. de
-Monmerqué, une note du savant éditeur (t. II, p. 75, édition 1820) à
-laquelle M. Rœderer, dans son _Histoire de la société polie_, aurait dû
-bien faire attention. C'est au sujet de ce passage remarquable: «Nous
-avons enfin retrouvé madame Scarron, c'est-à-dire que nous savons où
-elle est; car pour avoir commerce avec elle, cela n'est pas aisé. Il y
-a, chez une de ses amies, un certain homme qui la trouve si aimable et
-de si bonne compagnie qu'il souffre impatiemment de son absence.» On a
-interprété ces derniers mots en supposant que ce certain homme était
-Louis XIV; mais après avoir fait observer que la faveur dont a joui
-madame de Maintenon auprès de Louis XIV n'a pu commencer qu'en 1675, ou
-au plus tôt en 1674, puisqu'il est bien constaté qu'avant cette époque
-le roi prit presque en aversion la veuve Scarron, M. de Monmerqué
-présume très-judicieusement que cet homme si épris était Barillon. Et
-c'était sans doute un ancien ami, puisque madame de Coulanges ajoute
-immédiatement: «Elle est cependant plus occupée de ses anciens amis
-qu'elle ne l'a jamais été: elle leur donne, avec le peu de temps qu'elle
-a, un plaisir qui fait regretter qu'elle n'en ait pas davantage.» Deux
-lignes plus loin, madame de Coulanges mentionne le roi, pour dire
-«qu'ayant vu l'état des pensions il trouva deux mille francs pour madame
-Scarron, et mit _deux mille écus_.» C'était la juste récompense de ses
-soins.
-
- Page 111, note: _Souvenirs de madame_ DE CAYLUS.
-
-J'ai donné au long le titre de cette édition des _Souvenirs de Caylus_,
-parce qu'elle a été inconnue à tous les éditeurs de ce livre curieux, et
-que c'est la seule où Voltaire se trouve nommé comme éditeur. Elle est
-sans la préface de Jean-Robert (Voltaire); mais la défense du siècle de
-Louis XIV suit immédiatement, et commence à la page 162, au verso de
-celle qui termine les _Souvenirs_. Cette édition diffère des autres.
-Celle de M. Monmerqué finit ainsi: _Puisqu'il était avec elle._
-
-FIN DES SOUVENIRS DE MADAME DE CAYLUS.
-
-Notre édition, p. 161, se termine par des notes, comme un ouvrage non
-entier, avec ces mots de plus: «C'était bien plutôt une galanterie
-innocente qu'une passion.»
-
-
-CHAPITRE VI.
-
- Page 117, ligne 17: Je revins hier du Menil.
-
-Il s'agit ici du Mesnil-Saint-Denis, à cinq kilomètres ou une lieue et
-quart de la Grange de Port-Royal. «Cette terre, dit l'abbé Lebeuf (t.
-VIII, p. 463 de l'_Histoire du diocèse de Paris_), ayant été aliénée par
-l'abbaye de Saint-Denis, était possédée à la fin du seizième siècle par
-MM. Habert de Montmor, qui en ont joui jusque dans le siècle présent....
-On avait commencé, sur la fin du dernier siècle, à appeler ce lieu-là
-Mesnil-Saint-Denis-Habert. J'ai vu des Provisions de la cure du 19
-décembre 1691, où cette dénomination est rejetée.»
-
-C'est donc chez Henri-Louis Habert de Montmor, conseiller du roi, maître
-des requêtes de l'hôtel, qu'alla madame de Sévigné. Montmor fut de
-l'Académie française; il mourut à Paris le 21 janvier 1679. C'est de son
-fils, et non de son mari, qu'il est fait mention dans la lettre de
-décembre 1694[880], datée de Grignan. Ce M. de Montmor était alors à
-Grignan, et ce fut lui qui ménagea le mariage de Grignan avec
-mademoiselle de Saint-Amand.
-
- [880] T. II, p. 10.
-
-C'était sans doute avec madame de Montmor plutôt qu'avec son mari que
-madame de Sévigné était liée. Sa correspondance ne fait mention que
-d'elle. MADEMOISELLE nous apprend que madame de Montmor était
-belle-sœur de madame de Frontenac. Cette dernière vivait alors[881]
-fort retirée, quoique possédant une grande maison; et elle prêta ses
-chevaux à MADEMOISELLE pour s'échapper de Paris. (_Mémoires de
-Montpensier_, vol. XLIII, p. 342 et 343.)
-
- [881] En 1652.
-
-Habert de Montmor fut reçu à l'Académie française en janvier 1635, ou un
-peu avant[882]. Il était cousin de Cerisy, un des premiers académiciens.
-Savant et humaniste, Montmor cultivait les sciences exactes et la
-poésie. Il recueillit chez lui Gassendi, qui mourut dans son hôtel[883].
-Il rassembla ses ouvrages, et les fit imprimer en six volumes in-folio.
-La préface latine qu'on y lit et trois ou quatre petites pièces de vers
-français consignées dans les recueils du temps, voilà tout ce qu'on a de
-lui. Il avait composé un poëme latin, avec le même titre que celui de
-Lucrèce; et il y avait développé toute la physique moderne. Huet, dans
-ses _Mémoires_[884], nous apprend que Montmor, en apparence sectateur de
-la doctrine épicurienne de Gassendi, préférait en secret la philosophie
-de Descartes. Il y avait chez lui, un certain jour de la semaine, une
-réunion de savants physiciens et de littérateurs, formant entre eux une
-petite académie dont Sorbier a donné les statuts dans une de ses
-lettres. Ménage nous apprend qu'il était dans une de ces assemblées avec
-Chapelain et l'abbé de Marolles lorsque Molière y lut les trois premiers
-actes du _Tartufe_[885]. Il dit aussi qu'à la suite d'un revers de
-fortune Habert de Montmor s'abandonna tellement au chagrin et à la
-douleur qu'il devint invisible durant les douze dernières années de sa
-vie[886]. Ceci explique le silence qui se fit sur lui à l'époque où
-madame de Sévigné allait au Mesnil. Malgré les pertes qu'il avait
-éprouvées, Montmor devait encore être riche, puisque cette belle
-propriété lui restait. Son père, Jean-Habert de Montmor, sieur du
-Mesnil, avait acheté en novembre 1627 l'hôtel de Sully (situé dans la
-rue Saint-Antoine, près de la rue Royale). Cet hôtel avait été construit
-par le partisan Galet, devenu célèbre par les vers de Regnier et de
-Boileau, à cause de sa passion pour le jeu. Sa fortune se trouvant
-ébréchée, son hôtel fut vendu d'abord à Montmor, ensuite au duc de
-Sully. Tallemant raconte que Galet ayant confié cent mille livres à
-Montmor, celui-ci nia les avoir reçues. Mais c'est là une historiette
-invraisemblable et dont probablement Galet est l'inventeur[887].--La
-_Biographie universelle_ ne fait mention de Montmor nulle part: c'est ce
-qui nous a engagé à étendre cet article.
-
- [882] PELLISSON, _Histoire de l'Académie française_, 1729, in-4º,
- p. 176 et 276.
-
- [883] _Ménagiana_, t. I, p. 2.
-
- [884] HUETII,_Commentarius de rebus ad eum pertinentibus_, p.
- 186.
-
- [885] _Ménagiana_, t. I, p. 144.
-
- [886] _Ménagiana_, t. II, p. 8.
-
- [887] Les _Historiettes_ de TALLEMANT DES RÉAUX, t. X, p. 70,
- édit. in-12; t. V, p. 374-376, Juillet.--_Recherches sur Paris,
- quartier Saint-Antoine_, p. 35.
-
- Page 119, ligne 2 de la note: _Mémoires du comte_ DE GUICHE;
- Utrecht, 1744.
-
-Ces Mémoires, qui ont été publiés par Prosper Marchand, commencent à
-l'année 1665, se terminent en 1667, et sont suivis d'une relation du
-siége de Wesel. Ils auraient dû être réimprimés dans la grande
-collection des _Mémoires relatifs à l'histoire de France_. On n'y voit
-nulle trace de cet esprit guindé que madame de Sévigné blâme dans le
-comte de Guiche: ils sont écrits d'un style fort naturel.--L'article du
-comte de Guiche, dans le _Dictionnaire_ de Prosper Marchand, est
-excellent et très-complet. Il a été abrégé dans la _Biographie
-universelle_.
-
- Page 124, lignes 22 à 24: Malgré la réunion des talents qui
- contribuaient à sa réussite, il (_l'Opéra_) causa, dans la
- nouveauté, plus d'admiration que de plaisir.
-
-Il est à remarquer que dès l'origine la France, dans l'opéra, surpassa
-l'Italie pour la danse et les ballets, la composition et l'intérêt des
-poëmes, mais qu'elle fut, malgré tous les efforts et les grandes
-dépenses faites par son gouvernement, inférieure à l'Italie sous le
-rapport du chant, de la musique, des décorations et des machines. Je
-crois qu'il en est encore ainsi. L'épître de la Fontaine à M. de Nyert
-est une satire spirituelle contre l'Opéra; elle aurait été plus mordante
-si le bonhomme n'eût pas eu crainte de déplaire au monarque. Nous avons
-rapporté le jugement de l'abbé Raguenet sur l'Opéra dans notre édition
-de la Fontaine, t. VI, p. 112. Quarante ans plus tard, Thomas Gray, qui
-avait vu l'Italie, était de la même opinion que cet abbé. (_Lettre_ à M.
-West; Paris, 12 avril 1739.)--On sait ce que Rousseau a écrit sur notre
-musique. Mais il n'en est plus ainsi depuis que l'Opéra a perdu son
-privilége exclusif, et que, par l'établissement d'un théâtre, les
-Italiens ont formé les oreilles françaises à leur mélodie.
-
- Page 134, lignes 8 et 9: La conquête de la Franche-Comté ne fut
- complétée que le 5 juillet.
-
-Le roi était revenu avant la fin des opérations militaires, et il se
-hâta de donner des fêtes pour célébrer sa nouvelle conquête.
-
-Ces fêtes employèrent six jours, mais non consécutivement.
-
-Elles commencèrent le samedi 4 juillet (1674)[888]. Ce fut la première
-année où Versailles parut dans toute sa pompe. Il avait reçu bien des
-embellissements depuis que la Fontaine en avait célébré l'éclat et les
-merveilles dans son roman de _Psyché_. Le château avait été
-terminé[889], ainsi que Trianon.
-
- [888] FÉLIBIEN, _Divertissements donnés par le roi à toute sa
- cour, au retour de la conquête de Franche-Comté en l'année 1674_,
- Paris, in-12 (114 pages).
-
-C'est à Trianon que, le second jour de ces fêtes, on représenta
-l'_Eglogue de Versailles_.
-
- [889] FÉLIBIEN, _Description du château de Versailles_, 1674,
- in-12 (102 pages). Ce volume est accompagné d'un petit plan du
- parc et du château de Versailles, qui, par son échelle, offre une
- comparaison facile avec le joli plan gravé, un siècle après, pour
- l'almanach de Versailles, in-8º, 1789.
-
-La troisième journée, qui fut la plus brillante de toutes, se passa à la
-_Ménagerie_. On y représenta le _Malade imaginaire_ de Molière, devant
-la fameuse grotte des bains de Thétis, nouvellement achevée[890].
-
- [890] FÉLIBIEN, _Description de la grotte de Versailles_, 1674,
- in-12 (80 pages).
-
-Ce fut dans le petit parc que l'on représenta les _Fêtes de l'Amour et
-de Bacchus_, premier résultat de l'alliance de Quinault, de Lulli et de
-Vigaroni pour donner au spectacle de l'Opéra français la forme qu'il a
-conservée depuis[891]. Dans cette pastorale de Quinault, il y a une
-imitation charmante du dialogue d'Horace et de Lydie, bien préférable à
-celles que l'on a faites depuis.
-
- [891] _Vie de Quinault_, dans l'édition de son _Théâtre_, 1715,
- t. I, p. 34.
-
-Ces fêtes durèrent deux mois. Pour le cinquième jour, qui fut un samedi
-18 août, on représenta _Iphigénie_, nouvelle tragédie de Racine. Cette
-représentation donna lieu, de la part de l'abbé de Villiers, à des
-remarques critiques sur ce chef-d'œuvre qui ne sont pas toujours sans
-justesse, et aussi à une satire en vers intitulée _Apollon charlatan_,
-laquelle, du reste, nous apprend que cette pièce faisait répandre
-beaucoup de larmes et renchérir les mouchoirs aux dépens des
-pleureurs[892].
-
- [892] Les frères PARFAICT, _Histoire du théâtre françois_, t. XI,
- p. 339.
-
-Racine fit imprimer _Iphigénie_ avec une courte et savante préface, mais
-assez aigre envers ses critiques[893]. En même temps Corneille publia sa
-tragédie de _Suréna_, qui fut le dernier effort de sa muse trafique. Il
-la fit précéder de ses remercîments au roi, et il parvint à introduire
-l'éloge de ce monarque dans le sujet même de sa pièce, qui n'y prêtait
-guère[894]. Les deux derniers actes de cette tragédie nous montrent
-encore quelques traits de vigueur; mais il se trompait beaucoup, le
-grand génie, lorsque, dans ses remercîments à Louis XIV, il disait:
-
- . . . . . . . . . . . . Othon et Suréna
- Ne sont pas des cadets indignes de Cinna.
-
- [893] _Iphigénie_ de M. RACINE: Paris, 1674, in-12 (73 pages).
-
- [894] _Suréna, général des Parthes_, tragédie, Paris, Guillaume
- de Luynes, 1675, in-12, acte III, scène I, p. 31.
-
- Qu'un monarque est heureux, etc.
-
-
- CHAPITRE VII.
-
- Page 141, ligne 3: Un enfant qui ne naquit pas viable.
-
-La preuve de cette grossesse de madame de Grignan et le terme de son
-accouchement, résultent des passages des lettres de Bussy à madame de
-Sévigné, cités en note. Mais, avant de rapporter ces passages, il faut
-rectifier les dates des deux lettres de madame de Sévigné au comte de
-Guitaud, mal données dans les éditions. Ces lettres furent d'abord
-publiées par le libraire Klostermann, dans son édition des lettres
-inédites, en 1814, in-8º, sans aucune date ni de jours ni d'années. Il
-paraît cependant, d'après la préface des éditeurs, que les autographes
-portaient l'indication du jour de la semaine (p. IX); mais, dans
-l'embarras où ils ont été de déterminer la date de l'année, ils ont
-supprimé celle du jour de la semaine, et bien à tort. Ces deux lettres,
-comme toutes celles du même recueil qui sont adressées au comte de
-Guitaud, proviennent des archives du château d'Époisses et de la
-famille de Guillaume de Pechpeirou-Comenge, comte de Guitaud, marquis
-d'Époisses, dont nous avons parlé au chapitre VI. L'éditeur nous apprend
-que le comte de Guitaud naquit le 5 octobre 1626, la même année que
-madame de Sévigné, et mourut en 1685, à Paris. Ces lettres inédites de
-madame de Sévigné ont été redonnées en 1819, et le nouvel éditeur a cru
-pouvoir y mettre des dates, qui ne sont, dit-il, qu'approximatives. M.
-Gault de Saint-Germain, dans son édition de madame de Sévigné, les a
-classées avec les dates fausses de cet éditeur. Les dates des 18 juin et
-10 juillet 1675 ressortent de ce que dit madame de Sévigné sur les
-adieux de sa fille et du cardinal de Retz et sur les événements
-militaires (t. III, p. 347, édit. G.). Elles sont précises pour les mois
-et l'année, et déduites approximativement pour les jours.
-
-Dans la lettre du 16 août 1674, t. III, p. 351, édit. G., Bussy dit à
-madame de Grignan: «Comment vous portez-vous en votre grossesse, madame,
-et du mal de madame votre mère?» Puis, un an après, lorsque la comtesse
-accoucha aux îles Sainte-Marguerite, madame de Sévigné écrit au comte de
-Guitaud (t. III, p. 348): «Madame de Guitaud est une raisonnable femme
-d'être accouchée comme on a accoutumé et de ne pas aller chercher midi à
-quatorze heures, comme madame de Grignan, pour faire un accouchement
-hors de toutes les règles! Voilà les îles en honneur pour les femmes
-_grosses de neuf mois_; si ma fille l'est, je lui conseille d'y aller.
-Je ne sais point de ses nouvelles sur ce sujet; mais, comme vous dites,
-ce n'est pas à dire que cela ne soit pas vrai; je vous assure que j'en
-serais fort affligée.» D'autres passages, qu'il serait trop long de
-citer, corroborent ces preuves de la grossesse de madame de Grignan et
-de son accouchement. Le général de G..., qui, dans l'avertissement de
-l'édition des lettres inédites de madame de Sévigné, a classé ces
-lettres et mis les dates, est, je crois, le général de Grimoard, un des
-éditeurs des _Œuvres de Louis XIV_.
-
- Page 150, ligne 16: Sa sœur, Marie-Thérèse de Bussy-Rabutin, etc.
-
-Il y avait encore deux autres demoiselles de Rabutin, parentes de Bussy:
-c'étaient les sœurs de ce page de la princesse de Condé, lequel épousa
-la duchesse de Holstein. Elles allèrent trouver leur frère en Allemagne,
-et écrivirent à Bussy le 25 décembre 1686 et le 28 octobre 1687. (Voyez
-BUSSY, _Lettres_, t. VI, p. 201 et 264.)
-
- Page 151, lignes dernières, et 152, ligne 1: Le jeune frère de
- madame de Montataire et du marquis de Bussy (Michel-Celse-Roger de
- Rabutin)..., qui n'était âgé que de six à sept ans.
-
-On lit dans les _Pièces fugitives_ de Flachat de Saint-Sauveur, 1704,
-in-12, t. I, p. 123:
-
-«M. le comte de Bussy-Rabutin a laissé une belle famille, comme vous
-savez. M. l'abbé de Bussy est grand vicaire d'Arles, et fait beaucoup
-d'honneur à l'état qu'il a embrassé.»
-
-A la page 121, il est dit «qu'on travaille au Louvre à une édition plus
-correcte des _Mémoires de Bussy_.»
-
-Malheureusement cette édition n'a point paru. Une nouvelle édition des
-_Mémoires de Bussy_, dont la plus grande partie n'existe encore qu'en
-manuscrit, serait un service rendu à l'histoire; mais il faudrait y
-joindre sa vaste correspondance, puisqu'il ne semble avoir composé ses
-Mémoires que pour y intercaler les lettres qu'il écrivait et qu'il
-recevait.
-
- Page 154, ligne 4: Bussy avait eu trois filles de sa cousine
- Gabrielle de Toulongeon.
-
-Bussy dit, t. I, p. 125 de ses _Mémoires_ pour l'année 1646: «Je ne fus
-pas longtemps sans perdre ma femme, dont je fus extrêmement affligé.
-Elle m'aimait fort, elle avait bien de la vertu et assez de beauté et
-d'esprit. Elle me laissa trois filles, Diane, Charlotte et
-Louise-Françoise. L'aînée n'avait pas deux ans lorsque sa mère mourut.»
-
-J'ai prouvé ci-dessus que Gabrielle de Toulongeon était morte le 26
-décembre 1646. Bussy s'était marié le 28 avril 1643; ainsi Diane n'a pu
-naître qu'en février 1644. L'époque de la mort de Charlotte est ignorée;
-mais il en résulte que, comme elle est née avant Louise-Françoise, cette
-dernière n'a pu naître avant la fin de septembre ou le commencement
-d'octobre 1645, ni plus tard que le 26 décembre 1646. Elle avait donc
-environ vingt-huit ans et demi lorsqu'elle se maria.
-
- Page 154, ligne 18: Elle était cette pieuse religieuse de
- Sainte-Marie de la Visitation.
-
-Mademoiselle Dupré, cette savante et spirituelle correspondante de
-Bussy, lui écrit de Paris, le 1er juin 1670:
-
-«Je ne comprends pas, monsieur, que vous m'ayez si peu parlé de madame
-votre fille aînée, religieuse aux Dames Sainte-Marie de la rue
-Saint-Antoine. Mon bon génie m'a inspiré de l'aller voir. Je ne crois
-pas qu'il y ait personne plus accomplie en vertu, en esprit et même en
-agrément de sa personne, s'il lui plaisait d'en avoir.»
-
- Page 155, ligne 5: Celle qui, par les charmes de sa conversation et
- de son style épistolaire.
-
-Dans sa lettre à l'abbé Papillon, en date du 7 août 1735, de la Rivière
-(_Lettres choisies_, Paris, 1735, in-12, t. II, p. 207) dit: «Madame de
-la Rivière (Louise-Françoise de Coligny) n'a composé que la Vie de saint
-François de Sales et l'épitaphe de son père, à laquelle le P. Boubours
-n'a eu nulle part.»
-
-«... Je ne sais pas ce qu'on pense à Dijon des lettres de feu ma femme.
-Elles firent un tel bruit à la cour que le roi me les demanda. Je lui en
-donnai une vingtaine; il les lut chez madame de Montespan, et me dit en
-me les rendant: «La Rivière, votre femme a plus d'esprit que son père.»
-Madame de Thianges, qui avait assisté à cette lecture, m'apprit que le
-lendemain le roi s'en était diverti et que je lui avais donné une bonne
-soirée.» (P. 208.)
-
-Le 18 août de la même année (t. II, p. 215), de la Rivière ajoute les
-détails suivants sur les lettres de sa femme: «Je me suis reproché
-d'avoir gardé longtemps une cassette pleine de lettres de feu ma femme;
-enfin, je les ai brûlées. Elles n'étaient qu'un composé de sentiments
-vifs, propres à inspirer des passions et à les allumer. Si on les avait
-imprimées, le public aurait couru après; mais c'eût été un dangereux
-présent que j'aurais fait à la postérité.»
-
- Pages 156, lig. dernière, et 157, lig. 1: Assez de la couleur de
- celui de Saucourt (chose considérable en un futur).
-
-Le meilleur commentaire de ces mots de Bussy se trouve dans les vers de
-Benserade, du _Ballet royal des amours de Guise_, où l'entrée du marquis
-de Saucourt, qui devait représenter un démon, est ainsi annoncée:
-
- Non, ce n'est point ici le démon de Brutus
- Ni de Socrate:
- Par d'autres qualités et par d'autres vertus
- Sa gloire éclate.
-
- Sous la forme d'un homme il prouve ce qu'il est:
- Doux, sociable;
- Sous la forme d'un homme aussi l'on reconnaît
- Que c'est le diable.
-
- Le bruit de ses exploits confond les plus hardis
- Et les plus mâles;
- Les mères sont au guet, les amants interdits,
- Les maris pâles.
-
- Contre ce fier démon voyez-vous aujourd'hui
- Femme qui tienne?
- Et toutes cependant sont contentes de lui,
- Jusqu'à la sienne.
-
- BENSERADE, _Å’uvres_ (1697), t. II, p. 307.
-
- Page 157, lignes 3 et 8; Les terres de Cressia, de Coligny... Il
- jouit de la terre de Dalet et de celle de Malintras.
-
-Dalet et Malintras sont en Auvergne, dans le département du Puy-de-Dôme.
-Dalet est dans l'arrondissement de Clermont, canton de Pont-sur-Allier,
-à huit kilomètres de Billom et onze de Clermont: il y a environ quatorze
-cent cinquante habitants. Autrefois ce lieu était dans l'élection de
-Clermont, intendance de Riom, et l'on y comptait cent soixante dix-huit
-feux. Malintras est dans cette petite vallée qu'on nomme la Limagne, à
-plus de deux lieues des montagnes. On y voit une roche qui distille la
-poix minérale et qui est à quelque distance, au nord, de Pont-Château.
-Malintras comptait soixante-six feux. Cressia est dans l'arrondissement
-de Lons-le-Saulnier, canton d'Orgelet. Coligny est un bourg du
-département de l'Ain, à vingt-deux kilomètres, au nord, de Bourg; sa
-population est de seize à dix-sept cents individus. Ce lieu est sur les
-confins de l'ancienne Franche-Comté, à sept lieues sud-ouest d'Orgelet,
-dans un pays que l'on nomme _Revermont_, et que la maison de Châtillon
-prétendait avoir possédé autrefois en souveraineté. Il y avait dans ce
-bourg quarante-six feux. (Voyez d'Expilly, _Dictionnaire géogr. et
-polit. des Gaules et de la France_, t. II, p. 389.)
-
- Page 157, ligne 19: Ainsi Bussy avait tout arrangé et tout prévu
- pour le bonheur de sa fille chérie.
-
-On lit dans la _Suite des Mémoires du comte de Bussy-Rabutin_, in-8º,
-ms. de l'Institut, p. 129 verso, un billet de madame de Scudéry en date
-du 17 juillet 1675, auquel Bussy fait une réponse qui commence ainsi:
-
- «A Chaseu, ce 30 juillet 1675.
-
-«Le mariage de ma fille n'est pas encore fait, madame; il ne se fera
-qu'au mois de novembre prochain. Si dans ces marchés il n'y avait point
-d'intérêts mêlés, ils iraient beaucoup plus vite. Mais puisque nous
-sommes sur cette matière, je vous veux dire les réflexions que je viens
-de faire.»
-
-Ces réflexions sont celles d'un libertin impie, et elles ne peuvent être
-transcrites.
-
-
-CHAPITRE VIII.
-
- Page 169, lignes 8 et 9: «Vous ne sentez pas, dit-elle, l'agrément
- de vos lettres; il n'y a rien qui n'ait un tour surprenant.
-
-Voici le jugement de la Rivière sur les lettres de madame de Grignan:
-
-«Madame de Grignan avait beaucoup d'esprit, mais il paraît qu'elle en
-était bien aise. Son style est rêvé, peigné, limé, périodique et ne
-tient rien du style épistolaire, qui ne demande, je crois, qu'une noble
-simplicité.» _Lettres choisies de M. de la Rivière_, t. II, p. 217 et
-218.
-
-Dans la note, il est dit que les lettres de madame de Grignan n'étaient
-point perdues, comme le prétend le chevalier Perrin, et que M. de
-Bouhier les vit autographes entre les mains de madame de Simiane, à Aix
-en Provence, en 1733. Ainsi c'est madame de Simiane qui les a détruites.
-Mais madame de Grignan n'écrivit pas qu'à sa mère, et ceux qui
-recevaient des lettres de cette reine de Provence devaient les
-conserver.
-
-Rivière, en écrivant à l'abbé Pavillon le 28 août 1737, dit: «Tant mieux
-pour le public si on n'imprime pas les lettres de madame de Grignan.
-C'était un esprit guindé, périodique, plus propre à l'éloquence du
-barreau et de la chaire qu'aux agréments de la société. Je l'ai connue:
-elle ne se permettait aucune négligence dans le style, ce qu'elle
-portait jusqu'à l'affectation; d'ailleurs, d'une très-aimable figure.
-Mais il y avait une mer de séparation entre la mère et la fille dans ce
-qui regardait la gentillesse de l'esprit.»
-
-
-CHAPITRE IX.
-
- Page 174, ligne 8: Le comte de Schomberg avait défait les
- Espagnols; et note 2: _Relation de ce qui s'est passé en
- Catalogne_.
-
-Cette relation est curieuse et faite par un homme qui se trouvait dans
-l'armée de Schomberg. Elle commence par la conspiration qui fut ourdie
-pour livrer Perpignan et Villefranche aux Espagnols. Il y a toute la
-matière d'un drame des plus animés et des plus tragiques. A la fin se
-trouve l'histoire plus plaisante du marquis de Rivarolles, qui eut une
-cuisse emportée au siége de Boulau. Il fut transporté à Toulouse, et là
-il tint à des femmes quelques propos légers sur Madaillan, qui avait
-servi d'aide de camp à Schomberg. Madaillan, instruit par une lettre,
-part de Paris en poste, arrive à Toulouse, et envoie à Rivarolles un
-cartel pour le prier de monter à cheval, attendu qu'il veut se battre
-avec lui. Le chirurgien de Rivarolles se présente de la part de ce
-dernier chez Madaillan, et est introduit sans dire quelle est sa
-profession ni quelle réponse il venait faire. Il déploie tranquillement
-sa trousse d'instruments tranchants, à la grande surprise de Madaillan,
-qui lui demande si c'est lui que M. de Rivarolles envoie pour répondre à
-son billet. «C'est moi-même, monsieur, dit l'autre. Monsieur de
-Rivarolles est tout prêt à se battre avec vous, comme vous le désirez;
-mais, persuadé qu'un brave comme vous ne voudrait pas se battre avec
-avantage, il m'a ordonné de vous couper une jambe auparavant, afin que
-toutes choses soient égales entre vous.» La colère de Madaillan fut
-grande. Mais le maréchal de Schomberg lui dépêcha le baron de
-Montesquiou, qui, en sa qualité de subdélégué des maréchaux de France,
-avait qualité pour arranger ces sortes d'affaires et qui parvint à
-réconcilier les deux guerriers. (_Relation_, etc., p. 185-193.)--Barbier
-(_Dict. des Anonymes_, t. III, p. 186, no 16,048) commet une erreur en
-attribuant deux volumes à cet ouvrage. Il y a une seconde partie à ce
-volume, intitulée _Suite de la Relation de ce qui s'est passé en
-Catalogne depuis le commencement de la guerre jusqu'à la paix_; Paris,
-Quinet, 1679, in-12 (170 pages).
-
-Plus loin, sous le no 16,057, Barbier mentionne une _Relation de la
-campagne de Flandre en 1678_, par D. C.; Paris, Quinet, 2 vol. in-12. Il
-attribue (t. III, p. 186) cet ouvrage, ainsi que le précédent à de
-Caisses; puis dans les corrections de ce volume, p. 670, à un M. Doph,
-quartier maître général et ensuite général des dragons.
-
-
-CHAPITRE X.
-
- Page 190, lignes 28 à 30: A la reine, que... le roi n'avait jamais
- entièrement négligée.
-
-«Le roi couchait toutes les nuits avec la reine; mais il ne se
-comportait pas toujours comme le tempérament espagnol le désirait.»
-(_Lettres de_ MADAME, du 17 avril 1719.)
-
-«La reine avait une telle affection pour le roi qu'elle cherchait à lire
-dans ses yeux tout ce qui pouvait lui faire plaisir. Pourvu qu'il la
-regardât avec amitié, elle était gaie toute la journée. Elle se
-réjouissait que le roi couchât avec elle maritalement; elle en devenait
-si gaie qu'on le remarquait chaque fois. Elle n'était pas fâchée qu'on
-la raillât à ce sujet. Alors elle riait, clignotait, et se frottait les
-mains.» (_Lettres de_ MADAME, du 24 mars 1719.)
-
- Page 195, lignes 4 et 5: Le roi enjoignit au ministre de prévenir
- les désirs de celle qu'il lui était si pénible d'affliger.
-
-La lettre que Louis XIV écrit à Colbert, de son camp près de Dôle, le 9
-juin 1674, est curieuse, parce qu'elle nous fait voir ce roi, honteux
-des exigences de madame de Montespan dans l'état de pénurie où l'on se
-trouvait, dissimulant avec son ministre. Nous transcrirons ici une
-partie de cette lettre, qui est tout entière de la main de Louis XIV.
-Nous conservons l'orthographe: «Madame de Montespan ne veut pas
-absoluement que je lui donne des pierreries; mais afin quelle n'en
-manque pas, je désire que vous faciés travailler à une petite cassette
-bien propre, pour mettre dedans ce que je vous diray ci-après, afin que
-j'ai de quoy lui prester à point nommé ce qu'elle desirera. Cela parois
-extraordinaire; mais elle ne veut point entendre raison sur les
-présens.» Vient ensuite l'énumération d'une parure de femme en perles et
-en diamants, tellement longue et minutieuse que Louis XIV a dû la copier
-d'après celle que lui avait transmise madame de Montespan. Il termine
-par ces mots: «Il faudra faire quelque depense à cela, mais elle me sera
-fort agréable; et je désire qu'on la fasse sans ce (sic) presser. Mandés
-moy les mesures que vous prendrez pour cela, et dans quel temps vous
-pouvez avoir tout.»
-
-Louis XIV écrit encore à Colbert, du camp de Gembloux, le 28 mai 1675
-(_Lettres_, t. V, p. 533):
-
-«Madame de Montespan m'a mandé que vous avez donné ordre qu'on achète
-des orangers, et que vous lui demandez toujours ce qu'elle désire.
-Continuez à faire ce que je vous ai ordonné là-dessus, comme vous avez
-fait jusqu'à cette heure.»
-
-Du camp de Latines, le roi adresse à Colbert, au sujet de madame de
-Montespan, une lettre encore plus remarquable, qui répond à celle de
-Colbert rendant compte de la commission dont il avait été chargé:
-
- «A M. COLBERT.
-
- «Au camp de Latines, le 8 juin 1675.
-
-«La dépense est excessive, et je vois par là que, pour me plaire, rien
-ne vous est impossible. Madame de Montespan m'a mandé que vous vous
-acquittiez fort bien de ce que je vous ai ordonné, et que vous lui
-demandez toujours si elle veut quelque chose. Continuez à le faire
-toujours. Elle me mande aussi qu'elle a été à Sceaux (Sceaux appartenait
-à Colbert), où elle a passé agréablement la soirée. Je lui ai conseillé
-d'aller un jour à Dampierre, et je l'ai assurée que madame de Chevreuse
-et madame Colbert l'y recevraient de bon cœur. Je suis assuré que vous
-en ferez de même. Je serai très-aise qu'elle s'amuse à quelque chose; et
-celles-là sont très-propres à la divertir. Confirmez ce que je désire;
-continuez à faire ce que je vous ai mandé là-dessus, comme vous avez
-fait jusqu'à cette heure.»
-
-Cinq jours avant la lettre que l'on vient de lire, Pellisson, qui avait
-suivi Louis XIV à la guerre, écrivait, de ce même camp de Latines:
-
- «_Du 3 juin 1675._
-
-«Le roi dit hier au soir au petit coucher, avec plaisir, le grand
-accueil qui avait été fait à Bourdeaux à M. le duc du Maine, et la joie
-que le peuple témoigna de le voir, bien différente des mouvements où il
-était naguère, comme marquant son repentir. C'est madame de Maintenon
-qui lui a écrit une lettre de huit à dix pages. Elle marque qu'en son
-absence le petit prince répondit de son chef aux harangues; et qu'au
-retour l'ayant trouvé fort échauffé de la foule qui avait été auprès de
-lui, elle lui demanda s'il n'aimerait pas mieux n'être point fils du roi
-que d'avoir toute cette fatigue: à quoi il répondit que non, et _qu'il
-aimait mieux être fils du roi_. Le roi dit encore que les médecins de
-Bourdeaux, aussi incertains que ceux de Paris, avaient été d'avis qu'il
-allât à Bourbon plutôt qu'à Baréges; et que le lendemain ils avaient
-conclu, au contraire, qu'il essayât des eaux de Baréges avant d'aller à
-Bourbon.» (PELLISSON, _Lettres historiques_, t. II, p. 278.)
-
-Il est évident, d'après la date de ces deux lettres, que la veuve
-Scarron ne pouvait alors avoir la moindre idée de balancer dans le cœur
-de Louis XIV l'amour qu'il avait pour Montespan; qu'elle cherchait
-seulement à être agréable au monarque et à gagner sa confiance comme
-gouvernante de ses enfants.--Par une autre lettre datée du camp de
-Latines le 7 juin 1675, Louis XIV dit au maréchal duc d'Albret que rien
-ne pouvait lui être plus sensible que ce qu'il lui avait écrit touchant
-son fils le duc du Maine, ainsi que les soins qu'il prenait pour sa
-personne.
-
- Page 195, lignes 7 à 10: A l'aide de Mansart et de Le Nôtre...,
- elle fit de Clagny un magnifique séjour.
-
-Il ne reste plus rien de ce chef-d'œuvre de Le Nôtre et de
-Jules-Hardouin Mansart. Tout est rasé.--En 1837, le grand _Dictionnaire
-de la poste aux lettres_ comptait vingt habitants sur la butte de
-Clagny, laquelle n'est pas même visitée par les voyageurs curieux qui
-vont voir Versailles. Le château de Clagny n'était pas terminé en
-septembre 1677, ainsi qu'on le voit par une lettre de Mansart à Colbert,
-date du 7 de ce mois, publiée par DELORT dans les _Voyages aux environs
-de Paris_, 1821, in-8º, t. II, p. 98.
-
- Page 197, lignes 13 à 16: C'était le P. la Chaise... On le disait
- sévère.
-
-Le P. François de la Chaise succéda au P. Ferrier; on fit alors ce
-couplet, sur l'air _Aimons, tout nous y convie_:
-
- Chantons, chantons, faisons bonne chère.
- Notre monarque vainqueur
- A pris pour son confesseur
- La Chaise, père sévère.
- Il promet que, dans un an,
- Il rendra la Montespan
- Compagne de la Vallière.
-
-(_Chansons historiques_, manuscrit de Maurepas, Bibl. nation., vol. IV,
-p. 189.)
-
- Page 201, ligne 23: Ne soit que la même chose avec celui de M. de
- Condom.
-
-On ne s'explique pas bien comment Bossuet, qui avait été nommé à
-l'évêché de Condom le 13 septembre 1669, suivant M. de Bausset, mais qui
-avait donné sa démission en 1671 et avait été remplacé dans cet évêché
-par Goyon de Matignon le 31 octobre de la même année, est appelé _M. de
-Condom_, non-seulement dans une lettre de madame de Sévigné à M. de
-Grignan sur la mort de Turenne, du 31 juillet 1675, mais encore dans
-plusieurs autres de Louis XIV, de 1676 et 1677. (LOUIS XIV, _Å’uvres_,
-t. V, p. 549, 566, 572.)
-
-Dans le _Gallia christiana_, t. II (1720, in-folio), p. 972, il est dit
-que Jacob-Bénigne Bossuet fut désigné évêque de Condom le 13 septembre
-1668 et inauguré le 21 septembre 1670. Il fut désigné évêque le 13
-septembre 1669.--Ni M. de Bausset ni M. de Barante, dans son article de
-la _Biographie universelle_ n'ont copié cette erreur du _Gallia
-christiana_; mais elle a été reproduite par M. Jules Marion dans son
-estimable travail de l'_Annuaire historique_ pour 1847. Bossuet se démit
-de l'archevêché de Condom le 31 octobre 1671, et Jacob Goyon de
-Matignon, de la famille des comtes de Thorigny, fut nommé à sa place
-(_Gall. christ._, t. II, p. 974). Cependant Bossuet, jusqu'à sa
-nomination à l'évêché de Meaux, signait _ancien évêque de Condom_; et
-madame de Sévigné, et tout le monde, et Louis XIV lui-même, dans des
-lettres de 1675 et 1676, l'appelaient _monsieur l'évêque de Condom_.
-(Conférez LOUIS XIV, _Œuvres_, t. V, p. 549, 566, 572, et SÉVIGNÉ,
-lettre du 31 juillet 1675, sur la mort de Turenne.) C'est une singulière
-anomalie, qui dérouterait bien des critiques si elle n'était expliquée
-par la grande célébrité de Bossuet et l'obscurité de son successeur.
-
- Page 203, lignes dernières: Et d'y vivre aussi chrétiennement
- qu'ailleurs; et note 452: CAYLUS, _Souvenirs_.
-
-On a dit que madame de Caylus paraît avoir confondu ensemble, dans cet
-endroit, les souvenirs de deux années, qu'il fallait séparer. Mais on
-n'a pas remarqué que ces souvenirs seraient bien plus fautifs dans la
-page précédente (t. LXVI, p. 387) de la collection des _Mémoires_, édit.
-1828, in-8º, ou page 95 de l'édit. Renouard, 1806, in-12, si, au lieu
-de _madame de Montausier_, on ne corrigeait pas _M. de Montausier_. Il y
-avait trop de temps que madame de Montausier était morte à l'époque
-dont parle madame de Caylus pour qu'une telle erreur pût lui être
-attribuée.
-
- Page 205, lignes 9 et 10: Louis XIV avait trente-sept ans.
-
-Néanmoins depuis deux ans le roi portait perruque, comme on le voit par
-cette lettre de Pellisson, en date du 13 août 1673:
-
-«Le roi a commencé ces jours passés à mettre une perruque entière, au
-lieu du tour de cheveux. Mais elle est d'une manière toute nouvelle:
-elle s'accommode avec ses cheveux, qu'il ne veut point couper, et qui
-s'y joignent fort bien, sans qu'on puisse les distinguer. Le dessus de
-la tête est si bien fait et si naturel qu'il n'y a personne sans
-exception qui n'y ait été trompé d'abord, et ceux-là même qui l'avaient
-suivi tout le jour. Cette perruque n'a aucune tresse; tous les cheveux
-sont passés dans la coiffe l'un après l'autre. C'est le frère de la
-Vienne qui a trouvé cette invention et à qui le roi en a donné le
-privilége. Mais on dit que ces perruques coûteront cinquante pistoles.»
-(PELLISSON, _Lettres historiques_, t. I, p. 395.)
-
- Page 207, ligne première: Dans son épître à Seignelay.
-
-On n'a pas encore découvert, que je sache, d'édition séparée de cette
-belle épître de Boileau, comme Berriat Saint-Prix (t. I, p. CXLV) en a
-trouvé une de l'épître à Guilleragues; Paris, Billaine, 1674, in-4º de
-10 pages.--L'édition des _Œuvres diverses du sieur_ D*** (Despréaux);
-Paris, Denys Thierry, 1675, in-12, ne contient que cinq épîtres, et
-celle de Guilleragues est la dernière.
-
- Page 207, lignes 5 et 6: A ce brillant spectacle Pomponne conduisit
- l'abbé Arnauld, son frère, revenu de Rome.
-
-Antoine Arnauld, né en 1616, fils aîné du célèbre Arnauld d'Andilly,
-accompagna l'un de ses oncles, Henri Arnauld, abbé de Saint-Nicolas, qui
-fut nommé, en 1645, chargé des affaires de France à Rome. L'oncle et le
-neveu, à cette date, étaient hommes du monde, peu rigoristes, honnêtes
-gens, mais non scrupuleux. De retour en France en 1648, ils se
-trouvèrent insensiblement pris par les opinions et par les mœurs de
-leurs familles. Ils se retirèrent quelque temps à Port-Royal-des-Champs
-auprès de M. d'Andilly. L'abbé de Saint-Nicolas devint un janséniste
-fervent; il fut nommé évêque d'Angers. Son neveu, dégagé d'ambition et
-sans beaucoup de zèle, le suivit dans son évêché, tout en conservant ses
-relations de la ville et de la cour. Pendant le ministère de son frère
-cadet M. de Pomponne, il obtint, en 1674, l'abbaye de Chaumes en Brie.
-Il ne fut janséniste que parce qu'il était de la famille Arnauld, et
-resta toujours volontiers homme du monde. Dans ses Mémoires il s'est
-beaucoup plaint de son père, dont il était le fils aîné et nullement le
-Benjamin: c'est M. de Pomponne qui était ce Benjamin. Après la disgrâce
-de ce dernier (1679), l'abbé Arnauld se retira près de l'évêque
-d'Angers, dont il administra le temporel. Il mourut en février 1698, âgé
-de quatre-vingt-deux ans. Il a laissé d'assez agréables Mémoires, et son
-récit s'étend entre les années 1634 et 1675.
-
-
-CHAPITRE XI.
-
- Page 211, ligne 12: Elle en fut le chef.
-
-On créa pour elle alors le surnom de _matriarche_. Voyez les _Nouvelles
-à la main de la cour_ du 9 mars 1685, p. XXXVIJ, dans la _Correspondance
-administrative_ du règne de Louis XIV, recueillie par Depping. Déjà, dès
-cette époque, l'envie répandait le bruit que madame de Maintenon
-disposait de tous les emplois; que Louis XIV n'entreprenait rien sans
-avoir son avis; qu'elle voulait se faire déclarer reine, et que le
-Dauphin s'y opposait; enfin, tous les _cancans_ de cour que Saint-Simon
-a consignés trente ans après.
-
- Page 211, lignes 14 et 15: Françoise d'Aubigné fut aimée et
- recherchée par madame de Sévigné; et la note.
-
-Madame de Maintenon, lorsqu'elle voyait le plus madame de Sévigné, et
-que celle-ci l'invitait à souper, demeurait rue des Tournelles ainsi que
-Ninon, par conséquent très-près de la seconde demeure de madame de
-Sévigné au Marais (rue Saint-Anastase); et quand elle fut arrivée à un
-grand degré de faveur auprès du roi, qu'elle l'eut ramené à la reine et
-séparé de madame de Montespan, elle ne discontinua pas entièrement ses
-relations avec madame de Sévigné. Dans une lettre de cette dernière à sa
-fille, on trouve ces lignes, remarquables surtout par leur date (29 mars
-1680): «Madame de Maintenon, par un hasard, me fit une petite visite
-d'un quart d'heure. Elle me conta mille choses de madame la Dauphine, et
-me reparla de vous, de votre santé, de votre esprit, du goût que vous
-avez l'une pour l'autre, de votre Provence, avec autant d'attention qu'à
-la rue des Tournelles.»
-
- Page 212, ligne 18: De son ami qui voyage.
-
-Les éditeurs de madame de Sévigné ont cru qu'il s'agissait ici du voyage
-que madame de Maintenon fit à Anvers avec le duc du Maine. Ils se
-trompent. Madame Scarron arriva à Anvers au commencement d'avril 1674.
-
-Les Mémoires de Saint-Simon et des dames de Saint-Cyr constatent bien
-que ce voyage de madame Scarron à Anvers est antérieur à celui fait à
-Baréges, mais il n'en donnent pas la date. La Beaumelle s'y était trompé
-dans la première _Vie de madame de Maintenon_, in-18, Nancy, 1753, p.
-200. Mais il a pu, d'après les lettres qu'il avait retrouvées, corriger
-cette erreur dans ses _Mémoires pour servir à l'histoire de Maintenon_
-(t. II, p. 41, liv. IV, et p. 118, liv. V). Cette date paraît bien
-fixée: cependant mademoiselle de Montpensier dit dans ses Mémoires (t.
-LXVI, p. 403), en parlant du duc du Maine: «Avant qu'il fût reconnu,
-madame de Maintenon l'avait mené en Hollande.» Il fut légitimé en
-décembre 1673; mais l'arrêt n'était peut-être pas enregistré en mars ou
-en avril 1674, époque du départ de madame Scarron.
-
- Page 212, ligne 28: Son caractère ne se démentit jamais.
-
-Dans ses entretiens avec mademoiselle d'Aumale et les élèves de
-Saint-Cyr, madame de Maintenon dit:
-
-«Il ne faut rien laisser voir à nos meilleurs amis dont ils puissent se
-prévaloir quand ils ne le seront plus. Il est bien fâcheux d'avoir à
-rougir dans un temps de ce que l'on aura fait ou dit par imprudence dans
-un autre..... Je le disais il y a bien des années à madame de Barillon:
-Rien n'est plus habile qu'une conduite irréprochable.» (_Entretiens de
-mad._ DE MAINTENON, la Beaumelle, t. III, p. 153.)
-
-«Je me regarde, disait-elle encore, comme un instrument dont Dieu daigne
-se servir pour faire quelque bien, pour unir nos princes, pour soutenir
-et soulager les malheureux, pour délasser le roi des soins du
-gouvernement. Dieu saura bien briser cet instrument quand il le jugera
-inutile; et je n'y aurai pas de regret.»
-
-Et toute sa conduite, avant comme après son élévation, avant comme après
-la mort du roi, fut d'accord avec ses paroles, et prouve qu'elles
-étaient sincères.
-
- Page 213, ligne 5: Quelques _pastiches_ maladroits des lettres de
- Coulanges et de Sévigné.
-
-Je désigne ici quelques _fragments de lettres_ fort courts, supposés
-extraits de lettres adressées à madame de F*** et à madame de St-G***,
-dans la première édition des lettres tirées de la nombreuse
-correspondance de madame de Maintenon. Dans la seconde édition, madame
-de F*** se trouve être madame de Frontenac, et madame de St-G*** madame
-de Saint-Géran. Tous ces intitulés ont été reproduits dans plusieurs
-éditions des _Lettres de Maintenon_[895], et ils ont plus ou moins
-induit en erreur les historiens et les biographes. Il n'en est pas de
-même d'une lettre entière supposée écrite par madame de Maintenon,
-imprimée d'abord sans aucune date et sans indication de la personne à
-qui elle devait être adressée. Cette lettre semblait avoir été réprouvée
-comme suspecte par tous ceux qui ont écrit sur madame de Maintenon. Deux
-écrivains très-spirituels se sont avisés de s'en servir comme d'un
-document authentique pour pouvoir établir ainsi à une date certaine le
-commencement de la passion imaginaire de Louis XIV et de madame de
-Maintenon, et expliquer à leur manière la nature de leur liaison. Le
-style de cette lettre ne ressemble aucunement à celui de madame de
-Sévigné. On y trouve l'expression de _gros cousin_, copiée d'une des
-lettres de celle-ci pour désigner le ministre Louvois, cousin de madame
-de Coulanges. Or, l'on sait que madame de Maintenon, soigneuse de sa
-dignité dans l'abaissement où le sort l'avait placée, ne parlait pas des
-ministres, des personnages riches et puissants avec le ton familier des
-Sévigné, des Coulanges et des grandes dames de la cour.
-
- [895] _Lettres de_ MAINTENON; Nancy (Francfort), 1752, in-12, t.
- I, p. 76, 92, 123, 143, 145, 147, 150, 152, 156, 160, 163, 242,
- 249; t. II, p. 13, 110, 113, 118.--_Ibid._, édit. de Dresde,
- 1753, p. 81, 113, 128, 136, 153, etc.; édit. d'Amsterdam, 1755,
- p. 48-68; édit. de Paris, 1806, p. 108 à 114.
-
-Enfin, on y trouve répété, avec une légère variante, ce mot que Voltaire
-a le premier rapporté: «Je le renvoie toujours affligé, mais jamais
-désespéré.» Mais Voltaire le place dans une lettre à madame de
-Frontenac, d'accord en cela avec la Beaumelle. Cette antithèse a paru si
-charmante à tous les historiens de Louis XIV ou de Maintenon que pas un
-seul ne s'est abstenu de la répéter. Aucun n'a réfléchi que, si ces
-paroles ont été écrites par madame de Maintenon, c'est dans un sens
-tout différent de celui qu'on leur prête, dans tout autre circonstance
-que celle qu'on suppose, puisque autrement elles impliqueraient que
-Françoise d'Aubigné, pour réussir dans ses ambitieux desseins, ne
-craignait pas de recourir aux artifices d'une coquette perfide ou d'une
-habile courtisane. Quoique dans la seule édition complète du _Recueil
-des lettres de Maintenon_ qu'il ait avouée[896] (Amsterdam, 1755, grand
-in-12) la Beaumelle n'ait point inséré cette lettre supposée écrite à
-madame de Coulanges, cependant il l'a connue; car à la page la plus
-fausse et la plus romanesque qu'il ait tracée dans ces Mémoires, où il y
-en a tant de vraies, de curieuses et de bien écrites, il a cité la
-phrase la plus invraisemblable. Puis il ajoute: «L'original de cette
-lettre est entre les mains de M. de M**, de l'Académie» (t. II, p. 193,
-liv. VI, chap. III). Ceux, qui l'ont donnée depuis sans date, ainsi que
-ceux qui l'ont imprimée, n'ont point vu cet original, puisqu'ils n'ont
-su ni à qui elle était adressée ni comment elle était datée[897]. Quant
-à lui, il assigne à cette lettre une date différente de celle que lui
-ont donnée les historiens dont j'ai parlé, et il prête aux visites de
-Louis XIV un motif tout autre que celui qu'ils ont supposé.
-
- [896] Voyez l'Avertissement qui est en tête de l'édit.
- d'Amsterdam, 1755, grand in-12, sorte de prospectus des quinze
- volumes de mémoires et lettres, qui ne se trouve, je crois, que
- dans cette édition.
-
- [897] Voyez les dernières édit. des _Lettres_ de Maintenon, de
- Léopold Collin.
-
-Les fragments ont été habilement fabriqués: ceux qui les ont écrits ont
-puisé ce qu'ils ont de vrai dans les lettres adressées par madame de
-Maintenon à l'abbé Gobelin. Françoise d'Aubigné fut, dans tout le temps
-de sa prospérité, justement tourmentée par la crainte de ne pouvoir
-concilier le soin de son salut avec les grandeurs et la vie agitée que
-son ambition lui avait faite, et elle eut besoin d'être toujours
-rassurée par des directeurs de conscience auxquels elle pût soumettre
-ses craintes et confier les plus secrets mouvements de son cœur. L'abbé
-Gobelin et Godetz-Desmarets, évêque de Chartres, furent ces deux prêtres
-ou directeurs. Elle avait bien choisi: ni l'un ni l'autre
-n'ambitionnaient ni la gloire de l'éloquence de la chaire ni les hautes
-dignités de l'Église; ni l'un ni l'autre n'appartenaient à l'ordre trop
-puissant des jésuites: c'étaient deux bons prêtres, uniquement occupés à
-remplir avec ponctualité tous les devoirs de leur saint ministère,
-très-attentifs à bien diriger une âme aussi belle, aussi pieuse que
-celle de Françoise d'Aubigné. Le second surtout (Godetz-Desmarets),
-sans ambitionner l'éclat que donne le talent des controverses
-ecclésiastiques, sut, à une époque qui est hors des limites de ces
-_Mémoires_, lui inspirer une assez haute idée de son savoir théologique
-pour obtenir d'elle une soumission entière à ses décisions, et la faire
-marcher dans cette nuit de la foi, comme dit madame de la Sablière[898],
-au milieu des écueils que le jansénisme, le jésuitisme et le quiétisme
-lui présentaient sur sa route et vers lesquels l'attiraient ou la
-tiraillaient en sens contraire son alliance de famille avec le cardinal
-de Noailles, sa tendresse pour Fénelon, et sa déférence obligée pour le
-P. la Chaise.
-
- [898] _Lettres manuscrites de madame_ DE LA SABLIÈRE _à l'abbé de
- Rancé_.
-
-Au nombre des écrits de madame de Maintenon ou relatifs à cette
-fondatrice, écrits que les dames de Saint-Cyr conservaient dans leurs
-archives et dont les élèves s'occupaient à faire des copies, les plus
-précieux pour la bien connaître sont les lettres que lui a écrites
-l'évêque de Chartres[899] et celles qu'elle-même écrivit à l'abbé
-Gobelin.
-
- [899] _Lettres de messire_ GODETZ; Bruxelles, 1755.--_Lettres de
- Maintenon_, t. II.
-
-Quoique très-courts, les fragments dont j'ai parlé décèlent leur
-fausseté par le style toujours imité de Coulanges et de Sévigné, mais
-plus encore par leur objet, qui est de donner à l'opinion un vague sur
-la nature des liaisons de Louis XIV et de Maintenon, vague qui plaisait
-tant aux imaginations des élèves et des dames de Saint-Cyr. Et ce qui
-prouve encore plus que ces fragments et quelques autres passages de
-lettres sont adressés aux mêmes personnes, ou ont été détournés, par des
-changements et interpolations, de leur sens naturel et vrai, dans un
-intérêt romanesque, c'est le nom des personnes auxquelles on suppose que
-ces lettres ont été écrites. A la cour il n'y a jamais que de petites
-indiscrétions calculées. A qui persuadera-t-on d'ailleurs que madame
-Scarron, connue, dès sa plus tendre jeunesse, pour sa discrétion et sa
-circonspection, se soit avisée d'écrire à qui que ce soit ce qui pouvait
-se passer entre elle et Louis XIV dans leurs mystérieux tête-à-tête?
-
-Voltaire dit que madame de Frontenac était cousine de madame de
-Maintenon; et cependant madame de Maintenon paraît avoir été liée moins
-intimement avec elle qu'avec madame de Saint-Géran. Celle-ci est assez
-connue par la lecture de ces _Mémoires_. On sait qu'elle fut quatre ans
-expulsée de la cour, et qu'elle fit auprès de madame de Maintenon de
-constants et inutiles efforts pour être admise à Marly.
-
-Sans doute mesdames de Frontenac et de Saint-Géran, devenues plus
-régulières et peut-être sincèrement pieuses dans un âge avancé,
-s'attirèrent la considération et les égards qui leur étaient dus, et
-firent le charme des sociétés par leur esprit, leur amabilité et le
-suprême talent du savoir-vivre. Saint-Simon l'atteste, et c'est
-vraisemblablement le souvenir des temps de leur liaison avec madame de
-Maintenon qui aura donné l'idée de placer leur nom en tête des fragments
-dont j'ai parlé; mais alors même celle-ci ne leur aurait pas confié des
-secrets qui étaient aussi ceux du roi. Ainsi les fragments de lettres ou
-tous les passages de lettres qui tendent à accréditer une telle pensée
-sont nécessairement apocryphes, ou formés à l'aide de phrases habilement
-tronquées ou rapprochées de manière à présenter un sens tout opposé à
-celui qu'elles avaient; ou bien ce sont de véritables lettres écrites
-par une personne autre que madame de Maintenon et pour d'autres que
-mesdames de Frontenac et de Saint-Géran.
-
-Cent ans se sont écoulés depuis que Voltaire et la Beaumelle ont écrit
-sur le siècle de Louis XIV; et l'on trouve dans les ouvrages de ces deux
-auteurs relatifs à madame de Maintenon des faits qui se heurtent, des
-jugements inconciliables, qui les mettent en contradiction l'un avec
-l'autre. Les écrivains qui depuis ont tracé des histoires ou des notices
-sur la vie de Françoise d'Aubigné, ont rarement manqué l'occasion de se
-plaindre de la légèreté de Voltaire; mais ils témoignent un mépris
-complet pour l'ouvrage de la Beaumelle, et s'abstiennent de le citer, ou
-ne le citent que fort rarement. Je suis néanmoins en mesure d'affirmer
-qu'on ne trouve chez aucun d'eux un seul fait, un seul détail de faits,
-une seule appréciation favorable ou défavorable, une seule vérité, une
-seule erreur qui ne soit dans la Beaumelle.
-
-Comme pour décrire ce chapitre XI, restreint dans son objet, nous avions
-besoin d'embrasser dans notre pensée l'histoire de la longue vie de
-madame de Maintenon, nous avons été obligé, pour faire avec fruit cette
-étude, de soumettre à un examen critique les écrits de la Beaumelle et
-de Voltaire sur le siècle de Louis XIV et particulièrement sur madame de
-Maintenon, et aussi la controverse violente qui s'est élevée entre les
-deux auteurs.--Jamais sujet plus curieux d'investigation sur l'histoire
-du grand siècle et sur l'histoire littéraire du siècle qui l'a suivi ne
-s'était rencontré sur notre route. Mais, après avoir terminé cet examen,
-nous nous sommes aperçu qu'il était trop volumineux, et que s'il devait
-être publié un jour comme un appendice à ces _Mémoires_, ce n'était pas
-dans ce volume qu'il était convenable de le placer.
-
- Page 213, ligne 7: Des mémoires rédigés d'après des bruits de cour.
-
-Du nombre de ces bruits de cour, je mets l'avis du duc de Montausier,
-donné au roi au sujet du refus d'absolution fait à madame de Montespan,
-le petit colloque de Louis XIV et de Bourdaloue sur la retraite de
-madame de Montespan à Clagny, et l'entretien de Bossuet et de madame de
-Montespan rapporté par M. de Bausset.--Relativement à ce dernier fait,
-le judicieux M. de Bausset lui-même, qui l'a rapporté d'après le
-manuscrit de l'abbé Ledieu (l'abbé Ledieu n'entra chez Bossuet qu'en
-1684), fait observer que le caractère de madame de Montespan et celui de
-Bossuet le rendent invraisemblable. M. de Bausset a été trompé, pour ce
-qui concerne Montausier, par le fragment d'une lettre de madame de
-Maintenon à madame de Saint-Géran, qui est apocryphe.--M. de Montausier
-a contribué sans doute avec Bossuet à la détermination du roi: madame de
-Caylus le dit[900]; mais ce ne fut pas de la même manière que le raconte
-la lettre apocryphe. Il n'était point dans le caractère de Louis XIV de
-consulter le duc de Montausier ou le maréchal de Bellefonds sur les
-matières ecclésiastiques. Hors de la chaire évangélique et du
-confessionnal, si quelqu'un de ses sujets se permettait de lui faire des
-observations sur la religion, c'est qu'il lui en avait donné l'ordre. Il
-ne plaisantait pas non plus avec le père Bourdaloue, homme sérieux, et
-incapable de faire au roi, qui lui adressait la parole d'une manière
-aimable, une réponse aussi impertinente que celle qu'on lui a prêtée.
-
- [900] CAYLUS, _Souvenirs_, coll. des Mém. sur l'hist. de France,
- édit. 1828, t. LXVI, p. 387, in-8º.--_Ibid._, édit. de Renouard,
- 1806, in-12, p. 95. Mais dans ces deux éditions, au lieu de
- _madame de Montausier_, il faut lire _M. de Montausier_. Madame
- de Montausier était morte depuis longtemps.
-
- Page 214, ligne 14: La grâce, l'esprit, la raison, s'unissaient en
- elle dans une juste mesure... Naturellement impatiente, vive,
- enjouée.
-
-L'âge ne la changea point, et ne la rendit pas plus sévère.--Voici ce
-qu'elle disait à ses élèves de Saint-Cyr:
-
-«Pour vivre ensemble, la raison est préférable à l'esprit... Rien n'est
-plus aimable que la raison; mais il ne faut pas la trop prodiguer, et
-les personnes qui raisonnent toujours ne sont pas raisonnables. Ce qu'il
-est plus essentiel de mettre dans le commerce de la vie, c'est de la
-complaisance, de la joie, du badinage, du silence, de la condescendance
-et de l'attention aux autres. La piété peut sauver sans la raison; mais
-la piété ferait beaucoup plus de bien si elle était réglée par la
-raison.» (_Conversations de madame la marquise_ DE MAINTENON; 3e édit.,
-Paris, Blaise, 1828, in-18, p. 8 et 9, _convers._ I.)
-
-«L'esprit ne nous rend pas plus sage ni plus heureuse. La raison nous
-rend aimable; elle résiste aux passions, aux préventions; elle nous fait
-surmonter nos passions, et souffrir celles des autres.» (_Ibid._, p.
-100, _conv. XXIV._)
-
-«Un esprit mal fait, disait-elle, m'effraye partout.» (Voyez _Mémoires
-de Maintenon_, recueillis pour les dames de Saint-Cyr, 1826, in-12, p.
-VIII de la préface et p. 271.)
-
- Page 214, ligne 20: Le besoin de se faire des protecteurs la rendit
- insinuante et complaisante.
-
-«Elle fait consister tous les moyens de plaire dans un seul, la
-politesse. Mais la grande politesse consiste à ménager en tout et
-partout les gens avec lesquels nous vivons, à ne les blesser jamais, à
-entrer dans tout ce qu'ils veulent, à ne contrarier ni ce qu'on dit ni
-ce qu'on fait.» (_Conversations de la marquise_ DE MAINTENON, 3e édit.,
-1828, in-18, _Dialogue sur la société_, p. 3.)
-
-«En société, on n'a qu'à choisir entre la souffrance ou la contrainte.»
-(_Ibid._, p. 21.)
-
-Quand on s'accoutume de bonne heure à s'occuper des autres, on s'en fait
-une habitude. Toute la philosophie de madame de Maintenon et le secret
-de son élévation se trouvent dans ces paroles qu'elle a écrites, où elle
-fait elle-même son éloge:
-
-«Je persiste à croire que la jeunesse ne peut être trop sensible aux
-louanges des honnêtes gens, à l'honneur, à la réputation; et qu'il n'y a
-que les courages élevés qui soient capables de tout faire pour y
-parvenir.» (_Conv._, t. I, p. 239.)
-
- Page 214, ligne 20, et p. 215, ligne première: La religion, à
- laquelle... elle savait faire parler un langage doux, juste,
- éloquent et court, etc.
-
-«Dans le christianisme, dit-elle dans une de ses lettres, l'important
-n'est pas de beaucoup agir, mais de beaucoup aimer.»
-
- Page 215, lignes 2 et 3: L'infortune lui ravit l'âge des illusions.
-
-De toutes les qualités que madame de Maintenon cherche à inspirer à ses
-élèves de Saint-Cyr pour leur bonheur futur, c'est la prudence et la
-circonspection. Elle leur dit:
-
-«Il faut de la discrétion, même dans la vertu..... Il faut se
-contraindre, même dans le commerce que l'on a avec ses amis..... En
-s'abstenant d'écrire, on se retranche un plaisir, on s'assure un grand
-repos. Si on est assez malheureuse pour changer d'amis, on n'appréhende
-point qu'ils confient à d'autres les confidences que nous leur avons
-faites..... Il n'y a rien de si dangereux que les lettres: il y a
-beaucoup de personnes imprudentes qui les montrent; il y en a beaucoup
-de méchantes qui veulent nuire. Il s'en perd par hasard; le porteur peut
-être gagné, la poste peut être infidèle. Celui à qui vous vous fiez se
-fie souvent à d'autres.
-
-«Les lettres ont déshonoré des femmes. Elles ont coûté la vie à des
-hommes, elles ont fait des querelles, elles ont découvert des mystères.»
-(_Conversations inédites de madame_ DE MAINTENON; Paris, 1828, in-18, t.
-II, p. 70-73, _Convers. IX sur les lettres_, et _Convers. XI des
-anciennes_, t. I, 1828, in-18, p. 90.)
-
- Page 215, ligne 18: La jeune _Indienne_.
-
-On devait aimera lui donner ce surnom, parce qu'elle intéressait dans la
-conversation par les souvenirs qu'elle avait conservés de l'île de la
-Martinique, où elle avait passé sa toute petite enfance. Elle étonna
-beaucoup Segrais en lui apprenant que, dans ce pays, les ananas se
-mangeaient tout crus. On n'en recevait encore en Europe que confits et
-en morceaux. Ce fut elle qui fit connaître au poëte traducteur des
-_Géorgiques_ la couleur dorée, la forme globuleuse et festonnée de ce
-fruit, surmonté de son magnifique panache de feuilles vertes et
-élancées. (SEGRAIS, _Œuvres diverses_, 1723, in-12, p. 148.)
-
- Page 216, ligne 6: Autrement que par l'aptitude négative de son
- tempérament.
-
-Godetz Desmarets, évêque de Chartres, toucha ce point avec une grande
-délicatesse, dans une réponse à madame de Maintenon sur une de ses
-_redditions_, qui étaient des confessions écrites, plus explicites, plus
-confidentielles que les confessions ordinaires. Elle lui avait dit
-qu'elle croyait commettre un péché chaque fois que, cédant aux désirs du
-roi, elle cessait d'être son amie pour devenir son épouse.--Il lui
-répond:
-
-«C'est une grande pureté de préserver celui qui vous est confié des
-impuretés et des scandales où il pourrait tomber. C'est en même temps un
-acte de soumission de patience et de charité..... Malgré votre
-inclination, il faut rentrer dans la sujétion que votre vocation vous a
-prescrite..... Il faut servir d'asile à une âme qui se perdrait sans
-cela. Quelle grâce que d'être l'instrument des conseils de Dieu, et de
-_faire_ par pure vertu ce que tant d'autres font sans mérite ou par
-passion!» (LA BEAUMELLE, t. VI, p. 79-82.)
-
-Elle avait bien choisi son directeur. Godetz-Desmarets n'était pas un
-évêque de cour, c'était un saint homme; ses lettres à madame de
-Maintenon et toute sa conduite le prouvent. A lui seul elle s'était
-confiée, et il se pourrait bien que ce fût lui qui bénit en secret, et
-seul, le mariage sur lequel on fit tant de récits à la cour. Harlay
-était un homme de mauvaises mœurs, et que madame de Maintenon estimait
-peu; au lieu qu'elle ne cachait rien à l'évêque de Chartres. Celui-ci
-lui écrit: «Après ma mort, vous choisirez un directeur auquel vous
-donnerez vos _redditions_. Vous lui montrerez les écrits qu'on vous a
-donnés pour votre conduite. _Vous lui direz vos liens._»
-
- Page 217, ligne 2: Lui valurent d'être tenue sur les fonts de
- baptême par la femme du gouverneur.
-
-Dans la notice historique sur madame de Maintenon par M. Monmerqué,
-placée en tête des _Conversations inédites_, in-18, Paris, Blaise, 1828,
-il est dit qu'elle naquit le 27 novembre 1635, fut baptisée par un
-prêtre catholique, et tenue sur les fonts par le duc de la
-Rochefoucauld, gouverneur de Poitou, et par Françoise Tiraqueau,
-comtesse de Neuillant, dont le mari était gouverneur de Niort. Le nouvel
-historien de Maintenon, 1848, in-8º, t. I, p. 73, copiant la Beaumelle
-(_Mémoires pour servir à l'histoire de mad. de Maintenon_; Amsterdam,
-1755, in-12, t. I, p. 103), dit au contraire que la marraine fut Suzanne
-de Baudran, fille du baron de Neuillant. La Beaumelle cite les Mémoires
-mss. de mademoiselle d'Aumale; mais M. Monmerqué a vu aussi ces
-Mémoires. La Beaumelle remarque, en note, que Françoise d'Aubigné ne fut
-baptisée que le lendemain 28 novembre; circonstance omise par les deux
-historiens mentionnés ci-dessus.
-
- Page 217, lignes 4 et 5: Sa mère, femme instruite, de courage et de
- vertu.
-
-Les historiens de madame de Maintenon auraient bien dû éclaircir le
-vague qui règne dans l'histoire de madame d'Aubigné et dans celle des
-premières années de son illustre fille. Ils se sont contentés de se
-copier les uns après les autres. La Beaumelle cependant est plus précis
-et plus détaillé. Dans le tome VI de ses Mémoires, il a publié des
-extraits de pièces qui jettent quelque jour sur cette partie de
-l'histoire de Maintenon, et entre autres une lettre de madame d'Aubigné
-à madame de Villette, écrite de la Martinique, datée du 2 juin 1646 dans
-la copie, date que la Beaumelle croit fausse. (Voyez _Mém. pour servir à
-l'histoire de Maintenon_, t. VI, p. 34 à 38.) On eût trouvé surtout
-beaucoup de lumières sur l'histoire de la famille d'Aubigné dans les
-pièces du procès que la mère de madame de Maintenon eut à soutenir
-contre MM. de Nesmond-Sensac et de Caumont. (LA BEAUMELLE, _Mém._, t. I,
-p. 107.) Ces pièces sont probablement dans les nombreux portefeuilles de
-Noailles, ou dans les archives de Maintenon. Il faudrait surtout
-discuter le récit contenu dans les fragments de Mémoires sur la vie de
-la marquise de Maintenon, par le père Laguille, jésuite; récit erroné en
-quelques endroits, mais curieux, en ce que son auteur cite des témoins
-contemporains des faits. (Conférez _Fragments de Mémoires sur la vie de
-la marquise de Maintenon_, par le père Laguille, jésuite, dans les
-_Archives littéraires_, 12 vol., trim. d'octobre 1806, in-8º.) Ce
-morceau, défiguré par des fautes typographiques, et qui fut publié par
-Chardon de la Rochelle, n'a été, je crois, connu d'aucun des auteurs qui
-ont écrit sur madame de Maintenon, car ils n'en font pas mention.
-Laguille est né en 1658, et a été contemporain de madame de Maintenon.
-Il dit que, dans le Béarn et le Poitou, Théodore-Agrippa d'Aubigné
-passait pour fils bâtard de la reine Jeanne d'Albret et d'un de ses
-secrétaires; assertion que la Beaumelle a bien réfuté dans ses _Mémoires
-de Maintenon_, t. I, p. 10 et 14. (Conférez à ce sujet le _Mercure
-galant_ de 1688 et de janvier 1705.)--Selon le récit d'un nommé Delarue,
-de Niort, madame d'Aubigné, mère de madame de Maintenon, alla d'abord à
-la Martinique et de là à la Guadeloupe, où elle resta deux ans
-dans l'habitation de Delarue. Elle se rendit ensuite à l'île
-Saint-Christophe, où elle mourut, attendant un bâtiment pour la
-transporter en France. Ses deux enfants, d'Aubigné et sa sœur
-_Francine_ (madame de Maintenon), furent, par les soins d'une
-demoiselle, transportés à la Rochelle. Selon le père Duver, jésuite,
-doyen, mort à Nantes en 1703, le collége des jésuites de la Rochelle
-fournissait du pain et de la viande à d'Aubigné et à sa sœur. Ils
-furent conduits ensuite chez M. de Montabert, à Angoulême. Ce fut là
-qu'un jeune gentilhomme nommé d'Alens, voulut épouser la jeune Francine,
-et lui prédit, dit-on, sa grande fortune. (P. 369-370.) Le reste du
-récit de Laguille s'accorde assez bien avec ce que l'on sait de
-l'histoire de madame de Maintenon; mais il y a des fautes de copiste
-qu'il eût été facile à Chardon de la Rochette de corriger: ainsi le nom
-de Neuillans est tantôt converti en _Noïailles_ et tantôt en
-_Neuillians_. Laguille dit, p. 376, que d'Aubigné fut d'abord placé
-comme page chez le marquis de Pardaillan, gouverneur du Poitou.
-
- Page 217, ligne 20: Les détails les plus minutieux de l'économie
- domestique.
-
-La Dauphine avait une forêt de cheveux, que madame de Maintenon démêlait
-sans douleur: elle régnait à la toilette. Louis XIV s'y rendait souvent.
-Cette dame disait depuis: «Vous ne sauriez croire combien le talent de
-bien peigner une tête a contribué à mon élévation.» (LA BEAUMELLE, tome
-II, p. 175.)
-
- Page 218, ligne 10: De ne pouvoir parvenir «à l'_écrasement de
- l'amour-propre_.»
-
-Madame de Maintenon a dit:
-
-«On n'échappe à l'amour-propre que par l'amour de Dieu.» (_Convers._, t.
-I, p. 30.)
-
-«Le bon esprit ne peut se distinguer de la sagesse et de la raison.»
-(_Convers._, t. I, p. 32.)
-
-«La sagesse implique la dévotion; car que serait une abnégation de
-soi-même qui resterait sans récompense?» (_Convers._, t. I, p. 36.)
-
- Page 218, ligne 23: Celui de paraître par le cœur au-dessus de la
- place qu'elle occupait.
-
-«L'élévation des sentiments consiste à se rendre digne de tout, sans
-vouloir rien de disproportionné à ce que nous sommes.» (MAINTENON,
-_Convers._, 3e édit., p. 219, chap. XXVII.)
-
- Page 222, lignes 1 et 2: _Les Conversations, les Proverbes._
-
-Le dialogue le plus ingénieux et le plus piquant de tous ceux que madame
-de Maintenon a composés pour ses élèves de Saint-Cyr, qu'elle leur
-faisait apprendre par cœur, et qui nous donne l'idée la plus nette de
-son caractère à la fois modéré et énergique, est celui sur les quatre
-vertus cardinales, parce qu'elle a su donner à une vérité incontestable
-l'apparence d'un paradoxe. (T. I, p. 63-73.)
-
-Elle fait parler la Justice, la Prudence, la Force et la Tempérance,
-pour prouver que cette dernière vertu est la première de toutes, la plus
-essentielle; et par la tempérance elle n'entend pas seulement la
-sobriété, mais la modération en toutes choses.
-
-La Force fait à la Tempérance cette objection: «Ne peut-on point être
-trop modéré?--Non, répond la Tempérance; cela ne serait plus la
-modération, car elle ne souffre ni le trop ni le trop peu.»
-
-La Tempérance dit: «Je détruis la gourmandise et le luxe; je m'oppose à
-tout mal, et je règle le bien. Sans moi, la justice serait insupportable
-à la faiblesse des hommes; la force les mettrait au désespoir, la
-prudence perdrait son temps à tout peser.»
-
- Page 223, ligne 18: Un gentilhomme de sa province. Et note 485:
- Conférez MÉRÉ.
-
-On n'a imprimé, que je sache, aucun vers de Méré: il en faisait
-cependant, et voici une jolie épigramme de lui que je tire du recueil de
-Duval de Tours (_Nouveau choix de pièces choisies_; la Haye, 1715, p.
-185):
-
- Au temps heureux où régnait l'innocence,
- On goûtait en aimant mille et mille douceurs,
- Et les amants ne faisaient de dépense
- Qu'en soins et qu'en tendres ardeurs.
- Mais aujourd'hui, sans opulence,
- Il faut renoncer aux plaisirs.
- Un amant qui ne peut dépenser qu'en soupirs
- N'est plus payé qu'en espérance.
-
- Page 224, ligne 16: Écrivant selon l'occasion et le besoin,
- facilement, agréablement.
-
-C'est ce dont il se vante et avec juste raison (t. I, p. 130), dans
-cette ode de héros burlesque, en style qui n'est nullement burlesque:
-
- On peut écrire en vers, en prose,
- Avec art, avec jugement;
- Mais écrire avec agrément,
- Mes chers maîtres, c'est autre chose.
-
- Les vers ont aussi leur destin:
- Un poëme de genre sublime
- Que son auteur lime et relime,
- Ne vit quelquefois qu'un matin.
-
- Cependant des auteurs comiques,
- Des meilleurs, dont il est fort peu,
- Ne sont pas bons à mettre au feu,
- Au jugement des héroïques.
-
- J'en sais de ceux au grand collier,
- Des plus adroits à l'écritoire,
- Qui pensent aller à la gloire,
- Et ne vont que chez l'épicier.
-
- Ce n'est pas dans une ruelle,
- Devant de célestes beautés
- Ou des partisans apostés,
- Qu'on met un livre à la coupelle:
-
- C'est au palais, chez les marchands,
- Où la vente, mauvaise ou bonne,
- A tous ouvrages ôte ou donne
- Le nom de bons et de méchants.
-
- Page 225, ligne 21: Elle avait bien raison de se comparer à la cane
- qui regrette sa bourbe[901].
-
- [901] Ou plutôt: _à de petits poissons qui regrettent leur
- bourbe_.
-
-Le 25 janvier 1702, elle écrit, de Saint-Cyr, au duc d'Ayen, depuis duc
-de Noailles: «Il y aura demain quinze jours que je suis enrhumée, et en
-spectacle aux courtisans, aux médecins, aux princes, caressée, ménagée,
-blâmée, chicanée, tourmentée, considérée, accablée, dorlotée,
-contrariée, tiraillée.» MAINTENON, _Lettres_, t. V, p. 27, édit.
-d'Amst., 1756, in-8º.
-
-Dans une lettre datée de Marly le 27 avril 1705, elle dit au comte
-d'Ayen:
-
-«Si j'habite encore longtemps la chambre du roi, je deviendrai
-paralytique. Il n'y a ni porte ni fenêtre qui ferme; on y est battu d'un
-vent qui me fait souvenir des ouragans d'Amérique.» (_Lettres_, t. V, p.
-47, édit. 1756.)--Louis XIV avait un tempérament de fer, et n'aimait pas
-les appartements trop renfermés et trop chauds.
-
-Le 19 avril 1717, deux ans avant sa mort, elle écrit à madame de Caylus:
-
-«On rachète bien les plaisirs et l'enivrement de la jeunesse. Je trouve,
-en repassant ma vie, que depuis l'âge de trente-deux ans (cette date
-nous reporte à 1675-1676, qui est celle du chapitre XI et de ceux qui le
-précèdent et le suivent), qui fut le commencement de ma fortune, je n'ai
-pas été un moment sans peines, et qu'elles ont toujours augmenté.»
-
- Page 226, lignes 2 à 4: Elle jouissait alors de l'amitié de tous,
- sans rien perdre de l'estime, de la considération et du respect qui
- lui étaient dus.
-
-Elle a dit de l'heureux temps de sa jeunesse:
-
-«Je ne voulais point être aimée en particulier de qui que ce fût: je
-voulais l'être de tout le monde, faire prononcer mon nom avec
-admiration, avec respect. Je me contrariais dans tous mes goûts. Il
-n'est rien que je n'eusse été capable de souffrir pour conquérir le nom
-de femme forte. Je ne me souciais point de richesses; j'étais élevée de
-cent piques au-dessus de l'intérêt: je voulais de l'honneur.--Oh!
-dites-moi, ma fille, y a-t-il rien de plus opposé à la vraie vertu que
-cet orgueil dans lequel j'ai usé ma jeunesse?» (_Entretiens de madame_
-DE MAINTENON, dans LA BEAUMELLE, _Mémoires_, t. VI, p. 176 et 177, édit.
-d'Amsterdam, 1756, in-12.)
-
- Page 229, lignes 2 et 3: Il désira vivement mettre, dans la galerie
- de celles dont il avait triomphé, etc.
-
-Madame de Caylus, dont la conduite a été loin d'être régulière,
-quoiqu'elle ait été l'élève chérie de madame de Maintenon, se montre
-persuadée en ses Mémoires que, dans la liaison de sa tante avec
-Villarceaux, il ne s'est rien passé de contraire à la vertu. Mais, en
-rapportant le mot malin de la marquise de Sussay à ce sujet, elle semble
-vouloir établir un doute.
-
-Il y a dans Gueroult, poëte du seizième siècle, une pièce de vers
-charmante. Ce sont des stances qui expriment les sentiments d'un peintre
-devenu amoureux fou d'une grande dame en faisant son portrait. Il n'osa
-pas lui déclarer son amour; mais il fit en secret une copie de ce
-portrait, et à cette charmante tête il ajouta un corps nu, aussi parfait
-que celui de la Vénus de Médicis.--La grande dame surprit le peintre au
-moment où il terminait son travail: courroucée, elle demande à l'artiste
-pourquoi il a fait un portrait si mensonger, et comment il a eu l'audace
-de peindre ce qu'il n'a jamais vu? «Cela est juste, lui dit le peintre;
-mais, en voyant un visage si beau et si parfait, je n'ai jamais douté
-que tout le reste du corps ne fût semblable; et, sans espérance de
-pouvoir contempler tant d'appas, j'ai voulu, par mon art, en posséder
-l'image.» D'après l'assertion de la Beaumelle, Villarceaux, irrité des
-refus de madame de Maintenon, l'aurait fait peindre comme sortant du
-bain, devant un génie noir et laid qui tient un miroir où se
-réfléchissent les plus secrets appas de la beauté. (LA BEAUMELLE,
-_Mémoires sur madame de Maintenon_, t. I, p. 198, Amsterdam, 1756, liv.
-II, ch. XVI.) Quoique la Beaumelle ne cite aucune autorité, le fait est
-possible. Mais cette basse vengeance, que Girodet a imitée de nos jours
-à l'égard de madame Simons (autrefois mademoiselle Lange, jolie actrice,
-si j'ai bonne mémoire), prouve plutôt l'échec de Villarceaux que son
-triomphe. Ceux qui avouent que Françoise d'Aubigné, après avoir résisté
-à ses nombreux adorateurs, n'a été faible qu'avec Villarceaux, oublient
-la juste réflexion de la Rochefoucauld: «Qu'il est plus difficile de
-trouver une femme qui n'a eu qu'un seul amant, qu'une femme qui n'en eut
-jamais.»
-
- Page 230, avant-dernière ligne: Le nom de l'auteur de la
- _Mazarinade_.
-
-Cette satire montre bien à quels excès on peut se laisser aller dans les
-temps de divisions politiques. Scarron, qui n'était pas méchant, accuse
-Mazarin d'avoir empoisonné le président Barillon, d'avoir volé les
-diamants de la reine d'Angleterre, après l'avoir laissée mourir de faim.
-Il lui souhaite le destin du maréchal d'Ancre; il veut que l'on vende
-ses meubles à l'encan (ce qui fut fait), et il l'apostrophe ainsi:
-
- Va, va-t'en dans Rome étaler
- Les biens qu'on t'a laissé voler;
- Va, va-t'en, gredin de Calabre,
-
-Puis viennent d'ignobles gravelures qu'on ne saurait lire sans dégoût,
-et dont les parlementaires se réjouissaient. Enfin il conclut en disant:
-
- On te reverra dans Paris;
- Et là, comme au trébuchet pris,
- Et de la rapine publique,
- Et de ta fausse politique,
- Et de ton sot gouvernement,
- Au redoutable parlement,
- Dont tu faisais si peu de compte,
- Ultramontain, tu rendras compte;
- Puis, après ton compte rendu,
- Cher Jules, tu seras pendu
- Au bout d'une vieille potence,
- Sans remords et sans repentance,
- Sans le moindre mot d'examen,
- Comme un incorrigible. _Amen._
-
- Page 236, note 521: _Å’uvres diverses d'un auteur de sept ans, ou
- recueil des ouvrages de M. le duc_ DU MAINE, _qu'il a faits pendant
- l'année 1677 et dans le commencement de l'année 1678_[902].
-
- [902] Ce long titre indique une réimpression. Un exemplaire de
- l'édition originale, imprimé sur vélin, relié en maroquin rouge
- aux armes de Mortemart, et inscrit sous le no 1435 dans un
- catalogue de vente des bibliothèques du feu roi Louis-Philippe,
- Paris, Potier, 1852, porte seulement pour titre _Å’uvres diverses
- d'un auteur de sept ans_. Cet exemplaire a été adjugé à la somme
- de 700 francs.
-
-A la page 207 des _Nouvelles de la république des lettres_ (février
-1685, Amsterdam, 1686, 2e édition), il est dit que c'est Benserade qui
-a fait présent de ce rare volume au journaliste, qui était, je crois, le
-Clerc, et non Bayle. On ajoute: «Selon toutes les apparences, c'est
-madame de Maintenon qui a fait l'épître dédicatoire.» Puis en note il
-est dit: «On a su depuis qu'elle a été composée par M. Racine; mais
-c'était pour madame de Maintenon.» Racine, qui depuis a su prêter à
-l'enfance, dans _Athalie_, un langage divin, ne composait pas les
-lettres de madame de Maintenon; et s'il avait eu à faire parler le jeune
-duc du Maine dans une épître dédicatoire, il l'aurait fait autrement que
-madame de Maintenon. Mais il est tout naturel qu'un savant hollandais ne
-sût pas cela, et ne soupçonnât pas en Françoise d'Aubigné le talent
-d'écrivain. Le grand roi le connaissait bien, lui, qui, après avoir lu
-les instructions données à la duchesse de Bourgogne par madame de
-Maintenon, et trouvées dans la cassette de cette princesse après sa
-mort, voulut qu'il en fût fait des copies. Madame de Maintenon s'y
-opposait; mais Louis XIV insista et dit: «C'est pour mes enfants; il
-faut bien que ma famille ait quelque chose de vous.»
-
-Qu'il me soit permis de faire remarquer que ces instructions
-religieuses, sous le rapport des pensées, de la religion et du style
-même, qui est vif et concis, sont bien supérieures à celles qui ont été
-données par l'archevêque de Cambrai à madame de Maintenon elle-même, et
-à sa demande. Il y a dans ces dernières une forte dose de mysticisme,
-qui aurait pu avoir une influence fâcheuse sur un esprit faible[903].
-Fénelon s'y abandonne trop à sa rancune amère contre Louis XIV, qui,
-avec juste raison, n'avait pu goûter ses chimériques systèmes de
-gouvernement. Il dit durement à cette femme que le roi (son mari alors)
-ne pratique pas ses devoirs, et qu'il n'en a aucune idée (t. III, p.
-224). Enfin, tout en blâmant la règle qu'elle s'était faite de ne
-s'occuper en rien des affaires d'État et de la politique, il lui
-reproche son indifférence à cet égard, et, au nom de la religion, il
-l'exhorte à s'en mêler, et cherche à la jeter par la flatterie dans les
-intrigues de cour, en lui disant: «Il me paraît que votre esprit naturel
-et acquis a bien plus d'étendue que vous ne lui en donnez.» (T. III, p.
-219.)
-
- [903] _Lettres de_ MAINTENON, édit. 1756, in-12, t. III, p. 221:
- «Au reste, il faut tellement sacrifier à Dieu le _moi_, qu'on ne
- le recherche plus, ni pour la réputation, ni pour la consolation
- du témoignage qu'on se rend à soi-même sur ses bonnes qualités ou
- sur ses bons sentiments. _Il faut mourir à tout sans réserve, et
- ne posséder pas même sa vertu par rapport à soi._»
-
-C'est le contraire qui était vrai. Madame de Maintenon avait un
-excellent jugement, un esprit fin, délié, ferme et éclairé, dans le
-cercle où elle s'était renfermée; mais ce cercle était resserré: elle
-n'aimait pas à en sortir. Elle n'exprimait son avis sur les affaires
-d'État que par un signe d'approbation ou de désapprobation, et encore
-parce que Louis XIV l'y forçait. Une fois seulement, elle dressa un
-mémoire sur la grande affaire de la révocation de l'édit de Nantes. Elle
-y fut amenée par tout le clergé et par les ministres eux-mêmes, qui,
-dans les circonstances difficiles où l'on se trouvait, avaient le droit
-d'exiger le secours de ses lumières.--Le style de madame de Maintenon
-est plus pur et plus régulier que celui de madame de Sévigné. Ses
-lettres même sont mieux composées; elles ont toujours un motif, un but
-qu'elles atteignent parfaitement. Il n'y a aucun désordre, aucune
-inconséquence dans les idées, aucune contradiction dans les jugements;
-mais on n'y retrouve pas l'imagination et le coloris de madame de
-Sévigné. Les lettres de madame de Maintenon, c'est de l'histoire
-générale ou particulière; celles de madame de Sévigné sont des
-feuilletons pour amuser madame de Grignan.
-
- Page 238, lignes 27 et 28: Elle détermina le vieux duc de
- Villars-Brancas à demander sa main.
-
-Cette seconde proposition d'un mariage pour madame Scarron paraît
-résulter des récits comparés de madame du Pérou, que nomme positivement
-la Beaumelle, qui semble avoir eu des mémoires plus circonstanciés sur
-ce fait que les dames de Saint-Cyr; car il dit, t. II, p. 110:
-
-«Elle (madame de Montespan) avait jeté les yeux sur le duc de V... B...,
-qu'une jeunesse passée dans les plaisirs, une vieillesse malsaine, et
-deux femmes assez méchantes, n'avaient pas dégoûté du mariage.» Et en
-note il ajoute que ce duc de V.. B.. était fils de George B..., et frère
-de la princesse d'..., morte en 1679. Ce que dit Saint-Simon sur le
-titre de duc donné au Brancas, fils de Villars (_Mémoires complets et
-authentiques_, t. XIV, p. 201), semble confirmer que la Beaumelle a
-voulu désigner ici le duc de Villars-Brancas, père de Brancas le
-distrait.--Le duc de Brancas, né en 1663, mort en 1739, marié à sa
-cousine germaine, fille de Brancas le distrait, et qui a fait le premier
-un si juste éloge des lettres de madame de Sévigné (voyez t. XII, p. 450
-de l'édition de Gault de S.-G.), était peut-être le fils de celui qui se
-proposa pour épouser la veuve Scarron. (Conférez _Lettres de_ SÉVIGNÉ,
-tome VI, p. 240 et 379 de l'édit. Monmerqué, 1820, in-8º, et TALLEMANT
-DES RÉAUX, _Historiettes_, t. II, p. 139 de l'édit. in-8º.)
-
- Page 241, ligne 16: Plus énergique.
-
-Elle écrit au cardinal de Noailles pour lui apprendre qu'elle avait
-sacrifié les intérêts de sa propre nièce, la maréchale de Noailles:
-
-«Eh bien, voilà les dames nommées, voilà la maréchale désespérée! Mon
-état et ma destinée est d'affliger et de desservir tout ce que j'aime.
-J'en souffre beaucoup, mais je ne varierai point dans la loi que je me
-suis faite, de sacrifier mes amis à la vérité et au bien.»
-
- Page 242, ligne 2: Auquel elle rendait compte dans des lettres qui
- quelquefois avaient huit ou dix pages.
-
-Ces lettres, si on les possédait, pourraient seules servir de pièces de
-comparaison avec celles de madame de Sévigné. Tout ce qui nous reste de
-cette dame est uniquement relatif ou aux personnes à qui elle écrit, ou
-à elle-même, et, par cette raison, offre peu de variété dans le fond
-comme dans la forme. Mais madame de Maintenon savait que Louis XIV
-aimait à trouver, dans la lecture des lettres bien écrites, une
-distraction agréable. Elle dut donc, pendant son voyage à Baréges,
-chercher, comme madame de Sévigné, à plaire autant qu'à informer; mais
-ces lettres, moins riches de ces expressions heureuses qui jaillissent
-d'une vive imagination, devaient être mieux rédigées et surtout plus
-correctes. Madame de Maintenon est, pour le style épistolaire, un modèle
-plus achevé que madame de Sévigné. Presque toujours celle-ci n'écrit que
-par le besoin qu'elle éprouve de s'entretenir avec sa fille, avec les
-personnes qu'elle aime; enfin, de tout dire, de tout raconter. Madame de
-Maintenon, au contraire, a toujours, en écrivant, un objet distinct et
-déterminé. La clarté, la mesure, l'élégance, la justesse des pensées, la
-finesse des réflexions, lui font agréablement atteindre le but où elle
-vise. Sa marche est droite et soutenue; elle suit sa route sans battre
-les buissons, sans s'écarter ni à droite ni à gauche. En un mot, madame
-de Maintenon était en garde contre le danger de commettre ces
-indiscrétions qui donnent tant d'esprit aux lettres de madame de
-Sévigné, et elle tâchait d'en prémunir ses élèves de Saint-Cyr en les
-détournant de l'envie d'écrire sans nécessité.
-
- Page 243, ligne dernière, et 244, lig. 1: «Et qui souvent sont
- chassées par un clin d'œil qu'on fait à la femme de chambre.» Et
- note 532, lig. 3: Dans toutes les autres éditions, sans exception, le
- texte de cet important passage est faux ou défiguré. Les notes de
- ces éditions doivent disparaître.
-
-Cela provient du premier éditeur de 1726; tous les autres ont copié.
-Mais ce qui est plus fâcheux, c'est qu'on ait reproduit, dans les
-éditions les plus récentes et les meilleures, l'absurde commentaire que
-Grouvelle a fait sur le texte: d'où il résulterait que Louis XIV, connu
-par son respect pour les convenances, la dignité de ses manières, son
-attachement pour la reine, l'aurait traitée avec indignité et mépris
-dans l'habitude de la vie. Je ferai remarquer que dans ce passage il n'y
-a pas _Quanto_ comme dans toutes les autres éditions, mais que le nom de
-Montespan est en toutes lettres; ce qui démontre qu'il n'y a ni
-sous-entendu ni déguisement dans la mention de la femme de chambre.
-Madame la duchesse de Richelieu, qu'on fait obéir par un clin d'œil à
-madame de Montespan, était alors dame d'honneur de la reine; et la
-marquise de Montespan n'était encore inscrite que la quatrième sur le
-tableau. (Voyez l'_État de la France_, 1678, in-12, p. 326.)
-
- Page 245, lignes 12 à 14: La naissance de mademoiselle de Tours,
- morte jeune, venue à terme au mois de janvier 1676.
-
-Et c'est alors même que Louis XIV manifestait publiquement ses
-sentiments religieux et sa soumission à l'Église, qu'il communiait en
-public, qu'il permettait qu'on mît plus souvent dans la gazette
-officielle son exactitude à remplir ses devoirs de piété. On lit dans le
-volume du Recueil des gazettes, imprimé en 1677, p. 280, cet article:
-
- «Avril 1676.
-
- «Saint-Germain en Laye
-
-«Le 4 de ce mois, veille de la Résurrection, le roi, qui avait _assisté
-à tous les offices_ de la semaine sainte, communia dans l'église
-paroissiale par les mains du cardinal de Bouillon, grand aumônier de
-France, monseigneur le Dauphin tenant la serviette.»
-
- Page 245, lignes 28 et 29: On savait que la nature de sentiments
- exempts de toute faiblesse que lui inspirait madame de Maintenon,
- etc.
-
-Ce ne fut qu'après la mort de la reine, après celle de Fontanges, après
-la disgrâce de Montespan, que l'opinion des gens de cour et du public
-changea, et que l'intimité toujours croissante de Louis XIV et de madame
-de Maintenon fit travailler les imaginations, et convertir en passion
-amoureuse un attachement constant et pieux, fondé, de la part de Louis
-XIV, sur le respect pour la piété, les vertus et les qualités de celle
-qu'il s'était choisie pour compagne; et, de la part de madame de
-Maintenon, sur l'admiration que lui avaient inspirée les qualités du
-grand roi.
-
-
-CHAPITRE XII.
-
- Page 247, ligne 6: Près du village de Sasbach, dans l'État de Bade.
-
-Il faut écrire Sasbach, et non Salzbach et Saspach, comme a fait Ramsay
-(_Histoire du vicomte de Turenne, maréchal général des armées du roi_;
-Paris, 1735, in-4º, p. 581). Ce lieu se trouve près d'Achern, sur la
-route d'Offenburg à Bade, au sud de Steinbach. La carte de l'atlas de
-Ramsay, insérée dans l'édition de 1735, in-4º, à la page 581, intitulée
-_Plan des différents camps du vicomte de Turenne et du comte
-Montecuculli dans l'Ortnaw_, dessinée et gravée par Cocquart, est
-fautive, et trop mauvaise pour qu'on y puisse suivre les opérations
-militaires de Turenne dans cette campagne; il faut consulter la carte
-intitulée STRASBOURG, dans l'atlas des _Mémoires militaires des guerres
-de Louis XIV_, 1836, grand in-folio, exécuté sous la direction du
-général Pelet.
-
- Page 252, ligne 19: «Et qu'elle y avait mille affaires.»
-
-Une de ces affaires était celle de la terre de Meneuf, vendue à Jean du
-Bois-Geslin, reçu président de Bretagne le 13 juin 1653, et fait depuis
-conseiller d'État. Madame de Sévigné lui vendit cette terre en 1674; et
-comme elle avait garanti les droits seigneuriaux, elle eut des
-difficultés qui furent levées, car elle toucha son argent en décembre
-1675. (SÉVIGNÉ, _Lettres_, 17 novembre, 15 et 29 décembre 1675; t. IV,
-p. 209, 250 et 279, édit. G.)
-
- Page 254, ligne 13: Elle avait alors quarante-neuf ans.
-
-Ce fut son âge critique. Par son tempérament fort et sanguin, madame de
-Sévigné avait assez fréquemment recours à la saignée. Cette doctrine
-médicale était fortement controversée au temps de Louis XIV, comme elle
-l'a été de nos jours du vivant du docteur Broussais. Gui Patin,
-conséquent avec ses principes, se fit saigner sept fois dans un rhume
-(voir sa lettre du 10 mars 1648, t. I, p. 375; 1846, in-8º), et fit
-pratiquer vingt saignées sur son fils.--A l'âge de trois ans, le fils de
-madame de Grignan tomba malade: on le saigna. Madame de Sévigné ne put
-s'empêcher de témoigner à sa fille des craintes au sujet de cette
-saignée: «Je reçois votre lettre, qui m'apprend la maladie du pauvre
-petit marquis. J'en suis extrêmement en peine; et pour cette saignée, je
-ne comprends pas qu'elle puisse faire du bien à un enfant de trois ans,
-avec l'agitation qu'elle lui donne: de mon temps, on ne savait ce que
-c'était que de saigner un enfant.» (SÉVIGNÉ, _Lettres_, 26 juin 1675, t.
-III, p. 436, édit. G.)--Gui Patin pensait tout différemment; car en
-1648, au sujet d'un médecin allemand nommé Sennertus, dont il avait lu
-l'ouvrage, il écrit: «Il n'entend rien à la saignée des enfants; ce
-misérable me fait pitié! Si l'on faisait ainsi à Paris, tous nos malades
-mourraient bien vite. Nous guérissons nos malades après quatre-vingts
-ans par la saignée, et saignons aussi heureusement les enfants de deux
-et trois mois, sans aucun inconvénient... Il ne se passe pas de jour à
-Paris que nous ne fassions saigner plusieurs enfants à la mamelle et
-plusieurs septuagénaires, _qui singuli feliciter inde convalescunt_.»
-(GUI PATIN, _Lettres_, 13 août 1648), t. II, p. 419, édit. 1846, in-8º.
-
- Page 254, lignes 20 à 22: Bourdelot, ce célèbre médecin des Condé
- et de la reine Christine.
-
-Le haineux et satirique Gui Patin (_Lettres_, édit. 1846, in-8º, t. I,
-p. 513) a tracé de ce médecin un portrait qui nous en donne une idée
-bien différente de celle que présente l'article _Pierre Michon_ du
-savant M. Weiss, dans la _Biographie universelle_ (t. XXVIII, p. 596).
-Bourdelot fut d'abord le précepteur du grand Condé avant d'être son
-médecin (GUI PATIN, t. II, p. 5). Il revint de Suède en 1653. Il
-n'allait faire ses visites qu'avec de grands habits à longue queue, en
-chaise à porteurs ou en carrosse, et suivi de trois laquais. Il devint
-riche par l'obtention de l'abbaye de Macé en Berri, et par les bienfaits
-de la reine de Suède. On a oublié dans la _Biographie_ de mentionner le
-plus curieux de ses écrits: c'est la _Relation des assemblées faites à
-Versailles dans le grand appartement du Roi_ durant le carnaval de 1683,
-in-12. Bourdelot réunissait chez lui, chaque jour de la semaine, un
-certain nombre de ses confrères, médecins et hommes de lettres; cette
-réunion avait pris le titre d'_Académie de Bourdelot_; et lorsque madame
-de Sévigné se confia à ses soins, un auteur nommé le Gallois venait de
-publier un ouvrage intitulé _Conversations académiques tirées de
-l'Académie de Bourdelot_; Paris, 1674, 2 vol. in-12. Ce livre est dédié
-à Huet; il contient des dialogues uniquement relatifs à la médecine, et,
-à propos de médecine, des excursions sur la métaphysique et la
-philosophie de Descartes, qui alors faisait irruption dans tout.
-
- Page 258, lignes 6 à 9: Le ridicule que madame de Grignan versait
- sur madame de la Charce et sur Philis, sa fille aînée, la faisait
- rire aux larmes.
-
-Philis de la Tour du Pin de la Charce était l'amie de mademoiselle
-d'Alerac (Françoise-Julie Grignan), cette belle-fille de madame de
-Grignan, qu'elle aimait si peu. (Voyez, sur cette courageuse demoiselle,
-le livre intitulé _Histoire de mademoiselle de la Charce, de la maison
-de la Tour du Pin en Dauphiné, ou Mémoire de ce qui s'est passé sous le
-règne de Louis XIV_; Paris, chez Pierre Gaudouin, 1731, p. 11, 36: c'est
-une espèce de roman, dont l'auteur est inconnu. Conférez madame de
-Genlis dans _Mademoiselle de la Fayette_, ou _le siècle de Louis XIII_;
-2e édit., 1813, t. I, p. 42, note 4.) On lit dans la _Gazette de
-France_, du 23 juin 1703, que Philis de la Tour du Pin de la Charce,
-nouvelle convertie, mourut à Nions en Dauphiné, âgée de cinquante-huit
-ans. Ainsi cette demoiselle avait trente ans lorsqu'elle était le sujet
-des sarcasmes de madame de Grignan.--En relisant la note où j'ai parlé
-de mademoiselle de la Charce (4e partie de ces _Mémoires_, p. 354), je
-m'aperçois que j'ai attribué à madame Deshoulières des vers qui sont de
-sa fille, et que l'on a placés à la suite de ceux de la mère dans
-l'édition que je cite (1695, in-8º). L'épître et les madrigaux de M.
-Cazes sont adressés à mademoiselle Deshoulières, p. 257 et 278. Les
-poésies de cette demoiselle, non mentionnées sur le titre, commencent à
-la page 218. Cette édition des poésies de madame Deshoulières a été
-donnée par sa fille, ainsi qu'elle le dit dans l'avertissement du second
-volume; et la lettre de M. Cazes, datée de Bois-le-Vicomte le 4 octobre
-1689, qui se trouve dans l'édition des œuvres de madame et de
-mademoiselle Deshoulières (1764, in-12, t. II, p. 204), est adressée à
-cette dernière. Les détails sur la mort de M. Cazes (datés de 1692),
-page 238 de cette même édition, sont de mademoiselle Deshoulières.
-
- Page 259, ligne 17: «J'ai couché cette nuit à Veretz.»
-
-Toutes les cartes et tous les livres géographiques de la France écrivent
-Veretz ou Verets; mais dans les éditions de madame de Sévigné on lit
-_Veret_, et c'est ainsi qu'elle a écrit; car dans le vol. XXXII
-(département d'Indre-et-Loire, premier arrondissement de Tours), je
-trouve une aquarelle du château où coucha madame de Sévigné, faite il y
-a cent cinquante ans, et qui porte pour intitulé _Veue du chasteau de
-Veret en Touraine, sur la rivière du Cher_ (1689).
-
- Page 261, ligne 15: «Nous allons à la Seilleraye, etc.»--_Sur les
- portraits de madame de Sévigné et de madame de Grignan_.
-
-Le château de la Seilleraye est situé dans le canton de Carquefou, à
-environ sept kilomètres à l'est de ce bourg. Il est à deux kilomètres de
-Mauves et du bord septentrional de la Loire, sur le versant d'un coteau
-au bas duquel coule un ruisseau qui se jette dans la Loire au-dessous de
-Mauves. Sur la carte de Cassini (no 131), ce ruisseau n'est pas nommé;
-mais dans le pays on l'appelle _la Seille_, c'est pourquoi il faut
-écrire la Seilleraye, comme dans le grand _Dictionnaire de la poste aux
-lettres_, 1836, in-folio, p. 660, et dans la dernière carte de la poste
-aux chevaux, dressée par les ordres de M. Conte, et non pas _la
-Sailleraye_, ainsi qu'il est marqué sur la carte de Cassini.
-
-Voici ce que madame de Sévigné mande à sa fille au sujet de ce château,
-qu'elle n'avait pas vu depuis sa jeunesse, et qui lui parut peu
-reconnaissable: «M. d'Harouïs manda de Paris, il y a quatre ans, à un
-architecte de Nantes, qu'il le priait de lui bâtir une maison, dont il
-lui envoya le dessin, qui est très-beau et très-grand. C'est un grand
-corps de logis de trente toises de face, deux ailes, deux pavillons;
-mais comme il n'y a pas été trois fois pendant tout cet ouvrage, tout
-cela est mal exécuté. Notre abbé est au désespoir, M. d'Harouïs ne fait
-qu'en rire.» (SÉVIGNÉ, _Lettres_, 24 septembre 1675, t. IV, p. 112,
-édit. G.)
-
-Ce beau domaine a eu le rare privilége d'être transmis à une famille
-alliée à celle de d'Harouïs (la famille de Bec-de-Lièvre), par suite du
-mariage de Jean-Baptiste de Bec-de-Lièvre avec Louise d'Harouïs en 1649.
-Cette famille le possède encore.--L'auteur d'une _Vie de madame de
-Sévigné_ très-agréablement écrite, M. le vicomte Walsh, nous a donné des
-détails sur les embellissements faits à ce domaine par le propriétaire
-actuel: «La Seilleraye couronne bien le coteau; M. de Bec-de-Lièvre a
-_désengoncé_ le château des murailles qui fermaient la cour et les
-jardins, dessinés par Le Nôtre; une belle grille, à fers de lances
-dorés, ferme aujourd'hui la cour; le parc anglais se lie à merveille
-avec les anciens jardins.» (_Vie de Sévigné_; par M. le vicomte Walsh,
-1842, in-12, p. 355.) M. Monmerqué a fait graver une _Vue du château de
-la Silleraye_ (_sic_) pour accompagner l'édition des _Lettres inédites
-de madame de Sévigné_; Paris, Blaise, 1827, in-8º. Dans l'avertissement
-de ces _Lettres_ (pag. XIII), le savant éditeur dit que M. le marquis de
-Bec-de-Lièvre conserve dans ce château un beau portrait de madame de
-Sévigné, peint en Diane. M. le vicomte Walsh décrit ainsi ce tableau:
-
-«Dans ce magnifique portrait de Mignard, donné, dit-on, par madame de
-Sévigné à d'Harouïs, Marie de Rabutin-Chantal, _qui venait de se
-marier_, est vêtue en Diane chasseresse, selon le goût du temps. Elle a
-dansé dans un quadrille devant Louis XIV avec ce costume.» Nous ne
-pouvons croire que ce portrait soit celui de madame de Sévigné (Marie de
-Rabutin-Chantal). Il est bien vrai que les femmes qui avaient eu
-l'honneur de figurer dans les ballets de Louis XIV aimaient à se faire
-peindre dans les beaux costumes mythologiques dont elles étaient
-revêtues pour le rôle qu'elles remplissaient; mais madame de Sévigné n'a
-paru dans les ballets de Louis XIV à aucune époque, et encore moins
-_lorsqu'elle venait de se marier_. Marie de Rabutin-Chantal épousa, le 4
-août 1641[904], le marquis de Sévigné; Louis XIV n'avait alors que six
-ans, et ne donnait pas de ballets. Madame de Sévigné a été peinte par
-Nanteuil, et aussi, je crois, par Lefebvre; mais il n'est pas aussi
-certain qu'elle l'ait été par Mignard. Elle parle tant et si souvent du
-portrait de madame de Grignan par Mignard, que si elle avait été peinte
-aussi par ce maître, nous le saurions. Le portrait de la collection de
-tableaux qu'on voit à la Seilleraye n'est donc pas plus, _s'il est de
-son temps_, le portrait de Marie de Rabutin-Chantal que celui qu'on a
-placé avec une semblable désignation dans la galerie de Versailles.
-(Voyez partie I, p. 512 de ces _Mémoires_.) Mais si ce n'est pas le
-portrait de Marie de Rabutin-Chantal, c'est peut-être celui de
-mademoiselle de Sévigné. Celle-là, par exemple, figura dans les ballets
-_costumés_ du roi (voyez 2e partie de ces _Mémoires_, p. 332-341), et a
-bien véritablement été peinte par Mignard.
-
- [904] Voyez la 1re partie de ces _Mémoires sur madame_ DE
- SÉVIGNÉ, 2e édit., 1843, p. 20 et 21. Dans l'édition de 1842, il
- y avait, par faute d'impression, _le_ 1er _août_. Un auteur qui a
- écrit en 1849 un très-bon opuscule sur l'administration de Louis
- XIV nous accuse, d'après cette erreur typographique depuis
- longtemps corrigée lorsqu'il écrivait, d'avoir confondu les
- fiançailles avec les noces. Il y a, ce nous semble, dans cette
- critique, plus que de la rigueur.
-
-Je crois devoir ajouter ici quelques détails à la longue note que j'ai
-écrite _sur différents portraits qu'on a gravés de madame de Sévigné_
-(2e partie de ces _Mémoires_, p. 512).
-
-Ce qui met hors de doute l'authenticité du portrait peint par Nanteuil
-_ad vivum_, et gravé par Édelinck (Nicolas Édelinck, fils de Gérard), ce
-sont les lettres où madame de Sévigné parle de son nez carré et de ses
-paupières bigarrées[905].
-
- [905] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (26 juillet 1668 et 27 février 1671),
- tome I, pag. 129 et 268, édit. M.
-
-Indépendamment de la gravure du portrait de madame de Sévigné, finement
-exécutée par Jacques Chereau pour l'édition des _Lettres_ de 1734, le
-chevalier Perrin en fit faire une autre pour son édition de 1754. Ce
-portrait a été peint par Febure ou Lefebvre, le même qui fit celui de
-Bussy, reproduit en tête de ses _Mémoires_, édition in-4º, et gravé par
-Édelinck. Ce portrait de Lefebvre ressemble plus à celui de Nanteuil
-qu'à celui de l'édition de 1734: la coiffure est presque semblable, mais
-la tête est penchée; il est vu de trois quarts; les yeux sont plus
-grands, la face moins pleine, et il a plus de physionomie. Lefebvre a
-fait beaucoup de portraits de personnages illustres; un grand nombre ont
-été reproduits par Poilly, Van Schuppen, Balechou, et d'autres. Né en
-1736, il mourut à Londres en 1775. Il était l'élève de Charles le Brun;
-il ne flattait point les traits, et n'aimait pas à peindre les femmes
-avec du fard. C'est peut-être pour cela que madame de Sévigné estimait
-peu ses ouvrages. Dans la belle collection d'Odieuvre il y a un portrait
-de madame de Grignan par Ferdinand, celui qui a peint Ninon: il est
-gravé par Pinssio. Ce portrait, quoique différent de ceux qu'on a faits
-depuis, est bien celui de la même femme, et a dû être ressemblant. Il
-paraît que M. de Grignan avait donné son portrait, peint par un artiste
-provençal, à M. de Coulanges, et qu'il existait du comte un autre
-portrait peint par Lefebvre; car madame de Sévigné écrit à sa fille (le
-19 février 1672, t. II, p. 392, édit. G.): «Mais que vous dirai-je de
-l'aimable portrait que M. de Grignan a donné à M. de Coulanges? Il est
-beau et très-ressemblant: celui de Lefebvre est un misérable auprès de
-celui-ci. Je fais vœu de ne jamais revenir de Provence que je n'en aie
-un pareil, et un autre de vous: il n'y a point de dépense qui me soit si
-agréable.»
-
-Madame de Sévigné, avec toute raison, préféra Mignard au peintre
-provençal, et elle profita du séjour de madame de Grignan à Paris pour
-faire exécuter pour elle, dans les premiers mois de l'année 1675, le
-portrait de sa fille. Il obtint bientôt une certaine célébrité.
-(SÉVIGNÉ, _Lettres_, 4 et 9 septembre, t. III, p. 452 et 460.) Dans sa
-lettre du 19 août 1675 (t. III, p. 411, édit. M., et t. IV, p. 35, édit.
-G.), elle dit à madame de Grignan: «Votre portrait a servi à la
-conversation; il devient chef-d'œuvre à vue d'œil; je crois que c'est
-parce que Mignard n'en veut plus faire.» Mignard avait, il est vrai,
-soixante-cinq ans lorsqu'il peignit madame de Grignan; mais aucun
-peintre n'a prolongé plus longtemps sa carrière d'artiste. Né en 1610,
-il mourut en 1695. Ses derniers portraits furent ceux de la famille
-royale d'Angleterre, qu'il exécuta à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.
-Un peu auparavant il fit celui de madame de Maintenon, le plus célèbre
-de tous, et peignit Louis XIV pour la dixième fois.
-
-Je possède un grand tableau de Mignard provenant de la vente de M.
-Quentin Craufurd, connu par la belle collection de portraits qu'il avait
-réunis, et par le soin qu'il s'était donné pour s'assurer de
-l'exactitude des désignations qu'il leur donnait. Cette toile est
-décrite sous le no 162, page 47 du catalogue, comme représentant madame
-de Thianges et le duc du Maine, son neveu. Il n'en est rien: elle
-renferme les portraits de madame de Seignelay et de ses deux fils,
-peints un an après la mort du ministre Seignelay. Ce tableau,
-parfaitement bien décrit dans la _Vie de Mignard_ (page 148 de l'édit.
-de Paris, 1730, et p. 123 de l'édit. d'Amst., 1731), est signé _Mignard_
-et daté de 1691: Mignard avait donc quatre-vingt-un ans lorsqu'il fit le
-portrait de Catherine-Thérèse de Matignon, femme de Seignelay, laquelle
-se remaria, le 22 février 1696, au comte de Marsan. Mignard résida
-vingt-deux ans à Rome, et ne vint se fixer à Paris qu'en 1660; par
-conséquent il n'a pu peindre Marie de Rabutin-Chantal peu après son
-mariage.
-
-En faisant connaître le portrait le plus authentique et le plus certain
-de la marquise de Sévigné, gravé par Édelinck fils, d'après Nanteuil,
-j'ai oublié de dire que le premier pastel de Nanteuil existe, très-bien
-conservé: nous l'avons vu chez M. le comte de Laubespin de Tracy, auquel
-il appartient. De la collection de M. Traullé il a passé dans les mains
-de madame Bredt, qui l'a donné à madame de Laubespin.
-
-J'ai parlé du portrait de Ninon par Ferdinand. Il a été très-bien gravé
-par Thomas Wastley en 1757, aux frais de Walpole, comte de Sandwich,
-d'après le tableau original donné par Ninon de Lenclos à la comtesse de
-Sandwich, son amie. Ferdinand peignit aussi madame de Maintenon avant
-que Mignard fît d'elle le beau portrait si admirablement gravé par
-Ficquet.
-
-«Madame de Maintenon, dit madame du Pérou (_Mémoires de madame de
-Maintenon recueillis par les dames de Saint-Cyr_; Paris, Olivier
-Fulgence, 1846, in-12, p. 261, chap. XVII), se rendit à nos instances,
-et souffrit que Ferdinand, assez habile peintre pour la ressemblance, la
-tirât. Il fit un portrait où elle est représentée dans tout son air
-naturel, avec mademoiselle d'Aubigné sa nièce, qui était un enfant, et
-qui depuis a été la duchesse de Noailles; elle n'avait alors que trois
-ou quatre ans, et était aussi jolie et aussi aimable que le peintre l'a
-représentée: c'est le portrait qui est dans la salle de la Communauté, à
-côté de la cheminée. Il résulte du récit de madame du Pérou que ce
-portrait fut fait après le 19 mai 1689, époque de l'élection de
-mademoiselle de Loubert. Je ne connais aucune gravure de ce tableau, et
-j'ignore s'il existe encore. Mais quand Horace Walpole visita Saint-Cyr,
-il vit le portrait de madame de Maintenon dans presque toutes les
-chambres. Celui de Mignard a été souvent copié, dit-on, par lui-même
-avec des variations. Je possède une de ces copies qui était à Saint-Cyr,
-et que j'ai achetée à la vente de M. Craufurd. Elle est semblable, à la
-couleur du manteau près, à celle qu'on voit dans la galerie de
-Versailles. Ferdinand a aussi peint le duc de Montausier. Ce portrait a
-été gravé par Lenfant, in-fol., en 1757.
-
- Page 267, lignes 2 à 4: La partie inédite de ses Mémoires... offre
- un exemple d'une aussi forte distraction.
-
-Ainsi, dans le manuscrit autographe de la _Suite des Mémoires de Bussy_,
-après la transcription de la lettre que Bussy écrivit à madame de
-Sévigné le 19 octobre 1675, on lit au verso de la page 154: «Huit jours
-après que j'eus écrit cette lettre, j'en reçus cette réponse.»
-
-Vient ensuite la transcription d'une lettre de madame de Sévigné sous la
-date du 27 octobre 1675, qui est la même que celle du 20 décembre 1675
-dans l'édit. de Gault de S.-G., sauf le commencement, qui diffère du
-manuscrit et des éditions imprimées. Les lignes qui précèdent cette
-lettre assurent l'exactitude de sa date, qui est d'ailleurs confirmée,
-par tout ce qu'elle contient, comme répondant à celle du 19 octobre.
-Elle devrait être, suivant nous, placée immédiatement après cette
-lettre; mais, par une étrange méprise, la lettre de madame de Sévigné,
-du 27 octobre, est datée de Paris, et commence ainsi: «J'arrivai hier
-ici, et on me vient d'apporter votre lettre du 19 de ce mois. Je partis
-de Bretagne trois jours après que je vous écrivis.» A moins de
-substituer dans la date Vitré à Paris, et _Rochers_ à _Bretagne_, il est
-impossible de concilier ce commencement avec la date de 1675 et avec
-tout le reste de la lettre.
-
-Cependant tous les faits qui résultent de la correspondance de madame de
-Sévigné en Bretagne avec Bussy en Bourgogne, se trouvent confirmés dans
-une lettre de cette dame (20 octobre 1675), par laquelle elle envoie à
-son cousin sa procuration pour le mariage de sa nièce. Le ms. ne fait
-pas mention de cette lettre; mais à la suite de celle du 27 octobre,
-Bussy écrit:
-
-«Trois jours après que j'ai reçu cette lettre, je fis cette réponse;» et
-cette réponse est en effet datée de Chaseu le 30 octobre.
-
-Cette lettre, dans ce qu'elle a de plus essentiel à partir de la ligne
-«Quand je vous ai mandé, etc.,» est la même que celle qui, dans diverses
-éditions, est datée de Bussy le 9 janvier 1676. Il y a encore ici
-divergence non-seulement dans les dates, mais dans le commencement des
-deux lettres: celle du ms. commence, comme l'autre, par la même
-impossibilité, en s'exprimant ainsi:
-
-«Je suis fort aise, madame, que nous soyons à Paris: nous y gagnerons
-tous deux.» Puis elle répond à la précédente sur la fièvre du roi.
-
-Rien de tout cela dans la lettre imprimée, qui commence ainsi: «Je reçus
-avant-hier votre lettre du 20 décembre, qui est une réponse à une lettre
-que je vous écrivis le 19 octobre. Vous devez avoir reçu depuis ce
-temps-là deux lettres de moi, sans compter celle que je viens de vous
-écrire, avec une lettre pour madame de Grignan.» On a vu que cette
-lettre du 20 décembre était précisément celle du 27 octobre du ms., et
-l'explication paraît une interpolation du copiste-éditeur ajoutée à la
-lettre de Bussy. Mais si le ms. de la _Suite des Mémoires_ est
-autographe, l'étrange confusion qui fait supposer madame de Sévigné à
-Paris est de Bussy lui-même, qui, ayant devant les yeux plusieurs
-lettres de sa cousine sous la même date, et sans désignation d'année,
-aura été distrait en les transcrivant.
-
-Ces distractions de Bussy, quand il fit la _Suite des Mémoires_,
-démontrent que c'est également lui qui a transposé à une date fausse la
-lettre que madame de Sévigné a écrite sur la naissance de son fils.
-
- Page 267, lignes 12 à 15: Des fragments des Mémoires autographes
- d'Ormesson... constatent que madame de Sévigné accoucha, à Paris,
- de sa fille le 10 octobre 1646.
-
-La fin de la lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, en date du
-28 août 1680 (t. VI, p. 436 de l'édit. de Monmerqué), ne prouve pas,
-comme le dit cet éditeur dans sa note, que madame de Grignan fût née aux
-Rochers. Elle signifie seulement que madame de Sévigné envoya à Paris, à
-madame de la Fayette ou à madame de Coulanges, une lettre de sa fille,
-qu'elle a trouvée très-amusante et bien écrite; et que la réputation de
-madame de Grignan, si bien établie comme femme d'esprit à Paris (dans
-son air natal), était faite aussi dans les parties les plus reculées de
-la France (la Bretagne): «Vos lettres nous ont servi d'un grand
-amusement: nous remettons votre nom dans son air natal. Croyez, ma
-fille, qu'il est célébré partout où je suis; il vole, il vole jusqu'au
-bout du monde, puisqu'il est en ce pays.»
-
- Page 271, ligne dern., et 272, ligne 1: Le père du Chastellet
- s'illustra dans les lettres.
-
-Paul Hay du Chastellet mourut en 1636. Il rédigea les premiers statuts
-de l'Académie française (réglem. du 27 mars 1634), prononça le premier
-discours dans le sein de cette Académie, dont le sujet était sur
-_l'éloquence française_. Il écrivit des satires en vers français et en
-vers latins, et eut le courage de braver le despotisme de Richelieu, en
-défendant le maréchal de Marillac.
-
-
-CHAPITRE XIII.
-
- Page 292, ligne 16; Elle (_la princesse de Tarente_) lui fit sur
- elle-même d'étranges confidences.
-
-Madame de Grignan s'imaginait que la princesse de Tarente, après quatre
-ans de veuvage, était encore plongée dans la douleur du souvenir de la
-perte de son mari. Madame de Sévigné lui répond:
-
-«Je ne sais quelle idée vous avez de la princesse; elle n'est rien moins
-qu'_Artémise_; elle a le cœur comme de cire, et s'en vante, disant
-plaisamment qu'elle a le cœur ridicule. Cela tombe sur le général, mais
-le monde en fait des applications particulières. J'espère que je mettrai
-des bornes à cette ridiculité par tous les discours que je fais, comme
-une innocente, de l'horreur qu'il faut avoir pour les femmes qui
-poussent cette tendresse un peu trop loin, et du mépris que cela leur
-attire. Je dis des merveilles, et l'on m'écoute, et l'on m'approuve tout
-autant que l'on peut. Je me crois obligée, en conscience, à lui parler
-sur ce ton-là, et je veux avoir l'honneur de la redresser.»
-
- Page 293, ligne 10: Il faut cependant en excepter le roi, qu'elle
- aimait plus... qu'il ne fallait pour son repos.
-
-Madame de Sévigné écrit à sa fille: «La princesse de Tarente n'attribue
-l'agitation de sa nièce qu'à l'ignorance de son état; elle dit que c'est
-une _fièvre violente_, et qu'elle s'y connaît. Voulez-vous que je
-dispute contre elle?»
-
-Il n'est pas exact de dire que ces derniers mots prouvent que madame de
-Sévigné ne croyait pas à la passion de la duchesse d'Orléans pour le
-roi. Et il en serait ainsi, que le témoignage de la princesse de Tarente
-deviendrait autrement décisif sur cet objet que celui de madame de
-Sévigné. Cela explique parfaitement bien la haine de la duchesse pour
-madame de Montespan et pour madame de Maintenon.
-
- Page 296, lig. 5 de la note 652: Cette famille subsiste encore.
-
-Un duc de Tarente, candidat du gouvernement, a été nommé membre du corps
-législatif dans la deuxième circonscription du département du Loiret, en
-mars 1852.
-
- Page 306, ligne 8: Les éloges qu'elle donne au grand historien du
- peuple juif.
-
-Dans la biographie de Josèphe (Flavien), on n'indique pas de plus
-ancienne édition de la traduction de cet auteur que celle de 1681, in-8º
-et in-12. Les lettres de madame de Sévigné prouvent qu'il y en a
-d'antérieures en date; mais je n'ai pu en trouver encore la mention dans
-aucune notice.
-
-
-CHAPITRE XIV.
-
- Page 318, lignes 7 à 9: «Je n'eusse jamais cru que d'Olonne eût été
- propre à se soucier de son nom et de sa famille.»
-
-La lettre de madame de Sévigné, du 5 janvier 1676, rectifie une erreur
-de la _Gazette de Hollande_: elle nous apprend que mademoiselle de
-Noirmoutier était aussi de la maison de la Trémouille, et qu'après son
-mariage elle s'appellera madame de Royan. La citation de Feuquières
-renvoie à une lettre de madame de Saint-Chamand à madame de Feuquières,
-qui annonce (le 17 janvier 1676) que la comtesse d'Olonne était à
-Baréges, parce qu'elle avait fait une chute de voiture et avait eu le
-bras cassé.
-
- Page 329, ligne 21: Quoique l'assemblée ait voté, sous l'influence
- de la terreur exercée par le duc de Chaulnes, etc.
-
-Le procès-verbal de la tenue des états en l'endroit cité (p. 379 verso),
-sous la date du 12 décembre 1675, porte: «M. de Chaulnes est entré aux
-états, pour leur dire de la part du roi de faire les fonds, etc.»
-
- Page 330, ligne 7: Presque en même temps que se terminait à Dinan
- la tenue des états de Bretagne.
-
-La tenue de l'assemblée des états de Bretagne commença à Dinan le 9
-novembre 1675, et se termina le 15 décembre; l'assemblée des communautés
-de Provence ouvrit ses séances à Lambesc le 23 octobre, et les termina
-le 20 décembre 1675.
-
- Page 338, lignes 2 et 3: Madame de Sévigné allait quelquefois dîner
- au château d'Argentré.
-
-Malheureusement les lettres de madame de Sévigné qui constatent ce fait
-nous apprennent que, malgré son intimité avec les habitants de ce
-château et ses railleries fréquentes sur les sottises de mademoiselle du
-Plessis, elle s'égayait par trop aussi sur les ridicules provinciaux de
-toute la famille. M. Corbière, qui, au milieu de ses travaux
-ministériels, ne pouvait s'empêcher de causer longuement de littérature,
-m'a dit qu'on savait en Bretagne qu'avant la publication des lettres de
-madame de Sévigné, sa mémoire était en vénération parmi les descendants
-des du Plessis: le portrait de cette illustre amie se trouvait dans
-toutes les chambres du château, comme celui d'une parente vénérée qu'on
-a perdue. Mais quand les lettres eurent paru, la famille d'Argentré,
-cruellement détrompée, fit remettre au grenier les images de la dame des
-Rochers; et sa mémoire y fut en exécration parmi les personnes qui
-auraient recherché son estime, si elles avaient vécu de son temps. Cet
-exemple vient à l'appui des sages instructions de madame de Maintenon
-pour ses élèves de Saint-Cyr, sur le danger d'écrire des lettres. Afin
-de mieux concevoir l'effet que dut produire au château d'Argentré la
-lecture de la correspondance de madame de Sévigné, il faut citer le
-passage de sa lettre à madame de Grignan, en date du 5 janvier 1676:
-
-«Au reste, mademoiselle du Plessis s'en meurt; toute morte de jalousie,
-elle s'enquiert de tous nos gens comme je la traite. Il n'y en a pas un
-qui ne se divertisse à lui donner des coups de poignard: l'un lui dit
-que je l'aime autant que vous; l'autre, que je la fais coucher avec moi,
-ce qui serait assurément la plus grande marque de ma tendresse; l'autre,
-que je la mène à Paris, que je la baise, que j'en suis folle; que mon
-oncle l'abbé lui donne dix mille francs; que si elle avait seulement
-vingt mille écus, je la ferais épouser à mon fils. Enfin, ce sont de
-telles folies, et si bien répandues dans le petit domestique, que nous
-sommes contraints d'en rire très-souvent, à cause des contes perpétuels
-qu'ils nous font. La pauvre fille ne résiste pas à tout cela. Mais ce
-qui nous a paru très-plaisant, c'est que vous la connaissiez encore si
-bien, et qu'il soit vrai, comme vous le dites, qu'elle n'ait plus de
-fièvre quarte dès que j'arrive; par conséquent elle la joue; mais je
-suis assurée que nous la lui redonnons _véritable_ tout au moins. Cette
-famille est bien destinée à nous réjouir. Ne vous ai-je pas conté comme
-feu son père nous a fait pâmer de rire six semaines de suite? Mon fils
-commence à comprendre que ce voisinage est la plus grande beauté des
-Rochers.» (SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. IV, p. 295, édit. G.)
-
- Page 345, ligne 15: D'anciennes dettes contractées envers la
- famille de Mirepoix.
-
-L'inventaire des archives de la maison de Grignan démontre que le
-chevalier Perrin, s'il a été bien informé, entend, dans sa note, parler
-de la première femme du comte de Grignan. Il s'agissait d'une
-réclamation du sieur Jabach pour une somme de 4,000 liv. qui lui était
-due comme complément d'une obligation faite à son profit par M. le comte
-de Grignan et feu son épouse. Cette affaire ne fut terminée que le 31
-mars 1677, au moyen d'une constitution de 250 liv. de rentes, par M. le
-comte et madame la comtesse de Grignan, au profit de mademoiselle de
-Grignan, fille de madame de Grignan-Rambouillet. Après cette
-constitution, le sieur Jabach donna quittance. (_Catalogue des archives
-de la maison de Grignan_, p. 33.--Les pièces les plus importantes ont
-été achetées par la Bibl. nat., où elles sont conservées.)
-
- Page 346, ligne 10: Puis marquis de Vins.
-
-L'abbé de Vins, dont il est fait mention dans la lettre du 11 mars 1671
-(t. I, p. 365, édit. G.), et qui était venu trouver madame de Sévigné
-pour lui donner des nouvelles de madame de Grignan, était probablement
-le frère cadet du marquis de Vins.
-
-Dans une lettre de M. de Pomponne au marquis Isaac de Feuquières,
-ambassadeur en Suède, datée de Paris le 29 avril 1674, on lit:
-
-«...La grande affaire que nous avons faite a été de marier ma sœur (sa
-belle-sœur) à M. le marquis de Vins, qui est un homme de qualité de
-Provence, seul et unique héritier de sa maison, ayant un père et une
-mère, toutes dettes payées.» (_Lettres de_ FEUQUIÈRES, t. II, p. 429.)
-
- Page 355, lignes 1 et 2: Sans inspirer à l'une et à l'autre ni
- estime ni confiance.
-
-Dans la lettre de madame de Maintenon au cardinal de Noailles (mars
-1700), on lit: «Madame de Saint-Géran m'a demandé une audience, en
-m'assurant qu'elle voulait être dévote, et très-dévote. Elle a voulu me
-persuader de la faire aller à Marly. Je lui ai parlé avec une grande
-franchise sur sa mauvaise conduite. Je l'ai renvoyée à madame la
-maréchale de Noailles, pour juger si pour se détacher du monde il faut
-aller à Marly. Que de conversions fausses! Le péché vaut encore mieux
-que l'hypocrisie.» (_Lettres de madame_ DE MAINTENON, t. IV, p. 191.)
-
- Page 355, lignes dernières: Elle (_madame de Saint-Géran_) n'eut
- qu'une fille, dont elle accoucha après vingt et un ans de mariage.
-
-Dans l'ignorance où elles étaient de ce fait, les personnes qui ont à
-Saint-Cyr composé ou falsifié nombre de lettres de madame de Maintenon
-lui font dire dans une de celles adressées à madame de Saint-Géran:
-«Votre fils est très-joli.» Et plus loin; «La _du Fresnoy_ est
-délaissée. Elle a recours à moi... Nous nous sommes embrassées. Je lui
-rendrai service.» (Mai 1679, p. 133, édit. de Dresde, 1753, in-12.)
-Combien madame de Maintenon eût eu pitié de celles qui croyaient servir
-sa mémoire en lui prêtant de tels sentiments, un tel langage, à l'époque
-même où elle faisait tous ses efforts pour ramener le roi à la
-soumission religieuse!
-
-
-CHAPITRE XV.
-
- Page 356, lignes dernières: Madame de Sévigné se plaint fréquemment
- à sa fille du grand nombre de lettres qu'elle recevait, etc.
-
-Nous avons remarqué dans la troisième partie de ces _Mémoires_, chapitre
-VI, p. 108, que la réputation de madame de Sévigné dans le genre
-épistolaire, bien établie à la cour et parmi le grand monde, devint
-populaire aussitôt après la publication des _Mémoires de Bussy_ en 1694;
-nous avons cité les vers latins de l'Épître sur la manière l'écrire des
-lettres, par le jésuite Montaigu. Cette épître, qui fut publiée en
-1713, reparut encore en 1749 dans le recueil intitulé _Poëmata
-didascaloïca_; Parisiis, le Mercier, 1749, 3 vol. in-12.--Le passage sur
-Sévigné se trouve t. I, p. 314; et pour qu'on ne commît aucune méprise
-sur la personne, au mot _Sevinia_ on a ajouté cette note, qui n'était
-pas dans l'édition première: «Marie de Rabutin, marquise de Sévigné.»
-
- Page 366, lignes 1 à 3: Les deux sœurs étaient également l'objet
- des railleries de madame de Grignan pour leur vanité.
-
-Il paraît que cela était assez fondé, et que madame de Grignan n'était
-pas la seule qui raillât madame de Coulanges sur sa vanité. Madame de
-Maintenon écrivant à son frère (28 février 1678, t. I, p. 154, Amst.,
-1756), afin de lui recommander l'économie, lui dit: «Je ne suis pas plus
-avare que vous; mais j'aurais 50,000 livres de rente, que je n'aurais
-pas le train de grande dame, ni un lit galonné d'or, comme madame de la
-Fayette; ni un valet de chambre, comme madame de Coulanges. Le plaisir
-qu'elles en ont vaut-il les railleries qu'elles en essuient? M. le
-chancelier son oncle (c'est-à-dire le Tellier, oncle de madame de
-Coulanges) est plein de modération, et le roi l'estime.»
-
-
-FIN.
-
-
-
-
- TABLE SOMMAIRE
- DES CHAPITRES DE CE VOLUME.
-
-
- CHAPITRE PREMIER.--1673.
-
- Pages
-
- Madame de Sévigné quitte la Provence.--Elle écrit de Montélimar.--Elle
- arrive à Bourbilly.--Conduite du comte de Bussy.--Détails sur la
- comtesse de Fiesque.--La cour de Monsieur et la cour de
- Condé.--Arrivée à Paris de madame de Sévigné. 1
-
-
- CHAPITRE II.--1673-1674.
-
- Visites que reçoit madame de Sévigné.--Pour la voir, son fils
- quitte deux fois l'armée.--Mort du marquis de Maillane.--Louis
- XIV se prépare à conquérir la Franche-Comté.--Il charge
- l'évêque de Marseille d'une négociation auprès de la
- duchesse de Toscane. 18
-
-
- CHAPITRE III.--1673-1674.
-
- Détails sur la principauté d'Orange et sur ceux qui la
- possédèrent.--Le comte de Grignan s'empare de la citadelle
- d'Orange et la fait démolir.--Lutte entre l'évêque de Marseille
- et Grignan.--Ouverture des états de Bretagne. 36
-
-
- CHAPITRE IV.--1673-1674.
-
- Madame de Sévigné retrouve Bussy à Paris.--Origine de la liaison de
- la marquise de Martel avec madame de Sévigné.--Bussy demande une
- nouvelle prolongation de séjour.--La duchesse de Longueville
- intercède pour lui auprès de Condé, mais inutilement.--Bussy reste
- caché dans Paris.--Louis XIV fait venir la reine à Dijon.--La
- guerre de Franche-Comté s'achève. 60
-
-
- CHAPITRE V.--1674.
-
- Portrait de Louis XIV.--Détails sur la reine.--Madame de
- Montespan donne des bals d'enfants.--Amours de Louis XIV
- et de la Vallière.--Elle est faite duchesse.--Triomphe de
- madame de Montespan.--Madame de la Vallière entre aux
- Carmélites.--Sa prise d'habit et ses vœux.--Grâce que lui
- accorde le roi.--Pourquoi il s'abstint de l'aller voir. 81
-
-
- CHAPITRE VI.--1674-1675.
-
- Le parti religieux et le parti mondain se disputent l'influence sur
- Louis XIV.--Réforme dans la maison de la reine.--Madame de Sévigné
- visite Port-Royal des Champs.--Mort du grand Condé.--Colbert est
- chargé de la réorganisation des spectacles de Paris.--L'Opéra
- devient le spectacle dominant.--Sociétés de Paris à cette époque. 112
-
-
- CHAPITRE VII.--1674-1675.
-
- Arrivée à Paris de M. et madame de Grignan.--Madame de
- Grignan demeure quinze mois avec sa mère.--Ouverture
- de l'assemblée des communautés de Provence.--Correspondance
- de Bussy et de madame de Sévigné.--Détails sur les
- deux femmes et les enfants de Bussy. 137
-
-
- CHAPITRE VIII.--1675.
-
- Madame de Grignan retourne en Provence.--Retz va en Lorraine,
- et donne sa démission du cardinalat.--Son portrait,
- par la Rochefoucauld.--Douleur de madame de Sévigné en
- se séparant de Retz.--Elle quitte Paris pour aller en Bretagne. 160
-
-
- CHAPITRE IX.--1674-1675.
-
- Succès de Louis XIV en Franche-Comté et en Roussillon.--Bataille
- de Senef.--Révoltes en Bretagne et en Guienne.--Le
- duc de Chaulnes sévit contre les Bretons.--Les états
- de Bretagne s'assemblent à Dinan.--Remontrances adressées
- au roi.--D'Harouïs, trésorier des états, est condamné à une
- prison perpétuelle. 173
-
-
- CHAPITRE X.--1675-1676.
-
- L'opinion publique se déclare contre madame de Montespan.--Un
- prêtre lui refuse l'absolution.--Bossuet et Bourdaloue
- conseillent au roi et à madame de Montespan de se séparer.--Ils
- le promettent.--Madame de Montespan construit Clagny.--Le
- roi ordonne qu'elle soit réintégrée à Versailles, mais
- avec l'intention de ne plus avoir commerce avec elle.--Madame
- de Montespan parvient à le faire changer de résolution.--La
- cour reprend sa splendeur et ses plaisirs. 189
-
-
- CHAPITRE XI.--1675-1676.
-
- Espoir du parti pieux dans l'influence de madame de Maintenon.
- --Nécessité de jeter un coup d'œil rétrospectif sur la vie de
- cette dame.--Le roi lui confie l'éducation de ses enfants
- issus de madame de Montespan.--Elle devient marquise de
- Maintenon.--Obtient de correspondre directement avec le
- roi.--Durée du règne de madame de Montespan. 209
-
-
- CHAPITRE XII.--1675-1676.
-
- Turenne est tué.--Création de nouveaux maréchaux.--La
- révolte continue à Rennes.--Madame de Sévigné arrive à
- Nantes.--Souvenirs que ce voyage lui rappelle.--Faits importants
- relatifs à sa jeunesse, rectifiés.--Date de la naissance
- de ses enfants, etc.--Détails fournis par les Mémoires
- de d'Ormesson sur madame de Sévigné et sur les événements. 246
-
-
- CHAPITRE XIII.--1676.
-
- Liaison de madame de Sévigné avec la princesse de Tarente.--Nouvelles
- du Danemark et de la cour de France, données
- par cette princesse à madame de Sévigné durant son séjour
- aux Rochers.--Détails sur Griffenfeld.--Mariage de la princesse
- de la Trémouille.--Caractère de MADAME, seconde
- femme du duc d'Orléans.--Détails sur le prince et la princesse
- de Tarente.--Madame de Sévigné passe l'hiver aux
- Rochers. 283
-
-
- CHAPITRE XIV.--1675-1676.
-
- Malheurs de la Bretagne.--Forbin marche sur cette province
- avec six mille hommes.--Exil du parlement.--M. de Chaulnes est
- insulté.--Tenue des états de Provence.--Détails sur les affaires
- de Bretagne et sur celles des provinces.--Correspondance de
- madame de Sévigné avec ses amis de Paris.--Ses liaisons avec
- différentes personnes. 314
-
-
- CHAPITRE XV.--1675-1680.
-
- Plaintes de madame de Sévigné sur le grand nombre de lettres
- qu'elle est obligée d'écrire.--Soins et attentions que lui
- prodigue son fils.--Volages amours de celui-ci.--Nouveaux
- travaux qu'entreprend aux Rochers madame de Sévigné.--Elle
- y tombe dangereusement malade.--Sévigné vient à Paris pour
- vendre sa charge de guidon.--Madame de Sévigné quitte les
- Rochers.--Elle s'arrête à Malicorne, où on lui lit l'oraison
- funèbre de Turenne par Fléchier.--Elle arrive à Paris. 356
-
-
-FIN DE LA TABLE DES CHAPITRES.
-
-
-
-
-TABLE SOMMAIRE
-
-DES
-
-MATIÈRES PRINCIPALES DES NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS CONTENUS DANS CE
-VOLUME.
-
-
- Pages
-
- Sur les madrigaux de Montreuil pour madame de Sévigné 393
-
- Sur le voyage clandestin de l'évêque de Valence à Paris 393
-
- Sur deux petits poëmes de Marigny 395
-
- Sur _Forléans_, _Bourbilly_ et _Époisses_ 397
-
- Sur le château d'Époisses 398
-
- Sur madame de la Morésan 403
-
- Sur les éditions de l'_Histoire amoureuse des Gaules_ 404
-
- Sur doña Felippe-Maria-Térésa Abarca 406
-
- Sur la lettre de la sœur Magdeleine du Saint-Esprit 409
-
- Sur la terre du Mesnil Saint-Denis 411
-
- Sur l'opéra en France 413
-
- Sur une grossesse de madame de Grignan 415
-
- Vers de Benserade sur le marquis de Saucourt 418
-
- Jugement de M. de la Rivière sur les lettres de madame de Grignan 420
-
- Sur la _Relation de ce qui s'est passé en Catalogne_ 421
-
- Sur des lettres de Louis XIV à Colbert, relatives à madame de
- Montespan 422
-
- Sur M. de Condom 425
-
- Sur la perruque de Louis XIV 426
-
- Sur une lettre et des fragments de lettres attribués à madame
- de Maintenon 429
-
- Sur des bruits de cour relatifs à madame de Montespan 433
-
- Passages extraits des _Conversations de madame de Maintenon_ 433
-
- Sur le vague qui règne dans l'histoire de madame d'Aubigné et
- dans celle des premières années de sa fille 437
-
- Sur un dialogue de madame de Maintenon pour ses élèves de
- Saint-Cyr 439
-
- Épigramme du chevalier de Méré 439
-
- Sur l'auteur de la _Mazarinade_ 443
-
- Sur les _Å’uvres diverses d'un auteur de sept ans_ 443
-
- Sur Gui Patin 449
-
- Sur le château de la Seilleraye, et sur les portraits de madame de
- Sévigné et de sa fille 451
-
- Sur madame de Sévigné et la famille du Plessis 460
-
-
-FIN DE LA TABLE DES NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Mémoires touchant la vie et les écri
-s de Marie de Rabutin-Chantal, Volume , by Charles Athanase Walckenaer
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-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MARIE DE RABUTIN-CHANTAL ***
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- The Project Gutenberg's eBook of Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, vol. 4/6, by Charles Athanase Walckenaer</title>
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-
-<pre>
-
-The Project Gutenberg EBook of Mémoires touchant la vie et les écrits de
-Marie de Rabutin-Chantal, Volume 5 of 6, by Charles Athanase Walckenaer
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-
-
-Title: Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 5 of 6
-
-Author: Charles Athanase Walckenaer
-
-Release Date: June 28, 2016 [EBook #52428]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MARIE DE RABUTIN-CHANTAL ***
-
-
-
-
-Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
-http://gallica.bnf.fr)
-
-
-
-
-
-
-</pre>
-
-
-<div class="tnote">
-<p>Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
-L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.
-Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_I">I</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_II">II</a></span></p>
-
-<h1><span class="large">MÉMOIRES</span><br />
-<span class="xs">SUR MADAME</span><br />
-<span class="xlarge">DE SÉVIGNÉ</span><br />
-<span class="medium">CINQUIÈME PARTIE</span></h1>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_III">III</a></span></p>
-
-<div class="topspace frontmatter">
-<hr class="tb" />
-<p class="small">TYPOGRAPHIE FIRMIN-DIDOT.&mdash;MESNIL (EURE).</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_IV">IV</a></span></p>
-
-<div class="topspace titlepage">
-
-<p><span class="xxlarge">MÉMOIRES</span><br />
-<span class="medium">TOUCHANT</span><br />
-<span class="xlarge">LA VIE ET LES ÉCRITS</span><br />
-<span class="large">DE MARIE DE RABUTIN-CHANTAL</span><br />
-<span class="small">DAME DE BOURBILLY</span><br />
-<span class="large">MARQUISE DE SÉVIGNÉ,</span></p>
-<p><span class="small">DURANT LA SECONDE CONQUÊTE DE LA FRANCHE-COMTÉ PAR LOUIS XIV</span><br />
-<span class="small">ET LA PREMIÈRE COALITION DES PUISSANCES CONTRE LA FRANCE,</span><br />
-<span class="xs">SUIVIS</span><br />
-<span class="xs">De Notes et d'Éclaircissements,</span><br />
-<span class="xs">PAR</span><br />
-<span class="large">M. LE BARON WALCKENAER.</span></p>
-<hr class="deco" />
-<p><span class="medium">QUATRIÈME ÉDITION,</span><br />
-<span class="small">REVUE ET CORRIGÉE.</span></p>
-<div class="figcenter">
-<img src="images/deco.jpg" width="120" height="13" alt="" />
-</div>
-
-<p><span class="large">PARIS</span>,<br />
-<span class="medium">LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C<sup>ie</sup>,</span><br />
-<span class="xs">IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE,</span><br />
-<span class="xs">RUE JACOB, 56.</span></p>
-<hr class="deco" />
-<p><span class="medium">1875</span></p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_V">V</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_1"> 1</a></span></p>
-<h2><span class="xxlarge">MÉMOIRES</span><br />
-<span class="large">TOUCHANT LA VIE ET LES ÉCRITS</span><br />
-<span class="xs">DE</span><br />
-<span class="medium">MARIE DE RABUTIN-CHANTAL,</span><br />
-<span class="small">DAME DE BOURBILLY,</span><br />
-<span class="xlarge">MARQUISE DE SÉVIGNÉ.</span></h2>
-
-<p class="extra">CHAPITRE PREMIER.<br />
-<span class="medium">1673</span></p>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Madame de Sévigné quitte la Provence et retourne à Paris.&mdash;Mauvais
-état des routes.&mdash;Craintes de madame de Sévigné pour sa
-fille.&mdash;Avantage qu'elle retire de son voyage en Provence pour
-son commerce épistolaire.&mdash;Elle écrit de Montélimar.&mdash;Elle
-voit à Valence l'évêque, M. de Cosnac, et Montreuil.&mdash;Détails sur
-ceux-ci.&mdash;Marie-Adhémar.&mdash;Les filles de Sainte-Marie.&mdash;Madame
-de Sévigné arrive à Lyon.&mdash;Loge chez Châteauneuf.&mdash;Voit
-l'archevêque.&mdash;Elle part avec M. et madame de Rochebonne.&mdash;Madame
-de Sévigné écrit de Châlon-sur-Saône.&mdash;Recommande
-à sa fille deux ouvrages de Marigny.&mdash;Arrive à Bourbilly.&mdash;Ses
-souvenirs dans ce lieu.&mdash;Du voyage qu'elle fit en 1664.&mdash;Conduite
-de Bussy.&mdash;Il est à Paris.&mdash;Le comte et la comtesse de
-Guitaud sont à Époisses.&mdash;Madame de Sévigné ne peut réconcilier
-Guitaud avec Bussy.&mdash;Elle est venue à Bourbilly pour le règlement
-de ses affaires.&mdash;Le comte et la comtesse de Guitaud et
-la comtesse de Fiesque viennent voir madame de Sévigné.&mdash;Détails
-sur la comtesse de Fiesque&mdash;Deux petites cours auprès de
-celle du roi.&mdash;Cour de Monsieur; cour de Condé.&mdash;Nouvelles sur
-ces deux cours données à madame de Sévigné.&mdash;L'Espagne déclare
-la guerre à la France.&mdash;Détails sur la comtesse de Marci et mademoiselle
-<span class="pagenum"><a id="Page_2"> 2</a></span>
-de Grancey.&mdash;Leur influence.&mdash;Madame de Sévigné va
-passer un jour à Époisses.&mdash;Elle écrit de Moret.&mdash;Arrive à Paris.</p>
-
-<p class="space">Le séjour de madame de Sévigné en Provence avait
-duré quatorze mois. Ce temps fut pour elle marqué par
-des jouissances de tous les jours et de tous les moments.
-Objet des constantes sollicitudes de madame de Grignan,
-elle avait promptement contracté l'habitude de la voir,
-de lui parler, de l'écouter, d'être sans cesse occupée
-d'elle. Ce n'était donc pas sans des déchirements de
-c&oelig;ur qu'elle s'arrachait forcément aux douceurs de ce
-genre de vie. Diverses causes contribuaient à rendre
-cette nécessité plus cruelle. En même temps que, parcourant
-la route de Montélimar, elle s'éloignait de sa
-fille, sa fille s'éloignait d'elle, et prenait le chemin de
-Salons pour se rendre chez l'archevêque d'Arles. Quoique
-ce court trajet accrût imperceptiblement la distance
-qui devait toutes deux les séparer, néanmoins
-il ajoutait encore au trouble violent que cette séparation
-avait produit dans l'âme de madame de Sévigné.
-Elle avait espéré ramener sa fille avec elle; mais de
-puissants motifs s'y opposaient. L'assemblée des communautés
-de Provence devait avoir lieu en décembre,
-et ne pouvait se terminer qu'au milieu de janvier. Madame
-de Grignan se trouvait par là forcée de différer de
-trois mois le voyage qu'elle avait promis de faire à Paris<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">&nbsp;[1]</a>.
-Obligée de se rendre à de si bonnes raisons, madame
-de Sévigné trouvait dans la promesse même que
-sa fille lui avait faite un sujet de peine et d'inquiétude.
-La route de Montélimar à Lyon, qu'elle parcourait, était
-<span class="pagenum"><a id="Page_3"> 3</a></span>
-horriblement abîmée et dans plusieurs endroits entièrement
-défoncée. Ce n'était pas sans effroi qu'elle songeait
-que dans trois mois sa fille, au milieu de l'hiver,
-aurait, pour venir la rejoindre, à parcourir cette même
-route, devenue plus dangereuse encore par des dégradations
-successives. Ses lettres nous montrent avec
-quelle scrupuleuse attention elle observait l'état des chemins
-et quel soin elle mettait à indiquer à madame de
-Grignan les parties détériorées où, selon elle, on devait
-descendre de voiture et se faire porter en litière, «sous
-peine de la vie<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">&nbsp;[2]</a>.»</p>
-
-<p>Entre deux personnes qui s'aiment il y a dans les
-entretiens familiers et confidentiels un échange sympathique
-de sentiments et d'idées qui ne peut être suppléé
-par la correspondance la plus assidue. La voix, le geste,
-les yeux, les traits du visage manifestent nos sensations,
-nos désirs, nos inclinations, notre trouble, nos espérances,
-les subites inspirations de notre esprit, les éclairs capricieux
-de notre imagination mieux que ne peuvent le
-faire les mots les mieux arrangés, les plus expressifs,
-tracés sur un froid papier. C'est ce que madame de Sévigné
-ressentait amèrement lorsque de Montélimar elle
-écrivait: «Hélas! nous revoilà dans les lettres.» Et cependant
-le temps qu'elle avait passé en Provence, au
-milieu de la famille des Grignan, lui donnait, pour sa
-correspondance, plus de moyens de remédier aux inconvénients
-de l'absence. Elle pouvait désormais apprécier
-les changements que le temps, une nouvelle situation
-avaient opérés dans l'esprit, les opinions, les goûts et les
-<span class="pagenum"><a id="Page_4"> 4</a></span>
-habitudes de madame de Grignan. Elle connaissait le
-monde avec lequel vivait sa fille, ses occupations de chaque
-jour, la distribution de ses heures, les qualités et les
-défauts de ceux qui étaient placés sous sa dépendance, les
-causes de ses tracas domestiques, toutes les misères, toutes
-les nuances si variables de l'existence, tous ces riens
-qu'on méprise et que pourtant on ressent si vivement,
-qu'on redoute ou qu'on dédaigne d'écrire, mais qu'à tout
-moment on voudrait confier à ceux qui s'intéressent à
-notre bonheur. Madame de Sévigné savait et prévoyait
-toutes les tribulations auxquelles sa fille était exposée;
-elle pouvait donc se faire comprendre d'elle à demi-mot,
-deviner ses désirs et pénétrer plus avant dans les replis
-de son c&oelig;ur. Il lui devenait plus facile de lui être agréable
-par ses lettres, écrites avec plus de confiance, de facilité
-et d'abandon. Aussi lui dit-elle peu de jours après
-l'avoir quittée: «Je suis toute pétrie des Grignan, je
-tiens partout... Hélas! ma fille, j'ai apporté toute la Provence
-et toutes vos affaires avec moi<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">&nbsp;[3]</a>. Je vous vois, je
-vous suis pas à pas; je vois entrer, je vois sortir; je vois
-quelques-unes de vos pensées<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">&nbsp;[4]</a>.» Et le temps ne faisait
-qu'ajouter encore à l'effet des souvenirs de son séjour à
-Grignan; mais après elle y revient. «Il est vrai, dit-elle,
-que le voyage de Provence m'a plus attachée à vous que
-je n'étais encore. Je ne vous avais jamais tant vue, et
-je n'avais jamais tant joui de votre esprit et de votre
-c&oelig;ur<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">&nbsp;[5]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_5"> 5</a></span>
-La mélancolie qui dominait madame de Sévigné en
-s'éloignant de sa fille ne fut pas allégée par les livres
-qu'elle avait emportés pour se distraire en voyage. C'étaient
-le <i>Socrate chrétien</i> de Balzac et les <i>Déclamations</i>
-de Quintilien. On est étonné de voir au nombre
-de ses lectures ce dernier ouvrage, d'une authenticité
-douteuse et d'un mérite très-secondaire; il est probable
-que c'était par suite des études d'auteurs anciens qu'elle
-avait faites avec Corbinelli pendant son séjour à Grignan
-qu'elle s'était imposé la tâche de lire ces <i>Déclamations</i>.
-Elle écrit à sa fille après les avoir lues:
-«Il y en a qui m'ont amusée et d'autres qui m'ont ennuyée<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">&nbsp;[6]</a>.»</p>
-
-<p>Partie de Montélimar, elle arriva le même jour à
-Valence. L'évêque de Valence, M. de Cosnac, était une
-de ses plus anciennes connaissances; il avait envoyé au-devant
-d'elle son carrosse avec Montreuil<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">&nbsp;[7]</a> et son secrétaire
-pour l'accompagner. Nos lecteurs se rappellent
-ce joyeux abbé qui, dans la jeunesse de madame de
-Sévigné, lui écrivait des lettres folles et composait pour
-elle des madrigaux qu'il fit imprimer et même réimprimer<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">&nbsp;[8]</a>.
-Ce fut chez lui qu'elle soupa et logea. L'évêque
-et ses deux nièces vinrent lui rendre visite; mais, en entrant
-dans la ville, elle s'était dirigée directement chez ce
-prélat. «Il a bien de l'esprit, dit-elle à madame de Grignan.
-<span class="pagenum"><a id="Page_6"> 6</a></span>
-Ses malheurs et votre mérite ont été les deux principaux
-points de sa conversation<a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">&nbsp;[9]</a>.»</p>
-
-<p>Les malheurs de Daniel de Cosnac se réduisaient à ce
-qu'il était forcé de résider dans son diocèse, sous le plus
-beau climat et dans le plus riant pays de France. Mais,
-homme de cour plutôt qu'évêque, il considérait comme
-un exil l'obligation où il se trouvait de ne pouvoir être à
-Versailles ou à Saint-Germain. Par son esprit et son
-adresse il s'était introduit fort jeune chez le prince
-de Conti, et contribua à son mariage avec la nièce de
-Mazarin<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">&nbsp;[10]</a>. Cosnac n'avait que vingt-deux ans lorsqu'il
-négocia avec une rare habilité ce qu'on appelait la paix
-de Bordeaux. Mazarin, pour ses signalés services, le fit
-nommer évêque de Valence; mais, au lieu de remplir
-les devoirs de son épiscopat, Cosnac s'attacha à <span class="smallc">Monsieur</span>,
-qui le nomma son premier aumônier. Les conseils
-qu'il donna à ce prince et que celui-ci ne suivit
-pas occasionnèrent son exil<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">&nbsp;[11]</a>. Dévoué de c&oelig;ur à <span class="smallc">Madame</span>
-(l'aimable Henriette), il vint <i>incognito</i> à Paris; et, pour
-cet acte de désobéissance aux ordres du roi, il fut mis en
-prison, puis envoyé à l'Ile-en-Jourdain. Après quatorze
-ans d'exil, il avait enfin obtenu la permission de retourner
-à Valence, où madame de Sévigné fut charmée de
-le trouver en compagnie avec Montreuil<a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">&nbsp;[12]</a>. Elle vit encore
-à Valence la s&oelig;ur de M. de Grignan, Marie-Adhémar
-<span class="pagenum"><a id="Page_7"> 7</a></span>
-de Monteil, religieuse à Aubenas, et les s&oelig;urs du
-couvent de Sainte-Marie. C'était pour elle, en quelque
-sorte, un devoir de famille, même dans les lieux où elle
-ne faisait que passer, de rendre visite aux religieuses de
-cet ordre, fondé par sa grand'mère<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">&nbsp;[13]</a>. Elle resta un jour
-entier avec celles de Valence, et se dirigea sur Lyon,
-où elle arriva le 10 octobre. Elle fut reçue dans cette
-ville, comme précédemment, par le beau-frère de M. de
-Grignan, l'aimable M. de Châteauneuf. Elle eut la visite
-et reçut des civilités gracieuses de l'archevêque de
-Lyon, Henri de Villars, qui lui fit voir d'admirables
-tableaux.</p>
-
-<p>Le jour suivant elle partit accompagnée de M. et
-de madame de Rochebonne<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">&nbsp;[14]</a>, qui allaient à leur terre.
-Rochebonne voulait mettre ordre à ses affaires et se
-préparer à rejoindre l'armée, prévoyant une guerre avec
-l'Espagne, qui en effet était imminente. Madame de
-Sévigné fut obligée de s'arrêter à six lieues de Lyon.
-Elle date sa lettre «d'un petit <i>chien de village</i>» qu'elle
-ne nomme pas. Ce village, d'après la distance qu'elle indique,
-doit être la petite ville d'Anse, fort ancienne et
-assez célèbre par les conciles qui s'y sont tenus<a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">&nbsp;[15]</a>.</p>
-
-<p>Deux jours après, à vingt-cinq lieues plus loin, elle
-écrit à madame de Grignan, et date sa lettre de Châlon-sur-Saône.
-Elle annonce qu'elle a rencontré en chemin
-un M. de Sainte-Marthe, qui lui fera parvenir
-deux petits poëmes de Marigny, l'un intitulé <i>l'Enterrement</i>;
-<span class="pagenum"><a id="Page_8"> 8</a></span>
-l'autre, <i>le Pain bénit</i>. Ce dernier était une
-satire virulente contre les marguilliers de la paroisse
-de Saint-Paul et contre les exactions et les abus qui
-avaient lieu de la part des fabriques pour les frais de
-mariage, d'enterrement et pour rendre le pain bénit.
-Ces abus existent encore; la forme seulement en est
-changée. On se rappelle que dans sa jeunesse madame
-de Sévigné était liée avec Marigny, ce grand chansonnier
-de la Fronde<a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">&nbsp;[16]</a>. Elle remarque avec raison que le
-jugement qu'on porte de ces futiles opuscules dépend
-de la disposition d'esprit où l'on se trouve en les lisant<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">&nbsp;[17]</a>.
-Madame de Grignan n'avait pas le même motif que madame
-de Sévigné pour se complaire à l'odieux et au ridicule
-versé sur les obscurs administrateurs de la paroisse
-Saint-Paul, dont sa mère, comme paroissienne, était
-légèrement victime.</p>
-
-<p>Après un trajet de trente lieues fait en trois jours, madame
-de Sévigné arriva enfin, le 21 octobre, dans son château
-de Bourbilly, qu'elle n'avait pas vu depuis neuf ans.</p>
-
-<p>«Enfin, ma chère fille, dit-elle, j'arrive présentement
-dans le vieux château de mes pères. Voici où ils ont
-triomphé, suivant la mode de ce temps-là. Je trouve mes
-belles prairies, ma petite rivière, mes magnifiques bois
-et mon beau moulin à la même place où je les avais laissés.
-Il y a eu ici de plus honnêtes gens que moi; et cependant
-au sortir de Grignan, après vous avoir quittée,
-<span class="pagenum"><a id="Page_9"> 9</a></span>
-je m'y meurs de tristesse. Je pleurerais présentement de
-tout mon c&oelig;ur si je m'en voulais croire; mais je m'en
-détourne, suivant vos conseils. Je vous ai vue ici; Bussy
-y était, qui nous empêchait fort de nous ennuyer. Voilà
-où vous m'appelâtes <i>marâtre</i> d'un si bon ton<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">&nbsp;[18]</a>.»</p>
-
-<p>On conçoit le douloureux plaisir qu'éprouvait cette
-mère passionnée à se rappeler, en arrivant dans son
-vieux château, le dernier voyage qu'elle y avait fait avec
-sa fille. Nous l'avons seulement mentionné à sa date<a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">&nbsp;[19]</a>;
-rappelons-le ici, et ajoutons quelques mots de plus,
-nécessaires pour compléter le récit de celui dont nous
-nous occupons. Le présent se compose-t-il d'autre chose
-que des souvenirs du passé et des rêves sur l'avenir?</p>
-
-<p>Ce fut le 15 août 1664 que madame de Sévigné alla à
-Tancourt (commune de Vaurezis, près de Soissons), où
-l'attendait Ménage<a id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">&nbsp;[20]</a>. De là elle se rendit à Commercy,
-chez le cardinal de Retz, puis ensuite à Bourbilly. Bussy,
-qui était alors à sa terre de Forléans, vint la voir:
-il n'avait que quarante-cinq ans. Madame de Sévigné
-en avait trente-huit; sa fille était dans sa seizième année.
-Comme la fleur qui vient de s'épanouir, elle brillait de
-tout l'éclat de sa fraîcheur et de sa beauté; elle était la
-joie, les délices, l'orgueil de sa mère; elle n'appartenait
-qu'à elle seule: aucun lien, aucun devoir ne la forçait
-de s'en séparer. Ces deux charmantes femmes, dans
-<span class="pagenum"><a id="Page_10"> 10</a></span>
-leur gothique domaine, firent à cette époque sur Bussy
-une impression si vive et si durable que, plus de deux
-ans après (le 11 novembre 1666), appelé par des affaires
-à se transporter avec toute sa famille à Forléans,
-il en profita pour revoir encore Bourbilly. Il écrivit
-alors à sa cousine pour lui exprimer combien lui et ses
-enfants avaient été flattés de contempler les portraits
-des Christophe et des Gui, leurs ancêtres, tapissant les
-murs des Rabutin. «Ces Rabutin vivants, dit-il, voyant
-tant d'écussons, s'estimèrent encore davantage, connaissant
-par là le cas que les Rabutin morts faisaient de
-leur maison<a id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">&nbsp;[21]</a>.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné avait, plus anciennement encore,
-fait un voyage à Bourbilly, accompagnée de son mari; et
-Bussy, qui à cette époque se trouvait à sa terre de Forléans,
-fit une visite aux nouveaux mariés. Longtemps
-après, il rappelle avec orgueil à sa cousine combien, à
-la vue de tous ces portraits, le marquis de Sévigné fut
-frappé de la grandeur de la maison des Rabutin<a id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">&nbsp;[22]</a>.</p>
-
-<p>A ce dernier voyage que madame de Sévigné fit à
-Bourbilly (en 1673), Bussy ne se trouva point au rendez-vous
-qu'elle lui avait assigné dans sa lettre écrite de
-Grignan<a id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">&nbsp;[23]</a>. La manière railleuse avec laquelle elle mande
-<span class="pagenum"><a id="Page_11"> 11</a></span>
-à sa fille que son cousin avait pris soin de se faire habiller
-à Semur, lui et toute sa famille<a id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">&nbsp;[24]</a>, pour se rendre à
-Paris, prouve qu'elle aimait mieux le voir là qu'à Bourbilly.
-Bussy s'était brouillé avec le comte de Guitaud, qui
-alors habitait Époisses. Lui et sa femme comptaient au
-nombre des meilleurs amis de madame de Sévigné:
-possesseurs de la terre seigneuriale du fief de ses ancêtres<a id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">&nbsp;[25]</a>,
-ils lui étaient très-utiles pour la gestion de ses
-intérêts en Bourgogne et jouissaient dans toute la province
-d'une grande considération. Madame de Sévigné
-aurait voulu faire cesser l'ancienne inimitié de Bussy et
-de Guitaud; mais Bussy, dévoré d'ambition et d'envie,
-s'y refusa toujours<a id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">&nbsp;[26]</a>. Il reprochait à Guitaud de l'avoir
-autrefois desservi dans l'esprit de Condé et de n'avoir
-pas voulu exécuter l'accord qu'ils avaient conclu ensemble
-pour la vente de la charge de capitaine-lieutenant
-des chevau-légers du prince, lorsque celui-ci fut
-arrêté<a id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor">&nbsp;[27]</a>.</p>
-
-<p>Orgueilleux de l'antiquité de sa race, Bussy voyait avec
-déplaisir que Guitaud, qui avait servi sous lui comme cornette
-et ne s'était jamais distingué dans aucun combat,
-fût devenu, par son premier mariage avec Françoise de
-la Grange, possesseur du marquisat d'Epoisses et qu'en
-<span class="pagenum"><a id="Page_12"> 12</a></span>
-cette qualité madame de Sévigné, le dernier rejeton de
-la branche aînée des Rabutin, l'appelât, même en plaisantant,
-son seigneur<a id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor">&nbsp;[28]</a>.</p>
-
-<p>Ce n'était point, au reste, un voyage sentimental que
-madame de Sévigné avait voulu faire à Bourbilly. Elle
-ne s'était pas dérangée de sa route seulement pour le
-plaisir de revoir ce séjour, encore moins pour s'y rencontrer
-avec Bussy, ni même pour jouir de la société du
-comte et de la comtesse de Guitaud; le soin de ses intérêts
-l'avait forcée d'y venir. Elle avait du blé à vendre,
-des baux à renouveler, des mesures à prendre pour être
-payée plus exactement de ses revenus. Elle s'occupa si activement
-de ces affaires qu'elle trouva pour les terminer
-des expédients auxquels le <i>bon abbé</i>, si expert en ces
-matières, n'avait pas pensé<a id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor">&nbsp;[29]</a>.</p>
-
-<p>Dès le lendemain de son arrivée, le comte de Guitaud,
-dans l'espoir de l'attirer à Époisses, était accouru à cheval
-de grand matin à Bourbilly par une pluie battante.
-Madame de Sévigné le retint à dîner. Guitaud lui apprit
-les nouvelles qu'il venait de recevoir. Le comte de Monterès
-avait publié à Bruxelles, le 15 octobre, la rupture
-de la paix entre la France et l'Espagne; la guerre paraissait
-imminente<a id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor">&nbsp;[30]</a>, et on présumait que M. de Grignan
-serait obligé de venir pour expliquer sa conduite. Quant
-à Guitaud, il n'espérait pas être employé; il raconta à
-<span class="pagenum"><a id="Page_13"> 13</a></span>
-madame de Sévigné les intrigues qui l'avaient fait déchoir
-dans les bonnes grâces du prince de Condé, et comment
-il s'en consolait en faisant de grands embellissements à
-son magnifique château, où il se proposait de passer
-l'hiver<a id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor">&nbsp;[31]</a>. Après le dîner, madame de Sévigné, que le
-comte de Guitaud n'avait pas prévenue, vit arriver dans
-un carrosse à six chevaux la comtesse de Guitaud, accompagnée
-de cette comtesse de Fiesque qui, selon madame
-de Sévigné<a id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor">&nbsp;[32]</a>, donnait de la joie à tout un pays et le
-paraît. Cette femme, insouciante et frivole, conservait
-sa beauté, que les années semblaient épargner: «c'est
-disait madame de Cornuel, parce qu'elle est salée dans
-sa folie<a id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor">&nbsp;[33]</a>.» Madame de Sévigné eut par elle des nouvelles
-de cour qui étaient de nature à amuser sa fille
-dans les prochaines lettres qu'elle devait lui écrire.</p>
-
-<p>Comme deux satellites qui se meuvent autour d'un
-astre principal, la cour de France entraînait à sa suite
-deux petites cours, où s'agitaient dans leurs orbites particulières
-les ambitions et les intrigues des courtisans. Ces
-cours étaient celle de <span class="smallc">Monsieur</span>, frère du roi, et celle de
-Condé, premier prince du sang. Toutes deux donnaient
-l'exemple d'une licence de m&oelig;urs trop autorisée par
-celle du monarque, mais d'une nature plus désastreuse
-pour la morale publique. Deux femmes, deux s&oelig;urs,
-qu'à cause de leur beauté et par une allusion dérisoire à
-leur conduite impudente on nommait <i>les anges</i>, se partageaient
-<span class="pagenum"><a id="Page_14"> 14</a></span>
-dans ces cours la principale influence. Elles
-étaient les filles du maréchal de Grancey, mais de deux
-lits différents<a id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor">&nbsp;[34]</a>. L'aînée ne se maria pas, et passait (afin de
-masquer de plus honteux penchants) pour être la maîtresse
-de <span class="smallc">Monsieur</span>. Elle était réellement celle de son favori,
-le chevalier de Lorraine. Par lui, elle dominait <span class="smallc">Monsieur</span>.
-Charlotte de Bavière, la <i>nouvelle Madame</i>, celle
-qui fut la mère du régent, n'eut jamais aucune influence
-sur son mari ou sur le roi. D'une laideur repoussante,
-qui n'était contre-balancée par aucune qualité de l'esprit,
-elle déplaisait à tout le monde par sa hauteur et sa fierté
-maussade; étrangère à tous les personnages de cette cour
-brillante où elle était forcée de vivre, elle fut toujours
-Allemande en France. Pour son mari, qu'elle méprisait,
-elle était complaisante et douce, afin d'en être bien
-traitée et de rester en repos. Elle soulageait son ennui en
-écrivant sans cesse à ses nobles parents d'Allemagne
-tout ce que la médisance et la calomnie inspiraient de
-plus odieux sur sa nouvelle famille, sur cette cour
-où pourtant elle occupait le premier rang après la
-reine.</p>
-
-<p>La s&oelig;ur cadette de la belle Grancey, la comtesse de
-Marci, était aimée de Henri-Jules de Bourbon, duc d'Enghien,
-qu'on appelait alors monsieur le Duc. Ce fils du
-grand Condé ne manquait pas de valeur; mais il n'avait
-ni goût ni talent pour la guerre. Dur et égoïste dans
-son intérieur, il était dans le monde aimable et spirituel.
-Petit et maigre, par le feu de ses yeux et l'audace de
-<span class="pagenum"><a id="Page_15"> 15</a></span>
-son regard, il faisait, malgré sa mine chétive, une forte
-et vive impression sur les femmes. Il les aimait et savait
-s'en faire aimer. Il recherchait leur société, même
-quand elles ne pouvaient lui offrir d'autre plaisir que
-celui de la conversation<a id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor">&nbsp;[35]</a>. Lorsqu'il était véritablement
-amoureux, nul ne le surpassait dans les moyens de
-séduction; nul n'égalait son activité pour vaincre les
-obstacles, l'habileté et la fécondité de ses inventions
-pour les travestissements et les ruses. La grâce, la noblesse
-des manières, les flatteries les plus délicates,
-l'éloquence de la passion, les galanteries les plus ingénieuses,
-la magnificence des fêtes, les dons les plus dispendieux,
-rien n'était omis, rien n'était épargné pour
-assurer son triomphe. Homme de goût et de jugement,
-il avait un savoir très-varié. C'est lui qui ordonnait tous
-les embellissements de Chantilly et les grandes fêtes
-que l'on y donnait au roi ou aux princes<a id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor">&nbsp;[36]</a>.</p>
-
-<p>Louis XIV avait permis qu'en l'absence de son père
-M. le Duc exerçât les fonctions de gouverneur en
-Bourgogne; il lui avait donné la survivance de cette
-charge ainsi que celle de grand maître de la maison
-du roi. Le grand Condé n'était un homme supérieur qu'à
-la guerre; il se déchargeait sur son fils de l'ennui des
-affaires à Paris comme à Chantilly, comme à Dijon.
-M. le Duc savait s'appliquer à l'administration des vastes
-domaines de Condé; et il est probable que Guitaud
-ne fut écarté de cette petite cour que parce que la société
-habituelle des princes dont il dépendait ne convenait
-<span class="pagenum"><a id="Page_16"> 16</a></span>
-pas à sa femme, jeune, belle et pieuse<a id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor">&nbsp;[37]</a>. Madame
-de Sévigné, dans sa lettre à sa fille, rapportant tout ce
-que lui a raconté sur les <i>anges</i> la comtesse de Fiesque,
-dit: «Madame de Marci quitta Paris par pure sagesse,
-quand on commença toutes ces collations de cet été<a id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor">&nbsp;[38]</a>, et
-s'en vint en Bourgogne; on la reçut à Dijon au bruit du
-canon. Vous pouvez penser comment cela faisait dire de
-belles choses et comme ce voyage paraissait en public.
-La vérité, c'est qu'elle avait un procès qu'elle voulait
-faire juger; mais cette rencontre est toujours plaisante<a id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor">&nbsp;[39]</a>.»</p>
-
-<p>Sur l'autre s&oelig;ur madame de Sévigné dit: «<span class="smallc">Monsieur</span>
-veut faire mademoiselle<a id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor">&nbsp;[40]</a> de Grancey dame d'atour de
-<span class="smallc">Madame</span>, à la place de la Gordon, à qui il faut donner
-cinquante mille écus: voilà qui est un peu difficile. Madame
-de Monaco mène cette affaire.» Cette affaire ne
-put réussir, probablement à cause de l'opposition qu'y
-mit <span class="smallc">Madame</span>; mais <span class="smallc">Monsieur</span> fit mademoiselle de Grancey
-dame d'atour de la fille de sa première femme, qui
-devint reine d'Espagne<a id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor">&nbsp;[41]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_17"> 17</a></span>
-Madame de Sévigné céda enfin aux instances du comte
-et de la comtesse de Guitaud. Elle alla passer un jour
-à Époisses. Elle y trouva, outre la comtesse de Fiesque,
-la comtesse de Toulongeon, son aimable cousine, puis
-madame de Chatelus et le marquis de Bonneval. Elle fut
-charmée de toutes les personnes qu'elle vit dans ce
-château, dont elle admira la magnificence. Longtemps
-après, elle déclara à Bussy<a id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor">&nbsp;[42]</a> qu'elle conservait un souvenir
-tendre et précieux de la réception qui lui avait été
-faite alors par le comte et la comtesse de Guitaud.</p>
-
-<p>Le lendemain (27 octobre), madame de Sévigné arriva
-à Auxerre, trajet de soixante-dix kilomètres ou dix-sept
-lieues et demie. Elle paraît s'être arrêtée ensuite à
-Sens (distance de cinquante kilomètres ou quatorze
-lieues et demie). Elle regretta de n'y pas trouver l'archevêque,
-Louis-Henri de Gondrin<a id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor">&nbsp;[43]</a>, oncle de madame
-de Montespan, janséniste renforcé, qui avait beaucoup
-d'amitié pour madame de Grignan.</p>
-
-<p>De la petite ville de Moret, où elle coucha, madame
-de Sévigné écrivit à sa fille le 30 octobre, et le surlendemain,
-jour de la Toussaint, elle entra dans Paris
-après quatre semaines de voyages<a id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor">&nbsp;[44]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_18"> 18</a></span></p>
-<h2 class="normal"><a id="CHAPITRE_II"></a>CHAPITRE II.<br />
-<span class="medium">1673-1674.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Madame de Sévigné arrive à Paris, et descend chez son voisin de
-Coulanges.&mdash;Visites qu'elle y reçoit.&mdash;Empressement de tous ses
-amis, de Pomponne, du cardinal de Retz, de la Rochefoucauld,
-de madame Scarron.&mdash;Sévigné quitte l'armée deux fois pour venir
-voir sa mère.&mdash;Mort du marquis de Maillane.&mdash;Nouvelle lutte
-qu'elle occasionne entre l'évêque de Marseille et madame de Grignan.&mdash;Madame
-de Sévigné invite madame de Grignan à venir
-avec son mari solliciter à la cour.&mdash;Madame de Grignan s'y refuse.&mdash;Madame
-de Sévigné se trouve chargée de combattre seule l'influence
-de l'évêque de Marseille auprès des ministres et du roi.&mdash;Louis
-XIV, alors en guerre avec presque toute l'Europe, se prépare
-à conquérir la Franche-Comté.&mdash;Il suffisait à tout.&mdash;S'interposait
-dans les affaires de sa famille et dans celles des grands de
-sa cour.&mdash;Il charge l'évêque de Marseille d'une négociation secrète
-pour la duchesse de Toscane.&mdash;Il s'inquiète de la rivalité de ce
-prélat avec le comte de Grignan.&mdash;Louis XIV allait nommer le
-candidat qui lui était présenté par ce prélat.&mdash;La nouvelle de la
-prise de la citadelle d'Orange le fait changer de résolution.</p>
-
-<p class="space">En attendant que ses appartements fussent disposés
-pour la recevoir, madame de Sévigné descendit chez son
-cousin de Coulanges, rue du Parc-Royal<a id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor">&nbsp;[45]</a>. Cette rue
-était voisine de celle de Saint-Anastase, où elle et le
-comte de Guitaud demeuraient. Elle espérait ainsi pouvoir
-être seule dans les premiers moments de son arrivée
-<span class="pagenum"><a id="Page_19"> 19</a></span>
-et cacher la faiblesse qu'elle avait de pleurer sans
-cesse en lisant les lettres qu'elle recevait de sa fille. Ces
-lettres lui ôtaient l'espoir de la revoir prochainement.
-Cette combinaison, heureusement pour elle, ne réussit
-point; il fallut, pour ne pas paraître ingrate, qu'elle se
-détournât de ses tristes pensées ou qu'elle dît que le
-vent lui avait rougi les yeux<a id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor">&nbsp;[46]</a>. Depuis plusieurs jours
-on épiait son arrivée, et jamais flot plus nombreux
-de visiteurs et de visiteuses n'assaillit le logis de l'aimable
-chansonnier. Il dut à cette faveur que lui fit sa
-cousine le plaisir de voir sa femme, qui vint une des
-premières; puis ensuite, ensemble ou successivement,
-l'excellente s&oelig;ur du marquis de la Trousse, mademoiselle
-de Meri<a id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor">&nbsp;[47]</a>, madame de Rarai<a id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor">&nbsp;[48]</a>, la comtesse
-de Sanzei<a id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor">&nbsp;[49]</a>, madame de Bagnols, l'archevêque de
-Reims (le Tellier), madame de la Fayette, M. de la
-Rochefoucauld, madame Scarron, d'Hacqueville, la
-Garde<a id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor">&nbsp;[50]</a>, l'abbé de Grignan, l'abbé Têtu, Pierre Camus,
-<span class="pagenum"><a id="Page_20"> 20</a></span>
-le gros abbé de Pontcarré<a id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor">&nbsp;[51]</a>, ami de d'Hacqueville, Brancas,
-de Bezons, la marquise d'Uxelles, madame de Villars
-et enfin M. de Pomponne, qui revint encore les jours
-suivants. L'amitié si vive et si constante que ce ministre
-avait témoignée pour M. et madame de Sévigné devenait
-d'autant plus précieuse à celle-ci qu'elle pouvait
-l'aider à soutenir la lutte où sa fille allait l'engager; aussi
-mettait-elle tous ses soins à lui plaire<a id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor">&nbsp;[52]</a>. Pomponne trouvait
-dans son commerce avec cette femme spirituelle
-un délassement aux peines et aux soucis des affaires; il
-aimait à se rappeler surtout les heures de gaieté folâtre
-qu'il avait autrefois passées dans sa société<a id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor">&nbsp;[53]</a>.</p>
-
-<p>Peu de temps après son arrivée à Paris, madame de
-Sévigné vit aussi un grand nombre de personnages, les
-uns ses amis, les autres qu'elle était habituée à rencontrer
-dans le monde où elle était répandue. Plusieurs
-venaient des armées et devaient y retourner promptement;
-ils étaient attirés, par le retour du roi, à Paris et
-à Saint-Germain en Laye. C'étaient le prince de Condé,
-M. le Duc, son fils, la duchesse de Bouillon, le cardinal
-de Bouillon, la duchesse de Chaulnes, madame de Richelieu,
-Vivonne, madame de Crussol, la comtesse de
-Guiche<a id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor">&nbsp;[54]</a>, madame de Thianges, madame de Monaco, les
-<span class="pagenum"><a id="Page_21"> 21</a></span>
-Noailles, les d'Effiat, les Beuvron-Louvigny, le marquis
-de Villeroi, Charost et le chevalier de Buous, ce brave marin,
-cousin germain de M. de Grignan<a id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor">&nbsp;[55]</a>; puis son excellent
-ami Corbinelli, et Barillon, et Caumartin, et Guilleragues,
-dont l'esprit était en possession d'électriser le sien;
-enfin madame de Marans, dont la sincère conversion et
-«l'<i>absorbée</i> retraite» lui avaient été annoncées par une
-lettre de la marquise de Villars, qu'elle reçut à Grignan<a id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor">&nbsp;[56]</a>.</p>
-
-<p>Cependant la guerre continuait et devait durer encore;
-mais les rigueurs de l'hiver mettaient quelque relâchement
-dans les opérations militaires et permettaient
-qu'on vînt prendre part, pendant de cours intervalles,
-aux plaisirs de la capitale et à ceux de la cour. Le baron
-de Sévigné lui-même quitta deux fois l'armée, et vint
-voir sa mère; mais il fut obligé de s'en séparer au bout
-de quelques jours et de repartir pour rejoindre son régiment.
-Madame de Sévigné se montra peu alarmée sur
-les périls auxquels son fils allait être exposé; elle disait
-plaisamment: «M. de Turenne est dans l'armée de mon
-fils, et les Allemands la redoutent.» Elle paraît aussi
-peu inquiète d'apprendre qu'une amourette arrête le
-jeune guidon des gendarmes à Sézanne et retarde son
-arrivée, «attendu, dit-elle, qu'elle sait qu'il ne peut être
-question de mariage<a id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor">&nbsp;[57]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_22"> 22</a></span>
-Aux anciennes et nombreuses connaissances de madame
-de Sévigné s'en réunirent d'autres d'une date plus
-récente, qu'elle était obligée d'accueillir avec empressement
-par intérêt pour sa fille: telle était madame
-d'Herbigny, s&oelig;ur de Rouillé, comte de Melai, intendant
-de Provence<a id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor">&nbsp;[58]</a>; et Marin, qui venait d'être nommé
-premier président du parlement d'Aix, homme d'une
-physionomie agréable, aimable dans le monde, mais
-despote dans son intérieur, dur envers sa femme et
-auquel madame de Sévigné nous apprend qu'on avait
-donné le surnom de <i>cheval Marin</i><a id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor">&nbsp;[59]</a>.</p>
-
-<p>De tous les amis que madame de Sévigné eut alors
-le plus de bonheur à revoir, ce fut le cardinal de Retz;
-car il aimait et admirait sincèrement dans madame de
-Grignan, qu'il avait vue naître et grandir, l'union des
-qualités essentielles que l'on apprécie dans les deux
-sexes: la beauté, le jugement et le savoir, l'énergie du
-caractère, l'orgueil du rang, une noble ambition, un
-esprit capable d'application dans les affaires et un
-penchant prononcé pour l'étude des plus hautes questions
-de la philosophie cartésienne, que Retz se plaisait
-à débattre. Non-seulement il conservait les lettres
-que madame de Grignan lui écrivait, mais il gardait des
-copies de celles qu'elle avait écrites à d'autres<a id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor">&nbsp;[60]</a>. Aussi
-<span class="pagenum"><a id="Page_23"> 23</a></span>
-n'était-ce qu'à lui que madame de Sévigné osait révéler
-les secrets de toutes ses faiblesses pour sa fille, parce
-que lui seul savait la plaindre et compatir à ses maternelles
-douleurs.</p>
-
-<p>Bussy et Forbin-Janson se trouvaient aussi présents à
-Paris lors du retour de madame de Sévigné; mais ni l'un
-ni l'autre ne vint la voir. Le premier s'en abstint forcément
-par des motifs de prudence que nous ferons connaître<a id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor">&nbsp;[61]</a>;
-le second ne pouvait, malgré le désir qu'il en
-avait, se livrer au plaisir qu'il aurait eu d'entretenir un
-commerce amical avec l'aimable belle-mère du comte
-de Grignan, puisqu'il était en hostilité ouverte avec ce
-dernier<a id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor">&nbsp;[62]</a>. Ceci nous conduit à exposer les faits qui,
-cette année, marquèrent la lutte que Forbin-Janson eut
-à soutenir contre le lieutenant général gouverneur de
-Provence.</p>
-
-<p>Cette lutte, qui se renouvelait tous les ans, fut cette
-fois plus vive et plus animée<a id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor">&nbsp;[63]</a>, parce qu'un nouveau
-sujet de litige avait surgi entre le prélat et M. de Grignan,
-d'où dépendait l'influence de l'un ou de l'autre
-sur la Provence. Le marquis de Maillane de la Rousselle,
-procureur-joint de la noblesse, était mort<a id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor">&nbsp;[64]</a>; il s'agissait
-<span class="pagenum"><a id="Page_24"> 24</a></span>
-de lui nommer un successeur. L'assemblée des
-communautés avait de droit la nomination à cette place;
-mais dans le fait l'assemblée choisissait toujours celui
-que désignait le gouverneur parmi les hauts dignitaires
-qui dirigeaient le mieux les délibérations et qu'on supposait
-le plus accrédité auprès du roi et de ses ministres.
-M. de Grignan voulait faire nommer son cousin, le marquis
-Pontever de Buous, frère de cette marquise de
-Montfuron dont madame de Sévigné était ravie, parce
-qu'elle était aimable, «et qu'on l'aimait sans balancer<a id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor">&nbsp;[65]</a>.»
-L'évêque de Marseille demandait qu'on lui préférât
-M. de la Barben, qui, l'année précédente, avait, comme
-courrier et à ses frais, porté au roi les délibérations des
-états et qui, d'ailleurs, avait été principal consul d'Aix
-et procureur du pays<a id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor">&nbsp;[66]</a>.</p>
-
-<p>Cette affaire, qui paraissait si peu importante au milieu
-des grands événements de la guerre et de la politique,
-embarrassait cependant Louis XIV et ses ministres. C'est
-qu'alors on était non-seulement très-préoccupé des dangers
-qui à l'extérieur menaçaient la France, mais encore
-attentif aux périls qui surgissaient à l'intérieur par
-l'effet du mécontentement des populations, accablées d'impôts,
-et d'une noblesse fière et brave, toujours prête à
-s'agiter sous le frein qui l'avait domptée. Les provinces
-maritimes, la Normandie, la Bretagne, la Gascogne<a id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor">&nbsp;[67]</a>, la
-Provence, plus exposées aux insultes des flottes ennemies,
-<span class="pagenum"><a id="Page_25"> 25</a></span>
-plus en proie aux intrigues et aux corruptions de
-l'étranger, étaient surtout assujetties à une active surveillance.
-C'est pour protéger les côtes de la Provence
-contre l'Espagne que Louis XIV, dès qu'il eut déclaré
-la guerre à cette puissance, nomma gouverneur des îles
-Sainte-Marguerite le comte de Guitaud. Le court séjour
-que madame de Sévigné fit à Bourbilly et à Époisses
-avait eu pour résultat un redoublement d'amitié et
-de confiance entre elle et le comte et la comtesse de
-Guitaud, dont on s'aperçoit facilement par les lettres
-qui nous restent de leur correspondance à partir de cette
-époque. Louis XIV suivait avec attention tout ce qui se
-passait en Provence, et ne dédaignait pas de chercher
-à concilier les prétentions rivales de Forbin-Janson et de
-Grignan. Lorsque Marin, récemment nommé premier
-président du parlement d'Aix, vint, avant de partir pour
-prendre possession de sa nouvelle charge, saluer le roi,
-Louis XIV lui dit: «Vous aurez d'étranges esprits à gouverner
-en Provence<a id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor">&nbsp;[68]</a>!» Mais le choix de Marin n'était
-pas bon pour manier habilement l'esprit turbulent des
-Provençaux; il se fit détester de sa compagnie par sa
-servilité maladroite et par ses susceptibilités en fait de
-préséances<a id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor">&nbsp;[69]</a>.</p>
-
-<p>L'empereur, l'Espagne, le Danemark, la Hollande,
-toute l'Allemagne, hors les ducs de Bavière et de Hanovre,
-étaient alors ligués contre Louis XIV. Malgré le
-<span class="pagenum"><a id="Page_26"> 26</a></span>
-traité secret conclu avec Charles II en 1670<a id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor">&nbsp;[70]</a>, celui-ci
-avait été forcé par son parlement de se réunir aux Hollandais
-et de diriger toutes les forces navales de l'Angleterre
-contre la France<a id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor">&nbsp;[71]</a>. A l'insuffisance de ses ressources
-en hommes et en argent contre une aussi formidable coalition
-Louis XIV opposa le génie de ses généraux et de
-ses ministres et son infatigable activité. Il aurait désiré
-faire consentir l'Espagne à déclarer la neutralité de la
-Franche-Comté demandée par les Suisses; mais l'Espagne
-ne le voulut pas. A l'exception de Maestricht et de Grave,
-Louis XIV avait sagement abandonné ses conquêtes en
-Hollande; et, en concentrant ses forces, il était parvenu,
-avec des armées inférieures en nombre, à repousser partout
-ses ennemis; au nord comme au midi, il avait accru
-la gloire de ses armes<a id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor">&nbsp;[72]</a>. Ce qui lui restait de troupes
-devait être employé à la conquête de la Franche-Comté,
-à laquelle il voulait marcher en personne<a id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor">&nbsp;[73]</a>.</p>
-
-<p>Les provinces maritimes, que ne pouvaient protéger
-suffisamment des escadres trop faibles, étaient livrées aux
-dangers des incursions désastreuses. Les gouverneurs qui
-<span class="pagenum"><a id="Page_27"> 27</a></span>
-y commandaient, par leur bravoure, leurs talents militaires
-et leur influence personnelle, pouvaient seuls les
-défendre contre l'invasion, en faisant un appel au zèle
-et au patriotisme des nobles pour la défense du pays.
-Louis XIV le savait, et il mit à profit ce moyen en
-Guyenne<a id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor">&nbsp;[74]</a>, en Bretagne et en Normandie. Alors il se
-vit forcé par la nécessité de donner plus de puissance
-aux gouverneurs des provinces menacées; mais ce ne
-pouvait être au point de nuire à sa propre autorité et de
-détruire l'&oelig;uvre de Richelieu, qui avait institué les intendants
-pour amoindrir le pouvoir des gouverneurs, devenu
-redoutable pour la couronne. Rouillé, intendant
-de la Provence, dont madame de Grignan disait «que
-la justice était sa passion dominante<a id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor">&nbsp;[75]</a>,» s'accordait assez
-bien avec le gouverneur et ménageait cette puissante maison
-de Grignan. Néanmoins, quand le comte de Grignan
-réclamait des gardes et des accroissements d'attribution
-ou d'appointements, Rouillé devenait tout naturellement
-son antagoniste, et, dans l'intérêt de sa charge et de
-ses propres prérogatives, il s'opposait aux prétentions
-du lieutenant général gouverneur. C'est pourquoi madame
-de Sévigné n'avait pu faire consentir cet intendant
-à favoriser les demandes de son gendre pour ce
-qui concernait le payement des gardes et des courriers:
-Rouillé s'était rangé, pour ces questions, du
-côté de l'évêque de Marseille. Mais il ne se trouvait pas
-dans les mêmes conditions pour le remplacement du
-procureur du pays-joint pour la noblesse dans l'assemblée
-<span class="pagenum"><a id="Page_28"> 28</a></span>
-des communautés. Rouillé, homme de robe, quoique
-ayant le titre de comte de Melay, était de cette caste
-intermédiaire entre la roture et la haute noblesse, et il
-avait intérêt à ménager celle-ci dans tout ce qui ne
-pouvait pas entraver les devoirs dont sa charge l'obligeait
-de s'acquitter. Lorsqu'il s'agissait de faire donner la
-préférence à un roturier sur un noble pour une place auparavant
-occupée par un noble, on espérait que Rouillé
-se mettrait du parti de M. de Grignan, et non de celui
-de l'évêque de Marseille. C'est par ce motif que madame
-de Sévigné s'était empressée de cultiver la société de madame
-d'Herbigny<a id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor">&nbsp;[76]</a>, s&oelig;ur de la femme de l'intendant,
-alors à Paris. Elle l'avait charmée par son esprit, et était
-parvenue à la mettre dans le parti de M. de Grignan. Caumartin,
-ami de madame de Sévigné et de sa fille, avait été
-gagné sans peine. Il en fut de même du premier président
-nouvellement nommé, de Marin, «cet homme qui met
-le bon sens et la raison partout,» dit madame de Sévigné,
-toujours disposée à louer ceux qui agissent selon
-ses désirs. Quoique circonvenu et entouré par tant d'influences,
-Louis XIV n'aurait pas hésité à préférer au protégé
-de M. de Grignan celui de l'évêque de Marseille.
-Forbin-Janson avait donné au roi des preuves de son habileté,
-de sa prudence, de sa discrétion dans des affaires
-secrètes et intimes qu'il avait l'habitude de traiter avec
-lui, par lui-même et sans intermédiaire.</p>
-
-<p>Ce roi qu'on a si souvent représenté comme uniquement
-occupé de sa seule personne et subissant l'influence
-de ses ministres, de ses maîtresses et de ses
-<span class="pagenum"><a id="Page_29"> 29</a></span>
-serviteurs se mêlait de tout, intervenait dans tout, réglait
-tout, entrait dans les détails des susceptibilités
-d'amour-propre et de rang de ses maréchaux et de ses
-généraux, se livrait à toutes les enquêtes nécessaires
-pour distribuer de la manière la plus avantageuse les
-commandements de ses armées et les plus hautes fonctions
-de l'État<a id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor">&nbsp;[77]</a>. Dans ses palais, dans sa famille rien ne se
-faisait sans son ordre direct. Le fier Montausier, voulant
-transporter le jeune Dauphin confié à ses soins dans une
-habitation plus salubre et lui donner un confesseur, ne
-l'osa pas sans avoir été approuvé par le jeune roi, qui lui
-désigna un prêtre de son choix<a id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor">&nbsp;[78]</a>. La belle duchesse de
-Mazarin espérait que, pour la protéger contre son mari,
-Louis XIV suspendrait l'autorité des lois, et afin de l'y
-engager elle fit intervenir en vain le roi d'Angleterre,
-la reine de Portugal et toutes les femmes qui pouvaient
-exercer quelque influence sur le tout-puissant
-monarque<a id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor">&nbsp;[79]</a>.</p>
-
-<p>C'est encore à Louis XIV que sa cousine la duchesse
-de Toscane s'adressait pour que le grand-duc, qu'elle
-n'aimait pas et qu'elle voulait quitter, eût plus d'indulgence
-pour elle et de meilleurs procédés<a id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor">&nbsp;[80]</a>. Louis XIV
-<span class="pagenum"><a id="Page_30"> 30</a></span>
-avait envoyé à Florence l'évêque de Marseille pour cette
-négociation confidentielle, et l'évêque n'en rendit compte
-qu'à lui seul. Louis XIV ne voulait pas mécontenter le
-prélat relativement aux affaires de Marseille ni être injuste.
-Avant de se prononcer, il témoigna le désir que
-l'évêque et M. de Grignan se missent d'accord sur le
-choix à faire du procureur-joint de la noblesse. Forbin-Janson,
-plutôt pour complaire au monarque et à ses
-ministres que par inclination, fit quelques concessions;
-il promit d'être favorable dans l'assemblée des états
-à la demande ordinaire de Grignan pour la somme
-de cinq mille livres de la solde des gardes, et de celle
-de trois mille livres pour frais de courrier. Madame de
-Sévigné et bon nombre de ses amis, et même, parmi les
-Grignan, l'imposant suffrage de l'archevêque d'Arles,
-étaient pour la conclusion de la paix à ce prix. M. de
-Grignan se serait volontiers rangé aussi à cette opinion;
-mais madame de Grignan s'y opposa. Elle abhorrait
-l'évêque de Marseille, et elle comprenait très-bien
-que la considération de son mari et l'ascendant du
-gouverneur sur les nobles de province dépendaient du
-succès de la lutte engagée contre le prélat. En cela
-elle voyait juste. Si Forbin-Janson parvenait à faire
-nommer un homme de son choix, un roturier, c'en
-était fait de l'autorité dont jouissait le gouverneur, de
-l'affection que la noblesse avait pour lui et du respect
-qu'elle lui portait. Madame de Grignan ameuta donc
-tous ses amis de Provence et tous ceux de Paris et de la
-cour contre l'évêque de Marseille. Elle le représenta sous
-<span class="pagenum"><a id="Page_31"> 31</a></span>
-les plus noires couleurs; selon elle, c'était un prélat
-ambitieux, brouillon, hypocrite, ennemi de la noblesse
-et cherchant à nuire sous les apparences de l'aménité,
-de la charité et de la justice.</p>
-
-<p>Elle écrivit à ce sujet à sa mère, à d'Hacqueville, à
-Caumartin, aux Grignan présents à la cour. Elle les
-persuada tous d'autant plus facilement que l'évêque de
-Marseille, soit parce que c'était sa conviction, soit parce
-qu'il était révolté qu'on prêtât à ses actions et à ses paroles
-des motifs indignes de lui, cherchait à faire croire
-que Grignan, par paresse et par incapacité, ne s'acquittait
-qu'avec négligence des fonctions de sa charge.
-Madame de Grignan poussait le désir d'assurer son
-triomphe dans l'assemblée des communautés jusqu'à
-vouloir que le comte de Grignan ne demandât aucune
-allocation d'argent pour les gardes et le courrier,
-afin d'ôter à l'évêque de Marseille l'occasion de
-se populariser en s'y opposant. C'était aussi l'avis de
-Guitaud, qui s'était rangé du parti de madame de
-Grignan; et en effet cette manière de procéder se
-présentait sous une apparence noble et digne. Mais
-ce n'était pas là le compte de M. de Grignan, qui
-avec raison pensait que, par l'effet de cette renonciation,
-il reconnaîtrait en même temps qu'en qualité
-de lieutenant général gouverneur il n'avait pas
-le droit d'avoir des gardes. Fier et généreux jusqu'à
-la prodigalité, il songeait à se laisser allouer encore
-la somme de cinq mille francs et à en faire ensuite
-la remise à l'assemblée, comme étant insuffisante
-pour la dépense des gardes qu'il demandait<a id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor">&nbsp;[81]</a>. Ces résolutions
-<span class="pagenum"><a id="Page_32"> 32</a></span>
-de son gendre et de sa fille effrayaient madame
-de Sévigné, qui ne pouvait penser<a id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor">&nbsp;[82]</a> sans une mortelle
-inquiétude au grand train de maison du gouverneur de
-Provence, à ses fêtes, à ses festins, à son jeu, dépenses
-jugées indispensables pour soutenir la splendeur du rang
-qu'il occupait. Madame de Grignan se montrait à cet égard
-sourde aux remontrances d'une mère sage et prévoyante.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné désirait surtout que sa fille vînt elle-même
-à la cour plaider sa cause. Sans doute le désir de
-la posséder entrait pour beaucoup dans l'insistance qu'elle
-mettait à la persuader; mais elle croyait sincèrement
-que la vue d'une femme si belle, si considérée, qui parlait
-admirablement le langage des affaires était de nature,
-dans cette cour galante, à affaiblir l'influence de
-l'évêque de Marseille et à dissiper tous les nuages qu'il
-avait répandus sur la réputation du lieutenant général
-gouverneur. Elle voulait d'ailleurs que M. de Grignan
-accompagnât sa femme pour mieux contre-balancer par
-sa présence à la cour celle de Forbin-Janson. Elle pensait
-que le lieutenant général gouverneur pourrait retourner
-ensuite en Provence pour la tenue des états, en lui
-laissant sa fille comme soutien de ses intérêts pendant
-cet intervalle de temps. Afin de forcer madame de Grignan
-à suivre ses conseils, madame de Sévigné disait
-que l'abbé avait décidé qu'il était pressant pour elle de
-rendre son compte de tutelle à ses enfants, et que, par
-cette raison, la réunion de son fils et de sa fille à Paris
-était d'une indispensable nécessité. A ce plan madame
-<span class="pagenum"><a id="Page_33"> 33</a></span>
-de Grignan opposait, avec juste raison, l'énorme accroissement
-de dépenses qu'occasionnerait au gouverneur
-de la Provence un voyage à Paris, pour paraître convenablement
-à la cour. Elle disait que, dans les circonstances
-critiques où se trouvait le royaume et durant une
-guerre aussi acharnée, M. de Grignan pourrait difficilement
-obtenir un congé<a id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor">&nbsp;[83]</a>; et que, s'il l'obtenait, il serait
-blâmé d'abandonner les intérêts du roi et du pays pour
-jouer le rôle de solliciteur à Paris et celui de courtisan
-à Versailles et à Saint-Germain. En outre, à mesure
-que l'on approchait le plus de l'époque où devait se
-réunir l'assemblée des communautés, il était essentiel
-pour madame de Grignan qu'elle restât en Provence,
-afin de concilier par elle-même et par ses adhérents, en
-faveur du parti des Grignan, les suffrages des membres
-de cette assemblée. Ces raisons étaient excellentes; et
-madame de Sévigné devait d'autant plus se rendre à
-leur évidence, que sa fille lui promettait d'aller la rejoindre
-après la tenue de l'assemblée et lorsque seraient
-terminées des affaires qui en étaient la suite.
-Madame de Sévigné aurait ressenti moins de répugnance
-et de douloureux regrets à reconnaître la vérité
-des motifs allégués par sa fille, si celle-ci avait montré
-plus de sympathie pour ses maternelles faiblesses, et si
-elle n'avait pas blessé son c&oelig;ur par le pédantisme de
-ses remontrances et par les bouffées de sa philosophie
-raisonneuse<a id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor">&nbsp;[84]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_34"> 34</a></span>
-Par ses lettres madame de Grignan était parvenue à
-faire partager à sa mère une partie de son aversion<a id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor">&nbsp;[85]</a>
-contre l'évêque de Marseille; et, pour le combattre,
-madame de Sévigné se mit à l'&oelig;uvre avec toute l'activité
-dont elle était redevable à sa nature vive et passionnée.
-Sa fille, dont elle admirait, tout en la blâmant, la
-fierté et la fermeté, la portait à ne négliger aucun
-moyen pour la réussite d'une affaire où la dignité de son
-gendre était si fortement engagée; et, plus que jamais,
-elle mérita le titre que lui donnait le comte de Grignan,
-qui l'appelait <i>son petit ministre</i><a id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor">&nbsp;[86]</a>. Elle agit sur l'esprit du
-monarque par madame de Montespan<a id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor">&nbsp;[87]</a>, par Marsillac, la
-Rochefoucauld<a id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor">&nbsp;[88]</a>; et sur Colbert par Marin, premier président
-d'Aix, dont la famille était alliée à celle de ce ministre.
-Par madame de Coulanges elle aurait pu s'assurer
-de Louvois; mais madame de Coulanges n'était pas
-bien alors avec son cousin. Madame de Sévigné dut employer
-l'archevêque de Reims et le père de Marin<a id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor">&nbsp;[89]</a>, ainsi
-que d'autres personnages qui entouraient ce ministre;
-mais Louvois poussait toujours Louis XIV aux mesures
-despotiques, et il ne cessait de l'occuper des moyens
-propres à anéantir ce qui restait encore de franchises aux
-villes et aux pays d'états. D'ailleurs il suffisait que Pomponne
-se fût fortement déclaré en faveur de M. de Grignan
-<span class="pagenum"><a id="Page_35"> 35</a></span>
-contre l'évêque de Marseille<a id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor">&nbsp;[90]</a> pour que Louvois
-ne lui fût pas favorable: ce fut beaucoup que d'obtenir
-qu'il ne lui serait pas contraire<a id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor">&nbsp;[91]</a>. Malgré le grand nombre
-de personnes qui s'intéressaient à madame de Sévigné
-et à sa fille, tant à la cour qu'en Provence, il paraît
-certain que Louis XIV aurait refusé de s'opposer à ce
-que l'évêque de Marseille eût la liberté d'user comme il
-le voulait de sa légitime influence sur l'assemblée des
-communautés si un événement militaire n'avait pas
-donné occasion au comte de Grignan de prouver combien
-la noblesse de Provence lui était attachée, et n'avait
-pas engagé le roi à adopter l'avis de ses ministres en
-favorisant la nomination du parent du comte de Grignan.
-Comme cet événement, trop négligé par nos historiens
-et honorable pour M. de Grignan, a un intérêt historique,
-nous allons le faire connaître à nos lecteurs.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_36"> 36</a></span></p>
-<h2 class="normal"><a id="CHAPITRE_III"></a>CHAPITRE III.<br />
-<span class="medium">1673-1674.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Détails sur la principauté d'Orange.&mdash;De ceux qui la possédèrent.&mdash;Le
-comte d'Hona, dernier gouverneur.&mdash;Mazarin la fait saisir.&mdash;Il
-fait démolir les fortifications de la ville d'Orange.&mdash;Cette principauté
-est donnée à la comtesse d'Auvergne par Louis XIV, qui
-ordonne au comte de Grignan de s'en emparer et d'assiéger la
-citadelle d'Orange.&mdash;Bercoffer, gouverneur de cette citadelle, veut
-se défendre.&mdash;Diverses allégations faites à madame de Sévigné,
-qui craint les résultats de ce siége.&mdash;Grignan est suivi de toute la
-noblesse.&mdash;Il attaque la citadelle d'Orange, qui se rend le 12 novembre.&mdash;Grignan
-la fait démolir.&mdash;Joie de madame de Sévigné
-en apprenant la prise de cette citadelle.&mdash;Ouverture de l'assemblée
-des communautés de Provence.&mdash;Discours de l'intendant.&mdash;Réponse
-de l'évêque de Marseille.&mdash;Don gratuit accordé.&mdash;Lutte
-entre le comte de Grignan et l'évêque de Marseille.&mdash;Une lettre
-de Colbert à l'évêque de Marseille l'oblige de céder.&mdash;Le marquis
-de Buous est nommé procureur du pays-joint.&mdash;Les 5,000 livres
-sont accordées par l'assemblée au comte de Grignan.&mdash;Opposition
-de l'évêque de Marseille et de l'évêque de Toulon à ce
-vote.&mdash;Colbert écrit encore à l'évêque de Marseille, et l'opposition
-est levée.&mdash;Félicitations et réflexions de madame de Sévigné sur
-ce double triomphe.&mdash;Ouverture des états de Bretagne.&mdash;Deux
-membres arrêtés pour avoir fait de l'opposition; ils sont rendus.&mdash;On
-abolit les édits oppresseurs, mais on double les impositions.&mdash;Le
-marquis de Coëtquen reproche à d'Harouis ses richesses et
-la ruine de la Provence.&mdash;La duchesse de Rohan, aïeule de Coëtquen,
-le rappelle à Paris, et l'entrée des états lui est interdite.&mdash;Madame
-de Sévigné approuve cet acte.&mdash;Le duc de Chaulnes repousse
-les ennemis des côtes de Bretagne.</p>
-
-<p class="space">A quinze lieues de la mer et des côtes de Provence,
-dans le département qui a reçu le nom poétique de Vaucluse,
-s'étend, borné par le Rhône à l'ouest, le petit
-<span class="pagenum"><a id="Page_37"> 37</a></span>
-pays dont Orange est la capitale. Il n'a que cinq lieues
-de long sur quatre de large. Le nombre de ses habitants,
-au temps de Louis XIV, n'a jamais dû excéder douze
-mille<a id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor">&nbsp;[92]</a>, et la ville d'Orange, célèbre par plusieurs conciles,
-en renfermait plus de la moitié. Placé entre le Languedoc
-et le comtat Venaissin, la Provence et le Dauphiné,
-par le grand nombre de monuments et de constructions
-antiques que le temps a respectés, ce riant canton de la
-France est comme un fragment de la classique Italie
-transporté dans la Gaule. Riche par l'industrie de ses habitants,
-par ses vignes, sa garance, son safran, qui revêt
-ses plaines d'une teinte violette, il a, depuis les temps
-les plus reculés, formé un État indépendant. Néanmoins
-les rois de France le considéraient<a id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor">&nbsp;[93]</a> comme un fief de la
-Provence ou du Dauphiné, et, à titre de dauphins ou de
-comtes de Provence, ils prétendaient en être les premiers
-souverains; mais les princes d'Orange ne reconnaissaient
-pas cette prétention<a id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor">&nbsp;[94]</a>, et leurs droits étaient depuis longtemps
-établis par des traités.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_38"> 38</a></span>
-On comptait, depuis sept siècles, quatre dynasties des
-princes d'Orange. La dernière était celle des princes de
-Nassau, qui possédait cette principauté depuis cent cinquante
-ans. A ce titre elle fut, en 1650, transmise par
-héritage à Guillaume III<a id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor">&nbsp;[95]</a>, qui, à l'époque dont nous
-traitons, était le grand ennemi de Louis XIV, et commandait
-les troupes de la majeure partie des puissances
-coalisées contre lui. Peu après l'époque de la naissance
-de Guillaume, sa mère, la princesse royale, fille de Charles
-I<sup>er</sup>, qui espérait l'appui de la cour de France, où ses
-deux frères Charles et Jacques II (le duc d'York) s'étaient
-réfugiés, conclut un traité qui permettait à Louis XIV
-de se mettre en possession de la principauté d'Orange
-et qui stipulait que, dans le cas où le roi pour cette
-prise de possession serait obligé d'employer la force, et
-qu'il consentît ensuite à la rendre, il pourrait préalablement
-faire raser les fortifications de la capitale. Mazarin,
-en vertu de ce traité, fit résoudre dans le conseil
-que l'on se saisirait de la ville d'Orange et de la citadelle.
-Le maréchal Duplessis-Praslin fut chargé de cette
-expédition. Il préleva sur les plus riches protestants de
-Nîmes un impôt qui fut destiné à payer le comte d'Hona,
-gouverneur d'Orange<a id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor">&nbsp;[96]</a>.</p>
-
-<p>D'Hona, après une faible résistance, rendit la ville et
-la citadelle au maréchal Duplessis-Praslin, qui, après
-avoir fait transporter tous les canons et les munitions de
-guerre dans la citadelle, y mit une garnison de cinq cents
-<span class="pagenum"><a id="Page_39"> 39</a></span>
-hommes. Duplessis alla ensuite rejoindre le cardinal
-Mazarin à Saint-Jean-de-Luz. Un ingénieur fut envoyé
-à Orange pour diriger le travail de la démolition des fortifications.
-Cette destruction de leurs remparts et ce
-changement de domination désolèrent les habitants et
-en firent fuir un grand nombre<a id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor">&nbsp;[97]</a>. «Ce fut là, dit le pasteur
-de la maison de Guillaume III, le premier échec
-que reçut la ville d'Orange; il fit perdre à cette ville
-tout le lustre qu'elle avait sous le gouvernement du
-comte d'Hona, seigneur libéral, civil et magnifique, qui,
-tenant une cour aussi leste que celle des princes d'Orange
-eux-mêmes, y attirait une foule d'étrangers de
-toutes les nations, et la rendait un des plus agréables
-séjours de la France<a id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor">&nbsp;[98]</a>.»</p>
-
-<p>Après le décès de la princesse royale, la princesse
-douairière, veuve de Frédéric-Henri de Nassau et grand'mère
-de Guillaume III, eut la libre jouissance de l'administration
-des biens de son petit-fils. La principauté
-d'Orange rentra ainsi, en 1665, sous la domination hollandaise<a id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor">&nbsp;[99]</a>.
-On fit alors de grandes réjouissances dans
-toute la principauté; les festins, les fêtes durèrent huit
-jours. Les temples protestants furent rouverts, et la
-foule vint entendre les prédications des ministres. Dans
-la ville d'Orange les fenêtres furent toutes illuminées, et
-<span class="pagenum"><a id="Page_40"> 40</a></span>
-des lampions de couleur y figuraient partout le chiffre
-du prince.</p>
-
-<p>Dans le mois de janvier 1673, Guillaume ayant fait
-confisquer le marquisat de Berg-op-Zoom et d'autres
-lieux qui appartenaient au comte d'Auvergne du chef de
-sa femme, Louis XIV fit don de la principauté d'Orange
-au comte d'Auvergne, et ordonna au comte de Grignan
-de s'en emparer de vive force si celui qui y commandait
-voulait résister<a id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor">&nbsp;[100]</a>.</p>
-
-<p>Dire au comte de Grignan de se rendre maître de ce
-pays d'Orange, c'était l'envoyer à la conquête du berceau
-de son illustre maison et le ramener dans la patrie
-de ses ancêtres; car il était historiquement prouvé que
-le premier comte propriétaire d'Orange fut Giraud-Adhémar
-IV, auquel l'empereur Frédéric I<sup>er</sup>, comme suzerain
-de l'ancien royaume d'Arles, accorda l'investiture
-des seigneuries de Monteil et de Grignan. C'est du nom
-de Monteil-Adhémar que, par corruption, est venu celui
-de la ville de Montélimar<a id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor">&nbsp;[101]</a>.</p>
-
-<p>Le comte de Grignan se porta avec un grand zèle à
-l'exécution de l'ordre qu'il avait reçu.</p>
-
-<p>Un Hollandais, nommé Berkoffer, était depuis sept
-ans, pour Guillaume, gouverneur de la principauté d'Orange;
-il refusa de se soumettre aux injonctions du comte
-de Grignan, et, avec le petit nombre de soldats qu'il
-avait à sa disposition, il se retira dans la citadelle, et parut
-<span class="pagenum"><a id="Page_41"> 41</a></span>
-déterminé à se défendre à outrance. Le bruit courait
-que Berkoffer avait deux cents hommes avec lui, et l'on
-savait qu'il ne manquait ni de canons ni de munitions<a id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor">&nbsp;[102]</a>.
-Grignan se vit donc dans la nécessité d'entreprendre un
-siége; et cependant Louvois s'était refusé à lui envoyer
-les troupes et l'artillerie nécessaires pour une telle entreprise.
-Ce fut pour madame de Sévigné une cause
-d'inquiétude et d'angoisses. Elle redoutait les dangers,
-et s'affligeait de la dépense; et si son gendre ne réussissait
-pas, elle voyait le triomphe de l'évêque de Marseille
-assuré: toutes les négociations conduites avec tant de
-labeur et d'adresse pour faire nommer le marquis de
-Buous devaient échouer alors infailliblement. Les uns
-épouvantaient madame de Sévigné en exagérant les difficultés
-du siége; les autres la rassuraient et même la
-raillaient sur le peu de fondement de ses craintes. De
-Guilleragues,</p>
-
-<p class="quote">Esprit né pour la cour et maître en l'art de plaire<a id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor">&nbsp;[103]</a>,</p>
-
-<p>ne tarissait pas sur ce sujet. Selon lui<a id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor">&nbsp;[104]</a>, il ne fallait que
-des pommes cuites pour venir à bout de ce siége. C'était
-un duel entre Berkoffer et Grignan; donc il fallait couper
-le cou à Grignan, parce qu'il enfreignait les ordonnances
-contre les duels; et lui, Guilleragues, déjà demandait sa
-charge. Mais le marquis de Gorze, grand sénéchal de Provence,
-et de Vivonne prétendaient au contraire que le
-<span class="pagenum"><a id="Page_42"> 42</a></span>
-siége d'Orange serait long; qu'il était plus difficile qu'on
-ne croyait; que la citadelle était entourée de bons fossés,
-bien pourvue de canons, et avait des forces suffisantes
-pour faire une vive défense; qu'enfin M. de Grignan,
-avec sa petite troupe, avait tort d'entreprendre de forcer
-le gouverneur. Le duc d'Enghien et la Rochefoucauld
-assuraient qu'il ne réussirait pas<a id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor">&nbsp;[105]</a>; que l'attaque d'une
-place de guerre exigeait des connaissances militaires spéciales,
-dont Grignan était dépourvu.</p>
-
-<p>Tandis qu'on tenait ces discours, le comte de Grignan,
-quoiqu'il fût saisi de la fièvre<a id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor">&nbsp;[106]</a>, ne se laissa pas
-décourager. Le ministre ne lui donnait ni argent ni soldats.
-Il fit prier cinq cents gentilshommes de la province
-de venir le joindre. Pas un ne refusa de répondre à son
-appel. Plusieurs nobles du comtat d'Avignon vinrent à
-sa rencontre sans avoir été convoqués: marque de sympathie
-qui le toucha vivement. Ainsi, à la tête d'environ
-sept cents cavaliers et de deux mille soldats des galères,
-qu'il avait commandés, Grignan se mit en marche le
-31 octobre, et arriva le 2 novembre devant Orange avec
-sa petite armée, munie de quelques canons.</p>
-
-<p>Il commença aussitôt le siége de la citadelle. On remplit
-les fossés avec des fagots et des mannequins fournis
-par la ville d'Orange, d'après les réquisitions faites aux
-<span class="pagenum"><a id="Page_43"> 43</a></span>
-magistrats<a id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor">&nbsp;[107]</a>. Berkoffer voulut en vain s'opposer aux travaux
-des assiégeants par quelques volées de canon. Deux
-gentilshommes, le marquis de Briancour et M. de Roays,
-se distinguèrent par leur bravoure.</p>
-
-<p>Le 12 novembre la tranchée fut ouverte, et le comte
-de Grignan ordonna l'assaut. Le marquis de Barbantane<a id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor">&nbsp;[108]</a>,
-d'une valeur romanesque, selon madame de Sévigné,
-et M. de Ramatuelle commandaient l'escadron
-des nobles destinés à soutenir les soldats qui étaient sur la
-tranchée. Après que le comte de Grignan eut fait tirer
-deux décharges de canon, Berkoffer fit battre la chamade<a id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor">&nbsp;[109]</a>,
-et M. de Beaufin fut admis dans la place. Le
-gouverneur promit de se rendre le 17, et l'on donna des
-otages de part et d'autre. Berkoffer avait assez d'artillerie
-pour faire acheter cher le triomphe aux assiégeants;
-mais il eût fallu abîmer la ville, ruiner ses amis: il aima
-mieux se rendre.</p>
-
-<p>Le 18 novembre (1673), la garnison sortit de la citadelle
-sans aucune marque d'honneur; elle se composait
-de trente et un hommes; tous eurent la liberté d'emporter
-ce qui leur appartenait. Berkoffer se retira en
-Hollande avec sa famille<a id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor">&nbsp;[110]</a>.</p>
-
-<p>Le comte de Grignan fit démanteler la citadelle deux
-jours après son entrée; il y trouva douze canons de
-trente-six de balles de bronze, quarante petites pièces
-de campagne, deux coulevrines et onze autres pièces de
-<span class="pagenum"><a id="Page_44"> 44</a></span>
-moyen calibre, sept cents mousquets, deux cents fusils,
-des piques, des mousquetons, des obus, douze mille
-livres de poudre: il y avait de quoi armer une garnison
-de quatre mille hommes.</p>
-
-<p>Huit jours après la reddition de la citadelle d'Orange,
-le comte de Grignan, conformément aux ordres qu'il
-avait reçus du roi, fit travailler à la démolition entière
-de la citadelle; mais ce travail ne put être terminé que
-dans le mois de mai suivant (1674). Le puits, qui avait
-83 toises de profondeur et 30 de circonférence, fut comblé.</p>
-
-<p>Le comte de Grignan s'était retiré aussitôt après avoir
-vu commencer la démolition de la place, et avait laissé
-la direction des travaux à Lausier<a id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor">&nbsp;[111]</a>, son capitaine des
-gardes, qui commandait aux quatre compagnies des soldats
-de galères. Le comte de Grignan fut escorté à son
-retour par toute la noblesse de Provence et du comtat
-d'Avignon, qui l'avait volontairement suivi dans cette
-petite campagne<a id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor">&nbsp;[112]</a>. La joie de madame de Sévigné fut
-grande quand elle en connut le glorieux résultat<a id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor">&nbsp;[113]</a>. «J'embrasse
-le vainqueur d'Orange» (dit-elle dans sa lettre à
-sa fille)... «L'affaire d'Orange fait ici un bruit très-agréable
-pour M. de Grignan. Cette grande quantité de noblesse
-qui l'a suivi par le seul attachement pour lui, cette
-grande dépense, cet heureux succès, car voilà tout; tout
-cela fait honneur et donne de la joie à ses amis, qui ne
-sont pas ici en petit nombre. Le roi dit à souper: «Orange
-<span class="pagenum"><a id="Page_45"> 45</a></span>
-est pris; Grignan avait sept cents gentilshommes avec
-lui. On a tiraillé du dedans, et enfin on s'est rendu le
-troisième jour. Je suis fort content de Grignan<a id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor">&nbsp;[114]</a>.»</p>
-
-<p>Mais, comme l'observe madame de Sévigné, après
-avoir gagné cette bataille d'Orange il fallait en commencer
-une autre contre l'évêque de Marseille<a id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor">&nbsp;[115]</a>; et, le
-lendemain du jour où elle écrivait ces lignes (le 5 décembre
-1673), l'assemblée des communautés de Provence,
-siégeant à Lambesc, s'ouvrait «par authorité et
-permission de monseigneur le comte de Grignan, lieutenant
-général, commandant pour le roy au païs, et
-par mandement de messieurs les procureurs dudit pays,
-et par M. de Gerard, comte palatin, conseiller du roy
-en ses conseils, commissaire député, par mondit seigneur
-le comte de Grignan, pendant la maladie ou absence
-du seigneur de Rouillé, comte de Melay<a id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor">&nbsp;[116]</a>.»</p>
-
-<p>Mais de Rouillé, qui n'était ni malade ni absent,
-ouvrit le lendemain les délibérations par un assez long
-discours. Il demanda au nom du roi à l'assemblée de
-voter le don gratuit de 500,000 francs, la même somme
-qui avait été accordée l'année précédente. De Rouillé prétendait
-seulement exciter des sujets fidèles à remplir leur
-devoir envers leur souverain. «Si vous faites comparaison,
-disait-il<a id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor">&nbsp;[117]</a>, de ce temps-ci avec celui des troubles et
-des désordres passés de cette province, vous reconnaîtrez
-<span class="pagenum"><a id="Page_46"> 46</a></span>
-encore mieux que votre bonheur est un pur effet de
-sa bonté et de sa clémence, que votre obéissance et vos
-soumissions vous ont acquis et vous peuvent conserver.»</p>
-
-<p>Cependant de Rouillé, quittant le ton d'un servile courtisan,
-fait valoir, pour déterminer le vote de l'assemblée,
-des considérations plus justes et des motifs plus réels. La
-déclaration de guerre de l'Espagne a forcé le roi d'augmenter
-le nombre de ses armées de terre et de mer, et
-il est nécessaire pour le bien du royaume «qu'il fasse
-trembler toute la maison d'Autriche, et qu'il abaisse à
-ses pieds l'orgueil de cette république, autant ingrate
-qu'elle est insolente et ambitieuse, qui doit à la couronne
-de France toute son élévation et sa grandeur.»</p>
-
-<p>«Vous n'ignorez pas, ajouta-t-il<a id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor">&nbsp;[118]</a>, messieurs, que Sa
-Majesté emploie tous les ans dans cette province des
-sommes de deniers beaucoup plus grandes qu'elle n'en
-retire; et que les dépenses qu'elle fait à Toulon et à Marseille
-pour la construction, l'armement et l'entretien des
-vaisseaux et des galères, ou pour réparer ou fortifier ces
-places et les autres ports et lieux maritimes de ce pays,
-y apportent l'abondance par l'augmentation du commerce,
-par le débit et la consommation de vos denrées
-et par l'emploi de toutes sortes d'artisans et d'ouvriers,
-qui y trouvent leur subsistance et le soutien de leurs familles.»</p>
-
-<p>L'évêque de Marseille répondit à l'intendant avec
-plus de dignité et de convenance. «Comme vous connaissez,
-monsieur, lui dit-il, notre zèle, vous connaissez
-aussi notre faiblesse; et il faut, s'il vous plaît, que, comme
-vous êtes l'homme du roi par votre caractère, vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_47"> 47</a></span>
-soyez l'homme du peuple par votre générosité. Le roi
-aura sujet dans cette occasion d'être satisfait de la province,
-parce qu'elle ira pour son service aussi loin que
-ses forces le lui permettront; et il le sera en effet si
-vous employez, pour lui représenter les misères et les
-besoins du peuple, cette vivacité et cette lumière d'esprit
-que vous venez de montrer pour représenter à l'assemblée
-les besoins et les intentions de Sa Majesté.»</p>
-
-<p>L'assesseur Decorio réitéra les condoléances sur la
-misère générale: «Les riches même n'ont point d'argent
-pour secourir les pauvres et les faire travailler.
-Les sources du commerce se trouvent taries par les
-nouveaux édits créant de nouveaux impôts, soit pour
-les contrôles des exploits, pour l'enregistrement des oppositions,
-pour conserver les hypothèques, les greffes
-des arbitrages, et le papier timbré.» Cependant il conclut
-à l'adoption de la proposition sur le don gratuit.
-Les 500,000 francs furent accordés, et l'assemblée décida
-en outre qu'il serait, comme précédemment, envoyé
-un courrier à la cour<a id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor">&nbsp;[119]</a>, dont la dépense fut réglée,
-selon le taux habituel, à la somme de mille livres.</p>
-
-<p>Après ce vote, qui, quoique le plus important, préoccupait
-peu, vu qu'il était considéré comme un vote
-obligatoire et de pure forme, vint l'affaire qui tenait tous
-les esprits suspendus, parce que tous les membres de
-l'assemblée avaient pris parti soit pour l'évêque de Marseille,
-soit pour le comte de Grignan, dont les intérêts
-étaient en présence. Il était impossible que le vote qui
-allait intervenir pût donner satisfaction à l'un des deux
-rivaux sans offenser l'autre.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_48"> 48</a></span>
-L'assesseur déclara à l'assemblée que M. le marquis
-de Maillanne de la Rousselle, procureur du pays-joint
-pour la noblesse, étant décédé, il fallait pourvoir à
-son remplacement<a id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor">&nbsp;[120]</a>; et l'intendant dit que M. de Pomponne
-lui avait écrit que le roi trouvait bon que l'assemblée
-fît cette nomination avec une pleine et entière
-liberté.</p>
-
-<p>Nonobstant cette déclaration, le plus grand nombre des
-membres de l'assemblée ne doutaient pas que le roi n'eût
-fait un choix, et ils désiraient le connaître pour s'y conformer.
-Le succès du siége d'Orange avait déterminé le
-roi à donner toute satisfaction au comte de Grignan; et ce
-fut l'évêque de Marseille, dont l'influence sur l'assemblée
-était connue, qu'il chargea d'empêcher toute division
-et de réunir tous les votes sur le marquis de Buous.
-On ignorait cela, et l'attention fut grande lorsque l'évêque
-de Marseille, procureur-joint du clergé, prit la
-parole.</p>
-
-<p>Il exposa que, se trouvant à la cour pour d'autres affaires
-lorsque cette place de procureur-joint pour la noblesse
-était venue à vaquer, il avait représenté que l'assemblée
-des communautés était de droit en possession de
-faire cette élection, au défaut des états; et que, pour ne
-pas perdre une occasion de servir la province, il avait
-prié instamment Sa Majesté de la maintenir dans ce droit
-et dans cet usage: ce qu'il a plu à Sa Majesté de lui accorder.
-Mais le roi avait appris depuis qu'il se présentait
-plusieurs concurrents et qu'il y avait contestation à cet
-égard. L'évêque déclara qu'il avait reçu à ce sujet une
-lettre de monseigneur Colbert, datée de Saint-Germain
-<span class="pagenum"><a id="Page_49"> 49</a></span>
-le 1<sup>er</sup> janvier, et il demanda qu'il en fût donné lecture.
-Cette lettre contenait ce qui suit:</p>
-
-<p class="oline">«Monsieur,</p>
-
-<p>«Le roi vous écrit, et à M. le comte de Grignan,
-sur le sujet de la mésintelligence qui est à présent
-entre vos maisons; et comme l'intention de Sa Majesté
-est que M. de Rouillé vous accommode ensemble, je
-crois vous devoir dire que vous ne pouvez rien faire qui
-soit plus conforme à son inclination pour son service
-que d'y apporter toutes les facilités qui dépendent de
-vous, étant bien difficile qu'il puisse avoir le succès
-qu'il est nécessaire pour sa satisfaction quand deux
-maisons aussi considérables que la vôtre et celle dudit
-sieur comte de Grignan seront dans une si grande division
-que celle où elles sont de présent; et je puis vous
-assurer que ceux qui apporteront plus de facilité à cet
-accommodement s'attireront plus de considération et
-de mérite dans l'esprit de Sa Majesté<a id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor">&nbsp;[121]</a>.»</p>
-
-<p>L'évêque de Marseille, après la lecture de cette lettre,
-déclara que M. de la Barben, qu'il avait proposé
-pour occuper cette charge de procureur-joint, avait le
-plus de droits pour l'obtenir; mais de la Barben avait
-un emploi qui l'appelait près de S. M., et il suppliait
-l'assemblée de ne pas penser à lui. «Et comme, par
-la lettre de monseigneur Colbert, dont on vient de
-donner lecture, il lui est donné avis, à lui évêque de
-Marseille, que le roi désire qu'il vive en bonne intelligence
-avec M. le comte de Grignan, et que ceux qui
-feront le plus d'avances en cette affaire seront ceux
-<span class="pagenum"><a id="Page_50"> 50</a></span>
-qui s'attireront plus de mérite dans l'esprit de S. M.,
-n'ayant point de plus forte passion que celle de lui
-obéir et de donner à la province une marque de sa
-soumission aux ordres du roi, quoiqu'il y ait dans les
-pays beaucoup de sujets capables de remplir cet emploi,
-néanmoins il nomme M. le marquis de Buous<a id="FNanchor_122" href="#Footnote_122" class="fnanchor">&nbsp;[122]</a>
-en ladite charge de procureur du pays-joint pour la noblesse,
-et prie tous ses amis (c'est-à-dire qu'il prie
-tous les assistants sans en excepter aucun, car il les
-croit tous ses amis) de donner leur suffrage à M. le marquis
-de Buous, d'autant plus que c'est une personne
-de beaucoup de qualité et de mérite.</p>
-
-<p>«Et tout de suite, continuant d'appeler les voix, l'assemblée
-a unanimement élu et nommé, <i>sous le bon
-plaisir des prochains états et jusqu'à la tenue d'iceux</i>,
-le sieur marquis de Buous (Pontevès) en ladite
-charge de procureur du pays-joint pour la noblesse, au
-lieu et place dudit sieur le marquis de Maillanne et de la
-Rousselle.»</p>
-
-<p>Ainsi se termina cette grande affaire, grande seulement
-pour M. de Grignan et pour madame de Sévigné.
-L'on voit que l'évêque de Marseille, en cédant à M. de
-Grignan le champ de bataille, eut encore l'habileté de
-paraître en triomphateur; car tout se fit par lui, tout
-parut combiné pour lui procurer l'occasion de donner
-une nouvelle preuve de son dévouement au roi et de
-son influence singulière sur le pays de Provence.</p>
-
-<p>Dans le cours des autres délibérations qui suivirent,
-l'évêque de Marseille eut bien soin de montrer qu'il avait
-voulu par ce vote aider aux désirs du roi, mais non
-<span class="pagenum"><a id="Page_51"> 51</a></span>
-complaire au gouverneur. Il s'empressa de combattre
-la proposition qui fut faite d'accorder au comte de Grignan
-les cinq mille francs de gratification pour l'entretènement
-de ses gardes qui lui avait été concédée dans les
-années précédentes. L'évêque de Marseille, en son nom
-et en celui de l'évêque de Toulon, dit que c'était par la
-pensée qu'ils avaient eue jusqu'ici que cette proposition
-n'aurait pas de suite pour l'avenir que, dans les dernières
-assemblées, ils ne s'étaient point opposés tous deux à ce
-qui avait été arrêté et délibéré sur ce sujet; mais comme
-ils s'apercevaient que cette gratification devenait insensiblement
-une charge et un tribut ordinaire de la province,
-il ne leur était pas permis de balancer entre des
-considérations particulières et l'intérêt public; et non-seulement
-ils s'opposaient à l'adoption de la proposition,
-mais ils espéraient que le seigneur intendant userait
-de son autorité pour qu'elle ne fût pas même mise
-en délibération<a id="FNanchor_123" href="#Footnote_123" class="fnanchor">&nbsp;[123]</a>.</p>
-
-<p>L'évêque de Marseille motiva cette opinion sur des raisons
-déjà alléguées dans les années précédentes. Il savait
-bien qu'elle ne pourrait prévaloir, et il n'était pas même
-dans ses intentions de faire changer l'avis de l'assemblée
-sur ce point. On ne l'ignorait pas; mais néanmoins,
-après que les cinq mille francs eurent été accordés par
-une délibération spéciale, l'évêque de Marseille et celui
-de Toulon protestèrent, et déclarèrent qu'ils étaient dans
-l'intention de se pourvoir vers S. M., «requérant messieurs
-les procureurs du pays de ne faire aucun mandement
-avant que ladite opposition soit décidée.»</p>
-
-<p>Cette opposition elle-même était de pure forme, car
-<span class="pagenum"><a id="Page_52"> 52</a></span>
-l'évêque de Marseille ne doutait pas que cette délibération
-de l'assemblée serait approuvée par le roi comme
-elle l'avait été dans les années précédentes, et que l'assemblée
-allait en anéantir l'effet à l'instant même. On
-arrêta donc que, nonobstant ladite opposition, lesdits
-procureurs généraux du pays expédieraient leurs mandements<a id="FNanchor_124" href="#Footnote_124" class="fnanchor">&nbsp;[124]</a>.
-L'intention des évêques était de conserver le
-droit et de maintenir le principe.</p>
-
-<p>Cependant l'évêque de Marseille ne voulut pas que son
-opposition fût une vaine menace, ni rester entièrement
-étranger à la concession faite au comte de Grignan; il
-écrivit en cour, et dans la dernière séance de l'assemblée
-(le 12 janvier 1674) il dit «qu'il venait de recevoir
-une lettre du <i>petit cachet</i> du roi, datée du 1<sup>er</sup> de ce
-mois, par laquelle S. M., pour cette fois seulement
-et sans conséquence pour l'avenir, désire que l'assemblée
-accorde à monseigneur le comte de Grignan la
-somme de cinq mille livres pour la compagnie des gardes,
-en considération des dépenses qu'il vient de faire
-à Orange; et S. M. invite l'évêque de Marseille à concourir
-à cette décision avec ses amis.»&mdash;«Et par ainsi
-l'évêque de Marseille et le seigneur évêque de Toulon
-ont dit que, pour obéir à la volonté du roi, ils se départent
-de l'opposition qu'ils ont formée sur la délibération
-prise pour lesdits cinq mille livres aux termes de ladite
-lettre de Sa Majesté, pour cette fois seulement et sans
-conséquence pour l'avenir<a id="FNanchor_125" href="#Footnote_125" class="fnanchor">&nbsp;[125]</a>.»</p>
-
-<p>Telle fut la fin de cette lutte, et le dernier acte d'autorité
-de Forbin-Janson en Provence. Il ne tarda pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_53"> 53</a></span>
-à être appelé à de plus hautes destinées<a id="FNanchor_126" href="#Footnote_126" class="fnanchor">&nbsp;[126]</a>. Trois mois
-après la fin des délibérations de cette assemblée, Louis XIV
-écrivait à Sobieski, grand maréchal de Pologne, qu'il
-envoyait pour ambassadeur à la diète polonaise l'évêque
-de Marseille, dont la capacité lui était connue et dans
-lequel il désirait qu'il eût autant de confiance qu'en lui-même<a id="FNanchor_127" href="#Footnote_127" class="fnanchor">&nbsp;[127]</a>.</p>
-
-<p>Forbin-Janson fut encore pendant cinq ou six ans
-évêque de Marseille; mais, engagé dans des négociations
-diplomatiques, il n'eut pas plus de part à l'administration
-de son diocèse qu'à celle de la Provence.
-Aucun des évêques qui furent successivement nommés
-procureurs-joints par l'assemblée<a id="FNanchor_128" href="#Footnote_128" class="fnanchor">&nbsp;[128]</a> des communautés de
-la Provence n'eut ses talents, l'énergie de son caractère,
-son crédit à la cour et sa popularité. Le comte de
-Grignan fut donc pour toujours débarrassé d'un rival
-dangereux<a id="FNanchor_129" href="#Footnote_129" class="fnanchor">&nbsp;[129]</a>. Janson plaisait beaucoup à madame de
-Sévigné; elle s'était flattée, par l'amitié qu'il lui témoignait,
-de le réconcilier avec sa fille. Elle écrivait à
-celle-ci que, si elle venait à Paris, on la verrait avec
-l'évêque dans le même carrosse<a id="FNanchor_130" href="#Footnote_130" class="fnanchor">&nbsp;[130]</a>, sollicitant ensemble
-<span class="pagenum"><a id="Page_54"> 54</a></span>
-pour le comte de Grignan. Mais cet espoir ne se réalisa
-jamais, et madame de Grignan ne put pardonner
-à Janson sa longue opposition, quoique depuis il eût
-cessé de se montrer hostile envers elle ou aucun des
-siens<a id="FNanchor_131" href="#Footnote_131" class="fnanchor">&nbsp;[131]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné avait eu lieu de craindre qu'il ne
-parvînt à faire échouer toutes ses démarches en faveur
-de la nomination du marquis de Buous, et elle avait
-cherché à persuader à sa fille que la réussite était de
-peu d'importance pour le lieutenant général gouverneur
-de Provence; mais quand elle se vit assurée du succès,
-elle changea de ton. En répondant à madame de Grignan,
-elle dit<a id="FNanchor_132" href="#Footnote_132" class="fnanchor">&nbsp;[132]</a>: «Présentement que par votre lettre, qui
-me donne la vie, nous voyons votre triomphe quasi assuré,
-je vous avoue franchement que par tout pays c'est
-la plus jolie chose du monde que d'avoir emporté cette
-affaire malgré toutes les précautions, les prévenances,
-les prières, les menaces, les sollicitations, les vanteries
-de vos ennemis: en vérité cela est délicieux, et fait
-voir, autant que le siége d'Orange, la considération de
-M. de Grignan dans toute la Provence.»</p>
-
-<p>On apprend par les lettres de l'archevêque d'Arles à
-madame de Sévigné que madame de Grignan avait tous
-les honneurs de la réussite, parce que, contre les conseils
-de sa mère, contre ceux de l'archevêque, elle
-avait toujours insisté pour qu'on ne fît aucune concession
-à l'évêque de Marseille. «L'archevêque, dit madame
-de Sévigné, est contraint d'avouer que, par l'événement,
-<span class="pagenum"><a id="Page_55"> 55</a></span>
-votre vigueur a mieux valu que sa prudence,
-et qu'enfin, à votre exemple, il s'est tout à fait jeté dans
-la bravoure. Cela m'a réjouie<a id="FNanchor_133" href="#Footnote_133" class="fnanchor">&nbsp;[133]</a>.»</p>
-
-<p>Tout cela s'écrivait avant la nomination du marquis de
-Buous et lorsqu'on la considérait comme très-probable;
-mais lorsque madame de Sévigné apprend que cette
-nomination est faite et a été l'objet d'un vote unanime,
-sa joie éclate dans toute sa force; et nous sommes
-instruits depuis combien de temps elle était, ainsi que
-les Grignan, préoccupée de cette affaire. «Ah! quel
-succès! quel succès! L'eussions-nous cru à Grignan?
-Hélas! nous faisions nos délices d'une suspension. Le
-moyen de croire qu'on renverse en un mois des mesures
-prises depuis un an? Et quelles mesures, puisqu'on
-offrait de l'argent!» Et très-judicieusement elle
-ajoute cette réflexion, faite par elle et par ses nombreux
-amis, qui, dès huit heures du matin, étaient venus
-la complimenter sur cette nouvelle: «Nous trouvons
-l'évêque toujours habile et toujours prenant les
-bons partis; il voit que vous êtes les plus forts et que
-vous nommez M. de Buous, et il nomme M. de Buous.
-Nous voulons tous que présentement vous changiez de
-style et que vous soyez aussi modestes dans la victoire
-que fiers dans le combat<a id="FNanchor_134" href="#Footnote_134" class="fnanchor">&nbsp;[134]</a>.» Ce conseil dut être suivi forcément,
-car des ordres du roi parvinrent à M. de Grignan
-de s'abstenir de tout sentiment hostile envers l'évêque.
-«Voilà donc votre paix toute faite, dit madame
-de Sévigné. Je vous conseille de vous comporter selon le
-<span class="pagenum"><a id="Page_56"> 56</a></span>
-temps; et puisque le roi veut que vous soyez bien avec
-l'évêque, il faut lui obéir<a id="FNanchor_135" href="#Footnote_135" class="fnanchor">&nbsp;[135]</a>.»</p>
-
-<p>Les états de Bretagne se tinrent cette année à Vitré et
-en même temps que l'assemblée de Provence. Madame
-de Sévigné n'y alla point; mais elle fut parfaitement
-instruite de ce qui s'y passa. Ils s'ouvrirent le 24 novembre
-1673, sous la présidence de la Trémouille, prince
-de Tarente, baron de Vitré, et ils ne furent terminés
-que le 10 janvier 1674. Ils ne présentèrent pas un spectacle
-aussi animé ni aussi brillant que ceux où, deux ans
-avant, madame de Sévigné s'était trouvée; mais ils ont
-un intérêt historique plus puissant. On y vit les derniers
-efforts des Bretons pour conserver contre les envahisseurs
-du despotisme les restes de leurs libertés, en vain
-garanties par les traités du double mariage d'Anne
-de Bretagne. Les demandes de subsides ayant donné
-lieu à des objections de la part de deux députés, Saint-Aubin
-Treslon et Des Clos de Sauvage (les noms de ces
-hommes courageux méritent d'être rappelés), le duc de
-Chaulnes, gouverneur, les fit arrêter. Six députés de
-chaque ordre furent envoyés au gouverneur pour réclamer
-contre cette mesure. Le duc de Chaulnes répondit
-qu'il n'avait fait qu'exécuter les ordres du roi. Mais la
-princesse de Tarente intervint auprès de M. de Chaulnes,
-et les deux députés furent relâchés. Douze députés furent
-délégués par les états pour aller rendre grâces à la
-<span class="pagenum"><a id="Page_57"> 57</a></span>
-princesse<a id="FNanchor_136" href="#Footnote_136" class="fnanchor">&nbsp;[136]</a>. C'est cette affaire qui fait dire à madame
-de Sévigné: «il y a eu bien du bruit à nos états de
-Bretagne; vous êtes plus sages que nous<a id="FNanchor_137" href="#Footnote_137" class="fnanchor">&nbsp;[137]</a>.» Ce qui se
-passa à ces états de plus important fut la révocation de
-plusieurs édits oppresseurs, depuis longtemps demandée,
-et en même temps le vote obligé d'une somme égale au
-don gratuit, pour suppléer au déficit que l'abolition des
-impôts perçus en vertu des édits occasionnait dans le
-trésor de l'État. Ainsi plaisir et chagrin en même
-temps; c'était une grâce vendue, et non accordée. La
-chose est très-exactement racontée dans une lettre de
-madame de Sévigné à sa fille.</p>
-
-<p>«A propos, on a révoqué tous les édits qui nous
-étranglaient dans notre province. Le jour que M. de
-Chaulnes l'annonça, ce fut un cri de <i>vive le roi!</i> qui fit
-pleurer tous les états; chacun s'embrassait, on était
-hors de soi; on ordonna un <i>Te Deum</i>, des feux de joie
-et des remercîments publics à M. de Chaulnes. Mais
-savez-vous ce que nous donnons au roi? 2,600,000 livres,
-et autant de don gratuit. C'est justement 5,200,000
-livres. Que dites-vous de cette petite somme? Vous
-pouvez juger par là la grâce qu'on nous a faite de nous
-ôter les édits<a id="FNanchor_138" href="#Footnote_138" class="fnanchor">&nbsp;[138]</a>.» Madame de Sévigné ne fait pas mention
-des gratifications, parce qu'elles étaient les mêmes
-<span class="pagenum"><a id="Page_58"> 58</a></span>
-tous les ans: 100,000 fr. au duc de Chaulnes, 20,000 fr.
-pour ses gardes, 20,000 fr. au marquis de Lavardin, et
-ainsi de suite aux ministres de Pomponne, à Louvois,
-à Colbert, à Seignelay, son fils, et à leurs commis. Le
-marquis de Lavardin, comme lieutenant général, eut
-50,000 livres; mais il refusa de toucher la somme de
-10,000 fr. qui lui était accordée pour l'ouverture des
-états, donnant en cela l'exemple d'un noble désintéressement
-qui ne fut pas imité par le prince de Tarente,
-lequel reçut 32,000 fr. pour sa présidence, et 15,000 fr.
-pour sa femme. Cette province était accablée; un
-jeune membre de l'assemblée des états, qui sans doute
-n'était que l'organe de beaucoup d'autres, le marquis
-de Coëtquen, en fit aigrement la remarque à d'Haroüis,
-le trésorier de la province. Pour ce fait, Coëtquen fut
-rappelé à Paris par sa grand'mère la duchesse de Rohan,
-et le duc de Chaulnes lui défendit de paraître aux
-états. Madame de Sévigné applaudit à cette mesure despotique,
-parce que d'Haroüis était son ami et son allié<a id="FNanchor_139" href="#Footnote_139" class="fnanchor">&nbsp;[139]</a>.
-Cependant il est facile de s'apercevoir, par plusieurs
-passages de ses lettres pleines d'une ironie amère,
-qu'on a prise pour de l'indifférence et de l'insensibilité,
-qu'elle ressentait vivement la dureté du gouverneur
-son ami, envers la Bretagne. Le duc de Chaulnes pouvait
-tout se permettre; il s'était concilié la faveur du monarque
-par sa capacité, sa fermeté, sa vigilance. Peu
-après la tenue des états, il repoussa, avec les seules
-forces de la province, les ennemis qui avaient voulu faire
-<span class="pagenum"><a id="Page_59"> 59</a></span>
-une descente sur les côtes, et les força à s'éloigner de
-Belle-Isle, qu'ils voulaient assiéger<a id="FNanchor_140" href="#Footnote_140" class="fnanchor">&nbsp;[140]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_60"> 60</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE IV.<br />
-<span class="medium">1673-1674.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">Madame de Sévigné retrouve son cousin Bussy à Paris.&mdash;Lettre de
-Bussy à madame de Sévigné.&mdash;Leur amitié s'était refroidie.&mdash;Bussy
-veut se réconcilier avec madame de la Baume.&mdash;Il avait un
-procès au conseil, qu'il gagna.&mdash;Il va voir madame de la Morésan.&mdash;Exemple
-de Martel, mis à la Bastille pour défaut de soumission.&mdash;Détails
-sur l'origine de la liaison de madame de Sévigné avec la
-marquise de Martel.&mdash;Effrayé par l'exemple de Martel, Bussy demande
-une nouvelle prolongation de séjour.&mdash;Il écrit au duc de
-Montausier, à madame de Thianges, pour qu'elle le réconcilie
-avec la Rochefoucauld.&mdash;Elle échoue dans cette négociation.&mdash;La
-duchesse de Longueville intercède pour Bussy auprès de Condé.&mdash;La
-colère de Condé contre Bussy subsiste.&mdash;Bussy écrit à madame
-de Sévigné une lettre pour être montrée à madame Scarron.&mdash;Madame
-de Sévigné va à Saint-Germain en Laye, et couche
-chez M. de la Rochefoucauld.&mdash;Billet de madame de Sévigné à
-Bussy, qui lui transmet la réponse faite par madame Scarron.&mdash;Bussy
-fait demander au roi une nouvelle prolongation de séjour.&mdash;Le
-refus en était connu de madame de Sévigné avant d'avoir
-été notifié à Bussy.&mdash;Bussy fait ses adieux à tout le monde, et
-reste à Paris caché.&mdash;Il va voir secrètement madame de Sévigné
-et madame de Grignan.&mdash;Il est visité par le duc de Saint-Aignan.&mdash;Deux
-entretiens du roi et du duc de Saint-Aignan.&mdash;Le
-roi permet à Bussy de rester encore trois semaines.&mdash;Il part,
-et retourne en Bourgogne.&mdash;Le roi en Franche-Comté fait venir
-la reine à Dijon.&mdash;Bussy écrit à <span class="smallc">Mademoiselle</span> pour offrir son
-château à la reine et à elle.&mdash;A chaque victoire, Bussy adresse une
-lettre au roi.&mdash;La guerre de Franche-Comté s'achève, et Bussy
-n'obtient rien.</p>
-
-<p class="space">Lorsque, à la fin du mois d'août 1673, madame de
-Sévigné, alors au château de Grignan, écrivait à Bussy:
-«Je me console de ne point vous voir à Bourbilly,
-<span class="pagenum"><a id="Page_61"> 61</a></span>
-puisque je vous verrai à Paris<a id="FNanchor_141" href="#Footnote_141" class="fnanchor">&nbsp;[141]</a>,» elle croyait déjà son
-cousin dans la capitale. Il n'y arriva que le 16 septembre,
-et ce ne fut que lorsqu'il se trouvait menacé
-de ne pouvoir plus y rester qu'il répondit à cette lettre.</p>
-
-<p>Voici cette réponse, un peu énigmatique:</p>
-
-<p class="dater">«Paris, ce 10 octobre 1673.</p>
-
-<p>«Je viens de demander au roi plus de temps qu'il ne
-m'avait accordé pour faire ici mes affaires. Je crois
-qu'il m'en accordera. Je suis d'accord avec vous, madame,
-que la fortune est bien folle; et j'ai pris mon parti
-sur ce que sa persécution durera toute ma vie. Les grands
-chagrins même ne sont pas sus; et, comme je vous ai
-déjà mandé, ma raison m'a rendu fort tranquille. Faites
-comme moi, madame. Il vous est bien plus aisé, car le
-secret de vos peines est fort au-dessous du mien<a id="FNanchor_142" href="#Footnote_142" class="fnanchor">&nbsp;[142]</a>.»</p>
-
-<p>On s'aperçoit facilement, d'après le ton et le ralentissement
-de leur correspondance, que l'amitié qui existait
-autrefois entre Bussy et sa cousine n'était plus la
-même. La susceptibilité orgueilleuse, le caractère vindicatif
-et l'immoralité de Bussy avaient considérablement
-refroidi cette chaleur de c&oelig;ur que madame de
-Sévigné avait éprouvée pour son cousin. Les années
-seules l'auraient guérie d'une inclination qui, dans
-son jeune âge, n'avait pas été sans péril. Intimement
-liée avec tous ceux auxquels Bussy avait déplu et
-<span class="pagenum"><a id="Page_62"> 62</a></span>
-qui, ainsi qu'elle, brillaient à la cour et dans les hautes
-sphères de la société, madame de Sévigné devait souvent
-entendre des railleries sur ce courtisan émérite et
-disgracié, vivant solitairement en province, et qui dans
-ses manières, ses discours, ses écrits voulait toujours
-paraître le type parfait du gentilhomme, du guerrier,
-du bel esprit et de l'honnête homme, c'est-à-dire de
-l'homme à bonnes fortunes. Madame de Sévigné avait
-trop d'usage et de discernement pour ne pas s'apercevoir
-des ridicules de Bussy; et dans plusieurs passages
-des lettres à sa fille elle y fait allusion, mais
-avec finesse et avec ménagement. Elle n'avait plus autant
-d'admiration pour le talent épistolaire si vanté de
-Bussy; il en montrait moins qu'autrefois dans les lettres
-qu'elle recevait de lui, et par cette raison peut-être,
-sans le vouloir, elle en mettait moins aussi dans les réponses
-qu'elle lui adressait. Elle lui avait dit jadis:
-«Vous êtes le fagot de mon esprit.» Le fagot manquait,
-et le feu qu'il devait allumer ne pouvait se produire. Cependant
-l'étroite parenté qui les unissait, les souvenirs de
-jeunesse qui leur étaient communs, l'habitude d'une longue
-liaison, surtout l'intérêt du nom que tous deux portaient,
-dont tous deux étaient fiers et dont ni l'un ni
-l'autre certainement ne ternissait l'éclat, formaient entre
-eux un attachement indissoluble et entretenaient une
-intimité d'autant plus égale qu'ils ne s'aimaient plus
-assez pour se quereller.</p>
-
-<p>La seule lettre que madame de Sévigné reçut de
-Bussy pendant son voyage fut celle que nous venons
-de transcrire; mais elle eut de ses nouvelles par d'autres
-personnes, car de Bourbilly elle écrit à sa fille:
-«Bussy est toujours à Paris, faisant tous les jours des
-<span class="pagenum"><a id="Page_63"> 63</a></span>
-réconciliations; il a commencé par madame de la Baume.
-Ce brouillon de temps, qui change tout, changera peut-être
-sa fortune<a id="FNanchor_143" href="#Footnote_143" class="fnanchor">&nbsp;[143]</a>.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné était mal informée; cette réconciliation
-qu'elle redoutait n'eut pas lieu. On en avait
-parlé dans le monde. Bussy voulait se faire la réputation
-d'un homme à qui on devait pardonner toutes ses fautes,
-parce que lui, disait-il, n'éprouvait aucun ressentiment
-contre ceux qui avaient eu des torts envers lui; et il entrait
-dans ses desseins de ne point accréditer ni démentir
-le bruit de sa réconciliation avec madame de la Baume.
-Dès son arrivée à Paris, il s'empressa d'aller rendre visite
-à madame de Thianges, «sa parente et sa bonne
-amie.»&mdash;«Elle me demanda, dit-il, s'il était vrai que
-je fusse raccommodé avec madame de la Baume. Je lui
-dis qu'elle m'avait fait faire des honnêtetés, auxquelles
-j'avais répondu de même, et que j'étais résolu non-seulement
-de recevoir les amitiés que me pourraient faire
-ceux qui m'avaient fait du mal, mais encore de leur faire
-des avances<a id="FNanchor_144" href="#Footnote_144" class="fnanchor">&nbsp;[144]</a>.»</p>
-
-<p>Le principal motif du séjour de Bussy à Paris était
-une contestation qu'il avait au conseil pour une somme
-de 60,000 fr. qu'on lui disputait. Il gagna son procès<a id="FNanchor_145" href="#Footnote_145" class="fnanchor">&nbsp;[145]</a>.</p>
-
-<p>Il est bien vrai qu'il fit des tentatives de réconciliation;
-mais il ne réussit dans aucune, comme le sut bientôt
-madame de Sévigné, dont les secours ne lui faillirent
-<span class="pagenum"><a id="Page_64"> 64</a></span>
-point en cette circonstance. Quand Bussy écrivait à sa
-cousine, l'époque de la permission qu'il avait obtenue
-pour rester dans la capitale était expirée depuis deux
-jours, et il avait demandé à M. de Pomponne une prolongation
-de séjour, qui lui fut accordée<a id="FNanchor_146" href="#Footnote_146" class="fnanchor">&nbsp;[146]</a>.</p>
-
-<p>Depuis un mois qu'il était à Paris, il avait employé
-son temps aux projets de son ambition plus encore qu'au
-profit de ses affaires. Il n'ignorait pas que le roi, bien
-disposé pour lui par le duc de Saint-Aignan, consentirait
-volontiers à faire cesser son exil s'il pouvait se réconcilier
-avec Condé et empêcher Louvois de lui être
-contraire. Ce fut de ce côté qu'il dirigea d'abord ses
-efforts. Lorsque la marquise de la Baume eut la perfidie
-de laisser publier le manuscrit des <i>Amours des Gaules</i>
-qu'il lui avait confié, il rompit entièrement avec elle, et
-il ne parlait de ses attraits et de sa personne qu'avec ce
-dédain et ce dénigrement qu'aucune femme ne peut
-pardonner<a id="FNanchor_147" href="#Footnote_147" class="fnanchor">&nbsp;[147]</a>. Depuis il ne chercha point à renouer une
-liaison avec une femme qu'il n'aimait pas et qu'il ne
-pouvait estimer; mais, comme toujours, il s'efforça de
-profiter de ses amitiés de femmes pour se réconcilier avec
-ceux qui lui étaient contraires. Il raconte dans ses
-Mémoires qu'il était depuis trois ans assez bien vu de
-madame de la Morésan, qui, par ses attraits, son esprit
-<span class="pagenum"><a id="Page_65"> 65</a></span>
-caustique et son caractère décidé et tranchant, par son
-alliance avec son beau-frère Dufresnoy, le principal
-commis de Louvois, était recherchée et redoutée<a id="FNanchor_148" href="#Footnote_148" class="fnanchor">&nbsp;[148]</a>. Le
-jour où Bussy l'alla voir<a id="FNanchor_149" href="#Footnote_149" class="fnanchor">&nbsp;[149]</a>, il y trouva Dufresnoy.
-«La conversation, dit-il, avec madame de la Morésan
-et moi se passa à nous renouveler des assurances d'amitié.
-Comme j'y fus jusqu'à l'entrée de la nuit, il y
-vint beaucoup de gens, et entre autres mesdames de la
-Baume et Louvois; j'en sortis bientôt après, ne pouvant
-soutenir la présence de gens que j'aimais si peu<a id="FNanchor_150" href="#Footnote_150" class="fnanchor">&nbsp;[150]</a>.»
-Lorsque Bussy écrivait à Paris ce fragment de ses
-<i>Mémoires</i>, madame de Sévigné s'y trouvait aussi; elle
-dut donc être dissuadée par lui de l'opinion qu'elle
-avait eue de sa réconciliation avec madame de la
-Baume.</p>
-
-<p>Bussy s'était empressé de demander une nouvelle permission
-pour continuer son séjour à Paris. Il avait alors
-un exemple récent du danger que l'on courait, sous
-un roi tel que Louis XIV, de ne pas se soumettre aux
-ordres de ses supérieurs. Le marquis de Martel, vieil
-officier de marine, avait passé par tous les grades avant
-de devenir lieutenant général à la mer; il trouva dur
-d'être obligé d'obéir au comte d'Estrées, vice-amiral
-<span class="pagenum"><a id="Page_66"> 66</a></span>
-d'une plus grande noblesse, mais moins ancien que lui
-comme officier, et qui avait gagné son grade de lieutenant
-général dans le service de terre. D'Estrées transmit
-à Martel, par écrit, un ordre sous une forme qui ne
-convenait pas à ce dernier<a id="FNanchor_151" href="#Footnote_151" class="fnanchor">&nbsp;[151]</a>; il ne refusait pas d'obéir à
-l'ordre, mais il voulait que la rédaction en fût changée.
-Pour ce léger tort, il fut arrêté par ordre du roi
-le 31 octobre, et mis à la Bastille. Cette rigueur dut
-faire de la peine à madame de Sévigné, qui était liée
-avec la femme du marquis de Martel depuis que celui-ci
-avait donné, sur le beau et célèbre <i>Royal-Louis</i>, vaisseau
-qu'il commandait<a id="FNanchor_152" href="#Footnote_152" class="fnanchor">&nbsp;[152]</a>, une fête à madame de Grignan
-lorsqu'elle alla voir le fort de Toulon vers le milieu du
-mois de mai 1672. La femme du lieutenant général
-gouverneur de Provence parut si belle alors, dansa si
-bien, que tous les jeunes officiers invités à cette fête en
-conservèrent un long souvenir, et que, plusieurs années
-après, un d'eux citait madame de Grignan comme le
-modèle le plus parfait de grâce et de légèreté dans la
-danse, en présence de madame de Sévigné, qu'il ne
-connaissait pas et dont la satisfaction et l'émotion furent
-grandes<a id="FNanchor_153" href="#Footnote_153" class="fnanchor">&nbsp;[153]</a>. La prolongation de séjour accordée à
-<span class="pagenum"><a id="Page_67"> 67</a></span>
-Bussy, par l'entremise de M. de Pomponne<a id="FNanchor_154" href="#Footnote_154" class="fnanchor">&nbsp;[154]</a>, était de
-deux mois; elle lui fit concevoir l'espérance de pouvoir
-obtenir durant ce temps, par ses démarches, la fin de
-son exil et la permission de paraître à la cour; puis enfin
-d'avoir un commandement, et de prendre sa part de
-succès et de gloire dans les guerres qui agrandissaient
-la France. C'était un noble orgueil, un rêve chéri auquel
-Bussy ne put jamais renoncer et qui, ne s'étant point
-réalisé, fit le malheur de sa vie.</p>
-
-<p>Il écrivit d'abord au duc de Montausier pour demander
-d'être présenté au Dauphin et de le voir: «curiosité,
-dit-il, que j'aurais, quand je serais du Japon.» Il reçut
-une réponse polie et presque affectueuse<a id="FNanchor_155" href="#Footnote_155" class="fnanchor">&nbsp;[155]</a>. Pendant le
-temps de son séjour à Paris, Bussy vit encore madame
-de Thianges; elle lui apprit qu'on avait rapporté de lui
-de mauvais propos qui entachaient la valeur du prince
-de Marsillac lors du fameux passage du Rhin à Tholus.
-Il protesta à madame de Thianges que c'était sans
-doute une fausseté et une perfidie de mademoiselle de
-Montalais, «parce que, disait-il, il n'y a qu'elle au
-monde assez méchante et assez folle pour inventer une
-chose dont la fausseté est aussi facile à découvrir que
-celle-là.» Bussy avait été très-bien avec cette spirituelle
-et intrigante s&oelig;ur de madame de Marans; mais
-<span class="pagenum"><a id="Page_68"> 68</a></span>
-depuis peu (Montalais n'était plus jeune) il s'était brouillé
-avec elle<a id="FNanchor_156" href="#Footnote_156" class="fnanchor">&nbsp;[156]</a>. Après cet entretien, Bussy écrivit une longue
-lettre à madame de Thianges pour se disculper des torts
-qu'on lui imputait envers la Rochefoucauld et son fils
-Marsillac. Il n'y a personne en France, selon Bussy, qui
-puisse rendre de plus assurés témoignages que lui «de
-la valeur du père et de celle du fils. Ils ont été blessés
-eu deux occasions où j'avais l'honneur de commander;
-l'une à Mardick et l'autre à Valenciennes<a id="FNanchor_157" href="#Footnote_157" class="fnanchor">&nbsp;[157]</a>.» Il paraît
-que le duc de la Rochefoucauld fut peu touché de lire
-un certificat de service militaire, pour lui et pour son
-fils, tracé de la main du comte de Bussy-Rabutin; car
-après que madame de Thianges lui eut communiqué cette
-lettre, il ne répondit à cette avance de Bussy par aucune
-parole polie<a id="FNanchor_158" href="#Footnote_158" class="fnanchor">&nbsp;[158]</a>.</p>
-
-<p>Bussy, qui connaissait l'influence que la Rochefoucauld
-et Marsillac avaient auprès du roi, de Condé et du
-duc d'Enghien, fit taire son orgueil, et s'adressa à madame
-de Sévigné; il la pria de faire en sorte, par madame
-de la Fayette, que le duc de la Rochefoucauld
-consentît à le voir, afin qu'ils pussent être ensemble sur
-de meilleurs termes.</p>
-
-<p>«Madame de Sévigné, dit Bussy dans ses <i>Mémoires</i>,
-s'en chargea; et, quatre ou cinq jours après, elle me dit
-<span class="pagenum"><a id="Page_69"> 69</a></span>
-que le duc de la Rochefoucauld avait répondu à son amie
-que, puisque avant que nous fussions brouillés nous ne
-nous voyions pas les uns les autres et que nous nous
-contentions de vivre honnêtement ensemble quand nous
-nous rencontrions, une plus grande liaison n'était pas
-nécessaire; que, pour lui, il serait très-aise de me rencontrer
-souvent, et qu'il se <i>clouerait où je serais</i>: ce
-furent ses propres termes.»&mdash;«Cette réponse, ajoute
-Bussy, me fit juger que j'aurais toujours à craindre de
-ce côté-là, et que je ne devais espérer de soutien que de
-la bonté du roi<a id="FNanchor_159" href="#Footnote_159" class="fnanchor">&nbsp;[159]</a>.»</p>
-
-<p>Si Bussy faisait cette réflexion, c'est qu'en même temps
-qu'il avait fait des démarches pour se réconcilier avec la
-Rochefoucauld il en avait tenté auprès du prince de
-Condé qui avaient encore moins réussi. Comme c'était
-la princesse de Longueville qu'il avait blessée par ses
-écrits et ses discours, et qu'il connaissait les sentiments
-chrétiens qui l'avaient déjà portée à le protéger contre la
-colère du prince lorsque l'outrage était récent<a id="FNanchor_160" href="#Footnote_160" class="fnanchor">&nbsp;[160]</a>, il jugea
-avec raison qu'elle interviendrait en sa faveur avec toute
-la chaleur qu'inspire la céleste charité aux âmes pénétrées
-de repentir. Il ne se trompait pas: la duchesse de
-Longueville fit de grands efforts pour calmer le ressentiment
-de Condé; elle ne put y parvenir. Elle fut obligée
-de lui annoncer par mademoiselle Desportes<a id="FNanchor_161" href="#Footnote_161" class="fnanchor">&nbsp;[161]</a>, dont
-Bussy, pour cette négociation, avait réclamé le secours,
-<span class="pagenum"><a id="Page_70"> 70</a></span>
-que monsieur son frère ne voulait point pardonner, et
-que même il lui avait dit «qu'il ne souffrirait pas que
-Bussy fût sur le pavé de Paris.»&mdash;«Ce discours, dit
-Bussy, me surprit; et je répondis à mademoiselle Desportes
-qu'il n'appartenait qu'au roi de parler ainsi: elle
-en convint.»</p>
-
-<p>Bussy n'en fut que plus ardent à chercher des appuis
-contre une si puissante inimitié. Il savait que madame
-Scarron, dont l'influence auprès de madame de Montespan
-était connue, avait contre lui des préventions qui
-n'étaient que trop motivées; il écrivit à sa cousine pour
-la faire consentir à être son intermédiaire entre lui et
-cette gouvernante des enfants naturels du roi, avec laquelle
-il n'avait jamais eu de liaison ni de correspondance<a id="FNanchor_162" href="#Footnote_162" class="fnanchor">&nbsp;[162]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné reçut la lettre que Bussy lui écrivit
-à ce sujet au retour d'un voyage à Saint-Germain.
-Elle y était allée pour voir ces mêmes personnes si contraires
-à Bussy et pour elle si amicales. Voici ce qu'elle
-dit de ce voyage en écrivant à sa fille: «Je viens de
-Saint-Germain, où j'ai été deux jours avec madame de
-Coulanges et M. de la Rochefoucauld; nous logions chez
-lui. Nous fîmes, le soir, notre cour à la reine, qui me
-dit bien des choses obligeantes pour vous... Mais s'il
-fallait vous dire tous les bonjours, tous les compliments
-d'hommes et de femmes, vieux et jeunes, qui me parlèrent
-de vous, ce serait nommer quasi toute la cour.
-J'ai dîné avec madame de Louvois; il y avait presse à
-qui nous en donnerait. Je voulais revenir hier; on nous
-arrêta d'autorité pour souper chez M. de Marsillac, dans
-<span class="pagenum"><a id="Page_71"> 71</a></span>
-un appartement enchanté, avec madame de Thianges et
-madame Scarron, M. le Duc et M. de la Rochefoucauld,
-M. de Vivonne, et une musique céleste. Ce matin, nous
-sommes revenues<a id="FNanchor_163" href="#Footnote_163" class="fnanchor">&nbsp;[163]</a>.»</p>
-
-<p>Ce fut deux jours après qu'elle reçut de Bussy la lettre
-suivante<a id="FNanchor_164" href="#Footnote_164" class="fnanchor">&nbsp;[164]</a>:</p>
-
-<p class="letter">LETTRE DE BUSSY A MADAME DE SÉVIGNÉ.</p>
-
-<p class="dater">«Paris, le 13 décembre 1673.</p>
-
-<p>«Vous pouvez vous souvenir, madame, de la conversation
-que nous eûmes l'autre jour. Elle fut presque toute
-sur les gens qui pouvaient traverser mon retour; et
-quoique je pense que nous les ayons tous nommés, je
-ne crois pas que nous ayons parlé des voies dont ils se
-servent pour me nuire. Cependant j'en ai découvert
-quelques-unes depuis que je vous ai vue; et l'on m'a
-assuré, entre autres, que madame Scarron en était une.
-Je ne l'ai pas cru au point de n'en pas douter un peu;
-car, bien que je sache qu'elle est aimée des personnes
-qui ne m'aiment pas, je sais qu'elle est encore plus
-amie de la raison, et il n'en paraît pas à persécuter, par
-complaisance seulement, un homme de qualité, qui
-n'est pas sans mérite, accablé de disgrâces. Je sais bien
-<span class="pagenum"><a id="Page_72"> 72</a></span>
-que les gens d'honneur entrent et doivent entrer dans
-les ressentiments de leurs amis; mais quand ces ressentiments
-sont ou trop aigres ou poussés trop loin, il est
-(ce me semble) de la prudence de ceux qui agissent de
-sang-froid de modérer les passions de leurs amis et de
-leur faire entendre raison. La politique conseille ce que
-je vous dis, madame, et l'expérience apprend à ne pas
-croire que les choses sont toujours en même état. On l'a
-vu en moi; car enfin, quand je sortis de la Bastille, ma
-liberté surprit tout le monde. Le roi a commencé de me
-faire de petites grâces sur mon retour, dans un temps
-où personne ne les attendait; et sa bonté et ma patience
-me feront tôt ou tard recevoir de plus grandes faveurs.
-Il n'en faut pas douter, madame: les disgrâces ont leurs
-bornes comme les prospérités. Ne trouvez-vous donc
-pas qu'il est de la politique de ne pas outrer les haines
-et de ne pas désespérer les gens? Mais quand on se
-flatterait assez pour croire que le roi ne radoucira jamais
-pour moi, où est l'humanité? où est le christianisme?
-Je connais assez les courtisans, madame, pour
-savoir que ces sentiments-là sont très-faibles en eux; et
-moi-même, avant mes malheurs, je ne les avais guère.
-Mais je sais la générosité de madame Scarron, son honnêteté
-et sa vertu; et je suis persuadé que la corruption
-de la cour ne les gâtera jamais. Si je ne croyais ceci, je
-ne vous le dirais pas, car je ne suis point flatteur; et
-même je ne vous supplierais pas comme je fais, madame,
-de lui parler sur ce sujet; c'est l'estime que j'ai pour
-elle qui me fait souhaiter de lui être obligé, et croire
-qu'elle n'y aura pas de répugnance. Si elle craint l'amitié
-des malheureux, elle ne fera rien pour avoir la
-mienne; mais si l'amitié de l'homme du monde le plus
-<span class="pagenum"><a id="Page_73"> 73</a></span>
-reconnaissant (et à qui il ne manquait que la mauvaise
-fortune pour avoir assez de vertu) lui est considérable,
-elle voudra bien me faire plaisir.»</p>
-
-<p>A cette lettre verbeuse, mais assez adroite, madame
-Scarron fit une prudente et courte réponse, contenue
-dans le billet suivant de madame de Sévigné à Bussy<a id="FNanchor_165" href="#Footnote_165" class="fnanchor">&nbsp;[165]</a>.</p>
-
-<p class="letter">BILLET DE MADAME DE SÉVIGNÉ A BUSSY.</p>
-
-<p class="dater">«A Paris, ce 15 décembre 1673.</p>
-
-<p>«Je fis voir hier soir à madame Scarron la lettre
-que vous m'avez écrite. Elle m'a dit n'avoir jamais entendu
-nommer votre nom en mauvaise part. Du reste,
-elle a très-bien reçu votre civilité. Elle ne trouvera jamais
-occasion de vous servir qu'elle ne le fasse. Elle
-connaît votre mérite et plaint vos malheurs.»</p>
-
-<p>Dans une longue lettre à sa fille<a id="FNanchor_166" href="#Footnote_166" class="fnanchor">&nbsp;[166]</a>, écrite le même jour
-que le billet qu'on vient de lire, madame de Sévigné
-annonce très-laconiquement, en ces termes, que Bussy
-va quitter Paris: «Bussy a ordre de retourner en Bourgogne.
-Il n'a pas fait la paix avec ses principaux ennemis.»</p>
-
-<p>La permission accordée à Bussy de prolonger son
-séjour à Paris finissait le jour même où madame de
-Sévigné écrivait le billet que nous avons transcrit<a id="FNanchor_167" href="#Footnote_167" class="fnanchor">&nbsp;[167]</a>. Mais
-<span class="pagenum"><a id="Page_74"> 74</a></span>
-Bussy avait, dès le 2 décembre, écrit au roi et à M. de
-Pomponne pour obtenir une nouvelle prolongation de
-séjour, et ces lettres furent envoyées à Saint-Germain
-en Laye, où était la cour. Ce ne fut que par une lettre
-de M. de Pomponne, datée de Saint-Germain le
-17 décembre, que Bussy fut informé du refus du roi<a id="FNanchor_168" href="#Footnote_168" class="fnanchor">&nbsp;[168]</a>.
-Madame de Sévigné, par son intimité avec de Pomponne,
-savait donc avant Bussy que la permission ne
-lui serait pas accordée; et on voit, d'après la suite des
-<i>Mémoires</i> de celui-ci, qu'elle ne lui en a rien dit. On
-n'est jamais pressé d'annoncer une mauvaise nouvelle à
-un ami. Ce refus affligea beaucoup Bussy, et le mit dans
-une grande perplexité. Ses affaires n'étaient point terminées,
-ses espérances de rentrer en grâce s'évanouissaient,
-et il craignait de déplaire au roi et de s'attirer
-sa colère s'il prolongeait son séjour à Paris. Il prit cependant
-ce dernier parti, et fit ses adieux aux secrétaires
-d'État, à tous ses amis et à toutes les femmes
-de sa connaissance; de sorte qu'on le crut en Bourgogne,
-tandis qu'il était caché dans Paris. Il confia son
-secret au seul duc de Saint-Aignan; et, de la retraite
-où il se tenait renfermé, il faisait parvenir des lettres
-qu'il datait de son château de Bussy. Il écrivit au roi,
-au secrétaire d'État Châteauneuf, au comte de Vivonne,
-à madame de Thianges et à divers puissants personnages<a id="FNanchor_169" href="#Footnote_169" class="fnanchor">&nbsp;[169]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_75"> 75</a></span>
-Néanmoins, malgré toutes ces précautions, le secret
-transpira; Bussy n'avait pu se résoudre à le cacher à
-sa cousine<a id="FNanchor_170" href="#Footnote_170" class="fnanchor">&nbsp;[170]</a>. Madame de Sévigné avait depuis un mois le
-bonheur de posséder sa fille avec elle lorsqu'elle apprit
-que Bussy était resté à Paris, et elle s'empressa d'aller
-rendre visite au captif volontaire; le billet qu'il lui adressa
-le lendemain de cette visite, en lui envoyant du vieux vin
-de Cotignac qui lui avait été donné autrefois par madame
-de Monglas, prouve évidemment que Bussy avait reçu
-des reproches de la mère et de la fille. Il s'ensuivit des
-explications et des épanchements réciproques, dont
-le c&oelig;ur de Bussy dut être satisfait; il écrit alors à sa
-cousine: «Je ne vous aime pas plus que je ne vous aimais
-hier matin; mais la conversation d'hier soir me
-fait plus sentir ma tendresse; elle était cachée au fond
-de mon c&oelig;ur, et le commerce l'a ranimée. Je vois bien
-par là que les longues absences nuisent à la chaleur de
-l'amitié aussi bien qu'à celle de l'amour<a id="FNanchor_171" href="#Footnote_171" class="fnanchor">&nbsp;[171]</a>.»</p>
-
-<p>Le duc de Saint-Aignan, ce fidèle ami de Bussy, vint
-souvent le visiter secrètement. Il se chargea de remettre
-ses lettres au roi et de plaider sa cause. Bussy demandait
-qu'il lui fût permis d'aller combattre en Flandre
-comme volontaire, sous les ordres de Condé; et Saint-Aignan
-suppliait le roi de lui accorder au moins cette
-<span class="pagenum"><a id="Page_76"> 76</a></span>
-faveur<a id="FNanchor_172" href="#Footnote_172" class="fnanchor">&nbsp;[172]</a>. Les entretiens qui eurent lieu à ce sujet entre
-Louis XIV et son complaisant courtisan sont des scènes
-d'intérieur des plus curieuses, qui confirment tout ce que
-nous avons dit sur les sentiments du monarque à l'égard
-de Bussy.</p>
-
-<p>Le roi dit: «Saint-Aignan, on accuse Bussy d'être
-l'auteur des chansons qui courent contre les ministres
-et contre quelques personnes de ma cour. Je ne crois pas
-cela, mais on le dit.»</p>
-
-<p>Saint-Aignan répond: «Bussy trouve bien étrange,
-sire, d'être toujours accusé et jamais convaincu; et, pour
-déconcerter la malice de ses ennemis, il demande à
-Votre Majesté de trouver bon qu'il se remette à la Bastille
-et que les accusations soient de nouveau jugées.»</p>
-
-<p>«Bussy perd l'esprit,» dit le roi.</p>
-
-<p>«Nullement, sire; et pour être convaincu que Bussy
-n'est pas fou, il prie Votre Majesté de lire la lettre qu'il
-a écrite au roi, et de prendre un recueil de pièces qu'il
-m'a chargé de lui remettre, et qui, j'en suis certain, divertiront
-le roi, s'il veut se donner la peine d'y jeter les
-yeux.»</p>
-
-<p>Louis XIV répondit qu'il recevrait tout cela quand
-il serait habillé; et en effet il fit appeler Saint-Aignan
-au sortir de son prie-Dieu, reçut les manuscrits et les
-lettres, et rentra dans son cabinet<a id="FNanchor_173" href="#Footnote_173" class="fnanchor">&nbsp;[173]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_77"> 77</a></span>
-Ainsi se termina ce premier entretien. Le duc de
-Saint-Aignan promit de faire plus, et il tint parole.</p>
-
-<p>Le jeudi 19 avril (le jour même où Louis XIV
-partit de Versailles pour aller conquérir la Franche-Comté),
-Bussy reçut une longue lettre du duc de Saint-Aignan,
-dans laquelle celui-ci lui rendait compte de
-deux autres entretiens qu'il avait eus avec le roi à son
-sujet. «Je m'approchai, dit le duc, du lit du roi, mardi
-17, à neuf heures du matin, et, m'étant mis à genoux,
-je pris la liberté de lui dire: Oserai-je, sire, demander
-à Votre Majesté si elle a lu le livre que je lui ai donné
-de la part du comte de Bussy; et, au cas qu'elle ne l'ait
-pas encore lu, si elle l'emportera avec elle?»</p>
-
-<p>«Le roi me répondit:</p>
-
-<p>«A propos, Saint-Aignan, j'ai un reproche à vous
-faire! Bussy est à Paris, et vous ne m'en avez rien dit.»</p>
-
-<p>«Je lui répondis:</p>
-
-<p>«Mon Dieu! sire, y va-t-il du service de Votre Majesté
-de lui donner ces sortes d'avis? Un pauvre homme
-de qualité, malheureux, est accablé d'affaires; pour y
-mettre quelque ordre, il se cache le plus qu'il peut, et
-cependant il se trouve des gens assez lâches pour lui
-rendre en cet état de méchants offices.»</p>
-
-<p>«Mais enfin (me répliqua le roi), après que le temps
-que je lui avais donné est expiré, il faut qu'il s'en aille.
-Cela a trop paru, et si vous ne voulez vous charger de
-lui dire de ma part (à cause que vous êtes son ami),
-je serai contraint de le lui faire dire par quelque autre
-moins doucement.»</p>
-
-<p>Saint-Aignan osa répliquer, et le roi s'adoucit et dit:
-«Je n'ai pas encore lu son recueil; il est dans ce petit
-cabinet, sur ma table.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_78"> 78</a></span>
-Saint-Aignan répondit:</p>
-
-<p>«Sire, il faut l'emporter; et je voudrais que Votre
-Majesté y voulût joindre le premier tome de ses <i>Mémoires</i>.
-Outre qu'il est bien écrit, le roi y verrait de
-petites histoires galantes qui le divertiraient.»</p>
-
-<p>Le roi termina en disant:</p>
-
-<p>«Songez seulement à lui dire ce que je vous ai dit,
-et à mon retour toutes choses nouvelles.»</p>
-
-<p>Saint-Aignan ne se rebuta pas; fidèle ami et habile
-courtisan, il connaissait tout le pouvoir de l'importunité
-sur une volonté flottante. Il retourna à Versailles le
-surlendemain, jour fixé pour le départ du roi, et pénétra
-de très-grand matin et lorsque le roi était encore couché.
-Après avoir pris congé de lui et baisé un bout de ses
-draps, il lui déclara, les yeux humides, qu'il n'avait pu
-encore se résoudre à parler au pauvre comte de Bussy
-de ce qu'il lui avait commandé de lui dire, parce que
-Bussy serait parti à l'instant même, au préjudice d'une
-affaire importante toute prête à être jugée; et que, d'ailleurs,
-lui Saint-Aignan espérait encore de la bouche du
-roi un ordre moins rigoureux.</p>
-
-<p>«Eh bien! dit le roi, qu'il demeure encore quinze
-jours ou trois semaines, et qu'il s'en aille chez lui après.
-Entendez-vous, Saint-Aignan? Dites-lui cela au moins,
-n'y manquez pas.»</p>
-
-<p>«Je le ferai, sire,» répliqua Saint-Aignan.</p>
-
-<p>En effet, quatre jours après ce dernier entretien,
-Bussy gagna son procès. Il écrivit au roi, qui alors était
-au camp devant Besançon, pour lui témoigner la reconnaissance
-de cette nouvelle permission. Il adressa sa
-lettre au secrétaire d'État Châteauneuf, dont la réponse,
-quoique très-polie et même affectueuse, ne lui parut
-<span class="pagenum"><a id="Page_79"> 79</a></span>
-pas, par la souscription, assez respectueuse pour être
-adressée par un ministre à un ancien lieutenant général
-mestre de camp de la cavalerie légère, tel que lui. Le
-12 mai, les trois semaines qui lui avaient été accordées
-par le roi étant expirées, Bussy partit avec sa fille Françoise,
-et retourna en Bourgogne<a id="FNanchor_174" href="#Footnote_174" class="fnanchor">&nbsp;[174]</a>.</p>
-
-<p>Dans les circonstances qui avaient accompagné le refus
-fait à Saint-Aignan, Bussy trouvait des motifs d'espérance.
-La guerre faite en Franche-Comté avait déterminé
-le roi à faire venir la reine à Dijon, et l'on croyait
-généralement que Louis XIV en prendrait occasion de
-rappeler près de lui un personnage aussi utile en Bourgogne
-que l'était Bussy. C'est ce que nous apprend
-<span class="smallc">Mademoiselle</span> dans une réponse qu'elle fit à une lettre
-que Bussy lui avait écrite. Elle-même souffrait cruellement
-du refus du roi de consentir à son mariage avec
-Lauzun, et plaignait Bussy; elle lui écrivait en parlant
-du roi: «Il est comme Dieu; il faut attendre sa volonté
-avec soumission et tout espérer de sa justice et
-de sa bonté sans impatience, afin d'en avoir plus de
-mérite.» Bussy écrivit aussi à <span class="smallc">Mademoiselle</span> pour la
-prier d'offrir à la reine de venir s'installer dans son
-château. «Le bruit est en ce pays-ci, dit-il dans sa
-lettre, que la reine viendra faire ses dévotions à Sainte-Reine.
-Si Sa Majesté prend cette pensée, je voudrais
-lui pouvoir offrir ma maison; et j'en sortirais, pour ne
-pas me présenter devant elle en l'état où je suis à la
-cour. Elle serait mieux logée que dans le village de
-Sainte-Reine, et n'en serait qu'à une demi-lieue. En tout
-<span class="pagenum"><a id="Page_80"> 80</a></span>
-cas, <span class="smallc">Mademoiselle</span>, si la reine ne me faisait pas cet
-honneur, je l'espérerais de V. A. R.; je l'en supplie
-très-humblement<a id="FNanchor_175" href="#Footnote_175" class="fnanchor">&nbsp;[175]</a>.»</p>
-
-<p>La reine ne vint pas à Sainte-Reine. Bussy, à chaque
-nouvelle victoire, écrivait une lettre au roi; mais la conquête
-de la Franche-Comté s'acheva, et Louis XIV était
-de retour à Versailles sans que Bussy eût rien obtenu de
-lui<a id="FNanchor_176" href="#Footnote_176" class="fnanchor">&nbsp;[176]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_81"> 81</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE V.<br />
-<span class="medium">1674.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Madame de Sévigné sollicite un congé pour M. de Grignan, afin qu'il
-puisse venir en cour avec sa femme.&mdash;Gloire et puissance de
-Louis XIV.&mdash;Par son influence le grand Sobieski est roi de Pologne.&mdash;Le
-duc d'York épouse la princesse de Modène.&mdash;Portrait de
-Louis XIV.&mdash;Son ascendant sur sa cour.&mdash;Les filles d'honneur sont
-remplacées près de la reine par les dames du palais.&mdash;Louis XIV
-avait tous les goûts, toutes les passions.&mdash;Les femmes étaient nécessaires
-à son existence.&mdash;Détails sur la reine; comment Louis XIV
-se conduisait envers elle.&mdash;Madame de Montespan cherche à inspirer
-au roi les affections de la paternité.&mdash;Elle donne des bals d'enfants.&mdash;Description
-de ces bals par madame de Sévigné.&mdash;Amours
-de Louis XIV avec la Vallière.&mdash;Lettres patentes qui lui confèrent
-le titre de duchesse.&mdash;Sa fille, madame de Blois (princesse de
-Conti), brille à la cour dès son plus jeune âge.&mdash;Montespan triomphe
-de la Vallière, et celle-ci se décide à se retirer de la cour.&mdash;Elle
-y reste encore par esprit de religion.&mdash;Le maréchal de Bellefonds,
-Bossuet, Bourdaloue la soutiennent dans le projet qu'elle
-a formé de se retirer aux Carmélites.&mdash;Méprise de madame de
-Sévigné à son sujet.&mdash;La Vallière entre aux Carmélites.&mdash;Sa prise
-d'habit.&mdash;Ses v&oelig;ux.&mdash;Jugement de madame de Sévigné sur le
-discours de Bossuet.&mdash;Ce que dit la Vallière à la duchesse d'Orléans
-après la cérémonie.&mdash;Visite que lui fait madame de Sévigné,
-cinq ans après, aux Carmélites.&mdash;Grâce que le roi accorde à la
-Vallière.&mdash;Visite que lui fait madame de Montespan, et questions
-indiscrètes qu'elle lui adresse.&mdash;Influence qu'eut la retraite de la
-Vallière sur Louis XIV.&mdash;Pourquoi il s'abstint de l'aller voir.&mdash;La
-conduite du roi en cette occasion a été mal interprétée.&mdash;Réflexion
-à ce sujet, confirmée par un mot de Louis XIV à la veuve
-de Scarron.</p>
-
-<p class="space">Pendant les quatre mois d'hiver que madame de Sévigné
-passa avant l'arrivée de sa fille à Paris, elle fut
-sans cesse occupée à faire valoir à la cour les services
-<span class="pagenum"><a id="Page_82"> 82</a></span>
-de son gendre en Provence, à demander qu'il fût appelé
-à Paris et qu'il vînt avec sa femme saluer le roi
-et se concerter avec ses ministres sur les affaires de son
-gouvernement. La bonne gestion et l'affermissement de
-l'autorité du comte de Grignan dépendaient, selon elle,
-de cette faveur et de l'accueil qui lui serait fait par Sa
-Majesté.</p>
-
-<p>Comme ce voyage était arrêté ou prévu, madame de
-Sévigné, dans les lettres qu'elle écrivait à sa fille, n'oubliait
-rien de ce qui pouvait la tenir au courant des intrigues
-de la cour. Objet d'imitation et d'envie, la splendeur
-de cette cour rayonnait sur l'Europe entière. Son
-monarque était à la fois servi par son génie, par sa fortune
-et par le hasard. L'habileté de ses ennemis ne
-servait qu'à faire éclater la supériorité de ses généraux
-et de ses hommes d'État. Son nom était respecté et
-sa puissance redoutée jusqu'aux extrémités du monde.
-La gloire des héros de l'étranger semblait n'être qu'un
-apanage de la sienne. Autour de lui la poésie, l'éloquence,
-les sublimes conceptions de la science, les prodiges
-de l'industrie agrandissaient, ennoblissaient les
-destinées de l'humanité.</p>
-
-<p>Le mari d'une des filles d'honneur de la reine, le
-grand Sobiesky, simple mousquetaire de Louis XIV, fut,
-par l'influence de ce monarque, élu roi de Pologne, et
-sauva deux fois l'Europe chrétienne en la préservant,
-par sa double victoire, de l'invasion des Turcs, alors si
-redoutables<a id="FNanchor_177" href="#Footnote_177" class="fnanchor">&nbsp;[177]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_83"> 83</a></span>
-Marié pour la seconde fois par les soins de Louis XIV<a id="FNanchor_178" href="#Footnote_178" class="fnanchor">&nbsp;[178]</a>,
-le duc d'York, qui eût paru digne du trône s'il n'y fût
-jamais monté, vint cette année (1673) présenter au roi
-de France la princesse de Modène, sa nouvelle épouse<a id="FNanchor_179" href="#Footnote_179" class="fnanchor">&nbsp;[179]</a>,
-et par la suite la ramena en France, comme son dernier
-asile, quand, dépouillé de sa couronne, il eut accompli
-sa destinée<a id="FNanchor_180" href="#Footnote_180" class="fnanchor">&nbsp;[180]</a>.</p>
-
-<p>Rien d'important n'avait lieu en Europe sans que
-Louis XIV n'apparût comme un moteur puissant ou
-comme un obstacle invincible; mais c'est surtout sur sa
-propre cour que son ascendant était le plus fortement
-senti. Là était son existence propre et individuelle, tous
-ses moyens de bonheur, tous les appuis de son trône,
-tous les exécuteurs de ses volontés. La nature lui avait
-donné la vigueur de tempérament et l'activité d'esprit
-nécessaires pour acquérir toutes les gloires et s'approprier
-toutes les jouissances du pouvoir suprême.
-L'orgueil de son rang et de ses succès lui faisait tout
-rapporter à sa personne. L'État, c'était lui; et, par
-une conséquence nécessaire de ce sentiment égoïste, le
-gouvernement de sa cour, de sa famille, de son gynécée
-était pour lui des affaires d'État. Pour celles-là il n'avait
-point d'autre ministre que lui-même, il ne se
-fiait qu'à lui seul. A une foi sincère, à un vif désir du
-salut il unissait tous les goûts, toutes les passions qui
-s'opposent à l'accomplissement des devoirs et des sacrifices
-<span class="pagenum"><a id="Page_84"> 84</a></span>
-qu'il exige. Il aimait le beau, le magnifique en
-toutes choses. Les arts, la musique, la danse le charmaient.
-Il se complaisait dans l'admiration des grandes
-batailles, des actes d'héroïsme et de courage, dans les
-appareils guerriers, dans les opérations de siéges savamment
-combinées, dans les terribles mêlées des batailles
-et, au milieu des forêts, dans le bruyant tumulte des grandes
-chasses. Il se délectait, il s'admirait lui-même dans
-le faste et le bruit des fêtes pompeuses qu'il avait ordonnées.
-Il avait encore des penchants plus impérieux, plus
-personnels, plus dangereux: il aimait le jeu; il aimait les
-femmes, mais non avec cet amour qui les avilit. Il mettait
-autant de prix à s'en faire aimer qu'à les posséder. Pour
-lui, nul commerce avec elles ne pouvait avoir de durée
-sans celui de l'âme et de la pensée. Chez lui le c&oelig;ur
-désirait toujours avoir quelque part dans les caprices
-passagers des sens. D'un tempérament robuste, l'habitude
-ne lui permettait pas de se contraindre dans les intervalles
-de repos que les grossesses ou les infirmités
-imposaient à la maîtresse dont il était épris; mais alors
-il fallait encore que celles qui le rendaient infidèle, en
-affrontant les lois de la pudeur, parussent entraînées
-par la passion qu'il leur inspirait; et comme il était un
-des plus beaux hommes de son royaume, il suffisait aux
-beautés dont il était assiégé d'assortir leurs regards
-aux illusions de son amour-propre. De là cette politesse
-attentive envers les femmes de tous rangs, dont il fut le
-plus parfait modèle; cette élégance des manières, si fort
-en honneur à la cour d'Anne d'Autriche et à l'hôtel de
-Rambouillet, qui, par l'empire que Louis XIV avait acquis
-sur sa cour, a régi la société française pendant tout
-le cours de son règne et qui, malgré les m&oelig;urs crapuleuses
-du règne suivant, malgré nos hideuses révolutions,
-<span class="pagenum"><a id="Page_85"> 85</a></span>
-n'ont pu, après un siècle et demi, disparaître entièrement
-du caractère national.</p>
-
-<p>Cependant tant d'entraînements opposés et d'inclinations
-contraires créaient à Louis XIV des obstacles
-pour le gouvernement de sa cour. Sa renommée remplissait
-le monde, et le monde s'occupait de lui. On
-cherchait à pénétrer dans les secrets de l'existence intérieure
-de celui dont l'influence était si forte sur la fortune
-des États et des individus. Voilà pourquoi ce qui
-concerne ses maîtresses et les anecdotes de sa vie privée
-sont des faits qui ont une grande importance historique;
-mais ils ont besoin qu'on leur applique ce
-même esprit critique sans lequel l'histoire ne peut nous
-retracer qu'une image incomplète et fantastique du
-passé.</p>
-
-<p>Le 1<sup>er</sup> janvier 1674, Louis XIV opéra un changement
-considérable dans la maison de la reine. Il supprima
-les filles d'honneur, qui, pour la plupart, avaient une
-réputation équivoque, à laquelle le roi avait beaucoup
-contribué<a id="FNanchor_181" href="#Footnote_181" class="fnanchor">&nbsp;[181]</a>. Elles furent remplacées par des femmes
-mariées à de hauts personnages et portant de grands
-noms. Ce furent d'abord cinq dames d'honneur ou dames
-du palais, ajoutées aux sept qui existaient déjà.
-Elles furent toutes assujetties auprès de la reine au
-même service que les filles d'honneur, sans qu'aucune
-d'elles pût s'en exempter, même lorsqu'elles étaient
-enceintes<a id="FNanchor_182" href="#Footnote_182" class="fnanchor">&nbsp;[182]</a>. Madame de Sévigné nous apprend que
-<span class="pagenum"><a id="Page_86"> 86</a></span>
-les uns attribuaient cette mesure à l'inquiète jalousie de
-Montespan, et d'autres à ce que, pour écarter une
-seule de ces filles d'honneur, on les renvoya toutes. Ces
-conjectures sont démenties, selon nous, par les faits
-que madame de Sévigné elle-même nous apprend. «Le
-roi, dit-elle, veut de la soumission. Il est très-sûr qu'en
-certain lieu on ne veut séparer aucune femme de son
-mari ou de ses devoirs; on n'aime pas le bruit, à moins
-qu'on ne le fasse<a id="FNanchor_183" href="#Footnote_183" class="fnanchor">&nbsp;[183]</a>.»</p>
-
-<p>Louis XIV se dégageait peu à peu, par les années,
-de la tyrannie de sa constitution chaleureuse, et il cédait
-de plus en plus au sentiment de dignité morale qui
-ne l'abandonna jamais entièrement. Il voulait racheter
-par son respect pour la religion et par les services qu'il
-croyait lui rendre les graves infractions faites à ses
-saintes lois. Il ne lui suffisait pas que les dames du
-palais eussent un bon renom de fidélité conjugale, il
-aurait désiré auprès de sa pieuse épouse des femmes
-qui lui ressemblassent. Alors prévalut, parmi celles qui
-voulaient parvenir aux dignités et aux honneurs (le nombre
-en était grand), une pruderie et une affectation de
-piété dont madame de Sévigné, dans l'intime secret de
-sa correspondance avec sa fille, se moque en toute occasion.
-«La princesse d'Harcourt, dit-elle, danse au
-bal, et même toutes les petites danses; vous pouvez
-<span class="pagenum"><a id="Page_87"> 87</a></span>
-penser combien on trouve qu'elle a jeté le froc aux orties
-et qu'elle a fait la dévote pour être dame du palais!
-Elle disait il y a deux jours: Je suis une païenne auprès
-de <i>ma s&oelig;ur</i> d'Aumont. On trouve qu'elle dit bien présentement:
-<i>La s&oelig;ur</i> d'Aumont n'a pris goût à rien;
-elle est toujours de méchante humeur, et ne cherche
-qu'à ensevelir les morts. La princesse d'Harcourt n'a
-point encore mis de rouge; elle dit à tout moment:
-J'en mettrai si la reine ou M. le prince d'Harcourt me
-le commandent. La reine ne lui commande pas, ni le
-prince d'Harcourt; de sorte qu'elle se pince les joues,
-et l'on croit que M. de Sainte-Beuve (savant casuiste et
-théologien de la Sorbonne) entre dans ce tempérament<a id="FNanchor_184" href="#Footnote_184" class="fnanchor">&nbsp;[184]</a>.»</p>
-
-<p>Lorsque Mazarin, d'après les considérations de la politique,
-décida que le roi de France s'unirait à l'infante
-d'Espagne, le jeune monarque, alors dans toute la fougue
-de l'âge, était épris de Marie Mancini. L'infante
-espagnole, timide, froide et gauche, avec ses grands
-yeux d'un bleu pâle, sa figure d'un blond argenté, son
-teint d'un blanc blafard, le vermillon de ses lèvres
-épaisses qui faisait ressortir le peu de blancheur de ses
-dents, contrastait désagréablement avec les attraits de
-cette belle et gracieuse Italienne au teint coloré, à la
-taille élancée, à la parole chaleureuse, aux regards
-enflammés<a id="FNanchor_185" href="#Footnote_185" class="fnanchor">&nbsp;[185]</a>. Le jeune roi fut obligé de résister à ses
-<span class="pagenum"><a id="Page_88"> 88</a></span>
-plus ardents désirs et de refouler dans son c&oelig;ur ses plus
-tendres sentiments en recevant dans ses bras Marie-Thérèse.
-Celle-ci ne put jamais inspirer de l'amour à
-son époux; mais elle était bonne, douce, pieuse; et
-de toutes les femmes qui se passionnèrent pour Louis
-jusqu'à l'idolâtrie aucune ne l'aima plus fortement,
-plus constamment. Il le savait, et, malgré toutes les séductions
-qui l'entraînaient, il eut toujours pour elle les
-procédés d'un honnête homme qui connaît tout le prix
-d'une épouse fidèle et d'un roi qui n'ignore pas qu'un
-des plus grands intérêts de sa politique est celui de
-perpétuer sa race. Il en eut six enfants; tous moururent
-jeunes, excepté le premier, qui fut dauphin; et
-comme cet aîné fut un homme d'un esprit médiocre
-et d'un caractère peu aimable, malgré les soins de
-Montausier et de Bossuet, ou peut-être en partie à
-cause de ces soins, Louis XIV préférait à tous ses enfants
-ceux qu'il eut de ses maîtresses. Mais il environna
-toujours de respect et d'hommages sa compagne
-couronnée, la mère du Dauphin et de toute la progéniture
-légitime et royale. Soumise à toutes ses volontés,
-elle les devinait dans ses yeux; elle ne pensait,
-elle n'agissait que par lui; la peur de lui déplaire la
-glaçait d'effroi, et son amour augmentait sa crainte.
-Pour qu'aucune femme n'aigrît en elle les sentiments
-de jalousie qui la tourmentaient, Louis XIV ne se contenta
-pas de remplacer les filles d'honneur par des
-dames du palais, il renvoya dans leur pays toutes les
-femmes de chambre espagnoles que la reine<a id="FNanchor_186" href="#Footnote_186" class="fnanchor">&nbsp;[186]</a> avait
-<span class="pagenum"><a id="Page_89"> 89</a></span>
-amenées avec elle, et mit à leur place des femmes de
-chambre françaises. Ce changement parut dur à Marie-Thérèse;
-mais elle n'osa pas s'en plaindre, et ce fut par
-madame de Montespan qu'elle obtint de pouvoir garder
-la plus jeune et la plus chérie de ses femmes espagnoles<a id="FNanchor_187" href="#Footnote_187" class="fnanchor">&nbsp;[187]</a>.</p>
-
-<p>Marie-Thérèse, élevée pour un trône, avait cependant
-de la grandeur et de la dignité; ce fut elle qui répondit
-naïvement qu'elle n'avait pu devenir amoureuse d'aucun
-homme à la cour de son père, parce qu'il n'y avait
-d'autre roi que lui. Elle savait tenir une cour; mais,
-élevée dans l'ignorance et sans goût pour la lecture,
-elle aimait les jeux de cartes; ce qui plaisait d'autant
-plus aux dames d'honneur et aux femmes admises à
-l'honneur de faire habituellement sa partie qu'elle ne
-savait pas bien jouer, et qu'elle perdait presque toujours.
-Celles qui, par leurs charges, étaient obligées de
-l'accompagner partout ne sympathisaient pas avec
-sa dévotion, et trouvaient pénible d'aller tous les jours
-à vêpres, au sermon, au salut: «Ainsi, disait à ce
-propos madame de Sévigné, rien n'est pur en ce
-monde<a id="FNanchor_188" href="#Footnote_188" class="fnanchor">&nbsp;[188]</a>.»</p>
-
-<p>Lorsqu'il allait faire la guerre en personne, Louis XIV
-transportait la reine et sa cour dans les lieux les moins
-éloignés des opérations militaires. Quand ses plans de
-campagne devaient se porter hors du royaume et auraient
-exposé la reine à quelques dangers, il la laissait
-<span class="pagenum"><a id="Page_90"> 90</a></span>
-à Versailles et la décorait du titre de régente. Si donc
-Marie-Thérèse ne suffisait pas au bonheur de Louis XIV,
-elle y contribuait, et ne le troublait en rien. Il n'en était
-pas de même des maîtresses: leur rivalité, celle de
-leurs enfants, qui tous issus du même père se croyaient
-les mêmes droits aux bienfaits et à la faveur, y fomentaient
-des divisions et des haines<a id="FNanchor_189" href="#Footnote_189" class="fnanchor">&nbsp;[189]</a>. Le passage suivant
-d'une des lettres de madame de Sévigné nous dessine
-trop exactement l'état de la cour sous ce rapport, à
-l'époque dont nous nous occupons, pour que nous ne
-le transcrivions pas:</p>
-
-<p>«...Parlons de Saint-Germain: j'y fus il y a trois
-jours... J'allai d'abord chez M. de Pomponne... Nous
-allâmes chez la reine avec madame de Chaulnes. Il n'y
-eut que pour moi à parler. La reine dit sans hésiter
-qu'il y avait trois ans que vous étiez partie et qu'il fallait
-revenir. Nous fûmes ensuite chez madame Colbert,
-qui est extrêmement civile et sait très-bien vivre. Mademoiselle
-de Blois dansait; c'est un prodige d'agrément
-et de bonne grâce. Desairs dit qu'il n'y a qu'elle qui le
-fasse souvenir de vous; il me prenait pour juge de sa
-danse, et c'était proprement mon admiration que l'on
-voulait: elle l'eut, en vérité, tout entière. La duchesse
-de la Vallière y était; elle appelle sa fille <i>mademoiselle</i>,
-et la princesse l'appelle <i>belle maman</i>. M. de Vermandois
-y était aussi. On ne voit point encore d'autres enfants.
-Nous allâmes voir <span class="smallc">Monsieur</span> et <span class="smallc">Madame</span>; vous n'êtes
-point oubliée de <span class="smallc">Monsieur</span>, et je lui fais toujours mes
-très-humbles remercîments. Je trouvai Vivonne, qui
-<span class="pagenum"><a id="Page_91"> 91</a></span>
-me dit: <i>Maman mignonne</i>, embrassez, je vous prie, le
-gouverneur de Champagne.&mdash;Et qui est-ce? lui dis-je.&mdash;C'est
-moi, reprit-il.&mdash;Et qui vous l'a dit?&mdash;C'est le
-roi, qui vient de me l'apprendre tout à l'heure. Je lui en
-fis mes compliments tout chauds. Madame la comtesse
-(de Soissons) l'espérait pour son fils<a id="FNanchor_190" href="#Footnote_190" class="fnanchor">&nbsp;[190]</a>.»</p>
-
-<p>Presque tous les grands intérêts de cour, au moment
-où ces lignes furent écrites, y sont touchés.</p>
-
-<p>Le gouvernement de Champagne était devenu vacant
-par la mort d'Eugène-Maurice de Savoie, comte de
-Soissons, arrivée le 7 juin 1673. Il était naturel que ce
-gouvernement fût donné à son fils aîné, Louis-Thomas.
-Sa mère était Olympe Mancini, surintendante et chef du
-conseil de la maison de la reine<a id="FNanchor_191" href="#Footnote_191" class="fnanchor">&nbsp;[191]</a>, qui avait conservé
-un grand crédit à la cour; mais madame de Montespan
-l'emporta sur elle, et fit donner ce gouvernement à son
-frère, le duc de Vivonne. Alors dans toute la force et
-l'éclat de sa puissance, madame de Montespan triomphait
-par la certitude d'être aimée sans redouter sa rivale.
-Lorsque, par un retour de tendresse, Louis XIV
-avait impérieusement redemandé la Vallière aux saintes
-filles du couvent de Chaillot<a id="FNanchor_192" href="#Footnote_192" class="fnanchor">&nbsp;[192]</a>, celle-ci, pressentant son
-malheur, dit: «Hélas! mes s&oelig;urs, vous me reverrez
-bientôt.» Bientôt, en effet, l'abandon et la froideur toujours
-croissants de celui qui l'avait accoutumée à tant
-d'adoration et d'hommages rouvrirent plus saignantes
-et plus déchirantes les blessures faites à son c&oelig;ur. Elle
-vit enfin arriver ces jours de douleur et de larmes, où
-<span class="pagenum"><a id="Page_92"> 92</a></span>
-la mélancolique expression de ses beaux yeux, qui tant
-de fois avaient fait repentir Louis XIV de ses infidélités
-et rallumé l'ardeur d'une flamme languissante, ne
-trouvait plus en lui aucune sympathie. Une nouvelle
-séparation était devenue indispensable; elle dut enfin
-s'y résigner; mais, incertaine, timide et tremblante au
-moindre signe de la volonté d'un maître qui avait cessé
-d'être amant, elle n'osait pas lui résister; elle ne savait
-ni comment rester avec lui ni comment le quitter. Il
-fuyait la présence, il évitait les regards de celle qui aurait
-voulu lui sacrifier sa vie. Sa vie! elle ne lui appartenait
-plus; elle était au père de ses enfants, enfants du
-sang royal, reconnus légitimes. Dans les commencements,
-le jeune monarque avait consenti à ce que la
-Vallière couvrît ses faiblesses des ombres du mystère.
-Deux enfants nés de ce commerce amoureux furent mis
-au monde et baptisés comme nés de père et de mère
-supposés; ces enfants moururent peu après leur naissance<a id="FNanchor_193" href="#Footnote_193" class="fnanchor">&nbsp;[193]</a>,
-et le secret de ces passagères existences ne fut
-pas alors révélé. Louis XIV se lassa de ces feintes, qui le
-gênaient et qui lui paraissaient peu d'accord avec la dignité
-royale; il voulut se montrer généreux jusque dans
-le désordre de ses m&oelig;urs, il voulut imposer à l'opinion
-et se mettre au-dessus d'elle. Il rendit ses sujets confidents
-de ses plaisirs, et les admit à contempler la
-beauté de celle qui l'avait subjugué. Toute sa cour devait
-participer à l'enivrement de sa joie et de son bonheur.
-Il donna des fêtes splendides dont la Vallière fut
-l'objet. Au lieu de désavouer les enfants qu'il en obtint,
-<span class="pagenum"><a id="Page_93"> 93</a></span>
-il les reconnut et les légitima. La sincérité de ses sentiments
-et de son admiration pour sa belle maîtresse
-éclate dans les lettres patentes données après la naissance
-de mademoiselle de Blois, lorsqu'il érigea, pour
-elle et pour sa mère, la terre de Vaujour et la baronnie
-de Saint-Christophe en duché-pairie, sous le nom de <i>la
-Vallière</i>.</p>
-
-<p>«Nous avons cru, dit-il, par cet acte<a id="FNanchor_194" href="#Footnote_194" class="fnanchor">&nbsp;[194]</a>, ne pouvoir
-mieux exprimer dans le public l'estime toute particulière
-que nous faisons de notre très-chère, bien-aimée
-et très-féale Louise-Françoise de la Vallière qu'en lui
-conférant les plus hauts titres d'honneur... Quoique sa
-modestie se soit souvent opposée au désir que nous
-avions de l'élever plus tôt dans un rang proportionné à
-notre estime et à ses bonnes qualités, néanmoins l'affection
-que nous avons pour elle et la justice, ne nous
-permettant plus de différer les témoignages de notre
-reconnaissance pour un mérite qui nous est connu, ni
-de refuser plus longtemps à la nature les effets de notre
-tendresse pour Marie-Anne, notre fille naturelle, en la
-personne de sa mère...»</p>
-
-<p>C'est le 2 octobre 1666 que la Vallière accoucha de
-cette fille, dite <i>mademoiselle de Blois</i>; et son frère, le
-comte de Vermandois, qui fut aussi légitimé, naquit,
-jour pour jour, un an après elle. Les trois enfants de
-Louis XIV et de madame de Montespan, le duc du
-<span class="pagenum"><a id="Page_94"> 94</a></span>
-Maine<a id="FNanchor_195" href="#Footnote_195" class="fnanchor">&nbsp;[195]</a>, le comte de Vexin<a id="FNanchor_196" href="#Footnote_196" class="fnanchor">&nbsp;[196]</a> et mademoiselle de Nantes<a id="FNanchor_197" href="#Footnote_197" class="fnanchor">&nbsp;[197]</a>,
-furent aussi légitimés. Ils s'élevaient sous l'admirable
-tutelle de Françoise d'Aubigné, veuve de Scarron.
-Les enfants de madame de la Vallière furent confiés aux
-soins de la femme du ministre Colbert. Les enfants de
-Montespan étaient trop jeunes à l'époque dont nous traitons
-pour être montrés à la cour. Il n'en était pas de
-même de ceux de la Vallière; ils étaient charmants, et
-Louis XIV se plaisait à les voir développer leurs grâces
-enfantines.</p>
-
-<p>Montespan avait intérêt à nourrir dans le c&oelig;ur de
-Louis XIV cette prédilection pour son illégitime postérité;
-et à peine relevée de sa dernière couche, ne pouvant
-danser, elle imagina de faire danser des enfants dans les
-bals de la cour. Ainsi on vit <span class="smallc">Monsieur</span>, frère du roi,
-danser avec mademoiselle de Blois, ayant à peine huit
-ans, et le Dauphin avec <span class="smallc">Mademoiselle</span>, sa cousine,
-âgée de douze à treize ans<a id="FNanchor_198" href="#Footnote_198" class="fnanchor">&nbsp;[198]</a>. Ces bals ressemblaient peu
-à ceux qui se donnaient dans la jeunesse de Louis XIV,
-au temps du règne de la Vallière; mais le roi s'y amusait
-et y dansait. Plusieurs des belles femmes de la
-cour, craignant l'ennui, sous divers prétextes s'abstenaient
-d'y paraître; ce qui ne déplaisait nullement à
-madame de Montespan, qui n'avait aucun désir de les
-faire briller.</p>
-
-<p>Dans les lettres de madame de Sévigné à sa fille pendant
-<span class="pagenum"><a id="Page_95"> 95</a></span>
-le mois de janvier 1674 et avant le départ du roi
-pour le siége de Besançon, nous lisons: «Il y a des
-comédies à la cour et un bal toutes les semaines. On
-manque de danseuses...»</p>
-
-<p>Et huit jours après:</p>
-
-<p>«Le bal fut fort triste, et finit à onze heures et demie.
-Le roi menait la reine; le Dauphin, <span class="smallc">Madame</span>; le comte
-de la Roche-sur-Yon, mademoiselle de Blois, habillée de
-velours noir avec des diamants, et un tablier et une bavette
-de point de France<a id="FNanchor_199" href="#Footnote_199" class="fnanchor">&nbsp;[199]</a>.»</p>
-
-<p>Huit jours après elle écrit encore:</p>
-
-<p>«Ces bals sont pleins de petits enfants; madame de
-Montespan y est négligée, mais placée en perfection;
-elle dit que mademoiselle de Rouvroi est déjà trop vieille
-pour danser au bal: <span class="smallc">Mademoiselle</span>, mademoiselle de
-Blois, les petites de Piennes, mademoiselle de Roquelaure
-(un peu trop vieille, elle a quinze ans); mademoiselle
-de Blois est un chef-d'&oelig;uvre: le roi et tout le monde
-en est ravi; elle vint dire au milieu du bal à madame
-de Richelieu: Madame, ne sauriez-vous me dire si le roi
-est content de moi? Elle passe près de madame de
-Montespan, et lui dit: Madame, vous ne regardez pas
-aujourd'hui vos amies. Enfin, avec de certaines <i>chosettes</i>
-sorties de sa belle bouche, elle enchante par son esprit,
-sans qu'on croie qu'on puisse en avoir davantage<a id="FNanchor_200" href="#Footnote_200" class="fnanchor">&nbsp;[200]</a>.»</p>
-
-<p>On sait que cette délicieuse enfant fut depuis cette princesse
-<span class="pagenum"><a id="Page_96"> 96</a></span>
-de Conti célèbre par la majesté de son port et la
-beauté de ses traits, celle-là même qui, par la grâce et
-la légèreté de sa danse, troublait le sommeil du poëte:</p>
-
-<p class="quote">L'herbe l'aurait portée, une fleur n'aurait pas<br />
-<span class="i2"> Reçu l'empreinte de ses pas<a id="FNanchor_201" href="#Footnote_201" class="fnanchor">&nbsp;[201]</a>.</span></p>
-
-<p>Ainsi les enfants de la Vallière servaient de divertissement
-à sa rivale; et Louis, sans en être ému, trouvait
-bon qu'une autre que celle qui les avait mis au monde
-s'en emparât pour lui procurer de la distraction et le
-rendre sensible aux sentiments de la paternité. Montespan,
-par ses couches fréquentes, fut conduite à ce calcul;
-mais elle eut la douleur de voir qu'une autre en recueillît
-les fruits. Le duc du Maine, prince si faible et si
-médiocre, mais enfant précoce, fut le préféré de Louis:
-loin que sa mère en profitât, il prépara le règne de l'habile
-institutrice que Montespan avait appelée près d'elle
-pour élever sa royale famille.</p>
-
-<p>Quant à la Vallière, son c&oelig;ur était encore trop opprimé
-par sa passion pour trouver des consolations
-dans les joies maternelles. La vue de ses enfants lui rappelait
-au contraire tout ce qu'avaient de cruel l'indifférence
-et l'abandon de celui qui les honorait de ses paternelles
-tendresses. Elle eut la pensée de se retirer près de son
-amie, mademoiselle de la Mothe d'Argencourt<a id="FNanchor_202" href="#Footnote_202" class="fnanchor">&nbsp;[202]</a>, dans le
-couvent de Chaillot, qui eût ainsi réuni deux victimes
-d'un même amour. Sa mère l'engageait à prendre ce
-parti. Celle-ci calculait que sa fille avait à peine trente
-ans, et que sa beauté, ses grandes richesses, son titre de
-duchesse qu'elle tenait du roi détermineraient quelque
-<span class="pagenum"><a id="Page_97"> 97</a></span>
-grand et puissant personnage à demander sa main. Le
-bruit courait que le duc de Longueville et Lauzun en
-étaient amoureux et désiraient l'épouser. Elle pourrait
-donc reparaître dans le monde avec un double avantage,
-briller encore à la cour, et éclipser Montespan, qui,
-quoique supérieure à elle par la naissance, lui était inférieure
-par le rang. Nul doute qu'un mariage honorable
-n'eût été pour la Vallière le meilleur parti et le seul qui
-pût lui assurer une existence calme et heureuse; mais
-pour que ce mariage pût avoir lieu il fallait qu'elle le
-voulût et que le roi y donnât son adhésion. La Vallière
-fut toujours incapable d'aucun calcul d'intérêt personnel.
-Sa passion avait triomphé de sa pudeur; mais son
-âme était restée chaste et pure, toujours ouverte aux
-aspirations de la piété et du repentir, et elle eût considéré
-comme une honte de s'unir à un autre homme
-que l'unique auquel son honneur avait été sacrifié.
-Louis XIV était incapable de faire souffrir à celle qu'il
-avait tant aimée le moindre des outrages dont on l'a accusé;
-mais, sans désirer que la Vallière restât à sa cour,
-il craignait, en la laissant s'éloigner, de lui accorder
-trop de liberté. Il l'empêchait de voir sa mère, qu'il n'estimait
-pas et dont il se défiait; et il favorisait indirectement
-ses longs entretiens avec le maréchal de Bellefonds, bien
-connu pour sa pieuse ferveur et par son étroite liaison
-avec Bossuet. Bellefonds soutint la Vallière dans la résolution
-qu'elle voulait prendre de s'éloigner de Louis XIV,
-de ne plus le revoir, de diriger vers Dieu toutes ses pensées,
-toutes ses affections. Il fallait, pour exécuter cette
-courageuse résolution, le consentement de Louis XIV,
-auquel elle n'était pas libre de désobéir, auquel elle n'aurait
-pas voulu refuser de se soumettre lors même qu'elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_98"> 98</a></span>
-en eût eu le pouvoir. Elle pensa d'abord à se retirer au
-couvent des Capucines. Mais le maréchal de Bellefonds
-avait une s&oelig;ur qui était prieure des Carmélites de Paris. La
-Vallière la rendit confidente de ses peines, et celle-ci parvint
-à lui persuader que plus grande serait son expiation,
-plus grandes seraient la grâce de Dieu et ses espérances de
-salut. Fortement préoccupée de cette pensée, la Vallière
-eut l'idée de se faire carmélite. C'était là une rude et
-difficile détermination à prendre. L'austérité des règles
-prescrites par sainte Thérèse faisait pâlir d'effroi la piété
-la plus fervente; et pour celle dont la vie s'était écoulée
-dans les délices du luxe et de la mollesse, au milieu des
-pompes et des orgueilleuses jouissances de la grandeur,
-se faire carmélite, c'était s'immoler vivante dans un
-tombeau, comme une vestale criminelle des temps antiques,
-sans espérance de trouver comme elle, par la mort,
-une prompte fin à son supplice.</p>
-
-<p>Aussi la Vallière hésitait-elle beaucoup. A mesure que
-la religion s'emparait de sa pensée, le repentir même de
-ses fautes ravivait dans son c&oelig;ur ses souvenirs d'amour,
-et sa tendresse pour ses enfants renaissait avec plus de
-force. Elle regrettait surtout de se séparer de sa charmante
-fille, mademoiselle de Blois<a id="FNanchor_203" href="#Footnote_203" class="fnanchor">&nbsp;[203]</a>. Cependant de nombreuses
-conférences avec Bossuet, avec le P. Bourdaloue,
-le P. Cazan et avec de Rancé, abbé de la
-Trappe<a id="FNanchor_204" href="#Footnote_204" class="fnanchor">&nbsp;[204]</a>, achevèrent de l'affermir dans sa résolution.
-<span class="pagenum"><a id="Page_99"> 99</a></span>
-Mais elle voulait que cette résolution fût inébranlable, et
-la peur qu'elle avait d'en être détournée par le roi lui
-faisait craindre de lui en parler.</p>
-
-<p>Elle pria Bossuet de traiter d'abord de cette affaire avec
-madame de Montespan; celle-ci, effrayée d'un si étrange
-projet, le combattit, et tâcha même de le rendre impossible
-en le tournant en ridicule. Montespan voyait sa rivale,
-par cette immolation, devenir un objet d'admiration
-et de pitié; et, ce qui la touchait plus fortement, elle
-pressentait que le blâme d'avoir permis un si cruel sacrifice
-rejaillirait sur elle, et ferait ressortir plus fortement
-le scandale qu'elle donnait au monde. L'austère prélat
-insista; et tel était alors l'empire de la religion, même
-sur les rois les plus absolus, que Louis XIV, quoiqu'il
-en eût le désir, n'osa pas s'opposer à Bossuet et l'empêcher
-de continuer son &oelig;uvre<a id="FNanchor_205" href="#Footnote_205" class="fnanchor">&nbsp;[205]</a>. Madame de la Vallière,
-pour transporter à Dieu cette sensibilité qui débordait,
-évita tout ce qui pouvait rappeler en elle le désir de
-plaire au roi; elle eut soin de se vêtir avec plus de
-simplicité et de modestie; elle rechercha les occasions
-d'humiliation que faisait naître le triomphe de sa
-rivale. Celle-ci, aigrie par la jalousie, les saisissait
-avec un empressement qu'elle croyait cruel; mais elle
-se trompait, la Vallière lui savait gré de ses rigueurs.
-Elle s'exerçait à souffrir. Elle répondait à Montespan
-avec douceur; elle la parait de ses propres mains.
-Quand la Vallière reconnut que Montespan ne lui inspirait
-<span class="pagenum"><a id="Page_100"> 100</a></span>
-plus aucun mouvement de jalousie, quand elle
-sentit qu'elle lui faisait éprouver un sentiment de bienveillance
-et de compassion, elle cessa de désespérer
-de sa force. Elle se sentit suffisamment transformée pour
-exécuter son effrayante résolution. Elle aimait encore
-Louis plus qu'elle-même; mais cet amour était bien faible
-en comparaison de celui dont elle se sentait embrasée
-pour Jésus-Christ. Ce fut alors que, pour effacer les vains
-fantômes de sa vie passée et pour s'affermir dans
-cet état de volupté divine dont elle était redevable à la
-grâce, elle écrivit ces <i>Réflexions sur la miséricorde de
-Dieu</i> dont on lui a dérobé longtemps après le manuscrit
-pour le publier<a id="FNanchor_206" href="#Footnote_206" class="fnanchor">&nbsp;[206]</a>. Cet ouvrage n'est qu'une continuelle
-prière pour demander à Dieu le don de la prière.
-Elle trouva dans ses aspirations religieuses un calme
-si grand, un tel désir d'une autre existence qu'il devint
-évident pour ceux qui la voyaient que Louis XIV
-lui-même n'aurait pu, par les plus tendres protestations,
-la ramener à lui. Sa tranquille joie augmentait à
-mesure que le temps approchait où elle devait se renfermer.
-Bossuet, accoutumé à ces retours de l'âme, dont
-il était un si grand et si heureux artisan, en fut cependant
-<span class="pagenum"><a id="Page_101"> 101</a></span>
-étonné; et il écrivit au maréchal de Bellefonds:
-«C'est la force et l'humilité qui accompagnent toutes ses
-pensées. Elle ne respire plus que la pénitence; et, sans
-être effrayée de l'austérité de la vie qu'elle est prête à
-embrasser, elle en regarde la fin avec une consolation
-qui ne lui permet pas d'en craindre la peine. Cela me
-ravit et me confond: je parle, et elle fait; j'ai les discours,
-elle a les &oelig;uvres. Quand je considère ces choses,
-j'entre dans le désir de me taire et de me cacher; et je
-ne prononce pas un seul mot où je ne croie prononcer
-ma condamnation<a id="FNanchor_207" href="#Footnote_207" class="fnanchor">&nbsp;[207]</a>.» Dans la chambre même de la
-duchesse de la Vallière, Bossuet écrit encore: «C'est
-s'abîmer dans la mort que de se chercher soi-même.
-Sortir de soi-même pour aller à Dieu, c'est la vie.»
-Cette seule phrase peut nous faire juger avec quelle
-énergique éloquence le prélat encourageait la Vallière
-à persister dans sa pieuse résolution.</p>
-
-<p>«J'étais curieuse de savoir (écrivait madame la duchesse
-d'Orléans) pourquoi elle était restée si longtemps
-comme une suivante chez la Montespan. Elle me
-dit que Dieu avait touché son c&oelig;ur; qu'il lui avait fait
-connaître son péché, et qu'elle avait pensé qu'il fallait
-en faire pénitence et souffrir, par conséquent, ce qui
-lui serait le plus douloureux... Et puisque son péché
-avait été public, il fallait que sa pénitence le fût aussi...
-Elle avait offert à Dieu toutes ses douleurs, et Dieu lui
-avait inspiré la résolution de ne servir que lui; mais
-qu'elle se regardait comme indigne de vivre auprès d'âmes
-<span class="pagenum"><a id="Page_102"> 102</a></span>
-aussi pures que l'étaient les autres carmélites. On voyait
-que cela partait du c&oelig;ur<a id="FNanchor_208" href="#Footnote_208" class="fnanchor">&nbsp;[208]</a>.»</p>
-
-<p>On ne la jugea pas d'abord ainsi à la cour et dans le
-monde; ce monde croit difficilement aux sublimes efforts
-de la vertu religieuse. Mademoiselle de la Vallière
-était moins aimée que madame de Montespan, parce
-que, nulle pour tout autre que pour son amant, préoccupée
-de la pensée qu'elle avait perdu ses droits à la
-considération, elle était mal à l'aise avec les autres
-femmes. Étrangère aux intrigues, à l'ambition, elle n'avait
-et ne voulait exercer aucun empire sur Louis XIV<a id="FNanchor_209" href="#Footnote_209" class="fnanchor">&nbsp;[209]</a>;
-elle ne se rendait utile à personne; bonne, modeste,
-douce et tendre, sans aucun défaut, mais sans éminentes
-qualités. Aimer et être aimée, c'était sa vie. Une influence
-assez grande sur son amant pour verser des bienfaits,
-pour conférer la puissance ou les richesses pouvait
-seule relever cette femme de l'abaissement où elle
-s'était placée par ses faiblesses, même avec un roi.</p>
-
-<p>La religion, en précipitant la Vallière au pied des autels,
-la releva de cet abaissement. Mais on ajouta d'abord
-peu de foi, sinon à la sincérité, du moins à la durée de son
-repentir. Son prompt retour après sa retraite de Chaillot
-devait faire croire que cette retraite avait été un stratagème
-de l'amour; et on eut la même opinion quand le
-bruit se répandit qu'elle songeait à se retirer de la cour.
-Ce bruit fut ensuite démenti, et la duchesse de la Vallière
-fut l'objet des railleries de toutes les femmes, même de
-<span class="pagenum"><a id="Page_103"> 103</a></span>
-madame de Sévigné, qui (le 15 décembre 1673) écrivait
-à madame de Grignan: «Madame de la Vallière ne parle
-plus d'aucune retraite; c'est assez de l'avoir dit. Sa
-femme de chambre s'est jetée à ses pieds pour l'en empêcher.
-Peut-on résister à cela<a id="FNanchor_210" href="#Footnote_210" class="fnanchor">&nbsp;[210]</a>?»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné jugeait en femme vulgaire une
-femme qui ne l'était plus. La religion l'avait régénérée;
-elle lui avait donné une élévation, une énergie de caractère,
-une prévoyance pour l'avenir, une vigueur de
-pensée étrangère jusqu'alors à cette âme indolente et
-faible. La Vallière ne restait à la cour que pour régler,
-par l'entremise de Colbert, ce qui concernait la fortune
-de ses enfants. Par le canal de madame de Montespan,
-elle obtint encore du roi, auquel elle ne voulait rien demander,
-que la marquise de la Vallière, sa belle-s&oelig;ur<a id="FNanchor_211" href="#Footnote_211" class="fnanchor">&nbsp;[211]</a>,
-fût mise dans le nombre des nouvelles dames d'honneur
-de la reine qu'on avait ajoutées aux anciennes<a id="FNanchor_212" href="#Footnote_212" class="fnanchor">&nbsp;[212]</a>.</p>
-
-<p>La veille de son départ de la cour, la Vallière soupa
-chez madame de Montespan, où mademoiselle de Montpensier
-alla lui faire ses adieux; et le lendemain, vendredi
-20 avril (1674), elle entendit la messe du roi.
-Louis XIV partit aussitôt après pour se rendre en Franche-Comté
-assiéger Besançon, et madame de la Vallière
-<span class="pagenum"><a id="Page_104"> 104</a></span>
-monta en carrosse, et alla, vis-à-vis le Val-de-Grâce,
-se renfermer au couvent des grandes Carmélites
-du faubourg Saint-Jacques<a id="FNanchor_213" href="#Footnote_213" class="fnanchor">&nbsp;[213]</a>.</p>
-
-<p>De quelle admiration durent être saisies toutes ces
-austères religieuses, tout habituées qu'elles étaient aux
-prodiges de la grâce divine et aux miracles du repentir,
-lorsqu'elles virent entrer dans leur cloître cette belle
-femme, disant à la mère Claire du Saint-Sacrement,
-leur prieure: «Ma mère, j'ai fait toute ma vie un si
-mauvais usage de ma volonté que je viens la remettre
-entre vos mains, pour ne la plus reprendre!» Jusqu'à
-sa mort et pendant trente-six ans elle n'eut pas un
-seul instant la pensée de cesser d'être fidèle à cet engagement<a id="FNanchor_214" href="#Footnote_214" class="fnanchor">&nbsp;[214]</a>.</p>
-
-<p>Cet acte solennel ne persuada pas encore madame de
-Sévigné; elle eut de la peine à croire à l'entière conversion
-de celle qui cependant, au milieu de sa plus grande
-fortune et de sa plus haute élévation, avait voulu que
-Mignard la peignît au milieu de ses deux enfants, tenant
-un chalumeau à la main, où pendait une bulle de savon
-autour de laquelle on lisait écrit: <i>Sic transit gloria
-mundi</i>: «Ainsi passe la gloire du monde<a id="FNanchor_215" href="#Footnote_215" class="fnanchor">&nbsp;[215]</a>.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, huit jours après l'entrée de madame
-de la Vallière aux Carmélites, écrit au comte de
-Guitaud, alors gouverneur des îles Sainte-Marguerite:</p>
-
-<p>«Je veux parler de madame la duchesse de la Vallière.
-La pauvre personne a tiré la lie de tout; elle n'a pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_105"> 105</a></span>
-voulu perdre un adieu ni une larme. Elle est aux Carmélites,
-où, huit jours durant, elle a vu ses enfants et
-toute la cour (c'est-à-dire ce qui en reste<a id="FNanchor_216" href="#Footnote_216" class="fnanchor">&nbsp;[216]</a>). Elle a fait
-couper ses cheveux, mais elle a gardé deux belles boucles
-sur le front. Elle caquète et dit merveilles. Elle assure
-qu'elle est ravie d'être dans une solitude; elle croit
-être dans un désert, pendue à cette grille. Elle nous fait
-souvenir de ce que nous disait, il y a bien longtemps
-madame de la Fayette après avoir été deux jours à
-Ruel, que, pour elle, elle s'accommoderait bien de la
-campagne<a id="FNanchor_217" href="#Footnote_217" class="fnanchor">&nbsp;[217]</a>.»</p>
-
-<p>Six semaines après, le troisième dimanche de la Pentecôte
-(le 3 juin), la Vallière revêtit l'habit des carmélites,
-et quitta, ayant à peine trente ans, son nom
-et ses titres pour prendre celui de <i>s&oelig;ur Louise de la
-Miséricorde</i>. Cette cérémonie de la vêture attira un auditoire
-nombreux au discours que prononça dans cette
-occasion l'évêque d'Aire<a id="FNanchor_218" href="#Footnote_218" class="fnanchor">&nbsp;[218]</a>. Nous ignorons si madame de
-Sévigné revint de Livry, où elle était au commencement
-de juin, pour assister à cette cérémonie; mais nous savons
-qu'elle n'assista pas à la cérémonie plus auguste
-qui eut lieu l'année suivante, le mardi (4 juin 1675) de
-la Pentecôte, lorsque la Vallière, ayant terminé son noviciat,
-<span class="pagenum"><a id="Page_106"> 106</a></span>
-prononça ses v&oelig;ux, reçut le voile noir des mains
-de la reine, et dit au monde un éternel adieu. Madame de
-Sévigné exprima ainsi à sa fille les regrets qu'elle éprouvait
-de ne s'être point trouvée ce jour-là aux Carmélites
-avec la reine, <span class="smallc">Mademoiselle</span>, mademoiselle d'Orléans,
-la duchesse de Longueville, la duchesse de Guise et
-beaucoup d'autres princesses et dames, dit <i>la Gazette</i><a id="FNanchor_219" href="#Footnote_219" class="fnanchor">&nbsp;[219]</a>:</p>
-
-<p>«La duchesse de la Vallière fit hier profession. Madame
-de Villars m'avait promis de m'y mener, et, par
-un malentendu, nous crûmes n'avoir point de places.
-Il n'y avait qu'à se présenter, quoique la reine eût
-dit qu'elle ne voulait pas que la permission fût étendue.
-Tant y a que Dieu ne le voulut pas. Madame de Villars
-en a été affligée. Elle fit donc cette action, cette
-belle et courageuse personne, comme toutes les autres
-de sa vie, d'une manière noble et charmante. Elle était
-d'une beauté qui surprit tout le monde; mais ce qui
-vous étonnera, c'est que le sermon de M. de Condom
-(Bossuet) ne fut pas aussi divin qu'on l'espérait<a id="FNanchor_220" href="#Footnote_220" class="fnanchor">&nbsp;[220]</a>.»</p>
-
-<p>Le jugement que porte madame de Sévigné de ce discours
-paraîtra exact à ceux qui ne le liront pas avec les
-favorables préventions de l'historien du grand prélat<a id="FNanchor_221" href="#Footnote_221" class="fnanchor">&nbsp;[221]</a>,
-qui en a jugé différemment. Cette action de la Vallière
-<span class="pagenum"><a id="Page_107"> 107</a></span>
-était plus sublime que la plus sublime éloquence. «Au
-moment où on la mit sous le drap mortuaire (dit la duchesse
-d'Orléans), je versai tant de larmes que je ne
-pus me laisser voir davantage. Après la cérémonie elle
-vint me trouver pour me consoler, et elle me dit qu'il
-fallait plutôt la féliciter que la plaindre, puisque son
-bonheur commençait dès ce moment<a id="FNanchor_222" href="#Footnote_222" class="fnanchor">&nbsp;[222]</a>.»</p>
-
-<p>Cinq ans après, madame de Sévigné revit encore madame
-de la Vallière; et sa correspondance nous prouve
-que toujours elle conserva pour elle les généreux sentiments
-qu'elle a manifestés dans les dernières lettres que
-nous avons citées.</p>
-
-<p>Le 5 janvier 1680 elle écrit à sa fille<a id="FNanchor_223" href="#Footnote_223" class="fnanchor">&nbsp;[223]</a>:</p>
-
-<p>«Je fus hier aux grandes Carmélites avec <span class="smallc">Mademoiselle</span>
-(mademoiselle de Montpensier), qui eut la bonne
-pensée de mander à madame de Lesdiguières de me mener.
-Nous entrâmes dans ce saint lieu. Je fus ravie de
-l'esprit de la mère Agnès (Gigault de Bellefonds, s&oelig;ur
-du maréchal); elle me parla de vous comme vous connaissant
-par sa s&oelig;ur (la marquise de Villars). Je vis
-madame Stuart, belle et contente. Je vis mademoiselle
-d'Épernon (elle s'était faite carmélite par la douleur que
-lui causa la mort du chevalier de Fiesque en 1648), qui
-ne me trouva pas défigurée; il y avait plus de trente ans
-que nous ne nous étions vues..... Mais quel ange m'apparut
-<span class="pagenum"><a id="Page_108"> 108</a></span>
-à la fin! car M. le prince de Conti (le gendre de la
-Vallière) la tenait au parloir. Ce fut, à mes yeux, tous
-les charmes que nous avons vus autrefois; je ne la trouvai
-ni bouffie ni jaune; elle est moins maigre et plus
-contente; elle a ses mêmes yeux et ses mêmes regards;
-l'austérité, la mauvaise nourriture et le peu de sommeil
-ne les lui ont ni creusés ni battus; cet habit si étrange
-n'ôte rien à la bonne grâce ni au bon air. Pour sa modestie,
-elle n'est pas plus grande que quand elle donnait
-au monde une princesse de Conti; mais c'est assez pour
-une carmélite. Elle me dit mille honnêtetés, me parla de
-vous si bien, si à propos; tout ce qu'elle dit était si assorti
-à sa personne que je ne crois pas qu'il y ait rien de
-mieux. M. de Conti l'aime et l'honore tendrement; elle
-est son directeur; ce prince est dévot et le sera comme
-son père. En vérité, cet habit et cette retraite sont une
-grande dignité pour elle.»</p>
-
-<p>Et plus tard madame de Sévigné oppose à l'orgueil
-des autres maîtresses de Louis XIV le souvenir de cette
-«petite violette qui se cachait sous l'herbe, honteuse
-d'être maîtresse, d'être mère, d'être duchesse<a id="FNanchor_224" href="#Footnote_224" class="fnanchor">&nbsp;[224]</a>.» C'est
-encore madame de Sévigné qui, en annonçant à sa fille la
-mort du frère de madame de la Vallière (gouverneur et
-grand sénéchal de la province du Bourbonnais), nous
-fait connaître l'admiration et les regrets peut-être (les
-passions sont si capricieuses et produisent sur les volontés
-humaines des effets si bizarres!) que fit éprouver à
-Louis XIV ce grand triomphe, dans la Vallière, de la
-religion sur l'amour.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_109"> 109</a></span>
-«M. de la Vallière est mort... S&oelig;ur Louise de la Miséricorde
-fit supplier le roi de conserver le gouvernement
-pour acquitter les dettes, sans faire mention de
-ses neveux. Le roi lui a donc donné ce gouvernement,
-et lui a mandé que, s'il était assez homme de bien pour
-voir une carmélite aussi sainte qu'elle, il irait lui dire
-lui-même la part qu'il prend de la perte qu'elle a
-faite<a id="FNanchor_225" href="#Footnote_225" class="fnanchor">&nbsp;[225]</a>.»</p>
-
-<p>Louis XIV était sincère: la pensée du salut, qui devait
-bientôt le préoccuper assez fortement pour mettre un
-terme à la licence de ses m&oelig;urs, lui faisait mieux comprendre
-qu'à tous ceux qui l'entouraient ce que pouvait
-sur le c&oelig;ur de la Vallière la passion pour Dieu. Il savait,
-lui, le grand coupable, que, pour avoir la plus forte
-part aux prières de cette vraie religieuse, il devait respecter
-l'enceinte où elle s'était retirée. Madame de Montespan
-était aussi tourmentée; mais alors, dans l'enivrement
-de la faveur, elle ne pouvait avoir cette même
-délicatesse de sentiment, et elle crut se montrer généreuse
-en accompagnant plusieurs fois la reine, dont elle
-était une dame d'honneur, dans ses visites aux grandes
-Carmélites. Madame de Montespan, par des questions indiscrètes
-et par l'offre plus indiscrète encore de ses services,
-s'attira une réponse courte, froide et digne de
-madame de la Vallière; réponse faite, dit madame de
-Sévigné, d'un air tout aimable et avec toute la grâce,
-l'esprit et la modestie imaginables<a id="FNanchor_226" href="#Footnote_226" class="fnanchor">&nbsp;[226]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_110"> 110</a></span>
-Peu d'années après, Montespan, retirée de la cour,
-mais non du monde, et, dans le monde, tourmentée du
-désir de faire son salut, apprécia mieux Louise de la Miséricorde;
-elle en fit son amie, sa consolatrice et enfin
-le directeur de sa conscience<a id="FNanchor_227" href="#Footnote_227" class="fnanchor">&nbsp;[227]</a>.</p>
-
-<p>La Vallière occupe plus de place dans la vie de
-Louis XIV par son repentir que par son amour. Cette
-belle victime, offerte à Dieu en expiation des désordres
-de ce roi, fit sur lui une impression profonde, que ni les
-autres maîtresses ni les distractions de la guerre ou de la
-politique ne purent effacer. La Vallière ne fut jamais
-plus présente à la pensée de Louis XIV que depuis qu'elle
-eut abandonné sa cour; jamais elle ne lui apparut sous
-des traits plus divins que lorsqu'il se fut interdit sa vue.
-Il saisissait avec joie les occasions de lui continuer ses
-bienfaits dans ses parents, dans ses enfants. Aux occasions
-solennelles de mort ou de mariage il était satisfait
-d'apprendre que la reine et toute la cour donnaient à la
-Vallière des témoignages d'intérêt et de vénération<a id="FNanchor_228" href="#Footnote_228" class="fnanchor">&nbsp;[228]</a>.
-C'est dans son cloître, au pied des autels, que la Vallière
-a préparé, à son insu, la chute de Montespan et le
-long règne de Maintenon.</p>
-
-<p>Si Louis XIV, par sa conduite réservée envers Louise
-de la Miséricorde, a été taxé d'ingratitude et d'oubli,
-c'est que le monde ne connaît d'autre passion que celle
-qu'inspirent les enchantements de la volupté, de l'esprit
-<span class="pagenum"><a id="Page_111"> 111</a></span>
-ou des talents, et qu'il ignore la force d'un attachement
-où l'âme et le c&oelig;ur ont la principale part.
-Louis XIV y était sensible. On sait qu'en voyant la veuve
-de Scarron amaigrie par la douleur d'avoir perdu l'aîné
-des enfants de Montespan, confié à ses soins et âgé de
-trois ans, il avait dit: «Elle sait bien aimer; il y aurait
-du plaisir à être aimé d'elle<a id="FNanchor_229" href="#Footnote_229" class="fnanchor">&nbsp;[229]</a>.» Et cependant, à cette
-époque, cette femme lui déplaisait souverainement, parce
-qu'elle plaisait trop à sa maîtresse.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_112"> 112</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE VI.<br />
-<span class="medium">1674-1675.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">Le parti religieux et le parti mondain se disputent l'influence sur
-Louis XIV.&mdash;Réforme dans la maison de la reine.&mdash;Les filles
-d'honneur sont remplacées par les dames du palais.&mdash;Effets de
-cette mesure.&mdash;Scrupules religieux de madame de Sévigné.&mdash;Sa
-visite à Port-Royal des Champs.&mdash;Son admiration pour le
-P. Bourdaloue.&mdash;Mort du grand Condé.&mdash;Bourdaloue console le
-duc de Gramont après la mort du comte de Guiche.&mdash;Madame de
-Sévigné détrompe sa fille, qui croit que l'on peut être à la cour
-longtemps triste.&mdash;Changement dans les spectacles de la cour.&mdash;Pour
-quelle raison <i>le Malade imaginaire</i> ne fut pas joué à la cour.&mdash;Molière
-et Lulli étaient rivaux.&mdash;Après la mort de Molière,
-Louis XIV charge Colbert de réorganiser les spectacles de Paris.&mdash;L'Opéra
-devient le spectacle dominant.&mdash;Alliance de Quinault et
-de Lulli.&mdash;On répète chez madame de Montespan l'opéra d'<i>Alceste</i>.&mdash;La
-Rochefoucauld est appelé à ces représentations.&mdash;Éloge que
-fait de cet ouvrage madame de Sévigné.&mdash;Le ch&oelig;ur des suivants de
-Pluton cité.&mdash;L'impulsion donnée à l'Opéra ne profite qu'à la musique
-instrumentale.&mdash;L'Italie reste supérieure à la France pour tout
-le reste.&mdash;Madame de Sévigné va à un opéra.&mdash;Des musiciens.&mdash;Molière
-chez Pelissari.&mdash;Des sociétés de Paris à cette époque.&mdash;Madame
-Pelissari réunit chez elle les littérateurs médiocres.&mdash;Composition
-de l'Académie française.&mdash;Madame de Sévigné annonce
-à sa fille la mort prochaine de Chapelain.&mdash;Cause de son
-peu de sympathie pour cet ancien maître de son enfance.&mdash;Elle
-devient l'admiratrice de Boileau.&mdash;Elle entend la lecture de son
-<i>Art poétique</i> chez Gourville et chez M. de Pomponne.&mdash;Ce
-poëme est livré à l'impression.&mdash;L'auteur y intercale, au moment
-de la publication, quatre vers pour célébrer la seconde conquête
-de la Franche-Comté.&mdash;Ces quatre vers nuisent à ceux qui les
-suivent, auparavant composés.</p>
-
-<p class="space">Il y avait à la cour deux partis qui se disputaient l'influence
-sur le roi. L'un, composé de tous les courtisans
-<span class="pagenum"><a id="Page_113"> 113</a></span>
-dévoués qui avaient part à ses largesses, de ceux qui
-désiraient obtenir à tout prix des grades, des commandements
-militaires, des gouvernements, de grandes
-charges, des intendances, des ambassades, des emplois
-lucratifs, des distinctions honorifiques: ceux-là pensaient
-que Louis XIV devait continuer le cours de ses conquêtes;
-que ses maîtresses, le faste de ses palais, de ses fêtes,
-de sa maison étaient des démonstrations obligées de sa
-grandeur et des manifestations nécessaires de sa puissance.
-Louvois et Montespan étaient les appuis naturels
-de ce parti. Le parti contraire aurait voulu que Louis XIV
-renonçât à ses maîtresses; qu'il épargnât à ses sujets le
-scandale de ses amours avec une femme mariée; qu'il
-restreignît ses dépenses et mît un terme à son ambition
-et qu'il n'excitât pas la haine des souverains et de toute
-l'Europe contre lui et contre la France. Dans ce parti
-étaient tous ceux qui voyaient le bien public dans le règne
-de la religion et des m&oelig;urs. Colbert, homme réglé dans
-sa conduite, pensait ainsi; mais il ne pouvait avoir sur
-son parti la même influence que Louvois sur le sien<a id="FNanchor_230" href="#Footnote_230" class="fnanchor">&nbsp;[230]</a>.
-Chargé de l'administration des finances, il était obligé
-de mettre sans cesse de nouveaux impôts pour suffire à
-des dépenses qui s'accroissaient sans cesse; il ne le pouvait
-qu'en appesantissant de plus en plus le joug du
-despotisme sur les parlements, les assemblées des états,
-les magistrats municipaux, les membres de toutes les
-corporations qui jouissaient de quelque liberté, tous partisans
-de la paix et d'une sage réforme. La confiance
-<span class="pagenum"><a id="Page_114"> 114</a></span>
-que Louis XIV avait en Colbert comme habile administrateur
-était encore un obstacle qui lui faisait perdre
-tout crédit sur les hommes les plus honorables. Louis XIV
-ne lui imposait pas seulement le devoir de régler les
-finances de l'État, d'organiser la marine, le commerce;
-il ne se fiait qu'à lui pour ses dépenses privées, et il le
-chargeait du détail de celles qui concernaient ses maîtresses.
-Il n'oublia jamais que Colbert avait été sous
-Mazarin un excellent intendant; il s'en servait toujours
-comme tel, et rendait ce grand ministre complice
-des désordres que celui-ci aurait voulu empêcher. Plus
-que Louvois, et avec juste raison, Colbert excitait l'envie.
-Il est vrai qu'en travaillant sans cesse au bien de
-l'État il travaillait aussi à l'accroissement de sa fortune
-et à l'élévation de sa famille. Dans le clergé, dans la diplomatie
-et dans la marine les Colbert occupaient les
-principaux emplois, étaient revêtus des plus hautes dignités.
-Ne pouvant restreindre le roi dans son penchant
-à la profusion, Colbert en profitait pour son compte. Il
-laissa à sa mort douze millions, qui font vingt-quatre
-millions de notre monnaie actuelle. Cette fortune n'était
-pas, comme celle de Fouquet, le fruit de coupables man&oelig;uvres;
-mais, en définitive, c'était le trésor et les impôts
-sur les peuples, ruinés par la guerre, qui subvenaient
-aux générosités du monarque et à celles des provinces et
-des villes en faveur des ministres, de leurs parents et de
-leurs amis. Cependant ce parti, qui était véritablement
-celui des bonnes m&oelig;urs et le plus favorable aux intérêts
-du roi et du pays, ne manquait pas de soutiens à la
-cour: la religion lui en créait, pleins d'activité et de
-zèle. Parmi eux on comptait le duc de Beauvilliers et
-le maréchal de Bellefonds, Pomponne et beaucoup d'autres;
-<span class="pagenum"><a id="Page_115"> 115</a></span>
-enfin, il avait dans Bossuet et dans Bourdaloue
-deux apôtres sublimes.</p>
-
-<p>Tous fondaient leur espoir sur l'auguste empire de la
-religion, qui parvient toujours à faire entendre sa voix
-puissante quand les passions sont apaisées. La foi était
-vivante dans l'âme de madame de Montespan comme
-dans celle de Louis XIV, et elle se manifestait dans tous
-les deux par leur exactitude à s'assujettir aux pratiques
-religieuses que l'Église prescrit.</p>
-
-<p>Ce parti considéra avec raison comme un premier succès
-la religieuse retraite de la Vallière, et comme un second
-le renvoi des filles d'honneur. Quel qu'ait été le motif
-qui fit agir Montespan, il est certain que ce fut elle qui
-eut la principale part à cette réforme, qu'elle la désira
-et la voulut avec toutes ses conséquences. Madame de
-Sévigné, en donnant à madame de Grignan des détails
-sur l'intérieur de <i>Quantova</i> (c'est le nom chiffré par lequel
-elle désigne madame de Montespan), dit: «Il est
-très-sûr qu'en certain lieu on ne veut séparer aucune
-femme de son mari ni de ses devoirs; on n'aime pas le
-bruit, à moins qu'on ne le fasse<a id="FNanchor_231" href="#Footnote_231" class="fnanchor">&nbsp;[231]</a>.»</p>
-
-<p>On avait pensé à madame de Grignan pour être dame
-du palais; mais sans doute que madame de Montespan
-la trouva trop jeune et trop belle<a id="FNanchor_232" href="#Footnote_232" class="fnanchor">&nbsp;[232]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Grignan dut peu regretter de n'avoir pas
-été nommée. Avec les filles d'honneur disparurent les
-joies et la gaieté de cette cour brillante: toute liberté en
-fut bannie; le service pénible et l'étiquette sévère auxquels
-les dames du palais furent assujetties firent souffrir
-<span class="pagenum"><a id="Page_116"> 116</a></span>
-celles qui avaient brigué avec ardeur ces charges
-lucratives et honorifiques. La contrainte et l'ennui s'appesantirent
-jusque sur les bals et les divertissements que
-le roi donnait fréquemment<a id="FNanchor_233" href="#Footnote_233" class="fnanchor">&nbsp;[233]</a>.</p>
-
-<p>Cependant cette réforme eut un très-heureux effet sur
-les m&oelig;urs; madame de Sévigné elle-même, qui plaisante
-sur les femmes devenues subitement dévotes, fut
-alors plus fortement tourmentée par les scrupules que
-lui causait souvent son amour excessif pour sa fille; elle
-trouva très-bien que l'animosité que celle-ci lui avait
-inspirée contre l'évêque de Marseille lui eût attiré un
-refus d'absolution. Elle dit à madame de Grignan: «Ce
-confesseur est un fort habile homme; et si les vôtres ne
-vous traitent pas de même, ce sont des ignorants, qui
-ne savent pas leur métier<a id="FNanchor_234" href="#Footnote_234" class="fnanchor">&nbsp;[234]</a>.»</p>
-
-<p>On voit par là que madame de Sévigné avait lu le
-traité du grand Arnauld sur la <i>fréquente communion</i>.
-Dans la lettre où elle dit à sa fille que d'Hacqueville ne
-voudrait pas des douceurs d'un attachement tel que celui
-qu'elle a pour elle, parce qu'il est mêlé de trop d'inquiétude
-et de tourments, elle ajoute: «D'Hacqueville
-a raison de ne vouloir rien de pareil; pour moi, je m'en
-trouve fort bien, pourvu que Dieu me fasse la grâce de
-l'aimer encore plus que vous: voilà ce dont il est question.
-Cette petite circonstance d'un c&oelig;ur que l'on ôte au
-Créateur pour le donner à la créature me donne quelquefois
-de grandes agitations. La <i>Pluie</i> (M. de Pomponne)
-<span class="pagenum"><a id="Page_117"> 117</a></span>
-et moi nous en parlions l'autre jour très-sérieusement.
-Mon Dieu, qu'elle est à mon goût cette <i>pluie</i>! Je crois
-que je suis au sien; nous retrouvons avec plaisir nos anciennes
-liaisons<a id="FNanchor_235" href="#Footnote_235" class="fnanchor">&nbsp;[235]</a>.» On ne peut douter que madame de
-Sévigné, lorsqu'elle écrivait cette lettre, n'eût alors la
-mémoire toute fraîche de l'admirable petit traité de saint
-Eucher sur le <i>mépris du monde</i>, dont son ami Arnauld
-d'Andilly venait de publier une traduction<a id="FNanchor_236" href="#Footnote_236" class="fnanchor">&nbsp;[236]</a>, puisqu'elle
-reproduit une pensée d'Eucher en se servant des mêmes
-expressions.</p>
-
-<p>Quand ses scrupules la préoccupent, elle se rapproche
-de ses anciens amis les jansénistes, surtout d'Arnauld
-d'Andilly; et alors les rigueurs de l'hiver ne peuvent
-l'arrêter. Ce fut un 23 janvier (1674) qu'elle alla voir
-pour la première fois Port-Royal des Champs; et elle
-écrit à sa fille: «Je revins hier du Mesnil (de chez
-madame Habert de Montmor), où j'étais allée pour voir
-le lendemain M. d'Andilly. Je fus six heures avec lui;
-j'eus toute la joie que peut donner la conversation d'un
-homme admirable; je vis aussi mon oncle Sévigné, mais
-un moment. Ce Port-Royal est une Thébaïde; c'est un
-paradis; c'est un désert où toute la dévotion du christianisme
-s'est rangée; c'est une sainteté répandue dans
-tout le pays, à une lieue à la ronde. Il y a cinq ou six
-<span class="pagenum"><a id="Page_118"> 118</a></span>
-solitaires qu'on ne connaît point, qui vivent comme les
-pénitents de saint Jean-Climaque. Les religieuses sont
-des anges sur terre. Mademoiselle de Vertus y achève
-sa vie. Je vous avoue que j'ai été ravie de voir cette
-divine solitude, dont j'ai tant ouï parler: c'est un vallon
-affreux, tout propre à inspirer le goût de faire son salut.
-Je revins coucher au Mesnil, et hier ici (Paris), après
-avoir embrassé M. d'Andilly en passant. Je crois que
-je dînerai demain chez M. de Pomponne; ce ne sera
-pas sans parler de son père (Arnauld d'Andilly) et de
-ma fille. Voilà deux chapitres qui nous tiennent au
-c&oelig;ur<a id="FNanchor_237" href="#Footnote_237" class="fnanchor">&nbsp;[237]</a>.»</p>
-
-<p>Le penchant de madame de Sévigné pour ses amis les
-jansénistes ne diminuait en rien son admiration pour le
-jésuite Bourdaloue. Elle dit: «Le P. Bourdaloue fit un
-sermon le jour de Notre-Dame<a id="FNanchor_238" href="#Footnote_238" class="fnanchor">&nbsp;[238]</a> qui transporta tout le
-monde; il était d'une force à faire trembler les courtisans,
-et jamais prédicateur évangélique n'a prêché si hautement
-ni si généreusement les vérités chrétiennes<a id="FNanchor_239" href="#Footnote_239" class="fnanchor">&nbsp;[239]</a>.»</p>
-
-<p>On connaît ce mot du grand Condé, qui, à l'église,
-lorsque le P. Bourdaloue montait en chaire, appuyant
-une main sur l'épaule de la duchesse de Longueville assoupie
-et de l'autre lui montrant la chaire, lui disait:
-«Ma s&oelig;ur, réveillez-vous; voilà l'ennemi!»</p>
-
-<p>Mais c'est lorsque madame de Sévigné peint le père
-<span class="pagenum"><a id="Page_119"> 119</a></span>
-Bourdaloue consolant le vieux maréchal de Gramont de
-la perte de son fils aîné, l'espoir de sa race, qu'elle nous
-montre toute l'influence de ce prédicateur sur les grands
-de cette époque. Elle trace de cette scène un admirable
-tableau. Guiche, qui fut exilé pour ses amours avec l'aimable
-Henriette et pour son intrigue avec Vardes contre
-la Vallière, n'était point généralement aimé. Madame
-de Sévigné, qui lui plaisait beaucoup par son esprit,
-trouvait le sien guindé, ceinturé comme sa personne.
-Cependant sa mort fit une sensation profonde. On comprit
-qu'en lui disparaissait l'homme de la cour le plus
-beau, le plus brillant, le plus chevaleresque, le plus instruit;
-le comte de Guiche aurait eu toutes les qualités qui
-font le héros s'il n'avait eu les défauts qui empêchent
-de le devenir: la vanité et la présomption. Ce fut lui
-qui, en s'élançant le premier dans le courant rapide du
-Rhin, assura le passage de ce fleuve. Louis XIV, témoin
-de son courage impétueux, lui eût accordé toute sa faveur
-s'il avait pu abattre en lui cet orgueil hautain qui le
-mettait mal à l'aise avec toute supériorité. Un léger revers
-à la guerre lui fut si sensible qu'il en mourut de
-chagrin<a id="FNanchor_240" href="#Footnote_240" class="fnanchor">&nbsp;[240]</a>.</p>
-
-<p>«Il faut commencer, ma chère enfant, par la mort du
-comte de Guiche. Le P. Bourdaloue l'a annoncée au
-maréchal de Gramont, qui s'en douta, sachant l'extrémité
-de son fils. Il fit sortir tout le monde de sa chambre.
-Il était dans un petit appartement qu'il a au dehors des
-<span class="pagenum"><a id="Page_120"> 120</a></span>
-Capucines. Quand il fut seul avec ce père, il se jeta à son
-cou, disant qu'il devinait bien ce qu'il avait à lui dire;
-que c'était le coup de sa mort; qu'il la recevait de la
-main de Dieu; qu'il perdait le seul et véritable objet de
-toute sa tendresse et de toute son inclination naturelle;
-que jamais il n'avait eu de sensible joie et de violente
-douleur que par ce fils, qui avait des choses admirables.
-Il se jeta sur un lit, n'en pouvant plus, mais sans pleurer,
-car on ne pleure plus dans cet état. Le père pleurait,
-et n'avait encore rien dit. Enfin il lui parla de Dieu
-comme vous savez qu'il en parle. Ils furent six heures
-ensemble; et puis le père, pour lui faire faire son sacrifice
-entier, le mena à l'église de ces bonnes Capucines, où
-l'on disait vigiles pour ce cher fils. Le maréchal y entra
-en tremblant, plutôt traîné et poussé que sur ses jambes;
-son visage n'était plus connaissable. Monsieur le
-Duc le vit en cet état, et, en nous le contant chez madame
-de la Fayette, il pleurait. Le maréchal revint enfin
-dans sa petite chambre; il est comme un homme condamné.
-Le roi lui a écrit; personne ne le voit<a id="FNanchor_241" href="#Footnote_241" class="fnanchor">&nbsp;[241]</a>.»</p>
-
-<p>Ce touchant récit fit croire à madame de Grignan que
-sa mère, ses amis étaient inconsolables de la mort du
-comte de Guiche. Mais dans cette cour, tout occupée de
-plaisirs et d'ambition, et de gloire et d'amour, personne
-ne pouvait paraître triste, surtout lorsque le roi avait
-<span class="pagenum"><a id="Page_121"> 121</a></span>
-daigné vous consoler. Aussi madame de Sévigné écrit à
-sa fille: «Hors le maréchal de Gramont, on ne songe
-déjà plus au comte de Guiche: voilà qui est fait<a id="FNanchor_242" href="#Footnote_242" class="fnanchor">&nbsp;[242]</a>.»
-Mais elle fut obligée de s'y reprendre à plusieurs fois
-pour ramener madame de Grignan à son unisson. «Ha!
-fort bien; nous voici dans les lamentations du comte de
-Guiche. Hélas! ma pauvre enfant, nous n'y pensons
-plus ici, pas même le maréchal, qui a repris le soin de
-faire sa cour.» Quelques jours après, nouvelle réprimande:
-«Vous vous moquez avec vos longues douleurs!
-Nous n'aurions jamais fait ici si nous voulions appuyer
-autant sur chaque nouvelle: il faut expédier; expédiez,
-à notre exemple<a id="FNanchor_243" href="#Footnote_243" class="fnanchor">&nbsp;[243]</a>.»</p>
-
-<p>Elle expédie en effet; et il est impossible de trouver
-dans aucune correspondance autant de faits intéressants
-sur les événements publics, les personnages du temps,
-les spectacles, la littérature et la vie de toute une époque,
-touchés avec tant de concision, d'esprit, de finesse
-et de gaieté.</p>
-
-<p>Un grand changement eut lieu dans les spectacles à
-la cour et à la ville, car alors Paris se conformait à la
-cour; c'était le roi qui réglait l'un et l'autre.</p>
-
-<p>Louis XIV a dit, dans ses Instructions au Dauphin,
-qu'il est du devoir d'un monarque de donner des amusements
-à sa cour, à son peuple, à lui-même<a id="FNanchor_244" href="#Footnote_244" class="fnanchor">&nbsp;[244]</a>. Les spectacles
-<span class="pagenum"><a id="Page_122"> 122</a></span>
-publics furent donc par lui mis au nombre des
-affaires d'État. La mort de Molière les avait désorganisés.
-Cependant la comédie n'était pas le genre de spectacle
-que préférait Louis XIV: il aimait par-dessus tout
-la danse, la musique, les belles décorations; il n'oubliait
-pas qu'il avait autrefois brillé dans les ballets composés
-pour lui. Il avait été, dans sa jeunesse, un très-bon
-joueur de guitare<a id="FNanchor_245" href="#Footnote_245" class="fnanchor">&nbsp;[245]</a>; ce qui n'étonne pas quand on sait
-qu'on lui donna un maître de cet instrument lorsqu'il
-était à peine âgé de huit ans<a id="FNanchor_246" href="#Footnote_246" class="fnanchor">&nbsp;[246]</a>. C'est cette préférence du
-roi pour la musique qui avait fait le succès de l'opéra,
-introduit en France par Mazarin. Mais Molière, aussi
-habile directeur de spectacles qu'auteur illustre et bon
-acteur, pour donner au roi le goût de la comédie, imagina
-de joindre à ses pièces des danses, des chants, des
-ballets-mascarades, bien ou mal motivés<a id="FNanchor_247" href="#Footnote_247" class="fnanchor">&nbsp;[247]</a>. Il chargeait
-Lulli d'en faire la musique; et même, dans la composition
-de la tragi-comédie-ballet de <i>Psyché</i>, il fit concorder
-heureusement, pour aller plus vite, Lulli, Quinault
-et Corneille. Le grand tragique fut lui-même
-étonné qu'en remplissant le cadre qui lui était donné
-sa muse, affaiblie par l'âge, eût retrouvé, pour une
-déclaration d'amour, tout le feu de la jeunesse. C'est
-<span class="pagenum"><a id="Page_123"> 123</a></span>
-ainsi que Molière soutint son théâtre florissant contre
-les dangereuses rivalités du théâtre de la rue Guénégaud,
-où se jouait l'opéra; du théâtre de l'hôtel de Bourgogne
-et de celui du Marais, où l'on représentait les pièces de
-Racine et celles de Corneille<a id="FNanchor_248" href="#Footnote_248" class="fnanchor">&nbsp;[248]</a>.</p>
-
-<p>La musique est un art qui ne parle au c&oelig;ur et à l'imagination
-que par les sons. Par cela même elle convient
-mieux que les compositions dramatiques à ceux
-que l'âge ou la multiplicité des affaires ont rendus, dans
-leurs moments de distraction, peu capables d'une attention
-soutenue. Tel commençait à être Louis XIV. Lulli
-s'aperçut du déclin de son goût pour la comédie. Il s'associa
-avec Quinault, dont il espérait avec raison obtenir des
-opéras meilleurs que ceux de l'abbé Perrin<a id="FNanchor_249" href="#Footnote_249" class="fnanchor">&nbsp;[249]</a>; et, pour empêcher
-que Molière ne pût réunir dans ses compositions
-la comédie et l'opéra, il obtint une ordonnance (22 avril
-1672) qui portait défense aux comédiens d'avoir, pour
-leurs représentations, plus de deux voix et plus de
-six violons. Dès lors Molière, brouillé avec Lulli ne
-put se servir de lui pour les ballets du <i>Malade imaginaire</i>,
-et il en fit composer la musique par Charpentier,
-musicien aussi habile, mais non aussi goûté que
-Lulli, qui le persécuta par jalousie<a id="FNanchor_250" href="#Footnote_250" class="fnanchor">&nbsp;[250]</a>. <i>Le Malade imaginaire</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_124"> 124</a></span>
-fut cependant représenté sur le théâtre du Palais-Royal,
-le 10 février 1673, avec toute sa musique, et imprimé
-la même année<a id="FNanchor_251" href="#Footnote_251" class="fnanchor">&nbsp;[251]</a>; mais il ne fut joué à la cour que
-l'année suivante<a id="FNanchor_252" href="#Footnote_252" class="fnanchor">&nbsp;[252]</a>. Débarrassé d'un redoutable rival par
-la mort de Molière, Lulli resta le directeur favorisé des
-divertissements du roi. Quatre des principaux acteurs de
-la troupe de Molière s'en étant séparés pour entrer dans
-la troupe de l'hôtel de Bourgogne, Colbert fut chargé par
-Louis XIV de former, des débris de la troupe du grand
-comique et de celle du Marais, une nouvelle troupe qui fut
-transportée rue Mazarine; et le théâtre du Palais-Royal
-fut donné à Lulli pour y établir l'Opéra, décoré du nom
-d'<i>Académie royale de musique</i>. L'ancien Opéra du marquis
-de Sourdac disparut, et le nouvel Opéra fut fondé par
-l'association de Lulli, de Quinault, de Vigaroni; le musicien,
-le poëte et le décorateur formèrent un spectacle
-tout nouveau, d'une grandeur et d'une magnificence fort
-au-dessus de tout ce qu'on avait vu jusqu'alors. Il devint
-célèbre dans toute l'Europe, et n'a cessé de contribuer aux
-progrès de la chorégraphie, de la musique vocale et instrumentale.
-Quoique toujours onéreux pour l'État, il a survécu
-à tous les désastres de nos révolutions. Malgré la réunion
-des talents qui contribuaient à sa réussite, il causa,
-dans la nouveauté, plus d'admiration que de plaisir<a id="FNanchor_253" href="#Footnote_253" class="fnanchor">&nbsp;[253]</a>, et il
-<span class="pagenum"><a id="Page_125"> 125</a></span>
-ne se soutint que par la volonté et la munificence de
-Louis XIV, qui le mit à la mode. Jamais, depuis, l'empressement
-du public ne suffit pour entretenir ce spectacle
-dans la splendeur et le luxe qui est de son essence;
-pour qu'il pût subsister il a fallu que tous les gouvernements
-qui se sont succédé en France fussent pour lui
-plus prodigues encore que n'avait été Louis XIV.</p>
-
-<p>Ce fut madame de Montespan qui eut la principale
-part à cette rénovation de l'Opéra. Pour faire cette révolution
-théâtrale, elle s'appuya sur l'opinion de la Rochefoucauld,
-alors, à la cour, le grand arbitre du goût.
-«M. de la Rochefoucauld, dit madame de Sévigné à
-sa fille, ne bouge de Versailles; le roi le fait entrer chez
-madame de Montespan pour entendre les répétitions
-d'un opéra qui passera tous les autres: il faut que vous
-le voyiez<a id="FNanchor_254" href="#Footnote_254" class="fnanchor">&nbsp;[254]</a>.» Cet opéra était celui d'<i>Alceste ou le Triomphe
-d'Alcide</i>, qui fut le premier que composa Quinault
-depuis qu'il avait fait alliance avec Lulli et que la salle
-du Palais-Royal avait été accordée à ce dernier pour son
-spectacle<a id="FNanchor_255" href="#Footnote_255" class="fnanchor">&nbsp;[255]</a>. Le succès de ce nouvel ouvrage fut grand,
-et fit oublier à ce public ému et flatté que Molière, dans
-cette même salle, en le bafouant le faisait rire. Madame
-de Sévigné écrit le 8 janvier 1674: «On joue
-jeudi l'opéra qui est un prodige de beauté; il y a des
-endroits de la musique qui m'ont fait pleurer; je ne suis
-<span class="pagenum"><a id="Page_126"> 126</a></span>
-pas seule à ne le pouvoir soutenir; l'âme de madame de
-la Fayette en est tout alarmée<a id="FNanchor_256" href="#Footnote_256" class="fnanchor">&nbsp;[256]</a>.» Je le crois sans peine:
-celle qui n'avait jusqu'alors entendu que les opéras de
-François Perrin, les maigres instruments de Gabriel
-Gilbert et les accompagnements monotones de Cambert<a id="FNanchor_257" href="#Footnote_257" class="fnanchor">&nbsp;[257]</a>
-devait être agréablement surprise de cette variété
-d'instruments, de ces timbales, de ces trompettes qui
-produisaient, par leur éclatante harmonie, des effets inconnus
-à la musique française. Les récitatifs du musicien
-florentin, admirés encore de nos artistes modernes par
-la vérité de la déclamation et la justesse de la prosodie,
-ne devaient pas médiocrement toucher des femmes d'un
-goût aussi exercé que madame de la Fayette et madame
-de Sévigné. Le beau ch&oelig;ur des suivants de Pluton, qui
-se réjouissent de la venue d'Alceste dans les enfers, rehaussé
-par la musique de Lulli, était surtout propre à
-alarmer la constitution maladive et vaporeuse de madame
-de la Fayette:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Tout mortel doit ici paraître:</p>
-<p class="i2"> On ne peut naître</p>
-<p class="i2"> Que pour mourir.</p>
-<p>De cent maux le trépas délivre:</p>
-<p class="i2"> Qui cherche à vivre</p>
-<p class="i2"> Cherche à souffrir.</p>
-<p>Chacun vient ici-bas prendre place;</p>
-<p class="i2"> Sans cesse on y passe,</p>
-<p class="i2"> Jamais on n'en sort.</p>
-<p class="i2"> Est-on sage</p>
-<p class="i2"> De fuir ce passage?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_127"> 127</a></span></div>
-<p class="i2"> C'est un orage</p>
-<p class="i2"> Qui mène au port.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p class="i2"> Plaintes, cris, larmes,</p>
-<p class="i2"> Tout est sans armes</p>
-<p class="i2"> Contre la mort.</p>
-<p>Chacun vient ici-bas prendre place;</p>
-<p class="i2"> Sans cesse on y passe,</p>
-<p class="i2"> Jamais on n'en sort<a id="FNanchor_258" href="#Footnote_258" class="fnanchor">&nbsp;[258]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Cependant l'impulsion donnée par la faveur de
-Louis XIV au théâtre de l'Opéra, décoré du nom d'Académie,
-ne profita bien qu'à la musique et à la danse. La
-France resta toujours inférieure à l'Italie sous le rapport
-des machines et des décorations comme sous celui du
-chant et de la poésie. Les plus belles pièces de Quinault
-ne sont pas comparables aux plus médiocres de Métastase;
-et néanmoins aucun de nos poëtes, depuis Louis XIV,
-n'a réussi mieux que Quinault dans ce genre de composition.
-Mais l'Opéra français devint, dès son début au Palais-Royal,
-supérieur dans la musique instrumentale. Le
-poëme, les danses, les ballets n'excitaient qu'un plaisir
-secondaire en comparaison des belles symphonies que
-Lulli composait; ses opéras ressemblaient à des concerts.
-C'est ce dont se plaint amèrement la Bruyère, ce grand
-peintre de la société française dans le grand siècle<a id="FNanchor_259" href="#Footnote_259" class="fnanchor">&nbsp;[259]</a>. Les
-imitateurs du Florentin profitèrent du goût régnant pour
-composer des opéras courts, presque sans récitatifs, tout
-en symphonies et qui pouvaient se passer des prestiges du
-théâtre. Un musicien nommé Molière (qui n'avait rien de
-<span class="pagenum"><a id="Page_128"> 128</a></span>
-commun que le nom avec le grand comique) paraît avoir
-particulièrement réussi dans ces opéras-concerts, dont
-l'abbé Tallemant composait les paroles et qu'il faisait
-chanter chez lui et dans des fêtes particulières<a id="FNanchor_260" href="#Footnote_260" class="fnanchor">&nbsp;[260]</a>. Le
-5 février (jour anniversaire de sa naissance), madame de
-Sévigné écrit à sa fille: «Je m'en vais à un petit opéra
-de Molière, beau-père d'Itier<a id="FNanchor_261" href="#Footnote_261" class="fnanchor">&nbsp;[261]</a>, qui se chante chez Pelissari;
-c'est une musique très-parfaite. M. le Prince,
-M. le Duc et madame la Duchesse y seront.»</p>
-
-<p>Pelissari était un riche financier, ami de Gourville et
-de d'Hervart<a id="FNanchor_262" href="#Footnote_262" class="fnanchor">&nbsp;[262]</a>. Madame de Sévigné l'avait connu chez
-Fouquet au temps de la Fronde, et avec lui, comme
-avec Jeannin de Castille, elle était restée liée. Déjà les
-plus grands personnages de ce temps aimaient à se réunir
-chez ces riches roturiers, qui acquirent dans le
-siècle suivant une influence toujours croissante. Le jeu,
-la bonne chère faisaient éprouver à tous ces hommes
-de la cour des plaisirs plus vifs que ceux qu'ils devaient
-à la magnificence du monarque, parce que les
-plus élevés parvenaient, par la familiarité même de leur
-excessive politesse, à faire régner dans ces cercles, honorés
-par leur présence, tout le charme d'une parfaite
-égalité sans rien perdre des avantages que leur donnait
-la supériorité de leur rang et de leur naissance; et depuis
-lors ce fut là le triomphe du savoir-vivre et du suprême
-<span class="pagenum"><a id="Page_129"> 129</a></span>
-bon ton. Ainsi nous voyons madame de Sévigné,
-vivement pressée de se rendre à une invitation de la
-duchesse de Chaulnes avec les cardinaux de Retz et de
-Bouillon, préférer un souper chez Gourville<a id="FNanchor_263" href="#Footnote_263" class="fnanchor">&nbsp;[263]</a>, où elle devait
-se réunir avec toute sa société, M. de la Rochefoucauld,
-madame de la Fayette, M. le Duc, le comte
-de Briord<a id="FNanchor_264" href="#Footnote_264" class="fnanchor">&nbsp;[264]</a>, son aide de camp, madame de Thianges,
-madame de Coulanges, Corbinelli. Madame de Sévigné
-ne pouvait être attirée chez Pelissari que les jours de
-concerts et de grandes réunions. La société de madame
-Pelissari était toute différente de la sienne. Celle-ci
-recevait beaucoup d'hommes de lettres, mais c'étaient
-précisément ceux qui régnaient alors à l'Académie et
-qui n'avaient aucun succès à l'hôtel de la Rochefoucauld.
-Pavillon était le Voiture de ce <i>pastiche</i> de l'hôtel de
-Rambouillet<a id="FNanchor_265" href="#Footnote_265" class="fnanchor">&nbsp;[265]</a>. Le jour que madame de Sévigné se rendit
-chez madame Pelissari pour entendre l'opéra de Molière,
-elle dut y trouver Cotin, qui récita peu après, en séance
-publique, des vers à la louange du roi; Gilles Boileau<a id="FNanchor_266" href="#Footnote_266" class="fnanchor">&nbsp;[266]</a>,
-l'ami de Cotin et l'ennemi de Despréaux, son frère; puis
-Furetière, Charpentier, l'abbé Tallemant, Perrault, le vieux
-Bois-Robert, Quinault, Regnier, Desmarais, Benserade
-et d'autres moins connus. C'étaient alors les coryphées
-de l'Académie française, peuplée en majeure partie de
-<span class="pagenum"><a id="Page_130"> 130</a></span>
-grands seigneurs, loués par leurs confrères en vers et
-en prose. Ceux-ci formaient une ligue en faveur des
-médiocrités intrigantes; ils exaltaient le siècle présent,
-et dépréciaient tous les siècles qui l'avaient précédé.
-Leur règne allait cesser. A la vérité Despréaux et la Fontaine
-devaient attendre dix ans encore leur admission à
-l'Académie; mais déjà depuis deux ou trois ans l'ennemi
-avait commencé à pénétrer dans la place. Bossuet avait été
-reçu de l'Académie en 1671, Racine et Fléchier en 1673,
-le savant Huet, qui écrivait des poëmes charmants dans
-la langue de Virgile, en 1674. Benserade, sans beaucoup
-d'avantages pour l'illustre compagnie, allait y remplacer
-Chapelain. Madame de Sévigné ne manque pas de donner
-à madame de Grignan des nouvelles de ce dernier,
-si connu d'elle et de toute sa famille: «M. Chapelain
-se meurt; il a une manière d'apoplexie qui l'empêche
-de parler; il se confesse en serrant la main; il est dans
-sa chaise comme une statue: ainsi Dieu confond l'orgueil
-des philosophes. Adieu, ma bonne<a id="FNanchor_267" href="#Footnote_267" class="fnanchor">&nbsp;[267]</a>.»</p>
-
-<p>On est étonné du peu d'affection que manifeste en
-cette circonstance madame de Sévigné pour l'ancien
-précepteur des MM. de la Trousse, ses parents; pour
-celui qui, avec Ménage, lui avait donné à elle-même
-des leçons dont elle avait si bien profité. Mais Chapelain,
-qui avait été une des grandes notabilités littéraires
-chez la marquise de Sablé<a id="FNanchor_268" href="#Footnote_268" class="fnanchor">&nbsp;[268]</a>, dans les réunions
-<span class="pagenum"><a id="Page_131"> 131</a></span>
-hebdomadaires de mademoiselle de Scudéry et à l'hôtel
-de Rambouillet, où Arnauld d'Andilly l'avait introduit<a id="FNanchor_269" href="#Footnote_269" class="fnanchor">&nbsp;[269]</a>,
-où ses liaisons avec les solitaires de Port-Royal lui donnaient
-de l'importance; cet auteur tant prôné, si magnifiquement
-récompensé par les ducs de Longueville
-et de Montausier; ce juge souverain en matière de goût,
-selon Balzac<a id="FNanchor_270" href="#Footnote_270" class="fnanchor">&nbsp;[270]</a>, était devenu ridicule par la publication
-de son grand poëme et par son avarice<a id="FNanchor_271" href="#Footnote_271" class="fnanchor">&nbsp;[271]</a>. On convenait
-que Boileau Despréaux, pour répondre aux reproches
-que lui adressait le spirituel de Coupeauville<a id="FNanchor_272" href="#Footnote_272" class="fnanchor">&nbsp;[272]</a> d'avoir
-si maltraité le chantre malencontreux de la célèbre Pucelle,
-avait eu raison de dire: «Mais je n'ai été que le
-secrétaire du public; je ne suis coupable que d'avoir dit
-en vers ce que tout le monde dit en prose<a id="FNanchor_273" href="#Footnote_273" class="fnanchor">&nbsp;[273]</a>.» Madame
-de Sévigné fut tout étonnée de voir le satirique «s'attendrir
-pour le pauvre Chapelain,» et elle lui pardonnait
-de s'être montré si cruel en vers, puisqu'il était si
-tendre en prose<a id="FNanchor_274" href="#Footnote_274" class="fnanchor">&nbsp;[274]</a>. Elle admirait plus que personne le
-<span class="pagenum"><a id="Page_132"> 132</a></span>
-talent de Despréaux, et recherchait les réunions ou il
-faisait des lectures de son <i>Art poétique</i>, qui devait bientôt
-paraître et faire époque dans la littérature française.</p>
-
-<p>Le 15 décembre (1673), elle écrit: «Je dînai hier
-avec M. le Duc, M. de la Rochefoucauld, madame de
-Thianges, madame de la Fayette, madame de Coulanges,
-l'abbé Têtu, M. de Marsillac et Guilleragues, chez
-Gourville. Vous y fûtes célébrée et souhaitée; et puis
-on écouta la <i>Poétique</i> de Despréaux, qui est un chef-d'&oelig;uvre<a id="FNanchor_275" href="#Footnote_275" class="fnanchor">&nbsp;[275]</a>.»</p>
-
-<p>Elle n'entendit cette fois qu'une portion du poëme;
-car, un mois après, elle écrit encore: «De Pomponne
-m'a priée de dîner demain avec lui et Despréaux, qui
-doit lire sa <i>Poétique</i>.» Le surlendemain, elle commence
-ainsi une autre lettre: «J'allai donc dîner samedi chez
-M. de Pomponne, comme je vous avais dit; et puis (on
-dînait alors à midi), jusqu'à cinq heures, il fut enchanté,
-enlevé, transporté de la perfection des vers de la <i>Poétique</i>
-de Despréaux. D'Hacqueville y était. Nous parlâmes
-deux ou trois fois du plaisir que j'aurais de vous la voir
-entendre<a id="FNanchor_276" href="#Footnote_276" class="fnanchor">&nbsp;[276]</a>.»</p>
-
-<p>J'ai dit que madame de Sévigné entendit la lecture de
-l'<i>Art poétique</i> en entier. En effet, ce poëme était achevé,
-puisque Boileau l'inséra dans la première édition de ses
-&oelig;uvres, dont il devait bientôt faire commencer l'impression
-et qui parut six mois après la date de la lettre de
-madame de Sévigné. Il y a cependant des vers, dans ce
-poëme, que l'auteur ne composa qu'après la lecture
-<span class="pagenum"><a id="Page_133"> 133</a></span>
-qu'il en avait faite chez M. de Pomponne: ce sont ceux
-où la conquête de la Franche-Comté est célébrée. Cette
-conquête ne fut commencée que six semaines après cette
-lecture et terminée seulement cinq jours après l'impression
-des <i>&OElig;uvres diverses du sieur D***</i>. (Despréaux).</p>
-
-<p>Condé, qui, lorsqu'il s'était révolté, avait servi et
-commandé chez les Espagnols, connaissait leurs hommes
-d'État et leurs guerriers; il lui fut donc facile de préparer
-la seconde conquête de la <i>comté de Bourgogne</i><a id="FNanchor_277" href="#Footnote_277" class="fnanchor">&nbsp;[277]</a>.
-Rentrée, par le traité d'Aix-la-Chapelle, sous la domination
-espagnole, cette province était mécontente des dons
-gratuits et des subsides que l'Espagne avait exigés d'elle
-pour le rétablissement des fortifications détruites par la
-France et pour l'entretien des garnisons que la guerre
-forçait d'y placer. Mais cette fois aussi, mieux fortifiée,
-plus garnie de troupes et préparée depuis longtemps
-pour l'état de guerre, on ne pouvait plus la surprendre;
-et la conquérir était devenu plus difficile. Louis XIV
-empêcha très-habilement les Suisses, qui craignaient de
-devenir les voisins de la France, de se joindre aux Espagnols,
-en offrant au roi d'Espagne de déclarer la neutralité
-de la Franche-Comté. Il s'y refusa, quoique sollicité
-par les Suisses, qui s'étaient joints à Louis pour cette
-négociation. Dès lors l'état de guerre qui existait entre
-l'Espagne et la France légitima l'attaque de la Franche-Comté,
-et les Suisses n'eurent aucune raison valable
-pour s'y opposer. Gourville, l'homme de Condé,
-Bouchu, l'intendant de la Bourgogne, le marquis de
-Vaubrun préparèrent les succès de cette attaque par
-leurs secrètes négociations avec le prince d'Aremberg,
-<span class="pagenum"><a id="Page_134"> 134</a></span>
-le marquis de Listenay et don Guignones<a id="FNanchor_278" href="#Footnote_278" class="fnanchor">&nbsp;[278]</a>. Le maréchal
-de Navailles commença l'invasion; il prit Gray en trois
-jours, le 1<sup>er</sup> mars; Vesoul, le 10<a id="FNanchor_279" href="#Footnote_279" class="fnanchor">&nbsp;[279]</a>. Le siége de Besançon,
-fait par le roi en personne, fut pénible: cette place ne se
-rendit qu'après huit jours de tranchée, le 15 mai; et la citadelle,
-le 22. Dôle ouvrit ses portes le 6 juin, après sept
-jours de tranchée; et la Feuillade entra dans Salins le
-22 juin, après un siége de sept jours. Mais la conquête
-de la Franche-Comté ne fut complétée que le 5 juillet,
-lorsque le marquis de Renel (ami et allié de Bussy) eut
-pris Lure et Fauconier<a id="FNanchor_280" href="#Footnote_280" class="fnanchor">&nbsp;[280]</a>.</p>
-
-<p>Comme le volume des &oelig;uvres diverses de Despréaux
-ne fut achevé d'imprimer que le 10 juillet, et qu'après
-les vers où il célèbre la conquête de la Franche-Comté
-près des deux tiers de son volume étaient à imprimer,
-et que le privilége du roi est daté du 12 juin, il en résulte
-que ce fut après avoir livré son manuscrit à l'imprimeur,
-c'est-à-dire après le 22 juin, et sur les épreuves
-mêmes de son ouvrage, que Boileau, sans craindre
-qu'on lui révoquât son privilége, ajouta les vers suivants,
-adressés, comme ceux qui les précèdent, aux auteurs
-qui voudront célébrer les victoires de Louis XIV:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Mais tandis que je parle une gloire nouvelle</p>
-<p>Vers ce vainqueur rapide aux Alpes vous appelle.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_135"> 135</a></span></div>
-<p>Déjà Dôle et Salins sous le joug ont ployé;</p>
-<p>Besançon fume encor sur son roc foudroyé.</p>
-</div></div>
-
-<p>Remarquons que ce fut au détriment du poëme que
-ces quatre vers furent intercalés. Les vers qui les suivent
-étaient, avant cette intercalation, à la suite de ceux
-sur le passage du Rhin et de la conquête de la Hollande,
-et s'appliquaient mieux à ce passage et à cette conquête
-qu'au siége de Besançon et de Salins. Quel auteur, dit
-le poëte,</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Chantera le Batave, éperdu dans l'orage,</p>
-<p>Soi-même se noyant pour sortir du naufrage;</p>
-<p>Dira les bataillons sous Mastricht enterrés,</p>
-<p>Dans ces affreux assauts du soleil éclairés?</p>
-<p>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</p>
-<p>Où sont ces grands guerriers dont les fatales ligues</p>
-<p>Devaient à ce torrent apporter tant de digues?</p>
-<p>Est-ce encore en fuyant qu'ils pensent l'arrêter</p>
-<p>Fiers du honteux honneur d'avoir su l'éviter<a id="FNanchor_281" href="#Footnote_281" class="fnanchor">&nbsp;[281]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Quand Despréaux écrivit ces vers, on était à la fin de
-l'année 1673. Le Rhin avait été passé le 12 juin 1672, et
-Maestricht s'était rendu au roi le 29 juin 1673. Ces exploits,
-quoique récents, étaient déjà anciens; ils avaient
-fatigué les muses adulatrices, et ces vers, au moment de
-leur publication, formaient un anachronisme. Louis XIV,
-dès la fin d'octobre de l'année précédente, pour mieux attaquer
-l'Espagne, avait commencé à retirer ses troupes de
-la Hollande: le <i>Batave éperdu</i>, au lieu de fuir, rentrait
-dans ses foyers. Les forces qui avaient envahi la république
-<span class="pagenum"><a id="Page_136"> 136</a></span>
-étaient postées sur le haut Rhin; et Bonne, mal
-fortifiée, avait capitulé le 12 novembre 1673, après
-huit jours de siége. La conquête de la Franche-Comté,
-célébrée par le poëte avant même d'être achevée, avait
-pour les lecteurs le mérite si grand de la nouveauté;
-mais les vers qui suivaient, depuis l'évacuation des places
-conquises sur la Hollande, n'étaient plus d'accord avec
-l'histoire. Le <i>Batave</i>, ligué avec toute l'Europe, après
-avoir fait rebrousser le torrent dévastateur, espérait l'anéantir
-ou lui imposer des digues qu'il ne pourrait franchir:
-il ne parvint alors qu'à en détourner le cours.
-Condé, à la tête d'une poignée de troupes, soutint, dans
-les plaines des Pays-Bas, le choc des puissances armées;
-Luxembourg, son disciple, leur ferma les passages
-de la Suisse; Turenne, ceux de l'Alsace, et il les
-rejeta au delà du Rhin<a id="FNanchor_282" href="#Footnote_282" class="fnanchor">&nbsp;[282]</a>. Louis XIV, couvert par l'habileté
-de ses grands capitaines, put, en achevant la conquête
-de la Franche-Comté, compléter ainsi le sol de la
-France, depuis maintenu par la Providence dans son intégrité,
-malgré soixante ans de délire révolutionnaire et
-d'usurpations insensées<a id="FNanchor_283" href="#Footnote_283" class="fnanchor">&nbsp;[283]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_137"> 137</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE VII.<br />
-<span class="medium">1674-1675.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">M. et madame de Grignan viennent à Paris.&mdash;M. de Grignan retourne
-en Provence.&mdash;Madame de Grignan reste avec madame de Sévigné
-pendant quinze mois.&mdash;Correspondance de madame de Sévigné
-avec Guitaud et avec Bussy.&mdash;Bussy obtient la permission de venir
-à Paris, et vit pendant six mois dans la société de madame de
-Sévigné et de madame de Grignan.&mdash;Ouverture de l'assemblée des
-communautés de la Provence le 3 novembre.&mdash;L'évêque de Toulouse
-forme opposition à M. de Grignan.&mdash;Grignan est soutenu par
-Guitaud, gouverneur des îles Sainte-Marguerite.&mdash;Correspondance
-de Bussy et de madame de Sévigné.&mdash;Détails sur la femme et les
-enfants de Bussy.&mdash;Sur l'aîné de ses fils, Nicolas, marquis de
-Bussy.&mdash;Sur Marie-Thérèse de Bussy, marquise de Montalaire.&mdash;Sur
-Michel-Celse-Roger de Bussy, évêque de Luçon.&mdash;Sur Louise
-de Rouville de Clinchamps, seconde femme du comte de Bussy-Rabutin.&mdash;Sur
-Diane de Rabutin, chanoinesse.&mdash;Sur Louise-Françoise
-de Bussy.&mdash;Sur le mariage de celle-ci avec Gilbert de Langheac,
-marquis de Coligny.&mdash;Coligny est tué.&mdash;Sa veuve se
-remarie.&mdash;Elle ne prend pas le nom de son nouveau mari, et se
-fait nommer comtesse de Dalet.&mdash;Son fils, le comte de Langheac,
-meurt sans postérité mâle.</p>
-
-<p class="space">Ce fut dans cette belliqueuse année, et lorsque la
-France était assiégée par cette multitude d'ennemis que
-lui avaient faits l'ambition et la despotique arrogance de
-son monarque, que madame de Sévigné put goûter, plus
-complétement qu'elle ne l'avait fait depuis longtemps,
-les douceurs de l'amour maternel et celles de l'amitié.
-Elle en éprouvait le besoin pour se consoler de l'ennui
-et de la fatigue qu'entraînent avec eux les plaisirs du
-<span class="pagenum"><a id="Page_138"> 138</a></span>
-monde, les liaisons passagères de la société et les intrigues
-de la cour.</p>
-
-<p>Elle était enfin parvenue à obtenir un congé pour
-M. de Grignan<a id="FNanchor_284" href="#Footnote_284" class="fnanchor">&nbsp;[284]</a>; il arriva à Lyon avec sa femme au
-commencement de février<a id="FNanchor_285" href="#Footnote_285" class="fnanchor">&nbsp;[285]</a> et à Paris vers le 15 du même
-mois (1674).</p>
-
-<p>Le comte de Grignan retourna au mois de mai suivant
-en Provence<a id="FNanchor_286" href="#Footnote_286" class="fnanchor">&nbsp;[286]</a>, mais madame de Grignan ne se sépara
-de sa mère qu'un an après: leur commerce de lettres
-fut donc interrompu pendant quinze mois entiers
-Dans cet intervalle de temps, madame de Sévigné
-entretint une correspondance active avec son cousin
-Bussy, le comte de Guitaud et M. de Grignan. Elle
-n'eut pas non plus, durant toute cette année et les six
-premiers mois de l'année suivante, besoin d'écrire à
-celui qu'elle nommait son <i>bon cardinal</i>. Retz résida
-pendant tout ce temps à Paris, passant de longues heures
-avec madame de Sévigné et avec sa fille<a id="FNanchor_287" href="#Footnote_287" class="fnanchor">&nbsp;[287]</a>, dont il
-préférait la société à toutes les autres. De son côté, madame
-de Sévigné trouvait qu'il était l'homme de France
-dont la conversation était la plus agréable, l'homme le
-<span class="pagenum"><a id="Page_139"> 139</a></span>
-plus charmant qu'on pût voir; et ce qui contribuait
-surtout à le lui faire trouver tel, c'est qu'il semblait
-partager son admiration pour madame de Grignan et
-sympathiser à ses faiblesses maternelles<a id="FNanchor_288" href="#Footnote_288" class="fnanchor">&nbsp;[288]</a>. Sévigné était
-à l'armée, mais il venait par intervalle se réunir à
-sa mère et à sa s&oelig;ur et jouir avec elles des plaisirs de
-la cour<a id="FNanchor_289" href="#Footnote_289" class="fnanchor">&nbsp;[289]</a>. Le petit-cousin de Coulanges et Corbinelli
-<i>le fidèle Achate</i>, l'officieux d'Hacqueville étaient aussi
-alors à Paris; et Gourville et Guilleragues, et les hommes
-de lettres qui fréquentaient les hôtels des la Rochefoucauld
-et des Condé, et toute la brillante jeunesse de ces
-sociétés montraient d'autant plus d'empressement encore
-à se rapprocher de madame de Sévigné qu'ils étaient
-certains de rencontrer toujours près d'elle la belle comtesse
-de Grignan, la reine de la Provence, si longtemps
-regrettée, si ardemment attendue.</p>
-
-<p>Il semble que rien ne manquait au bonheur de madame
-de Sévigné; mais elle était arrivée à un âge ou
-les joies les plus vives sont amorties par tout ce que
-l'existence humaine a de triste et de sérieux. Elle n'avait
-que quarante-huit ans; et aux souhaits que, selon l'usage,
-sa fille lui exprimait au premier jour de l'an (1674)
-elle répondit<a id="FNanchor_290" href="#Footnote_290" class="fnanchor">&nbsp;[290]</a>:</p>
-
-<p>«Vous me dites mille douceurs sur le commencement
-de l'année: rien ne peut me flatter davantage; vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_140"> 140</a></span>
-m'êtes toutes choses, et je ne suis appliquée qu'à faire
-que tout le monde ne voie pas toujours à quel point
-cela est vrai. J'ai passé le commencement de l'année assez
-brutalement; je ne vous ai dit qu'un pauvre petit
-mot; mais comptez, mon enfant, que cette année et
-toutes celles de ma vie sont à vous: c'est un tissu, c'est
-une vie tout entière qui vous est dévouée jusqu'au dernier
-soupir. Vos moralités sont admirables; il est vrai
-que le temps passe partout, et passe vite. Vous criez
-après lui, parce qu'il vous emporte quelque chose de
-votre belle jeunesse; mais il vous en reste beaucoup.
-Pour moi, je le vois courir avec horreur, et m'apporter
-en passant l'affreuse vieillesse, les incommodités et enfin
-la mort. Voilà de quelle couleur sont les réflexions
-d'une personne de mon âge; priez Dieu, ma fille, qu'il
-m'en fasse tirer la conclusion que le christianisme nous
-enseigne.»</p>
-
-<p>Quoique madame de Grignan, pour sa propre tranquillité,
-blessât souvent le c&oelig;ur de madame de Sévigné en
-tâchant de renfermer dans de justes bornes les soins et
-les inquiétudes maternelles, pour elle gênantes et importunes,
-cependant il est probable qu'elle ne fît jamais
-de bien ferventes prières pour la guérir entièrement de
-cette tendance passionnée et pour la lui faire reporter
-vers Dieu, comme le christianisme le lui ordonnait; ou si
-elle fit de telles prières, elles eurent bien peu d'efficacité:
-nous en avons la preuve dans la seule lettre qui
-soit restée de madame de Sévigné à sa fille pendant le
-séjour que celle-ci fit auprès d'elle<a id="FNanchor_291" href="#Footnote_291" class="fnanchor">&nbsp;[291]</a>. Voici quelle fut
-l'occasion de cette lettre:</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_141"> 141</a></span>
-Madame de Grignan, aussitôt son arrivée à Paris, devint
-grosse, fit une fausse couche, et mit au monde au
-bout de sept mois un enfant qui ne naquit pas viable<a id="FNanchor_292" href="#Footnote_292" class="fnanchor">&nbsp;[292]</a>.
-Dans les deux derniers mois qui précédèrent cet accouchement,
-madame de Grignan fut souvent souffrante et
-langoureuse, et madame de Sévigné, moins que jamais,
-ne pouvait être disposée à la quitter d'un seul instant.
-Cependant le <i>Bien bon</i>, qui suivait partout madame
-de Sévigné, s'en était séparé pour se transporter à Livry,
-où il se trouvait à la fin de mai avec sa société,
-composée de plusieurs de ses parents et de ses amis.
-Madame de Grignan, que le monde et les affaires retenaient
-à Paris, sachant bien que sa mère ne restait en
-ville qu'à cause d'elle, la pressait toujours d'aller à Livry,
-comme elle avait coutume de faire dans la belle saison.
-Madame de Sévigné s'y détermina, et c'est alors qu'elle
-écrivit à sa fille<a id="FNanchor_293" href="#Footnote_293" class="fnanchor">&nbsp;[293]</a>:</p>
-
-<p class="dater"><span class="pagenum"><a id="Page_142"> 142</a></span>
-«De Livry, le 1<sup>er</sup> juin 1674.»</p>
-
-<p>«Il faut, ma bonne, que je sois persuadée de votre
-fonds pour moi, puisque je vis encore. C'est une chose
-bien étrange que la tendresse que j'ai pour vous! Je ne
-sais si, contre mon dessein, j'en témoigne beaucoup;
-mais je sais bien que j'en cache encore davantage. Je
-ne veux pas vous dire l'émotion et la joie que m'ont
-données votre laquais et votre lettre. J'ai eu même le
-plaisir de ne point croire que vous fussiez malade; j'ai
-été assez heureuse pour croire ce que c'était. Il y a longtemps
-que je l'ai dit: quand vous voulez, vous êtes adorable;
-rien ne manque à ce que vous faites. J'écris dans
-le milieu du jardin, comme vous l'avez imaginé; et les
-rossignols et les petits oiseaux ont reçu avec un grand
-plaisir, mais sans beaucoup de respect, ce que je leur
-ai dit de votre part; ils sont situés d'une manière qui
-leur ôte toute sorte d'humilité. Je fus hier deux heures
-toute seule avec les hamadryades; je leur parlai de
-vous; elles me contentèrent beaucoup par leur réponse.
-Je ne sais si ce pays tout entier est bien content de moi,
-car enfin, après avoir joui de toutes ses beautés, je n'ai
-pu m'empêcher de dire:</p>
-
-<p class="quote">Mais, quoi que vous ayez, vous n'avez point Caliste;<br />
-Et moi je ne vois rien quand je ne la vois pas.</p>
-
-<p>Cela est si vrai que je repars après dîner avec joie. La
-bienséance n'a nulle part à tout ce que je fais; c'est
-ce qui est cause que les excès de liberté que vous me
-donnez me blessent le c&oelig;ur. Il y a deux ressources
-dans le mien que vous ne sauriez comprendre. Je vous
-loue d'avoir gagné vingt pistoles; cette perte a paru
-<span class="pagenum"><a id="Page_143"> 143</a></span>
-légère, étant suivie d'un grand honneur et d'une bonne
-collation. J'ai fait vos compliments à nos oncles et cousins.
-Ils vous adorent, et sont ravis de la relation...»</p>
-
-<p>Il est probable que les oncles et les cousins dont parle
-ici madame de Sévigné sont l'abbé de Coulanges, son
-frère de Chezière, de Coulanges, sa femme, le comte
-et la comtesse de Sanzei et madame d'Harouis.</p>
-
-<p>Le principal motif du voyage de M. et de madame de
-Grignan à Paris avait été d'obtenir, du roi et des ministres,
-des gardes comme lieutenant général gouverneur
-et une allocation de fonds pour cette dépense. Mais
-tout le crédit de madame de Sévigné, de tous les Grignan
-et du comte de Guitaud échoua contre l'opposition
-de Forbin d'Oppède, évêque de Toulon, opposition
-qui fut aussi forte et aussi efficace qu'avait été
-celle de Forbin-Janson, évêque de Marseille, alors absent<a id="FNanchor_294" href="#Footnote_294" class="fnanchor">&nbsp;[294]</a>.</p>
-
-<p>Le comte de Guitaud était plus fortement dévoué aux
-intérêts de madame de Sévigné depuis le voyage qu'elle
-avait fait à Bourbilly<a id="FNanchor_295" href="#Footnote_295" class="fnanchor">&nbsp;[295]</a>. Il est dans la vie des époques où
-l'amitié fait plus de progrès en quelques heures que durant
-le grand nombre d'années d'une liaison que la communauté
-des intérêts, les liens de parenté ou les convenances
-ont prolongée sans la renforcer, sans l'affaiblir
-et sans la rompre. C'est lorsqu'après des joies inespérées
-ou des malheurs accablants, une circonstance fortuite
-ou les loisirs de la solitude forcent des personnes ainsi
-unies selon le monde à se rapprocher, et déterminent
-<span class="pagenum"><a id="Page_144"> 144</a></span>
-entre elles des explications franches, des confidences
-intimes, de longs et sympathiques entretiens où le c&oelig;ur
-se dénude, où l'âme s'exhale, où rien de nos craintes, de
-nos projets, de nos espérances, de nos aversions, de nos
-préférences, de nos qualités, de nos défauts n'y est dissimulé.
-Alors l'estime se fonde sur le respect qu'inspire la
-loyauté du caractère; la confiance s'établit, et l'amitié se
-fortifie par une tendresse mutuelle que l'on sait être capable
-de dévouement. Tel était l'effet qu'avait produit sur
-le comte et la comtesse de Guitaud le court séjour de
-madame de Sévigné. Leur correspondance le prouve<a id="FNanchor_296" href="#Footnote_296" class="fnanchor">&nbsp;[296]</a>.</p>
-
-<p>Le comte de Guitaud avait été nommé gouverneur
-des îles Sainte-Marguerite; il avait donc, comme tel, de
-l'influence en Provence, et il s'en servait pour soutenir
-le parti du lieutenant général gouverneur. Non-seulement
-son amitié pour madame de Sévigné et pour M. de
-Grignan l'y portaient, mais il y était encore excité par
-un intérêt personnel. Il était en procès avec un Forbin:
-il n'en fallait pas tant pour réveiller dans le c&oelig;ur de
-madame de Sévigné son antipathie contre les Forbin.
-Elle les appela toujours <i>les Fourbins</i><a id="FNanchor_297" href="#Footnote_297" class="fnanchor">&nbsp;[297]</a>, et le procès que
-Forbin avait avec Guitaud et les oppositions de l'évêque
-de Toulon étaient pour elle de la <i>Fourbinerie</i><a id="FNanchor_298" href="#Footnote_298" class="fnanchor">&nbsp;[298]</a>.</p>
-
-<p>Le comte de Guitaud avait vu les choses plus froidement:
-<span class="pagenum"><a id="Page_145"> 145</a></span>
-il pensait que M. de Grignan devait se borner à
-demander aux états les cinq mille francs de gratification,
-et qu'il avait tort d'insister sur l'allocation des
-gardes d'honneur. Guitaud croyait, par l'abandon de cette
-somme, prévenir l'opposition de l'évêque de Toulon<a id="FNanchor_299" href="#Footnote_299" class="fnanchor">&nbsp;[299]</a>.
-Cet évêque avait besoin du comte de Grignan pour une
-affaire où les Forbin étaient intéressés et qui ressortissait
-de l'autorité du lieutenant général gouverneur. Mais celui-ci
-résista; et, dans une lettre du 14 octobre 1674, datée
-de Grignan, il dit à Guitaud: «L'affaire de mes gardes
-est une affaire d'honneur; si je la perds, ces messieurs
-doivent compter que je ne saurai jamais revenir pour
-eux. Ce n'est pas les cinq mille francs<a id="FNanchor_300" href="#Footnote_300" class="fnanchor">&nbsp;[300]</a> qui me tiennent
-au c&oelig;ur, comme vous pouvez croire; car je les rendrai
-à la province dans le moment, pourvu qu'il paraisse que
-j'en ai été absolument le maître. Je serai encore ici jusqu'à
-la Toussaint.»</p>
-
-<p>L'assemblée des communautés de Provence s'ouvrit
-le 23 novembre (1674) par un discours de l'intendant de
-Rouillé, comte de Meslay, contenant les éloges ordinaires
-du roi et de ses victoires. Garidel, l'assesseur,
-parla ensuite au nom de M. de Grignan; il demanda
-le don de cinq cent mille francs pour le roi, et qu'il fût
-pourvu au payement des gardes d'honneur et à une
-somme de cinq mille francs comme supplément au traitement
-de dix-huit mille francs fixé, par les délibérations
-<span class="pagenum"><a id="Page_146"> 146</a></span>
-des années précédentes, pour le payement des
-gardes d'honneur<a id="FNanchor_301" href="#Footnote_301" class="fnanchor">&nbsp;[301]</a>.</p>
-
-<p>L'évêque de Toulon (Louis Forbin d'Oppède), procureur-joint
-pour le clergé, s'opposa au payement des
-gardes d'honneur et au supplément de cinq mille francs. Il
-déclara qu'il protestait d'avance contre toute délibération
-qui interviendrait pour accorder une de ces deux
-sommes. L'assemblée refusa les gardes d'honneur; elle
-accorda la somme de cinq mille francs, non comme supplément
-de traitement, mais à titre de gratification et
-sans tirer à conséquence pour l'avenir<a id="FNanchor_302" href="#Footnote_302" class="fnanchor">&nbsp;[302]</a>.</p>
-
-<p>Quoique le résultat des délibérations de cette assemblée
-fût loin de satisfaire les prétentions que le comte
-de Grignan avait manifestées dans sa lettre au comte de
-Guitaud, cependant il paraît que celui-ci contribua à faciliter
-la décision de l'autorité en faveur de M. de Grignan,
-dont l'intendant fit l'éloge dans son discours. Nous
-apprenons cela par une lettre de madame de Sévigné,
-écrite pendant la tenue de l'assemblée des communautés
-et adressée au comte de Guitaud, alors dans le château
-des îles Sainte-Marguerite: «Parlons des merveilles
-que vous avez faites en Provence; vous n'avez pensé
-qu'aux véritables intérêts de M. et de madame de Grignan.
-J'ai trouvé fort dure et fort opiniâtre la vision de
-M. de Toulon pour les cinq mille francs à l'assemblée. Je
-crois que la permission que donne le roi d'opiner sur
-cette gratification ôtera l'envie de s'y opposer. M. de Pomponne
-<span class="pagenum"><a id="Page_147"> 147</a></span>
-a fait régler aussi le <i>monseigneur</i> qu'on doit dire
-à M. de Grignan<a id="FNanchor_303" href="#Footnote_303" class="fnanchor">&nbsp;[303]</a> en présence de l'intendant, quand on
-vient lui rendre compte de l'assemblée; et comme ce
-règlement donnera sans doute quelque chagrin à M. de
-Rouillé<a id="FNanchor_304" href="#Footnote_304" class="fnanchor">&nbsp;[304]</a>, je crois que M. de Pomponne ne l'enverra qu'à
-la fin.»</p>
-
-<p>Pendant tout le temps du séjour de madame de Grignan
-à Paris, la correspondance de Bussy avec madame
-de Sévigné devint plus active. Bussy reprit ce ton de
-galanterie aimable et familière qu'avec elle, dans sa jeunesse,
-il ne quittait jamais, et qu'autorisaient l'étroite
-parenté qui les unissait et le goût qu'ils avaient l'un pour
-l'autre. Le séjour que Bussy faisait à Paris lui avait permis
-de jouir, pendant l'espace de six semaines, de la
-société de madame de Sévigné et de madame de Grignan.
-Le souvenir du plaisir que lui avait causé la
-conversation de la mère et de la fille se manifeste dans
-ses lettres, malgré les retranchements faits, par les
-éditeurs, de tous les passages inspirés par une jovialité
-un peu crue. Scrupule étrange, puisqu'ils ont imprimé
-sans aucun changement la réponse de madame de Sévigné,
-qui, bien loin de se fâcher de ces gravelures,
-répond sur le même ton. Bussy avait entendu dire que
-sa cousine était tourmentée de vapeurs: il lui écrit que,
-d'après un habile médecin qu'il a consulté, son mal
-ne vient que d'un excès de sagesse et de vertu; et il lui
-conseille, afin de vivre longtemps, de prendre un amant:
-«Cela vaudra mieux, dit-il, que du vin émétique.» Il
-<span class="pagenum"><a id="Page_148"> 148</a></span>
-ajoute: «Mon conseil, ma chère cousine, ne saurait
-vous paraître intéressé; car si vous aviez besoin de vous
-mettre dans les remèdes, étant, comme je suis, à cent
-lieues de vous, ce ne serait pas moi qui vous en servirait.»
-Elle lui répond: «Le conseil que vous me donnez
-n'est pas si estimable qu'il l'aurait été du temps de
-notre belle jeunesse; peut-être qu'en ce temps-là auriez-vous
-eu plus de mérite<a id="FNanchor_305" href="#Footnote_305" class="fnanchor">&nbsp;[305]</a>.»</p>
-
-<p>L'intérêt se joignait au plaisir que Bussy avait à correspondre
-avec madame de Sévigné; presque toute sa
-famille, à Paris, était en quelque sorte sous la direction
-ou la protection de sa cousine. Bussy jugeait le moment
-favorable pour la faire agir. De tout temps madame de
-Sévigné avait été bien avec le prince de Condé: il était
-au pouvoir de ce prince de faire cesser l'exil de Bussy,
-et madame de Sévigné avait, pour la seconder dans ses
-sollicitations, le cardinal de Retz et la belle comtesse de
-Grignan.</p>
-
-<p>Le 15 octobre 1674, madame de Sévigné avait écrit à
-Bussy: «J'ai donné à dîner à mon cousin votre fils et à la
-petite chanoinesse de Rabutin, sa s&oelig;ur, que j'aime fort.
-Leur nom touche mon c&oelig;ur, et leur jeune mérite me réjouit.
-Je voudrais que le garçon eût une bonne éducation:
-c'est trop présumer que d'espérer tout du bon naturel<a id="FNanchor_306" href="#Footnote_306" class="fnanchor">&nbsp;[306]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_149"> 149</a></span>
-Ce fils (Amé-Nicolas de Bussy-Rabutin) était l'aîné des fils
-de Bussy, mais du second lit. C'est lui que madame de Sévigné
-allait voir quand il était écolier au collége de Clermont<a id="FNanchor_307" href="#Footnote_307" class="fnanchor">&nbsp;[307]</a>.
-Il eut, à son entrée dans le monde, le titre de marquis de
-Bussy. Le roi lui donna la compagnie de cavalerie dans le
-régiment de Cibours<a id="FNanchor_308" href="#Footnote_308" class="fnanchor">&nbsp;[308]</a>; ce fut en considération du père que
-cette faveur fut accordée au fils. Le comte de Bussy avait
-raison de dire que les offres réitérées de service qu'il faisait
-au roi à l'entrée de chaque campagne et les lettres qu'il
-lui écrivait, tant admirées de madame de Sévigné, ne déplaisaient
-point et lui seraient un jour comptées. Il parut
-à la cour lorsque les causes qui forçaient le roi à le tenir
-éloigné eurent disparu. Louis XIV accorda au comte de
-Bussy une pension de quatre mille francs, une de deux
-mille francs pour son fils aîné<a id="FNanchor_309" href="#Footnote_309" class="fnanchor">&nbsp;[309]</a>, et des bénéfices au cadet.
-Madame de Sévigné n'avait pas en vain pressenti les défauts
-d'éducation du jeune Bussy. Quelques années après
-elle avertit son père que le jeune homme passait dans le
-monde «pour être trop violent et trop avantageux en paroles.»
-C'étaient précisément les défauts de son père, qui
-prit assez mal cet avertissement. Quoique Bussy désirât
-qu'avec la raison et l'esprit qui le distinguaient son fils améliorât
-son caractère, il ne lui en voulut pas trop d'avoir mis,
-comme il le dit, «sur la chaleur des Rabutin une dose de la
-férocité des Rouville<a id="FNanchor_310" href="#Footnote_310" class="fnanchor">&nbsp;[310]</a>.» Malgré ses défauts, le marquis
-<span class="pagenum"><a id="Page_150"> 150</a></span>
-de Bussy fut un brave militaire, qui se concilia la faveur
-du Dauphin et de ses supérieurs et parcourut sa carrière
-d'une manière plus brillante que son cousin le
-baron de Sévigné. Malgré l'excellente éducation que celui-ci
-avait reçue, malgré son esprit, son savoir, sa bravoure
-et les puissants amis de sa mère, il fut obligé d'acheter
-son grade; du vivant de madame de Sévigné, il
-renonça à l'état militaire sans avoir obtenu aucun avancement;
-puis, marié et veuf, il termina ses jours dans
-l'obscurité d'une pieuse solitude<a id="FNanchor_311" href="#Footnote_311" class="fnanchor">&nbsp;[311]</a>. Quand madame de
-Sévigné, le comte et la comtesse de Bussy eurent disparu
-du monde, Amable de Bussy, s'abandonnant à tous les
-défauts de son caractère, força le roi à lui faire subir la
-même peine qui avait été infligée à son père: il fut exilé
-dans ses terres, où il mourut<a id="FNanchor_312" href="#Footnote_312" class="fnanchor">&nbsp;[312]</a>.</p>
-
-<p>Sa s&oelig;ur, Marie-Thérèse de Bussy-Rabutin, était filleule
-de madame de Sévigné; Bussy l'avait fait recevoir chanoinesse
-au chapitre de Remiremont; elle était pour lui
-un correspondant très-habile. Six semaines avant le dîner
-dont parle madame de Sévigné dans sa lettre du
-14 octobre, Marie-Thérèse avait écrit de Paris à son père
-pour lui rendre compte de la sanglante victoire remportée
-par le prince de Condé à Senef; elle le fit avec une
-exactitude de détails qu'auraient enviée le plus soigneux
-<span class="pagenum"><a id="Page_151"> 151</a></span>
-gazetier et l'écrivain le plus exercé aux narrations des
-batailles. Ce fut elle qui annonça à Bussy que Sévigné
-avait été, dans ce combat, blessé à la tête, et qu'à
-cause du grand nombre d'officiers et de soldats tués
-on devait convoquer l'arrière-ban<a id="FNanchor_313" href="#Footnote_313" class="fnanchor">&nbsp;[313]</a>. Marie-Thérèse,
-en 1677, fut mariée à Louis de Madaillan de Lesparre,
-seigneur de Montataire, marquis de Lassay. Bussy eut à
-se louer de son gendre, quoique son caractère parût
-s'accorder peu avec le sien<a id="FNanchor_314" href="#Footnote_314" class="fnanchor">&nbsp;[314]</a>. Par sa capacité pour les
-affaires madame de Montataire fut, avant et depuis son
-mariage, très-utile à sa mère, particulièrement dans
-l'important procès que celle-ci eut à soutenir contre
-Gabrielle d'Estrées de Longueval, veuve du maréchal
-d'Estrées, et Françoise de Longueval, chanoinesse de
-Remiremont, pour partager des biens de son aïeul
-maternel<a id="FNanchor_315" href="#Footnote_315" class="fnanchor">&nbsp;[315]</a>.</p>
-
-<p>Le jeune frère de madame de Montataire et du marquis
-de Bussy (Michel Celse-Roger de Rabutin), qui n'était
-<span class="pagenum"><a id="Page_152"> 152</a></span>
-au temps dont nous parlons âgé que de six à sept ans,
-appartient plutôt au dix-huitième siècle qu'au siècle de
-Louis XIV. C'est cet homme aimable et spirituel, ami
-de Voltaire et de Gresset, renommé comme le <i>Dieu de
-la bonne compagnie</i> (de cette époque!), qui fut académicien
-sans &oelig;uvre et évêque sans piété. Élevé au séminaire,
-il fut peu connu de madame de Sévigné. Bussy
-apprend à sa cousine que le roi a donné à ce fils un
-prieuré de deux mille livres; qu'il a soutenu sa thèse
-en Sorbonne avec l'approbation générale et qu'il a
-surtout obtenu le suffrage du P. la Chaise<a id="FNanchor_316" href="#Footnote_316" class="fnanchor">&nbsp;[316]</a>. Ce fut ce
-fils de Bussy qui, devenu évêque de Luçon, contribua
-le plus à la publicité des lettres de madame de
-Sévigné à sa fille<a id="FNanchor_317" href="#Footnote_317" class="fnanchor">&nbsp;[317]</a>: il devait trouver place dans ces
-Mémoires.</p>
-
-<p>Ces trois enfants de Bussy étaient nés de Louise de
-Rouville de Clinchamp, sa seconde femme, qu'il avait
-épousée en 1650. Louise de Rouville était peu goûtée de
-madame de Sévigné, probablement parce qu'elle montrait
-peu d'esprit et qu'elle s'occupait uniquement de
-ses enfants et des intérêts de sa famille<a id="FNanchor_318" href="#Footnote_318" class="fnanchor">&nbsp;[318]</a>. Madame de
-Sévigné négligeait même de répondre aux lettres qu'elle
-en recevait, ou n'y répondait qu'indirectement dans les
-lettres qu'elle adressait à Bussy. Quand une seule fois
-elle en agit autrement, c'est pour lui témoigner sa surprise
-<span class="pagenum"><a id="Page_153"> 153</a></span>
-d'avoir reçu d'elle, en si bons termes, une invitation
-de s'arrêter dans son château lorsqu'elle traversait
-la Bourgogne pour aller en Provence, et c'est avec ce
-ton d'assurance et de supériorité d'une femme de la
-cour s'adressant à une provinciale: «Est-ce ainsi que
-vous écrivez, madame la comtesse? Il y a du Rouville
-et du Rabutin dans votre style.» La comtesse
-de Rabutin ménageait beaucoup madame de Sévigné,
-à cause des bontés qu'elle avait pour son fils aîné et
-du bien qu'elle en disait alors<a id="FNanchor_319" href="#Footnote_319" class="fnanchor">&nbsp;[319]</a>. Madame de Sévigné a
-eu le tort de méconnaître le mérite de la comtesse de
-Bussy: c'était une épouse dévouée, une excellente mère
-et une femme d'une rare capacité pour les affaires; sollicitant
-sans cesse pour désarmer les ennemis de son
-mari, et attentive à exécuter toutes ses volontés<a id="FNanchor_320" href="#Footnote_320" class="fnanchor">&nbsp;[320]</a>; suivant
-avec persévérance de longs et difficiles procès,
-et sachant les gagner. Bussy lui rendait justice, et il
-sait la lui faire rendre par sa cousine. Celle-ci lui avait
-écrit qu'elle craignait que la comtesse de Bussy ne se
-tirât mal d'une vente considérable de biens qu'elle avait
-à faire. Bussy répond:</p>
-
-<p>«La peine que vous avez, ma chère cousine, à croire
-que madame de Bussy puisse faire vendre le bien de la
-maréchale d'Estrées, vient de ce que vous croyez que
-celle-ci a plus d'esprit que l'autre; et, en effet, il en
-pourrait être quelque chose: elle sait mieux vivre et
-parler; mais cela ne paye pas les dettes d'une maison,
-<span class="pagenum"><a id="Page_154"> 154</a></span>
-et madame de Bussy sait mieux les affaires, parce
-qu'elle s'y est plus appliquée<a id="FNanchor_321" href="#Footnote_321" class="fnanchor">&nbsp;[321]</a>.»</p>
-
-<p>Nos lecteurs se rappellent qu'outre les trois enfants de
-Louise de Rouville Bussy avait eu trois filles de sa cousine
-Gabrielle de Toulongeon<a id="FNanchor_322" href="#Footnote_322" class="fnanchor">&nbsp;[322]</a>, qu'il avait épousée le
-8 avril 1643 et qu'il perdit quatre ans après<a id="FNanchor_323" href="#Footnote_323" class="fnanchor">&nbsp;[323]</a>. Cette femme
-jolie, aimable et spirituelle, enlevée au monde à la fleur
-de l'âge, fut vivement regrettée de son mari et de madame
-de Sévigné, qui, par cette raison, eut pour ces
-aînées des enfants de Bussy une préférence que justifièrent
-leurs aimables qualités. Une de ces trois filles,
-Charlotte, était morte probablement en bas âge. Il en
-restait deux, qui, sous tous les rapports, faisaient honneur
-à la famille des Rabutin. Nous ne dirons rien de la
-plus âgée, Diane de Rabutin: celle-là, de tous les siens,
-avait «certes choisi la meilleure part.» Faite pour plaire
-par son esprit, par l'élégance et la gentillesse de ses
-manières, elle s'était consacrée à Dieu; elle était cette
-pieuse religieuse de Sainte-Marie de la Visitation<a id="FNanchor_324" href="#Footnote_324" class="fnanchor">&nbsp;[324]</a> dont
-madame de Sévigné disait: «Je me hâte de l'aimer
-beaucoup, afin de n'être pas obligée de trop la respecter<a id="FNanchor_325" href="#Footnote_325" class="fnanchor">&nbsp;[325]</a>.»
-La plus jeune des filles de Bussy issues de Gabrielle
-<span class="pagenum"><a id="Page_155"> 155</a></span>
-de Toulongeon était Louise-Françoise, que nous
-avons fait connaître à nos lecteurs dans la quatrième
-partie de ces Mémoires<a id="FNanchor_326" href="#Footnote_326" class="fnanchor">&nbsp;[326]</a>. Par les qualités de son esprit,
-par l'amabilité de son caractère, c'était, de toutes les
-filles de Bussy, la plus brillante, celle qui, par les charmes
-de sa conversation et de son style épistolaire,
-ressemblait le plus à madame de Sévigné. Elle a une
-large part dans la correspondance de Bussy avec sa
-cousine; et c'est afin que tout ce que nous dirons
-d'elle par la suite soit bien compris des lecteurs que
-nous nous sommes livré à ces détails sur tous les personnages
-qui composaient la famille de Bussy. On se
-rappelle comment Louise-Françoise (qu'on nommait exclusivement
-mademoiselle de Bussy parce qu'elle était
-l'aînée de toutes les filles de Bussy, pouvant être mariée)
-faisait tout l'agrément de la maison paternelle. Une passion
-funeste, dont nous aurons à considérer les phases
-sous leur véritable point de vue, lui acquit, à une certaine
-époque, une courte, mais malheureuse célébrité.
-Le séducteur qui en fit sa victime, dans un libelle écrit
-avec l'intention avouée de la diffamer<a id="FNanchor_327" href="#Footnote_327" class="fnanchor">&nbsp;[327]</a> et de la rendre
-odieuse, a cependant tracé de Louise-Françoise, alors
-veuve du marquis de Coligny, le portrait suivant: «Madame
-de Coligny est de la plus belle taille du monde;
-<span class="pagenum"><a id="Page_156"> 156</a></span>
-son air est modeste, doux et majestueux. Rien ne déplaît
-de ce qu'elle montre, et tout ce qu'elle cache
-coûte à sa beauté. On la respecte quand on la voit, on
-l'aime dès qu'on la connaît; et les gens qui ne lui ont
-pas trouvé l'art de plaire n'avaient pas de quoi sentir
-qu'elle plaît sans art.»</p>
-
-<p>Nos lecteurs n'ont pas oublié comment le marquis de
-Coligny, qui s'était présenté pour épouser Louise-Françoise,
-fut écarté pour faire place aux prétentions du
-comte de Limoges, qui plut encore moins que Coligny à
-mademoiselle de Rabutin<a id="FNanchor_328" href="#Footnote_328" class="fnanchor">&nbsp;[328]</a>. Après la mort du jeune
-comte de Limoges, Coligny, malgré le refus qu'il avait
-éprouvé, se remit sur les rangs; et Bussy, jugeant qu'il
-ne fallait pas laisser passer le temps opportun pour marier
-sa fille (elle avait vingt-huit ans et demi), agréa
-les propositions du jeune marquis. Madame de Sévigné
-eut indirectement connaissance de cette intention
-de Bussy, et elle interrogea son cousin pour savoir
-ce qui en était; il lui répondit<a id="FNanchor_329" href="#Footnote_329" class="fnanchor">&nbsp;[329]</a>: «L'époux donc, ma
-cousine, est presque aussi grand que moi; il a plus de
-trente ans, l'air bon, le visage long, le nez aquilin et le
-plus grand du monde; le teint un peu plombé, assez de
-<span class="pagenum"><a id="Page_157"> 157</a></span>
-la couleur de celui de Saucourt (chose considérable<a id="FNanchor_330" href="#Footnote_330" class="fnanchor">&nbsp;[330]</a> en
-un futur). Il a dix mille livres de rentes sur la frontière
-du comté de la Bresse, dans les terres de Cressia, de
-Coligny, d'Andelot, de Valfin et de Loysia, desquelles il
-jouit présentement par la succession de Joachim de Coligny,
-frère de sa mère. Le comte de Dalet, son père, remarié,
-comme vous savez, avec mademoiselle d'Estaing,
-jouit de la terre de Dalet et de celle de Malintras, et
-après sa mort elles viennent au futur par une donation
-que son père et sa mère firent, dans leur contrat de mariage,
-de ces deux terres à leur fils aîné: elles valent encore
-dix mille livres de rente et plus. Une de ses tantes
-vient de lui faire donation d'une terre de trois mille livres
-de rente après sa mort. Son intention est de prendre emploi
-aussitôt qu'il sera marié. Sa maison de Cressia, qui sera
-sa demeure, est à deux journées de Chaseu et à trois de
-Bussy. J'ai donné à ma fille tout le bien de sa mère dès à
-présent, et je ne la fais pas renoncer à ses droits paternels.»</p>
-
-<p>Ainsi Bussy avait tout arrangé et tout prévu pour le
-bonheur de sa fille chérie: aussi madame de Sévigné, à
-qui on demanda, par préférence, son consentement à ce
-mariage, le donna-t-elle de grand c&oelig;ur<a id="FNanchor_331" href="#Footnote_331" class="fnanchor">&nbsp;[331]</a>; et à Chaseu,
-le 5 novembre 1675, fut célébré le mariage du marquis
-de Coligny de Gilbert de Langheac, comte de Dalet, avec
-Louise-Françoise de Rabutin, qui devint ainsi la marquise
-de Coligny<a id="FNanchor_332" href="#Footnote_332" class="fnanchor">&nbsp;[332]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_158"> 158</a></span>
-Elle eut un fils dès la première année de son mariage,
-et les vaniteuses espérances de Bussy, partagées
-par madame de Sévigné, parurent ainsi se réaliser. Ils
-étaient tous deux flattés de voir le beau nom des Coligny
-greffé sur celui des Rabutin. Le petit-fils de Bussy
-(Marie-Roger) fut d'abord nommé d'Andelot<a id="FNanchor_333" href="#Footnote_333" class="fnanchor">&nbsp;[333]</a>. Joli de
-figure, aimable et spirituel, il fut un objet de tendresse
-et d'orgueil pour son grand-père, qui, toujours frivole
-jusque dans sa vieillesse, dit des vers pour favoriser les
-premières amours de cet adolescent avec une jeune et
-jolie fille de la maison de Damas<a id="FNanchor_334" href="#Footnote_334" class="fnanchor">&nbsp;[334]</a>. Avant même que
-Françoise de Rabutin fût accouchée de d'Andelot<a id="FNanchor_335" href="#Footnote_335" class="fnanchor">&nbsp;[335]</a>,
-Coligny était mort, peu regretté de sa femme, qu'il
-avait quittée aussitôt après son mariage, pour se rendre
-à l'armée du maréchal de Schomberg, où il fut tué<a id="FNanchor_336" href="#Footnote_336" class="fnanchor">&nbsp;[336]</a>.
-Sa veuve hérita de l'usufruit de tous ses biens. Elle aliéna
-bientôt le beau nom de Coligny, sans vouloir porter
-celui que lui imposait un second mariage, dont nous aurons
-à raconter les romanesques circonstances. Elle
-prit par la suite le nom de son beau-père, avec lequel
-<span class="pagenum"><a id="Page_159"> 159</a></span>
-elle eut un procès, qu'elle gagna, et se fit appeler comtesse
-de Dalet<a id="FNanchor_337" href="#Footnote_337" class="fnanchor">&nbsp;[337]</a>. Ce fut sous ce nom qu'elle publia les
-Mémoires de son père, décédé. Son fils, qui avait pris le
-nom de Coligny-Saligny, le changea pour celui de Langheac,
-qui était le nom de famille de son grand-père<a id="FNanchor_338" href="#Footnote_338" class="fnanchor">&nbsp;[338]</a>;
-et comme il n'eut que des filles par son mariage avec
-Jeanne-Palatine de Dio de Montpeyroux, le nom même de
-Langheac, qui, quoique moins illustre que celui de Coligny,
-rappelait une très-ancienne noblesse, disparut de la
-postérité mâle des Bussy. Ainsi le temps se joue de la
-présomption de ceux qui s'efforcent d'échapper à son
-pouvoir<a id="FNanchor_339" href="#Footnote_339" class="fnanchor">&nbsp;[339]</a>!</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_160"> 160</a></span></p>
-<h2 class="normal"><a id="CHAPITRE_VIII"></a>CHAPITRE VIII.<br />
-<span class="medium">1675.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">Tristesse de madame de Sévigné.&mdash;Mort de son oncle Chésières.&mdash;Départ
-de madame de Grignan pour la Provence, et de Retz
-pour la Lorraine.&mdash;Retz fait faire son portrait pour madame
-de Grignan.&mdash;Il donne sa démission du cardinalat.&mdash;Elle n'est
-pas acceptée.&mdash;Portrait de Retz par la Rochefoucauld.&mdash;Amitié
-de madame de Sévigné pour Retz.&mdash;Elle se rend chez M. de Caumartin
-pour recevoir ses adieux.&mdash;Retz veut donner une cassolette
-d'argent à madame de Grignan.&mdash;Madame de Grignan la refuse.&mdash;Douleur
-qu'éprouve madame de Sévigné de se séparer de
-Retz.&mdash;Différence du caractère de madame de Grignan et de celui
-de madame de Sévigné.&mdash;Madame de Sévigné se décide à quitter
-Paris pour se rendre en Bretagne.</p>
-
-<p class="space">A la gaieté qu'avaient introduite dans la correspondance
-de madame de Sévigné les lettres de Bussy et de
-Guitaud et au plaisir qu'elle éprouvait de se trouver
-réunie avec ceux qui lui étaient chers succéda l'expression
-de la tristesse la plus accablante.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné perdit son oncle Chésières<a id="FNanchor_340" href="#Footnote_340" class="fnanchor">&nbsp;[340]</a>; sa
-fille retourna en Provence; Retz, son bon cardinal, la
-quitta pour aller en Lorraine, et son fils alla rejoindre
-son régiment. «Je n'ai pas vécu depuis six semaines,
-écrivait-elle au comte de Guitaud. L'adieu de ma fille
-m'a désolée et celui du cardinal de Retz m'a achevée.
-Il y a des circonstances, dans ces deux séparations, qui
-m'ont assommée<a id="FNanchor_341" href="#Footnote_341" class="fnanchor">&nbsp;[341]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_161"> 161</a></span>
-Louis de la Tour-Coulanges, seigneur de Chésières,
-troisième fils de l'aïeul maternel<a id="FNanchor_342" href="#Footnote_342" class="fnanchor">&nbsp;[342]</a> de madame de Sévigné,
-son premier tuteur, mourut en avril, après une courte
-maladie de dix jours, lorsqu'il était encore plein de vie<a id="FNanchor_343" href="#Footnote_343" class="fnanchor">&nbsp;[343]</a>:
-il fut regretté de Bussy, de madame de Sévigné et des
-nombreux amis qu'il s'était faits.</p>
-
-<p>Peu après, madame de Grignan partit de Paris; sa
-mère la conduisit jusqu'à Fontainebleau. En cette ville,
-à l'auberge du <i>Lion d'or</i>, qu'elle prit en aversion<a id="FNanchor_344" href="#Footnote_344" class="fnanchor">&nbsp;[344]</a>, madame
-de Sévigné s'en sépara le 24 mai<a id="FNanchor_345" href="#Footnote_345" class="fnanchor">&nbsp;[345]</a>, jour à jamais
-néfaste pour elle et qu'elle rappelle bien souvent avec
-douleur<a id="FNanchor_346" href="#Footnote_346" class="fnanchor">&nbsp;[346]</a>. Elle écrivit alors à Bussy: «Les sentiments
-que j'ai pour la <i>Provençale</i>, il faut les cacher à la
-plupart du monde, parce qu'ils ne sont pas vraisemblables<a id="FNanchor_347" href="#Footnote_347" class="fnanchor">&nbsp;[347]</a>;»
-puis, après sa séparation, elle se réfugie
-seule à Livry, et sa correspondance avec madame de
-<span class="pagenum"><a id="Page_162"> 162</a></span>
-Grignan recommence par ces mots: «Quel jour, ma
-fille, que celui qui ouvre l'absence<a id="FNanchor_348" href="#Footnote_348" class="fnanchor">&nbsp;[348]</a>!» et elle soulage,
-comme de coutume, sa peine par l'expression de sa vive
-tendresse. Elle entretient madame de Grignan du cardinal
-de Retz, qui alors faisait faire son portrait par un
-religieux de Saint-Victor, dans le dessein d'en faire cadeau
-à la <i>Provençale</i>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, ainsi que je l'ai déjà dit<a id="FNanchor_349" href="#Footnote_349" class="fnanchor">&nbsp;[349]</a>, ignorait
-qu'alors Retz se préparât à donner un grand exemple
-au monde. Quand elle connut sa résolution, son
-attachement pour lui s'accrut en même raison que son
-admiration et ses regrets. Par nature et par habitude,
-Retz ne pouvait se passer d'exercer l'activité de son esprit.
-Les loisirs forcés de sa retraite de Commercy avaient
-pesé lourdement sur son existence. Il avait cherché une
-distraction à son ennui en écrivant le récit des événements
-de la Fronde. C'était retracer l'histoire de sa
-jeunesse si brillante et si scandaleuse, alors que le bouillonnement
-des passions et l'effervescence de l'imagination
-marquaient tous ses jours par une variété de
-plaisirs, d'agitation et d'intrigues. Le souvenir s'en
-était gravé dans sa mémoire en traces ineffaçables; les
-déposer sur le papier et les laisser après sa mort était
-pour lui un besoin; il y trouvait du charme<a id="FNanchor_350" href="#Footnote_350" class="fnanchor">&nbsp;[350]</a>. Mais il
-<span class="pagenum"><a id="Page_163"> 163</a></span>
-semble que cette tâche fut la dernière satisfaction qu'il
-voulut accorder à son orgueil; car lorsqu'il l'eut terminée
-il parut comme subitement touché de la grâce et
-décidé à mener une vie de religieux et de pénitent. C'est
-au même temps qu'il s'apprêtait à quitter Paris pour aller
-se renfermer dans le monastère de Saint-Mihiel qu'on apprit
-qu'il avait écrit au roi pour se démettre de son cardinalat<a id="FNanchor_351" href="#Footnote_351" class="fnanchor">&nbsp;[351]</a>.
-Quoi qu'il en puisse être (car à Dieu seul appartient
-de sonder jusque dans les plus profonds replis de la conscience
-humaine), madame de Sévigné crut à la conversion
-de Retz; elle s'alarma des suites qu'elle pourrait avoir.
-Le 7 juin, elle écrit à sa fille: «Je vis hier les Villars, dont
-vous êtes révérée. Nous étions en solitude aux Tuileries;
-j'avais dîné chez M. le cardinal, où je trouvai bien mauvais
-de ne vous voir pas. J'y causai avec l'abbé de Saint-Mihiel
-(dom Hennezon), à qui nous donnons, ce me semble,
-comme en dépôt, la personne de Son Éminence.
-Il me parut un fort honnête homme, un esprit droit et
-tout plein de raison, qui a de la passion pour lui, qui le
-gouverne même sur sa santé, et l'empêchera de prendre
-le feu trop chaud sur la pénitence. Ils partiront mardi,
-et ce sera encore un jour douloureux pour moi, quoiqu'il
-ne puisse être comparé à celui de Fontainebleau<a id="FNanchor_352" href="#Footnote_352" class="fnanchor">&nbsp;[352]</a>.»
-Personne, parmi les amis des Sévigné, ne craignit comme
-<span class="pagenum"><a id="Page_164"> 164</a></span>
-elle que Retz ne prit «le feu trop chaud sur la pénitence;»
-on ne voulut pas croire à la sincérité de conversion de
-celui qui, cependant, avait été élevé par le pieux Vincent
-de Paul. La Rochefoucauld fit, à cette occasion,
-un portrait de Retz qui est un des morceaux les plus ingénieux,
-les mieux peints et les mieux écrits qui soient
-sortis de sa plume. Sévigné en transmit une copie à madame
-de Grignan; ce portrait se termine ainsi: «La retraite
-que Retz vient de faire est la plus fausse action de
-sa vie: c'est un sacrifice qu'il fait à son orgueil sous
-prétexte de dévotion; il quitte la cour, où il ne peut s'attacher,
-et il s'éloigne du monde, qui s'éloigne de lui<a id="FNanchor_353" href="#Footnote_353" class="fnanchor">&nbsp;[353]</a>.»</p>
-
-<p>Mais s'éloigner du monde quand le monde s'éloigne de
-nous est déjà un acte de sagesse auquel bien des sages
-ne peuvent se résoudre. Et ce qui montre dans Retz un
-esprit supérieur, dompté par la religion et élevé par
-elle au-dessus des rivalités et des rancunes de parti qui
-l'avaient dominé si longtemps, c'est que madame de
-Sévigné, qui le connaissait et savait l'apprécier, ne craignit
-pas de lui communiquer le portrait que la Rochefoucauld
-avait tracé de lui, et qu'il en fut satisfait. Dans
-cette peinture, qu'il ne devait pas être censé connaître,
-il ne fit attention qu'aux traits conformes à la vérité qui
-lui étaient favorables, et bien saisis, bien touchés par
-son satirique adversaire<a id="FNanchor_354" href="#Footnote_354" class="fnanchor">&nbsp;[354]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné ne doutait donc pas que son ami,
-son parent Retz ne fût mû par les motifs les plus respectables.
-Elle écrivait à Bussy, en lui parlant de ce cher
-<span class="pagenum"><a id="Page_165"> 165</a></span>
-cardinal: «Le monde, par rage de ne pouvoir mordre
-sur un aussi beau dessein, dit qu'il en sortira. Hé bien,
-envieux, attendez donc qu'il en sorte! et, en attendant,
-taisez-vous. Car, de quelque côté qu'on puisse regarder
-cette action, elle est belle; et si l'on savait comme
-moi qu'elle vient purement du désir de faire son salut
-et de l'horreur de sa vie passée, on ne cesserait de l'admirer<a id="FNanchor_355" href="#Footnote_355" class="fnanchor">&nbsp;[355]</a>.»</p>
-
-<p>Lorsque madame de Sévigné écrivait des Rochers ces
-lignes, Pomponne avait mandé au cardinal d'Estrées
-que «le roi ne voulait pas que cet ambassadeur fît aucune
-instance auprès du pape pour l'engager à rétracter
-le refus qu'il avait fait d'accepter la démission de
-Retz; et il lui donnait ordre, au contraire, d'assurer
-à Sa Sainteté que Sa Majesté ne pourrait voir qu'avec
-satisfaction qu'un sujet de ce mérite fût conservé dans le
-sacré collége<a id="FNanchor_356" href="#Footnote_356" class="fnanchor">&nbsp;[356]</a>.»</p>
-
-<p>Ainsi Retz resta cardinal, et même le pape lui donna
-l'ordre de sortir de sa retraite de Saint-Mihiel. Il alla de
-nouveau résider à Commercy; il reprit ses insignes et
-le train de vie d'un prince de l'Église, mais non avec le
-même luxe<a id="FNanchor_357" href="#Footnote_357" class="fnanchor">&nbsp;[357]</a>. Madame de Sévigné en avertit sa fille, et lui
-mande qu'elle peut lui écrire avec la liberté permise à
-un grand dignitaire ecclésiastique; et même de ne pas
-s'interdire avec lui quelques <i>chamarrures</i> qu'elle eût été
-<span class="pagenum"><a id="Page_166"> 166</a></span>
-forcée de supprimer s'il avait continué à vivre en cénobite<a id="FNanchor_358" href="#Footnote_358" class="fnanchor">&nbsp;[358]</a>.</p>
-
-<p>Cependant Retz ne donna aucun lieu de croire que la
-résolution qu'il avait prise ne fût pas sincère. Il édifia
-par sa piété, se fit aimer des pauvres par sa bienfaisance
-et des riches par sa bonté; sa modération, sa douceur,
-l'égalité de son humeur et les charmes de sa conversation
-lui firent des amis de tous ceux qui l'approchaient.
-A Saint-Mihiel et à Commercy il avait inspiré une telle
-vénération au peuple que tout le monde, hommes, femmes
-et enfants, se mettait à genoux sur son passage<a id="FNanchor_359" href="#Footnote_359" class="fnanchor">&nbsp;[359]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné se rendit à la maison de campagne
-de M. de Caumartin pour faire ses adieux à Retz
-le 18 juin<a id="FNanchor_360" href="#Footnote_360" class="fnanchor">&nbsp;[360]</a>; et alors elle écrit à sa fille:</p>
-
-<p>«Je vous assure, ma très-chère, qu'après l'adieu que
-je vous fis à Fontainebleau, et qui ne peut être comparé
-à nul autre, je n'en pouvais faire un plus douloureux
-que celui que je fis hier au cardinal de Retz chez M. de
-Caumartin, à quatre lieues d'ici... Madame de Caumartin
-(c'est à elle que Retz avait adressé ses Mémoires)
-arriva de Paris, et, avec tous les hommes qui étaient restés
-au logis, elle vint nous trouver dans le bois. Je voulus
-m'en retourner à Paris; ils m'arrêtèrent à coucher
-sans beaucoup de peine. J'ai mal dormi; le matin, j'ai
-<span class="pagenum"><a id="Page_167"> 167</a></span>
-embrassé notre cher cardinal avec beaucoup de larmes
-et sans pouvoir dire un mot aux autres. Je suis revenue ici,
-où je ne puis me remettre encore de cette séparation:
-elle a trouvé la fontaine assez en train; mais, en vérité,
-elle l'aurait rouverte quand elle aurait été fermée.»</p>
-
-<p>Retz voulait faire présent d'une cassolette d'argent à
-madame de Grignan, qui, malgré les instances de sa
-mère, la refusa obstinément, et mécontenta ainsi par sa
-hauteur le cardinal et madame de Sévigné<a id="FNanchor_361" href="#Footnote_361" class="fnanchor">&nbsp;[361]</a>. Et cependant,
-sans sa fin prématurée, Retz, qui comme cardinal
-devait encore être utile à Louis XIV, aurait été le protecteur
-du jeune marquis de Grignan, ainsi que, dans
-le temps de sa grande puissance de factieux, il l'avait
-été du jeune marquis de Sévigné, son parent, quand
-il épousa Marie de Rabutin-Chantal<a id="FNanchor_362" href="#Footnote_362" class="fnanchor">&nbsp;[362]</a>. Aussi madame de
-Sévigné écrit-elle à sa fille précisément à ce sujet:
-«Vous ne trouverez personne de votre sentiment, et
-vous devez vous défier de vous quand vous êtes seule
-de votre avis.»</p>
-
-<p>Retz avait bien annoncé à madame de Sévigné son
-projet de retraite à Saint-Mihiel et sa démission du cardinalat;
-mais il lui avait caché les efforts que le cardinal
-d'Estrées, ambassadeur de France à Rome, faisait
-pour que le pape et le sacré collége ne refusassent point
-cette démission. Elle apprit tout cela par d'Hacqueville,
-et ses inquiétudes furent d'autant plus vives qu'on lui
-<span class="pagenum"><a id="Page_168"> 168</a></span>
-dit aussi que le roi avait le dessein de donner ce chapeau
-si délaissé par Retz à Forbin-Janson<a id="FNanchor_363" href="#Footnote_363" class="fnanchor">&nbsp;[363]</a>, l'évêque
-de Marseille, qu'elle considérait comme l'ennemi de
-M. de Grignan. Aussi sa joie fut grande lorsqu'elle apprit
-que Retz était, comme elle dit, <i>recardinalisé</i><a id="FNanchor_364" href="#Footnote_364" class="fnanchor">&nbsp;[364]</a>.</p>
-
-<p>«D'Hacqueville (écrit-elle à sa fille) m'a fait grand
-plaisir, cette dernière fois, de m'ôter la colère que j'avais
-contre le cardinal d'Estrées. Il m'apprend que le
-nôtre (le cardinal de Retz) a été refusé en plein consistoire,
-sur sa propre lettre, et qu'après cette dernière
-cérémonie il n'a plus rien à craindre; de sorte que le
-voilà trois fois cardinal malgré lui, du moins les deux
-dernières; car pour la première, s'il m'en souvient, il
-ne fut pas trop fâché<a id="FNanchor_365" href="#Footnote_365" class="fnanchor">&nbsp;[365]</a>. Écrivez-lui pour vous moquer
-de son chagrin. D'Hacqueville en est ravi: je l'en aime.
-Je reçois souvent de petits billets de ce cher cardinal;
-je lui en écris aussi. Je tiens ce léger commerce mystérieux
-et très-secret: il m'en est plus cher.»</p>
-
-<p>Ce qui attache le plus à madame de Sévigné quand
-on lit ses lettres, ce qui devait la rendre adorable, c'est
-moins le brillant de son esprit que les qualités de son
-c&oelig;ur. On lui pardonne volontiers son amour extravagant
-pour sa fille en faveur de sa vivacité, de sa franchise,
-de sa constance en amitié. Elle était aussi expansive,
-aussi affectueuse que sa fille était froide et réservée.
-Dans une lettre où madame de Sévigné se montre
-<span class="pagenum"><a id="Page_169"> 169</a></span>
-toujours plus charmée de sa correspondance avec madame
-de Grignan, elle manifeste bien clairement la différence
-qui existait entre elles deux et comment l'excès
-de sa tendresse mettait obstacle aux jouissances de
-leur réunion, comment elles ne pouvaient s'accorder
-sur la nature des sentiments que l'une et l'autre ressentaient
-pour Dieu et pour leurs amis.</p>
-
-<p>«Vous ne sentez pas, dit-elle, l'agrément de vos
-lettres; il n'y a rien qui n'ait un tour surprenant. Nous
-avons bien compris votre réponse au capucin: <i>Mon
-père, qu'il fait chaud!</i> et nous ne trouvons pas que, de
-l'humeur dont vous êtes, vous puissiez jamais aller à
-confesse: comment parler à c&oelig;ur ouvert à des gens inconnus?
-C'est bien tout ce que vous pouvez faire à vos
-meilleurs amis... Je vous remercie, ma fille, de la peine
-que vous prenez de vous défendre si bien d'avoir jamais
-été oppressée de mon amitié; il n'était pas besoin d'une
-explication si obligeante; je crois de votre tendresse
-pour moi tout ce que vous pouvez souhaiter que j'en
-pense: cette persuasion fait le bonheur de ma vie. Vous
-expliquez très-bien aussi cette volonté que je ne pouvais
-deviner, parce que vous ne vouliez rien; je devais vous
-connaître; et sur cet article je ferai encore mieux que
-je n'ai fait, parce qu'il n'y a qu'à s'entendre. Quand mon
-bonheur vous redonnera à moi, croyez, ma bonne, que
-vous serez encore plus contente de moi mille fois que
-vous ne l'êtes. Plût à Dieu que nous fussions déjà à portée
-de voir le jour où nous pourrons nous embrasser<a id="FNanchor_366" href="#Footnote_366" class="fnanchor">&nbsp;[366]</a>!»</p>
-
-<p>Madame de Grignan, qui n'avait pas, comme sa mère
-<span class="pagenum"><a id="Page_170"> 170</a></span>
-la conscience timorée d'une janséniste, ne comprenait
-pas comment madame de Sévigné, à cause de la tendresse
-qu'elle lui portait, n'osait s'approcher de la sainte
-table, et elle l'avait raillée sur ses scrupules. Madame de
-Sévigné lui répond:</p>
-
-<p>«Vous riez, mon enfant, de la pauvre amitié; vous
-trouverez qu'on lui fait trop d'honneur de la prendre
-pour un empêchement de la dévotion; il ne lui appartient
-pas d'être un obstacle au salut. On ne la considère
-jamais que par comparaison; mais je crois qu'il suffit
-qu'elle remplisse tout le c&oelig;ur pour être condamnable;
-et quoi que ce puisse être qui nous occupe de cette
-sorte, c'est plus qu'il n'en faut pour n'être pas en état de
-communier. Vous voyez que l'affaire du syndic (la nomination
-du marquis de Maillane<a id="FNanchor_367" href="#Footnote_367" class="fnanchor">&nbsp;[367]</a>) m'avait mise hors de
-combat; enfin, c'est une pitié que d'être si vive: il faut
-tâcher de calmer et de posséder un peu son âme; je
-n'en serai pas moins à vous, et j'en serai un peu plus à
-moi-même. Corbinelli me priait fort d'entrer dans ce
-sentiment; il est vrai que son absence me donne une
-augmentation de chagrin: il m'aime fort, je l'aime
-aussi; il m'est bon à tout ce que je veux. Mais il faut
-que je sois dénuée de tout pendant mon voyage en Bretagne;
-j'ai tant de raisons pour y aller que je ne puis pas
-y mettre la moindre incertitude<a id="FNanchor_368" href="#Footnote_368" class="fnanchor">&nbsp;[368]</a>.»</p>
-
-<p>Pauvre mère! combien ce voyage de Bretagne, qui
-l'éloignera de sa fille, lui pèse! Ni ses judicieuses réflexions
-<span class="pagenum"><a id="Page_171"> 171</a></span>
-ni les conseils de Corbinelli ne lui servent de
-rien; et elle est encore obligée de demander pardon à la
-<i>philosophie</i> de sa fille de lui faire voir tant de faiblesse.
-«Mais (ajoute-t-elle), une fois entre mille, ne soyez
-point fâchée que je me donne le soulagement de vous
-dire ce que je souffre si souvent sans en rien dire à personne.
-Il est vrai que la Bretagne nous va encore éloigner;
-c'est une rage: il semble que nous voulions nous
-aller jeter chacune dans la mer, et laisser toute la
-France entre nous deux. Dieu nous bénisse<a id="FNanchor_369" href="#Footnote_369" class="fnanchor">&nbsp;[369]</a>!»</p>
-
-<p>Elle ne put se résoudre à partir pour la Bretagne
-sans avoir terminé les affaires de sa fille<a id="FNanchor_370" href="#Footnote_370" class="fnanchor">&nbsp;[370]</a>. Elle fut aussi
-fort occupée de son fils. Sévigné s'ennuyait de ne point
-obtenir d'avancement; il voulait résigner son grade de
-guidon des gendarmes et devenir colonel d'un régiment;
-il espérait avoir celui du comte de Sanzei, son parent, tué
-à l'affaire de Consabrick<a id="FNanchor_371" href="#Footnote_371" class="fnanchor">&nbsp;[371]</a>. Madame de Sévigné sollicitait
-cette place pour son fils. La veuve du comte de Sanzei était
-Anne-Marie de Coulanges, s&oelig;ur d'Emmanuel de Coulanges
-et par conséquent la cousine de madame de Sévigné:
-il semble donc que ce régiment appartenait à la
-famille des Coulanges et des Sévigné. Malgré les sollicitations
-du vicomte de Marsilly, que madame de Sévigné
-nommait son résident auprès de Louvois, on ne donna
-point ce régiment à Sévigné, qui fut très-mécontent de
-<span class="pagenum"><a id="Page_172"> 172</a></span>
-ce refus<a id="FNanchor_372" href="#Footnote_372" class="fnanchor">&nbsp;[372]</a>. Sa mère désirait le marier et l'arracher à ses
-intrigues d'amour, qui nuisaient à sa santé et l'empêchaient
-de s'occuper de son avancement<a id="FNanchor_373" href="#Footnote_373" class="fnanchor">&nbsp;[373]</a>.</p>
-
-<p>Tandis que la cour abandonnait Fontainebleau, où elle
-avait passé tout l'été, madame de Sévigné se décidait
-à quitter la capitale pour se rendre en Bretagne<a id="FNanchor_374" href="#Footnote_374" class="fnanchor">&nbsp;[374]</a>. Elle
-n'ignorait pas que cette province était en révolte ouverte;
-mais elle était entraînée par la nécessité de ses affaires<a id="FNanchor_375" href="#Footnote_375" class="fnanchor">&nbsp;[375]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_173"> 173</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE IX.<br />
-<span class="medium">1674-1675.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">Madame de Grignan s'alarme du projet de madame de Sévigné d'aller
-en Bretagne.&mdash;Succès de Louis XIV; conquête de la Franche-Comté,
-du Roussillon.&mdash;Bataille de Senef.&mdash;Accroissement des
-impôts.&mdash;Misère du peuple, qui se révolte en Bretagne et en
-Guienne.&mdash;Le duc de Chaulnes quitte Cologne et se rend en Bretagne.&mdash;On
-annonce qu'on va y envoyer des troupes.&mdash;Le duc
-de Chaulnes s'y oppose.&mdash;Une émeute à Rennes.&mdash;Madame de
-Sévigné diffère son voyage.&mdash;Elle se décide à aller à Nantes.&mdash;Forbin
-conduit six mille hommes en Bretagne.&mdash;Le duc de Chaulnes,
-détesté des Bretons, sévit contre eux.&mdash;Madame de Sévigné
-veut qu'on agisse avec énergie contre les révoltés, mais désapprouve
-le despotisme de Louis XIV.&mdash;Refus fait à madame de Froulay.&mdash;Tragique
-histoire d'un passementier à Paris.&mdash;Les états de Bretagne
-s'assemblent à Dinan.&mdash;Sommes accordées.&mdash;Madame de
-Sévigné s'indigne du servilisme des députés.&mdash;Elle blâme l'évêque
-de Saint-Malo.&mdash;Libertés de la province violées par l'envoi
-des troupes.&mdash;Remontrances au roi à ce sujet.&mdash;Madame de Sévigné
-manifeste ses sentiments désapprobateurs.&mdash;Elle approuve son
-fils, qui les partage.&mdash;D'Harouis, trésorier des états.&mdash;Mauvaise
-situation de ses affaires.&mdash;Inquiétudes de madame de Sévigné à ce
-sujet.&mdash;Elles se réalisent par la suite.&mdash;Les comptes de d'Harouis
-sont examinés.&mdash;Vers de la Fontaine à ce sujet.&mdash;D'Harouis est
-condamné à une prison perpétuelle.&mdash;Il est plaint et secouru.</p>
-
-<p class="space">Aussitôt que madame de Grignan eut appris que sa
-mère se disposait à se rendre en Bretagne, elle s'alarma,
-et lui écrivit pour la détourner de faire ce voyage. Madame
-de Sévigné lui répondit:</p>
-
-<p>«Vous êtes bonne sur vos lamentations de Bretagne;
-je voudrais avoir Corbinelli; vous l'aurez à Grignan. Je
-vous le recommande; et moi j'irai voir ces coquins qui
-<span class="pagenum"><a id="Page_174"> 174</a></span>
-jettent des pierres dans le jardin du patron (du duc de
-Chaulnes, gouverneur de Bretagne). On dit qu'il y a cinq
-ou six cents bonnets bleus en Bretagne qui auraient
-bon besoin d'être pendus, pour leur apprendre à parler.
-La haute Bretagne est sage, et c'est mon pays<a id="FNanchor_376" href="#Footnote_376" class="fnanchor">&nbsp;[376]</a>.»</p>
-
-<p>Elle se trompait. Il est bien vrai que partout Louis XIV
-triomphait. La conquête de la Franche-Comté était achevée.
-Le comte de Schomberg avait défait les Espagnols et
-les avait chassés du Roussillon<a id="FNanchor_377" href="#Footnote_377" class="fnanchor">&nbsp;[377]</a>. La flotte des Hollandais,
-commandée par Ruyter, avait été repoussée de Belle-Ile<a id="FNanchor_378" href="#Footnote_378" class="fnanchor">&nbsp;[378]</a>
-et de la Martinique<a id="FNanchor_379" href="#Footnote_379" class="fnanchor">&nbsp;[379]</a>. Le prince d'Orange, après le sanglant
-combat de Senef<a id="FNanchor_380" href="#Footnote_380" class="fnanchor">&nbsp;[380]</a>, avait été forcé de lever le siége
-d'Oudenarde. Turenne avait battu les Allemands à Ensisheim<a id="FNanchor_381" href="#Footnote_381" class="fnanchor">&nbsp;[381]</a>,
-à Mulhausen<a id="FNanchor_382" href="#Footnote_382" class="fnanchor">&nbsp;[382]</a>, à Turkheim<a id="FNanchor_383" href="#Footnote_383" class="fnanchor">&nbsp;[383]</a>. Vaubrun avait pris
-Dachstein<a id="FNanchor_384" href="#Footnote_384" class="fnanchor">&nbsp;[384]</a>. Vivonne, après avoir dispersé l'armée navale
-d'Espagne, était entré dans Messine<a id="FNanchor_385" href="#Footnote_385" class="fnanchor">&nbsp;[385]</a> et d'Estrades avait
-mis une garnison dans la citadelle de Liége<a id="FNanchor_386" href="#Footnote_386" class="fnanchor">&nbsp;[386]</a>. Dinan s'était
-rendu au maréchal de Créquy<a id="FNanchor_387" href="#Footnote_387" class="fnanchor">&nbsp;[387]</a>, Huy au marquis de
-Rochefort<a id="FNanchor_388" href="#Footnote_388" class="fnanchor">&nbsp;[388]</a>, Limbourg au duc d'Enghien<a id="FNanchor_389" href="#Footnote_389" class="fnanchor">&nbsp;[389]</a>. La Suède fait
-<span class="pagenum"><a id="Page_175"> 175</a></span>
-une diversion en faveur de la France<a id="FNanchor_390" href="#Footnote_390" class="fnanchor">&nbsp;[390]</a>. Les colonies nouvellement
-fondées prospèrent, et le roi nomme le premier
-évêque de Québec<a id="FNanchor_391" href="#Footnote_391" class="fnanchor">&nbsp;[391]</a>. Sobieski s'assied sur le trône de Pologne
-par l'influence de Louis XIV, et la femme de la cour
-du grand monarque qu'il avait épousée devient reine de
-la Pologne<a id="FNanchor_392" href="#Footnote_392" class="fnanchor">&nbsp;[392]</a>. Enfin madame de Sévigné écrivait: «Rien
-n'égale le bonheur des Français.» Et cependant c'est
-alors qu'il y eut des révoltes alarmantes en Guienne et
-en Bretagne, et qu'on craignit pour la Normandie, où
-les ennemis de la France entretenaient des intelligences.
-L'accroissement des impôts et la nécessité d'appesantir
-le joug du despotisme, qui en était la conséquence, furent
-la cause de ces troubles. Les dépenses de la guerre,
-les constructions de Versailles, le luxe de la cour, les largesses
-faites aux courtisans, aux maîtresses, aux ministres
-forcèrent Colbert, qui avait aussi part à ces largesses, de
-recourir à des taxes inaccoutumées, nuisibles à l'agriculture
-et au commerce. On afferma ces nouveaux impôts à
-des traitants, qui les rendaient, par leurs exactions, plus
-odieux au peuple. Les taxes sur le papier timbré et sur la
-vaisselle d'étain offensèrent surtout la Guienne; celles sur
-le tabac parurent intolérables aux paysans bretons<a id="FNanchor_393" href="#Footnote_393" class="fnanchor">&nbsp;[393]</a>. Ces
-mécontentements étaient sourdement excités par les parlements,
-que Louis XIV avait contraints (février 1673) à
-enregistrer sans délibération ses édits avant de s'occuper
-d'aucune autre affaire; ce qui les réduisait à n'être plus que
-des cours de justice, et leur ôtait toute importance politique.
-<span class="pagenum"><a id="Page_176"> 176</a></span>
-Le feu de la rébellion était aussi attisé par les membres
-du tiers état, qui étaient punis par l'exil ou par la
-prison s'ils se permettaient de parler avec liberté dans
-les assemblées provinciales ou lorsqu'ils se montraient
-opposés aux demandes du gouvernement. Le duc de
-Chaulnes, qu'on avait tiré du congrès de Cologne pour
-l'envoyer dans son gouvernement de Bretagne, avait
-averti Colbert du danger que courait l'ordre public si on
-ne renonçait pas à l'exécution stricte et rigoureuse des
-impôts, si on ne remédiait pas aux vexations des traitants.
-Mais Colbert, qui voulait partout une comptabilité
-uniforme, répondit que les édits étaient exécutés en Languedoc
-et en Bourgogne; et il enjoignit au duc de
-Chaulnes de faire en sorte qu'il en fût de même en Bretagne<a id="FNanchor_394" href="#Footnote_394" class="fnanchor">&nbsp;[394]</a>.
-Comme il y avait eu une légère émeute à Rennes,
-on donna ordre aux archers de Normandie de se rendre
-dans cette ville. De Chaulnes écrivit que l'exécution d'une
-telle mesure était le moyen de faire soulever Rennes et
-toute la province. Il espérait, si on révoquait cet ordre,
-pouvoir assurer la tranquillité. Il était parvenu à la rétablir
-sans rigueur et sans violence. «Il n'y a, écrivait-il,
-qu'en l'évêché de Quimper où les paysans s'attroupent
-tous les jours; et toute leur rage est présentement contre
-les gentilshommes, dont ils ont reçu de mauvais traitements<a id="FNanchor_395" href="#Footnote_395" class="fnanchor">&nbsp;[395]</a>.
-Il est certain que la noblesse a traité fort rudement
-<span class="pagenum"><a id="Page_177"> 177</a></span>
-les paysans; ils s'en vengent présentement, et
-ont exercé déjà, vers cinq ou six, de très-grandes barbaries,
-les ayant blessés et pillé leurs maisons, et même
-brûlé quelques-unes<a id="FNanchor_396" href="#Footnote_396" class="fnanchor">&nbsp;[396]</a>.» Le duc de Chaulnes ne se maintint
-pas longtemps dans ces dispositions bienveillantes;
-il y eut, le 18 juillet<a id="FNanchor_397" href="#Footnote_397" class="fnanchor">&nbsp;[397]</a>, une nouvelle émeute à Rennes, et
-madame de Sévigné la raconte ainsi à sa fille:</p>
-
-<p>«On a recommencé, dit-elle, à piller un bureau à
-Rennes; madame de Chaulnes est à demi morte des
-menaces qu'on lui fait tous les jours. On me dit hier
-qu'elle était arrêtée, et que même les plus sages l'ont
-retenue, et ont mandé à M. de Chaulnes, qui est au Fort-Louis,
-que, si les troupes qu'il a demandées font un pas
-dans la province, madame de Chaulnes court risque
-d'être mise en pièces. Il n'est cependant que trop vrai
-qu'on doit envoyer des troupes; et on a raison de le
-faire, car, dans l'état où sont les choses, il ne faut pas
-de remèdes anodins<a id="FNanchor_398" href="#Footnote_398" class="fnanchor">&nbsp;[398]</a>.»</p>
-
-<p>La légèreté avec laquelle madame de Sévigné parle
-des souffrances du peuple blesse avec raison les sentiments
-des lecteurs modernes et lui a été souvent reprochée.
-Il est bien vrai que, redoutant pour ses amis et pour
-elle-même les suites de la révolte, elle désirait qu'elle
-fût réprimée avec énergie; mais elle blâmait, elle détestait
-la tyrannie qui rendait cette répression nécessaire
-et les cruelles rancunes du gouverneur, son ami. Cette
-<span class="pagenum"><a id="Page_178"> 178</a></span>
-insensibilité qui nous surprend n'est qu'apparente, et le
-ton léger avec lequel elle s'exprime est une amère ironie.
-Nombre de fois, dans sa correspondance, elle manifeste
-toute l'indépendance d'une janséniste, d'une ancienne
-frondeuse, du parti sous les drapeaux duquel
-avaient lutté, avaient combattu les Condé, les la Rochefoucauld,
-les Retz, qui étaient restés ses amis. Elle
-se moque et elle bafoue la servilité des courtisans, l'immoralité
-des gens d'Église, l'avidité des ministres et des
-gens en place, la facilité des états de Bretagne à prodiguer
-l'argent des contribuables; et, malgré son admiration
-sincère pour Louis XIV, elle déteste en lui son
-arrogante domination et sa dureté despotique.</p>
-
-<p>«La royauté (écrit-elle à madame de Grignan) est
-établie au delà de ce que vous pouvez vous imaginer;
-on ne se lève plus, on ne regarde plus personne. L'autre
-jour, une pauvre mère tout en pleurs, qui a perdu le
-plus joli garçon du monde, demandait cette charge à
-Sa Majesté, elle passa. Ensuite, et tout à genoux, cette
-pauvre madame de Froulay (elle réclamait le prix de la
-charge de maréchal des logis qu'elle avait achetée pour
-son fils, tué à la guerre) se traîna à ses pieds, lui demandant
-avec des cris et des sanglots qu'elle eût pitié d'elle:
-Sa Majesté passa sans s'arrêter<a id="FNanchor_399" href="#Footnote_399" class="fnanchor">&nbsp;[399]</a>.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné annonce ainsi le prochain départ
-du roi: «Je vous ai mandé, ma très-chère, comme
-nos folies de Bretagne m'arrêtaient pour quelques jours.
-M. de Forbin (le bailli de Forbin, capitaine-lieutenant
-de la première compagnie des mousquetaires et lieutenant
-<span class="pagenum"><a id="Page_179"> 179</a></span>
-général) doit partir avec six mille hommes pour
-punir notre Bretagne, c'est-a-dire la ruiner. Ils s'en
-vont par Nantes; c'est ce qui fait que je prendrai la
-route du Mans avec madame de Lavardin.» Cependant
-elle se décida à passer par Nantes, et put se convaincre
-qu'on faisait plus que ruiner la province<a id="FNanchor_400" href="#Footnote_400" class="fnanchor">&nbsp;[400]</a>.</p>
-
-<p>«Nos pauvres Bas-Bretons (mande-t-elle à sa fille
-quand elle fut arrivée au terme de son voyage) s'attroupent
-quarante, cinquante par les champs; et dès qu'ils
-voient les soldats ils se jettent à genoux, et disent <i>Mea
-culpa</i>; c'est le seul mot de <i>français</i> qu'ils sachent,
-comme nos Français disaient qu'en Allemagne le seul
-mot de <i>latin</i> qu'on disait à la messe, c'était <i>Kyrie, eleison</i>.
-On ne laisse pas de pendre ces pauvres Bas-Bretons;
-ils demandent à boire et du tabac, et qu'on les
-dépêche<a id="FNanchor_401" href="#Footnote_401" class="fnanchor">&nbsp;[401]</a>.»</p>
-
-<p>C'est alors même que madame de Sévigné annonce
-qu'on a fait filer les troupes en Bretagne et que M. de
-Pomponne a donné à M. de Forbin les noms des terres
-de son fils pour qu'elles fussent ménagées qu'elle fait connaître
-à sa fille les affreuses conséquences de l'énormité
-des taxes dans les provinces, dans la capitale, dans les
-villes, aussi bien que dans les campagnes. «Voici, dit-elle,
-une petite histoire qui se passa il y a trois jours. Un pauvre
-passementier, dans le faubourg Saint-Marceau, était taxé
-à dix écus pour un impôt sur les maîtrises; il ne les avait
-pas. On le presse et represse; il demande du temps, on
-le lui refuse; on prend son pauvre lit et sa pauvre écuelle.
-<span class="pagenum"><a id="Page_180"> 180</a></span>
-Quand il se vit en cet état, la rage s'empara de son c&oelig;ur;
-il coupa la gorge à trois de ses enfants qui étaient dans
-sa chambre; sa femme sauva le quatrième et s'enfuit.
-Le pauvre homme est au Châtelet; il sera pendu dans un
-jour ou deux. Il dit que tout son déplaisir c'est de n'avoir
-pas tué sa femme et l'enfant qu'elle a sauvé. Songez,
-ma fille, que cela est vrai comme si vous l'aviez vu,
-et que depuis le siége de Jérusalem il ne s'est pas vu
-une telle fureur<a id="FNanchor_402" href="#Footnote_402" class="fnanchor">&nbsp;[402]</a>.»</p>
-
-<p>L'assise des états de Bretagne s'ouvrit, cette année, le
-9 novembre (1675), dans la salle des Jacobins de Dinan;
-elle fut close le 12 décembre. Les trois millions demandés
-au nom du roi et les gratifications au duc de Chaulnes,
-au marquis de Lavardin et à l'évêque de Saint-Malo
-(président de l'Église), etc., furent accordés sans difficulté.
-Cependant, malgré la terreur qui pesait sur les états,
-ils osèrent envoyer des commissaires au roi, pour s'opposer
-à ce qu'on mît en Bretagne des troupes en quartier
-d'hiver: ils représentèrent que c'était une mesure illégale
-et contraire aux droits et aux franchises de la province.
-Je transcrirai ici ce qui est dit à ce sujet dans le procès-verbal
-de l'assise sur la réponse faite au nom du roi:</p>
-
-<p>«<i>Du 10 décembre 1675.</i> Monseigneur le duc de
-Chaulnes est entré en l'assemblée, et a dit qu'ayant écrit
-à Sa Majesté que la province était alarmée de ce que Sa
-Majesté, au préjudice des contrats faits entre Sa Majesté
-et elle, y avait envoyé des troupes en quartier
-d'hiver, il avait reçu une lettre de Sa Majesté par laquelle
-elle l'assurait que ce qu'elle en avait fait était
-<span class="pagenum"><a id="Page_181"> 181</a></span>
-par nécessité, se trouvant chargée d'une infinité de
-troupes qu'elle avait été obligée de distribuer dans les
-provinces; que cela ne tirerait à conséquence, et que Sa
-Majesté conserverait toujours les priviléges de la province<a id="FNanchor_403" href="#Footnote_403" class="fnanchor">&nbsp;[403]</a>.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné cette fois, animée d'un vrai patriotisme
-breton, fait bien ressortir tout ce que cette réponse
-à la protestation avait de dérisoire, et montre en
-même temps combien elle ressentait vivement le malheur
-des populations; mais quoiqu'elle blâme ses amis,
-ce n'est pas sur eux qu'elle dirige les traits les plus acérés
-de sa critique. Ceux-ci, le duc de Chaulnes et le
-marquis de Lavardin étaient cependant les premiers exécuteurs
-des ordres du roi et de ses ministres; mais, dans
-les intervalles de ces orages passagers de la politique,
-les deux premiers couvraient madame de Sévigné de
-leur protection et la garantissaient de toutes vexations:
-dans les temps calmes, ils la comblaient de soins, de
-louanges, de politesse, et ils ajoutaient infiniment aux
-agréments de son séjour aux Rochers. Elle n'accusait
-pas non plus d'Harouis, qui, en qualité de trésorier des
-états, était le surintendant des finances, le Fouquet de
-la Bretagne; de même que Fouquet, fastueux, grand,
-généreux, prodigue des richesses, peu scrupuleux sur
-les moyens d'en acquérir, et, comme lui, se précipitant
-aussi par la ruine dans la prison. Madame
-de Sévigné ne voyait en d'Harouis qu'un parent qui
-lui était dévoué, qu'un ami désintéressé, toujours prêt
-à venir à son secours dans tous ses embarras d'affaires;
-<span class="pagenum"><a id="Page_182"> 182</a></span>
-et elle avait autant d'amitié pour lui qu'elle en
-avait eu pour Fouquet, avec plus d'admiration encore<a id="FNanchor_404" href="#Footnote_404" class="fnanchor">&nbsp;[404]</a>.</p>
-
-<p>C'est sur un autre parent des Sévigné, sur Sébastien
-de Guémadeuc, évêque de Saint-Malo, qu'elle se plaît
-à épancher tout le fiel de sa censure. Cependant il n'avait
-eu que la plus petite part aux maux dont elle se
-plaignait; il avait été envoyé en qualité de commissaire
-près du roi pour faire des représentations contre la mise
-des troupes en quartier d'hiver, et avait eu le malheur
-de rapporter cette réponse dont elle se plaint avec juste
-raison. Quoique cette fois les états se tinssent loin d'elle,
-elle était parfaitement bien informée de tout ce qui s'y
-passait, et elle en instruit madame de Grignan.</p>
-
-<p>«Voici, dit-elle, des nouvelles de notre province;
-j'en ai reçu un fagot de lettres: les Lavardin, les Boucherat
-et les d'Harouis me rendent compte de tout. M. de
-Harlay demanda trois millions<a id="FNanchor_405" href="#Footnote_405" class="fnanchor">&nbsp;[405]</a>, chose qui ne s'est jamais
-donnée que quand le roi vint à Nantes; pour moi, j'aurais
-cru que c'eût été pour rire. Ils promirent d'abord,
-comme des insensés, de les donner; et en même temps
-M. de Chaulnes proposa de faire une députation au roi
-pour l'assurer de la fidélité de la province et de l'obligation
-qu'elle lui a d'avoir bien voulu envoyer des troupes
-pour la remettre en paix, et que sa noblesse n'a eu
-aucune part aux désordres qui sont arrivés. M. de Saint-Malo
-<span class="pagenum"><a id="Page_183"> 183</a></span>
-se botte aussitôt pour le clergé; Tonquedec voulait
-aller pour la noblesse; mais M. de Rohan (président
-des états) a voulu aller, et un autre pour le tiers<a id="FNanchor_406" href="#Footnote_406" class="fnanchor">&nbsp;[406]</a>. Ils
-passèrent tous trois avant-hier à Vitré; il est inouï qu'un
-président de la noblesse ait jamais fait une pareille
-course... On ne voit point l'effet de cette députation;
-pour moi, je crois que tout est réglé et joué, et qu'ils
-nous rapporteront quelque grâce. Je vous le manderai;
-mais jusqu'ici nous n'en voyons pas davantage<a id="FNanchor_407" href="#Footnote_407" class="fnanchor">&nbsp;[407]</a>.»</p>
-
-<p>Puis elle continue trois semaines après, et dit:</p>
-
-<p>«M. de Lavardin est mon résident aux états; il m'instruit
-de tout; et comme nous mêlons quelquefois de
-l'italien dans nos lettres, je lui avais mandé, pour lui expliquer
-mon repos et ma paresse ici:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3">..... D'ogni oltraggio e scorno</p>
-<p>La mia famiglia e la mia greggia illese</p>
-<p>Sempre qui fur, ne strepito di Marte</p>
-<p>Ancor turbò questa remota parte<a id="FNanchor_408" href="#Footnote_408" class="fnanchor">&nbsp;[408]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>«A peine ma lettre a-t-elle été partie qu'il est arrivé
-à Vitré huit cents cavaliers, dont la princesse (de Tarente)
-est bien mal contente: il est vrai qu'ils ne font que passer;
-mais ils vivent, ma foi, comme dans un pays de conquête,
-<span class="pagenum"><a id="Page_184"> 184</a></span>
-nonobstant notre bon mariage avec Charles VIII
-et Louis XII. Les députés sont revenus de Paris; M. de
-Saint-Malo, qui est Guémadeuc, votre parent, et sur le
-tout une <i>linote mitrée</i>, comme disait madame de Choisy,
-a paru aux états, transporté et plein des bontés du roi
-et surtout des honnêtetés particulières qu'il a eues pour
-lui, sans faire attention à la ruine de la province, qu'il a
-apportée agréablement avec lui; ce style est d'un bon
-goût à des gens pleins, de leur côté, du mauvais état de
-leurs affaires. Il dit que Sa Majesté est contente de la
-Bretagne et de son présent; qu'elle a oublié le passé, et
-que c'est par confiance qu'on envoie ici huit mille hommes,
-comme on envoie un équipage chez soi quand on
-n'en a que faire<a id="FNanchor_409" href="#Footnote_409" class="fnanchor">&nbsp;[409]</a>.»</p>
-
-<p>Et précédemment elle avait dit:</p>
-
-<p>«Nos députés, qui étaient courus si extravagamment
-porter la nouvelle du don, ont eu la satisfaction que notre
-présent a été reçu sans chagrin; et, contre l'espérance de
-toute la province, ils reviennent sans rapporter aucune
-grâce. Je suis accablée des lettres des états; chacun se
-presse de m'instruire: ce commerce de traverse me fatigue
-un peu. On tâche d'y réformer les libéralités et les pensions,
-et l'on reprend de vieux règlements qui couperaient
-tout par la moitié; mais je parie qu'il n'en sera rien; et
-comme cela tombe sur nos amis les gouverneurs, lieutenants
-généraux, commissaires du roi, premiers présidents
-et autres, on n'aura ni la hardiesse ni la générosité
-de rien retrancher<a id="FNanchor_410" href="#Footnote_410" class="fnanchor">&nbsp;[410]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_185"> 185</a></span>
-Elle se trompait encore, et elle se trouva bientôt dans
-l'heureuse nécessité d'annoncer à sa fille qu'elle a trop
-mal jugé ses compatriotes.</p>
-
-<p>«Nos états sont finis<a id="FNanchor_411" href="#Footnote_411" class="fnanchor">&nbsp;[411]</a>; il nous manque neuf cent mille
-francs de fonds; cela me trouble à cause de M. d'Harouis.
-On a retranché toutes les pensions et qualifications à
-moitié. M. de Rohan n'osait, dans la tristesse où est cette
-province, donner le moindre plaisir; mais M. de Saint-Malo,
-<i>linote mitrée</i>, âgé de soixante ans, a commencé,
-vous croyez que c'est les prières de quarante heures;
-c'est le bal à toutes les dames et un grand souper: ç'a été
-un scandale public. M. de Rohan, honteux, a continué.
-C'est ainsi que nous chantons en mourant, semblables au
-cygne; car mon fils le dit, et il cite l'endroit où il l'a lu:
-c'est sur la fin de Lucrèce<a id="FNanchor_412" href="#Footnote_412" class="fnanchor">&nbsp;[412]</a>.»</p>
-
-<p>Ce n'était pas seulement à sa fille qu'elle manifestait
-ces sentiments, c'était encore dans les visites qu'elle faisait
-à Vitré et dans les cercles de hauts personnages des
-états, dans ses entretiens avec la femme du gouverneur,
-la duchesse de Chaulnes; et elle applaudissait aux discours
-de son fils, qui soutenait les mêmes opinions<a id="FNanchor_413" href="#Footnote_413" class="fnanchor">&nbsp;[413]</a>. Pour
-ce dernier, ce n'était pas le moyen d'avancer ni d'être
-bien en cour; mais, indépendamment des motifs de bien
-<span class="pagenum"><a id="Page_186"> 186</a></span>
-public et d'intérêt particulier qui faisaient désapprouver
-à madame de Sévigné la facilité des députés de Bretagne
-à voter d'aussi fortes contributions sur le pays où elle
-avait sa plus grande propriété, une autre cause agissait
-fortement sur elle: c'était l'amitié qu'elle avait pour
-d'Harouis, son cousin germain, qui avait contracté
-mariage avec Madeleine de Coulanges, morte en 1662.
-La mauvaise situation pécuniaire de ce financier était
-un secret qui commençait à se divulguer, et l'on doutait
-qu'il pût réaliser la somme de trois millions qui
-avait été votée.</p>
-
-<p>Le 11 décembre, madame de Sévigné avait écrit à sa
-fille:</p>
-
-<p>«Je crois que nous ne laisserons pas de trouver ou
-du moins de promettre toujours les trois millions, sans
-que notre ami (M. d'Harouis) soit abîmé; car il s'est coulé
-une affection pour lui dans les états qui fait qu'on ne songe
-qu'à l'empêcher de périr<a id="FNanchor_414" href="#Footnote_414" class="fnanchor">&nbsp;[414]</a>.» Cela était impossible. D'Harouis
-était un homme sans ordre, qui se faisait beaucoup
-de partisans en donnant l'argent sans compter avec lui-même
-ni avec l'État. De l'aveu même de madame de Sévigné
-(qui changea d'opinion sur son compte), «cette passion
-d'obliger tout le monde sans mesure et sans raison,
-offusquant toutes les autres, le rendait injuste<a id="FNanchor_415" href="#Footnote_415" class="fnanchor">&nbsp;[415]</a>.» L'affection
-qu'on avait pour lui, dont parle madame de Sévigné,
-était grande, et l'empêcha de faire faillite à cette époque où
-<span class="pagenum"><a id="Page_187"> 187</a></span>
-sa perte paraissait certaine<a id="FNanchor_416" href="#Footnote_416" class="fnanchor">&nbsp;[416]</a>. Mais en fermant les yeux sur
-son désordre on rendit son malheur plus infaillible, et on
-fit perdre beaucoup d'argent à la province. Il put cependant
-vivre ainsi durant douze ans encore, et était devenu
-le créancier de madame de Sévigné<a id="FNanchor_417" href="#Footnote_417" class="fnanchor">&nbsp;[417]</a>; mais en 1687
-il fut fait un nouveau règlement général par les états
-de Bretagne réunis à Saint-Brieuc, afin de remédier aux
-abus qui s'étaient introduits pendant les années de négligence;
-et le chapitre XIV de ce règlement, concernant
-uniquement le trésorier général et ses commis, soumit
-ces comptables à un contrôle rigoureux<a id="FNanchor_418" href="#Footnote_418" class="fnanchor">&nbsp;[418]</a>. D'Harouis se
-trouva dans l'impossibilité de rendre ses comptes. C'est
-alors que l'on nomma la Briffe, conseiller d'État<a id="FNanchor_419" href="#Footnote_419" class="fnanchor">&nbsp;[419]</a>, pour
-examiner la gestion du trésorier des états de Bretagne,
-qui fut arrêté et interrogé; et c'est peu de temps après que
-la Fontaine, écrivant au prince de Conti, lui disait<a id="FNanchor_420" href="#Footnote_420" class="fnanchor">&nbsp;[420]</a>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>La Briffe est chargé des affaires</p>
-<p>Du public et du souverain.</p>
-<p>Au gré de tous il sut enfin</p>
-<p>Débrouiller ce chaos de dettes</p>
-<p>Qu'un maudit compteur avait faites.</p>
-</div></div>
-
-<p>D'Harouis, <i>ce maudit compteur</i>, fut complétement
-<span class="pagenum"><a id="Page_188"> 188</a></span>
-ruiné et mis à la Bastille, où il mourut le 10 novembre
-1699<a id="FNanchor_421" href="#Footnote_421" class="fnanchor">&nbsp;[421]</a>. Il justifia, dans sa disgrâce, la tendresse que
-madame de Sévigné avait pour lui. D'Harouis a joui du
-bonheur bien rare de conserver dans l'infortune les amis
-qu'il s'était acquis dans sa prospérité; et Saint-Simon,
-dans ses Mémoires<a id="FNanchor_422" href="#Footnote_422" class="fnanchor">&nbsp;[422]</a>, fait à ce sujet cette remarque:
-«C'est, je crois, l'unique exemple d'un comptable de
-deniers publics avec qui ses maîtres et tout le public
-perdent sans que sa probité en ait reçu le plus léger
-soupçon. Les perdants même le plaignirent; tout le
-monde s'affligea de son malheur; ce qui fit que le roi
-se contenta d'une prison perpétuelle. Il la souffrit sans
-se plaindre, et la passa dans une grande piété, fort
-visité de beaucoup d'amis et secouru de plusieurs.»
-Presque toujours la religion recevait dans ses bras les
-hommes de ce siècle, les consolait dans leur infortune
-et, par l'attente du bonheur éternel, les rattachait à la
-vie!</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_189"> 189</a></span></p>
-<h2 class="normal"><a id="CHAPITRE_X"></a>CHAPITRE X.<br />
-<span class="medium">1675-1676.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">L'opinion du peuple se tourne contre Louis XIV, et attribue les malheurs
-publics à ses amours avec madame de Montespan.&mdash;Le parti
-religieux cherche à se séparer d'elle.&mdash;Un prêtre refuse l'absolution
-à madame de Montespan.&mdash;Le curé et Bossuet sont consultés,
-et déclarent tous deux que le prêtre a fait son devoir.&mdash;Bossuet
-et Bourdaloue profitent de cette circonstance pour persuader au roi
-et à madame de Montespan de se séparer.&mdash;Ils le promettent.&mdash;Le
-roi et madame de Montespan communient tous deux le jour de
-la Pentecôte.&mdash;Le roi écrit à Colbert pour qu'il pourvoie aux dépenses
-de madame de Montespan, et fasse en sorte de la distraire.&mdash;Elle
-construit Clagny.&mdash;Le roi revient de l'armée, et ordonne que
-madame de Montespan soit réintégrée à Versailles, mais avec
-l'intention de ne pas renouer son commerce avec elle.&mdash;Madame de
-Montespan cherche à le faire changer de résolution.&mdash;Elle y parvient.&mdash;Son
-triomphe est complet.&mdash;La cour reprend sa splendeur
-et ses plaisirs.&mdash;Racine fait jouer <i>Iphigénie</i>.&mdash;Boileau compose
-l'épître à Seignelay contre les flatteurs.&mdash;On rejoue l'opéra de
-<i>Thésée</i>.&mdash;Le ministre de Pomponne mène madame de Sévigné à
-ce spectacle.&mdash;Vers du Prologue: ils sont tout entiers à la louange
-du roi.</p>
-
-<p class="space">Madame de Sévigné, en donnant à sa fille de désastreuses
-nouvelles, ajoute: «Le peuple dit que c'est à
-cause de <i>Quantova</i> (madame de Montespan<a id="FNanchor_423" href="#Footnote_423" class="fnanchor">&nbsp;[423]</a>.»</p>
-
-<p>Ce peu de mots nous apprend que l'opinion publique,
-qui s'était montrée si favorable à la jeunesse de Louis XIV,
-se tournait contre lui. Ses amours avec la Vallière, sur
-<span class="pagenum"><a id="Page_190"> 190</a></span>
-lesquelles se reflétaient les premiers rayons de sa gloire,
-avaient trouvé plus de sympathie que de blâme. La mémoire
-de Henri IV, plus récente et plus populaire que
-celle de saint Louis, avait habitué la nation à considérer
-le libre commerce avec la beauté comme un des
-priviléges et presque une des qualités d'un roi français.
-Mais la prolongation des guerres engagea de
-plus en plus le gouvernement dans la voie du despotisme.
-Par les impôts excessifs les fortunes privées furent
-anéanties, et les populations appauvries par le sang
-versé sur les champs de bataille. Les provinces étaient
-mécontentes, et ne pouvaient pardonner à Louis XIV
-son luxe, ses prodigalités et le scandale de sa liaison
-avec une femme mariée. Il se forma à la cour un parti
-composé d'hommes sincèrement attachés au monarque
-et à la monarchie, dans l'espoir d'opérer une réforme
-salutaire. Ce parti, qu'on pouvait appeler le parti pieux,
-parce que ses principaux chefs se faisaient remarquer
-par leur zèle pour la religion, était peu considérable;
-mais il était puissamment soutenu par les dignitaires
-ecclésiastiques et par le contraste que présentaient
-alors les m&oelig;urs sévères des magistrats, des bourgeois
-industrieux, économes et rangés et la classe licencieuse,
-besoigneuse, des nobles grands seigneurs, des courtisans
-et des militaires. Dès que ce parti s'aperçut que la
-pensée du salut acquérait tous les jours plus de force
-dans l'esprit du roi, il espéra le rendre tout entier à sa
-<i>bonne petite Espagnole</i>, à la reine, que, par intérêt pour
-sa dynastie, par attachement, par conscience d'honnête
-homme, le roi n'avait jamais entièrement négligée<a id="FNanchor_424" href="#Footnote_424" class="fnanchor">&nbsp;[424]</a>. Bourdaloue
-<span class="pagenum"><a id="Page_191"> 191</a></span>
-et Bossuet, qui donnaient les appuis de la raison
-à la foi, et à la piété la chaleur du sentiment, considéraient
-tous deux comme l'acte le plus méritoire envers
-Dieu et le plus utile à l'humanité, de soumettre aux
-préceptes de la religion et aux lois de l'Église le plus
-puissant souverain du monde. Ils employaient pour y
-parvenir tous les moyens qui n'étaient pas incompatibles
-avec leurs scrupules religieux. La victoire qu'ils
-avaient remportée sur la Vallière leur permettait d'en
-espérer une plus décisive encore; mais ce second triomphe
-était plus difficile à obtenir. Ils n'avaient pas, il est
-vrai, à combattre dans Montespan ce sentiment profond,
-inaltérable, sincère, désintéressé qui faisait de la Vallière
-une victime disposée à quitter la vie plutôt qu'à renoncer
-à son amour; mais cet amour de la Vallière était sans
-joie, sans consolation, sans espérance, et torturait le
-c&oelig;ur de celle qu'il subjuguait, par le supplice incessant
-de la jalousie. On put donc persuader à cette infortunée
-qu'elle échapperait au désespoir en se jetant au pied de
-la croix, et que là le calme de ses sens, les extases de
-l'amour divin lui feraient anticiper, dès cette vie même,
-les pures délices que Dieu, dans la vie éternelle, réserve
-à ses élus.</p>
-
-<p>Bien différente était Montespan, qui, en devenant la
-maîtresse de Louis XIV, avait moins cédé à l'amour qu'à
-la séduction. Si, en public, elle se conformait à tout
-ce qu'exigeaient d'elle l'étiquette de la cour et son titre de
-dame d'honneur; quand Louis était chez elle, le roi disparaissait,
-elle ne voyait plus que l'amant. Voluptueuse
-<span class="pagenum"><a id="Page_192"> 192</a></span>
-et tendre, capricieuse et fière, par sa conversation pleine
-d'à-propos, de verve et de gaieté, par ses saillies, qu'on
-n'oublie pas et qu'on répète, elle ne permettait pas à
-l'ennui de se glisser dans ces longs tête-à-tête. Elle satisfaisait
-son amour-propre et la haute opinion que
-Louis XIV avait de lui-même en faisant ressortir par des
-mots piquants les ridicules et les faiblesses de ceux qui
-l'approchaient. Elle avait avec lui des rapports de ressemblance
-dans ses qualités et dans ses défauts, qui devaient
-contribuer à la force et à la durée de leur mutuel
-attachement. Comme lui elle aimait le faste, le luxe
-et la grandeur; plus que lui elle avait le goût et le sentiment
-des arts et de la poésie; elle prenait intérêt à tout
-ce qui pouvait augmenter la gloire de la France, et
-ses idées sur la politique et les affaires d'État étaient
-justes et élevées. De toutes les femmes que Louis XIV
-a aimées, elle fut certainement la seule qui obtint sur
-lui un véritable empire, la seule qui força les ministres
-à compter avec elle, la seule qui ait osé combattre
-les préventions justes ou injustes du monarque tout-puissant
-et qui, en toute circonstance, ait lutté courageusement
-en faveur de ses amis ou de ceux qu'elle avait
-pris sous sa protection. Aussi fut-elle, de toutes les maîtresses
-de Louis XIV, la seule que les courtisans aient
-regrettée.</p>
-
-<p>Montespan était encore trop enivrée de l'orgueilleux
-plaisir de l'avoir emporté sur sa rivale pour qu'on pût
-espérer que ses scrupules lui donnassent la force de
-rompre ses liens. Ceux qui entreprenaient de faire d'elle
-une maîtresse répudiée et de lui ôter le seul dédommagement
-du sacrifice de son honneur, sacrifice que la
-noble fierté de sa naissance et les vertueux penchants
-<span class="pagenum"><a id="Page_193"> 193</a></span>
-de sa jeunesse lui avaient rendu pénible<a id="FNanchor_425" href="#Footnote_425" class="fnanchor">&nbsp;[425]</a>, ceux-là
-devenaient nécessairement ses ennemis déclarés.
-En travaillant à la conversion de la Vallière lorsque
-Louis XIV était épris de Montespan, on n'avait pas la
-crainte de déplaire et de s'attirer une disgrâce à laquelle
-personne alors n'était insensible; mais la pieuse ligue
-qui entreprenait d'enlever au roi celle qui le charmait
-par son esprit autant que par ses grâces et sa beauté
-pouvait craindre les terribles effets de son ressentiment.</p>
-
-<p>Les hommes religieux qui formaient cette ligue ne
-pouvaient être retenus par de telles considérations; ils
-savaient que Louis et Montespan, en cédant à la force de
-leur passion, ne renonçaient pas pour cela à l'héritage
-de Jésus-Christ, mais qu'ils considéraient comme un
-privilége de leur rang de pouvoir s'écarter de quelques-uns
-de ses divins commandements, pourvu qu'ils se soumissent
-à ceux plus impérieusement exigés par l'Église.
-Cette aberration, qui leur était commune avec un grand
-nombre de catholiques peu fervents, moins élevés
-qu'eux en dignités, ne les aveuglait pas au point qu'à
-l'approche des grandes fêtes leur conscience ne fût troublée
-et leur repos intérieur détruit par de puissants
-scrupules.</p>
-
-<p>Le jeudi saint 11 avril (1675), madame de Montespan
-se présenta au tribunal de la pénitence devant un prêtre
-de sa paroisse, se croyant assurée d'obtenir l'approbation
-nécessaire pour communier le jour de Pâques
-(14 avril). Le prêtre<a id="FNanchor_426" href="#Footnote_426" class="fnanchor">&nbsp;[426]</a> lui refusa l'absolution. L'orgueil
-de Montespan fut révolté d'une telle audace. Elle s'en
-<span class="pagenum"><a id="Page_194"> 194</a></span>
-plaignit au roi, qui fit venir le curé<a id="FNanchor_427" href="#Footnote_427" class="fnanchor">&nbsp;[427]</a>. Celui-ci déclara
-que le prêtre avait fait son devoir. Le roi appela près de
-lui Bossuet; et Bossuet non-seulement approuva la conduite
-du prêtre, mais il dit au roi que l'Église avait toujours
-décidé<a id="FNanchor_428" href="#Footnote_428" class="fnanchor">&nbsp;[428]</a> «que, dans des circonstances semblables,
-une séparation entière et absolue était une disposition
-indispensable pour être admis à la participation des sacrements.»
-Le roi fut singulièrement troublé en apprenant,
-de la bouche du prélat qui avait toute sa confiance,
-qu'alors qu'il se disposait à affronter à la guerre
-de nouveaux périls il ne pouvait faire ses pâques, à
-moins de se soumettre aux décisions de L'Église. Bossuet
-saisit cette occasion pour agir fortement sur l'esprit du
-monarque: Louis XIV consentit à tout. Le prélat fut
-chargé d'aller annoncer à madame de Montespan la résolution
-du roi, de faire ses efforts pour la persuader à
-en prendre volontairement une semblable et à s'éloigner
-de la cour. «Mes paroles, écrivait Bossuet au
-roi, ont fait verser à madame de Montespan beaucoup
-de larmes; et certainement, sire, il n'y a point de plus
-juste sujet de pleurer que de sentir qu'on a engagé
-à la créature un c&oelig;ur que Dieu veut avoir. Qu'il est
-malaisé de se retirer d'un funeste engagement! Mais
-cependant, sire, il le faut; ou il n'y a point de salut à
-espérer<a id="FNanchor_429" href="#Footnote_429" class="fnanchor">&nbsp;[429]</a>.»</p>
-
-<p>Madame de Montespan parut décidée à se conformer
-aux intentions du roi et comme lui se soumettre aux
-<span class="pagenum"><a id="Page_195"> 195</a></span>
-injonctions de Bossuet. Elle se retira à Clagny, et
-Louis XIV s'empressa de donner des ordres à Colbert<a id="FNanchor_430" href="#Footnote_430" class="fnanchor">&nbsp;[430]</a>
-pour qu'il pourvût à toutes les dépenses qu'elle voudrait
-y faire. Le roi enjoignit au ministre de prévenir les désirs
-de celle qu'il lui était si pénible d'affliger et de lui procurer
-toutes sortes de distractions. Madame de Montespan
-usa largement des dons du roi. A l'aide de Mansart et
-de Le Nôtre et des habiles artistes qu'ils appelèrent à
-leur aide, elle fit de Clagny un magnifique séjour, une
-miniature de Versailles; et les sommes auxquelles Colbert
-dut pourvoir pour cette résidence excédèrent de
-beaucoup celles que le roi avait, l'année précédente,
-paru honteux d'exiger du sage administrateur de ses finances.
-Par une lettre écrite de son camp près de Dôle<a id="FNanchor_431" href="#Footnote_431" class="fnanchor">&nbsp;[431]</a>,
-Louis XIV donnait ordre à Colbert de commander pour
-madame de Montespan un collier de belles perles, des
-boucles d'oreilles, des bracelets, des boutons et des boîtes
-ornées en diamants, d'autres en pierres de toutes
-couleurs. Avant de faire cette commande, qui est minutieusement
-détaillée dans sa lettre, Louis XIV commence
-par dire au ministre: «Madame de Montespan ne veut
-pas absolument que je lui donne des pierreries; cela paraît
-extraordinaire, mais elle ne veut pas entendre raison
-sur les présents. Je veux avoir de quoi lui prêter à point
-nommé ce qu'elle désirera.»</p>
-
-<p>Dans sa nouvelle et élégante retraite, madame de
-<span class="pagenum"><a id="Page_196"> 196</a></span>
-Montespan reçut de fréquentes visites de la reine; toute
-la cour s'empressa autour d'elle, et jamais elle ne fut
-comblée de plus d'honneurs, ne parut jouir de plus de
-crédit et de puissance<a id="FNanchor_432" href="#Footnote_432" class="fnanchor">&nbsp;[432]</a> que depuis qu'elle sembla vouloir
-renoncer à toutes les grandeurs du monde et à tout
-attachement illégitime.</p>
-
-<p>Le roi était parti de Saint-Germain le samedi 11 mai,
-pour rejoindre son armée de Flandre. Il n'avait pas
-manqué à la promesse faite à Bossuet, et il autorisa le
-prélat à lui écrire pour l'entretenir dans les pieuses dispositions
-qu'il lui avait inspirées. Ce fut alors que l'illustre
-précepteur de l'héritier du trône transmit au roi
-lui-même, pour son usage personnel, des instructions
-qui sont d'admirables monuments de son zèle apostolique<a id="FNanchor_433" href="#Footnote_433" class="fnanchor">&nbsp;[433]</a>.
-Pénétré de l'importance de sa mission, Bossuet
-écrivait en même temps au maréchal de Bellefonds:
-«Priez Dieu pour moi, je vous en conjure; et priez-le
-pour qu'il me délivre du plus grand poids dont un homme
-puisse être chargé, et qu'il fasse mourir tout l'homme
-en moi, pour n'agir que pour lui seul<a id="FNanchor_434" href="#Footnote_434" class="fnanchor">&nbsp;[434]</a>.»</p>
-
-<p>Bossuet, qui comprenait que le succès de cette grande
-&oelig;uvre dépendait principalement de madame de Montespan,
-ne la négligeait pas. Il écrivait au roi, à son sujet:
-«Je vois autant que je puis madame de Montespan,
-comme Votre Majesté me l'a commandé. Je la trouve
-assez tranquille; elle s'occupe beaucoup de bonnes &oelig;uvres,
-<span class="pagenum"><a id="Page_197"> 197</a></span>
-et je la vois fort touchée des vérités que je lui propose,
-qui sont les mêmes que je dis à Votre Majesté.
-Dieu veuille les mettre à tous deux dans le fond du c&oelig;ur
-et achever son ouvrage, afin que tant de larmes, tant
-de violence, tant d'efforts que vous avez faits sur vous-même
-ne soient pas inutiles<a id="FNanchor_435" href="#Footnote_435" class="fnanchor">&nbsp;[435]</a>!»</p>
-
-<p>Par sa docilité à suivre les conseils de Bossuet, madame
-de Montespan put communier le 2 juin, jour de la
-Pentecôte<a id="FNanchor_436" href="#Footnote_436" class="fnanchor">&nbsp;[436]</a>, deux jours avant la profession de foi de
-madame de la Vallière<a id="FNanchor_437" href="#Footnote_437" class="fnanchor">&nbsp;[437]</a>. Le roi communia le même jour,
-dans son camp de Latines<a id="FNanchor_438" href="#Footnote_438" class="fnanchor">&nbsp;[438]</a>, «avec beaucoup de marques
-de piété,» dit Pellisson. Il avait près de lui son nouveau
-confesseur. C'était le P. la Chaise, jésuite. La Chaise
-était un gentilhomme, âgé de cinquante-un ans, auteur
-d'un excellent abrégé de philosophie. On le disait sévère,
-et Bossuet avait fondé de grandes espérances sur
-son concours: il se trompait. Il eût été mieux servi par
-le confesseur janséniste de madame de Sévigné, qui lui
-refusa de la laisser communier, comme firent le roi et
-madame de Montespan, le jour de la Pentecôte, parce
-que la préoccupation de sa fille l'empêchait d'être suffisamment
-à Dieu; rigueur que madame de Sévigné approuva,
-en bonne janséniste. «Je me suis trouvée si uniquement
-occupée et remplie de vous, dit-elle, que, mon
-c&oelig;ur n'étant capable de nulle autre pensée, on m'a défendu
-<span class="pagenum"><a id="Page_198"> 198</a></span>
-de faire mes dévotions à la Pentecôte; et c'est savoir
-le christianisme<a id="FNanchor_439" href="#Footnote_439" class="fnanchor">&nbsp;[439]</a>.»</p>
-
-<p>Le roi revint, non pas tel qu'il était à son départ: les
-pieuses exhortations de Bossuet ne s'étaient pas entièrement
-effacées de son esprit. Le prélat avait fait promettre
-une séparation absolue comme condition essentielle du
-salut, et par conséquent demandé, exigé<a id="FNanchor_440" href="#Footnote_440" class="fnanchor">&nbsp;[440]</a> que madame
-de Montespan fût expulsée de la cour. A cet égard l'auteur
-du <i>Traité de Philosophie</i>, le P. la Chaise, se montra
-moins rigoureux que Bossuet. Les courtisans amis
-de madame de Montespan qui étaient à l'armée avec le
-roi tournèrent en ridicule l'exigence de l'évêque. Était-il
-possible de bannir entièrement de la cour une dame
-d'honneur de la reine, que l'exercice de sa charge y attachait
-nécessairement? Et qui ne voyait qu'en croyant
-éviter un scandale le prélat en causait un plus grand,
-dont tout le monde se préoccuperait? Le roi, persuadé
-par ces discours, se décida à ne pas tenir sa promesse.
-Bossuet, informé de son changement de résolution, voulut
-encore tenter un dernier effort. Il alla résolument de
-lui-même au-devant de Sa Majesté, et la joignit à huit
-lieues de Versailles. Sans être appelé, Bossuet parut inopinément
-devant Louis XIV. Son visage était triste et
-sévère: «Ne me dites rien! lui cria le roi dès qu'il l'aperçut
-de loin. J'ai donné des ordres pour qu'on préparât
-au château le logement de madame de Montespan.»</p>
-
-<p>«Le roi (écrit à sa fille madame de Sévigné, qui
-ignorait tout ce qui s'était passé entre Bossuet et
-<span class="pagenum"><a id="Page_199"> 199</a></span>
-Louis XIV) arriva dimanche matin à Versailles (21 juillet
-1675); la reine, madame de Montespan et toutes les
-dames étaient allées, dès le samedi, reprendre tous leurs
-appartements ordinaires. Un moment après être arrivé,
-le roi alla faire ses visites. La seule différence, c'est qu'on
-joue dans les grands appartements que vous connaissez<a id="FNanchor_441" href="#Footnote_441" class="fnanchor">&nbsp;[441]</a>.»
-Cette différence était grande: elle indiquait que,
-bien que la séparation absolue exigée par Bossuet au
-nom de l'Église n'eût pas eu lieu, cependant Louis XIV
-hésitait encore, et qu'il se contentait de jouir de la présence
-et de la société d'une femme dont les grâces, l'enjouement,
-l'esprit, l'élévation des sentiments, les sympathies
-pour sa gloire étaient devenus pour lui un
-dédommagement indispensable aux peines et aux soucis
-de la royauté. Tout n'était donc pas perdu pour madame
-de Montespan; et ce qui le prouve c'est ce qu'écrit madame
-de Sévigné à sa fille quatre jours après: «La cour
-s'en va à Fontainebleau; c'est <span class="smallc">Madame</span> qui le veut. Il
-est certain que l'<i>ami de Quantova</i> (Louis XIV) a dit à
-sa femme et à son curé par deux fois: «Soyez persuadés
-que je n'ai pas changé les résolutions que j'avais
-en partant; fiez-vous à ma parole, et instruisez les
-curieux de mes sentiments<a id="FNanchor_442" href="#Footnote_442" class="fnanchor">&nbsp;[442]</a>.»</p>
-
-<p>Dominé par l'influence des habitudes de sa jeunesse,
-Louis XIV, on le savait, ne pouvait se contraindre: il
-s'abandonnait sans résistance et sans scrupule aux séductions
-<span class="pagenum"><a id="Page_200"> 200</a></span>
-des belles femmes de sa cour, par lesquelles il
-était sans cesse assiégé; mais aucune de celles qui avaient
-profité des intervalles laissés à ses désirs par les grossesses
-ou les courtes absences de madame de Montespan n'avait
-pu parvenir à toucher son c&oelig;ur, à intéresser son esprit.
-Toutes n'avaient obtenu que le facile et honteux
-triomphe d'être pendant quelques mois, ou même quelques
-heures, l'objet préféré du caprice des sens; toutes
-n'avaient fait que fortifier, par la comparaison, le vif
-attachement qu'il avait pour sa maîtresse. Si, par tous
-les moyens qu'elle possédait d'agir sur son esprit, elle
-était restée à la cour dans l'unique but de seconder le
-parti religieux et de rendre à la reine son époux, madame
-de Montespan, majestueuse et belle, serait devenue
-l'objet de l'admiration générale; elle eût exercé sur les
-affaires d'État une salutaire influence, que, du vivant de
-Louis XIV, aucune femme à la cour n'a su obtenir; elle
-eût paru incorporée à la gloire du grand siècle comme
-une divinité bienfaisante: elle eût régné!</p>
-
-<p>Telle avait été, après les communions de la Pentecôte,
-l'espérance du parti moral et religieux, de Montausier,
-du maréchal de Bellefonds, des Colbert, des
-duchesses d'Albret, de Richelieu. On apprend, par les
-lettres de madame de Sévigné, quelle brillante et honorable
-existence pour madame de Montespan cet espoir
-seul avait fait naître. Madame de Sévigné écrit à sa fille,
-tandis que le roi était encore à l'armée au camp de Nerhespen<a id="FNanchor_443" href="#Footnote_443" class="fnanchor">&nbsp;[443]</a>:
-«Vous jugez très-bien de <i>Quantova</i>. Si elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_201"> 201</a></span>
-ne peut point reprendre ses vieilles brisées, elle poussera
-son autorité et sa grandeur au-dessus des nues; mais il
-faudrait qu'elle se mît en état d'être aimée toute l'année
-sans scrupule. En attendant, sa maison est pleine de toute
-la cour; les visites se font alternativement, et sa considération
-est sans bornes.»</p>
-
-<p>Cependant dès lors même on doutait de la constance
-du roi et de madame de Montespan à garder la résolution
-qu'ils avaient prise. A propos de la grande-duchesse
-de Toscane (Marguerite-Louise d'Orléans), qui, après
-quinze ans de séjour, avait quitté son mari et venait en
-France<a id="FNanchor_444" href="#Footnote_444" class="fnanchor">&nbsp;[444]</a> dans l'espoir de plaire à Louis XIV, le même
-jour où la vue du saint sacrement qu'on portait à deux
-soldats suisses qui allaient être fusillés comme déserteurs
-donna au roi l'idée de leur faire grâce<a id="FNanchor_445" href="#Footnote_445" class="fnanchor">&nbsp;[445]</a>, madame de Sévigné
-écrit à sa fille: «Je suis persuadée qu'elle aimerait
-fort cette <i>maison</i> (c'est-à-dire le c&oelig;ur du roi), qui
-n'est point à louer. Ah! qu'elle n'est point à louer! et
-que l'autorité et la considération seront poussés loin si
-la conduite du retour est habile! Cela est plaisant, que
-tous les intérêts de <i>Quanto</i> et toute sa politique s'accordent
-avec le christianisme, et que le conseil de ses amis
-ne soit que la même chose avec celui de M. de Condom.
-Vous ne sauriez vous représenter le triomphe où elle est
-au milieu de ses ouvriers (à Clagny), qui sont au nombre
-de douze cents; le palais d'Appollidon<a id="FNanchor_446" href="#Footnote_446" class="fnanchor">&nbsp;[446]</a> et les jardins
-d'Armide en sont une légère description. La femme
-<span class="pagenum"><a id="Page_202"> 202</a></span>
-de son ami solide (<i>la reine</i>) lui fait des visites, et toute
-la famille tour à tour; elle passe nettement devant toutes
-les duchesses; et celle qu'elle a placée (<i>madame de Richelieu</i>)
-témoigne tous les jours sa reconnaissance par
-les pas qu'elle fait faire<a id="FNanchor_447" href="#Footnote_447" class="fnanchor">&nbsp;[447]</a>.» Et, dans une lettre du mois
-précédent, elle avait écrit: «La reine alla hier faire
-collation à Trianon; elle descendit à l'église, puis à Clagny,
-où elle prit madame de Montespan dans son carrosse,
-et la mena avec elle à Trianon<a id="FNanchor_448" href="#Footnote_448" class="fnanchor">&nbsp;[448]</a>.»</p>
-
-<p>La séparation du roi et de madame de Montespan ne
-pouvait être connue à la cour sans l'être aussi à Paris et
-dans la province. Madame de Scudéry en écrivit en ces
-termes à Bussy-Rabutin: «Le roi et madame de Montespan
-se sont quittés, dit-on, s'aimant plus que leur vie,
-purement par principe de religion; on dit qu'elle retournera
-à la cour sans être logée au château et sans voir
-jamais le roi que chez la reine... La douce et tranquille
-amitié suffit pour bien remplir un c&oelig;ur. Pour moi, je
-trouve que madame de Montespan aura deux paradis au
-lieu d'un: elle sera toujours aimée, et elle saura qu'il n'y
-aura que Dieu au-dessus d'elle dans son c&oelig;ur<a id="FNanchor_449" href="#Footnote_449" class="fnanchor">&nbsp;[449]</a>.»</p>
-
-<p>Mais on apprend, par la réponse de Bussy, que lui ne
-se laissait point abuser par ces belles apparences; il en
-était de même de madame de Sévigné: elle prévit quel
-<span class="pagenum"><a id="Page_203"> 203</a></span>
-serait le dénoûment de cette amoureuse épopée. Deux
-jours après, écrivant encore à sa fille, elle revient sur
-cette remarquable visite de la reine à madame de Montespan,
-et dit: «La reine fut voir madame de Montespan
-à Clagny le jour que je vous avais dit qu'elle l'avait prise
-en passant; elle monta dans sa chambre, où elle fut une
-demi-heure; elle alla dans celle de M. du Vexin<a id="FNanchor_450" href="#Footnote_450" class="fnanchor">&nbsp;[450]</a>, qui
-était un peu malade, et puis emmena madame de Montespan
-à Trianon, comme je vous l'avais mandé. Il y a
-des dames qui ont été à Clagny: elles trouvèrent la belle
-si occupée des ouvrages et des enchantements que l'on
-fait pour elle que, pour moi, je me représente Didon
-qui fait bâtir Carthage. La suite de cette histoire ne se
-ressemblera pas<a id="FNanchor_451" href="#Footnote_451" class="fnanchor">&nbsp;[451]</a>.»</p>
-
-<p>Madame de Montespan parut quelque temps vouloir
-participer à la bonne résolution du roi et se montrer
-satisfaite «d'être aimée toute l'année sans scrupule.»
-Bossuet lui-même crut à cet effort de sa raison, et c'est
-peut-être ce qui le fit relâcher de la décision rigoureuse
-qu'il avait donnée, au nom de l'Église, de la nécessité
-d'une séparation absolue. Il prononça, dit-on, que rien
-n'empêchait madame de Montespan de rester à la cour,
-d'y remplir sa charge de dame d'honneur de la reine et
-d'y vivre aussi chrétiennement qu'ailleurs<a id="FNanchor_452" href="#Footnote_452" class="fnanchor">&nbsp;[452]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_204"> 204</a></span>
-On peut suivre dans les lettres de madame de Sévigné,
-qui mit toujours beaucoup d'empressement à se faire initier,
-autant qu'elle le pouvait, dans le secret des petits
-appartements du roi et à en instruire sa fille, cette phase
-curieuse de la liaison des amours de Louis XIV et de madame
-de Montespan.</p>
-
-<p>«Toutes les dames de la reine sont précisément celles
-qui font compagnie à madame de Montespan: on y joue
-tour à tour, on y mange; il y a des concerts tous les
-soirs; rien n'est caché, rien n'est secret; les promenades
-en triomphe. Cet air déplairait encore plus à une femme
-qui serait un peu jalouse (allusion à la reine); tout le
-monde est content. Nous fûmes à Clagny: que vous dirai-je?
-c'est le palais d'Armide; le bâtiment s'élève à vue
-d'&oelig;il; les jardins sont faits. Vous connaissez la manière
-de Le Nôtre: il a laissé un petit bois sombre qui fait
-fort bien; il y a un bois d'orangers dans de grandes caisses;
-on s'y promène; ce sont des allées où l'on est à
-l'ombre; et, pour cacher les caisses, il y a des deux cotés
-de petites palissades à hauteur d'appui, toutes fleuries
-de tubéreuses, de roses, de jasmins et d'&oelig;illets.
-C'est assurément la plus belle, la plus surprenante, la
-plus enchantée nouveauté qui se puisse imaginer: on
-aime fort ce bois<a id="FNanchor_453" href="#Footnote_453" class="fnanchor">&nbsp;[453]</a>.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné avait déjà dit, en parlant de
-<i>Quantova</i>: «L'attachement est toujours extrême; on en
-fait assez pour fâcher le curé et tout le monde, et peut-être
-<span class="pagenum"><a id="Page_205"> 205</a></span>
-pas assez pour elle; car dans son triomphe extérieur
-il y a un fonds de tristesse<a id="FNanchor_454" href="#Footnote_454" class="fnanchor">&nbsp;[454]</a>.»</p>
-
-<p>C'est que ce triomphe n'était pas complet. Il ne suffisait
-pas à madame de Montespan d'avoir été, contre le
-v&oelig;u de Bossuet et du parti pieux, réintégrée au château,
-d'y faire sa charge, d'être estimée et considérée de la
-reine et de toute la cour: tous ces honneurs, toute cette
-pompe ne pouvaient la distraire de ses désirs. Louis XIV
-avait trente-sept ans, madame de Montespan n'en avait
-que trente, et, comme lui, elle était encore dans toute
-la force, dans tout l'éclat de la beauté. La vive impression
-du passé pesait trop fortement sur elle et sur le roi pour
-que le présent ne leur devînt pas insupportable. Bussy,
-qui était instruit de tout par madame de Scudéry, prédisait
-avec certitude que madame de Montespan ne pourrait
-demeurer à la cour que comme maîtresse. «On ne remporte,
-disait-il, la victoire sur l'amour qu'en fuyant. Si,
-ayant quitté le roi, elle avait encore du plaisir à s'en
-croire aimée, elle ne serait pas selon le c&oelig;ur de Dieu.»&mdash;«Il
-est vrai (ajoutait-il avec ce solide jugement que
-donne l'expérience) que le bon sens voudrait qu'on ne se
-chargeât point d'une grande passion, puisqu'on sait bien
-qu'elle finira avant la mort; mais chacun se flatte; on ne
-veut pas trouver des raisons qui empêchent de faire une
-chose agréable. Il est certain que l'amitié est bien plus
-solide; mais il n'y a que des gens qui ne sont plus propres
-à l'amour qui en soient capables<a id="FNanchor_455" href="#Footnote_455" class="fnanchor">&nbsp;[455]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_206"> 206</a></span>
-Habitués depuis longtemps à se comprendre sans proférer
-une seule parole, Louis et Montespan connurent
-par leurs regards, dès les premiers moments de leur entrevue,
-que leur amour mutuel s'était accru par l'absence
-et par la contrainte. Alors Montespan, par son attitude,
-ses paroles, ses manières, annonça qu'elle avait
-renoncé au rôle froid qu'on avait voulu lui imposer, et
-montra la ferme volonté d'être rétablie dans tous ses
-droits et dans la double puissance d'amante et de favorite.</p>
-
-<p>Le roi subissait l'influence de tout le parti pieux. Retenu
-par la promesse faite à Bossuet, il résistait encore;
-mais les charmes séducteurs de celle dont le son de voix
-seul suffisait pour l'émouvoir, les amusants sarcasmes
-de son brillant esprit, sa folle gaieté, sa tristesse et ses
-larmes domptèrent un courage qu'avaient seuls pu soutenir
-les dangers et les distractions de la guerre. Le
-triomphe de Montespan fut complet; et sa faveur, sa
-puissance parurent plus grandes et plus affermies que jamais.
-Tout prit alors à la cour un aspect plus gai et plus
-conforme aux m&oelig;urs et aux habitudes qui y régnaient.
-L'année put se terminer comme elle avait commencé,
-lorsque, pendant le carnaval, au retour de la seconde
-conquête de la Franche-Comté, on représenta le dernier
-ballet où Louis XIV avait dansé et l'opéra de <i>Thésée</i>,
-par Quinault et Lulli. Malgré les traits satiriques dirigés
-contre Lulli et Quinault par Despréaux<a id="FNanchor_456" href="#Footnote_456" class="fnanchor">&nbsp;[456]</a>, dans son
-<span class="pagenum"><a id="Page_207"> 207</a></span>
-épître à Seignelay, récemment publiée (et cette épître
-avait pour but de stigmatiser les flatteurs), on reprit les
-représentations de cet opéra; et pour cette reprise on
-négligea <i>Iphigénie</i><a id="FNanchor_457" href="#Footnote_457" class="fnanchor">&nbsp;[457]</a>, nouveau et admirable chef-d'&oelig;uvre
-de Racine. A ce brillant spectacle Pomponne conduisit
-l'abbé Arnauld, son frère, revenu de Rome, madame
-de Sévigné, madame de Vins, M. de la Troche et d'Hacqueville<a id="FNanchor_458" href="#Footnote_458" class="fnanchor">&nbsp;[458]</a>.
-Le prologue tout entier était consacré aux
-louanges du roi, et la décoration représentait les jardins
-et la façade du palais de Versailles. Louis XIV entendit
-encore chanter les vers suivants:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i6">VÉNUS.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vénus répand sur lui tout ce qui peut charmer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6">MARS.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Malheur, malheur à qui voudra contraindre</p>
-<p class="i1"> Un si grand héros à s'armer!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6">VÉNUS.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout doit l'aimer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6">MARS.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout doit le craindre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3">VÉNUS ET MARS.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout doit le craindre,</p>
-<p>Tout doit l'aimer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3">MARS ET VÉNUS.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Qu'il passe, au gré de ses désirs</p>
-<p class="i2"> De la gloire aux plaisirs,</p>
-<p class="i2"> Des plaisirs à la gloire!</p>
-<p>Venez, aimables dieux, venez tous dans sa cour.</p>
-<p class="i1"> Mêlez aux chants de la victoire</p>
-<p class="i1"> Les douces chansons de l'amour.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_208"> 208</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4">LE CH&OElig;UR.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mêlons aux chants de la victoire</p>
-<p>Les douces chansons de l'amour<a id="FNanchor_459" href="#Footnote_459" class="fnanchor">&nbsp;[459]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Ce n'étaient pas là les exhortations de Bossuet, ce n'était
-pas avec de tels vers,</p>
-
-<p class="quote"><span class="i9"> De morale lubrique,</span><br />
-Que Lulli réchauffait des sons de sa musique,</p>
-
-<p>que Despréaux, accusé à tort d'être un flatteur, louait le
-grand monarque. C'est depuis même que l'auteur de
-<i>Thésée</i> était le plus comblé des dons de la faveur royale
-que le courageux législateur du Parnasse français n'a cessé
-de flétrir ses fades adulations<a id="FNanchor_460" href="#Footnote_460" class="fnanchor">&nbsp;[460]</a> et de condamner l'opéra
-comme un spectacle immoral<a id="FNanchor_461" href="#Footnote_461" class="fnanchor">&nbsp;[461]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_209"> 209</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XI.<br />
-<span class="medium">1675-1676.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">Le parti pieux espère dans l'influence de madame de Maintenon.&mdash;Explication
-des causes qui font qu'à partir de cette époque madame
-de Sévigné ne parle plus de madame de Maintenon qu'avec
-un esprit de dénigrement.&mdash;Nécessité de jeter une vue rétrograde
-sur la vie de madame de Maintenon.&mdash;Pourquoi les historiens se
-sont égarés à son sujet.&mdash;Sa pauvreté, son mariage, sa figure.&mdash;Ce
-qui la défendait contre la séduction.&mdash;Sa naissance.&mdash;Son
-éducation.&mdash;Son désir de s'attirer la considération et des éloges.&mdash;Son
-impuissance à s'en corriger.&mdash;Éducation des filles pauvres.&mdash;Fondation
-des couvents d'Ursulines.&mdash;Françoise d'Aubigné d'abord
-mise aux Ursulines à Niort, à Paris, ensuite aux Ursulines de
-la rue Saint-Jacques.&mdash;Elle abjure la religion protestante.&mdash;Elle
-se forme dans cette maison aux vertus et aux talents qu'elle a déployés
-par la suite.&mdash;Sa tante Neuillant obtient la permission de la
-faire mener dans le monde.&mdash;Elle va chez Scarron.&mdash;Elle devient
-sa femme.&mdash;Bonheur dont elle a joui pendant les huit années de
-son union.&mdash;A la mort de Scarron, la reine donne et augmente
-pour sa veuve la pension qu'elle faisait à celui-ci.&mdash;Madame
-Scarron se retire au couvent des Hospitalières.&mdash;On veut la marier
-à un vieux duc.&mdash;Elle refuse.&mdash;Elle est désapprouvée.&mdash;Ninon
-et madame de Villarceaux.&mdash;Étroite liaison de madame Scarron
-avec ces deux femmes.&mdash;Villarceaux veut la séduire, et n'y
-peut parvenir.&mdash;Elle perd sa pension par la mort de la reine.&mdash;Refuse
-de nouveau de se marier.&mdash;S'apprête à suivre la reine de
-Portugal.&mdash;Madame de Montespan s'y oppose.&mdash;Sa pension est
-rétablie par le crédit de Montespan.&mdash;Le roi confie à madame
-Scarron l'éducation de ses enfants issus de madame de Montespan.&mdash;Influence
-de madame Scarron sur Montespan.&mdash;Madame
-Scarron achète un marquisat, et le roi la nomme marquise
-de Maintenon.&mdash;Contrariée par Montespan, elle est prête
-à se retirer.&mdash;Se brouille avec Montespan.&mdash;Obtient de correspondre
-<span class="pagenum"><a id="Page_210"> 210</a></span>
-directement avec le roi.&mdash;Revient de Baréges, et est rétablie
-à la cour sur le même pied qu'autrefois.&mdash;Durée du règne
-de madame de Montespan.&mdash;Les sentiments que madame de Maintenon
-inspirait au roi différaient de ceux qu'il avait pour les autres
-femmes.</p>
-
-<p class="space">Par le triomphe de madame de Montespan, le parti
-pieux ne fut découragé ni vaincu; il ne pouvait pas
-l'être. Sans doute le petit nombre de personnes qui le
-composaient n'étaient point indifférentes à la fortune et
-aux honneurs; mais il n'était pas non plus formé d'ambitieux
-sans principes et de courtisans sans conscience,
-se faisant de la religion un honorable moyen d'acquérir
-du crédit, du pouvoir et des richesses. Les chefs de ce
-parti étaient parfaitement convaincus des vérités de la
-foi; ils savaient que le roi et sa maîtresse, malgré l'indulgence
-qu'ils accordaient à leurs passions, avaient, ainsi
-qu'eux, de sincères convictions; et la piété bien connue
-de la gouvernante des enfants de madame de Montespan,
-l'amitié que celle-ci avait pour elle avaient fait concevoir
-des espérances par l'ascendant qu'on lui connaissait sur
-l'esprit de la favorite: ces espérances avaient été détruites
-par la faiblesse du monarque et la mollesse du P. la
-Chaise; mais d'autres plus fortes avaient succédé. Les
-enfants du roi que madame de Montespan avait confiés
-à madame de Maintenon étaient ceux que Louis XIV
-chérissait de préférence. Par les soins que leur prodiguait
-cette gouvernante, par l'éducation qu'elle leur donnait,
-ils n'avaient pour celle qui les avait mis au jour
-qu'une soumission et une tendresse de commande; leurs
-sentiments les plus affectueux, les plus tendres se reportaient
-sur celle qui leur avait servi de mère. Les dons
-du roi furent la juste récompense d'une sollicitude si paternelle
-<span class="pagenum"><a id="Page_211"> 211</a></span>
-et si éclairée. Alors la gouvernante, devenue plus
-indépendante, contrariée dans son système d'éducation,
-se prévalut de la condition qu'elle avait faite de n'être
-obligée de se soumettre qu'aux ordres et aux volontés du
-roi dans ce qui concernait les enfants qui lui étaient confiés.
-L'orgueil de Montespan fut blessé; la défiance et la
-jalousie firent disparaître l'attachement que des sympathies
-communes avaient formé entre elles. Il n'y eut pas
-rivalité, mais désunion. Ce désaccord procura à madame
-de Maintenon toute la confiance du parti pieux. Elle en
-avait été jusqu'alors le principal appui; elle en devint
-l'âme, elle en fut le chef.</p>
-
-<p>J'ai souvent eu occasion de parler dans ces Mémoires<a id="FNanchor_462" href="#Footnote_462" class="fnanchor">&nbsp;[462]</a>
-de Françoise d'Aubigné, qui, dès qu'elle fut unie
-à Scarron, fut aimée et recherchée par madame de Sévigné.
-Mais dans les lettres de celle-ci, à partir de l'époque
-où nous sommes parvenus, on voit succéder aux
-louanges qu'elle lui accordait un esprit de dénigrement
-qui étonne. En cela madame de Sévigné n'exprimait pas
-ses sentiments personnels, elle n'était que l'écho de
-madame de Coulanges, des anciennes amies et protectrices
-de madame de Maintenon et de toute la cour,
-à l'exception de ce petit nombre de personnes unies
-entre elles pour arracher le roi au scandale donné à
-ses sujets par ses adultères amours. Il est nécessaire,
-pour l'intelligence des lettres de madame de Sévigné
-et encore plus pour la parfaite connaissance de l'histoire
-du siècle de Louis le Grand, d'éclaircir les causes
-<span class="pagenum"><a id="Page_212"> 212</a></span>
-d'un tel changement envers une femme justement célèbre,
-que la considération et la faveur générales entourèrent,
-dès son entrée dans le monde et pendant
-toute sa jeunesse, d'une auréole lumineuse qui disparut
-aussitôt qu'elle eut obtenu toute la confiance de Louis
-le Grand. Les nuages qui, depuis cette époque, la voilèrent
-aux regards des contemporains ne se sont pas
-encore dissipés et ont causé cette divergence dans l'opinion,
-ces jugements contradictoires qui ont égaré les
-historiens quand ils ont voulu scruter les causes des
-événements qu'ils avaient à raconter. Les personnes
-qu'on croit être parvenues à un rang élevé par l'exercice
-d'un pouvoir occulte sont rarement jugées avec
-impartialité; on les apprécie moins par ce qu'elles ont
-dû et pu être que par ce qu'on eût désiré qu'elles fussent.
-Leurs vertus et leurs qualités tournent contre elles
-dans notre esprit, parce qu'elles sont autres que celles
-dont nous eussions voulu les décorer ou incompatibles
-avec elles. Les historiens, pour de telles personnes, aiment
-mieux s'efforcer de les imaginer que les peindre,
-de les deviner que les définir; ils en tracent des portraits
-fantastiques, sans ressemblance comme sans
-vérité.</p>
-
-<p>Cependant nulle complication dans la vie de Françoise
-d'Aubigné; nulle contradiction entre ses discours, ses
-actions et ses écrits; nulle aberration dans sa conduite.
-Rien de plus uniforme, de plus certain que les motifs qui
-la firent agir. Son caractère ne se démentit jamais; le
-monde changea souvent autour d'elle et pour elle, mais
-elle, ne changea point; dans la pauvreté et dans la richesse,
-dans l'abaissement et dans les grandeurs, durant
-les années glorieuses du règne de Louis XIV et durant ses
-<span class="pagenum"><a id="Page_213"> 213</a></span>
-désastres, elle fut toujours la même. Madame de Maintenon
-est le personnage historique sur lequel on possède
-le plus de documents émanés de sa bouche ou tracés par
-sa plume: il est donc à regretter que les historiens, même
-les plus judicieux, aient préféré des satires contemporaines,
-quelques <i>pastiches</i> maladroits des lettres de Coulanges
-et de Sévigné, des mémoires rédigés d'après des bruits
-de cour et des traditions mensongères aux témoignages
-certains et authentiques fournis par elle-même, et qu'ils
-aient converti une simple et intéressante histoire en un
-vulgaire et incompréhensible roman.</p>
-
-<p>Je n'ai pas sans doute le projet de recommencer l'histoire
-si souvent écrite de madame de Maintenon; elle
-n'appartient qu'en partie au sujet qui m'occupe; mais je
-dois éclaircir les particularités qui la concernent, intéressantes
-à connaître pour les lecteurs de ces Mémoires.</p>
-
-<p>Quoique la vie de madame de Sévigné se soit en partie
-écoulée dans les mêmes lieux et au milieu des mêmes
-sociétés que celle de madame de Maintenon, ces deux
-vies, si on les écrivait avec les mêmes intentions que
-j'ai eues en composant ces Mémoires, sont des sujets qui
-n'ont presque aucune connexité. La vie de madame de
-Sévigné se termine avec la gloire du grand siècle; celle
-de madame de Maintenon s'est prolongée au delà même
-des jours de Louis XIV, qui a malheureusement survécu
-à son siècle. C'est durant les vingt années qui s'écoulèrent
-entre la mort de madame de Sévigné et celle du
-roi que madame de Maintenon apparaît comme une des
-figures principales que l'historien doit retracer entières
-au milieu d'événements que madame de Sévigné n'a
-point connus, de personnes qu'elles n'a pas vues ou qui
-de son temps ne figuraient point encore sur la grande
-<span class="pagenum"><a id="Page_214"> 214</a></span>
-scène du monde. Il me suffira donc de jeter un regard
-rétrospectif sur les premières années de la vie de madame
-de Maintenon et de bien apprécier la nature de son intimité
-avec Louis XIV et de ses rapports avec madame
-de Montespan lorsque celle-ci était plus que jamais heureuse
-et fière de l'amour qu'elle inspirait au roi.</p>
-
-<p>Cette belle <i>pauvresse</i><a id="FNanchor_463" href="#Footnote_463" class="fnanchor">&nbsp;[463]</a>, qu'à l'âge de seize ans l'avarice
-d'une parente livrait à la merci d'une jeunesse ardente,
-de grands seigneurs, d'hommes de lettres et d'éminents
-artistes qui se rassemblaient chez Scarron, avait
-les cheveux châtain clair; ses beaux yeux noirs brillaient
-d'un doux éclat, mais s'assombrissaient soudainement
-lorsque quelque émotion pénible traversait son âme<a id="FNanchor_464" href="#Footnote_464" class="fnanchor">&nbsp;[464]</a>.
-La grâce, l'esprit, la raison s'unissaient en elle dans
-une juste mesure pour plaire à l'enfance, à l'âge viril, à
-la vieillesse. Naturellement impatiente, vive, enjouée<a id="FNanchor_465" href="#Footnote_465" class="fnanchor">&nbsp;[465]</a>,
-formée à la rude école de l'adversité, elle devint calme,
-réfléchie et d'une grande égalité d'humeur. Fière et
-orgueilleuse, le besoin de se faire des protecteurs la rendit
-insinuante et complaisante. La religion, à laquelle
-(selon les expressions mêmes d'un de ses plus grands
-détracteurs<a id="FNanchor_466" href="#Footnote_466" class="fnanchor">&nbsp;[466]</a>) elle savait faire parler un langage doux,
-<span class="pagenum"><a id="Page_215"> 215</a></span>
-juste, éloquent et court, inspirait à son c&oelig;ur de généreuses
-résolutions. L'infortune lui ravit l'âge des illusions,
-et la fit avancer toute jeune dans celui de la réflexion et
-de l'expérience que donne le monde. Ce qu'on appelle
-le monde, le beau monde, est un <i>diorama</i>. Vu de loin,
-vous y contemplez un ciel brillant, des paysages délicieux,
-des palais enchantés et dorés: approchez, voyez
-et touchez; tout cela n'est plus qu'une toile salie par des
-couleurs. Françoise d'Aubigné put se convaincre de cette
-triste vérité presque au sortir de l'enfance. C'était l'époque
-du règne des précieuses, de l'amour platonique et
-d'une licencieuse galanterie; le culte de la beauté occupait
-encore plus les esprits que la politique; on se déclarait
-sans ridicule amant d'une femme; elle vous accueillait
-comme tel sans se compromettre. Les poëtes surtout,
-amoureux par état et auxquels toute liberté en vers
-était permise, célébrèrent donc sans façon la belle gorge<a id="FNanchor_467" href="#Footnote_467" class="fnanchor">&nbsp;[467]</a>
-de la jeune <i>Indienne</i>, ses belles mains, sa taille élancée,
-le parfait ovale de sa figure, sa physionomie fine et spirituelle,
-son beau teint<a id="FNanchor_468" href="#Footnote_468" class="fnanchor">&nbsp;[468]</a>; et comme on savait que l'infirme
-vieillard dont elle était devenue la compagne
-avait bien pu l'épouser, mais non en faire réellement sa
-femme, les plus brillants, les plus renommés, les plus
-dangereux séducteurs d'alors s'empressèrent autour d'elle,
-et la regardèrent<a id="FNanchor_469" href="#Footnote_469" class="fnanchor">&nbsp;[469]</a> comme une proie facile à saisir. Une
-triple force la défendait contre leurs attaques: la religion,
-<span class="pagenum"><a id="Page_216"> 216</a></span>
-l'orgueil de son nom et de ses vertus et le besoin de
-s'attirer des éloges. Pour lutter avec succès contre l'adversité,
-la nature lui avait donné tous les moyens de
-séduire, et pour résister à la séduction ce que je ne puis
-exprimer autrement que par l'aptitude négative de son
-tempérament<a id="FNanchor_470" href="#Footnote_470" class="fnanchor">&nbsp;[470]</a>. Elle était du nombre de celles qui, très-sensibles
-aux caresses que les femmes aiment à se prodiguer
-entre elles en témoignage de leur mutuelle tendresse
-et qu'avec plus de réserve elles échangent avec
-l'autre sexe, ont une répugnance instinctive à se soumettre
-à ce qu'exige d'elles l'amour conjugal pour
-devenir mères, moins par la persistance d'une primitive
-pudeur que par l'effet d'une nature qui leur a refusé ce
-qu'elle a accordé à tant d'autres avec trop de libéralité<a id="FNanchor_471" href="#Footnote_471" class="fnanchor">&nbsp;[471]</a>.
-Françoise d'Aubigné eut souvent besoin d'être rassurée
-par son confesseur sur les scrupules que lui firent naître
-ses complaisances aux contrariantes importunités de son
-royal époux à un âge où elle ne pouvait plus espérer
-d'engendrer de postérité<a id="FNanchor_472" href="#Footnote_472" class="fnanchor">&nbsp;[472]</a>. L'ancienneté non contestée
-de sa noblesse et l'illustration qu'elle avait reçue
-de son grand-père lui valurent d'être tenue sur les
-<span class="pagenum"><a id="Page_217"> 217</a></span>
-fonts de baptême par la femme du gouverneur de la
-ville où elle naquit et par le gouverneur de la province.
-Sa mère, femme instruite, de courage et de vertu, devenue
-veuve et réduite à la misère, fut obligée de gagner
-sa subsistance par le travail de ses doigts, et commença
-pour sa fille cette éducation qui devait développer splendidement
-tous les germes d'une heureuse nature. Aussitôt
-qu'elle put tenir une aiguille, Françoise d'Aubigné
-apprit à travailler, et acquit, pour tous les ouvrages de
-femme, une adresse de fée et une application infatigable.
-Enfant, elle charmait les yeux maternels par sa
-prévoyante et courageuse activité à remplir les tâches les
-plus difficiles, comme les plus humbles, d'un ménage
-pauvre. Par la suite, lorsqu'elle eut équipage et gens à
-ses ordres, pour qu'un secret important fût bien gardé,
-elle arrangea de ses propres mains, comme aurait pu le
-faire un tapissier exercé, la chambre où elle élevait la
-royale postérité qui lui était confiée. Elle devint, très-jeune,
-savante dans les détails les plus minutieux de
-l'économie domestique, et put parfaitement, lorsqu'elle
-fut grande dame, former des servantes et bien choisir
-les intendants et les serviteurs de la grande maison de
-Saint-Cyr. Dès qu'elle sut lire, elle apprit dans les Vies
-de Plutarque dans les écrits de Théodore-Agrippa
-d'Aubigné, son grand-père, le rang qu'elle aurait pu
-tenir dans le monde sans les honteux désordres de son
-père, et elle pressentit ce qu'elle pourrait devenir un
-jour. De là cette soif orgueilleuse de considération et de
-bonne renommée, qui fut le mobile de toute sa vie<a id="FNanchor_473" href="#Footnote_473" class="fnanchor">&nbsp;[473]</a> et
-<span class="pagenum"><a id="Page_218"> 218</a></span>
-la principale cause de son élévation. Ce sentiment, auquel
-se joignit ensuite le désir ardent du salut, ne l'abandonna
-jamais. Ces deux penchants se fortifièrent en elle
-avec l'âge et devinrent ses uniques passions; passions
-inconciliables, et qui ne tendaient pas au même but:
-elle le savait, et ses résolutions furent livrées à deux
-impulsions contraires. Jamais elle ne put assurer le
-triomphe complet de celle qui l'élevait vers le ciel sur
-celle qui l'entraînait vers l'abîme. L'humilité de ses
-aveux, si souvent répétés, de ne pouvoir parvenir «à l'<i>écrasement
-de l'amour-propre</i>» constate l'impuissance
-de ses efforts. C'est que la religion, qui lui commandait
-ce sacrifice, était elle-même la cause qui l'empêchait de
-l'accomplir<a id="FNanchor_474" href="#Footnote_474" class="fnanchor">&nbsp;[474]</a>. En lui assignant une place éminente dans
-l'estime de ceux qui alors formaient l'opinion du monde,
-la religion entretenait en elle une ambition de s'élever
-sans cesse, et madame de Maintenon ne pouvait se repentir
-des succès dus aux vertus qu'elle pratiquait avec amour.
-Lorsqu'elle fut assise près du trône, quand elle fut devenue
-la compagne du grand monarque, Fénelon, dans un
-avis sur ses défauts, qu'elle avait transcrit de sa main, lui
-reprochait «d'être trop sensible au plaisir de soutenir sa
-prospérité avec modération et à celui de paraître par le
-c&oelig;ur au-dessus de la place qu'elle occupait<a id="FNanchor_475" href="#Footnote_475" class="fnanchor">&nbsp;[475]</a>.» Mais n'est-ce
-pas rendre le christianisme impossible que d'exiger
-ce genre de perfection de l'humanité? Doit-on expulser
-du monde la vertu, en lui refusant d'être sensible à
-<span class="pagenum"><a id="Page_219"> 219</a></span>
-la seule récompense que le monde peut lui accorder?</p>
-
-<p>Tout concourut dans Françoise d'Aubigné à soumettre
-sa raison aux vérités de la religion et à imprégner
-son âme de la foi de ses promesses. Les misères de son
-enfance, l'adversité si longtemps combattue reportaient
-sans cesse ses pensées et ses espérances de bonheur vers
-le ciel. Elle avait une mère catholique; mais une tante
-riche la prit avec elle, et profita de son esprit précoce
-pour lui donner une forte instruction religieuse. Née dans
-la religion protestante, cette tante (madame de Villette)
-voulut lui donner une éducation protestante, et elle s'attacha
-surtout à lui faire connaître les vérités fondamentales
-du christianisme; elle grava dans sa jeune âme, elle
-insinua dans son esprit naturellement réfléchi tout ce qui
-pouvait raffermir la croyance de la révélation contre les
-attaques des incrédules. Mais le zèle du catholicisme de
-sa mère et d'une parente dure et avare l'arracha à la tendresse
-et aux soins de cette tante, qu'elle chérissait: on la
-mit au couvent pour la forcer à abjurer la religion qu'on
-lui avait enseignée.</p>
-
-<p>Dans les premières années du dix-septième siècle,
-deux femmes instruites<a id="FNanchor_476" href="#Footnote_476" class="fnanchor">&nbsp;[476]</a> et pieuses, dont les noms mériteraient
-d'être plus connus, avaient, dans l'intention de
-s'opposer aux invasions du protestantisme, fondé à Paris,
-dans la rue Saint-Jacques, une maison d'instruction qui
-devint bientôt célèbre par l'excellence de l'éducation que
-les jeunes filles pauvres y recevaient. Des religieuses ursulines
-<span class="pagenum"><a id="Page_220"> 220</a></span>
-séculières et ensuite des ursulines cloîtrées dirigèrent
-cette maison, qui fut la pépinière et le modèle
-des nombreux couvents du même ordre répandus dans
-toute la France. Les ursulines de Niort, où Françoise
-d'Aubigné fut mise, émanaient de celles de Paris; mais
-elles n'étaient ni aussi éclairées ni aussi habiles. Françoise
-d'Aubigné s'attacha la maîtresse des pensionnaires;
-et, quoique âgée seulement de onze ans, elle la suppléait
-dans ses fonctions, faisait lire, écrire, travailler ses compagnes
-et avait soin de les tenir propres. Cette instruction
-et ces soins ennuyaient sa maîtresse, qui aimait à se
-livrer à des occupations moins fastidieuses<a id="FNanchor_477" href="#Footnote_477" class="fnanchor">&nbsp;[477]</a>. La vanité de
-la jeune d'Aubigné fut singulièrement enflée par la confiance
-qui lui était accordée; et quand les religieuses
-voulurent lui faire abjurer les dogmes de sa croyance,
-elle résista. Alors on voulut l'intimider; on lui fit un
-crime de ses raisonnements et de ses pratiques protestantes,
-ou la soumit aux plus serviles fonctions, et, ne
-pouvant vaincre sa résistance, on la rendit à sa mère,
-qui était dans l'impossibilité de payer pour elle une pension.
-Un sentiment profond de sympathie pour ses condisciples
-pauvres comme elle, et l'orgueil blessé d'avoir
-été méconnue, laissa dans l'âme de la jeune d'Aubigné
-une empreinte ineffaçable. Sa mère la plaça à Paris
-dans la maison principale des ursulines de la rue Saint-Jacques.
-Ce fut là que Françoise d'Aubigné trouva des
-supérieures qui surent apprécier toutes les ressources que
-présentait, pour une facile conversion, la précoce intelligence
-de cette jeune fille. Sans se scandaliser, comme
-les religieuses de Niort, de ses manières d'adorer Dieu,
-<span class="pagenum"><a id="Page_221"> 221</a></span>
-sans gêner sa liberté, les ursulines de Paris firent comprendre
-à leur jeune élève, par le bel ordre qui régnait
-dans leur maison, celui qui était nécessaire au maintien
-de la bonne harmonie de la société chrétienne. On lui
-enseigna comment Jésus-Christ avait lui-même institué
-l'ordre de son Église en donnant à ses apôtres la mission
-de répandre et d'interpréter sa doctrine et d'instituer
-leurs successeurs; que par conséquent le premier devoir
-de tout croyant qui voulait être un parfait chrétien était
-de se soumettre, en matière de foi et d'actes religieux,
-à ses supérieurs ecclésiastiques, à ceux auxquels avait
-été déléguée, par transmission successive, la puissance
-apostolique. Françoise d'Aubigné, convaincue, abjura,
-et fit avec toute la ferveur d'une néophyte sa première
-communion. Elle fut reconnaissante envers celles qui
-lui avaient enseigné cette belle et féconde doctrine de
-l'Église catholique. En elle était déjà le germe de la
-femme qui traça, d'après le modèle de cette maison des
-Ursulines, les <i>Constitutions</i> de Saint-Cyr<a id="FNanchor_478" href="#Footnote_478" class="fnanchor">&nbsp;[478]</a>; qui écrivit
-l'<i>Avis à madame la duchesse de Bourgogne</i>, tant
-admiré de Louis XIV<a id="FNanchor_479" href="#Footnote_479" class="fnanchor">&nbsp;[479]</a>, les admirables lettres à l'<i>abbesse
-de Gomer-Fontaine et aux dames de Saint-Louis</i><a id="FNanchor_480" href="#Footnote_480" class="fnanchor">&nbsp;[480]</a>, l'<i>Esprit
-<span class="pagenum"><a id="Page_222"> 222</a></span>
-de l'institut des Filles de Saint-Louis</i><a id="FNanchor_481" href="#Footnote_481" class="fnanchor">&nbsp;[481]</a>, les <i>Conversations</i>,
-les <i>Proverbes</i> composés pour ses élèves chéries<a id="FNanchor_482" href="#Footnote_482" class="fnanchor">&nbsp;[482]</a>.</p>
-
-<p>C'est en recueillant les bienfaits d'une instruction supérieure
-à celle qu'elle avait reçue et en mangeant le
-pain de la charité que, jeune fille pauvre, Françoise
-d'Aubigné éprouva par la suite le besoin de partager son
-nécessaire avec de jeunes filles pauvres, de leur procurer
-le bonheur par l'instruction morale et religieuse. Ainsi
-la grande dame qui fonda et dirigea à Saint-Cyr un si
-haut et si complet enseignement se plaisait encore, lors
-des voyages de Fontainebleau, à faire le catéchisme aux
-<i>pauvresses</i> dans l'église d'Avon. Ce goût pour les fonctions
-d'institutrice de la jeunesse, Françoise d'Aubigné
-le conserva toute sa vie. Agée de plus de soixante ans,
-elle écrivait à l'évêque d'Autun avec le style de Montaigne:
-«Quand vous auriez envie de me plaire, vous
-ne me parleriez pas mieux sur mes inclinations, qui sont
-toutes portées à l'instruction et au potage<a id="FNanchor_483" href="#Footnote_483" class="fnanchor">&nbsp;[483]</a>.»</p>
-
-<p>Les religieuses de la rue Saint-Jacques, en élevant
-avec tant de soin la jeune orpheline, espéraient faire pour
-leur ordre une acquisition précieuse. Sa pauvreté ne lui
-laissait (elles le croyaient) d'autre ressource que le cloître.
-<span class="pagenum"><a id="Page_223"> 223</a></span>
-Son avare parente, qui ne voulait pas l'avoir à sa charge,
-lui déclara qu'elle ne devait pas hésiter à prendre ce
-parti. Mais l'influence qu'elle avait acquise sur ses compagnes,
-qui toutes la prenaient pour amie et pour conseil,
-lui avait donné le sentiment de sa supériorité. Elle
-aurait bien consenti à rester dans un couvent, pourvu
-qu'elle en fût l'abbesse. Active d'esprit et de corps, persévérante
-et réfléchie, d'un caractère énergique, plus la
-fortune faisait peser sur elle sa main de plomb, plus elle
-se refusait à ployer sous le joug de la dure nécessité,
-plus elle répugnait à aliéner son indépendance. Si l'éducation
-et le malheur lui avaient donné de l'aptitude pour
-se renfermer dans les asiles de la prière, elles l'avaient
-encore mieux préparée aux agitations et aux intrigues
-du monde. C'est dans le château de Mursay qu'élevée
-avec sa cousine de Villette elle avait commencé son
-instruction profane. A Niort, et peut-être aussi à Paris,
-un gentilhomme de sa province, vaniteux, mais spirituel,
-écrivain disert et châtié<a id="FNanchor_484" href="#Footnote_484" class="fnanchor">&nbsp;[484]</a>, ami des plus célèbres précieuses<a id="FNanchor_485" href="#Footnote_485" class="fnanchor">&nbsp;[485]</a>,
-des littérateurs et des savants, savant lui-même<a id="FNanchor_486" href="#Footnote_486" class="fnanchor">&nbsp;[486]</a>,
-se plut de bonne heure à lui donner des leçons;
-et lorsqu'elle fut sortie de l'adolescence, il les lui continua
-avec ce zèle intéressé que donne l'amour dont ne peut
-se défendre un homme qui, dans la force de l'âge, reçoit
-<span class="pagenum"><a id="Page_224"> 224</a></span>
-fréquemment des témoignages de reconnaissance d'une innocente
-et gracieuse beauté à laquelle il prodigue ses soins.</p>
-
-<p>Pendant que Françoise d'Aubigné était aux Ursulines
-de la rue Saint-Jacques, sa tante Neuillant, glorieuse d'avoir
-contribué à la conversion de sa nièce, avait obtenu
-la permission de la mener avec elle dans la société, et
-elle la conduisait fréquemment chez Scarron. On sait le
-reste<a id="FNanchor_487" href="#Footnote_487" class="fnanchor">&nbsp;[487]</a>. Le plus hideux, le plus célèbre, le plus populaire
-des auteurs de ce temps fut charmé de son esprit en lisant
-une de ses lettres, ravi de sa figure en la voyant; et
-Françoise d'Aubigné, pour échapper au cloître, épousa
-ce poëte, ce philosophe cynique, mais pourtant vraiment
-philosophe, et même philosophe stoïcien, par cet indomptable
-courage avec lequel il luttait gaiement contre les
-souffrances et la mort. Il se faisait de sa plume un moyen
-d'existence, écrivant, selon l'occasion et le besoin, facilement,
-agréablement, des pièces de théâtre, des contes,
-des romans, des épîtres, des satires, des stances, des
-rondeaux, des lettres en vers et en prose, de grands
-poëmes en style burlesque; style qu'il mit à la mode,
-style détestable, mais original, que lui seul a su bien
-manier, en se jouant toujours heureusement de sa muse,
-des lecteurs et de lui-même; encore plus empressé de
-plaire au public en général qu'aux grands et aux délicats
-de la haute société, qu'il amusait néanmoins par son enjouement
-et les jeux de son esprit<a id="FNanchor_488" href="#Footnote_488" class="fnanchor">&nbsp;[488]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_225"> 225</a></span>
-Dans tout le cours d'une vie qui pour Françoise d'Aubigné
-se prolongea jusqu'à l'âge de quatre-vingt-quatre
-ans, la période la plus heureuse fut celle des neuf années
-que cette gracieuse beauté passa dans son union avec
-Scarron, qui, en l'épousant, fut obligé de renoncer à un
-canonicat, portion notable de son modique revenu; mais
-elle jeta un rayon doré sur les dernières et douloureuses
-années de cet infirme et généreux vieillard. Il l'avait adoptée
-moins comme son épouse que comme sa secourable
-fille. C'est dans ces neuf années que se développèrent les
-éminentes qualités qu'on admire en elle. Madame de Maintenon
-se retrouve tout entière dans madame Scarron;
-c'est la même femme qui se continue bienfaisante et chérie
-jusqu'au dernier souffle de sa longue existence. Elle
-savait être à la fois à Dieu et au monde. Toutes les personnes
-que Scarron aimait ou qui avaient de l'affection
-pour lui, tous ceux qui se plaisaient dans sa société et s'étaient
-déclarés ses amis ou ses protecteurs restèrent en
-tout temps les amis de Françoise d'Aubigné. Ceux qu'elle
-fréquenta dans sa jeunesse furent ceux qu'elle protégea
-dans son âge mûr<a id="FNanchor_489" href="#Footnote_489" class="fnanchor">&nbsp;[489]</a>. Elle avait bien raison de se comparer
-à la cane qui regrette sa bourbe quand lui revenait
-en souvenance l'appartement qu'elle occupait chez
-Scarron. Cette salutaire contrainte qu'elle recommande
-tant aux élèves de Saint-Cyr<a id="FNanchor_490" href="#Footnote_490" class="fnanchor">&nbsp;[490]</a> ne l'empêchait pas de s'abandonner
-à la gaieté de son âge et aux joyeux entretiens
-<span class="pagenum"><a id="Page_226"> 226</a></span>
-de l'aimable et spirituelle société qu'elle recevait
-chez elle. Elle jouissait alors de l'amitié de tous, sans
-rien perdre de l'estime, de la considération et du respect
-qui lui étaient dus. Quand elle quittait son modeste
-logis et qu'elle cédait aux invitations, elle se retrouvait
-à l'aise dans le salon de Ninon, dans les jardins de Vaux,
-«où l'on pense, disait-elle, avec tant de raison, où l'on
-badine avec tant de grâce<a id="FNanchor_491" href="#Footnote_491" class="fnanchor">&nbsp;[491]</a>.» Elle se dédommageait ainsi
-de l'ennui qu'elle s'imposait pour plaire à ses puissantes
-protectrices dans les hôtels d'Albret et de Richelieu.</p>
-
-<p>Lorsque Scarron mourut, Françoise d'Aubigné se
-trouva de nouveau dénuée de toute fortune; mais la reine
-mère lui continua la pension qu'elle faisait à son mari, et
-même l'augmenta d'un quart. Elle donna ce quart aux
-pauvres<a id="FNanchor_492" href="#Footnote_492" class="fnanchor">&nbsp;[492]</a>. Elle n'avait plus d'époux à soutenir, plus
-d'autres besoins que les siens. A toutes les époques de
-sa vie, l'économie fit sa richesse. Elle s'isola des grandes
-dames ses protectrices. En ayant auprès d'elles la même
-assiduité qu'avant son veuvage, elle se serait exposée
-à refuser leurs largesses; nulle ne sut mieux qu'elle
-conserver avec dignité son indépendance en vivant
-de peu. Elle se retira chez les ursulines de la rue Saint-Jacques,
-et ensuite elle alla demeurer chez les religieuses
-de la Charité-Notre-Dame. Ce couvent, fondé
-par Anne d'Autriche<a id="FNanchor_493" href="#Footnote_493" class="fnanchor">&nbsp;[493]</a> pour soigner les pauvres femmes
-<span class="pagenum"><a id="Page_227"> 227</a></span>
-malades, était près de la Place-Royale et de la rue des Tournelles,
-où elle avait demeuré<a id="FNanchor_494" href="#Footnote_494" class="fnanchor">&nbsp;[494]</a>. Elle se trouvait ainsi dans
-le voisinage de ses plus intimes connaissances. Dans cet
-asile, âgée alors de vingt-cinq ans et dans tout l'éclat de
-sa beauté, elle parut oublier le monde; le monde vint la
-chercher<a id="FNanchor_495" href="#Footnote_495" class="fnanchor">&nbsp;[495]</a>. Lorsqu'elle était la femme de Scarron, elle
-payait par d'utiles services les bienfaits qu'elle recevait;
-elle avait su, en se rendant agréable à tous, devenir nécessaire
-à plusieurs. Quand les libéralités ne purent plus
-profiter qu'à elle seule, elle les refusa, alléguant que
-son modique revenu lui suffisait avec luxe<a id="FNanchor_496" href="#Footnote_496" class="fnanchor">&nbsp;[496]</a>, et elle parut
-vouloir se consacrer uniquement à la piété et aux &oelig;uvres
-de charité. Cela ne pouvait convenir aux sociétés
-qui perdaient de leur agrément par son absence. On
-voulut la reprendre et l'arracher à sa retraite. On s'ingéra
-pour lui donner un rang et une existence. A l'instigation
-de ses protectrices et de ses amies, un vieux duc
-se proposa pour l'épouser<a id="FNanchor_497" href="#Footnote_497" class="fnanchor">&nbsp;[497]</a>. Il était riche, mais débauché,
-sans esprit: elle le refusa. On se choqua; on ne put comprendre
-que la femme qui s'était déterminée à épouser
-Scarron pût dédaigner un tel parti; il fut décidé qu'elle
-était orgueilleuse et ingrate, et le monde se retira d'elle.
-Mais Ninon l'approuva. Ninon avait été la meilleure
-amie de Scarron<a id="FNanchor_498" href="#Footnote_498" class="fnanchor">&nbsp;[498]</a>, qui demeurait dans son voisinage
-<span class="pagenum"><a id="Page_228"> 228</a></span>
-et se faisait souvent transporter chez elle pour y dîner<a id="FNanchor_499" href="#Footnote_499" class="fnanchor">&nbsp;[499]</a>.
-La marquise de Villarceaux, qui s'était montrée «toute
-bonne, toute généreuse» pour le pauvre Scarron, sut
-gré à sa veuve d'avoir refusé le vieux duc, et la vit plus
-souvent<a id="FNanchor_500" href="#Footnote_500" class="fnanchor">&nbsp;[500]</a>. Le marquis de Villarceaux, l'admirateur,
-l'ami et le bienfaiteur de Scarron, était l'amant de
-Ninon, et fut le seul qu'elle ait aimé de c&oelig;ur. La veuve
-de Scarron ne demandait rien à personne, mais elle
-était jalouse de la considération qu'on lui avait toujours
-et partout témoignée; et elle ne se vit pas sans
-peine désapprouvée et délaissée de tous ceux qui avaient
-été ses protecteurs et ses amis. Les témoignages d'affection
-qu'elle reçut alors de Ninon et de madame de
-Villarceaux la touchèrent vivement. Elle répondit par
-un redoublement d'attentions et de complaisances. Elle
-accepta les invitations de Ninon comme celles de madame
-de Villarceaux. Ninon et madame Scarron partagèrent
-occasionnellement le même lit<a id="FNanchor_501" href="#Footnote_501" class="fnanchor">&nbsp;[501]</a>. Comme les
-Soyecourt, les Vardes, les Bussy, les du Lude, les Villeroi,
-le mari de madame de Villarceaux passait pour un
-<span class="pagenum"><a id="Page_229"> 229</a></span>
-des hommes de la cour qui réussissait le plus facilement
-à se faire aimer des dames; il désira vivement pouvoir
-mettre dans la galerie de celles dont il avait triomphé
-la belle Françoise d'Aubigné. Chez sa femme,
-chez Ninon, chez Scarron, Villarceaux eut tout le loisir
-de mettre à profit ses moyens de séduction, et Françoise
-d'Aubigné, dans une intimité journalière, devint constamment
-l'objet des soins empressés, des discours flatteurs
-et passionnés de l'amant de Ninon<a id="FNanchor_502" href="#Footnote_502" class="fnanchor">&nbsp;[502]</a>. Ainsi que
-Ninon, et selon les m&oelig;urs et les habitudes de ce temps,
-Françoise d'Aubigné acceptait comme amis ceux qui se
-déclaraient ses amants. Parmi eux Villarceaux était un des
-plus aimables, un de ceux qui lui plaisaient le plus. Personne
-alors, même parmi ceux qui s'adonnaient le plus
-à répandre de scandaleuses médisances, ne fut tenté d'entacher
-l'honneur de la femme de Scarron. La réputation
-de sa vertu, la constante amitié de Ninon et de madame
-de Villarceaux<a id="FNanchor_503" href="#Footnote_503" class="fnanchor">&nbsp;[503]</a> eussent ôté toute vraisemblance à de
-telles imputations. Ce ne fut qu'après que l'étonnante
-élévation de Françoise d'Aubigné l'eut exposée aux traits
-acérés de l'envie et de la haine<a id="FNanchor_504" href="#Footnote_504" class="fnanchor">&nbsp;[504]</a> que la calomnie put jeter
-des doutes injurieux sur cette femme<a id="FNanchor_505" href="#Footnote_505" class="fnanchor">&nbsp;[505]</a> si aimée et si
-<span class="pagenum"><a id="Page_230"> 230</a></span>
-respectée de tous durant tout le temps de son humble
-fortune.</p>
-
-<p>Singulier mélange de contrastes et de ressemblances
-que les destinées de Françoise d'Aubigné et de Ninon de
-Lenclos! Toutes deux parvinrent à un grand âge, toutes
-deux restèrent longtemps unies, et durent cesser de se
-voir sans cesser de ressentir l'amitié qui les avait rapprochées.
-Leurs attraits, leur art de plaire, leur rare esprit
-de conduite, la sûreté de leur commerce, firent le charme
-des sociétés de leur temps. Toutes deux devinrent célèbres
-et se concilièrent, à des degrés divers et par des
-moyens différents, la considération du monde. L'une ne
-s'est jamais départie de la philosophie épicurienne, qui
-permettait tout aux passions; l'autre fut constamment
-fidèle à la religion, qui ne leur permettait rien. L'une fut
-le modèle de son sexe; malheur à toute femme qui, séduite
-par le succès de l'autre, oserait la prendre pour
-modèle<a id="FNanchor_506" href="#Footnote_506" class="fnanchor">&nbsp;[506]</a>!</p>
-
-<p>La mort de la reine mère, au mois de janvier 1666,
-enleva à madame Scarron la pension qu'elle recevait, et
-la misère retomba sur elle de tout son poids. Elle se vit
-forcée d'avoir recours à ses anciennes protectrices. Toutes
-s'employèrent pour obtenir le rétablissement de sa
-pension. Louis XIV fut fatigué des sollicitations des femmes
-de sa cour en faveur de la veuve de Scarron. Colbert
-était là, et le jeune roi ferme encore dans la résolution que
-le ministre lui avait inspirée de ne pas charger le trésor de
-dépenses inutiles et improfitables. Le nom de l'auteur de la
-<i>Mazarinade</i><a id="FNanchor_507" href="#Footnote_507" class="fnanchor">&nbsp;[507]</a> faisait d'ailleurs sur le monarque une désagréable
-<span class="pagenum"><a id="Page_231"> 231</a></span>
-impression: il refusa. Le grand personnage qui
-avait voulu épouser Françoise d'Aubigné crut l'occasion
-favorable pour s'offrir de nouveau<a id="FNanchor_508" href="#Footnote_508" class="fnanchor">&nbsp;[508]</a>, et elle se trouva encore,
-comme avant son mariage avec Scarron, forcée de
-choisir entre le couvent ou un époux. Elle rejeta l'un et
-l'autre. Pour ne recevoir de dons de personne, elle se
-détermina à prendre un parti violent qui lui coûtait beaucoup,
-puisqu'il lui enlevait son indépendance, rompait
-toutes ses habitudes et des liens d'amitié qui lui étaient
-chers: elle résolut de s'exiler. La princesse de Nemours
-allait épouser Alphonse VI, roi de Portugal: Françoise
-d'Aubigné consentit à la suivre à Lisbonne, en se plaçant
-sous les ordres de sa <i>donna cameira</i><a id="FNanchor_509" href="#Footnote_509" class="fnanchor">&nbsp;[509]</a> ou dame d'honneur.
-La nouvelle de ce départ émut ses nombreux amis
-«de la Place-Royale et de Saint-Germain,» c'est-à-dire
-de la ville et de la cour.</p>
-
-<p>Madame de Montespan, que sa s&oelig;ur madame de
-Thianges, le maréchal d'Albret et Villeroi avaient informée
-de ce départ, s'y opposa. Elle obtint pour madame
-Scarron le rétablissement de sa pension et un
-gracieux accueil du roi<a id="FNanchor_510" href="#Footnote_510" class="fnanchor">&nbsp;[510]</a>, qui doublait le prix de cette
-faveur. La reconnaissance de Françoise d'Aubigné pour
-madame de Montespan fut proportionnée au service
-qu'elle lui avait rendu. Madame Scarron n'avait pas sans
-terreur prévu les privations qu'elle s'imposait en quittant
-<span class="pagenum"><a id="Page_232"> 232</a></span>
-la France, en s'éloignant de tout ce qui lui faisait aimer
-la vie. Quoique sa piété se fût accrue par la douleur d'avoir
-perdu sa protectrice et avec elle ses moyens d'existence,
-elle ne pouvait, même avec le secours du sévère
-confesseur<a id="FNanchor_511" href="#Footnote_511" class="fnanchor">&nbsp;[511]</a> qu'elle s'était choisi, dompter cette coquetterie
-naturelle aux femmes que leur beauté ou les charmes
-de leur esprit ont habituées aux douceurs d'une société
-aimable et polie, dont elles accroissent la joie par
-leur seule présence. Françoise d'Aubigné pratiquait très-bien,
-par des moyens dont la pureté d'intention lui déguisait
-le danger, cet art que l'exemple de Ninon, plus
-âgée et plus avancée qu'elle dans la science du monde,
-lui avait enseigné, de désintéresser ceux qu'elle désirait
-s'attacher, en les forçant de préférer à l'enivrement produit
-par ses grâces et ses attraits la douce séduction de
-l'estime et de la confiance que leur inspiraient son esprit,
-son abandon aimable et sa solide raison.</p>
-
-<p>Madame de Montespan avait travaillé pour elle-même
-en obligeant madame Scarron; celle-ci lui plut par ses
-entretiens enjoués, par sa discrétion, son tact délicat
-des convenances, son aversion pour les grandes affaires
-de la politique, son éloignement pour les intrigues
-de cour, qui étaient pour madame de Montespan une
-occupation principale<a id="FNanchor_512" href="#Footnote_512" class="fnanchor">&nbsp;[512]</a>. Ce qui surtout, dans Françoise
-d'Aubigné, charmait madame de Montespan, c'était
-<span class="pagenum"><a id="Page_233"> 233</a></span>
-cette morale toute chrétienne, stricte, mais non austère,
-qu'elle se plaisait à considérer comme un refuge assuré
-dans un avenir lointain. Françoise d'Aubigné avait moins
-de brillant, moins de soudaineté et d'originalité dans
-l'esprit que Montespan, mais plus de justesse, de discernement
-et de finesse. Dégagée qu'elle était du joug des
-passions, elle avait dans les idées et dans les sentiments
-une netteté, une sûreté de jugement, une constance et
-une rectitude d'action que ne possédait pas madame de
-Montespan, sans cesse en proie aux agitations et aux
-inquiétudes de l'amour, de la jalousie, de l'ambition.
-Montespan d'ailleurs était moins instruite que Françoise
-d'Aubigné, qui écrivait avec cette facilité et cette grâce
-particulières à plusieurs femmes de ce temps et avec
-l'exactitude grammaticale d'un académicien. Par ce talent,
-par ses connaissances pratiques de la science domestique,
-par ses qualités essentielles comme par celles
-qui sont frivoles, madame Scarron se rendit indispensable
-à madame de Montespan, qui ne s'en séparait
-qu'avec peine. Tant que dura l'éducation du duc du
-Maine et avant qu'à l'âge de dix ans il fût remis entre
-les mains des hommes, madame Scarron demeura à la
-cour, dans les appartements de madame de Montespan<a id="FNanchor_513" href="#Footnote_513" class="fnanchor">&nbsp;[513]</a>,
-et fut initiée à tous les secrets de sa vie intérieure, à
-toutes les particularités de sa liaison avec le roi, et souvent
-consultée avec fruit. Elle sut profiter de la confiance
-qu'elle avait obtenue pour favoriser l'élévation
-des grands personnages qui l'avaient aidée au temps
-de sa détresse. Les d'Albret, les Richelieu, les Montchevreuil
-<span class="pagenum"><a id="Page_234"> 234</a></span>
-et autres<a id="FNanchor_514" href="#Footnote_514" class="fnanchor">&nbsp;[514]</a> usèrent avantageusement de la facilité
-qu'elle avait de se faire écouter. On peut même affirmer
-que jamais son influence sur Louis XIV ne fut plus
-grande que lorsqu'elle s'exerçait par le crédit d'une autre.
-On ne l'ignorait pas; et jamais on ne fut plus empressé
-auprès d'elle, jamais elle ne se fit plus d'amis et ne rendit
-plus de services que lorsqu'elle ne pouvait rien par elle-même
-et ne voulait rien pour elle-même. Le roi, qu'importunait
-sa présence lorsqu'il aurait désiré être seul avec
-sa maîtresse, ne s'habitua que difficilement, et non sans
-une sorte de jalousie, à voir madame de Montespan
-prendre tant de plaisir dans le commerce intime d'une
-femme si bien connue pour la sévérité de ses principes<a id="FNanchor_515" href="#Footnote_515" class="fnanchor">&nbsp;[515]</a>.
-Les premiers dons de Louis XIV à Françoise d'Aubigné,
-après le rétablissement de sa pension, ne furent dus qu'à
-l'importunité de Montespan; ce fut elle qui insista fortement,
-et sans y être excitée par personne, pour que son
-amie, sa protégée reçût, par l'achat et la possession d'une
-terre, un titre et un nom plus convenable que celui de
-veuve Scarron<a id="FNanchor_516" href="#Footnote_516" class="fnanchor">&nbsp;[516]</a>.</p>
-
-<p>Mais alors tout était changé pour Françoise d'Aubigné;
-elle s'était chargée d'élever les enfants du roi et
-de Montespan. Sa destinée fut fixée<a id="FNanchor_517" href="#Footnote_517" class="fnanchor">&nbsp;[517]</a> selon ses désirs,
-selon ses goûts, selon sa vocation. Elle était par là appelée
-à faire le meilleur emploi de ses éminentes facultés,
-à donner tous les soins d'une tendre mère aux enfants
-<span class="pagenum"><a id="Page_235"> 235</a></span>
-de son roi<a id="FNanchor_518" href="#Footnote_518" class="fnanchor">&nbsp;[518]</a>, à leur inculquer les vérités de la foi,
-à diriger leurs premiers penchants, à guider leurs premiers
-pas dans ce monde splendide et corrompu où ils
-devaient apparaître, à recueillir enfin pour récompense,
-pour prix des soins qu'elle leur donnait l'affection et
-le respect de leur âge mûr. Elle se promettait, par leur
-moyen, d'obtenir un salutaire ascendant sur l'esprit de
-leur mère, de cette belle Mortemart, qu'elle avait connue
-autrefois si jeune, si vertueuse, si fortement imbue des
-principes de religion qu'elle conservait encore. Françoise
-d'Aubigné espérait payer ainsi les bienfaits qu'elle pourrait
-recevoir de Louis XIV par des bienfaits plus grands,
-et devenir un des humbles instruments que Dieu avait
-choisis pour ramener dans la voie du salut le plus grand
-des souverains.</p>
-
-<p>Tels étaient les projets de la veuve Scarron; on sait le
-courage et l'habileté qu'elle mit à les exécuter. Les commencements
-répondirent à ses ambitieuses espérances:
-l'éducation du jeune duc du Maine fut, de la part du
-roi, récompensée par des dons qui mirent pour toujours
-Françoise d'Aubigné à l'abri du besoin dont elle avait si
-longtemps souffert. Elle put acheter (le 27 décembre
-1674) la terre de Maintenon<a id="FNanchor_519" href="#Footnote_519" class="fnanchor">&nbsp;[519]</a>, qui était un marquisat;
-le roi lui donna lui-même le titre de marquise de Maintenon.
-Sous l'éclat de ce dernier nom disparut alors celui
-de Scarron: il ne servit plus qu'à marquer dans l'histoire
-la distance prodigieuse qu'a franchie Françoise
-<span class="pagenum"><a id="Page_236"> 236</a></span>
-d'Aubigné pour parvenir à la miraculeuse élévation où
-elle s'est trouvée portée.</p>
-
-<p>Elle avait réussi du côté du roi dans le plan qu'elle
-s'était tracé; mais c'est à l'époque même de ses premiers
-succès qu'elle fut sur le point d'échouer et qu'elle parut
-résolue à quitter la cour, à se renfermer dans son
-château ou dans une maison religieuse, à faire une
-retraite qui ne lui fit rien perdre des éloges et de la
-considération du monde, dont elle était de plus en plus
-jalouse<a id="FNanchor_520" href="#Footnote_520" class="fnanchor">&nbsp;[520]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Montespan, comme toutes les femmes que
-leurs passions, leurs plaisirs ou leur ambition entraînent
-dans le mouvement rapide du monde, prenait peu de
-souci de ses enfants, et trouvait très-bon qu'ils préférassent
-à leur mère celle qui s'occupait d'eux sans cesse et
-qui les élevait avec un zèle éclairé. Françoise d'Aubigné,
-d'ailleurs, avait soin d'assujettir ses élèves aux démonstrations
-d'une tendresse respectueuse envers leurs augustes
-parents; mais l'accomplissement de ce devoir
-ressemblait peu à l'amoureuse soumission qu'ils témoignaient
-pour leur gouvernante. Elle se montra très-habile
-à inspirer à l'aîné de ces enfants les saillies charmantes
-d'un esprit enfantin; et on peut juger avec quelle mesure,
-quelle délicatesse elle savait se servir de l'intelligence
-précoce de cet enfant pour flatter sa mère quand on a
-lu les quelques pages intitulées: [<i>OE]uvres diverses d'un
-auteur de sept ans</i>, qu'elle fit imprimer à un petit nombre
-d'exemplaires, et dont elle composa l'épître dédicatoire
-adressée à madame de Montespan<a id="FNanchor_521" href="#Footnote_521" class="fnanchor">&nbsp;[521]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_237"> 237</a></span>
-L'accord de madame de Montespan et de Françoise
-d'Aubigné fut parfait tant que les enfants restèrent en
-bas âge et lorsqu'ils ne réclamaient que des soins matériels;
-mais il n'en fut pas de même lorsque le secret de
-leur naissance eut été dévoilé et quand le duc du Maine,
-ayant paru à la cour, eut attiré l'attention du roi; quand
-la gouvernante lui eut donné le Ragois, neveu de son
-confesseur, pour précepteur, et eut annoncé l'intention
-de diriger entièrement son éducation. Madame de Montespan
-voulut s'en mêler; elle éprouva de la résistance.
-Françoise d'Aubigné soutenait qu'elle ne devait compte
-qu'au roi de ses enfants, parce qu'elle n'avait consenti à
-se charger de leur éducation qu'à cette condition. Madame
-de Montespan, qui jusqu'ici avait traité en amie la
-gouvernante, voulut avec hauteur exercer son autorité.
-Françoise d'Aubigné faisait en quelque sorte partie du
-ménage du roi et de madame de Montespan. Le roi, qui
-avait l'habitude de les voir ensemble toujours unies, fut
-surpris et ennuyé de leurs fréquentes altercations<a id="FNanchor_522" href="#Footnote_522" class="fnanchor">&nbsp;[522]</a>; et
-quoiqu'il eût plus qu'aucun homme au monde un tact
-sûr pour discerner promptement tous les genres de mérite
-et qu'il eût conçu de celui de la gouvernante une
-idée supérieure encore aux éloges qu'on lui en avait faits,
-<span class="pagenum"><a id="Page_238"> 238</a></span>
-cependant, comme il était dans le paroxysme de son
-amour pour Montespan, il préféra donner à celle-ci la
-permission de la renvoyer. Mais il n'était pas facile à
-madame de Montespan d'user de cette faculté: désormais
-elle avait plus besoin de madame de Maintenon
-que madame de Maintenon n'avait besoin d'elle.</p>
-
-<p>Madame de Montespan comprenait très-bien qu'elle
-causerait un chagrin profond à ses enfants si elle les privait
-d'une gouvernante aussi tendrement aimée et qu'il
-eût été impossible de remplacer. Mais c'était surtout pour
-elle-même qu'elle désirait garder celle qu'elle avait été
-habituée à considérer comme son amie, celle qui l'aidait
-toujours à détruire dans l'esprit du roi le mauvais effet
-de ses caprices et de ses humeurs, à rompre la monotonie
-des tête-à-tête et à dissiper les ennuis et les tristesses
-de son intérieur.</p>
-
-<p>D'ailleurs, quoique le parti religieux fût contraire à
-madame de Montespan, il la ménageait précisément à
-cause de l'étroite liaison qui existait entre elle et madame
-de Maintenon; et celle-ci, par cette intimité même, avait
-acquis à la cour une importance au-dessus du rang
-qu'elle y occupait: en la disgraciant, madame de Montespan
-eût mécontenté le parti qu'elle désirait ménager
-dans l'intérêt de sa conscience et de celle du roi. Ainsi
-madame de Montespan renonça à l'idée de renvoyer la
-gouvernante; mais elle résolut de l'éloigner de la cour
-en lui procurant un établissement. Elle détermina le
-vieux duc de Villars-Brancas à demander sa main<a id="FNanchor_523" href="#Footnote_523" class="fnanchor">&nbsp;[523]</a>. Françoise
-d'Aubigné refusa ce parti. Madame de Montespan
-dissimula, et continua, en présence du roi, à traiter
-<span class="pagenum"><a id="Page_239"> 239</a></span>
-madame de Maintenon en amie; elle chercha à la réduire
-à plus d'obéissance et de soumission par le moyen du roi
-lui-même. Elle avait observé que, malgré son humilité
-chrétienne, Françoise d'Aubigné ambitionnait surtout
-l'approbation et l'estime du roi, et que les éloges qu'il
-lui donnait ou qu'il faisait de son élève le duc du
-Maine «chatouillaient de son c&oelig;ur l'orgueilleuse faiblesse.»</p>
-
-<p>Ce ne fut plus qu'en l'absence du roi que Montespan
-se permit envers elle ces hauteurs insultantes et ces exigences
-humiliantes qui la blessaient au c&oelig;ur; de sorte
-qu'il fut facile à la favorite, quand elle était mécontente
-de la gouvernante, de lui donner tous les torts dans l'esprit
-du monarque. C'est ainsi que, selon que Montespan
-était satisfaite ou mécontente, la gouvernante recevait
-de Louis XIV un accueil plus ou moins gracieux, plus
-ou moins froid, ou tout à fait glacial. Ainsi agitée par
-des alternatives de crainte et d'espérance, et dans l'incertitude
-de savoir si elle plaisait ou si elle déplaisait<a id="FNanchor_524" href="#Footnote_524" class="fnanchor">&nbsp;[524]</a>,
-Françoise d'Aubigné, dont la fierté se révoltait de voir
-ses services méconnus, résolut de saisir la première occasion
-pour avoir une explication franche et hardie avec
-Louis XIV<a id="FNanchor_525" href="#Footnote_525" class="fnanchor">&nbsp;[525]</a>, de demander à se retirer de la cour et à
-<span class="pagenum"><a id="Page_240"> 240</a></span>
-cesser de diriger l'éducation des princes si elle restait
-sous la dépendance de madame de Montespan, ou à continuer
-de faire sa charge si elle avait permission de n'obéir
-qu'au roi et de correspondre directement avec lui.
-Cette occasion se trouva, cette explication eut lieu<a id="FNanchor_526" href="#Footnote_526" class="fnanchor">&nbsp;[526]</a> à
-la grande satisfaction du roi: Françoise d'Aubigné,
-devenue madame de Maintenon, redoubla d'égards envers
-madame de Montespan, et leur amitié ne parut en rien
-altérée. La passion du roi pour cette dernière continuait
-toujours aussi vive, et la division qui existait entre elle
-et madame de Maintenon se déroba longtemps aux regards
-jaloux et envieux des courtisans.</p>
-
-<p>Ce secret ne commença à percer que lors du voyage
-de madame de Maintenon et du duc du Maine à Baréges.</p>
-
-<p>Le duc du Maine avait eu pendant sa dentition des
-convulsions qui lui avaient raccourci une jambe. Il fut
-décidé qu'on conduirait le jeune prince à Anvers pour
-consulter un médecin renommé de cette ville. Françoise
-d'Aubigné prit le nom de marquise de Surgères, et partit
-incognito avec son élève. Elle arriva à Anvers au
-milieu d'avril 1674. De là elle écrivit à madame de
-Montespan et au roi, et revint s'installer à Versailles<a id="FNanchor_527" href="#Footnote_527" class="fnanchor">&nbsp;[527]</a>.
-Le jeune prince revint d'Anvers plus boiteux qu'il n'était
-avant de partir, ce qui nécessita deux voyages à
-<span class="pagenum"><a id="Page_241"> 241</a></span>
-Baréges qui eurent le plus heureux succès. Dans ces
-deux voyages, madame de Maintenon rendait compte
-de la santé du prince au roi et à sa mère. C'est par
-cette correspondance que Louis XIV put apprécier tout
-l'esprit et le talent d'écrire de madame de Maintenon.
-Ce roi, si habile à discerner dans ceux qui l'approchaient
-tous les genres de mérite, reconnut que cette
-gouvernante était capable de développer dans celui de
-ses fils qu'il chérissait le plus, non-seulement les grâces
-de l'enfant, mais aussi les qualités de l'homme, et de
-le rendre par là digne du rang qu'il devait occuper.
-Louis XIV sut comprendre que la nécessité, cette mère
-des grands succès, et la religion, cette consolatrice de
-l'âme, ne formèrent jamais de femme plus judicieuse,
-plus instruite, plus énergique, plus involontairement
-gracieuse, plus naturellement vertueuse que celle qu'avait
-choisie Montespan pour élever les enfants qu'il avait
-eus d'elle.</p>
-
-<p>En l'année 1675, le mercredi des Cendres, ou l'ouverture
-du carême, était le 27 février, et Pâques le
-14 avril; c'est dans cet intervalle qu'a eu lieu le refus
-d'absolution dont nous avons raconté les circonstances.</p>
-
-<p>Madame de Maintenon était aux eaux de Baréges
-lorsqu'elle apprit ce qui se passait à la cour et dans le
-camp du roi, le projet de séparation des deux amants
-et leurs pieuses résolutions; il n'est pas douteux qu'elle
-dut alors en féliciter madame de Montespan et le roi
-<span class="pagenum"><a id="Page_242"> 242</a></span>
-lui-même, auquel elle rendait compte, dans des lettres
-qui quelquefois avaient huit ou dix pages, de tout ce qui
-concernait les voyages entrepris pour la santé du duc
-du Maine<a id="FNanchor_528" href="#Footnote_528" class="fnanchor">&nbsp;[528]</a>. Elle écrivit à plusieurs personnes, on n'en
-peut douter, sur ce sujet important pour elle-même et
-pour l'intérêt de ses élèves, qu'elle chérissait comme une
-mère<a id="FNanchor_529" href="#Footnote_529" class="fnanchor">&nbsp;[529]</a>; on la désabusa, et on lui apprit que Montespan
-cherchait de nouveau à passionner le roi. Ce fut alors
-que commença à percer un secret jusqu'ici caché soigneusement
-à toute la cour: ce secret était le désaccord
-de madame de Montespan et de madame de Maintenon
-et la révélation de la cause qui avait produit cette mésintelligence.
-Madame de Sévigné se hâta, aussitôt qu'elle
-le connut, d'en instruire sa fille.</p>
-
-<p>«Je veux vous faire voir un petit dessous de cartes
-qui vous surprendra: c'est que cette belle amitié de
-<i>Quantova</i> (madame de Montespan) et de son amie (madame
-de Maintenon) qui voyage est une véritable aversion
-depuis près de deux ans; c'est une aigreur, une antipathie;
-c'est du blanc, c'est du noir. Vous demandez
-d'où vient cela? C'est que l'amie est d'un orgueil qui la
-rend révoltée contre les ordres de <i>Quanto</i>; elle n'aime
-pas à obéir; elle veut bien être au père, mais non pas à
-la mère; elle fait le voyage à cause de lui, et point du
-tout pour l'amour d'elle; elle rend compte à l'un, et point
-à l'autre: on gronde l'ami (le roi) d'avoir trop d'amitié
-pour cette glorieuse; mais on ne croit pas que cela dure,
-à moins que l'aversion ne se change ou que le bon succès
-<span class="pagenum"><a id="Page_243"> 243</a></span>
-d'un voyage ne fît changer ces c&oelig;urs. Ce secret roule
-sous terre depuis plus de six mois; il se répand un peu,
-et je crois que vous en serez surprise. Les amis de l'amie
-en sont assez affligés<a id="FNanchor_530" href="#Footnote_530" class="fnanchor">&nbsp;[530]</a>.»</p>
-
-<p>Les amis de madame de Montespan, comme ceux de
-madame de Maintenon, étaient également intéressés à
-déguiser cette désunion et à la nier. Le crédit des uns et
-des autres s'affaiblissait par celui que madame de Maintenon
-cessait d'avoir auprès de madame de Montespan,
-et par l'atteinte que portait au pouvoir de celle-ci, sur
-l'esprit du roi, la désapprobation de madame de Maintenon,
-estimée de toute la cour.</p>
-
-<p>Quinze jours après cette lettre, madame de Sévigné
-apprend à sa fille que les amis de madame de Maintenon
-nient qu'il y ait aucune altercation sérieuse entre elle et
-Montespan; et ceci indique les progrès que faisait cette
-dernière pour enflammer de nouveau le roi lorsqu'il allait
-lui rendre visite.</p>
-
-<p>«Les amis de la <i>voyageuse</i>, voyant que le dessous des
-cartes se répand, affectent fort d'en rire et de tourner
-cela en ridicule, ou bien conviennent qu'il y a eu quelque
-chose, mais que tout est accommodé. Je ne réponds
-ni du présent ni de l'avenir dans un tel pays; mais du
-passé, je vous en assure... Pour la souveraineté, elle est
-établie comme depuis Pharamond. Madame de Montespan
-joue en robe de chambre avec les dames du château (les
-dames du palais, dont elle faisait partie), qui se trouvent
-trop heureuses d'être reçues et qui souvent sont chassées
-par un clin d'&oelig;il qu'on fait à la femme de chambre<a id="FNanchor_531" href="#Footnote_531" class="fnanchor">&nbsp;[531]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_244"> 244</a></span>
-Les dernières nouvelles que madame de Sévigné transmet
-à sa fille prouvent qu'au commencement de septembre
-madame de Montespan n'était pas encore parvenue
-à faire changer le roi de résolution et qu'elle craignait,
-en pressant trop vivement la conclusion de son rappel
-à la cour, de perdre la confiance et l'estime du
-monarque.</p>
-
-<p>«Il est certain, dit madame de Sévigné, que l'ami et
-<i>Quanto</i> sont véritablement séparés; mais la douleur de
-la demoiselle est fréquente, et même jusqu'aux larmes,
-de voir à quel point l'ami s'en passe bien; il ne pleurait
-que sa liberté, et ce lieu de sûreté contre la dame du
-château (la reine): le reste, pour quelque raison que ce
-puisse être, ne lui tenait plus au c&oelig;ur. Il a retrouvé cette
-société qui lui plaît; il est gai et content de n'être plus
-dans le trouble, et l'on tremble que cela ne veuille dire
-une diminution, et l'on pleure; et si le contraire était,
-on pleurerait et on tremblerait encore: ainsi le repos
-est banni de cette place. Voilà sur quoi vous pouvez faire
-vos réflexions, comme sur une vérité; je crois que vous
-m'entendez<a id="FNanchor_532" href="#Footnote_532" class="fnanchor">&nbsp;[532]</a>.»</p>
-
-<p>Cette situation ne pouvait durer. Les charmes séducteurs
-de Montespan, le son de sa voix, le feu de ses regards,
-les amusants sarcasmes de son brillant esprit, sa
-folle gaieté, sa tristesse et ses larmes domptèrent bientôt
-le courage de Louis XIV. Les divertissements du
-<span class="pagenum"><a id="Page_245"> 245</a></span>
-théâtre, auquel il ne voulut jamais renoncer; la musique
-de Lulli, les vers de Quinault, les danses voluptueuses
-de leurs drames magiques, l'indulgence intéressée du
-P. la Chaise facilitèrent le triomphe de Montespan,
-qui fut enfin complet. La date et la durée de ce triomphe
-furent révélées au monde le 9 mai 1677 par la naissance
-de la seconde mademoiselle de Blois, depuis
-femme du régent, qui fut si laide, et, le 6 juin 1678,
-par celle du comte de Toulouse, qui fut si beau. La naissance
-de mademoiselle de Tours, morte jeune, venue à
-terme au mois de janvier 1676, prouva aussi que l'intimité
-de madame de Montespan avec Louis XIV était aussi
-forte après son retour de l'armée qu'avant le départ.</p>
-
-<p>Tout était donc ramené sur l'ancien pied lorsque
-la <i>voyageuse</i> revint avec son élève le duc du Maine.
-Comme elle n'avait jamais varié dans sa conduite et
-dans son langage, elle se retrouva aussi bien établie à
-la cour que lorsqu'elle l'avait quittée, et même mieux.
-Son absence lui avait profité en nécessitant une correspondance
-directe avec le roi. L'espoir que le parti religieux
-avait fondé sur son influence s'accrut encore par
-la part qu'elle avait eue dans le succès momentané de ce
-parti. On connaissait Louis XIV, dont rien n'ébranlait
-l'opinion pour ceux qui avaient su mériter son estime.
-On savait que la nature de sentiments exempts de toute
-faiblesse que lui inspirait madame de Maintenon était
-entièrement étrangère à celle qui, par une force irrésistible,
-l'entraînait vers madame de Montespan ou vers
-toute autre femme.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_246"> 246</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XII.<br />
-<span class="medium">1675-1676.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">Turenne est tué.&mdash;Effet que produit cette nouvelle.&mdash;Lettres écrites
-par madame de Sévigné à ce sujet.&mdash;La guerre se rallume.&mdash;On
-crée de nouveaux maréchaux.&mdash;Le marquis de Rochefort est
-nommé, par l'influence de sa femme, maréchal de France, avec sept
-autres lieutenants généraux.&mdash;Il meurt.&mdash;Détails sur la maréchale
-de Rochefort.&mdash;Elle devient la maîtresse de Louvois.&mdash;Son crédit
-à la cour.&mdash;La révolte continue à Rennes.&mdash;Madame de Sévigné
-se décide à partir.&mdash;Motifs des regrets qu'elle a de quitter
-Paris.&mdash;Dérangement de sa santé.&mdash;Elle consulte Bourdelot.&mdash;Elle
-va revoir Livry.&mdash;Elle recommence ses lamentations sur la mort
-de Turenne.&mdash;Elle se rend à Orléans.&mdash;S'embarque sur la Loire.&mdash;Entrevue
-au château de l'abbé d'Effiat.&mdash;Elle arrive à Nantes.&mdash;Souvenirs
-que ce voyage lui rappelle.&mdash;Elle avait mis sa fille au
-couvent à Nantes.&mdash;Souvenirs devant Blois.&mdash;Elle arrive à la
-Seilleraye.&mdash;Récit rétrospectif.&mdash;Faits importants relatifs à la
-jeunesse de madame de Sévigné rectifiés à propos de ces souvenirs.&mdash;Date
-de la naissance et de la mort de Sévigné le fils.&mdash;Date de
-la naissance de madame de Grignan.&mdash;Celle-ci est née avant son
-frère.&mdash;Date du premier voyage de madame de Sévigné à Nantes.&mdash;Age
-qu'avait mademoiselle de Sévigné quand elle parut dans le
-ballet des Arts et quand elle épousa le comte de Grignan.&mdash;Duel
-de Sévigné avec du Chastellet.&mdash;Célébration du mariage de Sévigné
-avec Marie de Rabutin-Chantal.&mdash;Liaison de la famille
-d'Ormesson et de celle de madame de Sévigné.&mdash;Madame de Sévigné
-va aux Rochers et revient à Paris.&mdash;S'occupe d'un procès,&mdash;de
-ses plaisirs,&mdash;de l'Opéra,&mdash;et est lancée dans les intrigues
-de la Fronde.&mdash;Détails fournis par les Mémoires d'Ormesson sur
-cette époque de la vie de madame de Sévigné et sur les événements.&mdash;Récit
-sur un des domestiques de madame de Sévigné
-qui devint fou furieux, et sur lequel on opéra la transfusion
-du sang.</p>
-
-<p class="space">Le vif intérêt qu'excitait dans le grand monde la nouvelle
-<span class="pagenum"><a id="Page_247"> 247</a></span>
-de la dissension des deux femmes qui approchaient
-le plus souvent le roi fut tout à coup absorbé par une
-autre nouvelle, désastreuse, terrible, qui frappa de stupeur
-la France entière et retentit aussitôt dans toute
-l'Europe<a id="FNanchor_533" href="#Footnote_533" class="fnanchor">&nbsp;[533]</a>. Ce fut celle de ce boulet qui, tiré au hasard
-près du village de Sasbach, dans l'État de Bade, le
-27 juillet 1675, frappa Turenne et le tua<a id="FNanchor_534" href="#Footnote_534" class="fnanchor">&nbsp;[534]</a>.</p>
-
-<p>Ce ne fut pas à sa fille, ce ne fut pas à une femme, mais
-à des hommes, à des militaires, à Bussy, au comte de Grignan
-que madame de Sévigné adressa ces admirables
-lettres où elle peint sa douleur, celle du roi, les larmes
-de toute la cour, la tristesse de Bossuet, l'abasourdissement
-des habitants de Paris, s'attroupant à l'entour
-de l'hôtel du héros<a id="FNanchor_535" href="#Footnote_535" class="fnanchor">&nbsp;[535]</a>; la consternation et la fureur de sa
-brave armée; la terreur des campagnes des bords du
-Rhin, tranquilles et rassurées par Turenne contre les
-invasions de l'ennemi, désormais exposées à ses féroces
-représailles; l'effroi de la France entière, et cette
-vive, cette universelle émotion causée par la perte d'un
-seul homme. «Mais cet homme, disait madame de
-<span class="pagenum"><a id="Page_248"> 248</a></span>
-Sévigné, était le plus grand capitaine et le plus honnête
-homme du monde<a id="FNanchor_536" href="#Footnote_536" class="fnanchor">&nbsp;[536]</a>.»</p>
-
-<p>«Dès le lendemain de cette nouvelle, dit encore madame
-de Sévigné, M. de Louvois proposa au roi de réparer
-cette perte en faisant huit généraux au lieu d'un:
-c'est y gagner. En même temps on fit huit maréchaux
-de France, savoir: M. de Rochefort, <i>à qui les autres
-doivent un remercîment</i>; MM. de Luxembourg, Duras,
-la Feuillade, d'Estrades, Navailles, Schomberg et Vivonne:
-en voilà huit bien comptés. Je vous laisse à
-méditer sur cet endroit<a id="FNanchor_537" href="#Footnote_537" class="fnanchor">&nbsp;[537]</a>.» Ainsi madame de Sévigné
-insinue à sa fille que ces huit maréchaux, que madame de
-Cornuel appelait spirituellement la monnaie de M. de Turenne,
-n'avaient été nommés que parce que la marquise
-de Rochefort (Madeleine de Laval, devenue de Bois-Dauphin),
-qui était aimée de Louvois, exigea que son
-mari fût fait maréchal de France, ce qui ne se pouvait
-qu'en proposant sept autres lieutenants généraux
-plus anciens que lui. Irrité de cette promotion, le
-comte de Gramont, son ennemi, lui envoya ce laconique
-et insolent billet que madame de Sévigné a
-rapporté. Rochefort ne jouit pas longtemps du grade
-éminent qu'il avait obtenu. Quoique homme d'esprit et
-de courage, il s'en montra peu digne en ne secourant<a id="FNanchor_538" href="#Footnote_538" class="fnanchor">&nbsp;[538]</a>
-<span class="pagenum"><a id="Page_249"> 249</a></span>
-pas à temps le brave du Fay, assiégé dans Philisbourg.
-Rochefort mourut moins d'un an après sa nomination,
-le 22 mai 1676<a id="FNanchor_539" href="#Footnote_539" class="fnanchor">&nbsp;[539]</a>, âgé seulement de quarante ans:
-sa haute dignité ne profita qu'à sa veuve, qui acquit
-ainsi à la cour un rang favorable à l'influence qu'elle
-ambitionnait d'exercer. C'était une beauté piquante, née
-pour le grand monde, l'intrigue et la galanterie. Elle
-était liée avec madame de Grignan, dont l'âge se rapprochait
-du sien et qui avait alors trente ans. Elle se donna
-à Louvois, et remplaça dans l'existence de ce ministre,
-jusqu'à sa mort, madame Dufrénoy. La Fare s'en était
-cru amoureux avant de se persuader qu'il l'était de madame
-de la Sablière<a id="FNanchor_540" href="#Footnote_540" class="fnanchor">&nbsp;[540]</a>; mais l'adroite coquette ne parut
-vouloir écouter la Fare que pour mieux captiver
-Louvois, ce qui empêcha la Fare d'obtenir aucun avancement,
-et l'obligea de quitter le service<a id="FNanchor_541" href="#Footnote_541" class="fnanchor">&nbsp;[541]</a>.</p>
-
-<p>La maréchale de Rochefort, par l'art facile à certaines
-natures de se rendre utiles aux grands et aux puissants,
-sut, sans beaucoup d'esprit ni d'efforts, se maintenir
-toujours bien en cour. Elle fut l'amie, la confidente
-de toutes les femmes que Louis XIV s'attacha, de
-mademoiselle de la Vallière comme de madame de Montespan;
-et ce fut elle qui, d'accord avec Bontemps, servit
-admirablement les mystérieuses amours de Louis XIV
-et de la duchesse de Soubise, et en déroba longtemps la
-<span class="pagenum"><a id="Page_250"> 250</a></span>
-connaissance au duc son époux, et même, ce qui était
-plus difficile, à madame de Montespan. La maréchale
-de Rochefort se maintint dans une convenable intimité
-avec madame de Maintenon; elle fut goûtée de son élève,
-la duchesse de Bourgogne, comme elle l'avait été de la seconde
-Dauphine<a id="FNanchor_542" href="#Footnote_542" class="fnanchor">&nbsp;[542]</a>. Par une conduite habile, elle contribua
-pendant longtemps à donner de la force au parti de Louvois,
-qui, dans les conseils et à la cour, disputait au
-parti de Colbert l'influence sur l'esprit et les résolutions
-du monarque; et elle parvint à conserver tout son crédit
-lorsque la mort lui eut enlevé l'appui du grand ministre.</p>
-
-<p>Quand, le lundi, la nouvelle de la mort de Turenne
-arriva à Versailles, «on allait, dit madame de Sévigné,
-à Fontainebleau s'abîmer dans la joie<a id="FNanchor_543" href="#Footnote_543" class="fnanchor">&nbsp;[543]</a>;» mais cet événement
-changea les dispositions de tout le monde, et fit
-hésiter madame de Sévigné elle-même sur son voyage de
-Bretagne, qui devenait plus dangereux. Ainsi la mort d'un
-seul homme ébranlait l'État, et dérangeait tous les projets
-de plaisirs ou d'occupations sérieuses. La guerre, qu'on
-<span class="pagenum"><a id="Page_251"> 251</a></span>
-croyait devoir être bientôt terminée, se ralluma avec
-une nouvelle ardeur; il n'y avait plus d'espoir pour madame
-de Sévigné d'avoir de longtemps son fils avec elle,
-et sa fille l'invitait fortement à profiter de l'intervalle
-de la suspension forcée de toutes choses pour faire le
-voyage de Provence. Elle en fut très-tentée; mais ses
-propres affaires l'appelaient en Bretagne<a id="FNanchor_544" href="#Footnote_544" class="fnanchor">&nbsp;[544]</a> et elles étaient
-d'une telle gravité qu'elle se vit forcée de céder aux
-conseils de son tuteur, l'abbé de Coulanges. Après deux
-mois d'hésitation, elle partit. Ce n'est qu'alors qu'elle
-cessa de s'entretenir, dans ses lettres, de M. de Turenne,
-de revenir sans cesse sur ses admirables qualités, de varier
-l'expression de ses regrets, de prévoir les tristes
-conséquences de sa mort. Le dîner qu'elle fit chez le cardinal
-de Bouillon avec madame d'Elbeuf<a id="FNanchor_545" href="#Footnote_545" class="fnanchor">&nbsp;[545]</a> et madame de
-la Fayette, pour pleurer ensemble le héros, fut pour elle
-cependant une nouvelle occasion de recommencer ses
-lamentations sur ce triste sujet; et elle ne cessa d'en parler
-que quand elle eut fait connaître la douleur de tous les
-amis du héros, la profonde affliction de Pertuis, son capitaine
-des gardes, qui voulut se démettre de sa place de
-gouverneur de Courtray; et enfin quand elle eut décrit la
-cérémonie des funérailles à Saint-Denis, où elle assista<a id="FNanchor_546" href="#Footnote_546" class="fnanchor">&nbsp;[546]</a>.</p>
-
-<p>Effrayée par les nouvelles qu'elle recevait, madame de
-Sévigné différa donc son départ; elle aurait bien voulu
-le différer plus longtemps, et profiter de cet empêchement
-<span class="pagenum"><a id="Page_252"> 252</a></span>
-pour faire le voyage de Provence; mais quand on
-sut qu'on s'était décidé à envoyer des troupes contre les
-révoltés et que la lettre de Louis XIV pour la tenue des
-états de Bretagne allait être transmise au duc de Chaulnes<a id="FNanchor_547" href="#Footnote_547" class="fnanchor">&nbsp;[547]</a>,
-on crut la tranquillité publique assurée. L'abbé de
-Coulanges, qui ne s'épouvantait de rien lorsque la nécessité
-des affaires réclamait sa présence, détermina enfin madame
-de Sévigné à partir: cependant elle n'y consentit que
-quand le <i>bon abbé</i> lui eut promis de ne pas vouloir passer
-l'hiver aux Rochers. «Au reste, ma fille, l'abbé croit mon
-voyage si nécessaire que je ne puis m'y opposer. Je ne
-l'aurai pas toujours ainsi; je dois profiter de sa bonne volonté.
-C'est une course de deux mois; car le bon abbé ne
-se porte pas assez bien pour aimer à passer là l'hiver. Il
-m'en parle d'un air sincère, dont je fais v&oelig;u d'être toujours
-la dupe: tant pis pour ceux qui me trompent<a id="FNanchor_548" href="#Footnote_548" class="fnanchor">&nbsp;[548]</a>!»</p>
-
-<p>Elle-même avoue qu'elle avait tant de raisons pour
-aller en Bretagne qu'elle ne pouvait y mettre la moindre
-incertitude, «et qu'elle y avait mille affaires<a id="FNanchor_549" href="#Footnote_549" class="fnanchor">&nbsp;[549]</a>.»
-Cependant, cette fois, ce voyage ressemblait peu à
-ceux qu'elle faisait depuis longtemps, presque chaque année,
-pour aller se délasser des fatigues du grand monde
-<span class="pagenum"><a id="Page_253"> 253</a></span>
-dans sa terre des Rochers, y faire des embellissements,
-et jouir de ses livres et d'elle-même, en la société de
-son fils, de sa fille et du petit nombre d'amis qui
-venaient la voir. Elle ne pouvait non plus se promettre
-aucun plaisir de la réunion des états, qui, lorsqu'elle
-avait lieu à Vitré, lui attirait les hommages de
-toutes les personnes les plus aimables et les plus considérables
-de la Bretagne, que lui conciliait la réputation
-qu'elle s'était acquise à la cour par son esprit,
-ses attraits personnels, les agréments de son commerce,
-et surtout par les égards, l'amitié, les déférences
-que lui témoignaient les la Trémouille, les Rohan,
-les Chaulnes, les Lavardin. Les chefs de ces deux dernières
-familles étaient investis de toute l'autorité du
-gouvernement; les la Trémouille et les Rohan étaient
-en possession de présider presque alternativement les
-assises des états de Bretagne, Rohan à titre de baron de
-Léon, la Trémouille comme baron de Vitré. Cette fois
-les états ne tenaient pas leurs assises à Vitré, mais à
-Dinan, ce qui éloignait de madame de Sévigné tous les
-membres de cette assemblée, et donnait de l'importance
-à l'évêque de Saint-Malo, qu'elle n'aimait pas. Accoutumée
-dès sa jeunesse à scruter les actes du pouvoir, elle
-n'avait jamais vu qu'avec déplaisir et avec les sentiments
-d'une ancienne frondeuse l'obséquiosité des
-états en Bourgogne et en Bretagne et leur déplorable
-facilité à voter l'argent des contribuables. Ce secret
-penchant au blâme et à la résistance s'était encore accru
-par les derniers événements. La manière dont madame
-de Sévigné mande à sa fille qu'à Rennes on a jeté
-des pierres au duc de Chaulnes, lorsqu'il voulut haranguer
-<span class="pagenum"><a id="Page_254"> 254</a></span>
-le peuple pour apaiser l'émeute, prouve qu'elle n'était
-nullement contristée de l'avanie qu'avait éprouvée
-le gouverneur: «Il y a eu même à Rennes une <i>colique
-pierreuse</i>. M. de Chaulnes voulut, par sa présence, dissiper
-le peuple; il fut repoussé chez lui à coups de
-pierres. Il faut avouer que cela est bien insolent<a id="FNanchor_550" href="#Footnote_550" class="fnanchor">&nbsp;[550]</a>.»</p>
-
-<p>Cette fois ce n'était pas même sur la route facile de
-Rennes, de Vitré et des Rochers qu'elle devait voyager;
-c'était vers Nantes et au delà de la Loire que l'urgence
-de ses affaires l'appelait. Enfin sa vigueur commençait
-à s'altérer par l'annonce des infirmités qui
-assiégent souvent les femmes de son âge; elle avait
-quarante-neuf ans<a id="FNanchor_551" href="#Footnote_551" class="fnanchor">&nbsp;[551]</a>. Elle déguise autant qu'elle peut à
-sa fille ces perturbations de son tempérament; mais à
-Bussy elle dit: «J'ai bien eu des vapeurs, et cette
-belle santé, que vous avez vue si triomphante, a reçu
-quelques attaques, dont j'ai été humiliée comme si
-j'avais reçu un affront<a id="FNanchor_552" href="#Footnote_552" class="fnanchor">&nbsp;[552]</a>.» Elle fut obligée d'avoir recours
-à la science du docteur Bourdelot (Pierre Michon),
-ce célèbre médecin des Condé et de la reine
-Christine. Madame de Sévigné aimait les soins qu'il prenait
-d'elle; mais il l'ennuyait par les vers détestables
-<span class="pagenum"><a id="Page_255"> 255</a></span>
-qu'il composait à sa louange et à celle de madame de
-Grignan<a id="FNanchor_553" href="#Footnote_553" class="fnanchor">&nbsp;[553]</a>.</p>
-
-<p>Depuis la mort de Turenne, madame de Sévigné avait
-des craintes qu'elle tâchait sagement de réprimer, mais
-qui lui faisaient redouter l'isolement et la solitude des
-Rochers: «J'emporte, dit-elle à madame de Grignan,
-du chagrin de mon fils; on ne quitte qu'avec peine,
-les nouvelles de l'armée. Je lui mandais comme à vous,
-l'autre jour, qu'il me semblait que j'allais mettre ma
-tête dans un sac, où je ne verrais ni n'entendrais rien
-de tout ce qui va se passer sur la terre<a id="FNanchor_554" href="#Footnote_554" class="fnanchor">&nbsp;[554]</a>.»</p>
-
-<p>Ce qui ajouterait encore à toutes les contrariétés qu'éprouvait
-madame de Sévigné en faisant ce voyage de
-Bretagne, c'est qu'elle l'avait tant différé que sa femme
-de chambre Hélène, qui était enceinte, avait atteint son
-neuvième mois et ne pouvait la suivre; elle prit le parti,
-pour la désennuyer pendant son absence, de lui laisser
-le soin de <i>Marphise</i>, sa chienne favorite, et se contenta,
-pour son service, d'une jeune fille nommée Marie, qui jetait
-sa gourme, et fit cependant aussi bien qu'Hélène<a id="FNanchor_555" href="#Footnote_555" class="fnanchor">&nbsp;[555]</a>.
-Tous ces contre-temps la rendaient si triste qu'elle refusa,
-trois jours avant son départ, une invitation qui lui
-fut faite par les Condé d'aller passer quelques jours à
-Chantilly: elle préféra au palais, aux jardins enchanteurs,
-à la princière société de cette splendide résidence
-la solitude sauvage de Livry, remplie des souvenirs de
-<span class="pagenum"><a id="Page_256"> 256</a></span>
-sa fille et du bonheur dont elle avait joui en la possédant.
-«Je fus avant-hier, toute seule (dit-elle), à Livry,
-me promener délicieusement avec la lune; il n'y avait
-aucun serein; j'y fus depuis six heures du soir jusqu'à
-minuit, et je me suis fort bien trouvée de cette petite
-équipée. Je devais bien cette honnêteté à la belle Diane
-et à l'aimable abbaye. Il n'a tenu qu'à moi d'aller à Chantilly
-en très-bonne compagnie; mais je ne me suis pas
-trouvée assez libre pour faire un si délicieux voyage: ce
-sera pour le printemps qui vient<a id="FNanchor_556" href="#Footnote_556" class="fnanchor">&nbsp;[556]</a>.»</p>
-
-<p>Après avoir vu, dans la matinée, du Lude, grand
-maître de l'artillerie, depuis peu fait duc, et madame
-de la Fayette; après s'être laissé conduire à la messe
-par la bonne madame de la Troche, madame de Sévigné
-partit le lundi 9 septembre, sans autre compagnie
-que l'abbé de Coulanges et cette fille Marie dont nous
-venons de parler<a id="FNanchor_557" href="#Footnote_557" class="fnanchor">&nbsp;[557]</a>. La Mousse était à Autry, chez madame
-de Sanzei, et Coulanges s'en alla à Lyon. Madame
-de Sévigné se dirigea d'abord sur Orléans; son carrosse
-était attelé de quatre chevaux. Elle n'oublia pas d'emporter
-avec elle son <i>petit ami</i>, c'est-à-dire le portrait de
-sa fille<a id="FNanchor_558" href="#Footnote_558" class="fnanchor">&nbsp;[558]</a>. Avant de monter en voiture, elle écrit à celle-ci
-une longue lettre pleine de nouvelles et de faits intéressants.
-Elle parodie plaisamment trois vers de l'opéra de
-<i>Cadmus</i>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_257"> 257</a></span></div>
-<p class="i1"> «Je vais partir, belle Hermione;</p>
-<p>Je vais exécuter ce que l'<i>abbé</i> m'ordonne,</p>
-<p class="i1"> Malgré le péril qui m'attend.</p>
-</div></div>
-
-<p>C'est pour dire une folie, car notre province est plus
-calme que la Saône<a id="FNanchor_559" href="#Footnote_559" class="fnanchor">&nbsp;[559]</a>.» Cela n'était pas exact; elle le
-savait, mais elle voulait rassurer sa fille.</p>
-
-<p>Puis elle revient aussitôt aux pensées sérieuses que
-lui inspire le service de Turenne, que l'on exécutait en
-grande pompe dans le moment où elle écrivait: «Le cardinal
-de Bouillon et madame d'Elbeuf vinrent hier me
-le proposer; mais je me contente de celui de Saint-Denis:
-je n'en ai jamais vu de si bon. N'admirez-vous
-pas ce que fait la mort de ce héros et la face que prennent
-les affaires depuis que nous ne l'avons plus? Ah!
-ma chère enfant, qu'il y a longtemps que je suis de
-votre avis! rien n'est bon que d'avoir une belle âme:
-on la voit en toute chose, comme au travers d'un c&oelig;ur
-de cristal. On ne se cache point: vous n'avez point vu
-de dupes là-dessus. On n'a jamais pris l'ombre pour le
-corps. Il faut être si l'on veut paraître. Le monde n'a
-point de longues injustices. Vous devez être de cet avis
-pour vos propres intérêts.»</p>
-
-<p>Elle se délassait dans sa voiture, pendant tout le cours
-de son voyage, de la société un peu ennuyeuse du <i>bon
-abbé</i> en lisant la <i>Vie du cardinal Commendon</i>, que
-<span class="pagenum"><a id="Page_258"> 258</a></span>
-Fléchier avait récemment traduite du latin<a id="FNanchor_560" href="#Footnote_560" class="fnanchor">&nbsp;[560]</a>, et aussi les
-lettres qu'elle recevait de sa fille sur l'<i>Histoire des croisades</i>,
-«qui est très-belle pour ceux qui ont lu le Tasse,» et
-la <i>Vie d'Origène</i>, par un auteur janséniste (Pierre-Thomas
-des Fossés), et qu'elle trouvait divine<a id="FNanchor_561" href="#Footnote_561" class="fnanchor">&nbsp;[561]</a>. Mais, par des
-motifs moins exempts de blâme, le ridicule que madame
-de Grignan versait sur madame de la Charce et
-sur Philis, sa fille aînée, la faisait rire aux larmes<a id="FNanchor_562" href="#Footnote_562" class="fnanchor">&nbsp;[562]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné coucha à Orléans; et le lendemain
-(10 septembre) elle s'embarqua sur la Loire, munie
-d'une lettre de sa fille, qu'elle reçut au moment de se
-mettre en bateau, et remplie d'admiration en voyant les
-rives de ce fleuve, «si belles, si agréables, si magnifiques.»</p>
-
-<p>Cette navigation était pour elle toute volontaire. «Le
-temps et les chemins, dit-elle, sont admirables: ce sont
-de ces jours de cristal où l'on ne sent ni chaud ni froid.
-Notre équipage nous amènerait fort bien par terre; c'est
-pour nous divertir que nous allons sur l'eau<a id="FNanchor_563" href="#Footnote_563" class="fnanchor">&nbsp;[563]</a>.»</p>
-
-<p>Le détail de son embarquement, qu'elle donne à son
-cousin de Coulanges, nous prouve que cette manière de
-se rendre d'Orléans à Nantes était plus commune dans
-ce siècle qu'elle ne l'a été dans le nôtre, où la voie de
-transport de terre est préférée.</p>
-
-<p>«A peine sommes-nous descendus ici (Orléans) que
-voilà vingt bateliers autour de nous, chacun faisant valoir
-la qualité des personnes qu'il a menées et la bonté de
-<span class="pagenum"><a id="Page_259"> 259</a></span>
-son bateau. Jamais les couteaux de Nogent ni les chapelets
-de Chartres n'ont fait plus de bruit. Nous avons été
-longtemps à choisir: l'un nous paraissait trop jeune,
-l'autre trop vieux; l'un avait trop d'envie de nous avoir,
-cela nous paraissait d'un gueux dont le bateau était
-pourri; l'autre était glorieux d'avoir mené M. de Chaulnes.
-Enfin la prédestination a paru visible sur un grand
-garçon fort bien fait, dont la moustache et le procédé
-nous ont décidés<a id="FNanchor_564" href="#Footnote_564" class="fnanchor">&nbsp;[564]</a>.»</p>
-
-<p>Elle débarqua à deux lieues de Tours, à Mont-Louis;
-et de là, traversant par terre l'espace de quatre kilomètres
-qui sépare la Loire et le Cher, elle alla coucher (le 13
-septembre) à Veretz<a id="FNanchor_565" href="#Footnote_565" class="fnanchor">&nbsp;[565]</a>, dans le château originairement
-bâti par Jean de la Barre, comte d'Étampes, et qui appartenait
-alors à l'abbé d'Effiat<a id="FNanchor_566" href="#Footnote_566" class="fnanchor">&nbsp;[566]</a>, connu de nos lecteurs par
-l'impôt qu'il préleva sur la marquise de Courcelles<a id="FNanchor_567" href="#Footnote_567" class="fnanchor">&nbsp;[567]</a>.</p>
-
-<p>«J'ai couché cette nuit à Veretz. M. d'Effiat savait
-ma marche; il me vint prendre sur le bord de l'eau,
-avec l'abbé (de Coulanges). Sa maison passe tout ce que
-vous avez jamais vu de beau, d'agréable, de magnifique,
-et le pays est le plus charmant qu'<i>aucun autre qui soit
-sur la terre habitable</i>: je ne finirais pas. M. et madame
-de Dangeau y sont venus dîner avec moi, et s'en vont à
-Valence. M. d'Effiat vient de nous ramener ici (c'est à
-Tours, d'où la lettre est datée); il n'y a qu'une lieue et
-demie d'un chemin semé de fleurs... Nous reprenons
-<span class="pagenum"><a id="Page_260"> 260</a></span>
-demain notre bateau, et nous allons à Saumur<a id="FNanchor_568" href="#Footnote_568" class="fnanchor">&nbsp;[568]</a>
-<b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-
-<p>«Je vous ai mandé comme j'avais vu l'abbé d'Effiat
-dans sa belle maison; je vous écrivis de Tours. Je vins
-à Saumur, où nous vîmes Vineuil; nous repleurâmes
-M. de Turenne..... Il y a trente lieues de Saumur à
-Nantes<a id="FNanchor_569" href="#Footnote_569" class="fnanchor">&nbsp;[569]</a>. Dans ce dessein, nous allâmes hier deux heures
-de nuit; nous nous engravâmes, et nous demeurâmes à
-deux cents pas de notre hôtellerie, sans pouvoir aborder.
-Nous revînmes au bruit d'un chien, et nous arrivâmes à
-minuit dans un <i>tugurio</i> (une cabane) plus pauvre, plus
-misérable qu'on ne peut vous le représenter; nous n'y
-avons trouvé que deux ou trois vieilles femmes qui
-filaient, et de la paille fraîche sur quoi nous avons tous
-couché sans nous déshabiller; j'aurais bien ri sans l'abbé,
-que je meurs de honte d'exposer ainsi à la fatigue d'un
-voyage. Nous nous sommes rembarqués à la pointe du
-jour, et nous étions si parfaitement bien établis dans
-notre gravier que nous avons été près d'une heure avant
-de prendre le fil de notre discours. Nous voulons, contre
-vent et marée, arriver à Nantes; nous ramons tous.»</p>
-
-<p>En passant, à la poste d'Ingrande, madame de Sévigné
-met la lettre qu'elle vient d'écrire, et deux jours
-après elle est à Nantes. Là elle se hâte d'annoncer son
-arrivée à sa fille<a id="FNanchor_570" href="#Footnote_570" class="fnanchor">&nbsp;[570]</a>: «Je vous ai écrit sur la route et même
-du bateau, autant que je l'ai pu. J'arrivai ici à neuf
-<span class="pagenum"><a id="Page_261"> 261</a></span>
-heures du soir, au pied de ce grand château que vous
-connaissez, au même endroit où se sauva notre cardinal
-(de Retz). On entend une petite barque; on demande:
-<i>Qui va là?</i> J'avais ma réponse toute prête; et en même
-temps je vois sortir par la petite porte M. de Lavardin,
-avec cinq ou six flambeaux de poing devant lui, accompagné
-de plusieurs nobles, qui vient me donner la
-main et me reçoit parfaitement bien. Je suis assurée que,
-du milieu de la rivière, cette scène était admirable; elle
-donna une grande idée de moi à mes bateliers. Je soupai
-fort bien; je n'avais ni dormi ni mangé depuis vingt-quatre
-heures. J'allai coucher chez M. d'Harouis. Ce ne
-sont que festins au château et ici. M. de Lavardin ne me
-quitte pas; il est ravi de causer avec moi<a id="FNanchor_571" href="#Footnote_571" class="fnanchor">&nbsp;[571]</a>.»</p>
-
-<p class="i2">«<b>. . .</b> Nous allons à la Seilleraye<a id="FNanchor_572" href="#Footnote_572" class="fnanchor">&nbsp;[572]</a>, M. de Lavardin m'y
-vient conduire; et de là aux Rochers, où je serai mardi.»</p>
-
-<p>Elle resta sept jours à Nantes, et d'Harouis la conduisit
-lui-même après dîner à son beau château de la Seilleraye,
-à quatorze kilomètres à l'est de Nantes<a id="FNanchor_573" href="#Footnote_573" class="fnanchor">&nbsp;[573]</a>, où elle resta deux
-jours; elle partit le 15 septembre. M. de Lavardin la
-mit en carrosse, et M. d'Harouis l'accabla de provisions.
-Elle arriva le jour suivant aux Rochers<a id="FNanchor_574" href="#Footnote_574" class="fnanchor">&nbsp;[574]</a>. De la Seilleraye
-à Vitré, par la route directe de Châteaubriant et la Guerche,
-on mesure dix myriamètres, ou vingt-cinq lieues de
-<span class="pagenum"><a id="Page_262"> 262</a></span>
-poste; et madame de Sévigné, pour franchir cet espace
-en un jour, a dû d'avance envoyer des chevaux de relais
-sur la route, ce qui lui était facile, puisqu'elle avait
-amené avec elle six chevaux et deux hommes; et au
-besoin, si ses équipages n'eussent pas suffi, elle eût eu
-recours à ceux du lieutenant général et du trésorier de
-Bretagne.</p>
-
-<p>Voilà les seuls détails que nous avons pu recueillir sur
-ce voyage de madame de Sévigné, qui, avec juste raison,
-inquiéta si fort ses amis. «Ils ont fait, écrit-elle, l'honneur
-à la Loire de croire qu'elle m'avait abîmée: hélas!
-la pauvre créature! je serais la première à qui elle eût
-fait ce mauvais tour. Je n'ai eu d'incommodité que
-parce qu'il n'y avait pas assez d'eau dans cette rivière.»
-Et, en effet, bien loin de s'en trouver plus mal, le violent
-exercice qu'elle se donna lui rendit la santé, que les remèdes
-des médecins de Lorme et Bourdelot<a id="FNanchor_575" href="#Footnote_575" class="fnanchor">&nbsp;[575]</a> avaient
-peut-être contribué à détruire. «Ma santé, dit-elle, est
-comme il y a six ans; je ne sais d'où me revient cette fontaine
-de Jouvence<a id="FNanchor_576" href="#Footnote_576" class="fnanchor">&nbsp;[576]</a>.» Ces paroles prouvent que ce
-n'était pas par raison de santé que madame de Sévigné
-préféra les tracas, les fatigues, les dangers d'une aventureuse
-navigation aux douceurs d'une pérégrination
-faite en calèche richement attelée, roulant sur une belle
-route par un temps chaud, pur et serein et avec l'escorte
-de deux serviteurs à cheval.</p>
-
-<p>Ses lettres nous révèlent les véritables motifs de cette
-équipée et ce qui se passait dans son âme. Elle était
-<span class="pagenum"><a id="Page_263"> 263</a></span>
-contrariée de la nécessité d'être obligée de quitter Paris,
-de la pauvreté provinciale<a id="FNanchor_577" href="#Footnote_577" class="fnanchor">&nbsp;[577]</a> où allait être réduite sa
-correspondance avec sa fille, de l'inquiétude que lui
-causaient pour son fils les nouvelles de l'armée<a id="FNanchor_578" href="#Footnote_578" class="fnanchor">&nbsp;[578]</a>. Elle
-était triste, vaporeuse<a id="FNanchor_579" href="#Footnote_579" class="fnanchor">&nbsp;[579]</a>. De tous les maux qui assiégent
-la vie, l'ennui est celui auquel les femmes du grand
-monde sont le plus exposées, qu'elles redoutent le plus
-et qu'elles savent le moins supporter; pour y échapper
-elles ne reculent devant aucune extravagance. Madame
-de Sévigné craignait surtout l'atteinte de ce mal durant
-un trajet lent et long, seule avec le bon et vieil
-abbé, sans son fils, sans la Mousse, sans Corbinelli,
-sans même son Hélène, enfin sans aucun des êtres qui
-avaient coutume de causer avec elle, de l'intéresser,
-de la distraire. Elle avait autrefois navigué sur la Loire;
-elle avait conduit sa fille au couvent des Filles-Sainte-Marie,
-à Nantes. Dès cette époque, elle adorait cette enfant
-belle et gracieuse, âgée de dix ans, et elle l'avait
-mise en pension chez les pieuses filles de l'ordre fondé
-par son aïeule, afin qu'elle y reçût les instructions chrétiennes
-pour sa première communion. C'était le beau
-temps de la jeunesse de madame de Sévigné, et elle eut
-un désir extrême de contempler de nouveau les rives qui
-devaient lui retracer avec vivacité de si agréables et de si
-touchants souvenirs. Aussi, sans se déguiser ce que sa
-résolution présentait de difficultés et d'inconvénients et
-ce qu'elle avait de téméraire, au moment de quitter le
-<span class="pagenum"><a id="Page_264"> 264</a></span>
-rivage elle fut saisie d'une sorte d'ivresse joyeuse, bientôt
-suivie d'un léger repentir; ce qui ne l'empêcha pas
-d'exécuter son projet avec courage et gaieté.</p>
-
-<p>«C'est une folie, dit-elle, de s'embarquer quand on
-est à Orléans, peut-être même à Paris; il est vrai cependant
-qu'on se croit obligé de prendre des bateliers à
-Orléans, comme à Chartres d'acheter des chapelets...»</p>
-
-<p>«<i>Je suis dans un bateau, dans le courant de l'eau,
-fort loin de mon château</i>; je pense que je puis achever,
-<i>Ah! quelle folie!</i> car les eaux sont si basses et je suis
-si souvent engravée que je regrette mon équipage, qui
-ne s'arrête pas et qui va toujours. On s'ennuie sur l'eau
-quand on y est seule; il faut un petit comte des Chapelles
-et une mademoiselle de Sévigné.» Et à son cousin de
-Coulanges elle dit: «Nous allons voguer sur la belle
-Loire; elle est un peu sujette à déborder, mais elle en
-est plus douce<a id="FNanchor_580" href="#Footnote_580" class="fnanchor">&nbsp;[580]</a>.»</p>
-
-<p>Immédiatement avant d'entrer en bateau elle avait
-écrit à madame de Grignan: «Enfin, ma fille, me voilà
-prête à m'embarquer sur notre Loire! Vous souvient-il
-du joli voyage que nous y fîmes<a id="FNanchor_581" href="#Footnote_581" class="fnanchor">&nbsp;[581]</a>?»</p>
-
-<p>Pour elle, ce souvenir ne la quitte pas; et toujours il
-lui faut parler de ce voyage quand elle passe devant le
-lieu qui lui en rappelle quelques circonstances:</p>
-
-<p>«Je me ressouvins, dit-elle, l'autre jour, à Blois, d'un
-endroit si beau, où nous nous promenions avec le petit
-comte des Chapelles, qui voulait retourner le sonnet
-d'Uranie:</p>
-
-<p class="quote">Je veux finir mes jours dans l'amour de <span class="smallc">Marie</span>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_265"> 265</a></span>
-Et de Nantes elle écrit à sa fille: «J'ai vu nos s&oelig;urs
-de Sainte-Marie, qui vous adorent encore, et se souviennent
-de toutes les paroles que vous prononçâtes chez
-elles<a id="FNanchor_582" href="#Footnote_582" class="fnanchor">&nbsp;[582]</a>.»</p>
-
-<p>«Des sept jours que j'ai été à Nantes, j'ai passé trois
-jours après-dîner chez nos s&oelig;urs de Sainte-Marie. Elles
-ont de l'esprit, elles vous adorent et sont charmées du
-<i>petit ami</i><a id="FNanchor_583" href="#Footnote_583" class="fnanchor">&nbsp;[583]</a>, que je porte toujours avec moi.»</p>
-
-<p>Et quand elle est à la Seilleraye, elle écrit: «Me voici,
-ma fille, dans ce lieu où vous avez été un jour avec moi;
-mais il n'est pas reconnaissable: il n'y a pas pierre sur
-pierre de ce qu'il était en ce temps-là<a id="FNanchor_584" href="#Footnote_584" class="fnanchor">&nbsp;[584]</a>.»</p>
-
-<p>Les émotions produites par la vue des lieux où madame
-de Grignan avait passé son enfance s'accrurent dans
-le c&oelig;ur de sa mère à la vue des Rochers. «J'ai trouvé
-ces bois, dit-elle, d'une beauté et d'une tristesse extraordinaires:
-tous les arbres que vous avez vus petits sont
-devenus grands et droits, et beaux en perfection. Ils sont
-élagués, et font une ombre agréable; ils ont quarante ou
-cinquante pieds de hauteur. Il y a un petit air d'amour
-maternel dans ce détail: songez que je les ai tous plantés,
-et que je les ai vus, comme disait M. de Montbazon,
-<i>pas plus grands que cela</i>. (M. de Montbazon avait l'habitude
-de dire cela de ses propres enfants.) C'est ici une
-solitude faite exprès pour y bien rêver: j'y pense à vous
-à tout moment; je vous regrette, je vous souhaite. Votre
-<span class="pagenum"><a id="Page_266"> 266</a></span>
-santé, vos affaires, votre éloignement, que pensez-vous
-que tout cela fasse entre chien et loup? J'ai ces vers dans
-la tête:</p>
-
-<p class="quote">Sous quel astre cruel l'avez-vous mis au jour<br />
-L'objet infortuné d'une si tendre amour?</p>
-
-<p>«Il faut regarder la volonté de Dieu bien fixement pour
-envisager sans désespoir tout ce que je vois, dont assurément
-je ne vous entretiendrai pas..... Je trouvai l'autre
-jour une lettre de vous où vous m'appelez <i>ma bonne
-maman</i>; vous aviez dix ans, vous étiez à Sainte Marie,
-et vous me contiez la culbute de madame Amelot, qui de
-la salle se trouva dans une cave. Il y a déjà du bon style
-à cette lettre. J'en ai trouvé mille autres, qu'on écrivait
-autrefois à mademoiselle de Sévigné. Toutes ces circonstances
-sont bien heureuses pour me faire souvenir de
-vous; car sans cela où pourrais-je prendre cette idée<a id="FNanchor_585" href="#Footnote_585" class="fnanchor">&nbsp;[585]</a>?»</p>
-
-<p>Ce singulier voyage de madame de Sévigné à Nantes,
-ses souvenirs, ses regrets donnent le désir de connaître
-à quelle époque elle fit celui qui n'a point été raconté
-dans ces Mémoires, et dans quelles circonstances elle
-mit sa fille au couvent. Puisque des documents nouveaux
-jettent un jour inattendu sur les premières années
-de cette tendre mère, imitons-la, complétons ses souvenirs,
-et rétrogradons jusqu'au temps où elle devint enceinte
-de cette fille bien-aimée.</p>
-
-<p>Une lettre de madame de Sévigné annonçant à Bussy
-la naissance de Sévigné fils et la réponse de Bussy, mal
-<span class="pagenum"><a id="Page_267"> 267</a></span>
-datées, placées par le P. Bouhours et par la comtesse
-Dalet (ou par Bussy lui-même, car la partie inédite
-de ses Mémoires, écrite de sa main, offre un exemple
-d'une aussi forte distraction et d'une si étrange erreur),
-ont produit la confusion qui a existé pendant longtemps
-sur les dates de la naissance du frère et de la s&oelig;ur<a id="FNanchor_586" href="#Footnote_586" class="fnanchor">&nbsp;[586]</a>.</p>
-
-<p>Le fils de madame de Sévigné est mort le 26 mars
-1713, et les témoins les plus capables d'être bien informés
-(Simiane de Mauron, d'Harouis, l'abbé de la
-Fayette<a id="FNanchor_587" href="#Footnote_587" class="fnanchor">&nbsp;[587]</a>) attestent qu'il avait alors soixante-cinq ans; il
-était donc né en mars 1648, époque que l'on croyait être
-celle de la naissance de sa s&oelig;ur. Des fragments des Mémoires
-autographes d'Ormesson, récemment publiés,
-constatent que madame de Sévigné accoucha, à Paris, de
-sa fille le 10 octobre 1646<a id="FNanchor_588" href="#Footnote_588" class="fnanchor">&nbsp;[588]</a>. Ainsi il est certain que madame
-de Grignan était l'aînée et âgée d'un an et demi
-de plus que son frère. Il résulte de ce fait qu'en l'année
-1675, dont nous nous occupons, madame de Grignan
-avait près de vingt-neuf ans, et Sévigné au plus vingt-sept;
-et aussi que lorsque l'abbé Arnauld vit madame
-de Sévigné avec ses deux enfants, et qu'il fut
-frappé de la beauté de la mère, de la fille et du fils, mademoiselle
-de Sévigné avait onze ans et demi, et Sévigné
-seulement neuf ans<a id="FNanchor_589" href="#Footnote_589" class="fnanchor">&nbsp;[589]</a>. Ces dates ne peuvent être regardées
-comme indifférentes lorsque l'on considère que
-l'esprit et le c&oelig;ur échappent bien plus vite aux langes de
-<span class="pagenum"><a id="Page_268"> 268</a></span>
-l'enfance chez le sexe le plus faible et le plus délicatement
-organisé; et ainsi s'explique comment, dès son
-plus jeune âge, Sévigné s'habitua à reconnaître la supériorité
-de sa s&oelig;ur en toutes choses, et eut pour elle en
-toute occasion cette déférence, je dirai presque cette vénération,
-qu'il manifeste admirablement dans la lettre
-où il lui exprime ses dernières volontés<a id="FNanchor_590" href="#Footnote_590" class="fnanchor">&nbsp;[590]</a>. Les premières
-opinions, les premiers jugements formés par la raison
-ont sur certaines natures une influence indélébile.</p>
-
-<p>Nous venons d'apprendre par madame de Sévigné
-qu'elle avait conservé les lettres de sa fille depuis son
-enfance, et que celle-ci avait dix ans quand elle écrivit
-la lettre où elle racontait à sa mère l'accident arrivé à
-madame Amelot. Ceci nous reporte à l'année 1656. C'est
-donc lorsque, à la fin de septembre de l'année 1654,
-madame de Sévigné se rendit à sa terre des Rochers,
-qu'elle fit une première fois cette navigation d'Orléans à
-Nantes, où elle mit alors sa fille au couvent des s&oelig;urs
-Sainte-Marie, de cette dernière ville. Ce fut dans les
-années 1654 à 1657 que madame de Sévigné fut le
-plus préoccupée de son cousin Bussy<a id="FNanchor_591" href="#Footnote_591" class="fnanchor">&nbsp;[591]</a>. Cependant,
-avant la fin de 1656, elle avait retiré sa fille du couvent;
-et, dans le mois d'octobre de cette même année,
-elle l'emmena avec elle à Bourbilly et à Monjeu, où elle
-vit Bussy et Jeannin de Castille<a id="FNanchor_592" href="#Footnote_592" class="fnanchor">&nbsp;[592]</a>. Après un séjour de quelques
-<span class="pagenum"><a id="Page_269"> 269</a></span>
-semaines, elle retourna à Paris; et au commencement
-de l'année 1657, accompagnée de ses deux enfants,
-elle vit pour la première fois, chez leur oncle, l'abbé Arnauld,
-qui dans ses Mémoires a exprimé l'admiration
-que lui fit éprouver la beauté de la mère, de la fille et
-du fils<a id="FNanchor_593" href="#Footnote_593" class="fnanchor">&nbsp;[593]</a>.</p>
-
-<p>Les attraits de mademoiselle de Sévigné se développèrent
-rapidement et excitèrent la verve des poëtes. Elle
-avait à peine treize ans lorsqu'elle commença à inspirer
-heureusement la muse badine de Saint-Pavin<a id="FNanchor_594" href="#Footnote_594" class="fnanchor">&nbsp;[594]</a>; elle en
-avait dix-sept quand Ménage lui adressa un madrigal en
-italien, qui fut imprimé dans la cinquième édition de ses
-poésies<a id="FNanchor_595" href="#Footnote_595" class="fnanchor">&nbsp;[595]</a>; elle était âgée d'environ dix-neuf ans lorsque
-la Fontaine lui dédia en vers gracieux sa fable du <i>Lyon
-amoureux</i><a id="FNanchor_596" href="#Footnote_596" class="fnanchor">&nbsp;[596]</a>, publiée deux ans après dans le recueil du
-fabuliste: cet hommage dut donner à sa beauté une renommée
-populaire. Mais ce qui acquit très-vite à mademoiselle
-de Sévigné une célébrité qui faillit ternir pour
-toujours sa réputation, fut son apparition dans les ballets
-du roi. On crut alors qu'elle était devenue l'objet
-des préférences de Louis XIV. C'est dans sa seizième
-année qu'elle fut produite, en 1663, aux dangereux regards
-<span class="pagenum"><a id="Page_270"> 270</a></span>
-du monarque<a id="FNanchor_597" href="#Footnote_597" class="fnanchor">&nbsp;[597]</a>. On l'admira dans le ballet où le
-roi était déguisé en berger, et toutes les beautés de la
-cour y figuraient, ainsi qu'elle, en bergères. Elle reparut,
-l'année suivante, en Amour déguisé en nymphe
-maritime; et elle avait dix-huit ans quand elle joua le
-rôle d'<i>Omphale</i>, dans le ballet de la <i>Naissance de Vénus</i><a id="FNanchor_598" href="#Footnote_598" class="fnanchor">&nbsp;[598]</a>.
-La lettre qu'elle écrivit à l'abbé le Tellier, que
-nous avons fait connaître, prouve qu'à vingt et un ans
-elle liait librement des correspondances avec les beaux
-esprits du temps<a id="FNanchor_599" href="#Footnote_599" class="fnanchor">&nbsp;[599]</a>.</p>
-
-<p>Enfin, lorsque Françoise-Marguerite de Sévigné épousa
-François-Adhémar, comte de Grignan, le 29 janvier
-1668, elle avait vingt-deux ans et quatre mois, ce qui
-réduit à moins de quinze années la différence d'âge qui
-existait entre elle et le comte de Grignan. Le mariage
-se fit à l'église de Saint-Nicolas des Champs, paroisse où
-habitait madame de Sévigné; et, le jour même, les deux
-époux allèrent coucher à Livry<a id="FNanchor_600" href="#Footnote_600" class="fnanchor">&nbsp;[600]</a>.</p>
-
-<p>Après ces rectifications essentielles sur la fille, revenons
-à la mère, à Marie de Rabutin-Chantal. A l'âge de dix-huit
-ans elle quitta les ombrages de l'abbaye de Livry, où s'était
-terminée son éducation; et elle entra dans le monde
-<span class="pagenum"><a id="Page_271"> 271</a></span>
-pour se marier, et elle se maria<a id="FNanchor_601" href="#Footnote_601" class="fnanchor">&nbsp;[601]</a>. Le séduisant et jovial
-marquis de Sévigné, gentilhomme breton, présenté par le
-cardinal de Retz, son parent, est préféré par la jeune héritière
-de Bourgogne. Le 27 mai 1644, les articles du contrat
-furent arrêtés par André d'Ormesson et le président Barillon<a id="FNanchor_602" href="#Footnote_602" class="fnanchor">&nbsp;[602]</a>,
-tous deux pères de ceux qui, sous ces mêmes noms,
-furent par la suite les constants amis de madame de Sévigné.
-Deux jours après que le contrat eut été rédigé et
-qu'on parlait de prendre jour pour le signer, Sévigné eut
-une querelle avec du Chastellet, son compatriote. Sévigné
-l'arrêta sur le Pont-Neuf, et lui donna des coups de
-plat d'épée pour quelques propos que celui-ci avait tenus.
-Un duel s'ensuivit, qui eut lieu au Pré-aux-Clercs<a id="FNanchor_603" href="#Footnote_603" class="fnanchor">&nbsp;[603]</a>. Sévigné
-reçut une blessure à la cuisse, qui mit sa vie en danger.
-Du Chastellet était de l'ancienne famille de Hay de
-Bretagne, qui se vantait d'être sortie, il y a six cents ans,
-des comtes de Castille. Le père de du Chastellet avait été
-avocat au parlement de Rennes, et ensuite conseiller
-d'État<a id="FNanchor_604" href="#Footnote_604" class="fnanchor">&nbsp;[604]</a>: ainsi son fils était de robe, tandis que Sévigné
-était d'épée. Cela explique l'arrogance de ce dernier;
-il en fut sévèrement puni. Le père de du Chastellet
-<span class="pagenum"><a id="Page_272"> 272</a></span>
-s'illustra dans les lettres, et son fils, dans toutes les
-occasions importantes, montra autant de talent et d'esprit
-que de courage; il devint par la suite un publiciste
-distingué<a id="FNanchor_605" href="#Footnote_605" class="fnanchor">&nbsp;[605]</a>, et nous retrouvons son nom ou celui de son
-fils, trente et quarante ans après ce duel, sur les listes de
-ceux qui siégèrent aux états de Bretagne, avec le nom du
-fils de madame de Sévigné<a id="FNanchor_606" href="#Footnote_606" class="fnanchor">&nbsp;[606]</a>. Près de deux mois et demi
-se passèrent avant que Henri de Sévigné fût guéri de sa
-blessure, et son contrat de mariage ne put être signé que
-le 1<sup>er</sup> juillet. Il le fut sans témoins. Le lundi soir 1<sup>er</sup> août,
-les fiançailles se firent en présence du P. de Gondy, de
-l'Oratoire; du coadjuteur (Retz), et des évêques d'Alby
-et de Châlons; de la duchesse de Retz et de plusieurs
-autres dames. Le mariage fut célébré le jeudi 4 août,
-à deux heures du matin. Cette heure tardive explique
-pourquoi l'acte de mariage, qu'on a retrouvé dans le registre
-de l'ancienne paroisse de Saint-Gervais, n'est signé
-ni du curé ni du vicaire qui le dressèrent. Ils remirent
-au lendemain<a id="FNanchor_607" href="#Footnote_607" class="fnanchor">&nbsp;[607]</a> pour compléter leur ouvrage,
-<span class="pagenum"><a id="Page_273"> 273</a></span>
-et, comme il arrive souvent, ce qui avait dû être fait la
-veille fut oublié le jour d'ensuite.</p>
-
-<p>Les deux conjoints partirent huit à dix jours après
-pour la Bretagne, se rendirent à leur terre des Rochers,
-et ne revinrent à Paris qu'en décembre de l'année suivante.
-Ainsi les souvenirs du séjour de madame de Sévigné
-aux Rochers se trouvaient liés à l'acte le plus important
-de sa vie et à cette année qu'elle passa seule
-avec celui qu'elle aimait, corrigé, pendant quelque temps
-du moins, de sa brutale insolence et de ses fougueux
-emportements par la dure leçon qui lui avait été donnée
-par du Chastellet.</p>
-
-<p>Dès cette époque, on aperçoit dans madame de Sévigné
-le désir qu'elle manifeste, à l'égard de son cousin
-Bussy, de son fils et de sa fille, de voir ceux des deux
-familles auxquelles elle appartenait parvenir à de hautes
-fonctions et à un rang élevé dans le monde; et comme
-cette ambition ne put réussir que par sa fille, son amour
-maternel pour le premier fruit d'une union enfanté dans
-les délices d'une passion qu'aucune autre ne remplaça
-fut encore accru par le contentement de l'amour-propre
-satisfait<a id="FNanchor_608" href="#Footnote_608" class="fnanchor">&nbsp;[608]</a>. Avant de partir pour les Rochers, elle avait
-prié son ami Olivier d'Ormesson de s'informer si M. de
-Rogmont voulait vendre sa charge de cornette des chevau-légers;
-car il ne paraît pas, ainsi qu'on l'a dit, qu'au
-moment de son mariage Sévigné eût encore été revêtu du
-grade de maréchal de camp. Des négociations, qui durèrent
-deux ans, furent entamées pour lui procurer une
-<span class="pagenum"><a id="Page_274"> 274</a></span>
-charge; elles échouèrent, parce que madame de Sévigné
-ne put obtenir de son tuteur l'abbé de Coulanges
-et de ses frères de servir de caution à M. de Sévigné.
-Ces hommes judicieux avaient aperçu les graves défauts
-de ce jeune éventé, et regrettaient que leur nièce lui eût
-donné la préférence sur ses rivaux. L'abbé de Coulanges
-se plaignait hautement de ce que, par tendresse pour la
-mariée, lui et madame de la Trousse s'étaient engagés,
-contre leur intention, plus qu'ils n'auraient dû
-le faire<a id="FNanchor_609" href="#Footnote_609" class="fnanchor">&nbsp;[609]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, privée de sa mère et n'ayant
-jamais eu de s&oelig;ur, n'eut auprès d'elle, pour l'assister
-dans son premier accouchement, que la mère et la femme
-d'Olivier d'Ormesson, son ami intime, son conseil.
-L'enfant qui devait bientôt remplir d'amour et de tourments
-toute l'existence de madame de Sévigné l'occupa
-faiblement: ce n'était qu'une fille. Mais, seize mois
-après la naissance de cette fille, une lettre qu'elle écrit à
-Bussy<a id="FNanchor_610" href="#Footnote_610" class="fnanchor">&nbsp;[610]</a> nous montre l'orgueilleuse mère triomphante
-d'avoir donné un fils à son mari. Elle était trop entièrement
-dominée par sa tendresse conjugale pour qu'elle
-pût encore en reporter une grande part sur ses enfants.
-Le c&oelig;ur est exclusif, et sent qu'il affaiblit ses forces en
-les partageant. Toujours l'amour d'une femme pour son
-mari faiblit quand le sentiment maternel se développe
-en elle avec énergie. La raison resserre, il est vrai, les
-n&oelig;uds qui l'unissent au père de ses enfants; mais quand
-<span class="pagenum"><a id="Page_275"> 275</a></span>
-la raison domine il n'y a plus de passion, il n'y a plus
-d'amour.</p>
-
-<p>D'ailleurs, dans l'intervalle de ses deux accouchements,
-pendant l'hiver de 1646 à 1647 et dans le cours
-de cette dernière année, madame de Sévigné fut occupée
-d'un procès qui la concernait personnellement, ce
-qui la rapprocha encore plus d'Olivier d'Ormesson et de
-sa famille. Elle résida donc à Paris avec son mari, et le
-procès ne les empêcha pas de goûter les plaisirs de la
-capitale; ils invitaient fréquemment à dîner M. Olivier
-d'Ormesson, avec leur oncle Renaud de Sévigné, qui arrivait
-d'Italie.</p>
-
-<p>Dans le journal d'Olivier d'Ormesson, du 27 février
-1647, on lit<a id="FNanchor_611" href="#Footnote_611" class="fnanchor">&nbsp;[611]</a>: «Je fus dîner chez M. de Sévigné. Je fus,
-avec M. et madame de Sévigné, chez M. du Verger pour
-leur affaire; ils soupèrent ce soir-là au logis, et (nous) fûmes voir
-après souper, chez M. Novion (le président), <i>le Ballet
-des Rues de Paris</i>, qui n'est pas grand'chose<a id="FNanchor_612" href="#Footnote_612" class="fnanchor">&nbsp;[612]</a>.»</p>
-
-<p>La journée du samedi 2 mars 1647 dut se graver aussi
-dans la mémoire de madame de Sévigné; car, après avoir
-été avec d'Ormesson chez ses hommes d'affaires, elle se
-rendit ensuite avec lui au Palais-Royal pour voir la représentation
-de la <i>Grande Comédie</i><a id="FNanchor_613" href="#Footnote_613" class="fnanchor">&nbsp;[613]</a>. Cette grande comédie,
-dont parle Olivier d'Ormesson, lui parut ennuyeuse,
-parce qu'il ne connaissait pas l'italien. Elle dut, par
-une raison contraire, intéresser la jeune élève de Ménage
-et de Chapelain. C'est le premier opéra italien qui ait été
-<span class="pagenum"><a id="Page_276"> 276</a></span>
-joué en France. Il fait époque dans l'histoire de notre
-théâtre. Ceux qui le connaissent savent qu'il s'agit ici
-du <i>Mariage d'Orphée et d'Eurydice</i><a id="FNanchor_614" href="#Footnote_614" class="fnanchor">&nbsp;[614]</a>, pièce pour laquelle
-Mazarin fit de si grandes dépenses. Transcrivons
-le récit que fait madame de Motteville de la première
-représentation de cette pièce. Il peint si bien la cour
-et les courtisans et l'époque heureuse de la régence
-d'Anne d'Autriche, il nous initie si parfaitement au
-temps de la jeunesse de madame de Sévigné, que l'on
-ne peut, sans l'avoir lu, se faire une idée des souvenirs
-dont la dame des Rochers aimait à entretenir sa vive
-imagination durant les journées passées dans sa champêtre
-solitude<a id="FNanchor_615" href="#Footnote_615" class="fnanchor">&nbsp;[615]</a>.</p>
-
-<p>«Sur la fin des jours gras (le 2 mars 1747), le cardinal
-Mazarin donna un grand régal à la cour, qui fut
-beau et fortement loué par les adulateurs qui se rencontrent
-en tout temps. C'était une comédie à machines et
-en musique à la mode d'Italie, qui fut belle et qui nous
-parut extraordinaire et royale. Il avait fait venir les
-musiciens de Rome avec de grands soins, et le machiniste
-aussi, qui était un homme de grande réputation pour
-ces sortes de spectacles. Les habits en furent magnifiques,
-et l'appareil tout de même sorte. Les mondains
-s'en divertirent, les dévots en murmurèrent; et ceux
-qui, par un esprit déréglé, blâment tout ce qui se fait
-ne manquèrent pas, à leur ordinaire, d'empoisonner ces
-plaisirs, parce qu'ils ne respirent pas l'air sans chagrin
-et sans rage. Cette comédie ne put être prête que les
-<span class="pagenum"><a id="Page_277"> 277</a></span>
-derniers jours de carnaval; ce qui fut cause que le cardinal
-Mazarin et le duc d'Orléans pressèrent la reine pour
-qu'elle se jouât dans le carême; mais elle, qui conservait
-une volonté pour tout ce qui regardait sa conscience,
-n'y voulut pas consentir. Elle témoigna même quelque
-dépit de ce que la comédie, qui se représenta le samedi
-pour la première fois, ne pût commencer que tard,
-parce qu'elle voulait faire ses dévotions le dimanche gras,
-et que, la veille des jours qu'elle voulait communier,
-elle s'était accoutumée à se retirer de meilleure heure,
-pour se lever le lendemain plus matin. Elle ne voulut
-pas perdre ce plaisir, pour obliger celui qui le donnait;
-mais, ne voulant pas aussi manquer à ce qu'elle croyait
-être son devoir, elle quitta la comédie à moitié, et se
-retira pour prier Dieu, pour se coucher et souper à l'heure
-qu'il convenait, pour ne rien troubler à l'ordre de sa
-vie. Le cardinal Mazarin en témoigna quelque déplaisir;
-et quoique ce ne fût qu'une bagatelle qui avait en soi un
-fondement assez sérieux et assez grand pour obliger la
-reine à faire plus qu'elle ne fit, c'est-à-dire à ne la point
-voir du tout, elle fut néanmoins estimée d'avoir agi contre
-les sentiments de son ministre; et comme il témoigna
-d'en être fâché, cette petite amertume fut une très-grande
-douceur pour un grand nombre d'hommes. Les
-langues et les oreilles inutiles en furent occupées quelques
-jours, et les plus graves en sentirent des moments
-de joie qui leur furent délectables.»</p>
-
-<p>Nul doute que madame de Sévigné, lorsqu'elle voyait
-ce spectacle magique de l'Opéra tel que Louis XIV et
-les grands artistes d'alors l'avaient créé, ne se ressouvînt
-souvent de la <i>Grande Comédie</i> et des événements qu'elle
-précéda presque immédiatement.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_278"> 278</a></span>
-Madame de Sévigné, après avoir passé tranquillement
-les premiers mois de 1648 chez son oncle l'évêque de
-Châlons, dans sa belle campagne de Ferrières, revint à
-Paris; et le 11 décembre suivant elle était dans la lanterne
-«avec d'Ormesson pour entendre plaider un procès,
-lorsque les députés des enquêtes envahirent la grand'chambre,
-et demandèrent l'assemblée générale<a id="FNanchor_616" href="#Footnote_616" class="fnanchor">&nbsp;[616]</a>.» Puis,
-le lendemain du repas de famille, le 6 janvier 1649, elle
-apprit que le roi était parti dans la nuit, que la porte
-Saint-Honoré était gardée, que le peuple avait forcé le
-bagage du roi. La guerre civile commença: tous les Sévigné
-y prirent part, et suivirent le parti de Retz. Le
-marquis de Sévigné se sépara de sa femme, et suivit le
-duc de Longueville en Normandie. Renaud de Sévigné
-se fit battre à Longjumeau; et madame de Sévigné, malgré
-cet échec, se réjouissait des progrès de la Fronde,
-en haine du ministre, qui était l'ennemi de Gondi. Son
-naturel, enclin à la gaieté, la portait à se laisser distraire
-des inquiétudes et des tourments que lui causait l'absence
-de son mari par la société et les lettres de Bussy,
-et surtout par le jovial et spirituel chansonnier que d'Ormesson
-rencontrait toujours chez elle lorsqu'il y allait.
-C'était Marigny, fougueux frondeur, qui, non content
-de rimer des épigrammes et des chansons, joignait l'action
-aux paroles, et souffletait un membre du parlement
-(Boislesve) qui l'avait insulté par ses propos<a id="FNanchor_617" href="#Footnote_617" class="fnanchor">&nbsp;[617]</a>. Ce fut
-alors aussi qu'elle s'occupa le plus de musique, de vers
-<span class="pagenum"><a id="Page_279"> 279</a></span>
-italiens et de littérature, et qu'elle mit à profit, pour
-son instruction, l'inclination qu'avait pour elle Ménage,
-jeune encore, quoique déjà célèbre<a id="FNanchor_618" href="#Footnote_618" class="fnanchor">&nbsp;[618]</a>. L'amitié qu'Olivier
-d'Ormesson avait pour madame de Sévigné et l'influence
-qu'elle exerçait sur ce magistrat étaient si bien connues
-qu'à la cour et dans sa propre famille on le soupçonnait,
-dans le célèbre procès de Fouquet, dont il était rapporteur,
-de ne se conduire que par les conseils de madame
-de Sévigné<a id="FNanchor_619" href="#Footnote_619" class="fnanchor">&nbsp;[619]</a>.</p>
-
-<p>L'intimité des deux familles de Rabutin, de Coulanges
-et des d'Ormesson fut entretenue par Olivier après
-la mort de son père. «Le jour de Pâques (5 avril 1665),
-dit celui-ci dans ses Mémoires, nous donnâmes, le soir,
-à souper, suivant l'usage de mon père, à toute la famille;
-et s'y trouvèrent MM. de Colanges, Sanzé et d'Harouis,
-mesdames de Sévigné mère et fille.» Le 12 octobre suivant,
-nous apprenons de ces mêmes Mémoires que
-«d'Ormesson se rendit à Livry pour voir madame de
-Sévigné, qui s'était blessée à l'&oelig;il<a id="FNanchor_620" href="#Footnote_620" class="fnanchor">&nbsp;[620]</a>.» D'Ormesson a bien
-soin de noter sur son journal que, le mercredi 3 février
-1666, madame de Sévigné lui amena Pellisson et mademoiselle
-de Scudéry, qui lui témoignèrent toute l'estime
-et l'amitié possibles sur l'histoire du procès de Fouquet;
-qu'au mois d'août de la même année madame de Sévigné
-partit pour la Bretagne; et qu'enfin, le 25 août
-de l'année suivante (1667), «il alla à Livry voir l'abbé
-<span class="pagenum"><a id="Page_280"> 280</a></span>
-de Colanges et madame de Sévigné, où arrivèrent
-M. d'Andilly et madame Duplessis-Guénégaud<a id="FNanchor_621" href="#Footnote_621" class="fnanchor">&nbsp;[621]</a>.»</p>
-
-<p>A la fin de cette même année (1667), le nom de madame
-de Sévigné fut bien souvent répété dans le monde
-et dans les journaux scientifiques, non pas à cause d'elle
-ou de sa famille, mais parce qu'un de ses domestiques,
-nommé Saint-Amand, était devenu fou furieux; on pratiqua
-sur lui une opération de thérapeutique alors très-vantée:
-c'était celle de la transfusion du sang. Ce fut
-M. de Montmort<a id="FNanchor_622" href="#Footnote_622" class="fnanchor">&nbsp;[622]</a>, ami de madame de Sévigné comme
-de d'Ormesson, qui apprit à ce dernier que, «le 2 décembre
-(1667), Saint-Amand était retombé dans sa folie
-pour la troisième fois; qu'on avait tiré tout son sang, et
-introduit dans ses veines le sang d'un veau; qu'il avait
-dormi la nuit, ce qu'il n'avait pas fait depuis six semaines,
-et qu'on espérait un bon succès.» Cette opération
-de la <i>transfusion du sang</i> était nouvelle en France lorsqu'on
-la pratiqua sur le domestique de madame de Sévigné.
-Suivant Mackensie, on l'avait essayée en Angleterre
-dès l'an 1648<a id="FNanchor_623" href="#Footnote_623" class="fnanchor">&nbsp;[623]</a>. Robert Lower s'en prétendit l'inventeur,
-et en 1665 il en fit l'expérience publique à Oxford<a id="FNanchor_624" href="#Footnote_624" class="fnanchor">&nbsp;[624]</a>.
-Ce moyen curatif fut fort préconisé en Allemagne, et enfin
-pratiqué en France, pour la première fois, par Denis et
-Emmerets, en 1666; mais Lamartinière et Perrault
-<span class="pagenum"><a id="Page_281"> 281</a></span>
-attaquèrent Denis et Emmerets pour ces essais trop hardis
-de l'art médical; et une sentence du Châtelet, rendue
-le 17 avril 1668, c'est-à-dire moins de quatre mois
-après l'expérience tentée sur le domestique de madame
-de Sévigné, défendit de pratiquer la transfusion du sang
-tant qu'elle n'aurait pas reçu l'approbation de la faculté
-de médecine de Paris; et cette approbation ne fut jamais
-donnée<a id="FNanchor_625" href="#Footnote_625" class="fnanchor">&nbsp;[625]</a>. On vient de la tenter de nouveau, au moment
-où j'écris ceci, en transfusant du sang humain dans
-les veines d'une femme expirante, et on lui a rendu la
-vie et la santé<a id="FNanchor_626" href="#Footnote_626" class="fnanchor">&nbsp;[626]</a>.</p>
-
-<p>L'année suivante (1668) devait occuper encore plus de
-place que toutes celles qui l'avaient précédée dans la
-mémoire de madame de Sévigné. C'était le temps de la
-première conquête de la Franche-Comté, le temps où
-elle parut conduisant sa fille, éclatante de jeunesse et
-de beauté, aux splendides fêtes de Versailles. Madame
-de Sévigné se rappelait encore les jours heureux passés
-à Livry, pendant l'été et l'automne de cette même année,
-dans la société des Coulanges, de tous ses amis, de d'Ormesson
-et de ses fils. Ce fut à Livry que la vocation de
-l'un d'eux se décida pour la vie religieuse, et que mademoiselle
-de Sévigné et sa mère durent être étonnées de
-voir ce jeune homme, près d'elles, persister dans le désir
-de se faire génovéfain<a id="FNanchor_627" href="#Footnote_627" class="fnanchor">&nbsp;[627]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_282"> 282</a></span>
-Il était nécessaire de rappeler tout ce qui, dans les
-Mémoires de d'Ormesson, nous révélait des faits ignorés
-jusqu'ici sur madame de Sévigné et les objets des réminiscences
-dont elle était principalement préoccupée pendant
-son séjour aux Rochers durant l'année 1675. Le
-petit nombre de lettres qui nous restent de sa correspondance
-pendant la première moitié de sa vie, qui seraient
-les plus intéressantes à bien connaître, laissent dans sa
-biographie des lacunes qu'il n'est pas possible de combler,
-et des incertitudes qu'on ne peut faire disparaître
-entièrement; mais les Mémoires de d'Ormesson, en nous
-donnant les moyens de retracer les souvenirs dont elle
-était préoccupée à l'époque où nous sommes parvenus,
-nous ont permis d'en diminuer le nombre. Après l'avoir
-accompagnée dans cette course rétrograde, allons la retrouver
-en Bretagne, où elle jouit de la société de la princesse
-de Tarente.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_283"> 283</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XIII.<br />
-<span class="medium">1676.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">Liaisons de madame de Sévigné avec la princesse de Tarente.&mdash;Elles
-aimaient à s'entretenir ensemble de leurs filles et des souvenirs de
-leur jeunesse.&mdash;Nouvelles du Danemark et de la cour de France,
-données par cette princesse à madame de Sévigné pendant son séjour
-aux Rochers.&mdash;Griffenfeld devient amoureux de la princesse
-de la Trémouille, qui le rejette.&mdash;Il se fait des ennemis;&mdash;conspire;&mdash;est
-condamné à mort;&mdash;reçoit sa grâce;&mdash;se marie et
-meurt.&mdash;Madame de la Trémouille épouse le comte d'Oldenbourg.&mdash;Colère
-de la princesse de Tarente sur ce mariage.&mdash;Madame de
-Sévigné l'apaise.&mdash;Motifs de l'attachement que la princesse avait
-pour elle.&mdash;Liaison de la princesse de Tarente avec <span class="smallc">Madame</span>,
-femme de <span class="smallc">Monsieur</span>, sa nièce.&mdash;Caractère de <span class="smallc">Madame</span>.&mdash;Rang et
-naissance de la princesse de Tarente et de Henri-Charles de la Trémouille,
-son mari.&mdash;Pourquoi celui-ci était appelé prince de Tarente.&mdash;Caractère
-du prince de Tarente.&mdash;Il fuit en Hollande.&mdash;Il
-épouse la fille du landgrave de Hesse-Cassel.&mdash;Il s'attache à
-Condé, et lui reste fidèle.&mdash;Rentre en France.&mdash;Influence de la
-maison de la Trémouille en Poitou et en Bretagne.&mdash;La baronnie de
-Vitré la plus ancienne de Bretagne.&mdash;Le prince de Tarente préside
-les états de Bretagne, notamment ceux de 1669.&mdash;Mort du prince
-de Tarente.&mdash;Son fils est élevé dans la religion catholique.&mdash;La
-princesse de Tarente devient héritière et maîtresse de tous les
-biens de sa maison.&mdash;Pourquoi elle avait tant d'amitié pour madame
-de Sévigné.&mdash;Elle lui donne un petit chien.&mdash;Confidences
-de la princesse.&mdash;Madame de Sévigné se décide à passer l'hiver
-aux Rochers.&mdash;Ses distractions.&mdash;Ses lectures.&mdash;L'opéra d'<i>Atys</i>
-est donné.&mdash;L'<i>Art poétique</i> de Boileau est publié.&mdash;Souvenirs
-du passé retrouvés dans les papiers de la princesse de Tarente.&mdash;Portrait
-de madame de Sévigné.&mdash;Vue rétrospective du temps
-de sa jeunesse.&mdash;Détails sur la duchesse de la Trémouille, belle-mère
-de la princesse de Tarente.</p>
-
-<p class="space">C'est avec la princesse de Tarente que madame de
-<span class="pagenum"><a id="Page_284"> 284</a></span>
-Sévigné aimait à s'entretenir du beau temps de sa jeunesse.
-Cette bonne princesse avait des recettes curatives
-pour tous les souffrants et des consolations pour tous les
-soupirants, badinant elle-même de son <i>c&oelig;ur de cire</i><a id="FNanchor_628" href="#Footnote_628" class="fnanchor">&nbsp;[628]</a>.
-Elle avait pour madame de Sévigné une véritable amitié:
-elle lui faisait aux Rochers de fréquentes visites, et
-y passait des journées entières<a id="FNanchor_629" href="#Footnote_629" class="fnanchor">&nbsp;[629]</a>.</p>
-
-<p>Le pays, la langue, la religion, la naissance, le rang,
-le caractère, les habitudes, les manières, les m&oelig;urs,
-tout était différent entre la princesse de Tarente et madame
-de Sévigné; et cependant une singulière analogie
-dans leur destinée les rapprochait et établissait entre
-elles une grande intimité. Toutes deux étaient veuves et
-à peu près du même âge; toutes deux avaient une fille
-qu'elles aimaient avec une tendresse excessive et qu'elles
-préféraient à l'héritier de leur nom; leurs filles se trouvaient
-séparées d'elles par de grandes distances, de sorte
-qu'elles seules sympathisaient parfaitement quand elles
-se confiaient leurs inquiétudes, quand elles s'entretenaient
-de leurs communes douleurs<a id="FNanchor_630" href="#Footnote_630" class="fnanchor">&nbsp;[630]</a>. Celles qui tourmentaient
-<span class="pagenum"><a id="Page_285"> 285</a></span>
-alors la princesse de Tarente étaient grandes,
-et les lettres de madame de Sévigné, en nous instruisant
-de leur cause, nous donnent sur l'histoire de Danemark
-des documents précieux et certains. Voici ce qu'elle
-écrit à sa fille sur ce sujet<a id="FNanchor_631" href="#Footnote_631" class="fnanchor">&nbsp;[631]</a>:</p>
-
-<p>«J'ai été voir la bonne princesse; elle me reçut avec
-transport. Le goût qu'elle a pour vous n'est pas d'une
-Allemande; elle est touchée de votre personne et de ce
-qu'elle croit de votre esprit. Elle n'en manque pas, à sa
-manière; elle aime sa fille et en est occupée; elle me
-conta ce qu'elle souffre de son absence, et m'en parla
-comme à la seule personne qui puisse comprendre sa
-peine.</p>
-
-<p>«Voici donc, ma chère enfant, des nouvelles de la
-cour de Danemark: je n'en sais plus de la cour de France;
-mais pour celles de Copenhague, elles ne vous manqueront
-pas. Vous saurez donc que cette princesse de la Trémouille
-est favorite du roi et de la reine, qui est sa cousine
-germaine. Il y a un prince, frère du roi, fort joli,
-fort galant, que nous avons vu en France, qui est passionné
-de la princesse, et la princesse pourrait peut-être
-sentir quelques dispositions à ne le haïr pas; mais il se
-trouve un rival qui s'appelle M. le comte de <i>Kingstoghmfelt</i>
-(madame de Sévigné s'amusait, ainsi qu'elle
-le dit elle-même, à défigurer ridiculement tous les noms
-allemands, pour faire rire sa fille<a id="FNanchor_632" href="#Footnote_632" class="fnanchor">&nbsp;[632]</a>). Vous entendez
-<span class="pagenum"><a id="Page_286"> 286</a></span>
-bien: ce comte est amoureux de la princesse, mais la
-princesse le hait. Ce n'est pas qu'il ne soit brave, bien
-fait et qu'il n'ait de l'esprit, de la politesse; mais il n'est
-pas gentilhomme, et cette seule pensée fait évanouir. Le
-roi est son confident, et voudrait bien faire ce mariage;
-la reine soutient sa cousine, et voudrait bien le prince;
-mais le roi s'y oppose, et le favori fait sentir à son rival
-tout le poids de sa jalousie et de sa faveur. La princesse
-pleure, et écrit à sa mère deux lettres de quarante pages:
-elle a demandé son congé; le roi ni la reine n'y
-veulent point consentir, chacun pour différents intérêts.
-On éloigne le prince sous divers prétextes; mais il revient
-toujours. Présentement ils sont tous à la guerre contre
-les Suédois, se piquant de faire des actions romanesques
-pour plaire à la princesse. Le favori lui dit en partant:
-«Madame, je vois de quelle manière vous me traitez;
-mais je suis assuré que vous ne sauriez me refuser votre
-estime.» Voilà le premier tome; je vous en manderai
-la suite, et je ne veux pas qu'il y ait dorénavant en
-France une personne mieux instruite que vous des intrigues
-de Danemark.»</p>
-
-<p>Et quatre mois après elle ne donne pas encore le
-second volume du roman; mais elle continue le premier,
-et ajoute<a id="FNanchor_633" href="#Footnote_633" class="fnanchor">&nbsp;[633]</a>: «Disons deux mots du Danemark. La princesse
-est au siége de Wismar, avec le roi et la reine; les
-deux amants font des choses romanesques. Le favori a
-traité un mariage pour le prince, et a laissé le soin à la
-renommée d'apprendre cette nouvelle à la jolie princesse:
-il fut même deux jours sans la voir. Cela n'est
-<span class="pagenum"><a id="Page_287"> 287</a></span>
-pas le procédé d'un sot. Pour moi, je crois qu'il se
-trouvera à la fin qu'il est le fils de quelque roi des Wisigoths.»</p>
-
-<p>Non, ce fut toujours <i>Schuhmacher</i> (Cordonnier), Allemand
-d'origine, fils d'un marchand de vin à Copenhague,
-créé comte de Griffenfeld et grand chancelier. La reine
-elle-même, cédant à son influence, voulut le marier
-avec la fille du duc de Holstein-Augustenbourg, de
-la branche cadette de la maison royale, et la princesse
-s'était déjà mise en route pour Copenhague; mais
-Griffenfeld mit lui-même obstacle à ce mariage. Ce grand
-homme d'État, ce Richelieu du Nord, ce législateur du
-Danemark, qu'il gouverna longtemps admirablement, se
-laissa détourner des larges voies de sa noble ambition par
-l'espoir d'épouser cette fille de la princesse de Tarente,
-la charmante Charlotte-Amélie de la Trémouille. L'esprit,
-les grâces, la beauté de cette princesse l'avaient séduit.
-Rebuté par elle, il abusa de son autorité pour écarter
-le prince son rival, et chercha à se ménager l'appui
-tout-puissant de Louis XIV; il lia avec ce monarque une
-correspondance coupable, en reçut de l'argent, négligea
-les affaires du royaume pour suivre celles qui intéressaient
-sa funeste passion, fut dénoncé, arrêté, mis en jugement
-et condamné à perdre ses biens, ses emplois et
-à avoir la tête tranchée. Le jour fixé pour l'exécution, il
-monta avec une contenance assurée sur l'échafaud; mais
-au moment où l'exécuteur levait le glaive, un aide de
-camp du roi accourt, et crie: «Grâce, de la part de Sa
-Majesté, pour Schuhmacher!» Et l'aide de camp remet
-un papier à Schuhmacher, qui le reçut sans émotion. Il
-apprit, en le lisant, que sa peine était commuée en une
-prison perpétuelle. Schuhmacher dit froidement: «Cette
-<span class="pagenum"><a id="Page_288"> 288</a></span>
-grâce est plus douloureuse que la mort même.» Il
-redescendit lentement, et comme à regret, les degrés
-de l'échafaud. Il fit solliciter le roi de lui permettre de
-le servir comme soldat: cette faveur lui fut refusée. Détenu
-étroitement à Copenhague pendant quatre ans, il
-fut ensuite transféré au château fort de Muncholm, près
-de Drontheim, en Norwége; il y resta vingt-trois ans,
-regretté de son souverain, qui désirait et n'osait pas
-l'employer. En 1698, sa captivité cessa; mais il ne
-jouit pas longtemps de sa liberté, puisqu'il mourut le
-11 mai 1699, âgé de soixante-quatre ans. Il avait été marié
-à une Catherine Nansen de Copenhague, et en eut
-une fille<a id="FNanchor_634" href="#Footnote_634" class="fnanchor">&nbsp;[634]</a>.</p>
-
-<p>Tel est le second tome du <i>roman vrai</i> et trop malheureusement
-historique que madame de Sévigné avait promis
-à sa fille, mais qu'elle n'aurait pu lui donner complet;
-car elle mourut deux ans avant ce <i>favori tout-puissant</i>,
-qu'elle appelle <i>M. le comte de Kinghstoghmfelt</i><a id="FNanchor_635" href="#Footnote_635" class="fnanchor">&nbsp;[635]</a>.</p>
-
-<p>Le troisième et dernier tome doit nécessairement nous
-apprendre quel fut le sort de celle qui inspira une passion
-si funeste au principal personnage, et madame de
-Sévigné, qui nous a donné le premier, nous fournira
-encore celui-là. Elle nous apprend que, la princesse de
-la Trémouille n'ayant pu épouser le prince de Danemark,
-sa mère la princesse de Tarente ne trouvait personne
-d'assez noble. Elle était parente de la Dauphine et
-de deux électeurs palatins de Hesse, et elle ne voulait
-point déroger. Plusieurs partis se présentèrent, et furent</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_289"> 289</a></span>
-refusés; mais sa fille, qui ne pensait pas comme sa mère,
-fit un choix sans sa participation, qui mit en courroux
-la princesse de Tarente<a id="FNanchor_636" href="#Footnote_636" class="fnanchor">&nbsp;[636]</a>. C'est dans sa lettre à madame
-de Grignan du 3 mai 1680, écrite dans l'agitation d'un
-départ, que madame de Sévigné nous instruit de ce
-mariage: «Encore, si j'avais à vous apprendre des nouvelles
-de Danemark, comme je faisais il y a quatre ou
-cinq ans, ce serait quelque chose; mais je suis dénuée
-de tout. A propos, la princesse de la Trémouille épouse
-un comte d'<i>Ochtensilbourg</i><a id="FNanchor_637" href="#Footnote_637" class="fnanchor">&nbsp;[637]</a> (lisez comte d'Oldenbourg),
-qui est très-riche et le plus honnête homme
-du monde: vous connaissez ce nom-là. Sa naissance
-est un peu équivoque: toute l'Allemagne soupire de
-l'outrage fait à l'écusson de la bonne Tarente; mais
-le roi lui parla l'autre jour si agréablement sur cette
-affaire, et son neveu le roi de Danemark et même
-l'amour lui font de si pressantes sollicitations qu'elle
-s'est rendue. Elle vint me conter cela l'autre jour.
-Voilà une belle occasion de lui écrire, et de réparer
-vos fautes passées. N'êtes-vous pas bien aise de savoir
-ce détail<a id="FNanchor_638" href="#Footnote_638" class="fnanchor">&nbsp;[638]</a>?»</p>
-
-<p>Et dans sa lettre du 16 juillet, écrite des Rochers, madame
-de Sévigné continue de donner à sa fille des nouvelles
-de ce nouveau mariage: «J'ai vu ma voisine (la
-princesse de Tarente, qui était à Vitré). Elle me fit beaucoup
-d'amitié, et me montra d'abord votre lettre... Elle
-dit qu'elle est venue ici pour faire réponse. Sa fille est
-<span class="pagenum"><a id="Page_290"> 290</a></span>
-transportée de joie; elle est en Allemagne, ravie d'avoir
-quitté le Danemark, charmée de son mari et de ses
-richesses. Elle s'est un peu précipitée de se marier avant
-les signatures de sa famille: la mère en est en colère;
-mais je me moque d'elle<a id="FNanchor_639" href="#Footnote_639" class="fnanchor">&nbsp;[639]</a>.»</p>
-
-<p>Quinze jours après cette lettre, elle continue dans une
-autre<a id="FNanchor_640" href="#Footnote_640" class="fnanchor">&nbsp;[640]</a>:</p>
-
-<p>«La bonne princesse me vient voir sans m'en avertir,
-pour supprimer la sottise des fricassées: elle me surprit
-vendredi; nous nous promenâmes fort, et au bout du
-mail il se trouva une petite collation légère et propre,
-qui réussit fort bien. Elle me conta les torts de sa fille
-de n'avoir pas rempli son écusson d'une souveraineté;
-je me moquai fort d'elle; je la renvoyai en Allemagne
-pour tenir ce discours; et, dans le bois des Rochers, je
-lui fis avouer que sa fille avait très-bien fait. Elle est si
-étonnée de trouver quelqu'un qui ose lui contester quelque
-chose que cette nouveauté la réjouit. Le roi et la
-reine de Danemark vont voir ce comte d'Oldenbourg
-dans sa comté: il défraye toute cette cour, et sa magnificence
-surpasse toute principauté. Je vois les lettres de
-cette comtesse, que je trouve toutes pleines de passion
-pour son mari, de raison, de générosité, de dévotion et
-de justice.&mdash;«Eh! madame, que pouvez-vous leur souhaiter
-de plus, puisqu'avec cela elle est riche et contente?»&mdash;Il
-semble que j'aie une pension pour soutenir
-l'intérêt de cette fille.»</p>
-
-<p>Cette fille rentra en grâce, et madame de Sévigné
-<span class="pagenum"><a id="Page_291"> 291</a></span>
-fait honneur à ses exhortations et aux lettres écrites
-par madame de Grignan de cette réconciliation: il est
-bien plus probable qu'elle fut due aux lettres de la
-comtesse d'Oldenbourg, si tendrement aimée de sa
-mère<a id="FNanchor_641" href="#Footnote_641" class="fnanchor">&nbsp;[641]</a>. Madame de Sévigné, habituée à traiter d'égale
-à égale avec sa fille, à prévenir ses désirs, à lui pardonner
-tout et à ne se rien pardonner de ce qui avait pu lui
-déplaire, mesurait la force du sentiment par l'élégante
-énergie de l'expression, et elle ne trouvait pas que les
-lettres de la comtesse d'Oldenbourg fussent de nature
-à produire beaucoup d'effet. «Ce sont, dit-elle à madame
-de Grignan, des lettres d'un style qui n'est point fait;
-ce sont des <i>chères mamans</i> et des tendresses d'enfant,
-quoiqu'elle ait vingt ans<a id="FNanchor_642" href="#Footnote_642" class="fnanchor">&nbsp;[642]</a>.» L'éducation et les m&oelig;urs
-allemandes, l'étiquette sévère, l'obéissance passive des
-enfants envers leurs parents, exigées en Allemagne,
-donnaient, auprès d'une femme du rang et du caractère de
-la princesse de Tarente, une grande puissance à la naïve
-et sincère expression du sentiment filial. Dans les lettres
-d'Amélie de la Trémouille à sa mère, le ton familier, leste
-et dégagé de madame de Grignan, ses saillies plaisantes
-et ses spirituelles tendresses n'eussent certainement pas
-produit le même effet. Ce qui plaisait à la princesse de
-Tarente dans madame de Sévigné, dans madame de
-Grignan, lui eût déplu dans sa fille. On change difficilement
-les m&oelig;urs et les habitudes, les opinions et les
-croyances que l'on a reçues du pays qui nous a vu naître,
-<span class="pagenum"><a id="Page_292"> 292</a></span>
-où notre intelligence s'est développée, où nos premières
-passions ont rivé nos penchants à notre caractère; mais
-on prend facilement les manières des personnes avec
-qui l'on vit, et on renonce aisément à celles qu'on
-nous avait données. Toute l'Europe, à cette époque,
-était enivrée de la richesse, de l'élégance, de la politesse
-de la cour de Louis XIV; cette cour était pour
-toutes les autres un objet constant d'émulation, et les
-Françaises avaient acquis une renommée d'amabilité, de
-savoir-vivre qui les faisait rechercher et prendre pour
-modèle en tous lieux par les femmes des classes élevées.
-Madame de Sévigné était une des plus éminentes sous
-ce rapport. La princesse de Tarente fut séduite par son
-esprit: elle se livra sans réserve au charme d'un commerce
-intime, elle n'eut plus de secrets pour madame
-de Sévigné; elle lui fit sur elle-même d'étranges confidences,
-moins étonnantes encore que la hardiesse des
-observations et des réprimandes de madame de Sévigné,
-qui, loin de déplaire, affermissait ainsi la confiance
-qu'avait en elle la bonne princesse<a id="FNanchor_643" href="#Footnote_643" class="fnanchor">&nbsp;[643]</a>. Bien des causes
-mettaient obstacle à ce que madame de Sévigné eût
-pour elle la même chaleur de sentiment, la même franchise,
-le même abandon. Cependant les épanchements
-réciproques des tendresses maternelles n'étaient pas les
-seuls motifs qui portaient madame de Sévigné à rechercher
-avec empressement la société de cette princesse.
-Amélie de Hesse, qui avait épousé en 1647 le
-duc de la Trémouille, prince de Tarente, qu'elle perdit
-<span class="pagenum"><a id="Page_293"> 293</a></span>
-le 14 septembre 1672<a id="FNanchor_644" href="#Footnote_644" class="fnanchor">&nbsp;[644]</a>, était fille de Guillaume V,
-landgrave de Hesse-Cassel, et tante (tante très-chérie)
-de la seconde <span class="smallc">Madame</span> (Charlotte-Élisabeth de Bavière),
-que Louis XIV avait, dans l'intérêt de sa politique,
-imposée à son frère. La nouvelle duchesse d'Orléans se
-distinguait à la cour par son originalité, que personne
-n'était tenté d'imiter; elle y vivait dans un isolement
-complet, en véritable Allemande, conservant ses goûts
-et sa rude fierté; elle ne plaisait à personne, et personne
-ne lui plaisait. Il faut cependant en excepter le roi, qu'elle
-admirait, qu'elle aimait plus qu'il ne fallait pour son repos;
-elle n'avait de complaisance que pour lui et pour
-son mari, qu'elle parvint à s'attacher par sa soumission et
-sa résignation. Louis XIV lui en savait gré, et respectait
-dans cette princesse les droits éventuels qu'elle avait sur
-la Bavière et le Palatinat, dont il sut tirer bon parti dans ses
-négociations. Quoique laide, elle ne parut pas désagréable
-au roi le premier jour qu'il la vit. Son gros visage, sa taille
-courte, ses bras massifs, ses mains fortes et mal faites
-étaient relevés par sa jeunesse, son air de vigueur et de
-santé, l'ampleur de ses formes et l'éclatante fraîcheur
-des femmes de son pays. Louis XIV estimait sa vertu, la
-loyauté de sa brusque franchise; ses goûts virils, sa passion
-pour les chiens, les chevaux avaient son approbation et ses
-sympathies<a id="FNanchor_645" href="#Footnote_645" class="fnanchor">&nbsp;[645]</a>. Il lui savait même gré de son isolement, de
-sa sauvagerie, dont elle ne se départait que pour lui. Elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_294"> 294</a></span>
-aimait à le voir et à lui tenir compagnie. Tout le temps
-qu'elle ne passait pas près de lui, à la chasse et aux spectacles<a id="FNanchor_646" href="#Footnote_646" class="fnanchor">&nbsp;[646]</a>,
-elle l'employait à écrire à ses nobles parents
-d'Allemagne de longues lettres dont les fragments ont
-servi à former ces singuliers Mémoires où la cour de
-France, à l'exception du roi, est déchirée, injuriée impitoyablement;
-où les anecdotes les plus scandaleuses, souvent
-même les plus fausses sont racontées avec un cynisme
-révoltant<a id="FNanchor_647" href="#Footnote_647" class="fnanchor">&nbsp;[647]</a>; où elle exhale sa jalouse haine contre
-madame de Montespan, surtout contre madame de Maintenon,
-à laquelle elle prodigue les épithètes de <i>vieille
-sorcière</i>, de <i>vieille truie</i> et autres semblables. Trois Allemandes
-composaient sa société habituelle; la princesse
-de Tarente était de ces petites réunions, où l'on ne parlait
-qu'allemand. <span class="smallc">Madame</span> lui écrivait en langue allemande
-de longues lettres, que la princesse, lorsqu'elle était
-à Vitré, s'empressait de communiquer à madame de
-Sévigné en les traduisant. Par ce canal, encore plus que
-par celui de madame de Coulanges, madame de Sévigné
-parvenait à entretenir dans sa correspondance
-avec madame de Grignan cette variété piquante de
-faits curieux, d'anecdotes bouffonnes, de traits de médisance
-dont sa plume rapide savait déguiser le venin
-par un tour plaisant ou gracieux, et faire disparaître
-la crudité par de discrètes réticences.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_295"> 295</a></span>
-Si la princesse de Tarente avait voulu consentir à abjurer
-la religion protestante, ainsi qu'avait fait Élisabeth-Charlotte
-de Bavière lorsqu'elle épousa le duc d'Orléans,
-elle eût infailliblement tenu à la cour un rang
-distingué; elle eût rempli près de la reine la place
-qu'y occupait la princesse de Monaco<a id="FNanchor_648" href="#Footnote_648" class="fnanchor">&nbsp;[648]</a>, celle de première
-dame ou de présidente de sa maison<a id="FNanchor_649" href="#Footnote_649" class="fnanchor">&nbsp;[649]</a>. Mais
-quoique l'attachement de la princesse de Tarente pour
-sa religion l'empêchât d'être de la cour, elle n'en était
-pas moins une très-grande dame par sa naissance, par
-celle de son mari et par les richesses dont elle pouvait
-disposer. Fille d'un prince souverain et parente de la
-Dauphine, alliée par son mariage à la famille royale de
-France, elle exigea et obtint, depuis son veuvage, que
-dans l'occasion on la traitât d'<i>Altesse</i>. L'époux que s'était
-donné la fille du landgrave de Hesse-Cassel justifiait
-par sa naissance, et plus encore par le renom
-qu'il avait laissé, ces hautes prétentions. Henri-Charles
-de la Trémouille était fils de Henri, duc de la Trémouille,
-qui avait épousé en 1619 Marie de la Tour-d'Auvergne,
-sa cousine germaine, fille du maréchal de
-Bouillon, prince souverain de Sedan, et d'Élisabeth de
-Nassau, sa seconde femme<a id="FNanchor_650" href="#Footnote_650" class="fnanchor">&nbsp;[650]</a>. Son père, ayant recueilli
-les biens de la maison de Laval, réclama en 1743<a id="FNanchor_651" href="#Footnote_651" class="fnanchor">&nbsp;[651]</a>
-<span class="pagenum"><a id="Page_296"> 296</a></span>
-les droits qu'il prétendait avoir sur la couronne de Naples
-comme représentant Charlotte d'Aragon, sa trisaïeule;
-et il fit prendre, dans la suite, à son fils aîné
-le nom de prince de Tarente, que les fils aînés des ducs
-de la Trémouille ont toujours porté depuis sans conteste:
-les chefs de cette maison n'ont cessé, avec l'agrément
-du roi, de renouveler, pour la forme, leur réclamation<a id="FNanchor_652" href="#Footnote_652" class="fnanchor">&nbsp;[652]</a>.
-Si l'on excepte Louis II, cinquième aïeul,
-le conquérant de la Lombardie et l'époux de Gabrielle
-de Montpensier, princesse du sang, aucun des la Trémouille,
-ni avant ni depuis, ne s'est acquis une aussi
-grande illustration que le fils de celui qui porta le premier
-ce nom de prince de Tarente et qui épousa la
-princesse si fort affectionnée à madame de Sévigné.
-Nul homme de son temps, jeté au milieu d'événements
-où le monde était divisé en partis par la religion et la politique,
-n'a su mieux concilier ce qu'il devait au drapeau
-sous lequel il se plaçait avec ce que l'honneur,
-l'amitié, la conscience lui prescrivaient. Il embrassa la
-religion protestante, qui était celle de sa mère; et dès
-qu'il eut terminé ses études et ses exercices, il passa en
-Hollande. Il fit ses premières armes sous son grand-oncle
-le prince d'Orange: mis à la tête d'un régiment de
-cavalerie, il s'acquit chez les Hollandais la réputation
-<span class="pagenum"><a id="Page_297"> 297</a></span>
-d'un excellent officier. Ne pouvant épouser la princesse
-d'Orange, qui l'aimait et dont il était amoureux<a id="FNanchor_653" href="#Footnote_653" class="fnanchor">&nbsp;[653]</a>,
-il céda aux conseils de sa mère, et reçut à Cassel la
-main de la fille du landgrave Guillaume V, «avec plus
-de cérémonies, dit-il dans ses Mémoires, que je n'aurais
-voulu<a id="FNanchor_654" href="#Footnote_654" class="fnanchor">&nbsp;[654]</a>.»</p>
-
-<p>Après son mariage, Henri-Charles de la Trémouille
-revint en France, comblé de faveurs par les Hollandais,
-qu'il avait servis pendant cinq ans avec zèle. Ils le regrettaient,
-et auraient voulu le conserver; mais il ne
-pouvait renoncer à sa patrie, et il y rentra pourvu de
-titres, d'honneurs et de forts émoluments. La Fronde
-survint; son père avait fait abjuration du calvinisme
-entre les mains du cardinal de Richelieu et contribué à
-la prise de la Rochelle en 1628<a id="FNanchor_655" href="#Footnote_655" class="fnanchor">&nbsp;[655]</a>. Le prince de Tarente
-se trouva ainsi engagé dans le parti de la cour; mais,
-fatigué des promesses sans effet que lui faisait Mazarin,
-il suivit encore les conseils de sa mère, et s'attacha au
-prince de Condé, dont il était parent par le mariage de
-Charlotte de la Trémouille avec un Condé. Tarente
-combattit pour la cause de ce prince dans le Midi et en
-Saintonge, et, comme lui, faillit périr au combat du
-faubourg Saint-Antoine, où il eut un cheval tué sous
-lui, et reçut, dit-il dans ses Mémoires, <i>deux coups
-très-favorables</i><a id="FNanchor_656" href="#Footnote_656" class="fnanchor">&nbsp;[656]</a>. Il suivit Condé en exil au commencement
-<span class="pagenum"><a id="Page_298"> 298</a></span>
-de l'année 1653<a id="FNanchor_657" href="#Footnote_657" class="fnanchor">&nbsp;[657]</a>, et retourna en Hollande, où il
-fut accueilli avec empressement: favorisé par les états
-généraux et le prince d'Orange, il en rapporta des
-sommes considérables, qui suffirent au payement des
-dettes qu'il avait contractées au service des princes<a id="FNanchor_658" href="#Footnote_658" class="fnanchor">&nbsp;[658]</a>.</p>
-
-<p>En décembre 1654, Cromwell voulut profiter des
-troubles de la France pour l'affaiblir en y fomentant la
-guerre civile: il envoya un nommé Stouppe à Henri de
-la Trémouille, pour lui proposer de se mettre à la tête
-d'une ligue protestante. La Trémouille refusa. Il lui eût
-été plus difficile qu'à tout autre d'accepter une pareille
-offre sans manquer aux devoirs les plus sacrés. Son
-enfance avait été confiée aux jésuites par son père, qui
-depuis longtemps avait abjuré le protestantisme. Ainsi
-les soins paternels avaient donné à sa primitive éducation
-une direction toute catholique; mais sa mère, qui
-était protestante, le convertit durant son adolescence
-à la religion qu'elle professait. S'il avait pris les armes
-en faveur de ses coreligionnaires, il aurait nui à sa propre
-fortune, il aurait agi en fils ingrat et troublé le bonheur
-de sa famille<a id="FNanchor_659" href="#Footnote_659" class="fnanchor">&nbsp;[659]</a>.</p>
-
-<p>Tel était à l'étranger le crédit de Henri-Charles de la
-Trémouille que lorsque la princesse sa femme accoucha
-à la Haye, le 5 mai, du second prince de Tarente<a id="FNanchor_660" href="#Footnote_660" class="fnanchor">&nbsp;[660]</a>, cet
-enfant eut pour parrains le roi de Suède, les états généraux
-des Provinces-Unies et les états particuliers de la
-<span class="pagenum"><a id="Page_299"> 299</a></span>
-province de Hollande, et reçut de ce roi et des représentants
-de ces états les noms de Charles-Belgique-Hollande<a id="FNanchor_661" href="#Footnote_661" class="fnanchor">&nbsp;[661]</a>.</p>
-
-<p>Le prince de Tarente fut bien accueilli à son retour
-en France par la reine et par Mazarin<a id="FNanchor_662" href="#Footnote_662" class="fnanchor">&nbsp;[662]</a>; l'une et l'autre
-firent de vains efforts pour l'attacher au parti de la cour.
-Mazarin, irrité de sa résistance, le fit arrêter et enfermer
-dans la citadelle d'Amiens<a id="FNanchor_663" href="#Footnote_663" class="fnanchor">&nbsp;[663]</a>. Toute la province du
-Poitou, le landgrave de Hesse-Cassel, Turenne, son parent,
-sollicitèrent en vain son élargissement. Sa mère
-négocia avec le cardinal, et l'obtint<a id="FNanchor_664" href="#Footnote_664" class="fnanchor">&nbsp;[664]</a>. Il ne retourna pas
-dans l'armée de Condé, mais il demeura attaché au
-parti de ce prince, alors exilé à Bruxelles<a id="FNanchor_665" href="#Footnote_665" class="fnanchor">&nbsp;[665]</a>. Il envoya sa
-femme pour conférer avec lui<a id="FNanchor_666" href="#Footnote_666" class="fnanchor">&nbsp;[666]</a> et avec l'archiduc, et se
-fit, par cette conduite douteuse, exiler à Auxerre<a id="FNanchor_667" href="#Footnote_667" class="fnanchor">&nbsp;[667]</a>,
-d'où il continua de correspondre avec Condé<a id="FNanchor_668" href="#Footnote_668" class="fnanchor">&nbsp;[668]</a>. Il ne voulut
-rentrer en grâce qu'après que le prince eut fait sa
-paix. Depuis cette époque, il se dévoua entièrement aux
-intérêts du roi, et le servit d'une manière utile par ses
-talents et son influence dans le Poitou et dans la Bretagne,
-deux grandes provinces où il tenait le premier
-rang. Son père, Henri de la Trémouille, pair de France,
-duc de Thouars, prince de Talmont, comte de Montfort,
-baron de Vitré, etc., tenait à Thouars un grand
-état; et mademoiselle de Montpensier, habituée à une
-magnificence royale, fut, en 1657, émerveillée de la
-réception que lui fit le duc de la Trémouille, de l'imposant
-aspect de son château, du grand nombre de gentilshommes
-<span class="pagenum"><a id="Page_300"> 300</a></span>
-à cheval et de dames parées et de l'air noble
-et grandiose de son escorte<a id="FNanchor_669" href="#Footnote_669" class="fnanchor">&nbsp;[669]</a>.</p>
-
-<p>Par acte du 9 avril 1661, le duc de la Trémouille avait
-cédé et transporté au prince de Tarente la baronnie de
-Vitré et le titre de premier baron de Bretagne<a id="FNanchor_670" href="#Footnote_670" class="fnanchor">&nbsp;[670]</a>. Ce titre
-donnait au prince de Tarente le droit de disputer la présidence
-de la noblesse aux états de Bretagne au grand
-Condé lui-même, que Fouquet avait voulu nommer,
-mais qui ne consentait à accepter qu'autant que la gratification
-des états serait accordée au prince de Tarente<a id="FNanchor_671" href="#Footnote_671" class="fnanchor">&nbsp;[671]</a>.
-«Je fis entendre, dit Tarente dans ses Mémoires, à
-monsieur le Prince que le rang ne se réglait en Bretagne
-que par l'ancienneté des baronnies; que celle de Vitré,
-qui était dans ma maison, précédait incontestablement
-celle de Châteaubrilliant.» Il avait soutenu avec succès
-les droits de sa maison à la présidence de la noblesse
-dans un procès qu'il avait eu avec le duc de Rohan-Chabot.</p>
-
-<p>Alors que se préparait l'arrestation de Fouquet, le
-18 août 1661, s'ouvrirent à Nantes les assises des états
-généraux de Bretagne<a id="FNanchor_672" href="#Footnote_672" class="fnanchor">&nbsp;[672]</a>, qui furent terminées le 21 septembre:
-le prince de Tarente les présida. Il présida également,
-mais pour la dernière fois, les états de 1669,
-qui s'assemblèrent à Dinan le 26 septembre<a id="FNanchor_673" href="#Footnote_673" class="fnanchor">&nbsp;[673]</a>, et se séparèrent
-<span class="pagenum"><a id="Page_301"> 301</a></span>
-le 28 octobre. En 1670, il obtint du roi la
-permission d'aller encore faire un voyage en Hollande,
-et il put alors observer le misérable état de la Flandre
-espagnole, qui présentait une conquête facile aux armes
-de la France<a id="FNanchor_674" href="#Footnote_674" class="fnanchor">&nbsp;[674]</a>. Les deux assemblées des états de Bretagne,
-de 1671 et de 1673, se tinrent à Vitré: pour celle
-de 1671, selon ce qui avait été réglé par le parlement
-de Rennes en 1652, entre les maisons de Rohan et de la
-Trémouille, c'était au duc de Rohan-Chabot à présider<a id="FNanchor_675" href="#Footnote_675" class="fnanchor">&nbsp;[675]</a>;
-mais le prince de Tarente mourut à Thouars le
-14 septembre 1672, à l'âge de cinquante-deux ans, et
-fut remplacé par son père dans la présidence des états
-qui eurent lieu l'année suivante<a id="FNanchor_676" href="#Footnote_676" class="fnanchor">&nbsp;[676]</a>; le jeune prince de Tarente,
-second héritier de son nom et de ses titres, d'après
-la volonté de son aïeul et de son père, avait été
-élevé dans la religion catholique. Le duc Henri-Charles
-de la Trémouille, deux ans avant sa mort, était rentré
-dans le sein de l'Église romaine; sa femme et sa fille
-aînée, plutôt affligées que touchées de cet exemple, restèrent
-invariablement fidèles à la religion protestante<a id="FNanchor_677" href="#Footnote_677" class="fnanchor">&nbsp;[677]</a>.
-Ce père, le duc Henri de la Trémouille, mourut deux ans
-après son fils le prince de Tarente; de sorte que la princesse
-se trouva, comme tutrice, avoir l'administration
-<span class="pagenum"><a id="Page_302"> 302</a></span>
-des biens immenses de toute la maison de la Trémouille;
-et, comme mère, elle devint régente d'un prince âgé de
-dix-huit ans<a id="FNanchor_678" href="#Footnote_678" class="fnanchor">&nbsp;[678]</a>. Elle était ainsi, depuis près d'un an, la
-personnification de la grandeur et de la puissance des la
-Trémouille lorsqu'elle se prit d'une amitié si vive pour
-madame de Sévigné. «Elle m'aime beaucoup, disait à
-sa fille madame de Sévigné. On en médirait à Paris;
-mais ici c'est une faveur qui me fait honorer de mes
-paysans.»</p>
-
-<p>Ce n'était pas seulement par ses visites, par ses confidences,
-par les nouvelles qu'elle apportait que la princesse
-de Tarente se rendait agréable à madame de Sévigné;
-elle avait, pour la distraire et la réjouir dans sa
-solitude, les prévoyances et les attentions les plus aimables.
-Elle s'était aperçue que la dame des Rochers n'avait
-pas avec elle <i>Marphise</i>, sa chienne favorite, laissée
-à Paris avec Hélène, sa femme de chambre. Aussitôt la
-princesse de Tarente conçut l'idée de lui donner un petit
-chien pour la désennuyer<a id="FNanchor_679" href="#Footnote_679" class="fnanchor">&nbsp;[679]</a>.</p>
-
-<p>«Vous êtes étonnée, dit madame de Sévigné, que
-j'aie un petit chien; voici l'aventure. J'appelais, par
-contenance, une chienne courante d'une madame qui
-demeure au bout du parc. Madame de Tarente me dit:
-Quoi! vous savez appeler un chien? Je veux vous en
-envoyer un, le plus joli du monde. Je la remerciai, et
-lui dis la résolution que j'avais prise de ne plus m'engager
-dans cette sottise. Cela se passe, on n'y pense
-<span class="pagenum"><a id="Page_303"> 303</a></span>
-plus. Deux jours après, je vois entrer un valet de chambre
-avec une petite maison de chien toute pleine de
-rubans, et sortir de cette jolie maison un petit chien
-tout parfumé, d'une beauté extraordinaire: des oreilles,
-des soies, une haleine douce, petit comme une sylphide,
-blondin comme un blondin. Jamais je ne fus plus étonnée
-ni plus embarrassée; je voulus le renvoyer, on ne
-voulut jamais le reporter. La femme de chambre qui
-l'avait élevé en a pensé mourir de douleur. C'est Marie<a id="FNanchor_680" href="#Footnote_680" class="fnanchor">&nbsp;[680]</a>
-qu'aime le petit chien; il couche dans sa maison et
-dans la chambre de Beaulieu, il ne mange que du
-pain; je ne m'y attache point, mais il commence à
-m'aimer; je crains de succomber. Voilà l'histoire que je
-vous prie de ne pas mander à <i>Marphise</i>, car je crains ses
-reproches. Au reste, une propreté extraordinaire; il s'appelle
-<i>Fidèle</i>, c'est un nom que les amants de la princesse
-n'ont jamais mérité de porter; ils ont été pourtant d'un assez
-bel air. Je vous conterai quelques jours ses aventures.»</p>
-
-<p>D'après ces derniers mots, il y a tout lieu de croire
-qu'il est heureux pour la bonne princesse<a id="FNanchor_681" href="#Footnote_681" class="fnanchor">&nbsp;[681]</a> au <i>c&oelig;ur
-de cire</i> que les conversations orales de madame de Sévigné
-avec sa fille n'aient pas reçu la même publicité
-que ses conversations écrites. Le passage de la lettre
-du 11 décembre que nous avons transcrit le prouve
-encore; c'est dans cette lettre que l'idée de la princesse
-ramène madame de Sévigné à celle du chien
-<span class="pagenum"><a id="Page_304"> 304</a></span>
-qui lui a été donné, et qu'elle continue ce badinage.</p>
-
-<p>«Ce que vous dites de <i>Fidèle</i>, écrit-elle à madame de
-Grignan<a id="FNanchor_682" href="#Footnote_682" class="fnanchor">&nbsp;[682]</a>, est fort joli; c'est la vraie conduite d'une coquette
-que celle que j'ai eue. Il est vrai que j'en ai la
-honte, et que je m'en justifie comme vous avez vu; car
-il est certain que j'aspirerais au chef-d'&oelig;uvre de n'avoir
-aimé qu'un chien, malgré les <i>Maximes</i> de la Rochefoucauld,
-et je suis embarrassée de <i>Marphise</i>. Je ne comprends
-pas ce qu'on me fait. Quelle raison lui donnerai-je?
-Cela jette insensiblement dans les menteries; tout
-au moins je lui conterai bien toutes les circonstances de
-mon nouvel engagement. Enfin, c'est un embarras où
-j'avais résolu de ne jamais me trouver, car c'est un
-grand exemple de la misère humaine: ce malheur m'est
-arrivé par le voisinage de Vitré.»</p>
-
-<p>Plus le séjour de madame de Sévigné aux Rochers se
-prolongeait, plus forte devenait l'amitié qu'avait pour
-elle la princesse de Tarente, et plus les confidences que
-madame de Sévigné faisait à son sujet à sa fille étaient
-explicites: «La bonne princesse et <i>son bon c&oelig;ur</i> m'aiment
-toujours... Elle dit toujours des merveilles de
-vous; elle vous connaît et vous estime. Pour moi, je crois
-que, par métempsycose, vous vous êtes trouvée autrefois
-en Allemagne. Votre âme aurait-elle été dans le
-corps d'un Allemand? Non, vous étiez sans doute le roi
-de Suède, un de ses amants; car la plupart <i>des amants
-sont des Allemands</i><a id="FNanchor_683" href="#Footnote_683" class="fnanchor">&nbsp;[683]</a>.» Ces derniers mots sont d'une jolie
-<span class="pagenum"><a id="Page_305"> 305</a></span>
-chanson de Sarrazin, fort en vogue dans la jeunesse de
-madame de Sévigné<a id="FNanchor_684" href="#Footnote_684" class="fnanchor">&nbsp;[684]</a>.</p>
-
-<p>La maxime de la Rochefoucauld à laquelle madame
-de Sévigné fait allusion dans sa plaisanterie sur <i>Marphise</i>
-est celle-ci: «On peut trouver des femmes qui
-n'ont jamais eu de galanterie; mais il est rare d'en trouver
-qui n'en aient jamais eu qu'une.» Une quatrième
-édition de ces Maximes avait paru au commencement de
-l'année (1675)<a id="FNanchor_685" href="#Footnote_685" class="fnanchor">&nbsp;[685]</a>, revue, corrigée et augmentée par l'auteur,
-qui fit de ce petit livre l'&oelig;uvre de toute sa vie; et
-nul doute qu'aussitôt après en avoir reçu un exemplaire
-madame de Sévigné ne se soit empressée de le lire. C'est
-aux Rochers que madame de Sévigné faisait surtout ses
-grandes lectures. A Paris, elle était trop distraite par le
-plaisir et par les affaires.</p>
-
-<p>Ramenée par les événements et les malheurs de la
-Bretagne aux lectures sérieuses, surtout à l'histoire, son
-ardeur pour ce genre de distraction s'accrut encore en
-la trouvant partagée par son fils, revenu de l'armée
-pour passer avec elle l'hiver aux Rochers; elle la communiqua
-à sa fille, de sorte que toutes deux trouvèrent,
-par leur correspondance, des sujets d'entretien bien
-préférables à ceux que l'éloignement de Paris et de la
-cour leur enlevait. «C'est une belle conversation, dit
-madame de Sévigné, que celle que l'on fait de deux
-<span class="pagenum"><a id="Page_306"> 306</a></span>
-cents lieues. Nous faisons de cela ce qu'on en peut
-faire<a id="FNanchor_686" href="#Footnote_686" class="fnanchor">&nbsp;[686]</a>.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné se montre surtout ravie que sa
-fille ait entrepris de lire la grande histoire des Juifs de
-Flavius Josèphe, dont la traduction était l'&oelig;uvre la plus
-considérable de son vénérable ami Arnauld d'Andilly,
-qu'elle avait perdu depuis peu de temps (le 7 septembre
-1674). Elle ne tarit pas sur les éloges qu'elle donne
-au grand historien du peuple juif<a id="FNanchor_687" href="#Footnote_687" class="fnanchor">&nbsp;[687]</a>. Elle envoya à sa
-fille, par Rippert, la troisième partie des <i>Essais de morale
-de Nicole</i>, parmi lesquels elle a distingué trois traités:
-<i>de l'Éducation d'un prince</i>, <i>de la Connaissance de soi-même</i>,
-<i>de l'Usage qu'on peut faire des mauvais sermons</i><a id="FNanchor_688" href="#Footnote_688" class="fnanchor">&nbsp;[688]</a>.
-La mère et la fille étaient du même avis sur ces excellents
-Essais de Nicole; il n'en était pas de même de
-Sévigné, auquel le premier tome déplaisait, qui trouvait
-ces traités obscurs, et se plaignait que la Marans et l'abbé
-Têtu avaient accoutumé sa s&oelig;ur aux choses fines et distillées<a id="FNanchor_689" href="#Footnote_689" class="fnanchor">&nbsp;[689]</a>;
-mais, au contraire, il défendait à juste titre le
-nouvel opéra de Quinault contre le dédain de madame
-de Grignan, et sur ce sujet il était de l'avis de sa mère<a id="FNanchor_690" href="#Footnote_690" class="fnanchor">&nbsp;[690]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_307"> 307</a></span>
-Heureuses les familles où, comme dans celle de madame
-de Sévigné, il n'y a pas d'autre sujet de division!</p>
-
-<p>Ce nouvel opéra de Quinault était <i>Atys</i>, que ni madame
-de Grignan, qui était en Provence, ni Sévigné
-ni sa mère, qui étaient aux Rochers, n'avaient pu
-voir alors représenter à Saint-Germain en Laye le
-10 janvier (1676), jour où, en présence de Louis XIV,
-il fut joué pour la première fois<a id="FNanchor_691" href="#Footnote_691" class="fnanchor">&nbsp;[691]</a>. Mais tous les trois
-ils l'avaient lu, et un exemplaire de l'imprimé parvint
-aux Rochers neuf jours après la première représentation.
-Cet opéra fit grand bruit, parce qu'il parut à
-une époque de forte cabale contre Quinault. Parmi
-les gens de lettres et certaines personnes du beau monde,
-il était devenu de mode de déprécier les &oelig;uvres de
-ce poëte, trop applaudi par la cour. C'était là le premier
-symptôme d'une altération dans l'opinion publique,
-jusqu'alors si enthousiaste de la gloire de Louis XIV<a id="FNanchor_692" href="#Footnote_692" class="fnanchor">&nbsp;[692]</a>.
-On était las des succès guerriers chèrement achetés
-par la continuation d'une lutte sanglante sur terre et
-sur mer; et alors que des conférences étaient ouvertes
-à Nimègue et donnaient des espérances de paix, on écoutait
-avec déplaisir les paroles par lesquelles se terminait
-le prologue d'<i>Atys</i>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Préparons de nouvelles fêtes,</p>
-<p>Profitons des loisirs du plus grand des héros:</p>
-<p class="i1"> Le temps des jeux et du repos</p>
-<p>Lui sert à méditer de nouvelles conquêtes<a id="FNanchor_693" href="#Footnote_693" class="fnanchor">&nbsp;[693]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_308"> 308</a></span>
-Boileau, qui possédait à un degré suprême l'art de
-cadencer des vers qui se gravent dans la mémoire, ne
-contribuait pas peu à faire méconnaître le mérite de
-Quinault. La renommée du satirique était populaire, et
-son influence croissait à chaque nouvelle publication
-de ses ouvrages. Il avait donné, deux années de suite,
-de nouvelles éditions de ses poésies. Elles contenaient
-neuf de ses Satires, cinq Épîtres, son <i>Art poétique</i>
-et les quatre premiers livres du <i>Lutrin</i>. On voit par
-les citations qu'en fait madame de Sévigné qu'elle
-savait par c&oelig;ur les beaux passages de ce dernier
-poëme<a id="FNanchor_694" href="#Footnote_694" class="fnanchor">&nbsp;[694]</a>. Boileau n'avait rien retranché, dans cette
-nouvelle édition, des vers qu'il avait faits contre Quinault;
-mais, afin de montrer quelque déférence pour
-l'approbation que le roi donnait à l'opéra d'<i>Atys</i>, il
-crut devoir, dans cette dernière édition, laisser en
-blanc le nom de Quinault dans un vers de sa satire
-IX, et déguiser ce nom sous celui de <i>Kainaut</i>
-dans les autres satires: dans l'édition publiée l'année
-précédente il n'y avait, pour ce nom, ni déguisement
-ni suppression<a id="FNanchor_695" href="#Footnote_695" class="fnanchor">&nbsp;[695]</a>. Mais de pareils ménagements
-servaient plutôt qu'ils ne contrariaient la malice
-du poëte.</p>
-
-<p>Quoique madame de Sévigné mande à sa fille qu'elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_309"> 309</a></span>
-se livrait avec avidité à toutes sortes de lectures, histoire,
-morale, fictions, poésies, etc., c'est principalement
-par des lectures instructives qu'elle cherchait un
-soulagement à l'affliction que lui causaient, pendant ce
-calamiteux hiver, les maux qui fondaient sur sa province,
-et les souffrances dont elle fut affligée. Après ces <i>Essais
-de morale</i> de Nicole, qui la consolaient et dont elle
-parle sans cesse, aucune lecture ne lui plaisait plus
-que celle sur l'histoire de France du temps des croisades.
-Malgré sa répugnance pour le style du P. Maimbourg,
-elle y lisait avec délices les hauts faits des Castellane
-et des Adhémar, ancêtres de la maison de
-son gendre; elle ajoutait à cette lecture celle de l'histoire
-de son temps, si remplie du souvenir de sa jeunesse.
-«Le matin, dit-elle à madame de Grignan,
-je lis l'<i>Histoire de France</i>; l'après-dînée (c'est-à-dire
-après midi, on était alors en décembre), un petit livre
-dans les bois, comme ces <i>Essais</i> (de Nicole, dont elle
-vient de parler), la <i>Vie de saint Thomas de Cantorbéry</i>,
-que je trouve admirable, ou <i>les Iconoclastes</i>; et le soir
-tout ce qu'il y a de plus gros en impression: je n'ai point
-d'autre règle<a id="FNanchor_696" href="#Footnote_696" class="fnanchor">&nbsp;[696]</a>.» Pour ses lectures du soir, c'était surtout
-l'<i>Histoire de la prison et de la liberté de M. le
-Prince</i> qui obtenait la préférence. «On y parle, dit-elle,
-sans cesse de notre cardinal; il me semble que je
-n'ai que dix-huit ans; je me souviens de tout; cela divertit
-fort. Je suis plus charmée de la grosseur des caractères
-que de la bonté du style.» Cette histoire lui retraçait
-les temps les plus heureux et les plus agités de sa
-<span class="pagenum"><a id="Page_310"> 310</a></span>
-jeunesse<a id="FNanchor_697" href="#Footnote_697" class="fnanchor">&nbsp;[697]</a>: elle était l'&oelig;uvre d'un frondeur, de Claude
-Joly; mais les faits y sont racontés, sinon avec talent,
-du moins avec impartialité<a id="FNanchor_698" href="#Footnote_698" class="fnanchor">&nbsp;[698]</a>.</p>
-
-<p>Ce n'était pas seulement dans les livres imprimés
-qu'elle cherchait à raviver les souvenirs de la Fronde<a id="FNanchor_699" href="#Footnote_699" class="fnanchor">&nbsp;[699]</a>,
-mais encore par des documents manuscrits: «La
-princesse (de Tarente) et moi, dit-elle, nous ravaudions
-l'autre jour dans des paperasses de feu madame
-de la Trémouille; il y a mille vers; nous trouvâmes
-une infinité de portraits, entre autres celui que madame
-de la Fayette fit de moi sous le nom d'un inconnu.
-Il vaut cent fois mieux que moi; mais ceux qui
-m'eussent aimée, il y a seize ans, l'eussent pu trouver
-ressemblant.»</p>
-
-<p>Ainsi c'est à la fin de l'année 1659 ou dans les premiers
-mois de 1660 que madame de la Fayette<a id="FNanchor_700" href="#Footnote_700" class="fnanchor">&nbsp;[700]</a> commença sa
-réputation de bel esprit et d'habile écrivain en traçant
-le portrait de son amie. C'est alors que mademoiselle de
-Scudéry plaçait sous le nom de <i>Clarinte</i>, entre les mains
-des nombreux lecteurs du célèbre roman de <i>Clélie</i><a id="FNanchor_701" href="#Footnote_701" class="fnanchor">&nbsp;[701]</a>,
-un autre portrait de madame de Sévigné: elle était depuis
-longtemps vantée comme une des précieuses les plus
-célèbres dans la Gazette de Loret, dans le Dictionnaire
-de Somaize, et louée dans les madrigaux et les poëmes
-<span class="pagenum"><a id="Page_311"> 311</a></span>
-de Ménage, de Montreuil, de Marigny, et enfin inscrite,
-avec la superlative épithète de <span class="smallc">SUBLIME</span>, comme l'<span class="smallc">ANGE
-SUR LA TERRE</span>, la <span class="smallc">GLOIRE DU MONDE</span>, dans le singulier livre
-du <i>Mérite des Dames</i>, de Jean Gabriel<a id="FNanchor_702" href="#Footnote_702" class="fnanchor">&nbsp;[702]</a>. Ainsi l'époque
-où madame de Sévigné se trouvait ramenée par
-ce portrait trouvé dans les papiers de la duchesse de la
-Trémouille était celle où, âgée de trente-trois ans, sans
-avoir rien perdu de ses attraits et de sa fraîcheur, elle
-avait acquis plus de connaissance du monde, plus d'instruction,
-d'amabilité; où elle possédait, dans toute sa
-puissance, ses moyens de plaire; où elle jouissait de sa
-célébrité; c'était enfin dans un temps où le calme, les
-plaisirs et les fêtes avaient succédé aux troubles de la
-Fronde, c'était l'époque de la paix des Pyrénées, du mariage
-du roi et des réjouissances qui en furent la suite<a id="FNanchor_703" href="#Footnote_703" class="fnanchor">&nbsp;[703]</a>.</p>
-
-<p>La duchesse de la Trémouille, mère du prince de Tarente,
-qui avait le goût des vers et qui avait réuni les
-portraits et les écrits des beaux esprits de son temps, était
-Marie de la Tour-d'Auvergne, cousine germaine du duc son
-mari et fille cadette du maréchal de Bouillon, prince souverain
-de Sedan, et d'Élisabeth de Nassau, sa seconde
-femme<a id="FNanchor_704" href="#Footnote_704" class="fnanchor">&nbsp;[704]</a>. Marie était une femme forte et de grande capacité,
-qui réussissait, dit son fils, dans tout ce qu'elle
-entreprenait. Pendant la guerre dont nous avons parlé,
-elle sut déterminer son mari à lui abandonner la conduite
-de toutes les affaires de la maison de la Trémouille<a id="FNanchor_705" href="#Footnote_705" class="fnanchor">&nbsp;[705]</a>; elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_312"> 312</a></span>
-l'aidait de ses conseils, que cependant il ne suivait pas
-toujours, et elle parvint, dit madame de Motteville<a id="FNanchor_706" href="#Footnote_706" class="fnanchor">&nbsp;[706]</a>, à
-faire révolter toutes les provinces. Habile et ambitieuse,
-elle voulait que son mari fût prince, comme étant issu, par
-les femmes, de Charlotte d'Aragon, héritière du royaume
-de Naples. Marie de la Trémouille crut que, pour parvenir
-à ses desseins, il fallait faire quelque mal ou quelque peur
-aux ministres, et comme les la Trémouille étaient de
-puissants et riches seigneurs, il leur fut facile d'émouvoir
-des troubles dans les provinces où ils résidaient. Ces nouvelles
-donnèrent de l'irritation aux ministres, et M. le
-Prince en eut du chagrin. Il avait répondu de la famille
-de la Trémouille, qui avait l'honneur de lui appartenir;
-et afin de ne pas passer pour dupe en cette affaire, il
-montra dans le conseil une lettre du prince de Tarente,
-fils aîné du duc, qui le suppliait d'assurer le roi et la
-reine de sa fidélité<a id="FNanchor_707" href="#Footnote_707" class="fnanchor">&nbsp;[707]</a>. A la même époque, la duchesse
-de Montausier, pendant que son mari était au lit, malade,
-repoussait les révoltés de la Saintonge, que la
-duchesse de la Trémouille avait soulevés<a id="FNanchor_708" href="#Footnote_708" class="fnanchor">&nbsp;[708]</a>.</p>
-
-<p>On s'étonne du nombre de femmes remarquables par
-le courage, la vigueur d'esprit, la force du caractère
-que ce siècle a produit. Presque toutes aimaient la
-poésie, la littérature, les sciences; et toutes celles qui
-par leur rang ou leurs richesses se trouvaient en mesure
-<span class="pagenum"><a id="Page_313"> 313</a></span>
-de protéger les gens de lettres en adoptaient quelques-uns:
-ainsi la duchesse de Bouillon, Montespan,
-madame de Thianges, la Sablière et plus tard madame
-d'Hervart, prirent en quelque sorte successivement la
-tutelle du bon et indolent la Fontaine. Madame de la
-Sablière donna aussi asile à l'orientaliste d'Herbelot;
-elle recueillit Bernier, le voyageur philosophe, Roberval
-et Sauveur, mathématiciens. L'abbesse de Fontevrault
-et après elle madame de Maintenon eurent le bonheur
-de ranimer la plume de Racine. Madame de Sévigné
-avait Ménage, Montreuil, Marigny. La duchesse Marie
-de la Trémouille, dont le mari avait combattu, contre
-Mazarin et le roi, avec Turenne et Condé, appartenait à
-cette noblesse rancuneuse qui se tenait fièrement dans
-ses vastes domaines et n'allait point à la cour. Cependant
-elle était au courant de ce qui s'y passait, et savait
-quelles étaient les femmes qui y brillaient et les
-vers qu'on y composait.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_314"> 314</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XIV.<br />
-<span class="medium">1675-1676.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">Malheurs de la Bretagne.&mdash;Le duc de Chaulnes veut s'opposer à un envoi
-de troupes.&mdash;Forbin marche sur cette province avec six mille
-hommes.&mdash;Madame de Sévigné s'indigne de la lâcheté de l'assemblée
-des états.&mdash;Le parlement est exilé.&mdash;Journal de ce qui s'est
-passé en Bretagne.&mdash;Extrait des lettres de madame de Sévigné.&mdash;Révolte.&mdash;M.
-de Chaulnes est insulté.&mdash;Se venge par des cruautés.&mdash;Madame
-de Sévigné le désapprouve.&mdash;Belle conduite du
-parlement de Rennes.&mdash;Date de son institution.&mdash;Tenue des
-états de Provence.&mdash;Contraste entre ceux-ci et ceux de Bretagne.&mdash;M.
-de Chaulnes est détesté.&mdash;M. de Grignan est aimé.&mdash;On
-envoie M. de Pommereuil comme intendant en Bretagne.&mdash;Suite
-des affaires de ce pays.&mdash;M. de Chaulnes vient à Vitré.&mdash;Détails
-sur les affaires de Bretagne et sur celles des provinces.&mdash;Madame
-de Sévigné va à Vitré pour recevoir le gouverneur.&mdash;Inimitiés
-entre M. de Chaulnes et M. de Coëtquen.&mdash;Madame de
-Sévigné conserve son courage et sa sérénité.&mdash;Sa liaison avec la
-famille Duplessis.&mdash;Ridicules de mademoiselle Duplessis.&mdash;Correspondance
-de madame de Sévigné avec ses amis de Paris; avec
-madame de Vins.&mdash;Sévigné est dégoûté de sa charge de guidon;
-n'obtient pas d'avancement; a peu de goût pour le métier des armes.&mdash;Bien
-différent en cela du jeune Villars et du chevalier de
-Grignan.&mdash;Détails sur ceux-ci.&mdash;Madame de Grignan approuve
-la sévérité de M. de Chaulnes.&mdash;Elle est blâmée par sa mère.&mdash;Sa
-correspondance avec madame de Vins.&mdash;Madame de Sévigné
-se crée des occupations et des distractions par les travaux qu'elle
-entreprend, par ses liaisons avec ses voisins.&mdash;D'Hacqueville est
-l'informateur et l'agent d'affaires de madame de Sévigné et de madame
-de Grignan.&mdash;Liaison de madame de Sévigné avec madame
-de Pomponne et madame de Vins, sa s&oelig;ur.&mdash;Liaison de madame de
-Sévigné avec madame de Villars.&mdash;Détails sur cette dame et sur
-<span class="pagenum"><a id="Page_315"> 315</a></span>
-le marquis de Villars.&mdash;Liaison de madame de Sévigné avec madame
-de Saint-Céran.&mdash;Détails sur cette dame.</p>
-
-<p class="space">Mais toutes les distractions que se donnait madame
-de Sévigné par ses lectures, par ses entretiens avec la
-princesse de Tarente ne pouvaient écarter d'elle les inquiétudes
-et la tristesse que lui causait la Bretagne accablée,
-ruinée, dévastée par les troupes du roi et devenue
-un objet d'horreur et de compassion par la révolte,
-la misère et les supplices.</p>
-
-<p>Quoique madame de Sévigné vît toujours à regret
-l'établissement de nouveaux impôts en Bretagne, cependant
-elle trouvait mauvais que les Bretons se fussent
-révoltés pour ne pas payer. Elle sut grand gré à son ami
-le duc de Chaulnes de se refuser d'abord à l'introduction
-des troupes du roi en Bretagne; mais quand elle sut qu'il
-ne pouvait apaiser la sédition par les troupes municipales
-et par ses harangues, et qu'on l'avait grossièrement insulté,
-elle trouve bon que le comte de Forbin eût été envoyé
-avec six mille hommes à Nantes: elle espérait qu'il
-suffirait de montrer des uniformes pour apaiser la rébellion
-et assurer la tranquillité publique.</p>
-
-<p>Quant à Vitré, madame de Sévigné croyait cette ville
-garantie de toute vexation par la présence de la princesse
-de Tarente, à laquelle la duchesse de Chaulnes
-devait venir rendre visite<a id="FNanchor_709" href="#Footnote_709" class="fnanchor">&nbsp;[709]</a>. Mais lorsque madame de Sévigné
-vit que l'on s'en prenait aux hautes classes de la
-population, aux membres du parlement irrités par l'oppression,
-alors elle redevint bonne Bretonne, et elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_316"> 316</a></span>
-s'expliqua ouvertement sur la lâcheté de la noblesse des
-états, qui votaient si facilement d'énormes dons gratuits;
-elle loua le courage du parlement, qui aima mieux
-être exilé à Vannes que de laisser bâtir une citadelle
-dans la ville où il résidait; elle fut offensée que, malgré
-les réclamations de la princesse de Tarente, appuyée
-par <span class="smallc">Madame</span>, sa nièce, on envoyât des troupes à Vitré,
-où l'on n'avait nulle envie de se révolter; elle s'indigna
-que le gouverneur songeât plus à se venger qu'à faire
-bonne justice; enfin elle considéra la Bretagne comme
-perdue à jamais, et fit entendre à sa fille qu'à l'exemple
-de quelques personnes qui ont exécuté leurs projets
-elle songe à abandonner cette province et à n'y plus
-conserver de séjour. La puissante ironie qui se révèle
-dons les récits de madame de Sévigné, par le contraste
-de son ton froidement léger et plaisant avec la gravité
-des faits qu'elle raconte, nous prouve sa profonde indignation
-à la vue de telles cruautés.</p>
-
-<p>La gazette a gardé le silence sur ces tristes événements,
-et ceux qui ont eu recours aux dépêches administratives
-ont remarqué qu'il existait une lacune à
-cette époque des affaires de Bretagne<a id="FNanchor_710" href="#Footnote_710" class="fnanchor">&nbsp;[710]</a>; de sorte que le
-journal tenu par madame de Sévigné dans ses lettres
-à sa fille est le seul document qui nous en reste. Donnons
-ce document, et joignons-y au besoin un commentaire
-qui l'éclaircisse. L'histoire ne perd rien de son importance
-et de son utilité, parce que dans ces <i>Mémoires</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_317"> 317</a></span>
-nous avons espéré y répandre quelque lueur en la rattachant
-aux manchettes d'une femme dont la mémoire
-raconte tout, dont l'esprit apprécie tout, dont l'imagination
-sait tout colorer.</p>
-
-<p class="dater">«9 octobre 1675.</p>
-
-<p>«Le duc de Chaulnes amène quatre mille hommes à
-Rennes, pour en punir les habitants; l'émotion est
-grande dans la ville et la haine incroyable dans toute
-la province contre le gouverneur.»</p>
-
-<p>Et, dans la même lettre, madame de Sévigné montre
-combien était grand son mécontentement contre le roi
-en mandant à sa fille les nouvelles les plus désavantageuses
-sur le gouvernement, qu'elle avait reçues de Paris et
-d'ailleurs. «On joue des sommes immenses à Versailles;
-le <i>hoca</i> est défendu à Paris, sur peine de la vie, et on le
-joue chez le roi; cinq mille pistoles en un matin, ce n'est
-rien. C'est un coupe-gorge; chassez bien ce jeu de
-chez vous.» «J'ai mandé à M. de Lavardin l'affaire de
-M. d'Ambres (celle du <i>monseigneur</i>, auquel les gouverneurs
-de province, comme le comte de Grignan, les
-lieutenants généraux étaient astreints, par décision du
-roi, envers les maréchaux de France<a id="FNanchor_711" href="#Footnote_711" class="fnanchor">&nbsp;[711]</a>). Vous voilà un
-peu mortifiés, MM. les grands seigneurs! Vous jugez bien
-que ceux qui décident ont intérêt à soutenir les dignités:
-il faut suivre les siècles, celui-ci n'est pas pour
-vous<a id="FNanchor_712" href="#Footnote_712" class="fnanchor">&nbsp;[712]</a>.» «Nos pauvres exilés de la Loire ne savent point
-<span class="pagenum"><a id="Page_318"> 318</a></span>
-encore leur crime; ils s'ennuient fort.» Ces exilés
-étaient Louis de la Trémouille, comte d'Olonne, le marquis
-de Vassé et Vineuil<a id="FNanchor_713" href="#Footnote_713" class="fnanchor">&nbsp;[713]</a>. Le premier est célèbre par les
-désordres de sa femme. Madame de Sévigné, qui l'avait vu
-en passant à Orléans, écrit à sa fille que le comte d'Olonne
-mariait son frère à mademoiselle de Noirmoutiers,
-et ajoute malignement: «Je n'eusse jamais cru que d'Olonne
-eût été propre à se soucier de son nom et de sa
-famille.» Et en annonçant que mademoiselle de Noirmoutiers
-s'appellera madame de Royan, elle répète,
-d'après madame de Grignan: «Vous dites vrai, le nom
-d'Olonne est trop difficile à purifier<a id="FNanchor_714" href="#Footnote_714" class="fnanchor">&nbsp;[714]</a>.» Vassé et Vineuil,
-déjà plusieurs fois mentionnés dans ces Mémoires,
-étaient deux hommes aimables, depuis longtemps amis
-de madame de Sévigné, tous deux connus dans leur jeunesse
-par leurs succès auprès des femmes. Le marquis
-de Vassé, compromis par son audace et son impertinence,
-avait depuis quelques mois rompu son ban, et était venu
-à Paris pour voir madame de Sévigné<a id="FNanchor_715" href="#Footnote_715" class="fnanchor">&nbsp;[715]</a>: probablement
-son exil avait une toute autre cause que la politique. La
-<span class="pagenum"><a id="Page_319"> 319</a></span>
-continuation de l'exil de Vineuil, que madame de Sévigné
-avait vu en passant à Saumur<a id="FNanchor_716" href="#Footnote_716" class="fnanchor">&nbsp;[716]</a>, l'affligeait plus que
-l'exil de Vassé et de d'Olonne. Confident de Condé,
-Vineuil avait été l'ami de Turenne et écrivait la vie de
-ce héros; son ardeur pour les plaisirs l'avait condamné
-à une vieillesse précoce, et il était devenu dévot; mais
-il n'en était pas moins resté un homme aimable et spirituel.
-Sa conversation plaisait à madame de Sévigné<a id="FNanchor_717" href="#Footnote_717" class="fnanchor">&nbsp;[717]</a>.
-Avec lui, plus encore qu'avec la princesse de Tarente,
-elle aimait à remonter vers son passé.</p>
-
-<p>Mais continuons le journal des désastres de la Bretagne.</p>
-
-<p class="dater">«13 octobre 1675.</p>
-
-<p>«M. de Chaulnes est à Rennes avec beaucoup de
-troupes; il a mandé que, si on en sortait, si l'on faisait
-le moindre bruit, il ôterait pour dix ans le parlement
-de cette ville. Cette crainte fait tout souffrir<a id="FNanchor_718" href="#Footnote_718" class="fnanchor">&nbsp;[718]</a>.»</p>
-
-<p>L'institution du parlement de Bretagne n'était pas très-ancienne;
-elle fut précédée en 1492 par le tribunal des
-<i>grands jours</i>, espèce de juridiction présidiale dont on
-pouvait appeler au parlement de Paris. Le tribunal des
-grands jours fut transformé en parlement par l'édit de
-Henri II, au mois de mars 1553. Selon cet édit, ce parlement
-devait être composé de quatre présidents et de
-trente-deux conseillers, tous choisis par le roi; mais seize
-<span class="pagenum"><a id="Page_320"> 320</a></span>
-des conseillers devaient être originaires de Bretagne; les
-autres conseillers et présidents pouvaient être choisis
-dans les autres pays de l'obéissance du roi. Le parlement,
-d'après cette institution, devait se tenir en deux
-sessions de trois mois chacune, la première à Rennes, la
-seconde à Nantes. Cette cour fut fixée à Rennes par un
-édit de Charles IX, en 1560.</p>
-
-<p>La famille des Sévigné avait des parents dans le parlement
-et dans l'administration. Dans la marine on comptait
-deux Sévigné, qui tous deux commandèrent des
-vaisseaux et dont l'un était le filleul bien-aimé de madame
-de Sévigné: ce fut par elle et par l'appui de
-M. de Grignan qu'il obtint un commandement. Enfin
-la terre de Sévigné était près de Rennes: ainsi les intérêts
-de madame de Sévigné, ses liaisons de parenté,
-ses affections particulières, tout la portait à prendre parti
-pour le parlement et la ville contre son ami le gouverneur,
-qui poussait alors le ministre à des mesures de
-rigueur. Dès le 15 juin (1675) et aussitôt après la seconde
-émeute qui eut lieu à Rennes, de Chaulnes avait
-écrit à Colbert. A tort ou à raison, il accusait le parlement
-d'avoir conduit la révolte. Il disait que, malgré le
-calme apparent, les procureurs, les conseillers et jusqu'aux
-présidents à mortier conseillaient au peuple de
-ne pas quitter les armes, et de venir demander au parlement
-la révocation des édits et particulièrement de
-celui sur le papier timbré<a id="FNanchor_719" href="#Footnote_719" class="fnanchor">&nbsp;[719]</a>. Ce fut ainsi qu'il obtint d'avance
-<span class="pagenum"><a id="Page_321"> 321</a></span>
-la tenue des états et de leurs assemblées dans la
-ville qu'il lui plairait de choisir. Il exila le parlement à
-Vannes, et il traita la malheureuse Bretagne avec
-une barbarie que les lettres de madame de Sévigné et
-la correspondance administrative nous font douloureusement
-connaître<a id="FNanchor_720" href="#Footnote_720" class="fnanchor">&nbsp;[720]</a>.</p>
-
-<p class="dater">«16 octobre 1675.</p>
-
-<p>«M. de Chaulnes est à Rennes avec les Forbin et les
-Vins et quatre mille hommes; on croit qu'il y aura
-bien de la <i>penderie</i>. M. de Chaulnes a été reçu comme
-le roi; mais comme c'est la crainte qui a fait changer
-leur langage, M. de Chaulnes n'oublie pas toutes les injures
-qu'on lui a dites, dont la plus douce et la plus familière
-était <i>gros cochon</i>, sans compter les pierres dans
-sa maison et dans son jardin et des menaces dont
-Dieu seul a empêché l'exécution. C'est cela qu'on va
-punir<a id="FNanchor_721" href="#Footnote_721" class="fnanchor">&nbsp;[721]</a>.»</p>
-
-<p class="dater">«20 octobre 1675.</p>
-
-<p>«M. de Chaulnes est à Rennes avec quatre mille hommes;
-il a transféré le parlement à Vannes; c'est une
-<span class="pagenum"><a id="Page_322"> 322</a></span>
-désolation terrible. La ruine de Rennes emporte celle
-de la province<a id="FNanchor_722" href="#Footnote_722" class="fnanchor">&nbsp;[722]</a>.»</p>
-
-<p class="dater">«27 octobre 1675.</p>
-
-<p>«Cette province a grand tort, mais elle est rudement
-punie, et au point de ne s'en remettre jamais. Il y a
-cinq mille hommes à Rennes, dont plus de la moitié y
-passeront l'hiver. On a pris à l'aventure vingt-cinq ou
-trente hommes, que l'on va pendre. On a transféré le
-parlement: c'est le dernier coup, car Rennes sans cela
-ne vaut pas Vitré<a id="FNanchor_723" href="#Footnote_723" class="fnanchor">&nbsp;[723]</a>.»</p>
-
-<p class="dater">«30 octobre 1675.</p>
-
-<p>«Voulez-vous savoir des nouvelles de Rennes? Il y a
-présentement cinq mille hommes, car il en est venu
-encore de Nantes. On a fait une taxe de cent mille
-écus sur le bourgeois; et si on ne trouve point cette
-somme dans les vingt-quatre heures, elle sera doublée
-et exigible par les soldats. On a chassé et banni toute
-une grande rue, et défendu de les recueillir sur peine
-de la vie; de sorte qu'on voyait tous ces misérables,
-femmes accouchées, vieillards, enfants, errer en pleurs
-au sortir de cette ville, sans savoir où aller, sans avoir
-de nourriture ni de quoi se coucher. Avant-hier on
-roua un violon qui avait commencé la danse et la pillerie
-du papier timbré. Il a été écartelé après sa mort,
-et ses quatre quartiers exposés aux quatre coins de la
-<span class="pagenum"><a id="Page_323"> 323</a></span>
-ville, comme ceux de <i>Josserau</i> (gentilhomme de
-Provence, de la maison de Pontiver, qui avait assassiné
-son maître à Aix). Il (le violon) dit en mourant que
-c'étaient les fermiers du papier timbré qui lui avaient
-donné vingt-cinq écus pour commencer la sédition; et
-jamais on n'a pu en tirer autre chose. On a pris soixante
-bourgeois; on commence demain à pendre. Cette province
-est un bel exemple pour les autres, et surtout
-de respecter les gouverneurs et les gouvernants, de
-ne leur point dire d'injures et de ne point jeter de
-pierres dans leur jardin.</p>
-
-<p>«Tous les villages contribuent pour nourrir les troupes,
-et l'on sauve son pain en sauvant ses denrées.
-Autrefois on les vendait, et l'on avait de l'argent; mais
-ce n'est plus la mode, tout cela est changé. M. de
-Molac est retourné à Nantes; M. de Lavardin vient à
-Rennes<a id="FNanchor_724" href="#Footnote_724" class="fnanchor">&nbsp;[724]</a>.»</p>
-
-<p class="dater">«3 novembre 1675.</p>
-
-<p>«M. et madame de Chaulnes ne sont plus à Rennes;
-les rigueurs s'adoucissent; à force d'avoir pendu, on
-ne pendra plus; il ne reste que deux mille hommes à
-Rennes<a id="FNanchor_725" href="#Footnote_725" class="fnanchor">&nbsp;[725]</a>. Je crois que Forbin et Vins s'en vont par
-Nantes; Molac y est retourné. C'est M. de Pomponne
-qui a protégé le malheureux dont je vous ai parlé; si
-vous m'envoyez le roman de votre premier président,
-je vous enverrai en récompense l'histoire lamentable
-du violon qui fut roué à Rennes.»</p>
-
-<p class="dater"><span class="pagenum"><a id="Page_324"> 324</a></span>
-«13 novembre 1675.</p>
-
-<p>«Ce que vous dites de M. de Chaulnes est admirable.
-Il s'est hier roué vif un homme à Rennes (c'est le
-dixième), qui confessa d'avoir eu dessein de tuer ce
-gouverneur: pour celui-là, il méritait bien la mort.
-On voulait, en exilant le parlement, le faire consentir,
-pour se racheter, qu'on bâtit une citadelle à
-Rennes; mais cette noble compagnie voulut obéir fièrement,
-et partit plus vite qu'on ne voulait, car tout
-se tournerait en négociation; mais on aime mieux
-les maux que les remèdes<a id="FNanchor_726" href="#Footnote_726" class="fnanchor">&nbsp;[726]</a>.»</p>
-
-<p>L'opinion que manifeste madame de Sévigné sur le
-généreux dévouement du parlement, qui aime mieux
-souffrir que de trahir par un lâche compromis les intérêts
-de la province<a id="FNanchor_727" href="#Footnote_727" class="fnanchor">&nbsp;[727]</a>, prouve bien que c'est pour faire
-ressortir plus fortement la cruauté de M. de Chaulnes
-qu'elle vient de rapporter si froidement le supplice
-de ces deux roués, en insinuant qu'il y en avait peut-être
-neuf qui ne méritaient pas la mort; et ce qu'elle
-ajoute après, en écrivant à sa fille avec une amère ironie,
-nous fait pénétrer plus avant dans le secret de ses véritables
-sentiments.</p>
-
-<p>«Vous me parlez bien plaisamment de nos misères.
-Nous ne sommes plus si roués; un en huit jours seulement,
-pour entretenir la justice. Il est vrai que la <i>penderie</i>
-me paraît maintenant un rafraîchissement; j'ai une
-tout autre idée de la justice depuis que je suis dans ce
-<span class="pagenum"><a id="Page_325"> 325</a></span>
-pays: vos galériens me paraissent une société d'honnêtes
-gens qui se sont retirés du monde pour mener une vie
-douce. Nous vous en avons bien envoyé par centaines.
-Ceux qui sont demeurés sont plus malheureux que
-ceux-là<a id="FNanchor_728" href="#Footnote_728" class="fnanchor">&nbsp;[728]</a>.»</p>
-
-<p>Quand madame de Sévigné exprimait de tels sentiments,
-ce n'est pas qu'elle fût brouillée avec le duc
-de Chaulnes; au contraire, la duchesse n'avait pas
-manqué de venir lui rendre visite ainsi qu'à la princesse
-de Tarente. Elle avait cherché à excuser auprès d'elles
-les cruautés de son mari par la nécessité de réprimer
-l'insurrection par la terreur. Les terres des Rochers,
-de Bodegat et de Sévigné et la ville de Vitré, où était
-la princesse, avaient été exemptes de payer les contributions
-imposées sur toute la province. Nonobstant
-cette faveur, madame de Sévigné ressentait si vivement
-les blessures faites aux droits et aux libertés de la Bretagne,
-qu'à l'exemple de quelques-uns de ses amis, elle
-semble persister dans le projet qu'elle avait conçu d'abandonner
-pour toujours cette province, et de transporter
-ailleurs son principal domicile<a id="FNanchor_729" href="#Footnote_729" class="fnanchor">&nbsp;[729]</a>.</p>
-
-<p>L'arbitraire et la cruauté ne faisaient qu'accroître le
-mal. Les prisons s'emplissaient, les supplices se multipliaient;
-et, sous la mauvaise administration financière
-du trésorier général et du parlement, les impôts,
-qui avaient enfanté la révolte, ne s'établissaient pas régulièrement.
-Plus d'agriculture, plus de commerce; l'argent
-avait disparu, et l'on ne trafiquait plus que par
-<span class="pagenum"><a id="Page_326"> 326</a></span>
-échanges. D'Harouis ne pouvait par son crédit trouver les
-trois millions que les états avaient votés pour le roi, avec
-les gratifications ordinaires au gouverneur, au lieutenant
-général et aux présidents des états, puisqu'il ne pouvait
-même faire face aux engagements contractés pour
-satisfaire aux besoins les plus urgents de la province. Alors
-Colbert appliqua à la Bretagne la mesure que Richelieu
-avait prise pour les autres provinces de France. On sait
-que, pour restreindre le pouvoir des gouverneurs et l'influence
-des parlements, Richelieu avait créé des intendants
-chargés de la répartition, de la levée des impôts et
-de statuer sur tout ce qui était du ressort de l'administration
-civile. Nulle institution n'avait plus contribué à
-consolider le pouvoir royal en centralisant le gouvernement
-et en donnant la faculté d'établir une législation uniforme,
-assujettie à des règles constantes.</p>
-
-<p>Mais Richelieu, malgré l'énergie de son despotisme,
-n'avait pas osé appliquer cette mesure à la Bretagne,
-dont les droits, lors de la réunion de ce duché à la couronne
-de France, avaient été si solennellement reconnus
-au mariage d'Anne, duchesse de Bretagne, en décembre
-1491, avec Charles VIII, et, en janvier 1499, avec
-Louis XII. Cette puissante considération n'arrêta point
-Colbert; il se décida à donner un intendant à la Bretagne,
-mais se garda bien de supprimer le gouverneur
-et d'ôter à de Chaulnes cette belle charge: c'eût été
-affaiblir dans la province l'autorité du roi, donner plus
-d'espoir aux mécontents et rendre impossible l'administration
-de l'intendant. Il prescrivit au gouverneur
-d'abandonner, jusqu'au parfait établissement des impôts,
-l'exercice de tous ses pouvoirs. Afin que l'intendant pût
-exercer les siens avec une sorte de légalité, Colbert ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_327"> 327</a></span>
-donna pas à cet administrateur le titre d'intendant, mais
-celui de commissaire du roi, et pour cette grande innovation
-il choisit un homme capable: il prit Pommereuil<a id="FNanchor_730" href="#Footnote_730" class="fnanchor">&nbsp;[730]</a>.
-«Pommereuil, dit Saint-Simon, est le premier intendant
-qu'on ait hasardé d'envoyer en Bretagne et qui
-trouva moyen d'y apprivoiser la province... C'était celui
-des conseillers d'État qui avait le plus d'esprit et de
-capacité; d'ailleurs grand travailleur, bon homme et honnête
-homme, ferme, transcendant, qui avait et méritait
-des amis<a id="FNanchor_731" href="#Footnote_731" class="fnanchor">&nbsp;[731]</a>.» Madame de Sévigné était de ce nombre, et
-fut très-satisfaite du choix qu'on avait fait de lui; elle
-eut connaissance du grand pouvoir qu'on lui avait confié
-et des instructions qui avaient été données à M. de
-Chaulnes.</p>
-
-<p>Elle continue son journal:</p>
-
-<p class="dater">«11 décembre 1675.</p>
-
-<p>«Venons aux malheurs de cette province: tout y est
-plein de gens de guerre; il y en aura à Vitré, malgré
-la princesse. <span class="smallc">Monsieur</span> l'appelle sa bonne, sa chère
-tante; je ne trouve pas qu'elle en soit mieux traitée.
-Il en passe beaucoup par la Guerche, qui est au marquis
-de Villeroy, et il s'en écarte qui vont chez les
-paysans, les volent et les dépouillent. C'est une étrange
-douleur en Bretagne que d'éprouver cette sorte d'affliction,
-à quoi ils ne sont pas accoutumés. Notre gouverneur
-<span class="pagenum"><a id="Page_328"> 328</a></span>
-a une amnistie générale; il la donne d'une main, et
-de l'autre huit mille hommes qu'il commande comme
-vous: ils ont leurs ordres. M. de Pommereuil vient; nous
-l'attendons tous les jours: il a l'inspection de cette
-petite armée, et il pourra bientôt se vanter d'y joindre
-un assez beau gouvernement. C'est le plus honnête
-homme et le plus bel esprit de la robe; il est fort de
-mes amis; mais je doute qu'il soit aussi bon à l'user
-que votre intendant (de Rouillé), que vous avez si bien
-apprivoisé<a id="FNanchor_732" href="#Footnote_732" class="fnanchor">&nbsp;[732]</a>.»</p>
-
-<p>Et onze jours après, madame de Sévigné écrit encore<a id="FNanchor_733" href="#Footnote_733" class="fnanchor">&nbsp;[733]</a>:</p>
-
-<p class="dater">«A Vitré, samedi pour dimanche 22 décembre 1675.</p>
-
-<p>«Je suis venue ici, ma fille, pour voir madame de Chaulnes
-et la petite personne, et M. de Rohan, qui s'en vont
-à Paris. Madame de Chaulnes m'a écrit pour me prier de
-lui venir dire adieu ici. Elle devait venir dès hier; et l'excuse
-qu'elle donne, c'est qu'elle craignait d'être volée
-par les troupes qui sont sur les chemins: c'est aussi que
-M. de Rohan l'avait priée d'attendre à aujourd'hui;
-et cependant chair et poisson se perdent, car dès jeudi
-on l'attendait. Je trouve cela un peu familier, après
-avoir mandé positivement qu'elle viendrait. Madame
-la princesse de Tarente ne trouve pas ce procédé de
-bon goût, elle a raison; mais il faut excuser les gens
-qui ont perdu la tramontane: c'est dommage que vous
-n'éprouviez la centième partie de ce qu'ils ont souffert
-ici depuis un mois. Il est arrivé dix mille hommes
-<span class="pagenum"><a id="Page_329"> 329</a></span>
-dans la province, dont ils ont été aussi peu avertis,
-et sur lesquels ils ont autant de pouvoir que vous; ils
-ne sont en état de faire ni bien ni mal à personne.
-M. de Pommereuil est à Rennes avec eux tous; il est
-regardé comme un dieu: non pas que tous les logements
-ne soient réglés dès Paris, mais il punit et empêche
-le désordre: c'est beaucoup. Madame de Rohan
-et madame de Coëtquen ont été fort soulagées. Madame
-la princesse de Tarente espère que <span class="smallc">Monsieur</span> et <span class="smallc">Madame</span>
-la feront soulager aussi: c'est une grande justice,
-puisqu'elle n'a au monde que cette terre, et qu'il
-est fâcheux, en sa présence, de voir ruiner ses habitants.
-Nous nous sauverons si la princesse se sauve.»</p>
-
-<p>Le refroidissement qu'éprouvait madame de Sévigné
-pour madame la duchesse de Chaulnes était bien naturel
-après les actes de tyrannie et de cruauté du duc
-son mari; mais ce sentiment était injuste à l'égard de la
-duchesse, qui n'exerçait aucune influence sur les résolutions
-du gouverneur, et qui était pour madame de Sévigné
-«une bonne, solide et vigilante amie<a id="FNanchor_734" href="#Footnote_734" class="fnanchor">&nbsp;[734]</a>.»</p>
-
-<p>Quoique l'assemblée des états eût voté, sous l'influence
-de la terreur exercée par le duc de Chaulnes, toutes les
-sommes que ce gouverneur avait exigées d'eux au nom
-du roi<a id="FNanchor_735" href="#Footnote_735" class="fnanchor">&nbsp;[735]</a>, cependant elle avait osé représenter que l'introduction
-des troupes en Bretagne était contraire aux
-contrats faits entre le roi et la province; et elle réclama
-aussi le rétablissement du parlement à Rennes. Il ne fut
-fait droit à aucune de ces légitimes réclamations. Ce ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_330"> 330</a></span>
-fut que douze ans après, en septembre 1689 et lorsque
-le duc de Chaulnes quitta la Bretagne pour se rendre à
-Rome comme ambassadeur du roi, que Rennes redevint
-de fait la capitale de la province. Le parlement fut rétabli
-dans cette ville, et on y tint, la même année, l'assemblée
-des états.</p>
-
-<p>Presque en même temps que se terminait à Dinan la
-tenue des états de Bretagne en 1675, finissait aussi, à
-Lambesc, celle de l'assemblée générale des communautés
-de Provence. Cette assemblée avait offert un spectacle
-bien différent de l'autre<a id="FNanchor_736" href="#Footnote_736" class="fnanchor">&nbsp;[736]</a>; et, sous la sage administration
-du comte de Grignan et de l'intendant Rouillé, le
-pays prospérait, les populations étaient calmes. Les
-villes, et surtout celle de Marseille, florissaient par les progrès
-toujours croissants du commerce et de l'industrie;
-les campagnes se plaignaient vivement de l'énormité des
-impôts, du passage et du séjour des gens de guerre;
-mais elles n'avaient nulle envie de se révolter, et manifestaient
-avec soumission leurs sujets de mécontentement.
-L'assemblée réclamait, comme tous les ans, l'exécution
-franche de l'édit du mois d'août 1661, qui, en augmentant
-la taxe sur le sel, avait promis de décharger la province
-des dons gratuits<a id="FNanchor_737" href="#Footnote_737" class="fnanchor">&nbsp;[737]</a>; et elle n'en votait pas moins
-sans difficulté la totalité de la somme (500,000 livres)
-qui lui était demandée par le gouverneur pour le don
-gratuit. Toujours arguant la teneur de l'édit de 1630,
-<span class="pagenum"><a id="Page_331"> 331</a></span>
-elle refusait d'imposer à la province une nouvelle surcharge
-pour l'entretènement des troupes du gouverneur<a id="FNanchor_738" href="#Footnote_738" class="fnanchor">&nbsp;[738]</a>;
-mais elle accordait la gratification de cinq mille
-livres au comte de Grignan, en considération «de tant
-de bons offices qu'il a rendus et qu'il rend encore à la
-province<a id="FNanchor_739" href="#Footnote_739" class="fnanchor">&nbsp;[739]</a>.» Le comte de Grignan n'éprouvait plus d'opposition
-dans l'assemblée ni dans le pays: Forbin-Janson,
-ambassadeur auprès de Sobiesky, n'avait plus à
-s'occuper des affaires de la Provence; Louis de Forbin
-d'Oppède, évêque de Toulon, était mort le 29 avril 1675;
-ainsi le puissant parti des Forbin ne formait plus d'obstacles
-aux ambitions de la maison de Grignan. Le clergé
-avait nommé pour procureur-joint aux états messire Jean
-de Gaillard, évêque d'Apt<a id="FNanchor_740" href="#Footnote_740" class="fnanchor">&nbsp;[740]</a>, qui n'avait aucune influence
-en cour, aucun intérêt à se déclarer l'antagoniste du gouverneur
-pour se rendre populaire dans son petit et antique
-évêché, auquel on ne disputait rien et qui n'avait
-tien à disputer à personne. D'un autre côté, le comte
-de Grignan vivait en parfaite intelligence avec l'intendant
-M. de Rouillé, dont la <i>justice</i> selon l'aveu même
-de madame de Grignan, était la passion dominante<a id="FNanchor_741" href="#Footnote_741" class="fnanchor">&nbsp;[741]</a>.
-De Rouillé, qui présida l'assemblée des états, dans le
-discours d'ouverture qu'il prononça, fit l'éloge du comte
-de Grignan, «qui, dit-il, outre la bonté de son naturel,
-jointe aux grands engagements qu'il a depuis longtemps
-dans cette province, n'épargne ni ses soins ni son crédit
-pour procurer des avantages aux habitants et pour conserver
-<span class="pagenum"><a id="Page_332"> 332</a></span>
-leurs intérêts.» La réponse à ce discours, par le
-vicaire général du cardinal Grimaldi, au nom de l'archevêque
-d'Aix, premier procureur-né du pays, renchérit
-encore sur les louanges que M. de Rouillé avait faites
-du comte de Grignan<a id="FNanchor_742" href="#Footnote_742" class="fnanchor">&nbsp;[742]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné savait que les mêmes rigueurs
-qu'on exerçait sur la Bretagne avaient lieu, par les mêmes
-motifs, en Gascogne, en Guienne et en Languedoc<a id="FNanchor_743" href="#Footnote_743" class="fnanchor">&nbsp;[743]</a>,
-et c'était pour elle un grand sujet de consolation qu'il en
-fût tout autrement pour la Provence. Elle jouissait du
-contraste qui existait entre la réputation de son gendre
-et celle de M. le duc de Chaulnes.</p>
-
-<p>Mais ce que M. et madame de Grignan ignoraient,
-c'est que la faveur accordée au lieutenant général gouverneur
-de Provence et le rejet des propositions et des
-dénonciations de la faction des Forbin dans le conseil
-du roi étaient dus à l'appui de M. de Pomponne, vivement
-sollicité par sa belle-s&oelig;ur madame de Vins et par
-d'Hacqueville, en l'absence de madame de Sévigné. De
-Pomponne et madame de Vins ne voulaient pas se faire
-des ennemis des Colbert et des autres puissants amis des
-Forbin, surtout de l'évêque de Marseille, ambassadeur
-auprès de Sobiesky, également bien accrédité en France
-et en Pologne. Ils désiraient que les services qu'ils avaient
-rendus aux Grignan fussent ignorés d'eux. Mais d'Hacqueville,
-l'empressé d'Hacqueville ne pouvait taire une
-si bonne nouvelle à madame de Sévigné; et madame de
-Sévigné pouvait-elle avoir un secret sans le confier à sa
-<span class="pagenum"><a id="Page_333"> 333</a></span>
-fille? Elle lui envoya donc la lettre de d'Hacqueville:
-«Voilà, écrit-elle, une lettre de d'Hacqueville qui vous
-apprendra l'agréable succès de nos affaires de Provence:
-il surpasse de beaucoup mes espérances... Voilà donc
-cette grande épine hors du pied; voilà cette caverne de
-larrons détruite; voilà l'ombre de M. de Marseille conjurée;
-voilà le crédit de la cabale évanoui; voilà l'insolence
-terrassée: j'en dirais jusqu'à demain. Mais, au nom de
-Dieu, soyez modestes dans vos victoires; voyez ce que dit
-le bon d'Hacqueville: la politique et la générosité vous y
-obligent. Vous verrez aussi comme je trahis son secret
-pour vous par le plaisir de vous faire voir le dessous de
-cartes qu'il a dessein de vous cacher à vous-mêmes<a id="FNanchor_744" href="#Footnote_744" class="fnanchor">&nbsp;[744]</a>.»</p>
-
-<p>«Je comprends avec plaisir, dit-elle à sa fille, la considération
-de M. de Grignan dans la Provence après ce
-que j'ai vu. C'est un agrément que vous ne sentez plus;
-vous êtes trop accoutumés d'être honorés et aimés dans
-une province où l'on commande. Si vous voyiez l'horreur,
-la détestation, la haine qu'on a ici pour le gouverneur,
-vous sentiriez bien plus que vous ne faites la douceur
-d'être aimés et honorés partout. Quels affronts!
-quelles injures! quelles menaces! quels reproches! avec
-de bonnes pierres qui volaient autour d'eux. Je ne crois
-pas que M. de Grignan voulût de cette place à de telles
-conditions; son étoile est bien contraire à celle-là<a id="FNanchor_745" href="#Footnote_745" class="fnanchor">&nbsp;[745]</a>.»</p>
-
-<p>Mais madame de Grignan, dont les sympathies n'étaient
-nullement populaires, jugeait différemment de sa mère;
-et, comme femme d'un gouverneur à qui elle aurait
-voulu voir surmonter les résistances par la force, elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_334"> 234</a></span>
-approuvait assez la sévérité du duc de Chaulnes. Madame
-de Sévigné réprime ce sentiment avec un ton d'autorité qui
-ne lui est pas ordinaire quand elle écrit à sa fille: «Vous
-jugez superficiellement, lui dit-elle, de celui qui gouverne
-cette province; non, vous ne feriez point comme
-il a fait, et le service du roi ne le voudrait pas<a id="FNanchor_746" href="#Footnote_746" class="fnanchor">&nbsp;[746]</a>.»</p>
-
-<p>Cependant <i>celui qui gouverne cette province</i>, le duc
-de Chaulnes, l'ami de madame de Sévigné, était loin
-d'être alors en disgrâce; au contraire, sa cruelle énergie
-envers les Bretons récalcitrants avait encore accru la
-faveur dont il jouissait avant la révolte. C'est ce que
-prouve le récit que fait madame de Sévigné de la suite
-qu'eut la dénonciation faite contre le duc de Chaulnes
-par le marquis de Coëtquen, gouverneur de Saint-Malo.
-Madame de Sévigné n'aimait ni Coëtquen ni sa femme,
-parce que celle-ci, coquette dépravée, avait trahi l'amour
-et la confiance de Turenne et livré ses secrets
-au chevalier de Lorraine<a id="FNanchor_747" href="#Footnote_747" class="fnanchor">&nbsp;[747]</a>, et que le mari avait dénoncé
-le premier les désordres d'Harouis à l'époque où ce
-financier jouissait encore de l'estime générale et de la
-confiance des états<a id="FNanchor_748" href="#Footnote_748" class="fnanchor">&nbsp;[748]</a>.</p>
-
-<p>«Voici l'histoire de notre province<a id="FNanchor_749" href="#Footnote_749" class="fnanchor">&nbsp;[749]</a>. On vous a mandé
-comme était Coëtquen avec M. de Chaulnes; il était avec
-<span class="pagenum"><a id="Page_335"> 335</a></span>
-lui ouvertement aux épées et aux couteaux; il avait
-présenté au roi des mémoires contre la conduite de M. de
-Chaulnes depuis qu'il est gouverneur de cette province.
-M. de Coëtquen revient de la cour pour se rendre à son
-gouvernement (de Saint-Malo) par ordre du roi. Il arrive
-à Rennes, va voir M. de Pommereuil, et passe depuis huit
-heures du matin jusqu'à neuf heures du soir sans aller chez
-M. de Chaulnes; il n'avait pas même dessein d'y aller,
-comme il le dit à M. de Coëtlogon, et se faisait un honneur
-de braver M. de Chaulnes dans sa ville capitale. A neuf heures
-du soir, comme il était à son hôtellerie et n'avait qu'à
-se coucher, il entend arriver un carrosse, et voit monter
-dans sa chambre un homme avec un bâton d'exempt:
-c'était le capitaine des gardes de M. de Chaulnes, qui
-le pria de la part de son maître de venir jusqu'à l'évêché:
-c'est où demeure M. de Chaulnes. M. de Coëtquen
-descend, et voit vingt-quatre gardes autour du carrosse,
-qui le mènent sans bruit et en fort bon ordre à l'évêché.
-Il entre dans l'antichambre de M. de Chaulnes, et y demeure
-un demi-quart d'heure avec des gens qui avaient
-l'ordre de l'y arrêter. M. de Chaulnes paraît enfin, et
-lui dit: «Monsieur, je vous ai envoyé quérir pour vous
-ordonner de faire payer les francs fiefs dans votre
-gouvernement. Je sais, ajouta-t-il, ce que vous avez
-dit au roi; mais il le fallait prouver.» Et tout de suite
-il lui tourna le dos et rentra dans son cabinet. Le Coëtquen
-demeura fort déconcerté, et, tout enragé, regagna
-son hôtellerie.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné trouva dans l'énergie de son caractère
-des moyens de ne pas se laisser abattre par la
-tristesse durant les malheurs qui affligeaient sa province
-et qui rejaillissaient sur tous les habitants, même
-<span class="pagenum"><a id="Page_336"> 336</a></span>
-sur ceux qui, comme elle, étaient entourés de plus
-de protections et d'appuis: «Il faut regarder, disait-elle
-à madame de Grignan, la volonté de Dieu bien
-fixement pour envisager sans désespoir tout ce que je
-vois<a id="FNanchor_750" href="#Footnote_750" class="fnanchor">&nbsp;[750]</a>.» Elle sut se créer des distractions; mais ses
-principaux soulagements furent dus sans doute à sa
-fille et à son fils, dont l'une par ses lettres et l'autre par
-ses assiduités, ses soins, sa tendresse, ses lectures, ses
-confidences, ses promesses de réforme étaient pour
-elle un sujet de joie et de bonheur. Madame de Sévigné
-trouva encore de douces consolations dans ses
-entretiens avec la duchesse de Tarente, si bien d'accord
-avec elle pour critiquer et blâmer tout ce qui se faisait
-alors, et qui, comme elle, cherchait à combattre la
-pénible impression du présent par le souvenir du passé.
-Les soins donnés par madame de Sévigné aux travaux de
-sa terre des Rochers et sa nombreuse correspondance
-remplissaient sans aucun vide toutes les heures de sa
-journée: assujetties à une distribution uniforme, ses
-occupations étaient réglées de manière à suffire à toutes.
-Dans le commencement de son séjour aux Rochers,
-sa santé était excellente; mais vers la fin elle s'altéra,
-et c'est alors qu'elle montra le plus de courage et de
-véritable philosophie. Le 27 octobre, elle écrit à madame
-de Grignan:</p>
-
-<p>«Les malheurs de cette province retardent toutes les
-affaires et achèvent de nous ruiner. Je fus coucher à
-ma <i>tour</i> (à sa maison de Vitré). Dès huit heures du matin,
-ces deux bonnes princesse et duchesse (la princesse de
-<span class="pagenum"><a id="Page_337"> 337</a></span>
-Tarente et la duchesse de Chaulnes) étaient à mon lever...
-Je fus ravie de revenir ici: je fais une allée nouvelle
-qui m'occupe; je paye mes ouvriers en blé, et ne trouve
-rien de solide que de s'amuser et de se détourner de la
-triste méditation de nos misères. Ces soirées dont vous
-êtes en peine, ma fille, je les passe sans ennui; j'ai
-quasi toujours à écrire, ou bien je lis, et insensiblement
-je trouve minuit. L'abbé (de Coulanges, son tuteur) me
-quitte à dix, et les deux heures que je suis seule ne me
-font point mourir non plus que les autres. Pour le jour,
-je suis en affaires avec l'abbé, ou je suis avec mes chers
-ouvriers, ou je travaille à mon très-commode ouvrage.
-Enfin, mon enfant, la vie passe si vite, et par conséquent
-nous approchons sitôt de notre fin que je ne sais
-comme on peut si profondément se désespérer des affaires
-de ce monde. On a le temps ici de faire des réflexions;
-c'est ma faute si mes bois ne m'en inspirent pas
-l'envie. Je me porte toujours très-bien; tous mes gens vous
-obéissent admirablement; ils ont des soins ridicules de
-moi; ils viennent me trouver le soir, armés de toutes pièces,
-et c'est contre un écureuil qu'ils veulent tirer l'épée<a id="FNanchor_751" href="#Footnote_751" class="fnanchor">&nbsp;[751]</a>.»</p>
-
-<p>Ce n'était pas seulement la princesse et la duchesse
-qui faisaient diversion à la solitude des Rochers; madame
-de Sévigné avait encore, dans un château voisin du
-sien, une famille d'une noblesse obscure, mais très-ancienne,
-qu'elle honorait de son amitié et qui se
-trouvait heureuse de lui plaire. Cette liaison datait du
-commencement du séjour de madame de Sévigné aux
-<span class="pagenum"><a id="Page_338"> 338</a></span>
-Rochers<a id="FNanchor_752" href="#Footnote_752" class="fnanchor">&nbsp;[752]</a>; elle était devenue très-intime, puisque, malgré
-sa répugnance à sortir de chez elle, madame de Sévigné
-allait quelquefois dîner au château d'Argentré<a id="FNanchor_753" href="#Footnote_753" class="fnanchor">&nbsp;[753]</a>, et
-que du Plessis, le maître de ce château, se rendait quelquefois
-aux Rochers avec toute sa famille, et y était
-invité dans toutes les occasions solennelles. C'est ainsi
-qu'il s'y trouvait le 15 décembre, le jour où l'on dit la
-première messe à la chapelle construite par madame
-de Sévigné<a id="FNanchor_754" href="#Footnote_754" class="fnanchor">&nbsp;[754]</a>. Du Plessis, qui allait aussi fréquemment
-aux Rochers pour y faire sa partie de reversi<a id="FNanchor_755" href="#Footnote_755" class="fnanchor">&nbsp;[755]</a>, paraît
-avoir été un bon gentilhomme, vivant indépendant
-dans sa province, sans avoir envie d'en sortir. Sa femme,
-comme lui fort modeste, sans ambition, menait une vie
-très-retirée. Elle lui avait donné un fils et une fille. Le
-fils était marié à une jolie et spirituelle Gasconne, qui
-plaisait beaucoup à madame de Sévigné. Malheureusement
-elle ne la voyait pas souvent, parce que, établie
-avec son mari en Provence, elle n'était que passagèrement
-chez son beau-père<a id="FNanchor_756" href="#Footnote_756" class="fnanchor">&nbsp;[756]</a>. La seule personne de la famille
-qui se montrât empressée<a id="FNanchor_757" href="#Footnote_757" class="fnanchor">&nbsp;[757]</a> auprès de madame de
-Sévigné était cette demoiselle du Plessis, que madame
-de Grignan, dès son plus jeune âge<a id="FNanchor_758" href="#Footnote_758" class="fnanchor">&nbsp;[758]</a>, avait appris à molester.
-<span class="pagenum"><a id="Page_339"> 339</a></span>
-On a dit que madame de Sévigné n'avait pas pour
-mademoiselle du Plessis toute l'aversion qu'elle manifeste
-dans ses lettres, et que c'était pour amuser sa fille
-qu'elle traçait de cette personne d'aussi grotesques peintures.
-Il est certain que, s'il ne nous était resté des lettres
-de madame de Sévigné que celles de l'époque dont nous
-nous occupons, on serait autorisé à penser ainsi; et madame
-de Sévigné mériterait le reproche d'ingratitude
-en ne sachant pas pardonner à une jeune fille, si constante
-dans son attachement pour elle, les imperfections
-qui déparaient ses bonnes qualités. Il est dans notre
-nature d'être plus indulgents pour les vices que pour
-les défauts. Les vices se dissimulent, et nous les ignorons
-quand ils nous nuisent; il ne se montrent que pour nous
-plaire ou nous être utiles: les défauts se produisent à chaque
-instant, nous blessent, nous irritent quelquefois et
-nous importunent toujours. Madame de Sévigné, par sa
-mansuétude et sa prédilection envers l'aimable et brillant
-Pomenars, par son dédain, sa sévérité envers mademoiselle
-du Plessis, peut donc être accusée justement de s'être
-abandonnée sans réserve à ce penchant égoïste auquel la
-raison et l'équité nous ordonnent de résister. Mais en
-rapprochant tout ce que madame de Sévigné nous apprend
-sur mademoiselle du Plessis il paraît qu'elle avait
-peu de droits à l'indulgence; qu'elle était envieuse, intéressée,
-hypocrite; qu'elle avait dans les sentiments une
-certaine bassesse que madame de Sévigné ne pouvait
-supporter chez une personne de noble naissance. Mademoiselle
-du Plessis faisait preuve, il est vrai, d'une admiration
-<span class="pagenum"><a id="Page_340"> 340</a></span>
-exaltée et d'un dévouement sans bornes pour la
-dame des Rochers; mais il était facile de s'apercevoir que
-cela avait pour cause la faiblesse commune alors à presque
-tous les nobles de province, qui cherchaient à tirer
-vanité de leurs liaisons avec la noblesse de cour.</p>
-
-<p>Mademoiselle du Plessis croyait s'être rendue nécessaire
-à madame de Sévigné par son empressement à
-exécuter ses volontés ou à prévenir ses désirs: elle lui
-tenait lieu de demoiselle de compagnie, ainsi qu'une
-très-jolie et très-innocente jeune fille qui demeurait au
-bout du parc des Rochers. Toutes deux étaient dociles,
-complaisantes et prêtes à tout; leur présence n'imposait
-pas plus de gêne à la dame des Rochers que celle
-de <i>Marphise</i> ou de <i>Fidèle</i><a id="FNanchor_759" href="#Footnote_759" class="fnanchor">&nbsp;[759]</a>.</p>
-
-<p>Mademoiselle du Plessis, dont les services étaient acceptés
-sans façon, sans remerciements, se croyait chérie
-de madame de Sévigné, et avait assez raison de penser
-ainsi. Cependant madame de Sévigné n'eut jamais pour
-elle que de l'antipathie. Mademoiselle du Plessis louchait
-horriblement<a id="FNanchor_760" href="#Footnote_760" class="fnanchor">&nbsp;[760]</a>, était d'une laideur affreuse, fausse et
-gauche dans toutes ses actions, maladroite dans ses flatteries,
-choquante par ses indiscrètes familiarités, étourdissante
-par ses ricanements, sotte et ridicule par son
-intarissable babil et ses exagérations<a id="FNanchor_761" href="#Footnote_761" class="fnanchor">&nbsp;[761]</a>; tellement dépourvue
-<span class="pagenum"><a id="Page_341"> 341</a></span>
-de sens qu'elle prenait pour contre-vérités dictées par
-des accès de tendresse les dures paroles que lui adressait
-quelquefois madame de Sévigné. Plus les louanges
-de celle-ci étaient ironiques, plus sa raillerie était mordante,
-plus les épithètes dont elle l'affublait étaient injurieuses,
-plus mademoiselle du Plessis montrait de satisfaction
-et semblait reconnaissante<a id="FNanchor_762" href="#Footnote_762" class="fnanchor">&nbsp;[762]</a>. Madame de Sévigné se
-permettait de renouveler assez souvent ces insultantes
-mystifications en présence de ses amis les moins respectables,
-tels que Pomenars; et alors la Plessis, comme
-dit madame de Sévigné, ne manquait jamais d'accroître,
-par ses gros rires, les retentissements de la bruyante
-gaieté qu'elle excitait, et complétait ainsi une scène digne
-du haut comique: celle de la sottise satisfaite, qui,
-se croyant louée, s'outrage et s'injurie elle-même.</p>
-
-<p>Cela n'était ni charitable ni chrétien de la part de
-madame de Sévigné. Aussi est-elle quelquefois touchée
-de repentir, et elle s'écrie: «La Plessis a les meilleurs
-sentiments du monde; j'admets que cela puisse être gâté
-par l'impertinence de son esprit et la <i>ridiculité</i> de ses
-manières<a id="FNanchor_763" href="#Footnote_763" class="fnanchor">&nbsp;[763]</a>.»</p>
-
-<p>Mais bientôt elle reconnaît que la Plessis est jalouse,
-envieuse, hypocrite, intéressée; elle s'étonne que dans
-les filles nobles il puisse s'en trouver une avec des
-sentiments aussi bas; et elle dit:</p>
-
-<p>«Mademoiselle du Plessis est à son couvent. Si vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_342"> 342</a></span>
-saviez comme elle a joué l'affligée<a id="FNanchor_764" href="#Footnote_764" class="fnanchor">&nbsp;[764]</a> et comme elle volait
-la cassette pendant que sa mère expirait, vous ririez
-de voir comme tous les vices et toutes les vertus sont
-jetés pêle-mêle dans le fond de ces provinces; car je
-trouve des âmes de paysans plus droites que des lignes,
-aimant la vertu comme naturellement les chevaux trottent.
-La main qui jette tout cela dans son univers sait
-fort bien ce qu'elle fait, et tire sa gloire de tout; et tout
-est bien<a id="FNanchor_765" href="#Footnote_765" class="fnanchor">&nbsp;[765]</a>.»</p>
-
-<p>De tous les correspondants de madame de Sévigné,
-le plus exact, le plus actif, le plus fécond des <i>informateurs</i>
-était sans contredit d'Hacqueville. Il se plaisait à
-être l'homme d'affaires et le nouvelliste de tous ses amis
-et de toutes ses connaissances; et quand il était éloigné
-d'eux il ne pouvait se dispenser de leur écrire
-souvent, de leur donner des nouvelles de tout le monde
-et sur toutes choses; et comme il exigeait qu'on lui répondît,
-sa correspondance ressemblait à un véritable
-journal manuscrit. Les nouvelles qu'il transmettait étaient
-de deux sortes: celles qu'il avait recueillies personnellement
-et qui composaient les matières des lettres écrites en
-entier de sa main, et celles qu'il faisait extraire et transcrire
-de sa nombreuse correspondance; celles-ci étaient
-sur des feuilles volantes, les mêmes pour tous les correspondants,
-et formant une sorte de supplément à ses lettres.
-Madame de Sévigné nous peint d'une manière intéressante
-l'embarras où la mettait, ainsi que beaucoup
-<span class="pagenum"><a id="Page_343"> 343</a></span>
-d'autres, l'intempérance épistolaire de d'Hacqueville et
-en même temps le fruit qu'elle en recueillait<a id="FNanchor_766" href="#Footnote_766" class="fnanchor">&nbsp;[766]</a>. Cet embarras
-n'était pas moins grand que celui de concilier les
-règles de conduite contenues dans les devises qu'elle
-avait inscrites sur les arbres de son parc:</p>
-
-<p>«J'ai écrit, dit-elle, à d'Hacqueville. Au reste, qu'il
-ne me vienne plus parler de ses accablements, c'est lui
-qui les aime; il vous écrit trois fois la semaine; vous
-vous contenteriez d'une, et le gros abbé (de Pontcarré)
-le soulagerait d'une autre; voilà comme il s'accommoderait.
-Je lui ai proposé la même chose, et je ne lui écris
-qu'une fois en huit jours pour lui donner l'exemple; il
-n'entend point cette sorte de tendresse, et veut écrire
-comme le juge voulait juger. J'en suis dans une véritable
-peine, car je suis persuadée que cet accablement
-nous le fera mourir. Si vous aviez vu sa table les mercredis,
-les vendredis, les samedis, vous croiriez être au
-bureau de la grande poste. Pour moi, je ne me tue
-point à écrire; je lis, je travaille, je me promène, je ne
-fais rien: <i>Bella cosa far niente</i>, dit un de mes arbres;
-l'autre lui répond: <i>Amor odit inertes</i>: on ne sait auquel
-entendre; mais ce que je sens de vrai, c'est que
-je n'aime point à m'enivrer d'écriture. J'aime à vous
-écrire, je parle à vous, je cause avec vous: il me serait
-impossible de m'en passer; mais je ne multiplie point
-ce goût; le reste va parce qu'il le faut.»</p>
-
-<p>Et quinze jours après, elle écrit encore<a id="FNanchor_767" href="#Footnote_767" class="fnanchor">&nbsp;[767]</a>:</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_344"> 344</a></span>
-«D'Hacqueville me dit qu'une fois la semaine c'est
-assez écrire pour des affaires; mais que ce n'est pas
-assez pour son amitié, et qu'il augmenterait plutôt
-d'une lettre que d'en retrancher une. Vous jugez bien
-que, puisque le régime que je lui avais ordonné ne lui
-plaît pas, je lâche la bride à toutes ses bontés, et lui
-laisse la liberté de son écriture; songez qu'il écrit de
-cette furie à tout ce qui est hors de Paris, et voit tous
-les jours tout ce qui y reste: ce sont <i>les d'Hacqueville</i>.
-Adressez-vous à eux, ma fille, en toute confiance:
-leurs bons c&oelig;urs suffisent à tout. Je me veux donc ôter
-de l'esprit de les ménager; j'en veux abuser; aussi bien
-si ce n'est moi qui le tue, ce sera un autre. Il n'aime que
-ceux dont il est accablé; accablons-le donc sans ménagement.»</p>
-
-<p>Mais dans un grand nombre de nouvelles diverses que
-d'Hacqueville adressait à tant de personnes différentes<a id="FNanchor_768" href="#Footnote_768" class="fnanchor">&nbsp;[768]</a>,
-il lui arrivait quelquefois de se tromper, et de mander
-par distraction à madame de Sévigné, quand elle était
-aux Rochers, des nouvelles de Rennes: alors par malice
-elle lui adressait, des Rochers à Paris, des nouvelles
-de Paris qu'elle avait reçues d'une autre main et dont
-bien certainement il était plus tôt informé qu'elle. Dans
-une de ses lettres à madame de Grignan, égalant souvent
-en longueur les dépêches diplomatiques, elle dit:
-«D'Hacqueville, de sa <i>propre main</i>, car ce n'est point
-dans son billet de nouvelles, me mande que M. de
-Chaulnes, suivi de ses troupes, est arrivé à Rennes le
-samedi 12 octobre. Je l'ai remercié de ce soin, et je
-<span class="pagenum"><a id="Page_345"> 345</a></span>
-lui apprends que M. de Pomponne se fait peindre par
-Mignard.» Mais elle se trouvait bien heureuse de ce
-travers de d'Hacqueville quand, le courrier de Provence
-ayant manqué, les lettres qu'il lui écrivait contenaient
-des nouvelles récentes de madame de Grignan<a id="FNanchor_769" href="#Footnote_769" class="fnanchor">&nbsp;[769]</a>.</p>
-
-<p>Un motif plus puissant encore rendait la correspondance
-de d'Hacqueville importante pour madame de
-Grignan pendant le séjour de sa mère en Bretagne.
-Quoique le parti des Forbin-Janson n'eût plus de chef
-dans l'assemblée des états, cependant il existait toujours;
-et les Forbin qui se trouvaient en cour avaient continué
-à être leur organe, et dénigraient l'administration du
-gouverneur. M. de Grignan, qui n'avait jamais eu beaucoup
-d'ordre dans ses affaires, avait des procès à faire
-juger à Paris pour d'anciennes dettes contractées envers
-la famille de Mirepoix<a id="FNanchor_770" href="#Footnote_770" class="fnanchor">&nbsp;[770]</a> en raison de son double mariage,
-d'abord avec mademoiselle de Rambouillet et ensuite
-avec mademoiselle du Puy du Fou. Ce débat aurait enfanté
-de nouveaux procès si l'on n'avait pas pris des
-arrangements avec les créanciers<a id="FNanchor_771" href="#Footnote_771" class="fnanchor">&nbsp;[771]</a>. Pour toutes ces choses
-la protection de M. de Pomponne était utile et quelquefois
-décisive; il fallait donc la solliciter sans cesse et
-mettre à profit la bonne volonté de ce ministre. Madame
-de Sévigné, aidée de l'abbé de Coulanges et de ses nombreux
-amis, s'acquittait merveilleusement de cette tâche
-<span class="pagenum"><a id="Page_346"> 346</a></span>
-lorsqu'elle était à Paris; et les intérêts du gouverneur de
-la Provence et de madame de Grignan eussent beaucoup
-souffert si en leur absence d'Hacqueville, de concert
-avec madame de Vins, n'y eût suppléé avec le zèle de
-l'amitié la plus dévouée. Madame de Vins était la belle-s&oelig;ur
-de M. de Pomponne, jolie et charmante personne
-dont madame de Sévigné se servait pour agir sur l'esprit
-de ce ministre. Elle avait épousé Jean de la Garde d'Agoult,
-bon gentilhomme de Provence, d'abord chevalier,
-puis marquis de Vins, brigadier et ensuite lieutenant
-général des armées du roi et proche parent des
-Grignan<a id="FNanchor_772" href="#Footnote_772" class="fnanchor">&nbsp;[772]</a>. Il fut chargé, comme lieutenant des mousquetaires,
-de conduire des troupes en Bretagne<a id="FNanchor_773" href="#Footnote_773" class="fnanchor">&nbsp;[773]</a>. Madame
-de Sévigné eut peu de rapports avec lui, et il s'abstint
-même d'aller lui rendre visite lorsqu'il passa à
-Laval et à trois lieues des Rochers. Comme beaucoup de
-militaires de son âge, le marquis de Vins menait une
-vie peu régulière, et, dans la bonne société, il avait
-avec les dames cette gaucherie et cette timidité que contractent
-ceux qui ne se plaisent que dans le sans-gêne des
-femmes qui ont abdiqué toute pudeur<a id="FNanchor_774" href="#Footnote_774" class="fnanchor">&nbsp;[774]</a>. Il n'en était pas
-de même de madame de Vins, qui résidait à Paris tandis
-que son mari était en Bretagne: elle faisait les délices des
-élégantes sommités du monde et de la cour. L'influence
-qu'elle avait auprès de son beau-frère n'avait rien perdu
-de sa force depuis qu'indépendante par sa fortune ses
-attraits, son esprit, ses grâces lui attiraient un plus
-grand nombre d'hommages et planaient sur un plus
-<span class="pagenum"><a id="Page_347"> 347</a></span>
-vaste horizon. Aussi madame de Sévigné, qui savait
-que d'Hacqueville avait souvent recours à elle pour
-le succès de ses démarches, répondait avec empressement
-aux lettres qu'elle en recevait<a id="FNanchor_775" href="#Footnote_775" class="fnanchor">&nbsp;[775]</a>. Madame de Vins
-était heureuse d'avoir une amie de l'âge et du mérite de
-madame de Sévigné<a id="FNanchor_776" href="#Footnote_776" class="fnanchor">&nbsp;[776]</a> et fière d'entretenir avec elle une
-correspondance si bien assortie à toutes les sympathies
-de son c&oelig;ur et de son esprit. De cette correspondance
-il ne nous reste pas le moindre débris, et les lettres de
-madame de Sévigné à sa fille nous prouvent que cette
-perte est très-regrettable. L'étroite liaison qui existait
-entre la marquise de Vins et madame de Sévigné jamais
-ne se relâcha et ne fut troublée par aucun nuage.
-La correspondance de madame de Vins avec madame de
-Grignan nous eût appris beaucoup de particularités qui
-auraient éclairé les lettres que nous possédons de madame
-de Sévigné, et elle eût aussi jeté du jour sur l'existence
-intérieure du ministre Pomponne, qui a eu une
-part si grande aux affaires publiques de ce temps. On
-s'étonne que madame de Sévigné, qui a vécu si longtemps
-dans l'intimité de ce ministre et celle de toute
-sa famille, dans les nombreuses lettres qui nous restent
-d'elle ne parle qu'une seule fois de madame de Pomponne,
-tandis qu'elle s'entretient fort souvent de sa s&oelig;ur,
-mademoiselle de Ladvocat, qui fut depuis la marquise de
-Vins. La publication récente que l'on a faite des lettres
-de la famille de Feuquières nous explique cette apparente
-anomalie. Ces lettres nous font connaître que madame
-<span class="pagenum"><a id="Page_348"> 348</a></span>
-de Pomponne n'était nullement, comme sa s&oelig;ur,
-comme madame de Sévigné, de ces femmes favorisées
-du ciel, toujours inspirées par le désir de plaire, qui
-appellent au secours de leurs attraits naturels les
-charmes de leur esprit et de leur doux langage. Madame
-de Pomponne était une excellente femme, qui
-donnait tout son temps à ses affaires de ménage;
-comme le bon abbé de Coulanges, elle aimait beaucoup
-à calculer, à équilibrer avec précision ses recettes et ses
-dépenses; elle prenait même aussi volontiers sur elle
-le soin de bien régler les intérêts de ses jeunes parents,
-qu'elle morigénait lorsqu'ils violaient les principes d'une
-sage économie<a id="FNanchor_777" href="#Footnote_777" class="fnanchor">&nbsp;[777]</a>. Une pareille femme ne pouvait suffire à
-un homme tel que Pomponne, qui s'était habitué à
-se délasser de ses travaux diplomatiques par les agréments
-d'une société choisie et par le commerce des
-lettres. Voilà pourquoi mademoiselle de Ladvocat était
-devenue pour lui, dans son intérieur, comme le complément
-de sa femme. Dès lors on comprend facilement
-pourquoi madame de Sévigné, ne pouvant entretenir
-M. de Pomponne aussi promptement et aussi
-fréquemment que le réclamait l'urgence de ses affaires,
-employait pour suppléer à ces entretiens mademoiselle
-de Ladvocat, qui, avant son mariage, demeurait
-avec sa s&oelig;ur dans la maison de ce ministre et qui depuis
-conserva toujours près de lui, comme belle-s&oelig;ur, des
-privautés que nulle autre ne pouvait avoir. C'est ainsi
-que madame de Vins fut initiée aux choses du gouvernement
-et aux intrigues auxquelles elles donnaient lieu,
-tandis que madame de Pomponne n'avait ni le temps ni
-<span class="pagenum"><a id="Page_349"> 349</a></span>
-la volonté de s'en mêler, et y resta constamment étrangère.
-Ainsi doit s'interpréter le silence de madame de
-Sévigné et de tous ses contemporains sur madame de
-Pomponne, respectable matrone qu'un sage chez les
-Romains eût louée pour les qualités qu'elle avait et encore
-plus pour celles qu'elle n'avait pas et que son
-mari, bel esprit, aurait souhaité de trouver en elle; ce
-qui n'empêchait pas qu'elle ne possédât toute sa confiance
-et sa plus constante affection. Elle la méritait
-sous tous les rapports. Madame de Pomponne joignait
-aux vertus solides et aux talents d'une habile maîtresse
-de maison beaucoup d'instruction; madame de Sévigné
-nous apprend que ce fut elle qui dirigea l'éducation de
-sa belle-s&oelig;ur madame de Vins et aussi celle de sa fille,
-femme du ministre d'Etat Colbert de Torcy<a id="FNanchor_778" href="#Footnote_778" class="fnanchor">&nbsp;[778]</a>.</p>
-
-<p>A cette époque, madame de Sévigné avait à Paris une
-amie avec laquelle elle entretenait un commerce de
-lettres assez actif pour que madame de Vins voulût bien
-s'en montrer jalouse<a id="FNanchor_779" href="#Footnote_779" class="fnanchor">&nbsp;[779]</a>. Cette amie était madame de Villars,
-s&oelig;ur du maréchal de Bellefonds: elle avait épousé
-le marquis de Villars, qui suppléait au défaut d'une
-naissance ancienne et d'un riche patrimoine par un
-air noble et digne, une taille élevée, une belle figure;
-avantages qui lui avaient fait donner le nom romanesque
-d'<i>Orondate</i><a id="FNanchor_780" href="#Footnote_780" class="fnanchor">&nbsp;[780]</a>. «La marquise de Villars, dit
-Saint-Simon, était une bonne petite femme maigre et
-<span class="pagenum"><a id="Page_350"> 350</a></span>
-sèche, active, méchante comme un serpent, de l'esprit
-comme un démon, d'excellente compagnie et qui recommandait
-à son fils de se vanter au roi tant qu'il pourrait,
-mais de ne jamais parler de soi à personne<a id="FNanchor_781" href="#Footnote_781" class="fnanchor">&nbsp;[781]</a>. Les trente-sept
-lettres qui nous restent de madame de Villars à madame
-de Coulanges et ce que nous apprend madame de
-Coulanges, ne se rapportent pas entièrement à cette peinture
-du caustique Saint-Simon<a id="FNanchor_782" href="#Footnote_782" class="fnanchor">&nbsp;[782]</a>. «Elle est charmante par
-ses mines (dit madame de Coulanges) et par les petits discours
-qu'elle commence et qui ne sont entendus que
-par les personnes qui la connaissent.» Madame de Coulanges
-atteste encore que, bien loin d'être méchante
-comme un serpent, «madame de Villars était tendre,
-qu'elle savait bien aimer; ce qui donnait de l'amitié pour
-elle.» Sa mémoire doit être sous la protection de tous
-ceux qui portent un c&oelig;ur français, puisqu'elle eut le
-bonheur de donner le jour au dernier des grands généraux
-de Louis XIV, au maréchal de Villars, qui sauva
-la France à Denain. La correspondance de madame de
-Sévigné avec la marquise de Villars nous manque entièrement;
-mais nous savons le motif qui donnait plus
-de chaleur à l'amitié qui les unissait<a id="FNanchor_783" href="#Footnote_783" class="fnanchor">&nbsp;[783]</a> et leur faisait
-éprouver le besoin de se communiquer leurs pensées.
-Toutes deux avaient un fils à l'armée de Condé, et ces
-fils causaient à leurs mères de mortelles inquiétudes: ces
-deux fils furent blessés au sanglant combat de Senef<a id="FNanchor_784" href="#Footnote_784" class="fnanchor">&nbsp;[784]</a>;
-<span class="pagenum"><a id="Page_351"> 351</a></span>
-mais les destinées de l'un et de l'autre furent bien
-différentes. Madame de Sévigné avait acheté malgré elle,
-pour son fils, la charge de guidon des gendarmes, parce
-qu'on lui avait persuadé que, lorsqu'elle mariait sa fille,
-il était convenable qu'elle fît aussi un établissement à son
-fils. Celui de guidon était trop subordonné à sa naissance
-et à sa fortune; Sévigné n'avait pris cette charge que pour
-pouvoir servir autrement que comme simple volontaire
-et dans l'espoir d'obtenir un prompt avancement. Cet espoir
-avait été déçu; et, à l'époque dont nous traitons, sa
-mère faisait des démarches pour vendre cette charge<a id="FNanchor_785" href="#Footnote_785" class="fnanchor">&nbsp;[785]</a> et
-en acheter une autre: elle ne put y parvenir. Fils et frère
-de deux femmes des plus lettrées et des plus aimables
-de son temps, comme elles Sévigné aimait les lettres,
-les arts et les jouissances sociales. Un homme de son
-nom et de sa naissance devait n'être rien ou être militaire,
-et par cette raison il avait embrassé la carrière
-des armes. Il avait la bravoure (aucun gentilhomme n'en
-manquait), mais non le talent d'un guerrier. Sa mère,
-après qu'il eut été blessé au combat de Senef, avait
-écrit au maréchal de Luxembourg et à son parent le
-marquis de la Trousse pour lui faire avoir un congé,
-afin qu'il pût venir se rétablir aux Rochers, où elle
-serait aussi heureuse de le posséder que lui de s'y trouver<a id="FNanchor_786" href="#Footnote_786" class="fnanchor">&nbsp;[786]</a>.
-C'était la seconde fois que Sévigné quittait l'armée
-<span class="pagenum"><a id="Page_352"> 352</a></span>
-alors que les opérations de la guerre étaient en pleine
-activité<a id="FNanchor_787" href="#Footnote_787" class="fnanchor">&nbsp;[787]</a>.</p>
-
-<p>Il n'en était pas ainsi du jeune Villars, qui ne voulait
-point de congé; ni Condé ni Luxembourg n'auraient accordé
-ce congé aux prières de sa mère, si elle avait pensé
-à le demander. Son père, le brillant <i>Orondate</i>, s'était
-distingué comme militaire par de beaux faits d'armes;
-mais Louvois, qui haïssait en lui l'époux de la fille du
-maréchal de Bellefonds, le traversait sans cesse dans
-tous ses projets d'avancement. Alors il quitta l'état militaire
-et se jeta dans la diplomatie, où il réussit comme
-à la guerre. Après s'être acquitté avec succès d'une
-ambassade en Espagne<a id="FNanchor_788" href="#Footnote_788" class="fnanchor">&nbsp;[788]</a>, il fut rappelé, et venait d'être
-nommé ambassadeur à la cour de Savoie<a id="FNanchor_789" href="#Footnote_789" class="fnanchor">&nbsp;[789]</a>, ce qui était,
-comme le remarque plaisamment madame de Sévigné,
-une application du proverbe: <i>Devenir d'évêque meunier</i>;
-mais ce n'était point une disgrâce, et il devait par
-la suite retourner ambassadeur en Espagne. D'ailleurs il
-fallait se retirer de la cour et du monde si l'on n'était
-pas résolu à servir le roi dans le poste, quelque médiocre
-qu'il fût, qu'il plaisait à Sa Majesté de vous assigner.
-Cependant Villars était mécontent, et ne se trouvait pas
-récompensé en raison des services qu'il avait rendus; et
-lui et sa femme se plaignant un jour devant leur jeune
-fils de leur mauvaise fortune: «Pour moi, dit résolûment
-cet enfant, j'en ferai une grande, ou je périrai<a id="FNanchor_790" href="#Footnote_790" class="fnanchor">&nbsp;[790]</a>.»
-Il tint parole.</p>
-
-<p>Louis XIV venait de créer à cette époque, sous le nom
-<span class="pagenum"><a id="Page_353"> 353</a></span>
-de <i>Pages de la grande écurie</i>, un établissement pour
-l'éducation de la haute noblesse<a id="FNanchor_791" href="#Footnote_791" class="fnanchor">&nbsp;[791]</a> du royaume. Ces
-jeunes gens, l'espérance des premières familles du
-royaume, accompagnaient comme volontaires le roi
-dans ses campagnes lorsque leur éducation était terminée.
-Ces volontaires montraient une telle ardeur pour
-courir au combat quand Louis XIV était présent qu'il
-leur était défendu d'aller au feu sans sa permission. Le
-jeune Villars, dès la première affaire où il se trouva, désobéit
-à cet ordre du roi, qui le gronda sévèrement.
-Mais sous ses yeux, sous les regards de Condé, de Turenne
-et de Luxembourg il déploya une valeur si brillante,
-montra un tel enthousiasme pour la guerre, une
-intelligence si élevée de la tactique, tant pour l'infanterie
-que pour la cavalerie; il étonna tellement ses chefs
-par son coup d'&oelig;il rapide et sûr, eut un bonheur si
-constant que, de désobéissance en désobéissance et de
-gronde en gronde, il s'éleva rapidement jusqu'au rang
-de colonel malgré l'inflexible Louvois et quoique son
-oncle le maréchal de Bellefonds, dont il était l'élève,
-fût en pleine disgrâce pour avoir refusé de servir sous
-Turenne. Le jeune Villars en était là<a id="FNanchor_792" href="#Footnote_792" class="fnanchor">&nbsp;[792]</a> alors que son
-ami Sévigné, aux Rochers, assistait sa mère dans sa
-correspondance avec l'ambassadrice de Savoie, ou s'occupait
-à faire sa cour aux dames de Vitré ou de Rennes<a id="FNanchor_793" href="#Footnote_793" class="fnanchor">&nbsp;[793]</a>,
-et tandis que le chevalier de Grignan, à la tête
-de son régiment, se distinguait aussi dans cette guerre.
-<span class="pagenum"><a id="Page_354"> 354</a></span>
-Madame de Sévigné convient avec joie que ce chevalier
-de Grignan, qu'elle avait surnommé <i>le petit Glorieux</i>,
-acquérait une gloire solide<a id="FNanchor_794" href="#Footnote_794" class="fnanchor">&nbsp;[794]</a>: Sévigné au contraire
-n'exerçait sa charge qu'avec négligence, et se laissait
-entraîner à la dissipation et à l'oisiveté par l'exemple
-des jeunes gens de son âge. «Le roi, dit madame de
-Sévigné à sa fille, a parlé encore comme étant persuadé
-que Sévigné a pris le mauvais air des officiers subalternes
-de son régiment<a id="FNanchor_795" href="#Footnote_795" class="fnanchor">&nbsp;[795]</a>.»</p>
-
-<p>Un autre genre de correspondance qui occupait alors
-comme malgré elle la plume de madame de Sévigné aux
-Rochers, c'est celle qu'elle entretenait avec cette parente
-et amie de madame de Villars<a id="FNanchor_796" href="#Footnote_796" class="fnanchor">&nbsp;[796]</a> qui avait été élevée
-avant celle-ci chez la maréchale de Bellefonds. Nous
-avons déjà fait connaître à nos lecteurs, dans la quatrième
-partie de ces Mémoires, la comtesse de Saint-Géran<a id="FNanchor_797" href="#Footnote_797" class="fnanchor">&nbsp;[797]</a>,
-cette petite femme si jolie, si spirituelle, dame
-du palais de la reine, toujours en cour, faite pour la
-cour, dont elle suivait tous les mouvements, à laquelle
-elle assortissait sa vie, ses goûts, ses plaisirs, ses croyances,
-ses occupations, successivement et suivant les
-temps galante, dévote, prodigue et rangée; toujours
-aimable, toujours recherchée, toujours ménagée, même
-durant les rigueurs qu'elle s'attira par ses imprudences.
-Elle ne cessa jamais d'entretenir les liaisons qu'elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_355"> 355</a></span>
-avait formées avec madame de Sévigné et avec madame
-de Maintenon, auxquelles elle plaisait sans inspirer
-à l'une et à l'autre ni estime ni confiance<a id="FNanchor_798" href="#Footnote_798" class="fnanchor">&nbsp;[798]</a>. Il en
-est de même de madame de Frontenac<a id="FNanchor_799" href="#Footnote_799" class="fnanchor">&nbsp;[799]</a>, l'une des <i>divines</i>;
-et on a droit de s'étonner que les historiens de
-Maintenon et de Louis XIV se soient laissé égarer à l'égard
-de ces deux femmes par des fragments de lettres
-apocryphes, dont le plus faible examen aurait dû leur
-démontrer la fausseté<a id="FNanchor_800" href="#Footnote_800" class="fnanchor">&nbsp;[800]</a>. Le gros Saint-Géran était cousin
-des Villars, et se trouvait à l'armée en même temps que
-Sévigné et Villars; ce qui contribuait à donner plus d'intérêt
-aux lettres adressées aux Rochers par la Saint-Géran,
-comme l'appelle madame de Sévigné<a id="FNanchor_801" href="#Footnote_801" class="fnanchor">&nbsp;[801]</a>. Aucun obstacle
-de famille n'avait empêché madame de Saint-Géran de
-prendre sa part aux plaisirs de cette cour si brillante et si
-agitée, où elle consuma son existence sans aucun profit
-pour sa fortune. Elle n'eut qu'une fille, dont elle accoucha
-après vingt et un ans de mariage<a id="FNanchor_802" href="#Footnote_802" class="fnanchor">&nbsp;[802]</a>.</p>
-<div class="chapter">
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_356"> 356</a></span></p>
-<h2>CHAPITRE XV.<br />
-<span class="medium">1675-1680.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">Madame de Sévigné se plaint du grand nombre de lettres qu'elle est
-obligée d'écrire.&mdash;Les correspondances particulières suppléaient
-autrefois aux gazettes.&mdash;Le nombre des correspondants de madame
-de Sévigné s'accroissait chaque jour avec sa célébrité.&mdash;Sa liaison
-avec madame de Marbeuf.&mdash;Elle espère par elle marier son fils.&mdash;Soins
-et attentions de Sévigné pour sa mère.&mdash;Contraste de sa
-manière de vivre avec son fils et de celle qu'avait la princesse de
-Tarente avec le sien.&mdash;Opinion de madame de Sévigné sur le jeune
-prince de Tarente.&mdash;Celui-ci fait mieux son chemin dans le monde
-que Sévigné.&mdash;Volages amours de ce dernier.&mdash;Son intimité avec
-madame du Gué-Bagnols.&mdash;Détails sur cette intrigue.&mdash;Madame de
-Sévigné cherche à marier son fils avec la fille du comte de Rouillé,
-intendant de Provence, et ne réussit point.&mdash;Craintes de madame
-de Sévigné en apprenant que madame de Grignan est enceinte.&mdash;Suite
-des détails sur la liaison amoureuse de Sévigné et de madame
-du Gué-Bagnols.&mdash;Autres attachements de Sévigné avec la duchesse
-de V..., avec mademoiselle de la Coste et mademoiselle de
-Tonquedec.&mdash;Nouveaux travaux entrepris par madame de Sévigné
-aux Rochers.&mdash;Elle est retenue à la campagne par le plaisir qu'elle
-trouve à y séjourner.&mdash;Affaire du président Méneuf.&mdash;Niaiserie
-du fils de ce président.&mdash;Les affaires de madame de Sévigné l'obligeaient
-à retourner à Paris, mais elle tombe malade dangereusement.&mdash;Guérie
-de sa fièvre, elle ne peut plus écrire qu'en dictant à son
-fils et ensuite à la jeune fille de sa voisine.&mdash;Sévigné part pour
-Paris, afin de traiter de sa charge de guidon avec de Viriville.&mdash;Madame
-de la Baume y met un empêchement indirect en faisant
-enlever madame de la Tivolière pour la marier avec son fils.&mdash;Madame
-de Sévigné part des Rochers le 24 mars pour retourner à Paris.&mdash;Désespoir
-de la jeune fille qui lui servait de secrétaire.&mdash;Madame
-de Sévigné s'arrête à Malicorne.&mdash;Elle y entend l'oraison
-funèbre de Turenne par Fléchier.&mdash;Elle arrive à Paris.</p>
-
-<p class="space">Madame de Sévigné se plaint fréquemment à sa fille
-du nombre de lettres qu'elle recevait et auxquelles elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_357"> 357</a></span>
-était obligée de répondre. C'est qu'à une époque où le
-commerce épistolaire était mieux apprécié, plus recherché
-qu'il ne peut l'être depuis la publication de ces milliers
-de journaux partout imprimés, partout répandus,
-les intrigues des cours, les mouvements des armées, les
-promotions aux places, aux honneurs, aux titres, aux
-rangs; les succès et les revers de fortune, les anecdotes
-du jour, les grands accidents, les procès célèbres, le
-théâtre, la littérature et les arts, toutes les nouveautés,
-tous les faits, tous les événements publics ou privés,
-grands ou petits, étaient alors du domaine des correspondances
-individuelles et particulières. Il était naturel alors
-que madame de Sévigné, qui se montrait la plus diligente
-à jaser spirituellement, agréablement de toutes
-ces choses; qui, par sa position et ses relations multipliées,
-était la mieux et la plus promptement instruite,
-fût, à chaque nouvelle liaison qu'elle formait, obligée
-d'ajouter un nom de plus à la liste déjà si nombreuse
-des personnes dont elle recevait régulièrement des lettres
-pleines d'informations, et encore plus de questions,
-auxquelles il fallait répondre. Parmi ces nouvelles connaissances
-était la marquise de Marbeuf, avec laquelle
-elle se lia assez intimement durant le long séjour qu'elle
-fit cette fois en Bretagne. La marquise de Marbeuf était
-la femme de Claude de Marbeuf, président à mortier
-du parlement de Bretagne. Indignée de la tyrannie
-du duc de Chaulnes, elle résolut, à l'exemple de plusieurs
-Bretons, d'aller se fixer à Paris; projet qu'elle
-effectua<a id="FNanchor_803" href="#Footnote_803" class="fnanchor">&nbsp;[803]</a> du vivant de son mari, peu de temps après
-<span class="pagenum"><a id="Page_358"> 358</a></span>
-le commencement de son intimité avec madame de Sévigné.
-Elle eut du succès dans le monde, elle y acquit
-de l'influence; et madame de Sévigné, à laquelle elle
-plaisait, espérait qu'elle l'aiderait à marier son fils et à
-vendre sa charge de guidon.</p>
-
-<p>Le baron de Sévigné était depuis longtemps l'objet
-des vives sollicitudes de sa mère; il était fréquemment
-obligé de quitter les Rochers pour aller à Vitré ou à
-Rennes, mais il prolongeait son séjour dans ces deux
-villes plus qu'il n'était besoin, et s'y occupait d'intrigues
-amoureuses. Il continua ce genre de vie lorsqu'il fut de
-retour à Paris, ce qui contrariait la tendresse maternelle
-de madame de Sévigné, qui aurait voulu lui voir former
-des liens sérieux et utiles<a id="FNanchor_804" href="#Footnote_804" class="fnanchor">&nbsp;[804]</a>. Pour parvenir à lui
-faire changer de conduite, elle ne lui montrait jamais
-un visage sévère, et continuait toujours, afin de capter
-sa confiance, de traiter avec lui ces matières sans
-nulle aigreur. Madame de Grignan approuvait à cet
-égard la conduite de sa mère, qui ne lui cachait rien,
-mais dissimulait quelquefois avec son fils. Sévigné avait
-plus de sensibilité, mais une tête et un caractère plus
-faibles que sa s&oelig;ur. Il se repentait souvent de ne pas
-suivre les conseils de sa mère, et revenait toujours
-à elle avec des résolutions meilleures et plus de soumission.</p>
-
-<p>«Nous suivons vos avis pour mon fils, écrit madame
-de Sévigné à madame de Grignan; nous consentons à
-quelques fausses mines; et si l'on nous refuse, chacun
-en rendra de son côté. En attendant, il me fait ici fort
-<span class="pagenum"><a id="Page_359"> 359</a></span>
-bonne compagnie, et il trouve que j'en suis une aussi: il
-n'y a nul air de maternité à notre affaire<a id="FNanchor_805" href="#Footnote_805" class="fnanchor">&nbsp;[805]</a>.»</p>
-
-<p>Dans une autre lettre, elle avait dit: «Comme je
-venais, je trouvai au bout du Mail le <i>frater</i>, qui se
-mit à deux genoux aussitôt qu'il m'aperçut, se sentant
-si coupable d'avoir été trois semaines sous terre à
-<i>chanter matines</i> qu'il ne croyait pas me pouvoir aborder
-d'une autre façon. J'avais bien résolu de le gronder,
-et je ne sus jamais où trouver de la colère. Je fus
-fort aise de le voir. Vous savez comme il est divertissant:
-il m'embrassa mille fois; il me donna les plus
-mauvaises raisons du monde, que je pris pour bonnes.
-Nous causons fort, nous lisons, nous nous promenons,
-et nous achèverons ainsi l'année, c'est-à-dire le reste<a id="FNanchor_806" href="#Footnote_806" class="fnanchor">&nbsp;[806]</a>.»</p>
-
-<p>Mais Sévigné va encore à Rennes, et en revient trois
-semaines après; et sa mère écrit:</p>
-
-<p>«Le <i>frater</i> est revenu de Rennes; il m'a rapporté une
-chanson qui m'a fait rire: elle vous fera voir en vers une
-partie de ce que je vous ai dit l'autre jour en prose<a id="FNanchor_807" href="#Footnote_807" class="fnanchor">&nbsp;[807]</a>.»</p>
-
-<p>La princesse de Tarente avait envers son fils, non
-encore majeur, la morgue allemande, et elle le maintenait
-dans le respect qui lui était dû. Elle ne pouvait comprendre
-la conduite de madame de Sévigné, et était toujours
-de plus en plus choquée des familiarités du fils envers
-sa mère. «Cela n'est pas étonnant, disait madame de
-Sévigné: elle qui n'a qu'un grand benêt de fils, qui n'a
-point d'âme dans le corps<a id="FNanchor_808" href="#Footnote_808" class="fnanchor">&nbsp;[808]</a>!» Ce jeune prince de Tarente,
-cet unique héritier des la Trémouille, qui déplaisait
-<span class="pagenum"><a id="Page_360"> 360</a></span>
-tant à madame de Sévigné parce qu'il était encore
-plus laid que M. de Grignan<a id="FNanchor_809" href="#Footnote_809" class="fnanchor">&nbsp;[809]</a>, élevé en province, n'avait
-ni les grâces ni les manières d'un homme de cour. Sans
-avoir le génie et les grandes qualités de son père, il
-mena cependant une existence brillante et honorée; il
-s'acquit l'estime et la confiance de la noblesse de Bretagne,
-qu'il présida au moins sept fois dans l'assemblée
-des états, au détriment du duc de Rohan<a id="FNanchor_810" href="#Footnote_810" class="fnanchor">&nbsp;[810]</a>; et il obtint
-pour prix de ses services, sans courtisanerie et sans sollicitations,
-d'être nommé chevalier des ordres du roi.
-Le marquis de Sévigné au contraire gouverna mal sa fortune,
-son ambition et ses amours; il passa le temps de sa
-jeunesse dans la société des poëtes, des artistes et des
-jeunes fous de son temps, moitié homme du monde,
-moitié militaire. La jolie figure, les grâces, l'élégance,
-l'esprit de cet officier blondin inspiraient à beaucoup
-de beautés galantes le désir de s'en faire aimer; mais
-elles le quittaient aussitôt qu'elles s'apercevaient que
-le reste ne répondait pas à ces brillants dehors. C'est
-cette disposition à former des liaisons où le c&oelig;ur n'était
-pour rien<a id="FNanchor_811" href="#Footnote_811" class="fnanchor">&nbsp;[811]</a>, à être dupe des femmes qu'il croyait avoir
-subjuguées; ce sont ces continuels efforts pour vouloir
-<span class="pagenum"><a id="Page_361"> 361</a></span>
-paraître toujours succomber aux atteintes d'une
-passion qu'il ne ressentait pas, qui lui avaient attiré les
-railleries du duc de la Rochefoucauld; et sa s&oelig;ur, qui
-l'aimait, voulut l'empêcher de s'y exposer; mais, moins
-bonne que sa mère et ne craignant pas de le choquer,
-elle lui avait fait sur ce sujet de vifs reproches, assaisonnés
-d'une piquante ironie. La réponse de Sévigné
-jette du jour sur ses intrigues amoureuses et sur les
-m&oelig;urs de ce temps; elle termine une lettre que sa mère
-écrit à madame de Grignan, et qui s'arrête à ces mots:</p>
-
-<p>«Je laisse la plume à l'honnête garçon qui est à mon
-côté droit; il dit que vous avez trempé la vôtre dans du
-feu en lui écrivant: il est vrai qu'il n'y a rien de si plaisant<a id="FNanchor_812" href="#Footnote_812" class="fnanchor">&nbsp;[812]</a>.</p>
-
-<p>«Que dis-je du feu? (continue M. de Sévigné) c'est
-dans du fiel et du vinaigre que vous l'avez trempée cette
-impertinente plume qui me dit tant de sottises, sauf
-correction. Et où avez-vous donc pris, madame la comtesse,
-que je ne fusse pas capable de choisir une amie?
-Est-ce parce que je m'étais adonné pendant trois ans à une
-personne qui n'a pu s'accommoder de ce que je ne parlais
-pas au public et que je ne donnais pas la bénédiction au
-peuple? (Serait-il encore question ici de la belle <i>Alsine</i>,
-de la duchesse d'Aumont, cette maîtresse de le Tellier,
-l'archevêque de Reims, et du <span class="smallc">Charmant</span>, le marquis de
-Villeroi<a id="FNanchor_813" href="#Footnote_813" class="fnanchor">&nbsp;[813]</a>?) Vous avez eu du moins grande raison d'assurer
-que ma blessure était guérie et que j'étais dégagé
-de mes fers. Je suis trop bon catholique pour vouloir
-rien disputer à l'Église. C'est depuis longtemps qu'il est
-<span class="pagenum"><a id="Page_362"> 362</a></span>
-réglé que le clergé a le pas sur la noblesse... Je suis redevenu
-esclave d'une autre beauté brune, dans mon
-voyage de Rennes: c'est de madame de..., celle qui
-priait Dieu si joliment aux Capucins. Vous souvenez-vous
-que vous la contrefaisiez? Elle est devenue bel esprit, et
-dit les élégies de la comtesse de la Suze en langage breton.»</p>
-
-<p>Cependant Sévigné, engagé dans les liens d'une parente
-ou d'une alliée de sa propre famille, devint plus
-réservé dans les confidences qu'il faisait à sa mère.
-C'est ainsi qu'il s'efforça, mais en vain, de couvrir du
-voile du mystère ses amours avec madame du Gué-Bagnols.
-Cette femme, qui était loin d'avoir l'amabilité
-de sa s&oelig;ur, madame de Coulanges, était, ainsi que je l'ai
-déjà dit, mariée depuis quatre ans, à l'époque dont
-nous nous occupons, à Louis du Gué-Bagnols, son
-cousin issu de germain. Sa liaison avec Sévigné suivit
-presque celle de la dame brune de Rennes, et eut lieu
-peu après, aussitôt le retour de Sévigné à Paris<a id="FNanchor_814" href="#Footnote_814" class="fnanchor">&nbsp;[814]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné mande à sa fille, de la manière
-suivante, un incident fâcheux de cette intrigue: «Ah!
-c'est un homme bien amoureux que monsieur votre
-frère! j'admire la peine qu'il se donne pour rien, pour
-rien du tout. Il a été surpris dans une conversation fort
-secrète par un mari; ce mari fit une mine très-chagrine,
-parla très-rudement à sa femme: l'alarme était au camp
-quand je partis (pour Livry, d'où la lettre est datée); je
-manderai la suite à Paris<a id="FNanchor_815" href="#Footnote_815" class="fnanchor">&nbsp;[815]</a>.» Et elle mande quatre jours
-<span class="pagenum"><a id="Page_363"> 363</a></span>
-après, dans la même lettre datée de Paris: «Le baron
-a tout raccommodé par son adresse; il en sait autant
-que les maîtres, et plus; car, pour imiter l'indifférence,
-personne ne le peut surpasser; elle est jouée si fort au
-naturel, et le vraisemblable imite si bien le vrai, qu'il
-n'y a point de jalousie ni de soupçons qui puissent tenir
-contre une si bonne conduite. Vous auriez bien ri si vous
-aviez su tout le détail de cette aventure. Il me semble
-que vous devinez le nom du mari. A tout hasard, la
-femme s'en va dans votre voisinage<a id="FNanchor_816" href="#Footnote_816" class="fnanchor">&nbsp;[816]</a>.»</p>
-
-<p>Parler ainsi, c'était nommer ce mari; car madame
-de Grignan savait très-bien que madame du Gué-Bagnols
-devait aller à Lyon rejoindre ses parents; et Sévigné,
-dont l'amour s'était attiédi, cherchait déjà, suivant l'habitude
-des officiers en garnison, une autre maîtresse
-pour remplacer celle qu'il allait perdre. Dans une lettre
-où madame de Sévigné se complaît un peu trop, pour
-amuser sa fille, à railler une femme qu'elle n'aimait pas,
-elle n'hésite point à nommer ce mari: «La Bagnols est
-partie aujourd'hui; je mande à mon fils que, s'il n'est
-point mort de douleur, il vienne demain dîner (à Livry)
-avec tous les Pomponne; il sera plus heureux que M. de
-Grignan, qui se trouve abandonné, parce qu'il n'avait
-à Aix que trois maîtresses, qui toutes lui ont manqué:
-on ne peut en avoir une trop grande provision; qui n'en
-a que trois n'en a point. J'entends tout ce qu'il dit là-dessus.
-Mon fils est bien persuadé de cette vérité; je suis
-assurée qu'il lui en reste plus de six, et je parierais bien
-qu'il n'en perdra aucune par la fièvre maligne, tant il les
-choisit bien depuis quelque temps. Oh! vous voyez que
-<span class="pagenum"><a id="Page_364"> 364</a></span>
-ma plume veut dire des sottises aussi bien que la vôtre<a id="FNanchor_817" href="#Footnote_817" class="fnanchor">&nbsp;[817]</a>.»</p>
-
-<p>On voit qu'alors la mère et la fille étaient en train de
-s'entretenir d'aventures galantes: non-seulement madame
-de Bagnols, mais sa s&oelig;ur madame de Coulanges,
-donnaient matière à exercer la malignité de leurs plumes.
-On se croit transporté en plein dix-huitième siècle.
-L'exemple du monarque et de sa cour avait banni de la
-haute classe ces chastes scrupules, cette susceptibilité
-qui honoraient la première génération des précieuses à
-l'hôtel de Rambouillet. Déjà des mères respectables,
-qui elles-mêmes se maintenaient dans toute la dignité
-de leur sexe, voyaient sans peine leurs fils chercher à
-plaire à des femmes mariées, habiles à couvrir d'un voile
-le mystère de leurs amours. C'était un moyen nouveau
-de combiner l'indifférence pour les intérêts d'une vertu
-sévère avec le respect dû aux convenances; de concilier
-la licence des m&oelig;urs avec la politesse des manières, et
-la sensualité des passions avec la délicatesse des sentiments:
-toutes choses qui s'évanouissaient dans le commerce
-ruineux des Laïs indépendantes<a id="FNanchor_818" href="#Footnote_818" class="fnanchor">&nbsp;[818]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, quoique janséniste, était du
-nombre de ces mères; et, pour tranquilliser sa conscience
-sur le tort que son fils pouvait faire aux maris par ses
-amours volages, elle se persuadait facilement qu'avec les
-femmes auxquelles il s'adressait il ne faisait que prévenir
-un plus grand mal, et que, dans les m&oelig;urs du siècle,
-la morale du <span class="smallc">Conteur</span>, au prologue de la <i>Coupe
-enchantée</i>, était la seule praticable. Mais Sévigné n'était
-pas alors l'objet de la volage préférence de madame de
-<span class="pagenum"><a id="Page_365"> 365</a></span>
-Coulanges; aussi madame de Sévigné n'en parle-t-elle
-que légèrement. Admirez pourtant comme elle mêle habilement
-à ces frivolités les nouvelles de la guerre qui alors
-tenait tout le monde en suspens! On avait envoyé au
-maréchal de Créqui, pour grossir son armée, toutes les
-troupes que commandait le maréchal de Schomberg, et
-celui-ci était resté seul avec son état-major; et, comme
-madame de Sévigné fut de tout temps liée avec la maréchale
-de Schomberg (Marie de Hautefort)<a id="FNanchor_819" href="#Footnote_819" class="fnanchor">&nbsp;[819]</a>, cette nouvelle
-l'intéressait au plus haut degré. «La <i>Mouche</i> (madame
-de Coulanges), dit d'abord madame de Sévigné,
-ne peut pas quitter la cour présentement; quand on y
-a de certains engagements, on n'est point libre.» Puis,
-deux jours après: «La <i>Mouche</i> est à la cour; c'est
-une fatigue; mais que faire? M. de Schomberg est toujours
-vers la Meuse, c'est-à-dire <i>tout seul tête à tête</i>. Madame
-de Coulanges disait l'autre jour qu'il fallait donner
-à M. de Coulanges l'intendance de cette armée<a id="FNanchor_820" href="#Footnote_820" class="fnanchor">&nbsp;[820]</a>.» L'aimable
-chansonnier qui s'était autrefois noyé <i>dans la
-mare à Grappin</i> était encore moins propre à être intendant
-d'armée que juge; mais comme le maréchal n'avait
-plus d'armée, en lui envoyant Coulanges pour
-intendant militaire, celui-ci aurait réjoui le maréchal
-oisif par ses couplets, et se serait trouvé à la hauteur de
-ses fonctions. Madame de Sévigné, soit qu'elle ait inventé
-ce propos, soit qu'il ait été dit par madame de Coulanges,
-faisait entendre à madame de Grignan que la présence
-de M. de Coulanges à Paris était, pour sa femme,
-au moins inutile.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_366"> 366</a></span>
-Elle est moins laconique et surtout plus explicite sur
-le compte de la s&oelig;ur de madame de Coulanges. Les
-deux s&oelig;urs étaient également l'objet des railleries de
-madame de Grignan pour leur vanité<a id="FNanchor_821" href="#Footnote_821" class="fnanchor">&nbsp;[821]</a>; mais il y avait
-entre elles une grande différence sous le rapport de l'esprit,
-de l'usage du monde, de l'amabilité, des grâces et
-du charme de la conversation. Madame du Gué-Bagnols
-était pleine d'afféterie, de prétentions et mortellement
-ennuyeuse. Madame de Sévigné désirait non-seulement
-en détacher son fils, mais persuader à madame de Grignan
-que Sévigné avait renoncé à cette maîtresse et
-n'entretenait avec elle une correspondance que par un
-reste d'égard et pour ne pas s'écarter des procédés d'un
-honnête homme. Par l'intermédiaire de madame de Grignan,
-madame de Sévigné négociait alors le mariage de
-son fils avec mademoiselle Rouillé, fille de l'intendant de
-Provence. A Aix, madame de Sévigné avait fait la connaissance
-de madame de Rouillé, et la trouvait aimable<a id="FNanchor_822" href="#Footnote_822" class="fnanchor">&nbsp;[822]</a>.
-Madame de Rouillé vint à Paris en août 1675, et apprit à
-madame de Sévigné qu'elle avait d'autres vues qu'elle
-pour le mariage de sa fille; ce qui n'altéra point leur
-amitié. Rouillé, qui fut un de ces grands administrateurs
-formés à l'école de Colbert et devint par la suite
-intendant général des postes, avait une dot considérable
-à donner à sa fille: il ne trouva pas que le marquis de
-Sévigné fût assez riche ni assez avancé dans sa carrière
-militaire, et il ne se laissa point tenter par une alliance
-plus brillante que solide<a id="FNanchor_823" href="#Footnote_823" class="fnanchor">&nbsp;[823]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_367"> 367</a></span>
-Madame de Sévigné commence par annoncer le départ
-de madame de Bagnols en ces termes: «La Bagnols
-est partie, et la Mousse est allé avec elle<a id="FNanchor_824" href="#Footnote_824" class="fnanchor">&nbsp;[824]</a>.» Ceux qui
-ont lu la quatrième partie de ces Mémoires se rappellent
-le petit abbé de la Mousse, dont madame de Sévigné
-estimait le savoir et le caractère, qu'elle hébergea si
-longtemps et dont elle ne se séparait jamais qu'avec
-peine. On sait qu'il était le fils naturel de M. du Gué-Bagnols<a id="FNanchor_825" href="#Footnote_825" class="fnanchor">&nbsp;[825]</a>,
-l'intendant de Lyon, et par conséquent frère de
-madame de Coulanges et de madame du Gué-Bagnols la
-jeune. Madame de Sévigné, continuant sur celle-ci la plaisanterie
-de sa lettre du 19 juillet, écrit, sept jours après<a id="FNanchor_826" href="#Footnote_826" class="fnanchor">&nbsp;[826]</a>:</p>
-
-<p>«M. de Sévigné apprendra donc de M. de Grignan
-la nécessité d'avoir plusieurs maîtresses, par les inconvénients
-qui arrivent de n'en avoir que deux ou trois;
-mais il faut que M. de Grignan apprenne de M. de Sévigné
-les douleurs de la séparation quand il arrive que
-quelqu'un s'en va par la diligence. On reçoit un billet
-du jour du départ, qui embarrasse beaucoup, parce qu'il
-est fort tendre: cela trouble la gaieté et la liberté dont
-on prétend jouir. On reçoit encore un autre billet de la
-première couchée, dont on est enragé. Comment diable?
-cela continuera-t-il de cette force? On me conte cette
-douleur; on met sa seule espérance au voyage que le
-mari doit faire, croyant que cette grande régularité en
-sera interrompue; sans cela, on ne pourrait souffrir un
-commerce de trois fois la semaine. On tire les réponses et
-<span class="pagenum"><a id="Page_368"> 368</a></span>
-les tendresses à force de rêver; la lettre est <i>figée</i>,
-comme je disais, avant que la <i>feuille qui chante</i> soit
-pleine: la source est entièrement sèche. On pâme de rire
-avec moi du style, de l'orthographe.» Puis madame de
-Sévigné rapporte des fragments de la lettre de madame
-du Gué-Bagnols, qui n'ont rien de ridicule, quoi qu'elle
-en puisse dire; et si l'orthographe les rendait tels, on
-sait que celle de madame de Coulanges n'était pas
-meilleure<a id="FNanchor_827" href="#Footnote_827" class="fnanchor">&nbsp;[827]</a>: cependant nulle femme de son temps n'a
-été plus célèbre par le talent de bien écrire des lettres.
-Madame de Sévigné ajoute: «Voilà en l'air ce que j'ai
-attrapé, et voilà à quel style votre frère est condamné
-de répondre trois fois la semaine. Ma fille, cela est
-cruel, je vous assure. Voyez quelle gageure ces pauvres
-gens se sont engagés de soutenir! c'est un martyre,
-ils me font pitié; le pauvre garçon y succomberait sans
-la consolation qu'il trouve en moi. Vous perdez bien,
-ma chère enfant, de n'être pas à portée de cette confidence.
-J'écris ceci hors d'&oelig;uvre pour vous divertir, en
-vous donnant une idée de cet aimable commerce<a id="FNanchor_828" href="#Footnote_828" class="fnanchor">&nbsp;[828]</a>.»</p>
-
-<p>Mais elle revient encore sur le même sujet quelques
-jours après, et cite, de ces lettres de madame de Bagnols
-à Sévigné, des traits d'afféterie qui la mettaient
-hors d'elle. Il paraît que madame du Gué-Bagnols devait
-aller voir madame de Grignan:</p>
-
-<p>«Le voyage de la Bagnols est assuré, dit madame de
-Sévigné. Vous serez témoin de ses langueurs, de ses rêveries,
-qui sont des applications à rêver; elle se redresse
-<span class="pagenum"><a id="Page_369"> 369</a></span>
-comme en sursaut, et madame de Coulanges lui dit: <i>Ma
-pauvre s&oelig;ur, vous ne rêvez point du tout</i>. Pour son style,
-il m'est insupportable, et me jette dans des grossièretés,
-de peur d'être comme elle. Elle me fait renoncer à la délicatesse,
-à la finesse, à la politesse, de crainte de donner
-dans les tours de passe-passe, comme vous dites: cela
-est triste de devenir une paysanne<a id="FNanchor_829" href="#Footnote_829" class="fnanchor">&nbsp;[829]</a>.»</p>
-
-<p>Après cette liaison, madame de Sévigné nous apprend
-que son fils en forma une autre, qui ne fut pas plus sincère,
-avec la duchesse de V... (peut-être la duchesse de
-Ventadour, mademoiselle de Houdancourt<a id="FNanchor_830" href="#Footnote_830" class="fnanchor">&nbsp;[830]</a>). «Ce qui est
-vrai, écrit madame de Sévigné à sa fille, c'est que votre
-frère n'aime point du tout la duchesse et que c'est pour
-rien qu'il prend un air si nuisible.» Quinze jours après,
-madame de Sévigné entretient encore sa fille des relations
-intimes de Sévigné avec une de ses parentes (peut-être
-est-il encore question de madame du Gué-Bagnols):
-«Mon fils me parle de la grosse cousine d'une étrange
-façon; il ne désire qu'une bonne cruelle pour le consoler
-un peu: une ingrate lui paraît une chimère. Voilà
-le style de madame de Coulanges, celui dont il se sert;
-et, en parlant de quelque argent qu'il a gagné avec la
-cousine, il me dit: <i>Plût à Dieu que je n'y eusse gagné
-que cela</i>! Que diantre veut-il dire? Il me promet mille
-confidences; mais il me semble qu'ensuite d'un tel discours
-il doit dire, comme l'abbé d'Effiat: <i>Je ne sais si je
-me fais bien entendre</i>. Tout ceci entre nous, s'il vous
-plaît, et sans retour.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_370"> 370</a></span>
-Sévigné conserva longtemps les inclinations de sa jeunesse,
-et ne termina sa carrière amoureuse que lorsque
-le mariage en eut fait un tout autre homme. Jusqu'alors
-madame de Sévigné, dans ses lettres à sa fille, paraît
-toujours tourmentée non de ce que son fils a des maîtresses,
-mais de ce qu'il les choisit mal. «J'attendais
-mon fils, dit-elle. Je croyais donc le voir à chaque instant
-dans ces bois; mais devinez ce qu'il a fait? Il a traversé
-je ne sais par où, et s'est trouvé à Rennes, où il me
-mande qu'il sera jusqu'au départ de madame de Chaulnes.
-Il me paraît qu'il a voulu faire cette équipée pour mademoiselle
-de Tonquedec: il sera bien embarrassé, car
-mademoiselle de la Coste n'en jette pas moins sa part
-aux chiens. Le voilà donc entre l'orge et l'avoine, mais
-la plus mauvaise orge et la plus mauvaise avoine qu'il
-pût jamais trouver. Que voulez-vous que j'y fasse? C'est
-en pareil cas que je suis toujours résignée<a id="FNanchor_831" href="#Footnote_831" class="fnanchor">&nbsp;[831]</a>.»</p>
-
-<p>La préférence avouée qu'elle donnait à sa fille dans
-son affection l'obligeait envers ce fils si bon, si tendre
-pour elle à de grands ménagements. Aussi elle écrit
-de Paris à madame de Grignan: «Mon fils est aux Rochers,
-solitairement... Il vous aime tendrement, il en
-jure sa foi; je conserverai entre vous l'amour fraternel,
-ou j'y périrai<a id="FNanchor_832" href="#Footnote_832" class="fnanchor">&nbsp;[832]</a>.»</p>
-
-<p>Elle ne courait pas ce danger, et pour réussir il ne lui
-fallait pas faire de grands efforts. Si Sévigné était un amant
-faible et inconstant, incapable d'inspirer comme de ressentir
-une forte passion, il n'exista jamais<a id="FNanchor_833" href="#Footnote_833" class="fnanchor">&nbsp;[833]</a> un fils plus tendre
-<span class="pagenum"><a id="Page_371"> 371</a></span>
-et plus dévoué, un frère plus généreux, plus aimant,
-un époux plus fidèle et plus attaché. Pendant cet hiver
-que madame de Sévigné fut forcée de passer aux Rochers,
-elle put reconnaître, par les soins et les attentions
-de son fils, combien elle en était aimée. Elle fut
-alors assaillie par bien des peines. Sévigné ne pouvait
-les faire disparaître, mais il parvint à la soulager
-dans toutes: il fut à la fois son confident, son lecteur,
-son garde-malade et un compagnon charmant. «Mon
-fils, dit-elle, nous amuse et nous est très-bon; il prend
-l'esprit des lieux où il est, et ne transporte de la guerre
-et de la cour, dans cette solitude, que ce qu'il en faut
-pour la conversation<a id="FNanchor_834" href="#Footnote_834" class="fnanchor">&nbsp;[834]</a>.»</p>
-
-<p>De tous les tourments qu'éprouvait madame de Sévigné,
-le plus vif était celui qu'elle se faisait à elle-même
-par son amour pour sa fille. Elle la savait enceinte, et le
-moindre retard de la poste lui causait des inquiétudes
-mortelles. Ce sujet revient souvent sous sa plume, et
-elle sait admirablement en varier l'expression. Madame
-de Grignan accoucha, avant terme, d'un fils qui ne vécut
-que quelques mois. Sa mère lui écrit:</p>
-
-<p>«Si on pouvait avoir un peu de patience, on épargnerait
-bien du chagrin. Le temps en ôte autant qu'il en
-donne. Vous savez que nous le trouvons un vrai brouillon,
-mettant, remettant, rangeant, dérangeant, imprimant,
-effaçant, approchant, éloignant, et rendant toutes choses
-bonnes ou mauvaises, et quasi toujours méconnaissables.
-Il n'y a que notre amitié que le temps respecte et
-respectera toujours. Mais où suis-je, ma fille? Voilà un
-<span class="pagenum"><a id="Page_372"> 372</a></span>
-étrange égarement; car je veux dire simplement que la
-poste me retient vos lettres un ordinaire, parce qu'elle arrive
-trop tard à Paris, et qu'elle me les rend au double le
-courrier d'après; c'est donc pour cela que je me suis extravaguée
-comme vous voyez. Qu'importe? en vérité, il faut
-un peu, entre bons amis, laisser trotter les plumes comme
-elles veulent: la mienne a toujours la bride sur le cou<a id="FNanchor_835" href="#Footnote_835" class="fnanchor">&nbsp;[835]</a>.»</p>
-
-<p>Ainsi nul arrêt, nul intervalle entre ces lignes qu'elle
-écrivait avec tant de rapidité; et on s'aperçoit, par la différence
-des lettres qu'elle a dictées et de celles qu'elle a écrites
-elle-même, qu'elle avait besoin de s'aider du travail de
-ses doigts pour entretenir ses pensées, et que son imagination
-ne se retraçait plus les choses avec d'aussi vives
-couleurs quand elle se trouvait forcée de se servir d'une
-autre main que la sienne. Hélas! cette nécessité devait
-bientôt surgir, quoiqu'elle ne la soupçonnât point encore.</p>
-
-<p>Le mois de décembre était doux et sec, et elle en
-jouissait encore avec délices, au milieu de ses belles
-allées<a id="FNanchor_836" href="#Footnote_836" class="fnanchor">&nbsp;[836]</a> du Mail, surtout dans ces bois «dont l'air admirable
-nourrit le teint comme à Livry, hormis qu'il n'y a
-point de serein<a id="FNanchor_837" href="#Footnote_837" class="fnanchor">&nbsp;[837]</a>.» Mais elle ne se bornait pas aux oisives
-jouissances de ses rêveuses promenades, et elle s'occupait
-très-activement des embellissements de son parc. «Je
-m'amuse, dit-elle<a id="FNanchor_838" href="#Footnote_838" class="fnanchor">&nbsp;[838]</a>, à faire abattre de grands arbres. Le
-tracas que cela fait représente, au naturel, ces tapisseries
-où l'on peint les ouvrages de l'hiver: des arbres qu'on
-abat, des gens qui scient, d'autres qui font des bûches,
-<span class="pagenum"><a id="Page_373"> 373</a></span>
-d'autres qui chargent une charrette, et moi au milieu,
-voilà le tableau. Je m'en vais faire planter; <i>car que faire
-aux Rochers, à moins que l'on ne plante</i><a id="FNanchor_839" href="#Footnote_839" class="fnanchor">&nbsp;[839]</a>?</p>
-
-<p>«Nous avons (écrit-elle encore au beau milieu de janvier)
-un admirable hiver; je me promène tous les jours,
-et je fais quasi un nouveau parc autour de ces grandes
-places du bout du Mail. J'y fais planter quatre rangs
-d'allées; ce sera une très-belle chose: tout cet endroit
-est uni et défriché<a id="FNanchor_840" href="#Footnote_840" class="fnanchor">&nbsp;[840]</a>.»</p>
-
-<p>Sans les affaires, et surtout la hâte d'un procès qui
-l'appelait à Paris, elle n'aurait pu se résoudre à quitter
-son aimable désert<a id="FNanchor_841" href="#Footnote_841" class="fnanchor">&nbsp;[841]</a>; mais elle avait un compte
-à terminer en Bretagne avec M. de Meneuf, président
-au parlement de Rennes, qui lui devait et refusait
-de payer la totalité de sa dette, parce qu'il voulait
-qu'on lui fit remise de cinq ou six mille francs,
-somme à laquelle il n'avait aucun droit. Le <i>Bien bon</i> termina,
-avec son habileté ordinaire, cette contestation à
-l'avantage de madame de Sévigné. Elle fut payée du
-président Meneuf. «Ce président, écrit-elle à sa fille,
-m'est venu voir... Il avait avec lui un fils de sa femme,
-qui a vingt ans, et que je trouvai, sans exception, la
-plus agréable et la plus jolie figure que j'aie jamais vue.
-J'allais dire que je l'avais vu à cinq ou six ans, et j'admirais,
-comme M. de Montbazon, qu'on pût croître en
-si peu de temps. Sur cela il sort une voix terrible de ce
-joli visage, qui vous plante au nez, d'un air ridicule, <i>que</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_374"> 374</a></span>
-<i>mauvaise herbe croît toujours</i>. Voilà qui fut fait, je lui
-trouvai des cornes. S'il m'eût donné un coup de massue
-sur la tête, il ne m'aurait pas plus affligée; je jurai de
-ne plus me fier aux physionomies:</p>
-
-<p class="quote"><span class="i1">Non, non, je le promets,</span>
-Non, je ne m'y fierai jamais<a id="FNanchor_842" href="#Footnote_842" class="fnanchor">&nbsp;[842]</a>.»</p>
-
-<p>Cependant, malgré le plaisir qu'éprouvait madame de
-Sévigné à diriger ses travaux, à respirer le bon air de
-ses bois, loin des exigences de la cour et de la ville, affranchie
-de l'ennui et de la fatigue des visites, de l'importunité
-de celles qu'on lui faisait et de l'inquiétude
-de celles qu'elle ne faisait pas<a id="FNanchor_843" href="#Footnote_843" class="fnanchor">&nbsp;[843]</a>, elle comptait dans le
-cours du mois de février se rendre à Paris, où l'appelaient
-les affaires de madame de Grignan et les siennes,
-ainsi que celles du bon abbé<a id="FNanchor_844" href="#Footnote_844" class="fnanchor">&nbsp;[844]</a>; mais elle ne put exécuter
-sa résolution, et fut obligée de passer l'hiver entier
-aux Rochers. Sa robuste santé, qui déjà dans l'automne
-précédent avait reçu de fortes atteintes<a id="FNanchor_845" href="#Footnote_845" class="fnanchor">&nbsp;[845]</a>, succomba entièrement
-sous un rhumatisme général, accompagné de
-fièvre. Elle eut, ainsi que disait son fils, une maladie rude
-et douloureuse, la première qui l'ait atteinte en sa vie<a id="FNanchor_846" href="#Footnote_846" class="fnanchor">&nbsp;[846]</a>.
-Il est presque certain que l'habitude qu'elle avait prise de
-demeurer dans les allées de son mail «au delà de l'entre-chien
-et loup,» a contribué à aggraver son mal et à
-mettre ses jours en danger<a id="FNanchor_847" href="#Footnote_847" class="fnanchor">&nbsp;[847]</a>; mais cependant on doit remarquer
-que son cousin Bussy et Louis XIV, tous deux
-<span class="pagenum"><a id="Page_375"> 375</a></span>
-doués comme elle d'une forte constitution, eurent aussi
-la fièvre vers le même temps<a id="FNanchor_848" href="#Footnote_848" class="fnanchor">&nbsp;[848]</a>.</p>
-
-<p>La maladie de madame de Sévigné dura quarante
-jours<a id="FNanchor_849" href="#Footnote_849" class="fnanchor">&nbsp;[849]</a>. Sa fièvre s'apaisa; et aussitôt qu'elle fut hors
-de danger, dans son lit de satin jaune et dans sa petite
-alcôve flanquée de deux cabinets, elle dicta à son fils,
-qui ne l'avait pas quittée, une lettre pour madame de
-Grignan: elle voulut la rassurer contre les craintes que
-Sévigné n'avait pu parvenir à calmer durant ces longs
-jours de luttes et de souffrance.</p>
-
-<p>«Il est donc vrai que depuis cette sueur, à la suite
-de quelques autres petites, je me trouve sans fièvre et
-sans douleur! Il ne me reste plus que la lassitude du
-rhumatisme. Vous savez ce que c'est pour moi d'être
-seize jours sur les reins, sans pouvoir changer de situation.
-Je me suis rangée dans ma petite alcôve, où j'ai
-été très-chaudement et parfaitement bien servie. Je voudrais
-bien que mon fils ne fût pas mon secrétaire en cet
-endroit, pour vous dire ce qu'il a fait en cette occasion. Ce
-mal a été fort commun dans ce pays; et ceux qui ont
-évité la fluxion sur la poitrine y sont tombés; mais pour
-vous dire vrai, je ne croyais pas être sujette à cette loi
-commune; jamais une femme n'a été plus humiliée ni
-plus traitée contre son tempérament. Si j'avais fait un
-bon usage de ce que j'ai souffert, je n'aurais pas tout
-perdu; il faudrait peut-être m'envier; mais je suis impatiente,
-ma fille, et je ne comprends pas comment on
-peut vivre sans pieds, sans jambes, sans jarrets et sans
-<span class="pagenum"><a id="Page_376"> 376</a></span>
-mains. Il faut que vous pardonniez aujourd'hui cette
-lettre à l'occupation naturelle d'une personne malade;
-c'est à n'y plus revenir: dans peu de jours je serai en
-état de vous écrire comme les autres.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné se trompait: à la fièvre succéda
-une enflure générale, plus forte aux mains que dans le
-reste du corps, et elle continua pendant quelque temps
-encore à user des secours de son fils, qui cependant put
-la quitter pour aller à Paris traiter de sa charge de guidon
-avec le jeune de Viriville<a id="FNanchor_850" href="#Footnote_850" class="fnanchor">&nbsp;[850]</a>. Mais quoiqu'elle se portât
-dès lors de mieux en mieux, ses mains ne désenflèrent
-que lentement. Alors la jeune fille de la dame voisine des
-Rochers, dont nous avons parlé comme la rivale préférée
-de la du Plessis, fut pour elle «le petit secrétaire aimable
-et joli qui vint au secours de sa main engourdie
-et tremblante<a id="FNanchor_851" href="#Footnote_851" class="fnanchor">&nbsp;[851]</a>.» Ses lettres à madame de Grignan
-devinrent plus longues, plus <i>jaseuses</i> et plus <i>abandonnées</i>,
-soit parce que sa santé s'améliorait, soit qu'elle
-craignît d'ennuyer son fils en le forçant d'écrire longuement
-sur sa maladie, soit qu'elle éprouvât quelque gêne
-à rendre le <i>frater</i> confident de son excessive tendresse
-pour sa s&oelig;ur<a id="FNanchor_852" href="#Footnote_852" class="fnanchor">&nbsp;[852]</a>.</p>
-
-<p>Vers la fin de mars, elle commence à s'intéresser à ce
-qui se passe à Paris et à la cour; et, se ressouvenant de
-cette maîtresse de Bussy dont elle avait tant à se plaindre,
-elle parle à madame de Grignan d'un mariage qui,
-tel que celui de madame de Courcelles, dont il a
-<span class="pagenum"><a id="Page_377"> 377</a></span>
-été question dans ces Mémoires, montre jusqu'où
-Louis XIV poussait le despotisme quand il s'agissait
-de favoriser par des alliances ceux de ses généraux et
-de ses officiers qui se distinguaient à son service. «Le
-mariage, dit-elle, du duc de Lorges avec Geneviève
-de Fremont (fille de Nicolas de Fremont, seigneur
-d'Auneuil, garde du trésor royal) me paraît admirable;
-j'aime le bon goût du beau-père. Mais que
-dites-vous de madame de la Baume, qui oblige le roi
-d'envoyer un exempt prendre mademoiselle de la Tivolière
-d'entre les mains de père et mère, pour la mettre
-à Lyon chez une de ses s&oelig;urs? On ne doute point qu'en
-s'y prenant de cette manière elle n'en fasse le mariage
-avec son fils<a id="FNanchor_853" href="#Footnote_853" class="fnanchor">&nbsp;[853]</a>.»</p>
-
-<p>A ce sujet, le chevalier Perrin, le premier éditeur des
-lettres de madame de Sévigné, fait observer qu'ainsi que
-madame de Sévigné l'avait prévu Camille de la Baume,
-comte de Tallard, depuis maréchal de France et duc
-d'Hostun, épousa, par contrat du 28 décembre 1677,
-Marie-Catherine de Groslée de Viriville de la Tivolière.
-Il semble qu'il était dans la destinée de madame de la
-Baume de toujours nuire à madame de Sévigné sans
-en avoir l'intention, car ce mariage projeté de Tallard
-empêcha de Viriville d'acheter la charge de Sévigné. Et
-madame de Sévigné dit à sa fille: «Voilà nos mesures
-rompues; ne trouvez-vous pas cela plaisant, c'est-à-dire
-cruel? Madame de la Baume frappe de loin<a id="FNanchor_854" href="#Footnote_854" class="fnanchor">&nbsp;[854]</a>.»</p>
-
-<p>Enfin madame de Sévigné annonce son départ des
-Rochers; mais c'est encore avec la main de son petit
-<span class="pagenum"><a id="Page_378"> 378</a></span>
-secrétaire; car les siennes, toujours enflées, lui refusaient
-le service. «Je me porte très-bien, dit-elle;
-mais pour mes mains, il n'y a ni rime ni raison. Je me
-sers donc de la petite personne pour la dernière fois;
-c'est le plus aimable enfant du monde. Je ne sais ce
-que j'aurais fait sans elle: elle me lit très-bien ce que je
-veux; elle écrit comme vous voyez; elle m'aime; elle
-est complaisante; elle sait me parler de madame de Grignan.
-Enfin, je vous prie de l'aimer sur ma parole<a id="FNanchor_855" href="#Footnote_855" class="fnanchor">&nbsp;[855]</a>.»</p>
-
-<p>On regrette de ne pas connaître le nom de cette jeune
-fille, à laquelle madame de Sévigné a su nous intéresser
-en nous faisant connaître l'amour qu'elle lui avait inspiré.
-Dans la lettre datée de Laval le mardi 24 mars,
-jour où elle partit des Rochers pour se rendre à Paris,
-elle dit:</p>
-
-<p>«Et pourquoi, ma fille, ne vous écrirais-je pas aujourd'hui,
-puisque je le puis? Je suis partie ce matin des
-Rochers par un chaud et charmant temps; le printemps
-est ouvert dans nos bois. La petite fille a été enlevée
-dès le grand matin, pour éviter les grands éclats
-de sa douleur: ce sont des cris d'enfant qui sont si naturels
-qu'ils en font pitié. Peut-être que dans ce moment
-elle danse; mais depuis deux jours elle fondait:
-elle n'a pas appris de moi à se gouverner. Il n'appartient
-qu'à vous, ma très-chère, d'avoir de la tendresse et
-du courage<a id="FNanchor_856" href="#Footnote_856" class="fnanchor">&nbsp;[856]</a>.»</p>
-
-<p>Rien ne nous prouve mieux que ces lignes combien
-le c&oelig;ur de madame de Sévigné était souvent blessé par
-la froide raison de sa fille et par le défaut de cette faculté
-<span class="pagenum"><a id="Page_379"> 379</a></span>
-sympathique qu'on nomme sensibilité, cause de
-tant de jouissances et encore plus de tant de tourments.</p>
-
-<p>Quoique madame de Sévigné se trouvât bien du changement
-d'air, que sa santé se rétablît assez promptement,
-sa main, continuant à être gonflée et tremblante,
-la forçait toujours à dicter ses lettres; néanmoins,
-quand elle écrivait à sa fille, elle aimait mieux s'en servir
-que d'employer la main de l'ami le plus intime. Rendue
-à Paris, elle y trouva Corbinelli, qui un jour, pour
-la soulager, écrivit dans une de ses lettres les nouvelles
-qu'elle voulait mander à madame de Grignan;
-mais en reprenant la plume elle ajoute aussitôt:
-«Je n'aime point à avoir des secrétaires qui aient plus
-d'esprit que moi; ils font les entendus, je n'ose leur
-faire écrire toutes mes sottises. La petite fille m'était bien
-meilleure<a id="FNanchor_857" href="#Footnote_857" class="fnanchor">&nbsp;[857]</a>.»</p>
-
-<p>C'est le 8 avril que nous la retrouvons à Paris écrivant
-ainsi à madame de Grignan. Elle avait passé huit
-jours au château de Malicorne, où elle s'arrêta comme
-elle avait fait cinq ans auparavant<a id="FNanchor_858" href="#Footnote_858" class="fnanchor">&nbsp;[858]</a>. Là elle fut choyée
-par la marquise de Lavardin comme une amie convalescente
-qu'on avait craint de perdre. Les Lavardin
-étaient de l'illustre maison de Beaumanoir, et Coulanges
-avait dans ses chansons célébré la beauté de la grande
-salle du château de Malicorne, que décoraient tous les
-portraits des Beaumanoir et des personnages illustres
-avec lesquels cette famille avait formé des alliances<a id="FNanchor_859" href="#Footnote_859" class="fnanchor">&nbsp;[859]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_380"> 380</a></span>
-Madame de Sévigné et madame de Lavardin vivaient
-à une époque trop féconde en grands événements, en
-hommes illustres pour avoir envie de s'entretenir des
-siècles passés. Le souvenir de Turenne ne s'effaçait pas,
-et les regrets de sa mort ne pouvaient se calmer; la publication
-de l'oraison funèbre de ce héros par Fléchier
-les avait encore ranimés. Madame de Sévigné, que sa
-maladie avait empêchée de se mettre au courant des
-événements qui survenaient et des nouveautés littéraires,
-ne connaissait pas ce discours, chef-d'&oelig;uvre de
-ce très-élégant et très-spirituel écrivain. Elle avait entendu,
-elle avait lu l'&oelig;uvre de Mascaron sur le même
-sujet: «C'est une action pour l'immortalité, avait-elle
-dit;» et elle s'était figuré que l'éloquence de l'évêque
-de Tulle ne pouvait être surpassée ni même égalée<a id="FNanchor_860" href="#Footnote_860" class="fnanchor">&nbsp;[860]</a>.»
-Mais à Malicorne elle changea d'avis. «En arrivant ici
-(écrit-elle à son gendre)» madame de Lavardin me parla
-de l'oraison funèbre de Fléchier; nous la fîmes lire; et
-je demande mille et mille fois pardon à M. de Tulle;
-mais il me parut que celle-ci était au-dessus de la sienne:
-je la trouve plus également belle partout. Je l'écoutai
-avec étonnement, ne croyant pas qu'il fût possible de
-trouver encore de nouvelles manières d'exprimer les
-mêmes choses; en un mot, j'en fus charmée<a id="FNanchor_861" href="#Footnote_861" class="fnanchor">&nbsp;[861]</a>.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné était partie de Paris le 9 septembre<a id="FNanchor_862" href="#Footnote_862" class="fnanchor">&nbsp;[862]</a>
-(1675); elle y était revenue le 7 ou 8 avril de
-<span class="pagenum"><a id="Page_381"> 381</a></span>
-l'année suivante (1676): elle était donc restée sept mois
-absente de la capitale, du centre des affaires et des nouvelles;
-et comme dans cet intervalle madame de Grignan
-était informée de tout aussi rapidement qu'elle-même,
-madame de Sévigné s'abstint dans ses lettres de
-lui en parler, ou elle ne lui en parla que brièvement.
-Durant ces sept mois néanmoins de grands événements
-eurent lieu; la guerre sur terre et sur mer
-se continua, glorieuse pour la France, entre Louis XIV
-et les puissances de l'Europe coalisées contre lui. Le
-14 septembre, le prince de Condé fit lever le siége
-de Saverne; trois jours après mourut à Birkenfeld
-Charles IV, duc de Lorraine, et la France fut délivrée
-d'un ennemi dangereux, d'un allié plus dangereux encore<a id="FNanchor_863" href="#Footnote_863" class="fnanchor">&nbsp;[863]</a>.
-Le 7 octobre l'armée française envahit le pays
-de Waës. Cependant les négociations se poursuivaient,
-et l'on convint de prendre Nimègue pour le lieu de
-réunion d'un congrès européen. Nimègue devait devenir
-un lieu célèbre par la conclusion d'une paix que toutes
-les puissances désiraient avec ardeur et qui fut pourtant
-encore longtemps différée. Les prétentions variaient selon
-les victoires ou les défaites. La douceur de l'hiver permettait
-de continuer les opérations de la guerre. Le
-9 janvier 1676 Duquesne défit la flotte espagnole près
-des îles de Strombali; le 22 mars on rasa la citadelle de
-Liége; le 25 du même mois le maréchal de Vivonne tailla
-en pièces sept mille hommes près de Messine. C'est par
-madame de Grignan que madame de Sévigné apprend
-cet exploit de son ami <i>le gros Crevé</i>; et l'on voit, par
-<span class="pagenum"><a id="Page_382"> 382</a></span>
-ce qu'elle en dit, combien elle détestait ces tueries:
-«Quelle rage aux Messinois d'avoir tant d'aversion pour
-les Français, qui sont si jolis! Mandez-moi toujours toutes
-vos histoires tragiques, et ne vous mettez point dans la
-tête de craindre le contre-temps de nos raisonnements:
-c'est un mal que l'éloignement cause, et à quoi il faut se
-résoudre tout simplement<a id="FNanchor_864" href="#Footnote_864" class="fnanchor">&nbsp;[864]</a>.» Vivonne s'était emparé de
-Messine; mais la licence des troupes françaises occasionna
-des révoltes et des conspirations; il fallut en venir
-à des rigueurs, à des massacres, enfin abandonner
-la Sicile<a id="FNanchor_865" href="#Footnote_865" class="fnanchor">&nbsp;[865]</a>.</p>
-
-<p>Le 26 avril la ville de Condé fut forcée par le roi,
-après huit jours de siége<a id="FNanchor_866" href="#Footnote_866" class="fnanchor">&nbsp;[866]</a>; le 12 mai Bouchain fut
-pris après huit jours de tranchée. Le 31 juillet Aire est
-pris en six jours par le maréchal d'Humières, qui, le
-9 août, s'empara aussi du fort de Linck.</p>
-
-<p>La nouvelle de la mort de Charles IV, duc de Lorraine,
-ne parvint à Versailles, où était alors Louis XIV,
-que le 23 septembre; et madame de Sévigné n'en parle
-dans une de ses lettres que quatre jours après<a id="FNanchor_867" href="#Footnote_867" class="fnanchor">&nbsp;[867]</a>. Pavillon
-ne s'est point écarté de l'histoire, quand il dit dans l'épitaphe
-satirique de ce duc:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ci-gît un pauvre duc sans terres,</p>
-<p>Qui fut jusqu'à ses derniers jours</p>
-<p>Peu fidèle dans ses amours,</p>
-<p>Et moins fidèle dans ses guerres.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_383"> 383</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il donna librement sa foi</p>
-<p>Tour à tour à chaque couronne;</p>
-<p>Il se fit une étrange loi</p>
-<p>De ne la garder à personne.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Trompeur même en son testament,</p>
-<p>De sa femme il fit une nonne,</p>
-<p>Et ne donna rien que du vent</p>
-<p>A madame de Lillebonne<a id="FNanchor_868" href="#Footnote_868" class="fnanchor">&nbsp;[868]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Madame de Lillebonne était la fille du duc de Lorraine;
-lorsqu'elle en parlait, elle disait toujours <i>Son
-Altesse mon père</i><a id="FNanchor_869" href="#Footnote_869" class="fnanchor">&nbsp;[869]</a>. C'est pourquoi madame de Sévigné,
-lorsqu'elle apprend cette grande nouvelle, écrit à sa
-fille: «Mais n'admirez-vous point le bonheur du roi?
-On me mande la mort de <i>Son Altesse royale mon père</i>,
-qui était un bon ennemi; et que les Impériaux ont repassé
-le Rhin pour aller défendre l'empereur des Turcs,
-qui le pressent en Hongrie. Voilà ce qui s'appelle des étoiles
-heureuses; cela nous fait craindre en Bretagne de
-rudes punitions<a id="FNanchor_870" href="#Footnote_870" class="fnanchor">&nbsp;[870]</a>.» Ainsi la Bretagne était à ce point
-désaffectionnée de Louis XIV qu'elle désirait qu'il eût
-des revers pour qu'il fût plus facile de s'opposer à son
-despotisme.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné écrivit, au sujet de la mort du
-duc Charles IV, à madame de Lillebonne et à sa belle-fille
-la princesse de Vaudemont. Aimable, belle, discrète
-et dévouée, la princesse de Vaudemont avait été
-fréquemment employée dans les négociations du duc
-<span class="pagenum"><a id="Page_384"> 384</a></span>
-Charles IV<a id="FNanchor_871" href="#Footnote_871" class="fnanchor">&nbsp;[871]</a>, et elle fut de tout temps l'amie intime
-de madame de Grignan. Lorsque cette princesse, longtemps
-après l'époque dont nous traitons, résidait à
-Rome avec son mari, pensionnée par l'Espagne, et que
-toute liaison avec la France lui était interdite, elle eut
-durant le conclave une entrevue secrète avec Coulanges,
-au risque de se rendre suspecte au parti espagnol
-et d'être privée de ses revenus. Elle ne voulait que s'entretenir
-avec lui de madame de Grignan et le charger
-de lui transmettre l'assurance de sa constante amitié<a id="FNanchor_872" href="#Footnote_872" class="fnanchor">&nbsp;[872]</a>.</p>
-
-<p>Quand madame de Sévigné rentra dans Paris, le roi,
-qui était resté à Versailles depuis la fin de juillet de l'année
-précédente, allait en partant emmener avec lui un
-grand nombre de ses amis. Néanmoins, à son arrivée
-dans la capitale, elle trouva encore le chevalier de Grignan
-(le chevalier de la Gloire), qui commandait le régiment
-de Grignan, et s'était si fort distingué à Altenheim.
-«C'est un aimable garçon, dit-elle; il cause fort bien
-avec moi jusqu'à onze heures. J'ai obtenu de sa modestie
-de me parler de sa campagne; nous avons repleuré
-M. de Turenne<a id="FNanchor_873" href="#Footnote_873" class="fnanchor">&nbsp;[873]</a>.» Elle apprend que le comte de Lorges,
-qui le 1<sup>er</sup> août précédent repoussa l'ennemi au
-delà du Rhin, avait été nommé maréchal de France;
-et elle dit, avec un petit sentiment d'envie pour son fils
-et son cousin Bussy: «Le maréchal de Lorges n'est-il
-point trop heureux? Les dignités, les grands biens et
-<span class="pagenum"><a id="Page_385"> 385</a></span>
-une très-jolie femme!... La fortune est jolie, mais je ne
-puis lui pardonner les rudesses qu'elle a pour nous<a id="FNanchor_874" href="#Footnote_874" class="fnanchor">&nbsp;[874]</a>.»</p>
-
-<p>Elle apprit en même temps et manda à sa fille dans
-la même lettre, la première de Paris depuis son arrivée,
-une anecdote qui présageait un changement de fortune
-dans la famille de Grignan. Le duc de Vendôme, nommé,
-encore enfant, gouverneur de Provence, et dont le comte
-de Grignan tenait la place comme lieutenant général<a id="FNanchor_875" href="#Footnote_875" class="fnanchor">&nbsp;[875]</a>,
-avait fait sa première campagne en Hollande en 1672,
-âgé seulement de seize ans: il en avait vingt-deux en
-1676, et devait partir en même temps que le roi pour
-la campagne de Flandre; mais, aimant le plaisir et se
-trouvant gêné à la cour, il manifesta le désir d'aller
-occuper son gouvernement.</p>
-
-<p>«M. de Vendôme dit au roi, il y a huit jours: Sire,
-j'espère qu'après cette campagne Votre Majesté me
-permettra d'aller dans le gouvernement qu'elle m'a fait
-l'honneur de me donner.&mdash;Monsieur, lui dit le roi,
-quand vous saurez bien gouverner vos affaires, je vous
-donnerai le soin des miennes<a id="FNanchor_876" href="#Footnote_876" class="fnanchor">&nbsp;[876]</a>.»</p>
-
-<p>Heureusement pour M. de Grignan et madame de
-Sévigné que le duc de Vendôme, au lieu d'être simplement
-un aimable débauché, prit goût au métier de
-la guerre, devint un grand général, et abandonna
-longtemps au comte de Grignan le soin de gouverner
-la Provence<a id="FNanchor_877" href="#Footnote_877" class="fnanchor">&nbsp;[877]</a>. Turenne mort, Condé accablé par l'âge
-<span class="pagenum"><a id="Page_386"> 386</a></span>
-et les infirmités, Louis XIV fatigué, Vendôme s'annonçait
-dès lors comme devant être le héros de cette
-jeune noblesse brillante, frondeuse et dissolue qui, par
-sa bravoure et ses talents militaires, soutint le trône et
-l'État. Mais, mécontente, elle sépara sa gloire de celle
-de son roi, elle déserta sa cour, elle discrédita sa personne
-et son gouvernement, et commença le déclin de la
-monarchie fondée par Henri IV, Richelieu et Louis XIV.
-La France et son roi avaient dès cette époque, dans
-le stathouder de Hollande, un ennemi puissant par son
-génie politique: il était de la race des Cromwell, des Ximenès,
-des Richelieu, des Mazarin; redoutable par son
-caractère énergique, patient et persévérant comme celui
-du peuple dont il réglait les destinées. Après chaque
-défaite des alliés, après chaque victoire des armées
-françaises, Guillaume redoublait d'efforts pour empêcher
-Louis XIV de conclure une paix glorieuse. Comme
-Pitt quand il parlait de Bonaparte, Guillaume disait aux
-souverains et aux peuples: «La guerre, la guerre! toujours
-la guerre! c'est le seul moyen de salut.» Ce n'était
-pas seulement par ses armes que le prince d'Orange
-s'opposait aux progrès de la puissance de Louis le Grand;
-c'était par des écrits qui formaient un piquant contraste
-avec les louanges qu'on lui donnait. L'industrieuse habileté
-des imprimeurs de Hollande avait su exploiter à leur
-profit les productions littéraires de la France: les éditions
-des livres français sorties de leurs presses, souvent plus
-belles, moins coûteuses et non mutilées par la censure,
-étaient partout préférées aux éditions originales; par là
-elles contribuaient à accroître l'influence de la littérature,
-des modes, des usages de la France. Mais Guillaume
-sut diriger contre Louis XIV cette universalité de
-<span class="pagenum"><a id="Page_387"> 387</a></span>
-la langue française, conquête des beaux génies protégés
-par ce monarque et gloire éternelle de son règne. Guillaume
-savait que la presse, comme la lance d'Achille,
-guérit les blessures qu'elle a faites; à la fois arme et
-bouclier propre également à protéger contre les coups
-d'un ennemi ou à le frapper à mort. Par les soins de ce
-chef de la coalition et par ses encouragements, l'Europe
-fut inondée d'écrits contre la France et contre son roi.
-Un grand nombre n'étaient que des libelles infâmes,
-calomnieux et orduriers contre Louis XIV et les hauts
-personnages de sa cour; mais plusieurs aussi étaient très-habilement
-rédigés, et empruntaient le langage ferme et
-éloquent de l'histoire pour retracer les torts de la France
-et de son monarque et les rendre odieux aux souverains
-et aux peuples de l'Europe. Dans ce nombre est un très-court
-écrit que Guillaume, en cette même année 1676,
-répandit avec profusion dans les Pays-Bas, où quelques
-provinces qui avaient appartenu autrefois à l'Espagne
-inclinaient à se détacher de la Hollande et à se donner à
-la puissance prépondérante, comme seule capable de
-les protéger contre les maux de la guerre. Ce court écrit
-était intitulé <i>Mauvaise foy ou violences de la France</i>.</p>
-
-<p>L'auteur de cet écrit (anonyme inconnu) commence
-par rappeler les envahissements de Henri IV, de Richelieu,
-de Louis XIV, et la politique tour à tour insidieuse
-et menaçante de la France, toujours la même sous trois
-règnes différents, toujours tendant au même but, l'extension
-de sa domination sur toute l'Europe. Il retrace
-en termes énergiques l'incendie du Palatinat et toutes
-les cruautés commises par les Français dans les guerres
-qu'ils ont suscitées. Il inspire ainsi au bas peuple, qui
-souffre le plus de la suite de ces désastres, la crainte de
-<span class="pagenum"><a id="Page_388"> 388</a></span>
-la faim et de la mort. Aux nobles flamands il prédit les
-affronts et les humiliations qui les attendent, en renouvelant
-le souvenir des indignes traitements qu'ont éprouvés
-le prince de Ligne, les comtes de Solre et toute la
-noblesse flamande; aux bourgeois des villes il leur retrace
-tout ce qu'amèneront de désastreux pour leur bonheur
-domestique les m&oelig;urs corrompues, les modes, le
-luxe, les usages et les habitudes licencieuses des Français,
-leur soumission aveugle à un despote, la servilité dont
-ils se glorifient, leur haine et leur mépris pour les
-républicains. Il n'oublie pas de leur tracer le tableau
-des avanies, des humiliations, des affronts que seront
-forcés d'endurer leurs respectables magistrats. Enfin il
-met toutes les classes en garde contre les déceptions du
-vainqueur, qui promet de respecter leurs franchises et
-qui les violera toutes; et il les exhorte à n'espérer d'autres
-remèdes à tant de maux que dans leur courage et
-dans une opiniâtre résistance.</p>
-
-<p>«Mais, quand même, dit-il, notre lâcheté serait si
-grande, la foi si légère et l'honneur si faible que de céder
-à la force ou aux charmes de la France, nos chaînes
-n'en seraient pas plus douces, la liberté plus réelle.</p>
-
-<p>«Si la Guyenne, le Languedoc, la Bourgogne, la Bretagne,
-le Roussillon et les autres provinces ne sont plus
-que l'ombre de ce qu'elles étaient sous leurs princes
-légitimes, doit-on s'attendre à un repos qu'elles ne goûtent
-pas sous la pesanteur des tailles, des gabelles et de
-la violence des édits qui les accablent? Et les nôtres
-n'étant ni héréditaires ni dévolues par un droit fixe à la
-couronne, mais trahies ou volontairement esclaves, seront-elles
-traitées moins inhumainement et avec plus de
-modération?</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_389"> 389</a></span>
-«Est-ce que l'on dormira ou que l'on fera un voyage
-en repos? Les modes de France et ses libertés odieuses
-ne nous seront-elles pas aussi offensantes? Leurs visites
-à sept heures le matin, à minuit et aux ruelles d'un lit
-et d'une misérable chambre que l'on se réserve, ne nous
-feront-elles pas souvenir de notre tranquillité passée,
-par la tyrannie présente? Le faible sexe sera exposé à
-ces outrages; le nôtre aura les siens, et n'en sera plus
-exempt.</p>
-
-<p>«Outre la honte de voir ces choses, on nous défendra
-jusqu'au murmure et le moindre soupir.</p>
-
-<p>«On voudra encore les sommes entières que l'on demande;
-et si quelqu'un du magistrat en murmure ou en
-dit son sentiment avec la liberté passée, on lui donnera
-cent coups, ou un pied en l'endroit même que l'on fit à
-un bourgmestre en Hollande, en lui disant piquamment:
-<i>Allez, monsieur le souverain</i>!</p>
-
-<p>«La cour de France tient que rien ne lui est défendu
-pour troubler ses voisins et y semer la division; qu'il y a
-une secrète joie à y faire le crime; que la pitié est une
-vertu lâche, et qu'elle renverse les couronnes; que la
-crainte en est l'appui, l'impiété la base; que les armes
-inspirent le respect; que les troupes sont d'admirables
-avocats, et qu'elles plaident bien une cause; que le droit
-canon l'emporte sur les autres droits; que la justice est
-un fantôme, la raison une chimère, le mariage une bagatelle,
-la foi des traités une illusion, ses paix une amorce,
-ses congrès pleins de mystères, ses conférences insidieuses,
-et ses serments un piége agréable, le jouet des enfants,
-l'appât d'un dupe et le charme d'un innocent<a id="FNanchor_878" href="#Footnote_878" class="fnanchor">&nbsp;[878]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_390"> 390</a></span>
-Ces violentes diatribes ne produisirent leur effet que
-plus tard. Au temps où nous sommes parvenu, il restait
-devant le grand roi vingt années encore de prospérité,
-de grandeur et de gloire. Nous n'aurons donc point à nous
-occuper, dans la suite de ces Mémoires (si nous leur
-donnons une suite), des désastres et des malheurs qui
-assombrirent le dernier période de ce long règne. Le
-commencement de ce période coïncide, plus ou moins
-exactement, avec l'époque de la mort de Racine, de la
-Fontaine, de madame de Sévigné et aussi avec la naissance
-de Voltaire, auquel Ninon tendit la main pour l'introduire
-(l'écolier merveilleux!) dans ce nouveau siècle,
-dont elle ne vit pas finir le premier lustre<a id="FNanchor_879" href="#Footnote_879" class="fnanchor">&nbsp;[879]</a>.</p>
-
-<div class="topspace eclair">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_391"> 391</a></span></p>
-<p><span class="xlarge">NOTES</span><br />
-<span class="xs">ET</span><br />
-<span class="large">ÉCLAIRCISSEMENTS.</span></p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_392"> 392</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_393"> 393</a></span></p>
-<p class="extra"><span class="xxlarge">NOTES</span><br />
-<span class="xs">ET</span><br />
-<span class="xlarge">ÉCLAIRCISSEMENTS.</span><br />
-<span class="large">CHAPITRE PREMIER.</span></p>
-</div>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_5">5</a>, ligne 20: Et composait pour elle des madrigaux.</p>
-
-<p>Tous paraissent avoir été des impromptus. Gayot de Pitaval, dans
-sa <i>Bibliothèque des gens du monde</i>, 1726, in-12, t. I, p. 87, a cité
-de Montreuil un impromptu qui vaut mieux qu'aucun de ceux que
-renferme son recueil. Il est remarquable qu'aucune des femmes auxquelles
-s'adressent les madrigaux de Montreuil n'a été nommée par
-lui, si ce n'est <i>madame de Sévigny</i>. Son nom se trouve deux fois
-dans ce recueil: la première, en tête du madrigal sur le jeu de colin-maillard,
-que j'ai cité; la seconde, dans une chanson qu'il composa
-pour elle et qui se termine ainsi:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Sévigny, vos yeux pleins d'attraits</p>
-<p class="i1"> Éblouissent les nôtres;</p>
-<p>Et quand l'amour n'a plus de traits</p>
-<p class="i1"> Il emprunte les vôtres.</p>
-</div></div>
-
-<p>(<i>&OElig;uvres de M. de Montreuil</i>, p. 339, édit. 1671; p. 500 de l'édit.
-de 1666.) Un portrait bien gravé de M. de Montreuil accompagne
-cette première édition, la plus belle. Voyez, pour d'autres éclaircissements
-sur Matthieu de Montreuil, la note de la page 398, 2<sup>e</sup> partie
-de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_6">6</a>, ligne 19: Il vint <i>incognito</i> à Paris.</p>
-
-<p>Le curieux récit du voyage clandestin que, d'après les instigations
-de <span class="smallc">Madame</span>, l'évêque de Valence fit à Paris, où il fut arrêté comme
-faux-monnayeur, se trouve dans les Mémoires de Choisy; mais ce
-qu'on y lit sur le voyage de ce prélat en Hollande, pour la suppression
-<span class="pagenum"><a id="Page_394"> 394</a></span>
-du libelle des <i>Amours de</i> <span class="smallc">Madame</span>, n'est pas exact, ainsi que le
-passage suivant des <i>Mémoires</i> inédits de Daniel de Cosnac, que Barbier
-a transcrit dans son <i>Dictionnaire des anonymes et des pseudonymes</i>,
-1823, in-8<sup>o</sup>, p. 61 (art. 7294, <i>Histoire amoureuse des
-Gaules</i>):</p>
-
-<p>«L'assemblée du clergé finie, je pris la résolution d'aller dans mon
-diocèse. Avant mon départ, j'appris par madame de Chaumont qu'un
-manuscrit portant pour titre: <i>Amours de</i> <span class="smallc">Madame</span> et <i>du comte de
-Guiche</i>, courait par Paris, et s'imprimait en Hollande. <span class="smallc">Madame</span> appréhendait
-que ce livre, plein de faussetés et de médisances grossières,
-ne vînt à la connaissance de <span class="smallc">Monsieur</span> par quelque maladroit ou
-malintentionné, qui peut-être envenimerait la chose. Elle m'en écrivit
-pour lui en porter la nouvelle; elle en écrivit à madame de Chaumont,
-qui était à Saint-Cloud, et moi à Paris. J'allai à Fontainebleau,
-d'abord près <span class="smallc">Madame</span>, pour m'instruire plus amplement. Elle me dit
-que Boisfranc (trésorier du prince) avait déjà dit la chose à <span class="smallc">Monsieur</span>
-sans sa participation; mais ce qui la touchait davantage, c'était
-l'impression du manuscrit. J'envoyai exprès en Hollande un homme
-intelligent, ce fut M. Patin (Charles Patin, le fils de celui dont on
-a des lettres), pour s'informer de tous les libraires entre les mains
-de qui ce libelle était. Il s'acquitta si bien de sa commission, qu'il fit
-faire par les états généraux défense de l'imprimer, retira les dix-huit
-cents exemplaires déjà tirés, et me les apporta à Paris; et il les remit,
-par ordre de <span class="smallc">Monsieur</span>, entre les mains de Merille. Cette affaire
-me coûta beaucoup de peine et d'argent; mais, bien loin d'y avoir
-regret, je m'en tins trop payé par le gré que <span class="smallc">Madame</span> m'en témoigna.»</p>
-
-<p>Je crois que la première édition du libelle dont parle Cosnac, ou
-de celui qu'on a substitué à l'ouvrage original, s'il a été anéanti,
-est dans le recueil intitulé <i>Histoires galantes</i>; Cologne, chez Jean
-le Blanc (sans date, p. 424 à 464). Ce morceau est intitulé <i>Histoire galante
-de M... et du comte de G...</i> On trouve la même histoire dans
-quelques exemplaires de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>; Liége,
-édit. Elzevir, 250 pages. L'ouvrage, dans cette édition, est intitulé
-tout crument <i>Histoire galante de M. le comte de Guiche et de</i>
-<span class="smallc">Madame</span> (58 pages). Une autre édition de ce libelle est dans le recueil
-intitulé <i>les Dames illustres de notre siècle</i>; Cologne, chez
-Jean le Blanc, in-12, 1682, p. 135-176. Ce morceau a pour titre <i>la
-Princesse, ou les amours de</i> <span class="smallc">Madame</span>. On le trouve encore, avec le
-<span class="pagenum"><a id="Page_395"> 395</a></span>
-même titre, dans le recueil intitulé <i>Histoire amoureuse des Gaules,
-de M. de Bussy</i>, 1754, 5 vol. in-12, p. 130-186. Tout ces petits
-faits, curieux à connaître, seront probablement éclaircis par la publication
-des Mémoires de Daniel de Cosnac, que la Société de l'Histoire
-de France a livrés à l'impression, et qui s'exécutent d'après
-deux manuscrits émanés de la plume de l'évêque de Valence, mais
-différents en bien des points, parce qu'ils ont été écrits à deux époques
-distinctes de la vie de l'auteur.&mdash;Le premier volume des
-Mémoires de Cosnac est déjà imprimé, et le second est annoncé
-comme très-avancé, dans les derniers bulletins de la Société de
-l'Histoire de France.</p>
-
-<p class="pnote">Pages <a href="#Page_7">7</a> et <a href="#Page_8">8</a>, lignes dernière et première: Deux petits poëmes de
-Marigny, l'un intitulé <i>l'Enterrement</i>, l'autre <i>le Pain bénit</i>.</p>
-
-<p>Ce dernier poëme est une satire contre les marguilliers de la paroisse
-de Saint-Paul, sur laquelle demeurait madame de Sévigné.
-Il a été imprimé avec ce titre: <i>le Pain bénit</i>, par l'abbé de Marigny,
-in-12 (23 pages); une autre édition a été donnée par Mercier de
-Compiègne, intitulée <i>le Pain béni</i> (<i>sic</i>), <i>avec autres pièces fugitives</i>,
-par Marigny; nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée d'une notice
-sur la vie et les ouvrages de l'auteur; Paris, Mercier, 1795, in-18
-(82 pages). La notice est inepte; mais ce petit volume est curieux par
-la satire contre Marigny, pages 35 et 42, qui est du temps.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_8">8</a>, avant-dernière ligne: Il y a eu ici de plus honnêtes gens
-que moi.</p>
-
-<p>Ne donnez pas à ces mots le sens qu'ils ont aujourd'hui. Dans la
-langue du siècle de Louis XIV, cela veut dire: Il y a eu de plus
-hauts personnages que moi, des gens plus considérables.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_9">9</a>, ligne 14: Ce fut le 15 août 1664 que madame de Sévigné
-alla à Tancourt.</p>
-
-<p>Les souvenirs de ce voyage que fit madame de Sévigné éclairent
-beaucoup l'histoire de Bussy et de son libelle. C'est dans cette année
-1664 que Bussy se montra le plus occupé de ses intrigues amoureuses
-et qu'il composa le plus de vers galants. C'est alors qu'il lut, dans
-les sociétés où se trouvaient M. et madame de Montausier, ses
-<span class="pagenum"><a id="Page_396"> 396</a></span>
-<i>Maximes d'amour, questions, sentiments et préceptes</i>, transcrits
-en entier dans ses <i>Mémoires</i> (t. II, p. 22 à 281); c'est alors qu'il se
-montre si satisfait de sa fortune et de madame de Monglat, sa maîtresse
-(p. 285), et qu'il se plaint d'avoir dans M. de Monglat un mari
-trop commode. Il rime à ce sujet une imitation de l'élégie 19, liv. II,
-des <i>Amours d'Ovide</i>, et dit (p. 286):</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Si tu n'es pas jaloux pour ton propre intérêt,</p>
-<p class="i2"> Sois-le du moins, s'il te plaît,</p>
-<p class="i2"> Pour augmenter dans mon âme</p>
-<p class="i2"> L'amour que j'ai pour ta femme.</p>
-<p class="i2"> Je tiens qu'il faut être brutal</p>
-<p class="i2"> Pour pouvoir aimer sans rival.</p>
-<p>A nous autres amants il faut de l'espérance.</p>
-<p class="i1"> Mais sans la crainte on n'a pas de plaisir;</p>
-<p class="i2"> On languit dans trop d'assurance,</p>
-<p class="i2"> Et les difficultés irritent les désirs.</p>
-</div></div>
-
-<p>A la fin d'août 1664, madame de Sévigné nous fait voir Bussy dans
-sa terre de Forléans, lui rendant de fréquentes visites, et évidemment
-tâchant de la séduire et de réveiller les langueurs que lui faisait
-éprouver son amour satisfait. Lui-même parle d'un voyage (p. 292)
-qu'il fit en Bourgogne, pour se consoler d'une affaire qu'on lui avait
-faite auprès du roi. Cette affaire était son <i>Histoire amoureuse des
-Gaules</i>, dont le secret commençait à percer, mais qui ne contenait
-encore ni le morceau sur madame de Sévigné ni celui sur madame
-de Monglat, dont il se croyait alors exclusivement aimé. De Forléans,
-il se rendit à son château de Bussy, où une lettre, en date du 10 octobre
-1664, au duc de Saint-Aignan, nous le montre installé. (<i>Mémoires</i>,
-t. II, p. 293.) C'est alors qu'il apprit que madame de Monglat
-lui était infidèle, et que, dépité de cette trahison et d'avoir
-échoué près de sa cousine, il se retourna vers madame de la Baume.
-Pour lui rendre plus agréable la lecture du manuscrit qu'il lui prêtait
-et lui prouver qu'il lui sacrifiait madame de Monglat, il ajouta le
-portrait de Bélise (de madame de Monglat). Madame de la Baume le
-trahit; et, sur une copie qu'elle laissa ou qu'elle fit faire, le libelle fut
-imprimé en Hollande. Dès lors se forma l'orage qui devait pour toujours
-mettre obstacle à l'ambition de Bussy. Ce ne fut cependant qu'après le
-mois de mars 1665 qu'il éclata. Bussy fut alors reçu de l'Académie
-<span class="pagenum"><a id="Page_397"> 397</a></span>
-française, et y prononça son discours d'admission. Par un billet qu'il
-adressa au duc de Saint-Aignan le 12 avril 1662, on voit que déjà le
-scandaleux libelle était connu de plusieurs personnes.&mdash;Le roi fit
-arrêter Bussy le vendredi 17 avril; et on le conduisit aussitôt à la
-Bastille, afin de le dérober aux recherches du prince de Condé, qui
-voulait se porter contre lui aux dernières violences.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_9">9</a>, ligne 17: Bussy, qui était alors à sa terre de Forléans, vint
-la voir.&mdash;Page <a href="#Page_10">10</a>, ligne 5: Bourbilly.&mdash;Page <a href="#Page_11">11</a>, ligne 5:
-Époisses.</p>
-
-<p><span class="smallc">Forléans</span> était une seigneurie indépendante; c'était une annexe de
-la paroisse de Montberteau, du diocèse de Langres, du doyenné de
-Moutier-Saint-Jean, du bailliage et recette de Semur-en-Auxois. Ses
-dépendances étaient Forléans, Plumeron et Villers-Fremoy, et encore
-la justice à Changy (<span class="smallc">Garnau</span>, <i>Description du gouvernement de
-Bourgogne</i>, 2<sup>e</sup> édit., p. 486, 487) Du temps d'Expilly, en 1764, on ne
-comptait à Forléans que vingt-huit feux, à peu près cent vingt habitants;
-en 1837, il y avait deux cent dix-huit habitants.</p>
-
-<p><span class="smallc">Bourbilly</span>, village de la paroisse de Vic-de-Chassenay, du bailliage
-de Semur-en-Auxois (<span class="smallc">Garnau</span>, <i>Description</i>, etc., p. 374). En 1762,
-d'Expilly, dans son <i>Dictionnaire</i>, tome I, page 729, donnait vingt-deux
-feux (cent vingt habitants) à Bourbilly.</p>
-
-<p><span class="smallc">Époisses</span>, bourg de l'Auxois, était église collégiale et paroisse du
-diocèse de Langres, du doyenné de Moutier-Saint-Jean, marquisat du
-bailliage de Semur. Ses dépendances étaient Époisses, Coromble,
-Torcy-lez-Époisses, Vic-de-Chassonay, Toutry (paroisse), Époissette,
-Menetoy, Menetreux, Pijailly et Pontigny; et, dans le bailliage
-d'Avallon, Atic-sous-Montréal, Saint-Magnence et presque tout
-Cussy-les-Forges, communauté de la recette de Semur. La vallée
-d'Époisses produit du froment, et passe pour une des plus fertiles de
-la province (<span class="smallc">Garnau</span>, <i>Description de la Bourgogne</i>, page 478,
-2<sup>e</sup> édition). D'Expilly (<i>Dictionnaire des Gaules et de la France</i>,
-tome II, page 753) dit que, de son temps (en 1762), Époisses comptait
-quatre-vingt-quinze feux, ce qui suppose quatre cent soixante-quinze
-habitants. Le <i>Dictionnaire de la poste aux lettres</i> (in-folio,
-tome II, page 264) porte ce nombre à mille six, en 1837.</p>
-
-<p class="pnote"><span class="pagenum"><a id="Page_398"> 398</a></span>
-Page <a href="#Page_11">11</a>, avant-dernière ligne: Par son premier mariage avec
-Françoise de la Grange.</p>
-
-<p>D'Expilly, dans son <i>Dictionnaire des Gaules et de la France</i>,
-tome I, page 753, a donné la généalogie de Françoise de la Grange,
-marquise d'Époisses. Elle fut mariée à Guillaume de Pechpeirou de
-Comenge, comte de Guitaut, qu'elle fit son héritier, et qui devint
-ainsi marquis d'Époisses. Elle mourut sans postérité le 31 mars 1661.
-Le comte de Guitaud se remaria en 1669 à Élisabeth-Antoinette de
-Verthamont, d'où descendent en ligne directe les Guitaud que nous
-avons vus de nos jours possesseurs d'Époisses. C'est de cette dernière
-marquise d'Époisses que parle madame de Sévigné.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_13">13</a>, ligne 3: En faisant de grands embellissements à son magnifique
-château d'Époisses.</p>
-
-<p>Ce château subsiste toujours en entier et dans toute sa splendeur,
-avec ses belles fortifications, ses vieux tilleuls, ses beaux ombrages,
-ses archives, ses portraits, ses nobles souvenirs; il a été la propriété
-des comtes de Montbard et des princes de Montagu, première race des
-ducs de Bourgogne. Un descendant direct du comte de Guitaud le
-possède, bonheur rare dans les temps où nous vivons. C'est à la
-plume du comte Athanase de Guitaud qu'est due la notice qui accompagne
-la planche gravée de la vue d'Époisses qui se trouve dans
-le <i>Voyage pittoresque de Bourgogne</i>, publié à Dijon en 1823 (t. I,
-feuille 9, n<sup>o</sup> 3). Les fortifications de ce château avaient été construites
-par le prince de Condé (le grand Condé). Ce prince en avait eu la
-jouissance en vertu d'un fidéicommis du comte de Guitaud d'Époisses.
-Condé avait fait de ce château une petite place forte, et n'avait
-consenti à le rendre qu'après le remboursement de toutes les dépenses
-que les fortifications avaient coûtées. (Voyez la <i>Lettre de</i> <span class="smallc">Bussy</span> <i>au
-comte de Coligny</i>, en date du 18 mai 1667, dans les <i>Mémoires du
-comte</i> <span class="smallc">de Coligny-Saligny</span>, 1841, in-8<sup>o</sup>, p. 127.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_14">14</a>, ligne 26: Dur et égoïste dans son intérieur.</p>
-
-<p>Lord Mahon, dans son Histoire du prince de Condé, en parlant
-du duel entre Rabutin, page de la princesse de Condé, et son valet
-de chambre, a soutenu que la princesse était parfaitement pure de
-<span class="pagenum"><a id="Page_399"> 399</a></span>
-toute intrigue galante; qu'elle avait été calomniée et horriblement
-persécutée par son époux et par son fils. Nous avons combattu cette
-opinion et fait observer que, quels que soient les vices dont Condé et
-son fils pouvaient être accusés, on ne saurait leur supposer un
-c&oelig;ur assez corrompu, assez pervers pour calomnier et tenir en captivité
-une femme digne d'estime, une épouse et une mère. Lord
-Mahon, dans une lettre qu'il m'a fait l'honneur de m'écrire, m'a cité
-Saint-Simon, qui dit que M. le Duc était envers la princesse un fils
-dénaturé. Cette observation est exacte, et il est très-vrai que le duc
-d'Enghien, au lieu de protéger sa mère contre la colère de son
-époux, fut aussi d'avis que l'on employât des mesures de rigueur.
-C'est que, connaissant l'abandon où son père laissait la princesse et
-les moyens qu'elle prenait pour se consoler, il avait plus d'intérêt
-que Condé même à prévenir les suites de cet isolement.&mdash;Dans ce
-siècle si corrompu sous le rapport des m&oelig;urs, les femmes vertueuses
-inspiraient un grand respect: Louis XIV donnait l'exemple de ce respect
-et de ces égards envers la reine. L'opinion publique, à défaut
-du souverain, eût protégé la femme du grand Condé contre un acte
-aussi odieux d'autorité maritale s'il n'avait été motivé par la nécessité
-de pourvoir à l'honneur et aux intérêts de la maison du
-premier prince du sang. Nous avons trouvé dans la recueil manuscrit
-des vaudevilles et autres pièces de vers (édition de Maurepas) qui est
-à la Bibliothèque nationale (vol. III, p. 397, sous la date de 1671)
-une fable allégorique, intitulée <i>le Lion, le Chat et le Chien</i>. Cette
-fable, fort longue et assez bien versifiée, est relative à l'aventure
-de Rabutin et du valet de chambre. Les notes disent que le prince
-de Condé avait épousé malgré lui Claire-Clémence de Maillé-Brezé;
-que, quoiqu'elle fût fort belle, il la négligea; qu'elle vivait fort retirée,
-paraissant rarement à la cour. Presque toujours dans ses appartements,
-elle sortait peu; mais on remarque qu'elle vivait trop
-familièrement avec ses gens. Dans l'affaire du page et du valet de
-chambre, il est dit qu'elle fut blessée d'un coup d'épée; que le valet
-de chambre, condamné aux galères, mourut en s'y rendant, et qu'on
-soupçonna qu'il avait été empoisonné.</p>
-
-<p class="echap"><span class="pagenum"><a id="Page_400"> 400</a></span>
-CHAPITRE II.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_19">19</a>, ligne 14: Mademoiselle de Meri.</p>
-
-<p>Il résulte des lettres de madame de Sévigné que cette parente, qui
-ne se maria jamais, était vaporeuse, maladive, ennuyeuse, mais
-bonne, sensible et serviable. Dans le recueil des chansons choisies de
-Coulanges, 2<sup>e</sup> édit., t. I, p. 280, il s'en trouve une intitulée <i>Pour
-mademoiselle de Meri, conduisant jusqu'à Fontainebleau madame
-de Coulanges, qui s'en allait en Berry</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_20">20</a>, ligne 11: Il aimait à se rappeler surtout les heures de
-gaieté folâtre; et note <a href="#FNanchor_53">53</a>, renvoyant à la seconde partie de ces <i>Mémoires</i>,
-p. 102 de la 2<sup>e</sup> édit.&mdash;Dans la lettre de madame de Sévigné
-il est dit: «Vous aviez huit ans.»</p>
-
-<p>C'était donc en 1757, l'année même où l'abbé Arnauld vit aussi
-madame de Sévigné chez son oncle Renaud de Sévigné, et où il fut
-si frappé de la beauté de ses enfants. (<i>Mémoires de l'abbé</i> <span class="smallc">Arnauld</span>,
-t. XXXIV, p. 314 de la collection de Petitot; t. XI, p. 62 et 63 de
-l'édition de 1736.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_24">24</a>, ligne 8: Frère de cette marquise de Montfuron.</p>
-
-<p>Le chevalier Perrin, dans ses Notes sur les lettres de madame de
-Sévigné, nous apprend que Marie Pontever de Buous, marquise de
-Montfuron, était femme de Léon de Valbelle et cousine germaine
-de M. de Grignan. Elle était belle-s&oelig;ur de l'évêque d'Alet. Le <i>Mercure
-galant</i> (juin 1679, p. 297), en annonçant la mort de la marquise
-de Montfuron, ajoute qu'elle était d'une beauté surprenante.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_26">26</a>, ligne première: Traité secret conclu avec Charles II
-en 1670.</p>
-
-<p>Ce traité, dont l'original est en la possession de lord Clifford, qui
-l'a communiqué au docteur Lingard, a été signé, de la part de la
-France, par Charles Colbert de Croissy, fils du ministre Colbert; par
-Arlington, Thomas Arundell, T. Clifford et R. Billing; il a été conclu
-à Douvres le 22 mai 1670.&mdash;Les négociations avaient commencé
-le 31 octobre 1669. Charles II s'y intitule <i>le Défenseur de la foi</i>. Il se
-<span class="pagenum"><a id="Page_401"> 401</a></span>
-dit convaincu de la vérité de la religion catholique, et promet qu'aussitôt
-qu'il le pourra il se réconciliera avec l'Église romaine.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE III.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_37">37</a>, ligne 17: Les princes d'Orange ne reconnaissaient pas cette
-prétention.</p>
-
-<p>Après le décès de Guillaume III, roi d'Angleterre, mort sans enfants
-le 19 mars 1702, le prince de Nassau-Dietz et Frédéric 1<sup>er</sup>, roi de
-Prusse, prétendirent avoir des droits à l'héritage de la principauté
-d'Orange. Louis XIV se posa entre les deux contendants, et prétendit
-que la principauté d'Orange était dévolue à la couronne de France,
-faute d'hoir mâle. A cette occasion, il fit valoir l'hommage qui
-avait été rendu à Louis XI en 1475. Le prince de Conti revendiqua
-la principauté d'Orange en qualité d'héritier de la maison de Longueville,
-les ducs de cette maison se prétendant héritiers du dernier
-des princes de Châlons ou de la dynastie des princes d'Orange, qui
-avait précédé celle de Nassau. Sur ces contestations, il intervint un
-arrêt du parlement de Paris qui adjugea le domaine utile d'Orange
-au prince de Conti et le haut domaine au roi de France, ce qui fut
-confirmé par l'article 10 du traité d'Utrecht. Le 13 décembre 1714
-un arrêt du conseil unit la principauté d'Orange au Dauphiné.</p>
-
-<p>Page <a href="#Page_41">41</a>, ligne 17: De Guilleragues.</p>
-
-<p>Il est mort ambassadeur à Constantinople en 1679. Il se nommait
-Girardin, et était probablement parent des Girardin d'Ermenonville;
-car, dans un été que nous avons passé en 1810 dans ce beau lieu,
-nous avons vu la copie de la correspondance de cet ambassadeur,
-reliée en huit ou dix gros volumes in-fol., et reléguée dans une mansarde
-de la petite maison qui était devant le château.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_44">44</a>, ligne 13: Lausier, son capitaine des gardes.</p>
-
-<p>Il est probable que c'est le même dont madame de Sévigné raconte
-la mort subite dans le passage cité. Cependant, comme ils étaient
-plusieurs frères, les uns morts et les autres vivants en janvier 1690,
-cela n'est pas certain.</p>
-
-<p class="pnote"><span class="pagenum"><a id="Page_402"> 402</a></span>
-Page <a href="#Page_48">48</a>, ligne 2: Procureur du pays-joint.</p>
-
-<p>Telle est l'expression consacrée et toujours la même pour cette
-charge. Dans les <i>Extraits de délibérations</i> imprimés, souvent on
-rencontre, par abréviation, <i>procureur-joint</i>. Madame de Sévigné au
-contraire se sert constamment du terme de syndic, parce que les procureurs,
-dans les assemblées des villes et communautés, remplissaient
-les mêmes fonctions que les syndics dans les assemblées des états,
-remplacées ensuite par les assemblées des communautés.&mdash;Dans la
-4<sup>e</sup> partie de ces Mémoires, au lieu de procureur-joint, les imprimeurs
-ont mis <i>procureur-adjoint</i>. C'est une faute.</p>
-
-<p class="pnote">Page<a href="#Page_55"> 55</a>, ligne 21: Que vous nommez M. de Buous.</p>
-
-<p>Marguerite de Grignan, fille de Louis-François, comte de Grignan,
-sénéchal de Valentinois, qui mourut en 1620, épousa Ange de Pontever
-de Buous; et c'est par cette alliance que les de Buous étaient
-parents des Grignan. Le marquis de Buous était probablement frère
-ou proche parent du chevalier de Buous, capitaine de vaisseau en
-1656. (Voir à la page 14 des <i>Mémoires du marquis de Villette</i>, publiés
-en 1841, une note du savant archiviste de la marine, M. Jal,
-sur le chevalier de Buous et le marquis de Martel, mentionné si souvent
-dans les lettres de madame de Sévigné.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_56">56</a>, ligne 17: Deux députés, Saint-Aubin Treslon et Des Clos de
-Sauvage.</p>
-
-<p>A la page 381 du <i>Recueil de la tenue des états de Bretagne</i>,
-mss. Bibl. nat. (Bl.-Mant.), n<sup>o</sup> 75, dans la liste des noms des députés
-envoyés à la cour pour porter les remontrances on trouve ces lignes:
-«A la place de <span class="smallc">Sévigné</span>, abbé de Geneston, député à la chambre aux
-états précédents, décédé, a été nommé messire Louis du Metz,
-abbé de Sainte-Croix de Guingamp.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_58">58</a>, ligne 19: D'Harouïs était son ami et son allié.</p>
-
-<p>D'Harouïs avait épousé Marie Madeleine de Coulanges, cousine germaine
-de la marquise de Sévigné; il la perdit le 22 septembre 1662.</p>
-
-<p class="echap"><span class="pagenum"><a id="Page_403"> 403</a></span>
-CHAPITRE IV.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_64">64</a>, ligne 17: Qu'aucune femme ne peut pardonner.</p>
-
-<p>Voici le passage:</p>
-
-<p>«Je comprends fort bien que le baiser du roi, à ce que vous me mandez,
-n'a été qu'un baiser de pitié; car je tiens le goût de notre maître
-trop délicat pour prendre plaisir à baiser la La Baume.» (<i>Mém. de
-Coligny-Saligny</i>, 1841, in-8<sup>o</sup>, p. 127.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_65">65</a>, ligne 5 et note <a href="#FNanchor_151">151</a>: La conversation, dit-il, avec madame de
-la Morésan et moi.</p>
-
-<p>Cette madame de la Morésan ou Lamorésan avait la parole rude
-et son franc-parler.&mdash;Le duc de Lauzun avait été à toute extrémité, et
-sa s&oelig;ur, madame de Nogent, pleurait du danger qu'il avait couru.
-Alors madame de la Morésan lui dit en présence de <span class="smallc">Mademoiselle</span>,
-plus éprise de Lauzun depuis la rupture de son mariage: «Hélas!
-madame, vous fâcherez-vous? Vous auriez été bien heureuse que monsieur
-votre frère fût mort d'une mort ordinaire! C'est un homme si
-emporté qu'un de ces jours on le trouvera pendu; il est tout propre
-à faire quelque folie.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_66">66</a>, ligne 4: Sous une forme qui ne convenait pas à ce
-dernier.</p>
-
-<p>On peut voir la remarquable lettre de Louis XIV que nous citons
-en cet endroit. En 1665, Martel était considéré comme un officier
-d'une grande capacité, mais peu soumis au duc de Beaufort, qui
-avait le commandement en chef de la flotte.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_66">66</a>, ligne 13: Un d'eux citait madame de Grignan.</p>
-
-<p>C'était le chevalier de Cissé, frère de madame de Martel. Voici
-comment madame de Sévigné raconte la chose, à propos des éloges
-qu'elle donne toujours à la danse des Bretons.</p>
-
-<p>«Je vis hier danser des hommes et des femmes fort bien: on ne
-danse pas mieux les menuets et les passe-pieds. Justement, comme je
-pensais à vous, j'entends derrière moi un homme qui dit assez haut:
-<span class="pagenum"><a id="Page_404"> 404</a></span>
-«Je n'ai jamais vu si bien danser que madame la comtesse de Grignan.»
-Je me tourne, je trouve un visage inconnu; je lui demande
-où il avait vu cette madame de Grignan? C'est un chevalier de Cissé,
-frère de madame Martel, qui vous a vue à Toulon avec madame de
-Sinturion. M. Martel vous donna une fête dans son vaisseau; vous
-dansâtes, vous étiez belle comme un ange. Me voilà ravie de trouver
-cet homme; mais je voudrais que vous pussiez comprendre l'émotion
-que me donna votre nom, qu'on venait me découvrir dans le secret
-de mon c&oelig;ur, lorsque je m'y attendais le moins.» (Lettre du 6 août
-1680, t. VII, p. 157, édit. G.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_67">67</a>, ligne 4: La foi de son exil.</p>
-
-<p>Cet exil se serait plus promptement terminé, si Bussy avait pu empêcher
-la publicité toujours croissante de son libelle de l'<i>Histoire
-amoureuse des Gaules</i>, par les éditions que l'on en faisait à l'étranger.
-Ces éditions se sont multipliées à un point que l'on ne connaissait
-pas. J'ai donné les titres de toutes celles que j'avais pu découvrir.
-J'en ai depuis rencontré une, intitulée <i>Histoire amoureuse des
-Gaules</i>; Liége, 1665, in-12 de 260 pages, avec un feuillet pour la clef,
-exactement comme l'édition qui porte le même titre, mais avec la date
-de 1666, et les mots <i>nouvelle édition</i>, ce qui fait croire que cette dernière
-est celle de 1666 avec un nouveau titre.&mdash;Je dois signaler encore
-une autre édition dont j'ai un exemplaire en maroquin rouge,
-relié par Padeloup, avec les armes du Dauphin, non pas sur le plat
-du livre, mais sur le dos. Cette édition a un frontispice gravé avec
-une Renommée à la trompette, et cette Renommée porte un étendard
-où se trouve le titre: <i>Histoire amoureuse des Gaules</i> (ce frontispice
-a été reproduit grossièrement dans l'édition de 1710); point
-d'autre frontispice que cette gravure. L'intitulé en tête du texte diffère
-du frontispice, et porte: <i>Histoire amoureuse de France</i>, de même
-que l'édition avec le frontispice gravé du salon de la Bastille; ce
-sont aussi les mêmes caractères elzéviriens, petits. On croirait que
-c'est la même édition, à laquelle on a mis des frontispices gravés, si,
-après la page 196, on ne voyait que les deux éditions cessent de se
-correspondre. On s'aperçoit à cette page que l'édition à la <i>Renommée</i>
-est antérieure à celle du <i>salon</i>, parce que le fameux cantique
-manque, et qu'il est dans celle du <i>salon</i>. Ainsi l'édition de la <i>Renommée</i>
-a deux cent quarante-quatre pages, et ensuite douze pages,
-<span class="pagenum"><a id="Page_405"> 405</a></span>
-paginées séparément, pour les <i>Maximes d'amour</i> et la lettre à
-Saint-Aignan: l'édition au <i>salon</i> a deux cent cinquante-huit pages
-qui se suivent.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_76">76</a>, ligne 6: On accuse Bussy d'être l'auteur des chansons, etc.</p>
-
-<p>Bussy fut prévenu de l'accusation portée contre lui au sujet des
-chansons d'Hauterive, son ami. Le marquis d'Hauterive, grand amateur
-des beaux-arts et pour lequel, dit M. Gault de Saint-Germain, le
-Poussin a exécuté plusieurs tableaux, épousa la fille du duc de Villeroi,
-veuve de trois maris. Cette union fut considérée comme une mésalliance
-de la part de la femme, très-supérieure à son mari en naissance
-et en fortune, mais aussi plus âgée. Bussy ne la désapprouva pas,
-parce que d'Hauterive était son ami. «Le secret, dit-il à ce sujet, est
-d'être aimable et d'être aimé; et quand cela est on est aussi riche
-que Crésus, et noble comme le roi.» D'Hauterive ayant dit à Bussy
-que devant l'abbesse de Merreton on l'avait accusé d'être l'auteur
-des chansons qui couraient contre les ministres, et que celle-ci l'avait
-défendu, Bussy se hâta aussitôt de lui adresser une lettre datée
-du 15 mai 1674, dans laquelle on lit ce passage: «Je ne trouve pas
-étrange que le misérable qui a fait ces chansons-là les ait mises sous
-mon nom, sous lequel toutes calomnies sont crues; mais je suis surpris
-qu'il y ait des gens désintéressés assez sots pour croire qu'un
-homme de mon âge et du rang que je tiens dans le monde soit capable
-de si grandes extravagances.» Conf. <i>Supplément aux Mémoires
-et lettres du comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>, 2<sup>e</sup> part., p. 22;&mdash;<span class="smallc">Bussy</span>,
-<i>Lettres</i>, t. V, p. 44 et 107.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 284,
-édit. G.; t. I, p. 213, édit. M.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE V.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_83">83</a>, lignes 2 à 4: Le duc d'York vint, cette année, présenter au
-roi de France la princesse de Modène.</p>
-
-<p><span class="smallc">Mademoiselle</span>, dans ses Mémoires, dit, t. LXIII, p. 369 (1674):
-«Lorsque toutes ces propositions furent finies, le roi travailla, et fit
-le mariage de la princesse de Modène; elle me parut une grande
-créature mélancolique, ni belle ni laide, fort maigre, assez jaune.
-J'ai ouï dire qu'elle est à présent fort enjouée et engraissée et qu'elle
-est devenue belle.»</p>
-
-<p class="pnote"><span class="pagenum"><a id="Page_406"> 406</a></span>
-Page <a href="#Page_86">86</a>, ligne 4: Ces conjectures sont démenties, selon nous,
-par les faits.</p>
-
-<p>Celle de Voltaire, qui dit que c'était l'aventure de mademoiselle
-de Guerchy et que ce fut pour elle qu'Hénault composa son sonnet
-de l'Avorton, est doublement erronée, puisque ce sonnet a été imprimé
-trois ans avant la mort de cette demoiselle. L'autre conjecture
-que ce pourrait bien être madame de Ludres que madame de Sévigné
-désigne, parce que le chevalier de Vendôme et Vivonne en étaient alors
-amoureux, noue paraît plus vraie; mais non relativement à Louis XIV,
-qui certes ne voulait pas de mal à madame de Ludres, comme il l'a
-prouvé depuis.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_89">89</a>, ligne 5: La plus jeune et la plus chérie de ses femmes
-espagnoles.</p>
-
-<p>Elle se nommait doña Felippe-Maria-Térésa Abarca. Il est probable,
-d'après ces prénoms, qu'elle fut tenue sur les fonts de baptême par
-la reine elle-même. Elle figure comme la septième et dernière des femmes
-espagnoles dans l'<i>Etat de la France</i> de 1669 et dans celui de
-1677. Doña Maria Molina, qui avait prêté les mains à l'intrigue de
-Vardes et du comte de Guiche contre la Vallière et qui se trouve
-encore comme première femme de chambre espagnole dans le volume
-de 1669, fut au nombre des femmes renvoyées; et peut-être est-ce
-à cause d'elle et de sa nièce mademoiselle de Ribera que cette mesure
-fut prise.&mdash;Dans l'<i>État de la France</i> de 1669 il est dit,
-p. 377, que Maria-Térésa Abarca est présentement madame de
-Visé. Le mari d'Abarca est probablement le musicien dont il est fait
-mention dans la lettre de Coulanges à madame de Sévigné (3 février
-1669, t. XI, p. 259, édit. G.), et non pas Donneau de Visé, l'auteur du
-<i>Mercure galant</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_92">92</a>, ligne 18: Ces enfants moururent peu après leur naissance.</p>
-
-<p>L'un fut nommé Charles, et naquit le 19 septembre 1663; l'autre,
-nommé Philippe, naquit le 19 janvier 1665.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_93">93</a>, lignes 4 et 5: Érigea pour elle et pour sa mère la terre
-de Vaujour et la baronnie de Saint-Christophe.</p>
-
-<p>C'est au sujet de ce don fait à la Vallière après la naissance du
-<span class="pagenum"><a id="Page_407"> 407</a></span>
-comte de Vermandois qu'un de ces écrivains qui transforma en roman
-les amours de Louis XIV et des personnages de sa cour écrivit
-cette lettre de madame de la Vallière à madame de Montausier que
-M. Matter a publiée, d'après une copie du temps, dans ses <i>Lettres et
-pièces rares ou inédites</i>, 1836, in-8<sup>o</sup>, p. 320-326. Cette lettre est
-datée du 24 mai 1667, et les lettres patentes pour l'érection de la terre
-de Vaujour en duché-pairie furent enregistrées le 13 mai 1667. Dans
-une note inscrite à la copie de cette même lettre, on suppose maladroitement
-que la réponse de madame de Montausier, à qui la lettre
-était adressée, fut faite le même jour. Le paraphe de la Reynie du
-21 novembre 1670, s'il est sincère, donnerait lieu de croire que cette
-lettre faisait partie des pièces saisies par la police chez quelque libelliste.
-La Vallière se gardait bien d'écrire à des tiers, et surtout à madame
-de Montausier, sur les suites probables de ses amours avec
-Louis XIV; encore moins aurait-elle pu parler du projet imaginaire
-de son mariage avec le marquis de Vardes, ce qui décèle dans la fabrication
-de cette lettre un écrivain peu instruit des choses de la cour
-à cette époque.</p>
-
-<p>Quoique M. de Bausset ait souvent cité les lettres de la Vallière
-publiées par l'abbé Lequeux (<i>Lettres de madame la duchesse de la
-Vallière, avec un abrégé de la vie de cette pénitente</i>, 1747, in-12),
-je crois peu à leur authenticité. Plusieurs ont été certainement fabriquées,
-et peut-être sont-elles toutes de l'invention de l'abbé Lequeux,
-qui en est, dit-on, l'éditeur anonyme. A quel homme bien instruit
-des choses et des personnes de ce temps persuadera-t-on que la
-Vallière a pu écrire la lettre 14, p. 17, et bien d'autres qu'il serait facile
-de citer?</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_94">94</a>, ligne 13: Montespan, à peine relevée de sa dernière couche,
-ne pouvant danser, etc.</p>
-
-<p>Il est probable que mademoiselle de Nantes fut légitimée peu après
-son baptême: nous savons que ce fut en décembre, et madame de
-Sévigné nous apprend (lettre du 8 janvier 1674) que les bals de Saint-Germain
-commencèrent dès les premiers jours de janvier.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_97">97</a>, ligne 18: Louis XIV était incapable de faire souffrir à celle
-qu'il avait tant aimée, etc.</p>
-
-<p>Il ne faut pas croire, par ce que dit madame Élisabeth de Bavière
-<span class="pagenum"><a id="Page_408"> 408</a></span>
-dans ses lettres, dont les fragments ont été intitulés <i>Mémoires</i>, que
-Louis XIV ait insulté à la douleur de la Vallière (voyez p. 55, édit.
-1832, in-8<sup>o</sup>). Il était incapable d'aussi ignobles procédés. Ces Mémoires
-n'ont rien d'authentique. On sait que ce sont des extraits des huit
-cents lettres de cette princesse qui se sont trouvées dans la succession
-de la duchesse de Brunswick, morte en 1767, et écrites par la
-duchesse d'Orléans à la princesse Wilhelmine-Charlotte de Galles et
-au duc Antoine-Ulrich de Brunswick. Élisabeth-Charlotte, princesse
-Palatine, resta toujours Allemande à la cour de France, et accueillit
-sans discernement les bruits les plus vulgaires et les plus désavantageux
-sur les personnes qui s'y trouvaient. Cependant ces extraits
-de lettres contiennent des détails très-curieux; mais il faut les lire avec
-défiance; et, pour les écrivains qui manquent de critique, ils sont
-une mauvaise source pour l'histoire.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_103">103</a>, lignes 15 et 16: Elle obtint... que la marquise de la Vallière
-fût mise dans le nombre des nouvelles dames d'honneur.</p>
-
-<p>Louis XIV, dans la lettre citée (au camp devant Besançon, le
-23 mai 1674), refusa à la reine de Portugal une demande semblable en
-ces termes: «Toutes les places des dames établies auprès de la reine
-furent remplacées par le dernier choix, et c'est un nombre fixe qu'on
-a résolu de ne point passer. Il n'est pas besoin de dire à V. M. que
-celle qui fut depuis accordée à ma cousine la duchesse de la Vallière
-ne fait pas conséquence: elle juge assez qu'une conjoncture comme
-celle de sa retraite ne permettait pas de lui refuser cette consolation.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_105">105</a>, ligne 12: Le troisième dimanche de la Pentecôte.</p>
-
-<p>Ce troisième dimanche, jour de la parabole du bon pasteur, était,
-en 1674, le 3 juin, et non le 2, comme le dit l'abbé Lequeux dans son
-<i>Histoire de madame de la Vallière</i>, p. 54. La date du 9 juin, donnée
-par M. de Bausset, <i>Histoire de Bossuet</i>, t. II, p. 36, est encore
-plus fautive.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_106">106</a>, ligne 3: Les regrets qu'elle éprouvait de ne s'être point
-trouvée, etc.</p>
-
-<p>La lettre de madame de Sévigné, datée du mercredi 5 juin 1674,
-a été commencée le mardi 4; car elle dit: «La Vallière fit hier sa
-<span class="pagenum"><a id="Page_409"> 409</a></span>
-profession de foi.» Cette date est parfaitement d'accord avec celle
-que donne l'abbé Lequeux, <i>Histoire de la Vallière</i>, p. 59, où il est
-dit qu'elle fit profession le lundi de la Pentecôte, 3 juin; ce qui est
-exact pour l'année 1675. M. de Bausset se trompe quand il dit que
-ce fut le 26 juin 1675. Le 26 juin 1675 était un mercredi, et ne correspond
-à rien. (Voyez <i>Histoire de Bossuet</i>, liv. V, édit. in-12, t. II,
-p. 36 de la 4<sup>e</sup> édition, revue et corrigée.)</p>
-
-<p>Cela d'ailleurs ne peut être douteux d'après ce qu'on lit dans la
-lettre d'une des religieuses compagnes de la Vallière, dont je parlerai
-dans la note suivante: «Elle vit arriver avec joie le temps de sa profession;
-elle la fit au chapitre, selon notre usage, le troisième de juin
-1675. La reine honora cette cérémonie de sa présence: le concours
-du monde fut encore plus grand que le jour qu'elle avait pris l'habit.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_110">110</a>, ligne 20: C'est dans son cloître, au pied des autels, que
-la Vallière a préparé, etc.</p>
-
-<p>La vie de la Vallière comme religieuse fut racontée, le jour même
-de son décès (6 juin 1710), dans une lettre de ses compagnes, nommée
-Magdeleine du Saint-Esprit. Cette lettre fut adressée à la supérieure
-des Carmélites, ensuite imprimée et envoyée à toutes les supérieures
-de l'ordre en juillet 1710. Madame de la Vallière avait écrit des <i>Réflexions
-sur la miséricorde de Dieu, par une dame pénitente</i>.
-Elles furent publiées sous le voile de l'anonyme, et à son insu (Paris,
-Dezallier, 1685, in-12 de 139 pages). Une nouvelle édition augmentée
-fut donnée en 1726 (Paris, Christophe David, in-12 de 240 pages).
-L'augmentation consiste en quelques prières tirées de l'Écriture sainte
-et un <i>Récit abrégé de la sainte mort et de la vie pénitente de madame
-la duchesse de la Vallière</i>. Ce récit est un plagiat: l'auteur a
-transcrit la lettre de la s&oelig;ur Magdeleine du Saint-Esprit, dont il a
-gâté la touchante et sublime simplicité par des phrases de prédicateur.
-Cette lettre, devenue rare, a été réimprimée dans l'<i>Annuaire de l'Aube</i>
-de 1849, avec quatre autres lettres inédites très-courtes de madame
-de la Vallière, dont les autographes appartiennent à la bibliothèque
-et aux archives de Troyes: l'une est adressée à l'abbesse Anne de
-Choiseul-Praslin et datée du 13 mai 1688, et les trois autres à Denis
-Dodart, médecin et membre de l'Académie des sciences, que le caustique
-Gui Patin et le philosophe Fontenelle s'accordent à louer comme
-un des hommes les plus savants, les plus pieux et les plus charitables
-<span class="pagenum"><a id="Page_410"> 410</a></span>
-de leur temps. (<i>Lettres de</i> <span class="smallc">Gui Patin</span>; Paris, Baillière, 1846, in-8<sup>o</sup>,
-t. III, p. 231.)</p>
-
-<p>«La Vallière mourut à l'heure de midi, le 6 juin 1710, âgée de
-soixante-cinq ans dix mois, et trente-six ans de religion.» <i>Récit
-abrégé de la vie pénitente</i>, p. 234.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_111">111</a>, ligne 6: Elle sait bien aimer.</p>
-
-<p>Madame de Caylus nous apprend, à l'endroit cité, que cette réflexion
-fut faite à l'occasion de l'aîné des enfants du roi et de madame de
-Montespan, qui mourut à l'âge de trois ans.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_111">111</a>, ligne 8: Cette femme lui déplaisait souverainement, parce
-qu'elle plaisait trop à sa maîtresse. (Sur la lettre de madame de
-Coulanges à madame de Sévigné, du 20 mars 1673.)</p>
-
-<p>Il y a dans l'édition des <i>Lettres</i> de madame de Sévigné, de M. de
-Monmerqué, une note du savant éditeur (t. II, p. 75, édition 1820)
-à laquelle M. R&oelig;derer, dans son <i>Histoire de la société polie</i>, aurait
-dû bien faire attention. C'est au sujet de ce passage remarquable:
-«Nous avons enfin retrouvé madame Scarron, c'est-à-dire que nous
-savons où elle est; car pour avoir commerce avec elle, cela n'est
-pas aisé. Il y a, chez une de ses amies, un certain homme qui la trouve
-si aimable et de si bonne compagnie qu'il souffre impatiemment de
-son absence.» On a interprété ces derniers mots en supposant que
-ce certain homme était Louis XIV; mais après avoir fait observer
-que la faveur dont a joui madame de Maintenon auprès de Louis XIV
-n'a pu commencer qu'en 1675, ou au plus tôt en 1674, puisqu'il est
-bien constaté qu'avant cette époque le roi prit presque en aversion
-la veuve Scarron, M. de Monmerqué présume très-judicieusement que
-cet homme si épris était Barillon. Et c'était sans doute un ancien ami,
-puisque madame de Coulanges ajoute immédiatement: «Elle est
-cependant plus occupée de ses anciens amis qu'elle ne l'a jamais été:
-elle leur donne, avec le peu de temps qu'elle a, un plaisir qui fait
-regretter qu'elle n'en ait pas davantage.» Deux lignes plus loin, madame
-de Coulanges mentionne le roi, pour dire «qu'ayant vu l'état
-des pensions il trouva deux mille francs pour madame Scarron, et
-mit <i>deux mille écus</i>.» C'était la juste récompense de ses soins.</p>
-
-<p class="pnote"><span class="pagenum"><a id="Page_411"> 411</a></span>
-Page <a href="#Page_111">111</a>, note: <i>Souvenirs de madame</i> <span class="smallc">de Caylus</span>.</p>
-
-<p>J'ai donné au long le titre de cette édition des <i>Souvenirs de Caylus</i>,
-parce qu'elle a été inconnue à tous les éditeurs de ce livre curieux, et
-que c'est la seule où Voltaire se trouve nommé comme éditeur. Elle
-est sans la préface de Jean-Robert (Voltaire); mais la défense du
-siècle de Louis XIV suit immédiatement, et commence à la page 162,
-au verso de celle qui termine les <i>Souvenirs</i>. Cette édition diffère des
-autres. Celle de M. Monmerqué finit ainsi: <i>Puisqu'il était avec elle.</i></p>
-
-<p class="end">FIN DES SOUVENIRS DE MADAME DE CAYLUS.</p>
-
-<p>Notre édition, p. 161, se termine par des notes, comme un ouvrage
-non entier, avec ces mots de plus: «C'était bien plutôt une galanterie
-innocente qu'une passion.»</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE VI.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_117">117</a>, ligne 17: Je revins hier du Menil.</p>
-
-<p>Il s'agit ici du Mesnil-Saint-Denis, à cinq kilomètres ou une lieue
-et quart de la Grange de Port-Royal. «Cette terre, dit l'abbé Lebeuf
-(t. VIII, p. 463 de l'<i>Histoire du diocèse de Paris</i>), ayant été aliénée
-par l'abbaye de Saint-Denis, était possédée à la fin du seizième siècle
-par MM. Habert de Montmor, qui en ont joui jusque dans le siècle
-présent.... On avait commencé, sur la fin du dernier siècle, à
-appeler ce lieu-là Mesnil-Saint-Denis-Habert. J'ai vu des Provisions
-de la cure du 19 décembre 1691, où cette dénomination est rejetée.»</p>
-
-<p>C'est donc chez Henri-Louis Habert de Montmor, conseiller du roi,
-maître des requêtes de l'hôtel, qu'alla madame de Sévigné. Montmor
-fut de l'Académie française; il mourut à Paris le 21 janvier 1679.
-C'est de son fils, et non de son mari, qu'il est fait mention dans la
-lettre de décembre 1694<a id="FNanchor_880" href="#Footnote_880" class="fnanchor">&nbsp;[880]</a>, datée de Grignan. Ce M. de Montmor était
-alors à Grignan, et ce fut lui qui ménagea le mariage de Grignan avec
-mademoiselle de Saint-Amand.</p>
-
-<p>C'était sans doute avec madame de Montmor plutôt qu'avec son
-<span class="pagenum"><a id="Page_412"> 412</a></span>
-mari que madame de Sévigné était liée. Sa correspondance ne fait
-mention que d'elle. <span class="smallc">Mademoiselle</span> nous apprend que madame de
-Montmor était belle-s&oelig;ur de madame de Frontenac. Cette dernière
-vivait alors<a id="FNanchor_881" href="#Footnote_881" class="fnanchor">&nbsp;[881]</a> fort retirée, quoique possédant une grande maison;
-et elle prêta ses chevaux à <span class="smallc">Mademoiselle</span> pour s'échapper de Paris.
-(<i>Mémoires de Montpensier</i>, vol. XLIII, p. 342 et 343.)</p>
-
-<p>Habert de Montmor fut reçu à l'Académie française en janvier
-1635, ou un peu avant<a id="FNanchor_882" href="#Footnote_882" class="fnanchor">&nbsp;[882]</a>. Il était cousin de Cerisy, un des premiers
-académiciens. Savant et humaniste, Montmor cultivait les sciences
-exactes et la poésie. Il recueillit chez lui Gassendi, qui mourut dans
-son hôtel<a id="FNanchor_883" href="#Footnote_883" class="fnanchor">&nbsp;[883]</a>. Il rassembla ses ouvrages, et les fit imprimer en six volumes
-in-folio. La préface latine qu'on y lit et trois ou quatre petites pièces
-de vers français consignées dans les recueils du temps, voilà tout ce
-qu'on a de lui. Il avait composé un poëme latin, avec le même titre
-que celui de Lucrèce; et il y avait développé toute la physique moderne.
-Huet, dans ses <i>Mémoires</i><a id="FNanchor_884" href="#Footnote_884" class="fnanchor">&nbsp;[884]</a>, nous apprend que Montmor,
-en apparence sectateur de la doctrine épicurienne de Gassendi, préférait
-en secret la philosophie de Descartes. Il y avait chez lui, un
-certain jour de la semaine, une réunion de savants physiciens et de
-littérateurs, formant entre eux une petite académie dont Sorbier a
-donné les statuts dans une de ses lettres. Ménage nous apprend qu'il
-était dans une de ces assemblées avec Chapelain et l'abbé de Marolles
-lorsque Molière y lut les trois premiers actes du <i>Tartufe</i><a id="FNanchor_885" href="#Footnote_885" class="fnanchor">&nbsp;[885]</a>.
-Il dit aussi qu'à la suite d'un revers de fortune Habert de Montmor
-s'abandonna tellement au chagrin et à la douleur qu'il devint invisible
-durant les douze dernières années de sa vie<a id="FNanchor_886" href="#Footnote_886" class="fnanchor">&nbsp;[886]</a>. Ceci explique le silence
-qui se fit sur lui à l'époque où madame de Sévigné allait au
-Mesnil. Malgré les pertes qu'il avait éprouvées, Montmor devait encore
-être riche, puisque cette belle propriété lui restait. Son père,
-Jean-Habert de Montmor, sieur du Mesnil, avait acheté en novembre
-1627 l'hôtel de Sully (situé dans la rue Saint-Antoine, près de
-la rue Royale). Cet hôtel avait été construit par le partisan Galet,
-devenu célèbre par les vers de Regnier et de Boileau, à cause de sa
-<span class="pagenum"><a id="Page_413"> 413</a></span>
-passion pour le jeu. Sa fortune se trouvant ébréchée, son hôtel fut
-vendu d'abord à Montmor, ensuite au duc de Sully. Tallemant raconte
-que Galet ayant confié cent mille livres à Montmor, celui-ci nia
-les avoir reçues. Mais c'est là une historiette invraisemblable et dont
-probablement Galet est l'inventeur<a id="FNanchor_887" href="#Footnote_887" class="fnanchor">&nbsp;[887]</a>.&mdash;La <i>Biographie universelle</i> ne
-fait mention de Montmor nulle part: c'est ce qui nous a engagé à
-étendre cet article.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_119">119</a>, ligne 2 de la note: <i>Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Guiche</span>;
-Utrecht, 1744.</p>
-
-<p>Ces Mémoires, qui ont été publiés par Prosper Marchand, commencent
-à l'année 1665, se terminent en 1667, et sont suivis d'une relation
-du siége de Wesel. Ils auraient dû être réimprimés dans la
-grande collection des <i>Mémoires relatifs à l'histoire de France</i>. On
-n'y voit nulle trace de cet esprit guindé que madame de Sévigné
-blâme dans le comte de Guiche: ils sont écrits d'un style fort naturel.&mdash;L'article
-du comte de Guiche, dans le <i>Dictionnaire</i> de Prosper
-Marchand, est excellent et très-complet. Il a été abrégé dans la <i>Biographie
-universelle</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_124">124</a>, lignes 22 à 24: Malgré la réunion des talents qui contribuaient
-à sa réussite, il (<i>l'Opéra</i>) causa, dans la nouveauté, plus
-d'admiration que de plaisir.</p>
-
-<p>Il est à remarquer que dès l'origine la France, dans l'opéra, surpassa
-l'Italie pour la danse et les ballets, la composition et l'intérêt
-des poëmes, mais qu'elle fut, malgré tous les efforts et les grandes
-dépenses faites par son gouvernement, inférieure à l'Italie sous le
-rapport du chant, de la musique, des décorations et des machines.
-Je crois qu'il en est encore ainsi. L'épître de la Fontaine à M. de
-Nyert est une satire spirituelle contre l'Opéra; elle aurait été plus
-mordante si le bonhomme n'eût pas eu crainte de déplaire au monarque.
-Nous avons rapporté le jugement de l'abbé Raguenet sur l'Opéra
-dans notre édition de la Fontaine, t. VI, p. 112. Quarante ans
-plus tard, Thomas Gray, qui avait vu l'Italie, était de la même opinion
-que cet abbé. (<i>Lettre</i> à M. West; Paris, 12 avril 1739.)&mdash;On
-sait ce que Rousseau a écrit sur notre musique. Mais il n'en est plus
-<span class="pagenum"><a id="Page_414"> 414</a></span>
-ainsi depuis que l'Opéra a perdu son privilége exclusif, et que, par
-l'établissement d'un théâtre, les Italiens ont formé les oreilles françaises
-à leur mélodie.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_134">134</a>, lignes 8 et 9: La conquête de la Franche-Comté ne fut
-complétée que le 5 juillet.</p>
-
-<p>Le roi était revenu avant la fin des opérations militaires, et il se
-hâta de donner des fêtes pour célébrer sa nouvelle conquête.</p>
-
-<p>Ces fêtes employèrent six jours, mais non consécutivement.</p>
-
-<p>Elles commencèrent le samedi 4 juillet (1674)<a id="FNanchor_888" href="#Footnote_888" class="fnanchor">&nbsp;[888]</a>. Ce fut la première
-année où Versailles parut dans toute sa pompe. Il avait reçu bien
-des embellissements depuis que la Fontaine en avait célébré l'éclat
-et les merveilles dans son roman de <i>Psyché</i>. Le château avait été
-terminé<a id="FNanchor_889" href="#Footnote_889" class="fnanchor">&nbsp;[889]</a>, ainsi que Trianon.</p>
-
-<p>C'est à Trianon que, le second jour de ces fêtes, on représenta
-l'<i>Eglogue de Versailles</i>.</p>
-
-<p>La troisième journée, qui fut la plus brillante de toutes, se passa
-à la <i>Ménagerie</i>. On y représenta le <i>Malade imaginaire</i> de Molière,
-devant la fameuse grotte des bains de Thétis, nouvellement
-achevée<a id="FNanchor_890" href="#Footnote_890" class="fnanchor">&nbsp;[890]</a>.</p>
-
-<p>Ce fut dans le petit parc que l'on représenta les <i>Fêtes de l'Amour
-et de Bacchus</i>, premier résultat de l'alliance de Quinault, de Lulli
-et de Vigaroni pour donner au spectacle de l'Opéra français la forme
-qu'il a conservée depuis<a id="FNanchor_891" href="#Footnote_891" class="fnanchor">&nbsp;[891]</a>. Dans cette pastorale de Quinault, il y a une
-imitation charmante du dialogue d'Horace et de Lydie, bien préférable
-à celles que l'on a faites depuis.</p>
-
-<p>Ces fêtes durèrent deux mois. Pour le cinquième jour, qui fut un
-samedi 18 août, on représenta <i>Iphigénie</i>, nouvelle tragédie de Racine.
-Cette représentation donna lieu, de la part de l'abbé de Villiers,
-à des remarques critiques sur ce chef-d'&oelig;uvre qui ne sont
-pas toujours sans justesse, et aussi à une satire en vers intitulée
-<span class="pagenum"><a id="Page_415"> 415</a></span>
-<i>Apollon charlatan</i>, laquelle, du reste, nous apprend que cette pièce
-faisait répandre beaucoup de larmes et renchérir les mouchoirs aux
-dépens des pleureurs<a id="FNanchor_892" href="#Footnote_892" class="fnanchor">&nbsp;[892]</a>.</p>
-
-<p>Racine fit imprimer <i>Iphigénie</i> avec une courte et savante préface,
-mais assez aigre envers ses critiques<a id="FNanchor_893" href="#Footnote_893" class="fnanchor">&nbsp;[893]</a>. En même temps Corneille publia
-sa tragédie de <i>Suréna</i>, qui fut le dernier effort de sa muse trafique.
-Il la fit précéder de ses remercîments au roi, et il parvint à
-introduire l'éloge de ce monarque dans le sujet même de sa pièce,
-qui n'y prêtait guère<a id="FNanchor_894" href="#Footnote_894" class="fnanchor">&nbsp;[894]</a>. Les deux derniers actes de cette tragédie nous
-montrent encore quelques traits de vigueur; mais il se trompait
-beaucoup, le grand génie, lorsque, dans ses remercîments à
-Louis XIV, il disait:</p>
-
-<p class="quote"><span class="i4"><b>. . . . . . . . . . . .</b>Othon et Suréna</span><br />
-Ne sont pas des cadets indignes de Cinna.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE VII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_141">141</a>, ligne 3: Un enfant qui ne naquit pas viable.</p>
-
-<p>La preuve de cette grossesse de madame de Grignan et le terme de
-son accouchement, résultent des passages des lettres de Bussy à madame
-de Sévigné, cités en note. Mais, avant de rapporter ces passages,
-il faut rectifier les dates des deux lettres de madame de Sévigné au
-comte de Guitaud, mal données dans les éditions. Ces lettres furent
-d'abord publiées par le libraire Klostermann, dans son édition des
-lettres inédites, en 1814, in-8<sup>o</sup>, sans aucune date ni de jours ni
-d'années. Il paraît cependant, d'après la préface des éditeurs, que les
-autographes portaient l'indication du jour de la semaine (p. <span class="smallc">IX</span>);
-mais, dans l'embarras où ils ont été de déterminer la date de l'année,
-ils ont supprimé celle du jour de la semaine, et bien à tort. Ces
-deux lettres, comme toutes celles du même recueil qui sont adressées
-au comte de Guitaud, proviennent des archives du château
-<span class="pagenum"><a id="Page_416"> 416</a></span>
-d'Époisses et de la famille de Guillaume de Pechpeirou-Comenge,
-comte de Guitaud, marquis d'Époisses, dont nous avons parlé au
-chapitre VI. L'éditeur nous apprend que le comte de Guitaud naquit
-le 5 octobre 1626, la même année que madame de Sévigné, et
-mourut en 1685, à Paris. Ces lettres inédites de madame de Sévigné
-ont été redonnées en 1819, et le nouvel éditeur a cru pouvoir
-y mettre des dates, qui ne sont, dit-il, qu'approximatives. M. Gault
-de Saint-Germain, dans son édition de madame de Sévigné, les
-a classées avec les dates fausses de cet éditeur. Les dates des 18 juin
-et 10 juillet 1675 ressortent de ce que dit madame de Sévigné sur
-les adieux de sa fille et du cardinal de Retz et sur les événements
-militaires (t. III, p. 347, édit. G.). Elles sont précises pour les mois
-et l'année, et déduites approximativement pour les jours.</p>
-
-<p>Dans la lettre du 16 août 1674, t. III, p. 351, édit. G., Bussy dit
-à madame de Grignan: «Comment vous portez-vous en votre grossesse,
-madame, et du mal de madame votre mère?» Puis, un an
-après, lorsque la comtesse accoucha aux îles Sainte-Marguerite, madame
-de Sévigné écrit au comte de Guitaud (t. III, p. 348): «Madame
-de Guitaud est une raisonnable femme d'être accouchée comme
-on a accoutumé et de ne pas aller chercher midi à quatorze heures,
-comme madame de Grignan, pour faire un accouchement hors de
-toutes les règles! Voilà les îles en honneur pour les femmes <i>grosses
-de neuf mois</i>; si ma fille l'est, je lui conseille d'y aller. Je ne sais
-point de ses nouvelles sur ce sujet; mais, comme vous dites, ce
-n'est pas à dire que cela ne soit pas vrai; je vous assure que j'en
-serais fort affligée.» D'autres passages, qu'il serait trop long de
-citer, corroborent ces preuves de la grossesse de madame de Grignan
-et de son accouchement. Le général de G..., qui, dans l'avertissement
-de l'édition des lettres inédites de madame de Sévigné,
-a classé ces lettres et mis les dates, est, je crois, le général de Grimoard,
-un des éditeurs des <i>&OElig;uvres de Louis XIV</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_150">150</a>, ligne 16: Sa s&oelig;ur, Marie-Thérèse de Bussy-Rabutin, etc.</p>
-
-<p>Il y avait encore deux autres demoiselles de Rabutin, parentes de
-Bussy: c'étaient les s&oelig;urs de ce page de la princesse de Condé, lequel
-épousa la duchesse de Holstein. Elles allèrent trouver leur frère
-en Allemagne, et écrivirent à Bussy le 25 décembre 1686 et le
-28 octobre 1687. (Voyez <span class="smallc">Bussy</span>, <i>Lettres</i>, t. VI, p. 201 et 264.)</p>
-
-<p class="pnote"><span class="pagenum"><a id="Page_417"> 417</a></span>
-Page <a href="#Page_151">151</a>, lignes dernières, et <a href="#Page_152">152</a>, ligne 1: Le jeune frère de
-madame de Montataire et du marquis de Bussy (Michel-Celse-Roger
-de Rabutin)..., qui n'était âgé que de six à sept ans.</p>
-
-<p>On lit dans les <i>Pièces fugitives</i> de Flachat de Saint-Sauveur,
-1704, in-12, t. I, p. 123:</p>
-
-<p>«M. le comte de Bussy-Rabutin a laissé une belle famille, comme
-vous savez. M. l'abbé de Bussy est grand vicaire d'Arles, et fait beaucoup
-d'honneur à l'état qu'il a embrassé.»</p>
-
-<p>A la page 121, il est dit «qu'on travaille au Louvre à une édition
-plus correcte des <i>Mémoires de Bussy</i>.»</p>
-
-<p>Malheureusement cette édition n'a point paru. Une nouvelle édition
-des <i>Mémoires de Bussy</i>, dont la plus grande partie n'existe
-encore qu'en manuscrit, serait un service rendu à l'histoire; mais il
-faudrait y joindre sa vaste correspondance, puisqu'il ne semble avoir
-composé ses Mémoires que pour y intercaler les lettres qu'il écrivait
-et qu'il recevait.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_154">154</a>, ligne 4: Bussy avait eu trois filles de sa cousine Gabrielle
-de Toulongeon.</p>
-
-<p>Bussy dit, t. I, p. 125 de ses <i>Mémoires</i> pour l'année 1646: «Je ne
-fus pas longtemps sans perdre ma femme, dont je fus extrêmement
-affligé. Elle m'aimait fort, elle avait bien de la vertu et assez de
-beauté et d'esprit. Elle me laissa trois filles, Diane, Charlotte et Louise-Françoise.
-L'aînée n'avait pas deux ans lorsque sa mère mourut.»</p>
-
-<p>J'ai prouvé ci-dessus que Gabrielle de Toulongeon était morte le
-26 décembre 1646. Bussy s'était marié le 28 avril 1643; ainsi Diane
-n'a pu naître qu'en février 1644. L'époque de la mort de Charlotte
-est ignorée; mais il en résulte que, comme elle est née avant Louise-Françoise,
-cette dernière n'a pu naître avant la fin de septembre ou
-le commencement d'octobre 1645, ni plus tard que le 26 décembre
-1646. Elle avait donc environ vingt-huit ans et demi lorsqu'elle se
-maria.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_154">154</a>, ligne 18: Elle était cette pieuse religieuse de Sainte-Marie
-de la Visitation.</p>
-
-<p>Mademoiselle Dupré, cette savante et spirituelle correspondante
-de Bussy, lui écrit de Paris, le 1<sup>er</sup> juin 1670:</p>
-
-<p>«Je ne comprends pas, monsieur, que vous m'ayez si peu parlé de
-<span class="pagenum"><a id="Page_418"> 418</a></span>
-madame votre fille aînée, religieuse aux Dames Sainte-Marie de la
-rue Saint-Antoine. Mon bon génie m'a inspiré de l'aller voir. Je
-ne crois pas qu'il y ait personne plus accomplie en vertu, en esprit
-et même en agrément de sa personne, s'il lui plaisait d'en avoir.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_155">155</a>, ligne 5: Celle qui, par les charmes de sa conversation
-et de son style épistolaire.</p>
-
-<p>Dans sa lettre à l'abbé Papillon, en date du 7 août 1735, de la
-Rivière (<i>Lettres choisies</i>, Paris, 1735, in-12, t. II, p. 207) dit: «Madame
-de la Rivière (Louise-Françoise de Coligny) n'a composé que
-la Vie de saint François de Sales et l'épitaphe de son père, à laquelle
-le P. Boubours n'a eu nulle part.»</p>
-
-<p>«... Je ne sais pas ce qu'on pense à Dijon des lettres de feu ma
-femme. Elles firent un tel bruit à la cour que le roi me les demanda.
-Je lui en donnai une vingtaine; il les lut chez madame de Montespan,
-et me dit en me les rendant: «La Rivière, votre femme a plus
-d'esprit que son père.» Madame de Thianges, qui avait assisté à
-cette lecture, m'apprit que le lendemain le roi s'en était diverti
-et que je lui avais donné une bonne soirée.» (P. 208.)</p>
-
-<p>Le 18 août de la même année (t. II, p. 215), de la Rivière ajoute
-les détails suivants sur les lettres de sa femme: «Je me suis reproché
-d'avoir gardé longtemps une cassette pleine de lettres de feu
-ma femme; enfin, je les ai brûlées. Elles n'étaient qu'un composé de
-sentiments vifs, propres à inspirer des passions et à les allumer. Si
-on les avait imprimées, le public aurait couru après; mais c'eût
-été un dangereux présent que j'aurais fait à la postérité.»</p>
-
-<p class="pnote">Pages <a href="#Page_156">156</a>, lig. dernière, et <a href="#Page_157">157</a>, lig. 1: Assez de la couleur de celui
-de Saucourt (chose considérable en un futur).</p>
-
-<p>Le meilleur commentaire de ces mots de Bussy se trouve dans
-les vers de Benserade, du <i>Ballet royal des amours de Guise</i>, où
-l'entrée du marquis de Saucourt, qui devait représenter un démon,
-est ainsi annoncée:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Non, ce n'est point ici le démon de Brutus</p>
-<p class="i6"> Ni de Socrate:</p>
-<p>Par d'autres qualités et par d'autres vertus</p>
-<p class="i6"> Sa gloire éclate.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_419"> 419</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Sous la forme d'un homme il prouve ce qu'il est:</p>
-<p class="i6"> Doux, sociable;</p>
-<p>Sous la forme d'un homme aussi l'on reconnaît</p>
-<p class="i6"> Que c'est le diable.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le bruit de ses exploits confond les plus hardis</p>
-<p class="i6"> Et les plus mâles;</p>
-<p>Les mères sont au guet, les amants interdits,</p>
-<p class="i6"> Les maris pâles.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Contre ce fier démon voyez-vous aujourd'hui</p>
-<p class="i6"> Femme qui tienne?</p>
-<p>Et toutes cependant sont contentes de lui,</p>
-<p class="i6"> Jusqu'à la sienne.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="signature smallc">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i> (1697), t. II, p. 307.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_157">157</a>, lignes 3 et 8; Les terres de Cressia, de Coligny... Il jouit
-de la terre de Dalet et de celle de Malintras.</p>
-
-<p>Dalet et Malintras sont en Auvergne, dans le département du Puy-de-Dôme.
-Dalet est dans l'arrondissement de Clermont, canton de
-Pont-sur-Allier, à huit kilomètres de Billom et onze de Clermont: il
-y a environ quatorze cent cinquante habitants. Autrefois ce lieu était
-dans l'élection de Clermont, intendance de Riom, et l'on y comptait
-cent soixante dix-huit feux. Malintras est dans cette petite vallée
-qu'on nomme la Limagne, à plus de deux lieues des montagnes.
-On y voit une roche qui distille la poix minérale et qui est à quelque
-distance, au nord, de Pont-Château. Malintras comptait soixante-six
-feux. Cressia est dans l'arrondissement de Lons-le-Saulnier, canton
-d'Orgelet. Coligny est un bourg du département de l'Ain, à vingt-deux
-kilomètres, au nord, de Bourg; sa population est de seize à dix-sept
-cents individus. Ce lieu est sur les confins de l'ancienne Franche-Comté,
-à sept lieues sud-ouest d'Orgelet, dans un pays que l'on
-nomme <i>Revermont</i>, et que la maison de Châtillon prétendait avoir
-possédé autrefois en souveraineté. Il y avait dans ce bourg quarante-six
-feux. (Voyez d'Expilly, <i>Dictionnaire géogr. et polit. des Gaules
-et de la France</i>, t. II, p. 389.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_157">157</a>, ligne 19: Ainsi Bussy avait tout arrangé et tout prévu
-pour le bonheur de sa fille chérie.</p>
-
-<p>On lit dans la <i>Suite des Mémoires du comte de Bussy-Rabutin</i>,
-<span class="pagenum"><a id="Page_420"> 420</a></span>
-in-8<sup>o</sup>, ms. de l'Institut, p. 129 verso, un billet de madame de Scudéry
-en date du 17 juillet 1675, auquel Bussy fait une réponse qui
-commence ainsi:</p>
-
-<p class="titel1">«A Chaseu, ce 30 juillet 1675.</p>
-
-<p>«Le mariage de ma fille n'est pas encore fait, madame; il ne se
-fera qu'au mois de novembre prochain. Si dans ces marchés il n'y
-avait point d'intérêts mêlés, ils iraient beaucoup plus vite. Mais
-puisque nous sommes sur cette matière, je vous veux dire les réflexions
-que je viens de faire.»</p>
-
-<p>Ces réflexions sont celles d'un libertin impie, et elles ne peuvent
-être transcrites.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE VIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_169">169</a>, lignes 8 et 9: «Vous ne sentez pas, dit-elle, l'agrément
-de vos lettres; il n'y a rien qui n'ait un tour surprenant.</p>
-
-<p>Voici le jugement de la Rivière sur les lettres de madame de Grignan:</p>
-
-<p>«Madame de Grignan avait beaucoup d'esprit, mais il paraît qu'elle
-en était bien aise. Son style est rêvé, peigné, limé, périodique et ne
-tient rien du style épistolaire, qui ne demande, je crois, qu'une noble
-simplicité.» <i>Lettres choisies de M. de la Rivière</i>, t. II, p. 217
-et 218.</p>
-
-<p>Dans la note, il est dit que les lettres de madame de Grignan n'étaient
-point perdues, comme le prétend le chevalier Perrin, et que
-M. de Bouhier les vit autographes entre les mains de madame de Simiane,
-à Aix en Provence, en 1733. Ainsi c'est madame de Simiane
-qui les a détruites. Mais madame de Grignan n'écrivit pas qu'à sa
-mère, et ceux qui recevaient des lettres de cette reine de Provence
-devaient les conserver.</p>
-
-<p>Rivière, en écrivant à l'abbé Pavillon le 28 août 1737, dit: «Tant
-mieux pour le public si on n'imprime pas les lettres de madame de
-Grignan. C'était un esprit guindé, périodique, plus propre à l'éloquence
-du barreau et de la chaire qu'aux agréments de la société. Je
-l'ai connue: elle ne se permettait aucune négligence dans le style, ce
-qu'elle portait jusqu'à l'affectation; d'ailleurs, d'une très-aimable
-figure. Mais il y avait une mer de séparation entre la mère et la
-fille dans ce qui regardait la gentillesse de l'esprit.»</p>
-
-<p class="echap"><span class="pagenum"><a id="Page_421"> 421</a></span>
-CHAPITRE IX.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_174">174</a>, ligne 8: Le comte de Schomberg avait défait les Espagnols;
-et note 2: <i>Relation de ce qui s'est passé en Catalogne</i>.</p>
-
-<p>Cette relation est curieuse et faite par un homme qui se trouvait
-dans l'armée de Schomberg. Elle commence par la conspiration qui
-fut ourdie pour livrer Perpignan et Villefranche aux Espagnols. Il
-y a toute la matière d'un drame des plus animés et des plus tragiques.
-A la fin se trouve l'histoire plus plaisante du marquis de Rivarolles,
-qui eut une cuisse emportée au siége de Boulau. Il fut transporté à
-Toulouse, et là il tint à des femmes quelques propos légers sur
-Madaillan, qui avait servi d'aide de camp à Schomberg. Madaillan,
-instruit par une lettre, part de Paris en poste, arrive à Toulouse, et envoie
-à Rivarolles un cartel pour le prier de monter à cheval, attendu
-qu'il veut se battre avec lui. Le chirurgien de Rivarolles se présente
-de la part de ce dernier chez Madaillan, et est introduit sans dire quelle
-est sa profession ni quelle réponse il venait faire. Il déploie tranquillement
-sa trousse d'instruments tranchants, à la grande surprise
-de Madaillan, qui lui demande si c'est lui que M. de Rivarolles envoie
-pour répondre à son billet. «C'est moi-même, monsieur, dit
-l'autre. Monsieur de Rivarolles est tout prêt à se battre avec vous,
-comme vous le désirez; mais, persuadé qu'un brave comme vous ne
-voudrait pas se battre avec avantage, il m'a ordonné de vous couper
-une jambe auparavant, afin que toutes choses soient égales entre
-vous.» La colère de Madaillan fut grande. Mais le maréchal de
-Schomberg lui dépêcha le baron de Montesquiou, qui, en sa qualité
-de subdélégué des maréchaux de France, avait qualité pour arranger
-ces sortes d'affaires et qui parvint à réconcilier les deux guerriers.
-(<i>Relation</i>, etc., p. 185-193.)&mdash;Barbier (<i>Dict. des Anonymes</i>, t. III,
-p. 186, n<sup>o</sup> 16,048) commet une erreur en attribuant deux volumes à
-cet ouvrage. Il y a une seconde partie à ce volume, intitulée <i>Suite de
-la Relation de ce qui s'est passé en Catalogne depuis le commencement
-de la guerre jusqu'à la paix</i>; Paris, Quinet, 1679, in-12
-(170 pages).</p>
-
-<p>Plus loin, sous le n<sup>o</sup> 16,057, Barbier mentionne une <i>Relation de
-la campagne de Flandre en 1678</i>, par D. C.; Paris, Quinet, 2 vol.
-in-12. Il attribue (t. III, p. 186) cet ouvrage, ainsi que le précédent
-<span class="pagenum"><a id="Page_422"> 422</a></span>
-à de Caisses; puis dans les corrections de ce volume, p. 670, à un
-M. Doph, quartier maître général et ensuite général des dragons.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE X.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_190">190</a>, lignes 28 à 30: A la reine, que... le roi n'avait jamais
-entièrement négligée.</p>
-
-<p>«Le roi couchait toutes les nuits avec la reine; mais il ne se
-comportait pas toujours comme le tempérament espagnol le désirait.»
-(<i>Lettres de</i> <span class="smallc">Madame</span>, du 17 avril 1719.)</p>
-
-<p>«La reine avait une telle affection pour le roi qu'elle cherchait à
-lire dans ses yeux tout ce qui pouvait lui faire plaisir. Pourvu qu'il
-la regardât avec amitié, elle était gaie toute la journée. Elle se réjouissait
-que le roi couchât avec elle maritalement; elle en devenait si
-gaie qu'on le remarquait chaque fois. Elle n'était pas fâchée qu'on
-la raillât à ce sujet. Alors elle riait, clignotait, et se frottait les mains.»
-(<i>Lettres de</i> <span class="smallc">Madame</span>, du 24 mars 1719.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_195">195</a>, lignes 4 et 5: Le roi enjoignit au ministre de prévenir les
-désirs de celle qu'il lui était si pénible d'affliger.</p>
-
-<p>La lettre que Louis XIV écrit à Colbert, de son camp près de
-Dôle, le 9 juin 1674, est curieuse, parce qu'elle nous fait voir ce
-roi, honteux des exigences de madame de Montespan dans l'état de
-pénurie où l'on se trouvait, dissimulant avec son ministre. Nous
-transcrirons ici une partie de cette lettre, qui est tout entière de la
-main de Louis XIV. Nous conservons l'orthographe: «Madame de
-Montespan ne veut pas absoluement que je lui donne des pierreries;
-mais afin quelle n'en manque pas, je désire que vous faciés travailler
-à une petite cassette bien propre, pour mettre dedans ce
-que je vous diray ci-après, afin que j'ai de quoy lui prester à point
-nommé ce qu'elle desirera. Cela parois extraordinaire; mais elle ne
-veut point entendre raison sur les présens.» Vient ensuite l'énumération
-d'une parure de femme en perles et en diamants, tellement
-longue et minutieuse que Louis XIV a dû la copier d'après celle
-que lui avait transmise madame de Montespan. Il termine par ces
-mots: «Il faudra faire quelque depense à cela, mais elle me sera
-fort agréable; et je désire qu'on la fasse sans ce (sic) presser. Mandés
-moy les mesures que vous prendrez pour cela, et dans quel temps
-vous pouvez avoir tout.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_423"> 423</a></span>
-Louis XIV écrit encore à Colbert, du camp de Gembloux, le
-28 mai 1675 (<i>Lettres</i>, t. V, p. 533):</p>
-
-<p>«Madame de Montespan m'a mandé que vous avez donné ordre
-qu'on achète des orangers, et que vous lui demandez toujours ce
-qu'elle désire. Continuez à faire ce que je vous ai ordonné là-dessus,
-comme vous avez fait jusqu'à cette heure.»</p>
-
-<p>Du camp de Latines, le roi adresse à Colbert, au sujet de madame
-de Montespan, une lettre encore plus remarquable, qui répond à celle
-de Colbert rendant compte de la commission dont il avait été chargé:</p>
-
-<p class="titel1">«A M. <span class="smallc">Colbert</span>.</p>
-
-<p class="dater">«Au camp de Latines, le 8 juin 1675.</p>
-
-<p>«La dépense est excessive, et je vois par là que, pour me plaire, rien
-ne vous est impossible. Madame de Montespan m'a mandé que vous
-vous acquittiez fort bien de ce que je vous ai ordonné, et que vous
-lui demandez toujours si elle veut quelque chose. Continuez à le
-faire toujours. Elle me mande aussi qu'elle a été à Sceaux (Sceaux appartenait
-à Colbert), où elle a passé agréablement la soirée. Je lui ai
-conseillé d'aller un jour à Dampierre, et je l'ai assurée que madame de
-Chevreuse et madame Colbert l'y recevraient de bon c&oelig;ur. Je suis
-assuré que vous en ferez de même. Je serai très-aise qu'elle s'amuse
-à quelque chose; et celles-là sont très-propres à la divertir. Confirmez
-ce que je désire; continuez à faire ce que je vous ai mandé
-là-dessus, comme vous avez fait jusqu'à cette heure.»</p>
-
-<p>Cinq jours avant la lettre que l'on vient de lire, Pellisson, qui
-avait suivi Louis XIV à la guerre, écrivait, de ce même camp de Latines:</p>
-
-<p class="datem">«<i>Du 3 juin 1675.</i></p>
-
-<p>«Le roi dit hier au soir au petit coucher, avec plaisir, le grand accueil
-qui avait été fait à Bourdeaux à M. le duc du Maine, et la joie que
-le peuple témoigna de le voir, bien différente des mouvements où il
-était naguère, comme marquant son repentir. C'est madame de Maintenon
-qui lui a écrit une lettre de huit à dix pages. Elle marque qu'en
-son absence le petit prince répondit de son chef aux harangues; et
-qu'au retour l'ayant trouvé fort échauffé de la foule qui avait été auprès
-de lui, elle lui demanda s'il n'aimerait pas mieux n'être point fils
-du roi que d'avoir toute cette fatigue: à quoi il répondit que non, et
-<i>qu'il aimait mieux être fils du roi</i>. Le roi dit encore que les médecins
-<span class="pagenum"><a id="Page_424"> 424</a></span>
-de Bourdeaux, aussi incertains que ceux de Paris, avaient été d'avis
-qu'il allât à Bourbon plutôt qu'à Baréges; et que le lendemain ils
-avaient conclu, au contraire, qu'il essayât des eaux de Baréges avant
-d'aller à Bourbon.» (<span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Lettres historiques</i>, t. II, p. 278.)</p>
-
-<p>Il est évident, d'après la date de ces deux lettres, que la veuve
-Scarron ne pouvait alors avoir la moindre idée de balancer dans
-le c&oelig;ur de Louis XIV l'amour qu'il avait pour Montespan; qu'elle
-cherchait seulement à être agréable au monarque et à gagner sa
-confiance comme gouvernante de ses enfants.&mdash;Par une autre lettre
-datée du camp de Latines le 7 juin 1675, Louis XIV dit au maréchal
-duc d'Albret que rien ne pouvait lui être plus sensible que ce
-qu'il lui avait écrit touchant son fils le duc du Maine, ainsi que les
-soins qu'il prenait pour sa personne.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_195">195</a>, lignes 7 à 10: A l'aide de Mansart et de Le Nôtre..., elle
-fit de Clagny un magnifique séjour.</p>
-
-<p>Il ne reste plus rien de ce chef-d'&oelig;uvre de Le Nôtre et de Jules-Hardouin
-Mansart. Tout est rasé.&mdash;En 1837, le grand <i>Dictionnaire
-de la poste aux lettres</i> comptait vingt habitants sur la butte de
-Clagny, laquelle n'est pas même visitée par les voyageurs curieux qui
-vont voir Versailles. Le château de Clagny n'était pas terminé en septembre
-1677, ainsi qu'on le voit par une lettre de Mansart à Colbert,
-date du 7 de ce mois, publiée par <span class="smallc">Delort</span> dans les <i>Voyages aux
-environs de Paris</i>, 1821, in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 98.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_197">197</a>, lignes 13 à 16: C'était le P. la Chaise... On le disait
-sévère.</p>
-
-<p>Le P. François de la Chaise succéda au P. Ferrier; on fit alors
-ce couplet, sur l'air <i>Aimons, tout nous y convie</i>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Chantons, chantons, faisons bonne chère.</p>
-<p class="i1"> Notre monarque vainqueur</p>
-<p class="i1"> A pris pour son confesseur</p>
-<p class="i1"> La Chaise, père sévère.</p>
-<p class="i1"> Il promet que, dans un an,</p>
-<p class="i1"> Il rendra la Montespan</p>
-<p class="i1"> Compagne de la Vallière.</p>
-</div></div>
-
-<p>(<i>Chansons historiques</i>, manuscrit de Maurepas, Bibl. nation.,
-vol. IV, p. 189.)</p>
-
-<p class="pnote"><span class="pagenum"><a id="Page_425"> 425</a></span>
-Page <a href="#Page_201">201</a>, ligne 23: Ne soit que la même chose avec celui de M. de
-Condom.</p>
-
-<p>On ne s'explique pas bien comment Bossuet, qui avait été nommé
-à l'évêché de Condom le 13 septembre 1669, suivant M. de Bausset,
-mais qui avait donné sa démission en 1671 et avait été remplacé
-dans cet évêché par Goyon de Matignon le 31 octobre de la même année,
-est appelé <i>M. de Condom</i>, non-seulement dans une lettre de madame
-de Sévigné à M. de Grignan sur la mort de Turenne, du
-31 juillet 1675, mais encore dans plusieurs autres de Louis XIV, de
-1676 et 1677. (<span class="smallc">Louis</span> XIV, <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 549, 566, 572.)</p>
-
-<p>Dans le <i>Gallia christiana</i>, t. II (1720, in-folio), p. 972, il est
-dit que Jacob-Bénigne Bossuet fut désigné évêque de Condom le
-13 septembre 1668 et inauguré le 21 septembre 1670. Il fut désigné
-évêque le 13 septembre 1669.&mdash;Ni M. de Bausset ni M. de Barante,
-dans son article de la <i>Biographie universelle</i> n'ont copié cette erreur
-du <i>Gallia christiana</i>; mais elle a été reproduite par M. Jules
-Marion dans son estimable travail de l'<i>Annuaire historique</i> pour
-1847. Bossuet se démit de l'archevêché de Condom le 31 octobre
-1671, et Jacob Goyon de Matignon, de la famille des comtes de Thorigny,
-fut nommé à sa place (<i>Gall. christ.</i>, t. II, p. 974). Cependant
-Bossuet, jusqu'à sa nomination à l'évêché de Meaux, signait <i>ancien
-évêque de Condom</i>; et madame de Sévigné, et tout le monde, et
-Louis XIV lui-même, dans des lettres de 1675 et 1676, l'appelaient
-<i>monsieur l'évêque de Condom</i>. (Conférez <span class="smallc">Louis</span> XIV, <i>&OElig;uvres</i>, t. V,
-p. 549, 566, 572, et <span class="smallc">Sévigné</span>, lettre du 31 juillet 1675, sur la mort
-de Turenne.) C'est une singulière anomalie, qui dérouterait bien des
-critiques si elle n'était expliquée par la grande célébrité de Bossuet
-et l'obscurité de son successeur.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_203">203</a>, lignes dernières: Et d'y vivre aussi chrétiennement
-qu'ailleurs; et note 452: <span class="smallc">Caylus</span>, <i>Souvenirs</i>.</p>
-
-<p>On a dit que madame de Caylus paraît avoir confondu ensemble,
-dans cet endroit, les souvenirs de deux années, qu'il fallait séparer.
-Mais on n'a pas remarqué que ces souvenirs seraient bien plus
-fautifs dans la page précédente (t. LXVI, p. 387) de la collection des
-<i>Mémoires</i>, édit. 1828, in-8<sup>o</sup>, ou page 95 de l'édit. Renouard, 1806,
-in-12, si, au lieu de <i>madame de Montausier</i>, on ne corrigeait pas
-<i>M. de Montausier</i>. Il y avait trop de temps que madame de Montausier
-<span class="pagenum"><a id="Page_426"> 426</a></span>
-était morte à l'époque dont parle madame de Caylus pour
-qu'une telle erreur pût lui être attribuée.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_205">205</a>, lignes 9 et 10: Louis XIV avait trente-sept ans.</p>
-
-<p>Néanmoins depuis deux ans le roi portait perruque, comme on le
-voit par cette lettre de Pellisson, en date du 13 août 1673:</p>
-
-<p>«Le roi a commencé ces jours passés à mettre une perruque entière,
-au lieu du tour de cheveux. Mais elle est d'une manière toute nouvelle:
-elle s'accommode avec ses cheveux, qu'il ne veut point couper, et qui
-s'y joignent fort bien, sans qu'on puisse les distinguer. Le dessus de
-la tête est si bien fait et si naturel qu'il n'y a personne sans exception
-qui n'y ait été trompé d'abord, et ceux-là même qui l'avaient
-suivi tout le jour. Cette perruque n'a aucune tresse; tous les cheveux
-sont passés dans la coiffe l'un après l'autre. C'est le frère de la
-Vienne qui a trouvé cette invention et à qui le roi en a donné le privilége.
-Mais on dit que ces perruques coûteront cinquante pistoles.»
-(<span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Lettres historiques</i>, t. I, p. 395.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_207">207</a>, ligne première: Dans son épître à Seignelay.</p>
-
-<p>On n'a pas encore découvert, que je sache, d'édition séparée de
-cette belle épître de Boileau, comme Berriat Saint-Prix (t. I, p. <span class="smallc">CXLV</span>)
-en a trouvé une de l'épître à Guilleragues; Paris, Billaine, 1674, in-4<sup>o</sup>
-de 10 pages.&mdash;L'édition des <i>&OElig;uvres diverses du sieur</i> D*** (Despréaux);
-Paris, Denys Thierry, 1675, in-12, ne contient que cinq
-épîtres, et celle de Guilleragues est la dernière.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_207">207</a>, lignes 5 et 6: A ce brillant spectacle Pomponne conduisit
-l'abbé Arnauld, son frère, revenu de Rome.</p>
-
-<p>Antoine Arnauld, né en 1616, fils aîné du célèbre Arnauld d'Andilly,
-accompagna l'un de ses oncles, Henri Arnauld, abbé de Saint-Nicolas,
-qui fut nommé, en 1645, chargé des affaires de France à Rome.
-L'oncle et le neveu, à cette date, étaient hommes du monde, peu rigoristes,
-honnêtes gens, mais non scrupuleux. De retour en France
-en 1648, ils se trouvèrent insensiblement pris par les opinions et par
-les m&oelig;urs de leurs familles. Ils se retirèrent quelque temps à Port-Royal-des-Champs
-auprès de M. d'Andilly. L'abbé de Saint-Nicolas
-devint un janséniste fervent; il fut nommé évêque d'Angers. Son neveu,
-dégagé d'ambition et sans beaucoup de zèle, le suivit dans son
-évêché, tout en conservant ses relations de la ville et de la cour.
-<span class="pagenum"><a id="Page_427"> 427</a></span>
-Pendant le ministère de son frère cadet M. de Pomponne, il obtint,
-en 1674, l'abbaye de Chaumes en Brie. Il ne fut janséniste que parce
-qu'il était de la famille Arnauld, et resta toujours volontiers homme
-du monde. Dans ses Mémoires il s'est beaucoup plaint de son père,
-dont il était le fils aîné et nullement le Benjamin: c'est M. de Pomponne
-qui était ce Benjamin. Après la disgrâce de ce dernier (1679),
-l'abbé Arnauld se retira près de l'évêque d'Angers, dont il administra
-le temporel. Il mourut en février 1698, âgé de quatre-vingt-deux
-ans. Il a laissé d'assez agréables Mémoires, et son récit s'étend entre
-les années 1634 et 1675.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XI.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_211">211</a>, ligne 12: Elle en fut le chef.</p>
-
-<p>On créa pour elle alors le surnom de <i>matriarche</i>. Voyez les <i>Nouvelles
-à la main de la cour</i> du 9 mars 1685, p. <span class="smallc">XXXVIJ</span>, dans la <i>Correspondance
-administrative</i> du règne de Louis XIV, recueillie par
-Depping. Déjà, dès cette époque, l'envie répandait le bruit que madame
-de Maintenon disposait de tous les emplois; que Louis XIV
-n'entreprenait rien sans avoir son avis; qu'elle voulait se faire déclarer
-reine, et que le Dauphin s'y opposait; enfin, tous les <i>cancans</i>
-de cour que Saint-Simon a consignés trente ans après.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_211">211</a>, lignes 14 et 15: Françoise d'Aubigné fut aimée et recherchée
-par madame de Sévigné; et la note.</p>
-
-<p>Madame de Maintenon, lorsqu'elle voyait le plus madame de Sévigné,
-et que celle-ci l'invitait à souper, demeurait rue des Tournelles
-ainsi que Ninon, par conséquent très-près de la seconde demeure
-de madame de Sévigné au Marais (rue Saint-Anastase); et
-quand elle fut arrivée à un grand degré de faveur auprès du roi,
-qu'elle l'eut ramené à la reine et séparé de madame de Montespan,
-elle ne discontinua pas entièrement ses relations avec madame de Sévigné.
-Dans une lettre de cette dernière à sa fille, on trouve ces
-lignes, remarquables surtout par leur date (29 mars 1680): «Madame
-de Maintenon, par un hasard, me fit une petite visite d'un
-quart d'heure. Elle me conta mille choses de madame la Dauphine,
-et me reparla de vous, de votre santé, de votre esprit, du goût que
-vous avez l'une pour l'autre, de votre Provence, avec autant d'attention
-qu'à la rue des Tournelles.»</p>
-
-<p class="pnote"><span class="pagenum"><a id="Page_428"> 428</a></span>
-Page <a href="#Page_212">212</a>, ligne 18: De son ami qui voyage.</p>
-
-<p>Les éditeurs de madame de Sévigné ont cru qu'il s'agissait ici du
-voyage que madame de Maintenon fit à Anvers avec le duc du Maine.
-Ils se trompent. Madame Scarron arriva à Anvers au commencement
-d'avril 1674.</p>
-
-<p>Les Mémoires de Saint-Simon et des dames de Saint-Cyr constatent
-bien que ce voyage de madame Scarron à Anvers est antérieur
-à celui fait à Baréges, mais il n'en donnent pas la date. La Beaumelle
-s'y était trompé dans la première <i>Vie de madame de Maintenon</i>,
-in-18, Nancy, 1753, p. 200. Mais il a pu, d'après les lettres
-qu'il avait retrouvées, corriger cette erreur dans ses <i>Mémoires pour
-servir à l'histoire de Maintenon</i> (t. II, p. 41, liv. IV, et p. 118,
-liv. V). Cette date paraît bien fixée: cependant mademoiselle de
-Montpensier dit dans ses Mémoires (t. LXVI, p. 403), en parlant du
-duc du Maine: «Avant qu'il fût reconnu, madame de Maintenon
-l'avait mené en Hollande.» Il fut légitimé en décembre 1673; mais
-l'arrêt n'était peut-être pas enregistré en mars ou en avril 1674, époque
-du départ de madame Scarron.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_212">212</a>, ligne 28: Son caractère ne se démentit jamais.</p>
-
-<p>Dans ses entretiens avec mademoiselle d'Aumale et les élèves de
-Saint-Cyr, madame de Maintenon dit:</p>
-
-<p>«Il ne faut rien laisser voir à nos meilleurs amis dont ils puissent
-se prévaloir quand ils ne le seront plus. Il est bien fâcheux d'avoir
-à rougir dans un temps de ce que l'on aura fait ou dit par imprudence
-dans un autre..... Je le disais il y a bien des années à madame
-de Barillon: Rien n'est plus habile qu'une conduite irréprochable.»
-(<i>Entretiens de mad.</i> <span class="smallc">de Maintenon</span>, la Beaumelle, t. III, p. 153.)</p>
-
-<p>«Je me regarde, disait-elle encore, comme un instrument dont
-Dieu daigne se servir pour faire quelque bien, pour unir nos princes,
-pour soutenir et soulager les malheureux, pour délasser le roi des
-soins du gouvernement. Dieu saura bien briser cet instrument quand
-il le jugera inutile; et je n'y aurai pas de regret.»</p>
-
-<p>Et toute sa conduite, avant comme après son élévation, avant
-comme après la mort du roi, fut d'accord avec ses paroles, et
-prouve qu'elles étaient sincères.</p>
-
-<p class="pnote"><span class="pagenum"><a id="Page_429"> 429</a></span>
-Page <a href="#Page_213">213</a>, ligne 5: Quelques <i>pastiches</i> maladroits des lettres
-de Coulanges et de Sévigné.</p>
-
-<p>Je désigne ici quelques <i>fragments de lettres</i> fort courts, supposés
-extraits de lettres adressées à madame de F*** et à madame de
-St-G***, dans la première édition des lettres tirées de la nombreuse
-correspondance de madame de Maintenon. Dans la seconde édition,
-madame de F*** se trouve être madame de Frontenac, et madame
-de St-G*** madame de Saint-Géran. Tous ces intitulés ont été reproduits
-dans plusieurs éditions des <i>Lettres de Maintenon</i><a id="FNanchor_895" href="#Footnote_895" class="fnanchor">&nbsp;[895]</a>, et ils
-ont plus ou moins induit en erreur les historiens et les biographes.
-Il n'en est pas de même d'une lettre entière supposée écrite par madame
-de Maintenon, imprimée d'abord sans aucune date et sans
-indication de la personne à qui elle devait être adressée. Cette lettre
-semblait avoir été réprouvée comme suspecte par tous ceux qui ont
-écrit sur madame de Maintenon. Deux écrivains très-spirituels se
-sont avisés de s'en servir comme d'un document authentique pour
-pouvoir établir ainsi à une date certaine le commencement de la
-passion imaginaire de Louis XIV et de madame de Maintenon, et
-expliquer à leur manière la nature de leur liaison. Le style de cette
-lettre ne ressemble aucunement à celui de madame de Sévigné.
-On y trouve l'expression de <i>gros cousin</i>, copiée d'une des lettres de
-celle-ci pour désigner le ministre Louvois, cousin de madame de
-Coulanges. Or, l'on sait que madame de Maintenon, soigneuse de
-sa dignité dans l'abaissement où le sort l'avait placée, ne parlait
-pas des ministres, des personnages riches et puissants avec le
-ton familier des Sévigné, des Coulanges et des grandes dames de
-la cour.</p>
-
-<p>Enfin, on y trouve répété, avec une légère variante, ce mot que
-Voltaire a le premier rapporté: «Je le renvoie toujours affligé,
-mais jamais désespéré.» Mais Voltaire le place dans une lettre à
-madame de Frontenac, d'accord en cela avec la Beaumelle. Cette
-antithèse a paru si charmante à tous les historiens de Louis XIV ou
-de Maintenon que pas un seul ne s'est abstenu de la répéter. Aucun
-n'a réfléchi que, si ces paroles ont été écrites par madame de Maintenon,
-<span class="pagenum"><a id="Page_430"> 430</a></span>
-c'est dans un sens tout différent de celui qu'on leur prête,
-dans tout autre circonstance que celle qu'on suppose, puisque autrement
-elles impliqueraient que Françoise d'Aubigné, pour réussir dans
-ses ambitieux desseins, ne craignait pas de recourir aux artifices
-d'une coquette perfide ou d'une habile courtisane. Quoique dans la
-seule édition complète du <i>Recueil des lettres de Maintenon</i> qu'il
-ait avouée<a id="FNanchor_896" href="#Footnote_896" class="fnanchor">&nbsp;[896]</a> (Amsterdam, 1755, grand in-12) la Beaumelle n'ait
-point inséré cette lettre supposée écrite à madame de Coulanges,
-cependant il l'a connue; car à la page la plus fausse et la plus romanesque
-qu'il ait tracée dans ces Mémoires, où il y en a tant de
-vraies, de curieuses et de bien écrites, il a cité la phrase la plus invraisemblable.
-Puis il ajoute: «L'original de cette lettre est entre les
-mains de M. de M**, de l'Académie» (t. II, p. 193, liv. VI, chap. III).
-Ceux, qui l'ont donnée depuis sans date, ainsi que ceux qui l'ont imprimée,
-n'ont point vu cet original, puisqu'ils n'ont su ni à qui elle
-était adressée ni comment elle était datée<a id="FNanchor_897" href="#Footnote_897" class="fnanchor">&nbsp;[897]</a>. Quant à lui, il assigne à
-cette lettre une date différente de celle que lui ont donnée les historiens
-dont j'ai parlé, et il prête aux visites de Louis XIV un motif
-tout autre que celui qu'ils ont supposé.</p>
-
-<p>Les fragments ont été habilement fabriqués: ceux qui les ont écrits
-ont puisé ce qu'ils ont de vrai dans les lettres adressées par madame
-de Maintenon à l'abbé Gobelin. Françoise d'Aubigné fut, dans tout
-le temps de sa prospérité, justement tourmentée par la crainte de
-ne pouvoir concilier le soin de son salut avec les grandeurs et la
-vie agitée que son ambition lui avait faite, et elle eut besoin d'être
-toujours rassurée par des directeurs de conscience auxquels elle pût
-soumettre ses craintes et confier les plus secrets mouvements de son
-c&oelig;ur. L'abbé Gobelin et Godetz-Desmarets, évêque de Chartres,
-furent ces deux prêtres ou directeurs. Elle avait bien choisi: ni l'un
-ni l'autre n'ambitionnaient ni la gloire de l'éloquence de la chaire ni
-les hautes dignités de l'Église; ni l'un ni l'autre n'appartenaient à
-l'ordre trop puissant des jésuites: c'étaient deux bons prêtres, uniquement
-occupés à remplir avec ponctualité tous les devoirs de leur
-saint ministère, très-attentifs à bien diriger une âme aussi belle,
-aussi pieuse que celle de Françoise d'Aubigné. Le second surtout
-<span class="pagenum"><a id="Page_431"> 431</a></span>
-(Godetz-Desmarets), sans ambitionner l'éclat que donne le talent
-des controverses ecclésiastiques, sut, à une époque qui est hors des
-limites de ces <i>Mémoires</i>, lui inspirer une assez haute idée de son
-savoir théologique pour obtenir d'elle une soumission entière à ses
-décisions, et la faire marcher dans cette nuit de la foi, comme dit
-madame de la Sablière<a id="FNanchor_898" href="#Footnote_898" class="fnanchor">&nbsp;[898]</a>, au milieu des écueils que le jansénisme, le
-jésuitisme et le quiétisme lui présentaient sur sa route et vers lesquels
-l'attiraient ou la tiraillaient en sens contraire son alliance de famille
-avec le cardinal de Noailles, sa tendresse pour Fénelon, et sa déférence
-obligée pour le P. la Chaise.</p>
-
-<p>Au nombre des écrits de madame de Maintenon ou relatifs à cette
-fondatrice, écrits que les dames de Saint-Cyr conservaient dans leurs
-archives et dont les élèves s'occupaient à faire des copies, les plus
-précieux pour la bien connaître sont les lettres que lui a écrites
-l'évêque de Chartres<a id="FNanchor_899" href="#Footnote_899" class="fnanchor">&nbsp;[899]</a> et celles qu'elle-même écrivit à l'abbé Gobelin.</p>
-
-<p>Quoique très-courts, les fragments dont j'ai parlé décèlent leur
-fausseté par le style toujours imité de Coulanges et de Sévigné, mais
-plus encore par leur objet, qui est de donner à l'opinion un vague
-sur la nature des liaisons de Louis XIV et de Maintenon, vague qui
-plaisait tant aux imaginations des élèves et des dames de Saint-Cyr.
-Et ce qui prouve encore plus que ces fragments et quelques autres passages
-de lettres sont adressés aux mêmes personnes, ou ont été détournés,
-par des changements et interpolations, de leur sens naturel
-et vrai, dans un intérêt romanesque, c'est le nom des personnes
-auxquelles on suppose que ces lettres ont été écrites. A la cour il
-n'y a jamais que de petites indiscrétions calculées. A qui persuadera-t-on
-d'ailleurs que madame Scarron, connue, dès sa plus tendre jeunesse,
-pour sa discrétion et sa circonspection, se soit avisée d'écrire
-à qui que ce soit ce qui pouvait se passer entre elle et Louis XIV
-dans leurs mystérieux tête-à-tête?</p>
-
-<p>Voltaire dit que madame de Frontenac était cousine de madame
-de Maintenon; et cependant madame de Maintenon paraît avoir été
-liée moins intimement avec elle qu'avec madame de Saint-Géran.
-Celle-ci est assez connue par la lecture de ces <i>Mémoires</i>. On sait
-qu'elle fut quatre ans expulsée de la cour, et qu'elle fit auprès de madame
-de Maintenon de constants et inutiles efforts pour être admise
-à Marly.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_432"> 432</a></span>
-Sans doute mesdames de Frontenac et de Saint-Géran, devenues
-plus régulières et peut-être sincèrement pieuses dans un âge avancé,
-s'attirèrent la considération et les égards qui leur étaient dus, et firent
-le charme des sociétés par leur esprit, leur amabilité et le suprême
-talent du savoir-vivre. Saint-Simon l'atteste, et c'est vraisemblablement
-le souvenir des temps de leur liaison avec madame de Maintenon
-qui aura donné l'idée de placer leur nom en tête des fragments
-dont j'ai parlé; mais alors même celle-ci ne leur aurait pas confié
-des secrets qui étaient aussi ceux du roi. Ainsi les fragments de
-lettres ou tous les passages de lettres qui tendent à accréditer une
-telle pensée sont nécessairement apocryphes, ou formés à l'aide de
-phrases habilement tronquées ou rapprochées de manière à présenter
-un sens tout opposé à celui qu'elles avaient; ou bien ce sont de
-véritables lettres écrites par une personne autre que madame de
-Maintenon et pour d'autres que mesdames de Frontenac et de Saint-Géran.</p>
-
-<p>Cent ans se sont écoulés depuis que Voltaire et la Beaumelle ont
-écrit sur le siècle de Louis XIV; et l'on trouve dans les ouvrages de
-ces deux auteurs relatifs à madame de Maintenon des faits qui se
-heurtent, des jugements inconciliables, qui les mettent en contradiction
-l'un avec l'autre. Les écrivains qui depuis ont tracé des histoires
-ou des notices sur la vie de Françoise d'Aubigné, ont rarement manqué
-l'occasion de se plaindre de la légèreté de Voltaire; mais ils témoignent
-un mépris complet pour l'ouvrage de la Beaumelle, et s'abstiennent
-de le citer, ou ne le citent que fort rarement. Je suis néanmoins
-en mesure d'affirmer qu'on ne trouve chez aucun d'eux un seul
-fait, un seul détail de faits, une seule appréciation favorable ou défavorable,
-une seule vérité, une seule erreur qui ne soit dans la Beaumelle.</p>
-
-<p>Comme pour décrire ce chapitre <span class="smallc">XI</span>, restreint dans son objet, nous
-avions besoin d'embrasser dans notre pensée l'histoire de la longue
-vie de madame de Maintenon, nous avons été obligé, pour faire avec
-fruit cette étude, de soumettre à un examen critique les écrits de
-la Beaumelle et de Voltaire sur le siècle de Louis XIV et particulièrement
-sur madame de Maintenon, et aussi la controverse violente
-qui s'est élevée entre les deux auteurs.&mdash;Jamais sujet plus curieux
-d'investigation sur l'histoire du grand siècle et sur l'histoire
-littéraire du siècle qui l'a suivi ne s'était rencontré sur notre route.
-Mais, après avoir terminé cet examen, nous nous sommes aperçu
-qu'il était trop volumineux, et que s'il devait être publié un jour
-<span class="pagenum"><a id="Page_433"> 433</a></span>
-comme un appendice à ces <i>Mémoires</i>, ce n'était pas dans ce volume
-qu'il était convenable de le placer.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_213">213</a>, ligne 7: Des mémoires rédigés d'après des bruits de cour.</p>
-
-<p>Du nombre de ces bruits de cour, je mets l'avis du duc de Montausier,
-donné au roi au sujet du refus d'absolution fait à madame
-de Montespan, le petit colloque de Louis XIV et de Bourdaloue
-sur la retraite de madame de Montespan à Clagny, et l'entretien
-de Bossuet et de madame de Montespan rapporté par M. de Bausset.&mdash;Relativement
-à ce dernier fait, le judicieux M. de Bausset lui-même,
-qui l'a rapporté d'après le manuscrit de l'abbé Ledieu (l'abbé
-Ledieu n'entra chez Bossuet qu'en 1684), fait observer que le caractère
-de madame de Montespan et celui de Bossuet le rendent invraisemblable.
-M. de Bausset a été trompé, pour ce qui concerne
-Montausier, par le fragment d'une lettre de madame de Maintenon
-à madame de Saint-Géran, qui est apocryphe.&mdash;M. de Montausier a
-contribué sans doute avec Bossuet à la détermination du roi: madame
-de Caylus le dit<a id="FNanchor_900" href="#Footnote_900" class="fnanchor">&nbsp;[900]</a>; mais ce ne fut pas de la même manière que le
-raconte la lettre apocryphe. Il n'était point dans le caractère de
-Louis XIV de consulter le duc de Montausier ou le maréchal de Bellefonds
-sur les matières ecclésiastiques. Hors de la chaire évangélique
-et du confessionnal, si quelqu'un de ses sujets se permettait de
-lui faire des observations sur la religion, c'est qu'il lui en avait donné
-l'ordre. Il ne plaisantait pas non plus avec le père Bourdaloue,
-homme sérieux, et incapable de faire au roi, qui lui adressait la parole
-d'une manière aimable, une réponse aussi impertinente que celle
-qu'on lui a prêtée.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_214">214</a>, ligne 14: La grâce, l'esprit, la raison, s'unissaient en elle
-dans une juste mesure... Naturellement impatiente, vive, enjouée.</p>
-
-<p>L'âge ne la changea point, et ne la rendit pas plus sévère.&mdash;Voici
-ce qu'elle disait à ses élèves de Saint-Cyr:</p>
-
-<p>«Pour vivre ensemble, la raison est préférable à l'esprit... Rien
-n'est plus aimable que la raison; mais il ne faut pas la trop prodiguer,
-<span class="pagenum"><a id="Page_434"> 434</a></span>
-et les personnes qui raisonnent toujours ne sont pas raisonnables.
-Ce qu'il est plus essentiel de mettre dans le commerce de la
-vie, c'est de la complaisance, de la joie, du badinage, du silence, de
-la condescendance et de l'attention aux autres. La piété peut sauver
-sans la raison; mais la piété ferait beaucoup plus de bien si elle était
-réglée par la raison.» (<i>Conversations de madame la marquise</i>
-<span class="smallc">de Maintenon</span>; 3<sup>e</sup> édit., Paris, Blaise, 1828, in-18, p. 8 et 9, <i>convers.</i>
-I.)</p>
-
-<p>«L'esprit ne nous rend pas plus sage ni plus heureuse. La raison
-nous rend aimable; elle résiste aux passions, aux préventions; elle
-nous fait surmonter nos passions, et souffrir celles des autres.»
-(<i>Ibid.</i>, p. 100, <i>conv. XXIV.</i>)</p>
-
-<p>«Un esprit mal fait, disait-elle, m'effraye partout.» (Voyez <i>Mémoires
-de Maintenon</i>, recueillis pour les dames de Saint-Cyr, 1826,
-in-12, p. <span class="smallc">VIII</span> de la préface et p. 271.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_214">214</a>, ligne 20: Le besoin de se faire des protecteurs la rendit
-insinuante et complaisante.</p>
-
-<p>«Elle fait consister tous les moyens de plaire dans un seul, la politesse.
-Mais la grande politesse consiste à ménager en tout et partout
-les gens avec lesquels nous vivons, à ne les blesser jamais, à entrer
-dans tout ce qu'ils veulent, à ne contrarier ni ce qu'on dit ni ce
-qu'on fait.» (<i>Conversations de la marquise</i> <span class="smallc">de Maintenon</span>, 3<sup>e</sup> édit.,
-1828, in-18, <i>Dialogue sur la société</i>, p. 3.)</p>
-
-<p>«En société, on n'a qu'à choisir entre la souffrance ou la contrainte.»
-(<i>Ibid.</i>, p. 21.)</p>
-
-<p>Quand on s'accoutume de bonne heure à s'occuper des autres, on
-s'en fait une habitude. Toute la philosophie de madame de Maintenon
-et le secret de son élévation se trouvent dans ces paroles qu'elle
-a écrites, où elle fait elle-même son éloge:</p>
-
-<p>«Je persiste à croire que la jeunesse ne peut être trop sensible
-aux louanges des honnêtes gens, à l'honneur, à la réputation; et
-qu'il n'y a que les courages élevés qui soient capables de tout faire
-pour y parvenir.» (<i>Conv.</i>, t. I, p. 239.)</p>
-
-<p class="pnote"><span class="pagenum"><a id="Page_435"> 435</a></span>
-Page <a href="#Page_214">214</a>, ligne 20, et p. <a href="#Page_215">215</a>, ligne première: La religion, à laquelle...
-elle savait faire parler un langage doux, juste, éloquent
-et court, etc.</p>
-
-<p>«Dans le christianisme, dit-elle dans une de ses lettres, l'important
-n'est pas de beaucoup agir, mais de beaucoup aimer.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_215">215</a>, lignes 2 et 3: L'infortune lui ravit l'âge des illusions.</p>
-
-<p>De toutes les qualités que madame de Maintenon cherche à inspirer
-à ses élèves de Saint-Cyr pour leur bonheur futur, c'est la prudence
-et la circonspection. Elle leur dit:</p>
-
-<p>«Il faut de la discrétion, même dans la vertu..... Il faut se contraindre,
-même dans le commerce que l'on a avec ses amis..... En
-s'abstenant d'écrire, on se retranche un plaisir, on s'assure un grand
-repos. Si on est assez malheureuse pour changer d'amis, on n'appréhende
-point qu'ils confient à d'autres les confidences que nous
-leur avons faites..... Il n'y a rien de si dangereux que les lettres:
-il y a beaucoup de personnes imprudentes qui les montrent; il y en
-a beaucoup de méchantes qui veulent nuire. Il s'en perd par hasard;
-le porteur peut être gagné, la poste peut être infidèle. Celui à
-qui vous vous fiez se fie souvent à d'autres.</p>
-
-<p>«Les lettres ont déshonoré des femmes. Elles ont coûté la vie à
-des hommes, elles ont fait des querelles, elles ont découvert des
-mystères.» (<i>Conversations inédites de madame</i> <span class="smallc">de Maintenon</span>; Paris,
-1828, in-18, t. II, p. 70-73, <i>Convers. IX sur les lettres</i>, et
-<i>Convers. XI des anciennes</i>, t. I, 1828, in-18, p. 90.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_215">215</a>, ligne 18: La jeune <i>Indienne</i>.</p>
-
-<p>On devait aimera lui donner ce surnom, parce qu'elle intéressait
-dans la conversation par les souvenirs qu'elle avait conservés de l'île
-de la Martinique, où elle avait passé sa toute petite enfance. Elle
-étonna beaucoup Segrais en lui apprenant que, dans ce pays, les
-ananas se mangeaient tout crus. On n'en recevait encore en Europe
-que confits et en morceaux. Ce fut elle qui fit connaître au poëte
-traducteur des <i>Géorgiques</i> la couleur dorée, la forme globuleuse et
-festonnée de ce fruit, surmonté de son magnifique panache de
-<span class="pagenum"><a id="Page_436"> 436</a></span>
-feuilles vertes et élancées. (<span class="smallc">Segrais</span>, <i>&OElig;uvres diverses</i>, 1723, in-12,
-p. 148.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_216">216</a>, ligne 6: Autrement que par l'aptitude négative de son
-tempérament.</p>
-
-<p>Godetz Desmarets, évêque de Chartres, toucha ce point avec une
-grande délicatesse, dans une réponse à madame de Maintenon sur une
-de ses <i>redditions</i>, qui étaient des confessions écrites, plus explicites,
-plus confidentielles que les confessions ordinaires. Elle lui avait dit
-qu'elle croyait commettre un péché chaque fois que, cédant aux désirs
-du roi, elle cessait d'être son amie pour devenir son épouse.&mdash;Il lui
-répond:</p>
-
-<p>«C'est une grande pureté de préserver celui qui vous est confié des
-impuretés et des scandales où il pourrait tomber. C'est en même
-temps un acte de soumission de patience et de charité..... Malgré
-votre inclination, il faut rentrer dans la sujétion que votre vocation
-vous a prescrite..... Il faut servir d'asile à une âme qui se perdrait
-sans cela. Quelle grâce que d'être l'instrument des conseils de Dieu,
-et de <i>faire</i> par pure vertu ce que tant d'autres font sans mérite ou
-par passion!» (<span class="smallc">La Beaumelle</span>, t. VI, p. 79-82.)</p>
-
-<p>Elle avait bien choisi son directeur. Godetz-Desmarets n'était pas
-un évêque de cour, c'était un saint homme; ses lettres à madame
-de Maintenon et toute sa conduite le prouvent. A lui seul elle s'était
-confiée, et il se pourrait bien que ce fût lui qui bénit en secret,
-et seul, le mariage sur lequel on fit tant de récits à la cour. Harlay
-était un homme de mauvaises m&oelig;urs, et que madame de Maintenon
-estimait peu; au lieu qu'elle ne cachait rien à l'évêque de Chartres.
-Celui-ci lui écrit: «Après ma mort, vous choisirez un directeur auquel
-vous donnerez vos <i>redditions</i>. Vous lui montrerez les écrits qu'on
-vous a donnés pour votre conduite. <i>Vous lui direz vos liens.</i>»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_217">217</a>, ligne 2: Lui valurent d'être tenue sur les fonts de baptême
-par la femme du gouverneur.</p>
-
-<p>Dans la notice historique sur madame de Maintenon par M. Monmerqué,
-placée en tête des <i>Conversations inédites</i>, in-18, Paris,
-Blaise, 1828, il est dit qu'elle naquit le 27 novembre 1635, fut baptisée
-par un prêtre catholique, et tenue sur les fonts par le duc de la
-<span class="pagenum"><a id="Page_437"> 437</a></span>
-Rochefoucauld, gouverneur de Poitou, et par Françoise Tiraqueau,
-comtesse de Neuillant, dont le mari était gouverneur de Niort. Le
-nouvel historien de Maintenon, 1848, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 73, copiant la
-Beaumelle (<i>Mémoires pour servir à l'histoire de mad. de Maintenon</i>;
-Amsterdam, 1755, in-12, t. I, p. 103), dit au contraire que la
-marraine fut Suzanne de Baudran, fille du baron de Neuillant. La
-Beaumelle cite les Mémoires mss. de mademoiselle d'Aumale; mais
-M. Monmerqué a vu aussi ces Mémoires. La Beaumelle remarque, en
-note, que Françoise d'Aubigné ne fut baptisée que le lendemain
-28 novembre; circonstance omise par les deux historiens mentionnés
-ci-dessus.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_217">217</a>, lignes 4 et 5: Sa mère, femme instruite, de courage et de
-vertu.</p>
-
-<p>Les historiens de madame de Maintenon auraient bien dû éclaircir
-le vague qui règne dans l'histoire de madame d'Aubigné et dans
-celle des premières années de son illustre fille. Ils se sont contentés
-de se copier les uns après les autres. La Beaumelle cependant est plus
-précis et plus détaillé. Dans le tome VI de ses Mémoires, il a publié
-des extraits de pièces qui jettent quelque jour sur cette partie de
-l'histoire de Maintenon, et entre autres une lettre de madame d'Aubigné
-à madame de Villette, écrite de la Martinique, datée du 2 juin
-1646 dans la copie, date que la Beaumelle croit fausse. (Voyez <i>Mém.
-pour servir à l'histoire de Maintenon</i>, t. VI, p. 34 à 38.) On eût
-trouvé surtout beaucoup de lumières sur l'histoire de la famille d'Aubigné
-dans les pièces du procès que la mère de madame de Maintenon
-eut à soutenir contre MM. de Nesmond-Sensac et de Caumont.
-(<span class="smallc">La Beaumelle</span>, <i>Mém.</i>, t. I, p. 107.) Ces pièces sont probablement
-dans les nombreux portefeuilles de Noailles, ou dans les archives de
-Maintenon. Il faudrait surtout discuter le récit contenu dans les fragments
-de Mémoires sur la vie de la marquise de Maintenon, par le père
-Laguille, jésuite; récit erroné en quelques endroits, mais curieux, en
-ce que son auteur cite des témoins contemporains des faits. (Conférez
-<i>Fragments de Mémoires sur la vie de la marquise de Maintenon</i>,
-par le père Laguille, jésuite, dans les <i>Archives littéraires</i>,
-12 vol., trim. d'octobre 1806, in-8<sup>o</sup>.) Ce morceau, défiguré par des
-fautes typographiques, et qui fut publié par Chardon de la Rochelle,
-n'a été, je crois, connu d'aucun des auteurs qui ont écrit sur madame
-<span class="pagenum"><a id="Page_438"> 438</a></span>
-de Maintenon, car ils n'en font pas mention. Laguille est né en 1658,
-et a été contemporain de madame de Maintenon. Il dit que, dans le
-Béarn et le Poitou, Théodore-Agrippa d'Aubigné passait pour fils bâtard
-de la reine Jeanne d'Albret et d'un de ses secrétaires; assertion
-que la Beaumelle a bien réfuté dans ses <i>Mémoires de Maintenon</i>,
-t. I, p. 10 et 14. (Conférez à ce sujet le <i>Mercure galant</i> de
-1688 et de janvier 1705.)&mdash;Selon le récit d'un nommé Delarue, de
-Niort, madame d'Aubigné, mère de madame de Maintenon, alla d'abord
-à la Martinique et de là à la Guadeloupe, où elle resta deux ans dans
-l'habitation de Delarue. Elle se rendit ensuite à l'île Saint-Christophe,
-où elle mourut, attendant un bâtiment pour la transporter en France.
-Ses deux enfants, d'Aubigné et sa s&oelig;ur <i>Francine</i> (madame de Maintenon),
-furent, par les soins d'une demoiselle, transportés à la Rochelle.
-Selon le père Duver, jésuite, doyen, mort à Nantes en 1703,
-le collége des jésuites de la Rochelle fournissait du pain et de la viande
-à d'Aubigné et à sa s&oelig;ur. Ils furent conduits ensuite chez M. de Montabert,
-à Angoulême. Ce fut là qu'un jeune gentilhomme nommé d'Alens,
-voulut épouser la jeune Francine, et lui prédit, dit-on, sa
-grande fortune. (P. 369-370.) Le reste du récit de Laguille s'accorde
-assez bien avec ce que l'on sait de l'histoire de madame de Maintenon;
-mais il y a des fautes de copiste qu'il eût été facile à Chardon de la
-Rochette de corriger: ainsi le nom de Neuillans est tantôt converti
-en <i>Noïailles</i> et tantôt en <i>Neuillians</i>. Laguille dit, p. 376, que d'Aubigné
-fut d'abord placé comme page chez le marquis de Pardaillan,
-gouverneur du Poitou.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_217">217</a>, ligne 20: Les détails les plus minutieux de l'économie
-domestique.</p>
-
-<p>La Dauphine avait une forêt de cheveux, que madame de Maintenon
-démêlait sans douleur: elle régnait à la toilette. Louis XIV s'y rendait
-souvent. Cette dame disait depuis: «Vous ne sauriez croire combien
-le talent de bien peigner une tête a contribué à mon élévation.»
-(<span class="smallc">La Beaumelle</span>, tome II, p. 175.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_218">218</a>, ligne 10: De ne pouvoir parvenir «à l'<i>écrasement de
-l'amour-propre</i>.»</p>
-
-<p>Madame de Maintenon a dit:</p>
-
-<p>«On n'échappe à l'amour-propre que par l'amour de Dieu.» (<i>Convers.</i>,
-t. I, p. 30.)</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_439"> 439</a></span>
-«Le bon esprit ne peut se distinguer de la sagesse et de la raison.»
-(<i>Convers.</i>, t. I, p. 32.)</p>
-
-<p>«La sagesse implique la dévotion; car que serait une abnégation
-de soi-même qui resterait sans récompense?» (<i>Convers.</i>, t. I, p. 36.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_218">218</a>, ligne 23: Celui de paraître par le c&oelig;ur au-dessus de la
-place qu'elle occupait.</p>
-
-<p>«L'élévation des sentiments consiste à se rendre digne de tout, sans
-vouloir rien de disproportionné à ce que nous sommes.» (<span class="smallc">Maintenon</span>,
-<i>Convers.</i>, 3<sup>e</sup> édit., p. 219, chap. <span class="smallc">XXVII</span>.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_222">222</a>, lignes 1 et 2: <i>Les Conversations, les Proverbes.</i></p>
-
-<p>Le dialogue le plus ingénieux et le plus piquant de tous ceux que
-madame de Maintenon a composés pour ses élèves de Saint-Cyr,
-qu'elle leur faisait apprendre par c&oelig;ur, et qui nous donne l'idée la
-plus nette de son caractère à la fois modéré et énergique, est celui sur
-les quatre vertus cardinales, parce qu'elle a su donner à une vérité
-incontestable l'apparence d'un paradoxe. (T. I, p. 63-73.)</p>
-
-<p>Elle fait parler la Justice, la Prudence, la Force et la Tempérance,
-pour prouver que cette dernière vertu est la première de toutes, la
-plus essentielle; et par la tempérance elle n'entend pas seulement
-la sobriété, mais la modération en toutes choses.</p>
-
-<p>La Force fait à la Tempérance cette objection: «Ne peut-on point
-être trop modéré?&mdash;Non, répond la Tempérance; cela ne serait
-plus la modération, car elle ne souffre ni le trop ni le trop peu.»</p>
-
-<p>La Tempérance dit: «Je détruis la gourmandise et le luxe; je
-m'oppose à tout mal, et je règle le bien. Sans moi, la justice serait
-insupportable à la faiblesse des hommes; la force les mettrait au
-désespoir, la prudence perdrait son temps à tout peser.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_223">223</a>, ligne 18: Un gentilhomme de sa province. Et note 485:
-Conférez <span class="smallc">Méré</span>.</p>
-
-<p>On n'a imprimé, que je sache, aucun vers de Méré: il en faisait cependant,
-et voici une jolie épigramme de lui que je tire du recueil
-de Duval de Tours (<i>Nouveau choix de pièces choisies</i>; la Haye,
-1715, p. 185):</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Au temps heureux où régnait l'innocence,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_440"> 440</a></span></div>
-<p>On goûtait en aimant mille et mille douceurs,</p>
-<p class="i1"> Et les amants ne faisaient de dépense</p>
-<p class="i3"> Qu'en soins et qu'en tendres ardeurs.</p>
-<p class="i3"> Mais aujourd'hui, sans opulence,</p>
-<p class="i3"> Il faut renoncer aux plaisirs.</p>
-<p>Un amant qui ne peut dépenser qu'en soupirs</p>
-<p class="i3"> N'est plus payé qu'en espérance.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_224">224</a>, ligne 16: Écrivant selon l'occasion et le besoin, facilement,
-agréablement.</p>
-
-<p>C'est ce dont il se vante et avec juste raison (t. I, p. 130), dans cette
-ode de héros burlesque, en style qui n'est nullement burlesque:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>On peut écrire en vers, en prose,</p>
-<p>Avec art, avec jugement;</p>
-<p>Mais écrire avec agrément,</p>
-<p>Mes chers maîtres, c'est autre chose.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Les vers ont aussi leur destin:</p>
-<p>Un poëme de genre sublime</p>
-<p>Que son auteur lime et relime,</p>
-<p>Ne vit quelquefois qu'un matin.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cependant des auteurs comiques,</p>
-<p>Des meilleurs, dont il est fort peu,</p>
-<p>Ne sont pas bons à mettre au feu,</p>
-<p>Au jugement des héroïques.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'en sais de ceux au grand collier,</p>
-<p>Des plus adroits à l'écritoire,</p>
-<p>Qui pensent aller à la gloire,</p>
-<p>Et ne vont que chez l'épicier.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est pas dans une ruelle,</p>
-<p>Devant de célestes beautés</p>
-<p>Ou des partisans apostés,</p>
-<p>Qu'on met un livre à la coupelle:</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est au palais, chez les marchands,</p>
-<p>Où la vente, mauvaise ou bonne,</p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_441"> 441</a></span>
-<p>A tous ouvrages ôte ou donne</p>
-<p>Le nom de bons et de méchants.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_225">225</a>, ligne 21: Elle avait bien raison de se comparer à la cane
-qui regrette sa bourbe<a id="FNanchor_901" href="#Footnote_901" class="fnanchor">&nbsp;[901]</a>.</p>
-
-<p>Le 25 janvier 1702, elle écrit, de Saint-Cyr, au duc d'Ayen, depuis
-duc de Noailles: «Il y aura demain quinze jours que je suis enrhumée,
-et en spectacle aux courtisans, aux médecins, aux princes,
-caressée, ménagée, blâmée, chicanée, tourmentée, considérée, accablée,
-dorlotée, contrariée, tiraillée.» <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i>, t. V,
-p. 27, édit. d'Amst., 1756, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p>Dans une lettre datée de Marly le 27 avril 1705, elle dit au comte
-d'Ayen:</p>
-
-<p>«Si j'habite encore longtemps la chambre du roi, je deviendrai
-paralytique. Il n'y a ni porte ni fenêtre qui ferme; on y est battu
-d'un vent qui me fait souvenir des ouragans d'Amérique.» (<i>Lettres</i>,
-t. V, p. 47, édit. 1756.)&mdash;Louis XIV avait un tempérament de fer, et
-n'aimait pas les appartements trop renfermés et trop chauds.</p>
-
-<p>Le 19 avril 1717, deux ans avant sa mort, elle écrit à madame de
-Caylus:</p>
-
-<p>«On rachète bien les plaisirs et l'enivrement de la jeunesse. Je
-trouve, en repassant ma vie, que depuis l'âge de trente-deux ans
-(cette date nous reporte à 1675-1676, qui est celle du chapitre <span class="smallc">XI</span> et
-de ceux qui le précèdent et le suivent), qui fut le commencement
-de ma fortune, je n'ai pas été un moment sans peines, et qu'elles ont
-toujours augmenté.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_226">226</a>, lignes 2 à 4: Elle jouissait alors de l'amitié de tous, sans
-rien perdre de l'estime, de la considération et du respect qui lui
-étaient dus.</p>
-
-<p>Elle a dit de l'heureux temps de sa jeunesse:</p>
-
-<p>«Je ne voulais point être aimée en particulier de qui que ce fût:
-je voulais l'être de tout le monde, faire prononcer mon nom avec admiration,
-avec respect. Je me contrariais dans tous mes goûts. Il
-n'est rien que je n'eusse été capable de souffrir pour conquérir le
-nom de femme forte. Je ne me souciais point de richesses; j'étais
-<span class="pagenum"><a id="Page_442"> 442</a></span>
-élevée de cent piques au-dessus de l'intérêt: je voulais de l'honneur.&mdash;Oh!
-dites-moi, ma fille, y a-t-il rien de plus opposé à la vraie
-vertu que cet orgueil dans lequel j'ai usé ma jeunesse?» (<i>Entretiens
-de madame</i> <span class="smallc">de Maintenon</span>, dans <span class="smallc">la Beaumelle</span>, <i>Mémoires</i>, t. VI,
-p. 176 et 177, édit. d'Amsterdam, 1756, in-12.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_229">229</a>, lignes 2 et 3: Il désira vivement mettre, dans la galerie
-de celles dont il avait triomphé, etc.</p>
-
-<p>Madame de Caylus, dont la conduite a été loin d'être régulière,
-quoiqu'elle ait été l'élève chérie de madame de Maintenon, se montre
-persuadée en ses Mémoires que, dans la liaison de sa tante avec
-Villarceaux, il ne s'est rien passé de contraire à la vertu. Mais, en
-rapportant le mot malin de la marquise de Sussay à ce sujet, elle
-semble vouloir établir un doute.</p>
-
-<p>Il y a dans Gueroult, poëte du seizième siècle, une pièce de vers
-charmante. Ce sont des stances qui expriment les sentiments d'un
-peintre devenu amoureux fou d'une grande dame en faisant son
-portrait. Il n'osa pas lui déclarer son amour; mais il fit en secret une
-copie de ce portrait, et à cette charmante tête il ajouta un corps nu,
-aussi parfait que celui de la Vénus de Médicis.&mdash;La grande dame surprit
-le peintre au moment où il terminait son travail: courroucée,
-elle demande à l'artiste pourquoi il a fait un portrait si mensonger,
-et comment il a eu l'audace de peindre ce qu'il n'a jamais vu? «Cela
-est juste, lui dit le peintre; mais, en voyant un visage si beau et si
-parfait, je n'ai jamais douté que tout le reste du corps ne fût semblable;
-et, sans espérance de pouvoir contempler tant d'appas, j'ai
-voulu, par mon art, en posséder l'image.» D'après l'assertion de
-la Beaumelle, Villarceaux, irrité des refus de madame de Maintenon,
-l'aurait fait peindre comme sortant du bain, devant un génie noir et
-laid qui tient un miroir où se réfléchissent les plus secrets appas de la
-beauté. (<span class="smallc">La Beaumelle</span>, <i>Mémoires sur madame de Maintenon</i>, t. I,
-p. 198, Amsterdam, 1756, liv. II, ch. XVI.) Quoique la Beaumelle ne
-cite aucune autorité, le fait est possible. Mais cette basse vengeance,
-que Girodet a imitée de nos jours à l'égard de madame Simons (autrefois
-mademoiselle Lange, jolie actrice, si j'ai bonne mémoire), prouve
-plutôt l'échec de Villarceaux que son triomphe. Ceux qui avouent
-que Françoise d'Aubigné, après avoir résisté à ses nombreux adorateurs,
-n'a été faible qu'avec Villarceaux, oublient la juste réflexion de
-<span class="pagenum"><a id="Page_443"> 443</a></span>
-la Rochefoucauld: «Qu'il est plus difficile de trouver une femme
-qui n'a eu qu'un seul amant, qu'une femme qui n'en eut jamais.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_230">230</a>, avant-dernière ligne: Le nom de l'auteur de la
-<i>Mazarinade</i>.</p>
-
-<p>Cette satire montre bien à quels excès on peut se laisser aller dans
-les temps de divisions politiques. Scarron, qui n'était pas méchant,
-accuse Mazarin d'avoir empoisonné le président Barillon, d'avoir
-volé les diamants de la reine d'Angleterre, après l'avoir laissée mourir
-de faim. Il lui souhaite le destin du maréchal d'Ancre; il veut que l'on
-vende ses meubles à l'encan (ce qui fut fait), et il l'apostrophe ainsi:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Va, va-t'en dans Rome étaler</p>
-<p>Les biens qu'on t'a laissé voler;</p>
-<p>Va, va-t'en, gredin de Calabre,</p>
-</div></div>
-
-<p>Puis viennent d'ignobles gravelures qu'on ne saurait lire sans dégoût,
-et dont les parlementaires se réjouissaient. Enfin il conclut en
-disant:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>On te reverra dans Paris;</p>
-<p>Et là, comme au trébuchet pris,</p>
-<p>Et de la rapine publique,</p>
-<p>Et de ta fausse politique,</p>
-<p>Et de ton sot gouvernement,</p>
-<p>Au redoutable parlement,</p>
-<p>Dont tu faisais si peu de compte,</p>
-<p>Ultramontain, tu rendras compte;</p>
-<p>Puis, après ton compte rendu,</p>
-<p>Cher Jules, tu seras pendu</p>
-<p>Au bout d'une vieille potence,</p>
-<p>Sans remords et sans repentance,</p>
-<p>Sans le moindre mot d'examen,</p>
-<p>Comme un incorrigible. <i>Amen.</i></p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_236">236</a>, note 521: <i>&OElig;uvres diverses d'un auteur de sept ans, ou
-recueil des ouvrages de M. le duc</i> <span class="smallc">du Maine</span>, <i>qu'il a faits pendant
-l'année 1677 et dans le commencement de l'année 1678</i><a id="FNanchor_902" href="#Footnote_902" class="fnanchor">&nbsp;[902]</a>.</p>
-
-<p>A la page 207 des <i>Nouvelles de la république des lettres</i> (février
-<span class="pagenum"><a id="Page_444"> 444</a></span>
-1685, Amsterdam, 1686, 2<sup>e</sup> édition), il est dit que c'est Benserade qui
-a fait présent de ce rare volume au journaliste, qui était, je crois, le
-Clerc, et non Bayle. On ajoute: «Selon toutes les apparences, c'est
-madame de Maintenon qui a fait l'épître dédicatoire.» Puis en note
-il est dit: «On a su depuis qu'elle a été composée par M. Racine;
-mais c'était pour madame de Maintenon.» Racine, qui depuis a su
-prêter à l'enfance, dans <i>Athalie</i>, un langage divin, ne composait pas
-les lettres de madame de Maintenon; et s'il avait eu à faire parler
-le jeune duc du Maine dans une épître dédicatoire, il l'aurait fait
-autrement que madame de Maintenon. Mais il est tout naturel qu'un
-savant hollandais ne sût pas cela, et ne soupçonnât pas en Françoise
-d'Aubigné le talent d'écrivain. Le grand roi le connaissait bien, lui,
-qui, après avoir lu les instructions données à la duchesse de Bourgogne
-par madame de Maintenon, et trouvées dans la cassette de
-cette princesse après sa mort, voulut qu'il en fût fait des copies. Madame
-de Maintenon s'y opposait; mais Louis XIV insista et dit:
-«C'est pour mes enfants; il faut bien que ma famille ait quelque
-chose de vous.»</p>
-
-<p>Qu'il me soit permis de faire remarquer que ces instructions religieuses,
-sous le rapport des pensées, de la religion et du style même,
-qui est vif et concis, sont bien supérieures à celles qui ont été données
-par l'archevêque de Cambrai à madame de Maintenon elle-même,
-et à sa demande. Il y a dans ces dernières une forte dose de
-mysticisme, qui aurait pu avoir une influence fâcheuse sur un esprit
-faible<a id="FNanchor_903" href="#Footnote_903" class="fnanchor">&nbsp;[903]</a>. Fénelon s'y abandonne trop à sa rancune amère contre
-Louis XIV, qui, avec juste raison, n'avait pu goûter ses chimériques
-systèmes de gouvernement. Il dit durement à cette femme que
-le roi (son mari alors) ne pratique pas ses devoirs, et qu'il n'en a aucune
-idée (t. III, p. 224). Enfin, tout en blâmant la règle qu'elle
-s'était faite de ne s'occuper en rien des affaires d'État et de la politique,
-il lui reproche son indifférence à cet égard, et, au nom de la
-<span class="pagenum"><a id="Page_445"> 445</a></span>
-religion, il l'exhorte à s'en mêler, et cherche à la jeter par la flatterie
-dans les intrigues de cour, en lui disant: «Il me paraît que votre esprit
-naturel et acquis a bien plus d'étendue que vous ne lui en donnez.»
-(T. III, p. 219.)</p>
-
-<p>C'est le contraire qui était vrai. Madame de Maintenon avait un
-excellent jugement, un esprit fin, délié, ferme et éclairé, dans le
-cercle où elle s'était renfermée; mais ce cercle était resserré: elle
-n'aimait pas à en sortir. Elle n'exprimait son avis sur les affaires
-d'État que par un signe d'approbation ou de désapprobation, et encore
-parce que Louis XIV l'y forçait. Une fois seulement, elle dressa
-un mémoire sur la grande affaire de la révocation de l'édit de Nantes.
-Elle y fut amenée par tout le clergé et par les ministres eux-mêmes,
-qui, dans les circonstances difficiles où l'on se trouvait, avaient le
-droit d'exiger le secours de ses lumières.&mdash;Le style de madame
-de Maintenon est plus pur et plus régulier que celui de madame de Sévigné.
-Ses lettres même sont mieux composées; elles ont toujours
-un motif, un but qu'elles atteignent parfaitement. Il n'y a aucun désordre,
-aucune inconséquence dans les idées, aucune contradiction
-dans les jugements; mais on n'y retrouve pas l'imagination et le coloris
-de madame de Sévigné. Les lettres de madame de Maintenon,
-c'est de l'histoire générale ou particulière; celles de madame de Sévigné
-sont des feuilletons pour amuser madame de Grignan.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_238">238</a>, lignes 27 et 28: Elle détermina le vieux duc de Villars-Brancas
-à demander sa main.</p>
-
-<p>Cette seconde proposition d'un mariage pour madame Scarron
-paraît résulter des récits comparés de madame du Pérou, que nomme
-positivement la Beaumelle, qui semble avoir eu des mémoires plus
-circonstanciés sur ce fait que les dames de Saint-Cyr; car il dit,
-t. II, p. 110:</p>
-
-<p>«Elle (madame de Montespan) avait jeté les yeux sur le duc de V...
-B..., qu'une jeunesse passée dans les plaisirs, une vieillesse malsaine,
-et deux femmes assez méchantes, n'avaient pas dégoûté du mariage.»
-Et en note il ajoute que ce duc de V.. B.. était fils de George
-B..., et frère de la princesse d'..., morte en 1679. Ce que dit Saint-Simon
-sur le titre de duc donné au Brancas, fils de Villars (<i>Mémoires
-complets et authentiques</i>, t. XIV, p. 201), semble confirmer
-que la Beaumelle a voulu désigner ici le duc de Villars-Brancas,
-<span class="pagenum"><a id="Page_446"> 446</a></span>
-père de Brancas le distrait.&mdash;Le duc de Brancas, né en 1663, mort
-en 1739, marié à sa cousine germaine, fille de Brancas le distrait,
-et qui a fait le premier un si juste éloge des lettres de madame de
-Sévigné (voyez t. XII, p. 450 de l'édition de Gault de S.-G.), était
-peut-être le fils de celui qui se proposa pour épouser la veuve Scarron.
-(Conférez <i>Lettres de</i> <span class="smallc">Sévigné</span>, tome VI, p. 240 et 379 de l'édit.
-Monmerqué, 1820, in-8<sup>o</sup>, et <span class="smallc">Tallemant des Réaux</span>, <i>Historiettes</i>, t. II,
-p. 139 de l'édit. in-8<sup>o</sup>.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_241">241</a>, ligne 16: Plus énergique.</p>
-
-<p>Elle écrit au cardinal de Noailles pour lui apprendre qu'elle avait
-sacrifié les intérêts de sa propre nièce, la maréchale de Noailles:</p>
-
-<p>«Eh bien, voilà les dames nommées, voilà la maréchale désespérée!
-Mon état et ma destinée est d'affliger et de desservir tout ce
-que j'aime. J'en souffre beaucoup, mais je ne varierai point dans la
-loi que je me suis faite, de sacrifier mes amis à la vérité et au bien.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_242">242</a>, ligne 2: Auquel elle rendait compte dans des lettres qui
-quelquefois avaient huit ou dix pages.</p>
-
-<p>Ces lettres, si on les possédait, pourraient seules servir de pièces
-de comparaison avec celles de madame de Sévigné. Tout ce qui nous
-reste de cette dame est uniquement relatif ou aux personnes à qui elle
-écrit, ou à elle-même, et, par cette raison, offre peu de variété dans
-le fond comme dans la forme. Mais madame de Maintenon savait que
-Louis XIV aimait à trouver, dans la lecture des lettres bien écrites,
-une distraction agréable. Elle dut donc, pendant son voyage à Baréges,
-chercher, comme madame de Sévigné, à plaire autant qu'à informer;
-mais ces lettres, moins riches de ces expressions heureuses qui jaillissent
-d'une vive imagination, devaient être mieux rédigées et surtout
-plus correctes. Madame de Maintenon est, pour le style épistolaire,
-un modèle plus achevé que madame de Sévigné. Presque toujours
-celle-ci n'écrit que par le besoin qu'elle éprouve de s'entretenir avec
-sa fille, avec les personnes qu'elle aime; enfin, de tout dire, de tout
-raconter. Madame de Maintenon, au contraire, a toujours, en écrivant,
-un objet distinct et déterminé. La clarté, la mesure, l'élégance, la
-justesse des pensées, la finesse des réflexions, lui font agréablement
-atteindre le but où elle vise. Sa marche est droite et soutenue; elle
-suit sa route sans battre les buissons, sans s'écarter ni à droite ni à
-<span class="pagenum"><a id="Page_447"> 447</a></span>
-gauche. En un mot, madame de Maintenon était en garde contre le
-danger de commettre ces indiscrétions qui donnent tant d'esprit aux
-lettres de madame de Sévigné, et elle tâchait d'en prémunir ses élèves
-de Saint-Cyr en les détournant de l'envie d'écrire sans nécessité.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_243">243</a>, ligne dernière, et <a href="#Page_244">244</a>, lig. 1: «Et qui souvent sont chassées
-par un clin d'&oelig;il qu'on fait à la femme de chambre.» Et note 532,
-lig. 3: Dans toutes les autres éditions, sans exception, le texte de
-cet important passage est faux ou défiguré. Les notes de ces éditions
-doivent disparaître.</p>
-
-<p>Cela provient du premier éditeur de 1726; tous les autres ont copié.
-Mais ce qui est plus fâcheux, c'est qu'on ait reproduit, dans les éditions
-les plus récentes et les meilleures, l'absurde commentaire que Grouvelle
-a fait sur le texte: d'où il résulterait que Louis XIV, connu par
-son respect pour les convenances, la dignité de ses manières, son attachement
-pour la reine, l'aurait traitée avec indignité et mépris dans
-l'habitude de la vie. Je ferai remarquer que dans ce passage il n'y a
-pas <i>Quanto</i> comme dans toutes les autres éditions, mais que le nom
-de Montespan est en toutes lettres; ce qui démontre qu'il n'y a ni
-sous-entendu ni déguisement dans la mention de la femme de chambre.
-Madame la duchesse de Richelieu, qu'on fait obéir par un clin d'&oelig;il
-à madame de Montespan, était alors dame d'honneur de la reine;
-et la marquise de Montespan n'était encore inscrite que la quatrième
-sur le tableau. (Voyez l'<i>État de la France</i>, 1678, in-12,
-p. 326.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_245">245</a>, lignes 12 à 14: La naissance de mademoiselle de Tours,
-morte jeune, venue à terme au mois de janvier 1676.</p>
-
-<p>Et c'est alors même que Louis XIV manifestait publiquement ses
-sentiments religieux et sa soumission à l'Église, qu'il communiait en
-public, qu'il permettait qu'on mît plus souvent dans la gazette officielle
-son exactitude à remplir ses devoirs de piété. On lit dans le
-volume du Recueil des gazettes, imprimé en 1677, p. 280, cet article:</p>
-
-<p class="datem">«Avril 1676.</p>
-
-<p class="dater">«Saint-Germain en Laye</p>
-
-<p>«Le 4 de ce mois, veille de la Résurrection, le roi, qui avait <i>assisté
-<span class="pagenum"><a id="Page_448"> 448</a></span>
-à tous les offices</i> de la semaine sainte, communia dans l'église
-paroissiale par les mains du cardinal de Bouillon, grand aumônier
-de France, monseigneur le Dauphin tenant la serviette.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_245">245</a>, lignes 28 et 29: On savait que la nature de sentiments
-exempts de toute faiblesse que lui inspirait madame de Maintenon,
-etc.</p>
-
-<p>Ce ne fut qu'après la mort de la reine, après celle de Fontanges,
-après la disgrâce de Montespan, que l'opinion des gens de cour et du
-public changea, et que l'intimité toujours croissante de Louis XIV
-et de madame de Maintenon fit travailler les imaginations, et convertir
-en passion amoureuse un attachement constant et pieux,
-fondé, de la part de Louis XIV, sur le respect pour la piété, les
-vertus et les qualités de celle qu'il s'était choisie pour compagne;
-et, de la part de madame de Maintenon, sur l'admiration que lui
-avaient inspirée les qualités du grand roi.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_247">247</a>, ligne 6: Près du village de Sasbach, dans l'État de Bade.</p>
-
-<p>Il faut écrire Sasbach, et non Salzbach et Saspach, comme a fait
-Ramsay (<i>Histoire du vicomte de Turenne, maréchal général des
-armées du roi</i>; Paris, 1735, in-4<sup>o</sup>, p. 581). Ce lieu se trouve près
-d'Achern, sur la route d'Offenburg à Bade, au sud de Steinbach. La
-carte de l'atlas de Ramsay, insérée dans l'édition de 1735, in-4<sup>o</sup>, à
-la page 581, intitulée <i>Plan des différents camps du vicomte de Turenne
-et du comte Montecuculli dans l'Ortnaw</i>, dessinée et gravée
-par Cocquart, est fautive, et trop mauvaise pour qu'on y puisse suivre
-les opérations militaires de Turenne dans cette campagne; il faut
-consulter la carte intitulée <span class="smallc">Strasbourg</span>, dans l'atlas des <i>Mémoires
-militaires des guerres de Louis XIV</i>, 1836, grand in-folio, exécuté
-sous la direction du général Pelet.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_252">252</a>, ligne 19: «Et qu'elle y avait mille affaires.»</p>
-
-<p>Une de ces affaires était celle de la terre de Meneuf, vendue à
-Jean du Bois-Geslin, reçu président de Bretagne le 13 juin 1653, et
-fait depuis conseiller d'État. Madame de Sévigné lui vendit cette
-<span class="pagenum"><a id="Page_449"> 449</a></span>
-terre en 1674; et comme elle avait garanti les droits seigneuriaux,
-elle eut des difficultés qui furent levées, car elle toucha son argent
-en décembre 1675. (<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, 17 novembre, 15 et 29 décembre
-1675; t. IV, p. 209, 250 et 279, édit. G.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_254">254</a>, ligne 13: Elle avait alors quarante-neuf ans.</p>
-
-<p>Ce fut son âge critique. Par son tempérament fort et sanguin, madame
-de Sévigné avait assez fréquemment recours à la saignée. Cette
-doctrine médicale était fortement controversée au temps de Louis XIV,
-comme elle l'a été de nos jours du vivant du docteur Broussais. Gui
-Patin, conséquent avec ses principes, se fit saigner sept fois dans un
-rhume (voir sa lettre du 10 mars 1648, t. I, p. 375; 1846, in-8<sup>o</sup>), et
-fit pratiquer vingt saignées sur son fils.&mdash;A l'âge de trois ans, le fils de
-madame de Grignan tomba malade: on le saigna. Madame de Sévigné
-ne put s'empêcher de témoigner à sa fille des craintes au sujet de
-cette saignée: «Je reçois votre lettre, qui m'apprend la maladie du
-pauvre petit marquis. J'en suis extrêmement en peine; et pour cette
-saignée, je ne comprends pas qu'elle puisse faire du bien à un enfant
-de trois ans, avec l'agitation qu'elle lui donne: de mon temps, on ne
-savait ce que c'était que de saigner un enfant.» (<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>,
-26 juin 1675, t. III, p. 436, édit. G.)&mdash;Gui Patin pensait tout différemment;
-car en 1648, au sujet d'un médecin allemand nommé
-Sennertus, dont il avait lu l'ouvrage, il écrit: «Il n'entend rien à la
-saignée des enfants; ce misérable me fait pitié! Si l'on faisait ainsi
-à Paris, tous nos malades mourraient bien vite. Nous guérissons nos
-malades après quatre-vingts ans par la saignée, et saignons aussi
-heureusement les enfants de deux et trois mois, sans aucun inconvénient...
-Il ne se passe pas de jour à Paris que nous ne fassions
-saigner plusieurs enfants à la mamelle et plusieurs septuagénaires,
-<i>qui singuli feliciter inde convalescunt</i>.» (<span class="smallc">Gui Patin</span>, <i>Lettres</i>,
-13 août 1648), t. II, p. 419, édit. 1846, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_254">254</a>, lignes 20 à 22: Bourdelot, ce célèbre médecin des Condé
-et de la reine Christine.</p>
-
-<p>Le haineux et satirique Gui Patin (<i>Lettres</i>, édit. 1846, in-8<sup>o</sup>, t. I,
-p. 513) a tracé de ce médecin un portrait qui nous en donne une
-idée bien différente de celle que présente l'article <i>Pierre Michon</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_450"> 450</a></span>
-du savant M. Weiss, dans la <i>Biographie universelle</i> (t. XXVIII,
-p. 596). Bourdelot fut d'abord le précepteur du grand Condé avant
-d'être son médecin (<span class="smallc">Gui Patin</span>, t. II, p. 5). Il revint de Suède en 1653.
-Il n'allait faire ses visites qu'avec de grands habits à longue queue,
-en chaise à porteurs ou en carrosse, et suivi de trois laquais. Il devint
-riche par l'obtention de l'abbaye de Macé en Berri, et par les bienfaits
-de la reine de Suède. On a oublié dans la <i>Biographie</i> de mentionner
-le plus curieux de ses écrits: c'est la <i>Relation des assemblées
-faites à Versailles dans le grand appartement du Roi</i> durant le
-carnaval de 1683, in-12. Bourdelot réunissait chez lui, chaque jour
-de la semaine, un certain nombre de ses confrères, médecins et
-hommes de lettres; cette réunion avait pris le titre d'<i>Académie de
-Bourdelot</i>; et lorsque madame de Sévigné se confia à ses soins, un
-auteur nommé le Gallois venait de publier un ouvrage intitulé <i>Conversations
-académiques tirées de l'Académie de Bourdelot</i>; Paris,
-1674, 2 vol. in-12. Ce livre est dédié à Huet; il contient des dialogues
-uniquement relatifs à la médecine, et, à propos de médecine,
-des excursions sur la métaphysique et la philosophie de Descartes,
-qui alors faisait irruption dans tout.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_258">258</a>, lignes 6 à 9: Le ridicule que madame de Grignan versait
-sur madame de la Charce et sur Philis, sa fille aînée, la faisait
-rire aux larmes.</p>
-
-<p>Philis de la Tour du Pin de la Charce était l'amie de mademoiselle
-d'Alerac (Françoise-Julie Grignan), cette belle-fille de madame de
-Grignan, qu'elle aimait si peu. (Voyez, sur cette courageuse demoiselle,
-le livre intitulé <i>Histoire de mademoiselle de la Charce, de
-la maison de la Tour du Pin en Dauphiné, ou Mémoire de ce qui
-s'est passé sous le règne de Louis XIV</i>; Paris, chez Pierre Gaudouin,
-1731, p. 11, 36: c'est une espèce de roman, dont l'auteur est
-inconnu. Conférez madame de Genlis dans <i>Mademoiselle de la
-Fayette</i>, ou <i>le siècle de Louis XIII</i>; 2<sup>e</sup> édit., 1813, t. I, p. 42,
-note 4.) On lit dans la <i>Gazette de France</i>, du 23 juin 1703, que
-Philis de la Tour du Pin de la Charce, nouvelle convertie, mourut à
-Nions en Dauphiné, âgée de cinquante-huit ans. Ainsi cette demoiselle
-avait trente ans lorsqu'elle était le sujet des sarcasmes de
-madame de Grignan.&mdash;En relisant la note où j'ai parlé de mademoiselle
-de la Charce (4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 354), je m'aperçois
-<span class="pagenum"><a id="Page_451"> 451</a></span>
-que j'ai attribué à madame Deshoulières des vers qui sont de
-sa fille, et que l'on a placés à la suite de ceux de la mère dans l'édition
-que je cite (1695, in-8<sup>o</sup>). L'épître et les madrigaux de M. Cazes
-sont adressés à mademoiselle Deshoulières, p. 257 et 278. Les poésies
-de cette demoiselle, non mentionnées sur le titre, commencent à
-la page 218. Cette édition des poésies de madame Deshoulières
-a été donnée par sa fille, ainsi qu'elle le dit dans l'avertissement
-du second volume; et la lettre de M. Cazes, datée de Bois-le-Vicomte
-le 4 octobre 1689, qui se trouve dans l'édition des &oelig;uvres
-de madame et de mademoiselle Deshoulières (1764, in-12, t. II,
-p. 204), est adressée à cette dernière. Les détails sur la mort de
-M. Cazes (datés de 1692), page 238 de cette même édition, sont de
-mademoiselle Deshoulières.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_259">259</a>, ligne 17: «J'ai couché cette nuit à Veretz.»</p>
-
-<p>Toutes les cartes et tous les livres géographiques de la France écrivent
-Veretz ou Verets; mais dans les éditions de madame de Sévigné
-on lit <i>Veret</i>, et c'est ainsi qu'elle a écrit; car dans le vol. XXXII
-(département d'Indre-et-Loire, premier arrondissement de Tours),
-je trouve une aquarelle du château où coucha madame de Sévigné,
-faite il y a cent cinquante ans, et qui porte pour intitulé <i>Veue du
-chasteau de Veret en Touraine, sur la rivière du Cher</i> (1689).</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_261">261</a>, ligne 15: «Nous allons à la Seilleraye, etc.»&mdash;<i>Sur les
-portraits de madame de Sévigné et de madame de Grignan</i>.</p>
-
-<p>Le château de la Seilleraye est situé dans le canton de Carquefou,
-à environ sept kilomètres à l'est de ce bourg. Il est à deux kilomètres
-de Mauves et du bord septentrional de la Loire, sur le versant d'un
-coteau au bas duquel coule un ruisseau qui se jette dans la Loire au-dessous
-de Mauves. Sur la carte de Cassini (n<sup>o</sup> 131), ce ruisseau n'est
-pas nommé; mais dans le pays on l'appelle <i>la Seille</i>, c'est pourquoi
-il faut écrire la Seilleraye, comme dans le grand <i>Dictionnaire de
-la poste aux lettres</i>, 1836, in-folio, p. 660, et dans la dernière carte
-de la poste aux chevaux, dressée par les ordres de M. Conte, et non
-pas <i>la Sailleraye</i>, ainsi qu'il est marqué sur la carte de Cassini.</p>
-
-<p>Voici ce que madame de Sévigné mande à sa fille au sujet de ce château,
-qu'elle n'avait pas vu depuis sa jeunesse, et qui lui parut peu
-reconnaissable: «M. d'Harouïs manda de Paris, il y a quatre ans,
-<span class="pagenum"><a id="Page_452"> 452</a></span>
-à un architecte de Nantes, qu'il le priait de lui bâtir une maison, dont
-il lui envoya le dessin, qui est très-beau et très-grand. C'est un grand
-corps de logis de trente toises de face, deux ailes, deux pavillons;
-mais comme il n'y a pas été trois fois pendant tout cet ouvrage, tout
-cela est mal exécuté. Notre abbé est au désespoir, M. d'Harouïs ne
-fait qu'en rire.» (<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, 24 septembre 1675, t. IV, p. 112,
-édit. G.)</p>
-
-<p>Ce beau domaine a eu le rare privilége d'être transmis à une famille
-alliée à celle de d'Harouïs (la famille de Bec-de-Lièvre), par suite du
-mariage de Jean-Baptiste de Bec-de-Lièvre avec Louise d'Harouïs
-en 1649. Cette famille le possède encore.&mdash;L'auteur d'une <i>Vie de
-madame de Sévigné</i> très-agréablement écrite, M. le vicomte Walsh,
-nous a donné des détails sur les embellissements faits à ce domaine
-par le propriétaire actuel: «La Seilleraye couronne bien le coteau;
-M. de Bec-de-Lièvre a <i>désengoncé</i> le château des murailles qui fermaient
-la cour et les jardins, dessinés par Le Nôtre; une belle grille,
-à fers de lances dorés, ferme aujourd'hui la cour; le parc anglais se
-lie à merveille avec les anciens jardins.» (<i>Vie de Sévigné</i>; par M. le
-vicomte Walsh, 1842, in-12, p. 355.) M. Monmerqué a fait graver
-une <i>Vue du château de la Silleraye</i> (<i>sic</i>) pour accompagner l'édition
-des <i>Lettres inédites de madame de Sévigné</i>; Paris, Blaise, 1827,
-in-8<sup>o</sup>. Dans l'avertissement de ces <i>Lettres</i> (pag. <span class="smallc">XIII</span>), le savant éditeur
-dit que M. le marquis de Bec-de-Lièvre conserve dans ce château
-un beau portrait de madame de Sévigné, peint en Diane. M. le
-vicomte Walsh décrit ainsi ce tableau:</p>
-
-<p>«Dans ce magnifique portrait de Mignard, donné, dit-on, par madame
-de Sévigné à d'Harouïs, Marie de Rabutin-Chantal, <i>qui venait
-de se marier</i>, est vêtue en Diane chasseresse, selon le goût du temps.
-Elle a dansé dans un quadrille devant Louis XIV avec ce costume.»
-Nous ne pouvons croire que ce portrait soit celui de madame de Sévigné
-(Marie de Rabutin-Chantal). Il est bien vrai que les femmes qui
-avaient eu l'honneur de figurer dans les ballets de Louis XIV aimaient
-à se faire peindre dans les beaux costumes mythologiques dont elles
-étaient revêtues pour le rôle qu'elles remplissaient; mais madame
-de Sévigné n'a paru dans les ballets de Louis XIV à aucune époque,
-et encore moins <i>lorsqu'elle venait de se marier</i>. Marie de Rabutin-Chantal
-épousa, le 4 août 1641<a id="FNanchor_904" href="#Footnote_904" class="fnanchor">&nbsp;[904]</a>, le marquis de Sévigné; Louis XIV
-<span class="pagenum"><a id="Page_453"> 453</a></span>
-n'avait alors que six ans, et ne donnait pas de ballets. Madame de
-Sévigné a été peinte par Nanteuil, et aussi, je crois, par Lefebvre;
-mais il n'est pas aussi certain qu'elle l'ait été par Mignard. Elle
-parle tant et si souvent du portrait de madame de Grignan par Mignard,
-que si elle avait été peinte aussi par ce maître, nous le saurions.
-Le portrait de la collection de tableaux qu'on voit à la Seilleraye
-n'est donc pas plus, <i>s'il est de son temps</i>, le portrait de
-Marie de Rabutin-Chantal que celui qu'on a placé avec une semblable
-désignation dans la galerie de Versailles. (Voyez partie I, p. 512 de
-ces <i>Mémoires</i>.) Mais si ce n'est pas le portrait de Marie de Rabutin-Chantal,
-c'est peut-être celui de mademoiselle de Sévigné. Celle-là,
-par exemple, figura dans les ballets <i>costumés</i> du roi (voyez 2<sup>e</sup> partie
-de ces <i>Mémoires</i>, p. 332-341), et a bien véritablement été peinte
-par Mignard.</p>
-
-<p>Je crois devoir ajouter ici quelques détails à la longue note que
-j'ai écrite <i>sur différents portraits qu'on a gravés de madame de
-Sévigné</i> (2<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 512).</p>
-
-<p>Ce qui met hors de doute l'authenticité du portrait peint par Nanteuil
-<i>ad vivum</i>, et gravé par Édelinck (Nicolas Édelinck, fils de Gérard),
-ce sont les lettres où madame de Sévigné parle de son nez
-carré et de ses paupières bigarrées<a id="FNanchor_905" href="#Footnote_905" class="fnanchor">&nbsp;[905]</a>.</p>
-
-<p>Indépendamment de la gravure du portrait de madame de Sévigné,
-finement exécutée par Jacques Chereau pour l'édition des <i>Lettres</i> de
-1734, le chevalier Perrin en fit faire une autre pour son édition de
-1754. Ce portrait a été peint par Febure ou Lefebvre, le même qui fit
-celui de Bussy, reproduit en tête de ses <i>Mémoires</i>, édition in-4<sup>o</sup>, et
-gravé par Édelinck. Ce portrait de Lefebvre ressemble plus à celui de
-Nanteuil qu'à celui de l'édition de 1734: la coiffure est presque semblable,
-mais la tête est penchée; il est vu de trois quarts; les yeux
-sont plus grands, la face moins pleine, et il a plus de physionomie.
-Lefebvre a fait beaucoup de portraits de personnages illustres; un
-grand nombre ont été reproduits par Poilly, Van Schuppen, Balechou,
-<span class="pagenum"><a id="Page_454"> 454</a></span>
-et d'autres. Né en 1736, il mourut à Londres en 1775. Il était l'élève
-de Charles le Brun; il ne flattait point les traits, et n'aimait pas à
-peindre les femmes avec du fard. C'est peut-être pour cela que madame
-de Sévigné estimait peu ses ouvrages. Dans la belle collection
-d'Odieuvre il y a un portrait de madame de Grignan par Ferdinand,
-celui qui a peint Ninon: il est gravé par Pinssio. Ce portrait, quoique
-différent de ceux qu'on a faits depuis, est bien celui de la même
-femme, et a dû être ressemblant. Il paraît que M. de Grignan avait
-donné son portrait, peint par un artiste provençal, à M. de Coulanges,
-et qu'il existait du comte un autre portrait peint par Lefebvre;
-car madame de Sévigné écrit à sa fille (le 19 février 1672, t. II, p. 392,
-édit. G.): «Mais que vous dirai-je de l'aimable portrait que M. de
-Grignan a donné à M. de Coulanges? Il est beau et très-ressemblant:
-celui de Lefebvre est un misérable auprès de celui-ci. Je fais v&oelig;u de
-ne jamais revenir de Provence que je n'en aie un pareil, et un autre
-de vous: il n'y a point de dépense qui me soit si agréable.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, avec toute raison, préféra Mignard au peintre
-provençal, et elle profita du séjour de madame de Grignan à Paris
-pour faire exécuter pour elle, dans les premiers mois de l'année
-1675, le portrait de sa fille. Il obtint bientôt une certaine célébrité.
-(<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, 4 et 9 septembre, t. III, p. 452 et 460.) Dans sa
-lettre du 19 août 1675 (t. III, p. 411, édit. M., et t. IV, p. 35, édit. G.),
-elle dit à madame de Grignan: «Votre portrait a servi à la conversation;
-il devient chef-d'&oelig;uvre à vue d'&oelig;il; je crois que c'est parce
-que Mignard n'en veut plus faire.» Mignard avait, il est vrai,
-soixante-cinq ans lorsqu'il peignit madame de Grignan; mais aucun
-peintre n'a prolongé plus longtemps sa carrière d'artiste. Né en 1610,
-il mourut en 1695. Ses derniers portraits furent ceux de la famille
-royale d'Angleterre, qu'il exécuta à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.
-Un peu auparavant il fit celui de madame de Maintenon, le plus
-célèbre de tous, et peignit Louis XIV pour la dixième fois.</p>
-
-<p>Je possède un grand tableau de Mignard provenant de la vente de
-M. Quentin Craufurd, connu par la belle collection de portraits qu'il
-avait réunis, et par le soin qu'il s'était donné pour s'assurer de l'exactitude
-des désignations qu'il leur donnait. Cette toile est décrite sous
-le n<sup>o</sup> 162, page 47 du catalogue, comme représentant madame de
-Thianges et le duc du Maine, son neveu. Il n'en est rien: elle renferme
-les portraits de madame de Seignelay et de ses deux fils,
-peints un an après la mort du ministre Seignelay. Ce tableau, parfaitement
-<span class="pagenum"><a id="Page_455"> 455</a></span>
-bien décrit dans la <i>Vie de Mignard</i> (page 148 de l'édit. de
-Paris, 1730, et p. 123 de l'édit. d'Amst., 1731), est signé <i>Mignard</i>
-et daté de 1691: Mignard avait donc quatre-vingt-un ans lorsqu'il
-fit le portrait de Catherine-Thérèse de Matignon, femme de Seignelay,
-laquelle se remaria, le 22 février 1696, au comte de Marsan. Mignard
-résida vingt-deux ans à Rome, et ne vint se fixer à Paris qu'en 1660;
-par conséquent il n'a pu peindre Marie de Rabutin-Chantal peu après
-son mariage.</p>
-
-<p>En faisant connaître le portrait le plus authentique et le plus certain
-de la marquise de Sévigné, gravé par Édelinck fils, d'après Nanteuil,
-j'ai oublié de dire que le premier pastel de Nanteuil existe,
-très-bien conservé: nous l'avons vu chez M. le comte de Laubespin
-de Tracy, auquel il appartient. De la collection de M. Traullé il a
-passé dans les mains de madame Bredt, qui l'a donné à madame de
-Laubespin.</p>
-
-<p>J'ai parlé du portrait de Ninon par Ferdinand. Il a été très-bien
-gravé par Thomas Wastley en 1757, aux frais de Walpole, comte
-de Sandwich, d'après le tableau original donné par Ninon de Lenclos
-à la comtesse de Sandwich, son amie. Ferdinand peignit aussi madame
-de Maintenon avant que Mignard fît d'elle le beau portrait si
-admirablement gravé par Ficquet.</p>
-
-<p>«Madame de Maintenon, dit madame du Pérou (<i>Mémoires de
-madame de Maintenon recueillis par les dames de Saint-Cyr</i>;
-Paris, Olivier Fulgence, 1846, in-12, p. 261, chap. <span class="smallc">XVII</span>), se rendit à
-nos instances, et souffrit que Ferdinand, assez habile peintre pour la
-ressemblance, la tirât. Il fit un portrait où elle est représentée dans
-tout son air naturel, avec mademoiselle d'Aubigné sa nièce, qui était
-un enfant, et qui depuis a été la duchesse de Noailles; elle n'avait
-alors que trois ou quatre ans, et était aussi jolie et aussi aimable
-que le peintre l'a représentée: c'est le portrait qui est dans la salle
-de la Communauté, à côté de la cheminée. Il résulte du récit de madame
-du Pérou que ce portrait fut fait après le 19 mai 1689, époque
-de l'élection de mademoiselle de Loubert. Je ne connais aucune gravure
-de ce tableau, et j'ignore s'il existe encore. Mais quand Horace
-Walpole visita Saint-Cyr, il vit le portrait de madame de Maintenon
-dans presque toutes les chambres. Celui de Mignard a été souvent
-copié, dit-on, par lui-même avec des variations. Je possède une de
-ces copies qui était à Saint-Cyr, et que j'ai achetée à la vente de
-M. Craufurd. Elle est semblable, à la couleur du manteau près, à
-<span class="pagenum"><a id="Page_456"> 456</a></span>
-celle qu'on voit dans la galerie de Versailles. Ferdinand a aussi peint
-le duc de Montausier. Ce portrait a été gravé par Lenfant, in-fol.,
-en 1757.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_267">267</a>, lignes 2 à 4: La partie inédite de ses Mémoires... offre
-un exemple d'une aussi forte distraction.</p>
-
-<p>Ainsi, dans le manuscrit autographe de la <i>Suite des Mémoires
-de Bussy</i>, après la transcription de la lettre que Bussy écrivit à madame
-de Sévigné le 19 octobre 1675, on lit au verso de la page 154:
-«Huit jours après que j'eus écrit cette lettre, j'en reçus cette réponse.»</p>
-
-<p>Vient ensuite la transcription d'une lettre de madame de Sévigné
-sous la date du 27 octobre 1675, qui est la même que celle du
-20 décembre 1675 dans l'édit. de Gault de S.-G., sauf le commencement,
-qui diffère du manuscrit et des éditions imprimées. Les lignes
-qui précèdent cette lettre assurent l'exactitude de sa date, qui est
-d'ailleurs confirmée, par tout ce qu'elle contient, comme répondant
-à celle du 19 octobre. Elle devrait être, suivant nous, placée immédiatement
-après cette lettre; mais, par une étrange méprise, la lettre
-de madame de Sévigné, du 27 octobre, est datée de Paris, et commence
-ainsi: «J'arrivai hier ici, et on me vient d'apporter votre
-lettre du 19 de ce mois. Je partis de Bretagne trois jours après que
-je vous écrivis.» A moins de substituer dans la date Vitré à Paris,
-et <i>Rochers</i> à <i>Bretagne</i>, il est impossible de concilier ce commencement
-avec la date de 1675 et avec tout le reste de la lettre.</p>
-
-<p>Cependant tous les faits qui résultent de la correspondance de
-madame de Sévigné en Bretagne avec Bussy en Bourgogne, se trouvent
-confirmés dans une lettre de cette dame (20 octobre 1675), par laquelle
-elle envoie à son cousin sa procuration pour le mariage de
-sa nièce. Le ms. ne fait pas mention de cette lettre; mais à la suite
-de celle du 27 octobre, Bussy écrit:</p>
-
-<p>«Trois jours après que j'ai reçu cette lettre, je fis cette réponse;»
-et cette réponse est en effet datée de Chaseu le 30 octobre.</p>
-
-<p>Cette lettre, dans ce qu'elle a de plus essentiel à partir de la ligne
-«Quand je vous ai mandé, etc.,» est la même que celle qui,
-dans diverses éditions, est datée de Bussy le 9 janvier 1676. Il y a
-encore ici divergence non-seulement dans les dates, mais dans le
-commencement des deux lettres: celle du ms. commence, comme
-l'autre, par la même impossibilité, en s'exprimant ainsi:</p>
-
-<p>«Je suis fort aise, madame, que nous soyons à Paris: nous y
-<span class="pagenum"><a id="Page_457"> 457</a></span>
-gagnerons tous deux.» Puis elle répond à la précédente sur la fièvre
-du roi.</p>
-
-<p>Rien de tout cela dans la lettre imprimée, qui commence ainsi:
-«Je reçus avant-hier votre lettre du 20 décembre, qui est une réponse
-à une lettre que je vous écrivis le 19 octobre. Vous devez
-avoir reçu depuis ce temps-là deux lettres de moi, sans compter celle
-que je viens de vous écrire, avec une lettre pour madame de Grignan.»
-On a vu que cette lettre du 20 décembre était précisément celle
-du 27 octobre du ms., et l'explication paraît une interpolation du
-copiste-éditeur ajoutée à la lettre de Bussy. Mais si le ms. de la <i>Suite
-des Mémoires</i> est autographe, l'étrange confusion qui fait supposer
-madame de Sévigné à Paris est de Bussy lui-même, qui, ayant devant
-les yeux plusieurs lettres de sa cousine sous la même date, et
-sans désignation d'année, aura été distrait en les transcrivant.</p>
-
-<p>Ces distractions de Bussy, quand il fit la <i>Suite des Mémoires</i>, démontrent
-que c'est également lui qui a transposé à une date fausse la
-lettre que madame de Sévigné a écrite sur la naissance de son fils.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_267">267</a>, lignes 12 à 15: Des fragments des Mémoires autographes
-d'Ormesson... constatent que madame de Sévigné accoucha, à
-Paris, de sa fille le 10 octobre 1646.</p>
-
-<p>La fin de la lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan,
-en date du 28 août 1680 (t. VI, p. 436 de l'édit. de Monmerqué),
-ne prouve pas, comme le dit cet éditeur dans sa note, que madame
-de Grignan fût née aux Rochers. Elle signifie seulement que madame
-de Sévigné envoya à Paris, à madame de la Fayette ou à madame de
-Coulanges, une lettre de sa fille, qu'elle a trouvée très-amusante et
-bien écrite; et que la réputation de madame de Grignan, si bien établie
-comme femme d'esprit à Paris (dans son air natal), était faite
-aussi dans les parties les plus reculées de la France (la Bretagne):
-«Vos lettres nous ont servi d'un grand amusement: nous remettons
-votre nom dans son air natal. Croyez, ma fille, qu'il est célébré partout
-où je suis; il vole, il vole jusqu'au bout du monde, puisqu'il est
-en ce pays.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_271">271</a>, ligne dern., et <a href="#Page_272">272</a>, ligne 1: Le père du Chastellet
-s'illustra dans les lettres.</p>
-
-<p>Paul Hay du Chastellet mourut en 1636. Il rédigea les premiers
-<span class="pagenum"><a id="Page_458"> 458</a></span>
-statuts de l'Académie française (réglem. du 27 mars 1634), prononça
-le premier discours dans le sein de cette Académie, dont le sujet
-était sur <i>l'éloquence française</i>. Il écrivit des satires en vers français
-et en vers latins, et eut le courage de braver le despotisme de Richelieu,
-en défendant le maréchal de Marillac.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_292">292</a>, ligne 16; Elle (<i>la princesse de Tarente</i>) lui fit sur elle-même
-d'étranges confidences.</p>
-
-<p>Madame de Grignan s'imaginait que la princesse de Tarente, après
-quatre ans de veuvage, était encore plongée dans la douleur du souvenir
-de la perte de son mari. Madame de Sévigné lui répond:</p>
-
-<p>«Je ne sais quelle idée vous avez de la princesse; elle n'est rien
-moins qu'<i>Artémise</i>; elle a le c&oelig;ur comme de cire, et s'en vante,
-disant plaisamment qu'elle a le c&oelig;ur ridicule. Cela tombe sur le
-général, mais le monde en fait des applications particulières. J'espère
-que je mettrai des bornes à cette ridiculité par tous les discours
-que je fais, comme une innocente, de l'horreur qu'il faut avoir pour
-les femmes qui poussent cette tendresse un peu trop loin, et du mépris
-que cela leur attire. Je dis des merveilles, et l'on m'écoute, et
-l'on m'approuve tout autant que l'on peut. Je me crois obligée, en
-conscience, à lui parler sur ce ton-là, et je veux avoir l'honneur de
-la redresser.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_293">293</a>, ligne 10: Il faut cependant en excepter le roi, qu'elle aimait
-plus... qu'il ne fallait pour son repos.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné écrit à sa fille: «La princesse de Tarente
-n'attribue l'agitation de sa nièce qu'à l'ignorance de son état; elle
-dit que c'est une <i>fièvre violente</i>, et qu'elle s'y connaît. Voulez-vous
-que je dispute contre elle?»</p>
-
-<p>Il n'est pas exact de dire que ces derniers mots prouvent que madame
-de Sévigné ne croyait pas à la passion de la duchesse d'Orléans
-pour le roi. Et il en serait ainsi, que le témoignage de la princesse de
-Tarente deviendrait autrement décisif sur cet objet que celui de
-madame de Sévigné. Cela explique parfaitement bien la haine de la
-duchesse pour madame de Montespan et pour madame de Maintenon.</p>
-
-<p class="pnote"><span class="pagenum"><a id="Page_459"> 459</a></span>
-Page <a href="#Page_296">296</a>, lig. 5 de la note 652: Cette famille subsiste encore.</p>
-
-<p>Un duc de Tarente, candidat du gouvernement, a été nommé
-membre du corps législatif dans la deuxième circonscription du
-département du Loiret, en mars 1852.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_306">306</a>, ligne 8: Les éloges qu'elle donne au grand historien
-du peuple juif.</p>
-
-<p>Dans la biographie de Josèphe (Flavien), on n'indique pas de
-plus ancienne édition de la traduction de cet auteur que celle de
-1681, in-8<sup>o</sup> et in-12. Les lettres de madame de Sévigné prouvent
-qu'il y en a d'antérieures en date; mais je n'ai pu en trouver encore
-la mention dans aucune notice.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XIV.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_318">318</a>, lignes 7 à 9: «Je n'eusse jamais cru que d'Olonne eût été
-propre à se soucier de son nom et de sa famille.»</p>
-
-<p>La lettre de madame de Sévigné, du 5 janvier 1676, rectifie une
-erreur de la <i>Gazette de Hollande</i>: elle nous apprend que mademoiselle
-de Noirmoutier était aussi de la maison de la Trémouille,
-et qu'après son mariage elle s'appellera madame de Royan. La citation
-de Feuquières renvoie à une lettre de madame de Saint-Chamand
-à madame de Feuquières, qui annonce (le 17 janvier 1676)
-que la comtesse d'Olonne était à Baréges, parce qu'elle avait fait
-une chute de voiture et avait eu le bras cassé.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_329">329</a>, ligne 21: Quoique l'assemblée ait voté, sous l'influence
-de la terreur exercée par le duc de Chaulnes, etc.</p>
-
-<p>Le procès-verbal de la tenue des états en l'endroit cité (p. 379
-verso), sous la date du 12 décembre 1675, porte: «M. de Chaulnes
-est entré aux états, pour leur dire de la part du roi de faire les
-fonds, etc.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_330">330</a>, ligne 7: Presque en même temps que se terminait à Dinan
-la tenue des états de Bretagne.</p>
-
-<p>La tenue de l'assemblée des états de Bretagne commença à Dinan
-<span class="pagenum"><a id="Page_460"> 460</a></span>
-le 9 novembre 1675, et se termina le 15 décembre; l'assemblée des
-communautés de Provence ouvrit ses séances à Lambesc le 23 octobre,
-et les termina le 20 décembre 1675.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_338">338</a>, lignes 2 et 3: Madame de Sévigné allait quelquefois dîner
-au château d'Argentré.</p>
-
-<p>Malheureusement les lettres de madame de Sévigné qui constatent
-ce fait nous apprennent que, malgré son intimité avec les habitants
-de ce château et ses railleries fréquentes sur les sottises de mademoiselle
-du Plessis, elle s'égayait par trop aussi sur les ridicules
-provinciaux de toute la famille. M. Corbière, qui, au milieu de ses
-travaux ministériels, ne pouvait s'empêcher de causer longuement de
-littérature, m'a dit qu'on savait en Bretagne qu'avant la publication
-des lettres de madame de Sévigné, sa mémoire était en vénération
-parmi les descendants des du Plessis: le portrait de cette illustre
-amie se trouvait dans toutes les chambres du château, comme celui
-d'une parente vénérée qu'on a perdue. Mais quand les lettres eurent
-paru, la famille d'Argentré, cruellement détrompée, fit remettre au
-grenier les images de la dame des Rochers; et sa mémoire y fut en
-exécration parmi les personnes qui auraient recherché son estime, si
-elles avaient vécu de son temps. Cet exemple vient à l'appui des sages
-instructions de madame de Maintenon pour ses élèves de Saint-Cyr,
-sur le danger d'écrire des lettres. Afin de mieux concevoir l'effet que
-dut produire au château d'Argentré la lecture de la correspondance
-de madame de Sévigné, il faut citer le passage de sa lettre à madame
-de Grignan, en date du 5 janvier 1676:</p>
-
-<p>«Au reste, mademoiselle du Plessis s'en meurt; toute morte de
-jalousie, elle s'enquiert de tous nos gens comme je la traite. Il n'y
-en a pas un qui ne se divertisse à lui donner des coups de poignard:
-l'un lui dit que je l'aime autant que vous; l'autre, que je la fais coucher
-avec moi, ce qui serait assurément la plus grande marque de ma
-tendresse; l'autre, que je la mène à Paris, que je la baise, que j'en
-suis folle; que mon oncle l'abbé lui donne dix mille francs; que si
-elle avait seulement vingt mille écus, je la ferais épouser à mon fils.
-Enfin, ce sont de telles folies, et si bien répandues dans le petit
-domestique, que nous sommes contraints d'en rire très-souvent, à
-cause des contes perpétuels qu'ils nous font. La pauvre fille ne résiste
-pas à tout cela. Mais ce qui nous a paru très-plaisant, c'est que
-<span class="pagenum"><a id="Page_461"> 461</a></span>
-vous la connaissiez encore si bien, et qu'il soit vrai, comme vous le
-dites, qu'elle n'ait plus de fièvre quarte dès que j'arrive; par conséquent
-elle la joue; mais je suis assurée que nous la lui redonnons
-<i>véritable</i> tout au moins. Cette famille est bien destinée à nous réjouir.
-Ne vous ai-je pas conté comme feu son père nous a fait pâmer
-de rire six semaines de suite? Mon fils commence à comprendre que
-ce voisinage est la plus grande beauté des Rochers.» (<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i>, t. IV, p. 295, édit. G.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_345">345</a>, ligne 15: D'anciennes dettes contractées envers la famille
-de Mirepoix.</p>
-
-<p>L'inventaire des archives de la maison de Grignan démontre que
-le chevalier Perrin, s'il a été bien informé, entend, dans sa note,
-parler de la première femme du comte de Grignan. Il s'agissait d'une
-réclamation du sieur Jabach pour une somme de 4,000 liv. qui lui
-était due comme complément d'une obligation faite à son profit par
-M. le comte de Grignan et feu son épouse. Cette affaire ne fut terminée
-que le 31 mars 1677, au moyen d'une constitution de 250 liv.
-de rentes, par M. le comte et madame la comtesse de Grignan, au
-profit de mademoiselle de Grignan, fille de madame de Grignan-Rambouillet.
-Après cette constitution, le sieur Jabach donna quittance.
-(<i>Catalogue des archives de la maison de Grignan</i>, p. 33.&mdash;Les
-pièces les plus importantes ont été achetées par la Bibl. nat., où elles
-sont conservées.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_346">346</a>, ligne 10: Puis marquis de Vins.</p>
-
-<p>L'abbé de Vins, dont il est fait mention dans la lettre du 11 mars
-1671 (t. I, p. 365, édit. G.), et qui était venu trouver madame de
-Sévigné pour lui donner des nouvelles de madame de Grignan, était
-probablement le frère cadet du marquis de Vins.</p>
-
-<p>Dans une lettre de M. de Pomponne au marquis Isaac de Feuquières,
-ambassadeur en Suède, datée de Paris le 29 avril 1674, on lit:</p>
-
-<p>«...La grande affaire que nous avons faite a été de marier ma
-s&oelig;ur (sa belle-s&oelig;ur) à M. le marquis de Vins, qui est un homme de
-qualité de Provence, seul et unique héritier de sa maison, ayant un
-père et une mère, toutes dettes payées.» (<i>Lettres de</i> <span class="smallc">Feuquières</span>,
-t. II, p. 429.)</p>
-
-<p class="pnote"><span class="pagenum"><a id="Page_462"> 462</a></span>
-Page <a href="#Page_355">355</a>, lignes 1 et 2: Sans inspirer à l'une et à l'autre ni estime
-ni confiance.</p>
-
-<p>Dans la lettre de madame de Maintenon au cardinal de Noailles
-(mars 1700), on lit: «Madame de Saint-Géran m'a demandé une
-audience, en m'assurant qu'elle voulait être dévote, et très-dévote.
-Elle a voulu me persuader de la faire aller à Marly. Je lui ai parlé
-avec une grande franchise sur sa mauvaise conduite. Je l'ai renvoyée
-à madame la maréchale de Noailles, pour juger si pour se détacher
-du monde il faut aller à Marly. Que de conversions fausses! Le
-péché vaut encore mieux que l'hypocrisie.» (<i>Lettres de madame</i>
-<span class="smallc">de Maintenon</span>, t. IV, p. 191.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_355">355</a>, lignes dernières: Elle (<i>madame de Saint-Géran</i>) n'eut
-qu'une fille, dont elle accoucha après vingt et un ans de mariage.</p>
-
-<p>Dans l'ignorance où elles étaient de ce fait, les personnes qui ont
-à Saint-Cyr composé ou falsifié nombre de lettres de madame de
-Maintenon lui font dire dans une de celles adressées à madame de
-Saint-Géran: «Votre fils est très-joli.» Et plus loin; «La <i>du Fresnoy</i>
-est délaissée. Elle a recours à moi... Nous nous sommes embrassées.
-Je lui rendrai service.» (Mai 1679, p. 133, édit. de Dresde,
-1753, in-12.) Combien madame de Maintenon eût eu pitié de celles qui
-croyaient servir sa mémoire en lui prêtant de tels sentiments, un
-tel langage, à l'époque même où elle faisait tous ses efforts pour ramener
-le roi à la soumission religieuse!</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XV.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_356">356</a>, lignes dernières: Madame de Sévigné se plaint fréquemment
-à sa fille du grand nombre de lettres qu'elle recevait, etc.</p>
-
-<p>Nous avons remarqué dans la troisième partie de ces <i>Mémoires</i>,
-chapitre <span class="smallc">VI</span>, p. 108, que la réputation de madame de Sévigné dans
-le genre épistolaire, bien établie à la cour et parmi le grand monde,
-devint populaire aussitôt après la publication des <i>Mémoires de Bussy</i>
-en 1694; nous avons cité les vers latins de l'Épître sur la manière
-l'écrire des lettres, par le jésuite Montaigu. Cette épître, qui fut publiée
-<span class="pagenum"><a id="Page_463"> 463</a></span>
-en 1713, reparut encore en 1749 dans le recueil intitulé <i>Poëmata
-didascaloïca</i>; Parisiis, le Mercier, 1749, 3 vol. in-12.&mdash;Le
-passage sur Sévigné se trouve t. I, p. 314; et pour qu'on ne commît
-aucune méprise sur la personne, au mot <i>Sevinia</i> on a ajouté cette
-note, qui n'était pas dans l'édition première: «Marie de Rabutin,
-marquise de Sévigné.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_366">366</a>, lignes 1 à 3: Les deux s&oelig;urs étaient également l'objet
-des railleries de madame de Grignan pour leur vanité.</p>
-
-<p>Il paraît que cela était assez fondé, et que madame de Grignan
-n'était pas la seule qui raillât madame de Coulanges sur sa vanité.
-Madame de Maintenon écrivant à son frère (28 février 1678, t. I,
-p. 154, Amst., 1756), afin de lui recommander l'économie, lui dit:
-«Je ne suis pas plus avare que vous; mais j'aurais 50,000 livres de
-rente, que je n'aurais pas le train de grande dame, ni un lit galonné
-d'or, comme madame de la Fayette; ni un valet de chambre,
-comme madame de Coulanges. Le plaisir qu'elles en ont vaut-il les
-railleries qu'elles en essuient? M. le chancelier son oncle (c'est-à-dire
-le Tellier, oncle de madame de Coulanges) est plein de modération,
-et le roi l'estime.»</p>
-
-<p class="end">FIN.</p>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_464"> 464</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_465"> 465</a></span></p>
-<h2 class="normal"><span class="xlarge">TABLE SOMMAIRE</span><br />
-<span class="medium">DES CHAPITRES DE CE VOLUME.</span></h2>
-</div>
-
-<table id="ToC" summary="contents">
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE PREMIER.&mdash;1673.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdr">Pages</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Madame de Sévigné quitte la Provence.&mdash;Elle écrit de Montélimar.&mdash;Elle
-arrive à Bourbilly.&mdash;Conduite du comte de
-Bussy.&mdash;Détails sur la comtesse de Fiesque.&mdash;La cour de
-Monsieur et la cour de Condé.&mdash;Arrivée à Paris de madame
-de Sévigné.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_1">1</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE II.&mdash;1673-1674.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Visites que reçoit madame de Sévigné.&mdash;Pour la voir, son fils
-quitte deux fois l'armée.&mdash;Mort du marquis de Maillane.&mdash;Louis
-XIV se prépare à conquérir la Franche-Comté.&mdash;Il
-charge l'évêque de Marseille d'une négociation auprès de la
-duchesse de Toscane.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_18">18</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE III.&mdash;1673-1674.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Détails sur la principauté d'Orange et sur ceux qui la possédèrent.&mdash;Le
-comte de Grignan s'empare de la citadelle d'Orange
-et la fait démolir.&mdash;Lutte entre l'évêque de Marseille
-et Grignan.&mdash;Ouverture des états de Bretagne.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_36">36</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE IV.&mdash;1673-1674.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Madame de Sévigné retrouve Bussy à Paris.&mdash;Origine de la
-liaison de la marquise de Martel avec madame de Sévigné.&mdash;Bussy
-demande une nouvelle prolongation de séjour.&mdash;La
-duchesse de Longueville intercède pour lui auprès de
-Condé, mais inutilement.&mdash;Bussy reste caché dans Paris.&mdash;Louis
-XIV fait venir la reine à Dijon.&mdash;La guerre de Franche-Comté
-s'achève.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_60">60</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE V.&mdash;1674.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Portrait de Louis XIV.&mdash;Détails sur la reine.&mdash;Madame de
-Montespan donne des bals d'enfants.&mdash;Amours de Louis XIV
-<span class="pagenum"><a id="Page_466"> 466</a></span>
-et de la Vallière.&mdash;Elle est faite duchesse.&mdash;Triomphe de
-madame de Montespan.&mdash;Madame de la Vallière entre aux
-Carmélites.&mdash;Sa prise d'habit et ses v&oelig;ux.&mdash;Grâce que lui
-accorde le roi.&mdash;Pourquoi il s'abstint de l'aller voir.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_81">81</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE VI.&mdash;1674-1675.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Le parti religieux et le parti mondain se disputent l'influence sur
-Louis XIV.&mdash;Réforme dans la maison de la reine.&mdash;Madame
-de Sévigné visite Port-Royal des Champs.&mdash;Mort du
-grand Condé.&mdash;Colbert est chargé de la réorganisation des
-spectacles de Paris.&mdash;L'Opéra devient le spectacle dominant.&mdash;Sociétés
-de Paris à cette époque.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_112">112</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE VII.&mdash;1674-1675.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Arrivée à Paris de M. et madame de Grignan.&mdash;Madame de
-Grignan demeure quinze mois avec sa mère.&mdash;Ouverture
-de l'assemblée des communautés de Provence.&mdash;Correspondance
-de Bussy et de madame de Sévigné.&mdash;Détails sur les
-deux femmes et les enfants de Bussy.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_137">137</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE VIII.&mdash;1675.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Madame de Grignan retourne en Provence.&mdash;Retz va en Lorraine,
-et donne sa démission du cardinalat.&mdash;Son portrait,
-par la Rochefoucauld.&mdash;Douleur de madame de Sévigné en
-se séparant de Retz.&mdash;Elle quitte Paris pour aller en Bretagne.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_160">160</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE IX.&mdash;1674-1675.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Succès de Louis XIV en Franche-Comté et en Roussillon.&mdash;Bataille
-de Senef.&mdash;Révoltes en Bretagne et en Guienne.&mdash;Le
-duc de Chaulnes sévit contre les Bretons.&mdash;Les états
-de Bretagne s'assemblent à Dinan.&mdash;Remontrances adressées
-au roi.&mdash;D'Harouïs, trésorier des états, est condamné à une
-prison perpétuelle.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_173">173</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE X.&mdash;1675-1676.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">L'opinion publique se déclare contre madame de Montespan.&mdash;Un
-prêtre lui refuse l'absolution.&mdash;Bossuet et Bourdaloue
-conseillent au roi et à madame de Montespan de se séparer.&mdash;Ils
-<span class="pagenum"><a id="Page_467"> 467</a></span>
-le promettent.&mdash;Madame de Montespan construit Clagny.&mdash;Le
-roi ordonne qu'elle soit réintégrée à Versailles, mais
-avec l'intention de ne plus avoir commerce avec elle.&mdash;Madame
-de Montespan parvient à le faire changer de résolution.&mdash;La
-cour reprend sa splendeur et ses plaisirs.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_189">189</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XI.&mdash;1675-1676.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Espoir du parti pieux dans l'influence de madame de Maintenon.&mdash;Nécessité
-de jeter un coup d'&oelig;il rétrospectif sur la vie de
-cette dame.&mdash;Le roi lui confie l'éducation de ses enfants
-issus de madame de Montespan.&mdash;Elle devient marquise de
-Maintenon.&mdash;Obtient de correspondre directement avec le
-roi.&mdash;Durée du règne de madame de Montespan.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_209">209</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XII.&mdash;1675-1676.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Turenne est tué.&mdash;Création de nouveaux maréchaux.&mdash;La
-révolte continue à Rennes.&mdash;Madame de Sévigné arrive à
-Nantes.&mdash;Souvenirs que ce voyage lui rappelle.&mdash;Faits importants
-relatifs à sa jeunesse, rectifiés.&mdash;Date de la naissance
-de ses enfants, etc.&mdash;Détails fournis par les Mémoires
-de d'Ormesson sur madame de Sévigné et sur les événements.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_246">246</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XIII.&mdash;1676.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Liaison de madame de Sévigné avec la princesse de Tarente.&mdash;Nouvelles
-du Danemark et de la cour de France, données
-par cette princesse à madame de Sévigné durant son séjour
-aux Rochers.&mdash;Détails sur Griffenfeld.&mdash;Mariage de la princesse
-de la Trémouille.&mdash;Caractère de <span class="smallc">Madame</span>, seconde
-femme du duc d'Orléans.&mdash;Détails sur le prince et la princesse
-de Tarente.&mdash;Madame de Sévigné passe l'hiver aux
-Rochers.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_283">283</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XIV.&mdash;1675-1676.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Malheurs de la Bretagne.&mdash;Forbin marche sur cette province
-avec six mille hommes.&mdash;Exil du parlement.&mdash;M. de
-Chaulnes est insulté.&mdash;Tenue des états de Provence.&mdash;Détails
-sur les affaires de Bretagne et sur celles des provinces.&mdash;Correspondance
-de madame de Sévigné avec ses amis de
-Paris.&mdash;Ses liaisons avec différentes personnes.</td>
-<td class="tdr"><span class="pagenum"><a id="Page_468"> 468</a></span>
-<a href="#Page_314">314</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XV.&mdash;1675-1680.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Plaintes de madame de Sévigné sur le grand nombre de lettres
-qu'elle est obligée d'écrire.&mdash;Soins et attentions que lui prodigue
-son fils.&mdash;Volages amours de celui-ci.&mdash;Nouveaux
-travaux qu'entreprend aux Rochers madame de Sévigné.&mdash;Elle
-y tombe dangereusement malade.&mdash;Sévigné vient à
-Paris pour vendre sa charge de guidon.&mdash;Madame de Sévigné
-quitte les Rochers.&mdash;Elle s'arrête à Malicorne, où on lui
-lit l'oraison funèbre de Turenne par Fléchier.&mdash;Elle arrive
-à Paris.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_356">356</a></td>
-</tr>
-</table>
-
-<p class="end">FIN DE LA TABLE DES CHAPITRES.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_469"> 469</a></span></p>
-<h2 class="normal"><span class="xlarge">TABLE SOMMAIRE</span><br />
-<span class="xs">DES</span><br />
-<span class="medium">MATIÈRES PRINCIPALES DES NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS</span><br />
-<span class="medium">CONTENUS DANS CE VOLUME.</span></h2>
-</div>
-
-<table id="enotes" summary="contents">
-<tr>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdr">Pages</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur les madrigaux de Montreuil pour madame de Sévigné</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_393">393</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur le voyage clandestin de l'évêque de Valence à Paris</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_393">393</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur deux petits poëmes de Marigny</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_395">395</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur <i>Forléans</i>, <i>Bourbilly</i> et <i>Époisses</i></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_397">397</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur le château d'Époisses</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_398">398</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur madame de la Morésan</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_403">403</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur les éditions de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_404">404</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur doña Felippe-Maria-Térésa Abarca</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_406">406</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur la lettre de la s&oelig;ur Magdeleine du Saint-Esprit</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_409">409</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur la terre du Mesnil Saint-Denis</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_411">411</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur l'opéra en France</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_413">413</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur une grossesse de madame de Grignan</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_415">415</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Vers de Benserade sur le marquis de Saucourt</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_418">418</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Jugement de M. de la Rivière sur les lettres de madame de Grignan</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_420">420</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur la <i>Relation de ce qui s'est passé en Catalogne</i></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_421">421</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur des lettres de Louis XIV à Colbert, relatives à madame de
-Montespan</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_422">422</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur M. de Condom</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_425">425</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur la perruque de Louis XIV</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_426">426</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur une lettre et des fragments de lettres attribués à madame
-de Maintenon</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_429">429</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur des bruits de cour relatifs à madame de Montespan</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_433">433</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Passages extraits des <i>Conversations de madame de Maintenon</i></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_433">433</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur le vague qui règne dans l'histoire de madame d'Aubigné et
-dans celle des premières années de sa fille</td>
-<td class="tdr"><span class="pagenum"><a id="Page_470"> 470</a></span>
-<a href="#Page_437">437</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur un dialogue de madame de Maintenon pour ses élèves de
-Saint-Cyr</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_439">439</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Épigramme du chevalier de Méré</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_439">439</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur l'auteur de la <i>Mazarinade</i></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_443">443</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur les <i>&OElig;uvres diverses d'un auteur de sept ans</i></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_443">443</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur Gui Patin</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_449">449</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur le château de la Seilleraye, et sur les portraits de madame de
-Sévigné et de sa fille</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_451">451</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sur madame de Sévigné et la famille du Plessis</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_460">460</a></td>
-</tr>
-</table>
-<p class="end">FIN DE LA TABLE DES NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.</p>
-
-<div class="chapter">
-<div class="footnotes">
-<h2 class="normal">NOTES:</h2>
-<div class="footnote">
-
-<p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1" class="label">[1]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 octobre 1673), t. III, p. 176, édit. de Gault
-de Saint-Germain; t. III, p. 101, édition de Monmerqué.</p>
-
-<p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2" class="label">[2]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 et 10 octobre 1673), t. III, p. 181, édit. G.;&mdash;<i>Ibid.</i>,
-t. III, p. 103 et 105, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3" class="label">[3]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 octobre 1673), t. III, p. 178, édit. G.; t. III,
-p. 101, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4" class="label">[4]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 octobre et 10 novembre 1673), t. III,
-p. 186, 213, édit. G.; t. III, p. 109, 131, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5" class="label">[5]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 décembre 1673), t. III, p. 268, édit. G.;
-t. III, p. 177, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6" class="label">[6]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 octobre 1673), t. III, p. 188, édit. G.;
-t. III, p. 111, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7" class="label">[7]</a> <i>Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie</i> <span class="smallc">de Rabutin-Chantal</span>
-<i>pendant la Régence et la Fronde</i>, 2<sup>e</sup> édit., p. 49 et 50,
-chap. <span class="smallc">V</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8" class="label">[8]</a> <span class="smallc">Montreuil</span>, <i>&OElig;uvres</i>, 1666, p. 5, 107, 472, 500; 1671, p. 4,
-72, 321, 339.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 octobre 1673), t. III, p. 179.</p>
-</div>
-<div class="footnote">
-<p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9" class="label">[9]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 octobre 1679), t. III, p. 178, édit. G.; t. III,
-p. 103, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10" class="label">[10]</a> <span class="smallc">Gourville</span>, <i>Mémoires</i>, vol. LII, p. 286.</p>
-
-<p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11" class="label">[11]</a> <span class="smallc">Choisy</span>, <i>Mémoires</i>, vol. LXIII, p. 369 à 387.&mdash;<span class="smallc">Montpensier</span>,
-<i>Mémoires</i>, vol. XLIII, p. 135 (année 1663).</p>
-
-<p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12" class="label">[12]</a> <span class="smallc">Choisy</span>, <i>Mémoires</i>, vol. LXIII, p. 391, 397, 408, 410, 417,
-418.&mdash;<span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires authentiques</i>, t. III, p. 141, ch. <span class="smallc">XI</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13" class="label">[13]</a> <i>Abrégé de la vie de la bienheureuse mère Jeanne-Françoise
-Fremyot de Chantal</i>, 1752, p. 39.</p>
-
-<p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14" class="label">[14]</a> Voyez la 4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 199.</p>
-
-<p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15" class="label">[15]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6, 10 et 11 octobre 1673), t. III, p. 184-187,
-édit. G.; t. III, p. 103, 108, 110, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16" class="label">[16]</a> Conférez la 1<sup>re</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, t. I, p. 479, chap. <span class="smallc">XXXV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17" class="label">[17]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 octobre 1673), t. III, p. 187, 189, édit. G.;
-t. III, p. 111, édit. M. Ces deux pièces de vers ne se trouvent pas
-dans les <i>&OElig;uvres</i> de Marigny, 1674, in-12. Auparavant avait paru
-<i>le Pain bénit</i>, par M. l'abbé de Marigny, 1673, in-12 (23 pages);
-on a réimprimé cet opuscule en 1795, avec une sotte préface.</p>
-
-<p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18" class="label">[18]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 octobre 1673), t. III, p. 190, édit. G.;
-t. III, p. 112, édit. M.&mdash;<i>Lettres de madame</i> <span class="smallc">de Rabutin-Chantal</span>,
-<i>marquise</i> <span class="smallc">de Sévigné</span>; la Haye, 1726, t. I, p. 317.</p>
-
-<p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19" class="label">[19]</a> Deuxième partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 331, chap. <span class="smallc">XXII</span> (2<sup>e</sup> édit.).</p>
-
-<p><a id="Footnote_20" href="#FNanchor_20" class="label">[20]</a> <i>Lettres de</i> <span class="smallc">Ménage</span>, dans les <i>Lettres et pièces rares et inédites</i>
-publiées par M. Matter, 1846, in-8<sup>o</sup>, p. 235.&mdash;<span class="smallc">Bussy</span>, <i>Lettres</i>, 173,
-in-12, t. I, p. 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_21" href="#FNanchor_21" class="label">[21]</a> <span class="smallc">Bussy</span>, <i>Lettres</i> (11 novembre 1666), Paris, Delaulne, 1637, in-12,
-t. II, p. 2.&mdash;Dans <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 154, édit. G.; t. I, p. 109,
-édit. M., et p. 1, 3, chap. <span class="smallc">I</span> de la 1<sup>re</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_22" href="#FNanchor_22" class="label">[22]</a> <span class="smallc">Bussy</span>, <i>Lettres</i> (29 octobre 1675), t. I, p. 170, édit. 1737.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (19 octobre 1675), t. IV, p. 31, édit. M.; t. IV,
-p. 146, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_23" href="#FNanchor_23" class="label">[23]</a> <i>Suite des Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Bussy</span>, ms., p. 37, v<sup>o</sup> (15
-juillet 1673).&mdash;<span class="smallc">Bussy</span> (lettre du 29 octobre 1675), dans <span class="smallc">Sévigné</span>,
-t. IV, p. 146, édit. G., et t. IV, p. 34, édit. M.&mdash;Voyez la 4<sup>e</sup> partie
-de ces <i>Mémoires</i>, p. 313.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 juillet 1673), t. III,
-p. 164, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_24" href="#FNanchor_24" class="label">[24]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 octobre et 6 novembre 1673), t. III, p. 195
-et 210, édit. G.; t. III, p. 117 et 130, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_25" href="#FNanchor_25" class="label">[25]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 février et 23 août 1678), t. V, p. 481;
-t. VI, p. 24, édit. G.; t. V, p. 308 et 354, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_26" href="#FNanchor_26" class="label">[26]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (juillet 1679), t. VI, p. 101 à 104.</p>
-
-<p><a id="Footnote_27" href="#FNanchor_27" class="label">[27]</a> Voyez la 1<sup>re</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, t. I, p. 203.&mdash;<span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>,
-<i>Mémoires</i>, édit. 1721, t. I, p. 151, 152, 165, 172 et suiv.,
-185, 191, 192, 202, 337.</p>
-
-<p><a id="Footnote_28" href="#FNanchor_28" class="label">[28]</a> <span class="smallc">Expilly</span>, <i>Dictionnaire des Gaules et de la France</i>, 1764, in-fol.,
-t. II, p. 753, au mot <i>Époisses.&mdash;Voyage pittoresque de Bourgogne</i>,
-Dijon, 1833, t. I, feuille 9, n<sup>o</sup> 3.</p>
-
-<p><a id="Footnote_29" href="#FNanchor_29" class="label">[29]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (25 octobre 1673), t. III, p. 196, édit. G.; t. III,
-p. 118, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (juillet 1679), t. VI, p. 101, 104, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_30" href="#FNanchor_30" class="label">[30]</a> <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. III, p. 403.&mdash;<span class="smallc">Mignet</span>, <i>Négociations</i>, t. IV,
-p. 215.</p>
-
-<p><a id="Footnote_31" href="#FNanchor_31" class="label">[31]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 octobre 1673), t. III, p. 191, édit. G.,
-t. III, p. 114, 118, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_32" href="#FNanchor_32" class="label">[32]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 octobre 1673), t. III, p. 196, édit. G.;
-t. III, p. 118, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_33" href="#FNanchor_33" class="label">[33]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 avril 1676), t. IV, p. 202, édit. M.; t. IV,
-p. 262, édit G.&mdash;<span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires</i>, t. II, p. 354.</p>
-
-<p><a id="Footnote_34" href="#FNanchor_34" class="label">[34]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires complets et authentiques</i>, 1829, in 8<sup>o</sup>,
-t. X, p. 111, chap. <span class="smallc">II</span>.&mdash;<span class="smallc">Madame</span>, duchesse d'Orléans, <i>Mémoires,
-fragments historiques et correspondances</i>, 1832, in-8<sup>o</sup>, p. 99, 103
-et 242.</p>
-
-<p><a id="Footnote_35" href="#FNanchor_35" class="label">[35]</a> Voyez la 4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 274 et 275.</p>
-
-<p><a id="Footnote_36" href="#FNanchor_36" class="label">[36]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires</i>, t. VII, p. 117, 139, et notre note sur
-les <i>Caractères</i> de la Bruyère, p. 658, 660, 662. Conférez la 4<sup>e</sup> partie
-de ces <i>Mémoires</i>, p. 271.</p>
-
-<p><a id="Footnote_37" href="#FNanchor_37" class="label">[37]</a> Voyez 4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 133, chap. <span class="smallc">V</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_38" href="#FNanchor_38" class="label">[38]</a> Sur ces soupers donnés à Saint-Maur, par le duc d'Enghien,
-<i>aux anges</i>, voyez <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 avril 1672), t. II, p. 449,
-édit. G.; t. II, p. 377, édit. M.&mdash;<i>La France devenue italienne
-dans la France galante</i>, Cologne, 1695, in-12, p. 359 et 360.</p>
-
-<p><a id="Footnote_39" href="#FNanchor_39" class="label">[39]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 octobre 1673), t. III, p. 193, édit. G.;
-t. III, p. 115, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_40" href="#FNanchor_40" class="label">[40]</a> On donnait aussi à mademoiselle de Grancey le titre de madame,
-comme étant chanoinesse.</p>
-
-<p><a id="Footnote_41" href="#FNanchor_41" class="label">[41]</a> Marie-Louise, fille d'Henriette d'Angleterre, née à Paris le 27 mars
-1662, mariée à Charles II, roi d'Espagne, le 30 août 1679. Sur madame
-de Grancey, conférez <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. de la Haye, 1726,
-t. I, p. 165 (dans cette édition le nom de Grancey est en toutes
-lettres); <i>ibid.</i> (21 octobre 1673, 2 octobre 1676, 6 décembre 1679),
-t. II, p. 189; t. III, p. 193; t. VI, p. 147; t. V, p. 237, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(15 juillet 1672), t. II, p. 223, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (23 décembre
-1671), t. II, p. 269; t. III, p. 115; t. VI, p. 53.&mdash;<i>Ibid.</i> (29 janvier
-1685), t. VII, p. 229, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_42" href="#FNanchor_42" class="label">[42]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 avril 1678), t. V, p. 501.</p>
-
-<p><a id="Footnote_43" href="#FNanchor_43" class="label">[43]</a> Sur Gondrin, conférez <span class="smallc">Gourville</span>, <i>Mémoires</i>, t. LII, p. 309.</p>
-
-<p><a id="Footnote_44" href="#FNanchor_44" class="label">[44]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27, 30 octobre et 2 novembre 1673), t. III,
-p. 198-203, édit. G.; t. III, p. 120-124, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_45" href="#FNanchor_45" class="label">[45]</a> <span class="smallc">De Coulanges</span>, <i>Chansons</i>, ms. autographe, p. 68. Le manuscrit
-des chansons de Coulanges, qui est à la Bibliothèque impériale, a
-133 feuillets ou 266 pages.</p>
-
-<p><a id="Footnote_46" href="#FNanchor_46" class="label">[46]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (2 novembre 1673), t. III, p. 204, édit. G.;
-t. III, p. 125, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_47" href="#FNanchor_47" class="label">[47]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 avril 1671 et 12 juillet 1673), t. III,
-p. 204, 214, 452; t. IV, p. 465, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (15, 18 septembre et
-10 novembre, 13 décembre 1679, 1<sup>er</sup> et 26 mai, 10 juin 1680, 7 juillet
-1682), t. IV, p. 94; t. V, p. 465; t. VII, p. 94, édit. G.; et
-t. II, p. 359; t. III, p. 149, 328; t. IV, p. 82, 251; t. V, p. 425 et
-431; t. VI, p. 6, 21, 30, 66, 209, 238, 242, 249, 364, 368; t. VII,
-p. 38, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_48" href="#FNanchor_48" class="label">[48]</a> Sur la famille Rarai ou Raray, voyez la 3<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>,
-p. 134.&mdash;<span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 150.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (31 juillet 1639), t. VII, p. 142, édit. G.; t. VI, p. 401,
-édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_49" href="#FNanchor_49" class="label">[49]</a> Marie de Coulanges; voyez la 4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 349.</p>
-
-<p><a id="Footnote_50" href="#FNanchor_50" class="label">[50]</a> Voyez la 3<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 129.</p>
-
-<p><a id="Footnote_51" href="#FNanchor_51" class="label">[51]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 juin et 20 juillet 1671), t. II, p. 102-161,
-édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (15 décembre et 25 octobre 1675), t. IV, p. 181 et
-249.&mdash;<i>Ibid.</i> (19 juillet 1675), t. III, édit. G., et t. IX, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_52" href="#FNanchor_52" class="label">[52]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 et 13 novembre 1673), t. III, p. 209, 220.</p>
-
-<p><a id="Footnote_53" href="#FNanchor_53" class="label">[53]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 janvier 1674), t. III, p. 307, édit. G.; t. III,
-p. 210, édit. M.&mdash;Voyez la 2<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, chap. <span class="smallc">VIII</span>,
-p. 101, 2<sup>e</sup> édit.</p>
-
-<p><a id="Footnote_54" href="#FNanchor_54" class="label">[54]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 novembre 1673), t. III, p. 225, édit. G.&mdash;(22
-janvier 1674), t. III, p. 323 et 324, édit. G.&mdash;(5 février
-1674), t. III, p. 335.</p>
-
-<p><a id="Footnote_55" href="#FNanchor_55" class="label">[55]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 novembre 1672), t. III, p. 243.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(20 septembre 1671), t. II, p. 232, édit. G.&mdash;(4 mai 1676), t. IV,
-p. 430, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_56" href="#FNanchor_56" class="label">[56]</a> <i>Lettres inédites de madame de Sévigné, de sa famille et de
-ses amis, avec son portrait, vue et fac-simile</i>; Paris, Blaise, 1827,
-in-8<sup>o</sup>, p. 66, 67.&mdash;<i>Lettres de la marquise</i> <span class="smallc">de Villars</span>, Paris, 25 août
-1673; et <i>Lettres</i> <span class="smallc">de Sévigné</span> (15 janvier 1674), t. III, p. 289, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_57" href="#FNanchor_57" class="label">[57]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 janvier 1674), t. III, p. 327, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>,
-t. III, p. 227, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_58" href="#FNanchor_58" class="label">[58]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 décembre 1673), t. III, p. 281, éd. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_59" href="#FNanchor_59" class="label">[59]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (10 novembre 1673, 16 octobre 1675, 25 septembre
-1687), t. III, p. 217; t. IV, p. 159; t. X, p. 8, éd. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_60" href="#FNanchor_60" class="label">[60]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (10 juillet et 26 août 1675), t. III, p. 381 et
-429, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i>, t. III, p. 456, et t. IV, p. 56, édit. G.&mdash;Sur
-Pontcarré, auquel madame de Grignan écrivait, conférez encore
-<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 juin 1671), t. II, p. 204, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (15
-décembre 1675), t. IV, p. 249, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (25 octobre 1675),
-t. IV, p. 181, édit. G.&mdash;(31 août 1689), t. IX, p. 94, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_61" href="#FNanchor_61" class="label">[61]</a> Conférez <span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, <i>Suite de ses Mémoires</i> (ms. de l'Institut),
-p. 42 à 57. (Lettres <span class="smallc">de Bussy</span>, datées de Paris 16, 20, 22,
-25 octobre, et 2, 26 décembre 1673.&mdash;Le 23 janvier 1674, Bussy
-écrit de Chaseu.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_62" href="#FNanchor_62" class="label">[62]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (2 novembre 1673), t. III, p. 206, édit. G.;
-t. III, p. 26, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_63" href="#FNanchor_63" class="label">[63]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 novembre 1673), t. III, p. 136, édit. M.;
-t. III, p. 218, 221, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_64" href="#FNanchor_64" class="label">[64]</a> <i>Abrégé des délibérations prises en l'assemblée générale du pays
-de Provence</i> tenue à Lambesc les mois de décembre 1673 et janvier
-1674; Aix, in-4<sup>o</sup> (1680), p. 20 et 21.&mdash;<span class="smallc">Expilly</span>, <i>Dict.</i>, t. IV, p. 486.</p>
-
-<p><a id="Footnote_65" href="#FNanchor_65" class="label">[65]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 déc. 1672), t. III, p. 124, édit. G.; t. III,
-p. 54, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_66" href="#FNanchor_66" class="label">[66]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>, etc., p. 21.</p>
-
-<p><a id="Footnote_67" href="#FNanchor_67" class="label">[67]</a> Lettres de Sève à Colbert (22 août 1075).&mdash;<span class="smallc">Depping</span>, <i>Correspondance
-administrative sous le règne de Louis XIV</i>, 1851,
-t. II, in-4<sup>o</sup>, p. 201.</p>
-
-<p><a id="Footnote_68" href="#FNanchor_68" class="label">[68]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (10 novembre 1673), t. III, p. 215, édit. G.;
-t. III, p. 133, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_69" href="#FNanchor_69" class="label">[69]</a> Lettres du chancelier le Tellier à Marin, premier président
-(7 juillet 1682). Dans <span class="smallc">Depping</span>, <i>Correspondance administrative
-sous Louis XIV</i>, t. II, p. 240.</p>
-
-<p><a id="Footnote_70" href="#FNanchor_70" class="label">[70]</a> <span class="smallc">Lingard</span>, <i>History of England</i>, 4<sup>e</sup> édit., t. XII, p. 369.&mdash;Ce
-traité fut conclu le 22 mars 1670.</p>
-
-<p><a id="Footnote_71" href="#FNanchor_71" class="label">[71]</a> <span class="smallc">Temple</span>, <i>Mémoires</i>, vol. LXIV, p. 37, 40, 46.</p>
-
-<p><a id="Footnote_72" href="#FNanchor_72" class="label">[72]</a> <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i> (<i>Mém. militaires</i>, 1673, 1674, 1675), t. III,
-p. 303, 532.&mdash;<span class="smallc">Ramsay</span>, <i>Histoire du vicomte de Turenne</i>, édit. 1773,
-in-12.&mdash;<i>Mémoires du vicomte de Turenne</i>, t. III, p. 309 à 443.&mdash;<i>Histoire</i>,
-t. II, liv. <span class="smallc">VI</span>, p. 241 à 360.&mdash;L'abbé <span class="smallc">Raguenet</span>, <i>Histoire
-du vicomte de Turenne</i> (1738, in-12, liv. <span class="smallc">V</span> et <span class="smallc">VI</span>), t. II, p. 49,
-220.&mdash;<span class="smallc">Desormeaux</span>, <i>Histoire de Louis II, prince de Condé</i>, 1769,
-in-12, t. IV, liv. <span class="smallc">IX</span>, p. 337 à 427.</p>
-
-<p><a id="Footnote_73" href="#FNanchor_73" class="label">[73]</a> <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i> (fragment sur la campagne de 1674; Siége
-de Besançon; Précis de la conquête de Franche-Comté), t. III,
-p. 453, 459, 473.</p>
-
-<p><a id="Footnote_74" href="#FNanchor_74" class="label">[74]</a> <span class="smallc">Grammont</span>, <i>Mémoires</i>, vol. LVII, p. 96, 99 (1674).&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (avril 1674, au comte de Guitaud), t. III, p. 339, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_75" href="#FNanchor_75" class="label">[75]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 décembre 1673), t. III, p. 280, édit. G.;
-t. III, p. 188, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_76" href="#FNanchor_76" class="label">[76]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 décembre 1673), t. III, p. 281, édit. G.;
-t. II, p. 188, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_77" href="#FNanchor_77" class="label">[77]</a> Le duc <span class="smallc">de Navailles</span> et <span class="smallc">de la Valette</span>, <i>Mémoires</i>, Paris, 1701,
-in-12, p. 278 (année 1673).</p>
-
-<p><a id="Footnote_78" href="#FNanchor_78" class="label">[78]</a> <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i> (lettres au duc de Montausier, 13 août,
-2 octobre 1673, 23 mai 1675, 11 mars 1677, 2 et 23 mai 1698), t. V,
-p. 310, 515, 532, 559, 575.</p>
-
-<p><a id="Footnote_79" href="#FNanchor_79" class="label">[79]</a> <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i> (lettre au roi d'Angleterre, 17 février 1668),
-t. V, p. 547.</p>
-
-<p><a id="Footnote_80" href="#FNanchor_80" class="label">[80]</a> Conférez <i>Histoire de la vie et des ouvrages de Jean de la
-Fontaine</i>, 3<sup>e</sup> édit., 1824, in-8<sup>o</sup>, p. 151 à 154.&mdash;<span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i>
-(lettres à la princesse de Toscane, 3 octobre 1662, 28 mars 1664,
-23 novembre 1665, 29 octobre 1669), t. V, p. 98, 172, 333, 458.
-(22 août et 6 décembre 1673), t. V, p. 511 et 518.&mdash;<span class="smallc">Montpensier</span>,
-<i>Mémoires</i>, 1674, t. XLIII, p. 373.</p>
-
-<p><a id="Footnote_81" href="#FNanchor_81" class="label">[81]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (14 octobre 1674), t. III, p. 357, édit. G. (Lettre
-du comte de Grignan au comte de Guitaud. A la page 359,
-au lieu de: les cent mille francs, lisez: les cinq mille francs.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_82" href="#FNanchor_82" class="label">[82]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 août 1673), t. IX, p. 93 et 94, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_83" href="#FNanchor_83" class="label">[83]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (10 novembre 1673), t. III, p. 214-15, édit.
-G.; t. III, p. 132, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_84" href="#FNanchor_84" class="label">[84]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 décembre 1673), t. III, p. 279, édit. G.;
-t. III, p. 131, édit M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_85" href="#FNanchor_85" class="label">[85]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 janvier 1674), t. III, p. 323, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>
-t. III, p. 224, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (4 déc. 1673), t. III, p. 249, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_86" href="#FNanchor_86" class="label">[86]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 février 1672), t. II, p. 392, édit. G.; t. II,
-p. 333, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_87" href="#FNanchor_87" class="label">[87]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1673), t. III, p. 258-262, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_88" href="#FNanchor_88" class="label">[88]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 novembre 1673), t. III, p. 222, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_89" href="#FNanchor_89" class="label">[89]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (10, 12 et 27 novembre 1673), t. III, p. 217,
-220 et 243, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (4 décembre 1673), t. III, p. 246 et
-247, édit. G.&mdash;<span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Lettres historiques</i>, in-12, t. II, p. 73.</p>
-
-<p><a id="Footnote_90" href="#FNanchor_90" class="label">[90]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 décembre 1673), t. III, p. 247, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_91" href="#FNanchor_91" class="label">[91]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 et 20 novembre 1673), t. III, p. 227, 228,
-édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (24 décembre 1673), t. III, p. 277.</p>
-
-<p><a id="Footnote_92" href="#FNanchor_92" class="label">[92]</a> <span class="smallc">Expilly</span>, <i>Dictionnaire des Gaules et de la France</i>, t. V,
-p. 304 à 314.&mdash;J. <span class="smallc">Convenent</span>, ci-devant pasteur de la maison de Sa
-Majesté Britannique Guillaume III, <i>Histoire abrégée des dernières
-révolutions arrivées dans la principauté d'Orange</i>; Londres,
-chez Robert Roger, 1704, in-12, chap. <span class="smallc">I</span>, p. 5, 6.</p>
-
-<p><a id="Footnote_93" href="#FNanchor_93" class="label">[93]</a> Conférez l'abbé <span class="smallc">d'Expilly</span>, <i>Dictionnaire des Gaules et de la
-France</i>, t. V, p. 315. Il cite du Tillet en son Recueil des barons et
-pairs de France, Bodin, de la République, livre <span class="smallc">I</span>, ch. 9, et Nostradamus,
-Histoire de Provence, partie 4, sur l'année 1330.</p>
-
-<p><a id="Footnote_94" href="#FNanchor_94" class="label">[94]</a> P. <span class="smallc">Duval</span>, géographe de Sa Majesté, <i>la France depuis son
-agrandissement par conquêtes du roy</i>; 1680, in-12, p. 258.&mdash;J.
-<span class="smallc">Convenent</span>, <i>Histoire des diverses révolutions arrivées dans la
-principauté d'Orange</i>; Londres, 1704, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Madame <span class="smallc">Dunoyer</span>,
-<i>Mémoires</i>, dans les <i>Lettres histor. et galantes</i>, t. VIII, p. 9 et 10.&mdash;<i>L'Art
-de vérifier les dates</i>, 3<sup>e</sup> édit., 1784, in-folio, p. 453.</p>
-
-<p><a id="Footnote_95" href="#FNanchor_95" class="label">[95]</a> Guillaume-Henri de Nassau.</p>
-
-<p><a id="Footnote_96" href="#FNanchor_96" class="label">[96]</a> J. <span class="smallc">Convenent</span>, <i>Abrégé des diverses révolutions</i>, p. 8.&mdash;<i>Relation
-de ce qui se passa dans le rasement du château d'Orange
-et de ses fortifications, par ordre du roi de France surnommé
-le Grand</i> (manuscrit du cabinet de M. Aubenas), p. 24 à 240.</p>
-
-<p><a id="Footnote_97" href="#FNanchor_97" class="label">[97]</a> <i>Lettre écrite d'Orange, le 25 juillet 1712, à M. le baron de
-Roays</i>, par l'abbé ***, chanoine de la cathédrale (manuscrit de
-M. Aubenas).</p>
-
-<p><a id="Footnote_98" href="#FNanchor_98" class="label">[98]</a> J. <span class="smallc">Convenent</span>, <i>Histoire abrégée des dernières révolutions
-d'Orange</i>; 1704, in-8<sup>o</sup>, chap. <span class="smallc">ii</span>, p. 8. La démolition eut lieu en janvier
-et en février.</p>
-
-<p><a id="Footnote_99" href="#FNanchor_99" class="label">[99]</a> J. <span class="smallc">Convenent</span>, <i>Hist. abrégée des dernières révolutions d'Orange</i>;
-1704, in-8<sup>o</sup>.&mdash;<i>Relation</i>, etc. (manuscrit d'Aubenas), p. 261.</p>
-
-<p><a id="Footnote_100" href="#FNanchor_100" class="label">[100]</a> <i>Manuscrit d'Aubenas</i>, p. 269.&mdash;J. <span class="smallc">Convenent</span>, <i>Hist. abrégée
-des dernières révolutions</i>, chap. <span class="smallc">II</span>, p. 10.&mdash;<i>Recueil des Gazettes
-de l'année 1673</i>, in-4<sup>o</sup>, janvier et décembre 1673, p. 48.</p>
-
-<p><a id="Footnote_101" href="#FNanchor_101" class="label">[101]</a> Dom <span class="smallc">Clément</span>, <i>Art de vérifier les dates</i>; 1784, édit. in-folio,
-t. II, p. 448.&mdash;<span class="smallc">Aubenas</span>, <i>Notice historique sur la maison de Grignan</i>,
-dans l'<i>Histoire de madame de Sévigné</i>; 1842, in-8<sup>o</sup>, p. 523.</p>
-
-<p><a id="Footnote_102" href="#FNanchor_102" class="label">[102]</a> <span class="smallc">J. Convenent</span>, <i>Histoire abrégée</i>, p. 10, chap. <span class="smallc">II</span>.&mdash;<i>Manuscrit
-d'Aubenas</i>, p. 261 et 267.</p>
-
-<p><a id="Footnote_103" href="#FNanchor_103" class="label">[103]</a> Boileau, épître V, t. I, p. 320 à 321, édit. de Saint-Marc, 1747.</p>
-
-<p><a id="Footnote_104" href="#FNanchor_104" class="label">[104]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 et 24 novembre 1673), t. III, p. 233 et
-234, 236 et 237, édit. G.; t. III, p. 148 et 149, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_105" href="#FNanchor_105" class="label">[105]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 novembre 1673), t. III, p. 237, édit. G.;
-t. III, p. 148 et 149, édit. M.&mdash;Conférez encore, <i>ibid.</i> (2, 6, 17,
-19, 27 novembre et 1<sup>er</sup> décembre 1673), t. III, p. 207, 211, 224,
-227, 241, édit. G., et t. III, p. 126, 127, 131, 140, 143, 145, 151,
-155, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_106" href="#FNanchor_106" class="label">[106]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (2 novembre 1673), t. III, p. 205, édit. G.;
-t. III, p. 126, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_107" href="#FNanchor_107" class="label">[107]</a> <i>Relation de tout ce qui se passa dans le rasement du château
-d'Orange</i>, ms. d'Aubenas, p. 272-276.</p>
-
-<p><a id="Footnote_108" href="#FNanchor_108" class="label">[108]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 janvier 1674), t. III, p. 300, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_109" href="#FNanchor_109" class="label">[109]</a> <i>Relation</i>, etc., ms. d'Aubenas, p. 277.&mdash;<i>Mémoires historiques
-et galants de madame</i> <span class="smallc">Dunoyer</span>, t. VIII, p. 12 à 17.</p>
-
-<p><a id="Footnote_110" href="#FNanchor_110" class="label">[110]</a> <i>Relation</i>, etc., p. 279.</p>
-
-<p><a id="Footnote_111" href="#FNanchor_111" class="label">[111]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> janvier 1690), t. X, p. 162, édit. G.; t. IX,
-p. 275, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_112" href="#FNanchor_112" class="label">[112]</a> <i>Relation de ce qui passa dans le rasement du château
-d'Orange</i>, ms. d'Aubenas, p. 283 et 284.</p>
-
-<p><a id="Footnote_113" href="#FNanchor_113" class="label">[113]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 décembre 1673), t. III, p. 246 et 247, édit.
-G.; t. III, p. 157, 158, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_114" href="#FNanchor_114" class="label">[114]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 et 11 décembre 1673), t. III, p. 254-259,
-édit. G.; t. III, p. 154 et 169, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_115" href="#FNanchor_115" class="label">[115]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 décembre 1673), t. III, p. 247, édit. G.;
-t. III, p. 164, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_116" href="#FNanchor_116" class="label">[116]</a> <i>Abrégé des délibérations prises en l'assemblée générale des
-communautés du pays de Provence</i>; Aix, Charles David, imprimeur
-du roi, du clergé et de la ville, 1674, in-4<sup>o</sup>, p. 3.</p>
-
-<p><a id="Footnote_117" href="#FNanchor_117" class="label">[117]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>, etc.; Aix, 1674, in-4<sup>o</sup>, p. 4.</p>
-
-<p><a id="Footnote_118" href="#FNanchor_118" class="label">[118]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>, etc.; Aix, 1674, in-4<sup>o</sup>, p. 5 et 6.</p>
-
-<p><a id="Footnote_119" href="#FNanchor_119" class="label">[119]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>, p. 11, 12 et 18.</p>
-
-<p><a id="Footnote_120" href="#FNanchor_120" class="label">[120]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>, etc., p. 30.</p>
-
-<p><a id="Footnote_121" href="#FNanchor_121" class="label">[121]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>, etc., p. 21.</p>
-
-<p><a id="Footnote_122" href="#FNanchor_122" class="label">[122]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>; Aix, etc., 1674, in-4<sup>o</sup>, p. 22.</p>
-
-<p><a id="Footnote_123" href="#FNanchor_123" class="label">[123]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>, etc., p. 31-32.</p>
-
-<p><a id="Footnote_124" href="#FNanchor_124" class="label">[124]</a> <i>Abrégé des délibérations prises en l'assemblée générale des
-communautés de Provence</i>; Aix, 1674, in-4<sup>o</sup>, p. 35 et 36.</p>
-
-<p><a id="Footnote_125" href="#FNanchor_125" class="label">[125]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>, etc.; Aix, 1674, in-4<sup>o</sup>, p. 63 et 64.</p>
-
-<p><a id="Footnote_126" href="#FNanchor_126" class="label">[126]</a> Conférez la 4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 237, 239, 259.</p>
-
-<p><a id="Footnote_127" href="#FNanchor_127" class="label">[127]</a> <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 122 (Lettre de Louis XIV à Sobieski,
-en date du 31 mars 1674).&mdash;<span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mémoires</i>, t. XLIII,
-p. 372.</p>
-
-<p><a id="Footnote_128" href="#FNanchor_128" class="label">[128]</a> <i>Abrégé des délibérations de l'assemblée générale des communautés
-de Provence, tenue à Lambesc les mois d'octobre et de
-novembre 1674</i>; Aix, 1675, in-4<sup>o</sup>, p. 12.&mdash;<i>Idem</i>, pour octobre et
-novembre 1675; Aix, 1675, in-4<sup>o</sup>, p. 16.</p>
-
-<p><a id="Footnote_129" href="#FNanchor_129" class="label">[129]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 décembre 1674), t. III, p 274, édit. G.;
-t. III, p. 182, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_130" href="#FNanchor_130" class="label">[130]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 novembre 1673), t. III, p. 232, édit. G.;
-t. III, p. 147, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_131" href="#FNanchor_131" class="label">[131]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 janvier 1674), t. III, p. 323, édit. G.;
-t. III, p. 224, édit. M.&mdash;(18 juin 1676), t. II, p. 373.</p>
-
-<p><a id="Footnote_132" href="#FNanchor_132" class="label">[132]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 décembre 1673), t. III, p. 261, édit. G.;
-t. III, p. 170, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_133" href="#FNanchor_133" class="label">[133]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 décembre 1673), t. III, p. 271, édit. G.;
-t. III, p. 179, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_134" href="#FNanchor_134" class="label">[134]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 décembre 1673), t. III, p. 273 et 274, édit.
-G.; t. III, p. 181, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_135" href="#FNanchor_135" class="label">[135]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (12 janvier 1674), t. III, p. 302, édit. G.;
-t. III, p. 205, édit. M.&mdash;De Buous, qui fut l'objet de cette lutte,
-était le frère ou le proche parent du capitaine de vaisseau, sur lequel
-on peut consulter, ainsi que sur le marquis de Martel, la note du
-savant archiviste de la marine, M. Jal, dans les <i>Mémoires de Villette</i>,
-1841, in-8<sup>o</sup>, p. 14.</p>
-
-<p><a id="Footnote_136" href="#FNanchor_136" class="label">[136]</a> <i>Recueil de la tenue des états de Bretagne dans diverses villes
-de cette province, de 1619 à 1703</i>, ms. de la Bibl. nation. (Bl.-Mant.),
-n<sup>o</sup> 75, p. 357 et 363.</p>
-
-<p><a id="Footnote_137" href="#FNanchor_137" class="label">[137]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (18 décembre 1673), t. III, p. 265, édit. G.;
-t. III, p. 173, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_138" href="#FNanchor_138" class="label">[138]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> janvier 1674), t. III, p. 287 et 295, éd.
-G.; t. III, p. 193 et 200, édit. M.&mdash;<i>Recueil de la tenue des états
-de Bretagne</i>, ms. de la Bibl. nation. (Bl.-Mant.), n<sup>o</sup> 75, p. 365.</p>
-
-<p><a id="Footnote_139" href="#FNanchor_139" class="label">[139]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 décembre 1673), t. III, p. 255, 256, édit.
-G.; t. III, p. 165, 356, édit. M.&mdash;Voyez la 3<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>,
-p. 29; 4<sup>e</sup> partie, p. 29, 33.</p>
-
-<p><a id="Footnote_140" href="#FNanchor_140" class="label">[140]</a> <i>Recueil des lettres pour servir d'éclaircissement à l'histoire
-militaire du règne de Louis XIV</i>; Paris, 1760, in-12, t. II, p. 329,
-335. Lettre du duc de Chaulnes à Louvois, datée d'Auray le 30 mai
-1674.</p>
-
-<p><a id="Footnote_141" href="#FNanchor_141" class="label">[141]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (23 août 1673), t. III, p. 171 et 172, édit. G.;
-t. III, p. 97, édit. M.&mdash;<i>Suite des Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>,
-p. 41, ms. de l'Institut. (Dans ce ms., la lettre est datée
-du 27 août.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_142" href="#FNanchor_142" class="label">[142]</a> <i>Suite des Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>, ms. de l'Institut,
-p. 42 verso.</p>
-
-<p><a id="Footnote_143" href="#FNanchor_143" class="label">[143]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 octobre 1673), t. III, p. 195; t. III, p. 117.</p>
-
-<p><a id="Footnote_144" href="#FNanchor_144" class="label">[144]</a> <i>Suite des Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>, ms. de l'Inst.,
-p. 44 verso.</p>
-
-<p><a id="Footnote_145" href="#FNanchor_145" class="label">[145]</a> Lettre de Bussy-Rabutin à Louis XIV (26 avril 1674) et à Châteauneuf,
-secrétaire d'État, dans la <i>Suite des Mémoires du comte</i>
-<span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>, ms. de l'Inst., p. 65 et 66.</p>
-
-<p><a id="Footnote_146" href="#FNanchor_146" class="label">[146]</a> Lettre de Bussy-Rabutin à M. de Pomponne, datée de Paris le
-8 octobre 1673, et de M. de Pomponne à Bussy, datée de Nancy le
-15 oct., dans la <i>Suite des Mém. de</i> <span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, ms. de l'Inst.,
-in-4<sup>o</sup>, p. 42 et 44.&mdash;<span class="smallc">Roger de Rabutin</span>, comte <span class="smallc">de Bussy</span>, édit. 1737,
-t. V, p. 85. Mais la lettre est à tort datée du 15 septembre; c'est le
-15 octobre qu'il faut lire. (Voy. la 4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 156
-et 344.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_147" href="#FNanchor_147" class="label">[147]</a> Voyez la lettre du comte de Bussy insérée dans les <i>Mémoires
-de</i> <span class="smallc">Coligny-Saligny</span>, 1841, p. 127, en date du 18 mai 1667.</p>
-
-<p><a id="Footnote_148" href="#FNanchor_148" class="label">[148]</a> <span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mémoires</i>, t. XLIII, p. 379.&mdash;<i>Supplément aux
-Mémoires de</i> <span class="smallc">Bussy</span>, 2<sup>e</sup> partie, p. 14 et 17.&mdash;<span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, <i>Lettres</i>
-(20 juin et 28 novembre 1671), t. V, p. 190 et 315.</p>
-
-<p><a id="Footnote_149" href="#FNanchor_149" class="label">[149]</a> <span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, <i>Lettres</i> (28 novembre 1673, de madame de la
-Morésan au comte de Bussy), t. V, p. 319.</p>
-
-<p><a id="Footnote_150" href="#FNanchor_150" class="label">[150]</a> <i>Supplément aux Mémoires de M. le comte</i> <span class="smallc">de Bussy</span>, t. II, p. 17.&mdash;Au
-lieu de madame Damorisan, il faut lire la Morésan, comme le
-prouvent le <i>Recueil des lettres de</i> <span class="smallc">Bussy</span>, t. V, p. 319 et 190,
-et les <i>Mémoires de</i> <span class="smallc">Montpensier</span>, t. XLIII, p. 379 (année 1674).</p>
-
-<p><a id="Footnote_151" href="#FNanchor_151" class="label">[151]</a> <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i> (Lettre du roi au duc de Beaufort, en date
-du 8 décembre 1665), t. V, p. 338 et 342.</p>
-
-<p><a id="Footnote_152" href="#FNanchor_152" class="label">[152]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 mai 1672), t. III, p. 31, éd. G.; t. II,
-p. 442, édit. M.&mdash;<i>Mémoires du marquis</i> <span class="smallc">de Villette</span>, 1844, in-8<sup>o</sup>,
-p. 14. Martel, capitaine en 1635, lieutenant général en 1656-1679,
-n'est plus porté sur les états de la marine en 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_153" href="#FNanchor_153" class="label">[153]</a> <i>Suite des Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>, ms. de l'Institut,
-p. 46 et 47.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13, 16 et 20 mai 1672; 23 août
-1675, 6 août 1680), t. III, p. 15, 27, 31; t. IV, p. 48 et 49; t. VII,
-p. 156 et 157, édit. G.; t. II, p. 428, 439, 442; t. III, p. 422 et
-423; t. VI, p. 413, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_154" href="#FNanchor_154" class="label">[154]</a> <i>Suite des Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>, ms. de l'Institut,
-in-4<sup>o</sup>, p. 42 et 44.&mdash;Lettre de Bussy à M. de Pomponne, des
-8 et 10 octobre 1673, et de M. de Pomponne à Bussy, datée de
-Nancy le 15 octobre 1673.</p>
-
-<p><a id="Footnote_155" href="#FNanchor_155" class="label">[155]</a> Lettre de Bussy au duc de Montpensier (Paris, le 11 octobre
-1673).&mdash;Réponse du duc de Montpensier à Bussy (Versailles, 20 octobre
-1673). Dans la <i>Suite des Mém. de</i> <span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, ms. de
-l'Inst., in-4<sup>o</sup>, p. 43 et 44.</p>
-
-<p><a id="Footnote_156" href="#FNanchor_156" class="label">[156]</a> <i>Suite des Mém. de</i> <span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, ms. de l'Inst, p. 45.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (8 juillet 1672 et 5 juin 1675), t. III, p. 97 et 108,
-édit. G.; t. III, p. 31, 237, édit. M.&mdash;<span class="smallc">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. III, p. 264.&mdash;<span class="smallc">Motteville</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 22.&mdash;<span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V,
-p. 90, 103, 340. (Voy. 4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 212.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_157" href="#FNanchor_157" class="label">[157]</a> <i>Suite des Mém.</i>, ms., p. 45. (Lettre de Bussy à madame de
-Thianges, Paris, 25 octobre 1673.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_158" href="#FNanchor_158" class="label">[158]</a> <i>Suite des Mém.</i>, etc., ms. de l'Inst., p. 50.</p>
-
-<p><a id="Footnote_159" href="#FNanchor_159" class="label">[159]</a> <i>Suite des Mémoires</i>, etc., ms. de l'Inst., p. 50.</p>
-
-<p><a id="Footnote_160" href="#FNanchor_160" class="label">[160]</a> <span class="smallc">Villefort</span>, <i>Vie de madame de Longueville</i>, Amsterdam, 1739,
-in-12, t. II, p. 161, ou Paris, 1738, in-8<sup>o</sup>, p. 169; et 4<sup>e</sup> partie de ces
-<i>Mémoires</i>, p. 351 et 352.</p>
-
-<p><a id="Footnote_161" href="#FNanchor_161" class="label">[161]</a> Bussy dit: «Mademoiselle Desportes, ma bonne amie, fille d'une
-rare vertu et d'un mérite extraordinaire.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_162" href="#FNanchor_162" class="label">[162]</a> Voyez ci-après, chap. <span class="smallc"><a href="#CHAPITRE_VIII">VIII</a></span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_163" href="#FNanchor_163" class="label">[163]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1673), t. III, p. 257, 258, édit. G.;
-t. III, p. 167, édit. M.&mdash;Sur les anciens plans gravés de Saint-Germain
-en Laye comme sur ceux de Fontainebleau, on trouve l'emplacement
-de tous ces hôtels des grands de la cour, et entre autres
-de ceux de Condé, de la Rochefoucauld et de Vivonne.&mdash;Conférez
-1<sup>re</sup> partie, p. 365, 483; <span class="smallc">IV</span><sup>e</sup>, p. 273.</p>
-
-<p><a id="Footnote_164" href="#FNanchor_164" class="label">[164]</a> <i>Suite des Mémoires de</i> <span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, ms. de l'Inst., in-4<sup>o</sup>,
-p. 51.</p>
-
-<p><a id="Footnote_165" href="#FNanchor_165" class="label">[165]</a> <i>Suite des Mémoires de</i> <span class="smallc">Bussy-Rabutin</span> (ms. de l'Inst.), p. 52
-verso. Ce billet de madame de Sévigné est inédit et a échappé à ses
-soigneux éditeurs.</p>
-
-<p><a id="Footnote_166" href="#FNanchor_166" class="label">[166]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 décembre 1673), t. III, p. 265, édit. G.;
-t. III, p. 173, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_167" href="#FNanchor_167" class="label">[167]</a> <i>Suite des Mémoires</i> (ms. de l'Inst.), p. 48, 49, 50 et 52 verso.</p>
-
-<p><a id="Footnote_168" href="#FNanchor_168" class="label">[168]</a> <i>Suite des Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>, p. 48 et 50.&mdash;Lettres
-de Bussy au roi et à M. de Pomponne, Paris, ce 2 décembre
-1673, p. 54 et 55.&mdash;Lettre de Pomponne à Bussy, Saint-Germain
-en Laye, le 17 décembre 1673.</p>
-
-<p><a id="Footnote_169" href="#FNanchor_169" class="label">[169]</a> <i>Suite des Mémoires</i>, p. 58 (ms. de l'Inst.).&mdash;Lettre de Bussy
-au roi, datée de Bussy, le 31 décembre 1673&mdash;Bussy-Rabutin, <i>lettres</i>,
-t. V, p. 322, 323, 327, à la marquise de Villeroy, le 15 décembre,
-au duc de Montpensier, à madame de Thianges; 2<sup>e</sup> édit.,
-p. 58, 59.&mdash;Lettre de Bussy au comte de Vivonne à Bussy, Paris,
-13 janvier 1674; à madame de Pisieux, le 19 décembre; à mademoiselle
-Armantières, le 28 décembre 1673.</p>
-
-<p><a id="Footnote_170" href="#FNanchor_170" class="label">[170]</a> <span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, <i>Mémoires</i>. Manuscrit cité par M. Monmerqué,
-<i>Lettres de</i> <span class="smallc">Sévigné</span>, t. III, p. 236, n<sup>o</sup> 1, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_171" href="#FNanchor_171" class="label">[171]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (Paris, 20 mars 1674), t. III, p. 338, édit. G.;
-t. III, p. 236, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_172" href="#FNanchor_172" class="label">[172]</a> <i>Suite des Mémoires de</i> <span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, p. 61 verso.&mdash;Le duc
-de Saint-Aignan rapporte sa conversation avec le roi au 7 avril
-1674.</p>
-
-<p><a id="Footnote_173" href="#FNanchor_173" class="label">[173]</a> <i>Suite des Mémoires</i> (ms. de l'Inst.), p. 62 verso.&mdash;<i>Supplément
-aux Mémoires et Lettres de M. le comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>,
-2<sup>e</sup> partie, p. 23.&mdash;Conférez <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 445 (mémoires
-militaires).</p>
-
-<p><a id="Footnote_174" href="#FNanchor_174" class="label">[174]</a> <i>Suite des Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span> (ms. de l'Inst.),
-n<sup>o</sup> 221, p. 67 verso.</p>
-
-<p><a id="Footnote_175" href="#FNanchor_175" class="label">[175]</a> <i>Suite des Mémoires de</i> <span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, p. 67-68. Lettre de Bussy
-à <span class="smallc">Mademoiselle</span>, en date de Bussy, du 28 mai 1674, p. 74.&mdash;Lettre
-de <span class="smallc">Mademoiselle</span> à Bussy, Dijon, le 2 juin 1674. La lettre est
-signée <span class="smallc">Anne-Marie-Louise d'Orléans</span>.&mdash;Conférez sur cette signature
-l'<i>État de la France</i>, 1677, p. 468 et 469.&mdash;<span class="smallc">Bussy</span>, <i>Lettres</i>, t. V,
-p. 334.</p>
-
-<p><a id="Footnote_176" href="#FNanchor_176" class="label">[176]</a> <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. III, p. 512 (lettre datée de Versailles,
-le 1<sup>er</sup> juillet 1674, au maréchal de Turenne).&mdash;<i>Suite des Mémoires
-de</i> <span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, p. 75 et 75 <i>bis</i>. (Lettre de madame Scudéry à
-Bussy, à Paris, 23 juin 1674.&mdash;Réponse de Bussy, datée de Bussy,
-le 26 juin 1674.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_177" href="#FNanchor_177" class="label">[177]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 décembre 1673, 1<sup>er</sup> janvier 1674, 4 juin
-et 11 août, 18 décembre 1676, 23 octobre 1683), t. III, p. 270, 288;
-t. IV, p. 470, et t. V, p. 41 et 71; t. VII, p. 396, édit. G.&mdash;<span class="smallc">Louis XIV</span>,
-<i>Lettres</i>, t. V, p. 426.&mdash;<span class="smallc">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 429, 423, 491,
-514.&mdash;<span class="smallc">Barrière</span>, <i>la Cour et la Ville</i>, p. 39.&mdash;<span class="smallc">Salvandy</span>, <i>Histoire
-de Pologne</i>, liv. <span class="smallc">VII</span>, t. II, p. 346 et 349.</p>
-
-<p><a id="Footnote_178" href="#FNanchor_178" class="label">[178]</a> <span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mémoires</i>, t. XLIII, p. 368 et 369.</p>
-
-<p><a id="Footnote_179" href="#FNanchor_179" class="label">[179]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (2 et 6 novembre 1673), t. III, p. 208 et 210,
-édit. G.; t. III, p. 128 et 130, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_180" href="#FNanchor_180" class="label">[180]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 décembre 1688, 17 janvier et 2 mars 1689),
-t. IX, p. 102, 103, 109, 119, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_181" href="#FNanchor_181" class="label">[181]</a> <i>Requeste des filles d'honneur persécutées à madame D. L. V.</i>
-(de la Vallière). <i>Recueil des histoires galantes</i>; à Cologne, chez
-Jean le Blanc, p. 346.&mdash;<i>Amours des dames illustres de notre siècle</i>;
-à Cologne, chez Jean le Blanc, p. 381.</p>
-
-<p><a id="Footnote_182" href="#FNanchor_182" class="label">[182]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 novembre 1673), t. III, p. 242, édit. G.;
-t. III, p. 153, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (1<sup>er</sup> et 5 janvier 1674), t. III, p. 288,
-292, 297.&mdash;<i>État de la France</i>, 1669, p. 361.&mdash;<i>Ibid.</i>, 1677, p. 346,
-et 1678, p. 376.</p>
-
-<p><a id="Footnote_183" href="#FNanchor_183" class="label">[183]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> décembre 1673), t. III, p. 245, édit. G.;
-t. III, p. 156, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (8 janvier 1674), t. III, p. 299, édit. G.;
-t. III, p. 205, édit. M.&mdash;Madame la duchesse <span class="smallc">d'Orléans</span>, <i>Mémoires
-et fragments historiques</i>, p. 47, édit. 1832.&mdash;<i>Ibid.</i>, éd. 1833, p. 46.</p>
-
-<p><a id="Footnote_184" href="#FNanchor_184" class="label">[184]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 janvier 1674), t. III, p. 316, édit. G.;
-t. III, p. 218, édit. M.&mdash;Conférez la 4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>,
-p. 277, et t. III, p. 374.</p>
-
-<p><a id="Footnote_185" href="#FNanchor_185" class="label">[185]</a> Voyez la 2<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit, p. 151-155.&mdash;Madame
-la duchesse <span class="smallc">d'Orléans</span>, princesse palatine, <i>Mémoires</i>, édit. de
-Busoni, 1832, p. 90.&mdash;<span class="smallc">Motteville</span>, <i>Mémoires</i>, t. XL, p. 52, 53.</p>
-
-<p><a id="Footnote_186" href="#FNanchor_186" class="label">[186]</a> Madame la duchesse <span class="smallc">d'Orléans</span>, <i>Mémoires</i>, 1833, in-8<sup>o</sup>, p. 90,
-91. <i>Lettres originales de madame</i> <span class="smallc">Charlotte-Élisabeth de Bavière</span>,
-<i>veuve de</i> <span class="smallc">Monsieur</span>; 1788, in-12, t. I, p. 84 et 85.</p>
-
-<p><a id="Footnote_187" href="#FNanchor_187" class="label">[187]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> et 5 janvier 1674), t. III, p. 286 et 292,
-édit. G.; t. III, p. 288 et 292, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_188" href="#FNanchor_188" class="label">[188]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (10 novembre 1673), t. III, p. 216, édit. G.;
-t. III, p. 133 et 134, édit. M.&mdash;L'<i>État de la France</i>, édit. 1669,
-p. 361, 362, 363.&mdash;Édit. 1677, p. 341, 347.&mdash;Édit. 1678, p. 377.</p>
-
-<p><a id="Footnote_189" href="#FNanchor_189" class="label">[189]</a> <span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mémoires</i> (1681 et 1668), t. XLIII, p. 20 et 121.&mdash;<span class="smallc">Motteville</span>,
-<i>Mémoires</i> (1661), t. XL, p. 154.&mdash;<span class="smallc">Caylus</span>, <i>Souvenirs</i>,
-t. LXVI, p. 434-35, édit. de Voltaire; Ferney, 1770, p. 93.</p>
-
-<p><a id="Footnote_190" href="#FNanchor_190" class="label">[190]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (12 janvier 1674), t. III, p. 303, édit. G.;
-t. III, p. 206-207, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_191" href="#FNanchor_191" class="label">[191]</a> <i>État de la France</i>, 1678, in-12, p. 375.</p>
-
-<p><a id="Footnote_192" href="#FNanchor_192" class="label">[192]</a> Voyez la 3<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, ch. <span class="smallc">XII</span> et <span class="smallc">XIII</span>, p. 212 et 240.</p>
-
-<p><a id="Footnote_193" href="#FNanchor_193" class="label">[193]</a> <span class="smallc">Taschereau</span>, <i>Revue rétrospective</i>, numéro <span class="smallc">XI</span>, août 1834, p. 251
-à 255.</p>
-
-<p><a id="Footnote_194" href="#FNanchor_194" class="label">[194]</a> <i>Lettres patentes</i> données à Saint-Germain en Laye au mois de
-mai 1667, et registrées au parlement le 13.&mdash;Ces lettres patentes
-sont rapportées dans l'ouvrage de Dreux du Radier intitulé <i>Mémoires
-et anecdotes des reines et régentes de France</i>, t. VI,
-p. 415 du même ouvrage, édit. 1782.</p>
-
-<p><a id="Footnote_195" href="#FNanchor_195" class="label">[195]</a> Né le 31 mars 1670, mort à Sceaux le 14 mai 1736.</p>
-
-<p><a id="Footnote_196" href="#FNanchor_196" class="label">[196]</a> Né le 20 juin 1672, mort le 10 janvier 1683.</p>
-
-<p><a id="Footnote_197" href="#FNanchor_197" class="label">[197]</a> Née en juin 1673 à Tournay (<span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mémoires</i>, t. XLIII,
-p. 381), morte le 16 juin 1743.</p>
-
-<p><a id="Footnote_198" href="#FNanchor_198" class="label">[198]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (lundi, 8 janvier 1674), t. III, p. 299, édit. G;
-t. III, p. 203, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_199" href="#FNanchor_199" class="label">[199]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (12 janvier 1674), t. III, p. 306, édit. G.; t. III,
-p. 209, édit. M.&mdash;Sur mademoiselle de Rouvroi, voyez <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>
-(7 juin 1675), t. III, p. 414; et Lettre de <span class="smallc">le Camus</span>, évêque de Grenoble
-(5 juin 1675), dans les <i>&OElig;uvres</i> de Louis XIV, t. V, p. 534.</p>
-
-<p><a id="Footnote_200" href="#FNanchor_200" class="label">[200]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 janvier 1674), t. III, p. 317-318, édit. G.;
-t. III, p. 218-219.</p>
-
-<p><a id="Footnote_201" href="#FNanchor_201" class="label">[201]</a> <span class="smallc">La Fontaine</span>, <i>le Songe</i>, dans ses <i>&OElig;uvres</i>, 1827, t. VI, p. 189.</p>
-
-<p><a id="Footnote_202" href="#FNanchor_202" class="label">[202]</a> Sur mademoiselle la Mothe d'Argencourt, voyez les <i>Mémoires</i>
-sur <span class="smallc">Sévigné</span>, 2<sup>e</sup> partie, chap. <span class="smallc">IX</span>, p. 109, 114.</p>
-
-<p><a id="Footnote_203" href="#FNanchor_203" class="label">[203]</a> Lettre de madame <span class="smallc">de la Vallière</span> au maréchal de Bellefonds
-(3 février 1674), citée dans <span class="smallc">Bausset</span>, <i>Hist. de Bossuet</i>, livre <span class="smallc">V</span>,
-t. II, p. 35, édit. in-12.&mdash;<span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mémoires</i>, t. XLIII, p. 382.&mdash;<i>Madame</i>
-<span class="smallc">de la Vallière</span>, <i>Lettres</i>, 1747, in-12, p. 27.</p>
-
-<p><a id="Footnote_204" href="#FNanchor_204" class="label">[204]</a> L'abbé <span class="smallc">Lequeux</span>, <i>Histoire de madame de la Vallière</i>, p. 27,
-dans les Lettres de madame la duchesse de la Vallière, 1767, in-12.&mdash;Madame
-la duchesse <span class="smallc">d'Orléans</span>, <i>Fragments de lettres</i>, 1788,
-in-12, t. I, p. 112.&mdash;Idem, <i>Mémoires</i>, Paris, 1832, in-8<sup>o</sup>, p. 58.</p>
-
-<p><a id="Footnote_205" href="#FNanchor_205" class="label">[205]</a> <span class="smallc">Bossuet</span>, <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1818, in-8<sup>o</sup>, t. XXXVII, p. 55-66 (lettres
-au maréchal de Bellefonds, datées de Saint-Germain, le 25 décembre
-1673, 27 janvier 1674; de Versailles, le 8 février et 6 avril 1674).</p>
-
-<p><a id="Footnote_206" href="#FNanchor_206" class="label">[206]</a> <span class="smallc">La Vallière</span>, <i>Réflexions sur la miséricorde de Dieu, par une
-dame pénitente</i>; Paris, Antoine Dezallier, 1680, in-12. C'est la première
-édition; elle fut achevée d'imprimer le 20 juin 1680. Une nouvelle
-édition parut, augmentée de prières tirées de l'Écriture sainte et
-du récit abrégé de la vie pénitente et de la sainte mort de madame
-la duchesse de la Vallière; Paris, Christophe David, 1726, in-12.&mdash;Conférez
-l'abbé <span class="smallc">Lequeux</span>, <i>Histoire de la Vallière</i>, dans les <i>Lettres</i>,
-1768, in-12, p. 25.&mdash;Une nouvelle édition des <i>Réflexions</i> et
-des <i>Lettres</i> a été donnée par Maradan en 1807; elle est précédée
-d'une <i>Vie pénitente de madame de la Vallière</i>, par madame
-<span class="smallc">de Genlis</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_207" href="#FNanchor_207" class="label">[207]</a> <span class="smallc">Bossuet</span>, <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1818, in-8<sup>o</sup>, t. XXXVII, p. 66 (lettre au
-maréchal de Bellefonds, Versailles, ce 6 avril 1674).&mdash;<i>Ibid.</i> (lettres
-du 27 janvier 1674), t. XXXVII, p. 58.</p>
-
-<p><a id="Footnote_208" href="#FNanchor_208" class="label">[208]</a> Madame la duchesse <span class="smallc">d'Orléans</span>, princesse palatine, <i>Mémoires</i>,
-édit. 1832, in-8<sup>o</sup>, p. 58.&mdash;Id., <i>Fragments</i>, 1788, in-12 (lettres du
-1<sup>er</sup> mars 1719), t. I, p. 113.&mdash;Id., <i>Mémoires de la cour de Louis XIV
-et de la Régence</i>, Paris, 1805, in-8<sup>o</sup>, p. 56.</p>
-
-<p><a id="Footnote_209" href="#FNanchor_209" class="label">[209]</a> <span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mémoires</i> (1674), t. XLIII, p. 382.</p>
-
-<p><a id="Footnote_210" href="#FNanchor_210" class="label">[210]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 décembre 1673), t. III, p. 263 et 264,
-édit. G.; t. III, p. 172, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_211" href="#FNanchor_211" class="label">[211]</a> Sur le frère de la Vallière, conférez <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 octobre
-1676), t. V, p. 176, édit. G.; t. V, p. 10, édit. M.&mdash;<i>État de la
-France</i>, 1678, in-12, p. 376.</p>
-
-<p><a id="Footnote_212" href="#FNanchor_212" class="label">[212]</a> <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 524 (lettre à la reine de Portugal,
-en date du 23 mai 1674).&mdash;<i>État de la France</i>, 1677, p. 376. La marquise
-de la Vallière est dans cet <i>État</i> la dernière inscrite de celles
-de la création du 1<sup>er</sup> janvier 1674.</p>
-
-<p><a id="Footnote_213" href="#FNanchor_213" class="label">[213]</a> <span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mémoires</i>, t. XLIII, p. 383 (année 1674).</p>
-
-<p><a id="Footnote_214" href="#FNanchor_214" class="label">[214]</a> L'abbé <span class="smallc">Lequeux</span>, <i>Lettres de madame de la Vallière, morte
-religieuse carmélite, avec un abrégé de sa vie pénitente</i>, p. 47.</p>
-
-<p><a id="Footnote_215" href="#FNanchor_215" class="label">[215]</a> <i>La Vie de Pierre Mignard</i>, Paris, 1730, in-12, p. 100; et dans
-l'édition d'Amsterdam, 1731, in-12, p. 84.</p>
-
-<p><a id="Footnote_216" href="#FNanchor_216" class="label">[216]</a> Le roi était devant Besançon et la reine à Dijon.</p>
-
-<p><a id="Footnote_217" href="#FNanchor_217" class="label">[217]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 avril 1674), t. III, p. 340, édit. G.&mdash;<i>Lettres
-inédites de madame</i> <span class="smallc">de Sévigné</span>, Paris, Klostermann, 1814,
-in-8<sup>o</sup>, p. 6.&mdash;<i>Id.</i>, édit. Bossange, 1819, in-12, p. 5.</p>
-
-<p><a id="Footnote_218" href="#FNanchor_218" class="label">[218]</a> <span class="smallc">Bossuet</span>, <i>Lettres au maréchal de Bellefonds</i> (6 avril 1674),
-t. XXXVII, p. 65, édit. 1818, in-8<sup>o</sup>.&mdash;<i>Sermon sur la vêture de madame
-la duchesse de la Vallière</i>, par M. l'abbé <span class="smallc">de Fromentières</span>,
-dans les <i>Lettres de madame la duchesse</i> <span class="smallc">de la Vallière</span>, 1767,
-in-12, p. 39, 145, 191. L'abbé Jean-Louis de Fromentières fut évêque
-d'Aire le 14 janvier 1673, et mourut en décembre 1684.</p>
-
-<p><a id="Footnote_219" href="#FNanchor_219" class="label">[219]</a> <i>Recueil des Gazettes nouvelles pour</i> 1675, Paris, 1676, in-4<sup>o</sup>,
-n<sup>o</sup> 57, p. 409.&mdash;L'abbé <span class="smallc">Lequeux</span>, <i>Histoire de madame de la Vallière</i>,
-p. 59, et dans le <i>Recueil des Oraisons funèbres</i> de <span class="smallc">Bossuet</span>,
-1762, in-12, p. <span class="smallc">CLI</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_220" href="#FNanchor_220" class="label">[220]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 juin 1675), t. III, p. 403, édit. G.; t. III,
-p. 283, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_221" href="#FNanchor_221" class="label">[221]</a> <span class="smallc">De Bausset</span>, <i>Hist. de Bossuet</i>, 4<sup>e</sup> édit., 1824, in-12, t. II, p. 40 à
-42. Il est dit, dans le recueil des <i>Oraisons funèbres</i> de Bossuet, 1762,
-in-12, p. 424, que Bossuet n'a jamais publié lui-même ce sermon sur
-la Vallière ni communiqué son manuscrit. Et cependant on ajoute:
-«Il fut imprimé plusieurs fois depuis 1691, année où il fut inséré
-dans un recueil de pièces d'éloquence.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_222" href="#FNanchor_222" class="label">[222]</a> Madame la duchesse <span class="smallc">d'Orléans</span>, <i>Mémoires et Fragments</i>, in-8<sup>o</sup>,
-1832, p. 58.&mdash;Id., <i>Mémoires de la cour de Louis XIV</i>, 1827, in-8<sup>o</sup>,
-p. 56.</p>
-
-<p><a id="Footnote_223" href="#FNanchor_223" class="label">[223]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 janvier 1680), t. VI, p. 286, édit. G.; t. VI,
-p. 92, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_224" href="#FNanchor_224" class="label">[224]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> septembre 1680), t. VII, p. 190, édit. G.;
-t. VI, p. 443, édit. M.&mdash;Conférez les vers de la <i>Couronne de Julie</i>
-(la duchesse de Montausier).</p>
-
-<p><a id="Footnote_225" href="#FNanchor_225" class="label">[225]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 octobre 1676), t. V, p. 170, édit. G.; t. V,
-p. 30, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_226" href="#FNanchor_226" class="label">[226]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (29 avril 1676), t. IV, p. 412, édit. G.; t. IV,
-p. 272, édit. M.&mdash;Conférez <span class="smallc">Magdeleine du Saint-Esprit</span>, <i>Lettres</i>,
-1710.</p>
-
-<p><a id="Footnote_227" href="#FNanchor_227" class="label">[227]</a> Conférez <span class="smallc">Magdeleine du Saint-Esprit</span>, par une dame pénitente,
-1710, et l'Annuaire de l'Aube pour 1849, 2<sup>e</sup> partie, p. 25.&mdash;<i>Réflexions
-sur la miséricorde de Dieu, par une dame pénitente</i>,
-1685 et 1686, in-12, p. 170.</p>
-
-<p><a id="Footnote_228" href="#FNanchor_228" class="label">[228]</a> <span class="smallc">Caylus</span>, <i>Souvenirs</i>, édit. de Renouard, 1806, in-12, p. 89.&mdash;<i>Ibid.</i>,
-t. LXVI, p. 384 de la Collect. de Petitot, 1828, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_229" href="#FNanchor_229" class="label">[229]</a> <i>Les souvenirs de madame</i> <span class="smallc">de Caylus</span> <i>sur les intrigues amoureuses
-de la cour, avec des notes de</i> <span class="smallc">M. de Voltaire</span>; <i>seconde édition,
-augmentée de la défense de Louis XIV, pour servir de suite
-à son Siècle</i>; au château de Ferney, 1770, in-12 (186 pages), p. 31.
-C'est la meilleure édition; elle a été faite sur le manuscrit donné à
-Voltaire par M. de Caylus (<i>Souvenirs</i>, 1806, in-12, p. 89, édit. de
-Renouard).&mdash;<i>Idem.</i>, Collection Petitot, t. LXVI, p. 384, in-8<sup>o</sup>,
-1828, édit. M. Voyez ces <i>Mémoires sur la Vallière, sur Sévigné</i>,
-t. II, p. 191, 247, 297, 505, 506; III, 45, 237, 240, 319, 325; IV, 89.</p>
-
-<p><a id="Footnote_230" href="#FNanchor_230" class="label">[230]</a> <span class="smallc">Depping</span>, <i>Correspondance administrative de Louis XIV</i>. Lettres
-du roi à Colbert (18 mai et 19 juin 1674), dans les <i>Documents
-historiques tirés des collections manuscrites de la Bibliothèque
-royale</i>, 1843, in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 524, 525 et 526.</p>
-
-<p><a id="Footnote_231" href="#FNanchor_231" class="label">[231]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 janvier 1674), t. III, p. 299, édit. G.; t. III,
-p. 203, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_232" href="#FNanchor_232" class="label">[232]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (18 décembre 1673), édit. G., t. III, p. 268.</p>
-
-<p><a id="Footnote_233" href="#FNanchor_233" class="label">[233]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 et 29 janvier 1674), t. III, p. 324 et 331,
-édit. G.; t. III, p. 225 et 231, éd. M.&mdash;<i>Lettres des</i> <span class="smallc">Feuquières</span>
-(25 janvier 1674), t. II, p. 248.</p>
-
-<p><a id="Footnote_234" href="#FNanchor_234" class="label">[234]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 décembre 1673), t. III, p. 249, édit. G.;
-t. III, p. 160, édit. M. Voyez ci-après chap. <span class="smallc"><a href="#CHAPITRE_X">X</a></span>, p. <a href="#Page_198">198</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_235" href="#FNanchor_235" class="label">[235]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (18 décembre 1673), t. III, p. 268; t. III,
-p. 177, édit. M. (1820).</p>
-
-<p><a id="Footnote_236" href="#FNanchor_236" class="label">[236]</a> <span class="smallc">Saint-Eucher</span>, <i>Du mépris du monde</i>, traduit par <span class="smallc">Arnauld d'Andilly</span>
-dans Pierre le Petit, 1687, in-12 (81 pages), p. 54. Après le
-privilége il est dit: «Achevé d'imprimer pour la première fois le
-3 décembre 1671.» Ainsi il y a eu une édition antérieure, et nous
-apprenons par l'avertissement que cette édition contenait aussi le
-latin. Il manque dans la nôtre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_237" href="#FNanchor_237" class="label">[237]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 janvier 1674), t. III, p. 326 et 327, édit. G.;
-t. III, p. 227, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_238" href="#FNanchor_238" class="label">[238]</a> Le jour de la Purification, le 2 février, ou peut-être le dimanche
-28 janvier; car cette fête commençait le dimanche qui précédait ce
-jour et se continuait jusqu'au jour même. Voyez <span class="smallc">Bossuet</span>, <i>Catéchisme
-des festes</i>, 1687, p. 86.</p>
-
-<p><a id="Footnote_239" href="#FNanchor_239" class="label">[239]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 février 1674), t. III, p. 336, édit. G.; t. III,
-p. 234, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_240" href="#FNanchor_240" class="label">[240]</a> Voyez <span class="smallc">Prosper Marchand</span>, <i>Dictionnaire historique</i>, 1758, in-folio,
-p. 296-300.&mdash;<i>Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Guiche</span>, Utrecht, 1744,
-in-12, deux volumes.&mdash;Conférez ces <i>Mémoires</i> sur madame de Sévigné,
-I, 302; II, 139, 191, 312; IV, 134, 212.&mdash;<span class="smallc">Hamilton</span>, <i>&OElig;uvres</i>,
-t. I, p. 25.</p>
-
-<p><a id="Footnote_241" href="#FNanchor_241" class="label">[241]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 décembre 1673), t. III, p. 251, édit. G.;
-t. III, p. 161, édit. M.&mdash;Le comte de Guiche mourut le 29 novembre
-1674 à Creutznach dans le palatinat du Rhin, entre les bras de son
-frère le comte de Louvigny.&mdash;Conférez <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 septembre
-et 4 octobre 1671), t. II, p. 243, 254, 350, édit. G.; et <i>Mémoires
-et fragments historiques de</i> <span class="smallc">Madame</span>, <i>duchesse</i> <span class="smallc">d'Orléans</span>,
-<i>princesse Palatine</i>, édit. 1832, p. 207.&mdash;<i>Lettres des</i> <span class="smallc">Feuquières</span>,
-t. VI, p. 321.</p>
-
-<p><a id="Footnote_242" href="#FNanchor_242" class="label">[242]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (18 décembre 1673), t. III, p. 266, édit. G.;
-t. III, p. 175, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_243" href="#FNanchor_243" class="label">[243]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (25 décembre 1673), t. III, p. 276, édit. G.;
-t. III, p. 183, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (28 décembre 1673), t. III, p. 283,
-éd. G.; t. III, p. 189, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_244" href="#FNanchor_244" class="label">[244]</a> <span class="smallc">Duc de Noailles</span>, notes sur les <i>Mémoires de Louis XIV</i>; appendice
-à la Vie de Maintenon, 1848, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 558.</p>
-
-<p><a id="Footnote_245" href="#FNanchor_245" class="label">[245]</a> <i>Mémoires de Noailles</i>, dans Petitot, t. LXIV, p. 104. Lettre
-de la princesse des Ursins (11 juillet 1698).</p>
-
-<p><a id="Footnote_246" href="#FNanchor_246" class="label">[246]</a> <i>État général des officiers, domestiques et commensaux du
-Roi</i>, mis en ordre par le sieur <span class="smallc">de la Martinière</span>, p. 116. Ce maître de
-guitare se nommait Bernard Jourdan, sieur de la Salle, et c'est le
-29 avril 1651 que de la Salle fut placé près du jeune roi, afin de lui
-enseigner à jouer de la guitare. Le maître de luth n'avait que le
-quart des appointements du maître de guitare.</p>
-
-<p><a id="Footnote_247" href="#FNanchor_247" class="label">[247]</a> Conférez <i>Mémoires sur Sévigné</i>, t. I, p. 513, 525; t. II, ch. <span class="smallc">XXIII</span>,
-p. 332, 340; t. III, ch. <span class="smallc">V</span>, p. 98.</p>
-
-<p><a id="Footnote_248" href="#FNanchor_248" class="label">[248]</a> Vie de <span class="smallc">Philippe Quinault</span>, dans l'édition de ses <i>&OElig;uvres</i>, 1715,
-in-12, t. I, p. 33-35.&mdash;<span class="smallc">Chapuzeau</span>, <i>le Théâtre français</i>, divisé en
-trois livres, 1674, in-12, p. 198-211.</p>
-
-<p><a id="Footnote_249" href="#FNanchor_249" class="label">[249]</a> Les frères <span class="smallc">Parfaict</span>, <i>Histoire du Théâtre français</i>, t. XI,
-p. 293.</p>
-
-<p><a id="Footnote_250" href="#FNanchor_250" class="label">[250]</a> <span class="smallc">Titon du Tillet</span>, <i>Parnasse françois</i>, Paris, 1732, in-folio,
-p. 490.&mdash;<span class="smallc">Roquefort</span>, dans la <i>Biographie universelle</i>, t. VIII, p. 244,
-article <i>Charpentier</i> (Marc-Antoine). Ce savant maître de musique
-de la Sainte-Chapelle naquit à Paris en 1634, et y mourut en 1702,
-âgé de soixante-huit ans.</p>
-
-<p><a id="Footnote_251" href="#FNanchor_251" class="label">[251]</a> Avec le Prologue, 36 pages in-4<sup>o</sup>, Paris, 1663, chez Christophe
-Ballard.</p>
-
-<p><a id="Footnote_252" href="#FNanchor_252" class="label">[252]</a> <span class="smallc">Félibien</span>, <i>les Divertissements de Versailles</i>, p. 28.</p>
-
-<p><a id="Footnote_253" href="#FNanchor_253" class="label">[253]</a> Conférez <span class="smallc">la Fontaine</span>, <i>Épître à M. Nyert sur l'Opéra</i>, et nos
-notes dans les <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1827, t. VI, p. 108 à 119.&mdash;<span class="smallc">Raguenet</span>,
-<i>Parallèle des Italiens et des Français en ce qui regarde la musique
-et l'Opéra</i>, in-12, Paris, 1702, p. 124.&mdash;<span class="smallc">La Bruyère</span>, <i>Caractères</i>,
-ch. <span class="smallc">XLVII</span>, t. I, p. 164, édit. W., 1835, in-8<sup>o</sup> et in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_254" href="#FNanchor_254" class="label">[254]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 novembre 1673), t. III, p. 231, édit. G.;
-t. III, p. 146, édit. M.&mdash;Vie de <span class="smallc">Quinault</span>, dans les <i>&OElig;uvres de</i> <span class="smallc">Quinault</span>,
-édit. 1715, p. 34.</p>
-
-<p><a id="Footnote_255" href="#FNanchor_255" class="label">[255]</a> Le premier opéra de ces deux auteurs, joué dans cette salle, fut
-<i>Cadmus et Hermione</i>, représenté le 17 avril 1673; mais cette pièce
-avait déjà été jouée au jeu de paume du Bel-Air. Conférez <i>Vie de
-Quinault</i>, dans les <i>&OElig;uvres de</i> <span class="smallc">Quinault</span>, édit. 1715, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_256" href="#FNanchor_256" class="label">[256]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 janvier 1674), t. III, p. 299, édit. G.; t. III,
-p. 283, édit. M (Corrigez la note dans les deux édit.).</p>
-
-<p><a id="Footnote_257" href="#FNanchor_257" class="label">[257]</a> <span class="smallc">De Beauchamps</span>, <i>Recherches sur les théâtres de France</i>, t. III,
-p. 202-207.</p>
-
-<p><a id="Footnote_258" href="#FNanchor_258" class="label">[258]</a> <span class="smallc">Quinault</span>, <i>Alceste</i>, tragédie, acte III, scène 3, t. IV, p. 182 du
-<i>Théâtre de</i> <span class="smallc">M. Quinault</span>, 1715, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_259" href="#FNanchor_259" class="label">[259]</a> <span class="smallc">La Bruyère</span>, <i>Caractères</i>, ch. <span class="smallc">I</span>, n<sup>o</sup> <span class="smallc">XLVII</span>, p. 165.</p>
-
-<p><a id="Footnote_260" href="#FNanchor_260" class="label">[260]</a> <span class="smallc">B. de Beauchamps</span>, <i>Recherches sur les théâtres de France</i>,
-t. III, p. 178.&mdash;<span class="smallc">Pavillon</span> (lettre à mademoiselle Itier), <i>&OElig;uvres</i>,
-édit. 1750, in-12, p. 96.</p>
-
-<p><a id="Footnote_261" href="#FNanchor_261" class="label">[261]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 février 1674), t. III, p. 335, édit. M.; t. III,
-p. 233, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_262" href="#FNanchor_262" class="label">[262]</a> <span class="smallc">De Gourville</span>, <i>Mémoires</i> (1657), collect. de Petitot, t. LII,
-p. 317-341.</p>
-
-<p><a id="Footnote_263" href="#FNanchor_263" class="label">[263]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 février 1674), t. III, p. 335, édit. G.; t. III,
-p. 233, édit. M.&mdash;<span class="smallc">Pavillon</span>, <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1750, t. I, p. <span class="smallc">LXXVIII</span>, Remarques
-sur Briord.</p>
-
-<p><a id="Footnote_264" href="#FNanchor_264" class="label">[264]</a> Voyez <i>Lettres de</i> <span class="smallc">Louis XIV</span> au comte de Briord, la Haye, 1726,
-pet. in-12, 209 pag.; pièces justificatives, 50 pag.</p>
-
-<p><a id="Footnote_265" href="#FNanchor_265" class="label">[265]</a> <span class="smallc">Pavillon</span>, <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1750, t. I, p. 154. Conférez t. I, p. 146,
-148, 152, 157, 165, et t. II, p. 202, 205, 284.</p>
-
-<p><a id="Footnote_266" href="#FNanchor_266" class="label">[266]</a> <span class="smallc">D'Olivet</span>, <i>Histoire de l'Académie françoise</i>, édit. in-4<sup>o</sup>, 1729,
-t. II, p. 158.</p>
-
-<p><a id="Footnote_267" href="#FNanchor_267" class="label">[267]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 novembre 1673), t. III, p. 223, édit. G.;
-t. III, p. 139, édit. M.&mdash;Chapelain ne mourut que plusieurs mois
-après cette lettre, le 22 février 1674.</p>
-
-<p><a id="Footnote_268" href="#FNanchor_268" class="label">[268]</a> <span class="smallc">Tallemant des Réaux</span>, <i>Historiettes</i>, t. II, p. 399, 416, édit.
-in-8<sup>o</sup>; t. IV, p. 152, 170, édit. in-12.&mdash;<span class="smallc">D'Olivet</span>, <i>Histoire de l'Académie
-françoise</i>, édit. 1729, in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 124.</p>
-
-<p><a id="Footnote_269" href="#FNanchor_269" class="label">[269]</a> <span class="smallc">Sainte-Beuve</span>, <i>Port-Royal</i>, t. III, p. 470.</p>
-
-<p><a id="Footnote_270" href="#FNanchor_270" class="label">[270]</a> <i>Vie de Costar</i>, t. VI, p. 263 des <i>Historiettes</i> de <span class="smallc">Tallemant des
-Réaux</span>, et <i>ibid.</i>, p. 264 et 265. Lettres autographes d'Arnauld d'Andilly
-et de Chapelain.</p>
-
-<p><a id="Footnote_271" href="#FNanchor_271" class="label">[271]</a> <span class="smallc">D'Olivet</span>, <i>Histoire de l'Académie françoise</i>, édit. in-4<sup>o</sup>, t. II,
-p. 128.</p>
-
-<p><a id="Footnote_272" href="#FNanchor_272" class="label">[272]</a> <span class="smallc">Claude Duval de Coupeauville</span>, abbé de la Victoire, mort en
-1676. Conférez sur ce personnage <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 février 1671),
-éd. G.; t. I, p. 265, édit. M. (M. M. a corrigé sa note ailleurs.)&mdash;<span class="smallc">Tallemant
-des Réaux</span>, <i>Historiettes</i>, t. II, p. 303-332 (et la note 726
-à la page <a href="#Page_330">330</a>), édit. in-8<sup>o</sup>; t. IV, p. 87, 88, et la note 1.&mdash;<i>Ménagiana</i>,
-t. II, p. 1; t. III, p. 79.</p>
-
-<p><a id="Footnote_273" href="#FNanchor_273" class="label">[273]</a> <i>&OElig;uvres de</i> <span class="smallc">Boileau Despréaux</span>, édit. de Saint-Marc, 1747, t. I,
-p. 154. Note sur le vers 203 de la satire <span class="smallc">IX</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_274" href="#FNanchor_274" class="label">[274]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 décembre 1673), t. III, p. 264, édit. G.;
-t. III, p. 173, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_275" href="#FNanchor_275" class="label">[275]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 décembre 1673), t. III, p. 262, édit. G.;
-t. III, p. 171, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_276" href="#FNanchor_276" class="label">[276]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 et 15 janvier 1674), t. III, p. 307, édit. G.;
-t. III, p. 209, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_277" href="#FNanchor_277" class="label">[277]</a> Voyez la 3<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 82, ch. <span class="smallc">V</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_278" href="#FNanchor_278" class="label">[278]</a> <span class="smallc">Griffet</span>, <i>Recueil de lettres pour servir d'éclaircissements à
-l'histoire militaire de Louis XIV</i>, 1760, in-12, t. II, p. 262 et 270.
-Depuis le 7 janvier 1674 jusqu'au 11 mars, toutes ces lettres sont à
-tort datées de 1673; c'est 1674 qu'il faut lire. Ces fautes ne sont pas
-corrigées dans la table.</p>
-
-<p><a id="Footnote_279" href="#FNanchor_279" class="label">[279]</a> <i>Mémoires du duc</i> <span class="smallc">de Navailles</span> <i>et</i> <span class="smallc">de la Valette</span>, 1702, in-12,
-p. 285.&mdash;<span class="smallc">Du Londel</span>, <i>Fastes des rois</i>, 1697, in-8<sup>o</sup>, p. 213, 214.</p>
-
-<p><a id="Footnote_280" href="#FNanchor_280" class="label">[280]</a> <span class="smallc">Griffet</span>, <i>Recueil de lettres pour servir à l'éclaircissement de
-l'histoire militaire de Louis XIV</i>, t. II, p. 320.</p>
-
-<p><a id="Footnote_281" href="#FNanchor_281" class="label">[281]</a> <i>&OElig;uvres diverses</i> du sieur D***, avec le <i>Traité du sublime</i>
-de Longin; Paris, chez Denis Thierry, 1674, in-4<sup>o</sup>, p. 140 et 141.
-(Au dernier feuillet: «Achevé d'imprimer pour la première fois le
-10 juillet 1674).»</p>
-
-<p><a id="Footnote_282" href="#FNanchor_282" class="label">[282]</a> <span class="smallc">Desormeaux</span>, <i>Histoire de Louis, prince de Condé</i>, 1769, in-12,
-p. 380.&mdash;<span class="smallc">Ramsay</span>, <i>Histoire du vicomte de Turenne</i>, 1773, in-12,
-t. II, p. 240 à 304.&mdash;<span class="smallc">Deschamps</span>, <i>Dernières campagnes de M. de
-Turenne</i>, dans l'<i>Histoire du vicomte de Turenne</i>, t. III, p. 306-406&mdash;<span class="smallc">Pellisson</span>,
-<i>Histoire de Louis XIV</i>, Paris, 1749, in-12, t. III,
-p. 227-228.</p>
-
-<p><a id="Footnote_283" href="#FNanchor_283" class="label">[283]</a> <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i>, <i>fragment sur la conquête de la Franche-Comté</i>.&mdash;Et
-le général <span class="smallc">Grimoard</span>, <i>Précis sur la conquête de la
-Franche-Comté</i>, dans les <i>&OElig;uvres de</i> <span class="smallc">Louis XIV</span>, t. III, p. 453
-et 473.&mdash;<i>Recueil de lettres pour servir d'éclaircissement à
-l'histoire militaire de Louis XIV</i>, 1760, in-12, t. II, p. 273, 286.</p>
-
-<p><a id="Footnote_284" href="#FNanchor_284" class="label">[284]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 janvier 1674), t. III, p. 315, édit. G.;
-t. III, p. 217, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_285" href="#FNanchor_285" class="label">[285]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 février 1674), t. III, p. 336, édit. G.; t. III,
-p. 235, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_286" href="#FNanchor_286" class="label">[286]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 mai 1674), t. III, p. 341, édit. G.; t. III,
-p. 237, édit. M.; t. III, p. 19 et 20 de l'édit. de 1754.</p>
-
-<p><a id="Footnote_287" href="#FNanchor_287" class="label">[287]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 mai et 15 juin 1674.), t. III, p. 393-409,
-édit. G.; t. III, p. 237, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (25 mai et 19 juin 1675),
-t. III, p. 386, 391 et 422, édit. G.; t. III, p. 267, 272, 299, édit. M.&mdash;<i>Suite
-des Mémoires de</i> <span class="smallc">Bussy</span>, ms. (lettre à madame de Grignan,
-datée du 12 mai). C'est la même que celle qui est datée du 10 mai
-dans les édit., t. III, p. 386.</p>
-
-<p><a id="Footnote_288" href="#FNanchor_288" class="label">[288]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 octobre 1674), t. III, p. 361, édit. G.; t. III,
-p. 248 (27 mai 1675), p. 304, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_289" href="#FNanchor_289" class="label">[289]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (2 février 1674), t. III, p. 333, édit. G.; t. III,
-p. 212, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (22 mai 1674), t. III, p. 238, édit. M.;
-t. III, p. 343, édit. G.; t. III, p. 275, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (5 février
-1674), t. III, p. 337, édit. G.; t. III, p. 235, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_290" href="#FNanchor_290" class="label">[290]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 janvier 1674), t. III, p. 297, édit. G.; t. III,
-p. 201, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_291" href="#FNanchor_291" class="label">[291]</a> Conférez la 3<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, ch. <span class="smallc">XVIII</span>, p. 348 et 349.</p>
-
-<p><a id="Footnote_292" href="#FNanchor_292" class="label">[292]</a> Conférez <i>Suite des Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>, ms.
-autographe de l'Institut, p. 79 verso (lettre du 16 août 1674 à madame
-de Sévigné).&mdash;<span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>, <i>Lettres</i> (16 août 1674), t. I,
-p. 127, édit. de 1737, in-12.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 août 1673), t. III,
-p. 242, édit. M.; t. III, p. 351, édit. G. Dans ces deux dernières éditions
-cette lettre est tronquée.&mdash;<i>Lettres inédites de madame</i> <span class="smallc">de
-Sévigné</span>, Paris, Klostermann, 1814, in-8<sup>o</sup>, t. III et IV, p. 8 et 10.&mdash;<i>Ibid.</i>,
-Paris, in-12, édit. Bossange et Masson (Paris, juin et juillet
-1674), fausse date, p. 8 et 9.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (18 juin et 10 juillet,
-vraie date), t. III, p. 347 et 348, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_293" href="#FNanchor_293" class="label">[293]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> juin 1674), t. III, p. 343, édit G.; t. III,
-p. 239, édit M.&mdash;<i>Lettres de madame</i> <span class="smallc">de Rabutin-Chantal</span> (samedi,
-juin 1674), la Haye, Gosse, 1726, in-12, t. II, p. 7.&mdash;<i>Ibid.</i> (à Livry,
-ce 1<sup>er</sup> juin 1674), édit. 1726, sans nom de lieu, dite de Rouen, t. II,
-p. 23. La date du samedi de l'édition de la Haye, si on la complétait
-par l'édition de Rouen, reporterait cette lettre à l'année 1675,
-ce qui n'est pas; il faut mettre: Vendredi 1<sup>er</sup> juin 1674.</p>
-
-<p><a id="Footnote_294" href="#FNanchor_294" class="label">[294]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. III, p. 357, 359, 361 et 362.</p>
-
-<p><a id="Footnote_295" href="#FNanchor_295" class="label">[295]</a> Voyez ci-dessus, ch. I, p. <a href="#Page_8">8</a>-<a href="#Page_17">17</a>, et dans les précédentes parties,
-t. I, p. 195, 198, 203, 365, 429; t. II, p. 35, 295; t. III, p. 94, 410;
-t. IV, p. 68, 127, 132.</p>
-
-<p><a id="Footnote_296" href="#FNanchor_296" class="label">[296]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres inédites</i>, 1814, in-8<sup>o</sup> (lettres de M. le comte
-de Guitaud, p. 1 à 110, à la comtesse de Guitaud), p. 111, 196;
-éd. 1819, p. 1-110, et p. 111 à 194.</p>
-
-<p><a id="Footnote_297" href="#FNanchor_297" class="label">[297]</a> <i>Lettres inédites de madame</i> <span class="smallc">de Sévigné</span>, édit. 1819, in-12, p. 7.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (28 avril 1674), t. III, p. 341.</p>
-
-<p><a id="Footnote_298" href="#FNanchor_298" class="label">[298]</a> <i>Lettres inédites</i>, édit. 1819, p. 11.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (30 juin?
-1675), t. III, p. 349, édit. G. Cette lettre est à tort datée de 1674
-dans l'édition des lettres inédites et dans l'édition de G. de S.-G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_299" href="#FNanchor_299" class="label">[299]</a> Confér. la 3<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, ch. <span class="smallc">XVI</span>, p. 307, et la
-4<sup>e</sup> partie, ch. <span class="smallc">IX</span>, p. 245.</p>
-
-<p><a id="Footnote_300" href="#FNanchor_300" class="label">[300]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (14 octobre 1674), t. III, p. 357, édit. de Gault
-de Saint-Germain. On lit <i>cent mille francs</i>, mais c'est une faute
-de copiste ou d'imprimeur: il faut lire <i>cinq mille</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_301" href="#FNanchor_301" class="label">[301]</a> <i>Abrégé des délibérations prises en l'assemblée générale des
-communautés</i>, tenue à Lambesc dans les mois de novembre et décembre
-1674; Aix, Charles David, 1675, in-4<sup>o</sup>, p. 4 et 13.</p>
-
-<p><a id="Footnote_302" href="#FNanchor_302" class="label">[302]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>, etc., p. 4.&mdash;Conférez la 4<sup>e</sup> partie de
-ces <i>Mémoires</i>, ch. <span class="smallc">IX</span>, p. 230.</p>
-
-<p><a id="Footnote_303" href="#FNanchor_303" class="label">[303]</a> Conférez la 4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, ch. <span class="smallc">X</span>, p. 278-280.</p>
-
-<p><a id="Footnote_304" href="#FNanchor_304" class="label">[304]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (novembre 1674), t. III, p. 362, édit. G. de S.-G.
-Il y a dans l'édition <i>M. de Bouilli</i>. Gault de Saint-Germ., qui a donné
-le premier cette lettre d'après l'autographe, n'a pas bien su la lire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_305" href="#FNanchor_305" class="label">[305]</a> <i>Lettres de messire</i> <span class="smallc">Roger de Rabutin</span>, Paris, Delaulne, 1726,
-in-12, t. I, p. 117 (Chaseu, ce 16 août 1674), date conforme dans cette
-édition au ms. (n<sup>o</sup> 231, in-4<sup>o</sup>) de la <i>Suite des Mémoires</i>, p. 78
-verso. <span class="smallc">Bussy</span> prétend, dans ses <i>Mémoires</i>, qu'il avait entendu dire
-que madame de Sévigné avait failli mourir d'apoplexie. Celle-ci
-dément cette nouvelle.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 août et 5 septembre
-1674), t. III, p. 350 et 352, édit G.; t. III, p. 241 et 242, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_306" href="#FNanchor_306" class="label">[306]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 octobre 1674), t. III, p. 359, édit G.;
-t. III, p. 247, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_307" href="#FNanchor_307" class="label">[307]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 avril 1672), t. II, p. 475, édit. G.; t. II,
-p. 400, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_308" href="#FNanchor_308" class="label">[308]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 décembre 1677), t. V, p. 464, édit. G.;
-t. V, p. 288, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_309" href="#FNanchor_309" class="label">[309]</a> <span class="smallc">Bussy</span>, <i>Lettres</i>, édit. 1737, in-12 (3 mars 1680), t. IV, p. 425.&mdash;(13
-novembre 1688), t. VI, p. 317.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (25 février
-et 3 novembre 1688), t. VIII, p. 156 et 414, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_310" href="#FNanchor_310" class="label">[310]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 octobre 1680), t. VII, p. 231, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(25 février 1686), t. VIII, p. 231, édit. G.; t. VII, p. 365,
-édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_311" href="#FNanchor_311" class="label">[311]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 février 1690), t. X, p. 232, et tome I,
-p. <span class="smallc">CIX</span>, édit. G.&mdash;(5 novembre 1691), t. IX, p. 486, édit. M.; t. X,
-p. 423, édit. G.&mdash;(10 mai et 7 juillet 1703), t. XI, p. 345 et 394,
-édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_312" href="#FNanchor_312" class="label">[312]</a> <span class="smallc">La Beauhelle</span>, <i>Mélanges</i>, mss. cités par Monmerqué dans <span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i>, t. VII, p. 366.</p>
-
-<p><a id="Footnote_313" href="#FNanchor_313" class="label">[313]</a> <span class="smallc">Bussy</span>, <i>Lettres</i> (14 août 1674), t. IV, p. 136&mdash;<i>Suite des Mémoires
-de</i> <span class="smallc">Bussy</span>, ms., p. 80. Avant de transcrire dans ses <i>Mémoires</i>
-cette lettre tout à fait historique et très-instructive, Bussy dit:
-«Deux jours après que j'eus écrit cette lettre (la lettre à madame de
-Sévigné du 16 août 1674, qu'on a mutilée), je reçus celle-ci de ma
-fille de Rabutin, dame de Remiremont.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_314" href="#FNanchor_314" class="label">[314]</a> <span class="smallc">Bussy</span>, <i>Discours à ses enfants</i>; 1694, in-12, p. 441.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (2 juillet 1690), t. IX, p. 389, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_315" href="#FNanchor_315" class="label">[315]</a> Voyez <span class="smallc">Monmerqué</span> dans les notes sur Sévigné, t. VI, p. 355;
-t. VII, p. 108; et t. VIII, p. 71 et 417, édit. G.; p. 138, édit. M.
-(26 juin et 14 novembre 1688).&mdash;<span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>&OElig;uvres complètes</i>,
-t. X, p. 77.&mdash;<span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mém. authentiques</i>, 1829, in-8<sup>o</sup>, t. V,
-p. 305.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. G., t. V, p. 5; VI, 335; VII, 84;
-X, 291. L'arrêt du 30 mai et du 31 janvier 1689 donna gain de
-cause à la comtesse de Bussy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_316" href="#FNanchor_316" class="label">[316]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 mars 1690), t. X, p. 237, édit. G.; t. IX,
-p. 339, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_317" href="#FNanchor_317" class="label">[317]</a> <span class="smallc">Monmerqué</span>, <i>Notice bibliographique des différentes éditions
-des Lettres de madame de Sévigné</i>, dans l'édition de Sévigné, 1820,
-in 8<sup>o</sup>, t. I, p. 23.</p>
-
-<p><a id="Footnote_318" href="#FNanchor_318" class="label">[318]</a> <span class="smallc">Bussy</span>, <i>Discours à ses enfants</i>, 1694, Paris, in-12, p. 240.&mdash;Conférez
-<i>Mémoires sur Sévigné</i>, 2<sup>e</sup> édit., I, 204-205; II, 351.</p>
-
-<p><a id="Footnote_319" href="#FNanchor_319" class="label">[319]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 juillet 1672), t. III, p. 93 et 94, édit. G.;
-t. III, p. 27 et 28, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_320" href="#FNanchor_320" class="label">[320]</a> <i>Suite des Mémoires de</i> <span class="smallc">Bussy</span> (ms. de l'Institut), p. 110. Lettre
-de Bussy à Pellisson (25 mai 1675).</p>
-
-<p><a id="Footnote_321" href="#FNanchor_321" class="label">[321]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 octobre 1680), t. VII, p. 231, édit. G.; t. VI,
-p. 478, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_322" href="#FNanchor_322" class="label">[322]</a> 1<sup>re</sup> partie des <i>Mémoires sur madame de Sévigné</i>, p. 101, ch. <span class="smallc">VII</span>;
-2<sup>e</sup> partie, p. 407, et 4<sup>e</sup> partie, p. 195 et 452.</p>
-
-<p><a id="Footnote_323" href="#FNanchor_323" class="label">[323]</a> <span class="smallc">Bussy</span>, <i>Discours à ses enfants</i>, p 207.&mdash;<i>Ibid.</i>, <i>Mémoires</i>, édit.
-d'Amsterdam, 1721, t. I, p. 93 et 125.</p>
-
-<p><a id="Footnote_324" href="#FNanchor_324" class="label">[324]</a> <i>Nouvelles Lettres du comte</i> <span class="smallc">de Bussy</span>, t. V, p. 163.</p>
-
-<p><a id="Footnote_325" href="#FNanchor_325" class="label">[325]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 mai 1671), t. II, p. 73, édit. G. (24 mai
-1672), t. II, p. 75, édit. G., et t. II, p. 61 et 62, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(24 et 28 janvier 1672), t. II, p. 351 et 359; t. II, p. 303 et 304.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(6 août 1675), t. III, p. 488, édit. G.; t. II. p 352, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_326" href="#FNanchor_326" class="label">[326]</a> Conférez la 4<sup>e</sup> partie des <i>Mémoires sur madame</i> <span class="smallc">de Sévigné</span>,
-p. 309, ch. <span class="smallc">IX</span>. Nous avons dit dans cet endroit <i>la fille aînée de
-Bussy</i>, en parlant de Louise-Françoise, parce qu'elle était l'aînée
-de ses autres filles à marier; mais Diane de Rabutin, la religieuse,
-était de dix-huit mois plus âgée qu'elle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_327" href="#FNanchor_327" class="label">[327]</a> <span class="smallc">De la Rivière</span>, réponse à Bussy, dans le <i>Recueil de pièces fugitives
-sur des sujets intéressants</i>, Rotterdam, Bradshaw, 1743, in-12,
-page 21. Nous aurons à réformer l'opinion commune sur la Rivière.</p>
-
-<p><a id="Footnote_328" href="#FNanchor_328" class="label">[328]</a> Conférez la 4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 310.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>
-(3 avril 1675), t. III, p. 377, édit. G.; t. III, p. 260, édit. M.&mdash;<span class="smallc">Bussy-Rabutin</span>,
-<i>Suite de ses Mémoires</i>, ms. de l'Institut, p. 114.
-Cette lettre est datée du 8 avril 1675, et dans ces Mémoires tout le
-commencement est supprimé.</p>
-
-<p><a id="Footnote_329" href="#FNanchor_329" class="label">[329]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (lettre de Bussy, 7 avril 1675), t. III, p. 381,
-édit. G.; t. III, p. 262, édit. M.&mdash;<i>Suite des Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de
-Bussy de Rabutin</span>, ms. de l'Institut, p. 114. Mais la lettre est datée
-de Chaseu, du 12 avril 1675; le commencement manque dans le ms.
-comme pour la lettre précédente. Les éditeurs ont peut-être réuni
-deux lettres en une seule; cela expliquerait la différence des dates.</p>
-
-<p><a id="Footnote_330" href="#FNanchor_330" class="label">[330]</a> Le vrai nom est Soyecourt; pour le sens de cette phrase de Bussy,
-voyez ces <i>Mémoires</i>, I, 244 et 288; II, p. 416.</p>
-
-<p><a id="Footnote_331" href="#FNanchor_331" class="label">[331]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (9 octobre 1675), t. V, p. 136.&mdash;<i>Ibid.</i> (9 octobre
-1675), p. 142, édit. G.; t. IV, p. 29, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (3 août
-1679), t. VI, p. 105, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_332" href="#FNanchor_332" class="label">[332]</a> <i>Lettres choisies de</i> <span class="smallc">M. de la Rivière</span>, 1751; in-12, t. I, p. 25,
-note 14.</p>
-
-<p><a id="Footnote_333" href="#FNanchor_333" class="label">[333]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 février 1687), t. VIII, p. 320, édit. G.;
-t. VIII, p. 425, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_334" href="#FNanchor_334" class="label">[334]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 janvier 1692), t. X, p 429, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>,
-(2 juillet 1690), t. X, p. 311, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_335" href="#FNanchor_335" class="label">[335]</a> Madame de Grignan à Bussy, dans <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 mars
-1676), t. IV, p. 368, et dans la <i>Suite des Mémoires de</i> <span class="smallc">Bussy</span>, p. 164
-verso, ms. de l'Institut.</p>
-
-<p><a id="Footnote_336" href="#FNanchor_336" class="label">[336]</a> Il fut tué devant Condé et enterré dans le ch&oelig;ur de la grande
-église de cette ville. Voyez la lettre de Bussy fils à son père, en date
-du 7 juillet 1676, p. 177 verso de la <i>Suite des Mém. de</i> <span class="smallc">Bussy</span>,
-ms. de l'Institut.&mdash;<span class="smallc">Bussy</span>, <i>Lettres</i> (8 juillet 1676, lettre de Schomberg),
-t. IV, p. 268.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 juillet 1676), t. V, p. 4,
-édit. G.; t. IV, p. 367, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_337" href="#FNanchor_337" class="label">[337]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (2 août 1679), t. VI, p. 105, édit. G.; t. V,
-p. 417, édit. M.&mdash;(31 mai 1690), t. IX, p. 379, édit. M.; t. X, p. 291,
-édit. G.&mdash;(31 janvier 1692), t. IX, p. 491, édit. M.; t. X, p. 429,
-édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_338" href="#FNanchor_338" class="label">[338]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 mars et 2 juillet 1690), t. X, p. 236 et 311,
-édit. G.&mdash;<span class="smallc">Monmerqué</span>, <i>Notice sur le comte de Coligny-Saligny</i>,
-dans les Mémoires du comte <span class="smallc">de Coligny-Saligny</span>, 1841, in-8<sup>o</sup>, p. <span class="smallc">XI</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_339" href="#FNanchor_339" class="label">[339]</a> Marie-Roger, comte de Langheac, petit-fils de Bussy de Rabutin
-par madame de Coligny, sa fille, mourut à Avignon en 1746. Voyez
-<span class="smallc">Monmerqué</span>, dans <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 août 1676), t. IV, p. 414,
-édit. M., note <i>b</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_340" href="#FNanchor_340" class="label">[340]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (30 avril et 10 mai 1675), t. III, p. 383 et
-385, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (28 mai 1675), t. III, p. 391 et 422, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_341" href="#FNanchor_341" class="label">[341]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. III, p. 346, n<sup>o</sup> 370, édit. G. Cette lettre est
-déplacée, elle est à tort datée <i>juin</i> 1674; elle doit être transposée à
-la page 393, après la lettre n<sup>o</sup> 388, et datée du 18 juin 1675.&mdash;Conférez
-<i>Lettres inédites de madame</i> <span class="smallc">de Sévigné</span>, 1814, p. 8 et 9, où
-cette lettre ne porte aucune date. La date fausse commence avec
-l'édition stéréotype, 1819, in-12, p. 7.</p>
-
-<p><a id="Footnote_342" href="#FNanchor_342" class="label">[342]</a> Ceci rectifie une erreur que nous avons commise, t. I, p. 9 de
-ces <i>Mémoires</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_343" href="#FNanchor_343" class="label">[343]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (12 mai 1675), ms. de l'Institut, p. 118.&mdash;(10
-mai 1675), t. III, p. 385, édit. G.&mdash;(30 avril 1675), t. III, p. 383,
-édit. G.; t. III, p. 264 et 266, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_344" href="#FNanchor_344" class="label">[344]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 juin 1676), t. IV, p. 504, édit. G.; t. IV,
-p. 355, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_345" href="#FNanchor_345" class="label">[345]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 mai 1675), <i>suite des Mémoires de</i> <span class="smallc">Bussy</span>,
-ms. de l'Institut, p. 120, t. III, p. 389, édit. G., mal datée du 14 mai.</p>
-
-<p><a id="Footnote_346" href="#FNanchor_346" class="label">[346]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 mai 1676), ms. de l'Institut; t. IV, p. 462,
-édit. G.&mdash;(26 août 1675), t. I, p. 5, édit. G.&mdash;(7 août 1675), t. III,
-p. 506, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_347" href="#FNanchor_347" class="label">[347]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (12 mars 1675), <i>Suite des Mémoires de</i> <span class="smallc">Bussy</span>,
-ms. de l'Institut, p. 104, t. III, p. 369, édit. G.; t. III, p. 254, édit. M.,
-datée, dans les deux éditions, du 24 janvier 1675. Cette date est fausse.&mdash;<i>Ibid.</i>,
-<i>Lettres</i> (25 mai 1675), t. III, p. 273, édit. M.; t. III, p. 391,
-édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_348" href="#FNanchor_348" class="label">[348]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 mai 1675), t. III, p. 27, édit. M.; t. III, p. 393,
-édit. G. (7 août 1675), t. III, p. 506, édit. G.; t. III, p. 366-7, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_349" href="#FNanchor_349" class="label">[349]</a> <i>Mémoires touchant la vie et les écrits de madame</i> <span class="smallc">de Sévigné</span>
-durant les premières conquêtes de Louis XIV, 3<sup>e</sup> partie, p. 112 et 114.</p>
-
-<p><a id="Footnote_350" href="#FNanchor_350" class="label">[350]</a> <span class="smallc">Dumont</span>, <i>Histoire de la ville et des seigneurs de Commercy</i>,
-t. II, p. 166 et 168.</p>
-
-<p><a id="Footnote_351" href="#FNanchor_351" class="label">[351]</a> Lettres de Louis XIV au duc de Pomponne et au cardinal d'Estrées
-en date des 3, 19 et 27 juin, 12 juillet, 20 et 23 septembre
-et 11 octobre 1675, au duc et au cardinal d'Estrées, à l'abbé Servien,
-<i>Mémoires du cardinal</i> <span class="smallc">de Retz</span>, Paris. 1836, in-8<sup>o</sup>, p. 612
-à 614, tome 1<sup>er</sup> de la <i>Collection des Mémoires sur l'histoire de
-France</i>, édit. Michaud et Poujoulat.</p>
-
-<p><a id="Footnote_352" href="#FNanchor_352" class="label">[352]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 juin 1675), t. III, p 410, édit. G.; t. IV,
-p. 299, éd. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_353" href="#FNanchor_353" class="label">[353]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 juin 1675), t. III, p. 428, édit. G.; t. III,
-p. 304, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_354" href="#FNanchor_354" class="label">[354]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 juillet 1675), t. III, p. 316, édit. M.; t. III,
-p. 443, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_355" href="#FNanchor_355" class="label">[355]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (9 octobre 1675), t. IV, p. 142, édit. G.; t. IV,
-p. 31, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_356" href="#FNanchor_356" class="label">[356]</a> <i>Lettres de</i> <span class="smallc">Pomponne</span> au cardinal <i>d'Estrées</i> (en date des 23 septembre
-et 11 octobre 1675). Dans les <i>Mémoires</i> <span class="smallc">de Rais</span>, <i>Nouvelle
-Collection des Mémoires pour servir à l'histoire de France</i>, 1836,
-in-8<sup>o</sup>, p. 614.</p>
-
-<p><a id="Footnote_357" href="#FNanchor_357" class="label">[357]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (23 octobre 1675), t. IV, p. 54, édit. M.; t. IV,
-p. 165, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_358" href="#FNanchor_358" class="label">[358]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 et 23 octobre; 6 et 13 novembre 1675),
-t. IV, p. 35, 54, 74, 75, 86, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i>, t. IV, p. 146, 169, 192,
-205, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_359" href="#FNanchor_359" class="label">[359]</a> <span class="smallc">Dumont</span>, <i>Histoire de la ville et des seigneurs de Commercy</i>,
-t. II, p. 172.</p>
-
-<p><a id="Footnote_360" href="#FNanchor_360" class="label">[360]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (mercredi 19 juin 1675), t. III, p. 422, édit.
-G.; t. III, p. 299, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (10 juillet 1675), t. III, p. 325,
-édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_361" href="#FNanchor_361" class="label">[361]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 juin, 22 août 1675), t. III, p. 431; t. IV,
-p. 47, édit. G.; t. III, p. 307 et 421, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (9 septembre
-1675), t. IV, p. 90, édit. G.; t. III, p. 460, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_362" href="#FNanchor_362" class="label">[362]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 et 13 mai 1680), t. VI, p. 269, édit. M.,
-et la note.&mdash;<i>Ibid.</i> (25 août 1680), t. VI, p. 433, édit. M.; t. VI,
-p. 489, édit. G., et t. VII, p. 179, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_363" href="#FNanchor_363" class="label">[363]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 juin 1675), t. III, p. 402, édit. G.; t. IV,
-p. 26.</p>
-
-<p><a id="Footnote_364" href="#FNanchor_364" class="label">[364]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (23 octobre 1675), t. IV, p. 54, édit. M.;
-t. IV, p. 169, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_365" href="#FNanchor_365" class="label">[365]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 octobre 1675), t. IV, p. 150, édit. G.; t. IV,
-p. 37 et 38, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_366" href="#FNanchor_366" class="label">[366]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 juin 1675), t. III, p. 433, édit. G.; t. III,
-p. 309, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_367" href="#FNanchor_367" class="label">[367]</a> Voyez ci-dessus, ch. <span class="smallc"><a href="#CHAPITRE_II">II</a></span> et <span class="smallc"><a href="#CHAPITRE_III">III</a></span> de cette 5<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>,
-p. <a href="#Page_18">18</a> et <a href="#Page_36">36</a>; et <span class="smallc">Depping</span>, <i>Correspondance administrative sous le
-règne de Louis XIV</i>, in-4<sup>o</sup>, 1850, p. 407.&mdash;<i>Lettre</i> de l'évêque de
-Marseille à Colbert, en date du 17 décembre 1672.</p>
-
-<p><a id="Footnote_368" href="#FNanchor_368" class="label">[368]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 juin 1675), t. III, p. 436.</p>
-
-<p><a id="Footnote_369" href="#FNanchor_369" class="label">[369]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 juillet 1675), t. III, p. 440, édit. G.; t. III,
-p. 315, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_370" href="#FNanchor_370" class="label">[370]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 juin 1675), t. III, p. 436, édit. G.; t. III,
-p. 311, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_371" href="#FNanchor_371" class="label">[371]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19, 28 et 30 août 1675), t. IV, p. 32, 34, 69,
-75, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (4 septembre), p. 77 et 78, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>,
-t. III, p. 396, 402, 408, 426, 447, 449, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_372" href="#FNanchor_372" class="label">[372]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7, 21, 26 août 1675), t. III, p. 494 et 499;
-t. IV, p. 24, édit. G.; t. III, p. 360, 419, 426, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_373" href="#FNanchor_373" class="label">[373]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 août 1675), t. III, p. 504, édit. G.; t. III,
-p. 125, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_374" href="#FNanchor_374" class="label">[374]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 juillet 1675), t. III, p. 442, édit. G.; t. III,
-p. 317, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_375" href="#FNanchor_375" class="label">[375]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 juillet et 2, 6, 7, 9, 16, 19, 27 et 28 août),
-t. III, p. 475, 480, 487, 492; t. IV, p. 9, 25, 27, 57, 64 à 73, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_376" href="#FNanchor_376" class="label">[376]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (30 août 1675), t. IV, p. 73.</p>
-
-<p><a id="Footnote_377" href="#FNanchor_377" class="label">[377]</a> <i>Relation de ce qui s'est passé en Catalogne</i>, 1678, in-12, Paris,
-Quinet, 194 pages. Il prit Bellegarde le 27 juillet 1675.</p>
-
-<p><a id="Footnote_378" href="#FNanchor_378" class="label">[378]</a> Le 28 juin 1674.</p>
-
-<p><a id="Footnote_379" href="#FNanchor_379" class="label">[379]</a> Le 21 juillet 1674. Ruyter avait quarante-six vaisseaux.</p>
-
-<p><a id="Footnote_380" href="#FNanchor_380" class="label">[380]</a> Le 11 août 1674.</p>
-
-<p><a id="Footnote_381" href="#FNanchor_381" class="label">[381]</a> Le 4 octobre 1674.</p>
-
-<p><a id="Footnote_382" href="#FNanchor_382" class="label">[382]</a> Le 29 décembre 1674.</p>
-
-<p><a id="Footnote_383" href="#FNanchor_383" class="label">[383]</a> Le 5 janvier 1675.</p>
-
-<p><a id="Footnote_384" href="#FNanchor_384" class="label">[384]</a> Le 29 janvier 1675.</p>
-
-<p><a id="Footnote_385" href="#FNanchor_385" class="label">[385]</a> Le 11 février 1675.</p>
-
-<p><a id="Footnote_386" href="#FNanchor_386" class="label">[386]</a> Le 27 mars 1675.</p>
-
-<p><a id="Footnote_387" href="#FNanchor_387" class="label">[387]</a> Le 29 mai 1675.</p>
-
-<p><a id="Footnote_388" href="#FNanchor_388" class="label">[388]</a> Le 6 juin 1675.</p>
-
-<p><a id="Footnote_389" href="#FNanchor_389" class="label">[389]</a> Le 21 juin 1675.</p>
-
-<p><a id="Footnote_390" href="#FNanchor_390" class="label">[390]</a> Vers le milieu de janvier 1675.</p>
-
-<p><a id="Footnote_391" href="#FNanchor_391" class="label">[391]</a> Le 23 avril 1675.</p>
-
-<p><a id="Footnote_392" href="#FNanchor_392" class="label">[392]</a> Le 21 mai 1674.</p>
-
-<p><a id="Footnote_393" href="#FNanchor_393" class="label">[393]</a> <i>Nouvelles ou Mémoires historiques</i>, in-12 (par mad. Daulnois),
-t. I, p. 185 et 186.</p>
-
-<p><a id="Footnote_394" href="#FNanchor_394" class="label">[394]</a> <span class="smallc">Forbonnais</span>, <i>Recherches sur les finances de la France</i>, édit.
-de 1758, in-12, t. II, p. 105, 123, 131.&mdash;<span class="smallc">Clément</span>, <i>Hist. de Colbert</i>,
-p. 344, 348, 365.</p>
-
-<p><a id="Footnote_395" href="#FNanchor_395" class="label">[395]</a> Le duc <span class="smallc">de Chaulnes</span>, <i>Lettres à Colbert</i> (30 juin 1675), dans
-<span class="smallc">Depping</span>, <i>Correspondance administr. sous le règne de Louis XIV</i>,
-in-4<sup>o</sup>, 1850, p. 54, 348, 545, 546, 561.&mdash;<span class="smallc">Clément</span>, <i>Histoire de la vie
-et de l'administration de Colbert</i>, in-8<sup>o</sup>, p. 370.</p>
-
-<p><a id="Footnote_396" href="#FNanchor_396" class="label">[396]</a> Le duc <span class="smallc">de Chaulnes</span>, dans <span class="smallc">Depping</span>, <i>Correspondance administrative
-de Louis XIV</i>, 1850, in-4<sup>o</sup>, t. I, p. 547.</p>
-
-<p><a id="Footnote_397" href="#FNanchor_397" class="label">[397]</a> <span class="smallc">Clément</span>, <i>Vie de Colbert</i>, p. 371.</p>
-
-<p><a id="Footnote_398" href="#FNanchor_398" class="label">[398]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 juillet 1675), t. III, p. 459, édit. G.; t. III,
-p. 334, édit. M.&mdash;<span class="smallc">Feuquières</span>, <i>Lettres inédites</i>, 1845, in-8<sup>o</sup>, t. II,
-p. 169.</p>
-
-<p><a id="Footnote_399" href="#FNanchor_399" class="label">[399]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 août 1675), t. IV, p. 46, édit. G.; t. III,
-p. 21, édit. M.; t. II, p. 58, édit. de la Haye, 1726, in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_400" href="#FNanchor_400" class="label">[400]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 juillet 1675), t. III, p. 472, édit. G.; t. III,
-p. 345, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_401" href="#FNanchor_401" class="label">[401]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 septembre 1675), t. IV, p. 113, édit. G;
-t. IV, p. 6, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_402" href="#FNanchor_402" class="label">[402]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 juillet 1675), t. III, p. 472-73, édit. G.;
-t. III, p. 345, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_403" href="#FNanchor_403" class="label">[403]</a> <i>Recueil ms. de la Bibl. nat. de la tenue des états de Bretagne</i>,
-p. 379.</p>
-
-<p><a id="Footnote_404" href="#FNanchor_404" class="label">[404]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 septembre 1675), t. IV, p. 112, édit. G.;
-t. IV, p. 7, édit. M.&mdash;Sur d'Harouis, voy. 4<sup>e</sup> partie, 29, 33.</p>
-
-<p><a id="Footnote_405" href="#FNanchor_405" class="label">[405]</a> Dans le procès-verbal de l'assise de ces états, il est dit simplement,
-sous la date du 11 novembre 1675: «MM. les commissaires
-sont rentrés... M. de Harlay a demandé trois millions pour le roy,
-et les états les ont accordés.» <i>Recueil</i>, etc., ms. de la Bibl. nat.,
-p. 377.</p>
-
-<p><a id="Footnote_406" href="#FNanchor_406" class="label">[406]</a> Cet autre, que madame de Sévigné ne daigne pas nommer, était
-M. de la Gascherie-Charette, maire de Nantes. (<i>Rec. ms.</i>, p. 377.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_407" href="#FNanchor_407" class="label">[407]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 novembre 1675), t. IV, p. 210, édit. G.;
-t. IV, p. 90, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_408" href="#FNanchor_408" class="label">[408]</a> <span class="smallc">Tasso</span>, <i>Ger. liber.</i>, canto VII, st. 8. Mad. de Sévigné venait alors
-de relire le Tasse avec Charles de Sévigné, comte de Montmoron,
-doyen du parlement de Bretagne, parent des Sévigné, homme d'esprit,
-grand amateur de devises et qui faisait des vers. Voyez les lettres
-du 17 novembre 1675, du 20 octobre 1675 et du 15 septembre 1680.
-Le comte de Montmoron mourut le 30 septembre 1684 (voyez la
-lettre du 4 octobre 1684).</p>
-
-<p><a id="Footnote_409" href="#FNanchor_409" class="label">[409]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 décembre 1675), t. IV, p. 236, édit. G.;
-t. IV, p. 113, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_410" href="#FNanchor_410" class="label">[410]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 novembre 1675), t. IV, p. 222, édit. G.;
-t. IV, p. 101, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_411" href="#FNanchor_411" class="label">[411]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 décembre 1675), p. 252, édit. G.; t. IV,
-p. 128.</p>
-
-<p><a id="Footnote_412" href="#FNanchor_412" class="label">[412]</a> Il y a dans toutes les éditions de Sévigné Quinte-Curce; mais il
-est certain qu'il faut lire Lucrèce (Lucretius Carus), qui en effet,
-au vers 547 du IV<sup>e</sup> chant de son poëme, parle du chant du cygne.
-Quinte-Curce n'en fait pas mention, et les autres auteurs qui en ont
-parlé sont Callimaque, Eschyle, Théocrite, Euripide, Ovide, Properce.</p>
-
-<p><a id="Footnote_413" href="#FNanchor_413" class="label">[413]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (25 décembre 1675), t. IV, p 114, édit. M.;
-t. IV, p. 271, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (22 décembre 1675), t. IV, p. 270,
-édit. G.; t. IV, p. 143, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_414" href="#FNanchor_414" class="label">[414]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1675), t. IV, p. 242, édit. G.;
-t. IV, p. 119, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_415" href="#FNanchor_415" class="label">[415]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 février 1690), t. X, p. 267, édit. G. Conférez
-cette lettre avec celle du 24 septembre 1675, t. IV, p. 7, édit. M.;
-t. IV, p. 114, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (29 janvier 1692), t. IX, p. 326, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(19 février 1690), t. IX, p. 364, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_416" href="#FNanchor_416" class="label">[416]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 novembre 1675), t. IV, p. 90, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_417" href="#FNanchor_417" class="label">[417]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> mars 1684), t. IV, p. 139, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_418" href="#FNanchor_418" class="label">[418]</a> <i>Registre ms. de la tenue des états de Bretagne de</i> 1629 à 1703.
-(Bl.-Mant., 75, p. 472, ch. <span class="smallc">XIV</span> du règlement intitulé <i>du Trésorier
-des états et de ses commis</i>, ms. de l'Institut.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_419" href="#FNanchor_419" class="label">[419]</a> <i>Lettres inédites de madame de</i> <span class="smallc">Grignan</span> <i>à son mari</i>; Paris,
-décembre 1830, p. 11 (12 p. publiées par M. Monmerqué).</p>
-
-<p><a id="Footnote_420" href="#FNanchor_420" class="label">[420]</a> <span class="smallc">La Fontaine</span>, <i>&OElig;uvres</i>, Paris, Lefèvre, 1827, t. VI, p. 180. (Lettre
-au prince de Conti, novembre 1689.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_421" href="#FNanchor_421" class="label">[421]</a> Voyez extrait du <i>Journal de France</i> dans la note de M. Monmerqué
-sur <span class="smallc">Sévigné</span>, t. X, p. 227, édit. 1820, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_422" href="#FNanchor_422" class="label">[422]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires authentiques</i>, t. II, p. 372.</p>
-
-<p><a id="Footnote_423" href="#FNanchor_423" class="label">[423]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 juillet 1675), t. III, p. 473, édit. G.; t. III,
-p. 338, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_424" href="#FNanchor_424" class="label">[424]</a> <span class="smallc">Madame</span>, duchesse d'Orléans, <i>Fragments de lettres</i>, 1788, in-12,
-t. I, p. 175, 176.&mdash;<i>Mémoires</i>, édit. 1732, in-8<sup>o</sup>, p. 45 et 90&mdash;<i>Mémoires
-sur Sévigné</i>, 3<sup>e</sup> partie, ch. <span class="smallc">V</span>, p. 166.</p>
-
-<p><a id="Footnote_425" href="#FNanchor_425" class="label">[425]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires authentiques</i>, 1829, in-8<sup>o</sup>, t. V, p. 403.</p>
-
-<p><a id="Footnote_426" href="#FNanchor_426" class="label">[426]</a> Il se nommait Lecuyer.</p>
-
-<p><a id="Footnote_427" href="#FNanchor_427" class="label">[427]</a> Thibault.</p>
-
-<p><a id="Footnote_428" href="#FNanchor_428" class="label">[428]</a> <span class="smallc">Bossuet</span>, <i>Lettres</i>, t. XXXVII, p. 86, 92, 98.&mdash;<span class="smallc">De Bausset</span>, <i>Histoire
-de Bossuet</i>, 4<sup>e</sup> édit. in-12, t. II, p. 45 et 55.</p>
-
-<p><a id="Footnote_429" href="#FNanchor_429" class="label">[429]</a> <span class="smallc">Bossuet</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. XXXVII, p. 82 et suiv.</p>
-
-<p><a id="Footnote_430" href="#FNanchor_430" class="label">[430]</a> <span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>Lettres</i> (28 mai et 8 juin 1675), t. V, p. 533, 536,
-537 des <i>&OElig;uvres</i>, 1806, in-8<sup>o</sup>.&mdash;<span class="smallc">Champollion-Figeac</span>, <i>Documents
-hist. sur l'hist. de France</i>, 1843, in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_431" href="#FNanchor_431" class="label">[431]</a> Lettre de <span class="smallc">Louis XIV</span> à Colbert (9 juin 1674), dans les <i>Documents
-historiques inédits</i> publiés par Champollion-Figeac, 1843,
-in-4<sup>o</sup>, p. 526 et 527.</p>
-
-<p><a id="Footnote_432" href="#FNanchor_432" class="label">[432]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (12 et 14 juin 1675), t. III, p. 416, 418 et 419,
-édit. G.; t. III, p. 295, 296 et 297, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_433" href="#FNanchor_433" class="label">[433]</a> <span class="smallc">De Bausset</span>, <i>Histoire de Bossuet</i>, 4<sup>e</sup> édit. in-12, t. II, p. 52, 54
-et 55, liv. <span class="smallc">V</span>, <span class="smallc">VIII</span>, <span class="smallc">IX</span> et <span class="smallc">X</span>.&mdash;<span class="smallc">Bossuet</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. XXXVII, p. 52.</p>
-
-<p><a id="Footnote_434" href="#FNanchor_434" class="label">[434]</a> <span class="smallc">De Bausset</span>, <i>Histoire de Bossuet</i>, 4<sup>e</sup> édit. in-12, p. 49 (lettre
-du 20 juin 1675).</p>
-
-<p><a id="Footnote_435" href="#FNanchor_435" class="label">[435]</a> <span class="smallc">Bossuet</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. XXXVII, p. 92 et 98 (lettre au roi, 1675).</p>
-
-<p><a id="Footnote_436" href="#FNanchor_436" class="label">[436]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 juin 1675), t. III, p. 411, édit. G.; t. III,
-p. 290, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_437" href="#FNanchor_437" class="label">[437]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 juin 1675), t. III, p. 403, édit. G.; t. III,
-p. 283, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_438" href="#FNanchor_438" class="label">[438]</a> <span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Lettres historiques</i>, 1729, in-12 (3 juin 1675), t. II,
-p. 276.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, loc. cit.</p>
-
-<p><a id="Footnote_439" href="#FNanchor_439" class="label">[439]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 juin 1675), t. III, p. 405, édit. G.; t. III,
-p. 285, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_440" href="#FNanchor_440" class="label">[440]</a> <span class="smallc">De Bausset</span>, <i>Histoire de Bossuet</i>, 1824, in-12, t. II, p. 60.</p>
-
-<p><a id="Footnote_441" href="#FNanchor_441" class="label">[441]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (mercredi 24 juillet 1675), t. III, p. 456,
-édit. G.; t. III, p. 331, édit. M.&mdash;<span class="smallc">Bussy</span>, <i>Suite des Mémoires</i>, ms.
-de l'Institut, p. 129 et 130 (lettre à madame de Scudéry, du 20 juillet
-1675).&mdash;<i>Supplément aux Mémoires et Lettres de M. le comte</i>
-<span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>, t. I, p. 189.</p>
-
-<p><a id="Footnote_442" href="#FNanchor_442" class="label">[442]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. III, p. 470, édit. G.; t. III, p. 343, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_443" href="#FNanchor_443" class="label">[443]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 juin 1675), t. III, p. 439, édit. G.; t. III,
-p. 314, édit. M.&mdash;<span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Lettres historiques</i> (28 juin 1675),
-t. II, p. 334.</p>
-
-<p><a id="Footnote_444" href="#FNanchor_444" class="label">[444]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires complets et authentiques</i>, 1829, in 8<sup>o</sup>,
-t. XVIII, chap. <span class="smallc">XXVI</span>, p. 400.</p>
-
-<p><a id="Footnote_445" href="#FNanchor_445" class="label">[445]</a> Conférez <span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Lettres historiques</i> (3 juillet 1675), t. II,
-p. 344.</p>
-
-<p><a id="Footnote_446" href="#FNanchor_446" class="label">[446]</a> Conférez <span class="smallc">Michel-Hardouin Mansart</span>, <i>Livre de tous les plans,
-coupes, profils et élévations du château de Clagny</i>, 1680, in-folio.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (7 août 1675), t. III, p. 499 et 500.</p>
-
-<p><a id="Footnote_447" href="#FNanchor_447" class="label">[447]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 juillet 1675), t. III, p. 316, édit. M.; t. III,
-p. 442, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_448" href="#FNanchor_448" class="label">[448]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (12 juin 1675), t. III, p. 418, édit. G.; t. III,
-p. 296.</p>
-
-<p><a id="Footnote_449" href="#FNanchor_449" class="label">[449]</a> <i>Supplément aux Mémoires et Lettres de M. le comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>,
-t. I, p. 184-187.</p>
-
-<p><a id="Footnote_450" href="#FNanchor_450" class="label">[450]</a> Louis-César de Bourbon, comte du Vexin, second fils de Louis XIV
-et de madame de Montespan, né le 20 juin 1672; il n'avait alors que
-trois ans. Il avait été légitimé en novembre 1673, et mourut en 1683.</p>
-
-<p><a id="Footnote_451" href="#FNanchor_451" class="label">[451]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (14 juin 1675), t. III, p. 419, édit. G.; t. III,
-p. 297, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_452" href="#FNanchor_452" class="label">[452]</a> <span class="smallc">Caylus</span>, <i>Souvenirs</i>, collect. des Mémoires relatifs à l'histoire de
-France, édit. de Petitot et Monmerqué, 1828, in-8<sup>o</sup>, t. LXVI, p. 89.&mdash;Et
-la note de Monmerqué, t. III, p. 269 des <i>Lettres de</i> <span class="smallc">Sévigné</span>
-(14 mai 1675).</p>
-
-<p><a id="Footnote_453" href="#FNanchor_453" class="label">[453]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 août 1675), t. III, p. 490 et 500, édit. G.;
-t. III, p. 361. Conférez <span class="smallc">Michel-Hardouin Mansart</span>, <i>Les plans, profits
-et élévations du château de Clagny</i>, 1680. Voyez le plan général,
-qui est le meilleur commentaire de cette lettre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_454" href="#FNanchor_454" class="label">[454]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 juillet 1675), t. III, p. 473, édit. G.; t. III,
-p. 346.</p>
-
-<p><a id="Footnote_455" href="#FNanchor_455" class="label">[455]</a> <i>Supplément aux Mémoires et Lettres du comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>,
-t. I, p. 185.</p>
-
-<p><a id="Footnote_456" href="#FNanchor_456" class="label">[456]</a> <span class="smallc">Boileau</span>, épître à Seignelay, vers 1, 91, 93, 134, 140, 146, 170,
-174.&mdash;<i>&OElig;uvres</i> <span class="smallc">de Boileau Despréaux</span>, épître IX, 1747, in-8<sup>o</sup>, édit.
-de Saint-Marc, p. 330-393; édit. 1830, in-8<sup>o</sup>, de Berriat Saint-Prix,
-t. II, p. 105 à 119.</p>
-
-<p><a id="Footnote_457" href="#FNanchor_457" class="label">[457]</a> <span class="smallc">Racine</span>, <i>Iphigénie</i>, Paris, Barbin, 1675, in-12 (72 pages).</p>
-
-<p><a id="Footnote_458" href="#FNanchor_458" class="label">[458]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 juillet 1675), t. III, p. 468, édit. G.; t. III,
-p. 341, édit. M.&mdash;L'abbé <span class="smallc">Arnauld</span>, <i>Mémoires</i>, coll. Petitot, t. XXXIV,
-p. 358.</p>
-
-<p><a id="Footnote_459" href="#FNanchor_459" class="label">[459]</a> <span class="smallc">Félibien</span>, <i>Relation des divertissements de Versailles</i> donnés
-par le roi à toute la cour, au retour de la conquête de la Franche-Comté,
-l'année 1674, in-4<sup>o</sup> (5 pages).&mdash;Cinquième journée du samedi
-18 août, p. 426 à 428.&mdash;Les frères <span class="smallc">Parfaict</span>, <i>Histoire du
-Théâtre françois</i>, t. XI, p. 318.&mdash;<span class="smallc">De Beauchamp</span>, <i>Recherches sur
-les théâtres</i>, t. III, p. 172 et 207.&mdash;<span class="smallc">Quinault</span>, <i>Théâtre</i>, édit. 1715,
-Paris, in-12, t. IV, p. 200 et 201.&mdash;Opéra de <i>Thésée</i>, représenté
-devant Sa Majesté à Saint-Germain en Laye (le dixième jour de
-janvier 1675; Paris, Ballard, in-4<sup>o</sup>, p. 5).</p>
-
-<p><a id="Footnote_460" href="#FNanchor_460" class="label">[460]</a> <span class="smallc">Boileau</span>, satire II, 20; III, 195; IX, 98; IX, 288.&mdash;Lutrin, II,
-92-8.</p>
-
-<p><a id="Footnote_461" href="#FNanchor_461" class="label">[461]</a> <span class="smallc">Boileau</span>, satire X, 131, 141-2.</p>
-
-<p><a id="Footnote_462" href="#FNanchor_462" class="label">[462]</a> <i>Mémoires sur Sévigné</i>, I, 74, 463, 466, 467, 469; II, 127, 172,
-448, 450, 451, 452; III, 62, 95, 96, 212, 219, 279; IV, 88, 89, 91,
-93, 94, 96, 144, 270, 314.</p>
-
-<p><a id="Footnote_463" href="#FNanchor_463" class="label">[463]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres à la princesse des Ursins</i> (29 avril 1713),
-t. II, p. 380, édit de 1765.&mdash;<span class="smallc">La Beaumelle</span>, t. VIII, p. 289-293.</p>
-
-<p><a id="Footnote_464" href="#FNanchor_464" class="label">[464]</a> <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 1<sup>re</sup> partie, 2<sup>e</sup> édit., p. 464.</p>
-
-<p><a id="Footnote_465" href="#FNanchor_465" class="label">[465]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires authentiques</i>, t. XIII, p. 109, ch. <span class="smallc">VIII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_466" href="#FNanchor_466" class="label">[466]</a> <span class="smallc">Madame du Pérou</span>, <i>Mémoires sur madame</i> de Maintenon, recueillis
-par les dames de Saint-Cyr; Paris, Olivier Fulgence, éditeur,
-1846, in-12, p. 1-12.&mdash;Le <span class="smallc">P. Laguille</span>, <i>Fragments de Mémoires
-sur la vie de madame</i> <span class="smallc">de Maintenon</span>, dans les <i>Archives littéraires
-de</i> <span class="smallc">Vanderbourg</span>, vol. XII, trimestre d'octobre 1806, p. 363 à 370.
-Lisez <i>Navailles</i> au lieu de Noailles, et <i>Neuillant</i> au lieu de Neuillans.&mdash;<i>Mémoires
-sur Sévigné</i>, 1<sup>re</sup> partie, p. 404.</p>
-
-<p><a id="Footnote_467" href="#FNanchor_467" class="label">[467]</a> Poésies de <span class="smallc">la Mesnardière</span>, in-folio, pièce intitulée <i>Galanterie</i>,
-et dans <span class="smallc">la Beaumelle</span>, <i>Mémoires</i>, t. VI, p. 54 et 55.</p>
-
-<p><a id="Footnote_468" href="#FNanchor_468" class="label">[468]</a> Conférez la 1<sup>re</sup> partie de ces <i>Mémoires sur Sévigné</i>, p. 464-69,
-et la 2<sup>e</sup> partie, p. 448, 449, 450, 451 à 453.</p>
-
-<p><a id="Footnote_469" href="#FNanchor_469" class="label">[469]</a> <span class="smallc">Du Pérou</span>, <i>Mémoires sur madame de Maintenon</i>, 1846, in-12,
-p. 273.</p>
-
-<p><a id="Footnote_470" href="#FNanchor_470" class="label">[470]</a> <i>Lettres de messire</i> <span class="smallc">Godetz des Marais</span> <i>à madame de Maintenon</i>,
-Bruxelles, 1755, in-8<sup>o</sup>, p. 108 et <i>passim</i>. C'est le t. IX de la collection
-des lettres données par la Beaumelle, et t. XV de toute sa
-collection sur Maintenon; conférez encore t. VI, p. 79 des <i>Mémoires</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_471" href="#FNanchor_471" class="label">[471]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i> (8 janvier 1680, lettre de l'abbé Gobelin),
-t. II, p. 69 de l'édit. gr. in-12; Amsterdam, 1656, Dresde, 1753, petit
-in-12, p. 142; Nancy, 1752, t. I, p. 158; Paris, 1806, p. 81.&mdash;<span class="smallc">Du
-Pérou</span>, <i>Mémoires sur madame de Maintenon</i>, 1846, in-12, p. 273.</p>
-
-<p><a id="Footnote_472" href="#FNanchor_472" class="label">[472]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Conversations</i>, 3<sup>e</sup> édit., 1828, in-18, p. 239.&mdash;Mademoiselle
-<span class="smallc">d'Aumale</span>, <i>Mémoires</i>, ms. cité par la Beaumelle, t. I; p.
-150 et 151 des <i>Mém. p. s. à l'hist. de M. et dus. de Louis XIV</i>.&mdash;Conférez
-ci-après les notes et éclaircissements.</p>
-
-<p><a id="Footnote_473" href="#FNanchor_473" class="label">[473]</a> Mesdames <span class="smallc">du Pérou</span> et <span class="smallc">Glapion</span>, <i>Mémoires sur madame de
-Maintenon</i>, 1846, in-12, p. 5.</p>
-
-<p><a id="Footnote_474" href="#FNanchor_474" class="label">[474]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Entretien III</i>, dans <span class="smallc">la Beaumelle</span>, <i>Mémoires</i>, etc.,
-édit. 1756, t. VI, p. 174-176.</p>
-
-<p><a id="Footnote_475" href="#FNanchor_475" class="label">[475]</a> Avis de <span class="smallc">M. de Fénelon</span> à madame de Maintenon, dans les <i>Lettres
-de madame</i> <span class="smallc">De Maintenon</span>, t. III, p. 212, édit. de <span class="smallc">la Beaumelle</span>,
-Amsterdam, 1756.</p>
-
-<p><a id="Footnote_476" href="#FNanchor_476" class="label">[476]</a> Demoiselle Avrillot, femme d'Acaric, maître des requêtes, et
-dame Madeleine L'Huillier, veuve de M. le Roux de Sainte-Beuve.&mdash;Voyez
-<span class="smallc">Jaillot</span>, <i>Recherches sur Paris, quartier Saint-Benoît</i>, p. 141
-et 157, t. V. On a un portrait, gravé en 1673, de Madeleine L'Huillier,
-décédée le 29 août 1640.</p>
-
-<p><a id="Footnote_477" href="#FNanchor_477" class="label">[477]</a> <span class="smallc">Du Pérou</span> et <span class="smallc">Glapion</span>, <i>Mémoires sur madame de Maintenon</i>,
-recueillis par les dames de Saint-Cyr, 1846, in-12, p. 7 et 8.</p>
-
-<p><a id="Footnote_478" href="#FNanchor_478" class="label">[478]</a> <i>Les Souvenirs de madame</i> <span class="smallc">de Caylus</span> <i>sur les intrigues amoureuses
-de la cour</i>, avec les notes de M. <span class="smallc">de Voltaire</span>, au château de
-Ferney, 1770, in-12, p. 112.&mdash;<i>Ibid.</i>, Paris, 1806, Renouard, in-12,
-p. 193.&mdash;<i>Ibid.</i>, collection des <i>Mémoires</i> de Petitot et Monmerqué,
-t. LXVI, p. 448. Dans ces trois éditions il y a une faute grave: c'est
-d'avoir mis Noisy-le-Sec an lieu de Noisy (le berceau de Saint-Cyr).
-Cette faute est copiée de la Beaumelle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_479" href="#FNanchor_479" class="label">[479]</a> <i>Avis de madame</i> <span class="smallc">de Maintenon</span> <i>à madame la duchesse de
-Bourgogne</i>. <span class="smallc">La Beaumelle</span>, <i>Lettres de madame de Maintenon</i>,
-Amsterdam, 1756, t. III, p. 201-10.&mdash;<span class="smallc">Léopold Collin</span>, <i>Lettres de
-madame de Maintenon</i>, t. VI, p. 114, édit. 1806.</p>
-
-<p><a id="Footnote_480" href="#FNanchor_480" class="label">[480]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 1-10.</p>
-
-<p><a id="Footnote_481" href="#FNanchor_481" class="label">[481]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>l'Esprit</i>, etc., 1699, in-12; 1711, 1808, in-12 et in-18.</p>
-
-<p><a id="Footnote_482" href="#FNanchor_482" class="label">[482]</a> <i>Conversations de madame la marquise</i> <span class="smallc">de Maintenon</span>, publiées
-par M. de Monmerqué, 1 vol. in-18, 1818, 3<sup>e</sup> édit.&mdash;<i>Conversations
-inédites de madame</i> <span class="smallc">de Maintenon</span>, précédées d'une notice par M. de
-Monmerqué, 1828, in-18.&mdash;<i>Mémoires de madame</i> <span class="smallc">de Maintenon</span>;
-Paris, édit. Fulgence, 1846, in-12, p. 402, ch. <span class="smallc">XXII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_483" href="#FNanchor_483" class="label">[483]</a> <i>Lettres de madame</i> <span class="smallc">de Maintenon</span> à M. de Caylus, évêque
-d'Autun (26 juin 1709).&mdash;Dans les <i>Mélanges</i> publiés par la Société
-des bibliophiles français, 1827, in-8<sup>o</sup>, p. 3.&mdash;<span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres à
-madame de Glapion</i>, t. III, p. 181.</p>
-
-<p><a id="Footnote_484" href="#FNanchor_484" class="label">[484]</a> Conférez <span class="smallc">Méré</span>, <i>&OElig;uvres</i>, 1692, in-12, t. I, p. 107, 126, 135,
-162, 326, 333, 370. Lettres à Mitton, le plus grand puriste, en fait de
-langage, de cette époque.&mdash;Conférez ces <i>Mémoires sur Sévigné</i>, t. II,
-p. 255, 419.</p>
-
-<p><a id="Footnote_485" href="#FNanchor_485" class="label">[485]</a> Conférez <span class="smallc">Méré</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. I, p. 96, 97, 115, 116, 149, 150, etc.
-Lettres à mesdames de Sablé, de Lesdiguières, à M<sup>lle</sup> de Scudéry, etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_486" href="#FNanchor_486" class="label">[486]</a> Conférez <span class="smallc">Méré</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. I, p. 6, 84, 145, 150, 159, 215. Lettres
-à Balzac, Ménage, Simon, Saint-Pavin, etc.&mdash;<i>Ibid.</i>, t. I, p. 60,
-159. Lettres à Pascal et à Bourdelot.</p>
-
-<p><a id="Footnote_487" href="#FNanchor_487" class="label">[487]</a> Voyez ci-dessus, <i>Mémoires sur Sévigné</i>, t. I, p. 228-31, ch. <span class="smallc">XVI</span>,
-et p. 466-469, ch. <span class="smallc">XXXIV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_488" href="#FNanchor_488" class="label">[488]</a> <span class="smallc">Scarron</span>, <i>les dernières &OElig;uvres</i>, 1700, in-12, t. I, p. 229. Héro
-et Léandre, ode burlesque.&mdash;<i>Ibid.</i>, <i>&OElig;uvres de</i> <span class="smallc">M. Scarron</span>, Amsterdam,
-1737, in-12, t. VIII, p. 339.&mdash;Conférez la <i>Prison</i> de
-<span class="smallc">M. d'Assoucy</span>, Paris, 1674, p. 10.</p>
-
-<p><a id="Footnote_489" href="#FNanchor_489" class="label">[489]</a> Conférez <span class="smallc">Scarron</span>, <i>&OElig;uvres</i>, Amsterdam, 1637, in-18, t. I, p. 32,
-35, 43, 45, 47, 62, 64, 78, 90-9, 101-29, 124, 163, 167. Lettres de Scarron
-à la comtesse de Fiesque, à mademoiselle de Neuillant, à la marquise
-de Sévigné, à madame Renaud de Sévigné, au marquis et à la
-marquise de Villarceaux, au comte de Vivonne, au maréchal d'Albret.</p>
-
-<p><a id="Footnote_490" href="#FNanchor_490" class="label">[490]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Conversations</i>, 3<sup>e</sup> édit., 1828, in-18, p. 184 à 192.</p>
-
-<p><a id="Footnote_491" href="#FNanchor_491" class="label">[491]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i> (25 mai 1648, à madame Fouquet), t. I, p. 25,
-édit. L. B. 1756. Conférez 1<sup>re</sup> partie de ces <i>Mémoires sur Sévigné</i>,
-ch. <span class="smallc">XXXIV</span>, p. 464.</p>
-
-<p><a id="Footnote_492" href="#FNanchor_492" class="label">[492]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i> (1660), t. I, p. 34, édit. 1756.&mdash;<i>Ibid.</i>, t. I,
-p. 32, Nancy, 1752, in-12.&mdash;<i>Ibid.</i>, Dresde, 1753, p. 28, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_493" href="#FNanchor_493" class="label">[493]</a> <span class="smallc">Jaillot</span>, <i>Recherches sur Paris</i>, quartier Saint-Antoine, p. 88,
-et <span class="smallc">Hurtaut</span>, <i>Dictionnaire de la ville de Paris</i>, t. III, p. 230.</p>
-
-<p><a id="Footnote_494" href="#FNanchor_494" class="label">[494]</a> <span class="smallc">Du Pérou</span>, <i>Mémoires de madame de Maintenon</i>, p. 49 et 50.</p>
-
-<p><a id="Footnote_495" href="#FNanchor_495" class="label">[495]</a> <span class="smallc">Tallemant des Réaux</span>, <i>les Historiettes</i>, t. V, p. 263, édit. in-8<sup>o</sup>,
-et t. IX, p. 129, édit. in-12. Historiette du petit Scarron.</p>
-
-<p><a id="Footnote_496" href="#FNanchor_496" class="label">[496]</a> <span class="smallc">Madame du Pérou</span>, <i>Mémoires sur madame de Maintenon</i>, p. 19.&mdash;<span class="smallc">La
-Beaumelle</span>, <i>Mémoires pour servir à l'hist. de madame de
-Maintenon</i>, t. II, p. 110.</p>
-
-<p><a id="Footnote_497" href="#FNanchor_497" class="label">[497]</a> <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 1<sup>re</sup> partie, p. 230, ch. <span class="smallc">XVI</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_498" href="#FNanchor_498" class="label">[498]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 37 et 38, édit. 1756; <i>ibid.</i>, t. I, p. 37,
-édit. 1752; <i>ibid.</i>, p. 30 et 31, édit. 1753.</p>
-
-<p><a id="Footnote_499" href="#FNanchor_499" class="label">[499]</a> <span class="smallc">Scarron</span>, <i>&OElig;uvres</i>, 1737, t. I, p. 48.&mdash;<i>Les dernières &OElig;uvres
-de Monsieur</i> <span class="smallc">Scarron</span> (<i>sic</i>), t. I, p. 34, Paris, 1669, in-12 (lettre au
-marquis de Villarceaux).</p>
-
-<p><a id="Footnote_500" href="#FNanchor_500" class="label">[500]</a> <span class="smallc">Scarron</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. I, p. 46 (lettre à la marquise de Villarceaux,
-p. 48, lettre au marquis de Villarceaux).&mdash;<i>Ibid.</i>, <i>les dernières &OElig;uvres
-de M.</i> <span class="smallc">Scarron</span>, 1669, in-12, p. 25 et 31.</p>
-
-<p><a id="Footnote_501" href="#FNanchor_501" class="label">[501]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i> (8 mars 1666), <i>ibid.</i>, édit. d'Amsterdam, chez
-Sweares, t. I, p. 32; édit. 1756, t. I, p. 37 et 38, Amsterdam, aux dépens
-de l'éditeur.&mdash;<i>Ibid.</i>, édit. de Nancy, 1752, in-12, p. 37; édit.
-de Dresde, in-12, p. 31; édit. de Léopold Collin, Paris, 1806, t. I, p. 33.&mdash;<span class="smallc">Dret</span>,
-<i>Mémoires de madame de Lenclos</i>, 1751, in-18, p. 74, à
-tort contredit par <span class="smallc">la Beaumelle</span>, <i>Mémoires sur Maintenon</i>, t. I,
-p. 217.&mdash;<span class="smallc">Douxmesnil</span>, <i>Mémoires et Lettres de Lenclos</i>, 1751, p. 22.&mdash;<span class="smallc">Tallemant</span>,
-t. I, p. 130.</p>
-
-<p><a id="Footnote_502" href="#FNanchor_502" class="label">[502]</a> Conférez <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 2<sup>e</sup> partie, p. 468-9, ch. <span class="smallc">XXXIV</span>.&mdash;<span class="smallc">Tallemant
-des Réaux</span>, <i>Historiettes</i>, t. V, p. 262, édit. 1834; t. IX,
-p. 128, édit. in-12.&mdash;<span class="smallc">Voltaire</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. XXXIX, p. 404.</p>
-
-<p><a id="Footnote_503" href="#FNanchor_503" class="label">[503]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 28, édit. 1756 (27 août 1607, à madame
-de Villarceaux).</p>
-
-<p><a id="Footnote_504" href="#FNanchor_504" class="label">[504]</a> <span class="smallc">Tallemant des Réaux</span>, <i>Historiettes</i>, édit. in-12. Historiette de
-Scarron, t. IV, p. 128; t. V, p. 262 de l'édition in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_505" href="#FNanchor_505" class="label">[505]</a> <span class="smallc">Caylus</span>, <i>Mém.</i>, collect. Petitot, t. LXVI, p. 420.&mdash;<i>Ibid.</i>, édit.
-de Voltaire, au château de Ferney, 1770, p. 76 et 77, et la note de
-Voltaire.&mdash;<i>Ibid.</i>, édit. Renouard, 1806, in-12, p. 148.</p>
-
-<p><a id="Footnote_506" href="#FNanchor_506" class="label">[506]</a> Conférez ces <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 4<sup>e</sup> partie, p. 111; <i>ibid.</i>,
-1<sup>re</sup> partie, p. 236-243, 254-263.</p>
-
-<p><a id="Footnote_507" href="#FNanchor_507" class="label">[507]</a> <span class="smallc">Scarron</span>, <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1737, t. IX, p. <span class="smallc">VI</span>, <span class="smallc">VII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_508" href="#FNanchor_508" class="label">[508]</a> <span class="smallc">La Beaumelle</span>, <i>Mémoires pour servir à l'hist. de madame de
-Maintenon</i>, liv. VI, c. <span class="smallc">IV</span>, t. II, p. 109.</p>
-
-<p><a id="Footnote_509" href="#FNanchor_509" class="label">[509]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 41, édit. 1656; <i>ibid.</i>, p. 38, édit.
-1758; <i>ibid.</i>, t. I, p. 35, Nancy, 1752; <i>ibid.</i>, p. 41, Dresde, 1753; <i>ibid.</i>,
-t. I, p. 39, édit. de 1806. Dans les éditions seules de 1752 et 1753 la
-lettre est complétement datée (30 juin 1666), et il y a <i>dona almera</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_510" href="#FNanchor_510" class="label">[510]</a> <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 3<sup>e</sup> partie, p. 95 à 97.</p>
-
-<p><a id="Footnote_511" href="#FNanchor_511" class="label">[511]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i>, édit. 1756, t. II, p. 1 à 96 (à l'abbé Gobelin).&mdash;Madame
-<span class="smallc">du Pérou</span>, <i>Mém. de madame de Maintenon</i>, p. 54 à 58.</p>
-
-<p><a id="Footnote_512" href="#FNanchor_512" class="label">[512]</a> <span class="smallc">Caylus</span>, <i>Souvenirs</i>, p. 66, édit. Raynouard, 1806; collect. Petitot,
-t. LXVI, p. 270; <i>ibid.</i>, p. 13 de l'édition de Voltaire, du château
-de Ferney, 1770, in-12.&mdash;Madame <span class="smallc">du Pérou</span>, <i>Mémoires de madame
-de Maintenon</i>, 1846, p. 44, 47 et 48.&mdash;<span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres à
-la princesse des Ursins</i>, 30 septembre 1713, t. II, p. 440.</p>
-
-<p><a id="Footnote_513" href="#FNanchor_513" class="label">[513]</a> <span class="smallc">Du Pérou</span>, <i>Mém. sur madame de Maintenon</i>, p. 44-8, 235.&mdash;<span class="smallc">Maintenon</span>,
-<i>Lettres à la princesse des Ursins</i>, Paris, 1806, in-8<sup>o</sup>
-(10-11 septembre 1805), t. III, p. 218.</p>
-
-<p><a id="Footnote_514" href="#FNanchor_514" class="label">[514]</a> Madame <span class="smallc">du Pérou</span>, <i>Mémoires de madame de Maintenon</i>, 1846,
-in-12, p. 21 et 22.</p>
-
-<p><a id="Footnote_515" href="#FNanchor_515" class="label">[515]</a> Conférez <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 3<sup>e</sup> partie, p. 62-95-97-279.</p>
-
-<p><a id="Footnote_516" href="#FNanchor_516" class="label">[516]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires complets et authentiques</i>, édit. 1829,
-t. XIII, p. 102 et 103.</p>
-
-<p><a id="Footnote_517" href="#FNanchor_517" class="label">[517]</a> Conférez <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 3<sup>e</sup> partie, p. 213-215.</p>
-
-<p><a id="Footnote_518" href="#FNanchor_518" class="label">[518]</a> Conférez <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 4<sup>e</sup> partie, p. 144.</p>
-
-<p><a id="Footnote_519" href="#FNanchor_519" class="label">[519]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i> (Saint-Germain, le 10 novembre 1674), t. I,
-p. 106, édit. 1756.&mdash;<i>Ibid.</i> (16 juillet 1674), t. II, p. 6. Lettre à l'abbé
-Gobelin.&mdash;Duc <span class="smallc">de Noailles</span>, <i>Histoire de madame de Maintenon</i>,
-1848, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 485.</p>
-
-<p><a id="Footnote_520" href="#FNanchor_520" class="label">[520]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i> (Saint-Germain, 31 octobre 1674), t. II, p. 21
-et 22 de l'édit. 1806; <i>ibid.</i>, t. II, p. 11 et 12, édit. 1756.</p>
-
-<p><a id="Footnote_521" href="#FNanchor_521" class="label">[521]</a> <i>&OElig;uvres diverses d'un auteur de sept ans, ou recueil des ouvrages
-de M. le duc</i> <span class="smallc">du Maine</span>, <i>qu'il a faits pendant l'année 1677
-et dans le commencement de l'année 1678</i>, Paris, in-4<sup>o</sup>.&mdash;Conférez
-<i>Nouvelles de la république des lettres</i>, février 1685, t. IV,
-2<sup>e</sup> édit., 1686, p. 203 à 209. L'épître dédicatoire se trouve dans les
-<i>Lettres</i> <span class="smallc">de Maintenon</span>, édit. 1806, t. I, p. 54.</p>
-
-<p><a id="Footnote_522" href="#FNanchor_522" class="label">[522]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i>, édit. de Dresde, 1753, in-12, p. 48 et 50 (à
-l'abbé Gobelin, 6 mai et 16 juin 1671, lisez 1673); <i>ibid.</i>, édit. de
-Nancy, 1752, petit in-12, t. I, p. 54 et 57; <i>ibid.</i>, édit. in-12, 1756,
-grand vol., p. 9-12-14 (31 octobre et novembre 1674); édit. 1806,
-t. I, p. 18-23. Les dates de l'année sont inexactes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_523" href="#FNanchor_523" class="label">[523]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>&OElig;uvres complètes</i>, t. XIII, p. 104.</p>
-
-<p><a id="Footnote_524" href="#FNanchor_524" class="label">[524]</a> <span class="smallc">Madame du Pérou</span>, <i>Mém. de madame de Maintenon</i>, p. 19.&mdash;<span class="smallc">La
-Beaumelle</span>, <i>Mém. p. s. à l'hist. de madame de Maintenon</i>, t. II,
-p. 110.&mdash;Monmerqué, <span class="smallc">Sévigné</span>, t. VI, p. 240 et 379, note sur la lettre
-du 19 avril 1680.&mdash;<span class="smallc">Tallemant des Réaux</span>, <i>Historiettes</i>, II, 139,
-édit. in-8<sup>o</sup>; <i>ibid.</i>, III, édit. in-12, p. 135.&mdash;<span class="smallc">Madame du Pérou</span>, <i>Mém.
-sur madame de Maintenon</i>, p. 19.&mdash;<span class="smallc">La Beaumelle</span>, <i>Mémoires pour
-servir à l'histoire de madame de Maintenon</i>, t. II, p. 110.</p>
-
-<p><a id="Footnote_525" href="#FNanchor_525" class="label">[525]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i> (14 juillet, 31 octobre 1674), t. II, p. 21 et 22
-de l'édit. 1806; <i>ibid.</i>, t. II, p. 11 et 12 de l'édit. d'Amsterd., 1756.</p>
-
-<p><a id="Footnote_526" href="#FNanchor_526" class="label">[526]</a> Mesdames <span class="smallc">du Pérou</span> et <span class="smallc">Glapion</span>, <i>Mémoires sur madame</i> <span class="smallc">de
-Maintenon</span>, recueillis par les dames de Saint-Cyr, 1846, in-12,
-p. 22.</p>
-
-<p><a id="Footnote_527" href="#FNanchor_527" class="label">[527]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres</i> (18 avril 1674), édit. 1756, t. I, p. 52 et 53.&mdash;<i>Mémoires
-de madame</i> <span class="smallc">de Maintenon</span>, recueillis par les dames de
-Saint-Cyr, 1846, in-12, p. 17.&mdash;<span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mémoires</i>, collection
-Petitot, t. XLIII, p. 403.&mdash;<span class="smallc">Caylus</span>, <i>Souvenirs</i>, t. LXVI, p. 391.&mdash;Les
-Mémoires manuscrits de mademoiselle <span class="smallc">d'Aumale</span>, cités à cet endroit
-par M. Monmerqué, <i>ibid.</i>, p. 40 de l'édit. de Voltaire, au château
-de Ferney, 1770, édit. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_528" href="#FNanchor_528" class="label">[528]</a> <span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Lettres historiques</i> (3 juin 1675, du camp de Latines),
-t. II, p. 277.</p>
-
-<p><a id="Footnote_529" href="#FNanchor_529" class="label">[529]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres à l'abbé Gobelin</i> (8 mai 1675), in-12, t. II,
-p. 32.</p>
-
-<p><a id="Footnote_530" href="#FNanchor_530" class="label">[530]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 août 1675), t. III, p. 501, édit. G.; t. III,
-p. 362, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_531" href="#FNanchor_531" class="label">[531]</a> <i>Lettres de madame</i> <span class="smallc">de Rabutin-Chantal</span>, <i>marquise</i> <span class="smallc">de Sévigné</span>,
-<i>à madame la comtesse de Grignan, sa fille</i>; la Haye, 1726, in-12,
-t. II, p. 55, mercredi 19 août (<i>corrigez</i> 21 août) 1675. Dans toutes
-les autres éditions, sans exception, le texte de cet important passage.
-est faux ou défiguré. Les notes de ces éditions doivent disparaître.</p>
-
-<p><a id="Footnote_532" href="#FNanchor_532" class="label">[532]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 septembre 1675), t. IV, p, 94, édit. G.;
-t. III, p. 464, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_533" href="#FNanchor_533" class="label">[533]</a> L'annonce dans la <i>Gazette</i> est du 9 août 1675, n<sup>o</sup> 78, p. 582.
-Il est dit que le roi en avait reçu la nouvelle le 29 juillet, à Versailles.</p>
-
-<p><a id="Footnote_534" href="#FNanchor_534" class="label">[534]</a> S.-H*** (<span class="smallc">Saint-Hilaire</span>), <i>Mémoires</i>, 1756, in-12, t. I, p. 104.&mdash;<i>Recueil
-de lettres pour servir d'éclaircissements à l'histoire militaire
-du règne de Louis XIV</i>, 1761, in-12, t. III, p. 216.&mdash;<span class="smallc">Ramsay</span>,
-<i>Histoire du vicomte de Turenne</i>, 1773, in-12, liv. <span class="smallc">VI</span>, t. II, p. 342;
-<i>id.</i>, 1735, in-4<sup>o</sup>, t. I, p. 581.&mdash;<span class="smallc">Raguenet</span>, <i>Histoire de Turenne</i>,
-1732, in-12, t. II, p. 105.</p>
-
-<p><a id="Footnote_535" href="#FNanchor_535" class="label">[535]</a> Cet hôtel, construit sur le plan de Gomboust et indiqué comme
-appartenant en 1652 à un M. de Levassier, était rue Saint-Louis,
-au Marais, au coin de la rue Saint-Claude. (Voy. Jaillot, <i>Recherches
-sur Paris</i>, quartier du Temple, p. 18.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_536" href="#FNanchor_536" class="label">[536]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 juillet 1675), t. III, p. 477 et 478, édit. G.;
-<i>idem</i>, t. III, p. 348 et 349, édit. M.&mdash;<span class="smallc">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V,
-p. 451.</p>
-
-<p><a id="Footnote_537" href="#FNanchor_537" class="label">[537]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 juillet 1675), t. III, p. 350, édit. M.; t. III,
-p. 478, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_538" href="#FNanchor_538" class="label">[538]</a> <span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Lettres historiques</i> (24 septembre 1676), t. III,
-p. 154.&mdash;<span class="smallc">La Fare</span>, <i>Mémoires</i>, collect. Petitot, t. LXV, p. 223-225.&mdash;<i>&OElig;uvres
-diverses du marquis</i> <span class="smallc">de la Fare</span>, 1750, p. 145.</p>
-
-<p><a id="Footnote_539" href="#FNanchor_539" class="label">[539]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> juin 1676), t. IV, p. 466, 467, édit. G.;
-t. III, p. 321, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_540" href="#FNanchor_540" class="label">[540]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 février 1672), t. II, p. 396.&mdash;Conférez la
-4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, chap. <span class="smallc">X</span>, p. 287, et la note p. 366.</p>
-
-<p><a id="Footnote_541" href="#FNanchor_541" class="label">[541]</a> <i>&OElig;uvres diverses du marquis</i> <span class="smallc">de la Fare</span>; Amsterdam, 1650,
-in-12.&mdash;<span class="smallc">La Fare</span>, <i>Mémoires</i> (1675), collect. Petitot, t. LXV,
-p. 223.</p>
-
-<p><a id="Footnote_542" href="#FNanchor_542" class="label">[542]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires complets et authentiques</i>, t. I, 29 et 389;
-II, 171.&mdash;<span class="smallc">La Fare</span>, <i>Mémoires</i>, collect. Petitot, p. 223 (année 1676).&mdash;<i>Ibid.</i>,
-<i>&OElig;uvres diverses</i>, Amsterdam, 1750, p. 141 et 142.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (19 mai 1673), t. II, p. 196; t. III, p. 153, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(1<sup>er</sup> janvier 1674), t. III, p. 188, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (11 septembre
-1674), t. IV, p. 467; t. V, p. 117, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (25 décembre
-1679), t. VI, p. 265, édit. G.; t. III, p. 81, 194, édit. M.; t. IV,
-341, 449 et 460, édit. G.; t. IV, 73, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_543" href="#FNanchor_543" class="label">[543]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (30 et 31 juillet, 2, 6, 7, 9, 11, 12, 16, 19, 21,
-22, 26, 27 et 28 août, 1<sup>er</sup> et 9 septembre), t. III, p. 471, 475, 480,
-483, 489, 499, 504; t. IV, p. 3, 5, 7, 10, 13, 16, 19, 20, 21, 27, 41,
-47, 54, 59, 65, 73, 76, 79, 87, 92, 135, 186, du ms. de l'Institut.&mdash;Dans
-la <i>Suite des Mémoires</i> <span class="smallc">de Bussy</span>, et dans l'édit. Monmerqué,
-1820, in-8<sup>o</sup>, t. III, p. 346, 347, 353, 369, 372, 375, 377, 387, 388, 390,
-397, 404, 416, 427, 430, 437 (1<sup>er</sup> septembre), 438, 448, 453, 457.</p>
-
-<p><a id="Footnote_544" href="#FNanchor_544" class="label">[544]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 et 25 août 1675), t. III, p. 504; t. IV, p. 55;
-édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (26 janvier 1689), t. IX, p. 122.&mdash;Conférez la
-4<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 333.</p>
-
-<p><a id="Footnote_545" href="#FNanchor_545" class="label">[545]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 août et 4 septembre 1675), t. IV, p. 65,
-76 et 92, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_546" href="#FNanchor_546" class="label">[546]</a> Lettres de Louis XIV aux abbés et religieux de Saint-Denis, <span class="smallc">Ramsay</span>,
-<i>Vie de Turenne</i>, t. IV, p. 372, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_547" href="#FNanchor_547" class="label">[547]</a> <i>Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV</i>,
-1850, in-4<sup>o</sup>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 551. Lettre de l'évêque de Saint-Malo à
-Colbert, en date du 28 août 1575.</p>
-
-<p><a id="Footnote_548" href="#FNanchor_548" class="label">[548]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 août 1675), t. IV, p. 70, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_549" href="#FNanchor_549" class="label">[549]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 et 26 août 1675), t. III, p. 504; t. IV, p. 55.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(26 janvier 1689), t. IX, p. 122.&mdash;Conférez la 4<sup>e</sup> partie de
-ces <i>Mémoires</i>, p. 333. Les lettres de convocation pour la tenue des
-états de Bretagne sont datées du 16 septembre 1675. (<i>Recueil ms.</i>, etc.,
-de la Bibl. nat., p. 371.) Madame de Sévigné partit le 9 du même
-mois.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 juin 1675), t. III, p. 434, édit. G; t. III,
-p. 309, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (6 août 1675), t. III, p. 487, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_550" href="#FNanchor_550" class="label">[550]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 juin 1675), t. III, p. 424, édit. G.; t. III,
-p. 300, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_551" href="#FNanchor_551" class="label">[551]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 juillet 1675?), t. III, p. 448, 467, édit G.;
-t. III, p. 339, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (10 juillet 1675), t. III, p. 448, édit. G.;
-t. III, p. 323 et 324, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (19 août 1675), t. IV, p. 35,
-édit. G.; t. III, p. 411, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_552" href="#FNanchor_552" class="label">[552]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 août 1675), t. III, p. 487, édit. G.; t. III,
-p. 371, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (5, 10 et 24 juillet 1675), t. III, p. 435, 448
-et 467, édit. G.; t. III, p. 439, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_553" href="#FNanchor_553" class="label">[553]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 et 22 décembre 1675), t. IV, p. 233 et 267,
-édit. G.; t. IV, p. 111 et 141, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_554" href="#FNanchor_554" class="label">[554]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 et 14 septembre 1675), t. IV, p. 93 et 101,
-édit. G.; t. III, p. 463 et 469, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_555" href="#FNanchor_555" class="label">[555]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 et 29 septembre 1675), t. IV, p. 97-117,
-édit. G.; t. IV, p. 10, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_556" href="#FNanchor_556" class="label">[556]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 septembre 1675), t. IV, p. 85, édit. G.; t. III,
-p. 455, édit M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_557" href="#FNanchor_557" class="label">[557]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 septembre 1675), t. IV, p. 117, édit. G.;
-t. IV, p. 7, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_558" href="#FNanchor_558" class="label">[558]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (9 et 11 septembre 1675), t. IV, p. 87, 94, édit.
-G.; t. III, p. 463, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (20 septembre 1675), t. IV, p. 107
-et 109, édit. G.; t. IV, p. 475, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_559" href="#FNanchor_559" class="label">[559]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (9 septembre 1675), t. IV, p. 92, édit. G.; t. III,
-p. 461, édit. M.&mdash;<i>Cadmus et Hermione</i>, tragédie, acte II, scène <span class="smallc">IV</span>.&mdash;Le
-<i>Théâtre de</i> <span class="smallc">M. Quinault</span> (1735), t. IV, p. 95.&mdash;Madame de
-Sévigné a pu assister à la représentation de cet opéra, dont la musique
-était de Lulli. Il fut joué sur le théâtre du Bel-Air en 1672, et le
-17 avril 1673 sur le théâtre du Palais-Royal, après la mort de Molière.
-Voyez la <i>Vie de Quinault</i>, t. I, p. 35 des <i>&OElig;uvres</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_560" href="#FNanchor_560" class="label">[560]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 septembre 1675), t. IV, p. 96, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_561" href="#FNanchor_561" class="label">[561]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 septembre 1675), l. IV, p. 105, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_562" href="#FNanchor_562" class="label">[562]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (9 et 11 sept. 1675), t. IV, p. 91, 93, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_563" href="#FNanchor_563" class="label">[563]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 et 14 septembre 1675), t. IV, p. 97, 98 et
-100, éd. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_564" href="#FNanchor_564" class="label">[564]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 septembre 1675), t. IV, p. 98, 99, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_565" href="#FNanchor_565" class="label">[565]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (14 septembre 1675), t. IV, p. 100, édit. G.;
-t. III, p. 467, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_566" href="#FNanchor_566" class="label">[566]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (14 et 17 septembre), t. IV, p. 100-103, édit. G.;
-t. III, p. 469, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_567" href="#FNanchor_567" class="label">[567]</a> <i>Mémoires sur madame de Sévigné</i>, 4<sup>e</sup> partie, p. 160.</p>
-
-<p><a id="Footnote_568" href="#FNanchor_568" class="label">[568]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (14 septembre 1675), t. IV, p. 100 et 101,
-édit. G.; t. III, p. 469, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_569" href="#FNanchor_569" class="label">[569]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 septembre 1675), t. IV, p. 103 et 104,
-édit. G.; t. III, p. 472, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_570" href="#FNanchor_570" class="label">[570]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 septembre 1675), t. IV, p. 106, édit. G.;
-t. III, p. 473, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_571" href="#FNanchor_571" class="label">[571]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> octobre 1654), t. I, p. 34, édit. G.; t. I,
-p. 27, édit. M.; et 2<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit., p. 9 et 10.</p>
-
-<p><a id="Footnote_572" href="#FNanchor_572" class="label">[572]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 et 24 septembre 1675), t. IV, p. 109 et 114,
-édit. G.; t. III, p. 475, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_573" href="#FNanchor_573" class="label">[573]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 septembre 1675), t. IV, p. 111 et 112,
-édit. G.; t. IV, p. 1. édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_574" href="#FNanchor_574" class="label">[574]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (29 septembre 1675), t. IV, p. 115 et 117,
-édit. G.; t. IV, p. 10, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_575" href="#FNanchor_575" class="label">[575]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 août 1675), t. III, p. 503, édit. G.; t. III,
-p. 363, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_576" href="#FNanchor_576" class="label">[576]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (29 septembre 1675), t. IV, p. 117, édit. G.;
-t. IV, p. 10, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_577" href="#FNanchor_577" class="label">[577]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 septembre 1675), t. IV, p. 107, édit. G.;
-t. III, p. 470, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_578" href="#FNanchor_578" class="label">[578]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 et 14 sept. 1675), t. IV, p. 93, 100 et 102.</p>
-
-<p><a id="Footnote_579" href="#FNanchor_579" class="label">[579]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 août 1675), t. III, p. 487, édit. G.; t. III,
-p. 371, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_580" href="#FNanchor_580" class="label">[580]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 septembre 1675), t. IV, p. 103 (11 septembre),
-t. IV, p. 99, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_581" href="#FNanchor_581" class="label">[581]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 septembre 1675), t. IV, p. 99, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_582" href="#FNanchor_582" class="label">[582]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 et 24 septembre 1675), t. IV, p. 107 et
-114, édit G.; t. III, p. 474, et t. IV, p. 7, édit. M.&mdash;Les s&oelig;urs de
-Sainte-Marie logeaient à Nantes, près de la cour de Saint-Pierre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_583" href="#FNanchor_583" class="label">[583]</a> Le portrait de madame de Grignan. Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_256">256</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_584" href="#FNanchor_584" class="label">[584]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 septembre 1675), t. IV, p. 111, édit. G.;
-t. IV, p. 1, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_585" href="#FNanchor_585" class="label">[585]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (29 septembre 1675), t. IV, p. 116-118,
-édit. G.; t. IV, p. 9-10, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (2 octobre 1675), t. IV,
-p. 124, édit. G.; t. IV, p. 14, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_586" href="#FNanchor_586" class="label">[586]</a> Voyez la 1<sup>re</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit., p. 120 et 121, et
-la note 2.&mdash;Les deux lettres doivent être datées du 15 mars et du
-12 avril 1648, et non 1647.</p>
-
-<p><a id="Footnote_587" href="#FNanchor_587" class="label">[587]</a> <i>Lettre inédite de</i> <span class="smallc">Sévigné</span>, publiée par M. Monmerqué, p. 23.</p>
-
-<p><a id="Footnote_588" href="#FNanchor_588" class="label">[588]</a> <i>Journal</i> <span class="smallc">d'Ormesson</span>, dans <span class="smallc">Cheruel</span>, p. 215.</p>
-
-<p><a id="Footnote_589" href="#FNanchor_589" class="label">[589]</a> Deuxième partie de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit., p. 101.</p>
-
-<p><a id="Footnote_590" href="#FNanchor_590" class="label">[590]</a> <i>Lettre inédite du marquis</i> <span class="smallc">de Sévigné</span> <i>à la comtesse de Grignan
-sa s&oelig;ur</i>, publiée par M. Monmerqué; Paris, 1847, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_591" href="#FNanchor_591" class="label">[591]</a> Conférez 1<sup>re</sup> part. de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit., chap. <span class="smallc">XXXVIII</span>, <span class="smallc">XXXIX</span>,
-p. 513, 520, et la 2<sup>e</sup> partie, chap. <span class="smallc">I</span>, <span class="smallc">II</span>, <span class="smallc">III</span>, <span class="smallc">IV</span> et <span class="smallc">V</span>, pag. 1 à 48.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (datée des Rochers, le 1<sup>er</sup> octobre 1654), t. I, p. 34,
-édit. G.; t. I, p. 27, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_592" href="#FNanchor_592" class="label">[592]</a> Conférez 2<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, ch. <span class="smallc">VII</span> et <span class="smallc">VIII</span>, p. 73.&mdash;4<sup>e</sup>
-partie, ch. <span class="smallc">VII</span>, p. 194.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 juillet 1672), t. III,
-p. 108, édit. G.&mdash;<span class="smallc">Bussy</span>, <i>Mémoires</i>, édit. Amst., 1721, t. II, p. 84.</p>
-
-<p><a id="Footnote_593" href="#FNanchor_593" class="label">[593]</a> Conférez 2<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit., ch. <span class="smallc">VIII</span>, p. 101.</p>
-
-<p><a id="Footnote_594" href="#FNanchor_594" class="label">[594]</a> Voyez <i>Poésies de</i> <span class="smallc">Saint-Pavin</span> <i>et</i> <span class="smallc">Charleval</span>, 1759, in-12, p. 68
-à 110.&mdash;<i>Recueil des plus belles pièces de poésie française</i>, 1692,
-t. IV, p. 325.</p>
-
-<p><a id="Footnote_595" href="#FNanchor_595" class="label">[595]</a> <span class="smallc">Menagii</span>, <i>Poemata</i>, septima editio, 1680, p. 305.&mdash;Octava editio,
-1687, p. 337.</p>
-
-<p><a id="Footnote_596" href="#FNanchor_596" class="label">[596]</a> <i>Fables choisies mises en vers par M.</i> <span class="smallc">de la Fontaine</span>; Paris,
-Claude Barbin, 1668, p. 143, liv. IV, fable 1<sup>re</sup>; t. I, p. 177 de l'édit.
-in-8<sup>o</sup>, 1827.</p>
-
-<p><a id="Footnote_597" href="#FNanchor_597" class="label">[597]</a> <span class="smallc">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, 1697, in-12, t. II, p. 288.</p>
-
-<p><a id="Footnote_598" href="#FNanchor_598" class="label">[598]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 316; et dans la 2<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, chapitres
-<span class="smallc">XXII</span> et <span class="smallc">XXIII</span>, p. 325 à 333.</p>
-
-<p><a id="Footnote_599" href="#FNanchor_599" class="label">[599]</a> Voyez 3<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 80, ch. <span class="smallc">IV</span>.&mdash;Sévigné n'avait
-que vingt et un ans lorsqu'il revint de son expédition de Candie
-(6 mars 1669), et vingt-trois lors de sa liaison avec Ninon.&mdash;<i>Ibid.</i>,
-p. 124.</p>
-
-<p><a id="Footnote_600" href="#FNanchor_600" class="label">[600]</a> Troisième partie de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit., p. 127, et l'extrait
-des <i>Mémoires d</i>'<span class="smallc">Olivier d'Ormesson</span>, dans <span class="smallc">Cheruel</span>, <i>De l'administration
-de Louis XIV</i>, p. 322.</p>
-
-<p><a id="Footnote_601" href="#FNanchor_601" class="label">[601]</a> Première partie de ces <i>Mémoires</i>, ch. <span class="smallc">II</span>, p. 9 et 10. Mais il
-y a une erreur à l'égard de Philippe de la Tour de Coulanges, le premier
-tuteur de madame de Sévigné. Il était son aïeul, et non pas
-son oncle maternel, et il était le père et non le frère de Christophe
-de Coulanges, abbé de Livry, le second tuteur de madame de
-Sévigné.</p>
-
-<p><a id="Footnote_602" href="#FNanchor_602" class="label">[602]</a> <i>Mémoires d</i>'<span class="smallc">Olivier d'Ormesson</span>, dans <span class="smallc">Cheruel</span>, <i>De l'administration
-de Louis XIV</i>, p. 213.</p>
-
-<p><a id="Footnote_603" href="#FNanchor_603" class="label">[603]</a> <i>Ibid.</i>, p. 214.</p>
-
-<p><a id="Footnote_604" href="#FNanchor_604" class="label">[604]</a> <span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Histoire de l'Académie française</i>, édit. 1729, in-4<sup>o</sup>,
-p. 193-198, et aussi 28, 80, 86.</p>
-
-<p><a id="Footnote_605" href="#FNanchor_605" class="label">[605]</a> <i>Traité de la politique de France</i>, par monsieur P. H. (Paul <span class="smallc">Hay</span>),
-marquis de C. (Chastellet); Cologne (Elzeviers), chez Pierre Marteau,
-1669 (264 pages); 2<sup>e</sup> édit., 1670; 3<sup>e</sup> édit., 1677; 4<sup>e</sup> édit., 1680.&mdash;Barbier,
-dans son <i>Dictionnaire des Anonymes</i>, donne les titres des
-autres ouvrages de du Chastellet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_606" href="#FNanchor_606" class="label">[606]</a> <i>Recueil manuscrit des états de Bretagne dans diverses villes
-de cette province</i>, Bl.-Mant., 75, p. 419, 481 verso, 507, 523, 535,
-549.&mdash;A toutes ces pages, dans les états tenus à Nantes, à Dinan, à
-Rennes, à Vannes, à Vitré, depuis 1681 jusqu'en 1699, on trouve le
-nom du marquis de Sévigné et celui de M. Paul Hay, marquis du
-Chastellet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_607" href="#FNanchor_607" class="label">[607]</a> Partie 1<sup>re</sup> de ces <i>Mémoires</i>, ch. <span class="smallc">II</span>, 2<sup>e</sup> édit., p. 18.&mdash;<i>Mémoires
-d</i>'<span class="smallc">Olivier d'Ormesson</span>, dans <span class="smallc">Cheruel</span>, <i>Administration de Louis XIV</i>,
-p. 214.&mdash;Acte du mariage de Henri de Sévigné et de Marie de
-Rabutin-Chantal, dans <span class="smallc">Monmerqué</span>, <i>Billet italien de madame de
-Sévigné</i>; Paris, 1844, in-8<sup>o</sup>, p. 8 et 9, <i>notes</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_608" href="#FNanchor_608" class="label">[608]</a> Conférer la 1<sup>re</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit., ch. <span class="smallc">III</span>, p. 22.</p>
-
-<p><a id="Footnote_609" href="#FNanchor_609" class="label">[609]</a> <span class="smallc">Olivier d'Ormesson</span>, <i>Mémoires</i>, dans <span class="smallc">Cheruel</span>, <i>Administration
-de Louis XIV</i>, p. 215.</p>
-
-<p><a id="Footnote_610" href="#FNanchor_610" class="label">[610]</a> Première partie de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit., t. I, p. 120. Mais il
-faut rectifier la date de la lettre de Bussy, et mettre: 15 <i>mars</i> 1648.</p>
-
-<p><a id="Footnote_611" href="#FNanchor_611" class="label">[611]</a> <span class="smallc">Olivier d'Ormesson</span>, <i>Mémoires</i>, dans <span class="smallc">Cheruel</span>, p. 216.</p>
-
-<p><a id="Footnote_612" href="#FNanchor_612" class="label">[612]</a> Sur le président de Novion, conférez <span class="smallc">Motteville</span>, <i>Mémoires</i>,
-t. XXXVIII, p. 129, et <span class="smallc">Retz</span>, <i>Mémoires</i>, t. XLVI, p. 13.</p>
-
-<p><a id="Footnote_613" href="#FNanchor_613" class="label">[613]</a> Ballet en dix-neuf entrées. Conférez de <span class="smallc">Beauchamps</span>, <i>Recherches
-sur les théâtres de France</i>, t. III, p. 121.</p>
-
-<p><a id="Footnote_614" href="#FNanchor_614" class="label">[614]</a> <span class="smallc">D'Ormesson</span>, <i>Mémoires</i>, dans <span class="smallc">Cheruel</span>, p. 216.&mdash;<span class="smallc">De Beauchamps</span>,
-<i>Recherches sur les théâtres de France</i>, t. III, p. 127 (il cite la
-<i>Gazette</i> de 1647, n<sup>o</sup> 27, p. 201).</p>
-
-<p><a id="Footnote_615" href="#FNanchor_615" class="label">[615]</a> <span class="smallc">Motteville</span>, <i>Mémoires</i>, collection Petitot, t. XXXVII, p. 216.</p>
-
-<p><a id="Footnote_616" href="#FNanchor_616" class="label">[616]</a> Voyez la première partie de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit., p. 450,
-chap. <span class="smallc">XI</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_617" href="#FNanchor_617" class="label">[617]</a> <i>Mémoires d</i>'<span class="smallc">Olivier d'Ormesson</span>, dans <span class="smallc">Cheruel</span>, p. 217.&mdash;Sur
-Boislesve et sa fille, voy. <span class="smallc">Moreau</span>, <i>Bibliographie des Mazarinades</i>,
-t. III, p. 199, et t. II, p. 241.</p>
-
-<p><a id="Footnote_618" href="#FNanchor_618" class="label">[618]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettre à Ménage</i> (aux Rochers, 12 septembre 1656),
-publiée par M. Cousin dans le <i>Journal des Savants</i>, année 1852,
-p. 52.</p>
-
-<p><a id="Footnote_619" href="#FNanchor_619" class="label">[619]</a> <i>Mémoires d</i>'<span class="smallc">Olivier d'Ormesson</span>, dans <span class="smallc">Cheruel</span>, p. 220.</p>
-
-<p><a id="Footnote_620" href="#FNanchor_620" class="label">[620]</a> <span class="smallc">D'Ormesson</span>, <i>Mémoires</i>, dans <span class="smallc">Cheruel</span>, p. 221.</p>
-
-<p><a id="Footnote_621" href="#FNanchor_621" class="label">[621]</a> <i>Mémoires d</i>'<span class="smallc">Olivier d'Ormesson</span>, dans <span class="smallc">Cheruel</span>, p. 221.&mdash;3<sup>e</sup> part.
-de ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit., p. 49, chap. <span class="smallc">III</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_622" href="#FNanchor_622" class="label">[622]</a> <i>De l'administration de Louis XIV</i>, par <span class="smallc">Cheruel</span>; Rouen, 1849,
-in-8<sup>o</sup>, p. 222, dans l'appendice.</p>
-
-<p><a id="Footnote_623" href="#FNanchor_623" class="label">[623]</a> <span class="smallc">Mackensie</span>, <i>Histoire de la santé</i>, cité par Rochoux dans l'article
-du Dictionnaire de médecine de <span class="smallc">Panckoucke</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_624" href="#FNanchor_624" class="label">[624]</a> <span class="smallc">Furetière</span>, <i>Le grand Dictionnaire des arts et des sciences de
-l'Académie française</i>, Paris, 1696, t. IV, p. 300, au mot <i>Transfusion</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_625" href="#FNanchor_625" class="label">[625]</a> <span class="smallc">Rochoux</span>, dans le Dictionnaire de médecine de <span class="smallc">Panckoucke</span>, article
-<i>Transfusion</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_626" href="#FNanchor_626" class="label">[626]</a> <i>De la transfusion du sang à propos d'un nouveau cas suivi
-de guérison, par MM.</i> <span class="smallc">Desray</span> <i>et</i> <span class="smallc">Desgranges</span>, <i>dans les comptes
-rendus hebbomadaires de l'Académie des sciences</i>, t. XXXIII,
-p. 657 (séance du 8 décembre 1851).</p>
-
-<p><a id="Footnote_627" href="#FNanchor_627" class="label">[627]</a> <i>Journal de</i> <span class="smallc">d'Ormesson</span>, du dimanche 14 octobre 1668, dans
-<span class="smallc">Cheruel</span>, p. 222.</p>
-
-<p><a id="Footnote_628" href="#FNanchor_628" class="label">[628]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1678), t. IV, p. 243, édit G.; t. IV,
-p. 120, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_629" href="#FNanchor_629" class="label">[629]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 octobre 1675), t. IV, p. 155, édit. G.;
-t. IV, p. 44, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_630" href="#FNanchor_630" class="label">[630]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (2 octobre 1675), t. IV, p. 124 et 128, édit. G.;
-t. IV, p. 14 et 18, édit. M.&mdash;(11 décembre 1675), t. IV, p. 243,
-édit. G.; t. IV, p. 120, édit. M.&mdash;(25 février 1685), t. VIII, p. 20,
-édit. G.; t. VII, p. 244, édit. M.&mdash;Conférez <i>Portrait de la princesse
-de Tarente</i>, fait par elle-même à la Haye en 1656, dans Petitot,
-collection des <i>Mémoires sur l'histoire de France</i>, t. XLIII,
-p. 507-512, à la suite des <i>Mémoires de</i> <span class="smallc">Montpensier</span>.&mdash;Il est parlé
-de ce portrait dans les <i>Mémoires de</i> <span class="smallc">Montpensier</span> (année 1677),
-t. XLII, p. 360.&mdash;Le portrait de mademoiselle de la Trémouille est celui
-de la belle-s&oelig;ur de la princesse de Tarente, 1657.</p>
-
-<p><a id="Footnote_631" href="#FNanchor_631" class="label">[631]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (2 octobre 1675), t. IV, p. 124 et 125, édit. G.;
-t. IV, p. 14 et 15, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_632" href="#FNanchor_632" class="label">[632]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 et 31 mai et 2 juin 1680), t. VI, p. 459,
-édit. M.; t. VII, p. 13, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>, t. VI, p. 299, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_633" href="#FNanchor_633" class="label">[633]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 décembre 1675), t. IV, p. 268, édit. G.;
-t. IV, p. 141, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_634" href="#FNanchor_634" class="label">[634]</a> <span class="smallc">Catteau-Calleville</span>, <i>Biographie universelle</i>, t. XVIII, p. 477,
-article <span class="smallc">Griffenfeld</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_635" href="#FNanchor_635" class="label">[635]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (2 octobre 1675), t. IV, p. 125, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_636" href="#FNanchor_636" class="label">[636]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (25 mai 1680), t. VI, p. 511, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_637" href="#FNanchor_637" class="label">[637]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 mai, 2 juin), t. VI, p. 299, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_638" href="#FNanchor_638" class="label">[638]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 mai 1680), t. VI, p. 469, édit. G.; t. VI,
-p. 251, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (11 juin 1680), t. VI, p. 333, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_639" href="#FNanchor_639" class="label">[639]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 juillet 1680), t. VI, p. 362, édit. M.; t. VII,
-p. 91 et 92, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_640" href="#FNanchor_640" class="label">[640]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 juillet 1680), t. VI, p. 384, édit. M.;
-t. VII, p. 123, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_641" href="#FNanchor_641" class="label">[641]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (18 août 1680), t. VI, p. 424, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(2 octobre 1680), t. VII, p. 10 et 11, édit. M.; t. VII, p. 168 et 239,
-édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_642" href="#FNanchor_642" class="label">[642]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (23 octobre 1675), t. IV, p. 53, édit. M.; t. IV,
-p. 167, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_643" href="#FNanchor_643" class="label">[643]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1675), t. IV, p. 243, édit. G.;
-t. IV, p. 120, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_644" href="#FNanchor_644" class="label">[644]</a> <i>Mémoires de Henri-Charles</i> <span class="smallc">de la Trémouille</span>, <i>prince</i> <span class="smallc">de
-Tarente</span>; Liége, 1767, in-12, p. 56 et 312.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>
-(28 mars 1676), t. IV, p. 241, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_645" href="#FNanchor_645" class="label">[645]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 juillet 1680), t. VII, p. 133, 134, édit. G.;
-t. VI, p. 394, édit. M.&mdash;<span class="smallc">Élisabeth de Bavière</span>, <i>duchesse</i> <span class="smallc">d'Orléans</span>,
-<i>Mémoires</i>, <i>Fragments</i>, édit. de 1822, p. 32.</p>
-
-<p><a id="Footnote_646" href="#FNanchor_646" class="label">[646]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 août 1671), t. II, p. 56, édit. M.; t. II,
-p. 189, édit. G.&mdash;<span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mémoires</i> (1671), t. XLIII (coll.
-Petitot), p. 334.&mdash;<span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires authentiques</i>, in-8<sup>o</sup>, t. X,
-p. 478; XII, 220; XX, 344.</p>
-
-<p><a id="Footnote_647" href="#FNanchor_647" class="label">[647]</a> Conférez <i>Fragments et lettres originales de Madame</i> <span class="smallc">Charlotte-Élisabeth
-de Bavière</span>, 1788, t. I, p. 67, in-12.&mdash;<i>Mémoires et
-Fragments d</i>'<span class="smallc">Élisabeth de Bavière</span>, etc., 1822, in-8<sup>o</sup>, <i>passim</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_648" href="#FNanchor_648" class="label">[648]</a> <i>État de la France</i>, 1677, in-12, p. 452.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>
-(8 avril 1676), t. IV, p. 308, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (8 mai 1676), t. IV,
-p. 249, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i>, t. IV, p. 388, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_649" href="#FNanchor_649" class="label">[649]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 mars 1676), t. IV, p. 379, édit. G.; t. IV,
-p. 241, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_650" href="#FNanchor_650" class="label">[650]</a> <span class="smallc">Griffet</span>, <i>Préface historique</i>, p. 7 des <i>Mémoires du prince</i>
-<span class="smallc">de Tarente</span>; Liége, 1767, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_651" href="#FNanchor_651" class="label">[651]</a> <i>Ibid.</i>, p. <span class="smallc">XX</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_652" href="#FNanchor_652" class="label">[652]</a> Les réclamations de la famille la Trémouille furent faites à tous les
-congrès: au congrès de Nimègue, en 1678; de Ryswick, en 1697;
-d'Utrecht, en 1713; de Rastadt, en 1714. On sait que le vrai nom est
-la Trémoïlle; mais, par un usage ancien, on prononce et on écrit la
-Trémouille. Cette famille subsiste encore, et l'héritier direct, Louis-Charles,
-né le 26 octobre 1838, réside à Paris, et porte, dans l'almanach
-de Gotha (1848, p. 141, et 1851, p. 130), les titres de prince
-de la Trémoïlle et de Thouars, de Tarente et de Talmont.</p>
-
-<p><a id="Footnote_653" href="#FNanchor_653" class="label">[653]</a> <i>Mémoires du prince</i> <span class="smallc">de Tarente</span>, 1767, in-12, p. 56 et 306.</p>
-
-<p><a id="Footnote_654" href="#FNanchor_654" class="label">[654]</a> <i>Ibid.</i>, p. 129, 172, 259.&mdash;<span class="smallc">Griffet</span>, p. viij de la préface des
-<i>Mémoires du prince</i> <span class="smallc">de Tarente</span>.&mdash;<span class="smallc">La Rochefoucauld</span>, <i>Mémoires</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_655" href="#FNanchor_655" class="label">[655]</a> <i>Mémoires du prince</i> <span class="smallc">de Tarente</span>, p. 72 et 104.</p>
-
-<p><a id="Footnote_656" href="#FNanchor_656" class="label">[656]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (29 décembre 1675), t. IV, p. 276, édit. G;
-t. IV, p. 152, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_657" href="#FNanchor_657" class="label">[657]</a> <i>Mémoires du prince</i> <span class="smallc">de Tarente</span>, 1767, p. 110, 112, 113.&mdash;<i>Mémoires
-du duc</i> <span class="smallc">de Montausier</span>, 1731, p. 110.&mdash;<span class="smallc">La Rochefoucauld</span>,
-<i>Mémoires</i>, p. 56 et 172.</p>
-
-<p><a id="Footnote_658" href="#FNanchor_658" class="label">[658]</a> <i>Mémoires du prince</i> <span class="smallc">de Tarente</span>, p. 129, 172, 259.</p>
-
-<p><a id="Footnote_659" href="#FNanchor_659" class="label">[659]</a> <i>Ibid.</i>, p. 172.</p>
-
-<p><a id="Footnote_660" href="#FNanchor_660" class="label">[660]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (29 décembre 1675), t. IV, p. 279, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_661" href="#FNanchor_661" class="label">[661]</a> <i>Mémoires du prince</i> <span class="smallc">de Tarente</span>, p. 175.</p>
-
-<p><a id="Footnote_662" href="#FNanchor_662" class="label">[662]</a> <i>Ibid.</i>, p. 184.</p>
-
-<p><a id="Footnote_663" href="#FNanchor_663" class="label">[663]</a> <i>Ibid.</i>, p. 188.</p>
-
-<p><a id="Footnote_664" href="#FNanchor_664" class="label">[664]</a> <i>Ibid.</i>, p. 196.</p>
-
-<p><a id="Footnote_665" href="#FNanchor_665" class="label">[665]</a> <i>Ibid.</i>, p. 201.</p>
-
-<p><a id="Footnote_666" href="#FNanchor_666" class="label">[666]</a> <i>Ibid.</i>, p. 202.</p>
-
-<p><a id="Footnote_667" href="#FNanchor_667" class="label">[667]</a> <i>Ibid.</i>, p. 215.</p>
-
-<p><a id="Footnote_668" href="#FNanchor_668" class="label">[668]</a> <i>Ibid.</i>, p. 225.</p>
-
-<p><a id="Footnote_669" href="#FNanchor_669" class="label">[669]</a> <span class="smallc">Montpensier</span>, <i>Mémoires</i> (collection Petitot), t. XLII, p. 255 et
-256.</p>
-
-<p><a id="Footnote_670" href="#FNanchor_670" class="label">[670]</a> <i>Mémoires du prince</i> <span class="smallc">de Tarente</span>, p. 255.</p>
-
-<p><a id="Footnote_671" href="#FNanchor_671" class="label">[671]</a> <i>Ibid.</i>, p. 257.</p>
-
-<p><a id="Footnote_672" href="#FNanchor_672" class="label">[672]</a> <i>Recueil des tenues des états de Bretagne</i>, mss. Bl.-Mant., n<sup>o</sup> 75,
-p. 273 verso, et 285.</p>
-
-<p><a id="Footnote_673" href="#FNanchor_673" class="label">[673]</a> <i>Ibid.</i>, p. 323 et 327.</p>
-
-<p><a id="Footnote_674" href="#FNanchor_674" class="label">[674]</a> Prince <span class="smallc">de Tarente</span>, <i>Mémoires</i>, p. 255.</p>
-
-<p><a id="Footnote_675" href="#FNanchor_675" class="label">[675]</a> Prince <span class="smallc">de Tarente</span>, <i>Mémoires</i>, p. 280.&mdash;<i>Recueil ms. des tenues
-des états de Bretagne</i>, p. 339. (Ils s'ouvrirent le 4 août et se terminèrent
-le 22.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_676" href="#FNanchor_676" class="label">[676]</a> Prince <span class="smallc">de Tarente</span>, <i>Mémoires</i>, p. 312, et <i>Recueil ms.</i>, p. 357.
-(Ces états s'ouvrirent le 10 novembre 1673, et se terminèrent le
-10 janvier 1674.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_677" href="#FNanchor_677" class="label">[677]</a> <i>Mémoires de</i> <span class="smallc">Charles-Henri</span>, <i>prince</i> <span class="smallc">de Tarente</span>; Liége, 1767,
-p. 170, 306, 311.</p>
-
-<p><a id="Footnote_678" href="#FNanchor_678" class="label">[678]</a> <i>Mémoires du</i> <span class="smallc">prince de Tarente</span>, p. 312.</p>
-
-<p><a id="Footnote_679" href="#FNanchor_679" class="label">[679]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 novembre 1675), t. IV, p. 201, édit. G.;
-t. IV, p. 83, édit. M. Ce chien fut donné en octobre.&mdash;<i>Ibid.</i> (23 octobre
-1675), t. IV, p. 171, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_680" href="#FNanchor_680" class="label">[680]</a> Conférez ci-dessus, p. 255, chap. <span class="smallc">XII</span>; et <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 et
-9 septembre, 23 octobre et 16 novembre), t. IV, p. 84, 87, 171 et 201,
-édit. G.; t. IV, p. 84 et 87, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_681" href="#FNanchor_681" class="label">[681]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1675), t. IV, p. 243, édit. G.;
-et ci-dessus, p. 284.</p>
-
-<p><a id="Footnote_682" href="#FNanchor_682" class="label">[682]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1675), t. IV, p. 243-244, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_683" href="#FNanchor_683" class="label">[683]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 janvier 1676), t. IV, p. 298, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(1<sup>er</sup> mai 1671), t. II, p. 52, édit. G.; t. IV, p. 170, et t. II, p. 43,
-édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_684" href="#FNanchor_684" class="label">[684]</a> <span class="smallc">Sarrazin</span>, <i>&OElig;uvres</i>; Paris, Cramoisy, 1694, in-12, p. 414.</p>
-
-<p><a id="Footnote_685" href="#FNanchor_685" class="label">[685]</a> <i>Réflexions ou sentiments et maximes morales</i>, 4<sup>e</sup> édition,
-revue, corrigée et augmentée depuis la troisième; Paris, Claude
-Barbin, 1675, in-12 (157 pages), sans l'avis du libraire ni la table;
-achevé d'imprimer le 17 décembre 1674. La maxime est page 27,
-n<sup>o</sup> 73. Dans la 3<sup>e</sup> édition (1665) elle est p. 41, n<sup>o</sup> 83. Dans la 6<sup>e</sup>
-comme dans la 4<sup>e</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_686" href="#FNanchor_686" class="label">[686]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> janvier 1676), t. IV, p. 286.</p>
-
-<p><a id="Footnote_687" href="#FNanchor_687" class="label">[687]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 et 13 novembre 1675), t. IV, p. 189, 193,
-édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (1<sup>er</sup> décembre 1675), t. IV, p. 227, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(11 décembre 1675), t. IV, p. 245, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (27 novembre
-1675), t. IV, p. 221, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_688" href="#FNanchor_688" class="label">[688]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (10 novembre, 11 et 18 décembre 1675, 12 janvier
-1676), t. IV, p. 204, 245, 260, 307-8, édit. G.; t. IV, p. 182, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_689" href="#FNanchor_689" class="label">[689]</a> <i>Ibid.</i> t. IV, p. 204, édit. G.; t. IV, p. 76 et 85, édit. M.&mdash;<i>Ibid</i>,
-(8 mars 1676), t. IV, p. 362, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_690" href="#FNanchor_690" class="label">[690]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (2 février 1676), t. IV, p. 331-2, édit. G.; t. IV,
-p. 199, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (19 janvier 1676), t. IV, p. 318, édit. G.;
-t. IV, p. 188, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (12 janvier 1676), t. IV, p. 182, éd. M.;
-t. IV, p. 307 et 309, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (5 janvier 1676), t. IV, p. 293.</p>
-
-<p><a id="Footnote_691" href="#FNanchor_691" class="label">[691]</a> <i>Le Théâtre de M. Quinault</i>; Paris, 1715, in-12, t. IV, p. 265,
-328.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (2 février 1676), t. IV, p. 332, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(19 janvier 1676), p. 318 et 319, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_692" href="#FNanchor_692" class="label">[692]</a> <span class="smallc">Germain Boffrand</span>, <i>Vie de Quinault</i>, t. I<sup>er</sup>, p. 41 et 42 du
-<i>Théâtre de M.</i> <span class="smallc">Quinault</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_693" href="#FNanchor_693" class="label">[693]</a> <span class="smallc">Quinault</span>, <i>Théâtre</i>, 1715, in-12, t. IV, p. 270.</p>
-
-<p><a id="Footnote_694" href="#FNanchor_694" class="label">[694]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 novembre 1675), t. IV, p. 191, édit. G.; t. IV,
-p. 73, édit M.&mdash;<i>&OElig;uvres diverses du sieur</i> D*** (<span class="smallc">Despréaux</span>); Paris,
-Louis Billaine, 1675, p. 211, 213. <i>Le Lutrin</i>, chant second.</p>
-
-<p><a id="Footnote_695" href="#FNanchor_695" class="label">[695]</a> <i>&OElig;uvres diverses du sieur</i> D***; Paris, Denys Thierry, 1674,
-in-4<sup>o</sup>, p. 66.&mdash;<i>Ibid.</i>, Paris, Louis Billaine, 1675, in-12, p. 26, 38,
-92. M. Berriat Saint-Prix prétend qu'il y a un carton pour le feuillet
-où un blanc remplace le nom de Quinault: je n'ai pas trouvé de
-trace de ce carton dans l'exemplaire que je possède.</p>
-
-<p><a id="Footnote_696" href="#FNanchor_696" class="label">[696]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 novembre et 1<sup>er</sup> décembre 1675), t. IV,
-p. 221, 227, édit G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_697" href="#FNanchor_697" class="label">[697]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 novembre 1675), t. IV, p. 224, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_698" href="#FNanchor_698" class="label">[698]</a> <i>Histoire de la prison et de la liberté de M. le Prince</i>; Paris,
-A. Courbé, 227 pages.&mdash;<span class="smallc">Moreau</span>, <i>Histoire des Mazarinades</i>,
-t. II, p. 52, 144, 227; t. III, p. 23, 261.</p>
-
-<p><a id="Footnote_699" href="#FNanchor_699" class="label">[699]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> décembre 1675), t. IV, p. 228.</p>
-
-<p><a id="Footnote_700" href="#FNanchor_700" class="label">[700]</a> <i>Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal</i>,
-1<sup>re</sup> partie, ch. <span class="smallc">VI</span>, p. 60, et 2<sup>e</sup> partie, p. 166.</p>
-
-<p><a id="Footnote_701" href="#FNanchor_701" class="label">[701]</a> <i>Ibid.</i>, 2<sup>e</sup> partie, p. 162.</p>
-
-<p><a id="Footnote_702" href="#FNanchor_702" class="label">[702]</a> <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 4<sup>e</sup> partie, p. 381 et 382.</p>
-
-<p><a id="Footnote_703" href="#FNanchor_703" class="label">[703]</a> <i>Mémoires sur la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal</i>,
-2<sup>e</sup> partie, p. 176-187, ch. <span class="smallc">XIV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_704" href="#FNanchor_704" class="label">[704]</a> <span class="smallc">Griffet</span>, dans les <i>Mémoires de</i> <span class="smallc">Tarente</span>, p. <span class="smallc">VII</span> de la Préface.</p>
-
-<p><a id="Footnote_705" href="#FNanchor_705" class="label">[705]</a> <span class="smallc">Motteville</span>, <i>Mémoires</i>, t. XXXVIII, p. 239.&mdash;Prince <span class="smallc">de Tarente</span>,
-<i>Mémoires</i>, p. 111.</p>
-
-<p><a id="Footnote_706" href="#FNanchor_706" class="label">[706]</a> <span class="smallc">Motteville</span>, <i>Mémoires</i>, t. LXVIII, pag. 239.&mdash;<i>Mémoires du
-prince</i> <span class="smallc">de Tarente</span>, p. 74 et 104, et ci-dessus, p. 295 de ces <i>Mémoires
-sur Sévigné</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_707" href="#FNanchor_707" class="label">[707]</a> <i>Mémoires du prince</i> <span class="smallc">de Tarente</span>, p. 86, 92, 94; et <i>Mémoires
-sur Sévigné</i>, 1848, 4<sup>e</sup> partie, p. 85, chap. <span class="smallc">III</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_708" href="#FNanchor_708" class="label">[708]</a> <span class="smallc">Sismondi</span>, <i>Histoire des Français</i>, 1840, in-8<sup>o</sup>, t. XXIV, p. 260,
-261, 316, 319, 341, 348; et <i>Vie du duc de Montausier</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_709" href="#FNanchor_709" class="label">[709]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 octobre 1675), t. IV, p. 149, édit. G.;
-t. IV, p. 37, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_710" href="#FNanchor_710" class="label">[710]</a> Conférez <span class="smallc">Pierre Clément</span>, <i>Histoire de la vie et de l'administration
-de Colbert</i>, 1846, in-8<sup>o</sup>, p. 371.&mdash;<span class="smallc">Depping</span>, <i>Correspondance
-administrative sous le règne de Louis XIV</i>, 1850, in-4<sup>o</sup>. Lettres du
-duc de Chaulnes à Colbert, 30 juin 1675, p. 546; de l'évêque de
-Saint-Malo à Colbert, 28 août 1675, p. 550.</p>
-
-<p><a id="Footnote_711" href="#FNanchor_711" class="label">[711]</a> Conférez <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 4<sup>e</sup> partie, in-12, p. 278-280,
-chap. <span class="smallc">X</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_712" href="#FNanchor_712" class="label">[712]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (9 et 20 octobre 1675), p. 137, 138 et 165, édit. G.;
-t. IV, p. 20 et 51, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (5 janvier 1676), t. IV, p. 297,
-édit G.; t. IV, p. 169, édit. M.&mdash;<span class="smallc">Feuquières</span>, <i>Lettres</i> (17 juillet 1676),
-t. IV, p. 44.&mdash;<span class="smallc">Bussy</span>, <i>Histoire amoureuse des Gaules, dans le Recueil
-des histoires galantes</i>; Cologne, chez Pierre Marteau, p. 82,
-86, et aux p. 494 à 522.</p>
-
-<p><a id="Footnote_713" href="#FNanchor_713" class="label">[713]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 janvier 1676), t. IV, p. 297, édit. G.&mdash;<span class="smallc">Bussy</span>,
-<i>Lettres</i> (19 octobre), dans <span class="smallc">Sévigné</span>, t. IV, p. 145, édit. G.;
-t. IV, p. 30, édit. M.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 novembre 1675), t. IV,
-p. 206, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_714" href="#FNanchor_714" class="label">[714]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 novembre 1675), t. IV, p. 206, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_715" href="#FNanchor_715" class="label">[715]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (12 juin 1675), t. III, p. 415, édit. G.; t. III,
-p. 293, édit. M.&mdash;Sur <i>Vassé</i>, conférez ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édition,
-t. I, p. 263, 267, 275; et, dans <span class="smallc">Tallemant</span>, les <i>Historiettes de
-la présidente</i> <span class="smallc">Lescaloppier</span>, et l'<i>Historiette de</i> <span class="smallc">Vassé</span>, t. IV,
-p. 19, 25, 28 de l'édit. in-8<sup>o</sup>; t. VI, p. 175, 176, 181-188 de l'édition
-in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_716" href="#FNanchor_716" class="label">[716]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_260">260</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_717" href="#FNanchor_717" class="label">[717]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 septembre, 9 octobre 1675), t. III, p. 471,
-édit. M.; t. IV, p. 30, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (30 novembre 1670), t. V,
-p. 68; et dans ces <i>Mémoires</i>, 2<sup>e</sup> édit., t. I, p. 337.</p>
-
-<p><a id="Footnote_718" href="#FNanchor_718" class="label">[718]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 octobre 1675), t. IV, p. 149, édit. G.;
-t. IV, p. 36, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_719" href="#FNanchor_719" class="label">[719]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 novembre 1675), t. IV, p. 93, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(5 août 1675), t. IV, p. 421, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (3 septembre
-1677), t. V, p. 217, édit. M.&mdash;Voy. <i>Mémoires de</i> <span class="smallc">Dangeau</span>, <i>abrégé
-de madame</i> <span class="smallc">de Genlis</span>, t. I, p. 343, état sous la date du 6 juillet
-1690: Cet état n'est pas dans l'édit. de Paul Lacroix de 1830, t. I,
-p. 318.</p>
-
-<p><a id="Footnote_720" href="#FNanchor_720" class="label">[720]</a> <span class="smallc">Depping</span>, <i>Correspondance administrative sous le règne de
-Louis XIV</i>, in-4<sup>o</sup>, 1850, p. 546-551. (Lettre du duc de Chaulnes à
-Colbert, datée de Rennes, le 30 juin 1675, et l'extrait de celle du
-12 juin; puis la lettre de l'évêque de Saint-Malo à Colbert, en date
-du 28 août 1675).&mdash;<span class="smallc">P. Clément</span>, <i>Vie de Colbert</i>, in-8<sup>o</sup>, 1846, p. 370
-(extrait d'une lettre du duc de Chaulnes à Colbert, du 12 juin 1675).</p>
-
-<p><a id="Footnote_721" href="#FNanchor_721" class="label">[721]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 octobre 1675), t. IV, p. 158, édit. G.; t. IV,
-p. 44, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_722" href="#FNanchor_722" class="label">[722]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 octobre 1675), t. IV, p. 164-166, édit. G.;
-t. IV, p. 48 et 52, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_723" href="#FNanchor_723" class="label">[723]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 octobre 1675), t. IV, p. 174, édit. G.; t. IV,
-p. 50, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_724" href="#FNanchor_724" class="label">[724]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (30 octobre 1675), t. IV, p. 178-180, édit. G.;
-t. IV, p. 63-64, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_725" href="#FNanchor_725" class="label">[725]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 novembre 1675), t. IV, p. 184, édit. G.;
-t. IV, p. 67, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_726" href="#FNanchor_726" class="label">[726]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 novembre 1675), t. IV, p. 204, édit. G.;
-t. IV, p. 85, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_727" href="#FNanchor_727" class="label">[727]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 novembre 1675), t. IV, p. 205, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_728" href="#FNanchor_728" class="label">[728]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 novembre 1675), t. IV, p. 219, édit. G.;
-t. IV, p. 99, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_729" href="#FNanchor_729" class="label">[729]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1675), t. IV, p. 240, édit. G.;
-t. IV, p. 117, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_730" href="#FNanchor_730" class="label">[730]</a> Auguste-Robert de Pommereuil fut en 1676 prévôt des marchands
-et en 1689 envoyé intendant en Bretagne. Il mourut en 1702.</p>
-
-<p><a id="Footnote_731" href="#FNanchor_731" class="label">[731]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires complets et authentiques</i>, 1829, in-8<sup>o</sup>,
-t. I<sup>er</sup>, p. 451, ch. <span class="smallc">XXXIX</span>; t. II, p. 331, ch. <span class="smallc">XXI</span>. Le vrai nom est Pommereuil,
-mais on prononçait Pommereu, et c'est ainsi que Saint-Simon
-écrit ce nom.</p>
-
-<p><a id="Footnote_732" href="#FNanchor_732" class="label">[732]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1675), t. IV, p. 241, édit. G.;
-t. IV, p. 118, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_733" href="#FNanchor_733" class="label">[733]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 décembre 1675) t. IV, p. 263, édit. G.;
-t. IV, p. 127, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_734" href="#FNanchor_734" class="label">[734]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 septembre 1689), t. IX, p. 448, édit. G;
-t. IX, p. 103, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_735" href="#FNanchor_735" class="label">[735]</a> <i>Registres mss. de la tenue des états de Bretagne</i> (Bl.-M., 75),
-p. 379 recto.</p>
-
-<p><a id="Footnote_736" href="#FNanchor_736" class="label">[736]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (14 septembre 1689), t. IX, p. 458 et 459,
-édit. G.; t. IX, p. 112, édit. M.&mdash;<i>Mémoires de</i> <span class="smallc">Coulanges</span>, 1820,
-in-8<sup>o</sup>, p. 2.</p>
-
-<p><a id="Footnote_737" href="#FNanchor_737" class="label">[737]</a> <i>Abrégé des délibérations de l'assemblée générale des communautés
-de Provence</i>; à Aix, chez Charles David, 1675, in-4<sup>o</sup>,
-61 pages.</p>
-
-<p><a id="Footnote_738" href="#FNanchor_738" class="label">[738]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>, etc.; Aix, 1675, in-4<sup>o</sup>, p. 18 et 20.</p>
-
-<p><a id="Footnote_739" href="#FNanchor_739" class="label">[739]</a> <i>Ibid.</i>, p. 25.</p>
-
-<p><a id="Footnote_740" href="#FNanchor_740" class="label">[740]</a> <i>Ibid.</i>, p. 16.</p>
-
-<p><a id="Footnote_741" href="#FNanchor_741" class="label">[741]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 décembre 1673), t. III, p. 281, 282,
-édit. G.; t. III, p. 188, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_742" href="#FNanchor_742" class="label">[742]</a> <i>Abrégé des délibérations</i>, etc., p. 10 et 14.</p>
-
-<p><a id="Footnote_743" href="#FNanchor_743" class="label">[743]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> et 11 décembre 1675), t. IV, p. 226 et 241,
-édit. G.; t. IV, p. 103 et 245, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_744" href="#FNanchor_744" class="label">[744]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> janvier 1676), t. IV, p. 283.</p>
-
-<p><a id="Footnote_745" href="#FNanchor_745" class="label">[745]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 novembre 1675), t. IV, p. 187, éd. G.; t. IV,
-p. 70, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_746" href="#FNanchor_746" class="label">[746]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1675), t. IV, p. 245, édit. G.;
-t. IV, p. 121, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_747" href="#FNanchor_747" class="label">[747]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 août 1671), t. II, p. 196 et 406, édit. G.;
-t. II, p. 161-393 et 421, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (4 septembre 1675), t. IV,
-p. 82, édit. G.; t. III, p. 453, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_748" href="#FNanchor_748" class="label">[748]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 décembre 1673), t. III, p. 255, 256, édit. G.;
-t. III, p. 165, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_749" href="#FNanchor_749" class="label">[749]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 janvier 1676), t. IV, p. 314, édit. G.; t. IV,
-p. 185, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_750" href="#FNanchor_750" class="label">[750]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (29 septembre 1675), t. IV, p. 117, éd. G.; t. IV,
-p. 9, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_751" href="#FNanchor_751" class="label">[751]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 octobre 1675), t. IV, p. 175, éd. G.; t. IV,
-p. 60, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_752" href="#FNanchor_752" class="label">[752]</a> Conférez ces <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 4<sup>e</sup> partie, p. 259, ch. <span class="smallc">IX</span>,
-et p. 362 et 363.</p>
-
-<p><a id="Footnote_753" href="#FNanchor_753" class="label">[753]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 janvier 1676), t. IV, p. 298, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_754" href="#FNanchor_754" class="label">[754]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 décembre 1675), t. IV, p. 253, édit. G.;
-t. IV, p. 127, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_755" href="#FNanchor_755" class="label">[755]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (23 février 1676), t. IV, p. 348, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_756" href="#FNanchor_756" class="label">[756]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 juin 1671), t. II, p. 95 et 96, édit. M.;
-t. II, p. 115, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_757" href="#FNanchor_757" class="label">[757]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 juillet 1671), t. II, p. 157, édit. G.; t. II,
-p. 130, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_758" href="#FNanchor_758" class="label">[758]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 mai et 10 juin 1671), t. II, p. 86, 91 et 95,
-édit. G.; t. II, p. 72, 76, 77, 80.&mdash;<i>Ibid.</i> (29 septembre 1675),
-t, IV, p. 116, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_759" href="#FNanchor_759" class="label">[759]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 et 25 décembre 1675), t. IV, p. 237, 238 et
-271, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (1<sup>er</sup> janvier 1676), p. 287, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_760" href="#FNanchor_760" class="label">[760]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 juin 1671), t. II, p. 104, édit. G.; t. II,
-p. 86, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_761" href="#FNanchor_761" class="label">[761]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 juillet 1671), t. II, p. 142, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(19 juillet 1671), t. II, p. 147, édit. G.; t. II, p. 122, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(15 décembre 1675) t. IV, p. 256.&mdash;<i>Ibid.</i> (12 juillet 1671), t. II,
-p. 142, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_762" href="#FNanchor_762" class="label">[762]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 octobre 1680), t. VI, p. 148, édit. G.; t. VII,
-p. 25, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_763" href="#FNanchor_763" class="label">[763]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 octobre 1675), t. IV, p. 148, édit. G.; t. IV,
-p. 36, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (8 décembre 1675), t. IV, p. 115, édit. M.;
-t. IV, p. 338, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_764" href="#FNanchor_764" class="label">[764]</a> Conférez <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 mai 1680), t. VI, p. 295, édit. M.;
-t. VII, p. 8, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (5 juin 1680), t. VI, p. 301, édit. M.;
-t. VII, p. 20, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_765" href="#FNanchor_765" class="label">[765]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 juin 1680), t. VII, p. 66, édit. G.; t. VI,
-p. 340, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_766" href="#FNanchor_766" class="label">[766]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (9 octobre 1675), t. IV, p. 135, édit. G.; t. IV,
-p. 25, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_767" href="#FNanchor_767" class="label">[767]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 octobre 1675), t. IV, p. 156, éd. G.; t. IV,
-p. 43, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_768" href="#FNanchor_768" class="label">[768]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (16 et 23 octobre), t. IV, p. 158 et 169-171,
-édit. G.; t. IV, p. 43 et 54-57, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_769" href="#FNanchor_769" class="label">[769]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> mars 1676), t. IV, p. 353, édit. G.; t. IV,
-p. 219, 220.</p>
-
-<p><a id="Footnote_770" href="#FNanchor_770" class="label">[770]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 août 1675), t. IV, p. 42-43.&mdash;<i>Ibid.</i> (8 mars
-1676), t. IV, p. 358, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_771" href="#FNanchor_771" class="label">[771]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (25 décembre 1675), t. IV, p. 274, édit. G.&mdash;<i>Alliance
-des arts, Catalogue des archives de la maison de Grignan</i>,
-1844, in-8<sup>o</sup>, p. 33 (1677, mars 3).</p>
-
-<p><a id="Footnote_772" href="#FNanchor_772" class="label">[772]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 juillet 1673), t. III, p. 256, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_773" href="#FNanchor_773" class="label">[773]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (31 juillet 1675), t. III, p. 479, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_774" href="#FNanchor_774" class="label">[774]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 novembre 1675), t. IV, p. 207 et 208,
-édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_775" href="#FNanchor_775" class="label">[775]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 décembre et 5 janvier 1676), t. IV, p. 287,
-296, 297, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (24 juillet 1680), t. VII, p. 128, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_776" href="#FNanchor_776" class="label">[776]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 novembre et 25 décembre 1675), t. II, p. 214
-et 273, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_777" href="#FNanchor_777" class="label">[777]</a> <i>Mémoires et lettres de</i> <span class="smallc">Feuquières</span>, t. II, p. 429.</p>
-
-<p><a id="Footnote_778" href="#FNanchor_778" class="label">[778]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 mai 1689), t. X, p. 298, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_779" href="#FNanchor_779" class="label">[779]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 novembre 1675), t. IV, p. 207, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_780" href="#FNanchor_780" class="label">[780]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires authentiques</i>, 1829, in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 114.&mdash;<span class="smallc">Gourville</span>,
-<i>Mémoires</i>, t. XLII, p. 294; t. XLI, p. 190, 280-288.&mdash;<i>Mémoires
-sur Sévigné</i>, part. I, p. 256, ch. <span class="smallc">XVII</span>, et part. IV,
-p. 132, ch. <span class="smallc">VII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_781" href="#FNanchor_781" class="label">[781]</a> <i>Supplément aux Mémoires de</i> <span class="smallc">Dangeau</span>, cité par Monmerqué,
-<i>Biographie universelle</i>, article <i>Villars</i>, t. XLVIII, p. 423.</p>
-
-<p><a id="Footnote_782" href="#FNanchor_782" class="label">[782]</a> Madame <span class="smallc">de Villars</span>, <i>Lettres</i>, 1800, in-12, t. I, p. 9-196.</p>
-
-<p><a id="Footnote_783" href="#FNanchor_783" class="label">[783]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 juillet 1671; 6, 9 et 13 octobre 1675),
-t. II, p. 140 et 438, et t. IV, p. 132 et 142, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_784" href="#FNanchor_784" class="label">[784]</a> Duc <span class="smallc">de Villars</span>, <i>Mémoires</i>, p. 34-36.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 septembre
-1674), t. IV, p. 353, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_785" href="#FNanchor_785" class="label">[785]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> décembre 1675), t. IV, p. 525 et 526.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(3 juillet 1680), p. 85 et 86.</p>
-
-<p><a id="Footnote_786" href="#FNanchor_786" class="label">[786]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (9 octobre et 8 décembre 1675), t. IV, p. 137
-et 257, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_787" href="#FNanchor_787" class="label">[787]</a> <i>Mémoires sur Sévigné</i>, part. IV, p. 286, ch. <span class="smallc">X</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_788" href="#FNanchor_788" class="label">[788]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (30 mars 1672), t. II, p. 438, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_789" href="#FNanchor_789" class="label">[789]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 octobre 1675), t. IV, p. 132, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_790" href="#FNanchor_790" class="label">[790]</a> <span class="smallc">De Villars</span>, <i>Mémoires</i>, édit. 1734, in-12, p. 7.</p>
-
-<p><a id="Footnote_791" href="#FNanchor_791" class="label">[791]</a> <span class="smallc">Duc de Villars</span>, <i>Mémoires</i>; la Haye, chez Pierre Gosse, 1734,
-in-12, p. 1, 16, 38 (années 1670-1672), et p. 23, 38, 52 (années
-1673-1675), t. LXVIII de la collection Petitot.</p>
-
-<p><a id="Footnote_792" href="#FNanchor_792" class="label">[792]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 janvier 1676), t. IV, p. 303, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_793" href="#FNanchor_793" class="label">[793]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 juillet 1680), t. VII. p. 85 et 86, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_794" href="#FNanchor_794" class="label">[794]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 novembre 1675), t. IV, p. 207, édit. G.&mdash;<i>Mémoires
-sur Sévigné</i>, 4<sup>e</sup> part., p. 133.</p>
-
-<p><a id="Footnote_795" href="#FNanchor_795" class="label">[795]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 juillet 1677), t. V, p. 268, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_796" href="#FNanchor_796" class="label">[796]</a> <span class="smallc">Saint-Simon</span>, <i>Mémoires</i> (1694), t. I, p. 350, 440 et 441; t. II,
-p. 287. «Elle était, dit Saint-Simon, fille du cadet de Blainville.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_797" href="#FNanchor_797" class="label">[797]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 octobre 1675), t. IV, p. 132, édit. G.&mdash;<i>Mémoires
-sur madame de Sévigné</i>, 4<sup>e</sup> partie, p. 133.</p>
-
-<p><a id="Footnote_798" href="#FNanchor_798" class="label">[798]</a> <span class="smallc">Maintenon</span>, <i>Lettres au cardinal de Noailles</i> (mars 1700).&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (24 février 1680), t. III, p. 396, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(17 juillet 1671), t. II, p. 141, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (6 avril 1696, de
-madame <span class="smallc">de Coulanges</span>), t. X, p. 296, édit G.&mdash;<i>Ibid.</i> (16 octobre
-1675), t. IV, p. 160, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (12 janvier 1676), t. IV, p. 311,
-édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (26 août 1676), t. V, p. 90, édit. G.&mdash;<i>Ibid.</i> (24 février
-1680), t. VI, p. 396, édit G.&mdash;<i>Ibid.</i> (22 mai 1674), t. III,
-p. 238, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_799" href="#FNanchor_799" class="label">[799]</a> Sur Frontenac, conférez ces <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 1<sup>re</sup> partie,
-p. 339, 359, 409; 2<sup>e</sup>, p. 29, 441, 454; 4<sup>e</sup>, p. 132.</p>
-
-<p><a id="Footnote_800" href="#FNanchor_800" class="label">[800]</a> Conférez les <i>Notes et éclaircissements</i>, à la fin de ce volume.</p>
-
-<p><a id="Footnote_801" href="#FNanchor_801" class="label">[801]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 mars 1696), t. XI, p. 290, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_802" href="#FNanchor_802" class="label">[802]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 décembre 1688), t. IX, p. 46 et 47, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_803" href="#FNanchor_803" class="label">[803]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 novembre et 11 décembre 1675), t. IV,
-p. 200 et 240, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_804" href="#FNanchor_804" class="label">[804]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 août 1675), t. IV, p. 16.&mdash;<i>Ibid.</i> (1<sup>er</sup> janvier
-1676), t, IV, p. 184, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_805" href="#FNanchor_805" class="label">[805]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (29 décembre 1675), t. IV, p. 279, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_806" href="#FNanchor_806" class="label">[806]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 décembre 1675), t. IV, p. 229, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_807" href="#FNanchor_807" class="label">[807]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> janvier 1676), t. IV, p. 284, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_808" href="#FNanchor_808" class="label">[808]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (29 décembre 1675), t. IV, p. 279, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_809" href="#FNanchor_809" class="label">[809]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (23 octobre 1689), t. IX, p. 172, édit. M.;
-t. X, p. 48, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_810" href="#FNanchor_810" class="label">[810]</a> Après la mort de son père, qui eut lieu en 1672, et de son grand-père,
-en 1674, le prince de Tarente, majeur, présida les états de
-Bretagne à Saint-Brieuc en 1677 (20 août, 9 octobre), à Nantes (1681,
-19 août, 18 février), à Dinan (1687, 1<sup>er</sup> août et 23 août), à Saint-Brieuc
-(1687, 1<sup>er</sup> et 30 octobre), à Rennes (1689, 20 octobre, 13 novembre),
-à Vitré (1697, 16 octobre, 16 novembre), à Nantes (1701,
-30 juillet, 23 avril). <i>Registre ms. de la tenue des états de Bretagne,
-Bibl.</i> nat., p. 385, 407, 433, 437 et 535.</p>
-
-<p><a id="Footnote_811" href="#FNanchor_811" class="label">[811]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 mai 1673), t. III, p. 153, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_812" href="#FNanchor_812" class="label">[812]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> janvier 1676), t. IV, p. 286, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_813" href="#FNanchor_813" class="label">[813]</a> Conférez <i>Mémoires sur Sévigné</i>, part. IV, p. 211, 277 et 356;
-ch. <span class="smallc">VIII</span> et <span class="smallc">X</span>, et les notes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_814" href="#FNanchor_814" class="label">[814]</a> <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 4<sup>e</sup> partie, p. 198.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>
-(17 février 1672), t. II, p. 391, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_815" href="#FNanchor_815" class="label">[815]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 et 7 juillet 1677), t. V, p. 269 et 270,
-édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (26 juillet 1677), t. V, p. 305, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_816" href="#FNanchor_816" class="label">[816]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 et 19 juillet 1677), t. V, p. 270 et 294, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_817" href="#FNanchor_817" class="label">[817]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 juillet 1677), t. V, p. 294, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_818" href="#FNanchor_818" class="label">[818]</a> Conférez ces <i>Mémoires sur Sévigné</i>, I, 3, 86; III, 23; IV, 102.</p>
-
-<p><a id="Footnote_819" href="#FNanchor_819" class="label">[819]</a> Sur Marie de Hautefort, conférez ces <i>Mémoires sur Sévigné</i>,
-I, 229, 471; III, 134.</p>
-
-<p><a id="Footnote_820" href="#FNanchor_820" class="label">[820]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 et 23 juillet 1677), t. V, p. 293 et 303, éd. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_821" href="#FNanchor_821" class="label">[821]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 octobre 1679), t. VI, p. 151, édit. G.; et <span class="smallc">Maintenon</span>,
-<i>Lettres</i>, 28 février (1678), t. I, p. 154, édit. 1756, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_822" href="#FNanchor_822" class="label">[822]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 août 1675), t. IV, p. 16, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_823" href="#FNanchor_823" class="label">[823]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 juillet 1677), t. V, p. 297, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_824" href="#FNanchor_824" class="label">[824]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 juillet 1677), t. V, p. 139, édit. M.; t. V, p. 295,
-édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_825" href="#FNanchor_825" class="label">[825]</a> Conférez <i>Mémoires sur Sévigné</i>, t. IV, p. 349, dans les notes et
-éclaircissements du chap. <span class="smallc">VII</span>, et p. 190 du texte.</p>
-
-<p><a id="Footnote_826" href="#FNanchor_826" class="label">[826]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 juillet 1677), t. V, p. 304-306, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_827" href="#FNanchor_827" class="label">[827]</a> Conférer ces <i>Mém. sur Sévigné</i>, t. I, p. 3, 86; t. III, p. 23, 250,
-395, 473; t. IV, 8, 198, 266, 286.</p>
-
-<p><a id="Footnote_828" href="#FNanchor_828" class="label">[828]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 juillet 1677), t. V, p. 306, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_829" href="#FNanchor_829" class="label">[829]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (13 août 1677), t. V, p. 346, édit. G.; t. V,
-p. 185, édit. M.&mdash;<i>Ibid.</i> (6 octobre 1679), t. VI, p. 151-152, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_830" href="#FNanchor_830" class="label">[830]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 et 24 juillet 1680), t. VII, p. 95-129, édit. G.
-Conférez ces <i>Mém. sur Sévigné</i>, t. IV, p. 127.</p>
-
-<p><a id="Footnote_831" href="#FNanchor_831" class="label">[831]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (18 août 1680), t. VII, p. 168, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_832" href="#FNanchor_832" class="label">[832]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (18 octobre 1679), t. VI, p. 160, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_833" href="#FNanchor_833" class="label">[833]</a> Voyez la Lettre inédite de <span class="smallc">Sévigné</span> <i>à madame de Grignan, sa
-s&oelig;ur, sur les affaires de leur maison</i>, publiée par M. Monmerqué;
-Paris, Dondey-Dupré, 1847, in-8<sup>o</sup> (24 pages).</p>
-
-<p><a id="Footnote_834" href="#FNanchor_834" class="label">[834]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1675), t. IV, p. 242, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_835" href="#FNanchor_835" class="label">[835]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 novembre et 11 décembre 1675), t. IV,
-p. 216, 239, 242, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_836" href="#FNanchor_836" class="label">[836]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (29 décembre 1675), t. IV, p. 278, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_837" href="#FNanchor_837" class="label">[837]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (11 décembre 1675), t. IV, p. 245, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_838" href="#FNanchor_838" class="label">[838]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 novembre 1675), t. IV, p. 215, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_839" href="#FNanchor_839" class="label">[839]</a></p>
-
-<p>/*
-Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe?</p>
-
-<p><span class="smallc">La Fontaine</span>, <i>le Lièvre et les Grenouilles</i>, II, 14.
-*/
-</p>
-
-<p><a id="Footnote_840" href="#FNanchor_840" class="label">[840]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (12 janvier 1676), t. IV, p. 308 et 309, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_841" href="#FNanchor_841" class="label">[841]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 décembre 1675), t. IV, p. 250, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_842" href="#FNanchor_842" class="label">[842]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 novembre 1675), t. IV, p. 299-10, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_843" href="#FNanchor_843" class="label">[843]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (1<sup>er</sup> décembre 1675), t. IV, p. 225, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_844" href="#FNanchor_844" class="label">[844]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (12 janvier 1676), t. IV, p. 309, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_845" href="#FNanchor_845" class="label">[845]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (7 août 1675), t. III, p. 503, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_846" href="#FNanchor_846" class="label">[846]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (21 janvier 1676), t. IV, p. 321, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_847" href="#FNanchor_847" class="label">[847]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (14 décembre 1675), t. IV, p. 248, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_848" href="#FNanchor_848" class="label">[848]</a> <i>Suite des Mémoires du comte</i> <span class="smallc">de Bussy-Rabutin</span>, ms. de l'Institut,
-p. 157.&mdash;<span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Lettres historiques</i> (8 et 10 octobre 1675),
-t. II, p. 423, 424.</p>
-
-<p><a id="Footnote_849" href="#FNanchor_849" class="label">[849]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettr.</i> (21, 27, 29 janv. 1676), t. IV, p. 321, 323, 326, éd. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_850" href="#FNanchor_850" class="label">[850]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (20 février, 14 et 15 mars 1675), t. IV, p. 351,
-367, 370, édit. G. Conférez aussi la <i>Vie de la Fontaine</i>, et <span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (18 mars 1676), t. IV, p. 371, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_851" href="#FNanchor_851" class="label">[851]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (27 janvier 1676), t. IV, p. 323, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_852" href="#FNanchor_852" class="label">[852]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, (8, 11, 14 et 18 mars 1676), t. IV, p. 359, 363, 365.</p>
-
-<p><a id="Footnote_853" href="#FNanchor_853" class="label">[853]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (18 mars 1676), t. IV, p. 310-11; et conférez t. I,
-p. 184-187; t. III, p. 195, édit. G.&mdash;<span class="smallc">Choisy</span>, <i>Mémoires</i>, t. LXIII, p. 418.</p>
-
-<p><a id="Footnote_854" href="#FNanchor_854" class="label">[854]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 mars 1676), t. IV, p. 379, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_855" href="#FNanchor_855" class="label">[855]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 mars 1676), t. IV, p. 373, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_856" href="#FNanchor_856" class="label">[856]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (24 mars 1676), t. IV, p. 377, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_857" href="#FNanchor_857" class="label">[857]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 avril 1676), t. IV, p. 383, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_858" href="#FNanchor_858" class="label">[858]</a> Conférez <i>Mém. sur madame</i> <span class="smallc">de Sévigné</span>, IV<sup>e</sup> part., p. 3, ch. <span class="smallc">I</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_859" href="#FNanchor_859" class="label">[859]</a> <span class="smallc">De Coulanges</span>, <i>Chansons</i>, ms. aut. de la Bibl. nat., p. 66 verso.
-Dans la protestation contre le pape Innocent XI (Paris, 1688, in-18,
-p. 3), Lavardin se nomme lui-même Henri-Charles, sire de Beaumanoir,
-marquis de Lavardin.</p>
-
-<p><a id="Footnote_860" href="#FNanchor_860" class="label">[860]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 et 10 novembre 1675), t. IV, p. 194-196.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(1<sup>er</sup> janvier 1676), t. IV, p. 285, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_861" href="#FNanchor_861" class="label">[861]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 mars 1676), t. IV, p. 378 et 380, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_862" href="#FNanchor_862" class="label">[862]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (9 septembre 1675), t. IV, p. 87.&mdash;<i>Ibid.</i>
-(8 avril 1676), t. IV, p. 383, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_863" href="#FNanchor_863" class="label">[863]</a> Sur le duc de Lorraine, conférez les <i>Mémoires sur Sévigné</i>,
-1<sup>re</sup> part., p. 347, 359, 401, 404, 405, 413, 418, 432, 441; 2<sup>e</sup> part.,
-p. 191, 394, 440, 441; 3<sup>e</sup> part., p. 200.</p>
-
-<p><a id="Footnote_864" href="#FNanchor_864" class="label">[864]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (28 mars 1676), t. IV, p. 380, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_865" href="#FNanchor_865" class="label">[865]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 novembre 1675), t. IV, p. 190, édit. G.&mdash;<span class="smallc">Boileau</span>,
-<i>&OElig;uvres</i>, lettre au maréchal de Vivonne, t. IV, p. 17-21.</p>
-
-<p><a id="Footnote_866" href="#FNanchor_866" class="label">[866]</a> <span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Lettres historiques</i> (22, 23, 24 et 27 avril 1676, au
-camp devant Condé), t. III, p. 2-28.</p>
-
-<p><a id="Footnote_867" href="#FNanchor_867" class="label">[867]</a> <span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Lettres historiques</i> (23 septembre 1675), p. 415.&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (29 septembre 1675), t. IV, p. 118, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_868" href="#FNanchor_868" class="label">[868]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (15 octobre 1675), t. IV, p. 151, édit. G.&mdash;<span class="smallc">Pavillon</span>,
-<i>&OElig;uvres</i>, 1715 et 1720, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_869" href="#FNanchor_869" class="label">[869]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 septembre 1675), t. IV, p. 77, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_870" href="#FNanchor_870" class="label">[870]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (29 septembre 1675), t. IV, p. 119, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_871" href="#FNanchor_871" class="label">[871]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 février 1672), t. II, p. 394.&mdash;<i>Ibid.</i> (6 avril
-1672), t. II, p. 451, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_872" href="#FNanchor_872" class="label">[872]</a> <span class="smallc">De Coulanges</span>, <i>Mémoires</i> (1820, édit. in-12).&mdash;<span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>
-(15 mai 1691), t. X, p. 378, 379, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_873" href="#FNanchor_873" class="label">[873]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 avril 1676), t. IV, p. 382.&mdash;<i>Ibid.</i> (1<sup>er</sup> novembre
-1671), t. II, p. 2-8.&mdash;<i>Ibid.</i> (7 août 1675), t. III, p. 500, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_874" href="#FNanchor_874" class="label">[874]</a> Conférez 3<sup>e</sup> part. de ces <i>Mémoires</i>, p. 291, chap. <span class="smallc">I</span>, 1<sup>re</sup> part.;
-p. 249, chap. <span class="smallc">IX</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_875" href="#FNanchor_875" class="label">[875]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 avril 1676), t. IV, p. 382, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_876" href="#FNanchor_876" class="label">[876]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (8 avril 1676), t. IV, p. 388, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_877" href="#FNanchor_877" class="label">[877]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 juillet 1677), t. V, p. 291.&mdash;<i>Ibid.</i> (18 août
-1680), t. VII, p. 164, 165, édit G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_878" href="#FNanchor_878" class="label">[878]</a> <i>Mauvaise foy ou violences de la France</i>, avec une exhortation
-sincère au peuple des Pays-Bas sur leur constance; Villefranche,
-Jean Petit, 1677, in-18 (29 pages), pages 35, 37, 39, 41, 46, 47.</p>
-
-<p><a id="Footnote_879" href="#FNanchor_879" class="label">[879]</a> Conférez la 1<sup>re</sup> partie de ces <i>Mémoires sur Sévigné</i>, 2<sup>e</sup> édit.,
-p. 236, 249.&mdash;<i>Hist. de la vie et des ouvrages (de) la Fontaine</i>,
-3<sup>e</sup> édit., p. 440.</p>
-
-<p><a id="Footnote_880" href="#FNanchor_880" class="label">[880]</a> T. II, p. 10.</p>
-
-<p><a id="Footnote_881" href="#FNanchor_881" class="label">[881]</a> En 1652.</p>
-
-<p><a id="Footnote_882" href="#FNanchor_882" class="label">[882]</a> <span class="smallc">Pellisson</span>, <i>Histoire de l'Académie française</i>, 1729, in-4<sup>o</sup>, p. 176 et 276.</p>
-
-<p><a id="Footnote_883" href="#FNanchor_883" class="label">[883]</a> <i>Ménagiana</i>, t. I, p. 2.</p>
-
-<p><a id="Footnote_884" href="#FNanchor_884" class="label">[884]</a> <span class="smallc">Huetii</span>,<i>Commentarius de rebus ad eum pertinentibus</i>, p. 186.</p>
-
-<p><a id="Footnote_885" href="#FNanchor_885" class="label">[885]</a> <i>Ménagiana</i>, t. I, p. 144.</p>
-
-<p><a id="Footnote_886" href="#FNanchor_886" class="label">[886]</a> <i>Ménagiana</i>, t. II, p. 8.</p>
-
-<p><a id="Footnote_887" href="#FNanchor_887" class="label">[887]</a> Les <i>Historiettes</i> de <span class="smallc">Tallemant des Réaux</span>, t. X, p. 70, édit. in-12; t. V,
-p. 374-376, Juillet.&mdash;<i>Recherches sur Paris, quartier Saint-Antoine</i>, p. 35.</p>
-
-<p><a id="Footnote_888" href="#FNanchor_888" class="label">[888]</a> <span class="smallc">Félibien</span>, <i>Divertissements donnés par le roi à toute sa cour, au retour de
-la conquête de Franche-Comté en l'année 1674</i>, Paris, in-12 (114 pages).</p>
-
-<p><a id="Footnote_889" href="#FNanchor_889" class="label">[889]</a> <span class="smallc">Félibien</span>, <i>Description du château de Versailles</i>, 1674, in-12 (102 pages).
-Ce volume est accompagné d'un petit plan du parc et du château de Versailles,
-qui, par son échelle, offre une comparaison facile avec le joli plan gravé, un
-siècle après, pour l'almanach de Versailles, in-8<sup>o</sup>, 1789.</p>
-
-<p><a id="Footnote_890" href="#FNanchor_890" class="label">[890]</a> <span class="smallc">Félibien</span>, <i>Description de la grotte de Versailles</i>, 1674, in-12 (80 pages).</p>
-
-<p><a id="Footnote_891" href="#FNanchor_891" class="label">[891]</a> <i>Vie de Quinault</i>, dans l'édition de son <i>Théâtre</i>, 1715, t. I, p. 34.</p>
-
-<p><a id="Footnote_892" href="#FNanchor_892" class="label">[892]</a> Les frères <span class="smallc">Parfaict</span>, <i>Histoire du théâtre françois</i>, t. XI, p. 339.</p>
-
-<p><a id="Footnote_893" href="#FNanchor_893" class="label">[893]</a> <i>Iphigénie</i> de M. <span class="smallc">Racine</span>: Paris, 1674, in-12 (73 pages).</p>
-
-<p><a id="Footnote_894" href="#FNanchor_894" class="label">[894]</a> <i>Suréna, général des Parthes</i>, tragédie, Paris, Guillaume de Luynes, 1675,
-in-12, acte III, scène <span class="smallc">I</span>, p. 31.</p>
-
-<p class="quote">Qu'un monarque est heureux, etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_895" href="#FNanchor_895" class="label">[895]</a> <i>Lettres de</i> <span class="smallc">Maintenon</span>; Nancy (Francfort), 1752, in-12, t. I, p. 76, 92, 123,
-143, 145, 147, 150, 152, 156, 160, 163, 242, 249; t. II, p. 13, 110, 113, 118.&mdash;<i>Ibid.</i>,
-édit. de Dresde, 1753, p. 81, 113, 128, 136, 153, etc.; édit. d'Amsterdam, 1755, p. 48-68;
-édit. de Paris, 1806, p. 108 à 114.</p>
-
-<p><a id="Footnote_896" href="#FNanchor_896" class="label">[896]</a> Voyez l'Avertissement qui est en tête de l'édit. d'Amsterdam, 1755, grand
-in-12, sorte de prospectus des quinze volumes de mémoires et lettres, qui ne se
-trouve, je crois, que dans cette édition.</p>
-
-<p><a id="Footnote_897" href="#FNanchor_897" class="label">[897]</a> Voyez les dernières édit. des <i>Lettres</i> de Maintenon, de Léopold Collin.</p>
-
-<p><a id="Footnote_898" href="#FNanchor_898" class="label">[898]</a> <i>Lettres manuscrites de madame</i> <span class="smallc">de la Sablière</span> <i>à l'abbé de Rancé</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_899" href="#FNanchor_899" class="label">[899]</a> <i>Lettres de messire</i> <span class="smallc">Godetz</span>; Bruxelles, 1755.&mdash;<i>Lettres de Maintenon</i>, t. II.</p>
-
-<p><a id="Footnote_900" href="#FNanchor_900" class="label">[900]</a> <span class="smallc">Caylus</span>, <i>Souvenirs</i>, coll. des Mém. sur l'hist. de France, édit. 1828, t. LXVI,
-p. 387, in-8<sup>o</sup>.&mdash;<i>Ibid.</i>, édit. de Renouard, 1806, in-12, p. 95. Mais dans ces deux
-éditions, au lieu de <i>madame de Montausier</i>, il faut lire <i>M. de Montausier</i>.
-Madame de Montausier était morte depuis longtemps.</p>
-
-<p><a id="Footnote_901" href="#FNanchor_901" class="label">[901]</a> Ou plutôt: <i>à de petits poissons qui regrettent leur bourbe</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_902" href="#FNanchor_902" class="label">[902]</a> Ce long titre indique une réimpression. Un exemplaire de l'édition originale,
-imprimé sur vélin, relié en maroquin rouge aux armes de Mortemart, et inscrit
-sous le n<sup>o</sup> 1435 dans un catalogue de vente des bibliothèques du feu roi
-Louis-Philippe, Paris, Potier, 1852, porte seulement pour titre <i>&OElig;uvres diverses
-d'un auteur de sept ans</i>. Cet exemplaire a été adjugé à la somme de 700 francs.</p>
-
-<p><a id="Footnote_903" href="#FNanchor_903" class="label">[903]</a> <i>Lettres de</i> <span class="smallc">Maintenon</span>, édit. 1756, in-12, t. III, p. 221: «Au reste, il faut tellement
-sacrifier à Dieu le <i>moi</i>, qu'on ne le recherche plus, ni pour la réputation,
-ni pour la consolation du témoignage qu'on se rend à soi-même sur ses bonnes
-qualités ou sur ses bons sentiments. <i>Il faut mourir à tout sans réserve, et ne
-posséder pas même sa vertu par rapport à soi.</i>»</p>
-
-<p><a id="Footnote_904" href="#FNanchor_904" class="label">[904]</a> Voyez la 1<sup>re</sup> partie de ces <i>Mémoires sur madame</i> <span class="smallc">de Sévigné</span>, 2<sup>e</sup> édit.,
-1843, p. 20 et 21. Dans l'édition de 1842, il y avait, par faute d'impression, <i>le</i>
-1<sup>er</sup> <i>août</i>. Un auteur qui a écrit en 1849 un très-bon opuscule sur l'administration
-de Louis XIV nous accuse, d'après cette erreur typographique depuis longtemps
-corrigée lorsqu'il écrivait, d'avoir confondu les fiançailles avec les noces.
-Il y a, ce nous semble, dans cette critique, plus que de la rigueur.</p>
-
-<p><a id="Footnote_905" href="#FNanchor_905" class="label">[905]</a> <span class="smallc">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (26 juillet 1668 et 27 février 1671), tome I, pag. 129 et 268,
-édit. M.</p>
-
- </div>
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-End of the Project Gutenberg EBook of Mémoires touchant la vie et les écrits
-de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 5 of 6, by Charles Athanase Walckenaer
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MARIE DE RABUTIN-CHANTAL ***
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